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IdeAs Idées d'Amériques

10 | Automne 2017 / Hiver 2018 États-Unis / Cuba : une nouvelle donne ?

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ideas/2095 DOI : 10.4000/ideas.2095 ISSN : 1950-5701

Éditeur Institut des Amériques

Référence électronique IdeAs, 10 | Automne 2017 / Hiver 2018, « États-Unis / Cuba : une nouvelle donne ? » [En ligne], mis en ligne le 17 novembre 2017, consulté le 23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ ideas/2095 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ideas.2095

Ce document a été généré automatiquement le 23 septembre 2020.

IdeAs – Idées d’Amériques est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modifcation 4.0 International. 1

NOTE DE LA RÉDACTION

Numéro coordonné par Isabelle Vagnoux et Janette Habel en collaboration avec le comité de rédaction

Secrétariat de rédaction : Claire Bouffard, avec la participation de Mayra Agudelo

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SOMMAIRE

Etats-Unis – Cuba : Une nouvelle donne ? Isabelle Vagnoux et Janette Habel

United States – Cuba: a New Deal? Isabelle Vagnoux et Janette Habel

Estados Unidos–Cuba, ¿un nuevo orden? Isabelle Vagnoux et Janette Habel

Estados Unidos - Cuba? Uma fase nova? Isabelle Vagnoux et Janette Habel

Cuba face aux soubresauts de la normalisation des relations avec les Etats-Unis Janette Habel

Engage or Isolate? Twenty years of Cuban Americans’ Changing Attitudes towards Cuba— Evidence from the FIU Cuba Poll Guillermo J. Grenier

U.S.-Cuba Normalization: U.S. Constituencies for Change Ted Piccone

Le Canada et l’initiative Obama de rapprochement avec Cuba Gordon Mace

La médiation du pape François entre La Havane et Washington : rupture ou continuité dans la diplomatie pontificale ? Marie Gayte

The Long Itinerary to Normalization: The Cuban – Latin American Relations Dirk Kruijt

El papel de la Unión Europea en el triángulo Cuba, EE.UU. y Venezuela Susanne Gratius

Opciones para las relaciones entre Cuba y Estados Unidos durante la presidencia de Donald Trump Jorge I. Domínguez

Reversing the Irreversible: President Donald J. Trump’s Cuba Policy William M. LeoGrande

Entretiens

Entretiens : Introduction Isabelle Vagnoux

Interview with Dr. Arturo Valenzuela on the United States-Cuba relationship Isabelle Vagnoux

Interview with Ambassador Roger Noriega on the United States-Cuba relationship Isabelle Vagnoux

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Éclairages

Le Venezuela en crise : entre polarisation politique aiguë et effondrement du mode de développement

Le Venezuela en crise : entre polarisation politique aiguë et effondrement du mode de développement Thomas Posado

Distribuir con la izquierda, castigar con la derecha. Las paradojas del punitivismo en la Venezuela posneoliberal Andrés Antillano

Le « chavisme populaire » : quelle(s) place(s) pour les mobilisations populaires de gauche dans le Venezuela d'aujourd'hui ? Yoletty Bracho

L’État dans tous ses états Mila Ivanovic

Le mouvement syndical vénézuélien face à la crise du printemps 2017. Entre marginalisation des uns et cooptation des autres Thomas Posado

Causes structurelles de l'enrichissement personnel au Venezuela : relations institutionnelles et les nouveaux riches de la révolution bolivarienne Eduardo Ríos Ludena

Crisis histórica, gobernabilidad y reforma económica: hacia una nueva fase del extractivismo en Venezuela Emiliano Teran Mantovani

Le Brésil aujourd'hui, la descente aux enfers

Le Brésil aujourd'hui, la descente aux enfers Christian Azaïs

O golpe parlamentar e o fim dasociedade salarial no Brasil Ruy Braga

O projeto de abandono das possibilidades de desenvolvimento do Brasil Liana Carleial

Le Brésil des réformes du travail et l’institutionnalisation de la précarité Sayonara Grillo Coutinho Leonardo da Silva

Brésil : le coup d’Etat qui n’en finit pas Lena Lavinas

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Comptes rendus

Arnauld De Sartre, Xavier. Agriculture et changements globaux. Expertises globales et situations locales Bruxelles. Peter Lang, 2016, 204 pages. Solenn Le Clech

Charles Lancha, L’Argentine des Kirchner (2003-2015) Une décennie gagnée ? Paris, L’Harmattan, 2016, 285 pages Alvar De La Llosa

Claudine Raynaud (ed.) Récit de Sojourner Truth. Une esclave du Nord, émancipée de la servitude corporelle en 1828 par l’Etat de New-York, traduction, introduction et notes de Claudine Raynaud. Presses Universitaires de l’Université de Rouen, 2016, 154 p. Suzanne Fraysse

Jacques Galinier et Aurore Monod Becquelin, Las cosas de la noche, una mirada diferente Mexico, Edition CEMCA, 2016, 241 p. Delphine Mercier

Lawrence Ross, Blackballed. The Black and White Politics of Race on America’s Campuses New York, St. Martin Press, 2016, 232 p. Clémentine Berthélémy

Matthew E. Stanley, The Loyal West. Civil War and Reunion in Middle America Urbana: University of Illinois Press, 2016, 268 p. Nathalie Massip

Rafael Rojas, Traductores de la utopía. La Revolución cubana y la nueva izquierda de Nueva York (Fighting over Fidel. The New York Intellectuals and the Cuban Revolution) Mexico, FCE (Princeton UP), 2016 (2015), 279 p.(312 p.) Alvar De La Llosa

Tony Smith. Why Wilson Matters : The Origin of American Liberal Internationalism and Its Crisis Today. Princeton and Oxford : Princeton University Press, 2017. 332 p. Princeton and Oxford : Princeton University Press, 2017. 332 p. Serge Ricard

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Etats-Unis – Cuba : Une nouvelle donne ?

Isabelle Vagnoux et Janette Habel

1 « Il existe des lois de gravitation politique, comme de gravitation physique ; si une pomme, de son arbre arrachée, ne peut que tomber au sol, Cuba, séparée de force de son lien artificiel avec l’Espagne, et incapable d'autonomie, ne pourra que graviter vers l’Union nord-américaine qui, selon cette même loi de la nature, ne pourra la rejeter de son sein », prédisait en avril 1823, le secrétaire d’Etat américain, John Quincy Adams (Adams J. Q., 1823) à propos de l'île située à moins de 170 kilomètres de Key West. Ce principe de « gravitation politique » d'un territoire que d'aucuns considèrent comme la rive sud de la Floride a fait florès et marqué de son sceau la relation asymétrique mais ô combien intime et passionnelle entre Washington et La Havane, souvent conflictuelle, jamais indifférente.

2 Visées expansionnistes états-uniennes au XIXe siècle, 'mission civilisatrice' et 'aide' à l'indépendance cubaine en 1898, occupation militaire puis mainmise économique, mise sous tutelle de fait (le général Wood ne conclut-il pas dans une lettre au président Theodore Roosevelt, le 28 octobre 1901, « avec l’amendement Platt, il ne reste à Cuba, bien entendu, que peu ou pas d’indépendance » ? (Schoultz L., 2009: 24), agacement de Washington (en 1906 Theodore Roosevelt confie, exaspéré, à son ami Henry L. White: « cette infernale petite république cubaine m'énerve tellement que je voudrais effacer son peuple de la face de la terre », (Schoultz L., 2009: 25), soutien aux leaders politiques américanisés, mais aussi longue tradition de refuge aux Etats-Unis pour les dissidents cubains, qu'il s'agisse des opposants à l'Espagne, à certains présidents ou, plus tard, au castrisme: ainsi pourrait se résumer, à grands traits, l'histoire bilatérale de ces deux pays si intimement liés. Cuba, 'néo-colonie' des Etats-Unis ? Sans doute, à maints égards. L’historien Hugh Thomas (1974) rappelle « l’identification du gouvernement des Etats-Unis avec Batista par l’intermédiaire de ses ambassadeurs et des colonels de la mission militaire ». Le soutien de Washington à la dictature de Batista n’a jamais véritablement cessé. L’embargo sur les armes décrété en mars 1958 « trop peu, trop tard » (Luxenberg A., 1991) n’a pas été respecté. La mission militaire américaine a

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continué à entraîner les troupes de Batista (Smith W., 1987), jusqu’à l’offensive finale contre Castro.

3 Couronnée de succès en 1959, la Révolution constitue une véritable rupture dans la domination américaine de l'île. Pourtant, Washington tente d'accompagner ce changement radical en nommant comme ambassadeur Philip Bonsal, diplomate de carrière et spécialiste de l'Amérique latine, qui contraste avec ses prédécesseurs plus proches des intérêts économiques américains que de la diplomatie. Lorsqu'en avril 1959 le líder máximo se rend sur la côte Est américaine pour une visite non officielle et rencontre le vice-président Nixon, l'histoire n'est pas écrite. Dans un compte-rendu au président Eisenhower, Nixon, aux convictions anticommunistes avérées, conclut : « Quoi que nous pensions de lui, il jouera un rôle important dans le développement de Cuba et très probablement de l'Amérique latine en général. Il a l'air sincère. Il est soit incroyablement naïf à propos du communisme, soit d'obédience communiste — je pencherais plutôt pour la première option. /.../ Nous n'avons pas d'autre choix que d'essayer au moins de l'orienter dans la bonne direction. » (Nixon R., 1978 : 202; CIA, 2013). L'ambassadeur Bonsal souscrit à ce verdict: « il n'y avait pas assez d'éléments » au printemps 1959 pour dénoncer le « communisme secret » de Castro (Bonsal P., 1971: 60). Mieux, certains agents de la CIA espèrent alors pouvoir échanger avec lui régulièrement sur les faits et gestes de Moscou et de Pékin (Bonsal P., 1971: 64-65). En mai 1959, la réforme agraire est promulguée, les domaines de plus de 400 hectares sont expropriés, ce sont surtout les grandes plantations américaines - dont la United Fruit - qui sont touchées. L’indemnisation des expropriés est prévue en bons remboursables sur vingt ans. Washington exige des indemnisations rapides et effectives. Pour Fidel Castro, le texte est à prendre ou à laisser. Le processus marque le début de l'hostilité entre les deux pays. En décembre 1960, les Etats-Unis mettent fin à leurs importations de sucre cubain, contre l'avis de Bonsal; La Havane et Moscou publient un communiqué commun. Les relations diplomatiques sont rompues en 1961, alors que l'embargo imposé par Washington est déjà amorcé. En pleine période de guerre froide, le rapprochement de l'île avec l'URSS constitue sans doute la pire menace stratégique vécue jusqu'alors par les Etats-Unis. Le paroxysme est atteint en 1962, lors de la crise des missiles placés à Cuba par Moscou, véritable bras de fer entre les deux superpuissances dans lequel La Havane ne joue qu'un rôle très secondaire (Touze V., 2012). Le pire —une guerre nucléaire — est évité. Chaque superpuissance accepte des concessions: Washington s'engage à ne pas tenter d'intervenir militairement sur l'île, en d'autres termes à ne pas réitérer la désastreuse tentative d'invasion de la baie des Cochons de l'année précédente. Mais alors que La Havane apporte une aide active aux mouvements révolutionnaires en Amérique latine ou en Afrique, Washington ne renonce pas à se débarrasser de l'encombrant Fidel Castro par d'autres moyens. Kennedy n'avait-il pas déclaré, en 1963, « Je n'accepte pas l'idée que M. Castro sera au pouvoir dans cinq ans »... (Kennedy J.F., 1963) ? Embargo, tentatives d'assassinat tout au long des années 1960 (U.S. Congress, 1975: 71-80), isolement diplomatique, invasion par les médias (Radio Marti, puis TV Marti) à partir des années 1980, tout sera tenté. En vain.

4 De crises en négociations secrètes et en efforts d'ouverture, le demi-siècle qui suit la Révolution apparaît comme un long chapelet d'occasions manquées et la relation aurait pu évoluer différemment (NSA, 2003; NSA, 2009; LeoGrande W. & Kornbluh P., 2015). En coulisses, les Latino-Américains ne restent pas inactifs. Le Brésil et le Mexique (qui n'a jamais interrompu ses relations diplomatiques avec La Havane), notamment, ne

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cesseront de mener des missions de bons offices. Au XXIe siècle, c'est, en partie, la pression latino-américaine qui permettra, en 2009, d’annuler la résolution excluant Cuba de l'Organisation des Etats américains. Dans le même temps, les deux voisins ont réussi, en coulisses, à négocier d'importants accords sur la question migratoire ou à travailler ensemble sur des dossiers techniques, dans une relation à double tiroir, qui fonctionne finalement mieux que ne le montrent les discours officiels. Mais, en dépit de quelques assouplissements commerciaux limités, l’embargo économique demeure. Depuis la loi Helms-Burton de 1996 (U.S. Congress, 1996), son abrogation par le pouvoir exécutif n’est plus possible sans l’approbation du Congrès.

5 L’année 2006 marque un tournant lorsque, tout en demeurant chef d’État, Fidel, malade, se retire du pouvoir. C’est son frère, Raul, qui prend alors les rênes et devient officiellement président en 2008. S’il entreprend une ouverture économique, aucun changement significatif n’apparaît dans le système politique, même si des prisonniers politiques sont occasionnellement libérés et si, pour sortir de l’île, les Cubains n’ont plus besoin d’autorisation. Le « dégel » entre les deux pays, maintes fois sur le point de se concrétiser, semble pouvoir aboutir lorsque Barack Obama annonce, en avril 2009, que « les États-Unis recherchent un nouveau départ avec Cuba », même si cela prendra du temps pour « surmonter des décennies de méfiance » (Obama B., 2009). Gageant que les contacts, l’ouverture, les échanges de « peuple à peuple » s’avèrent davantage porteurs de progrès que l’isolement et la répression, et qu’ils viendront à bout des manquements aux libertés démocratiques et aux droits de l’homme, Obama ouvre une brèche dans l’arsenal répressif à l’égard de Cuba. L'incarcération par les Cubains, en décembre 2009, d'un ressortissant américain, Alan Gross1, accusé d’espionnage, met un coup d'arrêt à cette première phase. Les débats font rage à Washington entre les Cubains-Américains tenants de la ligne dure qui veulent le renversement du régime, et les partisans de l’ouverture. Pour ces derniers, il ne s’agit nullement de philanthropie mais bien d’un réalisme économique et politique sans fard. Dès lors que Cuba s’ouvre aux capitaux étrangers, nombre d’entreprises et d’investisseurs américains souhaiteraient pouvoir se mettre sur les rangs. Et puis, martèle Obama, « l’idée que les mêmes politiques que nous avons mises en place en 1961 seraient aussi efficaces aujourd’hui, à l’âge d’Internet, de Google et des voyages internationaux, n’a pas de sens. » (Obama B., 2013)

6 Puis l’Histoire s’accélère grâce à l’intervention du pape François. Alan Gross est libéré en décembre 2014 et le président américain annonce le 17 décembre (« 17D ») sa décision de rétablir les relations diplomatiques, de rayer Cuba de la liste des États soutenant le terrorisme et d’augmenter le nombre des voyages, le volume du commerce et du flux d’information à destination de l’île. En avril 2015, Washington accepte la participation de Cuba au Sommet des Amériques et, moment historique, les deux présidents se rencontrent. En août de la même année, pour la première fois depuis 1945, un secrétaire d’État américain foule le sol de La Havane. John Kerry y inaugure officiellement l’ambassade des États-Unis. « Je suis venu enterrer le dernier vestige de la guerre froide dans les Amériques. Je suis venu tendre la main de l’amitié… », proclame Barack Obama lors de son voyage à Cuba en mars 2016 (Obama B., 2016), le premier d’un président américain en visite d'Etat. Le président exhorte le Congrès à lever l'embargo. Une ère nouvelle semble poindre.

7 L'idée de ce dossier dédié au tournant historique pris dans la relation bilatérale entre les deux « ennemis intimes » (Pérez-Stable M., 2010) est née alors que les relations

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diplomatiques avaient été renouées et que la normalisation semblait en bonne voie, en dépit de blocages prévisibles, notamment au Congrès américain. Les avancées de ces dernières années n'auraient pu voir le jour sans un alignement de planètes favorables (une redistribution des cartes au sein de la communauté cubaine-américaine, la poussée des milieux d'affaires américains, la nécessité économique de l'ouverture telle qu'impulsée par Raul Castro, la faillite des alliés soviétique et vénézuélien, la détermination des Latino-Américains à mettre fin à une aberration de l'histoire) et la volonté des deux hommes, les présidents Barack Obama et Raul Castro. « Il faut être deux pour danser le tango ».... La dynamique historique qu'ils ont impulsée s'est brusquement enrayée. Les récents développements de l'année 2017 donnent une coloration moins optimiste à notre publication et justifient pleinement le point d'interrogation du titre, entre un président Trump déterminé à défaire une partie de ce que son prédécesseur avait mis en place (White House, 2017), une majorité républicaine dans les deux Chambres du Congrès rendant plus difficile la levée de l’embargo, et les mystérieux problèmes de santé ressentis par les diplomates américains en poste à La Havane (Sullivan M., 2017) aboutissant à une nette diminution de l'activité de l’ambassade américaine tout juste rouverte. L'autre protagoniste du rapprochement historique, Raul Castro, quittera la présidence en avril 2018, mais il restera provisoirement premier secrétaire du parti communiste (PCC). Une nouvelle génération prendra la relève à La Havane, l'après-Castro a déjà commencé. En dépit du coup d'arrêt à l'ouverture, le vent de l’Histoire souffle en direction de relations normalisées. Une page se tourne, lentement.

8 Ce dossier trilingue comprend neuf articles, rédigés par des auteurs français, néerlandais, allemand, canadien et états-uniens, tous spécialistes de Cuba ou de relations internationales, s'intéressant aux déterminants intérieurs de chacun des deux pays dans la décision de franchir le pas vers la normalisation des relations, aux soutiens extérieurs apportés à ce processus (Canada, Vatican, Amérique latine, Union européenne) pour conclure sur une double analyse prospective de l'évolution des relations sous l'Administration Trump.

9 Dans le seul article pleinement dédié au point de vue cubain, la politiste Janette Habel explique comment le processus de réforme interne à Cuba, les aspirations nouvelles de la population cubaine, mais aussi les graves difficultés que traversent les alliés (et soutiens) brésilien et vénézuélien, ont conduit Raul Castro à appeler de ses vœux cette évolution historique des relations d'autant que, pour la première fois, Washington ne demandait plus un changement de régime ou de profondes réformes politiques comme pré-requis à toute négociation, même si Washington n'a jamais renoncé à cet objectif. Côté états-unien, Ted Piccone, directeur de programme au sein du think tank Brookings, analyse les raisons pour lesquelles plusieurs groupes d'intérêts américains favorables à la normalisation des relations sont parvenus à prendre le pas sur la politique qui avait prévalu depuis le début des années 1960 et à influencer l'évolution stratégique au plus haut niveau. Le troisième acteur est la diaspora cubaine-américaine, notamment en Floride, qui, après avoir influencé Washington dans le sens d'un durcissement des relations pendant plusieurs décennies, est en train de s'ouvrir à un autre type de relations bilatérales. Ce phénomène récent est analysé minutieusement par le sociologue américain Guillermo Grenier à partir des sondages sur Cuba effectués à intervalles réguliers depuis vingt ans par l'Université internationale de Floride (FIU Cuba Poll).

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10 Mais le processus de normalisation s'est également construit sur des influences extérieures qui ont œuvré, avec des résultats divers, pour mettre fin à cette anomalie de la période post-guerre froide. Le politiste canadien Gordon Mace montre comment Ottawa a, plusieurs fois au cours du demi-siècle passé, tenté un rapprochement avec Cuba et de convaincre Washington de faire de même. Las, au moment où Obama entreprenait cette même démarche, l'heure, sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, était plutôt au durcissement, empêchant toute action concertée. En revanche, fort d'interventions réussies en 1998 et 2012 par les papes Jean-Paul II et Benoît XVI, le Vatican, sous la houlette du pape François, premier pape latino- américain, a joué un rôle non négligeable, notamment par l'intermédiaire de l'archevêque de La Havane, Monseigneur Ortega. Marie Gayte, spécialiste des relations entre Washington et le Vatican, entreprend d'analyser la médiation pontificale en l'inscrivant dans les priorités diplomatiques du Saint-Siège. Tout aussi important fut le contexte latino-américain, clairement favorable à une pleine réinsertion de Cuba dans le concert des nations hémisphériques et à un rapprochement avec Washington, après des décennies de soft power cubain et de normalisation des relations avec les Etats latino-américains et caribéens. C'est ce « long parcours » que l'historien néerlandais Dirk Kruijt retrace dans ce dossier. Après l'Amérique latine, c'est l'Union européenne qui semble montrer la voie de la normalisation à Washington, tout en jouant sa propre carte de « troisième acteur stratégique » dans ce triangle asymétrique où, analyse la politiste Susanne Gratius, l'Europe, favorable au compromis, oscille entre alignement sur Washington ou sur La Havane, en fonction des circonstances et du rapport des forces politiques en son sein.

11 Pour conclure, deux politistes américains analysent l'évolution de la relation sous la présidence de Donald Trump. William LeoGrande montre comment une évolution jugée « irréversible » par Obama est en voie de détricotage par l'Administration Trump, même si les débats existent au sein même de l'Administration et si certaines forces politiques empêchent le nouveau président de défaire totalement ce que son prédécesseur avait mis en place. Jorge I. Dominguez souligne quant à lui combien Cuba compte peu pour Donald Trump. Selon lui, c'est l'absence d'importance stratégique de l'île qui aurait permis à Washington de mettre en cause à nouveau le système politique cubain, comme du temps de G. W. Bush. Tout peut désormais arriver, démontre-t-il, d'une coopération pragmatique réduite aux stricts intérêts communs, au retour à une confrontation idéologique, voire à une rupture des relations diplomatiques.

Ecrire sur les questions d'actualité fait toujours courir le risque de devoir procéder à une actualisation des articles jusqu'au dernier moment. Nous remercions les auteurs de s'être prêtés à cet exercice exigeant afin d'offrir à nos lecteurs une pensée en prise directe avec les dernières évolutions. Les opinions émises dans ce numéro n'engagent que leurs auteurs.

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BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. Alan Gross travaillait comme sous-traitant pour l'agence américaine USAID. A propos du débat sur sa mission, voir Sullivan M., 2011; Stoehr J., 2015.

AUTEURS

ISABELLE VAGNOUX

Aix Marseille Univ, LERMA, Aix-en-Provence, France Rédactrice-en-chef d'IdeAs, Idées d'Amérique, Isabelle Vagnoux est professeur des Universités à Aix Marseille Univ, spécialiste de politique étrangère américaine et des relations avec l'Amérique latine. Elle co-dirige à Aix l'Observatoire des relations extérieures du monde anglophone (OREMA) au sein du LERMA (EA 853). [email protected]

JANETTE HABEL

Janette Habel est politiste, spécialiste de Cuba. Après avoir été maître de conférences à l’Université Paris Est, elle est actuellement chercheur, animatrice du groupe de travail sur Cuba à l’Institut des Hautes Etudes de l'Amérique Latine (IHEAL) avec Stéphane Witkowski. [email protected]

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United States – Cuba: a New Deal?

Isabelle Vagnoux et Janette Habel Traduction : Michael Hinchliffe

1 “But there are laws of political as well as of physical gravitation; and if an apple severed by the tempest from its native tree can not choose but fall to the ground, Cuba, forcibly disjoined from its own unnatural connection with , and incapable of self-support, can gravitate only towards the North American Union, which by the same law of nature cannot cast her off from its bosom.” So predicted American Secretary of State John Quincy Adams (Adams J.Q., 1823) with regard to the island of Cuba situated less than 170 kms from Key West. Quincy’s “political gravitation” principle applied to a territory considered by some as Florida’s southern shore has taken root and made its mark on the asymmetrical, intimate and passionate relationship between Washington and Havana, a relationship often fraught with conflict, never a subject of indifference.

2 Nineteenth century US expansionist ambitions; “civilizing mission”; “aid” towards Cuban independence in 1898; military occupation with attendant economic appropriation; establishment of de facto dependence (in a letter to president Theodore Roosevelt on October 28, 1901, General Wood did indeed write : “There is, of course, little or no real independence left Cuba under the Platt Amendment,” (Schoultz L., 2009: 24)); irritation in Washington (in 1906 Theodore Roosevelt expressed his exasperation to his friend Henry L. White: “I am so angry with that infernal little Cuban republic that I would like to wipe its people off the face of the earth” (Schoultz L., 2009: 25)); support extended to Americanized Cuban political leaders; a long concomitant tradition of refuge in the US for Cuban dissidents, whether in opposition to Spain, to certain presidents or, later, to the Castrist regime: thus could be sketched the bold outlines of a very intimate, bilateral history. Can Cuba be seen as a US “neo-colony”? Possibly it can, in many respects. Historian Hugh Thomas (1974) writes of “the United States administration’s identification with Batista via his ambassadors and the colonels of the military mission”. Washington’s support of Batista’s dictatorship never really ceased. The weapons embargo set up in March 1958, “too little, too late” (Luxenberg A., 1991), was not respected. The US military mission continued training Batistiano troops right up to the final offensive against Castro (Smith W., 1987).

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3 The triumph of the revolution in 1959 marked a radical break in the American domination of Cuba. Washington nevertheless attempted to ride this change by appointing a new ambassador, Philip Bonsal, a career diplomat and specialist who contrasted with his predecessors, all far more concerned with US economic interests than with diplomacy. When the líder máximo made a non-official visit to the East Coast and met with vice-president Nixon in April 1959, history was not pre-ordained. In a summary written for President Eisenhower, Nixon, for all his well- known anti-communist sentiments, wrote: “Whatever we may think of him, he is going to be a great factor in the development of Cuba and very possibly in Latin American affairs generally. He seems sincere. He is either incredibly naive about communism or under communist discipline – my guess is the former. […] We have no choice but at least to try to orient him in the right direction.” (Nixon R., 1978: 202; CIA, 2013). Ambassador Bonsal agreed with this judgment: “there was not sufficient evidence” in the spring of 1959 to denounce Castro’s “secret communism” (Bonsal P., 1971: 60). Better still, there were CIA agents who nursed hopes of conducting regular exchanges with Castro about goings on in Moscow and Beijing (Bonsal P., 1971:64-65). In May 1959 the agrarian reform was promulgated leading to the expropriation of estates over 400 hectares with effects especially on the large American sugar plantations such as United Fruit. Compensations were to take the form of 20 year reimbursable treasury bills. Washington demanded swift and effective compensation. For Castro, it was a question of take it or leave it. These developments signaled the beginnings of hostility between the two countries. In December 1960, against the opinion of Ambassador Bonsal, the United States stopped importing Cuban sugar, whereupon Havana and Moscow published a common communiqué. Diplomatic relations were severed in 1961 with the Washington-imposed embargo already operative. In the context of the Cold War, the Cuba – USSR rapprochement constituted what was probably the direst strategic threat ever experienced by the United States. The Soviet Cuban missile crisis of 1962 was the paroxystic moment in a standoff between two super powers in which Havana itself played a very secondary role (Touze V., 2012). The worst —nuclear war— avoided, the two super powers agreed to concessions. Washington undertook to engage in no military intervention in Cuba, in other words to avoid repeating the previous year’s disastrous Bay of Pigs invasion. But with Havana providing active aid to revolutionary movements in Latin America and Africa, Washington sought other means of dealing with the Cuban nuisance. In 1963, Kennedy stated: “I don’t accept the view that Mr. Castro is going to be in power in 5 years” (Kennedy J.F., 1963) and all means were deployed against him: throughout the sixties, the embargo and assassination attempts (U.S Congress, 1975: 71-80), and from the 80s onward, diplomatic isolation and media pounding (Radio and later Televisión Martí). All to no avail.

4 From crisis situations to secret negotiations and overtures, the half-century after the Cuban revolution appears as a long succession of lost opportunities, the outcome of which could have been different (NSA, 2003; NSA, 2009; LeoGrande W. & Kornbluh P., 2015). Various Latin American countries were active on the sidelines. Brazil and Mexico in particular (the latter never having broken off diplomatic relations with Havana) constantly offered mediation. It was partly pressure from Latin American countries that led the Organization of American States to rescind the exclusion of Cuba in 2009. At the same time, discreet negotiations between Cuba and the US resulted in significant agreements on the subject of migration or technical questions in a double-sided relationship that works rather better than official discourse would admit. However,

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aside from a limited lessening in some areas of commerce, the economic embargo remains in place. Since the 1996 Helms-Burton Act (US Congress, 1996) it can no longer be cancelled by the executive without congressional consent.

5 A new stage was reached in 2006 when Fidel, a sick man, withdrew from the exercise of power while retaining the title of head of state. His brother Raúl assumed power and in 2008 became official president. Although Raúl Castro has operated an economic opening of Cuba, the country’s political system has seen little significant change, even if political prisoners are occasionally liberated and the population no longer needs authorization to travel outside Cuba. The thawing of relationships between Cuba and the US that seemed so often about to occur was set to do just that in April 2009 when Barack Obama announced: “The United States seeks a new beginning with Cuba”, while recognizing it would take time “to overcome decades of mistrust” (Obama B. 2009). Hoping that people to people contacts, openings and exchanges are better vectors of progress than isolation and repression and that they would finally bring to an end the curtailment of democratic freedoms and human rights, Obama slashed a large hole in the repressive arsenal deployed against Cuba. However, in December 2009, the imprisonment by Cuba of Alan Gross1, an American citizen accused of espionage, put this first phase on hold. There were heated debates in Washington between Cuban- Americans favoring a hardline approach seeking the overthrow of the regime and the proponents of an open position. The second group were motivated not by philanthropy but by hard-headed economic and political realism. With Cuba opening up to foreign investment, there were plenty of American firms and investors keen to join in. And as Obama himself has put it “the notion that the same policies that we put in place in 1961 would somehow still be as effective as they are today in the age of the Internet and Google and world travel doesn’t make sense.” (Obama B., 2013).

6 Finally, as a result of an intervention by Pope Francis, History moved a little faster. Alan Gross was liberated in December 2014 and on December 17 (“17D”), President Obama announced the decision to resume diplomatic relations with Cuba, to remove Cuba from the list of terrorist supporting states, to increase the number of journeys, the volume of trade and the flow of information towards Cuba. In April 2015, Washington agreed to Cuban participation in the Summit of the Americas and the presidents of both countries met on an historic occasion.

7 In August that year, an American Secretary of State trod the soil of Havana for the first time since 1945. John Kerry made the trip for the official inauguration of the American embassy. In March 2016 on the occasion of the first state visit of an American president to Cuba, Barrack Obama proclaimed: “I have come here to bury the last remnant of the Cold War in the Americas. I have come here to extend the hand of friendship to the Cuban people.” (Obama B., 2016). He addressed to Congress an exhortation to remove the embargo. A new era, it seemed, had dawned.

8 The idea of the present dossier on the historic change in bilateral relations between these two “intimate enemies” (Pérez-Stable M., 2010) was conceived at a time when, diplomatic relations having been re-established, normalization appeared to be well on course, barring predictable blockages, particularly in the US Congress. The ground covered in recent years could not have been covered without an alinement of favorable planets (a reshuffle in the composition of the Cuban-American community; pressure brought to bear by US businesses; the economic necessity of the opening initiated by Raúl Castro; the gap left by the weakening of allies such as the USSR and later

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Venezuela; the determination of Latin American countries to put an end to an historical aberration) and the will of two men, Presidents Barack Obama and Raúl Castro. “It takes two to dance a tango”. But the dynamic they set in motion has suddenly shifted into lower gear. Recent developments in 2017 make our present project appear in a less optimistic light and justify the question mark in its title. We have president Trump determined to undo much of what his predecessor put in place (White House, 2017), a Republican majority in both houses of Congress which will make the lifting of the embargo much more difficult to bring about, and we have the mysterious ailments suffered by American diplomats posted to Havana (Sullivan M., 2017) which have markedly slowed down activity in the newly opened embassy. Raúl Castro, the other protagonist of the rapprochement is set to quit the presidency in April 2018, though, for the time being, he will remain first secretary of the Communist party (CCP). A new generation is coming to power in Havana and the post-Castro era is already under way. Nevertheless, in spite of the current slow-down, the winds of History are blowing, driving in the direction of normalized relations. A page turns slowly.

9 This trilingual collection offers nine papers from French, Dutch, German, Canadian and American researchers, all specialists of Cuba or international relations, focusing on the decisive factors within each country presiding over the decision to move towards normalized relations, looking also at outside support for the process (from Canada, the Vatican, Latin America, the European Union) and concluding with a double analysis of the prospects of an evolution in relations under the Trump administration.

10 Political analyst Janette Habel contributes the only article centered completely on the Cuban perspective. In it she shows how the process of internal reform, the new aspirations of the population, but also the serious difficulties faced by Brazil and Venezuela, allies (and providers of support) induced Raúl Castro to seek an historic evolution in relations with the US, moreover at a favorable juncture when, for the first time, Washington was no longer demanding regime change or in-depth political reform as a pre-requisite to negociation, even if that aim had not been set aside. From the American perspective, Ted Pïccone, program director at the Brookings think-tank, analyses the reasons why several US interest groups in favor of normalizing relations with Cuba succeeded in gaining the upper hand over policies in place since the sixties and in influencing strategy at the highest level. A third actor is the Cuban American diaspora, notably Florida based, whose members, after exerting decades-long influence over Washington in favor of severity, are now far more inclined to envisage new openings in bilateral relations. This recent development is studied by American sociologist Guillermo Grenier using opinion polls on Cuba carried out at regular intervals over a period of twenty years by the International University of Florida (FIU Cuba Poll).

11 The process of normalization, however, has also been edified on the strength of outside influences that have, with varying results, worked towards ending an anomalous post- Cold War situation. Canadian political analyst Gordon Mace describes in minute detail how on several occasions in the course of the past half century Ottawa has attempted to bring about a rapprochement with Cuba and to convince Washington to do likewise. But by misfortune, just as Obama began doing just that, the tendency under the conservative government of Stephen Harper was rather towards a hardening of relations thus blocking any concerted approach. The Vatican, on the other hand, on the strength of successful interventions in 1998 and 2012 by Popes John-Paul II and

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Benedict XVI, has played a not inconsiderable role under the first Latin American pontiff Pope Francis, via Monsignor Ortega, archbishop of Havana. Maria Gayte, who specializes in Washington – Vatican relations, provides an analysis of pontifical mediation with reference to the diplomatic priorities of the Holy See. The Latin American context is equally important, with Latin America clearly favorable to the reinstatement of Cuba in the hemispheric concert of nations and to rapprochement with Washington after decades of Cuban “soft power” and the normalization of her relations with Latin American and Caribbean states. Dutch historian Dirk Kruijt describes the “long trek” involved here. Following Latin America’s lead, the European Union also appears to usher Washington towards normalization while at the same time playing its own card as “third strategic actor” of an asymmetrical triangle in which a Europe in favor of compromise oscillates, as political analyst Susanne Gratius demonstrates, between alinement with Washington or alinement with Havana as circumstances and its own interior balance of political power dictate.

12 The concluding pieces by two American political scientists deal with the direction of US – Cuba relations in the context of the Trump presidency. William LeoGrande describes how what Obama held to be an “irreversible” evolution is being unraveled by the Trump Administration, although there exist both disagreement within the Administration and, without, certain political forces preventing the new president from wreaking complete havoc in his predecessor’s achievements. In his contribution, Jorge I. Dominguez stresses how little Cuba matters to Trump. He argues that Cuba’s lack of strategic importance is the factor that allows Washington once more, as previously under G.W. Bush, to call into question the validity of the island’s political system. Today, he contends, anything could happen, from restricted, pragmatic cooperation based on common interests to ideological confrontation and possibly even a fresh severing of diplomatic relations.

13 To write on current affairs is to run the risk of having to update what is written at the last minute. We should like to thank our authors for having undertaken this demanding task so as to be able to present to our readers material in direct contact with the latest developments. The opinions expressed here are the sole responsibility of each author.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. Alan Gross was a subcontractor for the USAID agency. For the debate on what he was doing, see Sullivan M., 2011; Stoehr J., 2015.

AUTEURS

ISABELLE VAGNOUX

Rédactrice-en-chef d'IdeAs, Idées d'Amérique, Isabelle Vagnoux est professeur des Universités à Aix-Marseille, spécialiste de politique étrangère américaine et des relations avec l'Amérique latine. Elle co-dirige à Aix l'Observatoire des relations extérieures du monde anglophone (OREMA) au sein du LERMA (EA 853). [email protected]

JANETTE HABEL

Janette Habel est politiste, spécialiste de Cuba. Après avoir été maître de conférences à l’Université Paris Est, elle est actuellement chercheur, animatrice du groupe de travail sur Cuba à l’Institut des Hautes Etudes de l'Amérique Latine (IHEAL) avec Stéphane Witkowski. [email protected]

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Estados Unidos–Cuba, ¿un nuevo orden? Etats-Unis – Cuba : Une nouvelle donne ? United States – Cuba: a New Deal?

Isabelle Vagnoux y Janette Habel Tradución : Marta Gómez

1 Como predecía en abril de 1823 el secretario de Estado estadounidense John Quincy Adams (Adams J. Q., 1823) a propósito de la isla situada a menos de 170 kilómetros de la ciudad de Key West, «en política existen leyes similares a las de la física gravitacional. Por ello, de la misma forma que una manzana que se desprende de su árbol por un vendaval solo puede caer al suelo, Cuba, separada de España por la fuerza e incapaz de subsistir por sí sola, solo puede gravitar hacia la Unión Norteamericana quien, por esta misma ley de la naturaleza, no podrá expulsarla de su seno». Este principio de «gravitación política» de un territorio que algunos consideran como la orilla sur de Florida está muy extendido y ha marcado con su sello la relación asimétrica, aunque íntima y pasional, entre Washington y La Habana, a menudo conflictiva, pero nunca exenta de interés.

2 Objetivos expansionistas estadounidenses en el siglo XIX, “misión civilizadora” y “ayuda” a la independencia cubana en 1898, ocupación militar y posterior control económico, tutela de facto (en una carta al presidente Theodore Roosevelt el 28 de octubre de 1901, el general Wood concluye: «Por supuesto que a Cuba se le ha dejado poca o ninguna independencia con la Enmienda Platt» (Schoultz L., 2009: 24)), irritación de Washington (en 1906, Theodore Roosevelt confiesa a su amigo Henry L. White: «estaba tan exasperado con esta infernal pequeña república de Cuba que hubiera querido borrarla de la faz de la tierra» (Schoultz L., 2009: 25)), apoyo a líderes políticos americanizados pero también larga tradición de refugio en Estados Unidos de disidentes cubanos, ya fueran enemigos de España, opositores a ciertos presidentes o, más tarde, al castrismo… Así podría resumirse a grandes rasgos la historia bilateral de estos dos países tan íntimamente ligados. ¿Cuba, “neocolonia” de Estados Unidos? Sin duda, y en muchos sentidos. El historiador Hugh Thomas (1974) recuerda «la

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identificación del gobierno de Estados Unidos con Batista a través de sus embajadores y de los coroneles de la misión militar». El apoyo de Washington a la dictadura de Batista nunca ha cesado realmente. El embargo de armas decretado en marzo de 1958, «demasiado escaso, demasiado tardío» (Luxenberg A., 1991), no fue respetado: la misión militar estadounidense siguió entrenando a las tropas de Batista (Smith W., 1987) hasta la ofensiva final contra Castro.

3 Concluida con éxito en 1959, la Revolución supuso una verdadera ruptura de la dominación estadounidense de la isla. Con todo, Washington intentó acompañar aquel cambio radical nombrando como embajador a Philip Bonsal, diplomático de carrera y especialista de América Latina, que contrastaba con sus predecesores, más cercanos a los intereses económicos estadounidenses que a la diplomacia. Cuando en abril de 1959 el “líder máximo” viaja a la Costa Este en una visita no oficial y se reúne con el vicepresidente Nixon, la historia no se había escrito todavía. En un informe al presidente Eisenhower, Nixon, de probadas convicciones anticomunistas, concluyó: «Pensemos lo que pensemos de él, desempeñará un importante papel en el desarrollo de Cuba y muy posiblemente, de América Latina en general. Parece sincero. O bien es increíblemente ingenuo con respecto al comunismo, o bien está bajo la disciplina comunista; sospecho que lo primero (…) No tenemos más opción que la de al menos tratar de orientarlo en la dirección correcta» (Nixon R., 1978: 202; CIA, 2013). El embajador Bonsal suscribió este veredicto: «no había suficientes elementos», en la primavera de 1959, para denunciar el «comunismo secreto» de Castro (Bonsal P., 1971: 60). Más aún, algunos agentes de la CIA esperaban poder comunicarse regularmente con él sobre los hechos y gestos de Moscú y Pekín (Bonsal P., 1971: 64-65). En mayo de 1959 se promulga la reforma agraria y se expropian las tierras de más de 400 hectáreas, siendo sobre todo las grandes plantaciones estadounidenses, entre ellas la United Fruit, las más afectadas. La indemnización a los expropiados se prevé en bonos reembolsables a veinte años. Washington exige indemnizaciones rápidas y efectivas. Para Fidel Castro, el texto es un “o lo tomas o lo dejas”. El proceso marca el inicio de la hostilidad entre ambos países. En diciembre de 1960, en contra de la opinión de Bonsal, Estados Unidos pone fin a sus importaciones de azúcar cubano ante lo cual, La Habana y Moscú publican un comunicado conjunto. Las relaciones diplomáticas se rompen en 1961 coincidiendo con el inicio del embargo impuesto por Washington. En plena Guerra Fría, el acercamiento de Cuba a la URSS constituye sin duda la peor amenaza estratégica que vive entonces Estados Unidos. El paroxismo se alcanza en 1962 durante la crisis de los misiles que Moscú colocó en la isla, un auténtico pulso entre las dos superpotencias en el que La Habana tuvo un papel muy secundario (Touze V., 2012). Se evita lo peor —una guerra nuclear— y cada superpotencia aprueba una serie de concesiones. Washington se compromete a no intentar intervenir militarmente en la isla, en otros términos, a no repetir el desastroso intento de invadir la Bahía de Cochinos del año anterior. Pero mientras La Habana brinda una asistencia activa a movimientos revolucionarios en Latinoamérica o África, Washington no renuncia a deshacerse del incómodo Fidel Castro por otros medios. ¿Acaso no declaró Kennedy en 1963 que no concebía «la idea de que el Sr. Castro esté en el poder dentro de cinco años» (Kennedy J.F., 1963)? Embargo, intentos de asesinato en los años 60 (U.S. Congress, 1975: 71-80), aislamiento diplomático, invasión mediática (Radio Martí y posteriormente, Televisión Martí) a partir de los 80… Se intentó de todo. En vano.

4 Entre crisis, negociaciones secretas y esfuerzos de apertura, el medio siglo que siguió a la Revolución se muestra como una larga cadena de oportunidades perdidas; la relación

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podría haber evolucionado de otra forma (NSA, 2003; NSA, 2009; LeoGrande W. & Kornbluh P., 2015). Entre bambalinas, los latinoamericanos no permanecerían inactivos. En particular, Brasil y México (que nunca rompió sus relaciones diplomáticas con La Habana) no cesarán de llevar a cabo misiones de mediación. Ya en el siglo XXI, será la presión latinoamericana la que, en parte, permitirá anular en 2009 la resolución que excluía a Cuba de la Organización de Estados Americanos. Entretanto, los dos vecinos logran negociar entre bastidores importantes acuerdos sobre la cuestión migratoria, o trabajar juntos en asuntos técnicos dentro de una relación a dos niveles que en última instancia funciona mejor de lo que muestran los discursos oficiales. Sin embargo, a pesar de una cierta flexibilización limitada del comercio, el embargo sigue vigente. Desde la Ley Helms-Burton de 1996 (U.S. Congress, 1996), su derogación por el poder ejecutivo no es posible sin la aprobación del Congreso.

5 El año 2006 marcó un punto de inflexión cuando Fidel, siendo aún jefe del Estado, se retiró, enfermo, del poder. Su hermano Raúl tomó las riendas y se convirtió oficialmente en presidente en 2008. Pero si bien impulsó la apertura económica, no se produjo ningún cambio significativo en el sistema político, aunque de forma ocasional se liberó a algunos prisioneros políticos y se eliminó la exigencia de autorización para salir de la isla. El «deshielo» entre ambos países, que tantas veces estuvo a punto de materializarse, parecía posible cuando en abril de 2009, Barack Obama anunció que «Estados Unidos busca[ba] un nuevo comienzo con Cuba», pese a que llevaría tiempo «superar décadas de desconfianza » (Obama B., 2009). Seguro de que los contactos, la apertura y los intercambios de «pueblo a pueblo» resultan más favorables al progreso que el aislamiento y la represión, y que todo ello pondría fin a la falta de libertades democráticas y a la violación de los derechos humanos, Obama abrió brecha en el arsenal represivo contra Cuba. Pese a todo, la encarcelación en Cuba, en diciembre de 2009, de un nacional estadounidense, Alan Gross1, acusado de espionaje, puso fin a esta primera etapa. En Washington se libra el debate entre los cubano-estadounidenses defensores de la línea dura y partidarios de derrocar al régimen, y los que apoyan la apertura, para quienes no se trata en absoluto de una cuestión de filantropía sino de realismo económico y político sin adornos. A medida que Cuba se fuera abriendo al capital extranjero, muchas empresas e inversores estadounidenses iban a querer probar suerte. Y luego, como insistía Obama, «la idea de que las mismas políticas que pusimos en marcha en 1961 siguen siendo eficaces en la actualidad, en la era de Internet, Google y los viajes internacionales, no tiene sentido» (Obama B., 2013)

6 Luego la Historia se acelera gracias a la intervención del Papa Francisco. Alan Gross es liberado en diciembre de 2014 y el presidente de Estados Unidos anuncia el 17 de diciembre («17D») su decisión de restablecer las relaciones diplomáticas, de sacar a Cuba de la lista de Estados patrocinadores del terrorismo y de aumentar el número de viajes, el volumen del comercio y el flujo de información con destino a la isla. En abril de 2015, Washington acepta que Cuba participe en la Cumbre de las Américas y en un momento histórico, los presidentes de ambos países se reúnen. En agosto de ese mismo año, por primera vez desde 1945, un secretario de Estado estadounidense pisa el suelo de La Habana. John Kerry inaugura oficialmente allí la embajada de Estados Unidos. «He venido a enterrar los últimos vestigios de la Guerra Fría en América. He venido a tender la mano de amistad al pueblo cubano», proclamó Barack Obama en su viaje a Cuba en marzo de 2016 (Obama B., 2016), el primero de un presidente estadounidense en visita

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de Estado. Obama exhortó al Congreso a levantar el embargo. Una nueva era parecía despuntar.

7 La idea de un dossier dedicado al cambio histórico de las relaciones bilaterales entre dos «enemigos íntimos» (Pérez-Stable M., 2010) nació en un momento en que las relaciones diplomáticas se habían reanudado y la normalización parecía ir por buen camino a pesar de los previsibles bloqueos, sobre todo en el Congreso. Los avances de los últimos años no habrían sido posibles sin una favorable alineación de astros (una redistribución de roles dentro de la comunidad cubano-estadounidense, el empuje de los círculos empresariales norteamericanos, la necesidad económica de apertura impulsada por Raúl Castro, el hundimiento de los aliados soviético y venezolano, la determinación de los latinoamericanos de poner fin a una aberración de la historia) y la voluntad de dos hombres: los presidentes Barack Obama y Raúl Castro. «Para bailar tango, hacen falta dos»... Pero el impulso histórico que ambos alentaron se ha visto frenado bruscamente: los recientes acontecimientos ocurridos en 2017 dan un tono menos optimista a nuestra publicación y justifican plenamente el interrogante del título, con un presidente Trump decidido a deshacer parte del legado de su predecesor (White House, 2017), una mayoría republicana en las dos cámaras del Congreso que dificulta aún más el levantamiento del embargo, y los misteriosos problemas de salud que han sufrido miembros del personal diplomático estadounidense en La Habana (Sullivan M., 2017), llevando todo ello a una notable disminución de la actividad de la embajada estadounidense recién reabierta. El otro protagonista del acercamiento histórico, Raúl Castro, dejará la presidencia en abril de 2018 aunque seguirá siendo provisionalmente primer secretario del partido comunista (PCC). Una nueva generación tomará el relevo en La Habana: el post-castrismo ya ha comenzado. A pesar del frenazo a la apertura, el viento de la Historia sopla en favor de relaciones normalizadas. Lentamente, hemos pasado página.

8 Este dossier trilingüe incluye nueve artículos redactados por autores franceses, neerlandeses, alemanes, canadienses y estadounidenses, especialistas de Cuba o de las relaciones internacionales, interesados por los factores internos que en ambos países han sido determinantes para decidir dar el paso hacia la normalización de las relaciones, o por los apoyos externos aportados al proceso (Canadá, Vaticano, América Latina, Unión Europea). El dossier concluye con un doble análisis prospectivo sobre la evolución de las relaciones bajo la Administración Trump.

9 En el único artículo íntegramente dedicado al punto de vista cubano, la politóloga Janette Habel explica cómo el proceso de reformas internas en Cuba, las nuevas aspiraciones de la población cubana pero también las graves dificultades que atraviesan sus aliados (y apoyos) brasileño y venezolano, han llevado a Raúl Castro a abogar por esta evolución histórica de las relaciones, más aun cuando, por primera vez, Washington ya no exige un cambio de régimen o profundas reformas políticas como requisito previo para cualquier negociación, pese a no haber renunciado nunca a ese objetivo. En el lado estadounidense, Ted Piccone, director de programa dentro del think tank Brookings, analiza las razones por las que diversos grupos de interés estadounidenses a favor de la normalización de las relaciones han logrado imponerse a la política que había prevalecido desde principios de los años 60 e influir en la evolución estratégica al más alto nivel. El tercer actor es la diáspora cubano- estadounidense, sobre todo en Florida, que después de haber influido en Washington para endurecer las relaciones durante varias décadas, se está abriendo a otro tipo de

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relaciones bilaterales. Este fenómeno reciente es analizado minuciosamente por el sociólogo estadounidense Guillermo Grenier a partir de encuestas sobre Cuba realizadas a intervalos regulares por la Universidad Internacional de Florida (FIU Cuba Poll) en los últimos veinte años.

10 Pero el proceso de normalización también se ha construido gracias a las influencias exteriores que han intervenido, con resultados variables, para poner fin a esta anomalía del periodo posterior a la Guerra Fría. El politólogo canadiense Gordon Mace muestra cómo a lo largo del último medio siglo Ottawa ha intentado en varias ocasiones un acercamiento con Cuba, persuadiendo a Washington de hacer lo mismo. Cuando Obama estaba dando el mismo paso, en el gobierno del conservador Stephen Harper el clima parecía endurecerse, impidiendo cualquier acción concertada. El Vaticano, en cambio, valiéndose de las exitosas intervenciones de los papas Juan Pablo II y Benedicto XVI en 1998 y 2012, ha desempeñado un papel nada despreciable bajo los auspicios del Papa Francisco —primer papa latinoamericano— en particular por mediación del arzobispo de La Habana, Monseñor Ortega. Marie Gayte, especialista en las relaciones entre Washington y el Vaticano, lleva a cabo un análisis de la mediación papal, enmarcándola dentro de las prioridades diplomáticas de la Santa Sede. Igualmente importante fue el contexto latinoamericano, claramente favorable a la plena reinserción de Cuba en el concierto de naciones hemisféricas y a un acercamiento con Washington después de décadas de soft power cubano y de la normalización de las relaciones con los Estados latinoamericanos y caribeños. Es el «largo viaje» que el historiador neerlandés Dirk Kruijt reconstruye en este dossier. Después de América Latina, es la Unión Europea la que parece estar mostrando el camino de la normalización a Washington, al tiempo que juega su propia carta de «tercer actor estratégico» en el triángulo asimétrico en el que, según el análisis de la politóloga Susanne Gratius, Europa, favorable al compromiso, oscila entre el alineamiento con Washington o con La Habana en función de las circunstancias o de la relación de fuerzas políticas en su seno.

11 Para concluir, dos politólogos estadounidenses analizan la evolución de las relaciones bajo la presidencia de Donald Trump. William LeoGrande muestra cómo la evolución que Obama consideró «irreversible», está siendo desmantelada por la Administración Trump aunque existen debates dentro de la propia Administración y algunas fuerzas políticas están impidiendo que el actual presidente deshaga totalmente lo que su predecesor había llevado a cabo. Jorge I. Domínguez señala lo poco que Cuba significa para Donald Trump. Según él, la falta de importancia estratégica de la isla es lo que ha permitido a Washington cuestionar una vez más el sistema político cubano como en tiempos de G. W. Bush. Como demuestra el analista, todo es posible en estos momentos: desde una cooperación pragmática reducida estrictamente a los intereses comunes hasta la vuelta a la confrontación ideológica e incluso a la ruptura de las relaciones diplomáticas.

Cuando se escribe sobre temas de actualidad, se corre siempre el riesgo de tener que actualizar los artículos hasta el último minuto. Agradecemos a los autores su colaboración en este exigente ejercicio para ofrecer a nuestros lectores unas reflexiones en contacto directo con los acontecimientos más recientes. Las opiniones contenidas en este número solo comprometen a sus autores.

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BIBLIOGRAFÍA

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NOTAS

1. Alan Gross trabajaba como subcontratista para la agencia estadounidense USAID. Sobre el debate sobre su misión, véase Sullivan M., 2011; Stoehr J., 2015.

AUTORES

ISABELLE VAGNOUX

Isabelle Vagnoux es redactora jefa de IdeAs, Idées d'Amérique y profesora de la Universidad Aix- Marseille, especialista en política exterior estadounidense y en relaciones con América Latina. Asimismo, codirige en Aix el Observatorio de las relaciones exteriores en el mundo anglófono (OREMA) dentro del LERMA (EA 853). [email protected]

JANETTE HABEL

Janette Habel es politóloga especialista de Cuba. Ha impartido clases en la Universidad Paris-Est y es actualmente investigadora y dinamizadora del grupo de trabajo sobre Cuba del Instituto de

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Altos Estudios sobre América Latina (IHEAL) junto a Stéphane Witkowski. [email protected]

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Estados Unidos - Cuba? Uma fase nova?

Isabelle Vagnoux e Janette Habel

1 "Existem leis de gravitação política, como a gravitação física; se uma maçã, arrancada de sua árvore, pode apenas cair no chão, Cuba, separada à força de sua ligação artificial com a Espanha e incapaz de autonomia, só pode gravitar em direção à União Norte- Americana que, de acordo com essa mesma lei da natureza, não pode rejeitá-la de seu seio", predizia John Quincy Adams (Adams J. Q., 1823), secretário do Estado americano, em abril de 1823, sobre a ilha localizada a menos de 170 quilômetros de Key West. Este princípio de "gravitação política" de Cuba, um território que alguns tendem a considerar como a costa sul da Flórida, floresceu e marcou com seu selo a relação assimétrica, porém bastante íntima e apaixonada, muitas vezes conflituosa mas nunca indiferente, entre Washington e Havana.

2 As visões expansionistas dos EUA no século XIX, a "missão civilizadora" e a "ajuda" para a independência cubana em 1898, a ocupação militar e o controle econômico, uma tutela quase completa (lembramos das palavras do general Wood, numa carta ao presidente Theodore Roosevelt, 28 de outubro de 1901: "Com a emenda Platt, resta em Cuba, certamente, pouca ou nenhuma independência" [Schoultz L., 2009: 24]), o aborrecimento de Washington (em 1906, Theodore Roosevelt confia, exasperado, a seu amigo Henry L. White: "Esta pequena e minúscula república cubana me irrita tanto que eu gostaria de apagar o seu povo da face da terra" (Schoultz L., 2009: 25)], o apoio a líderes políticos americanizados, mas também uma longa tradição de refúgio nos Estados Unidos para dissidentes cubanos – fossem eles opositores da Espanha, adversários de certos presidentes ou, mais tarde, do castrismo: assim poderiamos resumir, a passo largo, a história bilateral desses dois países tão intimamente ligados. Cuba, "neo-colônia" dos Estados Unidos? Sem dúvida, de muitas maneiras. O historiador Hugh Thomas (1974) lembra "a identificação do governo dos Estados Unidos com Batista através dos seus embaixadores e coronéis da missão militar". O apoio de Washington à ditadura de Batista nunca parou. O embargo de armas decretado em março de 1958, "muito pouco, muito tarde" (Luxenberg A., 1991) não foi respeitado. A

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missão militar dos EUA continuou a treinar as tropas de Batista (Smith W., 1987), até a derradeira ofensiva contra Castro.

3 Em 1959, a Revolução constitui uma verdadeira ruptura no domínio americano da ilha. Contudo, Washington está tentando apoiar essa mudança radical ao nomear como embaixador Philip Bonsal, diplomata de carreira e especialista da América Latina, um homem que contrasta com seus predecessores, mais próximos dos interesses econômicos dos EUA do que atentos à diplomacia. Quando, em abril de 1959, o líder máximo vai à Costa Leste dos EUA para uma visita não oficial e encontra o vice- presidente Nixon, a história ainda está para escrever. Em um relatório ao presidente Eisenhower, Nixon, com convicções anticomunistas comprovadas, conclui: "Seja lá o que pensarmos dele, ele desempenhará um papel importante no desenvolvimento de Cuba e provavelmente da América Latina em geral. Ele parece sincero. Ou ele é incrivelmente ingênuo sobre o comunismo, ou ele é de obediência comunista - prefiro ir pela primeira opção. /.../ Não temos escolha senão tentar pelo menos dirigi-lo na direção certa. » (Nixon R., 1978 : 202; CIA, 2013). O Embaixador Bonsal subscreve a este veredicto: "Não houve elementos suficientes" na primavera de 1959 para denunciar o "comunismo secreto" de Castro (Bonsal P., 1971: 60). Melhor, alguns agentes da CIA esperam então terem com ele convsersas frequentes sobre os fatos e os gestos de Moscou e Pequim (Bonsal P., 1971: 64-65). Em maio de 1959, a reforma agrária é promulgada, as áreas de mais de 400 hectares são expropriadas, e as grandes plantações americanas - incluindo a United Fruit - que são particularmente afetadas. A lei propõe um sistema de compensação através de títulos reembolsados num prazo de vinte anos. Washington exige uma compensação rápida e efetiva. Mas para Fidel Castro, é esse texte que deve ser tomado em conta, e nenhum outro. O desacordo marca o início da hostilidade entre os dois países. Em dezembro de 1960, os Estados Unidos decidem pôr um fim às importações de açúcar cubano, contra o conselho de Bonsal; Havana e Moscou publicam uma declaração conjunta. As relações diplomáticas cessam em 1961, data em que o embargo imposto por Washington já começa. No meio da guerra fria, a aproximação da ilha com a URSS é provavelmente a maior ameaça estratégica até então experimentada pelos Estados Unidos. As tensões chegam a seu paroxismo em 1962, durante a crise dos mísseis colocados em Cuba por Moscou, uma autêntica queda-de- braço entre as duas superpotências, na qual Havana desempenha um papel muito secundário (Touze V., 2012). O pior - uma guerra nuclear – é evitado. Cada superpotência aceita fazer concessões: Washington promete não tentar intervir militarmente na ilha, ou seja, não repetir a tentativa desastrosa de invadir a Baía dos Porcos no ano anterior. Mas enquanto Havana ajuda ativamente os movimentos revolucionários na América Latina ou na África, Washington não desiste de livrar-se do inportuno Fidel Castro por outros meios. Assim, Kennedy declara, em 1963: "Eu não aceito a ideia de que o Sr. Castro estará no poder em cinco anos" ... (Kennedy J.F., 1963). Embargo, tentativas de assassinato em toda a década de 1960 (U.S. Congress, 1975: 71-80), isolamento diplomático, invasão pela mídia (Radio Marti, depois TV Marti) durante a década de 1980, tudo será tentado. Em vão.

4 Com múltiplas crises, negociações secretas e esforços de divulgação, o meio século após a Revolução aparece como uma longa série de oportunidades perdidas e o relacionamento poderia ter evoluído de forma diferente (NSA, 2003, NSA, 2009, LeoGrande W. & Kornbluh P., 2015). Nos bastidores, os latino-americanos não ficam inativos. O Brasil e o México (que nunca interromperam as relações diplomáticas com Havana), em particular, continuam a realizar missões de bons ofícios. No século 21, em

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2009, é graças à pressão latino-americana, em boa parte, que foi cancelada a resolução excluindo Cuba da Organização dos Estados Americanos. Ao mesmo tempo, os dois vizinhos conseguiram negociar acordos importantes sobre a questão da migração ou trabalhar em conjunto sobre questões técnicas, numa relação de mão dupla, que afinal funciona melhor do que os discursos oficiais o deixam pensar. Mas, apesar de uma lenta e limitada flexibilização do comércio, o embargo econômico permanece. Desde a Lei Helms-Burton de 1996 (Congresso dos EUA, 1996), sua revogação pelo Poder Executivo já não é possível sem a aprovação do Congresso.

5 O ano de 2006 marca um ponto de viragem quando, embora ainda permaneça sendo o chefe de estado, Fidel, doente, se retira do poder. É seu irmão, Raul, que toma as rédeas e oficialmente se torna presidente em 2008. Enquanto empreende uma abertura econômica, nenhuma mudança significativa aparece no sistema político. Apesar de tudo, alguns presos políticos são ocasionalmente liberados e os cubanos, para sair da ilha, não precisam mais de autorização. O "descongelamento" entre os dois países, muitas vezes à beira da materialização, parece chegar ao fim quando Barack Obama anuncia, em abril de 2009, que "os Estados Unidos estão procurando um novo começo com Cuba", mesmo que levem tempo para "superar décadas de desconfiança" (Obama B., 2009). Apostando que os contatos, a abertura, o intercâmbio de "pessoas para pessoas" são mais promissores do que o isolamento e a repressão, e que superarão as deficiências das liberdades democráticas e dos direitos humanos, Obama rompe com o arsenal repressivo contra Cuba. Em dezembro de 2009, o encarceramento, numa prisão cubana, de um cidadão dos EUA, Alan Gross1, acusado de espionagem, vai fazer com que essa reaproximação entre os dois países desacelere. Os debates são muito intensos em Washington entre os cubano-americanos de linha dura que desejam a derrubada do regime e os defensores da abertura. Para esses últimos, não é uma questão de filantropia, de jeito nenhum, mas trata-se de um realismo econômico e político sem maquiagem. Já que Cuba se abriu ao capital estrangeiro, muitos investidores e empresas dos EUA gostariam de aproveitar o novo mercado. E então Obama argumenta: " não faz sentido essa ideia de que as mesmas políticas que implementamos em 1961 continuariam sendo eficazes hoje, na era da Internet, de Google e das viagens internacionais. » (Obama B., 2013)

6 Logo, a História se acelera graças à intervenção do Papa Francisco. Alan Gross é libertado em dezembro de 2014 e o presidente dos Estados Unidos anuncia em 17 de dezembro ("17D") sua decisão de restaurar as relações diplomáticas, de remover Cuba da lista de estados que apoiam o terrorismo e de aumentar o número de viagens, o volume do comércio e o fluxo de informações para a ilha. Em abril de 2015, Washington aceita a participação de Cuba na Cúpula das Américas e, nesse momento histórico, os dois presidentes se encontram. Em agosto do mesmo ano, pela primeira vez desde 1945, um secretário de Estado americano pisa o chão da Havana. John Kerry inaugura oficialmente a Embaixada dos Estados Unidos. "Eu vim enterrar o último remanescente da Guerra Fria nas Américas. Eu vim para estender a mão da amizade...” proclama Barack Obama em março de 2016 (Obama B., 2016), durante a primeira visita de Estado para Cuba de um presidente dos EUA. O presidente encoraja o Congresso a levantar o embargo. Uma nova era parece estar chegando.

7 A ideia deste dossiê dedicado ao ponto de viragem histórico na relação bilateral entre os dois "inimigos íntimos" (Pérez-Stable M., 2010) nasceu no momento em que as relações diplomáticas tinham começado a ser renovadas e a normalização parecia estar

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no bom caminho, apesar dos bloqueios previsíveis, especialmente no Congresso dos EUA. Os avanços dos últimos anos não teriam sido possíveis sem uma conjunção de fatores favoráveis (as novas configurações dentro da comunidade cubano-americana, as pressões crescentes da comunidade empresarial norte-americana, a necessidade econômica da abertura impulsionada por Raul Castro, a falência dos aliados soviéticos e venezuelanos, a determinação dos latino-americanos em acabar com uma aberração da história) e a vontade dos dois homens, os presidentes Barack Obama e Raul Castro. "São precisos dois para dançar o tango " .... E no entanto, o impulso histórico que eles impulsionaram parou bruscamente. Os desenvolvimentos recentes do ano de 2017 dão uma cor menos otimista a nossa publicação e justificam plenamente o ponto de interrogação do título, entre um presidente Trump decidido a desfazer algo que seu antecessor havia posto em prática (Casa Branca, 2017 ), uma maioria republicana, nas duas Câmaras do Congresso, que torna mais difícil o levantamento do embargo e, por último, os misteriosos problemas de saúde sentidos pelos diplomatas americanos que atuam em Havana (Sullivan M., 2017), o que resulta numa diminuição abrupta da atividade que a embaixada americana tinha reaberto há pouco... O outro protagonista da aproximação histórica, Raúl Castro, vai deixar a presidência em abril de 2018, mas ele permanecerá temporariamente como primeiro secretário do Partido Comunista (PCC). Uma nova geração assumirá o cargo em Havana, a era pós-Castro já começou. Apesar de uma pausa na abertura, o vento da história está soprando em direção a relações normalizadas. Uma página vira, lentamente.

8 Este arquivo trilíngue inclui nove artigos escritos por autores franceses, holandeses, alemães, canadenses e americanos, todos especialistas em Cuba ou nas relações internacionais, interessados pelos determinantes internos que levaram cada um dos dois países a caminhar em direção à normalização das relações, mas também pela observação do apoio externo (Canadá, Vaticano, América Latina, União Européia) que foi dado a este processo. Em última instância, os estudiosos tentam levar a cabo uma dupla análise prospectiva da evolução das relações sob a administração Trump.

9 No único artigo totalmente dedicado ao ponto de vista cubano, a cientista política Janette Habel explica como o processo de reforma interna em Cuba, as novas aspirações do povo cubano, assim como as sérias dificuldades que atravessam os aliados (e apoios) brasileiro e venezuelano, levaram Raul Castro a desejar esta evolução histórica das relações, especialmente porque, pela primeira vez, Washington já não pedia uma mudança de regime ou reformas políticas profundas como pré-requisitos para qualquer negociação (mesmo que, na realidade, a Casa Branca não tenha desistido desse objetivo). Do lado americano, Ted Piccone, diretor de programa do think tank Brookings, analisa o motivo pelo qual muitos grupos de interesse norte-americanos que apoiam a normalização das relações conseguiram prevalecer sobre as políticas que imperavam desde o início da década de 1960, e como influenciaram a evolução estratégica ao mais alto nível. Um terceiro grande ator é a diáspora cubano-americana, especialmente na Flórida, que, depois de influenciar Washington em direção ao endurecimento das relações por várias décadas, está agora se abrindo para outro tipo de relações bilaterais. Este fenômeno recente é analisado minuciosamente pelo sociólogo americano Guillermo Grenier, a partir de inquéritos sobre Cuba realizados pela Universidade Internacional da Flórida (FIU Cuba Poll), por vinte anos e em intervalos regulares.

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10 Mas o processo de normalização também também se desenvolveu por causa de influências externas que agiram, com resultados que nem sempre foram do mesmo teor, para pôr um fim a essa anomalia do período pós-Guerra Fria. O cientista político canadense Gordon Mace mostra como Ottawa, em várias ocasiões ao longo do último meio século, tentou uma aproximação com Cuba, querendo convencer Washington a fazer o mesmo. Porém, no exato momento em que Obama estava tomando o mesmo passo, o Canadá, sob o governo conservador de Stephen Harper, estava muito mais do lado de um endurecimento das relações, impedindo qualquer ação concertada. Por outro lado, após as intervenções bem-sucedidas dos papas João Paulo II e Bento XVI, em 1998 e 2012, o Vaticano, sob a liderança do Papa Francisco, o primeiro papa latino- americano, desempenhou um papel importante, nomeadamente por intermediário do arcebispo de Havana, monseñor Ortega. Marie Gayte, especialista em relações entre Washington e o Vaticano, compromete-se a analisar a mediação pontifical, esclarecendo que era uma das prioridades diplomáticas da Santa Sé. Não foi menos importante o contexto latino-americano, claramente favorável à reintegração total de Cuba no conjunto das nações hemisféricas e a uma aproximação com Washington, após décadas marcadas pelo soft power cubano e pela progressiva normalização das relações com os Estados da América Latina e do Caribe. É essa "longa viagem" que o historiador holandês Dirk Kruijt esboça no seu artigo. Além da América Latina, é a União Europeia que parece mostrar o caminho da normalização para Washington, e que ao mesmo tempo desempenha seu próprio papel, como "terceiro ator estratégico" neste triângulo assimétrico onde, segundo a análise da cientista política Susanne Gratius, a Europa, em favor do compromisso, oscila entre o alinhamento com Washington ou com Havana, dependendo das circunstâncias e também do equilíbrio das forças políticas dentro da União.

11 Em conclusão, dois cientistas políticos americanos analisam a evolução da relação entre os dois países sob a presidência de Donald Trump. William LeoGrande mostra como administração Trump está desfazendo uma evolução considerada como "irreversível" por Obama, mesmo que os debates existam dentro da própria Administração e mesmo que certas forças políticas impeçam o novo presidente de destruir totalmente o que seu predecessor configurou.

12 Jorge I. Domínguez ilumina o desinteresse de Donald Trump por Cuba. Segundo ele, é a falta de importância estratégica da ilha que teria feito com que Washington questionasse novamente o sistema político cubano, como na época de G. W. Bush. Tudo pode agora acontecer, como ele demonstra: o futuro pode corresponder com uma cooperação pragmática, reduzida a interesses comuns rigorosos, mas também com um retorno a um confronto ideológico, ou inclusive a uma ruptura nas relações diplomáticas.

Escrever sobre assuntos da atualidade sempre faz correr o risco de ter que atualizar artigos na última hora. Agradecemos aos autores por terem participado deste exercício exigente para oferecer aos nossos leitores um pensamento diretamente relacionado aos últimos desenvolvimentos. As opiniões expressas nesta edição são da exclusiva responsabilidade dos autores.

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NOTAS

1. Alan Gross trabalhou como subcontratado da agência norte-americana USAID. No que diz respeito ao debate sobre sua missão, veja Sullivan M., 2011; Stoehr J., 2015.

AUTORES

ISABELLE VAGNOUX

Isabelle Vagnoux, editora-chefe da IdeAs, Idées d'Amérique, é Professora na universidade de Aix- Marseille, especialista na política externa americana e nas relações com a América Latina. Ela co- dirige, em Aix, o Observatório das relações externas das áreas anglófonas (OREMA) dentro do LERMA (EA 853). [email protected]

JANETTE HABEL

Janette Habel é cientista política especializada em Cuba. Depois de ter trabalhado como Professora na Universidade Paris Est, atualmente é pesquisadora e mediadora de um grupo de

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estudo cubano no Instituto de Estudos Superiores da América Latina (IHEAL), com Stéphane Witkowski. [email protected]

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Cuba face aux soubresauts de la normalisation des relations avec les Etats-Unis Cuba and the ups and downs of the normalization process with the United States Cuba frente a los sobresaldos de la normalización de las relaciones con los Estados Unidos

Janette Habel

Introduction

1 Normaliser des relations marquées par la confrontation entre leurs deux pays depuis un siècle et demi: tel est le défi que le président américain Barack Obama et son homologue cubain Raoul Castro, tous deux en fin de mandat, ont tenté de relever. Ce rapprochement que la géopolitique semblait imposer ne va pas de soi. Pendant plus d’un demi-siècle l’administration américaine a tenté d’effacer un affront historique et d’administrer une leçon aux peuples latino-américains. La crise économique cubaine devait mettre en évidence les échecs du castrisme et, grâce à une guerre d’usure économique et commerciale, provoquer un changement de régime politique, une stratégie s’inscrivant dans la politique du nation building. L’insuccès ou plutôt le fiasco de cette démarche avait amené Barack Obama à rechercher une voie diplomatique, en négociant un rapprochement sans préalable politique.

2 Du côté cubain, il est possible d’identifier les motivations qui ont poussé le président Raoul Castro, une fois le préalable politique levé, à initier un dialogue avec le président américain Obama. Dialogue risqué dans la mesure où Raoul Castro a engagé depuis 2011 un processus de réformes économiques qui se heurte à de nombreux obstacles sociaux et politiques et dont les résultats ne sont pas au rendez-vous.

3 Pour les dirigeants cubains, les déterminants économiques, sociaux et politiques incitent fortement à normaliser les rapports entre les deux pays. En outre,

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l’environnement régional a changé et les alliés politiques et partenaires économiques de Cuba, notamment le Brésil et surtout le Venezuela, sont en crise.

4 Le conflit séculaire avec les Etats-Unis a laissé des traces profondes dans la société cubaine. La crainte d’un retour au passé, le souvenir des humiliations subies sont encore présents. Depuis les guerres d’indépendance, la fierté nationale, souvent sous- estimée par les observateurs, est un ingrédient de la résistance aux sanctions économiques imposées par Washington. Elle explique aussi l’anomalie représentée par un demi-siècle de conflictualité et d’absence de relations diplomatiques entre deux pays séparés par seulement 200 kms, « 90 miles from home » disent les Américains. Fidel Castro et son frère Raoul ont toujours conditionné la normalisation des relations diplomatiques avec les Etats Unis au respect par Washington de leur souveraineté, à la non-ingérence dans les affaires intérieures du pays, au refus de toute imposition concernant leur système politique. Ils se sont toujours méfiés du «néo conservatisme » des penseurs américains, « une doctrine qui consiste à penser que la démocratie libérale s’imposera partout dans le monde comme un ‘métaprojet’ » comme l’écrit Christian Lequesne (2017).

Les raisons cubaines

5 Pourquoi Raoul Castro a-t-il accepté de rentrer dans une longue négociation avec le président Obama ? Les raisons de cet engagement sont multiples. La toute première tient à la reconnaissance par le président américain des échecs passés et à l’abandon de toute condition préalable à la négociation. A la différence de la Loi Helms-Burton1 signée par le président Bill Clinton en 1996 et de la Commission d’aide à un Cuba libre2 créée par l’administration de George W. Bush , la Maison-Blanche n’a pas fait du départ des « frères Castro » une condition du rapprochement entre les deux pays3. Ce changement a provoqué la fureur contre Barack Obama des exilés cubains les plus conservateurs qui ont toujours exigé un changement de régime. En contrepartie de son engagement dans les négociations, La Havane espérait pouvoir obtenir à terme la levée de l’embargo, et comptait sur l’accroissement du tourisme nord-américain.

6 Barack Obama avait compris qu’ il fallait renoncer à la politique du gros bâton (big stick) et emprunter la voie du dialogue en mettant à profit une conjoncture particulièrement difficile pour le gouvernement cubain. Il pensait pouvoir ainsi provoquer par d’autres voies le changement politique souhaité. Une tactique comprise par Fidel Castro qui fit part de sa défiance dans un éditorial publié après la visite de Barack Obama à La Havane en mars 2016. Ce dernier avait en effet expliqué que sa visite lui laissait entrevoir ce « que nous pourrions faire ensemble comme amis, comme membres d’une même famille, comme voisins, tous ensemble ». Intitulé « Le frère Obama » l’article de Fidel Castro mettait en garde contre les illusions suscitées par le discours du visiteur. « Nous avons failli faire un infarctus en écoutant ces paroles du président des Etats-Unis. Nous sommes capables de produire les aliments et les richesses dont nous avons besoin grâce aux efforts et à l’intelligence de notre peuple. Nous n’avons pas besoin des cadeaux de l’empire » écrivait-il (Castro F., 2016). Décédé le 25 novembre 2016, 17 jours après l’élection de Donald Trump, Fidel Castro n’aura pas assisté au retour du bâton.

7 L’année 2017 aura été difficile pour La Havane. Commencée l’hiver avec l’élection surprise de Donald Trump, elle s’est achevée à l’automne dans la tourmente provoquée

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par un cyclone d’une force exceptionnelle, à cinq mois d’une échéance électorale et politique majeure. En février 2018, cinquante ans après la Révolution , pour la première fois, Cuba ne devrait plus avoir un Castro comme président. Pendant 47 ans Fidel Castro a gouverné le pays. En 2006, sa maladie l’obligea à interrompre ses activités, provisoirement d’abord, puis définitivement, en officialisant en 2008 la passation des pouvoirs à son frère cadet, Raoul Castro, ministre des Forces Armées et deuxième secrétaire du Parti communiste. Raoul Castro aura gouverné pendant douze ans. Mais si « Fidélisme » et « Raoulisme4 » ont marqué l’histoire cubaine pendant près de soixante ans, le cours politique suivi pendant plus d’une décennie par Raoul Castro représente une inflexion substantielle à l’égard de la stratégie économique impulsée précédemment par son frère aîné . C’est sous sa présidence que le rapprochement spectaculaire entre les deux Etats a été initié secrètement, puis rendu public en 2014, cherchant à inaugurer une ère nouvelle entre les deux pays. Ce début de normalisation impliquait des avancées et des contreparties de part et d’autre. Un rapprochement susceptible d’ouvrir une brèche dans un embargo vieux d’un demi siècle était une opportunité pour La Havane compte tenu des difficultés économiques et financières du pays, aggravées par la crise financière mondiale de 2008. « Les politiques économiques de survie se sont aggravées dans notre pays et elles mettent en danger notre stabilité et notre identité nationale » constate un jeune cubain (López Inguanzo J.M., 2017).

8 Du côté américain, quelles étaient les raisons ayant conduit à ce processus ? Outre la recherche par Obama d’un marqueur historique pour sa présidence, plusieurs raisons contribuaient à cette initiative. Les réformes, la libéralisation et l’ouverture économiques impulsées dans l’île par Raoul Castro depuis 2011 devaient faciliter les échanges commerciaux et les investissements . Barack Obama, adepte du « soft power5 », avait compris qu’elles permettraient aussi d’accroitre l’influence politique et culturelle de l’ « American way of life » dans une société marquée par de nombreuses privations. Autre élément, la réorientation pragmatique de la diplomatie cubaine en Amérique latine, dont témoignait sa contribution aux négociations entre les Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC) et le gouvernement conservateur colombien de Juan Manuel Santos. Enfin, Barack Obama était confronté à brève échéance à un enjeu diplomatique continental, la tenue du Sommet des Amériques en avril 2015 au dont La Havane était exclue. Depuis plusieurs années, de nombreux gouvernants latino-américains y compris conservateurs, menaçaient de boycotter cette réunion si Cuba n’y participait pas. En 2015 le président américain risquait de se trouver face à des chaises vides. Après l’annonce conjointe du rapprochement des deux Etats en décembre 2014 le succès du Sommet continental était garanti pour la Maison Blanche.

Retour sur l’embargo

9 Outre leurs effets économiques, commerciaux, financiers, les sanctions ont eu des conséquences néfastes sur le plan politique, démocratique et culturel. Il n’est pas superflu de prendre la mesure de cette anomalie : un embargo imposé pendant plus d’un demi-siècle6, dont l’efficacité est renforcée par la proximité géographique de la première puissance mondiale et la fermeture d’un marché qui a représenté le débouché historique naturel et presque unique du commerce cubain pendant des décennies

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(Moreno Fraginals M., 1978). Avant 1959 les deux tiers des échanges de l’île se faisaient avec les Etats-Unis.

10 « L’embargo est l’obstacle le plus important pour notre développement économique » avait déclaré Raoul Castro. La législation américaine dissuade des banques et de nombreuses entreprises étrangères de s’installer à Cuba de peur des représailles américaines, des pénalités financières et de l’augmentation des coûts de transaction.

11 Dans un rapport d’information déposé par la Commission des Affaires Etrangères et la Commission des finances de l’Assemblée Nationale sur l'extraterritorialité de la législation américaine, le président Pierre Lellouche et la rapporteure Karine Berger soulignent sa nocivité sous- estimée (Assemblée nationale, 2016). Ils dénoncent « les amendes colossales infligées par les Etats-Unis à des entreprises européennes. Les entreprises françaises ont particulièrement été frappées en 2014, année qui a vu la banque BNP-Paribas accepter de payer un montant record de près de 9 milliards de dollars pour avoir violé les embargos financiers des Etats-Unis contre plusieurs pays » (en particulier Cuba). « L’Office of Foreign Assets Control (OFAC ) , service du Trésor qui veille à l’application des sanctions internationales américaines dans le domaine financier, emploie environ 200 personnes et a un budget de plus de 30 millions de dollars ». .« Ainsi le droit est mis au service des objectifs de la politique étrangère et des intérêts économiques des Etats-Unis » soulignent les rapporteurs. La loi américaine dite Helms-Burton ouvre des facultés de rétorsion de caractère extraterritorial. Elle prétend sanctionner (par des poursuites civiles aux Etats-Unis et l’interdiction d’entrer sur leur territoire) les personnes et entreprises de toute nationalité ‘trafiquant’ (achetant, louant, prenant en gestion...) des biens confisqués par le gouvernement cubain à des citoyens américains (y compris les exilés cubains devenus ensuite américains). Une ingérence expresse dans le gouvernement d’un pays étranger à l’encontre de principes du droit international » concluent-ils.

12 Le diplomate Howlett-Martin (2017) rappelle que l’OFAC a interdit l’importation aux Etats-Unis d’équipements contenant du nickel en provenance de Cuba, de chocolat suisse fabriqué à partir de cacao cubain, il a fait saisir en janvier 2011 la contribution destinée à Cuba du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Global Fund) d’un montant de 4,2 millions de dollars.

13 Quelle définition faut-il donner de ces sanctions? La polémique terminologique oppose la définition cubaine ‘bloqueo’ (blocus) à la française (embargo). « C’est un blocus embargo, c’est moins qu’un blocus mais plus qu’un embargo », car « il empêche des tiers de commercer avec Cuba » précise l’ancien ambassadeur de France Jean Mendelson (2017).

14 Pour Cuba les raisons du rapprochement ne sont pas seulement économiques, commerciales et financières. Des contraintes politiques, sociales et générationnelles, régionales et internationales rendent nécessaire la normalisation avec les Etats Unis, une normalisation facilitée par l’ouverture économique en cours. Mais le pays est fragilisé, l’île est entrée dans un « quinquennat de transition » (Raoul Castro) difficile. Pour la direction actuelle, la transition en cours est un processus politique trop délicat pour en laisser la seule responsabilité aux successeurs. C’est pourquoi Raoul Castro avait saisi l’opportunité offerte par l’administration Obama pour engager de son vivant une négociation à hauts risques.

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Les défis de l’ « actualisation du modèle »

15 Le constat est presque général : le « modèle » économique est à bout de souffle. Sept ans ont passé depuis l’avertissement de Raoul Castro en décembre 2010 : « Le temps où l’on pouvait marcher au bord du précipice est fini. Soit nous rectifions, soit nous sombrons et l’effort de générations entières sombrera avec nous ». La révision du « modèle » est à l’ordre du jour. Les réformes engagées par Raoul Castro donnent plus d’importance au secteur privé, diminuent le poids de l’Etat et des dépenses sociales jugées insoutenables. La nouvelle loi sur les investissements étrangers adoptée en 2014 offre des avantages fiscaux importants, dont l’exonération pendant huit ans de l’impôt sur les bénéfices. Car les difficultés économiques perdurent, aggravées par les crises vénézuélienne et brésilienne. Cuba est donc confrontée à la crise de ses principaux alliés latino-américains et au revirement de l’imprévisible président américain Donald Trump.

16 Mais le rythme des réformes fait débat. Trop lentes pour les uns, elles vont trop vite pour les autres. Des prises de positions qui recouvrent des enjeux sociopolitiques. Bien que partielles, les réformes ont déjà provoqué une croissance significative des inégalités qui affaiblit la base sociale du régime. Les difficultés de la vie quotidienne suscitent des insatisfactions, la précarité s’étend, la loyauté envers le régime s’affaiblit. Viennent s’ajouter les transformations de la société cubaine induites par la libéralisation du secteur marchand. En 2015, 70,8% des salariés travaillaient encore pour l’Etat au lieu de 98% avant 1992. Les auto-entrepreneurs et les petites entreprises représentent désormais 30% de la population active, ce qui implique une autonomie personnelle et politique accrue à l’égard du pouvoir. La société cubaine est aujourd’hui beaucoup plus hétérogène, plus diversifiée. Alors que l’ancien ministre et président de la Junta Central de Planificación Humberto Perez (2016) souligne « la faiblesse que représente le fait que notre société soit déchirée et fracturée en différents segments inégaux économiquement et socialement avec une majorité de la population - ouvriers et employés du secteur d’Etat, retraités - qui ne perçoivent pas des revenus légaux7 suffisants pour vivre », la sociologue Daybel Panellas analyse (2015) « l’autre pôle de l’inégalité : les nouveaux riches, les gérants. Les réformes n’apportent des bénéfices que pour ceux qui occupent des positions privilégiées, l’argent s’impose comme une bannière permettant de se positionner socialement, d’établir des relations ».

17 Fidel Castro défendait une conception idéologique de l’homogénéité politico-culturelle du peuple et refusait les divisions sociales, raciales ou communautaires au nom de l’égalité et de l’unité nationale indispensables. Aujourd’hui, la diversité socio- économique fragilise un leadership peu habitué à gérer cette nouvelle fragmentation. Plus important encore, les générations qui n’ont pas connu la période prérévolutionnaire et qui sont nées avec la crise aspirent aux échanges, aux voyages, à l’information, aux nouvelles technologies, à Internet, à ce qui leur apparaît comme la modernité , une histoire contemporaine connectée. Ils voient la société à travers une multitude de groupes éclatés, souvent sans perspective. Humberto Perez fait un constat lucide : « Il faut tenir compte du fait que la majorité de la génération actuelle est née et a grandi au milieu des avatars et des pénuries de la ‘période spéciale’, 60 ans après le capitalisme, avec une lecture différente de notre processus révolutionnaire, en partie par ignorance ou par oubli, en partie à cause des écarts générationnels. Il y a une accumulation de besoins insatisfaits, d’attentes et d’aspirations régulièrement

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frustrées, alors que leur niveau culturel moyen est élevé, ce qui renforce leur exigence critique ». La société cubaine a rarement été aussi vulnérable.

18 Le débat économique n’est pas nouveau à Cuba. En 1996, les économistes Pedro Monreal et Julio Carranza avaient déjà évoqué - en vain - la nécessité d’une « restructuration économique » (Carranza J. et al, 1996). Aujourd’hui cette restructuration a commencé sous le vocable d’« actualisation ». La discussion est vive, elle porte sur l’ampleur et les rythmes d’application de la restructuration compte tenu des résistances sociales et politiques qu’elle rencontre. Comment et jusqu’où « actualiser le modèle économique » sans mettre en cause la stabilité politique et sociale? Quelle transition faut-il mettre en œuvre dans une conjoncture complexe que les destructions provoquées par l’ouragan Irma ont encore aggravée ? Ce sont les populations les plus pauvres qui ont le plus souffert, aiguisant les tensions sociales. En témoigne une alerte peu habituelle à La Havane où des habitants du quartier 10 de octubre se sont rassemblés dans la rue après le passage du cyclone pour protester contre le manque d’eau et d’électricité.

19 C’est dans ce contexte socio-politique très sensible que le débat sur la « conceptualisation du modèle économique et social 8» s’est engagé avant même sa ratification par le Comité Central du PCC. Ce texte définit les bases essentielles destineeś à « consolider les principes socialistes du pays » sur le plan économique et social. L’ « actualisation du modèle économique et social cubain » est présentée comme indispensable afin de « rendre irreversiblé la construction du socialisme ». Le parti communiste contrôle la mise en place de cette rénovation. Le rôle primordial de la propriété sociale sur les principaux moyens de production, la reconnaissance de divers types de proprieté ́ et de gestion et le « perfectionnement de la gestion socialiste de l’Etat sont affirmés » . Quatre formes de propriétés sont reconnues. « La proprieté ́ socialiste (dont les coopératives), la propriété mixte (entreprise étrangère en association avec une entreprise cubaine autorisée pour une période déterminée) , la propriété privée (personnes physiques ou morales, cubaines ou étrangères dans certaines activités autorisées au cas par cas pour les entreprises étrangères, et uniquement pour des petites ou moyennes entreprises pour les Cubains) et la proprieté ́ d’organisations associatives ».

20 Le débat longtemps feutré s’est développé chez les intellectuels et les économistes. Ces derniers divergent sur le rythme des réformes, sur les rapports entre la planification et le marché et sur la place du secteur privé. Comment éviter la concentration de la propriété et de la richesse dans le secteur non étatique ? Quelle est la dynamique de la transition en cours et de la démocratisation - ou pas- du système politique ? Pour le politologue Juan Valdès Paz « l’élément clé de ces réformes c’est la création d’une sphère où les entreprises sont réellement autonomes, basée sur la diversification des formes de propriété et de gestion, la diversité des agents économiques dans les différents secteurs de l’économie9 ». Désormais les analyses et le débat sont publics sur Internet10 et la liste des blogs est longue : Cuba Debate, El estado como tal, Cuba Posible, La Joven Cuba, Observatorio Crítico, Diario de Cuba, 14YMEDIO etc. Les échanges opposent d’anciens ministres, des cadres politiques du PCC, des intellectuels, des militants des différentes organisations populaires. Parmi les résolutions adoptées par le PCC et ratifiées par l’Assemblée nationale (ANPP), celle sur la « Conceptualisation du modèle économique et social cubain de développement socialiste » devait proposer une conception théorique générale et définir les rapports entre planification et marché.

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Mais le compromis intervenu entre les différentes positions brouille les cartes. Selon le point VI « la planification socialiste est la catégorie principale du système de direction, grâce à laquelle on élabore les objectifs à atteindre. Elle donne la priorité au développement stratégique, elle est centralisée, participative, et différenciée selon les instances ». Mais le point VII précise qu’il s’agit de « reconnaître, réguler, obtenir un fonctionnement adéquat du marché de sorte que les décisions administratives centralisées, en interaction avec les politiques macro-économiques et les autres, incitent les acteurs économiques à adopter des décisions en accord avec les intérêts de toute la société ». Comme on pouvait le prévoir, après l’adoption et la publication du texte, la discussion s’est poursuivie. L’accord est général sur le diagnostic de la gravité de la situation. Mais les avis divergent sur les solutions à apporter. Pour l’ancien ministre de l’Economie José Luis Rodriguez (2017), « Il ne faut pas perdre de vue que la planification a un potentiel très supérieur au marché pour parvenir au développement, comme le montrent les exemples de certains pays asiatiques tels que Singapour ou la Corée du Sud. Une planification plus flexible, qui tienne compte du marché, qui s’appuie pour son élaboration sur la participation populaire, devrait obtenir des résultats beaucoup plus efficaces pour l’économie ». Oscar Fernández, un autre économiste, résume ainsi sa position : « le défi de Cuba, c’est d’étendre le marché et de développer la planification11 ». Mais que faut-il planifier et jusqu’où ? Agustín Lage, ancien membre du Comité central et dirigeant du Centre d'immunologie moléculaire (CIM) est intervenu pour souligner la nécessité d’un budget planifié pour l’activité scientifique, alors qu’il est proposé qu’elle soit financée par les bénéfices commerciaux des entreprises, en particulier par BioCubaFarma12. Cette demande reçut une réponse réservée et dilatoire de la part de la ministre.

21 Le nouveau modèle économique suppose une autre conception du système de direction et de planification de l’économie. L’embauche de la force de travail par des agents privés est désormais autorisée, elle crée les prémisses d’un marché du travail. Pour le politologue Juan Valdès, l’embauche de salariés par le secteur privé va changer profondément le modèle économique en vigueur. De fait, toutes les réformes modifient la politique et le marché de l’emploi. En mars 2014, un nouveau Code du Travail a été approuvé, il définit les droits des salariés des petits entrepreneurs privés. Mais pour le juriste Julio Antonio Fernandez Estrada (2017), « ceux-ci sont évoqués de façon générique dans le Code du Travail mais il n’est pas précisé de régime spécifique pour les salariés des entrepreneurs privés. Il n’est pas spécifié que les contrats de travail ne peuvent être oraux, que le salaire minimum doit être indiqué, de même que le paiement des vacances et les horaires de travail ».

22 Humberto Perez (2016), président du Conseil central de planification de 1976 à 1985, estime qu’il y a urgence : il s’agit de «prendre les mesures adéquates pour sauver le caractère socialiste de notre processus pour lequel nous avons tant lutté et que nous risquons de perdre ». Mais le contenu réel de ce caractère « socialiste » ne fait pas l’unanimité. Officiellement le concept est maintenu. En réalité, pour certains partisans des réformes le seul objectif réaliste possible est la défense de l’indépendance nationale, ils contestent la lenteur des réformes, défendue par Raoul Castro, justifiée par des dirigeants du PCC au nom de la sauvegarde du socialisme. « On peut être d’accord sur le fait que le socialisme et le capitalisme ne sont pas compatibles » commente l’économiste Julio Carranza (2017) « mais je ne crois pas que nous soyons d’accord sur ce qu’est le socialisme ».

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23 Pour l’historien Fernando Martinez Heredia, “il n’ y a pas de capitalisme cubain possible, il n’a pas de possibilité de capitalisme cubain autonome, ce serait un capitalisme « nord-américano-cubain ». L’alternative ne peut être d’introduire des éléments du capitalisme en pensant que l’on va faire ce que d’autres dans le passé ont appelé un socialisme d’Etat , autrement dit une transition permettant à une quantité de fonctionnaires de se transformer en entrepreneurs. Ceci n’est pas faisable à Cuba. A Cuba, on ne peut pas dire “on va construire le capitalisme, mais ce ne sera pas un capitalisme néo libéral, vous verrez notre politique sociale sera très bonne. Tout cela n’est pas possible”.

24 De nombreux économistes réformateurs ont analysé les réformes chinoise (1978) et vietnamienne (1986 ) et notamment le rôle de la diaspora dans la dynamique économique initiale. Ils savent que pour « actualiser » le modèle économique et social, le rendre « prospère et soutenable » selon les termes de Raoul Castro, les ressources, les capitaux (ceux de la diaspora compris), les investissements étrangers sont indispensables.

La diaspora, pomme de discorde

25 La libéralisation et l’ouverture économiques devraient permettre de mettre à profit les ressources financières de la diaspora cubaine, comme l’ont fait la Chine et le Vietnam qui ont su utiliser le potentiel financier de leur émigration. La diaspora cubaine est à la fois une des solutions à la crise mais elle est aussi une source de tensions. L’émigration cubaine aux Etats- Unis n’est comparable ni à la chinoise ni à la vietnamienne. Pour comprendre son caractère exceptionnel, il faut revisiter l’histoire et la géographie. Des liens historiques unissent la Floride et Cuba, séparés seulement par une étendue maritime de 200 kms. Mais après 1959 ces exilés étaient en territoire « ennemi » et ont été traités comme tels pendant de longues années, Fidel Castro les avait surnommés les gusanos (les vers de terre). L’effondrement de l’URSS a changé la donne. Les élites cubano- américaines issues de la première immigration, celle de la grande bourgeoisie, ont construit en cinq décennies la plus grande concentration cubaine à l’extérieur de l’île. Elles ont « latinisé » Miami, elles en ont fait une « ville carrefour» (Jolivet V., 2015) entre l’Amérique du Nord et celle du Sud, un centre d’affaires où se négocient des transactions financières internationales, elles y ont construit un empire immobilier. Leur puissance financière leur a permis de former un lobby très influent au sein de l’administration américaine faisant de la question cubaine un problème de politique intérieure. Elles exercent aussi un pouvoir et un contrôle politique important sur les 1 500 000 Cubains arrivés au fil des ans qui vivent sur ce territoire. Le rapport de cette « troisième Amérique 13» et de ses élites avec leur pays d’origine n’a cessé d’être conflictuel. Dans les familles déchirées, l’histoire croisée oppose récits et contre-récits, des mémoires et des représentations contradictoires dont témoignent les deux monuments célébrant l’expédition de la Baie des Cochons en 1961 érigés l’un à Miami, en l’honneur des vaincus de l’expédition, et l’autre à La Havane célébrant la victoire de la résistance populaire sur les envahisseurs.

26 Nécessité faisant loi, La Havane a multiplié ces dernières années les tentatives pour diviser politiquement la diaspora. Les émigrés les plus récents diffèrent en effet de ceux qui les ont précédés : leurs motivations sont moins politiques et plus économiques, ils n’adhèrent pas aux propositions agressives des représentants de la Cuban American

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National Fondation (CANF) comme le montre l’appui dont a bénéficié la politique de Barack Obama lors de l’élection présidentielle. Comme le constate l’ancien ambassadeur Jean Mendelson (2017) , « on assiste au sein de l’exil à un changement générationnel. Il y a ceux qui sont partis au début de la révolution, qui ont haï toute leur vie « les frères Castro » et qui font penser souvent aux émigrés de la Révolution française rentrés au bout de 25 ans sans avoir ‘rien appris ni rien oublié’. Dans le cas cubain cela fera bientôt soixante ans, et cette opposition est en voie de disparition ». Selon les résultats d’un sondage publié par l’université de Miami, « la majorité des exilés souhaitent une plus grande ouverture vers leur patrie d’origine et se prononcent contre l’embargo. En 1991 ils n’étaient que 13% contre 22% en 1997, 34% en 2004, 46% en 2011 et 52% en 201414.

27 Mais le poids politique des élus cubano-américains - républicains surtout mais aussi démocrates dans une moindre mesure - reste encore considérable. Sous l’influence de Marco Rubio, ancien candidat républicain à l’élection présidentielle et sénateur de Floride, le président Donald Trump a remis en cause le rapprochement impulsé par son prédécesseur. Ce contexte politique est d’autant plus sensible dans l’île qu’une partie de la population perçoit avec amertume la réussite et l’aisance matérielle de ceux qui étaient partis et qui reviennent, même temporairement.

28 D’ores et déjà l’impact des ressources financières provenant de l’émigration se fait sentir. D’après José Luis Rodriguez, ancien ministre de l’Economie, « les envois d’argent sont en hausse, ils atteignent environ 3 milliards de dollars par an », une somme encore supérieure selon certains. On estime qu’environ 50% des envois sont investis par leurs récepteurs et les autres 50% sont destinés à la consommation ». Il faut ajouter à ces envois les revenus directs en CUC ou en devises qui proviennent des locations de chambres dans les maisons ou les appartements privés (on estime qu’il y en a au moins 20.000), les gains des petits restaurants privés (paladars), des chauffeurs de taxis et autres auto entrepreneurs qui vendent leurs services directement aux étrangers, sans oublier les pourboires et les gratifications dont bénéficient ceux qui travaillent dans des entreprises étrangères, les ventes de maisons à des étrangers, les revenus des « escort girls » etc. Autant de facteurs qui exercent une pression sur les prix très élevés des marchés, notamment des produits agricoles où la population s’approvisionne ». Et Jose Luis Rodriguez (juillet 2017) de conclure « En pratique c’est comme si on ouvrait les portes de notre pays à une population qui réside dans un autre, et qui vient acheter sur nos marchés grâce aux revenus qu’elle a gagnés dans un autre pays, et dont le montant dépasse la demande solvable de la population de l’île ». Ces composantes exogènes concernent une minorité, environ 20 à 25% de la population, mais ces secteurs ont la capacité de payer leurs achats à des prix très élevés et d’absorber ainsi une offre de produits très limitée. L’importance de cette aide extérieure est manifeste dans la vie quotidienne, notamment pour les communications téléphoniques. Lorsqu’elles sont interrompues, ce sont les familles à l’extérieur du pays qui règlent la facture afin de pouvoir rester connectées.

Le débat politique et historique

29 Autre sujet en discussion : les changements institutionnels et politiques doivent ils accompagner les réformes économiques ? La mort de F. Castro et la fin prochaine de la génération révolutionnaire mettent à l’ordre du jour le bilan historique et les nouvelles

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perspectives stratégiques. La critique politique est aujourd’hui publique même si elle est surtout réservée à ceux qui ont accès à Internet. « Il faut éliminer les comportements autoritaires. Le système doit promouvoir la discussion, le débat, impulser la différence y compris les divergences » écrivait Martinez Heredia (2017). Le débat est croisé. Les analyses et les prises de position ne sont pas homogènes. Certains dirigeants du PCC font valoir que, face à la politique agressive engagée par Donald Trump, l’unité est incontournable, il ne faut pas donner des armes à l’ennemi en se divisant. Un argument repris par Raoul Castro (2011) : « Cuba fait partie des quelques pays dans le monde qui peuvent transformer leur modèle économique et sortir de la crise sans traumatismes sociaux parce que nous avons un peuple patriotique, puissant, grâce à la force que représente son unité monolithique, la justesse de sa cause et sa préparation militaire ».

30 Mais il n’est pas sûr que cette « unité monolithique » déjà préconisée par Fidel Castro à l’époque de la guerre froide fasse consensus aujourd’hui. « Le modèle social paternaliste, le contrôle et la surveillance ne sont pas possibles dans un pays éduqué » (Cárdenas H., 2017). L’héritage soviétique est de plus en plus contesté, en particulier par les nouvelles générations, mais la tradition nationaliste radicale et autoritaire héritée des guerres d’indépendance reste très vivace .

31 Pour comprendre les termes du débat il faut rappeler que si, pour les Cubains, la chute de l’URSS a été une catastrophe économique et commerciale et un traumatisme politique et idéologique majeur, aucune explication, aucune analyse officielle n’ont été données de cet effondrement. La glasnost et la perestroïka étaient, il y a peu encore, des termes tabous. L’implosion soviétique fut comparée par Fidel Castro à « l’effondrement d’une meringue » (desmerengada) et présentée implicitement comme la conséquence des réformes de M. Gorbatchev. Aller au-delà aurait supposé de faire le bilan du régime soviétique, de ses institutions, de ses échecs, mais une telle analyse aurait aussitôt imposé de dresser en parallèle un bilan de la politique cubaine. « Nous avons trop copié » affirmera Fidel Castro mais il n’en dira pas plus. Pour l’économiste Julio Carranza (juillet 2017), « ce silence représente un lourd handicap », car « sans une discussion rigoureuse de l’expérience historique du socialisme réel, il est très difficile de parler sérieusement de son avenir où que ce soit, mais encore plus dans les conditions concrètes de Cuba. Parmi les débats nécessaires, il faut discuter des problèmes que le socialisme historique n’a jamais résolu de façon adéquate en quelque lieu que ce soit, notamment la question du marché et celle de la démocratie. Je ne peux que préciser ici que le socialisme doit garantir la souveraineté de tout le peuple, pas la souveraineté de la bureaucratie ». Une bureaucratie obsolète particulièrement contestée par les jeunes générations, souvent victimes de l’arbitraire, de l’autoritarisme voire des abus de pouvoir des fonctionnaires. Parfois anecdotiques, les exemples abondent de comportements qui frisent le ridicule, telle cette interdiction faite à une étudiante française en short de rentrer dans une bibliothèque au motif que son short était inconvenant15 (dans une île où la chaleur avoisine souvent les 30 degrés), ou plus grave, le renvoi de son poste universitaire d’un enseignant, Julio Antonio Fernández Estrada (Cárdenas H., janvier 2017). De nombreux blogs animés par des jeunes se font l’écho de ces pratiques et réclament des changements.

32 La démocratisation du système est considérée comme la condition de l’efficacité des réformes économiques, voire comme un contrepoids au marché par certains cadres politiques ou intellectuels mais ils sont peu nombreux. Ils rappellent que l’ouverture au

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marché n’est pas synonyme d’ouverture politique, ce que confirment les exemples chinois ou vietnamien. Pour le sociologue Juan Valdès Paz (2014)16, les changements institutionnels sont incontournables. Mais comment réformer le système sans affaiblir la base populaire de la révolution qui explique en grande partie la longévité du régime ? Des questions qui divisent aussi bien les économistes, la bureaucratie, les militants, les intellectuels, sans oublier l’Eglise catholique17 dont le rôle , comme celui du Pape François, a été important dans la négociation avec l’administration Obama. L’Eglise est elle aussi partagée entre plusieurs positions. Certaines publications dirigées par des catholiques laïques telles que Cuba Posible, ont une perspective pluraliste et alimentent le débat politique en cours.

33 « Ce modèle économique impliquant des inégalités sociales plus importantes doit être complété par un développement plus grand de la démocratie. Les institutions devront être radicalement démocratisées et garantir des droits reconnus dans la Constitution : la participation des producteurs et des consommateurs au processus de planification, le contrôle du plan et des politiques économiques par la population grâce à un débat public et permanent, la participation directe des travailleurs à la gestion économique de leurs entreprises » affirme Juan Valdès Paz (2014).

34 L’ « actualisation » devrait donc être le point de départ d’une réforme plus complète de l’ordre constitutionnel afin de donner une légitimité politique au nouveau modèle économique.

2018 : les contraintes politiques de la succession

35 Pour le gouvernement, l’urgence est de concrétiser la dernière étape de la transition générationnelle en assurant une transition politique inédite, sans compromettre la stabilité du régime lorsque s’achèvera le mandat présidentiel de Raoul Castro en février 2018. Un pari que l’élection de Donald Trump a rendu plus difficile.

36 De nombreuses incertitudes demeurent concernant les modifications constitutionnelles. Elles sont débattues dans une Commission dont on ignore pour l’instant les conclusions finales. Mais le rôle dirigeant du Parti communiste cubain et sa suprématie dans la gestion des affaires de l’Etat seront réaffirmés. Le PCC est, avec les Forces Armées, le principal acteur du processus de réformes économiques18. Seules deux propositions sont connues : la première concerne la nécessité de séparer le PCC et la gestion étatique, administrative, jusqu’alors toujours confondus. Ce principe a déjà été réaffirmé dans le passé mais jamais appliqué. Il sera cette fois au moins formellement mis en œuvre puisque pour la première fois le président de la République et le premier secrétaire du PCC ne devraient plus être incarnés par la même personne. Miguel Diaz Canel, déjà premier vice-président , devrait remplacer Raoul Castro à la tête de l’Etat, ce dernier restant - mais pour combien de temps ?- premier secrétaire du PCC. Son successeur demeure jusqu’alors inconnu. La deuxième décision, annoncée par Raoul Castro, est significative : les postes clés de la direction politique et de l’Etat seront désormais limités à deux mandats de cinq ans. La succession ne concernera donc pas seulement Raoul Castro. Tous les cadres issus de la génération qui a combattu pour renverser la dictature de Fulgencio Batista en 1959 seront remplacés. D’autres propositions sont en discussion. La place des organisations populaires devrait être redéfinie pour qu’elles reflètent davantage la diversité de la société et soient plus autonomes.

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37 L’exigence d’un Etat de droit est sans doute l’une des revendications les plus pressantes. « Nous entendons par là des normes et des institutions créées sur des bases démocratiques auxquelles sont subordonnées les institutions de l’Etat et de l’Administration publique » précise un interlocuteur. Lors d’un débat public un participant confirme :"A Cuba l’Etat de droit connaît de sérieuses difficultés »19. Il faut protéger les droits des citoyens, dénoncer les comportements bureaucratiques y compris publiquement et les sanctionner civilement, et pénalement si nécessaire, ajoute un autre.

38 Pour le sociologue Juan Valdès, il ne fait pas de doute que « le nouveau modèle économique et la réforme constitutionnelle donneront lieu à une lutte idéologique intense entre les différents secteurs et courants politiques internes ». Et de conclure : « Le socialisme ne peut retarder la démocratie qu’il a promise », une affirmation loin de faire consensus.

39 L’évolution des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats Unis conditionnera fortement les changements politiques. L’élection de Donald Trump a déjà changé la donne. Pour le nouveau président américain, Cuba serait « un régime corrompu, déstabilisateur ». En déterrant la hache de guerre, Donald Trump renforce la conviction de la direction cubaine que la souveraineté nationale de l’île n’a jamais cessé d’être menacée. Celle-ci pourrait en conséquence chercher à resserrer les rangs, en contrôlant plus étroitement, et au besoin en ralentissant le processus de libéralisation économique et en fixant un cadre limité aux réformes institutionnelles.

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En savoir plus : Juventud Rebelde : http://www.juventudrebelde.cu 14YMEDIO : www.14ymedio.com/ Cuba Posible : https://cubaposible.com/ Observatorio Critico : https://observatoriocriticocuba.org/ Havana Times : www.havanatimes.org/sp/ Noticias de Cuba : [email protected] Diario de Cuba : www.diariodecuba.com/ Cubaencouentro : https://www.cubaencuentro.com/

NOTES

1. Cuban Liberty and Democratic Solidarity (Libertad) Act, 1996. 2. Commission for Assistance to a Free Cuba (CAFC). Elle a été créée par le Président George W. Bush le 10 Octobre 2003. 3. La loi est explicite : « The President is only permitted to “take steps to suspend the economic embargo” if a transitional government receives official recognition from Congress. Furthermore, a government in Cuba will not be considered “in transition to democracy” if Fidel or Raul Castro is in any way involved ». 4. Deux caractérisations utilisées par les Cubains pour signifier la différence entre les deux politiques. 5. Concept développé par un universitaire américain, Joseph Nye. 6. L’embargo date de 1962. 7. D’où l’importance du marché noir et de l’économie informelle.

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8. « Conceptualización del modelo económico y social cubano de desarrollo socialista », 13 juillet 2017, www.cubadebate.cu. 9. Entretien oral avec l’auteur, mai 2016. 10. Il n’en est pas de même dans les médias et les journaux officiels. 11. Entretien oral avec l’auteur, mai 2016. 12. BioCubaFarma , ‘Grupo de las Industrias Biotecnológica y Farmacéutica de Cuba’ est une entreprise qui produit des médicaments, des équipements et des services de haute technologie. Avec plus de 21 600 salariés, des centaines de spécialistes de haut niveau et 62 installations de production, c’est une industrie stratégique. 13. L’expression est de Violaine Jolivet. 14. Miami Herald, 17 juin 2014. 15. Témoignage de Leslie Thiercelin, septembre 2017, Paris, Mémoire de recherche sur la santé à Cuba. 16. « Los cambios institucionales que vendrán », 5 mai 2014. 17. La médiation de l’Eglise a également été utilisée par le gouvernement dans ses rapports avec la dissidence. 18. Il n’est pas possible dans le cadre de cet article d’analyser le poids très important des Forces Armées dans l’économie et le rôle d’une partie des militaires dans la gestion des entreprises. 19. Lors de la réunion El Último Jueves organisée à La Havane par la revue Temas, juin 2014.

RÉSUMÉS

L’amélioration des relations entre Cuba et les Etats-Unis est fondamentale pour des raisons géographiques, historiques et économiques. Les Etats-Unis sont le lieu de résidence de près de deux millions de Cubains émigrés, c’est le marché naturel qui convient à Cuba en raison de sa proximité, de son importance économique et commerciale. L’absence de relations normales avec les Etats-Unis, les sanctions économiques et commerciales et l’embargo imposé depuis plus d’un demi-siècle compromettent le développement économique du pays et sa stabilité sociale. Alors que le pays est engagé dans une transition difficile, le rétablissement des relations diplomatiques et la distension opérée sous la présidence Obama sont menacés par la présidence de Donald Trump.

The improvement of the bilateral relationship between the United States and Cuba is crucial for historical, geographical and economic reasons. The United States is now home to some two million people of Cuban origin. Due to its geographical proximity, its economic and commercial significance, it represents a perfect market for Cuba. The lack of normal relations with the United States, added to economic and commercial sanctions and a half-a-century old embargo, thwart the economic development of Cuba and its social stability. While the country is now involved in a difficult transition, the restoration of diplomatic relations and the thaw undertaken under the Obama Administration are now threatened by President Donald Trump.

La mejora de las relaciones entre Cuba y los Estados Unidos se debe fundamentalmente a razones geográficas, históricas y económicas. Los Estados Unidos es el lugar de residencia de dos millones de emigrantes cubanos y es un mercado natural conveniente para Cuba por su cercanía y su importancia económica y comercial. La ausencia de relaciones normales con los Estados Unidos,

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las sanciones económicas y comerciales así como el embargo impuesto desde hace más de medio siglo ponen en peligro el desarrollo económico del país y su estabilidad social. Mientras el país inicia una transición difícil, el restablecimiento de las relaciones diplomáticas y la distención operada durante la presidencia de Obama corren peligro bajo la presidencia de Donald Trump.

INDEX

Keywords : Normalization, embargo, reforms, transition, diaspora Palabras claves : Normalización, embargo, reformas, transición, diáspora Mots-clés : Normalisation, embargo, réformes, transition, diaspora

AUTEUR

JANETTE HABEL

Janette Habel est politiste, spécialiste de Cuba. Après avoir été maître de conférences à l’Université Paris Est, elle est actuellement chercheur, animatrice du groupe de travail sur Cuba à l’Institut des Hautes Etudes de l'Amérique Latine (IHEAL) avec Stéphane Witkowski. [email protected]

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Engage or Isolate? Twenty years of Cuban Americans’ Changing Attitudes towards Cuba—Evidence from the FIU Cuba Poll ¿Acercamiento o aislamiento? Veinte años de cambios en las actitudes de los cubanoamericanos hacia relaciones entre Cuba/EE.UU. - Evidencia del FIU Cuba Poll Rapprochement ou isolement ? Vingt ans de changements dans l’attitude des Cubains- Américains à l’égard de Cuba à la lumière des sondages FIU Cuba

Guillermo J. Grenier

Introduction

1 While the flow of Cubans to the United States dates back to the 19th Century (Poyo G., 1989), it is widely recognized that the contemporary Cuban presence in the United States is linked to the conditions created by the Revolution of 1959 and the geopolitics of the Cold War. Whereas previous migrations established communities in New York, Tampa and Key West, the post-1959 Revolution migration created in Miami-Dade County the largest Cuban diaspora population in the country. Almost half of the 2 million Cuban Americans in the United States live in Miami-Dade County. Most are post 1959 migrants (Lopez M.H. and J.M. Krogstad, 2014).

2 Because of its anti-Revolutionary origins, it is often assumed that the community’s sociocultural and political characteristics are monolithic. That is, all Cubans in the United States are viewed as being made of the same anti/counter Revolutionary cloth, fiercely loyal to the Republican Party and supportive of U.S. policies which delegitimize and isolate the Cuban government. This monolithic view of the Cuban émigré is particularly directed at the Cubans living in the Miami-Dade metropolitan area. As

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Figures 1 and 2 make clear, Cubans are the dominant Latino group in Miami-Dade County. These Cuban Americans are frequently characterized by their monolithic ideological “right wing” leanings. This “Exile Ideology” shapes the national perception of the nature of the Cuban American community (Perez L., 1992; Grenier G. and L. Perez, 2003). To the degree that non-Cuban Americans think of Cubans in the Miami area, they are frequently characterized by their political features: staunch anti- Castrism, militancy and political conservatism (Uhlander C. and F.C. Garcia, 2005).

Figure 1: Ethnic Make Up of Miami Dade County: 2010 Census

U.S. Census 2010

Figure 2: Latino Origin Population: Percent of Total Population (2% or more)

U.S. Census, 2010

3 Yet, in recent decades the Cuban community has grown increasingly diverse, ideologically and economically. Since the Mariel Boatlift in 1980 and, more recently, since the regularization of immigration brought about by the 1995 Immigration

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Agreement, which instituted the “wet foot/dry foot policy, and the changes in Cuban migration policy of January 2013, the Cuban population of Miami has developed socioeconomic and political characteristics unlike the earlier arrivals (Fernandez G., 2007; Newby C.A. and J. A. Dowling, 2007; Portes A. and A. Puhrmann, 2015). The diversification of ideological perspectives among Cubans is evident in the shrinking allegiance to the Republican Party. From the high of 70% percent in the 1990s to an estimated minority of 46% of Cubans in Miami Dade are registered Republicans (Grenier G. and H. Gladwin, 2014). The diversification of the Cuban community can be observed across a wide range of attitudes and has contributed to the creation of a socio/political profile of the Cuban American community that is more aligned to the State and national Latino realities.

4 The existence of a diversity of political attitudes within the Cuban American community based on time of arrival in the United States has been well established in the literature (Grenier G., and L. Perez, 2003; Eckstein S. and L. Barberia, 2002, Eckstein S., 2009; Girard C. and G. Grenier, 2008; Girard C. et. al. 2010; Girard C. et al. 2012). The waves of departure from Cuba have been associated to the variation of attitudes to the embargo (Girard C. et. al, 2010), Republican Party registration (Girard C. and G. Grenier, 2012) and other measures of Cuban American political attitudes specifically related to U.S./Cuba policy (Grenier G. and H. Gladwin, 2014). Much of the empirical evidence for the argument supporting changing views comes from the FIU Cuba Poll, a poll which has tracked Cuban American attitudes about U.S. Cuba policy since 1991. Since its inception, the FIU Cuba Poll has measured the attitudes of Cuban Americans living in South Florida towards U.S./Cuba relations. The standardization of key questions as well as the frequency of the poll has allowed the understanding of the changing nature of Cubans in the United States, particularly its growing ideological diversity. This paper analyzes data from the 1997 to 2016 FIU Cuba Poll to explore the diversification of views within the Cuban American population in Miami-Dade County toward U.S./Cuba policies that encourage engagement with or promote isolation of the island.

5 In this article, I will present data from the combined data set of the Cuba Poll from 1997 to 2016. After reviewing the methodology, and establishing the theoretical framework, I will present the results of the key variables by poll year. This allows us to see change over time in the attitudes of the entire Cuban American population in Miami-Dade County. To view the changes by waves and generation, I will then present the data according to the time of respondent departure from Cuba and whether the respondent was born in Cuba or in the United States. A discussion of the trends will serve as a conclusion to the presentation.

Methodology

Sample

6 Data for the present analysis are taken from a data set combining eight Cuba Polls, from 1997 to 2016 (Figure 3). Each survey was conducted among Cuban Americans in Miami Dade County. The combined sample is comprised of 7731 valid respondents contacted via telephone using standard random digit dialing procedures. The data have been weighted to be representative of the appropriate demographic characteristics of the Cuban American population during each poll year.

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Figure 3: Cuba Polls 1997-2016 by Poll Year (Sample Size and Margin of Error +/-)

Source: FIU Cuba Poll: 1997-2016

Variables

7 Based on the theoretical frameworks which hypothesize distinctive world views based on distance from the foundation event (Sewell W., 2005), generation, (Mannheim K, 1952; Eckstein S., 2009) and wave (Grenier G., 2006), the present work analyses the results of the 1997-2016 Cuba Polls to explore the change over time of opinions on US/ Cuba policy among different generations and waves of Cuban American migrants living in the Metropolitan Miami Area.

Dependent Variables

8 We focus on the core attitudinal variables asked in all of our polls: 1) support for the embargo; 2) opposition to the establishment of diplomatic relations; 3) opposition to unrestricted travel by all Americans to Cuba; 4) having traveled to Cuba; 5) opposition to the selling of food to Cuba; and 6) opposition to selling medicines to Cuba.

Independent variables

9 Considerable research using independent FIU Cuba Polls has shown that more recent immigration waves, as well as Cuban Americans not born on the island, are the least supportive of some of the key components of the “exile ideology, although the individual components have not been tested to see if they measure a unitary concept (Grenier G., 2006; Girard C. and G. Grenier, 2008; Girard C. et. al. 2012). In this analysis we simplify the waves, based on previous research. We will look at four waves: 1959-1979, 1980-1994, 1995-2004 and 2005-2016. To test the impact of “generations” on isolationist attitudes toward the island, we compared the isolationist attitudes of Cubans born outside of Cuba with those born in Cuba. Birth outside Cuba served as a rough indicator of the second generation.

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Change Over Time: Moving Away from Revolution and Exile

10 Before presenting the changes in the attitudes of the Cuban American population in the last twenty years, it is important to conceptualize the importance of the event from which all attitudes stem: the Triumph of the Cuban Revolution in 1959. All analyses of the changing nature of Cuban American attitudes implicitly or explicitly give primacy to the Revolution in shaping the nature of the Cuban migration and Cuban perspectives of the homeland. Indeed, events in the homeland have served as the “push factor” for all of the major migration waves of Cubans into a diasporic existence. The framework borrowed from Pedraza-Bailey (1985) describes the varying characteristics of Cuban immigration as the result of the “changing phases of the Cuban revolution” (Pedraza- Bailey S., 1985: 4). The abrupt structural changes initiated by the Revolution during its early phases transformed the society and were eventually institutionalized into the bureaucratic operations of the nation-state. Both the processes of restructuring and those of bureaucratization had differential influences on the shaping of the migrant “vintages.” The “waves” frame utilized by Grenier and collaborators implies changes in U.S. policy and events in Cuba which stimulate the opening and closing of the migratory “faucet” (Perez L., 1992). Early migrations are motivated by the Revolutionary restructuring of the Cuban socioeconomic environment and subsequent waves are motivated by events that facilitated departures or easier arrivals to the United States. Similarly, the three historical generations analyzed by Eckstein are associated with three significant events in revolutionary Cuba: the Revolution itself, the Mariel Boatlift, and the Special Period brought about by the dissolution of the Soviet Union.

11 The importance of events in the continued migration of Cubans to the United States can be framed by utilizing the lens of social historians. Social historians place great emphasis on the importance of the ‘event’ in shaping the lives and life chances of individuals experiencing it. Events are not just out of the ordinary happenings that draw our attention. The World Cup is an event, as is the birthing of a Royal baby, but they are not the types of occurrences that social historians consider to be of eventful social significance. Events, for historians, are social occurrences which “transform social relations” (Sewell W., 2005: 8). In Sewell’s words, “…when historians argue for the importance of events, they have in mind occurrences that have momentous consequences, that in some sense “change the course of history” by transforming social structures and the institutions which stabilize social rituals and relationships (Sewell W., 2005: 200, 226). Such transformations unleash a chain of occurrences that durably transforms previous structures and practices. In their transformation of social structures (economy, politics, religion, etc.), events establish long term trends which, in turn, transform social relations over time and become the subject of social analysis. For social historians “[time] is fateful. Time is irreversible in the sense that an action, once taken, or an event once experienced cannot be obliterated. It is lodged in the memory of those whom it affects and therefore irrevocably alters the situation in which it occurs. (Sewell W., 2005: 7).

12 In our specific case, the Triumph of the Cuban Revolution in 1959 is the foundation event which initiated a sequence of subsequent events which shaped the motivations

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and options of migrants during specific periods since 1959. The first cause of the contemporary migration flow from Cuba to the United States was the Cuban Revolution of 1959. This event transformed the political structures of Cuba overnight and continued to restructure all of Cuban society for decades afterwards. The earliest of the migrants were motivated to leave their homeland not out of a desire to start new lives in a more promising sociocultural environment but out of fear that their lives would be negatively affected by the new order. Although few imagined that they would never return to their home, many of these earliest migrants considered themselves exiles and most suffered a loss of property and a diminished quality of life in their transition to the new land.

13 When we measure change over time, we are measuring change in attitudes in relation to this foundation event. We should expect that measurements of attitudes most proximate to the Triumph of the Revolution will express the harshest views against engaging the State apparatuses emerging from the Revolution. Similarly, as we posit when we look at the date by wave and generation, those who left the island as a direct result of the Revolution’s triumph will hold the most hostile attitudes towards the ensuing government. While the Revolution was the first cause of all subsequent events, the sequence of significant events made possible by the Revolution had an impact on the migration flow between Cuba and the United States.

Of Waves, Vintages and Generations

14 Three frameworks have been utilized over the years to explain the emergence of a patterned ideological diversity within the community; the continuous flows of Cubans to the U.S. have been characterized as belonging to different “vintages,” “waves,” and “generations.” In one of the earliest attempts to frame the Cuban migration in a context which recognizes its diversity, Pedraza-Bailey (1985) invokes the concept of “vintages” of migrants, formulated by Kunz (1973) to frame the causal forces shaping the differences evident in Cubans living in the U.S. at the time of her writing. The concept of “vintages” was formulated by Kunz as the foundation of a theory of refugee migration which recognized a distinction between refugee migrations that occur as immediate responses to structural changes and those that respond to changes that take a longer time to develop. As the sociopolitical situation changes during times of crisis in a country, groups of individuals will respond differently to the changes. “As the political situation ripens for each, they leave the country as distinct ‘vintages’ each usually convinced of the moral and political rightness of his actions and implicitly or openly blaming those who departed earlier or stayed on.” (Kunz E. F., 1973: 137). These “vintages” of immigrants are distinct in “character, background, and avowed political faith (Kunz E.F., 1973: 137; Pedraza-Bailey, 1985: 4).

15 Grenier and collaborators, using the data from the FIU Cuba Poll, have explored the primacy of waves of departure in establishing the attitudinal patterns of Cuban émigrés to the United States. The “waves” are determined by significant changes in the migration flows between the two countries. Most analyses utilize the waves established by Grenier (2006) of eight cohorts: 1919-1958, 1959-1964, 1965-1973, 1974-1979, 1980, 1981-1989, 1990-1995, and 1996-2004 (Girard C. and G. Grenier, 2008). The earlier departures consistently express more support for the U.S. policies which isolate and attempt to destabilize the Cuban government while the most recent arrivals

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consistently hold more conciliatory views (Grenier G., 2006). This pattern has been maintained since the poll’s inception in 1991 although the variance between the earliest and most recent arrivals has increased over the years (Grenier G. and H. Gladwin, 2014).

16 Eckstein (2009) utilizes an adapted version of Mannheim’s conceptualization of “generations” to identify three significant migration periods which shaped the characteristics of the Cuban immigrants: the period covering the Revolution and its aftermath produced the Exile émigré; the exodus authorized from the port of Mariel in 1980 produced the Marielitos; and the economic crisis resulting from the dissolution of the Soviet Union on December 25, 1991 gave rise to the migration of the “New” Cubans. These three migrations cohorts represent three different “meaningful generational experiences” that differentiate the immigrants from each other in the new country (Eckstein S., 2009: 39). Using the frequency data from various FIU Cuba Polls, Eckstein notes the different attitudes towards US/Cuba policy among the different waves of Cuban migrants and second generation (born in US) Cuban Americans. The New Cubans and the Second Generation are more likely to hold views encouraging engagement between the nation states as well as between individual Cubans. The political motivations of the early migrants, self-described as Exiles, are not shared by later waves of migrants. The economic factors influencing and often determining the migration decisions of the Cubans leaving the island after the fragmentation of the Soviet Union did not serve as motivators for the early arrivals. “With different pasts, the different émigré waves arrived with different perspectives on life in general and towards their homeland in particular.” (Eckstein S., 2009: 3).

Data Presentation and Results

Change Over Time

17 Figures 4 through 7 show the variables by poll date. The trends are clear. There is a general shift in the Cuban American population towards a more conciliatory approach to dealing with Cuba. The position of isolation is slowly turning into a great support for engagement with the island’s socioeconomic and political structures.

18 From the slight majority of fifty-six percent in 1997, support for the sale of medicines to Cuba increased to eighty-six percent by 2016. Similarly, the increase of support for the sale of food products doubled (40.8%/80.8%) in twenty years (Figure 4).

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Figure 4: Support for Sale of Food and Medicine

FIU Cuba Poll: 1997-2016

19 An increase in the desire for engagement can be seen in the trends associated with two other variables: the desire to make travel to Cuba available to all Americans and having traveled to Cuba. In 1997, only thirty percent of Cuban Americans in Miami-Dade County supported a policy of unrestricted travel to Cuba for all Americans. By 2016, over seventy-three percent expressed support for this policy change. The frequency of travel by Cuban Americans also increased during the two decades. Only twenty-three percent of Cuban Americans had traveled to Cuba by 1997. This rose to forty-five percent by 2016. (Figure 5)

Figure 5: Support for Unrestricted Travel and Have Traveled to Cuba

FIU Cuba Poll: 1997-2016

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20 On the diplomatic front, after a keen interest expressed in the 2000 poll for establishing diplomatic relations, presumably due to the tensions associated with the Elián González affair, the policy lost support but again became the preference of the majority in 2007. By 2016, a year after the establishment of relations on July 20, 2015, sixty-nine percent of Cuban Americans approved of the policy change. The expressed opposition to the embargo mirrors this trend. Opposition to the embargo was weak back in 1997 when only twenty-two percent of the Cuban American population opposed the long-standing policy. The latest poll reflected the changes in attitudes within the population as sixty- three percent opposed the continuation of the embargo (Figure 6).

Figure 6: Support for Diplomatic Relations and Opposition to Embargo

Source: FIU Cuba Poll: 1997-2016

21 The trend in the key variables presented is clear. The general population of Cuban Americans in Miami Dade County has undergone a transition from a population resisting engagement with Cuba to one interested in more engagement. Now let us review the data based on time of departure from Cuba and generation.

Change by Waves and Generations

22 Table 1 shows the percentage of Cuban Americans supporting the hardline isolationist policies, broken down for the four major waves and by generation (whether born in Cuba or not). The table shows a considerable gap between the weak support for engagement policies in the first post-revolutionary waves (1959-1979) and the highest level of support in the last wave (2005-2016). The attitudes of the Second Generation tend to align with the more engagement conscious attitudes of the last two waves.

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Table 1: Support for Isolationist Policies for Entire Combined Samples Percentage Supporting Isolationist Policies by Generation, Nativity, Event Waves, 2014

Favor Favor Independent Oppose Unrestricted Have Support Food Support Med Diplomatic Variables Embargo Travel for Traveled sales Sales Relations All

Generations:

Not Cuba 48.9% 69.9% 60.7% 19.9% 72.2% 78.2% Born

Waves:

1959-1979 26.1% 38.6% 32.3% 26% 41.9% 58.1%

1980-1994 43.3% 57.9% 53.2% 41.6% 62.7% 70.8%

1995-2004 58% 73.8% 77.5% 49.4% 80.3% 87.3%

2005-2016 70.5% 89.5% 87.4% 35.1% 89.9% 91.3%

FIU Cuba Poll, 1997-2016

23 Figures 7 through 9 present the trends—clearly towards engagement—exhibited by the most recent waves of migrants. Support for sales of food and medicine trended strongly towards a support for more engagement among the most recently arrived cohorts of migrants. Those arriving during the first two decades after the Revolution are more supportive of selling medicine than food (58% to 42%) but the arrivals during the last two decades express a near consensus of support for selling both items to Cubans on the island.

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Figure 7: Support for Sales of Food and Medicine by Wave and Generation

FIU Cuba Poll: 1997-2016

Figure 8: Support for Unrestricted Travel and Have Traveled to Cuba

FIU Cuba Poll: 1997-2016

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Figure 9: Support for Diplomatic Relations and Embargo

FIU Cuba Poll: 1997-2016

24 On the travel front, a minority of those leaving Revolutionary Cuba during the first two decades (32%) support the opening of unrestricted travel to all Americans while a staggering eighty-seven percent of those leaving Cuba during the last decade support this change in policy. While a minority of Cubans have traveled to the island in all arrival cohorts, we can stipulate a difference in motivation, or lack thereof, between the earliest wave and the latter one to explain the low travel frequency. The earliest group have the resources and are not restricted from traveling to the island while the latter group is the poorest of the waves and, if they left illegally, might face restrictions to return. Predictably, fewer Second Generation Cuban Americans have traveled to the island but a sizable majority (61%) support unrestricted travel by all Americans.

25 The establishment of diplomatic relations is supported by ninety-percent of the new arrivals but by less than thirty-nine percent of 1959-1979 migrants. Similarly, only twenty-six percent of 1959-1979 arrivals oppose the continuation of the embargo while over seventy-percent of those arriving during the last decade express opposition to the embargo.

26 In general, there is low support for the isolationist policies among Cubans not born in Cuba. This is evidence for the generational segmentation hypothesized in the literature. This is consistent with the expectation of less support for isolationist policies from those born and socialized outside the world transformed by the Cuban revolution. Even the embargo, which has strong majority support from the wave representing the parental generation, receives support of approximately fifty percent of the diaspora generation Cuban Americans. While the embargo as a symbolic form of political identity has a strong tradition in the Cuban American community, the symbolism of this policy (Girard C. et. al., 2010) is losing its impact on the U.S. born Cuban Americans.

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Discussion

27 An identity as exiles has colored all aspects of the life of Cubans in the United States. It has resulted in an inordinate allocation of resources, including emotional energy, towards the primary task of reclaiming the homeland; it has shaped the social life of the Cuban American community and the focus of its voluntary associations; it has reinforced a sense of exceptionalism, setting them apart from other immigrant and Latino groups; it has made the relationship with the government of the homeland a perennially conflictive one; it has determined the nature of their participation in the political life of the new country. In short, the condition of exile has defined the purpose of the community and its reason for being here, and it is the condition that has largely shaped the image most Americans have of them.

28 If indeed exile has defined the condition of Cubans in the United States, then the biggest issue as we look toward the future is what will happen when they are no longer exiles. That is, what will this group look like when the entire context that has shaped their very identity changes dramatically? The research presented here, as well as the overall trends evident in other research utilizing the FIU Cuba Poll begins to answer this question.

29 When we are speaking of the Cuban American community in Miami, we are speaking of a group whose contemporary migration flow to the United States, and particularly to the South Florida region, is past the half century mark in its duration. That flow can be categorized into event driving migration waves, each with different push factors. These various cohorts have been progressively increasing the socioeconomic and ideological heterogeneity of the community. Also, a growing number of the members of the Cuban American community were not born in Cuba. If we refer to the Cuban immigrants to the Miami area as being composed of waves, the increasing number of U.S. born Cubans are the rising tide.

30 The research shows us the combination of ways that the post-exile identity of Cuban Americans is developing. One is through a generational transition as new generations, born in the United States, come of age. The other is through a fundamental change in the relationship with the homeland which is manifested through a demographic change in the diasporic community. The new arrivals have a different relation with the homeland and they continue to come to the Miami area. Over 500,000 Cubans have received Lawful Permanent Residence in the United States since 2000. (Figure 10) We estimate that over 60 percent of these new arrivals have settled in the south Florida area. These are not the displaced elites and others marked by the political confrontation of the early 1960s. These are mostly economic migrants who, although well educated, are leaving an economic condition that does not make use of their human resources. Their commitment to the “exile agenda” is more tenuous.

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Figure 10: Cubans Obtaining Lawful Permanente Residence (2000-2015)

2015 Yearbook of Immigration Statistics, Table 2, Department of Homeland Security.

31 Seventeen years into the 21st Century, the growth of the U.S.-born and the arrival of new waves have combined with mortality to whittle down the proportion of early exiles. Those arriving from 1960 to 1964 and during the Airlift barely accounted for a fourth of all Cubans in the United States in 2016.

32 Another way things are changing, and dramatically, is the transformation in the relationship with the homeland by the United States. The establishment of diplomatic relations and the trend towards increasing trade and travel, even with the embargo still in place, as well as the economic and immigration changes put in place by the Cuban government, have weakened the exile’s ideological opposition to engagement. The death of Fidel Castro has “depersonalized” the conflict as well. The exile ideology has a strong oppositional nature. It cannot be sustained without its nemesis. For the new arrivals and the second generation, the identity of the “nemesis” is not clear.

33 In general terms, the attitudes of Cuban Americans towards the islands have been a result, in part, of the policies of the United States towards Cuba which, since the early 1960s until December 17, 2014, have been designed with the intent of isolating the Cuban nation and preventing U.S. citizens and institutions from establishing any kind of relations with individuals or organizations in Cuba. The ultimate goal of the isolationist policies at their inception was to promote regime change and undercut the sustainability of the Cuban Revolutionary government (LeoGrande W. and P. Kornbluh, 2015). For many decades it was assumed that the Cuban American community in the United States, particularly its members living in the Cuban enclave of South Florida, supported the isolationist purpose of the policies (Perez L., 1992). A more nuanced picture of Cuban American public opinion began to emerge in the 1990s as the FIU Cuba Poll established a reliable and continuing measure of Cuban American attitudes towards US/Cuba relations.

34 In this article I present data which quantify the changing attitudes of the Cuban American population in Miami-Dade County. Any synthesis of the ideological

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tendencies of the Cuban American community in Florida leads to the same conclusion: demographic changes are driving the ideological changes of the Cuban community in Miami. This is important because the trends could signal the end of the tendency to see the community as ideologically monolithic and uncompromising, and the emergence of the "new ideology of diaspora" directed at establishing and maintaining relationships with the island. If it is true that the ideology of the earlier emigres has exerted a major influence not only in the development of an immigrant community, but also on the foreign policy of the United States, the bearers of the more recent arrivals, the new ideology, will wield similar power.

35 Not only will the new arrivals influence decisions made in Washington about US/Cuba relations, but given their changing sociopolitical profile, new pan-ethnic alliances are made possible. The vast majority of Cubans in the United States are no longer exiles. The “exile ideology” (Grenier G. and Perez L., 2003) is weakening. The profile of the new Cubans is moving closer to that of other U.S. immigrant groups in terms of their political, social, and economic agenda. There will probably be a greater cultural and political integration with other Latino groups. There are already indications that the pan-ethnic labels so vehemently rejected by the first generation have made inroads among Cuban Americans born in this country. The Children of Immigrants Longitudinal Study found that among the Cuban-origin children in senior high school in Miami, thirty percent identified as “Hispanic” or “Latino” (Perez L., 2001: 107-108). An Hispanic or Latino identity is not derived from their parents. Virtually none of those children indicated that their Cuban-born parents identified as anything other than “Cuban.” Similarly, exploratory research has shown, for example, that Cubans share with other Latinos in the State of Florida an interest in maintaining and expanding the health care coverage introduced in the Affordable Health Care Act (Aysa-Lastra M., et. al. 2014). This and other areas of cooperation with Latino populations throughout the State are made possible by the ongoing diversification of the Cuban American population.

36 The “new ideology of the diaspora” will also contribute to the normalization process recently initiated by the Obama/Castro administrations. The new arrivals are the growth sector of the Miami-Dade community and these are the Cuban Americans whose lives have been most significantly shaped by the Cuban reality; a reality governed not by the élan and suffering brought about by Revolutionary change but by the daily struggles of a poor Latin American country ninety miles away from the country with the strongest economy; its most influential neighbor for the last one hundred and fifty years. For better or worse.

BIBLIOGRAPHY

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ABSTRACTS

This article traces, for the first time, the changes in the opinions of Cuban Americans in South Florida on the topic of U.S./Cuba relations during the last twenty years using the FIU Cuba Poll as the data base. The analysis traces the changes in key variables from 1997 until the most recent poll concluded in August of 2016. These years marked the decades with the most intense migration of Cubans to the United States since the triumph of the Revolution. The analysis details how Cuban immigrants during this time relate to the island in material terms (remittances, investments, travel), and in ideological terms (attitudes towards maintaining the embargo, political ideology, etc.). Seven FIU Cuba Poll have been combined to present a broad vision of the changes in Cuban American political culture in South Florida. We find that it is not only the newcomers who want a rapprochement with their homeland, but the second and third generations of Cuban Americans also want more engagement.

El presente trabajo por primera vez traza los cambios de opiniones hacia Cuba por los Cubanos en el sur de la Florida durante los últimos veinte años; desde el 1997 hasta la más reciente encuesta, Agosto 2016. Estos años marcan las décadas con la más intensa migración de cubanos a los Estados Unidos desde el triunfo de la Revolución. La presentación detalla cómo estos inmigrantes se relacionan con la isla en términos materiales (remesas, inversiones, viajes), y también en términos ideológicos (actitudes hacia el mantenimiento del embargo, ideología política, etc.). Siete encuestas del FIU Cuba Poll se han combinado para presentar una visión amplia de los cambios en la cultura política del cubano-americano en el sur de la Florida. Encontramos que no solo son los recién llegados que desean un acercamiento con su patria, pero que muchos de los miembros de la segunda y tercera generación también desean un acercamiento con la isla.

Cet article retrace, pour la première fois, l’évolution des opinions des Cubains-Américains de Floride du Sud à propos des relations entre les Etats-Unis et Cuba durant les vingt dernières années, en utilisant les sondages de la Florida International University comme base de données, depuis 1997 jusqu’au sondage le plus récent conduit en août 2016. Ces années ont été marquées par la plus forte migration de Cubains vers les Etats-Unis depuis le triomphe de la révolution. Nous analysons le lien des immigrés cubains avec l’île en termes matériels (transferts d’argent/ remittances, investissements, voyages) et en termes idéologiques (attitude à l’égard de l’embargo,

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idéologie politique, etc.). Sept sondages FIU ont été compilés pour présenter un large panorama des changements dans la culture politique des Cubains-Américains en Floride du Sud. Notre analyse démontre que ce ne sont pas seulement les nouveaux venus qui souhaitent un rapprochement avec l’île mais également les deuxième et troisième générations de citoyens américains d’origine cubaine.

INDEX

Keywords: Cuban Americans, transition, ideological changes, demographic changes, migrations Palabras claves: Cubano Americanos, Transición, cambios ideológicos, cambios demográficos, migraciones Mots-clés: Cubains-Américains, transition, changements idéologiques, changements démographiques, migration

AUTHOR

GUILLERMO J. GRENIER

Guillermo J. Grenier is Professor of Sociology and Chair in the Department of Global and Sociocultural Studies at Florida International University, the State university of Florida in Miami. Born in Havana, Cuba, Dr. Grenier is the author of numerous books and dozens of articles on labor, migration, immigrant incorporation, and Cuban American ideological profiles, particularly in the Greater Miami area and lectures nationally and internationally on his research.

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U.S.-Cuba Normalization: U.S. Constituencies for Change La normalización entre Cuba y los Estados Unidos: Grupos interesados estadounidenses para el cambio La normalisation des relations entre les Etats-Unis et Cuba: les groupes d'intérêts américains en marche pour le changement

Ted Piccone

Introduction

1 Cuba and the United States entered a new chapter of their longstanding contentious relationship when President Barack Obama and President Raul Castro announced on December 17, 2014 their agreement to embark on the path of “normalization”. It was, first and foremost, a symbolic and emotional gesture to move beyond the era of direct hostilities toward constructive engagement. Moreover, their decision to move ahead with pragmatic dialogue and cooperation on matters of mutual interest opened the door to long-overdue diplomatic talks on a host of relatively straightforward matters as well as more vexing issues like property claims and human rights.

2 Despite significant progress made during the last two years of the Obama administration, the most difficult obstacles to normalized relations are still in place – a five-decade plus comprehensive embargo that under current U.S. law must remain in place until Cuba adopts major democratic reforms, and the return of the Guantanamo naval base to Cuban sovereignty. With the election of Donald Trump to the White House, Republican control of the Congress and a risk-averse Castro-led regime in power in Havana, all signs point to stalemate at best, and significant backsliding at worst.

3 To understand better the motives and interests shaping U.S. policy toward Cuba in the last five years, this article analyzes progress toward normalization to date and the main U.S. protagonists in this unfolding drama. It starts by discussing the U.S. domestic forces that have coalesced around the new policy and their specific but common

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interests in a relaxed and more open bilateral relationship. It then catalogues some key areas of greatest interest to those constituencies and how they may benefit from them. It examines the initial steps of the Trump administration to roll back aspects of the Obama engagement strategy and their likely effects. On balance, it concludes that the key factors that have shaped U.S.-Cuba détente to date –commercial and economic opportunities, generational change, and security interests – in the longer term will likely continue to encourage forward progress in resolving one of the last vestiges of the Cold War, albeit in fits and starts. This more optimistic outcome, however, is by no means guaranteed and will depend greatly on the results of U.S. elections in 2018 and 2020.

U.S. Constituencies for Normalization

4 After years of dominating U.S.-Cuba policy by hardline Cuban-American exiles in Florida, the Obama administration entered the White House in 2009 determined to turn the page toward constructive engagement through executive action and direct negotiation of renewed diplomatic ties. This was a political calculation by President Obama to satisfy constituencies within the Democratic Party long in favor of reducing hostilities with Havana; it was also a gamble that he could win over Cuban American voters in the critical swing state of Florida opposed to Bush-era rules that interfered with sending remittances and traveling to visit family on the island. Prominent Cuban- American business leaders were also on record in favor of relaxing ties to Cuba as it began to open the doors to foreign investment as part of its own internal process of economic and social reforms to “perfect” the Cuban socialist system. Winning over these constituencies was enough for Obama to make good on his campaign promise to relax rules for travel and remittances for Cuban Americans shortly after he took office in early 2009.

5 The bigger bet – a strategic shift from the policy of isolation and regime change codified under U.S. law in 1996 to a more flexible policy of mutual respect and cooperation – required a more diverse coalition of stakeholders to support and sustain it. The early rounds of regulatory changes during Obama’s first term helped generate more interest among a wide range of elite opinion leaders and the general public in getting to know Cuba better and thereby put pressure on the administration itself and on the Congress to relax the embargo further. These interest groups included: • leading business groups from the travel, hospitality, agriculture, health, telecommunications and construction industries; • top-ranking journalists and news companies anxious to break into Cuba’s restrictive media environment; • establishment think tanks, philanthropies and civil society organizations such as the Council on Foreign Relations, the Aspen Institute, the Brookings Institution, the Washington Office on Latin America, the Ford Foundation, Atlantic Philanthropies and the Americas Society/ Council of the Americas; • academics anxious to explore research partnerships and universities keen to offer their students more compelling study abroad opportunities; • environmentalists excited about Cuba’s relatively pristine and protected ecosystem; • religious groups inspired by calls from Popes John Paul I and II, Benedict and Francis to support and unite the Cuban family, and by Cubans’ revitalized religiosity;

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• military and law enforcement officials eager to work with Cuba’s security forces to protect U.S. borders from drugs and migrants; • diplomats – U.S. and foreign – who saw first hand how the U.S. embargo mainly served to help the Castros rally domestic and international solidarity against the “imperialist Yankees”; and • artists, musicians and museums long drawn to Cuba’s thriving cultural scene.

6 While these groups took advantage of the Obama administration’s initial steps to relax travel restrictions, they were stymied by the high costs and red tape associated with doing anything constructive under a system strangled by thousands of rules and micromanagement on both sides of the Florida Straits. Their efforts to get traction were further hampered by Cuba’s arrest in December 2009 of Alan Gross, an American contractor for the U.S. Agency for International Development engaged in helping Cubans access satellite technology in violation of Cuban law. The White House retreated into a holding pattern while it tried through various means to get Gross released.

7 The dam broke when President Obama and President Raul Castro announced on December 17, 2014 (known popularly as D17) a plan to normalize relations between the two countries. In a dramatic and emotional turning of the page, the two presidents also arranged for Gross and an imprisoned U.S. intelligence asset to fly home in exchange for three Cuban spies, and the launch of an intensive renewal of diplomatic relations.

Diplomatic Relations

8 The two presidents met in person in April 2015 at the Summit of the Americas in Panama, the first time Cuba was invited to the premiere gathering of heads of state and government from every country of the region. Diplomatic relations with Cuba were officially re-established on July 20, 2015 when the U.S. embassy in Havana and the Cuban embassy in Washington, D.C. re-opened after decades of disengagement. When John Kerry went to Havana for the U.S. Embassy’s flag-raising ceremony on August 14, 2015, accompanied by a high-ranking congressional, business and Cuban-American delegation, he became the first U.S. Secretary of State to visit Cuba in 70 years. President Obama became the first U.S. President to visit Cuba in almost 90 years when he visited Havana less than a year later, on March 21-22, 2016. These steps were the sine qua non for a whole host of political, bureaucratic and commercial measures aimed at enlarging the emerging constituencies for change.

9 The governments quickly started working on issues such as law enforcement, counternarcotics, civil aviation, environmental protection, and trafficking in persons. A series of regulatory changes following the December 17th announcement were enacted by the Departments of Treasury and Commerce the following months, and included new measures facilitating travel, financial transactions, the flow of remittances, commercial sales and exports of certain goods, and telecommunications services between the two countries (U.S. Department of the Treasury, 2015a, 2015b). The White House decided to address the unresolved maritime boundary in the Gulf of Mexico, accept Cuba’s participation in the 2015 Summit of Americas, and review Cuba’s designation as a so-called “state sponsor of terrorism,” which was subsequently rescinded on May 29, 2015 (Hirschfeld Davis J., 2015). In the ensuing 18 months, the two governments signed several agreements to collaborate on various topics, including health, the environment, drug and human trafficking, and telecommunications.

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10 In sum, without the consent of Congress, Obama was able to end fifty-five years of hostile diplomatic relations, declare the end of “regime change” as the goal of U.S. policy, establish bilateral commissions to tackle shared issues, and facilitate expanded travel and remittances between the peoples of Cuba and the United States (Kopetski M., 2016 :347). Although the White House was unable to rally enough congressional support to lift the embargo, it effectively utilized the president’s executive powers to weaken it, while building bipartisan momentum for its ultimate termination.

11 That strategy, however, hit a major roadblock in November 2016 when Donald Trump unexpectedly beat Hillary Clinton to win the White House. President Trump is now wielding his executive powers to reverse course. Trump’s June 2017 executive order, referred to as the Presidential Memorandum on Strengthening the Policy of the United States Toward Cuba, (White House, 2017b) supersedes and replaces Obama’s October 14, 2016 executive order, referred to as the Presidential Policy Directive on United States- Cuba Normalization (White House, 2016). The Trump memorandum expresses strong support for the economic embargo of Cuba and opposes any measures that call for its end, including by the and other international forums.

12 The limited scope of his policy changes to date, however, suggests Trump’s approach may be more talk than action. Trump’s order outlined three main steps to strengthen the embargo. First, new rules would ban individual “people-to-people” visits to Cuba, making it mandatory for U.S. travelers in that category to travel in groups with licensed providers. Second, the new rules would prohibit direct financial transactions that would “disproportionately benefit” entities under the control of the “Cuban military, intelligence, or security services or personnel (such as Grupo de Administración Empresarial S.A. (GAESA), its affiliates, subsidiaries, and successors),” and requires travelers to keep detailed records of their transactions for potential review by the State Department. The Secretary of State has been directed to publish a list of these entities, which occurred in November 2017 (U.S. Department of State, 2017). Third, the order prohibits transactions with a much longer list of individuals associated with the Cuban government to include members of Cuba’s national assembly, judiciary, state media, labor unions and all members of the military, police and intelligence agencies, not just their leadership.

13 Trump’s measures are not as onerous as anticipated, and certainly do not amount to “canceling the last administration's completely one-sided deal with Cuba,” as he stated in his Miami remarks in June 2017 to an ecstatic crowd of pro-embargo exiles gathered at a theater dedicated to one of the fallen “heroes” of the failed Bay of Pigs invasion of 1962 (White House 2017c). They do not, for example, impose any restrictions on Cuban- American family travel and remittances, put Cuba back on the State Department’s terrorism list, close the U.S. Embassy in Havana, restrict the 11 other categories of permitted travel, or reinstate the “wet foot, dry foot” policy that encouraged Cuban migrants to take dangerous routes in their attempts to reach U.S. soil (LeoGrande W., 2017). Diplomatic relations were preserved, although not without some harm.

14 While Obama’s policy directive stated “we are not seeking to impose regime change on Cuba; we are instead…respecting that it is up to the Cuban people to make their own choices about their future,” Trump’s policy reverts to the regime change doctrine by reinforcing the basic terms of the embargo as codified by Congress in 1996. It aims “to improve human rights, encourage the rule of law, foster free markets and free enterprise, and promote democracy in Cuba” (Miller A. and T. Piccone, 2016 :301-318)1

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and ultimately “to promote a stable, prosperous, and free country for the Cuban people...” He states that his Administration’s policy “will be guided by the national security and foreign policy interests of the United States, as well as solidarity with the Cuban people,” asserting that the Cuban people have the same ideas about sovereignty and human rights as Americans (Miller A. and T. Piccone, 2016, op. cit.)2. Nonetheless, the policy measures he espouses are likely to hurt Cuban citizens, particularly those in the burgeoning private sector that have benefited from a big jump in U.S. travelers (Leogrande W. and R. Newfarmer, 2017; Berkeley Cohen H. and A. Ahmed, 2017)3 and civil society activists trying through various means to contest one-party rule on the island.

Economic and Trade Ties

15 One of the most important U.S. sectors driving the call for normalization with Cuba has been the U.S. business community. There are at least three key elements of this coalition: 1) the agricultural industry; 2) the travel and hospitality industry; and 3) the telecommunications and internet sector. Companies in the fields of health and medicine, construction materials and professional services were also engaged, though more as secondary players.

16 Working sectorally and in combination through such newly formed groups as the U.S.- Cuba Business Council, an arm of the U.S. Chamber of Commerce (which has long opposed the embargo), the U.S. Agriculture Coalition for Cuba, and the Cuban Consortium4, these companies and their advisors have sought to position themselves on the inside track for business opportunities in Cuba in the short and medium term. Given the comprehensive and complex nature of the U.S. embargo, they understood the need to press urgently for regulatory relief to explore, let alone negotiate, commercial deals on the island. Some of these companies also sought congressional action, for example to lift the restriction on private financing for agricultural exports or to end the prohibition on tourist travel to Cuba.

17 A two-pronged strategy evolved: first get the White House and relevant agencies to ease the embargo’s rules on commercial and trade transactions as much as possible, and second (and simultaneously) lobby the Congress to loosen the embargo in pieces, if not wholesale. A coalition of like-minded pro-normalization constituencies at the national and local levels organized under the banner of Engage Cuba5, to push for congressional action to lift the embargo. Pro-normalization Cuban-American business leaders, who played a critical role in Obama’s first term to convince the White House and State Department to stick with the strategy of rapprochement, continued to have an important voice in specific cases and transactions. But to date they have been unable to persuade their senators and representatives in Congress and in Florida and New Jersey to back off their traditional hardline, pro-embargo approach.

18 Making the case to allow U.S. businesses to compete in Cuba’s slowly liberalizing economy made a lot of sense politically, especially given the important ties between the corporate sector and the Republican party. But it did not suffice legally given the onerous strictures of the embargo law itself. In order for the president to justify easing the embargo, he had to draft the regulatory amendments in a way that principally benefited the Cuban people, particularly private farmers and the nascent private sector engaged in self-employment activities in Cuba’s rapidly expanding tourism industry.

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19 It is in this context that one should understand the most important regulatory steps taken after the D17 breakthrough. President Obama outlined key regulatory changes designed to increase “the speed, efficiency, and oversight of authorized payments between the United States and Cuba.” The changes initially covered a wide range of sectors including: • Expanding exports of commercial goods and services to Cuba to provide lower-priced goods to Cubans; • Altering banking regulations to allow U.S. institutions to open accounts at Cuban financial institutions to facilitate transactions between the countries, and authorizing U.S. credit and debit cards for use by travelers in Cuba; • Allowing the commercial export of certain communication items to increase Cubans’ ability to communicate more easily with people in the United States and the rest of the world.

20 Following this presidential directive, the Departments of Treasury and Commerce instituted a series of regulatory changes split into five packages from January 2015 to October 2016. The series included changes for sectors already exempted (partially) from the embargo and most likely to benefit from the early phase of normalization - agricultural trade, non-tourist travel and hospitality, and telecommunications; in addition, important changes were made to ease export and import rules, banking transactions, and remittances policies.

Travel and Hospitality

21 The Obama administration moved quickly to liberalize permitted travel to Cuba by expanding legal justifications in the 12 categories of licensed travel, including the broad “people to people” category frequently used by U.S. travelers. On December 17, 2015, the one-year anniversary of President Obama’s announcement, the two countries agreed to start commercial flights (Oppmann P. and R. Marsh, 2016)6. U.S. airlines now negotiate directly with the Cuban government to plan and maintain routes to the island. Establishing direct flights has brought thousands of daily visitors to Cuba and helped spur bilateral economic relations across a range of related sectors including private and public transportation, retail, food services, hospitality, travel services, and air traffic control.

22 The U.S.-based cruise industry also has jumped at the chance of expanding their Caribbean routes to include long-forbidden Cuban ports of call on their itineraries. Roughly 140 commercial cruises are scheduled to visit Cuban ports in 2017 from both large and mid-sized U.S. cruise companies, including major cruise lines such as Carnival, Royal Caribbean, Norwegian and Regent Seven Seas (Engage Cuba, 2017). On May 2, 2016 Carnival Cruise Line’s Adonia ship became the first cruise ship to dock in Cuba in nearly 40 years. Carnival Cruise Line – a member of Engage Cuba’s Business Council – used its Fathom brand to bring 704 passengers under a “people-to-people” travel license (CBS/AP, 2017). In the related hospitality industry, companies like Starwood and Marriott (now merged) and Airbnb (Noticias Telemundo, 2017)7. were early out of the gates in working under the new rules to obtain special U.S. licenses to reach agreements with relevant Cuban ministries to manage hotels and bookings in private Cuban homes.

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23 Since these travel-related rules were changed, the number of U.S. travelers to the island has continued to climb. According to Cuba’s National Office of Statistics and Information, Cuba welcomed 284,937 Americans in 2016, an increase of 74 percent from the prior year. By the end of May 2017, the island had already welcomed 284,565 U.S. visitors (these numbers do not include members of the Cuban diaspora living in the United States, which separately increased 45 percent compared to the same period the year earlier). If the rate of American tourism to Cuba continues apace through the year, it will represent a 145% increase over 2016 (Cuba Debate, 2017).

Agricultural Trade

24 While the U.S. agriculture industry is already permitted under the embargo to export food commodities to Cuba, it is prohibited by Congress from doing so on credit; restrictions on ships entering U.S. ports from Cuba pose another legislative roadblock to expanding bilateral trade. As a result, Cuba’s food imports from U.S. companies steadily dropped from a high of over $700 million a year in 2008 to just $232 million in 2016 (U.S.-Cuba Trade and Economic Council, 2017). Obama inserted some slight flexibility to the rules but only Congress can actually fix the underlying problem.

25 There have been growing bipartisan efforts in Congress to address this hindrance to increasing agricultural exports to Cuba given the potential benefits for American companies across multiple states. In September 2015, Republican Governor Asa Hutchinson of Arkansas, which has suffered from falling sales of poultry and rice, asked Congress to lift restrictions preventing U.S. food companies from selling to Cuba on credit (Trotta D., 2015). In October of 2015, nine governors from Alabama, California, Idaho, Minnesota, Montana, Pennsylvania, Vermont, Virginia and Washington wrote letters to congressional leadership highlighting the harm that the embargo has done to American agriculture exports. The letter stated that trade restrictions stifle job creation in rural areas and "ending the embargo will create jobs here at home, especially in rural America, and will create new opportunities for U.S. agriculture." It went on to state that "expanding trade with Cuba will further strengthen our nation's agriculture sector by opening a market of 11 million people just 90 miles from our shores, and continue to maintain the tremendous momentum of U.S. agricultural exports, which reached a record $152 billion in 2014,” (Koplowitz H., 2015).

26 These arguments helped build some momentum in Congress to take action. On December 16, 2015, the U.S. House of Representatives formed the bipartisan with 10 bipartisan members of Congress representing districts with a wide array of industries, including agriculture, manufacturing, and tourism, that would benefit from business relations with Cuba (Toosi N., 2015; U.S. House of Representatives Cuba Working Group, 2015). Many Republican lawmakers have visited Cuba and support lifting the embargo for economic reasons. For example, Republican Governor of Texas Greg Abbott, following a trip to Cuba, publicly supported efforts to engage in bilateral trade, particularly in the agricultural sector (KVUE, 2015). Bipartisan efforts in the House and Senate, principally from farm states, to allow private financing for agricultural sales and to remove the six-month restriction on ships traveling from Cuba failed, however, to gain a vote due to opposition from the House and Senate Republican leadership (Zengerle P. and M. Spetalnick, 2015; Jansen B., 2016).

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Telecommunications Changes

27 The telecommunications sector, while permitted under certain conditions to do business in Cuba, was hindered by onerous regulations that took a narrow interpretation of Congress’ prohibition of “investment” in Cuba’s telecommunications “infrastructure” (Piccone T. et al., 2010). This changed after D17. The Treasury Department instituted a new OFAC general license to facilitate the establishment of commercial telecommunications facilities linking third countries and Cuba and authorized additional services incident to internet-based communications and related to certain exportations and reexportations of communications items. Obama’s Commerce Department created a Consumer Communication Devices (CCD) license exception to authorize “commercial sales, as well as donations, of the export and reexport of consumer communications devices that enable the flow of information to from and among the Cuban people – such as personal computers, mobile phones, televisions, memory devices, recording devices, and consumer software” instead of requiring licenses. On September 21, 2015, further changes went into effect that removed the limitation on License Exceptions for Consumer Communications Devices (CCD) to support other types of transactions, such as leases and loans of eligible items for use by eligible end-users (U.S. Department of the Treasury, 2015b).8

28 These revisions also allowed U.S. businesses providing telecommunications and internet-based services to establish themselves in Cuba and enter into joint ventures with Cuban entities. The first of these joint ventures was between Sprint and the Cuban state-owned telecommunications company ETECSA (Schwartz F., 2015). Verizon Wireless began offering roaming service in Cuba shortly therafter, followed by AT&T and T-Mobile. In 2015, the two countries also established direct calling capability for the first time in 15 years. In addition, U.S. technology leader Google negotiated an arrangement with ETECSA to allow for faster and easier access to its services. Snail mail is back in service too. On March 15, 2016, direct mail service between the U.S. and Cuba resumed with President Obama’s letter to a 76-year-old Cuban woman among the first batches of mail (Stanglin D., 2016). The U.S. Postal Service now offers full-range services and other U.S. delivery service companies like UPS and DHL are negotiating to get on the island.

Banking Changes

29 One of the most important commercial sectors that has been the most reluctant to engage in Cuba is the banking and finance industry. Painful penalties imposed on U.S. and foreign banks by Treasury Department’s OFAC for violating the embargo have left bitter reminders of the risks entailed in financing transactions between U.S. and even third country entities and Cuba.

30 Obama era regulatory changes to banking policy permitted depository institutions to open and maintain correspondent accounts at a Cuban financial institution to facilitate the processing of authorized transactions, and authorized U.S. financial institutions to enroll merchants and process credit and debit card transactions for travel-related and other transactions. The changes also permitted banking institutions, including U.S.-

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registered brokers or dealers in securities and U.S.-registered money transmitters, to process authorized remittances to Cuba under an expanded general license.

31 The wider changes announced September 18, 2015 allowed some Americans to establish bank accounts and offices in Cuba, employ Cuban nationals and hire persons subject to U.S. jurisdiction in Cuba (Schwartz F., 2015, op. cit.). The fourth round of regulatory changes in March 2016 allowed Cubans to open bank accounts in the U.S. They also allowed “U-turn transactions”, where money from Cuba or a Cuban citizen can be cleared through a U.S. bank and transferred back in dollars. Treasury also allowed American banks to process dollar-denominated transactions from Cuba, and to open accounts for Cubans that they could use to receive payment in the United States and send money back to Cuba (Hirschfeld Davis J., 2016). In response to growing demand from U.S. pharmaceutical and medical research entities to partner with Cuba’s biotechnology industry, the October 2016 round of Obama era regulations enabled persons engaged in joint medical research or transactions involving Cuban-origin pharmaceuticals to open and maintain bank accounts in Cuba (U.S. Department of the Treasury, 2016). Despite these changes, the banking industry remains mostly on the sidelines, which is further hampering a host of transactions between the two countries.

Remittances Changes

32 From the start of the Obama administration, the White House supported steps to ease the flow of U.S. remittances to Cuban families on the island, which has become an increasingly important source of income for a large number of Cuban citizens. This was a popular move among the Cuban exile community in Florida and elsewhere; it also benefits U.S. money transfer companies, which charge an average of 8 percent commission on wire transfers to Cuba, generating up to $320 million in annual revenue for these companies (Engage Cuba, 2017).

33 Beginning in 2009, the Treasury Department, under Obama’s direction, incrementally removed limits on remittances through multiple amendments to the Cuban Assets Control Regulations (CACR). Following the January 15, 2015 announcement, the Department of Treasury and Commerce lessened limits on generally licensed remittances to Cuban nationals (other than certain prohibited Cuban government and Cuban Communist Party officials) from $500 to $2,000 per quarter, allowed “certain remittances to Cuban nationals for humanitarian projects, support for the Cuban people, or development of private businesses” without limitation9, and allowed travelers to carry $10,000 to Cuba “in total family remittances, periodic remittances, remittances to religious organizations in Cuba, and remittances to students in Cuba pursuant to an educational license.” The September 15, 2015 amendment lifted the dollar limits altogether on donative remittances and amounts travelers may take to Cuba10. Loosening limits on remittances allowed relatives to send money to Cuba to start small businesses or to cover their family members’ migration costs (Morales E., 2017).

Migration

34 One of the longstanding areas of contention between Cuba and the United States, and within the U.S. political arena, is migration. Ever since Fidel Castro opened the gates in

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1980 to over 125,000 Cuban emigrants seeking passage to the United States, including many from Cuban prisons and mental health institutions, the question of how to manage the mix of political asylees and economic migrants confounded policymakers and scrambled politics in the Cuban diaspora. Some constituencies chafed at the special privileges afforded only to Cubans who could declare asylum the moment the stepped foot on U.S. soil and begin receiving special welfare assistance. Even anti-Castro factions in Cuba grew tired of the system’s growing exploitation by Cubans posing as political refugees but more interested in securing easy access to a U.S. green card and then traveling back and forth to Cuba. In 2016, with the acrimonious political debate in the United States trending increasingly against immigration, these forces coalesced in favor of ending the special privileges granted to Cuban migrants.

35 Knowing that the Obama administration’s efforts at normalization jeopardized their preferential immigration status, an increasing number of Cuban migrants attempted to gain access to the United States after D17. The Migration Policy Institute reported that after several years of reduced entries, “the number crossing the U.S.-Mexico border after a long, often treacherous journey rose from about 31,000 in 2015 to roughly 38,500 in 2016… [and] the number of Cuban rafters interdicted by the U.S. Coast Guard jumped from 4,500 in 2015 to 7,400 in 2016,” (Duany J., 2017).

36 These fears were not unfounded. On January 12, 2017, after months of negotiations with the Cuban government, President Obama revoked the preferential wet foot/dry foot policy, which granted automatic entry to any Cuban citizen who was able to reach American soil. The visa lottery allowing 20,000 Cubans to enter the country legally each year was not changed. In his statement, Obama argued that “by taking this step, we are treating Cuban migrants the same way we treat migrants from other countries (White House, 2017a); other administration officials highlighted the move as an important step in combatting human trafficking (Caldwell A. and J. Pace, 2017). President Trump, who campaigned on a platform of cutting down both legal and illegal migration, did not object. Nor did Cuban-American legislators in Florida who, fearing a loss of political support from newly arrived migrants who did not share their strong anti-Castro views, had sponsored legislation to close the loopholes in 2016. The first deportations of non- visa Cuban immigrants under the new policy took place under the Trump administration a month later on February 17 (Gámez Torres, N., 2017).

37 The effect of the policy change was visible immediately. While the number of Cuban “inadmissables” intercepted by US Customs and Border Protection at the Southwest border rose significantly from 17,109 to 28,642 to 41,523 from FY2014-16, that number plummeted to 14,592 in FY2017 (October 2016 to June 30, 2016) with only 806 after January 2017 (U.S. Customs and Border Protection, 2017).

38 President Trump is unlikely to reverse this change in policy because it would undermine his strong position against illegal immigration. Any mention of it was noticeably absent from his Cuba announcement in June, and Senator Rubio, one of the architects of Trump’s new policy, has been outspoken in his opinion that the policy was flawed and frequently abused by Cubans travelling back and forth from the United States to the island (Mazzei P. et al., 2017).

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Property Claims

39 One issue that has bedeviled U.S.-Cuba relations is property claims by American citizens and corporations for the loss of their property after the Castro regime expropriated hundreds of farms, factories and family estates shortly after the revolution. While many corporations long ago wrote off these claims as a loss, others hope that one day they could get some type of preferential access to the Cuban market, if not meaningful compensation. Many other Americans, however, retain strong emotional connections to their lost properties and demand adequate compensation, with interest, if not full restitution of the properties themselves. Another class of claimants – Cuban Americans who were not U.S. nationals at the time of the taking and left the island after expropriation – have pursued their claims against Cuba in U.S. courts and/or lobbied U.S. and Cuban government officials to seek compensation (Feinberg R., 2015 :18).11 Together, these groups offered a potentially powerful constituency in the United States in favor of normalization.

40 After Obama’s D17 announcement renewing diplomatic relations, the two governments established a bilateral working group to address the nearly 6,000 certified property claims valued by the Foreign Claims Settlement Commission at $1.9 billion. If simple interest of six percent per annum were included, that valuation jumps to $8 billion. Congress authorized these claims without identifying funds to pay them and signaled it did not intend to pay them (Feinberg R., 2015, op. cit. p 2.). Some question whether the Cuban government would ever be willing or able to provide adequate compensation to the claimants. Three bilateral talks on these claims have occurred thus far; however, none has been resolved and the process appears dormant.

41 As a sign of the ongoing political and economic interest in settling these claims, Senators Marco Rubio and Bill Nelson of Florida sent a letter as recently as June 2017 to the secretaries of State and Treasury asking them to work with Congress “to develop a plan and timeline for resolution of these claims, as well as consider instructing the FCSC to conduct a third Cuban Claims Program to allow for potential new claimants.” While Trump may have no interest in ending the embargo, he may be interested in resolving U.S.-Cuban claims in order to address the legitimate demands of a business class he represents. It was the Trump Organization, after all, that sent senior representatives to the island as recently as late 2012 to explore potential hotel and golf opportunities (Drucker J. and S. Wicary, 2016). To avoid further complicating the issue, and preserve options for resumption of talks, President Trump announced the suspension of Title III of the Helms-Burton embargo law and indicated to Congress that the suspensions will continue (Whitefield M., 2017).12 If ever given effect, Title III would allow former owners of commercial property expropriated by Cuba to sue foreign companies "trafficking" in those confiscated holdings.

Conclusion

42 This brief review of the U.S. constituencies favoring normalization between the United States and Cuba demonstrates the complex interaction between domestic politics, economic interests and foreign policy. It does not even begin to address, however, the even more complex relationship between these factors and Cuba’s sovereign decisions on how to manage its national economy, politics and foreign policy. Nonetheless, given

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the decades of control that the Cuban diaspora has had on U.S. policy toward the island, and its resurgence under the Trump administration, it is clear that the momentum in favor of normalization on the U.S. side has taken a direct hit. Trump’s proclamations at the UN General Assembly in September further underscored his decision to leave the embargo untouched until “the corrupt, destabilizing regime in Cuba” makes fundamental reforms. These latest setbacks, however, are not fatal. As the Cuban exile leadership in the United States ages and mellows, wholesale opposition to rapprochement has declined, as indicated by the relatively soft measures announced by Trump in Miami in June 2017. Meanwhile, the constituencies in favor of normalization in both political parties have not gone away. If anything, the groups that have rallied for President Obama’s historic rapprochement towards Cuba have gotten stronger, more organized and better funded. The horizon looks cloudy, but over time, trends portend gradual progress toward U.S. entente with Cuba in the medium to long term.

BIBLIOGRAPHY

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NOTES

1. The United States has a history of failed democracy promotion in Cuba, epitomized by USAID’s Zunzuneo or “Cuban Twitter” program to provoke opposition to Fidel Castro’s regime through social media and resulting in Cuba sentencing USAID contractor, Alan Gross, to 15 years in prison. 2. Cuba’s history of Spanish colonialism planted the idea that political participation was contingent on government favor, with the government as the primary source of authority. 3. The Cuban non-state sector – private bed and breakfasts (casas particulares), restaurants, taxis, tour guides, etc. – receives about 31 percent of all tourist dollars. Many small business entrepreneurs rely on the recent influx of Americans travelling to Cuba. American travelers are more likely to use these services, particularly when traveling as individuals. 4. The author serves on its advisory board. 5. The author serves on its policy council. 6. JetBlue Flight 387 on August 31, 2016, was the first direct commercial flight between the U.S. and Cuba in over half a century. 7. Since AirBnb came to Cuba in 2015, making it easier for Cubans to rent out their homes to foreigners, the company has generated $40 million in income for self-employed Cubans. AirBnb currently has 22,000 rooms for 70 cities and towns in Cuba. 8. The CCD export policy was also expanded to authorize services related to additional types of items authorized by Commerce, and to add training related to the installation, repair, or replacement of those items. 9. Americans belonging to the following categories were permitted to maintain a physical presence in Cuba: offices, retail outlets, or warehouses: “news bureaus; exporters of certain goods authorized for export or re-export to Cuba by Commerce and OFAC, such as agricultural products and materials for construction or renovation of privately-owned buildings; entities providing mail or parcel transmission services or certain cargo transportation services; providers of telecommunications or internet-based services; entities organizing or conducting educational activities; religious organizations; and providers of carrier and certain travel services.” 10. These general licenses allow remittances for humanitarian projects in or related to Cuba that are designed to directly benefit the Cuban people; to support the Cuban people through activities

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of recognized human rights organizations, independent organizations designed to promote a rapid, peaceful transition to democracy, and activities of individuals and non-governmental organizations that promote independent activity intended to strengthen civil society in Cuba; and to support the development of private businesses, including small farms. 11. There are actually three main types of claims---certified property claims, uncertified property claims, and state sponsor of terrorism claims--all of which put a burden U.S.-Cuba relations and necessitate settlements. 12. Title III of Helms-Burton allows the filing of claims against companies “trafficking” in areas confiscated from Americans after the Cuban revolution and was designed to have a chilling effect on foreign investment in Cuba. Every U.S. president since Bill Clinton has routinely suspended the lawsuit provision every six months because letting the lawsuits go forward would alienate important trading partners such as Canada and EU countries whose citizens have invested in Cuba .

ABSTRACTS

The United States and Cuba made important strides after the re-launch of diplomatic relations between the two countries under Presidents Barack Obama and Raul Castro in 2015-2016. These changes were both psychological and symbolic as key themes of mutual respect, sovereignty and reconciliation gained ground. They were also pragmatic, cutting across a wide range of issues from travel and hospitality, which has helped catalyze a major increase in U.S. travelers to the island, to telecommunications and migration. These measures reflected the emergence of an effective coalition of U.S. constituencies that organized individual and joint efforts to regain the advantage over the traditional pro-embargo approach of the Cuban diaspora. With the inauguration of Donald Trump in January 2017, however, forward momentum in bilateral relations has nearly ground to a halt as the hardline Cuban exile community has reasserted primacy in shaping U.S. policy toward the island. Nonetheless, the Republican Party is divided over how far to roll back the changes made by Obama as specific constituencies with the most to gain from normalization defend their interests in continued normalization. The author analyzes the various U.S. stakeholders pushing for relaxation of the embargo and how the Obama administration’s policies benefited them. It will also look at the role of the U.S. Congress and the prospects for rapprochement in the years ahead.

Les Etats-Unis et Cuba ont réalisé de grandes avancées dans leur relation après que les présidents Barack Obama et Raul Castro ont renoué les relations diplomatiques en 2015-2016. Ces changements étaient à la fois d'ordre psychologique et symbolique alors que progressaient des aspects aussi fondamentaux que le respect mutuel, la souveraineté et la réconciliation. Ils étaient également d'ordre pragmatique, couvrant un large éventail de questions, telles que les voyages ou l'hébergement — contribuant ainsi à catalyser une hausse significative du nombre de voyageurs américains sur l'île— ou bien encore les télécommunications et la question migratoire. Ces mesures ont reflété l'émergence d'une coalition de groupes d'intérêts américains qui ont réussi à organiser les efforts individuels et collectifs pour prendre l'ascendant sur l'approche traditionnellement favorable à l'embargo défendue par la diaspora cubaine. Toutefois, avec l'entrée en focntions de Donald Trump en janvier 2017, toute avancée dans les relations bilatérales est au point mort puisque la ligne dure de la communauté cubaine en exil est

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redevenue prépondérante dans la politique des Etats-Unis envers l'île. Cependant, le parti républicain reste divisé sur ce qui doit être maintenu ou supprimé dans les changements opérés par Obama car plusieurs groupes d'intérêts qui ont tout à gagner à la normalisation des relations défendent âprement la poursuite du processus de normalisation. L'auteur analyse les différents secteurs américains favorables à un assouplissement de l'embargo et comment les mesures prises par l'Administration Obama ont pu leur bénéficier. Il analyse également le rôle du Congrès américain et les perspectives de rapprochement dans les années à venir.

Durante 2015-2016, Cuba y los Estados Unidos hicieron zancadas muy importantes tras de la re- lanza de las relaciones diplomáticos entre los dos países bajo Presidentes Barak Obama y Raul Castro. Estos cambios fueron psicológicos y simbólicos a medida que avanzaban los temas claves de respecto mutual, soberanía, y reconciliación. También eran pragmáticos, atravesando una amplia gama de temas de viajes y hospitalidad, lo que ha ayudado a catalizar un importante aumento en los viajeros estadounidenses a la isla, a las telecomunicaciones ya la migración. Estas medidas reflejaban la aparición de una coalición efectiva entre unos grupos interesados estadounidenses que organizaban fuerzas juntas e individuales para recuperar la ventaja sobre la propuesta tradicional de la diáspora cubana que era pro embargo. Sin embargo, tras de la toma de posesión de Donald Trump el enero de 2017, la comunidad de exilios cubanos ha retomado el poder de influir las políticas estadounidenses con respecto a la isla, y el impulso hacia adelante para con las relaciones bilaterales ha parado. Al mismo tiempo, el partido republicano está dividido en sus opiniones en cuánto debería revertir la normalización cuando grupos específicos con lo más para ganar continúan a defender sus intereses en la normalización. El autor analiza los varias partes interesadas quienes están empujando por una relajación del embargo y como las políticas de la administración de Obama les beneficiaron. El artículo también analiza el papel del congreso estadounidense y las posibilidades para rapprochement en los años que vienen.

INDEX

Mots-clés: Cuba, normalisation, groupes d'intérêts américains, relations diplomatiques, embargo Palabras claves: Cuba, normalización, grupos interesados estadounidenses, relaciones diplomáticas, embargo Keywords: Cuba, normalization, U.S. constituencies, diplomatic relations, embargo

AUTHOR

TED PICCONE

Ted Piccone is the Charles W. Robinson Chair and a senior fellow specializing in Latin America and international order at the Foreign Policy program at the Brookings Institution. His research is focused on U.S.-Latin American relations, Cuba and Brazil; global democracy and human rights policies; emerging powers; and multilateral affairs. Piccone is the author or editor of multiple books and articles on international affairs, including his most recent book on Five Rising Democracies and the Fate of the International Liberal Order (Brookings Institution Press 2016).E- mail: [email protected]; twitter: @piccone_ted

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Le Canada et l’initiative Obama de rapprochement avec Cuba Canada and the Obama initiative to normalize relations with Cuba Canadá y la iniciativa Obama de acercamiento con Cuba

Gordon Mace

Introduction

1 La reprise des relations diplomatiques entre Washington et La Havane a eu lieu le 20 juillet 2015 avec la réouverture de leurs ambassades respectives. L’événement s’insérait dans un processus commencé en 2009 avec l’arrivée au pouvoir du président Barak Obama qui avait alors assoupli certaines restrictions aux échanges entre les deux pays notamment en ce qui concerne les remises de fonds et les voyages d’ordre éducatif ou religieux. En réponse à une volonté de réformes exprimée par le président cubain Raul Castro, le processus de rapprochement a continué pour aboutir à l’annonce, le 17 décembre 2014, d’un rétablissement prochain des relations diplomatiques. Cette annonce a rendu possible la participation de Cuba au Sommet des Amériques d’avril 2015, où a eu lieu la première rencontre officielle en 50 ans entre les chefs d’État de Cuba et des États-Unis, ainsi que la première visite, en mars 2016, d’un président états- unien en sol cubain depuis la visite du président Calvin Coolidge en 1928 (Bureau of Western Hemisphere Affairs, 2016 ; Felter C. et McBride J., 2017).

2 Le rapprochement entre les États-Unis et Cuba a été facilité par les bons offices du Saint-Siège et du Canada qui a offert des facilités pour que les délégations des deux pays puissent se rencontrer discrètement et négocier tout au long d’une période de 18 mois. L’intervention du gouvernement canadien était tout à fait naturelle puisqu’aucun autre pays ne se trouvait alors dans une position aussi privilégiée pour contribuer au rapprochement de Washington et de La Havane. Le Canada est en effet le seul pays des Amériques, avec le Mexique, à n’avoir pas rompu ses relations diplomatiques avec Cuba après la Révolution et demeure encore aujourd’hui un partenaire économique de premier plan pour l’île. Il est par ailleurs un allié fidèle des Etats-Unis, dans le cadre de

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l’OTAN et du NORAD, tout en étant membre de l’Anglosphère, un réseau informel dans le cadre duquel les États-Unis, le Canada, la Grande Bretagne, l‘Australie et la Nouvelle- Zélande s’échangent des renseignements stratégiques sur une base régulière. Le commerce Canada-États-Unis dépasse $ 1 milliard par jour et les deux gouvernements ont une vision du monde généralement assez semblable. Au-delà des relations économiques bilatérales enfin, l’intérêt du Canada pour un rapprochement entre Washington et La Havane s’explique par le fait que cela éliminerait un obstacle à la bonne marche des relations interaméricaines facilitant de ce fait une plus grande intégration du Canada à la région.

3 Ce qui introduit bien évidemment la question de l’influence que le gouvernement canadien aurait pu avoir sur le rapprochement entre Washington et La Havane et, plus largement, sur l’évolution des relations entre les deux pays depuis 1960. Car la prémisse sur laquelle ce texte s’appuie est qu’il y a eu une volonté des gouvernements canadiens successifs, en particulier depuis l’entrée du Canada à l’Organisation des États américains (OÉA) en 19901, de favoriser un rapprochement entre Washington et La Havane dans la mesure où ce rapprochement aurait permis de mettre fin à un contentieux nuisible à la bonne marche des relations interaméricaines. Des relations régionales plus harmonieuses constituant à leur tour un cadre plus favorable à l’accroissement des relations du Canada avec l’ensemble des Amériques.

4 Il se peut toutefois que cette prémisse soit fausse et que les gouvernements canadiens n’ont pas vraiment vu d’intérêt à favoriser un rapprochement entre Cuba et les États- Unis dans la mesure où le Canada pouvait tirer profit d’une relation tendue entre les deux pays pour accroître sa présence économique dans l’île en l’absence de concurrence des entreprises états-uniennes. Dans un cas comme dans l’autre, il demeure intéressant d’analyser les conditions objectives qui ont pu favoriser, ou au contraire rendre impossible, une influence du Canada sur le processus de rapprochement entre les deux pays. Mais qu’est-ce que l’influence en matière de politique étrangère et comment la mesure-t-on ?

5 La littérature contemporaine (Lebow R.N., 2007) témoigne du fait que la conception du pouvoir et de l’influence en relations internationales a peu changé depuis la Grèce antique et que la théorie demeure assez fidèle à la définition que donnait Hans Morgenthau de l’influence. Pour ce dernier (Morgenthau H. G, 1968 (1948) : 26-29), l’influence est la capacité que possède un acteur A d’amener un acteur B à agir comme il le désire, c’est-à-dire de modifier son comportement initial en réponse à la persuasion exercée par A. Ce qui implique que l’on doive distinguer clairement le comportement de politique étrangère, une action de médiation par exemple, de l’effet ou du résultat de ce comportement. En relations internationales, il est généralement difficile de mesurer avec précision le degré d’influence d’un comportement de politique étrangère.

6 Dans le cas du triangle Canada-États-Unis-Cuba, on peut procéder de deux façons pour tenter d’évaluer l’influence que le Canada a pu avoir sur le comportement réciproque de Washington et de La Havane. La première consiste à utiliser une méthode d’observation directe comme la consultation des archives (McKercher A., 2012) ou encore l’entretien avec des participants ou des témoins directs d’un événement (Kirk J.M. et P. McKenna, 1997) pour isoler des manifestations concrètes d’influence. Cette méthode, telle qu’employée, n’a pas généré jusqu’ici de résultats très concluants dans le

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sens où elle a pu révéler des indices intéressants sans pour autant tracer concrètement le cheminement de l’influence.

7 Cet article privilégie une seconde méthode qui est celle de l’observation indirecte associée à la construction d’explication (Mace G. et F. Pétry, 2017 : 108) selon laquelle on cherche à identifier des indices dans des épisodes de politique étrangère afin de reconstruire le cheminement de l’influence. Pour ce faire, nous retenons quatre épisodes-clés dans l’évolution du triangle Canada-États-Unis-Cuba de 1960 à aujourd’hui : la période 1959-1962, les années Trudeau 1974-1980, la loi Helms-Burton et la question des droits de l’homme 1994-2002, la période Obama 2008-2014. Dans chaque cas, l’étude propose un résumé sommaire de la période suivi d’un examen des réactions cubaines et étatsuniennes. Cette analyse comparative fournit le matériau de base pour l’appréciation, en conclusion, du rôle joué par le Canada et de son influence dans le contexte de l’initiative Obama et, plus largement, dans l’évolution des relations entre Cuba et les États-Unis.

De la Révolution à la Crise des Missiles

8 De façon générale, le Canada a été et demeure un joueur marginal dans le jeu diplomatique, économique et stratégique du grand Bassin de la Caraïbe dominé, depuis plus de cent ans, par la présence imposante des États-Unis (Randall S.J., 1998 : 3). Sauf pour quelques échanges commerciaux et une petite, mais solide, présence dans les secteurs de la finance et de l’assurance, le Canada n’avait pas non plus de relations substantielles avec Cuba avant la Révolution (Klepak H., 2006 : 677 ; Kirk J.M. et P. McKenna, 1997 : 9-25 ; Rodriguez R., 2010 : 64-66). Les relations diplomatiques datent de 1945 et cette courte période explique peut-être la divergence des points de vue des diplomates canadiens quant à l’attitude à avoir face au nouveau régime en 1959 (Klepak H., 2009 : 260).

9 Le gouvernement Diefenbaker et l’Administration Eisenhower ont rapidement reconnu le nouveau gouvernement cubain au début de 1959, immédiatement après la prise du pouvoir par Fidel Castro. Un an plus tard, Washington rompait les relations diplomatiques et allait progressivement mettre en place un ensemble de sanctions, au premier chef l’embargo commercial, en riposte au développement du Programme Moncada par le nouveau gouvernement cubain dont les éléments principaux étaient la réforme agraire et les nationalisations. Ottawa, de son côté, décidait de maintenir des relations diplomatiques normales avec le régime Castro malgré des appréhensions à propos des orientations politiques et économiques du nouveau gouvernement (Klepak H., 2009 : 261).

10 Il y avait à la base une convergence des points de vue entre les gouvernements à Ottawa et Washington qui partageaient la même méfiance face aux politiques et à l’orientation générale du gouvernement Castro. Il existait par contre une divergence bien réelle sur les moyens à privilégier face au régime. Washington considérait que seule une politique ferme de sanctions économiques et d’isolement diplomatique serait de nature à infléchir les orientations du nouveau gouvernement cubain, voire à contribuer à son renversement, alors qu’Ottawa pensait au contraire qu’une telle politique était non productive et allait même pousser Cuba dans le giron communiste (Rodriguez R., 2008 : 117-120 ; Klepak H., 2009 : 261-262 ; Rodriguez R., 2010 : 66-72).

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11 La seule possibilité de médiation canadienne au cours de cette période est venue en 1961 suite à une offre publique du ministre des Affaires extérieures, Howard Green, sèchement refusée par un président Kennedy en colère (McKercher A., 2012 : 72 ; Wylie L., 2012 : 675). Les relations entre les États-Unis et Cuba s’étaient en effet constamment détériorées avec les premières sanctions commerciales de Washington en octobre 1960, la rupture des relations diplomatiques en janvier 1961, l’invasion de la Baie des Cochons en avril de la même année pour culminer avec la crise des missiles en octobre 1962.

12 Cette situation allait entraîner un moment de tension extrême dans les relations entre le Canada et les États-Unis d’autant plus que les relations personnelles entre le président Kennedy et le Premier ministre Diefenbaker étaient particulièrement mauvaises. Ce dernier, qui n’avait pourtant aucune sympathie pour le régime Castro et ne partageait en rien ses orientations idéologiques, considérait que le Président faisait fausse route en cherchant à tout prix à isoler Cuba. Il était préférable, conformément à la tradition diplomatique canadienne, de maintenir des relations normales avec un gouvernement étranger même si on ne partageait pas sa philosophie. Cette approche permettait de pouvoir éventuellement influencer ledit gouvernement et, dans le cas spécifique de Cuba, d’éviter qu’il ne bascule complètement dans le camp socialiste (Klepak H., 2009 : 261-263 ; Rochlin J., 1994 : 50-62). Il faut ajouter que l’espoir de gains économiques éventuels résultant du traitement favorable accordé aux banques canadiennes par le gouvernement Castro au moment des nationalisations explique peut-être aussi en partie le comportement du gouvernement canadien à cette époque.

13 Quoiqu’il en soit, la décision canadienne de maintenir des relations diplomatiques normales avec Cuba déplaisait souverainement à l’Administration Kennedy qui considérait que la moindre ouverture à l’égard du régime Castro risquait d’introduire le communisme dans les Amériques. Le mécontentement était d’autant plus fort que le gouvernement canadien avait critiqué publiquement l’embargo commercial, avait rejeté les invitations pressantes de Washington à se joindre à l’Organisation des États américains (OEA) tout au long de 1961, et refusait de mettre fin à ses relations commerciales avec Cuba. Le refus du gouvernement canadien d’appuyer la position des États-Unis dans les premiers jours de la crise des missiles et le retard à mettre les forces canadiennes en alerte (McKercher A., 2012 : 81 ; Rochlin J., 1994 : 55) n’allait pas arranger les choses. La position canadienne à propos de Cuba de 1959 à 1962 était de plus en plus critiquée dans la presse aux États-Unis et elle était considérée comme le principal facteur du déclin de l’influence du Canada à Washington selon l’ambassadeur états-unien à Ottawa (McKercher A., 2012 : 73).

14 L’Administration Kennedy allait devenir moins critique à l’égard de la politique cubaine du Canada à partir du milieu de 1962 au fur et à mesure qu’elle se rendait compte de l’importance des renseignements glanés par les diplomates canadiens sur les activités politiques et militaires à Cuba dont une partie était transmise par Ottawa à Washington (McKercher A., 2012 : 79, 82 ; Rodriguez R., 2010 : 75) On était conscient aussi que le Canada avait adopté des mesures commerciales plus restrictives à l’égard de Cuba que les autres membres de l’OTAN, notamment en ce qui concernait les produits stratégiques et la définition de ce qu’était un produit stratégique (Rodriguez R. , 2008 : 128). Cela n’impliquait pas toutefois que le gouvernement Diefenbaker était revenu dans les bonnes grâces de l’Administration Kennedy en ce qui concerne l’attitude à adopter face au gouvernement Castro.

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15 En fait, le déroulement des évènements entre 1959 et 1963 illustre l’absence d’influence du Canada sur les décisions prises alors par Washington et La Havane. Une lecture de la réalité trop différente, l’absence d’atomes crochus entre les principaux responsables politiques, les incompréhensions diverses et le cadre rigide de la guerre froide ont agi comme obstacles dans les relations Ottawa-Washington. En ce qui concerne Cuba, l’opposition des philosophes politiques, le caractère limité des liens historiques et la faible présence économique expliquent le peu d’influence du gouvernement canadien, malgré ses espoirs, sur les orientations politiques et économiques du nouveau régime.

Les années Pierre-Elliot Trudeau : 1974-1980

16 Contraint en quelque sorte par un courant nationaliste de plus en plus fort, le Premier ministre Lester B. Pearson (1963-1968) ne pouvait que poursuivre la politique cubaine de Diefenbaker tout en cherchant à atténuer les irritants que cette approche générait pour les Etats-Unis . Son gouvernement maintiendra en conséquence des relations correctes avec Cuba mais plus distantes. Il manifestera également une attitude un peu plus critique à l’égard du régime castriste (Rochlin J., 1994 : 56-57).

17 Il faut attendre le troisième gouvernement Trudeau en 1974 pour assister à un rapprochement dans les relations Canada-Cuba. Selon la spécialiste Lana Wylie (2010, 12), c’est durant cette période que l’influence du Canada à La Havane fut la plus forte bien qu’elle ne fournisse pas d’éléments concrets en appui à ce jugement. Comme nous le verrons, cette affirmation mérite d’être nuancée quelque peu.

18 Les premiers contacts entre les gouvernements de Pierre Trudeau et de Fidel Castro ont eu lieu en décembre 1970 lorsque ce dernier a accepté, à la demande du gouvernement canadien, de donner refuge à des membres du Front de Libération du Québec en échange de la libération du diplomate britannique James Cross (Wright, 2016). Ce geste a grandement facilité la gestion de ce qu’on a appelé la Crise d’Octobre 19702 au Canada et a mené à un réchauffement progressif des relations entre les deux pays avec la mise en place de programmes de coopération, la signature d’ententes bilatérales et l’accroissement des échanges commerciaux et autres (Kirk J.M. et McKenna P., 2009 : 22).

19 Le rapprochement Canada-Cuba est très mal vu par Washington (Klepak H., 2009 : 264) qui venait de passer une décennie à lutter contre les mouvements révolutionnaires et les gouvernements de gauche en Amérique latine. Il s’inscrivait toutefois dans la foulée de l’importante révision de politique étrangère canadienne du début des années 1970 qui identifiait la région comme prioritaire pour les relations extérieures du Canada.

20 L’épisode le plus marquant de cette période a sans nul doute été la visite historique du Premier ministre Trudeau à Cuba et l’amitié personnelle qui en a résulté entre Castro et Trudeau. Un moment important puisqu’il s’agissait de la visite d’un chef de gouvernement d’un pays membre de l’OTAN mais un geste controversé aussi car il se déroulait au moment même où Cuba commençait à envoyer des troupes en Angola. Le Premier ministre Trudeau a indiqué avoir eu trois heures de discussion franche avec Fidel Castro au cours desquelles il a fait part de ses réserves face à l’initiative cubaine qui, selon lui, constituait une erreur sérieuse (Rochlin J., 1994 : 97). Manifestement, il n’a pas convaincu son hôte puisque les troupes cubaines en Angola allaient atteindre plus tard 50,000 hommes.

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21 Cet épisode montre que malgré les bons rapports que le Canada pouvait entretenir avec Cuba l’influence d’Ottawa sur La Havane était limitée. À tel point que le gouvernement canadien s’est résolu par la suite à réduire sa coopération avec le gouvernement Castro pour sanctionner la présence militaire cubaine en Angola. Dans le chassé-croisé des relations Canada-Cuba-États-Unis au cours de cette période, il faut bien reconnaître qu’Ottawa n’a eu aucune influence sur la politique cubaine de Washington et, malgré les apparences, aucune non plus sur les décisions du gouvernement cubain.

Helms-Burton et l’ « engagement constructif » du gouvernement Chrétien

22 Les années 1980 ont été le témoin d’un refroidissement significatif dans les relations entre Ottawa et La Havane dans la mesure où ni le gouvernement Trudeau ni le gouvernement Mulroney ne voulait risquer les foudres de l’Administration Reagan à propos de Cuba que Washington accusait de vouloir profiter de la crise en Amérique centrale pour y introduire le communisme. Le gouvernement Mulroney, en particulier, désirait mettre fin aux relations tendues entre le Canada et les États-Unis sous l’ère Trudeau et raffermir la relation spéciale entre les deux pays.

23 Il faut donc attendre le retour des Libéraux au pouvoir en 1993 pour assister à un changement de cap à l’égard de Cuba après quinze années de relative négligence. Reprenant à son compte l’approche traditionnelle de la diplomatie canadienne, qui considérait le dialogue préférable à l’isolement pour promouvoir le changement à Cuba, le gouvernement Chrétien déclarait vouloir poursuivre un « engagement constructif » vis-à-vis du régime castriste.

24 Dès 1994, la secrétaire d’État pour l’Amérique latine et l’Afrique, Christine Stewart, informait l’Assemblée générale de l’OÉA du désir du gouvernement canadien de voir Cuba réintégrer l’Organisation. Peu après, Ottawa relançait un programme de coopération avec La Havane, encourageait les liens entre universités et organisation non-gouvernementales, et aidait à développer les liens d’affaires dans différents secteurs dont le tourisme (Klepak H., 2009 :265 ; McKenna P. et J.M. Kirk, 2012 :152-153 ; McKenna P. et J.M. Kirk, 2010 : 82-84). L’ensemble des relations entre les deux pays était revenu à son niveau de 1974-78 à l’époque de Pierre Trudeau. C’était particulièrement vrai en ce qui concerne les relations économiques alors que le Canada était devenu en 1998 le troisième marché d’exportation pour les produits cubains, après la Russie et les Pays-Bas. Les investissements étrangers en provenance du Canada formaient 20 % des investissements dans l’île alors que 15 % des touristes venaient du Canada (Ritter A.R.M., 2010 : 121-124).

25 Cet accroissement des échanges économiques entre les deux pays constituait une bouée de sauvetage pour le gouvernement cubain qui avait dû proclamer une « période spéciale » après la chute de l’URSS et la fin des liens économiques privilégiés que cette dernière entretenait avec Cuba. Jusqu’à 1990, La Havane recevait en effet de Moscou $ 5 milliards par an. De 1989 à 1993, le commerce extérieur cubain est passé de $ 13.5 milliards à $ 2.5 milliards (Potter E.H., 1999 : 80). L’économie était donc en très mauvais état et toute aide que pouvait apporter le Canada était particulièrement appréciée. L’impression favorable que se faisait le gouvernement cubain du Canada, combinée à une certaine sympathie qu’avaient alors pour Cuba le Premier ministre Chrétien et le

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ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, allaient favoriser la tenue de deux rencontres importantes à La Havane.

26 La visite du ministre Axworthy à Cuba en janvier 1997, le premier séjour sur l’île d’un ministre canadien des Affaires étrangères depuis 40 ans, fut un franc succès. Non seulement le ministre a-t-il pu avoir un échange fructueux avec le président Castro mais les deux gouvernements se sont entendus, au terme du séjour, sur une Déclaration conjointe Canada-Cuba en 14 points visant à mettre sur pied un programme de coopération bilatérale dans différents secteurs y compris le développement économique, les droits de l’homme et la bonne gouvernance (McKenna P. et J.M. Kirk, 2010 : 85).

27 La visite du Premier ministre Chrétien en avril 1998 s’est par contre très mal déroulée. Le rapprochement des dernières années entre le Canada et Cuba faisait l’objet de critiques de plus en plus fortes à Washington et le Premier ministre canadien anticipait un geste positif de la part du président Castro, sur la question des droits de l’homme à tout le moins. Il voulait démontrer à l’Administration Clinton qu’une politique d’ouverture et d’engagement constructif était préférable à la politique d’isolement suivie par Washington pour amener le gouvernement Castro à adopter un certain nombre de réformes.

28 Lors de ses entretiens avec le président cubain, le Premier ministre canadien a indiqué quelles réformes lui semblaient nécessaires pour que Cuba puisse être réadmis dans la famille hémisphérique. Il s’est aussi enquis des progrès accomplis dans la mise en application de la Déclaration conjointe, particulièrement en ce qui concernait le traitement des plaintes pour atteinte aux droits de l’homme, et il a demandé la libération de quatre prisonniers politiques importants. Aucune de ces demandes n’a reçu de réponse positive de la part du gouvernement cubain et la visite a donné peu de résultats concrets, tout comme celle du ministre Axworthy l’année suivante. Qui plus est, les prisonniers politiques pour qui le Canada avait demandé une libération ont, au contraire, été condamnés à de sévères peines de prison en mars 1999 (McKenna P. et J.M. Kirk, 2010 : 86-7 ; Klepak H., 2006 : 688). En réponse à ses protestations, le ministre canadien des Affaires étrangères s’est fait répondre de « se mêler de ses affaires » (McKenna P. et J.M. Kirk, 2010 : 87).

29 La combinaison des pressions directes exercées par les dirigeants canadiens et de la politique d’ouverture pratiquée depuis 1994 n’a manifestement donné aucun résultat quant au changement d’orientations du gouvernement cubain et révélait à l’évidence le peu d’influence du Canada à cet égard. C’est pourquoi le gouvernement Chrétien demandera une révision complète de la politique cubaine du Canada qui entraînera essentiellement une réduction du programme de coopération bilatérale (McKenna P. et J.M. Kirk, 2005 : 72). Les relations entre les deux gouvernements demeureront correctes par la suite mais sans l’amitié qui avait caractérisé les années Trudeau et les premières années du gouvernement Chrétien. Par contre, les relations d’affaires, le tourisme et les échanges académiques et culturels continueront à progresser tout au long des années 2000.

30 Si le Canada a eu peu d’influence sur les orientations du gouvernement cubain au cours de cette période, il n’en a pas eu non plus sur la politique cubaine des États-Unis. En fait, les deux pays ont eu des approches tout à fait opposées au cours de cette période. Cela a commencé dès 1990 alors que Washington, voulant profiter de la chute de l’URSS et de la réduction drastique de son appui économique au gouvernement Castro, a

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renforcé l’embargo commercial de l’île pour forcer un changement politique à Cuba. L’Amendement Mack, critiqué par Ottawa, a été présenté au Congrès en 1990 et a mené, deux ans plus tard, à l’adoption du Cuban Democracy Act visant à mettre fin aux bénéfices fiscaux des entreprises états-uniennes qui permettaient à leurs filiales de transiger avec Cuba, et à couper l’aide des États-Unis aux pays qui continuaient à commercer avec l’île (Basdeo S., 1999 : 6-7).

31 Quatre ans après, le Congrès adoptait le Cuban Liberty and Democratic Solidarity Act, communément appelé le Helms-Burton Act, qui renforce en quelque sorte le Cuban Democracy Act en lui donnant un volet externe. Cette loi demande en effet au gouvernement des États-Unis de faire pression sur les gouvernements étrangers afin qu’ils restreignent leurs relations économiques avec Cuba et de poursuivre, devant des cours états-uniennes, des citoyens et entreprises étrangers qui transigent à propos de biens ayant appartenu à des citoyens des États-Unis et confisqués par le régime Castro. Elle interdit aussi l’accès aux États-Unis aux citoyens d’autres pays qui auraient enfreint la loi (Wylie L., 2004 : 46-7).

32 Selon Randall, on ne peut imaginer une loi aussi forte visant à changer le régime politique d’un autre pays (1998, 9). La loi Helms-Burton constituait aussi une nouvelle manifestation de la tendance des États-Unis à passer des lois avec application extraterritoriale aux conséquences, cette fois, imprévisibles. C’est pourquoi le président Clinton ne l’aurait sans doute pas signée n’eût été la destruction, par l’aviation cubaine, de deux avions appartenant à l’organisme Brothers to the Rescue le 24 février 1996. Cet organisme a été mis sur pied par des cubano-états-uniens pour aider à la récupération en mer de réfugiés cubains. Lors de vols de reconnaissance, il est arrivé par le passé, et cela s’était produit aussi en janvier 1996, que les avions lancent des tracts sur le sol cubain (Wylie L., 2004 : 44). C’est ce qui se serait passé en février 1996 et c’est pourquoi ils ont été abattus selon le gouvernement cubain après que des avertissements ont été lancés.

33 Le Canada s’est allié au Mexique et aux pays européens pour s’opposer de façon catégorique à la loi Helms-Burton. La suspension récurrente par le président Clinton du Chapitre III a fourni à Ottawa l’excuse pour ne pas se lancer dans des contestations juridiques de la loi (Potter E.H., 1999 : 87). Une procédure qui aurait pu être coûteuse pour le Canada étant donné les réactions possibles de Washington concernant des dossiers stratégiques comme les exportations canadiennes aux États-Unis de bois d’œuvre.

34 Tout au long des années 1990, la politique d’engagement constructif du Canada à l’égard de Cuba était par conséquent en porte-à-faux avec l’approche plus musclée de Washington. La politique d’ouverture d’Ottawa envers le régime Castro était non seulement critiquée par l’Administration Clinton mais elle faisait aussi l’objet de critiques virulentes des medias états-uniens. Cela étant, il est difficile de croire que le Canada ait pu avoir une quelconque influence sur la politique cubaine de Washington au cours de cette période. Le poids des communautés cubaines de la Floride et du New Jersey pesait nettement plus que celui du gouvernement canadien. Il faut ajouter que cette divergence de points de vue entre Ottawa et Washington s’inscrivait (et s’inscrit toujours) dans un contexte plus large de visions de politique étrangère différentes, voire opposées à l’occasion, entre les deux pays depuis les années 1960.3

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Les années Obama et le gouvernement Harper

35 Lorsque Stephen Harper est arrivé au pouvoir en 2006, les relations entre Cuba et le Canada se portaient relativement bien en dépit du fait que les deux gouvernements n’entretenaient pas de relations diplomatiques particulièrement amicales depuis la fin des années 1990. Le commerce annuel entre les deux pays dépassait en effet le milliard de dollars, faisant du Canada le troisième partenaire de Cuba. L’entreprise canadienne Sherritt International était devenue l’investisseur étranger le plus important dans l’île et les Canadiens constituaient plus du tiers des touristes à Cuba (Kirk J.M. et P. McKenna, 2009 : 21 ; Ritter A.R.M., 2010 : 121-25). Manifestement, les échanges entre individus étaient alors devenus beaucoup plus importants que les relations entre gouvernements.

36 Même si le gouvernement Harper a lancé une nouvelle Stratégie pour les Amériques au début de son mandat, il faut bien reconnaître que Cuba était à peu près absente d’une stratégie axée essentiellement sur la promotion de l’économie de marché, de la gouvernance démocratique et des droits de la personne (Canada, 2009 ; Robertson C., 2011, Wylie L., 2010 : 11). Certains ont même accusé le Premier ministre Harper de mettre de l’avant une politique cubaine qui était une copie conforme de la politique d’isolement suivie par l’Administration Bush de 2000 à 2008 (Kirk J.M. et P. McKenna, 2009 : 21).

37 Quoiqu’il en soit, la dynamique du triangle Canada - États-Unis – Cuba allait commencer à changer avec l’élection de Barak Obama à la présidence des États-Unis en 2008. Le nouveau président avait en effet décidé de maintenir à l’égard de Cuba l’approche à deux volets de son prédécesseur mais en la modifiant légèrement. Il maintenait un embargo commercial strict mais accentuait quelque peu l’ouverture envers le régime cubain au moyen de mesures modestes concernant l’élimination de certaines restrictions à l’envoi de fonds et aux visites dans l’île d’exilés cubains établis aux États- Unis (Fernandez Tabio L.R., 2010 : 148-9).

38 Ces mesures du printemps 2009 représentaient, somme toute, un progrès assez modeste mais elles n’en signifiaient pas moins l’annonce d’un changement de cap majeur dans la politique cubaine de Washington rendu possible pour deux raisons essentiellement. D’abord les changements au sein de la communauté des exilés cubains où les deuxième et troisième générations ont moins d’antagonisme face au régime Castro et sont favorables à des relations plus étroites avec leur pays d’origine. La pression ensuite des milieux d’affaires des États-Unis, en particulier le secteur agro-alimentaire qui exporte déjà $ 2 milliards de produits divers vers l’île, qui craignent de perdre des occasions d’investissements au profit de leurs concurrents canadiens et européens déjà présents à Cuba (Fernandez Tabio L.R., 2010 : 148).

39 De 2009 à 2016, on assistera ainsi à un rapprochement entre Washington et La Havane qui commencera de façon modeste mais qui s’accentuera par la suite. Car si, au départ, l’Administration Obama adopte des mesures modestes d’allégement de certaines restrictions, elle s’oppose quand même à la participation de Cuba au Sommet des Amériques de 2012 à Carthagène en Colombie, malgré l’opposition de nombreux pays de la région. Washington a soufflé le chaud et le froid tout au long de cette période jusqu’à l’annonce, en décembre 2014, de la réouverture prochaine des ambassades des deux pays. Une annonce qui a ouvert la voie à la participation de Cuba au Sommet des

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Amériques du printemps 2015 à Panama et à la visite en sol cubain du président Obama en avril 2016.

40 Pendant que les Amériques et le monde assistaient à cet éclatant retournement de situation dans les relations entre deux vieux ennemis, la politique cubaine du gouvernement Harper semblait quant à elle figée dans le temps, à l’époque de la confrontation Washington-La Havane du début des années 2000. Malgré le ton cordial de la visite à Cuba de la ministre Ablonczy en janvier 2012, alors qu’elle saluait les réformes mises en place par le régime, l’attitude générale du gouvernement Harper à l’égard de La Havane était plutôt faite d’animosité et de critique acerbe de la situation des droits de l’homme dans l’île. L’illustration la plus éloquente du discours gouvernemental canadien durant les années Harper vient d’un énoncé de Peter Kent, ministre d’État pour les Amériques en 2009, affirmant que Cuba « …is a dictatorship, anyway you package it » (cité dans Wylie L., 2012 : 679).

41 Bien que le Canada ne se soit pas opposé à la participation de Cuba au Sommet des Amériques de 2015, il reste que la question des droits de l’homme a été un irritant majeur dans les relations entre Ottawa et La Havane durant toute la période des gouvernements Harper. Il faut dire que Stephen Harper lui-même a fait de la question du respect des droits de l’homme un thème dominant de sa politique étrangère. En privilégiant ce thème au détriment des impératifs commerciaux dans les relations du Canada avec la Chine, par exemple, il a créé un froid considérable et hypothéqué les relations avec Pékin au cours de son premier mandat.

42 L’acharnement du Premier ministre Harper à propos du respect des droits de la personne constitue certainement un facteur explicatif dominant de la fermeté, voire de l’animosité, de la politique cubaine du Canada de 2006 à 2015. Mais ce n’est pas le seul facteur. La méfiance traditionnelle des hauts responsables du ministère des Affaires étrangères à l’égard du régime Castro aurait aussi facilité l’adoption d’une approche ferme face à La Havane (Kirk J.M. et P. McKenna, 2009 : 32). D’autant plus que la communauté des organisations non gouvernementales (ONG) intéressées aux questions latino-américaines n’avait plus, sous le gouvernement Harper, l’influence qu’elle possédait avant 2006 (Roque Valdès N., 2015 : 15). De 1970 à 2006, les gouvernements canadiens successifs avaient pris l’habitude, pour des raisons de transparence, de consulter régulièrement la société civile pour discuter de la politique étrangère à suivre en recevant des recommandations différentes, souvent opposées, à celles reçues du milieu des affaires. Cette pratique n’existait plus sous le gouvernement Harper qui, par ailleurs, a réduit considérablement les aides gouvernementales aux ONG.

43 Enfin, l’attitude des medias canadiens à l’égard de Cuba constitue également un facteur non négligeable de la politique de fermeté des gouvernements Harper face au régime Castro. La presse canadienne avait été généralement favorable à la Révolution castriste en 1959 mais était devenue ambivalente face aux orientations du régime par la suite, sauf lors de l’adoption de la loi Helms-Burton vivement critiquée par les médias au Canada. À partir de 2002, toutefois, les medias au Canada sont devenus de plus en plus critiques face à la situation des droits de l’homme à Cuba. Et comme le respect des droits de l’homme est devenu un thème majeur de la politique étrangère du gouvernement Harper, ce dernier a pu profiter du soutien de la presse pour sa fermeté à l’égard du gouvernement cubain sur cette question (Nicol H.N., 2010).

44 Cette dernière période a en conséquence été assez semblable aux périodes précédentes pour ce qui est de l’influence du gouvernement canadien sur les choix faits par

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Washington et La Havane dans le cadre de leurs relations communes. Comme l’a précisé le Premier ministre Harper lui-même, les facilités offertes par le Canada pour la tenue de négociations entre les représentants cubains et états-uniens en 2013 et 2014 n’ont jamais dépassé le stade des bons offices. Il n’y a pas eu de tentative de médiation de la part du Canada entre 2006 et 2015 ni de manifestation visible d’influence étant donné la froideur des relations diplomatiques entre Ottawa et La Havane et la non convergence des politiques cubaines de Washington et d’Ottawa.

Conclusion

45 Un gouvernement peut avoir une influence sur un autre gouvernement si ce dernier accepte de subir cette influence parce qu’il y voit son intérêt, parce qu’il y a convergence des points de vue, ou encore parce qu’il n’a pas le choix. L’analyse comparative de quatre moments-clefs dans l’évolution du triangle Canada-États-Unis- Cuba révèle qu’aucune de ces situations ne s’est produite, dans le cas du Canada, depuis l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro en 1959.

46 Même lors des moments de plus grande cordialité dans les relations entre Ottawa et La Havane, jamais le gouvernement canadien n’a été en mesure de pouvoir infléchir les orientations politiques ou économiques du gouvernement cubain. Ni en ce qui concerne le rapprochement avec les États-Unis, ni en ce qui a trait à la question de l’approche à adopter concernant le respect des droits de la personne (Sagebien J. et P. Spadoni, 2010 : 175). La position cubaine traditionnelle a été réitérée par le président Raul Castro à son arrivée au pouvoir en 2008 lorsqu’il a déclaré que La Havane ne prendrait jamais une décision sur la base de pressions venant de l’extérieur (Wylie L., 2010 : 12).

47 Ottawa n’est pas parvenu non plus à influencer Washington à propos d’un rapprochement avec Cuba à un moment ou à un autre depuis la Révolution cubaine parce qu’il n’y a eu à peu près jamais de convergence de points de vue entre les deux gouvernements à propos de la question cubaine. On peut même dire qu’entre l’époque Kennedy-Diefenbaker et la période Obama-Harper il y a eu une divergence constante d’approche à l’égard de Cuba accentuée, très souvent, par des relations personnelles plutôt froides entre les Premiers ministres canadiens et les présidents états-uniens comme ce fut le cas, par exemple, avec Trudeau et Nixon, Trudeau et Reagan ainsi que Harper et Obama. Même à l’époque de la grande amitié Mulroney-Reagan, les deux gouvernements différaient de points de vue quant à la façon de gérer la crise centraméricaine et l’implication de Cuba dans cette crise. Dans ces conditions, il est difficile de voir comment le Canada aurait pu influencer la position de Washington concernant un rapprochement avec Cuba.

48 Le Canada a pu proposer une médiation à Washington et à la Havane à un moment ou à un autre au cours des cinquante dernières années mais ces offres sont demeurées sans réponse et on ne décèle aucun indice d’une influence réelle d’Ottawa en faveur d’un rapprochement entre les États-Unis et La Havane. Une situation qui ne devrait pas changer dans le court terme dans la mesure où le Parti républicain est divisé sur l’opportunité d’un dégel dans les relations Washington-La Havane (Shifter M., 2017) et où l’Administration Trump est susceptible d’exiger des réformes économiques que refusera de réaliser le gouvernement Castro. Au Canada, le gouvernement de Justin Trudeau est certes plus favorable que son prédécesseur à l’égard de Cuba. L’ouverture envers le régime Castro ne fait cependant pas l’unanimité comme en fait foi la critique

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de la presse et des milieux politiques en réaction à l’éloge du Premier ministre lors du décès de Fidel Castro. Manifestement, l’évolution de relations entre les États-Unis, Cuba et le Canada au cours des prochaines années dépendra bien davantage du face-à-face entre Washington et La Havane que des pressions qu’Ottawa pourrait exercer.

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NOTES

1. Pour une analyse des raisons de l’adhésion du Canada à l’OÉA, voir (Mace G., 2000). 2. Moment le plus intense d’une grande période de turbulence au Québec (1964-1971) alors que des manifestations violentes en faveur de l’indépendance, l’explosion de bombes artisanales, l’enlèvement et ensuite le meurtre du ministre québécois Pierre Laporte ont mené à une intervention de l’armée canadienne sur le territoire québécois afin de rétablir la paix. L’enlèvement du diplomate James Cross à Montréal le 5 octobre 1970 a constitué un fait marquant de cette période. 3. Consulter à cet égard Lacroix et Mace (2012).

RÉSUMÉS

L’article cherche à comprendre le rôle joué par le Canada face à l’initiative du président Obama de rapprochement entre les États-Unis et Cuba et, plus largement, cherche à évaluer l’influence qu’a pu avoir Ottawa sur les décisions prises par Washington et La Havane dans la gestion de leurs relations. Pour ce faire, l’étude sélectionne quatre périodes importantes dans l’évolution du triangle Canada-États-Unis-Cuba afin d’analyser le comportement du gouvernement canadien ainsi que les réactions de ses homologues. L’analyse aboutit au constat d’une influence peu importante du Canada sur les relations Cuba-États-Unis de la Révolution cubaine à aujourd’hui.

The paper offers an assessment of Canada’s role in the context of President Obama’s initiative to normalize relations between Cuba and the United States, and, more largely, evaluates the

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influence that Canadian governments may have had on Washington and Habana’s policy orientations concerning the management of their relationship. This is done through a comparative analysis of four strategic moments in the dynamics of the Canada-US-Cuba triangle. The results of the analysis point to a negligible Canadian influence on US-Cuba relations from the Cuban Revolution to the present day.

El articulo ofrece una evaluación del rol de Canadá en la iniciativa Obama de acercamiento entre Cuba y EE.UU y, además, trata de evaluar la influencia que el gobierno de Canadá ha podido ejercer sobre las decisiones de Washington y de La Habana en la gestión de sus relaciones comunes. A estos fines, hacemos un análisis comparado de cuatro momentos estratégicos en la dinámica del triángulo Canadá-Cuba-EE.UU de manera a circunscribir el comportamiento del gobierno canadiense y la reacción de sus homólogos. El análisis evidencia la poca influencia de Canadá en las relaciones entre Cuba y los Estados Unidos desde la revolución cubana hasta hoy.

INDEX

Mots-clés : Canada, rapprochement Etats-Unis-Cuba, relations trilatérales, diplomatie, influence Palabras claves : Canadá, acercamiento Cuba-EE.UU, relaciones trilaterales, diplomacia, influencia Keywords : Canada, US-Cuba reconciliation, trilateral relations, diplomacy, influence

AUTEUR

GORDON MACE

Gordon Mace est le récipiendaire du Distinguished Scholar Award 2008 de ISA Canada et professeur émérite au Département de science politique de l’Université Laval. Il a été directeur de la revue Études internationales de 2000 à 2011 et du Centre d’études interaméricaines de 2002 à 2014. Il vient de faire paraître, avec François Pétry, la 3e édition du Guide d’élaboration d’un projet de recherche, Québec, PUL, 2017. [email protected]

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La médiation du pape François entre La Havane et Washington : rupture ou continuité dans la diplomatie pontificale ? Pope’s Francis mediating work between Havana and Washington, change or continuity in papal diplomacy? La mediación de papa Francisco entre la Habana y Washington: ¿ruptura o continuidad en la diplomacia pontificia?

Marie Gayte

Introduction

1 Le Saint-Siège compte à son actif une longue tradition de médiation entre États, notamment depuis le pontificat de Léon XIII (1878-1903). Outre la volonté pacificatrice du pontife, le siège de l’Église catholique, qui a perdu en 1870 presque toute assise temporelle − hormis les quelques hectares de la Cité du Vatican − connaît au tournant du siècle dernier une évolution auprès de l’opinion, qui voit de plus en plus en lui une institution impartiale, car détachée des contingences territoriales, et de ce fait capable d’assurer une fonction médiatrice entre États (Ticchi J.M., 1993 : 572). Depuis lors, le Saint-Siège a assuré de nombreuses médiations (Cardinale I., 1962 : 46 ; Noé J.-B., 2015 : 34-35), certaines relatives à des États non-catholiques, mais elle est intervenue tout particulièrement pour régler des différends territoriaux impliquant des pays d’Amérique latine (Barberini G., 2003 : 178)1. Cette tradition perdure jusqu’à aujourd’hui puisque très récemment, le Saint-Siège a été sollicité pour débloquer l’impasse des négociations en Colombie entre le gouvernement de Juan Manuel Santos et les FARC (Ordaz P., 2015), ainsi que pour tenter de trouver au Venezuela une solution au conflit entre le régime de Nicolas Maduro et l’opposition dans le cadre de la médiation proposée par les anciens chefs d’État José Luis Rodríguez Zapatero, Martín

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Torrijos, Ernesto Samper et Leonel Fernandez (Castro M., 2016 ; Infobae, 2017 ; Falasca S., 2017).

2 Cette disposition à proposer ses bons offices se double d’une réelle compétence diplomatique, fruit d’une présence quasi universelle ainsi que de l’existence d’un corps diplomatique professionnel formé à l’Académie pontificale ecclésiastique. En 2014, 180 États étaient représentés à la cour de Rome (Noé J.-B., 2015 : 83). La présence d’évêques, de prêtres et d’ordres religieux à travers le monde assure de plus des relais d’information − voire d’influence − non négligeables, qui permettent au Saint-Siège d’avoir une connaissance relativement fine des situations locales.

3 Les États-Unis en sont bien conscients, ayant eux-mêmes recouru aux bons offices romains à plusieurs reprises au sujet de nations d’Amérique latine. Ainsi, à l’occasion de la crise des missiles de Cuba de 1962, à la demande du président américain, le pape Jean XXIII avait exhorté J. Kennedy et N. Khrouchtchev à faire baisser les tensions (Di Nolfo E. 1993 :109-122). De même, en 1978, l’administration Carter avait sollicité Jean- Paul II pour chercher une solution au conflit opposant le Chili et l’Argentine sur la souveraineté du canal de Beagle. Ce dernier nomma un diplomate chevronné pour assurer une médiation couronnée de succès (Day M., 1981 : 20).

4 C’est donc dans ce contexte particulier que s’inscrit la nouvelle, annoncée lors des allocutions télévisées respectives de Barack Obama et Raul Castro, le 17 décembre 2014, selon laquelle le pape François aurait assuré une médiation déterminante dans le rapprochement cubano-américain. On apprend ainsi de la bouche du président états- unien que le pape lui a demandé ainsi qu’à Raul Castro de résoudre le cas d’Alan Gross et des « agents cubains détenus aux États-Unis depuis quinze ans » (Obama B., 2014). La secrétairerie d’État du Saint-Siège publie à son tour un communiqué dans lequel elle se félicite de la décision et évoque, outre l’envoi de lettres exhortant les deux dirigeants à résoudre la question des prisonniers « afin de permettre le début d’une nouvelle phase dans les relations entre les deux pays », la tenue d’une rencontre entre négociateurs américains et cubains au Vatican en octobre 2014 et le rôle de « bons offices de la part du Vatican pour permettre un dialogue constructif sur des questions délicates, débouchant sur une solution acceptable par les deux parties » (McElwee J., 2014).

5 Cette annonce intervient alors que règne au Vatican depuis dix-huit mois le premier pape d’Amérique latine, Jorge Mario Bergoglio, pape qui semble à plusieurs égards incarner une rupture d’avec son prédécesseur, Benoît XVI. Elle se produit également alors que les États-Unis semblent avoir changé de stratégie envers Cuba. Après avoir tenté d’obtenir du Vatican depuis une quinzaine d’années que ce dernier œuvre à leurs côtés pour une transition démocratique, ils sont passés sous la présidence de Barack Obama à une attitude plus conciliante et plus favorable (au moins à moyen terme) au maintien d’une certaine forme de statu quo dans l’île des Caraïbes. L’annonce du rapprochement se produit également à un moment où Cuba souffre des effets d’une crise économique due notamment à la baisse du soutien financier vénézuélien et du manque de résultats des réformes impulsées par Raul Castro depuis 2006.

6 Cet article se propose de montrer comment un concours de circonstances inédit a permis cette médiation pontificale, après l’existence de divergences entre les différents acteurs rendant jusque lors impossible une telle intervention. Il s’agit également de démontrer que ce concours de circonstances ne doit pas occulter le fait que l’action du pape François, si elle s’inscrit dans une longue tradition de bons offices dans la région,

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n’est pas le reflet d’une « rupture » dans la diplomatie vaticane. Cette dernière reste avant tout motivée par des principes − sauvegarde de l’institution ecclésiale et des fidèles, choix du dialogue plutôt que de la confrontation − qui sont ceux qui animent l’action du Saint-Siège depuis que ce dernier joue un rôle important sur la scène internationale − depuis le pontificat de Léon XIII jusqu’à ceux des deux prédécesseurs immédiats de François, Jean-Paul II et Benoît XVI.

De profondes divergences entre Washington et le Saint-Siège sur le dossier cubain

L’Église catholique, de paria à « interlocuteur privilégié » du régime castriste

7 La révolution cubaine a pour le moins distendu les liens entre La Havane avec Rome. Dans les trois années qui suivirent la révolution de 1959, l’emprisonnement dans des camps de travail et l’expulsion de nombreux prêtres et de religieux, la fermeture des séminaires, la nationalisation des écoles catholiques et l’imposition de l’athéisme furent autant de coups semblant parfois mettre en péril jusqu’à l’existence même de l’Église sur l’île (Holbrook J., 2010 : 264-275 ; Alonso A., 2009 : 290, 2002 : ch. 1).

8 Pour distendus qu’ils aient été, les liens n’ont cependant jamais été complètement rompus, signalant dès les origines une différence d’approche entre le Saint-Siège et les États-Unis. Le 3 février 1962, le nouvel ambassadeur cubain présentait ses lettres de créance à Jean XXIII, alors qu’au même moment le président Kennedy annonçait des sanctions totales contre l’île et que Cuba avait été exclue de l’Organisation des États américains au sommet de Punta del Este trois jours auparavant (Dupuy A., 1980 : 228).

9 En dépit de toutes les vexations qu’a dû subir l’Église cubaine, le Vatican n’a jamais suspendu ses relations diplomatiques avec la capitale cubaine, établies en 1935, même s’il y fut longtemps représenté par un chargé d’affaires et non par un nonce apostolique (Quigley T., 2003 : 95). Ce choix de maintenir les lignes de communication ouvertes a parfois été perçu comme un aspect contradictoire de la diplomatie du Saint-Siège, mais en agissant de la sorte il s’agissait avant tout pour Rome de ne pas abandonner à leur sort les fidèles et les institutions catholiques de l’île (le Saint-Siège par le biais de sa publication l’Osservatore Romano eut tout de même à cœur de démentir certaines affirmations de Fidel Castro concernant l’absence d’hostilité de son régime envers l’Église). Cette attitude de compromis et de dialogue de la part de Rome − et de plus en plus de la part de l’épiscopat cubain également − n’est pas sans rappeler l’Ostpolitik menée par Mgr Casaroli pendant le pontificat de Paul VI vis-à-vis de la Yougoslavie de Tito ou de la Hongrie2, Ostpolitik qui fut, comme à Cuba, critiquée par certains catholiques comme une forme de trahison. Cette ouverture au dialogue de la part de Rome permit à l’Église à Cuba de connaître certaines avancées. Les évêques cubains purent assister au concile Vatican II ; quelques prêtres furent autorisés à s’installer sur l’île, prêtres dont la pénurie risquait de porter un coup fatal à la survie même de l’institution, et en 1974 Mgr Casaroli se rendit à Cuba pour une visite « strictement ecclésiale », mais à l’occasion de laquelle il put s’entretenir avec Fidel Castro (Dupuy A., 1980 : 229-230). Pour autant, l’attitude cubaine fut parfois proche de celle des régimes est-européens − souvent peu disposés à tenir les promesses faites à Rome. Fidel Castro supprima ainsi le jour férié de Noël en 1969. Le Vatican n’eut pour autant de cesse de

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condamner l’embargo américain sur l’île pour ce qu’il entraînait de difficultés pour la population. Du côté des évêques, après une période de fortes tensions, se produisit une période qualifiée de « période de silence » (Hurtado R.F. et T. Henken, 2013 : 186). Ce silence fut néanmoins rompu par deux lettres pastorales de 1969 dénonçant l’embargo et appelant à la réconciliation entre croyants et non-croyants (Alonso A. 2009 : 306).

10 L’approche adoptée par le Vatican à Cuba est l’illustration d’une des principales priorités de sa diplomatie. Comme le rappelle Giovanni Barberini, « [l]e Saint-Siège opère comme un sujet qui entend faire valoir ses propres intérêts spécifiques, ainsi que les intérêts généraux de la communauté internationale, considérés du point de vue humanitaire, moral et spirituel » (Barberini G., 2003 : 88). Si la promotion de la paix entre les peuples fait partie des missions de l’Église − notamment depuis la publication de la constitution pastorale Gaudium et Spes issue du concile Vatican II (Barberini G., 2003 : 90) − de même que la défense de la dignité humaine et des droits humains, comme stipulé dans l’encyclique Pacem in Terris de Jean XXIII (Barberini G., 2003 : 102 ; 109), Barberini rappelle néanmoins que : [l]e Saint-Siège agit avant tout dans l’intérêt de l’Église universelle, qui passe par ceux des Églises particulières, ainsi que dans l’intérêt des institutions catholiques locales dans les différentes parties du monde. [...] Ces intérêts comprennent évidemment la liberté et l’autonomie des institutions ecclésiastiques, les droits et les libertés des fidèles, de même que les conditions de développement et de croissance de la confession catholique en général [...] (Barberini G., 2003 : 88).

11 C’est dans cet esprit que, dès les années 1980, Jean-Paul II envisage un voyage à Cuba, pour des raisons de sauvegarde de l’Église, qui s’y trouve en fâcheuse posture. Cette dernière ne fut jamais très forte, notamment de par le manque de prêtres et du fait que les rares ecclésiastiques présents sur l’île étaient espagnols, c’est-à-dire de la nationalité de l’occupant jusqu’en 1898, d’où un certain anticléricalisme (Alonso A., 2009 : 289). L’Église fut en outre étroitement associée aux classes dirigeantes. La pratique religieuse était relativement faible avant même la Révolution, cette dernière ne contribuant évidemment pas à la renforcer (Létrillart P., 2005 : 11-12). Il y avait donc pour le pontife polonais urgence à insuffler une dose de ferveur catholique chez les Cubains, surtout que l’île pendant la « période spéciale » montrait les signes d’une forme de renouveau spirituel, un renouveau dont profitaient surtout la religion populaire et les Églises pentecôtistes et très peu l’Église catholique pour les raisons historiques mentionnées supra (Alonso A., 2009 : 292-293 ; Hurtado R.F. et T. Henken, 2013 : 188).

12 Les Américains pratiquent alors de leur côté une politique d’isolement maximal de l’île, dans l’espoir de précipiter la chute du régime, et dans ce contexte déploient une grande énergie à y empêcher toute présence internationale. Ils sont de ce fait rétifs à l’idée d’un tel voyage quand le Vatican en émet l’idée en 1985 (Van Heuven M., 1985). L’éventualité d’un déplacement pontifical sur l’île est à nouveau évoquée en 1989 puis en 1992. A chaque fois, les Américains font savoir au Saint-Père qu’ils jugent un tel déplacement « non opportun » (Melady T., 1994 : 79). La volonté de Jean-Paul II de se rendre à Cuba est d’autant plus mal comprise que Washington tend à voir dans le pontife polonais un allié inconditionnel dans la lutte idéologique contre Moscou (Van Heuven M., 1985).

13 Les années 1980 sont le théâtre d’une certaine forme de « réconciliation » entre Cuba et le Saint-Siège, avec la publication en 1985 d’un ouvrage d’entretiens avec Fidel Castro par le dominicain brésilien Frei Betto intitulé Fidel et la religion. Le régime cubain a ses

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raisons d’envoyer des signaux plus positifs en direction de l’Église au cours de cette décennie, voire à se montrer disposé à accueillir le souverain-pontife. A partir de l’accession de Mikhaïl Gorbatchev en 1985 au Kremlin, une certaine distance se creuse entre La Havane et Moscou. Les évêques commencent pour leur part à mettre en œuvre les recommandations de la conférence de Puebla de 1979 en faveur d’une option préférentielle pour les pauvres. En 1986, l’Église cubaine adopte une attitude plus pragmatique envers le régime (Alonso A., 2009 : 290). En 1989 Fidel Castro invite une fois de plus Jean-Paul II à se rendre sur l’île (Alonso A., 2009 : 297). Les bouleversements à l’Est incitent le pape à un certain attentisme, alors qu’ils rendent pour Fidel Castro un rapprochement avec l’Église catholique d’autant plus urgent que, outre le fait qu’une visite pontificale soit susceptible de contribuer à briser l’isolement de Cuba, l’Église pourrait fournir sur l’île, en pleine crise économique avec le tarissement de la manne soviétique, certains services sociaux et sanitaires par le biais d’organismes tel Caritas (Quigley T., 2003 : 99-100).

14 Le fait que Fidel proclame en 1992 la fin du caractère athée du régime et qu’il se rende à Rome en 1996 ouvre la voie au voyage de Jean-Paul II de 1998, provoquant l’aire de l’administration Clinton, qui, comme ses prédécesseurs, continue d’appliquer une stricte politique d’isolement de Cuba et d’encouragement à la mobilisation de la société civile, et ce malgré l’effondrement du principal bailleur de fonds des Castro, à savoir l’Union soviétique, en 1991 (Capote S., 2012).

15 L’approche employée par le pape lors de son voyage n’est pas celle d’une remise en cause du régime. Si Jean-Paul II critique l’idéologie marxiste qui le sous-tend et enjoint Cuba à s’« ouvrir au monde », le fait que le pape apparaisse aux côtés du Líder Máximo et montre du doigt, parmi les causes de « la pauvreté matérielle et morale [qui frappe le pays] », « les mesures économiques restrictives injustes et éthiquement inacceptables imposées par l'étranger » 3, indique qu’il ne souhaite pas adopter une stratégie d’affrontement (Jean-Paul II, 1998). Le but du voyage est avant tout d’accroître la liberté religieuse sur l’île et dans ce contexte, il est préférable d’opter pour une attitude plutôt conciliante.

16 Dès lors, l’approche du Saint-Siège consiste à renforcer la présence de l’Église grâce à un dialogue avec les autorités, ce qui exclut de fait qu’elle se pose en pourfendeur du gouvernement cubain. Le Saint-Siège, loin de soutenir publiquement les initiatives des dissidents, se montre même assez méfiant, surtout quand ces derniers sont catholiques, car comme l’a expliqué un diplomate romain à ses homologues américains, le Vatican ne veut surtout pas que l’Église catholique soit perçue comme faisant partie de l’opposition. Il attribue d’ailleurs la lenteur des progrès en matière de liberté ecclésiale à l’action de dissidents revendiquant haut et fort leur foi catholique4. La question des droits humains, et surtout le sort des prisonniers politiques, est bien abordée, mais en privé (Gaetan V., 2012). L’approche s’avère plutôt payante pour le catholicisme sur l’île (Alonso, A., 2009 : 295), qui connaît un rebond des vocations, un séminaire ayant même pu ouvrir ses portes en novembre 2010 en présence de Raul Castro (Ortega J., 2012). L’Église est devenue un acteur clé de la société cubaine, s’acquittant de missions sociales que l’État peine à assurer5. De plus, outre une certaine « renaissance » de l’Église, l’approche suivie par Jean-Paul II et son successeur a eu pour effet d’en faire la seule interlocutrice indépendante du régime, dans un pays où l’opposition est faible et fragmentée (Contreras-Garcia D., 2012 : 177). Le mouvement catholique laïc connaît

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également une progression sans précédent, marquée par la multiplication d’organisations et de publications très dynamiques (Alonso A., 2009 : 295).

L’opportunisme vain des États-Unis face au rapprochement entre le Saint-Siège et La Havane

17 Les évolutions dans les relations entre le Vatican et Cuba n’échappent pas aux autorités américaines qui, après avoir redouté les conséquences d’un rapprochement entre le Saint-Siège et La Havane, commencent à penser au Vatican comme catalyseur d’un possible changement politique sur l’île6. L’approche américaine vis-à-vis de Cuba consiste toujours à isoler La Havane tout en cherchant à dynamiser la société civile. Les dirigeants américains se souviennent du rôle joué par l’Église polonaise et le Vatican de Jean-Paul II dans les années 1980 ; c’est dans cet esprit qu’ils espèrent s’adjoindre l’aide du Vatican dans ces tentatives vis-à-vis de Cuba, et ce alors que la position et l’influence de l’Église à Cuba et en Pologne soient très différentes (Crahan M., 2003 : 1-4). L’administration de George W. Bush, la première à espérer tirer profit des retombées du voyage papal, demande au Saint-Siège non seulement d’intervenir pour faire libérer les dissidents, mais aussi d’exhorter La Havane à rétablir les libertés fondamentales et à accepter des élections libres7. Ces requêtes voient leur fréquence et leur ambition s’intensifier après le passage de flambeau de Fidel Castro à son frère, Raul, en 2006, car les États-Unis espèrent que cette transition puisse être l’occasion d’un changement plus radical8.

18 Le Saint-Siège laisse ces requêtes sans réponse, au grand dam de ses interlocuteurs américains, dont ce conseiller politique de l’ambassade près le Saint-Siège qui, en 2002, s’étonne auprès de ses homologues romains que l’Église ne joue pas un rôle aussi actif pour la liberté qu’elle ne l’a fait en Pologne du temps de Jean-Paul II9. Or, « si la démocratie est actuellement la jauge unique des relations internationales dans le monde occidental », au point de justifier des interventions militaires, le Vatican, pour sa part, n’a « aucun projet politique messianique » pour reprendre les termes de l’historien Jean-Baptiste Noé. Il « ne cherche pas à faire advenir un régime par rapport à un autre » et a en ce sens une géopolitique « éminemment réaliste ». Là où nombre d’États cherchent à imposer leur idéal politique, le Saint-Siège favorise une politique des petits pas (expression d’ailleurs reprise par le pape François pour expliquer sa vision de la diplomatie) et de l’entente, « capable de transiger sur le superflu pour rester ferme sur le nécessaire » (Noé J.-B., 2015 : 224-225). Ce réalisme le rend capable de dialoguer avec des pays aux visions du monde différentes de la sienne. Comme l’ont pu le constater les diplomates américains, bien que « d’un point de vue philosophique favorable à une transition démocratique sur l’île et à une plus grande liberté pour ses habitants », le Saint-Siège est soucieux avant tout de ménager un espace d’exercice pour sa mission, espace qu’il risque de perdre s’il se met à dos le gouvernement cubain par un activisme politique trop audacieux aux yeux de ce dernier. Les diplomates américains retiennent de leur entretien avec leurs homologues catholiques les termes de « patience » et de « prudence » dans l’approche vis-à-vis de Cuba. Ainsi, alors que la diplomatie américaine demande au Saint-Siège de protester lors des arrestations massives de 2003, le diplomate en charge de Cuba au Saint-Siège répond que l’Église se trouve dans une « situation délicate » du fait de la nécessité de protéger sa fragile présence sur l’île10. Les diplomates du Vatican expliquent en 2002 aux Américains qu’ils pensent que le changement politique sur l’île sera lent. S’ils jugent une transition

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« inévitable », ils estiment qu’elle pourrait ne se produire que dans de nombreuses années, y compris « des années après que Fidel Castro eut quitté la scène »11. Contrairement à Washington, Rome semble même dans une certaine mesure redouter une transition démocratique dans l’île, surtout si celle-ci devait se produire dans un avenir proche. Comme l’explique l’un des responsables de la diplomatie du Saint-Siège Mgr Pietro Parolin en 2006 à ses homologues états-uniens, la liberté politique n’entraîne pas nécessairement une plus grande piété ou une plus grande implication dans l’Église. Le Vatican craint que dans une île comme Cuba, où l’Église n’a jamais été très enracinée, une transition rapide vers la démocratie ne lui soit fatale12. Il préfère une transition en douceur, sur le modèle de l’Espagne à la mort de Franco. Jean-Paul II était d’ailleurs profondément déçu des conséquences de la chute du rideau de fer chez ses concitoyens polonais, qui s’empressèrent selon lui d’adhérer aux valeurs matérialistes occidentales13. Pour Parolin, la « nouvelle ère de liberté constituerait un défi pour l’Église »14, qui craint aussi de payer le prix de sa politique d’accommodement avec les Castro une fois que ces derniers auront quitté la scène (Gaetan V., 2012).

L’administration Obama, ou l’occasion d’un reset entre Washington et La Havane ?

Au Vatican, les espoirs déçus du premier mandat Obama

19 L’arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche en janvier 2009 marque un changement dans la politique poursuivie par les États-Unis vis-à-vis de Cuba. Dès la campagne pour l’élection présidentielle, le candidat démocrate avait appelé de ses vœux une nouvelle approche, qualifiant d’échec la politique poursuivie depuis cinquante ans par Washington. En lieu et place de la politique d’isolement du régime et d’encouragement de la société civile pratiquée par ses prédécesseurs, le président Obama déclare lors du sommet des Amériques d’avril 2009 vouloir prendre un nouveau départ dans ses relations avec le régime et assortit ses déclarations de signes concrets de détente. Raul Castro pour sa part se déclare prêt au dialogue, mais sur « un pied d’égalité et dans le respect absolu de la souveraineté cubaine et de son droit à l’autodétermination » (LeoGrande W., 2011 : 38). L’approche progressive de l’administration Obama dans le rétablissement des liens avec Cuba est initialement bien accueillie par Raul Castro.

20 Le Vatican se félicite de cette nouvelle approche, bien plus en phase avec celle qu’elle poursuit depuis le voyage de Jean-Paul II15. Depuis 1998 d’ailleurs, les diplomates catholiques n’ont eu de cesse d’exhorter leurs homologues états-uniens à changer leur politique vis-à-vis de Cuba, à « dialoguer » avec le gouvernement au lieu de l’isoler avec un embargo inefficace, qu’ils jugent « anachronique »16. La levée de toute sanction, font-ils valoir, serait non seulement une mesure « juste », mais aussi « intelligente », car elle priverait le gouvernement cubain d’excuse pour ses mauvaises performances économiques, ce qui pourrait conduire à des réformes politiques17. L’accession au pouvoir de Raul Castro avait d’ailleurs conduit le Vatican à redoubler d’appels au gouvernement américain à dialoguer avec son homologue cubain. En 2008, c’est le secrétaire d’État, le cardinal Tarcisio Bertone, qui avait confié à l’ambassadrice américaine près le Saint-Siège, Mary Ann Glendon, que « Raul est un homme à l’esprit pratique disposé à prendre des mesures pratiques »18, tandis que le diplomate Angelo

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Accattino insistait auprès de ses interlocuteurs américains que « l’heure du dialogue était venue » et les enjoignait à se garder de tout propos polémique19.

21 Le Vatican espère également qu’un rapprochement entre Washington et La Havane permettra de fissurer le front qui est en train de se constituer entre les régimes de gauche d’Amérique latine. Alors que de grands progrès ont été effectués à Cuba, le Saint-Siège redoute qu’outre le Venezuela, où les tensions avec l’Église sont vives, d’autres pays de la région soient touchés par une révolution de type bolivarienne. Encouragé par le dégel voulu par les Américains, le Saint-Siège exhorte ces derniers à faire preuve d’encore plus d’audace, quand il leur suggère par exemple un geste de clémence envers les Cuban Five, ces hommes condamnés à de lourdes peines pour espionnage et détenus aux Etats-Unis (en autorisant l’entrée de leurs épouses sur le territoire américain), voire la prise en compte de la proposition de Castro de les échanger contre des prisonniers politiques20.

22 Le dégel entre Washington et La Havane n’est que de courte durée cependant. Malgré les signes positifs des débuts de la présidence Obama, les tensions reprennent vite le dessus. L’action concrète de Washington (le dossier cubain n’y est pas une priorité ; Cuba est maintenue sur la liste des États sponsors du terrorisme ; 20 millions de dollars sont encore alloués à l’agence américaine de développement USAID pour la « promotion de la démocratie » sur l’île) semble contredire la volonté initiale de dialogue manifestée par Barack Obama (LeoGrande W., 2011 : 39-40). L’arrestation en décembre 2009 du sous-traitant d’USAID, Alan Gross, accusé d’espionnage par Cuba courrouce les États-Unis, qui imposent de nouvelles mesures restrictives, parmi lesquelles l’ajout de Cuba à une liste de quatorze pays soumis à des contrôles aéroportuaires renforcés. Plus généralement, les Cubains s’indignent que la matrice de la politique américaine demeure la même : celle de favoriser à terme un changement de régime en faveur de la démocratie. Quoi qu’il en soit, la volonté américaine de promouvoir le regime change, même à un tempo réduit, rend tout dialogue réel impossible.

23 Le Vatican déplore ces tensions et s’impatiente. En janvier 2010, le père Accattino, citant en exemple la décision concernant les aéroports, indique aux diplomates américains en poste au Saint-Siège que les États-Unis devraient s’abstenir de toute mesure unilatérale contre Cuba car cela fait le jeu de Castro et de Chavez, qui s’en servent comme preuves de l’hostilité intrinsèque des États-Unis à l’égard de Cuba. Le Vatican craint que la situation catastrophique de l’économie cubaine ne débouche sur un bain de sang. Une fois de plus, le diplomate catholique rappelle que le réel danger dans la région n’est plus Cuba, mais Chavez, et qu’il faut absolument dialoguer avec Castro pour contrer la menace représentée par le Venezuela. Le Saint-Siège critique également la stratégie des deux poids deux mesures menée par les États-Unis, qui refusent tout dialogue avec Cuba tant qu’il n’y aura pas d’avancées en matière de droits humains, tout en dialoguant avec d’autres pays peu soucieux de ces questions, comme la Chine. Enfin, le diplomate du Vatican exhorte les Américains à ne pas se laisser prendre en otage par des considérations de politique intérieure, en l’occurrence par la pression du lobby cubano-américain, qu’il tient pour responsable de « politiques contreproductives », comme celle de renforcer les contrôles aéroportuaires21.

24 Dans ce contexte, le voyage qu’effectue le pape Benoît XVI en mars 2012 à Cuba vient en tout cas rappeler que la position du Saint-Siège demeure inchangée. Les États-Unis ne sauraient compter sur l’Église pour des appels à la transition politique, la priorité du

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pape demeurant la survie de l’institution. Le voyage a d’ailleurs été prévu pour régler certains problèmes ecclésiaux, comme la baisse du niveau de pratique religieuse après un rebond initial (Donadio R. et R. Archibold, 2012) au profit des Églises évangéliques et pentecôtistes (Archibold R., 2012). Il s’agit aussi de renforcer le rôle de l’Église dans l’enseignement. Les propos du pape sont donc avant tout de nature pastorale. Si sa prière pour ceux qui sont « privés de liberté et séparés de leurs proches » au sanctuaire de la Vierge de la Charité du Cuivre constitue une référence claire aux prisonniers politiques, le pape ne manque pas de critiquer l’embargo américain lors de son discours d’adieu (Benoît XVI, 2012b) et lors de son homélie Place de la Révolution, il reconnait « avec joie » qu’à Cuba, « des mesures ont été prises pour permettre à l’Église » de s’acquitter de sa mission « ouvertement et publiquement » (Benoît XVI, 2012a). Il refuse de rencontrer une délégation des « Dames en Blanc », ces épouses de dissidents emprisonnés, alors que ces dernières avaient demandé une audience (Allen J., 2014b). La question du sort des dissidents, ainsi que celui d’Alan Gross, aurait bien été abordée avec Raul Castro, mais en privé (Wooden C., 2012 ; Boorstein M., 2014).

L’avènement du pape François et le second mandat Obama : un concours de circonstances propice au changement

25 Après sa réélection en 2012, Barack Obama souhaite repartir sur de bonnes bases et faire de l’amélioration des relations avec Cuba une des réussites de sa présidence, car il anticipe ou constate l’échec de la plupart de ses grands chantiers de politique étrangère, dont les reset avec la Russie et la Chine. Le début de son deuxième mandat coïncide, à quelques semaines près, avec l’élection d’un nouveau pape, François, en mars 2013, après la renonciation de Benoît XVI. La présence concomitante des deux hommes au pouvoir, ainsi que les circonstances à Cuba, entre crise économique et un certain pragmatisme de la part de Raul Castro, vont permettre une avancée sans précédent sur le dossier.

26 Si le Vatican a une longue histoire de bons offices à son actif, la personnalité du nouveau pape n’est pas étrangère à la décision du Saint-Siège de contribuer à sa manière au rapprochement entre Cuba et les États-Unis. Contrairement à son prédécesseur, François est féru de politique étrangère et il entend bien replacer le Saint-Siège au centre du jeu diplomatique (Gibson D., 2014). Le fait qu’il soit le premier pape des Amériques a également été déterminant dans sa décision de s’impliquer dans ce processus. L’importance que revêt le continent à ses yeux s’est manifestée par la nomination − ou reconduction − à des postes clés du Vatican de fins connaisseurs de la région. Pietro Parolin, son secrétaire d’État, diplomate de formation, a notamment été nonce au Venezuela entre 2009 et 2013. François confirme au poste de substitut pour les Affaires générales, numéro deux de la secrétairerie d’État, Giovanni Becciu, qui a été nonce à La Havane de 2009 à 2011. Le sous-secrétaire pour les relations avec les États, Mgr Antoine Camilleri, a quant à lui été nonce à Cuba en 2005-2006 (Pullella P., 2014).

27 Jorge Mario Bergoglio s’intéresse en outre depuis longtemps à Cuba à titre personnel. S’il n’a pu y accompagner le pape lors de son voyage de 1998 car il était retenu à face à l’imminence du décès de l’archevêque auquel il était appelé à succéder, il n’en a pas moins écrit un ouvrage intitulé Dialogues entre Jean-Paul II et Fidel Castro dans lequel il critique avec force le système socialiste, mais également l’embargo américain,

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qui conduit à l’isolement de l’île et son appauvrissement. Il entretient depuis 1981 des relations étroites avec le primat de l’Église catholique à Cuba, le cardinal-archevêque de La Havane, Jaime Ortega, (Colonna-Cesari C., 2016).

28 De son côté, Raul Castro, qui a introduit depuis son arrivée au pouvoir en 2006 certaines réformes économiques, se déclare ouvert au dialogue, à condition que la nature du régime ne fasse pas l’objet des conversations. Ses motivations à dialoguer sont avant tout pragmatiques, puisque les progrès économiques qui auraient dû suivre ses réformes tardent à se concrétiser, et la manne du bienfaiteur vénézuélien se tarit avec la chute des cours du pétrole ; les devises apportées par les touristes américains pourraient redonner un peu d’air à une économie en grande difficulté (The Economist, 2015).

La médiation pontificale : circonstances exceptionnelles et continuité diplomatique

Étude d’une médiation pontificale

29 Dans ce contexte favorable au dialogue, des négociations sont entamées dans le plus grand secret en juin 2013 entre les États-Unis et Cuba, portant notamment du côté américain sur la libération d’Alan Gross et du côté cubain sur celle des trois Cuban Five toujours en détention. L’équipe Obama espère également une avancée encore plus significative, telle que le rétablissement de relations diplomatiques, qui constituerait un élément de poids dans son héritage politique. Plusieurs parlementaires américains, qui ne sont pas au courant des négociations, jugent de leur côté que le moment est venu pour un réel changement de politique envers Cuba. C’est notamment le cas du président pro tempore du Sénat, le démocrate et catholique Patrick Leahy, qui souhaite favoriser l’intervention du pape François. A cette fin, le sénateur écrit en mars 2015 à plusieurs cardinaux réputés pour être proches de François. Il s’agit d’inciter ces derniers à demander au pape qu’il évoque entre autres points, la question des prisonniers lors de l’audience prévue avec le président Obama à Rome le 27 mars. Les lettres sont destinées tout d’abord au cardinal-archevêque émérite de Washington, Theodore McCarrick et au cardinal-archevêque de Boston, Sean O’Malley, qui connaît bien l’Amérique latine et Cuba, où il s’est rendu à de nombreuses reprises (Kornbluh P. et W. LeoGrande, 2015b) et elles sont bien accueillies par les deux prélats. Leur intervention auprès du pape s’inscrit dans une longue histoire d’implication de l’épiscopat des États-Unis dans les relations cubano-américaines, rôle qui a complété et alimenté celui joué par le Saint-Siège. Dès 1972, à la demande de leurs homologues cubains, les évêques américains demandaient la fin de l’embargo. Pendant les années 1980 et 1990, le diocèse de Boston joue déjà un rôle important dans ces efforts de réconciliation du fait de l’action du cardinal Bernard Law (Quigley T., 2003 : 98). Par ailleurs, les évêques états-uniens sont en partie responsables de l’amorce d’un dialogue entre le gouvernement et l’épiscopat cubains, car ils exigèrent au cours de leur premier déplacement sur l’île, en janvier 1985, la présence d’évêques cubains lors de toute entrevue avec Fidel Castro (Quigley T., 2003 : 97).

30 L’audience entre Barack Obama et François se déroule le 27 mars. Elle dure près d’une heure, le double du temps alloué, et porte essentiellement sur Cuba, sujet sur lequel le pape serait revenu à plusieurs reprises (Vallely P., 2015 : 392). Pressé par le pape qui lui

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dit qu’il était « grand temps de procéder à un changement », notamment sur la question de l’embargo (Parsons C. et M.A. Memoli, 2015), Obama aurait informé le pape que les États-Unis avaient « quelque chose en cours avec Cuba », dont les négociations mises en place en juin 2013. Obama signifie à François qu’il serait utile qu’il joue un rôle dans ce dialogue (Kornbluh P. et W. LeoGrande, 2015a). Le pape a ensuite la surprise de voir le président acquiescer à ses critiques concernant le caractère contreproductif de l’embargo (Oppmann P., 2015), même si le président lui rappelle que sa levée relève du Congrès. Barack Obama ajoute qu’il existe des obstacles à l’amélioration des relations entre les deux pays, en l’occurrence la détention de Gross et des trois Cuban Five. Le pape avance qu’un « geste de clémence envers les Cubains détenus dans les prisons américaines serait certainement suivi d’un geste réciproque par le gouvernement cubain concernant le prisonnier américain qui y est détenu » (Ortega J., 2017a : 109). Mgr Ortega estime que le pape déduisit de cet entretien qu’il pourrait contribuer à aider à « surmonter les obstacles » évoqués par B. Obama.

31 Le sénateur du Vermont Patrick Leahy avait également fait parvenir une missive au cardinal-archevêque de La Havane, Jaime Ortega y Alamino, pour le prier instamment de demander au pape de soulever la question cubaine avec le président lors de cette même audience (Ortega J., 2017 : 98). C’est d’ailleurs sur le cardinal Ortega que le pape va porter son choix pour faire la navette entre les deux parties et les aider à « surmonter [l]es obstacles ». Cette décision n’est pas étonnante quand on connaît le parcours du prélat cubain. Il a plusieurs fois eu l’occasion de se rendre à Washington pour des visites à ses homologues de l’épiscopat états-unien. Très souvent, ces voyages furent l’occasion de nouer des contacts avec des représentants des autorités politiques des États-Unis. Ainsi, dès le mois de septembre 1985, il fut reçu aux côtés d’autres prélats cubains au département d’État et à la Maison-Blanche. En 2010, il joue un rôle clé dans la libération de plusieurs prisonniers politiques de 2003, rôle qui le conduit une fois de plus à Washington où il est reçu par le conseiller à la sécurité nationale, James Jones, et le secrétaire d’État adjoint en charge de l’Amérique latine, Arturo Valenzuela (Espacio laical, 2010 : 132). Côté cubain, Mgr Ortega devient en 1994 le premier cardinal créé sur l’île depuis plusieurs dizaines d’années, mesure prise pour redynamiser l’Église, mais également pour donner au régime un interlocuteur de haut niveau (Alonso A., 2009 : 297). En outre, comme nous l’avons vu supra, Mgr Ortega et Jorge Mario Bergoglio se connaissent depuis 1981 et les deux ecclésiastiques sont proches.

32 Tout ceci permet de comprendre pourquoi François demande à voir le cardinal cubain alors que ce dernier est à Rome pour assister à la canonisation de Jean XXIII et Jean- Paul II fin avril 2013. Mgr Ortega apprend à cette occasion par la voix du secrétaire d’État Mgr Parolin que les autorités cubaines ont demandé au pape d’intervenir sur la question de l’échange de prisonniers (Ortega J., 2017 : 104). Lors de leur entrevue, début mai, Mgr Ortega et François évoquent les obstacles à l’avancée des négociations, notamment le refus des États-Unis d’échanger un seul Américain contre trois Cubains, d’autant qu’ils nient que Gross ait été un espion22. Les deux ecclésiastiques concluent que face au blocage des négociations dû aux « obstacles », il est urgent pour le Vatican d’agir, d’autant que la fin du second mandat d’Obama approche à grands pas. Il ne s’agit pas pour le pape d’intervenir directement et concrètement dans les démarches de libération. Il accepte cependant la suggestion faite par le sénateur Leahy d’écrire aux présidents Obama et Castro (Ortega J., 2017a : 115) et charge le cardinal Ortega de remettre ces lettres en mains propres à leurs destinataires respectifs afin que le prélat

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puisse leur fournir des précisions quant à la pensée du pape. Par exemple, le pontife donne pour instruction au cardinal de suggérer à Raul Castro, quand il lui remettra la lettre, de faire le premier pas en libérant Alan Gross, car les États-Unis agiraient sans doute dans la foulée de manière réciproque. Interrogé plus tard sur les termes exacts de la lettre de François, dont l’intégralité du contenu n’a toujours pas été rendue publique, Jaime Ortega a d’ailleurs répondu que « la lettre, c’était moi ». Elle aurait en effet été de nature très générale, et les points précis auraient été abordés oralement par le cardinal (Ortega J., 2017c). Tout au plus sait-on qu’elle apportait le soutien du pape aux négociations en cours, et encourageait les deux dirigeants à résoudre « les questions humanitaires d’intérêt commun, y compris la situation de certains prisonniers, afin d’entamer une nouvelle phase dans leurs relations » (Kornbluh P. et W. LeoGrande, 2015b : 444-445). En outre, le pontife y proposait les services du Vatican (Kornbluh P. et W. LeoGrande, 2015a).

33 De retour à Cuba, Mgr Ortega réfléchit aux modalités de remise des lettres, qui s’avèrent plus délicates pour Obama que pour Castro23. L’administration Obama pour sa part souhaite que l’opération se fasse dans la plus grande discrétion pour ne pas susciter de rumeurs quant à un éventuel dialogue avec Cuba. La présence du cardinal Ortega à la Maison-Blanche est ainsi jugée inopportune (Ortega J., 2017a : 121-122). Face à l’insistance du prélat cubain, une rencontre est organisée entre ce dernier et Barack Obama à la Maison-Blanche le 17 août 2013, le cardinal McCarrick ayant organisé un séminaire à l’université de Georgetown avec pour invité Mgr Ortega, afin de justifier la présence de ce dernier dans la capitale (Ortega J., 2017a : 125 ; Kornbluh P. et W. LeoGrande, 2015a). Quelques jours avant son déplacement à Washington, et conformément aux instructions de François, le cardinal cubain se rend sur le lieu de villégiature de Raul Castro pour lui remettre le pli pontifical, que le dirigeant cubain aurait accueilli très favorablement, avant de demander à Mgr Ortega de profiter de son déplacement à Washington pour signaler au président Obama que Cuba était prête à prendre des mesures pour améliorer les relations avec les États-Unis (Hirayama A., 2017). La décision de Raul Castro de demander à Mgr Ortega de faire passer un message au président des États-Unis montre bien l’intérêt d’une médiation portée par un prélat bénéficiant de la confiance et de l’estime de chacune des parties, ainsi que l’importance des rencontres en face à face pour régler les points les plus épineux qu’une simple lettre ne saurait résoudre.

34 Mgr Ortega, porteur de la lettre du pape et du message oral du président cubain, se rend ensuite à la Maison-Blanche comme convenu. Là encore, l’importance que revêt la discrétion aux yeux de la Maison-Blanche dans le dialogue avec Cuba se manifeste par le fait que le nom du cardinal ait été délibérément omis des registres de visiteurs à la Maison-Blanche (Hirayama A., 2017). Mgr Ortega transmet à Barack Obama le message de Raul Castro, dont se félicite le président, ainsi que la lettre de François. Obama juge « très utile » que le pape s’intéresse à la question (Ortega J., 2017 : 127-128). Le cardinal cubain évoque ensuite les suggestions plus concrètes émises par le pape lors de leur entrevue de mai, François et Mgr Ortega jouant là-encore chacun leur partition : lettre à caractère général de la part du pape et solutions pratiques de la part de son représentant. Le médiateur est aussi chargé par B. Obama de transmettre à R. Castro un message d’optimisme et d’espoir quant à l’amélioration des relations entre leurs deux pays d’ici la fin de sa mandature (Ortega J., 2017c).

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35 Négociateurs cubains et américains profitent de l’offre d’assistance formulée par le pape dans sa lettre en choisissant le Vatican comme lieu de signature de l’accord final entre les deux États, qui a lieu le 28 octobre 2013 en présence de quatre hauts responsables catholiques, dont le secrétaire d’État, Mgr Parolin et le cardinal Ortega (Kornbluh P. et W. LeoGrande, 2015b : 445-446). Chaque délégation a tout d’abord une brève rencontre seule à seule avec les dignitaires catholiques, puis elles annoncent à leurs hôtes romains, à la grande surprise de ces derniers, qu’outre la libération des prisonniers, les deux pays ont décidé du rétablissement de relations diplomatiques (Landler M., 2016).

36 De l’avis de ses participants, il ne s’agissait pas avec cette rencontre de résoudre des questions restées en suspens avant de parvenir à un accord. Le fait qu’elle se déroule au Vatican avait surtout pour but d’instaurer la confiance entre les deux parties par la présence de ce médiateur au statut si particulier qu’est le Saint-Siège (Kornbluh P. et W. LeoGrande, 2015a). En outre selon Mgrs Ortega et Becciu, par leur présence, les représentants du pape assumaient ainsi un rôle de garants du respect de l’accord (TV2000, 2015 ; Hirayama A., 2017). Le fait que le 17 décembre, anniversaire de François, ait été choisi pour annoncer le rapprochement, aurait d’ailleurs été, de l’avis de ces mêmes prélats, un moyen de rendre hommage au rôle joué par le pontife pendant ce processus (Ortega J., 2017 : 10).

37 Outre leur contribution à un déblocage des négociations, les bons offices du pape auraient également été recherchés, à Washington et à La Havane, pour ce qu’ils offraient de « protection symbolique » aux deux dirigeants dans leurs pays respectifs. Ainsi, la popularité de François aux États-Unis aurait en elle-même constitué une assurance pour Obama vis-à-vis de ses détracteurs, parmi lesquels ceux qui pourraient s’insurger contre un rapprochement avec des « communistes athées », notamment dans le camp républicain. Du côté cubain, le fait que le pape soit latino-américain permettait aussi de protéger d’une certaine manière Raul Castro au moment de signer un accord avec les « capitalistes américains » ; les négociateurs cubains auraient confié sans équivoque à leur homologue américain Benjamin Rhodes qu’ils considéraient François, le premier pape des Amériques, comme différent de ses prédécesseurs (Dias E., 2015 : 28 ; Vallely P., 2015 : 392).

38 Le pape a cherché à minimiser son action. En juillet 2015, à bord du vol qui le ramène du Paraguay, il nie qu’il y ait eu médiation de sa part et attribue tout le mérite de l’issue du dialogue à ses deux protagonistes, déclarant que « nous n’avons rien fait » (Ortega J., 2017 : 154). Il reconnaît cependant à demi-mots son intervention, qu’il impute à l’inspiration divine : « Que pouvais-je faire avec ces deux pays qui se comportaient de la sorte depuis 50 ans ? », a-t-il répondu aux journalistes. « Puis, le Seigneur m’a fait penser à un cardinal », faisant allusion à Mgr Ortega et au rôle de médiateur qu’il lui a confié. Il ajoute qu’ils n’ont « pas fait grand chose, seulement de petites choses » (Dias E., 2015 : 28). Cette intervention s’inscrit donc dans la « diplomatie des petits pas », comme François aime à qualifier son approche. De plus, elle participe pleinement de sa conception de l’action diplomatique telle qu’il l’avait présentée lors de son premier discours au corps diplomatique, en janvier 2014, conception qui repose sur « la voie diplomatique du dialogue » (Pape François, 2014).

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Une médiation qui s’inscrit dans une longue tradition diplomatique

39 Cette intervention, en dépit des dénégations du pape François quant à l’ampleur de son action, a pour effet de replacer le Saint-Siège au premier plan de la scène diplomatique. Mais si sur la forme elle constitue une rupture par rapport à la position de retrait adoptée par Jean-Paul II à la fin de son pontificat, et surtout avec celle de Benoît XVI, on ne saurait parler de rupture radicale dans l’approche du Vatican sur le fond, notamment pour ce qui est des motivations et des objectifs de son action diplomatique. Pour exceptionnelle qu’ait été cette médiation, fruit d’un concours de circonstances inédit à Washington (avec un président soucieux de son héritage politique), à La Havane (avec un président plus pragmatique et dont l’économie était aux abois) et au Vatican (avec le premier pape des Amériques), elle ne doit pas occulter le fait qu’elle s’inscrit dans la longue tradition de bons offices dans la région, mais surtout qu’elle reste de par ses objectifs conforme aux principes qui régissent la diplomatie vaticane depuis la fin du XIXe siècle : promotion de la paix et du dialogue, certes, mais aussi et peut-être avant tout défense des intérêts de l’institution ecclésiale et des fidèles − quitte à accepter certains compromis − et refus de tout « messianisme politique » comme l’a indiqué Jean-Baptiste Noé cité supra.

40 La diplomatie du nouveau pontife a souvent été présentée comme au diapason de celle de Barack Obama, notamment du fait de leur entente sur certains sujets comme la lutte contre le réchauffement climatique. Le fait que François ait proposé ses bons offices, après que le Saint-Siège eut longtemps refusé toute intervention à caractère politique au sujet de Cuba, ne signifie en rien un alignement de la diplomatie du Saint-Siège sur celle de la Maison-Blanche. Bien au contraire, la continuité des positions du Vatican sur certains dossiers depuis l’élection de François a donné lieu à certains désaccords entre les deux hommes, notamment sur la question du Moyen-Orient, où la position de l’Église demeure largement conditionnée par le souci de protéger les minorités chrétiennes et de garantir leur présence pérenne ; elle est d’ailleurs influencée par l’avis de ces mêmes minorités, pour lesquelles un dirigeant fort, voire issu des forces armées, constitue le meilleur rempart contre le radicalisme islamiste. On a donc pu voir François condamner d’éventuelles frappes américaines sur la Syrie après le franchissement de la tristement célèbre « ligne rouge » à l’été 2013 et constater ses réserves concernant un changement de régime à Damas, le pape craignant que son départ entraîne le chaos (Allen J., 2014a). Cette posture rappelle l’opposition virulente du pape Jean-Paul II au déclenchement des deux guerres en Irak. Cette inquiétude pour les chrétiens d’Orient a également conduit François à écrire à Vladimir Poutine à l’occasion du sommet du G20 de Saint-Pétersbourg en septembre 2013 pour lui demander de tout faire pour que les dirigeants mondiaux renoncent à l’ « option militaire » contre la Syrie. Son souci de protéger l’Église est encore à l’œuvre quand il se fait remarquer pour sa « discrétion » lors des interventions russes en Syrie et en Ukraine − et ce en dépit d’un lobbying américain intensif − discrétion qui serait motivée par la volonté de ne pas fragiliser les relations avec le patriarche de l’Église orthodoxe avec lequel le Vatican cherche un rapprochement depuis très longtemps, Cette stratégie semble avoir été couronnée de succès, puisque les deux hommes se sont rencontrés enfin en 2016 − à Cuba − après des siècles de vives tensions (Reese T., 2017).

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Conclusion

41 Le voyage du pape François à Cuba en septembre 2015 a apporté une preuve supplémentaire que le premier pontife d’Amérique latine restait préoccupé, comme ses prédécesseurs, du sort de l’Église dans l’île et qu’il ne cherchait pas nécessairement par son intervention à précipiter un changement de régime à La Havane. En amont de ce voyage, l’archevêque de Miami, Thomas Wenski, confiait d’ailleurs qu’à Cuba l’« Église souhaitait un atterrissage en douceur, car l’alternative serait le chaos » (San Martin I., 2015), ce qui n’est pas sans rappeler les propos des diplomates catholiques au cours de leurs entretiens avec leurs homologues américains du temps du pontificat de Benoît XVI. Lors de ses nombreuses prises de parole à Cuba, le pape François s’est efforcé de trouver un difficile équilibre entre la liberté pour l’Église d’exercer sa mission et la nécessaire défense des libertés politiques, s’attirant ainsi les foudres des Cubains- Américains. Il ne rencontra pas de dissidents et ne formula que des critiques modérées des violations des droits humains perpétrées par le régime, tout en n’oubliant pas de renouveler la critique de l’embargo américain.

42 Interrogé par Mgr Ortega au sujet de la situation des tensions croissantes entre l’Église et certains gouvernements latino-américains le matin même de son élection au siège de Pierre en mars 2013, François avait répondu que « face à ces nouveaux projets économiques et sociaux et les changements qu’ils apportent, l’Église ne peut rester simple spectatrice ; elle ne peut pas pour autant affronter la situation de l’extérieur par des critiques excessives ». Ces évolutions économiques et politiques doivent selon lui être accompagnées depuis l’intérieur par le biais du dialogue (Ortega J., 2017 : 48-49). Pour Mgr Ortega, ces propos rappellent fortement ceux que lui avait tenus en juin 2012 Benoît XVI, pour lequel « la seule voie, c’est le dialogue ; l’Église n’est pas dans le monde pour changer les gouvernements, mais pour pénétrer le cœur des hommes avec l’Évangile » (Ortega J., 2017 : 50). Cette insistance sur le rôle du dialogue comme outil de changement, plutôt que sur l’affrontement, est centrale au pontificat de François. Pour Ortega, le pape François, loin d’être « une fleur exotique dans un jardin conventionnel » est l’héritier fidèle de Jean-Paul II et de Benoît XVI, eux-mêmes s’inscrivant dans la droite ligne de la diplomatie vaticane telle qu’elle est menée depuis la fin du XIXe siècle (Ortega J., 2017 : 53-54).

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NOTES

1. On citera à titre d’exemple l’arbitrage entre le Pérou et l’Équateur de 1893 et entre Saint- Domingue et Haïti de 1895 sur des questions de frontières ; la médiation de 1896 entre l’Argentine et le Chili, puis entre 1900 et 1903 ; celle de 1905 entre le Chili et la Colombie ; l’arbitrage de 1906 concernant les frontières de l’Équateur et de la Colombie ; et entre le Brésil et la Bolivie et le Brésil et le Pérou sur la propriété de gisements d’or (Barberini, G., 2003 : 178). 2. Sur l’Ostpolitik d’Agostino Casaroli − qui pour certains permit des avancées concrètes pour l’Église (avec la Yougoslavie, signature d’un protocole autorisant les ecclésiastiques à exercer leur activité de pasteurs et les évêques à maintenir des liens avec Rome, établissement de relations diplomatiques ; avec la Hongrie, autorisation faite au pape de nommer des évêques après approbation du gouvernement) et pour d’autres constitua un jeu de dupes pour le Vatican (lourdes concessions de sa part et non-respect des engagements pris par les gouvernements envers les diplomates catholiques) − on lira avec profit les mémoires de Mgr Casaroli (Casaroli A. , 2000) ; le chapitre « Les aléas de l’Ostpolitik », de l’ouvrage de Bernard Lecomte (Lecomte B., 2007 : 57-68), l’ouvrage The Vatican and the Red Flag et plus particulièrement les chapitres « Great Expectations and Broken Promises » et « The Small Steps of Paul VI» (Luxmoore J. et J. Babuch, 1999 : 129-153, 154-175). 3. En italique dans le texte original. 4. Wikileaks. Câbles diplomatiques envoyées par l’ambassade américaine près le Saint-Siège au Département d’État. Voir 2006c : « Holy See : DAS Madison Meeting with Deputy FM on Cuba, Nicaragua », https:// wikileaks.org/plusd/cables/06VATICAN225_a.html ; Ibid., 2002 : « Holy See Cautious on Cuban Dissidents », https://wikileaks.org/plusd/cables/ 02VATICAN5471_a.html ; Ibid., 2003a : « Paya Visits Pope; FM Tauran May Reciprocate », https://wikileaks.org/plusd/ cables/03VATICAN195_a.html ; Ibid., 2003b : « Holy See’s Passive Approach to GOC Dissent Crackdown », https://wikileaks.org/ plusd/cables/03VATICAN1406_a.html ; 5. Ibid.,2001 : « Caritas International on Cuba – « Cautious Optimism » », https://wikileaks.org/ plusd/cables/01VATICAN1436_a.html ; 6. Ibid., 2009b : « Holy See : Scenesetter for the President’s July 10 Visit », https://wikileaks.org/ plusd/cables/09VATICAN78_a.html ;

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7. Ibid., 2006a : « Holy See Views on Cuban Transition », https://wikileaks.org/plusd/cables/ 06VATICAN168_a.html ; Ibid., 2006c : « Holy See : DAS Madison Meeting with Deputy FM on Cuba, Nicaragua », https:// wikileaks.org/plusd/cables/06VATICAN225_a.html ; Ibid., 2003b : « Holy See’s Passive Approach to GOC Dissent Crackdown », 2 avril 2003b, https:// wikileaks.org/plusd/cables/03VATICAN1406_a.html ; Ibid., 2006a : « Holy See Views on Cuban Transition », https://wikileaks.org/plusd/cables/ 06VATICAN168_a.html 8. Ibid., 2006b : « Scenesetter for Codel Smith », https://wikileaks.org/plusd/cables/ 06VATICAN216_a.html ; Ibid, 2006c : « Holy See : DAS Madison Meeting with Deputy FM on Cuba, Nicaragua », https:// wikileaks.org/plusd/cables/06VATICAN225_a.html ; Ibid., 2006a : « Holy See Views on Cuban Transition », https://wikileaks.org/plusd/cables/ 06VATICAN168_a.html ; 9. Ibid, 2002 : « Holy See Cautious on Cuban Dissidents », https://wikileaks.org/plusd/cables/ 02VATICAN5471_a.html ; 10. Ibid., 2003b : « Holy See’s Passive Approach to GOC Dissent Crackdown », https:// wikileaks.org/plusd/cables/03VATICAN1406_a.html ; 11. Ibid., 2002 : « Holy See Cautious on Cuban Dissidents », https://wikileaks.org/plusd/cables/ 02VATICAN5471_a.html ; 12. Ibid., 2006c : « Holy See : DAS Madison Meeting with Deputy FM on Cuba, Nicaragua », https:// wikileaks.org/plusd/cables/06VATICAN225_a.html ; 13. Cette amertume fut visible lors de son premier voyage en Pologne après la chute du Mur, en 1991, où un pape à l’air sévère mit en avant devant une population en liesse « les pièges d’une liberté coupée de toute norme morale ». Cette déception quant au tournant pris par les anciens pays du bloc de l’Est l’aurait même conduit à se mettre en retrait de la scène internationale pour se consacrer, pendant le reste de son pontificat, aux questions d’éthique et de morale (Weigel G., 2001 : 642-644). 14. Ibid., 2006c : « Holy See : DAS Madison Meeting with Deputy FM on Cuba, Nicaragua », https:// wikileaks.org/plusd/cables/06VATICAN225_a.html ; 15. Ibid., 2009a : « Vatican Hopes for Better US Cuban Ties, in Part to Rein in Chavez and his Acolytes », https://www.theguardian.com/world/us-embassy-cables-documents/203608 ; 16. Ibid., 2001 : « Caritas International on Cuba – « Cautious Optimism » », https://wikileaks.org/ plusd/cables/01VATICAN1436_a.html ; 17. Ibid., 2002 : « Holy See Cautious on Cuban Dissidents », https://wikileaks.org/plusd/cables/ 02VATICAN5471_a.html ; 18. Ibid., 2008 : «Holy See Secretary of State Talks about Cuba », https://wikileaks.org/plusd/ cables/08VATICAN31_a.html ; 19. Ibid., 2007 : «Vatican Secretary of State to Visit Cuba », https://wikileaks.org/plusd/cables/ 07VATICAN150_a.html ; 20. Ibid., 2009. 21. Ibid., 2010 : « Vatican Official on Cuba Relations with EU and US », https://wikileaks.org/ plusd/cables/10VATICAN14_a.html ; 22. Jaime Ortega affirme avoir reçu fin 2013 une lettre de Rolando Saraff Trujillo, Cubain accusé d’espionnage par La Havane pour le compte des États-Unis emprisonné depuis près de 20 ans. Ce dernier se serait proposé comme monnaie d’échange en lieu et place d’Alan Gross, que les Américains refusent de considérer comme tel dans les négociations pour la libération des trois Cuban Five. Saraff a bien été libéré le 17 décembre 2014 (Ortega J., 2017 : 106).

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23. A ce sujet, le pape aurait dit à Mgr Ortega : « Tu n’auras pas de problème pour obtenir une entrevue avec Raul Castro, trouve le moyen d’en faire autant avec le président Obama » (Ortega J., 2017b : 3).

RÉSUMÉS

L’annonce du rôle joué par François, premier pape des Amériques, dans le rapprochement cubano-américain de décembre 2014, soulève plusieurs questions. Sollicité par les deux parties, le pape a exhorté Barack Obama et Raul Castro à surmonter l’obstacle des prisonniers politiques qui obérait la négociation et s’est porté garant de l’accord signé par les deux parties en accueillant une de leurs ultimes séances de négociation au Saint-Siège. Outre une première ébauche de la chronologie de la médiation pontificale, des motivations qui ont conduit Washington et La Havane à se tourner vers le Vatican, ainsi que de l’effet de cette médiation, cet article a pour objectif de replacer cette intervention dans le contexte plus large des priorités de la diplomatie papale, notamment vis-à-vis de Cuba, depuis le pontificat de Jean-Paul II qui fut le théâtre d’un premier dégel entre Rome et La Havane. Le fait que l’Église catholique, devenue interlocutrice privilégiée du régime, accepte d’assurer une médiation, après des années passées à ignorer les exhortations de Washington à jouer un rôle de catalyseur de la transition démocratique, sur le modèle de la Pologne des années 1980, ne signifie pas un changement de priorités au Vatican. Si François souhaite par son action replacer le Saint-Siège sur le devant de la scène diplomatique, c’est bien pour y porter les préoccupations − défense des chrétiens menacés, maintien d’un espace pour l’exercice de la mission ecclésiale et promotion du dialogue entre États − qui sont celles de l’Église depuis la fin du XIX e siècle, moment à partir duquel elle exerce un rôle actif sur la scène internationale.

News of the role played by Francis, the first pope of the Americas, in the December 2014 rapprochement between Cuba and the United States raises a number of questions. The pope, at the request of both sides, called on Barack Obama and Raul Castro to overcome the obstacle of political prisoners which had hitherto hindered the talks. He then acted as guarantor of the agreement signed by both parties by hosting one of their final negotiating sessions at the Vatican. This article has several aims. It first purports to provide a first sketch of the papal mediation, and to explain the motivations leading Washington and Havana to turn to the Vatican, as well as the consequences of this mediation. It also aims at placing this intervention within the larger framework of the priorities of papal diplomacy − especially vis-a-vis Cuba − since John Paul II’s pontificate, which witnessed the first stages of a thaw between Rome and Havana. The Roman Catholic Church, now the regime’s privileged interlocutor, did agree to mediate between the two parties, after years of ignoring Washington’s requests to act as a catalyst for democratic transition on the island, along the lines of the role it had played in Poland in the 1980s. Yet, this does not mean a change in Vatican priorities. While Francis, through his actions, hopes to put the Holy See back at the center of the diplomatic stage, he thereby hopes to be able to promote concerns − such as defending Christians under threat, preserving for the church a space to carry out its mission and promoting dialogue between states − which have been central to the Church since it began playing an active role in international policy in the late 19th century.

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El anuncio según el cual Francisco, el primer papa de las Américas, había tenido un papel en el acercamiento cubano-estadounidense de diciembre 2014, levanta varias preguntas. Solicitado por ambos países, el papa instó a Barack Obama y a Raúl Castro a que superen el problema de los presos políticos que obstaculizaba la negociación y garantizó el acuerdo firmado por ambas partes, acogiendo unas de sus últimas sesiones de trabajo en la Santa Sede. El objetivo de este artículo es esbozar una primera cronología de esta mediación pontifical, de las motivaciones que han empujado Washington y la Habana a pedir la ayuda del Vaticano, y de describir la consecuencias de esta mediación. Trata también de colocar esta intervención en el contexto más amplio de las prioridades de la diplomacia pontifical, especialmente hacia Cuba, desde los años de Juan Pablo II, cuyo pontificado evidenció el inicio de un deshielo entre Roma y la Habana. El hecho que la Iglesia católica, ya el interlocutor número uno del gobierno, acepte mediar, después de años sin acceder a las demandas de Washington de actuar como catalizador hacia una transición democrática, según el modelo seguido en Polonia en los años 1980, no significa que el Vaticano haya cambiado sus prioridades. Si Francisco quiere, a través de sus acciones, volver a colocar la Santa Sede en el centro del escenario diplomático, lo hace para promocionar las preocupaciones (defensa de los cristianos amenazados, preservación de un espacio para la misión de la Iglesia, y promoción del diálogo entre Estados) que son las de la Iglesia desde que el Vaticano empezó a desarrollar un papel importante en el escenario internacional a finales del siglo XIX.

INDEX

Mots-clés : bons offices, Vatican, lettre, liberté religieuse, transition démocratique Palabras claves : buenos oficios, Vaticano, carta, libertad religiosa, transición democrática Keywords : good offices, Vatican, letter, religious freedom, democratic transition

AUTEUR

MARIE GAYTE

Marie Gayte enseigne la civilisation des Etats-Unis à l'université de Toulon. Spécialiste des relations entre religion et politique aux Etats-Unis, elle s'intéresse tout particulièrement au rôle des catholiques, clercs et laïcs, dans la politique intérieure américaine. Son travail porte également sur la dimension religieuse dans la diplomatie de ce pays. Elle vient de publier avec Blandine Chelini-Pont et Mark Rozell un ouvrage intitulé Catholics and US Politics After the 2016 Elections. Understanding the “Swing Vote aux éditions Palgrave Mac Millan.

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The Long Itinerary to Normalization: The Cuban – Latin American Relations Le long parcours vers la normalisation : les relations entre Cuba et l’Amérique latine El largo itinerario de normalización: las relaciones entre Cuba y América Latina

Dirk Kruijt

Introduction1

1 In Cuba, since 1902 an American protectorate, a regime change took place (1959) that produced enormous consequences for Latin America and the Caribbean. This happened at a key moment in the Cold War. The two world powers during the next three decades tried to establish friendly relations and defense alliances with countries in Asia, Africa and Latin America. In the case of being confronted with countries adverse to their partnerships, they tried to influence the internal political structure or, if this resulted to be unsuccessful, to set off coups or participate in proxy warfare.

2 This article tries and traces these consequences in the context of Cuba’s foreign relations with the Latin American and Caribbean region. My guiding research question is how Cuba coped with its singular position of enmity with the USA and Soviet friendship during the Cold War without losing its own long-term objective: not only survive but also produce radical changes in the Latin American and Caribbean region, Africa and Asia? And how did Cuba continue influencing its Caribbean and Latin American neighbours when the military muscle and the generous economic assistance of the Soviet Union ended?

3 In the course of this contribution it will become clear that Cuba, as a guiding principle, always sought and acquired political support from the non-aligned (NO AL) countries and became an eminent member state of this organization. And that it always accompanied its military endeavours with humanitarian aid as long as it had one of the

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largest standing armies in the region. After the Cold War it continued its humanitarian assistance and maintained a position of influence far beyond its ‘country class’ of an island with eleven million inhabitants.

4 In this part I distinguish three phases: the period of revolutionary fervour, largely coinciding with the period of the 1960s. In that period Cuba was quickly affected by American hostility and aggression and sought political and economic support and stability from the Soviet Union. But it followed its own trajectory with respect to support to liberation movements and guerrilla warfare. The second period coincides with the 1980s and most of the 1990s, when Cuba’s political system was gradually more moulded after the Soviet Union and the economic and financial support of the COMECON countries was generous. But it continued to follow the course the leadership thought was appropriate: warfare in colonial conflicts in Africa, advice and support to guerrilla movements in the region while intensifying medical assistance.

5 The last phase is the post-1990 period of economic survival, restructuring of the economy and bit-by-bit political reforms, still expanding its medical and literacy campaigns and finding an economic and political good friend in the person of Venezuela’s president Hugo Chávez. Cuba’s post-Cold War humanitarian internationalism provided it with the sympathy, gratitude or at least appreciation of many, if not most Latin American and Caribbean governments. It also coincided with Latin America’s Pink Tide governments (pro-poor and reform minded governments) that emerged in important countries of the region at the turn of the century. When Fidel Castro was succeeded by his brother Raúl (2006) a more pragmatic external policy and a cautious internal economic reform program was implemented. The icy relations with the Catholic episcopate in Cuba slowly melted and that paved the way to a rapport with the United States during the Obama administration. This article is especially concerned with the Cuban-Latin American relationship and the role of the countries in the region in the long period of diplomatic defrosting.

6 Much of the argumentation is based on new information, basically obtained from original fieldwork between 2010 and 2013, and more specifically on numerous interviews with key actors from the Cuban leadership. The interviews refer to two categories of persons: the veterans of the insurgency of Fidel and Raúl Castro and Che Guevara, and the (retired) officers of the Departamento América, after 1975 resorting under the Central Committee of the Party and before operating in the corridors of the Ministry of the Interior (MININT) where it was part of Cuba’s intelligence structure. The Departamento America and its predecessors functioned as the ‘eyes and ears of Fidel Castro’ and were the direct liaison with the Latin American insurgency.

The decade of the 1960s

7 The Cuban Revolution began as a revolt against a hated dictator, supported by the American government. Urban insurgency movements and a rural guerrilla succeeded in surviving a repressive political police apparatus and to wage war against a massive counterinsurgency deployment. Eventually Batista’s army imploded and the guerrilla movement prevailed.

8 After the victory in January 1959, a significant number of combatants thought that they had fulfilled their patriotic duty and went back to home to resume their daily lives. It

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took more than two years before the new government declared Cuba a socialist country.

9 In the course of these two years, Cuba had become heavily involved in a power play between the two superpowers, the United States and the Soviet Union. The USA had followed the progression of the Cuban reforms and its radicalization process with growing uneasiness. It interpreted its internal trajectory as a march towards communism. Already in December 1959 the Eisenhower administration approved an action plan to overthrow Castro. Soviet Vice-Premier Mikoyan visited Cuba in February 1960 and three months later diplomatic relations with Moscow were instituted. The Soviet Union also started to provide economic and military support.

10 Meanwhile, in 1960 and 1961 assaults on Cuban civilian targets took place: economic sabotage, bombings, assassination attempts and even killings by actors operating from the USA. In the course of action, some covert operators and CIA agents were arrested (Solomon D., 2011; Escalante Font F., 2010). In April 1961, a battle group of 1,400 paramilitary mercenaries, trained in Guatemala and Nicaragua, invaded Cuba. But Fidel Castro had mobilized the army and the newly created militias. After two days of severe fighting the invaders surrendered with the loss of 114 dead and 1,200 captured. Exactly one day before, Castro, addressing a speech to an audience of a million people, declared the country a socialist one under enormous applause.

11 In May 1962 Khrushchev became Cuba’s self-appointed military protector by soliciting Fidel Castro’s permission to deploy nuclear missiles on the island. When the Kennedy administration was informed about their presence and launching capacity, the president ordered a naval blockade. Under the threat of a nuclear war, the Soviet and the American governments cut a secret deal. The Cuban leadership was informed by the international press and felt humiliated (Ramonet I., 2008:312). The Soviet Union overcame the situation with increasing grants and military assistance. In 1972 Cuba became a full member of COMECON although it never became a member of the Warsaw Pact.

12 The blockade imposed by the USA was to become eternalized in a fifty-year long economic embargo2. It was also accompanied by a diplomatic quarantine. Cuba’s membership of the Organization of American States (OAS) was suspended in 1962, under strong pressure from the United States. All Latin American countries ruptured their diplomatic relations with Cuba, with the exception of Mexico3. In the 1960s, Cuba trained and supported guerrilla movements in Argentina, Bolivia, Brazil, Colombia, Dominican Republic, El Salvador, Haiti, Honduras, Guatemala, Peru, Uruguay and Venezuela4. The main coordinating instrument was the Departamento América, the specialized liaison structure with the guerrilla movements whose previous organizational structures were incorporated in the intelligence and Special Forces structures5.

13 Che Guevara’s campaign in Bolivia ended with his capture and murder6. But everywhere in the Caribbean and in Latin America, regular armies, police detachments and paramilitary units succeeded in defeating or at least isolating all existing guerrilla movements in these years, generally after barbaric counterinsurgency campaigns. While Guevara had promoted “one, two, three Vietnams”, the United States and the military dictatorships in the region had successfully prevented two or three other Cuba’s.

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The changing context in the 1970s and 1980s

14 In the 1970s Cuba initiated a new approach of more flexibility and pragmatism with respect to Latin America and the Soviet Union. Cuba’s economic development stagnated and its survival increasingly depended on external supplies and East European subsidies. Realignment with Moscow, accompanied by “ideological realism”, was thus unavoidable (Blight J. & Brenner P., 2002). The Cuban leadership imported a substantial number of Soviet experts. The number of Soviet specialists increased from 1,000 in the early 1960s to 6,000 by 1975; 50% were military specialists (Duncan W.R., 1985:87ff,101). Soviet financing had made Cuba heavily dependent on continuous COMECON imports and subsidies.

15 By and large, the 1970s and the 1980s were years of Cuba’s relative prosperity. Housing, medical previsions, schools and universities, electricity, domestic telephone provision, sports and cultural facilities, radio, TV, and even clothing were provided by the state. A professional could earn 500 pesos (rubles) per month; a secretary went home with 150 pesos. Prices were controlled. Transport was becoming a problem, but one could win a Lada car by merit7. Unemployment was below 4%. Cuba’s annual growth between 1975 and 1985 was more than 4%, more favorable than that of the economies of the rest of Latin America and the Caribbean, with average growth rates around 1%8.

16 There are indications that the Soviet Union advised on the closure of the sections of assistance to the Middle East and Africa, and the eventual transference of the Departamento América to the ‘civilian’ Committee of International Department of International Relations of the Central Committee9. But whatever influence the Soviet Union had, Castro maintained a relatively independent course with respect to Latin America and the Caribbean. As Soviet intelligence officials observed as well, Castro was never an obedient disciple of Soviet politics (Pavlov Y., 1994:97ff)

17 Cuba had had a formidable army that sometimes combined regular and irregular warfare like the Vietnamese. During the three decades of ‘fraternal cooperation’ between the Soviet Union and Cuba, on an annual basis the army was provided with supplies, training and equipment worth about 1 billion dollars. At the peak of expansion, by the end of the 1970s and during its Africa campaigns, the armed forces had between 470,000 and 510,000 members. A notable analyst, Latell, CIA officer at the Cuba desk in 1964 and the National Intelligence Officer for Latin America in the 1990s, observes: It was the largest military force in Latin America and vastly bigger than those of countries Cuba’s size anywhere in the world. Furthermore, man for man during the 1970s and 1980s, it may have been the best and most experienced fighting force of any small nation, with the single exception of Israel (Latell B., 2003:10-11).

18 In Latin America, the 1970s and 1980s were the period of the Dependency Theory at the universities and the Liberation Theology in the churches. The student generations and the radicalizing Catholics were appealed by the anti-imperialist arguments of the dependency theorists. Liberation Theology was even more influential in the hearts and minds of large segments of the Latin American population. The influence of the new theology on center-left and far-left groups of the existing and new revolutionary movements is conclusive. In Central America Liberation Theology was of enormous influence. Half of the circa forty Nicaraguan comandantes were recruited by radicalized priests. Thousands of Church Base Communities supported the guerrilla organizations

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in El Salvador. In Guatemala Jesuit and Maryknoll priests were organizing Mayan communities. Many young guerrilla leaders were recruited from the Central American student movement (Kruijt D., 2008:44-47). Murdered Che Guevara and fallen Colombian ELN priest Camilo Torres were both revolutionary and moral icons. Archbishop Romero was assassinated in 1980 while celebrating mass; he and several other killed Jesuit priests San Salvador were also incorporated into the rows of Latin American revolutionary heroes and martyrs.

19 In this context of Dependency Theory and Liberation Theology, Cuba reoriented its appreciation of new actors and organizations in Latin America. The Instituto Cubano de Amistad con los Pueblos (ICAP) identified other actors and movements beyond the traditional “revolutionaries”. It was time to pay attention to the nationalist-leftists regimes and movements: We realized that by being more open-minded and using a more delicate tone, we penetrated sectors to which we otherwise would never have gotten access. That is what we called “popular diplomacy”, going beyond the sectors we traditionally reached, the so-called “revolutionary sectors” 10.

20 The ICAP also created ‘visiting brigades’: American visitors and students came to the island with the Brigada Venceremos, and Europeans with the Brigada Europa. Later, the Brigada Latinoamericana was founded. Notwithstanding the official Cuban ‘scientific atheism’, the ICAP and the Departamento América tried to invite the representatives of the new theologians to the island: During a long period we maintained good relations with many of the progressive religious believers of the continent. A large number came to Cuba and it facilitated the ideological and political insight of Cubans into that even so important issue. On matters of religion many Latin Americans and some Europeans, like François Houtart, assisted us. I conversed and dined twice with Gustavo Gutiérrez, the founder of Liberation Theology, and transmitted him Fidel’s invitation to come to Cuba. But he didn’t dare to make that trip

21 remembers Martínez Heredia, Cuba’s leading philosopher until his death in 201711. Famous Dominican Frei Betto (1985) came to Havana and interviewed Fidel Castro about religion and revolution. In the early 1990s, the ICAP co-organized solidarity flights from Brazil (with theologists Frei Betto and Leonardo Boff who celebrated mass), accompanied by entrepreneurs, politicians, students and artists. ICAP also assisted in masses celebrated by progressive priests with solidarity groups from Argentina and Colombia12.

22 In general, Cuba actively supported guerrilla movements that opposed military dictatorships.

23 Previously, in the 1960s Cuba separately trained all individual guerrilla movements, even when they were competitors in the same country, like in Argentina, Central America, Colombia, Peru and Venezuela. The code of conduct of the Departamento América was to be strict neutrality in ideological arguments. But now it explicitly tried to create politico-military umbrella organizations: in Argentina where its diplomats attempted to mediate between the Montoneros and the Trotskyist-Guevarist ERP; in post-Allende Chile doing their utmost to unify the MIR and the Frente Patriótico Manuel Rodríguez (FPMR); and assisting the Colombian Coordinadora Guerrillera Simón Bolívar (CGSB, 1987-1990).The unification of three diverging Sandinista guerrilla segments in Nicaragua was built at the Cuban embassy in Panama (1978/7913. The gradual unity between the five guerrilla groups in El Salvador was shaped at Cuba’s

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Mexican embassy (1980/82). After large discussions, the four antagonistic Guatemalan guerrilla movements integrated into the Unidad Revolucionaria Nacional Guatemalteca (URNG, 1982), also in .

The end of the diplomatic quarantine and Cuba’s new pragmatism

24 In the 1970s, many of Cuba’s political alliances with leftist movements and its leaders were based on personal friendships with Fidel: in the Caribbean with the leaders of Jamaica, Granada, Guayana, and Surinam. Castro also became close with Chile’s president Allende, Panama’s leader General Torrijos and the political team of Peruvian president General Velasco14. He also chose Cuban diplomats who would probably be appreciated by these leaders and would become ‘friends of the president’, even before the establishment of formal bilateral relations. Cuba managed to resume diplomatic relations with various Latin American countries: Chile (November 1970), Peru (July 1972), Ecuador (August 1972), Panama (August 1974) and Argentina (May 1973) after the return of Perón. Venezuela reinstated its embassy in Havana in December 1974 and Colombia in March 1975. In 1977, Costa Rica resumed bilateral consular relations. Some countries suspended their bilateral relations temporarily: Colombia (1981) and Costa Rica (1981). In the 1990s and 2000s, all Latin American countries had established or renewed their diplomatic relations.

25 Cuba certainly has a special affinity with the Caribbean island states (Hernández R., 2011; Cecena A. E. et al, 2011). There is certainly a kind of ‘Caribbeanism’ that makes personal relations easy, despite linguistic and cultural differences15. The English speaking independent or recently independent states were (and are) sympathetic to Cuba. Barbados, Guyana, Jamaica and Trinidad and Tobago took the collective decision to inaugurate diplomatic relations with the country in December 1972. The Bahamas followed in 1974, Granada in April 1979, (Dutch speaking) Surinam in May 1979, and Santa Lucia in August 1979. In the 1990s, San Vicente and Nevis, Antigua and Barbuda, San Cristobal and Nevis, and Dominica did the same. Relations with the Association of Caribbean States (ACS), in which islands and territories with American, English, French and Dutch statehood also participate, were fluid. During its decades-long dictatorship, the two countries of the former Hispaniola had suspended (Haiti) or ruptured (Dominican Republic) their diplomatic relations; they normalized their relations in 1966 (Haiti) and 1998 (Dominican Republic) 16.

26 Once diplomatic relations were established, Cuba retracted direct support to the Armed Left. The most significant country was Mexico, Cuba’s diplomatic life line. Diplomats and visiting officials of the Departamento América had to explain to insurgent groups that Cuba could not be of assistance. When diplomatic relations with Colombia had been resumed, the new Cuban ambassador in Bogotá had the delicate task to inform the Colombian president that Fabio Vásquez, leader of the ELN, was living in Havana and was receiving medical treatment there. Then he had to explain to the (guevarista) ELN leadership, that “Cuba, given the new circumstances, could not continue supporting [them] like in the previous years” 17. After the fall of Allende, the Chilean Christian Democrats, the Socialist Party and the Communist Party had formed an alliance, after discussions in Cuba. Meanwhile, the Frente Patriótico Manuel Rodríguez (FPMR) was created in Cuba at Fidel Castro’s suggestion with direct assistance of the Departamento

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América, as the armed branch of the Communist Party. When the FPMR severed its ties with the PC Cuba made a judgement of Salomon and attended both the PC and the FPMR. But the Departamento América told the FPMR leadership about Castro’s promise to the Christian Democrats that, after Pinochet’s eventual demise, Cuba’s relationship with the Chilean left would only be ‘humanitarian’. Indeed, the Departamento América maintained good relations with the FPMR and the PC, but in 1990 it broke off all relations18. Cuba’s pragmatism can best be illustrated by the case of the Argentinean ERP. After the coup in 1976, Argentina maintained diplomatic relations with Cuba and delivered strategic goods to the island. When Mattini, the last comandante of the ERP, asked the Cuban leadership for support, it was denied19.

Cuba’s Soft Power Diplomacy after 1989

27 Cuba’s military was also hit hard by the downfall of the Socialist Block. In December 1982, Soviet Party leader Andropov had notified Raúl Castro that the Soviet Union would not defend Cuba by sending troops. Economic and military support by the Soviets continued on a diminishing scale after 1985, but fell dramatically by the end of 1991, when the Soviet Union morphed into Russia. Delivery of new weapons and spare parts was very difficult; the only possibility to maintain operational condition of the military was cannibalizing older equipment. Fuel was restricted for emergency situations20. The Armed Forces were officially halved while the budget was cut in half (Klepak H., 2000:3ff.; 2005: 47ff). A similar process occurred with respect to the military structures and the intelligence previsions within the Ministry of the Interior. In 1994, the Special Forces of this ministry, the training specialists of the Latin American guerrilla in former decades, were dissolved.

28 The Cuban government announced a “Special Period in Peacetime”, to tighten the belt, to hold out and to proceed while the standard of living shrunk to severe proportions. Cuba’s economy and society were transfigured into a Spartan system of extreme austerity and ideological tightening. When in the late 1980s the leadership of the Colombian M-19 visited the island and asked for support, Fidel Castro told him frankly that the only solution was a political one, by means of peace negotiations: At that moment, Comandante Carlos Pizarro came to Cuba to ask for help. Cuba’s austerity period, the “Período Especial”, had begun. Fidel told him that he should pursue a negotiated political solution. In his view, at that moment there were very few possibilities for a politico-military organisation to come to power by means of weapons, as had [once] happened in Cuba and Nicaragua21.

29 And when Hugo Chávez in 1994 negotiated with Cuban diplomats about his first trip to Cuba, they told him that “Cuba not even could buy him a matchbox”. Chavez decided to buy the ticket himself22.

30 Confronted by its own austerity and reduction of military capability, Cuba did neither reduce its diplomacy nor its foreign aid. Cuba continued to maintain diplomatic relations throughout the world. While cutting its training assistance to the insurgency movements in the region, it intensified its medical assistance to Latin America, the Caribbean and Africa. And it used its international prestige to act as peace facilitator in Central America and Colombia where guerrilla and counterinsurgency operations continued in the 1990s and thereafter.

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The Soft Power of medical and literacy and assistance23

31 Cuba’s internationalism, which in previous decades had been predominantly expressed by support for guerrilla movements in Latin America and the Caribbean and large scale military operations in Africa, had now turned into the provision for humanitarian assistance in medical and literacy teams24. In fact, Cuba had always been a kind of medical facility receiving and revalidating wounded and crippled guerrilla militants in the region. But not only had the Far Left benefited from Cuba’s medical infrastructure. After the Chernobyl disaster, Castro offered to assist the (then) infant victims and it is still doing it. Even political enemies were offered medical treatment. Abreu, during 35 years the overviewer of the Departamento América for Central America offered dying ex-major D’Aubuisson, founder of ARENA, medical treatment in Cuba when he was denied proper attention in the United States in 1992 (Abreu R., 2013:226-230). The military missions in Africa had always been accompanied by medical and literacy campaigns, but on a lesser scale.

32 Cuba’s civilian development aid (‘internationalism’) provided over five decades poor citizens in underdeveloped or poor countries with assistance in which Cuba has leading expertise: public health provisions and literacy campaigns, post-disaster- reconstruction, and sport (training and facilities). Kirk calculated that (…) in all, over 135,000 medical professionals from Cuba have worked [in Latin America, the Caribbean, Africa, the Middle East, and Asia]. Between 1960 and 2014, there were some 50,000 of them (including 25,000 doctors) working in over 60 developing countries. Significantly 69 percent of Cuban doctors have participated in at least one mission abroad (…) (Kirk J., 2015:3; Feinsilver J., 2010).

33 Cuba assisted in the establishment of medical schools in Yemen (1976), Guyana (1984), Ethiopia (1984), Guinea Bissau (1986), Uganda (1988), Ghana (1991) Luanda (1992), Gambia (2000), Equatorial Guinea (2000), Haiti (2001) and Eritrea (2003) 25. The first Cuban medical mission abroad was in Algeria (1963). Already by 1978, around 2,000 Cuban health personnel worked abroad; in 1999 there were around 3,000. That number then increased to 3,800 in 2001, 15,000 in 2003, 25,000 in 2005 and 30,000 in 2007 (Kirk J & Erisman H.M., 2009:8,12). During the administration of Raúl Castro (2006-present) this number had grown and other medical initiatives (medical schooling for foreigners, for example) have been continued or expanded. It brought and brings Cuba an enormous amount of prestige, not only in Latin America and the Caribbean, but in the entire Global South (Huish R., 2014:188ff)

34 In October 1998, Fidel Castro launched the idea of a special Medical School for Latin American students, the Escuela Latinoamericana de Ciencias Médicas (ELAM); the new university opened its doors in September 1999 with students of eighteen Latin American and Caribbean countries. But in the mid-2000s it started to attract students from other continents and, between 2010 and 2012, the annual number of ELAM graduates was around 3,000. In 2012, students from 98 countries (with 31 mother tongues) were matriculated at the ELAM. The ELAM system and the study allowances also expanded to other countries when, after the creation of the ALBA alliance between Cuba and Venezuela (see below), Hugo Chávez co-financed and co-developed the Cuban initiative. ELAM-like medical schools were established in Bolivia, Nicaragua and Venezuela and an undergraduate school was set up in Guyana and Nicaragua26.

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35 Medical brigades operated or still operate in many Latin American and Caribbean countries, especially after natural disasters27. They continued to work even when, after a regime change, a new national government was adverse to Cuba. The most recent example is that of Honduras, where progressive President Zelaya was ousted by a military coup. The Cuban government decided not to withdrawn their medical personnel and the new Honduran administration continued to pay their counterpart obligations. In 2004, Cuba launched the program Operación Milagro (Operation Miracle) to cure cataract and other eye diseases, co-financed by Venezuela. It started in that country and was extended to many other countries in Latin America and the Caribbean, and also in Africa and Asia. According to official data 2,577,000 persons benefitted from this Cuban-Venezuelan initiative between 2004 and 2015. According to official data provided by its director Ricardo Riera, nearly four million persons (of which 2’279,259 were Venezuelan patients) benefitted from this Cuban-Venezuelan initiative between July 2004 and June 2015 (Telesur, 2016).

36 A second instrument of international assistance is that of literacy campaigns. After tests in Angola, Haiti and Nicaragua, in 2000 a literacy program called ‘Yo, sí puedo’ was developed. In the early 2000s it was widely implemented in Venezuela on a massive scale28. In 2006, within the context of Cuban and Venezuelan support to Bolivia, the program was adapted in this multinational and multilingual country. Of the indigenous population, around 40,000 Quechua and Aymara monolingual Bolivians benefitted from the program. Meanwhile, Cuba had implemented adapted versions of ‘Yes, I can’ in thirty countries (Abendroth M., 2009).

37 At the turn of the century, Cuba gained a remarkable friend that fortified both its economy and its international aspirations. Even before Hugo Chávez was elected , he and Fidel Castro had developed a personal and political friendship. In 2000, Chávez and Castro cemented their relationship by a mutually beneficial agreement: Cuban doctors and educational experts went to Venezuela. Cuba accomplished a substantial provision of oil at preferential rates. After the creation of the ALBA (Alianza Bolivariana para los pueblos de Nuestra América) between Cuba and Venezuela, Chávez became its financier. He also generously co-financed Cuba’s civilian internationalism abroad.

The Soft Power of peace provider

38 Over the course of several decades, the press and mass media has portrayed Cuba as the archetypical warmonger, whose secret service was always on the alert to proliferate subversive, terrorist and guerrilla movements worldwide, and especially in Africa and Latin America. Interestingly enough, the Departamento América began to get involved with peace negotiations in the late 1980s and thereafter. Here I present the case of two countries in which Cuba (and Norway) displayed an important role and gained prestige in Latin America.

39 After the brutal years of counterinsurgency (1978-1983) under the military governments of the General-Presidents Lucas García and Ríos Montt, the guerrilla lost the war (Balconi J. and Kruijt D., 2004, and Kruijt D., 2008: 144-153; 2017: 186-189). They had retired to the remote indigenous regions, retaining some smaller urban pockets in the western highlands and the northern jungle. The leadership of the URNG lived in exile in Mexico City, from where the chief commanders directed the war by fax and

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telephone. Peace talks were initiated in Oslo in 1990 and a national peace commission, headed by the archbishop, was inaugurated. The peace negotiations were presided over first by the archbishop and then by a special UN envoy.

40 But the real breakthrough came when two key negotiators, Rodrigo Asturias (Comandante-en-Jefe of the Organización del Pueblo en Armas, ORPA, and one of the URNG negotiators) and General Julio Balconi (appointed as minister of defense in 1996) reached an agreement about informal consultations to avoid friction and confrontation at the peace table. They developed a relationship of mutual trust and rapport. In early 1993 army delegates and the guerrilla leadership convened in extra-official sessions, with the silent approval of the civilian presidents. Norway and Cuba played favorable roles as facilitators. In March 1993, Cuba’s good offices were employed to organize a three-day session of reconciliation between the army and the guerrilla29. Both Fidel and Raúl were very accommodating and after the Havana session, the URNG announced a unilateral cease-fire while Balconi dissolved and disarmed the paramilitary patrols. The army staff and the second-in-commands of the guerrilla worked out a timetable of disarmament. Between March and December 1996, when the final peace agreements were signed, the army ceased to attack the guerrilla encampments and disarmed the paramilitary forces. The peace negotiations were successfully ended after the Havana sessions.

41 Cuba acted as a peace facilitator, at the request of both the Colombian government and the guerrilla movements FARC and ELN (Segura R. & Mechoulan D., 2017; see Herbolzheimer K., 2016). During a previous peace process (1989-1991), when M-19 and other guerrilla groups signed a peace agreement and were incorporated into Colombian society, Cuba also acted as a peace facilitator, at the request of both the Colombian government and the guerrilla movements. During the next two decades, the Departamento América and Fidel Castro in person dedicated much time to the efforts of the consecutive Colombian presidents and the changing leadership of the FARC and the ELN to reach an agreement or to establish periods of temporary cease-fire30.

42 In the early 1990s, the FARC negotiated with representatives of President César Gaviria in Venezuela and Mexico without even reaching the minimum terms for an agreement. In 1998 President Pastrana offered the FARC a demilitarized zone in El Caguán in order to initiate new peace consultations. Previously, he had requested the good offices of Castro through a representative of the Departamento América. In 2001 the FARC and the government exchanged prisoners31. But the peace negotiations stagnated. In 2002, President Pastrana suspended the dialogues and the war continued. When Uribe won the presidential elections that year, the war intensified and both the FARC and the ELN lost territorial control and saw their number of combatants reduce. Uribe initiated a programme of mass demobilization of the paramilitary forces and established a legal opportunity for individuals to leave the guerrilla on easy terms. The majority was demobilized between 2003 and 2006. In April 2017, 58, 987 former combatants (of which 25% were reported to be deserted guerrilleros) were enlisted in a programme of social reintegration32. When in 2010 President Santos was inaugurated, the FARC requested a new round of negotiations and the new president acceded. Through the good offices of Norway and Cuba, bilateral negotiations started in Havana in 2012. In November 2016, the FARC and the Colombian government signed the final peace agreement33. In February 2017 peace negotiations began between the ELN and the Colombian government in Quito.

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Conclusion: the normalization with the United States

43 Cuba was one of the twenty founding members of the OAS in 1948. In 1962 its membership was suspended by a majority vote, under strong American pressure. The island was excluded because “Marxism–Leninism was incompatible” with the principles and objectives of the inter-American system34. Initially, the United States had also tried to convince the OAS members applying economic sanctions as well, but that was refused by Argentina, Bolivia, Brazil, Chile, Ecuador and Mexico. The United States’ two neighbor countries, Canada and Mexico, never ruptured diplomatic relations with Cuba.

44 During the Reagan administration, Cuba was put on the US “State Sponsors of Terrorism” list in 1982.There is no second country in the world that was the subject of American sanctions during so many decades. The embargo also affected the large Cuban-American diaspora living in the United States via rigorous travel restrictions and the limited possibility to send dollar remittances to their family members.

45 Cuban diplomacy was always interested in (re-)establishing and maintaining good relations with all member states of the United Nations. It participated and participates in nearly all organizations of the UN- system. This even during its most extreme period of austerity, it never reduced its system of international relations. But especially it nurtured its relations with Latin America and with the Caribbean states. Its Soft Power prestige and its reputation as an important international and regional assistance made the persistent economic embargo a kind of Old Cold War relic. Year after year the Assembly of the United Nations voted against the continuance of the embargo, with a growing majority of countries condemning the U.S. embargo. In 2016, 191 member countries backed the resolution.

46 Cuba also sought to strengthen Caribbean and Latin American organizations without participation of the United States. In 2004, in Argentina, Bolivia, Brazil, Chile, Colombia, Ecuador, Guyana, Paraguay, Peru, Suriname, Uruguay and Venezuela created the South American Community of Nations in Cusco, renamed in 2007 the Union of South American Nations (UNASUR). UNASUR is in many aspects a kind of the South American OAS. Another alternative for the OAS without the United States was created in 2011 in Caracas as the Community of Latin American and Caribbean States (CELAC). Cuba and Venezuela were the leading countries of the ALBA group of countries created in 2004 and expanded afterwards. Cuba’s suspension from the OAS appeared to many of its members an odd relic from the Cold War. In 2007 the OAS countries invited Cuba to retake its seat, even with the consent of the United States. But this time Cuba rebuffed the invitation, a stance that officially was maintained until 2014.

47 Until 2013 the most important countries of the region were governed by center-left or leftist governments. With the support of friendly governments in such important countries as Argentina (under the presidency of the Kirchners, 2003-2015), Brazil (under the presidency of Lula and Dilma, 2003-2014) and Venezuela (under Chávez, 1999-2013) Cuba had become a much appreciated country in the entire Latin American and Caribbean region. It also helped that three former national labor union leaders had become presidents of their countries: Lula (Brazil), Morales (Bolivia) and Maduro (Venezuela). Furthermore, former guerrilla leaders were elected president or vice- president in Bolivia, El Salvador, Nicaragua and Uruguay.

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48 The only country in the Western Hemisphere remaining hostile to Cuba was the United States, the “Colossus of the North” in Cuba’s terminology. Notwithstanding mutual hostility, the United States and Cuba had a history of decades-long negotiation about normalization. officially and via back channels35. In 1977 a minimum degree of formal diplomatic interaction contact was established by the United States Interests Section (of the Embassy of Switzerland) in Havana, and its counterpart Interests Section of the Republic of Cuba in Washington. Visiting government officials of both countries continued to discuss and negotiate. In their very detailed analysis of the character of the negotiations and the asymmetric power relations, LeoGrande and Kornbluh conclude that in general “(…) the Cubans have been too eager to negotiate and too gullible in believing U.S. promises” (LeoGrande W. and Kornbluh P., 2014: 407).

49 At the end of the first decade of this century, under the presidency of Raúl Castro, a prudent program of economic and political reforms had initiated. One of the most delicate problems was the relation with the Catholic episcopate, icy for 50 years. But the relation slowly improved. A nasty incident triggered the beginning of a rapport36. The protesters’ group Damas en Blanco (Women in White), spouses and female relatives of dissident prisoners, used to demonstrate every Sunday morning around the churches in Havana. Cuba’s ‘voluntary shock groups’ intimidated demonstrators, sometimes in a heavy-handed manner. In 2010 such a group pursued the women into the Church. The hitherto very guarded episcopate thought that ‘enough was enough’ and wrote a letter to Eusebio Leal Spengler, historian of Havana and a close friend of Raúl, to request a high-level meeting. As a consequence, the Cuban President and Cardinal Jaime Ortega y Alamino initiated a “dialogue on issues of mutual interest between the Cuban state and the Catholic Church in Cuba.” Afterwards, the cardinal made several trips to Washington. This budding relationship also permitted a much better understanding between Cuba and the Vatican. In 2013, when the Argentinean Cardinal Jorge Bergoglio – in whose ideas one can trace some affinity with Liberation Theology – became Pope Francis, the Vatican functioned as a broker between Cuba and the United States37. It paved the way to restoring diplomatic ties and the normalization of relations between the two countries.

50 In 2008 then presidential candidate Obama had already had hinted at ‘direct diplomacy’ with Cuba. In the first months of his first term he relieved restrictions on travel and remittances. At the beginning of Obama’s second term relations improved. A large part of the rapprochement between the two countries was negotiated in secret. Still, the announcement in Havana and Washington that both governments would restore full diplomatic ties came as a surprise to most observers of the US-Cuban relationship. The Cold War for Cuba ended in December 2014. However, in 2017, incoming US president Trump re-frosted much of the warmer relations that his antecessor initiated.

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NOTES

1. In this article I heavily draw on research published as Kruijt, 2017. 2. For a more detailed overview of the US-Cuban relations and the consequences of the embargo, see Bernell, 2011, Dávalos Fernández, 2012, and Spadoni, 2010. 3. Bolivia, Chile and Uruguay broke their diplomatic relations in 1964 after explicit American admonition. Canada (until 1990 only an observer of the OAS) never interrupted its diplomatic relations with Cuba. 4. For detailed analyses of Cuba’s influence and the existing guerrilla movements in this period, see Gott, 1971, Lamberg, 1979, Wickham-Crowley, 1992, Oikión Solano, Rey Tristán and López Ávalos, 2014 and Martín Álvarez and Rey Tristan, 2017. 5. Formally, the Departamento America was created in 1975, but all its institutional predecessors were staffed by the same persons under command of Manuel Piñeiro (until 1992). The institutions evolved from G2 (1959) in M in Vice Ministerio Técnico (VMT) in Dirección General de Inteligencia (DGI) in Dirección General de Liberación Nacional (DGLN) and finally in Departamento América. 6. It was the only Cuban operation in Latin America where the majority of the guerrilleros was Cuban, not local nationals. The Cuban members of his guerrilla column were experienced veteran combatants. For a detailed analysis of the failed campaign, see James, 2001 [1960], based on data provided by the CIA. See also Prado Salmón, 1987; general (then captain) Gary Prado Salmón was the leader of the army unit that captured Che Guevara. 7. Data mentioned by Sergio Guerra Vilaboy, Head of the Department of History at the University of Havana, during a seminar at the Universidad de Santiago de Compostela, 24 April 2014. 8. Data of Guerra Vilaboy and Maldonado Gallardo, 2005, p. 129, and Domínguez Guadarrama, 2013, p. 136-138. 9. Interview with Osvaldo Cárdenas (Havana, 18 October 2012); at that time Cárdenas was the Caribbean Section Chief. 10. Interview with Luis Morejón (Havana, 1 March 2012); Morejón was the deputy Director of the ICAP. 11. Interview with Fernando Martínez Heredia (Havana, 2 March 2012). 12. Interview with Luis Morejón (Havana, 1 March 2012). 13. Interview with Julio López Campos (Managua, 2 June 2011). López was the head of the Sandinista Department of International Relations until 1990. 14. And for a shorter period the progressive Bolivian Generals Obando and Torres and the General Rodríguez Lara in Ecuador. 15. Otto Marrero, during 44 years the Head of the Caribbean Section of the Department of International Relations of the Central Committee (conversation 5 December 2012 in Havana). 16. In 1983, Granada and Surinam had suspended or broken off their relations with Cuba; Granada re-established its relations in 1992 and Surinam in 1995. 17. Interview with Fernando Ravelo Renedo (Havana, 17 October 2011); Ravelo was the newly appointed ambassador. 18. Interview with Luis Rojas Nuñez (Havana, 20 January 2012); Rojas was the representative of the FPMR. 19. Interview with Arnol Kremer (Luis Mattini), the last comandante of the ERP before its dissolution (Buenos Aires, 22 and 25 April 2017). 20. When a Guatemalan army delegation visited the island in 1996, during the reconciliation sessions with theguerrilla, the pilots were shown all MIGS but they were not ignited; that was only permitted in case of an emergency (conversations with General Julio Balconi in Cuba, October 2003, when we wrote the final draft of his memoirs [Balconi and Kruijt, 2004] in Havana).

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21. Interview with Jorge Luis Joa, 27 October 2011; at that time Joa was the official of the Departamento América in charge of Colombia. 22. Interview with Carlos Antelo (24 and 27 October 2011); at that time Antelo was the official of the Departamento América stationed at the Cuban embassy. 23. In this section I draw on chapter 6 of Kruijt, 2017. 24. and Kirk and Erisman, 2009; with regard to Cuba’s medical assistance. About Cuba’s civilian assistance, see also Kumaraswami, 2012) 25. Colaboración Médica Cubana – EcuRed,EcuRed, http://www.ecured.cu/ Colaboraci%C3%B3n_M%C3%A9dica_Cubana (page consulted 3 July 2017). 26. Interview with Maritza González Bravo, academic vice-rector of the ELAM system (9 November 2012). 27. Kirk and Erisman, 2009, p.134 ff., provide the specifics about Cuba’s medical assistance in Latin America and the Caribbean. For a testimonial account of the medical missions in Africa, see López Blanch, 2005. 28. Interview with Javier Labrada, 8 November 2012); Labrada was a senior adviser in Venezuela, Bolivia and Haiti. 29. Interview with Ramiro Abreu (25 October 2011); Abreu was the overviewer of the Departamento América for Central America. 30. Castro even allowed a book publication, Castro Ruz 2009, about the repeated requests of Cuba’s good offices to be published, with excerpts of diplomatic reports, accounts by officers of the Departamento América, and taped conversations between Castro and guerrilla leaders in Havana and elsewhere. 31. In 2007 another exchange of prisoners took place under the auspices of President Chávez of Venezuela. 32. Data published by the Agencia Colombiana de Reinserción (ACR, table 1). 33. Segura and Mechoulan, 2017, p. 1, 4, 9-11, 13, 36, repeatedly mention the decisive role of Cuba. 34. Quoted in Birsen, 2015. 35. A very fine and detailed analysis of the intents to normalize US-Cuban relations is LeoGrande and Kornbluh, 2014, and Ramírez Cañedo and Morales Domínguez, 2014. 36. Interview with Mgrs. Emilio Aranguren Echeverría, bishop of Holguin, then in charge of the episcopal Human Rights Commission (Holguín, 4 August 2010). 37. On 12 February 2016, Pope Francis and Patriarch Kirill, the heads of the Roman Catholic and the Russian Orthodox churches, met in Havana and issued a common statement; this time Raúl Castro was the go-between.

ABSTRACTS

After its Revolution Cuba was forced into a Latin American and Caribbean diplomatic quarantine by the United States. In the 1960s, Cuba’s relations with the region were basically characterized by its support to insurgency and guerrilla movements. In the 1970s, Cuba overcame its isolation by normalizing relations in Latin America and with the newly independent Caribbean island- states. Support to the Armed Left was only given in the case of civil war against dictatorships; Cuba also assisted in building national umbrella organizations of insurgent movements. After

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1985-1989 it used its Soft Power (medical brigades and facilities, literacy and post-disaster reconstruction teams), and its goods offices during peace negotiations to become a much- respected country in the region. During the government of Raúl Castro economic and political reforms were initiated while a rapport with the Catholic episcopate was established. It contributed in facilitating with success the decades-long negotiations with the United States about normalizing relations. A substantial part of this article is based on new and recent interviews with numerous Cuban key actors.

Peu après le début de la Révolution, les États-Unis forcent l'Amérique latine et la Caraïbe à soumettre Cuba à une quarantaine diplomatique. Dans les années 1960, l’appui des insurrections et des mouvements de guérilla caractérisent les relations de Cuba avec la région. Dans les années 1970, Cuba dépasse son isolement en normalisant ses relations avec l'Amérique latine, et les États de la Caraïbe qui viennent juste d’accéder à l’indépendance. Le soutient à la gauche armée ne fut accordé qu’en cas de guerre civile contre des dictatures militaires. Cuba œuvre aussi pour l’unification des mouvements insurrectionnels. Après 1985-1989, Cuba emploie son soft-power (brigades et attention médicale, brigades d’alphabétisation et de bons offices pendant les négociations de paix) pour devenir un pays très respecté dans la région. Avec le gouvernement de Raúl Castro débutent des réformes économiques et politiques, et une relation de réconciliation avec l’épiscopat catholique. Cela facilite le succès des négociations ouvertes depuis plusieurs décennies en faveur de la normalisation avec les États-Unis. Une grande partie de cet article est basée sur des entretiens récents menés auprès de responsables cubains.

Después de su Revolución, Cuba fue sometida a una cuarentena diplomática por los Estados Unidos con respecto a América Latina y el Caribe. En la década de 1960, las relaciones de Cuba con la región se caracterizaron básicamente por su apoyo a la insurgencia y los movimientos guerrilleros. En la década de 1970, Cuba superó su aislamiento por la normalización de relaciones con América Latina y los estados Caribeños recientemente independizados. El apoyo a la izquierda armada fue otorgado solamente en caso de guerras civiles contra dictaduras militares. Cuba también ayudó en la construcción de organizaciones unitarias de movimientos insurgentes. Después de 1985-1989 utilizó su poder suave (brigadas y facilidades médicas y brigadas de alfabetización y buenos oficios durante las negociaciones de paz) para convertirse en un país altamente respetado en la región. Durante el gobierno de Raúl Castro se iniciaron reformas económicas y políticas, al mismo tiempo una relación de entendimiento con el episcopado católico fue establecido. Eso contribuyó a facilitar el éxito de las negociaciones de varias décadas con Estados Unidos sobre normalización de relaciones. Una parte de este artículo fue obtenido en base de entrevistas numerosas con actores claves cubanos.

INDEX

Palabras claves: Cuba, Estados Unidos, América Latina, Diplomacia de poder suave, Revoluciones Keywords: Cuba, United States, Latin America, Soft Power Diplomacy, Revolutions Mots-clés: Cuba, États-Unis, Amérique latine, Soft Power Diplomacy, Révolutions

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AUTHOR

DIRK KRUIJT

Dirk Kruijt is Professor Emeritus of Development Studies, Faculty of Social Sciences, Utrecht University (Groenman Building, Room A 2 - 19, Padualaan 14, 3584 CH Utrecht, The Netherlands). He published about urban violence; military governments; guerrilla movements; and the guerrilla and counterinsurgency wars in Central America. His last two publications are: Cuba and Revolutionary Latin America: An Oral History (2017) and The Political Influence of the Latin American Military (2017). [email protected]

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El papel de la Unión Europea en el triángulo Cuba, EE.UU. y Venezuela The role of the European Union in the Cuba-United States-Venezuela Triangle Le rôle de l’Union européenne dans le triangle Cuba, Etats-Unis et Venezuela

Susanne Gratius

Introducción

1 Desde la perspectiva de la UE, Cuba tiene un peso simbólico en su relación con Estados Unidos al reflejar en diferentes momentos históricos una mayor preferencia por el bandwagoning o el soft balancing (Pape R., 2005). Asimismo, algunos Estados miembros, entre ellos España, han tenido una influencia exacerbada en la formulación de la política de la UE hacia Cuba, lo cual señala los límites de una política exterior común de índole «supranacional». En la coyuntura actual de relaciones distantes con el Gobierno Trump y un Acuerdo de Diálogo Político y Cooperación con Cuba en vigor, la UE podría ocupar nuevamente el papel de comodín al apoyar el gobierno castrista y optar por la estrategia de soft-balancing Estados Unidos. El ADPC simboliza esta política (Ayuso A.et al., 2017).

2 Cuba está atrapada en un triángulo asimétrico con Europa y Estados Unidos en términos de poder, capacidades y cercanía1. Sin duda, la isla es el eslabón más débil de esta relación triangular que incluye la UE como actor medio y EE.UU. como gran potencia. Aún así, contrario al Realismo Político y en la línea del Constructivismo Social que prioriza las ideas sobre lo material, desde 1959, Cuba ha desarrollado una sorprendente capacidad de autonomía (Alzugaray C., 2015, 2014) mediante la búsqueda de aliados fuera de la tríade tradicional estableciendo relaciones estratégicas primero con la URSS y luego con Venezuela – ambos ideológicamente opuestos a Estados Unidos y la UE. Actualmente, la política exterior cubana se centra en tres ejes cuya interacción se explicará a continuación: EE.UU., la UE y Venezuela.

3 Sin embargo, en el contexto actual se está agotando la opción de crear estas alianzas estratégicas exclusivas, primero con la Unión Soviética y desde 2000 con Venezuela

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(Whitehead L., 2017). Las transformaciones en el bloque socialista a finales de la década de los ochenta y la actual crisis existencial del post-chavismo –que permitió reproducir el modelo de revender petróleo en el mercado internacional– obligan a Cuba a reinsertarse en su relación atlántica con EE.UU. y la Unión Europea (UE).

4 En este triángulo desigual, la UE ha alternado el papel de comodín y socio de Cuba, arriesgando un potencial conflicto con Washington, con una mayor cercanía a EE.UU. y peores relaciones con La Habana y Caracas. Desde la incertidumbre que ha introducido la Presidencia de Donald Trump en la relación con Cuba, la UE ha vuelto a servir (involuntariamente) como comodín y socio en las relaciones trilaterales, ya que la hostilidad del Gobierno republicano de Donald Trump obliga a la isla a buscar alternativas, entre ellas un mayor intercambio con Europa.

5 Aparte de EE.UU., otro elemento que ha incidido en la política de la UE hacia Cuba es el proceso de cambios hacia la economía de mercado y la liberalización política en la isla. A nivel interno, los vaivenes en la relación europea con Cuba reflejan los cambios político-ideológicos en el seno de la UE y, particularmente, en España. Por tanto, tres factores, que se analizarán después de explicar el papel de comodín de la UE en el triángulo, han condicionado la formulación de la política europea hacia Cuba: 1) las coyunturas ideológico-domésticas europeas, 2) la dinámica de las relaciones triangulares y transatlánticas con EE.UU. y los aliados estratégicos de Cuba, y 3) el proceso de reformas socio-económicas y políticas en Cuba.

¿Es la UE un comodín en la relación triangular?

6 Las relaciones entre Cuba, América Latina (Venezuela) y Europa transcurren en un triángulo de poder asimétrico claramente dominado por EE.UU. A finales del siglo 19, EE.UU. empezó a condicionar la política exterior cubana, primero al ser su principal socio y luego por el diferendo entre La Habana y Washington. Desde los inicios de la Revolución Cubana, Europa -y particularmente España como antigua potencia colonial que perdió en 1898 la Guerra contra EE.UU. por la «independencia» de Cuba- ha servido de comodín para llenar el vacío económico y político que dejó el embargo de EE.UU., impuesto a partir de 1960 en plena Guerra Fría. En aquel momento, la incorporación de Cuba en el bloque socialista y la interdependencia con la URSS y Europa del Este reemplazó casi por completo la histórica relación con EE.UU.

7 A diferencia de los aliados estratégicos de Cuba, –primero EE.UU, luego la URSS y finalmente Venezuela- Canadá y la Unión Europea (UE) son socios fiables y constantes de la isla que se oponen a la política de sanciones de Washington. Todos ellos, incluida la UE desde 2015, adoptaron un enfoque de «compromiso constructivo», un concepto que nació a raíz de la política de Estados Unidos hacia el Apartheid en Sudáfrica en los años ochenta, cuando Nixon y luego Reagan sustituyen la coerción y las sanciones por el diálogo y de facto reconocimiento del régimen (Coker C., 1982).

8 Desde la perspectiva europea, desafiar el embargo de EE.UU. y demostrar que el aislamiento no funciona como estrategia de apertura democrática y económica constituyen dos elementos claves para explicar la política europea hacia Cuba y la decisión de firmar el Acuerdo de Diálogo Político y Cooperación que sustituye una larga fase de «compromiso condicionado», es decir un diálogo y una cooperación condicionada por requisitos políticos, en el caso de la UE por la cláusula democrática y la Posición Común sobre Cuba (Gratius S., 2005) –entre 1996 y 2016- por una estrategia

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de plena inserción de la isla en las relaciones europeo-latinoamericanas incluyendo sus programas bilaterales y regionales de cooperación (compromiso constructivo).

9 España y EE.UU. explican que Cuba tiene un peso sobredimensionado en una política europea que, en general, tiene un reducido interés por América Latina (Ayuso A.y S. Gratius, 2017). Ningún otro socio latinoamericano había motivado la aprobación de una Posición Común como ocurrió el 2 de diciembre de 1996, motivo por el cual Cuba firmó casi veinte años después de los demás países de la región, un Acuerdo de Diálogo Político y Cooperación con Bruselas. La suscripción tardía del acuerdo puso fin a una larga e infructuosa controversia bilateral europeo-cubana sobre derechos humanos y soberanía nacional y se enmarcó en el restablecimiento de relaciones diplomáticas entre Cuba y EE.UU. durante el segundo mandato de Barack Obama.

10 El nuevo consenso transatlántico entre EE.UU. y la UE a favor del compromiso constructivo hacia la isla no duró mucho. Dos años después, Donald Trump anunció revisar el acuerdo entre Obama y Castro para volver a la vieja política de hostigamiento y aislamiento. Este giro político-ideológico en las relaciones cubano-estadounidenses asigna a la UE, de forma involuntaria, el papel de comodín en la relación triangular al aplicar una política de compromiso constructivo a gran distancia de Washington después de una breve fase de políticas convergentes (Gratius S., 2017).

11 Con ello, se repite la historia, ya que, desde el restablecimiento de relaciones diplomáticas con Cuba, la UE sirvió también de comodín para sustituir un socio estratégico: la Unión Soviética cuya desaparición dejó a Cuba aislado ante un doble bloqueo: el que aplica Washington desde 1960 y la de sus anteriores socios del bloque socialista CAME, incluyendo la anterior RDA y los países de Europa del Este que se integraron en 2004 en la UE y que, después de las transformaciones, marcaron distancias con el régimen de La Habana.

12 La integración de Cuba en el CAME permitió la supervivencia del régimen castrista en un entorno regional hostil –por el embargo de EE.UU., la exclusión de la OEA y la distancia hacia América Latina y el Caribe– durante casi treinta años. La Unión Soviética y los países europeos garantizaron la estabilidad económica (basado en petróleo por azúcar) y permitieron, además, el desarrollo de una política tercermundista o de cooperación sur-sur cubana al margen de su lealtad hacia el bloque socialista. En este sentido, Cuba jugó, con el apoyo de algunos países de Europa del Este, el doble juego de pertenecer al segundo y al tercer mundo. Este papel de puente mediante una política exterior autónoma ha facilitado la posterior inserción internacional de Cuba cuando desaparecieron la URSS y el CAME.

13 Durante la Guerra Fría, la entonces Comunidad Europea no asumió un papel importante en la isla, pero cabe resaltar que el restablecimiento de relaciones diplomáticas con Cuba ocurrió en 1988, un año antes de la caída del muro de Berlín, como efecto secundario de relaciones entre la Comunidad Europea y el CAME. Ya en aquel entonces, junto con la URSS, los países de Europa Central y Oriental incluyendo la RDA sustituyeron la relación con su histórico aliado EE.UU.

14 En la post-guerra fría, la UE ocupó un papel similar al que antes habían jugado los países de Europa Central y Oriental, pero lo hizo en condiciones capitalistas y al precio de realizar algunas reformas económicas durante la Presidencia de Fidel Castro, que permitieran la reinserción de Cuba en las estructuras económicas globales sin perder el carácter autoritario-carismático del régimen castrista. La UE, junto a Canadá y China, reemplazó, en los años noventa, gran parte del 85% de comercio que había

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representado el CAME en los intercambios cubanos. Así, en 1990, la UE aportó más del 25% de las exportaciones e importaciones de Cuba, ascendiendo a primer socio comercial e inversor y a la segunda fuente de turismo. A comienzos de los años noventa, la UE inició un programa de cooperación con Cuba, fuera de los canales habituales de sus relaciones con América Latina y el Caribe, ya que la isla no había firmado ningún tipo de acuerdo con Bruselas, debido a la cláusula democrática que la UE incluye en todos sus acuerdos externos y que Fidel Castro no había aceptado (Gratius S., 2005).

15 Un primer intento de negociar un acuerdo bilateral conforme al estatus singular de Cuba en la política latinoamericana de la UE por el tipo de régimen político ocurrió en 1995, cuando el Comisario Manuel Marín viajó a la isla sin conseguir mayores avances de negociación. La primavera negra de 1996, cuando Fidel Castro ordenó una ola de detención a disidentes, puso fin a este primer intento y creó, a iniciativa del Gobierno de José María Aznar, un nuevo documento que condicionó las relaciones durante veinte años: la Posición Común. A través de este documento y la cláusula democrática, la UE sustituyó su política de compromiso por un compromiso condicionado al atar un acuerdo de cooperación y una cooperación plena con Cuba a avances «hacia la democracia pluralista».

16 Esta política determinó la relación europeo-cubana durante veinte años hasta que la UE finalmente volvió del compromiso condicionado al compromiso constructivo al firmar un Acuerdo con Cuba. Dicho acuerdo se insertó en un contexto nacional de reformas «raulistas» y se firmó en un contexto de acercamiento entre Cuba y EE.UU. que durante el segundo mandato del Presidente Barack Obama había restablecido las relaciones diplomáticas con Cuba, un paso histórico que su sucesor Donald Trump quiere revertir. Al mismo tiempo, la alianza entre Cuba y Venezuela entró en declive abierto por el caos económico y el violento conflicto político provocado por la mala gestión del post- chavismo y el enfrentamiento entre oficialismo y oposición. En este nuevo marco regional, la UE empieza a sustituir gran parte de los intercambios económicos de Cuba con Venezuela y, más recientemente, con EE.UU. (entre otros, el aumento de las remesas, cruceros, vuelos regulares, turismo). Al prácticamente desaparecer estas dos apuestas económicas y políticas del régimen castrista, la UE apareció nuevamente como una opción segura y un socio fiable y constante.

Coyunturas político-ideológicas en la UE

17 Desde el inicio, Cuba desató un intenso debate político-ideológico entre los Estados miembro, tanto en el seno del Parlamento Europeo (PE) como, a nivel nacional, entre los diferentes partidos políticos. El color ideológico de los gobiernos europeos y la composición del PE han condicionado los cambios en la política de la UE hacia Cuba en los últimos treinta años y, particularmente, desde la Posición Común cuya revisión anual obligó a la UE a formular un consenso de mínimos, aunque algunos observadores (Roy J., 2015) criticaron que fue después de la Posición Común –con la firma del Acuerdo de Diálogo Político y Cooperación, en diciembre de 2016- que los Estados miembro enterraron sus diferencias a favor de un consenso por el compromiso constructivo. No obstante, durante casi veinte años las diferencias político-ideológicas entre los Estados miembro (Gratius S., 2005; Erikson D., 2009), entre partidos políticos nacionales y las instituciones supranacionales provocaron una constante alteración de

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la política hacia Cuba condicionada, además, por la situación interna en la isla y sus relaciones con Washington.

18 España fue el Estado miembro más activo cuyo debate interno –entre el Partido Popular (PP) y el Partido Socialista Obrero Español (PSOE)- determinó hasta 2011 la política de Bruselas hacia Cuba (Gratius S., 2009). Antes de la Posición Común, en los últimos años de la Guerra Fría, la relación de la UE con Cuba transcurrió en el marco de su cooperación con el bloque socialista CAME. Este diálogo inter-bloques se modificó en 1990, cuando Cuba siguió su propio camino y añadió una amplia dosis de nacionalismo carismático al socialismo. En estos años difíciles, cuando desapareció un 85% de los intercambios económicos que Cuba desarrollaba con el CAME y se produjo una caída del -35% del PIB, la UE, a iniciativa de España que había incorporado a Cuba en la Comunidad Iberoamericana y su primera Cumbre de 1991, intensificó su cooperación con la isla. Fue también el impulso de Madrid, en aquel momento bajo el Gobierno socialista de Felipe González -que mantuvo una estrecha relación con el primer Alto Representante de la UE, Javier Solana- que empujó hacia la negociación de un acuerdo de cooperación Cuba-UE. Un Comisario español, Manuel Marín, fue el encargado de iniciar el proceso que terminó en su fase inicial por el derrumbe de dos avionetas civiles procedentes de EE.UU. y una nueva ola de represión contra los disidentes. Un año después, el cambio del Gobierno en 1996 a favor del conservador José María Aznar impuso la agenda nacional sobre la del conjunto de la Unión Europea. Fue su gobierno que empujó, tras conversaciones y reuniones con actores de EE.UU., hacia la adopción de la Posición hacia Cuba que, en su punto 4, condicionó un acuerdo de cooperación Bruselas-La Habana, la intensificación del diálogo y la cooperación «a que las autoridades cubanas avancen hacia la democracia». Al mismo tiempo reforzó la promoción de la democracia al afirmar, la Posición Común, que «el objetivo de la Unión Europea en sus relaciones con Cuba es favorecer un proceso de transición hacia una democracia pluralista y el respeto de los derechos humanos y libertades fundamentales» (Consejo de la Unión Europea, 1996).

19 Aunque la Posición Común rechazó medidas de coerción, permitió restricciones diplomáticas y de cooperación que se aprobaron en 2003, después de la «primavera negra». Su posterior levantamiento, en 2008, a iniciativa de parte del Gobierno socialista de José Luis Rodríguez Zapatero que había restablecido la cooperación y el diálogo político bilateral tras la liberación de presos políticos, marcó un nuevo giro hacia el compromiso constructivo que reflejó el gran peso que tuvo España en la política de la UE hacia Cuba que funcionó casi como un espejo de lo que ocurrió en Madrid. A diferencia de EE.UU. donde el debate sobre Cuba está condicionado por la poderosa comunidad del exilio, ésta tiene un papel invisible en España donde se utilizó Cuba –hasta el debate doméstico más reciente sobre Venezuela– como una plataforma ideológica-electoral entre los principales partidos políticos. Esta controversia terminó en 2011, cuando asumió el Gobierno Mariano Rajoy que privilegió una política más pragmática de intereses económicos, aunque a costa de un menor peso de España en este debate y una «europeización» (Sanahuja J. A., 2016: 237).

20 Alemania no ha restablecido su cooperación con La Habana y tiene intereses limitados en Cuba (Hoffmann B. , 2016) pero, igual que en España, la isla forma parte del debate interno que ha condicionado la política de Alemania hacia Cuba y su posición dentro de la UE. Los históricos lazos bilaterales y multilaterales entre la República Democrática Alemana y Cuba que incluyeron una estrecha relación comercial y de migración (30.000

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cubanos vivieron en la RDA), colocó a Cuba, después de la reunificación entre las dos Alemania, más alto de lo habitual en el debate sobre política exterior entre partidos políticos y organizaciones de derechos humanos. Dentro del partido cristianodemócrata de la Canciller Angela Merkel y en otros grupos políticos, los procedentes de la antigua Alemania del Este suelen ser más críticos con el castrismo y menos proclives al «compromiso constructivo» sin pedir nada a cambio. Similar del caso de España, se alternaron fases de distancia (durante el Gobierno Kohl, entre 1982-1998, y la coalición cristianodemócrata-liberal de 2009-2013) y acercamiento (en el período del gobierno socialdemócrata-verde de 1998-2005 y desde la gran coalición y la histórica visita del entonces Ministro de Relaciones Exteriores, Frank-Walter Steinmeier, a Cuba, en 2015). Alemania, junto con algunos países de Europa Central y Oriental, habían rechazado durante varios años una política demasiado cercana al régimen castrista por los defensores de la oposición cubana en Alemania y una política exterior comprometida con EE.UU., por un lado, y los derechos humanos, por el otro. En la última etapa antes del ADPC, el apoyo de Alemania fue clave para aprobar, en 2014, el mandato del Consejo de la UE y finalizar la negociación.

21 Los países de Europa del Este y sobre todo la República Checa (COHA, 2010) -desde la Presidencia de Vaclav Havel- se opusieron durante muchos años a una ampliación de relaciones con Cuba y optaron por mantener la Posición Común. Esta resistencia y postura crítica hacia el Castrismo se debió a la «memoria histórica» escrita por los vencedores no comunistas de la guerra fría y por la estrecha alianza con EE.UU. como supuesto garante de seguridad ante una Rusia de riesgos expansionistas y difíciles de controlar. Dicha narrativa influyó decisivamente en la posición de condicionalidad y promoción democrática por presión por parte de este grupo de países cuyo grado de relación con Cuba varió, igual que la de otros Estados miembros de la UE, según el color político de los respectivos gobiernos. En general, el recuerdo del bloque socialista liderado por la Unión Soviética afectó negativamente la relación con Cuba y la política de la UE hacia la isla.

22 Francia, igual que Italia y Portugal han sido los países más claramente a favor de un compromiso constructivo con Cuba. Este enfoque pro ADPC y el firme rechazo de sanciones unilaterales tiene que ver, por un lado, con una relación más distante hacia EE.UU. y, por el otro, con la escasa relevancia de la promoción de la democracia en sus políticas exteriores que favorecen la cooperación, el diálogo y las relaciones económicas ante condicionalidades democráticas. El Reino Unido también perteneció a este grupo de países, pero a diferencia de éstos, pesó más su relación especial con EE.UU., la cual contribuyó a que Londres tuviera un papel menor en el proceso de diálogo con Cuba. Poco influyó el hecho de que fue la primera Alta Representante de la UE después del Tratado de Lisboa, Catherine Ashton, quien obtuvo el mandato de negociar el ADPC con Cuba, un proceso que concluyó Federica Mogherini, originaria de un país tradicionalmente más proclive al compromiso constructivo con países no democráticos sin condiciones ni imposiciones.

23 Desde 1988, la Comisión Europea (CE), supuestamente neutral como órgano ejecutor de políticas de la UE, tuvo un papel muy activo y claramente a favor de un mayor acercamiento al régimen cubano. Muestra de ello fueron los tres procesos de negociación (en 1995 con el Comisario Marín, en 2000 sobre el convenio de Cotonou y en 2014 sobre el ADPC) iniciados bajo la iniciativa de la CE. Asimismo, la reapertura del diálogo y de la cooperación con Cuba fue, en gran parte, resultado de la política

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relativamente autónoma del entonces Comisario de Desarrollo y Ayuda Humanitaria, el belga Louis Michel (2008-2009). Su sucesor, el también belga Karel van Gucht continuó con este proceso de acercamiento que fue retomado por las dos Altas Representantes de la UE, la británica Catherine Ashton (que obtuvo el mandato del Consejo) y la italiana Federica Mogherini.

24 El Parlamento Europeo (PE), tal y como reflejan todas sus Resoluciones sobre Cuba, ha sido un claro defensor de los derechos humanos y el respeto de la disidencia en Cuba. Muestra de ello fueron los tres premios Sajarov que la Cámara europea había concedido a activistas de la isla: en 2002 al ya fallecido Oswaldo Payá, en 2005 a las Damas de Blanco (mujeres familiares de presos políticos) y en 2010 al opositor Guillermo Fariñas, tras la muerte por una huelga de hambre del disidente Orlando Zapata Tamaya. La posición de un PE mayoritariamente conservador y comprometido con la disidencia cambió con el mandato de negociación del ADPC. Tras años de debates polémicos, en su primera sesión sobre la ratificación del ADPC con Cuba, en abril de 2017, el Parlamento Europeo reflejó un consenso inusual a favor de la aprobación del acuerdo. La controversia sobre más presión o más diálogo entre izquierda y derecha también había desaparecido entre el PP y el PSOE cuya eurodiputada Elena Valenciaga fue la responsable de la propuesta de Resolución del PE que aboga por la aprobación del acuerdo.

25 Después de años de controversia sobre un acuerdo de cooperación con Cuba en el marco de la divisoria «Posición Común» se forjó, sea como resultado de años de debates por la Posición Común o como reflejo de un nuevo pragmatismo ante la continuidad política en Cuba, un nuevo consenso de compromiso europeo con Cuba que parece inalterable y choca con una nueva fase de hostigamiento en la política estadounidense hacia su vecino.

Relaciones triangulares: matrimonios cambiantes y ménage à trois

26 Más que por su vínculo con Venezuela que pasa por caminos separados y entra en juego después de 2000, la relación entre Cuba y la UE está fuertemente condicionada por sus respectivos lazos con EE.UU. que raras veces –una excepción fue la Presidencia de George W. Bush– intervino directamente en los asuntos europeo-cubanos. Salvo este período (2001-2009) que puede ser calificado de «triángulo duro» por la injerencia directa de Washington, las relaciones europeo-latinoamericanas con EE.UU. se caracterizan por un «triángulo suave» en el sentido de influencias indirectas de los tres actores en las respectivas relaciones con el otro (para la teoría asimétrica y relaciones triangulares ver Womack B., 2010).

27 La política de la UE varía entre compromiso constructivo (1988-1996 y 2014-hoy) y compromiso condicionado (1996-2014); y la de EE.UU. aplica simultáneamente sanciones (embargo y las Leyes Torricelli 1992 y Helms-Burton 1996) y compromiso constructivo (levantamiento parcial del embargo para medicina y alimentos en 2000 y relaciones diplomáticas desde 2015).

28 Por tanto, en el período 1988-2018, se puede distinguir tres tipos de relación transatlántica con una clara preferencia por el distanciamiento y el disenso que duró

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catorce años frente a cerca de ocho años de cercanía y una fase bienal de convergencia de políticas.

Distanciamiento e disenso transatlántico: 1988-1995. 2008-2014

29 En plena guerra fría, Cuba se benefició de política europea de «cambio por comercio» y el proceso de paz de Helsinki impulsado por el entonces Canciller alemán Willy Brandt y otros que permitió un diálogo entre Europa Oriental y Occidental y, más adelante, el restablecimiento de relaciones entre la Comunidad Europea y el CAME incluyendo Cuba.

30 A partir del derrumbe del bloque socialista y el «período especial» en la Cuba de Fidel Castro que se negó a seguir el Glasnost y la Perestroika e inventó la «rectificación» que, inevitablemente, implicó una relación económica y política con la Comunidad Europea como casi única alternativa a la desaparición del intercambio con el CAME y la URSS.

31 Al inicio de la post-guerra fría, EE.UU. y la UE eligieron caminos separados para promover cambios democráticos y capitalistas en Cuba. Ni siquiera compartieron el mismo objetivo de promover una transición democrática (Erikson D., 2009), sino que la UE optó por las reformas desde el régimen (Gratius S., 2005) y EE.UU. por el colapso del régimen a través de las sanciones y la coerción.

32 Esta diferencia de fondo continuó en la post-guerra fría, cuando la UE optó por la cooperación, el diálogo y el intercambio, mientras que EE.UU. reforzó, a través de la Ley Torricelli, aprobado en 1992, la presión y el hostigamiento hacia el régimen cubano y sus aliados. En este período, la UE garantizó, a través de la cooperación y el intercambio comercial, la supervivencia del Fidelismo que, además, pudo tocar la vieja tecla del nacionalismo basado en el enemigo externo y la necesidad de cerrar filas ante EE.UU. (Gratius S., 2017; Hoffmann B., 2015).

33 Esta fase duró hasta que se agotó la vía de cooperación y diálogo después de fracasar el primer intento de negociar un acuerdo de cooperación entre Bruselas y La Habana por diferencias en materia de derechos humanos. La «crisis de las avionetas» en febrero de 1996 puso fin al matrimonio Cuba-UE y dio inicio a un matrimonio conflictivo entre Europa y EE.UU. «contra la isla». Este mismo año, EE.UU. aprobó la Ley Helms-Burton y la UE firmó la Posición Común sobre Cuba.

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Triángulo 1: UE, Venezuela, EE.UU.

Fuente: elaboración propia, en base a Womack, 2010 y 2015.

34 Ante la parálisis de sus relaciones con EE.UU. y la UE, a partir de 2000, Cuba encontró con la Venezuela Bolivariana de Hugo Chávez el socio estratégico que había sido la URSS durante la Guerra Fría. La alianza se basó en estrechos vínculos económicos y afinidades ideológicas que condujeron en 2004 al ALBA (Toro A., 2011).

35 Cuando finalizó la era Fidel, Cuba y la UE se acercaron nuevamente. Después del divorcio, Cuba y la UE se casaron «en segundas nupcias» en 2008, cuando la UE levantó las restricciones que había impuesto en 2003 en respuesta a una ola de detención de disidentes en Cuba. El segundo matrimonio, esta vez entre Bruselas y Raúl Castro, duró hasta la actualidad, pero entre 2014-2016 no fue una alianza contra EE.UU. sino que, por primera vez, se produjo una corta fase de ménage à trois a favor del «compromiso constructivo» con Cuba (ver triángulo 1). El segundo matrimonio fue más pacífico, con un acercamiento paulatino y gradual de posiciones que culminaron en el contrato «matrimonial» del Acuerdo de Diálogo Político y Cooperación a la vez que se debilita la alianza estratégica de Cuba con Venezuela (Whitehead L., 2017) y empeoraron las relaciones de EE.UU. y la UE con Venezuela debido a las graves violaciones de derechos humanos.

Cercanía y mayor consenso transatlántico: 1996-2007

36 El eje Atlántico en la política exterior de España fue el principal detonante del acercamiento de posiciones entre la UE y EE.UU. a favor de una mayor presión diplomática al Castrismo para promover una apertura en Cuba. Otro factor de «unión» fue la Ley Helms-Burton que impulsó, unos meses después, a aprobación de la Posición

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Común y los debates anuales sobre la situación en la isla, cuyo principal valor estratégico para la UE es su complicada relación con Washington. Las sanciones extraterritoriales aprobadas por el Demócrata Bill Clinton en 1996 afectaron a empresas europeas, lo cual generó un pacto (el denominado Understanding) entre EE.UU. y la UE de no aplicar determinadas sanciones a compañías europeas que invierten en la isla (en propiedades anteriormente de EE.UU. y nacionalizados por la Revolución).

Triángulo 2: Cuba-Venezuela contra EE.UU.-UE

Fuente: elaboración propia, en base a Womack, 2010 y 2015.

37 Los intentos en 2000 de incluir a Cuba en el acuerdo de Cotonou con el Cariforum –en el cual había ingresado la isla- fracasaron por los mismos problemas de derechos humanos que ya habían impedido la firma de un acuerdo bilateral en 1995-1996. Después, Cuba desarrolló su relación estratégica con Venezuela que concentró hasta el 40% de sus intercambios comerciales y ofreció petróleo a cambio de recursos humanos para avanzar la «Revolución Bolivariana». Ante una hostil relación con sus dos socios transatlánticos, Venezuela «salvó» la Revolución cubana hasta la muerte de Hugo Chávez en La Habana que es el principio del fin del régimen venezolano.

38 En estos años, la «securitización» de la política de EE.UU. tras los ataques de las Torres Gemelas el 11 de septiembre de 2001 provocó una política aún más hostil hacia Cuba y una relación triangular «dura» por la influencia directa que ejercía el entonces Cuban Transition Coordinator, Caleb McCarry, en Bruselas y otras capitales europeas para impedir un acuerdo de cooperación entre Cuba y la UE. Aunque esta injerencia fue rechazada por algunos Estados miembro (particularmente Francia, Italia y Portugal), no provocó la ruptura del difícil «matrimonio» entre Europa y EE.UU. Una nueva ola de represión en Cuba, la primavera negra de 2003, motivó a la UE, otra vez bajo el auspicio

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de España, a aprobar restricciones diplomáticas y culturales en sus relaciones con la isla, acercando posiciones con EE.UU. Las «medidas» fueron levantadas en 2008, a iniciativa del Gobierno socialista de José Luis Rodríguez Zapatero (2004-2011).

Convergencia de políticas EE.UU.-UE-Venezuela: 2014-2016

39 Barack Obama cambió los fundamentos de la política de EE.UU. hacia Cuba al anunciar, en diciembre de 2014, en un acto público paralelo con su contraparte cubana, retomar los contactos diplomáticos con el enemigo histórico que se transformó de Estado paria y amenaza de seguridad nacional en socio-amigo (Roy J., 2015). Este giro político radical sólo se puede explicar con los paradigmas constructivistas al cambiar la narrativa basada en ideas opuestas al antiguo pensamiento bipolar de la guerra fría y de la paz democrática que justifica un enfrentamiento con regímenes no democráticos como el cubano. Fue la única vez desde 1988 que las políticas europeas y estadounidense hacia Cuba convergían en torno al denominador común del «compromiso constructivo» y que el triángulo conflictivo se convirtió en un ménage à trois.

Triángulo 3: Triángulo armónico o Ménage à Trois

Fuente: Elaboración propia, en base a Womack, 2010 y 2015.

40 La Presidencia de Donald Trump (2017-) y el ocaso de Venezuela crean nuevamente la situación en que la UE asume un papel protagónico frente a la renovada hostilidad de EE.UU. y la ausencia de Venezuela. Ya que es poco probable que Cuba encuentre otro aliado estratégico en un plazo previsible (Whitehead L., 2017) y teniendo en cuenta la

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entrega de poder de Raúl Castro, el año 2018 marcaría el fin del triángulo y concedería a la UE un papel protagónico en la política exterior de Cuba.

41 El constante cambio entre distanciamiento y cercanía de relaciones trilaterales, con una corta fase de convergencia hacia el compromiso constructivo entre Europa y EE.UU. y el apoyo de Venezuela ha conspirado contra el objetivo que supuestamente comparte la UE con EE.UU.: promover el retorno de Cuba al club atlántico de economías de mercado y democracias liberales. Hasta podría haber sido contraproducente, ya que el constante desencuentro entre Bruselas y Washington concedió al régimen cubano un tiempo adicional para realizar un proceso de ajustes a fin de garantizar la supervivencia política del autoritarismo que ha marcado la política de la isla desde la Revolución. Al mismo tiempo, Cuba ha podido utilizar a la UE como «comodín» y socio constante para compensar el riesgo que suponían las alianzas estratégica, primero con EE.UU. y luego con la Unión Soviética y Venezuela. Teniendo en cuenta que el gobierno cubano inició el proceso de reformas hace casi treinta años atrás, los resultados son muy modestos y en función del objetivo principal de este proceso: no permitir una apertura política y económica que supondría el fin del autoritarismo y del control estatal.

La UE ante las reformas en la isla

42 Es difícil, si no imposible, tener influencia sin tener presencia en la isla. Esta consideración pragmática motivó a la UE a aplicar una estrategia de presencia y acompañamiento del proceso de reformas en Cuba que consideró un mejor camino que la ruptura política. Fue una política sin la carga ideológica-emocional-doméstica que prevalece en la política de EE.UU. hacia Cuba y, en cierta manera, en contraposición a Washington que, salvo entre 2014 -2016, había apostado a un cambio de régimen político.

43 En 2018, la celebración de treinta años de relaciones diplomáticas Cuba-UE coincidirá con el inicio de la post-Revolución en Cuba, cuando Raúl Castro se retire y asumirá el poder previsiblemente el segundo Vicepresidente, Miguel Díaz-Canel, que nació un año después de la Revolución. Europa estará presente en esta nueva etapa que acelerará los cambios políticos y socio-económicos ya iniciados por el Presidente Raúl Castro (2006-2018) y acompañados por Europa. Dicho proceso de reformas pasó por varias etapas y es, desde 2008, irreversible.

44 Cabe recordar que los primeros dos intentos de negociar un acuerdo de cooperación Bruselas-La Habana coincidieron con una agenda de apertura política y reformas económicas en la isla. El V Congreso del PCC, celebrado en 1991, marcó la apertura hacia la Iglesia Católica (que concluyó con las visitas del Papa Juan Pablo II en 1998 en La Habana) y la iniciativa privada en Cuba, a través de los denominados «cuentapropistas». El sendero de las reformas continuó hasta 2000, cuando fracasó el intento de incorporar a Cuba en el Convenio de Lomé y cuando Fidel Castro sustituyó gran parte de la relación por la alianza bilateral con Venezuela que siguió siendo, hasta 2014, el primer socio económico de Cuba mediante un intercambio entre petróleo y recursos humanos.

45 Las relaciones europeo-cubanas se reactivaron cuando Raúl Castro fue nombrado Presidente, para retomar el camino de la apertura. Tras un proceso de deliberación, se

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aprobaron, en 2011, los «lineamientos» en el VII Congreso de PCC que, posteriormente, impulsó la libertad de viajar, una ley más abierta de inversiones, las PYME y la paulatina desestatización de la economía cubana2. No obstante, el régimen no autorizó la reforma monetaria que está en debate desde los años noventa, aún durante la Presidencia de Fidel Castro. Todo indica que las autoridades de la isla sopesan los enormes costes políticos y sociales que tendría la armonización del peso y del CUC reclamada por algunos autores (Vidal P. y Everleny O., 2014; Alonso J.A. y P. Vidal, 2013; Brundenius C. y R. Torres, 2014) ante la racionalización económica. Según el economista cubano Carmelo Mesa-Lago: «predomina la lógica política sobre la economía. Y temen (las autoridades) perder el control» (Rico M., 2017).

46 La UE participó activamente en este proceso de apertura y diversificación económica. Europa es el primer inversor (entre otros, con 75 empresas mixtas) y donante de Cuba, su segundo socio comercial y emisor de turismo (con un 28,9% de los visitantes). En 2015, la UE superó por primera vez a Venezuela y ocupó el primer rango en el comercio cubano; en 2014, la UE había representado un 23% en el intercambio de bienes de la isla y, dentro de la Unión, España fue su principal socio, seguido por Países Bajos, Italia, Alemania y Francia (Ayuso A. et al., 2017).

47 Asimismo, salvo en la crisis de 2003 y 2008, la UE y sus Estados miembros han sido los principales donantes de asistencia oficial al desarrollo3. Durante el Gobierno de Raúl Castro, la Comisión Europea desembolsó 85 millones de euros entre 2008-2013 y cuenta con un presupuesto limitado (ya que el programa se aprobó antes del ADPC) de 50 millones de euros para el sexenio 2014-20204. Según la OCDE, en 2015, Cuba recibió 553 millones de dólares, casi el doble que en 2014, lo cual se debe a la condonación de la deuda pública con España como parte del acuerdo que Cuba consiguió en octubre de 2015 con el Club de París en medio del proceso de negociación del ADPC.

48 Por apostar a la presencia, la cooperación y el diálogo, la política de la UE hacia Cuba no dejó de ser normativa sino que se basa en los principios de los derechos humanos y la cláusula democrática cuya introducción en todos sus acuerdos de cooperación había sido, durante las transiciones a la democracia, una demanda de los propios países latinoamericanos. Esta cláusula y un diálogo sobre derechos humanos forman parte del ADPC (Ayuso A. et al., 2017). Detrás de estos principios que reflejan la esencia de la UE está la tesis liberal de la paz democrática que enmarcó las relaciones europeo- latinoamericanas incluyendo la cooperación con Cuba.

49 No obstante, a diferencia de EE.UU. y su política de cambio de régimen, la UE ha optado por fomentar cambios graduales desde dentro o top down en vez de la estrategia bottom up de EE.UU., a través de un apoyo exclusivo de la oposición mediante USAID y otras organizaciones de «ayuda» a Cuba para poner fin al régimen autoritario. De esta manera, hasta la firma del ADPC, el principal objetivo de la política de la UE hacia Cuba fue promover una transformación interna destinada a crear una economía de mercado y una democracia representativa en Cuba. En torno a este objetivo, la UE varió los instrumentos entre el palo (restricciones y condicionamientos como la PC y las medidas adoptadas en 2003 que responden al compromiso condicionado) y la zanahoria (diálogo político, más recursos de cooperación y, finalmente, el ADPC que responden al compromiso constructivo). Sin duda, el compromiso condicionado no sirvió para avanzar la agenda de reformas sino que, al fomentar el cierre de filas político ante los «enemigos», se convirtió en un escollo de la apertura y la inserción internacional de Cuba.

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50 El Acuerdo firmado entre Bruselas y Cuba inicia una nueva etapa de relaciones más pragmáticas sin requisitos previos ni grandes controversias. Con ello, la UE se ha insertado en la estrategia latinoamericana y canadiense de aceptar al régimen cubano e incluir a través de la forma tripartita presencia, cooperación y diálogo en el futuro de la isla. En este sentido, la política de la UE no es proactiva como la de EE.UU. que anticipa y condiciona el futuro sino reactiva, adaptando su política a los cambios económicos y políticos y el ritmo de la transición que llevó a cabo el régimen castrista desde Fidel a Raúl Castro cuyo mandato finaliza en 2018.

Conclusiones

51 La UE es un actor con una política y un perfil propio en Cuba que, sin embargo, ha asumido en varias ocasiones la función de comodín en la política exterior de la isla, primero por el deterioro de la relación Cuba-EE.UU., luego después del fin de la alianza Cuba-Unión Soviética y, más recientemente, al entrar en crisis el modelo Cuba- Venezuela. Desde una perspectiva europea, su acercamiento a Cuba ha estado fuertemente condicionado por las relaciones transatlánticas que, como se ha señalado antes, transcurrió por un corto matrimonio, un largo divorcio y un corto ménage à trois (incluyendo Venezuela). El gobierno de Cuba ha sabido utilizar a ambos actores (EE.UU. y la UE) y sus «escapadas» del triángulo (por su relación con la Unión Soviética y Venezuela) para sus propios fines: la sostenibilidad económica y sobrevivencia política.

52 Todas estas dinámicas confluyen en un nuevo punto de inflexión: el fin del ménage à trois y el desafío de salvar el matrimonio Cuba-UE ante la esperada hostilidad del Gobierno Republicano que anunció revertir o endurecer la política de compromiso constructivo de Barack Obama y la paulatina salida de Venezuela de la isla. La UE se ha posicionado claramente contra las sanciones de EE.UU. y –ya con una escasa influencia de España que adoptó una política exterior post-crisis de mínimos (Sanahuja J.A., 2016)– eliminó la Posición Común como marco orientativo-normativo de su política hacia Cuba.

53 Primero, este nuevo enfoque de compromiso constructivo señala un cierto pragmatismo realista en la política exterior de la UE y la renuncia de promover cambios democráticos desde el exterior, a través de la injerencia interna que tanto rechaza el régimen cubano. Asimismo, también refleja la frustración con los nulos resultados de la política anterior de «compromiso condicionado» plasmada en la Posición Común. En tercer lugar, el cambio hacia el «compromiso constructivo» que tras años de controversia interna, le proporciona a la UE una imagen más cohesionada de actor único frente a Cuba (Ayuso A. y Gratius S., 2017) se inserta en un proceso más amplio de reflexión sobre nuevos enfoques de promoción democrática liberal más allá de la tradicional condicionalidad (ver, entre otros, Carothers T., 2017; Hobson C. y M. Kurki, 2012).

54 Cuba ya no tiene muchas alternativas para escaparse del triángulo y tendrá que apostar, más que antes de la crisis venezolana, a ambas opciones: la continuidad del diálogo con Washington y una relación más cercana con Bruselas. El retorno al triángulo transatlántico coincide, además, con el mayor desafío que ha afrontado la Revolución Cubana: la transición a la post-revolución y al post-Castrismo.

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55 Sin duda, la UE estará presente en este proceso, mientras que EE.UU. podría refugiarse en el viejo discurso cuya única legitimidad es doméstica de cara a los cubano- americanos más duros con Cuba: el hostigamiento y el aislamiento, en un momento que será clave para el futuro de Cuba, objetivo y eslabón débil pero no impotente en un triángulo asimétrico. Si prevalecen los cambiantes matrimonios y divorcios o del ménage à trois depende de EE.UU. que tiene la llave para resolver el dilema de poder, capacidades e ideas que ha provocado la relación triangular con la mayor isla del Caribe.

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NOTAS

1. Sobre teoría asimétrica y relaciones triangulares ver Womack (2010) que analiza esta relación en el caso asiático. 2. Se estima que el «cuentapropismo» representa cerca de un 20% de la fuerza laboral cubana. 3. España, Italia, Alemania, Países Bajos, España, Suecia y Dinamarca figuran entre los principales donantes de Cuba. 4. Distribuido entre seguridad alimentaria; cambio climático, energía y medio ambiente; y apoyo al proceso de modernización.

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RESÚMENES

Desde el restablecimiento de relaciones diplomáticas con Cuba en 1988, la política de la UE hacia la isla vacila entre un mayor alineamiento político con Estados Unidos (en 1996 y 2003) o con Cuba (1988-1993 y desde 2014). A pesar de estos cambios, la UE mantuvo en cada momento relaciones diplomáticas y económicas con la isla, permitiendo que las autoridades de La Habana utilizaran Bruselas como comodín para ocupar el vacío que dejó el derrumbe de las alianzas estratégicas con la URSS en 1990 y Venezuela desde 2013. El artículo argumenta que, como tercer actor estratégico en este triángulo asimétrico de política exterior, la UE ha ocupado un importante papel en el conflicto cubano-americano, por un lado, y en la relación de Cuba con sus aliados estratégicos (la URSS y ahora Venezuela), por el otro. Dentro de la constante del compromiso, los instrumentos europeos hacia Cuba han variado, según las circunstancias y la constelación de poder interno (prevalencia de moderados o duros entre los Estados miembros de la UE), entre el «compromiso condicionado» de la Posición Común y el enfoque del «compromiso constructivo» (Coker C., 1982) representado por el Acuerdo de Diálogo Político y Cooperación (ADPC), entablado en 2015.

Since the establishment of diplomatic relations with Cuba in 1988, the European Union‘s policy towards the island shifted between a major political alignment with the United States (in 1996 and 2003) or with Cuba (1988-1993 and since 2014). Despite political changes, the EU maintained constant diplomatic and economic relations with the island that allowed authorities in Havana to use Brussels as a joker, first in 1990, when the strategic alliance with the former Soviet Union ended, and again, since 2013 at the beginning of the . The article focuses on the EU and sustains that Brussels – as the third pillar in an asymmetric triangle – has played an important role in the Cuban-US conflict, on the one hand, and in Havana’s strategic partnerships with the Soviet Union and Venezuela. Within the framework of «engagement» Europe’s instruments towards Cuba shifted – depending on the context and internal power constellations (hardliner or softliner among EU member states) – between the «conditioned engagement» of the European Position and constructive engagement (Coker C., 1982) shaped by the Political Dialogue and Cooperation Agreement established in 2015.

Depuis le rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba en 1988, la politique de l’UE envers l’île oscille entre un fort alignement politique sur les Etats-Unis (en 1996 et 2003) ou sur Cuba (1988-1993 et depuis 2014). En dépit de ces changements politiques, l’UE a toujours maintenu des relations diplomatiques et économiques avec l’île, permettant aux autorités de La Havane d’utiliser Bruxelles comme joker pour occuper le vide laissé par l’effondrement des alliances stratégiques avec l’URSS en 1990 et avec le Venezuela depuis 2013. Cet article démontre que, en tant que troisième acteur stratégique dans ce triangle asymétrique de politique étrangère, l’UE a joué un rôle important dans le conflit cubano-américain d’une part, et dans la relation entre Cuba et ses alliés stratégiques (URSS et plus récemment Venezuela), d’autre part. Au sein de la constante du compromis, les instruments européens envers Cuba ont varié, en fonction des circonstances et des constellations de pouvoir au sein même de l’UE (domination des modérés ou bien des tenants d’une politique dure), entre le « compromis conditionnel » de la Position européenne et le « compromis constructif » (Coker C., 1982) incarné par l'Accord de dialogue politique et de coopération amorcé en 2015.

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ÍNDICE

Palabras claves: Unión Europea, Cuba, Venezuela, promoción de la democracia, política exterior Keywords: European Union, Cuba, Venezuela, democracy promotion, foreign policy Mots-clés: Union européenne, Cuba, Venezuela, promotion de la démocratie, politique étrangère

AUTOR

SUSANNE GRATIUS

Susanne Gratius es Profesora Contratada Doctora en el Departamento de Ciencia Política y Relaciones Internacionales de la Facultad de Derecho de la Universidad Autónoma de Madrid (UAM) e Investigadora Senior Asociada en CIDOB, Barcelona. Entre 2005 y 2013 fue investigadora senior en la Fundación para las Relaciones Internacionales y el Diálogo Exterior (FRIDE) y Profesora Asociada en el Departamento de Relaciones Internacionales de la Universidad Complutense de Madrid. Anteriormente trabajó como Investigadora principal en la Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP) en Berlín y fue Investigadora y Doctoranda en el Instituto Latinoamericano del GIGA en Hamburgo. Su investigación se centra en América Latina y la UE. E- mail: [email protected], tel.: 0034 914974068

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Opciones para las relaciones entre Cuba y Estados Unidos durante la presidencia de Donald Trump Options for U.S.-Cuban relations during the Donald Trump Presidency Les relations entre Cuba et les Etats-Unis pendant la présidence de Donald Trump: quelles options ?

Jorge I. Domínguez

Introducción: ¿Relaciones sin importancia?

1 El prólogo de la historia de la política hacia Cuba de la presidencia de Donald Trump, evidente durante sus primeros meses en la Casa Blanca, indicaba que Cuba representaba un asunto de tercera categoría, mucho menos importante que algún otro tema, nacional o internacional, que ocupaba, para bien o para mal, la atención de este presidente. Durante sus primeros meses en la presidencia, según el buscador electrónico en la página web de la Casa Blanca, Cuba aparecía mencionada con relación a cuatro temas: • ¿Cuál fue la política del Presidente Franklin Pierce hacia Cuba a mediados del Siglo XIX? • ¿Cuál fue la política del Presidente William McKinley hacia Cuba para fines del Siglo XIX? • ¿Cuál fue la política del Presidente John Kennedy hacia Cuba en los 1960s? • Muy breves referencias a que la política del Presidente Donald Trump hacia Cuba seguía bajo estudio, y que cuando fuera anunciada trataría entre otras cosas el tema de derechos humanos.

2 Mientras tanto el Presidente Trump se ocupaba de otros asuntos, entre otros el despido de su primer asesor de Seguridad Nacional y de su director del Buró Federal de Investigaciones (FBI), el repudio del Tratado de París sobre cambio climático y del acuerdo comercial trans-Pacífico. Un factor que retardaba la toma de decisiones sobre diversas cuestiones fue el rezago en sus nombramientos de quienes serían responsables de los niveles de mando intermedio en su Administración, lo que evidentemente

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dificultó la inmediata elaboración de nuevas políticas, entre otras de su nueva política hacia Cuba.

3 Si descendemos de la muy personal política presidencial, sin embargo, ya estaba en marcha una política hacia Cuba, y ya se podía comenzar a discernir las opciones frente al futuro. En este artículo, describo la relación en materia de seguridad y migración entre Cuba y Estados Unidos, que es tan estrecha, precisa, y perdurable que la caracterizo como una alianza. Repaso la ampliación de la cooperación entre Cuba y Estados Unidos durante la Administración Obama, señalando que las ventajas de estos acuerdos fueron compartidas y en algunos casos desproporcionadamente favorecieron a Estados Unidos. Me detengo en la reaparición de un conflicto ideológico en torno a democracia y derechos humanos, cristalizados por el Presidente Trump en su anuncio de modificación parcial de política hacia Cuba. Exploro las opciones próximas en estas relaciones bilaterales, concluyendo que Estados Unidos posee espacio de maniobra para reanudar su énfasis en el tema de derechos humanos ya que es improbable que Cuba prefiera sacrificar los logros de colaboración en seguridad, migración, o relaciones económicas. Esto le permitirá al Presidente Trump gozar de un triunfo simbólico, posiblemente incluyendo la ruptura de relaciones diplomáticas, cumpliendo sus promesas de campaña de revertir la política de la Administración Obama hacia Cuba.

La alianza Cuba-EEUU: seguridad y migración

4 Durante más de veinte años, Cuba y Estados Unidos han desarrollado una estrecha coordinación y, ya en varios aspectos, de cooperación, principal aunque no exclusivamente sobre asuntos de seguridad y migración. Durante su campaña presidencial y sus primeros meses en la Casa Blanca, Donald Trump subrayó que, en términos generales, la seguridad era una de sus prioridades como presidente. Con relación a la prisión en la base de Estados Unidos cerca de Guantánamo, la migración, el narcotráfico, y el terrorismo, visto desde la perspectiva y las preferencias de Donald Trump, Cuba es un aliado ejemplar que, si bien por sus propias razones, hace lo que Trump desea que Cuba haga.

5 Guantánamo. Cuba no reconoce la legitimidad de la presencia de la base naval de EEUU cerca de Guantánamo, pero ha aceptado su uso como prisión de EEUU. En enero de 2002, Cuba reconoció que EEUU con antelación comunicó una información pertinente y detallada sobre las medidas de seguridad en la base y su perímetro, que entre otros efectos protegían la seguridad de Cuba. El Presidente Fidel Castro y el Presidente George W. Bush autorizaron la cooperación militar para consolidar una relación de seguridad mutua, manteniendo un régimen profesional de consultas militares bilaterales, preservando el ambiente de distensión y respeto mutuo que así se fortalecía. El General Raúl Castro ese mismo mes confirmó esta cooperación entre militares en el entorno de la base, y su anterior existencia parcial desde la Administración Clinton, indicando la disposición de Cuba para ampliar estos marcos de cooperación militar («Statement by the Government of Cuba, 2002; Castro Ruz R., 2002).

6 La coordinación militar en el entorno de esa base entre las fuerzas armadas de ambos países ha continuado durante la Administración Trump, sin mayor novedad. El Presidente Trump ha indicado que, a diferencia de su predecesor, no intentará cerrar la prisión en la base, y por tanto seguirá siendo útil esta relación con Cuba por un futuro indefinido.

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7 Migración. Durante su campaña presidencial, y desde su elección, Trump insistió que los asuntos migratorios son prioritarios. Desde 1995, Cuba y EEUU cooperaron con precisión y detalle para impedir flujos migratorios indocumentados a través del Estrecho de la Florida y controlar los flujos documentados. Las autoridades cubanas han hecho lo posible por evitar el robo de embarcaciones u otros transportes que faciliten la migración indocumentada. Exigen la presentación de visas emitidas por el país de destino antes de abordar un avión en aeropuerto cubano. Cooperan los Guardafronteras y los Guardacostas en el Estrecho de Florida para rescatar a quienes intenten cruzar en embarcaciones endebles. Permiten que buques Guardacostas de EEUU, que han apresado a indocumentados en el medio de ese intento de cruce, arriben a puerto cubano para devolver a esos migrantes potenciales, que Cuba entonces acepta. Durante el transcurso de este siglo, un alto oficial de los Guardacostas de EEUU ha estado ubicado en La Habana para coordinar esta relación migratoria, y de seguridad marítima, y combate al narcotráfico. Cuba ha demostrado su disposición y capacidad de cooperar eficazmente con la política migratoria preferida por el Presidente Trump. Esta cooperación migratoria bilateral comenzó durante las presidencias de Fidel Castro y William Clinton, y persistió bajo Raúl Castro, George W. Bush, Barack Obama, y ahora Donald Trump.

8 Esa cooperación, sin embargo, no cubría cubanos indocumentados que llegaban a EEUU por avión o por tierra, inclusive cruzando a pie la frontera entre México y EEUU. El 12 de enero de 2017, el gobierno de EEUU canceló su anterior política migratoria, conocida como de «pies secos/pies mojados.» Desde 1995, esa política permitía a cualquier cubano, sin visa u otro documento migratorio, que tocara tierra firme en EEUU, quedarse en EEUU bajo asilo político; sin embargo, quienes fueran interceptados en alta mar por un Guardacostas de EEUU, eran regresados a puerto cubano. Utilizando la autorización inherente en la Ley de Ajuste Cubano de 1966, el Presidente Barack Obama ordenó a su ministro de Justicia que dejara de ejercer la potestad de excepcionalidad con relación a migrantes cubanos que esa Ley permite al Ejecutivo (Public Law 89-732, 1966: 1161). Sin necesidad de acudir al Congreso, se suspendió su aplicación por Orden Ejecutiva, obligando a todo cubano que desee ingresar a EEUU que lo haga mediante la ley de inmigración que se aplica a los ciudadanos de todos los demás países. Ese cambio, si bien lamentable desde la perspectiva de un posible migrante cubano, por muchos años había sido un reiterado reclamo del Gobierno de Cuba.

9 Ese mismo día, un comunicado conjunto de los gobiernos de Cuba y EEUU, firmado en La Habana, estableció un nuevo marco de cooperación. Todo cubano indocumentado que después de la firma de este comunicado conjunto intentara entrar en EEUU, o que ya había entrado, sería devuelto a Cuba, que los aceptaría a todos. Además, Cuba indicó que consideraría, caso por caso, el retorno de otros indocumentados cubanos capturados por las autoridades de EEUU antes de la firma de este nuevo acuerdo (U.S. Department of Homeland Security, 2017).

10 La coordinación y cooperación migratoria ha continuado durante la Administración Trump. Es lógico que así sea. El gobierno de Cuba coopera con EEUU tanto para impedir la salida de su territorio de sus ciudadanos cuando sean carentes de documentos para entrar a EEUU –cosa que no hace ningún otro gobierno en el continente americano– como para permitir la devolución de los indocumentados mediante cooperación profesional entre las fuerzas de seguridad de ambos países. Visto desde el discurso político y el comportamiento presidencial de Donald Trump, el gobierno de Cuba ha

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sido un excelente aliado en política migratoria. Visto por parte del Gobierno de Cuba, el fin de pies secos/pies mojados fue un triunfo diplomático y político también de su interés, que perdura eficazmente bajo la Administración Trump.

11 Narcotráfico. El informe anual del gobierno de EEUU sobre el narcotráfico en el ámbito mundial ya por muchos años refleja una realidad importante. El informe de comienzos de marzo de 2017, el primero concluido durante la Administración Trump, comenta que, a pesar de su ubicación geográfica perfecta para quien sea narcotraficante, «Cuba no es un consumidor, productor, o cruce importante de narcóticos ilícitos1.» Produce poco, según el mismo informe, debido a las políticas de prevención, información, policiales, y judiciales del gobierno cubano. Cuba, además, «impide el contrabando a través de sus aguas territoriales» y en sus aeropuertos. «Los narcotraficantes de la región normalmente evitan pasar por Cuba» (U.S. Department of State, Bureau of International Narcotics, 2017, I: 142-143). Este texto del Gobierno de EEUU confirma la apreciación que éste tiene por las decisiones que el gobierno cubano, que por sus propias razones y unilateralmente con mucha anterioridad a este acuerdo y a la Administración Obama y la Administración Trump, ya había adoptado.

12 El 22 de julio de 2016, ambos gobiernos firmaron un acuerdo que les permite intercambiar información táctica sobre embarcaciones sospechadas de tráfico de drogas que cruzan las aguas territoriales cubanas (U.S. Embassy-Cuba, 2017). Establece por primera vez vínculos formales entre el Ministerio del Interior (MININT) y el U.S. Drug Enforcement Administration (DEA). Cuba y EEUU ya habían cooperado desde los 1990s para impedir y reprimir el narcotráfico. Las fuerzas de seguridad de ambos países ya de cuando en cuando intercambiaban información de inteligencia y participaban en operaciones conjuntas para capturar a narcotraficantes y disuadirles de utilizar los espacios marítimos o terrestres cubanos para sus propósitos criminales. A fines de los 1990s, bajo las presidencias de Fidel Castro y William Clinton, Cuba propuso formalizar y ampliar esta cooperación contra narcotraficantes, que por fin se firmó en julio de 2016 (Kornbluh P., 2000). A partir de ese nuevo acuerdo en julio de 2016, Cuba ha proveído, además, documentación, testigos, e información policial para facilitar que los tribunales de justicia, federal y estatales, logren proceder eficaz y judicialmente a procesar a los presuntos criminales (U.S. Department of State, Bureau of International Narcotics, 2017: I, 142).

13 Terrorismo. Durante su campaña presidencial, otra preocupación clave para Trump fue la violencia, terrorista o criminal, por parte de migrantes o de narcotraficantes. Los acuerdos sobre migración y narcotráfico ya permiten cooperación contra la violencia criminal. Además, desde 1973 Cuba y EEUU aplican un acuerdo contra la piratería aérea que, desde el momento de su firma, tuvo un impacto notable y casi instantáneo para eliminar ese fenómeno de los cielos sobre ambos países. Fue un logro de las presidencias de Richard Nixon y Fidel Castro. Cuba, blanco de múltiples atentados terroristas a través del tiempo, ha seguido intentando profundizar esta colaboración.

14 El Pentágono (DOD), el Comando Sur, el Departamento de Seguridad Nacional (DHS), los Guardacostas, que son las agencias responsables por los asuntos de seguridad y migración, todas apoyan la continuación de la bien establecida y mejorada relación con Cuba en materia de seguridad y migración, y así se lo han expresado a la Casa Blanca (Mazzei, P. et al., 2017). Esa coordinación entre estas agencias es una explicación importante de por qué las políticas hacia Cuba de la Administración Trump no han cambiado en estos aspectos.

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Relaciones Cuba-EEUU: Ventajas desproporcionadas para EEUU

15 En dos aspectos de sus relaciones con Cuba, Estados Unidos logra que Cuba acepte una relación carente de balance, en búsqueda de objetivos de mayor prioridad para Cuba que cualquier equilibrio en abstracto. Se trata de agricultura y aviación civil.

16 A fines de 2001, la Administración Bush autorizó las exportaciones agrícolas de EEUU hacia Cuba, pero sin autorizar una contraparte de exportaciones cubanas hacia EEUU. Entre 2002 y 2016, EEUU exportó casi $5.6 mil millones de dólares en productos y equipos agrícolas a Cuba; en 2016, el valor de este rubro fue de $245 millones de dólares (U.S. Department of Commerce, 2017). El Presidente Trump, preocupado por el déficit en la balanza comercial, supuestamente alabaría esta marcada desproporción a favor de EEUU. La producción agrícola de Cuba es deficitaria; el mercado de Estados Unidos resultó ser una opción útil, y estas compras comerciales resultaron también ser una «inversión» política cubana para lograr apoyo en el Congreso de Estados Unidos.

17 El 16 de diciembre de 2015, los dos gobiernos llegaron a un acuerdo de aviación civil que amplió notablemente las opciones de vuelos de EEUU a Cuba. Los principales beneficiarios fueron personas de la diáspora cubana en EEUU que, ya en 2016, excedían el número de visitantes a Cuba de cualquier otro país excepto Canadá. El total visitantes a Cuba provenientes de EEUU excedió medio millón de personas en 2016 (Cuba, Oficina Nacional de Estadística e Información, 2016). Lo notable ha sido que Cubana de Aviación no vuela a EEUU. Solamente las líneas de aviación civil de Estados Unidos vuelan entre los dos países. Este segundo y más reciente desbalance en las relaciones económicas entre los dos países también se explica por el interés de Cuba de promover las visitas internacionales. Si Cubana de Aviación hubiera volado a EEUU, se hubiera provocado un conflicto en tribunales de justicia, desatado por quienes desearían expropiar los aviones de Cubana como compensación por propiedades expropiadas por el Gobierno de Cuba a comienzos de los 1960s. Más valioso era que el número de estos visitantes se incrementara, y por eso Cuba adoptó esa decisión, de otra manera tan favorable a las líneas de aviación de Estados Unidos.

Relaciones Cuba-EEUU: Ventajas compartidas

18 Los acuerdos en seguridad y migración claramente cumplen los objetivos y las prioridades de ambos gobiernos; han sido excelentes, pero no los únicos, ejemplos de ventajas compartidas entre los dos gobiernos.

19 Los acuerdos económicos logrados entre Cuba y Estados Unidos en 2015 y 2016 siguieron operando bajo el marco de las sanciones económicas que EEUU le ha impuesto a Cuba por varias décadas. El procedimiento por parte de EEUU durante estos dos años fue, según autoriza la ley, de permitir excepciones a su régimen de sanciones. En algunos casos, como las visitas internacionales y la aviación civil, la autorización excepcional liberalizó la relación notablemente. En otros casos, las trabas financieras y comerciales se mantuvieron a pesar de esfuerzos puntuales para resolver problemas concretos. Se permitían inversiones solamente por autorización específica, y ocurrieron algunas, pero pocas; algo similar ocurrió con relaciones comerciales, aunque

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se ampliaron algo más en los rubros de servicios. Este régimen de autorizaciones ha continuado durante la Administración Trump (Gámez Torres N., 2017).

20 Quizás el principal éxito empresarial, más allá de las líneas de aviación y las exportaciones agrícolas, ha sido Airbnb. Abrió en Cuba en abril de 2015; dos años después, había facilitado hospedaje a más de medio millón de personas en Cuba. Durante el primer semestre de la presidencia de Trump, hospedaba Airbnb en Cuba un promedio de 70,000 personas por mes.

21 La colaboración académica, nunca interrumpida del todo (EFE, 20172), produjo un salto cualitativo. Diversos Colleges y Universidades de Estados Unidos establecieron acuerdos con sus contrapartes en Cuba. Los acuerdos firmados por ambos gobiernos autorizaron y facilitaron la colaboración científica entre ambos países, inclusive de sus funcionarios. Se hizo hincapié en el medio ambiente, desde mejores intercambios de información meteorológica hasta expediciones conjuntas explorando la biodiversidad terrestre y marítima del archipiélago cubano.

22 Ejemplos de esta colaboración científica continuaron en 2017 bajo la Administración Trump. Por ejemplo, el 15 mayo de 2017 zarpó el barco «R/V F.G. Walton Smith», propiedad de la Universidad de Miami, abordo con especialistas de Cuba y EEUU, para circunnavegar el archipiélago cubano. El propósito de esta expedición científica conjunta fue estudiar la extensión de los arrecifes de coral profundos en el entorno del archipiélago. Duró más de cuatro semanas. Fue auspiciada en Cuba por el Acuario Nacional de Cuba, el Instituto de Ciencias del Mar, y el Centro Nacional de Áreas Protegidas, todos pertenecientes al Ministerio de Ciencia, Tecnología, y Medio Ambiente, así como el Centro de Investigaciones Marinas de la Universidad de La Habana, la Oficina de Regulaciones Pesqueras del Ministerio de la Industria Alimentaria, y el Grupo Empresarial Geocuba. Fue auspiciada en Estados Unidos, donde se le conocía como el programa, «Cuba’s Twilight Zone Reefs and Their Regional Connectivity», por el U.S. National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) y Florida Atlantic University. Un detalle que subraya la cordialidad en el seno de esta colaboración científica fue la decisión de NOAA de publicar en su página web no solamente breves artículos redactados por científicos estadounidenses sino también por científicos cubanos (Martínez Daranas B., 2017; González Díaz P., 2017).

23 La expedición se regía por el acuerdo firmado el 18 de noviembre del 2015 entre ambos gobiernos para cooperar en la conservación y manejo de áreas marítimas protegidas. Ese acuerdo, entre otros elementos, establecía un programa de «santuarios hermanos» entre los santuarios marinos de Guanahacabibes y San Antonio en Cuba y los santuarios marinos al sur de la Florida, Luisiana, y Texas (Reed J., 2017; Granma, 2017b). La nueva cooperación medio ambiental puede facilitar la protección de aves y peces migratorios que no requieren pasaporte ni visa para viajar de un país al otro.

La manzana de la discordia: Democracia y derechos humanos

24 El 3 de mayo de 2017, el Secretario de Estado Rex Tillerson se reunió con un amplio grupo de funcionarios del Departamento de Estado para explicar la nueva política exterior mundial de Estados Unidos. Entre otros asuntos, se refirió al tema de derechos humanos. «Si se subordinan nuestros esfuerzos sobre seguridad nacional a que otro

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adopte nuestros valores, probablemente no lograríamos éxitos con nuestros propósitos de seguridad nacional o de servir nuestros intereses en seguridad nacional.» Añadió Tillerson, «en algunas circunstancias, debemos y así lo hacemos, subordinar nuestras relaciones y políticas a que otros adopten cierto comportamiento en el trato de su pueblo… y debemos exigir eso, pero no quiere decir en todo caso y en toda situación» (U.S. Department of State, Diplomacy in Action, 2017).

25 Un mes después, el 5 de junio, en una conferencia de prensa en la Casa Blanca, el Portavoz Presidencial Sean Spicer contestaba una pregunta en que el periodista recordaba la loa del Presidente Trump al Presidente Rodrigo Duterte, Filipinas, a pesar de las duras críticas por graves violaciones de derechos humanos que se han presentado contra Duterte. El Portavoz Spicer señalaba que el Presidente Trump alabó al Presidente Duterte por la lucha contra el narcotráfico pero, según Spicer, Trump «también cree en derechos humanos… es una de las razones por lo que está revisando la política hacia Cuba…» (White House, Office of the Press Secretary, 2017a).

26 Estos dos textos proveen una buena explicación. Precisamente porque Cuba no es particularmente importante para Trump, puede la Casa Blanca darse el lujo de formular una política hacia Cuba que haga hincapié en el tema de democracia y derechos humanos. Y este bajo perfil estratégico es lo que permite que actores de política interna de EEUU incidan en el diseño de la política de EEUU hacia Cuba, es decir, que los Senadores y Diputados cubano-americanos que representan los criterios ya solamente de una minoría de la comunidad cubano-americana en EEUU logren una modificación de la política hacia Cuba.

27 Además, si este análisis acierta, implica que Cuba mantiene tal interés en cooperar con EEUU en migración, narcotráfico, y terrorismo que no cancelaría por sí sola estos acuerdos, a pesar de que a su gobierno no le guste una nueva política de EEUU hacia Cuba que enfatice democracia y derechos humanos.

28 El 16 de junio de 2017 el Presidente Trump anunció su política hacia Cuba en cuatro partes. Primero fue un gran espectáculo visual. El anuncio por parte del presidente ocurrió en la llamada «Pequeña Habana» en Miami, rodeado por los congresistas cubano-americanos, y frente a los veteranos de la Brigada 2506 que invadió Playa Girón, Bahía de Cochinos, Cuba, en abril de 1961. Su principal propósito fue permitirle al presidente decir, «cumplo mis promesas,» ya que los veteranos de la Brigada lo apoyaron públicamente durante su campaña presidencial. Proclamó el presidente, «Por tanto, con efecto inmediato, cancelo el acuerdo, totalmente favorable para Cuba, que data de la administración pasada» (White House, Office of the Press Secretary, 2017b).

29 Un segundo elemento, sin embargo, fue mantener la autorización de todas las políticas que he discutido en este artículo, es decir, las colaboraciones en el ámbito militar, policial, migratorio, y contra el tráfico de drogas, así como los acuerdos sobre aviación civil, medio ambiente, exportaciones agrícolas estadounidenses, flujo de remesas, y «visitas» internacionales que excluía visitas a las playas (que fue siempre la política de la Administración Obama).

30 Tercero, pues, ¿qué cambió ese 16 de junio? La respuesta más común era el refrán, «Los cambios anunciados no entran en vigor hasta que no se publiquen formalmente las nuevas regulaciones.» Meses después, seguimos en espera. Las batallas burocráticas y políticas, quizás más que el contenido de las relaciones bilaterales, determinarán qué habría de nuevo, cuándo, y cómo. El cambio más probable es la eliminación de los viajes

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individuales, y la estancia en un número de hoteles, pero permitiendo los viajes auspiciados por entidades, asociaciones, y agencias de viaje y las estancias mediante Airbnb; esta hipótesis requiere, sin embargo, que continúe la posibilidad de obtener visas en ambas direcciones, procesos que, como señalo en la sección que sigue y que trata de opciones, puede quedar entorpecido.

31 El cuarto aspecto fue anunciar, en ese mismo discurso del 16 de junio, la disposición de negociar. Señaló sus prioridades: la devolución de un fugitivo de la justicia estadounidense, la liberación de presos políticos, y otros «pasos concretos».

32 ¿Cuáles son, pues, los instrumentos del Gobierno de EEUU para promover los valores democráticos y los derechos humanos en Cuba? Por muchos años, un instrumento de la política de EEUU hacia Cuba ha sido el presupuesto del U.S. Agency for International Development (AID) para promover democracia y derechos humanos en Cuba. El presupuesto de la AID para estos programas con relación a Cuba, bajo la Administración Obama, fue de $20 millones de dólares para el Año Fiscal 2016 (cerró el 30 de septiembre de 2016). La primera propuesta de este presupuesto de la Administración Trump, es decir, para el Año Fiscal 2018 que comenzó el primero de octubre de 2017, fue de $0. Es probable que el Congreso de EEUU restaurará parte de, o todos, estos fondos, pero la propuesta presupuestal revela el pensamiento de la Casa Blanca y de su oficina presupuestaria (U.S. Department of State, «Congressional Budget Justification» 2017:88). Esta solicitud presupuestaria se publicó el 23 de mayo de 2017, es decir, pocos días antes del mensaje del Presidente Trump del 16 de junio.

33 Es posible que la lógica de recortes al presupuesto se impusiera. Estos programas de la AID recibían, además, fuertes críticas por ser ineficaces y a veces contraproducentes; es posible que en el mismo Departamento de Estado y en la AID no hubiera una defensa verdadera de este presupuesto. Pero no deja de sorprender que la Administración cancelara estos programas.

Opciones

34 ¿Cuáles son las posibilidades de nuevas negociaciones a las que se refirió el Presidente Trump el 16 de junio de 2017?

Opción 0. Pasa poco

35 No perdurará el tono conciliador de los dos últimos años de la presidencia de Obama; resurgirán asperezas en público y en las negociaciones confidenciales. Se repetirán críticas al desempeño del gobierno cubano con relación al respeto por los derechos humanos en Cuba, probablemente en efemérides tales como el 24 de febrero, el 20 de mayo, y el 10 de octubre. Además, las quejas con respecto a la política de Obama hacia Cuba, citadas por Trump y quienes se interesan por el tema Cuba en sus círculos políticos, subrayan que Obama no obtuvo «concesiones» del gobierno cubano a cambio de las «concesiones» hechas por EEUU a Cuba. Habrán referencias, en singular, al «mal acuerdo de Obama,» omitiendo referencias, en plural, al par de docenas de muy buenos acuerdos logrados bajo Barack Obama y Raúl Castro. Se promulgarán nuevas regulaciones que prohibirán los viajes «individuales» y estancias en ciertos hoteles, pero se mantendrá la autorización para los demás tipos de viajes y facilidades de hospedaje.

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36 Los comentarios de Trump sobre Cuba revelan una expectativa de negociación entre adversarios. Cambiará por tanto la forma de proceder. Al final de la presidencia de Obama, el Gobierno de EEUU negociaba tema por tema, circunscribiendo cada negociación a los aspectos técnicos inherentes de ese tema. La Administración Trump estará más dispuesta a vincular diversos temas en una misma negociación, entre otros derechos humanos y régimen político en Cuba.

37 Acotaciones. El reiterado uso de la palabra «concesiones» dificultará lograr acuerdos con el gobierno cubano, que insiste que no hace ni hará concesiones. La Administración Obama no se jactó de extraer concesiones del gobierno cubano. Sin embargo, recordemos el 17 de diciembre de 2014 cuando los Presidentes Barack Obama y Raúl Castro simultáneamente, en sus respectivas ciudades capitales, anunciaron el cambio en las relaciones bilaterales. En su alocución a sus conciudadanos, el Presidente Castro anunció también: «De manera unilateral, como es nuestra práctica y en estricto apego a nuestro ordenamiento legal, han recibido beneficios penales los reclusos correspondientes, incluida la excarcelación de personas sobre las que el Gobierno de los Estados Unidos había mostrado interés» (Granma, 2014). Es decir, ¿concesiones? Por supuesto que no. ¿Gesto unilateral que le permite al Presidente de EEUU un éxito en su política con relación a derechos humanos en Cuba? Por supuesto que sí.

Opción 1. Realista, ya visible

38 La Opción Realista es deseable tanto para el Gobierno de EEUU como para el Gobierno de Cuba. Reafirmaría, en voz baja, la validez y la importancia de los acuerdos formales e informales con relación a la seguridad en el entorno de la base de EEUU cerca de Guantánamo y en el Estrecho de la Florida, en particular el control migratorio, y la lucha contra los narcotraficantes, la violencia criminal, y el terrorismo. Sobreviviría la autorización de exportación a Cuba de productos agrícolas estadounidenses. Todas estas políticas se crearon y estuvieron en vigor antes de la presidencia de Obama.

39 Igualmente realista es, sin embargo, que la Administración Trump modifique algún elemento de la política de la Administración Obama hacia Cuba ya que el candidato Trump había prometido revertirla. Esto sugiere que se mantendría el retorno al discurso ideologizado sobre derechos humanos y democracia y se abre la posibilidad de una ruptura de relaciones diplomáticas.

40 Entre el otoño de 2016 y mediados de 2017, diplomáticos estadounidenses y canadienses, en sus respectivas sedes en La Habana, fueron víctima de ataques sónicos que, en los casos más graves, pueden haber provocado daños cerebrales permanentes. No se ha descubierto cómo ni por qué ocurrió, a pesar de la cooperación profesional entre ambos gobiernos, pero este hecho no ha impedido que los congresistas cubano- americanos soliciten la ruptura de relaciones diplomáticas.

41 Tal ruptura tendría un fuerte valor simbólico y político – cumple Trump sus promesas de campaña presidencial -- con pocas consecuencias prácticas adversas. Los principales acuerdos en seguridad y migración y las exportaciones agrícolas se lograron antes del restablecimiento de las relaciones diplomáticas y podrán continuar si se rompen tales relaciones. Las respectivas embajadas se reducirían una vez más a Secciones de Interés, bajo la responsabilidad formal de la Confederación Suiza. El número de personal diplomático y consular puede seguir siendo igual.

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42 Para fines de 2017 la Administración Trump no había roto relaciones diplomáticas pero, en respuesta a la falta de resolución del problema de los ataques sónicos a sus diplomáticos (¿cómo ocurrió? ¿por qué ocurrió? ¿quién es responsable?), redujo su personal diplomático y consular en su embajada en La Habana y exigió una reducción proporcional del personal diplomático y consular cubano de la embajada de Cuba en Washington. Al mismo tiempo, insistió que eran simplemente medidas de seguridad para la protección de sus diplomáticos y no modificaban el contenido de las relaciones bilaterales, tal como describe este artículo.

43 El impacto más directo de estas medidas, si no se revierten, sería una notable reducción de las visitas de cubanos a EEUU y una posible reducción de las visitas de estadounidenses a Cuba. La principal diferencia entre los dos flujos se explica por los procedimientos de cada país para otorgar los permisos pertinentes. EEUU exige una entrevista personal de cara a cara previa a la concesión de una visa. Si no hay personal consular para realizar estas entrevistas en su embajada en La Habana, se requeriría que cada solicitante viaje a un tercer país para esa entrevista en algún otro Consulado de EEUU (v.g., en Bogotá, en la Ciudad de México, etc.), encareciendo así el costo de obtener una visa (viaje aéreo, hospedaje en hotel, etc.). Cuba no exige una entrevista personal. Puede por tanto autorizar a agencias de viajes en EEUU que presenten las solicitudes de visa a Consulados de Cuba en otros países (v.g. en Toronto, en la Ciudad de México, etc.), permitiendo así la continuación de las visitas de estadounidenses a Cuba.

44 La continuación de la reducción de personal consular y diplomático en las respectivas embajadas en La Habana y Washington, por supuesto, entorpecería las relaciones entre los dos gobiernos y los dos países. Una solución razonable presume que no se descubrirá la respuesta a las preguntas que generan incertidumbres pero, con vista al futuro, Cuba permitiría la presencia permanente en la embajada de EEUU en La Habana de personal del FBI, entrelazados profesionalmente con su contraparte en el MININT. El FBI no había podido actuar en La Habana por medio siglo, regresando por vez primera precisamente para investigar los ataques sónicos; la modificación por tanto sería pasar de esa autorización ad hoc a una autorización institucionalizada.

45 Acotaciones. Como ya se señaló, la Administración Obama cambió fundamentalmente la política migratoria de EEUU hacia Cuba en una dirección que parece reflejar nítidamente las propias preferencias del Presidente Trump en política migratoria. La Administración Trump tendrá que decidir, sin embargo, si se siguen aplicando los notables incrementos de cooperación en materia de seguridad negociados bajo Obama. El 14 de octubre de 2016, el Presidente Obama emitió su decisión más abarcadora y completa que resumía su política hacia Cuba. Entre los elementos de esa decisión encontramos los siguientes (White House, 2016): «El Departamento de Defensa (DOD) apoyará la inclusión de Cuba en el sistema inter-Americano de defensa y en las conferencias regionales de seguridad y defensa…» «…El Departamento de Seguridad Nacional (DHS) desarrollará protocolos de investigación cooperativa con Cuba…» «El Departamento de Justicia (DOJ) trabajará, conjuntamente con DHS, con el gobierno cubano para combatir al terrorismo y al crimen transnacional organizado. El DOJ trabajará con Cuba para expandir la cooperación en seguridad y cumplimiento de la ley, aumentar el intercambio de información… ampliando y fortaleciendo la cooperación que ya existe con Cuba…»

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46 Una crítica más precisa a la política de la Administración Obama implica que la cooperación militar con Cuba debe suspenderse, o por lo menos restringirse, a las áreas que existían antes de los acuerdos logrados durante 2015 y 2016. Estados Unidos, según tal crítica, no debe colaborar con el gobierno de un régimen político autoritario. Se eliminaría así el intercambio de información en materia de seguridad, las investigaciones cooperativas, y la opción de participación de Cuba en el sistema inter- Americano de defensa y sus conferencias. Tal decisión reduciría sensiblemente la cooperación contra el crimen transnacional y el narcotráfico, que requieren intercambios de información y cooperación en la investigación. Podría además dificultar el retorno a Cuba de migrantes cubanos indocumentados que ingresan a EEUU por avión o por tierra, ya que el acuerdo con relación a ese retorno requiere intercambio de información.

47 El personal uniformado en DOD y DHS desea continuar la cooperación en seguridad y migración tal como se logró durante la Administración Obama. Se oponen a las restricciones concebibles. Sin embargo, este aspecto de la alianza Cuba-EEUU en materia de seguridad y migración es también un ámbito de posible cambio en las relaciones bilaterales donde, además, se logrará observar la lucha por el control y dirección de la política hacia Cuba.

48 Por parte del gobierno de Cuba, la decisión clave es decidir si, según su interés nacional y soberano, sigue siendo preferible cooperar con EEUU en materia de seguridad y migración a pesar de que la Administración Trump gire rumbo a una política hacia Cuba que, en su dimensión ideológica, retorne al tema de derechos humanos y democracia como prioridad discursiva, en particular si además se rompen las relaciones diplomáticas o se entorpecen los intercambios por la dificultad de obtener visas, justificando esas decisiones bajo el alegato que Cuba no respeta los derechos humanos y carece de un régimen político democrático. Como corolario, puede requerir también decidir, en caso de que se apliquen las restricciones posibles en la cooperación en seguridad, si es mejor continuar con lo que ya se había logrado a pesar de nuevas restricciones. Según el análisis expuesto en páginas anteriores, creo que el gobierno cubano preferiría la cooperación en seguridad y migración en vez de retornar a una confrontación mucho más grave.

49 La respuesta del gobierno cubano a la nueva política de la Administración Trump ha sido notable por su moderación. Reitera su disposición de dialogar y cooperar con EEUU en asuntos de interés mutuo, y de seguir negociando sobre otros temas pendientes de interés bilateral. El canciller ratificó que Cuba cumplirá los acuerdos que se han firmado, y que sigue dispuesta a negociar, aunque no sobre el diseño de su propio sistema político. Recordó, en alusión al discurso del Presidente Trump del 16 de junio de 2017, que Cuba ha repatriado criminales a EEUU, por su decisión unilateral y consecuente con las leyes cubanas (Granma, 2017a).

50 Esa respuesta oficial cubana fue probablemente anticipada por el gobierno de EEUU. Por tanto, la Administración Trump se siente libre de retornar al discurso de derechos humanos y democracia, inclusive romper relaciones diplomáticas y entorpecer los intercambios y las visitas no oficiales mediante las crecientes dificultades para obtener visas, y aplicar ciertas restricciones a la cooperación en seguridad, bajo el supuesto de que Cuba se quejaría, pero lo aceptaría. Los logros prácticos de una reanudada confrontación serían nulos; se detendría claramente la opción de ampliar o mejorar la cooperación construida. Sin embargo, el logro simbólico y político para la

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Administración Trump – cumplir con sus promesas de campaña de revertir la política de Obama hacia Cuba – lo justificaría. Cuba a regañadientes probablemente lo aceptaría.

Opción 2. Posible

51 El sesgo mercantilista de Donald Trump no solamente puede ver bien la exportación de productos agrícolas a Cuba, sin contraparte de importación de Cuba, sino también el acuerdo de aviación civil, precisamente porque en la práctica le es tan favorable a las líneas de aviación de EEUU. Trump puede confirmar otros acuerdos o procesos de negociación comenzados desde diciembre de 2014 porque los beneficios de muchos acuerdos ya negociados son necesariamente compartidos (v.g., el funcionamiento del correo, el intercambio de información sobre huracanes, o la protección de especies migratorias).

52 La Opción Posible y los aspectos de seguridad y migración en la Opción Realista, todos puramente pragmáticos, contribuyen en parte a comprender por qué, al concluir el primer año de la Administración Trump, no hubo cambios dramáticos en su política hacia Cuba. Los funcionarios de carrera reconocían el valor de lo logrado por la Administración Obama, y lo absurdo de la queja que no se obtuvo «concesiones».

Opción 3. Osada

53 La Opción Osada es que Trump, en pro de la mayor «prosperidad y libertad» para el pueblo cubano, que resaltó en su comentario después de la muerte de Fidel Castro (Rampton R., 2016), impulse algunas medidas ya autorizadas por Obama. Carente como ya expliqué de instrumentos más allá de lo retórico para promover los derechos humanos en Cuba, la Administración Trump puede decidir que Obama no se había equivocado: se puede continuar con la política de Obama sin decirlo de esa manera.

54 ¿Qué buscaba Obama? Que Cuba y los cubanos imaginaran y diseñaran un futuro mejor. ¿Cómo promover un cambio libertario en Cuba? Permitiendo que los cubanos se independicen económicamente del Estado. ¿Qué puede hacer EEUU para impulsar medidas de creación de un sector privado en la economía cubana, bajo la «actualización del socialismo» en Cuba autorizado por el VI Congreso del Partido Comunista de Cuba (PCC) en 2011 y ratificado por el VII Congreso del PCC en 2016? Facilitar las visitas de los cubanoamericanos para que conversen con sus parientes y sus amigos sobre un futuro distinto, y que envíen remesas no solo para la supervivencia de los suyos sino también para invertir en pequeñas empresas, ahora legales. ¿Cómo ampliar el mercado para el sector privado? Permitir las visitas de cientos de miles de estadounidenses por año, que concurran a restaurantes privados (paladares), paladines de este nuevo sector privado que compran productos a campesinos; así, tanto paladares como campesinos se independizan de la tutela del Estado. ¿Cómo evitar que estas visitas internacionales redunden en desmesurados beneficios para el Estado cubano? Retener la prohibición del turismo de playa. Así se impide el control que los enclaves playeros han construido y facilitado sobre los canadienses y otros turistas que allí acuden. Congrega a los estadounidenses en ciudades, intercambiando directamente con sus contrapartes cubanos. Permitir la continuación y prosperidad de Airbnb, que canaliza a los visitantes internacionales a domicilios privados, no a hoteles que sean empresas mixtas con el Estado; con un monto de ingresos de $40 millones de dólares en un par de años, este

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sectorcillo privado ha creado un espacio social de clase media urbana autónoma (EFE, 2017). De ese sector económico privado y sus corolarios resurge como un Fénix una nueva sociedad civil en Cuba, independiente del Estado, y capaz de facilitar otros cambios en pro de la «prosperidad y la libertad». Hay mayor libertad de información si se facilitan las telecomunicaciones y el más fácil acceso al Internet. Hay más libertad y prosperidad si EEUU amplía las relaciones económicas con el sector privado en Cuba. Estas y otras posibles oportunidades requieren que el Ejecutivo en EEUU elimine las trabas que perduran para una relación normal entre bancos en EEUU y en Cuba, permitiendo de hecho el uso del dólar y de las tarjetas de crédito. ¿Adoptaría esta política la Administración Trump?

55 Por parte del gobierno de Cuba, ese rumbo, quizás improbable pero sin duda osado por parte de la Administración Trump, es consistente con la estrategia económica imperante durante ya casi tres décadas. Fue Fidel Castro quien inició el impulso al turismo y quien inició la autorización de un pequeño sector privado. Puede a la dirección nacional de Cuba disgustarle tal motivación por parte del gobierno de EEUU, pero ese es un reto asumido por el gobierno cubano y el PCC durante esta década. Es por tanto imaginable que, si la Administración Trump autoriza el retorno de diplomáticos y cónsules a las respectivas embajadas, permite la continuación de los viajes internacionales, la aviación civil, y las remesas, al gobierno de Cuba no le quede remedio que aceptar la Opción Osada y asumir ese riesgo.

Conclusión

56 Cuba ha cooperado eficazmente y por muchos años con EEUU en los asuntos que parecen ser de prioridad para Trump. Esas bases de una razonable relación bilateral sirven para construir una cooperación profesional entre los dos gobiernos. Por tanto, el gobierno cubano no debe paralizarse por la reaparición de lo que he llamado la Opción 0. Debe buscar retener los logros compartidos y positivos en la Opción Realista sin caer en una guerra retórica con los tweets del Presidente Trump, en particular si el cumplimiento de sus promesas de campaña se circunscribe al ámbito discursivo, mientras que se busca un acuerdo razonable que permita el retorno de diplomáticos y cónsules a las respectivas embajadas. Debe insistir en lo que he llamado la Opción Posible, y debe reconocer los importantes aspectos positivos, así como el reto en la Opción Osada. Ese comportamiento permitiría aplicar a la relación entre Cuba y EEUU el mismo criterio que el Presidente Raúl Castro ha citado en otros contextos, es decir, proceder hacia un resultado bilateral eventualmente razonable para ambos gobiernos, «sin pausa, pero sin prisa».

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NOTAS

1. Todas las traducciones al español son mías, a no ser que se indique otra fuente. 2. Las relaciones bilaterales, académicas y científicas, se redujeron notablemente durante la Administración George W. Bush, pero algunas sobrevivieron. Por ejemplo, Harvard University lanzó en 2005 y retuvo sin interrupción un programa para facilitar que sus estudiantes de College pudieran estudiar por un semestre en la Universidad de La Habana. Harvard mantuvo también su compromiso de auspiciar talleres de trabajo en La Habana y Cambridge, y facilitar la publicación de sus resultados.

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RESÚMENES

La política hacia Cuba posee baja prioridad en la Administración Trump. Su elemento más importante ha sido la continuación de una alianza entre Cuba y Estados Unidos en materia de seguridad y migración, que ya data de dos décadas, ampliada durante la Administración Obama. Las principales innovaciones en la relación Cuba-EEUU bajo la Administración Obama produjeron ventajas compartidas entre los dos países, o ventajas que desproporcionalmente favorecían a EEUU. Una innovación bajo la Administración Trump será un nuevo hincapié ideologizado del tema de derechos humanos, aplicado a Cuba precisamente porque carece de importancia para EEUU en el ámbito mundial. Se examinan opciones para la evolución de las relaciones bilaterales, que combinan el pragmatismo de cooperación práctica y el retorno a una confrontación ideológica que puede conllevar a la ruptura de relaciones diplomáticas.

Cuba policy has low priority for the Trump Administration. Its key element has been the continuation of a U.S.-Cuba Alliance regarding security and migration, begun two decades ago and expanded during the Obama Administration. The Obama Administration’s main innovations regarding the U.S.-Cuba relationship yielded joint gains between the two countries or gains that disproportionately benefited the United States. A Trump Administration innovation will be a new ideologized emphasis concerning the human rights issue, to be applied to Cuba precisely because it lacks worldwide importance for the United States. Options regarding the evolution of bilateral relations are considered, combining the pragmatism of practical cooperation and the return to an ideological confrontation that may lead to a break in diplomatic relations.

La relation avec Cuba est loin de représenter une priorité pour l’Administration Trump. Elle se résume essentiellement à la poursuite d’une alliance entre les deux pays sur les questions de sécurité et de migration, entamée il y a deux décennies et élargie pendant l’Administration Obama. Les principales innovations entreprises par celle-ci dans le cadre de la relation bilatérale ont abouti à des avantages équitablement répartis entre les deux pays ou bien à d’autres qui profitent de manière disproportionnée aux seuls Etats-Unis. La nouveauté, sous l’Administration Trump, consiste à renouer avec l’accent idéologique mis sur la question des droits de l’homme, appliquée spécifiquement à Cuba, précisément parce que celle-ci ne revêt pas d’importance stratégique internationale pour les Etats-Unis. L’évolution de la relation bilatérale dépendra des options actuellement à l’étude, associant le pragmatisme d’une coopération d’ordre pratique et le retour à une confrontation idéologique susceptible de conduire à une rupture des relations diplomatiques.

ÍNDICE

Mots-clés: Trump, Raúl Castro, sécurité, migration, droits de l’homme Palabras claves: Trump, Raúl Castro, seguridad, migración, derechos humanos Keywords: Trump, Raúl Castro, security, migration, human rights

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AUTOR

JORGE I. DOMÍNGUEZ

Jorge I. Domínguez es profesor de ciencias políticas en la Universidad de Harvard (Harvard University, 1737 Cambridge St., Cambridge, MA 02138 USA, Jorge_Domí[email protected]). Ha sido vicerrector de la Universidad para los asuntos internacionales y presidente del Latin American Studies Association (LASA). Con R. Hernández y L. Barberia, es compilador de y autor en Debating U.S.-Cuban Relations: Shall We Play Ball (Routledge, 2017).

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Reversing the Irreversible: President Donald J. Trump’s Cuba Policy Renverser l'irréversible : la politique du président Donald J. Trump envers Cuba Invirtiendo lo Irreversible: la Política del Presidente Donald J. Trump hacia Cuba

William M. LeoGrande

Introduction

1 It took President Barack Obama six years to fulfill his 2008 campaign promise to make a “new beginning” with Cuba. But in the two years after the December 17, 2014 announcement that he and Cuban President Raúl Castro had agreed to normalize relations, Obama moved fast to lock in gains that would make the new policy “irreversible” (Obama B., 2016). He did not mean legally irreversible. Faced with a recalcitrant Congress, Obama had no choice but to use his executive authority to engage with Cuba. Using that same authority, a president determined to return to the status quo ante of hostility could undo everything Obama had done. In the 24 months from December 2014 to January 2017, the Obama administration’s goal was to make the opening to Cuba politically irreversible—to demonstrate such unmistakable success, both diplomatically and commercially, that reversing course would, in the words of Deputy National Security Adviser Ben Rhodes (2016), “make no sense.”

2 The opportunities for trade and travel opened up by Obama’s regulatory reforms were intended to create stakeholders—constituencies with a self-interest in defending and extending the new policy. “There’s already increased commercial activity. There’s already increased travel,” Rhodes (2015) explained, nine months into the new policy. “The U.S. business community, which has traditionally supported the Republican Party, are enormous advocates for this change. Republicans would have to be going against their key stakeholders in places like the Chamber of Commerce if they were to reverse this process.”

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3 Donald Trump began his presidency promising to negotiate a “better deal” from Havana, or else he would “terminate” the opening to Cuba (Heavey S. and S. Marsh, 2016). But he faced an impressive array of stakeholders both at home and abroad determined to resist any backsliding. The result, announced on June 16, 2017, was a policy composed of a few new economic sanctions tightening the embargo cloaked in fiery rhetoric reminiscent of the Cold War, but leaving most of Obama’s initiatives untouched.

Demonstrating Success

4 In the final two years of Obama’s presidency, the United States and Cuba made astonishingly fast diplomatic progress. Washington endorsed Cuba’s participation in the Seventh Summit of the Americas in Panama in April 2015, and took Cuba off the State Department’s list of state sponsors of international terrorism in May. The two governments restored full diplomatic relations in July. Obama and Castro met face-to- face for substantive discussions at the Summit and at the United Nations General Assembly in September. Then in March 2016, Obama became the first sitting president to visit Cuba since Calvin Coolidge in 1928.

5 The two sides established an infrastructure of diplomacy to manage the complex welter of issues between them. A Bilateral Commission, meeting semi-annually, oversaw negotiations taking place in some two dozen separate conversations on a wide range of issues, including migration, human trafficking, law enforcement, counter-narcotics cooperation, maritime safety, Coast Guard cooperation, environmental protection, global health cooperation, property claims, and human rights. In just 25 months, these negotiations produced 23 bilateral agreements on issues of mutual interest.

6 In October 2016, Obama signed Presidential Policy Directive 43 (White House, 2016), which explained in detail the rationale for his policy of engagement and tasked various executive branch agencies with carrying out aspects of it under their jurisdiction. Just before leaving office, Obama ended the "wet foot/dry foot" migration policy that had offered Cubans preferential immigration status since the 1960s (Hirschfeld D. and F. Robles, 2017).

7 Despite this progress, key issues remained unresolved. On Cuba's agenda were the remnants of the old U.S. policy of hostility: the economic embargo (which Cubans referred to as el bloqueo—the blockade—because of its extraterritorial scope); the ban on U.S. tourist travel; “democracy promotion” programs designed to stimulate opposition to the Cuban government; TV and Radio Martí, U.S. government stations broadcasting to Cuba; and the U.S. occupation of Guantánamo naval base. On the U.S. ledger were claims for nationalized property, the return of fugitives from U.S. justice, and human rights inside Cuba.

8 A key element of Obama's strategy was to relax sanctions enough to foster robust commercial ties, both to build a business constituency with a stake in continuing the opening, and to create conditions in Cuba favoring greater economic freedom. As Obama said in an interview on the anniversary of December 17, "The more that [Cubans] see the benefits of U.S. investment, the more that U.S. tourist dollars become woven into their economy, the more that telecommunications is opened up so that

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Cubans are getting information unfettered by censorship, the more you are laying the foundation for the bigger changes that are coming over time" (Knox O., 2015).

9 To that end, Obama promulgated five packages of changes to the Cuban Assets Control Regulations (CACR), the rules governing U.S. economic sanctions. The changes punched successively larger holes in the embargo by licensing a range of financial and commercial activities, and travel. As bilateral relations warmed, Cuba became a top attraction for U.S. travelers. The number of non-Cuban American visitors skyrocketed to 161,000 in 2015, up 77% from the previous year, and up another 74% to 284,937 in 2016 (EFE, 2017). Nevertheless, the development of commercial relations lagged. By the end of the administration, fewer than four dozen new U.S. companies (besides agricultural exporters, who had been doing business with Cuba since 2000) had signed business deals (U.S.-Cuba Trade and Economic Council, 2017). The dearth of agreements was due in part to the slow pace of decision-making in Cuba’s bureaucracy, but equally important was political uncertainty in the United States. The U.S. embargo remained inscribed in law with no prospect of imminent repeal by Congress. When Donald Trump won the 2016 presidential election having threatened to reverse Obama’s policy unless Havana made unspecified concessions, the business climate chilled.

10 On balance, President Obama’s relaxation of restrictions on trade and travel succeeded in creating stakeholders ready to resist a return to the politics of hostility. Despite the slow pace of commercial engagement, U.S. businesses wanted the Cuban market to remain open, public opinion was firmly behind the policy of engagement, and the foreign policy establishment regarded Obama’s policy as a boon to national security.

The 2016 U.S. Presidential Campaign

11 Cuba was not a major issue in the 2016 U.S. presidential campaign, but U.S.-Cuban relations suffered collateral damage. The contrast between the two parties was stark. The Democratic Platform (Democratic Party Platform Committee, 2016) declared, “In Cuba, we will build on President Obama’s historic opening and end the travel ban and embargo.” Hillary Clinton not only supported Obama’s opening to Cuba but she had called for ending the embargo even before December 2014 (Clinton H., 2014). The language in the Republican Party Platform (Republican National Convention Committee on Arrangements, 2016) denounced Obama’s Cuba policy as “a shameful accommodation to the demands of its tyrants,” and offered normal relations only “after [Cuba’s] corrupt rulers are forced from power and brought to account for their crimes against humanity.”

12 During the campaign, Donald Trump expressed contradictory views about Cuba. At first, he supported engagement. “Fifty years is enough,” he said in late 2015. “The concept of opening with Cuba is fine. I think we should have made a stronger deal" (Mazzei P., 2015). A few months later, in March 2016, he told CNN that he would probably maintain diplomatic relations. “I think Cuba has a certain potential and I think it's OK to bring Cuba into the fold” (Diamond J., 2016).

13 He said little else until September, 2016, when Newsweek broke the story that in 1998, Trump had secretly explored business opportunities in Cuba, in violation of the U.S. embargo, and then tried to disguise the illegal activity as a charitable project (Eichenwald K., 2016). Newsweek’s exposure of Trump’s hypocrisy fueled speculation that his unconsummated 1998 business proposition might cost him Cuban American

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votes in 2016. Shortly thereafter, Trump pivoted, announcing via Twitter: “The people of Cuba have struggled too long. Will reverse Obama’s executive orders and concessions towards Cuba until freedoms are restored” (Flores R., 2016).

14 In the final weeks of the campaign, the Republican ticket focused on energizing its base, including conservative Cuban Americans. Campaigning in Miami, Trump and Pence both pledged to roll back Obama’s policy in its entirety. “All of the concessions that Barack Obama has granted the Castro regime were done with executive order, which means the next president can reverse them,” Trump said. “And that is what I will do unless the Castro regime meets our demands. Those demands will include religious and political freedom for the Cuban people and the freeing of political prisoners” (Diamond J., 2016).

15 In the end, Trump’s appeal to Cuban American voters had limited success. He won between 52 and 54 percent of the Cuban American vote, only a few percentage points better than Mitt Romney and far below the 2-1 margins Republicans racked up before 2012 (Mazzei P. and N. Nehamas, 2016). Yet Trump believed he owed Cuban Americans a political debt. When Fidel Castro died on November 26, 2016, President-Elect Trump condemned the Cuban leader and promised he would work for a free Cuba. “Today, the world marks the passing of a brutal dictator who oppressed his own people for nearly six decades,” Trump wrote. “Our administration will do all it can to ensure the Cuban people can finally begin their journey toward prosperity and liberty. I join the many Cuban Americans who supported me so greatly in the presidential campaign…with the hope of one day soon seeing a free Cuba” (Trump, 2016). Two days later, he tweeted, “If Cuba is unwilling to make a better deal for the Cuban people, the Cuban/American people and the U.S. as a whole, I will terminate deal” (Mazzei P., 2016b).

16 Cuban officials scrupulously refrained from commenting on the U.S. presidential campaign while it was under way, simply saying that they hoped whoever won would carry out the will of the American people, who were overwhelmingly in favor of normalization (Gómez S. A., 2016). The day after the election, Raúl Castro congratulated Trump on his victory, and the daily newspaper Granma quoted the olive branch in Trump’s victory speech: “We will get along with all other nations willing to get along with us… We will seek common ground, not hostility; partnership, not conflict” (Granma, 2016). At the same time, the Cuban government also announced the beginning of its annual national defense exercises. Weeks later, on January 2, 2017, Cuba marked the anniversary of the triumph of the revolution with a massive military parade, which was not something normally part of the celebration (Reuters Staff, 2017a). The message to Washington was clear: Havana was ready to continue the diplomatic dialogue but prepared to defend itself if necessary.

In Search of a Policy

17 The early months of the Trump administration were marked by an unusual degree of chaos in the foreign policy process. The State Department’s role appeared greatly diminished. Secretary of State Rex Tillerson stayed largely in the shadows, left out of key meetings with foreign leaders, while the White House proposed to cut the department’s budget by a whopping 37 percent, later reduced to 28 percent (Toosi N. and B. Everett, 2017; Morello C. and A. Gearan, 2017). The department’s entire senior management team was dismissed within weeks of inauguration, but four months into

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Trump’s presidency, he had nominated only one of the department’s other 42 senior executives (Labott E., 2017). Appointments at the Departments of Defense and Homeland Security lagged as well, stalled by White House attempts to impose Trump loyalists on the newly appointed secretaries (De Luce D. and J. Hudson, 2017). Meanwhile, the president repeatedly contradicted policy statements by senior members of his foreign policy team, leaving his cabinet secretaries to explain away the inconsistencies as best they could (Parker A., 2017; Nakamura D. and K. DeYoung, 2017).

18 The National Security Council was roiled by the abrupt departure of National Security Advisor Michael T. Flynn after just 24 days on the job and the replacement of most of Flynn’s staff by his successor, Lt. Gen. H. R. McMaster. Shortly after Flynn’s dismissal, Lt. Col. Craig E. Deare (ret.), NSC office director for Western Hemisphere affairs, provided a candid look behind the curtain of the administration’s chaotic foreign policy process. According to Deare, White House advisors Steve Bannon and Jared Kushner were making policy decisions on the fly without consulting the NSC. Within days of making the comments at an off-the-record briefing, Deare was fired (Johnson E., 2017). He was replaced by CIA operative Juan Cruz, a veteran of the clandestine service (Adams D. and E. Acevedo, 2017).

19 The lines of authority regarding Cuba policy were even more uncertain because President Trump assigned responsibility for negotiating with Havana to Jason Greenblatt, an attorney for the Trump Organization who was named the president’s Special Representative for International Negotiations. It was unclear when Greenblatt might get around to Cuba since his main responsibility was to negotiate peace in the Middle East (Labott E. and T. Schleifer, 2016).

20 The new administration’s first step on Cuba was to launch a “full review” of policy (Reuters Staff, 2017a). Pending its outcome, the administration suspended all the bilateral talks except for those related to migration, which were mandated by the 1994 U.S.-Cuban migration accord. Although the White House had originally hoped to announce its new Cuba policy on May 20 (Cuban Independence Day), the review was not completed in time because of disagreements within the administration over what elements of Obama’s policy to change (Gámez Torres N. 2017; Hirschfeld Davis J. 2017).

21 When an inter-agency group convened in early May to assess the results of the policy review and make recommendations to the president, virtually every agency reported that the policy of engagement was working well in their area of responsibility and ought to be continued. The White House rejected that consensus. Faced with unrelenting pressure from Cuban American hardliners on Capitol Hill, who kept reminding the administration that the president had promised during the campaign to roll back Obama’s policy, the White House took control of the process away from the bureaucracy. The struggle, one administration official said succinctly, was between “policy and politics” (Zanona M., 2017).

22 Trump believed he owed a special debt to the Brigade 2506 veterans association — the veterans of the exile force that stormed ashore at the Bay of Pigs in 1961—which endorsed him for president at a time when the race in Florida looked close (Mazzei P. 2016a). The president tasked two of the most strident critics of Obama’s policy, Congressman Mario Díaz-Balart (R-Fla.) and Senator Marco Rubio (R-Fla.), with drafting a new policy for him. Rubio even tweeted a picture of them in Rubio’s office captioned, “Picture of the night @MarioDB and I hammered out the new Cuba policy” (Kroll A., 2017). But strong counter-pressure came from the business community, which hoped to

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profit from the newly opened Cuban market. Bolstered by that support, the bureaucracy fought back successfully against proposals to reverse most of Obama’s policies and produced a final package far less severe than Díaz-Balart and Rubio proposed.

Paying A Debt to Miami

23 “America will expose the crimes of the Castro regime and stand with the Cuban people in their struggle for freedom,” Trump (2017) declared before a raucous crowd of Cuban exiles at Miami’s Manuel Artime Theater, named for the leader of Brigade 2506. He acknowledged that he had come to Miami to pay off a political debt. “You went out and you voted. And here I am like I promised,” he told the crowd. “Effective immediately, I am canceling the last administration's completely one-sided deal with Cuba. I am announcing today a new policy, just as I promised during the campaign.”

24 Trump proceeded to denounce the Cuban regime as brutal, criminal, depraved, oppressive, and murderous. Listening to his combative rhetoric, one might have thought that the full panoply of U.S. economic and diplomatic sanctions was being reimposed on Cuba. Not so. Trump’s diatribe disguised the limited scope of his new sanctions. The National Security Presidential Memorandum (2017) he signed on stage in Miami tightened the embargo against Cuba in several areas, but left the basic architecture of Obama’s opening to Cuba in place.

25 The new regulations limited the “people-to-people” sub-category of educational travel by restoring the requirement that visitors travel in groups with a licensed travel provider. No more self-guided tours. (But visitors could still bring back rum and cigars). U.S. companies and travelers would be prohibited from doing business with enterprises linked to the Cuban military, with the exception of enterprises that run the ports, airports, and telecommunications. Those exceptions were important because they let U.S. cruise lines, airlines, and tech companies off the hook. The presidential memorandum also exempted existing contracts so as not to “disrupt” on going business. Finally, the new regulations expanded the number of Cubans regarded as government officials who cannot receive remittances from relatives in the United States. Trump’s sanctions were likely to pinch the Cuban economy, but fell far short of what it would take to do serious harm.

26 Trump did not roll back Obama’s other regulatory reforms expanding travel and business opportunities, or impose any other restrictions on Cuban American family travel and remittances. He did not break diplomatic relations or put Cuba back on the State Department’s terrorism list. He did not restore the wet foot/dry foot policy that gave Cuban immigrants preferential treatment. He did not abrogate the bilateral agreements on issues of mutual interest negotiated by the Obama administration, and he did not close the door to future negotiations—though given the hostile tenor of his speech, it remained to be seen whether further agreements would be possible.

27 Further evidence of the limited character of Trump’s policy reversal came in July when, like his three predecessors, he continued to waive implementation of Title III of the Cuban Liberty and Democratic Solidarity Act of 1996. Title III would allow U.S. nationals to file suit in U.S. courts against anyone “trafficking” in their confiscated property in Cuba—that is, anyone assuming an equity stake in it or profiting from it. Had Trump allowed Title III to go fully into effect, as Díaz-Balart advocated, it would

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have opened the door to as many as 200,000 law suits by U.S. nationals whose property was taken by the Cuban government after 1959. U.S. courts would have been swamped and the ability of U.S. companies to do business on the island would have been crippled for years to come.

28 Cuba’s official response was pragmatic but firm. A statement released shortly after Trump’s Miami speech declared, “The Government of Cuba reiterates its willingness to continue respectful dialogue and cooperation on issues of mutual interest, as well as the negotiation of pending bilateral issues with the United States Government… But it should not be expected that Cuba will make concessions inherent to its sovereignty and independence, nor will it accept any kind of conditionality” (Government of Cuba, 2017).

29 Why did Trump, despite his obvious sympathy for the most recalcitrant Cuban American hardliners, settle on such a limited policy? The answer is that Obama’s strategy of creating constituencies in favor of engagement succeeded. Public opinion, elite and mass, supported engagement by wide margins, as did a majority of Cuban Americans. The business community and its allies in Congress — many of them Republicans—were solidly opposed to sanctions that would close off the Cuban market. Even the federal executive bureaucracy was won over by the diplomatic successes scored by the policy of engagement. Asked why Trump did not impose tougher sanctions, a senior administration official explained, “You can’t put the genie back in the bottle 100%” (White House, 2017).

Public Opinion

30 Although Cuba was not a salient issue for any constituency other than Cuban Americans, the public reaction to the December 17, 2014 announcement was overwhelmingly positive. Poll after poll showed that the new Cuba policy was widely popular, even among Republicans, and favorable opinion grew as the policy unfolded over the next two years. A CBS-New York Times poll taken right after the December announcement found that 54% of the public approved of both reestablishing diplomatic relations and allowing trade with Cuba, while only 28% disapproved (Dutton S. et al., 2014). A CNN poll found 63% in favor of diplomatic relations and 55% in favor of ending the embargo (Diamond J., 2014). A Washington Post-ABC News poll found 64% in favor of restoring relations and 68% in favor of lifting the embargo (Clement S., 2014).

31 Six months later, Pew (2015) found support for Obama’s policy had grown, with 73% of the public in favor of diplomatic relations and 72% in favor of ending the embargo. A majority of Republicans agreed (56% and 59% in favor respectively), as did even self- identified conservative Republicans (52% and 55% in favor). As Obama’s term was coming to a close in December 2016, support for his Cuba policy remained strong, with 75% in favor of diplomatic relations and 73% in favor of lifting the embargo. Republican support had risen to 62%, and conservative Republican support to 57% on both issues (Tyson A., 2016).

32 The real political test for the opening to Cuba was how Cuban Americans reacted. For years, they voted for or against candidates based on their position toward Cuba, and most Cuban Americans favored a hardline policy. A major obstacle to policy change was politicians’ fear of the electoral consequences in the swing state of Florida, where Cuban Americans made up five percent of the electorate and registered Republican by a

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two to one margin. Gradually, however, Cuban Americans became advocates for engagement. Polling by Florida International University since 1991 has chronicled the evolution of the Cuban American community in south Florida, as Guillermo Grenier’s article in this issue describes. By 2014, before Obama’s announcement, 68 percent of Cuban Americans in south Florida favored the reestablishment of diplomatic relations (Grenier G. and H. Gladwin, 2014).

33 Shifting attitudes in the community manifested themselves at the ballot box. In 2008, running on a moderate policy favoring dialogue with Cuba, Obama won 35 percent of the Cuban American vote, more than any Democrat except Bill Clinton in 1996, who got 35 percent after signing the Cuban Liberty and Democratic Solidarity Act (also known as Helms-Burton), which wrote the embargo into law. In 2012, after loosening restrictions on travel and remittances, Obama won almost half the Cuban American vote in Florida. Statewide exit polls showed Obama winning the Cuban American vote, 49% to Romney's 47% (López M. and P. Taylor, 2012) , or losing it narrowly, 48% to Romney's 52% (Bendixen & Amandi International, 2015). No Democrat had ever done so well (Tamayo J., 2012; Bendixen S., 2012).

34 Cuban American reactions to Obama's opening to Cuba reflected the community’s changing attitudes. A Bendixen & Amandi International (2015a) poll in March 2015 found 51% in support of normalization and a plurality of 47% in favor of lifting the embargo. By December, a year after Obama’s announcement, Cuban Americans supported normalization (56% in favor, 36% opposed) and lifting the embargo (53% in favor, 31% opposed) (Bendixen & Amandi International, 2015b). Even those living in Florida supported Obama’s policy (52% in favor, 40% opposed). An FIU poll of Cuban Americans in south Florida conducted in the summer of 2016, after Obama’s March trip to Cuba, found that support for Obama’s policy of normalization had grown to 56% and support for ending the embargo to 54% (Grenier G. and H. Gladwin, 2016).

35 Not surprisingly, Trump’s partial reversal of Obama’s policy was not well received, either by the general public or moderate Cuban Americans. A Morning Consult (2017) poll released on the eve of Trump’s June 16 announcement found that 65 percent of the public supported Obama’s policy changes and only 18 percent opposed them. Republicans supported Obama’s policy by a margin of 64 percent to 21 percent. Sixty- one percent of the public and 55 percent of Republicans favored ending the embargo. An online poll of Floridians by Florida Atlantic University taken shortly after June 16, found pluralities in support of Trump’s decision to limit travel and business with the Cuban military, but by a margin of 47 percent to 34 percent, they preferred Obama’s policy of normalization over Trump’s return to hostility (Leary A., 2017).

36 As details of Trump’s new policy leaked to the press in the days leading up to his speech in Miami, moderate Cuban American groups spoke out in support of engagement. CubaOne (2017), a group of young Cuban Americans working to reconnect Cubans on the island with Cubans abroad, sent Trump an open letter imploring him not to return to “Cold War policies.” The Cuba Study Group (2017a), a moderate pro- business group that supported Obama’s opening, sent its own letter to Trump, reminding him that a majority of Cuban Americans favored normalizing relations with Cuba and urging him not to reverse course. After Trump’s announcement, the group criticized the new policy as bad for the Cuban people and bad for U.S. interests (Cuba Study Group, 2017b).

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Elite Opinion

37 During the Cold War, Fidel Castro drove successive U.S. presidents crazy by denouncing U.S. imperialism, aligning with the Soviet Union, and supporting revolutionaries around the world. But after the Soviet Union collapsed, Cuban troops came home from abroad and Castro made peace with his Latin American neighbors. The security concerns that were a driving force behind U.S. policy evaporated. Yet long after the foreign policy establishment had concluded that hostility toward Cuba no longer made sense, the old policy remained in place due to domestic politics in Florida. When President Obama finally jettisoned the anachronistic policy of hostility in December 2014, most foreign policy professionals breathed a sigh of relief and U.S. allies around the world applauded.

38 A bipartisan cross-section of the foreign policy and national security elite supported Obama’s opening to Cuba on the grounds that the old policy was an ineffective remnant of the Cold War that was damaging U.S. relations with allies, especially in Latin America. Polling by the Chicago Council on Foreign Relations (2004) found that foreign policy “opinion leaders” had been in favor of lifting the embargo on Cuba for over a decade. A 2004 poll found that 80% of opinion leaders favored opening trade with Cuba.

39 In May 2014, 46 luminaries of the policy and business world signed an open letter to President Obama urging him to adopt a policy of engagement with Cuba. (Support Cuban Civil Society, 2014). The signatories included a bipartisan cross-section of former diplomats, retired military officers, and Cuban American businessmen, among them Ambassador Thomas Pickering, Admiral James Stavridis, sugar magnate Andres Fanjul, and President George W. Bush’s first director of national intelligence, John Negroponte.

40 In January 2015, 78 former government officials and opinion leaders, including David Rockefeller and George Shultz, Ronald Reagan’s Secretary of State, signed a second letter congratulating Obama on his opening to Cuba, noting that the bipartisan character of the signatories represented, “the broad support these changes have from across the political spectrum. We may disagree on a number of issues, but we’ve found common ground for a simple reason; our fifty-four-year-old approach intended to promote human rights and democracy in Cuba has failed” (Support Cuban Civil Society, 2015).

41 A few months after Donald Trump’s inauguration, 16 retired senior military officers, including a former commander of the Southern Command, sent National Security Advisor McMaster an open letter urging the administration to maintain engagement with Cuba. “Completing the reopening of diplomatic relations with Cuba will provide long-term national security benefits to the United States,” the officers argued, citing successful cooperation on counter-terrorism, border control, drug interdiction, environmental protection, and emergency preparedness. “If we fail to engage economically and politically,” they warned, “it is certain that China, Russia, and other entities whose interests are contrary to the United States’ will rush into the vacuum” (American Security Project, 2017).

42 It was unclear how much influence traditional foreign policy elites would have on a president who disdained Washington insiders. Most Republican international affairs experts openly opposed Trump during the campaign and in August 2016, 50 senior foreign policy officials from previous Republican administrations released an open

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letter declaring their opposition in the sharpest terms (Sanger D.E. and M. Haberman, 2016). When President Trump assembled his foreign policy team, he spurned traditional experts in favor of corporate leaders and military officers.

43 The prevalence of military officers in top foreign policy and national security posts may have had a moderating effect on Trump’s Cuba policy. At the Pentagon, the intrusion of extra-hemispheric powers seeking influence in Latin America was a perennial concern, with China, Russia, and Iran topping the list—all countries with which Cuba maintained good relations. For some policymakers, this geostrategic concern translated into support for engagement with Cuba, giving Havana less incentive to extend its economic relationships with China and Russia into politico- military ones. K. T. McFarland, who served briefly as Trump’s deputy national security adviser, summarized the argument succinctly before she joined the administration: “We must take steps now to ensure that Cuba doesn’t become a Russian or Chinese pawn, and thus serve as a launch pad to threaten America’s security were they to establish a military presence” (Ordoñez F., 2016).

44 The U.S. Southern Command’s annual Posture Statement detailing security threats and U.S. capabilities in Latin America has not listed Cuba as a threat (except for concerns about migration) since the 1990s, but in recent years it consistently warned about the risks of Russia, China, and Iran gaining influence in the region. The April 2017 statement was no different, and three recent Posture Statements (2013, 2014, and 2015) were prepared by then-commander General John F. Kelly, Trump’s first secretary for Homeland Security and his second chief of staff.

The Business Community

45 The initial surge of excitement among U.S. businesses after December 17, 2014 was palpable: finally, they had the opportunity to enter a largely unexploited market, forbidden for half a century. Over the next two years, a parade of trade delegations visited Havana, nine of them led by sitting governors. New York’s governor Andrew Cuomo was the first, taking a group of 20 business leaders in April 2015 (Craig S., 2015). He was followed by governors representing Gulf states with trade ports (Louisiana, Texas, and Mississippi), and states hoping to export agricultural goods (Missouri, Virginia, Arkansas, Colorado, and Western Virginia). Legislators and local officials led other trade delegations from Alabama, California, Kentucky, Illinois, Indiana, New Mexico, North Carolina, Ohio, and Florida.

46 In March 2015, the U.S. Agriculture Coalition for Cuba—a broad-based group formed after December 17, 2014 to promote agricultural trade—took 95 people to Cuba, including two former secretaries of agriculture (Frank M. and D. Trotta, 2015). The U.S. Chamber of Commerce launched the U.S.-Cuba Business Council representing over two dozen major corporations, including Caterpillar, Kraft Heinz, Sprint, Boeing, Home Depot, and American Airlines. By 2017, ports in Virginia, Alabama, and Mississippi had signed agreements with Cuba to explore opportunities for increasing trade. Florida ports at Tampa Bay, Palm Beach, and the Everglades were forced to withdraw from negotiations when Governor Rick Scott threatened to cut off state funds to any port doing business with Cuba (Mazzei P., 2017c).

47 Yet despite the widespread interest in commerce with Cuba, relatively few deals were completed in the two years after December 2014. Apart from the sale of agricultural

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goods, only about four dozen new agreements were signed and some of them, like the port agreements, were memoranda of understanding that expressed interest in pursuing future opportunities rather than firm contracts. The completed agreements were predominantly in the travel and hospitality sectors, which accounted for 25 of the 45 agreements as of early 2017. Telecom was also well represented, with seven agreements (five with cell phone providers). But in other sectors, no more than one or two companies had closed deals (U.S.-Cuba Trade and Economic Council, 2017).

48 Even under Obama, progress was stymied by obstacles in both Washington and Havana. Despite the exceptions to the embargo that Obama licensed in 2015 and 2016, the core of the economic embargo remained intact. U.S. businesses could not invest on the island or establish joint ventures with Cuban state enterprises except in telecommunications and pharmaceuticals. U.S. exports were still limited to agricultural, medical, and some consumer goods. Agricultural sales (Cuba’s principal import from the United States) still required Cuba to pay cash in advance. Just the complexity of the Cuban Assets Control Regulations and the burden of compliance was enough to deter some businesses from entering the market for fear of inadvertently violating the sanctions and incurring millions of dollars in fines (LeoGrande W., 2016).

49 Moreover, the 2016 U.S. presidential election created political risk, making businesses cautious during the final year of the Obama administration. A Republican president could tighten the embargo once again, and any business that had invested time and money to build commercial ties with Cuba could find its investment wiped out. Donald Trump’s election chilled the business climate even more, given his threats on the campaign trail to reverse Obama’s policy (Robles F., 2016).

50 Nor was Cuba an easy place to do business. Cuba's infrastructure—its roads, energy grid, and digital network—lagged behind most neighboring countries. Foreign companies still had to hire labor through the state's hiring agency. Cuba's bureaucracy remained notoriously slow to make decisions and opaque, making dispute resolution problematic. And Cuba’s domestic market was relatively small since so few Cubans had sufficient income to purchase imported goods (Cuba Journal, 2016).

51 Nevertheless, the agricultural, hospitality, and telecom industries lobbied actively and successfully in defense of the policy of commercial engagement. Over 100 agricultural businesses and associations signed a letter to President Trump in January 2017, in support of continuing engagement. “As a broad cross-section of rural America, we urge you not to take steps to reverse progress made in normalizing relations with Cuba,” they wrote, “and also solicit your support for the agricultural business sector to expand trade with Cuba to help American farmers and our associated industries” (Engage Cuba, 2017). In May, 46 travel companies signed a letter asking Trump not to tighten restrictions on travel to Cuba (Paul K., 2017).

52 The U.S. Chamber of Commerce remained committed to ending the embargo as it had been since the 1990s. After taking eight corporate executives to Cuba in May 2017, Jay Timmons (2017), CEO of the National Association of Manufacturers (NAM), added his voice, calling for an end to the embargo. “Expanded economic engagement means new opportunities for us, and greater prosperity and freedom for Cubans,” he wrote. “It is time to demonstrate our American values in action.”

53 The fact that Trump’s cabinet was populated by so many corporate executives meant that senior officials lent a sympathetic ear to business lobbyists’ calls to expand commerce with Cuba in order to increase U.S. exports and create jobs—two of Trump’s

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top economic priorities. The farm lobby, for example, had an ally in Agriculture Secretary Sonny Perdue, a long-time supporter of food sales to Cuba who, during his confirmation hearing, said, “We would love to have Cuba as a customer… We have the product they need and they would like the product” (Williams J., 2017).

54 Business reaction to Trump’s policy announcement was uniformly negative. The U.S. Chamber of Commerce (2017) lamented the new constraints on U.S. business opportunities. “U.S. private sector engagement can be a positive force for the kind of change we all wish to see in Cuba,” it said, reacting to the Miami speech. “Unfortunately, today’s moves actually limit the possibility for positive change on the island.” The American Farm Bureau, the U.S. Grains Council, the National Corn Growers Association, the Rice Growers Association, and the U.S. Agricultural Coalition for Cuba all criticized Trump’s new sanctions. “We need to be opening up markets for American farm goods, not sending signals that might lead to less access,” said American Farm Bureau President Zippy Duvall (Murakami K., 2017).

Congress

55 As the business community’s interest in commerce with Cuba grew, so did their support in Congress. The 115th Congress that convened in January 2017 was little- changed from its predecessor; Democrats gained just two seats in the Senate and seven in the House of Representatives. Yet despite its Republican majority, the new body included a growing number of Republican members who supported relaxing the embargo in order to benefit U.S. businesses. A majority of the 114th Senate had gone on record cosponsoring Senator Jeff Flake’s bill to abolish the ban on tourist travel, and that majority was intact in the new Congress. The new version of Flake’s bill was introduced in May 2017 with 55 cosponsors (Reuters Staff, 2017b).

56 A near majority of the 114th House of Representatives supported the sale of agricultural goods to Cuba on credit, forcing the leadership to broker a compromise that promised to facilitate increased agricultural sales (Tomson B., 2016). When that compromise fell apart in the new House, Rep. Rick Crawford (R-Ariz.) vowed to reintroduce his legislation. Supporting him was the bipartisan Cuba Working Group, comprising an equal number of Democrats and Republicans (Zengerle P., 2016). Its two Republican co- chairs, Rep. Crawford and Tom Emmer (R-Minn.) both supported Trump during the campaign and presumably had some political capital with the new administration—but not enough to prevent the imposition of the new trade restrictions. The congressional Cuba Working Group blasted Trump’s policy when he announced it. “We strongly disagree with the decision to reinstate failed isolationist policies towards Cuba,” it said in a statement. “Restricting travel and trade and limiting our ability to export American democracy and values will hinder, not help, efforts to improve human rights and religious liberties in Cuba.” Senator Flake rejected Trump’s new travel limits as a step backward and called on his colleagues to change the law (Merica D., 2017) and Republican Senators John Boozman of Arkansas and Jerry Moran of Kansas also issued critical statements (Lardner R., 2017)

57 Despite the emergence of bipartisan majorities in favor of commerce and travel, the hostility of the Republican leadership in both the House and Senate toward engagement with Cuba meant that legislation to relax the embargo was unlikely to make much headway. But neither was Congress likely to cooperate in tightening the

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embargo. President Trump, like Obama before him, would have to craft his Cuba policy relying on his executive authority.

Conclusion: predictable uncertainty

58 In hammering out his Cuba policy, President Trump faced a political dilemma: how to fulfill his campaign promise to conservative Cuban Americans that he would gut Obama’s policy, while at the same time not angering other stakeholders — especially the business community — who support engagement. To square the circle, Trump announced limited, ineffective sanctions, but then wrapped them in the harshest Cold War rhetoric and marched a parade of Cuban exile heroes across the stage of the Manuel Artime Theater. As is his style, Trump gave a speech to rouse the base while pursuing a policy that actually fell well short of his promises. In all likelihood, political pressures from the constituencies Obama’s policy created will continue to constrain Trump’s ability to impose sanctions on Cuba. However, his loyalty to the exile right and his embrace of the policy of regime change will make it difficult to achieve further progress toward normalizing relations, as the unproductive Bilateral Commission meeting in September 2017 demonstrated.

59 Trump’s new policy will come into clearer focus as the Department of the Treasury and Department of Commerce promulgate the new regulations governing travel and business, and U.S. and Cuban diplomats feel out one another about whether progress is still possible on issues of mutual interest. Trump’s presidential memorandum said little about state-to-state relations, but did include a single paragraph authorizing continued engagement with Cuba on topics that serve U.S. interests. The direction of U.S.-Cuban relations going forward will depend on whether Trump’s performance in Miami was a one-time reward to his conservative Cuban American audience, or the opening salvo in an escalating policy of hostility.

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RÉSUMÉS

Le président Barack Obama a tenté de rendre sa politique d'ouverture à Cuba "irréversible" avant de quitter le pouvoir. Cet article analyse l'état des relations à la fin de l'administration Obama, ce

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qui a été accompli et ce qui restait à faire, puis la transition vers la nouvelle politique du président Trump à partir de ses déclarations de campagne, le débat sur la question cubaine au sein même de l'administration, ainsi que les premières mesures prises au cours des six premiers mois de gouvernement. Enfin, nous analyserons les forces politiques qui ont empêché Trump d'abroger totalement les mesures prises par Obama.

President Barack Obama intended to make his opening to Cuba "irreversible" before he left office. This chapter examines the state of relations at the end of the Obama administration; what was accomplished and what remained to be done. It then describes the transition to President Donald Trump’s new policy, tracing what he said during the campaign; the debate over Cuba inside the administration; and the initial policy steps taken in the first six months of the administration. Finally, it analyzes the political forces that prevented Trump from fully reversing Obama’s policy.

El presidente Barack Obama pretendía que su apertura a Cuba fuera "irreversible" antes de dejar el cargo. Este capítulo examina el estado de las relaciones al final de la administración Obama; Lo que se logró y lo que quedaba por hacer. Luego describe la transición a la nueva política del Presidente Donald Trump, siguiendo lo que dijo durante la campaña; El debate sobre Cuba dentro de la administración; Y las medidas políticas iniciales adoptadas en los primeros seis meses de la administración. Finalmente, analiza las fuerzas políticas que impidieron a Trump invertir completamente la política de Obama.

INDEX

Mots-clés : Cuba, Trump, Obama, embargo, politique étrangère américaine Palabras claves : Cuba, Trump, Obama, bloqueo, política exterior de los EEUU Keywords : Cuba, Trump, Obama, embargo, U.S. foreign policy

AUTEUR

WILLIAM M. LEOGRANDE

William M. LeoGrande is Professor of Government at American University in Washington, DC, and a specialist on U.S.-Cuban relations. Most recently, he coauthored Back Channel to Cuba: The Hidden History of Negotiations between Washington and Havana, and coedited A New Chapter in US-Cuba Relations: Social, Political, and Economic Implications and A Contemporary Cuba Reader: The Revolution under Raúl Castro.

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Entretiens

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Entretiens : Introduction

Isabelle Vagnoux

1 Si la normalisation des relations entre les États-Unis et Cuba, amorcée par Barack Obama, a été accueillie favorablement par une large majorité d'Américains, un point de vue minoritaire mais influent, hostile au gouvernement cubain, demeure vivace aux États-Unis. C'est en partie cette dernière perspective qui a présidé au recul récent de Washington tout autant qu'aux mesures prises par l'Administration Trump. Dans un but d'information scientifique vis-à-vis de l'actualité, le comité de rédaction de la revue IdeAs, Idées d'Amérique a souhaité donner vie à ce débat en présentant deux perspectives états-uniennes fort différentes, émanant toutes deux d'anciens hauts responsables du département d'État. En dépit de nos efforts, il ne nous a pas été possible de recueillir de témoignage cubain. Les opinions émises dans ces entretiens n'engagent que leurs auteurs et nullement le comité de rédaction de la revue.

2 Par ordre chronologique, Arturo Valenzuela, professeur de science politique, a effectué la majeure partie de sa carrière universitaire à l'Université Georgetown, Washington, D.C., où il dirigea le Centre d'étude sur l'Amérique latine au sein de la Edmund A. Walsh School of Foreign Service. Pendant l'Administration Clinton, il occupa plusieurs fonctions gouvernementales, au département d'État (sous-secrétaire d'État adjoint chargé du Mexique) entre 1993 et 1995, puis à la Maison-Blanche (Conseiller spécial du président, puis directeur des Amériques au Conseil de sécurité nationale) entre 1995 et 2000. Pendant l'Administration Obama, il fut secrétaire d'État adjoint, chargé des Amériques (2009-2011). Roger F. Noriega fut, quant à lui, ambassadeur des États-Unis auprès de l'Organisation des États américains de 2001 à 2003, puis secrétaire d'État adjoint, chargé des Amériques, de 2003 à 2005, pendant la présidence de George W. Bush. Il coordonne désormais le programme sur l'Amérique latine du think tank American Enterprise Institute.

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AUTEUR

ISABELLE VAGNOUX

Aix Marseille Univ, LERMA, Aix-en-Provence, France Rédactrice-en-chef d'IdeAs, Idées d'Amérique, Isabelle Vagnoux est professeur des Universités à Aix-Marseille, spécialiste de politique étrangère américaine et des relations avec l'Amérique latine. Elle co-dirige à Aix l'Observatoire des relations extérieures du monde anglophone (OREMA) au sein du LERMA (EA 853). [email protected]

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Interview with Dr. Arturo Valenzuela on the United States- Cuba relationship

Isabelle Vagnoux

Interview conducted by Dr Isabelle Vagnoux on September 9, 2017, with many thanks to Dr. Arturo Valenzuela for sharing his views with us.

Dr Arturo Valenzuela served in the State Department and the White House during the Clinton Administration and was Assistant Secretary of State for Western Hemisphere Affairs, during the Obama Administration from 2009-2011. A scholar, he was Professor of Government and Director of the Council on Latin American Studies at Duke University before joining the Georgetown Faculty in 1987 where he directed the Center for Latin American Studies in the Edmund A. Walsh School of Foreign Service at Georgetown University, Washington, D.C.

Would you say that the Clinton Administration's policy toward Cuba, somewhat but not totally reversed during the Bush Administration, paved the way for President Obama's Cuba policy? I joined the State Department at the beginning of the Clinton Administration where I became responsible for the diplomatic relationship between the United States and Mexico and also focused on thematic issues for the Bureau of Inter-American Affairs including democracy, environment, and human rights. That is how I was drawn into the discussions about Cuba policy. The Clinton Administration strongly opposed the Helms-Burton Act proposed by Senator Jesse Helms and Congressman Burton. I remember going up to the Congress to the Committee on Foreign Relations of the House of Representatives with a colleague of mine who was in charge of the Caribbean to testify against Helms- Burton-- President Clinton opposed Helms-Burton. The aim of the bill was to codify into law the Cuban embargo, making it impossible for the president to change Cuba policy without an act of Congress. By the way, the Republicans had regained a

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majority in both the Senate and the House in November 1994. Senator Dole was the majority leader in the Senate and Newt Gingrich was the speaker in the House of Representatives. We made it clear that the President is opposed to Helms-Burton bill, that the bill would not bring about positive change in Cuba and, at the same time it would severely affect our allies because several articles of the law, particularly articles 3 & 4, placed penalties on other countries that might invest in Cuba. What happened? Just a few weeks later the Cuban government shot down the planes of an anti-Castro group, Brothers to the Rescue, that flew over Cuba distributing antigovernment leaflets to promote anti-Castro sentiment on the island. The outcry in the US was such that it became impossible for President Clinton to veto the Helms- Burton law, because a two-thirds majority by Congress would have overridden the veto anyway. Title 3 has rarely been invoked because the president can waive it... that’s the article that allows companies or people who owned property in Cuba to sue in U.S. courts companies “trafficked in those properties.” Title 4 is the one that takes away the visas of executives of companies doing business in Cuba, for instance a Spanish tourism company, or a French bank doing business in Cuba, or something like that. Executives of these companies could be barred from entering the United States, where they might have significant business interests. Why did the Cubans shoot down the plane and make it more difficult for the first democratic president in 12 years to attempt to change Cuba policy? An important reality in US-Cuba relations is that there has always been a symbiotic relationship between the hardliners in Havana and the hardliners in Miami. In other words they depended and depend on each other, so that in a perverse way top Cuban officials welcomed the Helms-Burton law that codified the embargo. They feared that a liberalization of US policy might lead to greater autonomy for the Cuban people, while the hardliners in Miami felt that that any liberalization would simply strengthen the regime. There was very little movement after that. When I went into the White House in 1999, to head Latin America policy at the National Security Council in the last two years of the Clinton administration, the President’s National Security Adviser asked me to prepare a memorandum outlining the steps the United States could take to change Cuba policy. My office proposed a series of liberalizing measures, which would have taken steps in the direction of the measures that would later be adopted by President Obama. But it became impossible to renew any initiative on Cuba policy because the 2000 presidential election was coming soon, Florida was critical to a democratic victory, and Vice President Albert Gore was running for president. Political advisers at the White House argued against any changes in Cuba policy. As it turned out, Gore got more votes than Bush, but lost Florida by a narrow margin, which might have been greater if the Cuba reforms had been proposed. Bush was elected president and he went very much in the opposite direction. Under U.S. law, if US citizens wanted to travel to Cuba, they would have to get permission to go by obtaining a special license through the Department of the Treasury. For example, at Georgetown University we had to get an educational license from the Office of Foreign Assets Control, in the department of the Treasury. Although we could send students to study in Cuba in a program closely supervised by Georgetown, the Bush administration restricted travel much more severely than did the Clinton

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Administration, including barring Cuban Americans from visiting their relatives in Cuba except for once in every three years, a severe limitation on many of the Cuban Americans families. It should be underscored that a hard-liner position on Cuba had proponents in both parties, primarily Cuban American politicians. On the Republican side this included the Diaz Balart brothers, and Congresswoman Ileana Ros Lehtinen (and more recently Senator Marco Rubio)—all from Florida. And on the democratic side, Senator Robert Menendez from the state of New Jersey. When Obama was elected, Cuba was not immediately a priority. President Obama faced the aftermath of the economic and financial crisis of 2008, as well as the wars in Iraq and Afghanistan. Nevertheless, the administration began to rethink Cuba policy. It was then that I rejoined government as Assistant Secretary, the chief diplomat for the Americas. What was the fundamental rationale that drove for the administration to take-up again the Clinton efforts to change Cuba policy? Very simple-- that the embargo had failed, it had continued to isolate Cuban society, in many ways making it more difficult for Cuba to evolve into a more democratic country as its citizens remained completely dependent on the state for everything, for jobs, for education, for housing... even the vouchers to buy food, that kind of stuff... It was still a totalitarian regime. The premise was not to partner with the Cuban government, to permit significant commercial investments or anything like that, the whole rationale was to create a stronger people to people engagement, let artists go, let scientists go, let religious people go. As we worked on options, the idea was to see how we could eliminate the individual licenses and create general licenses, which US citizens could use in establishing relationships with Cuban counterparts. This included in some commercial areas—aimed at creating incentives to develop a Cuban the private sector. You could have... l'Association des cosmétiques and you could partner with some organization in the United States, maybe the barbers of South Florida, and they could help you set up your little business, so you could cut hair, that sort of thing. And remember, even before, under Helms-Burton, the United States could export agricultural goods and medicines to Cuba. In fact, the United States is the largest exporter of food and medicines to Cuba, but investments in other areas such as telecommunications were restricted. Could foreign investments, including US investments, help develop a telecommunication infrastructure that could in turn be used by Cuban citizens to engage with the rest of the world? The rationale continued to be how can we empower citizens, civil society, and by doing so help to encourage the liberalization process. While we were deliberating internally things were changing in Cuba. The Damas de Blanco movement seeking the liberalization of Cuban political prisoners caught the attention of the world. It was at that time, and since it is in the public record, I can talk about it, that I was called by the Papal Nuncio in Washington and told that the Cuban Cardinal was coming to town and wanted to see me in private. He began our meeting by noting that for the first time in the relationship between the government and the Church in Cuba, the government had asked the Church for help--- rather than simply trying to set down rules. That was in relationship to the Damas de Blanco matter, where the Church initiated a mediating role. He also noted “Castro wanted

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me to come and see you... to note that he was open to a dialogue with the United States.” To my surprise, he also said "Nous aussi, nous avons des Jacobins and des Talibans", "Acuerdate", "Remember, Raul also has his Jacobins and his Taliban.” Essentially, he was conveying his concern that the hardliners in Cuba were going to oppose any détente. In fact, I saw that first hand... I later had a private meeting with the Foreign Minister of Cuba and he did not want to hear about any of the proposed steps the US might want to take that could include taking Cuba off the terrorist list, encouraging investment and seeking ways to cooperate—as the US did with Haiti in helping the country after the earthquake. Instead, he insisted on recounting the long history of US Cuba relations and the imperialist attacks on Cuba going back to José Marti's days. We had agreed to the meeting to discuss possible changes in the relationship, but also because the Cuban government had recently detained an American citizen who travelled to Cuba to engage with religious groups, supplying them with communications equipment. His detention would make it impossible for the Obama Administration to move forward with changes to Cuba policy in his first term. I said, "look, why did you arrest Alan Gross, you're doing the same thing you did when you shot down the Brothers to the Rescue, the reason why you took Gross is that you really don't want liberalization to take place". By capturing Gross, I think the hardliners in Cuba were essentially sending a signal that they didn't want liberalization, they didn't want things to change. You must change on our terms, which are "lift the embargo but let's continue to control Cuban society", no democracy, and no competitive elections, none of that stuff. And there was also the Oswaldo Paya tragedy, as well; he had a lot of supporters. Ironically the hardliners in Havana didn't like him at all because Oswaldo Paya kept saying that change could come within the framework of the existing Cuban constitution. That was what the Varela project was all about, gathering signatures, so that people could now hold better elections. The hardliners in Miami did not like that because they thought he was too accommodating to the regime. Despite that, in 2011, the Obama Administration did introduce some important changes in Cuba policy in it first term, which paved the wave for the secret negotiations with Cuba that took place when the President was reelected. (I left the Obama Administration in August of 2011, to return to my duties at Georgetown.) In fact, one of the key people involved in those negotiations was someone who had worked closely with me when I was Assistant Secretary. I am referring to Ricardo Zuñiga, a career foreign service officer who had been the acting director of the office of Cuban affairs when I was at the State Department. He had drafted ideas that were presented to Secretary Clinton and then to the White House for that were the bases of the first group of changes that were implemented by the administration in the first term. Zuñiga was appointed to the National Security Council in the Second Obama Administration where he was asked by Ben Rhodes, who was the Deputy National Security Advisor, to help negotiate directly with the Cubans, joining Rhodes in those talks. I am convinced that one of the reasons the Cubans now expressed interest in the conversations and helped resolve the detention of the American in Cuba, was the

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increasingly critical situation of the Cuban economy, particularly after Venezuelan subsidies began to decline. And one of the things that are interesting is that the Obama administration went further than the Cubans expected, insisting that diplomatic relations also be reestablished. But, the Cubans really did not want that, they just wanted the United States to lift the embargo so that they could overcome their economic difficulties. They were taken by surprise when the administration insisted, and at first, they opposed it very strongly, relenting when the Administration made clear that reestablishing diplomatic relations was an important part of a possible agreement. Remember... that many hardliners in Cuba continued and continue until today to oppose normalization... they fear very much an independent, a more self-sufficient civil society because they have controlled it so thoroughly all these years. Did the opening, suddenly announced in December 2014, surprise you or did you think that it was just the result of so many years of underground work? These things don't happen overnight. There's several explanations for why perhaps the Cubans were more willing to do this, one of them was the overdependence on Venezuelan oil, and the continued weakness of the Cuban economy, and the awareness that ... I didn't mean to suggest that I think that Raul Castro was somebody who wanted to essentially have the credit of elections, but Raul Castro wanted perestroika, he didn't want glasnost, he wanted perestroika, an economic opening and not necessarily a political opening. The fear of course, is that for the hardliners, if there was perestroika there would be too much of a pressure for them to have glasnost too, which is the debate, by the way, that took place in Mexico as well, when the PRI began to liberalize the economy, the pressure that Salinas was under was that you can’t just move towards free trade with the US without necessarily thinking that there would also be pressure to hold more competitive elections. Recently a press release by Republicans spoke of the " Cuban nefarious activities in Venezuela". How do you view a possible impact of current developments in Venezuela on Cuba? I think in some ways there was a strong codependence there. On the one hand, Chavez welcomed the advice and the work of all the Cuban doctors in Venezuela, one of the key exports of Cuba. They were very successful in helping the government build a strong allegiance from some of the lowest sectors of society and that included health care. Thanks to Cuban doctors, in exchange for oil. The Cuban economy essentially could survive this very difficult period because of the subsidies they got from Venezuelan oil. was important for Cuba at the time when the economy was really in trouble. And of course, the collapse of Venezuela has become very problematic for Cuba. Some people don't understand why the Cubans seem to be supportive of Maduro but I'm not quite sure they fully are... Actually I suspect there are a lot of differences of opinions in Havana on how to handle the Venezuela crisis. How do you foresee the future of the opening between the United States and Cuba? You know, there's no question that because of the direct intervention of people like Rubio, the speech that Trump gave in Miami and then his statements, essentially pointing to reinstating some of the measures that President Bush had taken was very much motivated by Florida politics. Remember that he was very, very critical of

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President Trump's appointment of Rex Tillerson as Secretary of State; there was strong influence from Cuban Americans on that decision too. Now, if you look at the changes, there's two things to underscore: so far, they have not gone back to the very restrictive policies of the second Bush administration and it was notable that President Trump did waive Title 3 (the president can waive it every 6 months), in part because of the criticism of European allies about the extraterritorial reach of U.S. legislation. But at the same time there's a lot of uncertainty about administration policy. Its hardline rhetoric is more apparent than real substantive changes. And yet individuals and companies don't know what to do, should we invest in Cuba, what's coming next. This is due to the lack of clarity on the part of the Administration, the disorganization in the White House, the frequent policy contradictions, and the lack of leadership in some of the key agencies like the State Department. When you read Human rights organizations reports, they're critical of the condition of human rights in Cuba, it seems that more people have been arrested, precisely since December 2014, so do you think this fuels the opposition of those who criticize Obama's policies and fuels President Trump's policies? I think there is simply no question that the Castro regime has been very hard on dissidents in Cuba. The human rights advocates are correct in saying that this is a regime that continues to bar free expression, bar activities ... they even go after artists ... but the question though is whether the previous policy of isolating Cuba, with the embargo, had worked in terms of changing that dynamic? Quite the contrary, in fact, it made it much easier for the regime to go after.... in fact, one of the things that is interesting about it is... when President Obama took these steps and reestablished diplomatic relations and so on and then when artists and others in Cuba began to express their views more freely, and they were arrested, there was much more criticism not only from the United States but also from eventhe left in Latin America, that became very disillusioned with Cuba. They’ve lost some ground, I think, particularly with the younger people. So, what can be said to the human rights people: not to restore the same sort of draconian measures on Cuba, which in fact allowed the Cuban regime to be even more successful in pushing back on human rights. And the Cuban regime is not necessarily going to change its policy. In other words, if we ... Let's put it this way...in some ways, the people to people strategy is a strategy to force the Cuban government to liberalize. This is not a situation where you ask this Cuban government, "please liberalize or otherwise we're not going to work with you". On the contrary, "look, we're going to take some steps that will make it more difficult for you to continue with this regime ... because we know that many of you don't want changes". How do you anticipate future developments after Raul Castro leaves the presidency in February 2018? Ironically, I do agree with the Cuban Cardinal’s statement about Castro. I don't necessarily see Raul Castro as representative of the hardest line sector of the Cuban political system. Again, he wanted perestroika, without necessarily wanting glasnost. However, with Castro out in the near future, I worry about some of the replacement leaders who have reached positions of power under this regime and don’t have clear incentives to change that. I'm not sure that in the short-term Raul Castro’s stepping from the stage is necessarily going to lead to significant liberalization, I think it is

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going to take some time. A lot will depend on how the replacement people see the need for transformation ... Let's put it this way, if you find more Gorbachevs or Jaruzelskis that are prepared to work with some of the incipient democratic forces in Cuba, maybe you'll see that. The international community, including the United States, should help to encourage that process. So, it is a big question mark... It is a question mark but the issue is, returning to the draconian policies of the past would probably play in the hands of those hardliners who don't want change. So, I would strongly argue for a continuation of policies of engagement and empowerment of Cuban society. This sounds like a perfect conclusion. So many thanks for your time and for sharing your memories and your insight with us.

AUTEUR

ISABELLE VAGNOUX

Aix Marseille Univ, LERMA, Aix-en-Provence, France Rédactrice-en-chef d'IdeAs, Idées d'Amérique, Isabelle Vagnoux est professeur des Universités à Aix-Marseille, spécialiste de politique étrangère américaine et des relations avec l'Amérique latine. Elle co-dirige à Aix l'Observatoire des relations extérieures du monde anglophone (OREMA) au sein du LERMA (EA 853). [email protected]

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Interview with Ambassador Roger Noriega on the United States-Cuba relationship

Isabelle Vagnoux

Interview conducted by Dr Isabelle Vagnoux on November 21, 2017, with many thanks to Ambassador Noriega for sharing his views with us.

Roger F. Noriega is a former Assistant Secretary of State for Western Hemisphere affairs (2003-2005) and a former U.S. ambassador to the Organization of American States (2001-2003). He now coordinates the American Enterprise Institute's program on Latin America.

In retrospect, how would you evaluate the policies led by the Bush Administration and advocated by the Commission Assistance to a Free Cuba (regime change, democracy promotion, restrictions on travel, etc) ? Our policies were oriented by what we felt would be in the best interest of the Cuban people. Clearly, there is a limit to what can be done in the face of a Stalinist dictatorship determined to hold onto power. However, in that period of time, you saw more and more courageous leaders emerge in Cuba and stand up for freedom like Yoani Sanchez, Antonio Rodiles, and Rosa Maria Paya. We made it clear that the U.S. stood with them and had their interests at heart. Unfortunately, the Obama administration sent a very different message to Cuban dissidents. In retrospect, how would you evaluate the LIBERTAD Act’s impact on the bilateral relationship and the fact that Title III has been regularly waived by all Administrations, Republican and Democratic alike ? To the extent that the Libertad Act prevented absolute capitulation by the Obama administration in courting normalized relations with Cuba, I believe it has been an extraordinary success of which I am personally proud. I do believe that the executive branch is no longer scrutinizing the waivers as they have in the past, and they are less justified than ever. I think Congress should

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consider revoking that waiver authority unless President Trump instructs his team to be much more rigorous in applying the law the way it was intended. In a piece published by AEI on 23 February 2017 you wrote that « no substantive progress has been made on human rights or political freedoms. » What would you recommend to help improve political freedoms in Cuba ? We need to continue to make the case to the international community to do more in solidarity with the Cuban people. Perhaps one the most troubling aspects of the Obama policy is that embassies shut their doors to dissidents, activists, and independent journalists, caving to pressure from the dictatorship. The singular obstacle to freedom and progress is the Cuban regime and anything that prolongs its existence or expands its ability to repress the Cuban people should be discarded. At the same time, I do believe that we need to be more creative in how we promote democracy on the island and pressure the regime. What, according to you, would be necessary to fully normalize the bilateral relationship the way Washington did with other Communist countries such as Vietnam or China ? Why is Cuba different ? The requirements for a normal relationship between the United States and Cuba are simple and clearly spelled out in U.S. law. The LIBERTAD Act expects a post-Castro government in Cuba to free all political prisoners, respect political freedoms, dismantle its police state, and commit to holding fair elections within 18 months. It is also required to at least make public commitments to establishing independent courts and honoring internationally recognized human and labor rights. The reality is that Cuba remains the only country in the Western Hemisphere that cannot meet any of these foregoing conditions. Cuba’s close ally Venezuela is vying to change that, a testament to the Castro dictatorship’s destructive influence in the region. As to why Cuba is “different”, Cuba is 90 miles from the U.S. and we have over two million Cuban-Americans who are deeply interested in what happens there and maintain active ties to the island. There’s no one size fits all answer, but it’s fair to say that the models of China and Vietnam have been good for business without producing much progress in the way of human rights and political freedom. How would you evaluate the influence of the Republican Cuban Americans on President Trump’s decision to step back from President Obama’s initiatives and slow down the normalization process ? It is no secret that the Cuban-American community has been vocally critical of President Obama’s normalization, particularly in the U.S. Congress. Many Cuban- Americans were rightly aghast at the willful disregard for human rights and political freedoms under the Obama administration’s Cuba policy. However, it is important to note that Cuban-Americans were not alone in their concern over President Obama’s rapprochement. I myself am Mexican-American, and I have been one of the most visible critics of the Obama administration’s policy, as has a Colombian-American colleague of mine named José Cárdenas. At the same time, there are some prominent Cuban-Americans who are adamant supporters of the Obama policy. It is important to note that the relatively limited changes that the Trump administration made are intended to deny the flow of revenue to the regime, and to members of the Castro family. These changes reverse one of the more perverse

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effects of the Obama opening which essentially made a dynastic transition in Cuba more likely. How do you view Cuban Foreign Affairs Minister Rodriguez’ recent opening to Cubans living in the US? I believe it is appropriate for the Cuban government to end its discrimination against Cuban-Americans and Cubans living in the U.S. You will recall that well into the normalization process, Cuban-Americans were still prohibited from travelling to the island on ships. But the reality is that token moves like this completely ignore the Cuban government’s abject failure to provide adequate safety for U.S. diplomats and basic human rights for Cubans. Furthermore, as long as Rodriguez is the puppet of a Stalinist regime, we can’t take anything he says on faith. Last February, panelists at a Brookings Institution event said that « policy-makers have to remove emotion from their decision-making process when it comes to the embargo ». Would you agree that emotion prevents a significant policy change ? When someone references “emotional” responses or reactions to the Cuba issue, it is often a dog-whistle message meant to discredit the concerns of the Cuban-American community using ugly stereotypes. I wish it would stop, but many advocates of Obama’s normalization have adopted it as a go-to talking point. I’ll add that one of Brooking’s self-described regional experts once said, and I’m paraphrasing, “I don’t know much about Cuba, but I can see things are changing.” Maybe if he knew more about Cuba, he would know more about the daily abuse and repression of 11 million Cubans. Cuban exiles don’t regard this debate as an academic exercise, nor should they. They know the destructive effects of accommodations to a repressive dictatorship. The reality is that the consistent abuse of human rights, the beating of women and other peaceful protestors, the government’s violence and discrimination against LGBT Cubans, and the denial of basic political freedoms to an entire island 90 miles from the U.S. should elicit an emotional response. If it doesn’t, then there is something wrong. How do you view a possible impact of recent developments in Venezuela on Cuba ? How do you view the close link between the two countries ? The crisis in Venezuela has had a direct impact on Cuba and the ability of the Cuban dictatorship to sustain itself. In many ways, Cuba and Venezuela have intertwined destinies. Venezuela has long supported Cuba financially through its oil wealth, and Cuba has supported Venezuela’s socialist government by sending it thousands of intelligence agents to bolster its repressive regime. Cuba also has an immense degree of influence in Venezuela and has been vital to shaping its direction under Hugo Chávez and Nicolás Maduro. Now, remember that one of the Obama administration’s main arguments for normalization with Cuba was that it would restore our influence in the rest of Latin America and secure more cooperation from Cuba on regional issues such as drug trafficking. Nearly three years later, Cuba continues to actively support the Venezuelan narco-dictatorship and work against efforts to bring an end to the crisis and accountability to the tyrannical Venezuelan regime.

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Do you believe that Cuba’s ties with Russia and China could be a threat to the United States ? Cuba continues to be a key agent for hostile extra-hemispheric powers seeking to gain influence and strategic placement in Latin America. The goal of this is clearly to undermine U.S. influence in Latin America and bolster hostile and disruptive forces in the region such as Russia, China, and Iran. Both Russia and China have played key roles in financially supporting the Venezuelan dictatorship and delaying its inevitable collapse. Cuba also acts as a safe haven for Russian intelligence operations that directly undermine U.S. security. Unfortunately, Cuba has continued to roll out the welcome mat for hostile foreign powers under Obama’s normalization. How do you view future developments after Raul Castro leaves the presidency in February 2018? First, it is important to note that Raul Castro is set to retain control of the Cuban military and the Cuban Communist Party even after he steps down from the presidency. Raul Castro has a very clear plan for what will happen after he leaves power that ensures his cronies and family will retain power to micromanage the economy. Raul’s chosen successor Miguel Diaz-Canel is set take his place next year. Many advocates for closer relations with Cuba claim Diaz-Canel is a moderate, yet leaked video from over the summer revealed that he is as hardline as they come and supports the active censorship and repression that continues under the Castros. The military will almost certainly maintain control from behind the scenes, directly aided by the wealth derived from its control of hotels and tourism. Power and wealth will also be shared with the rest of the Castro family and their cronies, some of whom are strategically placed in the regime, such as Raul’s son Maj. Alejandro Castro Espín and his son-in-law, General Luis Alberto Rodriguez, who controls foreign investment. Those who say that the transition of power next year will lead to a different Cuba that respects human rights or basic freedom are either naïve or intellectually dishonest. With that being said, every time I meet with Cuban dissidents and activists, I become more convinced that Cuba has a bright future. I believe that once the Cuban people have the opportunity to manage their own destiny, Cuba will become free and prosperous and have a positive influence in the region.

AUTEUR

ISABELLE VAGNOUX

Aix Marseille Univ, LERMA, Aix-en-Provence, France Rédactrice-en-chef d'IdeAs, Idées d'Amérique, Isabelle Vagnoux est professeur des Universités à Aix-Marseille, spécialiste de politique étrangère américaine et des relations avec l'Amérique

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latine. Elle co-dirige à Aix l'Observatoire des relations extérieures du monde anglophone (OREMA) au sein du LERMA (EA 853). [email protected]

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Éclairages

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Éclairages

Thomas Posado (dir.) Le Venezuela en crise : entre polarisation politique aiguë et effondrement du mode de développement

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Le Venezuela en crise : entre polarisation politique aiguë et effondrement du mode de développement

Thomas Posado

1 Á l’exception de la décennie dorée 2004-2014 où le cours du baril de pétrole dépassait les 100 dollars durant la majeure partie de la période, le Venezuela connaît depuis les années 80 des crises à répétition liées au caractère rentier de son économie pétrolière. Celle qui s’abat sur le pays depuis 2014 est d’une intensité majeure avec quatre années de récession consécutives et une hyperinflation détériorant la vie des Vénézuéliens. Les causes de celle-ci ne peuvent être résumées à la fluctuation des cours du pétrole, le détournement du taux de change et l’effondrement successif de la monnaie ne sauraient être éludés.

2 Cette crise économique se superpose à une polarisation politique aiguë entre les partisans de Nicolás Maduro, successeur d’Hugo Chávez depuis sa mort en 2013, et ceux de l’opposition. Entre les mesures autoritaires du gouvernement et les velléités insurrectionnelles de l’opposition, les violences politiques se multiplient de part et d’autre causant la mort de 124 personnes durant le cycle de mobilisations et de violences d’avril à juillet 2017.

3 La polarisation politique existant dans le peuple vénézuélien se répercute dès lors à l’échelle internationale, jusque dans les sciences sociales. Celles-ci sont pourtant les seuls outils permettant d’appréhender une réalité particulièrement complexe à partir de données empiriques. Tous les auteurs de ce dossier n’ont pas les mêmes opinions à l’égard du gouvernement Maduro mais tous ont mené des enquêtes de terrain précises.

4 Notre dossier sera composé de deux parties : l’une consacrée aux acteurs du processus bolivarien, l’autre aux politiques mises en œuvre. Les acteurs sont divers et nos contributions illustrent la nature ambivalente du chavisme. D’une part, Yoletty Bracho évoque les militants de quartier, le « chavisme populaire », qui ont gagné des marges de

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manœuvre lors du développement des organes de démocratie participative ; d’autre part, Eduardo Ríos retrace la trajectoire de deux exemples significatifs de bolibourgeois, qui se sont enrichis par le biais du gouvernement, le « chavisme d’en haut ». Je reviens, pour ma part, sur la crise actuelle du mouvement syndical après une décennie de recompositions entre marginalisation des opposants et cooptation de dirigeants subordonnés à l’action gouvernementale.

5 Nous étudierons également les politiques mises en œuvre. Andrés Antillano met en perspective la politique pénale gouvernementale de la diminution de la répression au début des années Chávez à la dynamique contraire des dernières années, un des aspects les plus discutés ces derniers mois. Emiliano Terán présente le mode de développement du Venezuela et l’accentuation de l’extractivisme à travers l’exploitation du pétrole ou d’autres minerais. Mila Ivanovic conclura ce dossier en suggérant les hypothèses théoriques pour définir le gouvernement de Nicolás Maduro : situation thermidorienne, recorporatisation, capitalisme illibéral…

AUTEUR

THOMAS POSADO

Thomas Posado est docteur en sciences politiques à l’Université Paris-8 et chercheur au CRESPPA-CSU. Ses recherches portent sur les reconfigurations du champ syndical dans le Venezuela contemporain. Il est l’auteur de divers articles (Nuevo Mundo, 2013, Les Cahiers ALHIM, n°26, Les Etudes du CERI, n°187-188) et a, en outre, coordonné plusieurs dossiers de revue (Recherches Internationales n°93, n°107, ContreTemps, n°25, Cahiers des Amériques latines, n°85). [email protected]

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Distribuir con la izquierda, castigar con la derecha. Las paradojas del punitivismo en la Venezuela posneoliberal

Andrés Antillano

NOTA DEL AUTOR

Para una versión extensa de este texto, ver Antillano, A., «Incluir y castigar: Tensiones y paradojas de las políticas hacia los pobres en la Venezuela pos-neoliberal» in Tavares dos Santos, J. y C. Barreria (Edits), Paradoxos da segurança cidadã. Editorial Tomo, Porto Alegre, 2016, p. 123-138.

1 ¿Cuáles han sido las respuestas penales del gobierno bolivariano? ¿Existe alguna relación entre la naturaleza de un proyecto político y el uso del castigo? En este trabajo nos proponemos aproximarnos a la naturaleza y mutaciones tanto del discurso como de las políticas punitivas del chavismo. Durante estos 15 años, el gobierno bolivariano se ha desplazado desde una lectura «estructural» del delito y una recusación a las estrategias represivas del pasado a una interpretación «moral», que explica el delito como consecuencia de la persistencia de los valores del capitalismo, lo que ha ido de la mano con un aumento del castigo hacia los sectores empobrecidos.

La retórica chavista de la seguridad

2 Aunque la seguridad ha ocupado una posición periférica en la retórica y preocupaciones del chavismo, en el tratamiento del tema durante los primeros años del gobierno prevaleció una perspectiva «estructural» que asocia el aumento de la criminalidad con la pobreza, la desigualdad y la injusticia social. Los problemas del delito no se solucionarán sin antes superar las grandes taras sociales heredadas de los

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gobiernos neoliberales, se insiste. Esta perspectiva, que apunta a las raíces estructurales del delito, prevé como recurso principal para reducir la criminalidad el impulso de políticas sociales incluyentes y de medidas dirigidas a transformar las condiciones que producen la pobreza (Antillano A., 2012). Esta primera retórica que iguala sin cortapisa delito y pobreza, delincuencia e injusticia social, puede ser descrita como funcionalismo de izquierda, en tanto pretende una relación causal y mecánica entre condiciones sociales y estructurales y el delito.

3 Un segundo tópico recurrente durante estos primeros años, es el repudio a las prácticas represivas de los gobiernos anteriores y el reclamo de políticas de seguridad respetuosas de los derechos humanos y de las garantías individuales. Se prohíben las detenciones salvo por flagrancia u orden judicial, se suprime el reclutamiento forzoso y las habituales redadas policiales en barrios pobres, entre otras decisiones que representan la voluntad de romper con aquellas políticas que implicaban la intensificación de la violencia estatal sobre los grupos sociales relegados. En esa misma línea, la Constitución aprobada en 1999 contará con un marcado talante garantista.

4 Estos discursos, sin embargo, conocerán durante los últimos años un desplazamiento que terminará acercando sus perspectivas sobre el delito y el castigo a las narrativas punitivistas que en un principio se recusaron. Por un lado, el tema de la inseguridad se vuelve cada vez más central, dejando atrás el lugar marginal que tenía en el proyecto bolivariano y en la preocupación de sus voceros. Desde 2009, cuando Chávez le dedica buena parte de su discurso de Memoria y Cuenta en el Parlamento al tema, la seguridad ha crecido en relevancia y presencia en la narrativa del chavismo, hasta convertirse en la principal oferta electoral de Nicolás Maduro, sucesor de Chávez luego de su fallecimiento.

5 Por otra parte, los argumentos que asocian la criminalidad con las injusticias sociales son dejados de lado, cediendo su lugar a explicaciones «morales» y causas individuales: el crimen es consecuencia de los valores morales propios del capitalismo que perviven en los delincuentes. Se sustituyen las causas estructurales por causas culturales (individualismo, egoísmo, competencia, consumismo). El criminal ya no se entiende como «víctima del capitalismo», sino como su expresión más acabada, el portador de sus valores, y en tanto tal no requiere de indulgencia, no es suficiente con los esfuerzos para superar la pobreza, sino que se demanda severidad y castigo. La lógica de la responsabilidad individual del delincuente, tan cara para los discursos neoliberales y punitivistas, reaparece de la mano de la vieja figura del lumpen. Curiosamente, los discursos del chavismo y de la oposición se acercan: el delito no responde a causas estructurales sino que se concibe como correlato del descalabro de determinados valores o de la inoculación de otros que conducen al crimen y la violencia.

Desde las políticas «humanistas» a la mano dura

6 Este cambio en el discurso tiene su paralelo en un desplazamiento en las prácticas institucionales. Tanto en el campo legislativo como en las políticas implementadas, es visible un endurecimiento de la postura gubernamental que coincide con la nueva retórica.

7 En los primeros años, se verifica una disminución significativa de las respuestas punitivas. La población en prisión disminuye de 25 000 reclusos en 1998, a cerca de

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12 000 en 1999, y los índices más notorios de abuso policial, como las detenciones masivas e ilegales, la represión a manifestaciones o las torturas, conocen un importante retroceso (PROVEA, 1998, 1999, 2000, 2001 y 2002). Paradójicamente, repuntan de manera abrupta otras formas más deletéreas de violencia policial, como las ejecuciones extrajudiciales. Incluso se reporta la presencia de escuadrones de la muerte que operan en varios estados del país (COFAVIC, 2005). Las restricciones al castigo formal y a prácticas policiales que se asociaban con patrones de abuso de su poder legal, como la prohibición de arrestos discrecionales, parecen haber contribuido al desplazamiento hacia prácticas informales, como el uso de castigos ilegales contra sujetos refractarios y grupos estigmatizados (Antillano A., 2010; Monsalve Y., 2005, 2006).

8 Durante los años siguientes y hasta la actualidad, opera un deslizamiento hacia políticas duras de castigo penal que implican el incremento de la violencia policial y de la población en prisiones. Estas políticas se distinguen poco de las fórmulas punitivistas promovidas por el neoliberalismo y de los dispositivos penales y policiales utilizados por los gobiernos anteriores, repudiados en el discurso chavista de los primeros tiempos. Entre los principales signos de este endurecimiento estarían las reformas legales que reducen garantías y amplían el uso de la prisión, el incremento de los tipos penales y el aumento de la severidad del castigo, en el plano legislativo; la utilización profusa de figuras que abrevian el proceso, debilitando las garantías procesales, promoviendo por vía coercitiva la autoinculpación y eliminando de facto el juicio contradictorio y el debido proceso, y el envío masivo de sospechosos a la prisión preventiva, en la administración de justicia; dispositivos policiales sobrerreactivos que se focalizan en la pequeña criminalidad callejera y aumentan la criminalización de grupos sociales desfavorecidos, en especial jóvenes de sectores populares urbanos, así como la creciente participación de fuerzas militares en labores de seguridad, en el orden de la actividad policial.

9 El gobierno bolivariano se inaugura con la puesta en vigencia de un nuevo código procesal, aprobado por la legislatura anterior, que, siguiendo el modelo de otras reformas en el continente, combina un enfoque garantista con medidas de orden managerial en el intento de desbloquear el colapso de la administración de justicia penal y generar un clima de certidumbre jurídica en un momento de apertura a la globalización. Al igual que en el resto de países de la región, el nuevo código conoció tempranas reformas que revirtieron sus aspectos más avanzados, como el juicio en libertad, las principales garantías procesales y las fórmulas alternativas de cumplimiento, a la vez que se fortalecen mecanismos expeditos de juzgamiento. Este nuevo proceso penal contribuyó significativamente en sus inicios con la reducción de la población en prisiones, llegando a las cotas más bajas desde los años 80, cuando el ascenso de gobiernos de corte neoliberal fue acompañado por un aumento exponencial del número de personas enviadas a la prisión, y supuso la inversión de la condición jurídica dentro de las prisiones, de modo que por primera vez el volumen de condenados era mayor que la población procesada. En cambio, las reformas siguientes – con su extensión del uso de la prisión preventiva, el encarecimiento de las fórmulas alternativas y la flexibilización de las formas de juzgamiento- disparan la población penal, que asciende rápidamente, y al ritmo de cada cambio legislativo, de 12 000 a 20 000 entre 1999 y 2010.

10 Adicionalmente operan reformas penales que implican un aumento de las penas y de la severidad de su cumplimiento por la vía de reducción de beneficios y fórmulas

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alternativas. Reformas en el código penal y en las leyes antidrogas han endurecido significativamente el castigo de delitos propios de los pobres, a la vez que tanto modificaciones legislativas o jurisprudenciales, como una curiosa sentencia del Tribunal Supremo que considera los delitos de drogas como crímenes de lesa humanidad, y por lo tanto imprescriptibles y no elegibles para beneficios procesales y penales, hacen más severo el castigo, incrementando la duración de las penas o dificultando el otorgamiento de medidas de libertad anticipada y fórmulas alternativas.

11 En el orden policial, se reinstalan como prácticas dominantes las tácticas duras de policiamiento, orientadas a detenciones masivas de sujetos considerados peligrosos (jóvenes varones pobres) y a una hiperactivación frente a la pequeña criminalidad callejera: menudeo de drogas, hurtos y pequeños robos, etc. Esta sobrerrepresentación de la criminalidad callejera en las detenciones de la policía conduce a la saturación del sistema penal por casos de flagrancia que, de acuerdo a datos preliminares de un estudio que realizamos en tribunales de Caracas, ocupa más del 90 por ciento de las causas que se procesan (Antillano A. et al., 2012; Reyna de Roche C. L. y J. Richter., 2007, para una descripción del funcionamiento del proceso penal venezolano). Sobre todo a partir de 2009, hay un creciente protagonismo de fuerzas militares en labores policiales, tanto en patrullaje como en tareas de coordinación y comandos de cuerpos civiles (Antillano A., 2014). La intensidad de la respuesta policial habría contribuido con nuevos incrementos en la población encarcelada, que asciende a partir de 2009 por encima de los 50 000 reclusos.

12 Desde 2014, la violencia policial crece de manera exponencial, superando en 2016 las 4 000 víctimas muertas en operativos policiales. Estas actuaciones se ceban en los sectores menos favorecidos (jóvenes pobres de barrios periféricos) que tradicionalmente habían contado con un lugar favorecido en el ideario justiciero del chavismo. Paradójicamente, a pesar de la dureza y letalidad de las intervenciones, la violencia criminal, lejos de disminuir, se incrementa (Antillano A. y Ávila K., 2017).

Entre la inclusión y el castigo: el gobierno de los pobres en Venezuela

13 ¿Cómo comprender estas oscilaciones y mudanzas? ¿Qué explica esta primacía de políticas duras que finalmente criminalizan a los sectores populares, sujeto privilegiado del proyecto chavista?

14 Habría que entender las políticas punitivas en su relación con las otras estrategias dirigidas hacia los pobres, como propone Wacquant para el caso norteamericano (Wacquant L., 2010). Políticas sociales y políticas penales son dos caras de una misma moneda, constituyen un complejo entramado en el gobierno de las clases populares. Para el caso de Venezuela, las políticas hacia los pobres operarían en una suerte de bifurcación que oscilaría entre las estrategias de inclusión social y las estrategias de control penal, que terminan complementándose.

15 Es indudable el esfuerzo realizado durante este periodo para la reducción de la pobreza y la inclusión de grupos relegados, a través de políticas de protección social (como la ampliación de la cobertura de la seguridad social y de las pensiones, la reforma laboral de 2012, la protección del empleo), políticas redistributivas y de acceso a bienes y servicios para los sectores populares (redes de salud, de distribución de alimentos,

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acceso a la educación, a los servicios básicos, etc.), y políticas sociales focalizadas (misiones sociales, subsidios, prestaciones económicas de diverso orden), redundando en la disminución de la desigualdad (que se redujo de 0,48 a 0,38 de acuerdo al índice Gini), la pobreza (que conoce un descenso de 55% a 28%), la mortalidad infantil (la tasa de natalidad pasó de 72 a 77 nacimientos vivos por cien mil), entre otros indicadores. Aún cuando en estos últimos años el empuje de estas políticas de inclusión parece haber perdido algo de fuerza, siguen siendo de una magnitud considerable y su impacto insoslayable.

16 Sin embargo, a la vuelta del tiempo estas estrategias no parecen capaces de revertir las condiciones estructurales que generan exclusión y desigualdad, más allá de su impacto en el mejoramiento de la situación social de las clases populares. Nuestra hipótesis es que en las sociedades pos-industriales (Harvey, 1989) y pos-salariales (Svampa M., 2004; Castel R., 2010), cuando el trabajo y la economía formal ya no garantizan la inclusión de las grandes mayorías, las políticas redistributivas pierden el efecto universal que pudieron tener dentro del Estado de Bienestar keynesiano o de propuestas de orden socialista. Esto se haría aún más evidente en economías rentistas como la venezolana. Así, las políticas sociales y redistributivas tendrían un alcance limitado en esta dirección, pero a la vez provocarían como efecto paradójico nuevas diferencias sociales entre aquellos que mejoran su grado de inclusión como resultado de las mismas, a partir del ingreso a la economía formal o el acceso a redes institucionales, y aquellos grupos que quedan relegados.

17 La distancia social entre los nuevos incluidos y los excluidos persistentes, entre quien ha encontrado un empleo estable o sus ingresos han mejorado como efecto de las políticas sociales y quien no ha logrado tales ventajas, se convierte en una fuente importante de conflicto y descontento, aun cuando ambos pertenezcan a la misma clase social, al mismo vecindario o incluso a un mismo grupo familiar. Junto a las desigualdades «jerárquicas», estructurales (Fitoussi J.P. y P. Rosanvallon., 1997) que describen diferencias de ingreso entre categorías sociales verticales, florecen nuevas desigualdades «horizontales», dinámicas, al interior de una misma categoría social antes homogénea. Estas desigualdades intraclase entre grupos atendidos y grupos relegados explicarían el desarrollo simultáneo y complementario de políticas de inclusión y políticas punitivas, en tanto que las segundas actuarían como un mecanismo de control de aquellos grupos y sujetos que no han sido incorporados o son refractarios a las estrategias de inclusión. Se alternarían políticas sociales, dirigidas a determinados grupos de las clases populares y políticas punitivas que actuarían sobre sectores residuales impermeables a sus efectos.

18 Esta bifurcación entre políticas sociales y políticas penales terminarían reforzando, e incluso instituyendo, las diferencias intraclase, al distinguir entre los clientes de las políticas sociales y los de las políticas de castigo. Incluidos y relegados, víctimas y victimarios, honestos y peligrosos: crimen, temor al delito y políticas penales trazan los contornos de las nuevas fronteras sociales que hacen emerger las políticas focalizadas de inclusión, en un orden donde ya el trabajo y el salario no definen los clivajes y las jerarquías.

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BIBLIOGRAFÍA

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Wacquant, Loïc , Castigar a los pobres, Barcelona, Gedisa, 2010.

AUTOR

ANDRÉS ANTILLANO

Andrés Antillano. Estudios en Psicología Social (Universidad Central de Venezuela) y Criminología (Universitat de Barcelona). Investigador del Instituto de Ciencias Penales y profesor

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de la UCV. Se ha desempeñado como miembro de la Comisión Nacional para la Reforma Policial (2006) y la Comisión Presidencial para el Desarme (2010). Activista social, se ha involucrado con luchas urbanas, organizaciones juveniles y territoriales, y defensa de derechos humanos de grupos vulnerables. Ha realizado publicaciones sobre políticas de seguridad, policía, prisiones, drogas y violencia.

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Le « chavisme populaire » : quelle(s) place(s) pour les mobilisations populaires de gauche dans le Venezuela d'aujourd'hui ?

Yoletty Bracho

Introduction

1 Au début des années 2000 le contexte vénézuélien attirait l’attention politique et scientifique du fait de l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement qui se présentait comme étant de gauche, proche des classes populaires et revendicatif face aux forces politiques et économiques internationales. En effet, le gouvernement d’Hugo Chávez a été à l’origine d’une démarche de redistribution de la rente pétrolière, première source économique du pays, à travers de multiples plans d’action publique, ciblant notamment les populations les plus nécessiteuses. S’installe ainsi une relation de proximité entre l’État et les classes populaires, ces dernières étant sollicitées pour la mise en place des politiques publiques participatives dont l’objectif n’est pas seulement celui d’intégrer ces populations dans les décisions publiques, mais aussi de leur donner des capacités d’organisation autonome en renforçant le « pouvoir populaire ». Ces appels à la participation et à l’organisation ne se dessinent pas sur un terrain vierge, les classes populaires vénézuéliennes étant des populations hétérogènes et organisées. Ainsi, ce sont les différentes organisations populaires qui deviennent les interlocutrices politiques du gouvernement Chávez aussi bien sur le terrain qu’à l’intérieur d’administrations publiques, que certains membres de ces organisations intègrent, espérant se saisir de l’État pour construire la révolution. Or, le « pouvoir populaire » se retrouve face à de multiples résistances. Le développement des capacités d’action autonome n’est pas toujours le bienvenu, que ce soit dans l’espace administratif sur lequel les organisations portent un regard critique du « bureaucratisme » ; ou dans le champ politique, où la volonté hégémonique du Parti socialiste uni du Venezuela

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(PSUV) laisse très peu de marge de manœuvre pour des acteurs qui essaieraient de construire, à gauche, une certaine distance avec sa politique. Ces limites sont d’autant plus présentes aujourd’hui : dans le contexte de « crise », la distance entre le gouvernement de Nicolás Maduro et les organisations populaires semble se creuser. Face à ce scénario, il est possible de se demander, quelle(s) place(s) existe-t-il dans le Venezuela d’aujourd’hui pour les mobilisations populaires de gauche ? Nous verrons dans un premier temps que ces mobilisations ont un précédent dans la campagne pour l’Agenda législatif populaire à la fin de l’année 2015, durant l’élection à l’Assemblée nationale, pour remarquer, dans un second temps, leurs transformations plus récentes dans la plateforme du Chavismo Bravío, qui se veut à la fois force d’organisation et force électorale.

La campagne pour l’Agenda Législatif Populaire : un précédent

2 Il serait exagéré d’affirmer que les capacités d’organisation et de critique des organisations populaires, que nous appellerons ici movimientos, sont nées au moment de la campagne électorale pour l’Assemblée nationale durant l’année 2015. Bien au contraire, ces movimientos ont une longue tradition de relations critiques avec les gouvernements chavistes du fait de leurs luttes sectorielles et collectives. Leurs frontières, toujours en négociation, sont difficiles à définir. Dans le cas de notre enquête, il s’agit notamment de quatre organisations ayant une présence nationale : l’Association nationale des médias communautaires, libres et alternatifs (ANMCLA), le Mouvement Pobladores (qui s’occupe de la lutte pour le logement), le Courant révolutionnaire Bolívar et Zamora (CRBZ – qui s’occupe de l’accompagnement à l’installation des communes rurales) et le Réseau national de communards (RNC – qui s’occupe aussi des communes rurales). S’ajoutent à ceux-ci des collectifs localisés à Caracas et de plus petite taille, comme Codes libres (CL – qui s’occupe de la conception et de la communication), l’Armée communicationnelle de libération, (allié de CL), Commando créatif, l’Araignée féministe, le Front culturel de gauche, et des brigades internationalistes de solidarité avec la révolution bolivarienne comme la Brigade Che Guevara, la Brigade internationale Eva Perón et la Brigade Darío Santillán, chacune d’entre elles issue d’organisations populaires argentines.

3 Au milieu de l’année 2015, moment où s’intensifie la campagne électorale pour l’Assemblée nationale, les movimientos décident d’y prendre place, menant une stratégie particulière. Ne donnant pas ouvertement leur soutien aux candidats parlementaires du PSUV, ils choisissent de ne pas leur opposer non plus de candidats. Les movimientos font un appel pour un vote de gauche, tout en présentant aux candidats de la gauche un ensemble d’exigences déontologiques et programmatiques à travers leur « Agenda législatif populaire ». Ce cahier des charges est issu des accords entre les movimientos qui cherchent à participer à la campagne électorale pour l’Assemblée nationale, tout en montrant leur mécontentement avec la politique interne du PSUV, et avec les actions, imputables au gouvernement Maduro, qui ont des conséquences lourdes sur la vie quotidienne des Vénézuéliens. En d’autres termes, « l’Agenda législatif populaire » leur permet de construire une sorte de rappel à l’ordre à gauche, tout en donnant une nouvelle visibilité à leurs forces et à leurs luttes. Pourtant, les contenus précis portés

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par l’Agenda ne sont pas une évidence. Des discussions entre les organisations ont lieu pour définir quel sens donner à cette campagne.

4 Les discussions se tiennent notamment autour du niveau de conflictualité à mettre en avant dans la campagne. En effet, en 2015 le Venezuela se trouve dans une situation économique difficile, dont les explications sont un objet politique. Pour le gouvernement Maduro, c’est bien la « guerre économique » menée par les détenteurs des entreprises privées et d’importation qui porte atteinte à l’économie interne vénézuélienne, avec le soutien des forces économiques étrangères, notamment des Etats-Unis. Mais, si guerre économique il y a, il pourrait alors être reproché au gouvernement Maduro d’être en train de la perdre. C’est l’analyse faite notamment par les femmes de l’organisation Códigos Libres (CL), qui proposent de construire une campagne plutôt positive, en mettant en avant les solutions possibles à la crise, portées par les organisations populaires. Il s’agit notamment de promouvoir les « Communes », en tant que dispositif participatif territorial, comme un moyen de réorganiser les rapports économiques de production et d’échange. En effet, face aux pénuries alimentaires, des communes rurales du centre du pays proposent leurs produits à des prix avantageux dans des marchés populaires ou à travers des systèmes de répartition de paniers, organisés en alliance avec des communes urbaines. Mais ces propositions programmatiques, en dépit de l’enthousiasme avec lequel elles sont reçues, sont considérées comme insuffisantes par certains acteurs. Ceci mène les militants d’ANMCLA, du media alternatif Aporrea, ou encore à ceux de Pobladores, à être porteurs de contenus plus conflictuels. Que ce soit par la dénonciation des entreprises privées vénézuéliennes, suspectées de détournement de devises, ou par un appel à l’approfondissement de la révolution par la cession des pouvoirs depuis les institutions publiques (territoriales et/ou centrales) vers les porteurs du pouvoir populaire (organisations et/ou dispositifs participatifs territoriaux), la « Commune » sert de point de repère unitaire. Mais ces derniers acteurs acceptent aussi de construire des critiques fortes de la situation politique et économique vénézuélienne telle qu’elle se présente. Ainsi, faisant appel à l’imaginaire politique commun de ces organisations à travers la figure de Fabricio Ojeda, ancien député vénézuélien ayant quitté son mandat de parlementaire pour rejoindre les luttes révolutionnaires sous la forme des guérillas, les movimientos réclament : […] il ne peut pas et ne doit pas exister un député qui se dise révolutionnaire ou chaviste, élu par la volonté du grand peuple vénézuélien, qui soit guidé par des appétences individuelles, [en dépit d’être] un serviteur des luttes transcendantales.1

5 Les efforts de campagne commune des movimientos se transforment avec les changements du contexte vénézuélien, ainsi qu’avec les rythmes imposés par les gouvernants à la vie politique du pays. C’est ainsi que surgit la plateforme du Chavismo Bravío, qui se présente à la fois comme un espace de réactualisation des luttes, mais aussi comme un moyen de participer aux échéances électorales.

Le Chavismo Bravío : une plateforme commune de quête symbolique et électorale

6 Au début de l’année 2017, le Venezuela a été le théâtre de manifestations contre le gouvernement Maduro promues par un secteur d’opposants à son gouvernement réunis dans la Mesa de la Unidad Democrática - MUD (Table de l’unité démocratique). Ces

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manifestations se présentent comme le résultat des tensions institutionnelles vécues dans le pays à la suite des élections législatives qui, ayant donné une majorité parlementaire à la MUD, ont été contestés par l’exécutif national. Cela sur fond de recrudescence des difficultés économiques, avec des taux d’inflation dépassant les trois chiffres et des pénuries de tout type. Les morts provoquées lors de ces manifestations deviennent rapidement, comme auparavant pour la situation économique, un enjeu politique. Dans ce cadre, le président Nicolás Maduro appelle par un décret daté du 1er mai à l’élection d’une Assemblée nationale constituante (ANC), laquelle aurait pour rôle de réécrire la Constitution vénézuélienne, tout en s’attaquant aux fléaux qui nuisent à la vie du pays. Cet appel a été une nouvelle source de conflit entre les forces politiques en lutte, certains y voyant un moyen de renforcer un gouvernement vu comme illégitime, d’autres y trouvant une opportunité politique pour redresser le pays. Pour les movimientos, l’appel à l’ANC est une opportunité pour dépasser le rôle relativement distancié qu’ils ont pris lors des élections parlementaires et pour se présenter cette fois-ci comme les porteurs de leurs propres prérogatives. L’appel à l’ANC demandant l’élection de constituants, les movimientos peuvent présenter la candidature de leurs propres militants. C’est ainsi que nait le Chavismo Bravío, également présenté comme la « Plateforme populaire constituante ». Par cette plateforme les movimientos se présentent comme : une humble expression des luttes historiques de nos peuples contre toute forme de domination et pour le socialisme nuestroamericano2 [avançant] dans le positionnement du Chavismo Bravío comme une référence du chavisme populaire, qui lutte depuis les bases, et non bureaucratisé (Chavismo bravío, 2017).

7 À travers cette plateforme, les movimientos ont présenté des candidats pour l’ANC grâce à des actions de campagne classiques (réunions publiques, interviews dans les médias nationaux, débats à l’échelle locale…) ; mais aussi à travers des actions plus controversées, comme l’installation d’une large banderole portant l’inscription « Chavismo Bravío, constituante pour la paix » sur le distributeur autoroutier d’Altamira, axe important de la capitale permettant d’accéder au quartier du même nom, connu comme étant un bastion des opposants en lien avec la MUD (Alba Ciudad, 2017).

8 Les rapports de forces internes au Chavismo Bravío sont complexes, ainsi que la tenue des alliances entre les organisations qui le composent. Dans les circonscriptions des grandes villes du pays, les candidats Bravíos n’obtiennent pas suffisamment de voix pour intégrer l’ANC. En revanche, dans les zones rurales du centre et du sud-ouest du pays, le Courant révolutionnaire Bolívar et Zamora profite de ses alliances avec le PSUV et obtient des sièges à l’assemblée.

9 Par la suite, le Chavismo Bravío continue ses activités politiques de terrain et symboliques. Ainsi, ses militants ont organisé un procès populaire de Donald Trump, répondant de cette manière aux sanctions économiques décrétées par l’exécutif états- unien le 25 août. L’événement a lieu sur la Place Bolívar de Caracas, lieu incontournable du centre ville où les participants, parmi lesquels le comédien espagnol Willy Toledo, connu pour son soutien aux gouvernements chavistes, foulent de leurs chaussures aux couleurs du drapeau national une statuette de Donald Trump placée sur une chaise en position propice (Plataforma Popular Constituyente, 2017). Plus récemment, ces militants ont lancé un appel pour une Assemblée populaire constituante. Tenue le 7 octobre, cette assemblée affichait l’objectif de discuter des différents « challenges constituants », c’est-à-dire, des sujets qu’ils aspirent à faire traiter par l’ANC comme la réalité économique du pays, augmentant les coûts de la vie et rendant difficile la tenue

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d’une source de travail stable, ainsi que d’autres comme la légalisation de l’avortement, les droits des populations LGBTQ, des populations indigènes, les droits écologiques, entre autres (Chavismo bravío, 2017a).

Conclusion

10 Au jour d’aujourd’hui, il est difficile de dire quelle sera la suite des mobilisations populaires de gauche au Venezuela. Leur place est d’autant plus fragile que leurs alliances souffrent aussi des aléas de la politique nationale et locale. Dernièrement, le 1er septembre, il a été possible de voir circuler un communiqué de la CRBZ expliquant son désengagement de la Plateforme populaire constituante Chavismo Bravío. S’il donnait assez peu d’explications relatives à la scission, le document laissait entrevoir des différences stratégiques entre les différents movimientos membres de la plateforme. Plus tard, courant octobre, ce communiqué n’est plus accessible, ayant été effacé du site de la CRBZ, des pages Facebook de ses militants et autres sites internet d’organisations. Faut-il y voir un pas en arrière et une réunification des forces populaires ? Est-ce un signe révélateur des négociations entre ces acteurs ? Ce que l’on peut dire à présent, c’est que ces forces politiques sont inscrites dans des systèmes d’opportunité et de contraintes qui les déterminent, et que la possible définition de places pour les mobilisations de la gauche populaire aux Venezuela passe avant tout par l’analyse des déterminismes qui agissent sur elles.

BIBLIOGRAPHIE

Alba Ciudad, « Así colocaron los chavistas una gran pancarta en el Distribuidor Altamira: “Fue como una operación militar” », 14 juillet 2017, http://albaciudad.org/2017/07/candidatos-a-la- constituyente-colocaron-gran-pancarta-en-el-distribuidor-altamira/, page consultée le 11 octobre 2017.

Chavismo bravío, « Documento fundacional Plataforma Popular Constituyente », 10 juin 2017, http://www.chavismobravio.org.ve/?q=node/57, page consultée le 11 octobre 2017.

Chavismo bravío, (a) http://www.chavismobravio.org.ve, page consultée le 11 octobre 2017.

Plataforma Popular Constituyente, « Chavismo Bravío Patea a Donald Trump », https:// www.youtube.com/watch?v=dMXWeFdSvFE&feature=youtu.be, page consultée le 11 octobre 2017.

NOTES

1. Tract de campagne. Octobre 2015. 2. D’un nom inspiré par un essai philosophique de José Martí (poète et révolutionnaire cubain du XIXème siècle), le Proyecto Nuestramérica, porté par de nombreuses organisations populaires, est un label politique revêtant un projet révolutionnaire. Il permet de réunir des acteurs de la

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gauche latino-américaine, en principe distants géographiquement et politiquement, mais constituant à travers ce projet un réseau dynamique de militants internationaux agissant en soutien aux mobilisations locales.

AUTEUR

YOLETTY BRACHO

Doctorante en Science Politique à l’Université Lumière Lyon 2. Son travail de recherches porte sur les relations entre administrations publiques et organisations populaires de Caracas. Avec Julien Rebotier, elle a publié « La révolution bolivarienne par sa base », Le Monde diplomatique, n° 742, 2016, p. 20.

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L’État dans tous ses états

Mila Ivanovic

« Après chaque révolution, qui marque un progrès de la lutte des classes, le caractère purement répressif du pouvoir d'État apparaît de façon de plus en plus ouverte ». Marx, La guerre civile en France.

1 La vague de protestation qui aura duré près de quatre mois entre avril et août 2017 a marqué les esprits du fait de sa longévité et des victimes qu’elle a laissées sur son passage. Selon une analyse rigoureuse de la violence qui s’est propagée dans tout le pays durant cette période, faisant sur son passage 120 victimes, entre 300 et 400 personnes ont été jugées par des tribunaux militaires, 25% des victimes mortelles ont été le fait des forces de l’ordre (dont 60% sont actuellement en liberté), 15% ont été renversées par des véhicules lors de barrages improvisés par les manifestants et 7% du total des victimes sont membres des forces de l’ordre (Avila K., 2017). Ces considérations chiffrées donnent une photographie fidèle d’un malaise grandissant, en termes de maintien de l’ordre, d’administration de la justice et de violence pandémique. A cela s’ajoute un élément aussi préoccupant que l’impunité policière et la défection institutionnelle. En 2015, selon la même étude, 227 membres des corps policiers sont suspectés d’extorsion et d’enlèvement. En 2016, le nombre s’élève à 700 pour tout type de délits. Cette même année, 20% des homicides ont été provoqués par les forces de l’ordre.

2 Loin d’une explication en termes mono-factoriels, il est important de pointer du doigt l’embourbement étatique en matière de politiques sociales et de sécurité, tout autant que l’explosion de violence (interpersonnelle, politique, policière) qui s’est exprimée et pourrait mener à la conclusion d’une « dissolution du tissu social » au Venezuela. Notre contribution voudrait apporter quelques éléments de compréhension à une question sensible, mais très peu traitée dans les recherches sur le Venezuela: qu’en est-il du bilan sur les transformations de l’Etat après presque deux décennies de gouvernement révolutionnaire ? Pour initier cette réflexion, il faut déjà rappeler que la convocation d’une nouvelle Constituante par le président Maduro est fondée, justement, sur le prétexte d’une transformation de l’Etat et d’un retour à la paix.

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Re-corporatisation de l’Etat et Thermidor

3 Je souhaiterais m’attarder un instant sur un thème particulièrement épineux, dont on parle très souvent sans réellement en comprendre les enjeux : l’ « union civico- militaire » proclamée par la Révolution bolivarienne qui va du Plan Bolivar 2000 (2000) jusqu’à la militarisation1 et la corporatisation marchande de l’Etat. Notre hypothèse ici est que nous sommes en présence d’une re-corporatisation de l’Etat, sur fond de patrimonialisation, qui peut se présenter comme les prolégomènes d’une « situation thermidorienne ».

4 Pour évoluer au sein de ce cadre d’analyse et d’interprétation de la réalité vénézuélienne actuelle, il nous est très utile de revenir un instant sur un texte de Bayart (2008) qui met en exergue ce concept à partir de deux cas contemporains (Cambodge, Iran). Il en appelle à cette notion au regard des « stratégies de maintien au pouvoir et dynamiques sociales autonomes » qui sont mises en place à la suite d’un épisode révolutionnaire. Plus concrètement, il la définit comme « une pluralité de trajectoires relativement homogènes, en tant que combinatoires d’un événement révolutionnaire, d’un processus d’institutionnalisation et de professionnalisation de celui-ci, et d’une dynamique d’intégration à l’économie-monde capitaliste ». Au Venezuela, cela se traduit par un tour de vis politique (conflit accentué au sein de la force politique chaviste et avec l’opposition), la libéralisation des formes d’incorporation dans l’économie-monde (notamment avec la création des « zones économiques spéciales »2 et la constitution d’entreprises militaires liées à l’extraction minière et pétrolière, et au commerce) et la stratification du mode de gouvernement et de ses membres (carence démocratique concernant la tenue des élections, opacité des décisions et des mesures judiciaires contre la corruption, impasse politique dans les relations entre le gouvernement et l’opposition, faiblesse juridique et politique de la proposition néo-constitutionnelle).

5 Selon Baczko, cité par Bayart, le Thermidor de la Révolution française s’est soldé par l’avènement d’un « nouveau type social, celui du révolutionnaire dont la carrière se prolonge, au-delà des vicissitudes des régimes, par le service de l’Etat et la fonctionnarisation». En poursuivant, « c’est un moment désenchanté pour les idéaux et les symboles révolutionnaires, celui où la Révolution doit assumer le poids de son passé, avouer qu’elle ne tiendra pas toutes les promesses initiales» (Bayart J.F., 2008). Cette phrase nous renvoie directement au moment politique que traverse le Venezuela depuis des mois. Le désenchantement est tel, tant dans les urnes suite aux élections législatives de 2015 que dans l’aggravement du conflit entre le gouvernement et l’opposition et son exacerbation dans la rue, que les défections sont de plus en plus courantes. Cette crispation des relations politiques et de la politicité n’est pas étrangère au Venezuela, qui est passé par plusieurs phases très conflictuelles depuis 1999 (2002-2003, 2004, 2014, 2017).

6 Pour Furet, revenant à la Révolution française, comme l’indique Bayart, Thermidor renverrait à « la victoire de la légitimité représentative sur la légitimité révolutionnaire, le contrôle, par le pouvoir, de l’idéologie révolutionnaire du pouvoir, et comme le dit Marx, la revanche de la société réelle sur l’illusion de la politique ». Désenchantement donc, et représentation sans utopie. L’acceptation et les justifications de la part du gouvernement suite à la levée de boucliers d’organisations sociales

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concernant l’Arc minier de l’Orénoque3, n’ont fait que renforcer l’idée qu’un grand nombre de points qui soutenaient l’utopie bolivarienne (entre autres, la fin de la dépendance à la rente pétrolière, la préservation et l’auto-détermination des populations indigènes, la souveraineté sur les ressources naturelles) ont été remis aux calendes grecques.

7 Cependant, à contre-courant de certaines situations thermidoriennes dans lesquelles se réalisent une « libéralisation » et une « modération », au Venezuela opèrent encore une logorrhée révolutionnaire et des mesures qui semblent dans certains cas aller à l’encontre de l’hégémonie capitaliste, et donc réaffirment l’esprit et la nature du régime révolutionnaire.

L’Etat vu par ses acteurs

8 Au cœur de cet écheveau d’actions conflictuelles, de stagnation et d’inertie politiques, l’Etat joue un rôle de premier plan, et n’a pourtant pas fait naître beaucoup d’intérêt parmi les chercheurs qui travaillent sur le Venezuela révolutionnaire. Nous aimerions ici rendre compte, à travers une recherche en cours, des aléas et des justifications qui occupent les acteurs étatiques de l’Exécutif autour des objectifs révolutionnaires (économie non-capitaliste, pouvoir populaire et Etat communal) dans leur pratique et leur expérience du monde de la décision politique en temps de Révolution.

9 Lorsque l’on parle de l’Etat au Venezuela, il est difficile de ne pas se référer à un ouvrage pionnier dans ce domaine, L’Etat magique de Coronil. Celui-ci examine la formation de l’Etat et son fonctionnement durant les années de « paix démocratique » (1958-1989), ou de « démocratie pactée », à partir d’une lecture culturelle de celui-ci qui amène l’auteur à considérer la thèse d’un Etat « capturé par l’argent », dans une tension entre « l’abondance monétaire (…) et sa faiblesse structurelle » qui mène à « gonfler les objectifs politiques » (Coronil F., 2002 : 108, 316). L’Etat est « magique » dans la mesure où il recrée la société dans une perpétuelle fuite en avant des richesses sur lesquelles il s’est constitué.

10 Durant la période révolutionnaire, l’Etat veut s’acquitter de la « dette sociale » qu’a laissée derrière elle la « longue nuit néolibérale ». Les politiques sociales sont posées en priorité, notamment avec les Missions en matière de santé, d’éducation et de formation. A partir de 2006, et conjointement à la proclamation du « socialisme du 21 ème siècle », commence à s’étayer l’idée d’une transformation de l’Etat, d’abord anti- capitaliste, puis « communal ». Il est construit comme une caisse de résonance des problèmes de la société et des pauvres, en même temps qu’il se pose comme un outil de démocratisation. Cependant, du fait d’une situation économique sévère d’hyperinflation à partir de 2012, l’Etat se convertit en une instance omnipotente, qui octroie, par exemple, des hausses de salaires aux travailleurs, sans que celles-ci soient le fruit d’une quelconque négociation. Comme l’indiquait il y a peu Edgardo Lander (2017) dans un article, il s’agit plus de politiques redistributives que de changement des relations de production. Cette situation (médiation parti-gouvernement plus qu’organisations sociopolitiques-gouvernement) rappelle l’idée de « décorporatisation » présente dans le discours étatique de la Révolution Citoyenne en Equateur4. Je souhaiterais introduire l’hypothèse que dans le cas vénézuélien, il s’agit plutôt d’une re-corporatisation de l’Etat, qui a débuté avec l’ascension formulée des secteurs populaires (à travers l’idée de pouvoir populaire et les outils dérivés comme

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les conseils communaux et les Communes) et a débouché sur la recomposition des forces corporatistes au sein de l’Etat (militaires, bourgeoisie parasitaire ou compradora, réseau de corruption institutionnelle). Dans ce contexte, les premiers cas de dissidence bureaucratique ont fait leur apparition il y a peu, notamment avec la destitution en août dernier de l’ex-Procureure de la République, Luisa Ortega, qui a entériné un schisme au sein de l’appareil d’Etat en appelant la société à la désobéissance face à la répression et à la rupture constitutionnelle5.

11 En attendant, ce qui avait fait la force et l’élan de la Révolution – la constitution d’un acteur populaire politisé et aspirant à jouer un rôle clé dans la prise de décision – est de plus en plus étouffé par un fonctionnement endogamique du système politique et l’étranglement économique via la constitution de poches opaques de pouvoir et de corruption.

12 Donc, plutôt que de parler de « dictature », de « dérive autoritaire », d’ « autoritarisme compétitif » ou de « régime de Maduro », nous préférons examiner dans quelle mesure nous pourrions être en face d’une débâcle révolutionnaire, autrement dit d’une « révolution après la Révolution », ce que condense finement la notion de « situation thermidorienne ».

13 En termes économiques, cette « situation » ouvre peut-être la voie à un « capitalisme illibéral » (Rachman G., 2008) ou à un « néolibéralisme mutant » (Terán E., 2014) qui montre les dents à l’ordre économique mondial, mais s’acquitte d’une bien mince éthique révolutionnaire au moment de proposer des alternatives comme l’illustre le cas des OLP6, du système de change et de l’extractivisme à-tout-va assortis de mesures passablement ancrées dans le répertoire d’action (néo)libéral.

14 Pour un certain nombre d’interviewés, le « déclin » de la Révolution, en termes politiques et éthiques, s’initie à partir de 2006-2007, moment de la re-corporatisation de l’Etat et de l’augmentation de l’influence de certains groupes de pouvoir (militaires, entrepreneurs, Cubains). Il est aussi très souvent question du manque de « leadership collectif », qui a mené à déléguer un grand nombre de tâches à Chavez et à assumer une dépendance des pouvoirs publics à l’égard du présidentialisme charismatique. De ce fait, il n’est pas étonnant de constater chez les interviewés une tendance à la psychologisation lorsqu’il est question du fonctionnement de l’Etat. Pour d’autres, il s’agit des scories du passé « bourgeois » qui n’ont pas pu être dépassées par le nouveau système. Un temps, les missions ont joué un rôle de « dé-bureaucratisation » afin justement de contourner les obstacles d’une administration fonctionnant sur un modèle éculé. Ainsi, dans les premières années, les « ministères sont de véritables assemblées », selon l’expression d’un vice-ministre de Planification. D’autres, comme cet ex-vice-ministre des Affaires étrangères, se plaignent de l’épuisement que représente cet « exercice de construction de la politique » au sein de l’Etat dans un contexte de rupture. Néanmoins, la carence dans l’exécution, avance-t-il, renvoie à « la surévaluation de l’initiative (acte fondateur, convocation) et la sous-évaluation de l’exécution (suivi, gestion) ». Dans la lignée de l’hyper-présidentialisme, certains déplorent le « verticalisme » existant autour des ministres, du fait d’un « manque de ressources et du besoin de passer par des crédits additionnels qui sont approuvés par les ministres » qui ralentit en fin de compte la prise de décision. Face à la corruption, les témoignages sont concordants quant à l’inertie qui s’est imposée du fait d’une gestion extrêmement personnaliste, autrement dit liée à la personnalité de Chavez et à ses anneaux de loyauté (l’Académie militaire, sa famille, ses amis d’enfance et de

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militantisme). L’anecdote d’une ancienne ministre de l’Economie populaire autour de la découverte d’un réseau de corruption dans une entreprise publique nous rappelle que bien que Chavez ait été mis au courant, la plainte n’a jamais abouti.

Conclusions provisoires

15 Est-on, pour autant, face à l’émergence d’une classe d’apparatchik dans le plus pur style stalinien ? Si l’on en croit la rotation dans les postes de l’Exécutif, il semblerait que oui. Celui-ci est marqué par un faible renouvellement mais d’une grande instabilité. Elle s’accentue aussi avec l’arrivée de Maduro au pouvoir en 20137.

16 Néanmoins, parler de dictature serait excessif et ce, dans la mesure où il existe encore des poches de démocratisation « populaire », des élections (bien que reprogrammées), des pouvoirs en tension qui accusent l’idée d’un Etat en dispute.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. Entre 1996 et 2017, les membres actifs des armées sont passés de 35000 à 115000, le nombre de tanks a presque triplé, celui des hélicoptères presque quintuplé (Centeno M.A., 2014 : 49, Global Fire Power, 2017). 2. Basées sur le modèle chinois de flexibilisation territoriale. 3. Zones représentant 12% du territoire vénézuélien d’importants gisements miniers, et objet d’accords d’exploitation entre le gouvernement et des entreprises étrangères. 4. Ce terme englobe l’idée que l’Etat doit neutraliser toute force politique possédant des intérêts particuliers et constituer une instance « neutre » de gestion efficace. 5. Avant elle, des scissions moins cinglantes ont eu lieu avec le retrait silencieux de personnalités politiques comme Jorge Giordani ou Temir Porras. 6. Les opérations de libération du peuple sont des « descentes » policières et militaires très musclées dans les quartiers populaires pour attaquer au plus près la délinquance. 7. « En moins de quatre ans, [Maduro] a eu 99 ministres, 65% du total qu’a eu Chavez en 15 ans » (El Nacional , 2017). De la même manière, entre 1999 et 2008, un ministre en moyenne occupait son poste durant 16 mois (Aponte C., 2016 :18).

AUTEUR

MILA IVANOVIC

Mila Ivanovic est docteure en sciences politiques à l'Université Paris-8, chercheuse associée au Labtop-Paris 8 et Flacso-Ecuador.

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Le mouvement syndical vénézuélien face à la crise du printemps 2017. Entre marginalisation des uns et cooptation des autres

Thomas Posado

Introduction

1 Le mouvement syndical vénézuélien est marqué, depuis ses origines, par « un haut niveau de politisation » (Ellner S., 1995 : 11). Il a connu de profondes mutations durant la présidence Chávez. En l’espace de dix ans, trois centrales syndicales sont successivement majoritaires. La confédération historique, la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), perd son leadership en 2003 après avoir participé aux tentatives de renversement d’Hugo Chávez. Les partisans du chef de l’État créent alors une centrale syndicale parallèle, l’Union nationale des travailleurs (UNT). Celle-ci entre rapidement en crise avec la polarisation des forces syndicales pro-gouvernementales autour de deux clivages autonomie ou dépendance à l’égard du gouvernement, priorité aux revendications économiques ou prévalence de la défense du processus politique. En 2011, les défenseurs des secondes propositions fondent avec le soutien du gouvernement la Centrale bolivarienne socialiste des travailleuses et des travailleurs du Venezuela, de la Ville, des champs et de la pêche (CBST-CCP) (Posado T., 2013a). Son président la définit comme « une centrale politico-syndicale pour réaliser la continuité entre le haut gouvernement et la classe ouvrière »1. Quel a été le rôle du mouvement syndical dans cette crise actuelle combinant polarisation politique forte et inflation galopante ?

2 La littérature scientifique nous enseigne qu’un contexte d’hyper-inflation peut être une opportunité pour le renforcement du mouvement syndical (Bain G. et F. Elsheikh, 1976 : 62-63). Pourtant, dans le Venezuela contemporain, sa subordination à l’agenda politique en fait un acteur dominé que ce soit dans la coalition de l’opposition ou dans

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celle du gouvernement. Nous allons analyser le comportement du mouvement syndical face à la crise du printemps 2017 dans un premier temps, à travers les actions des uns avec l’opposition, puis la cooptation des autres dans l’Assemblée nationale constituante (ANC) convoquée par Nicolás Maduro.

Un syndicalisme d’opposition marginalisé

3 Entre décembre 2001 et février 2003, la CTV s’associe à Fedecámaras, la fédération rassemblant les entrepreneurs, dans l’organisation de tentatives insurrectionnelles contre le gouvernement Chávez. Durant le coup d’État militaire avorté d’avril 2002, les dirigeants de la CTV se réunissent au palais présidentiel avec les putschistes sans participer à leur éphémère gouvernement. Le président de la CTV, Carlos Ortega, est l’un des principaux acteurs du blocage de l’économie de décembre 2002 à février 2003. Cette stratégie correspond davantage aux volontés des hauts cadres de l’entreprise pétrolière que des salariés moins qualifiés. Les travailleurs de base résistent dans de nombreux cas à ce blocage de l’économie. Avec le redémarrage d’entreprises sous contrôle ouvrier, le Venezuela connaît à cette période un « éclair autogestionnaire » (Petras J. et H. Veltmeyer, 2002). De nombreux dirigeants syndicaux s’opposent à cette paralysie à partir de raisons diverses, les militants les plus radicaux pour « affronter le coup d’État et la grève patronale »2 jusqu’aux présidents de fédérations en désaccord « d’une manière très respectueuse » avec un mouvement « en train de violer la Constitution »3. Ces événements coûtent son hégémonie à la CTV qui voit nombre de ses fédérations se désaffilier de leur confédération historique au profit de l’UNT naissante. Des tensions naissent rapidement au sein de cette dernière entre les uns qui gagnent en manœuvre avec l’effondrement de la structure bureaucratique de la CTV et les autres, animés par une logique plus gestionnaire en lien avec le gouvernement, premier employeur du pays.

4 Quatorze ans plus tard, la mobilisation du syndicalisme d’opposition suit des modalités très différentes. Des journées de grève générale ont été organisées pour forcer le gouvernement de Nicolás Maduro à renoncer à l’élection de l’Assemblée nationale constituante, les 20, 26 et 27 juillet. Á la différence de ce qui s’est passé entre 2002 et 2003, c’est la coalition politique d’opposition, la Table de l’unité démocratique (MUD) qui est à l’origine de l’appel. Autre différence, des forces syndicales issues du chavisme telle l’UNT participent à ces initiatives. Enfin, leurs conséquences ne furent pas les mêmes. Les organisateurs arguent une paralysie de 92 % de l’activité lorsque le gouvernement affirme que la normalité est maintenue. Toutefois, ces journées de grève n’ont pas constitué le cœur du répertoire d’action des quatre mois de mobilisation de l’opposition, reléguées quelques jours avant la tenue de l’ANC à une solution de la dernière chance aux conséquences limitées.

5 Pourtant, la crise que connaît le Venezuela depuis plusieurs années offre au mouvement syndical plusieurs revendications majeures susceptibles de mobiliser des travailleurs. Hugo Chávez avait instauré un ajustement annuel du salaire minimum mais avec l’hyper-inflation croissante à partir de 2013, malgré le caractère pluriannuel des augmentations, celles-ci ne suffisent pas pour compenser la hausse des prix. Le salaire minimum ne représente désormais que 10,3 % du panier alimentaire d’un foyer et seulement 7,9 % du panier basique incluant également les dépenses de santé, de logement… Même en prenant en compte les tickets-restaurants qui compose désormais

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la majorité des revenus d’un travailleur au salaire minimum, une famille vénézuélienne ne possède respectivement que 24,5 % et 18,7 % des deux paniers précédemment cités.

6 Dans un contexte d’impopularité croissante du gouvernement Maduro, les institutions favorables à l’exécutif (Tribunal suprême de justice (TSJ), Conseil national électoral (CNE)) reportent des élections syndicales majeures. Dans l’entreprise sidérurgique, SIDOR, prévues en janvier 2015, elles n’ont toujours pas eu lieu deux ans et demi plus tard. Dans l’entreprise pétrolière, PDVSA, le mandat de la direction du syndicat est achevé depuis 2014, les élections syndicales, prévues en août 2016, ont été maintes fois reportées en septembre 2016, en novembre 2016, puis sine die. Dans le secteur électrique, elles ont été suspendues sans qu’aucun chronogramme n’ait été publié. Dans ces firmes stratégiques, les protestations sont anciennes (Posado T., 2013) mais l’ajournement des comices trahit la crainte du gouvernement de voir des opposants, souvent de gauche, l’emporter.

Un syndicalisme pro-gouvernemental coopté

7 Les partisans syndicaux du gouvernement regroupés dans la CBST-CCP condamnent les violences des opposants « terroristes » durant la crise du printemps 2017 et se mobilisent pour l’ANC. Nicolás Maduro en personne a menacé les travailleurs du secteur public et les bénéficiaires de programmes sociaux de représailles en cas d’abstention. On a même pu entendre un dirigeant syndical comme Juan Salazar dans le secteur pétrolier menacer de licenciements les travailleurs qui ne participeraient pas au scrutin.

8 Le mode de désignation très particulier de l’ANC réserve une représentation aux travailleurs de 79 sièges, répartis en neuf sous-secteurs : 17 pour ceux de l’administration publique, 14 pour ceux des services (public et privé), 12 pour ceux de l’aire sociale, 11 pour ceux du commerce et des banques et autant pour de l’économie populaire et indépendante, 6 pour ceux des industries, 4 pour ceux de la construction, 2 pour ceux du transports et autant pour ceux du pétrole et des mines.

9 Cette ANC soulève un certain nombre de polémiques (forte surreprésentation des zones rurales où le chavisme a davantage de forces, répartition opaque des différents secteurs, non-convocation d’un référendum préalable) qui conduisent l’opposition à ne pas y participer. Il a été constaté que des candidats ayant rempli toutes les conditions légales n’ont pas pu se présenter et, selon Stalin Pérez, pourtant favorable à l’Assemblée constituante, que des candidats critiques du gouvernement implantés dans un secteur donné, pouvaient être déclarés, par les instances électorales, candidats dans un autre secteur où leur notoriété était plus faible (Pérez Borges S., 2017).

10 Á travers le collège des « travailleurs », ce sont des dizaines de syndicalistes qui sont devenus constituants, principalement les plus hauts responsables des confédérations syndicales. L’élection dans ces sous-secteurs a eu lieu au scrutin de listes, numérotées par le CNE. Les listes n°1 concentrent les dirigeants de la CBST-CCP et les personnalités de confiance du gouvernement et obtiennent dans chacun des sous-secteurs de larges majorités face à des militants isolés, pour la plupart présentés de manière uninominale4. Ces listes n°1 emportent 63 des 79 sièges de constituants à pourvoir. Parmi eux, tous ne sont pas des salariés ou des militants syndicaux, on retrouve par exemple le fils unique du chef de l’État, Nicolás Maduro Guerra, un acteur de telenovela, Roberto Messuti, un animateur d’une émission de télévision polémique,

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Mario Silva, des chanteurs comme Gino González ou Rodbexa Poleo, un militaire ayant dirigé des entreprises publiques comme Euclides Campos, des députés ou des anciens députés chavistes comme Willian Gil ou Alberto Aranguibel, mais ce sont surtout des dizaines de dirigeants syndicaux de la CBST-CCP qui entrent dans l’ANC. On retrouve par exemple l’intégralité du secrétariat politique, l’instance maximale de la centrale syndicale regroupant le président, le coordinateur général et les sept vice-présidents. Nous avons étudié la trajectoire de ces dirigeants dans le cadre d’un précédent article et constaté que nombre d’entre eux sont issus des anciens partis dominants avant Chávez et de ce fait, d’autant plus inconditionnels à l’égard du gouvernement qu’ils ont une faible légitimité militante à lui opposer (Posado T., 2015).

11 La Force Syndicale Bolivarienne des Travailleurs (FSBT), courant syndical fondé par Nicolás Maduro lui-même, obtient une part importante d’élus. Plus de 40 % de sa direction est désormais membre de l’ANC. On remarque d’ailleurs l’élection comme constituant de celui qui en a été le coordinateur de 2005 à 2010, ministre du Travail pendant l’année 2016, Oswaldo Vera.

Conclusion

12 Le syndicalisme vénézuélien est aujourd’hui en crise du fait de sa subordination auprès de deux coalitions dont les travailleurs formels ne sont pas le centre de gravité. Du côté de l’opposition, les classes possédantes constituent toujours la force motrice de la coalition. Ses forces syndicales sont minoritaires depuis l’échec des tentatives de renversement de Chávez entre 2002 et 2003. Du côté du gouvernement, la base sociale semble se rétrécir autour des bénéficiaires des Comités Locaux d’Approvisionnement et de Production (CLAP) et des militaires. La capacité de mobilisation des dirigeants syndicaux chavistes s’est affaiblie à mesure que son autonomie à l’égard du gouvernement a diminué. Cette donnée peut paraître paradoxale alors que Nicolás Maduro se définit régulièrement comme le « premier président ouvrier ».

13 L’ampleur du travail informel (oscillant entre 40 et 50 % durant la période) demeure un défi pour le syndicalisme vénézuélien. La refondation du mouvement syndical, au-delà de la marginalité des leaders de l’opposition et de la co-optation des dirigeants favorables au gouvernement, semble nécessaire. Les revendications de restauration du pouvoir d’achat ou de respect de la régularité des échéances électorales syndicales pourraient constituer un socle pour celle-ci.

BIBLIOGRAPHIE

Bain, George Sayers et Farouk Elsheikh, Union Growth and the Business Cycle, Oxford, Basil Blackwell, 1976.

Ellner, Steve, El sindicalismo en Venezuela en el contexto democrático (1958-1994), Caracas, Ed. Tropykos, 1995.

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Pérez Borges, Stalin, « Stalin Pérez Borges: "La ANC debe crear condiciones para un nuevo Estado verdaderamente democrático y participativo" », aporrea.org, 4 août 2017, https:// www.aporrea.org/actualidad/n312522.html , page consultée le 30 novembre 2017.

Petras, James, et Henry Veltmeyer, Autogestión de trabajadores en una perspectiva histórica, Buenos Aires, Topia / La Maza, 2002.

Posado, Thomas, « L’État régional du Bolívar au Venezuela. Reflet du désalignement entre le gouvernement chaviste et le mouvement ouvrier », Mouvements, n°76, 2013, p. 105-116.

Posado, Thomas, a) « Révolution et recompositions syndicales : le court été de l’autonomie syndicale », in Le Venezuela d’Hugo Chávez, bilan de quatorze ans de pouvoir, sous la direction d’Olivier Folz, Nicole Fourtané, Michèle Guiraud, Presses Universitaires de Nancy – Editions Universitaires de Lorraine, 2013, p. 193-220.

Posado, Thomas, « Renouvellement et institutionnalisation des centrales syndicales au Venezuela sous Chávez (2001 – 2011) », IdeAs, Idées d'Amériques, n°5 | Printemps/Été 2015, mis en ligne le 15 juin 2015, http://ideas.revues.org/832, page consultée le 30 novembre 2017.

NOTES

1. Intervention de Wills Rangel, Conférence de presse de la CBST-CCP, Caracas, le 21 août 2013. 2. Entretien avec Stalin Pérez, le 31 juillet 2013. 3. Entretien avec Juan Crespo, le 5 août 2013. 4. Les résultats ont été publiés sur http://constituyente2017.cne.gob.ve/

AUTEUR

THOMAS POSADO

Thomas Posado est docteur en sciences politiques à l’Université Paris-8 et chercheur au CRESPPA-CSU. Ses recherches portent sur les reconfigurations du champ syndical dans le Venezuela contemporain. Il est l’auteur de divers articles (Nuevo Mundo, 2013, Les Cahiers ALHIM, n°26, Les Etudes du CERI, n°187-188) et a, en outre, coordonné plusieurs dossiers de revue (Recherches Internationales n°93, n°107, ContreTemps, n°25, Cahiers des Amériques latines, n°85). [email protected]

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Causes structurelles de l'enrichissement personnel au Venezuela : relations institutionnelles et les nouveaux riches de la révolution bolivarienne

Eduardo Ríos Ludena

Introduction

1 Les preuves d’enrichissement personnel d’hommes d’affaires connectés au gouvernement vénézuélien qui foisonnent dans la presse, ont ressurgi lors de ma recherche de terrain de douze mois à l’occasion de ma thèse doctorale au Venezuela. Des hommes d’affaires me demandaient de couper l’enregistrement pour donner, « off the record », des détails sur ces fortunes qui explosaient à l’ombre de l’État pétrolier1. Des journalistes d’affaires me faisaient part de contrats d’importations d’armes entre les mains de nouveaux riches notoires. Des journalistes des pages sociales rapportaient des fêtes extravagantes de personnes enrichies par la revente de bons de la république lors desquelles les invités d’honneur ressortaient avec des portables américains en remerciement de leur présence dans les salons de fête les plus exclusifs de la capitale. A l’occasion d’une lettre ouverte suite à sa destitution par Nicolás Maduro, le ministre du Plan d’Hugo Chávez, Jorge Giordani, a écrit qu’au moins 300 milliards de dollars auraient été dérobés à l’État vénézuélien par des sociétés écrans d’hommes d’affaires liés au gouvernement (Giordani J., 2014). La dernière de ces manipulations financières a vu une société de courtage inconnue (Dinausaur Group) se porter intermédiaire d’une opération de revente des bons de la république à, la banque d’investissement Goldman Sachs, à 69% du prix de vente pour 865 millions de dollars ; l’initiateur de l’opération était la Banque centrale du Venezuela.

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2 L’évidence de cette multiplication d’occasions pendant lesquelles des individus liés au gouvernement se sont enrichis personnellement grâce à leurs rapports personnels avec des bureaucrates se proclamant du socialisme du XXIème siècle, est souvent reprise par le discours politique. Des articles des deux camps de l’échiquier dénoncent régulièrement ces abcès de corruption. Cette critique – politique ou journalistique – de cas particuliers obscurcit les effets structurels qui les ont générés et qui ont été maintenus par des logiques d’inertie institutionnelle par la révolution bolivarienne. Cet article entreprend de dévoiler les causes structurelles de cet enrichissement personnel. Au centre de cette nouvelle logique structurelle se situe la réponse d’Hugo Chávez au coup d’Etat de 2002 puis à la grève générale organisée par le patronat fin 2002-début 2003. Suite à ces évènements, Chávez a coupé les ponts avec ce qu’il considérait être le monde d’affaires « traditionnel » dans le pays et a commencé à contrôler plus strictement l’attribution des dollars générés par l’industrie pétrolière à travers le système du contrôle des changes. Cette alchimie institutionnelle a réduit l’échange entre le gouvernement et le secteur privé à une relation avec des compagnies séparées dont l’objectif était l’attribution de pétrodollars. L’exemple des nouveaux riches à particule (les bolibourgeois et les bolichicos) illustre ces effets qui font partie d’un modèle structurel plus large. La relation entre le secteur privé et le gouvernement d’Hugo Chávez demande l’introduction d’une chronologie différente de celle normalement établie par les textes de sciences sociales sur la fin du bipartisme et de la IVème république qui le faisait vivre.

La rupture de 2002-2003

3 Le patronat dit « traditionnel » au Venezuela était particulièrement amoindri lorsqu’Hugo Chávez a pris le pouvoir en 1999. Contre l’idée reçue des processus de libéralisation économique en Amérique latine, l’apertura au Venezuela a réduit le pouvoir des grandes familles économiques de la deuxième moitié du XXème siècle. La compétition avec les compagnies étrangères et la libéralisation des taux d’intérêts ont érodé leur emprise sur le monde économique. Ce régime de libéralisation, sans agences régulatrices performantes pour en cadrer les conséquences, a enfanté la crise bancaire de 1994, la plus importante en pourcentage d’actifs affectés du XXème siècle. Cette crise a non seulement stoppé la croissance économique – au travers de l’interconnexion du monde financier avec d’autres secteurs comme le secteur commercial ou le secteur de la construction, par exemple. Elle a également réduit les faibles ressources dont disposait l’État vénézuélien et a profondément divisé le monde économique de l’époque. Le secteur bancaire le plus affecté a financé Chávez lors de sa campagne de 1998 ; Chávez a reçu des fonds d’un des milliardaires du pays – qui craignait les conséquences potentielles que l’arrivée au pouvoir de son adversaire le plus direct (Henrique Salas Römer) pourrait avoir sur leurs intérêts économiques. Salas Römer, le candidat en deuxième position lors des élections de 1998, était proche des milieux bancaires les moins affectés par la crise bancaire (Gates L., 2010).

4 Chávez est arrivé au pouvoir en 1999 sans avoir entretenu une relation de long terme avec les hommes d’affaires, mais avec des liens qu’il a tenté d’améliorer lors de ses premières années de gouvernement. Lors d’entretiens avec des journalistes économiques, des fonctionnaires dans les ministères chargés des affaires éconmiques et des hommes d’affaires qui ont eu des rapports avec l’État pendant ces premières

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années, j’ai pu recueillir des rapports concordants qui faisaient part de relations fluides avec le secteur privé entre 1999 et début 2003. Le gouvernement accompagnait les délégations du syndicat patronal (Fedecámaras) lors de négociations dans les Amériques. Le chavisme au pouvoir a fait voter la loi de libéralisation du marché des télécommunications qui a ouvert le marché (il y avait une entreprise, ancien monopole public, et une compagnie détenue par un des milliardaires du pays) aux investisseurs internationaux. Cette loi était dans la continuation directe de la première loi de télécommunications votée par Carlos Andrés Pérez dans les années 1990. Le début des années 2000 a également vu la consolidation de groupes bancaires dont un qui a permis à Juan Carlos Escotet de devenir, à terme, le troisième milliardaire du pays.

5 Á la suite des décrets-lois de 2001 (leyes habilitantes), le patronat a commencé à se distancer d’Hugo Chávez. Cette confrontation a atteint son acmé lors du coup d’État de 2002 qui a porté le patron de Fedecámaras à la tête du pays pendant quelques heures2, puis de la grève générale organisée par les patrons et les managers de l’industrie pétrolière d’Etat. Á la suite de ces confrontations, Chávez a coupé les relations institutionnelles avec le secteur privé « traditionnel » et a instauré un régime de taux de changes géré par Cadivi (Commission d’administration des devises). Le monde économique du début des années 2000 n’était pas un monde dominé par une vieille oligarchie qui se serait fait détrôner par Hugo Chávez. Le chavisme s’est imposé sur un monde économique recomposé, formé en partie par les nouvelles fortunes des années 1980 et 1990. Du point de vue du champ économique, c’est ce nouveau monde qui s’est confronté à Hugo Chávez en 2002-2003 ; c’est ce nouveau monde que Chávez a cherché à apprivoiser.

6 Cadivi a été créée pour faire face à la fuite de capitaux provoquée par l’incertitude politique de l’année 2002. L’agence attribuait des dollars aux hommes d’affaires et aux particuliers qui déposaient un dossier de demande. Cette solution a permis de réduire l’offre dans le marché des changes dans le pays, en même temps qu’elle donnait les moyens au gouvernement de contrôler discrétionnairement l’attribution de dollars aux compagnies. La concomitance d’une rupture des liens institutionnels – ou réglementaires – avec le monde des affaires et de la création d’une agence qui contrôlait l’attribution de dollars au cas par cas a généré une structure économique qui donnait un avantage considérable aux hommes d’affaires qui parvenaient à discuter avec des membres du gouvernement. Cet avantage leur permettait d’accéder à des informations privilégiées mais aussi de revendre leurs dollars sur le marché noir pour gonfler leurs marges. Ces dollars pouvaient être obtenus à travers l’achat de bons de la république, par l’obtention de contrats en monnaie étrangère et aussi par l’obtention de dollars qui étaient écoulés via des compagnies écran dont le seul but était l’accès aux fonds publics.

7 L’apparition de la – la bourgeoisie de la révolution bolivarienne – est la preuve la plus évidente de ce système qui récompensait l’accès direct aux ministères par l’enrichissement personnel ; système qui a été maintenu sous Nicolás Maduro. Cependant, ces cas médiatisés ne permettent pas de saisir comment ces inter-actions ont contribué à la création d’une structure économique qui entretenait la séparation entre les hommes d’affaires liés au gouvernement et le reste du monde économique créant de fait des intérêts puissants qui ont empêché toute transformation du monde économique au moment de la crise à partir de 2012.

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Une fenêtre d’opportunité politique : l’apparition des bolibourgeois

8 La bolibourgeoisie permet de donner un exemple concret des logiques structurales que nous décrirons ci-dessous. Le nom bolibourgeoisie a été donné par un journaliste économique en référence aux bénéfices directs qu’ont retirés une série d’hommes d’affaires suite à la rupture entre Chávez et le patronat dit « traditionnel ». Les exemples de Ricardo Fernandez Barruecos et Willmer Ruperti mettent en évidence comment des « fenêtres d’opportunités politiques » ont donné pour résultat l’accumulation personnelle de biens économiques.

9 L’histoire de leur entrée dans le monde des affaires précède l’ascension d’Hugo Chávez. Cette idée de nouveaux riches est un déguisement utile qui sert leurs détracteurs dans le monde des affaires – qui peuvent se poser en représentants du vrai secteur privé – et un discours politique de gauche révolutionnaire qui peut ainsi prétendre que le gouvernement Chávez n’a jamais entretenu de relations avec des hommes d’affaires installés de longue date dans le pays. Willmer Ruperti avait intégré l’école de marine marchande et s’est spécialisé dans le transport pétrolier dès les annés 1990. Fernandez Barruecos avait une présence dans le monde des affaires à travers des investissements dans l’industrie thonière et les parkings. Les deux avaient également des contacts avec le gouvernement dès avant l’arrivée de Chávez. Fernandez Barruecos avait aidé à la mise en place de supermarchés subventionnés par l’État (supermercados casa) lors du gouvernement de Rafael Caldera (1994-98). Willmer Ruperti finançait des « hommes de l’ombre » de l’aile gauche du gouvernement Caldera. Bien que faisant partie de ce milieu d’affaires, leur fortune a explosé sous Hugo Chávez.

10 En 2002-2003, lors de la grève générale qui a provoqué une chute du PIB de 19% sur deux ans, le gouvernement a dû faire face à deux problèmes majeurs. Premièrement, la question pratique d’alimenter et de fournir le pays en pétrole. Deuxièmement, créer des lignes d’approvisionnement en nourriture qui étaient normalement servies par le secteur privé en grève. Fernandez Barruecos, qui avait déjà aidé le père d’Hugo Chávez (gouverneur de l’État de Barinas) à résoudre une crise alimentaire en 2000, a été appelé pour établir un plan de ravitaillement en urgence. Willmer Ruperti a rétabli les importations de pétrole dans le pays. Les deux ont fait un pari politique considérable en soutenant Hugo Chávez. Fernandez Barruecos a aidé le gouvernement à racheter les machines invendues auprès des compagnies productrices de camions de charge et à acheter des stocks dans les pays voisin pour fournir le pays. D’ailleurs, il s’est associé avec le narcotrafiquant Walid Mackled pour monter cette ligne de distribution. Willmer Ruperti a déplacé les navires qui empêchaient l’accès aux ports pétroliers vénézuéliens, et a même payé lui-même les premiers tankers qui ont fourni le Venezuela. En partie grâce à leur aide, le gouvernement a survécu à l’épreuve politique.

11 Les services rendus par Willmer Ruperti lui ont permis d’accéder au contrat de transport de pétrole de PDVSA vers les États-Unis pendant dix ans. Contrat qu’il a titrisé et revendu à la bourse de Caracas. Il a récupéré ses investissements dans les six mois. Il a notamment acheté une chaîne de télévision pour empêcher que l’opposition n’ait accès aux ondes de diffusion dans le pays. Fernandez Barruecos a obtenu le contrat de farine de maïs (produit de base de l’alimentation vénézuélienne) pour suppléer la qui, à son apogée, alimentait quotidiennement 13 millions de Vénézuéliens. On estime que les fortunes de Willmer Ruperti et Ricardo Fernández

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Barruecos ont atteint le milliard de dollars sous Hugo Chávez. Ricardo Fernandez Barruecos a été poursuivi en 2009 par ce dernier après s’être diversifié dans le monde bancaire. Willmer Ruperti continue à opérer dans le pays.

12 Le même type de circonstances exceptionnelles a permis à la compagnie Derwick de gagner ses premiers contrats pour la construction d’usines électriques dans le pays. Alors que le gouvernement faisait face à une crise énergétique sévère et déboursait 40 milliards de dollars sur deux ans, ces bolichicos, ou bolibourgeois de deuxième génération, se sont enrichis massivement et très rapidement. Ces très jeunes hommes d’affaires aident à faire vivre le mythe de cette nouvelle bourgeoisie enrichie par Chávez. Ils étaient tous de jeunes hommes sortis des meilleures universités du pays avec de longues histoires familiales dans le monde intellectuel vénézuélien. Ce que ces cas particuliers mettent en évidence est bien plus la solution politique trouvée par Hugo Chávez pour s’accommoder du monde économique existant que la preuve du bouleversement total qu’il aurait provoqué.

13 Ces exemples d’hommes d’affaires – il y avait très peu de femmes – qui ont profité de ces fenêtres d’opportunité politiques permettent de comprendre les raisons structurelles qui ont permis leur éclosion. Les exemples ponctuels d’enrichissement massif peuvent être interprétés comme des exceptions en temps de crise. Ils le sont par les responsables politiques proches du gouvernement cherchant à en limiter la portée. Cependant, pour paraphraser Michel Dobry, les crises mettent en évidence les caractéristiques profondes d’un système.

L’entretien de logiques structurelles d’enrichissement personnel

14 Le système d’enrichissement personnel permis par la reconfiguration post-2002 a généré une structure structurante, en ce qu’elle avait un effet d’inertie. Elle formait un Conatus au sens de Spinoza. L’exemple de la transformation de Fedecámaras (la fédération nationale des chambres de commerce et d’industrie dans le pays) après le coup d’État et la grève générale permet de passer d’exemples de corruption individuelle à une analyse préliminaire des structures économiques qui les ont produites. Le passage par une analyse en termes de carrières permet de montrer que les positions de pouvoir occupées par un agent dans le monde économique sont le produit de longues carrières qui agissent comme un processus de sélection à l’intersection de filtres opérés par le système scolaire, par les structures d’Etat et par les grandes organisations économiques elles-mêmes, avec un poids différent de chacun de ces facteurs selon le cas individuel observé. Si ces résultats sont classiques dans l’analyse du monde économique européen et nord-américain, elles sont encore parcellaires en ce qui concerne l’analyse des terrains latino-américains.

15 Pour accéder à la présidence de Fedecámaras il faut avoir occupé tous les rôles hiérarchiques dans les organisations de base, puis dans les organisations sectorielles, puis les postes de direction de la fédération elle-même. Vu que Fedecámaras est une organisation pro bono, les présidents de Fedecámaras ont non seulement vingt ans de carrière « syndicale », ils ont également vingt ans de pratique du monde des affaires vénézuélien. Ce processus de spécialisation dévoile un monde économique au Venezuela qui n’est pas uniforme, sans pour autant être rigide. Ces viscosités

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permettent d’expliquer d’une part la transformation qui s’est opérée au sein du monde économique privé au Venezuela et d’autre part en quoi cette transformation a contribué d’autant plus à solidifier la structure économique.

16 Exclus d’un accès institutionnel à l’État, les hommes d’affaires non-alignés avec le gouvernement se sont tournés vers une pratique économique qui permettait de capturer la rente pétrolière indirectement. Alors que les programmes sociaux de Chávez ont permis l’augmentation du pouvoir d’achat des plus démunis et des classes moyennes, les hommes d’affaires qui ne recevaient pas systématiquement de dollars de Cadivi ont restructuré leurs affaires pour écouler leurs marchandises à ces nouvelles classes moyennes et populaires financées par les prix du pétrole. Cette transformation a été mise en évidence dans l’accès à la présidence de Fedecámaras d’un nouveau groupe d’hommes d’affaires qui avaient construit leurs carrières pendant la libéralisation économique des années 1990 et qui avait été exclus de l’accès direct au fonds de l’État depuis l’arrivée de Chávez au pouvoir. Un de ces hommes d’affaires, pour l’anecdote, avait été président de la faction parlementaire d’un des partis de l’extrême- gauche pendant la quatrième république, La Cause radicale.

17 Cette analyse idéale-typique qui oppose, d’une part, des hommes d’affaires proches des structures de représentation du patronat qui accèdent indirectement à la rente pétrolière à, d’autre part, des hommes d’affaires connectés entreprise par entreprise au gouvernement et qui profitent de leurs contacts pour accéder à des dollars subventionnés, est réductrice, comme toute analyse idéale-typique3. Elle néglige par exemple l’importance de la relation très spéciale que le gouvernement entretenait avec les compagnies multinationales, pétrolières et non-pétrolières. Elle permet nonobstant de montrer les effets d’inertie de cette structure économique en temps de crise sous Nicolás Maduro.

18 La bolibourgeoisie est un groupe d’hommes d’affaires dont l’avantage comparatif – non pas la logique fonctionnelle – est l’accès aux fonds de l’Etat. L’autre groupe, dont l’avantage comparatif est de s’adapter au monde économique vénézuélien « indirectement », a pu utiliser bien plus facilement cette spécialisation lorsque la situation économique s’est dégradée et que les comptes publics se sont réduits considérablement. Ces hommes d’affaires liés au gouvernement se sont retrouvés dans une confrontation économique avec des hommes d’affaires bien mieux équipés qu’eux, pour ceux qui ont réussi à survivre aux années Chávez4. Ce désavantage pouvait également être préjudiciel pour le gouvernement qui risquait ainsi de perdre très rapidement ses réseaux d’hommes d’affaires qu’il avait construits avec difficulté. En temps de crise économique, ces hommes d’affaires liés au gouvernement sont ainsi devenus des vecteurs de soutien à cette structure économique qui leur promet encore l’enrichissement personnel. C’est pourquoi, après 30% de chute du PIB sur quatre ans de gouvernement Maduro et avec une augmentation de la pauvreté dramatique, des cas de corruption continuent à fuiter dans la presse. C’est l’évidence que le gouvernement a mis en place une structure structurante du monde économique vénézuélien qui garde encore de son inertie – par un pur effet d’hystérésis –, alors que les conditions économiques la rendent contreproductive.

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Conclusion : fragments pour une sociologie de la corruption

19 Tout système normatif circonscrit les modalités de violation de sa propre norme. Les excès repérés dans les médias et par la critique politique ne sont que des mises en évidence des effets normatifs qui soutiennent la structure qui produit la violation de la norme. La modalité de violation de la norme d’un système économique qui récompense l’accès individuel par l’enrichissement personnel est souvent qualifié de corruption. En cela, Chávez n’a pas inventé la corruption dans le pays. La quatrième république s’est délégitimée par accusations de corruptions interposées. Il a simplement remis en place un système d’incitations légales qui favorisait la corruption dans un monde économique qui avait une longue expérience dans la gestion des fonds publics. Toute chronique de la relation entre le secteur privé et l’État sous Hugo Chávez doit se lire dans cette rencontre entre les incitations d’Etat et les spécialisations du monde économique vénézuélien. Les bolibourgeois ne sont peut-être qu’anecdotiques, mais ils sont la porte d’entrée à une structure économique complexe que la chronique journalistique se refuse de voir en se concentrant sur des cas de corruption individuelle.

BIBLIOGRAPHIE

Coronil, Fernando, « State Reflections: The 2002 Coup against Hugo Chávez », in Thomas Ponniah et Jonathan Eastwood (dir.), The Revolution in Venezuela: Social and Political Change Under Chávez, Cambridge, MA, Harvard University David Rockefeller Center for Latin American Studies, 2011, p. 37‑65.

Gates, Leslie, Electing Chavez: The Business of Anti-neoliberal Politics in Venezuela, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2010.

Giordani, Jorge, « Testimonio y responsabiliad ante la historia », aporrea, 18/06/2014. https:// www.aporrea.org/ideologia/a190011.html, page consultée le 7 décembre 2017.

Rios Ludena, Eduardo, Embedding industrial policy in oil-states : The mixed-effects of an uncoordinated state and the strategies of the Venezuelan business elites at the close of an oil boom (2012-2014), Thèse de doctorat, Sciences Po Paris, 2016.

NOTES

1. Dans ce qui suit, les informations ont été données par les plus de 60 entretiens menés au Venezuela auprès de sources proches du monde des affaires dans le pays. 2. Il est possible de discuter les raisons pour lesquelles Pedro Carmona Estanga est arrivé à la présidence de la république. Il ne semble cependant pas être le « cerveau » du coup d’Etat (Coronil F., 2011).

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3. Pour une analyse bien plus longue des oppositions dans le monde économique vénézuélien veuillez vous référer à ma thèse de doctorat (Rios Ludena E., 2016). 4. Comme dans tout processus économique, de nombreux hommes d’affaires ont été très fortement attaqués par le gouvernement et ont soit fermé leurs entreprises soit vu leurs compagnies se faire exproprier par le gouvernement.

AUTEUR

EDUARDO RÍOS LUDENA

Eduardo Rios est docteur en sciences Politiques de Sciences Po Paris/Ceri (CNRS) où il a écrit sa these de doctorat sur les élites économiques et les politiques industrielles des états pétroliers. Il se prepare à publier des travaux sur les strategies des hommes d’affaires dans les états pétroliers et la structure du monde économique au Venezuela sous Hugo Chávez.

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Crisis histórica, gobernabilidad y reforma económica: hacia una nueva fase del extractivismo en Venezuela

Emiliano Teran Mantovani

La encrucijada del proceso bolivariano venezolano

1 El proceso bolivariano se encuentra en una encrucijada. La crisis que se vive en la actualidad no tiene precedentes en la historia del país. La economía vive una especie de desquiciamiento generalizado que se desbordó principalmente desde el derrumbe de los precios del crudo en 2014, siendo que las instituciones formales se encuentran socavadas, la corrupción ha hecho metástasis y las economías informales (en buena medida articuladas con grupos delincuenciales) adquieren un extraordinario auge. El PIB viene en caída sostenida desde 2014 (-3,9%, -5,7% en 2015, y dramáticos descensos que, ante la carencia de datos oficiales en el país, han sido estimados por el FMI en -16,5% para 2016 y -12% para 2017) (FMI, 2017); una inflación galopante que supera los 100 puntos en 2015, escala a 254% en 2016 y se estima en 657% para 2017; una acelerada depreciación real de la moneda y un alto componente especulativo en el mercado negro de divisas; caída de la producción agrícola, industrial (Díaz A., 2017; Meza J.G., 2017) e inclusive petrolera –2.571.000 barriles de crudo diario para 2016– (PDVSA, 2017), lo que a la vez se vincula con una notable escasez de bienes de consumo, alimentos y medicinas; descenso sostenido de las reservas internacionales –10.035 millones US$ en junio de 2017 (BCV, 2017), su monto más bajo en 21 años–; y una deuda externa bruta que, según Cepal, alcanza los 132 mil millones US$ en 2016 (CEPAL, 2017).

2 Todo esto se ha desarrollado en el contexto de la ausencia física del presidente Hugo Chávez (2013), que ha generado una crisis hegemónica y fragmentado el mapa de actores y los campos en disputa. El conflicto político se ha hecho cada vez más intenso hasta tomar un cariz bélico extremadamente peligroso, donde el contrato social ha sido

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desbordado y los marcos democráticos notoriamente vulnerados por los actores en pugna. Venezuela ha estado en el ojo del huracán geopolítico, y la agresiva política exterior que impulsa el Gobierno de los Estados Unidos en su contra ha tenido un importante rol en este proceso, destacando la reciente imposición de sanciones financieras al país, que prohíben negociaciones sobre nuevas emisiones de deuda y bonos por parte del Gobierno venezolano, entre otras restricciones (Trump D., 2017).

3 Pero esta situación no es sólo el resultado de una escalada súbita de factores críticos, o bien se detona únicamente por el estallido de un conflicto político reciente o por factores exógenos de intervención, sino que también es el desenlace de un punto de bifurcación en el cual, en el proyecto bolivariano se optó por la profundización del extractivismo y, por tanto, se reforzaron los anclajes históricos con la enorme dependencia que genera, y los terribles impactos económicos, sociales y ambientales que produce.

4 Este punto de bifurcación se configuró en el período de hegemonía y radicalización del proyecto chavista (2004-2009), el cual se abre luego de la muy conflictiva, inestable y «reformista» primera etapa (1999-2004). En este, se van a desarrollar las condiciones más favorables para una agenda popular y revolucionaria que tal vez se hayan tenido nunca en toda la historia contemporánea de Venezuela, al calor además del boom de las materias primas.

5 El surgimiento y despliegue del Socialismo del Siglo XXI –que posteriormente iba también a ser nombrado como «eco-socialismo»− como programa fundamental del Gobierno Bolivariano, se va a producir en consonancia con la primera oleada de reestructuración económica del proceso revolucionario (de perfil desarrollista/ modernizador), en la cual prácticamente todos los proyectos y emprendimientos económicos de gran escala son revisados, reformulados, relanzados y en su gran parte estatizados. Se trata de un re-impulso del extractivismo a escala nacional, con la Faja Petrolífera del Orinoco como gran bastión, la reorganización y promoción de polos de desarrollo, proyectos de infraestructura energética y conexión con los planes regionales IIRSA –con apoyo de Brasil−, el surgimiento en 2011 del entonces y todavía no tan controvertido «Arco Minero de Guayana», y la misión de convertir a Venezuela en una «Potencia Energética Mundial» que, entre otras cosas, extraerá 6 millones de barriles de crudo diario para el año 2021. La sistematización de toda esta geo- arquitectura extractivista era finalmente sintetizada y presentada de manera detallada y codificada en 2012, con el «Plan de la Patria» 2013-2019.

6 Aquí es donde se consolida eso que en el debate latinoamericano reciente se ha llamado el «neo-extractivismo progresista» (Gudynas E., 2009; Svampa M. 2013; Acosta A. 2011), el cual mantiene este patrón económico de extracción masiva de materias primas para la exportación, ahora con un Estado que se hace más activo, que capta mayores rentas y genera una repartición de las mismas dirigidas a programas sociales, lo que le otorga mayor legitimidad social. Esta lógica rentista de alto impacto social y ambiental, magnificada por un nuevo fenómeno de «enfermedad holandesa» y perturbada por la crisis económica mundial (2008-2009), acentuó los factores estructurales de agotamiento del capitalismo rentístico venezolano –la larga crisis 1983-2017– (Baptista A., 2010; Teran Mantovani E., 2014) y marca determinantemente el rumbo actual de la Revolución Bolivariana.

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Hacia una nueva fase del extractivismo en Venezuela

7 Luego de un período de estancamiento del proceso bolivariano (2009-2013), nos encontramos en esta etapa que podemos denominarla de caotización económica y beligerancia política (2013-2017). Los factores descritos han configurado las condiciones para un significativo giro del régimen político y económico dominante desde los inicios de la Revolución Bolivariana: nacionalismo energético, democracia participativa y protagónica, economía anti-neoliberal en favor de los más desfavorecidos y soberanía nacional. Esto se ha traducido, al menos desde 2014, en una reorganización de la composición del conjunto de actores hegemónicos; de los marcos de negocios y organización geo-económica del territorio –resaltando la Agenda Económica Bolivariana y sus 15 «Motores Productivos»−; y de los esquemas de gobernabilidad, todo lo cual parece encuadrado en la «plenipotenciaria» Asamblea Nacional Constituyente, instalada formalmente el 4 de agosto de 2017.

8 A partir del conjunto de políticas que han sido propuestas y ejecutadas en este período, es posible adelantar algunos rasgos generales de este giro del extractivismo en el país: a. El impulso de políticas de flexibilización económica y un «régimen especial de inversiones» (como lo ha llamado el ministro de petróleo, Eulogio del Pino) (AVN, 2017), como se evidencia, por ejemplo, con la aparición de figuras de participación mayoritariamente privadas en casos particulares contemplados para actividades petroquímicas, como lo explicita la reforma de la Ley Orgánica para el Desarrollo de las Actividades Petroquímicas (Decreto N° 2.171, Gaceta No. 6.210 Extraordinario, 30/12/2015); o bien formas de flexibilización en las propias políticas de territorialización, como la creación de las Zonas Económicas Especiales o Zonas de Desarrollo Estratégico Nacional (Ley de Regionalización Integral para el Desarrollo Socioproductivo de la Patria, Decreto N° 1.425, No. 6.151 Extraordinario, 18/11/2014), que implican una liberalización radical de territorios para un «desarrollo» acelerado de los mismos. b. Ampliación planificada de las fronteras y cuotas de la extracción a escala nacional, donde resalta el relanzamiento del mega-proyecto «Arco Minero del Orinoco» (AMO), una amplia zona de 111 846 kms2 (12% del territorio nacional) ubicada en los estados sureños de Bolívar y Amazonas, con áreas ricas en oro, coltán, diamantes, hierro, bauxita, entre otras, que a la vez se solapan con delicadas zonas de reserva naturales y territorios indígenas. Se han anunciado negociaciones con unas 150 empresas internacionales, planteándose una nueva importancia histórica para la minería en el país. En la actualidad se ha concretado la conformación de empresas mixtas como «Siembra Minera» (proyecto «Las Brisas», oro) o «Parguaza» y «Oro Azul» para la extracción de coltán. También resaltan los proyectos de inversiones foráneas para el incremento de la «producción» en la Faja Petrolífera del Orinoco, lo que en conjunto con el AMO evidencia que estamos ante la configuración de un nuevo núcleo geográfico de extracción en la cuenca del río Orinoco, que progresivamente podría suplantar en importancia a las tradicionales cuencas petroleras de la zona norte del país. Por último, destacan la búsqueda de reconexión de pozos en el occidente del país; relanzamiento de los grandes proyectos gasíferos offshore, con el proyecto Cardón IV en la península de Paraguaná como punta de lanza; re-impulso y reactivación de las obras del Puerto de Aguas Profundas de la península de Araya; la reactivación de minas que cayeron en el reciente período de crisis como Loma de Níquel y Carbozulia, junto a proyectos más pequeños de minería no metálica en varias partes del país; así como la creación de la Faja Pesquera en la fachada Caribe-Atlántica; entre otras. c. Vinculación del relanzamiento del extractivismo con el endeudamiento público externo a través de mecanismos de financiarización masiva de los «recursos naturales», tales como la

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certificación de reservas (Proyecto Magna Reserva Minera), o el pago de deuda con commodities, como fuese propuesto por el ministro Del Pino para levantar la «producción» de Carbozulia, ofreciendo el carbón de «alta calidad» como retribución a las transnacionales. d. Alianza directa y formal entre el sector militar y corporaciones transnacionales para la gestión de emprendimientos extractivos, como ocurre con la conformación de la empresa militar Camimpeg (Compañía Anónima Militar de Industrias Mineras, Petrolíferas y de Gas, Decreto No. 2.231. Gaceta No. 40.845, 10/02/2016) y su asociación en empresas mixtas en el Arco Minero del Orinoco. e. Configuración de los marcos de un estado de excepción permanente, el cual se ha materializado a través de decretos desde enero de 2016, declarando el «estado de excepción y emergencia económica en todo el territorio nacional», y siendo prorrogados continuamente. En el Decreto N° 2.849 del 13 de mayo de 2017 se indica que podrán ser restringidas las garantías para el ejercicio de los derechos consagrados en la Constitución, con algunas salvedades. f. En este marco de «situación extraordinaria», de intenso conflicto político en el país y de las sanciones económicas impuestas a Venezuela por el Gobierno de los Estados Unidos de Norteamérica, se impulsa una creciente militarización de todos los ámbitos de la vida, junto a mecanismos de intervención policial directa en barrios urbanos y rurales, y zonas de minería ilegal (como la llamada «Operación de Liberación del Pueblo» - OLP) y la securitización militar de las áreas de «recursos naturales estratégicos».

9 Este es el marco político que se está configurando en este período post-2013 en Venezuela, el cual, como se evidencia, reformula los términos y la intensidad de los procesos de apropiación y capitalización de la naturaleza y de los esquemas de gobernabilidad. Nos encontramos ante la segunda oleada de reestructuración económica de la Revolución Bolivariana, pero esta vez en el contexto de un nuevo escenario histórico de acumulación por desposesión en el país y un proceso de (re)colonización de las nuevas fronteras de las commodities, lo que en concreto está representando un asalto final a los pueblos indígenas y las últimas áreas protegidas del país, así como un socavamiento de los medios de vida de todos los venezolanos.

10 La alianza fundamental de poder planteada entre el sector militar y las corporaciones transnacionales, traza las rutas más estables y predecibles del rumbo económico a partir del mapeo de los «recursos naturales», al tiempo que parece conformar un esquema de gobernabilidad que garantice la viabilidad de los cambios económicos en curso, lo que hace que las formas más democráticas que caracterizaron previamente a la Revolución Bolivariana se vayan poniendo en suspenso, mientras los entramados socio-territoriales son permeados por las lógicas de militarización y securitización.

11 En el contexto de lo antes expuesto y del agotamiento del período progresista en América Latina (Modonesi M., 2015; Peters S., 2016; Svampa M., 2016), conviene resaltar que los rasgos del ‘neo-extractivismo progresista’ que han diferenciado a estos regímenes respecto a sus pares más conservadores, se van desvirtuando considerablemente y perdiendo vigencia, ante los cambios en curso. Parece que le decimos adiós a este régimen y sostenemos que estamos ante una nueva fase del extractivismo en Venezuela que con el transcurso del tiempo será necesario definir y caracterizar con mayor detalle.

12 El nacimiento de la Asamblea Nacional Constituyente (ANC) abre un período que se inaugura con una victoria política del Gobierno nacional, presidido por Nicolás Maduro. El escenario de confrontación, estado de excepción y el perfil despótico que se configura como régimen de gobierno, le otorga a la ANC un potencial de

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reordenamiento autoritario-militar-corporativo de la sociedad y de formalización de esta nueva política económica que se viene ensamblando. El objetivo sería derribar obstáculos significativos al capital o cercenar formas de contraloría política y la división de poderes; hacer prevalecer sobre todo los intereses de «Seguridad Nacional» y la razón de Estado; y generar marcos para la securitización y «pacificación» de la sociedad.

13 Ante esta situación y la debacle de la Mesa de la Unidad Democrática (MUD), parece que el principal actor que podría confrontar y detener estas tendencias tan regresivas son los segmentos más críticos, movilizados y politizados de las propias bases populares del chavismo. Esto, unido a un conjunto de organizaciones «outsiders» de la polarización que se encuentran atomizadas en todo el país, podría generar condiciones para el surgimiento de una masa crítica que haga resistencia a este desmontaje de los componentes progresistas del proceso bolivariano. El panorama no es alentador pero la volatilidad de la situación del país y sus altos niveles de incertidumbre otorgan mayores espacios a factores desencadenantes y nuevos escenarios.

BIBLIOGRAFÍA

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Díaz, Ana, «90% de los industriales afirma que su producción cayó a finales de 2016», El Nacional, 29 de marzo de 2017, http://www.el-nacional.com/noticias/economia/los-industriales-afirma- que-produccion-cayo-finales-2016_87807, página consultada 22 de octubre de 2017.

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Meza, José Gregorio, «Fedeagro: 2017 será un año de caída de la producción agrícola», El Nacional, 8 de mayo de 2017, http://www.el-nacional.com/noticias/economia/fedeagro-2017-sera-ano- caida-produccion-agricola_181094, página consultada 22 de octubre de 2017.

Modonesi, Massimo. «Fin de la hegemonía progresista y giro regresivo en América Latina. Una contribución gramsciana al debate sobre el fin de ciclo», Viento Sur, n°142, Madrid, octubre 2015, p. 28.

PDVSA, «Informe de gestión anual 2016», 2017, http://www.pdvsa.com/images/pdf/iga/ IGA_2016_Compilado.pdf, página consultada 22 de octubre de 2017.

Peters, Stefan, «Fin del ciclo: el neo-extractivismo en Suramérica frente a la caída de los precios de las materias primas. Un análisis desde una perspectiva de la teoría rentista» in Hans-Jürgen Burchardt, et al. (eds.), Nada dura para siempre. Neo-extractivismo tras el boom de las materias primas, Quito, Universidad Andina Simón Bolívar, 2016, p. 21-54.

Svampa, Maristella, «Consenso de los Commodities y lenguajes de valoración en América Latina». Nueva sociedad, n°244, 2013, p. 30-46.

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Teran Mantovani, Emiliano. «La crisis del capitalismo rentístico y el neoliberalismo mutante (1983-2013)», Fundación Celarg, Caracas, 2014.

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AUTOR

EMILIANO TERAN MANTOVANI

Sociólogo de la Universidad Central de Venezuela, mención «Magna Cum Laude» y Master en Economía Ecológica por la Universidad Autónoma de Barcelona. Es investigador en ciencias sociales orientado a temas sobre ecología política, extractivismo, movimientos sociales y alternativas al desarrollo. Correo electrónico: [email protected]

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Éclairages

Christian Azaïs (dir.) Le Brésil aujourd'hui, la descente aux enfers

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Le Brésil aujourd'hui, la descente aux enfers

Christian Azaïs

1 Pour illustrer cette rubrique Eclairages, il m’a semblé que seules des Brésilien-ne-s, chercheur-e-s en l’occurrence, avec une longue tradition de réflexion sur la société dans laquelle ils/elles vivent pourraient apporter un regard éclairé sur une situation qui n’arrête pas de se dégrader en termes démocratiques.

2 Ces chercheurs viennent d’horizons disciplinaires différents : du droit du travail, de l’économie et de la sociologie. Je désire les remercier pour leurs différents apports et leurs points de vue multiples sur une situation qui n’est pas neutre d’un point de vue politique. Mon choix s’est porté sur elles et eux car elles/ils illustrent le moment politique dans lequel se situe le Brésil aujourd'hui, après la destitution de la présidente Dilma Rousseff, élue démocratiquement. La violence avec laquelle les droits sociaux minima obtenus grâce à la Constitution progressiste de 1988 sont bafoués est la thématique centrale des contributions présentées ici. En contrepoint, un entretien avec un économiste, défenseur de la réforme de la sécurité sociale, pour qui cette réforme est indispensable sur le plan fiscal.

3 Il n’en reste pas moins que l’adoption de mesures ultralibérales éculées, la tentative de démantèlement dans un temps extrêmement court de toute protection sociale, menée sous l’impulsion du puissant groupe parlementaire ruralista (représentants des propriétaires terriens), constituent une régression sociale difficilement imaginable dans les pays du Nord en un si court laps de temps. Ces députés et sénateurs – sur un total de 513 parlementaires, 273 se revendiquent de cette mouvance (16 sénateurs et 257 députés), 190 représentent les entrepreneurs et les 50 restant les autres groupes d’intérêt (Jornal Valor Econômico, 15 janvier 2015) – soutiennent nombre de propositions au Congrès national, contraires aux droits indigènes garantis dans la Constitution de 1988, qui depuis près de trente ans protègent la diversité culturelle et environnementale brésilienne. Que désirent-ils ? S’approprier les terres indigènes, les unités de conservation, expulser les Indiens restants et pratiquer la culture extensive du soja ou d’autres plantes ou d’élevages qui leur garantiront un retour sur investissement important et à court terme.

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4 Ceci n’est qu’un exemple des mesures prises par le gouvernement et les parlementaires brésiliens, en défense d’intérêts corporatistes d’où est exclue toute considération qui pourrait servir aux intérêts de la majeure partie de la population.

5 Pour laisser au lecteur le soin et le plaisir de découvrir par lui-même la teneur des propos présentés dans les quatre articles qui composent cette section Eclairages, je me limiterai à l’indication des thématiques abordées, que je complèterai par un entretien mené au téléphone avec Fabio Giambiagi, économiste – que je remercie pour sa disponibilité – qui défend les mesures adoptées en matière de sécurité sociale. Fort de cet ensemble de considérations, je terminerai par quelques commentaires sur la nature du politique aujourd'hui.

6 Le texte de Ruy Braga met en avant les espoirs déçus d’une globalisation qui, à la fin des années 2000, plaçaient le Sud et les pays émergents – notamment les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) – dans le rôle de moteurs de la croissance mondiale. Désormais, l’enjeu est celui de la fin de la société salariale au Brésil. Les attaques contre la société salariale sont la manifestation d’une remise en cause des bases institutionnelles de la légitimité de l’Etat.

7 Liana Carleial centre son argumentaire sur la question du sous-développement et du choix délibéré du gouvernement actuel de contrecarrer toute possibilité d’en sortir à moyen terme. Selon elle, seule la reprise du processus démocratique pourrait constituer un espoir pour les générations futures.

8 Sayonara G.L.C. da Silva analyse les changements dans la législation du travail et pointe les attaques récentes contre les droits des travailleurs et la mise au pas des juges du travail et de la justice du travail. Elle décortique les dispositifs qui remettent en cause la manière de concevoir les relations professionnelles et insiste sur la précarisation croissante du monde du travail.

9 Lena Lavinas s’insurge contre l’idée selon laquelle « la Constitution ne peut rentrer dans le budget de la République », position qu’elle réfute catégoriquement, car c’est pour elle le moyen de justifier que les droits sociaux contenus dans la Constitution de 1988 appartiennent à un temps révolu et qu’il est grand temps de les revoir… à la baisse, car trop onéreux.

10 En contrepoint à ces contributions, les propos du Professeur Fabio Giambagi1, économiste, défenseur tenace de la réforme fiscale voulue par le gouvernement brésilien, pour qui la proposition de réforme fiscale présentée en décembre 2016 était ambitieuse. Elle s’attaquait de front aux pressions fiscales, mais à son grand dam, elle n’a pas passé la barrière du Parlement. En effet, lorsqu'elle est repassée devant le Parlement, au mois d’avril 2017, la proposition originale avait perdu 25 % de son impact sur le plan fiscal. La réforme proposée représentait alors un véritable séisme politique à un moment où le président de la République en exercice, Michel Temer, risquait de perdre son mandat et d’être victime à son tour d’un impeachment, comme sa prédécesseure Dilma Rousseff. Il fallait donc au gouvernement réunir le plus de députés possible susceptibles d’approuver la réforme et éviter à tout prix que les groupes populaires ne soient trop pénalisés. Pour ce faire, trois mesures emblématiques ont été écartées : • le recul de la retraite au-delà de 65 ans, pour certaines catégories de professions et éviter des départs très jeunes

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• le passage de la durée de cotisation limitée à 25 ans et non à 15 ans, comme c’est le cas aujourd'hui et • l’élévation de l’âge de départ à la retraite des travailleuses rurales de 55 à 57 ans.

11 L’abandon de ces trois mesures a redonné une marge de manœuvre au gouvernement, lui permettant de gagner en efficacité sur le plan fiscal tout en préservant ses chances de vote au Congrès. A l’heure qu’il est, alors que le passage à nouveau devant le pouvoir législatif est programmé aux alentours du 20 décembre 2017, la nouvelle proposition – qui a été écornée et ne représente plus que 60 % de la proposition initiale – a de fortes chances d’être approuvée avant la fin de l’année 2017. Si elle ne l’était pas, l’année 2018 étant une année électorale, le Brésil risque fort de voir cette réforme tomber aux oubliettes, ce qui aux yeux du professeur Giambiagi serait fort dommageable.

12 Tous ces textes, en pointant les soubresauts de la démocratie au Brésil aujourd'hui, posent la question de l’avenir du politique dans des « démocraties » où le parlement est soit un parlement croupion, une chambre d’enregistrement des décisions prises par l’exécutif, soit soumis aux caprices d’un individu inondant la sphère médiatique de ses tweets et faisant plusieurs fois par jour des déclarations plus contradictoires les unes que les autres, ce qui contribue à discréditer la démocratie telle qu’elle est entendue et vécue dans les sociétés occidentales contemporaines. Le Brésil n’est en aucun cas une exception dans ce panorama peu propice à l’expression démocratique.

NOTES

1. Je tiens à remercier M. Fabio Giambiagi pour l’entretien téléphonique qu’il m’a accordé et qui m’a servi à élaborer ces quelques lignes à propos de la réforme de la sécurité sociale, thème dont il est spécialiste.

AUTEUR

CHRISTIAN AZAÏS

Christian Azaïs est professeur de sociologie au Conservatoire national des Arts et métiers (Paris) et chercheur au Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (LISE) – UMR 3320, CNAM/Paris. Il a été professeur de science politique à l’Université fédérale de la Paraíba (Brésil), de 1982 à 1994, il mène depuis ce temps des recherches sur le travail, en Amérique latine et en France, principalement. Il a co-organisé avec Liana Carleial l’ouvrage La « zone grise » du travail – Dynamiques d’emploi et négociation au Sud et au Nord, paru en novembre 2017 chez Peter Lang.

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O golpe parlamentar e o fim dasociedade salarial no Brasil

Ruy Braga

Apresentação

1 Não é nenhum segredo que, a partir do início da década de 2000, a ascensão do chamado “Sul global”, isto é, esta região política e geográfica capaz de agregar tanto os processos de exploração nacional dirigidos pelas forças da financeirização do capital, quanto as lutas por projetos alternativos de transformação social e política, veio acompanhada de uma onda de esperanças em torno do aprofundamento da democracia e da mitigação das desigualdades sociais. Em grande medida, o aumento das expectativas, sobretudo em relação aos países da América do Sul, mas, igualmente, a África do Sul, a Índia e a Turquia, por exemplo, deveu-se a uma peculiar combinação de vitórias eleitorais de forças sociais esquerdistas, crescimento econômico e multiplicação de protestos contra a espoliação do bem comum.

2 Se bem é verdade que, como afirma Vijay Prashad, o Sul global é “(...) um mundo de protestos, um furacão de atividades criativas, capaz de produzir uma abertura cuja direção política não é fácil de definir” (Prashad, 2012: 18), tornou-se cada dia mais claro que a crise da globalização iniciada em 2008 fez refluir o otimismo original, substituindo-o pelo medo do recrudescimento do autoritarismo e do aprofundamento da segregação social. A grande recessão econômica que acompanhou o início da atual crise não apenas desorganizou os arranjos hegemônicos nacionais construídos durante décadas de mobilizações contra a exploração e a dominação, como colocou no centro do palco da política mundial o desafio da combinação entre acumulação econômica e legitimação política.

3 De fato, a partir de 2008, é possível perceber, em especial,no Sul global, o acúmulo das tensões sociais derivadas da necessidade dos Estados nacionaisestimularem o crescimento em um contexto recessivo eassegurarem a unidade das classes dominantes por meio da promoção de um nacionalismo reacionário, enquanto respondem violentamente ao avanço das formas mais ou menos inorgânicas de resistência popular.

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A reprodução do conflito entre acumulação e legitimação tem fortalecido tanto a financeirização do capital, a espoliação do trabalho e o crescimento lento sem a criação de empregos, quanto estimulado o nacionalismo, o autoritarismo e a corrupção estatal em uma escala sem precedentes.

A sociedade brasileira na crise da globalização

4 Por sua vez, o ataque global aos direitos sociais e ao bem comumtem sido enfrentado por táticas políticas contingentes, forças populares ainda em formação e coalizões programaticamente instáveis. Trata-se de um embate desigual entre um Estado acólito das finanças e uma resistência popular fragmentada cujo resultado mais visível até o momento foi o agudo estreitamento do espaço político assegurado pela repressão aos movimentos sociais, pela despolitização dos conflitos via estímulo ao consumo, pela cooptação de dirigentes das forças antagonistas epela erosão do espaço público. Quer estejamos falando da China, da Índia, da África do Sul, da Turquia ou da América Latina, o cenário repete-se: o choque entre a acumulação e a legitimação semeia o autoritarismo e a desesperança.

5 Aqui, vale lembrar que a informalização do trabalho acompanhada pelo estímulo governamental ao empreendedorismo dos subalternos, uma maneira de transformar o vício em virtude, tende a reforçar os efeitos deletérios deste choque. Afinal, em um contexto de erosão em escala mundial dos rendimentos do trabalho, as expectativas populares estimuladas pela ideologia do empreendedorismo fatalmente irão se frustrar tendo em vista o estreitamento dos mercados nacionais. O chamado capitalismo de plataforma não pode substituir a promessa da inclusão social via trabalho subjacente à sociedade salarial exatamente porque não ser capaz de estabilizar minimamente a condição proletária. Antes, trata-se de uma generalização da lógica da competição entre as classes subalternas afinada com o polo da acumulação, mas, completamente divorciada do polo da legitimação. Assim, a “uberização” do trabalho pode bem reforçar as pulsões populistas de direita que têm semeado a segregação social em diferentes contextos nacionais.

6 Apesar de ter chegado um pouco mais tarde na crise da globalização, a sociedade brasileira tem experimentado, desde o golpe parlamentar de 2016, um desmanche sem precedentes do projeto democrático social construído entre os anos 1940 e 1980. Trata- se do desaparecimento de um horizonte político, ou seja, da promessa da cidadania salarial no país. Portanto, a combinação entre o surgimento da proteção trabalhista e a ampliação dos direitos sociais com recursos assegurados constitucionalmente não apenas estimulou a industrialização do país, como também assegurou às classes subalternas brasileiras um patamar, ainda que mínimo, de bem-estar social. Para milhões de trabalhadores pobres e vivendo em condições precárias de vida ou de trabalho, a existência da Consolidação das Leis Trabalhistas (CLT) e da previdência social acalentava o sonho de um futuro melhor.1

7 Os efeitos sociais do desaparecimento deste horizonte político ainda não foram plenamente percebidos no país. Os ataques aos alicerces da cidadania salarial, isto é, a proteção trabalhista e previdenciária, ainda não se fizeram sentir por completo. Trata- se de um processo que levará ainda um par de anos para revelar todo seu potencial desagregador. No entanto, quando isso acontecer, o nível de ressentimento popular deverá se tornarcrítico. Afinal, as contrarreformas pós-impeachment estão

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desmantelando os principais instrumentos de redistribuição de renda do país, isto é, a previdência social e a CLT.

8 Ainda assim, enganam-se aqueles que imaginam que as contrarreformas relacionam-se apenas à trajetória da renda nacional. Os direitos sociais e a luta por sua efetivação deram forma a um inédito e legítimo espaço de disputas políticas que historicamente foi ocupado pelas classes subalternas nacionais. Afinal, foi o processo de ampliação da cidadania salarial que cimentou o consentimento das massas populares em relação ao Estado burguês no país. A partir, sobretudo, dos anos 1930, as greves e protestos sociais relacionados ao tenentismo e à criação do Partido Comunista do Brasil aprofundaram uma crise de hegemonia a qual o Estado Novo, isto é, a ditadura instaurada por Getúlio Vargas a partir de 1930, respondeu por meio de concessões protetivas aos trabalhadores. A regulamentação da jornada de trabalho e a lei do salário mínimo foram, aos poucos, consolidando-se após a promulgação da CLT em 1943.

O desmanche da sociedade salarial no Brasil

9 Tratou-se de um ciclo histórico de construção de um espaço legitimado pelo Estado para o conflito entre as classes no país. A “questão social” deixava, pela primeira vez na história brasileira, de ser tratada como um “caso de polícia”. Nas décadas de 1950 e 1960, consolidou-se uma identidade classista nacional que açambarcou o conjunto da classe trabalhadora, quer estivesse empregada na indústria fordista ou não. O“trabalhador nacional” tornou-se uma imagem central da cena política do país, protagonizando greves e garantindo o apoio a governos comprometidos com o esforço de industrialização nacional. A construção da sociedade salarial no Brasil, ainda que frágil e problemática, foi o fator chave para a superação da crise de hegemonia na qual o país encontrava-se inserido desde a década de 1920.2

10 A centralidade desse processo de construçãosocial era tão pronunciada que nem mesmo o golpe civil-militar do 1º de abril de 1964 foi capaz de alterar substantivamente, apesar dos interesses empresariais, a CLT, limitando-se, em 1966, a substituir a lei da estabilidade no emprego para aqueles que superassem 10 anos de trabalho pela criação do Fundo de Garantia por Tempo de Serviço (FGTS). Da mesma forma, a despeito de pequenas alterações na legislação trabalhista ocorridas nos anos 1970 que flexibilizou a contratação de força de trabalho em setores de apoio, como os vigias e seguranças, por exemplo, a democratização do país associado à intensificação do ciclo grevista nos anos 1980 redundou no coroamento da proteção do trabalho na forma do capítulo dos direitos sociais da Constituição de 1988.

11 A partir de então, a nova Constituição promoveria os direitos sociais e trabalhistas, elevando a proteção nacional das classes subalternas para um patamar inédito na história brasileira por meio, sobretudo,da criaçãodo Sistema Único de Saúde, além de definir fontes tributárias estáveis para os gastos sociais e para os investimentos em educação. Nem mesmo o colapso do modelo de desenvolvimento nacional- desenvolvimentista no final dos anos 1980 e duas décadas de hegemonia neoliberal estabelecida no país a partir do Plano Real, em fevereiro de 1994, foram capazes de impedir que a dinâmica da afirmação de direitos sociais por meio de lutas sociais democratizantes refluísse de maneira significativa.

12 Durante os governos Lula da Silva e Dilma Rousseff, apesar da manutenção do tripé macroeconômico neoliberal – formado por uma combinação entre as taxas de juros

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elevadas, câmbio flutuante e independência operacional do Banco Central –, houve aumento real do gasto social, ampliação da formalização do mercado de trabalho e investimentos em educação, algo que se alinhava, em linhas gerais, ao fluxo democratizante dos anos 1980. Na realidade, entre idas e vindas, é válido dizer que, o ciclo histórico marcado pela construção de uma sociedade salarial no país estendeu-se dos anos 1930 até 2016 sem enfrentar grandes contratempos. Este quadro mudou dramaticamente com o advento do golpe de 17 de abril de 2016.

13 A partir de então, aprovou-se um teto constitucional para os gastos públicos que atinge severamente os gastos sociais, sem alterar o principal gasto do governo federal que é sua conta de juros e de amortizações da dívida pública. Além disso, aprovou-se uma lei que permite a universalização da terceirização e uma contrarreforma da CLT que, em termos práticos, elimina a promessa da sociedade salarial para a imensa maioria dos trabalhadores brasileiros. Além de permitir a generalização do trabalho terceirizado e intermitente, atinge mortalmente a função dos sindicatos no país de fiscalizarem o respeito aos direitos trabalhistas pelas empresas por meio do princípio do negociado sobre o legislado, a contrarreforma votada pelo congresso nacional no dia 11 de julho de 2017 permite incontáveis formas de flexibilização da jornada de trabalho, colocando um ponto final naquele ciclo protetivo que, historicamente, iniciou-se há exatos 100 anos, com a greve geral do junho-julho de 1917 na cidade de São Paulo.

14 Agora, o congresso prepara-se para ampliar o tempo de contribuição para a aposentadoria, diminuir o valor das pensões e dificultar o acesso aos benefícios sociais pagos pelo sistema previdenciário. Muito provavelmente, o governo de Michel Temer conseguirá aprovar a contrarreforma da previdência, apesar de sua natureza antipopular e custosa em termos de apoio eleitoral. Caso obtenha êxito nesta empreitada, um governo ilegítimo e ultra-neoliberal terá conseguido realizar em dois anos aquilo que uma ditadura seguida por governos neoliberais moderados não forma capazes: sepultar a promessa da cidadania salarial, eliminando o polo protetivo e fazendo ruir um dos pilares centrais da legitimação do regime político no país. Sem a CLT e a aposentadoria, que tipo de legitimação os governos imaginam poder conquistar numa sociedade onde praticamente todas as dimensões do bem comum já foram mercantilizadas?

15 Na realidade, no lugar da cidadania salarial, assistiremos à universalização dos mecanismos típicos do capitalismo de plataforma que, na atual etapa tecnológica, servirão para reinventar mais uma vez os dilemas de nosso atraso social. Para avaliar melhor o significado histórico das contrarreformas pós-impeachment, talvez fosse útil uma rápida comparação com a África do Sul pós-apartheid. Também lá, uma onda de esperanças populares adveio da derrota do regime racista por uma sociedade civil mobilizada e liderada pelo Congresso Nacional Africano (ANC). No entanto, um verdadeiro Thermidor neoliberal seguiu-se à libertação política dos negros, aprofundando as desigualdades e, sub-repticiamente, reintroduzindo a segregação social, agora não mais baseada na cor da pele, mas no poder do dinheiro. O mercado de trabalho foi ainda mais informalizado e os empregos desapareceram, deixando um saldo de desempregados acima de 30% da PEA.3

16 O apartheid racial foi sucedido peloapartheid social e a segregação dos negros e dos pobres não se alterou significativamente. A escalada de violência social e xenofóbica vivida pelo país desde o início da crise da globalização revela como, na expressão de Chico de Oliveira, o “globalitarismo neoliberal” conduz à desintegração da sociedade.4

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Para assegurar a reprodução da ordem, segue-se um recrudescimento do autoritarismo estatal. O massacre dos mineiros ocorrido em agosto de 2012 no povoado de Marikana sintetizou tragicamente estas tensões sociais, anunciando aos trabalhadores negros que qualquer expectativa relacionada à cidadania salarial deveria ser eliminada de seu horizonte político. A partir de então, a relação entre os trabalhadores e o Estado passou a ser mediada pela gramática da violência social.

Considerações finais

17 Não há dúvidas de que, se o desmanche da sociedade salarial brasileira continuar avançando no ritmo atual, em breve, assistiremos a uma escalada semelhante. Sem o horizonte da proteção trabalhista e sem perspectivas de aposentadoria, os subalternos irão se perceber aprisionados em um espaço tão restrito de ação política que fará da desesperança a regra, divorciando litigiosamente as massas populares do Estado. O caminho contrarreformista e anti-popular escolhido por um governo ilegítimo é, não apenas economicamente ruinoso por atacar frontalmente os rendimentos daqueles que vivem do trabalho, como, politicamente suicida por erodir as bases institucionais da legitimidade do Estado.

18 O resultado da atual crise brasileira talvez seja o nascimento de uma sociedade tão desigual e violenta que não seja capaz de reconhecer a ilegitimidade de seus dirigentes. Os exemplos de Recep Erdoğan na Turquia, de Narendra Modi na Índia ou de Rodrigo Duterte nas Filipinas, servem de alerta: a crise da globalização fechou subitamente a janela de oportunidades para o progresso do Sul global, alçando o autoritarismo ao primeiro plano da cena política. Populismos direitistas multiplicam-se pelo mundo afora, alimentando-se da frustração das expectativas populares em relação ao futuro. No nosso caso, oatual desmanche da cidadania salarial é o combustível que alimenta a fogueira. Reverter esta situação exigirá o melhor das forças dos democratas.

BIBLIOGRAPHIE

Antunes, Ricardo. O continente do labor.São Paulo: Boitempo, 2011.

Barchiesi, Franco. Precarious Liberation:Workers, the State, and Contested Social Citizenship in Postapartheid South Africa. Nova Iorque: State University of New York Press, 2011.

Cardoso, Adalberto. A construção da sociedade do trabalho no Brasil: uma investigação sobre a persistência secular das desigualdades.Rio de Janeiro: FGV, 2010.

Oliveira, Francisco de. Quem canta de novo L’Internationale? Em Boaventura de Sousa Santos (org.), Trabalhar o mundo: os caminhos do novo internacionalismo operário. Rio de Janeiro: Civilização Brasileira, 2005.

Prashad, Vijay. The Poorer Nations: A Possible History of the Global South. Londres: Verso, 2012.

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NOTES

1. Para mais detalhes, ver Adalberto Cardoso, A construção da sociedade do trabalho no Brasil: uma investigação sobre a persistência secular das desigualdades(Rio de Janeiro, FGV, 2010). 2. Para mais detalhes, ver Ricardo Antunes, O continente do labor (São Paulo, Boitempo, 2011). 3. Ver Franco Barchiesi, Precarious Liberation:Workers, the State, and Contested Social Citizenship in Postapartheid South Africa (Nova Iorque, State University of New York Press, 2011). 4. Francisco de Oliveira, Quem canta de novo L’Internationale? Em Boaventura de Sousa Santos (org.), Trabalhar o mundo: os caminhos do novo internacionalismo operário (Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 2005).

AUTEUR

RUY BRAGA

Departamento de Sociologia da Universidade de São Paulo (USP)

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O projeto de abandono das possibilidades de desenvolvimento do Brasil

Liana Carleial

« Privatizar faz mal ao Brasil » (campanha dos petroleiros)

1 Num de seus mais importantes momentos de interpretação da América Latina e Brasil, Celso Furtado afirmou que o subdesenvolvimento não é um estágio para o desenvolvimento.Reverter a situação de subdesenvolvimento exigiria a definição explícita desse objetivo e a concepção de políticas públicas que permitissem atingir esse fim. Não seria tarefa fácil pois, a posição do Brasil na divisão internacional do trabalho era subalterna e a correlação de forças políticas internas nem sempre seria favorável. Os subdesenvolvidos, assim chamados, emergem com mais vigor no pós-segunda guerra mundial, reclamando um lugar num cenário dominado pelos países que estiveram mais perto das mudanças tecnológicas, desde a revolução industrial, e conseguiram ter alguma autonomia em construir centros/setores responsáveis pelo progresso técnico necessário à sua estrutura produtiva e às exigências da concorrência intercapitalista, num cenário de centralização de capitais.O subdesenvolvimento é responsável por uma estrutura produtiva pouco diversificada com repercussões sobre o mercado de trabalho, concentração de renda e pobreza.

2 O Brasil conseguiu, a partir dos anos trinta do século passado desafiar a sua condição, centrando esforços na construção de uma indústria que começou tímida, no entorno dos assalariados do café, mas que chegou em 1980 com uma estrutura que acompanhava a tendência mundial centradano complexo químico, metal-mecânica e, em tamanho, o parque industrial era maior do que os da Tailândia, China, Malásia e Coreia do Sul juntos(Cassiolato, 2001).

3 A implementação das medidas do consenso de Washington, pelos governos de Fernando Henrique Cardoso (FHC), do PSDB (Partido da Social Democracia Brasileira), notadamente abertura comercial e privatização, retirou elos importantes dessa estrutura e transferiu decisões importantes para as multinacionais que se instalaram no

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país.A medida provisória 727/2016 reedita os mesmos princípios do programa de desestatização dos governos Collor e FHC, sob a denominação de Programa de Parceria de Investimentos(PPI) com o objetivo de privatizar todas as empresas estatais, aeroportos, estradas, bancos públicos, e não há dúvidas de que as universidades públicas estão na mira.

4 Sim, o Brasil vive um momento político desolador, submetido a um golpe de Estado de natureza múltipla: parlamentar, jurídico e midiático, sem crime de responsabilidades e hoje, sabe-se, votado por parlamentares denunciados e votos comprados pelo ex- presidente da Câmara dos Deputados, Eduardo Cunha, preso apenas após a votação do impeachment no Congresso. Está em curso uma violenta ofensiva contra o Estado brasileiro e os serviços públicos garantidos pela Constituição de 1988. A investida tenciona mercantilizá-los, associando a isso uma fragilização de todas as políticas sociais em curso no país.Está de volta, o projeto neoliberal que associa o projeto desenvolvido pelo PMDB (Partido doMovimento Democrático Brasileiro, do presidente Temer): “Ponte para o Futuro”, divulgado em outubro de 2015 e a agenda neoliberal do PSDB, iniciada nos governos FHC e não implementada completamente naquele período. Em ambos, o que se impõe é a subordinação dos interesses do país e de suas gentes aos interesses da banca internacional, do mercado financeiro, em suma.

Para entender a complexidade do momento

5 A atuação do governo Lula, mesmo ancorado numa política macroeconômica que preservou o superávit primário, pagou juros altos e manteve a estrutura tributáriaregressiva conseguiu produzir mudanças significativas na economia e na vida das pessoas. A conjugação entre um ambiente externo favorável com grande liquidez internacional, baixas taxas de juros internacionais e uma melhoria significativa nos termos de troca, favorecendo o Brasil, permitiu que se explicitasse desde o Plano Plurianual (PPA) 2004-2007, a intenção de instalar no país um modelo de produção e consumo de massas que valorizasse o extenso mercado interno brasileiro. Os meios para isto foram estimular a formalização do mercado de trabalho, reduzindo o desemprego e a informalidade, promovendo a inclusão social. Associou-se ao projeto de investimentos públicos (Programa de Aceleração do Crescimento–PAC, que atingia 13% do PIB), uma ousada política de valorização do salário mínimo(85%) de 2003 a 2014, um programa de construção de moradias populares (Minha Casa, Minha Vida), um amplo programa de transferência de renda, aBolsa Família que atingia 13 milhões de famílias, o Programa Luz para todos(levando energia elétrica para três milhões de famílias rurais), programas de acesso a crédito pessoal através dos bancos públicos bem como financiamento da produção via BNDES (Banco Nacional de Desenvolvimento Econômico e Social).

6 Apesar da desindustrialização em curso no país desde os anos 1980, os governos petistas produziram políticas industriais que haviam desaparecido desde os anos FHC. A Petrobrás, a produção de petróleo e gás estiveram no centro das questões econômicas, por todos os seus efeitos sobre cadeias importantes como indústria naval, produtores de sondas,tubulações, compressores, atividades de P&D e formação de pessoal. É inegável a posição do petróleo como insumo estratégico bem como arma política no cenário da geo-política mundial. A descoberta do pré-sal confirmou a expertise tecnológica em perfuração em águas profundas1. Agora, em junho de 2017, o número de

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barris obtidos nessas áreas já supera o obtido no pós-sal. Os demais setores relevantes eram a construção civil e a automobilística. Concretamente, o PIB brasileiro cresceu 3,4%,ao ano, entre 2004-2014.

7 No âmbito internacional, esse período implementou uma estratégia de relativa autonomia, aproximando-se dos países africanos e intensificando as relações sul-sul. Reduziu a importância dos EUA enquanto destino das exportações, ampliou a importância da China e finalmente, juntamente com Rússia, África do Sul e Índia constituiu o grupo BRICS, única inovação institucional que aconteceu após a crise financeira de 2008. O objetivo era claramente construir uma estratégia conjunta de enfrentamento das crises fora do raio de ação do FMI, tendo para isso criado um banco próprio, o NDB (New Development Bank).

8 Do ponto de vista social, os avanços foram enormes. O desemprego aberto caiu a níveis muito baixos(6,5% e 4,8% nas regiões metropolitanas), foram criados 22 milhões de postos de trabalho formais e 73% dos trabalhadores tinham cesso à previdência social, maior marca da nossa história. O Brasil saiu do mapa da fome, 36 milhões de pessoas saíram da pobreza e segundo Kerstenetzky(2017: 18) a redução de 0,6 ponto de Gini, por ano, durante doze anos consecutivos, superou o ritmo de redistribuição em países desenvolvidos no pós-guerra, apenas a Espanha teria excedido esse ritmo.

O Brasil pós-golpe de abril de 2016

9 O contexto do golpe foi dado pela conjugação de alguns elementos que merecem ser citados. O segundo governo Dilma Rousseff, em 2014, começou mal pela não aceitação do resultado das urnas, 54 milhões de votos pró-PT, pelo candidato do PSDB(partido que perdia pela quarta vez consecutiva), Aécio Neves, que requereu recontagem de votos, lançou dúvidas sobre a lisura do pleito e instalou um clima de desconfiança. Junto a isso a presidenta enfrentava graves problemas com o Congresso eleito, o mais conservador dos últimos tempos. Mas não só, foi confirmado um déficit de 0,6% do PIB brasileiro, em 2014, após 17 anos de superávits consecutivos. Vale salientar que a pressão política exercida sobre o governo foi grande, e o quarto governo do PT, iniciou um processo de ajuste macroeconômico de cunho neoliberal, e instalou como Ministro da Fazenda, Joaquim Levy, um nítido representante desse projeto.

10 Paralelamente, o país e suas gentes foram massacrados, diuturnamente, pela mídia sobre as descobertas da operaçãoLava jato, cujo mote era o combate à corrupção e à promiscuidade entre setor público e setor privado, representado pelas fornecedoras e empreiteiras ligadas à Petrobrás. Foi então montado um processo de pedido de impeachement da presidenta Dilma Rousseff, tendo supostamente, como base legal e jurídica, o cometimento de crimes fiscais, os quais posteriormente foram comprovados como inexistentes.

11 Esse pedido tramitou no Congresso, recebeu aprovação na duas casas, Câmara e Senado, e em 16 de abril de 2016, consumou-se, o golpe, sendo guindado à posição de presidente interino o vice-presidente, Michel Temer(PMDB).

12 A primeira ação do governo golpista foi alterar a estrutura e as funções do Estado brasileiro, e não haviam instrumentos jurídicos capazes de impedi-lo. Ainda como interino extinguiu ministérios e associou outros. O mais emblemático foi a descaracterização do Ministério de Ciência e Tecnologia ao qual veio associar-se o das

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Comunicações; o Ministério do Trabalho e Emprego foi incorporado ao da Previdência Social; ao Ministério do Desenvolvimento Agrário foi incorporado o do Desenvolvimento Social e Combate à Fome; Ao Ministério da Educação foi incorporado o da Cultura, cuja resistência da sociedade foi tão forte que o presidente interino voltou atrás. Finalmente, foram extintos os Ministérios das Mulheres, Igualdade Racial e Direitos Humanos que se transformaram em secretarias do Ministério da Justiça.

13 Logo de início, o governo interino afirmou-se como produtor das grandes reformas, supostamente necessárias à retomada do crescimento econômico. O programa de austeridade iniciado pela presidenta Dilma Rousseff, aprofunda-se diante da hipótese de fácil aprovação pelo Congresso. Fica cada vez mais claro que está em curso um ajuste neo-liberal de proporções muito mais graves do que o desejado pelos governos FHC.

14 Aprova-se, rapidamente, a Emenda Constitucional 95 que congela por 20 anos todos os gastos sociais; aprovam-se também a Reforma Trabalhista e as novas regras da prática da terceirização da força de trabalho, projeto que tramitava há anos no congresso, liberando seu uso em todas as etapas da produção e excluindo a responsabilidade solidária do Estado, em caso de não pagamento dos direitos trabalhistas. Inicia-se um processo de esvaziamento do SUS(Sistema Único de Saúde), da Seguridade Social, simulando uma crise que deveria redundar na aprovação de uma Reforma da Previdência, em condições muito duras para os mais pobres. Igualmente, reduzem-se os recursos destinados ao Bolsa Família e simula-se uma crise da educação desde o ensino fundamental até as universidades federais.Como diria Darcy Ribeiro, crise na educação brasileira é um projeto!

15 Como não poderia deixar de ser, sob condições de austeridade, o PIB brasileiro caiu 3,8% em 2015 e 3,6% em 2016. Em setembro de 2017, o desemprego aberto atinge 13,5 milhões de pessoas. Seguindo religiosamente a liturgia da austeridade, o déficit público previsto para esse ano é de RS159 bilhões, quando em 2014, era da R$ 17,2 bilhões.

Quadro 1

Fontes: Congresso Nacional, Ministério do Planejamento e Organização das Cooperativas Brasileiras, “Pagando a conta”,Jornal Valor Econômico, 11 de outubro de 2017. “Dados consideram o acumulado no ano com números fechados entre junho e setembro, dependendo do programa social”.

16 Na realidade, o projeto neoliberal em curso no Brasil, se propõe a garantir o pagamento da dívida pública, honrando os rentistas a uma taxa de juro ainda uma das mais altas do mundo, ao preço de tirar os pobres do orçamento, com atesta o quadro 1, publicado

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pelo jornal Valor Econômico, no dia 09.10.2017. Estão ali listados os programas que atendem os produtores rurais de alimentos, os mais pobres, cujos produtos eram comprados pelo PAA(Programa de Aquisição de Alimentos), garantindo-lhes renda, o Luz para Todos, o Bolsa-família, a Farmácia Popular, o FIES(Fundo de Financiamento Estudantil) que permite o acesso às Universidades não gratuitas e o Minha Casa, Minha Vida, cujo objetivo era reduzir o grande déficit habitacional das famílias que ganham até três salários mínimos de renda mensal.

A operação Lava Jato como alavanca do golpe e da crise econômica

17 A operação Lava Jato começou, em 2009, com a investigação de crimes de lavagem de dinheiro relacionados ao ex-deputado federal José Janene, em Londrina, no Paraná, Sul do Brasil. Foi a partir do monitoramento de doleiros que ela chegou aos diretores de abastecimento e da área internacional da Petrobrás, maior empresa brasileira de petróleo e que estava no centro das atenções nos governos do PT. A partir da investigação sobre a Petrobrás, desencadeou-se uma campanha negativa contra essa empresa, responsável por 10% do PIB brasileiro, criandocondições objetivas com potencial para levá-la à privatização, exatamente como aconteceu com a Telebrás e suas subsidiárias em todo o país, nos governos FHC.

18 As ações judiciais que identificaram o pagamento de propinas em torno das duas diretorias da empresa ensejaram a interpretação de que essa empresa estaria à beira da falência, o que certamente contribuiria parar o projeto de privatizá-la. O interessante é que em 2015, a produção total foi de 2,128 milhões de barris-dia(dos quais 1/3 advindo do pré-sal), acima da meta prevista de 2,125 milhões e quase 5% acima do desempenho de 2014. No entanto, após o golpe e sob os auspícios do ambiente negativo criado pela Lava Jato, em 2016, apenas três poços estavam em operação. Isso significou cortar os elos com a produção de sondas, de novas plataformas bem como de novas embarcações que vinham sendo construídas, cada vez mais, com porcentagens crescentes de conteúdo nacional submetido à politica industrial do Governo Dilma, o Brasil Maior. Isso também tem implicações sobre a contratação de pessoal e o desenvolvimento tecnológico em torno do petróleo.

19 Enfim, o interesse da Petrobrás passou a ser visto como vender jazidas, obter recursos e desvencilhar-se dos efeitos positivos da política anterior. Tanto é assim que, em janeiro de 2017 foram anunciados o leilão de 21 campos de óleo e gás e a licitação de uma obra no complexo petroquímico do Rio de Janeiro, com a participação de 30 empresas estrangeiras e nenhuma brasileira.Também em 2016, o senador José Serra(PSDB) elaborou um projeto de lei, já aprovado, que retira a obrigatoriedade da participação da Petrobras na exploração do pré-sal e sua exclusividade na operação dos campos.

20 Um segundo setor econômico atingido pela lava jato foi o da construção civil, através das grandes empreiteiras brasileiras que prestavam serviço para à Petrobrás.Vale lembrar que, segundo a UNCTAD (United Nations Conference on Trade and Development), a construção civil representa 6% do PIB, nos países em desenvolvimento. Assim, esses dois setores foram responsáveis também pela perda de muitos postos de trabalho. A pergunta que fica é: teria sido possível poupar as empresas e os empregos, mesmo diante das evidências de corrupção?

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21 Do ponto de vista das relações comerciais, os EUAvoltaram a dominar o rank das importações brasileiras, fato que havia ficado para trás, diante da postura multilateral assumida pelos governos do PT.Em 2013, os EUA abasteceram 33% das importações brasileiras de óleo diesel, que alimenta todo o transporte rodoviário brasileiro e tem impacto sobre o preço dos alimentos; já em maio de 2017, esse país detém 83% dessas importações, segundo o Banco Central. Também segundo o Banco Central, mas com dados organizados pelo Blog, O Cafezinho, a participação do EUA nos investimentos diretos no Brasil cresceu muito. A média dessa participação no período, 2013-2016 era de 14%; já a média de 2017, após o golpe, essa participação atinge 31% desses investimentos, reduzindo a parcela do resto do mundo de 86% para 69%.

E agora?

22 José Luís Fiori (2007: 35) considera que nos períodos de grande bonança econômica internacional, “tendem a se ampliar os espaços e as oportunidades para os Estados situados na periferia do sistema. O aproveitamento político e econômico dessas oportunidades, entretanto, depende, em todos os casos, da existência dentro desses Estados e dessas economias nacionais de classes, coalizões de poder, burocracias e lideranças com capacidade de sustentar, por um período prolongado de tempo, uma mesma estratégia agressiva de proteção de seus interesses nacionais e de expansão de seu poder internacional”.

23 Ao contrário da Alemanha que elege Merkel para quatro mandatos seguidos, sem que paire sobre os alemães a desconfiança de que não são uma democracia, abaixo da linha do equador, o tempo não pode ser suficiente para varrer de vez a fome, a desigualdade, enfim, o subdesenvolvimento. Tristes trópicos, alguém já disse um dia! O mais urgente, nesse momento, é retomar a nossa democracia. Só assim, será possível retomar ainda, quem sabe, o projeto de superação do nosso subdesenvolvimento.

BIBLIOGRAPHIE

Cassiolato, José Eduardo. « Que futuro para a indústria brasileira? » inO futuro daindústria:oportunidades e desafios: a reflexão da Universidade. Brasília, MDIC/STI/IEL. Nacional, capítulo 1, 2001.

Fiori, José Luis. O Poder global a nova geopolítica das nações. São Paulo. Boitempo Editorial. 2007.

Kerstenetzky, Célia “Foi um pássaro, foi um avião? Redistribuição no Brasil no século XXI” SP, Novos Estudos Cebrap, n° 108, p.15-34, 2017.

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NOTES

1. O pré-sal era visto como o passaporte para o futuro: 75% dos royalties seriam destinados à educação e 25% à saúde.

AUTEUR

LIANA CARLEIAL

Liana Carleial est professeure titulaire d´économie à l´Université fédérale du Paraná (Brésil).Elle a été professeure invitée à l´Université de Picardie Jules Verne, à Amiens, France (2005-2006). UFPR, [email protected].

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Le Brésil des réformes du travail et l’institutionnalisation de la précarité

Sayonara Grillo Coutinho Leonardo da Silva Traduction : Christian Azaïs

1 Dans le contexte de grave crise politique, éthique et institutionnelle, les politiques du travail, de la protection sociale et des droits humains, construites pendant les décennies de consolidation démocratique au Brésil, sont mises en échec. Sous l’effet de politiques économiques ultralibérales, des demandes interminables des entrepreneurs et du vieux clientélisme entre le pouvoir exécutif et les secteurs parlementaires, l’année 2017 restera gravée dans l’histoire des relations professionnelles brésiliennes. Le retour des manifestations syndicales et populaires contre les réformes annoncées de la sécurité sociale1 et du travail, contre le gel des finances publiques et l’institution d’un plafond de dépenses – malgré la déflagration de la plus grande grève générale – n’ont pas été capables de contenir ou d’atténuer la déprédation rapide et intense des institutions publiques du travail et de ses systèmes de régulations étatiques et syndicales – le droit du travail et la négociation collective et leurs principaux acteurs syndicaux et agents publics.

2 La Consolidation des lois du travail2 est déformée par la réforme de plus d’une centaine de dispositifs, approuvée par la loi n° 13467 du 13 juillet 2017, qui ébranlent les fondements du système national de relations professionnelles, construit dans la perspective d’une démarchandisation du travail (Esping Andersen G., 1991 : 85-116).

3 La vague réformatrice ne s’arrête pas là. Elle se manifeste dans un processus continu de reformulation de la loi qui, entre autres, élargit le travail temporaire et les formes d’externalisation des services (loi 13429/2017), gèle les salaires de nombre d’agents de l’Etat en réduisant leurs valeurs nominales par l’augmentation des cotisations à la sécurité sociale3.

4 Même le concept de « travail analogue à de l’esclavage » a été substantiellement limité la semaine qui a précédé une nouvelle séance parlementaire où serait analysée la

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demande d’autorisation pour accuser le président Temer de corruption (Arrêté MTb 1129/2017). L’illégalité de cet arrêté, qui en finit pratiquement avec les politiques de sécurité sociale, réparatrices et répressives envers le travail esclave, dans un pays qui a été récemment condamné par la Cour interaméricaine des droits humains pour son omission et sa connivence vis-à-vis des pratiques d’esclavage contemporain sur son territoire, est l’expression la plus éloquente de la régression sociale vécue. En raison de son poids symbolique et de sa gravité, le STF (Suprême tribunal fédéral) a prononcé la suspension de ses effets.

5 Les arguments du gouvernement brésilien en faveur de la réforme du travail sont éculés. Sans base théorique ou empirique, il s’agit de politiques fondées sur des a priori idéologiques selon lesquels la flexibilité du travail conduirait à une diminution du chômage, à l’amélioration du marché du travail, à des augmentations de salaire et de la productivité, au dépassement de la crise économique, à la réduction du nombre d’actions judiciaires en matière de travail et à l’augmentation de la compétitivité nationale.

6 Les projections gouvernementales relatives à la productivité n’ont pas été bien expliquées. Comment le faire sans relier les indicateurs qui soutiennent son accroissement et qui en même temps ne prennent pas en compte les facteurs négatifs qui poussent vers le bas les taux nationaux ? La formation et la qualification professionnelle, l’innovation de processus et les technologies, la flexibilité sans précarité, les investissements publics et privés, les politiques de valorisation des ressources humaines sont quelques-unes des variables qui ont un effet positif sur le taux de productivité. Pourtant, elles ne sont pas inscrites à l’agenda gouvernemental centré sur des réformes dont les conséquences comme l’augmentation du taux déjà élevé d’accidents du travail a une incidence sur l’accroissement de la précarité au travail et des effets négatifs sur les comptes publics de la sécurité sociale, choses amplement connues.

7 Avec l’introduction d’une multiplicité de contrats de travail qui stimulent le turn-over, éloignent le travailleur de la vie de l’entreprise, l’empêchant de mener à bien son projet de vie et affectant négativement sa subjectivité et son projet de qualification à moyen ou long terme, il convient de se demander si cette réforme pourra contribuer à augmenter la compétitivité des entreprises et la compétitivité nationale. Il nous semble que non. Il en est de même des formules qui rendent à l’entrepreneur son ample liberté pour déterminer quand, comment et combien doit-on travailler, autant de thèmes qui font partie du vocabulaire officiel. La reformulation prévue dans la loi 13467/2017 contient des dispositifs qui limitent l’accès des travailleurs à la justice du travail, comme le paiement des coûts de la procédure, des honoraires, une gratuité de la justice plus restreinte, autant de charges financières lourdes pour les requérants qui dans la plupart des cas sont pauvres. Ces règles ont vu leur constitutionnalité questionnée par le Procureur général de la République devant le STF (ADI – Action directe d’inconstitutionnalité – n° 7566).

8 Au Brésil, dans de nombreux secteurs, domine la logique de la rupture du contrat sans motif, sans paiement de salaire ni d’indemnités de rescision. La conséquence de ce non- respect fréquent et délibéré des normes est la forte judiciarisation des relations professionnelles. Mais à une époque de post-réforme, si jamais les requérants qui « courent après leurs droits » auprès de la Justice du travail arrivent à dépasser les barrières économiques et de procédure, ils trouveront en face d’eux un appareil

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judiciaire fragilisé par des règles qui cherchent à maintenir la magistrature du travail dans le régime napoléonien dépassé du juge « bouche de la loi », en raison de dispositions qui tentent de stopper le contenu des normes collectivement négociées entre entreprises et syndicats, même lorsqu’elles sont contraires aux droits humains, et par des restrictions à la capacité des tribunaux d’interpréter et d’établir une jurisprudence dominante (article 8 de la loi 13467/2017).

9 Malgré les inconstitutionnalités non admises dans un Etat démocratique de droit, le gouvernement, les médias et même des membres du pouvoir judiciaire mettent la justice du travail sur la sellette. Promue comme bouc expiatoire de la crise4, ils souffrent de divers « chantages institutionnels », allant de menaces d’extinction de l’institution à l’instauration de procès administratifs disciplinaires contre les magistrats qui choisissent d’exercer leur pouvoir de contestation des règles inconstitutionnelles ou de respecter les conventions internationales ratifiées par le Brésil.

10 Les syndicats sont affaiblis par la réforme du travail. Bien que l’élargissement des espaces de négociations collectives puisse, en théorie, renforcer l’action syndicale, des modifications du système légal de négociations collectives sont mises en place, avec la limitation des normes collectives pendant un an, interdisant qu’elles ne soient en vigueur plus longtemps et devant attendre une nouvelle négociation (« ultra-activité »). L’élargissement des fonctions dérogatoires des normes légales plus favorables et la primauté donnée aux accords collectifs d’entreprise ont pour effet d’affaiblir le système de négociation ainsi que les syndicats. L’individualisation des rapports de travail est la tendance devant l’inexistence de soutien à la négociation collective, l’affaiblissement des sources de financement des syndicats et leur éloignement des fiscalisations des licenciements individuels (avec la fin des homologations) et des procédures nécessaires pour la promotion d’exemptions collectives. Leur éloignement des dispenses individuelles avec la fin des homologations) et les procédures nécessaires pour la réalisation des licenciements collectifs.

11 Dans un marché reformulé par des règles qui institutionnalisent le travail informel ou précaire de courte durée, sans garantie et très faiblement rémunéré, ces dernières augmentent le turn-over et l’obsolescence programmée de contrats de travail fabriqués pour ne pas durer.

12 La réforme du travail autorise l’embauche de travailleurs intermittents sans leur garantir la perception d’un salaire minimum par mois ; elle légalise la journée de 12 heures (suivie d’un repos de 36 h, pratique commune dans le secteur de la santé), permet que les femmes enceintes travaillent dans des endroits insalubres. En outre, elle supprime du temps rémunéré les heures de déplacement pour rejoindre le lieu de travail (in itinere) lorsque celui-ci est éloigné de même que tous les moments pendant la journée où l’individu doit passer du temps à se préparer pour exercer sa fonction (temps passé au vestiaire, etc. si jamais l’individu peut se changer ailleurs que dans l’entreprise). Avec l’institutionnalisation de mécanismes informels et précaires les perspectives d’intégration sociale par le travail et les fonctions de réduction des inégalités, de redistribution des revenus et de contrôle des pouvoirs économiques, qui sont l’attribut du droit du travail, entrent dans une crise profonde. Les lois 13429 et 13469/2017 prétendent promouvoir une inversion paradigmatique dans la hiérarchie des règles, en réduisant les droits alors qu’en même temps elles augmentent les devoirs des employés et les pouvoirs des employeurs.

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13 Les inégalités sociales augmentent. Les tendances de renforcement du marché du travail et de formalisation de l’emploi protégé, des années 2004 à 2014, reculent. Selon les statistiques officielles de l’IBGE (Institution brésilien de géographie et de statistiques), le chômage a atteint 12,4 %, en moyenne, au 3e trimestre compris entre juillet et septembre 2017, touchant 13 millions de personnes. Des 91,3 millions de personnes occupées dans la période, 33,3 ont leur livret de travail5 signé, 22,9 millions travaillent à leur compte et 10,9 millions sont occupées dans des emplois sans livret de travail signé et ne sont pas du tout protégées.

14 Les évidences empiriques ne justifient pas le lien entre le changement de la loi et l’augmentation des postes de travail comme l’a annoncé la propagande en faveur de la réforme. La corrélation entre croissance économique, investissements et politiques publiques en faveur du développement et de l’augmentation du nombre de postes de travail et de la masse salariale va dans la direction opposée à celle suivie par les politiques d’austérité. En effet, ces dernières s’accompagnent de déflation en raison de la diminution des salaires, de la réduction des droits sociaux et de ceux liés au travail et du rétrécissement de la taille de l’Etat.

15 La réforme du travail brésilienne suit à la lettre l’exemple d’un mariage parfait entre les politiques d’austérité ultralibérales et le retour au pouvoir des élites conservatrices d’origine esclavagiste. Comme le dit Mark Blyth (2013 : 32), de telles politiques économiques se nourrissent d’illusions statistiques et redistributives et ont des effets différenciés sur les divers segments sociaux : peu sont invités à la fête mais nous sommes tous invités à en payer l’addition, avec une facture qui est bien plus élevée pour qui se situe au bas de l’échelle sociale. Au Brésil, cependant, c’est encore pire que cela. Comme l’exprimait le poète Cazuza : « à la majeure partie qui n’est pas invitée, il ne restera que le plaisir de garer les voitures », i.e. d’être voiturier.

BIBLIOGRAPHIE

BLYTH, Mark, Austeridade. A história de uma ideia perigosa., Lisboa, Quetzal editores, 2013.

ESPING-ANDERSEN, Gosta, As três economias políticas do Welfare State, Lua Nova , 1991, n°24, p. 85-116, http://www.scielo.br/scielo.php? script=sci_arttext&pid=S0102-64451991000200006&lng=en&nrm=iso, page consultée le 6 novembre 2017.

NOTES

1. Proposition d’amendement à la Constitution, n° 247 de 2016 qui repousse l’âge minimum de la retraite, limite les pensions et valeurs à recevoir au titre de l’inactivité. 2. La Consolidação das Leis do Trabalho (CLT) est une loi de 1943 portant sur le droit du travail et le droit processuel du travail. C’est le pilier sur lequel reposent les relations professionnelles formelles au Brésil (ndt).

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3. La Mesure provisoire nº 805 du 30 octobre 2017 repousse ou supprime les augmentations de salaire des fonctionnaires fédéraux pour les exercices à venir.Entre autres règles de précarisation du travail, on note le Décret 9127 de 2017, qui élargit l’autorisation du travail le dimanche et jours fériés pour le commerce de détail et du transport qui s’y rapporte, sans se soucier des syndicats. La Medida Provisória (MP) est un instrument qui a force de loi, adopté par le président de la République, pour des cas d’urgence (ndt). 4. Expression utilisée diverses fois par le président de l’Association nationale des juges du travail – Anamatra, Guilherme Guimarães Feliciano, pour démontrer les influences indues qui cherchent à contraindre les juges du travail à ne pas exercer leur contrôle de la constitutionnalité des règles, sans les interpréter. 5. Sorte de passeport dans lequel sont consignés tous les emplois occupés par l’individu.

AUTEURS

SAYONARA GRILLO COUTINHO LEONARDO DA SILVA

Sayonara Grillo Coutinho Leonardo da Silva est professeure de Droit à l’Université fédérale de Rio de Janeiro - UFRJ et magistrate au Tribunal régional du travail de la 1ère Région. Docteur en droit de l’Université catholique pontificale de Rio de Janeiro (PUC-Rio). E- mail :[email protected]

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Brésil : le coup d’Etat qui n’en finit pas

Lena Lavinas Traduction : Guénolé Marchadour

1 Certains disent que 1968 est une année qui ne s’est jamais vraiment terminée… Avec du recul, on peut dire aujourd’hui que 2016 fut l’année d’un coup d’Etat qui semble ne jamais finir, en témoignent la gravité alarmante et l’étendue de ses répercussions dramatiques et durables dans la vie des Brésiliens.

2 Le « coup d’Etat parlementaire » a commencé, fin 2015, avec l’ouverture du processus d’ impeachment contre la présidente Dilma Rousseff. Ce processus s’est terminé le 31 août 2016 avec l’annulation du mandat présidentiel sans perte des droits politiques, ce qui en soi est paradoxal. Parmi les justifications de l’impeachment ont été pointées l’usage de prérogatives présidentielles dans la gestion budgétaire – une pratique récurrente dans les gouvernements Cardoso et Lula, qui l’ont précédée –et son faible niveau de popularité, en fort déclin avec l’aggravement de la crise économique et le déficit persistant de charisme de la cheffe de l’exécutif. Le niveau de satisfaction variait entre 8 et 12 % au premier semestre de 2016, autrement dit dans les mois précédant sa destitution (Data folha, 2016).

3 Aujourd’hui, dans un mouvement frénétique de retours en arrière qui bouleverse complètement le contrat social enraciné dans la Constitution de 1988, il est plus facile de saisir ce qui était alors en jeu et qui explique le maintien au poste le plus élevé de la République de celui qui a articulé le coup d’Etat, dont les performances sont évaluées actuellement comme bonnes ou très bonnes par seulement 3 % de la population (IBOPE- CNI, enquête réalisée entre les 15 et 20 septembre 2017). Une telle désapprobation est un fait sans précédent depuis la fin de la dictature.

4 Quoiqu’il en soit, la popularité n’est plus désormais un problème, à partir du moment où il a été possible de reprendre et d’imposer, sans la légitimité des urnes, un projet de privatisation et rétrécissement de la sphère publique qui s’est déployé, bien que de façon partielle ou ponctuelle dans l’agenda des gouvernements du Parti des Travailleurs, et qui n’avait pas avancé au rythme attendu, ni atteint sa portée et son

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ampleur potentielles. La radicalisation du « tout marché » dans toutes les sphères de l’économie et de la société ne rencontre désormais plus de freins à sa marche forcée.

5 Du côté de la politique macroéconomique, la domination de la vision orthodoxe, au travers du maintien des trois piliers créés en 1999 (taux directeurs élevés, objectifs de contrôle de l’inflation et taux de change fluctuants) a déterminé une gestion politique coûteuse bien qu’efficace pour former des majorités parlementaires. Celle-ci fut une des dimensions du acordão (le grand accord tacite). Néanmoins, dans le cadre des politiques sociales, de la (dé)régulation financière, de la politique fiscale, de l’anéantissement d’un modèle idéal de société gravé dans le texte constitutionnel, il a manqué une impulsion pour que des changements structurels arrivent à consolider définitivement la logique néolibérale. D’où la soif de réformes qui sont faites au pas de charge, étouffant et empêchant la compréhension d’une population désorientée, apathique, qui semble faire le pari de la dépolitisation comme forme de rejet de la corruption.

6 Reprenant le refrain de « la Constitution ne rentre pas dans le budget de la République », le gouvernement putschiste et non élu normalise un récit qui laisse croire que la crise économique est inéluctablement la conséquence de la promulgation de droits qui sont à la base de la transition vers la démocratie, après vingt-et-un ans de régime militaire d’exception.

7 La première étape a consisté en un coup de maître à établir, au moyen d’un amendement constitutionnel, un plafonnement des dépenses publiques pour les vingt prochaines années (2016-2036), indépendamment de la variation du PIB. Les dépenses pourront seulement être réévaluées en fonction du niveau de l’inflation de l’année précédente, leur expansion étant verrouillée en valeurs réelles. Il a donc été décidé que la croissance ne doit pas servir au bien-être de la population et à l’élargissement de l’accès aux biens et services qui manquent cruellement aux Brésiliens. Dans ce contexte, les dépenses sociales, qui se situaient à environ 23 % du PIB en 2016, devraient reculer à 12 % en 2036.

8 Des estimations provisoires, établies sur la base d’un taux d’inflation annuel de 4,5 % (l’objectif principal de la Banque centrale), indiquent que le budget de l’éducation à lui seul va perdre quelque chose comme 18 milliards de dollars (en valeurs de 2016) d’ici à 2025. Les dépenses totales dans l’éducation étaient inférieures à 5 % du PIB en 2016. Le Plan national de l’éducation (PNE1) 2014-2024, approuvé par le gouvernement de Dilma Rousseff, a été une tentative pour garantir l’augmentation continue des dépenses dans le secteur, de façon à assurer que, à la fin de la décennie, celles-ci arrivent à atteindre 10 % du PIB, en faisant plus que doubler l’investissement. Cette loi, qui cherchait à prendre à bras le corps les défis toujours remis à plus tard de sortir l’éducation brésilienne des derniers rangs dans les classements des évaluations internationales comme PISA, est déjà lettre-morte.

9 Pendant ce temps, la privatisation de l’enseignement progresse et l’offre d’enseignement privé dans les niveaux secondaire et supérieur se retrouve de façon croissante entre les mains de grands groupes internationaux et financiers. Selon le journal The Intercept Brasil2, le marché des lycées privés représente 21 milliards de dollars par an, contre 17,2 milliards de dollars pour les universités privées, des valeurs qui devraient augmenter de façon exponentielle dans les prochaines années. En 2016, 75 % des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur suivaient des cours dans des institutions privées, contre 70 % en 2003. Ces grands conglomérats de l’éducation

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privée ont bénéficié de politiques publiques comme le FIES – Fonds des étudiants de l’enseignement supérieur – qui est allé jusqu’à financer, entre 2011 et 2015, avec des crédits éducatifs, plus de 50 % des étudiants de l’enseignement supérieur inscrits dans les facultés et les universités privées (Lavinas, 2017). La valeur des actions de ces groupes s’est accrue à mesure que les prêts du FIES augmentaient, valorisant de façon spectaculaire le patrimoine financier de ces groupes, bien plus que la qualité de l’enseignement qui n’a pas amélioré les performances des étudiants dans les classements nationaux. Le plafonnement des dépenses publiques va accélérer davantage le développement de l’offre d’enseignement privé, en transformant le droit à l’éducation en marchandise.

10 Quant au système de santé, son budget diminuera dans les prochaines décennies, en raison du plafonnement des dépenses publiques, de près de 207 milliards de dollars (en valeurs de 2016), ce qui n’est négligeable nulle part au monde, et encore moins dans un pays où le Système unique de Santé (SUS) subit, depuis sa création, un sous- financement chronique. Pour illustrer, on rappellera qu’en 2015 la totalité des dépenses dans la santé au Brésil, en considérant les trois échelons de gouvernement, représentait environ 72,8 milliards de dollars (en valeurs de 2016), (Hamilton et al., 2017). Autrement dit, l’imposition d’un plafonnement des dépenses publiques absorberait quasiment trois années de dépenses dans le domaine de la santé au Brésil.

11 Pendant ce temps, d’innombrables projets de loi circulent au Congrès qui visent exclusivement à ouvrir la voie aux opérateurs privés. A commencer par la révision de la loi sur les plans de santé qui peut faciliter un réajustement annuel des plans, en supprimant la règle qui limite de tels réajustements pour les assurés de plus de 60 ans. Il est prévu dans le Statut des personnes âgées qu’elles ne peuvent subir une augmentation des tarifs de leur assurance santé supérieure à l’indexation négociée auprès de l’Agence nationale de la santé (ANS). Le projet de loi prévoit un réajustement supplémentaire tous les cinq ans basé sur un facteur multiplicateur, qui dans la pratique va rendre impossible le maintien des personnes les plus âgées dans les plans de santé privés, étant donné l’augmentation exorbitante des prélèvements mensuels. En outre, avec la crise dans la santé publique, la création de services lucratifs se multiplie au travers de « franchises » et d’autres formes de cliniques privées populaires, qui prétendent aider à « relâcher la pression » sur le SUS en offrant des services de faible qualité à bas coûts. Ce sont la plupart du temps de grands investisseurs privés issus de différents secteurs d’activité, qui saisissent cette « opportunité » pour faire de l’argent avec ce qu’on appelle déjà l’“uber de la médecine”3. C’est la vision défendue par l’actuel ministre de la santé, Ricardo Barros, pour qui le marché de la santé devrait être complètement libéralisé, échappant à toute régulation de l’Etat. Il défend l’idée que « les personnes doivent accéder seulement aux services qu’elles sont en mesure de payer »4.

12 Mais les dommages ne se limitent pas à congeler les dépenses sociales et à les réduire significativement, compromettant l’avenir des Brésiliens. En un clin d’œil, la réforme du droit du travail a été adoptée et, selon l’instance judiciaire du travail, elle doit être néanmoins examinée par le Tribunal suprême fédéral (STF) en raison d’aspects clairement anticonstitutionnels. Entre autre chose, la réforme privilégie la négociation par rapport à la loi permettant que des accords d’entreprise entre patron et employé l’emportent sur des accords collectifs. De la même façon, elle met fin au principe de l’égalité salariale pour les statuts identiques et de l’irréductibilité de la

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rémunération négociée dans le contrat de travail : à partir de maintenant, sans aucune justification valable, ni changement dans les autres clauses du contrat, la réduction du salaire du travailleur pourra être réalisée à la discrétion de l’employeur.

13 Il y aurait encore beaucoup à dire sur les innombrables aspects d’un coup d’Etat qui ne rompt pas avec la légalité mais qui déconstruit les efforts d’institutionnalisation qui ont été mis en place dans le processus de redémocratisation. En tournant le dos à ce qui a été conquis progressivement en presque trente ans, le gouvernement non élu procède à la suspension des processus administratifs qui devaient empêcher l´occupation des terres des amérindiens et des quilombos (communautés de descendants d’esclaves) par les grands groupes économiques, ce qui va attiser encore plus les conflits qui ont conduit à l’augmentation du nombre d’homicides parmi les défenseurs de l’environnement et des minorités, à l’arrêt de la protection des terres indigènes, à l’extinction des terres protégées et des réserves en cédant à la pression de l’exploration minière et de l’industrie agroalimentaire, au relâchement des autorisations d’exploiter l’environnement, à l’amnistie pour les crimes environnementaux en réduisant la valeur des amendes infligées aux grands propriétaires terriens, ce qui revient à répondre à leurs exigences et à celles de leurs représentants au Congrès, où ils constituent aujourd’hui le groupe le plus puissant comprenant deux cents vingt-six parlementaires (sur 513 députés élus).

14 Au-delà du démantèlement des droits constitutionnels, le coup d’Etat renforce les segments les plus conservateurs de la société, qui essaient de profiter de la situation pour imposer davantage de reculs sociaux, comme l’interdiction totale et définitive de l’avortement, au nom du droit à la vie de l’embryon, y compris dans les trois cas où il est seulement permis (risque de mort pour la mère, viol et anencéphalie).

15 Mais, le summum de ce recul démocratique revient au changement intervenu très récemment dans les règles visant à lutter contre les activités correspondant au travail esclave et qui sont dégradantes pour la dignité humaine. Les activités réalisées dans des conditions dégradantes, les journées de travail épuisantes, la servitude en raison d’un endettement relèvent d’un travail assimilable à l’esclavage, constituant un crime dans les termes de l’article 149 du code pénal brésilien. C’est cette législation, reconnue par l’Organisation internationale du travail et par le Conseil des droits humains des Nations Unies, que le gouvernement Temer souhaite flexibiliser pour mettre un terme à la liste noire des employeurs qui ignorent délibérément la Lei Áurea de 1888 (loi abolissant la pratique de l’esclavage au Brésil, ndt).

16 Dans les politiques sociales, la priorité est maintenant de transformer les bénéficiaires de la Bolsa Família (Bourse famille) en micro-entrepreneurs autonomes. Dans cette perspective, le gouvernement Temer vient de lancer le programme Progredir (« Progresser »), qui va débloquer des microcrédits pour 27 millions de familles pauvres et vulnérables, inscrites au Cadastro Único (enregistrement national). A la place d’une fiscalité progressive et de l’augmentation des bénéfices sociaux pour inciter la consommation et relancer la demande, dans une logique contra-cyclique, comme le recommande un très récent rapport de l’UNCTAD (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) qui défend un nouveau New Deal, le Brésil d’après le coup d’Etat parie sur l’approfondissement du niveau d’endettement des familles, qui est déjà préoccupant, entraînant y compris celles qui doivent être protégées du risque de défaut de paiement. Les bénéficiaires de la politique d’aide sociale sont, de cette façon, transformés en débiteurs dont la dépendance n’est plus à l’égard de l’Etat mais

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fondamentalement à l’égard du capital financier. Et ceci est présenté comme une opportunité.

17 La question du système des retraites est, pour le moment, l’unique désagrément qui vient freiner cette marche forcée de réformes néolibérales. Depuis Fernando Henrique Cardoso et aussi pendant les gouvernements de Lula et Dilma Rousseff, des changements de paramètres du Régime général de sécurité sociale (RGPS – secteur privé et indépendants) et du Régime spécial de sécurité sociale (RPPS) – secteur public) ont progressivement modifié le cadre réglementaire définissant la cotisation et l’accès aux bénéfices sociaux. Le big push est arrivé le jour suivant la destitution de la présidente Dilma Rousseff, quand la sécurité sociale a commencé à être désignée comme le mauvais élève des comptes publics.

18 Il est établi que dans les années de croissance de l’emploi formel et de la consommation, entre 2003 et 2012, les recettes du RGPS ont augmenté considérablement, suivant la nature exclusive des fonds qui alimentaient le budget de la sécurité sociale. Mais le niveau élevé d’exonérations du capital qui caractérise la gestion politique du PT a affecté significativement les recettes de la sécurité sociale, la fragilisant même si on ne peut pas admettre qu’elle soit déficitaire. Le gouvernement actuel continue néanmoins à utiliser le leitmotiv que les dépenses liées aux retraites et pensions, équivalant en 2016 à environ 8 % du PIB, expliqueraient le déficit public, alors que les 6 % de PIB dépensés cette année pour rembourser les services de la dette publique ne sont pas pris en compte dans l’analyse officielle. L’urgence à adopter des changements de paramètres dans l’accès aux droits à la retraite, qui vont réduire la couverture retraite de la population et provoquer plus d’exclusion à l’avenir, est quotidiennement martelée comme un des grands objectifs à atteindre dans le cadre des réformes. Ceci justifie que l’âge minimal de départ à la retraite pour les hommes et les femmes soit désormais fixé à 65 ans, en élargissant la norme du RGPS déjà en vigueur au RPPS (60 ans actuellement). Cette règle, en réalité, ne sera pas générale parce que les plus pauvres ne pourront solliciter le Benefício de Prestação Continuada (minimum vieillesse) qu’à partir de 70 ans, ce qui pénalise les plus vulnérables. De toute façon, les 40 années de cotisation obligatoire aujourd’hui, en comptant au moins 25 ans pour recevoir un bénéfice proportionnel – au lieu de 15 ans actuellement – seront une incitation à sortir du régime public. La tendance est qu’augmentent encore plus rapidement les fonds de pension par capitalisation, dont les liquidités dépassent chaque année, depuis 2012, le volume des contributions au régime public. La privatisation avance sur les ruines du secteur public qui, négligé pendant les années de prospérité, ne résiste pas au démantèlement. Il est vrai que la réaction des employés du secteur public et le scepticisme manifeste de la société dans son ensemble forcent le gouvernement Temer à reculer sur plusieurs aspects de la réforme des pensions. Pour l ´instant, nul ne peut établir ce qu´il en sortira. Ceci est l’un des fronts majeurs du conflit redistributif à ce jour au Brésil.

19 L’enjeu pour aujourd’hui est d’envisager comment faire face dans les prochaines années à ce qui semblait possible et qui vient d’être perdu. Avant, cependant, il sera nécessaire de redonner aux Brésiliens le goût de la politique et la foi en leur propre capacité d ´opérer le changement.

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BIBLIOGRAPHIE

Hamilton Matos Dos Santos, Cláudio, Bernardo Patta Schettini, Lucas Vasconcelos, “A Dinâmica dos Gastos com Saúde e Educação Públicas no Brasil (2006-2015) : Impacto dos Mínimos Constitucionais e Relação com a Arrecadação Tributária”. IPEA, Texto para Discussão 2289, Brasília, http://www.ipea.gov.br/portal/index.php?option=com_content&view=article&id=29868, page consultée le 10 novembre 2017.

Lavinas L. (2017), The Takeover of Social Policy by Financialization. The Brazilian paradox. New York: Palgrave Macmillan, 219 páginas.

NOTES

1. La loi du PNE 2014-2024 traite de l’éducation maternelle, de l’enseignement élémentaire et secondaire, de l’éducation spéciale, de l’alphabétisation des enfants et de l’école à plein temps, ainsi que de l’enseignement supérieur. 2. Helena Borges, « Sous les applaudissements des marchés financiers, les chefs d’entreprise font déjà des bénéfices avec la réforme de l’enseignement secondaire », 20 octobre 2017, https:// theintercept.com/2017/10/20/sob-aplausos-do-mercado-financeiro-empresarios-ja-lucram-com- reforma-do-ensino-medio/, page consultée le 21 octobre 2017. 3. Journal O Globo, Danielle Nogueira/Glauce Cavalcanti. « Des prix bas, la clinique populaire est l’affaire du moment », 22 octobre 2017, https://oglobo.globo.com/economia/com-preco-baixo- clinica-popular-o-negocio-da-vez-21976946, page consultée le 22 octobre 2017. 4. Journal O Globo, Glauce Cavalcanti. « Un nouveau modèle pour financer les plans de santé », 18 octobre 2017, https://oglobo.globo.com/economia/defesa-do-consumidor/setor-de-planos-de- saude-precisa-de-novo-modelo-de-financiamento-sustentavel-21959934,page consultée le 19 octobre 2017.

AUTEURS

LENA LAVINAS

Professeure titulaire de l’Institut d’économie de l’Université fédérale de Rio de Janeiro et directrice de recherche du CNPQ.

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Comptes rendus

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Arnauld De Sartre, Xavier. Agriculture et changements globaux. Expertises globales et situations locales Bruxelles. Peter Lang, 2016, 204 pages.

Solenn Le Clech

RÉFÉRENCE

Agriculture et changements globaux. Expertises globales et situations locales, Bruxelles. Peter Lang, 2016, 204 pages.

1 L’Anthropocène est caractérisé par des changements globaux qui remettent en question notre société contemporaine et dont les impacts nécessitent une prise en charge politique. S’appuyant sur des cas d’étude contemporains en milieu agricole, l’ouvrage de Xavier Arnauld de Sartre propose une lecture ancrée dans la Political Ecology des grandes options envisagées pour permettre de faire face aux enjeux de l’Anthropocène. Ce faisant, il s’appuie sur un mélange subtil de considérations conceptuelles, cas concrets d’étude et expériences de terrain.

2 L’ouvrage peut se diviser en deux grandes parties. L’introduction et les deux premiers chapitres guident le lecteur dans une explication de la situation environnementale vue au prisme de la modernité. L’auteur propose ainsi une analyse critique des récits modernes en décrivant les enjeux de la modernité, ses grandes phases et ses tensions. Cette première partie donne des clés de lecture conceptuelles pour analyser les situations étudiées dans les trois chapitres suivants de l’ouvrage. Ceux-ci mobilisent chacun un terrain d’étude où coexistent des types d’agriculture ou de politique de gestion des espaces naturels très différents. Ces cas d’étude sont replacés dans un débat plus large opposant land sharing / land sparing et sont mis en perspective des scénarios du Millenium Ecosystem Assessment (MEA).

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3 Le chapitre 1 pose les bases conceptuelles de l’ouvrage en contextualisant les politiques environnementales à l’échelle globale à travers une réflexion sur les transformations de la modernité et l’institutionnalisation de ses critiques au sein de la modernité réflexive. Toutefois, X. Arnauld de Sartre souligne l’insuffisance de cette dernière limitant ainsi l’adéquation des actions des politiques publiques. La crise de croyance dans les valeurs de la modernité, associée à des crises environnementale et économique, a donné lieu à l’institutionnalisation de solutions, dont les quatre scénarios du MEA qui sont repris dans la suite de l’ouvrage. Ces scénarios offrent des grilles de lecture et une repolitisation du futur en rappelant que celui-ci est une question de choix et leur application à l’agriculture permet d’analyser les solutions envisagées et la manière dont elles le sont.

4 Le chapitre 2 recentre le débat sur l’agriculture et rappelle l’injonction paradoxale à laquelle elle est confrontée : produire de la nourriture dans un contexte de croissance démographique tout en limitant les impacts négatifs sur l’environnement. Trois grands débats autour de l’agriculture se sont construits autour de ce paradoxe : la critique du modèle productif de la Révolution verte et la recherche de modèles alternatifs, la recherche de scénarios pensant le verdissement des formes d’agriculture et le débat land sparing/land sharing. Ces débats reposent la question de la prise en compte de la dimension spatiale puisque la complémentarité des espaces et la prise en compte de la diversité des situations constituent des éléments clé dans la recherche d’un équilibre global entre espaces de production et de préservation de l’environnement.

5 Le chapitre 3 se base sur l’exemple du système agroexportateur de la Pampa argentine où s’est mis en place un contexte favorable à la diffusion hégémonique du land sparing. Ce cas d’étude constitue un exemple paradigmatique de la modernisation écologique appliquée par l’intensification agricole et peut être considéré au travers du scénario Technogarden proposé par le MEA. L’intensification agricole s’est effectuée au cours d’une ébauche de troisième révolution agricole basée sur les nouvelles technologies et marquée par des transformations profondes sociétales, économiques, territoriales et techniques. Localement, l’intensification agricole et la diffusion de l’innovation reposent sur le tissu social et la structure foncière. A une échelle plus large, elles ont été rendues possibles par le désengagement de l’Etat qui a quasiment déserté le champ des politiques agricoles et mis le secteur agricole au contact direct des marchés internationaux. Le système agricole résultant est ainsi dépendant du système politique et du tissu social qui à la fois lui a donné naissance et l’a diffusé. Les problèmes économiques et écologiques qui émergent progressivement montrent les limites du modèle, voire le remettent en question.

6 Le chapitre 4 illustre un cas de choix de land sparing à partir de l’exemple du Gabon qui se situe entre les deux scénarios Ordre par la force et Orchestration globale du MEA. La division territoriale entre l’exploitation forestière et l’implantation de parcs nationaux est l’occasion de rappeler le rôle des politiques et ainsi de souligner l’importance de la compréhension des rapports de forces entre les acteurs d’un territoire. Le Gabon est souvent considéré comme un cas exemplaire de conservation des milieux. Celle-ci s’est effectuée dans le cadre d’une domination politique marquée par l’association d’un Etat rentier, fort et autoritaire et de deux ONG internationales dans un contexte postcolonial fort. Les populations locales sont exclues des parcs, sans recevoir de compensation, et sont de ce fait hostiles à leur implantation. L’inadaptation des politiques aux populations locales crée, et a déjà créé par le passé, de larges limitations

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qui peuvent conduire à l’abandon de projets. De ce fait, de nouveaux projets menés par une politique volontariste de l’Etat tentent de pallier ce problème en impliquant davantage les populations et en leur proposant des projets de développement.

7 Le chapitre 5 se penche sur le cas du Brésil, Etat fort et moderne qui a voulu assoir sa souveraineté territoriale sur le Bassin amazonien. Ce faisant, il s’est tourné vers le choix d’une articulation entre land sharing et land sparing, à l’articulation entre les scénarios Technogarden et Mosaïque adaptative. L’Amazonie brésilienne est soumise à de fortes pressions entre besoins alimentaires et protection environnementale. La solution actuelle proposée par un Etat volontariste se base à la fois sur la préservation relative de l’Amazonie compensée par une intensification agricole dans les Cerrados (land sparing) et sur le zonage de l’espace amazonien où des politiques environnementales et des modes de gestions différents s’appliquent (land sharing). Mené avec succès par les agriculteurs familiaux, le projet de land sharing est basé sur la recherche de modèles alternatifs, proches de la Mosaïque adaptative, qui découlent en systèmes souvent qualifiés d’agroécologie. Toutefois, Xavier Arnauld de Sartre présente les limites du modèle liées notamment au caractère éphémère du volontarisme de l’Etat, au manque de perspectives sur le long terme ou encore au manque de prise en compte des dynamiques régionales dans l’application locale de la politique de land sharing, en s’appuyant sur des cas d’étude locaux concrets.

8 La conclusion de l’ouvrage replace les cas d’étude dans le modernisme, par le rôle que joue l’Etat, la manière dont la nature est prise en compte et leur insertion dans le capitalisme. Confrontées à un besoin de changement, ces trois situations prennent chacune leur sens dans une déclinaison particulière de la modernité. Elles font face à des problèmes qui incluent les dynamiques héritées du modernisme : contestation des parcs, absence de modèle économique, mise à l’écart de la Nature et des populations locales et l’absence de compensations face à l’émergence d’un système durable. Malgré la nécessité de replacer les populations locales au cœur des défis portés par les transformations, les acteurs doivent développer des stratégies dans des figures spatiales héritées ou imposées, rendant difficile la mise en place de solutions alternatives. Le verrouillage de ces problèmes, économiques, spatiaux et/ou technologiques, explique ainsi les décalages entre enjeux et la situation actuelle.

AUTEURS

SOLENN LE CLECH

Postdoctoral fellow, Agricultural Economics and Policy (AECP) group, ETH Zürich, Switzerland. LETG Rennes, University Rennes 2, France

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Charles Lancha, L’Argentine des Kirchner (2003-2015) Une décennie gagnée ? Paris, L’Harmattan, 2016, 285 pages

Alvar De La Llosa

RÉFÉRENCE

Charles Lancha, L’Argentine des Kirchner (2003-2015). Une décennie gagnée ?, Paris, L’Harmattan, 2016, 285 pages.

1 C’est toujours avec grand intérêt qu’on lit un ouvrage de Charles Lancha, professeur émérite à la longue trajectoire jalonnée de publications – et non des moindres – et spécialiste de l’Argentine. Plus encore au moment où l’actualité nous rattrape avec la large victoire peu attendue du parti officiel du président Macri aux élections des deux chambres argentines, fin octobre 2017.

2 Basé sur de nombreuses sources de presse – documentation propre à toute histoire du temps présent – tant argentines qu’européennes, et qui nous offrent au moins deux regards, mais aussi sur les (déjà) quelques articles et ouvrages d’analyse du kirchnérisme , le livre s’intéresse à l’histoire de l’Argentine de 2001 à 2015 ; c’est dire si on est dans l’immédiat.

3 Au moment où, selon d’aucuns, il semble que l’Amérique latine referme son cycle de gouvernements de gauche/populistes/populaires (on ne sait encore comment les nommer sans que le qualificatif ne soit immédiatement considéré comme une prise de position), l’analyse de Lancha apporte une contribution des plus utiles. Si l’ouvrage opte pour une vision somme toute favorable aux gouvernements des Kirchner, il est cependant convaincant parce que fouillé, précis, détaillé, et constamment référencié, s’appuyant constamment sur des déclarations ou des analyses dans un va-et-vient permanent entre le point de vue de l’opposition, ses attaques et la réponse du camp

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kirchnériste, voire des institutions internationales. Remarquons par ailleurs que l’auteur sait expliquer les raisons de la défaite électorale autant que le manque de réponse immédiate des gouvernements d’alors face à des bavures policières ou des répressions à l’égard d’occupations populaires.

4 Constitué de trois parties – la présidence de Néstor Kirchner (2003-2007), puis chacune des deux présidences de Cristina Fernández de Kirchner (2007-2011 et 2011-2015) -, en plus d’une introduction qui reprend les principaux faits de la politique argentine des années 2001-2003 qui expliquent les conditions qui permirent l’arrivée au pouvoir de Néstor Kirchner, l’ouvrage, consacré à douze ans de l’histoire de l’Argentine, est sous- divisé en, respectivement, 17, 8 et 32 chapitres. Ce découpage montre à lui seul le détail de l’analyse proposée. Il s’agit là de petits chapitres qui constituent autant de fiches récapitulatives des principaux thèmes de la politique argentine, intérieure comme extérieure, qui permettent ainsi de remémorer les faits et d’y voir plus clair puisque, face à l’imbroglio de la politique argentine, l’auteur synthétise l’information qui s’étale et pourrait se perdre parfois sur les vingt-et-une dernières années (tel le cas de l’attentat de l’AMIA et le suicide du juge Nisman (1994-2015). On apprécie les pages consacrées au rôle de la presse d’opposition, notamment Clarín et La Nación, et au problème de la corruption ou de la politisation des juges. Il y a là un tableau vivant de la polarisation de la vie politique argentine, des divisions au sein du péronisme, et face à l’élection inattendue, mais très serrée de Macri à la présidence en 2015, il est intéressant de poser un regard rétrospectif sur la façon dont il a construit à la fois son personnage et constitué des réseaux qui l’on conduit à la Casa Rosada, il est alors intéressant de relire certaines déclarations de ce dernier concernant le besoin de réviser la politique et le traitement des Droits de l’Homme.

5 L’étude réinsère l’Argentine, la rénovation de sa politique étrangère et la réalité de ses échanges économiques dans le contexte mondial du moment. Et on apprécie particulièrement, le regard explicatif porté sur les mécanismes économiques et financiers dans lesquels l’Argentine s’est alors engagée. On prise particulièrement les très nombreuses pages consacrées aux diverses modalités de remise à flot de l’économie nationale après une longue période particulièrement trouble.

6 L’ouvrage s’adresse donc à un public de spécialistes autant que d’étudiants. La clarté de la présentation, le découpage et la quantité d’aspects et de thèmes abordés aident à la compréhension d’un phénomène contemporain. Il s’avèrera vite être une source indispensable pour tous ceux qui veulent comprendre l’Argentine des quinze dernières années ou simplement réviser son histoire récente, tout en livrant de nombreuses clefs pour comprendre son présent.

7 On apprécie l’excellente conclusion qui intègre le cas argentin à l’ensemble structurel latino-américain dans un contexte économique mondial. On remerciera finalement Ch. Lancha qui, à travers son ouvrage, nous aide à comprendre la polarisation extrême que connaît désormais le débat politique en Argentine, et nous livre une série de clefs pour commencer à appréhender la polémique née ces derniers temps après que certaines personnalités liées au secteur gouvernemental ont ouvertement exprimé leur désir de voir l’actuel gouvernement revenir sur certaines décisions de justice, concernant en particulier les jugements rendus par les tribunaux et les peines infligées aux tortionnaires de la Dictature et leurs commanditaires ; certains en arrivant à dire que « l’on parle trop des Droits de l’Homme ».

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AUTEUR

ALVAR DE LA LLOSA

Professeur en civilisation latino-américaine, Université Lyon 2 (LCE, EA 1853)

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Claudine Raynaud (ed.) Récit de Sojourner Truth. Une esclave du Nord, émancipée de la servitude corporelle en 1828 par l’Etat de New-York, traduction, introduction et notes de Claudine Raynaud. Presses Universitaires de l’Université de Rouen, 2016, 154 p.

Suzanne Fraysse

RÉFÉRENCE

Claudine Raynaud (ed.) Récit de Sojourner Truth. Une esclave du Nord, émancipée de la servitude corporelle en 1828 par l’Etat de New-York, traduction, introduction et notes de Claudine Raynaud. Presses Universitaires de l’Université de Rouen, 2016, 154 p.

1 La collection « Récits d’esclaves » s’est donnée pour mission de faire connaître à un public français certains des nombreux témoignages sur l’esclavage. Claudine Raynaud y présente la traduction du récit de Sojourner Truth, accompagnée d’une longue préface de 86 pages, de notes abondantes, d’une bibliographie et de quelques documents iconographiques.

2 On peut s’interroger sur l’utilité de traduire un tel récit : le grand public se satisfera de la traduction des récits majeurs de Frederick Douglass et de Harriet Jacobs, tandis que le public spécialisé a besoin d’un accès aux sources écrites en anglais qui sont d’ailleurs facilement disponibles, en particulier grâce au site « Documenting the American South » (http://docsouth.unc.edu/) de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill.

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3 Cependant, l’appareil critique qui accompagne la traduction du texte permet de faire connaître en France une figure majeure du militantisme féministe et abolitionniste au 19e siècle, qui aura également largement inspiré les écrivains d’aujourd’hui : Claudine Raynaud prend ainsi l’exemple de Beloved, de Tony Morrison, pour en administrer la preuve. Une photographie jointe en annexe montre Mme Obama rayonnante, applaudissant la statue de Sojourner Truth, solennellement installée en 2009 dans le hall de l’émancipation à Washington. L’image en dit long en effet sur la panthéonisation de Truth, qui a d’ailleurs été le sujet de nombreuses biographies.

4 Claudine Raynaud retrace donc la vie de Sojourner Truth, née Isabella Bomefree (Baumfree ?) dans un milieu anglo-néerlandais vers 1797, qui bénéficia en 1827 de la loi sur l’émancipation des esclaves de l’Etat de New-York, avant de devenir une oratrice de renom et une militante active au service de causes diverses. Elle participa également activement au second Grand Réveil évangélique des années 1810-1830, ce qui lui valut quelques déboires, en particulier avec un barbu misogyne qui se prenait pour un prophète et soumettait ses fidèles, dont Sojourner, à un régime tyrannique dans son « Royaume de Matthias », une communauté qui dura trois ans (1833-35) jusqu’à un scandale retentissant. Bien la peine de dénoncer l’esclavage.

5 Le texte retenu par Claudine Raynaud est la première version du récit de Truth, publiée en 1850 dans la période faste du récit d’esclave, car cette version lui a semblé mieux rendre compte de son lien au genre du récit d’esclaves que les quatre autres versions publiées ultérieurement. Plus qu’une biographie, cette version est un texte de propagande abolitionniste, flanqué de textes militants écrits par Garrison et Theodore Weld. A ce sujet, on s’étonne que les extraits de Slavery as it is de Weld disparaissent de cette traduction, alors que Claudine Raynaud note bien l’importance de ces paratextes qui visent à « contraindre l’intervention dans le périmètre de la propagande ». Seule demeure la préface de Garrison, de sorte que le cadre semble ainsi cassé.

6 Ce récit est-il vraiment caractéristique du genre des récits d’esclave ? La réponse de Claudine Raynaud est en fait nuancée. On y retrouve bien les figures imposées (la vente aux enchères, le mariage forcé, la séparation de la famille, le corps martyrisé, la fuite, l’appel à la générosité financière des lecteurs), l’idéologie de l’époque (la défense des valeurs familiales, de la pudeur, de la religion (au point que le récit s’inscrit dans la tradition du récit de conversion), et les valeurs du militantisme abolitionniste (la revendication de l’humanité de l’esclave, de la liberté). Mais le récit de Sojourner se distingue de plusieurs façons : alors que la plupart des récits d’esclaves racontent l’histoire d’un homme esclave dans les plantations du Sud, ce récit porte sur une femme domestique dans un Etat du Nord. On croit parfois deviner qu’elle s’écartait parfois de l’idéal de « la vraie femme » silencieuse et passive prônée par la culture dominante de son époque. Elle n’hésita pas à se rendre dans des lieux mal famés à la rencontre de prostituées. Elle entama, et gagna, deux procès, l’un pour récupérer son fils kidnappé par des esclavagistes, et l’autre pour venger son honneur dans l’affaire du Royaume de Matthias. Elle prit ensuite la route pour s’exprimer en public, tenant tête à des canailles qu’elle charma de sa voix puissante et exhibant ses seins pour faire taire ceux qui contestaient sa féminité. Son refus d’apprendre à lire et à écrire est un autre trait distinctif : Claudine Raynaud y voit un signe de résistance à la culture dominante assez unique.

7 Le récit est en effet un récit transcrit par l’activiste Olive Gilbert dont on sait peu de choses, si ce n’est qu’elle n’était pas une grande littéraire : son récit est naïf, construit

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de façon conventionnelle, maculé de clichés et de proverbes, condescendant et parfois même raciste malgré toute la bonne volonté de la militante. Là où même Thomas Gray faisait parler Nat Turner à la première personne, Gilbert produit un récit à la troisième personne qui tend à étouffer la voix de Truth. La traduction en français n’arrange pas les choses, car, lorsque Sojourner est citée, on croirait parfois entendre une paysanne berrichonne. Il s’agit là sans doute d’une fatalité de la traduction, qui n’enlève rien au fait que la traduction se lit agréablement. La bibliographie complète utilement l’ouvrage, même si les récits d’esclaves tendent à disparaître dans les anthologies placées dans « les ouvrages et récits critiques », dépeuplant ainsi la rubrique « récits d’esclaves » où l’on regrettera particulièrement l’absence de John Marrant, et la présence de H. L. Gates, éditeur et non pas auteur d’un récit d’esclave !

AUTEUR

SUZANNE FRAYSSE

Aix-Marseille Université, LERMA (EA853)

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Jacques Galinier et Aurore Monod Becquelin, Las cosas de la noche, una mirada diferente Mexico, Edition CEMCA, 2016, 241 p.

Delphine Mercier

RÉFÉRENCE

Jacques Galinier et Aurore Monod Becquelin, Las cosas de la noche, una mirada diferente, Mexico, Edition CEMCA, 2016, 241 p.

1 Dès sa constitution, le groupe de recherche « Anthropologie de la nuit » (Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (CNRS-Université Paris Ouest) s’est donné pour objectif de réunir des spécialistes de plusieurs disciplines telles que la sociologie, l’histoire, l’ethnolinguistique, le droit et l’économie, pour aborder les pratiques quotidiennes ou rituelles propres à la nuit, dans leurs contraintes et leurs aménagements, en considérant aussi bien l’analyse des systèmes de croyances éclairés par chacune des disciplines mentionnées que par l’écologie, ou la philosophie. Ce domaine, qui recouvre une part considérable des activités humaines, conscientes et inconscientes, concerne l’ensemble des objets et des processus étudiés par l’anthropologie, dans toutes ses directions, c’est à dire aussi bien le corps et ses techniques, la notion de personne, que la culture matérielle, les échanges, et les représentations. La multiplicité des points de vue sur la nuit appelle le concours des disciplines dont la collaboration est d’autant plus nécessaire que la recherche présente un nombre considérable de lacunes tant théoriques que méthodologiques. Les principales absences ethnographiques et théoriques, telles qu’elles ressortent de la description des faits sociaux considérés dans leur spécificité nocturne peuvent être ainsi brièvement énumérées : • peu de faits systématiquement récoltés en vue d’une étude de la nuit, et moins encore de visée comparative ;

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• une dépendance méthodologique et descriptive de la nuit, conçue presqu’exclusivement comme complémentaire ou inverse du jour, alors que la « nocturnité » implique une idée de transformation, induite par les changements qui affectent les données physiques - extérieures et internes au corps- expérimentées par les humains, et l’interprétation culturelle qu’ils en fournissent ; • une absence de réflexion générale sur l’étendue et les limites des particularités qu’introduisent les humains dans leur conception de la nuit.

2 Après avoir parcouru le territoire de la nocturnité depuis de nombreux points de vue et dans des terrains fort divers, le groupe « Anthropologie de la Nuit » a conclu à la nécessité de proposer une nouvelle approche de ce domaine, dont le colloque de Mexico organisé en 2012 devrait présenter les axes majeurs. Cette démarche implique de repenser le programme de l’enquête ethnographique (étude de la morphologie sociale, de l’action), sur la base de terrains proprement « nocturnes », pour remonter vers les ordres sociaux « diurnes », décrits par les chercheurs et dans les théories indigènes. Les observations de terrain sont axées sur les processus de construction de ces ordres de la nuit, leur structure, leur fonctionnement, leur économie et leurs normes juridiques, leur dynamique et leurs désajustements. Il s’agit de comprendre les règles imposées par la nuit, celles que certains types d’action imposent à la nuit et enfin les règles que la nuit impose au jour, à savoir comment les pratiques nocturnes affectent, souvent considérablement, celles du jour. Des recherches précises et concentrées ont été poursuivies en gardant la multiplicité et la variété des terrains : les contraintes - les veilles, les états liminaires ou altérés de la conscience comme les visions, et même les fardeaux de la nuit (non seulement les dépenses énergétiques, économiques, symboliques mais les dépenses en émotions, transgressions, obligations (de raconter les rêves pour contrer les mauvais présages et régler la vie diurne).

3 Cette approche implique également de repenser la communication nocturne. Ce champ de l’interaction multimodale, est conventionnellement jugé comme « altéré » si on le conçoit comme en contraste avec le jour. En revanche, si l’on en détaille les propriétés spécifiques qui incluent le sommeil, l’activité onirique, les conceptions du corps, les perceptions relatives au monde, il devient à la fois autonome et interdépendant avec le monde diurne. Cette publication marque donc une nouvelle étape dans un projet mis en lumière dans le cadre du séminaire « Anthropologie de la nuit » et s'inscrit dans un courant de réflexion qui trouve aujourd'hui une croissance constante dans le monde et qui vise à appréhender ce nouvel objet d'une perspective transnationale et interdisciplinaire. Cet ouvrage, issu d’un projet de recherche portant sur les définitions et les limites de la nuit dans différentes cultures à des fins de comparaison, soumet à une analyse critique le lieu commun qui associe constamment la nuit à l'obscurité et permet de construire des méthodes innovantes, ainsi que des outils analytiques spécifiques. Les textes rassemblés dans cet ouvrage correspondent aux actes du Colloque Las Cosas de la Noche tenu à Mexico les 18 et 19 octobre 2012.

4 La nuit est certainement l'un des sujets les plus prometteurs de l'anthropologie du nouveau millénaire sur lequel est implanté maintenant une foule de séminaires, thèses et domaine de la recherche. Si la nuit était restée dans l’ombre dans les analyses anthropologiques c’est essentiellement car le regard, les habitudes et l'expérience de l'Occident sur l'autre moitié de notre existence semblaient rationnels et universels, alors que ceux des autres, l'espace et le temps exotique, non seulement semblaient surprenants et incompréhensibles, mais aussi follement irrationnels. En fait, nous

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avons l'habitude de penser et de vivre un certain nombre d'alternances qui paraissent évidentes ou naturelles : clarté de jour / obscurité nocturne, sillage / sommeil, activité / repos, sécurité / danger. Il est difficile pour nous de nous convaincre que d'autres sociétés ne les conçoivent pas et ne les vivent pas de la même façon. Les essais présentés dans cet ouvrage suggèrent ces splendeurs de la vie nocturne, de mondes préhispaniques à nos espaces urbains contemporains, de Papouasie à la mafia italienne, chamans amazoniens dans l'Arctique immergé dans la longue nuit polaire de six mois. Enfin, il apparaît que les anthropologues de la nuit tout comme les artistes, les musiciens et les poètes « croient à la nuit », Rainer Maria Rilke1.

NOTES

1. Rainer Maria Rilke, Poémes à la nuit, Der Doppelgänger, Édition bilingue. Traduit de l’allemand et présenté par Gabrielle Althen et Jean-Yves Masson. Préface de Marguerite Yourcenar, 112 p., janvier 1994.

AUTEURS

DELPHINE MERCIER

Aix Marseille Université, LEST, Aix-en-Provence

IdeAs, 10 | Automne 2017 / Hiver 2018 294

Lawrence Ross, Blackballed. The Black and White Politics of Race on America’s Campuses New York, St. Martin Press, 2016, 232 p.

Clémentine Berthélémy

RÉFÉRENCE

Lawrence Ross, Blackballed. The Black and White Politics of Race on America’s Campuses, New York, St. Martin Press, 2016, 232 p.

1 Le 7 mars 2015, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la marche civique de Selma, Barack Obama déclare que l’Amérique « porte toujours l’ombre de son histoire raciale »1. Seulement quarante-huit heures plus tard, un scandale impliquant les membres d’une fraternité de l’Université d’Oklahoma atteste de la véracité des propos du président. Dans une vidéo publiée en ligne, les membres de la prestigieuse fraternité Sigma Alpha Epsilon entonnent à l’unisson un chant raciste prônant le lynchage des Noirs : « Il n’y aura jamais de nègres [dans ma fraternité], vous pouvez le pendre à un arbre, mais jamais son nom ne sera collé au mien » (p. 8). Cet épisode n’a en fait rien d’inédit puisqu’il s’ajoute une vaste liste d’incidents racistes recensés sur l’ensemble des campus universitaires. Face à l’incompréhension et l’embarras que suscite la recrudescence de ce genre d’incidents, l’ouvrage Blackballed de Lawrence Ross vient à point nommé.

2 Conférencier, journaliste et romancier américain, Lawrence Ross entend lever le voile sur « l’un des lieux de vie les plus racialement hostiles des États-Unis » (p. 5) : le campus universitaire. Plus exactement, l’ouvrage fait la lumière sur les zones d’ombre du système grec2 dit « traditionnellement blanc » au sein duquel sévit un racisme endémique soutenu par l’existence d’un « privilège blanc (…) codifié » (p. 51). Cette approche tout à fait pertinente - quoique quelque peu restreinte - s’inscrit dans la continuité des travaux de Lawrence Ross exposés en 2000 dans The Divine Nine – sans

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nul doute le plus important ouvrage consacré aux fraternités et sororités étudiantes afro-américaines. L’intérêt de Blackballed répond à un triple objectif : reconnaître l’existence d’une crise raciale majeure sur les campus ; mettre en évidence le rôle joué par les universités dans le développement d’un environnement racialement hostile; et enfin imaginer des solutions adaptées et efficaces pour rendre les campus plus accueillants. Blackballed s’ordonne en sept chapitres selon un rythme dynamique et une vivacité de ton particulière conférant à l’ouvrage l’un de ses principaux attraits.

3 L’incident de l’Université d’Oklahoma constitue le point de départ de l’ouvrage. L’intérêt de ce premier chapitre n’est pas tant d’informer le lecteur sur les circonstances précises de l’incident mais plutôt de le lui présenter comme une manifestation symptomatique d’un environnement où le privilège blanc et le racisme perdurent. Comme dans la suite de l’ouvrage, Lawrence Ross ne se contente pas ici d’un simple assemblage des faits. En effet, il apporte d’emblée un éclairage historique aussi précieux que captivant sur la façon dont les fraternités traditionnellement blanches ont usé, depuis la fin des années 1920, de clauses restrictives visant à interdire l’accès de leurs confréries aux étudiants afro-américains. En 1928, plus de la moitié d’entre elles avait en effet mis en place ces restrictions, facilitant ainsi l’émergence de fraternités non-traditionnelles (notamment afro-américaines). Nonobstant l’élimination progressive de ces clauses restrictives au milieu des années 1960, le système grec est aujourd'hui encore marqué par une ségrégation de facto. Pour Lawrence Ross donc, « rien n’a véritablement changé » (p. 47).

4 Pour le prouver, l’auteur met à profit son expérience du terrain et du système grec3 au cours des trois chapitres suivants (2-4). Il examine des cas précis de manifestation du privilège blanc ainsi que leur effet exclusionnaire, lesquels sont corroborés par des témoignages, souvent poignants, d’étudiants et alumni afro-américains. À cet égard, on notera l’originalité et la pertinence des exemples choisis. Le plus frappant est sans conteste celui de l’Université de l’Alabama (chapitre 2) où une coalition secrète d’étudiants - semblable aux Skull and Bones de Yale - exerce depuis plus d’un siècle un pouvoir politique des plus controversé. Celle que l’on nomme communément The Machine est composée de plus de 8 000 étudiants, tous membres des fraternités et sororités blanches implantées sur le campus de l’université. En tant que représentante du système grec traditionnel, son rôle est d’influencer (par des moyens pour le moins douteux) les membres du gouvernement étudiant à voter sur des questions d’ordre spécifique, d’une manière qui lui sera avantageuse. Autrement dit, The Machine « utilise son pouvoir collectif pour diriger le gouvernement étudiant de l’Université de l’Alabama » (p. 50), étouffant du même pas les voix de ceux n’appartenant pas au système grec spécifiquement blanc. L’auteur soutient qu’il s’agit là d’ « un symbole concret du privilège blanc » (p. 71) témoignant de la façon insidieuse dont le pouvoir exclusionnaire se déploie sur de nombreux campus américains. Les chapitres 3 et 4 prolongent cette idée et soulignent que ces rapports de domination visent en somme à intimider les étudiants afro-américains en leur adressant le message suivant : « nous sommes les seuls à fixer les normes » (p. 105).

5 Le cheminement des cinquième et sixième chapitres mène le lecteur vers une question fondamentale : d’où vient cette vague de racisme qui déferle actuellement sur les campus? La réponse apportée par l’auteur est sans équivoque: « Le racisme n’a en réalité jamais cessé » (p. 146). C’est précisément sur cette illusion de surprise, poursuit- il, que se fondent les réponses timorées des institutions universitaires pour interpréter

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les actes à caractère raciste recensés sur leur campus. Ces chapitres reviennent donc sur ce qui contribue à développer un sentiment d’hostilité raciale : les appropriations culturelles, les fêtes à thème aux connotations racistes, la pratique du blackface, l’usage du drapeau des Etats confédérés (chapitre 5) ou encore l’emploi de noms controversés pour désigner certains bâtiments universitaires (chapitre 6). L’auteur condamne sans réserve le manque de réactivité et d’anticipation des dirigeants universitaires qui, selon lui, fournissent des « réponses toute faites » (p. 138) contribuant à légitimer et banaliser ce type d’agissements sur les campus.

6 En dépit d’un titre cinglant (« We’re Mad as Hell… And We’re Taking Over the Building »), le septième chapitre conclut l’ouvrage sur une note d’espoir. Au fil de cet ultime développement, Lawrence Ross abandonne sa démarche critique pour suggérer des voies d’action vers une confrontation effective et directe avec le racisme. Parmi ces orientations, l’auteur soumet l’idée d’un congrès national composé d’étudiants afro- américains qui se réunirait annuellement pour identifier les incidents raciaux sur l’ensemble des campus américains. Cette action collective pourrait, selon l’auteur, « accroître le pouvoir des étudiants noirs, particulièrement au sein des établissements (…) où ils sont sous-représentés » (p. 231). L’auteur fonde également son espoir sur l’activisme étudiant afro-américain qui, depuis son origine au début du 19e siècle, n’a cessé de s’élever contre le maintien du statu quo racial. Sans doute dans un dernier élan d’exaspération, l’auteur va jusqu’à suggérer le boycott par les familles afro-américaines des établissements universitaires qui ne fourniraient pas d’efforts satisfaisants dans la gestion et la prévention du racisme.

7 Au terme de ce développement nous pouvons toutefois regretter que l’auteur privilégie des voies d’action qui semblent favoriser davantage les réactions offensives que l’écoute et le dialogue au sein de la communauté estudiantine. Plus généralement, on s’étonne de la vision quelque peu monolithique de l’auteur sur les effets du racisme qui pourrait laisser croire que les victimes sont exclusivement afro-américaines. Le racisme, les préjugés et le poids du privilège blanc n’épargnent semble-t-il guère les étudiants issus des minorités hispaniques ou asiatiques. La focalisation de l’ouvrage aurait sans doute mérité d’être élargie, au moins partiellement, de façon à établir un diagnostic plus complet d’une réalité du terrain multidimensionnelle. Malgré ces quelques réserves, Blackballed est un ouvrage nécessaire qui, dans la même veine que Racism without Racists4 du sociologue américain Eduardo Bonilla-Silva, montre que le racisme a aujourd'hui migré vers des formes plus subtiles mais tout aussi dévastatrices et avilissantes. Plus largement, ce livre invite le lecteur à se demander si l’on peut censément attendre des universités qu’elles transcendent les sociétés desquelles elles émergent.

NOTES

1. Maya Rhodan, « Transcript: Read Full Text of President Barack Obama's Speech in Selma », Time, 7 mars 2015. Disponible sur : http://time.com/3736357/barack-obama-selma-speech- transcript/

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2. Les noms des fraternités et sororités américaines se composent de lettres grecques qui sont souvent les initiales d’une devise grecque ou latine. Pour cette raison, elles sont communément désignées par le terme englobant de « greek letter organizations » ou « GLO » (organisations à lettres grecques). On parle ainsi de « vie grecque », de « système grec » ou de « communauté grecque ». 3. Lawrence Ross est membre de la fraternité afro-américaine Alpha Phi Alpha. 4. Eduardo Bonilla-Silva, Racism without Racists: Color-Blind Racism and the Persistence of Racial Inequality in America, New York, Rowman & Littlefield Publishers, 2006.

AUTEURS

CLÉMENTINE BERTHÉLÉMY

Aix Marseille Université, LERMA (E.A. 853), Aix-en-Provence

IdeAs, 10 | Automne 2017 / Hiver 2018 298

Matthew E. Stanley, The Loyal West. Civil War and Reunion in Middle America Urbana: University of Illinois Press, 2016, 268 p.

Nathalie Massip

RÉFÉRENCE

Matthew E. Stanley, The Loyal West. Civil War and Reunion in Middle America. Urbana: University of Illinois Press, 2016, 268 p.

1 Matthew Stanley’s The Loyal West. Civil War and Reunion in Middle America, focuses on the Lower Middle West, and its contribution to the Civil War and reconciliation that followed. While the “Loyal West” of the title comprises the states of Ohio, Indiana, and Illinois, Stanley also examines the subregion’s relations to the larger Ohio River Valley, especially to its Southern neighbor, Kentucky.

2 As Stanley demonstrates, the region had long attracted settlers from both the North and the South, creating a typically western identity that rested on moderation, conservatism, and accommodation between freedom and slavery. The Lower Middle West, home to both Democratic followers of Stephen Douglas and free labor Republicans, distinguished itself at the onset of the Civil War by becoming a staunch supporter of Unionism. Following Douglas’ rejection of neutrality (“There can be no neutrals in this war, only patriots and traitors.”), volunteers joined Union troops by the thousands. Even Southern Illinois, a historically Democratic region, “enlisted a higher percentage of soldiers than any other region in the Union” (49), as Stanley points out.

3 Not only was this West “loyal,” it was also very conservative in its outright rejection of emancipation: “emancipation was met with more hostility in the Lower Middle West than in any part of the free states, with civilians and soldiers alike far more likely to accept the measure as a war means rather than a war aim, as strategy rather than

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policy.” (59, italics in the text) Fighting alongside Northerners for the preservation of the Union did not prevent many Lower Middle Westerners from sharing their Secessionist enemies’ views on race, including—if not even more so—after Lincoln’s Preliminary Emancipation Proclamation of September 1862.

4 The conservatism of the region was even more forceful in the aftermath of the war, to the point that the region played a major role in the failure of Reconstruction, according to Stanley: “Reconstruction ultimately failed as a set of national policies because it failed first as a mental re-imagining of social and economic relations in the part of the North where it was most vulnerable: Middle America’s conservative Unionist belt.” (100) The historian contends that, as a bellwether region, the Lower Middle West set the tone for the rest of the country. Not only did its deeply entrenched racism doom Reconstruction in the region and, as a result, in the nation at large; but the rejection of emancipation evolved into racial exclusivism and violent expressions of white supremacy.

5 The originality of Stanley’s analysis rests in the links he establishes between sectionalism and regionalism. Beyond the traditional emphasis on the North-South divide characterizing the Civil-War era United States, the East-West sectional division that Stanley highlights is compelling. Despite its southern attributes, the region was anti-rebel. Yet it was also anti-eastern, in spite of—if not because of—the “Yankee invasion” the region experienced from the 1830s on. Most significantly, Lower Middle Westerners were consistently anti-black. Defined as “the defiant insistence that the region’s interests lay neither with North nor South,” (65) the peculiarly western identity the historian describes in this Middle America sheds new light on the region.

6 The book also underscores the centrality, significance, and versatility of the Ohio River. During the war, the latter was seen as separating the “loyal West” from the South. It not only divided slave from free but, also, delineated loyalty and disloyalty, as Kentucky, on the opposite bank, was seen as “the land of the traitor and the home of the slave” (52). Yet the “loyalty line” morphed into a “reconciliation line” following the war: “By the mid-1880s, Union and confederate veterans were using the Ohio River as a reunion apparatus by imagining it not as a sectional boundary but as they had during the antebellum period, as a cultural connector.” (167)

7 Finally, Stanley skillfully combines regionalism and Civil War memorialization, examining the “Loyal West” narrative that emerged after the war in counterpoint to the “Two Americas” thesis. Asserting their political and cultural distinctiveness, veterans of western armies claimed that they had won the war, and depicted their loyalty as superior to their eastern counterparts’. Regionalism was also central to reconciliation, according to Stanley. By the 1880s, “drawing on their shared western and conservative identities with one-time enemies in Kentucky, Missouri, and Tennessee,” (155) the Lower Middle West reconciled with the former Confederacy, therefore splitting with the Loyal West. As lines were redrawn and the country moved further West, the regional uniqueness of the Loyal West “paved the way in part for the Midwest—an anti-section marked by the values of the prairie and Main Street, the river valleys and the urban polyglot.” (182)

8 The Loyal West is a well-researched, compact, and deft examination that rests on soldiers’ and officers’ memoirs and letters, for the most part. A most welcome map of the Lower Middle West in 1860 opens the book, while a few relevant illustrations (including maps of Southern Illinois showing the shifts in the five presidential elections

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of the Civil-War and Reconstruction eras, from Democratic to Republican, then Democratic again), as well as appendixes made of charts providing county returns for each presidential election year from 1860 to the end of Reconstruction accompany Stanley’s well-written text. Overall, it is a very valuable and welcome analysis that sheds light on an often-understudied region and its identity, and uncovers its complex and crucial role in Civil-War era America. It is also timely, especially in light of recent renewed interest in Midwestern studies. Therefore, it is to be hoped that The Loyal West will open the way to more studies of the same kind and quality.

AUTEURS

NATHALIE MASSIP

MCF études américaines, Université Nice Sophia Antipolis, membre de l’Université Côte d’Azur (UCA)

IdeAs, 10 | Automne 2017 / Hiver 2018 301

Rafael Rojas, Traductores de la utopía. La Revolución cubana y la nueva izquierda de Nueva York (Fighting over Fidel. The New York Intellectuals and the Cuban Revolution) Mexico, FCE (Princeton UP), 2016 (2015), 279 p.(312 p.)

Alvar De La Llosa

RÉFÉRENCE

Rafael Rojas, Traductores de la utopía. La Revolución cubana y la nueva izquierda de Nueva York (Fighting over Fidel. The New York Intellectuals and the Cuban Revolution) Mexico, FCE (Princeton UP), 2016 (2015), 279 p.(312 p.)

1 Rafael Rojas est plus connu de ce côté de l’Atlantique pour ses articles dans le journal El País (Madrid), où il développe une vision très libérale des événements cubains, mais les cubanistes et autres « cubanologues » reconnaissent en lui un spécialiste de l’histoire cubaine. Licencié de l’université de La Havane, docteur par le Colegio de México, c’est avec intérêt qu’on lit cet auteur qui a généralement basé sa recherche sur les archives et a publié plus de quinze ouvrages sur l’histoire de Cuba et du Mexique, même si la pensée libérale est un prisme qui parfois brouille la lecture des événements passés, comme dans le cas de Las repúblicas de aire. Utopía y desencanto en la Revolución de Hispanoamérica (Madrid, Taurus, 2009) où il s’adonne à une relecture pas toujours crédible parce qu’anachronique des mentalités des guerres d’indépendances.

2 Ceux qui en France se sont arrêtés à La lune et le caudillo, apprécieront la grande différence avec l’ouvrage de Rojas qui est le produit d’une bourse octroyée par l’université de Princeton, là même où en octobre 1959, à la demande des autorités

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académiques, Fidel Castro inaugurait le séminaire The United States & the Revolutionary Spirit ; tout se rejoint. Concernant l’histoire des transferts intellectuels entre les États- Unis et la jeune révolution cubaine, on ne possédait jusqu’à présent que les ouvrages de Rusell Jacoby, The Last Intellectuals… (2000) et Paul Hollander, Political Pilgrims... (1998), Rojas apporte donc sa pierre et la qualité scientifique est au rendez-vous. On voit défiler tous les intellectuels étasuniens qui prirent part à l’événement cubain. Le Bottin inclut, Waldo Frank, Carleton Beals, Charles Wright Mills, Michael Waltzer, Allen Ginsberg, Amiri Baraka, Susan Sontag, Norman Mailer, Irving Howe, Paul Sweezy, Leo Huberman, Paul Baran, T. Sulz, Eldrige Cleaver, Stokeley Carmichael, José Yglesias et Elisabeth Sutherland Martinez. C’est dire si on se trouve entre du beau monde ; la fine fleur des intellectuels engagés étasuniens des années 1960.

3 Tout en relevant les différences d’opinions dues à la génération, l’extraction sociale et la pensée, Rojas rappelle les représentations, les transferts et les (non)rencontres qu’a provoqués la Révolution cubaine aux États-Unis, et tout particulièrement à New York. Il remarque le peu de pertinence qu’eurent à La Havane ces débats pourtant élevés, et l’absence totale d’impact sur la désastreuse politique de Washington. Encore eût-il fallu approfondir ces deux aspects. Si on comprend que le bouillonnement intellectuel qui accompagna la Révolution était plus enclin à chercher dans son passé national des réponses aux questionnements que provoquait sa réalité présente, on peut s’interroger sur les raisons qui empêchèrent l’entourage de Kennedy de s’intéresser au débat newyorkais qui, lui, était capable de mesurer la nouveauté. Après tout, en France les services de l’État ne craignaient pas de lire les publications de l’éditeur Maspero sur le FLN et la révolution algérienne, avant d’engager les conversations d’Évian… pourquoi cela était-il impossible dans la grande démocratie américaine ? Existait-il un aveuglement primordial qui empêchait de le faire et qui conduisait la politique de Washington vis-à-vis de l’Ile ?

4 Le foisonnement des débats fut immense, à l’image de la richesse des questionnements de l’époque ; depuis Frederic Jameson qui affirmait que le capitalisme était sur le point de conquérir deux régions qui lui étaient historiquement étrangères (le Tiers Monde et l’inconscient) jusqu’à l’apparition du processus de décolonisation dans ce qui devenait le Tiers Monde, en passant par le soutien et la solidarité des groupes afro-américains à la Révolution cubaine. Entre décolonisation et antiimpérialisme, les événements cubains semblaient, enfin, apporter une réponse valable face à la dégénérescence de l’État soviétique et son « socialisme » bureaucratique héritier de l’État policier tsariste incapable de sortir du cauchemar stalinien. Quant à la gauche étasunienne, elle avait connu bien des avatars depuis les années 20 – son époque de splendeur -, et elle semblait trouver là l’éminence d’un débat qui paraissait annoncer un renouveau susceptible d’intégrer les États-Unis aux débats d’un monde à peine sorti de l’oppression sordide du maccarthysme et des revirements intellectuels des années 50. Parallèlement, dans ce monde englué dans la Guerre froide, des auteurs – et non des moindres – passèrent à côté de l’événement, tel Hannah Arendt qui en 1962 dans On Revolution, ne mentionnait pas la Révolution cubaine alors que la crise des missiles l’avait mise à la une de l’info…

5 Rojas est allé aux textes de l’époque, et cela est remarquable, mais on le sent cependant mal à l’aise au moment d’évaluer à sa juste valeur la diversité des lectures et les nuances des nombreuses analyses des différents courants de la gauche newyorkaise, notamment quand il s’agit d’aborder la richesse des débats, des opinions et des analyses

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qu’offre Monthly Review, d’abord sous la plume d’Huberman et de Sweezy puis de tous ceux qui y collaborèrent en tentant d’appréhender la nouveauté et sa portée réelle. Trop enfermé dans la relation Cuba–États-Unis, Rojas ne les intègre pas dans le débat global qui caractérise une époque qui va du XXe Congrès du PCUS à la divergence chinoise en passant par la tentative européenne de renouveler ses relations non seulement avec ses ex-colonies mais aussi dans le cadre d’une realpolitik vers l’est de l’Europe. On regrette aussi sa tendance à la dispersion quand il prétend analyser photographie, films, poésie et musique, créations qui jalonnent la relation entre des créateurs étasuniens, qui somme toute arrivent avec un regard très yanqui, et une culture caribéenne et un passé historique dont en fait, ils ignorent tout. Il semble que l’ébullition d’une époque très productive et riche en débats d’idées a quelque peu débordé l’auteur qui a du mal à analyser l’abondance et la diversité des positions, et se contente parfois de trop de citations. On regrette aussi que plus qu’étudier les analyses de l’époque, les transferts d’idées et les dialogues (même interrompus), au final l’ouvrage tend, en se servant des écrits critiques ou des ruptures, à vouloir démontrer et construire une affirmation unilatérale de soviétisation du régime cubain sans en marquer les très nombreuses différences, ne serait-ce que pour des raisons culturelles évidentes.

6 On est tout aussi gêné par une écriture qui rappelle l’origine juive de certains intellectuels. Pratique culturelle peu compréhensible de ce côté-ci de l’Atlantique, généralement admise de l’autre côté ? ou besoin supposé d’un surplus d’information dont on perçoit mal le sens ?

7 On sait gré à l’auteur d’avoir exhumé toutes ces productions intellectuelles, témoins d’une époque particulière, et on lira donc avec intérêt l’ouvrage qui s’intègre parfaitement à l’histoire des transferts intellectuels, tout en considérant qu’il offre une introduction aux très riches problématiques d’une période mais que celles-ci doivent être prolongées par des études plus systématiques et ordonnées en les réintégrant dans le contexte d’alors. Voici donc un ouvrage qui est le bienvenu puisqu’il ouvre de nouvelles perspectives à la recherche.

AUTEUR

ALVAR DE LA LLOSA

Professeur en civilisation latino-américaine, Université Lyon 2 (LCE, EA 1853)

IdeAs, 10 | Automne 2017 / Hiver 2018 304

Tony Smith. Why Wilson Matters : The Origin of American Liberal Internationalism and Its Crisis Today. Princeton and Oxford : Princeton University Press, 2017. 332 p. Princeton and Oxford : Princeton University Press, 2017. 332 p.

Serge Ricard

RÉFÉRENCE

Tony Smith. Why Wilson Matters : The Origin of American Liberal Internationalism and Its Crisis Today. Princeton and Oxford : Princeton University Press, 2017. 332 p.

1 Le livre que Tony Smith consacre au « wilsonisme », connu par ailleurs sous le nom d’« internationalisme libéral », se déroule en deux temps : d’abord l’analyse des origines de la doctrine telle qu’elle se définit sous la plume du 28e président des États- Unis ; ensuite sa résurgence sous Franklin Roosevelt et le rôle essentiel qu’elle a joué dans la conduite de la politique étrangère américaine de Pearl Harbor à l’effondrement de l’Union soviétique, puis le passage dans les années 1990, selon les termes de l’auteur, du stade « hégémonique » de l’ordre états-unien à sa phase « impérialiste » ou « néo- wilsonienne ». Ironie de l’histoire récente, le nouvel hôte de la Maison-Blanche, Donald Trump, prend le contre-pied de cette politique et tourne le dos à l’exceptionnalisme et au messianisme démocratique jusque-là invoqués pour justifier l’instauration d’une Pax Americana.

2 Smith entreprend éloquemment de raviver une tradition dont il s’est souvent montré dans ses travaux antérieurs fin exégète et ardent laudateur. Il s’appuie méticuleusement sur les écrits de Wilson pour montrer qu’au moment de son accession

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à la magistrature suprême ce dernier dispose d’un corps de doctrine cohérent, fruit de trois décennies de réflexion sur l’histoire américaine et britannique, le parlementarisme et la démocratie, à laquelle se mêle l’influence du presbytérianisme. Sa vision politique, pétrie d’« anglo-teutonnisme » et de darwinisme, se révèle en fait extrêmement modérée et réaliste et frappe par son idéalisme mesuré. L’établissement de la démocratie ne se fait pas ex nihilo ; il nécessite un long apprentissage. La Révolution française avec sa tabula rasa et ses excès fait figure de contre-exemple et de repoussoir.

3 Selon Tony Smith, les concepts-clés du wilsonisme, pensés comme facteurs de paix et de stabilité dans le monde, sont au nombre de quatre : libre-échange et intégration économique, multilatéralisme assurant une « sécurité collective », leadership éclairé de l’Amérique et, surtout, coopération entre les démocraties. Cependant, avant de théoriser sa vision des relations internationales, dont il voit l’expansion de la démocratie comme le but ultime, Wilson cède au tournant du siècle aux sirènes de l’expansionnisme civilisateur cher à Théodore Roosevelt, que Smith dénomme « impérialisme progressiste », à savoir cette « promotion de la démocratie » par la force mise en pratique avec des bonheurs divers aux Philippines au lendemain de la guerre hispano-américaine, puis, sous sa présidence, au Mexique, en Haïti et à Saint- Domingue. L’élaboration du traité panaméricain de 1915-1916 conduit Wilson, plus kantien que hobbesien, à préciser sa conception du multilatéralisme comme fondement de la sécurité collective et initiateur de démocratie et de paix. Cette vision vient à maturité lorsqu’il fait face au conflit mondial. Elle a été ébauchée dès 1910, il faut le rappeler, par le premier Roosevelt dans son discours devant le comité Nobel de la Paix.

4 Avec la Société des Nations, Wilson entend alors bâtir un nouvel ordre mondial substituant au traditionnel équilibre des puissances la sécurité collective. Sa démarche consiste à transposer sur la scène mondiale sa réflexion sur la démocratie en Amérique, sa conviction qu’un gouvernement doit tenir son pouvoir du consentement des gouvernés, son anti-impérialisme et, comme le montrera son attitude envers l’Allemagne vaincue et la révolution bolchevique, sa certitude qu’un peuple culturellement et racialement homogène peut prendre son destin en main et évoluer vers une société de liberté — à condition qu’il dispose de citoyens engagés, dotés d’esprit civique, d’une élite dirigeante favorable à un État de droit et d’une classe moyenne soucieuse de voir ses aspirations prises en compte — mais qu’il est vain de vouloir stopper un mouvement révolutionnaire par l’envoi de troupes étrangères.

5 Smith s’attache ainsi à démontrer que la promotion de la démocratie et, partant, de la paix dans le monde est au cœur du projet wilsonien ; pierre de touche de l’internationalisme libéral américain, elle est indispensable à l’établissement, sous l’égide de l’Amérique, d’un système certes bénéfique pour tous, mais dont le but premier est avant tout de garantir la sécurité des États-Unis et de protéger leurs intérêts globaux. Comme il apparaît dans la deuxième partie de l’ouvrage, consacrée au « wilsonisme sans Wilson », le souci de l’auteur est de souligner l’extraordinaire succès et la pérennité d’une vision ambitieuse pour l’Amérique, mais également de corriger un certain nombre de malentendus et d’erreurs d’interprétation. La principale, au dire de Tony Smith, tient aux qualificatifs accolés au wilsonisme — idéaliste, moralisateur, utopique, porteur d’un impérialisme messianique — par nombre de spécialistes de la politique étrangère américaine. C’est faire peu de cas, selon, lui des écrits universitaires de Wilson, de son bilan présidentiel et des espoirs limités qui animaient sa vision

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prudente des progrès de la démocratie. La preuve de son adéquation au monde du XXe siècle est que nonobstant son échec en 1920 et durant la décennie qui suit, l’internationalisme wilsonien retrouve son attrait lorsque éclate la Deuxième Guerre mondiale, d’autant plus que les hommes alors au pouvoir ont connu et servi le 28e président. L’héritage wilsonien prend alors de multiples formes, notamment l’instauration de 1941 à 1951 des premiers organismes internationaux et, surtout, l’occupation et la démocratisation de l’Allemagne et du Japon, deux réussites majeures dues en grande partie au passé et aux qualités de ces deux peuples — la leçon du wilsonisme, oubliée en Iraq en 2003, étant que la démocratie ne peut fleurir à partir de rien.

6 La guerre froide voit l’avènement de l’endiguement du communisme et à cette fin l’alliance avec des régimes antidémocratiques, au nom d’une doctrine « réaliste » et non point « libérale », ce qui n’entache en rien aux yeux de Smith l’héritage wilsonien car les deux approches étaient complémentaires et Wilson lui-même était un « réaliste libéral ». Les internationalistes libéraux pendant cette période manifestaient d’ailleurs un optimisme prudent. Ces régimes autoritaires pouvaient éventuellement être influencés dans le sens d’un assouplissement. Les tensions entre réalistes et libéraux ne manqueront pas, marquées par des excès d’un côté (Iran en 1953, Guatemala en 1954, Chili en 1973) et des naïvetés de l’autre (Kennedy et l’Alliance pour le progrès, Carter et les droits de l’homme), les échecs tenant à ce que Wilson voyait comme essentiel dans la mutation démocratique, au-delà de l’engagement de Washington : le caractère et la nature d’un peuple. Cette donnée peut expliquer les victoires inattendues du « libéralisme » au Portugal, en Espagne et en Grèce entre 1975 et 1985, succès qui consoleront des déboires encourus en Amérique latine et en Asie du Sud-Est.

7 La présidence de Ronald Reagan avec sa politique anticommuniste agressive et sa réaction positive aux ouvertures de Mikhaïl Gorbatchev constitue une transition entre la fin de la guerre froide et les révisions apportées à la doctrine internationaliste libérale par les néo-conservateurs dans les années 1990. Démocratie, ouverture des marchés, multilatéralisme, leadership américain — l’esprit du wilsonisme se maintient, mais moins vigoureusement, avec les présidents George H. W. Bush et Bill Clinton. La chute de l’Union soviétique en 1991 et l’optimisme qu’elle engendre dans le camp libéral entraînent la formulation de nouveaux concepts par des néo-libéraux démocrates et leur diffusion par des néo-conservateurs républicains ; ainsi naît le « néo-wilsonisme » qui ouvre à l’internationalisme libéral sa phase « impérialiste ». Smith entreprend dans le chapitre six une sévère analyse théorique, très fouillée, de l’éclosion et du développement dans le milieu universitaire et les cercles du pouvoir de théories néo-wilsoniennes qui vont dominer à partir de 2001, notamment avec la notion de « guerre juste », le droit d’ingérence et la guerre préventive de la « doctrine Bush ». Il note également une myopie aux graves conséquences dans les rapports officiels, le désintérêt pour le matériau humain et le contexte local des expériences de « promotion de la démocratie », d’où les réactions de rejet des valeurs libérales dans le monde arabe et le choc de civilisations ainsi provoqué.

8 Il termine par un survol de la pratique néo-wilsonienne sous George W. Bush et Barack Obama prétextant « l’attrait universel de la démocratie », un « devoir de protection » et le fait que « nos intérêts et nos valeurs ne font qu’un » ; il souligne leurs échecs — l’invasion de l’Iraq par Bush et la tragique déstabilisation du Moyen-Orient au lieu du remodelage annoncé, la faiblesse de la politique d’Obama en Libye et en Syrie, ses

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mauvais choix lors du « printemps arabe » et sa diplomatie incantatoire (à l’exception de la normalisation des relations avec Cuba et de l’accord sur le nucléaire iranien qui n’étaient pas des initiatives strictement néo-wilsoniennes), le bourbier afghan dans les deux cas — et conclut au dévoiement du wilsonisme et à la nécessité d’un retour aux sources. La transformation de l’internationalisme libéral en une idéologie impérialiste dans les années 1990 a mis en péril les valeurs qu’il prétend défendre ; il n’est que de voir les désastres causés en leur nom dans le monde musulman de l’Afrique du Nord à l’Afghanistan.

9 Au terme d’une recherche approfondie, mise en valeur par une argumentation serrée et un texte dense, mais au prix de quelques répétitions, Tony Smith nous livre une étude magistrale, du wilsonisme, de sa cohérence, de son impact sur les relations internationales, de l’usage qu’en firent les successeurs du 28e président, de ses dévoiements et des effets bénéfiques que pourrait produire un retour à la doctrine initiale dont les enseignements restent encore mal connus. Son livre est également une indispensable mise en perspective d’un siècle de politique étrangère américaine.

AUTEURS

SERGE RICARD

Professeur émérite d’histoire et civilisation américaines à la Sorbonne Nouvelle (Université Paris III)

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