INITIATION À LA FORCE DE FRAPPE FRANÇAISE

Marc Theleri

Initiation à la force de frappe française 1945-2010

Stock cg 1997, Éditions Stock. AVERTISSEMENT Ce livre ne défend pas de thèse. Sans parti pris, sinon celui de la réalité contre la mythologie, cette « Initiation à la force de frappe » se veut avant tout un ouvrage de travail et de référence. Les infor- mations sont présentées sans fioriture, avec la nudité des faits. Chacun pourra puiser dans ce tableau exhaustif, avec ses cartes et ses schémas inédits, les éléments nécessaires à une compréhension réelle de notre arme de dissuasion. L'auteur laisse le lyrisme et le commentaire aux professionnels de l'écriture.

Introduction

Le déploiement de la Force de frappe française s'est déroulé en trois étapes, de 1944 à nos jours. La phase de préparation dura quinze ans. Elle commença en octobre 1945 avec la création du Commissariat à l'Éner- gie Atomique et se termina en décembre 1959, à la veille du premier essai nucléaire. La phase opérationnelle couvre une période de trente-six années, allant du premier test atomique aérien sur le site de Reggane en janvier 1960 au dernier tir thermonucléaire en puits en février 1996, sur l'atoll de Fangataufa. La troisième débute à peine. Elle prend en compte la « pause stratégique » engendrée par la disparition de la menace de l'Union Soviétique, sur le théâtre Centre-Europe et l'émergence de périls secon- daires, encore diffus, du Moyen-Orient au golfe du Bengale. Ce nouveau cycle, reste encore inconnu de l'opi- nion publique, de même qu'il bouleverse la scène mise en place depuis trois décennies. La mise à l'écart des Français n'est pas une surprise. Depuis plus d'un demi siècle, quelques points essentiels ont été systématiquement occultés. Dès 1952 et la création du commandement des Armes spéciales chargé de « coordonner les études et expérimen- tations dans le domaines des armes nouvelles», l'habitude de dissimulation était engagée. Les termes d'armes « spéciales » ou « nouvelles » devaient permettre de limiter la curiosité publique. Il est frappant, à cet égard, de constater que dans les discours de nos sept présidents de la République et vingt-six présidents du Conseil ou Premiers ministres aux affaires durant la période, le terme « cible » fut toujours banni. Un seul de leurs dix-huit chefs successifs de l'État-Major des Armées, le général Maurin, osa l'employer par trois fois, lors d'une brève conférence en mars 1974 1. On aurait pu penser que les Français avaient le droit de savoir quels étaient leurs ennemis et dans quelles circonstances l'emploi de la force nucléaire était prévue par le chef de l'État. En un mot : qui, comment, pour quel résultat? Au lieu d'expliquer clairement les objectifs de la force de frappe, le discours public a tou- jours été limité à une accumulation de phrases lyriques sur la fierté nationale, la dissuasion, le mythe de la bombe. Aborder la question de l'emploi de la force de frappe était intolérable. Spécialistes en stratégie, experts et journalistes pouvaient présenter durant des décennies des cartes représentant les effets d'une bombe, les trajectoires des missiles à échanger par-dessus l'Arctique, entre les États-Unis et l'Union Soviétique, les axes de pénétration de leurs bom- bardiers, les zones de patrouille de leurs sous-marins, aucun n'osa effectuer présentation identique pour la force de frappe française. Ce tabou soigneusement préservé permit de réduire à néant toute réflexion accessible au grand public. Le président Mitterrand, dans sa « Lettre aux Français » rédigée à l'occasion de l'élection présidentielle pouvait écrire que « 811 » cibles étaient visées par les « missiles » 1. Les termes restaient cependant vagues «[...] les objectifs valables peuvent être de deux sortes : d'une part, des objectifs d'opportunité comme la concentration adverse, d'autre part, des objectifs d'interdic- tion que sont les cibles d'infrastructures ...» soviétiques du «Cap Nord à la Sicile». En revanche, il était impensable pour un responsable français de faire état de la position des silos d'Albion et encore moins de parler de la zone qu'ils couvraient, comme des cibles qu'ils étaient censés atteindre. Tel amiral, questionné sur les patrouilles des sous-marins français, répondait qu'« ils évoluent dans la profondeur des océans » oubliant que de 1971 à 1990, ils étaient limités en posture de veille à une zone comprise entre le golfe de Gascogne, les approches de l'Islande et l'île Jean de Mayen en mer de Norvège. Dans le même ordre d'idées, les Mirage IVA dits « Stratégiques » ne pouvaient atteindre Moscou, sinon lors d'une mission sans retour du type kamikaze. Personne n'en parlait, parce que le débat était toujours confiné à de savantes joutes stratégiques en chambre, loin des estrades, des journaux et parfois, malheureusement, loin de la réalité. Le silence organisé tourna à l'enfantillage. Le touriste, qui approchait d'un silo d'Albion, avait l'interdiction abso- lue de photographier de simples grillages qui délimitaient une zone de deux hectares, entourant une dalle de béton. Cependant, le même curieux avait la possibilité d'atteindre le col de l'Homme Mort dominant le plateau. Il avait alors sous les yeux la quasi totalité des silos de lancement, qu'il pouvait situer convenablement sur une carte type Michelin, voire même avec précision décamétrique à par- tir des documents en vente libre de l'Institut géographique national ! Si sa curiosité n'était pas satisfaite, il pouvait faire achat aux États-Unis de photographies remarquables fournies par le satellite français Helios. De tels documents étaient également disponibles à propos du centre d'émis- sion de Rosnay, aux antennes de plusieurs centaines de mètres de haut, visibles à des kilomètres, et protégé par des panneaux interdisant de photographier ! Ces quelques exemples folkloriques - entre des cen- taines - montre la possibilité et le ridicule si bien gardé qu'il ne protège plus que du vent. Comment aller plus loin ? Tout simplement avec la force du raisonnement, accompagné d'un doigt de malice. Posons la question des cibles, à priori totalement secrètes. Qui dit cible dit missile. Les zones de lancement sont connues de tous. Il suffit de rapprocher les bases de décol- lage ou de lancement avec leurs objectifs potentiels. Par ricochet « la position de lancement détermine la cible ». Un Mirage basé à Cambrai ne possède pas une mission iden- tique à celle d'un appareil décollant d'Istres, un sous-marin en batterie en mer du Nord n'est pas destiné à atteindre des zones identiques à celle d'un autre bâtiment en immer- sion entre Chypre et Crête. C'est ainsi que certaines cartes du livre ont pu être établies. Le secret s'attache surtout, à ce que j'appelerais les « gesticulations » présidentielles. Je n'emploie pas ce terme pour dévaloriser les actions diplomatico-militaires de nos gouvernants, mais pour souligner l'absence de curiosité des observateurs. Derrière les mots, il y a des actes. Cette évidence est trop souvent oubliée. Tous se passe comme si seul le discours importait. Prenons un exemple. Lors de l'attaque conduite par la coalition constituée par l'Égypte, l'Irak, la Jordanie et la Syrie en direction d'Israël, le président Pompidou estima que la France était concernée. La menace dissuasive des Sols-Sol Balistiques d'Albion ne couvrait que les abords de l'axe Damas-Le Caire, il ordonna l'envoi immédiat du sous- marin Le Redoutable en Méditerranée, lequel, à partir du détroit de Sicile couvrait toute la zone et y compris l'Union Soviétique. Qui « perçut » le message émanant de cet ordre de mouvement ultra secret1 ? Certainement pas les États en conflit ni l'URSS, lesquels à l'époque, ne disposaient pas de moyens de détection aptes à déceler cette intrusion. Seuls 1. Impossible d'imaginer que l'on puisse communiquer la zone de patrouille d'un sous-marin alors même que le commandant de la Force océanique ignore sa position. les Anglais et les Américains, à partir de leurs systèmes d'écoute et des bâtiments déployés dans le détroit de Gibraltar, décelèrent ce transit. La dissuasion ne s'adres- sait-elle pas d'abord à nos Alliés ? Deuxième exemple. Le président Giscard d'Estaing, désireux de ménager son ami le chancelier Helmut Schmidt, déploya de 1974 à 1976, trois régiments dans les camps de Couvron (Laon), Mailly et Suippes, situés à une centaine de kilomètres de la frontière belge. Qui rechercha sur une carte Michelin au 1/200 000, la posi- tion de ces sites et osa porter à partir de chacun d'entre eux la portée de ces vecteurs ? Qui osa écrire que le pre- mier dispositif Pluton, si décrié outre-Rhin, était en place face à la ligne passant de Cambrai au Luxembourg ? Pratiquement, à chaque décision gouvernementale en matière de défense ou de diplomatie, il faut évoquer la par- tie immergée de l'iceberg pour en comprendre la nature et les effets. Or, les Français n'ont accès qu'à la partie émer- gée. Cette constatation s'applique bien sûr à la révolution en cours. Le président Chirac observa, dès son installation à l'Élysée, le potentiel en place, les puissances délivrées, les zones couvertes et les objectifs prévus. Entre les 15e et 250e jours après sa prise de fonction, les décisions tombèrent en cascade. Albion comme étaient désarmés, la pré- sence en immersion limitée à un sous-marin, l'aéronavale opérant avec un unique porte-avions, la composante air réduite à un escadron de Mirage 2000 N. Personne ne commenta, les motifs « militaires » de cette spectaculaire contraction, or l'explication s'impose aisé- ment. En 1996, comme dans les années à venir, contre «Qui)) planifier, dans un rayon de 3 500 km autour d'Albion, des frappes à la puissance équivalente à 75 fois celle d'Hiroshima..? «Où» envisager l'engagement d'un porte-avions en frappe nucléaire ? Les questions étant posées, tout individu normal, observant une mappemonde ou une carte mondiale, imaginera difficilement que l'on puisse y répondre dans le secret des états-majors, sans un débat à ciel ouvert. Pouvons-nous dire ou écrire que nous sommes en mesure de défendre nos intérêts vitaux, par une frappe nucléaire, sur tel ou tel point de la planète et oser les définir ? Tel est l'enjeu des années à venir. 1 Mer-sol balistique stratégique

La production d'un submersible à propulsion nucléaire fut évoquée pour la première fois à l'automne 1954, lors d'un Conseil des ministres présidé par M. Pierre Mendès France, soit quatre ans avant la mise en service du sous- marin à propulsion nucléaire George-Washington de FUS Navy. Dix mois plus tard, en juillet 1955, le gouvernement décida de lancer des études sur un sous-marin lanceur de torpilles, le «Q 244 », propulsé par réacteur à uranium naturel eau lourde : bâtiment aux dimensions peu cou- rantes pour l'époque, avec un diamètre de 11 mètres, une longueur de 113 mètres, pour un tonnage minimum de 6 500 tonnes. Son armement était planifié à hauteur de huit tubes et vingt torpilles au total. La filière envisagée souleva très rapidement des difficultés à peu près insur- montables à cause du volume accordé aux ingénieurs en charge de la construction. La masse du réacteur envisagé correspondait à elle seule au tonnage total du « Q 244 » ! En mars 1958, le gouvernement de M. Félix Gaillard décida de l'arrêt des travaux. Six mois plus tard, le général de Gaulle, nouveau président du Conseil, confirma cette instruction. Le 22 octobre, le gouvernement autorisa le ministre de la Défense à envoyer une délégation aux États-Unis, sous la direction de M. Martin, responsable des affaires atomiques au Quai d'Orsay. L'amiral Barthélemy, un des membres de cette mission, devait engager une négociation en vue de l'achat d'un sous-marin nucléaire. La demande resta sans suite. Par contre, le 7 mai 1959, un accord entre Paris et Washington était signé, concernant la fourniture à la France de l'uranium enrichi qu'elle souhaitait, à condi- tion que ce dernier soit utilisé exclusivement à la « mise au point et au fonctionnement à terre d'une installation pro- totype de propulsion nucléaire pour sous-marins ». Le 20 mai, le comité de liaison entre le Commissariat à l'Énergie atomique (CEA) et l'État-Major de la Marine (EMM) se pencha sur la construction de ce Prototype à Terre (PAT). L'installation du site était prévue entre Cadarache, Crau, les Landes, la Loire-Atlantique. Pour en assurer la construction, le comité décida la création au sein du CEA d'un Département de Propulsion Nucléaire (DPN). Le 25 mars 1960, ce Département reçut notification de la décision de construction d'un Prototype à Terre. En décembre, après la création du Centre d'études nucléaires, les travaux débutèrent sur le site de Cadarache. En juin 1962, la coque du « Q 244 » était aménagée en vue de la réalisation d'un sous-marin à propulsion clas- sique, baptisé Gymnote, équipé de quatre tubes destinés aux essais de lancement des missiles Mer-Sol Balistiques Stratégiques (MSBS). Pour assurer la coordination des opérations, le gouver- nement décida, le 1er juillet 1962, de la constitution du comité «Cœlacanthe ». Le général Lavaud, Délégué Général pour l'Armement (DGA), en assura la présidence avec l'assistance des représentants des divers organismes concernés (EMA, DGA, CEA, état-major de la Marine nationale représenté par l'amiral «AlCoé»). Deux groupes furent constitués : le premier, technique, sous la responsa- bilité de l'ingénieur général Gempp de la DGA ; le second, opérationnel, confié à un amiral. La mission consistait à créer la composante sous-marine nucléaire avec l'ensemble des vecteurs, charges et systèmes. Une série de décisions fut prise. D'abord, une orienta- tion « politique » : le texte de la décision d'étude ne ferait pas apparaître la mention «lanceur d'engins», mais celle de «sous-marin ayant la capacité de lanceur d'engins ». L'expérience du « Q 244 » devait être oubliée. Ensuite, la mise en oeuvre : des systèmes aptes aux essais de lance- ment devaient être mis en place dans les meilleurs délais, avec accélération des travaux sur le Gymnote et construc- tion de deux caissons - l'un des deux équipé d'un tube de lancement au 1/9 dépressurisé, autorisant les simulations des phénomènes hydropneumatiques résultant de l'éjec- tion d'un missile, l'autre, muni d'un tube aux dimensions réelles, permettant d'effectuer en plongée des lancements d'engins inertes ou mono-étages afin d'assurer la qualifica- tion des systèmes testés. Le 5 mai 1963, l'ordre de construction du premier SNLE était signé et, le 14 août 1964, le Prototype à Terre à uranium et eau pressurisée, issu de Cadarache, divergea et atteignit en dix jours sa puissance nominale. En octobre 1966, le sous-marin Gymnote entra en ser- vice pour contribuer aux essais de lancement en immer- sion des MSBS. Le 29 mars 1967, à Cherbourg, le général de Gaulle assista au lancement du premier SNLE, Le Redoutable. La Marine nationale recevra cinq Sous-marins Nucléaires Lanceurs d'Engins (SNLE) entre décembre 1971 et mai 1980. Les caractéristiques de ces bâtiments sont sommairement les suivantes : DÉPLACEMENT EN TONNES : en surface 8 000, en plongée 9 000. DIMENSIONS EN MÈTRES : 128; 10,6; 10. MOTORISATION PRINCIPALE : réacteur à eau pressurisée et 2 turbines à vapeur. MOTORISATION SECONDAIRE : 2 diesels alternateurs, 1 moteur électrique. ARMEMENT : 16 missiles avec tête nucléaire, 18 torpilles. La mise à poste se déroula selon le calendrier ci- dessous : Redoutable 1er décembre 1971 avec M 1 Refontes M 2 et M 20 Terrible 1er janvier 1973 avec M 1 Refontes M 2, M 20, M 4 (06-90) Foudroyant 6 juin 1974 avec M 2 Refonte M 20, M 4 (02-93) Indomptable 23 décembre 1976 avec M 20 Refonte M 4 (06-89) Tonnant 3 mai 1980 avec M 20 Refonte M 4 (10-87)

Le 4 mars 1974, le gouvernement décida de lancer une étude sur un sixième SNLE amélioré, muni de missiles à têtes multiples. Le 5 mai 1976, le président Giscard d'Estaing suspendait les études et travaux sur ce nouveau sous-marin avec missile adapté. En septembre 1978, le gouvernement de M. Raymond Barre, sous la pression de sa majorité, ordonna la reprise des travaux. Ce nouveau sous-marin, baptisé L'Inflexible, sera construit selon les caractéristiques du Redoutable mais avec des améliora- tions portant sur la forme de la coque, la discrétion acous- tique, la performance des transmissions, les systèmes de navigation-recalage, le sonar multifonction, l'énergie nucléaire et électrique, l'appareil à gouverner, l'appareil moteur, le système de Traitement de l'Informatique Tactique (TIT). La mise en cale s'effectua le 27 mars 1980 et la prise de service le 1er mai 1985. En refonte de mai 1969 à août 1990, il sera alors équipé de la TN71. Le 10 avril 1987, les Assemblées votent la sixième loi de programmation, comportant un programme de six SNLE, dit de Nouvelle Génération (SNLE/NG). Il s'agissait d'équi- per des missiles à portée améliorée et TN très furtives. Ces bâtiments devaient disposer de nombreuses améliorations, dont la première : augmenter la capacité d'immersion d'au moins 35 % par rapport à celle de L'Inflexible, soit un mini- mum de 500 mètres. Les autres porteraient sur la méca- nique générale (dynamique des structures, équilibrage des machines bruyantes), l'électromagnétisme (efforts internes provoqués par les moteurs et générateurs électriques), l'hy- drodynamique (bruits générés par le propulseur, écoule- ment autour de la carène, fluctuations des pressions dans les tuyauteries, matériaux élastiques et amortissants [élas- tomères], le traitement des signaux vibratoires. Un effort particulier porta sur le renforcement et l'amé- lioration des systèmes de liaison en vue d'assurer une fia- bilité absolue, la capacité à échanger des informations entre la terre et le bord, la transmission en plongée de nou- veaux paramètres d'objectifs. Dans ce cadre, le système Syracuse II, avec une antenne accouplée au mât optro- nique SAGEM, sera installé une fois les essais effectués et les systèmes testés depuis 1991 sur les Sous-marins Nucléaires d'Attaque (SNA) et le sous-marin diesel Psyché. Le 9 juin 1969, ce SNLE/NG est mis en cale à Cherbourg. Il portera le nom de Triomphant. Ses caractéristiques comprenaient : DÉPLACEMENT EN TONNES : en surface 12 640, en plongée 14335. DIMENSIONS EN MÈTRES : 138; 10,5; 10. MOTORISATION PRINCIPALE : réacteur à eau pressurisée, 1 groupe turbo- réacteur, 1 pompe à hélice. MOTORISATION SECONDAIRE : 2 diesels alternateurs, 1 moteur électrique. ARMEMENT : 16 missiles à 6 Têtes Nucléaires, 18 torpilles ou SM 39. Le Triomphant entrera en service opérationnel en octobre 1996. Le Téméraire, en cale depuis le 16 décembre 1993, sera mis en service en 1999. Le troisième, Le Vigilant sera probablement en service en 2002. Le quatrième devant être commandé vers 2001 ou 2002. Les opérations de déploiement et de retrait des SNLE pour la période 1996 à 2010 se présentent selon le calen- drier ci-dessous : NOMS RETRAIT SERVICE Terrible juin 1996 Triomphant octobre 1996 Foudroyant janvier 1998 Téméraire1 Indomptable février 2001 Vigilant décembre 2002 Inflexible ... 2002 Tonnant ... 2003 «X» ... 2007 La Société d'Études et de Réalisation d'Engins Balistiques (SEREB) fut mandatée par l'État pour assurer la réalisation des mer-sol balistiques stratégiques. L'ingénieur général Morer assura la direction du pro- gramme, l'Aérospatiale prenant la maîtrise de l'opération sous le contrôle de la Direction des Engins (DEn). De nom- breuses difficultés émaillèrent les premiers travaux et essais. Au titre des missiles, la mise au point des tuyères rotatives posa tablature aussi bien à la Société d'Études de la Propulsion à Réaction (SEPR) qu'à la Société pour l'Étude et la Réalisation d'Engins Balistiques. En matière de coordination des centrales inertielles et de navigation avec mise en direction du plan de tir, les études de base se révélèrent inadaptées, les armoires nécessaires aux seize vecteurs ne pouvant être logées à bord. Enfin, le transfert du caisson immergé de la Pyrotechnie de Toulon aux abords de l'île du Levant, en vue des premiers lancements, entraîna bien des déboires. La phase de développement fut sensiblement calquée sur celle des sol-sol, mais présenta cinq difficultés : l'insta- bilité aérodynamique du mer-sol, les jupes ou empennages incompatibles avec les tubes de lancement, la chasse du

1. Incident lors d'un tir de qualification d'un MSBS en septembre 1996. missile, la traversée de l'eau, la percée en surface suivie de l'allumage du premier étage. L'exécution du missile s'effectua à partir des premiers vecteurs sol-sol Agate, puis Topaze, testés au Centre d'es- sais d'expérimentation du Sahara. Le M 112, dérivé du S 112, comportait deux étages. Le premier, dit « 901 », était constitué de dix tonnes de poudre P 10, une structure rou- lée-soudée, un système quadrituyères, piloté mais non guidé. Le deuxième étage et la coiffe inertes pesaient 4,4 tonnes, pour un poids global de 17 tonnes. Le M 112 fut lancé par deux fois, à partir de la base Brigitte à Hammaguir, afin de confirmer les tests effectués sur le S 112. Au premier tir, le prototype battit le record de «non-portée », retombant cinquante mètres en arrière de son poste de lancement, tuyères bloquées. Au second tir, ces mêmes tuyères, dans un bel effort, ne se bloquèrent qu'après ving-cinq secondes. Au Centre d'Essais et de Recherches des Engins Spéciaux (CERES) de l'île du Levant, trois tirs furent exé- cutés d'avril à juin 1966, du caisson immergé : il s'agissait de définir les conditions de chasse du missile ainsi que son pilotage à sa sortie de l'eau. Au cours de l'année 1967, quatre tirs se déroulèrent à partir du Gymnote en immersion devant l'île du Levant. Entre 1967 et 1968, le MO 11 fut lancé onze fois. Il com- portait : un premier étage « 904 » avec dix tonnes de poudre P 10, piloté mais non guidé, à structure fluo-tournée et sys- tème quadrituyère ; un second étage inerte équipé d'une structure de verre bobiné. Neuf tirs furent effectués à l'île du Levant et deux devant le CEL de Biscarosse. De janvier à juillet 1968, à partir d'une plate-forme au sol, quatre lancements du MO 12 se déroulèrent au CEL, constitué d'un premier étage « 904 » et d'un deuxième étage «Rita», avec quatre tonnes de poudre P 4, tuyère unique, structure en fibre de verre, pilotage par injection. Il s'agis- sait de tester le deuxième étage et de qualifier le corps de rentrée. À l'issue de ces essais, le gouvernement décida du lance- ment d'un nouveau programme dit « M 2 » avec une allonge améliorée d'environ 20 % en vue d'obtenir une portée de 3 000 kilomètres. Enfin, du 1er novembre 1968 à mars 1971, quinze lance- ments à partir du Gymnote, en immersion au large de Biscarosse, furent effectués avec le MO 13. Les mises au point portèrent essentiellement sur la chasse du missile sous la pression de l'air comprimé, frappe et arrachage de la membrane en caoutchouc assurant l'étanchéité du tube 1, sortie de l'eau et allumage du premier étage pour les sept premiers, puis tests de la charge pour les huit derniers. Le Conseil de défense du 17 décembre 1970, sous la pré- sidence de M. Pompidou, décida d'accorder la priorité absolue à la mise en place des charges thermonucléaires à bord des sous-marins lanceurs. Le « M 1 » sera le premier missile opérationnel à deux étages « 904-Rita 1 » pour une portée de 2 500 kilomètres. Dans le cadre de l'opération «Onagre», on procéda les 29 mai et 26 juin 1971 à deux tirs de qualification en direc- tion du réceptacle des Açores, à partir du Redoutable en immersion au large du CEL de Biscarosse. Le « M 2 » conserva le premier étage « 904 », mais il reçut un deuxième étage « Rita 2 » d'un poids de 6 tonnes. Il sera embarqué sur le troisième SNLE Le Foudroyant, lors de sa première patrouille de juillet 1974. À partir de ce missile, une nouvelle version « M 20 » dotée d'une TN 60 de 1 000 kilotonnes sera mise à poste sur L'Indomptable en janvier 1977, puis sur Le Tonnant en juin 1980. En décembre 1972, le gouvernement décida du lance- ment d'un nouveau programme destiné à relever les MSBS à partir de 1985. Conformément aux deux instructions 1. Protection interdisant l'intrusion de l'eau dans le tube après l'ou- verture de la porte au moment du lancement. ministérielles, la direction engagea le programme « M 4 » avec des spécifications nouvelles. - Premier impératif : une portée accrue d'au moins 30 %, soit au minimum 4000 kilomètres. - Deuxième impératif : possibilité de tir en salve, afin de réduire la vulnérabilité du sous-marin lors de cette phase particulièrement délicate1 ; lancement à plus grande immersion, afin de rendre le sous-marin moins sensible à la houle facilitant ainsi les délicates opérations préalables au lancement ; allumage du missile sous l'eau, entre sa sor- tie du tube et la surface, offrant à l'engin une plus grande stabilité à sa sortie de r eau 2. - Troisième impératif : améliorer le « durcissement » des têtes multiples pour obtenir un système propulsif complé- mentaire additionnel afin d'assurer le déploiement des charges nucléaires dans l'espace. Le premier essai en vol du « M 4 » se déroula sur socle au CEL, le 28 novembre 1980, et démontra la possibilité de faire voler dès le premier test un missile complet à trois étages muni d'une plate-forme d'espacement pour têtes multiples. Le 10 mars 1982, le Gymnote procéda au premier lance- ment en immersion d'un « M 4 » expérimental. Le 12 juillet 1984, L'Inflexible, au large de l'annexe du CEL de Quimper, effectua le quatorzième et dernier essai

1. L'ouverture d'une porte en immersion est détectée à de grandes distances par tous les systèmes d'écoute, dont ceux des sous-marins d'attaque. Le tir en salve réduit ce risque de neutralisation avant le lan- cement de l'ensemble des missiles embarqués. 2. Pour lancer, le SNLE se rapproche à une quinzaine de mètres de la surface. Il est procédé à l'équilibrage de la pression dans les tubes par rapport à celle de la mer à hauteur du pont supérieur. À l'issue on déclenche l'ouverture des portes des tubes de lancement. Une mem- brane en caoutchouc épais assure l'étanchéité. Sous la pression de l'air comprimé, le missile arrache cette protection, et l'allumage de son pre- mier étage s'effectue au moment où il débouche en surface. (Le premier étage des missiles récents du type M 4 et M 45 s'allume dès la sortie du tube, autrement dit sous l'eau.) en condition opérationnelle, avec une portée de 5 200 kilo- mètres, observée au grand large de la Guadeloupe. Durant ces quatre années, ce nouveau vecteur de 36 tonnes, muni d'un premier étage «401 » de 20 tonnes, d'un deuxième « 402» de 8 tonnes, d'un troisième «403» de 1,5 tonne à propergol, plus énergétique que l'isolane habituelle, ne subit qu'un échec lors du troisième tir d'essai. De part et d'autre de l'étage «403 », une Case à équipe- ments-Propulsion-Espacement (CPE), dotée de deux pro- pulseurs «404», assure - en des points différents de la trajectoire - des poussées variables, décalées dans le temps modifiant les trajectoires balistiques de retombée des têtes, lesquelles aboutissent sur des objectifs éloignés les uns des autres. Les structures, moteurs et équipements allégés font lar- gement appel aux matériaux composites. Les tuyères de propulsion sont à joints flexibles. Celles du premier étage adoptent une forme de « mitre d'évêque » qui leur permet d'épouser la forme en fond de tube et d'accroître quelque peu l'impulsion spécifique. La chasse se déroule sous la pression de la vapeur d'eau produite par un bloc de poudre, et non plus par de l'air comprimé. La charge militaire de chaque missile se compose de 6 TN70, puis dès 1990 de TN71 d'environ 150 kilotonnes, plus furtives, avec durcissement pour déjouer les contre- mesures. Plus légères donc, elles ont une portée améliorée, à hauteur de 5 000 kilomètres. L'Inflexible entreprit sa première patrouille le 1er mai 1985, avec 16 missiles mer-sol balistiques stratégiques M 4, emportant 96 TN 70 (6 par vecteur). Au cours d'une période de huit années, ce nouveau vecteur sera embarqué, à l'occasion des refontes, sur Le Tonnant en octobre 1987, L'Indomptable en juin 1989, Le Terrible en juin 1990 et enfin Le Foudroyant en février 1993. Le «», destiné à équiper les SNLE/NG, est iden- tique au M 4, mais sa portée est améliorée, estimée à plus de 6000 kilomètres. Le 14 février 1995, un essai opération- nel sera effectué à partir du Triomphant, en immersion au large de Quimper, en direction des Antilles, sur une dis- tance de 5 500 kilomètres. Un tableau chronologique présente les différents mis- siles embarqués de 1972 à 1996 :

Dès sa création, le comité «Cœlacanthe» désigna un directeur des « têtes nucléaires » appartenant à la Direction des Affaires Militaires (DAM) du commissariat à l'énergie atomique. À partir de 1963, de même que lors des études conduites avec les sol-sol balistiques, surgirent de multiples difficul- tés techniques : - D'abord, la nécessité de s'adapter aux conditions de vol propulsé, analyser la mécanique du vol, l'aérodyna- mique hypersonique jusqu'à Mach 20, ainsi que la tenue des matériaux à des vitesses et températures non rencon- trées jusqu'alors. - Ensuite, la rentrée dans l'atmosphère de la partie avant la mise au point de revêtements nouveaux, le contrôle de l'ambiance dans l'ogive couvrant l'arme, la pro- tection de la charge nucléaire contre les environnements mécaniques (accélération) et thermiques (chaleur), mal connus et particulièrement draconiens. - Enfin, la sécurité à bord du sous-marin. Les centres du Barp, Bruyères-le-Châtel, Châtillon, Moronvilliers, Ripault, Valduc, Vaujours participèrent à la réalisation des têtes nucléaires. Le centre du Valduc assura le montage final de la charge et la Base Opérationnelle de la Force Océanique Stratégique (BOFOSt) de l'Île-Longue et procéda aux mises à poste sur le missile. L'étude des charges destinées à la composante sous- marine débuta en janvier 1964, avec pour objectif d'at- teindre dans les meilleurs délais une puissance de 500 kilotonnes pour une masse comparable à celle de l'AN 22 emportée sous Mirage IV A. Les ingénieurs s'orien- tèrent rapidement vers une arme à « fission exaltée », utili- sant l'uranium 235. Le processus de réaction dit à « fission-fusion-fission » permettait d'améliorer le rende- ment de l'arme grâce à un mélange de deutérium-tritium assurant la production de neutrons ; ceux-ci, en augmen- tant la proportion de fission, augmentent l'énergie de l'arme. Deux vérifications opérationnelles de cette nouvelle charge furent exécutées sur des barges mouillées dans les lagons le 24 septembre à Fangataufa lors de l'essai Rigel, et le 4 octobre 1966 à Mururoa avec le tir Sirius. Cette arme offrait de notables améliorations par rapport aux charges des Mirages IV A et sol-sol balistiques mais, en contrepar- tie, exigeait un entretien plus complexe et plus long impu- table à l'emploi de deutérium et de tritium. Pour répondre aux exigences de sécurité et de puissance imposées par le gouvernement, il fallut rechercher un nou- veau type d'arme. Sur instruction de M. Hirsh, administrateur du CEA, un quatuor d'ingénieurs de la DAM, MM. Billaud, Cayrol, Dagens et Dautray, engagea de nouvelles recherches après avoir obtenu quelques renseignements d'un ingénieur anglais sur la filière mise au point par les Américains. À partir de ces informations, ils parvinrent à obtenir une vue synthétique et systématique de l'organisation de l'arme, à savoir le «piston» fourni par les rayons émis par la bombe A ; à partir de là, ils effectuèrent un montage dans un cylindre aux extrémités duquel se positionnaient res- pectivement bombe A et combustible nucléaire. Le 24 août 1968, lors de l'opération « Canopus », le CEA procéda, à Fangataufa, à un premier essai sous ballon de la VLB1 à la masse de 3 tonnes pour une puissance proche de 2,7 mégatonnes. Quelques jours plus tard, le 8 sep- tembre, toujours sous ballon mais à Mururoa, la VM1 fut testée dans le cadre du tir «Procyon», délivrant une puis- sance supérieure à 1 mégatonne 1. À partir de ces essais, et afin de pouvoir abandonner les « charges exaltées », la DAM procéda à de nouvelles études et essais. Le 12 juin 1971, lors de l'essai « Encelade », la formule opérationnelle de l'arme thermonucléaire était acquise. Le Redoutable, le Terrible puis le Foudroyant effectuèrent leurs premières patrouilles de janvier 1972 à janvier 1977, avec des TN 41 à «fission exaltée ». L'Indomptable, lors de sa première patrouille de janvier 1977 embarqua ces nou- velles armes thermonucléaires durcies, ou TN 60 2. Tous les SNLE en furent équipés au fur et à mesure des refontes, avec mise en service en 1983 de la TN61 3, dite durcie et améliorée. L'Inflexible appareilla en mai 1985 avec des TN70 à six têtes multiples, dites Multiple Independently targeted Reentry Vehicle (MIRV). En dehors du Redoutable tous les SNLE furent équipés de ces TN entre 1987 et 1993.

1. Après ces deux essais, de 1970 à 1974, huit tirs aériens - à puis- sance équivalente à la mégatonne - furent effectués au Centre d'essais du Pacifique, dont un à Fangataufa (Dragon/70) et sept à Mururoa (Cassiopée/70, Encelade/71, Gémeaux/74, Licorne/70, Rhéa/71, Toucan/70, Verseau/74). 2. Essais souterrains de qualification à Mururoa en 1977 : Nestor et Clytemnestre. 3. Essais souterrains sous lagon à Mururoa : Carnabon-Cinyras en 1983, Acaste-Echemos-Memmon-Midas en 1985. Le tableau ci-dessous permet de saisir les différents types déployés.

La mise au point des différents systèmes se heurte à de multiples difficultés. À bord du sous-marin porteur, la définition de l'archi- tecture du réacteur de propulsion compatible avec le volume du sous-marin engendra de nouvelles méthodes de construction des coques et du montage des appareils du compartiment de réaction, dans des conditions de propreté renforcées grâce à des ateliers spéciaux implantés au voisi- nage de la cale et du bassin. Il fallut mettre au point des nuances d'acier appropriées à la réalisation de la cuve, avec procédures de soudure des différents circuits à haute pression, tenue au choc des composants de la chaufferie. Il fallut affiner des techniques de métallurgie des cœurs spé- ciaux et du zirchonium : chimie de l'eau, physique des réseaux à uranium enrichi, fabrication des éléments com- bustibles, développement des méthodes de calculs spéci- fiques de sûreté et radioprotection dans tout le spectre des conditions opératoires des systèmes navals. Au titre du sous-marin lanceur, on mit en place des méthodes de construction de coques adaptées aux dimen- sions du bâtiment et on réalisa de nouvelles structures avec emploi d'acier à très haute limite d'élasticité, suivies d'études des procédures de soudabilité. La grande taille du bâtiment exigea des aménagements intérieurs avec compar- timentage développé et trois ponts horizontaux à hauteur du plus grand diamètre. Il fallut enfin élaborer des systèmes de télécommande et de contrôle à distance, sans oublier le « lestage » d'un sous-marin de 8 000 tonnes.

Les appareils de pilotage, manuel comme automatique, nécessitèrent des études au bassin des carènes sur modèles, puis sur simulateurs, permettant des essais d'un réalisme croissant qui permirent la construction à terre d'un poste de pilotage monté sur une plate-forme repro- duisant les mouvements angulaires du sous-marin. La mise au point du vecteur nécessitait la plus grande précision. La qualité des systèmes embarqués était fonda- mentale. En raison de sa vitesse - 5 000 mètres à la seconde au moment du lâcher de la charge, sur une cible située à 4 000 kilomètres -, une erreur de un mètre à la seconde pro- voque un écart de un kilomètre à la verticale de l'objectif. Il s'agit donc de définir avec la plus extrême précision les éléments de position de vitesse et d'orientation déduites de celles du sous-marin, pour les transférer au missile avant lancement. Dans cette perspective, on mit au point des gyroscopes et des asservissements de haute précision. Leur balourd résiduel ne devait pas entraîner des dérives de 1/3 000 de degré par heure, soit moins d'un tour com- plet par siècle. Une erreur de cap équivalente à une minute d'angle - soit 1/60 de degré - entraîne une dérive de 1 000 mètres à 3 000 kilomètres. Sur Le Redoutable les gyroscopes étaient à billes ; sur L'Inflexible à palier à gaz ; sur Le Triomphant à suspension électrostatique. Cette der- nière Centrale Inertielle de Navigation (CIN) Minicin nécessita quinze années de développement à la SAGEM, sous la maîtrise de la DCN et expertise du Laboratoire de Recherches Balistiques et Aérodynamiques (LRBA) de Vernon. L'objectif était d'obtenir un point très précis du navire (SNLE ou PA, porte-avion) à partir de trois points clefs de la localisation (latitude, longitude, profondeur d'immersion) ainsi que toutes les informations sur le cap, le roulis, le tangage et la vitesse. L'expression « étoile en bouteille » vient de la présence de billes de béryllium suspendues dans une cavité par des forces électrostatiques tournant dans un vide quasi parfait à environ 800 tours par seconde et gardant durant des semaines une direction fixe par rapport aux étoiles. Malgré la perfection des systèmes, il faut tenir compte de données incontournables. Un accéléromètre ne distingue pas l'accé- lération liée à la gravitation de la terre de celle qui résulte d'un mouvement par rapport à cette dernière. De même, il est impossible d'établir la relation fondamentale de la dynamique permettant de passer d'une mesure de force à celle d'une accélération. Le bon fonctionnement des éléments du missile et de la tête sont vérifiés périodiquement à bord. La mise en œuvre est assurée par un centre électronique embarqué, dit Sous- Système Vecteur. Ce SSV assure également les opérations nécessaires à l'établissement des paramètres de guidage de l'engin, en tenant compte des positions respectives du SNLE et de la cible. De même il procède à l'alignement, à l'horizontale comme en cap, des centrales inertielles de guidage de chaque vecteur à partir des données reçues des centrales à inertie. En raison de la multiplicité et de la complexité des sys- tèmes, il faut procéder à des recalages périodiques. La plus ancienne procédure, la visée astronomique, se déroule en plongée, à l'aide d'un périscope dit astral faisant appel aux ressources les plus ingénieuses de la mécanique, optique et informatique. Une seconde technique, le Global Positioning System (GPS), est entièrement contrôlée par le département de la Défense des États-Unis qui délivre, par l'intermédiaire du Precision Positioning System (PPS), une position exacte proche de dix mètres. Le Triomphant dispo- sera du PPS. Enfin, le Loran C s'appuie sur des techniques de radionavigation. Tous ces éléments indispensables à la navigation sont distribués par l'IDU (Integration and Distribution Unit), sous forme analogique et numérique. Le pilotage s'effectue par un poste multirôle qui commande le cap comme l'immersion. Les données provenant des senseurs d'assiette et fonctions électroniques d'asservissement de barre sont intégrées sur un écran plat. Des amers munis de balises immergées, installés sur des points aux coordonnées par- faitement définies, assistent également la navigation dans des zones « délicates » 1.

L'informatique en temps réel a rendu possible l'exécu- tion de toutes ces tâches en regroupant la tenue d'immer- sion, la sécurité de plongée, les transferts d'information et de codage, la pressurisation des tubes, la manipulation d'organes hydrauliques et de vannes, enfin la mise en œuvre de la pyrotechnie. La coordination d'un lancement avec mise en posture de fonctionnement des missiles, introduction des paramètres de trajectoire, alignement de leurs centrales inertielles, codes de déblocage des charges, pressurisation des tubes, ouverture des portes, chasse des missiles, équilibrage du bâtiment, fermeture de la porte, est au moins équivalente à celle du lancement d'un sys- tème habité, dont le bon fonctionnement après allumage du propulseur est primordial. Avant l'éjection du vecteur dans une plage très étroite en bars, il faut équilibrer la pression de l'eau au contact de la coque par rapport à la pression intérieure du tube afin d'éviter toute déformation du vecteur tout en autorisant l'ouverture des portes. Il faut évaluer l'énergie à stocker pour l'éjection du missile à la vitesse souhaitée - d'environ 27 mètres à la seconde (100 km/heure) - pour assurer l'ar- rachage de la coiffe en caoutchouc fermant le puits et évi- ter que le missile ne « cabane » en surface et ne retombe sur la coque. 1. Les grands atterrages du goulet de Brest, par exemple. Après le lancement, on procède à la pesée du sous- marin par équilibrage entre le poids du missile éjecté et la masse d'eau engouffrée dans le tube. Seize missiles M 4 à poste représentent près de 600 tonnes, soit environ le 1/6 du tonnage du bâtiment. La pesée n'est pas une opération simple.

La sécurité du sous-marin réside dans sa capacité à sur- monter deux difficultés. La première réside dans le risque de détection acoustique. L'objectif imposé aux ingénieurs est de parvenir à obtenir un bruit inférieur ou de même ordre de grandeur que le bruit des profondeurs. Dans ce cadre, un Centre d'études et de recherche en discrétion acoustique des navires fut créé à Toulon avec la participa- tion aux travaux du bassin d'essais des carènes pour l'hy- drodynamique, la Direction des Constructions Navales d'Indret (DCNI) pour les moteurs et suspensions élas- tiques, ainsi que celle de Cherbourg pour les circuits de fluides. La DCNI assura la sûreté de la propulsion et des charges nucléaires confinées dans un espace réduit, aussi bien à bord que sur la base opérationnelle de l'Île-Longue. Dès la décision de création d'une composante sous- marine, la Division nucléaire - organisme très secret dépendant de l'état-major des armées - assura l'étude et la prise en charge opérationnelle de cette force à constituer. La mission attribuée à la division était d'assurer une capacité de dissuasion incontestable face à l'adversaire potentiel de l'époque : l'Union soviétique. Alors même qu'on manquait des cartes indispensables à la désignation des cibles en coordonnées géographiques, il ne restait que la possibilité de frapper en direction des villes principales dont les positions étaient connues. Une première évidence s'imposa. La prévision de portée des premiers vecteurs mer-sol était estimée à 2 500 kilo- mètres. Or Moscou se situe à 2 650 kilomètres de Toulon et 3 050 kilomètres de Brest. À partir de l'Atlantique, il était possible de rejoindre la mer de Norvège pour se mettre à portée de la capitale de l'URSS. En Méditerranée pour se situer à distance de tir, il fallait évoluer en mer Adriatique, Égée ou Ionienne, zones maritimes étroites et fort fréquen- tées ! Une seconde évidence apparut dès que furent lancées les premières études sur la construction d'une base desti- née au soutien de ces bâtiments. La sûreté des sous-marins effectuant entrées et sorties à l'occasion de leurs missions exigeait des fonds suffisants, des atterrages sûrs, des trafics de surface limités, surtout lors des plongées ou des retours en surface, la proximité des bases d'appui avec avions de patrouille maritime, bâti- ments de surface spécialisés (anti-sous-marin, mines), des sous-marins d'attaque, des hélicoptères, des centres d'entretien... Le site de la base devait répondre à plusieurs critères. D'abord, offrir une surface suffisante pour l'aménagement d'une rade abri en eau profonde, avec deux à trois enceintes couvertes autorisant la mise en bassin du sous- marin ; un portique roulant devait permettre les mises à poste et le retrait de missiles de près de 40 tonnes pour des hauteurs proches de 18 mètres; un quai de 250 mètres, aux accès en surface, en sous-surface et souterrain, parfaite- ment étanches à toute intrusion. Le sol de ce site devait offrir un minimum de résistance en vue de l'installation de dépôts pour têtes nucléaires. Il fallait des silos de stockage verticaux destinés aux missiles en attente, un hall de mon- tage, des centres d'entretien et de vérification de l'ensemble des installations et des systèmes embarqués, sans oublier un centre opérationnel, des bases vie, logistique, adminis- tration, sécurité (gardes, pompiers). Un relief, même peu accusé, assurait la dissimulation naturelle aux observa- teurs extérieurs. L'environnement devait être peu peuplé, disposer d'accès limités pour simplifier les servitudes de surveillance, et se situer au plus près d'ateliers parfaite- ment équipés pour assurer toutes les opérations majeures. De toute évidence, avant même d'entamer la prospec- tion de Menton à Dunkerque, on pouvait supposer que les sites appropriés à de telles contraintes n'étaient pas nom- breux. En Méditerranée, sur la côte entre Bandol et Menton, on ne trouva aucune surface disponible, essentiellement pour des motifs de tourisme et de protection des rivages. De la Crau à Port-Vendres, le terrain plat, rectiligne, était inadapté. La Corse, sur sa façade ouest, offrait quelques emplace- ments, mais son éloignement des centres industriels aussi bien que sa position insulaire l'éliminaient. En Atlantique, de Cherbourg à Dunkerque, la Manche, compte tenu de l'intensité du trafic et des fonds limités, n'offrait aucune possibilité. Entre la Bidassoa et Saint-Nazaire, la situation se pré- sentait identique à celle du littoral sud-ouest de la Méditerranée. Restait une seule zone possible : de Lorient à Cherbourg. La rade de Brest s'imposa rapidement. Au sud, la longue presqu'île de Roscanvel bordant le goulet d'accès couvrait naturellement dans son ouest une presqu'île d'environ 150 hectares qui s'étirait en rade, sous la forme d'un doigt de gant, sur 2 750 mètres de long et 500 à 600 mètres de large. La partie centrale et l'extrémité nord-est formaient un mouvement de terrain à un niveau compris entre 40 et 65 mètres, accompagné de falaises des- cendant vers le lagon. À l'est, l'anse du Fret était dominée par le fort de la pointe de Lanvéoc. À 3 kilomètres au sud, sur le plateau de Guénvenez, au relief légèrement accentué, s'étendait également une surface boisée de 200 hectares. À l'époque ces zones étaient peu ou pas habitées. Sur le même plan d'eau, se dressaient les bâtiments de surface en charge de la lutte anti-sous-marine et mines, ainsi que l'arsenal de Brest comportant les ateliers spécia- lisés de la Marine, la base d'hélicoptères de Lanvéoc- Poulnic (7 kilomètres). La position des bases de sous- marins d'attaque à Lorient (80 kilomètres) comme d'intercepteur à Landivisiau (40 kilomètres) et avions de patrouille maritime de Lann Bihouë (80 kilomètres) offrait la disponibilité, à courte distance, de l'ensemble des moyens de soutien. À partir de cette base, les premiers SNLE seraient en mesure d'opérer en mer de Norvège, en contournant la Grande-Bretagne et l'Irlande par l'ouest en vue d'atteindre une zone de patrouille comprise entre le cap Nord (Norvège), les îles Jean-Mayen et Féroé, et située à une dis- tance moyenne de 1400 kilomètres de Leningrad, 1900 de Minsk, 2 000 de Smolensk, 2 200 de Minsk et Moscou ! Le trajet base-zone-base - soit 4 200 kilomètres, à la vitesse de 10/12 kilomètres heure en immersion 1 - dévorait une quinzaine de jours sur une patrouille planifiée pour une durée de deux mois. Le ratio à établir s'imposait d'emblée. Lors d'une patrouille la capacité de veille opérationnelle était de 45 jours, soit 75 %. Au titre d'un cycle complet de 90 jours2, le potentiel dissuasif se limitait à 50 %... Ces chiffres étaient essentiels pour assurer la planifica- tion des feux au fur et à mesure de la mise en service des trois premiers SNLE équipés de M 2. La permanence, même avec trois sous-marins en service, n'était pas assurée. Ce constat était d'autant plus important qu'il n'y avait pas d'autre possibilité de déploiement. La zone offrait plusieurs avantages et inconvénients : - Au titre des contraintes, il s'agissait, entre les îles Féroé et le Groenland, de la zone de transit des sous- marins de la flotte soviétique se rendant ou rentrant 1. Vitesse limitée par l'antenne filaire (voir le chapitre sur les liaisons). 2. Avec une refonte de 18 mois tous les cinq ans, nous totalisons une période de 2 270 jours. Lors de ce cycle, 20 patrouilles à 45 jours en pos- ture OPS, soit 39 %; 20 patrouilles en transit de 15 jours, soit 12 %; 20 séjours à la base, soit 25 %; refonte de 18 mois, soit 24 %. de missions en Atlantique, avec accompagnement par bâtiments de surface et appareils de patrouille maritime. Bien naturellement, les forces de l'OTAN opéraient massi- vement dans la zone sur les trois niveaux : aérien, de sur- face et sous-marin. - À la rubrique avantages, un aller et retour de Brest à la zone de patrouille ne dévorait qu'une quinzaine de jours et, de cette position de batterie, il était possible de lancer en direction du triangle dissuasif majeur Leningrad, Minsk, Moscou. Le bilan n'était certainement pas idéal mais la mer de Norvège - et elle seule - offrait la possibilité à nos sous- marins de battre la zone des objectifs imposés. Le gouvernement engagea rapidement des études desti- nées à mettre au point des missiles à plus grande portée afin d'agrandir cette surface aux abords est de l'Islande et nord de l'Irlande, tout en ramenant le délai de transit à hauteur de dix jours 1. Le choix de l'île-Longue ayant été fait en 1966, les tra- vaux débutèrent en octobre 1967. À l'extrémité nord-est de la presqu'île, au pied du modeste massif, la construction d'une jetée et d'un quai per- mit de recevoir un SNLE en attente. Par « entaille » sur la face sud du mouvement de terrain, on aménagea deux bas- sins couverts (profondeur 150 mètres, largeur 40 mètres, hauteur 25 mètres) séparés par un vaste hangar à ateliers. Au centre, entre les modestes reliefs du massif, on enfouit les ateliers de pyrotechnie, les dépôts de têtes nucléaires, les silos à missiles, les ateliers d'entretien et de montage, avec voies d'accès à l'abri des regards indiscrets. Au sud-ouest, aux abords de la ville de Rostellec, se

1. Avec une refonte de 18 mois tous les cinq ans, nous totalisons une période de 2270 jours. Ce cycle comportait 20 patrouilles 50 jours en posture OPS, soit 42 %; 20 patrouilles en transit de 10 jours, soit 9 %; 20 séjours à la base, soit 25 %; refonte de 18 mois, soit 24 %. placèrent les bases de commandement, d'opérations, de défense, de sécurité, d'administration, de vie... Le plateau de Guénvenez sera aménagé en annexe avec implantation des magasins et dépôts divers. En 1992, en prévision de la mise en service des sous- marins de nouvelle génération (augmentation : tonnage 58 %, longueur 8 %, largeur 17 %), d'importants travaux furent engagés pour agrandir les bassins couverts, la jetée et le quai, pour développer et transformer les zones des missiles et TN en vue de recevoir les futurs SNLE/NG ainsi que leurs vecteurs et charges. Sortant de l'arsenal de Cherbourg, le SNLE Redoutable rejoint l'île-Longue le 26 novembre 1970. Onze mois plus tard, le 1er octobre 1971, le président Pompidou visita lon- guement la base et monta à bord du Redoutable. À la suite de cette visite, le chef de l'État décida de donner son « indé- pendance » à la composante sous-marine. Le 1er mars 1972, un décret créa le Commandement de la force océanique stratégique, avec installation dans un site souterrain à Houilles (à l'ouest de Paris). Cette autorité, dénommée « AIFOSt », exerçait son autorité exclusive sur les Sous- marins Nucléaires Lanceurs d'Engins (SNLE). Son amiral adjoint « AlsouMa » avait, quant à lui, autorité sur les sous- marins d'attaque. Sa responsabilité s'étendait également à la formation des équipages, à la permanence de la veille, à la sécurité des bâtiments, aux bases et centres de transmis- sions, aux relations avec les forces de soutien (bâtiments ASM/mines, sous-marins d'attaque, avions de patrouille maritime, hélicoptères). Malgré l'autorité du président Pompidou et du ministre de la Défense Michel Debré, la création de ce haut com- mandement - en gestation sur une période de cinq mois - fit ressortir les fortes résistances rencontrées. On nota les réticences des directions des constructions navales de Brest, Cherbourg ou Paris, l'opposition des responsables des chaînes traditionnelles de commandement, Commission 1072 - SNLE LE ItEDOlTABLE avec MSBS m

Portée maximum MSBS " " = 2 500 km 1. Zone de patrouille exclusive en merde Norvège, pour couvrir le triangle : Leningrad, Minsk, Moscou. 2. Distance à franchir avant d'atteindre la zone de tir destinée à battre le triangle Leningrad, Moscou, Minsk. Durée trajet aller-retour "Île-Longue - Zone patrouille - Île-Longue" durant laquelle le SNLE n'est pas en mesure d'exécuter sa mission équivalente à 12/15 journées, correspondant à 25 % de la durée de la pa- trouille (60 jours). Lors d'un cycle de 90 jours (60 patrouille + 30 base Île-Longue), le taux de disponibilité opérationnelle (hors refonte) se situait à hauteur de 53 %. •Il faudra attendre octobre 1977, et la mise en service du quatrième SNLE Le Triomphant pour que la FOSt puisse assurer .la permanence à la mer d'un sous-marin lanceur. - v l!t72 - S:'\"LE 1 avec >ISIK et lU20

Portée maximum MSBS "M2 - " = 3 000 km

1. Le Foudroyant (M 2 puis refondu M 20), L'Indomptable (M 20), Le Redoutable (refondu M 2 puis M 20), Le Terrible (refondu M 20) 2. Zone de patrouille en mer de Norvège entre Islande, cap Nord, Féroé, Shetland couvrant la quadrilatère Kiev, Leningrad, Minsk, Moscou. 3. Distance à franchir avant d'atteindre la zone de tir destinée à battre le quadrilatère Kiev, Leningrad, Minsk, Moscou. Durée trajet aller et retour 'ile-Longue - Zone patrouille - Île-Longue" durant laquelle le SNLE n'est pas en me- sure d'exécuter la totalité de sa mission équivalente à une dizaine de jours, correspondant à environ 20 % de la durée de la patrouille (60 jours). Lors d'un cycle de 90 jours (60 patrouille + 30 à l'ile-Longue) le taux de disponibi- lité opérationnelle (hors refonte) se situait à hauteur de 56 %... des essais de la Marine nationale et du Centre d'essais des Landes, supportant difficilement cette liaison directe avec le chef de l'État et hors toute hiérarchie. Ministère de la Défense, cabinets, commissions parlementaires, services d'information et autres créèrent de nombreuses opposi- tions par méconnaissance des données techniques élé- mentaires, source d'erreurs d'appréciation aussi puériles que ridicules. S'ajouta l'accueil plus que réservé des Forces Aériennes Stratégiques (FAS), gérant depuis sept ans une composante air et disposant depuis quelques mois d'un premier escadron de sol-sol balistiques straté- giques sur le plateau d'Albion, qui toléraient difficilement l'apparition d'un nouveau commandement «nucléaire ». De plus, l'affrontement était renforcé par la mission attri- buée au centre de commandement des FAS de Taverny. Ce dernier, en plus de son autorité sur les composantes air et sol-sol, avait en charge l'authentification du donneur d'ordre et l'envoi de l'ordre d'engagement des feux nucléaires. Les FAS ne supportaient pas de partager cette mission 1. Après signature du décret et pour bien affirmer son autorité, le président Pompidou décida que toutes les nominations de commandant de SNLE devaient être sou- mises à la signature du chef de l'État et organisa la récep- tion à l'Élysée de l'AIFOSt et de tous ces commandants de bord et seconds (à l'exception de deux qui étaient alors en patrouille).

De 1983 à 1988, la mise en service de L'Inflexible et des têtes multiples conduisit la division nucléaire de l'EMA à modifier les plans de feux, les conditions de déploiement, le renforcement des moyens de liaison, d'observation et de renseignements.

1. Le «prestige» résultant de cette mission d'unique intervenant entre le chef de l'État et les exécutants délivrait aux Forces aériennes stratégiques une posture prééminente ! 1985 - SI%LE L?IIWLEïIBLE avec MSBS 31 4 à Têtes Multiples 1

Portée maximum MSBS "M 4" = 4 500 km

1. Refonte M 4 Le Tonnant en 1987, L'Indomptable en 1989, L'Inflexible et Le Terrible en 1990, Le Foudroyant en 1993. 2. La Zone d'Intérêt Prioritaire, attribuée aux SNLE M 4 couvre le quadrilatère : cap Nord, Islande, golfe de Gascogne et Açores. La zone des objectifs potentiels s'étend de l'océan Glacial Arctique au golfe d'Aqaba via les monts de f oural et la mer Caspienne. Initiation à la force de frappe française ,;� -n � -* ' " C'est à la fin des années quarante, que Marc Theleri décide de s'intéresser à toutes les publications françaises ou étrangères qui traiteraient de la nouvelle arme atomique. Très vite, il constate que le pouvoir nucléaire français abuse du « secret-défense », alors que les citoyens américains sont régulièrement informés, cartes et schémas à l'appui. Pourquoi les autorités militaires et politiques françaises, appuyées par un bataillon restreint « d'experts », évitent-elles systématiquement de prononcer des mots tels que : cibles, objectifs, délais, liaisons, bases, portée, rayon d'action ? Le débat demeure limité à un échange théorique, souvent abscon. Or, une arme est un moyen et non une fin. Il est impossible de gloser sur la stratégie sans s'appuyer sur des données concrètes et une connaissance pratique de l'arme nucléaire. L'opacité des décisions peut conduire à de cruelles désillusions. Pendant quarante ans, à partir de centaines d'indications par- cellaires, Marc Theleri, à force d'observations, de recoupements et de déductions, a pu reconstituer la chronologie, la géographie et le fonctionnement de nos forces atomiques. Il présente dans ce premier livre, illustré de croquis et de tableaux saisissants, tout ce qu'il faut connaître sur la clef de voûte de notre défense. Parce qu'il est préférable de savoir avant de trancher. Marc Theleri, bien que militaire, refuse de se présenter autrement que comme un citoyen sans compétence particulière. Ses articles, parus dans la presse de défense, ont toujours fait sensation. Il cite volontiers cette boutade du philosophe Alain : « L'enfant crie. On va chercher les plus grands médecins, les plus grands philosophes. Ils ne trouvent rien. On va chercher la nourrice, elle trouve une épingle dans les langes. » Il estime devoir se limiter à cette modeste fonction.

97.1 54-4700-8 140,00 FF TTC Maquette Jérôme Faucheux Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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