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DOCTORAT DE SCIENCE POLITIQUE

INDUSTRIES CULTURELLES ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DE L’AFRIQUE FRANCOPHONE : LE CAS DU

Présenté et soutenu publiquement le 30 septembre 2010 par

Kanel ENGANDJA-NGOULOU

DIRECTEUR DE THESE

M. Michel GUILLOU Professeur émérite, Université Jean Moulin Lyon 3

MEMBRES DU JURY

M. Michel GUILLOU , Professeur émérite, Université Jean Moulin Lyon 3 M. Guy LAVOREL , Professeur, Université Jean Moulin Lyon 3 M. Raymond MAYER , Professeur, Université de (Gabon) M. Albert LOURDE , Professeur, Université Senghor d’Alexandrie (Egypte)

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DEDICACES

A ma famille, pour m’avoir donné la vie,

A ma chère épouse, pour son soutien inlassable,

A Ruben et Kanélia pour leur amour,

Et à vous tous qui m’avez soutenu durant ces années de recherche.

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REMERCIEMENTS

Au terme de cette recherche, nous tenons à exprimer notre gratitude, pour nous avoir inlassablement encouragé et soutenu, à Monsieur le Recteur Michel GUILLOU , Président du réseau international des Chaires Senghor de la Francophonie et Directeur de l’Institut pour l’Etude de la Francophonie et de la Mondialisation (IFRAMOND).

Nous remercions tous les membres du jury qui ont bien voulu accepter de lire ce travail et y apporter de précieuses remarques.

Nous manifestons notre profonde gratitude à Robert Edgar NDONG , Tibault Stéphène POSSIO et à Julie PICARD pour la relecture de ce travail ; à Arnaud NGOYO MOUSAVOU et Benoît LESSARD pour sa traduction en anglais.

Nous exprimons aussi notre reconnaissance à Sandrine DAVID , Nar GUEYE , Trang PHAN-LABAYS , Alioune DRAME , Corinne DJISTERA , Aurore SUDRE , Marcelin SOME , Khanh Toan NGUYEN et Ludovic NGOUAKA-TSOUMOU .

Et que tous ceux qui, de près ou de loin, nous ont apporté leur soutien moral, spirituel et matériel pendant la rédaction de ce travail, acceptent nos sincères remerciements.

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SIGLES ET ABREVIATIONS

- ACALAN : Académie Africaine des Langues - ACCT : Agence de Coopération Culturelle et Technique - ACID : Association pour la Diffusion du Cinéma Africain - ACP : Afrique-Caraïbes-Pacifique - AECID : Agence Espagnole de Coopération Internationale au Développement - AEF : Afrique Equatoriale Française - AGCS : Accord Général sur le Commerce et les Services - AGP : Agence Gabonaise de Presse - AIF : Agence Intergouvernementale de la Francophonie - AIJLF : Association Internationale de Langue Française - AIMF : Association Internationale des Maires Francophones - AIPLF : Association Internationale des Parlementaires de Langue Française - AISI : Initiative Africaine de la Société de l’Information - ALFA : Association Littéraire Francophone d’Afrique - ANPAC : Agence Nationale de Promotion Artistique et Culturelle - APF : Assemblée Parlementaire de la Francophonie - APIP : Agence de Promotion des Investissements Privés - ARPA : Association des Réalisateurs et Producteurs Africains - ATCT : Agence Tunisienne de Coopération Technique - AUF : Agence Universitaire de la Francophonie - AUPELF : Association des Universités Partiellement ou Entièrement de Langue Française - BAD : Banque Africaine de Développement - BDG : Bloc Démocratique Gabonais - BGD : Banque Gabonaise de Développement - BICIG : Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie du Gabon - BIDC : Banque de Développement et d’Investissement de la CEDEAO - BM : Banque Mondiale - BRAC : Bureau Régional pour l’Afrique Centrale et l’Océan Indien - CAFED : Centre Africain de Formation à l’Edition et à la Diffusion du livre - CAME : Conférence des Ministres alliés de l’Education - CCF : Centre Culturel Français - CD: Compact Disc

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- CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest - CEEAC : Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale - CEMAC : Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale - CENACI : Centre National du Cinéma - CERDOTOLA : Centre Régional de Recherche et de Documentation sur les Traditions Orales et pour le Développement des Langues Africaines - CFI : Canal International - CGLU : Cités et Gouvernements Locaux Unis - CICIBA : Centre International des Civilisations Bantu - CILF : Conseil International de la Langue Française - CIRTEF : Conseil International des Radios et Télévisions d’Expression Française - CLAC : Centre de Lecture et d’Animation Culturelle - CNA : Cinéma Numérique Ambulant - CNC : Conseil National de la Communication - CNF : Campus Numérique Francophone - CNMG : Conservatoire National de Musique et de Danse - CNSS : Caisse Nationale de Sécurité Sociale - CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement - COMILOG : Compagnie Minière de l’Ogooué - CONAGAL : Comité National pour le Gabon - CONFEJES : Conférence des Ministres de la Jeunesse et des Sports des pays ayant le français en partage - CONFEMEN : Conférence des Ministres de l’Education Nationale - CSE : Croissance Saine Environnement - CSP : Catégorie Socioprofessionnelle - DDS : Direction du Développement Durable et de la Solidarité - DGABD : Direction Générale des Archives nationales, de la Bibliothèque nationale et de la Documentation Gabonaise - DIG : Défense des Intérêts Gabonais - DSCRP : Document de Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté - DVD : Digital Versatile Disc - EDICEF : Editions Classiques d’Expression Française - EDIG : Editions Gabonaises - EDIG : Entente pour la Défense des Intérêts Gabonais - ENAM : Ecole Nationale d’Art et Manufacture - ERW : Editions Raponda Walker - FACMAS : Fonds d’Appui à la Production de Courts-métrages en Afrique Subsaharienne

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- FAGA : Fonds d’Aide et de Garantie - FED : Fonds Européen de Développement - FEPACI : Fédération Panafricaine des Cinéastes - FESPACO : Festival Panafricain de Cinéma de Ouagadougou - FESTAC : Festival Mondial des Arts et de la Culture Négro-Africains - FGIC : Fonds de Garantie des Industries Culturelles - FIIC : Fonds d’Investissement des Industries Culturelles - FMI : Fonds Monétaire International - FODEX : Fonds d’Expansion et de Développement des Petites et Moyennes Entreprises ou Industries - FONAPRESSE : Fonds National pour le développement de la presse et de l’audiovisuel - GATT : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce - GEC : Gabonaise d’Edition et de Communication - ICA : Institut Culturel Africain - IFPI : Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique - IPN : Institut Pédagogique National - JCC : Journées Cinématographiques de Carthage - MAECF : Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et de la Francophonie - MEN : Ministère de l’Education Nationale - MG : Minimum Garanti de recettes - MICA : Marché International du Cinéma Africain de Ouagadougou - MIF : Marché International du Film - MIP-TV : Marché International de Produits de Télévision de Cannes - MNRG : Mouvement National pour la Révolution du Gabon - MORENA : Mouvement du Redressement National - MP3/MP4 : Moving Picture Experts Group - NEPAD : Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique - NMPP : Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne - NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication - OAPI : Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle - OC : Ondes Courtes - OCAM : Organisation Commune Africaine et Malgache - OCORA : Office de la Coopération Radiophonique - OCPA : Observatoire des Politiques Culturelles Africaines - OGC : Organisme de Gestion Collective - OIF : Organisation Internationale de la Francophonie - OMC : Organisation Mondiale du Commerce

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- OMPI : Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle - OMS : Organisation Mondiale du Commerce - ORSTOM : Office de la Recherche Scientifique et Technique d’Outre-mer - ORTM : Office de Radio et Télévision du Mali - OUA : Organisation de l’Unité Africaine - PAS : Politiques d’Ajustement Structurel - PDG : Parti Démocratique Gabonais - PGP : Parti Gabonais du Progrès - PIB : Produit Intérieur Brut - PIN : Programmes Indicatifs Nationaux - PME : Petite et Moyenne Entreprise - PMI : Petite et Moyenne Industrie - PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement - PSD : Parti Social Démocrate - PSIC : Programme de Soutien aux Initiatives Culturelles. - PUP : Parti de l’Unité du Peuple - RFI : Radio France Internationale - RGPH : Recensement Général de la Population et de l’Habitat - RNB : Rassemblement National des Bûcherons - RNDPS : Radio Notre Dame du Perpétuel Secours - RNT : Radio Numérique Terrestre - RTBF : Radio et Télévision Belges Francophones - RTG : Radiodiffusion Télévision Gabonaise - RTN : Radio Télévision Nazareth - SADC : Communauté de Développement d’Afrique Australe - SARL : Société à responsabilité limitée - SODEC : Société de Développement des Entreprises Culturelles - SOFDIC : Société Francophone de Développement des Industries Culturelles - SOFIRAD : Société Financière de Radiodiffusion - SOGADEC : Société Gabonaise de Développement des Entreprises Culturelles - SORAFOM : Société de Radiodiffusion de la France d’Outre-mer - TPE : Toute Petite Entreprise - TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée - UDEG : Union des Ecrivains Gabonais - UDSG : Union Démocratique et Socialiste Gabonaise - UE : Union Européenne - UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine

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- UIT : Union Internationale des Télécommunications - UMA : Union du Maghreb Arabe - UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture - UNICEF : Fonds des Nations unies pour l'enfance - UNITAR : Institut des Nations Unies pour la formation et la Recherche - UOB : Université Omar Bongo - URTI : Union Radiophonique et Télévisuelle Internationale - USG : Union Socialiste Gabonaise - VCD : Vidéo Compact Disc - VHS : Vidéo Home System

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TABLE DES GRAPHIQUES ET TABLEAUX

Graphiques

Graphique 1: Poids des industries extractives dans le PIB (2004-2008)...... 36 Graphique 2 : Passage de l'oeuvre artistique au produit culturel...... 129 Graphique 3 : Participation à des activités culturelles par CSP ...... 131 Graphique 4: Fréquentation des salles de cinéma par CSP ...... 132 Graphique 5: Prix d'une place de cinéma ...... 133 Graphique 6 : Produits culturels les mieux consommés en %...... 134 Graphique 7: Nature des programmes de télévisions publiques...... 137 Graphique 8 : Préférences radiophoniques et télévisuelles ...... 137 Graphique 9: Fréquentation des salles de cinéma par an...... 216 Graphique 10 : Préférences des cinéphiles………………………………………….………………..218

Tableaux

Tableau 1: Critères d'identification des industries culturelles...... 28 Tableau 2 : Evolution de l'activité pétrolière (2007-2008)...... 37 Tableau 3: Evolution des exportations de bois (2007-2008)...... 37 Tableau 4 : Evolution de l'activité minière de la Comilog (2007-2008) ...... 38 Tableau 5 : Fonds d'archives récoltés de 1970 à 1973 ...... 77 Tableau 6 : Fréquentation annuelle de la BN (1971-1978) ...... 78 Tableau 7 : Achats des produits culturels par CSP...... 132 Tableau 8: Bilan des ventes de MULTIPRESS en janvier 2007 (Libreville seulement) ...... 136 Tableau 9 : Appréciation des librairies par terre ...... 139 Tableau 10 : Parts de marché en valeur (2004-2006)...... 140 Tableau 11: Etat de la presse écrite gabonaise ...... 151 Tableau 12: Appréciation du prix du livre par les consommateurs...... 165 Tableau 13 : Evolution des importations entre 1998 et 2001 (Unité: FCFA) ...... 172 Tableau 14 : Situation actuelle des radios commerciales...... 191 Tableau 15 : Radios communautaires...... 192 Tableau 16 : Radios religieuses...... 194 Tableau 17: Radios scolaires...... 195 Tableau 18 : Détermination de l'audience des radios et télévisions nationales par CSP...... 200

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Tableau 19: Contributions financières du Gabon à la Francophonie en 2005...... 231 Tableau 20 : Montants maximums (en euros) des subventions en 2006...... 244 Tableau 21 : Montants maximums des subventions pour la fiction et le documentaire en 2003...... 246 Tableau 22 : Fréquentation des bibliothèques des CLAC: compilation réalisée en 2005 à partir des résultats obtenus sur trois ans (2002, 2003, 2004) ...... 256 Tableau 23 : Animations en 2005...... 257 Tableau 24 : Montants des frais pédagogiques...... 293 Tableau 25 : Forces et faiblesses de la télévision en ligne par rapport à la télévision traditionnelle ……………………………………………………………………………………….……….301

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SOMMAIRE

SOMMAIRE...... 17

INTRODUCTION GENERALE...... 19

PREMIERE PARTIE : LES GRANDS AXES DE LA POLITIQUE CULTURELLE GABONAISE ...... 49

CHAPITRE I : LA POLITIQUE CULTURELLE GABONAISE DE 1960 A 1980...... 53 SECTION 1 : LA CULTURE GABONAISE SOUS LA PRESIDENCE DE LEON MBA...... 53 SECTION 2 : LES DEBUTS DE LA POLITIQUE CULTURELLE SOUS LE PRESIDENT OMAR BONGO ...... 74

CHAPITRE 2 : LA POLITIQUE CULTURELLE GABONAISE A PARTIR DE 1980 ...... 93 SECTION 1 : LE PLAN DECENNAL DE DEVELOPPEMENT CULTUREL DE 1980 A 1990 ...... 93 SECTION 2 : LA POLITIQUE CULTURELLE AU-DELA DU PLAN DECENNAL DE DEVELOPPEMENT CULTUREL...... 102

DEUXIEME PARTIE : ...... 117

L’ETAT DES LIEUX DES INDUSTRIES CULTURELLES GABONAISES ...... 117

CHAPITRE 3 : LE COMMERCE DES PRODUITS CULTURELS GABONAIS ...... 121 SECTION 1 : LA SPECIFICITE DU PRODUIT CULTUREL...... 122 SECTION 2 : LE MARCHE DES PRODUITS CULTURELS GABONAIS...... 130

CHAPITRE 4: LES PRINCIPALES INDUSTRIES CULTURELLES GABONAISES ET L’ACTION INTERNATIONALE...... 143 SECTION 1 : LA FILIERE DE L’EDITION ...... 143 SECTION 2 : L’INDUSTRIE MUSICALE ...... 173 SECTION 3 : L’INDUSTRIE AUDIOVISUELLE : RADIO, TELEVISION ET CINEMA...... 188 SECTION 4 : LA FRANCOPHONIE ET LES INDUSTRIES CULTURELLES AU GABON...... 229 SECTION 5 : LES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES HORS OIF...... 258

TROISIEME PARTIE :...... 281

LA REDEFINITION DE LA POLITIQUE CULTURELLE GABONAISE...... 281

CHAPITRE 5 : POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA CULTURE GABONAISE...... 287 SECTION 1 : LA FORMATION ET LES NTIC COMME PREALABLES A LA DYNAMISATION DES INDUSTRIES CULTURELLES AU GABON...... 287

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SECTION 2 : LA CREATION D’UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE AU DEVELOPPEMENT DES INDUSTRIES CULTURELLES...... 304

CHAPITRE 6 : L’ENCADREMENT STRUCTUREL DES INDUSTRIES CULTURELLES ET LA DYNAMISATION DE L’ACTION INTERNATIONALE ...... 315 SECTION 1 : L’ACTION PUBLIQUE AU SERVICE DES INDUSTRIES CULTURELLES...... 316 SECTION 2 : LE RENFORCEMENT DE L’ACTION INTERNATIONALE...... 330

CONCLUSION GENERALE ...... 345

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INTRODUCTION GENERALE

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PRESENTATION DU SUJET

La mondialisation est aujourd’hui une réalité incontournable, fruit des progrès technologiques qui, du fait du développement des transports et des communications, a fait de la mobilité et de l’échange des moteurs de l’évolution du monde dans toutes ses composantes : économique, linguistique, sociale….. et culturelle 1.

L’Afrique, malgré un léger progrès de son commerce international dans les années 1980, reste en marge de la mondialisation économique 2. Ses échanges commerciaux internationaux, tributaires des matières premières, ne cessent de se raréfier. Sa situation sociale et sanitaire est la plus alarmante du monde. L’Afrique est le continent où tous les maux sont réunis : famine, sida, guerres, pauvreté… « L’Afrique est mal partie, Et si l’Afrique refusait le développement? Pourquoi l’Afrique meurt… », s’interrogent certains Africanistes 3. Dans un tel contexte de morosité, la recherche du développement devient un impératif prioritaire ; et tous les secteurs d’activités doivent être explorés, même celui de la culture.

La culture a longtemps été considérée comme un secteur non productif 4. Ce n’est que vers la fin des années 1950 que des études économiques ont montré que la culture et le développement étaient plutôt intimement liés. John Kenneth Galbraith attribue par exemple, dans son ouvrage, The Liberal Hour , publié en 1960, un rôle économique très important à l’artiste, et explique que « le déficit de la balance des paiements américaine tient du fait que les artistes ne sont pas assez impliqués dans le processus de production. […] Dans les

1 Michel Guillou, Francophonie-Puissance. L’équilibre multipolaire , Paris, Editions Ellipses, 2005, p. 23 2 La contribution africaine au commerce mondial des biens est passée de 3,3 % à 1,6 % entre 1980 et 2000. InMINEFI-DREE, « L’insertion de l’Afrique dans le commerce international », août 2002. Tiré de http://www.izf.net/upload/EE/pro/commun/5054.pdf. Consulté le 2 avril 2009. 3 Lire à ce sujet, Axelle Kabou, Et si l’Afrique refusait le développement ? Paris, L’Harmattan, 1991 et Stephen Smith, Négrologie. Pourquoi l’Afrique meurt , Paris, Calmann-Lévy, 2003. 4 Adam Smith considérait par exemple que « les ecclésiastiques, les gens de la loi, […], les musiciens et les chanteurs d’Opéra, etc. Leur ouvrage à tous, tel que la déclamation de l’acteur, le débit de l’orateur ou les accords du musicien, s’évanouit au moment même qu’il est produit ». Cité par Thomas Werquin, Impact de l’infrastructure culturelle sur le développement économique local. Elaboration d’une méthode d’évaluation ex- post et application à Lille 2004 Capitale Européenne de la culture , Thèse de doctorat en Sciences Economiques, Université des Sciences et Technologies de Lille, juin 2006, p. 45. Plus tard, Alfred Marshall classera aussi les activités culturelles hors du champ de l’économie, car, dit-il, « la consommation des biens et services culturels ne répondent pas à la loi de la décroissance de l’utilité marginale. […] Plus un individu consomme un bien, plus l’utilité procurée par l’unité supplémentaire est faible. » Cité par Thomas Werquin, idem .

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sociétés pauvres, les consommateurs demandent que les produits soient bien réalisés, alors que dans les sociétés riches on leur demande également qu’ils soient beaux »5. Les artistes ont donc un rôle important à jouer 6.

En Afrique, la prise de conscience sur le lien existant entre la culture et le développement remonte à la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1964. Certes, les objectifs essentiels de cette organisation étaient « la libération politique pour affirmer la souveraineté et la dignité nationales et l’indépendance économique pour réaliser un développement endogène et auto-centré »7, mais l’adoption à Alger (Algérie) en 1969 par l’OUA d’un Manifeste culturel panafricain témoigne de la volonté africaine d’intégrer le secteur culturel au développement économique du continent.

En 1975 à Accra (Ghana), l’OUA organise, avec l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) la première Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles en Afrique (AFRICACULT) qui réaffirme la dimension culturelle du développement : « l’homme représente la véritable finalité du développement et, de ce fait, la culture doit retrouver une place centrale dans le processus endogène du développement intégral. L’action économique et l’action culturelle doivent être menée de pair, renouant ainsi avec la grande tradition de l’humanisme africain »8 . Cette Conférence débouche sur l’adoption en 1976 à Port-Louis (Ile Maurice) de la Charte culturelle pour l’Afrique qui « donne définitivement et solennellement un statut à la culture et en fait une donnée fondamentale du processus identitaire pour les pays et peuples africains. Elle reconnaît à la culture un rôle déterminant dans le développement, qu’il s’agisse de ses fins, des moyens qui y concourent ou du processus socio-historique qui manifeste son évolution »9.

Plusieurs actions de l’OUA vont se succéder pour affirmer l’intérêt que revêt le secteur culturel pour le développement économique et social de l’Afrique, dont entre autres :

5 Cité par Thomas Werquin, op. cit ., p. 43 6 Idem 7 Basile T. Kossou, La dimension culturelle du développement en vue d’intégrer les facteurs socio-culturels dans Le plan d’actions de Lagos , Paris, UNESCO, 1985, p. 4 8 Idem ., p. 9. 9 Ibidem , p. 10.

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la Déclaration de Moronvia (1979), la création d’un Fonds culturel interafricain (1980), le Plan d’action de Lagos (1980).

Léopold Sédar Senghor devint le parangon d’une Afrique fondée sur la célébration de la culture noire. Président de la République du Sénégal de 1960 à 1980, il déclara lors du premier Festival Mondial des Arts Nègres organisé à Dakar en 1966 dans son discours inaugural :

« Avant même notre indépendance nationale, depuis quelque vingt ans, nous n’avons jamais cessé de bâtir notre politique sur le dialogue. Dans tous les domaines, mais fondamentalement dans celui de la culture car la culture est la condition première et le but ultime de tout développement. Mais pour dialoguer avec les autres, pour participer à l’œuvre commune des hommes, des consciences et des volontés qui se lèvent partout dans le monde, pour apporter des valeurs nouvelles à la symbiose des valeurs complémentaires, il nous faut être enfin nous-mêmes dans notre dignité, dans notre identité recouvrée »10 .

Durant toute sa vie, Senghor a essayé de montrer la difficulté d’asseoir un développement économique et social en méprisant la culture. L’Homme qui est à la fois culture et acteur de culture doit figurer au centre du développement :

« […] C’est que la pensée, plus exactement la « raison » au sens de Descartes – la trilogie du « penser », du « sentir » et du « vouloir » -, par les valeurs qu’elle élabore, est la condition nécessaire de l’action. Il s’agit, ici et là de l’Homme ; D’un homme concret : conscient, mais sensible et, parce que doué de volonté, actif. D’un homme qui veut « se faire », comme on dit aujourd’hui, en faisant telle action. Je parle d’un homme qui, parce que producteur d’idées, veut se réaliser en transformant la nature selon ses idées, je dirai même ses utopies : en réalisant la nature et, en même temps, soi- même sur un plan supérieur, plus efficace parce que plus cohérent, plus beau parce que plus harmonieux. Il s’agit d’assurer le développement intégral « de l’homme et de tous les hommes » : de l’épanouissement – voilà le mot – de toutes ses facultés, de toutes ses virtualités en vertus. C’est en

10 Léopold Sédar Senghor, « Discours inaugural », Festival Mondial des Arts Nègres, Dakar, 1-24/4/1966, cité par Charles Michel, « Discours inaugural », Colloque « Culture et créativité, vecteurs de développement », Bruxelles, 1-3/4/2009.

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ce sens que l’homme, c’est-à-dire la culture, est au commencement et à la fin du développement économique et social »11 .

En établissant un rapport entre la culture et le développement, Senghor veut montrer qu’aucun Nouvel Ordre économique ne peut exister sans un Nouvel Ordre culturel ; car l’Homme créateur est à la fois l’agent actif et le but de la croissance économique. C’est en lui que se réalise le développement 12 . Mais, le Nouvel Ordre culturel senghorien serait incomplet s’il n’était pas mondial. C’est pourquoi Senghor entreprit de bâtir une « Communauté organique de la Francophonie ». Différente du Commonwealth, dont l’objectif est la prospérité économique, la « Communauté organique de la Francophonie » voulue par Senghor, est à la fois économique, politique et culturelle. Elle est le lieu de la manifestation concomitante de différentes cultures. C’est elle qui constitue le fondement de la Francophonie actuelle, celle du dialogue des cultures.

Mais, de quelle manière la culture peut-elle contribuer au développement économique des pays africains ? Autrement dit, sur quels aspects de la culture est-il nécessaire de s’appuyer pour assurer un mieux être économique en Afrique ?

La réponse à ces interrogations se trouve dans le Plan d’action de Dakar (juin 1992) sur « Les industries culturelles pour le développement de l’Afrique » établi par l’OUA. Il fait suite à un rapport issu d’une réunion d’experts sur les industries culturelles en Afrique organisée conjointement par l’OUA et l’UNESCO, en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Institut Culturel Africain (ICA) et la Fondation Culturelle et Sociale CEE/ACP en janvier 1992 à Nairobi (Kenya). Ce rapport préconise la promotion des industries culturelles africaines pour le développement du continent et s’appuie sur les performances culturelles enregistrées par certains pays africains dans les années 1950, 1970 et 1980 :

11 Léopold Sédar Senghor, « Discours inaugural », Colloque « Culture et développement », organisé à l’occasion de 70e anniversaire de Senghor, Dakar, 4-8 octobre 1976, in Ethiopiques, tiré de www.refer.sn/ethiopiques . Consulté le 20/12/2006. 12 Léopold Sédar Senghor, « La Francophonie et le français », Liberté 5 . Le dialogue des cultures, Paris, Le Seuil, 1993, p. 134

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« Dans les années 1950, le cinéma constituait la deuxième activité d’exportation de l’Egypte après le coton (…). Dans les années 1970, les Ballets guinéens se plaçaient au deuxième rang mondial après ceux du Bolchoï, et les danseurs du Rwanda-Burundi sont sans conteste les meilleurs du monde. Les fortunes colossales des femmes togolaises vendeuses de pagnes et autres tissus africains importés ou fabriqués sur place témoignent de l’importance du marché africain de la vêture. En tout état de cause, c’est dans le domaine de la culture que les succès africains sont les plus remarquables : Prix Nobel, écrivains, musiciens, cinéastes, influence de l’Afrique sur le jazz et les arts plastiques, les performances sportives remarquables, etc. »13 .

L’apport du continent africain dans les musiques du monde est incontestable, surtout dans les Amériques et les Caraïbes. Plusieurs études montrent que le jazz et le blues, « qui sont du domaine de la pure création trouvent leur source en Afrique et miraculeusement, à travers ce qui a été en même temps une destruction de l’Afrique par l’Europe »14 . Jean-Claude Gakosso le confirme par ailleurs :

« En Amérique et aux Caraïbes, la culture africaine a résisté aux pires turpitudes de l’histoire, notamment aux innombrables tentatives de son avilissement par les esclavagistes. Au fil des siècles et au gré des contacts, elle s’est fort heureusement enrichie des apports les plus divers pour finalement conquérir, sous nos yeux, la planète entière. Il n’est que de voir l’extraordinaire sollicitude dont bénéficient dans notre monde le jazz, le blues, le zouk, le reggae, le Rn’B, la biguine, la salsa, la soul, pour ne citer que ces genres. Des genres tous issus du legs séculaire des mélodies et rythmes africains, aujourd’hui inscrits en lettres d’or sur le socle des valeurs fondatrices de la civilisation moderne.» 15

Se saisir de la culture, plus spécifiquement des industries culturelles pour fonder son développement est donc l’une des possibilités que l’Afrique se doit d’explorer. Cependant, que signifient industries culturelles ? Toute activité culturelle est-elle reproductible ?

13 OUA, UNESCO, « Les industries culturelles pour le développement de l’Afrique. Le plan d’action de Dakar », juin 1992, p. 20-21. 14 Edwige Gbaguidi, « L’Afrique : patrimoine historique et culturel », dans FESPAM, Héritage de la musique africaine dans les Amériques et les Caraïbes , Paris, L’Harmattan, 2007, p. 25 15 Jean-Claude Gakosso, « Préface », in FESPAM, op, cit , p. 7

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ORIGINES ET DEFINITIONS D ’INDUSTRIE CULTURELLE

Selon le Dictionnaire Hachette 16 , une industrie est « un ensemble des activités commerciales concourant à la production de représentations artistiques ». Le même Dictionnaire définit la culture comme « un ensemble des activités soumises à des normes socialement et historiquement différenciées, et des modèles de comportement transmissibles par l’éducation, propre à un groupe social donné. C’est le cas de la culture occidentale » 17 . La combinaison de ces deux définitions pourrait donner une première approche à la notion d’industrie culturelle qui peut se concevoir comme un ensemble de processus qui contribuent à la production et à la circulation d’aspects intellectuels d’une société donnée ou d’une civilisation. Ces aspects intellectuels pouvant être de l’art, de la musique, du cinéma, de l’architecture, de la peinture.

Le terme « industrie culturelle » a été employé pour la première fois par les pères de l’Ecole de Francfort 18 . Dans leur ouvrage, La dialectique de la raison 19 , Horkheimer et Adorno, philosophes allemands exilés aux Etats-Unis pour échapper au nazisme, stigmatisent l’influence des médias sur les masses populaires, dénoncent la modernité industrielle, source de domination et d’aliénation. La technologie de l’industrie culturelle « n’a abouti qu’à la standardisation et à la production en série, sacrifiant tout ce qui faisait la différence entre la logique de l’œuvre et celle du système social », déclarent-ils 20 . Mais Adorno et Horkheimer sont influencés par Walter Benjamin dont les thèses peuvent être résumées par la déclaration suivante : « à la plus parfaite reproduction il manquera toujours une chose : le hic et nunc de l’œuvre d’art, l’unicité de son existence au lieu où elle se trouve. C’est cette existence unique pourtant, et elle seule, qui, aussi longtemps qu’elle dure, subit le travail de l’histoire. Nous

16 Dictionnaire Hachette , Edition illustrée, 2003 17 Op. cit. 18 L’Ecole de Francfort est un mouvement philosophique né dans les années 1930 dont l’ambition est l’analyse critique de la société capitaliste. Ses principaux représentants sont Max Horkheimer, Theodor Adorno, Walter Benjamin. Pour plus de précisions, lire Jacob T. Matthews, Industrie musicale, médiation et idéologie. Pour une approche critique réactualisée des « musiques actuelles », thèse de doctorat en Science de l’information et de la communication, université Bordeaux 3, 2006. 19 Max Horkheimer et Theodor W. Adorno, La dialectique de la raison. Fragments philosophiques , Paris, Gallimard, 1974, p. 130. 20 Idem

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entendons par là aussi bien les altérations subies par sa structure matérielle que ses possesseurs successifs »21 .

Pour Walter Benjamin 22 , le hic et nunc constituent « l’authenticité » de l’œuvre ; et tout ce qui relève de l’authenticité échappe à la reproduction. L’œuvre d’art reproduite techniquement perd son « aura ». Avec la reproduction, l’œuvre est passée de sa valeur culturelle à une valeur d’exposition.

Toutefois, si l’Ecole de Francfort est à l’origine de ce qui pourrait être nommé la théorie de « l’industrie culturelle », elle n’a pas fourni d’analyse précise, ni déterminé les contours de cette notion. Il a fallu attendre les travaux de Douglas Smythe et Herbert Schiler dans les années 1970 pour que l’expression s’émancipe et s’élargisse à des secteurs aussi variés que les télécommunications, l’information grand public et professionnelle, la radiodiffusion. En déclinant désormais la notion d’industrie culturelle au pluriel, ces chercheurs entendaient se démarquer des postulats de l’Ecole de Francfort. Ainsi, selon Armand Mattelard :

« L’industrie culturelle n’existe pas en soi, elle est un ensemble composite, fait d’éléments qui, à l’évidence, n’appartiennent pas au même champ, ou du moins se différencient fortement. L’analyse se doit de mettre en évidence les facteurs explicatifs de cette diversité. Cette variété se retrouve dans les formes d’organisation du travail, dans la caractérisation des produits eux-mêmes et de leur contenu, dans les modalités d’institutionnalisation des diverses industries culturelles ou encore dans les conditions d’appropriation des produits et services par les différents publics de consommateurs ou d’usagers »23

Mais, c’est surtout avec Armel Huet, Jacques Ion, Alain Lefebvre, René Peron et Bernard Miège, dans un rapport publié en 1978 sous le titre « Capitalisme et industries culturelles », que les contours du concept d’industrie culturelle ont commencé véritablement à se préciser. Ils en excluent à la fois les spectacles vivants et les créations plastiques « uniques »

21 Walter Benjamin, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique. Version de 1939 , Paris, Gallimard, 2008, p.12. 22 Idem 23 Armand Mattelart, La communication-monde, histoire des idées et des stratégies, Paris, La Découverte, 1992, p. 237

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distribuées par les galeries et accordent une place de choix à l’idée de reproductibilité considérée comme la marque première de l’industrie 24 . Ces analyses vont être approfondies et permettre plus tard à Patrice Flichy, Gaëtan Tremblay et Bernard Miège de retenir le profil suivant pour définir les industries culturelles : a) elles nécessitent de gros moyens ; b) elles mettent en œuvre des techniques de reproduction en série ; c) elles travaillent pour le marché, ou, en d’autres termes, elles marchandisent la culture ; et d) elles sont fondées sur une organisation de type capitaliste, c’est-à-dire qu’elles transforment le créateur en travailleur et la culture en produits culturels 25 . Désormais, les industries culturelles vont être appréhendées au travers d’un ensemble de critères que Gaëtan Tramblay résume dans le tableau 1.

Tableau 1: Critères d'identification des industries culturelles

CRITERES DEFINITIONS

Importance quantitative Importance des moyens et de la main- d’œuvre et complexité des organisations

Technologies Reproduction industrielle des produits de la culture

Economie Mécanisme de circulation des produits selon les règles de l’offre et de la demande (libre concurrence)

Organisation du travail Producteur-Produit

Création-Exécution

Source : Gaëtan Tramblay, Les industries de la culture et de la communication au Québec et au Canada , Québec, Presses Universitaires du Québec, 1990, p. 50

24 Bernard Miège, Les industries du contenu face à l’ordre informationnel , Grenoble, PUG, 2000, p. 19 25 Jean-Pierre Warnier, La mondialisation de la culture (nouvelle édition), Paris, La Découverte, 2003, p. 16

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Mais, ces critères d’identification ne trouvent pas l’assentiment de nombre d’auteurs qui, pour définir les industries culturelles, élargissent leur champ aux domaines comme le spectacle vivant, la publicité, la photographie, le tourisme culturel, l’édition, le multimédia, la production cinématographique, audiovisuelle et phonographique. Certains pays étendent même le concept à l’artisanat d’art, au design et à l’architecture. Les industries culturelles sont devenues un vaste champ dont les définitions sont aussi vastes et variées que le concept lui-même.

Elles sont définies par Jean-Pierre Warnier comme « des activités industrielles qui produisent et commercialisent des discours, sons, images, arts, et toute autre capacité ou habitude acquise par l’homme en tant que membre de la société »26 . Pour l’UNESCO, Il s’agit « d’un secteur qui s’accorde à conjuguer la création, la production et la commercialisation des biens et des services dont la particularité réside dans l’intangibilité de leurs contenus à caractère culturel, généralement protégés par les droits d’auteur »27 .

Ainsi, la difficulté à définir les industries culturelles et à les circonscrire définitivement nous oblige, dans le cadre de ce travail, à ne traiter que les industries culturelles dominantes, en l’occurrence l’édition, l’industrie musicale et l’industrie audiovisuelle (radio, télévision et cinéma).

SITUATION ECONOMIQUE DES INDUSTRIES CULTURELLES DANS LE MONDE

Les industries culturelles sont aujourd’hui reconnues comme étant l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie mondiale. Selon la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), le commerce des produits culturels connaît un taux de croissance annuelle depuis une vingtaine d’années allant de 5 % à 20 %. Leur contribution au Produit Intérieur Brut (PIB) mondial est estimée à plus de 7 % (Banque Mondiale, 2003) 28 . Mais, ces performances sont le résultat du dynamisme économique des

26 Jean-Pierre Warnier, op. cit , p. 16 27 In « Projet de loi de finances pour 2009 : Aide publique au développement – La Francophonie : une force à valoriser dans la mondialisation ». Téléchargeable à l’adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a08-100-2/a08- 100-224.html#fn10. Consulté le 12 novembre 2009 28 UNESCO, « Echanges internationaux d’une sélection de biens et services culturels, 1994-2003. Définir et évaluer le flux du commerce culturel mondial », Montréal, Institut de statistiques de l’Unesco, 2005, p. 11

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pays développés et de certains pays du Sud, ou encore émergents. Les échanges internationaux des produits culturels sont en effet majoritairement effectués entre les pays de la triade (Etats-Unis, Union européenne et Asie) ; pays dont les revenus sont parmi les plus élevés.

En 2002, le Royaume Uni se situait par exemple au premier rang des pays qui ont produit le plus de produits culturels, avec 8,5 milliards de dollars, suivi des Etats-Unis (7,6 milliards de dollars) et de la Chine (5,2 milliards de dollars). Sur le plan de la consommation, les Etats- Unis se sont placés au premier rang des plus grands consommateurs des produits culturels en 2002, avec un montant d’importations de 15,3 milliards de dollars, soit environ le double des importations du Royaume Uni, deuxième grand consommateur des produits culturels (7,8 milliards de dollars). L’Allemagne s’est révélée le troisième grand importateur des produits culturels, avec un montant global d’importations de 4,1 milliards de dollars 29 .

Sur le plan régional, l’Union Européenne est en tête des zones qui ont le plus exporté de produits culturels dans le monde. Selon l’UNESCO, le pourcentage de ses exportations s’élevait en 2002 à 51,8 % (en légère diminution par rapport aux 54,3 % de 1994), devant l’Asie (20,6 % contre 15,6 % en 1994) 30 et l’Amérique du Nord (16,9 % contre 25 % en 1994). L’Amérique Latine et les Caraïbes, avec des exportations pourtant en hausse depuis 1994, se situent en quatrième position (3 % en 2002 contre 1,9 % en 1994) 31 . Ces performances américaines, européennes et asiatiques sont le résultat du dynamisme de leurs entreprises culturelles.

Onze entreprises dominent en effet l’activité culturelle mondiale. Elles peuvent se classer en deux groupes : le groupe des « géants », composé de sept Majors (Aoltime Warner, Disney et Viacom pour les Etats-Unis ; News Corp pour l’Australie, Bertelsmann pour l’Allemagne, Vivendi Universal pour la France et Sony pour le Japon). Le deuxième groupe, de taille moyenne, est constitué de quatre entreprises européennes. Il s’agit d’EMI Group et

29 UNESCO , op. cit., p.11 30 La croissance asiatique est liée à la croissance des exportations de l’Asie Orientale, qui ont presque doublées depuis 1994, passant de 7,6 % à 15,6 % en 2002. Cf UNESCO, idem , p.22 31 Ibidem

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de Pearson pour la Grande-Bretagne, de Lagardère pour la France et de Reed Elsevier pour les Pays-Bas et la Grande-Bretagne 32 .

Cependant, l’essentiel de leurs activités tournent autour du cinéma, de la télévision, de la musique et de l’édition ; avec une part importante attribuée aux Majors américaines : « les recettes sur le marché mondial des Majors américaines atteignent 10,85 milliards de dollars en 2003, soit une augmentation de 5 % par rapport à l’année précédente »33 .

Dans le domaine de la musique, 80 % de ce commerce sont assurés par Sony, Vivendi Universal, EMI, Bertelsmann et Aoltime Warner ; alors que les Etats-Unis et les pays d’Europe de l’Ouest dominent le marché mondial des livres et imprimés à hauteur de 67 % 34 . Toutefois, si la prééminence des grands pays comme les Etats-Unis, le Canada, le Japon et les pays d’Europe de l’Ouest est manifeste dans les échanges mondiaux des produits culturels, il n’en demeure pas moins que de nouveaux pays producteurs apparaissent sur ce marché. Les chiffres du commerce mondial montrent opportunément un élargissement relatif du nombre des pays producteurs des produits culturels.

L’Inde, grâce à sa production audiovisuelle et musicale, la Chine, troisième exportateur mondial de produits culturels, le Brésil, dont le marché de la musique est l’un des sept premiers au monde avec une production nationale dominant à 90 % le marché local constituent les nouveaux acteurs du marché culturel mondial.

Au Brésil, selon Alvaro Comin, « le développement des industries culturelles a engendré une formalisation progressive des entreprises culturelles et une hausse constante de la création d’emplois passant en 20 ans à 350 000 postes »35 .

32 Francisco d’Almeida et Marie-Lise Alleman, « Les industries culturelles des pays du Sud. Enjeux du projet de convention internationale sur la diversité culturelle », août 2004, p. 23 33 Idem . 34 Ibidem 35 Alvaro Comin (Chercheur à l’Université de Sao Paulo), « Employment relations in the Brazilian audio-visual value chain », document de travail, XI UNCTAD, juin 2004, cité par Francisco d’Almeida et Marie-Lise Alleman , ibidem, p.2

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La Chine, depuis le milieu des années 1990, connaît une balance commerciale positive. Ses exportations affichent 5,8 milliards de dollars, pour seulement 1,2 milliard de dollars d’importations en 2003. Les sources des importations chinoises se sont ainsi diversifiées depuis 1994. La part des quatre plus grands partenaires (Etats-Unis, Allemagne, Singapour, Finlande) des importations chinoises s’étant considérablement resserrée de 84 % à 60 % entre 1994 et 2003. Deux pays, notamment les Etats-Unis (avec 22 %) et l’Allemagne (avec 14 %), ont constitué la principale source des importations chinoises en 2003 36 .

La production cinématographique indienne, bien que de moindre importance au regard des recettes générées par les productions américaines, connaît une augmentation spectaculaire depuis une dizaine d’année. Avec 877 films produits en 2003, l’Inde a conservé sa position de chef de file au titre des pays dans le monde ayant tourné le plus grand nombre de films, surclassant ainsi les Etats-Unis. Les producteurs indiens ont réalisé que leur industrie avait acquis suffisamment de maturité pour approcher les marchés étrangers de façon plus systématique. De 25 à 30 % des recettes de certains films ont commencé à provenir des marchés d’exportation. Sur les 900 millions de dollars approximatifs générés par l’ensemble du secteur cinématographique indien en 2004, les recettes provenant des écrans d’Outremer ont déjà atteint les 220 millions de dollars (US).37

De tous les nouveaux acteurs du commerce mondial des produits culturels, l’Inde apparaît comme un pays leader. Ces industries culturelles connaissent un taux de croissance annuel qui avoisine aujourd’hui les 30 % ; et les analystes prévoient, pour les années qui viennent, une croissance possible des exportations de 50 % 38 .

Mais, si l’essentiel du commerce international des produits culturels se fait entre la triade (Etats-Unis, Union européenne et Asie) et quelques pays émergents (Chine, Inde, Brésil), certains pays africains, malgré la domination de leurs marchés par les produits transnationaux et la modicité de leurs ressources financières et techniques, disposent déjà d’une bonne

36 UNESCO, « Echanges internationaux d’une sélection des biens et services culturels, 1994-2003. Définir et évaluer le flux du commerce culturel mondial », Montréal, 2005, p.30-31 37 India Central Board of Film Certification, Federation of Indian Chambers of Commerce (FICCI), in UNESCO, Idem , p.44 38 Ibidem.

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capacité de production dans des domaines comme le cinéma, la musique et l’édition. C’est le cas, entre autres, de l’Afrique du Sud, du Burkina Faso, du Maroc, de l’Egypte, du Sénégal, du Mali et surtout du Nigéria.

L’Afrique du Sud est l’un des pays d’Afrique qui joue un rôle dominant dans le commerce mondial des biens culturels, au regard de ses importations et exportations. Ses importations, en 2003, affichaient un montant de 64,1 millions de dollars, contre 322,6 millions de dollars d’exportations. 39

Au Burkina Faso, la production de programmes télévisuels a connu un certain essor. Les producteurs indépendants d’émissions de télévision ont réussi, depuis le milieu des années 1990, à se forger une place relative sur le marché local. 150 heures de fiction ont été produites par des sociétés de productions privées de 1997 à 2002, permettant ainsi au Burkina Faso de se placer comme un pays meneur au sein de la sous région de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) dans la filière encore embryonnaire de production de fictions télévisuelles. Les fictions burkinabées représentent les trois quart des programmes de fictions africaines disponibles dans les grilles des télévisions francophones africaines 40 .

Au Maroc, le marché du livre scolaire primaire et secondaire est approvisionné à 100 % par l’édition locale. La part du livre scolaire se chiffre à 90 % du marché de l’édition. D’après les chiffres du Ministère marocain de l’Industrie et du Commerce, le chiffre d’affaires de l’édition et de l’imprimerie atteint un montant de 2,2 milliards de dirhams (253 millions de dollars) en 2002. Il semble que ces secteurs contribuent à hauteur de 1,8 % de l’emploi industriel marocain, soit quasiment la même contribution que l’industrie laitière 41 .

Au Sénégal, la production de cassettes audio enregistrées a augmenté de 33 % entre 1997 et 2000 ; alors qu’au Mali elle est évaluée à près d’un million d’unités en 2001 42 .

39 UNESCO, op.cit, p.32. 40 Francisco d’Almeida et Marie-Lise Alleman, op.cit., p. 31 41 Idem 42 Guillemot N., Le développement de carrière des musiciens ouest africains. Le passage de l’Afrique à la France, document de travail, 2002. Cité par Francisco d’Almeida et Marie-Lise Alleman, op cit , p. 30.

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Le Nigéria, deuxième producteur mondial de films après l’Inde, a augmenté sa production cinématographique en 2006. Selon un rapport de l’UNESCO, l’Inde (Bollywood) a produit 1 091 films de long métrage en 2006, contre 872 pour Nollywood 43 et 485 pour Hollywood 44 .

En clair, le dynamisme des produits culturels dans le commerce international constitue pour les pays africains une opportunité à saisir pour bénéficier des retombées positives de la mondialisation. Si certains pays en tirent déjà profit, d’autres, à l’exemple du Gabon, tardent encore à développer ce secteur à haute valeur ajoutée.

CADRE SPATIAL

Notre étude, si elle tient compte des expériences de nombre de pays francophones en matière des industries culturelles pour mieux apprécier celles du Gabon, est avant tout une réflexion sur ce dernier. Elle présente un état des lieux des industries culturelles gabonaises, c’est-à-dire leurs succès et insuccès, et préconise des solutions qui pourraient les rendre viables sur le plan national et international.

Le Gabon 45 est un pays situé au centre de l’Afrique. D’une superficie de 267 667 km², il est traversé par l’équateur. Voisin de la République du Congo, de la Guinée Equatoriale et du Cameroun, son climat est chaud et humide, avec une alternance de deux saisons sèches (de mai à septembre et de mi-décembre à mi-janvier) et de deux saisons de pluies (de mi-janvier à mi-mai et d’octobre à mi-décembre). Son territoire est recouvert à 85 % de la forêt, soit 225 000 km². Cette forêt se présente sous la forme de la mangrove (forêt littorale) et de la forêt dense. La côte atlantique du pays permet une ouverture sur le monde.

La loi de décentralisation de 1984 a divisé le pays en neuf provinces, subdivisées en départements. Chaque département est à son tour subdivisé en districts, les districts en cantons, et les cantons en villages. Les provinces sont administrées par les gouverneurs; les départements par les préfets, les districts par les sous-préfets, les cantons par les chefs de

43 Nollywood est un terme employé pour désigner le cinéma nigérian, en référence à Bollywood en Inde et à Hollywood aux Etats-Unis. 44 Tiré de www.uis.Unesco.org/ev_fr.php?ID=7650_201&ID2=DO_TOPIC. Consulté le 01 septembre 2009 45 Pour la présentation cartographique, voir annexe 1.1

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cantons, et les villages par les chefs de villages. La capitale du pays est Libreville (capitale de la province de l’Estuaire). Les gouverneurs, préfets et sous-préfets sont nommés en conseil de ministres par le Président de la République sur proposition du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales. Quant aux chefs de cantons et chefs de villages, ils sont nommés par le préfet.

Sur le plan humain, le peuplement du Gabon s’est fait par des vagues successives d’immigration jusqu’au XIX ème siècle. Au XV ème siècle, les premiers Européens, les Portugais, arrivent au Gabon et lui donnent son nom actuel (Gabâo en portugais). L’arrivée des Français s’est faite progressivement à partir du milieu du XIX ème siècle. Le pays a acquis son indépendance le 17 août 1960 46 .

Selon le recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2003, le pays compte 1 517 685 habitants 47 (dont 41 % ont moins de 15 ans), ce qui correspond à une densité moyenne de 4,8 habitants au km². 84 % de cette population vit en zone urbaine, notamment à Libreville, Port-Gentil, Franceville et Oyem, ce qui traduit l’inégale répartition de la population à travers le pays. Le taux de mortalité infantile est de 57 décès pour mille, alors que celui de la mortalité maternelle est estimé à 519 décès pour 100 000 naissances vivantes 48 .

Sur le plan politique, le pays dispose d’un régime présidentiel. Le premier Président élu de la République gabonaise fut Léon Mba. Le deuxième fut Omar Bongo Ondimba. Après sa mort, son fils, lui a succédé au terme d’une élection présidentielle anticipée organisée le 30 août 2009. Revenu au multipartisme en 1990, le Gabon dispose d’une kyrielle de partis politiques dont certains n’ont d’existence que théorique, car ils ne disposent ni d’élus aux conseils municipaux et départementaux, ni de députés à l’Assemblée nationale.

Sur le plan économique, le Gabon dispose d’une position enviable. Très peu peuplé, ses richesses sont immenses. Avec un PIB par habitant de 10 926 dollars en 2008, il est largement au dessus de la moyenne de ses voisins. Il est classé par les institutions internationales comme pays à revenu intermédiaire. Mais son économie repose presqu’essentiellement sur les

46 Mireille Mikoue M’akono, La Francophonie au Gabon , Thèse de doctorat, Université Jean Moulin, Lyon 3, 2008, p. 18 47 Chiffres revus par la Cour constitutionnelles et validés par le Conseil des ministres du 17 mars 2003. 48 PNUD Gabon, « Profil pays du Gabon », 2006, p. 3

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matières premières (pétrole, bois, manganèse). La figure 1 nous donne l’évolution de la contribution des industries extractives au PIB, de 2004 à 2008.

Graphique 1: Poids des industries extractives dans le PIB (2004-2008)

Source : Service Economique de Libreville, « Fiche signalétique Gabon », septembre 2009, p.2.

Le pétrole a contribué à lui seul à hauteur de 53 % au PIB en 2008. Sa part dans les recettes d’exportation serait de 79 %. Mais la rente pétrolière ne cesse de s’amenuiser. Après une forte baisse en 2006 (11,9 millions de tonnes contre 13,5 millions de tonnes en 2004 49 ), la production s’est renforcée en 2007 avant d’enregistrer une nouvelle chute en 2008 (tableau 2). Les raisons de cette contre performance se traduisent par le vieillissement des principaux champs matures, notamment Rabi-Kounga 50 et les reports de mise en production des découvertes d’Olowi, Onal et Ebouri, réalisés respectivement par les sociétés CNR International, Maurel&Prom et Vaalco Gabon.

49 En 1997, la production journalière de Rabi-Kounga était de 220 000 barils, alors qu’elle est passée à 39 000 barils en 2007. In BAFD / OCDE, « Perspectives économiques en Afrique », 2008, p. 320, tiré de www.oecd.org. Consulté le 13 janvier 2009. 50 Banque de France, « Rapport zone franc », 2007, p. 247.

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Tableau 2 : Evolution de l'activité pétrolière (2007-2008)

Source : Direction Générale des Hydrocarbures, in Gabon-CNSM, « Rapport Économique 2008 », p. 27

La filière bois, qui représente 8 % des exportations et constitue le deuxième employeur du pays après la fonction publique (environ 10 000 salariés), s’est également caractérisée par des contre performances à la fin de l’année 2008. Ses exportations ont baissé de 14,86 % par rapport à 2007 (tableau 3). Cette régression est la conséquence aussi bien de la crise économique que des effets de la politique de quotas instaurée par le gouvernement 51

Tableau 3: Evolution des exportations de bois (2007-2008)

Source : SEPBG , in Gabon-CNSM, « Rapport Économique 2008 », p. 28

La mévente du bois gabonais sur le marché mondial a entrainé la fermeture de plusieurs unités de production, en l’occurrence les petits exploitants forestiers.

Le troisième secteur de l’économie gabonaise, le manganèse, qui représente 4 % du PIB et 8 % des exportations a lui aussi connu un ralentissement de sa demande en 2008. Exploité

51 Gabon-CNSM, idem , p. 28

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par la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog) (dont le capital est détenu à 66 % par la société française Eramet), la production du manganèse a chuté de 2,8 % en 2008 par rapport à 2007. La baisse de la demande mondiale serait à l’origine de ce ralentissement de l’activité. En revanche, l’évolution des prix du minerai de manganèse au cours des huit premiers mois de l’année 2008 a permis le raffermissement du chiffre d’affaires de la Comilog, qui est passé de 272,483 milliards de Fcfa en 2007 à 632,751 milliards de FCFA en 2008, soit une augmentation de 132,2 % 52 , comme le montre le tableau ci-dessous.

Tableau 4 : Evolution de l'activité minière de la Comilog (2007-2008)

Source : Comilog, cité par Gabon-CNSM, « Rapport Économique 2008 », p. 28

En clair, le Gabon a fondé sa stratégie de développement, depuis son indépendance jusqu’à nos jours, sur l’exploitation des matières premières, comme l’atteste son deuxième Plan de développement : « L’expansion économique ces dernières années a été fondée sur l’exploitation des ressources naturelles ouvertes au commerce international : bois (okoumé), minerais (manganèse, uranium), pétrole […]. Pour que l’expansion se poursuive, la logique du développement reste celle de l’extraction qu’il convient de prolonger . »53 Mais, ce Plan de développement connaît aujourd’hui ses limites. L’activité uranifère a cessé depuis 1999. La production pétrolière baisse et l’exportation du bois et du manganèse subissent régulièrement les aléas du marché international. Ainsi, pour réduire au mieux les impacts négatifs de ces matières premières sur l’économie nationale, le gouvernement a envisagé de diversifier son appareil de production.

52 Gabon-CNSM, op. cit., p.28 53 Ministère de la Planification et de l’Aménagement du Territoire, « Plan de développement économique et social du Gabon, 1971-1975 », Libreville, 1970, p. IX

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PROBLEMATIQUE

La diversification de l’économie nationale décidée par le Gabon, répond à un double objectif. Il s’agit d’abord d’asseoir la croissance économique sur des bases structurellement pérennes ; et ensuite, de sortir de la dépendance des matières premières. Pour y parvenir, le Gabon a commandé en 2008 une étude 54 auprès de la Banque Africaine de Développement (BAD) sur la diversification des sources de la croissance économique. Cette étude s’inscrit dans le cadre du Document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP 55 ), adopté en janvier 2006 par le gouvernement. L’étude de la BAD a permis de répertorier huit filières ou secteurs qui pourraient permettre au Gabon de renouer avec une croissance économique forte et soutenue et de réduire la pauvreté. Ces filières ou secteurs sont : l’aviculture, l’agriculture urbaine et périurbaine, la forêt et l’environnement, le tourisme, l’électricité, les mines, le gaz et le pétrole et la pêche industrielle.

Lors de la campagne électorale pour l’élection présidentielle anticipée de 2009, Ali Bongo Ondimba a présenté un projet de société sur la base duquel il a été élu Président du Gabon. Ce projet comporte neuf axes, dont le cinquième, intitulé « Diversifier les sources de croissance et de développement durable », vise à transformer l’économie nationale pour faire du Gabon « un pays émergent ». Cet axe repose sur trois piliers, à savoir le Gabon vert, le Gabon industriel et le Gabon des services à valeur ajoutée. Le Gabon vert s’appuie sur la valorisation du « pétrole vert », c’est-à-dire sur la préservation de l’écosystème gabonais. Le Gabon industriel, pour sa part, se traduit par la transformation locale des matières premières gabonaises. Le Gabon des services à valeur ajoutée repose enfin sur la valorisation du « pétrole gris », c’est-à-dire sur les ressources humaines, les services financiers, les nouvelles

54 BAD/Fonds Africain de Développement, « République gabonaise. Etude sur la diversification des sources de la croissance économique », Département régional centre (ORCE) et Bureau régional de Libreville, novembre 2008 55 En 1995, le Gabon s’est engagé dans l’élaboration d’études prospectives et la définition d’une loi d’orientation stratégique, qui ont débouché sur l’élaboration du DSCRP en 2006. Il s’appuie sur quatre domaines principaux : des politiques macroéconomiques et structurelles destinées à soutenir une croissance durable ; l’amélioration de la gouvernance ; des politiques sectorielles pour la lutte contre la pauvreté ; et une estimation des coûts et des financements pour les principaux programmes. Afin de mieux favoriser l’articulation entre les documents stratégiques et les politiques budgétaires, le gouvernement gabonais a initié, avec l’appui des partenaires au développement, des actions visant à renforcer le DSCRP par la réalisation d’une étude sur la diversification des sources de la croissance au Gabon, à définir des politiques sectorielles, etc. (tiré de http://www.oecd.org/dataoecd/62/5/42498515.pdf et de http://mirror.undp.org/gabon/les_OMD_au_Gabon.html. Consultés le 23 mai 2010). L’étude de la BAD rentre dans ce cadre.

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technologies de l’information, les métiers des services liés à l’économie verte ou encore certains domaines spécialisés de l’enseignement supérieur ou de la santé 56 .

Aussi bien dans l’étude de la BAD que dans le projet de société d’Ali Bongo Ondimba, la culture n’a pas été retenue comme secteur pouvant apporter une plus value économique dans la politique de l’après pétrole au Gabon.

Alors que les retombées économiques du secteur culturel ne sont plus à démontrer, le Gabon ne peut-il pas profiter de son potentiel culturel pour réduire sa dépendance vis-à-vis du pétrole, du manganèse et du bois ? En d’autres termes, le développement des industries culturelles ne peut-il pas constituer une perspective à la forte présence des matières premières dans l’économie nationale ? Comment les industries culturelles peuvent-elles contribuer au développement économique du Gabon ? Quelle place peuvent-elles occuper dans l’économie nationale ?

APPROCHES METHODOLOGIQUES

« Dans les processus d’acquisition des connaissances et dans la participation, même modeste à leur élaboration par la recherche, se fait sentir un impérieux et constant besoin de la méthode »57 . Cette assertion de Jacqueline Freyssinet-Dominjon, au-delà de la nécessité qu’elle présente de recourir à une méthode de recherche, pose vraisemblablement le problème du choix de cette méthode.

Dans le cadre de ce travail, aucune méthode spécifique n’a été choisie car, « le propre de la méthode est d’aider à comprendre au sens le plus large, non pas les résultats de la recherche scientifique, mais le processus de recherche lui-même. »58 Ainsi, de par ses implications

56 Extrait du Projet de Société d’Ali Bongo Ondimba. Téléchargeable sur http://www.legabon.org/prog.php?Id=0 57 Jacqueline Freyssinet-Dominjon, Méthodes de recherches en sciences sociales , Paris, Montchrétien, 1997, p.11 58 Morton Kamplan, The Conduct of inquiry. Methodology for Behavioural science, San Francisco, Chandler ed., 1964. In Tobie-Martial Mve Mbega, La politique de Défense et de sécurité de la France en Afrique à l’épreuve de la fin de la guerre froide , Thèse de doctorat en science politique, Université Toulouse 1, 2000, p. 14, cité par Tibault Stéphène Possio, Les Evolutions récentes de la coopération militaire française en Afrique, Paris, Ed. Publibook, 2007, p. 29

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économiques, politiques et culturelles, cette recherche s’oriente plutôt vers un pluralisme d’approches méthodologiques au sens où l’entend Georges Burdeau : « Plus les phénomènes sont complexes, plus il est indiqué de multiplier les axes d’approche»59 . Ces approches méthodologiques sont à la fois utilisées par différentes disciplines, comme la science politique, l’anthropologie, l’histoire, l’économie et la sociologie. Il s’agit principalement de la méthode comparative, de la méthode par observation « participante » et de la méthode dite non réactive.

La méthode comparative permet au chercheur de se distancer de son objet et de l’approcher de manière neutre, sans aucune inclination politique, religieuse ou culturelle. C’est la voie par excellence de la généralisation. Pour Emile Durkheim, père de la sociologie, la comparaison « constitue le substitut d’une méthode expérimentale impraticable dans les sciences sociales. Privé de tout accès au jardin des délices scientifiques où règne l’expérimentation, le sociologue se trouve contraint d’administrer la preuve des théories et hypothèses qu’il avance en recourant à des voies détournées, celles que lui offre l’expérimentation indirecte, c’est-à-dire la méthode comparative . »60 Et Emile Durkheim de préciser :

« Nous n’avons qu’un moyen de démontrer qu’un phénomène est cause d’un autre, c’est de comparer les cas où ils sont simultanément présents ou absents et de chercher si les variations qu’ils présentent dans ces différentes combinaisons de circonstances témoignent que l’un dépend de l’autre. Quand ils peuvent être artificiellement produits au gré de l’observateur, la méthode est l’expérimentation proprement dite. Quant au contraire, la production des faits n’est pas à notre disposition et que nous ne pouvons que les rapprocher tels qu’ils se sont spontanément produits, la méthode que l’on emploie est celle de l’expérimentation indirecte ou méthode comparative. »61

Richard Merritt constate pour sa part que « la méthode comparative est ce que les politistes peuvent trouver de plus proche de l’expérimentation contrôlée ». 62

59 Georges Burdeau, Traité de science politique , Tome 1 : Le Pouvoir politique (2 ème édition), Paris, L.D.G.J., 1966, p. 26. Cité par Tibault Stéphène Possio, op. cit ., p. 30 60 Emile Durkheim, Les règles de la méthode sociologique , Paris, PUF/Quadrige, 1986, p. 124. Cité par Jean- Louis Seiler, La méthode comparative en science politique , Paris, Armand Colin, 2004, p. 30. 61 Emile Durkheim, Le suicide (1897), Paris, PUF, 1981. Cité par Jacqueline Freyssinet-Dominjon, op. cit ., p. 14-15 62 Richard Merritt, Systematic Approches to Comparative Politics, Chicago, Rand McNally, 1971, p. 3. Cité par Jean-Louis Seiler, op. cit ., p. 31

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Cette recherche, parce qu’elle est pionnière dans le domaine des industries culturelles au Gabon, nous oblige donc à recourir à des expériences menées par certains pays dans ce domaine afin de proposer des solutions qui auraient déjà été expérimentées dans ces pays et de les adapter aux réalités gabonaises. L’expérience québécoise de la Société de Développement des Entreprises Culturelles (SODEC) nous a particulièrement été indispensable pour suggérer au Gabon et à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) la création d’une entité similaire dans leur espace respectif. Par ailleurs, le soutien apporté par certains pays d’Afrique francophone (Maroc, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Sénégal, …) à leurs industries culturelles témoigne de la capacité de ces pays d’Afrique, partant du Gabon, à soutenir le secteur culturel, en dépit de multiples priorités auxquelles il faut répondre (priorités dans le domaine de la santé, de l’éducation, du logement, de l’eau et de l’électricité, etc.).

La deuxième méthode que nous avons empruntée à la sociologie, à l’anthropologie, à l’économie et à l’histoire est la méthode d’observation « participante », selon l’expression de Russel A. Jones 63 . Elle se réfère aux enquêtes de terrain.

L’enquête de terrain, ou enquête « indirecte »64 , est une méthode de recherche qui consiste à recueillir des informations verbales auprès d’un échantillon d’une population donnée, choisi pour son intérêt pour la recherche. Cette collecte d’informations se fait au moyen d’un questionnaire ou d’un entretien, aux fins d’une généralisation à l’ensemble de cette population. Deux types d’enquêtes de terrain existent. Il s’agit de l’enquête quantitative et de l’enquête qualitative. Ces deux types d’enquêtes peuvent être semi-directifs ou non directifs 65 .

Au regard de la complexité de notre sujet et de la rareté des données statistiques sur les industries culturelles au Gabon, l’approche de terrain nous a donc semblé nécessaire, en complément des ressources documentaires disponibles. Les deux types d’enquêtes ont à cet

63 Russel A. Jones, Méthodes de recherche en sciences humaines , Paris, Bruxelles, De Boeck/Larcier, 2000, p.45 64 Jacqueline Freyssinet-Dominjon, op. cit ., p.24 65 Une enquête semi-directive est réalisée au moyen d’un ensemble de questions (guide d’entretien) que l’enquêteur pose à l’enquêté. L’enquête non directive en revanche, « a ceci de caractéristique que l’enquêteur ne pose à la personne qu’il interroge qu’une seule question directe, « la consigne » ; le reste de ses interventions a seulement pour but d’encourager la personne interviewée à enrichir et approfondir sa réponse ». Lire Myriam Bachir, Sophie Duchesne, Virginie Bussat et alii, Les méthodes au concret. Démarches, formes de l’expérience et terrains d’investigation en science politique , Paris, PUF, 2000, p. 10

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effet été réalisés, c’est-à-dire l’enquête quantitative (enquête 1) et l’enquête qualitative (enquête 2).

L’enquête quantitative s’est adressée à un échantillon représentatif de la population et a permis d’obtenir des informations généralisables à l’ensemble de cette population. Elle a porté sur un questionnaire 66 individuel administré de plusieurs façons : face à face, par téléphone, par Internet et par courrier postal. Elle s’est déroulée à Libreville pendant les mois de juillet, août, décembre 2007 et décembre 2008. Ces mois (juillet, août et décembre) ont constitué les seuls moments dont nous disposions, notre activité professionnelle à l’Université Jean Moulin Lyon 3 n’autorisant pas d’absences prolongées.

La finalité de l’étude a été de recenser les opinions de la population cible sur les produits culturels gabonais les plus consommés et leurs principaux lieux de consommation, leur qualité, les budgets mensuels consacrés à l’activité culturelle... Le taux de réponses au questionnaire a été de 80 %. Cette enquête a été complétée par une seconde enquête (enquête qualitative) menée auprès d’entreprises culturelles (maisons d’édition, radios, maisons de production musicale, télévisions et cinéma), situées essentiellement à Libreville. Elle s’est effectuée sous forme d’entretiens guidés par un questionnaire 67 . Son taux de réponse a été de 60 %.

L’enquête qualitative a été suivie d’interviews 68 réalisées au Gabon et à l’étranger, auprès d’artistes et d’administrations en charge des industries culturelles : Centre national du cinéma (CENACI), Agence nationale de promotion artistique et culturelle (ANPAC), Ministère de la culture, Ministère de l’Education nationale, Ministère de la Communication et Ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales. L’objectif de cette enquête qualitative et des interviews qui ont suivi était de déterminer les différentes activités culturelles réalisées au Gabon, de connaître les besoins des entreprises, leurs difficultés, leurs modes de production et de financement ; les équipements utilisés, les aides apportées par l’Etat et la place occupée par la culture dans les programmes des conseils municipaux et départementaux.

66 Cf. annexe 3 67 Ce questionnaire a été élaboré à partir de l’étude réalisée par Paul Henri Nguéma « Expansion du commerce intra et inter-régional entre les pays de la Cemac et de l’Uemoa », Libreville, 2003. Pour le questionnaire, voir annexe 3 68 La liste des personnes interviewées se trouve en bibliographie.

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L’analyse des données de l’enquête quantitative a été opérée à partir du logiciel Sphinx 69 .

La dernière méthode que nous avons usitée dans le cadre de ce travail est la méthode dite non réactive. Elle correspond à l’analyse des traces écrites et audiovisuelles, c’est-à-dire des sources statistiques, textes, images, cartes, sons et vidéos (nous y reviendrons dans la partie réservée à la documentation). Elle consiste à supprimer la difficulté de l’interaction entre le sujet-chercheur (enquêteur) et le sujet ou l’objet analysé 70 .

Au total, toutes ces approches méthodologiques ont permis de cerner la problématique du développement des industries culturelles au Gabon. Elles ont particulièrement mis en évidence les carences des politiques culturelles gabonaises et contribué à suggérer des pistes innovantes, capables de dynamiser le travail des entrepreneurs culturels gabonais.

DOCUMENTATION ET DIFFICULTES RENCONTREES

Pour élaborer ce travail, nous avons puisé à une documentation variée, composée de sources et de la bibliographie.

Les sources

Nous avons eu recours à des archives publiques mises à notre disposition lors de nos déplacements à Libreville, par le Ministère de la Culture, le Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et de la Francophonie (MAECF), l’Institut pédagogique national (IPN), le Centre national du cinéma (CENACI) et l’Agence nationale de promotion artistique et culturelle (ANPAC). Il s’agit d’une part, des arrêtés, lois, ordonnances et décrets publiés au Journal officiel de la République gabonaise, des accords et conventions que le Gabon a conclus avec certains pays, notamment les conventions culturelles franco-gabonaises de 1963 et 1967, les accords signés avec le Brésil (1975), le Mexique (1976) et le Québec (1978), d’autre part.

69 Sphinx est un logiciel d’analyse statistique composé d’une suite de trois logiciels : le Sphinx Primo, le Sphinx Plus² et le Sphinx Lexica. Ces trois logiciels se distinguent les uns des autres par leur capacité de traitement et par leur degré d’ouverture à des données externes. Cf. www.enset-media.ac.ma/cpa/Fixe/Sphinx.pdf. Consulté le 25 janvier 2008. 70 R. Ghiglione, B. Matalon, Les enquêtes sociologiques, Théories et pratique , Paris, Armand Colin, 1988, p. 12. Cité par Jacqueline Freyssinet-Dominjon, op. cit ., p. 23

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Les rapports et articles sont les rares documents qui ont directement abordé la question des industries culturelles gabonaises. Ils ont donc été des sources très importantes pour notre étude. Nous pouvons par exemple citer les contributions de J.R. Fontvieille (« Création d'une infrastructure nationale des archives, des bibliothèques et de la documentation », Paris, UNESCO, 1979), de Louis Perrois, (« Le Musée des arts et traditions de Libreville », Museum, vol XXIII, n° 3, 1970-1971), de Jean Barroux, (« Régionalisation de l’Ecole nationale d’art et manufacture de Libreville », Paris, UNESCO, 1983), de Chryzostome Lisasi, (« De quoi vivent les médias gabonais : publicité, vente, subventions… », publié le 29 septembre 2007 dans www.gaboneco.com), de Paul Henri Nguéma Méyé (« Etude de l’Offre et de la demande sur les livres scolaires, l’édition et la diffusion au Gabon », rapport du 70 ème Congrès de l’IFLA, Séoul, 2006) et de Ivanga Imunga (« Le retour du Gabon sur la scène internationale », Africultures , n° 36, Paris, L’Harmattan, 2001).

L’utilisation des documents audiovisuels, notamment les films de Dalila Berritane (Cinéma africain : difficultés de distribution, 2006 et Cinéma africain : les financements du Nord, 2006), de Béatrice Soulé (Un siècle d’écrivains : Léopold Sédar Senghor, 1996), de l’Espace francophone (Léopold Sédar Senghor : De la négritude à l’universel, 2001), de Jean- Noël Jeanneney et Pierre Beuchot (Léopold Sédar Senghor : entre deux mondes, 1998) nous a aussi permis, outre d’apprécier les points de vue de certains cinéastes sur les maux qui minent le cinéma africain et son avenir sur la scène internationale, mais aussi de découvrir la vision culturelle de la Francophonie.

La bibliographie

Notre recherche documentaire s’est également focalisée sur des ouvrages généraux, méthodologiques et spécialisés, des mémoires et thèses, des documents audiovisuels, des rapports et articles.

Au titre d’ouvrages généraux, nous pouvons citer avec intérêt les productions, entre autres de Françoise Benhamou, de François Colbert, de Gilbert Orsoni, de Xavier Greffe, de François Rouet et de Sylvie Pfelieger (voir liste en fin de travail) sur l’économie de la culture. Elles nous ont éclairé sur l’apport économique de la culture dans les pays développés.

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Au sujet d’ouvrages spécialisés, les travaux de Marc Ménard, Joëlle Farchy, Patrice Flichy, Gaëtan Tramblay, Yves Surel et Bernard Miege (voir liste en fin de travail), parce qu’ils traitent directement des industries culturelles, nous ont aidé à classer le produit culturel comme produit d’exception, en ce qu’il est à la fois porteur de valeurs, de sens, et produit à haute valeur ajoutée économique. Mais, c’est sans conteste les travaux qui ont trait aux industries culturelles africaines et gabonaises qui nous ont le plus profité. Nous pouvons par exemple citer les productions de Luc Pinhas, Francisco d’Almeida et Marie Lise Alleman, Marie-Soleil Frère et Domitille Duplat, Manda Tchebwa, Marc Fenoli, Isabelle Bourgueil, André-Jean Tudesq, Abdoul Ba, Thomas Atenga et Jean-Tobie Okala (voir liste en fin de travail).

Pour les ouvrages méthodologiques, nous nous sommes surtout aidés des travaux de Daniel-Louis Seiler sur la méthode comparative en science politique et ceux de Russel Jones, de Jacqueline Freyssinet-Dominjon et de Madeleine Grawitz sur les méthodes de recherche en sciences sociales.

Au titre des mémoires et thèses, quatre au total nous ont semblé importants. Il s’agit du mémoire de Barbara Mutz ( Les coproductions d’œuvres audiovisuelles. Constitution et fonctionnement , Mémoire de DESS, Université Montesquieu (Bordeaux IV), 2000), des thèses de Jacob Matthews ( Industrie musicale, médiations et idéologie. Pour une approche critique réactualisée des musiques actuelles ? Thèse de doctorat, Université de Bordeaux 3, 2006), de Stéphanie Paget ( La coproduction (tome 1), thèse de doctorat en droit privé, Université Montpellier 1, 2005) et de Thomas Werquin ( Impact de l’infrastructure culturelle sur le développement économique local. Elaboration d’une méthode d’évaluation ex-post et application à Lille 2004 Capitale Européenne de la culture , thèse de doctorat en Sciences Economiques, Université des Sciences et Technologies de Lille, juin 2006).

Toutefois, si les ouvrages généraux ont été les plus abondants, ceux traitant directement des industries culturelles gabonaises ont été en revanche, très insuffisants ; ce qui nous a obligé à recourir aux enquêtes de terrain. De plus, si ces enquêtes se sont globalement bien déroulées, il est à déplorer la réticence et l’opposition de certains informateurs à communiquer les bilans financiers de leurs entreprises. Par ailleurs, le Ministère de l’économie et des finances et celui de la planification n’ont pas été à mesure de mettre à notre disposition des statistiques sur les industries culturelles nationales. Les raisons évoquées

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seraient que ces statistiques sont confondues avec celles des activités servicielles ; d’où la difficulté de les faire apparaître de façon singulière. Enfin, le dépouillement et l’exploitation de l’enquête quantitative nous a contraints d’utiliser un logiciel d’enquêtes, notamment Sphinx.

PLAN DE L ’ETUDE

Les résultats de ces enquêtes et les recherches documentaires entreprises nous ont permis d’adopter un plan de rédaction tripartite.

La première partie de ce travail consiste à décrire les différentes politiques culturelles mises en place par le Gabon depuis son indépendance pour soutenir et promouvoir son activité culturelle. La déclinaison de ces politiques a permis de déceler la place accordée à la culture dans les différentes stratégies de développement.

La deuxième partie, en continuité avec des constatations effectuées précédemment, donne une physionomie globale des industries culturelles gabonaises telles qu’elles sont aujourd’hui. Elle permet aussi d’évaluer les flux de circulation des produits culturels gabonais à l’échelle nationale.

L’intérêt de l’enquête sur la consommation des produits culturels gabonais (enquête quantitative) est d’avoir permis de prendre en compte des principales industries culturelles qui sont développées au Gabon. Cet état des lieux a débouché sur une étude détaillée de chaque branche des industries culturelles répertoriées : musique, radio, télévision, cinéma, édition, et sur une évaluation de leurs acquis et lacunes.

La dernière partie apporte une esquisse de solutions aux manquements observés dans les politiques culturelles mises en place et auprès des entrepreneurs culturels. Elles sont présentées sous forme de préconisations. Mais, ces solutions ne peuvent être mises en place que si le Gabon opère une redéfinition de sa politique culturelle qui pourrait se traduire entre autres par une financiarisation soutenue des industries culturelles gabonaises et une dynamisation de leur présence à l’international. Alors, les industries culturelles gabonaises pourraient contribuer efficacement au développement économique du pays.

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PREMIERE PARTIE :

LES GRANDS AXES DE LA POLITIQUE

CULTURELLE GABONAISE

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La mise en place par un pays d’une politique culturelle suppose au préalable une prise de conscience de son identité culturelle et sa volonté de la faire rayonner sur le plan national, régional et international. La politique culturelle, c’est l’ensemble de mesures prises pour soutenir ou protéger les activités dans les secteurs considérés comme culturels. C’est un cadre de référence organisant les interventions de l’Etat dans ce domaine. Elle est liée au financement et à la promotion de la culture.

La politique culturelle gabonaise a connu des adaptations, au fur et à mesure des changements politiques. Elle a commencé à se dessiner au lendemain de l’élection de Léon Mba à la tête du Gabon en 1961, et s’est poursuivie quelques années plus tard après sa mort, avant que le Président Omar Bongo, successeur de Léon Mba en 1967, n’apporte une rénovation à partir de 1980.

Pour mieux apprécier l’évolution de la politique culturelle gabonaise, de l’époque de Léon Mba à aujourd’hui, nous proposons de circonscrire cette première partie autour de deux chapitres : le premier traitera des fondements de la politique culturelle gabonaise, c’est-à-dire l’ancrage de la culture dans les premières politiques gouvernementales. Le second chapitre parlera de la rupture (mieux, de la tentative de rupture) apportée par Omar Bongo à partir de 1980. Chaque chapitre comporte deux sections qui présentent les objectifs des différentes politiques et leurs bilans.

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CHAPITRE I : LA POLITIQUE CULTURELLE

GABONAISE DE 1960 A 1980

L’un des premiers objectifs du Gabon au début de son indépendance fut de valoriser son patrimoine culturel, longtemps nié et banni par l’ancienne puissance coloniale. Toute la rhétorique culturelle se référant à l’époque coloniale présente celle-ci comme une période d’acculturation et de dénigrement de l’humanité de l’Homme noir. Les cultures nationales ont été combattues, voire perdues. La redécouverte de ces cultures passait inéluctablement par la transmission aux générations futures des valeurs de l’identité nationale gabonaise. La culture est pour le Gabon un élément d’identification et d’affirmation de sa singularité. La promouvoir était une priorité.

SECTION 1 : LA CULTURE GABONAISE SOUS LA PRESIDENCE DE

LEON MBA

Le Gabon accède à la souveraineté internationale le 17 août 1960. Le 13 février 1961, Léon Mba devient le premier Président du Gabon indépendant. Mais, l’accession de Léon Mba à la tête du Gabon s’est faite dans un contexte politique complexe et délétère.

La loi cadre 71 pour les territoires d’outre-mer étant adoptée par l’Assemblée nationale française le 23 juin 1956 sous le gouvernement Guy Mollet, le Gabon organise ses premières élections législatives pour l’Assemblée territoriale, le 31 mars 1957. Les principaux partis politiques en compétition sont, entre autres:

- l’Union Démocratique et Socialiste Gabonaise (UDSG), créée par Jean-Hilaire Aubame ;

- le Bloc Démocratique Gabonais (BDG), créé par Léon Mba et Paul Gondjout ;

- l’Entente pour la Défense des Intérêts Gabonais (EDIG) et la Défense des Intérêts Gabonais (DIG).

71 Elle donne une assez large autonomie aux Territoires africains qui peuvent désormais élire une Assemblée locale appelée à désigner un Conseil de gouvernement, dont le Vice-président est un ressortissant du Territoire concerné.

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L’UDSG remporte les élections avec 18 voix, contre 8 voix chacun pour le BDG, l’EDIG et le DIG. Se trouvant en minorité face à l’UDSG, Léon Mba propose une entente avec l’EDIG et le DIG, et est élu Vice-président du gouvernement 72 .

Le 19 février 1959, la première constitution gabonaise entre en vigueur et Léon Mba devient Premier ministre. Mais, l’opposition législative, dirigée par Jean-Hilaire Aubame et soutenue par Paul Gondjout, Président de l’Assemblée législative, décide de proposer un nouveau projet de constitution qui donne mandat à l’Assemblée et aux collectivités d’élire le futur Président de la République. Ne disposant plus d’une majorité stable à l’Assemblée (à cause surtout de la défection de Paul Gondjout), et craignant de ne pas se faire élire Président de la République, Léon Mba prononce la dissolution de l’Assemblée, convoque une nouvelle élection le 12 février 1961, déclare la capitale en « état d’alerte » et assigne à résidence Paul Gondjout ainsi que d’autres dissidents de son parti73 . Contre toute attente, il forme une coalition avec l’UDSG et se présente comme tête de liste aux élections que remporte la liste BDG-UDSG avec 99,57 % des voix 74 . Léon Mba est élu Président de la République, et Jean- Hilaire Aubame nommé Ministre des Affaires Etrangères. Une nouvelle constitution est également votée, qui donne plus de pouvoirs au nouveau Président de la République. En 1963, Jean-Hilaire Aubame est démis de ses fonctions, avec quatre autres Ministres de l’UDSG. Le 16 janvier 1964, Léon Mba dissout à nouveau l’Assemblée. Cette nouvelle dissolution de l’Assemblée crée une crise politique dans le pays. Un coup d’Etat éclate le 17 février 1964, perpétré par l’armée et soutenu par Jean-Hilaire Aubame et Paul Gondjout. Les putschistes prennent le contrôle du pays pendant quelques jours, avant que l’armée française ne rétablisse Léon Mba dans ses fonctions le 20 février 1964 75 .

Pendant ses années de pouvoir, l’établissement d’un ordre politique apaisé sera pour Léon Mba une priorité, au même titre que la création des institutions de la nouvelle République. Cependant, malgré la prégnance de cette actualité politique dans l’agenda présidentiel, le

72 Jean Pierre Kombila, « Le Constitutionnalisme au Gabon », Libreville, p. 21, cité par Tim Auracher, Le Gabon, une démocratie bloquée ? Reculs et avancées d’une décennie de lutte , Paris, L’Harmattan, coll. « Etudes africaines », 2001, p. 45 73 Tim Auracher, idem . 74 Ibidem 75 Jean-Louis Dufour, Les crises internationales de Pékin (1900) au Kosovo (1999) , Bruxelles, Editions Complexe, 2001, p.152

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secteur culturel sera l’une des priorités de la jeune République. La culture devait montrer au monde le génie créateur du Gabon indépendant.

Paragraphe 1 : La vision culturelle du Président Léon Mba

Lorsque Léon Mba arrive au pouvoir en 1961, le pays ne dispose aucune infrastructure culturelle. L’ambition du nouveau gouvernement est de bâtir un Etat sur des valeurs culturelles nationales. Les lignes directrices devant aboutir à la matérialisation de cette ambition sont définies. Il s’agit en priorité de :

- développer Radio Gabon et créer une télévision nationale ; - créer un Ministère en charge de la culture ; - édifier des infrastructures culturelles dans tout le pays ; - renforcer et développer les coopérations culturelles bilatérales ; - participer activement au rayonnement du Gabon sur le plan international.

Pendant toute sa présidence (1961-1967), Léon Mba va s’atteler à développer le secteur culturel gabonais sur la base de ces lignes directrices. Le paragraphe ci-dessous (paragraphe 2) nous présente le bilan de son action en faveur de la culture.

Paragraphe 2 : Le bilan

Les actions réalisées par Léon Mba pendant sa présidence sont de deux types. Il s’agit des actions à caractère national et des actions à caractère bilatéral et multilatéral.

A- Les actions à caractère national

Nous entendons par action à caractère national, toute action qui a pour lieu de manifestation le territoire national. Il s’agit plus particulièrement de la création du Musée national, de la Direction des Affaires culturelles et de la Télévision nationale.

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1. Le Musée national

La création du Musée national de Libreville est le résultat d’une convention signée en 1960 entre l’Etat gabonais et l’Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer (ORSTOM). Par cette convention, l’Etat gabonais confie à l’ORSTOM deux missions précises : recueillir et étudier les expressions traditionnelles du Gabon et envisager la création d’un musée.

Herbert Pepper, ethnomusicologue et directeur de recherches à l’ORSTOM, se chargea de la mission et entreprit une vaste collecte qui lui permit de collectionner des documents sonores, des photographies et des manuscrits. Des locaux devinrent alors nécessaires pour leur conservation.

A défaut de les obtenir, Herbert Pepper réquisitionna la villa mise à sa disposition au quartier Montagne Sainte pour créer le premier musée national, inauguré le 4 octobre 1963 par le Président Léon Mba.

Mais, avec l’accroissement des collections et l’arrivée des nouveaux chercheurs à la section Sciences Humaines du centre ORSTOM de Libreville, notamment l’ethnomusicologue Pierre Sallée en 1964 et l’ethnologue Louis Perrois en 1965, l’exiguïté des locaux de Montagne Sainte devint criante. Le Président Léon Mba et son gouvernement affectèrent alors au Ministère de l’éducation nationale un bâtiment qui sera mis à la disposition de l’ORSTOM pour y installer le nouveau musée. Selon Louis Perrois 76 , son utilisation nécessita d’importants travaux qui furent entrepris par l’ORSTOM avec la collaboration de la Société préhistorique et protohistorique gabonaise, de la Chambre de commerce, du Ministère des Travaux publics, de l’Association française des Volontaires du progrès, du Centre technique forestier tropical, du Centre culturel français Saint Exupéry, de l’UNESCO. Le Musée des Arts et Traditions, installé à Libreville, fut inauguré le 24 novembre 1967 par le Président Omar Bongo.

76 Louis Perrois, « Le Musée des arts et traditions de Libreville », Museum, vol XXIII, n° 3, 1970-1971, Paris, UNESCO, p. 194. Tiré de http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001274/127456fo.pdf. Consulté le 3 mars 2007.

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Le Musée était divisé en quatre sections : Préhistoire et histoire, Artisanat traditionnel, Vie traditionnelle et arts musicaux, Arts plastiques. Il renfermait un laboratoire photographique et un Centre d’archives culturelles dans lequel étaient conservés tous les enregistrements sonores.

La première section (Préhistoire et histoire), était placée sous la responsabilité de la Société préhistorique et protohistorique gabonaise. Un effort était fait « pour ne pas présenter ces objets comme de simples échantillons, mais pour les replacer dans leur contexte et montrer en même temps l’évolution très lente des premières inventions humaines »77 . Dès le hall d’entrée, des panneaux présentent la richesse culturelle ancestrale du Gabon.

La seconde section, consacrée à l’Artisanat traditionnel, présente des différentes activités économiques traditionnelles des ancêtres gabonais : travail du fer et du bronze, sculpture sur bois, vannerie et tissage du raphia, pêche, chasse, etc. Le visiteur peut également y voir les principaux outils et instruments utilisés : arbalètes, nasses et pièges, paniers et filets, sagaies, ainsi que des objets de décoration comme des colliers, bracelets…

La troisième section (vie traditionnelle et arts musicaux), est particulièrement attrayante. Les ethnomusicologues ont recréé dans cette section le milieu dans lequel ont pris corps la musique et le chant traditionnels :

« On y voit, classés par types d’instruments, les tambours, les harpes, les sonnailles, les trompes, les sanza et les xylophones. Chaque moment de la vie des Gabonais, naissance, initiation, danses, funérailles est illustré par un document sonore et des photographies. Un temple de la confrérie du Bwiti des Mitsogho de l’intérieur a été entièrement reconstitué avec tous ses éléments décoratifs, parois en écorce peinte, poteaux sculptés, instruments de musique, statue et reliquaire contenant les restes des ancêtres »78 .

77 B. Blankoff, H Pepper, P Sallée et L Perrois, « Le Musée des arts et traditions, Libreville », centre ORSTOM, 1967, cité par Louis Perrois, op.cit . 78 Louis Perrois, « Le Musée des arts et traditions de Libreville », Libreville, ORSTOM, 16 juillet 1968, p.2, in http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_5/b_fdi_18-19/22984.pdf. Consulté le 3 mars 2007.

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La quatrième section du Musée est consacrée aux arts plastiques du Gabon. Nous y trouvons des statues d’ancêtres et des masques d’esprits, dont les plus précieux sont les trois figures de reliquaire Kota-Mahongwé découverts dans la région de Makokou-Mékambo. Selon Louis Perrois, auteur de cette découverte en 1965, « les reliquaires Kota-Mahongwé ont permis d’avoir une idée plus juste des subdivisions du style kota depuis le Gabon jusqu’au Congo »79 .

Le Laboratoire photographique et le Centre d’archives culturelles complètent la richesse du Musée. Le Musée, rebaptisé Musée National des Arts et Traditions en 1975 80 , répondait à un besoin culturel et pédagogique, car souligne Louis Perrois : « Les jeunes Gabonais sont trop souvent honteux de leur culture ancienne ; ils pensent que leurs coutumes les font passer pour « sauvages » auprès des étrangers. Le musée va justement à l’encontre de cette opinion »81 . Les premières statistiques de fréquentation 82 ont confirmé la nécessité d’un tel investissement culturel, grâce auquel la jeunesse gabonaise a pris goût à sa culture nationale, longtemps niée par les colons.

Au terme de la convention entre le Gabon et l’ORSTOM en 1975, Jean Emile Mbot, anthropologue gabonais, succède à Louis Perrois à la direction du Musée, qui est passé de la tutelle du Ministère de l’Education nationale à celle du Secrétariat d’Etat à la Culture et aux Arts.

2. La Direction des Affaires culturelles

La Direction des Affaires culturelles est l’ancêtre de l’actuel Ministère de la Culture, de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs. Elle est née de la volonté du Président Léon Mba de doter la culture d’un cadre administratif. C’est l’arrêté n° 168/PR/MI du 2 février 1963 qui la crée et la rattache au Ministère de l’Intérieur. Elle est transférée la même année au Ministère de

79 Louis Perrois, op. cit , p. 2 80 Ordonnance n°31/75 du 8 mars 1975 créant et organisant le Musée national des Arts et Traditions 81 Louis Perrois, « Le Musée des Arts et Traditions de Libreville », Museum, vol XXIII, n° 3, 1970-1971, Paris, UNESCO, p. 202. 82 De novembre 1967 à octobre 1970, 30 028 visiteurs, soit 90 % de Gabonais. Cf Louis Perrois, op. cit , p. 203.

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l’Education Nationale (décret n° 392/PR/MEN/MI du 4 décembre 1963 portant transfert des Affaires culturelles au Ministère de l’Education Nationale). Après la mort de Léon Mba, la Culture fusionne avec la Jeunesse et les Sports en 1969 (décret n° 391/PR/MJSCA du 16 mai 1969 portant réorganisation et attribution du Ministère de la Jeunesse et des Sports, de la Culture et des Arts).

Les décrets n° 915/PR/MENET du 25 juillet 1972 et n° 385/PR/SECA du 17 avril 1975 ont créé respectivement le Haut commissariat à la Culture et aux Arts et le Secrétariat d’Etat à la Culture et aux Arts.

Mais, l’autonomie réelle de la culture n’est intervenue qu’avec la création du Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire en 1982. Le décret portant sa création lui donne pour attributions de concevoir et appliquer la politique du gouvernement en matière de culture ; animer les activités nationales à caractère culturel sur les plans de la recherche, de la conception, de la production, de la diffusion et des échanges ; assurer la protection des œuvres artistiques et littéraires et des droits de leurs auteurs ; superviser et coordonner la coopération avec les organismes internationaux ou interafricains à vocation culturelle et assurer la participation gabonaise aux manifestations culturelles internationales, notamment aux festivals, colloques, séminaires, conférences, expositions 83 .

Pour sa gestion quotidienne, le Ministère s’appuie sur des services centraux, chevilles ouvrières, dont la mission est de rendre exécutoire la politique culturelle définie par la hiérarchie. De ces services centraux, quatre directions se distinguent, de par les missions qui leurs sont dévolues : direction de la coopération culturelle, direction de la conservation du patrimoine, direction de l’éducation artistique et direction des services provinciaux de la culture, des arts et de l’éducation populaire.

La direction de la coopération culturelle se charge de dynamiser la coopération culturelle, de concevoir des accords culturels avec d’autres Etats et de veiller à leur mise en

83 Décret n°1718/PR/MCAEP du 30 novembre 1982 portant attributions et organisation du Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire, art. 2.

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application, d’assurer le suivi et la réalisation des plans d’action culturelle élaborés avec les organismes internationaux, de concevoir, d’évaluer et de mettre en application des projets à réaliser avec le concours des organismes internationaux, d’étudier, d’élaborer et de faire aboutir les plans d’action de coopération culturelles avec les ministères intéressés, de veiller au suivi des programmes de coopération culturelle arrêtés lors des commissions mixtes, de multiplier les échanges culturels en vue d’une meilleure connaissance réciproque 84 ;

La direction de la conservation du patrimoine culturel a pour rôle de recenser et de préserver le patrimoine culturel national, de susciter la création d’établissements nationaux de conservation, d’en assurer l’organisation, la coordination et le contrôle, d’assurer l’étude, la réalisation des plans d’équipements des établissements de conservation, de classer et de contrôler la circulation et la reproduction des biens du patrimoine culturel national, d’inventorier et de collecter les biens culturels sur toute l’étendue du territoire national, d’étudier, de programmer et de réaliser les projets de conservation des sites et monuments historiques, de veiller à la création et à l’organisation d’archives, de bibliothèques ou te tous autres établissements de conservation, de contrôler les programmes de restauration des productions culturelles 85 ;

La direction de l’éducation artistique a pour mission de planifier et de programmer en liaison avec les administrations et les organisations compétentes, les voies et moyens de formation dans le domaine artistique 86 . Quant à la direction des services provinciaux de la culture, des arts et de l’éducation populaire , elle a pour particularité de servir de relais entre l’arrière pays et le Ministère. Elle coordonne, anime et contrôle les services provinciaux de la culture, des arts et de l’éducation populaire, et concourt à l’organisation et à l’animation de la vie culturelle provinciale 87 .

En décembre 2007, le Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire a été érigé en Vice-Primature. Cette évolution de la hiérarchie répondait principalement au désir du

84 Décret n°1718/PR/MCAEP du 30 novembre 1982, art. 19. 85 Idem , art. 34. 86 Art. 35 87 Décret n°1718/PR/MCAEP du 30 novembre 1982, art. 40

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défunt président Omar Bongo de contenter son ancien adversaire politique, Paul Mba Abessole, Vice-Premier Ministre en charge de la Culture jusqu’au 16 octobre 2009, date de l’investiture du nouveau président gabonais, Ali Bongo Ondimba. Depuis octobre 2009, le Ministère a été réorganisé. L’organigramme ci-après donne sa nouvelle configuration.

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Organigramme du Ministère de la Culture, de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs (décembre 2009)

Source : Ministère de la Culture, de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs.

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Ce nouvel organigramme fait apparaître des nouvelles directions, pour coller à la nouvelle dénomination du Ministère. Cependant, il est à constater la suppression de deux directions qui sont fondamentales pour la promotion des activités culturelles. Il s’agit de la direction de la conservation du patrimoine culturel et de la direction de l’éducation artistique. Elles ont constitué, avec la direction de la coopération culturelle et la direction des services provinciaux de la culture, des arts et de l’éducation populaire, des services centraux grâce auxquels l’action culturelle de l’ancien Ministère a été rendue visible.

Par ailleurs, les moyens alloués à ce Ministère sont insuffisants au regard du rôle qu’il doit jouer dans le développement des industries culturelles gabonaises. Il est considéré au Gabon comme le Ministère le plus « pauvre ». A titre d’exemple, en 2009, le budget affecté à la Culture n’était que de 3. 595 324,315 FCFA (soit 6,5 millions d’euros). Et à cette « modicité budgétaire » s’ajoute la lourdeur des décaissements des crédits par l’administration financière qui affecte le fonctionnement des services.

Selon l’Institut des Nations Unies pour la Formation et la Recherche (UNITAR), l’absence de crédits suffisants à la culture a causé la disparition de certaines grandes réalisations, comme le Festival culturel national, et l’abandon de plusieurs projets essentiels, comme le bureau national du droit d’auteur, le village touristico-culturel, les centres culturels nationaux. 88

3. La Radio et la Télévision Nationales

En 1957, la France confie la gestion de la Radio de l’Afrique Equatoriale Française, appelée, Radio AEF, à la Société de Radiodiffusion de la France d’Outremer (SORAFOM), créée en 1956 à Paris. Cette Radio devient, en 1959, Radio Inter Equatoriale et cesse d’émettre après les indépendances africaines en 1960. Mais, avant la disparition de Radio Inter Equatoriale, le Gabon s’était doté de sa propre Radio, le 28 novembre 1959. Installée dans des locaux provisoires et modestes (une cabine speaker et une cabine technique) au quartier Louis à Libreville, elle disposait d’un émetteur d’1 watt. En 1961, le Président Léon

88 UNITAR, « Préparer l’entrée du Gabon dans la société de l’information », Libreville, 2000, p. 137.

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Mba dote Radio Gabon d’un nouvel émetteur de 30 watts et crée les stations régionales de radiodiffusion de Moanda et Franceville. En 1963, avec la création de la télévision nationale, Radio Gabon devient Radiodiffusion Télévision Gabonaise (RTG). Elle déménage des studios de Louis en 1964 pour s’installer dans des nouveaux locaux situés sur l’avenue Léon Mba, construits avec l’aide du Fonds français d’aide et de coopération qui y consacra un financement de 46 millions de FCFA. 89 Ces nouvelles installations comportent 4 émetteurs (de 25 watts, 4 watts et 1 watt), 4 studios et 3 cabines techniques, 2 cabines de montage, 1 centre de modulation et 21 magnétophones d’enregistrement et de montage. En 1967, avant sa mort, le Président Léon Mba met en service les stations régionales de Radiodiffusion d’Oyem et de Port-Gentil, disposant d’1 émetteur chacune.

Du côté de la télévision, elle avait pour seules missions d’informer, d’éduquer et de distraire, comme l’affirmera le président Léon Mba lors de son inauguration en 1963 : « […] La télévision ne sera pas pour nous un simple objet de distraction, elle sera un moyen efficace d’éducation et d’information . »90 Elle jouera un rôle central dans la construction de la jeune République gabonaise. Média de service public, elle sera la voix du Gabon à l’extérieur. Elle constituera aussi l’outil autour duquel l’unité nationale se construira.

Les moyens mis à la disposition de la jeune télévision étaient cependant très modestes : un émetteur de 50 watts installé dans les locaux de la radio au quartier Louis, un personnel limité, composé de 9 techniciens français et de 13 Gabonais, dont 8 admis en stage à l’Office de la Coopération Radiophonique (Ocora) en France, un plateau de 60 m² équipé de 2 caméras. Le programme était en grande partie constitué d’émissions diffusées 5 heures par semaine au début, et 8 heures à la fin de l’année 1963 91 .

En 1966, la diffusion s’étend à Port-Gentil, capitale économique du pays. Dans cette ville, les programmes sont acheminés par voie aérienne (cassettes enregistrées). Pour augmenter l’audience des téléspectateurs, l’Etat gabonais construit à Libreville et à Port- Gentil, avec le concours des ambassades de Chine, des Etats-Unis et de la France, de la société pétrolière Shell et du Rotary club, des cases d’écoute dans lesquelles des postes

89 Tiré de www.rtg1.org:Présentation. Consulté le 2 février 2010. 90 Littoral Gabon, « Radiodiffusion et télévision gabonaise/ RTG 1 », tiré de http://littoral-gabon.e- monsite.com/categorie,rtg-1,3035996.html. Consulté le 13 avril 2009. 91 Abdoul Ba, Télévisions, paraboles et démocraties en Afrique noire , Paris, L’Harmattan, 1996, p. 20

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téléviseurs sont installés sous la responsabilité d’animateurs. Face à la rareté des télévisions dans les foyers gabonais à cette époque, ces cases d’écoute ont servi de détonateurs pour le succès du petit écran au Gabon. 92

A partir de 1969, les moyens importants sont consentis à la télévision, avec l’inauguration à Libreville des nouveaux locaux avec un studio de 100 m² et un laboratoire destiné au développement des films. Désormais, la station nationale de Libreville est relayée par quatre stations provinciales couvrant les villes de Lambaréné, Tchibanga, Franceville et Oyem. L’inauguration le 2 juillet 1973 de la station terrienne de N’Koltang à 17 kilomètres au Sud-Est de Libreville permet au Gabon de recevoir des programmes des télévisions étrangères diffusées par satellite. Le 30 décembre 1975, la télévision gabonaise diffuse pour la première fois ses images en couleur, grâce au procédé Secam introduit par Thomson-CSF. A partir de cette date, affirme Abdoul Ba, Libreville devient « la première ville africaine à retransmettre en direct une émission de variété en Africavision »93 . Pour suppléer la RTG en cas de besoin, une deuxième télévision d’Etat voit le jour en 1977 (RTG 2). Elle fusionne avec la presse présidentielle en 1981 et sera définitivement logée dans l’enceinte de la présidence de la République.

De 1985 à 1988, un vaste programme national de développement de la radio et de la télévision est lancé. D’un coût de 90 millions de dollars, financé par le Gabon, la France et les Etats-Unis, ce programme créé un réseau baptisé « Equasat », doté de 14 stations terriennes, 6 liaisons par faisceaux hertziens, 4 autocommutateurs temporels, 13 centres d’émissions radio et télévision, soit 50 émetteurs au total 94 .

Toutefois, devant l’obsolescence de l’ancien bâtiment construit en 1975, l’inauguration, le 1 er décembre 2007, de l’actuelle maison de la Radiotélévision gabonaise, baptisée « maison Georges RAWIRI », du nom du premier directeur de la télévision gabonaise, a constitué une des réponses aux multiples difficultés de fonctionnement qui minaient déjà l’essor de la RTG1 depuis plusieurs années.

92 Abdoul Ba, op. cit , p. 42 93 Idem. 94 UNITAR, op. cit ., p. 115

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Construite par la société nationale de Chine des machines et des équipements d’import-export (CEMEC), la maison Georges Rawiri est un complexe de trois bâtiments bâtis sur plus de 10 000 m². Elle est dotée d’un équipement ultra moderne qui remplace le matériel analogique de l’ancienne maison. La télévision dispose de deux studios. Cette nouvelle maison est considérée comme le plus important investissement réalisé par l’Etat gabonais dans le domaine des médias, depuis la création de la RTG. L’ensemble des travaux ont coûté près de vingt milliards de FCFA 95 .

B- Les actions à caractère bilatéral et multilatéral

Il s’agit d’actions mises en œuvre avec un pays tiers ou dans le cadre d’une organisation internationale, telles que la convention franco-gabonaise de 1963 et les conventions ou accords internationaux signés sous l’égide de l’UNESCO (Accord de Florence) et de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI - Convention de Berne).

1. La convention franco-gabonaise de 1963

Les premiers échanges diplomatiques entre la France et le Gabon dans le domaine de la culture, au-delà du partage de la langue française et du soutient apporté par la France pour la construction du Musée national, ont porté essentiellement sur la création et la dynamisation de la Télévision nationale gabonaise.

La convention de coopération signée à Libreville le 9 mai 1963 entre Raymond Triboulet, Ministre Délégué chargé de la coopération, et Léon Mba, Président de la République du Gabon stipule que « le Gouvernement français habilite l’Office de Coopération Radiophonique à apporter son assistance au Gouvernement du Gabon pour le fonctionnement de sa Télévision Nationale dans le domaine des études, de la formation de personnel qualifié, de la fourniture de personnel d’assistance technique et de programme »96 .

95 Littoral Gabon « Radiodiffusion et télévision gabonaise / RTG 1 ». Tiré de www.littoral-gabon.e- monsite.com. Consulté le 13 avril 2009. 96 Convention de coopération dans le domaine de la télévision, signée à Libreville le 9 mai 1963, art. 1

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Cette convention met l’Office de Coopération Radiophonique (OCORA) français au cœur du dispositif télévisuel gabonais, conformément aux termes de la convention. En attendant la formation des techniciens gabonais, l’OCORA mettra gratuitement à la disposition de la Télévision nationale gabonaise ses propres techniciens, au titre de l’assistance technique. Il fournira aussi gratuitement pendant la première année d’exploitation, un volume hebdomadaire maximum de 5 heures de programmes composé de séquences d’actualités internationales filmées, de productions culturelles, éducatives et récréatives ; ces programmes étant choisis et adaptés au contexte gabonais selon les indications de la Télévision nationale gabonaise (article 6). L’OCORA a aussi pour mission de négocier pour le compte de la Télévision nationale, les droits de diffusion des productions cinématographiques et télévisées sélectionnées par elle. Tout ceci à des conditions préférentielles 97 .

2. L’adhésion à l’UNESCO et l’Accord de Florence

Dans le domaine de la culture, l’accession du Gabon à la souveraineté internationale entraine son adhésion le 16 novembre 1960 à l’UNESCO. A ce titre, le Gabon participe au Conseil exécutif de cette institution et est membre des organes subsidiaires. Il dispose d’une Délégation permanente auprès de l’UNESCO à Paris et d’une Commission nationale pour l’UNESCO à Libreville et une Chaire de l’UNESCO sur le développement social et la démocratie à l’Université Omar Bongo.

Aujourd’hui, le Gabon est engagé dans le projet « La Route de l’esclave »98 lancé par l’UNESCO en 1994. A côté de cette organisation, il est fortement impliqué dans la mise en

97 Art. 6 98 « La route de l’esclave » est un projet de l’Unesco adopté lors de sa 27ème session en 1993, sur proposition d’Haïti et des pays africains (résolution 27C/3.1.3). Il a plusieurs objectifs : briser le silence en faisant connaître universellement la question de la traite négrière transatlantique et de l’esclavage, dans l’Océan indien et en Méditerranée, ses causes profondes et les modalités d’exécution par des travaux scientifiques ; mettre en lumière ses conséquences, notamment les interaction entre les peuples d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et des Caraïbes ; contribuer à l’instauration d’une culture de la tolérance et de la coexistence pacifique des peuples. Cf. www.portal.Unesco.org/culture.

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place du projet « Tourisme de mémoire »99 . Sous son égide, le Gabon a adhéré à l’Accord de Florence le 4 septembre 1962.

L’Accord de Florence, ou encore l’Accord pour l’importation d’objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel a été adopté à l’unanimité lors de la cinquième session de la Conférence générale de l’UNESCO tenue à Florence en 1950, ouvert à la signature en novembre 1950 aux Nations Unies à New-York. Il est entré en vigueur le 21 mai 1952 et est rédigé conformément à l’un des objectifs de L’Acte constitutif de l’UNESCO qui est d’« encourager la coopération entre nations dans toutes les branches de l’activité intellectuelle, l’échange international de publications, d’œuvres d’art, de matériel de laboratoire et de toute documentation utile »100 .

La particularité essentielle de cet accord est l’exemption des droits de douane et autres impositions à l’importation ou à l’exportation sur un panel de produits culturels énumérés dans les différentes annexes sous les titres suivants : « Livres, publications et documents »; « Œuvres d’art et objets de collection de caractère éducatif, scientifique ou culturel »; « Matériel visuel et auditif de caractère éducatif, scientifique et culturel »; « Instruments et appareils scientifiques » et « Objets destinés aux aveugles ». Bien entendu, cette exemption n’est de droit que lorsque les produits sus-cités proviennent d’un autre Etat contractant.

Les Etats contractants s’engagent à « simplifier, dans toute la mesure du possible, les formalités d’ordre administratif afférentes à l’importation des objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel, et à faciliter leur dédouanement rapide »101 . L’article 5 stipule que les dispositions précédentes ne sauraient aliéner le droit de ces Etats de prendre, en vertu de leurs législations nationales, des mesures destinées à interdire ou à limiter l’importation, ou la circulation après leur importation, de certains objets lorsque ces mesures sont fondées sur des

99 « Le tourisme de mémoire » est un programme lancé conjointement entre l’Unesco et l’Organisation mondiale du tourisme à Accra au Ghana en 1995 (pour l’Afrique) et en 1999 à Sainte Croix (pour les Caraïbes). L’objectif est l’identification, la restauration et la promotion des sites, bâtiments et lieux de mémoire de la traite négrière. Cf. www.portal.Unesco.org/culture. 100 Acte constitutif de l’UNESCO, entré en vigueur en 1946, art. 1, al. 2. c 101 UNESCO, « Accord pour l'importation d'objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel », Florence, le 17 juin 1950. Art. 4

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motifs relevant directement de la sécurité nationale, de la moralité ou de l’ordre public de l’Etat contractant.

L’Accord prévoit aussi l’octroi de licences nécessaires à l’importation des livres et publications destinés aux bibliothèques et collections d'institutions publiques se consacrant à l'enseignement, la recherche ou la culture; des livres et publications reçus par l’Organisation des Nations Unies pour la Culture, la Science et la Culture et distribués gratuitement par ses soins ou son contrôle sans pouvoir faire l’objet d’une vente ; des publications destinées à encourager le tourisme en dehors du pays d’importation, envoyées et distribuées gratuitement ; d’objets destinés aux aveugles ; des documents officiels, parlementaires et administratifs publiés dans leur pays d'origine; des livres et publications de l'Organisation des Nations Unies et de ses institutions »102 .

En revanche, l’Accord autorise les Etats contractants à percevoir sur les produits cités précédemment, des taxes ou autres impositions intérieures de quelque nature qu’elles soient, perçues lors de l’importation ou ultérieurement, à la condition toutefois qu’elles n’excèdent pas celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires » ; « des redevances et impositions autres que les droits de douane, perçues par les autorités gouvernementales ou administratives à l’importation ou à l’occasion de l’importation, à la condition qu’elles soient limitées au coût approximatif des services rendus, et qu’elles ne constituent pas une protection indirecte des produits nationaux ou des taxes de caractère fiscal à l’importation 103 .

Mais, le Gabon n’a jamais ratifié le Protocole de Nairobi 104 qui complète l’Accord de Florence. Signé en 1976 à Nairobi (Kenya), le Protocole annexe à l’Accord de Florence élargit les avantages offerts par l’Accord de Florence et en octroie d’autres aux Etats du Sud, nouvellement indépendants. Il souligne aussi la nécessité de prendre en compte les besoins de ces pays en matière d’éducation, de science et de culture.

102 UNESCO, op. cit ., art.2 103 Idem , art. 1 104 UNESCO, « Protocole à l’Accord pour l’importation d’objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel avec annexes A à H », Nairobi, le 26 novembre 1976.

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L’une des dispositions essentielles du Protocole concerne les restrictions à l’exportation. Elle précise que les Etats contractants n’imposeront pas de droits de douane, d’exportation ou de sortie, ni de taxes intérieures de quelque nature qu’elles soient, sur les objets destinés à l’exportation vers d’autres Etats contractants. Le Protocole élargit également la franchise douanière aux livres, quelle que soit la langue dans laquelle ils ont paru et quelle que soit la place réservée aux illustrations 105 .

Il prévoit que « les intrants tels que le papier, les encres et les colles ou encore les machines pour le traitement du papier, les machines à imprimer ou encore celles à relier, sont exonérés de toute taxe à l’importation »106 .

Le refus d’approuver ce Protocole, sans doute à cause de son caractère contraignant, laisse libre cours au Gabon de taxer fortement les intrants servant à la fabrication des livres. En effet, dans le cadre du Tarif Extérieur Commun de la Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC), le Gabon impose un droit de douane de 5 à 10 % aux importations de papier et de pâte à papier 107 . A ces impositions douanières s’ajoute une TVA de 18 % sur les matières premières, nécessaires à la production du livre 108 .

Alors que le Gabon cherche à promouvoir ses industries culturelles, la suppression des taxes à la frontière et autres impositions intérieures rendrait plus compétitifs les produits culturels gabonais, et permettrait aux entreprises culturelles nationales de disposer de fonds supplémentaires, nécessaires aux investissements.

De même, le Gabon n’est pas signataire de la Convention universelle de l’UNESCO sur le droit d’auteur révisée à Paris le 24 juillet 1971, de la Convention pour la protection des producteurs de phonogrammes contre la reproduction non autorisée, adoptée à Genève le 29

105 Annexe 1 106 Luc Pinhas, Editer dans l’espace francophone , Paris, Alliance des éditeurs indépendants, 2005, p. 122. 107 Idem . 108 Ibidem , p. 126.

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octobre 1971 ; et de plusieurs autres traités internationaux dont la portée pour les industries culturelles reste avérée. La non ratification de ces accords internationaux limite la protection des productions des Etats tiers (excepté ceux de l’espace OAPI) sur le territoire gabonais et celle des produits gabonais sur le territoire des Etats contractants.

3. La Convention de Berne

Signée à Berne le 9 septembre 1886, complétée à Paris le 4 mai 1896, révisée à Berlin le 13 novembre 1908, complétée à Berne le 20 mars 1914 et révisée à Rome le 2 juin 1928, à Bruxelles le 26 juin 1948, à Stockholm le 14 juillet 1967, et à Paris le 24 juillet 1971 et modifiée le 28 septembre 1979, la Convention de Berne établit les fondements juridiques de la protection internationale des œuvres littéraires et artistiques.

Elle a été ratifiée par le Gabon le 19 décembre 1961 et entrée en vigueur le 26 mars 1962. L’objectif de la ratification par le Gabon de la convention de Berne est de permettre aux œuvres culturelles nationales gabonaises et leurs auteurs, de bénéficier dans les autres pays signataires de cette convention, des avantages particuliers. Elle permet, en l’occurence, à tout auteur étranger de se prévaloir des droits dans le pays où son œuvre est représentée.

Plus précisément, trois principes fondamentaux régissent cette Convention : le traitement national, la protection automatique et l’indépendance de la protection. Du fait du principe du « traitement national », les auteurs jouissent, en ce qui concerne les œuvres pour lesquelles ils sont protégés, dans les pays contractants autres que le pays d’origine de l’œuvre, des droits que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux, ainsi que des droits spécialement accordés par cette Convention 109 . L’objectif de ce principe est d’assurer un traitement équitable entre les productions nationales et étrangères. Il lutte ainsi contre toute forme de discrimination. Grâce au principe de « la protection automatique », la jouissance et l’exercice de ces droits ne sont subordonnés à aucune formalité 110 . Quant au principe de « l’indépendance de la protection », il stipule que la jouissance et l’exercice des

109 Art. 5.1 110 Art. 5.2

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droits sont indépendants de l’existence de la protection dans le pays d’origine de l’œuvre. Toutefois, en dehors des stipulations de la présente Convention, l’étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l’auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d’après la législation du pays où la protection est réclamée 111 .

La protection des œuvres s’applique à toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression, telles que : les livres, brochures et autres écrits ; les conférences, allocutions, sermons et autres œuvres de même nature ; les œuvres dramatiques ou dramatico-musicales ; les œuvres chorégraphiques et les pantomimes ; les compositions musicales avec ou sans paroles ; les œuvres cinématographiques, auxquelles sont assimilées les œuvres exprimées par un procédé analogue à la cinématographie ; les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ; les œuvres photographiques, auxquelles sont assimilées les œuvres exprimées par un procédé analogue à la photographie ; les œuvres des arts appliqués ; les illustrations ; les cartes géographiques ; les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture ou aux sciences.

La Convention de Berne 112 reconnaît par ailleurs aux auteurs des droits exclusifs. Aussi, le droit de traduction, de reproduction, de représenter ou d’exécuter en public des œuvres dramatiques, dramatico-musicale et musicales, de radiodiffuser et de réciter en public des œuvres littéraires nécessitent leur autorisation préalable ou celle de leurs ayants-droit 113 . Il en est de même quant au droit de faire des adaptations, des arrangements et autres transformations de l’œuvre, d’adapter une œuvre, de la reproduire et de la mettre en circulation. Cependant, la reproduction d’une œuvre est possible sans autorisation si elle porte ni préjudice moral et financier, ni ne porte atteinte aux intérêts de l’auteur.

La Convention prévoit également des droits moraux, c’est-à-dire le droit de revendiquer la paternité de l’œuvre et de s’opposer à toute déformation, mutilation ou autre modification

111 Idem 112 OMPI, « Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. Acte de Paris du 24 juillet 1971, modifié le 28 septembre 1979. Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886, complétée à Paris le 4 mai 1896, révisée à Berlin le 13 novembre 1908, complétée à Berne le 20 mars 1914 et révisée à Rome le 2 juin 1928, à Bruxelles le 26 juin 1948, à Stockholm le 14 juillet 1967 et à Paris le 24 juillet 1971 et modifiée le 28 septembre 1979 », art. 2.1 113 Idem ., art. 8, 9, 11, 11 (bis et ter), 12 et 14

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de l’œuvre ou à toute autre atteinte à la même œuvre, préjudiciables à son honneur ou à sa réputation 114 .

La durée de la protection de l’œuvre accordée par la Convention de Berne comprend, d’une manière générale, la vie de l’auteur et cinquante ans après sa mort. Toutefois, pour les œuvres cinématographiques, la durée de la protection expire cinquante ans après que l’œuvre ait été rendue accessible au public avec le consentement de l’auteur, ou qu’à défaut d’un tel événement dans les cinquante ans à compter de la réalisation de l’œuvre, la durée de la protection expire cinquante ans après cette réalisation. Pour les œuvres anonymes ou pseudonymes, la durée de la protection accordée expire cinquante ans après que l’œuvre a été licitement rendue accessible au public. Mais, quand le pseudonyme adopté par l’auteur ne laisse aucun doute sur son identité, c’est la règle générale qui s’applique. La durée d’une œuvre photographique est cependant réservée à l’appréciation de chaque pays contractant. Cependant, cette durée ne peut être inférieure à une période de vingt cinq ans à compter de la réalisation de l’œuvre 115 .

La Convention de Berne est gérée par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).

CONCLUSION PARTIELLE

Le bilan du Président Léon Mba en matière culturelle présente des réalisations qui sont à la fois nationales et internationales, conformément aux orientations évoquées précédemment. Sur le plan national, il a créé une Direction des Affaires Culturelles (qui deviendra en 1982 le Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire) et un Musée national (qui deviendra Musée national des Arts et Traditions de Libreville en 1975). Le premier Président gabonais a également renforcé les installations de Radio Gabon créée en 1959, et mis en place la télévision nationale en 1963. Sur le plan bilatéral et multilatéral, le Gabon a poursuivi sa coopération avec la France, à travers une convention signée en 1963, a adhéré à l’UNESCO et ratifié l’Accord de Florence et la Convention de Berne. Ces réalisations correspondent

114 Art. 6 bis 115 Convention de Berne, art. 7

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globalement aux orientations fixées. Toutefois, il faut déplorer la non-réalisation d’infrastructures culturelles à l’intérieur du pays.

SECTION 2 : LES DEBUTS DE LA POLITIQUE CULTURELLE SOUS

LE PRESIDENT OMAR BONGO

Après la mort de Léon Mba en 1967, Omar Bongo décide de poursuivre l’œuvre culturelle entamée par son prédécesseur. Il prend particulièrement en charge le développement du Musée national, du Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire, de la radio et de la télévision nationales. Mais, à partir de 1970, il donne une nouvelle orientation à la politique culturelle nationale. Deux résolutions issues des Congrès extraordinaires du Parti Démocratique Gabonais (PDG), parti dont il est le Président fondateur, vont constituer le plan d’action gouvernemental en matière de culture, pour la période de 1970 à 1980. Pour la première fois le Gabon va disposer d’une politique culturelle, issue d’une réflexion collective, fût-elle, celle d’un parti politique.

Paragraphe 1 : Les résolutions du PDG en matière de politique culturelle

Le Président Omar Bongo avait créé en 1968 le PDG, seul parti politique national jusqu’en 1990 (date du retour au multipartisme). Le PDG devient alors un « parti-Etat ». C’est lui qui élabore la politique culturelle nationale. Lors de ses Congrès extraordinaires de septembre 1970 et janvier 1973, il vote deux résolutions en matière de politique culturelle qui recommandent 116 :

- d’encourager les artistes et les artisans gabonais par l’écoulement et la diffusion de leurs œuvres, par l’organisation des expositions et la décoration des édifices publics ; - de doter le service de la Culture d’un personnel qualifié ; - d’intéresser les jeunes écoliers aux activités artistiques et culturelles par l’organisation de séances de travaux manuels ; - de multiplier les foyers culturels et les maisons de jeunes au niveau des agglomérations importantes ;

116 Bonaventure Ndong et Jean-Claude Maganga, Les grands axes de la politique culturelle de la République gabonaise , Libreville, Multipress Gabon, 1982, p. 5-6

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- d’encourager la création de villages artisanaux ; - d’accroître et de soutenir les efforts en matière culturelle ; - de doter les services culturels de moyens financiers suffisamment larges et aptes à les rendre efficaces et compétitifs sur le plan international.

Paragraphe 2 : Le bilan

Au-delà du renforcement des actions initiées par le Président Léon Mba, les deux résolutions du PDG ont permis à au Gabon de poursuivre la construction d’infrastructures culturelles, de signer de nouveaux accords bilatéraux, de participer à des manifestations continentales et d’adhérer à des organisations culturelles internationales.

A- Les nouvelles infrastructures culturelles

Trois nouvelles infrastructures culturelles ont alors vu le jour à Libreville : la Bibliothèque nationale, l’Ecole Nationale d’Art et Manufacture (ENAM), et le Centre national du cinéma (CENACI).

1. La Bibliothèque nationale

La réalisation de la Bibliothèque nationale s’est faite à partir de « la Direction générale des Archives nationales, de la bibliothèque nationale et de la documentation gabonaise (DGABD) » créée en 1967.

A l’initiative de Gaston Rapontchombo, le projet de création du centre d’études et d’information sur les ressources naturelles du Gabon (CEIRNAG) est soumis, en 1967 au Président Omar Bongo. Jugé financièrement très coûteux, il ne verra pas le jour 117 .

117 J.R. Fontvieille, « Création d'une infrastructure nationale des archives, des bibliothèques et de la documentation », Paris, UNESCO, 1979, p. 2. Tiré de http:// unesdoc.unesco.org/images/000369/036912fo.pdf. Consulté le 2 mars 2007

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C’est finalement en 1969, sur proposition toujours de Gaston Rapontchombo, que fût mise en place la Direction générale des Archives du Gabon. Il était prévu lui rattacher la Bibliothèque Nationale qui est créée par le décret n° 00866 du 11 novembre 1969 qui en définit le rôle et la rattache effectivement à la Direction des archives nationales dont elle constitue une dépendance 118 .

Deux textes compléteront quelques années plus tard ce décret. Il s’agit du décret n° 00048/PR du 18 février 1971 créant et organisant la Régie du dépôt légal et de l’Arrêté du 7 octobre 1971 (n° 00863/PR-DABN) fixant l’attribution du dépôt légal à la Bibliothèque nationale.

Malgré l’exiguïté du bâtiment mis à la disposition de la DGABD le 1 er janvier 1970, date d’application du décret du 11 novembre 1969, et de sa situation géographique excentrée 119 , un énorme travail de récupération et de collecte d’archives antérieures à 1960 fut entrepris dans le pays par Gaston Rapontchombo (premier directeur de la DGABD) et ses collaborateurs 120 ; conformément à un arrêté du présidentiel du 21 août 1970 121 .

Malgré la détérioration des fonds documentaires de certaines localités, la direction de la DGABD réussira à récolter un ensemble significatif de données et de documents qui furent mis sur microfilms.

118 Idem . 119 Le bâtiment de la DGABD tourne le dos à l'activité urbaine. Il est mal desservi par les transports publics, donc difficile d'accès pour la population. Edifié pour être le Club des ministres du gouvernement, le bâtiment servit ensuite d'école de police, puis d'hôpital provisoire pour les enfants de la guerre du Biafra. Il est également situé trop près de la mer qui déborde lors des grandes marées, donc impropre à la conservation d’archives. 120 Sous l'autorité du Directeur général, la DGABD comprend quatre services : les archives nationales, la Bibliothèque nationale, la documentation gabonaise, et les services techniques communs. 121 J.R. Fontvieille, ibidem , p. 3.

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Tableau 5 : Fonds d'archives récoltés de 1970 à 1973

Source : J.R. Fontvieille, idem , p. 3

Cette collecte nationale fut complétée par l’acquisition de documents en provenance des archives du Sénégal et des archives du gouvernement général de l’Afrique Equatoriale conservées à Aix-en-Provence (France).

La création de la DGABD a indiscutablement permis au Gabon de disposer rapidement d’un fonds documentaire important de l’époque coloniale. En quelques années, de grands progrès furent accomplis en matière de recherche, de classement, de conservation des archives publiques, de microfilmage des archives gabonaises conservées à l’étranger ; ce qui a favorisé la constitution au sein de la Bibliothèque Nationale d’un fond documentaire de plus important 122 .

Aussi, de 1971 à 1978, date de la création de l’Université nationale du Gabon, la fréquentation de la Bibliothèque Nationale va augmenter fortement avec cependant des fluctuations à la baisse ou à la hausse selon les années (tableau 6).

122 J.R. Fontvieille, op. cit , p. 4

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Tableau 6 : Fréquentation annuelle de la BN (1971-1978)

Année Fréquentation Type de lecteur 1971 34 chercheurs 1972 52 chercheurs 1973 110 chercheurs 1974 75 chercheurs 1975 98 chercheurs 1976 66 chercheurs 1977 85 chercheurs 1978 214 chercheurs / étudiants Source : J.R. Fontvieille, op. cit , p. 4

Au total, la DGABD, rattachée à la présidence de la République et dirigée par Gaston Rapontchombo, fut l’une des réalisations culturelles importantes de la jeune République gabonaise. Avec un budget d’investissement annuel d’environ 7 millions de Fcfa (4 millions pour l’acquisition de livres et 3 millions pour les abonnements de périodiques) en 1978. Elle constituera pour l’élite gabonaise de l’époque et les chercheurs de l’ORSTOM un lieu privilégié d’échanges et du savoir. Mais la DGABD ne sera pas la seule réalisation culturelle de cette période. Une Ecole Nationale d’Art et Manufacture et un Centre national du cinéma seront également édifiés.

2. L’Ecole Nationale d’Art et Manufacture (ENAM)

Officiellement, c’est le décret n° 0089/PR/MENC du 20 août 1970 qui crée l’ENAM. Mais en réalité, son existence remonte à 1948, car l’ENAM existait déjà sous l’appellation « section artisanale » au sein de l’Ecole de Métiers d’Owendo, créée en 1945 ; avant d’être transférée au Lycée Technique National en 1959 123 .

123 Jean Barroux, « Régionalisation de l’Ecole nationale d’art et manufacture de Libreville », Paris, UNESCO, 1983, p. 20. Téléchargeable sur http://unesdoc.unesco.org/images/0005/000570/057089fo.pdf. Consulté le 6 mars 2007.

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Implantée dans un édifice construit en 1965 pour accueillir les réfugiés biafrais, à 12 kilomètres de Libreville, l’ENAM est une école à double vocation : formation et production artistique. Le décret du 20 août 1970 stipule que « son but est de promouvoir sur le plan artistique, intellectuel et artisanal, les valeurs spécifiquement gabonaises »124 . L’entrée à l’ENAM est assujettie à la réussite à un concours dont le niveau requis est le Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC) ou un diplôme admis en équivalence.

La formation dure trois ans, en plus de l’année préparatoire 125 qui donne une formation de base, interdisciplinaire à tous les élèves admis. L’orientation se fait à la fin de cette année préparatoire. La première et la deuxième année assurent la formation dans une spécialité artistique ; et la troisième année est prévue pour le perfectionnement. La fin des études est sanctionnée par un Diplôme d’Etudes Artistiques dans une des cinq spécialités suivantes : peinture, sculpture, céramique, arts graphiques et ameublement-design 126 . Le diplôme de l’ENAM correspond, en termes de niveau, à un baccalauréat et bénéficie, selon l’arrêté de l’enseignement supérieur n° 0744 de décembre 1982 d’une équivalence nationale.

Chaque élève admis au concours d’entrée bénéficie, de l’année préparatoire à la troisième année, d’une bourse d’études versée par l’Etat gabonais. L’accueil d’« auditeurs libres » est conditionné à une participation financière annuelle correspondant aux frais d’études. La charge de travail imposée aux élèves est importante. Selon Jean Barroux 127 , la durée effective du programme de cours est de 27 semaines par an, pour 810 heures d’enseignement comportant un enseignement théorique, général et artistique; un enseignement du dessin et des travaux pratiques en ateliers.

Le corps enseignant est composé à plus de 90 % de nationaux, formés pour l’essentiel en France. En 1982 - 1983, l’ENAM disposait de 32 enseignants, dont 20 permanents et 12 associés ou vacataires.

124 Jean Barroux, op. cit ., p. 23 125 Selon Georges Pendy, directeur adjoint de l’ENAM au moment de notre entretien, aucun redoublement n’est accepté en année préparatoire. Entretien réalisé à Libreville le 15 août 2007. 126 Jean Barroux, idem , p. 31 127 Ibidem .

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Comme relevé par Georges Pendy 128 , la disproportion entre le nombre d’enseignants trop élevé et celui des élèves est réelle. Il souligne aussi un manque de motivation de certains d’entre eux. Aujourd’hui, le nombre d’enseignants permanents a été réduit, passant ainsi de 20 à 14, malgré l’augmentation chaque année des effectifs. 129 Cependant, de nombreux dysfonctionnements freinent encore le développement de l’ENAM : les ateliers obsolètes manquent du matériel, les stages d’études ne sont pas assurés. Par ailleurs, les heures d’enseignement ne sont pas entièrement exécutées, du fait de l’absence régulière des enseignants permanents, compte tenu de leur double fonction d’agent du Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire et d’enseignant à l’ENAM.

3. Le Centre national du cinéma (CENACI)

L’ordonnance n° 39/75/PR du 25 juin 1975 crée le Centre national du cinéma (CENACI) pour favoriser le développement de l’industrie cinématographique. A ce titre, le CENACI contrôle et organise la production, la coproduction et la diffusion de films cinématographiques. Il a également en charge la production des actualités filmées gabonaises. Il contrôle aussi la distribution et la location des films au Gabon ; contrôle la distribution et la commercialisation des films gabonais à l’extérieur et étudie les projets de construction et de modernisation des salles de cinéma. 130

Cependant, malgré les efforts financiers importants consentis par le Gabon, la production du CENACI sera, de sa date de création aux années 1980, insignifiante. Quelques réalisations connaîtront toutefois un succès national : Obali (1976) et Ayouma (1977) co- réalisés par Pierre Marie Ndong et Charles Mensah ; les courts métrages de fiction Raphia (1986) de Paul Moukety et Le Singe fou (1987) de Henry Joseph Koumba Bididi. A partir des années 1990, le CENACI se restructure et relance le cinéma gabonais, grâce surtout à la production vidéo.

128 Georges Pendy, op. cit . 129 En 2007 l’ENAM comptait 200 élèves, toutes filières confondues. 130 Ordonnance n° 39/75/PR portant création et organisation du Centre National du Cinéma, article 3

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Placé sous la tutelle du Ministère de la communication, le CENACI bénéficie d’une autonomie financière. Mais, les 550 millions de Fcfa 131 alloué par l’Etat chaque année ne lui permet pas de remplir toutes les missions qui lui sont assignées. Par ailleurs, faute de moyens de diffusion de ses réalisations sur le marché national et étranger, et au regard des difficultés financières rencontrées par les chaînes de télévisions pour l’acquisition de films, le CENACI ne dispose guère de moyen d’autofinancement.

Depuis 2007, et en collaboration avec le Centre culturel français Saint Exupéry, le CENACI a lancé un festival de film documentaire dénommé « Escales documentaires de Libreville », dont le but est de promouvoir la culture du cinéma dans le pays. Les projections ont lieu en plein air avec une entrée gratuite. Le concours organisé à cet effet récompense les meilleurs projets qui sont alors produits par le CENACI.

CONCLUSION PARTIELLE

En définitive, les infrastructures réalisées depuis l’indépendance ont permis, pour une large part au pays, de redécouvrir et de magnifier son héritage culturel. L’ENAM participe à la formation des jeunes gabonais sur le plan artistique, le Musée National des Arts et Traditions et la Bibliothèque Nationale servent de laboratoire pour l’Afrique afin redécouvre son passé et s’imprègne de ses richesses culturelles nationales.

B- La nouvelle coopération bilatérale

Une convention et trois accords bilatéraux ont été signés par le Gabon pendant la période allant de 1967 à 1980. Il s’agit de la convention conclue avec la France et des accords signés avec le Brésil, le Mexique et le Québec.

131 Chiffre donné par Roland Duboze, Directeur général adjoint du CENACI, lors d’un entretien réalisé le 23 juillet 2007 à Libreville.

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1. La convention franco-gabonaise post Léon Mba

Signée le 21 avril 1967 peu avant la mort de Léon Mba, entre Yvon Bourges, Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères, Chargé de la Coopération et Albert Bernard Bongo, alors Vice-président de la République gabonaise, la convention de coopération dans le domaine de la radiodiffusion établit en effet des nouvelles bases de coopération entre la France et le Gabon. Elle abroge une convention conclue le 9 mai 1959 lorsque le Gabon était encore administré par la France. Cette ancienne convention donnait mandat à l’OCORA d’équiper et d’exploiter les installations de la Radiodiffusion gabonaise qui venait d’être créée.

Par cette convention, la France lègue à la partie gabonaise tous les biens meubles et matériels utilisés par l’OCORA dans le cadre de la convention de 1959 (article premier). Par ailleurs, la République Française, à travers l’OCORA, assure la formation des personnels de la Radiodiffusion Nationale gabonaise ; lui apporte le concours des techniciens dont elle pourrait avoir besoin pour le fonctionnement de son réseau ; lui sert d’expert et mene les études sur toutes questions relatives à l’organisation, à l’exploitation et au développement de la radiodiffusion, ainsi que de tous les modes de diffusion et d’expression faisant appel à des techniques voisines. Contrairement à la convention de 1963 sur la coopération en matière de Télévision, la convention de 1967 oblige le Gabon a en prendre à sa charge le coût 132 .

Cette convention, entrée en vigueur le 1 er juillet 1967 a cessé d’exister lorsque le Gabon s’est retiré de l’OCORA en 1974.

2. Les accords avec le Brésil, le Mexique et le Québec.

Le Gabon a montré par ces accords, signés respectivement en 1975, 1976 et 1978, sa volonté d’élargir le champ de sa coopération bilatérale. L’idée d’échanger avec le continent américain est née également de la volonté gabonaise de s’émanciper de l’ancienne tutelle coloniale et de diversifier ses partenaires commerciaux et culturels.

132 Convention dans le domaine de la radiodiffusion, signée à Libreville le 24 avril 1967. Art. 4.

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L’accord de coopération culturelle conclu à Brasilia le 14 octobre 1975 entre le gouvernement de la République gabonaise et le gouvernement de la République Fédérative du Brésil rentre totalement dans cette logique. Dans son préambule, les deux pays s’engagent à intensifier les liens d’amitié existant entre les deux pays dans le domaine culturel par l’échange d’intellectuels, écrivains, artistes et professeurs, bénéficiant des facilités nécessaires à la réalisation des activités relatives à leurs spécialités 133 . L’accord de Brasilia inaugure aussi les premiers échanges économiques de produits culturels entre les deux pays:

« Chacune des parties contractantes, dans le but d’assurer une meilleure compréhension de la civilisation et de la culture de l’autre partie, favorisera l’échange des œuvres fondamentales, livres, revues, publications de journaux de caractère littéraire, culturel et artistique, cartes géographiques, catalogues, reproductions de manuscrits, statistiques, plans et programmes d’enseignement, œuvres et objets d’arts, films cinématographiques et de télévision et matériel éducatif, pédagogique, culturel, artistique, touristique et sportif ; des expositions culturelles, artistiques et pédagogiques ; des représentations théâtrales et musicales et festivals cinématographiques ; des visites d’artistes et de compagnies théâtrales, musicales et folkloriques »134 .

A travers l’échange des œuvres (livres, revues, catalogues, films cinématographiques…) l’accord gabono-brésilien suscite le développement de ces produits culturels dans les deux pays respectifs. Il concourt ainsi au développement de leurs industries culturelles respectives. Il est entré en vigueur le 21 mars 1981 par l’échange des instruments de ratification, qui a eu lieu à Libreville, conformément à l’article 11.

L’accord de coopération culturelle, scientifique et technique signé à Mexico le 14 septembre 1976 entre le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique et le Gouvernement de la République Gabonaise s’inscrit aussi dans la logique gabonaise de renforcer et de diversifier la coopération bilatérale et de faire connaître au monde ses richesses culturelles. Cet accord résout l’épineux problème de la circulation d’artistes et de produits culturels dans un pays tiers. Il engage les parties contractantes à échanger des livres, revues, périodiques à caractère littéraire, artistique, scientifique ou technique, de musique enregistrée de films d’intérêt

133 Art. 2 134 « Brésil et Gabon. Accord de coopération culturelle ». Signé à Brasilia le 14 octobre 1975. Textes authentiques : portugais et français. Enregistré par le Brésil le 27 mai 1981, art. 3, al. A, b, c et d. In, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1226, 1-19789, 1981

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éducatif ou documentaire. Il invite les deux parties à développer leurs activités culturelles et à consolider leurs industries culturelles à travers l’organisation pendant les semaines culturelles, et sur le territoire de l’autre, d’expositions artistiques, de concerts, de représentations théâtrales et chorégraphiques, de projections cinématographiques. Il rejoint en cela l’accord gabono-brésilien et traduit la volonté manifeste du Gabon de développer ses entreprises culturelles. Il établit enfin une coopération en matière d’industries culturelles entre les deux pays. Signé le 28 septembre 1978 à Libreville entre le gouvernement de la République Gabonaise et le gouvernement du Québec, l’accord de coopération culturelle et technique prévoit le développement mutuel des secteurs de l’éducation, de l’enseignement, de la recherche, des sports, de la jeunesse, de l’agriculture, des arts et de la culture. Il est prévu que ce développement mutuel s’exprimera à travers l’échange de délégations, d’informations et de documentations spécifiques, l’organisation d’expositions, ou d’autres manifestations artistiques et sportives.

Les deux parties s’engagent à renforcer leur coopération dans les domaines de la radiodiffusion, de la télévision, de l’échange de films nationaux, de l’édition ou d’autres manifestations culturelles. C’est le point le plus important, car il invite le Gabon et le Québec à développer leurs industries de télévision, de radiodiffusion, de cinéma et de l’édition.

En définitive, le Gabon a tiré profit de ses coopérations culturelles bilatérales. Ses programmes télévisuels sont alimentés régulièrement par des films français, québécois, brésilien et mexicains. Ses techniciens audiovisuels ont bénéficié du savoir-faire français et québécois .

C- La participation gabonaise au deuxième Festival Mondial des Arts et de la Culture Négro-Africains (FESTAC)

Neuf ans après sa première édition à Dakar du 1 er au 24 Avril 1966 à l’initiative du Président Léopold Sédar Senghor, le Festival Mondial des Arts et de la Culture Négro- Africains (FESTAC) s’est tenu à nouveau à Lagos au Nigéria, du 15 Janvier au 12 Février 1977 sous le patronage du Général Obasanjo, Président du Nigéria. Ce Festival fut un grand

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rassemblement de la culture noire, un lieu de rencontre et d’échanges du génie créateur négro- africain et la porte ouverte sur le monde des arts traditionnels des différents pays représentés.

Le deuxième FESTAC a comporté deux volets majeurs : le Festival (moment où les créateurs africains ont présenté leurs œuvres) et le Colloque (forum de discussion sur l’avenir culturel de l’Afrique).

Le Gabon, soucieux de montrer au monde son dynamisme et la richesse de sa culture, s’est associé pleinement à cette manifestation. Il fut l’un des premiers pays à s’inscrire au Festival. Pour montrer son intérêt et mieux asseoir sa participation au FESTAC, il mit en place un Comite National pour le Gabon à Lagos (CONAGAL) avec pour objectifs de détecter, recenser, collecter, évaluer et classer les valeurs culturelles gabonaises ; de procéder à l’érection à Libreville d’un village artistique comme champ d’expérimentation et de confrontation des acteurs et artistes mobilisables ; de monter une galerie d’exposition d’objets d’art ; de préparer le colloque 135 . La délégation gabonaise à Lagos était l’une des plus nombreuses (plus de six cents personnes). Elle était conduite par le Président Omar Bongo 136 .

1. Le Festival

Le Gabon a participé au Festival dans les sections « expositions d’arts plastiques et visuels », « danses et ballets traditionnels », « musique moderne et traditionnelle » et « cinéma et théâtre ».

Les artistes gabonais ont présenté à l’« exposition d’arts plastiques et visuels » des éléments de la richesse culturelle du pays. Le panier « POTSI », à ouverture très évasée et au fond extérieur convexe, servant pour le transport à dos des aliments ; la natte en « fibres de pandanus » peinte et tissée, utilisée pour veiller pendant les cérémonies mortuaires 137 . Le bracelet et le collier, parures massives décorées et fixées respectivement au poignet des

135 Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire, Contribution gabonaise à Mondiacult-Unesco. Mexico-juillet 1982 , Libreville, Multipress, 1982, p. 4. 136 Idem , p. 5 137 Ibidem , p. 15

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femmes et à leur cou, ont donné un aperçu des échanges opérés lors des mariages traditionnels.

L’autre attraction des expositions gabonaises à Lagos fut les masques Kota 138 , des statuettes de reliquaire représentant une face humaine avec une coiffure ancienne. Composé de bois et de cuivre, ils sont au cœur de la société initiatique « mungala »139 .

Pour la section « Danses et ballets traditionnels », ce sont trois groupes musicaux gabonais auxquels la mission a été confiée de représenter le pays. Il s’agit des groupes Ndjobi, Malamou et Mengane. Le Ndjobi est une danse du Sud-Est du Gabon. Danse d’initiation, son but est la protection de la demeure et de la communauté. Les danseurs, habillés de raphia, plumes d’oiseaux sur la tête et grelots aux pieds, martèlent le sol. Le rythme, lent au début, s’élève progressivement. Danse du Sud-Ouest du Gabon, le Malamou est exécuté par des couples d’hommes et de femmes qui implorent le ciel par leurs chants, dans le souci d’obtenir la fécondité chez les jeunes. Le Mengane pour sa part, est une danse entièrement féminine, orchestrée par vingt-huit femmes, dont dix sont debout et dix-huit autres assises sur des bancs, sont accompagnées dans leurs chants par quatre tambours. Elles portent toutes le raphia autour des épaules et des reins et des grelots aux pieds. La particularité de cette danse, c’est sa variation de rythme ; ce qui permet d’éviter la monotonie 140 .

Pour la section « Musique moderne et traditionnelle », le Gabon était représenté par trois chanteurs (Pierre Akendengué, Pierre Claver Zeng et Aziz Inanga) dans la catégorie musique moderne, et par trois artistes dans la catégorie traditionnelle (Akoué Obiang, conteur du Mvet, Rempano Mathurin, cithariste, et Mapaga, folkloriste). Mais, c’est en matière de Cinéma et théâtre que le Gabon a suscité le plus d’intérêt, grâce au film « Obali » du réalisateur Pierre Marie Ndong et de deux pièces de théâtre, « Le combat de Mbombé » de Vincent de Paul Nyonda et « Le Procès de Dieu » de Ndong Damas 141 .

« Obali » est la critique d’une coutume (appelée Obali) des populations du Haut- Ogooué (Sud-Est du Gabon) qui vise à maintenir l’union entre deux familles en unissant par

138 Peuple du Sud-Est du Gabon 139 Ministère de la culture, des arts et de l’éducation populaire, op.cit , p. 16 140 Idem , p. 17 141 Ibidem , p. 15.

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les liens du mariage, deux cousins germains, ou encore un grand-père et sa petite fille. « Le combat de Mbombé » et « Le Procès de Dieu » sont par contre deux diatribes de l’époque coloniale. Mbombé est un vieux chef traditionnel de la période coloniale qui s’insurge avec ses sujets contre l’oppression des Blancs. Mais vaincu avec ses troupes, il ne renie pas malgré tout son idéal : « mieux vaut la mort que la servitude ». La pièce, entrecoupée d’exhibition de danses folkloriques a séduit en particulier grâce au Bwiti 142 . « Le Procès de Dieu » est par contre l’histoire des intellectuels africains fatigués de lutter contre l’Occident. Ils font alors intervenir l’Afrique traditionnelle, en l’occurrence quatre sorciers d’Afrique Centrale, Orientale, Occidentale et Méridionale. Ceux-ci sont délégués auprès de Dieu pour plaider la condition du Noir sur terre. L’Occident qui n’a pas la conscience tranquille, délègue à son tour auprès de Dieu un colon et un prêtre.

Pendant que les quatre sorciers, le prêtre et le colon sont en comparution devant Dieu, arrive le Diable. Trouble-fête, il participe à l’audience sans être invité. Il accuse Dieu de prodiguer des conseils nocifs aux hommes (comme par exemple obéir et croire aveuglement). Il affirme être meilleur que le prêtre. Le Noir accuse le colonisateur de l’exploiter et de lui avoir octroyé une fausse indépendance. L’argumentation du Diable est si judicieusement conduite qu’il convainc à la fois le prêtre, les sorciers et le colon. Le prêtre avoue reconnaître les injustices dont le Noir est victime. Dieu, créateur de l’Univers est reconnu par tous comme le principal responsable de tous les maux dont souffre le Noir 143 . Cette pièce fut, selon Charles Minko Mbélé, l’une des meilleures représentations gabonaises à Lagos 144 .

En définitive, le Festival de Lagos a été pour les ballets gabonais une occasion de figurer parmi les productions africaines les plus appréciées 145 .

142 Le Bwiti est une secte d’initiation réservée uniquement aux hommes et organisée dans le village. Il établit des liens de communication entre les vivants et les morts et est originaire de la province de la Ngounié dans le pays Mitsogo. Cf. Alexis Henri Ndong Nzé Ngona Minang, « Le culte du Bwiti chez les Fang », Actes de colloque, Ministère de la culture, des arts et de l’éducation populaire, Libreville, 1982, p. 30. 143 Charles Minko Mbélé, L’Union du 25 mars 1977, cité par le Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire, idem , p. 20 144 Ibidem , p.21 145 Charles Minko Mbélé, L’Union du 21 janvier 1977, cité par le Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire, op. cit , p. 13.

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2. Le Colloque

L’autre volet du FESTAC a été l’organisation d’un colloque auquel le Gabon s’illustra par de nombreuses communications. Le colloque est la clé du FESTAC depuis sa création à Dakar en 1966. C’est un forum de discussion où écrivains, artistes et intellectuels réfléchissent sur l’avenir culturel et économique du peuple noir. Il avait pour thème à Lagos : « Civilisation noire et Education ». Le Colloque qui a révélé que le peuple noir ne maîtrisait pas encore son héritage culturel a débouché sur plusieurs recommandations : multiplication des rencontres et d’échanges d’artistes, d’écrivains pour une connaissance réciproque ; création d’un centre mondial d’étude des peuples et civilisations noirs, apprentissage des langues africaines, réalisation d’études sur le patrimoine culturel de chaque pays afin d’en faire un inventaire artistique (sculpture, peinture, musique, arts traditionnels…) 146 .

Les délégués gabonais sont intervenus fortement sur les thèmes de la parcimonie à l’exploitation totale ; de la transcendance immanente dans les religions traditionnelles du Gabon ; du temps en histoire classique et en histoire anthropologique ; des origines du Bwiti ; de la civilisation noire et gouvernement ; de la civilisation noire et langue ; de l’arc musical du Gabon et son rôle ; du Mythe et l’organisation sociale chez les Banzébi du Gabon.

Ces communications ont édifié l’ensemble des participants sur les sociétés initiatiques gabonaises, notamment sur les origines et la portée du Bwiti, la connaissance des mythes cosmogoniques des populations du Gabon et le lien existant entre la civilisation noire et la religion : « remonter le courant de ses ascendants, c’est se retrouver soi-même et fonder sa propre place dans le processus vital du groupe. On ne s’étonnera donc plus qu’en Afrique, par le biais de la religion, l’individu se socialise, se divinise même, dans la mesure où il se fond, pour l’éternité, dans ce qui pour lui a toujours été et demeure »147

Toutefois, cette forte mobilisation gabonaise n’a eu que peu d’incidences économique et culturelle sur le plan national. Le succès enregistré par les artistes gabonais à Lagos n’a suscité que peu de conscience des autorités gabonaises présentes à cette rencontre de la

146 Charles Minko Mbélé, op. cit., p. 25 147 Bonaventure Ndong « Transcendance immanente dans les religions traditionnelles du Gabon », Actes de colloque, Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire, Libreville, 1982, p. 28

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richesse économique que pourraient générer ces activités culturelles au Gabon si elles étaient financièrement soutenues.

D- Le Gabon comme membre de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI)

Depuis 1960, le Gabon est membre de quatre organisations culturelles à vocation mondiale ou régionale. Il adhère à l’UNESCO 148 en 1960, à l’OMPI en 1967, à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) 149 en 1970 et à l’OAPI en 1977.

L’OMPI est une institution des Nations Unies dont la mission est d’élaborer un système international de propriété intellectuelle 150 garant de la propriété intellectuelle des créateurs. Créée en 1967 et ayant son siège à Genève (Suisse), l’OMPI est un lieu de dialogue qui donne aux Etats la possibilité de créer et d’harmoniser les règles et pratiques pour la protection des droits de propriété intellectuelle. Le Gabon en est membre depuis juillet 1967.

Née sur les cendres de l’Office Africain et Malgache de la Propriété Industrielle (OAMPI), créé le 13 septembre 1962 par « l’accord de Libreville », l’OAPI trouve son fondement juridique dans l'article 19 de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle signée en mars 1983 qui dispose que « les pays parties à cette convention se réservent le droit de prendre séparément entre eux, des arrangements particuliers pour la protection de la propriété industrielle, autant que ces arrangements ne contreviennent pas aux dispositions de ladite convention »151 .

148 L’apport pour le Gabon de son adhésion à l’Unesco a été évoqué dans la première section de ce chapitre. 149 En ce qui concerne l’OIF, vu le rôle qu’elle a joué en matière de promotion des industries culturelles gabonaises, l’adhésion du Gabon à cette organisation sera examinée dans la seconde partie de ce travail. 150 Par propriété intellectuelle, il faut entendre à la fois la propriété industrielle, le droit d’auteur et les droits voisins. La propriété industrielle comprend les brevets d’invention, les marques, les dessins et modèles industriels, les circuits intégrés et les indications géographiques. Quant aux droit d’auteur et aux droits voisins, ils portent sur les créations littéraires et artistiques comme les œuvres musicales, les œuvres d’art et les créations architecturales, les romans, les poèmes, les pièces de théâtre, les films les droits des artistes interprètes ou exécutants sur leurs interprétations ou exécutions, des producteurs de phonogrammes sur leurs enregistrements et des organismes de radiodiffusion sur leurs émissions radiodiffusées et télévisées. Cf. www.wipo.int/about- wipo/fr/faq.html. Consulté le 7 mai 2010. 151 « Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle », signée le 20 mars 1883, révisée à Bruxelles le 14 décembre 1900, à Washington le 2 juin 1911, à La Haye le 6 novembre 1925, à Londres le 2 juin 1934, à Lisbonne le 31 octobre 1958 et à Stockholm le 14 juillet 1967, et modifiée le 28 septembre 1979 (art. 9)

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« L’accord de Libreville » était fondé sur deux principes : l'adoption d'une législation uniforme par la mise en œuvre et l'application des procédures administratives communes découlant d'un régime uniforme de protection de la propriété industrielle ; la création d'un office commun et la centralisation des procédures 152 . Cet accord qui ne couvrait que les 12 pays signataires 153 , était cependant jugé restrictif, car ne protégeant que les seuls brevets d’invention, les marques de fabrique ou de commerce et les dessins ou modèles industriels. Il fut remplacé par une nouvelle convention, signée à Bangui le 02 mars 1977 et instituant l’OAPI.

L’accord de Bangui, dont 16 pays 154 sont signataires, couvre l’ensemble des domaines de la propriété intellectuelle, notamment la propriété littéraire et artistique. Il a été révisé en 1999 et intègre désormais huit annexes. En définitive, cet accord protège aujourd’hui comme créations intellectuelles : les œuvres exprimées par écrit, y compris les programmes d’ordinateur ; les conférences, allocutions, sermons et autres œuvres faites de mots et exprimées oralement ; les œuvres musicales qu’elles comprennent ou non des textes d’accompagnement ; les œuvres dramatiques et dramatico-musicales ; les œuvres audiovisuelles ; les illustrations, les cartes géographiques, les plans, les croquis ; les expressions du folklore et les œuvres inspirées du folklore ; les traductions, les adaptations, les arrangements et autres transformations d’œuvres et d’expressions du folklore ; les recueils d’œuvres, d’expression du folklore ou de simples faits ou données, telles que les encyclopédies, les anthologies et les bases de données, qu’elles soient reproduites sur support exploitable par machine ou sous toute autre forme qui, par le choix, la coordination ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles 155

L’accord de Bangui révisé est entré en vigueur au Gabon le 28 février 2002 et est applicable comme loi d’Etat et exécutoire de plein droit. Par cet accord, l’OAPI entend

152 Historique de l’OAPI, tiré de www.oapi.wipo.net. Consulté le 15 février 2007. 153 République Fédérale du Cameroun, République Centrafricaine, République du Congo, République de Côte- d'Ivoire, République du Dahomey, République Gabonaise, République de Haute-Volta, République Malgache, République de la Mauritanie, République du Niger, République du Sénégal, République du Tchad 154 Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte-d'Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. 155 Accord de Bangui révisé, annexe VII, art 5 et 6.

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contribuer au développement économique de ses membres grâce à une protection efficace de la propriété intellectuelle.156

Les adhésions du Gabon à l’OMPI et à l’OAPI revêtent donc une importance majeure pour la création littéraire et artistique gabonaise ; car les droits de propriété intellectuelle permettent au créateur d’une œuvre protégée par le droit d’auteur de tirer profit de son investissement. C’est grâce à ces droits que l’effort humain est récompensé, que l’œuvre du créateur peut être renouvelée. Pour stimuler la croissance, créer les emplois, lutter contre la pauvreté, les œuvres de l’esprit doivent être protégées.

CONCLUSION PARTIELLE

Au terme de ce premier chapitre consacré à la politique culturelle du Gabon, de 1960 à 1980, c’est-à-dire dans la période post indépendance, nous pouvons dire que cette période a été marquée par une forte volonté politique d’accorder à la culture gabonaise une place importante dans la société, comme en témoignent les infrastructures créées, les accords signés et la participation remarquée du Gabon au FESTAC. Cependant, cette prise de conscience ne s’est traduite dans les faits que de façon incomplète ; le Gabon manquant de projection sur l’avenir, nonobstant son adhésion aux organisations internationales et régionales. Il aurait pu par exemple créer des industries culturelles nationales, voter une loi sur le droit d’auteur. Par ailleurs, contrairement aux ambitions du Président Léon Mba de doter l’ensemble du pays d’infrastructures culturelles, seule la ville de Libreville en a bénéficiées.

Face à ce constat, le Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire, en collaboration avec l’UNESCO et l’Institut Culturel Africain (ICA) a élaboré en mai 1980, un plan de développement culturel pour la décennie 1980-1990. Il s’agissait de poser les bases d’une politique culturelle sectorielle, tout en poursuivant la création d’institutions nouvelles et de programmes d’action nouveaux. 157 Mais, le budget du Ministère dans le même temps, a

156 http://www.oapi.wipo.net/fr/OAPI/message_du_directeur.htm. Consulté le 2 mai 2010 157 Bonaventure Ndong et Jean-Claude Maganga, op. cit ., p. 28.

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subi une forte diminution 158 , ce qui a hypothéqué dès le départ ce plan. Les résultats n’ont pas suivi.

158 À partir de 1979, les crédits alloués au Ministère ont commencé à diminuer de près de 80 %, ramenant la dotation de l’année 1980 à un niveau inférieur à celui de 1974. Lire Bonaventure Ndong et Jean-Claude Maganga, idem . p. 30

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CHAPITRE 2 : LA POLITIQUE CULTURELLE

GABONAISE A PARTIR DE 1980

Les insuffisances observées dans la mise en œuvre de la politique culturelle initiée par Léon Mba et renforcée par Omar Bongo ont donc amené le Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire et ses partenaires (UNESCO et ICA) à proposer en 1980 un plan décennal de développement culturel. Le Gabon pris part, du 25 juillet au 6 août 1982, à la Conférence mondiale de l’UNESCO sur les politiques culturelles organisée à Mexico. Cette Conférence qui marque le véritable point de départ de la nouvelle politique culturelle gabonaise aura ceci de particulier qu’elle va affirmer qu’ « un développement équilibré ne peut être assuré que par l'intégration des données culturelles dans les stratégies qui visent à le réaliser; par conséquent, ces stratégies devraient toujours prendre en compte le contexte historique, social et culturel de chaque société »159 . De fait, la nouvelle politique culturelle gabonaise amorcera l’intégration de la dimension économique de la culture dans les stratégies de développement du pays. Elle se traduira par la création de nouvelles structures culturelles nationales, l’adhésion à des nouvelles organisations culturelles internationales, le renforcement du dispositif réglementaire et surtout par l’élaboration d’un programme culturel visant à soutenir financièrement certains secteurs. C’est là tout l’intérêt du plan décennal de développement culturel.

SECTION 1 : LE PLAN DECENNAL DE DEVELOPPEMENT

CULTUREL DE 1980 A 1990

Le plan décennal de développement culturel est un programme ambitieux qui tient compte du retard accumulé dans le secteur culturel au Gabon depuis 1960. Il se présente comme un canevas qui oriente toutes les actions du gouvernement en matière culturelle. Il vise à promouvoir, intensifier et consolider les échanges culturels sous forme, notamment

159 Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet - 6 août 1982

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d’échanges entre artistes et hommes de culture ; d’échanges de documents d’informations et de biens culturels, dans le souci du donner et du recevoir 160 .

Il vise également à conserver et promouvoir le patrimoine culturel du Gabon ; favoriser un haut degré de créativité ; développer la communication sociale par l’action culturelle ; faire des média et industries culturelles un instrument majeur du développement culturel en République gabonaise ; assurer une formation artistique et culturelle adaptée et utiliser pleinement les moyens de la coopération culturelle 161 .

Pour traduire ces objectifs dans les faits, le plan décennal propose une série d’actions.

Paragraphe 1: Les principales actions préconisées par le plan décennal de développement.

Il ne s’agit pas de présenter le catalogue de toutes les actions réalisées, mais de mentionner celles qui présentent un intérêt pour le développement des industries culturelles nationales. Ainsi, le plan décennal de développement culturel recommande au gouvernement de 162 :

- créer le Centre international des civilisations bantou (CICIBA) avec un triple objectif : inventorier, valoriser et vulgariser les civilisations bantou en Afrique subsaharienne ; - éditer les musiques traditionnelles. Les archives sonores doivent être éditées sur disques et diffusées dans le cadre de la promotion, de la vulgarisation et des échanges tous azimuts des cultures populaires ; - créer des Maisons des jeunes et de la culture en rapport avec les programmes d’éducation et de formation de la jeunesse en matière scolaire, universitaire, rurale et urbaine, notamment dans les domaines culturels et artistiques d’inspiration traditionnelle typiquement gabonaise ;

160 Bonaventure Ndong et Jean-Claude Maganga, op. cit , p. 27 161 Jean Barroux, op. cit ., p.29 162 Bonaventure Ndong et Jean-Claude Maganga, idem , p. 26-27

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- créer des complexes culturels. Ces structures doivent privilégier les provinces et s’adresser à un auditoire large en vue de l’épanouissement des identités culturelles « ethnicienne », nationale et supranationale ; - animer des programmes culturels avec trois volets : l’élaboration des programmes artistico-culturels, la conception des émissions artistiques et culturelles, leur diffusion et leur popularisation par les médias ; - produire la culture par la mise en place des unités de production; - créer une cinémathèque nationale pour conserver et protéger les archives filmiques ; - soutenir financièrement les entreprises culturelles pour doter le pays d’une industrie cinématographique.

L’examen de ce plan décennal conduit à deux observations. D’abord, il se présente comme la continuité de la politique culturelle de 1960 à 1980, en ce qu’il propose d’une part, de poursuivre l’ouverture sur le continent, par la création du CICIBA et d’autre part, d’enraciner la culture au plan national, par le biais des maisons de la culture et des complexes culturels. Cette volonté de continuité est aussi clairement affichée dans les objectifs. Ensuite, il propose des actions qui inaugurent une nouvelle ère culturelle, fondée sur le soutien et la valorisation de l’œuvre de création. Avec ce plan décennal, il est question pour la première fois de créer des industries culturelles nationales et de les soutenir financièrement.

Paragraphe 2 : Les résultats obtenus

Les réalisations issues du plan décennal de développement culturel sont classées en deux catégories. Elles sont, soit à caractère national, soit à caractère continental ou international.

A- Les réalisations à caractère national

Il s’agit d’un établissement public créé pour gérer le droit d’auteur au Gabon (ANPAC), et d’une loi qui complète celui-ci.

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1. L’Agence nationale de promotion artistique et culturelle (ANPAC)

L’ANPAC est créée par la loi n° 19/82/PR du 24 janvier 1983. Etablissement public à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière, elle a pour missions de favoriser le développement culturel par la création d’ateliers, d’unités de production et d’industries culturelles ; protéger les œuvres des artistes, écrivains et hommes de lettres ; produire et diffuser des disques, des films et des œuvres culturels ; organiser des manifestations artistiques et culturelles, telles que : spectacles, expositions, festivals, séminaires, colloques; contrôler les manifestations artistiques et culturelles nationales et étrangères, organisées au Gabon par des producteurs locaux ou étranger ; favoriser le rayonnement de la culture gabonaise à l’extérieur par la participation des artistes et des hommes de culture gabonais à toutes les manifestations internationales et conduire d’une façon générale toutes opérations administratives commerciales, financières, mobilières ou immobilières se rattachant directement ou indirectement aux objets ci-dessus ou pouvant en faciliter le développement 163 .

L’autorité de l’Agence sur l’activité culturelle est totale. Elle bénéficie de l’exclusivité de la protection des œuvres artistiques et culturelles nationales, donne l’accord pour la diffusion et la commercialisation des produits culturels étrangers sur le territoire national et détient le monopole de la diffusion et de la commercialisation des œuvres artistiques et culturelles réalisées avec son concours 164 .

Placée sous la tutelle technique du Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire, l’ANPAC a connu des difficultés de gestion et de trésorerie, occasionnant sa fermeture en 1996. Elle a repris ses activités en 2002 avec pour mission de mettre en place des mécanismes nécessaires pour une gestion effective des droits d'auteur et droits voisins au Gabon. Depuis 2006, deux décrets ont été signés par le défunt chef de l’Etat gabonais Omar Bongo ; l’un concerne l’organisme gestionnaire des droits d’auteur et les droits voisins et l’autre, les redevances sur la tarification des droits d’auteur et les droits voisins. Mais, malgré ces avancées juridiques, la problématique des droits d’auteur au Gabon demeure dans sa totalité, les mesures prises n’ayant pas connu d’application réelle.

163 Loi n° 19/82/PR portant création de l’Agence Nationale de Promotion Artistique et Culturelle, art. 4 164 Hebdo informations , n° 38 du 3 mai 1983.

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2. Les lois nationales sur la protection de la propriété intellectuelle

Pour rendre l’activité culturelle lucrative et porteuse d’une plus-value économique, le Gabon s’est doté d’une loi nationale protégeant l’activité littéraire, artistique et scientifique en République gabonaise.165 Au terme de cette loi, sont protégées comme activités littéraires, artistiques et scientifiques, les œuvres écrites (livres, brochures, articles et autres écrits littéraires, artistiques ou scientifiques) ; les œuvres orales (conférences, allocutions, sermons et œuvres de même nature) ; les œuvres créées pour la scène ou la radiodiffusion aussi bien dramatiques et dramatico-musicales que chorégraphiques ; les œuvres audiovisuelles; les illustrations, les cartes, ainsi que les dessins et les reproductions graphiques et plastiques de nature scientifique ou technique ; les œuvres photographiques à caractère artistique ou documentaire auxquelles sont assimilées les œuvres exprimées par un procédé analogue à la photographie ; les œuvres du folklore national.

Contrairement aux œuvres littéraires, artistiques et scientifiques qui sont protégées durant toute la vie de l’auteur et 50 ans après son décès 166 , les œuvres du folklore, dont le droit d’exploitation est administré par l’ANPAC, sont protégées sans limitation de durée 167 . Pour toute représentation, reproduction ou exécution publique de ces œuvres, l’ANPAC délivre une autorisation préalable, moyennant le paiement d’une redevance 168 .

La législation gabonaise protège aussi les œuvres des ressortissants étrangers publiées sur le sol national de la même manière que les œuvres des ressortissants gabonais. Sous réserve de l’application des conventions internationales auxquelles la République gabonaise est partie, les œuvres n’entrant pas dans l’une des catégories visées ci-dessus ne bénéficient de la protection prévue par la loi gabonaise qu’à condition que le pays auquel ressortit ou dans lequel est domicilié le titulaire originaire du droit d’auteur, accorde une protection équivalente aux œuvres des ressortissants gabonais. Toutefois, aucune atteinte ne peut être portée à l’intégrité ni à la paternité de ces œuvres 169 .

165 Loi n° 1/87 du 29 juillet 1987 instituant la protection du droit d’auteur et des droits voisins en République gabonaise. 166 Loi n° 1/87 du 29 juillet 1987, art. 50 167 Idem , art. 7 168 Ibidem , art. 61 169 Loi n° 1/87 du 29 juillet 1987, art. 77

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La loi 1/87du 29 juillet 1987 instituant la protection du droit d’auteur et des droits voisins en République gabonaise est complétée par l’Accord de Bangui révisé (qui a institué l’OAPI a été signé par le Gabon le 2 mars 1977. cf. p. 68) qui fait également office de loi national. L’accord de Bangui est entré en vigueur au Gabon le 28 février 2002 et est applicable comme loi d’Etat et exécutoire de plein droit.

Cet accord instaure la protection intellectuelle, tant au niveau régional que national afin de promouvoir la création littéraire et artistique. Son entrée en vigueur s’est accompagnée de celle des annexes I à VIII, couvrant entre autres les droits d'auteur et les droits voisins (annexe VII), et la protection contre la concurrence déloyale (annexe VIII). Mais cette protection des droits n’est possible qu’après soumission d’une demande auprès de l’OAPI, ou du Centre de Propriété Industrielle du Gabon (CEPIG), structure nationale de liaison avec l’OAPI, créée en 2003 et gérée par le Ministère gabonais du commerce et de l’industrie, chargé du NEPAD.

Pour faire respecter les droits, l’Accord de Bangui prévoit en son article 58 et suivants, le délit de contrefaçon assorti d’une amende de 1 000 000 FCFA à 3 000 000 FCFA et assure la répression au plan pénal. Au plan civil, la sanction est élaborée sous forme de saisie des objets contrefaisants, pouvant faire l’objet d’une confiscation ou d’une destruction 170 .

Au Gabon, la protection de la propriété intellectuelle est assurée par le Code pénal qui réprimande toute sorte d’infraction. Le délit de contrefaçon visé à l’article 325 de ce Code interdit toute reproduction, édition, représentation ou diffusion d’une œuvre protégée sur le territoire national. Au-delà des amendes qui peuvent aller de 24 000 FCFA à 600 000 FCFA, des peines d’emprisonnement (de 3 mois à 2 ans), ou de la fermeture de l’établissement, le contrefacteur peut voir le matériel ayant servi à la reproduction illicite confisqué. Cette mesure est également contenue dans l’article 67 de l’annexe I de l’Accord de Bangui révisé.

Toutefois, sur le plan de la protection des œuvres littéraires et artistiques, l’Accord de Bangui révisé, notamment son annexe VII (protégeant l’œuvre soixante-dix ans après la mort de son auteur), souffre d’une absence d’harmonisation avec la loi 1/87 du 29 juillet 1987, dont la durée de vie d’une œuvre protégée n’excède pas 50 ans après le décès de son auteur.

170 Accord de Bangui révisé, art. 64 et 67

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B- Les réalisations à caractère continental ou international

Les difficultés économiques des années 1970 – 1980 et la domination des échanges internationaux par les pays du Nord ont obligé les pays africains à rechercher des solutions dans une perspective interrégionale. « La stratégie de Monrovia » adoptée en 1979 recommande l’autosuffisance comme base de tout effort de planification. Elle déclare que « l’Afrique ne devait pas attendre avec impatience ou espérer bénéficier d’une soi-disant restructuration du système économique international » 171 .

« La stratégie de Monrovia » sera suivie en 1980, du Plan d’action de Lagos. Conçu par l’OUA, le Plan d’action de Lagos préconise une gestion rigoureuse des ressources, un désengagement vis-à-vis de l’assistance étrangère et la régionalisation. La création du Centre international des civilisations bantu (CICIBA) répond en partie à cet impératif de développement endogène à partir des aires culturelles.

Créé pour défendre, promouvoir et conserver le patrimoine culturel bantou, le CICIBA s’est aussi donné pour mission de créer un « marché commun des produits culturels de la région bantoue, allant du Cameroun à l’Afrique du Sud, soit plus de vingt pays concernés, pour une population de 150 millions de personnes ». 172

A l’initiative du Président Omar Bongo, une Conférence des Ministres de la zone bantu 173 avait été organisée à Libreville, du 5 au 9 juillet 1982 en vue de la création du CICIBA. Dix Etats participèrent à cette première Conférence : Angola, Burundi, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Rwanda, Sao Tomé et Principe, Zaïre (actuellement, République démocratique du Congo), Cameroun et Nigeria. Les deux derniers participaient à titre d’observateurs. La deuxième conférence a eu lieu à Libreville, du 4 au 8 janvier 1983. Elle aboutit à la création du CICIBA De nombreux pays du Nord comme du Sud, ainsi que plusieurs organisations internationales participèrent à cette conférence. Dix pays appartenant à la zone bantou signèrent la convention qui régit cette organisation : Angola, Centrafrique,

171 Stephen Ellis, L’Afrique maintenant, Paris, Karthala , coll. « Homme et société », 1995, p. 47. 172 Emile Mbot, cité par Bernard Nageotte, « Le Ciciba redéfinit ses missions », juillet 2005. Article tiré de www.rfi.fr/actufr/articles/067/article_37299.asp. Consulté le 2 juin 2008. 173 Pour définir la zone bantu, se référer à la carte 2, annexe 1.2.

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Comores, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Rwanda, São-Tomé et Principe, Zaïre et Zambie 174 . Le CICIBA se donnait pour missions de collecter, numériser, stocker et diffuser le patrimoine culturel bantu ; promouvoir les artistes de la zone et leurs produits ; favoriser les échanges culturels et scientifiques entre les artistes, les chercheurs et les animateurs culturels ; développer les programmes de recherches spécifiques dans les domaines de l’identité culturelle bantu, de la sauvegarde du patrimoine culturel matériel et immatériel, de la dimension culturelle du développement ; créer un marché commun des produits culturels de la région bantu. Il avait pour ambition d’être un pôle africain de coopération scientifique et culturelle au service d’un développement durable et intégral (c’est-à-dire à la fois économique, social et culturel) fondé sur la sauvegarde des valeurs authentiques, de l’africanité et de l’humanité. 175

Le CICIBA a enregistré, après sa création, l’adhésion de nombre d’organisations internationales et de pays non africains. Frederico MAYOR, alors Directeur général de l’UNESCO, le décrivait comme un projet culturel parmi les plus grands de la planète, au même titre que la Bibliothèque d’Alexandrie ou le Centre pour le monde Maya 176 . Aussitôt après sa création, l’OUA avait offert au CICIBA « un financement d’un montant de 4 milliards de FCFA, tandis que la France proposait de fournir son savoir-faire informatique, la fondation Rockefeller offrait de contribuer à la production de programmes scolaires, et la Chine était intéressée par la recherche en médecine traditionnelle »177 .

Ces contributions régionale et internationale permirent au CICIBA d’organiser dès 1985 à Libreville, siège de l’organisation, une première biennale de l'art contemporain bantou. Elle sera suivie de plusieurs autres. Une méthode ethnolinguistique sera mise au point pour permettre, à partir des noms de ses villages, de retracer l’histoire d’une région. Cependant, l’insuffisance de moyens financiers 178 et la récurrence des conflits armés en Afrique Centrale

174 Henry Tourneux, « Le Centre international des civilisations bantu (CICIBA) », p. 95. Tiré de www.politique- africaine.com/numeros/pdf/009095.pdf. Consulté le 3 avril 2008. 175 CICIBA, « Mémorandum pour l’achèvement du siège du CICIBA. Programme architectural, Fonctionnement, Activités », Libreville, Multipress-Gabon, 1992, p. 2 176 Idem , p. 3 177 Bernard Nageotte, « Le Ciciba redéfinit ses missions », juillet 2005. Article tiré de www.rfi.fr/actufr/articles/067/article_37299.asp. Consulté le 2 juin 2008 178 Les arriérés de cotisations des États membres s’élevaient en 2005 à 2,7 milliards de FCFA, in Bernard Nageotte, idem .

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mettront le Centre dans une profonde léthargie. Selon un rapport de l’UNESCO, le CICIBA n’aura réalisé, au mieux, que 10 % de ses objectifs depuis sa création 179 .

Au XII ème Sommet de la CEEAC, tenu à Brazzaville en juin 2005, les Chefs d’Etats et de gouvernement présents se sont engagés à accélérer les activités du CICIBA. Une banque de données a été créée grâce au riche fonds documentaire 180 accumulé par le centre depuis sa création. Cette banque procure à l’organisation sa dimension internationale et interdisciplinaire, compte tenu des informations musicologiques, muséologiques anthropologiques, philologiques et archéologiques qu’elle contient.

Mais, la seule volonté des Etats membres ne suffit pas si elle ne s’accompagne des moyens financiers conséquents, nécessaires à la poursuite d’une activité de recherche. Actuellement, le Centre négocie son rattachement à la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) afin de bénéficier de l’appui financier de cette organisation sous régionale. Le CICIBA ne deviendra un laboratoire de recherche culturelle, un partenaire au développement économique africain que lorsque ses Etats auront compris le rôle que doit jouer la culture dans leur développement respectif. Au moment où les industries culturelles sont reconnues comme indispensables au développement économique des pays africains, le CICIBA doit devenir pour ses 11 pays membres 181 , un instrument pratique et efficace de coopération africaine.

CONCLUSION PARTIELLE

Au terme de cette section sur le plan décennal de développement culturel pour la période allant de 1980 à 1990, il ressort qu’une loi sur le droit d’auteur et les droits voisins fut votée, et deux institutions ont été créées. L’une, à caractère national (ANPAC) et l’autre, à caractère continental (CICIBA). Il faut ajouter à ces trois réalisations la création d’une imprimerie au Ministère de la culture (elle est aujourd’hui inexistante), le renforcement des

179 Bernard Nageotte, op.cit . 180 Le CICIBA disposerait de plus de 10.000 références bibliographiques réparties comme suit : 8500 microfiches et microformes, 200 documents sonores et plus de 2000 ouvrages et thèses spécialisés. Informations tirées de www.ciciba.org. 181 S’ajoute aux 10 premiers pays signataires de la convention du 8 janvier 1983, le Cameroun.

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capacités de la radio et télévision nationales et la valorisation du CENACI. Toutefois, malgré ces réalisations, la baisse des budgets du Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire a constitué un frein à la réalisation totale de cet ambitieux plan de développement culturel. Il n’a pas permis au Gabon de disposer d’une politique culturelle à vocation véritablement économique. Mais, cet échec a peut-être favorisé une réorientation de la politique culturelle gabonaise à partir 1990. Quelle est donc la politique culturelle gabonaise aujourd’hui ?

SECTION 2 : LA POLITIQUE CULTURELLE AU-DELA DU PLAN

DECENNAL DE DEVELOPPEMENT CULTUREL

L’inapplication de la grande majorité des recommandations du plan décennal a amené le Gabon à reconduire ce plan comme programme d’actions à mener au cours des années qui ont suivis. C’est ainsi qu’aujourd’hui, certaines actions qui n’ont pas été réalisées pendant la décennie 1980-1990 viennent de l’être, au bénéfice notamment des secteurs de l’édition, de la radio, de la télévision et du cinéma. Au niveau supranational, le Gabon a continué à ratifier les instruments juridiques internationaux.

Paragraphe 1 : Le renforcement du dispositif réglementaire : la création d’un Code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite

Les premières tentatives gabonaises en matière de lois sur la communication remontent à 1960. Mais, la loi n°4/59 du 5 janvier 1960 sur la liberté de la presse et d’opinion, régissait seulement la presse écrite et les activités connexes, telle que l’imprimerie et organisait le régime des interdictions et des sanctions. C’est pourquoi, elle a été complétée, mais tardivement par la loi n° 4/89 du 6 juillet 1989 fixant le régime juridique de la radiodiffusion et de la télévision au Gabon. Cinq ans après, cette loi sera abrogée par l’ordonnance n° 7/93 du 1 er octobre 1993 définissant le régime de la communication et englobant la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite. Cette ordonnance

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sera remplacée à son tour par la loi n°12/2001 du 12 décembre 2001 portant Code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite en République gabonaise 182 .

Le Code de la Communication est donc la loi qui régit toutes les activités audiovisuelles, cinématographiques et écrites au Gabon. Elle détermine les conditions de création d’entreprises, leurs obligations et les sanctions qu’elles encourent en cas de violation du droit. La création d’une entreprise audiovisuelle de droit gabonais est assujettie à la procédure suivante : obtention d’une autorisation technique auprès du Ministère chargé de la communication, après avis du Conseil national de la communication (CNC) ; obtention d’un agrément de commerce auprès du Ministère chargé du commerce ; immatriculation au registre du commerce ; obtention d’une autorisation d’usage de bandes de fréquence et des fréquences accordées par le Ministre chargé de la communication ; attribution d’une fréquence par le Ministère chargé des télécommunications ; paiement d’une redevance annuelle d’usage de fréquence auprès du Trésor public et obtention d’une autorisation d’émettre délivrée par le CNC 183 . Ces conditions sont également celles recommandées pour la création d’une entreprise de publicité (article 202) et d’édition (article 181). Elles varient toutefois lorsqu’il s’agit de la communication écrite 184 et de l’imprimerie.

La création d’un organe de presse nécessite l’obtention d’un récépissé de déclaration de constitution auprès du Ministère chargé de la communication, l’obtention d’un récépissé de déclaration de parution auprès du procureur de la République dont copie est déposée au CNC. Cette déclaration comprend l’identification complète du ou des propriétaires et du directeur de publication, le titre de l’organe de presse et son mode de parution, la référence de l’imprimerie où l’organe de presse doit être édité ou celle des moyens de reproduction 185 .

Avant sa publication, tout organe de presse doit faire paraître dans un journal d’annonces légales les informations suivantes : les noms et prénoms du propriétaire ou du principal copropriétaire si l’entreprise éditrice n’est pas dotée de la personnalité morale ; la

182 Institut Panos Paris, Afrique centrale : cadres juridiques et pratiques du pluralisme radiophonique , Paris, Karthala, 2005, p. 165-166. 183 Code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite. Loi n°12/2001 du 12 décembre 2001, art. 67 184 Au sens de la loi n° 12/2001 du 12 décembre 2001, la communication écrite comprend notamment les journaux, les magazines, les périodiques, les cahiers ou lettres d’information paraissant à intervalles réguliers, excepté les revues scientifiques, artistiques ou professionnelles (article 94). 185 Art. 96

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dénomination, la raison sociale, le siège social, le statut et le nom du représentant légal si l’entreprise éditrice est une personne morale ; le nom du directeur de publication et celui du responsable de la rédaction. Ces informations doivent figurer dans chaque numéro de l’organe de presse (article 97).

Au sens de la présente loi, l’imprimerie s’entend comme « l’ensemble des techniques et moyens qui concourent à la fabrication d’ouvrages et autres supports de communication »186 . Contrairement aux entreprises privées de communication audiovisuelle, de publicité, d’édition et de presse dont la création nécessite le paiement d’une redevance annuelle auprès du Trésor public, l’imprimerie est exemptée de cette obligation.

Toutefois, l’exercice de la fonction de journaliste187 ou de professionnel de la production audiovisuelle et cinématographique 188 (exception faite des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent qu’une collaboration occasionnelle) est conditionné par l’obtention d’une carte professionnelle de presse délivrée par le Ministre en charge de la communication, sur proposition de la Commission nationale de la carte de presse 189 . Le Code de la communication impose par ailleurs aux entreprises de communication audiovisuelle et cinématographique des quotas de production dont le respect est garanti par le CNC : « les œuvres audiovisuelles et cinématographiques nationales et africaines doivent impérativement occuper au moins 60 % de la grille hebdomadaire des programmes de toute chaîne publique de radiodiffusion et 40 % pour les chaînes publiques de télévision. Ces quotas sont de 60 % pour les radios privées nationales et 20 % pour les radios à vocation internationale. Ils sont de 20 % pour les entreprises privées de télévision et de cinéma »190 .

186 Art. 171 187 Le Code de la communication définit le journaliste comme « toute personne titulaire d’un diplôme de journalisme délivré par une école de formation spécialisée reconnue par l’Etat et attestant d’une expérience professionnelle d’un an minimum ou tout rédacteur d’articles, commentateur, présentateur de journaux parlé et télévisé tirant l’essentiel de ses ressources depuis deux ans au moins de cette activité (article 12). 188 Le producteur de la production audiovisuelle et cinématographique est « toute personne titulaire d’un diplôme de technicien de production délivré par une école de formation aux métiers de la production audiovisuelle ou cinématographique reconnue par l’Etat et justifiant d’une expérience professionnelle d’au moins un an. Il en est de même pour toute personne exerçant à plein temps une fonction concourant à la production audiovisuelle et cinématographique depuis trois ans (art. 2) 189 Art. 18 190 Art. 225

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Les entreprises publiques et privées de production, de distribution et d’exploitation des œuvres audiovisuelles et cinématographiques se sont également vues assigner la mission de promouvoir la culture gabonaise par la participation à la réalisation des produits nationaux et de leurs auteurs aux manifestations internationales, notamment les festivals, les conférences, les congrès, les marchés et échanges de programmes ainsi que par des actions de coproduction et de coopération 191 . Les entreprises audiovisuelles étrangères ne sont cependant pas astreintes aux quotas de production ou de diffusion des œuvres gabonaises et africaines. Elles n’ont pas non plus l’obligation de promouvoir et de soutenir la culture et les auteurs gabonais.

La loi n°12/2001 limite par ailleurs la propriété des entreprises privées de communication audiovisuelles, cinématographiques et écrites et les entreprises d’édition à une catégorie de personnes. Elle exclut à ce titre les personnes exerçant les fonctions de Président de la République, membre des corps constitués, membre du gouvernement, fonctionnaire, magistrat, agent des forces de défense et de sécurité 192 .

En cas d’infraction, d’irrespect de la loi et de la déontologie, le Code de la communication prévoit des sanctions à l’encontre des responsables des entreprises audiovisuelles, cinématographiques, d’imprimerie et de distribution. Ces sanctions vont de la mise en demeure, du retrait provisoire de l’autorisation d’émettre (radios et télévisions), de l’interdiction provisoire d’exercer l’activité de production, de distribution ou d’exploitation des œuvres cinématographiques à une amende financière allant de 500 000 FCFA à 5 000 000 FCFA, selon les cas 193 .

Paragraphe 2 : La création d’un instrument d’aide publique à la presse et l’instauration d’une fête nationale des cultures.

« Un film n’est pas seulement une histoire que le cinéma vend, mais aussi une culture, un pays, un autre type de consommation »194 . Le réalisateur français Bertrand Tavernier dans

191 Art. 226 192 Art. 69 193 Art. 86 194 Tiré de http://www.evene.fr/celebre/biographie/bertrand-tavernier-1272.php?citations. Consulté le 2 avril 2008

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Première partie

cette assertion, soulève le problème de la nature du produit culturel. La culture serait-elle un bien public que l’Etat doit soutenir au même titre que l’eau, l’énergie? Cette question a longtemps constitué un point d’achoppement dans les relations commerciales multilatérales au sein du GATT, d’abord, et de l’OMC, ensuite. Avec l’adoption en 2005 de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, les produits culturels sont aujourd’hui considérés comme exceptionnels. Elle met la culture à l’abri de la loi économique du marché et avalise les initiatives opérées par les pouvoirs publics pour soutenir et promouvoir leurs industries culturelles. A titre d’exemple, le schéma ci-après montre les relations entre l’Etat (pouvoirs publics) et les différents acteurs culturels en Europe et au Canada.

Créateurs Public

Pouvoirs publics

Industries culturelles Radio-télévision

Source : François Rouet et Xavier Dupin, Le soutien aux industries culturelles en Europe et au Canada , Paris, La Documentation française, 1991, p. 8

Ce modèle de jeu à cinq partenaires – même s’il aurait gagné en pertinence en intégrant la radio-télévision au champ des industries culturelles -- place les pouvoirs publics au centre de l’action culturelle. « Elle permet d’une part, au public d’accéder à la culture et, d’autre part, aux créateurs de trouver un public »195 tout en assurant le renouvellement du produit et son accès en quantité suffisante. Ainsi, l’action de l’Etat, compte tenu des coûts élevés des facteurs de production des produits culturels, et afin de permettre à un plus grand nombre de consommateurs de jouir pleinement de ces produits, ne se limite plus aux seuls programmes et équipements culturels. Jean Jacques Aillagon, Ministre français de la culture

195 François Rouet et Xavier Dupin, op. cit ., p. 7.

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déclarait en 2003: « le Ministère de la culture doit être aussi le Ministère de l’économie de la culture »196 .

Le soutien public à la culture est aussi économique. De fait, deux types d’aides sont possibles : les aides directes et les aides indirectes. Les aides directes sont constituées par des subventions allouées de façon régulière ou exceptionnelle. Elles peuvent avoir différentes finalités : aides au fonctionnement, aides à la modernisation, aides à la production, etc. Les aides indirectes sont au contraire traduites par « des moins-values de recettes fiscales ou sociales pour l’Etat, les collectivités territoriales, les organismes sociaux ou les entreprises publiques prestataires, que compense ou non l’Etat. Il s’agit donc des facilités accordées aux entreprises sous la forme des réductions tarifaires ou fiscales »197 .

Au-delà des subventions accordées aux institutions spécialisées (ANPAC et CENACI), le Gabon soutient très peu ses industries culturelles. Toutefois, une aide directe accordée à la presse écrite existe depuis 2005 sous le nom de Fonds national pour le développement de la presse et de l’audiovisuel (FONAPRESSE).

La création du FONAPRESSE par la loi n°023/2005 du 20 décembre 2005 met fin à une allocation annuelle d’un montant de 500 000 000 FCFA octroyée à la presse écrite privée depuis 2003 par le Président Omar Bongo. Sa mission est de soutenir l’édition, l’impression et la distribution des organes de la presse écrite ; la production et l’acquisition des produits de presse et de l’audiovisuel ; l’acquisition des matériels techniques d’exploitation ; l’organisation des actions de formation et de promotion des secteurs de la communication 198 . Il est administré par un comité d’orientation de 13 membres et géré par un administrateur nommé par décret du Président de la République pris en conseil des Ministres, sur proposition du Ministre chargé de la communication.

Les membres du comité d’orientation sont issus du Ministère chargé de la communication (Président), du Ministère des finances (Vice-président), du Ministère de la planification, du CNC, de la Présidence de la République, de la Primature, de l’Assemblée

196 Extrait du journal Le Film français , 16 mai 2003. 197 Domitille Duplat et Marie-Soleil Frère, Aides publiques aux médias d’Afrique centrale : pourquoi, comment ? Paris, Institut Panos Paris, décembre 2004, p. 13. 198 Loi n°023/2005 du 20 décembre 2005, art. 3

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nationale, du Sénat, du Conseil Économique et Social, des communicateurs du secteur public (2 membres) et des communicateurs du secteur privé (2 membres).

Les ressources du fonds proviennent des subventions de l’Etat, du produit des amendes ou autres pénalités résultant de l’application des textes régissant la communication audiovisuelle et écrite, de 5 % du produit des communiqués, publicités et annonces et des dons et legs 199 . Mais, depuis sa création, la subvention annuelle de l’Etat, d’un montant de 500 000 000 FCFA (équivalant au montant de l’aide accordée par Omar Bongo en 2003 et 2004 à la presse écrite privée) constitue l’essentiel de ses ressources.

Par ailleurs, faute de critères adéquats d’éligibilité des bénéficiaires, la répartition du FONAPRESSE constitue une difficulté de taille pour le comité d’orientation ; les responsables de certains médias accusant le Ministère de la communication de partial à l’égard de la presse progouvernementale. Les critères d’attribution de l’aide (régularité de la parution, rigueur rédactionnelle, prix de chaque parution) sont jugés peu précis, voire inadéquats.

Si les professionnels de la communication peuvent se réjouir du FONAPRESSE comme l’unique aide directe à la culture, par contre aucun mécanisme d’aide indirecte n’existe au Gabon, à l’exception de la loi n°016/2005 portant promotion des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et des Petites et Moyennes Industries (PMI). L’article 9 de cette loi prévoit une exonération pendant cinq ans de l’impôt sur les bénéfices et de taxes de douane sur les intrants. Mais, son caractère très ponctuel n’en fait pas réellement une mesure de soutien aux industries culturelles ; car, « une mesure à l’égard d’une industrie culturelle et qui se réfère à un objectif de politique culturelle doit correspondre à un mécanisme permanent d’intervention »200 .

Une autre action a été initiée par le Gabon après le quasi échec du plan décennal : l’instauration d’une fête nationale des cultures. C’est le décret n° 000305/PR/MCAEPRDH du 31 mars 2008 qui crée officiellement la fête des cultures et lui donne une dimension nationale. Longtemps sans base juridique, le concept de la fête des cultures est né à Libreville en 1997

199 Art. 4 200 François Rouet et Xavier Dupin, op. cit. , p. 11.

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d’une initiative de son Maire, le Père Paul Mba Abessole. La fête des cultures est l’expression de la diversité culturelle des peuples gabonais et des communautés étrangères vivant à Libreville. Selon son initiateur, « la fête des cultures est une rencontre des peuples et des civilisations autour d’un même idéal : se connaître et se côtoyer »201 .

Organisée de 1997 à 2004 par la Mairie de Libreville en collaboration avec le gouvernement gabonais, avant d’être intégrée aux manifestations annuelles du Ministère de la Culture en 2006, la fête des cultures est une liesse populaire, un moment d’échanges et de découverte de l’autre. Elle est ponctuée par une série d’activités culturelles et scientifiques, notamment des conférences-débats, des jeux concours, des spectacles, des prestations socio- culturelles, des défilés de mode traditionnelle, des prestations d’art culinaire, des expositions, des bals populaires. La fête des cultures a souvent connu la participation des pays étrangers : Congo Brazzaville, Cameroun, Côte d’Ivoire, Chine, Etats-Unis, Afrique du Sud, Bénin, Sénégal.

Après le départ de Mba Abessole de la mairie de Libreville et son entrée au gouvernement en 2002, la fête des cultures a quelque peu perdu son caractère populaire, laissant place en 2006 à des journées culturelles thématiques. Lancées par le Ministère de la Culture, des Arts et de l’Education populaire, les journées culturelles thématiques sont un cadre de réflexion sur la diversité culturelle nationale. Elles posent les bases d’une évaluation de la culture gabonaise. Pendant les éditions de 2006 et 2007, les spécialistes gabonais et étrangers du monde de la culture ont réfléchi sur la problématique des arts plastiques dans les religions traditionnelles africaines autour du thème « Art et Spiritualité ». En 2007, les débats ont porté sur la danse des masques ; et les journées avaient pour thème : « la vie est une quête identitaire de tout un chacun »202 .

Mais, la nomination de son initiateur en décembre 2007 au poste de Vice-Premier Ministre en charge de la Culture a redonné au concept sa valeur culturelle originelle : un moment d’échanges au cours duquel chaque culture apporte à l’autre ce qui lui est caractéristique. Au Ministère, Paul Mba Abessole supprime les journées culturelles

201 Junior Mboulet, « Le Conseil des ministres annonce le retour de la fête des cultures », 7 mars 2008, in www.allAfrica.com. Consulté le 5 juin 2008 202 Yves Laurent Goma, « Gabon : célébration des journées thématiques du 12 au 14 juin prochain sur la dance des masques à Libreville », 15 juin 2007, in www.gabonews.ga. Consulté le 3 mars 2008.

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thématiques et relance la fête des cultures. Le décret n° 000305/PR/MCAEPRDH du 31 mars 2008 lui donne un caractère national et améliore sa conception. Elle est organisée pendant la période de Pentecôte et a désormais pour buts de faire découvrir et promouvoir les artisans et artistes nationaux ; favoriser les échanges entre les communautés culturelles nationales et dynamiser la coopération culturelle avec les autres pays 203 .

Le décret sus-cité détermine également les sources de financement de cet événement dont l’organisation est désormais inscrite au budget de l’Etat sur une ligne budgétaire du Ministère de la Culture (article 6). Elle est convoquée une fois par an par le Ministère qui fixe par arrêté, la composition du comité chargé de son organisation 204 .

Toutefois, le décret ne spécifie pas les lieux de la fête (capitales provinciales, départements, etc.) et n’énumère pas non plus les différentes activités devant faire l’objet de la manifestation. A ce sujet, plusieurs professionnels de la culture ont porté des critiques négatives sur l’organisation de la neuvième édition de la fête des cultures qui s’est tenue à Libreville du 9 au 12 mai 2008. Ils lui reprochent de ne pas suffisamment valoriser les arts plastiques, la littérature et le cinéma. Selon Ange Nzaou, artiste peintre, « la fête des cultures a pris des allures d’une rencontre folklorique et les populations ne montrent aucun intérêt pour les arts plastiques, car tout le monde va vers les danseurs, le vin et la nourriture »205 . Les critiques sont similaires lorsqu’il s’agit du livre : « il est très important de promouvoir la littérature […]. Les gens ne viennent pas vers le livre. Et pour les jeunes, c’est la catastrophe […] ». La fête des cultures semble aussi avoir pris une dimension très politique (présence du Chef de l’Etat, des responsables des partis politiques, des parlementaires, des membres du gouvernement, des Corps diplomatiques, etc.).

S’il est vrai que l’objectif assigné à cette fête est celui de valoriser les cultures nationales dans leur diversité, il n’en demeure pas moins que de cette valorisation devrait sortir un secteur culturel bien organisé avec des retombés positives réelles. Aussi, au-delà du caractère scientifique et philosophique des conférences inaugurales, la fête des cultures gagnerait-elle davantage en crédibilité si ces conférences se fondaient par exemple sur les

203 Décret n° 000305/PR/MCAEPRDH du 31 mars 2008, art. 3 204 Art. 4 205 Cité par Pierre Eric Mbog, « Le Gabon à l’heure de la fête des cultures. Les artistes du pays réunis à Libreville », 19 mai 2008, in www.africa.com /article 1412.html. Consulté le 20 juillet 2008

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réalités culturelles nationales. Les réflexions sur les droits d’auteur au Gabon, le statut professionnel des artistes, l’édition du livre, l’état des lieux du cinéma national… ne seraient pas inintéressantes.

Paragraphe 3 : La ratification des instruments juridiques internationaux : la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles

« Gérer un environnement mondial dans lequel les économies, les peuples et les civilisations convergent, tout en préservant leur identité et leur culture, est le grand défi et la grande promesse de notre temps »206 . Cet extrait du discours de Renato Ruggiero, ancien Directeur général de l’OMC, prononcé lors du Sommet des Chefs d’Etat du MERCOSUR au Paraguay le 19 juin 1997, annonce un débat, vieux de plusieurs années déjà, sur le statut applicable à la culture dans les échanges commerciaux internationaux.

En 1948, les principes fondamentaux régissant le GATT 207 entrent en vigueur. Il s’agit notamment de l’abaissement des droits de douane, de la clause de la nation la plus favorisée, de la clause du traitement national, de l’interdiction des restrictions quantitatives, de l’interdiction du « dumping » et des subventions à l’importation. Mais, l’article 4 de l’Accord dispose cependant d’une exception (la clause de sauvegarde) qui octroie aux pays en développement la possibilité de relever leurs droits de douane afin de protéger leurs industries naissantes. Le cinéma américain souffrira de cette disposition car certains pays, pour limiter la pénétration de leurs marchés par les produits hollywoodiens, vont mettre en place des politiques de quotas à l’importation. Très vite, les Etats-Unis vont réagir. Sous leur influence, le dernier cycle du GATT, l’Uruguay Round, adopte entre 1986 et 1994 l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), ou GATS (General Agreement on Trade in Services).

206 Rénato Ruggiero, OMC, Press/74, 19 juin 1997. Cité par Yvan Bernier et Dave Atkinson, « Document de réflexion sur : Mondialisation de l’économie et diversité culturelle : ‘’ les arguments en faveur de la préservation de la diversité ‘’. Thème : La promotion de la diversité culturelle », Deuxième Concertation intergouvernementale, Paris, le 12 décembre 2000. Tiré de www. francophonie.org. Consulté le 2 mars 2007. 207 L'objectif du GATT était la libéralisation des échanges commerciaux par l'abaissement des droits de douane et des restrictions quantitatives ou qualitatives aux échanges internationaux. Il fut signé par 23 pays et entré en vigueur en janvier 1948.

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L’AGCS est un accord multilatéral qui vise à libéraliser le commerce des services. Il est fondé sur trois principes : le libre accès au marché, c’est-à-dire la disparition des droits de douane, la clause du traitement national (tout produit importé doit être traité de la même façon qu’un produit national) et la clause de la nation la plus favorisée (lorsque deux Etats membres du GATT s’accordent mutuellement des avantages, ces avantages doivent être étendus à tous les Etats membres du GATT).

Comme la clause de sauvegarde pour les Américains, l’AGCS va constituer pour les pays européens, en tête desquels la France et le Canada, une menace pour leurs produits culturels. Deux positions presqu’antagonistes vont donc s’affronter au sein du GATT. Selon l’une d’elles, notamment française et canadienne, « même si les biens et services culturels ont une valeur marchande et s’inscrivent dans des circuits commerciaux, ils ne sauraient être assimilés à de simples marchandises, car ils sont porteurs de valeurs et de symboles et, de là, touchent à l’identité culturelle d’une nation. La culture doit donc être sujette à une exception culturelle »208 . La seconde approche, soutenue par les Etats-Unis, argue que « la culture constitue un secteur économique comme les autres et les mesures publiques visant à promouvoir et à protéger les industries culturelles ne sont qu’une autre forme inacceptable de protectionnisme. […] Les biens et services culturels ne sauraient faire l’objet de dispositions spécifiques »209 . L’opposition de ces deux approches va aboutir en 1994 à l’adoption d’une clause d’exception culturelle au sein du GATT. Cette clause ne donnera cependant pas totalement satisfaction à la position franco-canadienne car, même si la culture est momentanément exclue des échanges commerciaux internationaux, elle n’est pas définitivement éloignée du GATT.

La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005 va mettre définitivement fin à ce débat en légitimant les politiques en faveur de la préservation des identités culturelles.

Ratifiée par le Gabon le 15 mai 2007, la Convention de l’UNESCO du 20 octobre 2005 donne à chaque Etat signataire, singulièrement aux Etats africains francophones, la liberté de choix des mesures applicables pour le développement des industries culturelles

208 Gilbert Gagné (sous la direction), La diversité culturelle. Vers une convention internationale effective ? Québec, Fides, 2005, p. 10. 209 Idem.

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nationales. Ce sont les mesures réglementaires qui visent à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles ; les mesures qui, d’une manière appropriée, offrent des opportunités aux activités et produits culturels nationaux, de trouver leur place parmi l’ensemble des activités, pour ce qui est de leur création, production, diffusion, distribution et jouissance, y compris les mesures relatives à la langue utilisée pour lesdits activités, biens et services ; les mesures qui visent à fournir aux industries culturelles nationales indépendantes et aux activités du secteur informel un accès véritable aux moyens de production, de diffusion et de distribution d’activités, biens et services culturels ; les mesures qui visent à accorder des aides financières publiques ; les mesures qui visent à encourager les organismes à but non lucratif, ainsi que les institutions publiques et privées, les artistes et les autres professionnels de la culture, à développer et promouvoir le libre échange et la libre circulation des idées et des expressions culturelles ainsi que des activités, biens et services culturels, et à stimuler la création et l’esprit d’entreprise dans leurs activités ; les mesures qui visent à établir et soutenir, de façon appropriée, les institutions de service public ; les mesures qui visent à encourager et soutenir les artistes ainsi que tous ceux qui sont impliqués dans la création d’expressions culturelles et les mesures qui visent à promouvoir la diversité des médias, y compris au moyen du service public de radiodiffusion »210 .

Sur le plan international, elle permet de renforcer la coopération et la solidarité internationales dans un esprit de partenariat afin, notamment, d’accroître les capacités des pays en développement, de protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles (article 1). Elle constitue également un instrument fondateur du droit international en matière de culture et peut être considérée comme étant le prolongement de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, adoptée à l’unanimité par la 31 ème Session de la Conférence générale de l’Unesco, le 2 novembre 2001.

L’entrée en vigueur de cette Convention le 18 mars 2007 permet au Gabon de renforcer son dispositif national de protection culturelle et de dynamiser ses industries culturelles. Ainsi, la Convention, en son article 14 intitulé : « Coopération pour le développement », met l’accent sur le renforcement des industries culturelles des pays en développement par le canal notamment, d’un accès plus large de leurs activités, biens et

210 UNESCO, « Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles », Paris, le 20 octobre 2005, art. 6

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services culturels au marché mondial et aux circuits de distribution internationaux. Ainsi, la Convention prévoit-elle l’établissement d’un Fonds international pour la diversité culturelle, l’octroi d’une aide publique au développement et d’autres formes d’aides financières telles que des prêts à faible taux d’intérêt, des subventions et d’autres mécanismes de financement.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Il est généralement admis que la compétitivité des industries culturelles dépend des politiques culturelles nationales mises en place. Au Gabon, la politique culturelle a commencé à prendre forme dès l’arrivée au pouvoir du Président Léon Mba en 1961. A partir de cette date et jusqu’à sa mort en 1967, il va définir des orientations qui vont servir de politique culturelle pendant cette période. Ces orientations vont consister à construire des infrastructures et à créer des activités culturelles, à créer des institutions nationales en charge de la culture et à établir des relations diplomatiques avec des pays tiers et des organisations internationales. Le bilan de ces orientations révèle le développement de la radio nationale, la création de la télévision nationale, la création de la Direction des Affaires culturelles (qui deviendra en 1982 le Ministre de la Culture, des Arts et de l’Education populaire), la construction du Musée national (qui deviendra en 1975 le Musée National des Arts et Traditions de Libreville). Sur le plan bilatéral et multilatéral, une convention entre le Gabon et la France a été signée en 1963 pour aider la création de la télévision nationale. Membre de l’UNESCO en 1960, le Gabon a ratifié en 1962 sous son égide, l’Accord de Florence portant sur l’importation d’objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel. Il a également ratifié en 1961 la Convention de Berne sur la protection internationale des œuvres littéraires et artistiques. Toutes ces réalisations qui répondent aux orientations de Léon Mba constituent les fondements de la première politique culturelle gabonaise, centrée sur l’enracinement national et le rayonnement international. Cette première politique culturelle va se poursuivre avec l’arrivée au pouvoir du Président Omar Bongo en 1967. Les recommandations issues des deux congrès extraordinaires du PDG (1970 et 1973) renforcèrent les orientations de Léon Mba, tout en insistant sur l’augmentation des budgets des institutions culturelles nationales. Pour la première fois depuis 1960, le Gabon va disposer d’une politique clairement définie et issue d’une réflexion commune. Ainsi, plusieurs infrastructures culturelles vont-elles se construire. Il s’agit d’une bibliothèque nationale (1967), d’une Ecole Nationale d’Arts et manufacture

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(ENAM, 1970) et du Centre national du cinéma (CENACI, 1975). Le Gabon va aussi renforcer les capacités techniques de la radio et de la télévision nationales. Il signe avec la France en 1967 une nouvelle convention pour la formation du personnel de la radiodiffusion gabonaise. Sur le plan bilatéral, il conclu des accords avec le Brésil (1975), le Mexique (1976) et le Québec (1978). Au niveau interétatique, il est devenu membre de l’OMPI (1967) et de l’OAPI (1977). Sa participation au FESTAC sera des plus remarquées (nombre de participants et de contributions, budget consacré, etc.). Cependant, au-delà de la construction d’édifices culturels, de la signature de conventions et accords internationaux et de la participation à des manifestions continentales, la première politique culturelle gabonaise n’a été que partiellement exécutée. En particulier, excepté Libreville, les autres villes du pays n’ont pas bénéficié de ces infrastructures. De plus, les recommandations du PDG sur la formation du personnel en charge de la culture et l’augmentation des crédits des administrations culturelles n’ont pas été appliquées. Tous ces manquements ont amené le Gabon a « repanser » sa politique culturelle et à proposer un plan décennal de développement culturel pour la période allant de 1980 à 1990. Ce plan décennal a été également un échec, du fait de la diminution des crédits du Ministère de la Culture. Toutefois, il a été reconduit comme programme d’action après 1990 avec des résultats positifs. Il est à l’origine de la création du FONAPRESSE, de la fête nationale de la culture et de la ratification par le Gabon en mai 2007 de la Convention internationale sur la protection de la diversité des expressions culturelles.

Mais, toutes ces politiques culturelles ont-elles favorisé la création ou le développement des industries culturelles au Gabon ? La partie qui va suivre nous permettra de répondre à cette question.

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Deuxième partie

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Deuxième partie

DEUXIEME PARTIE :

L’ETAT DES LIEUX DES INDUSTRIES

CULTURELLES GABONAISES

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Deuxième partie

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Deuxième partie

L’objet de cette deuxième partie est de déterminer l’efficacité des politiques culturelles gabonaises quant à la création et le développement des industries culturelles nationales. Cela oblige à présenter d’abord dans le premier chapitre de cette partie (chapitre 3) la spécificité du produit culturel par rapport aux autres produits marchands, le marché des produits culturels gabonais et l’avenir des produits culturels gabonais sur le marché national et international. Ce chapitre permettra aussi de déceler les besoins des populations sur le plan culturel, leurs attentes et les difficultés d’accès aux produits culturels nationaux.

Le deuxième chapitre de cette partie (chapitre 4) complétera le chapitre précédent en dressant un état des lieux des principales industries culturelles gabonaises, leurs forces et faiblesses. Il s’agira également de situer le rôle et la place de l’Etat et des institutions internationales dans la vie de ces industries.

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Deuxième partie

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Deuxième partie

CHAPITRE 3 : LE COMMERCE DES PRODUITS

CULTURELS GABONAIS

Les différentes acceptions 211 , parfois contradictoires, qui tournent autour de la notion de bien culturel obligent, pour des raisons de compréhension de l’analyse et parce qu’il s’agit d’étudier le rapport entre le culturel et l’économique, d’utiliser plutôt tout au long de ce travail la notion de produit culturel.

Le produit culturel peut être décrit « par sa dimension technique ou par sa valeur symbolique […]. C’est un ensemble de bénéfices perçus par le consommateur, aussi bien réels qu’illusoires, mais pour lesquels il consent à investir argent et efforts, et ce, en fonction de l’importance de son besoin et de la disponibilité de ses ressources »212 . En d’autres termes, un produit culturel est une œuvre de création soumise aux lois de l’offre et de la demande. Il obéit à plusieurs phases (création, production, diffusion…) qui rendent possible sa commercialisation.

Mais, parler du commerce des produits culturels gabonais n’est pas chose aisée, tant les statistiques économiques sont rares, voire inexistantes. Quant elles existent, elles sont très parcellaires. En réalité, les industries culturelles ne sont pas totalement désagrégées des comptes nationaux. Elles sont plutôt noyées dans la catégorie des « services » et parfois même de « loisirs et divertissement » pour les produits issus de la musique et du cinéma. Ce qui ne permet pas de déterminer avec aisance et objectivité la contribution des industries culturelles à l’économie nationale.

211 Selon Marie Cornu, in « Droits des biens culturels et des archives », Légamédia, le droit de l'Internet sur EDUCNET, http://www.educnet.education.fr/chrgt/biensculturels.pdf, novembre 2003, p. 3-4 , l’expression de bien culturel est aujourd’hui très largement sollicitée. Elle sert parfois à désigner toutes sortes de productions, de supports susceptibles d’un contenu culturel : le livre, le cinéma, le multimédia. Dans le droit des biens culturels, elle prend cependant un sens plus spécifique et concerne les éléments du patrimoine culturel. Le patrimoine culturel s’entend, précise-t-elle, comme un ensemble de valeurs dont il faut assurer la transmission aux générations futures, c’est-à-dire les biens, lieux, objets, etc. qui sont porteurs de ces valeurs (sens commun). Au sens juridique, le patrimoine culturel devient restrictif et ne recouvre qu’un sous-ensemble centré sur les éléments matériels du patrimoine. 212 François Colbert, Jacques Nantel, Suzanne Bilodeau et J. Dennis Rich, Le marketing des arts et de la culture (2è éd), Montréal-Paris, Gaétan Morin, 2000, p. 36.

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Pour pallier cette difficulté statistique, les enquêtes de terrain que nous avons menées permettront de dégager de manière approximative certes, l’importance de la culture dans l’activité économique nationale.

SECTION 1 : LA SPECIFICITE DU PRODUIT CULTUREL

Si les industries culturelles s’intègrent bien dans une logique marchande et industrielle, elles se distinguent cependant de celle-ci (logique industrielle) par leur caractère informationnel et culturel. Pour ces raisons, leur processus d’industrialisation est spécifique (paragraphe 1).

Par ailleurs, la vie d’un produit culturel obéit à une série d’activités qui permettent de passer de la fabrication d’une œuvre à sa mise à disposition au public. Ces différentes activités constituent la fonction économique des industries culturelles (paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Des caractéristiques propres à une industrie particulière

Les industries culturelles sont, du fait de leur nature, des industries particulières par leur mode de reproduction, l’importance du travail de création, le renouvellement constant de l’offre, la variabilité et l’imprévisibilité de la demande. L’imprévisibilité de la demande, le caractère du prototype et la reproductibilité du produit culturel constituent les grands traits distinctifs des industries culturelles par rapport aux autres industries.

A : Le caractère imprévisible de la demande

Lorsqu’un professionnel culturel met un produit sur le marché, il ignore si ce dernier sera apprécié du public ; de ce fait, le retour sur investissement est aléatoire. La valeur d’un produit culturel est fondamentalement subjective et a priori indéterminée. Cette valeur ne peut être connue avant que le contenu ne soit diffusé et elle n’est pas égale d’un consommateur à l’autre, ni même forcément constante dans le temps pour un même

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consommateur 213 . Ainsi se pose le problème de la préférence des consommateurs pour les produits culturels : certains préfèrent les émissions politiques alors que d’autres optent pour les variétés musicales. Les Gabonais progouvernementaux préfèreront la lecture des journaux L’Union et Gabon matin à Misamu , considéré comme journal proche de l’opposition. La prise en compte de cette diversité des goûts pose au créateur ou producteur un problème d’adaptabilité du produit. Pour y remédier, Jean Gabszewicz et Nathalie Sonnac proposent de recourir à la règle de la majorité : « quand une majorité de la population préfère une option A à une option B, on dira alors que la première est socialement préférée à la seconde »214 . Mais, cette règle ne satisfait pas à l’exigence minimale de cohérence suivant laquelle, si une majorité préfère une option A à une option B, et l’option B à l’option C, alors une majorité préfère A à C (axiome de transitivité) 215 .

Pour comprendre cette analyse, prenons l’exemple de trois cinéphiles gabonais (Ondo, Musavu et Odunga). Ils limitent leurs choix à trois films : Obali , Kongossa et Dolès . Les choix d’Ondo (par ordre de préférences) sont Obali , Dolès et Kongossa . Ceux de Musavu sont Kongossa , Obali et Dolès . Enfin, les choix d’Odunga portent sur Dolès , Kongossa et Obali . Nous remarquons dans cet exemple qu’une première majorité (Ondo et Musavu) préfère Obali à Dolès . Une deuxième majorité (Ondo et Odunga) préfère Dolès à Kongossai. Une troisième majorité (Musavu et Odunga) préfère Kongossa à Obali . En termes de préférences, la théorie de la majorité donne le résultat suivant : Obali est préféré à Dolès qui est préféré à Kongossa . Condorcet rejette ce mode de préférences qu’il trouve incohérent. Il propose dans sa théorie (Le paradoxe de Condorcet 216 ) d’éliminer le dernier choix, en

213 François Colbert, Jacques Nantel, Suzanne Bilodeau et J. Dennis Rich,, op. cit ., p. 74. 214 Jean Gabszewicz et Nathalie Sonnac, « Concentration des industries de contenu et diversité des préférences », in Xavier Greffe, Création et diversité au miroir des industries culturelles. Actes des journées d’économie de la culture des 12 et 13 janvier 2006 , Paris, La Documentation française, 2006. p. 358 215 Idem . 216 Dans une étude intitulée Essai sur l’application de l’analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix, Nicolas Caritat de Condorcet pose le problème de la pertinence des décisions prises à la majorité des voix d’une assemblée. Considérons une assemblée qui doit choisir entre trois candidats ou trois propositions A, B et C. Si nous procédons par scrutin uninominal, nous ferons un premier tour où, par exemple, A obtient 45 %, B 32 % et C 23 %. Le classement donne A vainqueur devant B. La troisième place revient au candidat C. Le vote peut alors s’arrêter avec la victoire du candidat A. Mais si la majorité est qualifiée à 50 % par exemple, un second tour est ainsi nécessaire, avec la disqualification de C. Au second tour, si B obtient 55 % et A 45 %, la victoire reviendra à B. C’est donc cette contradiction des votes que remet en cause Condorcet. Il propose un autre système de vote où chaque candidat sera opposé à chacun des autres dans des duels successifs, avec pour combinaisons A face à C ( qui donnerait B devant A), B face à C (qui donnerait B devant C) et A face à C (qui donnerait A devant C). Les résultats finaux donneront B devant A puis devant C. Ils seront, selon Condorcet, sans contradiction. Lire à ce sujet Nicolas Journet, « Le paradoxe de Condorcet », in Sciences Humaines , Hors-série spécial n° 6, octobre-novembre 2007, p.19.

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l’occurrence Kongossa et de faire un duel entre les deux premiers ( Obali et Dolès ). L’élection présidentielle française de 1974 est généralement citée en exemple pour comprendre le paradoxe de Condorcet : François Mitterrand, Valéry Giscard D’Estaing et Jacques Chaban- Delmas avaient respectivement obtenus 43,2 %, 32,6 % et 15,1 % de suffrages au premier tour. Au second tour, Giscard D’Estaing, pourtant deuxième au premier tour, est élu avec 50,81 % des voix. Condorcet montre ainsi la difficulté qui existe dans le choix des préférences des consommateurs. Kenneth Arrow dira « qu’en dehors de la règle de choix dictatorial, il n’existe aucun indicateur de préférence sociale satisfaisant un système d’axiomes « raisonnables » incluant, en particulier, la transitivité de la règle de choix »217 .

La détermination des goûts du public reste donc problématique. Plusieurs méthodes marketing ont été développées pour résoudre ce problème, mais elles demeurent largement inopérantes. Il s’agit du prévisionnement et du furetage (étalage chez les libraires, bandes- annonces de film, diffusion des disques à la radio, …) ; de la présence de « prescripteurs » reconnus (critiques et commentateurs, revues spécialisées, enseignants…) ; du développement d’une réputation (l’image de marque d’un producteur ou d’un éditeur, le statut d’un auteur ou d’un réalisateur…) ; de la publication ou la diffusion récurrente de listes de meilleurs vendeurs ou des meilleures recettes aux guichets (la quantité vendue est présentée comme un indice de qualité) ; de la mise en place de clubs, de magazines de fans ou de groupes de discussion sur internet destinés à favoriser la diffusion d’informations 218 .

Même la méthode du « bouche à oreille »219 ne suffit pas à « uniformiser » les préférences des consommateurs. Contrairement à la plupart d’autres produits industriels, le consommateur culturel ignore si le produit mis sur le marché correspond à ses attentes. Il en va de même pour le producteur ou l’éditeur qui ne sait davantage si le produit réalisé permettra un retour sur investissement. A ce titre, la demande du produit culturel devient aléatoire et le produit lui-même particulier.

217 Jean Gabszewicz et Nathalie Sonnac, op. cit. 218 Marc Ménard, op. cit . p. 74 219 La méthode du bouche à oreille se caractérise par un effet de contagion. Les gens préfèrent faire ce que les autres font et préfèrent ne pas faire ce que les autres ne font pas.

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B : Le caractère du prototype et de reproductibilité du produit culturel

Chaque produit culturel est unique. Et cette unicité renvoie à la notion d’originalité. Le produit culturel est donc assimilable à un prototype (premier exemplaire du produit) dont la production au demeurant coûte chère, et la reproduction moins chère à cause de l’important travail de création.

Dans une industrie de produits matériels traditionnels comme l’industrie pharmaceutique par exemple, ce n’est qu’une fois que le prototype a fait ses preuves (qu’il a prouvé son efficacité pour un groupe témoin) que l’entrepreneur réalise les investissements nécessaires à la production en série. Si le test est décevant, seules les dépenses en Recherche et Développement concernant la confection du prototype seront perdues. Dans le domaine culturel au contraire, tous les coûts de production sont engagés avant de connaître le succès potentiel du produit. Aucun test ne peut être effectué avant le lancement du produit 220 .

Dans le cas des médias, le coût du premier exemplaire d’un quotidien ou la production d’un programme audiovisuel occasionne un coût fixe élevé. Une fois le journal ou le programme audiovisuel reproduit, son coût unitaire devient faible, voire nul : « le coût unitaire de production, très élevé quand le nombre d’exemplaires produits est faible, diminue considérablement quand celui-ci augmente : les charges correspondant à la production du prototype sont alors de mieux en mieux réparties »221 . Cette notion de reproductibilité, affiliée aux coûts de production, limitent donc le champ des industries culturelles.

Mais, si la reproduction en série demeure en théorie une possibilité 222 , certains produits culturels, notamment les spectacles des variétés, ne peuvent être considérés comme véritablement des industries culturelles : « la mécanisation y est impossible et le coût d’une représentation ne peut être abaissé par l’augmentation du nombre des représentations »223 .

220 Marc Ménard, op. cit, p. 77. 221 Cité par Jean Gabszewicz et Nathalie Sonnac, op. cit ., p. 355 222 Marc Ménard ( idem , p. 67) considère la limitation de la reproductibilité comme étant une simple stratégie commerciale visant à créer la rareté ou « le tirage limité des œuvres de façon à en accroître la valeur ou la notoriété ». 223 Marc Ménard, ibidem , p. 68.

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Toutefois, le lien existant entre les spectacles des variétés (chanson et humour) et l’industrie du disque reste indiscutable.

Paragraphe 2 : Le cycle de vie d’un produit culturel

Le produit culturel obéit à un cycle qui permet de passer de la création à sa réception par le public. Il « suit un cycle de production-distribution qui comprend en amont, la phase de création pendant laquelle l’artiste conçoit son œuvre, et tout à fait en aval, la phase de diffusion durant laquelle l’œuvre devient également un produit dont il faut organiser la commercialisation et la distribution jusqu’au consommateur »224 .

A : La création

A l’origine de toute création se trouve un auteur qui conçoit et développe une œuvre culturelle. Elle est originale et prend la forme de produits symboliques incorporant un certain type de propriété intellectuelle 225 . Dans le domaine du disque par exemple, la création est une œuvre collective assurée par les auteurs et les compositeurs. Ils sont rémunérés, tout comme les interprètes qui interviennent lors de l’enregistrement sonore de l’œuvre, sous forme de redevances (droits d’auteur, royalties d’interprètes, droits voisins et droits sur la copie privée 226 ) en fonction des revenus issus de la vente de leur œuvre. Les autres intervenants dans l’enregistrement sonore (réalisateurs, musiciens, arrangeurs, ingénieurs de son, mixeurs, etc.) sont payés sous forme de forfait (à titre de pigiste).

Dans le domaine du cinéma et de la production télévisuelle, l’inspiration du créateur de l’œuvre provient le plus souvent de plusieurs sources : littérature, expérience de la vie quotidienne, commande spéciale, etc. Ont la qualité d’auteur ou de co-auteur d’une œuvre cinématographique ou télévisuelle, l’auteur du scénario, l’auteur du texte parlé, le réalisateur, l’auteur des compositions musicales et l’auteur de l’adaptation. Ils sont rémunérés par le producteur sous forme de droits (droits d’auteur). Le réalisateur bénéficie, en plus de ces

224 Isabelle Assassi, « Spécificités du produit culturel. L’exemple du spectacle vivant », Revue française de gestion 2003/1, n° 142, p. 131-132. 225 Marc Ménard, op. cit , p.89 226 Nous reviendrons sur ces termes dans la section 2, du chapitre 2 de la deuxième partie.

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droits, d’un salaire correspondant au choix des interprètes, au tournage, au montage, au mixage, etc.

Dans l’industrie du livre, le travail de création est assuré par des écrivains, des auteurs, des rédacteurs, des traducteurs et des illustrateurs. Leur rémunération émane entre autres des droits d’auteur qui sont une forme de rémunération proportionnelle au prix de vente final du livre basée sur les ventes réalisées ; des droits dérivés (ventes de droits à l’étranger, traduction, clubs de livres, adaptation cinématographique ou télévisuelle…) ; des droits de reproduction et du droit de prêt au public 227 . Pour le cas particulier du traducteur, les droits qu’il perçoit de son œuvre peuvent se constituer en à-valoir calculé sur la base d’un tarif au feuillet, en royalties (qui correspondent à un pourcentage sur les ventes hors taxes de l’œuvre traduite) et en droits annexes.

B : La production

La production est l’une des phases essentielles, sinon la plus importante de l’industrie culturelle. Elle permet de matérialiser l’idée conçue par le créateur, de transformer une œuvre impalpable en un prototype. Le producteur (ou éditeur) est l’intermédiaire entre le créateur et le consommateur : « c’est lui qui choisit les œuvres à mettre en marché et qui assume le risque financier. Il participe à l’élaboration des concepts et est l’employeur de l’ensemble des participants à la production. C’est également lui qui distribue les droits, cachets et salaires aux artistes, aux auteurs et à la main-d’œuvre technique qui sont à l’origine de la production »228 .

Dans l’industrie musicale, la production se fait en deux étapes : la préproduction et l’enregistrement final. La préproduction se caractérise par le choix des œuvres, les arrangements musicaux, les répétitions, l’enregistrement des maquettes, etc ; et l’enregistrement final qui se déroule généralement dans un studio, est l’étape ultime conduisant à la réception de la bande maîtresse qui sera reproduite par un fabricant. Le fabricant est celui qui crée l’objet physique, support de l’œuvre musicale, qu’il s’agisse de

227 Nathalie Bergeron et alii, « Filière livre », séminaire sur l’analyse économique et financière des industries culturelles. Notes de présentation, Lomé, SODEC, 2003, p. 47 228 Marc Ménard, op. cit , p 90.

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l’impression de disques compacts (gravure, production de matrices et pressage) ou de la duplication de cassettes. Le fabricant travaille donc à la demande d’un producteur 229 . Au cinéma et à la télévision, la production d’une œuvre intervient au terme d’une entente préalable conclue entre le producteur et le scénariste. Une fois le scénario validé par les deux parties, le producteur peut procéder, avant l’étape de la production, au montage financier du projet, à l’engagement du réalisateur, au choix des comédiens, à la location du lieu de tournage, à la location du studio, etc.

C : La distribution et la commercialisation

La phase de distribution des produits culturels s’appréhende à partir de trois variables qui la composent : les circuits de distribution, la distribution physique et la localisation commerciale 230 .

Les circuits (réseaux) de distribution sont l’ensemble des acteurs qui rendent possible la réception du produit par le consommateur final. Ce sont les différents intermédiaires qui servent de relais dans le processus de production et de consommation. Il existe toutefois la distribution directe, obligeant le producteur à vendre lui-même son produit. Cette fonction qui permet au producteur d’être en relation directe avec les clients, est malheureusement très peu utilisée dans l’industrie culturelle, car elle nécessite des moyens financiers et humains très importants. Les intermédiaires sont bénéfiques du fait des fonctions qu’ils assument dans ce circuit de distribution, quoi qu’il leur est reprocher d’orienter le marché en décidant ou non de commercialiser. Ceci explique le succès de la vente directe sur Internet. Leurs fonctions se classent en trois catégories : les fonctions logistiques (ajustements de quantité et d’assortiment, le transport et l’entreposage des marchandises), les fonctions commerciales (l’achat du produit, les négociations, la promotion, le contact) et les fonctions de soutien (la prise de risque, le financement)231 .

229 Nathalie Bergeron et alii, op. cit . ; p 53. 230 François Colbert, Jacques Nantel, Suzanne Bilodeau et J. Dennis Rich, op. cit. , p.184 231 Idem , p.190.

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La distribution physique constitue toutes les activités logistiques qui rendent accessibles le produit à la consommation. Ce sont le transport, l’entreposage, la gestion des stocks, le traitement des commandes, la manutention et le conditionnement des marchandises. La localisation commerciale consiste enfin à choisir l’emplacement physique où le produit sera acheté ou consommé. Cet emplacement doit être relativement accessible, car l’effort du consommateur sera directement proportionnel à son intérêt pour le produit 232 .

La phase de commercialisation est le dernier maillon du cycle de vie du produit culturel. Elle peut se définir comme l’acquisition du produit culturel par le consommateur final. Elle englobe le commerce de détail (vente aux institutions et aux particuliers), le commerce spécialisé (librairies, disquaires, salles de cinéma…), le commerce non spécialisé (magasins à grande surface, autres magasins, kiosques à journaux, etc.) et la vente directe (vente par correspondance et par Internet). La figure 2 retrace l’ensemble du cycle et les interactions qui existent entre les différents domaines qui le composent.

Graphique 2 : Passage de l'oeuvre artistique au produit culturel

Source : Isabelle Assassi, op. cit , p. 132

232 François Colbert, Jacques Nantel, Suzanne Bilodeau et J. Dennis Rich, op. cit , p. 200

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SECTION 2 : LE MARCHE DES PRODUITS CULTURELS GABONAIS

La théorie économique définit le marché comme le lieu où les offres des vendeurs rencontrent les demandes des acheteurs et où les quantités offertes et demandées s’ajustent à un certain prix. L’offre désignant la quantité des biens que les vendeurs sont prêts à vendre pour un prix donné. Quant à la demande, elle est la quantité des biens que les acheteurs sont prêts à acquérir à un prix donné, compte tenu de leurs revenus et leurs préférences 233 . Ces lois de l’offre et de la demande s’appliquent également au secteur culturel et permettent d’avoir une vue d’ensemble sur les échanges des produits culturels gabonais.

Paragraphe 1 : Le marché de la consommation

La consommation culturelle signifie l’achat et l’utilisation des produits et services culturels. Elle englobe des activités comme participer ou assister à des événements culturels, lire, aller au cinéma, etc. Selon Lucie Ogrodnik, la consommation comporte deux composantes : l’une est liée à la situation financière et l’autre à l’emploi du temps. Ces composantes sont mesurées de façons différentes, à l’aide d’outils différents. L’aspect financier de la consommation peut être mesuré grâce à l’examen des habitudes de dépense. En revanche, pour mesurer l’emploi du temps, il faut examiner à quel type d’activités nous consacrons du temps. Participons-nous à des activités ou événements culturels ? A quelle fréquence ? A quel genre d’activités ou événements culturels assistons-nous ou participons- nous ?234

Dans le cadre de notre enquête quantitative (enquête 1), les répondants devaient indiquer les activités culturelles pour lesquelles ils consacraient le plus de temps. Les résultats révèlent que près de la moitié des Gabonais interrogés passeraient plus de temps à lire et à regarder la télévision qu’aller au cinéma. Les catégories socioprofessionnelles les plus concernées sont les jeunes actifs, les étudiants et les cadres du secteur public. Le graphique 3

233 Janine Brémond et Alain Gélédan, Dictionnaire des Sciences Economiques et Sociales , Paris, Belin, 2002, p. 331. 234 Lucie Ogrodnik, « Tendances en matière de consommation et de participation dans le secteur culture », Ottawa, Statistique Canada, 2000, p. 8

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présente les activités régulièrement pratiquées par chaque catégorie socioprofessionnelle (CSP) gabonaise.

Graphique 3 : Participation à des activités culturelles par CSP

Statut x Activités culturelles

20 Elève 31 Jeune actif 54 Etudiant 10 Chômeur 56 Cadre secteur public 15 Cadre secteur privé. Ecouter de la musique Lire Aller au cinéma Régarder la télévision Autre (précisez)

Source : enquête 1 « La consommation des produits culturels gabonais », août 2007.

La désaffection du cinéma par la majorité des Gabonais interrogés s’explique par deux raisons fondamentales : la rareté des salles de cinéma (Libreville, la capitale gabonaise, n’en dispose que 2 au total) et surtout la cherté du prix d’entrée (graphique 5, p. 133). Aussi, 70 % des répondants affirment n’avoir jamais été dans une salle de cinéma, contre 20 % qui y vont épisodiquement (graphique 9, p. 216). Les cinéphiles gabonais seraient donc majoritairement constitués de travailleurs (jeunes actifs, cadres du secteur public et privé), comme le montre le graphique 4 ci-après. De plus, les cadres du secteur public (21 %) et les jeunes actifs (16 %) constitueraient les gros consommateurs des produits culturels, comme le montre le tableau n° 7 (p. 132). Mais, les plus gros consommateurs restent les étudiants dont les achats tournent majoritairement autour du livre (35,3 %) et des produits dérivés de l’audiovisuel (31,5%) (tableau 7).

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Graphique 4: Fréquentation des salles de cinéma par CSP

Statut x Fréquentation ciné

11 Elève 16 Jeune actif 35 Etudiant 6 Chômeur 21 Cadre secteur public 11 Cadre secteur privé. Jamais Au moins une fois Plus d'une fois.

Source : Enquête 1.

Tableau 7 : Achats des produits culturels par CSP

Produits culturels Non Livres CD/DV K7 Presse Autre (p TOTAL réponse D/VCD écisez). Statut Elève 0,0% 17,6% 5,6% 55,6% 4,4% 10,0% 11,0% Jeune actif 0,0% 14,7% 20,4% 0,0% 17,8% 20,0% 16,0% Etudiant 66,7% 35,3% 31,5% 0,0% 22,2% 30,0% 35,0% Chômeur 0,0% 5,9% 7,4% 44,4% 0,0% 0,0% 6,0% Cadre secteur public 33,3% 14,7% 25,9% 0,0% 40,0% 20,0% 21,0% Cadre secteur privé. 0,0% 11,8% 9,3% 0,0% 15,6% 20,0% 11,0% TOTAL 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100%

Source : enquête 1

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Graphique 5: Prix d'une place de cinéma

Prix

Trop cher Moins cher 21% 19%

Cher 60%

Source : enquête 1

Le livre (malgré son prix jugé excessif à 73 % selon l’enquête 1), les supports audiovisuels (CD, DVD, VCD et K7) et la presse demeurent les produits les mieux consommés sur le marché culturel gabonais (graphique 6 ci-dessous). Les produits de la presse (dont les prix sont relativement élevés et le contenu jugé moyen 235 ) les plus achetés sont les quotidiens (42,6 %) et les magazines (20,6 %) (annexe 2.2).

235 28 % des personnes interrogées jugent le prix de la presse gabonaise élevé et 44 % d’entre eux trouvent son contenu moyen (enquête 1).

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Graphique 6 : Produits culturels les mieux consommés en %

Produits culturels

Non réponse. 3,00% Autre. 10,00% Livres. 34,00% Presse. 45,00%

K7. 9,00% CD/DVD/VCD. 54,00%

Source : enquête 1

L’introduction dans les années 2000 du CD, DVD et récemment du VCD sur ce marché a fait chuter de manière importante la vente de cassettes audios et vidéos. Plus de la moitié des ménages gabonais disposeraient d’au moins un appareil électronique. La difficulté liée à l’accès aux salles de cinéma a orienté nombre de consommateurs vers la projection de films à domicile. L’arrivée sur ce marché, longtemps contrôlé par les grandes entreprises nationales comme CK2 et ELECTRA, des opérateurs syro-libanais, et récemment chinois, a fait baisser le prix de certains produits comme les lecteurs de VCD et DVD, les accessoires de musique et les postes téléviseurs. Tous les répondants affirment en effet disposer d’au moins un poste de télévision et de radio dans leurs ménages (annexe 2.3).

Si les étudiants demeurent les plus gros consommateurs des produits culturels, ils sont aussi probablement ceux qui dépensent le plus d’argent sur ce marché. Leur consommation de produits culturels (35 %) serait supérieure à celle des cadres du secteur public (21 %), des jeunes actifs (16 %) et des cadres du secteur privé (11 %) (tableau 7 ci-dessus). Aussi, les sommes d’argent consacrées pour l’achat de ces produits oscilleraient, pour 82 % des

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personnes interrogées, entre 4 % et 12,5 % du SMIC 236 ; entre 12,5 % et 25 % pour 10 % d’entre elles ; 25 % et plus pour 6 % de l’ensemble des répondants (annexe 2.4).

La demande des produits culturels est donc réelle sur le marché culturel gabonais. La capacité d’achat l’est aussi, comme en témoignent toutes ces statistiques. Toutefois, comment se présente l’offre culturelle sur ce marché ?

Paragraphe 2 : L’évolution de l’offre culturelle sur le marché gabonais

Les entreprises culturelles qui occupent une place importante dans le marché gabonais des produits culturels reflètent l’identité culturelle nationale tant par le contenu des œuvres qu’elles proposent que par les modes de consommation qu’elles impliquent. Les entreprises jouent des rôles très différents par rapport au produit : « elles peuvent le concevoir, le produire, le reproduire ou le diffuser »237 . Sur le marché gabonais, ces fonctions sont remplies par des structures publiques et privées.

A : Les structures de production et de reproduction

Il existe très peu de filiales d’industries culturelles internationales installées au Gabon. Celles qui existent le sont uniquement dans la branche de l’édition. Et les statistiques montrent que la majorité des produits culturels vendus sur le marché gabonais sont importés, malgré le dynamisme de quelques structures nationales qui se sont investies dans les filières du livre, de la musique et du cinéma.

Dans le domaine du livre 238 , plusieurs entreprises gèrent l’activité de l’édition à la vente au détail, dont la société SAGA diffusion Gabon (édition des guides juridiques du Gabon et des finances publiques gabonaises), les Editions Raponda Walker, les Editions Ndzé, Les Editions du Silence, L’Harmattan Gabon (édition des romans et ouvrages littéraires), les Editions Gabonaises (édition des livres scolaires), les Editions Gabon- Promotion (édition des guides économiques) et SOGAPRESSE (distribution de livres scolaire

236 Le SMIC gabonais est fixé à 80 000 FCFA, soit environ 122 euros 237 François Colbert et alii, op.cit, p. 3 238 Nous reviendrons plus en détail sur ce point dans la section 1 du chapitre 2 de cette deuxième partie.

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et des journaux) sont les structures les plus importantes du secteur. Mais, c’est la société MULTIPRESS qui, grâce à la diversification de sa production et à ses représentations à l’intérieur du pays, occupe la place de leader aussi bien dans l’imprimerie que dans l’édition. Ses ventes ont connu une progression importante depuis plusieurs années, grâce surtout à l’impression du quotidien national L’Union , tiré à plus de 22 000 exemplaires par jour. Le tableau suivant présente le bilan des ventes de MULTIPRESS en 2007.

Tableau 8: Bilan des ventes de MULTIPRESS en janvier 2007 (Libreville seulement)

Secteur d’activité 2006 2007 Variation %

Etiquettes 70 120 080 115 512 430 64,74 % Presse 112 887 173 114 507 760 1,44 % Divers continus 54 985 232 44 022 305 - 19,94 % Papier photocopie 1 610 600 1 139 000 - 29,28 % Total 239 603 085 275 181 495 31,98 %

Source : MULTIPRESS

L’arrivée sur le marché de l’audiovisuel, longtemps dominé par les chaînes publiques (Radiodiffusion et Télévision Gabonaise, chaîne 1 et 2 et Africa n°1), des chaînes de radios et télévisions privées (RFI, Radio Sainte Marie, Nostalgie, Nazareth, Emergence, TV+, TéléAfrica, Télévision Nazareth, etc.) a enrichi l’offre culturelle gabonaise. Elles ont ravi l’auditoire aux radios et télévisions publiques (graphique 8 ci-dessous), dont les programmes sont majoritairement importés (graphique 7 ci-dessous).

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Graphique 7: Nature des programmes de télévisions publiques

Programmes

Non réponses 5% Gabonais 12%

Importés 83%

Source : enquête 1

Graphique 8 : Préférences radiophoniques et télévisuelles

Préférences

1%

30%

69%

Non réponse Chaînes publiques Chaînes privées

Source : enquête 1

Sur le plan de la production musicale, le marché gabonais est dominé par les petites entreprises nationales qui produisent la quasi-totalité des œuvres des artistes gabonais, à l’exception de Patience Dabany, Oliver Ngoma, Pierre Akendengue, Hilarion Nguema et Annie Flore Batchiellilys qui sont produits à l’étranger et dont l’audience dépasse le seul

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marché national. Parmi ces petites entreprises nationales, nous pouvons citer Le Studio mandarine, Le Studio KG, Kage Pro, Danghers Production Studio.

Dans le secteur cinématographique, des nouvelles sociétés de production privées ont été créées, notamment Images Production et SLOGF Pictures (Société Logovéenne du Film et de l’Image). Mais, la plus importante structure gabonaise de production cinématographique est publique. Il s’agit du Centre national du cinéma (CENACI). Le CENACI produit ou co- produit régulièrement des courts et long-métrages et des séries télévisées qui sont diffusés pour l’essentiel au Gabon. Les dernières productions connues du CENACI sont la série télévisée Les années écoles , réalisée en 2005 et diffusée pour la première fois au Gabon en décembre 2008 par la RTG 1 ; le court-métrage Le divorce de Manouchka Kelly Labouba diffusé au cinéma en décembre 2008.

B : Les structures de diffusion et de commercialisation

Le marché de la commercialisation des produits culturels est partagé entre les structures formelles et informelles. Les structures formelles sont régies par la loi et disposent, pour certaines, d’une comptabilité accessible au Ministère de l’Economie et des Finances. Les structures informelles, qui sont les plus nombreuses dans les secteurs du disque et du livre, n’obéissent à aucune règle commerciale. Leurs activités sont jugées déloyales et constituent un frein au développement des industries du livre et de la musique.

Parmi les entreprises formelles engagées dans la diffusion du livre, nous pouvons citer CIGAL, EDICOMM et SAGA diffusion Gabon qui réalise la plus grande partie de son chiffre d’affaires sur les encyclopédies qu’elle édite. Mais, le leader du secteur demeure la société SOGAPRESSE qui dispose d’un réseau dense de diffusion des livres scolaires, des périodiques et des journaux. Elle détient le monopole de la distribution des livres scolaires produits par les Editions Gabonaises et les Editions Classiques d’Expression Française (EDIG-EDICEF) et de la distribution de la presse.

La commercialisation du livre est assurée par les éditeurs eux-mêmes, les librairies agréées et les vendeurs à la sauvette ou fixés dans les grands carrefours de la capitale

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gabonaise (vendeurs au poteau). L’activité informelle, quoique préjudiciable au secteur du livre, répond néanmoins à la demande des personnes économiquement faibles. 51,1 % des personnes interrogées trouvent en ces « librairies par terre » une réponse au prix exorbitant du livre au Gabon, comme l’indique le tableau 9.

Tableau 9 : Appréciation des librairies par terre

Librairies par terre

Bonne chose 48 51.1% 51.1% Mauvaise chose 9 9.6% 9.6% Bonne chose mais... 22 23.4% 23.4% Mauvaise chose mais... 15 16.0% 16.0% Total 94 100.0%

Source : enquête 1

Dans le domaine de la musique, ce sont surtout les maisons de production locales qui diffusent elles-mêmes leurs produits. A l’intérieur du pays et dans certains quartiers périphériques de la capitale, elles sont relayées par des petits commerçants qui assurent la diffusion et la vente au détail. Le développement vertigineux de la piraterie dans ce secteur, liée en partie à l’inexistence effectif du droit d’auteur au Gabon, contraint parfois certains artistes à assurer eux-mêmes la vente de leurs produits.

Au cinéma, la situation n’est guère meilleure. Si le CENACI est présent dans la production, elle n’assure pas la diffusion de ses produits. La commercialisation des œuvres cinématographiques est donc du ressort des structures indépendantes qui sont peu nombreuses.

Pour les produits culturels importés, la commercialisation est assurée par un très grand nombre de structures commerciales de tailles différentes qui s’approvisionnent sur différents marchés internationaux. Certaines d’entre elles, de petites tailles et gérées par des Syro- libanais et des Chinois ont une clientèle constituée en grande partie des ménages dont les revenus sont les moins élevés. Ces structures ont aussi la particularité d’être implantées partout dans le pays.

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Les classes moyennes et les plus aisées, les sociétés privées et les administrations publiques et privées effectuent leurs achats dans les grandes enseignes qui sont issues le plus souvent des grands groupes d’entreprises. C’est le cas d’ELECTRA (groupe SOGAFRIC), de CK2 (groupe CECA GADIS), de ROYAL PLAZA et de la Société Générale de Commerce (LG). Ces quatre entreprises dominent le marché gabonais de la télévision et du Hifi. Le tableau 10 donne les parts de marché détenus par chacune d’elles, de 2004 à 2006.

Tableau 10 : Parts de marché en valeur (2004-2006)

CK2 Royal Plaza LG Electra

2004 42,10 % 10,52 % 26,32 % 21,05 % 2005 33,63 % 17,62 % 25,22 % 23,50 % 2006 32,78 % 18,49 % 26,88 % 21,83 % Source : Adalgisa Bérénice Engandja 239

Ces résultats montrent que la société CK2 est leader du marché avec des parts certes importantes, mais en diminution. LG est son challenger (26,32 % de parts de marché en 2004), ELECTRA et ROYAL PLAZA sont des suiveurs avec respectivement 21,05 % et 10,52 % de parts de marché en 2004. La tendance reste la même en 2005 et 2006. Cependant, les parts de marché de ROYAL PLAZA augmentent (18,49 % en 2005) tandis que celles d’ELECTRA et de LG restent quasi stables, justifiant la très forte concurrence sur ce marché.

CONCLUSION PARTIELLE

Au terme de ce troisième chapitre, nous retenons que le produit culturel, de par sa spécificité, obéit à une caractérisation qui le distingue d’autres produits marchands. L’imprévisibilité de sa demande, son caractère de prototype et de reproductibilité font de lui un produit d’exception qui n’est pas régi par les mêmes lois du marché. Le produit culturel est hautement subventionné par nombre de pays qui ont mis en place des structures d’appui aux industries culturelles. Parce qu’il est porteur d’identités, de valeurs et de sens, il obéit aussi à des logiques particuliers de création et de commercialisation. Sa réception par le public ne se

239 Adalgisa Bérénice Engandja, Actions et Stratégies de développement de la Société ELECTRA dans le marché concurrentiel gabonais du HIFI et de la TV , mémoire de Master 2, Lyon, Forma Centre, 2007, p. 25

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fait pas de manière uniforme ; les préférences des consommateurs étant différentes selon les âges et le niveau social. Sur le marché gabonais par exemple, les plus gros consommateurs des produits culturels restent la population jeune, notamment les étudiants, les jeunes actifs et les cadres du secteur public et privé.

Bien que les statistiques officielles soient quasi-inexistantes, les enquêtes de terrain réalisées montrent que ce marché jeune et dynamique est alimenté par une offre abondante où se côtoient structures formelles et structures informelles. La floraison de ces structures, de tailles différentes, dessine la carte des industries culturelles développées au Gabon.

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CHAPITRE 4: LES PRINCIPALES INDUSTRIES

CULTURELLES GABONAISES ET L’ACTION INTERNATIONALE

Dans le cadre de cette étude, et spécifiquement dans ce chapitre, nous avons opté, parce qu’elles sont les plus développées au Gabon, d’étudier les industries culturelles dominantes, notamment l’édition, l’industrie musicale et l’industrie audiovisuelle (radio, télévision et cinéma).

Ce quatrième chapitre se propose d’examiner les apports tirés des relations que le Gabon entretient avec les autres pays, les organisations sous régionales, régionales et internationales pour le développement de ses industries culturelles. Ainsi, les actions de l’OIF, de l’UE, de la France et des organisations africaines seront-elles éludées 240 .

SECTION 1 : LA FILIERE DE L’EDITION

Le livre a fait son apparition très tardivement en Afrique. De tradition orale, elle a donné la priorité aux canaux ayant un rapport direct avec la voix, comme la radio. Mais, le rôle joué par le livre dans la formation intellectuelle des populations a conduit certains Etats africains à établir une relation particulière avec ce médium qu’Emmanuel Kant définit comme « un écrit qu’il soit composé à la plume ou au moyen de caractères, en beaucoup ou en peu de pages qui présente un discours que quelqu’un tient au public au moyen de signes linguistiques visibles. Celui qui parle au public en son nom propre s’appelle l’écrivain (auteur). Celui qui tient un discours public dans un écrit au nom d’un autre (l’auteur) est l’éditeur […]. La somme de toutes les copies de l’écrit original (exemplaires) est

240 Nous avons choisi de parler de l’OIF, de l’UE et de la France parce que ce sont ces organisations et ce pays qui soutiennent mieux financièrement, matériellement et techniquement les industries culturelles gabonaises. Quant aux organisations africaines, elles seront présentées comme d’éventuels débouchés dans la perspective des intégrations régionales.

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l’édition »241 . L’importance accordée au livre traduit à quel point « l’écriture du livre, sa fabrication ainsi que les conditions de sa réception peuvent déterminer, à chaque époque, son rôle social et la nature de la relation instaurée avec les pouvoirs publics »242 .

Au Gabon, l’industrie de l’édition est celle dont les relations avec l’Etat sont les plus manifestes, tant le rôle du livre dans la formation intellectuelle et dans l’enracinement de la démocratie est important. Plusieurs institutions nationales sont créées pour garantir sa mise en œuvre. C’est le cas du Conseil National de la Communication (CNC) et de l’Institut Pédagogique National (IPN). La présence étatique est aussi visible à travers le FONAPRESSE. Cependant, malgré cette présence étatique, l’industrie du livre dont la survie dépend des financements publics et de l’arrimage à l’évolution technologique, connaît des nombreuses difficultés. Dominée par deux entreprises (MULTIPRESS et SOGAPRESSE) qui bénéficient du monopole de l’Etat dans les sous secteurs de l’imprimerie, de l’édition des livres scolaires et de la distribution, elle n’arrive pas encore à constituer un véritable secteur économique sur lequel l’Etat peut s’appuyer pour diversifier son économie. La presse écrite par exemple, bien que prolifique par le nombre de journaux créés depuis 1990 est paradoxalement l’une des plus instables de la sous région d’Afrique Centrale ; les parutions de certains journaux devenant parfois fantomatiques, faute de moyens financiers.

Paragraphe 1 : Le « paradoxe » de la presse gabonaise

Les avantages de l’information dans une société ne sont plus à démontrer. Tous reconnaissent le rôle qu’elle joue dans l’éducation populaire. Elle est, affirme Paul Ricœur, « condition de démocratisation car, qu’est-ce que la démocratie, sinon le régime qui assure au plus grand nombre — à la limite à tous --, et à tous les degrés, la participation à la décision ? Or, cette participation a pour condition ‘’une éducation permanente sous la forme d’une explication incessante […] des réalités et des événements qui les modifient’’ »243 . C’est par le livre et surtout par les médias, notamment la presse, que cette transmission du savoir est opérée. Lucien Guissard dans un numéro de Presse-Actualité (décembre 1966) le

241 Emmanuel Kant, Qu’est ce qu’un livre ? Paris, PUF, 1995, p. 133. Cité par Yves Surel, L’Etat et le livre. Les politiques publiques du livre en France (1957-1993), Paris, L’Harmattan, 1997, p. 11. 242 Yves Surel, idem . 243 Paul Ricoeur, « Préface », in Jean Schwoebel, La presse, le pouvoir et l’argent , Paris, Editions du Seuil, 1968, p.8

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remarque fort bien : « on sait par expérience que les livres incitant à la réflexion ont une diffusion plutôt restreinte. Ce qu’on lit le plus, c’est justement la presse et tout ce qui s’y rattache. Il en résulte pour la presse une fonction de complément sans aucun doute et plus souvent encore de suppléance, car, sans elle, les lecteurs ne recevraient jamais certains éléments de connaissance et de jugement. »244 La presse est donc le moyen par lequel tout homme peut exprimer ses idées, stigmatiser une incongruité ou tout simplement acquérir une information. Plusieurs journalistes, au lendemain des indépendances africaines, et faute d’une opposition politique organisée, ont transformé leurs organes de presse en instruments de luttes sociale, économique et politique. Ils sont devenus de ce fait essentiels pour la démocratie, à condition seulement qu’ils soient libres ; donc reconnus par le pouvoir politique comme moyen sans lequel les libertés du citoyen ne seront jamais acquises.

Le Pape Paul VI dans une allocution prononcée le 2 mars 1963 à Piémont comparait par exemple le journal à un éducateur dont le rôle va au-delà de la transmission du savoir. Le journal est, dira t-il :

« Un maître actif. Il stimule la pensée, il suggère ce qu’il faut dire, il modèle les idées, il encourage à l’action, il forme la personnalité ; en un mot, il est maître. Il nous semble qu’entre journal et maître il puisse s’établir une certaine équation, une analogie de fonctions, avec cependant une double différence, toute à l’avantage et à la supériorité du journal : le maître s’adresse à un petit groupe et pendant peu de temps ; le journal, lui, s’adresse aux adultes. Le journal fait classe tous les jours, sur tous les événements du monde, à des personnes mûres, aux gens responsables ; son influence est impondérable, mais immense, proportionnée à la force de persuasion du journaliste et au nombre des lecteurs. C’est un phénomène formidable… Il n’est plus permis aujourd’hui de vivre sans avoir une pensée continuellement alimentée et mise à jour sur l’histoire que nous sommes en train de vivre et de préparer. »245

Toutefois, bien que son importance soit reconnue, -- c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle est constamment convoitée par le pouvoir-- la presse fait souvent l’objet des récriminations politiques, le pouvoir en place la trouvant trop irrévérencieuse et susceptible de contester les fondements de sa légitimité. Il lui est aussi reproché l’irresponsabilité de ses

244 Jean Schwoebel, op. cit , p. 29 245 Idem , p. 30

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journalistes qui consiste à divulguer des informations sans enquête préalable. Ainsi est remise en question la déontologie journalistique.

Il est essentiel de reconnaître le rôle capital que joue la presse dans la société. En revanche, il est important pour tout journaliste de ne point méconnaître les devoirs auxquels il est soumis. Un journaliste doit être honnête, et son information rigoureuse, car déformer les faits est une atteinte aux libertés et à la démocratie. Une information vraie n’est pas seulement une obligation morale, elle est aussi indispensable qu’une information libre. Elle contribue au renforcement et au maintien de la paix entre les peuples. « Plus indépendants du pouvoir et des forces d’argent, les journalistes pourraient alors dispenser une information qui corresponde aux véritables intérêts des peuples […]. Il faut que ceux qui ont la mission d’informer leurs compatriotes reçoivent le statut et les moyens leur permettant de ne rien cacher ni de rien déformer […] . »246

Au Gabon, la presse est une entreprise à risques, tant l’immixtion du politique dans cette activité est manifeste. Les journaux qui naissent sont sans cesse en crise. Ils disparaissent au gré du pouvoir en place et de l’organe national de régulation de la presse nationale 247 . Ce qui traduit un manque à gagner économique considérable.

A : La difficile émancipation de la presse coloniale gabonaise

La presse gabonaise s’était illustrée dès ses débuts par un ton vindicatif. Le premier journal, L’Echo gabonais, qui parut pour la première fois à Dakar le 22 juillet 1922 fut interdit deux ans après sa création sur une décision du gouverneur de l’Afrique équatoriale française (A.E.F), Victor Augagneur, à cause des prises de positions anti-coloniales de l’un de ses promoteurs, Laurent Antchouey 248 . L’Echo gabonais était un organe de défense des intérêts de l’A.E.F, fondé par deux cousins germains, Laurent Antchouey et Louis Bigmann. En 1924 il change de nom et devient La voix coloniale jusqu’en 1928, date de sa dernière

246 Jean Schwoebel, op. cit , p. 42 247 « Le Conseil national de la communication, organe de régulation de la presse nationale, s’enferme dans une logique irrationnelle et destructrice des acquis majeurs de la démocratie ». Déclaration du Club de la presse, 7 septembre 2002, cité par Marie-Soleil Frère, Ross Howard, Jean-Paul Marthoz et Pamphile Sebahara, Afrique Centrale, médias et conflits : vecteurs de guerre ou acteurs de paix , Bruxelles, coédition GRIP-Edition Complexe, 2005, p. 272. 248 Samson Ebang Nkili, « Presse et Démocratie : dix ans après Windhoek. Cas du Gabon », 2001, p.2. Tiré de www.natcomreport.com/gabon/livre/presse.html. Consulté le 2 avril 2009

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parution. Sa suspension dura seize ans lorsque la France, à cause des pressions soviéto- américaines sur la fin de l’occupation coloniale, autorisa par décret du 7 août 1944, la création des syndicats dans les colonies africaines. L’Echo gabonais et La voix coloniale s’étaient illustrés comme les défenseurs des intérêts des populations africaines et de leurs conditions de vie 249 .

La liberté de ton et de parole accordée en 1944 aura entre autres pour conséquences la création des associations corporatistes et de partis politiques qui, pour diffuser leurs idéologies, créèrent plusieurs organes de presse dont les plus importants étaient 250 :

 L’Union gabonaise , journal du Bloc démocratique gabonais (BDG) du Président Léon Mba ;  Le Pilote et la Renaissance , organes de presse de l’Union démocratique et sociale gabonaise (UDSG) de Jean Hilaire Aubame ;  La Cognée , bulletin du Mouvement national pour la révolution du Gabon (MNRG) de Germain Mba ;  Gabon matin , quotidien de l’Agence Gabonaise de Presse ;  Réalités gabonaises , revue des enseignants ;  L’Effort gabonais , journal de l’église catholique.

Tous ces journaux œuvraient pour un même combat : l’indépendance du pays et l’émancipation de l’Homme noir 251 . Ils disparaîtront tous 252 dès l’arrivée au pouvoir du Président Bongo et de la création du PDG en 1968.

C’est en 1990, grâce à l’instauration de la démocratie et à l’éclosion de plusieurs partis politiques que le pluralisme médiatique réapparaîtra dans le pays. Après vingt-trois ans de confiscation de la parole publique, la critique devient enfin possible : « La personne du chef

249 Magloire Ambourouet-Bigmann, « Naissance d’une littérature », in Littérature gabonaise, Notre Librairie , n° 105 avril-juin 1991, p. 38 250 Samson Ebang Nkili, op. cit. 251 . Idem 252 A l’exception de Gabon matin

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de l’Etat peut-être attaquée désormais autrement que par des tracts venimeux et clandestins »253 .

B- La presse à l’heure du multipartisme

Le retour du multipartisme au Gabon est le résultat de la conjugaison de deux principaux événements. Premièrement, la chute du prix du pétrole qui occasionna les pertes économiques avait imposé au Gabon une austérité budgétaire qui se traduisit par la suppression d’emplois dans les entreprises publiques et parapubliques, laquelle suppression causa des mouvements sociaux dans le pays. Deuxièmement, les bouleversements sociopolitiques qui se sont opérés dans les pays d’Europe de l’Est et d’Europe Centrale dans les années 1989-1990 ont vu le basculement de ces pays dans une économie de marché et dans des régimes politiques pluralistes. Ces bouleversements ont servi de base aux populations africaines et gabonaises en particulier pour réclamer la fin de l’autocratie et le retour au multipartisme. Une crise sociale, marquée par des manifestations populaires et des émeutes éclatent partout dans le pays, obligeant le pouvoir en place à organiser, en 1990, une Conférence nationale qui sera le début d’une ère nouvelle, celle de la liberté d’expression. Plusieurs partis politiques vont ainsi créer des organes de presse pour diffuser leurs idéologies : le journal La Clé du Mouvement de Redressement National (MORENA); La Voix du peuple du Parti de l’Unité du Peuple (PUP) ; Le Progressiste du Parti Gabonais du Progrès (PGP) ; La Passion de l’unité de l’Union Socialiste Gabonaise (USG) ; L’Effort gabonais du Parti Social-Démocrate (PSD).

D’autres organes de presse paraîtront sous la bannière de journaux indépendants : La Cigale enchantée , Esprit d’Afrique , L’Insolite , La Transparence , Le Temps , Le Scribouillard , etc. Tous ces journaux privés et indépendants vont s’attribuer, à l’exemple de ceux d’autres démocraties naissantes africaines - comme le Benin et le Niger - plusieurs fonctions, allant de la dénonciation à l’information que Marie-Soleil Frère classe en trois sphères différentes. La presse peut se positionner par rapport au pouvoir politique (fonctions de dénonciation, de contre-pouvoir et de légitimation). Elle peut également mettre en avant son lien avec la société civile (fonctions de représentation populaire, d’information et de formation,

253 François Gaulme, « Le Gabon à la recherche d’un ethos politique et social » dans Politique africaine , n° 43, octobre 1991, p. 60. Cité par Marie-Soleil Frère et alii, op. cit , p. 265.

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d’engagement et de combat). Enfin, elle se veut en outre porteuse de modifications internes aux pratiques journalistiques (rupture avec le journalisme d’autrefois et établissement d’un nouveau rapport à la vérité) 254 .

Devant les affinités des médias publics avec le pouvoir en place 255 et la disparition de l’opposition violente des années 1990, la presse privée reste la seule arme dont dispose la population gabonaise pour dénoncer les travers du pouvoir. Les hommes politiques sont désormais désacralisés et les détournements de fonds révélés : « une caste de nouveaux riches se la coule douce, s’indigne Le temps. Salaires et autres avantages à couper le souffle, parcs automobiles dernier cri et des villas dignes des dynasties occidentales. Bref, un Gabon à deux catégories de Gabonais : les plus Gabonais qui s’accaparent de tout, au grand dam des moins Gabonais toujours condamnés à tirer le diable par la queue »256 . En 2002, la population gabonaise apprenait, grâce au journal Misamu , la disparition de sommes d’argent des caisses du trésor public : « un vol de trois milliards de francs CFA (4,5 M d’euros) dans les caisses du trésor public gabonais a obligé l’Etat à solliciter l’aide de la Guinée Equatoriale pour payer les fonctionnaires gabonais »257 .

La presse privée constitue donc un acteur important du système démocratique gabonais. « Elle n’est pas le quatrième pouvoir pour rien, affirme Le Paon Africain. C’est un outil indispensable pour le traitement et la transmission de l’information. Elle est le trait d’union incontournable entre le pouvoir et les populations. Elle est ainsi tout à la fois l’ami et l’ennemie. A la limite, aucun pouvoir politique ne peut exister sans elle. C’est ce qui explique que les régimes tyranniques ne se gênent pas pour la museler »258 . Cette dénonciation récurrente des abus du pouvoir a conduit le régime politique gabonais à user de la répression pour rendre inopérante la presse nationale.

254 Marie-Soleil Frère, Presse et démocratie en Afrique francophone. Les mots et les maux de la transition au Bénin et au Niger , Paris, Karthala, 2000, p. 417. 255 « Les médias publics organisent l’échange entre gouvernants et gouvernés par la propagande politique qui vise la légitimation du pouvoir. Cette communication est marquée par la personnalisation du pouvoir de celui qui est à la fois le Chef de l’Etat et du parti unique », cité par Vincent Mavoungou, Institutions et publics de la radio-télévision au Gabon : essai sur la personnalisation du pouvoir à travers la communication politique par les médias , Thèse de III ème cycle, Paris II, 1986, p. 47. 256 Le Temps , n° 60, 12 septembre 2002, in Thomas Atenga, Contrôle de la parole et conservation du pouvoir. Analyse de la répression de la presse écrite au Cameroun et au Gabon depuis 1990 , Thèse de doctorat, Paris 1 – Sorbonne, 2003-2004, p. 1 257 Institut Panos Paris, AfriCentr@lemedias , n°3, septembre 2002, p. 7. 258 Marie-Soleil Frère, idem , p.420

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Le Conseil national de la communication (CNC), institué par la Constitution (article 95) et dont les attributions ont été définies par la loi n° 14/91 du 24 mars 1992, est l’organe de régulation de la liberté de la presse au Gabon. Il est chargé de veiller au respect de l’expression de la démocratie et de la liberté de la presse sur toute l’étendue du territoire.259

Mais, le CNC tend plutôt à jouer un rôle de « gendarme » que de garant de la liberté de la presse, ordonnant la suspension de plusieurs journaux. En 2002, après la suspension de deux journaux privés, Misamu 260 et Gabaon , le Rassemblement national des Bûcherons (RNB), un parti de l’opposition gabonaise dénonçait : « le CNC est un conseil et non un tribunal d’inquisition […]. Il ne saurait se substituer à une juridiction en sanctionnant, sans qu’il y ait eu procès, ce qu’il considère comme un délit de presse »261 .

Depuis 1990, « près de 250 procès ayant trait aux délits de presse se sont déjà tenus », souligne Thomas Atenga 262 . Le 14 mars 2008, le CNC suspendait Croissance Saine Environnement (CSE), journal d’une ONG du même nom, à la suite d’une requête introduite par le Directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale dénonçant le journal de harcèlement sur sa personne par l’injure et par la dénonciation calomnieuse, révèle le communiqué du CNC 263 . Même le journal gouvernemental reconnaît les dérives autoritaires de cet organe de régulation, comme l’atteste un billet de Makaya 264 :

« Avant-hier soir, le porte-parole du C.N.C est apparu comme un orang-outan sur les écrans de la première chaîne de télé-Gabon, pour débiter des inepties qui ont estomaqué plus d’un démocrate gabonais. Désormais, a-t-il martelé, la bouche en cul de poule, une commission mixte de contrôle des médias va censurer les articles des journaux avant leur impression. On croit rêver mes chers frères Makaya dans la misère. D’abord même sous le régime totalitaire du parti unique, le P.D.G. n’avait jamais osé franchir le rubicon »265 .

259 Institut Panos Paris, op. cit , p. 168 260 Décision n° 0004/CNC/2002 portant suspension du journal Misamu. Annexe 4. 261 Institut Panos Paris, AfriCentr@lemedias , idem . 262 Thomas Atenga, Cameroun, Gabon : la presse en sursis , Paris, Editions Muntu, 2007, p.128. 263 Tiré de http://www.infosplusgabon.com, « Gabon : suspension par le CNC du journal Croissance Saine Environnement », 17 mars 2008. 264 Makaya est un billet quotidien du journal L’Union . Au Gabon, Makaya désigne l’homme de la rue, en opposition à Mamadou qui signifie le haut fonctionnaire ou le ministre de la République. 265 Pierre-Fidèle Nzé Nguéma , L’Etat au Gabon de 1929 à 1990. Le partage institutionnel du pouvoir , Paris, Hatier, 1998. Cité par Didier Taba Odounga, « Bilan de la pratique démocratique au Gabon », in Dominique

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Tous ces obstacles institutionnels, ajoutés aux difficultés économiques ont réduit la marge de manœuvre de la presse privée dans le processus démocratique gabonais. Par ailleurs, les médias gabonais vivent dans un contexte économique très difficile. La difficulté à trouver les financements nécessaires au bon fonctionnement d’un organe de presse est la raison fondamentale de la disparition de nombre de journaux gabonais.

Les recettes d’un journal proviennent grosso modo de l’abonnement ou de la vente des contenus éditoriaux et de l’activité publicitaire : tandis que l’abonnement doit payer le papier, l’impression et la distribution, la publicité paie la rédaction et l’administration et fournit le bénéfice du journal 266 . Au Gabon, la publicité est presque réservée aux seuls organes ayant des accointances avec le pouvoir ; et le prix de vente d’un journal est jugé excessif (en moyenne 500 FCFA), comme l’atteste le tableau 11 ci-dessous.

Tableau 11 : Etat de la presse écrite gabonaise

Presse écrite

Prix bas 0 0.0% 0.0% Prix élevé 28 17.1% 17.1% Prix moyen 17 10.4% 10.4% Bonne distribution 2 1.2% 1.2% Distribution moyenne 1 0.6% 0.6% Mauvaise distribution 7 4.3% 4.3% Distribution limitée 34 20.7% 20.7% Bon contenu 15 9.1% 9.1% Contenu moyen 44 26.8% 26.8% Contenu mauvais 7 4.3% 4.3% Contenu politisé. 9 5.5% 5.5% Total 164 100.0% Source : enquête 1

En ce qui concerne la publicité, elle est surtout captée par le quotidien gouvernemental L’Union : « le journal L’Union est véritablement le support de la presse écrite qui domine le marché de la publicité. Sa périodicité, sa régularité, son tirage, 22 000 exemplaires chaque jour, la qualité croissante de l’impression, font de lui le premier support publicitaire de presse écrite, qu’elle vienne des opérateurs économiques ou des institutions locales et

Etoughé et Benjamin Ngadi (sous la direction), Refonder l’Etat au Gabon. Contributions au débat. Actes de la table ronde sur le projet de refondation de l’Etat au Gabon. Paris, 8 juin 2003 , Paris, L’Harmattan, 2003, p. 18 266 Jean Gabszewicz et Nathalie Sonnac, L’industrie des médias , Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2006, p. 26

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internationales. Logiquement, L’Union fait aussi partie d’un groupe de communication, Sonapresse, qui contrôle également Publicom, une régie publicitaire »267 .

Si par sa périodicité, sa régularité, son tirage et sa professionnalisation, le quotidien L’Union est effectivement le grand bénéficiaire de la publicité au Gabon, la désaffection des annonceurs à l’égard de la presse privée dite indépendante se traduit par la « dureté du ton » employé à l’égard des autorités publiques. Les propos de Marguerite Makaga Virginius, ancienne directrice de Radio Soleil 268 l’expliquent clairement :

« Radio Soleil n’a pas accès au marché publicitaire classique. Les radios publiques contrôlées par l’Etat et les stations en apparence privées proches des hommes du pouvoir au Gabon, Nostalgie, Unité et Africa n°1 en particulier, sont les seules bénéficiaires de l’argent mis par les entreprises étrangères dans la communication d’entreprise (publicité). Même en pratiquant les tarifs les plus bas au Gabon (7 000 Fcfa/ la minute contre en moyenne quatre fois plus cher pour trente secondes dans les autres stations). De plus, depuis quatre ans, aucune entreprise n’a accepté un partenariat avec Radio Soleil ; les causes semblent être liées au manque de complaisance de Radio Soleil vis-à-vis du pouvoir central au Gabon, pouvoir intimement lié aux milieux d’affaires au Gabon »269 .

En outre, les organes de la presse privée gabonaise sont confrontés aux coûts élevés d’impression et de distribution de leurs journaux, liés au monopole consenti par l’Etat aux entreprises MULTIPRESS et SOGAPRESSE. Ce qui oblige la quasi-totalité de la presse privée à solliciter les services de l’imprimerie camerounaise Macacos dont les prix sont jugés moins excessifs : « un tirage de 5 000 exemplaires au Cameroun nous revient à 300 000 FCFA environ, frais de transport compris. A Libreville, il faut compter 750 000 FCFA. Quand on tient compte du fait qu’aucune entreprise de la place ne nous donne de la publicité par peur de représailles, au regard de la différence des prix, quitte à faire mal aux imprimeurs locaux, c’est sans états d’âme que nous tirons à Douala », déclare le directeur de publication de l’hebdomadaire satirique Le Nganga 270 . Les organes de presse doivent

267 Chryzostome Lisasi, « De quoi vivent les médias gabonais : publicité, vente, subventions… », publié le 29/09/2007 dans www.gaboneco.com. Consulté le 3 février 2009. 268 Radio privée disparue en 2002 à cause des problèmes financiers. 269 Institut Panos Paris, op. cit , p.173. 270 Gabriel Nguéma Ondo, cité par Thomas Hirenée Atenga, Contrôle de la parole et conservation du pouvoir. Analyse de la répression de la presse écrite au Cameroun et au Gabon depuis 1990 . Thèse de doctorat, Paris 1 – Sorbonne, 2004, p. 102. Cette situation est particulièrement préoccupante pour la presse privée que l’agence de presse PANAPRESS en a relayé l’écho dans une dépêche publiée à Libreville le 24 mars 2003 : « L’Imprimerie

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également payer une redevance annuelle pour continuer à paraître, malgré leur situation financière déjà difficile. Toutefois, pour aider financièrement la presse privée, le gouvernement gabonais a obtenu en 2004 de l’imprimerie MULTIPRESS et du distributeur SOGAPRESSE la baisse de leurs tarifs. Ainsi, de 774 000 FCFA (soit 1180 euros) pour 5 000 tirages, MULTIPRESS a baissé presque de moitié l’impression pour le même nombre d’exemplaire qu’elle facture désormais à 354 000 FCFA (540 euros). Cette facturation concerne les journaux de huit pages, paraissant en format tabloïd 271 . Du côté de SOGAPRESSE, le prélèvement du distributeur sur chaque exemplaire vendu passe de 40 à 33 %272 . En 2005, un fonds (FONAPRESSE) destiné à soutenir les médias gabonais a été créé par l’Etat. Le FONAPRESSE dispose de 500 000 000 FCFA (762 000 euros). Il est géré par le Ministère de la communication.

Mais, au regard du taux d’invendus qui atteint parfois 60 % pour certains titres 273 et d’un nombre important de médias gabonais qui se partagent la subvention, le FONAPRESSE, s’il est indispensable, demeure insuffisant pour répondre aux énormes besoins financiers de la presse privée. La presse privée se doit donc de trouver ailleurs les moyens de subsister ; et les hommes politiques constituent parfois la solution idoine, malgré le risque d’aliéner la ligne éditoriale. Thomas Megnassan, journaliste, explique : « Ceux qui disent qu’ils vont faire de l’argent avec leur journal, c’est vrai, mais pas par la vente du journal. Ils sont soutenus par des hommes politiques qui, pour détruire certains autres hommes politiques, disent : bon,

religieuse Macacos de Douala au Cameroun, est depuis quelque mois le principal éditeur des journaux gabonais qui fuient les prix jugés prohibitifs appliqués par Multipress-Gabon, l’unique grande imprimerie du pays. Sur une douzaine de périodiques qui paraissent plus ou moins régulièrement au Gabon, 10 sont imprimés par Macacos. Il s’agit de : Le Scribouillard, Le Nganga, Misamu, La Nation, Le Temps, Le Journal, La Lowé, Elite Afrique Magazine, Nku’u Le Messager, Le Peuple et Gabaoon . Les deux qui sont imprimés par Multipress- Gabon sont le quotidien national L’Union plus (pro-gouvernemental, filiale du groupe Sonapresse auquel appartient Multipress-Gabon) et l’hebdomadaire La Relance , l’organe de propagande du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir). C’est la nette différence de prix, confirmée par tous les éditeurs interviewés par la PANA, qui attire les rédacteurs des journaux gabonais vers Macacos, le ‘messie’. […] Même libérés des contraintes d’édition imposées par Multipress-Gabon, ces journaux se retouvent obligatoirement dans le filet du même groupe, propriétaire de la société de messagerie : Sogapresse qui distribue la presse internationale et locale au Gabon contre la perception d’une ristourne de 40% du prix de vente de chaque numéro pour le cas de la presse locale, indique-t-on. ‘ C’est suicidaire’, s’exclame le responsable d’un titre contestant par la même occasion, la fiabilité du réseau de la Sogapresse, limité, selon lui, dans les 4 principales villes du pays à savoir : Libreville, Franceville, Port-Gentil et Oyem [...] », in Thomas Hirenée Atenga, idem . 271 Le format tabloïd est un petit format couramment utilisé dans la presse écrite. Il impose à chaque page une dimension de 410 x 290 mm ou 374 x 289 mm. Il est l’opposé du format berlinois (470 x 320 mm). 272 Institut Panos Paris, AfriCentr@lemedias, n° 29, idem . 273 Chryzostome Lisasi, op. cit.

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nous avons besoin de ton journal. Aide-nous à faire ceci, à faire cela. Et on sort des dossiers contre tel leader ou au profit de tel responsable politique. Et là, c’est monnayé […]»274 .

Au Gabon, le financement de la presse privée par les « mécènes » politiques a changé l’orientation éditoriale de certains journaux, devenant « des portes voix » politiques pour la lutte du pouvoir. La conséquence immédiate est le désintéressement du public qui juge désormais son contenu très politisé (figure 5) ; ce qu’elle reconnaît elle-même : « Nous ne pouvons pas nier l’accusation selon laquelle nous faisons de la politique, ou que nous accordons trop d’importance à l’actualité politique, explique le rédacteur en chef de La Griffe. Comment voulez-vous qu’il en aille autrement dans un pays comme le Gabon où le Président de la République est tellement omniprésent qu’il choisit même les tenues des hôtesses de la compagnie aérienne nationale. Tout est politique chez nous. La surexposition du politique dans nos journaux est à la mesure de la surpolitisation de nos sociétés »275 . Ainsi, les organes de presse au Gabon sont-ils encore loin de devenir des entreprises économiquement viables, capables de constituer un secteur sur lequel reposerait la diversification de l’économie nationale. Certes, les journaux font vivre les journalistes, les vendeurs à la criée, les imprimeurs, etc., mais leur rentabilité économique est encore insignifiante. L’absence d’exonération sur les intrants, et donc, d’une véritable politique nationale incitative, les condamnent à une précarité qui parfois, est responsable d’une pratique appelée « gombo ».

Le « gombo » est une pratique peu orthodoxe couramment pratiquée dans le monde médiatique pour « arrondir les fins du mois ». Elle se présente sous plusieurs formes :

« La forme jugée la moins honteuse et la moins compromettante par les acteurs eux-mêmes, est l’enveloppe qu’on remet au journaliste sous forme de perdiem, lors d’un séminaire ou pour la simple couverture d’événements. L’enveloppe que prévoient les organisateurs de colloques, meetings politiques, kermesses, activités sportives et autres, inclut aussi les frais de déplacement. Au final, la présence dans un séminaire ou toute autre manifestation est tout bénéfice pour le journaliste qui se

274 Marie-Soleil Frère, op. cit , p. 441. 275 Thomas Atenga, op. cit , p. 229, cité par Marie-Soleil Frère, Ross Howard, Jean-Paul Mathoz et alii, op. cit , p. 270.

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retrouve à la fois avec un papier pour remplir sa rubrique, mais aussi avec de l’argent frais pour résoudre les problèmes de sa subsistance quotidienne »276 .

Aussi, beaucoup de ces organes de presse n’ont-ils de siège que le domicile du directeur de publication. Dans ce cas, la productivité est difficile et la rentabilité incertaine.

CONCLUSION PARTIELLE

Au total, la presse gabonaise est un « construit » de paradoxes : alors qu’elle se dessinait comme la représentation populaire, la « voix des sans voix » et s’attribuait la fonction de « contre-pouvoir », la presse gabonaise est gangrenée par la politique, devenant un « pion » pour les luttes politiciennes. Alors que l’Etat, par le canal du CNC, organe de régulation, ne cesse de museler la presse par les intimidations, les procès abusifs et les suspensions récurrentes, il continue pourtant à la soutenir financièrement à travers des aides ponctuelles (aide du Président de la République à la presse privée) et pérennes (le FONAPRESSE). Alors que, à cause des difficultés financières, les organes de presse n’arrivent pas à assurer un retour sur les investissements réalisés, la presse gabonaise ne cesse cependant de croître, devenant l’une des plus prolifiques d’Afrique Centrale et ce, pour les raisons évoquées précédemment. L’annexe 2.2 présente une liste des journaux gabonais.

Paragraphe 2 : La structure du marché gabonais du livre

Le marché gabonais du livre fait intervenir plusieurs acteurs 277 dont les actions sont complémentaires. L’Etat, garant de la politique nationale en matière d’édition et de diffusion du livre, assure le respect et l’application des règles définies. Les écrivains et les auteurs sont eux à la source de la création du livre. Quant aux éditeurs et aux imprimeurs, ils donnent au livre sa forme matérielle et le reproduisent. Les diffuseurs et distributeurs rendent le livre disponible auprès des vendeurs qui eux, le mettent à la disposition des consommateurs. Enfin,

276 Thomas Atenga, op., cit , p. 231. Lire aussi Jeune Afrique n° 1876-1877 du 18 au 31 décembre 1996. Cité par Jean-Tobie Okala, Les télévisions africaines sous tutelle , Paris, L’Harmattan, coll. « images plurielles », p. 114. 277 Vous trouverez en annexe 2.6 un schéma qui présente la chaîne du livre au Gabon.

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les acteurs privés et les associations assurent le soutien financier et la promotion du livre auprès du public.

A- Les secteurs de la création, de la production et de la reproduction

Une question, devenue presqu’existentielle, revient toujours lorsqu’est évoquée la littérature gabonaise : « existe-t-elle vraiment ? Quels sont ses auteurs ? Silences embarrassés… Même la petite minorité de Gabonais ne doutant pas de la réalité de sa littérature la connaît mal »278 .

Si l’existence de la littérature gabonaise ne souffre d’aucune contestation, sa reconnaissance remonte cependant à une époque très récente avec la création des maisons d’éditions gabonaises et surtout grâce à l’action de l’Union des écrivains gabonais (UDEG). Jusqu’aux années 1980, la littérature gabonaise était appréhendée à travers quelques œuvres publiées pour la plupart à l’étranger : Histoire d’un enfant trouvé de Robert Zotoumbat ( publié en 1971 chez Clé à Yaoundé), Elonga d’Angèle Rawiri (publié en 1980 chez Editaf à Paris), Au bout du silence de Laurent Owondo (Paris, Hatier, 1985), Biboubouah d’Allogho Oke (Paris, L’Harmattan, 1985), La mouche et la glu de Maurice Okoumba Nkoghé (Paris, Présence africaine, 1984). Avec la promotion et la valorisation des œuvres gabonaises aujourd’hui, l’activité de création et d’édition semble connaître un regain de dynamisme.

La création de l’UDEG en 1987 a permis au livre d’atteindre les recoins du pays et aux jeunes écrivains de se faire découvrir. Les caravanes littéraires lancées par cette association à partir de 1997 dans les lycées et collèges répondaient à cet objectif. Mieux, elles ont suscité une prise de conscience collective sur la nécessité de l’intégration de la littérature gabonaise dans le système éducatif national.

Sur le plan de l’édition, l’activité s’opère par spécialité : livres scolaires, livres de référence (encyclopédies, guides) et ouvrages littéraires.

278 Magloire Ambourhouet-Bigmann, « Où est le roman gabonais ? », Africultures n° 36, mars 2001, p. 18

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Dans la spécialité livres de référence, l’activité est partagée entre trois entreprises privées : la Gabonaise d’Edition et de Communication (GEC), les Editions Gabon-promotion et Saga diffusion Gabon. Les activités de la GEC sont diversifiées (affichage, signalétique, conseils en communication ; édition des brochures, dépliants, plaquettes, catalogues…), mais sa notoriété est fondée sur la publication d’un guide annuel : Le Pratique du Gabon et du Livre d’accueil des hôtels Méridiens au Gabon. Ces livres sont actualisés chaque année et constituent une source d’informations indispensables pour les touristes. La GEC assure elle- même l’impression de ses ouvrages et bénéficie de l’expertise des partenaires étrangers, notamment la société française Pole’n. Elle est implantée dans les neuf provinces du pays et ambitionne d’ouvrir des filiales en Guinée Equatoriale, au Congo Brazzaville et au Cameroun 279 .

Les Editions Gabon-Promotion sont pour leur part spécialisées dans la production d’un guide économique et commercial pour le Gabon et pour le Congo Brazzaville. Elles constituent une interface entre le monde de l’entreprise et la population dans les deux pays. Mais, c’est la société Saga diffusion Gabon, filiale du groupe Saga diffusion international (GSDI) qui est leader de la sous branche de l’édition des livres de référence. Implantée au Gabon depuis les années 1990, son activité s’est développée sur deux axes : l’édition et la diffusion. Sur le plan de l’édition, Saga diffusion Gabon a réalisé plusieurs encyclopédies qui représentent 70 % de son chiffre d’affaires et déclare une quantité de ventes moyenne annuelle au cours des cinq dernières années, de mille deux cents (1 200) unités pour une valeur d’environ quatre cent quarante millions de francs CFA (440 000 000 FCFA)280 . En 2008, elle a édité deux ouvrages juridiques : La Fonction Publique Gabonaise en 7 volumes classeurs (janvier 2008) et Le Guide Juridique du Gabon en 5 volumes classeurs + 2 CD ROM (février 2008) 281 .

En définitive, la production des livres de référence demeure insignifiante. Elle est le fait d’une seule entreprise, contrairement à l’édition littéraire qui est assurée par une dizaine de maisons d’édition installées à Libreville. Parmi les plus anciens de ces éditeurs littéraires se trouvent MULTIPRESS, les Editions Udegiennes, les Editions Ndzé, les Editions du

279 Cf. http://www.gec-gabon.com/edition.php. Consulté le 15 février 2009 280 Paul Henri Nguema Méyé, op. cit , p. 7 281 Cf. http://www.groupesaga.com/actualites.php. Consulté le 15 février 2009

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Silence et les Editions Raponda Walker. Depuis les années 2000, quatre nouvelles maisons d’éditions sont créées et renforcent aujourd’hui le dispositif existant. Il s’agit des Editions Magali (La Maison Gabonaise du Livre), les Editions Junior Makaya, les Editions Amaya et L’Harmattan Gabon.

MULTIPRESS est la plus ancienne des maisons d’édition en activité. Elle produit tous les genres littéraires (roman, poème, théâtre, nouvelle, etc.). Elle a édité en 1986 l’œuvre poétique de Bill Joseph Mamboungou, Poèmes des Logovéens, Tome 1, suivie de deux pièces de théâtre de Vincent de Paul Nyonda en 1994 ( Mésaventure d’un avocat et Relati ). Mais c’est Obali, une pièce théâtrale de Joséphine Kama Bongo, publiée en 1974 et adaptée au cinéma la même année par Philippe Mory, qui a accrédité l’activité éditoriale de MULTIPRESS au Gabon. Représentée pour la première fois le 25 mars 1974 à Libreville dans le cadre du premier Festival culturel gabonais, Obali est une satire de la tradition gabonaise.

Depuis 1999, (date de la publication de Le Jeune officier de Georges Bouchard), l’édition littéraire de MULTIPRESS a connu un réel fléchissement, en raison de la faible contribution de l’édition au chiffre d’affaires global de l’entreprise. Cette baisse de la production est aussi observable chez les Editions Udégiennes.

Créées par l’UDEG en 1987, les Editions Udégiennes s’étaient donné pour ambition de promouvoir la littérature gabonaise. Si elles ont, en effet, permis aux jeunes écrivains de se faire connaître et apprécier du public par la qualité de leurs écrits, leurs productions sont devenues rares, obligeant celles-ci à se centrer sur les caravanes littéraires organisées chaque année dans les lycées et collèges 282 . Parmi les ouvrages édités par l’UDEG, les plus connus sont : Les chants Ultimes des naufragés (2000) de Nadège Noëlle Ango Obiang, Cri étranglé (2000) d’Innocent Dionganu, alias Louis Marie Ikapi Pombo, La Courbe du soleil (1993) de Maurice Okoumba Nkoghé et La Fin du mythe (1990) de Junior Otembé. Mais l’arrivée des Editions Ndzé sur le marché du livre a donné à la littérature gabonaise une certaine « renaissance ».

282 Département de Littératures Africaines, « L’institution de la littérature gabonaise. Partie I », CRELAF-UOB. Tiré de http://lit-afq.refer.ga/spip.php?article18. Consulté le 2 novembre 2008.

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Fondées en 1995 à Libreville et transférées en 2001 à Bertoua au Cameroun, les Editions Ndzé sont les plus prolifiques après les Editions Raponda Walker (ERW). En 2008, elles comptaient dans leur catalogue quarante-deux titres environ, dont certains en coédition avec L’Harmattan et les ERW. Leur annuaire des auteurs est empreint de diversité : Gabonais (Ludovic Obiang, Jean Divassa Nyama, Joel Békalé, Janis Otsiémi, Guy Rossatanga- Rignault), Français (Michel Cadence, Xavier Walter), Comoriens (Youssouf Said Soilihi, Elmamouni Mohamed Nassur), Nigérien (Alfred Dogbe), Nigérian (Peter Augustine), Congolais (Alain Mabankou), Sénégalais (Khadi Hane), Béninois (Florent Couao Zotti, Florent Hessou) 283 , etc. Les Editions Ndzé semblent constituer aujourd’hui une réponse aux attentes exprimées par le monde littéraire, celles de disposer d’une édition fiable, accessible et capable de promouvoir à l’étranger les œuvres gabonaises. Elles sont aidées dans cette mission par les Editions du Silence.

Créées en 1996 pour la conception, l’édition, la diffusion et la distribution des œuvres littéraires, les Editions du Silence ont commencé par éditer les revues scientifiques de l’Université Omar Bongo de Libreville avant de se lancer dans la publication d’essais, de récits de vie, de mémoires et de textes de la culture traditionnelle 284 . Depuis 1999, la structure a élargi ses thématiques à l’économie, aux sciences politiques, aux sciences humaines, à la médecine, à la littérature de jeunesse et à la religion. Elles ont édité plusieurs titres, parmi lesquels : France Afrique et parfait silence. Essai sur les enjeux africains de la Francophonie (1999) d’Auguste Moussirou-Mouyama, Seattle : La fin de la régionalisation des échanges ? (1999) d’Arsène Ludovic Méyé, Au service de l’Etat (2002) de Bonjean-François Ondo et Contes autour du feu (2004) de Nza Mateki. Les Editions du Silence travaillent aussi en coproduction avec les autres éditeurs membres de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants. A ce titre, les œuvres suivantes ont été coproduites en 2004 : La diplomatie non gouvernementale. Les ONG peuvent-elles changer le monde ? d’Henri Rouille d’Orfeuil, La maison-monde. Libres leçons de Braudel de François-Xavier Verschave, 100 propositions du Forum social mondial (ouvrage collectif) et L’Ombre d’Imana de Véronique Tadjo 285 . En somme, l’association avec les autres éditeurs indépendants a permis aux Editions du Silence d’avoir une visibilité dans le monde, laquelle visibilité concourt, par ricochet, à la promotion

283 http://www.ndze.com/. Consulté le 2 août 2008. 284 www.alliance-editeurs.org/catalogues/, consulté le 21février 2009 285 Tiré de http://www.alliance-editeurs.org/-sciences-humaines-et-sociales-?lang=fr. Consulté le 21 février 2009

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des œuvres gabonaises. Cette même volonté de sortir les œuvres gabonaises de leur terroir et de les hisser au plus haut niveau a été à l’origine de la création des ERW en 1996.

Considérées comme dynamiques par leur travail de production et de promotion, les ERW sont de loin, la première maison d’édition gabonaise. Elles disposent dans leur catalogue plus de soixante-dix titres. Elles sont ouvertes à l’ensemble du monde littéraire, mais sont spécifiquement tournées vers la promotion de la culture gabonaise, l’un des objectifs de la Fondation Raponda Walker (FRW) dont elles sont issues. A l’origine spécialisées dans les sciences sociales, les ERW sont aujourd’hui plus généralistes avec huit collections : « Jaune » (hommes et sociétés), « Rouge » (droit-politique-économie), « Mauve » (Fictions), « Verte » (vécu), « Blanche » (praxis), « Rouge et Noir » (traditions) et « Marron » (l’essentiel). La collection « Marron » est spécialisée dans la production d’ouvrages didactiques, donnant en 100 pages l’essentiel d’une discipline. Elle est surtout destinée aux étudiants 286 .

Pour renforcer leur offre d’édition, les ERW ont lancé en 2007 une revue scientifique, Palabres actuelles . Elle contribue à rendre visible la recherche scientifique gabonaise. Palabres actuelles s’inscrit, selon Guy Rossatanga-Rignault, Président de la FRW, dans une double perspective : promouvoir la recherche en sciences sociales en Afrique et participer à l’ouverture d’espaces de débats libres et exigeants au sein de la communauté académique 287 . L’édition d’un ouvrage par les ERW obéit à une série de conditionnalités dont l’issue est la conclusion d’un contrat d’édition, parmi les cinq proposés par l’éditeur (de la catégorie 1 à la catégorie 5) en fonction de la qualité de l’œuvre à éditer. Le contrat de « catégorie 1 » est conclu lorsque l’œuvre à éditer répond, aux yeux de l’éditeur, à toutes les conditions de qualité, d’accessibilité et de « commerciabilité ». Les charges afférentes à l’édition (conception, maquette, mise en page, impression, promotion, etc.) sont alors entièrement prises en charge par l’éditeur.

A l’opposé du contrat de « catégorie 1 », le contrat de « catégorie 2 » oblige l’auteur à assurer le 1/3 du coût de l’impression de son œuvre. Les 2/3 restants et les frais d’édition étant à la charge de l’éditeur. Ce type de contrat est élaboré lorsque les conditions de

286 S.M.B, « La Fondation Raponda Walker et la revue Palabres Actuelles ». Entretien avec Guy Rossatanga- Rignault le 23/12/2007, in www.afrikibouge.com. Consulté le 18 février 2009. 287 S.M.B., idem.

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commerciabilité de l’ouvrage ne sont pas entièrement garanties. Il s’apparente au contrat de « catégorie 3 » ou contrat dit « paritaire » ; à la seule différence que le contrat « paritaire » implique le partage équitable des coûts d’impression entre le créateur (auteur) et l’éditeur. Les charges liées à l’édition étant assurées par l’éditeur.

Cependant, lorsque les conditions de commerciabilité de l’œuvre sont quasi- inexistantes, les ERW accordent au créateur le contrat de « catégorie 4 », l’obligeant à supporter les 2/3 du coût d’impression. Le 1/3 restant et les autres charges d’édition revenant à l’éditeur. Le contrat de « catégorie 5 », dernier type de contrat proposé par les ERW, est réservé aux œuvres subventionnées, c’est-à-dire les œuvres dont les frais d’édition et d’impression sont pris en charge par une personne physique ou morale autre que le créateur. A ce titre, l’éditeur n’est sujet à aucune charge 288 . Ce type de contrat, bien qu’existant, demeure tout de même rare, la subvention d’une œuvre culturelle étant risquée, à cause de sa rentabilité improbable.

Depuis 2000, d’autres maisons d’édition se sont implantées à Libreville, notamment La Maison gabonaise du livre (Editions Magali), les Editions Junior Makaya et plus récemment les Editions Amaya et L’Harmattan Gabon. Mais leur activité éditoriale est encore faible, excepté L’Harmattan Gabon dont les perspectives augurent une forte activité de production et de promotion à court et moyen termes. Son affiliation à L’Harmattan France – qui en est la maison mère - garantit la distribution de ses œuvres à l’étranger.

B- La distribution, la promotion et la commercialisation du livre gabonais.

Entre l’éditeur et le consommateur se trouvent plusieurs intermédiaires dont l’objectif est de rendre le livre accessible sur le marché de la consommation. Le rôle joué par les distributeurs dans cette chaîne du livre est celui d’assurer l’acheminement des œuvres produites par les éditeurs vers les différents points de vente. Ils ne sont pas propriétaires des livres distribués. Le travail des distributeurs est une activité logistique basée sur la gestion des flux financiers liés à la circulation du livre. Il se résume au traitement des commandes, à

288 Tous ces contrats sont téléchargeables sur www.cyberquebec.ca/rapondawalker.

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la réalisation des colis et à la facturation ; à la gestion et au contrôle des stocks, à l’entreposage, aux expéditions et aux retours 289 .

Au Gabon, faute de distributeurs agréés, les éditeurs agissent le plus souvent directement auprès des détaillants qui passent les commandes en fonction de leurs besoins et de la disponibilité des offres. Seules quelques maisons d’édition assurent elles-mêmes, si elles ne se sont pas associées à un fournisseur étranger, la distribution de leurs productions hors du Gabon. C’est le cas de L’Harmattan Gabon, des ERW, des Editions Ndzé, de Saga diffusion et de Gabon promotion. Les œuvres de ces quatre maisons d’édition sont distribuées par des structures étrangères.

L’Harmattan Gabon est distribué par sa maison mère, tout comme Saga diffusion, par Saga diffusion international. Les productions des ERW et des Editions Ndzé sont distribuées à l’international par une association française, l’Association Littéraire Francophone d’Afrique (ALFA) 290 . L’ALFA est spécialisée dans la promotion, la distribution et l’aide à la création des œuvres littéraires francophones d’Afrique, ou en direction de l’Afrique. Elle diffuse à ce jour, en plus des deux éditeurs gabonais, les Editions parisiennes Alpha-Oméga 291 .

Les avantages de la distribution indirecte sont nombreux : elle élargit le marché de la consommation et prend à sa charge toutes les dépenses liées à l’activité de distribution, c’est- à-dire les charges logistiques et commerciales. Certaines structures préfèrent cependant distribuer elles-mêmes leurs productions à l’étranger. C’est le cas de Gabon promotion qui distribue au Congo Brazzaville le Guide économique et commercial du Congo .

Les phases de promotion et de commercialisation sont les derniers maillons de la chaîne du livre. Par la publicité, elles rendent disponibles auprès du public les produits issus de l’édition. Au Gabon, la promotion du livre est assurée par les éditeurs eux-mêmes, les associations d’écrivains, certains centres de recherche ou instituts de formation et quelques entreprises privées.

289 Nathalie Bergeron et alii, op. cit , p. 48 290 Cf. http://a.l.f.a.free.fr/general/association.htm. Consulté le 15 mai 2008 291 Idem

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L’activité de l’UDEG, nous l’avions dit, a été déterminante dans la valorisation de la littérature gabonaise. Elle a contribué à son insertion dans les programmes scolaires établis par l’Institut Pédagogique National (IPN). C’est elle aussi qui a rendu possible, grâce aux caravanes littéraires, la communication entre les jeunes écrivains et leurs lecteurs des lycées et collèges.

Au niveau des centres de recherche et des institutions universitaires, l’Institut Cheikh Anta Diop de l’Université Omar Bongo, créé en 1993, joue le rôle de pionnier. Il organise depuis sept ans à Libreville un « Salon international du livre » dont le but est la vulgarisation de la culture du livre. Il abrite aussi les Editions L’Harmattan Gabon.

L’action associative et institutionnelle est relayée au niveau de l’entreprise par la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Gabon (BICIG). La BICIG, au-delà de ses activités bancaires, organise depuis 1995 un concours à l’endroit des écrivains et des artistes gabonais. Ce concours dénommé « Concours BICIG amie des Arts et des Lettres » a pour objet de promouvoir les auteurs et leurs œuvres et de récompenser celles qui se distinguent par leur originalité et la qualité de leur écriture. Depuis son lancement, plus de trente prix ont été attribués dans les catégories suivantes 292 :

- Ecrivains confirmés (500 000 FCFA) - Grand prix BICIG espoir (500 000 FCFA) - Deuxième prix BICIG espoir (300 000 FCFA) - Troisième prix BICIG espoir (200 000 FCFA) - Prix spécial du Jury (200 000 FCFA).

Le « Concours BICIG amie des Arts et des Lettres » est devenu une biennale depuis sa quatrième édition organisée en 2000 et constitue aujourd’hui l’un des grands moments de la vie artistique et littéraire gabonaise.

Le dernier maillon de la chaîne du livre - la commercialisation - englobe plusieurs intervenants : les maisons d’édition, les librairies agréées, les librairies « par terre », les kiosques à journaux et les grandes et moyennes surfaces.

292 Guy Wilfried Idiatha, « Les prix littéraires au Gabon, quelle place et quel avenir ? », UOB-CRELAF. Tiré de http://lit-afq.refer.ga/spip.php?article226. Consulté le 8 avril 2008

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L’achat des livres auprès des éditeurs se fait généralement sur place, ou à défaut, lors des expositions-ventes organisées pendant les journées culturelles. Ce mode de commercialisation directe au consommateur compense beaucoup l’insuffisance des librairies agréées. Une librairie agréée remplit plusieurs critères qui la distinguent d’une librairie non agréée, c’est-à-dire informelle. Au-delà de sa reconnaissance par les pouvoirs publics, une librairie agréée comporte « une politique commerciale, un fonds d’ouvrages choisi par les libraires, un espace aménagé en rayons, une vitrine attrayante qui expose des nouveautés ou des livres agencés autour d’un thème »293 . Installées dans les grandes villes, elles ne couvrent pas l’ensemble des besoins du pays. Libreville n’en compte que moins d’une dizaine. Deux seulement sont spécialisées dans la littérature gabonaise. Ce sont la librairie Magali et la librairie du savoir. Elles sont toutes les deux l’œuvre de deux écrivains membres de l’UDEG. Les achats se font par commandes auprès des éditeurs locaux et/ou étrangers qui éditent la littérature gabonaise.

Les œuvres gabonaises sont aussi disponibles à « La maison de la presse », la plus grande librairie gabonaise en termes d’acquisitions. Située au cœur de la capitale, son offre est abondante et variée. Nous y trouvons, entre autres, les éditions de poche, les livres scolaires et parascolaires.

Depuis quelques années, les grands hôtels disposent aussi de librairies dans leurs enseignes. Mais, leur clientèle demeure majoritairement les touristes ; d’où une offre moins abondante et peu diversifiée. Dans ces librairies, notamment les librairies « Atlantique » (hôtel Atlantique) et « Laïco » (hôtel Laïco), le guide annuel de la GEC, Le Pratique du Gabon, est particulièrement prisé par cette clientèle , en ce qu’il constitue pour elle une source d’informations indispensables à la découverte du Gabon. Quelques romans gabonais et étrangers, les encyclopédies et surtout les cartes sur le Gabon y sont également proposés.

Les kiosques à journaux et les moyennes et grandes surfaces sont des lieux où le commerce du livre est aussi florissant. Elles sont majoritairement gérées par deux grands groupe à prédominance alimentaire : les groupes CECA-GADIS et SODIGAB. Le groupe CECA-GADIS est le plus important du pays, disposant des enseignes même dans les villes

293 Muriel Bismuth, « Les différents visages de la librairie en Afrique », Notre Librairie . Revue des Littératures du Sud, n° hors-série. Guide pratique du libraire. Septembre 2002, p. 32

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les plus reculées. Elle opère sous différentes appellations : CECADO, GEANT CKDO, GABOPRIX, SUPERGROS, INTERGROS et CK2. Quant au groupe SODIGAB, son réseau de distribution est plus restreint (Libreville et Port-Gentil), mais dispose du plus grand centre commercial du pays, l’hypermarché MBOLO, implanté au centre de la capitale gabonaise. Ses autres enseignes sont SODIGROS et SCORE. L’offre des grandes et moyennes surfaces est parfois abondante, surtout en période de rentrée scolaire. Les enseignes CECADO et GABOPRIX constituent parfois, dans les petites localités, les seuls espaces dédiés à la vente du livre. Si leurs prix sont relativement abordables, ceux pratiqués par les librairies agréées et les maisons d’édition sont jugés exorbitants, ce qui limite l’accès au livre. Le tableau 12 donne une appréciation générale des prix pratiqués dans le secteur formel du livre au Gabon.

Tableau 12 : Appréciation du prix du livre par les consommateurs

Prix livre

Bas 1 1.1% 1.1% Moyen 13 14.9% 14.9% Elevé 34 39.1% 39.1% Très élevé 39 44.8% 44.8% Total 87 100.0%

Source : enquête 1

Malgré un prix du livre jugé élevé, voire très élevé, les librairies ne désemplissent pas, surtout en période de rentrée scolaire ; les Gabonais investissant de plus en plus d’argent dans l’achat des livres. « Il n’est pas rare, remarque Honorine Ngou, de trouver dans des familles aux revenus pourtant modestes des ouvrages de vulgarisation juridique, économique, littéraire ou même des encyclopédies qu’elles obtiennent par démarchage […]. Le livre entre dans les mœurs […] »294 . Mais, les seules librairies ne suffisent pas pour vulgariser le livre. Elles doivent être relayées par les bibliothèques publiques, lieu par excellence de la diffusion du savoir.

294 Honorine Ngou, « Le livre et la lecture au Gabon », in ADPF-Culturesfrance, Notre Librairie , avril-juin 1991, n° 105, « Littérature gabonaise » p. 126

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Au Gabon, de nombreuses bibliothèques scolaires et universitaires existent et disposent d’un petit fonds documentaire réservées exclusivement à leur population respective. Au niveau du grand public, les besoins sont plutôt importants, le pays ne disposant que de quelques bibliothèques publiques. Une Bibliothèque nationale existe. Elle est implantée à Libreville et dispose d’un fonds documentaire malheureusement vieillissant d’environ 20 000 livres. Les acquisitions sont rares et elle n’autorise qu’une consultation sur place. Elle est ouverte à tous et est complétée par quatre bibliothèques municipales de tailles moyennes implantées dans trois capitales provinciales : Franceville, Mouila et Port-Gentil. Mais elles sont loin de combler la demande locale en perpétuelle croissance, tant les structures et les fonds documentaires sont vétustes. Si la bibliothèque du Centre culturel français Saint- Exupéry de Libreville (CCF) et les neufs Centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC) construits grâce à l’appui financier et matériel de l’OIF jouent un rôle particulièrement déterminant 295 , la rareté des bibliothèques publiques au Gabon témoigne de l’absence d’une politique nationale de la lecture publique. Ce qui oblige les lecteurs gabonais à disposer régulièrement de petites bibliothèques privées, alimentées le plus souvent par les librairies « par terre », considérées comme mieux pourvues, et peu cher.

Apparues dans les années soixante-dix en Afrique subsaharienne, les librairies « par terre » sont une source importante de la diffusion du livre. Elles ont intégré, aux côtés d’autres acteurs, la chaîne du livre. Elles désignent la vente d’ouvrages sur les trottoirs des grands carrefours des grandes agglomérations du pays. L’activité s’exerce parfois en temps plein. Mais elle est le plus souvent temporaire, surtout en période de rentrée scolaire. Lorsqu’elle est permanente, la vente s’opère dans des petites échoppes pour lesquelles les commerçants paient une petite redevance aux services municipaux. Les ouvrages proposés sont à la fois diversifiés et hétéroclites, voire hédonistes : romans photos, romans sentimentaux, romans policiers, bandes dessinées, livres scolaires et universitaires, etc. L’activité temporaire elle, est en règle générale développée pendant la période de rentrée scolaire ; et les ouvrages vendus sont essentiellement les livres scolaires et universitaires. Les commerçants temporaires qui occupent anarchiquement ces trottoirs contreviennent à la loi et sont la cible de la police municipale 296 .

295 La bibliothèque du CCF et les CLAC feront l’objet d’une analyse dans la troisième section (la contribution internationale) de ce chapitre. 296 Enquête qualitative.

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Les livres vendus par les librairies « par terre » sont globalement d’occasion, mais ils peuvent être neufs et provenir des éditeurs locaux eux-mêmes qui trouvent dans ces commerces « un gain financier supplémentaire »297 . Pour les livres d’occasion, l’approvisionnement se fait de main à main, c’est-à-dire auprès des clients qui vendent des livres déjà utilisés ou de seconde main. La clientèle est aussi variée : élèves, étudiants, fonctionnaires, cadres du secteur privé, candidats aux concours de la fonction publique, etc.

Face au prix sans cesse plus élevé du livre au Gabon et au manque d’ouvrages dans les rares bibliothèques publiques encore existantes, les librairies « par terre » constituent une sinécure pour les couches de la population les plus défavorisées. La possibilité de marchander continuellement les prix et de trouver un livre qui n’est plus édité et vendu dans une librairie agréée, renforce l’intérêt de cette activité. Plus de la moitié des personnes interrogées lors de l’enquête quantitative trouvent que cette activité constitue une réponse à la difficulté d’accès au livre (tableau 9, p. 139).

Cependant, les librairies « par terre » ne présentent pas que des avantages. Elles seraient par exemple à l’origine d’ « une économie souterraine de livres volés dans les librairies, les écoles et les bibliothèques ou détournés des zones portuaires »298 . Elles causeraient aussi un manque à gagner aux maisons d’édition et aux librairies agréées. Plus de 20 % des personnes interrogées affirment que ce commerce informel constitue un frein au développement de l’industrie du livre au Gabon et préconisent une intervention plus soutenue de l’Etat qui pourrait aménager des emplacements qu’il vendrait à ces commerçants « ambulants ». Ainsi, leur activité sera-t-elle réglementée.

C- Le cas particulier du livre scolaire

L’édition scolaire est un outil essentiel de la promotion du livre. Grâce à son public cible, les élèves, elle favorise l’acquisition des connaissances et la vulgarisation de la production littéraire. L’école est le lieu du savoir par excellence. C’est elle qui donne à l’élève le goût de la lecture car, « un élève, même désintéressé, ne peut se dérober au devoir de lire

297 Luc Pinhas, op. cit , p. 229 298 Idem , p. 229 .

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s’il veut obtenir des résultats simplement acceptables, et souvent, l’inhibition de départ s’efface au contact d’un livre intéressant, l’activité pédagogique contraignante devient peu à peu un ravissement esthétique »299 . L’histoire de Dignité constitue à ce titre un témoignage édifiant :

« Dignité avait ouvert le paquet et découvert le livre. C’était inimaginable ; il était beau ce livre, au toucher, la couverture en était luisante. La photo l’illustrant était celle d’un enfant au regard juvénile et à la bouche toute innocente. Les pages sentaient encore l’odeur de la papeterie. […] Elle l’avait parcouru en quelques jours. Elle se souvint qu’elle avait été captivée par l’histoire de la forge et du serpent et qu’elle avait fait le rapprochement entre la vie de la famille de Laye et la sienne ». 300

Au Gabon, la production du livre scolaire est du ressort de l’IPN et d’EDIG-EDICEF. L’IPN est un institut sous tutelle du Ministère de l’éducation nationale. Créé en 1964 par le décret n° 00288/PR-MEN, il est particulièrement chargé de la production et la diffusion de tous les moyens pédagogiques et d’enseignement susceptibles de hâter la diffusion de l’enseignement et de la formation au Gabon.301 Il est composé de plusieurs services, parmi lesquels le bureau de la recherche et de la diffusion pédagogique dont les tâches essentielles consistent à rechercher et à perfectionner des méthodes et des techniques pédagogiques, des moyens d’information et de connaissances nécessaires à l’enseignement, à publier des revues, d’ouvrages divers, des manuels, des documents, des programmes de divers ordres de l’enseignement et à diffuser dans les établissements scolaires des documents et du matériel pédagogique 302 .

Depuis 1982 (décret 1692/PR/MEN du 27 mars 1982), l’IPN est devenu une composante de la Direction Générale des Enseignements et de la Pédagogie du Ministère de l’Education nationale (MEN) ; et c’est le bureau de la recherche et de la diffusion pédagogique qui conçoit les programmes scolaires et définit les conditions de leur diffusion dans les établissements scolaires. Il choisit les textes à éditer, élabore leur forme matérielle (composition, impression) et transmet ensuite le manuscrit à EDIG-EDICEF pour l’édition.

299 Ludovic Obiang, « Le rôle du livre scolaire dans l’élaboration d’une culture de la lecture en Afrique », 12/02/2004, tiré de www.africultures.com. Consulté le 13 mars 2008. 300 Jean Divassa Nyama, La Vocation de Dignité , Libreville, Ed. Ndzé, 1997, p. 45-46, in Ludovic Obiang, idem . 301 Décret n° 00288/PR-MEN, art. 2 302 Art. 5

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Filiale du groupe français Hachette, EDIG-EDICEF bénéficie d’un monopole acquis auprès de l’Etat gabonais. Elle est implantée à l’intérieur de la société MULTIPRESS et n’est joignable que par l’entremise de celle-ci. A cause de la fermeture de l’imprimerie du MEN, l’impression des ouvrages édités par EDIG-EDICEF est confiée à la société MULTIPRESS, également imprimeur du quotidien gouvernemental L’Union . En 2001, MULTIPRESS a produit 419 280 livres du primaire évalués à 168 100 000 FCFA 303 . La production d’EDIG- EDICEF ne concerne que les livres du primaire; le marché de l’enseignement secondaire étant, selon l’éditeur, « très étroit »304 . Ce qui contraint le MEN à valider parmi tous les livres importés ceux qui peuvent être utilisés dans les lycées et collèges pour une année scolaire donnée.Ainsi, chaque début d’année, cette institution dresse-t-elle une liste d’ouvrages recommandée pour les enseignements 305 .

La distribution des livres produits par EDIG-EDICEF est assurée par la SOGAPRESSE qui en détient également le monopole. La SOGAPRESSE est la filiale du groupe « Les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) », dont Hachette assure la direction générale.

Les acquisitions du MEN (pour le primaire et le secondaire) sont distribuées chaque année gratuitement aux établissements publics. Pour les autres établissements d’enseignements primaires et secondaires, une baisse allant parfois jusqu’à 50 % leur est accordée directement par les éditeurs sur le prix d’achat du livre scolaire ; et 30 % aux libraires 306 . Mais, la politique du manuel gratuit adoptée par l’Etat gabonais dans le but de rendre le livre accessible à l’ensemble de la population scolaire des établissements publics a fait l’objet de critiques par les libraires gabonais qui dénoncent là encore, un moyen de réduire leurs marges financières. C’est assurément la population estudiantine qui est la clientèle sur laquelle comptent les librairies gabonaises. C’est elle qui achète les stocks commandés chaque année par les librairies agréées, sur la base de la liste officielle d’ouvrages au programme que publie l’IPN

303 Paul Henri Nguema Méyé, « Expansion du commerce intra et inter-régional entre les pays de la CEMAC et de l’UEMOA. Etude de l’offre et de la demande sur les livres scolaires, l’édition et la diffusion », CCI, janvier 2003, p. 6 304 Idem , p. 9 305 Ibidem ., p. 6 306 Ibidem , p. 10

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et des listes spécifiques de certains établissements scolaires et universitaires. C’est aussi elle qui achète et revend aux librairies « par terre ». Dessaisir les librairies d’une telle clientèle serait donc les asphyxiées davantage. Par conséquent, une politique gouvernementale, alliant gratuité et soutien public est nécessaire.

Plusieurs associations littéraires, chefs d’établissements et parents d’élèves ont ouvertement critiqué la programmation annuelle de l’IPN, jugée trop orientée vers le système éducatif français. Depuis lors, la littérature gabonaise a gagné une place dans les programmes d’enseignement secondaire, l’idée étant de rendre désormais moins extravertie les programmes littéraires étudiés dans les lycées et collèges. Mais, le risque de cette tendance à la « nationalisation » des programmes est la prise en compte des œuvres moyennement pertinentes, au simple fait qu’elles sont gabonaises. L’introduction de la littérature nationale dans le système éducatif doit donc s’accompagner d’un esprit critique.

Malgré une augmentation continue de la production des livres scolaires (1 467 480 en 2001 contre 518 210 en 1999 307 ), elle reste faible, au regard de la jeunesse de la population et d’un taux de scolarisation avoisinant les 93 % 308 . L’édition scolaire est le marché le plus rentable en Afrique. A cause de ses caractéristiques particulières, le livre scolaire transmet un savoir et un savoir-faire ; véhicule des valeurs et des normes nécessaires à l’éclosion d’une société. Son impact sur la réussite scolaire est avéré. Une étude réalisée en 1978 par Farrell et Heyneman conclu « qu’un investissement dans le domaine du manuel scolaire aura un impact positif sur l’acquisition des connaissances en milieu scolaire et que cet impact sera plus grand suite à la mise à disposition de manuels que toute autre intervention dans le secteur de l’éducation (telle que la formation des enseignants »309 . Toutefois, l’importance du manuel scolaire n’est palpable que dans une politique nationale incluant la lecture publique et le livre. Mais, qu’entendons-nous par une politique nationale du livre ? L’UNESCO conçoit la politique nationale du livre autour d’un ensemble composite : une conception globale du secteur du livre qui constitue en soi une chaîne articulée ; une volonté politique de considérer le livre comme une part d’un secteur économiquement

307 Paul Henri Nguema Méyé, op. cit , p. 13 308 Christophe Lihouenou, Le développement des pays francophones d’Afrique subsaharienne. Contribution aux débats sur les réformes des politiques de développement , thèse de doctorat en science politique, Université Jean Moulin, Lyon 3, 2009, p. 275 309 Diana Newton, « L’impact de la dévaluation du franc CFA sur le manuel scolaire », Genève, février 1995, p. 4.

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stratégique, un consensus Etat/secteur privé (en vue de stimuler la création littéraire, créer un environnement fiscal et financier favorable à l’éditeur et à l’industrie graphique. Il s’agit de favoriser le commerce et la distribution du livre au moyen de tarifs postaux préférentiels et de l’élimination des taxes douanières ou autres à l’importation, du renforcement des mécanismes de distribution, de la modernisation des librairies et du soutien à la librairie de proximité. Il s’agit aussi de l’adoption par le secteur de codes de conduite dans les pratiques commerciales, de mesures incitatives à l’exportation et à développer le réseau national de bibliothèques. Il s’agit encore de la mise en place des campagnes de lecture, de l’adoption d’un cadre juridique contenant l’ensemble des dispositions concernant le livre et de l’engagement dans la formation des ressources humaines pour tous les métiers du livre310 .

Au regard de ces critères, qui sont certes indicatifs mais déterminants, et des difficultés dont souffre la filière de l’édition, nous pouvons conclure que le Gabon ne dispose pas encore d’une politique nationale du livre.

En effet, alors que le Gabon a adhéré à l’accord de Florence qui recommande l’exemption des droits de douane et autres impositions à l’importation ou à l’exportation sur les produits culturels, les intrants qui sont nécessaires à la fabrication du livre (papier, encre, etc.) sont excessivement taxés. De plus, une TVA de 18 % est appliquée sur le livre 311 . La conséquence immédiate de cet état de fait, est le renchérissement du prix de vente du livre qui, au final, ne trouve plus d’acheteur. Par ailleurs, les importations des produits de l’édition en provenance des éditeurs du Nord, qui ont augmenté en valeur depuis 1998, comme le précise le tableau 13, contribuent également à la fragilisation de l’édition nationale.

310 Téléchargeable sur : http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.phpURL_ID=27521&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html. Consulté le 13 mai 2008 311 Luc Pinhas, op. cit., 229

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Tableau 13 : Evolution des importations entre 1998 et 2001 (Unité: FCFA)

Libellé 1998 1999 2000 2001 Valeur Valeur Valeur Valeur Papeterie 1 556 816 900 1 056 413 145 1 445 390 945 1 871 589 895 Dictionnaires 1 011 873 500 1 494 509 400 800 699 220 1 311 204 880 encyclopédies Livres scolaires 2 088 966 400 1 698 198 741 2 424 644 461 2 297 452 050 Journaux et périodiques 2 301 737 500 2 527 581 957 2 306 728 100 2 476 315 800 Livres d’enseignement 20 016 600 15 202 400 9 130 500 44 717 500 maternel Source : Statistiques douanières, in Paul Henri Nguema Méyé, op. cit, p. 15

Ce tableau révèle des importations importantes des produits de l’édition. Celles des livres scolaires, de la papeterie et des journaux et périodiques sont particulièrement significatives et représentent près de 92 % du total des importations. Le quart des importations des journaux et périodiques sont assurés par la SOGAPRESSE, en raison du monopole qu’elle détient sur la distribution de ces produits 312 .

L’évolution des importations des livres scolaires est le résultat de l’augmentation de la population en âge scolaire 313 et de « l’inédition » par EDIG-EDICEF des manuels du secondaire. Depuis l’édition en 2005 du programme du Pré-primaire par l’IPN, les importations des manuels du pré-primaire ont considérablement chuté. Les produits importés proviennent de plusieurs pays, parmi lesquels la France qui reste de loin le premier fournisseur dans les produits de l’édition.

Tous ces obstacles, ajoutés à l’absence d’une politique d’incitation publique et les aléas de la distribution, surtout à l’intérieur du pays (à cause notamment de l’état piteux des voies de communication) condamnent l’édition gabonaise à l’improductivité. L’une des solutions envisageables pour dynamiser ce secteur serait de rendre accessible le

312 Paul Henri Nguema Méyé, op. cit. . 313 Au Gabon, le taux d’enfants scolarisés en âge d’entrée à l’école primaire est de 100 %. Lire Christophe Lihouenou, op. cit ., p. 275.

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marché de l’édition scolaire aux éditeurs nationaux. Au regard de la faiblesse du lectorat local, l’édition scolaire reste le seul marché lucratif. Certes, elle exige des investissements considérables, mais le partage des coûts d’édition ou de production (coédition / coproduction) entre plusieurs éditeurs nationaux viables qui seraient choisis à l’issue d’un appel d’offre local, pourrait constituer une piste à explorer.

En définitive, malgré les difficultés qui limitent encore son développement, l’industrie de l’édition existe 314 , et ses performances sont encourageantes. Selon les statistiques de la CNUCED et d’Afrilivres, plus de 25 structures formelles se partagent ce marché et ont employé entre 400 et 600 personnes en 2003 315 . Avec la floraison des journaux et la création de nouvelles imprimeries et de maisons d’édition, ces effectifs sont sans doute plus importants aujourd’hui.

Même les structures informelles, en l’occurrence les librairies par terre, dont le chiffre d’affaires serait de 5 à 20 % du montant total du commerce du livre 316 au Gabon reconnaissent tirer profit de ce secteur lucratif, comme en témoigne l’un des vendeurs au poteau (vendeurs à la criée): « Grâce au commerce du livre d’occasion, beaucoup sont devenus riches, il y en a même qui sont devenus patrons et qui pourraient m’embaucher 200 000 FCFA par mois »317 . L’Etat gagnerait à mieux structurer ce secteur en adoptant une politique globale de soutien à l’industrie du livre.

SECTION 2 : L’INDUSTRIE MUSICALE

Depuis le milieu du XX ème siècle, l’industrie du disque vit au rythme des crises : crise avec l’arrivée de la radio dans la majorité des foyers ; crise avec l’invention de la cassette enregistrable. Aujourd’hui, les échanges de fichiers musicaux effectués par le canal des logiciels peer to peer, ou encore l’apparition des lecteurs MP3 et MP4 ont fait chuté les ventes des entreprises de l’industrie musicale.

314 Cf. tableau d’appréciations, annexe 2. 315 Isabelle Bourgueil, « Où va le livre en Afrique ? », in Africulture n° 57, octobre-décembre 2003, p. 23 316 Idem., p. 32 317 Marc Fénoli, « Librairies par terre : le livre-débrouille », in Médianes n° 11, novembre 1998, P. 2

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En Afrique, et singulièrement au Gabon, la filière du phonogramme s’est intégrée dans le tissu économique du pays et constitue, non pas un secteur actuellement prioritaire, mais un secteur d’avenir pour une économie en voie de diversification.

L’objet de la présente section est de dresser le mieux possible un portrait économique de l’industrie du disque. Il s’agira principalement de situer son évolution dans le temps et son importance dans l’économie nationale.

Paragraphe 1 : De la musique traditionnelle à la musique moderne

« Lorsque l’argent apparaît, la musique s’inscrit dans l’usage ; la marchandise va la piéger, la faire circuler, la censurer. Elle cesse d’être affirmation de l’existence pour être mise en valeur. Son usage n’a pas résisté à son échange : depuis que les sociétés ont rompu leurs codes régulateurs, leurs interdits, leurs rites sacrificiels, la musique flotte, comme une langue dont ceux qui la parlent auraient oublié le sens mais non la syntaxe . »318 Cette assertion de Jacques Attali pointe l’irréductible question de l’oscillation de la musique africaine entre la tradition et la modernité et son ancrage dans le champ de l’économie.

La musique est, selon François Bensignor :

« Le premier langage de l’Afrique, son mode d’échange, son jeu social privilégié et un patrimoine de tout un chacun, la musique est longtemps restée -- et reste encore dans plusieurs sociétés africaines – traditionnelle. Elle rythme la vie des populations, les accompagne dans tous leurs instants. Puisant sa vitalité dans l’oralité africaine, elle « véhicule les symbioses (et les symboles), les tonalités, les significations. Elle est un langage au-delà du langage, une écriture en ce qu’elle donne une expression nouvelle ou renouvelée à tout ce que fait surgir la vie, au niveau des personnes, des groupes, des ensembles »319 .

318 Jacques Attali, Bruits, Paris, PUF, 1977, cité par Gérald Arnaud, « L’économie des musiques africaines : un terrible paradoxe », Africultures n° 69, janvier-mars 2007, p. 57 319 P.-A. Martel, « Préface », dans F. Bebey, Musique de l’Afrique , Paris, Horizons de France, 1969, p. 6. Cité par Manda Tchebwa, Musiques africaines. Nouveaux enjeux, nouveaux défis , Paris, Maputo, Unesco-OCPA, 2005, p.14.

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Fondée sur l’oralité, la musique traditionnelle est porteuse de valeurs, les valeurs d’une communauté, d’un village, voire d’une société secrète. Elle sert de lien entre les générations d’aujourd’hui, plutôt orientées vers le monde occidental, et les générations d’hier, gardiennes de l’héritage ancestral. Sa fonction culturelle se décline aussi bien sous la forme éducative, liturgique, ludique, fonctionnelle que cathartique. Educative, elle prend vie à travers les mythes appris lors des séjours initiatiques, les contes, les proverbes, etc. Liturgique, elle véhicule les valeurs et les chants voués aux divinités, aux ancêtres, aux esprits tutélaires, c’est-à-dire les chants sacrés, les prières, les incantations magiques, ..., Elle est aussi ludique quand elle est vouée au loisir individuel, familial ou communautaire. Elle est encore cathartique quand elle accompagne chaque geste rituel de la vie (fonctionnelle), est tout à la fois support d’ancestralisation, canalisation des pouvoirs mystiques du monde de l’au-delà, intercesseur et catalyseur des violences sociales sous les auspices des dieux, des esprits tutélaires 320 .

Dans la majorité des cultures qui caractérisent la société gabonaise, cette musique traditionnelle est exécutée à partir d’innombrables instruments, qui vont des aérophones (bouteilles, flûtes, calebasses…) aux xylophones (sanzas, balafons), en passant par le corps, réservoir de toutes les émotions. « Danser la musique africaine, c’est en fait l’écouter avec le corps », affirme Lonoh Malangi 321 .

C’est par la voix, le battement des mains et des pieds, les gémissements, les clics, la respiration, la vibration des cordes vocales que le chanteur traditionnel transmet le plus souvent sa poésie et son savoir-faire. Le corps peut constituer ainsi un ensemble d’instruments, aux côtés d’autres outils dont « la polyvalence et la potentialité »322 sont aussi avérées.

320 Manda Tchebwa, op., cit ., p. 16. 321 Lonoh Malangi, « Négritude, africanité et musique africaine », Kinshasa, Centre de recherche pédagogique, 1990, P. 12, cité par Manda Tchebwa, idem , p. 15. 322 Selon Ludovic Obiang, la polyvalence se définit comme « la propriété qu’ont la plupart des instruments de musique de se dédoubler et de se prêter à des utilisations diverses. Ils ne sont presque jamais exclusivement des instruments de musique mais se prêtent à d’autres emplois, domestiques ou didactiques. Ainsi en va-t-il du nkul, tambour à fente des Fang, qui peut servir d’émetteur de messages entre des villages éloignés ou de support pédagogique pour l’acquisition de la langue, en même temps qu’il intervient comme principal instrument mélodico-rythmique lors des danses aussi bien publiques (bia, nlup, akoma mba) que secrètes (melan, mekom). […] Un corollaire immédiat à la polyvalence est la potentialité, c’est-à-dire l’aptitude que possède tout objet à produire de la musique. Tout objet, toute matière, dès lors qu’ils sont virtuellement porteurs de parole sont des instruments de musique en puissance ». In « Faire musique de tout bois ». L’inventivité traditionnelle comme fondement d’une politique nationale de la musique au Gabon, Cahiers d’études africaines 2008/3, n° 191, p. 567-568.

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Dans la majorité des régions du pays, la harpe à huit cordes (photo 1) est l’un des instruments les plus répandus : ngwomi chez les Obamba et les Téké, ngombi chez les Mitsogho, Eshira et Masangho, ngomfi chez les Bavuvi, Ngoma chez les Fang et ngumi chez les Miènè, elle est l’instrument de prédilection du bwiti, l’un des rites traditionnels du pays dont nous avons déjà parlé précédemment.

Photo 1 : Ngoma

Source : Snes

Comme décrit par Pierre Sallée, « son mode d’attache et de tension des cordes isole spatialement chaque corde en laissant l’accès facile à l’action des doigts. […] L’instrument est tenu perpendiculairement au corps, la base cale contre l’estomac. La courbure des arcs étant dirigée vers le ciel, le plan des cordes se trouve donc à peu près perpendiculaire au corps laissant l’action du pouce et de l’index s’exercer respectivement sur les deux moitiés du plan formé par les cordes ». 323 Le rôle du harpiste dans certains rites initiatiques du pays, comme Onkira (groupe Mbédé ), Ombiri , Abandji , Elombo (groupe Myéné ), Bwiti (groupe Punu ), est ainsi déterminant, son instrument étant l’interprète, le médiateur, la voie d’accès à la compréhension des « mystères initiatiques »324 .

323 Pierre Sallée, « Etudes sur la musique du Gabon », Paris, Orstom, 1978, p. 9. 324 Idem ., p. 62

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D’autres instruments sont aussi largement utilisés dans la vie musicale traditionnelle. C’est le cas du Tam-tam, dont la forme diffère selon les ethnies, et du balafon, très répandu dans la culture fang.

Le balafon est un xylophone à résonateurs d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Il vient du malinké bala fo (xylophone/parler), c’est-à-dire « faire parler le xylophone », autrement dit « jouer du xylophone. »325 Il est constitué d’un support en bambou ou, généralement, en bois sur lequel plusieurs résonateurs (calebasses) sont placés, lesquels sont surmontés de plusieurs lattes (photo 2). Dans l’ethnie fang du Gabon, le balafon est appelé Mendzan et présente deux formes distinctes : le balafon « stabilisé » qui se joue assis ou débout, et le balafon « portatif » qui se distingue du premier par son caractère léger et se joue le plus souvent debout. Le Mendzan est présent dans la plupart des fêtes traditionnelles fang, et participe, depuis l’invitation des fidèles par le II ème Concile œcuménique du Vatican (Vatican II, 1962-1965) à participer activement à la liturgie de l’Eglise, à l’animation des cérémonies religieuses : baptême, communion, confirmation, mariage, ordination, etc.

Photo 2 : joueur du mendzan

Source : auteur

Mais, sortant de l’anonymat traditionnel, l’œuvre musicale gabonaise a fait son entrée dans l’ère de l’économie marchande. Influencée par l’arrivée de la guitare, de l’accordéon, de l’orgue et des musiques étrangères (valse, polka, tango…) au début du XIX ème siècle en

325 Hugo Zemp et Sikaman Soro, « Paroles de balafon », L’Homme 2004/3-4, n° 171-172, p. 314.

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Afrique Centrale, séduite par le passage des musiciens antillais de biguine et de mazurka dans les années 1940-1950 et de la rumba congolaise et cubaine diffusée par la radio appelée Congo Belge (créée en 1940), la musique traditionnelle s’est désolidarisée du groupe, de l’ethnie et de la communauté pour devenir singulière. Elle porte désormais « le nom de son auteur, celui de son arrangeur, de ses interprètes, de son bailleurs de fonds, de son producteur, etc. Son utilisation, jadis gratuite, est désormais payante. Elle est drastiquement réglementée. Elle nous enferme dans les carcans d’un droit extrêmement coercitif […] »326

En 1956, Damas Ozimo fonde le groupe musical « la Sainte Cécile » qui s’illustre par le titre « Okolongo » ; et devient le précurseur de la musique moderne gabonaise 327 . Après l’indépendance du pays en 1960, plusieurs autres artistes musicaux vont apparaître. C’est le cas de Hilarion Nguema, fondateur en 1962 du groupe « afro Success ». Mais, c’est Pierre Claver Akendengue à qui échoit le titre de chantre de la musique moderne gabonaise.

Pierre Claver Akendengue apparaît dans le paysage musical gabonais à partir de 1966 avec Poe , une composition musicale chantée en langue myéné du Gabon. La reconnaissance internationale arrivera quelques années plus tard lorsqu’en 1974, Pierre Baroud signe pour CBS le premier contrat international d’Akendengue pour son album « Nandipo ». Pendant plusieurs années il reste l’un des rares artistes africains à séduire l’Afrique et l’Occident par l’originalité de ses compositions. En 1976, grâce à son album Africa Obota , il obtient le Prix de la Jeune Chanson Française de la SACEM 328 . Avec Africa Obota, écrit Jean-Jacques Dufayet :

« Akendengué plonge ses racines musicales dans cette France d’exil et récolte en retour la reconnaissance du public Français [...], s’inscrivant dans l’histoire comme l’initiateur, ou le passeur, de l’explosion de la musique africaine en France au début des années 80, avec Touré Kunda, Xalam, Youssou Ndour, Salif Kéita et bien d’autres »329 . Jean-Jacques Dufayet ajoute pour encenser l’artiste : « conteur et guerrier, sociologue et poète à la fois, Akendengué combine les genres. La poésie de ses

326 Manda Tchebwa, op.cit ., p. 17 327 Nago Seck, « La Sainte Cécile d’Ozimo Damas », 11 mai 2007, tiré de www.afrisson.com/Afrique- Centrale.html. Consulté le 17 mars 2009. 328 Pierre Claver Akendengué arrive à Paris dans les années 1960 pour se faire soigner d’une maladie des yeux et y poursuivre ses études. Il s’inscrit au Petit Conservatoire de la Chanson de Mireille. A cause d’une appartenance présumée à l’Association Générale des Etudiants du Gabon en France (AGEG), d’obédience marxiste, il est interdit de séjour au Gabon. Il demande et obtient de la France le statut de refugié politique, jusqu’à son retour au Gabon en 1985. 329 Jean-Jacques Dufayet, « Gorée, le nouvel album de Pierre Akendengué », tiré de www. francodiff.org/nobody/artiste/003091/bios/290/Akendengue_bio_fr.pdf. Consulté le 12 décembre 2008.

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textes, ses métaphores subtiles, ses mélodies légères d’apparence faciles, font qu’Akendengué s’impose comme un artiste hors pair, de ceux qui éclairent les consciences au-delà des frontières. Sans qu’aucune rage, aucun mépris ne déforment, à aucun instant, la beauté que l’on espère en toute œuvre artistique. »330

Après plusieurs années d’exil en France, Akendengue rentre au Gabon en 1985 et consacre sa vie à la chanson. Il est le parangon de sa génération et de celle des années 1980. Sous son inspiration, quelques autres artistes vont émerger, tels Martin Rompavet, Pierre Claver Zeng, Aziz Inanga, Mackjoss. Même les Forces de sécurité s’emparent du « mouvement » et créent trois groupes musicaux : Akwéza pour la Gendarmerie Nationale, Massako pour les Forces Armées Gabonaises et Diablotins pour la Police Nationale.

Pour mieux asseoir l’industrie musicale naissante, l’Etat met en place l’Agence Nationale de Promotion Artistique et Culturelle (ANPAC) en 1983 et subventionne Akwéza , Massako et Diablotins . L’ouverture de studios d’enregistrement à Libreville (Mademba, Nkoussou, Oscar et Kage) et la création de la Radio Africa N°1 complètent le dispositif de l’ANPAC. Pendant quelques années, les studios d’enregistrement nouvellement créés deviendront le fleuron de l’industrie musicale gabonaise des années 1980 331 . Outre les artistes locaux, certains grands noms de la musique africaine et caribéenne de l’époque, comme le chanteur Ivoirien Daouda ( Gnama Gnama Sentimental , 1980) et la Martiniquaise Régine Féline ( Afrik mizik , 1986) se feront produire à Libreville au studio Mademba.

A cause de la crise économique de 1986, le gouvernement gabonais cesse de subventionner les groupes musicaux. Les studios Mademba (32 pistes) et Nkoussou (48 pistes), jugés surdimensionnés au regard de la faible production nationale, vont fermer. Il commence alors une période difficile pour la jeune industrie musicale jusqu’au milieu des années 1990, date de l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes aux prises avec la musique de variété et le mouvement hip-hop.

330 Jean-Jacques Dufayet, op. cit . 331 Ivanga Imunga, « Gabon, quelle culture en partage ? », Africultures , n°36, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 36

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Paragraphe 2. La structuration de l’industrie du disque et l’évolution du marché à partir des années 1990.

La renaissance de la musique moderne tire son origine de la percée fulgurante d’une jeune génération d’artistes et de la vivacité de certains « ténors » de la première génération, encore en activité.

L’état des lieux de l’industrie musicale qui s’invite dans ce paragraphe se fera, non pas par genres musicaux, à cause de l’entrecroisement des styles exécutés (traditionnel, moderne, rap, etc.), mais selon l’audience reçue par les différents artistes. Il s’agit d’une part, des productions musicales dont la réception dépasse les seuls cadres national et sous-régional, et d’autre part, des productions qui ne sont diffusées que dans le pays et dans la sous-région d’Afrique Centrale.

Contrairement aux pays voisins (Cameroun, Congo-Brazzaville et République démocratique du Congo) qui sont de tradition musicale, la musique gabonaise moderne n’est connue à l’extérieur du pays que par les productions de quelques artistes, tels Pierre Claver Akendengue, Hilarion Nguema, Patience Dabany, Oliver Ngoma, François Ngwa, Annie Flore Batsiellilys. Produits par des labels étrangers, ces artistes bénéficient d’un large public. Outre le producteur qui prend à sa charge les enregistrements, ces artistes bénéficient aussi souvent d’un tourneur, d’un manager et d’un distributeur, le rôle de chacun de ces intermédiaires étant primordial dans la chaîne du disque. Un tourneur est une entreprise qui vend le spectacle d’un artiste. Il travaille en collaboration avec le Manager ou l’Agent dont le rôle est de gérer la carrière de l’artiste. Le distributeur, pour sa part, rend accessible auprès du public l’œuvre produite. Mais en réalité, la réalisation d’un disque peut se limiter à trois étapes précises : la production, l’édition du phonogramme et la distribution. Chaque étape étant liée à l’artiste par un contrat, sauf cas d’une autoproduction.

Une maison de disque peut à la fois assurer la production, l’édition, voire la distribution d’une œuvre. Dans ce cas, un contrat dit « exclusif » est signé avec l’artiste. Mais, lorsque son travail ne se limite qu’à l’édition de l’œuvre, elle est amenée à signer un contrat dit « de licence » avec un producteur pour la réalisation de la bande mère ou du master. Les charges liées à la fabrication, à la promotion, voire à la distribution incomberont aussi à la

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maison de disque éditrice, sauf si celle-ci décide de céder cette dernière charge à un distributeur avec lequel elle aura passé un contrat de distribution. Par ailleurs, lorsqu’un artiste (ou un groupe d’artistes) décide de supporter lui-même les charges de production, d’édition et/ou de distribution, nous parlons d’autoproduction. C’est la forme la plus usitée par la deuxième catégorie d’artistes gabonais, c’est-à-dire ceux évoluant au Gabon.

Parmi les labels étrangers indépendants qui produisent les artistes de la première catégorie, nous pouvons citer « Lusafrica », « Mélodie », « Sonodisc », « Créon Music » et « Celluloïd ». Ils sont tous implantés à Paris. Certains d’entre eux ont signé des contrats de distribution avec d’autres maisons de disques pour la commercialisation de leurs productions. C’est le cas par exemple du label « Lusafrica » avec Sony.

Le label 332 « Lusafrica » était à sa création en 1988 centré sur les musiques capverdiennes. Il connaît son premier gros succès en 1991 avec l’artiste international Cesaria Evora. Très vite, il élargit son catalogue à des artistes africains : Meiway (Côte d’Ivoire), Sally Nyolo (Cameroun) et Zêdess (Burkina Faso). Les artistes gabonais produits par ce label sont : Oliver Ngoma (Saga, Best of, Seva et Adia), Annie Flore Batsiellilys (Afrique mon toit) et Pierre Claver Akendengue (Gorée) qui bénéficie aussi d’un contrat d’exclusivité avec « Mélodie » pour plusieurs de ses albums : Awana w’africa (1982), Silence (1990), Espoir à Soweto (1988), Passé composé (1987), Carrefour rio (1996) et Piroguier (1986). Il s’est également fait produire par « Celluloid » en 1995 (Maladalite) et en 2001 (Obakadences). Le label « Mélodie » a aussi produit deux des albums de l’artiste François Ngwa en 1990 (N’kang) et en 1994 (La panthère a pleuré). Les labels « Sonodisc » et « Créon Music » ont respectivement signé avec Hilarion Nguema et Oliver Ngoma (pour le premier) ; et avec Patience Dabany (pour le second).

Patience Dabany et Pierre Akendengue sont les artistes gabonais les plus prolifiques. Ils ont aussi en commun le mérite d’avoir contribué à l’éclosion d’autres artistes, dont Oliver Ngoma et Annie Flore Batsiellilys.

332 Le terme label requiert aujourd’hui plusieurs acceptions. A l’origine, « il s’agit de la marque servant commerciale sous laquelle une maison de disques décide d’éditer un certain type de productions pour des raisons d’homogénéité de catalogues ou de ligne éditoriale. La maison de disque est donc l’entité première. Le label est intégré à la maison de disques tout en disposant souvent de sa propre équipe. Un label peut aussi désigner la marque commerciale d’un producteur indépendant ayant conclu un accord de licence avec une maison de disques. » Tiré de Irma, Tout savoir. De la scène au disque (4 ème édition), Paris, Irma, 2008, p.1. Mais pour le cas de Lusafrica et des autres labels cités précédemment, le label constitue la maison de disques à part entière.

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Grâce à une diffusion et une protection internationales de leurs œuvres 333 , les artistes de la première catégorie reconnaissent vivre de leur activité malgré une évolution inquiétante de la piraterie et du téléchargement illégal sur internet des œuvres de l’esprit. Une diffusion et une protection qui, malheureusement, manquent encore aux artistes exerçant localement.

Les artistes locaux, ou encore les artistes de la deuxième catégorie sont ceux dont la diffusion des œuvres se limite au Gabon et à la sous région d’Afrique Centrale. Ils sont les plus nombreux et partagés entre la variété et le hip-hop ; la musique traditionnelle et la musique moderne. A la différence de la première catégorie, ils sont produits localement. En effet, la disparition des studios Mademba et Nkoussou dans les années 1980 a permis la création de studios de petite tailles, jugés plus adaptés aux besoins et aux moyens des artistes locaux : studio Mandarine de Jean Yves Messan, studio Kage de Georges Kamgoua, MD de Marcel Djabhio et F-Gass de Frédéric Gassita 334 . Ces studios sont spécialisés dans la production de la musique de variété et constituent sans doute, nonobstant leur manque de moyens financiers, l’un des catalyseurs de l’envolée musicale gabonaise depuis 1990.

Le manque de moyens financiers, l’exigüité du marché national, l’inexistence des distributeurs phonographiques dans le pays et l’évolution vertigineuse du phénomène de la piraterie ont contraints ces studios à ne proposer aux artistes que très peu de services. La quasi-totalité des productions issues de ces studios sont des autoproductions, les artistes assurant eux-mêmes les charges liées à la production du phonogramme, à son édition et à sa diffusion. Dans ces conditions, les marges financières du créateurs sont réduites, voire inexistantes. En 2008 par exemple, l’artiste de variété, Landry Ifouta, vendait son quatrième album « Demokoko » à mille francs CFA (1,53 €) pour, dit-il, lutter contre la piraterie. Selon lui, « les affaires de bandits se règlent en bandits. Je suis libre de vendre mon CD à quel prix je veux ! C’est une opération que j’ai lancé dans le but d’interpeller les autres artistes et, l’opinion publique. Piraté ou pas, ça chante des œuvres qui ont été enregistré en studio. Ça coûte cher. »335

333 Ils sont pour la plupart inscrits auprès de la Société des auteurs-compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), société française créée en 1851 334 Alain Claude Bilié-By-Nzé, « La valse des studios », Africultures n° 36, mars 2001, p. 17 335 Gaboneco, « Gabon/Musique : « Tapis Rouge » dans les bacs la semaine prochaine ! », publié le 29 janvier 2009. In www.gaboneco.com. Consulté le 12 mars 2009.

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Si paradoxalement les studios d’enregistrement ne désemplissent pas malgré les difficultés financières des artistes locaux, l’autoproduction coûte cher. Les artistes qui ne bénéficient d’aucune aide de l’Etat, ni du système bancaire, recourent le plus souvent à des mécènes politiques pour financer leurs productions. Malheureusement, le financement d’un homme politique ne dure que le temps d’une campagne électorale ; et les recettes tirées des ventes suffisent à peine pour réinvestir dans une nouvelle production. Le système de collecte des droits liés à l’utilisation des œuvres de l’esprit étant inexistant. L’album « Demokoko » vendu à 18 000 exemplaires au Gabon n’a financé qu’en partie « Tapis Rouge », dernière production de l’artiste Landry Ifouta sortie en 2009. Mais, la situation est encore plus difficile pour les jeunes artistes qui débutent leur carrière. Moins connus sur la scène nationale, ils ne doivent compter que sur leur talent, un mécène, ou parfois sur la clémence d’un studio de production qui, à défaut d’accepter un paiement échelonné, consent une baisse de ses prix. Stéfy Lendoye, jeune artiste de variété nous confie les difficultés rencontrées lors de la réalisation de son premier album, « Hommage à Kochita » :

« […] ça n’a pas été facile pour rassembler l’argent nécessaire à la production de cet album. Le salut est venu du Ministre de chez moi qui, pour récompenser ma prestation lors de sa campagne aux législatives de 2006, m’a remis une petite enveloppe. Mais elle était insuffisante pour aller en studio et payer à la fois les danseurs, les choristes, les musiciens. C’est donc grâce à Monsieur Marcel Djabhio du studio MD, qui a accepté de me faire un prix famille, que cet album a vu le jour. Aujourd’hui mon combat c’est de vendre au mieux mon album. J’ai déjà pris contact avec quelques commerces et vendeurs ambulants à Libreville et à l’intérieur du pays, auxquels je reverserai une commission sur chaque CD vendu. »336

Toutes ces difficultés qui sont symptomatiques d’un secteur inconstruit, témoignent de la précarité dans laquelle vivent les artistes nationaux. L’auteur de « Demokoko » avoue après son quatrième album, avoir voulu « mettre un frein à sa carrière et même, d’y mettre carrément un terme après avoir été déçu par […] les difficultés que rencontrent les chanteurs gabonais pour mettre leurs œuvres musicales sur support. »337 L’artiste de variété gabonaise 338 est donc en général à la fois créateur, distributeur et promoteur.

336 Stéfy Lendoye, Interview réalisée par l’auteur le 15 novembre 2008 à Libreville. 337 Gaboneco, op. cit . 338 La situation est quelque peu différente pour le mouvement hip-hop. Certaines maisons de production de cette mouvance assurent l’ensemble des actes commerciaux

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Outre les difficultés financières, le secteur musical gabonais est aussi confronté à la rareté des lieux de représentation. Quelques infrastructures existent certes, comme le Centre culturel français Saint Exupéry, le parc d’exposition et le stade Président Bongo, mais elles sont toutes installées à Libreville. La salle de spectacles de la Cité de la démocratie de Libreville est inaccessible à cause des coûts de location jugés élevés. En conséquence, la musique peine à paraître comme une activité économiquement lucrative. Les manifestations artistiques et culturelles deviennent ainsi pour les artistes des seules opportunités financières : fête des cultures, fête de la musique, le Festival Gabao Hip-Hop et les Balafons Gabon Music Awards. Les deux premières sont nationale (fête des cultures) et internationale (fête de la musique) et sont organisées par le Ministère de la culture, tandis que le Festival Gabao Hip- Hop et les Balafons Gabon Music Awards sont des initiatives privées.

Initié par l’association Afrik’Action en 2003, le Festival Gabao Hip-hop renferme un double objet : promouvoir les nouveaux talents en Afrique Centrale et former les entrepreneurs culturels africains 339 . Le premier objectif se traduit par l’organisation pendant une semaine environ des concerts et des spectacles autour des jeunes artistes sélectionnés dans les différents pays de la sous-région d’Afrique Centrale. Depuis 2008, un prix spécial « Gabao » est mis en place pour récompenser le meilleur talent africain. Ce prix est géré par le CCF de Libreville qui offre au lauréat une tournée dans tous les Centres culturels français d’Afrique Centrale.

Le volet de la formation du Festival s’organise autour d’ateliers et de rencontres professionnelles destinées à l’ensemble des pays de la sous-région. En 2008 par exemple, les ateliers étaient axés, d’une part, sur l’apprentissage et le perfectionnement de la pratique du mix-electro sur platines vinyles : sélections musicales, enchainements, calage au tempo, principes d’équalisation et de mixage et, d’autre part, sur l’historique du hip-hop, la démonstration des bases techniques, les techniques de scratch, l’encadrement des projets artistiques, etc. Les rencontres professionnelles régionales quant à elles ont réuni des artistes, des opérateurs culturels et des partenaires institutionnels et privés autour de plusieurs thèmes, tels : « La typologie des professionnels de la filière hip-pop et leurs organisations

339 Franck Salin, « Le Festival Gabao Hip-hop rythme les nuits de Libreville. Interview de Jules Kamdem, directeur artistique de l’événement ». Tiré de www. afrik.com/article11824.html. Consulté le 12 avril 2009

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professionnelles », « Comment les structurer ? Quelles priorités ? », ou encore, « Les conditions de vie et de travail des professionnels et des artistes : freins à la structuration ? », « Les espaces et les circuits de diffusion en Afrique Centrale, La mise en réseau des différents acteurs et partenaires »340 .

Le Festival Gabao Hip-pop draine chaque année plus de 10 000 personnes. Il est financé par l’OIF, les centres culturels français d’Afrique Centrale et quelques entreprises privées, notamment la société de téléphonie mobile Zain Gabon 341 .

La deuxième manifestation privée, Les Balafons Gabon Music Awards, est une initiative de la Fondation Albertine Amissa Bongo, une association gabonaise, et Iris Com International, une entreprise gabonaise de communication. Devenue une activité pérenne depuis son lancement en 2006, cette manifestation récompense chaque année les meilleurs artistes nationaux. Plusieurs prix leur sont ainsi attribuées par catégorie (traditionnelle, tradi- moderne, variété, gospel, hip-hop, reggae, ragga, vidéo clips…

Le Festival Gabao Hip-pop et les Balafons Gabon Music Awards sont, au-delà de leur apport financier, de leur caractère ludique et instructif, des manifestations qui promeuvent la musique gabonaise hors des frontières nationales. Elles sont favorablement reçues par les entrepreneurs culturels et appréciées du public. Ce qui devrait inciter l’Etat à les soutenir, aussi bien financièrement que matériellement.

In fine , malgré les carences auxquelles l’industrie du phonogramme est confrontée, le marché du disque connaît un regain de dynamisme depuis 1990. L’enquête 1 révèle les ventes des CD, VCD et DVD supérieures à celles des autres produits culturels comme le livre et la presse (tableau 7. p 132).

Plusieurs raisons expliquent l’augmentation des ventes des supports musicaux. Hormis le nombre important d’artistes en activité au Gabon et la qualité avérée des productions de certains d’entre eux, les prix des supports musicaux vendus sur le marché constituent l’une des raisons les plus significatives. En effet, un album produit localement est vendu entre 1000

340 Franck Salin, op. cit. 341 Idem .

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FCFA et 5 000 FCFA (1,53 € et 7,62 €) contre 7 000 FCFA et 15 000 FCFA (10 € et 25 €) pour un album de Pierre Akendengue, d’Oliver Ngoma ou de Patience Dabany 342 . Le soutien apporté aux artistes par les radios et les télévisions en diffusant régulièrement leurs productions constitue aussi une raison non négligeable. A ce sujet, toutes les personnes interrogées lors de l’enquête quantitative reconnaissent disposer d’au moins un poste radiophonique et télévisuel. C’est dire combien ces médiums sont importants pour la promotion de la musique gabonaise. Mais, toutes les personnes interrogées s’accordent à dire aussi que c’est plutôt le mouvement hip-hop qui est à l’origine de l’intensification du commerce musical au Gabon.

Introduite au Gabon vers la fin des années 1980 par le groupe V2A4, la musique hip- hop, venue des Etats-Unis, réaliserait les meilleures ventes des productions locales. Elle est considérée par la majorité des répondants (enquêtes 1 et 2) comme une force de dénonciation des travers du pouvoir et de la « misère » du peuple gabonais. Les textes sont donc très engagés.

La musique hip-hop est mieux organisée que la musique de variété, grâce au dynamisme des maisons de production spécialisées dans ce genre musical. Deux de ces maisons de disques se distinguent par leur forte activité et le panel d’artistes qu’elles produisent : « Zorbam Produxion » et « Eben Entertainment ».

« Zorbam Produxion » est un label associatif créé en 1994. Il est basé à Port-Gentil, la capitale économique du Gabon. Son activité est centrée sur l’organisation de manifestations culturelles, la production de disques et le management d’artistes. Il dispose aujourd’hui dans le paysage musical national d’un catalogue non négligeable et gère la carrière de plusieurs artistes locaux : Wonda Wendy, Lestat XXL, Chef Keza, Horus Shugun, Rod Nzeng, Mujah Soljah, Djeep Antchoue et le très populaire groupe Movaizhaleine 343 . Le groupe Movaizhaleine est la pierre angulaire de ce label. Formé dans les années 1990 par Lord Ekomy Ndong et Maât Seigneur Lion, il compte aujourd’hui plusieurs albums, dont : Mission à Mbeng (1999), Mission Akomplie (2001), On détient la harpe Sacrée Tome 1

342 Enquête de terrain, Libreville, décembre 2008. 343 Tiré de www.zorbam.online.fr. Consulté le 02/06/2009

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(2005) et le Tome 2 (2007). Il détiendrait, selon le label, le record en termes de ventes au Gabon 344 .

Depuis 2000, « Zorbam Produxion » collabore avec l’association « Punik Produxions » basée à Nantes (France), pour promouvoir ses réalisations et lancer à l’échelle française et européenne la carrière de ses artistes. Cette coopération a permis au label gabonais de participer par deux de ses artistes - Lord Ekomy Ndong et Djeep Antchoue – à la production en 2000 et 2002 des albums 44 ème REGIMENT I et II , regroupant les meilleurs rappeurs de l’agglomération nantaise 345 .

Mais, l’arrivée d’Eben Entertainment en 2001 sur le marché gabonais du disque a réduit le champ de Zorbam Produxion et élargi les possibilités de création musicale. Il est considéré comme le label le mieux organisé en termes de promotion artistique.

Créé en 2001, Eben Entertainment est à la fois un groupe musical et un label. Il se présente comme le véritable concurrent de « Zorbam Produxion ». Son développement à l’extérieur du pays a donné une réelle visibilité au hip-pop gabonais. Orienté dès ses débuts vers l’organisation de spectacles et la production de disques, ce label s’est tourné peu à peu vers la gestion des carrières des artistes hip-pop : Ba’ponga, Masta Kudi, Kôba, La Fuente, Kprime, Nephtali. Déclaré meilleur groupe hip-pop gabonais et africain en 2005 aux KORA MUSIC AWARDS 346 . Ses concerts réunissent parfois près de 80 000 personnes, selon son manager et producteur exécutif, Eric Amar Benquet. Il est le label gabonais le mieux distribué au Gabon et en France. Il a signé avec Believe Digital, le géant européen de la distribution numérique, un contrat exclusif qui lui permet désormais de diffuser ses productions partout dans le monde. Depuis 2008, Eben Entertainment a délocalisé son siège social en Floride aux Etats- Unis et opéré une réorganisation de ses activités par la création d’entités distinctes : Eben Music, Eben Publishing (gestion des droits d’édition), Eben distribution et Bantu Musik

344 Tiré de www.zorbam.online.fr. Consulté le 02/06/2009 . 345 www.africultures.com/index.asp?menu=affiche_structure&no=1141&rech=1. Consulté le 12/05/2007. 346 Les KORA MUSIC AWARDS est le plus grand événement panafricain qui récompense chaque année les meilleurs artistes du continent et de sa diaspora. Depuis leur création en 1994, ils ont récompensé au total 197 artistes, en plus des personnalités politiques qui ont contribué, de par leurs œuvres, au rayonnement du continent : Nelson Mandela, Bill Clinton, Cheikh Modibo Diarra, Koffi Annan, Alpha Omar Konaré, Omar Bongo, etc. Après plus de dix années d’organisation en Afrique du Sud, l’événement a été relocalisé au Nigéria.

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(filiale dédiée à la musique africaine). Eric Benquet justifie ces changements par la volonté du label de se constituer en un grand groupe international afin de permettre à ses artistes d’étendre leur champ de vision et d’accéder plus facilement au marché international 347 .

SECTION 3 : L’INDUSTRIE AUDIOVISUELLE : RADIO, TELEVISION

ET CINEMA

Les industries culturelles, singulièrement l’audiovisuel, constituent aujourd’hui des pans entiers sur lesquels plusieurs pays occidentaux fondent leur développement économique. Elles sont certes source de loisirs, d’émotions et de connaissances, mais aussi un ensemble d’activités qui produisent de la richesse économique. Selon le rapport de la CNUCED (2005), la valeur marchande globale des industries culturelles dans le monde est estimée à 1,3 billion de dollars américain. Leur taux de croissance annuelle dans les pays de l’OCDE est situé entre 5% et 20% et elles comptent pour plus de 7% du PIB de la planète 348 .

Malgré une faible participation de l’Afrique dans ce commerce de produits culturels, certains pays se distinguent cependant de cet ensemble continental et présentent des performances non négligeables. C’est le cas des pays comme l’Afrique du Sud, le Nigéria, le Maroc et le Burkina Faso.

Dans la continuité de l’état des lieux des principales industries culturelles, nous tenterons de dégager les forces et les faiblesses de l’industrie audiovisuelle gabonaise.

Paragraphe 1 : L’industrie radiophonique.

Plusieurs recherches s’accordent à dire que la radio est le média le plus utilisé en Afrique. Il est le médium que les Africains se sont le mieux appropriés grâce à la tradition orale et à l’importance de la musique 349 . Il constitue, à bien des égards, « […] un moyen

347 Gaboneco, « Gabon-Musique : Eben Entertainment a désormais son siège social en Floride ! », publié le 07- 02-2008 sur www.gaboneco.com. Consulté le 12/05/2005. 348 UNESCO, op. cit , p. 11 349 Andre-Jean Tudesq, L’Afrique parle, l’Afrique écoute. Les radios en Afrique subsaharienne , Paris, Karthala, 2002, quatrième de couverture.

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d’expression et de communication particulièrement adapté aux réalités culturelles, sociales et économiques de l’Afrique »350 .

En s’africanisant, la radio devient « distributrice de la parole, porte en elle cette chance unique pour des millions d’individus de se connaître, de s’écouter et de se comprendre malgré le temps et la distance, avec les humeurs. Elle est l’outil propice de synthèse de nos efforts individuels et collectifs pour l’édification d’une société d’identité et de développement. Elle doit servir, pour les promoteurs de démocratie que sont les communicateurs, d’arme de combat contre les systèmes d’aliénation et de réduction de l’homme, brisant partout la contrainte au silence au profit de la parole brisée . »351 Elle est un média de proximité, une activité économique lucrative lorsqu’elle est bien menée, et une ouverture sur le monde.

A. Le paysage radiophonique gabonais

Dès l’avènement du monolithisme politique au Gabon avec l’arrivée au pourvoir du Président Bongo en 1967, la recherche de la paix et de l’unité nationale interdisait toute pluralité d’opinions et de partis politiques. Ce qui excluait de facto toute initiative privée en matière d’audiovisuel. Seules les deux radios publiques créées en 1959 (chaîne 1) et en 1977 (chaîne 2) assuraient la mission de porte-parole du pouvoir. Elles étaient devenues les canaux privilégiés pour la diffusion du PDG. Les stations provinciales disséminées dans le pays servaient de relais à la première chaîne pour informer les populations de l’intérieur du pays sur les activités présidentielles et les réalisations du parti.

Même la création en 1981 d’Africa n°1 dont le capital était à l’origine partagé entre l’Etat gabonais (35 %), N’Koussou Productions (un groupe gabonais proche du Président Bongo, 25 %) et SOFIRAD (l’intermédiaire français, 40 %) n’arrivera guère à susciter la

350 Charles Condamines, discours d’ouverture du colloque sur « le pluralisme radiophonique en Afrique de l’Ouest », in Institut Panos Paris, Liberté pour les radios africaines , Paris L’Harmattan, 1994, p. 19 351 Alpha Oumar Konaré, ancien Président du Mali (1992-2002), discours tenu lors du colloque sur « le pluralisme radiophonique en Afrique de l’Ouest », in Institut Panos Paris, idem, p. 23-24.

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liberté d’opinions 352 . Il fallut attendre la fin du monopartisme en 1990 pour voir les enjeux de la radio se modifier et mettre fin au monopole de la radio étatique. La radio apparait désormais, non plus seulement comme un moyen d’information, de propagande, de formation et de distraction, mais aussi comme un outil économique capable d’engranger les bénéfices. Dès lors, plusieurs radios privées commerciales vont naître.

1. Les radios commerciales

Les radios commerciales ont pour rôle de faire du profit. Ce sont des radios à but lucratif. Elles peuvent être spécialisées (musicale par exemple) ou généralistes.

Au Gabon, les radios commerciales sont presque toutes basées à Libreville, en raison sans doute de la forte activité industrielle et commerciale de cette ville et de la population qu’elle draine. Elles sont diffusées en modulation de fréquence (FM) et leur audience est limitée à Libreville et sa périphérie, à l’exception d’Africa n°1 qui est reçue dans tout le pays. Le tableau 14 présente quelques radios commerciales exerçant au Gabon.

352 La situation actionnariale d’Africa n° 1 a changé depuis la liquidation de la SOFIRAD en 2001. Ses parts ont été cédés à des privés gabonais. En 2006, 52 % des actions ont été vendus à la Libyan Jamahiriya Broadcasting, devenant ainsi majoritaire dans le capital de cette radio.

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Tableau 14 : Situation actuelle des radios commerciales

Radio Lieu d’émission Date de création Fréquence Catégorie Africa n° 1 Libreville 1981 FM 94.5 Généraliste Moyabi FM 99.5 Black FM Libreville 2003 FM 102.0 Musicale Radio Génération Nouvelle Libreville 1998 FM 97.4 Généraliste Radio Mandarine Libreville n.c. FM 106.6 Musicale Radio Nostalgie Libreville 1998 FM 93.0 Généraliste Ogooué FM Libreville 2003 FM 107.7 Généraliste Top FM Libreville 2001 FM 105.5 Musicale Radio Unité Libreville 1989 FM 100.5 Généraliste Radio Océan Libreville 2006 FM 97.0 Musicale Radio Espoir Libreville 2009 FM 89.5 Généraliste Source : Auteur

A côté de ces radios commerciales se trouve une kyrielle de radios à but non lucratif, c’est-à-dire les radios non commerciales.

2. Les radios non commerciales

Nous trouvons dans cette catégorie les radios communautaires ou associatives, les radios confessionnelles et les radios scolaires.

La radio communautaire fait son apparition vers la fin des années 1990. Son introduction dans le paysage radiophonique gabonais a été rendue possible grâce au soutien des organismes internationaux comme le PNUD, l’UNESCO et l’UNICEF. Elle diffère des autres radios non commerciales par le rôle qu’elle joue dans la société dont elle est le porte voix. José Ignacio Lopez Vigil définit son objet en ces termes :

« Lorsque la radio favorise la participation des citoyens et défend ses intérêts ; lorsqu’elle répond aux goûts de la majorité, que c’est fait avec humour et que l’espoir demeure sa priorité ; lorsqu’elle informe vraiment, lorsqu’elle aide à résoudre les mille et un problèmes de la vie de tous les jours ; lorsque

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durant les émissions, les idées sont débattues et toutes les opinions respectées ; lorsqu’elle encourage la diversité culturelle et non l’uniformité commerciale ; lorsque les femmes transmettent des informations et ne représentent pas de simples voix décoratives ou encore un attrait publicitaire ; lorsqu’aucune dictature n’est tolérée, non plus que la musique imposée par les disquaires ; lorsque les paroles de tous et chacun sont entendues sans discrimination ni censure, cette radio est une radio communautaire. Les émetteurs n’agissent pas sous la contrainte de l’argent ou de la propagande. Leur but est différent, toute leur énergie est mise au service de la société civile. Un service, bien sûr, très politique : soit influencer l’opinion publique, établir un consensus et accroître la démocratie. En fin de compte, il s’agit de bâtir la communauté. »353

La radio PAGA, installée à Paga village dans la province de l’Ogooué Maritime et soutenue par l’UNESCO depuis sa création en 1999, est la pionnière des radios communautaires gabonaises. Le tableau 15 présente quelques radios communautaires que nous avons recensées durant nos enquêtes de terrain.

Tableau 15 : Radios communautaires

Radio Lieu d’émission Date de création Fréquence

Radio Jet 7 Libreville 2003 FM 103.5 Radio K /FM Lastourville n.c. FM 100 Radio Malébé FM Lebamba 2006 FM 90.1 Radio Moanda Moanda 2006 MHZ 94.2 Radio Mbire Libreville 2005 FM 106.5 Radio Nyangou Fougamou n.c. MHZ 108 Radio Nord/ Sud Bitam n.c. FM 93.9 Radio Paga Paga village 1999 FM 99.2 Radio Omboué (Racom) Omboué 2006 MHZ 100.5 Source : auteur

353 José Ignacio Lopez Vigil, « Manual urgente para Radialistas Apasionados », 1997, tiré de www.amarc.org/index.php?p=Qu’est_ce_que_la_Radio_Communautaire&1=FR. Consulté le 27/05/2009

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Dans la catégorie des radios à but non lucratif, nous trouvons aussi les radios religieuses. Par radio religieuse nous entendons, toute radio dont la mission est la propagation de la parole divine et des préceptes de la religion dont elle est issue.

Avec l’émergence des mouvements religieux dits de « réveil » (Communauté de Béthanie, Eglise Moridja, Eglise Betsaida…) nés de la crise structurelle affectant l’Eglise Evangélique du Gabon et l’arrivée à partir de 1995-1996 de la mouvance évangélique anglophone et des Eglises prophétiques africaines d’inspiration pentecôtiste, comme le Christianisme Céleste 354 , la radio est devenue un moyen privilégié d’évangélisation. En 1999, l’Eglise de Béthel, une obédience protestante, crée la première radio confessionnelle, Radio Béthel, diffusée en Modulation de Fréquence à Libreville. Elle est suivie la même année par l’Eglise catholique des Mariavites qui crée la Radio Notre Dame du Perpétuel Secours (RNDPS). Depuis, le mouvement s’est répandu, et les radios religieuses sont devenues les voix par lesquelles les Eglises catholiques et protestantes prophétisent, éduquent et sensibilisent l’opinion sur la mission salvatrice de Dieu. Ces radios sont parfois, dans les villes reculées du Gabon, les seules sources d’informations pour la population. Elles deviennent ainsi investies d’une mission communautaire. Le tableau 16 présente la situation actuelle des radios religieuses au Gabon.

354 André Corten et André Mary, Imaginaires politiques et pentecôtismes. Afrique et Amérique Latine , Paris, Karthala, 2002, p. 145

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Tableau 16 : Radios religieuses

Radio Lieu d’émission Création Fréquence Religion

Radio Béthel Libreville 1999 FM 101.0 Protestante Radio Bonne Nouvelle Libreville 2003 FM 95.5 Alliance Chrétienne Radio Fréquence Protestante Libreville n.c. FM 91.6 Eglise (RFP) Evangélique Radio « Il est écrit » Libreville n.c. FM 98.0 Eglise Adventiste Radio Maria Gabon Oyem n.c. FM 97.2 Catholique Radio Nazareth Libreville 2000 FM 100 Eglise de Nazareth Radio Sainte Marie Libreville 2000 FM 99.0 Catholique Port-Gentil FM 89.0 Radio Schekina Libreville 2007 FM 96.0 Eglise Evangélique Radio Notre Dame du Okondja 1999 FM 103. Eglise des Perpétuel Secours (RNDPS) Mariavites Source : auteur

Les radios scolaires constituent enfin la dernière composante des radios non commerciales. Elles sont au nombre de trois à partager le paysage radiophonique gabonais. Installées à Libreville, elles sont généralistes et animées et gérées par les élèves (Radio Emergence) et les étudiants (Radio Kougouleu et Radio Campus). La Radio Kougouleu est une création de l’Université Polytechnique de Kougouleu. Elle est une entité du programme académique « Journalisme et communication d’entreprise) dispensée par cette université privée 355 .

Comme la Radio Kougouleu, Radio Campus est une radio universitaire située dans l’enceinte de l’université Omar Bongo (UOB), gérée bénévolement par les étudiants de cette

355 Cf. http://www.universite-gabon.org/programmes.htm. Consulté le 2 octobre 2008

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structure académique et créée grâce au concours financier Président Bongo. Nombre de ses programmes sont axés sur la vie universitaire.

Radio Emergence est par contre le résultat d’une entente entre le MEN, l’UNIFRA, le PNUD, l’UNESCO et l’ambassade du Canada au Gabon. La radio est installée dans l’enceinte du MEN, sur l’ancien site de l’IPN. Elle touche un public d’environ 200 000 élèves du secondaire et 3 000 enseignants à Libreville. 40 % de ses programmes sont consacrés à l’éducation, 20 % à la culture, 20 % à la musique, et 20 % aux documentaires 356 . Le tableau 17 récapitule l’ensemble de ces radios scolaires.

Tableau 17 : Radios scolaires

Radio Lieu d’émission Création Fréquence

Radio Emergence Libreville 1999 FM 91.6 Radio Campus Libreville 2005 FM 106.0 Radio Kougouleu Kougouleu n.c. FM 90.5 Source : auteur

La création d’une radio au Gabon implique l’obtention préalable d’une autorisation d’émettre délivrée par le Ministère de la Communication ; et le respect des dispositions relatives à la liberté de la presse contenues dans la Constitution et le Code national de la Communication.

B : Le cadre législatif et réglementaire de l’activité radiophonique au Gabon.

Selon la loi constitutionnelle n° 3/91 du 26 mars 1991, la liberté de conscience, de pensée, d’opinion, d’expression, de communication, la libre pratique de la religion sont garanties à tous, sous réserve du respect de l’ordre public357 . Aussi, est-il annoncé que la

356 Benoit Levaillant, « Radio Emergence, la voix des jeunes Gabonais », publié le 26 mai 2002 sur le site http://www.afrik.com/article4473.html. Consulté le 4 novembre 2008. 357 Loi constitutionnelle n° 3/91 du 26 mars 1991. Art. 1, al. 2

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communication audiovisuelle et écrite est libre en République gabonaise, sous réserve du respect de l’ordre public, de la liberté et de la dignité des citoyens. 358

La première loi gabonaise sur la radio date de 1989. C’est la loi n° 4/89 du 6 juillet 1989 fixant le régime juridique de la radiodiffusion et de la télévision au Gabon. Elle est abrogée par l’ordonnance n° 7/93 du 1 er octobre 1993 englobant à la fois la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite. Cette ordonnance est également remplacée par la loi n° 12/2001 du 12 décembre 2001 portant Code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite en République gabonaise. C’est cette loi qui régit actuellement l’activité radiophonique au Gabon.

1. Le Code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite

Le Code de la communication est la loi fondamentale qui réglemente toute activité audiovisuelle au Gabon. Il définit la procédure à suivre pour la création et l’installation d’une entreprise privée de communication audiovisuelle : obtention d’une autorisation technique auprès du Ministère chargé de la communication, après avis du Conseil national de la communication (CNC) ; obtention d’un agrément de commerce auprès du Ministère chargé du commerce ; immatriculation au registre du commerce ; obtention d’une autorisation d’usage de bandes de fréquence et des fréquences accordées par le Ministre chargé de la communication ; attribution d’une fréquence par le Ministère chargé des télécommunications ; paiement d’une redevance annuelle d’usage de fréquence auprès du Trésor public et obtention d’une autorisation d’émettre délivrée par le CNC 359 .

De plus, il ne peut être attribué plus d’un agrément à une personne physique ou morale en vue de la création et de l’exploitation d’une entreprise privée de communication audiovisuelle 360 . La diffusion des émissions par voie hertzienne, terrestre, par satellite ou par câble est subordonnée au respect des conditions techniques définies par des cahiers des charges élaborés par le ministère chargé de la communication. Le Code de la communication

358 Institut Panos Paris, Afrique centrale : cadres juridiques et pratiques du pluralisme radiophonique , Paris, Karthala, 2005, p. 165 359 Code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite, art. 67 360 Art. 68

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audiovisuelle, cinématographique et écrite stipule par ailleurs que les chaînes de radiodiffusion et de télévision doivent se conformer aux exigences ci-après, pour la conformité de leurs émissions :

- Répondre aux besoins de la population en matière d’éducation, d’information et de divertissement ; - Eviter de porter atteinte à la sécurité, à l’ordre public et à l’unité nationale ; - Promouvoir l’identité culturelle nationale ; - Ne comporter aucun élément de nature à heurter gravement les convictions religieuses et philosophiques des auditeurs et des téléspectateurs ; - Eviter la manipulation des consciences sous toutes ses formes ; - Eviter d’exploiter l’inexpérience ou la crédulité des enfants et des adolescents ; - Se garder de susciter, favoriser ou pratiquer la discrimination ethnique, raciale, religieuse ou sexiste ; - Respecter la dignité et la liberté de la personne humaine ; - Se garder de la diffamation et du mensonge 361 .

En cas de mise en cause d’une personne physique ou morale par un service d’une entreprise de communication audiovisuelle, son responsable est chargé de diffuser gratuitement, quarante-huit heures après sa réception, tout droit de réponse de la personne incriminée ; et ce, dans les conditions techniques et d’audience équivalentes à celles de l’émission qui l’a provoqué 362 .

Il est enfin recommandé aux entreprises de communication audiovisuelle assurant la retransmission intégrale et simultanée des programmes de radio et de télévision étrangers sur le territoire gabonais, de solliciter une autorisation du ministre chargé de la communication et de respecter les plans de fréquences mis en place par l’Union internationale des télécommunications (UIT), adoptés par le Gabon 363 .

361 Art 71 et 79 362 Art. 81 363 Art. 74 et 75

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Le suivi de l’application et de l’exécution de toutes ces exigences est assuré par le Conseil national de la communication (CNC).

2. L’organe de régulation de la radiodiffusion au Gabon : le CNC

Le CNC est né de la restauration du multipartisme au Gabon. Ses attributions sont définies par l’article 95 de la Constitution. Il est chargé de veiller au respect de l’expression de la démocratie et de la liberté de la presse sur toute l’étendue du territoire, à l’accès des citoyens à une communication libre, au traitement équitable de tous les partis et associations politiques, au respect des règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives aux campagnes électorales, au contrôle des programmes et de la réglementation en vigueur, en matière de communication, ainsi que des règles d’exploitations, au respect des statuts des professionnels de la communication, à l’harmonisation des programmes entre les chaînes publiques de radio et de télévision. Il est aussi de la politique de production des œuvres audiovisuelles et cinématographiques, de la promotion, du développement des techniques de communication et de la formation du personnel, au respect des quotas des programmes gabonais diffusés par les chaînes de radio et de télévision publiques et privées, du contrôle des cahiers des charges des entreprises publiques et privées, de la protection de l’enfance et de l’adolescence dans la programmation des émissions diffusées par les entreprises publiques et privées de la communication audiovisuelle et de la défense et à l’illustration de la culture gabonaise. 364

Plusieurs de ses prérogatives définies par la Constitution de 1991, sont reprises et élargies dans le Code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite. Il est par exemple demandé au CNC de faire respecter les dispositions relatives aux modalités de création, d’installation et d’exploitation de toute entreprise de communication audiovisuelle. En cas d’infraction à ces dispositions, le CNC peut, soit de sa propre initiative, soit à la requête du Président de la République, du gouvernement ou de toute personne physique ou morale intéressée, adresser des observations publiques et faire appliquer les sanctions appropriées à l’encontre de l’auteur de l’infraction 365 . Il s’agit de la mise en demeure, et sans

364 Constitution de la République gabonaise, révisée par la Loi n° 13/2003 du 19 août 2003, art. 95. 365 Code de la communication, art. 83

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préjudice des peines de droit commun prévues en la matière : d’insérer dans les programmes d’un communiqué dont il fixe les heures et les conditions de diffusion, la suspension d’une partie du programme pour une durée maximum de trente jours, le retrait provisoire de l’autorisation d’émettre qui ne peut excéder trois mois et le retrait définitif d’émettre. L’article 83 du Code de la communication sert de base au CNC pour mettre souvent en demeure les radios 366 .

C : L’économie de l’industrie radiophonique

La viabilité financière d’une radio est souvent le résultat d’un ensemble de conditionnalités (politique de prix, sources de financement, catégorie des dépenses, etc.) qui interagissent au sein de l’entreprise. La première de ces conditionnalités est la capacité à mobiliser les fonds nécessaires au fonctionnement de la structure.

Pour les radios publiques, le problème se pose avec moins d’acuité, car elles sont, de par leur caractère étatique, subventionnées ; et leurs effectifs sont constitués pour la plupart des fonctionnaires. Certes, les versements étatiques jugés insuffisants ont poussé les radios publiques à développer d’autres sources de recettes, comme la publicité. Mais leur environnement de travail et leur état financier sont parfois plus enviables que ceux de certaines radios privées. Dépourvues des aides publiques, handicapées par l’irrégularité des recettes publicitaires, les radios privées, du moins celles qui n’entretiennent pas de relations particulières avec l’appareil de l’Etat, vivent de subsides. C’est le cas surtout des petites radios qui, pour faire face à cette apathie financière, s’orientent vers d’autres sources de financement moins formelles ; ce qui rend difficile l’étude de ce secteur.

1. Le financement de la radio au Gabon

La radio est le média le plus utilisé en Afrique. Elle est la première source d’information, voire la seule, dans plusieurs recoins du Gabon. Par ses informations diffusées en langues locales, elle atteint toutes les couches de la population où elle est implantée.

366 Voir annexe 4

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L’enquête quantitative que nous avons réalisée montre que toutes les personnes interrogées disposent d’au moins un poste radio. Ce qui suppose une part d’audience assez importante, sachant qu’en Afrique, le nombre d’auditeurs est toujours supérieur à celui des possesseurs des postes radio. Une autre enquête, réalisée cette fois en 1997, montre qu’à Libreville, en avril 1997 par exemple, sur un échantillon de 832 personnes de 15 ans et plus, 99,3 % écoutent la radio. Et la radio la plus écoutée à cette époque était la RTG 1 (91,7 % d’audience à Libreville) 367 . Mais, avec l’émergence des radios privées dans la capitale, l’audience des chaînes publiques a été réduite (tableau 18 ci-dessous). Leurs programmes sont jugés moins attrayants que ceux des radios privées, considérés comme innovants et variés.

Tableau 18 : Détermination de l'audience des radios et télévisions nationales par CSP

Préférences Radios et télévisions Radios et télévisions Statut publiques privées

Elève 72,7 % 90,9 % Jeune actif 62,5 % 68,8 % Etudiant 20,0 % 85,7 % Chômeur 66,7 % 83,3 % Cadre secteur public 42,9 % 85,7 % Cadre secteur privé 36,4 % 81,8 % Total (moyenne) 42,0 % 83,0 % Source : enquête 1

Cependant, la forte audience enregistrée par les radios privées, qui devrait s’accompagner d’un accroissement des recettes de la publicité, ne profite pas à l’économie de ces radios. Plusieurs raisons expliquent cette faiblesse de la publicité dans les radios privées.

D’abord, la part dans cette audience des radios privées internationales, y compris Africa n° 1, est plus importante que celle de l’ensemble des radios privées nationales. Dans une enquête réalisée en 1999 sur un échantillon de 1041 personnes, Radio France Internationale (RFI) se présentait comme la radio la plus écoutée (44 %), devant la RTG 1 (37 %) 368 . La préférence accordée aux radios internationales, en l’occurrence RFI, traduit le plus

367 Andre-Jean Tudesq, op., cit , p. 203-213 368 Idem , p. 259

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souvent le désir manifesté des auditeurs pour le monde occidental. Les radios internationales constituant aussi parfois pour certains pays africains les seuls médias capables de donner la parole aux opposants politiques réduits d’antenne dans les radios nationales.

Ensuite, lorsqu’elle existe, la publicité, surtout institutionnelle, est orientée vers les radios publiques ou privées ayant des accointances avec le système politique en place (Africa n° 1, radio Nostalgie), ou vers celles qui sont subventionnées par les hommes politiques proches du pouvoir (radio Génération nouvelle).

Enfin, de peur des représailles, aucune entreprise ou institution nationale et internationale n’accepte de partenariat avec des radios privées dénonçant les travers du pouvoir en place. Ce fut le cas de radio Soleil qui disparut en 2002 faute d’entrées financières. Dans des telles situations de morosité financière, les radios privées se trouvent obliger de chercher ailleurs les fonds nécessaires à leur fonctionnement. C’est ainsi que plusieurs d’entre elles s’orientent vers le publireportage et les avis et communiqués.

Dans certaines localités gabonaises où le courrier postal est inexistant et la communication par téléphone irrégulière, la radio reste parfois le seul moyen de communication. Et les avis et communiqués représentent plus de 80 % des recettes de ces radios, le plus souvent communautaires.

Dans le cas des radios scolaires progouvernementales comme radio Emergence, le financement peut aussi venir des organismes internationaux comme l’UNESCO, le FNUAP, l’OMS ou encore l’UNICEF. Radio Emergence est également financée par la société pétrolière Shell, à travers une émission, « La chronique de l’emploi ».

Au total, le financement des radios au Gabon se fait différemment selon les rapports entretenus avec les milieux d’affaires gabonais, intimement liés au pouvoir politique national. Soutenues par l’Etat, les organismes internationaux ou les grandes entreprises, les radios publiques sont dispensées des charges d’exploitation. Ce qui n’est pas le cas des radios privées.

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Radio Soleil avant sa disparition en 2002, disposait par exemple en 1999 d’un budget mensuel de 4.380 000 FCFA, couvert principalement par un publireportage de l’église pentecôtiste brésilienne. Malgré la baisse du tarif publicitaire, le marché de la publicité demeure faible, en raison de la crainte qu’ont les clients d’irriter le pouvoir politique 369 . L’exemple de Radio Soleil témoigne la difficulté qu’ont les radios privées à s’autofinancer et à se muer en entreprises financièrement viables.

En plus d’une trésorerie aléatoire, ces radios privées doivent payer à l’Etat une redevance annuelle de 500 000 FCFA. Le CNC ne manque pas de rappeler à l’ordre la pléthore de radios dont la situation financière ne permet pas la satisfaction de cette exigence réglementaire.

2. Le cas particulier d’Africa n°1

La naissance de la radio Africa n°1 est liée à la création en 1974 par le feu Président Omar Bongo d’un Centre d’émission international de grande puissance, via les ondes courtes (O.C) radiophoniques. Situé à Moyabi (600 Km de Libreville), ce centre lance ses activités à partir de 1979. Fort de son succès, le Gabon décide de lancer le 7 février 1981, Africa n° 1, la première radio panafricaine 370 .

Africa n° 1 devient aussitôt une société à économie mixte au capital de 100 millions de FCFA répartis, nous l’avons dit, entre l’Etat gabonais (35 %), N’Koussou Productions (25%) et la SOFIRAD (40 %) 371 . En 1992, grâce à la modernisation du centre de Moyabi, Africa n°1 développe un réseau en modulation de fréquence avec diffusion par satellite. Elle dispose de six émetteurs ondes courtes de 500 kw chacun. Basée à Libreville, elle émet en FM dans 14 villes africaines (Abidjan, Bamako, Bangui, Brazzaville, Dakar, N’Djamena, Niamey, Ouagadougou, Pointe-Noire) et en Iles de France (Paris, Melun et Mantes-la-jolie), sur

369 Andre-Jean Tudesq, op. cit , p. 109 370 Tiré de www.africa1.com/spip.php?rubrique 26. Consulté le 6 octobre 2009 371 E. Gustave Samnick, « Gabon : transition – Africa n°1 passe à l’heure libyenne », publié le 5/08/2008 sur www.allafrica.com. Consulté le 6 octobre 2009.

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Internet (www.africa n° 1), sur le bouquet satellitaire Africasat, et depuis 2009, en Radio numérique terrestre (RNT) à Marseille (France) 372 .

La radio Africa n° 1 revendique la cinquième place mondiale des radios les plus écoutées avec une audience de 31 millions d’auditeurs. En France, elle est écoutée par près de 80 000 personnes chaque jour. Première radio des Africains d’origine devant RFI, elle a une durée d’écoute parmi les plus importantes de la bande FM 373 en France.

A partir de 1990, cette radio panafricaine a commencé à dégager des bénéfices grâce au soutien de l’Etat gabonais, aux ressources publicitaires et surtout à sa prise des participations dans la télévision privée Canal Horizon et à la location de ses émetteurs. Elle emploie un peu plus de 100 personnes, hormis les pigistes dont près de la moitié sont des journalistes ou reporters, en majorité gabonais 374 .

Mais, en 2002 la baisse des horaires de location de ses émetteurs par RFI (qui étaient de 24h sur 24h) et la résiliation des contrats de location de la radio japonaise (NHK) et de la radio suisse romande, conjuguée avec la liquidation de la Société financière de radiodiffusion (SOFIRAD) en 2001 375 , ont fait péricliter le budget de cette radio jusqu’en 2006, date d’entrée dans son capital, de la Libyan Jamahiriya Broadcasting suite à un accord de restructuration de l’entreprise conclu avec l’Etat gabonais. La société libyenne devient l’actionnaire majoritaire de ce média avec 52 % de parts, contre 35 % pour l’Etat gabonais et 13 % pour les privés gabonais.

Depuis, la radio tente de se restructurer, mettant en place un ambitieux projet de développement qui prévoit la création des pôles linguistiques : arabe au Maghreb, bambara en Afrique de l’Ouest, Swahili en Afrique de l’Est et anglais en Afrique du Sud 376 .

372 Tiré de www.africa1.com/spip.php?rubrique 26. Consulté le 6 octobre 2009. 373 Médiamétrie /BVA, tiré de http://www.africa1.com/africa%201-15%20ans%202510.pdf. Consulté le 25 juin 2009. 374 Andre-Jean Tudesq, idem , p. 210 375 PIM/lmm APA, « La Libye rachète la radio Africa n° 1 », publié le 8 novembre 2007. Tiré de http://www.iafric.net/info/?p=8. Consulté le 6 octobre 2009 376 Georges Douguel, « Africa n°1, radio libyenne ? », publié le 17 novembre 2008. Tiré de http://www.jeuneafrique.com. Consulté le 6 octobre 2009

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Paragraphe 2 : Les industries télévisuelle et cinématographique

Le cinéma et la télévision sont les deux pans de l’audiovisuel qui se complètent, tant le produit de l’un (cinéma) est la ressource de l’autre (télévision) ; et l’existence du deuxième constitue un débouché pour le premier.

Apparus presqu’au moment des indépendances africaines, le cinéma et la télévision ont parfois servi de tribune à la jeune élite noire pour affirmer son émancipation et sa culture. Dès la conférence de Bandoeng en 1955, les voix africaines commençaient déjà à se faire entendre par le biais de l’écriture et de l’art, notamment. La réalisation du court métrage, L’Afrique sur seine en 1957 par les Sénégalais Paulin Soumanou Vieyra et Mamadou Sarr, entre autres, étudiants à l’Institut français des hautes études cinématographiques, créé en 1943, constitue l’allégorie même de cette revendication377 .

Les indépendances vont se dessiner comme une transition du cinéma colonial vers un cinéma d’affirmation de l’identité africaine, dépouillé des gênes de la condescendance et de l’humiliation. Le congrès des écrivains et artistes noirs, tenu à Rome en 1959, donnera une résolution qui traduit les aspirations de cette nouvelle génération d’Africains: « […] Le cinéma avait servi jusqu’alors les objectifs du colonialisme et souligne la nécessité pour les africains de s’approprier ce moyen d’expression pour l’éveil des consciences. »378

Dans le cadre de la télévision, son avènement en Afrique a servi de base aux différents Etats d’asseoir leur autorité nouvellement acquise. La télévision a été aussi dès les premiers moments des indépendances une tribune pour les partis uniques, instaurés dans nombre des pays africains pour véhiculer leur idéologie.

Cependant, depuis les années 1990, l’avènement des régimes politiques multipartites dans plusieurs pays d’Afrique, notamment francophones, a entrainé la libéralisation des

377 Catherine Ruelle (sous la direction), Afriques 50, singularités d’un cinéma pluriel , Paris, L’Harmattan, 2005, p.148 378 Clément Tapsoba, « Cinéastes d’Afrique noire : parcours d’un combat révolu », in Catherine Ruelle (sous la direction), op.cit ., p.149

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ondes, la création des télévisions privées et l’instauration d’une autre forme de cinéma éloigné de la propagande politique.

A : La télévision gabonaise entre service public et rentabilité économique.

Le gouvernement gabonais a doté en 2007 la RTG 1 des nouveaux locaux et de nouveau matériel pour remplacer les anciens bâtiments du boulevard Léon Mba devenus vétustes et inadaptés au bon fonctionnement de la télévision. Mais, l’acquisition de ce nouveau cadre de travail va-t-elle suffire pour donner à la RTG 1 les clés de la réussite face à des télévisions privées plus dynamiques, plus professionnelles et plus indépendantes ? Le personnel technique, sans formation adéquate, saura t-il profiter pleinement de ces nouvelles technologies ? Autant des questions qui soulèvent les carences des télévisions publiques dans le domaine de la formation.

En 2002 par exemple, la RTG 1 disposait d’un effectif d’environ 600 agents 379 . La plupart d’entre eux sont fonctionnaires ; et leur formation relève du Ministère de tutelle. Face à l’inexistence de structures de formation dans les métiers de l’audiovisuel au Gabon, le Ministère de la communication a procédé, de 1968 à 1990, à l’envoi massif à l’étranger – Europe et Afrique notamment-- d’un grand nombre de personnels. Mais, depuis quelques années, le Ministère de la communication a cessé de former le personnel de la RTG 1 et 2.380 Cette absence de formation touche aussi nombre de télévisions privées qui ont pris naissance au Gabon à partir de 1990.

Jusqu’en 1990, le paysage télévisuel gabonais restait dominé par les deux télévisions d’Etat, mises au service de l’action gouvernementale. L’arrivée sur le marché national des télévisions privées à partir de cette période a inauguré une nouvelle ère, celle d’une télévision à visées plus économiques, bien qu’elles soient pour la plupart une création de certains dirigeants politiques et religieux. Certes, l’ostracisme politique et les discours dithyrambiques ne sont pas encore totalement proscrits, mais le but recherché par ces chaînes de télévisions privées devient la rentabilité économique, car l’objectif d’une entreprise, fut-elle une

379 UNITAR, op. cit ., p. 147 380 Idem

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télévision privée, est de faire des bénéfices, contrairement aux télévisions publiques qui, soutenues par l’Etat pour accomplir le service public, n’ont pas de visée mercantiliste. Elles accompagnent l’Etat dans ses fonctions régaliennes.

La première télévision privée commerciale à faire son apparition sur le marché gabonais est Téléafrica. Lancée peu avant 1990 (10 mars 1988) par le Président Bongo, Téléafrica émettait de Libreville en continu (24 heures sur 24 heures). En 1998, la chaîne s’est muée en crypté dans le bouquet distribué par TV Sat, groupe auquel elle appartient, laissant toutefois deux plages diffusés en clair à la mi-journée et en début de soirée. Téléafrica dispose d’un important équipement technique pouvant permettre la couverture d’autres pays de la sous région d’Afrique Centrale. Le groupe TV Sat est aussi spécialisé dans l’installation des équipements pour les réseaux de télévision par satellite 381 .

Depuis 2007, l’entreprise connaît des difficultés de gestion qui occasionnent des grèves à répétition. Elle accuse un déficit de paiement à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) depuis plusieurs années pour les employés embauchés depuis 1998. Les 120 salariés que compte la société aujourd’hui réclament aussi une grille salariale équitable pour tout le personnel et des bulletins de salaire en bonne et due forme. En 2009, un comité de gestion expédiait les affaires courantes en lieu et place du directeur général écarté 382 , témoignant ainsi la déliquescence de la structure dont la majorité des actifs appartiennent à la famille Omar Bongo.

Téléafrica constitue néanmoins, avec TV+, les deux télévisions privées les plus bénéficiaires du marché publicitaire gabonais. La qualité de leur son et de leur image, le respect de la programmation et le professionnalisme de leurs équipes sont, selon Chryzostome Lisasi, les atouts nécessaires à la « captation » de la publicité. 383

La télévision TV+ est une composante du groupe de presse, « BO Communication », société à responsabilité limitée créée en 1998. Ce groupe est également propriétaire de la société d’affichage, Médiaffiche, de la régie publicitaire, Africa Network, et de la Radio

381 http://www.teleafrica.tv/lachaine.php. Consulté le 20 mars 2010. 382 Georges Dougueli, « Gabon, qui tient les médias ? », Jeune Afrique n ° 2511 du 22 au 28 février 2009, p. 34. 383 Chryzostome Lisasi, op. cit .

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Nostalgie Libreville. TV+ est aujourd’hui le premier groupe privé de communication au Gabon, avec un chiffre d’affaires de 800 millions de FCFA (1,22 million d’euros). Les sociétés Médiaffiche et Africa Network lui permettent d’être entièrement financée par la publicité 384 .

En 2004, cette télévision a bénéficié d’une autorisation du CNC de diffuser ses programmes dans trois capitales provinciales du pays et leurs environs (Port-Gentil, Franceville et Oyem) 385 , grâce à un partenariat établi avec Africa n°1 qui transporte le signal de TV+ à partir du satellite Africa Sat. Par cette couverture nationale, TV+ devient la deuxième chaîne de télévision gabonaise après la RTG 1 à pénétrer le marché intérieur de la publicité.

Malgré cette viabilité économique, TV+ souffre néanmoins d’une faiblesse en ressources humaines. Si son professionnalisme est reconnu grâce à son directoire, il faut déplorer le manque de formation de certains de ses agents. Plusieurs d’entre eux n’ont pas reçu de formation journalistique. Ils viennent dans leur majorité du département des Lettres Modernes de l’Université Omar Bongo de Libreville. Par ailleurs, sur un effectif d’environ quinze journalistes et techniciens, moins d’une demi-douzaine dispose d’un contrat de travail (CDD et CDI). Les autres sont rémunérés à la pige dont le montant varie en fonction de la catégorie : 6 000 FCFA (environ 9,25 euros) pour le journaliste senior, et 3 000 FCFA (environ 4,60 euros) pour le journaliste junior 386 . Des rémunérations qui précarisent davantage la profession.

TV+ est enfin le fruit de l’action conjuguée de deux hommes politiques, André Mba Obame et Ali Bongo 387 , respectivement anciens ministres de l’Intérieur et de la Défense nationale. Ali Bongo est devenu depuis 2009, Président du Gabon.

Une autre télévision privée gabonaise, télévision Nazareth (RTN), fait son apparition en 2003 à Libreville et se place à la troisième place en termes d’audiences et de recettes

384 Georges Dougueli, op. cit , p. 35 385 Décision n° 009/CNC/2004 du 11 novembre 2004. In Journal officiel de la République gabonaise n° 11, novembre 2004. 386 Chrizostome Lisasi, op. cit . 387 Georges Dougueli, idem.

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publicitaires, après Téléafrica et TV+. Initiative de l’église évangélique, les programmes de RTN sont orientés vers les faits sociaux et les thématiques religieuses. Elle s’est attribuée comme slogan : « La Voix du Salut ». En 2005, elle a obtenu le trophée de la télévision la plus proche de la réalité, décerné par l’Institut Cheikh Anta Diop de l’Université Omar Bongo 388 .

Depuis 2009, RTN et la RTG 1 sont accessibles depuis la France et l’Europe grâce à la nouvelle offre du fournisseur d’accès Internet Free. C’est par le bouquet « Africain Classic » proposé par Free à 4,99 euros par mois que ces deux chaînes gabonaises sont disponibles 389 .

Outre les deux télévisions publiques, les trois chaînes de télévisions privées (Téléafrica, TV+ et RTN) et quelques autres de moindre importance 390 (Migovision, Louwanou TV, TV Mbire, télévision Nyangou…), le paysage télévisuel gabonais enregistre aussi plusieurs chaînes étrangères diffusées par le satellite, le câble, et l’Internet.

L’arrivée en Afrique des chaînes satellisées a entrainé des bouleversements politiques et culturels. Politiques, parce qu’elles ont aboli des monopoles étatiques. Culturels, parce qu’elles ont estompé les barrières frontalières, éclairé et influencé les masses populaires dans les capitales africaines. Elles sont à l’origine de la liberté de la presse et de l’instauration de la démocratie dans nombre des pays africains. Charles Debbasch affirme, pour soutenir cette assertion, que « la démocratie en Afrique a été encouragée de l’extérieur. C’est un mode orchestré et imposé par les médias occidentaux. »391

Au Gabon, le groupe TV Sat a été le premier à commercialiser et à installer les antennes paraboliques. Nécessaires pour la réception du signal satellitaire, leur prix de vente n’a pas permis au plus grand nombre de Gabonais de s’en équiper. Dans les structures agréées, une antenne parabolique coûte entre 300.000 FCFA et 2 000.000 FCFA 392 . Selon les

388 « Gabon : RTN a présenté sa nouvelle grille de programmes », publié le 28 décembre 2006 sur www.infosplusgabon.com. Consulté le 2 mai 2008. 389 Gaboneco, « Gabon : la RTG et la RTN s’invitent chez Free tv », publié le 5/5/2009 sur www.gaboneco.com. Consulté le 2 octobre 2009 390 Tant par leur caractère communautaire, leur organisation que par les programmes diffusés. 391 Charles Debbasch, « Une résurgence de l’autoritarisme est à craindre en Afrique », in J.A. n° 1734 du 31 mars au 6 avril 1994, p. 74. Cité par Abdoul Ba, op. cit ., p. 11 392 En plus des prix prohibitifs à l’achat, l’acquisition d’une parabole oblige son propriétaire à payer à l’Etat une redevance, selon l’article 166 du code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite.

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statistiques de l’Agence internationale des télécommunications (AIT), le nombre d’antennes paraboliques disponibles au Gabon est estimé à 300 en 1996 393 . Pour répondre à la demande des populations de l’intérieur du pays qui sont parfois privées des programmes des télévisions nationales, certains hommes politiques des localités concernées assurent pour l’ensemble de ces populations les charges liées à l’implantation d’une parabole. C’est le cas d’Okondja, une ville au Sud-Est du pays qui ne reçoit de programmes télévisuels que ceux diffusés par les chaînes étrangères, notamment TV5 Monde, reçus grâce à une parabole collective installée au centre-ville par le député de cette localité, le réseau national de télévision étant constamment indisponible 394 . Le prix exorbitant des paraboles obligent donc les populations, lorsque la technologie le permet, à opter pour les chaînes à péage distribuées par TV Sat et Canal + Horizons.

Malgré les difficultés financières que connait sa branche télévision, le groupe TV Sat enregistre une évolution de ses abonnés depuis 2004. Le nombre d’abonnés est passé de 3500 en 2003 à 3800 en 2004, soit 8 % d’évolution. Cette croissance était de 11 % en 2008 395 . Toutefois, la réception des chaînes vendues par TV Sat nécessite de disposer d’un poste de télévision (Secam ou Pal), de louer un décodeur à 120 000 FCFA et de souscrire un abonnement mensuel, trimestriel ou annuel. Ce dispositif est également nécessaire pour bénéficier du bouquet Canalsat Horizons.

Le projet de lancement au Gabon de la chaîne Canal + Horizons remonte à l’année 1988. En effet, une convention avait été signée le 24 juin de cette année à Libreville avec Hervé Bourges, Président de Canal Plus Afrique 396 , en prémisse à l’implantation de Canal + Horizons. La convention portait entre autres sur les aspects techniques, commerciaux et juridiques. Initialement prévue pour 1991, l’installation de Canal + Horizons intervient au Gabon en novembre 1994 sur le réseau MMDS (micro-ondes), à l’issue d’une enquête de faisabilité effectuée à Libreville en 1988 auprès des abonnés potentiels. Cette enquête

393 UNITAR, op. cit ., p. 45 394 La retransmission des programmes des chaînes nationales, notamment la RTG 1 est assurée par une antenne hertzienne relais qui, malheureusement, fonctionne très rarement, en raison des pannes répétitives. 395 Statistiques OCDE 2004. 396 En décembre 1990, Canal + Afrique est devenue Canal Horizons.

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renseigne que 12 500 foyers de Libreville étaient prêts à verser un abonnement mensuel de 10 000 FCFA 397 (environ 15 euros) pour recevoir les chaînes du bouquet Canalsat Horizons.

Le bouquet Canalsat Horizons, distribué par Canal + Horizons englobe plus de soixante-dix chaînes radios et télévisions. En septembre 2008, le gouvernement gabonais a signé avec cet opérateur français une convention qui actualise celle de 1988 et autorise cette société à assurer la commercialisation sur le territoire gabonais de son bouquet Canalsat Horizons ou de tout autre bouquet de chaînes qui seraient exploitées par Canal Overseas Africa. L’une des contreparties de cette convention est la création par Canal+ Horizons d’un bouquet social qui tienne compte du pouvoir d’achat de la population. Comme pour le bouquet initial, le bouquet social se décline en cinq formules (évasion, privilège, prestige, grand prestige et excellence). La formule évasion, la plus accessible en termes de coûts, revient par exemple à 30 000 FCFA (environ 45 euros) par trimestre, contre 35 400 FCFA (environ 54 euros) pour le bouquet initial, soit une économie de 5 400 FCFA (environ 8 euros) par trimestre. Cette formule dispose de quarante et une chaînes radios et télévisions, contre soixante-cinq pour la formule excellence, la plus onéreuse (106 500 FCFA par trimestre, soit 162 euros environ)398 .

Plusieurs chaînes de télévisions internationales sont également reçues au Gabon par le biais des connexions Internet. Depuis le lancement des premières offres commerciales en 1998, l’accès à Internet s’est aujourd’hui démocratisé avec la fin du monopole consenti à Gabon Télécom, laquelle fin se traduisant par le déploiement des liaisons satellitaires directes et la mise en service du câble sous-marin Sat 3 en 2002. Le nombre d’abonnés a relativement évolué, passant de 76 608 en 2006 à 77 760 en 2008, soit une progression de 1,8 %. Alors que la moyenne africaine est de 4,72 abonnés Internet pour 100 habitants, le Gabon compte 5,76 abonnés Internet pour 100 habitants, ce qui le place largement au dessus de la moyenne africaine 399 .

Deux opérateurs se partagent le marché gabonais des connexions Internet aux côtés de Gabon Télécom qui, dans le prolongement du câble Sat 3, a réalisé trois boucles de fibre sur

397 Abdoul Ba, op. cit. , p. 116 398 Service Economique de Libreville, « Les NTIC au Gabon », juin 2009, tiré de www.dgtpe.fr/se/gabon. Consulté le 10 août 2009 399 Idem.

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Libreville qui lui permettent d’enrichir son offre Internet. Les deux autres opérateurs sont : Internet Gabon et Solsi.

En définitive, grosso modo , le marché gabonais de la télévision est partagé entre deux télévisions publiques (RTG 1 et 2), quelques télévisions privées, en tête desquelles se trouvent TV+, Téléafrica et RTN, et une kyrielle de télévisions étrangères reçues grâce au satellite, au câble et à Internet. Soutenues par les pouvoirs publics, les télévisions publiques disposent de plus de moyens financiers et de personnels formés. Malheureusement, leur rentabilité est ternie par des programmes jugés très redondants et majoritairement importés de l’Occident (graphique 7, p. 137). Ces programmes proviennent, entre autres, de Canal France International (CFI) qui met gratuitement à la disposition de la RTG 1 et 2 depuis 1989 l’ensemble de ses programmes.

Ces carences professionnelles occasionnent une désaffection du public vis-à-vis de ces chaînes au profit des télévisions privées et étrangères qui enregistrent les plus fortes audiences. Les télévisions privées nationales sont jugées, malgré leurs faibles moyens financiers et humains, plus professionnelles et innovantes et plus proches des réalités gabonaises. Leurs plus grandes attractions demeurent les journaux télévisés, les programmes de variété et les films américains. Les journaux télévisés de TV+ et de la RTN sont par exemple, selon nos enquêtes, très éloignés de ceux de la RTG 1 et 2. Leur différence viendrait du traitement de l’information nationale et de la restitution des faits sociaux. Les informations données par les chaînes publiques sont orientées majoritairement vers les activités gouvernementales, lorsque les chaînes privées scrutent le quotidien des gabonais et présentent les dures réalités des quartiers déshérités de Libreville.

Pour relever leur audience, les deux chaînes publiques tentent de modifier leur stratégie de programmation. Elles ont réduit certaines cases hebdomadaires de cinéma dans leurs grilles pour les remplacer par des téléfilms brésiliens et gabonais et des émissions de divertissement. Les téléfilms brésiliens sont particulièrement appréciés des téléspectateurs, du fait de leurs intrigues et histoires jugées proches des réalités gabonaises. Quant aux séries gabonaises, elles leur sont offertes gratuitement par le CENACI, lorsqu’elles ne sont pas coproductrices.

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Mais, les télévisions gabonaises sont concurrencées par les films ivoiriens et nigérians qui sont piratés et vendus en format VCD sur le marché à un prix très compétitif (1000 FCFA, soit 1,5 euro). L’explosion de la vidéo piratée est un phénomène marquant de l’industrie filmique gabonaise, avec la montée de l’équipement des foyers gabonais en lecteurs DVD et VCD.

B : Le cinéma gabonais

Le cinéma africain n’a pas de marché, entendons-nous dire. « Les rares films produits ont du mal à percer au Nord tandis qu’au Sud, le tableau s’assombrit : les salles ferment, le piratage fait la loi, les télévisions n’assurent aucun relais, les Etats laissent faire, le public préfère les films américains ou les productions populaires locales […] »400 . Qu’en est-il du cinéma gabonais ? Déroge-t-il à cette sombre présentation, ou est-il aussi gangréné par ces mêmes maux ?

Le cinéma gabonais, comme la plupart des cinémas d’Afrique, est jeune. Il date des années 1960. C’est La cage , un court métrage écrit par Philippe Mory et réalisé en 1961 par Robert Darenne, Marina Vlady, Colette Duval et Jean Servais qui marque le début du cinéma gabonais. En 1971, Philippe Mory écrit et réalise son premier long métrage, Les Tam-tams se sont tus.

Pour encadrer et développer cette industrie naissante, le Gabon a créé par ordonnance n° 39/75/PR du 25 juin 1975 le Centre national du cinéma (CENACI). Mais, faute d’une politique cinématographique bien définie, la production du CENACI sera insignifiante jusqu’à la fin des années 1980, date de sa restructuration. Cependant, certaines réalisations marqueront positivement la fin des années 1970 et 1980. Il s’agit de deux longs métrages : Obali (1976) et Ayouma (1977) co-réalisés par Pierre Marie Ndong et Charles Mensah sur des scénarii écrits par Joséphine Bongo ; et de deux courts métrages de fiction : Raphia (1986) 401 de Paul Moukety et Le Singe fou (1987) 402 de Henry Joseph Koumba Bididi.

400 Olivier Barlet, « La critique occidentale des images d’Afrique », Africultures n °1, dossier « La critique en question », octobre 1997, p.5 401 « Tanit d’Or » du court-métrage, Journées cinématographiques de Carthage en 1988. 402 Prix de la première œuvre, prix de la meilleure musique de film pour Vyckos Ekondo (compositeur), prix de la critique des journalistes arabes aux Journées cinématographiques de Carthage (Tunisie) en 1986 ; et prix du meilleur court-métrage au dixième Fespaco en 1987.

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La politique de relance amorcée au début des années 1990 autour de la fiction télévisuelle, de l’encadrement des jeunes talents et de la vidéo a permis au CENACI de produire des œuvres régulières et à dimension internationale. L’introduction de la vidéo, donc du numérique, apporte plusieurs avantages pour le cinéma africain. Selon René Bonnell, le numérique « permet de développer les possibilités de manipulation informatique de l’image et du son, de transformer en laboratoire l’apparence des personnages mais aussi de les incruster dans n’importe quel décor […]. En allégeant l’appareillage des prises de vues, en supprimant certains décors et nombre de figurants, le numérique peut réduire le coût des films […] »403 . Face à l’injonction et à l’immixtion des bailleurs de fonds dans les scénarii des films africains qu’ils financent 404 , la multiplication de la vidéo et des films à petits budgets peut aussi permettre aux réalisateurs africains une plus grande liberté de ton et de sujets.

Grâce à la vidéo, plus d’une vingtaine de films ont été tournés en moins de vingt ans ; et des jeunes réalisateurs et producteurs se sont affirmés. En 1994 par exemple, quelque temps après les reformes amorcées, le CENACI relance la production pour la télévision. Un feuilleton, L’Auberge du salut , produit en vingt-quatre épisodes est réalisé avec un budget de 200 millions de FCFA environ, soit 9 millions par épisode de 26 minutes 405 . L’Auberge du salut est une fiction ancrée dans la réalité sociale gabonaise. Financé à plus de la moitié par l’Etat gabonais (le reste du financement provenant de la Francophonie et du Ministère français de la coopération), ce film a été monté au Centre culturel français d’Abidjan (Côte d’Ivoire) et la post-production réalisée à Paris (France). Produit pour la télévision gabonaise, il a connu un énorme succès dans le pays et a été diffusé dans d’autres pays d’Afrique, notamment au Burkina Faso et en Côte-d’Ivoire.

403 René Bonnell, La vingt-cinquième image. Une économie de l’audiovisuel , 4 ème édition, Paris, Gallimard, 2006, p 65-66 404 Selon Massey Nyan, « le cinéma africain est négropolitain, mulâtre, métissé. Les bailleurs de fonds continuent d’imposer leur message ». Ce qui explique le désintérêt du public africain pour ces films « à l’occidentale », comme en témoigne le cinéaste Congolais (RDC) Balufu B. Kanyinda : « Pour obtenir une aide du CNC (Centre National de la Cinématographie), il faut plaire au CNC. Or, les critères de qualité des Français n’ont qu’un très lointain rapport avec la culture africaine. Les lecteurs veulent trouver dans les scénarios qu’ils reçoivent, ce qui correspond à l’Afrique de leur imagination, ce qu’ils croient être un film « africain » au sens ethnologique du terme. Ce système n’a aucune chance de donner des résultats intéressants ». In Balufu Bakupa- Kanyinda, « Filmer en Afrique : alors, et maintenant ? », 2003, www.Unesco.org/webworld, tiré de Jasmine Champenois, « Les cinéastes d’Afrique. Pour une réconciliation du Sud et du Nord ? », dans Françoise Naudillon, Janusz Przychodzen et Sathya Rao (sous la direction), L’Afrique fait son cinéma. Regards et perspectives sur le cinéma africain francophone , Montréal, Québec, Mémoire d’encrier, 2006, p. 61 405 Bruno Deme, « Gabon : le salut par la vidéo », Ecrans d’Afrique, n° 5-6, 3 ème – 4 ème trimestre, 1993, p. 96

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Grâce à ce succès, le CENACI a intensifié sa production pour la télévision gabonaise et le cinéma. Certaines de ses productions connaîtront même une réussite internationale. C’est le cas de deux films du cinéaste Imunga Ivanga, notamment Dolès (« Tanit d’Or » des Journées cinématographiques de Carthage (Tunisie) en 2000, prix spécial du jury au Festival de Cannes Junior (France) en 2000, prix du meilleur scénario au FESPACO (Burkina Faso) en 2001) et L’Ombre de Liberty (FESPACO 2007). Mais la consécration du CENACI vient surtout d’un long-métrage produit en 2001 (800 millions de FCFA de budget) : Les Couilles de l’éléphant , réalisé par Henri-Joseph Koumba Bididi. Co-produit par Les Films Terre Africaine (Cameroun) et Adélaïde Productions (France), distribué par Swift et Allison Productions (France), ce film a été plébiscité au Gabon et dans d’autres pays africains (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Togo, Niger, Sénégal, Guinée, Ile Maurice et Bénin). De plus, les reformes engagées par le CENACI ont suscité l’émulation d’une nouvelle génération de cinéastes (André Côme Ottong : La Chambre des filles ( 2005), Confession finale (2008), Patrick Boueme : Une rose dans les matitis (2007) ; Fernand Lepoko : Maléfice (2008)) et l’éclosion d’un nombre remarquable de producteurs privés, dont les plus significatifs en termes de productions sont : La Société Logovéenne de Films et de l’Image (SLOGF-Picture), Images Production 12 (IP 12), Le Studio Montparnasse et Iris-Com International. SLOGF-Picture a co-produit avec le CENACI une série télévisée, Akébé Venez- voir (2008) de Marcel Sandja et un court-métrage, Le divorce (2008) de Manouchka Kelly Labouba; de même, le CENACI a co-produit avec Iris-Com International la série télévisée Les années écoles (2005) de Henri Joseph Kouma Bididi et avec IP 12, L’Ombre de Liberty (2006) de Imunga Ivanga. Le Studio Montparnasse basé à Libreville, n’a produit à ce jour qu’une série télévisée, Kongossa (2005) de Melchy Obiang, primée en 2006 au Festival international du film de Berlin comme deuxième meilleure série télévisée sur 120 présentées 406 .

Par ailleurs, en collaboration avec le Centre culturel français Saint-Exupéry (CCF), le CENACI a lancé en 2006 un festival de films documentaires appelé, Les Escales documentaires de Libreville pour inciter les cinéastes à investir ce genre cinématographique peu connu des cinéphiles gabonais. En 2007, trois projets différents par leurs thématiques

406 Gaboneco, « Le réalisateur de la série télévisée gabonaise ‘’ Kongossa’’ Melchy Obiang victime d’incendie ! », publié le 30/09/2008 sur www.gaboneco.com. Consulté le 2 novembre 2009

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(Sida, Musique, Circoncision) ont été choisis et soumis à différentes commissions d’aide de financement international 407 .

Aussi, les changements opérés par le CENACI ont-ils apporté au cinéma gabonais un renouveau, aussi bien dans sa production que dans les sujets traités. Steeve Renombo Ogoula relève à ce titre que :

« Le cinéma gabonais affiche des thèmes aussi divers que le fantastique, l’amour impossible, la tyrannie de l’argent comme celle du pouvoir, l’injustice sociale et l’enfer des zones infra-urbaines, la quête de liberté et les citadelles encore interdites, bref des questions d’ordre existentiel engageant le présent de l’homme dans une société passée au crible serré du questionnement cinématographique. […] C’est davantage un cinéma investissant l’espace urbain, et s’éloignant du cadre rural […] et relevant très peu du cinéma ethnographique »408 .

Malgré cette réelle renaissance, le développement du cinéma gabonais reste limité à cause d’une conjonction de difficultés : structurelles, politiques, sociales et économiques.

L’époque où le cinéma détenait le monopole sur les loisirs reste très lointaine, tant la demande cinématographique est devenue imprévisible. Chaque année, la télévision récupère plus d’audiences que les salles, très réduites aujourd’hui, n’en ont perdues. L’évolution spectaculaire des chaînes de télévision par foyer, le développement des supports numériques, la pression exercée par la piraterie et le prix pratiqué par les exploitants rendent difficile la fréquentation des salles de cinéma. Selon nos enquêtes, le public des salles de cinéma au Gabon peut se diviser en trois catégories :

- Les oubliés du cinéma. Ce sont des personnes qui reconnaissent n’avoir jamais fréquenté une salle de cinéma. Cette catégorie est composée majoritairement des personnes âgées, des ruraux et des apprenants. Elle représente 70 % de la population.

- Les occasionnels. Ce sont les spectateurs qui vont au cinéma au moins une fois par an, surtout à la période des fêtes et lors de la sortie des films à succès. Cette catégorie

407 Imunga Ivanga, op. cit. 408 Idem

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représente 20 % de la population. Elle est la moins fidèle et se constitue grosso modo de la classe moyenne de la population.

- Les réguliers. Ce sont les adeptes du septième art. Ils vont au cinéma au moins une fois par semaine. C’est la population cadre sur laquelle repose l’économie du cinéma au Gabon. La baisse de cette catégorie dans la population des cinéphiles affaiblit donc les possibilités d’une éventuelle relance du cinéma au Gabon. Elle représente 10 % de la population et se situe dans les grandes villes du pays.

Graphique 9: Fréquentation des salles de cinéma par an

Entrées au cinéma

10%

20%

70%

Jamais Au moins une fois Plus d'une fois

Source : enquête 1

Les raisons évoquées pour expliquer cette baisse de la fréquentation sont multiples. La première est le prix, jugé excessif (graphique 5, p. 133), conjugué avec l’insuffisance des salles de cinéma. La rareté des salles de cinéma au Gabon 409 a incité les exploitants à rehausser leurs prix d’entrée (la moyenne est de 3 000 FCFA, ce qui est énorme pour le spectateur gabonais moyen). Cette hausse des prix a réduit la demande des premières et

409 Sur une population de près de 500 000 habitants, la capitale gabonaise ne compte que deux salles de cinéma : le Komo (720 places) et le Majestic (370 et 160 places). Il faut y ajouter la salle du Centre culturel français Saint-Exupéry (CCF). Toutes les autres salles à Libreville et à l’intérieur du pays (à l’exception de Port-Gentil) ont fermé et cédé la place aux commerces de tout genre et aux Eglises de réveil.

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deuxièmes catégories, pour ne compter désormais que sur les populations disposant d’un pouvoir d’achat élevé (classe des réguliers).

Cette excessivité du droit d’entrée a obligé les catégories sociales les plus modestes à se tourner vers d’autres moyens de diffusion plus accessibles, comme la télévision et la vidéo. Le rôle joué par la télévision peut être apprécié différemment. Certains critiques des médias l’accusent d’avoir infléchi l’audience du cinéma au profit des téléfilms. D’autres, au contraire, l’analysent comme étant le partenaire privilégié du septième art, en ce qu’elle contribue efficacement à son financement et à sa publicité. Si ces deux argumentations expliquent bien le rôle parfois antinomique que peut requérir la télévision à l’égard du cinéma, elle est perçue en Afrique, non pas comme l’alliée, mais beaucoup plus comme l’ennemie du cinéma. Les télévisions africaines, singulièrement gabonaises, bien que contraintes par l’Etat de consacrer 60 % (télévisions publiques) et 40 % (télévisions privées) de leurs grilles hebdomadaires aux œuvres audiovisuelles et cinématographiques nationales et africaines (art. 225 du code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite), n’achètent pas les productions nationales, encore moins ne les financent, faute de trésorerie. A défaut de les pirater ou de les recevoir gratuitement, elles exigent parfois même au producteur ou au distributeur une diffusion contre une contrepartie financière. La plupart des télévisions gabonaises sont alimentées gratuitement par les programmes de CFI (RTG 1&2 et TV+). Les films américains de série B et les productions latino-américaines, déjà amortis sur leurs marchés nationaux, sont achetés à des prix relativement bas, concurrençant la production nationale et africaine.

La télévision demeure donc une alternative au prix élevé du cinéma et à la rareté des salles de projection. Dans certaines localités du pays où aucune salle de cinéma n’existe, le public du cinéma est partagé entre la télévision (gratuite et payante) et la projection à domicile, au moyen des nouvelles technologies (VHS, DVD et VCD). L’acquisition des films en formats VHS, DVD et VCD se fait, soit par la location auprès des vidéo-clubs, soit par l’achat direct auprès de nombreux détaillants et de vendeurs ambulants. L’achat d’un film en DVD ou VCD est moins onéreux au Gabon que l’achat d’un ticket d’entrée au cinéma. Les films vendus ou loués sont pour la plupart piratés et coûtent entre 500 FCFA et 1000 FCFA, selon que vous soyez au centre-ville, au grand marché de la capitale ou dans un quartier

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Deuxième partie

périphérique. Les films les plus appréciés des populations sont les films américains, africains et gabonais, comme en témoigne le graphique 10.

Graphique 10 : Préférences des cinéphiles

Choix films x Choix films : Films gabonais

1,5% 19,7% Films gabonais Films africains Films français Films américains 4,5% 47,0% Autre

27,3%

Source : enquête 1

Cependant, l’incapacité de la télévision à soutenir la production des films traduit la difficulté du cinéma gabonais à trouver les financements nécessaires à son développement. Pourtant, le film est le résultat d’une synergie opérée entre une volonté artisanale et une grande organisation industrielle et financière. L’une apporte le fini de l’œuvre individuelle, les avantages d’une volonté totalement impliquée ; l’autre garantit les moyens nécessaires à l’élaboration et à la diffusion du produit. 410 Dans certains grands pays à tradition cinématographique comme les Etats-Unis, l’Inde, la France, le Canada, l’Allemagne, l’Afrique du Sud, etc., les sources de financement de la production cinématographique se sont fort diversifiées. A l’apport personnel du producteur se sont ajoutés les anticipations des recettes, les coproductions, les crédits bancaires et surtout l’aide publique.

Les anticipations des recettes s’opèrent le plus souvent sous la forme d’un à-valoir ou d’un minimum garanti de recettes (MG). Il peut aussi s’agir d’une prévente des droits audiovisuels. Un à-valoir est le résultat d’une entente entre un producteur et un distributeur de films en salles. En effet, lorsque le distributeur est intéressé par un projet de film, il peut

410 René Bonnell, op. cit ., p 57-58.

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garantir au producteur un financement sous forme d’un à-valoir ou d’un minimum garanti de recettes (MG) sur un territoire précis. Ce MG s’ajoute aux risques d’édition (publicité, copies) pris par le distributeur. Le producteur demande ainsi à une banque de lui escompter ce contrat au terme duquel le distributeur s’engage à verser au producteur, à une certaine date et contre la livraison de la copie du film, une somme égale au minimum garanti consenti et dont il remboursera au fur et à mesure de l’encaissement des recettes issues de l’exploitation du film 411 .

L’à-valoir ou le MG est donc un préfinancement indispensable. Il garantit des ressources supplémentaires et donne la certitude que le distributeur assurera une vente optimale du film afin d’amortir sa garantie de recettes.

Au Gabon, faute de distributeurs, les producteurs ne bénéficient pas de ce type de financement. Ce qui, ajouté à la frilosité des éditeurs vidéo (DVD et VCD) qui rechignent à concéder un minimum garanti de recettes d’exploitation vidéo au producteur, à cause, soutiennent-ils, de la recrudescence du piratage et à l’incapacité des télévisions nationales à financer le cinéma (sous forme de préachat de droits de télévision), réduit le cinéma gabonais à une certaine production, en l’occurrence vidéo, jugée moins budgétivore.

Une production cinématographique sans distribution ressemble en quelque sorte à une histoire sans fin. Le rôle du distributeur dans l’économie du cinéma s’est tellement accru qu’il est passé aujourd’hui d’un simple diffuseur à un bailleur de fonds sans lequel la réussite commerciale d’un film est difficilement réalisable. C’est lui qui assure à l’œuvre de production toute sa rentabilité économique : il fait la promotion du film, participe à son financement, le loue aux exploitants et collecte les recettes auprès des salles. Aucun projet de production d’envergure ne peut aboutir sans l’accord préalable d’un distributeur décidé à le commercialiser, car il donne aux financiers du film la garantie que le film serait bien exploité412 .

L’absence de distributeurs au Gabon a amplifié auprès des banques l’idée que le cinéma est un secteur à risques dont la rentabilité est incertaine, aléatoire et imprévisible.

411 René Bonnell, op. cit ., p 68. 412 Idem , p. 95

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Aucune banque n’accepte de soutenir financièrement tout projet de production de film, faute de garantie suffisante. L’aide de l’Etat (500 000 000 FCFA) accordée annuellement au CENACI ne suffit pas à faire de cette structure publique un distributeur cinématographique. Ce qui oblige les producteurs gabonais à faire appel régulièrement à des coproductions nationales, régionales et internationales.

L’avantage d’une coproduction est le partage des coûts de production d’un film. Elle est particulièrement indispensable pour les producteurs indépendants, surtout africains, lorsque les devis pour la réalisation d’un film s’avèrent élevés. Les coproducteurs partagent ainsi les risquent liés à la production (mévente du film, dépassements du budget…). Plusieurs coproductions ont été réalisées avec le Tchad ( Tartina City de Issa Coélo), le Cameroun ( Le Grand blanc de Lambaréné de Bassek Ba Kobhio), la Centrafrique ( Le Silence de la foret de Didier Ouénangaré), la RDC ( Le damer de Balufu Balupa Kanyinda), la France ( Les Couilles de l’éléphant d’Henri Joseph Koumba Bididi).

En somme, le cinéma gabonais connaît un renouveau depuis les années 1990 grâce à la vidéo. Face à la chute de la consommation cinématographique, liée à la fermeture des salles sur l’ensemble du territoire national, au prix d’entrée exorbitant, aux difficultés de production, la vidéo est devenue pour cette industrie naissante une opportunité de développement et d’économies substantielles. La vidéo est pour les pays africains une alternative aux modèles de production et de distribution cinématographiques américains et européens, très lourds en investissements. L’exemple nigérian nous édifie à ce titre. Classé deuxième pays producteur mondial de films après l’Inde 413 , les réalisateurs nigérians utilisent plutôt la vidéo à la place de la pellicule pour réduire leurs coût de production et ainsi contribuer efficacement au développement économique du pays et à la préservation de l’identité nationale, comme le reconnaît Koichiro Matsuura : « Les films et productions vidéos illustrent clairement le fait que les industries culturelles – porteuses d’identités, de valeurs et de sens – peuvent ouvrir la voie au dialogue et à la compréhension entre les peuples, mais aussi à la croissance

413 Selon une enquête mondiale sur le cinéma, publiée par l’Institut de statistique de l’Unesco (ISU) en mai 2009, l’Inde demeure le premier producteur mondial de films. Mais le Nigéria, qui a déjà supplanté les Etats-Unis à la deuxième place, creuse maintenant l’écart qui le sépare d’Hollywood. En 2006 par exemple, Bollywood a produit 1 091 films de long métrage, contre 872 (au format vidéo) pour Nollywood et 485 pour Hollywood. L’enquête souligne également que le Nigéria ne dispose de quasiment aucune salle de cinéma classique : environ 99 % des projections se déroulent dans un cadre informel de type « cinéma vidéo ». Tiré de www.uis.Unesco.org/ev_fr.php?ID=7650_201&ID2=DO_TOPIC. Consulté le 01 septembre 2009

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économique et au développement »414 . Mais, sans distributeurs légalement constitués, le cinéma gabonais peine toujours à se structurer et à se hisser au rang des priorités économiques. La gestion anarchique des droits des auteurs d’œuvres filmiques amplifie encore la situation.

Paragraphe 3 : La problématique du droit d’auteur dans les industries culturelles gabonaises

Au moment où les industries culturelles constituent l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie mondiale du fait d’une augmentation constante de la consommation des ménages, les pays en développement devraient initier dans leurs politiques culturelles des mécanismes de protection et de préservation de l’activité de création. En Afrique, notamment francophone, certains pays (Burkina Faso, Congo Brazzaville, RDC, Benin, Centrafrique, Mali, Côte d’Ivoire, Cameroun, Tchad) ont créé des sociétés des droits d’auteur. Certes, elles connaissent encore pour la plupart des difficultés financières et organisationnelles, mais elles ont le mérite d’exister, contrairement à d’autres pays comme le Gabon qui n’en dispose pas concrètement.

L’inexistence d’une structure de gestion collective des droits d’auteur est à l’origine de la paupérisation des artistes qui ne reçoivent aucune contrepartie de l’utilisation, parfois frauduleuse, de leurs œuvres. Si le désir de chaque individu de pouvoir accéder librement à l’information, à la culture de son pays ou de l’humanité, est un droit fondamental reconnu de tous, il ne doit pas justifier la dépossession des droits des artistes de jouir des retombés qui découlent de leurs activités. La Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 reconnaît le droit à la protection des productions littéraires, artistiques et scientifiques. Elle stipule en son article 27, alinéa 2 : « Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur ». Il est donc de toute logique de créer les conditions nécessaires à la rémunération de la création littéraire, artistique et scientifique car, « l’essor de toute création artistique ne peut être assuré tant que les auteurs ne sont pas certains de recevoir une rémunération adéquate en contrepartie de l’utilisation de leurs œuvres, de sorte qu’ils puissent consacrer tout leur temps, toute leur intelligence à la production d’œuvres de qualité meilleur qui répondent aux

414 In www.uis.Unesco.org/ev_fr.php?ID=7650_201&ID2=DO_TOPIC. Consulté le 01 septembre 2009

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attentes d’un public de plus en plus exigeant. »415 Les droits d’auteur et les droits voisins sont essentiels à la créativité. Ils accordent à l’auteur une reconnaissance morale et une gratification financière. Il est cependant nécessaire de faire l’historique de la non protection effective des créateurs.

La protection des droits des auteurs gabonais a commencé à exister dès l’affiliation de Radio Gabon à l’Office de coopération radiophonique (OCORA). Mais, cette protection était limitée au seul secteur musical. Les artistes musiciens bénéficiaient alors d’une protection et percevaient des droits versés par cette société, anciennement appelée la Société de Radiodiffusion de la France d’Outre-mer (SORAFOM), jusqu’en 1962. Le retrait de Radio Gabon de l’OCORA en 1974 a constitué la fin de la protection des œuvres musicales gabonaises. En 1983, l’Etat crée l’Agence nationale de promotion artistique et culturelle (ANPAC). Elle a pour but de favoriser le développement culturel par la création d’ateliers, d’unités de production et d’industries culturelles et de protéger les œuvres des artistes, écrivains et hommes de lettres 416 . En 1987, la loi n° 1/87 du 29 juillet 1987 institue les droits d’auteur et les droits voisins en République gabonaise. Ses dispositions sont également applicables aux droits voisins des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs des phonogrammes et des réalisateurs d’émissions de radiodiffusion et de télévision, dans les conditions suivantes :

 pour les artistes interprètes ou exécutants, lorsque : • l’artiste interprète ou exécutant est ressortissant gabonais, • l’interprétation ou l’exécution a lieu sur le territoire gabonais, • l’interprétation ou l’exécution est fixée dans un phonogramme protégé ;  pour les producteurs de phonogrammes, lorsque : • le producteur est ressortissant gabonais, • la première fixation des sons a été faite en République gabonaise, • le phonogramme a été publié pour la première fois en République gabonaise ;

 pour les réalisateurs de radiodiffusion et de télévision, lorsque :

415 Roch André Palenfo, Droits d’auteur et droits voisins dans les pays d’Afrique francophone , Québec, CFC, 1995, p. 27 416 La loi n° 19/82/PR du 24 janvier 1983, art. 4

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• le siège social de l’organisme de radiodiffusion ou de télévision est situé sur le territoire gabonais, • l’émission de radiodiffusion ou de télévision a été transmise à partir d’une station située sur le territoire gabonais.

Cette loi est complétée par des conventions internationales auxquelles le Gabon a adhéré. Sa promulgation permet théoriquement aux œuvres gabonaises d’être systématiquement protégées dès leur création. Les titulaires de ces œuvres peuvent donc exercer les droits que cette loi leur accorde et se prévaloir de ses effets. Elle confie la protection et l’exploitation des droits des auteurs à l’ANPAC qui, à ce titre, délivre les autorisations pour percevoir les redevances auprès des usagers des œuvres littéraires, artistiques ou scientifiques et pour répartir les droits entre les auteurs ou les ayants droit. L’ANPAC gère en outre sur le territoire de la République gabonaise les intérêts des diverses sociétés d’auteurs étrangères dans le cadre des conventions ou accords conclus avec elles (article 62).

Mais, cette loi était inapplicable faute de textes de loi déterminant sa mise en œuvre. C’est pourquoi en 2006, l’Etat gabonais, en application de l’article 91 de la loi susmentionnée a adopté deux décrets : le décret n° 000452/PR/MCAEP du 23 mai 2006 fixant le règlement relatif à la gestion du droit d’auteur et des droits voisins ; et le décret n° 000453/PR/MCAEP du 23 mai 2006 fixant la tarification des redevances relatives aux droits d’auteur et aux droits voisins. Le premier décret (000452/PR/MCAEP) préconise, en son article 65, la création d’un organisme de gestion collective (OGC) qui reçoit mandat des créateurs d’œuvres de l’esprit afin d’exercer en leurs noms et pour tout pays le droit d’agir comme leur représentant légal. Ainsi, il délivre les autorisations relatives à l’exécution publique, la représentation publique ou la reproduction par quelque moyen et procédé que ce soit des œuvres littéraires ou artistiques protégées, perçoit et repartit les redevances provenant de l’exploitation de ses droits. La répartition des droits d’auteur des œuvres musicales avec ou sans paroles, des œuvres dramatiques ou dramatico-musicales, des œuvres littéraires et figuratives est effectuée conformément : aux informations mentionnées sur le bulletin de déclaration des œuvres déposées par les déclarants, aux relevés de programmes de représentations ou exécutions

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publiques, fournis par les entrepreneurs de spectacles et aux demandes d’autorisation de reproduction mécanique présentées par les usagers producteurs de supports d’œuvres de création intellectuelle 417 .

L’OGC définit également, en fonction de l’utilisation réelle des diverses catégories de répertoires qu’il administre, les pourcentages de redevances provenant des accords conclus avec les organes et autres sociétés de radio et de télévision attribuables à chacun de ces répertoires. Ces redevances sont réparties aux ayants droit des œuvres radiodiffusées en fonction des titres mentionnés sur les relevés des programmes fournis par les organes et autres sociétés de radio et de télévision 418 . Il crée en son sein une caisse d’assistance aux créateurs d’œuvres de l’esprit 419 et une brigade de répression des fraudes 420 .

Mais, en l’absence des modalités concrètes d’application de ces décrets, les œuvres culturelles gabonaises continuent d’être exploitées et vendues illégalement sur le marché national et sous régional. Ce qui permet de dire qu’il n’y a pas de droits d’auteur au Gabon. Une réelle volonté politique serait nécessaire dans ce domaine. L’Etat gabonais devrait amender ou abroger la loi 1/87 pour lever le monopole consenti à l’ANPAC sur la gestion des droits d’auteur et donner ainsi au secteur privé la possibilité de créer une société de gestion collective des droits des auteurs gabonais. L’intérêt d’un organisme de gestion collective des droits des auteurs est de permettre aux artistes de vivre de leur art. Elle est l’interface entre l’œuvre de création et l’utilisation qui en est faite par les usagers. Son absence annihile tout esprit de création et conforte les pirates dans leur activité rétrograde et délétère, au grand dam des artistes et des professionnels de la culture qui n’ont d’autres choix que de composer avec eux. La piraterie est devenue aujourd’hui, surtout en Afrique, en raison de l’indifférence ou l’impuissance des Etats face à ce fléau et du développement du numérique, une pandémie meurtrière. Elle touche tous les secteurs de l’activité humaine, mais reste très marquée dans l’industrie du phonogramme et du cinéma. Son essor a évacué du continent les majors du cinéma et du disque qui ne restent présentes qu’en Afrique du Sud. Dans une enquête publiée en 2002, la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI) remarquait par

417 Décret 000452/PR/MCAEP du 23 mai 2006, art. 78 418 Art. 80 419 Art. 84 420 Art. 69

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exemple que le piratage représentait plus de 50 % du marché musical kényan et nigérian. Il serait de 80 % à 90 % en Afrique francophone. Souvenons-nous du scandale malien, lorsqu’en 2005, les 150 employés des sociétés Mali K7 et Seydoni se retrouvèrent au chômage, alors que sans le piratage, le chiffre d’affaires annuel de ces deux sociétés, cumulé, aurait dépassé deux milliards de FCFA. La principale raison de ces licenciements était la malveillance d’une usine de Conakry qui inondait Bamako de cassettes et CD piratés des artistes mandingues. 421

Considéré comme sans foi ni loi, le pirate s’enrichit en reproduisant et en commercialisant les œuvres de l’esprit sans payer à leurs auteurs ou à leurs ayants droit les droits patrimoniaux. Il peut être une personne physique ou morale. Avec le développement des supports audiovisuels (magnétoscopes, lecteurs CD, DVD, VCD, MP3, MP4), du numérique et l’arrivée de l’Internet, qui favorisent une consommation importante des produits culturels, par le biais notamment de la copie et du téléchargement, la notion de pirate pourrait s’élargir aux reproductions commises sans but commercial. En effet, selon Darell Panethiere :

« Les formulations les plus modernes reconnaissent que la condition essentielle, sine qua non, de la piraterie, est qu’un dommage notable soit causé aux intérêts des titulaires de droits dont la protection est le but des régimes de propriété intellectuelle, ces dommages étant d’ailleurs de plus en plus fréquemment imputables à des comportements dépourvus en grande partie ou totalement de motivations commerciales. Il est ainsi devenu courant de voir des actes de distribution non autorisée d’œuvres protégées sur l’Internet, comme cela se produit à grande échelle dans le contexte du partage des fichiers peer-to-peer, qualifié de piraterie même en l’absence de motivation économique de la violation des droits. Cette qualification est appropriée. Il y a infraction aux droits de propriété intellectuelle lorsque l’acte prohibé est commis, qu’il s’agisse de copie, de distribution ou de représentation publique non autorisée. »422

En France par exemple, plus de trois millions d’internautes engagés dans le téléchargement des musiques auraient causé la chute de 20 % des ventes du disque en 2004 423 . Dans le monde, il est estimé que près de deux à trois milliards de chansons protégées

421 Gérald Arnaud, « L’économie des musiques africaines : un terrible paradoxe », in Africultures , n° 69, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 35 422 Darrell Panethiere, « Persistance de la piraterie : conséquences pour la créativité, la culture et le développement durable », Paris, UNESCO, 2005, p. 11 423 Manda Tchebwa, op. cit ., p. 68

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par le droit d’auteur sont téléchargées illégalement chaque mois, soit l’équivalent de deux- cent millions de disques compacts volés ou de quatre-vingt-cinq millions de chansons par jour. 424 En Afrique, le téléchargement illicite des œuvres de l’esprit n’a pas encore atteint des proportions inquiétantes, du fait de la fracture numérique et de l’absence sur Internet des œuvres majeures des artistes du continent. Le piratage se fait alors à travers des supports physiques (photocopie, cassettes, CD, VCD, DVD, etc.) qui sont vendus en toute impunité dans les grands carrefours par les vendeurs ambulants. Au Gabon, selon les informations recueillies auprès de ces vendeurs à Libreville lors de nos enquêtes de terrain, leurs produits viendraient majoritairement des pays de l’Afrique de l’Ouest (Nigéria, Côte d’Ivoire, Ghana) et du Cameroun, surtout pour les œuvres étrangères. Les productions gabonaises et africaines sont façonnées sur place au moyen d’un matériel simple et varié. Une étude produite en 2004 par Frédéric Delacroix, Benoît Danard et Sophie Jardillier 425 répertorie un ensemble de procédés par lesquels les pirates se servent pour réaliser leurs forfaits (téléciné, télésynchro, DVD promotionnel, VHS promotionnel, etc.). Trois de ces procédés sont couramment utilisés au Gabon : le télésynchro, le camcording et le DVDrip.

Le télésynchro et le camcording sont des procédés de piratage qui se traduisent par l’enregistrement d’un film au moment de sa projection en salle, à l’aide d’un appareil numérique (caméra vidéo, GSM avec une fonction de caméra vidéo…). Cette technique est réalisée le plus souvent avec la complicité des exploitants des salles de cinéma. La source audio du télésynchro provient, soit des prises casques des sièges pour malentendants, soit du « master » numérique pris en salle de projection. Cet enregistrement est de qualité et se distingue du camcording, « qui consiste à réaliser un enregistrement depuis une salle de cinéma mais avec une prise de son direct avec la caméra »426 . Ces pirates appartiennent généralement à un réseau, appelé « release group », dont l’ ambition est de posséder le plus rapidement possible une version d’un nouveau film qui, par ailleurs, est reproduite et vendue illégalement dans les commerces et les marchés par terre. Au Gabon, il n’est pas rare en effet de trouver sur le marché des copies d’un film qui n’a été projeté pour la première fois que récemment au cinéma.

424 Darrell Panethiere, idem, p. 20 425 Frédéric Delacroix, Benoît Danard et Sophie Jardillier, L’offre « pirate » de films sur Internet , Paris, CNC, 2004, p. 12 426 Idem, p. 4

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Le DVDrip est une copie réalisée à partir d’un DVD du commerce. La qualité technique est souvent proche de celle du DVD d’origine. C’est souvent à l’aide d’un ordinateur muni d’un graveur CD ou DVD ou d’un lecteur DVD enregistreur que la copie est effectuée. Après avoir engrangé le film sur le disque dur de l’appareil, il est ensuite transféré sur des supports DVD ou CD achetés à 500 FCFA, voire 250 FCFA l’unité (selon les commerces). En fonction des performances techniques de l’appareil, les pirates réalisent 20 à 30 copies de films par jour. Pour rendre les copies « identiques » aux films originaux, ils scannent et impriment les pochettes initiales. C’est ainsi que certains films à gros budget (blockbusters) hollywoodiens (Spiderman 3, Shrek 3, Batman…) se retrouvent dans les échoppes des vendeurs ambulants avant même qu’ils ne soient programmés en salle. La piraterie est véritablement une activité rentable au Gabon. Malgré l’absence de chiffres officiels, du fait du caractère souterrain de cette activité, mais au regard du nombre de CD et VCD vendus dans les carrefours, il est fort à parier qu’elle rapporte dix fois plus que l’activité licite. Cependant, lorsque les pirates sont interrogés sur les pertes qu’ils causent aux industries de la musique et du cinéma, ils répondent que « c’est grâce à eux que l’offre musicale et cinématographique est sans cesse renouvelée. Dans un pays où les salles de cinéma sont fermées, les pirates donnent vie au film. Ils assurent sa promotion, surtout dans les villes où la télévision n’est pas accessible »427 .

Certes, les pirates peuvent se targuer de leurs ersatz, mais, il va sans dire que le préjudice causé aux professionnels de la culture par leur activité est considérable. Ils sont sans cœur ni âme, disent les auteurs, les interprètes ou les exécutants, les artistes, les compositeurs, les producteurs, etc. Denis de Freitas décrit le phénomène en ces termes : « pour certains, le mot « piraterie » peut avoir une connotation légèrement romanesque, évoquant l’image de filibustiers bravaches des Caraibes. Mais les pirates de la propriété intellectuelle n’ont rien de romanesque ni de bravache : ce sont des criminels organisés, qui opèrent généralement sur une grande échelle, qui se livrent au pillage du produit du talent, du savoir-faire et des investissements d’autrui. »428 Ses effets néfastes touchent aussi bien les professionnels de la culture que les gouvernements. Ils sont ainsi résumés par Denis de Freitas :

427 Enquête 2, décembre 2008. 428 Denis de Freitas, « La piraterie en matière de propriété intellectuelle et les mesures à prendre pour la réprimer », Comité intergouvernemental du droit d’auteur, 10 e session du Comité de la Convention universelle révisée en 1971, Paris 27-30 juin 1995, p. 3.

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« Le pirate ne verse rien à l’éditeur initial ni au producteur de phonogrammes ou d’œuvres cinématographiques au titre des frais de production, de mise au point ou de diffusion. Il s’ensuit que, dans le cas d’une production locale, les moyens économiques de l’éditeur ou du producteur local sont entamés et sa capacité de soutien de la créativité locale réduite ». Il ajoute : « non seulement la piraterie cause un préjudice financier à tous ceux qui créent, produisent et diffusent des produits licites, mais encore elle se traduit pour les gouvernements par un manque à gagner considérable de recettes fiscales directes et indirectes. […] Aussi, la production et la diffusion dans un pays de livres, de disques, de films et d’enregistrements vidéo pirates on pour principal effet de paralyser et le développement de la créativité culturelle dans ce pays et l’essor des industries qui diffusent ces œuvres dans le public – maisons d’éditions et imprimeries ; maisons de production de disques, de films et de vidéo, etc. Or, en l’absence de ces deux éléments essentiels – la créativité culturelle et la diffusion des œuvres – dans la vie d’un pays en développement la préservation et le renforcement de son identité nationale et son progrès économique général sont indubitablement retardés. »429

Pour lutter contre ce fléau, le Code pénal gabonais et l’Accord de Bangui auquel le Gabon est signataire, prévoient des sanctions contre toute action illicite de reproduction, d’édition, de représentation ou de diffusion d’une œuvre protégée sur le territoire national. Les peines encourues vont de l’amende (24 000 FCFA à 600 000 FCFA pour le Code pénal, contre 1 000 000 FCFA à 3 000 000 FCFA pour l’Accord de Bangui) à l’emprisonnement (de 3 mois à 2 ans). L’article 325 du Code pénal et l’article 67 de l’annexe I de l’Accord de Bangui révisé prévoient également la saisie des objets contrefaisants, qui peuvent faire l’objet d’une confiscation ou d’une destruction et la fermeture de l’établissement du contrefacteur.

Mais, malgré cet arsenal juridique, la piraterie continue de sévir au Gabon, détruisant plusieurs emplois. S’il n’est pas évident d’éradiquer cette « pandémie », il est possible cependant de la contenir. Plusieurs solutions sont possibles. Celles qui nous paraissent les plus immédiates sont la création d’un bureau gabonais des droits d’auteur et la protection du support audio et vidéo par un hologramme infalsifiable. La deuxième solution, appliquée en Afrique de l’Ouest sous le nom de «programme banderole », commence déjà à faire ses preuves dans certains pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal 430 .

429 Denis de Freitas, idem, p. 4-5 430 Gérald Arnaud, op. cit , p. 71

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SECTION 4 : LA FRANCOPHONIE ET LES INDUSTRIES

CULTURELLES AU GABON

Les relations qui unissent le Gabon à la Francophonie sont vieilles de plusieurs décennies. Le Gabon a été parmi les premiers pays à ratifier la convention instituant, en 1970, l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT). Il assurera d’ailleurs sa gestion pendant huit ans, en occupant le secrétariat général, de 1982 à 1989 431 . Mais, avant même la création de l’ACCT, l’enthousiasme gabonais pour la Francophonie était déjà manifeste. Membre de la Conférence des ministres de l’éducation nationale (CONFEMEN) dès 1960 et de la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports en 1969, sa contribution à l’institutionnalisation de la Francophonie a été remarquable. En visite d’informations dans les pays d’Afrique francophone, en sa qualité de Secrétaire exécutif provisoire nommé à l’issue de la première conférence de Niamey (1969) pour mettre sur pied une Agence de coopération culturelle et technique, Jean-Marc Léger fait remarquer :

« […] Si certains chefs d’Etat m’accordèrent essentiellement des audiences de courtoisie en laissant leurs ministres des Affaires étrangères, de l’Education et de la culture le soin de traiter le dossier au fond, il s’en est trouvé plusieurs pour faire de l’audience, parfois assez longue, une véritable séance de travail, au cours de laquelle ils me faisaient part très franchement de ce qu’ils attendaient de la future organisation, de leur conception de la « francophonie » naissante, de leurs priorités, de leurs inquiétudes et de leurs espoirs. Quelques-uns d’entre eux sont toujours d’ailleurs à la tête de leur pays : Houphouët-Boigny, en Côte d’Ivoire, Bongo au Gabon, Mobutu au Zaïre. (…) J’évoque là les chefs d’Etat dont la rencontre m’a plus particulièrement marqué, soit par l’importance qu’ils accordaient évidemment à l’entreprise, soit par la profondeur de leur réflexion et la qualité de leurs propositions. »432

Le Gabon est présent à toutes les Conférences ministérielles et à tous les Sommets organisés par l’OIF. Il est aussi membre des instances de cette organisation. Il participe aussi par ses institutions spécialisées aux travaux des opérateurs directs : Agence universitaire de la Francophonie (AUF), Association internationale des maires francophone (AIMF), etc.

431 En 1982, le Gabonais François Owono Nguéma succède au Nigérien Dandiko Dankouloudo à la tête du secrétariat général de l’ACCT, de 1982 à 1985. Il sera remplacé à ce poste par un autre Gabonais, Paul Okoumba d’Okwatsegué, de 1986 à 1989. 432 Jean-Marc Léger, La Francophonie : grand dessein, grande ambigüité , Québec, Ed. Hurtubise HMH, 1987, p.113.

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Le Gabon a organisé plusieurs sessions de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF), dont la plus récente fut la 33 ème session ordinaire tenue en juillet 2007 à Libreville. Certains parlementaires gabonais ont assuré la présidence de cette organisation (Ogouliguende en 1991, Rahandi Chambrier en 1993 et Nzouba-Ndama, de 2007 à 2009).

Le Gabon abrite par ailleurs le siège du Bureau régional pour l’Afrique Centrale et l’Océan indien (BRAC), une représentation sous-régionale de l’OIF. Il bénéficie en outre de deux Campus numériques francophones (CNF) à Libreville (à l’Université Omar Bongo et à l’Université des sciences et de la santé) 433 . Ses cotisations sont régulièrement versées, au titre des contributions de chaque Etat membre. Le tableau ci-dessous présente quelques apports du Gabon à la Francophonie en 2005.

433 Les CNF sont des implantations de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) dont le but est de promouvoir les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

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Tableau 19 : Contributions financières du Gabon à la Francophonie en 2005

Organisme Montant en FCFA OIF 50 000 000 FCFA Fonds francophone des inforoutes (FFI) 50 000 000 FCFA CIRTEF/TV5 20 000 000 FCFA APF (Senat) 5 180 000 FCFA APF (Assemblée Nationale) 5 180 000 FCFA CONFEJES (cotisations internationales) 2 600 000 FCFA CONFEJES (fonds commun) 5 000 000 FCFA TOTAL 137 960 000 FCFA (211 000 €) Source : Annexe explicative de la loi de finances de l’année 2005

Sur le plan politique et diplomatique, le Gabon dispose d’un Ministère en charge de la Francophonie : le Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et de la Francophonie (MAECF). Ce ministère est responsable de la politique étrangère et de la gestion des affaires extérieures du Gabon. Il a en charge toutes les questions relatives à la préparation et à la mise en œuvre de la politique gouvernementale qui vise à promouvoir et à assurer la coordination de toutes les actions relevant de l’OIF au niveau national et international ; notamment : les contributions gabonaises aux mécanismes de fonctionnement de la Francophonie et de toutes autres actions contribuant au développement de cette organisation. Il concourt aussi à la préparation des Sommets des Chefs d’Etat et de gouvernement, aux Conférences Ministérielles et aux réunions du Conseil Permanent de la Francophonie (CPF). Sur le plan structurel et fonctionnel, le MAECF dispose d’une direction générale de la Francophonie, rattachée directement au Cabinet du Ministre, qui est chargée du Secrétariat du conseil exécutif du Comité national de la Francophonie, structure interministérielle qui s’occupe des questions relatives au fonctionnement de la Francophonie au Gabon. Elle assure aussi les fonctions du secrétariat général de la Commission Nationale de la Francophonie. Elle est enfin le correspondant national de l’OIF, c’est-à-dire le principal interlocuteur de l’OIF au Gabon. A ce titre, le directeur général de la Francophonie au Gabon a en charge le suivi de

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l’exécution de la programmation de l’OIF, en collaboration avec les départements ministériels concernés par la Francophonie, les ONG, et/ou les collectivités locales 434 .

Paragraphe 1 : Origine et évolution de la Francophonie

La Francophonie tire son origine de la langue française. Inventé par le géographe français Onésime Reclus en 1880 pour désigner l’ensemble des populations parlant français, le terme « francophonie » s’est émancipé pour requérir plusieurs sens. Le concept a progressivement introduit d’autres significations, affirme Michel Guillou :

« On dénomme aujourd’hui, « Francophonie » le rassemblement géopolitique, constitué par les pays qui participent tous les deux ans aux Sommets des Etats et gouvernements ayant en partage le français et adhèrent à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Le terme « francophone » a tout à la fois, un sens institutionnel—il caractérise alors l’ensemble des institutions ou organisations publiques ou privées relevant de l’OIF—et un sens spirituel qui traduit le sentiment d’appartenir à une même communauté née du partage à des degrés divers d’une même langue et des mêmes valeurs. (…) Le sens du mot « francophonie » s’est élargi. Il désigne aussi « l’espace » non exclusivement géographique ni même linguistique mais aussi culturel qui réunit tous ceux qui éprouvent et expriment une certaine appartenance à la langue française et à la communauté de pensée francophone. »435

Le volet politique a été donné au terme « francophonie » par « les pères fondateurs » de la Francophonie institutionnelle, notamment les présidents Léopold Sédar Senghor du Sénégal (1960-1980), Hamani Diori du Niger (1960-1974), Habib Bourguiba de Tunisie (1957-1987) et le roi Norodom Sihanouk du Cambodge (1960-1970 et 1993-2004). Si la Francophonie est, selon Senghor, « cet Humanisme intégral, qui se tisse autour de la terre ; cette symbiose des énergies dormantes de tous les continents, de toutes les races, qui se réveillent à leur chaleur complémentaire »436 . Elle est aussi « la communauté spirituelle des nations qui emploient le français, soit comme langue nationale, soit comme langue officielle,

434 Décret n° 000652 /PR/MAECF du 21 mai 2003 fixant attributions et organisation du Ministère des Affaires étrangères, de la coopération et de la Francophonie. 435 Michel Guillou, Francophonie-Puissance. L’équilibre multipolaire , Paris, Ellipses, 2005, p.16-17 436 Léopold Sédar Senghor, « Le français, langue de culture », in Esprit , novembre 1962, n° 11, « Le français, langue vivante », p. 844. Cité par Michel Guillou, op cit , p. 13

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soit comme langue d’usage »437 . Cette « communauté spirituelle des nations » est donc une sorte de « Commonwealth à la française », créée à l’initiative des pays africains et fondée, par delà les affinités culturelles, sur l’amitié et le respect mutuels 438 .

Toutefois, outre l’intérêt affiché par les « pères fondateurs », le projet francophone a été particulièrement porté par les nombreuses ONG et associations les plus diverses qui sont nées et proliférées depuis la dernière guerre mondiale 439 . C’est le cas de l’Association internationale des journalistes de langue française (AIJLF) créée en 1952, la Fondation de l’union culturelle française (1954), l’Association internationale pour la culture française à l’Etranger (1960), l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF) en 1961, devenue l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) en 1998 ; le Conseil international de la langue française (CILF) en 1967 et la même année, l’Association internationale des parlementaires de langue française (AIPLF). Le préambule des statuts de l’AUPELF, adoptés en 1961 lors de la première rencontre des recteurs des universités de langue française, se faisait déjà l’écho d’une entente francophone:

« Persuadées que l’usage d’une même langue et la participation à la culture dont elle ouvre l’accès invitent les universités ou le français est utilisé (…) comme langue d’enseignement, et ou la culture française est largement représentée, à entretenir et à resserrer les liens qui les rapprochent afin de se mieux connaître, de s’entraider, de mettre en commun leurs ressources et de se communiquer leur expérience, ayant pleine conscience que le progrès des connaissances, les moyens toujours plus grands qu’exigent l’enseignement et la recherche, l’étendue croissante de leur mission, ne leur permettent plus de s’ignorer ni de s’isoler, et leur commandent d’unir leurs efforts dans une solidarité amicale et confiante et de collaborer, non pas seulement dans leur intérêt propre, mais pour préserver et pour enrichir le patrimoine de l’humanité (…) »440 .

Mais, c’est vers 1969 lorsqu’Hamani Diori, Président du Niger et Président en exercice de l’Organisation commune Africaine et malgache (OCAM), soutenu par le président Senghor, convoqua à Niamey (Niger) une Conférence ministérielle sur la création d’une

437 Léopold Sédar Senghor, « La Francophonie comme contribution à la civilisation de l’universelle », Liberté 3 . Négritude et civilisation de l’universel, Paris, Le Seuil, 1977, p. 185. 438 Léopold Sédar Senghor, « La Francophonie et le français », Liberté 5 . Le dialogue des cultures, Paris, Le Seuil, 1993, p. 137. 439 Serge Arnaud, Michel Guillou, Albert Salon, Les défis de la Francophonie. Pour une mondialisation humaniste, Paris, Alpharès, 2002, p. 149 440 Jean-Marc Léger, op cit , p. 87.

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Agence de coopération culturelle et technique, que l’idée d’une Francophonie institutionnelle, pensée par Senghor, se mit en place au niveau interétatique. Certes, la Conférence des ministres de l’éducation existait déjà depuis 1961, mais en raison de l’étendue des objectifs dévolus à l’Agence en création, la Francophonie entamait une nouvelle étape dans sa construction. La résolution finale issue de cette Conférence recommanda aux gouvernements représentés à Niamey la création d’une organisation (Agence ou Office de coopération culturelle et technique) et nomma Jean-Marc Leger, alors secrétaire générale de l’AUPELF, au poste de secrétaire exécutif provisoire en vue de préparer un projet de statut provisoire de l’Agence (ou Office) et de fixer ses conditions de fonctionnement 441 .

C’est finalement le 20 mars 1970, pendant la deuxième Conférence de Niamey, que l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) fut créée. Mais, c’est précisément en 1986 lors du premier Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant en commun l’usage du français, tenu à Versailles (France), que la Francophonie politique est née. Il suivra ensuite une série de Sommets des Chefs d’Etat et de gouvernement (1987 à Québec, 1989 à Dakar, 1991 à Chaillot, 1993 à Grand-Baie) jusqu’au Sommet de Cotonou en 1995. Au cours de ce VII e Sommet, les Chefs d’Etat et de gouvernement adoptent une résolution relative aux institutions de la Francophonie, avec le projet de créer un poste de secrétaire général de la Francophonie. Cette résolution sonne le début d’une réforme qui allait prendre naissance au Sommet d’Hanoi en 1997 avec l’adoption de la Charte de la Francophonie (par amendement de la Charte de l’Agence) et l’élection de Boutros Boutros-Ghali comme premier Secrétaire général de la Francophonie. L’adoption de cette Charte donne enfin à la Francophonie une base juridique. Mais, elle ne crée pas encore l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), (quoi que déjà largement usitée par Boutros Boutros-Ghali sans autre fondement que sa propre volonté) ; qui n’intervient que quelques années plus tard lorsque la XXI ème Conférence ministérielle de la Francophonie adopte à Antanarivo (Madagascar), le 23 novembre 2005, la nouvelle Charte de la Francophonie. Cette deuxième Charte se différencie de celle d’Hanoi par la création officielle de l’OIF et l’institution au sein de la Francophonie des Conférences ministérielles permanentes : la Conférence des ministres de l’Education des pays ayant le français en partage (CONFEMEN) et la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports des pays ayant le français en partage (CONFEJES) 442 .

441 Jean-Marc Léger, op cit , p. 87 , p. 211 442 Charte d’Antananarivo, novembre 2005, art. 2.3 et 2.6

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En consacrant l’appellation d’Organisation internationale de la Francophonie, la nouvelle Charte donne à la Francophonie politique toute sa dimension internationale dans le concert des organisations intergouvernementales. Elle dessine également la structure de la Francophonie institutionnelle qui comprend :

- Les instances (la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement, appelée le Sommet ; la Conférence ministérielle ; le Conseil permanent de la Francophonie) ; - Le Secrétaire général ; - L’OIF - L’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) qui est une assemblée consultative de la Francophonie ; - Les opérateurs directs et reconnus du Sommet (AUF, TV5, Université Senghor d’Alexandrie, AIMF) ; - Les Conférences ministérielles permanentes (CONFEMEN et CONFEJES).

Forte de ses 70 membres aujourd’hui, la Francophonie est devenue une union géoculturelle organisée, avec des objectifs définis autour de la solidarité, du dialogue et de la diversité. Elle est une alternative à l’uniformisation du monde, conséquence de la mondialisation économique, comme le précise , Secrétaire général de la Francophonie :

« Ce qui est en cause, ce n’est pas bien sûr le processus de mondialisation en tant que tel mais ces formes abusives de libéralisation, financière et marchande. Ses dangers sont connus : uniformisation des cultures et des langues, des modes de pensée, au détriment de la diversité. Au détriment aussi des pays les plus défavorisés. Ceux d’Afrique en particulier, qui se retrouvent au bord de la route. […] Nombreux sont ceux, dont les identités et les convictions sont remises en cause, qui réclament une « autre mondialisation » plus solidaire et plus respectueuse de l’Homme. […] Désamorcer les violences, c’est pour beaucoup savoir répondre à ce besoin de diversité, de solidarité, de dialogue qui apparaît aujourd’hui en pleine lumière. C’est à ce niveau que la Francophonie doit aller à la rencontre de la mondialisation. »443

443 Abdou Diouf, « Discours d’ouverture des Troisièmes Entretiens de la Francophonie », Université Jean- Moulin, 2004, in Michel Guillou (sous la direction), Les Entretiens de la Francophonie 2004-2005. Les conditions du renouveau francophone , Paris, Alpharès, 2006, p. 15 (préface).

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Partant de cette volonté de bâtir une autre mondialisation qui tienne compte de la valeur humaine, la Francophonie a entrepris de faire de la diversité culturelle une valeur essentielle du développement des nations. Dans son Cadre stratégique décennal adopté par les Etats membres lors de la X ème Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement, qui s’est déroulée à Ouagadougou (Burkina Faso) du 26 au 27 novembre 2004, elle s’est proposée, pour la période 2005-2014, de continuer à figurer à l’avant-garde de ceux qui réaffirment le droit des Etats et gouvernements à définir et développer librement leur politique culturelle et les instruments de soutien qui y concourent. La Francophonie devient ainsi un rempart pour les entreprises culturelles africaines en quête de vitalité.

Paragraphe 2 : La Francophonie comme acteur des industries culturelles gabonaises

Les actions de la Francophonie en faveur des industries culturelles africaines remontent à sa création en 1970. de l’Agence de coopération culturelle et technique en 1970 (ACCT : Convention de Niamey), devenue l’Agence intergouvernementale de la francophonie en 1998 (AIF : Conférence ministérielle de Bucarest) puis Organisation internationale de la francophonie en 2005 (Conférence ministérielle d’Antananarivo). L’OIF est aujourd’hui une organisation qui prône la diversité culturelle autour des valeurs universelles de solidarité et de dialogue entre les peuples. Elle a aidé plusieurs de ses membres à définir des politiques culturelles, sans lesquelles aucune entreprise culturelle ne peut véritablement se construire. Sa contribution est palpable dans les secteurs de l’édition et de l’audiovisuel.

En 1970 déjà, l’OIF (ACCT à l’époque), grâce à son programme dit de « mallettes pédagogiques » avait permis à plusieurs écoles défavorisées des régions rurales de se doter des livres et du matériel scolaire de base. De 1970 à 1981, environ 3 300 mallettes furent distribuées 444 . De même, le lancement en 1986 d’une collection d’ouvrage au format de poche « Francopoche » destinés aux étudiants et aux élèves des pays du Sud, et vendus au prix uniforme de 10 FF (500 FCFA, environ 76 centimes d’euros) a permis d’enregistrer sur le marché du livre, un peu plus de 20 titres, entre 1987 et 1988 445 . D’autres aides, organisées

444 Luc Pinhas, op., cit. p. 190 445 Paul Okoumba d’Okwatsegue, « Pour une réciprocité entre le Sud et le Nord », in Association francophone d’amitié et de liaison (AFAL), « Pour un espace éditorial et audiovisuel francophone : coédition – coproduction

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sous forme principalement de Fonds (Fonds de soutien à l’édition générale, Fonds de soutien au manuel scolaire, l’aide à l’édition de jeunesse) furent aussi mises en place. Si certains de ces programmes ont cessé d’exister, pour la plupart à partir de 2004 ( par exemple l’aide à l’édition de jeunesse), d’autres, comme les Centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC), le Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud, le Centre africain de formation à l’édition et à la diffusion du livre (CAFED), le Fonds de garantie des industries culturelles (FGIC) et les différents prix littéraires (Kadima, Alioune Diop, prix du jeune écrivain francophone, prix des cinq continents) constituent aujourd’hui un ensemble d’instruments qui donnent à la Francophonie une dimension concrète auprès des populations et des opérateurs culturels de l’espace francophone.

Dans sa programmation 2006-2009 adoptée par la Conférence ministérielle de la Francophonie à Antananarivo (Madagascar) en novembre 2005 et approuvée par le Conseil permanent de la Francophonie en décembre 2006, l’OIF a accordé une place de choix aux industries culturelles des pays du Sud. Il s’agit de soutenir les arts et la culture par la promotion et la diffusion du livre, par l’appui aux arts de la scène, aux marchés du spectacle et aux arts vivants et visuels. L’OIF s’est également proposé de soutenir le cinéma et les médias à travers l’appui à la presse écrite francophone, aux radios locales, au cinéma et à la télévision.

A- Contributions dans le domaine de l’édition

Malgré les différents programmes mis en place par l’OIF pour soutenir l’édition francophone, et au-delà des anciens programmes menés par l’ACCT et dont le Gabon a été l’un des bénéficiaires (programme des mallettes pédagogiques), seules deux des aides en cours profitent directement aux professionnels gabonais. Il s’agit du Fonds d’appui à la presse francophone du Sud et les formations organisées par le Centre africain de formation à l’édition et à la diffusion (CAFED) et par la Direction du développement durable et de la solidarité (DDS) de l’OIF.

– coopération. Propositions pour le Sommet de Dakar ». Actes du colloque organisé les 7 et 8 décembre 1988 à l’UNESCO, Paris, ACCT, 1988.

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1 : Le Fonds d’appui à la presse francophone du Sud

Mis en place par l’OIF en 1998, le Fonds apporte un appui financier aux entreprises de presse basées dans un pays du Sud, membre de la Francophonie. Il soutient les entreprises sur le plan de la formation, ou sur tout autre plan répondant à des besoins particuliers exprimées par les entreprises. Mais, sa contribution est en grande partie orientée vers les projets qui tendent à l’amélioration des performances de l’entreprise, notamment son organisation, sa gestion et sa technique rédactionnelle.

L’accès au Fonds est soumis à un ensemble des conditions auxquelles le demandeur doit satisfaire. Une entreprise sollicitant le concours du Fonds pour la réalisation d’un projet doit avoir une personnalité juridique ; se fonder sur la qualification avérée de ses professionnels et de la qualité de son matériel d’édition ; garantir un financement à hauteur de 20 à 50 % du coût global du projet (cette participation doit être précisée en apport en numéraire et justifiée) ; être en activité depuis au moins un an ; prouver la cohérence de sa demande par rapport à sa stratégie globale de développement.

Le montant du Fonds est fixé en fonction des ressources disponibles, du réalisme du budget proposé par l’entreprise et de l’importance du projet. Toutefois, le montant de la contribution reste faible. Elle ne peut dépasser 30 000 euros par session et par projet. 446

De sa date de création à aujourd’hui, près de 100 entreprises de presse, situées dans 25 pays d’Afrique, des Caraïbes et d’Europe de l’Est ont reçu une contribution du Fonds, pour un montant global d’environ deux millions d’euros. En 1999, le journal gabonais, Esprit d’Afrique , a été financièrement soutenu par le Fonds et a bénéficié d’un séminaire de formation organisé en octobre 2008 à Bordeaux au bénéfice des journaux d’Afrique Centrale, d’Afrique de l’Ouest, du Maghreb et de l’Océan indien.

446 Pour plus de précisions sur les conditions d’accès au Fonds, consulter le site internet de l’OIF, www.francophonie.org

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2 : Les programmes de formation

Les programmes de formation dans le domaine de l’édition, qui ont directement profité aux professionnels gabonais du livre, sont au nombre de deux. Il s’agit des formations organisées par le Centre africain de formation à l’édition et à la diffusion du livre (CAFED) et de celle initiée par la Direction du développement durable et de la solidarité (DDS).

Le CAFED est un programme de l’OIF. C’est un centre créé sur décision de la deuxième Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant en commun l’usage du français, tenue au Québec en septembre 1987 ; et confirmé par le Sommet de Dakar (mai 1989). Le CAFED a son siège à Tunis, conformément au protocole d’accord signé entre l’AIF et l’Etat tunisien en mai 1990. Il est géré financièrement par l’Agence tunisienne de coopération technique (ATCT), qui est le correspondant national de la Francophonie. Selon une étude de Jean Pierre Leguéré 447 , trois grandes misions sont assignées à ce programme décentralisé de la Francophonie : une mission de formation, une mission d’information et de rayonnement et enfin, une mission de coopération. La mission de formation se décline sous plusieurs aspects : identifier les besoins en formation, concevoir, imprimer et diffuser les programmes de formation, organiser des stages et séminaires de formation et de perfectionnement, en formation présentielle, décentralisée ou à distance, en rapport avec les structures intéressées ; offrir une assistance en expertise aux entreprises d’édition en fonction de leurs besoins ; organiser des stages en entreprise ; produire tout outil ou support pédagogique au bénéfice de ses objectifs et mener toute étude relative à son objet. La mission d’information et de rayonnement quant à elle, consiste à diffuser et rendre accessibles les différentes documentations aux organismes et personnes intéressées, par le truchement, entre autres, des nouvelles technologies. La dernière mission, la mission de coopération, repose sur le renforcement de la coopération entre les différents organismes partenaires, la mise en commun de leurs ressources humaines et financières et le partage de l’expertise et du partenariat international, en particulier Nord-Sud et Sud-Sud.

Les formations du CAFED sont en priorité destinées aux professionnels africains des pays francophones, exerçant dans les métiers du livre (édition scolaire et générale). Les

447 Jean Pierre Leguéré, Approvisionnement en livres scolaires : vers plus de transparence. Afrique francophone, Paris, IIEP/UNESCO, 2003. Consultable sur www.Unesco.org/iiep.

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formateurs sont composés des professionnels du Sud et du Nord, l’objectif étant de proposer une offre pédagogique basée sur des expériences et des méthodes diversifiées.

Depuis sa création, le Centre a formé plus d’une dizaine de Gabonais issus de la presse écrite (le journal La Clé ), de l’édition générale (Editions Raponda Walker) et de l’édition scolaire (Institut pédagogique national) 448 . Le CAFED a organisé, du 14 au 18 avril 2003 à Yaoundé, une session de formation décentralisée à laquelle ont pris part 21 responsables des maisons d’édition originaires du Cameroun, de la République centrafricaine, du Congo, de la République démocratique du Congo, du Tchad et du Gabon. La formation portait sur les aspects juridiques et légaux de l’édition 449 .

Par ailleurs, les formations de l’OIF, destinées à renforcer les capacités des entrepreneurs culturels africains de la filière édition, sont aussi organisées par la DDS.

Résultat de la fusion de la Direction de la coopération économique (DCE) et du pôle « Développement » de la Direction du Développement social et de la Solidarité (ancienne DDSS), décidée en 2005 par la Conférence ministérielle d’Antananarivo, la DDS assure la mission d’un développement durable et solidaire au sein de l’espace francophone, en mettant en œuvre des projets de coopération dans divers domaines, parmi lesquels, les industries culturelles.

L’objectif visé par cette Direction à travers les projets liés aux industries culturelles, est de dynamiser ces industries afin d’accroître leur contribution dans le développement économique des pays francophones, surtout ceux du Sud. De ce fait, plusieurs séminaires de formation ont été faits à l’endroit des entrepreneurs culturels provenant de l’Afrique du Nord, de l’Ouest, du Centre et de l’Océan Indien. Le dernier séminaire a été organisé dans la filière de l’édition. Le Gabon en a été l’un des bénéficiaires. Il s’est tenu à Kigali (Rwanda), du 8 au 13 juin 2009.

Préparé conjointement par la DDS, la Direction de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique et la Direction de l’éducation et de la formation, ce séminaire a

448 Ces informations sont tirées de www.capjc.nat.tn, site internet du Centre africain de perfectionnement des journalistes et communicateurs (CAPJC), établissement abritant le CAFED. 449 OIF, « Rapport du Secrétaire général de la Francophonie. De Beyrouth à Ouagadougou, 2002-2004 », p. 127

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concerné exclusivement les ressortissants des Etats membres de l’OIF de la zone Afrique Centrale. Son objectif était de soutenir l’accès aux financements marchands des entrepreneurs culturels, la structuration des opérateurs publics et privés et le renforcement des capacités des promoteurs culturels. Plus clairement, il visait à :

 renforcer les compétences des entrepreneurs culturels de la filière édition par la formulation et la formalisation de projets et gestions d’entreprises culturelles ;  améliorer leurs capacités d’analyse, de formulation et de présentation des dossiers de demande de financement auprès des financiers et des partenaires techniques ;  améliorer leurs capacités de négociation avec des interlocuteurs financiers ;  faciliter l’établissement de contacts et la constitution d’un réseau d’agents économiques opérant dans la filière édition afin de renforcer les échanges et le partenariat entre entrepreneurs des pays d’Afrique Centrale 450 .

Le Gabon était représenté à ce séminaire par le Ministère de la Culture et par un entrepreneur indépendant.

CONCLUSION PARTIELLE

Le soutien apporté par l’OIF à l’édition gabonaise lui a permis, en dépit des difficultés encore présentes dans ce secteur, de bénéficier d’un ensemble de formations pour le renouvellement des capacités opérationnelles de toute la filière. Elle a permis en outre à des organes de presse, grâce au Fonds d’appui à la presse francophone du Sud, de disposer de capitaux nécessaires pour améliorer les performances économiques de leurs structures. Mais, les aides francophones ne se limitent pas qu’au seul secteur de l’édition. Elles touchent aussi l’audiovisuel.

450 DDS, « document de travail », 2009.

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B- Les aides de la Francophonie à l’audiovisuel gabonais

S’il est un secteur où la Francophonie s’illustre grandement, c’est bien le secteur gabonais de l’audiovisuel. C’est aussi dans ce secteur que les aides francophones aux industries culturelles africaines sont les plus nombreuses, notamment grâce au Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud, à l’appui aux marchés et aux festivals, et au dispositif Africa Cinémas pour la distribution et l’exploitation des films africains en Afrique.

1 : Le Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud

Créé en 1998 et géré conjointement par l’OIF et le Conseil International des Radios et Télévisions d’expression Française (CIRTEF), le Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud est un dispositif de financement multilatéral francophone destiné à promouvoir la création audiovisuelle dans les pays du Sud, membres de la Francophonie. Le but visé est de soutenir le développement d’un secteur privé fragile, d’accroître ses capacités de production et ainsi de faciliter l’accès des images produites aux circuits de distribution nationaux, régionaux et internationaux. Basé sur un mécanisme d'appels à propositions triannuel lancé par l’OIF, il est géré administrativement par la Direction du cinéma et des médias. Avec un budget d’environ 5 millions d’euros affectés à l’aide à la production, à l’aide au développement, à l’aide à la finition ainsi qu’à l’aide à la distribution, il est ouvert à tous les types d’œuvres audiovisuelles de création destinées à l’exploitation cinématographique ou à la diffusion télévisuelle : fictions, documentaires, animations de toute durée (pellicule ou support vidéo, y compris vidéo numérique), œuvres unitaires ou programmes en série ou encore collection 451 . Ce Fonds comprend deux volets: la télévision et le cinéma.

Le volet télévision intervient pour toutes les émissions dites « de création », c’est-à- dire faisant appel à un travail de scénarisation préalable. Il s’agit par exemple de la fiction (téléfilm, feuilleton, animation), du documentaire (unitaire ou en série) et d’autres programmes comme les magazines culturels, scientifiques ou économiques dont au minimum 80 % du contenu est composé de documentaire. Toutefois, certains programmes, notamment les émissions de plateaux, les journaux télévisés, les reportages d’information, les émissions à

451 OIF, Pour la diversité des cinémas, Paris, 2004, p. 8.

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caractère publicitaire ou promotionnel, les jeux… sont exclus de l’aide attribuée par le fonds 452 .

Pour bénéficier du fonds, l’œuvre présentée doit être réalisée par un ou plusieurs ressortissants d’un pays francophone du Sud et doit assurer une garantie de diffusion par au moins une télévision d’un pays francophone du Sud. Ces deux conditions sont obligatoires pour toute production.

Aussi, les contenus, les thèmes, les scénarii, les producteurs, réalisateurs et comédiens, ainsi que l’équipe technique des œuvres présentées doivent être en majorité des Francophones du Sud. L’œuvre présentée doit également garantir une faisabilité financière réelle, assortie d’un plan de financement incontestable. Aucun projet ne sera reçu si les apports financiers recueillis totalisent moins de 40 % du budget 453 .

La production bénéficiaire du Fonds doit être l’œuvre, soit d’une société de production juridiquement constituée, disposant d’un capital et agissant comme producteur délégué, garant de la bonne fin de la production pour le compte d’un télédiffuseur du Sud auquel elle est liée par un accord de commande, de coproduction ou d’achat ; soit d’une télévision publique ou privée juridiquement constituée, diffusant légalement par voie hertzienne sur le territoire d’un pays francophone du Sud, disposant de moyens autonomes et de personnels qualifiés de production. Le tableau 20 présente les montants maximums des subventions aux produits télévisuels en 2003.

452 AIF/CIRTEF, « Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud, volet télévision », 2003, p. 3 453 www.cirtef.org

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Tableau 20 : Montants maximums (en euros) des subventions en 2006

Les types de subventions Productions en série Production unitaire Fiction et Documentaire Fiction et Documentaire animation et magazines magazine et magazines Aide à la production 110 000 70 000 70 000 35 000

Aide au développement 15 000 10 000 10 000 7 500 (Réécriture, repérage, faisabilité) Aide à la finition (Post- 30 000 20 000 20 000 7 500 production, doublage, sous- titrage) Source : AIF/CIRTEF, op. cit ., p. 3

En contrepartie de l’aide octroyée, le bénéficiaire doit libérer pendant une période illimitée, les droits de télédiffusion à partir de la deuxième année après la livraison du produit, dans l’ensemble des pays francophones, à l’exception du ou des pays d’origine du produit.

Les dossiers de demande d’aide, envoyés à l’OIF, sont gérés par une commission indépendante présidée par le Directeur du cinéma et des médias de l’OIF et composée de neuf professionnels de l’audiovisuel, dont : deux producteurs indépendants du Sud, deux professionnels des télévisions francophones du Sud, deux professionnels des télévisions francophones du Nord, un réalisateur indépendant du Sud, un responsable du CIRTEF (membre permanent) et le directeur du cinéma et des médias de l’OIF (membre permanent).

Le mandat des sept membres non permanents est d’une durée de deux ans non reconductible.

En juillet 2002, ce Fonds a soutenu la production du documentaire gabonais, « Le plat », réalisé par Nestor Ekomie. L’aide accordée était de 6 000 000 FCFA (environ 9 000 €) 454 .

454 AIF/CIRTEF, op. cit ., p 5

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Deuxième partie

Le volet télévision du Fonds contribue aussi à l’amélioration par la formation, de la qualité de la programmation et de la production des télévisions nationales : de la gestion de la production, de l’écriture de projets de documentaires et de fictions et maîtrise des nouveaux outils numériques.

Trois formations ont été organisées par le CIRTEF, en collaboration avec l’OIF, à l’endroit de l’Office de Radiodiffusion et de Télévision du Mali (ORTM), de l’Entreprise des Télédiffusion des Seychelles (SBC) et enfin à l’endroit de la RTG 1 455 . La formation gabonaise s’est tenue dans les locaux du centre de Yaoundé 456 .

Les professionnels francophones du Sud bénéficient par ailleurs, à travers le volet télévision du Fonds, d’un séminaire de formation dénommé « Le SEFOR ». Le SEFOR est la plus importante manifestation de l’audiovisuel francophone organisée par l’OIF et le CIRTEF. Sollicité par les Ministres de la culture lors d’une rencontre à Liège en 1990, il a pour intérêt d’organiser des rencontres de travail, de discussion et de réflexion pour les professionnels de radio et télévision du Sud et du Nord autour d’un thème d’actualité stratégique pour les organismes membres. Il se tient annuellement dans un pays partenaire du Sud ou du Nord 457 .

En 2004, le Gabon fut l’organisateur du troisième SEFOR. Il avait pour thème « Les Radios-Télévisions de Service Public et l’audience ». En marge de ces assises, le SEFOR a proposé aux différents participants, responsables des radios et télévisions publiques, un marché d’échange de programmes et a accueilli une dizaine d’exposants ayant présenté des nouveaux outils et systèmes de production. L’objectif était de favoriser une coproduction entre les radios et télévisions partenaires.

De plus, grâce à une action conjointe du CIRTEF et de l’OIF, un projet de numérisation et de gestion des archives, nommé « AIME » (archivage interactif multimédia économique) a été lancé pour créer, gérer, exploiter et échanger les archives audiovisuelles,

455 Cirtef en bref, octobre 2006, p. 1.in www.cirtef.org. Consulté le 13 mars 2008. 456 Le Cirtef dispose de quatre centres de post-production en Afrique (Cotonou, Niamey, Maurice et Yaoundé). Le centre de Yaoundé a été créé en 1998, grâce à l’appui de l’UNESCO, de TV5 et de l’OIF. Il dispose d’un matériel numérique de haut niveau, mis prioritairement à la disposition des radios et télévisions membres du Cirtef. Il a vocation à favoriser une production africaine en terre africaine et dans d’excellentes conditions. 457 CIRTEF, op. cit .

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conformément aux normes internationales. Neuf pays, parmi lesquels le Gabon, ont bénéficié de ce projet 458 .

Le Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud aide enfin les télévisions du Sud à développer des coproductions avec le CIRTEF et la Radio et Télévision Belges Francophones (RTBF). Ces coproductions sont ensuite diffusées par l’émission « Reflets Sud » sur différentes chaînes de télévisions, notamment TV5 Monde et la RTBF. Le numéro 637 de « Reflets Sud » était consacré à la Mangrove était une coproduction gabonaise de Stanislas Mounguengui, réalisée en 2007.

Le volet cinéma de ce Fonds obéit aux mêmes objectifs et aux mêmes conditions que le volet télévision. Il se différencie de celui-ci par la libération des droits de télédiffusion qui s’effectue trois ans après la production du produit, contre deux ans pour le volet télévision. Une autre différence s’opère aussi au niveau des montants des subventions applicables aux œuvres unitaires (fiction, documentaire), comme l’indique le tableau 21459 .

Tableau 21 : Montants maximums des subventions pour la fiction et le documentaire en 2003

Les types de subventions Montant maximal Fiction Documentaire

Aide à la production 110 000 € 40 000 € Aide au développement (réécriture, repérages, faisabilité) 15 000 € 8 000 € Aide à la finition (post-production, doublage, sous-titrage) 15 000 € 8 000 € Aide à la distribution (achat de droits, tirage de copies, promotion) 30 000 € 8 000 € Source : AIF/CIRTEF, op. cit ., p. 3

458 OIF, « Rapport du Secrétaire général de la Francophonie. De Ouagadougou à Bucarest, 2004-2006 », p. 69 459 AIF/CIRTEF, « Fonds de production audiovisuelle du Sud. Volet cinéma », 2003, p. 2

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Le Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud a soutenu, à travers son volet cinéma, plusieurs œuvres gabonaises, dont les plus connues sont Dolè (aide à la production, 2000) d’Imunga Ivanga, L’Ombre de Liberty (aide à la production, 2001) et Les Couilles de l’éléphant de Henri Joseph Koumba Bididi (aide à la production et à la distribution, 2001).

Grâce à ce soutien, trois films francophones ont fait partie de la programmation des salles de cinéma exploitées à Paris par l’association « Images d’ailleurs ». Ces trois films ont bénéficié d’une durée d’exposition d’environ six semaines et enregistré 105 000 spectateurs pour Satin rouge (Tunisie), 14 000 spectateurs pour Nha Fala (Guinée Bissau) et 12 000 spectateurs pour Les Couilles de l’éléphant 460 .

2. Le dispositif Africa Cinémas et l’appui francophone aux marchés et festivals cinématographiques.

Le dispositif Africa Cinémas fut un partenariat tripartite (OIF, Ministère français des Affaires Etrangères et Européennes et Union Européenne). Il fut annoncé lors de l’inauguration du Pavillon Cinémas du Sud au 56 ème festival de Cannes en 2003 par deux ministres français, Pierre André Wiltzer pour la Francophonie et la Coopération, et Jean- Jacques Aillagon pour la Culture. Mais, c’est finalement en 2004 que les premières aides ont commencé à être attribuées au cinéma africain. Sa gestion a été confiée à Europa Cinémas. Il avait pour objectifs de 461 :

 soutenir la distribution coordonnées des films africains sur plusieurs territoires ;  accroître la programmation des films africains dans les salles de cinémas ;  consolider le marché en s’appuyant sur le levier des entrées et des recettes ;  contribuer à la structuration du secteur de la distribution et de l’exploitation ;  organiser des synergies entre le cinéma et la télévision ;

460 OIF, « Rapport du Secrétaire général de la Francophonie. De Beyrouth à Ouagadougou, 2002-2004 », p. 126 461 Africa cinemas, « Soutien à la distribution. Lignes directrices 2003-2004 », p. 2, tiré de www.africa- cinemas.org. Consulté le 08/10/2007

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Deuxième partie

 développer les compétences des professionnels africains en les associant à des réseaux internationaux d’exploitants et de distributeurs.

Le soutien accordé par ce programme aux sociétés de distribution et d’exploitation cinématographiques et à leurs professionnels respectifs se déclinait sous plusieurs formes :

 l’aide à la distribution panafricaine des films africains ;  l’aide à la structure des sociétés de distribution ;  l’aide au renforcement des compétences professionnelles ;  l’aide à la programmation africaine des salles ;  l’aide à l’équipement des salles.

L’aide à la distribution panafricaine des films était destinée aux films de long-métrage de fiction, d’animation ou documentaires, réalisés par un cinéaste africain et produit ou co- produit par une ou plusieurs sociétés africaines ; distribués sur au moins cinq pays d’Afrique subsaharienne, et n’ayant jamais été diffusés sur une télévision reçue en Afrique. 462

Pour bénéficier de ce soutien, les demandeurs devaient être des sociétés de distribution agissant dans un ou plusieurs pays africains, ou des sociétés de production assurant dans leur intégralité les tâches de distribution en Afrique. Ce soutien prend la forme d’un « kit de distribution » incluant les éléments suivants :

 tirage de copies (35 mm) et bandes annonces (35 mm ou beta) ;  transfert du film et de la bande annonce sur des supports numériques ;  sous-titrage et/ou doublage ;  transport des copies vers les sociétés de distribution ;  création et fabrication de matériel d’information et de publicité ;  impression d’une billetterie spécifique pour le film ;  voyages du réalisateur et des comédiens dans le cadre de la promotion du film.

Africa cinémas se réservait le droit de récupérer, en cas de besoin, les copies de films et les matériels de promotion fournis au demandeur à la fin de l’exploitation.

462 Africa cinemas, op. cit..

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Le soutien à la structure pour sa part, était destiné aux sociétés de distribution dans le but de leur permettre d’assurer avec efficacité la distribution des films en Afrique. Il n’était pas renouvelable et intervienait sous la forme d’un cofinancement du plan de développement proposé par le demandeur. La contribution d’Africa Cinemas à la société de distribution oscillait entre 5 000 et 10 000 euros. Elle était exclusivement affectée aux dépenses d’équipement. Son versement se faisait en deux tranches : le versement de la première tranche a lieu après la signature d’une convention entre les deux parties. La seconde tranche n’intervenant qu’après remise à Africa Cinemas par l’entreprise bénéficiaire d’un rapport financier justifiant de la bonne utilisation de l’aide 463 .

Ce type d’aide a été très peu sollicitée par les sociétés de distribution légalement implantées en Afrique subsaharienne.

L’aide au renforcement des capacités professionnelles se traduisait quant à elle par une formation de courte durée, organisée sous forme de sessions ou de stages dans les pays des bénéficiaires. Deux types de candidatures étaient acceptées par le Comité d’Experts d’Africa Cinémas : les candidatures individuelles et les candidatures émanant du personnel des sociétés de distribution et des salles de cinéma établies en Afrique subsaharienne. Les candidatures individuelles concernaient les personnes présentant des réelles perspectives d’emploi dans la distribution et l’exploitation cinématographique après leur formation. Celles-ci devaient être originaires d’Afrique subsaharienne 464 .

La détermination du lieu de la formation, des dates et de l’organisme au sein duquel la formation se déroulait se faisait en concertation avec le candidat retenu. La prise en charge d’un certain nombre de frais liés au voyage du bénéficiaire de l’aide était assurée par Africa Cinémas. Il s’agit des frais de transport et d’hébergement et les frais pédagogiques. Africa Cinémas versait par ailleurs au candidat retenu une indemnité journalière correspondant aux frais de repas. En contrepartie de l’aide octroyée, le bénéficiaire s’engageait à participer avec assiduité à la totalité des activités prévues au programme de formation ou de stage, et notamment à se présenter à l’ensemble de cours et à se soumettre à la discipline de la structure de formation.

463 Africa cinemas, op. cit ., p. 4 464 Idem

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Face à la fermeture des salles de cinéma dans les pays d’Afrique subsahariens, causée par la chute des entrées et par le développement vertigineux de la piraterie des œuvres cinématographiques, le soutien apporté par Africa Cinémas devenait dès lors capital, aussi bien pour la trésorerie des salles de cinéma que pour la promotion des films africains sur le continent.

C’est ainsi que, grâce à leur adhésion au réseau d’Africa Cinémas et à la réalisation des objectifs de programmation et d’animation fixés par celui-ci, les salles de cinéma des pays d’Afrique subsaharienne ont bénéficié d’une subvention financière d’un montant maximum de 10 000 euros réparti en deux catégories : 5 000 euros correspondant à la subvention de base (après satisfaction des objectifs définis) ; et 5 000 euros de bonus, versés en complément de la première subvention sur la base du nombre d’entrées et des recettes. Ce bonus se déclenchait à partir de 5 000 entrées enregistrées 465 .

Mais, seules les salles de cinéma disposant d’équipements techniques aux normes professionnelles et répondant aux conditions de sécurité et d’hygiène ; les salles commerciales ouvertes au public, disposant d’une billetterie et programmant au moins 10 séances de films africains par semaine, étaient éligibles au soutien à la programmation africaine des salles.

De toutes les aides proposées par le dispositif d’Africa Cinémas, c’est l’aide à la distribution panafricaine des films africains qui a profité le plus au cinéma gabonais. Grâce au kit de distribution mis à la disposition d’Allison Productions, la distribution du film, Les Couilles de l’Elephant , s’est élargie à cinq pays africains avec lesquels Africa Cinémas avait signé un partenariat d’exploitation. Il s’agit du Niger, de la Guinée, du Sénégal, de l’Ile Maurice et du Bénin. L’inexistence d’un distributeur national et la rareté des salles de cinéma n’ont pas permis à l’industrie cinématographique gabonaise de bénéficier pleinement de ce dispositif. Sans les salles de cinéma, la diffusion est presqu’impossible ; et sans distributeur, il n’y a pas de structuration du marché.

Cependant, nonobstant quelques succès réalisés en 2004 et 2005, le programme Africa Cinémas n’a pas réussi à sortir le cinéma africain de son isolement, ni à le rendre viable sur le

465 Africa cinemas, op. cit., p. 5

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plan économique. Son échec s’explique par deux types de difficultés : les difficultés de terrain et les difficultés d’organisation.

En effet, du fait de son faible budget (1,6 million d’euros par an), Africa Cinémas ne pouvait pallier au nombre insuffisant des salles sur le continent. De plus, l’état dégradé des salles encore en activité, le prix d’entrée jugé faible dans certains pays, la faible remontée des recettes ne facilitent pas l’implantation de distributeurs professionnels.

Sur le plan de l’organisation, des dissensions ont opposé les professionnels, distributeurs et exploitants en Afrique et les membres du Comité d’Experts d’Africa Cinémas sur les nouvelles orientations à apporter au programme, après une phase expérimentale jugée décevante. Les Africains ont estimé que la gestion du programme par Europa Cinemas était inappropriée, du fait de sa méconnaissance du terrain. Ils ont sollicité des trois bailleurs de fonds (OIF, UE et MAEE) le transfert de la direction des opérations à une structure africaine, en l’occurrence à l’Association pour la diffusion du cinéma africain (ACID). Si les bailleurs de fonds ont demandé à Europa Cinemas et à l’ACID de s’accorder sur l’élaboration de nouvelles orientations du programme et à sa mise en œuvre conjointe, aucune réunion d’envergure n’aura jamais lieu entre les deux associations ; Europa Cinemas déniant à l’ACID toute capacité de gestion et d’organisation. Lors d’une conférence de presse organisée le 28 février 2005 à Ouagadougou, en marge du FESPACO, trois associations africaines : l’Association des réalisateurs et producteurs africains (ARPA), la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI), la Guilde des réalisateurs africains et l’ACID « ont émis des fortes réserves quant à la poursuite de l’implication d’Europa Cinemas dans ce projet, à moins d’une révision idéologique complète de cette association »466 . Cette querelle d’intentions a fini par avoir raison du programme qui cessa d’exister en 2006.

La contribution francophone à l’audiovisuel gabonais se fait aussi par le soutien aux marchés internationaux (Marché international du cinéma africain de Ouagadougou (MICA), Marché international du film de Cannes (MIF), Marché international des produits de télévision de Cannes (MIP-TV) et aux festivals (Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou (FESPACO), les Journées cinématographiques de Carthage (JCC) en Tunisie,

466 Aurore Engelen Loosen, « Conférence de presse Africa Cinemas / ACID », le 28 février 2005. Tiré de http://www.cinemasfrancophones.org/upload/confac.doc. Consulté le 23 octobre 2009.

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Festival du film francophone de Namur en Belgique, Vues d’Afrique à Montréal, Ecrans Noirs d’Afrique Centrale, Festival international du Film d’Amiens en France, Festival du Caire en Egypte) dans lesquels le Gabon s’illustre parfois brillamment. L’objectif poursuivi par l’OIF à travers ce soutien, est de favoriser la circulation dans l’espace francophone des films produits dans les pays du Sud. Par la présence des producteurs et réalisateurs aux marchés internationaux, l’OIF entend offrir aux cinémas du Sud des nouveaux espaces de diffusion et de nouveaux débouchés. Certains films gabonais ont été récompensés à ces festivals et diffusés en Afrique et en France. De ces festivals, deux se distinguent par la récurrente participation gabonaise et le nombre de prix enregistrés. Il s’agit du FESPACO et des JCC. De façon chronologique, les films suivants ont été récompensés aux FESPACO 467 : Le Singe fou de Henry Joseph Koumba Bididi (prix du meilleur court-métrage, Fespaco 1987), Dolès d’Imunga Ivanga (prix du meilleur scénario, Fespaco 2001), Les Couilles de l’Eléphant d’Henri Joseph Koumba Bididi (prix de la meilleure musique (Wasis Diop), Fespaco 2001), La Chambre des filles de André Côme Ottong (prix population et développement pour les téléfilms) et prix spécial OMS, Fespaco 2001), L’Ombre de Liberty d’Imunga Ivanga ( prix du meilleur son, Fespaco 2007), Confession Finale d’André Côme Ottong (prix International Planned Parenthood Federation (IPPF), Fespaco 2009), Un Amour à Libreville d’Imunga Ivanga et Dawn Winkler (prix de la Fondation Beaumarchais et Aide au scénario et à la production, Fespaco 2009).

Aux J.C.C, les films suivants ont été récompensés 468 : Le Singe fou de Henry Joseph Koumba Bididi (prix de la première œuvre, prix de la meilleure musique de film (Vyckos Ekondo), prix de la critique des journalistes, JCC 1986), Raphia de Paul Moukety (« Tanit d’Or » du court-métrage, JCC 1988), Dolès d’Imunga Ivanga (« Tanit d’Or » du long- métrage, JCC 2000).

CONCLUSION PARTIELLE

La contribution francophone à l’émergence de l’audiovisuel gabonais s’est illustrée à travers les aides issues du Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud et du dispositif Africa Cinémas, aujourd’hui suspendu. Aussi, grâce à l’implication financière et

467 Tiré de www.fespaco.bf/palmares.html. Consulté le 6 mars 2009. 468 OIF, « Pour la diversité des cinémas », Paris, 2004, p. 10

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technique de l’OIF dans différents marchés et festivals cinématographiques francophones, les productions gabonaises sont sorties de l’anonymat pour atteindre des nouveaux marchés en Afrique et en France. Par leur valeur artistique, certaines des œuvres gabonaises présentées à ces festivals ont bénéficié d’une reconnaissance internationale. Mais, s’il existe des projets francophones qui sont connus des populations gabonaises, les Centres de Lecture et d’Animation culturelle (CLAC) restent indubitablement ceux qui méritent d’être évoqués. Leur implantation dans certaines villes de l’intérieur du Gabon a permis aux populations de ces villes de renouer avec le livre. Ils sont parfois pour ces villes, les seuls lieux d’animation et de diffusion de la culture nationale.

C- Le cas particulier des CLAC

Lancé en 1985 à la Conférence générale de Dakar par l’Agence de la Francophonie, le programme CLAC est un projet structuré de développement de la lecture publique en milieu rural. Le Bénin et le Sénégal furent les premiers pays d’expérimentation de ce projet 469 . Aujourd’hui, les CLAC se sont développés dans plusieurs pays francophones.

1. Les CLAC : une dynamique rurale

Malgré l’essor des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), le livre reste un élément important de la transmission et de la diffusion des connaissances. Sa pratique, voire son appropriation constitue un facteur intégrateur pour le citoyen, d’autant que « dans nos Etats modernes, l’exercice de la citoyenneté est fondé sur l’appropriation d’une tradition écrite qui régule la vie sociale, politique et économique. Aussi, l’accès au livre constitue-t-il un des éléments clé de l’exercice de la démocratie. Or, pour les pays francophones en développement, le livre demeure un produit rare et le plus souvent inaccessible ». 470 Les CLAC répondent à ce besoin de lecture. Ils sont une réponse à l’inexistence d’infrastructures culturelles en milieu rural.

469 OIF, « Centres de lecture et d’animation culturelle. 20 ans d’expérience dans les pays francophones », p. 3

470 Eric Weber, Améliorer l’intégration de la lecture publique dans les politiques culturelles des pays francophones en développement - Un programme basé sur 20 années d’expérience dans 18 pays d’Afrique, de l’Océan indien, des Caraïbes et du Proche-Orient. Organisation internationale de la francophonie (OIF).

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Deuxième partie

Le CLAC est un petit centre culturel en milieu rural. C’est un bâtiment abritant une bibliothèque et une salle d’animation implanté au cœur d’une commune rurale. Le choix de la ville est lié à sa population (entre 3 000 et 30 000 habitants), à l’existence d’établissements scolaires (établissements d’enseignement primaire et secondaire), de services administratifs et sociaux et au dynamisme des associations qui y sont implantées. L’activité principale du CLAC demeure la lecture ; et les principaux utilisateurs de la bibliothèque restent à 75% les jeunes en âge scolaire. « La bibliothèque du Clac étant la seule source de documentation en dehors de l’école, les enseignants encouragent leurs élèves à s’y abonner et à y lire les ouvrages comme des albums, BD, romans, contes, documentaires sur les animaux ou sur une matière scientifique. Certains enseignants amènent leurs classes à découvrir la bibliothèque ou faire une recherche sur un sujet précis »471 .

La constitution du fonds documentaire du CLAC fait l’objet d’un soin minutieux car, à l’exception des ouvrages de référence ou des œuvres classiques, chaque fonds d’ouvrage est spécifique à un pays, voire à une région. C’est dans cette logique qu’un accent est mis sur les ouvrages édités localement, en français ou en langues locales ; et sur les écrivains nationaux ainsi que les sujets d’intérêt particulier pour la commune (santé, hygiène, développement rural, sport, etc.). D’autres activités annexes sont aussi organisées dans les CLAC. La télévision et la projection des films vidéos attirent par exemple des personnes de tous âges et de toutes catégories :

« Certaines émissions télévisuelles – théâtre national – ou certains films grand public regroupent parfois des centaines de personnes autour du petit écran. Des films documentaires sur des sujets spécifiques (planning familial, sida, pratique culturale, film historique…) sont présentés à des groupes ciblés et font l’objet de discussions et de débats animés par des agents de développement du milieu. Des mini-festivals de films sur petits écrans et supports vidéo sont parfois organisés : festival du film comique, festival de dessins animés »472 .

International federation of library associations (Ifla). World library and information congress : 72nd Ifla general conference and council : 20-24 August 2006, Seoul, Korea http://www.ifla.org/IV/ifla72/paper...

471 Lucie Alexandre et Guy Bessette, « Les centres de lecture et d’animation culturelle et la recherche en communication pour le développement », in L’appui au développement communautaire. Une expérience de communication en Afrique rurale de l’Ouest (sous la direction de Lucie Alexandre et Guy Bessette), CRDI/AIF, 2000, p. 115 472 Lucie Alexandre et Guy Bessette, op. cit , p. 4

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Deuxième partie

2. L’apport des CLAC dans le développement des industries culturelles gabonaises

Plusieurs années après son lancement, le programme CLAC s’est fortement développé : 225 centres organisés en réseaux en 2009 et installés dans 18 pays de l’Océan indien, de la Caraïbe et d’Afrique 473 . Parmi les pays d’Afrique bénéficiaires du programme, il y a le Gabon, avec neuf CLAC implantés dans différentes villes du pays (Bitam, Lambaréné, Koulamoutou, Makokou, Mouila, Ntoum, Oyem, Lastourville et Okondja). Chaque réseau représente en moyenne par an 160 000 visiteurs, 6 000 abonnés pour 90 000 prêts d’ouvrages, 8 500 prêts de jeux pour 60 000 utilisateurs, 800 projections vidéo pour un public de 30 000 spectateurs 474 . Selon une étude réalisée par des inspecteurs de l’enseignement au Burkina Faso en 2002, la présence d’un CLAC dans une localité favoriserait « l’augmentation du taux de réussite des jeunes de cette localité aux examens, aussi bien dans le primaire que dans le secondaire »475 .

Un CLAC touche environ 40 % de la population lettrée ; par comparaison, en France, les bibliothèques municipales ont un taux de fréquentation de 18%. C’est que les centres mis en place par l’OIF sont beaucoup plus que des bibliothèques. Ils offrent aux jeunes exclus du système scolaire la possibilité de poursuivre leur formation personnelle. Certains CLAC appuient des microprojets dans les domaines de la santé, de l’alphabétisation ou le développement des activités productives 476 .

Si ce programme est une réponse à un besoin affirmé de lecture et d’information, il constitue aussi un puissant promoteur de la culture gabonaise, précisément de l’industrie audiovisuel et du livre. Par son truchement, il permet aux populations des localités où il est implanté de se familiariser avec la littérature nationale. Le tableau 22 informe sur la fréquentation des CLAC sur une période de trois ans.

473 OIF, « Centres de lecture et d’animation culturelle. 20 ans d’expérience dans les pays francophones », p. 3 474 Journal de l’Agence de la Francophonie (OIF aujourd’hui), n° 37, juillet-août-septembre 2004, p. 9 475 Idem. 476 Dominique Mataillet, « Bienvenue au Clac », Niger, 10 juillet 2001, in www.jeuneafrique.com. Consulté le 13 septembre 2008.

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Deuxième partie

Tableau 22 : Fréquentation des bibliothèques des CLAC: compilation réalisée en 2005 à partir des résultats obtenus sur trois ans (2002, 2003, 2004)

Pays Entrées annuelles Abonnés annuels Prêts annuels de livres

Bénin 293 416 15 868 93 830 Burkina Faso 252 719 (1,69 %)* 13 124 131 548 Burundi 109 500 6 449 24 060 Comores 82 569 6 284 32 736 Côte d’Ivoire 168 745 8 885 71 237 Gabon 151 996 (10 %)* 21 074 89 270 Guinée 255 315 17 737 60 750 Haïti 145 898 5 979 72 895 Liban 186 198 10.086 47 036 Madagascar 188.052 (1,34 %)* 7.360 74 475 Maurice 102 665 5 147 104 714 Mauritanie 95 562 5 765 11 889 Niger 141 976 7 888 80 406 Sénégal 201 420 11 054 46 917 Tchad 164 400 11 039 66 189 Togo 346 731 15 534 96 899 TOTAL 2 887 162 169 273 1 109 606 Source : Eric Weber, op.cit , p. 7 * Pourcentage de la population

Ce tableau place le Gabon en tête des pays dont les entrées annuelles dans les CLAC sont parmi les plus élevées. Pour une population totale estimée à 1.517,685 million d’habitants, 10 % de cette population fréquenterait les CLAC, contre 1,34 % pour Madagascar dont la population avoisine 14 millions d’habitants et moins de 2 % pour le Burkina Faso (plus de 15 millions d’habitants). De plus, le Gabon est le pays dont le nombre d’abonnés annuels serait le plus élevé de tout le monde francophone. Ces statistiques prouvent donc l’intérêt du programme pour les industries culturelles gabonaises.

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Deuxième partie

Mais, le CLAC n’est pas seulement un centre de lecture. Il permet aussi l’accès aux médias et aux outils informatiques. Plus qu’une simple bibliothèque, le CLAC est un lieu d’animations culturelles accueillant des manifestations musicales ou théâtrales, des projections de films. Le tableau 23 recense le nombre d’animations culturelles organisées dans les CLAC en 2005.

Les données suivantes concernent uniquement les conférences, les projections de films et les spectacles organisés dans les CLAC

Tableau 23 : Animations en 2005

Pays Manifestions par an Public par an Bénin 4 291 175 435 Burundi 1 875 99 577 Burkina 3 274 173 145 Comores 333 16 470 Côte d’Ivoire 1 353 60 912 Gabon 1 569 99 150 Guinée 4 097 190 153 Haïti 1 186 109 932 Liban 1 322 32 055 Madagascar 1 772 122 990 Maurice 1 695 27 624 Mauritanie 1 273 33 606 Niger 1 436 194 290 Sénégal 2 659 104 304 Tchad 1 445 184 899 Togo 1 831 111 285 TOTAL 30 749 1 584 420 Source : Eric Weber, idem

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Deuxième partie

Au total, le programme CLAC justifie aujourd’hui son attrait auprès des populations rurales. Si les résultats enregistrés par ses différents réseaux restent globalement satisfaisants en termes d’audience, de diffusion de la culture et de d’incitation des populations rurales à la lecture, les autorités gabonaises devraient étendre cependant l’initiative à l’ensemble du pays. Pour cela, une politique nationale dans le domaine de la lecture publique s’impose. Il pourrait s’agir d’une loi portant sur l’intégration de la lecture publique dans la nouvelle politique culturelle que le Gabon devrait instaurer pour soutenir ses industries culturelles.

SECTION 5 : LES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES HORS OIF

Les industries culturelles gabonaises, à l’instar des industries culturelles africaines, sont majoritairement financées par l’aide internationale. Le faible soutien des Etats africains à leurs industries nationales a conduit les acteurs culturels de ce continent à se tourner vers des structures et opérateurs internationaux pour solliciter une contribution financière, et parfois technique, nécessaire à la finalisation de leurs projets. Ce sont les secteurs de l’édition, de la télévision, de la radio et du cinéma qui bénéficient de l’essentiel de cette aide internationale. Outre l’OIF, les principaux pourvoyeurs sont, , la France et l’Union européenne (UE).

Paragraphe 1 : Les actions françaises et européennes en faveur des industries culturelles gabonaises

Dès l’indépendance du Gabon en 1960, plusieurs accords culturels avec les pays étrangers furent signés pour aider la jeune République à préserver son identité culturelle et à bâtir un secteur de communication soutenant l’action gouvernementale. Parmi les pays coopérant avec le Gabon se trouve dès cette époque au premier plan la France.

Par ailleurs, après la construction de l’UE en une entité économique, un Accord de partenariat fut signé à Cotonou avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Cet Accord prévoit en son article 27 la promotion du développement culturel des Etats ACP.

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Deuxième partie

A- Le rôle joué par la France dans le rayonnement culturel du Gabon

Dans la première partie de ce travail, nous avons montré le rôle joué par la France dans la réalisation des premières infrastructures culturelles gabonaises, notamment la Bibliothèque nationale et le Musée National des Arts et Traditions du Gabon. La France a aussi soutenu le Gabon dans la mise en place de la RTG. Depuis lors, la France, tout en maintenant la fourniture de programmes à la télévision et à la radio, a réorienté sa contribution vers le cinéma et d’autres activités culturelles, comme le livre.

1 : Les actions de soutien à la radio, à la télévision et au cinéma

Le soutien français à la radio et à la télévision gabonaise reste dominé par la fourniture des programmes et la formation du personnel. Certes, pendant quelques années, la France a assuré la protection des droits des auteurs musiciens gabonais par le canal de l’OCORA, mais dès le retrait de la RTG de cette institution française en 1974, les droits des musiciens gabonais ont cessé d’être protégés. L’intermédiaire français pour la coopération avec les médias audiovisuels du Gabon devenant Canal France International (CFI).

La coopération avec CFI a commencé en 1989 par la signature de deux partenariats avec la RTG 1 et la RTG 2. Ces partenariats comportent deux volets. L’un porte sur la fourniture des programmes et l’autre, sur le conseil et la formation. Du côté français, la conclusion de ces deux partenariats permet à la France de remplacer par le satellite le transport par la poste des cassettes vidéo destinées aux télévisions africaines 477 . C’est pourquoi, selon Jacques Pelletier, Ministre français de la coopération et du développement en 1989 déclarait : « l’opération Canal France International est […] la seule initiative capable de donner à l’action audiovisuelle vers l’Afrique francophone une dimension nouvelle à la mesure du défi à relever. »478 A travers ces partenariats, les deux chaînes de télévision publique bénéficient gratuitement de l’ensemble des programmes de CFI. En 2003, un troisième partenariat a été signé avec la télévision privée TV+, qui reçoit le monitoring

477 Jusqu’à la fin des années 1980, trois cents heures de programmes par an étaient expédiées sur des cassettes par ce canal aux télévisions africaines. Lire, Abdoul Ba, Télévisions, paraboles et démocraties en Afrique noire , Paris, L’Harmattan, 1996, p. 98 478 Abdoul Ba, idem, p. 101

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quotidien d’information. Selon CFI, 1339 heures de programmes français ont été diffusées en 2006 par les deux chaînes publiques, constitués grosso modo du sport et de la fiction 479 .

Le volet conseil et formation contenu dans ces accords a permis à CFI d’assister techniquement la RTG 1 et 2 pour la mise en œuvre du matériel numérique de captation, de postproduction et de diffusion reçu par les deux télévisions en mai et juin 2006.

De plus, en 2006, CFI s’était associé au CIRTEF et à l’Union Radiophonique et Télévisuelle Internationale (URTI) pour produire quatre documentaires de 26 minutes dans la série Ecosystèmes . Quatre réalisateurs, dont un représentant de la RTG 1 ont alors suivi un atelier d’écriture, puis un stage de postproduction à Yaoundé. CFI a enfin organisé sur la demande du CENACI, un atelier d’écriture de séries télévisées en mai 2005 à Libreville. Neuf auteurs gabonais ont participé à cet atelier. Deux projets et le développement d’une série furent réalisés 480 .

Sur le plan cinématographique, le MAEE mène une politique de soutien à la production cinématographique dont le but est de structurer la filière cinématographique de nombre de pays d’Afrique subsaharienne, d’Amérique Latine, du Proche et Moyen-Orient, d’Asie et d’Europe de l’Est. Cette politique s’articule autour d’un ensemble d’aides, notamment : le Fonds Sud Cinéma, le Fonds Images Afrique et le Fonds d’appui à la production de courts-métrages en Afrique subsaharienne (FACMAS).

Le Fonds Sud Cinéma a été créé en 1984. Il est conjointement financé par le MAEE et le Conseil national de la communication (CNC). Il concerne les projets de films de fiction, d’animation ou de documentaire destinés à une exploitation en salles en France et à l’étranger. Il concerne les réalisateurs d’Afrique, d’Amérique Latine, du Proche et Moyen-Orient, d’Asie (à l’exception de la Corée du Sud, du Japon, de Singapour et de Taiwan) et de certains pays de l’Est (Albanie, pays de l’ex-Yougoslavie et anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale) 481 . Depuis sa mise en place, plus de 400 films ont été aidés, dont un film gabonais en

479 « CFI AFRIQUE (Gabon) », tiré de www.cfi.fr. Consulté le 15 novembre 2008. 480 « CFI AFRIQUE (Gabon) », idem 481 France diplomatie, « Fonds Sud Cinéma », http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions- france_830/cinema_886/aides-production_5622/fonds-sud-cinema_6140/index.html. Consulté le 2 novembre 2009

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2002: L’Ombre de Liberty d’ Imunga Ivanga . L’aide accordée était destinée à la production et s’élevait à 122 000 euros 482 .

Le Fonds Images Afrique a été quant à lui créé en janvier 2004. Il est suspendu depuis 2008 et serait en cours d’évaluation. Il était destiné à soutenir la production cinématographique et télévisuelle africaine 483 . Avant sa suspension, il a contribué à la création d’environ 203 œuvres audiovisuelles, parmi lesquelles une fiction gabonaise : Inspecteur Sori , du réalisateur Mamady Sidibe (commission du Fonds Images Afrique, volet télévision, du 12 juillet 2006) 484 .

Comme le Fonds Images Afrique, le FACMAS est suspendu depuis la fin de l’année 2008. Après sa création en 2007, sa gestion en fut confiée au Festival des 3 Continents de Nantes. Durant ses deux années d’activités, 72 projets ont été étudiés, 25 courts-métrages ont bénéficié d’une aide à la production, dont Le Divorce de Manouchka Kelly Labouba en 2007 (commission du 16 juillet 2007) 485 .

En conclusion, les actions déployées par la France pour soutenir l’audiovisuel gabonais permettent à certains secteurs comme la télévision, de disposer en permanence des programmes. Certes, l’offre gratuite de CFI pourrait compromettre la créativité nationale, mais elle constitue l’unique moyen dont disposent les télévisions publiques gabonaises pour construire leurs grilles de programmes. Les aides reçues du MAEE ont aussi permis au CENACI de finaliser les projets de production des films qui ont bénéficié de ce soutien. Mais, la France s’appuie également sur son Centre culturel, basé à Libreville, pour soutenir la culture gabonaise.

482 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/cinema_886/aides production_5622/fonds-sud- cinema_6140/resultats-commissions_6170/commission-du-7-mai-2002_17286.html. Consulté le 2 novembre 2005. 483 France diplomatie, « Fonds Image Afrique », tiré de www .diplomatie.gouv.fr/fr/actionsfrance _830/cinema_886/aides-production_5622/fonds-imagesafrique_6472/index.html. Consulté le 2 novembre 2009 484 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/cinema_886/aides-production_5622/fonds-images- afrique_6472/resultats-commissions_15994/commission-du-fonds-image-afrique-television-du-12-juillet- 2006_14840/index.html. Consulté le 2 novembre 2009 485 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/cinema_886/aides-production_5622/fonds-appui-aux- courts-metrages_15996/resultats-commission-du-16-juillet-2007_52400.html. Consulté le 2 novembre 2009.

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Deuxième partie

2. Les actions transversales : le rôle joué par le CCF de Libreville

Après les premières expériences culturelles françaises à l’étranger, nées de l’action de l’Alliance française fondée en 1883 à l’initiative de Paul Cambon, les universités ont pris le relais au début du XX ème siècle en créant des structures décentralisées hors du territoire français. C’est ainsi que s’ouvrirent à Prague et à Milan les antennes de l’université de Grenoble, à Barcelone, l’antenne de l’université de Toulouse, etc. L’objectif affiché par cette décentralisation était de permettre aux étudiants et chercheurs de poursuivre leurs travaux dans le pays étudiés. Plus tard, ces antennes devinrent des instituts et se chargèrent d’organiser des conférences pour des étudiants étrangers et des cours de littérature et civilisation françaises. Ce fut le cas de l’Institut de Florence, créé en 1908, celui de Londres en 1910, de Lisbonne en 1928, de Stockholm en 1937 486 .

Ce dynamisme a été renforcé, après la libération de la France en 1944, par la création en 1945 de la Direction générale des relations culturelles et des œuvres françaises à l’étranger. Cette direction remplaçait l’ancien Service des œuvres françaises à l’étranger créé en 1920. Les premiers conseillers culturels commencèrent à s’installer dans les ambassades à partir de 1949. Dès lors, les ambitions culturelles françaises se clarifièrent : démontrer la vitalité de la pensée française à l’étranger.

Aujourd’hui, l’action culturelle de la France est animée à l’étranger, au-delà du conseiller culturel en ambassades, par deux types de réseaux : le réseau des Alliances françaises et le réseau des Centres culturels. Alors que le réseau des Alliances françaises est un groupe d’associations de droit local implantées dans près de 138 pays, les CCF sont des services extérieurs du MAEE, dotés d’une autonomie financière.

Selon un rapport d’information sur les Centres culturels français à l’étranger rédigé par Yves Dauge 487 , la France comptait au début de l’année 2000, 151 établissements répartis dans 91 pays. Parmi ces établissements figure le Centre culturel français Saint-Exupéry de Libreville, seul centre culturel d’un pays étranger encore en activité au Gabon. Plusieurs

486 Yves Dauge, « Rapport d’information sur les Centres culturels français à l’étranger », enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 07 février 2001, p. 8 487 Idem, p. 10

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missions sont dévolues à un CCF, en fonction des réalités du pays dans lequel il est implanté. Mais Yves Dauge 488 en dénombre quatre qui sont traditionnelles à chaque CCF : la mission d’enseignement du français (il s’agit de contribuer à l’emploi de la langue française par l’apport de méthodes, d’instruments et d’expertise appropriés), la mission de la diffusion et de la programmation culturelle (le CCF devenant l’animateur de la vie culturelle locale et le promoteur de talents), la mission de fournir de la documentation et des informations sur la France et la mission de la coopération linguistique et éducative. De ces quatre missions, les trois dernières sont particulièrement développées au CCF de Libreville.

La mission de la diffusion et de la programmation culturelle . Le CCF de Libreville est un espace de création et de rencontres. Sa situation géographique (implanté au cœur de la capitale gabonaise) fait de lui une scène privilégiée où peintres, musiciens, chanteurs, écrivains, cinéastes… se succèdent pour présenter au public leurs créations. Le CCF Saint- Exupéry est le seul établissement culturel de Libreville qui propose une variété d’activités. Il enregistre une fréquentation estimée entre 5000 à 6000 spectateurs par mois, pour près de 300 manifestations culturelles par an. Des concerts sur la chanson française et gabonaise, des festivals (Musiques à cordes, Gabao hip-hop, le festival international de la danse contemporaine, les Escales documentaires de Libreville…), des ateliers de formation dans le domaine du théâtre, de la danse, de la musique, de la régie avec l’Institut supérieur des techniques du spectacle d’Avignon, de l’écriture, de la photographie 489 sont autant d’activités qui sont régulièrement organisées et gérées par ce centre. Elles sont complétées par des projections cinématographiques qui mettent en relief les films africains et gabonais. Le CCF de Libreville dispose de l’unique salle de cinéma qui diffuse régulièrement les films nationaux. Avec son programme « Ciné en plein air » lancé avec le CENACI et Impact vision, ce sont les films des jeunes cinéastes gabonais, comme Le Divorce de Manouchka Kelly Labouba et Maléfice de Ferdinand Lepoko qui sont assidûment projetés 490 .

La mission de fournir de la documentation et des informations sur la France . C’est l’une des missions essentielles des CCF. Elle est au cœur de la diplomatie culturelle française et constitue l’activité la plus développée au CCF de Libreville. Le CCF Saint-

488 Yves Dauge, op. cit , p. 12-17 489 CCF Saint-Exupéry, La Lettre du Centre culturel français, Libreville/Gabon, septembre-octobre 2009, p. 1 490 Idem

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Exupéry dispose opportunément d’un espace documentaire qui, de par ses collections et sa fréquentation, est devenu la première bibliothèque du pays. Il est constitué d’espaces adulte, presse et jeunesse, d’un centre de ressources sur la France et d’un fonds consacré au Gabon (qui sera développé dans la troisième mission).

La bibliothèque adulte renferme plus de 35 000 ouvrages en langue française (romans, biographies…) 491 . Elle s’est dotée en 2009 d’une discothèque de prêt de chansons française et d’un fonds de films français.

Moins pourvu que l’espace adulte, l’espace presse est une composante de la bibliothèque adulte. C’est un espace dédié à la presse française et gabonaise, avec une soixantaine de titres à consulter sur place ou à emprunter. Plusieurs revues et magazines s’y trouvent également. Ils sont destinés au lecteur adulte dans des domaines aussi variés que l’économie, la politique, les arts, l’informatique, la littérature, la musique, l’informatique, la télévision, le cinéma et les voyages. Cet espace est situé à proximité de l’espace jeunesse.

L’espace jeunesse est un lieu de formation et de découverte pour les enfants de 5 à 14 ans. Il renferme 3000 ouvrages composés de documentaires, d’encyclopédies, d’albums, de bandes dessinées et de produits multimédia. Il accueille aussi des animations hebdomadaires, notamment les contes, le goûter philosophique et le cinéma. Les titres de cet espace sont empruntables ou consultables sur place. Il constitue, au côté de la bibliothèque adulte et du centre de ressources sur la France, le lieu le plus fréquenté du centre 492 .

Le centre de ressources sur la France est la bibliothèque dédiée à la France contemporaine dans de nombreux domaines : la décentralisation en France, l’expression artistique française, les études en France, les institutions politiques et administratives françaises, etc. Il dispose d’un fonds d’environ 7 000 ouvrages, d’un fonds encyclopédique de références, de la presse spécialisée, des cédéroms spécialisés et un accès à Internet. Il a une capacité réduite de 52 places et n’est pas ouvert à l’emprunt 493 .

491 CCF Saint-Exupéry, op. cit., p. 3 492 Idem 493 Ibidem, p. 4

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La dernière mission ( la mission de la coopération linguistique et éducative ) à laquelle le CCF de Libreville se consacre, est particulièrement indispensable pour l’industrie du livre au Gabon. Tandis que le pays souffre d’un manque criard de bibliothèques, le CCF Saint-Exupéry dispose d’un fonds documentaire important sur le Gabon. C’est à partir de 1978 que les premiers ouvrages sur le Gabon ont commencé à être collectés. Aujourd’hui, le fonds Gabon dénombre plus de 3 000 titres composés de livres, mémoires, thèses, périodiques, photographies, cartes postales, timbres, disques vinyles, cassettes audio 494 . Il constitue une source d’informations inestimable sur le Gabon. Un projet de numérisation de ce fonds est en cours pour lutter contre l’usure du temps et favoriser son accès à un plus grand nombre de lecteurs et chercheurs.

B- Les résultats de la coopération culturelle avec l’Union européenne

La coopération culturelle avec l’UE s’effectue dans le cadre des accords de partenariat successifs que l’UE a conclus avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP- UE).

Les ACP sont un groupe de pays né d’un partenariat conclu en 1975 (Convention de Lomé 1). Au départ 46 pays (37 pour l’Afrique, 6 pour les Caraïbes et 3 pour le Pacifique), le groupe s’est renforcé et compte aujourd’hui 79 membres. En juin 2000, un nouvel accord de coopération, signé à Cotonou (Bénin), confirme 495 en son article 27, l’importance économique et sociale de la culture pour le développement et encourage les Etats ACP à entreprendre des actions visant à promouvoir des projets culturelles. C’est ainsi que les déclarations et les accords qui ont suivi ont accordé un intérêt soutenu à la culture comme facteur de paix et de développement. Dans l’Accord de Georgetown amendé par le conseil des Ministres lors de sa 78 ème session tenue à Bruxelles, du 27 au 28 novembre 2003, le développement culturel est partie intégrante des objectifs poursuivis par le groupe ACP.

494 CCF Saint-Exupéry, op. cit., p. 4 495 L’importance de la culture dans le développement a été relevée pour la première fois dans la Convention de Lomé III (1983). Mais la coopération culturelle avait démarré timidement. L’accord ayant défini des objectifs très larges (promotion des identités, sauvegarde du patrimoine, manifestations hautement significatives…), qui ne se sont pas traduits par des réalisations d’envergure à l’intérieur comme entre les pays ACP.

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Deuxième partie

La déclaration adoptée par les Chefs d’Etat et de gouvernement au Sommet de Santo Domingo (République Dominicaine) en novembre 1999 évoque aussi le rôle que joue la culture dans le développement d’un pays et invite l’ensemble des Etats à œuvrer pour la préservation et la promotion de l’identité culturelle de leurs pays et à promouvoir les échanges culturels afin de favoriser le dialogue intra et inter ACP.

La déclaration de Nadi (Fidji), adoptée en juillet 2002 consacre également un chapitre à la culture. Tout en reconnaissant sa valeur intrinsèque et sa contribution au développement de l’économie et de la démocratie, les Chefs d’Etat et de gouvernement donnent mandat aux Ministres ACP de la culture « d’entreprendre toute action visant la promotion et la mise en œuvre de projets culturels intra-ACP »496 .

Dans le Plan d’action de Dakar pour la promotion des cultures et des industries culturelles ACP, adopté le 20 juin 2003 lors de la première conférence des Ministres ACP de la culture, l’intérêt du groupe ACP pour la culture a été davantage mis en lumière. Huit domaines pour lesquels les Ministres se sont engagés à mettre en œuvre ont été appréhendés : politiques culturelles, patrimoine culturel, coopération culturelle, renforcement des capacités, technologies de l’information et de la communication (TIC), industries culturelles, Festival ACP et création d’une fondation culturelles ACP. Ce Plan d’action de Dakar a été entériné par les Chefs d’Etat et de gouvernement lors du quatrième Sommet qui s’est tenu à Maputo (Mozambique), les 23 et 24 juin 2004. Dans leur déclaration finale (déclaration de Maputo), ils s’engagent à développer et à adopter des mesures permettant de créer des emplois dans le secteur culturel 497 .

Les Chefs d’Etat et de gouvernement ont continué à témoigner leur intérêt pour la culture lors du cinquième et sixième Sommets, tenus respectivement à Khartoum (Soudan), du 7 au 8 décembre 2006 et à Accra (Ghana), du 2 au 3 octobre 2008. Dans la déclaration de Khartoum, tout en se félicitant de la Résolution de Santo Domingo issue de la deuxième réunion des ministres ACP de la culture (13 octobre 2006) et de la tenue du premier Festival ACP (recommandation du Plan d’action de Dakar), les Chefs d’Etat et de gouvernement ont soutenu que la culture est un instrument essentiel de promotion du développement durable et

496 Déclaration de Nadi (Fidji), adoptée en juillet 2002, al. 71 497 Déclaration de Maputo, juin 2004, al. 41

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Deuxième partie

ont invité les pays ACP a ratifié la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (alinéa 108). Ils se sont enfin engagés à soutenir la culture et les industries culturelles ACP en tant que facteurs multiplicateurs du développement durable (déclaration d’Accra, alinéa 31).

Pour traduire dans les faits ces déclarations et recommandations, l’article 2 de l’accord de Cotonou donne la responsabilité aux Etats membres et aux organisations régionales de concevoir et de proposer les programmes de coopérations qui seront financés par l’UE à travers le Fonds européen de développement (FED 498 ). Autrement dit, pour faire intervenir le FED dans le domaine culturel, il faut que l’Etat ou la région intègre la culture dans sa stratégie de développement.

Mais, depuis la convention de Lomé III - correspondant au sixième FED (1985-1990) — où la culture a été identifiée comme secteur à développer, peu de projets culturels ont vu le jour, aussi bien à l’intérieur comme entre les pays ACP ; ce qui traduit l’écart existant entre les intentions et leur réalisation. Au titre des réalisations intra ACP qui ont directement profité au Gabon, ou dont le Gabon pourrait bénéficier, nous pouvons citer le Programme – cadre d’appui au cinéma ACP. Initié sous le 8 ème FED, ce programme a démarré en 2000 et s’est arrêté en 2004. Doté de 6 800 000 euros, il incluait quatre volets:

 l’appui à la promotion, la production et la diffusion de films. Ce volet a permis de soutenir la production de 51 films, parmi lesquels celui de Henri Joseph Koumba Bididi (Les Couilles de l’Eléphant) et d’appuyer la promotion et la diffusion de 8 films 499 .  l’appui au programme Africa Cinémas ;  la promotion des films ACP au festival et au marché du film de Cannes, en 2003 et 2004.

498 Le FED est l’instrument financier des accords de partenariats signés entre l’UE et les ACP. Il est alimenté par la contribution des Etats membres de l’UE, séparément du budget de la Commission. Le FED se divise en trois instruments : les fonds nationaux destinés à la coopération avec chacun des pays ACP, les fonds régionaux destinés à soutenir les actions qui intéressent plusieurs pays d’une même région, et les fonds intra ACP pour des actions intéressant plusieurs régions. Il est constitué sur une base pluriannuelle : tous les cinq ans, son montant est redéfini et réparti entre les Etats et les régions bénéficiaires en tenant compte des critères comme la population, le PIB, etc. In, Concertation des Acteurs Culturels d’Afrique de l’Ouest (Cacao) et Secrétariat ACP, « Manuel sur les industries culturelles ACP », août 2006, p.33 499 Cacao/Ccawa et Secrétariat ACP, idem, p. 44

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 L’assistance technique pour la mise en œuvre du programme

L’évaluation de ce programme a montré la nécessité de continuer à soutenir la production des films ACP, en apportant une plus grande attention aux productions télévisuelles, et d’accentuer l’aide à la promotion, à la diffusion et à la formation. 500 Ces recommandations furent prises en compte par le 9 ème FED (2002-2007) qui, dans sa programmation des fonds intra-ACP, a financé deux programmes : le programme d’appui au cinéma et l’audiovisuel ACP et le programme d’appui aux industries culturelles ACP.

L’objectif global du premier programme est de contribuer au développement et à la structuration des industries cinématographiques et audiovisuelles des pays ACP, afin qu’elles puissent mieux créer et diffuser leur propres images et participer à la promotion de la diversité culturelle et au dialogue interculturel. Il dispose d’un fonds de soutien d’un montant de 6,5 millions d’euros. Placé sous la responsabilité du Secrétariat du Groupe ACP, assisté d’une Unité de gestion du programme (UGP), ce programme a débuté en 2007 et se poursuivra jusqu’en 2012. Il se compose de trois volets constitués sous forme de subventions 501 :

- l’aide à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles ACP (courts, moyens et longs métrages, documentaires, téléfilms, séries). Ce volet dispose de 3,8 millions d’euros.

- l’aide à la distribution, à l’exploitation et à la promotion de films ACP et à la mise en réseau des professionnels. Ce volet soutient les exploitants pour l’équipement des salles, les sociétés de distribution, les festivals et rencontres des professionnels (la priorité étant donnée aux manifestions ACP). Il est doté 1,7 millions d’euros).

- l’aide à la formation. Elle est destinée aux organismes proposant les actions de formation les plus adaptées aux besoins des professionnels ACP. Elle dispose d’un budget de 1 million d’euros 502 .

500 Cacao/Ccawa et Secrétariat ACP, op. cit , p. 45 501 Idem 502 Secrétariat du Groupe des Etats ACP, « Avant-propos du Secrétaire Général du Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique à l’occasion du 1 er Festival ACP », Santo Domingo, octobre 2006, p. 4

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Le deuxième programme quant à lui, a pour objectif de contribuer à la viabilité du secteur culturel dans les Etats ACP. Avec un budget de 6,5 millions d’euros pour la période 2007 à 2012, il s’articule autour de trois composantes : un Observatoire culturel ACP, un Fonds de soutien au secteur culturel intra-ACP et un projet pilote ACP/BIT/CNUCED 503 .

L’Observatoire culturel ACP, basé à Bruxelles a pour objectif de fournir un appui aux pays ACP pour mieux appréhender le rôle économique des industries culturelles. Il devra, à terme, contribuer à l'amélioration de l'encadrement juridique et institutionnel, à la mise en place progressive de politiques d'aides publiques au secteur culturel ainsi qu'au renforcement des connaissances des décideurs politiques et des acteurs culturels ACP. L'Observatoire a choisi de mener ses recherches dans 6 pays pilotes : Guinée Bissau (Afrique Occidentale), RD Congo (Afrique Centrale), Djibouti (Afrique Orientale), Botswana (Afrique Australe), Jamaïque (Caraïbes) et Papouasie Nouvelle Guinée (Pacifique). Il n’a pas, pour l’instant, élargi son action aux autres pays ACP 504 .

Le Fonds de soutien au secteur culturel intra-ACP, géré par le Secrétariat ACP consiste à renforcer les possibilités de financement du secteur culturel ACP. Il soutient la professionnalisation des acteurs culturels par le biais de la formation, encourage le développement de la mobilité des artistes et les échanges artistiques sur le plan international, facilite la promotion et la diffusion des œuvres culturelles ACP dans et au-delà des ACP. Il finance tous les secteurs : livre, arts de la scène, artisanat, cinéma…Les subventions sont attribuées suite à des appels à propositions. Il est doté de 3,5 millions d’euros pendant cinq ans (2007-2012).

La dernière composante de ce deuxième programme est un projet pilote de soutien aux industries créatives. Il a été élaboré par le BIT, la CNUCED, l’UNESCO et le Secrétariat des ACP pour promouvoir les arts du spectacle, l’audiovisuel et l’industrie du livre dans cinq pays pilotes : Sénégal, Mozambique, Zambie, Trinité et Tobago et Fidji.

503 Secrétariat du Groupe des Etats ACP, op. cit ., p. 5 504 Laurent Héau, IBF International Consulting, « Inventaire et bilan synthétique des activités de coopération culturelle entre la Commission européenne et les Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique », Etude préparatoire au Colloque « Culture et création, facteurs de développement », mars 2009, p. 8

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En définitive, le 9 ème FED n’a pas profité à la culture gabonaise. Le Gabon pourrait peut-être en bénéficier si les professionnels de la culture venaient à solliciter le Fonds de soutien au secteur culturel intra-ACP.

Au titre des réalisations sur fonds régionaux du FED, quelques programmes ont été initiés dans l’espace de l’Afrique Centrale. Les plus importants demeurent à ce jour le programme de coopération culturelle régionale dans le monde Bantu et le programme Proculture.

Le programme de coopération culturelle régionale dans le monde Bantu, financé par le 6ème FED (1985-1990), était doté d’un montant de 5,6 millions d’euros pour cinq ans et concernait un groupe de huit pays, parmi lesquels le Gabon. L’objectif de ce projet était d’apporter un soutien à des nombreux microprojets destinés aux populations des Etats membres du CICIBA dont le siège se trouve à Libreville. Selon le Manuel sur les industries culturelles ACP 505 , ce projet a permis de mettre en œuvre 233 microprojets et d’obtenir 121 productions dans l’ensemble des Etats concernés.

Le programme « Proculture », initié en 2000 sur les fonds du 8 ème FED, visait plutôt à aider les pays de l’Afrique Centrale à définir leurs politiques culturelles et à prendre en compte la valeur économique de la culture dans leur développement respectif. Il avait également pour objectif d’inciter les pays concernés à mieux conserver leur patrimoine culturel. Les fonds alloués à ce programme sont estimés à 1.980.000 euros. Il s’est achevé en 2004 et a permis de nombreuses réalisations dans la bande dessinée (identification des jeunes dessinateurs, ateliers de formation et résidences de création, participation à des festivals…), la musique (formation, production et distribution d’une compilation Eléké …), la photographie (formation de jeunes photographes, mise en œuvre du projet Ports d’Afrique , participation aux rencontres de la photographie de Bamako…), le patrimoine naturel (mise en réseau des conservateurs des parcs…), les arts culinaires (réalisation d’un livre, La cuisine gourmande en Afrique centrale …) 506 . Le coordinateur régional pour ce programme était établi à Libreville au Gabon.

505 Cacao/Ccawa et Secrétariat ACP, op. cit , p. 42. 506 Laurent Héau, IBF International Consulting, op. cit ., p. 6

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Deuxième partie

Mais, depuis la fin de ce deuxième programme, l’Afrique Centrale n’a plus bénéficié dans le domaine culturel d’un projet structurant financé par le FED. Les financements sont réduits aux projets nationaux initiés par quelques Etats membres.

En effet, la coopération culturelle sur les fonds nationaux du FED semble celle qui a le plus bénéficié aujourd’hui de l’attention de l’UE depuis la mise en place du 7 ème FED. Mais, tous les pays ACP ne recourent pas aux fonds nationaux avec le même intérêt. Selon une classification du Secrétariat ACP, 43 pays ont à ce jour sollicité les fonds nationaux du FED pour financer des actions culturelles. Les montants engagés s’élèveraient à un peu plus de 90 millions d’euros depuis 2007. Deux pays seulement auraient consacré à la culture (entre 11 et 12 millions d’euros). Il s’agit du Mali et de l’Ethiopie. Par contre, cinq pays de l’Afrique Centrale (Cameroun, RD Congo, Sao-Tomé, Burundi et Gabon), avec treize autres, n’auraient accordé à la culture que moins de 500.000 euros. Ce qui justifie sa marginalisation dans les stratégies de développement de ces pays.

Au Gabon par exemple, la culture n’a jamais été inscrite aux différents programmes indicatifs nationaux (PIN), au titre des secteurs hors concentration. Elle n’a été soutenue que grâce au programme indicatif régional (PIR) et au programme intra ACP du 8 ème FED. Grâce au programme régional Proculture , un petit programme de soutien aux initiatives culturelles (PSIC) 507 avait été initié en 2002. Il s’est achevé en 2004 et a bénéficié d’une subvention de 380 000 euros au total. Sur fonds intra ACP, le programme-cadre d’appui au cinéma ACP mis en place sous le 8 ème FED a soutenu la production du film, Les Couilles de l’Eléphant d’Henri Joseph Koumba Bididi à hauteur de 25 000 euros 508 .

En clair, le soutien européen aux industries culturelles gabonaises reste marginal. Cette marginalisation montre que les autorités gabonaises n’ont pas encore véritablement perçu le lien indissociable entre la culture et le développement. Elle est loin d’être appréhendée comme un secteur à forte valeur ajoutée ; alors qu’une filière comme la musique

507 Le PSIC est un programme pluriannuel répondant aux besoins des acteurs culturels. Il permet de soutenir de façon flexible la réalisation de projets mis en œuvre par des acteurs culturels non étatiques. Il intervient selon deux axes : attribution de subventions et réalisation d’accompagnement incluant un appui aux acteurs pour l’élaboration, la gestion et l’évaluation des projets et des actions plus larges pour apporter des éléments de réponse à des difficultés récurrentes. Lire, Secrétariat ACP, op. cit, p. 40. 508 Laurent Héau, IBF International Consulting, idem, p. 8

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Deuxième partie

est en Côte d’Ivoire, au Mali et au Sénégal, le troisième secteur dans l’ordre des contributions à l’économie nationale. 509

Paragraphe 2 : Les tentatives de l’U.A 510 , de la CEEAC 511 et de la CEMAC 512

Malgré son potentiel culturel avéré, l’Afrique est le continent où la culture n’a pas encore intégré les programmes stratégiques nationaux de développement, excepté certains pays comme l’Afrique du Sud, le Maroc, le Nigeria, le Burkina Faso, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Mali. Elle ne constitue pas un secteur sur lequel les pays africains orientent leur développement économique. Pourtant, les réflexions sur l’intégration de la culture dans les plans de développement de l’Afrique ont commencé à prendre forme dès la création de l’OUA en 1963.

En effet, sous l’égide de l’OUA, l’Afrique organisait le Premier Festival culturel panafricain en 1969 à Alger à l’issue duquel sortait le Manifeste culturel panafricain . Ce document est un cadre conceptuel des politiques culturelles africaines. Il présente pour la première fois les réalités de la culture africaine, définit son rôle dans la lutte pour la libération nationale et la consolidation de l’unité africaine et présente celui qu’elle pourrait jouer dans le développement économique et social de l’Afrique.

Entre 1975 et 1976, une nouvelle réflexion sur les politiques culturelles, en prélude à l’organisation de la Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles en Afrique (AFRICACULT, Accra, 1975) vient renchérir le Manifeste culturel panafricain . Il s’agit de deux conférences des Ministres de la culture organisées à Libreville (1974) et à Free-Town (1975) sur « l’harmonisation des politiques culturelles en Afrique ». En 1976, la Charte culturelle africaine 513 est adoptée par le Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA réunie à sa 13 ème session ordinaire à Port-Louis (Ile Maurice). En 1985, la Déclaration sur les aspects culturels du Plan d’action de Lagos (adoptée à Addis Abeba en Ethiopie)

509 Keys to Successful Cultural Entreprise Development in Developing Countries, p. 7, cité par Secrétariat ACP, idem, p.7 510 L’Union Africaine 511 La Communauté Économique des Etats d’Afrique Centrale 512 La Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale 513 Elle est devenue en 2006 la Charte de la renaissance culturelle africaine

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Deuxième partie

engage les Chefs d’Etat et de gouvernement à intégrer les dimensions culturelles au Plan d’action de Lagos (PAL) pour le développement économique de l’Afrique, 1980-2000 . Des conférences culturelles vont également se succédées durant les décennies 1980 et 1990 : conférence des Ministres de la culture tenue à Port-Louis en 1986, à Ouagadougou en 1988, à Yaoundé en 1990 et à Cotonou en 1993. Elles seront renforcées par l’adoption, en 1992, du Plan d’action de Dakar sur la promotion des industries culturelles pour le développement de l’Afrique 514 . D’autres initiatives vont suivre : la consultation panafricaine sur les politiques culturelles (Lomé, 1998), le Symposium sur les stratégies, politiques et expériences de financement de la culture en Afrique (Abidjan, 2000), etc.

Malgré cette prise de conscience précoce, les industries culturelles africaines ont continué cependant à souffrir de l’absence de ressources humaines spécialisées, du sous- développement du marché intérieur, de l’absence des financements nationaux. Les activités culturelles étant en grande partie réalisées grâce à l’aide internationale.

L’UA (instituée en 2000 en remplacement de l’OUA) s’efforce aujourd’hui à réduire ces insuffisances et à inciter les Etats membres à appliquer l’ensemble des recommandations des Sommets, notamment le Plan d’action pour la promotion des industries culturelles et créatives . Tout en plaçant la culture au centre de tout progrès et de tout développement, elle a créé une Division de l’éducation et de la culture au sein du Département des affaires sociales. Elle a, par ailleurs, soutenu en 2002 la mise en place de l’Observatoire des politiques culturelles africaines (OCPA), dont le but est de « suivre l'évolution de la culture et des politiques culturelles dans la région et d'encourager leur intégration dans les stratégies de développement humain par des actions de sensibilisation, d'information, de recherche, de formation, de mise en réseau, de coordination et de coopération aux niveaux régional et international. »515

En septembre 2009, l’OCPA organisait, de concert avec l’Agence espagnole de coopération internationale au développement (AECID) et le Centre régional de recherche et de documentation sur les traditions orales et pour le développement des langues africaines (CERDOTOLA), un séminaire de formation pour les pays d’Afrique Centrale, portant sur

514 Il a été révisé en 2005 et est devenu Plan d’action pour la promotion des industries culturelles et créatives, adopté en 2008 à Alger 515 http://www.ocpanet.org. Consulté le 25 novembre 2009.

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Deuxième partie

« Les politiques culturelles et le développement des industries créatives et culturelles ». Ce séminaire visait trois objectifs principaux 516 :

 informer le secteur culturel en Afrique sur les concepts qui accompagnent la notion d’industries culturelles et les exigences de développement de celle-ci ;  renforcer les capacités de participation des participants au dialogue politique sur toutes les questions qui concernent ces industries, en particulier l’élaboration de politiques culturelles adaptées et l’intégration de la culture dans les stratégies de développement ;  procurer aux participants des outils qui facilitent la formulation, la gestion et l’évaluation de projets axés sur le développement de ces industries.

Au terme de ce séminaire qui s'est déroulé avec 22 participants venus du Gabon, du Burundi, du Cameroun, du Mali, de la République centrafricaine, de la République du Congo, de la République démocratique du Congo et du Tchad, les participants ont recommandé entre autres, aux Etats de la région 517 de :

 l’élaboration de cadres réglementaires adaptés aux besoins du secteur culturel et, en particulier de mesures fiscales favorables au financement du secteur ;  la mise en place, au niveau national et régional, de fonds d’appui à l’initiative culturelle guidés par les principes de transparence et d’équité qui doivent régir la mise en œuvre des fonds publics ;  l’adoption des politiques publiques volontaristes, adaptées aux enjeux du développement culturel, aux besoins spécifiques de la région et au contexte générale de la globalisation.

Durant la période 2004-2007, le plan d’action de l’UA a débouché sur la réalisation de certains projets culturels inscrits dans le programme « Renaissance culturelle » et le programme spécial intitulé « Initiatives africaines ». Hormis l’adoption d’une nouvelle Charte culturelle actualisée —la Charte de la renaissance culturelle africaine--, l’UA a appuyé la

516 OCPA, « Politiques culturelles et développement des industries créatives et culturelles », note de synthèse, Yaoundé, 14 – 19 septembre 2009, p. 1 517 OCPA, « Déclaration de Yaoundé sur les politiques culturelles et le développement des industries créatives en Afrique centrale », Yaoundé, le 18 septembre 2009, p. 2

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Deuxième partie

création de l’Académie africaine des langues (ACALAN) à Bamako, la Maison de l’Afrique à Paris (dont le Gabon est membre), a soutenu l’Institut des Peuples noirs de Ouagadougou, etc.

Au total, les implications de l’UA dans le développement culturel du continent se font aux niveaux continental, régional et national.

Au niveau continental, il s’agit de créer des instruments juridiques (Charte de la renaissance culturelle africaine par exemple), de structures de recherche (OCPA, ACALAN…) et des cadres appropriés permettant des prises de positions coordonnées des Etats membres dans les organisations internationales pour défendre les intérêts culturels de l’Afrique (Conférences des Ministres de la culture, Conseil économique, social et culturel).

Au niveau régional, l’UA s’appuie sur les organisations régionales (CEEAC, CEDEAO, SADC, UMA…) pour mettre en place des projets culturels régionaux. C’est le cas par exemple du séminaire de formation organisé par l’OCPA pour l’Afrique Centrale.

Au niveau national, l’implication de l’UA reste éminemment politique. Il s’agit de sensibiliser les Etats pour qu’ils signent et à ratifient les instruments juridiques visant à promouvoir la culture. Une action certes nécessaire, car les industries culturelles ont besoin de se développer dans un cadre juridique approprié, mais très insuffisante au regard de multiples besoins qui sont exprimés par les entreprises culturelles locales (formation, financement, distribution, …). L’UA soutiendrait donc mieux les industries culturelles africaines en créant un fonds de soutien aux initiatives culturelles, qui viendrait en appui aux dispositifs nationaux. C’est par le soutien financier que l’UA et les deux organisations sous régionales pourront contribuer efficacement au renforcement des capacités de production des industries culturelles de cette zone.

La CEEAC réunit 11 pays : Angola, Burundi, Cameroun, Guinée Equatoriale, Sao Tomé et Principe, Centrafrique, République Démocratique du Congo, Congo Brazzaville, Tchad, Rwanda, et Gabon. Il a son siège à Libreville. A sa création en 1983, elle avait pour missions de promouvoir et de renforcer une coopération harmonieuse et un développement équilibré et autoentretenu dans tous les domaines, y compris la culture ; harmoniser les politiques nationales en vue de la promotion des activités communautaires, notamment dans

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Deuxième partie

les domaines de l’industrie, des transports et communications, de l’énergie, de l’agriculture, des ressources naturelles, du commerce… et de la culture 518 .

La CEEAC n’a quasiment réalisé aucune action d’envergure dans le domaine culturel. Elle concentre plutôt ses efforts, depuis 1999, à la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique Centrale, laissant de fait la culture à la CEMAC.

Organisation de référence en matière d’intégration régionale en Afrique Centrale, la CEMAC a été créée en 1994. Elle regroupe 6 pays : Cameroun, Tchad, Guinée Equatoriale, Centrafrique, Congo Brazzaville et Gabon 519 . Son siège est en Centrafrique. Contrairement à la CEEAC, la CEMAC dispose d’une Direction de l’éducation, de la culture et des affaires sociales. Dans le domaine culturel, cette direction se charge de développer des échanges culturels ; de recenser, promouvoir et protéger le patrimoine et les œuvres culturelles ; de promouvoir l’industrie du livre 520 . Malgré l’existence de ce cadre institutionnel, la CEMAC n’a encore réalisé aucune action de taille en faveur des industries culturelles de la région. Ce qui permet de comprendre, encore une fois, pourquoi la culture a une place marginale dans les échanges régionaux. L’appel 521 lancé par les participants au séminaire organisé à Yaoundé par l’OCPA, l’AECID et le CERDOTOLA pour la mise en place au niveau régional de fonds d’appui à l’initiative culturelle devrait, s’il était entendu, aider les entreprises culturelles de la région à se développer.

Face à l’étroitesse des marchés nationaux, à l’importance des investissements à réaliser dans les infrastructures techniques et de formation professionnelle ; à cause de la faiblesse du pouvoir d’achat dans la région et de l’inexistence d’un réseau organisé de distribution des produits culturels dans les Etats membres, une mutualisation de moyens dans le cadre d’une coopération sous-régionale est fortement nécessaire. Cette mutualisation permettra aux Etats de disposer des infrastructures communes de production et de formation, d’instituer des mécanismes d’aide et de soutien aux artistes. Mais, la réalisation de ces actions dépendra d’une politique culturelle bien définie par secteur d’activité : musique, cinéma,

518 http://www.ceeac-eccas.org/index.php?rubrique=presentation&id=4. Consulté le 12 septembre 2009 519 http://www.cemac.int/EtatsMembres.htm. Consulté le 12 septembre 2009 520 Cacao/Ccawa et Secrétariat ACP, op, cit , p. 29 521 OCPA, « Déclaration de Yaoundé sur les politiques culturelles et le développement des industries créatives en Afrique centrale », op. cit ., p 2

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Deuxième partie

édition, etc. Elle dépendra aussi d’une connaissance précise de l’environnement culturel régional ; ce qui nécessite la réalisation d’un état des lieux préalable des activités culturelles dans chaque pays membre.

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

L’état des lieux des industries culturelles gabonaises que nous venons d’effectuer nous a permis d’en identifier quelques unes qui se détachent des autres grâce à l’importance de leurs activités. Ce sont les industries éditoriale, musicale et audiovisuelle (radio, télévision et cinéma). Cet état des lieux nous a permis en outre de distinguer les industries culturelles des industries classiques ; en ce qu’elles sont porteuses de discours, d’images, d’identité et de sens. En effet, les produits culturels ne sont pas des produits comme les autres. Ils obéissent à des logiques qui leurs sont propres. Avant d’être un produit marchant, le produit culturel est avant tout un prototype. Son coût unitaire diminue au fur et à mesure que le nombre d’exemplaires reproduits augmente. Plusieurs pays, au regard de ces particularités, ont adopté des dispositifs financiers pour encadrer et soutenir leurs industries culturelles.

Au Gabon, ces dispositifs financiers n’existent pas encore, à l’exception du FONAPRESSE. Mais, le marché de la consommation existe. Il est soutenu par la population jeune (étudiants et jeunes actifs), les cadres du secteur public et privé et dominé par les produits éditoriaux réunis (livre et presse) et musicaux (CD, DVD, VCD et K7). Ces produits sont le résultat d’une forte activité menée à la fois par des structures formelles et informelles. Les structures informelles sont majoritairement présentes dans la commercialisation du livre (librairies par terre) et des produits musicaux (vendeurs ambulants). Malgré une activité certes en augmentation, les entreprises gabonaises opérant dans le secteur de la culture sont néanmoins confrontées à d’innombrables difficultés.

Dans le secteur de l’édition par exemple, les organes de presse n’arrivent pas à se constituer en entreprises de presse économiquement viables. Les raisons de cette frilosité sont nombreuses. Mais les plus importantes découlent, d’une part, de l’insuffisance des fonds générés par la publicité et des relations tumultueuses entretenues avec l’organe national de régulation (CNC), d’autre part. Cette deuxième difficulté entraine régulièrement la

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Deuxième partie

suspension, voire l’interdiction de paraître, ce qui constitue pour l’organe de presse incriminé, un manque à gagner considérable. Pour les maisons d’édition, la situation n’est guère enviable. Leur production a du mal à s’écouler, le marché local étant trop restreint et le prix du livre jugé exorbitant ; d’où les parutions intermittentes. Le marché de l’édition scolaire qui leur aurait permis de capitaliser leurs investissements au regard du nombre sans cesse croissant de la population en âge scolaire, est confié à une filiale française d’EDICEF ; et les livres produits sont achetés et distribués gratuitement aux écoles publiques par l’Etat, au grand dam des librairies qui auraient profité de cette clientèle jeune et permanente pour accroître leurs chiffres d’affaires. Seules quelques maisons d’édition arrivent à se maintenir grâce à leurs réseaux de distribution à l’étranger.

Dans l’industrie du phonogramme, les disparités qui existent entre les artistes produits localement et ceux produits par les labels étrangers traduit l’incomplétude des mesures initiées par l’Etat pour soutenir ce secteur. Les fortes ventes enregistrées par l’industrie du disque cachent en réalité un malaise existentiel au sein de la profession. Sans soutien financier, et face au phénomène croissant de la piraterie, les artistes locaux qui s’autofinancent pour la plupart, vendent leurs productions à un prix quasiment dérisoire (1,59 euros le CD), annihilant toute possibilité de développement.

L’industrie audiovisuelle n’est pas exempte de ces difficultés. Les radios et télévisions privées sont sans cesse confrontées à des problèmes de trésorerie. Les quelques recettes tirées de la publicité, lorsqu’elle leur parvient, suffisent à peine à s’acquitter des charges de fonctionnement. Ce qui explique la mêmeté de leurs programmes et l’incapacité pour la télévision à financer le cinéma.

Le cinéma gabonais est le premier secteur avant la presse à être soutenu par l’Etat. Il est géré par une entité publique, le CENACI, qui dispose d’un budget annuel de production. Mais, le soutien du CENACI au cinéma national demeure insuffisant, malgré un effort croissant de production. Les films réalisés ont du mal à se vendre, faute de distributeur. Toutefois, grâce au soutien de la France, de l’OIF et de l’UE, quelques films sont sortis de l’anonymat pour atteindre les marchés étrangers. Certains d’entre eux ont même été distingués dans des festivals. Mais, le financement international ne suffit pas à résoudre les difficultés

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Deuxième partie

auxquelles le cinéma gabonais, voire l’ensemble des industries culturelles gabonaises sont confrontées : difficultés liées à la formation, à la production et à la commercialisation.

Toutes ces difficultés montrent que les politiques culturelles mises en place par le Gabon n’ont pas suffisamment aidé les industries culturelles nationales à se développer. Alors que les autorités gabonaises se proposaient de corriger les manquements observés au terme du plan décennal de 1980 à 1990, la baisse de crédits du Ministère de la Culture n’a pas permis d’atteindre cet objectif. De ce fait, quelles solutions pouvons-nous préconiser pour développer les industries culturelles gabonaises ?

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TROISIEME PARTIE :

LA REDEFINITION DE LA POLITIQUE

CULTURELLE GABONAISE.

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Troisième partie

Nous avons défini la politique culturelle dans la première partie de ce travail comme l’ensemble de mesures prises pour soutenir ou protéger les activités dans le secteur culturel. C’est un cadre de référence qui organise les interventions de l’Etat ou d’une collectivité locale dans ce domaine. Elle est liée au financement et à la promotion de la culture. Pour Charles C. Mark, c’est « un ensemble de pratiques sociales, conscientes et délibérées, d’interventions ou de non-interventions ayant pour objet de satisfaire certains besoins culturels par l’emploi optimal de toutes les ressources matérielles et humaines dont une société dispose au moment considéré »522 . Pour l’Unesco, il s’agit d’« un ensemble d’actions collectives convergentes, visant la réalisation de certains objectifs et programmant la mise en œuvre de certains moyens »523 . Plus circonscrite est la proposition que donne Pierre Moinot 524 lorsqu’il attribue à la politique culturelle quatre fonctions principales :

 protéger les œuvres du passé, c’est-à-dire sauvegarder le patrimoine culturel et le restituer aux hommes d’aujourd’hui dans toutes ses significations ;  stimuler la création d’œuvres qui puissent témoigner du génie propre de notre époque ;  assurer la diffusion, c’est-à-dire rendre accessible au plus grand nombre l’héritage passé et la création présente de la culture ;  et enfin former ceux qui auront la charge de cette diffusion.

Bien qu’il n’existe de modèle type de politique culturelle, ces différentes acceptions traduisent que chaque pays, en définissant sa propre politique en fonction de ses valeurs culturelles et surtout des objectifs qu’il se fixe lui-même, peut ou pas soutenir ses industries culturelles.

522 Charles C. Mark, « La politique culturelle aux Etats-Unis », Paris, Unesco, 1969, p. 9 523 Saint-Pierre Diane, La politique culturelle du Québec de 1992 : continuité ou changement? Les acteurs, les coalitions et les enjeux . Laval, PUL, coll. « management public et gouvernance », 2003, p. 17. Cité par Anne- Marie Robert , « L’impact de la mondialisation sur la culture au Québe c. Rapport 2 — Scène mondiale, piliers locaux : les industries culturelles et créatives », Québec, Laboratoire d’étude sur les politiques publiques et la mondialisation (LEPPM), décembre 2005, p.7 524 Pierre Moinot, « Conception d’une politique culturelle », Extrait du discours prononcé à la conférence générale de l’UNESCO, le 17 novembre 1966. In Ecole supérieure de commerce et d’administration des entreprises (ESCAE), Décentralisation et promotion culturelle, Clermont-Ferrand, 1972, p. 34

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Troisième partie

En France par exemple, la politique culturelle prend généralement en charge quatre aspects 525 :  la formation des artistes et les aides afférentes (bourses) ;  l’amélioration de leur condition matérielle (sécurité sociale, droits d’auteur, logements, ateliers d’artistes) ;  l’aide aux structures d’interprétation ou de diffusion (salles d’exposition, théâtres, opéras, centres d’art, auditoriums, troupes de théâtre, compagnies de danse, orchestre, etc.) et au lancement des artistes (aide à la première exposition) ;  l’achat d’œuvres ou la commande publique d’œuvres dans le cadre des musées, du Fonds national d’art contemporain, du Fonds de la commande publique, de la décoration des rues et des bâtiments, mais aussi de la commande d’œuvres à des compositeurs.

D’autres pays européens (Allemagne, Italie, Belgique, Autriche, Espagne…) ont mis en place une politique similaire d’encadrement et de soutien à la culture.

En Afrique, les mesures incitatives adoptées dans les secteurs du livre et du cinéma par des pays comme l’Afrique du Sud (Cultural Industries Gromth Strategy), le Burkina Faso (Fonds national de promotion culturelle), le Maroc (Fonds d’aide à la production cinématographique) ou la Côte-d’Ivoire (monopole de la production des livres scolaires attribué aux éditeurs locaux) ont permis à leurs industries respectives de se hisser au rang des industries les plus dynamiques du continent.

Au Gabon, la première politique culturelle initiée au lendemain de l’indépendance du pays a été celle de la construction des édifices culturels et de l’établissement des accords de coopération avec les pays étrangers. A partir des années 1980, une nouvelle dynamique a été impulsée grâce surtout aux réunions internationales (particulièrement la conférence de Mexico sur les politiques culturelles organisée par l’UNESCO en 1982) qui recommandent aux Etats d’intégrer la culture dans les stratégies nationales de développement. La nouvelle politique culturelle devient alors axée sur l’institutionnalisation et la réglementation de la culture, jugées indispensables à l’amorce d’un secteur économiquement rentable. Ce dispositif institutionnel et réglementaire va être renforcé par la création d’un fonds de soutien à la presse

525 Pierre Moulinier, Politique culturelle et décentralisation , Paris, L’Harmattan, 2002, p.36-37.

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écrite (le FONAPRESSE). Mais, le FONAPRESSE et le CENACI (production de films et soutien à l’industrie cinématographique) ne suffisent pas à transformer les entreprises de presse en véritables industries culturelles et à asseoir une industrie cinématographique capable de constituer un secteur économique rentable. L’ANPAC, créée par la loi n° 19/82/PR du 24 janvier 1983, ressemble toujours à un « mort-né », tant la valorisation des œuvres de l’esprit tarde à se faire jour.

Face à ces insuffisances, une redéfinition de la politique culturelle s’impose. La nouvelle politique devrait renforcer les dispositifs de soutien existants, créer des établissements de formation pour les entrepreneurs culturels, instituer des aides directes et indirectes et renforcer les pouvoirs des institutions décentralisées afin de leur permettre d’initier des politiques culturelles locales. Elle devrait aussi s’appuyer sur une diplomatie au service de la culture.

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Troisième partie

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Troisième partie

CHAPITRE 5 : POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DE

LA CULTURE GABONAISE

Dans un monde de plus en plus concurrentiel, où ne survivent que les industries organisées, fortes et compétitives, l’Afrique doit profiter d’un secteur qui lui est naturellement acquis : le secteur culturel. La création et le talent africains dans ce domaine ne sont plus à démontrer. L’Afrique a influencé et enrichi nombre de musiques du monde, surtout dans les Amériques et les Caraïbes. Dans les années 1970 par exemple, la production cinématographique a été la deuxième activité d’exportation de l’Egypte. Pourtant, l’Afrique reste marginalisée dans les échanges mondiaux des produits culturels. Plusieurs pays africains ont entrepris des réformes pour corriger cette contre performance et commencent à atteindre des niveaux de production de produits culturels relativement appréciables (Maroc, Nigeria, Afrique du Sud, Egypte, Burkina Faso).

Au Gabon, malgré quelques actions incitatives, les industries culturelles nationales présentent une physionomie peu enviable, tant les difficultés sont nombreuses : absence de formation, insuffisance de soutiens financiers, vétusté du matériel de production, inaccessibilité aux NTIC, immixtion du politique dans l’appareil de production et de gestion, etc. Face à toutes ces entraves, cette partie se donne comme objectif de proposer des pistes d’actions qui sont susceptibles de dynamiser les industries culturelles gabonaises. Pour y parvenir, nous suggérons dans la première section de ce chapitre, la formation et le numérique comme préalables au développement des industries culturelles. Dans la seconde section, il est question de sensibiliser les entrepreneurs culturels sur les avantages qu’offrent par exemple la coédition et la coproduction dans le partage du risque produit et l’élargissement des canaux de distribution.

SECTION 1 : LA FORMATION ET LES NTIC COMME PREALABLES A

LA DYNAMISATION DES INDUSTRIES CULTURELLES AU GABON

L’objet de cette section est de montrer que la formation peut constituer l’une des solutions aux maux qui minent le développement des industries culturelles au Gabon. Il ne

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Troisième partie

peut y avoir de développement sans une formation de qualité, y compris dans le monde entrepreneurial.

Par ailleurs, l’évolution des technologies de l’information et de la communication obligent les industries culturelles gabonaises à s’arrimer à cette évolution, c’est-à-dire à adopter des techniques de production et de commercialisation innovantes. Et le numérique apparaît à ce titre particulièrement bénéfique, en ce qu’il améliore la rentabilité de l’entreprise.

Paragraphe 1: La professionnalisation des acteurs : condition sine qua non de développement des initiatives culturelles.

L’état des lieux que nous avons réalisé supra nous a permis de déceler deux types de difficultés auxquelles les industries culturelles gabonaises sont confrontées. Il s’agit des contraintes externes et internes. Les contraintes externes découlent de l’environnement économique, juridique et réglementaire auquel elles sont assujetties. Elles en sont donc très peu responsables. Contrairement aux contraintes externes, les difficultés internes témoignent grosso modo de l’inorganisation des industries et de la méconnaissance des rudiments de gestion d’une entreprise. Dans une enquête réalisée en 2002 auprès d’un échantillon de 92 PME-PMI gabonaises, Fabien Mbeng Ekorezok soutient que « 76 % des entrepreneurs, 86 % des promoteurs individuels et 95 % des tiers informels avouent leur incurie ou leurs faibles capacités dans bien des domaines de gestion. Ils ont en particulier besoin d’être initiés ou de consolider leurs connaissances et aptitudes au plan du management »526 . Nombre d’industries culturelles auprès desquelles l’enquête qualitative a été menée, avouent aussi souffrir de ces carences managériales qui sont pourtant facilement solubles par la formation.

Assurément, c’est par la formation que tout travailleur acquiert les connaissances nécessaires à l’exécution de son métier. C’est aussi par la formation qu’un chef d’entreprise apprend à gérer son unité de production. Certes, il existe des métiers dont l’école n’est ni une nécessité, ni un sésame. Mais il en va tout autrement de certaines professions de la culture, encore moins des fonctions de chef d’entreprise. Qu’il s’agisse des métiers de la

526 Fabien Mbeng Ekorezok, « L’incubateur d’entreprises : moyen de promotion de la PME/PMI gabonaise ? », 6ème Congrès international francophone sur la PME, HEC-Montréal, octobre 2002, p. 10

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Troisième partie

communication, de l’édition, de la musique ou du cinéma, la formation reste le meilleur moyen d’acquérir des connaissances ou de renforcer ses capacités, surtout au moment où les besoins en numérique deviennent légion dans les industries culturelles.

Dans le secteur de la communication par exemple, lorsqu’un journaliste, soit par mégarde ou par ignorance se soustrait de sa mission d’éduquer, de former et de divertir, l’organe de régulation des médias se précipite à lui rappeler le respect de la déontologie. Pourtant, c’est par la formation que cette déontologie journalistique s’acquiert.

Au Gabon où aucune école formant dans les métiers de la communication n’existe, ce sont souvent les anciens étudiants de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Omar Bongo et les enseignants qui exercent dans des organes de presse, des radios et télévisions publiques et privées les fonctions de journalistes. La maîtrise de la langue française est-il suffisant largement pour se faire enrôler dans la lourde mission d’informer et/ou d’éduquer. Depuis que l’Etat gabonais a mis un terme à la formation des journalistes par la fermeture du centre universitaire des sciences politiques et du développement (CUSPOD), les organes de presse et les entreprises de communication souffrent d’une main-d’œuvre sous qualifiée. Le rapport de l’UNITAR produit en 2000 nous paraît à ce titre édifiant : « […] Les professionnels de la communication gabonais les mieux formés le sont à l’étranger. Sur environ 500 agents que comptent la RTG 1 et la RTG 2, l’une comporte une trentaine de journalistes, l’autre en a autant, avec plus d’une centaine d’agents formés sur le tas »527 . Ce que confirme Chrizostome Lisasi, journaliste à Business Gabon :

« Une grande partie de l’élite de journalistes issue des vagues successives de formation est aujourd’hui happée par la retraite. Bien que retraités, ces pionniers ne peuvent même pas faire bénéficier leur expertise aux jeunes générations. L’environnement économique ne leur permet pas de s’offrir une seconde vie professionnelle, soit en créant leurs propres entreprises, soit en intégrant d’autres entreprises, notamment celles de la sphère privée. […] C’est à l’infime partie qui reste, épaulée par une cohorte de journalistes qui se sont fait la main sur le tas, à qui l’on demande de mener à bien ces missions 528 avec rigueur intellectuelle et professionnelle. Il y a là comme un

527 UNITAR, op, cit, p. 133. 528 Chrizostome Lisasi parle dans son texte de deux missions dévolues au journaliste : la socialisation des citoyens et la promotion et la protection de l’identité culturelle.

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paradoxe entre les missions proclamées des médias, lesquelles induisent une lourde responsabilité, et la qualité de la ressource humaine censée remplir celle-ci »529 .

Devant des métiers qui ne cessent de se complexifier à cause des évolutions technologiques, la formation des professionnels devient un impératif. Comment est-il possible de produire un meilleur son à la radio, à la télévision ou au cinéma si l’ingénieur du son ne dispose pas des qualités artistiques et des connaissances acoustiques requises ? Comment est-il possible de devenir correcteur (métier de l’édition) si la syntaxe, la grammaire et l’orthographe ne sont pas maîtrisées ?

Si le secteur de l’édition peut se faire fort d’être un secteur d’exception, grâce à une formation de bibliothécaire délivrée sur concours aux détenteurs d’une maîtrise (ou d’un diplôme équivalent) par l’Ecole normale supérieure (ENS) de Libreville, les autres secteurs de la culture en sont privée. Il en est de même les dirigeants d’entreprises qui, pourtant, pour mener à bien leurs missions, doivent disposer des acquis qui permettent d’être à la fois formateur, encadreur, entrepreneur, négociateur et manager.

Pour aider les industries culturelles gabonaises à consolider leurs structures, l’Etat doit donc créer un Institut de formation aux métiers de l’édition, du livre et de l’audiovisuel. Cet institut donnera aux journalistes et promoteurs culturels des qualifications requises pour l’exercice de leurs fonctions et la réalisation de leurs projets. Il sera aussi pour les entrepreneurs culturels et chefs d’entreprise un laboratoire d’apprentissage des techniques de marketing et de management pour une gestion rigoureuse et une optimisation des ressources. Au-delà d’une formation théorique à mettre en place, l’Institut devra aussi développer des formations pratiques en ateliers et studios de production, l’objectif étant de disposer des professionnels suffisamment qualifiés et opérationnels, assortis d’un diplôme reconnu 530 . Pour les professionnels déjà en activité, des formations continues devront leur être proposées par

529 Chrizostome Lisasi, « La formation des journalistes : un impératif pour le saut qualitatif de la presse gabonaise », publié le 8 mai 2008 dans Business Gabon. Document tiré de www.gaboneco.com. Consulté le 20 janvier 2010. 530 Le diplôme, bien qu’il n’est pas toujours nécessaire pour certains métiers, reste à tout point de vue une présomption de connaissance et une condition imposée par le code de la communication pour assurer un certain nombre de fonction, notamment celles de journaliste et de professionnel de l’audiovisuel. Est journaliste en effet, « toute personne titulaire d’un diplôme de journalisme délivré par une école de formation spécialisée reconnue par l’Etat […] » (article 12). Le même code de la communication entend par professionnel de la production audiovisuel et cinématographique, « toute personne titulaire d’un diplôme de technicien de production délivrée par une école de formation aux métiers de la production audiovisuelle ou cinématographique reconnue par l’Etat […] » (article 13).

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l’Institut et par leurs unités de production respectives, dans le cadre de l’aide accordée par le FONAPRESSE aux industries souhaitant renouveler les capacités opérationnelles de leurs employés. Le bénéfice tiré de l’enseignement des techniques de marketing et de management, voire de gestion et de comptabilité dispensé aux chefs d’entreprises et promoteurs culturels, pourrait être de plusieurs ordres.

Premièrement, dans un environnement entrepreneurial de plus en plus concurrentiel, les promoteurs et entrepreneurs culturels gabonais sont dans l’obligation de maîtriser le secteur d’activité dans lequel ils évoluent ou évoluera le projet culturel. Cette exigence implique entre autres, l’élaboration des notes sectorielles. Une note sectorielle est un document qui décrit les différents acteurs du secteur dans lequel l’activité est menée. Elle met en exergue la réglementation qui régit le secteur, les rapports qu’entretiennent des acteurs avec les différents partenaires (clients, fournisseurs, bailleurs, Etat, banque, sous-traitant, distributeurs, prestataires, etc.), les parts de marché de chaque acteur du secteur, la taille globale du marché, les facteurs clés du succès. La note sectorielle permet aussi à l’entrepreneur de tester lui-même la maîtrise qu’il a des paramètres de l’environnement de son entreprise, de démontrer aux interlocuteurs qu’il maîtrise les déterminants de l’environnement de son entreprise. En clair, l’utilité de la note sectorielle pour une entreprise est de dégager les spécificités de l’environnement de l’entreprise, les caractéristiques du secteur d’activité, le positionnement de l’entreprise sur son marché, la tendance d’évolution du marché, la délimitation du marché, l’évolution des produits et des technologies de production, le caractère cyclique de la demande, la décroissance des débouchés suite à l’émergence des concurrents. 531

Deuxièmement, la génération d’une note sectorielle permet à l’entreprise ou au promoteur d’élaborer un bon plan d’affaires pour la recherche des financements auprès des bailleurs de fonds. Très utile pour des industries insuffisamment pourvues financièrement, elle donne aux financiers potentiels (banques, investisseurs, fournisseurs, etc.) une visibilité de la structure à créer. Le plan d’affaires est un document écrit qui doit être clair, complet, concis et précis. Il est généralement constitué des éléments suivants 532 :

531 Victor Ehe, « L’entreprenariat », séminaire de formation en gestion d’entreprises culturelles, filière édition, organisé par l’OIF, Kigali (Rwanda), du 8 au 13 juin 2009. 532 Victor Ehe, op. cit.

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- la présentation de l’entreprise en création (dénomination sociale, statut juridique, date de création, mission, objectifs et secteur d’activité) ; - l’équipe de direction (rôles respectifs de chaque responsable, leur niveau de compétence et d’expérience, la moralité de chacun, etc.) ; - le plan marketing de l’entreprise (le marché, la clientèle, la concurrence, les produits ciblés, les prix des concurrents, la stratégie de commercialisation) ; - le plan de production (méthodes de production, outil de production, plan logistique, etc.) ; - le plan des ressources humaines (mise en place d’une politique en matière de ressources humaines, le niveau de sous-traitance, formation, planification des carrières, etc.) ; - la planification financière (plan de financement, compte de résultat, et de trésorerie, etc.) ; - et les annexes (sources citées, documents de l’étude de marché, témoignages de clients, lettres d’intention, etc.).

La maîtrise des techniques markéting et managériales par le chef d’entreprise ou le promoteur culturel lui permet d’éviter les déboires que connaissent aujourd’hui les entrepreneurs culturels gabonais.

C’est dans le secteur de la musique que la situation semble la moins dramatique, car il existe dans le pays quelques écoles de musique privées et un conservatoire national de musique et de danse (CNMG), situé à Libreville.

Créé en 1998 par le Ministère de la Culture pour la population gabonaise, la culture et la pratique musicale et chorégraphique, servir de moteur à la réflexion sur l’importance de la musique dans le développement économique du pays 533 , le Conservatoire National de Musique du Gabon n’existe aujourd’hui que de nom, faute de moyens financiers et de personnel enseignant qualifié. Dès ses débuts, le Conservatoire s’était pourtant illustré par son organisation pédagogique et la qualité de ses formateurs. Quatre départements y étaient constitués (instruments, danse, pédagogie et animation) et les cours étaient suivis d’ateliers 534 .

533 http://membres.multimania.fr/cnmg/framecnm.htm. Consulté le 2 février 2010. 534 Idem

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L’équipe pédagogique était composée d’enseignants permanents, recrutés sur la base de leurs références académiques et leurs expériences professionnelles, et d’enseignants non- permanents invités pour renforcer l’expertise de l’établissement. Dès sa création, le conservatoire disposait de trois cycles d’enseignement (premier, deuxième et troisième). Les deux premiers cycles concernaient les élèves amateurs et le troisième était réservé aux professionnels. L’admission à un cycle était conditionnée par l’acquittement des frais pédagogiques dont les montants sont répertoriés dans le tableau suivant.

Tableau 24 : Montants des frais pédagogiques

Cycle Tarif mensuel Tarif annuel 1er 15 000 FCFA 135 000 FCFA 2ème 20 000 FCFA 180 000 FCFA 3ème 45 000 FCFA 405 000 FCFA Source : CNMG

Le Conservatoire proposait aussi des formations continues pour lesquelles les frais d’inscriptions annuels de 5 000 FCFA étaient requis, en plus d’une participation financière pour chaque module (ou atelier) de formation choisi.

Depuis quelques années, le CNMG est entré dans une léthargie qui ne permet plus de dispenser une formation de qualité aux apprenants. Le budget de l’établissement devenant dérisoire, le recrutement et le paiement des enseignants ne s’effectuent plus. Et la formation initiale n’est plus assurée. Pourtant, le Ministère de la culture reconnaît, lors de nos enquêtes de terrain, l’urgence et la nécessité de redynamiser cet établissement afin d’en faire un lieu de recherche et de création où formation pratique rime avec nouvelles technologies.

Paragraphe 2 : Les industries culturelles gabonaises dans la perspective de l’économie numérique

Les industries culturelles connaissent depuis quelques décennies un bouleversement important de leurs modes de production, du fait d’une mutation technologique qui se caractérise par la fin des industries culturelles aux technologies spécifiques et aux régulations propres, pour faire place au numérique. Alors que :

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« Dans le monde analogique l’équipement des ménages s’organisait autour de trois pôles déconnectés : le son, avec la chaîne hi-fi et les postes de radio, l’image, avec le téléviseur et le magnétoscope, et le téléphone avec, parfois, un répondeur […], le numérique est venu bouleverser cet agencement avec deux mouvements contradictoires. Le premier a été la multiplication des terminaux, avec un nouveau pôle constitué par l’irruption de la micro-informatique […] et son cortège d’imprimantes, d’écrans, de claviers et autres périphériques, auquel il faut ajouter des consoles de jeux vidéo. Par ailleurs, dans chacun des pôles existants, les terminaux ont proliféré : lecteurs de DVD, caméscopes et décodeurs autour de l’image, lecteurs MP3 et amplis audio-vidéo pour le son, nouveaux terminaux de télécommunications avec les modems, puis les téléphones portables. Le second mouvement a été l’interconnexion de ces différentes fonctions : modems permettant d’accéder à la télévision, connexion de l’appareil photo numérique à l’ordinateur et au téléviseur avec la photo numérique, lecteurs de DVD lisant également les CD musicaux. Les frontières se sont brouillées. Le micro-ordinateur, notamment portable, à vocation à remplir, plus ou moins bien, la plupart de ces fonctions […] »535 .

Ces nouvelles technologies commencent progressivement à se faire une place dans le tissu industriel africain. Certains professionnels y trouvent une excellente réponse aux multiples difficultés techniques et financières que connaissent les industries culturelles africaines. D’autres, par contre, au regard des changements que vont entrainer ces nouvelles technologies dans les modes de production et de commercialisation des produits culturels, les trouvent très coûteuses et les rendent responsables du phénomène grandissant de la piraterie. Le développement de ces deux positions, au demeurant antagonistes, nous permettra de prendre position quant à savoir si le numérique peut constituer ou non une alternative aux maux qui minent les industries culturelles africaines et gabonaises.

Considéré comme le codage d’une information analogique aux fins de la mémoriser, de la traiter ou de la transmettre 536 , le numérique touche toutes les industries culturelles de notre corpus: l’édition, le phonogramme, la télévision, la radio et le cinéma.

535 Philippe Chantepie et Alain Le Diberder, Révolution numérique et industries culturelles , Paris, La Découverte, 2005, p. 17-18

536 Jacques Notaise, Jean Barda et Olivier Dusanter, Dictionnaire du multimédia. Audiovisuel, Informatique, Télécommunications , Paris la Défense, AFNOR, 1995, p. 615

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Dans l’édition, le numérique apparaît sous une double évolution : une évolution au niveau des supports de diffusion de l’information, avec le passage du support papier aux supports numériques, et une évolution au niveau des modes d’organisation.

L’invention de l’imprimerie par Gutenberg au XV ème siècle avait constitué la première innovation dans le monde de l’édition. Elle donnait désormais au texte la possibilité d’être reproduit et diffusé à grande échelle ; ce que ne permettait pas le manuscrit. Elle a fait du papier le support idéal pour la diffusion du savoir. Cependant, avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information, d’autres techniques de traitement, d’organisation et de diffusion de l’information sont apparues. C’est le cas par exemple du multimédia, de l’hypermédia et d’Internet.

Le multimédia est une technologie qui repose sur l’intégration des différentes techniques de l’audiovisuel, de l’informatique et des télécommunications. Il s’agit d’une œuvre incorporant sur un même support informatique plusieurs éléments, notamment le texte, le son, l’image animée, le programme informatique, dont l’accès est régi par un logiciel permettant l’interactivité 537 . Quant à l’hypermédia (ou hypertexte), il constitue « un moyen d’information permettant une consultation non linéaire de l’information : à tout moment, l’utilisateur peut cliquer sur des icônes ou sur des mots avec la ‘’souris’’ de son ordinateur, ce qui déclenche la suite du texte, un complément d’information, un son ou une image . »538 Ces nouvelles technologies peuvent à la fois compléter le support papier, voire le concurrencer.

En effet, face à la rareté des livres dans les bibliothèques et les librairies africaines, les nouvelles technologies apportent une solution importante. En numérisant les fonds documentaires disponibles, le livre se décloisonne. Sa consultation devient aisée, aussi bien au niveau national qu’international, lorsqu’une connexion au réseau Internet est possible.

Au Gabon, la numérisation du fonds Gabon du CCF de Libreville a favorisé son accès à un grand nombre de lecteurs et chercheurs, au Gabon comme à l’étranger. La numérisation

537 Jean-Marie Boucher, « La presse est-elle soluble dans le numérique ? », Le Banquet , 2 ème semestre, 1994, p. 41, cité par Cristina Marino, De la presse écrite à la presse électronique. Vers un nouveau média ?, Paris, ADBS Editions, 1996, p. 26 538 Cristina Marino, idem , p. 26-27.

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du fonds documentaire de la bibliothèque nationale pourrait aussi, si elle était envisagée, sauver de l’usure les quelques ouvrages qui sont encore en état d’utilisation.

Au plan de la fabrication, le problème se présente avec moins d’acuité, car la plupart des maisons d’éditions gabonaises ont commencé à numériser les premiers maillons de la chaîne du livre. Il en va de la rentabilité de l’entreprise. Elles se sont même servi de ces nouvelles technologies pour créer leurs sites Internet et vendre en ligne leur production. La vente du livre (et de la presse) via le réseau Internet constitue une des solutions à l’exiguïté de certains marchés africains. Par ce réseau commercial, le livre africain et gabonais se déploie sur d’autres marchés qui seraient autrement inatteignables. Par le biais du numérique donc, le livre « papier » peut connaître une nouvelle existence et se vendre au-delà des frontières. Toutefois, le numérique peut aussi s’affranchir du support papier et inventer des nouvelles formes éditoriales.

Avec l’Internet, les éditeurs ont désormais la possibilité de commercialiser des ouvrages directement sur support numérique, avec des coûts très bas, sans recourir à l’impression sur support papier. Un projet inédit pour l’Afrique a été lancé en 2003 pour soutenir les jeunes auteurs francophones dont les œuvres n’auraient pas pu être éditées par les maisons classiques, soit à cause du caractère polémique de leurs textes, soit à cause des problèmes financiers 539 . Grâce au concours financier du Fonds des inforoutes de l’OIF 540 , quatre éditeurs africains ( Cérès en Tunisie, Tarik au Maroc, Jamana au Mali et Ruisseaux d’Afrique au Bénin) se sont en effet joints à des partenaires francophones du Nord (Editions Luc Pire et l’Association texto pour la Belgique, L’Effet pourpre pour le Québec et les Editions de l’Hèbe pour la Suisse) pour créer une collection littéraire entièrement numérique et gratuite. Embarquement immédiat , du nom de cette collection, se donne pour objectif la diffusion des « nouvelles voix de la Francophonie » sur Internet et sur les nouveaux supports de publications (livres électroniques, terminaux UMTS, assistants portables…). Cette collection publie essentiellement des textes de jeunes auteurs dont l’œuvre est encore en chantier : Le Père et Le Fétiche du vent , d’Hilaire Dovonon (Bénin), Les Plaqués de la Saint-

539 André Linard, « Les premiers livres africains sur écrans », publié le 15 juillet 2003 sur le site www.syfia.info. Consulté le 3 mars 2010 540 L’OIF a apporté au projet « Embarquement immédiat » un financement de 100 000 euros. Fonds Francophone des Inforoutes, « 8ème appel à propositions-Relevé de décision », le 19 avril 2002, p. 11. Tiré de http://inforoutes.francophonie.org/doc/actualites/ffi-releve-8e-appel.pdf. Consulté le 3 mars 2010.

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Sylvestre et La descente aux enfers de Moussa Bolly (Mali) 541 . Maira Sow Ba, directrice des Editions Jamana, explique l’intérêt de ce projet pour les jeunes auteurs africains : « Internet est nouveau et attire les jeunes, même s’ils doivent généralement se rendre dans un cybercafé. Ils n’ont pas à payer le même prix pour un livre papier. L’e-book est plus accessible »542 .

Dans le sous secteur de la presse, les nouvelles technologies constituent pour les journaux traditionnels (quotidiens, magazines), confrontés à la hausse des prix du papier et à la baisse des ventes, une voie de sortie. Certains organes de presse se sont lancés dans le tout numérique et y trouvent plusieurs avantages. Ainsi, alors qu’un journal papier est limité par le nombre de pages, le journal électronique s’affranchit de cette exigence. En passant du papier à l’écran, le nombre de pages d’un journal entièrement numérisé est quasiment illimité. Aussi, il peut lui être relié une série de documents (sous forme d’annexes) ayant servi à sa rédaction, et qui n’auraient pas pu l’être dans un journal papier, faute de place. De plus, un journal électronique fournit au lecteur une somme importante d’informations, allant de l’ancien numéro au plus récent. Sa mise à jour quotidienne constitue un atout non négligeable. Par ailleurs, grâce à l’hypertexte, le journal numérique donne au lecteur la possibilité d’établir des liens directs entre des textes, entre un texte et un son, entre un texte et une image. « A la lecture à l’écran d’un article, nous explique Cristina Marino, les mots sur lesquels des liens hypertexte ont été placés sont indiqués par un trait distinctif (couleur, soulignement, etc.) et le simple fait de choisir l’un de ces mots en cliquant dessus avec la ‘’souris’’ provoque automatiquement le rapatriement et l’affichage de l’objet (document visuel ou sonore, fichier, etc.) sur lequel ces liens sont pointés. »543

Certains journaux gabonais se sont illustrés dans ce type de format (gabonews, gabonpage, gaboneco, infoplusgabon, etc.). Ils diffusent de façon quasi-instantanée l’actualité gabonaise et semblent se constituer en trait-d’union entre le Gabon et sa diaspora. Ces journaux d’un nouveau genre qui vivent grosso modo de la publicité souffrent cependant des aléas des innovations technologiques qui évoluent à un rythme effréné et qui nécessitent des adaptations permanentes. Ils sont également confrontés à la fracture numérique qui limite

541 Les autres textes sont consultables sur www.embarquement.livrel.eu 542 André Linard, op. cit. 543 Cristina Marino, op, cit, p. 69

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leur expansion dans tout le pays. Mais, le numérique, bien qu’indispensable au renouvellement de l’œuvre de création, n’est pas sans conséquences. Son appropriation nécessite des investissements importants, surtout au niveau de la gestion d’une base de données en texte intégral qui suppose l’informatisation préalable de la rédaction et de la documentation du journal. 544 Aussi, avec la diffusion d’ouvrages en version électronique, le phénomène de la piraterie tend à s’amplifier et inquiète de plus en plus les éditeurs africains dont les ventes en version papier s’amenuisent du fait, non seulement de l’exigüité de leurs marchés et des prix élevés, mais aussi d’une reproduction illégale de ces œuvres.

Si la piraterie est vécue dans l’édition comme un frein à la création, elle l’est encore plus dans l’audiovisuel. Le récit de la mésaventure d’un cinéaste ivoirien, relatée par Pierre Barrot, nous semble à ce point saisissant : « le cinéaste Henri Duparc prépare le lancement en vidéo de l’un de ses films. La cassette doit sortir le lendemain. Il se rend à un rendez-vous destiné à la promotion de l’événement. En route, un vendeur de rue l’accoste à un feu rouge et lui propose une cassette. A sa grande stupeur, il découvre que c’est celle de son film, déjà piraté, distribué dans tout Abidjan ! »545 Les films africains tournés en numérique sont obligés de recourir au kinéscopage (passage des images numériques à la pellicule) afin de répondre aux normes établies par certains festivals, comme le FESPACO (dans la catégorie du long métrage). Mais, le transfert de la vidéo au 35 mm a un coût qui n’est pas à la portée de tous les réalisateurs africains. C’est d’ailleurs à cause du kinéscopage que le budget du film Ouaga Saga de Dani Kouyaté a été porté à 1 310 000 000 FCFA 546 (deux millions d’euros).

En dépit de ces insuffisances, le numérique demeure une piste à explorer, tant ses avantages économiques sont réels.

Au cinéma, le numérique intervient à la fois dans la production et la diffusion. Dans la production, le numérique permet de passer de l’argentique (pellicule) à la vidéo. Ce changement de format profite au réalisateur de deux façons : utilisation très moindre (sinon

544 Cristina Marino , idem, p. 85. 545 Pierre Barrot (sous la direction), Nollywood : le phénomène vidéo au Nigeria , Paris, L’Harmattan, 2005, p. 23 546 Jean-Marie Mollo Olinga, « Le numérique va-t-il sauver le cinéma africain ? », Festival Ecrans Noirs du cinéma d'Afrique francophone (FENCAF, Yaoundé, Cameroun), 2005. Bulletin n°1 . Publié le 05/07/2005. Tiré de http://www.africine.org/?menu=art&no=5994. Consulté le 3 mars 2010.

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pas du tout) des consommables (pellicules, cassettes vidéo). Les cameras numériques possédant des disques durs, les images captées y sont alors directement enregistrées. Ce qui entraîne un gain de temps et d’espace et une économie sur les consommables 547 . Le second profit que génère le passage de la pellicule à la vidéo vient de ce que le réalisateur a désormais la possibilité de visionner rapidement les images captées, y apporter si besoin, des corrections sans attendre le retour au laboratoire qui parfois, est situé à des milliers des kilomètres du lieu de tournage 548 . Sur le plan de la diffusion, le numérique permet au film, grâce au support DVD, de se vendre sur d’autres marchés. De plus, les producteurs ont désormais la possibilité de vendre leurs films directement sur Internet, via le téléchargement. Cette option élimine à la fois les intermédiaires et le support DVD ; ce qui constitue un gain supplémentaire sur le plan économique.

Au Gabon, nombre de productions cinématographiques se font par le biais de la vidéo. Nous pouvons citer L’Auberge du salut et Oréga . Elle a été à l’origine de l’émergence d’une autre catégorie de producteurs, - les indépendants -. Dépourvus d’aides publiques, quelques uns d’entre eux, notamment André Côme Ottong 549 , ont réussi (grâce à la vidéo) à produire des films qui ont même été pour certains, primés au FESPACO 2001, comme La chambre des filles (prix population et développement). Au total, la vidéo est en passe de devenir la solution aux maux qui minent le cinéma africain aujourd’hui. Grâce à ses performances techniques et aux avantages financiers qu’elle procure, elle développe la production et assure la diffusion du film au-delà des frontières.

Dans certaines régions excentrées d’Afrique de l’Ouest où les lieux de projection n’existent pas, le numérique a apporté l’image et le son. En effet, il existe en Afrique de l’Ouest (Mali, Bénin et Niger) un cinéma numérique ambulant (CNA) dont l’objectif est de diffuser des films africains de fiction dans des régions où le cinéma n’existe pas. Grâce à une équipe polyvalente et à un équipement électronique composé d’un lecteur DVD et VHS, d’un vidéo projecteur, d’une sonorisation, d’un groupe électrogène, d’un écran, d’un microphone et d’un fonds important de films africains acquis auprès de l’OIF (entre autres), le CNA

547 Léon Imunga Ivanga, « Le cinéma est directement lié aux innovations technologiques actuelles ». Entretien réalisé par Murphy Ongagna, le 21 février 2010. Tiré de www.gabonews.ga. Consulté le 25/02/2010. 548 Olivier Barlet, « Afrique : comment sauver le cinéma ? », publié le 1/01/1999 sur www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=611. Consulté le 1/3/2010. 549 Imunga Ivanga, « Vidéo l’autre regard », publié le 01/03/2001 dans Africultures, n° 36. Tiré de www.africultures.com/popup_article.asp?no=1812&sprint=1. Consulté le 06/7/2009

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réalise des projections de qualité dans ces régions locales ; et est devenu un outil de développement culturel et social550 . Autant d’avantages qu’apporte le numérique, lesquels avantages sont aussi perceptibles dans le secteur télévisuel.

La télévision diffusée sur Internet (télévision hyperthématique) est le dernier des trois modèles de télévision qui existent (télévision généraliste et les chaînes thématiques). Apparue en Europe vers la fin des années 1990, elle connaît encore un faible développement en Afrique. Au Gabon, deux télévisions en ligne existent : la RTG 1 et Gabonews TV. Les bénéfices que les entrepreneurs culturels peuvent tirer de ce type de média sont nombreux. Michel Agnola et Rémy Le Champion 551 les résument dans le tableau 25.

550 Tiré de http://www.unicef.org/wcaro/WCARO_CNA_C4D-CS-Pres.pdf. Consulté le 1/03/2010 551 Michel Agnola et Rémy Le Champion, La télévision sur internet , Paris, PUF, coll « Que sais-je », 2003, p. 12

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Tableau 25 : Forces et faiblesses de la télévision en ligne par rapport à la télévision traditionnelle

AVANTAGES INCONVENIENTS Média de « stock » (archivage des émissions La consultation demande une culture et consultation à la demande) technique de l’utilisateur (configurer son ordinateur personnel) Diffusion mondiale Taux d’équipement du public encore restreint Enrichissement multimédia des émissions Qualité d’image encore insuffisante (approfondissement d’un sujet avec d’autres supports écrits ou sonore) Réactivité (réactualisation de l’information Technologies instables (problèmes quasi instantanée) techniques liés à l’hétérogénéité des technologies de développement, de diffusion ou encore de réception) Interactivité multiple avec le public (chats, forums de discussion, sondages et votes en ligne…) Personnalisation de l’information (systèmes « dynamiques » de gestion de l’information, d’envoi d’informations personnalisées par e- mail…) Diffusion multisupports (le traitement numérique des données permet la déclinaison vers différents terminaux de réception : PC, assistants personnels, téléphones mobiles…) Accessibilité pour les opérateurs (investissements techniques réduits et environnement réglementaire plus favorable Source : Michel Agnola et Rémy Le Champion, idem .

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Troisième partie

La comparaison qu’établissent Michel Agnola et Rémy Le Champion entre la télévision en ligne et la télévision généraliste fait apparaître clairement des différences énormes entre les deux formes de télévision. Alors que la télévision généraliste se limite le plus souvent au seul niveau national ou régional, la télévision en ligne elle, étend son audience partout dans le monde ; ce qui permet aux autres industries culturelles par son entremise, de se déployer hors des frontières nationales. Aussi, le modèle généraliste diffuse- t-il des programmes à des moments précis de la journée pendant que le téléspectateur (l’internaute) du modèle hyperthématique lui, choisit l’information ou le programme qui l’intéresse en particulier.

Au regard de ces retombées positives qu’offre le numérique aux industries culturelles, la Conférence de l’Union internationale des télécommunications (UIT) a adopté à Genève le 16 juin 2006, un accord international (signé par les pays africains) sur la transition vers le numérique. Cet accord (Accord GE06) fixe au 17 juin 2015 la fin de la radiodiffusion analogique dans les bandes de fréquences 174-230 MHz et 470-862 MHz. Les avantages que requiert un tel accord sont nombreux. D’abord, le passage au numérique permet au secteur radiophonique de libérer des fréquences qui pourront être utilisées par d’autres médias, comme la téléphonie mobile. Il accroît le nombre de chaînes. Ensuite, le numérique améliore grandement le son diffusé par la radio et entraîne une augmentation de l’offre de contenu. Enfin, en libérant les fréquences et en suscitant la création de nouvelles chaînes, le numérique agit sur l’emploi des journalistes et techniciens (entre autres). Ces nouvelles chaînes de radio, parce qu’elles seront nombreuses, vont élargir l’audimat et par ricochet, accroître les recettes publicitaires 552 .

Certes, l’enjeu est de taille pour les pays africains qui doivent adapter leur cadre réglementaire et législatif à ces nouvelles technologies. Ils doivent aussi, afin de garantir la réussite de cette mutation, former leur personnel audiovisuel et de communication et se doter d’infrastructures et équipements adéquats. Tous ces changements occasionnent des coûts importants. Mais les pays africains n’ont guère le choix, car cette évolution s’impose. Et cela va de leur intérêt s’ils veulent gagner des nouveaux marchés. Nous pouvons d’ailleurs penser que les pays africains avaient déjà anticipé sur cet accord lorsqu’ils approuvèrent au sein de

552 Michel Agnola et Rémy Le Champion, op. cit .

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l’Union africaine en 1997 l’Initiative africaine de la société de l’information (AISI) 553 , lancée en 1996 par la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA).

CONCLUSION PARTIELLE

L’émergence des nouvelles technologies entraîne les pays vers un monde de plus en plus numérisé. Le numérique se trouve dans tous les secteurs d’activité. Face à ce nouveau défi, les pays africains et les professionnels de la culture se doivent d’adopter des mesures et stratégies qui tendent à intégrer ces nouvelles technologies dans leurs missions et activités. Pour les uns (les pays africains), il s’agit d’adopter des nouvelles lois et règlements qui prennent en compte ces changements, de développer des formations et construire des infrastructures au bénéfice des populations et des professionnels du secteur culturel. Pour les autres (professionnels), le numérique devient incontournable quant à l’accroissement de la rentabilité financière de leurs entreprises. Que ce soit dans le domaine de l’édition, du phonogramme, de la télévision, de la radio ou du cinéma, le numérique apporte une réponse aux difficultés de production et de diffusion des produits culturels. Malgré les contraintes (financieres, matérielles, etc.) qu’il génère, en revanche dans les politiques gouvernementales, dans l’outil de production, dans les habitudes de consommation, les Etats africains et leurs entrepreneurs culturels n’ont de choix que de s’arrimer à cette évolution. Demeurer dans l’analogique pendant que le reste du monde tend vers le numérique 554 peut s’avérer fatal pour les industries culturelles africaines: marginalisation, renouvellement impossible des équipements, sous productivité, donc, disparition des unités de production.

553 L’AISI est une vision commune pour l’Afrique afin, non seulement de combler le fossé numérique entre l’Afrique et le reste du monde, mais aussi de créer des opportunités numériques efficaces devant être développées par les Africains et leurs partenaires afin d’accélérer l’entrée du continent dans l’économie mondiale de l’information et de la connaissance. Concrètement, cette initiative vise à l’élaboration et à la mise en application des plans en matière d’infrastructures nationales d’information et de communication, notamment le développement de cadres institutionnels de développement, des ressources humaines, informationnelles et technologiques dans tous les pays africains ainsi que la recherche de stratégies, de programmes et de projets prioritaires qui puissent contribuer à l’établissement durable d’une société de l’information dans les pays africains. Elle vise aussi à garantir que l’établissement de la société de l’information aidera l’Afrique à dynamiser ses plans de développement, favoriser la croissance et fournir de nouvelles opportunités en matière d’éducation, de commerce, de soins de santé, de création d’emplois et de sécurité alimentaire, permettant ainsi aux pays africains de sauter les étapes de développement et d’élever rapidement leur niveau de vie. Cf. www.uneca.org/aisi/. Consulté le 3 mars 2010. 554 En France par exemple, la fin de la diffusion analogique de la télévision est programmée au 30 novembre 2011. Ainsi, depuis 2007, tous les téléviseurs vendus sur le territoire français doivent obligatoirement intégrer un adaptateur permettant la réception de la télévision numérique terrestre (TNT). Lire Bernard Chaussegros, Découvrir l’audiovisuel et ses métiers , Paris, Editions ESKA, coll. « métiers du XXIe siècle », 2008, p. 52

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Troisième partie

SECTION 2 : LA CREATION D’UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE

AU DEVELOPPEMENT DES INDUSTRIES CULTURELLES

Le développement des industries culturelles implique nécessairement la présence d’un environnement qui tienne compte de la spécificité de l’activité culturelle. Dans les grands pays à vocation culturelle, le secteur culturel est celui qui bénéficie le plus de l’appui de l’Etat. Car, le développement d’une activité culturelle nécessite parfois des gros moyens qui ne sont pas toujours fournis par les établissements financiers ; d’où l’intervention publique.

Par ailleurs, pour accroître leur rentabilité, les industries elles-mêmes peuvent user de leur ingéniosité en adoptant des stratégies nouvelles de production : c’est l’objet de la coédition et de la coproduction qui, par le partage des coûts, peuvent devenir une opportunité de développement.

Paragraphe 1 : Le soutien à la création artistique

En Afrique, la viabilité économique des entreprises culturelles est souvent mise en mal par une situation économique délétère. Ainsi, l’intervention publique devient-elle parfois l’unique source par laquelle elles obtiennent une assistance financière et technique. Le soutien de l’Etat peut aussi prendre la forme réglementaire. Ces interventions s’inscrivent le plus souvent dans des objectifs de politique culturelle, quand elle existe. Les interventions publiques peuvent être directes, au moyen des crédits publics attribués dans le cadre du budget de l’Etat ; ou indirectes, c’est-à-dire des facilités accordées aux entreprises sous la forme des réductions tarifaires ou fiscales.

Au Gabon, le FONAPRESSE est considéré comme l’unique aide publique directe consentie à la culture. Créé par la loi n° 023/2005 du 20 décembre 2005, il se limite cependant au seul secteur de la presse. Pourtant, l’article 3 de cette loi précise son objet. Il s’agit de soutenir l’édition, l’impression et la distribution de la presse écrite ; la production et l’acquisition des produits de presse et de l’audiovisuel ; l’acquisition des matériels techniques d’exploitation ; l’organisation des actions de formation et de promotion des secteurs de la communication.

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Troisième partie

Faute de critères d’éligibilité clairs, la répartition du fonds constitue chaque année une difficulté de taille pour le comité d’orientation qui est chargé de répartir la dotation à l’ensemble des bénéficiaires. L’ambigüité qui règne autour de ces critères a même conduit certains responsables d’organes de presse à traiter le Ministère de la communication de partial à l’égard de la presse progouvernementale.

Aussi, au lieu de consolider les organes de presse, le FONAPRESSE a plutôt favorisé la monopolisation de l’aide par les responsables des médias à des fins autres que celles liées au développement de leurs structures. Il est également reproché à ce fonds d’avoir contribué à la naissance d’organes fantômes qui ne sont créés qu’au moment de la répartition de l’aide. Il paraît donc nécessaire de revoir l’organisation de cette aide et ses modalités d’attribution.

A propos de l’organisation, il nous apparaît nécessaire, afin de renforcer l’utilité du FONAPRESSE, de concentrer l’aide sur deux secteurs bien précis : l’équipement technologique et la formation, car il n’y a pas d’entreprise culturelle aujourd’hui qui puisse se développer si elle ne s’arrime à l’évolution technologique. L’arrivée du numérique offre à l’entreprise culturelle africaine une occasion de devenir compétitive. Par ailleurs, au lieu de limiter le FONAPRESSE à la seule presse écrite, le fonds doit s’étendre aux médias audiovisuels (radio, télévision et cinéma) qui devraient, pour bénéficier de l’aide, se conformer aux mêmes exigences imposées aux organes de la presse écrite.

Au sujet de ces exigences, c’est-à-dire des modalités d’attribution de l’aide, elles doivent également être revues. En effet, compte tenu des difficultés à trouver des critères qui satisfassent l’ensemble des entreprises, les critères adoptés par l’OIF pour soutenir la presse dans le cadre du Fonds d’appui à la presse francophone du Sud pourraient servir de modèle. Les entreprises qui sollicitent le concours du Fonds francophone doivent par exemple soumettre un projet de développement qui doit démontrer son caractère structurant. Hormis l’organisation interne de la structure et de sa situation administrative et financière, c’est la qualité de son développement qui est étudié sur le plan technique 555 . Ce modèle francophone apporterait un double avantage pour le Gabon. Primo, il permettrait de faire taire les

555 Domitille Duplat et Marie-Soleil Frère, Aides publiques aux médias d’Afrique centrale : pourquoi, comment ? Paris, Institut Panos, 2004, p. 77.

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Troisième partie

dissensions nées de l’imprécision des critères actuels. Secundo, il incitera les entreprises culturelles à mieux se structurer administrativement et financièrement.

Pour être éligible au FONAPRESSE, le projet devrait émaner d’une société régulièrement constituée, possédant la personnalité juridique et en activité depuis au moins un an ; être structurant pour l’entreprise et rester réaliste. L’entreprise doit pouvoir montrer la cohérence de sa demande par rapport à sa stratégie globale de développement ; s’inscrire dans l’un des deux secteurs soutenus par le fonds (équipement et formation)et être financé à hauteur de 20 à 50 % par l’entreprise.

Outre la soumission d’un projet, l’entreprise sollicitant le concours du fonds devrait aussi présenter au comité d’orientation du FONAPRESSE un dossier de candidature comprenant : une présentation de l’entreprise (date de création, effectif, etc.), une description détaillée du projet (cohérence du projet, prévisions budgétaires, calendrier d’exécution…),une présentation des résultats escomptés à court et moyen terme, un budget global et un plan de financement du projet, deux factures proforma concurrentiels émanant de deux sociétés différentes (si la demande porte sur l’équipement technologique), deux devis contraires émanant de deux organismes de formation (si la demande porte sur la formation), les comptes d’exploitation de la société de l’année précédant la demande, les deux derniers numéros du journal, si la demande émane d’un organe de presse 556 .

Au titre des aides indirectes, le Gabon devra appliquer l’accord de Florence qu’il a ratifié le 4 septembre 1962 afin de permettre à ses entreprises culturelles de bénéficier d’une exemption des droits de douane et autres impositions à l’importation ou à l’exportation. Une exemption des droits de douane sur les intrants servant à la fabrication de certains produits culturels pourrait bien constituer une solution importante à la situation financière délétère que connaissent les entreprises gabonaises du secteur de la culture. L’Etat pourrait aussi envisager un allègement des factures d’eau et d’électricité des PME et PMI culturelles, comme il le fait avec les Gabonais économiquement faibles.

Aussi, afin de permettre une diffusion plus large du livre dans le pays, une convention pourrait être négociée avec la Société d’exploitation du Transgabonais (SETRAG) au bénéfice

556 Domitille Duplat et Marie-Soleil Frère, op. cit..

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Troisième partie

des éditeurs et libraires, pour l’abaissement des tarifs ferroviaires. Le réseau ferroviaire gabonais traverse cinq provinces 557 sur neuf, et peut constituer à ce titre une alternative à l’insuffisance des routes praticables en toutes saisons. L’Etat pourrait enfin envisager la création d’une centrale d’achats groupés d’équipements et de matériels professionnels pour limiter les coûts d’importation de ces produits.

Paragraphe 2 : La coédition et la coproduction comme nouvelles stratégies de développement des industries culturelles gabonaises ?

« A la distribution hiérarchique des tâches et des pouvoirs dans l’entreprise taylorienne correspondait une sédimentation des espaces. Le local, le national, l’international se représentaient comme des paliers, imperméables l’un à l’autre. Le nouveau schéma de représentation de l’entreprise réseau-monde propose un modèle d’interaction entre ces trois niveaux. Toute stratégie sur le marché-monde doit être à la fois locale et globale »558 . Cette déclaration, combien révélatrice de changements stratégiques dans des unités de production, dégage probablement une voie nouvelle aux industries culturelles gabonaises en quête de débouchés économiques.

Confrontées à un environnement inapproprié au développement des affaires, les industries culturelles gabonaises souffrent de plusieurs maux : absence d’aides financières, marché national restreint, gestion inexistante du droit d’auteur, diffusion difficile des produits culturels à l’intérieur du pays, fermeture des salles de cinéma, piraterie, coûts élevés des intrants, etc. Face à des telles contraintes, la coédition et la coproduction peuvent-elles être une chance pour les entrepreneurs culturels gabonais ?

Les termes coédition et coproduction posent le plus souvent un problème d’appréciation qui tourne à leur confusion. Selon le Dictionnaire Hachette (édition 2003), la coédition est définie à partir du verbe coéditer, qui signifie « l’édition d’un ouvrage en collaboration avec d’autres éditeurs ». Pour le même dictionnaire, la coproduction est « la production en commun de film et livre ». Ces définitions sont quasi identiques à celles données par le Dictionnaire universel francophone . Ce qui rend difficile la différenciation de

557 Estuaire, Moyen-Ogooué, Ogooué Ivindo, Ogooué Lolo et Haut-Ogooué. 558 Armand Mattelart, op. cit., p. 260-261

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Troisième partie

ces deux termes. Pour les besoins de clarté, nous utiliserons dans cette partie plutôt les définitions que propose Philippe Schuwer.

Selon lui, la coédition « est un accord pour la traduction-adaptation d’ouvrage(s) généralement illustré(s), conçu(s) par un éditeur, détenteur du copyright, qui en cède à un ou plusieurs confrères étrangers les droits d’édition »559 ; tandis que la coproduction représente « l’association d’éditeurs pour concevoir, financer, réaliser, et souvent imprimer, un ou plusieurs ouvrages, généralement en diverses langues étrangères, dont ils détiennent ensemble le copyright ». 560 Bien que l’objectif commun aux deux termes reste la diffusion de l’œuvre le plus largement possible, ils se différencient cependant l’un de l’autre par le degré de responsabilité de chaque éditeur et producteur dans l’œuvre de coédition et de coproduction.

Initiée vers le XVI ème siècle en Europe, la coédition a connu une expansion d’années en années pour atteindre toutes les sphères du monde. Philippe Schuwer nous rappelle par exemple que :

« L’échange inter-éditeurs de gravures sur bois, fondement même des principes de coproduction/coédition, apparaît dans le premier livre à figures imprimé à Lyon. Son imprimeur réutilise des bois employés par un éditeur de Cologne en 1474 et à Bâle en 1476. […] A la fin du XVIIème siècle, le développement de l’édition d’atlas et de grands albums d’estampes associera des libraires- éditeurs. Ainsi, exemple pris parmi tant d’autres, les Huguetan contribuèrent à de nombreuses publications mises à jour par des libraires réfugiés tels que les Gallet et les Mortier qui, comme eux, travaillaient à la fois en Angleterre et aux Pays-Bas. »561

Aujourd’hui, les échanges entre éditeurs se sont amplifiés au sein d’un même pays, d’une même région, voire au niveau international. Les raisons de ces échanges sont nombreuses, aussi bien pour la coédition co-imprimée que pour la coédition avec cession de films.

559 Philippe Schuwer, L’édition internationale. Coéditions et coproductions, nouvelles pratiques et stratégies, Paris, Editions du cercle de la librairie, 1991, p. 16. 560 Philippe Schuwer, idem . 561 Philippe Schuwer, Traité de coédition et de coproduction internationales , Paris, Promodis, 1981, p. 28-29.

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Troisième partie

La coédition co-imprimée est l’une des formes de la coédition. C’est un partenariat entre deux ou plusieurs éditeurs autour de l’impression de l’œuvre. L’éditeur originel détient le copyright et tous les droits afférents, et exige contractuellement le partage au prorata des frais fixes d’impression et une contribution aux frais éditoriaux, en plus des royalties. Si cette forme de coédition à l’avantage de réduire les coûts de fabrication de l’œuvre, elle présente plusieurs contraintes, notamment le respect du planning et la date de publication établis de commun accord entre les parties, le partage des pertes et profits. 562 Par ailleurs, le moindre problème technique peut être préjudiciable au succès de la collaboration. Dans ce type de contrat, le droit de réimprimer l’ouvrage en cas de besoin est le plus souvent réservé à l’éditeur originel.

L’autre forme de la coédition est celle qui consiste à vendre le duplicata de l’œuvre (qui est en particulier utilisé pour la cession de film). L’éditeur primaire cède le duplicata du texte ou de l’image au coéditeur qui en devient propriétaire pendant une période fixée de commun accord par les parties. L’acquéreur des droits d’impression, de publication, de traduction, d’adaptation, de représentation, de reproduction et de commercialisation peut, s’il le désire, garder la forme originale de l’œuvre ou décider de la remodeler si le contrat l’y autorise. Les modifications peuvent porter sur le format du livre ou de la collection, le nombre de pages, la mise en page, les couleurs, les illustrations, etc. Toutefois, au-delà du prix d’acquisition des duplicata , l’acquéreur devrait faire face aux frais d’impression.

Cette deuxième forme de coédition se pratique différemment en Afrique. La coédition avec cession de film, telle que nous venons de la décrire, est la forme utilisée par les éditeurs européens, et français en l’occurrence. En Afrique, la cession des droits porte le plus souvent sur la reproduction, la traduction et la diffusion de l’ouvrage. Les autres droits restant la propriété du coéditeur originel. C’est le cas par exemple des collections pour enfants « Le Serin » et « La libellule » de l’éditeur béninois Ruisseaux d’Afrique, dont les droits de reproduction et de commercialisation ont été cédés aux éditeurs Cérès (Tunisie), Eburnie (Côte-d’Ivoire), Ganndal (Guinée-Conakry). Ruisseaux d’Afrique restant l’éditeur pilote 563 .

562 Philippe Schuwer, Traité de coédition et de coproduction internationales op. cit., p. 103 563 Armande Reboul, « Editer autrement du Nord au Sud, qu’est-ce que la coédition ? », publié le 23 novembre 2003 sur www.africultures.com. Consulté le 14 mars 2010.

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Troisième partie

A côté de la coédition se trouve la coproduction. Terme commun à l’édition et à l’audiovisuel, la coproduction éditoriale se différencie largement de la coédition, à cause de l’immixtion de toutes les parties prenantes au projet. Que l’idée de coproduction émane d’un ou de plusieurs éditeurs, une fois le projet est agréé par l’ensemble des éditeurs, l’œuvre devient collective et sa réalisation s’effectue selon un calendrier commun que chaque coproducteur se doit de respecter, au risque de compromettre l’équilibre du projet. Face à la complexité de la coproduction, la désignation d’un coproducteur leader est parfois très nécessaire. Il aura pour mission de conduire le projet jusqu’à son terme en centralisant toutes les opérations liées à la comptabilité, à la production et à l’exploitation de l’œuvre. Il est le représentant légal de toute l’équipe et assume, outre ses propres charges de coproducteur, la réalisation, la coordination et la surveillance de l’opération 564 . Contrairement à la coédition ou le copyright reste une propriété de l’éditeur originel, dans la coproduction, le copyright est détenu par l’ensemble des associés.

La coproduction est la forme la plus usitée par les éditeurs africains dans le cadre des ententes régionales ou sous régionales. Le partage de l’ensemble des coûts de production paraît à cet effet plus économique que la cession de films dans la coédition.

Les éditeurs indépendants, parmi lesquels se trouvent nombre d’africains réunis au sein de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants 565 utilisent le plus souvent ce type de collaboration, avec cependant l’emploi des principes du commerce équitable. Douze de ces éditeurs ont choisi de créer en 2002 une collection, « Enjeux planète ». Soutenus par l’Alliance, ils choisissent ensemble les titres à coproduire. Le travail d’édition, le suivi de la fabrication et l’impression se font tour à tour par les coproducteurs. L’impression des livres est ensuite réalisée en une seule édition en Tunisie, puis expédiés simultanément aux douze éditeurs. La répartition des coûts de production se fait selon la règle de péréquation, c’est-à- dire que les coûts supportés par les éditeurs d’Afrique et du Maghreb sont inférieurs à ceux pris en charge par les éditeurs du Nord. Ainsi, les livres qui sont vendus à 15 euros en France, au Québec et en Suisse le sont à 8 euros au Maghreb et 5 euros en Afrique subsaharienne 566 . Les douze coproducteurs de cette collection sont : les éditions de l’atelier et Charles Léopold

564 Philippe Schuwer, Traité de coédition et de coproduction internationales , op. cit ., p. 83. 565 http://www.alliance-editeurs.org/. 566 Claude Royon, « Des livres pour une autre mondialisation », Economie & Humanisme , n° 373, juin 2005, p. 80-81

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Troisième partie

Mayer en France, Ecosociété au Canada, les éditions d’en bas en Suisse, les éditions Cérès en Tunisie, Ruisseaux d’Afrique au Bénin, les Presses universitaires d’Afrique au Cameroun, Eburnie en Côte d’Ivoire, Ganndal en Guinée-Conakry, Jamana au Mali, Tarik au Maroc et les éditions du Silence au Gabon.

Cette répartition des charges selon les zones géographiques a fait de cette collection une expérience pionnière de commerce équitable dans le domaine du livre. 567 Dans un entretien réalisé par Claude Royon, Béatrice Lalinon Gbado, directrice des éditions Ruisseaux d’Afrique, et Serge Dontchueng Kouam, directeur des Presses universitaires d’Afrique nous livrent les avantages qu’ils tirent de cette expérience collective. Pour la directrice des éditions Ruisseaux d’Afrique :

« La possibilité que le même livre soit distribué simultanément dans plusieurs pays du Nord et du Sud paraît une opportunité à saisir. […] En se mettant ensemble et en intervenant chacun, on arrive à créer un produit dont le contenu et le coût sont satisfaisants pour tous. […] Pour nous, la collection est importante y compris en chiffre d’affaires. Nous sommes une petite maison. Sans cette solidarité, nous ne nous sérions pas lancés dans la publication d’essais. Nous n’aurions pas pu vendre ce type de livres à ce prix […] »568 .

Et le directeur des Presses universitaires d’Afrique de renchérir : « […] C’est intéressant pour l’Afrique qui, sur le plan éditorial, n’était pas en pointe. Cette résistance à la logique du marché pur et cette solidarité concrète permettent de sortir un modèle de ‘’victimisation’’ qui paralyse souvent les initiatives en Afrique. On souhaite ardemment que cette expérience fasse une tâche d’huile. Au-delà des coopérations économiques, beaucoup de solidarités ne sont pas quantifiables. »569

La coproduction peut donc paraître comme une opportunité à saisir pour limiter le coût de la production des livres, diversifier les sources de financements et élargir le marché. Des avantages qui paraissent aussi réels pour les producteurs audiovisuels.

567 Tiré de www.alliance-editeurs.org. Consulté le 14 mars 2010. 568 Claude Royon, op. cit. 569 Idem , p. 82.

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Troisième partie

La coproduction audiovisuelle, qu’elle soit nationale, régionale ou internationale, présente assurément plusieurs atouts 570 pour les cinéastes africains. Bien entendu, tout producteur voudrait toujours diriger et financer seul sa production pour éviter d’être astreint à un programme commun qui pourrait, d’une certaine façon, alourdir son activité. Mais l’augmentation des coûts de production le contraignent à partager ses charges avec d’autres producteurs. C’est ce que fait observer Claude Champaud lorsqu’il affirme : « Comme les hommes, les sociétés balancent entre l’instinct grégaire et la volonté d’indépendance. Les dures lois de la vie économique ne leur laissent cependant souvent le choix qu’entre vivre groupées ou mourir absorbées à moins qu’elles ne préfèrent la lente agonie solitaire ».571

Toutefois, le partage de coûts de production à plusieurs suppose que le producteur initiateur de la coproduction ait reçu au préalable de son ou ses auteur(s), l’autorisation d’exploiter à plusieurs l’œuvre de production. Sinon, la coproduction ne peut avoir lieu. Ainsi, dès lors que le contrat conclu avec l’auteur autorise le producteur à coproduire le film, il s’en suit un partage de coûts, le producteur initiateur du projet apportant les droits patrimoniaux qu’il détient de l’auteur. Mais, la responsabilité des coproducteurs ne se limite pas au seul aspect financier de la coproduction, ils assument aussi les responsabilités commerciales et artistiques. Ils doivent par conséquent trouver des artistes, des auteurs, des studios, des laboratoires, etc. 572

Comme dans la coproduction éditoriale, les coproducteurs audiovisuels choisissent un coproducteur leader – producteur délégué -- pour coordonner l’action collective. Le producteur délégué peut être l’initiateur de la coproduction, ou tout autre coproducteur choisi

570 Plusieurs études (Gilles Darmon, Michel Dubisson, Bernard Garette et Pierre Dussauge, etc.) ont révélé les avantages que les entreprises peuvent tirer en se réunissant. Mais c’est probablement Boualem Aliouat qui a réussi le mieux à les résumer. Selon lui, les regroupements entre entreprises renforcent leurs capacités financières ; ce qui leur permet de faire face aux investissements et dépenses que nécessitent la réalisation d’une activité de production. De plus, ils leur apportent la possibilité de réaliser une activité qu’elles n’auraient sans doute pu assumer seules ou, tout simplement, la possibilité de réduire les coûts nécessaires à une activité de production par le partage de ceux-ci. Il ajoute par ailleurs que ces regroupements permettent aux entreprises d’accéder à des nouvelles compétences, connaissances et expériences avec celles de leurs partenaires, et constituent un instrument d’internationalisation incontestable car, grâce à ces regroupements, les entreprises atteignent des nouveaux marchés et limitent ainsi les contraintes économiques, politiques et financières des implantations. Boualem Aliouat, Les stratégies de coopération industrielle, Paris, Economica, coll. « Gestion », 1992, p. 19-20. Cité par Stéphanie Paget, La coproduction, Thèse de doctorat en droit privé, Université Montpellier 1, 2005, p. 18-19, tome 1. 571 Claude Champaud, « Les méthodes de groupement des sociétés », Rev. Trim. Dr. Com. 1967, p. 1004. In Stéphanie Paget, op. cit., p. 27. 572 Barbara Mutz, Les coproductions d’œuvres audiovisuelles. Constitution et fonctionnement , Mémoire de DESS, Université Montesquieu (Bordeaux IV), 2000, p. 36.

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Troisième partie

de commun accord par les parties. Il prend en charge le suivi financier, artistique et technique de l’œuvre et garantit sa bonne fin.

Sur le plan international, l’exécution d’une coproduction suppose l’existence d’une convention bilatérale ou multilatérale conclue pour multiplier les sources de financement, atteindre des nouveaux marchés et mettre en commun les ressources artistiques, techniques et financières. Mais le but principal d’un accord de coproduction internationale est d’accorder aux œuvres cinématographiques 573 coproduites la nationalité de chacun des partenaires à la coproduction. L’objectif étant ici de bénéficier des avantages réservés aux productions nationales, notamment les aides financières. Cependant, certains pays, comme la France, ont apporté des restrictions dans l’octroi de ces avantages. En effet, depuis la réforme du régime de soutien financier de l’Etat à l’industrie cinématographique (décret n° 99-30 du 24 février 1999), les films coproduits ne génèrent plus automatiquement 100 % du soutien financier. Le soutien du film étant désormais proportionnel aux dépenses réalisées en France 574 . De même, lorsqu’ils existent, les bénéfices tirés de la coproduction ne profitent qu’au coproducteur issu du pays qui les octroie. Ce qui limite quelque peu la portée de la coproduction internationale. Mais, ces conditions peuvent varier d’un accord à un autre.

L’accord conclu en 2009 entre le Royaume-Uni et le Maroc dans le domaine de la coproduction cinématographique accorde, par exemple, outre les avantages fiscaux et financiers consentis aux deux pays, la possibilité aux producteurs marocains d’utiliser les infrastructures techniques britanniques. Il met en outre à la disposition des producteurs anglais, les réseaux de distribution marocains.

Au Gabon, aucun accord international n’existe. Les coproductions qui ont été réalisées avec la France, le Tchad et le Cameroun l’ont été par le biais des accords conclus entre les sociétés de production de ces différents pays. Mais, les films pour lesquels le CENACI est coproducteur doivent être en partie réalisés au Gabon ou à défaut, les techniciens ou comédiens gabonais doivent faire partie de l’équipe de tournage.

573 Les œuvres télévisuelles sont rarement coproduites sur le plan international, car elles ont avant tout une visée nationale. 574 Barbara Mutz, op. cit, p. 9

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Troisième partie

CONCLUSION PARTIELLE

A la question de savoir si la coédition et la coproduction peuvent apparaître comme des nouvelles perspectives de développement des industries culturelles gabonaises, nous répondons qu’au regard des effets positifs qu’elles induisent dans les processus de production et de commercialisation, elles peuvent en effet se présenter comme une solution possible pour le renforcement des capacités financières de ces industries. Mais, s’il est un secteur où la coproduction peut véritablement devenir une opportunité pour nombre de ces industries en quête de marché, c’est bien celui du livre scolaire. En se constituant en consortium 575 , ces industries pourraient disposer d’un marché très lucratif 576 .

575 Un consortium est une union momentanée d’entreprises scellée afin d’obtenir un marché et de l’exécuter ensemble. 576 En Côte d’Ivoire par exemple, l’existence d’un protocole donnant aux éditeurs locaux le monopole de la production de livres scolaires leur a permis de couvrir à 100 % le marché de l’enseignement primaire. Cf. Francisco d’Almeida et Marie Lise Alleman, op. cit., p. 52

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Troisième partie

CHAPITRE 6 : L’ENCADREMENT STRUCTUREL DES

INDUSTRIES CULTURELLES ET LA DYNAMISATION

DE L’ACTION INTERNATIONALE

Nous avons essayé de montrer dans ce travail que les produits culturels sont particuliers, et donc nécessitent un soutien exceptionnel, aussi bien national qu’international. Les produits culturels qui dominent le marché mondial aujourd’hui le sont grâce à l’appui qu’ils bénéficient de leurs pays producteurs. Tous les grands pays ou gouvernements qui sont présents sur ce marché disposent d’au moins un mécanisme de financement des industries culturelles : Fonds d’aide à l’édition, subvention à la production de phonogrammes (Belgique), Aide à la formation professionnelle du secteur des libraires et des distributeurs du livre, subvention anticipée à la coproduction de longs métrages (Espagne), Réduction des tarifs postaux et ferroviaires sur les produits de la presse, aide aux projets de films (Allemagne), Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIE), Téléfilm Canada (Canada), CNC (France) 577 , etc.

En Afrique, des mécanismes similaires existent dans certains pays : Fonds d’aide à la production cinématographique nationale (Maroc) 578 , Fonds de soutien aux activités culturelles (Burkina Faso) 579 , Stratégie de croissance des industries culturelles ou Cultural Industries Growth Strategy (GICS – Afrique du Sud) 580 , etc.

Au Gabon, certains dispositifs de soutien sont créés. Mais ils sont encore loin d’assurer un avenir serein aux industries culturelles nationales. L’aide internationale, en l’occurrence francophone et française, suffit à peine à répondre à leurs besoins. Une action plus forte de l’Etat et de l’OIF renforcerait donc les mécanismes existants.

577 François Rouet et Xavier Dupin, Le soutien aux industries culturelles en Europe et au Canada , Paris, La Documentation française, 1991, p. 35-216 578 http://www.ccm.ma/Inter/fond1.html

579 Décret n°2000-574/PRES/PM/MAC/MTT/MCPEA du 20 décembre 2000. JO N°52 2000

580 Francisco d’Almeida et Marie Lise Alleman , op. cit ., p.53.

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Troisième partie

SECTION 1 : L’ACTION PUBLIQUE AU SERVICE DES INDUSTRIES CULTURELLES

Dans cette section, nous invitons l’Etat à mettre en œuvre deux actions capitales pour l’éclosion d’un tissu industriel national. Il s’agit primo , d’accorder une autonomie réelle aux collectivités locales afin qu’elles deviennent des acteurs locaux de développement culturel. Secundo , l’Etat doit créer une société de financement des activités culturelles. L’objectif étant de réduire l’impact causé par le refus des banques commerciales à financer des projets culturels jugés trop risqués.

Paragraphe 1 : Les enjeux d’une politique culturelle locale. De la décentralisation culturelle aux agendas 21 de la culture

L’avènement de la démocratie au Gabon en 1990 a permis l’ouverture politique et la liberté d’expression. Elle s’est renforcée lorsque le pouvoir politique a décidé, par un texte de loi, de concéder une autonomie de gestion à des entités locales en vue d’un développement harmonieux du pays et afin de faire participer les populations locales à la prise des décisions. Ainsi, les collectivités locales sont-elles nées. Certes, elles ont toujours existé avant 581 et après 582 l’indépendance du pays, mais leur pouvoir de décision a été renforcé et leur organisation remodelée par la loi n° 14/96 du 15 avril 1996 portant réorganisation territoriale de la République gabonaise 583 . Cette loi définit la collectivité locale comme « une personne morale de droit public distincte de l’Etat, dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière » (article 3). Il s’agit principalement du département et de la commune au niveau desquels s’élabore la politique de décentralisation de l’Etat.

Le département est une subdivision administrative et géographique de la province. Il est un territoire composé de districts, de communes, de cantons, de regroupement de villages

581 La loi n° 55-1489 du 11 novembre 1955 relative à la réorganisation en Afrique, avait fait de Libreville et Port-Gentil des communes de plein exercice, tandis que les centres urbains de Mouila, Lambaréné, Oyem et Bitam étaient érigés en communes de moyen exercice. Lire Aimé Félix Avenot, La décentralisation territoriale au Gabon. Entre mimétisme et mystification , Paris, L’Harmattan, 2008, p. 102. 582 Lois du 16 juin 1967 et celle du 18 décembre 1975. 583 Max Remondo souligne que « contrairement à d’autres pays africains, le Gabon n’a pas procédé à un nouveau découpage des circonscriptions supérieures et compte toujours neuf provinces. En revanche, dans la plupart d’entre elles, de nouvelles circonscriptions ont été créées soit à l’échelon du département, soit à celui du district ». In Le droit administratif gabonais , Paris, L.G.D.J, 1987, p. 81, cité par Aimé Félix Avénot, op, cit , p. 50

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Troisième partie

et de villages. Il est à la fois géré par un Préfet qui est une autorité déconcentrée de l’Etat et un conseil départemental, organe élu par les populations locales. Quant à la commune, elle représente les habitants d’une agglomération urbanisée liée par des intérêts socio- économiques (article 30). Elle est gérée par un organe élu : le conseil communal 584 .

Dans le cadre de ses attributions, la collectivité locale a la charge d’élaborer et d’exécuter son programme culturel. Il lui est aussi possible, car autorisée, de consentir des aides et d’octroyer des subventions (article 80). Toutefois, le soutien de la collectivité locale en faveur de la culture ne signifie pas qu’elle doive se substituer à l’Etat, ou bien que l’Etat doive se dessaisir de la culture. La décentralisation culturelle est à ce point différente de la décentralisation « politique ».

Alors que la décentralisation « politique » « consiste à conférer à une entité la personnalité morale, en rompant le lien hiérarchique entre elle et l’Etat central au profit d’un simple contrôle, d’une simple surveillance. La conséquence de choix est que le pouvoir de décision est réparti entre de multiples personnes morales autonomes dotées d’organes propres pour mettre en œuvre les compétences qui leur sont reconnues pour la gestion des affaires publiques »585 ; la décentralisation culturelle elle, « s’applique d’avantage à l’intervention de plus en plus forte des collectivités locales et des institutions culturelles qu’à une volonté de transfert de compétences. »586 Jack Lang, alors ministre français de la culture, précisait en 1981 devant les députés à l’Assemblée nationale que la décentralisation culturelle est à ses yeux « la revendication simultanée de trois droits auxquels il faut ajouter un devoir : le droit des artistes à créer dans leur ville, le droit des élus à s’auto-administrer et à concevoir leur politique culturelle, le droit des citoyens à une vie culturelle intense, ainsi que le devoir de l’Etat de réparer des siècles de blessures et de rabotage des cultures en contribuant à une nouvelle irrigation du pays »587 .

584 Sénat, « Elus nationaux et locaux du Gabon», novembre 2006. Tiré dewww.senatgabon.net/eluslocaux/cl.htm. Consulté le 10janvier 2008. 585 Pierre-Laurent Frier et Jacques Petit, Précis de droit administratif , 5 ème édition, Paris, Montchretien, 2008, p. 105. 586 Pierre Moulinier, Politique culturelle et décentralisation , Paris, L’Harmattan, 2002, 2 ème de couverture. 587 Jack Lang, Assemblée Nationale, 2 ème séance du 17 novembre 1981, JO, p. 3872. Dans Pierre Moulinier, op. cit ., p.14.

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Troisième partie

Les actions locales menées par les collectivités ne sont donc pas antinomiques aux actions initiées par l’Etat. Elles sont plutôt complémentaires et jouent toutes le même rôle, celui de mettre la culture au cœur du développement économique et social.

Cette précision terminologique qui nous semblait utile nous permet, au-delà de ce que devrait faire l’Etat au niveau national pour soutenir le développement des industries culturelles, de préconiser quelques pistes qui pourraient servir de base aux collectivités locales dans l’élaboration de leurs politiques culturelles.

Assurément, malgré les attributions réglementaires, très peu de collectivités locales (il en existe 97 : 50 communes et 47 départements) ont introduit la culture dans leur stratégie de gestion territoriale. Les entretiens réalisés auprès de quelques unes d’entre elles 588 ont montré que les fonds alloués par l’Etat sont presqu’essentiellement utilisés comme budget de fonctionnement. Mais ce n’est pas tant l’insuffisance de moyens financiers qui explique le « rejet » de la culture dans les politiques de développement local. C’est plutôt un manque de volonté et la méconnaissance de l’apport de la culture dans le développement économique de la ville car, aucune des collectivités interrogées ne dispose d’un service en charge de la culture. Or, il ne peut y avoir de soutien à la culture sans politique culturelle préalablement élaborée, qui passe par la création d’un service municipal en charge des affaires culturelles. Ce service pourrait être sous la responsabilité d’un maire adjoint et se chargerait d’élaborer, en collaboration avec les associations locales, la politique de la ville en matière de culture. Cette politique culturelle locale pourrait prendre la forme d’ « Agenda 21 de la culture ».

L’Agenda 21 est un plan d’action mondial pour promouvoir un développement durable au XXI ème siècle. Il a été adopté par 73 Etats à Rio de Janeiro en 1992 lors du Sommet de la Terre. C’est un programme sur lequel les collectivités locales doivent s’appuyer pour mettre en œuvre les principes du développement durable :

« […] Ce sont les collectivités locales qui construisent, exploitent et entretiennent les infrastructures économiques, sociales et environnementales, qui surveillent les processus de planification, qui fixent les orientations et la réglementation locales en matière d'environnement et qui

588 7 communes (Libreville, Okondja, Ntoum, Owendo, Port-Gentil, Fougamou et Mandji) et 2 départements (Komo Mondah et Ndoungou)

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Troisième partie

apportent leur concours à l'application des politiques de l'environnement adoptées à l'échelon national ou infranational. Elles jouent, au niveau administratif le plus proche de la population, un rôle essentiel dans l'éducation, la mobilisation et la prise en compte des vues du public en faveur d'un développement durable. »589

Mais, le développement durable, tel que défini par le Rapport Brundtland « Notre avenir à tous », publié en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, ne prend en compte que trois piliers : l’économie, le social et l’environnement. Aucune mention sur la culture n’y apparaît. C’est ainsi qu’en 2002, lors du Forum social mondial de Porto Alegre, la culture est évoquée pour la première fois comme quatrième pilier du développement durable. En mai 2004 à Barcelone, lors du Forum des Autorités locales (aujourd’hui Cités et Gouvernements Locaux Unis – CGLU), un Agenda 21 de la culture est adopté pour renforcer le lien entre la culture et le développement durable. L’Agenda 21 de la culture devient alors « à la fois un code et une possibilité pour un engagement de la communauté vis-à-vis de sa propre identité »590 . C’est un document au service des collectivités locales. Il offre l’opportunité à chaque ville de créer une vision à long terme de la culture comme pilier de son développement. Sa mise en œuvre locale nécessite de prendre en compte un certain nombre d’engagements, de principes et de recommandations 591 : Le gouvernement local doit :

- être un catalyseur de processus relatifs à la culture : en renforçant la société civile, en promouvant des consensus et en établissant des coresponsabilités ; - inciter les citoyens à participer démocratiquement à la formulation, l’exercice et l’évaluation des politiques culturelles ; - opter pour la transversalité, en apportant une perspective culturelle avec des objectifs et des actions qui montrent comment la culture impacte sur, et est impactée par les activités dans le domaine de l’éducation, de la santé, de l’urbanisme ou de l’économie ;

589 Agenda 21, art. 28.1 590 CGLU, « Villes, cultures et développements. Un rapport pour souligner le cinquième anniversaire de l’Agenda 21 de la culture », octobre 2009, p. 51. Tiré de www.agenda21culture.net, consulté le 12 janvier 2010. 591 CGLU, « Conseils sur la mise en œuvre locale de l’Agenda 21 de la culture », 2006, p. 3-4, www. agenda21culture.net, consulté le 12 janvier 2010.

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Troisième partie

- inciter la ville à participer à des réseaux et associations multilatérales consacrés à la coopération culturelle, avec l’échange de bonnes pratiques et en promouvant l’importance de la culture dans les programmes nationaux et internationaux.

Aussi, la réalisation d’un Agenda 21 de la culture doit-elle reposer sur un ensemble d’outils que chaque collectivité locale doit élaborer en fonction de ses propres besoins. La CGLU nous propose, à titre d’exemple pour la ville, quatre principaux outils 592 :

- La Stratégie culturelle locale. Elle est formulée par écrit dans un document traité et approuvé par l’Assemblée plénière municipale ou par des instances telles que des conseils ou des commissions ayant une participation citoyenne. Le document comprend une mission, des objectifs et des actions. Il établit une corresponsabilité entre le gouvernement local, les agents culturels et la société civile ; et inclut un calendrier pour l’application, des indicateurs de suivi et d’évaluation de chaque objectif et de chaque action ; - La Charte des droits et des responsabilités culturelles. C’est un document approuvé par tous, qui définit les droits et les responsabilités des habitants de la ville. - Le Conseil de la culture. Il est une instance publique où sont représentés des agents culturels publics et priés issus de différents secteurs culturels. Il analyse et émet des avis sur les projets culturels initiés par la ville. Il a un caractère consultatif. - L’évaluation de l’impact culturel. L’Agenda 21 de la culture encourage, en son article 25, la mise en place de modes d’évaluation de l’impact culturel d’initiatives « entraînant des changements significatifs dans la vie culturelle des villes ». Une évaluation de l’impact culturel est un document élaboré conjointement avec la société civile et les agents culturels qui analyse les acquis et les retombées négatives qu’un projet de développement local pourrait générer dans la vie culturelle d’une ville.

Dans le cas des collectivités locales gabonaises, la mise en œuvre d’Agendas 21 de la culture suppose l’institution d’une direction ou d’un service culturel qui soit pérenne, c’est-à-

592 CGLU, op. cit, p. 5-6

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dire qui ne souffre pas des difficultés liées au changement d’une équipe municipale ou départementale, car la culture n’est d’aucun parti politique. La création par la collectivité d’une structure culturelle autonome, à l’image du Service municipal d’action culturelle (SERMAC) de Fort-de-France (Martinique) 593 serait aussi envisageable pour lutter contre la politisation de l’action culturelle en mairie ou dans le département.

En clair, l’Agenda 21 de la culture constitue un véritable programme d’action pour le développement des activités culturelles sur le plan local. Grâce aux orientations que la communauté locale se fixe et les actions spécifiques qu’elle se propose de réaliser, la culture trouve, par l’entremise des collectivités locales, un nouveau terrain de promotion afin d’impulser un développement économique et social durable. Les quelques actions culturelles réalisées par les collectivités gabonaises l’ont été en dehors de ce type de programme. C’est le cas par exemple de la fête des cultures initiée par la mairie de Libreville qui pourrait servir d’exemple, du fait, non pas de son caractère national, mais de l’intérêt qu’elle suscite auprès des populations.

Financée pendant quelques années de Libreville par la mairie sur ses fonds propres, la fête des cultures est devenue en 2008 une fête nationale organisée par le Ministère de la Culture grâce à une dotation spéciale de l’Etat. Cette initiative est intéressante parce qu’elle contribue à la promotion des industries culturelles gabonaises, notamment celles de l’édition et de la musique. Elle démontre aussi la capacité des collectivités locales à initier des projets culturels. Certes, les moyens financiers de la mairie de Libreville ne sont pas comparables à ceux des autres collectivités locales, mais sa volonté à promouvoir la créativité culturelle nationale met fin à un type d’activités culturelles qui s’organisent au Gabon sous la forme folklorique pour accompagner les meetings politiques. Grâce à leurs Agendas 21 de la culture, les collectivités locales disposent désormais d’un cadre stratégique pour asseoir des projets culturels porteurs de développement. C’est le cas par exemple des bibliothèques ou des librairies municipales pour soutenir l’industrie du livre. Les collectivités locales pourraient également s’investir dans la construction des salles de spectacle, car la présence d’une salle de spectacle dans une collectivité contribue fortement à son attrait, favorise le développement d’une activité commerciale et encourage l’exercice d’une activité culturelle. Pour les projets de grande envergure nécessitant un très fort investissement financier, le principe de

593 http://www.fortdefrance.fr/default.asp?cont=6¶m=1560&ft=3&phh4=-1. Consulté le 3 mars 2010

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Troisième partie

l’intercommunalité peut constituer une solution. Mais là encore, les risques d’interférence avec la politique sont grands. Le Ministère de la culture pourrait dans ce cas envisager une dotation spéciale en faveur des collectivités qui auraient élaboré des Agendas 21 de la culture. Au total, les collectivités locales doivent jouer un rôle plus affirmé dans la promotion et la création des industries culturelles au Gabon. L’édification en leur sein d’une direction ou d’un service en charge des affaires culturelles constituerait une première initiative vers l’élaboration d’une politique culturelle locale. Mais leur soutien, bien qu’indispensable, ne suffirait pas, compte tenu de la modicité de leurs ressources financières. Un financement plus soutenu de l’Etat, qui pourrait se traduire par la refondation de l’Agence de promotion des investissements privés (APIP) et la création d’une société nationale de soutien aux entreprises culturelles, pourrait aider les industries culturelles gabonaises à se développer.

Paragraphe 2 : Le renforcement du dispositif de l’Agence de Promotion des Investissements Privés (APIP) et la création d’une entité nationale de développement des industries culturelles

Devant des difficultés économiques de plus en plus prononcées (baisse de la production pétrolière, mévente du bois et du manganèse, chômage…) les autorités gabonaises ont estimé que la relance de l’économie nationale passerait par l’investissement privé. Plusieurs mesures incitatives ont ainsi été approuvées. Une loi – loi n° 15/1998 – instituant la Charte des investissements à été adoptée, abrogeant la loi n° 7/89 du 6 juillet 1989. Elle a pour but de favoriser la croissance et la diversification de l’économie sur la base d’un développement harmonieux du secteur privé et des investissements. 594 Dans le prolongement de cette Charte, une agence de promotion des investissements privés (APIP) a été créée en février 2000.

Placée sous la tutelle du Ministère du Commerce, l’APIP a démarré officiellement ses activités en 2002 et vise à la diffusion de l’ensemble de l’information pertinente auprès des investisseurs potentiels, la recherche, l’accueil, l’orientation et le conseil aux investisseurs, la diffusion de l’ensemble de l’information pertinente auprès des investisseurs potentiels, la proposition et la surveillance des mesures et procédures de facilitation des relations entre les

594 Loi n° 15/1998, art. 2.

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Troisième partie

entreprises et l’administration. Un guichet unique 595 a été institué en son sein comme centre unique de facilitation et de simplification des formalités de création d’entreprises. 596

Les autorités gabonaises ont également adopté la loi n° 016/2005 portant promotion des petites et moyennes entreprises et des petites et moyennes industries. Cette loi définit un régime particulier des PME-PMI dont l’accès est ouvert aux seules entreprises légalement et définitivement constituées qui présentent un programme d’investissement impliquant au moins l’une des opérations suivantes : la création, la reprise, la modernisation, la réhabilitation, la restructuration, l’extension des activités ou le perfectionnement du personnel d’une entreprise ou l’amélioration des conditions et de la qualité du travail 597 . Elle classifie les PME-PMI en quatre catégories selon les investissements réalisés:

- La Toute Petite Entreprise ou la Toute Petite Industrie. Le montant de ses investissements ne doit pas dépasser 30 000 000 FCFA ; - La Micro Entreprise ou la Micro Industrie. Ses investissements sont compris entre 30 000 000 FCFA et 100 000 000 FCFA ; - La Petite Entreprise ou la Petite Industrie. Il s’agit de toute entreprise dont le montant total des investissements est compris entre 100 000 000 FCFA et 500 000 000 FCFA ; - La Moyenne Entreprise ou la Moyenne Industrie. Ses investissements sont compris entre 500 000 000 FCFA et 1 000 000 000 FCFA.

La loi n° 016/2005 offre aux PME-PMI des avantages substantiels : l’accès aux organismes publics de financements des PME-PMI ; la priorité d’accès aux marchés publiques ; l’exonération pendant cinq ans de l’impôt sur les bénéfices et de taxes de douanes sur les intrants ; la prise en charge par l’Etat des frais d’études de leurs projets, sous réserve que ces études soient présentées par un cabinet ou un organisme agréé par le Ministère des PME-PMI ; l’octroi d’une prime d’installation en zone rurale et d’une bonification du taux de l’apport personnel (articles 9 et 10). Elle invite en retour les PME-PMI à tenir une comptabilité régulière ; à procéder à la déclaration annuelle des revenus auprès de

595 Il concentre à la fois le Ministère du commerce (APIP), le Ministère de la justice (le Greffe de commerce) et le Ministère de l’économie et des finances (les impôts). 596 Loi n° 15/1998, art. 7. 597 Loi n° 016/2005, art. 5.

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Troisième partie

l’administration fiscale ; à se soumettre à tout contrôle des autorités de tutelle sur l’utilisation des avantages concédés ; à s’acquitter des charges sociales et patronales. L’irrespect de ces obligations peut entraîner le retrait provisoire ou définitif de l’agrément ou la déchéance de l’aide ou de la garantie consentie par les organismes publics de financement (articles 15 et 16). Sur le plan financier, deux établissements publics de financement des PME et PMI existent: le Fonds d’Aide et de Garantie (FAGA) et le Fonds d’Expansion et de Développement des petites et moyennes entreprises ou industries (FODEX). Leur objectif principal est de soutenir financièrement les petits promoteurs qui ne peuvent bénéficier des crédits des banques commerciales.

Le FAGA a été créé par la loi 1/81 du 8 juin 1981 dans le but de réduire les difficultés d’accès aux financements des PME-PMI. Son soutien peut prendre la forme d’une aide directe, d’une garantie, ou les deux conjointement. L’aide directe est un prêt octroyé à une entreprise déclarée au régime des PME-PMI 598 . Son montant maximum est de 15 millions de FCFA pour un taux d’intérêt de l’ordre de 15 %. Il est remboursable à court terme. La garantie consentie par le FAGA consiste à couvrir à hauteur de 80 % maximum le remboursement et les intérêts du crédit contracté par l’entreprise auprès de l’établissement financier. Cette garantie peut aussi requérir la forme d’une caution au profit des organismes d’Etat qui attribuent des marchés publics à des PME-PMI gabonaises lorsqu’une avance a été faite à l’entreprise adjudicataire ou lorsque des matériels ou machines lui ont été confiés. 599

D’un montant d’environ 200 millions de FCFA, les prêts du FAGA sont gérés par la Banque gabonaise de développement (BGD). Ce fonds, l’un des plus anciens encore opérationnel (après la liquidation de la Banque nationale de crédit rural – BNCR – et la Banque populaire) a été renforcé par le FODEX en 1993.

Le FODEX assure les mêmes missions que le FAGA, c’est-à-dire intervenir dans le domaine du financement et de la garantie des projets des PME et PMI. Créé avec l’aide de la

598 Le régime PME-PMI est un agrément reçu du ministère des PME-PMI après avis du bureau d’études du dit ministère, Promogabon, sur la viabilité technique et financière du projet pour lequel l’aide du fonds est sollicitée. La loi n° 016/2005 adjoint à la viabilité technique et économique d’autres critères de recevabilité du projet : les aptitudes professionnelles et morales du chef de l’entreprise et de ses principaux collaborateurs, l’impact du projet sur l’entreprise, l’impact économique et environnemental du projet sur le plan social et national, (art. 7). 599 Bertin Yanga Ngary, La modernisation quotidienne au Gabon : la création de toutes petites entreprises, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 152.

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Troisième partie

Banque africaine de développement, le FODEX est un établissement public placé sous la tutelle du Premier Ministre. Son champ d’intervention est varié : l’industrie manufacturière, l’extraction, la pêche, l’agriculture, l’industrie du bois, le commerce, les services, l’artisanat. Pour être éligible au FODEX, plusieurs conditions sont à remplir, notamment :

- être une entreprise privée de droit gabonais ; - disposer d’un compte bancaire au nom de l’entreprise ; - fournir une caution morale ou un garant ; - exercer une activité dans les secteurs financés par le FODEX ; - avoir un capital détenu à au moins 51 % par les gabonais ; - avoir un chiffre d’affaires annuel inférieur ou égal à 1 milliard de francs CFA ; - que le projet d’investissement présenté ne dépasse pas 150 millions de francs CFA.

Le soutien du FODEX se décline en quatre volets: le financement à hauteur de 50 % des études de faisabilité du projet et de 50 % des coûts de suivi des cabinets agréés sur les trois premières années ; l’octroi de crédits d’investissement allant jusqu’à 70 % du montant total du projet et de prêts participatifs pour renforcer les fonds propres de l’entreprise ; la garantie de prêts accordés jusqu’à 50 % de l’encours en capital.

Selon le Rapport annuel sur l’investissement privé publié par l’APIP en 2008, de 2004 à 2007, près de 10020 entreprises ont été créées au Gabon, tous secteurs d’activités confondus, avec des hausses successives de plus de 10 % en 2006 par rapport en 2005 et 18 % en 2007 par rapport en 2006 600 . Les Toutes Petites Entreprises (TPE) représentent plus de la moitié de ces entreprises (66 % en 2004, 70 % en 2005, 60 % en 2006 et 67 % en 2007, soit 6 583 TPE). Elles sont suivies par les Sociétés à responsabilité limitée (SARL) : de 25 % d’entreprises créées en 2004 à 38 % en 2006 601 . Les secteurs d’activités qui enregistrent le plus grand nombre de création d’entreprises sont le commerce (89 %) et les services (10 %).

600 François Ndjimbi, « Le boum de la création d’entreprise au Gabon », Business Gabon, 2008. Tiré de www.gaboneco.com. Consulté le 10/2/2010. 601 Idem

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Troisième partie

Ce sont les secteurs dans lesquels les TPE et les SARL s’illustrent le plus, car leur création ne nécessite pas toujours des gros investissements 602 .

Les raisons de ce « boum entrepreneurial » viendraient, selon le rapport de l’APIP, du nouveau cadre réglementaire institué par l’Etat, du soutien du FAGA et du FODEX et surtout de la création du guichet unique au sein de l’APIP. Cela traduit donc que les mesures initiées par le Gabon pour soutenir l’investissement privé et juguler le chômage seraient efficaces. Certes, l’intérêt que requièrent les organismes de financement public et le guichet unique de l’APIP pour le développement des PME-PMI n’est pas à méconnaître, mais leur restructuration nous paraît nécessaire; l’augmentation du nombre d’entreprises n’explique pas nécessairement leur succès.

Mais, s’il se crée plusieurs entreprises chaque année, comment comprendre que le taux de chômage demeure toujours élevé (plus de 27 %) ? L’augmentation du nombre d’entreprises est-elle synonyme du dynamisme du secteur privé, ou cache t-elle plutôt un ensemble de dysfonctionnements ? Plusieurs réponses sont possibles à ces questions.

D’abord, il existe une différence entre le nombre d’entreprises créées et les entreprises réellement fonctionnelles, car l’APIP, le Ministère des PME-PMI et le Ministère du commerce ne disposent d’aucun mécanisme de contrôle quant à la survie des entreprises après leur création. Aussi, les entreprises bénéficient dès leur inscription au régime particulier des PME-PMI d’une exonération fiscale de cinq ans au terme desquels certains chefs d’entreprises déclarent la faillite de leurs unités de production avant d’en créer des nouvelles qui bénéficieront à nouveau des mêmes privilèges. Le Ministère des PME-PMI révèle à ce sujet un taux de 68 % de disparition des unités nouvelles avant l’âge de trois ans 603 . Il existerait donc beaucoup moins de PME et PMI en activité au Gabon.

Ensuite, si plus de la moitié des entreprises créées sont des TPE, elles sont donc globalement unipersonnelles, car ne disposant pas toujours de trésorerie suffisante pouvant leur permettre d’embaucher. De plus, les mécanismes de financement mis en place par l’Etat sont en plus souvent inaccessibles pour elles.

602 Amadou Ba, « Problématique de l’accès aux services financiers pour la toute petite entreprise au Gabon », GAMFI, août 2009. Tiré de www.lamicrofinance.org. Consulté le 11/2/2010. 603 CEA/BAC, Les économies de l’Afrique centrale 2003 , Paris, Maisonneuve & Larose, 2003, p. 149.

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Troisième partie

Par ailleurs, le FODEX et le FAGA, implantés à Libreville, ne profitent directement qu’aux entreprises installées à la capitale. Même l’APIP, bien que disposant aujourd’hui d’une représentation locale à Franceville, ne permet pas aux entrepreneurs exerçant dans d’autres villes du pays de légaliser leurs structures informelles.

Aussi, les deux organismes créés par l’Etat pour soutenir financièrement les PME-PMI se sont révélés peu dynamiques. Ils sont entachés de dysfonctionnements internes qui ne permettent pas une gestion optimale des fonds qui leur sont alloués. De 2003 à aujourd’hui par exemple, le FAGA n’a organisé aucun comité de crédit pour examiner les dossiers de demandes de financements qui lui sont soumis. Au FODEX, le difficile recouvrement des créances auprès des PME-PMI et le scandale financier ayant conduit à l’arrestation en 2006 de son ancien administrateur général 604 ont plongé le fonds dans une léthargie totale, provoquant le retrait de la Banque africaine de développement (BAD) de son capital.

CONCLUSION PARTIELLE

Toutes ces difficultés devraient inciter les autorités gabonaises à redynamiser tous ces organismes afin de renforcer le rôle des PME-PMI dans l’économie nationale. Alors que l’APIP se propose, selon les missions qui lui sont dévolues, de faciliter la création d’une entreprise en quarante huit heures, ses procédures tendent plutôt à se complexifier. Selon le dernier rapport annuel de la Banque mondiale (BM) et de la Société financière internationale (SFI) sur les réglementations qui facilitent les affaires dans 183 pays, – Doing Business 2010 - il faut 58 jours pour créer une entreprise au Gabon, contre 46 jours en 2008. La situation tend également à se dégrader lorsqu’il s’agit de concéder des prêts bancaires à des opérateurs économiques et de protéger leurs investissements. Le Gabon est passé de la 131 ème place mondiale en 2008 à la 135 ème place en 2009 pour les prêts, et de la 151 ème place en 2008 à la 154 ème en 2009 pour la protection des investissements. D’une façon générale, le rapport annonce le recul du Gabon à la 158 ème place mondiale en 2009 sur 183 pays. Il était à la 151 ème place en 2008, soit une variation de moins 7 rangs dans le classement mondial 605 .

604 Afrique Centrale, « Enorme scandale financier au FODEX ». Tiré de http://gaboneco.com/show_article.php?IDActu=56. Consulté le 2 février 2009 605 BM, SFI, « Doing Business 2010 », tiré de www.doingbusiness.org/economyrankings. Consulté le 19/2/2010

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Troisième partie

Pour simplifier les procédures de création d’entreprises et soutenir l’investissement privé, l’Etat devrait donc revoir le fonctionnement du guichet unique et densifier le rôle de l’APIP en lui adjoignant la mission d’accompagnement des jeunes entrepreneurs. Cette mission lui permettra de vérifier l’implantation et le fonctionnement effectif des entreprises créées.

Dans le cadre des industries culturelles financées à partir des aides accordées aux activités servicielles par le FAGA et le FODEX, un traitement particulier devrait leur être accordé. Nous proposons, à l’image de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) au Québec, la création d’un organisme financier spécifique qui prendrait la forme d’une société publique, la Société gabonaise de développement des entreprises culturelles (SOGADEC), dont l’armature pourrait se présenter de la manière suivant :

Organigramme de la SOGADEC

CONSEIL D’ADMINISTRATION

FONDS DE SOUTIEN AUX DIRECTION GENERALE ENTREPRISES CULTURELLES

SOUS DIRECTION SOUS DIRECTION SOUS DIRECTION SOUS DIRECTION SOUS DIRECTION DU LIVRE ET DE DE LA MUSIQUE DE LA RADIO ET DU CINEMA DE L’ARTISANAT L’ECRIT ET DU THEATRE DE LA TELEVISION

Source : auteur

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Troisième partie

La SOGADEC serait placée sous la tutelle du Ministère de la culture. Elle aura pour objet de promouvoir et soutenir l’implantation et le développement des entreprises culturelles gabonaises opérant dans les domaines de l’édition, de la musique, des arts de la scène, du cinéma, de l’artisanat, de la radiodiffusion et de la télévision. La société serait administrée par un conseil d’administration. Elle sera gérée par un directeur général et des sous directeurs pour chaque domaine culturel. Un Fonds de soutien, directement rattaché à la direction générale, servira à octroyer des prêts à taux d’intérêts bonifiés, ou des subventions à des entreprises qui n’ont pas accès aux banques commerciales. Ce Fonds sera géré par une commission présidée par un président choisi au sein du conseil d’administration. Cette commission sera composée, outre de son président, d’un représentant du Ministère de la culture, du directeur général, de chaque sous directeur et des représentants des associations et syndicats des professionnels de la culture. Le but de la commission serait de statuer sur les demandes d’aides ou de subventions préalablement enregistrées et étudiées par les sous directions concernées. Elle pourrait se réunir deux fois par an afin d’élargir son offre à plus d’entrepreneurs culturels.

L’approvisionnement du Fonds viendrait de plusieurs sources. Au-delà de la subvention annuelle de l’Etat, il serait alimenté par une redevance audiovisuelle 606 qui pourrait être instituée. Assise sur la facture de l’électricité, cette redevance concernerait toute personne disposant d’un abonnement auprès de la société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) ou d’un compteur prépayé (compteur EDAN). Le Fonds pourrait être aussi approvisionné par un impôt que l’Etat instituerait sur l’importation et la vente des supports audio et vidéo. Enfin, la gestion de la redevance annuelle à laquelle sont assujetties toutes les sociétés audiovisuelles et écrites en République gabonaise pourrait également être transférée au fonds de soutien aux entreprises culturelles.

L’admissibilité au Fonds de soutien devrait être simplifiée pour permettre à un très grand nombre d’entrepreneurs culturels d’en bénéficier. Deux conditions d’admissibilité seraient suffisantes: être une entreprise de droit gabonais, légalement enregistrée auprès de l’APIP et exercer dans les domaines couverts par la SOGADEC.

606 Un tel dispositif existe déjà au Cameroun, au Ghana, au Kénya et en Tunisie. Lire Jean-Tobie Okala, op. cit ., p. 24

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SECTION 2 : LE RENFORCEMENT DE L’ACTION INTERNATIONALE

Dans un pays où la culture ne constitue pas une priorité de développement, où les moyens mis à son service son dérisoires, l’action internationale est nécessaire. Devant l’exigüité du marché national, l’aide internationale peut en effet apporter une ouverture plus grande sur les autres marchés. Devant l’absence de formation, elle peut apparaître comme une possibilité d’acquisition des connaissances par la confrontation d’expériences et de savoir- faire. L’action internationale est de ce fait un complément à ce que les Etats peuvent apporter à leurs industries culturelles. Elle constitue aussi un débouché pour les produits nationaux. C’est par elle que la diplomatie culturelle prend forme. C’est aussi par elle que les cultures minoritaires seront préservées et soutenues. A cause de la globalisation, les cultures africaines sont menacées. Les Majors hollywoodiens règnent en maîtres sur le marché international des produits culturels. Ils dominent la production et la distribution mondiales et font ombrage à la créativité africaine. Face à cette offensive des forces de l’uniformisation, une lutte décisive doit s’engager pour sauvegarder la richesse et la diversité du monde ; la diversité culturelle étant indispensable à la survie de l’espèce humaine607 . Et la Francophonie constitue la « colonne vertébrale » à partir de laquelle les cultures africaines peuvent « s’agripper » pour exister.

La Francophonie a fait du dialogue des cultures sa plus grande mission. Parce qu’il est un instrument de paix, de démocratie et des Droits de l’Homme, le dialogue des cultures implique le respect des différentes identités, l’ouverture aux autres et la recherche de valeurs communes et partagées. Il sert au rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle 608 . La Francophonie doit ainsi apparaître comme « une sorte de vigie qui monte la garde et sonne l’alerte face à la montée constante de l’uniformisation. Il lui faut monter la garde et tenter de rassembler peuples et cultures dans une ultime tentative de sauvegarde . »609

607 « Appel de Villiers-Cotterêts », le 7 octobre 2001, in Alfred Gilder et Albert Salon, Alerte francophone. Plaidoyer et moyens d’actions pour les générations futures , Paris, Arnaud Franel Editions, 2004, p. 189. 608 Déclaration du Sommet francophone de Beyrouth, octobre 2002, cité par Alfred Gilder et Albert Salon, idem, p. 199 609 Jean-Marc Léger, « La grande mission de la Francophonie : monter la garde face au danger de l’uniformisation », dans Michel Guillou (sous la direction), op cit , p. 202.

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Si la Francophonie a incontestablement un message culturel et politique à délivrer au monde, cela peut également être vrai dans le domaine économique où la Francophonie « peut contribuer à proposer un modèle qui sache concilier l’efficacité, la performance et la modernité technologique avec la sauvegarde de la qualité, l’exigence d’un certain art de vivre et le respect de la dignité de l’homme. Reposant alors sur ces trois piliers fondamentaux que sont le politique, le culturel et l’économique, elle pourra se présenter comme une ‘’Francophonie intégrale’’ »610 . La diversité culturelle passe aujourd’hui par l’intermédiaire des industries culturelles.

Paragraphe 1 : L’appui aux initiatives culturelles : pour un réel soutien de l’OIF aux industries culturelles gabonaises

Les actions de l’OIF en facteur des industries culturelles francophones sont nombreuses. Elles ont commencé à prendre forme dès la création de l’ACCT et concernent aussi bien l’édition, la musique que le cinéma. Certaines de ces actions sont suspendues, soit parce qu’elles ont été mal menées, soit parce que les objectifs qui y étaient assignés n’ont pas été atteints. Celles qui sont en cours d’exécution parviennent très peu à dynamiser les capacités de production des industries culturelles francophones. Certes, quelques programmes semblent déjà constituer un début de solution, mais ils méritent encore d’être redéployés et étendus à l’ensemble des pays africains membres de la Francophonie. C’est le cas notamment du Fonds de garantie des industries culturelles (FGIC).

Le FGIC est le résultat des décisions prises par les Chefs d’Etat et de gouvernement et les ministres de la culture, lors des Sommets de Hanoi (1997), de Moncton (1999) et de la troisième Conférence ministérielle de la culture (Cotonou 2001) pour doter la Francophonie d’un dispositif de garantie au profit des entreprises culturelles. L’objectif affiché étant de promouvoir le financement bancaire des industries culturelles dans l’espace francophone. En prenant en charge une partie du risque, le fonds de garantie permet au banquier de financer des projets qui pourraient paraître trop risqués et de réduire la perte financière qui pourrait découler de la défaillance du client. Il profite donc aussi bien à l’établissement de crédit, en

610 Stève Gentili « Préface », in , L’espace économique francophone. Pour une Francophonie intégrale, Paris, Ellipses, 1996, p. 4

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lui permettant de financer des projets qui l’auraient été à des conditions plus drastiques, ou tout simplement écartés, qu’à des entreprises culturelles, en leur permettant de disposer des fonds nécessaires à l’exécution de leurs projets à des conditions plutôt avantageuses.

Dès sa mise en œuvre en 2003, le FGIC s’est proposé de soutenir les entreprises dans les domaines suivants 611 :

- la production et la distribution audiovisuelle ; - les industries techniques de l’audiovisuel et de la musique ; - la production et la distribution de livres et des phonogrammes ; - le théâtre et les spectacles vivants ; - la radio et la télévision ; - la presse écrite ; - la production de contenu multimédia culturel ou éducatif ; - l’exploitation des salles de cinéma, de théâtre et de spectacles ; - les arts visuels et les arts plastiques ; - la mode, l’artisanat et le design à connotation artistique ou culturelle.

Les entreprises éligibles au fonds doivent être des PME de droit privé, légalement constituées et opérant dans les domaines couverts par le fonds et installées dans l’un des pays bénéficiaires 612 .

Pour rendre opérationnel le FGIC, l’OIF a délégué sa gestion à des établissements financiers spécialisés des pays bénéficiaires avec lesquels une convention ad hoc est signée. Ce sont ces établissements qui analysent, évaluent les projets et octroient la garantie aux établissements de crédit. Ils doivent par conséquent être indépendants et neutres vis-à-vis de l’ensemble du système financier du pays afin de permettre à tous les établissements de crédit un accès équitable au fonds. La garantie est sollicitée directement par les établissements de crédit. Son taux est généralement de 70 % du montant total du crédit.

611 FGIC (secteurs d’activités concernés). 612 Pour son lancement, le FGIC a été limité à quelques pays d’Afrique du Nord (Maroc et Tunisie) et d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo).

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A ce jour, l’OIF dispose de trois partenaires locaux dans le cadre de ce projet : la Caisse centrale de garantie pour le Maroc, Tunis Ré pour la Tunisie et la Banque de développement et d’investissement de la CEDEAO (BIDC) pour l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest.

Depuis septembre 2009, le budget de la BIDC est passé de 650 000 euros à 1 300 000 euros ; et le fonds est étendu à l’ensemble des pays de la CEDEAO, y compris aux pays non francophones 613 .

En définitive, le FGIC est l’unique dispositif francophone qui permet aux entrepreneurs culturels de disposer avec plus de souplesse, des financements bancaires pour la réalisation de leurs projets. Si l’initiative est globalement appréciée des différents bénéficiaires, elle l’est beaucoup moins des autres pays francophones qui en sont restés en marge et dont les besoins sont aussi importants que ceux des entrepreneurs des pays actuellement soutenus. En effet, au lieu d’étendre le fonds aux pays non francophones (Liberia, Nigeria, Sierra Léone et Gambie), la Francophonie gagnerait à déployer le FGIC en Afrique Centrale. Après sept années de fonctionnement, le fonds a acquis un savoir-faire qui peut aujourd’hui facilement s’étendre à l’ensemble des pays francophones d’Afrique. A défaut de s’élargir à l’Afrique Centrale, le FGIC pourrait alors se rattacher à la Société francophone de développement des industries culturelles (SOFDIC) dont nous souhaitons la création par l’OIF, si elle veut renforcer son dispositif de soutien aux entreprises culturelles et créer enfin « un espace économique francophone »614 .

La SOFDIC, à l’image de la SODEC au Québec, aura pour missions de promouvoir et de soutenir dans tous les pays membres de la Francophonie, plus singulièrement dans les pays d’Afrique francophone, l’implantation et le développement des industries culturelles. Elle aura également à charge de contribuer à accroître la qualité des produits francophones et leur compétitivité sur le marché mondial. De fait, la SOFDIC devrait disposer de deux fonds pour son fonctionnement. Outre le FGIC qui lui sera directement rattaché et dont elle assurera la gestion, un Fonds d’investissement des industries culturelles (FIIC) devra être créé.

613 http://www.espace-economique.francophonie.org/LES-FONDS-DE-GARANTIE.html. Consulté le 12 avril 2009 614 Pour comprendre la notion d’espace économique francophone, lire Aymeric Chauprade, L’espace économique francophone. Pour une francophonie intégrale , Paris, Ellipses, 1996.

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Le FIIC serait, comme le Fonds d’investissement de la culture et des communications (FICC) au Québec, une société en commandite de la SOFDIC dont la mission est d’investir dans le capital des entreprises francophones du domaine des industries culturelles. Elle est actionnaire et siège aux comités de gestion des entreprises. Le FIIC aura l’avantage de soutenir financièrement, voire techniquement toutes les industries qui n’ont pas suffisamment de trésorerie pour débuter ou développer leurs activités. Mais, sa participation ne devra pas excéder la moitié de l’actionnariat de l’entreprise. Ainsi, l’entreprise sollicitant le fonds devra disposer d’un plan d’affaires solide, mettant en lumière la qualité du produit à créer ou à développer, la créativité de l’équipe managériale, la rentabilité à court, moyen et long terme de l’entreprise et un plan marketing innovant (canaux de distribution, approches promotionnelles, etc.). Après cinq années d’investissement dans l’entreprise, le FIIC devra vendre ses actions et se redéployer ailleurs.

Le FGIC, une fois rattaché à la SOFDIC, devra promouvoir le financement bancaire des industries culturelles dans l’ensemble de l’espace francophone. Les pays francophones d’Afrique Centrale pourraient désormais, sans trop de contraintes, solliciter des financements auprès de l’établissement (ou des établissements) qui sera retenu comme partenaire régional du fonds.

Mais, les industries culturelles francophones, pour lesquelles la SOFDIC devra investir des fonds, ne se développeront qu’à condition que leur production circule librement dans l’espace francophone. Là, se pose le problème des contraintes réglementaires liées aussi bien à la circulation des produits que des personnes entre les pays membres de la Francophonie.

A défaut de supprimer les droits de douane qui sont un frein aux échanges des produits culturels, les Etats membres de la Francophonie devraient opportunément s’accorder sur les possibilités d’exempter des droits de douane les produits culturels en provenance et à destination de l’espace francophone. Aussi, un visa francophone (ou un francopasse), adapté aux nécessités de l’activité culturelle (courts séjours, séjours fréquents, longs séjours) ou un passeport francophone seraient-ils envisagés pour faciliter les déplacements des entrepreneurs culturels. Car, affirme Michel Guillou, « une communauté ne peut, en effet, exister sans que ses membres ne bénéficient de préférences. Et une préférence est substantielle au concept de

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communauté culturelle : la préférence en matière de circulation culturelle. Une communauté culturelle suppose en effet une préférence de circulation pour les artistes, savants, étudiants, ainsi que pour les biens et produits culturels . »615 Tant qu’une action d’envergure ne sera pas entreprise par la Francophonie pour soutenir durablement sa production culturelle, sa bataille contre l’uniformisation ne sera que pure facétie, et elle-même paraîtra « incrédible ».

Paragraphe 2 : De la diplomatie culturelle gabonaise : innovation ou refondation ?

Les Etats s’engagent dans des relations culturelles en raison des profits qu’ils espèrent en tirer. C’est ainsi qu’avec l’émergence des nouveaux acteurs sur la scène internationale, la culture est devenue pour beaucoup de pays une arme pour manifester leur puissance. Selon Moufdi M’Farej, « une forte présence culturelle à l’étranger leur permet d’y améliorer positivement leur image, de se faire des amis, des alliés, des clients, de faire partager des idées, des idéologies, des modèles et des valeurs. Vendre sa culture à l’extérieur aide à mieux assurer sa sécurité, à faire des affaires et à exercer une plus grande influence dans le monde »616 .

En effet, dans les années 1950, la force militaire permettait à chaque pays d’affirmer sa puissance. Aujourd’hui, cette puissance se manifeste par les idées, le savoir-faire et la culture. Pour Armand Mattelart, « les grands Etats actuels n’ont plus beaucoup de moyens d’exercer leur influence à travers le monde quand les impérialismes et autres dominations militaires sont de plus en plus rares et dénoncés par la communauté internationale, et quand la domination technique, un temps exercée par le Nord sur le Sud, se voit fragiliser par l’émergence de nouvelles puissances économiques »617 . Toutefois, la culture doit-elle être au service de la diplomatie ou plutôt se sert-elle de la diplomatie pour s’émanciper ?

L’expression « diplomatie culturelle » s’emploie régulièrement pour désigner l’ensemble des activités de l’esprit menées par un Etat dans le cadre de sa coopération. Mais

615 Michel Guillou, op, cit, p. 62. 616 Moufdi M’Farej, « De la diplomatie traditionnelle à la diplomatie culturelle », Diplomatie, septembre-octobre 2007, n° 28, « Affaires stratégiques et Relations internationales », p. 31 617 Armand Mattelart, La communication-monde, histoire des idées et des stratégies , Paris, La Découverte, 1992, cité par Sandrine Dumas, Le modèle français de diplomatie culturelle : entre défense et adaptation face aux bouleversements internationaux , Mémoire de master, Université Montesquieu-Bordeaux 4, 2007, p. 37

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définie ainsi, la diplomatie culturelle se renvoie à la seule sphère étatique. C’est la « diplomatie de premier ordre », dira John Morris Mitchell, laquelle se trouve renforcée par la « diplomatie de second ordre ». Selon lui, il existe deux types de diplomatie culturelle qui sont comme deux pôles entre lesquels toutes sortes de combinaisons sont possibles. 618 La « diplomatie de premier ordre » est exercée directement par les autorités gouvernementales responsables de la politique extérieure et, surtout, en fonction des objectifs poursuivis par cette politique extérieure. Ces objectifs sont la sauvegarde et le renforcement du pays sur la scène internationale. « C’est dans la poursuite de ces objectifs, dira Paul Painchaud, que la diplomatie se saisit du terrain prétendument apolitique de la culture. L’objectif des opérations n’est donc pas dans ce cas la promotion d’activités culturelles. Au mieux, celle-ci est un objectif accessoire »619 .

La « diplomatie de second ordre » quant à elle s’exercerait en partie dans le cadre donné par la première, mais serait néanmoins administrée par des organismes privés ou parapublics essentiellement voués au développement culturel et surtout en fonction des objectifs sectoriels poursuivis par ces organismes.620 Cette classification de John Morris Mitchell rend la culture à la fois objet et instrument de la politique étrangère et nous renvoie aux débuts de la diplomatie culturelle en Europe, singulièrement en France, où l’action culturelle étatique avait été plusieurs années durant, soutenue par des initiatives privées.

En effet, lors de la Révolution française, la langue française était devenue la langue de nombreuses Cours de l’Europe de l’Ouest et de son élite intellectuelle. Dans les territoires conquis non francophones, les peuples étaient « soumis à l’influence unificatrice d’une langue française commune à tous. […] Du fait de la politique linguistique, de l’influence de la Déclaration des Droits de l’Homme et de toutes les idées de la Révolution ainsi que de l’instauration du Code civil dans de nombreux pays, la période 1789-1815 marque un tournant dans l’histoire de la pénétration française »621 . La diplomatie culturelle venait alors de naître. Toutefois, l’effondrement de l’Empire entraine la fin de l’intervention publique et

618 Louis Bélanger, « La diplomatie culturelle des provinces canadiennes », p. 423, tiré de www.id.erudit.org/iderudit/703350ar. Consulté le 16/2/2010 619 Paul Painchaud, De Mackenzie King à Pierre Trudeau. Quarante ans de diplomatie canadienne, 1945-1989, Québec, Presses de l’Université Laval, 1989, p. 589. 620 J.M. Mitchell, International Cultural Relations, Londres, Allen and Unwin, coll « Key Concepts in International Relations, n° 3”, 1986, p. 3-6. Cité par Louis Bélanger, idem , p. 422. 621 Antony Haigh, La diplomatie culturelle en Europe, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1974, p. 29

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cède la place désormais au secteur privé. En 1846, l’Ecole française d’archéologie est créée à Athènes. En 1883, l’Association nationale pour la propagation de la langue française dans les colonies et à l’étranger naît sous l’égide de l’ambassadeur Paul Cambon et de Pierre Foncin.

Mais très vite, avec la création au sein du Ministère des Affaires Etrangères du Bureau des écoles et des œuvres françaises à l’étranger, la diffusion de la culture française redevient une affaire publique et inspirera plusieurs autres pays européens comme l’Allemagne, l’Italie et l’Angleterre.

Pendant toute cette période, c’est-à-dire du XVIII ème au XIX ème siècle, l’action publique s’est mise au service de la culture : diffusion de la culture par le biais du Ministère des Affaires Etrangères, des universités et instituts. Mais la situation va s’inverser à partir de la première guerre mondiale lorsque certains pays comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni utilisèrent la culture pour convaincre l’opinion publique de la justesse des buts politiques et de l’efficacité des méthodes militaires. La diplomatie culturelle devient alors ce que Frederick C. Barghoon qualifie de « la manipulation de facteurs et d’agents culturels à des fins de propagande »622 .

Le XX ème siècle marquera, quant à lui, le début de la coopération bilatérale dans le domaine de la culture. De 1919 à 1938, la France avait réussi à signer dix neuf conventions culturelles avec treize pays. En 1939, la Pologne était partie de dix accords, tandis que la Tchécoslovaquie en avait conclu neuf, et la Belgique huit. Ces conventions bilatérales annonçaient le début d’une action multilatérale qui prendra forme en 1942 avec la création, par neuf pays, sur l’initiative du British Council, d’une Conférence des ministres alliés de l’Education, appelée CAME. Le but de la CAME était l’organisation d’une collaboration en matière d’enseignement pendant et après la seconde guerre mondiale. Durant ses quatre années d’existence, la CAME s’est également attelé à restituer des objets d’art, de l’équipement scientifique, des livres et des archives qui avaient fait l’objet de pillage pendant la guerre. Lors de la neuvième session de la CAME tenue le 6 avril 1944 à Londres, à laquelle participait une délégation américaine, le département d’Etat américain annonçait :

622 Frederick C. Barghoon, The Soviet Cultural Offensive : the role of cultural diplomacy in Soviet Foreign Policy, Princeton University Press, 1960, dans Anthony Haigh, op. cit , p. 35.

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« Le Gouvernement des Etats-Unis allait participer à un programme international de rétablissement de l’enseignement et de la culture dans les pays occupés par l’ennemi durant la période qui suivait immédiatement la fin des hostilités. Pour aider les pays dévastés à se tirer d’affaire eux-mêmes, le département d’Etat se proposait de collaborer pour l’heure avec la Conférence de Londres, avec les nations qui y étaient représentées et avec les autres pays alliés et associés, en vue de créer dès que possible une organisation des Nations Unies pour le rétablissement de l’enseignement et de la culture »623 .

Cette déclaration américaine sonnait la naissance de l’UNESCO qui interviendra deux ans plus tard au cours d’une conférence organisée à Paris.

Au total, que la diplomatie culturelle se manifeste sous la forme bilatérale ou multilatérale, elle constitue aujourd’hui un instrument de développement culturel et économique usité largement par les missions diplomatiques à l’étranger. La convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 rappelle bien ce rôle lorsqu’elle précise, en son article 3, les fonctions d’une mission diplomatique : « Les fonctions d’une mission diplomatique consistent notamment à négocier avec le gouvernement de l’Etat accréditaire, promouvoir des relations amicales et développer les relations économiques, culturelles et scientifiques entre l’Etat accréditant et l’Etat accréditaire ». Dans la convention de Vienne de 1963 qui la complète sur les relations consulaires, le développement des relations culturelles est également réaffirmé lorsqu’elle précise les fonctions du personnel consulaire : « Les fonctions consulaires consistent à favoriser le développement des relations commerciales, économiques, culturelles et scientifiques entre l’Etat d’envoi et l’Etat de résidence […] »624 .

Les premières missions diplomatiques gabonaises à l’étranger apparaissent aussitôt après la création du MAE (décret n° 161/PM du 14 octobre 1960 portant organisation et attribution des tâches du Ministère des Affaires étrangères et de l’Economie nationale). Ce décret fut remplacé par le décret n° 261/PR-MAE du 28 novembre 1960 fixant attributions et organisation des services du MAE. Il sépare les Affaires étrangères de l’économie. Dès l’institution de ce Ministère, le Gabon a entrepris des relations diplomatiques avec nombre de pays européens, américains, asiatiques et africains. Les premiers accords de coopération

623 Anthony Haigh, op. cit, p. 47-62 624 Convention de Vienne de 1961, art. 5

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culturelle ont été signés avec la France (1963 et 1967), le Brésil (1975), le Mexique (1976) et le Québec (1978) 625 . Le Gabon a ratifié les deux conventions de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires, respectivement le 2 avril 1964 et le 23 février 1965.

Du décret du 14 octobre 1960 à l’actuel décret n° 652/PR/MAECF du 21 mai 2003 portant attributions et organisation du MAECF, la définition et la conduite de la politique étrangère a toujours été une affaire du Président de la République. Cette prépondérance présidentielle trouve son origine dans les prérogatives que lui confère la Constitution en son article 8 : « Le Président de la République est le Chef de l'État; il veille au respect de la Constitution; il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, du respect des accords et des traités. Il détermine, en concertation avec le Gouvernement, la politique de la nation. Il est le détenteur suprême du pouvoir exécutif qu'il partage avec le Premier Ministre. »626 Ces prérogatives sont si importantes que le Président Omar Bongo a lui-même occupé le poste de Ministre des Affaires étrangères en plus de sa fonction de Président de la République, du 25 janvier 1968 au 4 juillet 1968, et du 3 octobre 1973 au 20 janvier 1975.627 Le MAECF exécute donc la politique définie par le Chef de l’Etat.

Dès 1960, la politique étrangère du Gabon et de l’ensemble des nouveaux Etats indépendants du Tiers monde était élaborée autour de trois variables : l’indépendance, le développement économique et la compétition politique interne 628 . Mais depuis quelques années, le Gabon a recentré sa politique étrangère sur le développement économique et le maintien de la paix en Afrique. Plusieurs missions diplomatiques sont ainsi créées 629 et l’activité de médiation intensifiée. Pour le Président Omar Bongo, « nos missions diplomatiques sont le fer de lance de notre combat contre le sous-développement ; installées dans les grands pays amis, elles ont pour mission de rechercher les bonnes volontés prêtes à

625 Ces accords sont développés dans la première partie de ce travail 626 Constitution de la République gabonaise, révisée par la Loi n° 13/2003 du 19 août 2003. 627 Eustache Mandjouhou Yolla, La politique étrangère du Gabon , Paris, L’Harmattan, coll « Etudes africaines », 2003, p. 21 628 Franklin Weinstein, « The uses of foreign policy in Indonesia », World Politics, vol. XXIV, n°3, avril 1972, p. 356-381, dans Eustache Mandjouhou Yolla, idem, p. 233 629 En 1999, le Gabon comptait 32 missions diplomatiques à l’étranger. Elles sont au nombre de 38 en 2010. A la même année, il accueillait 27 missions permanentes sur son territoire, contre 45 en 2010

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nous aider, de prospecter les milieux économiques et financiers en vue de les inciter à investir chez nous ».630

La prospérité économique du Gabon et son rayonnement à travers le monde ont permis au pays de passer du statut d’Etat à influence faible ou négligeable au niveau continental à celui d’Etat à grande influence, selon le classement d’Augustin Kontchou Kouomegni 631 . Le Ministre des Affaires étrangères et ses services extérieurs devenant la pierre angulaire de la politique étrangère du Gabon. La convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 confère au MAE, en son article 7, le droit de conclure des traités. Ce que réaffirme d’ailleurs le décret n° 652/PR/MAECF du 21 mai 2003 lorsqu’il stipule que « le Ministre des Affaires étrangères, de la coopération et de la Francophonie est chargé d’établir les pouvoirs, à représenter la République gabonaise et à correspondre directement avec les puissances étrangères ou leurs représentants au Gabon ainsi qu’avec les organisations internationales […]. Il est aussi chargé d’engager la procédure de ratification et de publication des instruments internationaux », article 2. Le décret précise cependant que l’action du Ministre doit se faire sous l’autorité du Président de la République. Dans la droite ligne de la convention de Vienne de 1961, le décret du 21 mai 2003 énonce également les missions consenties aux services extérieurs du MAECF : « Les services extérieurs sont chargés de représenter le Gabon à l’étranger ; d’informer le gouvernement sur la situation et l’évolution politique, économique et sociale dans les pays accréditaires ; de négocier avec les autorités des pays d’accueil ; d’intervenir auprès des gouvernements étrangers, des organisations internationales ou organismes de défense pour soutenir et faire prévaloir les positions ou les requêtes gabonaises ; de protéger et d’assister les Gabonais à l’étranger », (article 142). Par services extérieurs, nous entendons : les missions diplomatiques, les postes consulaires et les représentations et délégations permanentes (article 143).

Le Gabon dans la composition de ses missions diplomatiques a institué, comme nombre de pays, un service en charge du développement culturel. Malheureusement, depuis la création des premières missions diplomatiques gabonaises à l’étranger (Paris en 1960, Washington en 1961) les services culturels peinent à devenir des véritables acteurs de développement. Au-delà de quelques accords bilatéraux et des initiatives ponctuelles qui sont

630 Eustache Mandjouhou Yolla, op. cit, p. 80. 631 Augustin Kontchou Kouomegni, Le système diplomatique africain. Bilan et tendances de la première décennie , Paris, Pedone, 1977. Cité par Eustache Mandjouhou Yolla, idem , p. 7-8.

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à mettre à leur crédit, aucune action d’envergure tendant à soutenir le développement des industries culturelles gabonaises n’a été réalisée, malgré les discours et les recommandations. Au regard de ces handicaps, et compte tenu de la volonté affichée de bâtir « une diplomatie au service du développement », un atelier sur le rôle du conseiller culturel au sein d’une ambassade a été organisé à Libreville en avril 2009 par la direction générale de la coopération internationale du MAECF. L’objectif de l’atelier était de redéfinir le rôle du conseiller culturel et de mettre à sa disposition un « outillage adéquat lui permettant de multiplier des partenariats et d’accroître le volume des investissements étrangers, au moment où le pays amorce la diversification de son économie »632 . Des nouvelles missions lui ont donc été assignées, et les anciennes renforcées. Désormais il lui revient de :

- participer aux négociations et suivre l’exécution d’accords de partenariat culturel ; - participer à la reformulation de la politique de coopération au bénéfice de l’Etat ; - préparer des missions ou contacts entre les milieux culturels des deux pays ; - proposer des grands axes de coopération en matière institutionnelle et décentralisée - promouvoir la culture gabonaise par tous les moyens ; - présenter le Gabon comme un site d’accueil des investissements culturels et touristiques à haute valeur ajoutée ; - proposer tout plan d’action relatif au développement des identités culturelles nationales ; - vulgariser les identités culturelles nationales en organisant des foires d’exposition, des journées ou soirées culturelles, des conférences. - mettre en place une galerie d’arts dans le pays d’accueil.

Autant d’attributions qui mettent le conseiller culturel au centre du développement culturel du pays. Sous l’autorité directe du chef de la mission diplomatique, il est désormais tenu d’appliquer les orientations fixées par la direction générale de la coopération internationale et la direction de la coopération culturelle, scientifique, technique et

632 Propos préliminaires du Coordonnateur général de l’atelier, Sosthène Ngokila, Ambassadeur du Gabon, Premier secrétaire général adjoint du MAECF.

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institutionnelle du MAECF. C’est dans le cadre de cette nouvelle orientation donnée à la diplomatie gabonaise (diplomatie du développement) que nous estimons nécessaire de proposer quelques pistes d’actions qui pourraient améliorer le rendement des industries culturelles gabonaises.

En effet, à la place de la galerie d’arts, comme préconisé par l’atelier, il serait plus judicieux d’édifier dans les ambassades stratégiques 633 des Maisons du Gabon, dédiées aux expositions et aux entrepreneurs culturels gabonais. Ces maisons pourraient prendre la forme de résidences d’artistes.

L’objectif des Maisons du Gabon serait de permettre, d’une part, aux entrepreneurs et aux artistes, en déplacement dans les pays accréditaires, de disposer d’un espace d’accueil et d’hébergement. Elles constitueraient, d’autre part, un lieu de rencontres et d’échanges entre les artistes gabonais et leurs homologues étrangers. Elles seraient enfin un lieu d’exposition et de spectacle, où la culture gabonaise, dans sa diversité, sera encensée et vulgarisée. Les Maisons du Gabon donneraient à chacun la tentation de la culture, le désir de visiter le Gabon. Elles serviraient de relais entre le Gabon culturel et le Gabon touristique.

Financée par le MAECF, le Ministère de la Culture et la SOGADEC, la Maison du Gabon serait sous l’autorité du chef de la mission diplomatique et gérée par le service culturel qui y affecterait un personnel permanent. Elle mettrait à la disposition de l’entrepreneur ou de l’artiste gabonais un logement et une salle d’exposition ou de spectacle. L’accès à la Maison du Gabon serait soumis au dépôt d’un dossier de candidature qui devrait détailler l’objet du séjour, le domaine d’activité dans lequel l’entrepreneur ou l’artiste exerce et la durée du

633 Nous entendons par ambassade stratégique, toute mission diplomatique qui requiert un grand intérêt économique pour le pays. Le premier critère de classification pourrait être le nombre de diplomates qui y sont en poste. Au 31 août 1998 par exemple, les diplomates gabonais en poste en France étaient au nombre de 32 (21 pour l’ambassade, 8 pour le consulat général et 3 pour l’Unesco). En deuxième position viennent les Etats-Unis avec 23 agents (dont 9 pour l’ONU), puis la Belgique et l’UE avec 13 diplomates. En Afrique, le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Sénégal totalisent chacun 8 agents en poste dans chaque ambassade. Le deuxième critère, qui serait le prolongement du premier, pourrait découler des rapports (économique, culturel, historique, etc.) qui lient le Gabon à ces pays. En 1966 par exemple, le décret n° 254/PR-MAE rattachait l’ambassade du Gabon à Paris directement à la Présidence de la république, pour des questions stratégiques, historiques et économiques. Ce fut également le cas pour l’ambassade du Gabon en Belgique et auprès de la CEE (décret n° 337/PR du 2 mai 1969), et pour l’ambassade du Gabon à Abidjan (décret du 19 février 1968). Si ces critères venaient à être retenus, les maisons de la culture se construiraient en France, aux Etats-Unis, en Belgique, au Maroc, en Côte-d’Ivoire, au Cameroun et au Sénégal. Cependant, grâce au développement des relations économiques entre le Gabon et d’autres pays comme l’Afrique du Sud et la Chine, cette liste pourrait bien connaître des modifications. Lire Eustache Mandjouhou Yolla, op, cit, p. 82-85.

342

Troisième partie

séjour 634 . Le séjour à la Maison du Gabon est gratuit. A contrario , tout hébergé devrait être scrupuleusement soumis à l’acceptation et au respect du règlement intérieur de la maison.

Par ailleurs, pour soutenir la créativité nationale, favoriser le déplacement des artistes à l’intérieur du pays et limiter la rareté des lieux de représentation, les Maisons du Gabon pourraient être mises en place, aux mêmes conditions, dans les chefs lieux de provinces ou de départements du Gabon. Elles seraient à ce titre gérées par les collectivités locales.

De plus, devant l’engouement et l’intérêt que pourrait susciter un tel projet, le Gabon serait amené à négocier des accords bilatéraux avec les différents Etats accréditaires pour assouplir les conditions de délivrance de visas aux professionnels de la culture. Des « visas culturels », d’une durée limitée, pourraient même être institués pour faciliter le déplacement des artistes et entrepreneurs culturels dans les pays signataires de ces accords.

En clair, la diplomatie culturelle gabonaise doit se refonder et en même temps, innover. Refondation pour se décliner en diplomatie de développement ; où les conseillers culturels sont, non seulement des diplomates, mais aussi des managers culturels. Et innovation, par la création des Maisons du Gabon ; car elles favoriseraient la mobilité internationale des œuvres et des artistes. Le Gabon en a la capacité. Seule lui manquera la volonté.

634 La durée du séjour dans la maison du Gabon ne devra dépasser un mois.

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Conclusion générale

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Conclusion générale

CONCLUSION GENERALE

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Conclusion générale

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Conclusion générale

Au terme de ce travail de recherche, il appert que les industries culturelles gabonaises présentent des aspects très différents, selon qu’elles sont une filiale d’un grand groupe international ou une industrie nationale. Les filiales qui disposent d’un soutient important des sociétés mères bénéficient en outre d’un monopole qui leur est consenti par l’Etat dans la production des livres scolaires, d’une part, et la diffusion des journaux, d’autre part. En même temps, les industries nationales souffrent d’une inertie qui ne favorise guère leur développement. Pourtant, le Gabon a élaboré des politiques culturelles qui n’ont cessé d’évoluer, de 1960 à nos jours. L’objectif de ces politiques étant l’affirmation de l’identité nationale et le développement des expressions culturelles et artistiques.

C’est ainsi que plusieurs infrastructures culturelles ont été construites, notamment la Bibliothèque nationale, le Musée national des Arts et Traditions de Libreville, l’Ecole nationale d’art et manufacture (ENAM). Mais très vite, la volonté de rayonner au plan international allait cristalliser les efforts de la jeune République de l’époque autour de l’adhésion aux organisations culturelles internationales et à la signature d’accords bilatéraux avec des pays tiers.

La France sera le premier pays à signer les accords culturels avec le Gabon pour l’accompagner dans la structuration de la télévision nationale. Elle lui apportera assistance technique et assurera pendant plusieurs années, la formation de son personnel.

D’autres accords bilatéraux vont se succéder, notamment avec le Brésil, le Mexique et le Québec. Coopérer avec le continent américain constitue un désir de s’affranchir de l’ancienne tutelle coloniale et de diversifier les partenaires commerciaux. Ces accords, respectivement signés en 1975, 1976 et 1978, se traduisent par l’échange des produits culturels (livres, programmes d’enseignement, produits cinématographiques et télévisuels), d’artistes et de professeurs, l’organisation conjointe d’expositions artistiques, de concerts, de représentations théâtrales, de projections cinématographiques.

La conclusion de ces accords bilatéraux et l’adhésion aux organisations internationales à vocation culturelle (UNESCO, OMPI, OIF, CICIBA) conduira le Gabon vers une autre politique culturelle, fondée sur l’institutionnalisation et la réglementation de la culture. C’est

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Conclusion générale

le passage de la première politique à la deuxième politique culturelle qui prendra forme à partir des années 1980.

A partir de cette période en effet, le Ministère de la Culture, l’Agence nationale de promotion artistique et culturelle (ANPAC), le Centre national du cinéma (CENACI) seront créés ; et une loi sur la protection du droit d’auteur instituée. Le Gabon renforcera ce dispositif réglementaire plus tard lorsqu’il fait voter en 2001 la loi n° 12/2001 portant code de la communication audiovisuelle et cinématographique en République gabonaise. Mieux, il crée en 2005 un mécanisme d’aide à la presse écrite (FONAPRESSE) dont la mission consiste à soutenir financièrement l’édition, l’impression et la distribution d’organes de la presse écrite. Il institue aussi en 2008, une fête nationale des cultures pour promouvoir les artistes nationaux et dynamiser la coopération culturelle avec les pays voisins.

Malgré cet arsenal institutionnel et juridique, les industries culturelles nationales peinent à se développer. Certes, ces institutions et lois se sont illustrées dans l’encadrement des activités culturelles. Grâce au fonds d’aide à la presse écrite, les organes de presse arrivent à résoudre certaines de leurs difficultés. La fête des cultures se présente comme une rencontre à travers laquelle les industries culturelles de la musique et du livre convoitent des nouveaux marchés et des nouveaux clients. Elle leur permet aussi d’écouler leurs produits. D’autres mesures, notamment réglementaires, ont facilité la création de PMI culturelles : des allègements tarifaires et exonérations temporaires leur sont consentis.

Mais, ces lois, règlements et institutions ne suffisent pas à rendre économiquement viables les industries culturelles nationales. En effet, les enquêtes de terrain que nous avons réalisées dans le cadre de cette recherche révèlent la persistance de deux types d’entraves : les entraves émanant de l’environnement national et les entraves internes aux industries culturelles elles-mêmes.

Les entraves issues de l’environnement national sont de plusieurs ordres. Ce sont des contraintes qui sont difficilement solubles sans le concours de l’Etat. Les organes de presse se plaignent par exemple de l’immixtion du politique dans leur activité. La publicité qui doit leur parvenir est orientée vers les organes publics ou ceux ayant des accointances avec le pouvoir politique. Alors que la vente du journal – qui reste avec les avis et communiqués les seules

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Conclusion générale

sources de revenu mensuel, l’aide du FONAPRESSE étant annuelle – ne suffit pas à couvrir les coûts élevés d’impression et de distribution, les organes de presse se trouvent contraints de solliciter, à leur détriment, les faveurs des hommes politiques pour qui les médias sont un bien précieux de propagande. Ils déplorent aussi la très forte répression dont ils sont régulièrement victimes de la part du Conseil national de la communication (CNC), organe de régulation de la communication au Gabon, qui passe plus pour un gendarme qu’un conseil.

Dans les secteurs de la radio et de la télévision, la situation n’est guère enviable. Très peu d’entreprises ou d’institutions acceptent de partenariats publicitaires avec les radios et télévisions privées, de peur de représailles. Bien que la publicité leur soit majoritairement destinée, les radios et télévisions publiques souffrent aussi de la très forte implication de l’Etat dans leurs activités ; faisant du journaliste (fonctionnaire) un propagandiste dont la mission est l’amplification de la parole du chef et du gouvernement 635 . Jean-Tobie Okala décrit cette connivence entre l’Etat et les médias publics en ces termes, pour parler de la télévision :

« En Afrique, et plus que partout ailleurs dans le monde, les hommes politiques passent, les gouvernements se succèdent mais le cordon ombilical qui relie l’Etat et la télévision publique reste en place. Les mécanismes à travers lesquels les Etats ‘’tiennent’’ la télévision sont nombreux, allant de son financement à la nomination de ses responsables, en passant par la gestion des réseaux, la répartition des fréquences ou encore l’organisation de la concurrence par exemple. Pourtant, s’il est un point sur lequel tous les hommes politiques sont d’accord, c’est sur la ‘’ nécessaire indépendance’’ des médias publics […] »636 .

Au cinéma par exemple, le directeur du CENACI est nommé par le Président de la République sur proposition du Ministre de la communication.Toutes ces entraves institutionnelles, ajoutées à l’inexistence de distributeurs dans le domaine du cinéma et de la musique et à l’absence de mécanismes publics de financement des industries culturelles (à l’exception du FONAPRESSE), rendent difficile le développement d’une activité culturelle au Gabon. Ce développement est d’autant plus difficile à atteindre que les produits culturels sont constamment piratés.

635 Jean-Tobie Okala, op. cit ., p. 19. 636 Idem, p. 10

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Conclusion générale

Face à l’inapplication de la loi sur les droits d’auteur – faute d’organisme de gestion de ces droits --, les productions culturelles gabonaises sont continûment exposées à l’agressivité des pirates. Les pirates sont présents dans tous les domaines de la vie culturelle. Mais leur présence est plus marquée dans la musique et le cinéma. Ils usent d’un ensemble de techniques informatiques pour réaliser leur forfait.

Dans l’édition, ce sont plutôt les vendeurs à la criée qui côtoient les structures formelles. S’ils sont réprimandés à cause de leur activité parfois déloyale (cependant, certains d’entre eux qui exercent à temps plein dans des petites échoppes paient des taxes à la mairie), il faut reconnaître cependant que ce commerce florissant répond à un besoin criard en livres que les rares bibliothèques ne peuvent fournir. Ils sont aussi appréciés des consommateurs par leurs prix jugés abordables, grâce à un marchandage incessant.

Les difficultés rencontrées par les industries culturelles gabonaises proviennent également de leurs dysfonctionnements internes. Rares en effet sont des industries nationales qui disposent d’un service de comptabilité et d’une main-d’œuvre qualifiée. Nombre de dirigeants de ces industries avouent leur incurie dans bien de domaines de gestion d’une entreprise. La faiblesse de leur trésorerie est aussi caractéristique de la méconnaissance d’outils de demande de financement auprès des établissements bancaires. Certes, l’octroi des crédits est rare dans le domaine culturel, mais ces crédits se raréfient encore plus lorsque le dossier de demande de financements est moyennement, voire mal élaboré. De plus, il n’est pas inaccoutumé de remarquer dans les industries culturelles visitées, le responsable assumer à la fois le rôle de manager et de comptable. Selon une étude de Thomas Atenga 637 , nombre d’organes de presse n’ont de siège que le domicile de leur responsable. De même, une grande partie de journalistes exerçant dans ces structures ne possède de diplôme en journalisme.

Avec des telles carences, comment des industries culturelles peuvent-elles se développer ?

L’Organisation internationale de la francophonie (OIF), l’Union européenne et la France ont tenté de réduire ces insuffisances en soutenant, en particulier, les industries de l’audiovisuel et de l’édition.

637 Thomas Atenga, op. cit ., p. 53

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Conclusion générale

La contribution francophone a porté notamment, dans le domaine de l’édition, sur la formation, l’attribution d’aides et la diffusion du livre. Les formations à l’édition se font par le biais du Centre africain de formation à l’édition et à la diffusion du livre (CAFED) et de la Direction du développement durable et de la solidarité (DDS) de l’OIF.

Le CAFED est un programme de l’OIF mis en place en 1987. Il a son siège à Tunis, et a déjà formé plus d’une dizaine de Gabonais dans la presse écrite, l’édition générale et scolaire. La DDS, pour sa part, forme les entrepreneurs culturels dans la gestion des entreprises et la recherche de financements. Elle a organisé en juin 2009 à Kigali (Rwanda), un séminaire de formation au bénéfice des entreprises culturelles d’Afrique Centrale. Le Gabon y était représenté par un entrepreneur et le Conseiller du Ministre de la Culture, en charge des industries culturelles.

Les aides de la Francophonie à l’édition proviennent du Fonds d’appui à la presse francophone du Sud. Un journal gabonais, Esprit d’Afrique , en a bénéficiées en 1999.

Pour la diffusion du livre, l’OIF a lancé en 1985 à la Conférence générale de Dakar, les Centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC). Le CLAC est un projet de lecture publique en milieu rural. Le Bénin et le Sénégal furent les pays d’expérimentation de ce programme. Le Gabon en compte aujourd’hui neuf, et se place parmi les pays dont les entrées annuelles dans les CLAC et le nombre d’abonnés sont les plus élevés. Par ce programme, l’industrie du livre se trouve renforcée.

Dans l’audiovisuel, la Francophonie a soutenu la promotion cinématographique et télévisuelle gabonaise. Le Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud, créé en 1998 et géré conjointement avec le Conseil International des Radios et Télévisions d’expression Française (CIRTEF), a financé la production du documentaire Le plat , de Nestor Ekomie, les films Les couilles de l’éléphant d’Henri Joseph Koumba Bididi et L’Ombre de liberty d’Imunga Ivanga.

Grâce à un autre programme, Africa Cinemas, résultat d’un partenariat conclu entre l’OIF, l’UE et la France, le film, Les couilles de l’éléphant , a bénéficié d’une exploitation

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Conclusion générale

dans cinq pays africains (Niger, Guinée, Sénégal, Ile Maurice et Bénin) avec lesquels Africa Cinemas avait signé un contrat d’exploitation. Ce programme est aujourd’hui suspendu.

L’OIF soutient aussi le cinéma gabonais par l’entremise des festivals qu’elle finance, et auxquels le Gabon prend régulièrement part (FESPACO, JCC, Festival du film francophone de Namur en Belgique, Ecrans Noirs d’Afrique Centrale, …). Plusieurs films gabonais ont été récompensés à ces festivals.

La contribution européenne est moins visible cependant ; la culture n’ayant jamais été inscrite aux différents programmes indicatifs nationaux (PIN) élaborés par le Gabon.

Au titre des réalisations de l’UE au Gabon, outre le programme Africa Cinemas dont elle fut co-initiatrice, il est à noter l’appui à la promotion et à la diffusion apporté au film, Les couilles de l’éléphant , dans le cadre du programme d’appui au cinéma ACP du 8 ème FED. Ce programme est suspendu depuis 2004.

Les industries culturelles gabonaises sont aussi soutenues par la France dans le cadre du programme Africa Cinemas, du Fonds images Afrique, du Fonds Sud cinéma et du Fonds d’appui à la production de courts-métrages en Afrique Subsaharienne (FACMAS). La plupart des films gabonais sont produits grâce au soutien de l’un ou l’autre de ces fonds : L’Ombre de liberty d’imunga Ivanga (Fonds Sud Cinéma), Inspecteur Sori de Mamady Sidibe (Fonds Images Afrique), Le Divorce de Manouchka Kelly Labouba (FACMAS). La France est le pays qui aide le plus, avec l’OIF, les industries culturelles gabonaises.

Dans le domaine de la télévision et de la radio, la contribution française reste dominée par la fourniture des programmes et la formation du personnel. Les partenariats signés entre Canal France international (CFI), les deux télévisions publiques et la télévision privée TV+ permet en effet à la RTG 1 et 2 de bénéficier gratuitement de l’ensemble des programmes de CFI ; et à TV+, de recevoir le monotoring quotidien d’information. En 2006 par exemple, 1339 heures de programmes de CFI étaient diffusées sur les deux chaînes de télévisions publiques.

352

Conclusion générale

La France vient également en appui aux industries culturelles par son centre culturel implanté au cœur de la capitale gabonaise. Le CCF Saint-Exupéry de Libreville est un espace de rencontres et d’animations où écrivains, musiciens, chanteurs et cinéastes se succèdent pour présenter leurs créations. Il dispose de l’unique salle de cinéma qui diffuse régulièrement les films gabonais et de la plus grande bibliothèque publique du pays. Cette bibliothèque abrite un fonds documentaire sur le Gabon de plus de 3 000 titres, composés de livres, mémoires, thèses, périodiques, photographies, cartes postales, timbres, disques vinyles, cassettes audio, etc. Il constitue une source d’informations inestimable sur le Gabon. Sa numérisation est en cours pour lutter contre l’usure du temps et favoriser son accès à un plus grand nombre de lecteurs et chercheurs

Malgré toutes ces aides internationales, les industries culturelles gabonaises n’ont pas encore réussi à devenir économiquement viables. A la question de savoir comment peuvent- elles contribuer au développement économique du Gabon, nous disons que l’essor des industries culturelles viendrait d’une redéfinition de la politique culturelle nationale par une conjonction d’actions, aussi bien nationales qu’internationales.

Au niveau national, le développement des industries culturelles suppose une refondation de la politique culturelle gabonaise sur une base de transparence et de cohérence, en s’appuyant à la fois sur l’Etat, les Collectivités locales et le secteur privé. L’implication de l’Etat devrait se traduire par un soutien accru aux industries culturelles nationales . Dans leur ouvrage, Performing Arts. The economic dilema, publié en 1966 , William Baumol et William Bowen ont montré que l’activité culturelle est dépendante des subventions publiques ou du mécénat, du fait de la « fatalité des coûts » dont elle souffre due à une absence de gains de productivité. Ils expliquent cette « fatalité des coûts » par un constat, que Thomas Werquin résume en ces termes :

« Un orchestre met autant de temps aujourd’hui à faire un concert qu’il y a deux siècles. Cette absence de gain se situe dans un contexte où les autres secteurs d’activités bénéficient de gains importants se traduisant par des augmentations de salaire. Or du fait de la fluidité du marché du travail, le secteur culturel doit faire augmenter les salaires de ses employés, sans pour autant en avoir les moyens en l’absence de gains de productivité. Confrontées à cette stabilité de la productivité, ces activités se trouvaient alors face à un dilemme : soit faire stagner la rémunération des artistes et donc les coûts de production, soit augmenter le prix des billets et donc les recettes, chacune des deux

353

Conclusion générale

solutions étant intenable, la première risquant de faire fuir les artistes, la seconde de faire baisser la demande et donc d’anéantir les fruits de la hausse du prix des billets. Le soutien financier des pouvoirs publics permettait de ne pas faire de choix de créer un environnement propice à l’éclosion d’activités commerciales »638 .

Le soutien de l’Etat est donc capital pour le développement des industries culturelles. Dans les mesures urgentes à prendre pour relancer la production culturelle gabonaise, l’Etat devrait privilégier la formation, la production et la protection des droits d’auteur. Aucune industrie ne peut résister à la concurrence si elle ne dispose d’une main-d’œuvre qualifiée. Dans les secteurs de la culture où l’excellence rime avec l’évolution technologique, le renouvellement des capacités devient primordial. C’est par la formation que les chefs d’entreprises apprendront les rudiments de gestion d’une structure de production. C’est encore par la formation que le métier du journaliste s’acquiert. Il est donc de tout intérêt pour l’Etat et les entrepreneurs culturels de disposer d’un Institut de formation aux métiers de l’édition, du livre et de l’audiovisuel. Il apportera aux journalistes et entrepreneurs culturels des qualifications requises pour la réalisation de leurs différentes missions. Pour les entrepreneurs exerçant dans la musique, la réhabilitation du Conservatoire national de musique et de la danse (CNMG) devrait apporter une nouvelle dynamique à la pratique musicale et chorégraphique, missions pour lesquelles il a été créé en 1998.

Pour stimuler la production culturelle nationale, l’Etat devrait aussi réviser le fonctionnement du FONAPRESSE et créer une entité publique pour financer les projets culturels. La révision du FONAPRESSE devra passer par son extension aux médias audiovisuels, l’adoption des nouveaux critères d’éligibilité et l’organisation du Fonds autour de deux activités principales : l’équipement technologique et la formation. Nous pensons que les critères adoptés par le Fonds d’appui à la presse francophone du Sud (OIF) peuvent servir de modèle au FONAPRESSE. En effet, au regard des dissensions qui sont nées des conditions actuelles (régularité de la parution, rigueur rédactionnelle, prix de chaque parution…), l’obtention de l’aide devrait désormais se faire au travers de la soumission d’un projet structurant dans les domaines des nouvelles technologies ou de la formation et d’un dossier de candidature comportant notamment la présentation de l’entreprise (ses comptes d’exploitation

638 Thomas Werquin, op. cit., p. 46

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Conclusion générale

de l’année précédant la demande). L’objectif attendu de ces nouveaux critères est d’inciter les industries culturelles à mieux se structurer administrativement et financièrement.

Quant à l’entité publique à créer, elle aura globalement pour objet d’octroyer des prêts à taux d’intérêts bonifiés, ou des subventions à des entreprises n’ayant pas accès aux banques commerciales. Cette société (Société gabonaise de développement des entreprises culturelles – SOGADEC) serait financée par un Fonds (Fonds de soutien aux entreprises culturelles) dont les capitaux proviendraient de la subvention de l’Etat, d’une redevance audiovisuelle et d’un impôt sur l’importation et la vente des supports audio et vidéo que l’Etat instituerait.

Mais, toutes ces mesures incitatives ne seraient viables que si les droits d’auteur sont garantis. A ce sujet, l’Etat devrait, à défaut de créer un bureau gabonais des droits d’auteur, comme le proposent les textes en vigueur, amender ou abroger la loi 1/87 pour lever le monopole consenti à l’Agence nationale de promotion artistique et culturelle (ANPAC) sur la gestion des droits des auteurs. L’amendement ou l’abrogation de cette loi donnerait au secteur privé la possibilité de créer une société de gestion collective de ces droits.

Au niveau des Collectivités locales, elles devraient mettre en œuvre des Agendas 21 de la culture qui sont des plans d’actions pour le renforcement du lien entre la culture et le développement des villes. Ils offriront l’opportunité à chaque ville gabonaise de créer une vision à long terme de la culture comme pilier de son développement.

Au niveau du secteur privé, les industries culturelles gabonaises doivent nécessairement s’adapter aux évolutions technologiques qui s’opèrent dans leurs secteurs respectifs. Les technologies analogiques cèdent de manière vertigineuse le pas au numérique qui devient aujourd’hui la clé de la réussite dans nombre de domaines. Par le biais du numérique, le livre en support papier peut connaître une nouvelle existence et se vendre au- delà des frontières. Dans le cinéma, le numérique permet de passer de l’argentique à la vidéo, et procure au réalisateur plus d’avantages (gain de temps, visionnage rapide d’images, économie sur les consommable, …). Les pays africains ont signé en juin 2006, sous l’égide de l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’Accord GE06 qui fixe au 17 juin 2015 la fin de la radiodiffusion analogique dans les bandes de fréquences 174-230 MHz et 470-862 MHz. Ils espèrent tirer de cet accord les avantages suivants :

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Conclusion générale

- La libération des fréquences, qui pourront être utilisées par d’autres médias, comme la téléphonie mobile. Il accroît ainsi le nombre de chaînes ; - L’amélioration du son diffusé par la radio, qui entraîne une augmentation de l’offre de contenu ; - La création de nouveaux emplois. Ces nouvelles chaînes de radio, parce qu’elles seront nombreuses, vont élargir l’audimat et par ricochet, accroître les recettes publicitaires.

Demeurer dans l’analogique au moment où les évolutions technologiques invitent au numérique peut s’avérer fatal pour les industries culturelles gabonaises : marginalisation, renouvellement impossible des équipements, donc disparition progressive des unités de production. Les industries culturelles gabonaises doivent aussi profiter des opportunités que leur offrent la coproduction et la coédition pour réduire les coûts de production, diversifier les sources de financement et atteindre des nouveaux marchés.

Sur le plan international, le Gabon devra bâtir une diplomatie de développement, c’est-à-dire un modèle de gouvernance qui met la politique étrangère au service de la culture. Ainsi, envisageons-nous la création au sein des grandes missions diplomatiques gabonaises des Maisons du Gabon. La Maison du Gabon, à l’image de la résidence d’artistes en France, aura pour fonctions de doter les entrepreneurs culturels gabonais en séjour dans le pays accréditaire, d’un espace d’accueil et d’hébergement et d’un lieu d’exposition et de spectacle. Financée par le MAECF, le Ministère de la Culture et la SOGADEC, elle sera sous l’autorité directe du chef de la mission diplomatique et gérée par le service culturel. Elle servira de relais entre le Gabon culturel et le Gabon touristique.

Cette action internationale pourrait être renforcée par une implication plus soutenue de l’OIF dans le financement des industries culturelles francophones. L’apport de l’OIF se traduirait par l’élargissement du Fonds de garantie des industries culturelles aux pays de l’Afrique Centrale et la création, à l’image du Québec avec la SODEC, d’une société francophone de développement des industries culturelles (SOFDIC). La SOFDIC aura pour missions de promouvoir et de soutenir financièrement la création et le développement des entreprises culturelles dans l’espace francophone. Toutefois, la mise en place de la SOFDIC suppose une libre circulation des produits et de leurs auteurs dans la Francophonie. Ce qui

356

Conclusion générale

implique l’assouplissement et la suppression des droits de douane sur les produits culturels, ou l’instauration d’un visa francophone (ou d’un francopasse) adapté aux réalités de l’activité culturelle (courts séjours, séjours fréquents, …), ou encore l’institution d’un passeport francophone pour faciliter les déplacements des entrepreneurs culturels au sein de la Francophonie. L’avenir de la Francophonie passe par la création d’un espace économique harmonisé. Car, il n’y aura point de diversité culturelle sans les industries culturelles.

La conjonction de toutes ces préconisations devrait créer un tissu industriel culturel économiquement viable et compétitif, capable de soutenir la diversification de l’économie gabonaise.Elle permettrait aussi aux créateurs des œuvres de l’esprit de bénéficier d’un statut social et de vivre pleinement de leurs activités.

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Annexes

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Annexes

TABLE DES ANNEXES

ANNEXE 1 : CARTOGRAPHIES Erreur ! Signet non défini...... 358 Annexe 1.1 : Carte du Gabon Erreur ! Signet non défini...... 358 Annexe 1.2 : Carte de la zone bantu…………………………………………...359

ANNEXE 2 : SCHEMAS………………………………………………………… ……………………….360 Annexe 2.1 : Appréciation de l’édition gabonaise……………………………..360 Annexe 2.2 : Produits de la presse les mieux consommés au Gabon...... Erreur ! Signet non défini. …………360 Annexe 2.3 : Equipement en radio et télévision...... 361 Annexe 2.4 : Dépenses culturelles des ménages ...... Erreur ! Signet non défini. Annexe 2.5 : Liste des journaux gabonais...... 362 Annexe 2.6 : Chaîne du livre au Gabon ...... Erreur ! Signet non défini.

ANNEXE 3 : INTERVIEWS ET ENQUETES DE TERRAIN ……………………………….. Erreur ! Signet non défini. Annexe 3.1 : Questionnaire de l’enquête quantitative Erreur ! Signet non défini. Annexe 3.2 : Questionnaire de l’enquête qualitative..Erreur ! Signet non défini.

ANNEXE 4 : DECISION DU CNC ET RECOMMANDATIONS …………………….. Erreur ! Signet non défini. Annexe 4.1 : Décision du CNC...... Erreur ! Signet non défini. Annexe 4.2 : Recommandations du directeur de thèse Erreur ! Signet non défini.

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Annexes

ANNEXE 1 : CARTOGRAPHIES

Annexe 1.1 : Carte du Gabon

Source : Division Géographique du Ministère des Affaires Étrangères. In www.izf.net

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Annexes

Annexe 1.2 : Carte de la zone bantu

Source : CICIBA

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Annexes

ANNEXE 2 : SCHEMAS

Annexe 2.1 : Appréciation de l’édition gabonaise

Nb. cit. Fréq. L'édition au Gabon

Non réponse 32 32,0% Existe 49 49,0% N'existe pas 11 11,0% Quasi-inexistante. 8 8,0% TOTAL OBS. 100 100%

Source : Enquête 1

Annexe 2.2 : Produits de la presse les mieux consommés au Gabon

Type de presse

Quotidien 58 42.6% 42.6% Magazine 28 20.6% 20.6% Hebdomadaire 12 8.8% 8.8% Mensuel 20 14.7% 14.7% Autre(précisez) 18 13.2% 13.2% Total 136 100.0%

Source : Enquête 1

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Annexe 2.3 : Equipement en radio et télévision

Postes télé et radio

Plus d'1 radio 9% Plus d'1 télévision 1 télévision 13% 46%

1 radio 32%

Source : Enquête 1

Annexe 2.4 : Dépenses culturelles des ménages

Budget Citations Fréquences % % SMIG (80 000 FCFA) Non réponse 2 2,0 % 3 000 FCFA et 10 000 FCFA 82 82,0 % 4 % et 12,5 % 10 000 FCFA et 20 000 FCFA 10 10,0 % 12,5 % et 25 % 20 000 FCFA et plus 6 6,0 % 25 % et plus Total observations 100 100 %

Source : enquête 1

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Annexes

Annexe 2.5 : Liste des journaux gabonais

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Annexes

Annexe 2.6 : Chaîne du livre au Gabon

CONSOMMATION

- Bibliothèque - Etablissements scolaires - Particuliers

COMMERCE DE DETAIL

- Librairies (agréées et par terre) - Petites et grandes surfaces - Kiosques à journaux

Ventes directes Ventes directes

DISTRIBUTION / DIFFUSION

- Editeurs - Auteurs / Ecrivains

PROMOTION

- Editeurs PRODUCTION DES - Associations CONTENUS - Centres de recherche - Entreprises privées DROITS DERIVES - Editeurs Littérature générale - Editeurs spécialisés - Cinéma - Télévision REPRODUCTION / FABRICATION

- Imprimeurs - Relieurs

CREATION

- Ecrivains / Auteurs - Traducteurs - Rédacteurs

Source : auteur

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Annexes

ANNEXE 3 : INTERVIEWS ET ENQUETES DE TERRAIN

Annexe 3.1 : Questionnaire de l’enquête quantitative

366

Annexes

367

Annexes

Annexe 3.2 : Questionnaire de l’enquête qualitative.

L’industrie du Livre

IDENTITE DE L’ENTREPRISE

Entreprise Contact (M. Mme)

Fonction : Adresse

Tél : Fax Site Internet Date de création : Nombre d’emplois

ACTIVITES

() Maison d’édition () Maison de distribution () Librairie () Imprimerie () O.N.G / Association () Bibliothèque

DESCRIPTION Editeur Vendeur

Livres () () ►Pour enfant () () ►Religieux () () ►Pédagogique () () -- Livres d’école primaire () () -- Livres techniques (agriculture, tourisme, art, etc.) () () -- Livres de référence (atlas, dictionnaire, encyclopédie, () () etc.) -- Livres spécialisés (gestion, comptabilité, médecine, etc.) () () -- Romans et ouvrages littéraires () () Périodiques () () Autres () () -- Agendas () () -- Calendriers () () -- Cartes () () -- Cartes postales () () Autres () ()

368

Annexes

PRODUCTION (des produits énumérés à la DESCRIPTION)

Désignation du 2001 2002 2003 2004 2005 produit Q* V* Tx* Q V Tx Q V Tx Q V Tx Q V Tx % % % % %

* Q = Quantité * V = Valeur *Tx = Taux moyen d’utilisation des capacités de production

EXPORTATIONS ET / OU IMPORTATIONS (des produits énumérés à la DESCRIPTION) Année Produit Volume Valeur Pays de destination

→ Quantités disponibles à l’exportation / importation Année Produit Minimum par commande Maximum par commande

EVALUATION DES BESOINS

A-/ Production

1. Si la capacité de production est sous utilisée, veuillez indiquer pourquoi, par ordre d’importance. (1 = plus important, 5 = moins important) () Demande locale insuffisante () Demande régionale insuffisante () Manque de matières premières () Manque de main d’œuvre qualifiée () Absence de fonds de roulement () Autres (à préciser) Prévoyez-vous d’augmenter la production ? () Oui () Non

369

Annexes

Si oui, quelle sera la quantité supplémentaire disponible ?

2. Liste des principales matières premières locales et importées qui influent sur le niveau de la production et sur la qualité des produits a) Locales b) Importées ------

3. L’approvisionnement en matières premières est-il satisfaisant ? Si non, dire pourquoi. a) Locales b) importées () Approvisionnement irrégulier () Restriction à l’importation () Fluctuation des prix () Fluctuation des prix () Coûts élevés () Prix élevés () Qualité non conforme aux spécifications () Tarifs douaniers et taxes élevés () Qualité inférieure à celle des () Délais de livraison trop longs matières 1ères importées () Procédures et réglementation des importations () Autre (à préciser)

4. Contrôle de qualité et approvisionnement a) Existe-t-il des problèmes d’approvisionnement ? () Oui () Non Si oui, lesquels ? b) Existe-t-il des problèmes de qualité ? () Oui () Non Si oui, lesquels ?

B-/ Commercialisation / vente

1. Quelles sont les principales difficultés qui influent défavorablement sur vos productions / importations / exportations ?

() Manque d’informations sur le marché () Réglementations restrictives à l’importation () Absence de demande sur le marché () Formalités d’expéditions difficiles () Manque de contacts commerciaux () Obstacles non tarifaires () Faiblesse des prix () Problèmes de paiement () Services d’expéditions inadéquats () Critères de qualité trop élevés () Coûts d’expéditions élevés () Autres (à préciser)

370

Annexes

2. Veuillez indiquer les domaines dans lesquels vous auriez besoin d’une assistance pour améliorer la performance à la production, exportation ou importation

() Informations sur le marché () Amélioration du produit () Etudes de marché () Conception des produits () Financement des exportations () Contrôle de qualité () Achat des matières premières () Formation à la gestion des exportations Conditionnement () Autre (à préciser)

3. Etes-vous intéressé par des accords de coentreprises ? () Oui () Non Si oui, spécifier dans quel domaine :

() Gestion () Finance () Commercialisation () Technologie

4. Prévoyez-vous de diversifier vos partenaires commerciaux ? () Oui () Non Si oui, vers quels pays et /ou quels opérateurs envisagez-vous de vous tourner ?

C-/ Financement

1. Avez-vous besoin de financement ? () Oui () Non Si oui, dans quels domaines ?

() Matières premières () Equipement () Emballage des produits à l’export () Extension du capital productif () Autre (préciser)

2. Existe-t-il une politique du livre au Gabon ? () Oui () Non Si oui, quelle en est la part de l’Etat :

() Nulle () Moyenne () Grande

Autres suggestions :

Date Signature et/ou cachet

371

Annexes

L’industrie musicale

IDENTITE DE L’ENTREPRISE

Entreprise Contact (M. Mme)

Fonction : Adresse

Tél : Fax Site Internet Date de création : Nombre d’emplois

ACTIVITES

() Maison de production () Maison de distribution / commercialisation () Autre (préciser)

I-/ Equipement

1. a) De combien de studios d’enregistrement disposez-vous ? b) Sont-ils compatibles avec les normes internationales de l’enregistrement ? () Oui () Non c) Si non, pourquoi ?

d) De combien de pistes disposent-ils? () 16 () 24 () plus

2. a) De quel type d’équipement disposez-vous ?

b) Le trouvez-vous performant ? () Oui () Non c) Si non, pourquoi ?

3. a) Quel serait le support technique le plus adéquat ? () Cassette () Disques b) Quelle serait en % la différence des coûts ?

372

Annexes

II-/ Production / Distribution

1. a) Quel est votre pourcentage annuel de production ? Cassettes : Disques : b) Trouvez-vous votre production suffisante ? () Oui () Non c) Si non, pour quoi ? d) Qu’envisagez-vous de faire pour l’augmenter ?

2. a) Vos réseaux de distribution sont : () Locaux () Nationaux () Locaux et nationaux b) Les réseaux Sud-Sud peuvent-ils être développés : -- Par exemple du point de vue de l’extension des points de vente ? -- Ou par quels autres moyens ?

III-/ Gestion / Ressources Humaines

1. a) Quel est votre effectif actuel ? b) Le trouvez-vous suffisamment utilisé ? () Oui () Non c) Votre personnel est-il () Bien formé () Plutôt bien formé () Sous utilisé () Moyennement formé d) Comment recrutez-vous vos agents ?

373

Annexes

2. a) Votre entreprise fait-elle des bénéfices ? () Oui () Non b) Vos bénéfices vous permettent-ils de faire de nouveaux investissements ? () Oui () Non Si non, dire pourquoi. c) Quels investissements envisagez-vous dans les 5 prochaines années ? ------d) Etes-vous intéressé par des accords de coentreprises ? () Oui () Non e) Si oui, spécifiez dans quel domaine : () Production () Vente

3. a) Des financements sont-ils actuellement demandés au niveau national ou international ? () Oui () Non b) Quelles sont dans ce cas les retombées attendues en termes d’autonomisation réelle de l’entreprise ? c) Quelles sont vos difficultés majeures ? (les énumérer par ordre d’importance) ------

IV-/ Politique nationale

1. a) Des mesures spécifiques existent-elles qui tendraient à privilégier les productions nationales par rapport aux productions extérieures ? () Oui () Non b) Si oui, spécifiez- les c) Quelles mesures d’incitation à la création / production/ vente auraient-elles été prises par l’Etat récemment ou seraient-elles envisagées dans un futur proche ?

2. a) Existe-t-il des moyens au niveau institutionnel pour une meilleure promotion des produits de l’industrie musicale ? () Oui () Non b) Si oui, précisez- les ---

374

Annexes

---- c) Quelles mesures législatives, fiscales paraissent-elles prioritaires pour encourager la création musicale gabonaise ?

3. a) Quels moyens l’Etat pourrait-il se donner pour lutter contre la piraterie ? ------b) Quels moyens l’Etat pourrait-il se donner pour assurer une protection efficace des droits d’auteur, ainsi que la reconnaissance d’un statut juridique et social de l’artiste ? -- --

V-/ Le musicien et son œuvre 1. a) Le musicien gabonais vit-il de son activité ? () Oui () Non b) Si non : -- Pour quoi ?

-- Que préconisez-vous pour changer cet état de fait ?

2. Quelle place occupe le musicien dans la société gabonaise ?

Autres suggestions :

Date Signature et /ou cachet

375

Annexes

L’industrie cinématographique

IDENTITE DE LA STRUCTURE

CENACI Contact (M. Mme)

Fonction : Adresse

Tél : Fax Site Internet Date de création : Nombre d’emplois

ACTIVITES

() Maison de production () Maison de distribution / commercialisation () Autre (préciser)

I-/ Production / Distribution

1. a) Quelle est votre pourcentage annuel de production de films *Court métrage *Long métrage * Autre b) Quelles sont les rubriques concernées par cette production ? * Information * Documentaire * Film d’action * Film pour enfant * Autre (préciser) c) Certaines productions bénéficient-elles aujourd’hui d’un circuit d’échanges Sud-Sud ? () Oui () Non Si oui, par le biais de quelles institutions ? ------2. a) Quelle est la part de la culture dans les productions gabonaises ?

* - de 50 %

* + de 50 %

376

Annexes

b) Quelles sont les langues de production ? * Nationales * Officielle (s) * Nationales et / ou officielle (s)

II-/ Equipement

1. a) De combien de centres de production dispose le CENACI ? b) De quel type d’équipement de production disposez-vous dans chaque centre ?

c) Certains équipements posent-ils des difficultés particulières de maintenance ? () Oui () Non Si oui, dites lesquelles.

2. a) Quelles améliorations des équipements seraient-elles souhaitables ?

b) Des technologies de pointe sont-elles envisagées ? () Oui () Non c) Si oui, précisez- les.

III-/ Gestion / Ressources Humaines

1. a) Quel est votre effectif actuel ? b) Le trouvez-vous suffisamment utilisé ? () Oui () Non c) Votre personnel est-il () Bien formé () Plutôt bien formé () Sous utilisé () Moyennement formé d) Quelle est la qualification exigée des personnels par rapport aux conditions techniques spécifiques de la production ?

2. a) L’artiste gabonais vit-il de son art ? () Oui () Pas vraiment () Non b) Quelle place occupe-t-il dans la société ?

377

Annexes

3. a) Quels sont vos principaux actionnaires ? b) Votre structure fait-elle des bénéfices ? () Oui () Pas vraiment () Non c) Vos bénéfices vous permettent-ils de faire de nouveaux investissements ? () Oui () Non Si non, dire pourquoi.

d) Quels investissements envisagez-vous dans les 5 prochaines années ? ------e) Etes-vous intéressé par des accords de coentreprises ? () Oui () Non f) Si oui, spécifier dans quel domaine : () Production () Vente

4. a) Quelle relation entretenez-vous avec la Société d’Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) ?

b) Quel est le rôle joué par le Fonds francophone de production du Sud dans le cinéma gabonais ?

c) Quelles sont vos principales difficultés ? ------

IV-/ Politique nationale

1. a) Des mesures spécifiques existent-elles qui tendraient à privilégier les productions nationales par rapport aux productions extérieures ? () Oui () Non b) Si oui, spécifier les c) Quelles mesures d’incitation à la création / production/ vente auraient-elles été prises par l’Etat récemment ou seraient-elles envisagées dans un futur proche ?

378

Annexes

2. a) Existe-t-il des moyens au niveau institutionnel pour une meilleure promotion des produits de l’industrie cinématographique ? () Oui () Non b) Si oui, préciser les ------

c) Quelles mesures législatives, fiscales paraissent-elles prioritaires pour encourager la création cinématographique locale ?

3. a) Quels moyens l’Etat pourrait-il se donner pour lutter contre la piraterie ? ------b) Quels moyens l’Etat pourrait-il se donner pour assurer une protection efficace des droits d’auteur, ainsi que la reconnaissance d’un statut juridique et social du cinéaste gabonais ? ------c) Combien de salles de cinéma dispose le pays ? * Selon les normes de l’UNESCO (1 salle pour 30 000 habitants) ?

Autres suggestions :

Date Signature et/ou cachet

379

Annexes

IV-/ L’industrie audiovisuelle

IDENTITE DE L’ENTREPRISE

Entreprise Contact (M. Mme)

Fonction : Adresse

Tél : Fax Site Internet Date de création : Nombre d’emplois

ACTIVITES

() Production radiophonique () Production télévisuelle () Radio / télévision

I-/ Production / Equipement

1. a) Combien de studios de production radiophonique ou télévisuelle disposez-vous ?

Quel est leur degré d’équipement ? b) Ces équipements suffisent-ils à la production actuelle ? () Oui () Non Si non, dire pourquoi.

c) Quelle est la performance actuelle des appareils disponibles en terme de durabilité, fiabilité, facilité de maintenance, obsolescence ?

d) Existe-t-il une disparité entre les niveaux d’équipement d’un studio à l’autre ? () Oui () Non Si oui, de quelle importance ? f) Quelles améliorations des équipements seraient-elles souhaitables ?

g) Des technologies des pointes sont-elles envisagées ? () Oui () Non Si oui, préciser les. h) Quel est le nombre d’émetteurs actuellement en service ?

380

Annexes

Leur puissance ? i) Quelle couverture du territoire permettent-ils d’assurer (en %) ? j) Quels besoins spécifiques demeure-t-il à couvrir ?

2. a) Quelle est la part de la production nationale dans les programmes diffusés ? b) Dans quelle proportion les programmes extérieurs s’insèrent-ils dans la grille des programmes diffusés ?

II-/ Gestion / Ressources Humaines

1. a) Quel est votre effectif actuel ? b) Le trouvez-vous suffisamment utilisé ? () Oui () Non c) Votre personnel est-il () Bien formé () Plutôt bien formé () Sous utilisé () Moyennement formé d) Comment recrutez-vous vos agents ?

2. a) Le communicateur gabonais vit-il de son métier ? () Oui () Pas vraiment () Non b) Quelle place occupe t-il dans la société ?

3. a) Votre radio / télévision fait-elle des bénéfices ? () Oui () Pas vraiment () Non b) Vos bénéfices vous permettent-ils de faire de nouveaux investissements ? () Oui () Non c) Si non, dire pourquoi. d) Quels investissements envisagez-vous dans les 5 prochaines années ? ------e) Etes-vous intéressé par des accords de coentreprises ? () Oui () Non f) Si oui, spécifier dans quel domaine : () Production () Vente

381

Annexes

4. a) Des financements sont-ils actuellement demandés au niveau national ou international ? () Oui () Non b) Quelles sont dans ce cas les retombées attendues en termes d’autonomisation réelle de la structure ?

c) Quelle est la part d’aide publique allouée aux productions nationales ? d) Quelle est la part d’aide privée allouée aux productions nationales ? e) Quelles sont vos difficultés majeures ? (les énumérer par ordre d’importance) ------

III-/ Politique nationale

1. a) Des mesures spécifiques existent-elles qui tendraient à privilégier les productions nationales par rapport aux productions extérieures ? () Oui () Non b) Si oui, spécifier les c) Quelles mesures d’incitation à la production/ vente auraient-elles été prises par l’Etat récemment ou seraient-elles envisagées dans un futur proche ?

2. a) Existe-t-il des moyens au niveau institutionnel pour une meilleure promotion des productions nationales? () Oui () Non b) Si oui, préciser les ------c) Quelles mesures législatives, fiscales paraissent-elles prioritaires pour encourager la production locale ?

3. a) Quels moyens l’Etat pourrait-il se donner pour lutter contre la piraterie ?

382

Annexes

------b) Trouvez-vous impartial le rôle joué par le Conseil National de la Communication (CNC)? () Oui () Non Si non, dire pourquoi.

Autres suggestions :

Date Signature et/ou cachet

N.B : Ce questionnaire a été élaboré à partir de l’étude réalisée par Paul Henri Nguema Méyé, « Expansion du commerce intra et inter-régional entre les pays de la CEMAC et de l’UEMOA », Libreville, janvier 2003

383

Annexes

ANNEXE 4 : DECISION DU CNC ET RECOMMANDATIONS

Annexe 4.1 : Décision du CNC

384

Annexes

385

Annexes

386

Annexes

Annexe 4.2 : Recommandations du directeur de thèse

387

Annexes

388

Annexes

389

Annexes

390

Ressources documentaires

RESSOURCES DOCUMENTAIRES

Ouvrages généraux ANZILOTTI Dionisio , Cours de droit internationa l, Paris, Editions Panthéon-Assas, 1999. ARNAUD Serge , GUILLOU Michel, SALON Albert , Les défis de la Francophonie. Pour une mondialisation humaniste , Paris, Alpharès, 2002 AURACHER Tim , Le Gabon, une démocratie bloquée ? Reculs et avancées d’une décennie de lutte , Paris, L’Harmattan, 2001. AVENOT Aimé Félix , La décentralisation territoriale au Gabon. Entre mimétisme et mystification , Paris, L’Harmattan, 2008 BACHIR Myriam, DUCHESNE Sophie, BUSSAT Virginie et alii , Les méthodes au concret. Démarches, formes de l’expérience et terrains d’investigation en science politique , Paris, PUF, 2000 BEAUD Michel , L’art de la thèse , Paris, La Découverte, 2003 BENHAMOU Françoise , L’économie de la culture (5 ème édition), Paris, La Découverte, 2004 BLANCHET Alain, GHIGLIONE Rodolphe, MASSONNAT Jean et ali , Les techniques d’enquête en sciences sociales , Paris, Bordas, 1987 BOURDIAL Isabelle (sous la direction), Le monde numérique , Paris, Larousse, 2002 BOURNOIS Franck et POIRSON Philippe , Gérer et dynamiser ses collaborateurs. La gestion et le Management des ressources humaines par l’encadrement (2 ème édition), Paris, Eyrolles, 1990. BREMOND Janine et GELEDAN Alain , Dictionnaire des Sciences Economiques et Sociales , Paris, Belin, 2002 CEA/BAC , Les économies de l’Afrique centrale 2003 , Paris, Maisonneuve & Larose, 2003 CHAUPRADE Aymeric , L’espace économique francophone. Pour une Francophonie intégrale , Paris, Ellipses, 1996. CHAZEL François (sous la direction), Pratiques culturelles et politiques de la culture , Bordeaux, Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, 1987 CHIAPELLO Eve , Artistes versus managers. Le management culturel face à la critique artiste, Paris, Métaillé, 1998

391

Ressources documentaires

CLAIR Jean , La Responsablité de l’artiste , Paris, Gallimard, 1997 CLUZEL Jean, A l’heure du numérique , Paris, LGDJ, 1998 COGAN Charles , Diplomatie à la française , Paris, Jacob-Duvernet, 2005 COLBERT François , Le marketing des arts et de la culture (2è édition), Montréal-Paris, Gaëtan Morin Editeur, 2000 Conseil d’Analyse Economiques (CAE) , La mondialisation immatérielle , Paris, La Documentation française, 2008 CORNU Marie et MALLET-POUJOL Nathalie , Droit, œuvres d’art et musées. Protection et valorisation des collections , Paris, CNRS éditions, 2001 CORTEN André et MARY André , Imaginaires politiques et pentecôtismes. Afrique et Amérique Latine , Paris, Karthala, 2002 COURTEILLE Sophie , Léopold Sédar Senghor et l’art vivant au Sénégal , Paris, L’Harmattan, 2007 DESJONGUERES Pascale , Les droits d’auteur. Guide juridique, social et fiscal , Lyon, Editions Juris-service/AGEC, 1997 DUBOIS Vincent , La politique culturelle. Genèse d’une catégorie d’intervention publique , Paris, Belin, 1999 DUFOUR Jean-Louis , Les crises internationales de Pékin (1900) au Kosovo (1999), Bruxelles, Editions Complexe, 2001. DUPUIS Xavier et ROUET François , Economie et culture. Les outils de l’économiste à l’épreuve , Paris, La Documentation française, 1987. ELLENBOGEN Alice , Francophonie et indépendance culturelle. Des contradictions à résoudre , Paris, L’Harmattan, 2005 ELLIS Stephen , L’Afrique maintenant , Paris, Karthala, coll. « Homme et société », 1995 ETOUGHE Dominique et NGADI Benjamin (sous la direction), Refonder l’Etat au Gabon. Contributions au débat. Actes de la table ronde sur le projet de refondation de l’Etat au Gabon, Paris, 8 juin 2003 , Paris, L’Harmattan, 2003 FARCHY Joëlle et SAGOT-DUVAUROUX Dominique , Economie des politiques culturelles , Paris, PUF, 1994 FAURE Alain et NEGRIER Emmanuel (sous la dir.), La politique culturelle des agglomérations , Paris, La Documentation française, 2001 FREY Bruno et POMMEREHNE William , La culture a-t-elle un prix ? Essai sur l’économie de l’art , Paris, Plon, 1993

392

Ressources documentaires

FREYSSINET-DOMINJON Jacqueline , Méthodes de recherche en sciences sociales , Paris, Montchretien, 1997. FRIER Pierre-Laurent et PETIT Jacques , Précis de droit administratif , 5 ème édition, Paris, Montchretien, 2008 GAGNE Gilbert (sous la direction), La diversité culturelle. Vers une convention internationale effective ? Québec, Fides, 2005 GANASSALI Stéphane, Les enquêtes par questionnaire avec Sphinx , Paris, Pearson Education France, 2007

GERMANN Christophe , Diversité culturelle et libre-échange à la lumière du cinéma. Réflexions critiques sur le droit naissant de la diversité culturelle sous les angles du droit de l’UNESCO et de l’OMC, de la concurrence et de la propriété intellectuelle , Paris, LGDJ, 2008.

GILDER Alfred et SALON Albert , Alerte francophone. Plaidoyer et moyens d’actions pour les générations futures , Paris, Arnaud Franel Editions, 2004 GOYETTE Marie , Politique culturelle et bibliothèque publique. Lieu de diffusion des savoirs , Montréal, Ed. ASTED, 2002 GRAWITZ Madeleine , Méthodes des sciences sociales , Tome 1 , Paris, Dalloz, 1975 GUILLOU Michel (sous la direction), Les Entretiens de la Francophonie 2004-2005. Les conditions du renouveau francophone , Paris, Alpharès, 2006 GUILLOU Michel , Francophonie-Puissance. L’équilibre multipolaire , Paris, Ellipses, coll « Mondes réels », 2005 HAIGH Antony , La diplomatie culturelle en Europe , Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1974. HERSCOVISI Alain , Economie de la culture et de la communication : éléments pour une analyse socio-économique de la culture dans le « capitalisme avancé », Paris, L’Harmattan, 1994 HORKHEIMER Max et W. ADORNO Theodor , La dialectique de la raison. Fragments philosophiques, Paris, Gallimard, 1974 JONES Russel A ., Méthodes de recherche en sciences humaines , 2 ème édition, Paris, Bruxelles, De Boeck et Larcier, 2000 JULIE Ludovic , La fiscalité de la culture , Aix-en-Provence, PUAM, 2005 KABOU Axelle , Et si l’Afrique refusait le développement ? Paris, L’Harmattan, 1991 LE MARCHAND Véronique , La Francophonie , Toulouse, Milan Editions., coll. « essentiels », 2006

393

Ressources documentaires

LEFEBVRE Alain et BLANC Mariette Sibertin , Guide des politiques culturelles des petites villes , Paris, Dexia Editions, 2006 LEGER Jean-Marc , La Francophonie : grand dessein, grande ambigüité , Québec, Ed. Hurtubise HMH, 1987 LEROY Dominique , Economie des arts du spectacle vivant , Paris, Economica, 1980 MANDJOUHOU YOLLA Eustache , La politique étrangère du Gabon , Paris, L’Harmattan, coll « Etudes africaines », 2003 MATTELARD Armand , La communication-monde, histoire des idées et des stratégies , Paris, La Découverte, 1992 MAYER-ROBITAILLE Laurence , Le statut juridique des biens et services culturels dans les accords commerciaux internationaux , Paris, L’Harmattan, coll. « Droit du patrimoine culturel et naturel », 2008 MESNARD André-Hubert , La politique culturelle de l’Etat , Paris, PUF, 1974 MIANZENZA Aimé , Gabon: l’agriculture dans une économie de rente , Paris, L’Harmattan, 1991 MIEGE Bernard , La société conquise par la communication , Grenoble, PUG, 1989 MIEGE Bernard , Les industries du contenu face à l’ordre informationnel , Grenoble, PUG, 2000. MOULINIER Pierre , Les politiques publiques de la culture en France , Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2001 MOULINIER Pierre , Politique culturelle et décentralisation , Paris, L’Harmattan, 2002 MULLER Pierre et SUREL Yves, L’analyse des politiques publiques , Paris, Montchretien, 1998. NOTAISE Jacques, BARDA Jean et DUSANTER Olivier , Dictionnaire du multimédia. Audiovisuel-Informatique-Télécommunications , Paris la Défense, AFNOR, 1995 NOTAISE Jacques, BARDA Jean et DUSANTER Olivier , Dictionnaire du multimédia. Audiovisuel, Informatique, Télécommunications , Paris la Défense, AFNOR, 1995 Observatoire de la décentralisation, Etat de la décentralisation en Afrique (3 ème édition), Paris, Karthala, Cotonou, PDM, 2008 OLIVESI Stéphane , La communication selon Bourdieu , Paris, L’Harmattan, 2005 ORSONI Gilbert (sous la direction), Le financement de la culture , Paris, Economica, coll « Finances Publiques », 2007

394

Ressources documentaires

PAINCHAUD Paul , De Mackenzie King à Pierre Trudeau. Quarante ans de diplomatie canadienne , 1945-1985 , Québec, Presses de l’Université Laval, 1989 PALENFO Roch André , Droits d’auteur et droits voisins dans les pays d’Afrique francophone , Québec, CFC, 1995 PANETHIERE Darrell , Persistance de la piraterie : conséquences pour la créativité, la culture et le développement durable , Paris, UNESCO, 2005 POSSIO Tibault Stéphène , Les évolutions récentes de la coopération militaire française en Afrique , Paris, Editions Publibook, 2007 QUEYRANNE Jean-Jack , Les régions et la décentralisation culturelle. Les conventions de développement culturel régional. Rapport au Ministère de la culture , Paris, La Documentation française, 1982 QUOC DINH Nguyen, DAILLIER Patrick et PELLET Alain , Droit international public (7è édition), Paris, LGDJ, 2002. ROCHE François (sous la direction), Géopolitique de la culture. Espaces d’identité, projections, coopération , Paris, L’Harmattan, 2007 ROUET François , Des aides à la culture , Editions Mardaga, Bruxelles, 1987 SALMON Jean (sous la dir), Dictionnaire de droit international public , Bruxelles, Bruyant, 2001. SEILER Daniel-Louis , La méthode comparative en science politique , Paris, Armand Colin, 2004. SENGHOR Léopold Sédar, Liberté 3 . Négritude et civilisation de l’universel , Paris, Le Seuil, 1977 SENGHOR Léopold Sédar , Liberté 5. Le dialogue des cultures , Paris, Le Seuil, 1993 SMITH Stephen , Négrologie. Pourquoi l’Afrique meurt , Paris, Calmann-Lévy, 2003 STIGLITZ Joseph , Principes d’économie moderne , Bruxelles, De Boeck Université, 2000 SUREL Yves , L’Etat et le livre. Les politiques publiques du livre en France (1957-1993) , Paris, L’Harmattan, 1997 TEBOUL René , Les mutations technologiques, institutionnelles et sociales dans l’économie de la culture , Paris, L’Harmattan, 2004 TERRIER Claude , Sphinx : Versions Primo, Plus² version 4, Millènium, Paris, Casteilla, 2002

395

Ressources documentaires

THEORET Yves (sous la direction), David contre Goliath. La convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO , Montréal, Editions HMH, 2008 THIRY-CHERQUES Hermano Roberto , Techniques de modélisation de projets culturels , Paris, L’Harmattan, 2006 TOUSSAINT-DESMOULINS, N , L’économie des médias , Paris, PUF, Coll « Que sais-je », 1978 TREMBLAY Gaëtan , Les industries de la culture et de la communication au Québec et au Canada , Presses Universitaires du Québec, 1990 . URFALINO Philippe , L’invention de la politique culturelle , Paris, Hachette, 2004 VOLLE Michel , Economie des nouvelles technologies. Internet, télécommunications, informatique, audiovisuel, transport aérien, Commissariat général au Plan , Paris, Economica, 1999 WALTER Benjamin, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (version de 1939), Paris, Gallimard, 2000 WARESQUIEL Emmanuel (sous la direction), Dictionnaire des politiques culturelles , Paris, Larousse/CNRS éditions, 2001 WARNIER Jean Pierre , La Mondialisation de la culture (nouvelle édition), Paris, La Découverte, 2003 YANGA NGARY Bertin , La modernisation quotidienne au Gabon : la création de toutes petites entreprises , Paris, L’Harmattan, 2008

Ouvrages spécialisés AGNOLA Michel et LE CHAMPION Rémy , La télévision sur Internet , Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2003 ALDRIDGE Méryl , Travailler dans les industries contemporaines de la culture , Paris, L’Harmattan, 2004 ATENGA Thomas , Cameroun, Gabon : la presse en sursis , Paris, Editions Muntu, 2007 BA Abdoul , Télévisions, paraboles et démocraties en Afrique noire , Paris, L’Harmattan, 2006 BARROT Pierre (sous la direction), Nollywood : le phénomène vidéo au Nigéria , Paris, L’Harmattan, coll. « Images plurielles », 2005 BERT Jean-François, L’édition musicale , Paris, Irma, 2003.

396

Ressources documentaires

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DUPLAT Domitille et FRERE Marie-Soleil , Aides publiques aux médias d’Afrique centrale : pourquoi, comment ? Paris, Institut Panos Paris, décembre 2004

FARCHY Joëlle , Industries culturelles et innovation numérique , Paris, CNRS, 1998 FARCHY Joëlle , L’industrie du cinéma, Paris, PUF, 2004 FESPAM , Héritage de la musique africaine dans les Amériques et les Caraïbes , Paris, L’Harmattan, 2007 FLICHY Patrice , Les industries de l’imaginaire : pour une analyse économique des médias , Grenoble, PUG, 1991 FRERE Marie-Soleil (sous la direction), Afrique Centrale. Médias et conflits : vecteurs de guerre ou acteurs de paix , Bruxelles, coédition GRIP-Editions Complexe, 2005 FRERE Marie-Soleil , Presse et démocratie en Afrique francophone. Les mots et les maux de la transition au Bénin et au Niger , Paris, Karthala, 2000 GABSZEWICZ Jean et SONNAC Nathalie , L’industrie des médias , Paris, La Découverte, 2006

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Ressources documentaires

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Ressources documentaires

- Journal Officiel de la République gabonaise, n° s 15-16, août 1987

Textes de lois et Règlements

Sur le Gabon : - Accord gabono-brésilien de coopération culturelle, signé à Brasilia le 14 octobre 1975. Textes authentiques : portugais et français. Enregistré par le Brésil le 27 mai 1981. - Constitution de la République gabonaise, révisée par la Loi n° 13/2003 du 19 août 2003 - Convention franco-gabonaise de coopération dans le domaine de la télévision, signée à Libreville le 9 mai 1963 - Convention franco-gabonaise de coopération dans le domaine de la radiodiffusion, signée le 1er juillet 1967. - Décision n° 0004/CNC/2002 portant suspension du journal Misamu - Décision n° 006/CNC/2004 portant mise en demeure de l’Organe de presse écrite LE CROCODILE - Décision n° 009/CNC/2004 du 11 novembre 2004 portant autorisation provisoire d’émettre accordée à la chaîne de télévision « TV+ » pour les villes de Port-Gentil, Franceville et Oyem et leurs environs. - Décision n°005/CNC/2004 du 11 novembre 2004 portant suspension des émissions de « Radio Béthel ».

- Décret n° 000305/PR/MCAEPRDH du 31 mars 2008, instituant la Fête des cultures

- Décret n° 000453/PR/MCAEP du 23 mai 2006 fixant la tarification des redevances relatives aux droits d’auteur et aux droits voisins. - Décret n° 000652 /PR/MAECF du 21 mai 2003 portant attributions et organisation du Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et de la Francophonie (MAECF) - Décret n° 001077/PR du 20 décembre 2005, portant promulgation de la loi n° 023/2005 portant création et organisation du Fonds national pour le développement de la presse et de l’audiovisuel

- Décret n° 00288/PR-MEN portant création de l’Institut Pédagogique National (IPN)

- Décret n°000452/PR/MCAEP du 23 mai 2006 fixant le règlement relatif à la gestion du droit d’auteur et des droits voisins

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Ressources documentaires

- Décret n°1718/PR/MCAEP du 30 novembre 1982 portant attributions et organisation du Ministère de la culture, des Arts et de l’Education populaire

Loi 1/81 du 8 juin 1981 portant création du Fonds d’aide et de garantie (FAGA) - Loi de finances 2007, in Hebdo informations, n° 530 du 30 décembre 2006 - Loi n° 016/2005 portant promotion des petites et moyennes entreprises et des petites et moyennes industries (PME-PMI) - Loi n° 023/2005 du 20 décembre 2005, portant création et organisation du Fonds national pour le développement de la presse et de l’audiovisuel - Loi n° 07/2001 portant Code gabonais de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite. - Loi n° 1/87 du 29 juillet 1987 instituant la protection du droit d’auteur et des droits voisins en République gabonaise - Loi n° 1/87 instituant la protection du droit d’auteur et des droits voisins en République gabonaise - Loi n° 15/1998 instituant la Charte des investissements

- Loi n° 19/82/PR portant création de l’Agence Nationale de Promotion Artistique et Culturelle (ANPAC)

- Loi organique n° 15/96 relative à la décentralisation - Ordonnance n°31/75 du 8 mars 1975 créant et organisant le Musée national des arts et traditions - Ordonnance n°39/75/PR du 25 juin 1975 portant création et organisation du Centre National du Cinéma

Autres

- Accord portant révision de l’Accord de Bangui du 02 mars 1977 instituant une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle. - Accord portant révision de l'accord de Bangui du 02 mars 1977 instituant une organisation Africaine de la propriété intellectuelle. - Accord pour l'importation d'objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel, Florence, le 17 juin 1950

- Acte constitutif de l’UNESCO, entré en vigueur en 1946

- Charte culturelle de l’Afrique, adoptée à Port-Louis, 5 juillet 1976

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Ressources documentaires

- Charte de la Francophonie, Antananarivo, 2005 - Charte de la Francophonie, Hanoi, 1997 - Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. Acte de Paris du 24 juillet 1971, modifié le 28 septembre 1979. Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886, complétée à Paris le 4 mai 1896, révisée à Berlin le 13 novembre 1908, complétée à Berne le 20 mars 1914 et révisée à Rome le 2 juin 1928, à Bruxelles le 26 juin 1948, à Stockholm le 14 juillet 1967 et à Paris le 24 juillet 1971 et modifiée le 28 septembre 1979. - Convention de Niamey instituant l’ACCT, Niamey, 1970 - Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, signée le 20 mars 1883, révisée à Bruxelles le 14 décembre 1900, à Washington le 2 juin 1911, à La Haye le 6 novembre 1925, à Londres le 2 juin 1934, à Lisbonne le 31 octobre 1958 et à Stockholm le 14 juillet 1967, et modifiée le 28 septembre 1979 - Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, Paris, le 20 octobre 2005 - Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet - 6 août 1982 - Manifeste culturel panafricain, Alger, 1969 - Protocole à l’Accord pour l’importation d’objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel avec annexes A à H, Nairobi, le 26 novembre 1976

Mémoires et Thèses ATENGA Hirenée Thomas, Contrôle de la parole et conservation du pouvoir. Analyse de la répression de la presse écrite au Cameroun et au Gabon depuis 1990 . Thèse de doctorat, Paris 1 –Sorbonne, 2004 DUMAS Sandrine , Le modèle français de diplomatie culturelle : entre défense et adaptation face aux bouleversements internationaux , Mémoire de master, Université Montesquieu- Bordeaux 4, 2007 ENGANDJA Adalgisa Bérénice , Actions et Stratégies de développement de la Société ELECTRA dans le marché concurrentiel gabonais du HIFI et de la TV , mémoire de Master 2, Lyon, Forma Centre, 2007

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LIHOUENOU Christophe , Le développement des pays francophones d’Afrique subsaharienne. Contribution aux débats sur les réformes des politiques de développement , thèse de doctorat en science politique, Université Jean Moulin, Lyon 3, 2009 MATTHEWS Jacob T., Industrie musicale, médiations et idéologie . Pour une approche critique réactualisée des musiques actuelles ? Thèse de doctorat, Université de Bordeaux 3, 2006.

MAVOUNGOU Vincent , Institutions et publics de la radio-télévision au Gabon : essai sur la personnalisation du pouvoir à travers la communication politique par les médias , Thèse de IIIè cycle, Paris II, 1986

MIKOUE M’AKONO Mireille , La Francophonie au Gabon , Thèse de doctorat de Lettres, Université Jean Moulin, Lyon 3, 2008. MUTZ Barbara , Les coproductions d’œuvres audiovisuelles. Constitution et fonctionnement , Mémoire de DESS, Université Montesquieu (Bordeaux IV), 2000 MVELLE MINFENDA Guy , Aide au développement et coopération décentralisée. Esquisse d’une désétatisation de l’Aide française. Les cas du Cameroun, Congo, Gabon, RCA, Tchad et Rwanda , Thèse de doctorat, Université Jean Moulin, Lyon 3, 2005 PAGET Stéphanie , La coproduction (tome 1), Thèse de doctorat en droit privé, Université Montpellier 1, 2005. QUEYRANNE Jean-Jack , Les maisons de la culture (Tome 1), thèse de doctorat, Université Lyon 2, 1975 WERQUIN Thomas , Impact de l’infrastructure culturelle sur le développement économique local. Elaboration d’une méthode d’évaluation ex-post et application à Lille 2004 Capitale Européenne de la culture , Thèse de doctorat en Sciences Economiques, Université des Sciences et Technologies de Lille, juin 2006

Documents audiovisuels BERRITANE Dalila (réalisatrice), Cinéma africain : difficultés de distribution , document audio (2mn et 31 s), mis en ligne le 01/06/2006 sur www .rfi.fr BERRITANE Dalila (réalisatrice), Cinéma africain : les financements du Nord , document audio (2mn et 15 s), mis en ligne à l’occasion du Festival Ecran noir le 31/05/2006 sur www.rfi.fr

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Ressources documentaires

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Sources orales ANDEME MANFOUMBI Joséphine , Présidente du Conseil départemental du Komo- Mondah, Ougadougou (Burkina Faso), 30 octobre 2009 BAKISSI PEMBA Virginie, Maire, commune de Fougamou, Saint-Louis (Sénégal), 28 octobre 2008 et Fougamou (Gabon), 22 décembre 2008 BICHEPPIE MAKITA Jocelyne , Conseillère municipal, Mairie du 3 ème arrondissement de Libreville, Ougadougou (Burkina Faso), 29 octobre 2009 BIKA-BI-NGOUA François , Directeur adjoint IPN, Libreville, 25 juillet 2007 DUBOZE Roland , Directeur général adjoint CENACI, Libreville, 09 août 2007 ELLA André , Maire, Commune de Ntoum, Ougadougou (Burkina Faso), 29 octobre 2009 IFOUTA Landry , artiste, Libreville, 26 décembre 2008 LECKA Gervais Marius, Maire-adjoint, commune de Fougamou, Saint-Louis (Sénégal), 28 octobre 2008 et Fougamou (Gabon), 22 décembre 2008

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Ressources documentaires

LENDOYE Stéphanie (Stéfy), artiste, Libreville, 23 décembre 2008 MBAGOU Jeanne , Maire d’Owendo, Ouagadougou (Burkina Faso), 30 octobre 2009 MBOUMBOU MAKANGA Jean Marie , Secrétaire général, Mairie de Libreville, Lyon, 30 juin 2007. MOUNDOUNGA Jean Ismaël , Conseiller chargé des industries culturelles, Vice-Primature, Ministère de la culture, des arts, de l’éducation populaire, de la refondation et des Droits de l’Homme, Kigali (Rwanda), 10 juin 2009 NDONG OBIANG François , Directeur général ANPAC, Libreville, 27 juillet 2007 NZAMBA NZAMBA Thierry , Chargé d’études à la Direction générale de la culture, Vice- Primature, Ministère de la culture, des arts, de l’éducation populaire, de la refondation et des Droits de l’Homme, Libreville, 07 août 2007 OMPIGUI Celestine Olga , Conseillère municipale, Mairie d’Okondja, Okondja, 20 décembre 2007 OSSINGA Huguette , Maire d’Omboué, Ouagadougou (Burkina Faso), 29 octobre 2009. PANGO Jean-Claude , Conseiller des Affaires Etrangères, Direction de la Francophonie, MAECF, Libreville, décembre 2008 PENDY Georges , Directeur général adjoint, ENAM, Libreville, 08 août 2007 POLO Odette , Maire de Gamba, Ougadougou (Burkina Faso), 30 octobre 2009 REMONDO Grâce , Conseiller d’éducation, IPN, Libreville, 25 juillet 2007

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Autres sites Internet http://a.l.f.a.free.fr (Association littéraire francophone d’Afrique) http://inforoutes.francophonie.org (Fonds francophone des inforoutes) http://littoral-gabon.e-monsite.com (Magazine de la mer de la RTG1) http://www.ifla.org (Fédération internationale des associations et institutions des libraires) http://www.infosplusgabon.com (Agence gabonaise de presse privée en ligne) www.africa1.com (Radio Africa n°1) www.africa-cinemas.org (Programme Africa Cinemas) www.africine.org (Site de la fédération africaine de la critique cinématographique) www.agenda21culture.net (Agenda 21 de la culture) www.alliance-editeurs.org (Editeur et distributeur indépendant) www.amarc.org (Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires) www.capjc.nat.tn (Centre africain de perfectionnement des journalistes et communicateurs – Tunisie) www.ceeac-eccas.org (Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale) www.cemac.int (Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale) www.cfi.fr (Canal France International) www.ciciba.org (Centre international des civilisations bantu) www.cinemasfrancophones.org (Association internationale des cinéastes francophones) www.dgtpe.fr (Site des services économiques auprès des ambassades - France) www.diplomatie.gouv.fr (Ministère français des Affaires étrangères et européennes)

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Ressources documentaires

www.droit-afrique.com (Site consacré au droit des affaires et de la fiscalité des pays de l’Afrique francophone) www.educnet.education.fr (Site dédié au développement de l’usage du numérique dans l’éducation – Ministère de l’éducation nationale et Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche www.espace-economique.francophonie.org (Espace économique francophone) www.evene.fr (L’actualité de la culture, des spectacles et du savoir) www.francophonie.org (Organisation internationale de la Francophonie) www.gec-gabon.com (Gabonaise d’édition et de communication) www.groupesaga.com (Groupe saga diffusion international) www.iafric.net (Organisme associatif promouvant les TIC et le développement en Afrique) www.izf.net (Informations générales sur les pays de la zone franc et sur le fonctionnement de la CEMAC et de l’UEMOA) www.ndze.com (Maison d’édition) www.oapi.wipo.net (Organisation africaine de la propriété intellectuelle – OAPI) www.ocpanet.org (Observatoire des politiques culturelles en Afrique) www.oecd.org (Organisation de coopération et de développement économique – OCDE) www.refer.sn/ethiopiques (Revue négro-africaine de littérature et de philosophie) www.senat.fr (Senat français) www.teleafrica.tv (Télévision privée gabonaise) www.uis.unesco.org (Institut de statistique de l’UNESCO) www.uneca.org (Commission économique pour l’Afrique – CEA) www.universite-gabon.org (Université polytechnique de Kougouleu)

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Ressources documentaires

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Table des matières

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS...... 7

SIGLES ET ABREVIATIONS ...... 9

TABLE DES GRAPHIQUES ET TABLEAUX ...... 15

SOMMAIRE...... 17

INTRODUCTION GENERALE...... 19 Présentation du sujet...... 21 Origines et définitions d’industrie culturelle...... 26 Situation économique des industries culturelles dans le monde...... 29 Cadre spatial...... 34 Problématique ...... 39 Approches méthodologiques...... 40 Documentation et difficultés rencontrées...... 44 Les sources...... 44 La bibliographie...... 45 Plan de l’étude...... 47

PREMIERE PARTIE : LES GRANDS AXES DE LA POLITIQUE CULTURELLE GABONAISE ...... 49

CHAPITRE I : LA POLITIQUE CULTURELLE GABONAISE DE 1960 A 1980...... 53 SECTION 1 : LA CULTURE GABONAISE SOUS LA PRESIDENCE DE LEON MBA...... 53 Paragraphe 1 : La vision culturelle du Président Léon Mba...... 55 Paragraphe 2 : Le bilan ...... 55 A- Les actions à caractère national ...... 55 1. Le Musée national ...... 56 2. La Direction des Affaires culturelles...... 58 3. La Radio et la Télévision Nationales ...... 63 B- Les actions à caractère bilatéral et multilatéral...... 66 1. La convention franco-gabonaise de 1963...... 66 2. L’adhésion à l’UNESCO et l’Accord de Florence...... 67 3. La Convention de Berne...... 71 Conclusion partielle...... 73 SECTION 2 : LES DEBUTS DE LA POLITIQUE CULTURELLE SOUS LE PRESIDENT OMAR BONGO ...... 74 Paragraphe 1 : Les résolutions du PDG en matière de politique culturelle ...... 74 Paragraphe 2 : Le bilan ...... 75 A- Les nouvelles infrastructures culturelles...... 75

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Table des matières

1. La Bibliothèque nationale ...... 75 2. L’Ecole Nationale d’Art et Manufacture (ENAM) ...... 78 3. Le Centre national du cinéma (CENACI) ...... 80 Conclusion partielle...... 81 B- La nouvelle coopération bilatérale...... 81 1. La convention franco-gabonaise post Léon Mba ...... 82 2. Les accords avec le Brésil, le Mexique et le Québec...... 82 C- La participation gabonaise au deuxième Festival Mondial des Arts et de la Culture Négro-Africains (FESTAC) ...... 84 1. Le Festival ...... 85 2. Le Colloque ...... 88 D- Le Gabon comme membre de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI)...... 89 Conclusion partielle...... 91

CHAPITRE 2 : LA POLITIQUE CULTURELLE GABONAISE A PARTIR DE 1980 ...... 93 SECTION 1 : LE PLAN DECENNAL DE DEVELOPPEMENT CULTUREL DE 1980 A 1990 ...... 93 Paragraphe 1: Les principales actions préconisées par le plan décennal de développement...... 94 Paragraphe 2 : Les résultats obtenus...... 95 A- Les réalisations à caractère national...... 95 2. Les lois nationales sur la protection de la propriété intellectuelle ...... 97 B- Les réalisations à caractère continental ou international...... 99 Conclusion partielle...... 101 SECTION 2 : LA POLITIQUE CULTURELLE AU-DELA DU PLAN DECENNAL DE DEVELOPPEMENT CULTUREL...... 102 Paragraphe 1 : Le renforcement du dispositif réglementaire : la création d’un Code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite...... 102 Paragraphe 2 : La création d’un instrument d’aide publique à la presse et l’instauration d’une fête nationale des cultures...... 105 Paragraphe 3 : La ratification des instruments juridiques internationaux : la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles...... 111 Conclusion de la première partie...... 114

DEUXIEME PARTIE : ...... 117

L’ETAT DES LIEUX DES INDUSTRIES CULTURELLES GABONAISES ...... 117

CHAPITRE 3 : LE COMMERCE DES PRODUITS CULTURELS GABONAIS ...... 121 SECTION 1 : LA SPECIFICITE DU PRODUIT CULTUREL...... 122 Paragraphe 1 : Des caractéristiques propres à une industrie particulière ...... 122 A : Le caractère imprévisible de la demande...... 122 B : Le caractère du prototype et de reproductibilité du produit culturel...... 125 Paragraphe 2 : Le cycle de vie d’un produit culturel...... 126 A : La création...... 126

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Table des matières

B : La production...... 127 C : La distribution et la commercialisation...... 128 SECTION 2 : LE MARCHE DES PRODUITS CULTURELS GABONAIS...... 130 Paragraphe 1 : Le marché de la consommation...... 130 Paragraphe 2 : L’évolution de l’offre culturelle sur le marché gabonais...... 135 A : Les structures de production et de reproduction...... 135 B : Les structures de diffusion et de commercialisation...... 138 Conclusion partielle...... 140

CHAPITRE 4: LES PRINCIPALES INDUSTRIES CULTURELLES GABONAISES ET L’ACTION INTERNATIONALE...... 143 SECTION 1 : LA FILIERE DE L’EDITION ...... 143 Paragraphe 1 : Le « paradoxe » de la presse gabonaise ...... 144 A : La difficile émancipation de la presse coloniale gabonaise...... 146 B- La presse à l’heure du multipartisme...... 148 Conclusion partielle...... 155 Paragraphe 2 : La structure du marché gabonais du livre...... 155 A- Les secteurs de la création, de la production et de la reproduction...... 156 B- La distribution, la promotion et la commercialisation du livre gabonais...... 161 C- Le cas particulier du livre scolaire...... 167 SECTION 2 : L’INDUSTRIE MUSICALE ...... 173 Paragraphe 1 : De la musique traditionnelle à la musique moderne...... 174 Paragraphe 2. La structuration de l’industrie du disque et l’évolution du marché à partir des années 1990...... 180 SECTION 3 : L’INDUSTRIE AUDIOVISUELLE : RADIO, TELEVISION ET CINEMA...... 188 Paragraphe 1 : L’industrie radiophonique...... 188 A. Le paysage radiophonique gabonais ...... 189 1. Les radios commerciales ...... 190 2. Les radios non commerciales ...... 191 B : Le cadre législatif et réglementaire de l’activité radiophonique au Gabon...... 195 1. Le Code de la communication audiovisuelle, cinématographique et écrite... 196 2. L’organe de régulation de la radiodiffusion au Gabon : le CNC ...... 198 C : L’économie de l’industrie radiophonique ...... 199 1. Le financement de la radio au Gabon...... 199 2. Le cas particulier d’Africa n°1...... 202 Paragraphe 2 : Les industries télévisuelle et cinématographique...... 204 A : La télévision gabonaise entre service public et rentabilité économique...... 205 B : Le cinéma gabonais...... 212 Paragraphe 3 : La problématique du droit d’auteur dans les industries culturelles gabonaises...... 221 SECTION 4 : LA FRANCOPHONIE ET LES INDUSTRIES CULTURELLES AU GABON...... 229 Paragraphe 1 : Origine et évolution de la Francophonie ...... 232 Paragraphe 2 : La Francophonie comme acteur des industries culturelles gabonaises. 236

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Table des matières

A- Contributions dans le domaine de l’édition...... 237 1 : Le Fonds d’appui à la presse francophone du Sud...... 238 2 : Les programmes de formation ...... 239 Conclusion partielle...... 241 B- Les aides de la Francophonie à l’audiovisuel gabonais...... 242 1 : Le Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud ...... 242 2. Le dispositif Africa Cinémas et l’appui francophone aux marchés et festivals cinématographiques...... 247 Conclusion partielle...... 252 C- Le cas particulier des CLAC...... 253 1. Les CLAC : une dynamique rurale ...... 253 2. L’apport des CLAC dans le développement des industries culturelles gabonaises ...... 255 SECTION 5 : LES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES HORS OIF...... 258 Paragraphe 1 : Les actions françaises et européennes en faveur des industries culturelles gabonaises...... 258 A- Le rôle joué par la France dans le rayonnement culturel du Gabon ...... 259 1 : Les actions de soutien à la radio, à la télévision et au cinéma ...... 259 2. Les actions transversales : le rôle joué par le CCF de Libreville...... 262 B- Les résultats de la coopération culturelle avec l’Union européenne...... 265 Paragraphe 2 : Les tentatives de l’U.A, de la CEEAC et de la CEMAC ...... 272 Conclusion de la deuxième partie...... 277

TROISIEME PARTIE :...... 281

LA REDEFINITION DE LA POLITIQUE CULTURELLE GABONAISE...... 281

CHAPITRE 5 : POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA CULTURE GABONAISE...... 287 SECTION 1 : LA FORMATION ET LES NTIC COMME PREALABLES A LA DYNAMISATION DES INDUSTRIES CULTURELLES AU GABON...... 287 Paragraphe 1: La professionnalisation des acteurs : condition sine qua non de développement des initiatives culturelles...... 288 Paragraphe 2 : Les industries culturelles gabonaises dans la perspective de l’économie numérique...... 293 Conclusion partielle...... 303 SECTION 2 : LA CREATION D’UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE AU DEVELOPPEMENT DES INDUSTRIES CULTURELLES...... 304 Paragraphe 1 : Le soutien à la création artistique...... 304 Paragraphe 2 : La coédition et la coproduction comme nouvelles stratégies de développement des industries culturelles gabonaises ?...... 307 Conclusion partielle...... 314

CHAPITRE 6 : L’ENCADREMENT STRUCTUREL DES INDUSTRIES CULTURELLES ET LA DYNAMISATION DE L’ACTION INTERNATIONALE ...... 315 SECTION 1 : L’ACTION PUBLIQUE AU SERVICE DES INDUSTRIES CULTURELLES...... 316

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Table des matières

Paragraphe 1 : Les enjeux d’une politique culturelle locale. De la décentralisation culturelle aux agendas 21 de la culture...... 316 Paragraphe 2 : Le renforcement du dispositif de l’Agence de Promotion des Investissements Privés (APIP) et la création d’une entité nationale de développement des industries culturelles...... 322 Conclusion partielle...... 327 SECTION 2 : LE RENFORCEMENT DE L’ACTION INTERNATIONALE...... 330 Paragraphe 1 : L’appui aux initiatives culturelles : pour un réel soutien de l’OIF aux industries culturelles gabonaises...... 331 Paragraphe 2 : De la diplomatie culturelle gabonaise : innovation ou refondation ?...... 335

CONCLUSION GENERALE ...... 345 TABLE DES ANNEXES...... 359 ANNEXE 1 : CARTOGRAPHIES...... 360 Annexe 1.1 : Carte du Gabon...... 360 Annexe 1.2 : Carte de la zone bantu...... 361 ANNEXE 2 : SCHEMAS...... 362 Annexe 2.1 : Appréciation de l’édition gabonaise ...... 362 Annexe 2.2 : Produits de la presse les mieux consommés au Gabon...... 362 Annexe 2.3 : Equipement en radio et télévision...... 363 Annexe 2.4 : Dépenses culturelles des ménages ...... 363 Annexe 2.5 : Liste des journaux gabonais...... 364 Annexe 2.6 : Chaîne du livre au Gabon ...... 365 ANNEXE 3 : INTERVIEWS ET ENQUETES DE TERRAIN ...... 366 Annexe 3.1 : Questionnaire de l’enquête quantitative ...... 366 Annexe 3.2 : Questionnaire de l’enquête qualitative...... 368 ANNEXE 4 : DECISION DU CNC ET RECOMMANDATIONS...... 384 Annexe 4.1 : Décision du CNC...... 384 Annexe 4.2 : Recommandations du directeur de thèse ...... 387 RESSOURCES DOCUMENTAIRES...... 391

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