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Trois auteurs de clips Marcel Jean

Le grand malentendu : le point sur le cinéma québécois Numéro 116-117, été 2004

URI : https://id.erudit.org/iderudit/774ac

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Éditeur(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (imprimé) 1923-5097 (numérique)

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Citer cet article Jean, M. (2004). Trois auteurs de clips. 24 images, (116-117), 76–77.

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l y a quelques mois, Palm dant de ce qui semble caractéri­ est consacré propose seize vidéo­ Group, qu'il anime lui-même I Pictures inaugurait son Directors ser le travail de Kaufman : une clips, des interviews avec des musi­ sous le pseudonyme de Richard Label par l'édition de trois DVD sorte d'étalage de vittuosité qui ciens et des commentaires audio. Koufey. L'ensemble se laisse regar­ consacrés à , à Chris oscille parfois entre la vulgarité Plusieurs des vidéoclips de Jonze der avec plaisir mais ne justifie­ Cunningham et à , et la fumisterie. Cela est d'autant ont des allures de cartes de visite : rait pas l'achat si ce n'était de la véritable trio de choc de la réali­ plus évident, dans le cas d'Eternal It's Oh So Quiet (Bjôrk) est un deuxième face du DVD qui con­ sation de vidéoclips depuis 1995. Sunshine of the Spotless Mind, exercice de style sur le thème de tient des documentaires, des courts De ces trois auteurs, Spike Jonze que le film emprunte largement au la comédie musicale, Electrobank métrages et quelques autres rare­ est sans contredit le plus connu Resnais de Je t'aime, je t'aime et () construit tés. Deux documentaires retien­ dans le milieu du cinéma. Pas seu­ de Providence, cela en ayant l'air un suspense d'aptes une compéti­ nent particulièrement l'attention : lement à cause de son mariage avec de ne pas y toucher et en comp­ tion de gymnastique, tandis que Torrance Rises, presque un film de Sofia Coppola et de ses accointan­ tant sur le fait qu'un public jeune Da Funk () montre l'er­ famille qui montre Spike Jonze ces avec le groupe Jackass (il a pro­ ne s'en rendra pas compte. Reste rance urbaine d'un jeune garçon dans la peau de Richard Koufey, duit leur long métrage), mais parce donc Chris Cunnigham, jus­ au visage canin. Ces démonstra­ ainsi (\u'Amarillo in the Morning, que Being John Malkovich et qu'à maintenant inconnu dans tions de savoir-faire sont de nature fascinante chronique de la vie de Adaptation lui ont valu une répu­ le bataillon du cinéma, mais qui, à rassurer n'importe quel produc­ deux aspirants cow-boys. tation enviable de cinéaste ludi­ tant dans ses vidéoclips que dans teur quant aux capacités de Jonze. Le DVD consacré à Michel que et cultivé. Le Français Michel ses installations vidéo, fait preuve Dans ce portfolio, on retient sur­ Gondry est le plus généreux Gondry, quant à lui, vient de voir d'un réel tempétament de cinéaste. tout Buddy Holly () dans des trois. On y retrouve vingt- sa renommée exploser avec l'éton­ Les trois artistes, nous l'avons déjà lequel les musiciens du groupe sept vidéoclips ainsi qu'une col­ nant Eternal Sunshine of the dit, ont chacun droit à leur DVD. sont téléportés au milieu d'un lection de réalisations diver­ Spotless Mind, pour lequel il fait Première constatation : Jonze est le épisode de la série télévisée-culte ses (courts métrages, publicités, équipe avec Charlie Kaufman, ci- plus futé, Gondry le plus brillant Happy Days, ainsi que etc.). D'emblée, Gondry se révèle devant scénariste des deux longs et Cunningham le plus déran­ (), dans lequel Jonze comme un artiste passionnant : métrages de Spike Jonze. Réalisé geant. filme un happening de l'invrai­ inventif, inspiré, sorte de tou­ avec précision et invention, le Commençons par Spike Jonze. semblable troupe de danseurs ama­ che-à-tout de génie à l'imagina­ film de Gondry souffre cepen­ La première face du DVD qui lui teurs Tortance Community Dance tion surréalisante. Everlong (The ), Deadweight (), Human Behavior (Bjôrk) et sur­ tout l'exceptionnel Let Forever Be (The Chemical Brothers) sont de parfaits exemples de l'imagerie onirique qu'affectionne Gondry. Fourmillant de trouvailles visuel­ les, ces clips sont une éloquente démonstration des possibilités de cette forme d'expression. Plusieurs autres clips ont une étonnante force conceptuelle (Sugar Water de Cibo Matto; Protection de ) et en ce sens relèvent prati­ quement de l'art contemporain. Mais l'aspect le plus intéressant du travail de Gondry demeure la façon dont il cherche à mettre en image la musique en se colletant à la structure des pièces. Par exem­ ple, il fait ressortir l'aspect répé­ titif de Come into My World, une ritournelle de , en créant un dispositif par lequel le même plan circulaire se répète, Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry. chaque prise se superposant à la

76 N° 1 1 6/117 24 IMAGES précédente de façon à créer une foisonnante danse entre les diffé­ rentes représentations de la chan­ teuse. Pour Around the World (Daft Punk), Gondry met en place une chorégraphie complexe dans laquelle chaque groupe de dan­ seurs illustre une ligne musicale. Pour La tour de Pise, chanson de Jean-François Coen, il retrouve chacun des mots de la chanson sur des enseignes lumineuses de Paris. Enfin, pour The Hardest Button to Button (), il utilise la pixillation de façon astu­ cieuse pout montrer sobrement les deux musiciens jouant de leurs instruments à divers endroits. Ce der nier vidéoclip met d'ailleurs en lumière l'une des facettes origina­ les du talent de Gondry : c'est un excellent animateut. (encore les White Stripes), animé entièrement avec Page couverture du livret du DVD Spike Jonze. des blocs Lego, est à ce chapitre un tour de force. l'expérience vaut le détour. Corne livret de 52 pages supervisé par Spike Jonze L'exceptionnelle créativité de to Daddy () et Only l'artiste. Sur cet aspect aussi Gondry - incidemment ex-bat­ You (Pottishead) possèdent en effet Gondry remporte la palme devant teur du groupe Oui Oui -, l'in­ une rare qualité onirique qui fait Cunningham, tandis que Jonze géniosité de ses dispositifs et son d'eux des objets obsédants. Dans ferme la marche. Dans l'ensem­ humour plein d'esprit font inévi­ un registre plus intime et plus ble, il s'agit donc d'une excellente tablement penser à cet autre magi­ doux, (Bjôrk) collection, peut-être la meilleure cien de l'image qu'est le Polonais réussit la prouesse de faire émerger introduction qui soit à l'art du Zbigniew (Zbig) Rybczynski, la sensualité à travers les images vidéoclip. L'initiative de Palm l'auteur de Tango (1982), Imagine de deux robots identiques faisant Pictures mérite d'être saluée et (1987) et The Orchestra (1990). l'amour. on attend la suite. < Être comparé à Rybczynski est en On regrette cependant, dans le soi un honneur, mais Gondry le cas de ce dernier DVD, la briè­ The Work of Director Spike Jonze, mérite amplement tant son ima­ veté de l'extrait de l'installa­ Directors Label volume 1, , PALMDVD 3068-2. gerie lui est propre. tion vidéo intitulée flex. Dans le The Work of Director Chris , le troisième livret qui accompagne le DVD, Cunningham, Directors Label larron de la collection, est une Cunningham affirme avoir voulu volume2, Palm Pictures, sorte de David Lynch hyperactif, créer un film anatomique abs­ PALMDVD 3069-2. The Work of Director Michel Gondry, puisant son inspiration à la fois trait : « Fighting, fucking, lots of Directors Label volume 3, Palm dans l'esthétique des jeux vidéo, blood, muscles, heavy breathing, Pictures, PALMDVD 3070-2. dans les films pornographiques spunk and God ! » Tout cela dans et dans le cinéma d'horreur. une espèce de néant noit sotti d'un Il y a donc quelque chose de rêve. L'extrait choisi ne rend pas cauchemardesque et de singulier justice à ce programme de sorte dans l'univers qu'il met en place, qu'on reste sous la gênante impres­ de sorte que même si le DVD qui sion d'une certaine autocensure. lui est consacré est un peu chiche - Chacun des trois DVD de la moins d'une heure de matériel - collection est accompagné d'un

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