JOURNAL OF EUROPEAN INTEGRATION HISTORY

REVUE D’HISTOIRE DE L’INTÉGRATION EUROPÉENNE

ZEITSCHRIFT FÜR GESCHICHTE DER EUROPÄISCHEN INTEGRATION

edited by the Groupe de liaison des professeurs d’histoire contemporaine auprès de la Commission européenne

1999, Volume 5, Number 2

The Liaison Committee of Historians came into being in 1982 as a result of an important international symposium, that the Commission had organized in Luxembourg in order to launch historical research on European integration. It consists of historians of the European Union member countries, who have specialized in contemporary history. The Liaison Committee: Ð gathers and conveys information about works on European history after the Second World War; Ð advises the European Union in the matter of scientific projects to be carried through. Thus, the Liaison Committee was commissioned to make publicly available the archives of the Community institutions; Ð enables researchers to make better use of the archival sources; Ð promotes scientific meetings in order to get an update of the acquired knowledge and to stimulate new research: six research conferences have been organized and their proceedings published, a seventh conference will take place in Essen (Germany). The Journal of European History – Revue d’histoire de l’intégration européenne Ð Zeitschrift für Geschichte der europäischen Integration is totally in line with the preoccupations of the Liaison Com- mittee. Being the first journal of history to deal exclusively with the history of European Integration, the Journal intends to offer the increasing number of young historians devoting their research to con- temporary Europe, a permanent forum. At the same time, the Liaison Committee publishes the Newsletter of the European Community Liaison Committee of Historians and of the Jean Monnet Chairs in History of European Integration. The Newsletter publishes in particular an important current bibliography of theses and dissertations, books and articles dealing with European integration and presents the syllabuses of research institutes and centres in the field of European history. The Liaison Committee is supported by the European Commission and works completely independ- ently and according to the historians’ critical method.

Le Groupe de liaison des professeurs d’histoire auprès de la Commission des Communautés européennes s’est constitué en 1982 à la suite d’un grand colloque que la Commission avait orga- nisé à Luxembourg pour lancer la recherche historique sur la construction européenne. Il regroupe des professeurs d’université des pays membres de l’Union européenne, spécialistes d’histoire con- temporaine. Le Groupe de liaison a pour mission: Ð de diffuser l’information sur les travaux portant sur l’histoire de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale; Ð de conseiller l’Union européenne sur les actions scientifiques à entreprendre avec son appui; ainsi le Groupe de liaison a assuré une mission concernant la mise à la disposition du public des archi- ves des institutions communautaires; Ð d’aider à une meilleure utilisation par les chercheurs des moyens de recherche mis à leur disposi- tion (archives, sources orales...); Ð d’encourager des rencontres scientifiques afin de faire le point sur les connaissances acquises et de susciter de nouvelles recherches: six grands colloques ont été organisés et leurs actes publiés, un septième colloque aura lieu à Essen (RFA). L’édition du Journal of European Integration History – Revue d’histoire de l’intégration européenne – Zeitschrift für Geschichte der europäischen Integration se situe dans le droit fil des préoccupations du Groupe de liaison. Première revue d’histoire à se consacrer exclusivement à l’histoire de la construc- tion européenne, le Journal se propose de fournir un forum permanent au nombre croissant de jeunes historiens vouant leurs recherches à l’Europe contemporaine. Parallèlement le Groupe de liaison édite la Lettre d’information du Groupe de liaison des profes- seurs d’histoire auprès de la Commission européenne et du réseau des Chaires Jean Monnet en histoire de l’Intégration. La Lettre d’information publie notamment une importante bibliographie cou- rante des thèses et mémoires, livres et articles consacrés à la construction européenne et présente les programmes des instituts et centres de recherche en matière d’histoire européenne. Le Groupe de liaison bénéficie du soutien de la Commission européenne. Ses colloques et publicati- ons se font en toute indépendance et conformément à la méthode critique qui est celle des historiens.

JOURNAL OF EUROPEAN INTEGRATION HISTORY

REVUE D’HISTOIRE DE L’INTÉGRATION EUROPÉENNE

ZEITSCHRIFT FÜR GESCHICHTE DER EUROPÄISCHEN INTEGRATION

1999, Volume 5, Number 2 Michel DUMOULIN, coordinator

A la mémoire de René Girault ...... 5 Michel DUMOULIN Europe de la culture, culture européenne ...... 7 Guido MÜLLER / Vanessa PLICHTA Zwischen Rhein und Donau. Abendländisches Denken zwischen deutsch-französischen Verständigungsinitiativen und konservativ-katholischen Integrationsmodellen 1923-1957 ...... 17 Etienne DESCHAMPS La Conférence européenne de la Culture de Lausanne (décembre 1949) ...... 49 Aleksandar PAVKOVIĆ What is common European heritage? The debates in the first Consultative Assembly of the Council of Europe, 1949 ...... 63 Bernard ESMEIN Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues ...... 75 Thierry GRANTURCO La genèse de l’intégration de la culture au sein des compétences communautaires ...... 109 Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen ...... 127 Notices Ð Informations Ð Mitteilungen ...... 147 Abstracts – Résumés – Zusammenfassungen ...... 151 Contributors - Auteurs - Autoren ...... 157 Books received – Livres reçus – Eingegangene Bücher ...... 159

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Citation The Journal of European Integration History may be cited as follows: JEIH, (Year)/(Number), (Page).

ISSN 0947-9511 © 1999 NOMOS Verlagsgesellschaft, Baden-Baden and the Groupe de liaison des professeurs d’histoire contemporaine auprès de la Commission européenne. Printed in Germany. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted in any form or by any means, mechanical, photocopying, recording or otherwise, without prior permission of the publishers.

5 A la mémoire de René Girault (1929-1999)

La disparition de René Girault, le 8 juillet 1999, a suscité une immense douleur dans toute la communauté scientifique. Grand historien des relations internationa- les dans la prestigieuse lignée de Pierre Renouvin et de Jean-Baptiste Duroselle, il a continué, sur les traces de ses prédécesseurs à la Sorbonne, à faire sortir cette dis- cipline historique du champ traditionnel de l'histoire diplomatique. Son ambition a été d'écrire une histoire large qui dépasse celle des simples relations entre les diplo- mates ou entre les Etats. Voulant reconstituer une histoire globale de tous les types de rapports entre les hommes «séparés par les frontières», il est devenu un authen- tique Çhistorien des relations entre les peuplesÈ. Sa thèse sur Emprunts russes et investissements français en Russie, 1887-1914, soutenue en 1971, publiée en 1973 (et rééditée en 1999) a préludé à beaucoup de ses travaux sur la Russie. Elle a aussi lancé la première étape de son parcours intel- lectuel, marquée par les débats des années soixante et soixante-dix sur «l'impéria- lisme». René Girault s'est beaucoup interrogé sur le poids des «forces écono- miquesÈ dans les relations internationales et dans les rapports de force ou de domination à travers les frontières. Il a en particulier mesuré le rôle des industriels et des banquiers dans l'élaboration de la politique extérieure d'un pays. Son apport a été de montrer la grande variété des stratégies au sein de ces milieux, divisés, pen- dant une grande partie du XXe siècle, entre partisans nationalistes du partage colo- nial et adeptes du partage international et pacifique des affaires. Très tôt, René Girault a considéré que l'histoire des relations économiques était à bien des égards inséparable de l'histoire des mentalités: son étude des cercles d'affaires est passée par l'analyse de la formation, des perceptions et de la culture de ces hommes influents. Cette approche perfectionniste et culturelle n'a cessé ensuite de se développer dans ses travaux, avec une nouvelle réflexion sur le rapport entre opinion publique et politique extérieure, ainsi qu'une contribution de poids à ce qui fut bientôt appelé l'histoire des représentations et des imaginaires sociaux. Mais en même temps la «méthode Girault» se précise et se complète, refusant toute histoire unidimension- nelle et toute explication monocausale par le «tout-économique» ou le «tout-cultu- rel», au gré des modes intellectuelles du moment. Cette méthode est brillamment mise en application au début des années quatre-vingt avec l'élaboration d'un ambi- tieux programme international de recherche sur la Çperception de la puissance en Europe». Créant un réseau de plusieurs dizaines d'historiens européens René Girault construit une problématique d'histoire globale: comment quatre pays d'Europe, l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l'Italie, perçoivent-ils leur propre puissance et celle des autres, à trois ou quatre époques différentes du siècle? Comment s'articulent ensemble les composantes objectives et subjectives, écono- miques, militaires, politiques, culturelles et psychologiques de la puissance et com- ment évolue cette alchimie au futur et à mesure de l'effacement de l'Europe? Com- ment ces quatre pays s'adaptent-ils finalement à la perte de leur statut de grande puissance?

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Cette interrogation sur la puissance en Europe a conduit René Girault à réfléchir sur la question de l'identité européenne au XXe siècle. Il est à l'origine du «Groupe de liaison des professeurs d'histoire contemporaine auprès de la Commission euro- péenne» dont il assume la première présidence (1982-1986). Il est encore président à la création du «Journal of European Integration HistoryÈ et, peu avant sa mala- die, assure la direction du fascicule 2 de l'année 1997. Surtout, grâce au concours du Groupe de liaison, il a élargi son réseau – plus de cent cinquante chercheurs recrutés dans toute l'Europe – et a dirigé entre 1989 et 1994 une vaste recherche collective sur l'évolution des identités et de la conscience européennes dans des milieux aussi divers que les cercles économiques, les élites politiques et les élites intellectuelles; la question des convergences sociales et culturelles en Europe, des sociabilités à l'intérieur des microcosmes européens créés par les institutions inter- nationales – de la SDN à la CEE – était également au cœur de la problématique. Cette ÇEurope des historiensÈ laisse entrevoir une autre dimension de la «méthode Girault»: elle ne fut pas seulement réflexion, mais action, puisqu'elle a hautement contribué à créer une véritable communauté historique européenne, avec des cher- cheurs de presque toutes les nationalités du continent, désormais habitués à con- fronter, à comparer et à mettre en interaction leurs approches historiographiques. L'«engagement européen» de René Girault n'a en rien affecté sa lucidité et son esprit critique, bien au contraire. De cette recherche collective sur des identités européennes, il a conclu que, si la dynamique de l'Europe en construction était puissante, il failait compter aussi avec la vivacité et la permanence des sentiments nationaux. La leçon de René Girault est bien là, celle d'un intellectuel en son siècle qui a su intégrer sa réflexion scientifique dans les combats et les débats démocra- tiques de son temps. Robert Frank

7 Europe de la culture, culture européenne

Michel Dumoulin

D’emblée, il importe de faire la nette différence entre l’Europe de la culture, c’est-à-dire la lente mise en place d’une action communautaire dans le domaine de la culture, en ce compris l’éducation, et le recours à la notion de culture européenne en tant que facteur de légitimation de la construction européenne.

Une Europe de la culture

L’idée selon laquelle la coopération dans les domaines de la culture et de l’éduca- tion est un facteur de paix et de prospérité remonte loin dans le temps. Mais l’ambi- tion n’est pas de répondre à la question de savoir si, par exemple, Erasme fut le pionnier de l’Europe de la culture1 et encore moins de dresser la liste plus ou moins exhaustive des textes ayant mis en exergue l’impérieuse nécessité de brasser les cultures et les systèmes d’enseignement. La question serait plutôt de s’interroger sur l’émergence de l’idée de confier à une instance supérieure à celle des Etats le soin de diriger et surveiller l’action commune instaurée dans le domaine de la culture et de l’instruction. C’est ainsi que Claude-Henri de Saint-Simon, traitant de l’action intérieure et extérieure du Grand Parlement, c’est-à-dire le Parlement Européen qu’il appelle de ses voeux, écrit explicitement que «l’instruction publique dans toute l’Europe sera mise sous la direction et la surveillance» de celui-là.2 Ce volontarisme n’a pas cessé de s’exprimer jusqu'à aujourd’hui, se heurtant d’une manière évidente au développement toujours plus intense de modèles natio- naux, tant dans le domaine de l’action culturelle que dans celui de l’éducation.3 Pour faire bref, la culture et l’éducation constituent, au même titre que l’écono- mique et le social, des enjeux entre partisans et adversaires de l’intégration euro- péenne. Davantage encore que l’économique et le social, elles peuvent donner lieu à des affrontements particulièrement féroces dans la mesure où étant «enkystées» dans des histoires nationales, elles participent d’univers mentaux, sociaux et, faut-il y insister, culturels, spécifiques. L’éducation et la culture sont des enjeux éminemment idéologiques et, donc, politiques. Les historiographies nationales l’ont montré et continuent de le faire.

1. J.-Cl. MARJOLIN, «Erasme, pionnier de l’Europe de la culture», in M. PERRIN (dir.), L’idée de l’Europe au fil de deux millénaires, , 1994, pp. 95-117. 2. Cl.-H. DE SAINT-SIMON, De la réorganisation de l’Europe, Paris, 1814. Reproduit dans P. ORY, L’Europe? L’Europe, Paris, 1998. La citation à la page 38. 3. M. LEBRUN, «Le Prince et le Jongleur: l’action culturelle des pouvoirs publics dans l’Union européenne», in Annales d’études européennes de l’Université catholique de Louvain, 2(1998), pp. 195-225.

8 Michel Dumoulin

Rien de tel encore, ou peu s’en faut, au sujet de la construction européenne. Pour- tant, ce domaine d’étude mérite de fixer l’attention. Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, il vaut la peine de rappeler qu’un nombre appréciable de réalisations en matière de coopération internationale virent le jour avant la première guerre mondiale. Parmi ces réalisations, celles concernant l’éducation et la culture, en ce compris le cinéma,4 sont légion. Il reste cependant que les nombreuses initiatives qui furent prises relevaient du secteur privé vu l’absence de structure internationale de caractère politique.5

A l’époque de la Société des Nations

Un pas fut franchi dans la foulée de la création de la Société des Nations. Le 1er août 1922, en effet, se réunissait pour la première fois, à Genève, la Commission Internationale de Coopération Intellectuelle (CICI). Il s’agissait là d’une extension des compétences de la SDN puisque la coopération intellectuelle ne figurait pas dans les dispositions du Pacte fondateur. Il s’agissait aussi de l’ébauche d’une dynamique qui conduira, en 1931, à la création de l’Organisation de Coopération Intellectuelle (OCI) comprenant un organe de décision, la CICI, et un organe exécutif: l’Institut International de Coopération Intellectuelle (IICI), sans compter d’autres institutions.6 La CICI, à l’instar de la SDN, était internationale par vocation. On sait cependant que, pour l’essentiel, l’organisation genevoise fut européenne. Cette caractéristique explique pourquoi, dans un nombre appréciable de domaines, la SDN servit de creuset de l’idée européenne. A cet égard, le mémorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne présenté le 17 mai 1930 par le gouvernement français, dit Plan Briand, ne manque pas de retenir l’attention. Concernant le principe général, le mémorandum français proposait l’«établissement d’un marché commun pour l’élévation au maximum du niveau de bien-être humain sur l’ensemble des territoires de la Communauté européenne». Pratiquement, il faudrait poursuivre immédiatement la réalisation d’une «organisation rationnelle de la produc- tion et des échanges européens, par voie de libération progressive et de simplification méthodique de la circulation des marchandises, des capitaux et des personnes (...)». Parmi les champs d’application des principes énoncés figurait la coopération intellec-

4. G.-P. SPEECKAERT, Le premier siècle de coopération internationale, 1815-1914, Bruxelles, 1980. 5. Voir les remarques générales de P. GERBET, avec la collaboration de V. Y. GEBALI et M.-R. MOUTON, Le rêve d’un ordre mondial de la SDN à l’ONU, Paris, 1996, pp. 7-10. 6. J.-J. RENOLIET, «La France et la création de la Commission internationale de coopération intel- lectuelle (1919-1922)È, in R. GIRAULT et G. BOSSUAT (dir.), Europe brisée, Europe retrouvée. Nouvelles réflexions sur l’unité européenne au XXe siècle, Paris, 1994, pp. 65-87, et P. DEMEU- LENAERE, «Rôle et attitude des délégués belges à la Commission internationale de coopération intellectuelleÈ, in M. DUMOULIN (dir.), Penser l’Europe à l’aube des années trente. Quelques contributions belges, Louvain-la-Neuve, Bruxelles, 1995, pp. 9-33.

Europe de la culture, culture européenne 9 tuelle, formule recouvrant «coopération par les universités et académies, relations litté- raires et artistiques, concentration des recherches scientifiques, amélioration du régime de la presse dans les relations entre agences et dans le transport des journaux, etcÈ.7 Sans vouloir forcer la portée des textes, il vaut la peine de retenir que le Plan Briand intégrait la culture, et au delà, parmi les champs des compétences de l’Union européenne à créer. L’échec du Plan et la véritable chape de plomb qui recouvrit son souvenir durant plusieurs décennies ont conduit à omettre ce «chaînon manquant» entre les institutions genevoises de l’entre-deux-guerres et les projets de l’après-guerre,8 y compris dans les domaines qui retiennent ici notre attention. C’est ainsi que les efforts déployés dans le domaine de l’enseignement de l’histoire par l’IICI parais- sent bien oubliés aujourd’hui. Pourtant, en 1937, l’Assemblée de la SDN adopta un projet de convention internationale sur l’enseignement de l’histoire dans la foulée d’un travail préparatoire consacré à la révision des manuels scolaires.9 Ceci étant, il importe de compléter le propos. En effet, l’«oubli» du Plan Briand, et plus largement des projets de la SDN, ne doit pas occulter les réalités des années trente et des années de guerre. La mise en place d’institutions nationales destinées à chapeauter la culture, l’information, l’éducation dans un grand nombre d’Etats, n’a pas peu contribué au développement de la défiance, voire de la résis- tance vis-à-vis de politiques accusées de transformer ces secteurs en instruments de propagande. Comme l’écrivait Emanuele Gazzo, évoquant le souvenir du fascisme et du national-socialisme: ÇNous avons toujours été plutôt sceptiques et même gênés chaque fois que, dans un cadre national comme dans celui de la Communauté européenne, nous avons entendu parler de Çpolitique culturelleÈ. Et cela parce que les deux termes de la phrase sont difficilement conciliables. Ceux qui ont vécu, à des époques et sous des cieux différents, dans des «régimes» où les deux termes étaient étroitement associés en savent quelque chose. Lorsque la classe politique ou plus précisément ceux qui détiennent le pouvoir veulent s’occuper de la culture, cela veut dire qu’ils veulent l’occuper, la soumettre, l’exploiter à des fins partisanes. Les hommes Çde cultureÈ deviennent des otages, des clients et éventuellement des assistés, alors que leurs responsabilités vis-à-vis de la société leur commande avant tout d’être des hommes libres. Cette méfiance n’épargne pas non plus les initiatives et activités dites «cul- turellesÈ au niveau européen, voire communautaire...Ç10

7. M. DUMOULIN et Y. STELANDRE, L’idée européenne dans l’entre-deux-guerres, Louvain-la-Neuve, 1992, pp. 118-119. 8. J. BARIETY, «: les raisons d’un oubli», in A. FLEURY, en collaboration avec L. JILEK (dir.), Le Plan Briand d’Union fédérale européenne. Perspectives nationales et transnationales, avec documents. Actes du colloque international tenu à Genève du 19 au 21 septembre 1991, Berne,… Vienne, 1998, pp. 2-13. 9. E. BRULEY, ÇIntroduction historiqueÈ, in E. BRULEY et E.H. DANCE, Une histoire de l’Europe?, Leyde, 1960, p. 14. Voir aussi IICI, Révision des manuels scolaires contenant des passages nuisibles à la compréhension mutuelle des peuples, Genève, 1932, et le chapitre consacré à la révision des manuels de classe dans L’Institut international de coopération intellectuelle, 1925-1947, Genève, 1947. 10. E. GAZZO, «La culture comme facteur d’agrégation des peuples d’Europe», in Europe, nû5465 (n.s.), 5 avril 1991, p. 1.

10 Michel Dumoulin

Malgré la légitime défiance de certains, la conviction qu’une profonde transfor- mation des esprits et des mentalités était seule capable de permettre un rapprochement durable entre les nations européennes constitue une autre composante de la réalité. Celle-ci suscita, en novembre 1942, la constitution de la conférence des ministres alliés de l’Education (CAME) qui tint séance à 21 reprises jusqu’en décembre 1945.11 Après cette date, l’UNESCO prit le relais tandis que, sur le plan strictement européen, l’héri- tage fut assumé par l’Union occidentale puis par le Conseil de l’Europe. Tout ceci pour dire qu’il n’y a sans doute rien de bien exceptionnel au fait qu’au lendemain de la guerre, la question de la culture et de l’éducation se soit trouvée au cœur des projets relatifs à la construction européenne.

Conseil de l’Europe

Si le traité de Bruxelles de mars 1948 mentionne explicitement, dans son article 3, la culture parmi les domaines dans lesquels les membres de l’Union occidentale se proposent d’organiser la coopération,12 l’étape importante est sans conteste le con- grès de l’Europe réuni à la Haye du 7 au 11 mai 1948. Outre que, dans le court terme, le congrès du printemps de 1948 servit en quelque sorte de rampe de lancement au projet visant à créer un Conseil de l’Europe, selon l’expression utilisée par Winston Churchill en 1943, les travaux de la Commission culturelle lors du même congrès débouchèrent sur l’idée d’un Centre européen de la culture. Dans les faits, deux voies s’ouvrent en 1948. Elles aboutissent, en 1949, à deux réalisations: la création du Conseil de l’Europe et celle du Bureau d’études pour le Centre européen de la culture.13 Le Conseil de l’Europe a, dans les matières culturelles, connu deux grandes étapes. La première, jusqu'à la fin des années 1950, est essentiellement celle du développement d’une action visant à mettre la culture au service de l’idée européenne et de la réalisation d’une union de l’Europe. «Il ne s’agissait pas de ‘vendre’ le Conseil, mais de ‘vendre l’Europe’» a écrit Paul Lévy qui fut le premier directeur de l’Information et de la Presse au Conseil de l’Europe.14 La deuxième étape est celle de la mise en place d’une coopération entre les Etats membres du Conseil de l’Europe dans le domaine de la culture et de l’éducation.15

11. A. HAIGH, La diplomatie culturelle en Europe, , 1974, pp. 48-53. 12. M.-Th. BITSCH, Histoire de la construction européenne de 1945 à nos jours, 2e éd., Bruxelles, 1999, p. 41. 13. Sur ceci, voir G. de PUYMEGE, «Le rôle du Centre européen de la culture», in Relations interna- tionales, 73, printemps 1993, pp. 13-26. 14. P. LEVY, «Au commencement, il y eut le Conseil de l’Europe …», in F. DASSETTO et M. DUMOULIN (dir.), Naissance et développement de l’information européenne, Berne,…Vienne, 1993, p. 19. 15. P. GUILLEN, «Le Conseil de l’Europe et la ‘construction culturelle’ de l’Europe, de sa création à la fin des années soixante», in M.-Th. BITSCH (dir.), Jalons pour une histoire du Conseil de l’Eu- rope. Actes du Colloque de Strasbourg (8-10 juin 1995), Berne, 1997, p. 326.

Europe de la culture, culture européenne 11

La distinction opérée entre les deux étapes est importante même s’il ne faut pas exagérer la césure entre les deux périodes et les deux objectifs. En effet, s’il est exact, par exemple, que le cinéma est considéré comme susceptible de jouer un rôle important en tant qu’instrument de diffusion de l’idée européenne grâce à la réali- sation de films sur des thèmes européens, c’est le cas du «Banquet des fraudeurs» d’Henri Storck,16 il n’en est pas moins vrai que, dans le même moment, la réflexion porte sur les problèmes posés par l’ambition de produire des films sur la base d’une coopération européenne.17 S’il est vrai que l’exemple du cinéma est un peu particulier en ce sens que celui-ci est à la fois un art et une industrie, dont les produits sont consommés par un marché; il n’en demeure pas moins que la notion même de coopération culturelle européenne est ambiguë. Mais le Conseil de l’Europe, nous l’avons dit, n’est pas la seule instance, à la charnière entre les années 1940 et 1950, à se pencher sur la question. Du 8 au 12 décembre 1949, à Lausanne, la Conférence européenne de la culture, qu’Etienne Deschamps traite dans ce volume, entérine la création du Centre européen de la culture, donne l’impulsion, sur la base d’une résolution proposée par Raoul Dautry, au projet dont est issu le Centre européen de la Recherche nucléaire (CERN) et sert de rampe de lancement définitif du Collège d’Europe de Bruges.18 Ceci étant, à l’exception du Collège d’Europe, les années 1950, comme soul- igné plus haut, sont essentiellement marquées par les efforts visant, d’une part, à diffuser l’information sur l’idée européenne, le Conseil de l’Europe et la CECA. Mais l’information est une chose. La formation en est une autre. A cet égard, le Conseil de l’Europe prit, par exemple, l’initiative, dans la foulée de celle inaugurée par l’UNESCO en 1950, de réunir chaque année, de 1953 à 1958, une conférence d’universitaires des quinze pays membres chargés de travailler sur la révision des manuels scolaires d’histoire.19 La volonté d’agir sur les contenus ne doit pas faire oublier combien il est important, dans la formation, de vivre plusieurs expériences, autrement dit de ne pas se cantonner au seul système national. A cet égard, la convention culturelle européenne signée le 19 décembre 1954 a servi de base juridique aux activités culturelles du Conseil de l’Europe. Si le développement de l’action de l’institution strasbourgeoise dans les matiè- res culturelles est bien connue, il est tout aussi vrai qu’au plan politique, le Conseil déçut rapidement ceux qui avaient placé de grands espoirs dans sa création. Dans ces conditions, ce fut l’Europe des Six, la «petite Europe» qui capta l’attention et mobilisa les énergies.

16. Ch. SPAAK et H. STORCK, «Introduction à un film: ‘le Banquet des Fraudeurs’», in Synthèses, mars 1952, pp. 64-71. 17. Europe et cinéma, in Notre Europe, 15(1952), pp. 2-48. 18. L’ouverture de la première année académique du Collège d’Europe eut lieu le 12 octobre 1950. Du 20 septembre au 8 octobre 1949, une session devant servir de test avait toutefois été organisée à Bruges. Elle réunit 22 étudiants de onze nationalités différentes. Cf. K. J. VERLEYE, De Stichting van het Europa-College te Brugge, Bruges, 1989, pp. 41-46. 19. E. LOUSSE, «Préface», in E. BRULEY et E.H. DANCE, Une histoire..., op.cit., pp. 7-12.

12 Michel Dumoulin

La Çpetite EuropeÇ

S’il est exact que ni la CECA ni la CEE n’ont de compétences culturelles, il y a quand même lieu de préciser certaines choses. Le 5e paragraphe du préambule du traité instituant la CECA mérite d’être relu dans la mesure où il dénote une perspective dépassant la dimension économique. Les Six, dit le texte, sont «résolus à substituer aux rivalités séculaires une fusion de leurs intérêts essentiels, à fonder par l’instauration d’une communauté économique les premières assises d’une communauté plus large et plus profonde entre des peuples longtemps opposés par des divisions sanglantes, et à jeter les bases d’institutions capables d’orienter un des- tin désormais partagé». Au delà de la rhétorique, ces quelques lignes sont programmatiques. Une commu- nauté «plus large et plus profondeÈ constitue un objectif auquel, en 1951, ne concourent ni la culture ni l’éducation. Pourtant, à l’instar de ce qui se passait à Strasbourg, il importait de développer une politique active d’information du public au sujet de la CECA. Parmi les milieux prioritaires figura en première place celui de l’enseigne- ment.20 Par ailleurs, si l’idée de créer une université européenne ne date pas de cette époque, il faut rappeler qu’à Messine, en juin 1955, Walter Hallstein exprima, au nom du gouvernement allemand, le souhait de celui-ci de voir créer une université européenne par les six Etats de la CECA. La longue histoire du projet est désormais bien connue.21 S’il fallut attendre 1976 pour assister à l’inauguration de l’Institut universitaire européen de Florence qui n’est pas une université au sens classique, il vaut la peine de relever que les années 1960 et le début des années 1970 ont été une période paradoxale en termes d’aspirations à une politique européenne de l’éducation. D’une part, des voix se font entendre en faveur d’une Europe des universités. L’opinion publique paraît emboîter le pas. D’autre part, la démocratisation des études supérieures produit des effets pervers. Pour se borner à un seul exemple, il est symptomatique de relever qu’à l’occa- sion de la 49e semaine sociale de France organisée à Strasbourg en 1962, plusieurs orateurs plaident en faveur de l’Europe des universités, développant longuement les mesures susceptibles d’en permettre la réalisation.22 Et de s’appuyer pour ce faire sur les résultats d’enquêtes d’opinion parmi lesquelles celle conduite par l’IFOP en 1958 dans les six pays de la CECA.23 Ce ne sont là que quelques éléments. Ils indiquent toutefois qu’il existe un Çcli- matÈ dont on trouve un écho dans les milieux politiques. La déclaration finale de la

20. J.-R. RABIER, Les origines de la politique d’information européenne (1953-1973), communication au séminaire du Pôle universitaire Jean Monnet - Luigi Einaudi, Rome, 19-20 février 1999, p. 3. 21. J.-M. PALEYRET, Une université pour l’Europe. Préhistoire de l’Institut universitaire européen de Florence (1948-1976), Rome, 1996. 22. Semaines Sociales de France, 49e session - Strasbourg 1962, L’Europe des personnes et des peu- ples, compte rendu in extenso, Lyon, 1962. 23. Sondages, 1958, 1-2.

Europe de la culture, culture européenne 13 conférence des chefs d’Etat ou de gouvernement réunie à Bad Godesberg le 18 juillet 1961 ne craint pas d’affirmer que la coopération des Six doit dépasser le cadre poli- tique proprement dit. En effet, cette coopération «s’étendra en particulier au domaine de l’enseignement, de la culture et de la recherche où elle sera assurée par la réunion périodique des ministres intéressés». Moins de quatre mois plus tard, la première ver- sion du Plan Fouchet, présentée le 2 novembre 1961, prend en compte cette extension des compétences. De même, l’assemblée parlementaire européenne, dont la commis- sion de la recherche scientifique et technique est devenue la commission de la recher- che et de la culture propose, le 18 octobre 1961, une résolution sur «certaines initia- tives que pourrait prendre l’assemblée parlementaire européenne dans le domaine culturel». Bien que repoussé, le projet de résolution incita la commission de la culture à approfondir le sujet qui chargea un de ses membres, le parlementaire De Block, de préparer un rapport détaillé sur la question. Le rapport intérimaire fut présenté le 18 juin 1963. Il portait notamment que Çle Parlement européen présentera pour sa part des propositions adéquates pour développer la politique culturelle européenne. Il croit ainsi proposer une procédure qui répond aux objectifs des traités de Paris et de Rome dont le but est de créer une union supranationale».24 La politique commune qui était préconisée devrait suivre quatre lignes, à savoir: orienter l’enseignement vers une formation plus européenne, mettre l’Europe au premier plan des préoccupations des savants et des professeurs, faire ensemble tout ce qui ne peut pas être fait convenablement par les pays pris isolément, chercher par le contact et l’enrichissement mutuel, à moderniser, à améliorer le patrimoine culturel.25 Si ce rapport ne connut pas de suite, il ouvrait néanmoins une porte sur la notion de politique culturelle en matière de patrimoine. Trois ans plus tard, c’est le secteur du cinéma, sous la plume de Carlo Scarascia Mugnozza qui fait l’objet d’une réflexion significative dans le cadre d’une proposi- tion de résolution qui sera elle aussi repoussée. Partant du principe selon lequel le cinéma présente des aspects économiques et culturels, le rapporteur poursuit en insistant sur «la nécessité de réaliser un marché commun cinématographique qui permette un large échange de films entre les pays membres et qui, par conséquent, aboutisse à la suppression des mesures restrictives en vigueur, afin de pouvoir con- tribuer d’une manière décisive à la formation d’une conscience européenne».26 L’échec des idées et projets élaborés durant la première moitié des années 1960 en matière de politique culturelle, en ce compris l’éducation, ne peut évidemment pas être attribué à l’échec du Plan Fouchet mais bien aux difficultés puis aux crises qui affectèrent la construction européenne durant la plus grande partie de la décen- nie. En outre, dans un secteur comme celui des universités, l’échec enregistré est en partie dû à des causes structurelles. En effet, l’explosion du nombre d’étudiants inscrits dans les universités a contribué au développement de politiques nationales

24. L. DECOUT, L’action culturelle dans le secteur culturel, 1972-1984, mémoire de maîtrise en his- toire contemporaine, Université Toulouse II - Le Mirail, 1997, p. 22. 25. Ibidem, p. 23. 26. Ibidem, p. 26.

14 Michel Dumoulin fort rigides et centralisées, et produit un résultat paradoxal en matière de mobilité des étudiants en Europe. Alors qu’en 1965-1966, 5,5% des étudiants des pays de la CEE avaient fait un séjour d’études dans un autre pays membre, la proportion était tombée à 1% dix ans plus tard!27 L’Europe des années 1960 n’a pas été uniquement marquée par les crises entre les Six, elle l’a aussi été, vers la fin de la décennie par l’explosion d’une révolte étudiante témoignant d’une rupture avec une série de valeurs jugées par trop «matérialistes». A cet égard, il n’est sans doute pas surprenant que la relance de La Haye, en affirmant que la construction européenne est «indispensable à la sauveg- arde d’un foyer exceptionnel de développement, de progrès et de culture», et plus encore le Sommet de Paris d’octobre 1972, témoignent d’une certaine sensibilité au sujet de la dimension culturelle et des bien non matériels.28

Tournant des années 1970

C’est dans ce contexte que se situe, en 1972, une initiative d’Altiero Spinelli. Vice-Président de la Commission du 8 juillet 1970 au 13 juillet 1976. Responsable de l’industrie, de la recherche et de la technologie, Spinelli fait adopter, en juillet 1971, une série de mesures internes à la Commission. Il s’agit d’organiser Çla con- certation, l’échange d’informations et la coordination des actions entreprises dans les Directions générales qui ont trait à l’enseignement et à l’éducation» et «con- duire les études et susciter auprès des services compétents les réflexions nécessai- res pour proposer à la Commission des vues globales des problèmes et des proposi- tions d’action, tout en assurant la cohérence et une orientation d’avenir dans les problèmes traités à plus court terme». Afin de traduire ces intentions dans les faits, deux groupes furent créés. Un groupe de travail «Enseignement et éducation» et un groupe de coordination inter- services sur le même thème. Très vite, les travaux se dirigèrent vers le constat selon lequel Çil existe une con- nexion...étroite entre enseignement...et culture».29 D’où la mise au point et l’adoption du mémorandum intitulé «Pour une action communautaire dans le secteur culturel» en 1972.

27. W. RÜEGG, «Division et unité de l’Europe: le rôle des universités», in Relations internationales, 73, printemps 1993, pp. 40-41. 28. Le paragraphe 3 du préambule de la déclaration des chefs d’Etat ou de gouvernement des pays membres de la Communauté élargie porte que «l’expansion économique qui n’est pas une fin en soi, doit, par priorité, permettre d’atténuer la disparité des conditions de vie. Elle doit se poursuivre avec la participation de tous les partenaires sociaux. Elle doit se traduire par une amélioration de la qualité que du niveau de la vie. Conformément au génie européen, une attention particulière sera portée aux valeurs et bien non matériels et à la protection de l’environnement...». In Bulletin des CE, 10(1972), supplément, novembre 1972. 29. SEC(72) 4250, Communication de M. Spinelli à MM. les membres de la Commission, 6 décembre 1972.

Europe de la culture, culture européenne 15

Ce texte est important et marque le début de la brève mais intense période de réflexion et d’action qui devait conduire, le 22 novembre 1977, à la communication de la Commission au Conseil et au Parlement sur «l’action communautaire dans le secteur culturelÈ. T. Granturco et B. Esmein traitant, dans ce volume des développe- ments de la question à partir de 1977, il ne s’agit, ici, que d’évoquer les événements survenus entre la rédaction du mémorandum de 1972 et l’automne de 1977.30 Au sein de la Commission tout d’abord, l’adoption du memorandum Spinelli conduisit à la création d’une division «Problèmes du secteur culturel». Du côté du Parlement, la commission affaires culturelles et jeunesse, créée en 1973, adopte, le 13 mai 1974, une résolution concernant la sauvegarde du patri- moine culturel européen. Ce domaine n’est que peu abordé dans le mémorandum de 1972. Cependant, l’ambition de Spinelli ayant été d’appliquer, un peu à la manière du rapport De Block de 1963, les dispositions des traités au secteur cultu- rel, la sauvegarde du patrimoine constitue un terrain intéressant. L’article 36 du traité de Rome prévoit en effet deux limitations au libre-échange des biens cultu- rels. Un de ces obstacles est «la protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique». Cette exception devient paradoxalement le levier d’une réflexion sur la nécessité d’inventorier, suivant en cela la philoso- phie du Conseil de l’Europe, le patrimoine en question, de le protéger et de le met- tre en valeur comme constituant un bien commun. Au delà des idées et des résolutions, il est évident qu’aucune action ne peut être développée si elle ne bénéficie pas d’une ligne budgétaire. En 1974 et 1975, le Par- lement dégagea, dans le cadre de l’article 262 du budget, de modestes moyens des- tinés à permettre à l’unité «problèmes du secteur culturel» de la Commission de réaliser des études préalables. Ces travaux, au nombre de six, permirent d’élaborer un premier plan d’action qui fut présenté devant la commission des affaires culturelles et de la jeunesse du Parlement le 1er juillet 1975. Tout en demandant au commissaire Guido Brunner de revoir sa copie, la commission parlementaire recommanda le renouvellement de l’article 262 du budget et, surtout, proposa l’inscription d’un nouvel article intitulé «dépenses relatives à l’action culturelle». Le Conseil ne l’entendit pas de cette oreille. Malgré l’extrême modicité de la somme concernée (20 700 ECUS!), il sup- prima l’article en question. Mécontent, le Parlement le rétablit le 13 novembre 1975, suscitant la riposte du Conseil le 3 décembre. Mais le Parlement tint bon et l’article 393 fut finalement inscrit au budget. Cette victoire budgétaire, pour modeste qu’elle ait été dans les chiffres, était importante au plan symbolique. Elle incita aussi Guido Brunner à faire élaborer par ses services un document beaucoup plus détaillé que celui de juillet 1975. Il s’agis- sait de présenter des propositions concrètes au Conseil dans cinq directions: simpli- fication des formalités administratives en matière de libre circulation des biens cul- turels, accroissement de la mobilité des travailleurs culturels, participation des plus

30. Ces éléments sont absents de l’article de A.-S. PERRIAUX, «La Communauté économique euro- péenne, les Etats et la Culture, 1957-1987È, in Revue de Synthèse, CXI, 1990, 3, pp. 271-287. 16 Michel Dumoulin jeunes parmi ceux-ci aux stages offerts par les programmes communautaires, élimi- nation des obstacles fiscaux au développement des fondations culturelles et du mécénat, rapprochement des législations sur les droit d’auteur et droits voisins. Cet ensemble de propositions visait à matérialiser une action culturelle «toute entière tournée vers l’objectif d’une familiarité accrue entre les peuples de la future Union européenne». Propos surprenant même s’il est corrigé par l’affirmation selon laquelle «il n’est pas question de mettre la culture au service de la construction de l’Europe«!31 Le document Brunner fit l’objet de deux résolutions du Parlement en 1976 dans la foulée desquelles l’article 393 du budget fut reconduit pour 1977 et sa dotation augmentée sans, cette fois, déclencher l’opposition du Conseil. Bien que fort timide, l’avancée réalisée entre 1972 et 1977 était significative. Elle avait toutefois fait l’objet d’une certaine dérive entre les intentions de Spinelli, le couple enseignement/culture, et le résultat final. En effet, comme le soulignait l’observateur attentif qu’était Emanuele Gazzo, la communication de la Commis- sion du 22 novembre 1977, Çproposait une action communautaire dans le secteur culturel, sans que ceci ait quelque chose à voir avec une politique culturelleÈ.32 Au delà du constat, ce que montre sans doute la gestation des années 1970, est la progressive prise en compte de la culture comme composante de l’espace écono- mique, non sans donner lieu à la tentation d’un discours sur l’intégration des cultu- res comme paraît l’indiquer le propos de Guido Brunner cité plus haut. Il est symptomatique qu’une abondante littérature ait vu le jour à partir de la moitié des années 1980 qui, soit traite des compétences culturelles de la Commu- nauté,33 soit développe une réflexion le plus souvent critique sur le risque d’utiliser la culture dans la construction d’une hypothétique identité européenne. Ce qui précède demande à être étudié car il n’est pas sans signification que ce soit précisément à partir des années 1980 que l’on prête à Jean Monnet «le pragma- tique» une formule, qu’il n’a jamais prononcée,34 exprimant le regret de ne pas avoir commencé la construction européenne par la culture.35

31. E. DECOUT, Op.cit., p. 64. 32. E. GAZZO, «Un ‘patrimoine culturel’ à défendre et à promouvoir’», in Europe, nû2590 (n.s.), 5 janvier 1979, p. 1. 33. M. FALLON, Droit matériel général des Communautés européennes, Paris, Louvain-la-Neuve, 1997, dresse la bibliographie du sujet (pp. 593-594) et y consacre quelques pages éclairantes (pp. 595-606). 34. P. COLLOWALD, «Enjeu de la formation européenne. ‘Et si c’était à refaire...’», in Belles Feuilles. Revue des débats européens, automne 1993, pp. 160-161. 35. Parmi les derniers exemples de l’utilisation de la formule, un haut responsable de la culture en Bel- gique francophone: «S’il fallait refaire l’Europe, je commencerais par la culture». Cette citation de Jean Monnet scande régulièrement les débats sur les rapports entre la culture et le projet européen. Venant après coup, on peut la prendre pour une incantation qui vise à donner une conscience - bon- ne ou mauvaise - à la construction européenne, ou on peut estimer qu’elle souligne avec lucidité que la culture est le ciment intellectuel qui consolide une nouvelle identité, ce supplément d’âme sans lequel les grands desseins s’aplatissent». H. INGBERG, «L’Europe culturelle: le discours et la méthode», in F. SOJCHER (dir.), Cinéma européen et identités culturelles, Bruxelles, 1996, p. 237 (Revue de l’Université de Bruxelles, 1995, 1-4). 17 Zwischen Rhein und Donau. Abendländisches Denken zwischen deutsch-französischen Verständigungsinitiativen und konservativ-katholischen Integrationsmodellen 1923-1957

Guido Müller / Vanessa Plichta

I. Einführung

Im Mittelpunkt dieses Beitrags stehen Probleme der Kontinuität von Ideologie, Pro- paganda und Trägerkreisen der Abendland-Idee in Mitteleuropa von der ersten bis in die zweite Nachkriegszeit.1 „Abendland“ diente als kontinentaleuropäische konser- vativ-katholische Sammlungsbewegung, als Ideologie konservativer Europäer und schließlich antiöstlichen, antikommunistischen und antiliberalen Propagandazwecken.2

1. Die Verfasser stützen sich dabei auf ihre bisher unpublizierten Vorarbeiten: G. MÜLLER, Deutsch-französische Gesellschaftsbeziehungen nach dem Ersten Weltkrieg. Das Deutsch-Französische Studienkomitee und der Europäische Kulturbund im Rahmen deutsch-französischer Verständigungsbe- wegungen 1924-1933. Habilitationsschrift, Aachen, 1997; V. PLICHTA, ã... Ein Bollwerk christlicher Kultur gegen heidnisches Chaos.“ Die ‘abendländische’ Bewegung im Westdeutschland der Nachkriegs- zeit (1946-1963). Magisterarbeit/Mémoire de Maîtrise Universitäten Tübingen und Aix-Marseille I, 1997. Der Mitautor G. Müller dankt Gilbert Trausch für die Möglichkeit, daß er die Thesen seines Beitrags erstmals anläßlich eines internationalen Kolloquiums im Luxemburger Centre Robert Schuman am 1.12.1994 mit Kollegen diskutieren konnte. Da es in diesem Beitrag wesentlich um ideengeschichtliche und Öffentlichkeits- aspekte von Ideologie, Propaganda und Sozialmilieus der Trägergruppen der Abendland-Idee geht, stehen veröffentlichte Quellen im Vordergrund. In einer späteren größeren Untersuchung sollen sowohl staatliche Akten und private Nachlässe wie das Fortleben der Abendland-Ideologie seit dem Ende der fünfziger Jahren bis heute berücksichtigt werden. Die Mitautorin V. Plichta verfaßt am Seminar für Zeitgeschichte der Universität Tübingen eine Dissertation zur Rivalität bürgerlicher Europa-Konzeptionen zwischen 1920 und 1970, in der der „Abendland“-Gedanke einen Teilbereich darstellt. Eingebettet ist die Arbeit in ein ideenge- schichtliches DFG-Projekt zu „Traditionsbeständen sozialistischer und bürgerlicher Ordnungsideen und ihr Wandel von 'Weimar' bis in die Nachkriegszeit (1920-1970)“, dessen Schwerpunkt den Zusammenhängen zwischen der Weimarer Republik, dem Dritten Reich, der BRD und der DDR gilt; aus dieser Fragestellung heraus richtet sich das Interesse auf die Transformation und Durchsetzung ideeller Traditionsbestände aus der Zeit nach dem Ersten Weltkrieg während der Jahrzehnte nach dem Zweiten Weltkrieg. 2. Vgl. zum Abendlandgedanken in Auswahl: D. von der BRELIE-LEWIEN, Abendland und Sozia- lismus. Zur Kontinuität politisch-kultureller Denkhaltungen im Katholizismus von der Weimarer Republik zur frühen Nachkriegszeit, in: D. LEHNERT u. K. MEGERLE (Hrsg.), Politische Teil- kulturen zwischen Integration und Polarisierung. Zur politischen Kultur in der Weimarer Repu- blik, Opladen, 1990, S. 188-219; H. GREBING, Konservative gegen die Demokratie, Frankfurt/ M., 1971; R. FABER, Abendland. Ein politischer Kampfbegriff. Hildesheim, 1979; H. HÜRTEN, Der Topos vom christlichen Abendland in Literatur und Publizistik nach den beiden Weltkriegen, in: A. LANGNER (Hrsg.), Katholizismus, nationaler Gedanke und Europa seit 1800. Paderborn, 1985, S. 131-154; J. JOST, Der Abendland-Gedanke in Westdeutschland nach 1945. Versuch und Scheitern eines Paradigmenwechsels in der deutschen Geschichte nach 1945, Phil. Diss. Hanno- ver, 1994; jüngst erschienen ist eine Arbeit von A. SCHILDT, Zwischen Abendland und Amerika. Studien zur Ideenlandschaft der fünfziger Jahre, München, 1999. Gerade abgeschlossen ist die von H. MOMMSEN betreute Bochumer Dissertation von D. PÖPPING, : „Abendland“ – Konservative Utopie und konfessionelle Erneuerung in Deutschland von 1914 bis 1945. 18 Guido Müller / Vanessa Plichta

Acht Thesen möchten wir einleitend formulieren: 1. Die deutsch-französischen Annäherungsbemühungen der Zwischenkriegszeit waren wesentlich bestimmt von den politisch rechten Intellektuellenbewegungen der ãkonservativen Revolution“.3 Im fragmentarischen Denken der ãJungkonservativen“ konnten „Europa“ und „Abendland“ zen- trale Wertbegriffe bilden. Das gilt für die deutsche, österreichische und Schweizer Seite ebenso wie für viele französische Partner, aus denen sich nach 1940 sowohl Personal der Kollaboration, wie der Mitläufer und der „inneren Emigration“ rekrutierte.4 Da die Nationalsozialisten dem „Abendland“ nie den propagandistischen Stellenwert einräumten, den das „Reich“ besaß, konnte nach dem Zweiten Weltkrieg die Abendland-Idee vornehmlich von katholischen Konservativen wiederbelebt werden. Dabei wird deutlich, daß die europäische Idee nicht zwangsläufig libe- ral-demokratisch, westlich und pluralistisch ausgeprägt sein muß. Sie kann ebenso auch stark antidemokratische, antiliberale und autoritär-restaurative Züge tragen. 2. Die konservativen Elemente dieser trotz allem europäischen Anspruch national gebundenen jungkonservativen intellektuellen Milieus sind geprägt von katholisch-vorreformatorischen, karolingisch-reichischen, habsburgisch-austrophilen und romorientierten Ideen. Ihre Einstel- lung ist antiliberal und amerikakritisch, antikommunistisch und antiasiatisch. Au§erdem betonen sie antizentralistische und proföderalistische Züge. Zentrale Bestandteile sind das Kriegs- und Fronterlebnis, eine heroisch-elitäre Lebenshaltung und die Abwehr egalitär-nivel-

3. In der Definition folgt „konservative Revolution“ hier weitgehend P. KONDYLIS, „Konservative Revolu- tion“, (in: ders., Konservativismus. Geschichtlicher Gehalt und Untergang, Stuttgart, 1986, S. 468-493). Kondylis sieht das Phänomen allerdings auf den deutschsprachigen Raum beschränkt. A. MOHLER, Die Konservative Revolution in Deutschland. 1918-1932. Ein Handbuch, 2 Bde., Darmstadt, 1989 und zuletzt S. BREUER, Anatomie der Konservativen Revolution, Darmstadt, 1993, haben zum europäischen Kontext al- leine wegen ihrer Ausblendung des österreichischen und katholischen Zusammenhangs kaum etwas beige- tragen. Das zitatenreiche zweibändige Werk von R. FABER, Abendland, a.a.O.; ders., Roma Aeterna. Zur Kritik der Konservativen Revolution, Würzburg, 1981, leidet unter seiner Unübersichtlichkeit und Collage- technik. Den jüngeren Forschungsstand, auch zum Verhältnis von konservativer Revolution und Nationalso- zialismus, referiert L. DUPEUX (Hrsg.), La „Révolution conservatrice“ dans l'Allemagne de Weimar, Paris, 1992. Er spart die Beziehungen nach Frankreich allerdings ebenfalls aus. Einen wichtigen Ausschnitt aus dem jungkonservativen Feld deutsch-französischer Annäherung beschreibt Y. ISHIDA, Jungkonservative in der Weimarer Republik. Der Ring-Kreis. 1928-1933, Frankfurt/M., 1988, S. 107ff.; Hinweise ergeben G. MERLIO (Hrsg.), Ni gauche, ni droite: les chassés-croisés idéologiques des intellectuels français et allemands dans l'Entre-deux-guerres, Bordeaux, 1995 (vor allem die Einleitung von H. M. BOCK); H. W. ECKERT, Konservative Revolution in Frankreich? Die Nonkonformisten der ÇJeune DroiteÈ und des ÇOrdre NouveauÈ in der Krise der 1930er Jahre, Diss. Trier 1996 (in Druck München 1999.) 4. Vgl. neben der in Anm. 1 genannten Arbeit von G. MÜLLER für die dreißiger Jahre die Fallstudien in: H. M. BOCK, R. MEYER-KALKUS, M. TREBITSCH (Hrsg.), Entre Locarno et Vichy. Les relations cultu- relles franco-allemandes dans les années 1930, Paris, 1993; dazu bemerkt in einer Besprechung Tilman Krause: „Der deutsch-französische Kulturaustausch wurde 'zwischen Locarno und Vichy' zur Tribüne der so- genannten Konservativen Revolutionäre, die hier [...] ihre Ideen weiterentwickelten – ermuntert von franzö- sischen Gesinnungsgenossen, die in ihrem eigenen Land größere Chancen für deren Verwirklichung sahen. [...] So gesehen erweist sich die 'Konservative Revolution' [...] aus der Perspektive der deutsch-französischen Kulturbeziehungen als äußerst lebendig und folgenreich.“ (Im Hauptverkehrsnetz der Ideen, in: Frankfurter Allgemeine Zeitung, Nr. 269 vom 19.11.1994, S. 8).- Vgl. zur Schweiz: Ph. TRINCHAN, Adaption ou rési- stance des catholiques au nouvel ordre international: le cas de l'Union catholique d'études internationales. 1920-1939, in: U. ALTERMATT (Hrsg.), Schweizer Katholizismus zwischen den Weltkriegen. 1920-1940, Freiburg, 1994, S. 103-116; A. MATTIOLI, Zwischen Demokratie und totalitärer Diktatur. Gonzague de Reynold und die Tradition der autoritären Rechten in der Schweiz, Zürich, 1994; ders (Hrsg.), Intellektuelle von rechts. Ideologie und Politik in der Schweiz. 1918-1939, Zürich, 1995; H.-U. JOST, Die reaktionäre Avantgarde. Die Geburt der neuen Rechten in der Schweiz um 1900, Zürich, 1992. Zwischen Rhein und Donau 19

listischer und internationalistischer Tendenzen der Modernisierung. Sie betonen ihr Geschichts- bewu§tsein, den Jugend- und Generationskult sowie Ideale von autoritärem Ständestaat und paternalistisch-korporativer Wirtschaftsverfassung. Gemeinsam ist ihnen die Bewunderung für den italienischen Faschismus, später das Spanien Francos und das Portugal Salazars.5 3. Das ãRevolutionäre“ bezieht sich in erster Linie auf eine Gegenrevolution zu den demokrati- schen und sozialistischen Revolutionen des langen 19. Jahrhunderts (1789, 1848, 1870,1917/18). Es drückt zugleich den Anspruch der ãJungkonservativen“ auf einen Neuanfang aus, den Bruch mit den geistigen Traditionen seit der Renaissance und Glaubensspaltung, der Aufklärung und der liberalen wie konservativen Ideologie des 19. Jahrhunderts. Nach 1945 suchen die ãAbend- länder“ sich im deutschsprachigen Raum in ihrer Ideologie des Neuanfangs bzw. der ãStunde Null“ auch von der nationalsozialistischen ãRevolution“ von 1933/34 zu distanzieren, an der sie im Anfang oft direkt mitbeteiligt waren oder von der sie profitiert hatten. Damit tritt auch das revolutionäre Umbruchselement der älter gewordenen „Jung“-Konservativen in den Hintergrund. 4. Das bevorzugte Medium der Diskussion und Propaganda der „Abendländer“ sind kulturelle Zeitschriften und politische Publizistik und damit verbundene elitäre Gesellschaften bzw. Komitees und Akademien. Angesprochen werden Elitenvertreter und so sind führende kon- servative Politiker von Heinrich Brüning, Ignaz Seipel und Robert Schuman bis zu Heinrich von Brentano, Alois Hundhammer und Otto von Habsburg in ihren Reihen zu finden. 5. Sozial ist dieses Milieu gekennzeichnet durch die Verbindung von verunsichertem Bürgertum, krisen- bewu§ten Literaten und Orientierung und gesellschaftliche Aufgaben suchenden Aristokraten. Diese finden sich zusammen in der Furcht vor östlichem Bolschewismus, in der Angst vor den Modern- isierungsfolgen von politischem Liberalismus, westlichem Parlamentarismus und amerikanisch-mate- rialistischem Kapitalismus und in der Sorge vor ihrem gesellschaftlichen Bedeutungsverlust ange- sichts der ãVermassung“. Gemeinsam ist ihnen die Absage an „totalitäre Bewegungen“ jenseits des Christentums. Ein paradoxes Bündnis ergibt sich zwischen Intellektuellen mit romantisch-ständischer Ideologie und Industriellen mit ultramodernen Tendenzen zur Rationalisierung und Konzernbildung, die oft an der amerikanischen Konkurrenz geschult waren.6 Diese Rationalisierungsabsicht wurde hin- ter einer konservativen Ideologie versteckt. In den fünfziger Jahren suchten konservative Politiker, Wirtschaftsführer und Kirchenvertreter den wirtschaftlichen, militärischen und politischen euro- päischen Integrationsprozeß nur zu oft mit christlicher „Abendlandideologie“ zu umhüllen. 6. Dies verweist auf ein Bedürfnis, den pragmatischen Prozeß der europäischen Integration zu ideolo- gisieren. Da§ sich immer wieder hochrangige Politiker, wie Heinrich von Brentano oder Hans-Joa- chim von Merkatz, aber auch schon früher etwa Ignaz Seipel oder Robert Schuman, der ãAbend- land“-Bewegung anschlossen, verweist auf ideelle Defizite, die die europäische Einigung durch ihre Konzentration auf wirtschaftliche Zusammenhänge aufweist. Während die europäische Idee der zwanziger, dreißiger und auch vierziger Jahre im bürgerlichen Lager ähnlich ideologisch aufge- laden war wie die Nations-Idee, konnte die in den fünfziger Jahren anlaufende tatsächliche Eini- gung Europas Bedürfnisse nach konservativer Identitäts- und Sinnstiftung kaum befriedigen. Der Rede vom „Abendland“ gelang es über lange Jahre, diese Lücke in konservativ-katholischen Krei- sen zu schlie§en.

5. Vgl. dazu: Kl.-P. HOEPKE, Die deutsche Rechte und der italienische Faschismus, Düsseldorf, 1968; K. LENK, Konservative Revolution, in: ders., Deutscher Konservatismus, Frankfurt/M., 1989, S. 105-169. 6. P. KONDYLIS, Konservativismus. Geschichtlicher Gehalt und Untergang, Stuttgart, 1986, S. 484ff.; G. MÜLLER, Jenseits des Nationalismus? Europa als Konzept grenzübergreifender ad- lig-bürgerlicher Elitendiskurse seit dem Ersten Weltkrieg, in: H. REIF (Hrsg.), Adel und Bürger- tum in Deutschland. Entwicklungslinien und Wendepunkte im 19. und 20. Jahrhundert, Bd. 2, Berlin, 1999, noch nicht erschienen. 20 Guido Müller / Vanessa Plichta

7. Die Abendland-Bewegung trat zwar mit überkonfessionellem, da vorreformatorischem Anspruch auf, war aber fast ausschließlich katholisch geprägt. Theologische und religiöse Erneuerungsele- mente der zwanziger Jahre verlieren sich nach dem Zweiten Weltkrieg schnell wieder. 8. Die geographische Schwerpunktsetzung der Idee und der Herkunft der Träger der Abend- land-Bewegung verschiebt sich von den Ländern am Rhein in den zwanziger Jahren seit Ende der vierziger Jahre immer deutlicher in den Donauraum der Nachfolgeländer der früheren Habs- burgermonarchie. Dabei bleibt die ideelle katholische Achse vom Rheinland über München nach Wien geistige zentraleuropäische Leitorientierung, die sich gesamteuropäisch um eine zweite zwischen Spanien und Polen ergänzen läßt.

II.1. Der „Abendland“-Kreis der Zwischenkriegszeit

1959 erinnerte Robert Schuman in einem „Blatt dankbarer Erinnerung“ an das erste deutsche Treffen der liturgischen Bewegung im rheinischen Benediktinerkloster Maria Laach in der Karwoche 1913, an dem er selbst teilgenommen hatte. Das kulturelle und politisch-sozial entscheidende Moment dieser Aufbruchbewegung war die Laienarbeit und Sammlung katho- lischer Intellektueller in Verbindung mit ihrer Kirche. Das eröffnete die Möglichkeit zur Ver- bindung von theologischer und politischer Ideologie. Realisieren sollte sie sich ebenso in der poli- tisch-theologischen Reichsideologie der Zwischenkriegszeit und in der „Abendland“-Ideologie wie in der Bildung christdemokratisch-zentristischer Parteien, der internationalen Zusammen- arbeit christdemokratischer Parteien seit der Zwischenkriegszeit und schließlich in der Gründung der christdemokratischen Parteien MRP und CDU/CSU nach dem Zweiten Weltkrieg.7 Der junge Rechtsanwalt aus Metz war seit seiner Stra§burger und Münchener Studienzeit mit führenden deutschen Vertretern der katholischen Erneuerungsbewe- gung befreundet. Als ãStra§burger Kreis“ bildeten sie den Kern der sozial- studentischen Arbeit, der späteren katholischen Jugendbewegung „Quickborn“ und des 1913 gegründeten Verbands der ãKatholischen Akademikervereine“, die vom Rheinland ausgingen.8 Schuman vertiefte als lothringischer Vertrauensmann des ãVolksvereins für das Katholische Deutschland“ kurz vor dem Ersten Weltkrieg das Verhältnis mit seinen deutschen Studienfreunden in der liturgischen Bewegung des Klosters Maria Laach unter dem neuen Abt Ildefons Herwegen. Sie schloß an das französisch-belgische ãRenouveau catholique“ an. In Maria Laach traf Schuman 1913 außer mit Herwegen mit den westdeutschen Studienräten Hermann Platz und Theodor Abele, mit dem Kaplan Franz Xaver Mönch und mit dem späteren Reichskanzler Heinrich Brüning zusammen, der diesem Freundeskreis ebenfalls angehörte.9 Den „tiefen Eindruck“, den dort der Benediktiner Herwegen, der Romanist Platz und der Studienrat Abele auf Robert Schuman gemacht haben, beschrieb der ehema-

7. Für die Zwischenkriegszeit: R. PAPINI, Il coraggio della democrazia. Sturzo e l'Internazionale popolare tra le due guerre, Rom, 1995, demnächst zum europäischen Kontext christdemokrati- scher Volksparteien im 20. Jahrhundert: M. GEHLER, W. KAISER, H. WOHNOUT (Hrsg.), Christdemokraten und Europa im 20. Jahrhundert, Wien, 1999. Zwischen Rhein und Donau 21 lige französische Ministerpräsident und Au§enminister bald ein halbes Jahrhundert später 1959: „Es war dieses Treffen für uns ein Ereignis, ein gemeinsamer Ausgangs- punkt. [...] Damals schon begannen wir einzusehen, da§ alles, was der Verständigung, der Einheit und Brüderlichkeit die Wege ebnet, aus derselben Quelle schöpft. In die- sem Sinne war auch Maria Laach ein Grundstein für das kommende Europa“.10 Der junge Romanist Hermann Platz11 hatte Anfang dieses Jahrhunderts die Reform-Bewegungen des französischen Katholizismus in Deutschland zunächst pub- lizistisch und nach 1918 auch wissenschaftlich bekannt gemacht.12 Das galt sowohl für die christlich-demokratische Jugendbewegung des „Sillon“ von Marc Sangnier wie für die nationalistische „Action française“ des Charles Maurras. 1924 errang Platz mit diesen Arbeiten eine durch Ernst Robert Curtius vermittelte Honorarprofes- sur an der Universität Bonn, an der er bereits seit 1920 Romanistik gelehrt hatte. In der 1924 publizierten grundlegenden Schrift ãUm Rhein und Abendland“ griff Platz den doktrinären Nationalismus und Revanchismus auf beiden Seiten des Rheins an. Statt des Gegensatzes zwischen einem dynamischen Deutschland und einem statischen Frankreich beschrieb Hermann Platz als politische Zukunftsauf- gabe das analog-solidarische Denken der christlichen Einheit der europäischen Völker. Apodiktisch stellte er bereits damals in einer Flugschrift der rheinischen Zentrumspartei die Forderung auf: ãAm Rhein aber ist noch das lebendig, was man die Idee des Abendlandes nennt. [...] Paneuropa wird neu werden aus der Idee des Abendlandes“.13 Ähnlich selbstbewu§t hie§ es in einer anderen Schrift: ãUnser Sitz

8. H. PLATZ, Von Schell zu Festurgère – Wie wir zur Liturgie gekommen sind, in: Das Wort in der Zeit, 2(1934/ 5), S. 331-337; ders., Die Früchte einer sozialstudentischen Bewegung, zugleich Einführung in das geistige Le- ben und in die Literatur des sozialen Katholizismus in Frankreich, Hrsg. vom Sekretariat Sozialer Studentenar- beit M.Gladbach, 1913; ders., Der Wille der neuen Jugend. Der Quickborn, in: Hochland 18(1921), S. 213-216; ders./ A. BERGSTRAESSER, Die katholische Jugendbewegung. Vorträge auf der Tagung deutscher Hoch- schullehrer in Weimar 1927, Karlsruhe, 1927, S. 28-36. Vgl. dazu V. BERNING, Die Begründung des Katho- lischen Akademikerverbandes, in: Renovatio. Zeitschrift für das interdisziplinäre Gespräch, 49(1993), S. 189-200; ders., Hermann Platz (1880-1945), Romanist und katholischer Kulturphilosoph. Zum Gedenken an ei- nen christlichen Demokraten des abendländischen Europa, in: ders., (Hrsg.), Hermann Platz (1880-1945), Düs- seldorf, 1980, S. 11-31; G. MÜLLER, Katholische Akademiker in der Krise der Moderne. Die Entstehung des Katholischen Akademikerverbands im wilhelminischen Deutschland zwischen bildungsbürgerlichen Reform- bewegungen und Laienapostolat, in: M. GRAETZ u. A. MATTIOLI (Hrsg.), Krisenwahrnehmungen im Fin de siècle. Jüdische und katholische Bildungseliten in Deutschland und der Schweiz, Zürich, 1997, S. 285-300. 9. Ebd.- Vgl. zum jungen Robert Schuman: Ch. PENNERA, Robert Schuman. La jeunesse et les dé- buts politiques d'un Européen. 1896-1924, Sarreguemines, 1985; R. POIDEVIN, Robert Schuman homme d'Etat 1886-1963, Paris, 1986, S. 29ff. 10. R. SCHUMAN, Ein Blatt dankbarer Erinnerung, in: Liturgisches Jahrbuch, 9(1959), hrsg. vom Liturgi- schen Institut zu Trier, Münster, 1959, S. 195. Vgl. dazu auch: H. PLATZ, Erste Begegnung mit Maria Laach Ð Erlebnisse aus der Zeit der beginnenden liturgischen Erneuerung, in: Das Wort in der Zeit, 2(1934/5), S. 508-515; ders., Erste Begegnung mit Maria Laach, in: Liturgisches Leben, 1(1934), S. 276ff. 11. Zur Biographie: V. BERNING (Hrsg.), Hermann Platz. 1880-1945. Eine Gedenkschrift, Düsseldorf, 1980. 12. H. PLATZ, Geistige Kämpfe im modernen Frankreich, München, 1922; ders., Deutschland und Frankreich. Versuch einer geistesgeschichtlichen Grundlegung der Probleme, Frankfurt/M., 1930.- Vgl. auch seine „Hochland“-Aufsätze, 1910-1918. 13. H. PLATZ, Deutschland-Frankreich und die Idee des Abendlandes. Flugschriften der Rheinischen Zentrumspartei. II. Folge, H.2, Köln, 1924, S. 2, 29. 22 Guido Müller / Vanessa Plichta ist die Mitte. Die Mitte Europas, das ist klar. Aber auch die Mitte Deutschlands. [...] Wir fühlen uns als Ausgangspunkt, als Kern“.14 Seitdem diente Platz an führender Stelle der Vermittlung neuer geistiger, christ- licher und politischer Strömungen aus der französischen Dritten Republik in die junge Republik von Weimar.15 1925 hielt er die Verfassungsrede im Reichstag auf Vermittlung durch Brüning. 1927 wirkte er mit an der Bildung einer Gruppe repu- bliktreuer Hochschullehrer und bekannte sich zur christlichen Demokratie.16 Platz arbei- tete für die deutsch-französische Verständigung in den von Sangnier initiierten und großen Zuspruch findenden überparteilichen Jugend-Treffen von Freiburg 1923, von Luxemburg 1925 und Bierville 1926.17 In den zwanziger und frühen dreißiger Jahren war er führend an den deutsch-französischen Treffen von Katholiken und christ- lich-demokratischen Parteien beteiligt.18 Im Anschluß an das erste deutsch-französische Treffen der verständigungsbereiten Jugend nach dem Weltkrieg in Freiburg plante Platz 1923 nach einer Idee des Münche- ner Philosophen Alois Dempf die Gründung einer ökumenischen internationalen Monatszeitschrift „Occidens Christianus“. Sie sollte Berichte prominenter Köpfe aus katholischen Ländern über die dortige Bewegung in Frömmigkeit, Wissen- schaft, Politik, Gesellschaft und Wirtschaft bringen. Daraus entstand schlie§lich 1925 die Zeitschrift „Abendland“. In deren Herausgeberkollegium waren führende Politiker des Zentrums und christlich-sozialer Parteien sowie katholische Intellektuelle aus dem Rheinland und Westfalen, aus Bayern und aus Österreich wie Ignaz Seipel, Hugo Graf Lerchenfeld,19 Friedrich Schreyvogel,20 Goetz Briefs21 und Richard Kuenzer22 vertreten. Unter den Autoren finden sich die führenden europäischen katholischen

14. Ders., Um Rhein und Abendland, Köln, 1924, S. 19. 15. Préliminaires de collaboration intellectuelle: France et Allemagne, (J. de PANGE, J. de PRELAC, P. LYAUTEY, H. PLATZ, G. HOOG), Paris, 1928; H. PLATZ, Von französischer Dekadenz und deutscher Barbarei / Der französische Bürger und die Zukunft Frankreichs, in: Deutsch-Franzö- sische Rundschau, 1929, S. 14-23, S. 463-470, S. 561-571. 16. Ders., Rede am 11. August 1925 zum Tag der Weimarer Verfassung vor Reichspräsident, Reichs- regierung und Reichstag, in: Zehn Jahre Weimarer Verfassung. Verfassungsreden bei den Verfas- sungsfeiern der Reichsregierung am 11. August 1921-1929, Berlin, 1929; ders., Der Weimarer Kreis der deutschen Hochschullehrer, in: Hochland, 29(1932), S. 371f.; ders., D. Sturzos, Realis- mus der christlichen Demokratie, in: Abendland, 2(1927), S. 135f.; ders., Le centre allemand, in: Revue d'Allemagne, Paris, 1928, S. 322-334. 17. H. PLATZ, Bierville, in: Abendland, 2(1926), H.9/10, S. 10f.; H. PLATZ/ A. BERGSTRAESSER, Jugendbewegung und Universität, Karlsruhe, 1927. 18. Vgl. dazu allgemein: J.-C. DELBREIL, Les Catholiques français et les tentatives de rapproche- ment franco-allemand dans l'entre-deux-guerres. 1920-1933, Metz, 1972. 19. BVP-Politiker und deutscher Botschafter in Wien. 20. Österreichischer Dichter und Publizist, Freund des Prinzen Karl Anton Rohan und seit 1922 füh- rend im „Kulturbund“. 21. Professor für Nationalökonomie an der Universität Freiburg und der TH Berlin-Charlottenburg. 22. Herausgeber der katholischen Tageszeitung „Germania“. Vgl. G. MÜLLER, Die „Germania“ als publizistisches Forum deutsch-französischer Gesellschaftsbeziehungen, in: ders., Deutsch-franzö- sische Gesellschaftsbeziehungen nach dem Ersten Weltkrieg …, op.cit., S. 42-149. Zwischen Rhein und Donau 23

Intellektuellen und Politiker der damaligen Zeit.23 Heinrich Brüning verfolgte die Gründung mit Sympathie und gelegentlichen Beiträgen, ohne die Pflichten als Mit- herausgeber übernehmen zu wollen.24 1925 gründete Platz auch die ökumenische Zeitschrift „Una Sancta“, die allerdings schon nach drei Jahrgängen auf Druck des Heiligen Stuhls ihr Erscheinen wieder einstellen mu§te. Mit der Rheinlandräumung durch die Franzosen stellte auch die Zeitschrift „Abendland“ 1930 ihr Erscheinen ein. Mit dem erreichten Ziel der letzten Räumung deutschen Territoriums durch französische Truppen schien der Mehrheit katholischer nationaler Kreise eine weitere deutsch-französische Verständigung im übergreifenden „abendländischen Sinne“ obsolet geworden.25 Hermann Platz war nun stärker auf den persönlichen Kontakt mit französischen Freunden und Kollegen zurückgeworfen. Die geistige und pädagogische Zusammenar- beit der Katholiken vertiefte er in drei Tagungen der 1930 von ihm begründeten „Union des Etudes franco-allemandes“. Von 1929 bis 1937 gab er die „Studien zur abendländi- schen Geistes- und Gesellschaftsgeschichte“ heraus. 1932 konstatierte Platz, da§ er als Realist zwar den nationalen Staat anerkenne, da§ dieser aber ãin der Folge Souveränität und Autarkie nicht in einem absoluten und isolierten Sinn wird aufrecht erhalten kön- nen“.26 Damit steht Platz Anfang der drei§iger Jahre im supranationalen Diskussionszu- sammenhang einer kleinen Gruppe katholischer, neuthomistischen Ideen verpflichteter Intellektueller in Frankreich und Deutschland. Diese propagierten eine Beschneidung staatlicher Souveränität zugunsten einer organisch-föderalen sozialen und rechtlichen europäischen Friedensordnung.27 Damit hatte Platz das jungkonservative Milieu mit sei- ner Ausrichtung auf ein nationalstaatlich verfa§tes Europa verlassen. 1935 wurde er von den Nationalsozialisten aus dem Bonner Lehramt entlassen. 1945 betraute ihn die briti- sche Besatzungsverwaltung auf Empfehlung Robert Schumans mit der Kulturverwaltung der nördlichen Rheinprovinz in Düsseldorf, allerdings lebte er nur noch wenige Monate.28

23. U.a.: H. Bahr, W. Becker, A. Boissard, Th. Brauer, G. Briefs, H. Dankworth, A. Dempf, F. Des- sauer, W. Dirks, C. Do(c)ka, W. d'Ormesson, Ch. Eckert, H. Eibl, R. Fabre-Luce, K. M. Fassbin- der, F. L. Ferrari, J. Giraudoux, P. Gothein, R. Grosche, W. Gurian, O. Forst de Battaglia, H. He- fele, J. Joos, L. Kaas, E. Kogon, H. Krone, H. Lufft, R. Michels, P. Montgelas, G. L. Moro, O. von Nell-Breuning, L. Oppenheimer, W. Picht, H. Pope, M. Prelot, H. Pünder, K. A. Rohan, L. Romier, B. Russell, R. Schirenberg, C. Schmitt, K. Sonnenschein, W. Spael, O. Spann, A. Stegerwald, D. L. Sturzo, P. Thun-Hohenstein, M. Vaussard, E. Vermeil, A. Vulliod, H. Weber, P. Wust. 24. Heinrich Brüning an H. Platz am 6.7.1925, in: Nachla§ H. PLATZ in Verwaltung von Prof. Vincent Berning (Roetgen bei Aachen). 25. Vgl. F. KNIPPING, Deutschland, Frankreich und das Ende der Locarno-Ära. 1928-1931, München, 1987. 26. H. PLATZ, Minier- oder Aufbauarbeit?, in: Deutsch-Französische Rundschau, 7(1932), S. 18. 27. Dazu zählen die Deutschen Walter Dirks, Benedikt Schmittmann, Pater F. Stratmann, die Franzo- sen Pater Joseph T. Delos, Jesuitenpater Delattre und Jean de Pange; vgl. Th. KELLER, Katholi- sche Europakonzeptionen in den deutsch-französischen Beziehungen, in: Entre Locarno et Vichy, op.cit., Bd.1, S. 222-233; D. RIESENBERGER, Die katholischen Friedensbewegungen in der Weimarer Republik, Düsseldorf, 1976, S. 181-196. 28. Einen anschaulichen Spiegel der damaligen vielfältigen privaten Beziehungen zwischen rheinischen und el- sässisch-lothringischen Katholiken und Föderalisten stellt das Tagebuch Jean de Panges dar. J.de PANGE, Journal, Bd.1/2(1927-1930/1931-36), Paris, 1964/5. Vgl. dazu: E. du REAU, Jean de Pange: un intellectuel catholique devant l'idée de rapprochement franco-allemand, in: Entre Locarno et Vichy, op.cit., S. 241-252. 24 Guido Müller / Vanessa Plichta

Andere Mitarbeiter der Zeitschrift „Abendland“ aus dem Umfeld des Katholi- schen Akademikerverbandes propagierten ab 1930/31 die Zusammenarbeit mit der neuen ãnationalen Bewegung“. An der Spitze dieser ãKreuz und Adler“-Bewegung standen der Abt Ildefons Herwegen und Franz von Papen, führend beteiligt waren der Kölner Theologe Robert Grosche, der Dürener Historiker Albert Mirgeler, die Profes- soren Martin Spahn, Alois Dempf, Franz Schnabel und Carl Schmitt. Karl Anton Prinz Rohan, der Herausgeber der „Europäischen Revue“ wirkte für die österreichi- sche Seite ebenso wie für den „Europäischen Kulturbund“ mit.29 Den Höhepunkt dieser katholischen Brückenbauversuche zum „Dritten Reich“ bildete zweifellos die dritte „soziologische Sondertagung“ des Katholischen Akade- mikerverbandes im Juli 1933 in Maria Laach. An diesem Treffen nahmen führende katholische und nationalsozialistische Funktionäre teil. Dort verkündete der Abt Her- wegen unmittelbar nach dem Abschlu§ des Reichskonkordats in Anwesenheit des aus Rom gekommenen Vizekanzlers von Papen: ãWas auf religiösem Gebiet die Liturgi- sche Bewegung ist, ist auf dem politischen Gebiet der Faschismus. [...] Sagen wir ein rückhaltloses Ja zu dem neuen soziologischen Gebilde des totalen Staates, das durch- aus analog gedacht ist dem Aufbau der Kirche“.30 Damals hielt sich auch der gerade aus seinem Amt als Kölner Oberbürgermeister entlassene Konrad Adenauer, ein Schulfreund Herwegens, zu seinem Schutz für meh- rere Wochen im Kloster Maria Laach auf. Als seinen Rechtsanwalt wählte Adenauer damals den NS-Starjuristen und Völkerrechtler Friedrich Grimm, der im Ersten Welt- krieg Franzosen vor deutschen Gerichten und 1923 Deutsche vor französischen Gerichten verteidigt hatte. Unter Stresemann warb er für die Annäherung der nationa- len Lager in Deutschland und Frankreich. 1940 bis 1944 war er die „graue Eminenz“ der „Groupe Collaboration“ und nach 1945 Mitarbeiter der rechtsradikalen Zeit- schrift „Nation Europa“.31 Adenauer hielt eine Distanzierung von den politischen Irrtümern seines 1946 ver- storbenen Jugendfreundes Herwegen und der Veranstaltung in Maria Laach nie für opportun32. Später wurde diese Versammlung durch Paul Franken, Adenauers Ver-

29. Vgl. K. BREUNING, Die Vision des Reiches. Deutscher Katholizismus zwischen Demokratie und Diktatur (1929-1934), München, 1969; G. MÜLLER, Der Katholische Akademikerverband zwi- schen Weimarer Republik und „Drittem Reich“. In: D. BREUER/ G. CEPL-KAUFMANN (Hrsg.), Moderne und Nationalsozialismus im Rheinland, Paderborn, 1997, S. 551-576. 30. Abt I. Herwegen nach: W. SPAEL, Die dritte soziologische Sondertagung des Katholischen Aka- demikerverbandes in Maria Laach. Die nationale Aufgabe im Katholizismus, In: Kölnische Volks- zeitung, Sonntagsbeilage: Im Schritt der Zeit, Nr. 25, 30.7.1933.- Vgl. dazu: K. BREUNING, Die Vision des Reiches. Deutscher Katholizismus zwischen Demokratie und Diktatur (1929-1934), München, 1969, S. 207-211; H. RINK, Ildefons Herwegen (1874-1946), in: R. MORSEY (Hrsg.), Zeitgeschichte in Lebensbildern, Bd.2, Mainz, 1975, S. 64-74, S. 217, (Bibliographie). 31. F. TAUBERT, Friedrich Grimmm – patriote allemand, européen convaincu, in: Entre Locarno et Vichy, op.cit., S. 107-120. 32. H. P. MENSING (Bearb.), Adenauer im Dritten Reich, (Adenauer Rhöndorfer Ausgabe Stiftung Bundeskanzler-Adenauer-Haus), Berlin, 1991, S. 155-161, S. 277f., S. 516, S. 546f, S. 601f.; R. MORSEY, Adenauer und der Nationalsozialismus, in: H. STEHKÄMPER (Hrsg.), Konrad Ade- nauer. Oberbürgermeister von Köln, Köln, 1976, S. 447-497. Zwischen Rhein und Donau 25 bindungsmann zum Widerstand und Leiter der Bundeszentrale für Heimatdienst (später: für politische Bildung), so begründet, daß seinerzeit „antidemokratische Grundinstinkte eines Teiles des deutschen Adels [sic!] Hitler so stark unterstützt hät- ten“. Daher hätte sich damals „ein bestimmter antidemokratischer Kreis katholischer Intellektueller in der Abtei getroffen und Herrn von Papen zum Abschlu§ seines Kon- kordats beglückwünscht“.33 Wieweit die politische und geistige Krise allerdings auch führende katholische Kreise im Frühsommer 1933 erschüttert hatte, macht ein ver- traulicher Brief Adenauers aus Maria Laach deutlich: ãDem Zentrum weine ich keine Träne nach; es hat versagt, in den vergangenen Jahren nicht rechtzeitig sich mit neuem Geiste [sic!] erfüllt. [...] M[eines]. E[rachtens]. ist unsere einzige Rettung ein Monarch, ein Hohenzoller oder meinetwegen auch Hitler [sic!], erst Reichspräsident auf Lebenszeit, dann kommt die folgende Stufe. Dadurch würde die Bewegung in ein ruhigeres Fahrwasser kommen“.34 Eine kleine Gruppe katholischer Akademiker um den Bonner Kirchenhistoriker Wilhelm Neuss, zu der auch Platz zählte, nahm zur selben Zeit bereits den geheimen Kampf gegen die nationalsozialistische Weltanschauung auf. Sie richte- ten beim Kölner Generalvikariat eine Abwehrstelle gegen Rosenbergs ãMythus des 20. Jahrhundert“ ein.35

33. P. FRANKEN, 20 Jahre später. Eine Erinnerung an den Achtzigjährigen zum 5. Januar 1956, in: Akademische Monatsblätter, 68(1956), S. 94.- P. Franken war ein Verbindungsmann Adenauers zu oppositionellen Kreisen im Dritten Reich. 1952-1968 leitete er die Bundeszentrale für Heimat- dienst bzw. politische Bildung. 34. Adenauer am 29. Juni 1933 an Dora Pferdmenges, in: H. P. MENSING (Hrsg.), Adenauer im Dritten Reich, Berlin, 1991, S. 151. Im Februar 1946 verwies Adenauer in einem Privatbrief an einen Bonner Pfarrer auf die gro§e Schuld so- wohl des deutschen Volkes wie der katholischen Bischöfe und des Klerus am Aufstieg des „Dritten Reichs“ und sogar „an den Vorgängen in den Konzentrationslagern“. Daher hielt er eine katholische Schulddiskus- sion aus politischen Gründen nicht für opportun:„Nach meiner Meinung trägt das deutsche Volk und tra- gen auch die Bischöfe und der Klerus eine große Schuld an den Vorgängen in den Konzentrationslagern. Richtig ist, daß nachher vielleicht nicht viel mehr zu machen war. Die Schuld liegt früher. Das deutsche Volk, auch Bischöfe und Klerus zum großen Teil, sind auf die nationalsozialistische Agitation eingegan- gen. Es hat sich fast widerstandslos, ja zum Teil mit Begeisterung auf all den in dem Aufsatz gekennzeich- neten Gebieten gleichschalten lassen. Darin liegt seine Schuld. Im übrigen hat man aber auch gewußt – wenn man auch die Vorgänge in den Lagern nicht in ihrem ganzen Ausmaße gekannt hat –, daß die per- sönliche Freiheit, alle Rechtsgrundsätze, mit Füßen getreten wurden, daß in den Konzentrationslagern große Grausamkeiten verübt wurden, daß die Gestapo, unsere SS und zum Teil auch unsere Truppen in Polen und Rußland mit beispiellosen Grausamkeiten gegen die Zivilbevölkerung vorgingen. Die Judenpogrome 1933 und 1938 geschahen in aller Öffentlichkeit. [...] Ich glaube, daß, wenn die Bischöfe alle miteinander an einem bestimmten Tage öffentlich von den Kanzeln aus dagegen Stellung genommen hätten, sie vieles hätten verhüten können. Das ist nicht geschehen und dafür gibt es keine Entschuldigung. Wenn die Bischöfe dadurch ins Gefängnis oder in Konzentrationslager gekommen wären, so wäre das keine Schande, im Gegenteil. Alles das ist nicht geschehen und darum schweigt man am besten. Ich wei§ bestimmt, da§ der ver- storbene Papst [Pius XI.] mit meinem Urteil genau übereinstimmte“. (H.-P. MENSING (Hrsg.), Konrad Adenauer: Briefe 1945-1947, Berlin, 1983, S. 172f). Vgl. damals zur öffentlichen Schulddiskussion des Klerus im Kontext der Abendlandbewegung: K. KLINKHAMMER, Die deutschen Katholiken und die Schuldfrage, in: Neues Abendland, 1(Oktober 1946), S. 12-16. 35. R. BAUMGÄRTNER, Weltanschauungskampf im Dritten Reich, Mainz, 1977, S. 155. 26 Guido Müller / Vanessa Plichta

Ein Einzelschicksal aus dem Kreis der katholischen Förderer deutsch-französi- scher Annäherung blieb schließlich das des Sozialwissenschaftlers und führenden rheinisch-katholischen Föderalisten Benedikt Schmittmann von der Universität Köln. Seit 1933 wurde er brutal durch die Nationalsozialisten verfolgt, die ihn 1939 unmittelbar nach Kriegsausbruch im Konzentrationslager Sachsenhausen zu Tode folterten.36

II.2. Der ãEuropäische Kulturbund“ und die „Europäische Revue“

Der vom Fronterlebnis geprägte Karl Anton Prinz Rohan37 stellte sich mit seiner Broschüre „Europa“, erschienen 1923 in Max Schelers Verlag „Der Neue Geist“, im gro§deutschen Zusammenhang an die Spitze der Vordenker der ãkonservativen Revo- lution“ und der Freunde des italienischen Faschismus. Der böhmisch-österreichische Publizist gründete nach österreichischen (1922) und französischen (1923) Komitees 1924 in Paris den „Europäischen Kulturbund“ bzw. die „Fédération des Unions Intel- lectuelles“. Dieser Bund diente der überparteilichen und überkonfessionellen Zusam- menfassung der europäischen geistigen, industriellen und aristokratischen Elite mit nationaler und christlicher Gesinnung. Da Wirtschaft, Technik und Verkehr über „kurz oder lang die staatlichen Grenzen sprengen müßten“ war für Rohan die Bildung einer elitären kulturellen Oberschicht „als einzigem Schutz vor Mechanisie- rung“ eine „kulturpolitische Mission von höchster Tragweite“.38 Gegen die Bedrohungen durch chinesischen, sowjetischen und islamischen Expansionsdrang hielt Rohan den rational konstruierten europäischen Großstaat à la Coudenhove Kal- ergi für unrealistisch. Als historisch notwendig erachtete er die ãVereinigten Staaten von Europa“ als „neue große Kuppel“ auf den „nationalen Autonomien als Säulen, auf den heutigen Staaten als Kapitälen“.39 Das demokratisch-parlamentarische System und der damit verbundene Rationa- lismus, Liberalismus und Sozialismus waren für Rohan mit dem Ersten Weltkrieg überlebt. Er ging von einem ãorganisch-lebendigen Geschichtsverlauf“ aus. Rohan rechnete auf die Unterstützung durch „übernationale Wirtschaftsgeneräle“ wie den

36. A. LOTZ, Benedikt Schmittmann, Frankfurt/M. 1949; A. KUHLMANN, Das Lebenswerk Bene- dikt Schmittmanns, Münster, 1971; H. STEHKÄMPER, Benedikt Schmittmann (1872-1939), in: R. MORSEY (Hrsg.), Zeitgeschichte in Lebensbildern, Bd. 6, Mainz, 1984, S. 35ff.; F. GOLCZEW- SKI, Kölner Universitätslehrer und der Nationalsozialismus. Personengeschichtliche Ansätze, Köln/Wien, 1988, S. 184-196; G. BUCHSTAB u.a. (Hrsg.), Verfolgung und Widerstand. 1933-1945. Christliche Demokraten gegen Hitler, Düsseldorf, 1986, S. 74f. 37. Zur Person und zum Folgenden: G. MÜLLER, Jenseits des Nationalismus? ‘Europa’ als Konzept grenzübergreifender adlig-bürgerlicher Elitendiskurse seit dem Ersten Weltkrieg, in: H. REIF (Hrsg.), Adel und Bürgertum in Deutschland. Entwicklungslinien und Wendepunkte im 19. und 20. Jahrhundert. Bd. 2. Berlin, 1999, im Erscheinen; ders., Karl Anton Rohan, in: C. von SCHRENCK-NOTZING (Hrsg), Lexikon des Konservatismus, Graz, 1996, S. 463-465. 38. K. A. ROHAN, Europa, Leipzig, 1923, S. 39. 39. Ebd., S. 35-42. Zwischen Rhein und Donau 27 luxemburgischen Arbed-Direktor Emile Mayrisch, den IG-Farben Verkaufsdirektor Georg von Schnitzler und den französischen Technokraten und Politiker Louis Lou- cheur. Er hoffte auf junge französische Radikalsozialisten – wie Alfred Fabre-Luce, Henri de Jouvenel und Marcel Déat – sowie auf den faschistischen Impuls der jungen Generation in Italien und Spanien. Zur ansehnlichen Reihe der ihm geistig verbunde- nen und ihn persönlich unterstützenden Intellektuellen zählen Max Scheler, Carl Schmitt, Hermann Graf Keyserling, Hugo von Hofmannsthal, Paul Valéry, Le Corbu- sier, Friedrich Dessauer, C. G. Jung, Gonzague de Reynold und Ortega Y Gasset. In Frankreich fand Rohan Aufnahme bei dem Verleger Charles Hayet, bei den Intellektuellen Emile Borel, Paul Langevin und Paul Painlevé. Henri Lichtenberger, Paul Desjardins, Paul Valéry und Martin du Gard schlossen sich seit 1924 der Kultur- bund-Bewegung an. In Österreich unterstützten ihn der christlich-soziale Politiker Ignaz Seipel und der Dichter Hugo von Hofmannsthal. In Deutschland standen hinter ihm die Heidelberger Hochschullehrer Alfred Weber, Arnold Bergstraesser, Ernst Robert Curtius und Ludwig Curtius, von Industrieseite vor allem die IG-Farben durch Georg und Lily von Schnitzler, aber auch der Luxemburger Mayrisch, sowie Helene von Nostitz-Wallwitz, eine Nichte des Reichspräsidenten von Hindenburg und Frau des deutschen Präsidenten des „Deutsch-Französischen Studienkomitees“. Der Heidelberger Absolvent Max Clauss40 wurde auf Empfehlung seiner Lehrer Alfred Weber und Arnold Bergstraesser Redakteur der von Rohan ab 1925 herausge- gebenen angesehenen Kulturzeitschrift „Europäische Revue“. Nach führenden Stel- len im europäischen NS-Propaganda- und Nachrichtendienst setzte er sich nach der Kriegswende 1943 bis 1955 ins Portugal Salazars ab. Sein Nachfolger in der Leitung der Zeitschrift im „Dritten Reich“ wurde Joachim Muras, der in der Bundesrepublik die europäische Kulturzeitschrift „Merkur“ begründete. Die „Europäische Revue“ wurde vom Auswärtigen Amt und ab 1933 auch vom Propagandaministerium mit- finanziert. In der „Europäischen Revue“ leitete in den zwanziger Jahren Bergstraesser den wirtschaftlichen Teil.

40. G. MÜLLER, Der Publizist Max Clauss. Die Heidelberger Sozialwissenschaften und der ãEuro- päische Kulturbund“ (1924/5-1933), in: R. BLOMERT/ H.-U. E§LINGER/ N. GIOVANNINI (Hrsg.), Heidelberger Sozial- und Staatswissenschaften. Das Institut für Sozial- und Staatswissen- schaften zwischen 1918 und 1958, Marburg, 1997, S. 369-409; ders.: ãMitarbeit in der Kulisse ... .“ Der Publizist Max Clauss in den deutsch-französischen Beziehungen von der Weimarer Republik zum 'neuen Europa' (1924-1943), in: LENDEMAINS. Zeitschrift für vergleichende Frankreichfor- schung, Dossier: Mittler, hrsg. von H. M. BOCK, Berlin 22, (1997), Nr. 86/7, S. 20-48. 28 Guido Müller / Vanessa Plichta

Mit der Zeitschrift „Abendland“ pflegte die „Europäische Revue“ eine enge Zusammenarbeit. Das galt nicht nur für den Autorenaustausch und regelmäßige gegenseitige Berichterstattung, sondern auch für die Person des österreichischen Jungkonservativen und kämpferischen Paneuropa-Kritikers Friedrich Schreyvogel.41 Er war Mitbegründer des Kulturbunds in Österreich und 1927/8 Schriftleiter von „Abendland“, später bekannter österreichischer Kulturschriftsteller und Leiter der staatlichen Bühnen in Wien. Gro§e Jahrestagungen veranstaltete der „Europäische Kulturbund“ 1924 in Paris, 1925 in Mailand, 1926 in Wien, 1927 in Heidelberg und Frankfurt, 1928 in Prag und 1929 in Barcelona. Mit diesen Städten ist sowohl in der geographischen Ausdehnung wie in der politischen Orientierung der Schwerpunkt ihrer Aktivitäten umschrieben. Ihre Vertreter traten auch besonders auf dem europäischen Volta-Kongre§ 1932 in Rom hervor, der eine faschistische Initiative der Revisionisten und Nationalisten gegen Briands Europa-Plan war. Die Faschismus-Faszination ist das vorherrschende Kennzeichen des „Europäischen Kulturbundes“, der somit mit dem Ende der euro- päischen Ambitionen des Mussolini-Regimes 1934 auseinanderbrechen mu§te.42

III. Abendlandpropaganda im „Dritten Reich“

Im „Dritten Reich“ hatte die transnationale Abendlandideologie zunächst keine Chancen.43 Dagegen tarnten sich unter dem weiten Reichsbegriff und überlebten auch Ideen der konservativen Abendländer. Erst mit dem Beginn des Vernichtungskrieges

41. F. SCHREYVOGEL, Katholische Revolution, Leipzig, 1924. In der Schriftenreihe ‘Der Neue Geist’, hrsg. von P. REINHOLD, publizierten u.a. die damals jungkonservativen Autoren K. Hil- ler, H. Blüher, E. Lederer, Richard Coudenhove-Kalergi (noch nicht über Europa sondern über „Adel“ sowie über „Apologie der Technik“), K. A. ROHAN „Europa“.- Vgl. auch F. SCHREYVOGEL, Katholizismus und Jugend, Wien, 1924; ders., Paneuropa oder Abendland, in: Abendland, 1(1925/26), S. 175-177; ders., Genf und der abendländische Gedanke, in: ebd., S. 210f.; ders., Der Katholik in der deutschen Erneuerung, in: Der Gral, 27(1932/33), S. 568ff. 42. 1932/33 schloß Rohan sich der Papen-Bewegung „Kreuz und Adler“ an. 1934 brach der Kulturbund an tschechisch-ungarischen Gegensätzen auseinander. Seit 1935 gehörte Rohan den illegalen österreichischen Nationalsozialisten an. 1936 gab er die Herausgeberschaft der „Europäischen Revue“ auf. Seine tragisch-illusio- nären Versuche, ein Bündnis von Katholizismus, Faschismus und Nationalsozialismus gegen Bolschewismus, Liberalismus und die Kriegsgefahr zu schmieden, gipfelten in seinem Hauptbuch Schicksalsstunde Europas von 1937. Das in Graz verlegte Werk konnte nur auf Intervention führender Industriekreise im „Dritten Reich“ zugelassen werden. Der Anschluß Österreichs, die Judenprogrome nach 1938 und der Krieg führten Rohan im- mer stärker in Distanz zum „Dritten Reich“. Nach dem Krieg spielte der jungkonservative elitäre Publizist in Österreich nur noch eine rechte Randexistenz. Ich danke Herrn Christoph von Thienen-Adlerflycht (Freilassing) für seine Hinweise, die durch Recherchen im Österreichischen Bundesarchiv bestätigt wurden. 43. Zur Geschichte der „Abendland“-Idee im „Dritten Reich“ und den Kontinuitäten über 1933 bis 1945 hin- weg liegen bisher kaum wissenschaftlich gesicherte Erkenntnisse vor. Vgl. demnächst D. PÖPPING, op. cit. (Anm. 2). Daher erheben die nachfolgenden Überlegungen keinerlei Anspruch auf Vollständigkeit; sie sollen vielmehr als erste Anregung dienen. Vgl. zum wissenschaftsgeschichtlichen Kontext der Europa- und Abendlandforschung deutscher Geisteswissenschaftler F.-R. HAUSMANN, Deutsche Geistes- wissenschaft im Zweiten Weltkrieg. Die Aktion Ritterbusch (1940-1945), Dresden 1998. Zwischen Rhein und Donau 29 gegen die Sowjetunion wurden die propagandistischen Vorzüge des „Abendlandes“ entdeckt. Hitler selbst übernahm erst im gefährlichsten Moment von Stalingrad im Januar 1943 die Abendland-Phraseologie. Er telegraphierte an den Oberkommandier- enden Paulus: ãVerbiete Kapitulation. Die Armee [...] leistet durch ihr heldenhaftes Ausharren einen unverge§lichen Beitrag zum Aufbau der Abwehrfront und der Rettung des Abendlandes“.44 Himmler forderte 1942: ãNach dem gro§deutschen Reich kommt das germanische Reich, dann das germanisch-gotische Reich bis zum Ural, und vielleicht dann auch noch das gotisch-fränkisch-karolingische Reich“.45 Damit lie§ auch Himmlers SS unter den Vorzeichen des Krieges gegen die Sowjet- union karolingisch-abendländische Assoziationen zu, um Anhänger und Unter- stützung außerhalb Deutschlands zu gewinnen. Bezeichnenderweise erhielt auch die 1944 zum Kampf gegen die Sowjetunion aus französischen Freiwilligeneinheiten gebildete Waffen-SS-Division den Namen „Charlemagne“ zur Verteidigung des abendländischen Europa. Ihr Kommandeur, ein- schlie§lich der letzten Schlacht um Berlin, war Gustav Krukenberg, der deutsche Generalsekretär und Büroleiter des „Mayrisch-Komitees“ in Paris von 1926 bis 1931. 1933 wurde er für einige Monate der Reichsrundfunkkommissar für Goebbels. Nach seiner Rückkehr aus russischer Kriegsgefangenschaft leitete Krukenberg ab 1956 die Deutsch-Französischen Jugendwochen im Verband der Heimkehrer. Er war ein füh- rendes und von Adenauer hoch ausgezeichnetes Kuratoriumsmitglied der „Deutsch-Französischen Gesellschaften“.46 Im konservativ-nationalen deutschen Widerstand der Gruppe Goerdeler-Hassell- Stauffenberg blieben politische Leitbilder vom „Reich als europäischer Ordnungs- macht“ und von der Einigung des „Abendlandes unter deutscher Führung“ bestim- mend.47 So konnten sich diese Vorstellungen auch über diese Verbindung in die Nach- kriegszeit konservieren Ð geadelt sozusagen durch die Blutopfer des 20. Juli 1944. Im katholischen Milieu der Nachkriegszeit prägte der Kirchenkampf seit 1935 den Blick auf die „Abendland“-Ideologie, die nun als Abwehr gegen den nationalsozialistischen und gegen den kommunistischen Totalitarismus im Osten ver-

44. M. DOMARUS, Hitler. Reden und Proklamationen. 1932-1945. Bd.2, Würzburg, 1963, S. 1974. Vgl. dazu F. HEER, Der Glaube des Adolf Hitler. Anatomie einer politischen Religiösität, Mün- chen, 1968, S. 425. 45. Zit. nach B. WEGNER, Hitlers politische Soldaten: Die Waffen SS. 1933-1945, Paderborn, 1982, S. 48. 46. A. MERGLEN, Soldats français sous uniforms allemands. 1941-45: LVF et Waffen-SS-Français, in: Revue d'histoire de la Deuxième Guerre Mondiale, 1978; J. MABIRE, Berlin im Todeskampf. 1945, Preu§isch Ollendorf, 1977; W. KOPELKE, Ein Mann kämpft gegen Vorurteile und Legen- den, in: Der Heimkehrer, 15.2.1978; B. van DEENEN, Dr. Gustav Krukenberg. 1888-1978, 10 S., Redemanuskript des Präsidenten der Deutsch-Französischen Gesellschaft Bonn 1978 (unveröf- fentlicht); Versöhnung zwischen Deutschland und Frankreich. Unserem Kameraden Dr. G. Kru- kenberg zum Gedächtnis, in: Der Freiwillige, 1981, H. 2, S. 21. 47. H. GRAML, Die au§enpolitischen Vorstellungen des deutschen Widerstandes, in: W. SCHMITT- HENNER/H. BUCHHEIM (Hrsg.), Der deutsche Widerstand gegen Hitler, Köln/Berlin, 1966, S. 30, 38. Vgl. U. von HASSELL (Pseudonym Augustin), Untergang des Abendlandes?, in: Monats- hefte für Auswärtige Politik, 8(1941), S. 599ff.; dieser Aspekt fehlt bei G. SCHÖLLGEN, U. von HASSELL, 1881-1944. Ein Konservativer in der Opposition, München, 1990. 30 Guido Müller / Vanessa Plichta standen werden konnte. In Prag erschien 1938 einmalig eine katholische Exilzeitschrift unter dem Titel „Abendland“, herausgegeben von Hugo Rokyta, Rudolf Möller-Dostali und Friedrich Muckermann. Sie trug den Untertitel ãUnab- hängige deutsche europäische Stimmen für christliche Gesellschaftserneuerung“. Die Zeitschrift propagierte ähnlich wie andere konservativ-katholische Exilzeitschriften in Distanz zum italienischen Faschismus das Konzept des christlichen Ständestaates – wie im Österreich Schuschniggs – und die Staatsführung durch eine Eliteschicht.48 Hieran konnte die 1946 begründete Zeitschrift mit dem Titel ãNeues Abendland“ direkt anknüpfen.

IV. Die „Abendland“-Idee nach 1945

Die bereits erwähnte Tatsache, daß die Nationalsozialisten dem „Abendland“ nie- mals jenen propagandistischen Stellenwert eingeräumt hatten, den das „Reich“ besaß, ermöglichte nach dem Zweiten Weltkrieg die Revitalisierung des in der Weimarer Republik so aktuell gewordenen Begriffes. In den Jahren nach der völli- gen Übersteigerung und Pervertierung des Nationalstaatgedankens erfreute sich das „Abendland“ bei Politikern, Intellektuellen, den Kirchen und Publizisten gro§er Beliebtheit: es entwickelte sich zu einem der zentralen Schlagworte des ersten Nachkriegsjahrzehnts.49 Seine übernationale, christlich-kulturelle Konnotie- rung trug in einer nach festen Werten suchenden Zeit sicherlich zu seiner Konjunk- tur bei. Zwar akzeptiern alle Seiten des politischen und konfessionellen Spektrums, selbst jene, denen das „Abendland“ traditionsgemäß eher fern lag – wie Sozialde- mokraten oder Protestanten Ð, in den ersten Nachkriegsjahren den Begriff als sinn- stiftende Leitvokabel der Deutschen auf dem Weg zurück in die Kulturgemein- schaft der europäischen Völker. Doch blieb das „Abendland“ primär, wie auch in früheren Jahrzehnten, eine Bastion der Konservativen. In modifizierter Form erlebte in diesem Rahmen auch das „Abendland“ der Zwischenkriegszeit in der jungen Bundesrepublik eine neue Blütezeit, welche – getragen von einer Gruppe Katholisch-Konservativer – bis in die späten fünfziger Jahre anhielt.

48. L. MAAS, Handbuch der deutschen Exilpresse 1933-1945. Bd.4: Die Zeitungen des deutschen Exils in Europa von 1933 bis 1939 in Einzeldarstellungen. München, 1990, S. 476f.; G. DOTZAUER, Die Zeit- schriften der deutschen Emigration in der Tschechoslowakai, Wien, 1971, S. 304ff.; G. MÜLLER, Das Europaverständnis konservativ-katholischer Exilzeitschriften, in: M. GRUENEWALD (Hrsg.), Le discours européen dans les reuves allemandes (1933-1939), Bern 1999, noch nicht erschienen. 49. Zur „abendländischen Bewegung“ der Nachkriegszeit liegt seit kurzem die in FN 2 genannte Arbeit von A. SCHILDT, Zwischen Abendland und Amerika, vor. Schildt läßt jedoch die europäische Orien- tierung und Dimension der Bewegung weitgehend au§er acht. Siehe au§erdem: A. DORNHEIM, Adel in der bürgerlich-industrialisierten Gesellschaft. Eine sozialwissenschaftlich-historische Fall- studie über die Familie Waldburg-Zeil, Frankfurt/M. u.a., 1993, S. 358-367; I. LAURIEN, Politisch-Kulturelle Zeitschriften in den Westzonen. 1945-1949. Ein Beitrag zur politischen Kultur der Nachkriegszeit, Frankfurt/M. u.a., 1991. Zwischen Rhein und Donau 31

IV.1. Das ãNeue Abendland“

Ihren Anfang nahm die „abendländische Bewegung“ der zweiten Nachkriegszeit 1946 mit der Gründung der Zeitschrift „Neues Abendland“ durch Johann Wilhelm Naumann.50 Mit dieser Namensgebung knüpfte Naumann direkt an das von Hermann Platz herausgegebene „Abendland“ der Zwischenkriegszeit an und konnte auf diesem Wege ehemalige Mitstreiter und Anhänger des verstorbenen Bonner Romanisten um sich scharen.51 Die personelle und inhaltliche Verankerung im rheinischen Föderalis- mus blieb dementsprechend in den ersten Jahrgängen der Zeitschrift erhalten, auch wenn das ãNeue Abendland“ in Augsburg erschien. Benedikt Schmittmann, dessen Witwe sich dem Kreis um die Zeitschrift anschloß, bildete die zentrale Identifika- tionsfigur der versammelten Autoren, wobei neben aller berechtigten Bewunderung für den Widerstand Schmittmanns die Beschwörung seines Märtyrertodes auch eine willkommene Einordnung des „abendländischen“ Gedankengebäudes in Wider- standskreise des „Dritten Reiches“ ermöglichte. Ähnlich wie in der Zwischenkriegszeit standen im ãNeuen Abendland“ in den ersten beiden Nachkriegsjahren tagespolitische Erörterungen eher im Hintergrund verglichen mit einer Behandlung kultureller, theologischer aber auch philosophischer Fragen. Erklärtes Ziel dieser Überlegungen blieb die Wiedereingliederung Deutsch- lands in die abendländische Wertegemeinschaft. Dabei ging es in den ersten beiden Jahren „abendländischer“ Aktivität nicht oder nur ganz am Rande um konkrete poli- tische Konzepte zur Einigung Europas bzw. zur politischen Wiedereingliederung Deutschlands in die europäische Staatengemeinschaft. Vielmehr legitimierte die Rede vom Abendland, die Betonung der christlichen Kultur- und Werteeinheit der europäischen Völker und ihrer gemeinsamen Vergangenheit im Sacrum Imperium Deutschlands Platz unter den Völkern Ð seinen moralischen Platz, den es sich durch die Greuel des Nationalsozialismus verspielt zu haben schien. Grundlage einer solchen moralischen Wiedereingliederung konnte nach „abendländischer“ Über- zeugung demnach nur eine radikale Umkehr, eine radikale Rechristianisierung sein, eine Forderung, die an die katholische Erneuerungsbewegung und damit den „Abendland“-Kreis der zwanziger Jahre anschlo§.52

50. Johann Wilhelm Naumann, geb. am 7. Juli 1897 in Köln, war nach dem Studium der Philosophie, Geschichte und Literatur bereits in der Weimarer Republik in der katholischen Presse tätig. Nach dem Ende des Nationalsozialismus, welchen er beim Päpstlichen Missionswerk in Aachen über- dauert hatte, wurde er zum Vorsitzenden des „Vereins der Bayerischen Zeitungsverleger“ gewählt und erhielt zusammen mit dem Sozialdemokraten Curt Frenzel eine Lizenz für die „Schwäbische Landeszeitung“. Sein eigentliches Ziel blieb aber die Herausgabe einer katholischen Tageszeitung. Dies erreichte er 1948 mit der „Augsburger Tagespost“. Das „Neue Abendland“ erschien bis 1951 im Hausverlag der „Schwäbischen Landeszeitung“. Johann Wilhelm Naumann gab ab 1951 die „Deutsche Tagespost“ heraus. Er starb am 1. Mai 1956 in Würzburg. 51. So u.a. Helene Schmittmann, Ferdinand Kirnberger, Hans Weinzierl. 52. Mit der Forderung nach Rechristianisierung standen die „Abendländer“ nach 1945 nicht allein, vgl.: M. GRESCHAT, ãRechristianisierung“ und „Säkularisierung“. Anmerkungen zu einem europäi- schen Interpretationsmodell, in: A. DOERING-MANTEUFFEL / J.-CH. KAISER (Hrsg.), Christen- tum und politische Verantwortung. Kirchen im Nachkriegsdeutschland, Stuttgart, u.a., 1990, S. 1-24. 32 Guido Müller / Vanessa Plichta

Dies galt den „Abendländern“ freilich nicht nur für Deutschland, sondern auch für die anderen europäischen Völker, die seit der Auflösung des mittelalterlichen Reiches eine ähnlich säkulare Entwicklung wie Deutschland durchgemacht hätten; aus dieser Überzeugung heraus suchten – und fanden – die „Abendländer“ Gesin- nungsgenossen in der Schweiz, in Belgien, Frankreich und Italien, in Francos Span- ien und Salazars Portugal. Es müsse darum gehen, sich vom Materialismus und Indi- vidualismus der Aufklärung zu lösen und sich rückzubesinnen auf religiösen Grundlagen: ãMit dem christlichen Glauben allein kann Europa wieder auferste- hen“.53 Einhergehen mit dieser Rechristianisierung sollte die Verwirklichung eines „Christlichen Sozialismus“ als Drittem Weg zwischen Kapitalismus und Sozialismus, der schließlich ganz Europa zu einer „Dritten Kraft“ zwischen Ost und West machen sollte. Diese schon deutlich politische Forderung wurde allerdings nur sehr vorsichtig geäußert. Zum einen entsprach sie eben nicht dem Selbstverständnis des „Neuen Abendlandes“ als Kulturzeitschrift, zum anderen bot die Lage der Deutschen in den ersten beiden Nachkriegsjahren kaum Anlaß für die europäischen Nachbarvölker belehrende Überlegungen. Die Positionen des ãNeuen Abendlandes“ wandelten sich indes bereits in den späten vierziger Jahren. Eingeleitet wurde dieser Proze§ durch einen Wechsel in der Chefredak- tion der Zeitschrift, welche ab 1948 in den Händen des Sudetendeutschen, ehemaligen Sozialdemokraten und späteren „konservativen Revolutionärs“ Emil Franzel lag, der in den drei§iger Jahren deutlich mit dem Nationalsozialismus sympathisiert hatte und nach dem Zweiten Weltkrieg von konservativ-katholischem Standpunkt die Interessen der sudetendeutschen Vertriebenen publizistisch vertrat.54 In diesem Zusammenhang ist auf- fällig, wie viele jener Protagonisten, die sich vor und nach dem Zweiten Weltkrieg für die europäische Verständigung – in welcher Form auch immer Ð einsetzten, im ehemaligen Österreich-Ungarn geboren waren bzw. entscheidende Prägungen in Wien erlebten. Eine Verbindung zwischen individueller, und nicht selten adeliger, Sozialisation im ehemaligen

53. SPECKNER: Rückkehr zu Europa, in: Neues Abendland, 3(1948), 5, S. 151, (im folgenden: NA). 54. Emil Franzel, geb. am 29. Mai 1901 in Haan/Böhmen, studierte in Prag, München und Wien Ge- schichte und Germanistik. Nach der Promotion (1925) arbeitete er als Journalist, bis 1934 als Leiter des sozialdemokratischen Parteibildungswesens. Von 1934 bis 1937 wurde er au§enpolitischer Redakteur der Prager Zeitung ãSozialdemokrat“ und nahm in dieser Zeit enge Kontakte zu der Zeit- schrift „Der christliche Ständestaat“ auf. Er lernte Otto Strasser kennen und schrieb für dessen Wo- chenzeitung „Deutsche Revolution“. 1936 veröffentlichte Franzel sein Werk Die abendländische Revolution, welches er selbst noch im „Neuen Abendland“ als der Konservativen Revolution zuge- hörig betrachtete [NA 5(1950), 11, S. 445-453]. Diese zunehmende Rechtswendung im Verlauf der drei§iger Jahre brachte ihn an den Rand eines Parteiausschlusses aus der SPD, welchem er durch eigenen Austritt 1937 zuvorkam. Zwar beförderte ihn die sudetendeutsche SPD, die ihn weiterhin für einen Gegner des Nationalsozialismus hielt, noch auf den Direktorenposten des Volksbildungsinsti- tutes „Urania“, doch Franzel trat der Sudetendeutschen Partei bei und paßte sich der veränderten Zeit an: „Da wir als Deutsche hier leben und wirken, werden wir Nationalsozialisten sein“. Nach 1939 arbeitete Franzel als Bibliothekar und lie§ sich nach Kriegsende und Vertreibung in Bayern nieder, wo er schon bald seine journalistische Karriere fortsetzen konnte, so beim „Neuen Abendland“, der „Deutschen Tagespost“, der Vertriebenenzeitschrift „Volksbote“ in München, aber auch beim „Bayerischen Staatsanzeiger“. Emil Franzel starb am 3. Juli 1976. Vgl. seine Memoiren: ders., Gegen den Wind der Zeit. Erinnerungen eines Unbequemen, Eichstätt, 1983. Zwischen Rhein und Donau 33

Vielvölkerstaat und der Bereitschaft, den Nationalstaat zu transzendieren, scheint evident. Neben Franzel wären beispielweise Richard Graf Coudenhove-Kalergi, Eugen Kogon, Otto von Habsburg, Karl Anton Prinz Rohan zu nennen. Unter Franzels Verantwortlichkeit entwickelte das ãNeue Abendland“ sein für die fünfziger Jahre typisches Profil, wobei der Ton der Zeitschrift insgesamt deutlich tagespolitischer, kritischer und schärfer wurde. Die linkskatholischen Positionen ver- schwanden, der Bezug auf Schmittmann wurde abgelöst durch ganz andere Vorbilder und Bezugspunkte: altbekannte Topoi der ãKonservativen Revolution“, Antiliberalis- mus, Antiparlamentarismus und ständestaatliche Orientierung, die Idealisierung monar- chischer Vorbilder und, bedingt durch Franzels sudetendeutsche Herkunft, der mitteleu- ropäische Raum und die Vertriebenenproblematik. Daneben hatte auch die Veränderung des weltpolitischen Klimas ihren Anteil an der Akzentverschiebung. Der beginnende Kalte Krieg und, damit einhergehend, ein massiver Antikommunismus fanden durch Franzels Feder Eingang in die Zeitschrift und prägten sie ganz maßgeblich. Das „Neue Abendland“ schlug so einen deutlich rechtskonservativen Kurs ein und positionierte sich am „äußersten rechten Rand der katholischen Zeitschriftenlandschaft“.55 Damit knüpfte man nun nicht mehr an das Platzsche „Abendland“ an, sondern stärker an jenen Teil des „Abendland“-Kreises, der sich im Katholischen Akademikerverband um eine Annäherung an den Nationalsozialismus bemüht hatte. Verstärkt wurde diese von Franzel eingeleitete Entwicklung durch den Verkauf des ãNeuen Abendlandes“ an den oberschwäbischen Adeligen Erich Fürst von Wald- burg-Zeil.56 Mit dem Besitzerwechsel fand die Zeitschrift ihren neuen Schwerpunkt definitiv im süddeutsch-österreichischen Raum, gegenüber dem sich die rheinische Orientierung vollständig verlor. Der neue Herausgeber Gerhard Kroll57 gehörte ins Zentrum jener katholischen Streiter, denen an einer ãRevision“

55. D. von der BRELIE-LEWIEN, Abendland und Sozialismus. Zur Kontinuität politisch-kultureller Denkhaltungen im Katholizismus von der Weimarer Republik zur frühen Nachkriegszeit, in: D. LEHNERT/K. MEGERLE (Hrsg.), Politische Teilkulturen zwischen Integration und Polarisie- rung. Zur politischen Kultur in der Weimarer Republik, Opladen, 1990, S. 188-219, S. 207. 56. Erich Fürst von Waldburg zu Zeil und Trauchburg, geb. am 21. Aug. 1899, gründete 1930 zusammen mit Fritz Gerlich die katholische Zeitschrift „Gerader Weg“, welche versuchte, dem aufkommenden National- sozialismus Widerstand zu leisten. Ihr Erscheinen wurde 1933 eingestellt; Gerlich wurde von den National- sozialisten ermordet. Am 24. Mai 1953 kam Fürst Waldburg-Zeil bei einem Autounfall ums Leben. Zur Familie Waldburg-Zeil siehe: DORNHEIM A., Adel in der bürgerlich-industrialisierten Gesellschaft. Eine sozialwissenschaftlich-historische Fallstudie über die Familie Waldburg-Zeil, Frankfurt/M. u.a., 1993. Titel siehe auch FN 49. 57. G. Kroll, geb. am 20. Aug. 1910 in Breslau, studierte Staatswissenschaften und Volkswirtschaft in Breslau, Wien und Berlin. Nach der Promotion und einem Volontariat bei Siemens & Halske stu- dierte er von 1929 bis 1938 Philosophie und Religionswissenschaften in Berlin. Dieses Studium führte ihn zum aktiven Katholizismus. 1938 bis 1942 arbeitete er als Statistiker und nahm von 1943 bis 1945 am Zweiten Weltkrieg teil. Vor 1933 hatte Kroll der SPD angehört, nach Kriegsende be- gründete er die CSU in Bamberg mit, war Mitglied des Ausschusses der CSU für Zwischenstaat- liche Angelegenheiten, 1946/47 Vorsitzender des CSU-Bezirksverbandes Oberfranken, Landrat in Staffelstein und Mitglied des Landesvorstandes der CSU. Kroll war Mitglied des Parlamentari- schen Rates, zog sich dann aber aus der aktiven Politik zurück. Von 1949 bis 1951 war er Ge- schäftsführer des Instituts zur Erforschung der nationalsozialistischen Zeit, danach gab er das „Neue Abendland“ heraus. Gerhard Kroll starb am 10. Nov. 1963. 34 Guido Müller / Vanessa Plichta

des preu§isch-nationalstaatlich orientierten Geschichtsbildes gelegen war. Von 1949 bis 1951 kommissarischer Leiter des Institutes zur Erforschung der nationalso- zialistischen Zeit, des späteren Instituts für Zeitgeschichte in München, hatte er sich Hoffnungen gemacht, selbst die Stelle des ersten Institutsvorsitzenden besetzen zu können. Dies scheiterte allerdings am Widerspruch Gerhard Ritters.58 Kroll wandte sich daraufhin der Publizistik zu, wobei ihm die antipreu§ische Ausrichtung des ãNeuen Abendlandes“ weit entgegenkam.

IV.2. „Abendländische Aktion“ und „Abendländische Akademie“

Gerhard Krolls Aktivitätsdrang reichte die Publikation einer Zeitschrift indes nicht aus: Bereits in der ersten Nummer unter Krolls Leitung wurde den Lesern mit- geteilt, daß man nun „in die Phase kämpferischer Auseinandersetzungen eintrete“.59 Er annoncierte die Gründung einer „Abendländischen Aktion“ und beschrieb deren Grundpositionen in zwei kleinen Schriften.60 In ihnen stellte er das politisch-gesell- schaftliche System der jungen Bundesrepublik grundsätzlich in Frage und schlug stattdessen „Ordnungsmodelle“ vor, die, in jeder Beziehung antimodern, die Errun- genschaften der Moderne vom Parlamentarismus bis zur Großindustrie überwinden helfen sollten. Die Gründungsveranstaltung der „Abendländischen Aktion“ fand im August 1951 in München statt – doch noch vor ihrer ersten öffentlichen Kundgebung geriet die „Aktion“, insbesondere wegen der beiden Pamphlete Krolls, in die öffentli- che Kritik.61 Dies mag dazu beigetragen haben, da§ schon wenige Monate nach die- ser Gründung in „abendländischen“ Kreisen neu geplant wurde. Man beschloß, eine elitär geprägte „Abendländische Akademie“ ins Leben zu rufen, einen Kreis, „dem nicht nur die geistige Gemeinsamkeit der europäischen Völker über dem engen Nationalismus hinaus am Herzen liegt, sondern der sich auch bemüht, das eigentliche Wesen wahrer abendländischer Kultur in Vergangenheit und Gegenwart, die Ursachen des Jahrhunderte währenden Verfallsprozesses, die echten oder scheinbaren Ansätze einer heutigen Erneuerung im Für und Wider, in Gesprächen und Referaten zu klären“.62

58. Vgl. W. SCHULZE, Deutsche Geschichtswissenschaft nach 1945, München, 1989, S.229-242; zur Gründung des Instituts für Zeitgeschichte: H. AUERBACH, Die Gründung des Institutes für Zeit- geschichte, in: Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, 18(1970), S. 529-554. 59. An die Leser, in: NA 6 (1951) S. 145. 60. G. KROLL, Grundlagen der abendländischen Erneuerung, München, 1951.; ders., Das Ord- nungsbild der Abendländischen Aktion, München, 1953. 61. Vgl. die abendländische Verteidigung in: NA, 6(1951), 11, S. 652-653 und NA, 7(1952), 4, S. 242-245. 62. Abendländische Akademie, in: NA, 7(1952), 7, S. 447. Zwischen Rhein und Donau 35

Erster Vorsitzender der Akademie war Friedrich August Freiherr von der Heydte, der in der Zwischenkriegszeit dem Katholischen Akademikerverband angehört und an der Dritten Tagung des Verbandes 1933 in Maria Laach teilgenommen hatte, deren Bemühungen um Annäherung an den Nationalsozialismus er damals zustimmend kommentierte.63 Er leitete den Vorstand, das oberste Entscheidungsgremium der Akademie.64 Hinzu traten ein Beirat65 und ein Kuratorium, welche die Tätigkeit des Vorstands unterstützten. Das Kuratorium sollte nach der Satzung der „Abendländi- schen Akademie“ aus „hervorragenden Persönlichkeiten des geistigen, kulturellen, politischen oder wirtschaftlichen Lebens bestehen“, und in der Tat setzte es sich aus einer ganzen Reihe prominenter Persönlichkeiten des öffentlichen Lebens der jungen

63. Vgl. F. A. FREIHERR von der HEYDTE, Die Katholiken im neuen Deutschland. Dritte soziolo- gische Tagung des Katholischen Akademikerverbandes in Maria Laach vom 21. bis 23. Juli 1933, in: Schönere Zukunft, 8(1932/33), S. 1131ff.; ders., Katholizismus, Nationalsozialismus und Reichsidee. Zur Dritten soziologischen Tagung des Katholischen Akademikerverbandes, in: Zeit und Volk, 1(1933), S. 207ff. Friedrich August Freiherr von der Heydte, geb. am 30. März 1907 in München, studierte Jura und trat mit 18 Jahren in die Reichswehr ein. Bis 1935 arbeitete er als wissenschaftlicher Assistent in Wien und Münster, entschloß sich aber 1936 wieder aktiver Soldat zu werden. Vermutlich bewarb er sich um Aufnahme in der SS, wobei bisher nicht eindeutig zu klären ist, ob die Bewerbung er- folgreich war. Im Dezember 1944 wurde von der Heydte bei der Ardennenoffensive gefangenge- nommen. Nach der Rückkehr aus der Gefangenschaft habilitierte er sich, wurde 1951 nach Mainz und 1954 nach Würzburg berufen, wo er bis zu seiner Emeritierung 1975 Staatsrecht lehrte. Dar- über hinaus machte von der Heydte als Reserveoffizier in der Bundeswehr Karriere, wo er 1968 zum Brigadegeneral d.R. aufstieg. Von der Heydte vertrat die Bundesregierung vor dem Bundes- verfassungsgericht zur Frage der Parteienfinanzierung durch steuerbegünstigte Spenden und tat sich während der Spiegel-Affäre durch eine Anzeige gegen das Blatt wegen Landesverrats hervor. Bereits 1947 war er der CSU beigetreten und gehörte neben der „Abendländischen Akademie“ noch einer Reihe anderer konservativer Vereinigungen an, so dem „Deutschen Kreis“, dem Verein „Westliches Wehrwesen“, dem Komitee „Rettet die Freiheit“ und dem „Ritterorden vom heiligen Grab“; von 1948 bis 1956 war er Mitglied des Zentralkomitees deutscher Katholiken. Friedrich August Freiherr von der Heydte starb am 7. Juli 1994. Seine Lebenserinnerungen geben einen tie- fen Einblick in die Weltanschauung eines der führenden Köpfe der „Abendländischen Bewegung“: ders., Muß ich sterben – Will ich fallen.... Ein „Zeitzeuge“ erinnert sich, Berg am See, 1987. Neben von der Heydte fanden sich in den Kreisen der „Abendländischen Akademie“ noch weitere Vertreter der Reichs- und Abendlandideologie der Zwischenkriegszeit, so z.B. Werner Bergen- gruen, Ernst Deuerlein, Alois Dempf, Wilhelm Stählin, Hans Assmussen. 64. Im Vorstand der Abendländischen Akademie befanden sich: Friedrich August Freiherr von der Heydte, Georg Fürst von Waldburg zu Zeil und Trauchburg, Wilhelm Stählin, Pater Franz Georg Waldburg, Eberhard Fürst von Urach, Wolfgang Heilmann, Ritter Georg von Gaupp-Berghausen, Georg Stadtmüller, Helmut Ibach. 65. Dem Beirat der Abendländischen Akademie gehörten u. a. aus Deutschland Hans Assmussen (Probst in Kiel), Prof. Dr. Karl Buchheim, Prof. Dr. Ernst von Hippel, Dr. theol. Johannes Pinsk, Kirchenrat Dr. Karl Bernhard Ritter (Dekan der Universität Marburg) und Prof. Dr. Michael Schmaus an. Ferner kamen aus anderen Ländern folgende Mitglieder hinzu: aus Österreich Prof. Dr. Thomas Michels (Direktor der Salzburger Hochschulwochen); aus der Schweiz Werner Bergengruen, Dr. Max Picard, Dr. Alfons Rosenberg; aus Frankreich M.A. Dauphin-Meunier (Professor an der Faculté libre de Droit, Paris), Comte Robert d'Harcourt (Mitglied der Académie Française), Paul Lesourd (Prof. an der Kath. Universität in Paris), Prof. Gabriel Marcel; aus Spa- nien Alfredo Sánchez Bella (Direktor des Instituto de Cultura Hispánica, Madrid), Prof. Francisco Elias de Tejada y Spinola (Ord. für Öffentl. Recht in Sevilla); aus England Valentin Tomberg. 36 Guido Müller / Vanessa Plichta

Bundesrepublik zusammen, darunter einer erstaunliche Anzahl von führenden Politi- kern der CDU/CSU,66 Vertretern der katholischen Kirche67 und Adeligen.68 Von Beginn an bemühte sich die „Abendländische Akademie“ um Überkonfes- sionalität, und tatsächlich fanden sich in ihren Reihen auch einige Protestanten.69 Jedoch können diese protestantischen Abendländer wohl eher als „Randständige“ denn als typische Vertreter ihrer Kirche gelten. Führende Kräfte der evangelischen Kirchen, aber auch evangelische Vertreter der CDU wahrten dagegen immer Distanz zur „abendländischen Bewegung“. Ebenso wie das Bemühen um Überkonfessional- ität war den „Abendländern“ Internationalität ein Anliegen, so da§ verschiedene aus- ländische Vertreter dem Kuratorium der Akademie angehörten.70 Dennoch fehlte der abendländischen Bewegung der Nachkriegszeit in den fünfziger Jahren die überna- tionale Organisation, welche sowohl verschiedene europäische Verständigungsbewe- gungen der Zwischenkriegszeit, wie den „Europäischen Kulturbund“ oder die ãPaneuropa-Union“, aber auch die europäischen Massenbewegungen der Nachkrieg- szeit, etwa die Europa-Union, auszeichnete.71 Anders als die „Abendländische Aktion“ trat die „Abendländische Akademie“ nicht mit einem umfassenden gesell- schaftlichen Umgestaltungsanspruch auf. Vielmehr verstanden sich ihre Anhänger als

66. Z.B. Heinrich von Brentano (Fraktionsvorsitzender der CDU im Bundestag, ab 1955 Bundes- außenminister), Alois Hundhammer (CSU, Präsident des Bayerischen Landtages), Hans Hutter (CSU, Oberbürgermeister von Eichstätt), Richard Jaeger (MdB CSU, später Vizepräsident des Deutschen Bundestages), Hans-Joachim von Merkatz (MdB DP, später Bundesratsminister), Her- mann Pünder (MdB CDU), Hans Schuberth (CSU, Bundespostminister), Theodor Steltzer (CDU, Ministerpräsident a.D. von Schleswig-Holstein), Theodor Oberländer (MdB, Bundesvertriebenen- minister), Franz-Joseph Wuermeling (CDU, Bundesfamilienminister). 67. Z.B. Basilius Ebel (Abt von Maria Laach), Lorenz Jaeger (Erzbischof von Paderborn), Hugo Lang (Abt von St. Bonifaz und Andechs, München), Joseph Schröffer (Bischof von Eichstätt). 68. Neben Vertretern des Hauses Waldburg-Zeil z.B. Eberhard Fürst von Urach, Freiherr Elimar von Fürstenberg, Rudolf Lodgman von Auen (Vorsitzender des Verbandes der Landsmannschaften), Hasso von Manteuffel, Walter von Keudell. 69. So z.B. Wilhelm Stählin (ehem. Landesbischof von Oldenburg), Hans Assmussen, Hans Dombois, Karl-Bernhard Ritter. 70. So z.B. aus Österreich Dr. Gustav Canaval (Chefredakteur der „Salzburger Nachrichten“), Dr. Theodor von Hornborstel (Gesandter und Bevollmächtigter Minister a.D.), Baron Carl Karwinsky (Staatssekretär a.D.), Erik von Kuehnelt-Leddhin, Graf Peter Reverta, Dr. Alfons Tomicic-Dalma (Außenpolitischer Kommentator und stellv. Chefredakteur); aus Frankreich René Gillouin (Re- dakteur); aus Liechtenstein Prinz Heinrich von Liechtenstein. 71. Dies änderte sich erst, nachdem die abendländische Bewegung in der Bundesrepublik im Anschluß an die Feierlichkeiten zur Lechfeldschlacht (s.u., Teil IV.4) in die öffentliche Kritik geraten war. Fortan konzentrierten sich die Verantwortlichen auf die Arbeit im sogenannten „Europäischen Do- kumentations- und Informationszentrum“. Dabei handelte es sich um einen kleinen Zirkel europäi- scher Konservativer, an deren Spitze Otto von Habsburg stand. Die Mitglieder versammelten sich zu regelmäßigen Treffen in Spanien und vertraten inhaltlich ein ganz ähnliches Programm wie die „abendländische Bewegung“. Allerdings verzichtete das „Europäische Dokumentationszentrum“ fast vollständig auf eine Wirkung in breitere Bevölkerungsschichten. Vielmehr ging es nun darum, über persönliche Beziehungen und Netzwerke auf Regierungsmitglieder der europäischen Länder Einfluß zu nehmen. Von deutscher Seite sind als regelmäßige Teilnehmer neben der Familie Wald- burg-Zeil, die das Unternehmen ma§geblich finanzierte, vor allem Hans-Joachim von Merkatz und Richard Jaeger zu nennen. Zwischen Rhein und Donau 37 intellektuelle Elite, die Anregungen zur gesellschaftlichen Neugestaltung und euro- päischen Einigung geben wollte – man bemühte sich sogar um Politikberatung auf höchster Ebene.

IV.3. Die „Abendländische Bewegung“ und Adenauer

Die „Abendländer“ zollten dem CDU-Vorsitzenden und Bundeskanzler Konrad Adenauer über alle Maßen Respekt und Anerkennung: „Ein gütiges Geschick“ habe ãneben so vielen Nieten aus dem Losbeutel der Parteien den einen Treffer beschert“.72 Die positive Beurteilung Konrad Adenauers beruhte indes, neben der Tatsache, daß die „Abendländer“ Adenauers autoritären Regierungsstil begrüßten, auf einem Mi§verständnis: Des Kanzlers häufigen Gebrauch des Wortes ãAbend- land“73 interpretierten die „Abendländer“ als Nähe zu den eigenen Konzepten. Bereits 1948 knüpfte Adenauer beispielsweise im „Rheinischen Merkur“ an die „Abendland“-Ideen der Mittzwanziger Jahre an: ãZwischen Loire und Weser schlug einst das Herz des christlichen Abendlandes. [...] Eine Erneuerung des abendländischen Gedankens kann nur das Ergebnis einer fruchtbaren Begegnung zwischen Deutschland und Frankreich sein“.74 1950 ernannte der keineswegs klerikale Bundeskanzler den ersten diplomatischen Vertreter der Bundesrepublik in Paris, Wilhelm Hausenstein, ausdrücklich mit der Begründung, „der erste Vertreter der Bundesrepublik“ müsse „durchaus Humanist und Katholik sein, denn eben damit müsse die occidentale Aufgabe und Haltung des ersten Repräsentanten der Bundesrepublik sich näher bestimmen und fundieren“.75 Bei der Kirchweihfeier für den Kreuzzugsheiligen Bernhard in Speyer 1954 sprach Adenauer von einer „für das ganze christliche Abendland“ höchst bedeutsamen Stunde, „in der sich Männer und Frauen ein [gefunden hätten], die den festen Willen bekunden, alles zu tun, um die durch die Jahrhunderte uns überkommenen Werte der

72. E. FRANZEL, Der Kanzler“, in: NA, 6(1951), 1, S. 1-3, S. 1. 73. Zur Verwendung des Begriffes „Abendland“ durch Konrad Adenauer, siehe z.B.: A. DOERING-MANTEUFFEL, Rheinischer Katholik im Kalten Krieg. Das „christliche Europa“ in der Weltsicht Konrad Adenauers, in: M. GRESCHAT/W. LOTH (Hrsg.), Die Christen und die Entstehung der Europäischen Gemeinschaft, Stuttgart/Berlin/Köln 1994; J. JOST, Der Abend- land-Gedanke in Westdeutschland nach 1945. Versuch und Scheitern eines Paradigmenwechsels in der deutschen Geschichte nach 1945, Phil. Diss. Hannover, 1994; W. WEIDENFELD, Konrad Adenauer und Europa. Die geistigen Grundlagen der westeuropäischen Integrationspolitik des er- sten Bonner Bundeskanzlers, Bonn, 1976. 74. K. ADENAUER, Rheinischer Merkur, 21.2.1948. Vgl. dazu die Analyse von: H. P. SCHWARZ, Vom Reich zur Bundesrepublik. Deutschland im Widerstreit der au§enpolitischen Konzeptionen in den Jahren der Besatzungsherrschaft. 1945-1949, Stuttgart, 2.Aufl., 1980, S. 435f.; A. BARING, Außenpolitik in Adenauers Kanzlerdemokratie. Bonns Beitrag zur Europäischen Verteidigungsge- meinschaft, München/Wien, 1969, S. 51. 75. W. HAUSENSTEIN, Pariser Erinnerungen. Aus fünf Jahren diplomatischen Dienstes, 1950-1955, München, 1961, S. 17.- Der ständige Mitarbeiter der „Frankfurter Zeitung“ (1917-1943) Hausenstein ist erst 1940 vom Protestantismus zum Katholizismus konvertiert. 38 Guido Müller / Vanessa Plichta

Würde des Menschen, der Freiheit des Geistes uns gegenüber der drohenden Gefahr aus dem Osten zu bewahren“.76 Im selben Jahr wurde ihm auch der Aachener Karlspreis verliehen Ð die wohl symbolträchtigste Auszeichnung „abendländischer Ideologie“. 1957 veröffentlichte er schlie§lich sogar im ãNeuen Abendland“ einen Wahlaufruf.77 Dies alles weist darauf hin, da§ Adenauer und seine Europapolitik stützende Kreise die Möglichkeiten zu Propaganda und Integration konservativer Wähler- schichten, die das „Abendland“-Konzept für seine Politik bot, eindeutig zu nutzen wußten. Besonders im Jahr 1954, dem Jahr der Entscheidung über die Europäische Verteidigungsgemeinschaft, wird dies in Äußerungen unterschiedlicher konservativer Eliten deutlich. Beispielsweise führte der BDI-Sprecher Walter Herrmann 1954 aus: „Die gesamte westdeutsche Industrie fühlt sich der westlichen Welt engstens verbun- den und ihr verpflichtet. Aus der abendländischen Kultur und ihren überkommenen Gesetzen leitet sie die beschwingenden Kräfte allen Widerstandes gegen eine asiati- sche Überflutung her. Sie wird diesen Kampf bis zum Ende führen und hofft, ihn zu bestehen“.78 Die „Abendländer“ beurteilten diese Verwendung des „Abendland“-Begriffes unter anderem durch Adenauer als anscheinende Nähe zu den eigenen Standpunkten. Dabei übersahen sie jedoch, daß es Adenauer ãum eine Westorientierung der Deut- schen ohne nationalstaatlichen Vorbehalt und ohne die national-kulturellen Reserven gegen den Westen“ ging.79 Adenauers Positionen waren vom „abendländischem“ Denken im hier beschriebenen Sinne Welten entfernt und so spiegelt sich in seiner Rede vom „Abendland“ die leichte Indienstnahme ideologisch aufgeladener europäi- scher Begriffe durch Politiker und Industrielle.

IV.4. Höhepunkt und Niedergang der „Abendländischen Bewegung“

Die „Abendländische Akademie“ erwies sich als relativ öffentlichkeitswirksam: Ihre Hauptveranstaltungen, die in jedem Jahr unter einem anderen Motto in Eich- stätt stattfindenden Tagungen,80 zogen zwischen 200 und 500 Teilnehmer an. Beflügelt von den erfolgreichen Jahrestagungen in den frühen fünfziger Jahren, strebten die „Abendländer“ schließlich danach, die rein theoretisch-intellektuelle

76. Zitat nach: R. FABER, Abendland. Ein politischer Kampfbegriff, Hildesheim, 1979, S. 185. 77. NA 12 (1957), 3, letzte Seite. 78. Zit. nach: ebd., S. 34. 79. A. DOERING-MANTEUFFEL, Rheinischer Katholik im Kalten Krieg. Das „christliche Europa“ in der Weltsicht Konrad Adenauers, in: M. GRESCHAT/W. LOTH (Hrsg.), Die Christen und die Entstehung der Europäischen Gemeinschaft, Stuttgart/Berlin/Köln 1994. S. 242. 80. 1952 ãWerte und Formen im Abendland"; 1953 ãDer Mensch und die Freiheit"; 1954 ãStaat, Volk und übernationale Ordnung"; 1955 „Das Abendland im Spiegel seiner Nationen"; 1956 „Konser- vative Haltung in der politischen Existenz"; 1961 ãPluralismus, Toleranz und Christenheit"; 1962 „Das europäische Erbe in der heutigen Welt"; 1963 „Die Gesellschaft und ihr Recht“ (zu dieser letzten Veranstaltung gab es bereits keine Publikation mehr). Zwischen Rhein und Donau 39

Aktionsebene zu verlassen. Eine ideale Möglichkeit dazu bot sich 1955, als in Augsburg des 1000-jährigen Jubiläums der Schlacht auf dem Lechfeld mit umfan- greichen Feierlichkeiten gedacht wurde. Die katholische Kirche veranstaltete dort eine ganze Feierwoche zu Ehren des Heiligen Ulrich, 955 Bischof von Augsburg, der den Kämpfenden durch Gebet Kraft verliehen und so den Sieg über die Ungarn mit Gottes Hilfe erfochten habe. Die in diesem Rahmen stattfindenden „Tage abendländischen Bekenntnisses“ gaben den „Abendländern“ die Gelegenheit, ihr Gedankengut vor gro§em Publikum Ð bei der Abschlu§veranstaltung waren 60000 Menschen anwesend Ð zu verbreiten. Auch Robert Schuman, seit Jahrzehnten „Abendland“-Protagonist und inzwischen französischer Justizminister, fand sich in Augsburg ein, erinnerte in einem Gru§wort an seine Studentenzeit, und damit indi- rekt an den früheren „Abendland“-Kreis der zwanziger Jahre. 81 In anderer Form, als es den „Abendländern“ recht sein konnte, richtete sich nach den Feierlichkeiten das öffentliche Interesse auf die Bewegung. Dies lag vor allem an der Rede, welche Heinrich von Brentano, soeben ernannter Au§enminister der Bundesrepublik Deutschland und Kuratoriumsmitglied der „Abendländischen Akad- emie“, am letzten Tag der Festwoche im Augsburger Rosenaustadion gehalten hatte. Diese war geprägt von „abendländischem“ Antikommunismus und zog gewagte Ver- gleiche zwischen den historischen Lagen von 955 und 1955. In einer Artikel-Serie griff der ãSpiegel“ das Thema auf und beschäftigte sich mit der „abendländischen 82 Bewegung“. Das Blatt erhob den Vorwurf des Monarchismus, der Demokratie- und Verfassungsfeindlichkeit und kritisierte sowohl die Tatsache, da§ eine erhebliche Anzahl von Politikern der amtierenden Bundesregierung abendländischen Kreisen angehörte, als auch, daß die „abendländischen“ Aktivitäten durch die von Paul Fran- ken geleitete Bundeszentrale für Heimatdienst mitfinanziert wurden.83 Den ãSpie- gel“-Artikeln folgte eine regelrechte „Presse-Fehde“ um die „abendländische Bewe- gung“. Deren Hauptverteidigung übernahm der „Rheinische Merkur“.84 Gleichzeitig kam es durch den SPD-Abgeordneten Helmut Schmidt zu einer Anfrage im Bundes- tag, die auf eine mögliche Verfassungsfeindlichkeit der „Abendländer“ zielte. Sie zog einen parlamentarischen Untersuchungsausschu§ nach sich. Dieser stellte zwar seine Ermittlungen mangels Verdacht im Oktober 1956 ein. Dennoch verstummte die Kri- tik im Laufe des Jahres 1956 nur langsam. Trotzdem bemühte sich die „abendländi- sche Bewegung“ ungeachtet der Angriffe ihre Aktivitäten weiterzuführen. So wurde auch die Jahrestagung der Akademie im Sommer 1956 planmäßig und mit viel Selbstbewu§tsein abgehalten.

81. Zum Ablauf der Feierlichkeiten in Augsburg siehe: Crux victorialis. Ein Erinnerungsbuch an die St.-Ulrichs-Festwoche und die Tage abendländischen Bekenntnisses vom 2.-11. Juli 1955 in Augs- burg, hg. vom Lokalkomitee, bearb. von L. SCHWARZ u. M. HOHENESTER, Augsburg o.J., 1955. 82. Der Spiegel, 10. Aug. 1955, S. 12-14; 24. Aug. 1955, S. 5-6; 31. Aug. 1955, S. 4-6; 15. Feb. 1956, S. 18-19. 83. Vgl. Anmerkung 33. 84. Der Chefredakteur des „Rheinischen Merkurs“, P. W. WENGER, gehörte ebenfalls zur abendlän- dischen Bewegung. 40 Guido Müller / Vanessa Plichta

Doch die Ereignisse im Anschlu§ an die Rede Brentanos in Augsburg 1955 schei- nen ebenso ihre Spuren innerhalb der „abendländischen Bewegung“ hinterlassen zu haben wie der neue Weg der europäischen Integration, der nach dem Scheitern der Europäischen Verteidigungsgemeinschaft seit Mitte der fünfziger Jahre von der Bun- desregierung bis zu den Römischen Verträgen und der Europäischen Wirtschafts- gemeinschaft von 1957 eingeschlagen wurde.85 Ab 1956 jedenfalls erschien das ãNeue Abendland“ nur noch quartalsweise; Ende 1958 wurde das Erscheinen endgül- tig eingestellt. Ebenso betroffen waren die bis dahin regelmäßig durchgeführten Tagungen der „Akademie“: Nach 1956 fanden keine öffentlichen Jahrestagungen in Eichstätt mehr statt. Anfang der sechziger Jahre versammelten sich zwar noch einmal einige „Abendländer“, jedoch schien sich das typisch „abendländische“ Gedankengut bereits verflüchtigt zu haben. Die Veröffentlichungen der genannten Veranstaltungen enthalten jedenfalls nicht mehr das aggressiv-konservative Gedankengut der fünfzi- ger Jahre. Auch der Teilnehmerkreis war nun nicht mehr einheitlich, insbesondere prominente Politiker hatten sich zurückgezogen; stattdessen waren neue Gesichter dazugestoßen, ohne jedoch der „abendländischen“ Bewegung ein neues Profil geben zu können. So versank die Bewegung langsam in Bedeutungslosigkeit, nachdem sie eigentlich schon Ende der fünfziger Jahre ihre Inhalte und ihren Zusammenhalt ver- loren hatte.86

IV.5. „Abendländische Bewegung“ und europäische Integration

Inhaltlich vertraten die Abendländer der fünfziger Jahre vielfach Positionen, die bereits in den Jahren der Weimarer Republik „abendländisches“ Denken geprägt hatten. Ein entscheidender Unterschied war jedoch die Aufgabe der Vorstellung, Europa könne und müsse zwischen Ost und West als eigenständige Kraft exis- tieren. Ihr militanter Antikommunismus sorgte dafür, daß die „Abendländer“ nach 1949 eindeutig für die sicherheitspolitische und wirtschaftliche Westbindung der Bundesrepublik plädierten, denn „jeder Versuch eines modus vivendi mit dem Osten kann für Deutschland zum modus moriendi werden“.87 Insofern schien den „Abendländern“ eine deutsche Westorientierung selbstverständlich. Die Überzeu- gung, da§ sich der Westen gegen die östliche Bedrohung verteidigen müsse, ließ das ãNeue Abendland“ bereits 1948 für die militärische Eingliederung Deutsch- lands in das entstehende westliche Verteidigungsbündnis eintreten: „Nur die Ein- beziehung des deutschen Niemandslandes in den europäischen Sicherheitsbereich kann den Westen schützen. [...] Die Bildung einer europäischen Verteidigungs-

85. Die Quellenlage deutet darauf hin, daß die Bundeszentrale für Heimatdienst die Förderung der „Abendländischen Akademie“ nach den Ereignissen 1955 weitgehend einstellte. 86. Einige Mitglieder der abendländischen Bewegung konzentrierten ihre Arbeit fortan auf das „Eu- ropäische Dokumentationszentrum“, vgl. FN 71. 87. E. FRANZEL, Nach der Konferenz, in: NA, 4(1949), 8, S. 245. Zwischen Rhein und Donau 41 armee, zu der eines Tages auch Deutsche herangezogen werden könnten, wäre wahrscheinlich der beste, vielleicht der einzige Weg zu diesem Ziel“.88 Daß die „Abendländer“ die Westbindungspolitik Adenauers unterstützten, kann vor diesem Hintergrund kaum verwundern. Die USA erkannte man als militärisch und wirtschaftlich überlegene Schutzmacht an und zweifelte keinen Moment am Platz der Bundesrepublik im westlichen Bündnis. Glücklich war man mit dieser Kon- stellation indes nicht: Denn ideell repräsentierten für die „Abendländer“ Osten und Westen weiterhin, „unchristliche Ideen“89 und mit der notwendigen politischen Ent- scheidung für den Westen „scheinen wir uns für den Liberalismus zu entscheiden, der – wie die jüngere Geschichte lehrt – geradenwegs dorthin führen kann, wo der Kol- 90 lektivismus des Ostens schon steht“. Der Westen war den „Abendländern“ allenfalls das „kleinere Übel“,91 doch die Möglichkeit einer blockfreien europäischen Existenz sahen sie nicht: ãEs gibt keine Dritte Kraft. Es gibt nur noch zwei Kräfte, und wer überleben will, muß zu wählen wissen“!92 Um so wichtiger wurde daher die behauptete überlegene geistige Position des Abendlandes: In der ãHoffnung, da§ der [...] Liberalismus noch bekehrbar“93 sei, kam Europa im westlichen Bündnis nach Vorstellung der „Abendländer“ der geistige Führungsanspruch zu. Die weltpolitische Konstellation des Kalten Krieges verhin- derte also einen so eindeutigen Antiamerikanismus im „abendländischen“ Denken, wie er noch in der Zwischenkriegszeit möglich gewesen war; da§ die Annäherung an die USA indes nur aufgrund der Zwangslage des Ost-West-Konfliktes erfolgte, ist unübersehbar. Den traditionellen „abendländischen“ Antiliberalismus beeinflußte dies in keiner Weise. Die in den fünfziger Jahren anlaufende europäische Integration war für die „Abendländer“ insofern nicht mehr allein ein Schritt in Richtung abendländischer Kultureinheit, sondern auch eine Defensivma§nahme gegen den Osten, die neben militärischer Stärke die geistige Einheit im „Kampf“ garantieren sollte, ohne die man gegen den weltanschaulichen Block des Kommunismus nicht bestehen zu können glaubte. Als Kern der europäischen Integration betonten die „Abendländer“ wie in der Zwischenkriegszeit die deutsch-französische Verständigung: In der „abendländi- schen Völkersymphonie“ hätten die Franzosen und die Deutschen immer „die Motive [...] in den entscheidenden Partien“ angegeben: ãOhne sie ist die Geschichte des Abendlandes nicht denkbar, ohne sie aber und ihre Zusammenarbeit hat das Abend- land auch keine Zukunft“.94

88. Ders.: Europäische Zwischenbilanz, in: NA, 3(1948), 11, S. 321-326, S. 326. 89. W. HEILMANN, Christliches Gewissen zwischen Ost und West, in: NA, 6(1951), 11, S. 597-606, S. 602. 90. H. IBACH, Die andere Möglichkeit. Das Kriegsrisiko der Friedenspolitik, in: NA, 8(1953), 1, S. 33-38, S. 35. 91. Ebd. 92. R. INGRIM, Der Rat der Tse-Tse-Fliege, in: NA, 9(1954), 8, S. 475-476, S. 476. 93. Ebd. 94. E. FRANZEL, Frankreich und Deutschland als Träger des Abendlandes, in: NA, 5(1950), 1, S. 1-4, S. 4. 42 Guido Müller / Vanessa Plichta

Trotz der grundsätzlich positiven Einstellung gegenüber der beginnenden euro- päischen Einigung jedoch blieben kritische Stellungnahmen auf „abendländischer“ Seite nicht aus. Insbesondere beklagte man die Richtung, in die sich die westeuropäi- sche Gemeinschaft entwickelte, wobei grundsätzliche „abendländische“ Vorbehalte gegenüber dem Parlamentarismus zum Ausdruck kamen. So zog der Europarat den Unmut der „Abendländer“ auf sich: „Die Formaldemokratie besitzt eine ausgezeich- nete Fähigkeit, die besten Idealisten zu zermürben und den großartigsten Schwung in Lethargie zu verwandeln. Künftige Zeiten werden sich einmal wundern, mit welcher Tatenlosigkeit kostbarste Zeit nutzlos vertan wurde.“95 Immer wieder betonte man, da§ ãEuropa mehr sein mu§ als ein Abfallprodukt einer Entwicklung, die sich au§er- halb seiner Grenzen vollzieht“.96 Die Europäer müßten zu einer eigenen inneren Ord- nung und geistigen Einheit finden. Dies aber könne die „formaldemokratische“ Orga- nisation des westeuropäischen Zusammenschlusses nicht leisten: Insofern waren für die „Abendländer“ alle Bemühungen um die europäische „Reißbrett-Union“ nicht mehr als ãgutgemeinte Versuche“.97 Die „Abendländer“ wurden nicht müde zu betonen, daß Europa durch den „Eiser- nen Vorhang“ von einem ãGro§teil seiner Völker“ amputiert sei, aber kaum jemand sich das noch vor Augen führe: „Für viele kleine Geister hört Europa heute an der Yalta-Linie auf. Diese Menschen [...] halten die Westliche Union, wie sie in Stra§burg als ein Notbehelf geschaffen wurde, für etwas Dauerndes und Dauerhaftes. [...] Sie vergessen, da§ der Westen ohne den anderen Teil des Kontinentes nicht leben kann. Die Union ist ein weder in der Geographie noch in der Geschichte oder der Wirtschaft gerechtfertigtes Provisorium“.98 Gerade die mitteleuropäischen Staaten waren es, die in „abendländischen“ Augen fest zum Abendland gehörten, insbeson- dere der Donauraum als ãKernraum Europas“.99 Die abendländische Erneuerung dürfe gerade deswegen nicht auf die westeuropäischen Länder beschränkt bleiben, da dann die eigentlichen Kernlande des Abendlandes ausgeschlossen blieben. Dieser Bezug auf die Länder der ehemaligen österreichisch-ungarischen Doppelmonarchie, um die es im Kern ging, kann nicht verwundern. Die Bewegung hatte nach 1945 ihre geistige Heimat im süddeutschen und österreichischen Katholizismus und blieb auch in ihren Ordnungsvorstellungen diesem Raum verbunden.

95. Stra§burger Europarat lustlos, in: NA, 6 (1951), 7, S. 391. 96. H. D. SALINGER, Heikle Europa-Fragen, in: NA, 19(1955), 9, S. 527-536, S. 534. 97. G. KROLL, Grundlagen abendländischer Erneuerung, München, 1951, S. 78. 98. O. von HABSBURG, Amerika und die europäische Integration, in: NA, 7(1952), 5, S. 321-332, S. 324. 99. A. K. SIMON, Grundlagen einer politischen Ordnung im Donauraum, in: NA, 11(1956), 4, S. 332-334, S. 333. Zwischen Rhein und Donau 43

IV.6. Europäische Gegenmodelle der „Abendländischen Bewegung“

Die konkreten „abendländischen“ Pläne zur europäischen Einigung lassen sich in zwei Ebenen unterteilen: zum ersten konkrete staats- und gesellschaftspolitische Vorstellungen, nach denen die europäischen Einzelstaaten aufgebaut werden sollten – insbesondere natürlich Deutschland, für dessen Neuordnung nach der Wiedervereinigung die Abendländer ausführliche Konzepte entwickelten. Diese Einzelstaaten sollten dann, bundesstaatlich miteinander verbunden, das Abendland neu erschaffen. Verwirklicht sahen die „Abendländer“ ihre idealen staats- und gesellschaftspolitische Vorstellungen ausgerechnet in Salazars Portugal, dem ãEstado Novo“, dem „bestregierten Staat Europas“.100 Hier schien ãdas 19. Jahr- hundert [...] bereits weitgehend überwunden“,101 hier seien die Ideen der Franzö- sischen Revolution bereits abgelegt. Die absolute Machtstellung des portugiesis- chen Staatsoberhauptes, Antonio Oliveira Salazar, auf den alle staatliche Macht zulief, imponierte den Abendländern. Den ihn beratenden „Staatsrat“ begriffen die „Abendländer“ als jene Elite, von der abendländisches Denken im 20. Jahrhundert immer schon geträumt hatte. Hier habe sich endlich ein „Regime im Kampf gegen die [...] Parteien durchgesetzt“,102 die Opposition so weit eingegrenzt, da§ wirkli- che Staatsführung möglich sei. Daß die portugiesische Ständeversammlung, wel- che Vertreter der Berufsorganisationen und der Selbstverwaltung der Gemeinden versammelte, abendländischen Vorstellungen vom ständischen Aufbau der Gesell- schaft entsprach, liegt nahe. Neben dieser idealen staatlich-politischen Organisation war es aber auch die por- tugiesische Gesellschaft, die den „Abendländern“ nach dem Prinzip von „Autorität und Freiheit“ geordnet schien: Die Grundrechte der Individuen seien in der Verfas- sung zwar aufgeführt, stünden jedoch außerhalb der Rechtsordnung als „Rechte des Menschen, der von Natur aus, das hei§t von der Schöpfung gebunden ist“.103 Die Familie nehme eine zentrale Rolle innerhalb der portugiesischen Gesellschaft ein, ihre Stellung komme darin zum Ausdruck, ãda§ nur das Familienoberhaupt das Wahlrecht ausübt“,104 während Frauen oder Junggesellen ausgeschlossen blieben. So sei in den Augen der „Abendländer“ in Portugal eine ständische Ordnung verwirkli- cht, tief im christlichen Glauben verwurzelt, an der Geschichte orientiert und verpfli- chtet auf die „Ideale einer christlichen Gesellschafts- und Staatsordnung“.105 Damit unterscheide sich Portugal grundsätzlich sowohl von kollektivistisch-totalitären Staa- ten des Ostens wie auch von den formalistischen Massendemokratien des Westen.

100. E. FRANZEL, Portugal, der bestregierte Staat Europas, in: NA, 7(1952), 5, S. 266-272. Zur Ge- schichte Portugals unter Salazar siehe: D. L. RABY, Fascim and resistance in Portugal. Commu- nists, liberals and military dissidents in the opposition to Salazar 1914-1971, Manchester, 1988; R. SÄNGER, Portugals langer Weg nach „Europa": Die Entwicklung von einem autoritär-korpo- rativen Regime zu einer bürgerlich-parlamentarischen Demokratie, Frankfurt/M., 1994. 101. E. FRANZEL, Portugal, der bestregierte Staat Europas, in: NA, 7(1952), 5, S. 266-272, S. 266. 102. Ebd., S. 271. 103. Ebd., S. 269. 104. Ebd. 105. Ebd., S. 272. 44 Guido Müller / Vanessa Plichta

Ähnlich positiv sahen die „Abendländer“ auch das francistische Spanien: „Tota- litarismus? Wenn schon, dann gibt es in Spanien nur einen Ð das totale Gebot des Dekalogs und des katholischen Naturrechtes“.106 Die Auffassung der „Abendländer“ über Portugal und Spanien malen ihr Staatsverständnis und ihre politischen Ord- nungsvorstellungen in lebhaften Farben. Bereits aus der Zwischenkriegszeit bekannte autoritäre, elitäre, antiliberale, antiparlamentarische und antidemokratische Denkmu- ster wurden hier nach 1945 ebenso weitergetragen wie die bereits angeführte Faszi- nation „abendländischer“ Denker durch den Faschismus der Mittelmeerländer. Das gesamte abendländische Denken der zweiten Nachkriegszeit wird von dem Begriff des „Reiches“ als europäisches Ordnungsmodell durchzogen. Die Reichsidee stand in begrifflicher und inhaltlicher Nähe zum „Abendland“, wie auch in früheren Jahrzehnten schon deutlich geworden war. Um den Reichs-Begriff verwenden zu können, mußten sich die „Abendländer“ nach 1945 zunächst von seinem Gebrauch im Sinne des „Dritten Reiches“, aber auch vom preu§isch-kleindeutschen zweiten Reich abgrenzen. Demgegenüber, so hieß es, müsse man sich am mittelalterlichen Reich orientieren, dem „freiheitlich-föderativen Ordo der abendländischen Nationen“.107 Allerdings könne dies nicht meinen, „Staat und Volk als grundlegende menschliche Gemeinschaften zu ersetzen oder durch eine voreilige Uniformität der Menschen aufzuheben. Die Völker aufzulösen oder zu schwächen, hieße auch den Reichtum der kulturellen Vielfalt aufzugeben“. Insofern müsse die zukünftige Ord- nung ãbundesmäßigen Charakter“108 haben. Wie aber nun die vielen Völker, Sprachen und Kulturen innerhalb des Abendlan- des verbinden? Eine Möglichkeit hierzu bot nach „abendländischen“ Vorstellungen ein gemeinsames europäisches Kaisertum, welches das noch fehlende „europäische Bewußtsein“ schaffen könne.109 Die Suche nach Autorität und nach Verankerung weltlicher Macht im göttlichen Willen ließ den „Abendländern“ die historische Ver- bindung des mittelalterlichen Kaisertums mit dem Gottesgnadentum zur Orientie- rung werden: ãMan kann das Abendland nicht gegen seine Vergangenheit erneuern wollen, sondern ausschlie§lich mit ihr. [...] Eine Erneuerung des Abendlandes wird deshalb auch eine Erneuerung des Reiches sein und an der kaiserlichen Gewalt als von Gott gestifteten Formen niemals vorbeikommen, wenn sie nicht ganz im Wider- göttlichen enden will. Ja, die Erneuerung des universalen Reiches wird geradezu zum Symbol dafür werden, daß ein wiedererstandener Glaube an Gott vorhanden ist, weil anders ein Durchbruch zu dieser Form in unserer verweltlichten Zeit gar nicht zu denken ist“.110 Bei aller Vermischung mit utopischen mittelalterlichen Kaiserideen blieb doch die Erinnerung an die Habsburger-Monarchie der reale Hintergrund, auf den „abendländische“ Reichsvorstellungen projiziert wurden. Auch deswegen bemühte man sich festzustellen, daß die Reichsidee in Österreich „alle Unbilden der

106. A. DALMA, Europa ohne Angst, in: NA, 7(1952), 10, S. 623-626, S. 624. 107. W. FERBER, Das historische Europa als Kultureinheit, in: NA, 4(1949), 11, S. 321-324, S. 322. 108. U. SCHEUNER, Staat und Volk als Aufgaben der Gegenwart, in: Staat, Volk und übernationale Ordnung. Vorträge und Gespräche der 3. Jahrestagung der Abendländischen Akademie, S. 40. 109. H. D. SALINGER, Heikle Europa-Fragen, in: NA, 10(1955), 9, S. 527-536, S. 533. 110. G. KROLL, Grundlagen abendländischer Erneuerung, München, 1951, S. 93/94. Zwischen Rhein und Donau 45

Zeit überwintert“ habe. Zwar verlange „die Geschichte Geduld“, aber irgendwann würde das „mitteleuropäische Doppelreich“ schon wieder Wirklichkeit werden.111 Diese, Ende der fünfziger Jahre zunehmende, Fixierung auf den mitteleuropäi- schen Raum unterschied die „Abendländer“ immer stärker von den auf deutsch-fran- zösische Annäherung orientierten abendländischen Konzepten der Zwischenkriegs- zeit. Sie ermöglichte es einzelnen ihrer Protagonisten, sich in den folgenden Jahren der Paneuropa-Union anzuschlie§en.112 Das Engagement Otto von Habsburgs in die- ser Organisation, der immer wieder auch im ãNeuen Abendland“ geschrieben hatte und dem die „Abendländer“ als „Otto von Österreich“ große Verehrung entgegen- brachten, erleichterte die Umorientierung sicherlich. Die Annäherung des abendlän- dischen Gedankens an den paneuropäischen, der „abendländischen Bewegung“ an die paneuropäische, mag nach den heftigen äußerlichen Gegnerschaften der Zwi- schenkriegzeit erstaunen. Es lie§e sich in diesem Zusammenhang die These aufstel- len, da§ die beiden Konzeptionen bereits nach dem Ersten Weltkrieg inhaltlich nicht weit auseinanderlagen Ð auch wenn die einzelnen Protagonisten dies immer abge- stritten hätten – und daß sie unter dem Druck modernerer Europakonzepte nach dem Zweiten Weltkrieg immer enger zusammenrücken mu§ten, um wenigstens partiell zu überleben. Denn die Orientierung am mitteleuropäischen Raum und mittelalterlichen Kaiserideen ließ den „abendländischen“ Gedanken in der realen Situation des Kalten Krieges immer randständiger und unrealistischer werden: Die Zeit des „Abendlan- des“ war Anfang der sechziger Jahre vorüber. Daß Rudimente der „abendländischen“ Idee unter paneuropäischen Vorzeichen möglicherweise bis in die Gegenwart über- lebt haben, ändert an dieser Tatsache nichts.

V. Resumée

Es mu§ davon ausgegangen werden, da§ ein verändertes gesellschaftliches Klima in den späten fünfziger Jahren den abendländischen Gedanken im westeuropäi- schen Raum randständig und unbedeutend werden ließ. Dagegen überdauerte er in konservativen katholischen Milieus und Randländern der Europäischen Gemein- schaft wie dem francistischen Spanien und in Österreich. Ein Grund für die zuneh- mende Randständigkeit des abendländischen Denkens in der Bundesrepublik war sicherlich, daß die „Abendländer“, nachdem sie in den späten vierziger Jahren auch linkskatholische Überzeugungen vertreten hatten, mit Beginn der fünfziger Jahre

111. E. KUEHNELT-LEDDHIN, Heiße Eisen. Über den Wiederaufbau Mitteleuropas, in: NA, 9(1954), 12, S. 707- 718. 112. Die Zusammenarbeit zwischen dem „Europäischen Dokumentationszentrum“ und der Paneuro- pa-Union intensivierte sich in den sechziger Jahren erheblich. Hans-Joachim von Merkatz bei- spielweise war bereits in den fünfziger und sechziger Jahren in Gremien der deutschen Paneuro- pa-Sektion tätig und übernahm in den siebziger Jahren dauerhaft ihre Präsidentschaft. Angesichts der „mitteleuropäischen“ Ausrichtung kann es nicht verwundern, daß in beiden Organisationen im Verlauf der sechziger Jahre der Einflu§ von Vertriebenenorganisationen deutlich zunahm. 46 Guido Müller / Vanessa Plichta zunehmend in rechtskonservative Kreise gerieten und in Opposition gegen das politisch-gesellschaftliche System der Bundesrepublik traten. Mit Etablierung der soziopolitischen Ordnung der Bundesrepublik Deutschland aber fielen antiparla- mentarische, antidemokratische Positionen, da der existierende Staat zunehmend auf breite Akzeptanz stie§, nicht mehr auf fruchtbaren Boden. Hatten die radikalen Gegner der Weimarer Republik auf Grund der tiefen Krisen der zwanziger und frü- hen drei§iger Jahre ein leichtes Spiel gehabt, so raubte die offensichtliche Stabilität der Bundesrepublik in Verbindung mit dem materiellen Wohlstand potentiellen Gegnern im Grunde jede argumentative Grundlage. Bonn war eben nicht Weimar. Durch ihre völlige Unfähigkeit, sich den veränderten Umständen anzupassen, ein positives Verhältnis gegenüber technischem Fortschritt und sozialem Wandel zu gewinnen, sich der Vorzüge eines freiheitlich-pluralistischen Systems bewu§t zu werden und ihre antimodernen Überzeugungen zu revidieren, raubten sich die „Abendländer“ selbst jede Chance auf Verwirklichung ihrer Konzeptionen und drängten sich selbst an den äußersten Rand der Gesellschaft. Damit konnten aber auch die europäischen Konzepte der „abendländischen Bewegung“ keine Durchsetzungskraft mehr entfalten, zumal auch die europäische Integration Ende der fünfziger Jahre so real und konkret geworden war, da§ Abend- land-Konzepte hier nicht mehr wirksam werden konnten: Europa war zu Westeuropa geworden; der Donauraum, Mitteleuropa und ein wie auch immer geartetes „Reich“ hatten hier keinen Platz. Es zeigt sich, daß auch für die Europa-Diskussion gilt, was allerorten in der Gesellschaft der späten vierziger und fünfziger Jahre anzutreffen ist: Alte, unverän- derte Konzepte, die bereits der Weimarer Zeit entstammten, standen nach 1945 neuen, durch Diktatur-, Kriegs- und Exilerfahrungen entwickelten Ideen gegenüber. In unserem Falle rivalisierten Europa-Modelle, deren Träger sich schon bald auf die Gegebenheiten des Kalten Krieges einlie§en und, weitestgehend pragmatisch ausge- richtet, die konkrete politische Integration Westeuropas vorantrieben, mit Konzepten, die Ð in den Jahren der Weimarer Republik entwickelt und hochideologisch aufgela- den – antimodernes europäisches Gedankengut weitertrugen und damit, wie das „Abendland“, in der politischen Realität Ende der fünfziger Jahre scheitern mußten. Die mangelnde Tauglichkeit der antimodernistischen und antipluralistischen Inte- grationsideologie des „Abendlandes“ für den europäischen Einigungsprozeß dürfte deutlich geworden sein. In ihrer Verfälschung und Tarnung sozialer und kultureller Wirklichkeit hat sie von 1923 bis weit in die Nachkriegszeit derart heterogenen Zwecken und Herren gedient, da§ sie heute aufgebraucht und erledigt erscheint Ð sofern sie nicht nach der Öffnung Ost- und Mitteleuropas von „neuen Rechten“ oder ãjungen Konservativen“ wiederentdeckt und für ihre Absichten instrumentalisiert werden kann. Eine Beschäftigung mit dem abendländischen Gedankengut bestätigt die These, daß gerade die späten fünfziger und frühen sechziger Jahre eine ideen- und gesell- schaftsgeschichtliche Umbruchzeit darstellten. Hier traten latente Entwicklungen und Umbruchprozesse zum ersten Mal auf, die sich in den sechziger Jahren manifesti- erten. „Neues“ Denken löste „altes“ langsam ab; „überkommene“ Denkhaltungen Zwischen Rhein und Donau 47 gerieten zunehmend in Rückzugspositionen. Doch so sehr die späten fünfziger Jahre in vielem den Anfang einer „neuen Zeit“ bedeuteten, so bildeten sie gleichzeitig auch das Ende einer „alten“, welche etwa mit Ende des Ersten Weltkrieges begonnen hatte.113 Geprägt war dieser Zeitraum von etwa 1920 bis 1960 durch das Ringen um unterschiedliche gesellschaftliche Ordnungsmodelle und nicht selten standen elitä- ren, hierarchischen, ausschlie§enden Konzeptionen pluralistische und liberal-demo- kratische Modelle gegenüber. Relativ unbeachtet blieb in diesem Zusammenhang bisher eine Tatsache, die sich auch bei der Frage nach Gründen für den Niedergang älterer Europa-Konzeptionen, wie dem des „Abendlandes“, anführen läßt. Bei den „Abendländern“ handelte es sich um Angehörige einer etwa zwischen 1890 und 1905 geborenen Generation, für die Anfang der sechziger Jahre vielfach die Zeit des gro§en publizistischen und gesell- schaftlichen Engagements vorüber war.114 Ihr folgte eine jüngere, anders soziali- sierte, mit anderen Erfahrungen ausgestattete Generation, die folglich auch andere, veränderte Ideen in die Diskussion einbrachte. Der abendländische Gedanke, dessen Kontinuität von den frühen zwanziger bis in die späten fünfziger Jahre sich erwiesen hat, zeigt, wie fruchtbar es in der Geschichts- wissenschaft sein kann, sowohl in nationalstaatlicher wie in europäischer Perspektive die starren Epochengrenzen von 1918/9 Ð 1933 Ð 1945 zu transzendieren. Fragt man stattdessen verstärkt nach biographischen Prägungen und kollektiven Erfahrungen, so ergeben sich für das 20. Jahrhundert, und gerade auch in ideen- und gesellschaftsge- schichtlicher Perspektive, offensichtlich ganz andere Zeitabschnitte als jene, die die Politikgeschichte nahelegt.

113. A. SCHILDT, Moderne Zeiten. Freizeit, Massenmedien und der „Zeitgeist“ in der Bundesrepublik der fünfziger Jahre, Bonn, 1993, S. 32ff.; vgl. auch: P. NOLTE, Gesellschaftstheorie und Gesell- schaftsgeschichte. Umrisse einer Ideengeschichte der modernen Gesellschaft, in: T. MERGEL/ T. WELSKOPP (Hrsg.), Geschichte zwischen Kultur und Gesellschaft. Beiträge zur Theoriediskus- sion, München, 1997, S. 285f. 114. Vgl. D. von der BRELIE-LEWIEN, Abendland und Sozialismus. Zur Kontinuität politisch- kultu- reller Denkhaltungen im Katholizismus von der Weimarer Republik zur frühen Nachkriegszeit, in: D. LEHNERT/K. MEGERLE (Hrsg.), Politische Teilkulturen zwischen Integration und Polarisie- rung. Zur politischen Kultur in der Weimarer Republik, Opladen, 1990, S. 188-219, hier S. 193-199. 49 La Conférence européenne de la Culture de Lausanne (décembre 1949)

Etienne Deschamps

Le thème de la culture en Europe et, plus précisément, celui de la dimension cultu- relle de la construction européenne, aujourd’hui de plus en plus souvent évoqués - le numéro spécial de cette revue en apporte une nouvelle preuve - ont longtemps été occultés par des préoccupations avant tout économiques et politiques. Pourtant, au cours des premières années qui suivirent la fin de la Seconde Guerre mondiale, nombreux furent les intellectuels qui s’engagèrent et militèrent en faveur d’une cul- ture européenne, n’hésitant parfois pas à lui assigner un rôle moteur dans le proces- sus d’unification de l’Europe. A cet égard, la «Conférence européenne de la Cul- tureÈ organisée à Lausanne en décembre 1949 sous les auspices du Mouvement européen constitue assurément un moment phare pourtant assez peu étudié par l’historiographie récente de l’intégration européenne. Aussi cet article tentera-t-il de rappeler ce que furent ces «Etats généraux de la culture européenne», quels en étaient les origines et les acteurs principaux et quelles en furent les conséquences institutionnelles directes.

Aux sources de la Conférence

Le congrès de Lausanne n’était certes pas la toute première manifestation de ce genre. En 1946 déjà, les premières Rencontres de Genève avaient adopté «l’Esprit européen» comme sujet de discussion. Et l’essayiste et fédéraliste suisse Denis de Rougemont y avait prononcé un discours remarqué sur l’union fédérale de l’Europe.1 Le climat psy- chologique de l’époque semblait en effet favorable au militantisme européen. Car en cette période d’immédiat après-guerre, dans une Europe en crise, traumatisée et ruinée par des années de conflit, nombreux étaient les intellectuels ou responsables politiques prêts à défendre des positions assez radicales. L’enjeu couramment évoqué alors n’était en effet rien moins que la survie et la renaissance de la civilisation européenne face aux menaces croissantes que semblaient constituer déjà le clivage idéologique et l’opposition entre les blocs vainqueurs américain et soviétique. Le malaise européen se traduisait par une inter- rogation profonde quant à la destinée morale, humaine et spirituelle du Vieux Continent. Il semblait donc urgent de combattre avant tout les nationalismes en Europe et de sensibi- liser les opinions publiques à la nécessité d’unifier pacifiquement le continent. Car, expli- quait à ce propos l’écrivain et journaliste suisse Robert de Traz, l’Europe «ce n’est pas seulement un ensemble politique ou économique, c’est une tradition intellectuelle et

1. Les RIG consistaient à l’époque en une semaine annuelle de conférences, d’entretiens et de débats académiques autour d’un thème préalablement choisi. Cf. à ce propos B. ACKERMANN, «Les Rencontres Internationales de Genève 1946», in Revue suisse d’Histoire, 1989, p. 64-78. 50 Etienne Deschamps morale, c’est une culture dont se réclament à des titres divers les nations qui la composent. Pour devenir un fait, l’Europe doit affirmer son âme».2 La culture européenne recevait donc pour mission d’être le vecteur privilégié de cette prise de conscience salvatrice. Et pour ce faire, les élites intellectuelles de l’Europe entière étaient appelées à soutenir les efforts entrepris par certains leaders politiques et à entraîner les masses dans leur sillage. La culture, ainsi présentée comme un facteur d’unité pour l’Europe et comme le fonde- ment même de son identité, devenait du même coup un instrument de propagande mis au service du processus de construction européenne. La promotion de l’activité culturelle était conçue comme un moyen privilégié d’accélérer le devenir européen et de combattre l’incompréhension des Européens les uns à l’égard des autres. Mais l’urgence et la gravité de la situation imposaient d’agir vite. Et tout ou presque semblait (encore) possible. En 1947 eut lieu à Montreux le premier congrès de l’Union européenne des Fédéral- istes. Au terme de cette rencontre, au cours de laquelle Rougemont exposa sa concep- tion fédéraliste de la culture, le rapport de la commission d’éducation faisait pour la première fois mention de la création d’un Centre fédéraliste européen d’éducation et de culture.3 En mai 1948, le célèbre Congrès de l’Europe de La Haye, dont devait être issu quelques mois plus tard le Mouvement européen, adopta à son tour une importante résolution culturelle.4 La commission culturelle du Congrès fut présidée par l’écrivain, philosophe et ancien ambassadeur espagnol Don Salvador de Madariaga tandis que Rougemont en était le rapporteur général. Ce dernier cherchait déjà à rallier les milieux intellectuels de l’Europe en faveur d’une union européenne. Le Rapport culturel final réclamait à son tour la création d’un Centre européen de la Culture. Il fut également proposé de poursuivre le travail entrepris par les participants au Congrès en convoquant plusieurs conférences spécialisées.5 C’est ainsi que le principe d’une grande conférence européenne de la Culture fut décidé. Une Section culturelle du Mouvement européen fut rapidement créée à Londres et placée sous la présidence de Madariaga, professeur à l’Université d’Oxford. Elle mit en place en janvier 1949 à Genève un «Bureau d’études pour un Centre européen de la Culture». Rougemont, qui avait rapidement acquis grâce à son action le statut de porte-parole officieux de la culture européenne,6 en fut le direc- teur et le Français Raymond Silva le secrétaire général.

2. R. de TRAZ, «La Conférence européenne de la Culture», in La Revue des Deux Mondes, 1er février 1950, p. 539. R. de Traz faisait partie de la délégation suisse à la Conférence de Lausanne. 3. Cf. J.P. GOUZY, «Mouvements fédéralistes et grand congrès d‘après-guerre», in D. de ROUGE- MONT et F. SAINT-OUEN (eds.), Dictionnaire international du fédéralisme, Bruxelles 1994, pp. 402-406; N.J. HART, ÇReflections on the Montreux congresses 1947È, in Liber Amicorum Henri Brugmans. Au service de l’Europe. Etudes et témoignages édités à l’occasion de son soixan- te-quinzième anniversaire, Amsterdam 1981, pp. 338-341. 4. A. VARSORI, «Il Congresso dell’Europa dell’Aja (7-10 maggio 1948)», in Storia contemporanea, juin 1990, pp. 463-493. 5. Le Mouvement européen organisa en effet, entre autres, deux conférences économiques à Londres en avril 1949 et en janvier 1954, une Conférence sociale à Rome en juillet 1950, une Conférence Allemagne-Europe à Hambourg en septembre 1951 et une Conférence des pays de l’Est à Londres en janvier 1954. 6. B. ACKERMANN, Denis de Rougemont: une biographie intellectuelle, 2 vol., Lausanne 1996. La Conférence européenne de la Culture de Lausanne (décembre 1949) 51

Les objectifs et la préparation de l’événement

En mai 1949, le Comité exécutif du Mouvement européen convoqua définitivement la Conférence culturelle et chargea le Bureau d’études de Genève d’assurer la préparation des rapports culturels et de divers documents en vue des débats. En pratique, l’organisa- tion de la Conférence de Lausanne fut assurée à la fois par la Section culturelle, le Bureau d’études et l’Union européenne helvétique. La Suisse, épargnée par la guerre, se trouvait en effet dans une position matérielle et humaine privilégiée pour accueillir l’événement. Au lendemain du conflit, les fédéralistes suisses avaient très vite rétabli des relations suiv- ies avec les milieux pro-européens en Allemagne et en Autriche notamment. La Suisse, multiple et diverse dans son unité, forte de sa tradition cosmopolite et internationale, sem- blait donc particulièrement indiquée pour accueillir un tel rassemblement d’intellectuels désireux de renouer un dialogue brisé par la guerre. Rougemont et Silva avaient d’ailleurs déjà collecté dans le pays d’importantes sommes auprès de nombreux souscripteurs pour financer leurs activités. Mais la préparation de la Conférence donna lieu à de réelles diffi- cultés et tensions opposant le Comité exécutif du Mouvement européen au Bureau de Genève. Car le Comité exécutif s’était réservé le droit de désigner, conjointement avec les Conseils nationaux du Mouvement européen, les différents délégués à la Conférence. Rougemont et Silva dénoncèrent alors les considérations par trop politiques qui présidèrent à la composition des délégations nationales. Le Bureau de Genève ne put en effet inviter qu’un nombre réduit de personnalités en dehors de ces délégations.7 Il fournit également aux différentes sections nationales un questionnaire détaillé relatif à la situation précise de la culture et de l’enseignement dans le pays afin d’établir les rapports prépara- toires à la Conférence. Les réponses permirent au Bureau de dresser l’inventaire des for- ces culturelles en Europe et d’esquisser des pistes de réformes et d’institutions à créer. Car en effet, le souci majeur de Rougemont était d’éviter que la Conférence ne donne lieu qu’à des débats académiques, rhétoriques et stériles sur la définition abstraite de la culture. L’objectif était au contraire d’aboutir à des propositions concrètes. Un organe d’action commune donc, plutôt qu’une académie ou un colloque prestigieux mais provisoire. La portée symbolique de l’événement ne pouvait cependant suffire. Le but général de la manifestation devait être de «montrer que nos forces culturelles peuvent contribuer à l’union de l’Europe, et qu’en retour, l’Europe unie sera seule capable de sauver nos cul- tures dans leur précieuse diversité»,8 ce qui était résumé dans la formule «La culture au

7. Sur ces querelles internes lors de la phase préparatoire de la Conférence, voir M.J. DEERING, Denis de Rougemont l’Européen. Combats acharnés. Denis de Rougemont et les fondements de l’unité euro- péenne, Lausanne 1991, pp. 334 et suiv. 8. Archives historiques des Communautés européennes (Florence)- Fonds Mouvement européen 531 (do- rénavant AHCE; ME), Mouvement européen - Bureau d’études pour un Centre européen de la Culture, Conférence européenne de la Culture (Lausanne, 8-12 décembre 1949). Rapport général, p. 3. Voir éga- lement D. de ROUGEMONT, «Présentation. Raisons et but d’une conférence. Rapport général présenté à la Conférence européenne de la Culture», in Fédération, janvier 1950, pp. 19-25; M. RICHARD, ÇIma- ges et travaux de Lausanne. La Conférence européenne de la Culture», in Fédération, janvier 1950, pp. 13-18; «Conférence européenne de la Culture, Lausanne, 8-12 décembre 1949», in Les Documents euro- péens, janvier 1950, pp. 12-18; «Entschliessungen der Kulturkonferenz der EuropaÏschen Bewegung im Lausanne vom 8. bis 12. Dez. 1949È, in Europa-Archiv, janvier 1950, pp. 2771-2776. 52 Etienne Deschamps service de l’Europe, l’Europe au service de nos cultures».9 Les organisateurs cherchaient enfin à coordonner les efforts des milieux professionnels culturels européens avec ceux du Conseil de l’Europe et, en particulier, de la Commission des Affaires culturelles et scienti- fiques de l’Assemblée consultative de Strasbourg. Pour ce faire, les travaux de la Con- férence furent initialement répartis entre deux commissions: la commission des échanges, chargée d’étudier l’état des échanges culturels existants, les restrictions qui tendaient à les paralyser et de proposer des réformes appropriées; la commission des institutions européennes, chargée de déterminer les attributs des instances nouvelles à créer (Centre européen de la Culture, Collège d’Europe, une Université européenne, ...) et de favoriser la collaboration des instituts déjà existants. Une troisième commission consacrée à l’édu- cation et à l’enseignement européen, fut enfin créée à la suite de la session plénière lors de l’ouverture de la Conférence. Au total, près de quarante rapports préparatoires et études particulières furent soumis à la discussion. Les milieux culturels les plus divers avaient été mis à contribution: artistes et compositeurs, écrivains et universitaires, journalistes, théo- logiens, responsables d’institutions culturelles privées et publiques, directeurs d’agences de presse, éditeurs, responsables de mouvements de jeunesse, ainsi que des diplomates, des syndicalistes et des responsables politiques.

Les participants

Dans leur lettre d’invitation, Rougemont et Silva demandaient aux participants de la Conférence de ne pas se considérer comme des membres de délégations nationa- les, mais bien comme des délégués européens, représentant divers aspects d’une seule et même communauté de civilisation. La Conférence accueillit au total plus de deux cents participants issus de vingt-trois pays: Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grande-Bretagne, Grèce, Italie, Luxembourg, Nor- vège, Pays-Bas, Portugal, territoire de la Sarre, Suède, Suisse et Turquie. Mais il y avait aussi des exilés d’Europe centrale - Bulgares, Croates, Hongrois, Polonais, Roumains, Tchèques - qui tenaient à manifester par leur présence, en dépit du rideau de fer, leur appartenance à la culture européenne. Les Etats-Unis étaient éga- lement représentés par quelques observateurs. La Conférence, qui se réunit du 8 au 12 décembre 1949, eut pour cadre le palais du Tribunal fédéral. Elle était placée sous la présidence de Salvador de Madariaga. Rougemont en était le rapporteur général et Silva le secrétaire général. Le Mouvement européen était bien sûr repré- senté par des personnalités de premier plan: Paul-Henri Spaak, alors président de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe, Duncan Sandys, André Philip, Joseph Retinger, Dunstan Curtis et Georges Rebattet. Parmi les délégations nationales, on relevait également la présence, entre autres, pour l’Allemagne, de Carlo Schmid, vice-président du Parlement de Bonn, et de Max von Laue, Prix Nobel de Physique; pour la Belgique, des parlementaires

9. AHCE; ME/528, Programme de la Conférence européenne de la Culture, p. 2. La Conférence européenne de la Culture de Lausanne (décembre 1949) 53

Fernand Dehousse et Etienne de la Vallée-Poussin, du philologue Fernand Deso- nay, du physicien Charles Manneback, du musicologue Robert Wangermée et de Jean Willems, directeur de la Fondation Universitaire; pour la France, du sénateur Michel Debré, de l’Académicien Etienne Gilson et de l’essayiste Alexandre Marc; pour l’Italie, des écrivains Alberto Moravia, Eugenio Montale et Ignazo Silone; pour la Grande-Bretagne, des écrivains et poètes Peter Fleming, Stephen Spender et Elizabeth Bowen, et de l’éditeur Sir Stanley Unwin; pour les Pays-Bas, d’Henri Brugmans, futur recteur du Collège d’Europe de Bruges; et pour la Suisse, de l’his- torien et philologue Jean-Rodolphe de Salis et du Président de la Société suisse des Ecrivains, Henri de Ziegler. Notons enfin, en dehors des délégations nationales, la participation notamment du chef d’orchestre Ernest Ansermet, de Jean Drapier, chef de cabinet de P.-H. Spaak, du Général Wiliam Donovan, représentant du Comité américain pour une Europe unie, de l’écrivain Mircea Eliade, du composi- teur Arthur Honegger ou encore de l’historien Jacques de Launay.

Les débats et le travail en commissions

La séance inaugurale de la Conférence, qui se tint au théâtre municipal de Lau- sanne, fut marquée par les traditionnels discours de bienvenue de la part des autorités cantonales et fédérales suisses. Salvador de Madariaga s’exprima ensuite sur le sens à donner à la Conférence: «Nous savons que les institutions ne valent que par l’esprit qui les anime; et, si nous attachons le plus grand prix aux institu- tions européennes comme étapes vers la création de l’Europe, nous sommes bien sûrs que tant que l’Europe ne vivra pas du moins dans le cÏur de quelques centaines de milliers d’Européens il n’y aura pas, vraiment, d’institution européenne».10 Duncan Sandys, gendre de Winston Churchill et président du comité exécutif du Mouvement européen, lança pour sa part un appel aux peuples se trouvant au-delà du rideau de fer, affirmant qu’aucune barrière ne saurait arrêter les courants de pensée. Après lecture des messages adressés aux congressistes par Winston Churchill, Léon Blum et Alcide De Gasperi, tous trois présidents d’hon- neur du Mouvement européen, Paul-Henri Spaak développa au nom des respons- ables politiques les points essentiels d’une culture européenne dans un dis- cours-programme: ÇA vous, les représentants de la culture européenne, de nous dire clairement notre raison de vivre. Poussez un cri d’alarme assez grand pour que les gouvernements soient forcés d’agir. Soyez audacieux et clairs, nous vous enten- drons. Soyez pratiques, nous vous aideronsÈ.11 Les congressistes purent ensuite entendre successivement les discours du séna- teur italien Alessandro Casati, président de la commission de la culture de l’Assem- blée du Conseil de l’Europe, de Raoul Dautry, membre de l’Institut, qui lut un mes-

10. AHCE; ME/538, Mouvement européen. Conférence européenne de la Culture, Lausanne, 8 dé- cembre 1949. Discours inaugural de Salvador de Madariaga, p. 3. 11. Cf. Journal de Genève, 9 décembre 1949, p. 12. 54 Etienne Deschamps sage de Louis de Broglie, président de l’Académie française des Sciences, de Sir Richard Livingstone, président du Corpus Christi College d’Oxford et de Carlo Schmid qui insista fortement sur le caractère indivisible du continent européen. La Conférence ne devait donc pas limiter ses espoirs à l’Occident mais bien se montrer solidaire des peuples situés au-delà du rideau de fer. Enfin, Denis de Rougemont présenta et commenta le Rapport général destiné à servir d’exposé des motifs à la série de résolutions pratiques devant être proposées et mises au point par les trois commissions du Congrès. Car «sous peine de se perdre dans des généralités ambitieuses et sans conséquences, le congrès fera bien de reconnaître d’abord l’état réel de la culture en Europe, les misères dont elle souffre, les dangers qui la guettentÈ.12 Aussi bien, le Rapport général déplorait-il d’emblée l’état dégradé des conditions matérielles et morales de la vie de l’esprit en Europe depuis la guerre et rec- ensait de nombreux obstacles aux échanges culturels: destruction de bibliothèques, de musées, de maisons d’édition ou de laboratoires; livres et partitions introuvables et non-réédités; budgets culturels sans cesse réduits ou grevés par une fiscalité élevée; rémunérations d’enseignants et de chercheurs plus basses que celles d’ouvriers quali- fiés; obstacles à la circulation des personnes, tracasseries administratives freinant les rencontres internationales entre intellectuels; contingentements douaniers pour les pub- lications, taxes sur les disques et les films. Mais l’objectif principal de Rougemont n’était pas tant d’organiser davantage les échanges culturels en Europe que d’éliminer plutôt, à la source, les obstacles en tous genres à l’épanouissement de la culture européenne: «Qu’on n’essaye pas de créer par décrets l’unité de notre culture: elle existe, elle était aux origines, elle n’a cessé depuis de se réformer et de s’enrichir de mille diversités. Qu’on la laisse libre de se manifester! L’Europe ouverte, et rien de plus, mais rien de moins, voilà la solution, voilà le remède pratique».13 Le Rapport général fixait enfin aux congressistes une mission bien précise. La Conférence, en exerçant une action de vigilance publique, pouvait en effet se trans- former en congrès de la conscience européenne et constituer par-là même l’ébauche d’un comité de vigilance de la culture européenne. Celui-ci serait ensuite susceptible de jouer, auprès des instances publiques, économiques, sociales et juridiques, un rôle de critique et d’inspiration: «prendre au sérieux la vocation européenne, c’est une mission de vigilance dont les intellectuels des pays libres doivent se sentir plus que jamais responsables. Il leur incombe de rappeler sans relâche aux gouvernants, comme aux législateurs sociaux et aux experts, qu’un certain nombre de principes moraux ne sauraient être négligés dans la pratique sans que l’Europe perde ses droits à l’existence et à l’autonomie».14

12. AHCE; ME/531, Rapport général, p. 3. 13. AHCE; ME/538, Présentation du Rapport général par Denis de Rougemont. Discours prononcé le 8 décembre 1949 à la première séance plénière, p. 5. 14. AHCE; ME/531, Rapport général, p. 23. La déclaration finale de la Conférence exhortait encore les intellectuels à «assumer leurs responsabilités en face des gouvernants et des experts, en restant les gar- diens vigilants et les témoins (jaloux) de la dignité de l’homme, base de toute civilisation européenne». Cf. AHCE; ME/531, Rapport sur la Conférence de Lausanne présenté par le Rapporteur général de la Conférence (Confidentiel), p. 6. La Conférence européenne de la Culture de Lausanne (décembre 1949) 55

Kenneth Lindsay, député aux Communes et représentant des universités britan- niques, fut désigné président de la commission des échanges. Les douze résolutions adoptées par cette section étaient fondées sur le principe du développement culturel en Europe et sur une critique radicale à l’encontre de la multiplication des obstacles aux échanges culturels. La commission appelait bien sûr les gouvernements à remédier à cette situation mais elle s’adressait également directement aux «peuples, aux électeurs, aux étudiants, aux membres du corps enseignant, aux professeurs, conférenciers, écriv- ains, éditeurs, artistes, musiciens, pour qu’ils dénoncent, par toutes les méthodes qui seront en leur pouvoir, l’existence de ces restrictions et de ces obstacles afin de réveiller la conscience de l’Europe».15 Dans son intervention, Auguste Ansermet, fondateur et chef de l’orchestre de la Suisse romande, avait d’ailleurs déjà fortement dénoncé cette mainmise des pouvoirs publics sur les affaires culturelles et tout particulièrement sur l’organisation des échanges: «Les nationalismes ne sont plus les incarnations diverses d’une même impulsion spirituelle; la plupart du temps, ils ne font que recouvrir certains intérêts particuliers, en tout cas il n’y a plus entre eux communication; par contre, il y a échanges, et échanges organisés, mais intéressés. C’est pourquoi je n’aime pas beau- coup le nom que vous avez donné à l’une de vos commissions, ce nom a un relent com- mercial. Dans le commerce spirituel, la communication doit pouvoir être à sens unique et il n’y a pas de rapport entre donner et recevoirÈ.16 La commission déplorait également l’absence d’échanges entre les pays de l’Est et de l’Ouest de l’Europe et recommandait une reprise d’une collaboration culturelle tout en soulignant l’importance des principes de réciprocité, de liberté de mouvement et de liberté d’expression.17 Parmi ses résolutions, la commission insis- tait particulièrement sur le rôle que devait, estimait-elle, jouer le Conseil de l’Europe dans l’épanouissement et le rayonnement de la culture en Europe. Ainsi l’institution de Strasbourg devait-elle notamment inviter les gouvernements européens signataires d’accords culturels à lui faire rapport chaque année sur le développement et les résultats de ces derniers. Le Conseil de l’Europe était de même invité à organiser une conférence réunissant les universités et autres institu- tions d’enseignement supérieur afin d’étudier les moyens d’améliorer, dans leur domaine, la coopération intellectuelle entre pays européens. On préconisa égale- ment l’extension des échanges de professeurs, d’étudiants et d’élèves à tous les

15. AHCE; ME/537, Conférence européenne de la Culture. Comité des échanges. Résolutions, p. 1. 16. Cité dans M. GIARINI - ROQUETTE, Sources et actualité de la première Conférence européenne de la Culture (Lausanne, 8-12 décembre 1949), p. 29. Rapport du groupe de travail ÇVers un bilan culturel» présenté à l’occasion de la deuxième Conférence européenne de la Culture réunie à Lau- sanne du 8 au 12 décembre 1989 à l’initiative du Centre européen de la Culture de Genève. 17. La Conférence de Lausanne préfigurait de la sorte le Congrès pour la liberté de la Culture fondé en juin 1950 à Berlin. Voir à ce sujet P. GREMION, Le Congrès pour la Liberté de la Culture (1950-1967), Paris 1988. En réalité, dès le mois d’août 1948, la Conférence de Wroclaw (anciennement Breslau) en Pologne avait déjà ouvertement marqué la rupture du dialogue entre intellectuels et artistes de l’Est et de l’Ouest. Le Congrès, qui réunissait plusieurs centaines d’intellectuels et créateurs æ P. Picasso, C. Autant-Lara, P. Eluard, E. Vittorini, L. Einaudi, M. Frisch, F. Bondy, A. Fadeiev, I. Ehrenbourg, ... æ avait en effet été dominé par les idéologues staliniens qui, s’en prenant violemment aux Etats-Unis, tentèrent une opération de séduction auprès des participants occidentaux. 56 Etienne Deschamps degrés d’enseignement. La connaissance pour tous les Européens d’une langue de large diffusion, en supplément de leur langue maternelle, était de même recom- mandée. La commission des échanges faisait ainsi écho aux propositions avancées par Denis de Rougemont dans son Rapport général: « l’obstacle naturel que crée la grande diversité de nos langues pourrait être partiellement réduit par l’adoption du français et de l’anglais comme langues de travail officielles. Le français a l’avan- tage d’être la «seconde langue» la plus courante en Europe, l’anglais d’être la langue européenne la plus répandue dans le monde».18 Le français et l’anglais furent d’ailleurs les deux langues utilisées par les congressistes de Lausanne. La Conférence n’entendait pas non plus limiter ses efforts aux Ç intellectuels de professionÈ. Au-delà des secteurs universitaire, artistique et scientifique, l’éduca- tion populaire fut aussi prise en compte. La commission recommandait en effet de stimuler les échanges entre les organisations telles que les Çfoyers de cultureÈ ou les associations pour les loisirs du travailleur. La Conférence insista encore sur la suppression des obstacles à la libre circulation des livres et partitions musicales. Elle n’hésita d’ailleurs pas à faire appel aux gouvernements européens afin d’obte- nir «l’assurance qu’en cas d’insuffisance de devises, on accordera une priorité aux achats de livres, étant donné leur importance vitale et le montant relativement min- ime des sommes nécessaires».19 Les congressistes recommandèrent en outre, en matière de radiodiffusion et de télévision, une coordination des programmes cultu- rels et une harmonisation technique permettant une émission et une réception simultanée des programmes télévisuels en Europe. Enfin, la commission des échanges, inquiète de la situation matérielle de l’industrie du film en Europe, pré- conisa la coordination de la production cinématographique, vecteur efficace de l’identité européenne, et la création d’un marché européen unique du film. Présidée par le sénateur belge Julius Hoste, la commission des institutions, con- formément aux recommandations contenues dans le Rapport général, consacra essentiellement ses efforts au Centre européen de la Culture ainsi qu’au Collège d’Europe. La Conférence donna en effet son feu vert définitif au lancement du Cen- tre européen de la Culture, déjà envisagé depuis plusieurs mois. L’Assemblée con- sultative du Conseil de l’Europe avait d’ailleurs, le 6 septembre 1949, voté à l’una- nimité une résolution tendant à la création de ce Centre. Le rôle attribué à l’institution était triple: dresser l’inventaire des forces culturelles en Europe, coor- donner les efforts actuellement dispersés, prendre toutes initiatives tendant à dével- opper dans l’opinion le sentiment européen, à l’exprimer, à l’illustrer. Conçu comme un catalyseur d’échanges et comme un lieu de rencontre pour tous les créa- teurs et acteurs de la culture, le Centre leur offrirait des instruments de coordination (bibliothèque, documentation et archives,...), un foyer d’études et d’initiatives dans le domaine de l’éducation. L’institution devait en somme servir de base pour une nouvelle politique de l’esprit au niveau européen. Après accord de la Section cul-

18. AHCE; ME/531, Rapport général, p. 15. 19. AHCE; ME/537, Conférence ... Comité des échanges. Résolutions, p. 3. La Conférence européenne de la Culture de Lausanne (décembre 1949) 57 turelle du Mouvement européen, le Centre européen de la Culture, placé sous la direction de Denis de Rougemont, fut inauguré à Genève le 7 octobre 1950.20 En ce qui concerne le Collège d’Europe, l’idée n’était pas non plus totalement neuve. Le projet d’un institut de hautes études européennes était né, lui aussi, du Congrès de La Haye. La Section culturelle du Mouvement européen, saisie d’une proposition émanant d’un groupe de personnalités brugeoises, en avait alors étudié les possibilités de réalisation. Une première expérience, ou session d’essai, avait été organisée à Bruges en septembre et octobre 1949. Une vingtaine d’étudiants européens, déjà diplômés, y avaient suivi les premiers cours et séminaires con- sacrés aux problèmes économiques, politiques, juridiques, historiques et culturels de l’unification de l’Europe. Doté d’une valeur européenne, le diplôme du Collège devait certes permettre Çde recruter (...) une partie du personnel et des administra- teurs nécessaires aux secrétariats permanents des futures institutions de l’Europe»,21 mais il devait tout autant assurer aux étudiants ainsi formés de larges débouchés dans divers domaines professionnels de la vie européenne (enseigne- ment et recherche, diplomatie, journalisme, politique, banque, industrie et com- merce,...). Le bilan de la session préparatoire ayant été jugé positif, le Collège d’Europe, dirigé par le fédéraliste Henri Brugmans, ouvrit ses portes à Bruges dès l’automne 1950.22 La Conférence estima également qu’un effort particulier était à accomplir en mat- ière de recherche scientifique. Le prince de Broglie avait en effet adressé aux congres- sistes un message dans lequel il constatait l’incapacité d’organiser et de développer des programmes de recherche souvent très onéreux dans le cadre d’instituts ou de labora- toires dépendants de structures nationales. Des organismes ou des pools européens pourraient au contraire servir à «coordonner les résultats obtenus, à comparer les méth- odes, à établir et à réaliser des programmes de travail avec la participation de savants de diverses nationsÈ.23 Bref, Çresserrant les liens entre les hommes de sciences (...), cen- tralisant les recherches, assurant la coopération des moyens matériels et des ressources intellectuelles jusque-là dispersés pouvant accessoirement réaliser une circulation plus aisée des idées, des publications et des informations, la création de ces centres de recherches symboliserait la mise en commun dans le domaine intellectuel d’une partie des énergies de l’Europe contemporaine».24 A ce propos, l’ingénieur Raoul Dautry s’attacha plus concrètement, sur un ton assez alarmiste, à la question de l’énergie atom- ique civile: Çun jour, peut-être avant vingt ans, la vie matérielle de l’Europe ne sera plus assurée par des millions de tonnes de charbon, mais par quelques tonnes d’uranium. Ce jour-là, la physionomie de l’économie mondiale sera changée, et si les industries

20. A ce propos, voir G. de PUYMEGE, «Le rôle du Centre européen de la Culture», in Relations in- ternationales, printemps 1993, pp. 13-26 et I. SCHWARZ, Le Centre européen de la Culture (1950-1960), Mémoire de recherche, Université P. Mendès France, Grenoble II, 1991. 21. AHCE; ME/531, Rapport général, p. 19. 22. Voir C. VERMEULEN, Le Collège d’Europe à l’ère des pionniers (1950-1960), Berne 1999. H. BRUGMANNS, A travers le siècle, Bruxelles 1993. 23. AHCE; ME/536, Note de Louis de Broglie ÇL’organisation du travail scientifique en EuropeÈ, p. 1. 24. Ibid, p. 2. 58 Etienne Deschamps européennes se trouvaient condamnées au seul emploi des sources énergétiques actu- elles, elles n’auraient plus qu’à fermer leurs portes».25 La commission des institutions européennes proposa donc de mettre d’urgence à l’étude la création d’un Institut européen des sciences nucléaires, orienté vers des applications dans la vie courante et en liaison étroite avec les organismes scientifiques de l’UNESCO. Un an plus tard, le Centre européen de la Culture réunit un groupe de travail de physiciens et de directeurs d’instituts nucléaires, ce qui aboutit au projet de Conseil européen de recherche nucléaire (CERN) comprenant la construction d’un grand accélérateur de particules. Le CERN, établi près de Genève, fut inauguré en octobre 1954.26 La commission étudia encore la question de l’unification du droit européen con- sidérée par les congressistes comme une des «tâches principales du Mouvement européen [et] comme un moyen efficace pour défendre et consolider l’union sociale et politique de l’Europe».27 Les Etats européens étaient en effet invités à «fixer par des normes juridiques clairement posées, les principes éthiques et le respect des droits humains naturels sur lesquels repose la civilisation européenne».28 Pour ce faire, la Conférence suggéra la formation d’un comité de juristes afin d’améliorer en Europe l’application des conventions internationales. Celui-ci serait aussi chargé de rédiger un catalogue des normes et des principes juridiques communs aux Etats européens. Enfin, la commission des institutions exhorta les instances européennes de promotion culturelle à s’ouvrir à l’éducation populaire notamment via l’admission au futur Collège d’Europe de candidats non-universitaires.29 La commission de l’enseignement, présidée par Jean Sarrailh, analysa tout par- ticulièrement le rapport détaillé de Jean Bayet, membre de l’Institut et professeur à la Faculté de Lettres de Paris. La Conférence fit en effet siennes presque toutes les propositions contenues dans cette étude.30 La commission, qui reconnaissait à l’éducation et à l’instruction de la jeunesse une fonction essentielle dans la réorga- nisation politique et sociale de l’Europe, ne négligea dans ses travaux aucun niveau d’enseignement. Elle recommanda par exemple que des facilités puissent être accordées aux professeurs, aux étudiants ou aux membres de mouvements de jeu- nesse via l’ajout d’une mention européenne sur leur passeport. En matière d’enseignement primaire, les commissaires demandèrent notam- ment que soient constitués des instituts pédagogiques européens dans lesquels les éducateurs et les instituteurs pourraient être formés à l’histoire de l’Europe ainsi

25. Cité dans F. SAINT-OUEN, «La Conférence de Lausanne (1949)», in Cadmos, été 1989, p. 141. 26. Pour en savoir plus, on lira J. KRIGE et D. PESTRE, ÇLa naissance du CERN, le comment et le pourquoiÈ, in Relations internationales, été 1986, pp. 209-226 ainsi que A. HERMAN-J. KRIGE-U. MERSITS-D. PESTRE, History of CERN, 2 vol., Amsterdam et 1987-1990. Rajoutr la phrase suivante: Le CERN fut plus tard rebaptisé Centre européen de la recherche nucléare., 1987-1990. 27. AHCE; ME/536, Commission des institutions. Mise à l’étude du problème de l’unification du droit européen, p. 1. 28. Idem. 29. J-M. PURRO, L’Europe des congrès: principes et problèmes (1944-1949), Fribourg 1977, p. 167. 30. AHCE; ME/540, Rapport à la Conférence culturelle de l’Europe unie sur l’éducation par J. Bayet (9 décembre 1949), p. 11. La Conférence européenne de la Culture de Lausanne (décembre 1949) 59 qu’à ses problèmes sociaux, culturels et économiques. Ils proposèrent également que les instituteurs, au terme ou au cours de leurs études, puissent effectuer des sta- ges dans les universités ou dans des collèges européens calqués sur le modèle bru- geois. En ce qui concerne l’enseignement secondaire, la Conférence estima que devaient être régulièrement organisés des échanges de professeurs et même de clas- ses entières entre pays voisins. L’enseignement de l’histoire, dont les vertus édi- fiantes étaient souvent vantées, devait tout particulièrement être inspiré d’un esprit résolument européen. On envisageait à cet effet de soumettre la rédaction de nou- veaux manuels scolaires au contrôle et à l’imprimatur d’un Conseil universitaire européen qui pourrait proposer de modifier ces ouvrages dans un sens plus euro- péen. A l’instar de ce qui se faisait déjà en Belgique, la Conférence exprima aussi son souhait de voir organiser au plus vite dans tous les établissements scolaires des «semaines européennes» dont les matières enseignées donneraient lieu à des con- cours scolaires européens. Enfin, la commission proposa d’introduire dans les pro- grammes nationaux des cours d’instruction civique axés sur l’étude des institutions et des problèmes des autres pays européens. La formation universitaire attira fortement l’attention de la commission de l’enseignement. Jean Bayet s’était déjà penché tout particulièrement sur le projet d’Université européenne déjà évoqué depuis quelques temps dans les milieux pro-européens. Mais bien conscient des difficultés matérielles que la création d’une université européenne unique ne manquerait pas d’entraîner, ainsi que des réti- cences prévisibles des autorités universitaires nationales à l’égard d’un tel plan, Bayet en excluait la réalisation immédiate. Il ne la considérait pourtant pas moins indispensable «tant il est désirable que des maîtres éminents injustement confinés obtiennent une audience digne d’eux, et que les étudiants prennent conscience de l’unité du travail scientifique et culturel à son plus haut degré».31 La commission, s’inspirant du modèle des universités médiévales cosmopolites, préféra toutefois s’attacher à l’examen de mesures intermédiaires et plus rapidement réalisables. Elle recommanda donc, pêle-mêle, un échange à parité et à titres égaux de profes- seurs entre les diverses universités européennes, un élargissement du système des équivalences de titres et diplômes universitaires, la possibilité pour les étudiants de fréquenter une université étrangère au cours de leur formation via une option par- tielle entre programmes ou examens nationaux et programmes ou examens corres- pondants ailleurs en Europe, la création dans les facultés existantes de chaires euro- péennes consacrées aux questions liées à l’unification de l’Europe, la constitution d’un corps enseignant européen capable de se déplacer en tout ou en partie d’uni- versité en université en Europe, ainsi que la réunion d’un Conseil universitaire

31. Ibid., pp. 5-6. Sur la genèse et les avatars de l’idée d’université européenne, qui a finalement trouvé un certain aboutissement vingt cinq ans plus tard à Florence, on lira J.M. PALAYRET - R. SCHREURS, Une Université pour l’Europe. Préhistoire de l’Institut universitaire européen de Florence (1948 - 1976), Rome 1996 ; J.M. PALAYRET, «Une grande école pour une grande idée. L’Institut universitaire européen de Florence et les vicissitudes d’une identité «académique» de l’Europe (1948-1990)», in M.T. BITSCH, W. LOTH, R. POIDEVIN (eds.), Institutions européen- nes et identités européennes, Bruxelles 1998, pp. 477-501. 60 Etienne Deschamps européen composé d’un personnel académique et d’étudiants et chargé de poursui- vre la mise en application de toutes ces mesures. On prévoyait enfin la constitution d’un fonds européen destiné à financer l’accueil et à faciliter l’intégration dans les universités européennes de professeurs ou de savants forcés de quitter leur pays et à s’exiler à l’ouest du rideau de fer. En matière d’éducation populaire, la commission de l’enseignement formula également plusieurs résolutions. La Conférence de Lausanne considérait en effet que la culture européenne «ne repose pas seulement sur un enseignement systéma- tique, mais qu’elle prend aussi sa source, spécialement pour les adultes, dans l’occupation des heures de loisir et dans la vie de travail de la population européenne».32 Les congressistes recommandèrent donc notamment l’ouverture gratuite des établissements d’enseignement européen, via la mise en place de cours du soir, à certains candidats ouvriers, la mise en oeuvre de concours professionnels intereuropéens entre écoles techniques et entre différentes branches de la produc- tion industrielle et agricole, l’organisation de camps de vacances populaires européens et de chantiers internationaux de volontaires afin d’accomplir «des travaux utiles, de préférence ayant également valeur de symbole, et pouvant contri- buer puissamment, par la communion dans le travail, à la formation d’un esprit européen et d’un humanisme élargiÈ.33

Conclusions

La Conférence de Lausanne s’inscrivait dans une stratégie globale menée après la guerre sur tous les fronts par le Mouvement européen et ses différentes composantes. Aucun domaine de l’activité publique ne semblait devoir être négligé. Aussi la cul- ture européenne, présentée comme la manifestation et le support privilégié de l’idée européenne, revêtait-elle dans ce plan d’action générale une importance particulière. Les intellectuels furent donc eux aussi mobilisés et invités à témoigner de leur cons- cience européenne commune et à apporter, en ce faisant, leur pierre à la construction d’une Europe unie. La Conférence permit aussi aux congressistes, rassemblés pour quelques jours et unis par des aspirations communes, d’établir des contacts person- nels. Et l’événement, conçu comme un instrument de propagande, ne demeura d’ailleurs pas longtemps sans effet. Forum d’idées souvent généreuses, le congrès de Lausanne s’efforça en effet de tracer des pistes concrètes pour la mise en œuvre d’institutions spécifiquement européennes d’action et de promotion culturelle. Cer- taines d’entre elles, déjà en gestation, furent très rapidement créées: Centre européen de la Culture, Collège d’Europe ou CERN. Diverses autres propositions furent plus tard reprises et appliquées par les institutions communautaires: Insitut universitaire européen, Conseil universitaire européen pour l’Action Jean Monnet, programmes

32. AHCE; ME/540, Conférence européenne de la Culture. Commission de l’enseignement. Résolu- tion unique, p. 4. 33. Idem. La Conférence européenne de la Culture de Lausanne (décembre 1949) 61

Ariane, Comenius, Erasmus, Kaléidoscope, Lingua, Media, Raphael, Socrates, réseau Naric, … Cela confère à la Conférence, aujourd’hui encore, une pertinence et une réelle actualité et témoigne des efforts précurseurs menés très tôt par ces acteurs de l’activité culturelle européenne. Cette manifestation constitue dès lors, à n’en pas douter, un jalon significatif dans l’histoire de l’unification européenne. Elle est enfin très symptomatique du succès, à cette époque, des thèses développées par le courant fédéraliste au sein des milieux militants pro-européens. Etienne Deschamps 63 What is common European heritage? The debates in the first Consultative Assembly of the Council of Europe, 1949

Aleksandar Pavković

The Council of Europe and its deliberative organ, the Consultative Assembly, were established by the Statute of the Council enacted by eleven West European govern- ments Ð namely those of Belgium, Denmark, France, Ireland, Italy, Luxembourg, the Netherlands, Norway, and the UK Ð on 5th May 1949. This was the first Euro- pean intergovernmental organisation whose primary aim was to “achieve a greater unity” between European countries. In defining this aim, its Statute (Article 1) appealed to European “common heritage”: “The aim of the Council of Europe is to achieve a greater Unity between its Mem- bers for the purpose of safeguarding and realising the ideals and principles which are their common heritage and facilitating their economic and social progress”.1 Successive European organisations Ð from the European Coal and Steel Com- munity and the Western European Union to the present European Union Ð while committed to similar goals, had never defined them in terms of the ideals and prin- ciples of European common heritage; their founding documents contain no refer- ences to any common heritage. The most obvious explanation for this is to be found in their functionalist or sector-by-sector approach to European integration and the consequent restriction of their integrative efforts to specific sectors or areas. This functionalist approach to European integration requires no unifying set of ideals to which to aspire, let alone the ideals of a common European heritage. But apart from this, there is, I think, another reason why no further attempt is made to define the goals of European integration by reference to common Europe- an heritage. During the first year of the debates in the Consultative Assembly, as this essay attempts to show, the argument from common European heritage to Eu- ropean unity was first deployed in support of a specific federalist conception of Eu- ropean integration. As this federalist conception came under sustained criticism from anti-federalist deputies, shortcomings of this argument were easily exposed and, at the end, the argument of common European heritage was abandoned.

1. Statute of the Council of Europe, (London, His Majesty's Stationary Office, 1949), 2. 64 Aleksandar Pavković

In addition to its use in the first debate on the European integration, the concept of common heritage was further used in the debates on the charter of human rights and on the program of European cultural cooperation. In the former, an attempt was made to define the core of human rights by reference to common heritage and, in the latter, a similar attempt was made to define a concept of “militant culture” di- rected against totalitarianism in Europe.2

From common heritage to the political unity of Europe?

The Consultative Assembly of the Council of Europe in its first policy debate in 1949 pro- ceeded to debate “… any necessary changes in the political structures of Europe to achieve a greater unity between the Members of the Council of Europe and to make an effective Euro- pean cooperation in the various spheres specified in Article I of the Statute”.3 The first proposal of the “necessary changes” came from the French Socialist André Philip: the goal of the Assembly should be “the creation of a European political author- ity of a supra-national character” in short, a European Parliament with a responsible government.4 The Assembly, debating this and other proposals of this kind, split into the federalists Ð who supported the proposal for a supranational authority Ð and the an- ti-federalists who were often identified as favoring a relatively undefined union brought about by gradual and/or functional intergovernmental agreements.5

2. These three distinct rhetorical contexts in which the concept of common European heritage was used in the Consultative Assembly’s debates, were foreshadowed in the Political Report submitted by the po- litical working committee of the Joint International Committee of the Movements for European Unity at the Congress of Europe held in May 1948 in the Hague: “The forces which alone can provide a solid and lasting [European] unity are moral and spiritual Ð our common belief in the dignity of man, our common heritage of civilization ….The spiritual values of our free civilization clearly cannot thrive or be defended except under conditions of freedom. The admission of a nation to membership of a Euro- pean Union must therefore be conditional upon its acceptance of democratic principles and its assurance to its citizens of the fundamental rights of the individual … Among Europe's precious possession is the rich diversity of culture, customs and institutions of her peoples. One of the aims and advantages of a European Union, achieved by consent, will be to preserve these national traditions and distinctive char- acteristics, which, under forceful totalitarian unification, would assuredly be obliterated”. Political Report Ð May 1948, document 73, W. LIPGENS and W. LOTH (eds), Documents on the History of European Integration, Vol. 4, Berlin/New York, 1991, 346. This Congress, organized by the Joint International Committee of the Movements for European Unity, initiated the establishment of the Council of Europe. For an account of the pro-European movements which participated in its organization see A. LOVEDAY, “The European Movement”. International Organisation, 3, (1949), 621-32. and A. HICK, The “European Movement” in W. LIPGENS and W. LOTH (eds), op. cit. 319-24. The official history European Movement and the Council of Europe, (London, 1953) is somewhat self-congratulatory. 3. Reports, Council of Europe, Consultative Assembly, Part I, Sitting 1 to 11, Strasbourg, Council of Europe, 1949, (hereafter Reports), 75. 4. Ibid., 80. 5. For an account of European federalism in the late 1940s and its impact on the debates in the Council of Europe, see C. C. WALTON, “The fate of neo-federalism in Western Europe”, Western Political Quarterly, 5, 3(1952), 366-90. What is common European heritage? 65

The first speaker to express some doubts about the ability of the Consultative Assembly to enact André Philip's proposal, the British Liberal Lord Layton,6 point- ed out that in the face of diverse national traditions, common European heritage provides no guidance for the establishment of a federal European parliament: “It is true that in the common heritage, of which the Statute speaks, we have a very great asset, but we are also old established nations with strong national traditions, with different methods of administration and government, and with very varied notions of the technical working of democracy”.7 However, Lord Layton's doubts about the usefulness of common heritage as a guide for unification of Europe were almost immediately brushed aside by a Greek representative, the Social Democrat Leon Maccas8 who argued that ‘life today’ rec- ognized only “much larger units … formed under the influence of a common con- ception of life and a common civilization”. From this, he inferred the inevitability of united Europe: “[A]s European civilization exists, Europe must also exist as a unity and we ourselves must be the expression of this united Europe”.9 A common European heritage, it is argued here, has resulted in a common civi- lization in Europe; the common civilization expresses, in some undefined way, the already existing unity. In enacting practical measures to establish a federation of Europe, the European federalists like Maccas argued, the Consultative Assembly is just expressing the pre-existing unity based on common heritage. To this rather simple argument of common heritage, a Dutch representative, P. J. S. Serrarens, added an appeal to the grandeur of European civilization: “Born of the union of ancient civilization with strength of the Nordic peoples, with the benediction of Christianity, Europe became the centre of civilization in the thou- sand years after Charlemagne”.10 A French representative, the Socialist Jean Le Bail added to this the alleged Eu- ropean “tradition which has made it great, a tradition of giving itself to the world and become its school-teacher”.11 This was the tradition of preaching universalism to the world, exemplified, according to him, in the teachings of Descartes, Kant and Goethe as well as in the 16th century naval explorations of the world and in the 19th century industrial revolution. Like Serrarens, from this grand heritage Le Bail also inferred the need for a “very strong supra-national authority” but explicitly left open the question whether Europe should form a union or federation. Whatever the political form, the most important thing is the creation of, as he put it, “the Europe-

6. Interestingly, both Philip and Layton were members of the Parliamentary Section of the European Movement which promoted the establishment of “supranational European Authorities” on the fed- eralist model. See “European Movement Parliamentary Section: Council of Europe”, W. LIP- GENS and W. LOTH (eds), op.cit., 409. 7. Reports, 84. 8. One of the founding members of the European Parliamentary Union, founded in July 1947 with the goal of establishing a federal Europe. For an account of this organization see H. GISCH, “The European Parliamentary Union (EPU)”, W. LIPGENS and W. LOTH (eds), op. cit., 112-22. 9. Reports, 86. 10. Ibid., 102. 11. Ibid., 119. 66 Aleksandar Pavković an Motherland”.12 The need to create a motherland out of Europe was further em- phasized by the Liberal Greek representative Pudelis Rozakis, who stated that “… our wisdom and our unshakable faith in this sacred cause [of united Europe] must create here, even in this Assembly, an atmosphere favourable to the flowering of a European soul, which … will form … a common European homeland Ð a Mother- land”.13 Even a British representative, the Labour deputy Seymour Cocks could not resist exclaiming that “we are all Europeans together … We who have behind us traditions of 2,500 years of European civilization have the future of Europe in our charge”.14 Thus this feeling of ÇEuropeanessÈ was among some representatives of the Assembly reinforced by the belief in a common European heritage and past uni- ty, even if this unity was conveniently located in a very distant past indeed. Contrary to the above advocates of a European supra-national authority, its op- ponents found in common European heritage or civilization neither a source of uni- ty nor an example of unity of any kind. Herbert Morrison, a British Labour leader and the then Deputy Prime Minister of the UK, reverted to the theme already fore- shadowed by his countryman Lord Layton: “As a result of centuries of existence of separate nations, European countries have developed diverse traditions, means of thought, institutions and interests …; it is a good thing that each nation, and each people should have its special characteristics, temperaments and outlooks … diversity in Europe contributes to the richness of collective European civilization and life.”15 From this he concluded that “national diversity is a reality which cannot be cast on one side as a tiresome but irrelevant obstacle to the realisation of favorite theo- ries …”. 16 Morrison's argument is thus the very opposite of the federalist argu- ment: instead of unity in common European heritage, it finds only diversity. This diversity is reflected in national political institutions Ð parliaments and govern- ments Ð who alone have the democratic mandate to delegate their own authority to any other bodies. The common European civilization, he claimed, offered neither historical example nor a democratic mandate for any supranational political institu- tion of Europe.17

12. Ibid., 120. 13. Ibid., 131. 14. Ibid., 133. 15. Ibid., 122. 16. Ibid., 123. 17. Following on Morrison's speech, Harold Macmillan (the future Conservative British Prime Minister) avoided any debate on national diversity or on common European heritage and instead offered a series of rather bland practical exhortations such as the one that “we must restore freedom of thought, freedom of movement, the flow (within proper safeguards) of capital and labour; above all, the flow of ideas”. Ibid., 124. What is common European heritage? 67

Following Morrison, the Australian-born British Labour representative Ronald Mackay, attempted to reconcile the federalist and anti-federalist approaches and suggested a compromise, built once again on a conception of common European heritage: “The first Europe which grew up after the Roman empire, came to an end with the Reformation and the Renaissance. The second Europe, the Europe of independent sovereign States, crashed around our ears in our lifetime with the two world wars. It is our problem now to build a third Europe”.18 Unlike the federalists, Mackay did not see only unity in common European her- itage and was also prepared to leave the exact form of European political organisa- tion unspecified: the Consultative Assembly, he conceded, did not need to “state the exact type of authority required”.19 Unlike the anti-federalists, he emphasized the need to “merge the individual sovereignties” into a political union as the only way to ensure “the future well-being and prosperity of our great European civiliza- tion”.20 In order to live up to its name of the “great European civilization” his “third Europe” had thus to overcome the divisions of national sovereignties. Once again common European civilization, undefined and unexplained as in other speeches, seems to set the standards for the future united Europe. In fact, this absence of def- inition of common European civilization appears, in this context, to make the con- cept of common European heritage or civilization eminently usable: to so vague and undefined a concept, one could easily attribute any ideal or model of united Eu- rope and thus use it to support any model of united Europe one prefers. Thus, opposing Mackey, the former Prime Minister and the future President of Ireland, Eamon de Valera rejected any merging of sovereignties and, in justifica- tion, appealed to yet another aspect of European history or heritage: “For seven and three-quarter of centuries we have fought to preserve our own national being, to prevent it from being destroyed, submerged or absorbed by a larger political entity. It must be obvious that it would be extremely difficult now to induce our people … voluntarily to give up or seriously endanger their identity, towards the preservation of which such glorious devotion has been shown and such sacrifice endured”.21 In de Valera's view, the proposed merging of sovereignties would be contrary to the principal Irish goal of achieving national sovereignty as a way of protecting their national identity.22 His argument brought to light a major problem any appeal to European history would have to face: as striving for national sovereignty and for a separate national state represents a significant aspect in the history of many Euro- pean nations, history of European nations in their search for their own national sov- ereignty offers no model (or justification) for any project of merging of these sover-

18. Ibid., 140 19. Ibid. 20. Ibid., 141. 21. Ibid., 142. 22. In insisting on protecting separate national sovereignties, de Valera was in effect justifying his life work: as Prime Minister of the Irish Free State in 1937, he proclaimed the sovereignty of Ireland and severed its ties with the British Crown. 68 Aleksandar Pavković eignties. In face of this aspect of European history, common or shared European cultural heritage appears to provide no model for a project of political unification involving the merger of the much cherished national sovereignties. At the close of the first debate, the secretary general of the French Socialists and the future French Prime Minister, Guy Mollet23, rather wittily pointed out the irrel- evance of European cultural heritage for the project of European unification: “Many speakers have referred Ð and rightly Ð to the ancient culture which is common to our European family. It is indeed a family gathering which we are holding here; but there are all kinds of family gatherings. They may be for funerals as well as for births. It is for us to decide whether we are here in order to bury Europe, or to give birth to Europe”.24 Common European culture, Mollet pointed out, does not, by itself, lead to the uni- fication of Europe: the unification could be achieved only by the political action, in Mollet's optimistic assessment, of the representatives in the Constitutive Assembly. This seems to be the view that prevailed at the end: the resolution concerning the necessary changes adopted by the Consultative Assembly failed to appeal to or mention any common heritage or European civilization. Yet this did not lead the representatives of the Assembly to abandon the rhetoric of common European her- itage Ð it reappears, in a different form, in the debates on the ‘measures to be adopt- ed ...for the maintenance and further realization of Human Rights and fundamental freedoms’ and on the program of European cultural cooperation.

From common heritage to human rights?

In opening the debate on the question of human rights, the French Socialist Pierre Teitgen, proclaimed that “Europe should in fact be, first and foremost, the land of freedom”.25 Instead of appealing to common European heritage, he warned that “… freedom of money, of competition and of profit has sometimes threatened to destroy the freedom of men”26 thus suggesting that not all European conceptions of freedom are acceptable for the purposes of drawing a code or charter of human rights. But the appeal of common European culture and political traditions could not be resisted for long: the next speaker, the Social Liberal from Denmark, Her- mod Lannung, argued that on the territory of Europe, “based as it is on the same culture, and where the political traditions follow the same man lines”,27 drawing a charter of human rights would be much easier than anywhere else. However, in the view of a Greek representative, Nicolas Antonopoulos, common European ideol- ogy appears to be much more exalted:

23. Who, as a member of the European Movement's Parliamentary Section, was also an eloquent ad- vocate of federalism. 24. Ibid., 161. 25. Ibid., 210. 26. Ibid., 211. 27. Ibid., 214. What is common European heritage? 69

“Man is an end in himself … This seems to me, is the common ideology of free Europe, the ideology which, down the centuries, has been subject to many attacks but which, from the times of ancient Greece Ð which gave it birth Ð up to our own has shaped that European culture without which existence itself cannot be conceived”.28 As expected, his colleague Leon Maccas readily concurred in exalting the role of Ancient Greece29 while the French Socialist Gérard Jaquet30 drew attention to the French Declaration of the Rights of Man and of the Citizen of 1789 which “evoked such wide-spread reactions throughout the world”.31 A Belgian representative, Etienne de la Vallée-Poussin32 introduced a concept of European civilization, this time to argue for a general moral obligation of all Europeans: “What, in fact, does European civilization stand for in our eyes … What have we in mind when we compare European civilization with other forms of social life? Quite simply, it is the dignity of the human being, the conviction shared by us all that every man is wor- thy of respect, that every man has the right to live in safety and dignity, that no man can be a subject of indifference to us however weak or however near to death he may be”.33 It is this aspect of European civilization Ð the respect for human dignity Ð that obliges all Europeans, but in particular the Consultative Assembly, de la Val- lée-Poussin argued, to find home for around 60 thousand displaced people Ð victims of World War II Ð whom no country outside Europe wants because of their infirmities or old age. Both in its aim and in its conclusion his argument significantly differed from the arguments in which common heritage or civilization was primarily a rhetor- ical prop in support of either political unity or at least some sort of conceptual uni- formity (for example, of human rights). Unlike the latter, his argument pointed to spe- cific moral obligations shared by Europeans and European governments. A Danish representative, the Conservative Ole Björn Kraft34 used the concept of common European heritage to argue this time for the protection of the rights of national minorities: “We shall continue to be what we are Ð Europeans, but at the same time Englishmen, French- men, Greeks, Norwegians, Swedes, Dutch, Irishmen, Belgian, Luxembourgers, Italians, Turks and Danes, born and bred … But it necessarily follows that those national groups, who are citizens in a State to which they do not feel that they belong, must enjoy protection as a Human Right, and in such a way to preserve their national life and character …”.35 In Kraft's opinion European heritage is responsible both for the national indi- vidualities and differences and for the conception of human rights according to which these national individualities need to be protected in those states in which they represent a minority. To be faithful to European heritage for him means being

28. Ibid., 215. 29. Ibid., 229. 30. Yet another member of the European Movement's Parliamentary Section. 31. Ibid., 236. 32. And a member of the European Movement's Parliamentary Section. 33. Ibid., 227. 34. And a member of the European Movement's Parliamentary Section. 35. Ibid., 218. 70 Aleksandar Pavković faithful both to the heritage of collective national individualities and to the commit- ment to protect and preserve them. These two speeches exhibited once again the differences, among the European representatives, in their conception of European common heritage as well as in their views on its present implications. And yet, in spite of frequent appeals to com- mon heritage or common civilization, no speaker in the previous two debates had attempted to define in any systematic way the object of this appeal Ð common heritage or civilization. This, however, was attempted in the debate on the report concerning the “methods by which the Council of Europe can develop Cultural Co-operation between its Members”.

Common heritage: how to define it?

The Committee on Cultural Questions, which submitted its Draft Declaration to the Consultative Assembly for General Debate on 26 August 1949, approached the ques- tion of methods for developing cultural co-operation in a very thorough and systematic manner, starting with a definition of “the essential features of the European culture”. In doing so, the Committee, according to its Rapporteur, the Belgian Socialist Victor Larock, set out to “… arm the peoples of Europe intellectually and morally, to unite them in defense of the same civilizing values”36 This “militant conception of culture” reflected the emergent division of Europe of the time into two hostile military and ideo- logical blocs and the exigencies of the Cold War between them. This was clearly a partisan conception which was intentionally constructed as a basis for a defensive or a crusading ideology, depending on one's point of view. In view of this fairly overt ideological aim, it is somewhat ironic that article 2 of the Draft Declaration asserted that “[N]o national or ideological considerations can be al- lowed to take priority over the cultural rights. No power must be allowed to prohibit or to hinder, in whatsoever field it may occur, the free search of the individual for truth”.37 True to its militant Ð and ideological Ð stance the Committee's conception of European culture, Larock noted, clashed with its four principal opponents: “totali- tarianism, national particularism, ideological antagonisms, and finally, with 'the way of life' which the preponderance of capitalism engenders or fosters”.38 Nation- al particularism appeared to Larock to have lost its previous force and ideological antagonisms between the Left and the Right in Europe could be, at least in part, reconciled in regard of cultural problems. The conflict between the “European cul- ture and that form of vulgar pragmatism and mad worship of ‘efficiency’ Ð which is thought will be the inevitable consequence of American preponderance”39 shows,

36. Ibid., 378. 37. Ibid., 379. 38. Ibid., 378. 39. Ibid., 379. What is common European heritage? 71 in his opinion, significant differences between European culture and the “American tendencies and conceptions”. In contrast the first three, the conflict between Euro- pean culture and the totalitarian conceptions in the was based on fun- damental differences: the latter, unlike the “American tendencies and conceptions” posed a serious danger to European culture. In negating these four conceptions, European culture was also defined negatively, in contradistinction to them. Accordingly, the Draft Declaration, in article 1, distances European culture from “national particularism” and “ideological [Left-Right] antago- nisms” by stating that any culture “worth its name” cannot be in “the service of any one nation or any one class”. Instead, culture aims at the improvement of the individual. In article 3, the Declaration distances European culture both from the Soviet totalitarian- ism and American “vulgar pragmatism” by denying that culture could ever be “an in- strument of production” and denying that it can be measured by technical progress or by the resulting increase in power. Rather, culture is embodied “in a flowering of per- sonal qualities …”.40 So, the first four articles of the Declaration outline universal and not specifically European features of culture: any culture “worthy of the name”, in the opinion of the Committee, needs to be distinguished from the four rival or opposing concep- tions of culture in this way. Only in article 5 does the Committee venture a general definition of European culture: “European culture, which is the product of a long tradition, is at one and the same time a synthesis and the source of diversity. … Its unity has been affirmed during the course of the years through one constant de- mand: that the spirit be exalted. … Its diversity is that of any free creative force”.41 As a definition of a specific European culture, this one excels in vagueness and avoids, clearly on purpose, any detail. This absence of detail was noticed rather early in the general debate and several participants attempted, each in his own way, to overcome it by supplying their own accounts of the origins and uniqueness of European culture. Among the first, a French overseas representative and the future president of Senegal, the poet Leopold Senghor proposed, with due modesty, the following account: “The common heritage of Europe is the culture which was produced by grafting Christi- anity on Greek logic. I say Christianity but, as you know, Islam is Christianity's brother in spirit and in origin … I say Christianity, but as you know, is only a reaction of Christian origin against the deviations from the history of Christians. The common heritage of Europe resides … in that accuracy of method, that spirit of method, by which Europe has succeeded in subjugating matter and controlling the blind forces of nature. The common heritage of Europe is the ideal of man which has been patiently built up and perfected during the course of twenty centuries. As Valery said: Man, the standard of measurement; Man, the political element, the citizen, a human entity defined by law, Man, equal to Man before God, Man, the pilgrim of eternity”.42

40. Ibid., 380. 41. Ibid. 42. Ibid., 382. 72 Aleksandar Pavković

His definition starts with the origins of European culture Ð Greek logic and Christianity Ð and then singles out two of its principal distinguishing features Ð the methodological conquest of nature and the ideal of equal and free man. Offered by one of the most prominent intellectuals of the time, this is the most precise and de- tailed as well as the most comprehensive definition of common cultural heritage heard in the Consultative Assembly. The precision and detail were, in the view of the Committee on Cultural Co-operation and its Rapporteur, the principal obstacles to the adoption of this or any other similar definition. In spite of this, some pazticipants in the debate still returned to the issue of origins and history of European heritage which the Draft Declaration so studiously avoided. Leon Maccas once again pointed to the example of Ancient Greece as well as of By- zantium in the diffusion of civilization all over the Mediterranean, both in Europe and in Africa.43 And in the second debate on the report of the Committee for Cultural Co- operation on 6th September 1949, the Belgian Social Christian M. L. Moyerson not- ed that while in the days of “the lofty Greek and Roman culture” slavery and thus gross inequality was widely accepted, it was Christianity that proclaimed the equality of men. “It is therefore the Church, which, if European civilization means freedom, may claim to be the mother of freedom”.44 This as well as his further remarks about the individuals as originators of cultures, triggered off a lively debate about the ori- gins of European culture. The Rapporteur, Larock, reminded Moyerson of the solici- tude shown for human freedom by Socrates, Plato and the Stoics and then proceeded to argue for the continuity from the Greco-Roman humanism, through Christianity all the way to the French Revolution. The Socialist Le Bail, in spite of the institution of slavery, defended the Ancient Greek idea both of freedom and of equality and argued that “the idea of equality is not an idea of purely Christian origin”.45 He also urged the Assembly to strive for “the conciliation of these two [Ancient Greek and Chris- tian] humanisms”. Another French representative, Jacques Bardoux,46 then proposed that the first sentence of the preamble of the declaration read: “European culture has its sources in Greco-Roman humanism, developed by Christianity, and enriched through many centuries by the working of free ideas”.47 This, in his opinion, would outline the three successive sources of European culture. A Turkish representative, Feridun Düsünsel, objected to this on the ground that the Assembly should aim to unite nations and civilizations and not debate the origins of European civilization. This objection indicated that the attempt to locate the origins of European civilization in one of Europe’s religions would, quite natu- rally, divide the representatives of different religious backgrounds. Larock, the Rapporteur of the Committee, also rejected this proposal, arguing that Bardoux' is the language of intellectuals and academics while the declarations of the Assembly “must be couched in fairly plain language” if it is to appeal to the public opinion of

43. Ibid., 385. 44. Ibid., 533-4. 45. Ibid., 536. 46. A senator and a member of the Institute and of the Academy of Colonial Sciences. 47. Ibid., 536. What is common European heritage? 73

Europe. As the Committee's aim was to proclaim or define a militant Ð that is to say, mobilizing Ð conception of European culture, the need to appeal to the widest segment of population appeared to be overriding any other concern. For this pur- pose clearly the academic or intellectual definitions would be of no use.48 The de- bate on the origins and elements of European culture ended with Bardoux' with- drawal of his proposal. This most exhaustive debate exhibited a wide range of different views on the subject and demonstrated the difficulty, if not the impossibility, of finding a precise and detailed definition of European cultural heritage which could be endorsed by most representatives. As several participants in the debate noted, it was unclear what such a definition Ð which would only divide the opinion of the Assembly Ð could ultimately achieve. In any case, in view of the mobilizing aim of the Assem- bly's declaration on European culture, no comprehensive definition, however wide- ly accepted, would be of much use. It is somewhat ironic that these pragmatic con- siderations, arising ultimately from the exigencies of the Cold War, partly determined the Consultative Assembly's views on the European culture. The three debates in 1949 in which the rhetoric of European heritage so promi- nently figured, appear together to demonstrate the irrelevance of this rhetoric. A common European heritage clearly could neither establish the need for a federal or any other political union in Europe: the European past simply does not univocally point to an ultimate political union of European states. On the contrary, the past offers rather contradictory and not all that encouraging pointers Ð many of which, after all, point to no European union of any kind. In the absence of a precise defini- tion of common European heritage, this concept also proved to be of little help in defining the allegedly unique European conception of human rights and freedoms. Finally, the need to mobilize as wide a segment of European population as possible in defense of European values against totalitarianism, ruled out any attempt at a more precise definition of European culture as too intellectual and restrictive. In short, it was thought that the only practical use to which an appeal to common Eu- ropean heritage could be put is that of the Cold War mobilization against totalitari- anism. Thus common European heritage appears to have ended its rhetorical career in the Consultative Assembly as yet another lofty European idea in the service of political propaganda.49 Aleksandar Pavković Macquarie University, Sydney

48. Ibid., 538. 49. I would like to thank Ms Catherine Welch for her invaluable assistance in finding sources for this article. The work on this article was supported by a generous grant from Macquarie University, Sydney. 75 Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues

Bernard Esmein

Au début des années 80, des questions culturelles et éducatives apparaissent dans la construction communautaire. A la fin de la même décennie des politiques se met- tent en place, à travers toute une série de programmes comme Erasmus, Kaleidos- cope, Media ou Lingua. Elles sont entérinées à Maastricht avec les articles 126-128 du Traité, qui dessinent deux compétences communautaires nouvelles: celles de la culture et de l’éducation. Après 1992, le domaine d’intervention de ces politiques à la fois se restructure, conformément aux nouvelles bases juridiques (avec les super-programmes Socrates et Leonardo), et en même temps s’étend, touchant des domaines comme l’école (Comenius), le patrimoine (Raphaël), le livre (Ariane) ou les contenus culturels du multimedia (Info 2000 et MLIS). Même si ces politiques occupent à l’heure actuelle une place très modeste dans les politiques de l’Union (près de 1% du budget si l’on considère l’ensemble des programmes généraux éducatifs, culturels, linguistiques et audiovisuels, le triple lorsqu’on y ajoute l’action des Fonds structurels), leur surgissement appelle toute- fois toute une série de questions intéressantes. Certaines concernent le sens et les conditions de leur apparition dans le processus de construction communautaire. L’une des questions intéressantes est de savoir si elles représentent une étape de plus, et même un des premiers pas dans la politogénèse de l’Europe.1 A partir du moment où l’on touche à des questions culturelles, éducatives et même linguisti- ques, cela veut dire qu’on a quitté la phase de la simple construction économique, pour entrer dans une phase plus politique de la genèse, précédant la phase politique ultime. On pense ici par analogie avec la construction des Etats-nations, où la poli- tique à l’égard des langues, des patrimoines et l’école a joué un rôle central dans la genèse même de l’unité de la communauté politique. Or comme on va le voir, cette façon de voir se trouve en défaut quand on étudie les choses de près. Ces politiques apparaissent souvent moins comme la poursuite dans le domaine culturel, du travail d’intégration commencé au niveau économique, que comme une réaction face aux conséquences culturelles qu’a eu cette action économique et cela au niveau européen comme au niveau mondial. L’audiovisuel est très typique à cet égard. Il est le lieu d’une prise de conscience de problèmes culturels de type nouveau résultant de l’ouverture des frontières, de la libre-circulation des marchandises culturelles et de la globalisation, problèmes auxquels les Etats-nations ne savent pas toujours comment faire face et qui remettent en question ce que R. Collins appelle la Çsouveraineté culturelle et informationnelleÈ des Etats.2 Loin de poursuivre le travail d’intégration en lui faisant dépasser un seuil nouveau, la politique semble plutôt

1. C’est ainsi par exemple que J. M. ELOY (1994) pose la question. 2. R. COLLINS, 1990. 76 Bernard Esmein essayer ici de colmater les effets des politiques économiques. De plus, ces politiques illustrent les difficultés et les résistances rencontrées par l’idée même d’une inté- gration culturelle, éducative ou plus encore, linguistique au niveau européen. Cela montre aussi les différences considérables qu’il y a entre les processus de construc- tion nationaux et celui de la construction de l’Europe. Souvent comparés par les pères fondateurs,3 ces deux types de processus se doivent d’être distingués. On perçoit l’intérêt, à un second niveau, qu’il y a à s’intéresser à ces politiques: même modestes, elles offrent une sorte d’observatoire sur les transformations cul- turelles et politiques à l’oeuvre dans la construction européenne. Elles permettent de poser des questions d’ordre anthropologique et sociologique sur cette construc- tion, sur ce qu’elle signifie et recouvre en réalité, sur les processus en cours, là où l’on est habitué à voir les choses à travers les modèles de la théorie économique seulement. Par exemple, elle permet d’interroger le rapport entre économie, cul- ture, et anthropologie, dont il est intéressant de noter qu’il est de plus en plus à l’ordre du jour aussi bien chez les économistes,4 que chez les démographes5 ou chez les politologues,6 lorsqu’ils étudient le plan international.

Un peu d’histoire

Faut-il rappeler que l’éducation et la culture faisaient partie intégrante du projet européen à ses débuts? Présentes au Congrès de La Haye avec des figures comme D. de Rougemont ou E. Gilson, elles sont souvent mentionnées chez R. Schumann à travers l’idée d’une éducation européenne où l’enseignement de l’histoire et des langues auraient un visage nouveau.7 On peut même penser qu’à ses débuts, un J. Monnet devait certainement plus penser l’Europe en termes politiques et éducatifs qu’en termes économiques, puisqu’il ne croyait guère à une construction économi- que qui, à ses yeux, n’amenait pas assez de délégation de souveraineté.8 Ne lui prête-t-on pas d’avoir dit vers la fin de sa vie: ÇSi c’était à refaire, je commencerais par la cultureÈ.9 C’est le Traité de Rome qui, par les délimitations de compétence auxquelles il donnera lieu, aura pour fonction de reléguer l’éducation et la culture dans la sphère de responsabilité des Etats membres. Le Conseil de l’Europe se verra toutefois con- fier, dès 1949, un certain nombre de missions dans ces domaines, mais limitées à la coopération intergouvernementale. Il restera d’ailleurs pendant longtemps le quasi

3. Voir par exemple: J. MONNET, 1976 p.728-9. 4. M. PORTER, 1990. 5. E. TODD, 1998. 6. D. SCHNAPPER et H. MENDRAS, 1990. 7. R. SCHUMANN, 1963. 8. Voir par exemple P.GERBET, 1983 p.195. 9. Cité par J. P. BARRAS, 1986. Voir la mise au point de M. DUMOULIN dans l’introduction à ce volume. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 77 unique dépositaire et continuateur des idéaux de l’immédiat après-guerre dans le domaine éducatif et culturel. Mais on ne pouvait durablement exclure la culture et l’éducation sans qu’elles ressurgissent de manière détournée, et cela de plusieurs manières: Ð d’abord parce que de nombreuses politiques avaient des interférences avec la cul- ture, ou l’éducation. Ce sera le cas pour l’audiovisuel et la radiodiffusion, la for- mation professionnelle, ou la libre-circulation des personnes avec par exemple la scolarisation des enfants de migrants ou la reconnaissance professionnelle des diplômes;10 Ð ensuite on ne pouvait limiter une entreprise supranationale dont le but explicite était le rapprochement entre les peuples, à n’être qu’une entreprise économique. Aussi voit-on de même, dès le milieu des années 70, apparaître des programmes d’action dans le domaine éducatif ou culturel.11 Mais ceux-ci mettront des années avant de connaître une réalisation concrète, en raison des résistances d’un certain nombre de pays qui feront de la question culturelle et éducative le symbole même du renforcement politique; Ð il faudra un certain nombre d’affaires en Cour de Justice, comme l’Affaire Gra- vier en 1985 pour amener un déblocage qui conduira aux premiers programmes éducatifs et culturels à partir de 1986, et à l’inclusion de compétences dans ces domaines avec Maastricht; Ð le Parlement Européen contribuera lui aussi à cette extension en créant une com- mission de la culture, de l’éducation et des médias en 1979, année qui suit celle de sa légitimation démocratique, ce qui est, en soi, tout un symbole. Deux remarques générales se dégagent de tout cela. Tout d’abord ces politiques apparaissent par le revers. Elles ne correspondent pas à un projet constructif clair aux bases nettes et solides. Aussi est-il important, à chaque fois, de voir de quelle manière elles tombent dans l’escarcelle communau- taire, et surtout à partir de quelles bases juridiques. Ces bases sont différentes pour l’audiovisuel et l’éducation par exemple. Dans le premier cas, des Arrêts de la Cour de Luxembourg intègrent la radiodiffusion à la libre circulation des services.12 Cela va entraîner un débat houleux qui court pendant toutes les années 80, qui préfigure le débat sur l’exception culturelle. Dans le deuxième cas, celui de l’éducation, l’affaire Gravier13 donne un sens large à la compétence de formation profession- nelle, qui figurait dans le Traité de Rome, qui va permettre à la Communauté de mettre en Ïuvre des politiques de développement des ressources humaines afin de préparer l’ouverture de 1993. Or quand on compare ces deux situations, on voit quelles ont quelque chose d’inverse: dans le premier cas la situation créée met la culture en position défensive face à l’économie. Dans le deuxième cas, elle donne

10. Conseil de l’Union Européenne, 1977 et 1989. 11. Voir par exemple Conseil de l’Union Européenne, 1974. 12. Par exemple les Arrêts Sacchi, 1974 Debauve, 1980 et Coditel, 1980. 13. Arrêt Gravier, 1985. 78 Bernard Esmein au contraire des moyens éducatifs constructifs, là où jusqu’alors on ne connaissait que l’économie. Cela montre à quel point le processus qui mène à la naissance de ces politiques est loin d’être linéaire. Ce n’est pas une politogénèse qui, à la manière du dével- oppement de la plante chez Hegel,14 exprimerait le développement de l’idée euro- péenne, menant naturellement de l’économie à la politique en passant par la culture et l’éducation. Le processus est non seulement plus complexe, mais on peut même constater une cassure au milieu des années 1980. Cette cassure est d’autant plus intéressante qu’elle correspond manifestement à la prise de conscience, sur le plan international, des effets culturels de l’ouverture des frontières. Cela ne veut pas dire qu’on ne puisse pas du tout considérer les choses en termes de politogénèse. Mais, comme on le verra plus loin, pas à la façon dont on pourrait s’y attendre. Autrement dit, l’intéressant est que si pendant longtemps on accepte, avec le Traité de Rome, de séparer l’économie et la culture, à partir d’un certain moment on réalise qu’une construction aussi considérable dans ses effets que la construc- tion économique ne peut pas ne pas avoir, pour les Etats, des effets dans le domaine culturel. Il semble bien que la prise de conscience de cette dimension des choses remonte au milieu des années 1980.

L’audiovisuel et ses projets unifiants

C’est dans le domaine de l’audiovisuel qu’on peut situer sans doute cette prise de conscience initiale. C’est un domaine paradoxal comme on va le voir, et qui révèle un certain nombre de contradictions au cÏur même de la pensée économique qui est à la base même de la construction européenne. En effet lorsqu’on regarde l’histoire de ce secteur, on s’aperçoit que c’est l’un de ceux où, dans les esprits, la libre circulation a le plus mis à mal les cultures, et en même temps, en raison du rattachement de ce secteur à une politique commune,15 c’est aussi l’un des rares où la Commission et le Parlement aient véritablement essayé de faire jouer un rôle unificateur à la culture. Ce paradoxe mérite une expli- cation. On va voir qu’il est intéressant et révélateur. Au début des années 80, les projets de ces deux institutions affichent en effet sans grand problème le souci de faire jouer un rôle unificateur à l’action culturelle

14. On connaît le célèbre texte de La Phénoménologie de l’Esprit: ÇLe bouton disparaît dans l’éclate- ment de la floraison, et on pourrait dire que le bouton est réfuté par la fleur. A l’apparition du fruit également, la fleur est dénoncée comme un faux être-là de la plante, et le fruit s’introduit à la place de la fleur comme sa vérité. Ces formes ne sont pas seulement distinctes, mais encore chacune re- foule l’autre, parce qu’elles sont mutuellement incompatibles. Mais en même temps leur nature fluide en fait les moments de l’unité organique dans laquelle elles ne se repoussent pas seulement, mais dans laquelle l’une est aussi nécessaire que l’autre, et cette égale nécessité constitue seule la vie du toutÈ G. W. F. HEGEL, 1807. 15. Celle de la constitution d’un marché intérieur et de l’intégration économique. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 79 ou éducative. On le voit clairement, par exemple, dans les premiers débats sur les satellites et les projets de chaînes Européennes, par exemple le Rapport Hahn de 1982 et le Livre vert de 1984.16 On cherche à bâtir un Çespace audiovisuel européenÈ. On se dit que l’intégra- tion économique, dans un secteur clé comme celui de l’audiovisuel, peut jouer un rôle décisif dans l’unification culturelle européenne. Et cela parce que la télévision et l’audiovisuel ne sont pas des marchandises comme les autres. C’est, si l’on veut, le raisonnement inverse de celui de Çl’exception culturelleÈ: la libéralisation, parce qu’elle touche ici des produits qui n’ont pas le même caractère que les autres, peut entraîner des phénomènes culturels nouveaux: ÇL’information est un facteur décisif, peut-être le plus important de l’unification européenneÈ dit en 1984 le Livre vert. ÇL’unité européenne ne pourra se faire que si les européens en ont la volonté. Les européens n’en auront la volonté que s’il existe quelque chose qui res- semble à une identité européenne. Une identité européenne ne se développera qu’à la condition que les européens en soient correctement informés. Pour le moment, l’information Ð via les mass media Ð est contrôlée au niveau nationalÈ.17 L’idée s’incarnera notamment dans des projets de chaînes satellites de télévision européenne: Eurikon, Europa TV18 et Euro News. C’est une position étonnante qui cherche à faire jouer à la télévision et à l’information un rôle unifiant par le biais de la libéralisation dans le secteur audiovisuel. On estime que sous l’effet de la ÇdisparitionÈ des frontières, les moyens d’information deviendront supranationaux, qu’un espace européen de la télévision sans frontières se constituera spontanément, et que cela per- mettra à une identité européenne de naître.19 Cette identité n’est rien moins que le fameux fonds commun de civilisation que les peuples européens partagent par delà leurs différences. Une figure de la DGX de la Commission Européenne, M.Piccarolo, explique ainsi en 1985: ÇNous croyons que le sentiment basique d’identité européenne va émerger spontanément du marché unique télévisuel, comme une conséquence des nouvelles technologies.(...) Nous pensons que tirant avantage des possibilités offertes par les nouveaux standards techniques et l’élargissement des zones de diffusion directe des satellites, les diffuseurs peuvent rompre la barrière millénaire des langues et essayer de produire et diffuser de réels programmes paneuropéens pour une réelle audience européenneÈ.20 Ce qui est paradoxal, c’est que ce soit à un moment d’ouverture culturelle, un moment de suppression des frontières de la télédiffusion, qu’une telle idée appa- raisse. Mais n’oublions pas que c’est conforme à l’idée d’intégration économique, telle qu’on la trouve dans l’histoire de la construction. L’ouverture des frontières,

16. Commission Européenne, 1984 et Parlement Européen, 1982. 17. Commission Européenne, 1984, cité par T. MATELLART, 1994 p.229. 18. Rappelons qu’il s’agissait de chaînes paneuropéennes. La première était expérimentale. La secon- de, fruit d’un consortium de plusieurs chaînes publiques européennes émettra pendant un an à par- tir d’Hilversum aux Pays-Bas en 1986/87. L’Etat néerlandais mettra fin à son existence pour des questions complexes de législation de la publicité télévisuelle dans ce pays. 19. Sur ces questions voir T. MATELLART, 1994. 20. M. PICCAROLO, 1985 traduction B. ESMEIN. 80 Bernard Esmein accompagnée de mesures régulatrices, doit rapprocher les intérêts et intégrer les nations en un ensemble plus uni. Or l’affaire de l’audiovisuel va finalement révéler les limites de cette façon de penser. On ne passe pas comme cela du plan économi- que au plan culturel. En 1981 déjà, A.Smith avait critiqué la tendance libérale à croire que les grandes forces du commerce et de l’industrie et le développement des communica- tions, finiraient, en liant les nations entre elles, par éliminer les barrières culturelles et ethniques, et révéleraient l’unité sous-jacente de pensée et d’émotion existant entre les peuples.21 Il avait montré combien la conjoncture européenne et même mondiale d’ouverture économique démentait cette façon de voir, puisqu’on assis- tait ici et là à d’innombrables phénomènes de réveil des identités culturelles. On a avec l’affaire de l’audiovisuel un démenti du même ordre, qui permet de question- ner les limites de ce qu’on appelle ÇintégrationÈ dans le jargon communautaire: que la construction ait pour objectif de rapprocher des intérêts est une chose. Qu’elle ait un effet intégrateur sur le plan culturel en est une autre. Finalement, ces idées étaient en décalage par rapport au sens historique de ce qui se passait sur le plan culturel. Comment attendre qu’un espace d’unification spontanée surgisse d’une période marquée par la décentralisation culturelle à tra- vers la déréglementation? Mais poursuivons, car l’affaire a eu d’autres conséquences. Pour arriver au but fixé, il fallait lever les obstacles empêchant les groupes européens privés de se constituer dans l’audiovisuel, et intervenir dans la réglementation de la propriété des médias, pour permettre à une industrie culturelle européenne de naître.22 Le sous-entendu c’est qu’elle se lancerait dans la fabrication de programmes ÇeuropéensÈ destinés à cet Çespace européen de l’audiovisuelÈ et à une télévision européenne. On pensait même que le secteur privé irait plus naturellement dans le sens de l’Europe que le secteur public, trop lié aux Etats.23 Or la logique des grands groupes ne sera pas Çnaturelle- ment plus européenneÈ. Les chaînes privées créées dans les années 80, vont largement diffuser les programmes américains en raison de leur faible coût. En fait, elles con- sommeront beaucoup de national et de l’américain. Entre les deux, l’«espace européen de l’audiovisuelÈ n’apparaîtra guère.24 Cela débouche du même coup sur une autre question: Çl’espace de communica- tion européenÈ n’est-il pas un leurre? L’Europe n’est pas un ensemble communica- tionnel homogène. Les idées d’«espace de communication européenÈ ou d’«espace audiovisuel européenÈ telles qu’elles se sont répandues à la Commission Européenne et au Parlement Européen au début des années 80, sont ainsi sans fondement. Le raisonnement libéral, critiqué par A. Smith oublie l’incontournable barrière des

21. A. SMITH, 1981. 22. On verra ces raisonnements avec la constitution de la Ç5È. 23. La rentabilité économique pousse de plus en plus Çles chaînes privées et les sociétés qui les gèrent à s’organiser à l’échelle européenne et non plus dans le seul cadre national (...). Ainsi, la logique du marché et de la concurrence, exclue de la télévision publique de monopole, conduit les entreprises du secteur à une stratégie européenneÈ. Commission Européenne, citée par T. MATELLART, 1994. 24. T. MATELLART, 1994 p.247. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 81 langues, avec tout ce qu’elles font subsister avec elles, de manière profonde, notam- ment sur le plan anthropologique.25 Tout cela a une foule de conséquences dans la perception que la Communauté peut avoir d’elle-même en tant qu’ensemble culturel. Du coup, on peut penser que s’il existe une assez forte convergence culturelle des peuples européens, elle est trompeuse. Elle vient, certes, de ce que des activités économiques et des technologies semblables canalisent les individus vers des activ- ités, des loisirs et des types de hiérarchie semblables d’un pays à l’autre. Elle vient aussi de ce que des systèmes éducatifs font accéder sans trop d’inégalité aux hautes cultures qui ont servi de base aux constructions nationales et qui sont requises par le développement industriel et technologique. Par contre elle ne s’accompagne pas d’homogénéité communicationnelle. Et du coup, cette convergence culturelle, même très forte, ne semble pas produire spontanément des phénomènes d’intégra- tion culturelle. On a même l’impression au contraire que le Çréveil des identitésÈ serait un peu comme l’autre face de cette convergence culturelle grandissante des grands Etats produite par les échanges économiques et l’ouverture des frontières, l’une renvoyant à l’autre comme les deux faces d’une même médaille.26 On reste étonné ici qu’on ait demandé à la télévision de créer de l’identité. Cela montre à quel point la réflexion sur les processus de construction des identités reste floue. L’école par exemple a joué ce rôle par rapport aux nations car c’est un appa- reil idéologique lié à la langue d’Etat et aux autorités publiques. Mais la télévision, surtout privée, comment le pourrait-elle? Tout cela amène à se demander quel type de solidarité culturelle l’intégration européenne peut bâtir. D’abord l’idée même d’unification garde quelque chose d’utopique, car on n’unifie pas l’Europe comme cela. De plus, lorsque la solidarité européenne est trop pensée sur le mode de l’unité culturelle, on se retrouve devant un modèle voisin de celui du Çnation buildingÈ, contre lequel, précisément la cons- truction européenne s’est faite. A chaque fois qu’on insiste sur le rôle unifiant, on provoque une levée de boucliers. Si intégration culturelle il y a, elle doit se faire dans le respect des différences. Comment alors penser la place de la culture dans la construction? Il semble bien que ces politiques se dirigent de plus en plus dans deux autres voies: Ð la première voie est celle de la défense de la pluralité des identités. On le voit avec les quotas, et plus tard le lancement des programmes Media ou Lingua. La défense se retrouve finalement être le plus petit commun dénominateur entre fédéralistes et défenseurs du cadre national dans la querelle culturelle. C’est sur cette entente que se fera l’accord de Maastricht. Paradoxe s’il en est, c’est la notion de diversité qui acquiert ici une fonction fédératrice beaucoup plus que celle d’unité et il est intéressant de réfléchir sur sa fonction profonde. On va voir maintenant comment elle a surgi. Ð la deuxième voie est celle de l’interculturel, en insistant, comme dit L. Porcher, sur le ÇinterÈ de ÇinterculturelÈ, c’est-à-dire la mise en relation, la circulation,

25. E. TODD, 1998. 26. C’est l’une des choses que suggère L. PORCHER, 1994, op.cit. 82 Bernard Esmein

l’échange.27 La culture et l’éducation dans les mouvements de nation-building ont eu pour fonction d’assimiler les citoyens à l’Etat, la place qu’elles occupent dans la construction européenne ne peut plus être celle-là. Elle est dans le rapprochement des peuples, dans le ÇtransÈ de ÇtransfrontalierÈ, c’est-à-dire dans l’enrichissement mutuel, les connexions, les transferts, la mise en rapport, les rencontres. Tout cela implique les échanges entre cultures différentes, ou même entre les cultures com- posant une même société, la circulation et la mobilité des personnes, des idées, des compétences, etc. Eventuellement la création par mélange, mixité, syncrétisme. Mais on part toujours d’au moins deux, de préférence même de plus de deux, jamais de un. Dans le domaine audiovisuel on le voit, par exemple avec Arte. C’est une démarche plus difficile, mais sans doute beaucoup plus conforme au rôle que l’on pensait attribuer à la culture et à l’éducation à l’époque du Congrès de La Haye ou de la fondation du Conseil de l’Europe. On verra aussi des illustrations de ce type de démarche.

La cassure des années 80

L’idée d’ Çespace européen de l’audiovisuelÈ est accueillie avec virulence. Cela va transformer la négociation qui mènera à la Directive ÇTélévisions sans frontièresÈ en un véritable steeple-chase. Le Conseil mettra cinq ans, de 1984 à 1989, pour l’adopter et cela sera renforcé par le fait que le Conseil de l’Europe, adoptera simultanément la convention concurrente de la ÇTélévision transfrontièresÈ. Pourtant, comme on l’a vu, le thème de l’espace européen de l’audiovisuel était orthodoxe. Il était conforme à cette idée libérale qui est à la base de la construction européenne, selon laquelle la construction économique par le développement des échanges, produirait un effet intégrateur sur le plan culturel en faisant tomber les barrières nationales. Or jusque-là, cette idée n’était guère remise en question et semblait même assez bien accueillie. Mais dans les années ‘80 se produit justement une rupture avec cette façon de penser le rapport entre l’économie et la culture. La prise de conscience des effets culturels de l’ouverture des frontières, loin d’avoir un effet unificateur sur les cultures, provoque au contraire la défense du pluralisme des identités. L’économie n’est plus vue comme ayant un rôle tran- quille, spontanément intégrateur sur le plan culturel. Elle est cause d’un désordre qui risque de remettre en cause cette pluralité. Ce sont les produits américains sur les chaînes libéralisées qui provoquent cette prise de conscience. Le fameux Çeffet spontané» n’a pas été celui auquel on s’était attendu. De quelles données dispose-t-on pour évaluer le phénomène? Z. Brzezinski estimait en 1990 que: Ç80% des mots et des images qui circulent dans le monde proviennent des USAÈ.28 Ces chiffres ne sont pas exagérés; ils se recoupent avec

27. On trouve la suggestion d’insister sur le ÇinterÈ de ÇinterculturelÈ chez L. PORCHER, ÇTélé- vision, culture, éducationÈ, A. Colin, Paris, 1994 Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 83 d’autres sources. Dans ce volume, les émissions télévisées et les films tiennent la plus grande part. Et le poids des anglo-saxons est écrasant. Dans ce seul secteur, en 80, les USA représentent 87,5% et le Royaume-Uni 5,5% du volume qui circule.29 Il faut faire attention toutefois que les Européens regardent d’abord massivement les programmes du cru: 90% sont nationaux selon Young and Rubicam.30 Mais après cela ce sont les produits américains qu’ils regardent. Entre les deux, l’Europe n’existe pas. Cela déclenche une réaction identitaire à l’ouverture économique en tant que processus culturel. On ne parle plus des frontières culturelles qui chuteront sous l’effet des échanges. On cherche à mettre des bornes à une ouverture économique pour laquelle les biens culturels ne sont plus que des marchandises, et ce n’est pas facile car il faut pour cela aller contre l’évolution qui, dans la construction elle-même a porté justement vers la libéralisation de ces secteurs. Par voie logique, la réaction ne va pas concerner seulement l’Europe mais bien recouvrir tout le champ de l’ouverture mondiale, se superposer à celle que provo- que le développement de l’anglais et des produits culturels américains. Le monde anglo-saxon va devenir le symbole même de l’ouverture qui ignore les frontières culturelles. Mieux, les marchandises non culturelles sont touchées: le laisser-faire anglo-saxon devient le symbole de la culture standardisée et Coca-cola l’image de l’homogénéisation culturelle mondiale: la ÇcocacolanisationÈ de la planète. Le Figaro du 24 novembre 1988 relate les négociations de Stockholm sur la télévision transfrontalière. S.Veil, dit-il, est venue plaider pour Çl’adoption d’urgence par les gouvernements du continent d’un certain nombre de règles, sans lesquelles le paysage audiovisuel européen risque de se transformer très vite en un champ de manÏuvres pour quelques groupes transnationaux, et un champ de ruines pour les créateurs et les producteurs de chacun de nos pays. Il est de mon devoir a dit Mme Veil, d’exhorter les gouvernements européens à établir d’urgence un état de droit dans l’univers audiovisuel de notre continent ouest européen. Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard pour mettre à la raison ceux qui seront alors installés de façon inexpugnable au centre de notre espace hertzien communÈ.31 Les Assises de l’audiovisuel en 1989 à Paris sont un autre moment fort du débat: ÇAvons-nous le droitÈ, y déclare Jacques Delors, Çde perpétuer nos tradi- tions, notre patrimoine, nos langues? Et comment un pays de 10 millions d’habi- tants demain pourra, devant l’universalité offerte par les satellites, maintenir sa langue, qui est un véhicule de sa cultureÈ?32 La virulence du langage montre à quel point la prise de conscience est aiguë. Elle se renforcera encore par la suite. La cassure est loin de se limiter au domaine audiovisuel, même si c’est dans ce domaine, peut-être, qu’a lieu la prise de conscience initiale pour le plan européen.

28. Interview de Z.BRZEZINSKI dans M. FOUCHER, 1990, cité par T. MATELLART, 1994, p.225. 29. R. COLLINS, 1990, p.53. 30. S. REGOURD, 1994. p.73. 31. Le Figaro, 24-11-88: ÇLa France relance le Conseil de l’EuropeÈ. 32. J. DELORS, 1989. 84 Bernard Esmein

On la retrouve dans d’autres secteurs: par exemple l’enseignement des langues. Des programmes dans ce domaine avaient été envisagés dès 1976. Pourtant c’est à la fin des années 80 seulement qu’ils voient le jour. Si c’est à ce moment là que les choses se débloquent, c’est moins parce qu’il y a enfin une volonté pour développer une politique éducative à propos des langues, dans la suite du travail entrepris dès de début des années 70 par le Conseil de l’Europe,33 par exemple, qu’à cause de l’agitation sur la protection des cultures et le ÇplurilinguismeÈ. Dans le programme Lingua c’est surtout le volet concernant les langues les moins parlées qui intéresse les politiques.34 Tout le problème, c’est que ce sursaut identitaire ne concerne pas tous les pays européens. On peut même dire qu’il divise d’emblée l’Europe entre partisans du laisser-faire culturel et partisans d’un protectionnisme minimal et intégré. Les pre- miers, Grande-Bretagne en tête, voient le danger dans le centralisme fédéral homo- généisateur; les seconds dans la mondialisation anglo-saxonne. La construction économique n’a donc pas eu l’effet intégrateur culturel attendu. Aussi la politique qui va naître ici apparaît-elle moins comme la prolongation d’une intégration com- mencée sur le plan économique que comme une réaction aux effets de celle-ci. Ce qui est en cause, c’est un implicite de la construction économique européenne: par elle-même il n’est pas sûr qu’elle créée spontanément un ensemble culturellement homogène. Certes les pays qui partagent l’ouverture des frontières connaissent une convergence de leurs modes de vie. Mais le phénomène n’est pas propre à l’Europe: la culture partagée est aussi commune aux Etats-Unis, au Japon ou à l’Australie. De plus, la crise audiovisuelle scinde le monde en deux ensembles cul- turels, l’un anglophile et l’autre pluriel. D’autres divisions se superposent, bien sûr, à celles-là, mais l’important c’est que cette division élémentaire traverse l’Europe, au lieu de l’opposer comme un ensemble culturel à d’autres ensembles culturels, l’Amérique par exemple.

ÇTélévisions sans frontièresÈ et le programme Media

Le problème est que dans un ensemble économiquement ouvert, on ne fait pas du protectionnisme culturel aussi facilement que cela. Comment la politique de libre-circulation des services va-t-elle se concilier avec les exigences de défense culturelle? Pas facilement. Trois logiques vont s’affronter: le laisser-faire, défendu par exemple par le Royaume-Uni, le protectionnisme dont la France se fera le chantre, et le Çni protec- tionnisme, ni laissez faireÈ, selon l’expression de J. Delors,35 qui sera la politique effectivement mise en Ïuvre. La volonté initiale d’arriver à une réglementation

33. Conseil de l’Europe, 1981. 34. Un témoignage recueilli auprès d’une personne siégeant régulièrement depuis cette époque au Co- mité de l’Education confirme cette perception. 35. J. DELORS, 1989. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 85 protectrice avec des quotas de diffusion était forte dans de nombreux pays. Mais elle va s’émousser pendant la négociation, sous l’effet de facteurs très multiples allant de la diversité des positions nationales à la peur devant des mesures de rétor- sion américaines. L’important c’est que le secteur de l’audiovisuel se trouve bien intégré à la libre circulation des services, sans qu’il soit possible de remettre cela en question: les quotas existeront peut-être, mais à titre provisoire seulement. Reste alors la possi- bilité pour la Communauté d’agir au niveau des contenus, par exemple par une politique de soutien à la production audiovisuelle Çdans le respect de la diversité des culturesÈ. Ce sera l’objet du programme Media adopté progressivement à partir de 1986. C’est le Parlement Européen qui sera à l’origine de ce projet. Dès le début 1987 seront lancées des actions expérimentales, qui deviendront en 1988, au cours de l’Année européenne de l’audiovisuel, le programme pilote Media 92 dans lequel figurent la plus grande partie des suggestions faites par les parlementaires. Son financement, très modeste jusqu’en 1990, sera assuré pour moitié par le Parlement Européen grâce à une ligne de crédits budgétaires spéciaux disponibles pour la Cul- ture. C’est en 1990, enfin, que ce programme pilote débouchera sur le programme Media proprement dit.36

La naissance des autres politiques culturelles

Le rôle joué ici par le Parlement va se retrouver dans la plupart des autres actions culturelles mises en place par l’Union. A partir du milieu des années 80, il va être à l’origine de toute une série d’actions touchant au patrimoine culturel, au livre et à la traduction, à la création artistique, au tourisme culturel, ainsi qu’à toute une série d’actions emblématiques, comme la ÇVille Européenne de la cultureÈ. Ces actions vont être entérinées ensuite par le Conseil parce qu’elles se situent aussi à la limite entre économie et culture: la traduction facilite la libre-circulation de cette mar- chandise culturelle qu’est le livre, la mise en valeur du patrimoine architectural est une activité économique, enfin les manifestations culturelles emblématiques type ÇVille EuropéenneÈ ont des retombées touristiques évidentes. Mais la naissance de ce type d’actions pose une série de questions intéressantes par rapport à la subsidiarité. En effet les Etats membres ont déjà des politiques cul- turelles. Dès lors le problème posé est de savoir quand une action relève de l’éche- lon communautaire et quand elle relève de l’échelon national. Il est d’ailleurs inté- ressant de noter qu’à l’époque où cette question se pose par rapport à l’intervention de l’Union, la même question se pose aussi dans le cadre de la décentralisation des politiques culturelles entre l’échelon national et l’échelon régional dans beaucoup d’Etats membres.

36. Conseil de l’Union Européenne, 1990. 86 Bernard Esmein

On sait que la philosophie du principe de subsidiarité est de dire que Çl’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L’attribution d’une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l’ampleur et de la nature de la tâche et des exi- gences d’efficacité et d’économieÈ.37 Dans l’esprit du principe de subsidiarité, l’action de l’échelon supérieur ne supprime pas la compétence de l’échelon de rang inférieur. Elle lui est complémentaire, elle l’appuie ou la prolonge, elle vient en appoint ou soutient, elle peut représenter un secours, et, cas de figure intéressant, elle vient en aide à l’échelon de rang inférieur parce que celui-ci est impuissant d’agir par rapport à une situation donnée. L’échelon supérieur a alors pour fonction de stimuler et de susciter, et l’action peut être provisoire, c’est-à-dire disparaître une fois l’objectif atteint. M. Cornu résume tout cela en trois idées: Çla suppléance, le secours et le concoursÈ.38 Comme on le voit la question a deux aspects: qui a le pouvoir sur telles ou telles questions entre les Etats, les régions et la Communauté; mais aussi: qui est le mieux armé pour atteindre certains objectifs?39 Le livre et l’audiovisuel offrent une assez belle illustration de ces idées: ils souf- frent d’une mauvaise diffusion d’un pays à l’autre. Par exemple 20% seulement des films produits en Europe sont diffusés dans d’autres pays de l’Union. Les industries nationales n’ont souvent pas les moyens de mettre en place des réseaux de diffu- sion à l’échelon européen. De plus les traductions, comme les doublages et les sous-titrages coûtent cher. Ici l’intervention de l’échelon le plus élevé peut apparaî- tre non seulement légitime, mais nécessaire, c’est l’échelon le mieux armé. Mais son action à caractère subsidiaire ne dépossède pas l’échelon national, il le com- plète en même temps qu’il lui porte secours. L’action du Parlement Européen va ainsi faire émerger plusieurs ensembles de domaines dans lesquels une action européenne apparaît possible. L’intéressant c’est qu’ils ne sont pas définis d’avance. C’est dans la pratique, d’une année à l’autre, qu’ils vont surgir. Et si l’idée en est assez facilement acceptée en cette fin des années 80 alors qu’elle ne l’était pas auparavant, c’est sans doute à cause de la pro- fonde restructuration des politiques culturelles que les Etats ont connue dans les années précédentes. Il est intéressant de s’y attarder un peu car on peut être étonné que les pouvoirs régaliens des Etats dans le domaine culturel se trouvent simultané- ment redistribués vers le bas (régions) et vers le haut (niveau supra-national). N’y a-t-il pas là quelque contradiction? En fait la contradiction n’est qu’apparente, parce que dans la plupart des cas on remarque que la question est de trouver le bon niveau d’une action qui vise surtout à corriger des déséquilibres. A. Smith remarquait déjà en 1981, que la revendication cul- turelle régionale, qui prend parfois des formes ethniques, est une réponse aux déséquili-

37. Conseil de l’Europe: Charte européenne de l’autonomie locale, article 4: ÇPortée de l’autonomie locale". 38. M. CORNU, 1993. 39. Ibid. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 87 bres provoqués par les politiques centrales de l’Etat économique. Elle se superpose sou- vent aux revendications de mise en valeur régionale. On peut étendre ce raisonnement à la situation internationale: à savoir que les réactions de défense culturelles seraient entre autre des réactions aux déséquilibres provoqués par elle. Et le même raisonnement vaut pour les ensembles économiques supranationaux, à cause sans doute de l’inégalité de leurs effets territoriaux, d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre.40 A cet égard il est intéressant de noter par exemple que sur la période 89-93, la part réservée à la culture au niveau des fonds structurels de l’Union est dix fois plus importante que celle que lui accordent les programmes centraux.41 Or la fonction de ces fonds est précisément de corriger les déséquilibres et les inégalités! A cela s’ajoute une dernière dimension qui est sans doute loin d’être secondaire et qui tient à l’évolution de la conception de l’Etat-nation. De nos jours l’idée d’un Etat fort au service d’une nation mythique ne domine plus, on a plutôt l’Etat au service des citoyens.42 Au Çnation buildingÈ succède l’idéal d’un service public démocra- tique ouvert à la participation de tous et dont la gestion se rapproche des citoyens.43 Le problème n’est plus d’unifier la communication et la culture autour de la langue d’Etat, et d’identifier les citoyens à travers cette unification, mais de servir ceux-ci. La place de la culture change, ainsi que la gestion de la communication. Le multiculturalisme, d’abord, est mieux admis, mais, aussi, le rapport de l’Etat avec la communication se transforme, avec un souci de proximité. C’est dans les années 70-80 que s’opère cette évolution, avec la liberté simultanée des langues (comme en Espagne) et des ondes (longtemps monopolisées par l’Etat au nom de la rareté des ressources hertziennes, qui se trouvent ÇlibéréesÈ et ÇlibéraliséesÈ),44 et il n’est pas inintéressant de remarquer que dans un certain nombre de pays elles sont libérées presque simultanément au niveau régional et au niveau international. La construction européenne n’est pas extérieure à cette évolution. Elle remet en cause l’Etat dans sa fonction unificatrice forte, porteuse de nationalisme, elle promeut le multiculturalisme et des transferts de souveraineté. De plus, avec le marché unique, les frontières culturelles deviennent poreuses et les produits culturels circulent. Dans les années 80, la conception de l’administration publique qui fait surface concerne simultanément le niveau régional, étatique et supranational, et vise en même temps la meilleure gestion publique dans l’intérêt des citoyens. C’est cela qu’exprime le principe de subsidiarité.

40. A. SMITH, 1981. 41. Le budget de la culture représente 0.06% du budget communautaire global pour la période 1989-93. La part s’élève néanmoins à 0,8% lorsqu’on tient compte des fonds structurels qui don- nent un financement indirect. Source: BATES and WACKER S.C., 1993, p.111. 42. H. GIORDAN, 1992, p.20. 43. B. de WITTE, 1992, p.54. 44. Tout cela ne se fera pas d’un seul coup. Le processus n’est pas achevé. 88 Bernard Esmein

L’article 128

On comprend mieux dès lors, la forme que va prendre l’article 128 du Traité de Maastricht sur la culture. Le thème sur lequel tout le monde finit par s’entendre et qui va servir de base à l’article, c’est celui d’une responsabilité commune par rap- port à la diversité culturelle Européenne et la possibilité de contribuer à la mise en valeur de celle-ci. La compétence communautaire ne mène donc pas à une politi- que uniformisante, mais se situe sur le terrain de la garantie de la diversité. Y trou- vent leur compte aussi bien ceux qui ne veulent pas voir Bruxelles jouer un rôle centralisateur dans le domaine culturel, que ceux qui craignent que les cultures ne disposent de suffisamment de moyens pour se défendre contre les effets de l’ouver- ture européenne et mondiale. Par ailleurs, ces derniers auront une satisfaction supplémentaire avec le 4e alinéa de l’article qui stipule que Çla Communauté tient compte des aspects culturels dans son action au titre d’autres dispositions du présent traité". Il permet à tout secteur de l’action communautaire de tenir compte des aspects culturels. L’idée ressemble à celle Çd’exception culturelleÈ en ce qu’elle attire l’attention sur Çla spécificité des biens et activités à caractère culturelÈ.45 L’article, dans son 2e point, reconnaît à l’audiovisuel le statut d’activité cultu- relle et pas seulement d’industrie ou de service. Le point 4 de l’article 128 permet- tra donc, dans le futur, d’introduire plus facilement que dans le passé, des considé- rations culturelles dans des débats touchant aux activités audiovisuelles. Toutefois l’article se distingue de l’exception culturelle. Il ne va pas jusqu’à permettre, comme la constitution suisse par exemple, d’instaurer Çdans l’intérêt de la cultureÈ une dérogation Çau principe de la liberté du commerce et de l’indus- trieÈ,46 ce qui serait un équivalent juridique réel de Çl’exception culturelleÈ au sens français. Il oblige simplement les autres politiques à Çtenir compteÈ des aspects culturels. Tout dépend donc du sens que l’on donnera à l’expression Çtenir compte deÈ. C’est l’avenir qui dira comment cette expression sera investie. Ce n’est pas la première fois qu’une disposition de ce type est instaurée au niveau communautaire. Il en existe une semblable, depuis l’Acte Unique, à propos de l’environnement. C’est à propos de l’audiovisuel, dit-on, que les négociateurs de l’article 128 ont discuté le plus longtemps. Mais l’article débouche aussi sur la possibilité d’agir d’une manière plus générale dans le domaine culturel. Le Traité entérine et donne une base juridique aux actions qui existaient depuis la fin des années 80. Elles ver- ront leur prolongement dans les programmes Kaléidoscope 2000, Ariane et Raphaël, qui s’appuieront sur une base culturelle sûre. Toutefois, la négociation de ces programmes sera longue et difficile et le budget attribué maigre. Manifestement peu de pays sont prêts à payer une politique culturelle ÇeuropéenneÈ alors qu’il existe déjà des politiques nationales, et, plus encore, des politiques régionales. Tou-

45. M. CORNU, 1993, p.162. 46. Article 27ter de la Constitution fédérale de la Confédération suisse. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 89 tefois, comme on a indiqué ce constat doit être contrebalancé par la part réservée à la culture au niveau des fonds structurels. Dernière chose, et non des moindres: l’article 128 soumettra les politiques cul- turelles à la décision à l’unanimité au Conseil, ce qui n’est pas pour faciliter l’action dans ces domaines. Par contre, elles seront soumises aux procédures de co-décision dont la fonction principale, en pratique, est de pousser à l’entente et à la conciliation. Aucune des deux institutions impliquées n’aime en effet assumer les risques de ne pas arriver à un accord. Sur ces deux points, le Traité d’Amster- dam n’apportera rien de nouveau. En pratique, les actions sont soumises au principe de subsidiarité. L’article 3B du Traité énonce que la Communauté n’est habilitée à intervenir: Çque si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres, et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaireÈ.47

L’éducation et les langues

Les systèmes éducatifs, comme on le sait, ont joué un rôle central dans la construc- tion des Etats nations. Il est important de rappeler que c’est autour des langues que tout s’est joué. Elles ont joué un rôle central, car elles ont unifié la communication et identifié les citoyens à l’Etat. Les langues qui depuis le 16e siècle s’étaient ÇmoderniséesÈ, comme disent C. Hagège et I. Fodor,48 deviennent langues d’imprimerie et normalisent leurs usages. Elles ont pu devenir à la fois langues d’Etat et langues scolaires. C’est dans ce processus, fort bien décrit aussi par E. Gellner, qu’une unification culturelle a pu se faire.49 Au niveau communautaire, il est bien évidemment exclu qu’une politique édu- cative puisse avoir cette signification. Toute la construction communautaire s’est, dès le départ protégée de cela. A l’origine, le premier lien, le plus ancien, entre la construction économique et l’éducation est lié à la libre circulation: il concerne la reconnaissance des diplômes et les droits culturels accordés aux migrants pour que la circulation des personnes soit rendue possible et que leur intégration sociale se fasse sans discrimination. Comme la base juridique de cette politique était claire dès le Traité de Rome, elle se mettra en place, petit à petit, dès la fin des années 70, en concernant d’abord, profession par profession, tous les métiers ÇréglementésÈ. Puis un cadre général de reconnaissance sera fixé en 1989 pour l’ouverture de 1992. Se mélangeront alors l’idée de libre-circulation et celle de mobilité. Il ne faut pas perdre de vue ce point de départ, il permet de comprendre comment, pour la Commission l’éducation et la

47. Traité sur l’Union Européenne, article 3B. 48. C. HAGEGE et I. FODOR, 1983-1990. 49. E. GELLNER, 1983. 90 Bernard Esmein formation ont pour fonction de préparer à une société mobile, qui circule, où l’on s’adapte et l’on se réadapte. Cette mission ressemble de manière étonnante d’ailleurs à la description qu’E. Gellner fait des systèmes éducatifs à la naissance des sociétés industrielles et des Etats-nations modernes.50 Au delà, une politique d’éducation, dans l’Union, peut avoir deux grandes significations. Dans un premier sens, elle peut viser le développement des ressour- ces humaines pour les préparer au grand marché économique et c’est ce sens qui va prendre de l’essor à partir de 1986. Le deuxième sens est plus civique. Il touche au développement de la citoyenneté européenne, mais à la condition de laisser les nations responsables pour l’essentiel de leurs systèmes, et que la dimension euro- péenne ne soit qu’un ÇplusÈ par rapport à l’action des systèmes nationaux.

De la Formation Professionnelle à l’Education

Aucune des deux dernières formes décrites n’a été acceptée facilement. Toutefois, il est important de remarquer que la genèse de la politique d’éducation, a été sensi- blement différente de celle de la culture. Elle part à l’origine d’une compétence reconnue par l’article 128 du Traité de Rome, celle de la formation professionnelle, dont le sens a été étendu jusqu’à recouvrir presque tout le champ de l’éducation. Et elle va avoir un sens plus constructif, moins défensif par rapport à l’économie, que la politique culturelle. D’une certaine manière, cela est contenu dans l’arrière-plan de l’article 128 du Traité de Rome: ÇSur proposition de la Commission, et après consultation du Comité économique et social, le Conseil établit les principes généraux pour la mise en Ïuvre d’une politique commune de formation professionnelle qui puisse contri- buer au développement harmonieux, tant des économies nationales que du Marché communÈ.51 Sans doute le législateur n’avait aucune idée de l’extension qui serait donnée un jour à cette notion, mais ce qui est sûr, c’est que la possibilité était ins- crite d’agir pour préparer les ressources humaines au Grand Marché. Le problème par contre, c’est que la fonction constructive que va jouer cette notion, elle la jouera surtout par rapport au développement économique, car la construction de la citoyenneté, elle, se trouvera nettement reléguée à l’arrière-plan. Pour comprendre comment la notion de formation professionnelle va prendre de l’extension, il faut voir deux choses. La première concerne le développement de l’économie de l’éducation, ou, mieux, le fait qu’entre 1958 et 1986, date du lance- ment d’Erasmus, le développement des études économiques a tendance à intégrer de plus en plus nettement la donnée culturelle et éducative. En soi le phénomène est très intéressant, car il est lui-même le résultat de l’ouverture des frontières.

50. Ibid. 51. Traité de Rome, article 128. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 91

ÇDans un monde dépolarisé, observe E. Todd, la confrontation commerciale et monétaire met en évidence des comportements nationaux distincts et conduit naturellement à la comparaisonÈ.52 Pour expliquer les différences, on met de plus en plus en relief l’importance du niveau éducatif, culturel et technologique des pop- ulations. A l’OCDE, une direction composée d’experts mondiaux se spécialise dans la comparaison des systèmes d’éducation et de formation dans leur rapport au développement. Les hauts fonctionnaires et les ministres de l’éducation font de plus en plus appel à ce type de raisonnements dans la définition de leurs objectifs stratégiques,53 et les organismes prêteurs internationaux, comme la Banque Mon- diale réclament des réformes éducatives avant d’accorder de l’argent, convaincues que l’injection de finances n’aura d’impact que si elle est accompagnée de réfor- mes de structures et de mentalités. L’intéressant, si l’on compare à ce que nous avons vu pour la culture, c’est que de la construction économique n’est pas en train d’émerger une «éducation européenne". L’ouverture n’est pas, ici non plus, en train de jeter les bases de nouvelles solidarités d’où émergerait spontanément une identité européenne. Cette ouverture est, là encore, un phénomène international et non pas quelque chose de propre à l’Europe. Le phénomène est d’emblée international: en effet ces idées se rencontrent à l’ONU, à l’Unesco, et à l’OCDE. Dans cette dernière O.I.G., c’est au début des années 90 que le thème de la Çdimension internationale de l’éducationÈ fait son apparition: ÇIl n’y a pas de domaine plus national que l’école et le système éducatif d’un pays... Mais, en même temps, ce n’est pas exagérer de dire qu’il y a peu de domaines qui soient aussi sujets que l’éducation à une internationalisation rapideÈ, dit Odol Eikem, le sous-secrétaire d’Etat pour l’Education au Ministère de l’Education et des Affaires Culturelles de Suède, lors d’une conférence à l’OCDE.54 A. Wagner, lui-même expert à l’OCDE, tente de définir, dans le cadre de cette organisation, ce à quoi l’expression internationalisation de l’éducation se réfère: 1û ÇA l’intérêt qu’il y a à assurer l’introduction de nouvelles connaissances Ð quel que soit l’endroit où elles sont produites Ð dans des activités d’enseignement et de recherche à l’intérieur des systèmes éducatifs“. Autrement dit c’est le transfert et la circulation des compétences qui est visé. 2û ÇA l’intérêt pour le développement chez les jeunes de la capacité à compren- dre ceux qui appartiennent à d’autres régions et cultures et à agir ensembleÈ, autre- ment dit c’est la compétence interculturelle ou transculturelle qui est visée. 3û Mais c’est peut-être le troisième point qui est le plus nouveau et le plus intéressant: ÇDans les deux cas, on met maintenant l’accent sur la valeur commer- ciale, compétitive, d’une pareille capacité acquise Ð tant au niveau des individus qu’au niveau des pays concernés. L’éducation et la formation, qui assument ces

52. E. TODD, 1998, p.72. 53. C’est le cas de J. P. Chevènement, en France, lorsqu’il lance le mot d’ordre Ç80% d’une classe d’âge doit avoir le BaccalauréatÈ, en s’inspirant de comparaisons avec l’éducation japonaise. 54. Cité par A. WAGNER, 1994. 92 Bernard Esmein dimensions et ces rôles internationaux si importants apparaissent comme des moy- ens de développement de la position compétitive du paysÈ.55 Au niveau communautaire, la préoccupation des didacticiens de développer une Çcompétence transculturelleÈ rencontre l’intérêt des milieux économiques qui s’intéressent aux formations à l’interculturel par souci d’une Çgestion optimale de l’échange commercialÈ.56 Et, si l’on veut, c’est la rencontre de l’économie de l’éducation et de la didactique de l’interculturel qui va donner son style à la politi- que éducative de l’Union. Les esprits sont donc prêts, au milieu des années 80, à accepter qu’une action éducative s’occupe de la préparation du Grand Marché. La question est de savoir qui doit s’en charger. Les Etats ou la Communauté? La seconde a la possibilité d’intervenir, certes, mais cela est limité à la formation pro- fessionnelle et ne recouvre donc pas tout le champ auquel s’intéressent les spécia- listes de ces questions, qui voient plus large. C’est l’arrêt Gravier qui en 1985 va permettre d’étendre le sens de l’expression formation professionnelle. Il stipule que peut être appelée Çformation profession- nelleÈ toute forme d’éducation qui prépare à une profession, commerce ou emploi particulier, quelque soit l’âge et le niveau des participants, et même si l’enseigne- ment donné inclut des éléments d’éducation générale.57 Il fera avancer les choses sur deux points: 1) Tout citoyen pourra suivre des cours dans un autre pays de la Communauté sans avoir besoin du statut de migrant. 2) La définition de la formation professionnelle sera suffisamment vaste pour englober des secteurs entiers de l’éducation, notamment l’enseignement supérieur. Et c’est sur cette Çdéfinition GravierÈ que s’appuieront les programmes universitai- res, y compris Erasmus lancé en 1987, étendant la notion de Çformation profession- nelleÈ à l’ensemble de l’enseignement supérieur. Il ne restera plus à l’Acte Unique, en 1987, qu’à stipuler que mener l’Europe vers le grand marché intérieur du 1er janvier 1993 Çrepose en grande partie sur la mise en valeur des capacités et des potentialités de ses ressources humainesÈ, et toute la poli- tique de développement éducatif de la Communauté pourra être mise en place. Entre 1986 et 1992 toute une série de programmes seront lancés qui couvriront l’éventail de ce qui est faisable pour préparer au Grand Marché dans le cadre de la Çdéfinition GravierÈ: Ð Recherche sur le développement des ressources humaines (Eurotecnet) Ð Formation initiale (Petra) Ð Formation continue (Force) Ð Rapports université/entreprise (Comett) Ð Échanges universitaires (Erasmus)

55. Ibid. 56. L. PORCHER, 1995, p.61. 57. Arrêt Gravier, 1985. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 93

Les grands absents seront l’école, le collège et le lycée (au sens français). D’ailleurs, l’un des programmes les plus difficiles à négocier sera Lingua, parce qu’avec lui sera posée la question de l’établissement d’une politique d’enseignement des langues en direc- tion des systèmes scolaires nationaux, laquelle n’existera pas, d’ailleurs, avant Socrates, car la Grande-Bretagne obtiendra dans un premier temps qu’en ce qui concerne les systè- mes scolaires, le programme se limite à la formation des maîtres et à la formation initiale. En pratique pourtant, la notion de formation ayant un sens extensible d’un pays à l’autre et la définition des établissements auxquels elle s’adresse étant laissée au choix des Etats membres, elle finira par recouvrir souvent l’ensemble de l’enseignement général et l’enseignement professionnel à partir du lycée. Mais manqueront toujours le primaire et le premier cycle du secondaire. Lingua sera donc un drôle de programme recouvrant l’enseignement des lan- gues dans le monde économique, l’enseignement professionnel, la formation des maîtres et le lycée, mais ne touchant pas les collèges et les écoles. Pourtant il coor- donnera en un même programme la formation et l’éducation, ce qui fera son origi- nalité. La résistance à faire entrer l’enseignement général dans l’escarcelle commu- nautaire est quelque chose qui s’explique aisément. Il y a peu de chose aussi liée à l’identité d’un pays que son système scolaire. Et il est intéressant d’essayer de sai- sir ici comment se fait le partage dans l’éducation et la formation, entre ce qui se globalise et ce qui reste lié aux langues, au local, aux Etats-nations, entre la forma- tion générale et la formation spécialisée, l’identité ou l’autonomie des systèmes éducatifs, et le transfert des compétences ou la circulation des formations. On saisit un peu ici comment s’établit le rapport entre convergence culturelle et divergence linguistique, et les conséquences de cette séparation. La culture tech- nique circule, aussi la compétence de Çformation professionnelleÈ n’a pas posé grand problème. Elle était là dès le Traité de Rome. De même, dans les Etats fédéraux (Suisse, Allemagne) la formation professionnelle relève sans problème des compétences fédérales. La compétence «éducativeÈ elle, reste directement liée aux Etats (ou dans les fédérations aux cantons). L’École reste en effet marquée par l’enseignement de la langue nationale. Elle donne une culture qui suscite l’identifi- cation à l’Etat. Mais le problème c’est qu’en même temps elle donne des connais- sances ÇgénéralesÈ qui, selon Gellner, sont requises par la société industrielle, en raison de la mobilité fondamentale qu’elle suppose. On se souvient que l’une des grandes fonctions des systèmes scolaires, pour ce dernier, est de préparer de futurs individus mobiles aux différentes adaptations à des contextes professionnels nou- veaux qu’ils connaîtront dans le courant de leur vie professionnelle.58 Il faut pour cela que l’enseignement initial ne soit pas spécialisé. Autrement dit, il y a forcé- ment une part des compétences que donne l’enseignement général qui concerne le type de société ou d’univers auxquels il prépare. Pour l’Union, il est clair que la question se pose à propos de quelques enseigne- ments clés: les langues vivantes, par exemple. Et ici on retrouve par exemple toute la discussion sur la compétence transculturelle et les façons de la développer.

58. E. GELLNER, 1983, op.cit. 94 Bernard Esmein

L’article 126 du Traité de Maastricht

Sans grande surprise, on découvre ici que les deux apports de l’article sur l’éduca- tion sont: 1) de permettre à la politique communautaire de couvrir l’ensemble des systèmes éducatifs: école élémentaire et collège compris; 2) d’exclure complète- ment, par contre, toute intervention communautaire dans la définition des program- mes scolaires qui relèvent exclusivement de la souveraineté nationale. Si l’on regarde l’exemple de l’enseignement des langues, cela veut dire que les Etats membres ne tenteront pas par exemple, de réfléchir sur la définition de com- pétences minimales qui pourraient être partagées sur le plan linguistique. On peut facilement comprendre pourquoi: ici encore la position reste avant tout défensive. On peut, sans caricaturer, dire que le discours défensif étant dominant, on pose rarement le problème en termes d’apprentissage: ÇNos langues européennes, écrit J. P. Van Deth, le grec moderne aussi bien que le français, le danois aussi bien que l’espagnol, ne sont nullement menacées de disparition: le marché unique en revanche est en grave danger de n’être qu’un mort-né, si à tous les niveaux de responsabilité et en tous pays participants, la question de l’enseignement des langues n’est pas reconnue comme strictement prioritaireÈ.59 Ce point de vue part- agé de tous les sociolinguistes, en France par exemple C. Hagège et L. J. Calvet, convainc tout le monde sauf les politiques!60 Et rares sont les pays qui, comme les Pays-Bas, essaient de mettre en place une réforme de l’enseignement des langues adaptée à la situation européenne.61 Toutefois, comme pour la culture, il faut voir les choses de manière évolutive. Le domaine dans lequel des compétences sont reconnues à l’Union est plus vaste qu’il n’y paraît à première vue, et surtout il est fort possible que, comme ailleurs, l’histoire lui donne des développements inattendus: Ð contribuer au développement d’une éducation de qualité; Ð développer la dimension européenne dans l’éducation notamment par l’apprentis- sage des langues; Ð favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants en encourageant la recon- naissance des diplômes; Ð promouvoir la coopération entre établissements; Ð développer l’échange d’informations et d’expériences sur les questions commu- nes aux systèmes d’enseignement des Etats membres; Ð favoriser le développement des échanges de jeunes; Ð encourager le développement de l’éducation à distance; Ð favoriser la coopération avec des pays tiers et les OIG compétentes dans le secteur éducatif.62

59. J. P. Van DETH, cité par L. J. CALVET, 1993. 60. C. HAGEGE, 1993 et L. J. CALVET, 1993. 61. Dutch Ministry of Education and Science, 1992. 62. Traité sur l’Union Européenne, article 126, ¤2. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 95

On ne commentera pas dans le détail ici chacun de ces objectifs; on se conten- tera d’essayer de faire voir ce qui pourrait, dans le futur, entraîner des rebondisse- ments. Comme on le voit dans la liste, certaines notions sont laissées assez floues. Par exemple, celles de Çqualité» et de Çdimension européenneÈ. D. Lenarduzzi, le Directeur Général de l’éducation à la DGXXII, fait observer que le champ de la première pourrait réserver des surprises.63 Dans sa contribution-réponse au ÇLivre vert sur la dimension européenne de l’éducationÈ de la Commission (octobre 1993), le Comité Economique et Social avait aussi critiqué le manque de clarté de la notion de Çdimension européenneÈ et suggéré qu’elle devrait inclure les aspects suivants: Ð la promotion de la connaissance des différentes cultures européennes; Ð la reconnaissance de l’humanisme comme caractéristique commune; Ð le développement de l’apprentissage des langues des différents Etats-membres; Ð l’introduction de thèmes et de questions liées à l’Europe comme matières d’enseignement scolaire; Ð la sensibilisation aux valeurs européennes; Ð l’introduction d’une vision pan-européenne comme point de départ de l’éducation.64 La critique n’a bien sûr pas été retenue, on devine pourquoi, mais elle laisse apercevoir que cette notion aussi est suffisamment large pour qu’on puisse la rem- plir un jour, de manière très diverse d’ailleurs.

La citoyenneté

Qu’advient-il dans tout cela du second objectif possible d’une politique Euro- péenne, la citoyenneté? Dans l’article 126 le second objectif existe de deux manières: à travers la Çdimension européenneÈ, et à travers le développement des échanges de jeunes qui constitue d’ailleurs l’une des plus vieilles idées de la coopération européenne. On peut d’ailleurs remarquer que malgré l’ancienneté de l’idée, les actions concrètes existent depuis peu seulement: dans le programme Socrates, c’est pour l’essentiel l’action Comenius qui la concerne. L’examen du budget du programme montre que, comme pour les actions les plus ÇculturellesÈ de l’article 128, les Etats membres ne sont guère prêts à financer les actions les plus ÇcitoyennesÈ de l’article 126. Le volet Comenius ne dispose que de 10% de l’enveloppe budgétaire de Socrates, soit 85 millions d’écus. C’est ce que valent les 56 millions d’élèves qui dans la Communauté lustrent le fond de leurs pantalons sur les sièges de 320000 écoles, avec leurs 4 millions d’ensei- gnants, du primaire au lycée! Cela représente 1,5 écu par élève, soit 10 Francs

63. D. LENARDUZZI, 1994, p.418. 64. cité par J.de GROOF, 1994. 96 Bernard Esmein

Français ou 60 Francs Belges. On peut certes y rajouter les 126 millions d’écus de ÇJeunesse pour l’EuropeÈ, le programme extra-scolaire pour les jeunes. Toujours est-il que le montant ne dépasse guère les 25 francs par jeune Européen. L’Europe de l’éducation devait avoir entre autre buts de rapprocher la communauté des citoyens, de développer l’image d’une nouvelle citoyenneté. On voit ici le poids exact que pèse ce genre de discours. Il est vrai que les échanges scolaires coûtent cher. Aussi songe-t-on à développer l’enseignement ouvert et à distance pour rendre possible ces échanges malgré tout. Mais ce que révèlent les conclusions de l’évaluation en France de l’Action IV du programme Lingua qui concernait les échanges de lycéens (en formation initiale pour la plupart), c’est à quel point les enseignants ont du mal à donner du contenu à des notions comme la citoyenneté ou la dimension européenne.65 Ils doivent remet- tre un rapport final détaillé sur l’échange scolaire qu’ils ont mené et c’est sur la base de ces rapports que l’évaluation s’est faite. Il est important d’indiquer que l’action en question se prête bien à l’évaluation du travail fait par rapport à la dimension européenne parce que ce n’est pas un échange linguistique, mais un pro- jet éducatif qui d’une manière générale doit être lié à l’Europe. Or une première chose qu’on remarque, c’est que lorsque les rapports rendus font état d’une étude culturelle menée sur le pays partenaire, celle-ci ne dépasse souvent pas la perspec- tive bilatérale. Il y a rarement de sensibilisation à la dimension européenne de l’his- toire ou de la géographie: ainsi un projet à Tarente envisage l’histoire de cette ville sans prendre en compte son ouverture européenne. Plus étonnant: on n’observe pas de sensibilisation à l’histoire et à la culture européennes proprement dites. D’une manière générale, c’est l’internationalité que les jeunes vivent de manière concrète lors de ces échanges, plutôt que l’«européanité». On ne sait pas comment les interpeller sur ces questions de manière vivante, cela alors même que l’action du programme évaluée a pour objectif de créer une conscience com- mune: 10 % seulement des projets intègrent cette dimension dans la conception et la con- duite même du projet, à travers des actions comme une visite au Parlement Européen. Une autre manière d’aborder la dimension européenne serait de conduire une démarche pragmatique à partir du vécu transculturel Ð c’est-à-dire le contact avec une réalité étrangère au quotidien et les changements de points de vue qui en résultent Ð vers une réflexion sur l’Europe. Mais les enseignants n’y sont guère formés, alors que des expériences pédagogiques existent depuis longtemps, en Allemagne par exemple.66 Le Conseil de l’Europe a même une section spécialisée dans la méthodologie de ce type de projet. L’un des aspects importants de la dimen- sion européenne: faire bouger les frontières mentales, est donc quasi inexistant au

65. L’auteur résume dans ce qui suit les conclusions de l’évaluation qualitative qu’il a menée avec six étudiants de l’Université de Paris III, à travers l’étude de 80 rapports d’exécution de projets édu- catifs conjoints (P.E.C.) sur l’année 1994, pour le compte de l’Agence Nationale Lingua Française: Voir: B. ESMEIN, F. BERNET-ROLANDE, L. BLOUIN, N. KERN, V. LE DREFF, P. NTIRU- BUZA, I. RUGGERI, 1995. 66. G. BAUMGARTZ-GANGL, 1993. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 97 plan pédagogique. En fait il n’y a pas de trace de pédagogie de l’interculturel dans les rapports. A travers les renseignements fournis par les rapports, l’Europe est surtout per- çue dans sa dimension culturelle: 37%; sa dimension technologique: 21,2%; écono- mique: 19,7%; sociale: 17,3% et sa dimension civique: 4,7%. L’un des objectifs du programme qui vise à développer la dimension civique n’est donc pas atteint, ce qui veut dire que le discours sur la citoyenneté euro- péenne est perçu comme une abstraction. La dimension culturelle, la plus représen- tée dans le tableau, est essentiellement l’illustration de l’aspect touristique bilatéral. Plus étonnant: la mobilité européenne, lorsqu’elle apparaît, concerne surtout l’aspect touristique et professionnel (pour ce dernier point c’est la dimension tech- nologique qui est liée au fait qu’il s’agit de classes de formation initiale). Mais le peu de références à ce sujet constitue un hiatus par rapport à l’esprit dans lequel le programme Lingua a été conçu. Le concept de mobilité européenne ne consti- tue pas une référence présente à l’esprit des participants et des organisateurs de projets. Notons finalement que d’une manière générale, les bases de la citoyenneté euro- péenne restent fort peu connues du citoyen européen, par exemple la législation communautaire de la libre circulation, qu’il s’agisse des droits culturels des migrants ou de la reconnaissance des diplômes.

Un cadre juridique pré-fédéral?

L’un des aspects ironiques de l’histoire que l’on vient de voir, c’est que les articles 126 et 128 du Traité de Maastricht, même limités, n’en dessinent pas moins, comme le remarque Marie Cornu, un cadre juridique qui a beaucoup de ressem- blances avec celui des Etats fédéraux européens, la Suisse ou l’Allemagne par exemple. Comme on le sait, les compétences culturelles et éducatives relèvent dans ces pays de l’échelon des cantons et des Länder. Ainsi, de manière inattendue, notre question de départ se pose à nouveau, mais sous un autre jour: N’y aurait-il pas quelque secrète ruse de l’histoire qui aurait malgré tout amené vers la politoge- nèse, même si elle ne s’est pas faite de la façon dont on l’attendait? Se pourrait-il que les Etats européens se soient bien mieux entendus dans la défense de la diversité que dans le fonds de civilisation commun, c’est-à-dire l’unité, et, qu’en définitive, ce soit le thème défensif qui ait véritablement joué un réel rôle fédérateur? Peut-on aller jusqu’à dire qu’on a créé, avec ces articles, une sorte de cadre pré-fédéral? La question se pose et se posera même de manière plus intéressante encore dans les prochaines années. On ne reprendra pas ici les comparaisons approfondies que fait M. Cornu entre l’article 126 et le droit culturel fédéral allemand et suisse.67 Indiquons simplement

67. M. CORNU, 1993. 98 Bernard Esmein qu’elles sont convaincantes: il y a en effet beaucoup de ressemblances entre les répar- titions de compétences dans les deux cas. Et, bien entendu, le principe de subsidiarité introduit par l’article 3B du Traité de Maastricht, est aussi l’esprit des systèmes fédé- raux, avec sa souplesse, comme son pragmatisme. Il semble bien d’ailleurs que le législateur européen de 1992 se soit inspiré des législations mentionnées. Ajoutons que si cadre pré-fédéral il y a, il est intéressant qu’il arrive non pas tant en prolongation de la construction économique, que dans une remise en ques- tion des rapports entre culture et économie tels qu’ils ont été dessinés depuis 1958. Ajoutons également que ce n’est pas tant la notion de diversité qui est contra- dictoire avec celle d’unité, c’est plutôt celle de disparité qui l’est.68 Toutefois la comparaison avec les pays fédéraux, même très pertinente, a ses limites comme on va le voir.

L’absence de droit linguistique communautaire

La principale différence de taille entre le droit communautaire et le droit fédéral réside dans le fait qu’il n’y a pas de droit linguistique communautaire. Il existe, peut-être, des textes comme le Règlement nû1 du Conseil du 15/2/58,69 sur lequel s’appuient les pratiques juridiques des Communautés, mais il n’y a pas à propre- ment parler de droit linguistique. La différence principale, entre les principes communautaires dans ce domaine et le droit fédéral réside, bien sûr, dans le fait que dans son statut linguistique, la Commu- nauté a des langues officielles mais qu’elle n’a pas de langues nationales. Et ce, pour la raison évidente qu’elle n’est pas un Etat-nation, mais un ensemble d’Etats. Au niveau des Etats membres, les statuts linguistiques reposent presque tou- jours sur la distinction entre langue officielle et langue nationale. La Suisse, par exemple, connaît quatre langues nationales: l’allemand, le français, l’italien et le romanche; mais les trois premières seulement sont langues officielles. L’Union part contre a des langues officielles, qui sont celles qu’elle utilise pour communiquer officiellement avec les nations qui en sont membres, mais on voit difficilement comment la Communauté pourrait avoir des langues nationales et l’on peut même se demander si elle en aura jamais dans le futur. Les conséquences de cette petite remarque, à la fois aveuglante et dont en même temps on ne mesure pas toujours les conséquences, sont nombreuses. Il faut remarquer d’abord la très grande différence de statuts linguistiques qui existe d’un Etat membre à l’autre. Or il y a une très grande corrélation entre le sta- tut juridique des langues dans un pays et l’identité nationale de ce peuple telle qu’il la perçoit, cela parce que le droit linguistique est toujours le reflet de la façon dont

68. L. PORCHER, 1991/2. 69. Conseil de l’Union Européenne, 1958. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 99 la nation s’est construite sur le plan culturel. Les différences juridiques sont donc ici le reflet de choses très importantes. Dans le système suisse, le statut des langues est fixé à deux niveaux: le niveau fédéral et le niveau cantonal. La fédération, comme chaque canton, ont un régime linguistique propre. La situation communautaire esquisse déjà quelque chose de ce genre, puisque l’Union a un régime linguistique et que chaque Etat en a un aussi. Toutefois il existe une certaine homogénéité entre les régimes linguistiques des cantons, en raison d’une communauté de droit, en Suisse, ce qui n’est pas le cas au niveau communautaire. Or les décisions dans les domaines culturels et éducatifs sont, bien entendu, «à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législati- ves et réglementairesÈ, comme le disent les alinéas 4 et 3 des articles 126 et 128. Le travail du Conseil de l’Europe, et, d’une autre façon, du Parlement Européen, débouche souvent sur des conventions et des essais de rapprochement entre légis- lations différentes. Mais on sait à quel point les Etats rechignent à adopter ces con- ventions, ce qui marque leur attachement profond au cadre national.70 Or jusqu’à quel point de grandes différences de statut dans les Etats laissent-elles subsister des divergences dans les manières les plus souterraines d’envisager les questions culturel- les? Quel est le minimum d’homogénéisation requis? A ce niveau, il faut bien le reconnaître, subsistent encore beaucoup de disparités. Et les méthodes, comme les conventions, pour tenter malgré tout de mettre en cohérence des systèmes différents, tout en leur conservant leur autonomie, ne sont guère acceptées. A l’heure actuelle, jusqu’à quel point peut-on parler de politique linguistique communautaire et qu’entend-on par là? Y a-t-il une ou des politiques linguistiques? Un cadre général les inspire-t-elles? La réponse à ces questions n’est pas évidente. Cette situation a pour effet que la politique actuelle dans le domaine linguisti- que a de nombreuses incohérences. Par exemple, dans le cadre du programme Lin- gua il est possible de soutenir le lëtzebuergesch, langue parlée par 300000 locu- teurs, cela parce qu’elle a statut de langue nationale dans son pays, le Luxembourg, alors qu’il est impossible de soutenir le catalan, langue parlée par 7 millions de locuteurs, parce qu’elle n’a statut que de langue régionale en Espagne. Cela pro- vient de ce que le plurilinguisme communautaire ne peut que respecter les statuts linguistiques nationaux. D’une manière générale, le soutien aux langues minoritai- res est très difficile, et ne peut avoir lieu que de manière indirecte: le Bureau Euro- péen des Langues les Moins Répandues de Dublin, en est l’illustration. C’est une association de droit irlandais, composée de délégations nationales dans la composi- tion desquelles la Commission n’a bien entendu pas le droit d’ingérence, et qu’elle aide au titre de la mise en valeur de la diversité culturelle.

70. A titre d’exemple 14 pays seulement ont signé la Charte européenne des langues régionales et mi- noritaires du Conseil de l’Europe, et, chiffre encore plus significatif, 3 seulement l’ont ratifié. La France ne l’a toujours ni signé, ni ratifié, les trois pays à la fois signataires et ratificateurs sont la Finlande, la Hongrie, et la Norvège; les pays seulement signataires: l’Autriche, Chypre, le Dane- mark, l’Allemagne, le Liechtenstein, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Roumanie, l’Espa- gne, et la Suisse. Trois pays seulement ayant ratifié la convention, elle ne peut entrer en vigueur puisqu’il en faut 5. 100 Bernard Esmein

La poursuite de la modernisation des langues

D’une manière générale, le multiculturalisme de l’Union est un multiculturalisme des identités nationales, et son plurilinguisme est plutôt celui des grandes langues qu’un plurilinguisme généralisé. D’ailleurs, on constate, au niveau d’entités supranationales comme l’Europe, la poursuite de ce que Hagège et Fodor ont appelé la ÇmodernisationÈ des langues qui est à la base de la formation des langues des hautes cultures et du rôle qui leur a été accordé dans la formation des Etats nations. Mais l’intéressant c’est qu’il y a à la fois poursuite de la modernisation et correspondance de plus en plus grande entre les corpus. Ne peuvent aborder la situation plurilingue d’une institution internationale comme la Communauté que les langues qui peuvent se doter d’un certain «équipementÈ linguisti- que (formation des interprètes, banques de données terminologiques, logiciels de traduc- tion, etc.). Cet équipement est lui même rendu nécessaire par le fait que tout document législatif fait foi dans chacune des langues, autrement dit par la situation d’égalité lin- guistique. Cet équipement a pour effet de renforcer la différence avec les ÇpetitesÈ lan- gues qui n’atteignent pas au rang de l’officialisation communautaire, qu’il s’agisse de certaines langues nationales (comme l’irlandais ou le lëtzebuergesch) ou de langues ayant statut régional ou minoritaire (comme le catalan ou le frison). Ainsi, sur le plan lin- guistique l’Union n’apparaît pas du tout comme un super Etat-nation en formation, dans laquelle une haute culture et une langue joueraient un rôle d’homogénéisation culturelle, à travers l’école, notamment. Elle apparaît comme un ensemble de langues de hautes cultures pré-constituées, en situation d’égalité linguistique, et suréquipées. Ici, comme il n’y a pas homogénéisation dans une langue donnée, l’un des effets majeurs de l’égalité linguistique est d’accroître l’isomorphisme des corpus entre langues de haute culture, c’est-à-dire la correspondance terme à terme des mots, d’une langue à l’autre. La circula- tion des marchandises (les notices commerciales notamment), la traduction des docu- ments juridiques communautaires, impliquent cet effet. Et pour y arriver il faut justement tout un équipement: banques de données terminologiques, etc. Si l’Union n’unifie pas linguistiquement, si elle ne réussit pas à mettre en cohérence les statuts linguistiques, elle a par contre pour effet de mettre en cohérence les grandes langues. C’est l’un des aspects de la convergence culturelle et de l’ouverture des frontières: lorsqu’on vend, par exemple du filet de bÏuf, il faut être sûr de l’appellation correspondante dans chaque langue. Et si le Règle- ment nû3911/92 du 9 Décembre 1992 concernant l’exportation des biens culturels a connu ensuite un correctif, c’est en raison des différences de vocabulaire entre l’anglais et les autres langues concernant les aquarelles. Cet effet n’est pas sans provoquer des réactions dans les milieux de la traduction, car cela est imposé par la situation juridico-politique, et fait parfois violence aux langues.71

71. Y. GAMBIER, 1994. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 101

La question de l’anglais

Reste, bien sûr la question de la place de l’anglais dans l’Europe actuelle. Cette question a tenu, comme on sait une place importante dans l’élaboration du programme Lingua.72 On a cherché d’abord à favoriser l’apprentissage des langues dites ÇmodimesÈ, c’est-à-dire de moyenne diffusion (grec, danois, etc.).73 Mais cette partie du programme ne semble pas avoir eu beaucoup d’impact. Par contre, dans cette affaire on semble aussi avoir cherché à éviter qu’une seule des plus grandes lan- gues communautaires ne prenne un rôle véhiculaire unique. Et c’est cela surtout qui expliquerait la position défensive prise par les pays européens sur le plan linguistique, beaucoup plus qu’un réel danger encouru par les langues européennes. La France et quelques autres pays se sont battus surtout pour un plurilinguisme minimal au niveau véhiculaire, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas une, mais au moins deux (français-anglais) et éventuellement trois ou quatre (espagnol-allemand) langues véhiculaires. Les programmes éducatifs (Lingua, Erasmus) semblent atteindre assez naturellement cet objectif. Lorsqu’on regarde les pays les plus choisis par les étudiants, un équilibre se construit petit à petit entre les pays dont les langues ont le caractère véhiculaire le plus marqué: Allemagne, Grande-Bretagne, France, et Espagne.74

Langues et libre-circulation

Dernière remarque sur une question non moins intéressante: on distingue au niveau des Etats des différences profondes entre les types de statuts linguistiques: le statut personnel (Finlande, Irlande) et le statut territorial (swisse, Belgique). Vers lequel de ces deux statuts les pratiques communautaires tendent-elles le plus? Au niveau communautaire, il semble qu’on puisse distinguer déjà ce qui relève- rait plutôt du principe territorial et donc de la défense culturelle (par exemple la défense des langues les moins parlées ou ÇmodimesÈ dans les programmes Babel, Lingua et MLIS), de ce qui relève de la liberté linguistique et du principe personnel (par exemple les droits culturels des enfants de migrants dans la Directive de 1977). Ici, l’une des choses les plus intéressantes à remarquer, c’est que les program- mes éducatifs de mobilité, notamment ceux qui concernent les échanges scolaires, ont eu une certaine influence dans les systèmes éducatifs des régions linguistiques des pays fédéraux, souvent arc-boutés sur le principe territorial. On s’y est mis à organiser des échanges entre régions linguistiques.

72. Aujourd’hui intégré à Socrates et Leonardo. 73. ÇModimeÈ est l’abréviation de ÇLangues les moins parlées et les moins enseignées": portugais, grec, néerlandais, danois, etc. 74. Lingua, 1995. 102 Bernard Esmein

Cela montre que dans le plurilinguisme communautaire, si certains facteurs poussent vers quelque chose de défensif, d’autres, par contre, comme la mobilité et la libre circulation empêchent qu’on puisse assimiler l’Europe au principe territo- rial. C’est normal, puisque l’Europe a eu pour vocation Çd’ouvrir". C’est là, sans doute, que s’effectue un certain équilibre entre la politique culturelle défensive d’une part, et la politique éducative constructive de l’autre.

Différence et disparité

La politique européenne actuelle dans les domaines qui nous intéressent se situe entre deux extrêmes qui sont l’uniformisation et l’absence de cohérence. Le pro- blème bien sûr c’est qu’à passer son temps à se protéger contre la première, on ris- que bien de devenir victime de la seconde. Toute la difficulté consiste à concevoir des systèmes qui aient à la fois suffisamment de cohérence pour que le projet euro- péen garde du sens et en même temps que la diversité des formules nationales puis- sent s’y inscrire en gardant leur autonomie. Or c’est cela qui n’est pas évident. Pour les diplômes par exemple, il s’agit d’éviter deux écueils: Çcelui d’une uni- fication forcée et forcenée des enseignements et des certifications, à laquelle rêvent évidemment les technocrates; et celui, inverse, d’une absence complète de coordi- nation où ce serait le disparate plutôt que la diversificationÈ.75 Cette Çmise en cohérenceÈ comme le montre Porcher, n’implique pas forcément l’unification. L’Europe de l’éducation commence à disposer d’instruments très originaux per- mettant de tenir ensemble ces deux exigences. On peut citer les exemples de l’E.C.T.S.76 et celui du Portfolio linguistique du Conseil de l’Europe.77 La revendication de différence est donc bien le signe qu’une certaine forme d’intégration est en marche. Toutefois il est clair qu’une entente un peu ambiguë s’est faite à Maastricht, puisque certains pays peuvent tirer l’idée même de diffé- rence dans le sens d’une très grande autonomie. On sait que c’était toute l’ambi- guïté de l’accord sur la notion de Çsubsidiarité» qui n’avait pas le même sens pour l’Angleterre et pour ses partenaires, puisqu’elle tirait justement la notion dans le sens de l’autonomie la plus forte des Etats membres. On sait comment il a fallu revenir sur le sens de ce mot, au sommet d’Edimbourg, pour en arriver à la concep- tion qu’on a décrite plus haut.

75. L. PORCHER, 1991/2. 76. European Community Course Credit Transfer System: Système Européen d’Unités Capitalisables Transférables dans toute la Communauté. Système le plus avancé de l’U.E. pour mettre en cohé- rence les formations et les diplômes sans les uniformiser. 77. Conseil de l’Europe, 1992. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 103

Conclusion

Le Traité d’Amsterdam n’apporte pratiquement aucune modification au cadre juridi- que mis en place à Maastricht dans les domaines qui nous intéressent. On y trouve juste deux petites nouveautés. La première transforme légèrement l’alinéa 4 de l’arti- cle 128, qui disait: ÇLa Communauté tient compte des aspects culturels dans son action au titre d’autres dispositions du présent Traité» et qui dit maintenant: ÇLa Communauté tient compte des aspects culturels dans son action au titre d’autres dispositions du présent Traité, afin notamment de respecter et de promou- voir la diversité de ses culturesÈ. En fait, cela n’apporte rien de nouveau. Le légis- lateur précise ce qui était clair déjà ailleurs, à savoir que c’est bien la diversité qu’on doit avoir en tête, là où la rédaction ne l’avait pas pleinement explicité. La deuxième modification ne se trouve pas incorporée dans le corps des articles. Il s’agit d’un ÇProtocole sur le système de radiodiffusion publique dans les Etats membresÈ qui est annexé au Traité et qui tient à préciser que les dispositions du Traité ne sauraient porter préjudice à la compétence des Etats membres d’entretenir des services publics de radiodiffusion. Ici encore, rien de nouveau. Simplement, 20 ans après les arrêts de Luxembourg qui ont marqué cette histoire, certains Etats tremblent encore à l’idée qu’au nom du droit de la concurrence, on puisse remettre en cause leurs droits dans ce domaine. La pauvreté des ajouts illustre combien la crise traversée est maintenant bien connue dans ses contours et qu’une volonté politique n’existe nullement pour faire évoluer plus avant le cadre juridique mis en place. Cela semble logique si l’on con- sidère qu’il a été instauré plus en réaction à une certaine situation historique, qu’en continuation d’une évolution commencée avant. Les pays Européens avaient tenu à séparer de manière étanche l’économie et la cul- ture. Ils réalisent qu’il est impossible de séparer les deux. C’est une découverte. Si la phrase de J. Monnet sur la culture a eu tant de succès dans les années 90, c’est qu’elle correspond à une remise en question des rapports entre économie et culture tels qu’on les avait imaginés jusque là. On voulait les deux domaines étanches, ils ne le sont pas; on voulait que l’ouverture économique ait une vertu intégratrice sur le plan culturel, on doute qu’elle l’ait; on pensait les comportements économiques universels, on découvre qu’ils dépendent de racines culturelles et de déterminants éducatifs! L’économie et la culture entretiennent décidément des rapports plus conflictuels que la philosophie libé- rale ne l’imaginait. Aussi l’œuvre culturelle de l’Union ne saurait être considérée sim- plement comme le prolongement linéaire de la construction économique. Mais ce n’est pas sans se faire tirer la manche que les Etats membres vont accep- ter ces idées. Celles-ci remettent trop en question la façon dont s’est établi le partage entre compétences nationales et compétences communes. Quand on prend du recul on constate que la ligne de partage n’est pas profondément modifiée, car les Etats membres conservent l’essentiel des compétences. Mais ce qui est nouveau c’est qu’ils agissent de concert pour défendre une certaine idée de la diversité, et c’est sans doute cela qui est le plus intégrateur. Par ailleurs la sphère éducative et culturelle dis- pose désormais de moyens pour faire valoir ses raisons face à la sphère économique. 104 Bernard Esmein

Quelles innovations pourrait-on attendre dans le futur? Selon M. Cornu c’est surtout à cause du caractère subsidiaire de l’intervention communautaire qu’on peut s’attendre à des surprises. Que faut-il entendre par là? Comme on l’a vu, c’est une situation qui ressemble à celle des systèmes fédé- raux où une fraction seulement des compétences éducatives relèvent du niveau fédéral, et elles restent toujours partagées entre la Fédération et les Länder ou les cantons, même lorsque le droit est reconnu à la Fédération d’intervenir. Les domaines d’intervention où l’Union peut co-intervenir sont loin de recouper tous les champs d’action habituels de la politique éducative et dans son principe même l’action communautaire n’a pas besoin d’être permanente: la Communauté intervient pour pallier à des insuffisances au niveau des Etats et doit leur donner les moyens d’atteindre ces objectifs. Une fois atteints, les Etats peuvent reprendre ces actions à leur charge et les structures communautaires mises en place pour promou- voir ces actions peuvent disparaître. Mais cela n’implique nullement que l’Union n’ait aucun pouvoir d’initiative dans ce domaine, ni même des obligations: ÇLa subsidiarité», explique Jacques Delors, Çce n’est pas seulement une limite à l’intervention d’une autorité supérieure vis-à-vis d’une personne ou de cette collectivité qui est en mesure d’agir elle-même, c’est aussi une obligation pour cette autorité d’agir vis-à-vis de cette personne ou de cette collectivité pour lui donner les moyens de s’accomplirÈ.78 L’Union peut donc aussi jouer un rôle moteur. Par ailleurs, comme elle intervient dans des domaines où l’action des Etats membres est limitée, elle peut avoir un rôle d’impulsion dans ces secteurs. Elle peut stimuler alors la mise en place, dans les Etats membres, de structures permettant de prendre en charge l’action sur le secteur intéressé, les obligeant à aller de l’avant. L’important c’est que le principe de subsidiarité ne définit pas nettement les compétences. Comme le dit A. Magnant, Çil donne un éclairage à la répartition des compétences, mais ne trace pas de frontières nettes. Chaque décision, chaque projet doivent être examinés sous cet angle de vue, mais leur contenu et leurs objectifs contribuent pour chaque cas à déterminer l’emplacement de la ligne de partageÈ.79 Il laisse donc ouvertes des opportunités, en fonction des circonstances. Il faudra dans chaque cas établir si l’action relève bien du niveau communautaire. Or c’est cela qui peut réserver des surprises. Tout dépendra d’abord de la manière dont les milieux de l’éducation et de la culture réussiront ou non à saisir l’opportunité qui leur est offerte pour faire admettre l’importance de leurs problèmes face au développement de l’économie ouverte, et plus généralement face à l’économie, car c’est cela dont il est avant tout question.80 Mais l’intéressant est de savoir aussi si ces milieux arriveront à faire valoir l’importance de problèmes proprement éducatifs et culturels au plan euro- péen. Car, comme on l’a vu, le cadre réserve des possibilités autres qu’économi-

78. J. DELORS, 1991, p.8. 79. A. MAGNANT, 1993, p.12. 80. R. WANGERMEE, 1993, p.9. Les politiques de l’Union Européenne dans le domaine de la culture, de l’éducation et des langues 105 ques dans cette direction. D’une manière ou d’une autre, cela concerne le devenir de la séparation et du rapport entre économie et culture. Rappelons également qu’après cinquante ans d’activité, le Conseil de l’Europe regorge d’idées encore inexploitées parce que dépourvues de ressources. On ne serait pas étonné que l’Union aille puiser dans ce réservoir dans la décennie à venir. Elle commence déjà à le faire dans certains domaines où le Conseil de l’Europe a été particulièrement imaginatif, comme celui du tourisme, avec les Itinéraires Culturels, ou celui du patrimoine. Ces domaines, parmi les plus ÇculturelsÈ au sens classique du mot sont aussi des plus intéressants parmi ceux qui se mettent en place. Un autre secteur où le Conseil de l’Europe a fait depuis près de trente ans un travail riche et approfondi est celui de l’interculturel, au plan pédagogique, comme dans celui de la communication médiatique. Ce sont des secteurs où des disciplines comme l’histoire, les formations au tourisme, les sciences de l’éducation, l’ensei- gnement des langues, la communication, ont du pain sur la planche et de belles perspectives de formations nouvelles. Bernard Esmein directeur-adjoint de l’Institut français des Pays-Bas 106 Bernard Esmein

Bibliographie

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Thierry Granturco

La politique culturelle, symbolique parce que touchant à un domaine dont il peut être difficile de concevoir qu’il puisse être Çcommunautarisé», n’en a pas moins fait l’objet de l’intérêt des institutions communautaires qui ont fini par attribuer à ce secteur une compétence communautaire expresse.

I. Des premières actions culturelles au Traité de Maastricht

Nombreuses furent les personnalités éminentes, ferventes d’un rapprochement entre les peuples du ÇVieux continentÈ, à estimer que la culture pouvait contribuer à réaliser un tel dessein. Denis de Rougemont fut le premier à mettre en évidence le paradoxe selon lequel la culture serait d’une part nécessaire à l’union de l’Europe et expliquerait, d’autre part, les divisions irrémédiables qui s’opposent à celle-ci. Or, à l’aube de l’aventure européenne, Robert Schuman affirmait déjà avec clair- voyance qu’une construction européenne qui ne serait fondée que sur de simples considérations matérielles irait fatalement à l’échec. N’ayant pas pu surmonter leurs divergences, les Etats membres de la Communauté Economique Européenne ne décidèrent initialement pas de traiter ensemble des questions culturelles. Néan- moins, comme ce fut le cas pour d’autres politiques, devenues depuis lors expressé- ment de la compétence communautaire, une compétence de facto se dégagea et permit à la C.E.E. de lancer des initiatives convaincantes. Ces dernières aboutirent, 25 ans plus tard, à l’adoption de dispositions juridiques ad hoc prévoyant les moyens d’action de l’Union Européenne dans ce secteur. Devons-nous pour autant admettre, comme cela est généralement écrit, que la politique communautaire en matière de culture n'existe que depuis l’adoption du Traité de Maastricht? Nous verrons que la genèse de cette politique est divisée en quatre périodes importantes qui ouvrirent, chacune, une phase transitoire vers une plus grande intégration de la culture au sein des compétences de la Communauté. La première débuta après la publication de la communication du 22 novembre 1977 de la Commission au Conseil et au Parlement, qui marqua la véritable nais- sance d’une action communautaire dans le secteur culturel. La deuxième com- mença le 12 octobre 1982, date de la communication de la, Commission annonçant un renforcement de l’action communautaire dans ce secteur. La troisième prit nais- sance après la communication de la Commission du 18 décembre 1987 ayant pro- grammé un véritable essor de l’action communautaire dans le secteur culturel. Enfin, la dernière en date est celle de l’entrée en vigueur du Traité de Maastricht 110 Thierry Granturco qui donna par son article 128 à l’Union Européenne des compétences expresses dans ce domaine.

I.1. La naissance d’une action communautaire dans le secteur culturel Le début des années 1970 fut fécond en réflexions concernant l’importance de l’identité culturelle européenne dans le processus d’intégration des Etats membres, de rapprochement des peuples et d’apprentissage commun des uns et des autres. Ainsi, au cours du Sommet de Copenhague de décembre 1973, fut adoptée une ÇDéclaration sur l’identité européenneÈ, selon laquelle Çles neufs Etats européens, que leur passé et la défense égoïste d’intérêts mal com- pris auraient pu pousser à la division, ayant dépassé leurs antagonismes, ont décidé de s’unir en s’élevant au niveau des nécessités européennes fondamentales, pour assurer la survie d’une civilisation qui leur est commune. Désireux d’assurer le res- pect de valeurs d’ordre juridique, politique et moral auxquelles ils sont attachés, sou- cieux de préserver la riche variété de leurs cultures nationales, partageant une même conception de la vie, fondée sur la volonté de bâtir une société conçue et réalisée au service des hommes, ils entendent sauvegarder les principes de la démocratie repré- sentative, du règne de la foi, de la justice sociale Ð finalité du progrès économique Ð et du respect des droits de l’homme, qui constituent des éléments fondamentaux de l’identité européenneÈ.1 Et de lire plus loin que Çcette variété de cultures dans le cadre d’une même civilisation européenne, cet attache- ment à des valeurs et des principes communs, ce rapprochement des conceptions de la vie, cette conscience de posséder en commun des intérêts spécifiques et cette détermina- tion de participer à la construction européenne donnent à l’identité européenne son carac- tère original et son dynamisme propreÈ.2 Cette prise de conscience des Etats membres, précédée d’une première réflexion menée à Paris lors du sommet d’octobre 1972, fut relayée quelques années plus tard par le Parlement européen et par la Commission européenne qui adopta le 22 novembre 1977 sa fameuse communication intitulée ÇL'action communautaire dans le secteur culturelÈ.3 Cette communication reçut un accueil extrêmement favorable du Parlement européen4 et du Comité économique et social.5

a) Le contenu de la communication de 1977 La communication était fondée sur un double constat. Le premier était que les Ïuvres produites par les travailleurs culturels et les prestations qu’ils fournissent sont des produits et des services qui bénéficient des règles du marché commun au même titre que les autres produits et les autres services, et que dès lors, ils peuvent

1. Parlement Européen, Bulletin 1973-74, nû 46/73, p. 8 2. Idem., p. 9 3. Bulletin des Communautés Européennes, supplément nû 6/77 4. JOCE, nû C 39 du 12.02.1979 5. JOCE, nû C 128 du 21.05.1979 La genèse de l’intégration de la culture au sein des compétences communautaires 111

être valorisés par l’application de ces règles. Le deuxième consistait à dire que les artistes qui créent ou qui interprètent des Ïuvres doivent pouvoir profiter des actions menées dans le cadre des Traités comme tous les autres travailleurs. Il ne fut donc principalement tenu compte que du seul volet économique de la culture. Conscient en effet de l’absence de dispositions expresses dans les Traités pouvant concerner la culture en tant que telle, la Commission adopta la stratégie consistant à mettre en évidence non seulement le fait que ce secteur ne pouvait pas rester totalement en dehors de ses préoccupations, mais aussi que les manifesta- tions et les Ïuvres culturelles d’une part, les artistes d’autre part, tombent sous cer- taines dispositions du Traité (liberté de circulation des marchandises et des servi- ces, liberté de circulation et protection des travailleurs). Un certain nombre de domaines privilégiés qui avaient préalablement retenu l’attention de la Commission européenne furent ainsi déclarés prioritaires. Tel fut le cas notamment de la sauvegarde du patrimoine culturel, de la lutte contre les vols d'Ïuvres d’art et de la simplification des formalités administratives qui gênaient le libre échange des biens culturels entre les Etats membres de la C.E.E. Ce programme qui n’avouait pas son nom devait néanmoins, selon la Commis- sion, être placé sous le signe de la complémentarité et de la subsidiarité par rapport aux politiques menées par les Etats membres et par rapport à ce qui était déjà entre- pris sur le plan international (UNESCO, Conseil de l’Europe).

b) Les principales actions entreprises suite à la publication de la communication de 1977

Outre les multiples travaux menés au sein des différentes institutions de la Commu- nauté, un programme d’action conforme aux orientations de la communication a pu être financé. Il a comporté aussi bien l’octroi de Çbourses de la Communauté» grâce auxquelles un certain nombre de jeunes se virent offrir la possibilité de se former à différentes professions culturelles, que des actions de soutien à des mani- festations culturelles d’intérêt européen. En d’autres termes, si l’objectif principal de la Commission était de s’attacher aux caractéristiques socio-économiques de la culture en ce qu’elles étaient seules de la compétence de la Communauté euro- péenne, les actions qu’elle organisa et qu’elle finança eurent avant tout pour but de favoriser le développement des échanges culturels. Ce n’étaient alors que les prémices d’une pratique depuis lors bien connue et qui consiste pour la Commission à contourner l’absence de dispositions expresses dans les Traités et par conséquent, à s’arranger de la volonté des Etats membres de ne pas transférer certaines compétences à la Communauté européenne en organi- sant des actions ayant pour but de faire participer directement les acteurs concernés à des activités a priori exclues des compétences communautaires. 112 Thierry Granturco

I.2. Le renforcement de l’action communautaire dans le secteur culturel

Quelque cinq ans après la communication de 1977 et le lancement d’une véritable action dans le secteur culturel, la Commission décida de lui donner une nouvelle impulsion. Si le budget affecté aux questions culturelles passa de 20.700 à 686.500 ECU de 1976 à 1982, les réalisations furent peu nombreuses. Tout juste put-on se prévaloir de l’intérêt croissant du Parlement européen pour cette action. Son appui fut néanmoins très important pour que l’augmentation budgétaire en question puisse être acceptée. De même, les travaux de sa commission de Çla jeunesse, de la culture, de l’éducation, de l’information et des sportsÈ ont fourni un apport pré- cieux au renforcement de cette action. La communication de 1982 s’inspira largement des rapports Ð notamment sur la situation sociale des travailleurs culturels, sur les cultures et les langues régionales ou sur la conservation du patrimoine architectural Ð déjà adoptés ou en cours d’élabora- tion au sein de cette commission parlementaire, et plus généralement des travaux et débats menés en son sein. La Commission européenne déclara ainsi que les discus- sions du 24 novembre 1981, organisées au Parlement Européen et lors desquelles fut prévue une audition publique des travailleurs culturels, lui permit Çde bien identifier les problèmes du secteur culturel, de connaître exactement les vues des travailleurs culturels au sujet des solutions à préparer et de constater que les principes et les modalités de ces solutions avaient l’appui du ParlementÈ.6 Cette communication du 12 octobre 1982 jeta les bases de ce que pouvait être l’action de la Communauté en matière culturelle. Les Etats membres, dix ans plus tard, dans le Traité de Maastricht, n’ont pas démenti la Commission lorsque celle-ci affirma que Çpersonne n’attend de l’action communautaire dans le secteur culturel ni qu'elle con- tribue au débat académique sur la définition, la finalité et le contenu de la culture, ni Ð encore moins Ð qu'elle s’arroge à l’égard de celle-ci une quelconque fonction de direction ou, seulement, d’orientation. Cette action ne vise pas non plus la coordination des politiques culturelles des Etats membres. Le Conseil de l’Europe y pourvoit avec un succès reconnu en influençant les politiques culturelles nationales par un échange permanent d’informations, d’expériences et d’idées. En dehors des politiques culturelles (qui se situent nécessairement au niveau des nations, des régions et des communes), le rôle de la Communauté est limité aux compétences et aux moyens qui découlent du Traité C.E.E. La Communauté doit assumer à l’égard du secteur culturel les responsabilités économiques et sociales qu'elle assume, en vertu des Traités, à l’égard des autres secteurs. Action économique et sociale, l’action communautaire dans le secteur cul- turel se ramène à l’application du Traité C.E.E. et des politiques de la Communauté aux situations elles-mêmes économiques et sociales dans lesquelles évolue la culture et qui, loin d’être neutres vis-à-vis de son maintien et de son développement, la con- ditionnent fortementÈ.

6. Bulletin des Communautés Européennes, supplément 6/82, p. 7 La genèse de l’intégration de la culture au sein des compétences communautaires 113

a) Le contenu de la communication de 1982 La Commission réaffirma avec force que son action dans le secteur culturel ne pou- vait être que complémentaire des actions entreprises dans les Etats membres et devait, de surcroît, s’inscrire dans les compétences expresses définies par les Traités, à savoir se confiner aux questions économiques et sociales de la culture. Le renforcement de l’action communautaire proposé par la Commission devait s’organiser autour de qua- tre axes reflétant une double approche: l'approche socio-économique tablant sur les deux axes du libre échange des biens culturels et de l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs culturels d'un côté; de l'autre, le développement d'une politique communautaire de la culture avec l’élargissement du public et la conser- vation du patrimoine architectural.

Le libre échange des biens culturels

Rappelant les termes de l’article 36 du Traité C.E.E. qui laissent aux Etats membres la faculté d’interdire ou de restreindre, sous certaines conditions, les exportations des Çtrésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologiqueÈ, la Commission estima que, mise à part cette exception, elle ne saurait admettre d’entraves au libre échange des Ïuvres d’art. Elle proposa de ce fait plusieurs mesures visant à prévenir de tels dysfonctionnements du marché. La première consista à mettre en place un groupe d’experts chargé d’examiner les dispositions et pratiques nationales susceptibles de faire entrave au libre échange des Ïuvres d’art. La deuxième devait simplifier les formalités et les frais relatifs à la circulation intra-communautaire de marchandises expédiées d’un Etat membre en vue d’une utilisation temporaire dans un ou plusieurs autres Etats mem- bres. Dans ces deux cas, les Ïuvres d’art furent considérées comme des marchan- dises et les préoccupations de la Commission européenne concernaient la facilité avec laquelle les dites Ïuvres pouvaient circuler dans la Communauté. Le souci majeur de la Commission était donc économique puisqu’elle affirma que Çles tra- vailleurs culturels seront parmi les premiers bénéficiaires de la réalisation du libre échange des Ïuvres d’art et des biens culturels en généralÈ (première priorité de la Commission telle qu’annoncée dans sa communication). Ce souci était d'ailleurs étroitement lié à la deuxième des priorités, celle concernant l’amélioration des con- ditions de vie et de travail des travailleurs culturels.

L’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs culturels

La Commission souligna la dimension particulière du problème de l’emploi dans le secteur culturel, le taux exceptionnellement élevé de chômage qui le caractérise, pour rappeler qu’il faudrait donner dans ce secteur tout leur sens aux termes des 114 Thierry Granturco articles 117 et 118 du Traité C.E.E. Ainsi, la Commission insista pour faire de cette préoccupation une priorité dans les années à venir. Elle estima qu’il convenait d’encourager et de favoriser le rapprochement des législations sur le droit d’auteur et les droits dits voisins, l’emploi, la formation et le perfectionnement profession- nel dans ce secteur, la mise en place de cadres de négociations collectives entre employeurs et travailleurs et l’harmonisation de la fiscalité. D’autres priorités de la Commission, sous des couverts socio-économiques, con- cernaient cependant la culture sui generis. Tel était le cas des développements consa- crés à l’élargissement du public et à la conservation du patrimoine architectural.

L’élargissement du public

La Commission déclara que Çle développement de la radiodiffusion, de la télévi- sion et des nouveaux moyens de reproduction du son et de l’image ont permis un accroissement considérable du nombre des personnes qui sont touchées par les dif- férentes formes d’expression de la cultureÈ,7 et estima de la sorte devoir présenter des mesures spécifiques d’accompagnement à ce développement. Elle proposa à cet effet que des auteurs dramatiques, des acteurs, des compositeurs, des peintres et tout autre artiste puissent être sollicités afin de tenir le rôle d’assistants culturels dans les écoles. La dimension communautaire de cette proposition consistait en le fait que cette action devait promouvoir la présence de travailleurs culturels dans les établissements d’enseignement des pays de la Communauté autres que leur pays d’origine. La Commission affirmait alors que l’application des formules qui ont fait leurs preuves pour les assistants en langues étrangères devait pouvoir connaître le même succès dans le secteur culturel. Dans le même ordre d’idées, elle proposa que les jeunes compagnies de théâtre et de danse soient sollicitées pour se produire auprès de publics composés de jeu- nes personnes. La Commission souligna que Çle secteur vivant de la culture doit être soutenu non seulement en raison du rôle privi- légié qu’il joue auprès du public, mais encore parce que la création permanente à laquelle il donne lieu alimente les media en Ïuvres et leur permet de disposer d’inter- prètes qualifiésÈ.8 Elle proposa également que l’année 1985 soit consacrée ÇAnnée Européenne de la musiqueÈ. Reprenant une proposition du Parlement européen, la Commission la modifia alors quelque peu pour souhaiter que cette manifestation puisse s’attacher à élargir le public dans trois directions: la musique en général pour les jeunes et les adultes qui en sont encore exclus, les Ïuvres des compositeurs contemporains et les jeunes instrumentistes dont les débuts de carrière sont difficiles.

7. Bulletin des Communautés Européennes, supplément 6/82, p. 13, point 16, paragraphe 1 8. Idem., paragraphe 2 La genèse de l’intégration de la culture au sein des compétences communautaires 115

Une autre de ses propositions consistait à renforcer la collaboration des con- seillers culturels et des instituts culturels des Etats membres. La Commission avait déjà formulé dans sa communication de 1977 une suggestion visant à organiser des réunions régulières des conseillers culturels et à encourager des instituts culturels à réaliser des manifestations communes. Bien que ses souhaits eussent été suivis de quelques effets, ceux-ci furent rares et limités. Partant, la Commission estima qu’il convenait de structurer les réunions des conseillers culturels et de doter les instituts culturels des moyens financiers dont ils ont besoin pour mettre sur pieds des mani- festations communes. Enfin, la Commission proposa que les échanges culturels soient renforcés. Elle rappela à cette occasion que Çles échanges culturels et leur dimension européenne sont un terrain d’action naturel pour la Communauté. Il s’agit de la mise en Ïuvre de la volonté d’unir les peuples européens qu’expriment le premier considérant du préambule du Traité C.E.E. et le dernier des objectifs énoncés dans son article 2È.9 A titre d’exemple, la Commission cita le cycle intitulé ÇQuatuor pour l’EuropeÈ ou ÇConcerts des quatre villesÈ qui se déroula en octobre 1980 dans trois pays de la Communauté et qui consista, pour chacune des quatre villes concernées, à suppor- ter le coût d’un concert qu’elle envoya ensuite gratuitement aux trois autres villes en conservant la recette de ceux que les trois autres villes en question lui envoyè- rent tout aussi gratuitement. Malgré que la Commission s’en défende encore, il semble évident qu’elle a décidé de la teneur des actions à mener au niveau communautaire, dans le secteur culturel non plus considéré alors comme un secteur socio-économique parmi d’autres dans le Traité C.E.E., mais comme fondement d’une identité européenne à développer. Les comédiens, musiciens, et autres écrivains n’étaient plus alors appréhendés comme des travailleurs, mais comme des artistes. Tel fut également le cas pour la formulation des recommandations sur les actions à entreprendre dans le domaine du patrimoine architectural.

La conservation du patrimoine architectural

ÇIl est superflu d’insister sur la justification culturelle que la conservation du patri- moine architectural tire de l’éclat de ce patrimoine dans la Communauté et de l’inté- rêt qui lui est porté par les Européens. On soulignera par contre que le financement juridique de la contribution de la Com- munauté à la conservation du patrimoine architectural réside dans le fait que cette contribution porte sur une richesse qui donne lieu à des activités économiques (tou- risme, recherche scientifique, édition d’art, etc.) et que la conservation elle-même constitue une activité économiquement et socialement rentable pour les entreprises et pour les travailleurs qui y sont impliqués. Outre que chaque opération de conservation maintient ou crée des emplois sur un

9. Bulletin des Communautés Européennes, supplément 6/82, p. 28 116 Thierry Granturco

chantier, un patrimoine architectural bien conservé draine un tourisme qui concourt au relèvement du niveau de vie dans les régionsÈ.10 En quelques mots, la Commission réaffirma son intérêt pour la conservation du patrimoine architectural, mais encadra d’emblée son champs d’action en affirmant que le fondement juridique de la contribution de la Communauté à la conservation du patrimoine architectural réside dans le fait qu’elle porte sur une richesse qui donne lieu à des activités économiques. Elle arrêta ainsi trois mesures spécifiques sur lesquelles elle souhaitait que puisse s’axer l’action communautaire. Il s’agissait de l'allégement de la fiscalité du patrimoine architectural de statut privé, de recher- ches sur la sulfatation des pierres calcaires, des marbres et des briques et des opéra- tions annuelles de conservation. Ces dernières firent naître l’action ÇPatrimoineÈ (officiellement lancée en 1983) et donnèrent lieu aux principales réalisations de la Communauté durant les années 80.

b) Les principales actions entreprises suite à la publication de la communication de 1982 La Commission lança en 1983 et 1986 deux de ses principales initiatives en matière culturelle, dont elle assure toujours la gestion aujourd’hui et qui ont, depuis lors, acquis une certaine dimension: il s’agit de l’action ÇConservation du patrimoine architectural européenÈ et du programme ÇMEDIAÈ. La première permet depuis 1983 de cofinancer chaque année des projets exemplaires qui soulignent la richesse et la diversité de notre héritage architectural et la nécessité d’assurer sa protection. Ainsi, entre 1983 et 1987, cette action permit de cofinancer quelque 59 projets avec un budget initialement fixé à 400.000 ECU pour atteindre 2,1 millions d’ECU en 1987. Parallèlement, c’est à l’initiative du Parlement européen que la Communauté a soutenu, depuis 1983, des actions dites ÇemblématiquesÈ, c’est-à-dire des travaux de restauration de monuments et sites européens d’une grande valeur historique et artistique. Le premier monument à bénéficier, dès 1983, d’une pareille contribution financière de la Commission a été l’Acropole, symbole par excellence de la culture européenne et objet d’importants travaux de restauration depuis 1976. De même, à partir de 1986, des aides financières ont également été octroyés à divers travaux de restauration et de conservation des Monastères du Mont Athos en Grèce. Quant au programme MEDIA, il fut lancé à titre expérimental en 1986 pour la période 1987-1990,11 avec pour objectif de soutenir financièrement des projets et autres mesures susceptibles de renforcer l’industrie audiovisuelle communautaire. Ainsi l’année 1983 symbolise, dans le secteur culturel, les prémices de la straté- gie de la Commission consistant à s’accommoder du refus temporaire du Conseil de se dessaisir de certaines compétences sectorielles au profit des Communautés, en adoptant et en mettant en Ïuvre des actions concrètes pour parvenir finalement à une convergence de facto des politiques nationales. De la sorte, les actions entrepri-

10. Bulletin des Communautés Européennes, supplément 6/82, p. 28, point 19 11. Communication de la Commission (COM (86) 255 final) du 26 avril 1986 La genèse de l’intégration de la culture au sein des compétences communautaires 117 ses dans le secteur culturel furent par la suite multipliées par la Commission tout en étant de plus en plus encadrées et coordonnées. Tel sera le premier apport du programme arrêté par la Commission dans la com- munication de 1987.

I.3. L’essor de l’action communautaire dans le secteur culturel

Lancée quelques dix années auparavant par la Commission européenne, l’action com- munautaire dans le secteur culturel a fortement évolué. Elle fut soutenue par le Parle- ment et par le Comité économique et social, et fut tolérée par le Conseil. Dans une com- munication datée du 18 décembre 1987,12 la Commission décida de donner un nouvel essor à ces initiatives en estimant d’une part qu’accroître l’activité culturelle de la Com- munauté était une nécessité politique et économique contribuant de surcroît à atteindre les objectifs du marché intérieur de 1993, et devait permettre, d’autre part, aux peuples d’Europe de progresser dans la voie de l’Union Européenne. Sa communication conte- nait à ce sujet un véritable plan d’actions pluriannuel.

a) Le contenu de la communication de 1987

Celle-ci se divise en deux parties: la première décline les lignes directrices devant guider la Commission ainsi que le Conseil et le Parlement dans la mise en Ïuvre d’une action communautaire dans le secteur culturel; la deuxième définit les priorités du programme d’actions pour les années 1988-1992.

Les lignes directrices d’une action culturelle communautaire

Si la Commission prit toujours garde de limiter son action dans le secteur culturel de façon à ne pas heurter la sensibilité des Etats membres alors peu enclins à part- ager leurs compétences en la matière avec la Communauté Européenne, elle décida manifestement, en 1987, d’abandonner le profil bas qu’elle avait adopté jusqu’alors. Ainsi, dès l’introduction de cette communication, elle affirma que l’heure n’était plus à se demander si la Communauté avait, ou n’avait pas la com- pétence expresse pour intervenir dans le secteur culturel, car une telle question masquait la demande croissante des citoyens de participer à la vie culturelle et de mettre en place des mécanismes d’échange et de coopération dans ce domaine.13 Elle estimait alors que le succès des initiatives symboliques organisées les années précédentes avait eu l’avantage de démontrer que la dimension culturelle de l’Europe est profondément ancrée dans la conscience de ses habitants et que, sans

12. COM (87) 603 final 13. Bulletin des Communautés Européennes, supplément 4/87, p. 6 118 Thierry Granturco s’écarter du principe de subsidiarité, il «était temps de donner aux activités de la Communauté dans le secteur culturel une toute autre dimensionÈ. Le programme-cadre annoncé devait être mis en Ïuvre, sans que la Commis- sion ne puisse se départir des tâches auxquelles elle avait accordé son attention jusqu’ici. Ce que la Commission proposait alors de réaliser pendant la période 1988-1992 ne pouvait que renforcer les préoccupations précitées qui furent les siennes de 1977 à 1987.

Le programme-cadre

La Commission proposa cinq domaines prioritaires (la création d’une aire cultu- relle européenne, la promotion de l’industrie européenne de l’audiovisuel, l’accès aux sources culturelles, la formation dans le secteur culturel et le dialogue avec le reste du monde) qui se décomposaient eux-mêmes en plusieurs priorités. Certaines s’attachaient bien entendu à promouvoir la culture en tant qu’activité socio-écono- mique (p.ex. la promotion de l’industrie européenne de l’audiovisuel et plus parti- culièrement la proposition d’une ÇDirectiveÈ réservant aux Ïuvres d’origine com- munautaire un certain pourcentage de programmation sur les chaînes de télévision des Etats membres). D’autres priorités tendaient à renforcer la politique culturelle sui generis (information sur l’Europe culturelle, la relance du programme MEDIA, le lancement de l’année européenne du cinéma et de la télévision, etc.). Ce programme-cadre organisait ainsi en 1987, pour les cinq années à venir, des actions ayant expressément pour objet de développer une dimension culturelle à l’échelle européenne, donnant ainsi de facto à la Communauté une compétence dans ce secteur. Tel était le cas sur le territoire communautaire et tel devait être le cas sur la scène internationale, puisque cette compétence devait également être exercée vers l’extérieur, c’est-à-dire vers le reste du monde.14 Ces déclarations d’intention furent effectivement suivies d’effet.

b) Les principales actions entreprises dans la foulée de la communication de 1987

L’essor de la politique culturelle de la Communauté se concrétisa par la multiplica- tion des actions organisées (essentiellement par la Commission) à destination des ressortissants des Etats membres. En ce qui concerne l’action relative à la conservation du patrimoine architec- tural, deux modifications importantes furent décidées: la première fut d’augmenter substantiellement le budget entre 1987 et 1992, en le faisant passer de 2,1 millions d’ECU à 3 millions d’ECU. La deuxième fut de prévoir, à partir de 1989, un thème

14. Bulletin des Communautés Européennes, supplément 4/87, pp.24 et 25. La genèse de l’intégration de la culture au sein des compétences communautaires 119 annuel arrêté par le Comité des affaires culturelles.15 Ce programme prit toute son ampleur à partir de 1989, les thèmes annuels ainsi définis permettant d’assurer sa renommée et son succès auprès du grand public. Parallèlement et en complément à l’action ÇPatrimoineÈ il fut créé en 1990 le programme ÇKaléidoscopeÈ, d’abord connu sous le nom de ÇEurope scène cul- turelleÈ.16 Son principal objectif demeuré inchangé depuis lors est de soutenir la création artistique contemporaine et de promouvoir la connaissance du patrimoine culturel européen. Son budget fut presque multiplié par trois entre 1991 et 1992. La Commission diversifia ses actions puisque, suite à la résolution du Conseil des Ministres du 9 novembre 1987,17 elle décida d’organiser un projet pilote d’aide financière aux traductions d'Ïuvres littéraires européennes et de traduction d'Ïuvres européennes, plus communément appelé ÇAristéonÈ. De même, et sur base de la Résolution du Conseil du 13 juin 1985 d’une part,18 des conclusions du Conseil des Ministres du 18 juin 199019 d’autre part, la Com- mission lança des actions aujourd’hui bien connues: la ÇVille européenne de la cul- tureÈ et le ÇMois européen de la cultureÈ. Ces actions ont pour but de renforcer l’identité culturelle entre les différents Etats du vieux continent. C’est ainsi que furent désignées villes européennes, Athènes (1985), Florence (1986), Amsterdam (1987), Berlin (1988), Paris (1989), Glasgow (1990), Dublin (1991), Madrid (1992), et par la suite Anvers (1993), Lisbonne (1994), Luxembourg (1995), Salo- nique (1996) et Copenhague (1997). Quant à l'action expérimentale du ÇMois culturel européenÈ, elle se déroule depuis 1992 chaque année pendant une période approximative d’un mois dans des pays européens qui ne sont pas non membres de l’Union. L'action est fondée sur les principes de la démocratie, du pluralisme et de l’Etat de droit. C’est ainsi que furent désignées les villes de Cracovie (1992), Graz (1993), Budapest (1994) et Prague (1995). Enfin, le Conseil tenant compte du succès de l’expérience pilote lancée de 1987 à 1990, décida en 199020 de relancer le programme MEDIA et le dota d’un budget de 200 millions d’ECU pour la période 1991-1995. Ses principaux objectifs furent de renforcer l’industrie audiovisuelle par des initiatives visant à réaliser un espace audiovisuel européen, à mettre en Ïuvre des synergies professionnelles, à mobili-

15. 1989:monuments et sites religieux et civils de grande valeur 1990: bâtiments et groupes de bâtiments historiques qui définissent et caractérisent un modèle ur- bain et MMI 1991: témoignages d’activités de production dans le secteur agricole, artisanal, industriel, etc. 1992: projets de conservation dans les villes et les villages, en vue d’une remise en valeur, par le biais d’une approche intégrée de monuments et de leur environnement immédiat dans l’espace pu- blic qui environne. 16. Communication de la Commission, nû 90/C 167/02/CEE du 10.07.1990, JOCE, nû C 167 du 10.07.1990 17. Résolution nû 87/Y 1119/01/CEE du 09-11-1987, JOCE, nû C 309 du 19.11.1987 18. Résolution nû 85/C 1 53/02/CEE du 13-06-1985, JOCE, nû C 153 du 22.06.1985 19. Conclusions nû 90/C 162/0 1 /CEE du 18 juin 1990, JOCE, nû C 162 du 03.07.1990 20. Décision du Conseil nû 90/685/CEE du 21-12-1990, JOCE, nû L 380 du 31.12.1990 120 Thierry Granturco ser des capitaux d’amorçage, à équilibrer les forces du marché et à équilibrer les différents médias. La Communauté Européenne, par l’intermédiaire de sa Commission, avait par conséquent déjà adopté en 1992 un certain nombre d’actions visant à renforcer la culture en tant qu’activité économique. Par surcroît, elle a à son actif quelque huit programmes d’activités destinés au grand public et couvrant des secteurs aussi vas- tes que la conservation du patrimoine architectural, les manifestations culturelles (artistiques au sens large), la lecture, la traduction, le cinéma, la télévision, … C’est donc une reconnaissance expresse d’une compétence existante de facto à laquelle les Etats membres recoururent par l’intermédiaire du Traité de Maastricht.

I.4. Une politique communautaire de la culture: l’article 128 du Traité de Maastricht Le traité de Maastricht a ajouté au Traité de Rome un Titre IX intitulé ÇCultureÈ et ne comportant que le seul article 128. Comme l’ont souligné MM. Closs, Reinesch, Vignes et Weyland dans leur commentaire du Traité de Maastricht21, dans le domaine culturel comme dans bien d’autres, Çl’action communautaire avait en vérité débuté dès le milieu des années 1980 par une première session du Conseil et des Ministres responsables des affaires culturel- les réunis au sein du Conseil, avec examen notamment de problèmes audiovisuels et de cinématographieÈ. Les auteurs ont dénombré pour la période antérieur au Traité rien moins d'une trentaine de décisions, résolutions ou conclusions du Conseil, du Conseil et des Ministres ou des Ministres. Cet article 128, qui fit l’objet d’âpres discussions entre les Etats membres, eut, malgré tout pour résultat de déterminer les finalités et les domaines d’application de la politique culturelle communautaire et permit d’enca- drer distinctement les moyens d’action nécessaires à cette fin.

a) Les finalités et les domaines d’intervention de la politique culturelle Trois finalités ambitieuses sont prévues aux paragraphes 1 et 3 de l’article 128 C.E. Ainsi, l’Union Européenne doit: Ð contribuer à l’épanouissement des cultures des Etats membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage cultu- rel commun; Ð encourager la création culturelle contemporaine; Ð favoriser la coopération culturelle avec les pays tiers et les organisations interna- tionales compétentes, en particulier avec le Conseil de l’Europe (celui-ci détient depuis la création du Fonds culturel (1954) et la reprise des compétences cultu-

21. ÇLe Traité de Maastricht. Genèse, analyse, commentairesÈ, Bruylant 1993, 785 pages. Voir pp. 328 ss. La genèse de l’intégration de la culture au sein des compétences communautaires 121

relles de l’Union de l’Europe Occidentale (1959) une compétence particulière en la matière). Ces efforts furent mis en Ïuvre au niveau de la Communauté dans des domai- nes d’intervention définis aux paragraphes 2 et 3 de ce même article, à savoir l’amélioration de la connaissance et de la diffusion de la culture et de l’histoire des peuples européens, la conservation et la sauvegarde du patrimoine culturel d’importance européenne, les échanges culturels non commerciaux et la création artistique et littéraire (y compris dans le secteur de l’audiovisuel) ainsi que pour les relations extérieures, la coopération culturelle avec les pays tiers et les organisa- tions internationales compétentes, en particulier avec le Conseil de l’Europe. Les principes de l’intervention de la Communauté dans le domaine culturel sont la complémentarité et la subsidiarité. Il était évident que cette dernière ne pouvait en l’occurrence pas prétendre obtenir une compétence exclusive. C’est pourquoi, l’action communautaire se limite à encourager la coopération entre les Etats mem- bres et, le cas échéant, à appuyer et à compléter leur action dans les domaines d’inter- vention précités. Ceux-ci sont définis de telle façon que l’article 128 C.E. légitime désormais expressément la poursuite des programmes que la Direction Générale X de la Commission européenne (chargée de l’information, de la communication, de la Culture et de l’Audiovisuel) gérait depuis quelques années. En effet, qu’il s’agisse de l’action ÇConservation du Patrimoine architecturalÈ, de ÇKaléidoscopeÈ, de ÇAris- téonÈ ou de ÇMEDIAÈ, chacun des objectifs initialement annoncés est repris dans l’article 128 C.E. et prouve toute l’efficacité des programmes de la Communauté relative à l’intégration des politiques communes dans le ÇgironÈ communautaire.

b) Les moyens d’action de la Communauté Européenne en matière culturelle Les moyens d’action de la Communauté sont en l’occurrence limités par la règle de la subsidiarité, qui se manifeste notamment par le fait que tout acte d’harmonisa- tion des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres est exclu du champ d’application de l’article 128 C.E. et, d’autre part, par l’adoption d’un pro- cessus décisionnel extrêmement contraignant. En effet, selon le paragraphe 5 de cet article 128, l’adoption des propositions présentées dans le domaine culturel par la Commission au Parlement européen et au Conseil, relève de la procédure de codé- cision prévue à l’article 189 B du Traité de Rome. L’unanimité au Conseil est donc exigée à tous les stades de la procédure visée au dit article. De plus, le Comité des régions, créé par le Traité de Maastricht, doit également être consulté.

La Commission estime dans une communication récente que:

Çcette procédure complexe est toutefois inspirée par la sensibilité particulière propre au domaine culturel. Elle suppose un consensus généralisé pour l’adoption des mesures d’encouragement et justifie des propositions d’action d’une ampleur 122 Thierry Granturco certaine, tant dans leur contenu que dans leur durée. Sa mise en Ïuvre suppose des consultations particulièrement étenduesÈ. Enfin, afin de donner à la politique culturelle une dimension conséquente, le paragraphe 4 de l’article 128 C.E. stipule que dans le cadre des rapports de la poli- tique culturelle avec les autres politiques communautaires, la Communauté Çdoit tenir compte des aspects culturelsÈ figurant dans chacune des actions qu’elle lance et des législations qu’elle adopte par ailleurs. MM. Closs, Reinesch, Vignes et Weyland estiment que cette rédaction: Çsemble signifier que si l’objectif culturel ne doit pas être négligé dans le cas des autres politiques communautaires, les actions culturelles n’en relèvent pas moins essentiellement de l’article 128 ; ainsi a-t-on cherché à contrecarrer l’interprétation donnée de l’ancien article 130 R 2 (environnement par la Cour de JusticeÈ.22

II. De l’importance d’une compétence expresse pour décider et mettre en œuvre une politique communautaire

Les pères fondateurs des Communautés européennes avaient, dès l’origine, conscience de l’importance de la culture comme ciment de l’intégration des Etats membres. Il fallut cependant attendre plus de 40 ans et le Traité de Maastricht, pour que la politique culturelle devienne expressément de la compétence des Communautés européennes. Cette avancée dans la construction européenne fut cependant le fruit d’une longue maturation dont l’aboutissement fut d’essayer de renforcer les efforts faits par ailleurs, en favorisant la prise de conscience des ressortissants de l’Union Européenne qu’ils vivent non seulement dans une communauté d’intérêts économiques et politiques, mais qu’ils sont également liés par une culture à bien des égards commune. C’est sous l’impulsion de la Commission, soutenue par le Parlement et sous l'Ïil méfiant du Conseil que furent d’abord tracées les lignes directrices de ce qu’il était et est encore commun de considérer comme une action communautaire dans le secteur de la culture. Parallèlement, la Commission organisa des actions et autres programmes afin de prendre des habitudes et de nouer des contacts dans le but d'atteindre des objectifs probants devant permettre de renforcer l’action commu- nautaire dans ce secteur. Mais quid de la véritable portée de l’article 128 C.E.? N’y avait-il pas de politi- que culturelle communautaire avant qu’une compétence de jure soit attribuée à la Communauté européenne? Les actions entreprises pour réaliser les objectifs annon- cés ne sont-ils pas autant d’éléments d’une activité organisatrice consacrée en l’occurrence à mettre en place les fondations d’une politique culturelle au niveau de la Communauté européenne?

22. Décision du Conseil nû 90/685/CEE du 21-12-1990, JOCE, nû L 380 du 31.12.1990, p. 332 La genèse de l’intégration de la culture au sein des compétences communautaires 123

II.1. Les objectifs communautaires en matière culturelle

a) La délimitation du champ d’activité de la politique culturelle communautaire La culture est de ces politiques qu'à l’instar de la politique étrangère, de la défense, de la police et de la justice par exemple, les Etats membres considèrent comme intrinsèque- ment nationale. C'est qu'elle fait référence à des valeurs et à une histoire que chacun, se retranchant derrière son particularisme linguistique, considère comme une partie de son identité qu’il ne conçoit commune qu’avec ses concitoyens. C’est parce qu’ils avaient compris que la construction européenne ne se ferait pas sans l’adhésion de leurs ressortissants, et pour dépasser leurs craintes devant l'étranger, pourtant voisin et ami, que les Chefs d’Etat des neufs pays alors mem- bres de la C.E.E. déclarèrent en 1973 à Copenhague vouloir renforcer l'"identité européenneÈ des ressortissants des Etats membres. Il convenait en effet de penser à donner au terme Çcommunauté» la dimension d’association et d’unité seule capa- ble de faire des Communautés européennes une véritable entité politique. Des politiques sectorielles étaient développées depuis 1951 (C.E.C.A.) et 1958 (C.E.E. et C.E.E.A.), sans pour autant que leurs initiateurs aient pensé à faire des des- tinataires les acteurs conscients et actifs de la construction européenne. Telle fut l’ambition annoncée de cette ÇDéclarationÈ et des programmes d’actions qui s’ensui- virent. En effet, dès la première communication de 1977 en la matière, une série d’objectifs furent annoncés dont la réalisation fut planifiée dans le temps et appuyée d’actions concrètes permettant le financement de projets de dimension européenne. La culture fut donc appréhendée en tant qu’elle génère une activité commerciale et qu’elle a des implications sociales pour ses acteurs, mais également en tant que Çensemble des aspects intellectuels d’une civilisationÈ23 qui firent l’objet d’actions concrètes de soutien. Tel fut le cas, rappelons-le, du patrimoine architectural, de la littérature, de la musique, de la sculpture, du théâtre, de l’audiovisuel, etc. Par con- séquent, et même si nous pouvons convenir avec Guy SAEZ que Çni les respons- ables politiques ni les chercheurs ne se hasardent à définir clairement ce sur quoi porte l’action publique en ce domaine, ni ce qu’elle viseÈ,24 il n’en reste pas moins que l’objectif principal et les actions concrètes mises en Ïuvre au niveau commu- nautaire répondent à la délimitation du champ d’activité culturelle tel qu’il est défini par l’UNESC025 et qui consiste en une énumération de disciplines artistiques auxquelles les autorités communautaires accordent toute leur attention.

b) La mise en Ïuvre de la politique culturelle communautaire Alors qu’il n’était pas encore communément admis que la politique culturelle fasse partie des fonctions de l’Etat, celle-ci devait faire face, au niveau communautaire, au risque d’un double écueil. Le premier était que sa mise en place répondait au

23. Dictionnaire Robert 24. ÇLes politiques de la cultureÈ, in M. GRAWITZ et J. LECA, ÇTraité de science politiqueÈ, p. 387 25. Op.cit. (26), p. 400 124 Thierry Granturco souci de mettre en évidence l’existence d’une identité européenne, alors même que la reconnaissance identitaire est généralement la base même sur laquelle se cons- truit une telle politique. Ce qui est le fondement principal d’une politique nationale de la culture, se trouve être en l’occurrence l’objectif tout aussi principal de la poli- tique communautaire en la matière. Or, et à l’instar de ce que nous pouvons obser- ver dans les Etats fédéraux et plus particulièrement dans ceux abritant des différen- ces ethniques et/ou linguistiques, les entités décentralisées (les Etats membres pour ce qui nous intéresse) visent principalement à exprimer leurs différences. Le deuxième écueil consistait donc en la nécessité intrinsèque de cette politique communautaire de prévoir des actions du centre sur la périphérie, le centre consti- tuant le noyau dur de cette identité qui reste à parfaire à la périphérie. Or, l’exercice était d’autant plus délicat à opérer que non seulement la politique culturelle ne rele- vait pas officiellement de la compétence des Communautés européennes, mais que, de surcroît, sa mise en Ïuvre pouvait se heurter à tous ceux, nombreux, qui consi- dèrent que les compétences communautaires doivent être strictement délimitées. Par conséquent, les moyens de mise en Ïuvre de cette politique devaient être particulièrement bien dosés afin que la reconnaissance de la possibilité d’une action communautaire en la matière puisse s’imposer à tous. Ainsi, si dans les Etats membres cette politique prend souvent la forme d’investissements en équipements des pouvoirs publics nationaux, telle n’a pas été la stratégie de la Commission européenne au niveau communautaire. En effet, c’est parce qu’elle disposait de budgets limités et qu’elle poursuivait l’objectif de promouvoir l’identité euro- péenne dans les Etats membres que la Commission cofinança un certain nombre de projets de dimension européenne (en tenant compte de la nationalité de leurs parti- cipants où de la nature de leurs thèmes), de telle sorte que, d’une part, ceux-ci fas- sent nécessairement l’objet d’une coopération entre partenaires d’Etats membres différents et, d’autre part, que des structures administratives se mettent en place en leur sein pour prendre en compte les procédures administratives communautaires d’octroi de subventions. Les administrations nationales se virent donc confier des missions d’information, de gestion, voire de présélection dans certains cas, des candidats nationaux à ces financements.

II.2. La compétence expresse de la Communauté européenne en matière culturelle Les Traités n’ayant initialement pas octroyé aux Communautés une compétence expresse en matière culturelle, le Conseil des Ministres et la Commission adoptèrent leurs communications et autres programmes en utilisant un certain nombre de possi- bilités offertes par le Traité C.E.E. Il convient tout d’abord de noter que l’article 235 C.E.E. qui vise les cas dans lesquels les autorités communautaires peuvent juger nécessaire d’adopter un certain nombre de dispositions pour lesquelles elles n’ont pas de compétence de jure mais qui viseraient un secteur dans lequel une action com- munautaire s’imposerait, n’a en l’occurrence jamais été utilisé. Comme l’explique notamment M. Cartou, cet article permet de combler certaines lacunes du Traité sans La genèse de l’intégration de la culture au sein des compétences communautaires 125 pour autant engendrer une révision.26 La C.J.C.E. en a même encadré l’utilisation puisqu’elle décida que son utilisation comme base juridique d’un acte ne se justifie que si aucune autre disposition des Traités ne confère aux institutions la compétence nécessaire pour arrêter cet acte.27 C’est en partie parce que cet article (qui a pour corollaire les articles 95 alinéa 1 C.E.C.A. et 203 C.E.E.A.) se caractérise par le fait que le Conseil doit statuer à l’unanimité et que le Parlement européen est tout au plus consulté, que d’autres solutions différentes de celle-ci furent recherchées. En effet, il ne fait aucun doute que la recherche de l’unanimité au Conseil nécessitait préalablement que les Etats membres soient conscients de la nécessité d’une action commune dans ce secteur. C’est donc de nouveau par l’organisation d’actions et de projets pilotes que la Commission décida de procéder, puisque leur mise en Ïuvre pouvait se faire en l’absence totale d’une base juridique expresse. Nous ne pouvons par conséquent que nous opposer à MM. Bekemans et Baladi- mos lorsqu’ils écrivent que Çtoutes les réalisations communautaires aussi impor- tantes qu’elles aient été, ne concernaient que l’existence des agents économiquesÈ.28 En effet, ces actions, dont nous avons vu qu’elles ont trait à des activités que l’UNESCO considère être les principales composantes d’une poli- tique culturelle, ont constitué les prémices d’une véritable politique communau- taire en la matière. Le nouvel article 128 du Traité de Maastricht qui est supposé établir une compétence communautaire nouvelle, donne en réalité la possibilité aux autorités communautaires Çd’agir par des programmes concrets, pluriannuels et cofinancés par les Etats membresÈ.29 En d’autres termes, la compétence rationae materiae ne change pas, mais les moyens de mise en Ïuvre évoluent en ce que les actions deviennent des programmes dont les caractéristiques font l’objet d’une décision ad hoc du Conseil des Ministres. Le Traité de Maastricht a donné à la politique communautaire en matière de cul- ture l’encadrement juridique qui lui manquait. En conclusion, nous estimons, cette fois-ci en accord avec MM. Bekemans et Bala- dimos Ð qui citent un exemple concernant le programme ERASMUS mais que nous pensons pouvoir étendre à d’autres sans trahir leur pensée Ð que Çle financement des participants à ce type de programmes par la Communauté (est) l’hameçon qui (conduit) à une (…) coopération plus efficace dans le domaine de la cultureÈ.30 Les actions ainsi mises en place entre 1977 et 1992, soit les dates du premier programme de travail de la Commission dans ce secteur et date de signature du

26. ÇCommunautés européennesÈ, Précis Dalloz, 9ème édition, p. 169, nû 124 27. CJCE, 26.03.1987, Commission c/ Conseil, 45/86, recueil, p. 1493, et CJCE, 07.07.1992, Parle- ment c/ Conseil, C 295/90, recueil p. 4193 28. In ÇL’identité européenneÈ, chapitre IV, ÇEducation, formation professionnelle et culture: une nouvelle approche après MaastrichtÈ, pp. 167 à 206, TEPSA nû 4, Presse Interuniversitaires Euro- péennes, 1994, 285 pages 29. Op.cit. (30), p. 181 30. ÇLe Traité de Maastricht et l’éducation, la formation professionnelle et la cultureÈ, Revue du Marché Unique Européen, 1993, pp. 99-142 126 Thierry Granturco

Traité de Maastricht, ont abouti à créer des liens entre partenaires concernés des Etats membres. La promotion faite autour de ces actions et de leurs résultats a en sus donné naissance dans les esprits à des habitudes de coopération et la possibilité d’intégrer une dimension communautaire à des projets initialement conçus comme nationaux. Durant ces quinze années, une compétence de facto s’est donc dégagée, cons- truite, entretenue et fut finalement reconnue par le Conseil des Ministres qui décida d’en faire une compétence de jure. Il est sous ce rapport significatif de noter que la rédaction du nouvel article 128 introduit par le Traité de Maastricht, reprend essen- tiellement les activités qui firent l’objet des projets pilotes précités depuis 1997. Le droit consacra la pratique. Thierry Granturco 127 Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen

Daniel DORMOY (sous la direction de) Ð L'Union européenne et les organisations internationales, Bruxelles, Editions Bruylant et Editions de l'Université de Bruxelles, 1997, 462 p. Ð ISBN 2-8027-1061-3. Ð 3.250 FB.

Ce livre, qui a été publié dans la collection de droit international dirigée par le professeur Jean Salmon de l’Université libre de Bruxelles, constitue certainement un apport de grande qualité à l’étude de la passionnante question des relations entre l’Union européenne et les autres organisations internationales tant régionales qu’universelles. Réalisé à partir des actes d'un symposium international de très haut niveau associant des universitaires, des fonctionnaires européens et internationaux ainsi que des diplomates, ce remarquable ouvrage a permis d'étudier en profondeur, à la fois les relations de l'Union euro- péenne avec les organisations régionales et avec l'Organisation des Nations Unies. Dans son avant-propos, le professeur Daniel Dormoy de l’Université de Paris-Sud constate ainsi que du point de vue européen, ce symposium Ça souligné l'intérêt d'une plus grande prise en compte de la dimension externe des progrès de l'intégration interne de l'Union européenneÈ. Divisé en deux parties, ce volume qui rassemble les contributions de plus d’une soixantaine de participants, aborde la question des relations entre l’Union européenne et les organisations internationales de type classique d’une façon systématique en consacrant des développements conséquents à l’approche générale de cette problématique, aux relations avec les organisations régionales ainsi qu’aux relations avec les Nations Unies et plus généralement avec les diverses organisations qui forment ce qu’il est convenu d’appeler le Çsystème onusienÈ. Les quatre premiers chapitres de la première partie, signés respectivement par Jean-Claude Gautron, Daniel Dormoy, Alain-Pierre Allo et Joël Rideau, abordent donc le sujet en suivant une approche générale. Jean-Claude Gautron confronte l’Union européenne au concept même d’organisation internationale et constate une certaine ÇinadéquationÈ résultant notamment de la structure du traité de Maastricht, qui Ça pour effet de placer les Communautés, organisa- tions internationales dotées de la personnalité juridique, dans un ensemble qui ne la possède pasÈ. La question de la participation de l’Union et de la Communauté européennes aux organi- sations internationales de caractère intergouvernemental est au centre du deuxième chapitre. Daniel Dormoy l’envisage en distinguant Çla participation comme membreÈ de la participa- tion avec une autre qualité, à savoir celle d’observateur ou celle de Çplein participantÈ. Dans la mesure où cette participation peut cependant avoir un caractère substitutif ou bien cumulatif par rapport à la participation des Etats membres, et que la coexistence de l’Union et des Com- munautés y ajoute une complication supplémentaire, elle crée une situation Çdifficilement compréhensible pour les tiersÈ. Le troisième chapitre de l’ouvrage, signé par Alain-Pierre Allo, est consacré aux Çaccords administratifs entre l’Union européenne et les organisations internationalesÈ, bien que l’auteur traite en fait des accords de la Communauté et essentielle- ment de l’étendue du pouvoir de traiter de la Commission. Enfin, dans le quatrième chapitre, Joël Rideau porte son analyse sur la participation du point de vue de l’ordre juridique commu- nautaire. Cette perspective permet ainsi de souligner à la fois les conditions de la participation, qui résultent essentiellement de la jurisprudence de la Cour de justice, et aussi ses retombées dans l’ordre juridique communautaire. Les contributions suivantes entrent alors dans l’étude détaillée des relations entre l’Union européenne et les organisations internationales de tout genre. Le deuxième titre de cette pre- mière partie porte ainsi sur les Çrelations avec les organisations régionalesÈ. On y trouve notamment un premier chapitre rédigé par Guy de Vel consacré aux activités du Conseil de l’Europe et une contribution de Paul Tavernier sur le système de la Convention européenne 128 Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen des droits de l’homme et ses liens avec l’Union européenne dans le chapitre suivant. ÇL’Union européenne et l’ALENAÈ est le titre du troisième chapitre issu de la plume de Marie-Françoise Labouz, suivi de deux chapitres relatifs aux relations avec les pays de l’Est et les Çintégrations économiques régionales de PVDÈ. Un troisième titre relatif à Çla sécu- rité, la défense et l’espaceÈ avec de nombreuses contributions individuelles complète la démonstration de la diversité des relations entretenues au niveau régional. La deuxième partie de l’ouvrage porte logiquement sur la relation entre l’Union euro- péenne et les Nations Unies. Elle s’ouvre sur un message délivré en octobre 1995 par le secrétaire général de l'époque, Boutros Boutros-Ghali, qui affirme que l'Union européenne a un rôle particulier à jouer au moment où Çnous entrons dans une période de l’histoire où de nombreux problèmes internationaux sont à repenserÈ, elle qui Çoffre des solutions de solidaritéÈ devant inspirer le monde entier. Sous la signature de nombreux auteurs prestigieux, qu’il est impossible de citer tous, sont alors abordés les domaines d’activité des Nations Unies tels que les droits de l’homme et l’humanitaire, puis les relations avec les institutions de Bretton Woods, l’OMC, la CNU- CED et la Commission économique pour l’Europe. Des contributions portant sur les activi- tés dans les domaines de la paix et de la sécurité internationale, de l’espace, des communica- tions et de l’énergie atomique forment le dernier titre de ce livre qui convainc non seulement par son caractère systématique et la complétude des questions abordées mais aussi par la grande qualité et l’homogénéité des différentes contributions individuelles. On peut par ailleurs saluer la reproduction d’un grand nombre de commentaires et de réflexions issus des débats qui ont eu lieu lors de ce symposium très riche en résultats. Jörg Gerkrath Université Robert Schuman de Strasbourg

Klaus HOMMEL. Ð Spanien und die Europäische Wirtschaftsgemeinschaft. Geschichte einer Integration, (Nomos Universitätsschriften Geschichte, Bd.7), Nomos, Baden-Baden, 1992, 423 S. Ð ISBN 3-7890-2601-8. Ð 78,00 DM.

Der Autor hat sich ein ehrgeiziges Projekt vorgenommen: Insgesamt 47 Jahre spanischer Europapolitik möchte er mit seiner Analyse abdecken. Der Ausgangspunkt seiner Unter- suchung ist das Spanien nach dem Spanischen Bürgerkrieg, dessen Bemühungen um eine Integration in Europa bis zur Aufnahme Spaniens als Vollmitglied 1986 präsentiert werden sollen. Dafür legt er im ersten Kapitel das wirtschaftliche und politische Konzept des frühen Frankismus dar, rekonstruiert sodann die allmähliche Einbindung Spaniens in westliche Institutionen wie die OEEC, den IWF und die Weltbank, um dann im Hauptteil der Arbeit die Bemühungen Spaniens um Integration in die EWG von 1962 bis 1986 nachzuzeichnen. Vorzugsweise stützt er sich auf das im Archiv des Spanischen Au§enministeriums abge- legte Material, das er bis zum Jahr 1965 einsehen konnte, während die unveröffentlichten Quellen des Politischen Archivs des Auswärtigen Amtes nur bis 1960 freigegeben waren. Informationen über den Zeitraum von 1965 bis 1986 bezog Hommel Ð abgesehen von der einschlägigen Literatur Ð vorzugsweise aus den Periodika der Europäischen Gemeinschaf- ten, dem Archiv der Gegenwart sowie den Zeitungen Frankfurter Allgemeine, Neue Zürcher Zeitung und Le Monde. Darüber hinaus gelang es dem Autor, relevante Zeitzeugen wie den Minister für den Entwicklungsplan, Laureano López Rodó, den Finanzminister und Zentral- bankchef, Mariano Navarro Rubio, den Leiter der Verhandlungsdelegation der EWG-Kom- mission, Axel Herbst, sowie den Repräsentanten der europäischen, sozialistischen Opposi- tion gegen eine Integration Spaniens, Willy Birkelbach, für ein Gespräch zu gewinnen. Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen 129

Allerdings scheinen diese Gespräche den aus der Literatur zu erhaltenen Erkenntnisstand nicht signifikant zu heben. Im Unterschied zu früheren Untersuchungen beabsichtigt Hommel, nicht allein die wirt- schaftlichen, sondern auch die politischen Aspekte der Entwicklung ausgewogen zu berück- sichtigen. Diesen hohen Anspruch vermag die Dissertation nur bedingt einzulösen. Bei einer derart breit angelegten Untersuchung geraten einige Teilbereiche zwangsläufig oberfläch- lich, in diesem Fall trifft dies insbesondere auf die Ansätze einer politischen Analyse zu. Sowohl die eingangs angestellten Betrachtungen zu dem ãideologischen Fundament“ des Franco-Regimes (Relevanz der Falange, Herkunft des Autarkie-Konzeptes u.a.) als auch die späteren Vermutungen zur politischen Motivation von Wirtschaftsentscheidungen lassen den Leser unbefriedigt. So gerät vor allem die in der Einleitung angekündigte Absicht, die Inter- dependenzen der spanischen Innen- und Au§enpolitik aufzuzeigen, im Text viel zu knapp. Durch kurze Einschübe zu innenpolitischen Entwicklungen während der Integrationsver- handlungen Spaniens mit der EWG vermag der Autor allenfalls zeitliche, nicht aber kausale Zusammenhänge aufzuweisen. Anerkennenswert ist allerdings die Akribie, mit der Hommel die Entwicklung der spa- nischen Europapolitik, das Auf und Ab der Verhandlungen anhand insbesondere der spani- schen Quellen chronologisch detailliert nachzeichnet. So wird dem Leser klar, welche Ele- mente im einzelnen dazu beitrugen, dass Spanien erst vierundzwanzig Jahre nach Antragstellung auf Assoziierung in den Kreis der EG-Staaten aufgenommen wurde. Die zeit- aufwendigen Prüfungen der spanischen Wirtschaftslage und Vorschläge durch Gremien sowohl der europäischen als auch der spanischen Administration trugen ebenso zu Verzöge- rungen in den Verhandlungen bei wie die italienische Skepsis vor dem spanischen Konkurren- ten auf dem Agrarmarkt oder die französische Blockadepolitik, die in den 60er Jahren prinzipi- ell die EWG-Aktivitäten beeinträchtigte. Ungeachtet des Wortlautes des spanischen Assoziierungsantrags, der die Perspektive einer späteren Vollmitgliedschaft umschlie§t, glaubt Hommel nicht an die Ernsthaftigkeit dieser Absicht, sondern hält die Erwähnung der Vollmit- gliedschaft allenfalls für einen strategischen Schachzug, zumal Franco schon infolge der poli- tischen Implikationen einer Vollmitgliedschaft niemals zugestimmt hätte. Dabei beruft sich Hommel auf Zitate Francos, die er den publizierten Bänden Discursos y Mensajes entnimmt, ohne jedoch diese Fragmente ansatzweise quellenkritisch nach Entstehungszusammenhang oder Rezipientenorientierung zu hinterfragen. Letztlich bewegt sich Hommel mit seiner These im Spekulativen, schlie§lich war zu Francos Lebzeiten selbst eine Assoziierung infolge der sozialistischen Frontstellung gegen jede europäische Integration Spaniens ausgeschlossen, zumal diese Opposition durch die Zunahme der innenpolitischen Repressionen in Francos letzten Regierungsjahren enormen Auftrieb erhielt. So mündete die lange Verhandlungsperiode zwischen Spanien und der EWG 1970 schlie§lich nur in einen Präferenzhandelsvertrag, dessen wirtschaftlicher Nutzen für Spanien in der Literatur als gering veranschlagt wird. Erst nach Francos Tod erhielt die Debatte im Anschlu§ an den Antrag auf Vollmitgliedschaft von 1977 eine neue Dynamik, obwohl erneut fast neun Jahre verstrichen, bis das Integrationsziel erreicht war. Für diese letzte Etappe werden die Informationen bei Hommel merklich dünner, was fraglos mit der Quellenlage zu tun hat. Insgesamt handelt es sich bei der Dissertation um eine verdienstvolle Arbeit. Umso bedauerlicher ist es, dass die Arbeit offenbar unter enormen Zeitdruck fertiggestellt wurde Ð anders lassen sich jedenfalls neben einigen inhaltlichen Fehlern (wie z.B. der These, Franco habe im Zuge des Autarkiekonzeptes bewu§t und freiwillig auf die Marshallplan-Hilfe ver- zichtet) die gro§en Schlampigkeiten nicht erklären. So ist unbegreiflich, warum die in der Zusammenfassung erneut aufgegriffenen Daten von denen im Haupttext abweichen; auch die Unmengen an Rechtschreib- (darunter immer wiederkehrende Blüten wie ãwage“ statt ãrage“ oder ãintelektuell“) und insbesondere Zeichensetzungsfehlern hätten vermieden wer- 130 Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen den müssen. Zu guter Letzt stimmen die Seitenangaben des Inhaltsverzeichnisses erst ab Seite 350 mit dem Text überein, was umso bedauerlicher ist, als auf ein Register verzichtet wurde, das bei der schnellen Suche nach Personen oder Begriffen hätte helfen können. Es bleibt unverständlich, wie ein so ungenügend lektoriertes Buch in den Druck gehen konnte. Dr. Birgit Aschmann Universität Kiel

Rosemary FENNELL. Ð The Common Agricultural Policy: Continuity and Change, Clarendon Press, Oxford, 1997, 440 p. Ð ISBN 0-19-828857-3. Ð 48,00 £.

Le fonctionnement de la Politique agricole commune (PAC) est surtout connu par les mécanismes qu'il développe sur le plan économique et par sa finalité politique dans la pers- pective de la construction européenne. En raison de sa complexité, son analyse donne lieu à des études, soit très techniques, soit partielles, qui ne permettent pas d'avoir une vision d'ensemble d'un processus de longue durée soumis à des adaptations permanentes. Et les études scientifiques sont trop souvent inaccessibles aux non-spécialistes. Rosemary Fennell réussit dans cet ouvrage à dresser un tableau pertinent de l'histoire économique de la formation d'une communauté agricole européenne des années 1950 à 1996. De manière synthétique, elle présente l'approche économique de la mise en place et des développements de la PAC, en s'appuyant principalement sur les travaux de la Commis- sion européenne. Elle illustre son analyse par des tableaux comparatifs très intéressants qui permettent de relativiser certaines idées sur les effets réels ou supposés des différentes poli- tiques adoptées par le Conseil en matière d'agriculture et de développement rural. Le choix d'une approche économique, plutôt que d'une approche globale incluant une analyse politique et historique, a l'avantage de fournir le fil conducteur de la stratégie agri- cole communautaire, d'en dégager les orientations en termes de changement et de conti- nuité. Il permet d'avoir une base solide pour comprendre les enjeux et les perspectives de la PAC et, par conséquent, pour mieux saisir le processus décisionnel, compte tenu de l'attitude des Etats membres face aux problèmes posés par la communautarisation. L'auteur a réussi le tour de force de démêler un écheveau particulièrement embrouillé pour rendre compréhen- sible l'ensemble de la problématique économique de la PAC sans oublier aucun de ses aspects économiques essentiels. Son cadrage sur le problème cardinal du marché et des prix est bien balancé par une ana- lyse critique des approches structurelle et sociale. Les questions sensibles comme celles des revenus, de la définition de l'exploitation familiale, des excédents, des effets pervers de cer- taines mesures communautaires ne sont pas négligées, de même que les contradictions des orientations des politiques commerciale et régionale. L'historien y trouve son compte car l'analyse n'est pas statique et les références technocratiques Ð le point de vue de la Commis- sion Ð son tempérées par la prise en considération des soucis politiques à caractère national Ð le point de vue des Etats membres. Mais, comme le reconnaît l'auteur, la décision politique domine l'approche économique. Sur ce plan, ce livre nous laisse sur notre faim car il ne s'attache qu'accessoirement aux déci- deurs et aux groupes de pression qui ont pourtant été des éléments influents sur les choix effectués sur la base des propositions de la Commission. Et, à mon avis, il sous-estime un aspect stratégique de la PAC, à savoir la transposition de mécanismes nationaux dans un cadre élargi, et n'insiste pas suffisamment sur la question budgétaire. Par contre, la mise en perspective constante des principes retenus dans le traité de Rome et l'analyse de leurs applications déviantes est du plus grand intérêt. Et le constat que les Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen 131

élargissements conduisent à la création d'une PAC à plusieurs facettes, sans parler de l'appa- rition d'un clivage Europe du Nord et Europe méditerranéenne, et remettent en cause le modèle productiviste des années soixante, est bien argumenté. Peut-on alors parler d'un Çmodèle agricole européenÈ considéré comme l'aboutissement de quarante années de PAC? Cette étude a par ailleurs le mérite de montrer les difficultés d'une approche économique sectorielle limitée à l'agriculture et de faire ressortir l'ambiguïté des concepts de changement et de continuité dans un tel contexte. L'auteur privilégie le concept de réforme qui peut être contesté au plan historique au profit de celui d'adaptation, d'autant plus pertinent que cette époque se caractérise par une ÇindustrialisationÈ de l'agriculture et par une volonté d'inté- gration de ce secteur dans l'économie globale. Cet aspect est peu souligné. Cependant, l'auteur insiste sur les objectifs des politiques structurelles et régionales, sans négliger la portée de la politique ÇenvironnementaleÈ de la Communauté. Elle évoque à la fois la recherche de la Çparité» et un ensemble d'initiatives pour assurer un revenu agricole, indé- pendamment de la politique des prix garantis. Les contradictions et les dilemmes qui font l'objet du chapitre six mettent en relief la complexité de la maîtrise des mécanismes agrico- les communautaires, en raison de l'approche retenue: par produit, d'une action économique par des prix à vocation «économiqueÈ et ÇsocialeÈ, de la contradiction sur les objectifs: pro- duction ou revenu, et de l'arbitrage entre les intérêts divergents des producteurs et des con- sommateurs. L'auteur attire aussi, à juste titre, notre attention sur les dysfonctionnements du FEOGA et sur la fiction du marché unique entretenue par l'instauration des montants com- pensatoires monétaires. En somme, R. Fennell met à la disposition des historiens un document de travail et de réflexion très utile pour faciliter des recherches complémentaires sur l'approche politique et historique de la formation et des développements de la PAC. Son souci permanent de clarté dans l'analyse des mécanismes communautaires et de leurs implications en facilite la lecture et ses limites doivent inciter les chercheurs des disciplines interpellées dans son introduc- tion: science politique et histoire notamment, à combler une connaissance encore trop super- ficielle des différents aspects de la constitution, sur le long terme, d'une communauté agri- cole européenne.

Gilbert Noël Université d’Artois Université Catholique de Louvain

Burkard SCHMITT. Ð Frankreich und die Nukleardebatte der Atlantischen Allianz 1956 Ð 1966, München, Oldenbourg Verlag, 1998, 276 p. Ð ISBN 3-486-56330-0 (paperback). Ð 58,00 DM.

A la fin des années cinquante, les conditions de la sécurité du monde occidental changè- rent profondément. Les Etats-Unis perdirent leur position militaire dominante suite au lan- cement du Spoutnik: désormais, le territoire américain fut définitivement exposé aux mena- ces nucléaires soviétiques. Les alliés européens de Washington réagirent de façon différente aux réflexions américaines de plus en plus patentes d’abandonner la stratégie de la Çmas- sive retaliationÈ: tandis que Londres renforça son rapprochement avec les Etats-Unis pour une coopération nucléaire étroite, l’Allemagne s’intéressa à des modes différents de partici- pation au planning nucléaire. L’approche de la France fut celle de la ÇForce de frappeÈ, d’une force de dissuasion indépendante de celle des Anglo-Saxons. Amorcée par les gouver- nements de la IVe République, ce fut de Gaulle qui en fit la pierre angulaire de sa politique d’alliance Ð une politique qui était consciente de la nécessité de l’alliance transatlantique face à une Union soviétique de plus en plus puissante. 132 Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen

C’est sur cet arrière-plan que Burkard Schmitt développe sa recherche ciblant la contra- diction apparente entre la Force de frappe comme symbole de l’indépendance nationale de la France et les arrangements nucléaires communs discutés au sein de l’alliance jusqu'en 1965. Schmitt poursuit la thèse que la Force de frappe ne fut jamais un but en soi, mais un moyen pour modifier les relations entre les membres de l’alliance dans l’intérêt français: ÇDieser bündnispolitisch konstruktive Ansatz war nicht im nationalen Alleingang umzu- setzen, sondern setzte auch im Bereich der Nuklearrüstung den Willen zu gemeinsamem Handeln vorausÈ (p. 2). De la période des premières propositions d’arrangements nucléai- res communs jusqu’à la fin du projet de la Force multilatérale et la sortie de la France des structures intégrées de l’OTAN, il cherche une réponse à la question de savoir quelle fut l’ampleur de cette volonté de coopérer avec les partenaires occidentaux Ð surtout de la part du Président de Gaulle. Le livre de Schmitt a le mérite de montrer que l’indépendance nationale de la France ne pouvait être réalisée contre les alliés, mais seulement en collaboration avec eux Ð et que de Gaulle en était persuadé. L’auteur présente un panorama convaincant de la politique nucléaire française vis-à-vis de ses partenaires au sein de l’alliance qui était marquée par les différentes approches de coopération du Général: la proposition d’un directoire exclusif avec les Améri- cains et les Britanniques, liée à une réorganisation profonde des structures et une nouvelle défi- nition des devoirs de l’OTAN, suivie, après son échec, par l’idée d’une Union Politique euro- péenne avec la France Ð la seule puissance nucléaire du continent européen Ð comme pouvoir principal. A juste titre, de Gaulle croyait que depuis l’expérience du Spoutnik, les intérêts stra- tégiques des Etats-Unis et des Européens n’étaient pas congruents et qu’il fallait réunir les par- tenaires européens de l’alliance pour se faire entendre. La troisième approche, l’union bilaté- rale avec la République Fédérale d'Allemagne, échoua pendant les discussions sur la Force multilatérale, le gouvernement Erhard ayant fait son choix en privilégiant l’offre américaine qui certes fut douteuse et rapidement abandonnée par Washington. En effet, Paris, en tant que pouvoir nucléaire, ne cessait de jeter tout son poids dans la balance pour réaliser ses objectifs stratégiques. La conviction que l’armement nucléaire ren- forcerait son propre rôle dans l’alliance fut déjà à l'origine de la décision fondamentale pour un programme nucléaire militaire en 1954. La coopération avec l’Italie et l’Allemagne, amorcée en 1957, devait appuyer cette approche. Mais si les responsables de la IVe Républi- que voulaient accroître l’influence de la France sur la stratégie occidentale au sein des struc- tures existantes de l’OTAN, de Gaulle visait plus loin: qualifiant l’OTAN de garant de l’hégémonie américaine, le Général utilisait la Force de frappe comme instrument politique pour sauvegarder l’indépendance de la France et pour intéresser les partenaires à une coopé- ration avec Paris, celle-ci devant modifier les relations au sein de l’alliance et amoindrir la suprématie politique et stratégique américaine. Schmitt montre que la raison d’être de l’arme nucléaire française ne consista pas Ð ni pendant les années cinquante, ni sous la présidence de De Gaulle Ð en la sortie de la France de l’OTAN, mais dans l’objectif de modifier les structures de l’alliance atlantique pour faire valoir les intérêts stratégiques français vis-à-vis des Etats-Unis. Cependant, on peut se poser la question de savoir si l’approche française fut vraiment une approche constructive quant au développement stratégique et politique de l’alliance, comme le prétend l’auteur. Une coopé- ration exclusive des trois pouvoirs nucléaires occidentaux aurait réduit l’OTAN à un orga- nisme de niveau régional soumis aux ordres de Washington, Londres et Paris Ð une idée ini- maginable pour les Etats-Unis et a priori exclue par l’administration américaine. La décision du Président français, quatre ans plus tard, de ne même pas examiner l’offre des Américains relative à l’acquisition des fusées Polaris fit, une fois de plus, preuve de la portée extraordi- naire qui incombait au principe élémentaire de la pensée politique de De Gaulle: l’indépen- dance nationale, et surtout l’indépendance dans le domaine militaire, est la source centrale du pouvoir international de l’Etat. Le Général reconnaissait l’utilité et la nécessité de coopé- Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen 133 rer, mais il n’était pas prêt à respecter les intérêts principaux de ses partenaires, notamment anglo-saxons, et à les intégrer dans ses approches de coopération. Toutefois, le livre offre une vue d’ensemble de la politique nucléaire et du développe- ment de la stratégie de dissuasion française dans cette période difficile pour l’alliance occi- dentale. L'exposé impressionne par la clarté de la présentation des conflits complexes entre les alliés ainsi que des motifs qui les conditionnent. L’auteur montre que l’indépendance nationale n’était pas pour de Gaulle le seul objectif de sa politique étrangère, mais qu’elle était étroitement liée à la réalisation d’une politique étrangère et de sécurité qui partait des divergences d’intérêt stratégique entre les alliés dominant les relations transatlantiques entre 1956 et 1966. Martin Koopmann Institut für Zeitgeschichte Edition der Akten zur Auswärtigen Politk der Bundesrepublik Deutschland, Bonn

Maurice VAÏSSE. Ð La grandeur. Politique étrangère du général de Gaulle 1958-1969, Fayard, Paris, 1998, pp.726. Ð 198,00 ffrs.

As a reformer of France's political institutions and restorer of its national self-confidence general de Gaulle's historical stature is undisputed. In his own eyes this achievement, how- ever, was subordinate to his vision of France's role as a great world power. In this respect he has remained highly controversial. As Maurice Vaïsse's most recent publication proves, it has become possible by now to perceive his motivations much more distinctly. Besides an extensive perusal of the available printed material, be it in French, English or German, it rests on the recently declassified minutes of the conversations of de Gaulle and his entou- rage held with foreign representatives.(His private papers regrettably are still closed). The result is the most extensive in depth treatment of de Gaulle's diplomacy so far on the market. It is not by accident that this account yields the richest information whenever it deals with de Gaulle's relations with the so-called Anglo-Saxons, because these, as Vaïsse demon- strates, represented the fulcrum of his global policies: The French statesman sought gran- deur for France, i.e. its elevation to the rank of one of the four or five independent world powers, at first in conjunction with the United States and Great Britain, later on, after these attempts had proved futile, in opposition to them. All along the nuclear issue was crucial . His relations to the “Anglo-Saxons” deteriorated to the extent that the latter proved unwill- ing and, in the case of America, constitutionally unable, to accept France as a nuclear power. Once de Gaulle realized this, containing the Anglo-Saxon influence in what he called “Europe” Ð i.e. continental Europe became his primary objective. Vaïsse shows that the general's two famous vetoes against Britain's joining the Common Market, his policy of reconciliation with the Germans as potential allies in containing the “Anglo-Saxons”, his stand in the German and Berlin questions (characteristically he declared in 1967 that “France preferred German unification to American domination” in Europe ( p.586) ), his decision to leave the integrated military structures of NATO, and finally his controversial appeal to French-Canadian separatism were all rooted in this single goal. The author contends that this was not primarily a cultural antagonism, but the contin- ued attempt to thwart America's supposed hegemonial designs that stood in the way of a glo- bal balance of power, which alone promised to assure peace. France as a responsible world power had, in de Gaulle's eyes, an obligation to mediate, not so much locally in the Viet- namese war, but rather on a global scale between East and West. Hence de Gaulle's attempts 134 Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen at a special détente with ( Soviet) “Russia”, in part founded on the shared interest in keeping Germany away from nuclear weapons, but at the same time continuously threatened by diverging views on the future of Germany and finally upset by the Soviet occupation of in August 1968. Vaïsse only mentions in passing (p.588) that the general largely blamed West Germany's “adventurous” fledgling Ostpolitik for this major setback of his grand design. In a way, this was characteristic of the state Franco-German relations had reached toward the end of de Gaulle's presidentship. In agreement with previous research Vaïsse views Franco-German reconciliation, inspite of lingering suspicions emotionally sustained by de Gaulle as it was, rather as a mutually pledged vow than as a palpable unity of purpose. Actually, Bonn was often forced to mediate between the “Anglo-Saxons” and France, as was the case in its suc- cessful attempt to keep French troops in West Germany and West Berlin, after France had withdrawn from NATO integration and thus abandoned the legal basis of its military pres- ence in Germany (p.393 ff.). Franco-German disputes like French-American controversies revolved around the nuclear issue. No Bonn government seriously considered trading protection by the French force de frappe against the nuclear umbrella America provided for Germany, as de Gaulle continued to suggest. The general, on the other hand, insisted on France's monopoly in nuclear weapons, he ultimately vetoed German membership of a multilateral nuclear force (MLF), and, some of his tactically motivated hints notwithstanding, was never prepared to admit other states to the nuclear superpowers' club that France just had joined. Germany had been defeated, he said to George Ball in 1965, and should “not even indirectly” participate in nuclear decisions (p. 376). In order to corroborate this point, the author delves into the role gaullist France played in arming Israel and at the same time withholding sensitive nuclear know-how from it. Militarily, the Franco-German axe thus surely remained, to quôte G.-H. Soutou, an “uncertain alliance”. To an extent, this was true as well with regard to de Gaulle's European policies. The pic- ture Vaïsse presents does not basically differ from previous findings. Far from being a Mon- net-like European de Gaulle refused to permit European integration to tie the free hand France had acquired after its withdrawal from Algeria. The Common Market thus essentially remained a tool to help modernise France's agriculture and industry, to create a basis of common economic interests for France and West Germany, to eventually become the step- ping stone for co-operative political structures for Europe and, last but not least, to enable Paris to brow-beat its recalcitrant European partners by threatening with the withdrawal from the EEC. The story of the Fouchet plans (pp. 189 f.) as retold by the author proves de Gaulle's opposition to any kind of a supranational Ð to him politically irresponsible Ð approach in building a “European Europe”. Under his impact, especially after the empty chair crisis of late 1965, European institutions and procedures assumed a distinctly Gaullist character, a fact which again was not susceptible to endow the Franco-German relationship with the sound political foundation it was still lacking. The controversy over Great Britain's admission to the Common Market added to intra Ð European tensions. To de Gaulle this was, as Vaïsse rightly stresses, a fundamental issue, as in his eyes his conception of a Europe independent of the United States was incompatible with Great Britain's position as a broker between Atlantic and European interests, if not as the American Trojan Horse in Europe. In addition, de Gaulle feared for France's own pri- macy in the Common Market if there “would be two cocks on the dung heap”, as a contem- porary put it (p.209). Vaïsse is far from minimizing the technical obstacles in the way of Britain's joining the Common Market. Still, these difficulties in his judgement simply con- firmed de Gaulle's fixed basic conviction. The same was true with regard to the Nassau agreement (18-21 December 1962), which only added to de Gaulle's determination to oppose his veto to Britain's wish to enter the Common Market (p.219). Whatever Macmillan Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen 135 offered in terms of a package deal including cooperation in military nuclear developments failed to impress the general. When London, supported by France's partners, applied for a second time, de Gaulle still did not budge, but made British membership of the EEC depend on London's future “behaviour” (p. 601). Vaïsse's book is certain for some time to remain the standard scholarly work on his sub- ject. Critics may take issue with its structure. Aside from its basic division between an early, up to 1962 “declaratory”, and a later “operative” period, it adopts a geographical-topical scheme adding two informative chapters, one devoted to the execution and personnel of France's foreign policy and the other one to de Gaulle's (somewhat shaky) position in his country's public opinion. This structure is liable at times to obscure simultaneous develop- ments like the coincidence of France's leaving NATO integration with de Gaulle's trip to , unless the author (as he often does) inserts cross references, which sometime appear repetitive. A more chronologically structured account may also have added to the drama in the unfolding of de Gaulle's grand design. The author decided to opt for topical clarity, and thus made his work more useful, even though sometimes a little less readable. With regard to the publisher it should not be left unmentioned that he permitted this impor- tant work to come out exceptionally poorly bound so that the reader has again and again to struggle with loose pages. The future scholarly debate about that fervent nationalist who combined sublimity with pragmatism and who has left his imprint on France's foreign policy up to this day, will highly profit from Vaïsse's conclusions. He opens them by enumerating de Gaulle's diplo- matic achievements creating a Common Market for agriculture in Europe, giving new direc- tion to the construction of a united Europe, keeping Europe out of the Vietnam war (p.382) and, above all, winning global independence for France. Still, and the author does not deny it, there were flaws. First of all, the President's impact in many cases was more preventive than promotive: He did help to defeat Soviet pretensions in Berlin to be sure, but he also halted European integration along supranational lines, he thwarted Kennedy's grand design, he killed the MLF, and he loosened France's ties with NATO. In addition, his victories often were, as the author puts it (p. 614), Pyrrhic ones, like Britain's exclusion from Europe or the containment of the American influence in Europe, “victories” to be reversed soon after his resignation from office. According to the author, his disappointments were in part due to his overestimation of the means and the clout France's foreign policy was able to exercise, in part they resulted from certain inconsistencies inher- ent in his own conception Ð like the discrepancy that showed between his espousal of national emancipation and his insistence on France's global pre-eminence or the contradic- tion left between his denunciation of the American hegemony and his warnings of an Amer- ican strategic withdrawal from Europe. As a few of his closest advisers noted, it was finally an irony that de Gaulle refused British membership of the EEC, although British reserva- tions vis-à-vis supranationality were similar to his own. Like many of de Gaulle's contempo- raries Vaïsse bemoans the increasing isolation the President drove France into Ð the single exception being its markedly improved relations to the Arab world Ð an effect that was ascribed to his uncompromising diplomatic style and ultimately cost him in his own country a good deal of the educated public's approval he originally had enjoyed. His problematic legacy may also have something to do with his fundamentally faulty view of recent history. Undoubtedly and with some justice de Gaulle derived his fixed views of Anglo-Saxon imperiousness on experiences he had gone through during the Second World War. The same is true with regard to his condemnation of the “Yalta order”. To a cer- tain extent, Vaïsse seems to agree with him in blaming “Yalta” for the creation of the bipolar world which de Gaulle so fiercely combated (p.678). What in reality was the result of the military course of the war, i.e. the creation of a power vacuum in Europe, which the United States and the USSR alone could fill, was thus transformed into an explicit American design. 136 Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen

In doing so both de Gaulle and the author, it seems, misjudged the “Anglo-Saxon” contribu- tion to that conference, which really represented one of the last efforts to set up an undivided world of politically equal nations. This was proved, among other things, by the invitation extended to France to join the occupation of Germany. Differently from what de Gaulle felt, Yalta as such did not stand in the way of a multilateral Europe. It did put limits though to the realization of his own aspirations for France's greatness. Klaus Schwabe RWTH Aachen

Ulrich LAPPENKÜPER (editor). Ð Die Bundesrepublik Deutschland und Frankreich: Dokumente 1949-1963. Band 1: Au§enpolitik und Diplomatie, K. G. Saur, München, 1997, 21 *, 1002 p. Ð ISBN 3-598-23681. Ð 148,- DM.

The development of the relationship between France and the Federal Republic of Ger- many was at the centre of the European Community's coming into being. Therefore, the col- lection of records on the history of German-French relations, beginning with the foundation of the Federal Republic up to the conclusion of the German-French Treaty in 1963, which the Historische Kommission bei der Bayerischen Akademie der Wissenschaften has pub- lished in co-operation with the Munich Institut für Zeitgeschichte, may in many ways serve as a basis for the study of the “Way to Europe”. In the first volume now published and ded- icated to the foreign policy and diplomacy of both countries, the editor Ulrich Lappenküper presents 325 key documents from French and German archives and published sources. Two principles guided his selection of documents: They were to reflect the development of the German-French relationship as representatively as possible, and the share of unpublished sources was to be as big as possible. These principles are convincing, and Lappenküper surely succeeded in realizing them. Documents of the Quai d'Orsay and Bonn's Foreign Ministry form the major part of the vol- ume. Only few of them have already been published in Documents Diplomatiques Français and Akten zur Auswärtigen Politik Deutschlands. Moreover, the editor was able to consult the personal papers of important actors: On the German side, he used the papers of ambassadors Wilhelm Hausenstein, Vollrath von Maltzan and Herbert Blankenhorn, fur- ther he consulted the papers of the envoy Josef Jansen and the personal papers of Ludwig Erhard; on the French side he used the personal papers of René Mayer, Georges Bidault and Pierre Mendès France. Lappenküper did not succeed in obtaining permission to use the per- sonal papers of Charles de Gaulle. Neither did he have access to the papers of André François-Poncet. Of Konrad Adenauer's personal papers only a few dossiers of the general correspondence were available for review. Lappenküper arranged his material chronologically in three parts: the years up to 1955, the development from the ratification of the Paris Treaties to the inauguration of de Gaulle in 1958, and the years of partnership between de Gaulle and Adenauer. Within the separate time frames the sources are presented according to the chronological development of the single factual complexes. Thus, there are parts on the first approach to the integration of Europe, on the development of the Saar question, on the development of the Rome Treaties, on the beginnings of the German-French co-operation in the production of armaments, on the policy towards Germany under the impression of the Berlin Crisis, on the development of the German-French Treaty, and so on. This arrangement allows the reader to pursue the single complexes in context. An introduction arranged according to the same thematical complexes and ongoing links to other records also help. The user is always able to get a quick overview and at the same time will find an optimal start for his own research. Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen 137

The approach of the enterprise suggests that in many parts the documentation illustrates what has already been known in principle. Thus, one can look up the conversation of Adenauer and Jean Monnet of May 23, 1950, in which the chancellor emphatically claimed that, if he succeeded in realizing the Schuman Plan, he would not have lived in vain. The documentation also offers the verbatim record of the memorandum of October 14, 1950, in which Monnet explained the necessity of a European Army to his foreign minister Robert Schuman. In a statement on Ludwig Erhard of March 30, 1955, Walter Hallstein underlines the political motives in favour of a continuation of the integration project designed after the pattern of the Coal and Steel Community. On June 13, 1962, Herbert Blankenhom notes in his diary, that Adenauer pursued a German-French system of alliance Ð much to the dismay of his assistants. In parts the documentation exceeds the prior level of knowledge. Thus, contradictions and controversies are becoming visible in the French attitude on the German question: On the one hand, one can recognize a certain satisfaction at the status quo; on the other hand, there are doubts, if the status quo of the German division will be permanent. In a commen- tary on the Stalin Note of March 10, 1952, the Quai d'Orsay's head office of the policy sec- tion writes, that for France an ideal solution to the German question did not exist. After hav- ing committed to a certain solution, one had to stick with it, at least “until another solution on the global level would bring about far-reaching consequences and a real détente between the West and the East” (p.130). Regarding de Gaulle's concept of Europe, the General's conversation with Antoine Pinay of May 22, 1958, about which Pinay informs the German ambassador, is of interest. Accord- ing to the document, de Gaulle stated, “that one had proceeded too fast, because one should not reach a supranational solution until one had created the basis for this in a much looser practical co-operation of the different states” (p.581). Supranational solu- tions, thus, were not rejected in principle, but depended on a convergence of the points of view on factual questions. In a conversation with Adenauer on January 21, 1963, de Gaulle declared that France would use its nuclear weaponry “unconditionally and promptly” for the defence of Europe; he then proceeded to develop his thoughts on a European defence organisation with the inclusion of the Atlantic Alliance: “The leadership of European defence would be the common responsibility of the governments. The commanders, meaning Germany in the avant-garde and France in the second position, would be placed under this governmental organization” (pp.936, 940). Due to an apparently long time of production, Lappenküper, regrettably, was unable to integrate the newest publications Ð such as the studies of Martin Kerkhoff and Armin Heinen on the Saar question, or Georges-Henri Soutou's study on the security question in Ger- man-French relations. Other than that, the edition is an excellent tool. It is supplemented by two parallel volumes on the economic relations as well as on the discussion of Ger- man-French relations in the public, in culture, and within the political parties. An index with an annotated register of persons rounds off the successful enterprise. Wilfried Loth University of Essen 138

Jörg GERKRATH. Ð L’émergence d’un droit constitutionnel pour l’Europe. Modes de formation et sources d‘inspiration de la constitution des Communautés et de l’Union européenne, Editions de l’Université, Bruxelles, 1997, 425 p. Ð ISBN 2-8004-1179-1. Ð 1895,00 FB.

Die Diskussion über die Notwendigkeit, der Europäischen Union eine Verfassung zu geben, bleibt hochaktuell und erinnert an die Debatten über eine politische Union zu Beginn der fünfziger Jahre. Ohne Zweifel kann eine Verfassung beim Bürger ein Gefühl der Zuge- hörigkeit und Loyalität hervorrufen und so als Triebkraft für eine weitere europäische Inte- gration wirken. Umgekehrt setzt ein ãeuropäischer Verfassungspatriotismus“ aber auch ein hohes Ma§ an Bereitschaft und Zustimmung der Völker Europas voraus, an dem es derzeit mangelt. Interessanter noch als die Diskussion über eine Verfassungsgebung ist daher die Frage, ob es beim jetzigen Integrationsstand bereits erste Ansätze eines Verfassungsrechts auf europäischer Ebene und damit einer europäischen Verfassung gibt. Mit dieser Frage setzt sich Jörg Gerkrath in seinem Werk L'émergence d'un droit constitutionnel pour l'Europe (Die Entstehung eines Verfassungsrechts für Europa) auseinander. Aufgrund einer umfassenden Analyse des gegenwärtigen Standes der Rechtsentwicklung gelingt ihm der Nachweis eines neuen, gemeinschaftlichen Typs der Verfassung. Mit Weitblick und Gespür für die Emotionen, die mit einer europäischen Verfassung verbunden sind, zeigt der Autor jedoch auf, da§ diese Entwicklung einer künftigen geschriebenen Verfassung nicht im Weg steht, sondern im Gegenteil als ihr Wegbereiter dient. Er entwickelt die Anforderungen, die insbesondere aufgrund der gemeinsamen Rechtskultur der europäischen Demokratien an eine solche Verfassung zu stellen sind. Kernpunkt der Theorie ist der dynamische Charakter des europäischen Verfassungs- rechts. Wie die Geschichte des europäischen Aufbaus zeigt, hat sich im Streit um die Inte- grationsmethoden jene eines funktionellen Zusammenwachsens der Staaten durchgesetzt. Die Dynamik der Integration hat eine entsprechende Dynamik in der Rechtsentwicklung zur Folge. Auch europäisches Verfassungsrecht entsteht somit nicht auf einen Schlag, sondern ist Gegenstand einer langsamen Entwicklung. Mit der Inkorporation dieser Dynamik in seine Theorie, die sich auch in der Verwendung des Begriffes ãémergence“ (was soviel hei§t wie ãim Entstehen befindlich“ oder ãsich herausbildend“) im Titel des Werkes widerspiegelt, liegt der Verfasser auf der Linie von Robert Schumans Philosophie über den progressiven Aufbau Europas. Das vierhundert Seiten starke Werk besteht aus drei Hauptteilen, an die sich ein sehr umfangreiches Literaturverzeichnis anschlie§t. Der Titel des ersten Teils führt den Leser unmittelbar ein in die Kernfrage der Materie: ãKann man bereits von einer europäischen Verfassung sprechen?“. Bei dieser Frage geht es um eine Untersuchung des horizontalen Aspekts eines europäischen Verfassungsrechts, wobei der Verfasser anschaulich das Vorhandensein von verfassungsrechtlichen Werten, die allen Mitgliedstaaten gemein sind, nachweist. Darauf aufbauend entwickelt er eine Defini- tion des Verfassungsbegriffs, die dieses gemeinsame juristische Erbe der europäischen Staa- ten widerspiegelt. Zu diesem Zweck erstellt er eine historische Analyse des Verfassungsbe- griffs und beleuchtet anschlie§end die neuzeitliche Definition, so wie sie aus der amerikanischen und französischen Revolution am Ende des 18. Jahrhunderts hervorgegan- gen ist. Nach ihr ist der Verfassungsbegriff eng verknüpft mit dem des Staates: kein Staat ohne Verfassung und keine Verfassung ohne Staat. Um diese Bindung zu lockern schlägt Gerkrath vor, den Begriff Verfassung mit dem der öffentlichen Ordnung zu verknüpfen. Damit stützt er sich auf ein sowohl im nationalen Staatsrecht als auch im Gemeinschafts- recht weitgehend akzeptiertes Kriterium. Er untermauert seine Auffassung mit einer Betrachtung der Funktion von Verfassungen. Danach ist die Hauptfunktion einer Verfassung die Beschränkung von Macht. Dies lasse den Schlu§ zu, da§ in dem Ma§e, wie die Aus- Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen 139

übung öffentlicher Macht infolge der Existenz von Gemeinschaften und Union nicht mehr ausschlie§liche Befugnis der Staaten ist, vom Entstehen einer europäischen Verfassung gesprochen werden kann, womit der Rahmen des Staates durchbrochen ist. Im zweiten Teil geht es um die Untersuchung der formellen Quellen des europäischen Verfassungsrechts. Dabei kommt der Autor zu dem Schlu§, da§ die Verfassung der Union sich insofern von der eines Staates unterscheidet, es sich bei ihr also um einen neuen Typ von Verfassung handelt, der sich nach Kriterien herausbildet, die dem nationalen Recht weitgehend fremd sind. Den Grundpfeiler oder die Charta der Verfassung bilden die Ver- träge. Deren Veränderung durch primärrechtliche Rechtsetzung sowie ständige Interpreta- tion und Ausprägung durch die Rechtsprechung des Gerichtshofes und die tägliche Praxis der Institutionen bewirken den dynamischen Charakter des europäischen Verfassungsrechts. Trotz dieser Entwicklung beschäftigt sich der Verfasser auch mit der Frage einer eigenstän- digen Verfassung für die Union. Hier liegt sein Verdienst in der Entwicklung einer (zwangs- läufig komplexen) Methode unter Einbeziehung des Europäischen Parlaments und der natio- nalen Parlamente zum Zwecke der demokratischen Legitimation. Schlie§lich befa§t sich Gerkrath im dritten Teil seiner Studie mit den materiellen Quel- len des europäischen Verfassungsrechts. Es sind dies die Grundrechte, wie sie der Gerichts- hof der Gemeinschaften mit Hinblick auf die Rechtsprechung des Europäischen Gerichts- hofs für Menschenrechte ausgearbeitet hat, sowie die allen Mitgliedstaaten gemeinsamen Rechtsgrundsätze und natürlich die materiellen Rechtsvorschriften der Verträge. Anschau- lich legt der Autor dar, da§ die der Union und allen ihren Staaten gemeinsamen verfassungs- rechtlichen Werte wichtiger Grundstein für den Integrationsproze§ und ein Identifikations- faktor für den europäischen Bürger sind. Die Besonderheit gerade des europäischen Verfassungsrechts machen dabei vor allem diejenigen Prinzipien aus, die die Struktur der Europäischen Union prägen. Als besonderer Verdienst des Autors ist die festzuhalten, da§ es ihm gelungen ist, die gesamte Komplexität einer juristischen Definition von Proze§ und Inhalt eines europäischen Verfassungsrechts darzustellen und den Nachweis eines neuen Rechtstypus zu führen, der sich mit der Bezeichnung ãeuropäisches Verfassungsrecht“ belegen läßt. Mit seinem Werk ist ihm ein wichtiger Beitrag zu der eingangs erwähnten Diskussion um die Gegenwart und Zukunft der Verfassung eines vereinten Europas gelungen. Dr. Christian Pennera Abteilungsleiter im Juristischen Dienst des Europäischen Parlaments

Marie-Thérèse BITSCH. Ð Jalons Pour Une Histoire du Conseil de l'Europe: Actes du Colloque de Strasbourg (8-10 juin 1995), Peter Lang, Bern, 1997, 376 p. Ð ISBN 3-906758-06-0. Ð 72,00 SFR

The history of the Council of Europe is one of the most under-studied aspects of Euro- pean integration history, ‘under-studied’ because of the impact of Council history on wider European integration. This collection sketches this history, based on a conference at the Institut des hautes études européennes where much of the research in the field is done. The book’s twenty-two papers cover a wide range of developments in the history of the Council, and the essays by Marie-Thérèse Bitsch and Raymond Poidevin at the beginning and end of the book lay down markers for future attempts to grapple with the Council's history in more depth. Though not deliberately ‘revisionist’, the research presented here suggests the tradi- tional view that a deadlock between federalists and anti-federalists paralysed the Council of Europe from the outset is ripe for review. 140

The book covers the foundation and expansion of the Council, some key issues dealt with dur- ing the Council’s first few decades, and the changes which swept through the Council of Europe as a result of the collapse of Communism. The chapters which do most to revise the old picture of a polarised, impotent Council are those based on archival material relating to its first twenty years. Lubor Jílek recalls the reasons many Continental federalists found British influence over the Council frustrating before 1951, encouraging the President of the Assembly, Spaak, to resign in protest at British ‘obstruction’ of the Continental drive to integration. But in Spaak’s native Belgium, as Marie-Anne Engelbel details, the pro-European approach forged by Spaak was highly contested. In Italy, too, opposition to British intergovernmentalist approaches was less than universal and, as Rinaldo Merlone shows, the pro-European vision of Italy's first postwar foreign minister, Count Sforza, was also pursued with the pragmatic realism associated with Brit- ish and Scandinavian ‘functionalism’. Jean-Marie Palayret's chapter on the European Movement highlights the impatience of federalist members with Council politics, aiming for a transforma- tion of the nature of international relations which, as Gérard Bossuat suggests with respect to the goals of some pro-European socialists in France, was an ‘impossible’ dream. Poidevin rightly notes that relations between the Council and other European organisations should now be treated at much greater length. Anne de Smedt points out that while plans to fuse the European institu- tions failed, the reform debate helped the institutions to define their respective roles. The theme is taken further in Elisabeth de Reau’s article on Council relations with the WEU, which suggests that the fact that the two institutions did not develop distinct, defined areas of interest was a pri- mary obstacle to effective co-ordination between them. The two were also drawn in opposite directions by the inclusion of ‘neutral’ states in the Council. Antoine Fleury’s contribution to the collection shows how Switzerland lost its fear of the political implications of membership of the Council after cold war difficulties began to subside and preoccupation with the effects of exclu- sion from the European Communities heightened. Articles on Austria and Sweden show the other ‘neutrals’ found integration in Council politics less problematic, being more concerned than Switzerland was with their international standing after 1945. The theme of diversity is taken further by Markus Seiler, focusing on mini-states like Luxembourg whose disproportionate influ- ence in the Council attracts greater interest in these countries than it has outside them. The diver- sity of its membership has more often been a hindrance than an advantage to the Council, as Gil- bert Noël shows in describing the deadlock over agriculture in Council deliberations; in the resolution of the Franco-German dispute over the Saar, however, Jan Willem Brouwer’s research suggests the Council’s broad membership gave it enormous influence as a neutral arbitrator. Fur- ther contributions on the European People's Party, culture, the Court of Human Rights, the Con- gress of Local and Regional Authorities and the diplomatic developments of the 1990s following from the entry applications of Hungary, Romania and Russia also make interesting reading though they are not written Ð and in some cases could not be written Ð with the benefit of archival material. While scholars have dismissed the Council of Europe for its evident failures, this collec- tion is a reminder that the Council was nevertheless a pacemaker for European integration, gener- ating many of the crucial ideas later used in the EC. The editors quite rightly devote space to the gaps which the response to their call for papers left. Future historians will doubtless be more concerned with the problems of re-founding Europe on the basis of common 'values', with the role of the Council in human rights and minority rights protection, its role in forming bridges between the EC, the rest of Europe and non-Europeans, the impact of anti-Communism on the development of the Council, the deviation of the Consultative Assembly from strict 'intergovernmentalism' and the attempt to create a single 'seat' for the Euro- pean institutions, a European capital. Institutionalists will also note that discussions within the Council’s Committee of Ministers and the work of its Secretariat beg greater attention. The number of issues raised by the Council’s history would certainly justify a second colloquium, particularly if that were to enable the Francophone historians gathered here to draw in more American, British, German, Scandinavian or East European historians. Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen 141

Finally, some priorities for correction in any future edition of the book: 'Suncan Sandys' (Duncan Sandys), 'Herbert Morillon' (Morrison), 'Hantons Nutting' (Anthony Nutting), and the thesis dedicated to 'la conversation de la vie sauvage' at the Council of Europe. George Wilkes Lecturer, CJCR Wesley House, Cambridge CB5 8JT.

George WILKES (ed.). Ð Britain’s Failure to Enter the European Community 1961-63. The Enlargement Negotiations and Crises in European Atlantic and Commonwealth Relations, Frank Cass, London and Portland, Or., 1997, 288 p. Ð ISBN 0-7146-4687-3. (HP) 37,50 £. Ð ISBN 0-7146-4221-5. (PP) 16,50 £.

This curious but useful volume is a set of papers presented at a conference in Cambridge in July 1993. Some of its contents were already becoming out-of-date by the time it was published four years later. The delay in publishing is hard to understand given the book’s very wide scope, correctly described by its sub-title. Seven of its eleven contributors see the United Kingdom’s unsuccessful eighteen month negotiation for entry into the European Communities (EC) as fundamentally a problem of the long-run organisation of western Europe within the international system in an age of détente. If the European Communities had proved an appropriate form of organisation before 1958, would they still be so in the future? Only four of the contributions are more narrowly focussed on the British application itself and the history of the negotiations. It is refreshing to find any book on the post-war relationship between the United King- dom and Europe which is not obsessed by the EC as the main object of study. For that rea- son it is interesting to ask first what it tells us about those second-rank units in the frame- work of international relations, Britain and the EC. Gustav Schmitt, Oliver Bange, Pierre Gerbet and Maurice Vaïsse all see de Gaulle’s veto on United Kingdom EC membership as primarily the outcome of the failure of the Fifth Republic to create a different European security framework out of the proto-Federalist structure to which the Fourth Republic had so falteringly committed itself in 1950. All four also see a parallel failure of the German Fed- eral Republic to do the same. The causes of the failure on the German side were already well understood: Germany’s subordinate role in European policy issues, even though they were mainly about Germany’s future; an acute and evenly-balanced difference of opinion about whether the EC was the optimum choice for Germany’s continued economic development; the unresolvable tension between the absolute necessity of NATO and the Atlantic alliance and the strong apprehension that only some form of European defence force would be truly committed to the defence of the Federal Republic including West Berlin. All these made German-French understanding more difficult to reach. De Gaulle’s ideas on European Polit- ical Union put it entirely beyond reach. In that context, whether the United Kingdom joined the EC or not was a subordinate issue. Ger- bet and Vaïsse, both working from the incomplete French records available, analyse as carefully as is possible the evolution of de Gaulle’s attitudes to British membership over the period 1958-1963 and both conclude, although with substantial differences of emphasis, that the failure of his Political Union project was the determining factor in his decision. The failure of the Fouchet Plan was, Vaïsse writes, (“entirely caused by the Belgian-Dutch desire to have Great Britain admitted into the Common Market”). The defects of the EC are strikingly illustrated by what seems to have been the undiluted opinion of de Gaulle, his ministers and his officials Ð and it appears also to be that of both contributors Ð that Belgium and the Netherlands were satellites of London with no European policy of their own. Both wanted the supranational integration which de Gaulle did not want. Their oppo- sition to Political Union was an opposition to French domination with which the United Kingdom 142 had little or nothing to do, its own government being relatively well-disposed to de Gaulle’s Politi- cal Union. All these issues are also studied from American records by Pascaline Winand. Given these problems, the reader may well conclude, as perhaps de Gaulle did, that no other form of organisation of Europe was possible other than the one inherited from the Fourth Republic and that it would be a much easier yoke if Britain were kept out. Unfortu- nately, the contributions on the details of Britain’s application are, with the exception of that by Stuart Ward, too narrow to shed much additional light on the book’s central discussion. Ward, who adds some lively material from Australian archives, sees the whole affair as a catastrophe for United Kingdom-Commonwealth relations. His scathing account of the con- fusion, and even duplicity, in the British negotiating position is not unfair. But he does not mention the reality that the larger Dominions had little longer-term interest in sustaining their political and defence relationships with Britain and were mainly out to squeeze the last bit of economic advantage from their commercial relationships with it, before they threw those away too. Strangely, he insists that New Zealand would have escaped the economic consequences of British membership, because the EC would have offered it a special deal. There really is no evidence that France would have allowed any such conclusion. Richard Griffiths and the editor himself concentrate heavily on defects in the negotiating process. There were such, certainly, but the theme seems minor in comparison. Griffiths, too, writes about the decision to apply as though it represented a fundamental change in govern- ment strategy. For Macmillan it was only a change in tactics. He still regarded the EC as an unpleasant fact of life, but came to think it was one which might endure. It still remained sub- ordinate as an issue, however. Piers Ludlow gives a rather brief account of the British agricul- tural sector and agricultural imports as a cause of the negotiating failure. Karl Newman shows how lightly and misleadingly the government presented the impact of European law on national law and on parliament. Hans Branner writes about the Danish application, accurately putting in the correct setting a subject about which so much more is now published. Finally, the book has one massive defect. It assumes that its concentration on international his- tory and relations gives it the liberty to ignore economic issues. When de Gaulle returned to the scene the EC as it existed was built on an economic foundation of national advantages. Economic questions make only a small appearance, however, in these contributions. It is symptomatic of the approach that Ludlow’s contribution on British agricultural problems with the EC does not use records from the Ministry of Agriculture and that none of the contributions about the central issue of the reorganisation of Europe discuss what this might have meant in economic terms, even when it was economic advantage and commercial policy which were the political cement of the whole EC structure. It was also what the British negotiations were forced to be about. Alan S. Milward European University Institute

Andrew MORAVCSIK, The Choice for Europe. Social Purpose and State Power from Messina to Maastricht, UCL Press, London, 1999, 514 p. Ð ISBN 1-85728-192-6.Ð 14,95 £ (PP)

This is one of the most important books and probably the most ambitious one on the his- tory and theory of European Integration which has been published in the 1990s. The author, one of the leading theorists of European integration, attempts nothing less but a re-interpre- tation of the history of the European Union (EU) and a revision of most previous research on the topic. Embedded in a comprehensive theoretical framework, the account is structured along the five major leaps forward in the history of the Union: the Rome Treaties of 1957, the consolidation of the Common Market in the 1960s, the foundation of the European Mon- etary System, the Single European Act and the Treaty of Maastricht. Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen 143

The analysis is based on a very broad literature and, in the first three cases, also on archival evidence (regrettably, there is no list of sources and no bibliography). However, this is not a historical study. On closer view, the archival evidence turns out to have been used very selec- tively. The burden of supporting the conclusions rests mainly on memoirs and a comparison of multiple observations across cases. The first chapter presents an impressive theoretical frame- work which determines the major questions and structures the account. Moravcsik advances no “grand” theory; he prefers “mid-range” theories of European integration. This enables him to paint a more balanced picture and to employ a much subtler research framework than most of the rather rigid theory-based accounts of European integration by political scientists. At the same time, the book avoids the endless enumeration of facts which often characterize histori- cal studies. Moravcsik seeks to answer three major puzzles: What explains the national prefer- ences of governments in support of (or opposition to) European integration? What explains the outcomes of bargaining in the EU? What reasons account for the choice of European institu- tions and the transfer of sovereignty? At least concerning the second question the exclusive concentration on France, Britain, and Germany limits to a certain extent the applicability of the argument, although, given the size of the study, this decision is certainly understandable. On the three questions outlined above competing hypotheses deriving from major theories of inte- gration are tested. On the issue of preferences, economic explanations are pitted against “geo- political” explanations. On outcomes of bargaining the choice is between theories which privi- lege the work of supranational entrepreneurs and theories which attribute the decisive influence to the relative power of nation states. Finally, on the third question, three possible explanations are in contest: Did European federalist ideology, the need for centralised plan- ning, or efforts by governments to secure compliance by others to the agreements account for the choice of European institutions? Moravcsik’s answer is unambiguous: European integration is “a series of rational choices by national leaders” which “responded to constraints and opportunities stem- ming from the economic interests of powerful domestic constituents, relative power of each state in the international system, and the role of international institutions in bolster- ing the credibility of interstate commitments” (p.18). Though conflicting evidence is pre- sented in many of the cases, it is those factors which are decisive for the “Choice for Europe”. On most issues the evidence is in fact conclusive and supports the theoretical claims advanced by the author. The book is a major advance in the field of the theory of European integration and it will constitute a reference work for the years to come. However, having said this, there are also shortcomings to note, particularly concerning the way previ- ous literature on European integration is used, the interpretation of archival sources and memoirs, and, most seriously, the way the core question of the study is framed. The first point becomes very obvious in the discussion on whether the outcome of bar- gaining in the EU is decided by national governments or by supranational entrepreneurs. Moravcsik leaves no doubt that governments decide and that the deeds of federalist heroes, such as Monnet or Delors, were often superfluous. However, he conveys the impression as if hardly anybody has arrived at this result whereas, in fact, it is consistent with the findings of almost all recent studies on European integration. The tendency to dismiss most previous research without engaging in any serious consideration of the arguments advanced in these studies is irritating. Expressions such as “the bulk of the existing literature claims...” or “the received wisdom is...” abound, and they are invariably followed by a refusal of these supposed majority positions. Often, however, those seem to be limited to a quite unrepre- sentative part of research. Sometimes there is no reference to any title at all, for example on p.205: previous literature is allegedly agreeing “almost without exception on the decisive importance of European commission officials in consolidating the CAP”. More often the reference is far from being sufficient. On p.138, for instance, the “conventional view” (that supranational entrepreneurs decisively influenced bargaining on the Rome treaties) is lim- 144 ited to a 1974 study about the Action Committee for a United Europe, hardly a disinterested work, and a 1962 dissertation at the University of Chicago. Throughout the book, readers who are familiar with the literature would expect many more references to research which has arrived at similar results. More serious are the other two shortcomings and this is particularly obvious in the sec- tions dealing with preferences of national governments and the issue “economics vs. geo- politics”. Under the heading of geopolitical explanations the heterogeneous group of the Soviet threat, perceptions of global prestige, security against Germany and federalist ideol- ogy is subsumed. The claim is that in each of the five cases the primary motivation of the British, French and German governments in the process of European integration was not one of those explanations but rather economic interest, deriving mainly from preferences shaped by powerful domestic constituents. The EU is therefore a predominantly economic arrange- ment without the grandiose political and ideological background often stated by politicians. These parts of the book will provoke controversy. Again, this is not the first time that eco- nomic interests are seen as primary motivations in the European integration process: after all, almost all the agreements concern economic matters. However, it is true that this is prob- ably the first time that in a major study economic motives are so clearly privileged to geopo- litical motivations and in such consistency across countries and major steps of integration. Geopolitics has its role mostly when there is uncertainty among the actors about economic interests. Often it is just an ex-post-facto rationalisation or even a deliberate deception employed by governments. Indeed, for example in the case of the Rome treaties economic motives seem sufficient to explain whether there was integration at all. However, on p.136-7, Moravcsik notes the strong, probably decisive influence of geopolitical factors in accounting for the fact that the Common Market was chosen by France and Germany, and not a kind of EFTA or GATT system. Is not this the decisive issue for “the choice for Europe”? Problematic is also the dis- cussion on the consolidation of the Community which concentrates on the British exclusion in 1963 and the “empty chair” crisis in 1965/66 Ð the probably most provocative parts of the book. Particularly the claim that de Gaulle’s European policy was mainly driven by “banal” agricultural interests will disturb those who see the general as the great visionary with even greater goals. This traditional view is rightly depicted as an exaggeration. However, the argument is overstated. The evidence is not unambiguous and it is not sufficient to support the claim that de Gaulle deliberately used geopolitical language to hide his agricultural interests. This argument rests almost entirely on Peyrefitte’s recollections of his talks with de Gaulle (C’était de Gaulle, 1994). Almost no archival material is cited and, when it is used, the documents sometimes contradict the author, as for example in fn.82, p.192. The content of many references seems distorted. For example, Moravcsik’s claim that none of de Gaulle’s collaborators cites geopolitics as reasons for de Gaulle’s veto on Britain’s first bid for EEC membership is incorrect (p.191). Each of the references in the footnotes also cites distinct geopolitical motivations which are clearly not subordinated to agricultural issues. There is no discussion of the question whether the agricultural issue was probably taken as a pretext for the veto, given that it was the major unresolved issue in the negotiations. The recent spate of historical literature on the veto is absent. No doubt, agriculture was a core question, but the sources do not support its privileging against geopolitical motivations. There are for too many instances in which the interpretation does not adequately reflect the content of the sources. The claim that Chancellor Helmut Schmidt’s promotion of Euro- pean monetary unification was primarily motivated by economic concerns and that he delib- erately deceived the public by using European ideology rests on one quote from T. G. Ash, In the Name of Europe (p.254). However, the quote is ambiguous, and in the German edi- tion of the book, which presumably cites the original German source, it is very different and does not support the thesis of deliberate deception. The references to Schmidt’s own mem- Book reviews Ð Comptes rendus Ð Buchbesprechungen 145 oirs point to the wrong pages and the one quote used is translated incorrectly (p.245). Eco- nomics was not the “one important reason” for Giscard and Barre to support the EMS but “an important reason” (Schmidt, 1990, p.220). Schmidt’s memoirs contain many refer- ences to motivations which certainly fall into the category “geopolitics”. Generally, The Choice for Europe has a lot of footnotes which point to wrong pages, and those need to be re-checked. Probably, the various over-interpretations in the book are due to its most important problem, which is the way its central question is phrased: as a game of two competing theories. First, eco- nomics and geopolitics are no theories, not even mid-range theories. Furthermore, the whole argument depends on whether it does make sense to introduce such a distinction on a theoretical as well as on a practical level. Moravcsik deals briefly with this issue in a footnote on p.26, argu- ing that the question whether economic issues should be promoted against or neglected because of geopolitical factors was the salient one in the minds of actors. I would disagree. The question for statesmen was rather how to combine and simultaneously promote economic and geopolitical interests, and it is in the dynamics of this interaction that the explanation for European integration is to be found. How can, for example, such an important motivation for European monetary uni- fication as the search for more independence from the fluctuations of American monetary poli- cies be classified as either geopolitics or economics? This simply makes no or little sense. To put geopolitical factors and economic-political explanations as conflicting issues almost inevitably distorts historical realities. Despite these problems, the importance of the book is beyond doubt. Rarely have the core questions of European integration been presented in such a thought-provoking way, and it is extremely instructive to come to terms with Moravcsik’s arguments even if one does not share the interpretation. Dr. Hubert Zimmermann Wissenschaftlicher Mitarbeiter Lehrstuhl für Internationale Politik, Ruhr-Universität Bochum 147 Notices Ð Informations Ð Mitteilungen

Les chrétiens-démocrates en Europe du XXème siècle Compte-rendu du colloque tenu à Vienne du 23 au 25 octobre 1998

Une réunion scientifique particulièrement intéressante pour ceux qui effectuent des recher- ches dans le domaine de l’histoire de l’intégration européenne avait eu lieu en automne dernier dans la capitale autrichienne. Elle a été consacrée à un sujet relativement peu connu du grand public: celui du rôle des partis chrétiens-démocrates dans l’élaboration de l’idée de l’Europe depuis la fin du siècle précédent jusqu’aux années soixante. Le mérite pour sa con- vocation et son organisation revient aux trois jeunes historiens (Helmut Wohnout, Michael Gehler et Wolfram Kaiser) qui, au nom de leurs instituts respectifs (Karl von Vogel- sang-Institut de Vienne, l’Institut für Zeitgeschichte de l’Université d’Innsbruck et l’Insti- tut für Wirtschaft und Politik de Vienne), ont réuni 25 rapporteurs venant de neuf pays européens ainsi que des Etats-Unis. Ceux-ci ont présenté dans leurs communications les résultats de leurs recherches les plus récentes dans ce domaine. Déjà par sa conception le colloque annonçait son intention de soulever les problèmes fondamentaux liés à l’évolution de ces partis. L’accent était mis sur trois sujets essentiels: sur leur activité à l’époque de l’entre-les-deux-guerres et en exil, sur leur développement après 1945 et sur leur engagement au sein des organisations conservatrices internationales. Cette approche avait ainsi facilité l’examen de l’importance de la contribution de ces partis non seulement aux conceptions politiques, sociales et économiques de ce siècle, mais aussi aux initiatives concernant l’unification européenne. Les rapporteurs étaient unanimes dans leur constatation, que la doctrine chrétienne visant l’édification d’une société qui repose sur le respect de la personnalité humaine et la con- corde entre les classes sociales, représentait la base idéologique de tous les partis conserva- teurs. Or, la question de l’engagement direct du Vatican dans leurs activités politiques était sujette à différentes interprétations. Tandis que Tiziana di Maio insistait sur l’attitude réser- vée du St. Siège, concernant du moins les activités du Parti Populaire Italien, Philippe Che- naux, de l’Université pontificale du Latran tira l’attention aux indications contraires tout en déplorant que les archives vaticanes soient encore inaccessibles aux chercheurs d’histoire moderne et contemporaine. Des réflexions semblables étaient exposés dans les communica- tions de certains autres participants au colloque, notamment dans ceux de Jan Roes de l’Uni- versité de Nymègues et d’Emmanuel Lambert du Centre de documentation catholique de Louvain concernant les soucis du St. Siège envers la diffusion des idées socialistes et les activités des loges maçonniques. Ces divergences ne reflétaient que davantage la préoccupation des rapporteurs à élucider les intérêts qui influencèrent l’attitude des partis conservateurs par rapport aux enjeux histo- riques d’une époque déterminée. Ainsi leur penchant pour les idéologies nationalistes et autoritaires de l'entre-deux-guerres était dû aux causes différentes, voire même, comme le démontra Helmut Wohnout à l’exemple du Parti chrétien-social autrichien, à une interpréta- tion erronée de l’encyclique papale ÇQuadragesimo annoÈ considérée comme appel au remplacement des démocraties parlementaires par le corporatisme. Mais ce fût aussi la con- séquence de la fondation des Etats nationaux en Europe de l’Est et du Sud-Est sur les décombres de la Monarchie austro-hongroise, où les partis conservateurs devenaient avocats soit de la nation dominante, soit des ethnies soumises favorisant ainsi, comme le remarqua Arnold Suppan de l’Österreichisches Ost- und Südosteuropainstitut de Vienne, l’approfon- dissement des conflits nationaux. Mais cette ÇdéviationÈ idéologique ne tarda pas à être 148 Notices Ð Informations Ð Mitteilungen rejetée après la Seconde Guerre mondiale et les communications consacrées à leurs activités pendant cette époque les désignent quasi unanimement comme moteur du redressement éco- nomique occidental et surtout, comme champions de l’idée de l’unification européenne. Comme ceci nécessitait leur coopération à l’échelle internationale, plusieurs rapports furent consacrés aux différentes organisations conservatrices créées à cet effet, en commençant par l’éphémère Secrétariat international des partis d’inspiration chrétienne (SIPIDIC) d’avant la guerre, et continuant avec le Mouvement paneuropéen de Coudenhove-Kalergi pour termi- ner avec le Cercle de Genève et les Nouvelles Equipes Internationales (NEI). Chacune d’entre elles contribua à l’édification des institutions européennes actuelles à sa manière, mais ce furent surtout les deux dernières qui ont directement animé le processus d’intégra- tion de l’Europe. Loin d’être simples clubs de débats platoniques, elles ont, selon Wolfram Kaiser et Michael Gehler, favorisé la création d’une ambiance de confiance mutuelle entre les politiciens et hommes d’Etat européens, facilitant ainsi la solution des problèmes com- muns les plus délicats et frayant la voie à l’édification des organismes communautaires. Les travaux présentés au colloque permettent de constater que l’activité des partis conser- vateurs dans l’histoire politique du vingtième siècle dépassait souvent le cadre strictement national et qu’un grand nombre d’événements internationaux de première importance Ð le processus d’intégration européenne en particulier Ð ne peuvent pas être correctement inter- prétés sans la prise en considération de leur engagement. Ceci peut être déduit même à la base d’une observation limitée seulement aux pays de l’Europe occidentale. Mais bien que les organisateurs avaient déploré l’absence de communications concernant les pays euro- péens non-catholiques, ceci n’a nullement entravé la valeur des résultats obtenus. En effet, leur approche critique à démontré que le rôle des partis démocrates-chrétiens dans le proces- sus de l’intégration européenne est déjà devenu objet d’études historiques sérieuses et que celles-ci ne manqueront pas d’attirer l’attention des chercheurs même si l’absence quasi totale de ceux Vienne au colloque ne semble pas l’approuver.

Vladislav Marjanovic Notices Ð Informations Ð Mitteilungen 149

VI CONGRESO “CULTURA EUROPEA” Pampelona, 25-28 October 2000

The conference seeks to provide dialogue and openness. Therefore it offers numerous sec- tions, some under main topics, several interdisciplinary sections, and still others classified by subjekt matter.

Main sections:

1. Cultural identity: ethnocentrism, multiculturalism, or crossbreeding? 2. Cultural and urban policies: exclusion or integration? 3. Currency and culture 4. Popular culture Ð pop culture: elements of European identity? 5. How should a European cultural policy be? Who decides what should be supported?

A Research Award has been created specifically for university students; the winners will receive 100.000, 50.000, 30.000 pesetas, along with publication of their papers in the Pro- cedings.

Papers may be presented in English, French, Italian, German, Portuguese an Spanish, although English an Spanish are strongly recommended. A summary of the papers must be sent by September 1, 2000 at the latest.

For further information, contact: Conference secretariat Ð Centro de Estudios Europeos Universidad de Navarra E-31080 Pampelona Tel.: +34/948/425634 Fax: +34/948/425622 e-mail: [email protected] 151 Abstracts Ð Résumés Ð Zusammenfassungen

Guido Müller, Vanessa Plichta Between Rhine and Danube. Occidental Thinking, the French-German Overtures and the Conservative-Catholic Integrationprocess 1923-1957

The problems of the continuation of the ideology, propaganda and social supporting circles of “Occi- dentalism” in central Europe between the first and the second post-war period are in the centre of this contribution. The term of “Occident” referred to a continental and conservative- catholic coalition mo- vement, to an ideology of conservative Europeans and finally served anti-eastern, anti-communist and anti-liberal propaganda purposes. The French-German overtures during the interwar-period were essentially determined by the move- ments of intellectuals of the “Young Conservatives”. Their fragmentary way of thinking also com- prised the concepts of “Europe” and “Occident”. As the national socialists never conceded to the term of “Occident” the same propagandist status which enjoyed the “Reich”, this idea could be revitalized in 1945 above all by catholic Conservatives. Thus it becomes clear, that the European idea must not necessarily show a liberal-democratic, Western and pluralistic character. It can also bear strong an- ti-democratic, anti-liberal and authoritarian traits. The Occidentalists’ preferred medium for discussion and propaganda are cultural magazines and po- litical journalism Ð in association with elitist societies respectively committees and academies. Lead- ing conservative politicians from Heinrich Brüning, Ignaz Seipel and Robert Schuman up to Heinrich von Brentano, Alois Hundhammer and Otto von Habsburg are ranking among their adherents. In the fifties conservative politicians, leading industrialists and ecclesiastics often tried to wrap up the eco- nomic, military and political European process of integration in a Christian “Occidental ideology”. This gives a hint of the need to ideologize the pragmatic and economic process of the European inte gration. Since the end of the forties, the geographical focus of the idea and the origin of the supporters of the Occident-movement clearly shifts from the countries bordering the Rhine to the succession states of the former monarchy of the Habsburgs in the Danube area. Due to a modified social climate, the oc- cidental thought became marginal and insignificant in Western Europe in the late fifties. It survived however in conservative Catholic circles and in bordering countries of the European Community such as in pro-Franco Spain and in Austria. The anti-modernistic and anti-pluralistic “Occidental” ideology of integration, that was supported above all by a generation approximately born between 1890 and 1905, has proved hardly suitable for the European process of unification.

Zwischen Rhein und Donau. Abendländisches Denken zwischen deutsch-französischen Verständigungsinitiativen und konservativ-katholischen Integrationsmodellen 1923-1957

Im Mittelpunkt dieses Beitrags stehen Probleme der Kontinuität von Ideologie, Propaganda und ge- sellschaftlichen Trägerkreisen der Abendland-Idee in Mitteleuropa von der ersten bis in die zweite Nachkriegszeit. ãAbendland“ diente als kontinentaleuropäische und konservativ-katholische Sammlungsbewegung, als Ideologie konservativer Europäer und schlie§lich antiöstlichen, antikom- munistischen und antiliberalen Propagandazwecken. Die deutsch-französischen Annäherungsbemü- hungen der Zwischenkriegszeit waren wesentlich bestimmt von den Intellektuellenbewegungen der ãJungkonservativen“. In ihrem fragmentarischen Denken fanden sich auch ãEuropa“ und ãAbend- land“ als Wertbegriffe. Da die Nationalsozialisten dem ãAbendland“ nie den propagandistischen Stel- lenwert einräumten, den das ãReich“ besa§, konnte nach 1945 die Abendland-Idee vornehmlich von katholischen Konservativen revitalisiert werden. Dabei wird deutlich, da§ die europäische Idee nicht zwangsläufig liberal-demokratisch, westlich und pluralistisch ausgeprägt sein mu§. Sie kann ebenso auch stark antidemokratische, antiliberale und autoritär-restaurative Züge tragen. Das bevorzugte Me- dium der Diskussion und Propaganda der ãAbendländer“ sind kulturelle Zeitschriften und politische Publizistik. Damit verbunden sind elitäre Gesellschaften bzw. Komitees und Akademien. Führende konservative Politiker von Heinrich Brüning, Ignaz Seipel und Robert Schuman bis zu Heinrich von 152 Abstracts Ð Résumés Ð Zusammenfassungen

Brentano, Alois Hundhammer und Otto von Habsburg finden sich in ihren Reihen. In den fünfziger Jahren suchten konservative Politiker, Wirtschaftsführer und Kirchenvertreter den wirtschaftlichen, militärischen und politischen europäischen Integrationsproze§ häufig mit christlicher ãAbendlandide- ologie“ zu umhüllen. Dies verweist auf ein Bedürfnis, den pragmatischen und wirtschaftlichen Proze§ der europäischen Integration zu ideologisieren. Die geographische Schwerpunktsetzung der Idee und der Herkunft der Träger der Abendland-Bewegung verschiebt sich von den Ländern am Rhein in den zwanziger Jahren seit Ende der vierziger Jahre immer deutlicher in den Donauraum der Nachfolgeländer der früheren Habsburgermonarchie. Ein verändertes gesellschaftliches Klima in den späten fünfziger Jahren läßt den abendländischen Gedank en im westeu- ropäischen Raum randständig und unbedeutend werden. Dagegen überdauerte er in konservativen katho- lischen Milieus und Randländern der Europäischen Gemeinschaft wie dem francistischen Spanien und Österreich. Die antimodernistische und antipluralistische Integrationsideologie des ãAbendlandes“, die vor allem von einer etwa zwischen 1890 und 1905 geborenen Generation vertreten wurde, hat sich als kaum tauglich für den europäischen Einigungsproze§ erwiesen.

Entre Rhin et Danube. L'idée de l'Occident, la réconciliation franco-allemande et les modèles d'intégration conservateurs catholiques (1923-1957)

L'article analyse la question de la continuité en matière d'idéologie, de propag ande et des milieux so- ciaux qui en Europe centrale ont soutenu l'idéal de l'Occident depuis le premier jusqu'au deuxième après-guerre. L'ÇoccidentalismeÈ était alors devenu un mouvement de rassemblement des milieux conservateurs catholiques de l'Europe continentale; il servait d'idéologie aux européens conservateurs et s'érigea finalement en un instrument de propagande anticommuniste et antilibérale. Les efforts de réconciliation franco-allemande de l'entre-deux-guerres ont été largement inspirés par des intellectuels Çjeunes conservateursÈ qui eux aussi accordent dans leur pensée une place de choix à des notions com- me ÇEuropeÈ et ÇOccidentÈ. Puisque les nazis n'ont mis au jour qu'un intérêt tout limité pour le con- cept de l'ÇOccidentÈ Ð il reste toujours subordonné au grand thème du Reich millénaire Ð des milieux catholiques conservateurs ont pu lui rendre vie au lendemain de la deuxième guerre. Ce faisant, ils n'ont pas toujours et nécessairement donné à l'idée européenne une connotation libérale et démocrati- que, pro-occidentale et pluraliste. Au contraire, leurs visions sont parfois carrément antidémocrati- ques, antilibérales, voire réactionnaires et autoritaires. Pour la diffusion de leurs idéaux, les ÇoccidentalistesÈ se servaient de préférence soit, de revues culturelles et de publications à caractère politique, soit de comités ou de sociétés élitistes, respectivement d'académies. Dans leurs rangs on dis- tingue des personnalités comme Heinrich Brüning, Ignaz Seipel, Robert Schuman, Heinrich v on Bren- tano, Alois Hundhammer et Otto von Habsburg. Ensemble avec d'autres hommes politiques conservateurs, des industriels et des représentants de l'Eglise, ils essayent à partir des années 1950 de greffer leurs visions chrétiennes de l'Occident sur le processus européen d'intégration économique, militaire ou politique afin de donner au pragmatisme sectoriel des pères fondateurs de l'Europe une dimension idéologique. La sphère géographique au centre des préoccupations du mouvement occidentaliste ainsi que l'aire de recrutement de ses adeptes se déplace au fil du temps. Alors qu'au cours des années vingt c'étaient es- sentiellement les régions rhénanes, le centre de gravité se déplace sous l'emprise des bouleversements sociaux intervenus à partir de la fin des années quarante vers les contrées danubiennes. Il s'en suit qu'en Europe occidentale le mouvement est ravalé à un rôle tout à fait secondaire. A l'exception de quelques pays périphériques de la Communauté européenne comme l'Espagne franquiste ou l'Autriche. En gé- néral cependant, l'anti-modernisme et l'anti-pluralisme du rêve occidentaliste rêvé par les générations nées grosso modo entre 1890 et 1905 s'avère finalement peu utile pour servir de modèle d'intégration dans le processus d'unification européenne. Abstracts Ð Résumés Ð Zusammenfassungen 153

Etienne Deschamps The European Cultural Conference of Lausanne (December 1949)

The European Cultural Conference, organised in December 1949 in Lausanne by the European Move- ment, surely represents an important and significant step in the History of the European idea. Con- fronted with a feeling of general difficulty and a deep identity crisis which characterised Europe after the Second World War, this event attested indeed the will of some intellectuals to ponder over the spir- itual and cultural basis of the European civilisation. It also showed that they were ready to be actively involved in the process of European unity. Indeed the organisers actually stressed the practical aspects of the congress. So the participants at this Conference recommended in particular to create strictly Eu- ropean teaching, research and cultural institutions. They also formulated many proposals and thoughts which probably still today remain relevant in the framework of a united Europe which seems to be more and more interested in its cultural identity.

La conférence européenne de la Culture de Lausanne (décembre 1949)

La Conférence européenne de la Culture, organisée en décembre 1949 à Lausanne sous les auspices du Mouvement européen, constitue assurément un jalon important et signifi catif dans l’histoire de l’idée européenne. Face au malaise et à la crise d’identité profonde qui frappaient l’Europe à l'issue de la guerre, cette manifestation témoignait en effet de la volonté de certains intellectuels de s’interroger sur les assises spirituelles et culturelles de la civilisation européenne et à s’engager activement en fa- veur du processus d’unification de l’Europe. Car les organisateurs insistèrent surtout sur l’aspect pra- tique de l’événement. Les congressistes recommandèrent donc notamment la création d’institutions d’enseignement, de recherche et de promotion culturelle strictement européennes. Ils formulèrent aus- si de nombreuses propositions et pistes de réflexion qui, aujourd’hui, demeurent encore bien souvent d’actualité dans une Europe de la culture qui semble enfin se mettre en place.

Die Europäische Kulturkonferenz von Lausanne (Dezember 1949)

Die Europäische Kulturkonferenz, die im Dezember 1949 in Lausanne von der Europäischen Bewe- gung durchgeführt wurde, stellt gewiss einen wichtigen und bezeichnenden Schritt in der Geschichte des europäischen Ideals dar. Das Ereignis fand in einer Zeit allgemeinen Unbehagens und einer tiefen Identitätskrise statt, die ganz Europa nach dem Zweiten Weltkrieg erfasst hatte. Das Zustandekommen basierte auf dem Willen einiger Intellektueller, die sich mit dem geistigen und kulturellen Fundament der europäischen Zivilisation auseinandersetzten. Die Organisatoren waren bereit, sich aktiv in den Prozess der europäischen Einigung einzubringen; sie betonten den praktischen Aspekt der Zusammen- kunft. Die Redner empfahlen in besonderer Weise, europäische Institutionen für Bildung, Forschung und kulturelle Aktivitäten zu schaffen. Sie formulierten au§erdem zahlreiche Vorschläge und Gedan- kenansätze, die in einem sich heute etablierenden Kultureuropa immer noch von Bedeutung sind. 154 Abstracts Ð Résumés Ð Zusammenfassungen

Alesksandar Pavković What is common European heritage? The debates in the first Consultative Assembly of the Council of Europe, 1949

The Council of Europe is the only supranational European organisation whose aim, according to its Statute, is to realise “the ideals and principles which are the common heritage” of its members. The deputies of the first Consultative Assembly attempted, in 1949, to define this concept of common heritage. The advocates of a Eu- ropean federation argued, first, that the common heritage of values Ð primarily the love of freedom and respect for human dignity Ð provides a basis for political unity in the form of a federation; this was naturally opposed by anti-federalists, primarily from the UK and Scandinavian countries. In the debates on the European con- vention of human rights, apart from similar references to the common heritage of respect for indi vidual free- dom and dignity, some deputies argued that this common heritage obliges the member-states to find refuge for the displaced persons from Eastern Europe and to protect national minorities. The Committee on Cultural Questions, in August 1949, submitted a definition of a “militant conception of European culture” opposed both to the “preponderance of capitalism” and to totalitarianism of any kind. In a wide-ranging debate on this con- ception, it became clear that there was no agreement among the deputies about the core set of cultural values which constitute the European cultural heritage.

Que faut-il entendre par Çhéritage communÈ? Les débats de la première Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe. 1949

Le Conseil de l'Europe est la seule des institutions supranationales européennes dont l'objectif est de réaliser Çles idéaux et principes qui constituent l'héritage communÈ de ses Etats-membres. Aussi, au cours de la pre- mière assemblée consultative de 1949, les délégués essayèrent-ils de définir cet Çhéritage communÈ. Dans une première approche, les défendeurs d'une fédération européenne argumentaient que les valeurs communes, no- tamment l'amour de la liberté et le respect de la dignité humaine, représentent une solide base sur laquelle on pourrait ériger l'unité politique. Evidemment cette idée fut combattue par les anti-fédéralistes, en l'occurrence des députés anglais et scandinaves. Abstraction faite des références au respect de la liberté individuelle et de la dignité humaine, les débats sur la Charte européenne des droits de l'homme amenèrent certains députés à invoquer que cet héritage commun oblige les Etats-membres d'accueillir les réfugiés des pays de l'Est et de protéger les minorités nationales. En août 1949 finalement, le Comité des questions culturelles proposa un Çconcept militantÈ pour définir la culture européenne comme étant une culture qui rejette à la fois la Çprépon- dérance du capitalismeÈ et le totalitarisme sous toutes ses formes. Il apparut néanmoins très vite au cours de la discussion que cette conception était nullement partagée de tout le monde et qu'un accord sur ce qui de vrait constituer le noyau des valeurs culturelles communes s'avérait illusoire.

Was gehört zum gemeinsamen europäischen Erbe? Die ersten Debatten im Beratenden Ausschuss des Europarats (1949)

Im Einklang mit seinem Statut bildet der Europarat die einzige supranationale europäische Institution deren erklärtes Ziel in der Verwirklichung ãder Ideale und Prinzipien des gemeinsamen Erbes“ seiner Mitgliedstaa- ten besteht. Dies ãgemeinsame Erbe“ näher zu definieren war die Aufgabe der Abgeordneten des ersten Bera- tenden Ausschusses der 1949 zusammentrat. Zunächst versuchten die Verfechter einer europäischen Föderation gemeinsame Werte wie die Freiheitsliebe und den Respekt der menschlichen Würde zur Grundla- ge politischer Einheit durchzusetzen, was natürlich bei den Gegnern der Föderalisten, vornehmlich den Ver- tretern aus Gro§britannien und Skandinavien auf heftigen Widerstand stie§. Im Verlauf der Debatte um die Menschenrechtscharta Ð abgesehen von ähnlichen Anspielungen auf das gemeinsame Streben nach individu- eller Freiheit und Würde Ð argumentierten einige Abgeordnete, dass dies gemeinsame Erbe alle Mitgliedstaa- ten verpflichte Flüchtlinge aus Osteuropa aufzunehmen und nationale Minderheiten zu schützen. Im August 1949 dann unterbreitete das Komitee für Kulturfragen eine ãmilitante Konzeption europäischer Kultur“ deren Definition sowohl die Vorherrschaft des Kapitalismus als auch den Totalitarismus in jeglicher Form ablehnte. Die zur Diskussion dieses Konzepts angeregte Debatte machte aber sehr schnell deutlich, dass zu jenen Werten die den Kern gemeinsamen europäischen Kulturguts bilden keine Einhelligkeit unter den Abgeordneten zu er- zielen war Abstracts Ð Résumés Ð Zusammenfassungen 155

Bernard Esmein The European Union policies in the area of culture, education and langages

The setting up of European policies in the area of culture and education is often considered as an e x- tension of the economic construction, as if the genesis of Europe thus entered a ne w phase leading to political unity. Thus the growing together of European peoples as a result of the economic opening of the borders would find its natural continuation in a Europe of culture. The article shows that economy and culture clash more often than believed and that those new policies on the contrary seem like a re- action to the cultural effects of the economic opening and to the birth of a world without polarity. It’s purpose is to define which part they can play in this historical process of a new kind.

Les politiques de l'Union Européenne dans le domaine de la culture, de l'éducation et des langues

On considère souvent la naissance des politiques européennes dans le domaine de la culture et de l'édu- cation comme une prolongation de la construction économique, comme si la genèse de l'Europe entrait par là dans une phase nouvelle menant vers l'unité politique. Ainsi le rapprochement des peuples euro- péens provoqué par l'ouverture économique des frontières trouverait sa continuation naturelle dans une Europe de la culture. L'article montre qu'en réalité le rapport entre économie et culture est plus conflictuel que cela et que ces nouvelles politiques apparaissent au contraire comme une réaction aux effets culturels de l'ouverture économique et de la naissance d'un monde sans polarité. Quelle place ces politiques peuvent-elles tenir dans un processus historique de type nouveau? Voilà la question que l'article tente de délimiter.

Die europäischen Unionspolitiken in den Bereichen Kultur, Erziehung und Sprachen

Die Geburt der europäischen Kultur- und Erziehungspolitik wird gerne als natürliche Weiterführung und Vertiefung der wirtschaftlichen Integration hingestellt. So wie die Öffnung der Zollgrenzen ein sich Näherkommen unter den Völkern hervorrief, so werde mit den erwähnten Politiken eine neue Ära eingeläutet die zwangsläufig zur politischen Einheit führe. In Wirklichkeit aber gestaltet sich die Wechselwirkung zwischen Wirtschaft und Kultur wesentlich schwieriger als angenommen. Die neuen europäischen Unionspolitiken in den Bereichen Kultur, Sprachen und Erziehung erscheinen gar als eine Reaktion auf die kulturellen Auswirkungen der ökonomischen Integration die eine Welt ohne Po- larität hat entstehen lassen. Welchen Platz sie in dem historisch einzigartigen Prozess einnehmen, ver- sucht der vorliegende Artikel zu umrei§en. 156 Abstracts Ð Résumés Ð Zusammenfassungen

Thierry Granturco The Genesis of European Community's Competence in the Area of Culture

Culture is part of those policies which are agreed upon as coming under the domain of the European Commu- nities as a result of the modification of treaties which among other things are to widen the range of interv ention of European leaders. This should have been the case after the adoption of the Single European Act in 1986 extending the Community’s area of competence to the fields of environment, research and development, and with the policy of economic and social cohesion. The same should have happened with the adoption of the Treaty of Maastricht, which extended the responsibility of the Community to some new policy areas including cultural matters. However a close examination of the European Community’s activity sometimes leads us to consider that actions have been carried out within the framework of certain policy areas even before they came under the Community’s area of competence. Consequently it is proper to think that the different modifications of the treaties only have ratified a de facto and de jure situation within the European Union and have not opened new areas of competence in favour of community institutions as it is generally admitted. This was the case for culture, as actions were organized in this sector on community level as far back as the seventies, intensifying progressively up to their validation with the adoption of the Treaty of Maas- tricht in 1992.

La genèse de l’intégration de la culture au sein des compétences communautaires

La culture fait partie de ces politiques dont il est convenu de dire qu’elles sont tombées dans le champ de com- pétence des Communautés européennes suite à la modification des traités, dont l’une des conséquences aurait été d’élargir le champ d’intervention des gouvernants européens. Il en aurait été ainsi suite à l’adoption de l’Acte unique européen en 1986, avec l’extension des compétences communautaires aux politiques de l’envi- ronnement, de la recherche et du développement, ainsi qu’avec la politique de cohésion économique et sociale. Il en aurait été de même en 1992 avec l’adoption du traité de Maastricht et de l’extension des compétences communautaires à quelques nouvelles politiques sectorielles, dont celle de la culture. Toutefois, un examen attentif de l’activité des Communautés européennes nous amène parfois à considérer que des actions ont été menées dans le cadre de certaines politiques alors même qu’elles n’étaient pas encore de la compétence com- munautaire. Il convient dès lors de considérer que les différentes modifications des traités n’ont fait qu’entéri- ner une situation de fait et de droit au sein de l’Union européenne: ils n’ont pas ouvert des champs de compétences nouveaux au profit des institutions communautaires tel qu’il est communément admis de l’écrire. Tel fut le cas pour la culture, puisque des actions furent organisées dans ce secteur au niveau communautaire dès les années 70 pour s’intensifier progressivement jusqu’à leur consécration avec l’adoption du Traité de Maastricht en 1992.

Die Entstehung der kulturellen Integration im Rahmen der gemeinschaftlichen Kompetenz

Die Kulturpolitik gehört zu jenen Bereichen die im Zuge der Vertragsänderungen in das Aufgabenfeld der Eu- ropäischen Gemeinschaft aufgenommen wurden, wobei das erweiterte Aufgabenfeld auch erweiterte Kompe- tenzen der europäischen Institutionen hätte nachsichziehen sollen. So sollte es bereits 1986 mit der Annahme der Einheitlichen Akte sein, als die Befugnis der Gemeinschaft auf die Felder Umwelt, Forschung und Ent- wicklung, bzw. wirtschaftliche und soziale Kohäsion ausgedehnt wurde. Ähnlich hätte es auch 1992 mit der Unterzeichnung des Maastrichter Vertrages sein sollen, als die Union ihre Betätigung um weitere Teilbereiche ergänzte, darunter auch die Kulturpolitik. Bei genauerem Hinsehen fällt allerdings auf, dass manche gemein- schaftlichen Aktionen, obwohl sie eigentlich noch gar nicht unter europäische Kompetenz fielen, dennoch be- reits im Rahmen gewisser anderer Politiken durchgeführt wurden. Mit anderen Worten, die verschiedenen Vetragsänderungen haben nicht wie gerne behauptet wird neue, zusätzliche Zuständigk eiten geschaffen, son- dern lediglich de facto und de jure existierende Umstände vertraglich abgesichert. So auch im Bereich der Kultur wo die Gemeinschaft bereits in den siebziger Jahren aktiv gewesen ist, bevor sie ihre Bemühungen in- tensivierte und schlie§lich 1992 durch den Maastrichter Vertrag absegnen liess. 157 Contributors - Auteurs - Autoren

Etienne DESCHAMPS, ancien chercheur à l'Institut Universitaire Européen de Florence; membre du GEHEC (Groupe Etude Histoire de l'Europe Contemporaine) de l'UCL; membre du Secrétariat du Conseil Universitaire Européen pour l'Action Jean Monnet. Adresse professionnelle: rue des Trèves 67, B-1040 Bruxelles. Tel: 0032 2 286 94 60 Fax: 0032 2 230 56 08 E-mail: [email protected]

Bernard ESMEIN, directeur-adjoint de l'Institut Français des Pays-Bas. Adresse professionnelle: Smidsplein 1, NL-2514BT Den Haag. Tel: 0031 70 3125720 Fax: 0031 70 3125741 Adresse personnelle: Thorbeckelaan 325, NL-2564BM Den Haag, Tel: 0031 7 03 23 29 10 E-mail: [email protected]

Thierry GRANTURCO, avocat au Barreau de Paris et de Bruxelles, Cabinet Granturco et associés; collaborateur scientifique au sein du département juridique de l’Institut d’Etudes Européennes de l’Université libre de Bruxelles. Adresse professionnelle: rue des Deux Eglises, 39, B-1000 Bruxelles. Tel: 0032 2 286 80 20 Fax: 0032 2 286 80 21 E-mail: [email protected]

Guido MULLER, Privatdozent am Historischen Institut der RWTH Aachen; Ver- treter der Professur für neuere und neuste Geschichte Westeuropas am Seminar für Zeitgeschichte, Eberhard-Karls-Universität Tübingen. Adresse personnelle: Aldinger Str. 48, D-71638 Ludwigsburg. Tel/Fax: 0049 71 41 28 74 34 E-mail: [email protected]

Aleksandar PAVKOVIĆ, Adresse professionnelle: Department of Politics, Macquarie University, NSW 2109, Australia Tel: 0061 2 9850 7043 Fax: 0061 2 9850 8240 E-mail: [email protected]

Vanessa PLICHTA, Seminar für Zeitgeschichte, Eberhard-Karls-Universität Tübingen. Adresse personnelle: Wilhelmstra§e 36, D-72074 Tübingen 159 Books received Ð Livres reçus Ð Eingegangene Bücher

Heike AMOS. Ð Die Westpolitik der SED 1948/49 Ð 1961. Berlin, Akademie Verlag, 1999, 400 p. Ð ISBN 3-05-003446-7. Ð 78,00 DM. Laurence BADEL. Ð Un milieu libéral et européen. Le grand commerce français 1925 Ð 1948. Paris, Comité pour l’Histoire économique et financière de la France. 1999, 576 p. Ð ISBN 2-11-090083-0. Ð 249,00 FF. Gérard BOSSUAT, Andreas WILKENS (sous la direction). Ð Jean Monnet, l’Europe et les chemins de la Paix. Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, 536 p. Ð ISBN 2-85944-395-2. Ð 210,00 FF. Christoph BOYER. Ð Nationale Kontrahenten oder Partner. Studien zu den bezieh- ungen zwischen Tschechen und Deutschen in der Wirtschaft der CSR (1918 Ð 1938). München, Oldenbourg, 1999, 441 p. Ð ISBN 3-486-56237-1. Ð 128,00 DM. Caroline BROSSAT. Ð La Culture européenne: définitions et enjeux. Bruxelles, Bruylant, 1999, 535 p. Ð ISBN 2-8027-1187-3. Ð 2700,00 BEF. Eric BUSSIERE, Michel DUMOULIN, Alice TEICHOVA (Textes réunis par). Ð L’Europe centrale et orientale en recherche d’intégration économique (1900 Ð 1950). Louvain-la-Neuve, Institut d’études européennes Ð Université catholique de Louvain, 1998, 174 p. Ð ISBN 2-87404-003-7. Ð 750,00 BEF. Dimitris N. CHRYSSOCHOOU. Ð Europe in Change. Theory and Reform in the European Union. Manchester * New York, Manchester University Press, 1999, 174 p. Ð ISBN 0-7190-4991-1 (HP). Ð 40,00 £. Daniel EISERMANN. Ð Au§enpolitik und Strategiediskussion. Die Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik 1955 bis 1972. München, Oldenbourg, 1999, 334 p. Ð ISBN 3-486-56338-6. Ð 68,00 DM Jan FOITZIK. Ð Sowjetische Militäradministration in Deutschland (SMAD) 1945 Ð 1949. Struktur und Funktion. München, Oldenbourg und Akademie Verlag, 1999, 544 p. Ð ISBN 3-05-002680-4. Ð 78,00 DM. Maria Eleonora GUASCONI. Ð L'altra faccia della medaglia. Guerra psico- logica e diplomazia sindicale nelle relazioni Italia-Stati Uniti durante la prima fase della guerra fredda (1947 Ð 1955). Soveria Mannelli, Rubbet- tino, 1999, 251 p. Ð ISBN 88-7284-702-8. Ð 25 000, 00 L. Fernando GUIRAO. Ð Spain and the Reconstruction of Western Europe 1945 Ð 57. Houndsmills, Basingstoke, Hampshire, Macmillan, 1998, 240 p. Ð ISBN 0-312-21291-7 (HP). Ð 45,00£. Leslie HOLMES, Philomena MURRAY. Ð Citizenship and Identity in Europe. Aldershot, Ashgate, 1999, 180 p. Ð ISBN 1-84014-002-X (HP). Ð 40,00 £. Klaus HOMMEL. Ð Spanien und die Europäische Wirtschaftsgemeinschaft. Geschichte einer Integration. Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 1992, 423 p. Ð ISBN 3-7890-2601-8. Ð 78,00 DM. 160 Books received Ð Livres reçus Ð Eingegangene Bücher

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