Dossier Monuments Aux Morts Et Aux Héros De La
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N°011- 012 NUMERO SPECIAL - SEPTEMBRE 2014 journées du Patrimoine Région de Bruxelles-Capitale D o s s i e r HISTOIRE ET MéMOIRE p L U s Expérience photographique internationale des Monuments Une pUBLicAtion De BrUXeLLes DéVeLoppeMent UrBAin MonUMents AUX Morts et AUX Héros De LA pAtrie ossier l’Héritage D commémoratif des deux guerres mondiales à Bruxelles Benoît MiHAiL ConserVaTeur Du musÉe De la PolIce IntégrÉe Monument à la Gloire de l’infanterie belge, place poelaert à Bruxelles, 1935 (A. de Ville de Goyet, 2013 © sprB). LE PATriMOINE COMMÉMORATIF liÉ AUX DEUX GUErrES MONDIALES EST PARTICUliÈREMENT riCHE EN RÉGION BRUXEllOISE. D’une part, chaque commune possède au moins un monument aux morts – soldats, déportés et civils exécutés – d’autre part, la fonction de capitale de Bruxelles explique la présence de nombreux monuments thématiques liés à une profession ou un héros de la guerre. La qualité des monuments est à l’image de la diversité des talents qui les ont réalisés. Si le style reste souvent marqué par la tradition académique, certains se distinguent par leur force expressive ou une interaction réussie avec leur environnement, ce qui n’apparaît plus toujours aujourd’hui, à cause des nombreux bouleversements urbanistiques postérieurs. les monuments aux morts occupent n’a, en terme de traces de commé- dance ont leur mémorial dès 1838. une place particulière dans l’histoire moration, rien à envier ni aux autres après la guerre franco-prussienne du patrimoine. longtemps dédaignés capitales, ni à des villes d’ampleur de 1870, le cimetière de Bruxelles se par les amateurs d’art, en raison de comparable, comme anvers ou lille, couvre d’imposants monuments aux leur appartenance à une esthétique qui ont pourtant subi la guerre de soldats français, allemands et même académique jugée dépassée, ils doi- manière plus directe. véritable mi- britanniques (les soldats de 1815), vent leur salut à leur valeur sym- roir de la complexité de la vie sociale comme si notre petit pays neutre bolique, qui reprend tout son sens belge, la région bruxelloise accueille voulait ménager chaque puissance lorsque la grande guerre connaît un une concentration exceptionnelle de voisine. le même lieu s’enrichit, en regain d’intérêt, à partir des années monuments liés à un territoire, un 1906, du monument aux victimes du 1970. ainsi, en france, les pionniers régiment, une profession ou un as- devoir, belle œuvre classique d’émile du renouvellement historiographique pect particulier du conflit.à vrai dire, lambot et victor rousseau, qui Journées du Patrimoine de ce conflit terrible, antoine Prost la richesse de ce patrimoine est telle, annonce déjà maintes réalisations et annette Becker, les présentent qu’il ne saurait être question dans d’après 1914-1918. si le concept de 2014 re comme les témoins matériels du les pages qui suivent de proposer da- monument aux morts paraît forte- B traumatisme subi par toutes les vantage qu’une synthèse permettant ment attaché à ce conflit, il le doit à tem P 1 couches de la société après 1918 . de mieux comprendre l’état d’esprit la proportion démesurée du sacri- se le regard porté est parfois davan- de ceux qui ont vécu la guerre puis fice consenti. Que représentent tout - ial tage teinté d’ironie, en particulier ont voulu honorer ceux qui y ont lais- à coup les héros du xixe siècle dès C e P s dans le milieu artistique : le men- sé la vie. Par souci de cohérence, le lors que la nation entière a souffert suel Charlie publie, sous la plume du propos intégrera également la pro- pendant plus de quatre ans avant de Belge Jean-marie de Busscher, des blématique de la commémoration recouvrer sa liberté ? la nécessité numero chroniques acides dédiées à « l’art après la seconde guerre, en souli- de graver dans la mémoire collec- patrioticotumélaire », tandis que le gnant aussi bien les similitudes que tive – au sens propre – le souvenir de dessinateur Jacques tardi évoque les différences entre les hommages l’invasion s’impose dès 1914, avec la °011-012 – avec un humour noir les cérémo- de pierre liés aux deux conflits. multiplication des médailles consa- nies commémoratives dans la bande crées aux cités martyres ou aux N dessinée Adèle Blanc-Sec, éditée par grands faits d’armes belges. leur casterman. Le soUVenir De LA GrAnDe production reprend à la fin du conflit GUerre et nombre de statuaires se font la recherche belge suit ce mouve- connaître grâce à elles 3. ment avec un peu de retard, mais rappelons d’abord que le monument sans négliger la place particulière aux morts n’est pas né après 1918. en l’impulsion donnée à la production 2 qu’occupe Bruxelles . car celle-ci Belgique, les martyrs de l’indépen- de monuments urbains remonte Bruxelles Patrimoines 077 mOnumenTs auX mOrTs eT auX hÉrOs De la paTrIe Pour l’élite politique et artistique, cet hommage immatériel et provi- soire prime sur le reste : les efforts financiers doivent se concentrer sur la reconstruction du pays, sachant qu’il existe de toute façon déjà suf- fisamment de monuments publics. « La grande guerre n’était pas ter- minée que déjà, de tous les coins du pays, escomptant la victoire, des gens adroits, mais bien intentionnés, personnages officieux, sinon offi- ciels, songèrent immédiatement au grand devoir de magnifier l’héroïsme de nos morts », critique L’Émulation, l’organe de la société centrale des architectes, au début des années 1920. dix ans plus tard, une autre revue professionnelle, La Cité, de- mande à connaître « 1° le nombre de monuments construits depuis 1918 ; 2° la jolie dépense que tout cela représente ; 3° le nombre de lo- gements sains qu’il eut été possible de construire avec ces fonds impo- sants » 5. les membres éminents de la commission des monuments et des sites, qui doit être consultée pour tout projet d’art urbain, et les fonctionnaires de l’administration des Beaux-arts, qui dispose d’un budget pour en subsidier, ont une opinion similaire. c’est sans comp- ter avec la volonté d’airain de la po- pulation meurtrie et le dynamisme des anciens combattants qui, dès leur retour, tâchent de pérenniser au fig. 1 maximum le souvenir de la guerre en monument La Brabançonne, place surlet de chokier à bruxelles, 1930 s’adressant au niveau de pouvoir qui (a. de Ville de Goyet, 2013 © sprb). leur est le plus proche : la commune. aux fêtes de la libération. à l’occa- firmière britannique fusillée en 1915 sion de la « Joyeuse entrée » du roi pour « espionnage ». Bien que cette LA coMMUne AU cŒUr Des albert Ier, le 22 novembre 1918, la ville image ait fait le tour du monde, il n’y coMMéMorAtions de Bruxelles fait réaliser quelques aura pas de version définitive, ni de groupes sculptés provisoires qui ex- cette œuvre, ni des autres – à l’excep- l’adoption du suffrage universel en priment déjà tous les sentiments de tion de La Brabançonne, de charles 1919 encourage les élus à soute- la commémoration : la célébration samuel, allégorie de la patrie victo- nir l’enthousiasme des nouveaux des héros, le deuil des disparus et rieuse installée, en 1930 seulement, électeurs, ne fût-ce que de manière la haine de l’envahisseur. de nom- place surlet de choquier (fig. 1). c’est formelle puisque l’administration se breuses cartes postales sont consa- que le monument n’est pas une fin en contente souvent d’avaliser un pro- crées à ces monuments éphémères, soi, mais une manière parmi d’autres jet privé et, éventuellement, de lui en particulier celui d'edith cavell, l’in- de rendre hommage 4. octroyer un subside – tout comme 078 fig. 2 fig. 3 monument aux morts de Ganshoren, avenue monument aux morts de saint-Josse-ten-noode, angle de la rue du méridien et de la place du cimetière, 1920 (photo de l’auteur). quételet, 1920 (photo de l’auteur). l’état ou la province dans certains de ganshoren (Jean lecroart, 1920), tions esthétiques au second plan, au cas. Pour le reste, le financement est une sorte de pyramide sur- grand dam des critiques d’art. dans s’opère par souscription publique montée d’une victoire et flanquée à L’Émulation, la revue des architectes, après constitution d’un comité. Bals, la base d’un relief figurant un soldat albert roosenboom se montre par campagnes de presse, vente de mé- de profil (fig. 2).a u fil des ans, on voit exemple très sévère pour le monu- dailles ou de jouets aident à complé- apparaître sur les cartes et images ment de saint-Josse-ten-noode, ter les sommes nécessaires. qui le représentent, une couronne dû au ciseau du vétéran guillaume de lauriers, l’inscription « à nos hé- charlier (fig. 3) : « il est déplorable de ros /aan onze helden » et, enfin, un constater le mauvais goût de l’édilité Journées du Patrimoine sUr LA pLAce pUBLiqUe : LA médaillon en bronze du roi albert ier. bourgeoise d’un grand faubourg de GLorificAtion Des Héros Quels que soient la forme adoptée Bruxelles qui a permis, en souvenir 2014 re ou les accessoires représentés, l’es- de ses morts, l’érection, à l’entrée de B Peut-être parce qu’ils ont encore sentiel est que le message soit clair, son territoire, d’un bronze informe, tem P gardé un esprit villageois, avec un un message rappelé à ganshoren dont le moins qu’on puisse dire c’est se fort sentiment de communauté, les par le major van rolleghem dans qu’il fait presque regretter le groupe - ial faubourgs ruraux ouvrent la marche son discours d’inauguration : « En boche sur bacs de pompe qui désho- C e P s par des réalisations plutôt modestes.