REVUE D'HISTOIRE DU SOMMAIRE BAS-SAINT-LAURENT REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT Publiée deux fois l'an par l'Université du Volume XVI, numéro 2, juin 1993 Québec à Rimouski (le Groupe de recher­ che interdisciplinaire sur le développement Page régional de l'Est du Québec (GRIDEQ) et le module d'histoire) en collaboration avec Éditorial ...... la Société d 'histoire du Bas-Saint-Laurent. Noël BÉLANGER

Fondée par M. Noël Bélanger en 1973 Les 125 ans du diocèse de Rimouski: 1867-1992 ...... 3 Sylvain GOSSELIN Comité de rédaction Métis-sur-Mer, un lieu unique à découvrir ...... 9 Module d'histoire: Cynthia HYDE, Denis LEMIEUX et Gustavo ZAMBRANO Gaston DESJARDINS GRlDEQ: Au Bas-Saint-Laurent, un paysage modelé par l'habitat ...... 18 Paul LAROCQUE Régis JEAN Jean LARRIVEE Société d 'histoire du Bas-Saint-Laurent L'évolution démographique de l'Est-du-Québec durant la crise Pierre COLLINS, secrétaire-archiviste des années trente...... 23 Graphiste: Jean LARRIVÉE Richard FOURNIER, Service des com­ munications Les paroisses «des hauteurs» durant les années 1870 ...... 25 Photographe: Marcel LEBLANC Jean-Luc THÉBERGE, Service de l'informatique Chroniques rimouskoises ...... 31 Traitement de texte : Sylvain GOSSELIN, Gabriel LANGLOIS et Jacques MORIN Mildred COUTURIER Anne GIGUÈRE PATRIMOINE: La maison Lavoie : un des fleurons de notre patrimoine bâti ...... 37 Politique rédactionnelle Richard SAINDON Les personnes intéressées à publier des Collection de microfiches de cartes anciennes articles, notes de recherche, notes à la carthothèque de 1'UQAR ...... 42 biographiques ou comptes rendus peuvent faire parvenir leurs manuscrits ou Yves MICHAUD disquettes en touttemps. Les textes devront ARCHÉOLOGIE : être sur un format 81/2 x Il à 1 1/2 interlignes avec un maximum de 15 pages. Découvertes archéologiques au Phare de Pointe-au-Père ...... 44 Richard SAINDON Il n'est pas nécessaire d'être un spécialiste pour publier dans la Revue d'histoire du En bref ...... 46 Bas-Saint-Laurent. Le comité de rédaction Paul LAROCQUE et Jean LARRIVÉE peut, dans certains cas, assurer un support technique aux auteurs. Les textes sont lus Des livres à lire! ...... 47 par le comité et recommandés, selon le cas Jean-Pierre Bélanger et Euchariste MORIN pour publication. Les auteurs demeurent cependant responsables du contenu de leurs textes. Une invitation cordiale est faite aux intéressés. • Pour s'abonner à la Revue (1992-1993) :(deux numéros par année) Individu 16,00 $ (13,00 $ étudiant) Dépôts légaux : Institution 35,00 $

Bibliothèque nationale du Québec • Pour devenir membre de la Société : Individu 5,00 $ (3,00 $ étudiant) Bibliothèque nationale du Canada Institution 25 ,00 $ ISSN -0381-8454 Société d'histoire du Bas-Saint-Laurent • Pour devenir membre de la Société et recevoir la Revue: Individu 20,00 $ (15,00 $ étudiant) Photographie de la page couverture: Institution 55,00 $ Cyclistes en face de l'hôtel Seaside de Écrivez à : Pierre Collins UQAR Métis-sur-Mer (vers 1900) 300, Allée des Ursulines (Musée McCord d'histoire canadienne, Ar­ Rimouski (Québec), G5L 3A 1 chives photographiques Notman) (418) 723-1986 poste 1669 ...... REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT ~ EDITORIAL

La Revue d'histoire du Bas-Saint-Laurent a été créée Corporation du Séminaire de Rimouski a permis la fondation en 1973. Vingt années déjà! Pour souligner cet d'un Centre d'archives et de documentation (CEDAD) qui a pour anniversaire, nous avons demandé à Noël Bélanger, mission la récupération et la mise en valeur d'un important fondateur de la revue, de rédiger l'éditorial du présent patrimoine intellectuel constitué, d'une part, d'un choix de livres numéro. en sciences des religions à partir de multiples fonds de bibliothèques et, d'autre part, des archives du Séminaire de Rimouski, qui font plus de quinze mètres linéaires. Que de Propos d'anniversaire ... matériaux pour alimenter la vie de l'esprit et orienter la recherche vers une histoire intellectuelle et sociale de la région! V ingt ans, le bel âge, dit-on. En tout cas, c'est sûrement un moment privilégié pour s'adonner à une réflexion sur l ' enjeu qui Signalons, en outre, pour les énumérer seulement, d'autres est ici en cause. Et celui-ci demeure toujours le même qu'au initiatives récentes susceptibles d 'heureuses retombées dans le moment de la paru tion du premier numéro de la Revue d'histoire domaine qui nous préoccupe. Nous pensons aux conférences, du Bas-Saint-Laurent, en octobre 1973. En effet, à cette homélies, documents divers (textes aussi bien que vidéos) suscités occasion, nous tenions ces propos: par les célébrations du 125e anniversaire du diocèse. Tous les intervenants ont cherché à démontrer que le diocèse avait une Elle [la revue] veut récupérer et faire valoir le histoire à célébrer. mais aussi un avenir à bâtir, deux éléments patrimoine historique de la région, avant qu'il ne intimement liés dans toute société vivante. Dans l'inspiration de s'abîme ou disparaisse complètement. Elle veut être cette célébration est né aussi le projet d'une Histoire du diocèse un moyen facile de diffusion des travaux de tous ceux de Rimouski, dont la parution est prévue pour le milieu de 1994. qui s'intéressent aux recherches historiques. En outre, la cause de la béatification d'Élisabeth Turgeon, fondatrice des Soeurs du St-Rosaire, a déjà donné lieu à une Avons-nous modifié notre approche? Notre vision des importante biographie parue en 1991. D'autres documents, en choses a-t-elle changé? L'expérience vécue à la direction de la voie d'élaboration, devraient contribuer à faire connaître revue aussi bien que dans d'autres sphères d'activité, comme la davantage cette communauté diocésaine, vouée essentiellement, Commission des lieux et des monuments historiques du Canada, à l'origine, à l'instruction de la classe populaire. Enfin, signalons a contribué à affermir notre conviction de l'importance de une toute petite chose, fort sympathique par ailleurs: les visites l'histoire régionale et de l'intérêt qu'elle suscite dans le grand guidées de la Cathédrale St-Germain au cours des mois d'été; les public. visiteurs ont alors l'occasion de se familiariser avec l'oeuvre de l'architecte Victor Bourgeau, de l'artiste Thomas Baillairgé et du Des attitudes et des gestes positifs maître verrier contemporain Olivier Ferland, avant d'assister à un mini concert d'orgue. L'histoire même de cette revue, qui affirme avec détermi­ nation ses vingt ans d'existence, constitue en soi un témoignage Devant ces diverses initiatives, dirons-nous que l'histoire éloquent d'une volonté de demeurer, malgré les vicissitudes et régionale est une valeur assurée chez nous? Si cela est en partie les embûches d'un parcours parfois accidenté. Notre propos vrai, rendons justice et hommage aux honnêtes artisans qui le n'est pas d'établir ici un bilan, mais plutôt d'illustrer à quel point méritent vraiment. Et pour notre part, nous le faisons volontiers. les responsables de la revue ont eu raison de se battre avec Mais les lecteurs avertis de notre revue auront tôt fait de nous vaillance pour la survie de ce moyen d'expression d'une collecti­ signaler que la cause de l 'histoire régionale et du patrimoine local vité qui veut bâtir un avenir dans la ligne de ses origines mêmes. serait mieux servie si certains de nos administrateurs et de nos fonctionnaires dans le domaine de la culture manifestaient une Avec ses moyens propres, dans ses modestes dimensions, plus grande sensibilité à la réalité régionale. Leur manque la Revue d'histoire du Bas-Saint-Laurent illustre le goût d'enracinement dans le milieu est flagrant. L'épisode de la Salle populaire pour les rappels historiques où chacun retrouve une Antoine-Gagnon du Musée régional n'est certes pas encore part de soi-même. Elle réfléchit, à la manière d'un miroir, clos. Autre faiblesse notoire chez nous: l'état de souffrance dans l'image de soi-même, dans laquelle on se retrouve parfois avec lequel on trouve le patrimoine bâti et l'absence d'une politique une certaine nostalgie. Comment expliquer autrement cet cohérente de conservation et de mise en valeur. L'érection engouement pour les téléromans bâtis autour d'un thème ou projetée d'une salle de concert au centre de la ville devrait donner d'une période donnée de l'évolution du Québec? Notre réfé­ la vraie mesure de nos élus municipaux. rence, on l'aura compris, ne se veut aucunement une caution de la prétendue valeur historique de ces séries télévisées. Néan­ En un mot comme en mille, la Revue d'histoire du moins, le goût de l'histoire est présent et il appartient, non Bas-Saint-Laurent doit continuer sans relâche à promouvoir seulement à la recherche académique, mais aussi au patient la cause de l 'histoire régionale dans toutes ses dimensions. labeur des sociétés locales d'histoire, de correspondre aux be­ L'avenir de notre patrimoine passe par la qualité de nos soins d'une fidèle clientèle. projets et la vigueur avec laquelle nous les défendrons. Bonne continuation! Dans le milieu rimouskois, il faut signaler d'autres initia­ tives qui, nous semble-t-il, vont dans le sens de la mise en valeur de l 'histoire régionale. Au cours des deux dernières années, la Noël BÉLANGER, historien

2 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT LES 125 ANS DU DIOCÈSE DE RIMOUSKI: 1867-1992 PAR SYLVAIN GOSSELIN

ORIGINES (1534-1866) gieuse locale suivit de peu l'ouverture manque de prêtre se faisait toujours du territoire à la colonisation: Rimouski cruellement sentir. et Trois-Pistoles en 1696 et l 'Isle-Verte L es origines de l'Église catholique à en 1711. Chacun de ces nouveaux pos­ Les évêques de Québec ne res­ l'est de Québec se confondent avec l' his­ tes avait sa petite chapelle. Ce sont des taient pas insensibles à cet état de chose. toire de la Nouvelle-France. Les pre­ missionnaires de passage, les Récollets Des résultats concrets n'apparurent ce­ miers temps de la découverte furent in­ qui y exerçaient le culte, aidés en cela pendant qu'à l'arrivée de Mgr timement liés au catholicisme. La croix par les curés de Kamouraska qui les Baillargeon en 1855. Sous son adminis­ érigée par Jacques Cartier à Gaspé en remplaçaient durant leur trop longue tration, il nomma des curés aux nou­ 1534 fut sans doute la première expres­ absence. Ce ne fut qu'à partir de la fin du veaux postes du littoral entre Cacouna et sion de la foi chrétienne en sol canadien. XVIIIe siècle que les missions les plus Matane et ceux du Témiscouata. De importantes purent compter sur les ser­ plus, il favorisa la fondation de quatre Les années qui suivirent furent vices d'un prêtre résidant. couvents de religieuses dans les princi­ marquées par l'évangélisation des peu­ pales paroisses de la région. Enfin, il ples aborigènes par les missionnaires L'occupation du territoire se fit assura le fonctionnement du Collège clas­ récollets et jésuites. Dans la région, ils lentement, de place en place. Les habi­ sique de Rimouski en 1863. furent les premiers à fréquenter le tants des vieilles paroisses surpeuplées Saguenay, la Côte-Nord, le Bas-Saint­ de la Côte-du-Sud furent lentement atti­ FONDATION (1867-1891) Laurent et la Gaspésie. rés par la perspective de vastes espaces Dans la région bas-Iaurentienne, cultivables encore inoccupés et par l'in­ À mesure que le développement l'établissement d'une organisation reli- dustrie forestière naissante. Mais le du territoire avançait, la nécessité d'une

AAQ, 10 TB, BOUILLON, G .. "Sortie de la forêt de l'île St-Barnabé en 1864" Aquarelle. 42X32 cm.

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 3 Petites-Écoles, devenu Congrégation des Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire en 1891, devait assurer la direction des écoles primaires du diocèse.

Dans son projet de société, l'ensei­ gnement supérieur prenait une place pri­ vilégiée. En 1870, il érigea le Collège classique de Rimouski en séminaire diocésain. L'institution pouvait désor­ mais répondre à deux grands objectifs: la formation classique des diocésains et la formation ecclésiastique des futurs prêtres. Durant toute sa vie, il entoura cet établissement de sa sollicitude. Il en Vue de l'église et de l'école de Rimousky. 1846. J.C. Taché. fut le directeur à deux reprises et permit (Source: Archives de l'Archidiocèse de Rimouski) qu'il soit logé dans un nouvel édifice, administration religieuse indépendante population souffrait toujours, hélas, de grâce à une souscription populaire : devenait de plus en plus évidente. Si l'éloignement, de la pauvreté, de l'isole­ «l'Oeuvre des quinze sous». Ne s'étant bien que, le 15 janvier 1867, le pape Pie ment et de l'ignorance. pas laissé décourager par l'incendie de IX érigeait en diocèse distinct, sous le l'établissement en 1881, Mgr Langevin vocable de Saint-Germain-de- Rimouski, Dès le début de son épiscopat, Mgr permit son relogement dès 1882. les districts de Rimouski et de Gaspé, le Langevin a esquissé les plans d'aposto­ comté de Témiscouata, moins les pa­ lat qui détermineront son ministère et Fort de l'appui de son frère, le roisses de Saint-Patrice de Rivière-du­ celui des quatre premiers successeurs: grand vicaire Edmond Langevin, le pre­ Loup, de Saint-Antonin et de Notre­ entretien et vitalité du séminaire mier évêque de Rimouski a laissé le Dame-du-Portage, et, sur la rive nord, diocésain; promotion de l'éducation et diocèse sur des bases solides. Depuis le tout le territoire compris entre la rivière de l'instruction; travail acharné en fa­ développement du réseau routier et sur­ Portneuf et l'anse de Blanc-Sablon. Ce veur de la colonisation, de l'agriculture; tout du réseau ferroviaire unissant Ri­ nouveau diocèse était donc, après lutte pour la stabilité des diocésains, vière-du-Loup aux provinces maritimes, Québec, Montréal, Trois-Rivières et pour la tempérance et la modestie; sou­ le diocèse n'avait désormais plus à subir Saint-Hyacinthe, la cinquième circons­ tien de la vie chrétienne par la prédica­ les effets préjudiciables de l'isolement. cription ecclésiastique à se former au tion aux adultes, le catéchisme aux en­ La population diocésaine était passée de Québec. fants, les confréries de toutes sortes; 70 000 à 90 000 âmes, et ce, malgré le organisation de la vie familiale et de la mouvement d'émigration des années À la direction de cette nouvelle vie paroissiale; appels incessants à la 1880-1890 et le détachement de la Côte• Église, le Pape nomma un prêtre de pratique de vertus sociales, au respect de Nord, devenue préfecture apostolique valeur, l'abbé Jean Langevin, ancien l'autorité. en 1882. Le nombre des paroisses et le principal de l'École normale Laval. Il nombre de prêtres avaient plus que dou­ reçut la consécration épiscopale, à Mgr Langevin encouragea ses blés depuis son arrivée. Québec, le premier mai 1867. Le 17 du diocésains à développer l'agriculture et même mois, il prit officiellement pos­ à coloniser les terres encore disponibles. session de son diocèse en la Cathédrale Son plan d'action, basé sur des valeurs CONSOLIDATION (1891-1928) de Rimouski. traditionnelles, rurales, agricoles et reli­ gieuses, visait en fait à enrayer l'exode Le nouvel élu devenait le chef spi­ de la population vers les grands centres. En 1889, Mgr Langevin, usé par la rituel d'un territoire immense d'environ L'école lui paraissait le meilleur moyen tâche, demanda un coadjuteur pour l' as­ 150 000 carrés en superficie et dont la de développer le goût de la terre natale et sister dans ses fonctions. Consacré évê­ population, estimée à 70 000 âmes, était de l'agriculture. Comme le personnel que titulaire en 1890, Mgr André-Albert disséminée dans trente-deux paroisses enseignant faisait cruellement défaut à Blais fut promu évêque de Rimouski et une quinzaine de dessertes. La situa­ plusieurs endroits, il créa une associa­ moins d'un an plus tard, à la suite de la tion socio-économique n'avait pas beau­ tion de laïques destinée à la formation démission de Mgr Langevin. Ancien coup évolué depuis les premiers temps des enseignantes issues de la région. professeur de droit canonique, Mgr Blais de la colonie. La majeure partie de la Fondé en 1874, l'Institut des Soeurs des représentait les qualités toutes choisies

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Rimouski vu du large en 1867. Aquarelle de l'abbé Georges Bouillon. (Source: Archives de l'Archidiocèse de Rimouski) pour assurer la consolidation de l'oeuvre mit l'agrandissement en 1905 et institua de centres religieux pour former la nou­ amorcée par son prédécesseur. une bourse d'études, la «bourse Blais», velle circonscription ecclésiastique de pour la formation et le perfectionnement Gaspé. Son arrivée correspondait à une des prêtres du Séminaire. Du point de période de prospérité économique dans vue de la formation des maîtres, il permit Premier eveque ongmaire du la région. La colonisation laissait désor­ également la fondation d'une École nor­ diocèse, Mgr Léonard était un homme mais place à l'agriculture et l'industrie male à Rimouski en 1906. Cet établisse­ modeste, de santé fragile, marqué par un forestière était en pleine effervescence. ment, dirigé par les Ursulines, était des­ sens aigu de l'ordre et de l'organisation. Le progrès était visible dans bien des tiné à la formation des enseignantes laï• Malgré sa brièveté, l'épiscopat du troi­ domaines: santé, éducation, voire même ques du diocèse. sième évêque de Rimouski (1920" 1926) la piété. L'image la plus sûre pour se caractérisa par trois réalisations im­ évaluer l'ampleur de cet essor était, sans L'impulsion constante donnée au portantes dans la ville épiscopale : la nul doute, celle des églises de pierre qui diocèse, durant ces années, souleva bien­ fondation de 1'hôpital St-Joseph (1923), prenaient le pas sur les petites chapelles tôt la question de son démembrement. l'agrandissement du Séminaire diocésain de bois. C'est sous l'épiscopat de Mgr J oseph­ (1925) et l'établissement de la première Romuald Léonard, en 1922, que l'idée École moyenne d'agriculture du Québec Mgr Blais démontra le même atta­ se concrétisa. Du coup, le diocèse de (1926). chement que son prédécesseur à l'en­ Rimouski perdit 52 000 fidèles, une cin­ droit du Séminaire diocésain. Il en per- quantaine de prêtres et une soixantaine La préoccupation majeure de Mgr

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 5 Léonard fut certainement le développe­ un instrument de liaison privilégié, ré­ ment des vocations religieuses. Vn de digé par des prêtres du milieu: Le Cen­ ces premiers gestes en tant qu'évêque tre Saint-Germain. fut l'instauration de «Oeuvre des voca­ tions sacerdotales» (1920) destinée à la Si la fin de l'épiscopat de Mgr fondation d'une École apostolique. Courchesne fut assombrie par les épreu­ N'ayant pu avoir de suites favorables, le ves collectives que furent les incendies projet fut abandonné et l'accent fut mis de Rimouski et Cabano en mai 1950, son sur le développement du Séminaire administration s'était distinguée par des diocésain tel que défini par Mgr progrès évidents: élargissement de l' es­ Langevin. pace habitable, mise en place de nouvel­ les structures sociales et éducationnelles, Afin d'affermir et de développer la accroissement notable de la population foi de ses ouailles, il donna de nombreu­ et élévation de Rimouski au rang ses instructions religieuses à son clergé d'archidiocèse (1946). à travers ses mandements et circulaires. La liturgie étant, selon lui, un moyen Pour succéder à Mgr Courchesne, privilégié du développement de la Monseigneur Jean Langevin: premier le Saint-Siège désigna, en 1951, évêque de Rimouski (1867-1891) (photo­ spiritualité chez les fidèles, il multiplia graphie après 1875). Mgr Charles-Eugène Parent, évêque les messes pontificales et cérémonies (Source: Archives de l'Archidiocèse de auxiliaire de Rimouski depuis 1944. Mgr d'ordinations en sa Cathédrale et en pa­ Rimouski) Parent fut en quelque sorte le roisse. Miné par la maladie, Mgr Léonard continuateur de Mgr Courchesne. Sous remit sa démission en 1926. Malgré reprises (1933 et 1947), les «Semaines son épiscopat, les oeuvres établies par cela, il accepta d'agir comme adminis­ sociales du Canada» à tenir des cours et son devancier furent à la fois perpétuées trateur du diocèse jusqu'à la nomination conférences sur ce thème à Rimouski. et améliorées. En 1958, il institua une de son remplaçant en 1928. nouvelle maison de formation pour les Au point de vue éducationnel, il enseignants laïques, l'École normale s'attacha à développer l'enseignement Tanguay de Rimouski. Poursuivant la DÉVELOPPEMENT ET supérieur et professionnel pour répon­ coutume des congrès eucharistiques ré­ ENRACINEMENT (1928-1964) dre aux nombreux besoins du diocèse. gionaux, il réalisa, en 1955, le premier Principal de l'École normale de congrès eucharistique diocésain. Tenu à En 1928, l'Église de Rimouski ac­ Rimouski de 1928 à 1948, il présida la Rimouski, cet événement attira une foule cueillait son nouvel évêque, Mgr Georges fondation de quatre nouvelles institu­ estimée à plusieurs milliers de person­ Courchesne. Ancien principal de l'École tions de ce genre dans la région entre nes et demeure, dans la mémoire collec­ normale de Nicolet, Mgr Courchesne fut 1940 et 1950. tive, un temps fort de la vie diocésaine; une figure marquante de son époque. par les dignitaires reçus, les mariages Fils de la terre, il y voyait le milieu rêvé Afin de maintenir les forces vives célébrés et les ordinations conférées. pour l'épanouissement des valeurs chré­ du diocèse dans leur milieu, il encoura­ Soucieux de mieux répondre aux nom­ tiennes. gea la fondation d'écoles spécialisées à breux besoins des oeuvres de charité et Rimouski : l'École d'Arts et Métiers sociétés d'apostolat, il mit sur pied le Convaincu que l'agriculture était (1936), devenu l'Institut de Technolo­ Conseil des Oeuvres du diocèse de le meilleur remède pour contrer le chô• gie en 1948, l'École de Marine (1941), Rimouski en 1955. Cet organisme de­ mage et l'exode rural, Mgr Courchesne l'École de Commerce (1945), et quatre vait grouper, orienter et soutenir les se fit le héraut de cette cause. Il invita instituts familiaux situés dans les princi­ mouvements d'aide à la personne et à la ainsi ses diocésains à coloniser les der­ paux centres du diocèse. communauté dans leurs champs d'acti­ nières parcelles de terres cultivables sur vités respectifs. les hauts plateaux de l'intérieur. Pour en Mgr Courchesne accorda une très faire des agriculteurs accomplis, il en­ grande importance à l'engagement so­ couragea les cultivateurs et les fermières cial des laïques. À plus d'une occasion, VERS UNE NOUVELLE ÉGLISE à adhérer à des associations profession­ il invita ses diocésains à joindre les rangs nelles (V.C.C. et V.C.F.) et leurs fils à de l'Action catholique. En 1942, il ap­ À l'heure du Concile, l'Église fréquenter l'École d'agriculture. L' atta­ porta des ajustements majeurs à cette diocésaine de Rimouski trouva en Mgr chement de Mgr Courchesne à la cause organisation afin qu'elle soit mieux adap­ Louis Levesque l 'homme disponible agricole l'amena même à inviter, à deux tée aux besoins du diocèse. Il lui donna pour cette période de renouveau sou-

6 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT haité par Jean XXIII. Ancien évêque du chés sur les problèmes de l'Église ac­ ture de plusieurs paroisses de l'intérieur, diocèse de Hearst (Ontario), Mgr tuelle, ils avaient pour mandat de suggé­ il appuya son clergé dans l'exercice du Levesque fut nommé coadjuteur de l' Ar­ rer des solutions pour l'avenir. S'inspi­ leadership que celui-ci prit à la tête des chevêque de Rimouski en 1964. Bien rant de leurs recommandations, Mgr Opérations Dignité, ces mouvements vite, il dut assumer une large part de Louis Levesqueétablit, en 1973, le Con­ populaires qui visaient à assurer la l'administration diocésaine, étant donné seil diocésain de pastorale. survivance des paroisses menacées de l'état de santé de Mgr Parent. En 1967, fermeture. il lui succéda comme archevêque de Pour répondre aux besoins du jour, Rimouski. il mit sur pied de nouveaux organismes, Ex-missionnaire et ancien évêque créa des offices diocésains, établit des du diocèse de Gaspé, Mgr Gilles Ouellet À l'oeuvre du renouvellement de zones pastorales et favorisa l'enseigne­ succéda à Mgr Louis Levesque en 1973. l'Église, il suscita la participation de ment de la cathéchèse. Enfin, il éveilla Ses premiers gestes furent de mettre en tous les diocésains et diocésaines. À la le diocèse à la dimension universelle de application les recommandations du suite de l'Enquête sur la foi (1967), il l'Église en fondant une mlSSlOn Synode, dont la plus importante était demanda la tenue d'un synode rimouskoise à Brasilia. certainement la promotion du rôle des diocésain( 1969). Ce Synode devait ras­ laïques dans l'Église diocésaine. sembler pour la première fois des repré­ Confronté aux conclusions du Bu­ Innovateur, Mgr Ouellet instaura le dou­ sentants de tout le diocèse : prêtres, reau d'aménagement de l'Est du Québec ble vicariat général (pastorale et religieux, religieuses et laïques. Pen- (B.A.E.Q.), qui recommandait la ferme- presbyterium). Il compléta la structure

l'évêché de Rimouski construit en 1870 en annexe à l'ancien presbytère St-Germain. l'édifice a été détruit en 1922 après la construction du nouveau presbytère. (Photographie vers 1870-1922) (Source: Archives de l'Archidiocèse de Rimouski)

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 7 pastorale et administrative du diocèse en président-e et vice-président-e de zone dempteur. En juin 1992, une seconde la dotant de nouveaux conseils propres à pastorale ou comme économe diocésain. manifestation de ce genre eu lieu pour sa direction. Enfin, en 1991, il a instauré le diaconat commémorer les 125 ans du diocèse. permanent dans le diocèse. Pour remédier à la diminution des En octobre 1992, on annonçait la effectifs religieux et répondre aux ap­ Sur le plan social, il a apporté son démission de Mgr Gilles Ouellet en tant pels de Vatican II et du Synode diocésain appui moral à de nombreuses causes, qu'archevêque de Rimouski et la nomi­ en faveur d'une participation accrue du telles le développement régional, la jus­ nation de son successeur Mgr Bertrand laïcat dans l'Église, il proposa des solu­ tice sociale et l'aide aux personnes en Blanchet. Comme évêque de Gaspé, tions ingénieuses voire même audacieu­ difficulté. Il a invité ses diocésains et Mgr Blanchet a démontré durant ces ses. Il jumela des paroisses et créa des diocésaines à s'ouvrir aux autres, en dernières années une vision pastorale secteurs pastoraux. Les paroisses con­ communion avec les Églises du monde assez comparable à celle de Mgr Ouellet, cernées étant confiées à des prêtres, des où oeuvrent les missionnaires originai­ notamment en ce qui a trait à la cause du agent-e-s de pastorale laïques et reli­ res du diocèse. Dans cette perspective, développement régional. Mgr Blanchet gieux travaillant en coresponsabilité. il les engage à soutenir la cause du déve­ est entré en fonction le 2 février 1993, Mgr Ouellet a souhaité que les agent-e-s loppement international soutenue par Mgr Ouellet ayant accepté d'agir jus­ laïques puissent véritablement s' impli­ Développement et Paix. que-là comme administrateur du diocèse. quer dans la direction pastorale des pa­ roisses. Il attend d'eux qu'ils soient des Au niveau pastoral, Mgr Ouellet a Au dernier recensement, le diocèse leaders laïques dans l'administration de souhaité que les fidèles du diocèse se de Rimouski comptait 117 paroisses et l'Église, il leur a ouvert plusieurs postes retrouvent ensemble pour affirmer leur dessertes et un clergé de 169 prêtres d'importance au niveau paroissial et foi et leur espérance en l'avenir. En séculiers. On y dénombrait 20 commu­ diocésain, que ce soit comme prési­ 1984, un premier rassemblement s'est nautés religieuses et une population de dent-e d'assemblée de fabrique, comme déroulé sous le thème de la foi au Ré- 160 717 personnes.

8 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT ~ METIS-SUR-MER, " ~ UN LIEU UNIQUE A DECOUVRIR

Cet article est constitué essentiellement d'extraits d'une étude réalisée par Cynthia Hyde et Gustavo Zambrano des écoles d'architecture et d'urbanisme de l'Université McGill. Les modifications et ajouts sont de Denis Lemieux, architecte, qui a participé à la réalisation de cette étude.

Le paysage culturel de Métis-sur-Mer Métis-Sur-Mer, l'enclave écossaise sais, ceux originaires des «Lowlands» choisirent de rester près de la plage, et Pour plusieurs raisons, Métis-sur­ La seigneurie de Métis-sur-Mer fut ceux qui venaient des «Highlands» s' ins­ Mer peut être considéré comme un lieu concédée en 1675. Le premier seigneur tallèrent sur la seconde concession, dans significatif unique par ses caractéristi­ fut un noble français, le Sieur le secteur qui longe maintenant la route ques historiques, sociales, culturelles et Jean-Baptiste de Peiras. Toutefois ce­ de la Gare. MacNider construit, pour architecturales. lui-ci ne fit rien pour peupler et dévelop­ son propre compte, deux maisons, l'une per la terre et, en 1802, la seigneurie fut au Grand-Métis à l'embouchure de la Par la qualité de son paysage bâti et vendue à un Écossais, Matthew rivière, et l'autre, le manoir, à l'endroit naturel, Métis-sur-Mer constitue un re­ MacNider. Ce dernier revendit la terre à qui s'appelle maintenant la marquable ensemble architectural d'une son cousin John MacNider en 1807 afin Pointe-du-Phare. En 1823, la popula­ grande cohérence encore aujourd'hui. de rembourser ses dettes. tion de Métis-sur-Mer comprenait 40 Seule municipalité anglophone de la ré­ familles. gion, Métis-sur-Mer a été pendant plus John MacNider est considéré de cinquante ans un centre de villégia­ comme étant le fondateur de Métis-sur­ Mac Nider voulait que Métis-sur­ ture renommé fréquenté par des person­ Mer. En 1818,MacNiderencourageaet Mer devienne un grand port, une station nages importants dont Sir William facilita l'arrivée de nombreux immi­ pilote, et même un centre pour le bois et Dawson, un des principaux artisans de grants. La plupart de cès immigrants la pêche. En fait, d'autres municipalités son développement. L'histoire de Mé­ venaient de la région natale de MacNider, voisines ont rempli ces rôles à la place de tis-sur-Mer est riche et diversifiée et le comté de Thrane en Écosse ainsi que Métis-sur-Mer qui devint plutôt un cen­ nous en retraçons ici quelques traits. des districts voisins. Parmi ces Écos- tre de villégiature.

Le Petit Métis d'après un croquis du rév. T. Fenwick, Opinion publique, 8 août 1878. (Source: Archives nationales du Québec)

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 9 Petit Métis vers 1870 par Alexander Henderson. (Source: Musée McCord d'histoire canadienne, Archives photographiques Notmanl

Le petit neveu de John MacNider, les dires, la plupart de ces immigrants de fer. Ferguson acquit la «Agency for qui s'appelait également John, vendit la parlèrent la langue gaélique jusqu'en the New Gulf Port SS Company» qui seigneurie en 1850 à Archibald et David 1904 approximativement et encore desservait alors le Bas-Saint-Laurent. Ferguson de Montréal. Archibald prit aujourd'hui, la tradition écossaise est Elle devait signaler les bateaux et s' oc­ Grand-Métis, le secteur ouest de la bien présente. cuper de débarquer et d'embarquer les seigneurie et David prit Petit-Métis, le passagers à la Pointe-du-Phare. De plus, secteur est, appelé aujourd' hui Métis­ Métis-sur-Mer, une station estivale Ferguson encouragea la construction sur-Mer ou Metis Beach. David d'hôtels et de résidences d'été. Lors Ferguson construit en 1850 un manoir Bien que les droits seigneuriaux d'une pénurie de logements, il alla même en pierre, près de la Pointe-du-Phare. furent abolis en 1854, la dignité et les jusqu'à persuader les habitants de louer Plus tard, la maison fut abandonnée et fonctions de la seigneurie survécurent leurs maisons aux visiteurs. Ferguson démolie. En 1951,MlleJessieStevenson encore pendant de nombreuses années à donne lui-même l'exemple en louant le fit construire la maison qui existe encore Métis-sur-Mer. Le fils de David manoir à la famille Grier de Montréal à l 'heure actuelle sur les anciennes fon­ Ferguson, John, lui succéda en 1870. pendant six ans et en vivant dans une dations du manoir Ferguson. Vingt ans Avec cinquante ans de présence, John petite maison à proximité. John Ferguson après la construction de son manoir, Ferguson peut revendiquer la plus lon­ prévoyait un très bel avenir pour sa com­ David Ferguson racheta la part de son gue «occupation» dans l 'histoire de la munauté. frère. Entre-temps, en 1854, le régime seigneurie. Son arrivée coïncida avec la seigneurial avait été aboli. naissance de Métis-sur-Mer comme une James Adams Matthewson de Mon­ station balnéaire et il encouragea tréal, dernier du nom, est généralement Depuis sa fondation, Métis-sur-Mer fortement ce développement. Concerné cité comme étant le premier habitant est restée une enclave écossaise, plu­ par le bien-être des gens, il essaya tou­ d'été à Métis-sur-Mer, en 1854. Peu sieurs de ses habitants étant des descen­ jours de faciliter la venue de visiteurs en après Matthewson, Sir William Dawson, dants des premiers immigrants. Selon été, avant même l'apparition du chemin le principal de l'Université McGiIl, em-

10 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT mena ses collègues à Métis-sur-Mer. Sir génération fréquentent encore Métis-sur­ terre pour des «cottages» et construisit le William Dawson était un géologue re­ Mer durant les mois d'été. «Cascade Hotel» et le «Turriff Hall». nommé et il fut fasciné par les formes En 1901, MacNider loua une de ses des roches, les coquillages, les pierres et L'accès à Métis-sur-Mer se faisait fermes au «Cascade Golf Club». On y les fossiles du littoral ainsi que par les principalement par bateau. Les visiteurs trouve maintenant le «Cascade Golf and falaises de Métis-sur-Mer. qui préféraient le chemin de fer pre­ Tennis Club» qui en 1916, racheta à naient le train jusqu'à Rivière-du-Loup MacNider le reste du terrain. Le contingent de McGill occupa et faisaient le reste du chemin en calèche. une grande partie de la commune D'autre part, la famille AstIe, arri­ MacNider, si bien que la rue principale Mais, en 1876, quand le chemin de vée à Métis-sur-Mer en 1831, contribua du village fut baptisée «McGill College fer «lntercolonial» fut construit, Métis­ beaucoup au développement du village A venue». Les professeurs de McGill sur-Mer devint beaucoup plus accessi­ comme retraite d'été. À l'époque, les furent la base de la colonie d'été nans la ble aux estivants. Ce chemin de fer a membres de la famille AstIe tenaient les dernière moitié du dix-neuvième siècle. permis la croissance et le développe­ cinq hôtels de Métis-sur-Mer. Le Les professeurs qui ont suivi Dawson à ment de ce centre de villégiature. En «Seaside Hotel», construit en 1876 (dé­ Métis-sur-Mer étaient les professeurs 1911, l'établissement de la gare de Mé­ moli en 1966) et qui appartenait à John Clarke-Murray, Bovey, Daley, tis-sur-Mer a également contribué à fa­ Astle, suppléa le «Turrif Hall» et le Harrington, Trenholme, Armstrong, et ciliter la venue des estivants. «Cascade Hotel» pour satisfaire l'acti­ les familles montréalaises Botterel, Peck, vité touristique qui ne cessait de croître Fleet, Redpath et Hague. John Thomson MacNider, qui mou­ avec l'arrivée du chemin de fer. Quant rut en 1906, fut aussi très actif à la au «Boule Rock Hotel», il fut construit Ces premiers habitants d'été ont si promotion de Métis-sur-Mer comme en 1900 par William Astle, maire de la bien ancré leurs racines à Métis-sur-Mer colonie d'été. Il convertit ses fermes à municipalité à l'époque. que leurs descendants de la cinquième d'autres usages, vendit des parcelles de

Hôtel Cascade vers 1915, démoli en 1969. (Source: Musée McCord d'histoire canadienne, Archives photographiques Notman)

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT Il Club de golf et de tennis Cascade vers 1915. (Source: Musée McCord d'histoire canadienne, Archives photographiques Notman)

Les propriétaires les plus entrepre­ Montréal», Margaret W. Westley dé­ de son club et des réceptions privées. nants, Astle, Turriff et MacNider, ont crit la vie des villégiateurs de l'époque. Margaret W. Westley résume ainsi les construit aussi des cottages et des Au sujet du voyage en train, elle rap­ règles qui régissaient cette vie: bungalows à louer à proximité de leurs porte les propos d'un homme dont la Il y avait aussi des distinctions hôtels afin d' accomoder la clientèle tou­ famille a fréquenté l'endroit pendant sociales entre ceux qui possédaient un jours grandissante. Parmi les autres lieux plus de cent ans: cottage et ceux qui demeuraient à l' hô• et maisons d'accueil, on trouvait le On prenait le train de nuit à la gare tel, et il yen avait même à l'intérieur de «Hillside Hotel», le «Miss Maria Astle 's Bonaventure à Montréal pour arriver le ce dernier groupe. Une femme qui de­ Boarding House», le «Green Hall», le lendemain matin à la vieille gare située meurait toujours à l' hôtel raconte: «Il «Ocean House» et le «McGugan House». à huit milles de Metis Beach. Le train n'y avait aucun contact social entre les était accueilli par les fermiers des envi­ gens des hôtels et les gens des cottages, Même la crise de 1929 a eu peu rons, qui transportaient tout le monde à moins qu'ils ne fussent déjà amis à d'effets défavorables sur l'économie de jusqu'à leurs maisons dans leurs buggies Montréal. Les hôtels n'aimaient pas les Métis-sur-Mer. Les résidences d'été et noirs ou leurs chariots. On apportait clients de passage, et personne n'y vou­ les hôtels étaient occupés par de nom­ tout, vous savez; quinze malles pour une lait de Canadiens français». Un esti­ breux visiteurs qui avaient un budget maison comme celle-ci : elles conte­ vant de Métis se rappelle qu'à l'hôtel trop limité pour voyager à l'étranger. En naient de la vaisselle, des serviettes, des Seaside on attribuait les tables selon le 1931, la population locale de Métis-sur­ draps, des ustensiles de cuisine, et tout rang social et l'ancienneté des estivants. Mer comprenait 210 personnes, alors le reste. La salle à manger avait des tables avec que la population estivale était de 3 500 vue sur la rue, des tables au milieu de la personnes. Comparativement à d'autres cen­ pièce, et des tables avec vue sur la mer. tres de villégiature, la vie sociale à Mé­ La première année, un client se voyait Dans son livre «Grandeur et dé­ tis-sur-Mer semblait particulièrement attribuer une table du côté de la rue. S'il clin de l'élite anglo-protestante de animée à cause de ses nombreux hôtels, revenait ensuite chaque année, on le

12 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT déplaçait vers le milieu de la pièce et il d'été là-bas étaient une partie si impor­ Les églises de Métis-sur-Mer finissait par avoir une table du côté de la tante de sa vie. Alice Baldwin soutient mer, pour autant que sa condition social que, pour un estivant de Métis, la ques­ Il Y a quatre églises protestantes à l' y autorisait. tion «Aimez-vous Métis?» est aussi im­ Métis-sur-Mer. L'église a joué et conti­ portante dans le choix d'un futur con­ nue de jouer un rôle important dans le Mais ce qui ressort davantage c'est joint que l'origine ethnique, la religion, développement de la communauté. «l'attachement incomparable» que sem­ la condition sociale et financière. blait inspirer et qu'inspire toujours Mé­ Les premiers Métissiens étaient tis-sur-Mer, et ce, de génération en gé­ Aujourd'hui, il ne reste aucun des presbytériens. Mais c'est seulement avec nération. Margaret W. Westley men­ grands hôtels victoriens plein de déda­ la visite de l'Archidiacre George tionne d'ailleurs à ce sujet: les. Au cours des années cinquante et Jehoshaphat Mountain, le 19 septembre C'est peut-être parce que les Ca­ soixante, Métis-sur-Mer a connu un dé­ 1824, que la communauté religieuse de nadiens affectionnent les rudes climats, clin de popularité graduel et tous les Métis-sur-Mer s'organisa, six ans après ou que les Écossais qui l'ont choisi hôtels ont été démolis ou ont brûlé. L 'his­ l'arrivée des colons de MacNider. comme lieu de villégiature avaient la toire de Métis-sur-Mer n'est pas un cas nostalgie de la beauté austère de leur unique, beaucoup de stations balnéaires Le premier registre paroissial fut pays d'origine, ou qu'on a dû souvent en ont connu un bel essor puis ont décliné tenu par un missionnaire, le Révérend défendre les qualités devant les scepti­ avec les caprices du temps. Cependant, James Cairns en 1844. On ignore où ques. Une jeune femme de Toronto, on trouve encore à Métis-sur-Mer des habitait précisément le missionnaire : ayant épousé un homme dont la famille preuves visibles de sa grandeur passée peut-être à la seigneurie, ou alors dans la allait à Métis depuis trois générations, comme ces rues bordées de haies de cè­ maison de Peter Legatt où se tenaient les me raconta que son mari était anxieux dre soigneusement taillées et ces trésors réunions du conseil. de savoir avant de l'épouser si elle se architecturaux qui sont des actifs sans plairait à Métis, parce que les vacances prix et qui méritent d'être conservés. La première église fut construite en

Le premier trou du terrain de golf. En arrière-plan le "Butter Cottage" vers 1915. (Source: Musée McCord d'histoire canadienne, Archives photographiques Notman)

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 13 fut construite (1905). Elle fut établie sous le patronage de la famille Molson et dirigée de la même façon que l'église presbytérienne, c'est-à-dire avec l'aide des ministres résidant l'été à Métis-sur­ Mer.

L'Église presbytérienne de la Pointe Legatt fut reconstruite à Métis-sur-Mer en 1884, en remplacement de celle du «Killiecrankie Inn». Cette église fut érigée en grande partie grâce aux efforts du ministre d'alors, le Révérend Thomas Fenwick. L'église actuelle fut cons­ truite par Peter F. Legatt. Les bancs et la plupart de l'architecture et de la décora­ tion intérieur furent réalisés par Benja­ min Page. Groupe de baigneurs sur la plage probablement près de l'hôtel Seaside vers 1900. (Source: Musée McCord d'histoire canadienne, Archives photographiques Notman) Le phare de Métis-sur-Mer

1847. Ce bâtiment qui existe encore de nue sous le nom de l'Église de la Colline L'origine du phare remonte aux nos jours n'a plus ni le même aspect, ni ou «Kirk on the Hill») fut fondée pour années qui suivent la Confédération, lors­ la même fonction qu'auparavant. satisfaire les besoins de la communauté que le Gouvernement du Nouveau L'Église presbytérienne de Métis-sur­ estivale. Les ministres qui avaient 1'ha­ Dominion commença à construire le Mer se situait dans «l'aile ouest» du bitudedeséjoumeràMétis-sur-Merfour• système national de transport. En 1874, bâtiment, connu au jourd 'hui sous le nom nirent la chaire. Le vrai constructeur de le premier phare fut érigé sur la pointe. de «Killicrankie Inn». Peter Legatt Sr., l'église demeure un mystère. Cepen­ Mais, à cette époque, les phares étaient William Turriff, Douglas Smith et dant, on soupçonne Peter F. Legatt Jr construits en bois de façon temporaire. William MacRae achetèrent un terrain d'en être l'auteur. Le premier et deuxième phare furent et y construisirent l'église. construits sur le site de la résidence de Au début des années 20, des rénova­ John Mc Nider (1822) qui fut achetée en L'Église unie de Métis-sur-Mer fut tions furent effectuées : de nouvelles 1876. construite en 1866, ce fut une église fondations furent construites et le toit méthodiste wesleyenne jusqu'en 1925. ainsi que la porte de derrière furent res­ Le site de l'église fut acheté le 26 mai taurés. Trois ans furent nécessaires pour 1866 par Robert Turriff, John Mac Nider finir d'installer l'électricité. Le clocher, et Daniel McGowan. Ces hommes ren­ qui est complètement détaché de l'église, contrèrent James Adams Mathewson de fut construit en 1923; il fut conçu par Montréal, habitant estival à Métis-sur­ l'architecte renommé, H. H. L. Mer, qui devint l'administrateur actif de Fetherstonhaugh, résidant l'été à Métis­ l'Église méthodiste wesleyenne du Ca­ sur-Mer. C'est ce dernier qui suggéra de nada. On a souvent pensé que la famille construire un clocher séparé du reste de Mathewson donnait des fonds à l'église. l'église, comme les campaniles que l'on trouve en . Hélène Bergerin, En 1883, Métis-sur-Mer avait donc dans son livre Les Églises Protestantes déjà une église presbytérienne à la Pointe publié dans la collection Patrimoines en Legatt et une église méthodiste à Petit­ 1981, explique que le fait d'avoir un Métis. Cependant, avec la croissance de clocher complètement détaché du reste plus en plus rapide de la population de l'église est unique au Québec. d'été, le besoin d'une seconde église presbytérienne s'est rapidement fait res­ C'est peu après la construction de L'Église-unie du Canada. sentir. Par conséquent, en 1883, l'Église l'église presbytérienne (1883) que (Photographie: Rick Kerrigan de l'École presbytérienne du Petit-Métis (plus con- l'Église d'été anglicane de Saint -Georges d'architecture de l'Université McGiII)

14 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT golf Boule Rock. Les deux terrains font approximativement5 485 m (6 OOOver­ ges) chacun et ont été conçus par un professionnel du golf, Albert Murray. Le golf a fait son apparition à Métis-sur­ Mer dès 1885 : Joseph Aird, un client du «Cascade Hotel», se promenait en voi­ ture lorsqu'il découvrit un vaste terrain inoccupé qui fait maintenant partie du Club de golf et de tennis Cascade. M. Sam McNider, propriétaire du «Cascade Hotel», se servait du golf pour attirer sa clientèle; par la suite il fit même cons­ truire un terrain de golf de sept trous à l 'hôtel. Le Club de golf et de tennis Cascade fut fondé le 4 juillet 1901 mais la construction du «clubhouse» ne fut terminée qu'en 1913. En 1919,lesclubs de golf et de tennis s'associèrent. Pen­ dant la Seconde Guerre mondiale, le L'Église presbytérienne. , «clubhouse}} devint le quartier général (Photographie: Rick Kerrigan de l'Ecole d'architecture de l'Université McGiII) de la Croix-Rouge.

Les phares de Métis-sur-Mer et du Cap-de-Ia-Madeleine comptent parmi les premières tours en béton armé du Ca­ nada. Le phare de Métis-sur-Mer fut achevé en 1909, par le Département de la Marine et de la Pêche pour les phares. Il appartient à Transports Canada et est exploité par la Garde côtière canadienne. Aujourd'hui le phare fonctionne auto­ matiquement. L'ancienne maison du gardien du phare et les bâtiments secon­ daires font désormais office de centre de recherche pour Forêts Canada.

Le phare était et demeure un actif de valeur pour la communauté; il est à la fois l'exemple d'un travail d'expert et un symbole pittoresque de la côte mari­ time pour les citadins en vacances. Le phare, de par sa location et sa fonction, a Le phare de Métis vers 1890. (Source: Musée McCord d'histoire canadienne, Archives photographiques Notman) un certain cachet que les touristes ou les habitants aiment à peindre ou photogra­ phier. D'après le Bureau d'examen des en tant que site historique. Ils ont même À l 'heure actuelle, le Club de golf édifices fédéraux à valeur patrimoniale, offert de racheter le phare afin de pou­ et de tennis Cascade continue d'avoir un la municipalité de Métis-sur-Mer et les voir en assurer la protection. rôle important dans la vie de la commu­ habitants qui se sentaient concernés par nauté saisonnière de Métis-sur-Mer. l'avenir de Métis-sur-Mer n'ont cessé Les clubs de golf et de tennis d'envoyer de nombreuses lettres et péti­ L'architecture de Métis-sur-Mer tions au gouvernement fédéral tout au Métis-sur-Mer possède deux beaux long des dix dernières années. Ils de­ terrains de golf de dix-huit trous: le Club C'est pendant la période victorienne que mandent à ce que le phare soit préservé de golf et de tennis Cascade et le Club de Métis-sur-Mer s'est le plus développé et

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 15 Maison de J.A. Mathewson vers 1897. (Source: Musée McCord d'histoire canadienne, Archives photographiques Notman) son architecture s'inspire donc des sty­ bardeaux de cèdre, intérieurs en plan­ La philosophie commune était les variés de cette époque. Les princi­ ches laissées à l'état brut, foyers en ga­ qu'avant tout, l'architecture rurale de­ paux styles représentés à Métis-sur-Mer lets de plage, allées en gravier; ce qui vait s 'harmoniser avec le paysage envi­ sont: le néo-Gothique, le Second Em­ contribue grandement à donner à ce lieu ronnant et le mettre en valeur. Les livres pire (ou à la Mansard), le son caractère rustique si remarquable. de modèles donnaient aux charpentiers néo-Reine-Anne, le «Shingle» et le style et constructeurs la possibilité d'expéri­ vernaculaire victorien. Selon Vincent Scully dans son livre menter de nombreux assemblages, sans The Shingle style and the Stick Style, aucune restriction. De plus, l'invention Métis-sur-Mer comporte plusieurs l'architecture du dix-neuvième siècle de la scie à chantourner et d'autres outils maisons construites avec des matériaux était une architecture de charpentiers qui a permis aux artisans de travailler le bois similaires et avec un même lexique se sont inspirés des livres de modèles de chaque maison d'une façon élaborée, architectural, ce qui lui confère une con­ (pattern book). En ce sens, Métis-sur­ inégalée depuis. Les livres ont égale­ tinuité spatiale et une homogénéité Mer doit beaucoup à l'américain Andrew ment permis de développer une grande architecturale, sans doute les plus gran­ Jackson Downing (1815-1852) qui a variété de plans; ceci est flagrant lors­ des qualités de ce lieu. Ainsi, à venir défini dans ses nombreux livres de mo­ qu'on voit les nombreuses projections jusqu'à peu, toutes les maisons et tous dèles et dans ses guides architecturaux de tours, de porches, de baies, de tourel­ les aménagements étaient réalisés en les principes d'asymétrie et de concep­ les, de multi-toitures et d'ailes dans l'ar­ matériau naturel : fondations en pierre, tion pittoresque à l'origine de ces mai­ chitecture de la fin du dix-neuvième revêtements des murs et des toitures en sons. siècle.

16 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT ble de développer notre environnement tout en respectant la valeur esthétique et écologique d'un site. Grâce à un bon équilibre entre le bâti et le naturel, il est en effet possible d'arriver à créer une ambiance harmonieuse propice à la dé­ tente et au loisir.

Les premiers habitants de Métis­ sur-Mer ont su mettre en place un sys­ tème de valeurs qui est demeuré bien ancré chez leurs descendants. Axé sur le respect de l'écologie du site, la préservation de la végétation, la renaturalisation par des espèces indigè­ nes et le choix des matériaux de revête­ ment en accord avec le caractère rusti­ Maison McNider vers 1890. que du lieu, ce système a eu pour effet de (Source: Musée McCord d'histoire canadienne, Archives photographiques Notman) maintenir et même de rehausser la qua­ lité naturelle et esthétique du paysage.

Il reste à espérer que cette philoso­ phie de développement saura se prolon­ ger au fil des ans afin que Métis-sur-Mer demeure le lieu exceptionnel qu'il a tou­ jours été.

NOTE DE L'ÉDITEUR :

Nous tenons à remercier les responsables du Musée McCord d'his­ toire canadienne, notamment Nora Hague, technicienne en photographie, qui nous ont permis de diffuser certaines photographies des Archives photogra­ phiques N otman. Nous remercions aussi Rick Kerrigan de l'École d'architecture de l'Université McGill.

Deux jolies résidences estivales. (Photographie: Rick Kerrigan de l'École d'architecture de l'Université McGiII) Bibliographie Baldwin, Alice Sharples. Métis: Wee of the Gaspé. 1970. 84 p. Baldwin, Alice Sharples. The Kirkon the Hill: The Iittle À Métis-sur-Mer, les maisons cons­ son ensemble sont préservés, si son dé­ Metis Presbytarian Church 1883·1983. 1984. veloppement résulte d'une intégration Beasley, Ellen. New Construction in Residential truites au cours de la fin des années 1800 Historieal Districts. 1982. et caractéristiques de cette époque sont harmonieuse de l'ancien et du moderne, Bergevin, Hélène. Les églises protestantes. Montréal, Libre-Expression, 1981. 205 p. pour la plupart l'oeuvre du charpentier/ le village de Métis-sur-Mer pourrait ser­ Cascade golf and tennis club. Répertoire des membres. entrepreneur Peter F. Legatt. vir de modèle à ces autres municipalités 1988. Forbes, Jessie . Metis Beach: Past and Present. 1988. dont l'activité première est le tourisme. Martin, Élisabeth Savage. Memories of Metis. 1988. Métis-sur-Mer, aujourd 'hui Metis Beach chamber of commerce. Metis Beach Qué., The Playground of the lower St. Laurence. L'aménagement de Métis-sur-Mer, et Scully, Vincent J. The Shingle Style and the Stiek S'il réussit à conserver l'esprit qui des autres centres de villégiature du Style. New-Haven, Yale University Press, 1971. 184 p. Underwriters survey bureau. Metis Beach Evaluation l'anime depuis plus de cent ans, si son même type (selon une étude réalisée par Map. Montréal, 1931. Westley, w. Margaret. Grandeur et déclin de l'élite intégrité architecturale, son caractère Carole Labrecque de l'Université de anglo-protestante de Montréal. Montréal, Libre-Expression, rustique et pittoresque et la cohérence de Montréal), nous montre qu'il est possi- 1990. 331 p.

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 17 AU BAS-SAINT-LAURENT,, UN PAYSAGE MODELE PAR L'HABITAT ... PAR RÉGIS JEAN

Ce texte de Régis JEAN fera partie d'un Guide sur le patrimoine historique du Bas-du-Fleuve qui sera publié à l'automne 1993 sous la direction de Paul LAROCQUE.

En parcourant le territoire, le visi­ L'emplacement des habitations, Dès 1615, les premiers mission­ teur découvre peu de traces des pre­ des villages, des voies de communica­ naires Récollets visitent les «Côtes-du• miers établissements pennanents au Bas­ tion est en relation directe avec les acti­ Sud, les rivières du Loup, du Bic, les Saint-Laurent. Les archives ont bien vités d'une collectivité et l'environne­ Monts Notre-Dame» et pénètrent même conservé les documents officiels tels ment qui les conditionne. Ce n'est certes jusqu'en Acadie et au Cap Breton. 1 Ils que les actes de concession, les inventai­ pas le hasard qui regroupe les pêcheurs visitent les campements amérindiens et res après décès, les actes de «Foy et aux Iles-de-la-Madeleine et en Gaspésie, suivent ces derniers au gré de leurs dé­ Hommage» rendus par le seigneur aux les forestiers sur les hauts plateaux de placements saisonniers. autorités de la colonie, mais nous con­ l'arrière-pays et les agriculteurs sur les naissons fort peu le quotidien des pre­ larges terrasses qui s'ouvrent en gradins La concession de nombreuses miers occupants de notre région. le long du fleuve. Dans la même mesure, seigneuries au cours de la décennie 1670 le développement industriel et technolo­ entraîne dans notre région l'érection des Nous pouvons cependant imagi­ gique a longtemps été directement relié premiers établissements pennanents. Les ner leur existence en fonction d'une sé­ à la présence de quelques sites hydrauli­ premiers seigneurs sont cependant plus rie d'activités qui ont dicté autant de ques dont les ressources énergétiques intéressés au lucratif commerce des four­ manières d'occuper et d'exploiter une favorisaient l'établissement de moulins rures qu'à la colonisation de leurs terres. région. Un groupe de pêcheurs ne s'ap­ à farine, de carderies ou de scieries. L'un d'eux, Charles-Aubert de la proprie pas un territoire de la même Chesnaye, riche marchand de Québec manière qu'une collectivité agricole. Le En somme, nous voyons que les qui détient déjà un poste de traite à milieu sera d'ailleurs différent: la proxi­ communautés du Bas-Saint-Laurent, Tadoussac, devient seigneur de mité du poisson, la qualité des havres, comme celles de la plupart des régions Rivière-du-Loup en 1673 et se porte l'accessibilité des grèves, des facteurs de la vallée du Saint-Laurent, se sont acquéreur de la seigneurie du Bic en importants pour les pêcheurs, importe­ développées en ajustant leurs activités à 1688. Il exploite un poste de traite à ces ront moins pour les agriculteurs qui re­ leur environnement. Le déboisement deux endroits : il échange les fourrures chercheront davantage un sol fertile et intensif qu'a connu la région au début du des Amérindiens contre des textiles im­ bien drainé. Un village du Témiscouata 1ge siècle ouvre de larges bandes de portés, des outils de fer et d'autres objets dont les activités sont principalement terre à l'exploitation des forêts pour se de fabrication européenne. orientées vers la forêt, se développera consacrer à l'agriculture alors qu'ailleurs, suivant un patron différent de celui d'un le processus recommence. De tels ajus­ De tels établissements exigent peu village de pêcheurs gaspésiens ou en­ tements se sont multipliés dans l'his­ d'installations: un magasin où entrepo­ core d'un village d'agriculteurs du Bas toire de l'occupation humaine au ser les fourrures et marchandises du Fleuve. Bas-Saint-Laurent. d'échanges, une maison pour le gardien du poste, une grange ou un étable pour Ces modes d'occupation d'un ter­ LES ORIGINES: garder quelques animaux. Par contre, le ritoire n'ont rien d'immuable; ils évo­ LA CROIX ... ET LA FOURRURE poste doit être d'accès facile pour favo­ luent au gré des changements d'activi­ riser les contacts avec les pourvoyeurs tés. L'agriculture qui se modernise, la On ne peut parler d'aucun établis­ de fourrures. Il sera construit près du pêche qu'on abandonne ou la diminu­ sement pennanent au Bas-Saint-Laurent fleuve, à un endroit bien abrité des vents. tion de la biomasse forestière ont provo­ avant le dernier quart du 17e siècle. À Rivière-du-Loup, l'estuaire de la ri­ qué et provoquent encore des change­ Depuis des siècles, le territoire est ce­ vière constitue l'endroit idéal pour un tel ments profonds dans la manière d' occu­ pendant très bien connu des Amérin­ établissement. Au Bic, on peut supposer per et d'aménager un territoire. diens. que le poste de traite s'élevait dans le

18 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT voisinage du grand havre naturel pro­ miers occupants permanents. À réduites, répondent aux besoins immé­ tégé de toutes parts par l'île et les mon­ Rimouski, les seigneurs Lepage arrivent diats : l'espace entre la grève et l' escar­ tagnes du Bic. à la même époque. pement de la première terrasse suffit à l'exploitation agricole. En l'absence de Alors que la colonisation avait déjà «TENIR FEU ET LIEU» PRÈS DU chemins terrestres, le fleuve constitue la débuté dans l'ouest de la région, ces FLEUVE voie de communication la plus rapide et comptoirs de traite sont sans doute les la plus facile. C'est pourquoi chaque premiers ·établissements permanents Le censitaire qui recevait du sei­ censitaire bénéficie d'un accès au fleuve. aménagés au cours du 17e siècle dans gneur un lot en concession s'engageait à l'est du Bas-Saint-Laurent. L'État des «tenir feu et lieu» sur cette terre, c'est-à• D'ailleurs, le premier «chemin du Missions du Canada, dressé à la de­ dire à l'habiter et à l'exploiter. C'est le Roi» suivait généralement le fleuve et mande de Mgr de Laval, nous apprend début de la colonisation du territoire. Le passait souvent à la limite des hautes qu'en 1683, il n'y a que quatre habitants lot concédé mesurait généralement qua­ marées. Le noyau des premiers villages à la rivière du Loup (les employés du tre arpents de front sur le fleuve sur une se fixe en bordure de l'eau. À Trois­ comptoir de traite), un seul à quarantaine d'arpents de profondeur. Ces Pistoles, la chapelle est construite près Kamouraska, 60 (8 familles) à Rivière­ premiers colons vivant d'agriculture et du fleuve. Il en va de même à Rivière-du­ Ouelle, 40 (5 familles) à La Pocatière et de pêche, leurs maisons sont naturelle­ Loup où la première chapelle, érigée en Il (2 familles) à Saint-Roch-des­ ment construites près du fleuve. La forêt 1792, est construite si près de l'eau Aulnaies.2 toute proche offre un riche territoire de qu'elle sera inondée en 1802eten 1805. chasse, une activité fournissant un ap­ C'est là un indice assez évident que les À Trois-Pistoles, on assiste en 1696 port alimentaire appréciable pour ces premiers établissements s'alignaient tout à l'arrivée des seigneurs Riou, les pre- familles. Les surfaces cultivées, assez près du fleuve. À Rivière-du-loup, le

Saint-Germain (rang) (Macro-inventaire du ministère des Affaires culturelles).

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 19 grand-voyer (responsable de voirie) trace Un tel remue-ménage a parfois pro­ blissement. Si la construction des mai­ en 1799 l'emplacement d'un nouveau voqué des conflits. À Trois-Pistoles, sons et des fermes précède le tracé d'un chemin situé plus au sud, sur la terrasse. notamment, le déplacement graduel du chemin, l'habitant tiendra compte de Des seize maisons apparaissant sur son village vers la première terrasse déclen­ diverses considérations pour choisir le plan en plus de la chapelle, la majorité cha un véritable schisme à l'intérieur de lot où il s'établira: l'orientation, le relief s'élève près du fleuve. Quelques-unes la paroisse. Les partisans du statu quo du terrain, la proximité d'une source s'élèvent au pied de la terrasse et une souhaitaient reconstruire la chapelle près d'eau potable ... Par la suite, lorsqu'on seule est construite sur la terrasse. En du fleuve mais les autres voulaient éri­ tracera le chemin, on devra tenir compte 1812, la chapelle sera finalement ger le nouveau temple le long du nou­ des établissements déjà en place pour relocalisée plus loin du fleuve, sur la veau tracé du chemin du Roi. Chaque relier l'habitant A à son voisin B. terrasse, à la hauteur de l'actuelle rue clan a entrepris la construction de sa Fraser. Un calvaire, érigé à la sortie propre chapelle, persuadé que sa posi­ À l'inverse, si le tracé du chemin ouest de la municipalité, en signale le tion était juste. Jusqu'en 1852, la pa­ précède l'établissement des colons, ces site. Malheureusement, les vestiges de roisse possédait deux églises. Une telle derniers choisiront de construire leurs l'emplacement de la chapelle primitive querelle de clocher a pourtant laissé peu maisons en bordure du chemin. Un tel et du premier village ne sont plus visi­ de vestiges : seule une croix, plantée comportement s'explique aisément: une bles : l'autoroute 20 les recouvre près du rivage, souligne aujourd'hui famille qui va s'établir en pleine forêt est aujourd'hui. l'emplacement de la première chapelle isolée du reste du monde. Une simple et du village primitif. Le chemin de la course au village devient parfois une grève, qui dessert aujourd'hui les cha­ entreprise dangereuse. En cas de besoin UN DÉPLACEMENT VERS L'IN­ lets, est en fait le premier chemin du Roi. des secours du médecin, de la sage­ TÉRIEUR DES TERRES Une vieille maison québécoise aux femme ou du curé, on doit parcourir larmiers cintrés s'élève encore près du plusieurs kilomètres. Le voisin est sou­ Progressivement, les établisse­ fleuve, témoin des origines de Trois­ vent la première personne sur qui on ments se déplacent vers le sud. On Pistoles. peut compter. remarque le même phénomène à l 'Isle­ Verte et à Trois-Pistoles. La cause n'est Un autre facteur explique le déve­ Si la solidarité de ceux qui habi­ pas la crue des eaux mais plutôt un loppement du territoire de plus en plus tent le même rang est grande, plus éten­ changement d'activités des habitants: vers le sud : la démographie. La pre­ due encore est celle des voisins immé­ au fur et à mesure que la terre est défri­ mière rangée de concession, le «premier diats. Ici, ( .. . ) le premier voisin fait pour chée, que les espaces cultivés augmen­ rang», devient rapidement surpeuplée. ainsi dire partie de lafamille. ( .. )Pour le tent, les terres en culture se trouvent de Toutes les terres sont occupées et on a voisin, on attelle son meilleur cheval plus en plus au sud. Peu à peu, les alors besoin de nouvelles terres pour quand il est nécessaire d'aller chercher habitants voudront s'établir plutôt vers établir les nouveaux exploitants. On le prêtre. On a la garde des enfants de le centre de leur terre et non plus à ouvre alors une seconde rangée de con­ la voisine pour l'aider à se relever de l'extrémité. cession, à l'arrière de la première, puis couches. 5 une troisième et une quatrième ... Ce déplacement tient aussi au fait LA LECTURE DU PAYSAGE que le fleuve a perdu peu à peu de son L'ouverture de ces nouveaux terri­ importance au fil des années : des che­ toires, à même la forêt, correspond aux Ce qui frappe d'abord certains vi­ mins terrestres sont maintenant tracés développements démographiques que siteurs étrangers (européens surtout) qui pour communiquer avec les paroisses connaîtra toute la région du Bas-Saint­ découvrent la campagne de la vallée du voisines. Le chemin du Roi atteint Trois­ Laurent au début du 1ge siècle. À titre Saint-Laurent, c'est le sentiment que les Pistoles vers 1790. Il se rendra jusqu'à d'exemple, l'ouverture du deuxième rang établissements sont «éparpillés» un peu Rimouski vers 1830. Quelques décen­ de Trois-Pistoles s'effectue dès 1803; partout dans la paysage. La présence de nies plus tard, le chemin de fer facilitera celle du troisième rang en 1827.3 À «grands espaces» plus ou moins vides en encore les communications. À compter Rimouski, l'ouverture du deuxième rang déroute plus d'un ... Finalement, après du moment où existe une voie de com­ se fera encore plus tôt, vers 1790, soit quelques jours, certaines constantes se munication terrestre, les habitations se­ une dizaine d'années avant que le «che­ dégagent : les maisons s'alignent en ront construites le long de ce chemin. min de front» ne soit tracé.4 général assez près du chemin et Celles qu'on avait jadis édifiées près du parallèlement à celui-ci. Une distance fleuve seront parfois «roulées» ou dé­ La présence ou l'absence d'un che­ approximative d'une douzaine de kilo­ montées et remontées pièces par pièces, min de communication aura une in­ mètres sépare les villages entre eux. Dans sur le nouvel emplacement. fluence marquante sur les modèles d' éta- chacun, la silhouette du clocher s'élève

20 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT Saint-Gabriel (Macro-inventaire du ministère des Affaires culturelles). très haut dans le paysage. L'église y construire près d'une source d'eau pota­ On tiendra compte, avant la cons­ occupe la place centrale, bien entourée ble malgré l'éloignement du chemin ? truction de la grange-étable, de la direc­ de l'école, de quelques magasins et des tion des vents dominants pour éviter que autres services : ateliers du cordonnier, L'habitant québécois a appris, à la maison ne soit embarrassée par les boutique de forge (remplacée force d'expérience, à apprivoiser son odeurs désagréables des animaux. On aujourd'hui par le garage), bureau de environnement : le soleil, les vents, la prendra soin également de couper la poste et caisse populaire. température, la neige ont un impact di­ plupart des arbres autour de la maison et rect sur la manière d'occuper une ré­ des bâtiments. En effet, on le remarque L'observateur attentif retrouvera gion. À l'exception des laiteries, les encore aujourd'hui, rares sont les fer­ la même trame un peu partout au bâtiments agricoles (étables et poulaillers mes entourées d'un boisé. Comme «ça Bas-Saint-Laurent, dans les paroisses principalement) possèdent de nombreu­ ramasse la neige», on préfère «déser­ riveraines aussi bien qu'à l'intérieur des ses fenêtres sur le mur sud. Les maisons ter» l'espace au maximum, en laissant terres. Du coup, les «exceptions» (par sont également orientées, autant que au vent le soin de «balayer la neige». exemple une maison très éloignée de la possible, pour bénéficier au maximum Pour la même raison, la cour est ouverte route par rapport à ses voisines) déclen­ de l'ensoleillement. Cela ne signifie pas à tous les vents. Les bâtiments formant chent toutes sortes de questions: Pour­ l'absence de fenêtres s'ouvrant au nord: un écran contre les vents occasionnent quoi avoir construit si loin de la route? avec le développement et l'amélioration aussi des «lames de neige» à cause du Est-ce là l'indice d'un ancien chemin? des systèmes de chauffage au 1ge siècle, ravalement de la neige. Pour protéger la La route actuelle suit-elle un nouveau les maisons ont vu le nombre des fenê­ maison des vents les plus violents, elle tracé, obligeant les occupants à emprun­ tres se multiplier même sur les murs du sera rechaussée (on dit renchaussée), ter une longue «montée» qu'ils doivent nord. c'est-à-dire qu'on recouvre le solage et déneiger en hiver? A-t-on plutôt voulu la bas des murs d'une bonne épaisseur

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 21 de neige, qui joue ici un rôle d'isolant La mécanisation croissante de NOTES thermique. «Renchausser la maison» l'agriculture moderne a donc modifié est une pratique ancienne que l'on peut considérablement l'allure des fermes : 1 . C. Leclerc, Premier établissement de la Foy en Nouvelle­ France, Tome l, p. 93. observer encore aujourd'hui dans nos pour abriter ses quatre ou cinq tracteurs campagnes et qui constitue un autre et ses nombreuses machines, le cultiva­ 2. A. Paradis, Kamouraska (1674-1948), 1948, pp. 20-21. exemple d'adaptation au milieu naturel. teur d'aujourd'hui a besoin d'un im­ 2. Martin et coll, Rivière-du-Loup et son Portage, 1977, mense garage servant d'entrepôt et d' ate­ p.69. La durée de l 'hiver laisse sa mar­ lier de réparation. Les petits bâtiments 3 . R. Jean, La Maison Côté de Saint-Anaclet, 1976, p. 18. que sur le paysage architectural des cam­ tels que le poulailler, la porcherie et la 4 . J. Provencher, Les quatres saisons dans la vallée du Saint­ pagnes du Bas-Saint-Laurent comme bergerie, autrefois dispersés dans la cour, Laurent, 1988, p.27. partout ailleurs au Québec: la grange­ ont disparu du paysage, victimes de la étable en est l'exemple le plus évident. spécialisation. La laiterie, qui abrite C'est le bâtiment le plus important de aujourd'hui le bassin refroidisseur, s'est tout établissement agricole. Ses dimen­ greffée à la grange-étable. sions imposantes viennent du fait qu'on y entrepose le fourrage des animaux qui On le voit bien: le paysage parle, y séjournent six à sept mois par année. À pourvu qu'on le regarde attentivement. l'origine, comme le foin n'était pas pressé Une simple ballade du dimanche peut se en balles, on imagine l'espace requis transformer en une expédition de décou­ pour entreposer pareille quantité de four­ verte pour peu qu'on ouvre les yeux sur rages. De nos jours, si les dimensions du certains détails. Pour découvrir une ré­ bâtiment n'ont pas augmenté au prorata gion comme le Bas-Saint-Laurent, on ne de l'augmentation du troupeau (qui est doit pas uniquement «visiter» les sites et passé de cinq ou six à soixante ou les attraits touristiques. Il faut prendre le soixante-dix vaches), c'est que de nou­ temps de regarder vivre les habitants velles techniques de conservation des dans leurs activités saisonnières. Il faut fourrages ont vu le jour: foin sec pressé sentir la fébrilité d'une belle journée en balles carrées et engrangées au sec, d'été à l'heure des foins ou encore en meules rondes de foin sec ou meules septembre, à l'époque du ramassage des enrobées d'une pellicule plastique (sem­ pommes de terre. Découvrir le blables à d'énormes guimauves) qui s' en­ Bas-Saint-Laurent, c'est d'abord ren­ tassent près des granges, grandes meu­ contrer des gens toujours heureux d'ac­ les d'ensilage, déposées aussi à l' exté­ cueillir le visiteur et de partager avec rieur des granges ou encore les énormes eux une portion de leur quotidien. silos dont la silhouette a changé tout le paysage des campagnes.

22 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DE L'EST DU QUÉBEC DURANT LA CRISE DES ANNÉES TRENTE

PAR JEAN LARRIVÉE

ChÔmage, pauvreté accrue, exode ments de population ? Y -a-t-il eu un de l'Industrie et du Commerce qui a telles sont quelques-unes des conséquen­ exode vers l'extérieur de la région mal­ publié les résultats de leurs travaux dans ces d'une crise économique. Divers pal­ gré les efforts consentis au niveau de la les Inventaires des ressources natu­ liatifs peuvent être envisagés: durant la colonisation? Grâce aux recherches di­ relles et industrielles réalisés dans plu­ crise des années trente, l'Etat québécois rigées par Joseph Risi et d'autres colla­ sieurs comtés de la province de Québec favorisa l'ouverture de nouvelles muni­ borateurs tels François-Albert Angers et en 1937 et 1938. cipalités. Des colons s'installèrent dans L. Fortin, nous pouvons retrouver des le haut-pays de Rimouski, de Matane, du renseignements démographiques fort in­ En 1937, la population de la région Témiscouata et de la Matapédia. téressants pour la période 1931-1937. de l'Est-du-Québec atteint 250 541 per­ Ces personnes avaient été engagées par sonnes. Cela représente une augmenta­ Quelle fut l'ampleur des mouve- le ministère des Affaires municipales, tion de 27 769 personnes (12,5%) par

MIGRATIONS NETTES DANS L'EST-DU-QUÉBEC 1931-1937

Comtés population acc.réel. acc. naturel migrations nettes 1931 1937 1931-37 1931-37

Bonaventure 32432 36216 3784 non disponible Gaspé-Est 28443 31801 3368 non disponible Gaspé-Ouest 9242 11579 2337 non disponible Matane 20311 22309 1998 2990 -992 Matapédia 25007 28528 3521 4405 -884 Rimouski 33094 40323 7138 5308 + 1830 Rivière-du-Loup 33091 34054 963 4407 - 3444 Témiscouata 17203 21039 3836 3486 + 350 Kamouraska 23959 24783 824 3000 -2176

Total 222772 250541 27769 23596A - 5316B

Comtés % % Taux ace. réel ace. naturel mig. nettes

Bonaventure Il,7% Gaspé-Est Il,8% Gaspé-Ouest 25,3 % Matane 9,8 % 14,7 % - 4,9% Matapédia 14,1 % 17,6 % - 3,5 % Rimouski 21,6% 16,0% + 5,6% Rivière-du-Loup 2,9 % 13,3 % - 10,4 % Témiscouata 22,3 % 20,3 % + 2,0 % Kamouraska 3,4% 12,5 % 9,1 %

Total 12,5 % 15,5 %A - 3,5 %A

SOURCES: Compilation effectuée à partir des Inventaires des ressources naturelles et industrielles publiés par le ministère des Affaires municipales, de l'Industrie et du Commerce en 1938 et 1939. A. Ces chiffres excluent Bonaventure, Gaspé·Est et Gaspé·Ouest; les pourcentages ont été calculés en omettant la population totale de ces trois comtés. B. Si on applique le taux de ·3,5% de migrations nettes à l'ensemble des comtés incluant Bonaventure, Gaspé·Est et Gaspé·Ouest, on obtient un solde négatif de 7 797 personnes pour la région de l'Est-du­ -Québec. Cependant, le taux d'accroissement réel très élevé dans Gaspé-Ouest (25,3%) laisse présager une migration positive pour ce comté

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 23 rapport à 1931. Pourtant, la crise écono­ vailleurs. Au Témiscouata, plusieurs nes, probablement, se déplacent ainsi à mique fait rage. D'un comté à l'autre, on quittent pour le Nouveau-Brunswick4 . la recherche d'une terre ou d'un em­ constate des écarts importants: l' accrois­ En Gaspésie, on peut supposer que le ploi9. Les sols des paroisses plus ancien­ sement réel oscille entre 2,9% dans le mouvement d'émigration vers les Etats­ nes sont occupés et, dans plusieurs villa­ comté de Rivière-du-Loup et25,3% dans Unis et l'Ontario qui a été amorcé au ges, la crise économique entraîne la fer­ Gaspé-Ouest; les comtés de Rimouski début du siècle se poursuit durant les meture des scieries et des chantiers qui (21,6%), de Témiscouata (22,3%) et de années trente5 . en dépendent, incitant davantage les jeu­ Matapédia (14,1 % ) enregistrent une aug­ nes à s'exilerlO. mentation assez appréciable tandis que Parallèlement à ces nombreux dé­ les comtés de Kamouraska (3,4%) et de parts vers d'autres régions, il y a un Un fait demeure: notre région a Matane (9,8%) ont des gains plus fai­ important mouvement migratoire à l'in­ toujours connu une émigration de sa bles. térieur de l'Est-du-Québec. Comme nous population en direction des autres ré­ l'avons indiqué plus haut, seuls les gions du Québec et pendant très long­ L'accroissement naturel' reflète les comtés de Rimouski et de Témiscouata temps vers les Etats-Unis. Que ce soit taux élevés de l'époque: entre 21/1 000 ont un solde migratoire positif qui s'ex­ durant la deuxième moitié du XIXe siè­ et 34/1 000 annuellement. De tels ratios plique en partie par l'arrivée de nou­ cle ou pendant la grande crise des années devraient entraîner un accroissementréel veaux résidents dans les paroisses de trente ou même plus récemment dans les beaucoup plus accentué; cela présage colonisation. Plus de 4 400 personnes se années soixante et soixante-dix, des in­ d'une certaine émigration de la popula­ sont installées dans les colonies du comté dividus sont partis à la recherche d'un tion. L'Est-du-Québec, malgré une de Rimouski (Saint-Guy, Saint-Médard, travail rémunérateur ou tout simplement hausse de 27 769 personnes, subit un Esprit-Saint, Saint-Charles-Garnier pour obtenir un mode de vie plus urbain. déficit migratoire de 7 797 personnes, etc.)6 . Au Témiscouata, d'anciens La colonisation des années trente n'aura soit un taux de migrations nettes de résidents du comté de Rivière-du-Loup été qu'un intermède enrayant une partie - 3,5%2 . L'exode affecte les comtés se fixent à Auclair et à Lejeune (JAL)7 . de cet exode extra-régional. selon une intensité variable: Rivière-du- D'autres colonies sont aussi ouvertes

TAUX DE MIGRATIONS NETTES POUR QUELQUES VILLES 8

accrois. accrois. Villes 1931 1937 réel naturel migrations taux Rivière-du-Loup 9569 9980 411 792 - 381 -4,0% Rimouski 8326 9733 1407 1181 + 226 +2,7%

Matane 6423 6 300 - 123 956 - 1079 -16,8 %

Loup (-10,4%) et Kamouraska (-9,1 %) dans Matapédia et dans Matane, mais NOTES sont les plus atteints. Les soldes négatifs ces nouvelles paroisses n'attirent pas un \. L'accroissement naturel= naissances-décès. 2' Le solde migrdtoire= immigrants-émigrants. sont moins élevés dans Matane (-4,9%) nombre suffisant d'habitants comme le 3. Benoit Brouillette et al., Inventaires des ressources naturelles et indus· trielles 1938 : comté municipal de Rivière·du·Loup, Québec, ministère et Matapédia (-3,5%). A l'opposé, deux montrent les soldes négatifs de ces deux des Affa~es municipales, de l'Industrie et du Commerce, 1939, page Il 4. L. Fortin et al., Inventaire des ressources naturelles et industrielles comtés ont un solde migratoire positif: comtés. 1938: comté municipal de Témiscouata, Québec, ministère des Affaires Rimouski (5,6%) et Témiscouata (2,0%) municipales, de l'Industrie etdu Commerce, 1939, page 10. 5' Joseph Risi et al., Inventaire des ressources naturelles et industrielles attirent davantage de nouveaux immi­ Les villes de la région ne semblent 1937: comté municipal de Gaspé-Est, Québec, ministère des Affaires municipales, de l'Industrie etdu Commerce, 1938, page 10. grants. pas en mesure de retenir leur population; 6. François-Albert Angers et al., Inventaire des ressources naturelles et industrielles 1938: comté municipal de Rimouski, Québec, ministère seule la ville de Rimouski bénéficie d'un des Affa~es municipales, de l'Industrie et du Commerce, 1939, page 9. 7. Benoit Brouillette et al., op.cit., page Il Certains préfèrent quitter la région apport de population (2,7%). 8. Compilation effectuée à partir de: - Benoit Brouillette et al., op.cit., page pour s'installer dans les grands centres 13. -François-Albert Angers etaI. op.cit., page 9. - François Vézina et al. Inventaire des ressources naturelles et industrielles 1937: comté mu­ comme Québec et Montréal. Cet en­ En conclusion, la démographie ré­ nicipal de Matane, Québec, ministère des Affaires municipales, de l'In­ dustrie et du Commerce, 1938, page 12. gouement pour la ville peut s'expliquer gionale entre 1931 et 1937 se caractérise 9. Ministère des Affairesmunicipales, de l'Industrie etdu Commerce, Inven~ taire des ressources naturelles et industrielles 1938 : comté municipal par l'abondance des secours directs qui par deux mouvements migratoires: l'un de Kamouraska, Québec, 1938, page 9. «exercent un attrait irrésistible sur les axé vers l'extérieur au profit des grandes 10. Jean-Marie Gauvreau et aL, Inventaire des ressources naturelles el industrielles 1937: comté municipal de Matapédia, Québec, 1938, page familles de journaliers»3 . Même à cette villes et de la Côte-Nord et l'autre des Il. époque la Côte-Nord, 'Particulièrement anciens villages du littoral vers les nou­ Baie-Comeau, attire de nombreux tra- velles paroisses de colonisation. Des jeu-

24 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT LES PAROISSES «DES HAUTEURS»

~ DURANT LES ANNEES 1870

PAR MARCEL LEBLANC

1. SAINT-GABRIEL, DANS LE CANTON DE de Sainte-Angèle, l'abbé Damase Pendant que les colons de Sainte-Luce et FLEURIAULT Morisset: de Sainte-Flavie se nourrissaient de mollusques ou de certains crustacés ou Durant les années 1870, les terres Sainte-Angèle, le 27 mai 1872 encore d'anguilles, de harengs, de rocailleuses de l'arrière du Mont Camille Messire Edmond Langevin, V.G. capelans ou d'éperlans, à l'arrière des étaient exploitées depuis quinze à vingt­ Évêché de Rimouski seigneuries, on devait le plus souvent cinq ans, mais leurs propriétaires devai­ avoir recours au lièvre et à la perdrix ent toujours lutter, à leur corps défen­ quand ce n'était pas au «siffleux». dant, pour leur survie. Continuellement Monsieur le Grand Vicaire, trompés et bernés par des promesses de On pourrait croire que dans un pays grands développements et de prospérité, En réponse à votre lettre, je neuf comme celui du Fleuriault, on ne après l'illusion d'un chemin Taché de­ dois vous dire que sur cinquante­ rencontrerait que des jeunes gens, mais venant une route nationale, on les aban­ huit habitants résidants à ces déportés devaient quand même pren­ donnait à leur sort dans un pays de mon­ Saint-Gabriel, la moitié à peu près dre soin de leurs vieux parents qu'ils tagnes, couvert de forêt. n'ont pas battu une seule gerbe de amenaient en exil avec eux. Plusieurs de leur récolte. Pour ceux-là, la plus ces arrivants âgés mourraient quelques Est-ce qu'on fonderait une paroisse grande partie du grain aurait gelé; années plus tard: c'est ainsi que Rose au canton de Fleuriault? Est-ce que ça le reste avait été gâté sur le champ Bérubé, née à Saint-Denis en 1796, dé­ valait la peine de continuer à trimer dans par les pluies continues de cède à Saint-Gabriel, le 24 février 1872 ce pays de misère? Plusieurs préten­ l'automne dernier. à l'âge de 76 ans5. Il y a aussi l'ancêtre daient que non, d'autres, plus courageux Louis Lantagne, décédé à Saint-Gabriel et sans doute plus téméraires, décidaient Quant au grain qui a été le 5 septembre 1873 à l'âge de 74 ans6; d'y tenter leur chance. C'est ainsi que battu, plus du tiers n'était pas François Blanchet, époux de Angèle malgré de nombreux abandons, il y avait moulable, et quelques minots seu­ Drapeau et originaire de La Pocatière, quand même toujours des colons qui lement sont propres à la semence. décède à Saint-Gabriel, le 18 février peinaient et espéraient un avenir meilleur C'est assez vous dire que plus de la 1876à l 'âge de 68 ans; Théotiste Boutin, en bordure de ce chemin toujours en moitié de ces pauvres colons ont épouse de Michel Plante et originaire de construction, le chemin Taché. un besoin urgent de secours. Saint-Anselme de Dorchester, décède à l'âge de 79 ans et est inhumé à En 1870, «le solitaire» pionnier, Saint-Gabriel, le 3 juin 1879; Alexandre Piton (Alexandre) Lavoie, était retourné J'ai l' honneur d'être, Monsieur le Michaud, époux de Marguerite Paquet dans ses terres à Sainte-Flavie1 et son Grand Vicaire, et originaire de Kamouraska où ils nom était déjà passé à la légende. La s'étaient épousés en 1820, décède à chapelle «temporaire », projetée en 1862 Votre dévoué serviteur Saint-Gabriel le 22 novembre 1881 à sur le lot 18 du rang IV de Fleuriault2, l'âge de 85 ans 7. avait été construite en 1872 sur le lot9du (Signé) Damase M orisset, prêtre4 même rang, mais3 les missionnaires n'y Parmi tous ceux qui avaient été con­ venaient qu'occasionnellement. traints de venir finir leurs jours dans les Inutile d ' ajouter que ces gens-là n'étaient montagnes de l'arrière-pays, mention­ Les colons ne prenaient souvent que pas toujours enthousiastes pour payer la nons aussi madame Thècle LeBrun, deux repas par jour et, en guise de pain, dîme au curé. Sans qu'on puisse les veuve de Hyacinthe Chamberland, qui ils devaient se contenter de galettes con­ accuser de braconner, ils devaient sou­ décède à Saint -Gabriel à l'âge de 96 ans, fectionnées avec de la farine «d'orge vent leur survie à la chasse et à la pêche le 28 mai 18838. Née au siècle précé­ gelé». Voici à ce sujet une lettre du curé dans les minces cours d'eau du secteur. dent en 1787,àl'époquedeLouisXVIet

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 25 Chapelle cctemporaire» de la paroisse de Saint-Gabriel (1872 à 1903) avant la Révolution française, elle té­ venues de très loin. Elle était la grand­ des «renards» 10; c'est le grand-père moignait à elle seule d'une très longue mère d'Apolline Vaillancourt, épouse Médéric Rioux (1820-1905) qui avait histoire. Thècle LeBrun avait connu les d'Alfred Rioux. pris la relève sur la terre de Piton Lavoie Papineau, père et fils, chefs du Parti en 1870 et cette propriété est demeurée canadien; elle avait vécu quatre régimes Thècle LeBrun compte aujourd 'hui à la famille Rioux jusqu'à nos jours. constitutionnels et, sous la confédéra­ de nombreux descendants dans tout le tion des Tories, elle avait dû s'exiler à Bas- Saint-Laurent et en particulier à Après avoir demeuré à Saint-Gabriel, à l'arrière du Saint-Gabriel. Son nom mérite de figu­ Rivière-Ouelle, Trois-Pistoles et Mont Camille. rer avec honneur parmi les fondateurs de Saint-Simon, Thècle LeBrun arrive à la localité9. Quelques-uns de ses des­ Saint-Gabriel vers 1869 avec sa fille C'est à Rivière-Ouelle, le 30 octo­ cendants sont devenus «mathusalems» à Marie Chamberland, mariée à Zéphirin bre 1820 qu'elle avait convolé en justes leur tour. Apolline Vaillancourt, que Vaillancourt, le futur beau-père d'Alfred noces, mais il semble bien qu'elle passa j'ai connue, est décédée le 29 novembre Rioux. À la suite d'une vie difficile la majeure partie de sa vie à 1943 à l'âge de 85 ans et 3 mois. Apolline durant les années de crise du 1ge siècle, Trois-Pistoles; c'est là et à Saint-Simon Rioux, fille d'Apolline Vaillancourt et il me semble bien qu'elle n'ait pas telle­ et Saint-Fabien que ses enfants s'étaient veuve de Désiré Bélanger, de ment amélioré son sort en venant finir mariés. Thècle LeBrun avait connu des Saint-Gabriel, est décédée le 29 octobre ses jours sur «les hauteurs» à l'arrière du gens nés en 1699 et au début du 1968, à l'âge de 89 ans. Joseph-Adélard Mont Camille. Elle fut inhumée dans le dix-huitième siècle; c'est ainsi qu'elle (Kit) Rioux, fils d'Alfred et petit-fils de vieux cimetière près de la chapelle et de apportait au Fleuriault des traditions Médéric, faisait partie de la souche Rioux l'église, et probablement qu'une partie

26 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT de ses restes seulement furent transfé­ Nous avons joint à ce texte des ex­ nui beaucoup. Espérons que ces rés, en 1941, dans le nouveau cimetière traits d'un rapport de l'abbé Ferdinand inconvénients ne se renouvelleront en bordure de la route de Les Hauteurs. Audet, curé de Saint -Donat et cinquième plus. Au prix que se vendent les desservant officiel de Saint-Gabriel grains, il sera difficile de réaliser Les colons du Fleuriault, hardis et (1877-1878). Né à Saint-Anselme de plus que 100 $. entreprenants, ont apporté avec eux les Dorchester, il termine sa théologie au traditions de leurs ancêtres «voyageurs» Séminaire de Rimouski en 1872, décède [... ] Il Y a deux écoles en opération, de l'époque du Régime français. C'est à Albany, New-York, le 12 juin 1895 à mais la zizanie règne entre les com­ pourquoi ils possédaient le courage né­ l'âge de 56 ans l2. missaires et les contribuables. cessaire pour défricher des pendants de montage. À l'occasion, au désespoir des [... ] Les institutrices ont peu de missionnaires, il se faisaient plaisir en Extraits du rapport de l'année 1878 satisfaction, étant souvent l'objet organisant des soirées de danse où les du curé Ferdinand Audet13 d'une critique malveillante. Alors, boissons alcooliques venaient ajouter à il en résulte des conflits où mon leur entrain; en dépit des interdits, ils [. . .] J'ai condamné pareillement intervention a quelquefois été ré­ aimaient s'amuser et même «virer une et anathématisé l'idée émise par clamée. brosse» de temps en temps. Cela aussi, quelques-uns d'avoir un dépôt de de même que les jurons en forêt, c'était boisson dans Saint-Gabriel. J'ai [ ... ] Les commissaires sont peu un héritage de nos audacieux ancêtres vu messieurs les conseillers à ce entendus et manquent parfois de français. Celui qui, jour après jour, doit sujet; ils m'ont promis qu'il n'en zèle. Je les ai repris avec succès se battre contre les éléments de la nature, serait rien. Je les ai remerciés et tout dernièrement et je n'ai rien ne goûte pas son alcool en gourmet, mais félicités de leurs bonnes disposi­ qui me porte à mettre en suspicion c'est à la tasse qu'il l'avale. Et que dire tions et encouragés à concourir au leur sincérité. de nos talentueux violoneux! Étant te­ bien spirituel des âmes, d'accord nus responsables des «péchés» qui pou­ avec le prêtre. [... ] Il est fortement question de vaient se commettre à l'occasion d'une bâtir une troisième école dans le danse, c'est en risquant le salut de leur [ ... ] Un bon nombre ont déjà fini haut de la paroisse, arrondisse­ âme qu'ils ont réussi à nous conserver de consommer leur petite récolte; ment voisin de la rivière Neigette. un riche folklore. ils sont maintenant à charge des autres et, au printemps, ils n'auront [ ... ] J'ai agité la question de Indépendants et frondeurs, les gars rien à semer. Malheureusement, lambrisser le logement du prêtre et de Saint-Gabriel ont également désobéi en général, ils ne paraissent pas de lui bâtir un hangar. Messieurs à l'épiscopat en votant libéral en majo­ être de bons cultivateurs, si du les marguillers se sont mis à rité aux élections fédérales de 1874 et moins on en juge par leurs grains l'oeuvre, mais le succès n'a pas 1878 et provinciales de 1875 et 1878 11 . qui sont fort sales. À part une couronné leurs efforts, car ils n'ont dizaine, les autres sont peu soi­ pu faire souscrire la quantité de gneux et peu intelligents; le man­ bois nécessaire; il leur faudra avoir que de talent retarde beaucoup le recours aux corvées. progrès matériel de la paroisse. J'ai le plaisir de mentionner comme bien intelligent et en voie de succès Philias Hamilton que Votre Gran­ 2. Le township (Canton) de Massé deur connaît bien, je crois. Il est aussi bon catholique. Depuis toujours, les habitants du bord de la mer parlaient «des hauteurs» [ ... ] Actuellement, j'ai reçu à peu à l'arrière du Mont Camille; maintenant près toute la dîme, disons, sans qu'on y vivait, il fallait faire des distinc­ crainte d'errer, au moins les trois tions entre les diverses hauteurs du sec­ quarts; et cependant je ne compte teur. que 198 minots de tout grain. Ce n'est pas non plus un grain bien Lorsqu'en 1876, de courageux et marchand, attendu qu'il a souffert jeunes colons commencèrent à s'établir L'abbé Ferdinand Audet dit Lapointe du froid et de la rouille. Les gran­ sur les lots des rang II et III du canton de (1839-1895) des pluies de l'été dernier lui ont Massé, tout le monde fut d'accord, à

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 27 Saint-Gabriel, pour dire que ceux-là Cependant, les archives officielles Et parmi les noms de ces premiers avaient conquis «Les hauteurs». C'est ne donnent qu'un billet de location pour défricheurs, je ne trouve pas celui de en effet là, sur «la bosse à Célanire», l'année 1876 et il est au nom d'Achille Joseph Boucher (saufen 1903), Adolphe que se situait une hauteur secondaire Pinel dit Lafrance; il est en date du 13 Guimont, Samuel Michaud (sauf en entre le bassin de la rivière mai et pour le lot 9 du rang III. (La route 1899) et Fabien Ross 18. Mistigouguèche et celui de la rivière actuelle de Saint-Gabriel se trouve entre Rouge. les lots 8 et 9 du rang II). Ce même Les fils des pionniers se sont égale­ Achille Pinel, qui ne semble pas avoir ment établis à Saint-François• La «colonisation» par les habitants demeuré longtemps sur «les hauteurs» Xavier-des-Hauteurs et, durant les an­ de Saint-Gabriel s 'était arrêtée aux gran­ et qui n'y a pas laissé de descendants, nées 1910, on parlait des «sept Corbin» des superficies de savanes, «la conces­ était le frère de François Pinel, celui qui et des «sept Guimont»19. sion fraîche», et à d'autres terres non a laissé son nom à «la montagne à Pinel» cultivables dans les rangs VI de Fleuriault à Saint-Gabriel, sur le lot 27 du rang V Pour atteindre leurs lots, les pre­ et 1 de Massé. Maintenant que des nou­ de Fleuriault. François Pinel était le miers colons empruntaient un vieux che­ veaux venus, franchissant ces terres sté­ gendre de Joseph Valcourt et d'Ursule min de chantier approximativement en­ riles par le vieux portage de la Compa­ Parent de Saint-Gabriel 16 . tre les lots 20 et 21 des rangs V et VII de gnie Price, tentaient de contrôler ces Fleuriault; après avoir passé près du lac sommets de terres «limoneuses très ar­ Dans son rapport à l'évêché pour Lévesque, ce chemin traversait le rang 1 gileuses» 14, ils étaient dans un secteur l'année 1878, l'abbé Ferdinand Audet, de Massé sur les lots 15 à 12, le rang II particulier qu'il fallait dénommer autre­ curé missionnaire de Saint-Gabriel, sur les 12 à 6 pour arriver à l'endroit de ment. Quel meilleur nom que «Les écrit: l'église actuelle, le rang III sur les lots 6 hauteurs» pouvait-on utiliser? Plus tard, Il s'est fait, dit-on, des à 5, le rang IV sur les lots 6 à 1 pour lorsque devenue paroisse, on allait dire: défrichements considérables au ensuite se diriger progressivement vers Saint -François-Xavier -des-Haute urs. sud-est de la chapelle, distance la rivière Mistigouguèche20. d'à peu près six milles (par la Les premiers colons auraient été route Chauveau? ), dans les rangs Au moment où les libéraux provinciaux Rigobert Miville (on écrivait et disait III etN de Massé, par des gens de arrivent au pouvoir en 1878, Elzéar Pel­ Minville) dit Deschênes et son frère Sainte-Flavie et de Saint-Joseph. letier obtient un montant de 248 $ pour Joseph, venus de Sainte-Flavie; ils étaient On doit ensemencer ces continuer la route Chauveau à travers les les fils d'Antoine Deschênes et défrichements au printemps pro­ deux premiers rangs du canton de Massé. d'Anastasie Harvey, probablement ori­ chain (de 1879); probablement que En 1879, il écrit dans son rapport: «il est ginaires du comté de l 'Islet. Il y aurait eu quelques-uns viendront résiderl7. indispensable de terminer immédiate­ également Honoré Larrivée de ment cette route jusqu'au deuxième rang Sainte-Flavie et frère de mon bisaïeul, D'après les terriers du ministère de du canton de Massé où se trouvent éta­ Charles Larrivée. Honoré Larrivée s'est l'Énergie et des Ressources, la plupart blis plusieurs colons». En 1880, Pelle­ fait concéder les lots 16 des rangs II et III des premiers billets de location auraient tier obtient un montant de 125 $ pour de Massé, le premier décembre 1879 et été émis en 1883 et au nom de colons cette route qui sera terminée en 188221 . le 17 décembre 1883. Il Y a un lac suivants: Larrivée sur les lots 20 et 21 du rang III • Bérubé, François et ce lac, en mémoire des Larrivée, • Claveau, Ernest contracte urs de chantier, se déverse dans • Corbin, François 3. «Coteaux de roches» ou «Bois brû­ la rivière Mistigouguèche. Neuf kilo­ • Desbiens, Joseph lés» du chemin Taché mètres en amont, sur la rivière • Michaud, Napoléon Mistigouguèche et du côté sud-est, il y a • Deschênes, Rigobert Dès l'année 1872, celle de la cons­ le ruisseau Charlette, endroit où mon • Deschênes, Joseph truction de la chapelle à Saint-Gabriel, bisaïeul Charles Larrivée a fait chantier. • Dumais, Gédéon des colons commencent à se réfugier • Gagnon, Jean dans le territoire actuel de la paroisse de Parmi les autres colons de Les Hau­ • Parent, Hilaire Saint- Marcellin22 et qu'on appelle alors teurs, il y a lieu de nommer François • Gagnon, Josué «Coteau de roches» ou «bois brûlés»23. Corbin en 1880, Joseph Boucher, • Lévesque, Joseph Ce qui provoque cette nouvelle expan­ Adolphe Guimont, Ferdinand Ross (un • Michaud, Charles sion, c'est la reprise de la construction guérisseur), Charles Michaud, Hyppolite • Michaud, Hyppolite du chemin Taché. Depuis l'avènement Michaud, Napoléon Michaud et Samuel • Ross, Ferdinand, en 1884 de la Confédération, on manquait d'ar­ Michaud l5. gent pour les travaux de voirie et tous les

28 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT projets demeuraient en souffrance. Mais respond aux descriptions lyriques de Aussi, s'empresse-t-il de leur suggérer voici qu'en 1869, grâce aux pressions du Grondin et des autres découvreurs. un nom plus chrétien et qui demeurera député provincial, le notaire Joseph discret à propos des difficultés qui atten­ Garon, de Rimouski, le gouvernement Dans son rapport à l'évêché pour dent ceux qui espèrent y vivre. Le nom Chauveau accorde un montant de 3 000 $ l'année 1878, l'abbé Audet, curé de choisi par le missionnaire, pour le chemin Taché dans le comté de Saint-Donat et de Saint-Gabriel, déclare Saint-Marcellin, pape, ne deviendra of­ Rimouski. On prolonge le chemin jus­ que les colons de l'endroit forment vingt ficiel que le Il octobre 1899. Ce nom est qu'à la route de Macpès vers la ville de établissements avec une population de quand même celui d'un martyr et peut­ Rimouski, mais on ne le parachève que 120 âmes. Cependant, il n'apprécie guère être y voit-il une analogie cachée avec jusqu'à environ un mille de l'église ac­ les noms réalistes que les colons ont les souffrances qui attendent ceux qui tuelle de Saint-Marcellin et il n'y a pas donné eux-mêmes à leurs terres de mi­ auront la naïveté de croire aux terres encore de pont sur la rivière Neigette. sère et il craint sans doute que la vérité fertiles de l'ouest du canton de En 1870, avec un montant de 1 918 $, on décourage des défricheurs éventuels. Neigette27. ne fait que de l'amélioration et de l'en­ tretien. En 1871 et 1872, avec une moyenne de 1 023 $ par année, on pour­ RANG VII suit l'ouverture de ce chemin sur une longueur de 2,64 milles et on le para­ Billets de location chève jusqu'à la route Macpès24. C'est ainsi qu'il faudra attendre une soixan­ taine d'années avant qu'on puisse pro­ Lot 18 Thaddé Bouchard 01105/1879 longer cette artère. Lot 19, 1/2 N.E. Louis Lévesque 26/11/1878 Lot 23, 1/2 S.O. Joseph Ouellet, fils Michel 29/07/1878 En 1872, les colons qui s' aventu­ rent dans cette contrée, où les élites les Lot 24, 1/2 S.O. Joseph Roy 03/05/1879 invitent, doivent traverser la rivière Lot 24, 1/2 N .E. Napoléon Pelletier 03/05/1879 Neigette à gué ou sur un radeau; le pont, Lot 25 Amable Ouellet 17/03/1879 au coût de 500 est construit en 1875 $, Lot 28 Majoric Lebel 05/12/1876 c'est la dernière fois que de l'argent est consacré pour la construction du chemin Lot 29 Joseph McCarthy 14/1 0/1876 Taché dans ce secteur25 . Lot 30, 1/2 S.O. Léon Gagnon 17/04/1880 Lot 30, 1/2 N.E. Adélard Bouillon 03/05/1881 Dans son rapport, à la suite de l' ar­ Lot 31 Damase et Laurent Michaud 15/05/1879 pentage des derniers rangs du canton de Neigette en 1865, L.S.E. Grondin dé­ Lot 34 François Santerre 26/10/1885 clare que dans la ligne séparative des Lot 39, 1/2 N.E. Théophile Deschênes 01/10/1879 rangs VII et VIII, il avait trouvé partout Lot 40 Émile Gagné 07/05/1886 «une belleforêtd' érable, merisier,orme, frêne et cèdre». Également,« le sol était Lot 41 Joseph Gagné 07/05/1886 uni et d'un calcaire très propre à la Lot 42 Théophile Fortin 08/07/1877 culture »26 Si en 1878 l'endroit est de­ venu «Bois brûlés», il est facile de pré­ RANG VIII sumer que les colons n'auraient pas tou­ jours contrôlé leurs feux d'abattis. Quoi de plus dramatique pour celui qui de­ Lot 18, 1/2 N.E. Thomas Charette 17/04/1880 meure «dans le bois» que de voir des Lot 40, 1/2 N.E. Anselme Thériault 04/04/1877 arbres calcinés et la désolation autour de lui! Veut-il alors cultiver la terre qu'on Lot 42, 1/2 N .E. Joseph-A. Roy 01/04/1879 lui a promise belle et fertile, il ne trouve Lot 42, 1/2 S.O. Édouard Gagné 10/08/1885 partout que des roches et des Lot 43, 1/2 N.E. Théophile Gagné 24/08/1878 affleurements rocheux et, de plus, le Lot 44 Joseph Gagné 16/12/1878 climat est très difficile. C'est ainsi que l' endroit devient alors vite connu comme Lot 45, 1/2 N.E. Abraham Ross 08/05/1879 29 «Coteaux de roches» et où rien ne cor-

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 29 Un des premiers colons de cette NOTES 17. Abbé Ferdinand Audet, op. cit, 1 . Mgr C.-A Carbonneau. P.A., Tableau généalogique nouvelle paroisse serait Pie Lepage. J us­ 18. Sans nom d'auteur, Terriers conservés au ministère de des mariages célébrés dans le diocèse de Rimouski, l'Énergie et des Ressources du Québec. qu'à 1885, c'est dans sa maison que les Rimouski, 1936, 5 volumes. missionnaires auraient célébré la messe28 19. Sans nom d'auteur, LejournaJ Chez-nous,op.cit. 2. Jean-Baptiste Lepage, Rapport au commissaire des et durant mon enfance, on dénommait terres de la Couronne du Canada, documents non 20. L.S.E. Grondin, arpenteur provincial, Rapport M. 83 à paginés de la session, A. 1863,26 Victoria, no 5. encore l'ouest de la paroisse sous le nom la suite d'un travail dans le canton de Massé, service des arpentages, ministère de l'Énergie et des Ressources de «Saint-Pie». Cependant, dans les 3. Abbé Damase Morisset, Archives de l'archevêché de du Québec, 1874. terriers, le nom de Pie Lepage n'apparaît Rimouski, paroisse de Saint-Gabriel. 21. Sans nom d'auteur. Documents de la session provin­ pas parmi ceux des premiers colons. 4. Ibid, ciale en 1878. 5 . Abbé Damase Morisset, Registres de la paroisse de 22. Abbé Léo Bérubé, Notes au sujet de la paroisse de D'après les terriers conservés au Sainte-Angèle. Saint-Marcellin dans les archives de l'archevêché de ministère de l'Énergie et des Ressources Rimouski. 6. Ibid, du Québec, les noms de ces premiers 23. Abbé Ferdinand Audet, Rapport de l'année 1878, op. 7 . Abbé Joseph-Arthur Leblanc et divers missionnaires, colons seraient ceux du tableau précé­ cit. dent. Registres de la paroisse de Saint-Gabriel. 24. Sans nom d'auteur, Documents de la session provin· 8. Ibid, ciale, 1869 à 1872. Dans son rapport à l'évêché pour 9. Sans nom d'auteur, Répertoire des mariages de la 25. Sans nom d'auteur, Documents de la session provin­ Mitis, Mont-Joli, 1842 à 1984, Contribution no 45, l'année 1878, le curé Audet suggère ciale, 1869 à 1872. d'envoyer un prêtre immédiatement à volume 5, mai 1987. Société de généalogie de Québec. 26 . L.S.E. Grondin, arpenteur-provincial, Rapport à la 10 . Jules Duchastel, Marcel Rioux, Entre l'utopie et la «Saint-Marcellim> afin de favoriser la suite de l'arpentage des rangs arrière du canton de raison, Nouvelle Optique, 1981, 202 pages. colonisation (et pour sauver des âmes). Neigette en 1865, service des arpentages, ministère de l'Énergie et des Ressources, Québec. Comment ce prêtre pourra-t-il vivre? Il Il. Tradition orale. 27 . Abbé Ferdinand Audet, Rapport pour l'année 1878, y aurait pourtant un moyen facile si le 12 . A. Cléophas Morin, prêtre, Dans la maison du père, op. cit. gouvernement voulait lui verser le même Rimouski,1967. 28 . A.-M. Cimichella, évêque auxiliaire à Montréal, Saint· salaire qu'il donne aux inspecteurs de 13. Abbé Ferdinand Audet, Rapport à l'évêché en date du Marcellin, Les Éditions Jésus-Marie et Notre Temps, 25 février 1879 pour l'année 1878 à Saint-Gabriel, colonisation. «Avec le salaire d'un seul 1978, 23 pages, voir page 17. agent de la Couronne, on pourrait entre­ 14. Jean-Yves Drolet et Gilles Gagné, Étude des sols du 29. Sans nom d'auteur. Terriers conservés au ministère de comté de Rimouski, ministère de l'Agriculture, Ottawa, tenir trois prêtres»30. Après l'arrivée du l'Énergie et des Ressources du Québec pour le canton de 1989, 197 p. et plans. curé J.A. LeBlanc à Saint-Gabriel, à la Neigette. 15. Sans nom d'auteur, Le journal Chez-nous, Rimouski, fin de septembre 1879, ce dernier devint 30. Abbé Ferdinand Audet, Rapport pour l'année 1878, [mars 1921]: page 3. le missionnaire des colons de op. cit. Saint-Marcellin et, à l'occasion, il s'y 16 . Mgr C.-A Carbonneau, opus cit. 31. Abbé Léo Bérubé, op. cit. rendait dire la messe dans la maison ou le camp d'un colon31 .

Les colons de Fleuriault, Massé et Neigette de même que leurs descendants qui y ont pris racine sont demeurés des forestiers dans un pays qui ne pouvait être que partiellement agricole.

30 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT CHRONIQUES RIMOUSKOISES

Sylvain Gosselin, archiviste du diocèse de Rimouski, nous a fait parvenir un texte de F.M. Derome paru dans Album des familles du 1er juillet 1880 à Ottawa. Nous reproduisons un extrait de cet article. [Pages 320-323J UN ÉCHO DES RIVAGES DU SAINT-LAURENT ST-GERMAIN DE RIMOUSKI (EXTRAIT)

PAR F.M. DEROME

[ ... De la Pointe-au-Père à l'Ilet-à• tendant de sesfenêtres l'éternel vagisse­ revenir tous les ans. Une foule de cita­ Carmel, le havre de Saint-Germain em­ ment des flots, aspire à pleins poumons dins s'y pressaient naguère pour humer brasse une étendue de quatre milles. Au la salubrité d'une atmosphère vivifiante l'air frais et oublier les canicules. Au bord de la courbe que dessine entre ces et pure. Mais la proximité de l'onde ne reste, le voyageur y retrouve à chaque deux points la découpure des terres du répondant pas seul au besoin, il a fallu saison des accommodements parfaits et littoral, la ville de Saint-Germain élève construire des terre-pleins qui le des tables d' hôtes bien servies. Deux dans un espace étroit, mais à quelques protégeassent contre les empiètements établissements ont pu s'acquérir une pas seulement du fleuve, un groupe de incommodes et les dévastations possi­ réputation pour les prévenances et le maisons pittoresquement dominées par bles de la haute mer. Ce voisinage trop confort qu' ils offrent au voyageur: ce la haute flèche de sa cathédrale. Com­ immédiat du capricieux élément amène sont l' Hôtel de Rimouski et le Dominion posée de 360 feux à peine, elle est assise quelquefois des accidents et des désas­ House. Mais l'industrie des hôtelliers sur un bas-fond baigné par les reflux du tres. Les dégats sérieux occasionnés est une affaire à peu près morte. Les Saint-Laurent, dont elle excède légère­ par les tempêtes de 1879 témoignent visiteurs forains devenant rares à Saint ment le niveau. Le bras de mer entre la sensiblement de la nécessité d'en préve­ Germain, la diminution graduelle de terre ferme et l'île Saint Barnabé, im­ nir le retour. leur nombre fera bientôt disparaître avec merge un lit boueux hérissé partout de eux un contingent utile à la circulation grosses roches, et que ,mettent à sec les Les descendants directs ou du numéraire. Cet appoint minime à la retraits des marées quotidiennes. Les collatéraux des pionniers actifs qui ja­ vérité constituait du moins un revenu: embarcations du petit cabotage sillon­ dis donnèrent à la culture un premier article de nécessité première à une cir­ nent sans danger cette passe où le vo­ élan sont en petit nombre dans la ville conscription en besoin de prendre l'es­ lume d'eau dans les endroits creux n' at­ ainsi que dans les environs de sor et manquant de ressource. teint pas à deux brasses de fond. Il ne St. Germain. Deux ou trois d'entre eux serait pas possible aux vaisseaux de ont abandonné les champs pour le com­ Ce détail véridique fait présumer grande dimension d'y pénétrer sans merce de détail en denrées et merceries. exactement la position de notre ville. malencontre fâcheuse ... } Les boutiques achalandées des Couillard Heureusement, on aime à le dire: l'in­ et des Martin s' y sont maintenues sur un tensité du malfera mieux reconnaître la Un chemin central sous la dénomi­ pied qui leur fait honneur. Le peuple de plausibilité de remède. À distance et aux nation de rue St. Germain parcourt Rimouski est cependant un peuple pau­ alentours de Rimouski, des chutes d'eau longitudinalement la ville d'une extré­ vre. À l'automne et durant les tristes d'une puissance et d'une valeur consi­ mité à l'autre. Cette voie publique re­ mois d' hiver, il s'y rencontre un dérables invitent bruyamment l'indus­ monte à une période lointaine; on la surnumérariat de prolétaires nécessi­ triel et le capitaliste à les exploiter avec dirigea le long du fleuve, à cause de la teux que souvent la misère assiège; mais aisance et bénéfice. Ici la nature, facilité qu'elle donne de s'en rappro­ le travail ne vient pas toujours alléger à manifestement généreuse envers les po­ cher à toute heure du jour. Sur une point leur infortune. pulations souffrantes, n'attend en défi­ étroite lisière qu'elle borde nitive qu'un effort prompt de la volonté parallèlement aux eaux, est une rangée La paroisse de St. Germain offre de l' homme pour affermir les existences de demeures toutes adossées au rivage. une villégiature agréable aux particu­ et compenser les infortunes. Ce serait là C'est de là que l' habitant riverain, en- liers qui se sont fait une habitude d'y le moyen de venir en aide à la gêne et à

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 31 de grands intérêts menacés. Mais l'ex­ invariablement propices. Les myriades d'être toujours les bienvenus. Nous ne pédient ne pourrait suffire. L'Agricul­ d'immigrants d'outre-mer qui arrivent voudrions pas même, à ce point de vue ture est la compagne, mais surtout l' auxi­ au Canada, loin de nous faire concur­ incontestable, outrepasser en aucune liaire indispensable des opérations rence, portent au loin leurs convoitises façon les limites du possible; nous nous manufacturières. Les judicieux et dé­ et se hâtent de gagner l'ouest, tandis que permettons simplement de rendre hom­ voués promoteurs de la célébration du de vastes portions du domaine public mage aux patrons recommandables qui 24 juin, de cette année, ont préconisé sont le patrimoine des canadiens-fran­ favorisent l'oeuvre de culture et du d'avance la même théorie et manifesté le çais les plus diligents, qui en demandent repeuplement de la contrée. Que ce désir de la faire prévaloir. En nous leur part. Le Comté de Rimouski ren­ projet extrêmement louable se réalise, réunissant sous les auspices heureuses ferme des terres de bon aloi, dont la le Canada français ne cessera de s'en de la grande fête nationale, un sentiment moitié, celles du terroir le plus fertile, applaudir. Alors il n'y aurait plus de de patriotisme a fait comprendre que le continuent d'être en disponibilité. Il y prétexte à la question si fréquemment devoir d'aimer le pays natal ne serait aurait en ce cas pour les émigrants à posée: Que vont devenir les habitants plus rien s'il ne nous imposait l'obliga­ repatrier une occasion sûre de prendre de Québec? et nous deviendrons les tion d'en demeurer les maîtres. Jus­ domicile, dans ce coin de province en­ possesseurs de la «mine d'or» qu'ex­ qu'ici personne ne nous a disputé le core désert. S'ils y venaient, enfin de ploite avec succès le digne missionnaire, droit d'occuper le territoire et de coloni­ compte, ils ne manqueraient pas d' obte­ monsieur Lacasse, dans l'opuscule qu'il ser le sol. À cet égard les événements qui nir, à part la facilité de devenir les vient de mettre au jour sous ce titre. se sont succédés nous ont été propriétaires d'un bien-fonds, lafaveur

32 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT CHRONIQUES RIMOUSKOISES

UNE INSTITUTRICE PREND MARI À L'AUTOMNE 1912

PAR GABRIEL LANGLOIS

En visite à Cap-Chat, un de mes Brevet d'école modèle. Pédagogie. Une oncles me remet un numéro d'un hebdo­ heure. madaire de Matane Le cri de l'Est, daté de 19121• En première page, je lis : 1 - Définissez les deux méthodes : déductive et inductive. NOS INSTITUTRICES 2 - Faites sur un sujet de votre choix une courte leçon écrite d'après chacune Nous donnons a ujourd' hui la de ces deux méthodes. liste des noms des institutri­ 3 - Décidez ensuite en faveur de l'une ces qui nous ont envoyé leur ou de l'autre de ces deux méthodes. adhésion au Congrès péda­ gogique qui doit se tenir la AUTRE EXEMPLE DE TEST semaine prochaine à Rimouski, du 8 au 13 juillet Connaissances scientifiques usuelles. 1912. 30 minutes. 1 - Comment est formée la colonne ver­ J'y compte 145 noms inscrits pour tébrale? la région de Gaspé-Nord à Matane. Sur­ 2 - Indiquez les oiseaux utiles à l'agri­ prise! Je découvre en tête de liste le nom culture. de ma mère, Marie Gagné de Cap-Chat, 3 - Quels sont les insectes utiles? Marie Gagné et Albert Langlois née en décembre 1891, fille de Philippe 4 - Indiquez (a) les métaux d'usage or­ Gagné, cultivateur de Cap-Chat et de dinaire qu'on trouve au Canada (b) Elmire Rousseau, deuxième enfant d'une les partieset les divisions du Canada examens peut nous surprendre famille de seize enfants. Je me souviens où se trouvent ces métaux. aujourd'hui, mais il faut se placer dans le qu'elle m'avait parlé de ce Congrès 5 - Comment se fabrique la poterie com­ contexte du temps. Tel était le bagage de auquel elle avait participé et qui avait été mune? connaissances que devait posséder une pour elle l'occasion de rencontrer son institutrice pour enseigner avec compé­ futur mari, mon père. Ayant fait ses Ces tests paraîtront élémentaires tence au début du XXe siècle. études primaires à l'école du village de aux étudiants et professeurs de notre fin Cap-Chat, sous la direction des Filles de de XXe siècle, mais je serais surpris si Agée de seize ans, ma mère reçut Jésus, elle avait obtenu son Brevet ceux-ci pouvaient répondre en si peu de son Brevet d'enseignement au cours de d'école moderne et académique du bu­ temps à toutes les questions des exa­ l'été et à la fin d'août elle s'embarquait reau central des examinateurs catholi­ mens de ce Brevet. Je vous ferai grâce au quai de Sainte-Anne-des-Monts à bord ques de la province de Québec. Deux des autres tests, mais je me contenterai d'une goélette pour se rendre au village jours de sessions d'examens, les 24 et 25 d'énumérer, pour satisfaire votre curio­ de Chloridorme où elle avait obtenu un juin 1908, à raison de neuf tests par jour. sité, quelques titres: agriculture bien­ poste d'institutrice. Or, le curé de la J'ai trouvé dans ses papiers 18 feuillets séance - prières - catéchisme - géogra­ paroisse, mon futur oncle, l'abbé J . -A. d'examens, dont je vous donne quelques phie - organisation politique - adminis­ Langlois, offrit à la nouvelle institutrice extraits. trative du Canada - histoire du Canada­ de loger au presbytère. grammaire française - analyse - dictée française - composition - littérature - Ma mère enseigna donc pour une EXEMPLE DE TEST histoire sainte - arithmétique - tenue de première année dans une école de cin­ livres - connaissances scientifiques quante enfants répartis en cinq divisions, Examen du mercredi, 24 juin 1908, de 4 usuelles - dessin - histoire de France - pour un salaire faramineux de cent dol­ à 5 heures histoire d'Angleterre. Le contenu de ces lars par année. Pensionnant et logeant

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 33 grève à marée basse entre Capucins et les Méchins, et enfin en train de Matane à Rimouski. Arrivés à la maison des parents du curé, elle fit connaissance avec ses futurs beaux-parents, sans oublier le frère du curé, Albert, en train de devenir vieux garçon. Mon père travaillait alors au magasin familial, si­ tué sur la rue St -Germain Est. Il avait fait son cours de Commerce au Sémi­ naire de Rimouski.

Il semble bien qu'ils s'appréciè­ rent l'un l'autre puisqu'en août 1912 mon père descendait à Cap-Chat faire la grande demande. Le mariage eut lieu le 7 octobre de la même année. Ma mère avait enseigné durant quatre ans. Par Cap-Chat déformation professionnelle, elle res­ tera une maîtresse d'école avec ses en­ au presbytère, elle rendait en même temps dant qu'elle s'occupait d'une division, fants. de menus services: elle s'occupait de la les plus grands s'occupaient des débu­ sacristie, des enfants de choeur et jouait tants2• même de l 'harmonium à la messe du dimanche et des fêtes. Elle racontait que En juillet 1912, un Congrès péda­ NOTES les journées les plus froides de l'hiver, gogique des institutrices devait se tenir à les élèves et elle-même étaient obligés Rimouski, le premier dans le Bas-Saint­ 1. Le Cri de l'Est, journal hebdomadaire de Matane, 2e de garder leurs manteaux et leurs bottes, Laurent. Comme les parents du curé de année, no 39 [1912]. entourant le poêle à deux ponts qui ne Chloridorme demeuraient à Rimouski, 2 , Pour en connaître davantage sur les conditions précaires réussissait pas à réchauffer l'école. ce dernier offrit à ma mère de participer des enseignantes dans les paroisses rurales au début du XXe siècle, on peut consulter le livre de Giselle HuaI. Un L'autorité de l'institutrice était facilitée à ce Congrès, lui-même en profiterait rêve inoui· des milliers de jeunes: mère Marie Elizabeth par l'appui des parents. En général les pour rendre visite à ses parents. Ils se (1840·1881) fondatrice de la Congrégation des Soeurs de Notre·Damedu Saint·Rosaire de Rimouski, Québec, enfants étaient assez dociles. Il y avait rendirent donc à Rimouski avec les Éditions Anne Sigier, 1991. 528 p. de grands gars âgés de quinze ans. Pour moyens de transport du temps: en ba­ arriver à remplir son programme, pen- teau, en voiture à cheval, passant par la

Cloridorme

34 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT ...... CHRONIQUES RIMOUSKOISES

~ ~ UN ZOUAVE GENEREUX: ~ JOSEPH GAGNE (1839-1915)

PAR JACQUES MORIN

Le nom de «zouave» vient de l'arabe lie, Alphonse Gagné, cultivateur céliba­ Fonds d'Ormes lui a fait don des biens et désigna au départ un corps d'infante­ taire du Beauséjour se rendit chez le suivants: un lit avec doubles garnitures, rie française créé en Algérie vers 1831. notaire pour céder sa terre et les bâti• une vache, une taure de deux ans et Au début de l'année 1867, menacé par ments aux Soeurs de la Congrégation de quatre moutons de l'année. les troupes de Garibaldi, le Pape Pie IX Notre-Dame. (Voir l'encadré). avait levé une armée de volontaires, les Le zouave décéda au Beauséjour, le 4 zouaves pontificaux. Largementdiffusé Joseph Gagné épousa à Saint-Germain septembre 1915, à l'âge de 76 ans. Ses dans les journaux catholiques du Ca­ de Rimouski, le 20 janvier 1874, Louise funérailles eurent lieu le 6 et furent très nada, plusieurs Canadiens français Gagnon, fille de Hélène Ruest et de imposantes. Le drapeau papal, qui pré­ avaient répondu à l'appel du Pape: envi­ Théodore Gagnon, rentier et ancien cul­ cédait le cortège, était porté par douze ron 507 recrues. Quatre pour cent d' en­ tivateur. Il avait passé son contrat de garçonnets vêtus en zouaves. Vingt per­ tre eux venaient du diocèse de Rimouski. mariage le 18 janvier devant le notaire sonnes, parents et amis, signèrent l'acte De la paroisse Saint-Germain de Poulin, minute 539 (ANQR). Son frère de sépulture. Parmi eux le docteur et Rimouski s'engagèrent Joseph Gagné, aîné, Hubert Gagnon, défricheur du sénateur J.B.R. Fiset. Jean-Baptiste Garon, Louis Garon, Jean Lepage, Alfred Martin, Alphonse Martin, Edouard Parent, Josué Pinault, Denis Poulin, Louis Pouliot, Henri Ringuet, Aimé St-Laurent.

Comme on le sait, les zouaves, pour­ tant fort bien entraînés, sous les ordres du général de la Moricière, n'ont offert qu'une résistance symbolique à Rome, le Pape Pie IX ayant interdit toute effu­ sion de sang. Tous les régiments natio­ naux de zouaves furent officiellement démobilisés dès le mois de mars 1870. Et ce fut la fin de ce que les uns ont appelé «la folle aventure» des zouaves pontificaux et, d'autres «la neuvième croisade». En 1871, tous les zouaves avaient regagné leur patrie et ce pélerinage militaire prit fin.

En reconnaissance de leurs services à l'Église, les zouaves, ainsi que leurs familles, furent dispensés de l' obliga­ tion du jeûne et de l'abstinence leur vie durant et jusqu'à la troisième généra­ tion.

Geste généreux Groupe de zouaves en 1868 (Joseph Gagné, cultivateur, est à gauche assis au premier Avant de quitter Rimouski pour l 'Ita- plan).

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 35 L'épouse de Joseph Gagné décéda le 30 octobre 1918, Extraits du contrat de mariage entre Joseph Gagné et âgée de 64 ans. Louise Gagnon -18janvier 1974

Extraits du texte de la cession tel que conservé au Par devant Mtre Alphonse Poulin, notaire Public dans bureau d'Enregistrement et pour la Province de Québec, résidant en la Ville de Par devant le notaire public, dans et pour le ci-devant Saint-Germain de Rimouski. Bas Canada, maintenant Province de Québec, soussi­ Comparaissent M. Joseph Gagné, fils de Pierre, agri­ gné. Fut présent Sr Joseph Gagné, garçon majeur, culteur demeurant en la paroisse de Saint-Germain de cultivateur demeurant en la paroisse de St-Germain, Rimouski, stipulant pour lui-même de son vouloir et comté de Rimouski, lequel, par ces présentes, avec consentement d'une part. garantie de tous troubles et de tous autres empêche­ Et M. Théodore Gagnon, rentier, ancien agriculteur ments quelconques, cède et abandonne ce jour et à stipulant pour Demoiselle Louise Gagnon, sa fille, mi­ toujours aux Dames Religieuses de la Congrégation neure, de leur vouloir et consentement et de l'avis et Notre-Dame de Montréal, présente et acceptant pour la consentement de Dame Hélène Ruest mère de lafuture dite communauté Sr St-Léon, directrice de la mission de conjointe, demeurant tous en la susdite paroisse, d'autre St-Germain de Rimouski, et promettant de faire agréer part. et ratifier ces présentes par le corps actifet délibérant de Lesquels dits M. Joseph Gagné et Demoiselle Louise la dite communauté, et par leurs représentants. Gagnon, de leur consentement mutuel et de l'avis de leur Savoir: Une terre sise et située à l'endroit nommé Beau dit parent ont par ces présentes fait entre eux les accords Séjour, de trois arpents de front, sur quarante arpents de et conventions civiles de mariage qui suivent, à savoir: profondeur pour l'arpent et demi [ .. .] avec les bâtisses 1. Ils promettent réciproquement de prendre pour mari sus construites, circonstances et dépendances, sans et femme par nom et loi de mariaf!e et celui de faire aucune exception ni réserve. célébrer et solenniser en face d'Eglise aussitôt que [. .. ] Cette cession est faite à la charge par les dites l'une des parties en requerra l'autre. Dames cessionnaires de payer les cens, rentes et autres 2. Il n'y aura pas de communauté entre les futurs époux droits seigneuriaux dont la dite terre peut être chargée dérogeant à cet égard au Code civil du Bas-Canada, envers les seigneurs de qui elle relève, comme aussi ne seront et conséquemment les futurs conjoints d'acquitter les cotisations scolaires et taxes municipa­ tenus des dettes l'un de l'autre contractées avant le les tant pour le passé que pour l'avenir. mariage et quand après le mariage les dettes seront [ .. .] La présente cession étant faite en vue d'un long acquittées par ledit futur conjoint. voyage que le dit cédant entreprend et d'une absence 3. En considération de la bonne amitié que ledit futur assez longue, il est expressément convenu et stipulé que époux a pour ladite future conjointe il la douaire de si le dit cédant revient, il aura le droit de demander et la somme de six cents piastres douaire préfix à une exiger la résiliation de la présente cession [. . .] fois payé et sans retour [. .. ] A pour sûreté du présent Et si le cédant décède pendant son absence, les dites douaire ledit futur conjoint hypothèque spéciale­ cessionnaires seront à perpétuité, propriétaires in­ ment en faveur de la future épouse une terre sise à commutables de la dite terre. Et pour l'exécution des l'endroit nommé Beauséjour de ladite paroisse con­ présentes, les parties font élection de domicile en leur tenant trois arpents de front sur quarante arpents de demeure actuelle. profondeur [ .. .] Dont acte. Car ainsi et fait et passé à Rimouski, en le Dont acte bureau et parloir des dites Dames Cessionnaires (Sous Fait et passé en la paroisse de St-Germain de Rimouski, le Numéro Deux Mille cinquante quatre et demi, le maison de Mr Théodore Gagnon sous le numéro cinq vingt-deux juin après-midi, l'an mil huit cent soixante-huit cent trente-neuf, le dix-huit janvier après-midi, l'an mil (22 juin 1868). huit cent soixante-quatorze. Requis de signer les futures Requis de signer, le dit cédant et la dite Sr St-Léon, époux l'on fait et le Sr Hubert Gagnon aussi et ledit acceptant pour la communauté, l'on fait. Lecture faite. Théodore Gagnon et son épouse ont fait leur marque Signé «Joseph Gagné» «Sr St-Léon, sup. de Rimouski» ordinaire d'une croix vu qu'il ne savent pas signer. «P. Ls Gauvreau, N.P.». Vraie copie de la minute Lecture faite. demeurée de Record en mon étude. Joseph Gagné X Théodore Gagnon Hubert Gagnon Louise Gagnon X Hélène Ruest Julie Parent Signé/ P. LS. Gauvreau, N.P. X Jean Gagnon Alphonse Poulin, N.P. Source: Archives nationales du Québec à Rimouski.

36 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT PATRIMOINE

LA MAISON LAVOIE : UN DES FLEURONS DE NOTRE PATRIMOINE BÂTI

PAR RICHARD SAINDON

L'histoire de la maison Lavoie de Pointe-au-Père est étonnante. Le style même de cette demeure vieille de 133 ans n'est pas lefruit du hasard. Il a plutôt été choisi en rapport avec le métier de son premier occupant, un pilote du Saint-Laurent. Puis quand le Bas-Saint-Laurent est devenu au tournant du siècle une destination à la mode pour l'establishment des grandes villes du nord-est du continent, la maison Lavoie est passée aux mains de plusieurs notables.

L a maison Lavoie est située sur la quer les auteurs de L'encyclopédie de On remarque également la verti­ route 132 à l'extrémité est de la ville de la maison québécoise, les gens qui à calité de la façade et l' importance du Pointe-au-Père, soit à une quinzaine de l'époque voient surgir ce genre de de­ volume de l'ensemble. La travée cen­ kilomètres à l'est de Rimouski. Cette meure imposante, «vont souvent, par trale dominée par une tour donne beau­ demeure a été construite vers 1860 par dérision, la baptiser «château» pour coup de majesté au bâtiment. L'éléva­ Louis-Marie Lavoie, dit Louis XVI, bien étiqueter un monument contrastant tion du soubassement de pierre place le maître pilote sur le Saint-Laurent. singulièrement avec leur paysage habi­ rez-de-chaussée à une telle hauteur qu'il tuel.» 2 Cela explique sûrement pour­ faut un escalier de 13 marches pour L'examen des titres révèle que le quoi le motel qui sera érigé sur une partie accéder à la galerie qui ceinture la mai­ terrain sur lequel elle est bâtie apparte­ du terrain de la maison Lavoie au milieu son. nait déjà à la famille Lavoie dès le début du 20e siècle aura comme raison sociale du 1ge siècle. Il est intéressant de cons­ «Le château de la mer». Une deuxième grande caractéristi­ tater que pendant plus de 100 ans, la que de ces demeures est l'évidente sur- maison Lavoie a conservé sa vocation première de résidence privée.

CARACTÉRISTIQUES ARCHITECTURALES

Nous sommes ici en présence d'une construction en bois de style second Empire. L'élément dominant de ce style est le toit en mansarde qui permettait une utilisation maximale de l'espace inté­ rieur à l'étage, en éliminant les plafonds en pente. Apparu entre 1852 et 1870, ce type de demeure devient très vite extrê­ mement populaire dans les villes de l'est du Canada. Fait à signaler cependant, «on en voit peu de spécimens dans les campagnes» 1.

Voilà un élément qui donne beau­ coup de valeur à la maison Lavoie, car la maison lavoie de Pointe-au-Père, construite vers 1860 par louis-Marie lavoie, non seulement est-elle située en campa­ maître pilote sur le St-laurent. Au fil des ans, cette demeure fut désignée successivement gne, mais en plus elle avait été construite comme cela maison du pilote .. et cele château de la mer ... l'immeuble abrite aujourd'hui loin du village. Comme le font remar- l'auberge la Marée Douce.

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 37 pés en association. Le travail n'était pas partagé équitablement comme ce fut le cas par la suite. On notait donc un grand écart de revenus entre les pilotes. «Celui qui avait la bonne fortune de piloter un plus grand nombre de navires que son confrère recevait davantage. Ces condi­ tions développèrent une forte compéti­ tion entre les pilotes.» Chacun des pilotes possédait une chaloupe pour se lancer au devant des navires, parfois même lors de violentes tempêtes. Cer­ tains se rendaient très loin dans l' es­ tuaire pour aborder les bateaux et offrir leurs services. «Les accidents étaient fréquents et en l'espace de deux ans, 58 pilotes perdirent la vie dans le naufrage de leurs chaloupes sur une mer démon­ tée.»4 Au milieu du XIXe siècle, Pointe­ au-Père était le lieu de résidence de plusieurs pilotes. Outre la présence du Détails de l'ornementation: Consoles, lambrequins à balustres et appliqués de bois. premier phare érigé en 1859, la pointe de terre qui avance dans le fleuve offrait un charge de l'ornementation. Dans le cas cadrent pas du tout avec le style de excellent point d'observation. Louis­ qui nous intéresse on remarque d'abord l'époque, soit un énorme auvent qui Marie Lavoie a pris soin de construire sa les décorations de la galerie, dont un abrite tout l'escalier et surtout la grande maison encore un peu plus à l'est que le magnifique lambrequin à balustres et les fenêtre coulissante dans la lucarne cen­ phare, et on peut l'imaginer, du sommet balustres rectangulaires sculptées à un trale qui jure avec les anciennes fenêtres de sa tour, scruter le fleuve à l'aide de point tel qu'on croirait de la dentelle. de la façade. Mis à part ces deux ac­ son télescope marin dans l'espoir d' aper­ L'entablement attire ensuite l'attention crocs, il convient de signaler l'état de cevoir un navire. grâce à sa frise ornée d'innombrables conservation exceptionnel de cette mai­ consoles sculptées et peintes de couleurs son pourtant vieille de 133 ans. En ayant été liée de près à la voca­ vives. De telles consoles se retrouvent tion maritime de Pointe-au-Père, la mai­ également sous la corniche de la galerie son Lavoie présente donc une valeur et sous les pignons. Au-dessus des con­ PETITE HISTOIRE historique certaine, d'autant plus que les soles, la frise en encorbellement est aussi DE LA MAISON LA VOIE autres maisons de pilotes situées près du un élément intéressant. Les pignons pro­ phare, et construites il y a 150 ans, ont longés par des larmiers confèrent encore L 'homme qui a fait construire cette toutes été démolies. plus d'originalité à la maison. On distin­ maison, Louis-Marie Lavoie, était, nous gue également des appliqués de bois en l'avons déjà signalé, maître pilote sur le Louis-Marie Lavoie, qui s'était forme de losange sur le cadre des fenê­ fleuve Saint-Laurent. Or il est surpre­ marié à deux reprises, meurt le 21 mai tres, également peints de couleurs vives. nant de constater jusqu'à quel point le 1874 dans sa maison, à la suite d'une Tout ce tape-à-l'oeil témoigne de st Yle de cette maison s'adaptait parfaite­ courte maladie. Dans son testament, l'éclectisme qui caractérisait le style se­ ment aux besoins de son propriétaire. La déposé au bureau d'enregistrement de cond Empire. Le matériau utilisé pour présence d'une tour n'est pas du tout Rimouski sous le numéro 16 879, il recouvrir le brisis et la tour, le bardeau l'effet du hasard mais bien une réelle lègue sa maison à sa fille, comme en fait de cèdre, donne beaucoup de cachet à nécessité afin de pouvoir observer à loi­ foi l'article 6 du testament: tout l'édifice. Quant à la tour, son toîten sir tout ce qui se passait sur le pavillon à terrasse faîtière se termine par Saint-Laurent. Voici pourquoi. Je donne et lègue en toute pro­ une crête en fer forgé et un court mât. priété et à perpétuité le résidu de tous Né en 1810, Louis-Marie Lavoie mes autres biens mobiliers et immobi­ Il convient cependant au passage est admis comme pilote le 30 août 1836. liers et biens incorporels que je délais­ de noter deux éléments ajoutés lors des Or jusqu'au début de la décennie 1860, serai à mon décès, à Demoiselle Delvina récents travaux de rénovation et qui ne les pilotes n'étaient pas encore regrou- Lavoie, mafille majeure, résidante avec

38 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT son père, et notament (sic) une terre aucune preuve de cela, nous présumons construire en 1900, près de l'église de sise et située sur le premier rang de la que Delvina a quitté la maison car c'est Pointe-au-Père un magasin général qui paroisse St-Germain, à la pointe-au­ sa belle mère, Aglaë Pineau, la deuxième abritait aussi le Café Ste-Anne. Par con­ père, contenant deux arpens (sic) de épouse de Louis-Marie Lavoie, qui vend tre la veuve Pineau pose une condition front, sur quarante deux arpens ( sic) de seule la maison en 1884. Il nous a été fondamentale à la vente; elle doit pou­ profondeur ( .... ) avec toutes les bâtisses impossible de retrouver un acte quel­ voir habiter la maison jusqu'à son décès. dessus construites, appartenances et conque faisant état d'une transaction ou Le contrat prévoit que madame aura dépendances. d'une donation entre les deux femmes. La jouissance, usage et occupa­ L'étude de la généalogie de la fa­ C'est un ancien navigateur, de­ tion pour sa vie durant de la chambre du mille Lavoie nous apprend que Delvina venu un commerçant prospère, Elzéar sud-ouest de la maison, laquelle cham­ Lavoie s'est mariée avec Frédéric Roy­ Sifroi Bélanger, qui achète donc cette bre devra être chauffée par l'adjudica­ Desjardins, quelques mois seulement superbe propriété et l'immense terrain taire aussi la vie durant de la "vende­ après le décès de son père, soit le 2 en 1884 pour la somme de «350 pias­ resse " avec aussi le droit et privilège février 1875. Bien que nous n'ayons tres»5. Monsieur Bélanger avait fait à cette dernière de vaquer partout dans

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 39 la maison y érigée, de faire son ordi­ couple Amiot qui résidait à Chicoutimi, la maison trois ans plus tard à une étu­ naire sur le poêle de la cuisine, de mettre vend la propriété à un avocat de Mon­ diante, Pierrette Bouchard, épouse de ses provisions au grenier et dans la tréal, Joseph Drouin. Le contrat de vente Jean-Claude St-Amand de Val-Bélair. cave de la dite maison, à son besoin, et stipule que la transaction inclut les Cette dernière, devenue professeure à si l'adjudicataire a un cheval et une «gazeliers» situés devant la maison. Ce Cap-Rouge, revend la propriété en 1983 voiture, il sera tenu de les lui passer système d'éclairage au gaz devait être à un consultant de Ste-Thérèse, Michel pour vaquer à ses affaires et se prome­ assez rare à l'époque dans la région pour Bélanger. C'est à ce moment que la ner, et sera aussi tenu de lui fournir un faire l'objet d'une clause spéciale dans maison est recyclée pour devenir un quart de fleur chaque année sa vie du­ le contrat notarié. Puis en 1916, l'avocat restaurant gastronomique saisonnier, La ra nt. 6 Drouin vend à son tour la maison à Marée Douce. Monsieur Bélanger fonde Louis-Joseph Boileau, notaire à Ste­ entre-temps une compagnie, Michel Le moins qu'on puisse dire c'est Anne-de-Bellevue. Bélanger et associés, qui vend cette fois que cette dame Aglaë Pineau était très la maison et le restaurant en 1991 à prévoyante. Deux ans plus tard, c'est un fer­ Marguerite Lévesque pour le compte de mier de Rutland en Saskatchewan, Jean­ la compagnie à numéro 2859-0768 A partir de 1905, et pour une pé­ Baptiste Dubé qui achète l'immeuble. Québec inc. Si la maison s'était vendue riode de 13 ans, la maison Lavoie a une De tous les propriétaires, il est celui qui 350.00 $ en 1874 elle sera payée nouvelle vocation. Elle deviendra la ré­ occupera le plus longtemps la maison, 120000.00$en 1991! sidence secondaire de quelques bour­ soit pendant 30 ans. Cet homme, origi­ geois provenant surtout de la région de naire de la région de Rimouski avait Un autre fait est également digne Montréal. Ce phénomène se produit au tenté sa chance dans l'ouest. Son neveu, de mention. Les meubles du salon ache­ moment où le Bas-Saint-Laurent devient et futur propriétaire de la maison, tés par Louis-Marie Lavoie au milieu du une destination à la mode pour de riches Georges-Hilaire Roy, l'avait rejoint là• XIXe siècle ont toujours été vendus avec familles du nord-est des Etats-Unis, de bas, de même qu'un ex-résident de la maison. Cela fait presque toujours l'Angleterre et du Canada anglais. Plu­ Pointe-au-Père, Jean-Baptiste Beaulieu. l'objet d'une clause spéciale dans cha­ sieurs se construisent même de superbes C'est donc en 1948 que Georges-Hilaire cun des contrats de vente. Ainsi dans le villas dans la région; à Cacouna notam­ Roy, devenu épicier restaurateur dans la contrat de vente passé en 1905 entre ment qui connaît son apogée autour de paroisse de Notre-Dame-du-Sacré­ Elzéar Sifroi Bélanger et Marie-Louise 1900, mais aussi à Notre-Dame-du­ Coeur près de Rimouski, achète la mai­ Donais, on peut lire que la vente com­ Portage, à St-Patrice, et à Métis-sur­ son. Déjà on se rend compte que le lot a prend également: «les tapis, les prélarts Mer. Les plages de Sacré-Coeur et de été passablement subdivisé, car le ter­ dans la maison, les meubles du salon, les Sainte-Luce sont également des destina­ rain ne mesure plus qu'un demi arpent poils, les boîtes des chassis, les candéla­ tions prisées. de front sur 270 pieds de profondeur. bres, les poêles et leurs tuyaux. »8 Même dans les contrats plus récents comme en La maison Lavoie à tout ce qu'il Monsieur Roy va transformer 1976, on peut également constater que faut pour attirer les notables. Son style radicalement l'environnement de la «cette vente comprend l'ameublement second Empire qui lui confère beaucoup maison en construisant la même année, du salon de style ancien 6 morceaux.»9 de majesté est à lui seul un symbole une série de 12 cabines sur la partie ouest Cet élément, et la présence d'un foyer de évident de réussite. Mais il y a plus que du terrain. L'établissement prend le marbre d'Italie datant de 1860, ajoutent la façade. Cette aisance se sent : nom de Château de la mer. Les cabines encore à la valeur patrimoniale de l'im­ sont transformées en motel en 1960 et la meuble. aussi et beaucoup dans les maison Lavoie va subir une première intérieurs où, là , vraiment le transformation en 1967, avec l'aména­ La maison Lavoie est donc l'un spectateur habitué à nos gement d'une salle à manger destinée à des rares spécimens de demeure de style maisons simples et rustiques desservir la clientèle des motels. second Empire à l'est de Rivière-du­ est littéralement ébahi devant Loup. Le bâtiment a été peu altéré. Il le gigantisme des volumes de Georges-Hilaire Roy vend la pro­ conserve presque tous ses matériaux et pièces, les hauteurs des pla­ priété en 1979 à un fonctionnaire de ses caractéristiques d'origine. fonds, ( ... ) la largeur et Rimouski, Hermel Pelletier. Comme la l'épaisseur des moulures.? transaction ne comprend pas les unités La maison est, à elle seule, un point de motel, on remarque que la maison d'intérêt remarquable sur la route 132. Le second acheteur de la maison n'occupe plus maintenant qu'un terrain Nous ajouterons de plus que sa valeur Lavoie est Dame Pierre Edmond Amiot, de 34 mètres sur 51 mètres. A la suite historique est certaine car elle a été asso­ l 'épouse d'un ingénieur. Puis en 1912, le d'un transfert, monsieur Pelletier vend ciée à une activité marquante dans la vie

40 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT de la municipalité de Pointe-au-Père, soit le pilotage.

D'abord désigné sous le nom de maison du pilote, puis de château de la mer et finalement de l'auberge la Marée douce, la maison Lavoie est un superbe exemple de notre patrimoine bâti qui mérite d'être jalousement conservé.

NOTES

1. Barbara A. Humphrey 's, L'architecture, témoin vi­ vant de l'histoire, Affaires indiennes et du Nord, Parcs Canada et Office national du film , Brochure no 535C037400 l, 1976, p. 13.

2 . Michel Lessard et Huguette Marquis, Encyclopédie de la maison Québécoise, Montréal, Les Éditions de l'Homme, 1972, p. 358.

3 . En collaboration, Une lumière sur la Côte, Pointe-au­ Père 1882-1982, Rimouski, La Corporation des fêtes du Centenaire éditeur, 1982, p. 178.

4. Ibid.

5 . Extrait du contrat no 22832, Bureau d'enregistrement de RImouski. Contrat rédigé parle notaire Hoseph Valentin Gagnon, 25 février 1884.

6. Idem.

7 . Michel Lessard et Huguette Marquis, op.cit., p.358.

8 Extrait du contrat no 35384déposé au Bureau d'enregis­ trement de Rimouski.

9. Extrait du contrat no 184155 déposé au Bureau d'enre­ gistrement de Rimouski

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 41 CARTES ANCIENNES

COLLECTION DE MICROFICHES DE CARTES ANCIENNES À LA CARTOTHÈQUE DE L'UQAR

PAR YVES MICHAUD

Sile patrimoine concerne ce qui est Pour des raisons historiques évi­ Le chercheur pourra consulter à la considéré comme étant l 'héritage com­ dentes, une très grande partie du patri­ Cartothèque et aux Archives régionales mun, la cartographie ancienne est l 'héri­ moine cartographique québécois est si­ de l'UQAR l'Inventaire cartobiblio­ tage commun que nous ont légué les tuée hors du Québec, dans les Archives graphique des cartes et plans anciens explorateurs, les hydrographes, les car­ nationales de France et d'Angleterre, sur la région de l'Est du Québec. On tographes et les arpenteurs qui ont dans les collections privées américaines y signale chacune des 236 cartes (sur sillonné le territoire québécois en tous et aux Archives nationales du Canada à environ 300 microfiches) que l'on peut sens. La cartographie ancienne, c'est le Ottawa. Heureusement, on peut consulter sur place. Ces microfiches passé géographique conservé sous une aujourd'hui pallier les inconvénients de sont des microreproductions de cartes forme graphique. C'est le moyen le plus cette absence de documents originaux géographiques qui sont conservées dans approprié pour retracer d'une manière grâce aux possibilités offertes par la la Division des Archives cartographiques facilement accessible l 'histoire de la reproduction photographique et et architecturales des Archives nationa­ découverte et de la prise de possession micrographique. les du Canada à Ottawa; cette Division progressive de notre territoire. possède la plus importante collection de

QULI" 01" .·LAWItANCIt

Plan of Bic Harbour with proposed improvements/par Sam. H. Haycock, 1870 (microfiche NMC20221)

42 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT SEIGNEURIE DU LAC METAPEDIAC • ...... ~ . ... _l ......

C AN TON LVl ATÂNE

TERR E.S fI«)N AR PE NTE ES DE L .... COURONNE.

.. r.. in

CANTON NEMTAYE CANTON AW ANT J I$H

Seigneurie du lac Matapédia/Québec, département de la Colonisation, (1905) (microfiche NMC 20117) cartes anciennes sur le Canada. La souvent par comtés municipaux) et clas­ Ces documents cartographiques Cartothèque a fait l'acquisition systé­ sées par ordre chronologique à l'inté­ seront particulièrement utiles pour toute matique de toutes les microfiches de rieur de chaque région. recherche à caractère historique sur l'Est cartes couvrant le territoire actuel ou du Québec. La collection comprend historique de 1'Estdu Québec (Bas-Saint­ La deuxième partie de l'inventaire notamment plusieurs cartes représen­ Laurent, Gaspésie, Iles-de-Ia-Madeleine) comprend une liste des plans des can­ tant les premières voies de pénétration et depuis les origines jusqu'à 1950. tons et seigneuries d'avant 1900 con­ les premiers établissements de notre ré­ servés à la Cartothèque. Il s'agit de gion au dix-neuvième siècle. Par son Cet inventaire est cartobibliogra­ reproductions diazo, grandeur réelle, de caractère très visuel, cet inventaire cons­ phique en ce sens qu'une notice cartes conservées au Service de l' arpen­ titue un voyage par la pensée de notre bibliographique apparaît au bas de la tage du ministère de l'Énergie et des passé régional. reproduction de chaque carte. Cette Ressources à Québec. reproduction est une copie xérox faite à partir d'un positif de chaque microfiche Ce répertoire comprend aussi à la Note : La collection de cartes ancien­ et agrandi deux fois pour une meilleure fin un index des auteurs. Cet index nes est déposée aux archives lisibilité. S'il veut faire une recherche permet d'identifier un grand nombre de régionales de l'UQAR. plus détaillée, le chercheur pourra tou­ cartographes, d'arpenteurs ou d' orga­ jours consulter la microfiche originale; nismes ayant produit des cartes par le le numéro NMC (codification utilisée passé; c'est un outil de première main par les Archives nationales du Canada) pour quiconque veut faire l'étude de fait partie de chaque description l'histoire de la cartographie dans l'Est bibliographique. Les cartes sontregrou­ du Québec. pées par régions spécifiques (le plus

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 43 ARCHÉOLOGIE

DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES AU PHARE DE POINTE-AU-PÈRE

PAR RICHARD SAINDON

Desfouilles archéologiques menées en octobre et novembre 1992 par le Service canadien des parcs et le Musée de la mer de Rimouski permettent d'avoir une meilleure idée de l'aspect que devait présenter le site du phare de Pointe-au-Père au début du XXe siècle. Ces fouilles ont également permis la mise aujour d'ouvrages datant du X/Xe siècle.

Malgré la présence de pilotes à les vestiges des bâtiments dont on con­ l'assistant-gardien. Pointe-au-Père depuis 1800 et la cons­ naissait l'existence, de découvrir les truction d'un phare en 1859, il n'existe vestiges de bâtiments présumés et enfin Par ailleurs, la composition du sol aucun plan détaillé de ce lieu historique d'assurer la protection des artéfacts lors et la présence de fragments de terres national qui soit antérieur à 1911. Même des travaux de rénovation de l'immeu­ cuites et de grès dans la partie est du la Ocean Steamship Company ble abritant le Musée de la mer. terrain permettent aux archéologues de qui a construit le premier phare n'a pas tirer une première conclusion: laissé de plans détaillés de ses propres L'archéologue Richard Fiset, ap­ installations. Des nombreuses construc­ puyé par une équipe de techniciens, a Ces découvertes laissent tions visibles sur le plan du site de1911, effectué une quinzaine de sondages un croire que la partie orientale il ne reste plus aujourd'hui que le phare, peu partout sur le terrain, notamment à de la station n'a pas été oc­ la maison de l'assistant-gardien et le l'est et à l'ouest de la maison de l' assis­ cupée avant la construction hangar du criard à brume. tant-gardien et au pied du phare. Les du bâtiment du criard à découvertes ont été nombreuses. On a brume en 1903 et de la mai­ Les fouilles menées l'automne der­ mis au jour les vestiges de deux fosses son de l' assistant-gardien en nier avaient donc pour but d'identifier sanitaires en bois et d'une autre en bé­ 1909. Elles nous montrent ton, d'une petite fosse à déchet, d'un également que cette partie mur de soutènement formé de poutres, du site n'était pas propice à d'un amoncellement de briques, des l'occupation avant la mise fondations d'un petit ouvrage accolé au en place d'un remplissage, bâtiment du criard à brume, de nom­ puisque les traces d'érosion breux débris de verre et de porcelaine et sur les artéfacts indiquent que finalement de quelques petits clous dé­ l'eau se rendait jusqu'à cet coupés. Les sondages ont également endroit. 1 permis de dégager les fondations de l'abri du générateur, un édifice dont on con­ Mais la trouvaille la plus intéres­ naissait l'existence par des photogra­ sante a été faite entre l' abri du généra­ phies anciennes. teur et la maison du gardien. Il s'agit d'un assemblage de bois, formé par qua­ tre alignements de grosses pièces de bois Importance des découvertes posées à plat. D'autres pièces sont ver­ ticales pour assurer la stabilité. Cet ' Ces vestiges hétéroclites permet­ élément ne figurait pas dans l'étude du tent de cerner un peu mieux l 'histoire de potentiel archéologique de l' emplace­ l'occupation et du développement du ment du phare de Pointe-au-Père. site. Par exemple, la présence des fosses L'ouvrage se trouvait enfoui à 50 centi­ septiques en bois donne des indices sur mètres de la surface. On croit qu'il s'agit l'archéologue Richard Fisetexamine des artéfacts dans l'une des fosses creusées l'ampleur de l'activité humaine, d' une structure servant à stabiliser les au pied du phare. principalement reliée à la maison de berges du fleuve et sa construction re-

44 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT monterait sans doute avant 1859 :

Les éléments rencontrés dans III 11 1111. ce secteur sont reliés à des • ••• évènements antérieurs à la mise en place d'installations pour l'aide à la navigation. Somme toute, ce sont sans doute les plus anciens vesti­ ges découverts par les inter­ ventions. 2

On présume qu'une grande partie de ce mur demeure enfoui.

Autre élément intéressant; la mise au jour des fondations de l'abri du géné­ rateur, un petit bâtiment rectangulaire construit en 1902. Ces vestiges pour­ Les archéologues ont effectué une quinzaine de sondages sur le site du phare de raient faire l'objet d'une mise en valeur, Pointe-au-Père. car ils ont une grande importance dans l 'histoire de la navigation au pays. Se­ lon toute vraisemblance, c'est dans ce de l' histoire de la station reste à décou­ de l'emplacement du phare de Pointe­ hangar qu'on a fait les premiers essais vrir.»3 Cet avis est partagé par une au-Père. historiques, enregistrés au Canada, de archéologue du département Histoire et production et d'utilisation de l 'acéty lène archéologie du Service canadien des comme substitut au kérosène pour les parcs, Monique Élie, qui ajoute que les brûleurs des lanternes de phares. terrains situés au sud de la rue du Phare NOTES L'acétylène donnait une lumière beau­ n'ont jamais fait l' objet de fouilles. C'est coup plus intense. Malheureusement, le pourtant à cet endroit qu'on avait cons­ 1. Richard Fiset, Intervention archéologique au Lieu historique national du Phare de Pointe·au·Père. procédé n'a pas été utilisé sur une grande truit les deux premiers phares en 1859 et (1992), Service canadien des parcs et Musée de la Mer de échelle en raison du coût élevé des ins­ 1867. Or tout le secteur compris au sud Rimouski, novembre 1992, p. 8. tallations. Les archéologues ont égale­ de la rue est à l'extérieur de la zone 2. Ibid., p. 17. ment noté dans les fondations la pré­ désignée comme Lieu historique natio­ sence de tuyaux pénétrant dans l'édi­ nal. Cette situation n'exclut pas toute­ 3 . Ibid., p. 24. fice. On estime que cela était directe­ fois, la possibilité de mener ultérieure­ 4. Extrait d'une entrevue accordée à Radio-Canada ment relié à l'expérience de production ment des fouilles à cet endroit, car pour Rimouski par madame Monique Élie, archéologue au d' acéty lène. Les fouilles ont également le Service canadien des parcs, le phare Service canadien des parcs, 4 février 1993. permis d'apprendre que ce hangar a eu à de Pointe-au-Père présente un double une certaine époque deux petites an­ intérêt. Il y a bien entendu la valeur nexes, qui ne figurent pas sur les photo­ historique des bâtiments, mais aussi graphies connues des lieux. On sait l'étude de l'activité humaine sur le site cependant que le bâtiment principal a été comme l'explique Monique Élie: démoli dans les années 1950. C'est un sujet qui est très intéres­ sant l'occupation d'une station de phare. La pointe de l'iceberg Au Québec on n'a pas étudié beaucoup, de façon archéologique, les stations de Les travaux menés à l'automne phare. (. .. ) Il Y a encore beaucoup de 1992 auront donc permis de confirmer le choses à faire.4 potentiel archéologique de l'emplace­ ment du phare de Pointe-au-Père. Et ce La prochaine étape sera la réalisa­ n'est qu'un début car selon l'archéolo­ tion du concept de mise en valeur des gue Richard Fiset, «une grande partie ressources archéologiques et historiques

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 45 EN BREF

PAR PAUL LAROCQUE ET JEAN LARRIVÉE

©> La Confédération des caisses popu­ présidence de la SHGTP, poste qu'il laires et d'économie Desjardins du occupait depuis la fondation de l' or­ ©> À Cacouna comme à Trois­ Québec publiait l'automne dernier ganisme en 1977. Monsieur Rioux Pistoles, des recherches intensives un Guide pour la mise en valeur de animera désormais une équipe vi­ ont permis le tracé de circuits l'histoire des caisses Desjardins. sant à produire un ouvrage collectif patrimoniaux. Des panneaux seront Ce guide vous expliquera, étape par en vue du 300e anniversaire (1997) bientôt disposés aux endroits les plus étape, comme rédiger un document de l'arrivée du premier Seigneur, stratégiques. à teneur historique. Pour obtenir ce Jean Riou. Parmi les nombreux document, écrivez à la Confédéra­ articles de ce numéro, soulignons ©> Le musée du Bas-Saint-Laurent de tion, 100 avenue des Commandeurs, celui que L. Claude Rioux consacre Rivière-du-Loup, grâce au travail Lévis, G6V 7N5 (7,95 $ par exem­ à une maison familière aux Pistolois, de l'ethnologue Régis Jean, inaugu­ plaire). autrefois magasin général et rera en juin prochain une exposition aujourd 'hui résidence funéraire permanente consacrée à l'histoire ©> Gaspésie des municipalités, c'est (201, Notre-Dame Ouest). de Rivière-du-Loup et de ses envi­ le titre d'une nouvelle collection lan­ rons. cée par le Musée de la Gaspésie. Le ©> Dans la dernière livraison de la re­ premiernuméro de la collection s'in­ vue Au pays de Matane (avril 1993), titule Histoire de Nouvelle et on trouvera aux pages 20-21 une compte plus de 200 pages et une photographie saisissante datant de Errata centaine de photographies. «Gaspé­ 1875 et prise en amont de la rivière, sie des municipalités vise à faire en un site qui a été le berceau indus­ Quelques erreurs à signaler dans le texte connaître les personnes et les évé­ triel de la localité. de Jean-Pierre Bélanger paru dans le nements qui ont enrichi la mémoire numéro de décembre 1992 : collective des différentes commu­ ©> À Sainte-Flavie, la restauration de nautés de la région. Cette collection l'ancien presbytère est pratiquement ©> À la page 14, première ligne on veut rendre accessible au plus grand terminée, l'ouverture officielle des devrait lire «de traite de la Compa­ nombre de personnes l' histoire de nouveaux locaux de la bibliothèque &nie avec les Américains» nos origines et la connaissance de municipale (rez-de-chaussée) etd' un ©> A la note 2 «Mme Judith Hudson notre patrimoine». [Source: Gilles lieu culturel polyvalent (à l'étage) Beattie, conservatrice aux Archi­ Soucy cité dans la revue Municipa­ est pour bientôt. ves provinciales du Manitoba, à lité, octobre 1992, p. 35]. Winnipeg» ©> À Kamouraska, la municipalité a ©> À la note 75, «Rivière-du-Loup, ©> Vous initier à la généalogie, c'est récemment cité le Palais de justice Cacouna, l'Île Verte, Trois-Pistoles possible. Les premier et troisième de l'endroit (111, avenue Morel). et Rimouski, depuis la vente de la mardis de chaque mois (en après­ Construit en 1889 sous le gouverne­ réserve de Viger en 1869» midi et en soirée), la Société de ment Mercier, l'édifice est généalogie de l'Est du Québec offre aujourd 'hui un lieu d'animation cul­ l'opportunité de consulter de nom­ turel pour la corporation Cap­ breuxregistres aux Ateliers St-Louis Kamouraska. à Rimouski. ©> À l'Isle-Verte, des citoyens vien­ ©> Le treizième numéro de L'Écho des nent de créer une Fondation du pa­ Basques a été lancé à la fin de l' an­ trimoine. La restauration de la Cour née 1992 par la Société historique et de Circuit (199, Saint-Jean-Baptiste) généalogique de Trois-Pistoles. À constitue l'une des priorités du cette occasion, monsieur Emmanuel groupe. Rioux a annoncé qu'il quittait la

46 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT DES LIVRES À LIRE !

Louis CÔTÉ, Louis TARDIVEL et Denis VAUGEOIS L'INDIEN GENEREUX." " CE QUE LE MONDE DOIT AUX AMÉRIQUES Montréal, Boréal/Septentrion, 1992, 287 p.

Les auteurs de cette synthèse parue de l'orignal» ou au contraire d'une «ri­ à l'occasion du 500e anniversaire de la vière» ou d'un «chemin de chien» ? pseudo «découverte» de l'Amérique, visent, par la publication de cet ouvrage L'INDIEN Destiné à un large public le livre de vulgarisation, à renverser, pour ainsi L'Indien généreux comporte certaines dire, l'image de miroirs souvent défor­ GÉNÉREUX lacunes notamment au niveau des réfé­ mants qui se sont traditionnellement rences. Ainsi, malgré la présence d'une bornés à traduire la présence autochtone bibliographie commentée et d'une liste dans l'unique perspective de la des sources iconographiques, on peut dichotomie barbarie/civilisation. déplorer une méthodologie parfois rudi­ mentaire chez un éditeur qui a déjà dé­ Ce sont principalement les emprunts montré un sens plus aigu de rigueur et hérités des Amérindiens qui intéressent d'exhaustivité. les trois co-auteurs (Louise Côté, professeure-assistante à l'Université Nonobstant ces quelques réserves, Laval, spécialisée dans l 'histoire de l' ali­ il s'agit là d' une excellente synthèse, pas mentation, Louis Tardivel, linguiste et toujours tout à fait neuve, mais qui com­ traducteur et Denis Vaugeois, historien porte l'indéniable mérite de faire le point et éditeur bien connu). Bâti sur la forme BoRÉAL sur la problématique des emprunts et des d'un dictionnaire, l'ouvrage renferme échanges culturels entre Européens et plusieurs planches hors-texte, et est semble du continent du Nord au Sud et Amérindiens dont 1'héritage demeure magnifiquement illustré de gravures de l'Est à l'Ouest. Les emprunts sont de encore mésestimé. À ce titre, nous ne anciennes et récentes, tirées pour la plu­ trois types : alimentaires, technologi­ pouvons que suggérer la lecture de L'In­ part de diverses publications. ques et socio-culturels. Si plusieurs sont dien généreux aux profanes et même bien connus, d'autres nous sont révélés aux «spécialistes» ne serait-ce qu'en Si l'influence de la présence occi­ par ce manuel qui replace dans leur juste guise d'aide-mémoire fort utile et perti­ dentale sur le développement des perspective de nombreux termes dont nent. D'ailleurs, la présence de nom­ Amérindiens est bien connue (pour ne l'origine et la signification nous ont breux renvois, dans un ouvrage qu'on mentionner que les emprunts technolo­ progressivement échappé. peut lire de long en large ou consulter au giques, notamment avec l'armement et besoin à la manière d'un dictionnaire, ne la cuisson), l'inverse demeure encore Au sujet de la toponymie où les peut qu'être félicitée. relativement dans l'ombre. Et c'est emprunts culturels sont les plus évi­ d'ailleurs ce que les auteurs nous font dents, les auteurs auraient pu consulter Jean-Pierre BÉLANGER éloquemment saisir, au hasard des mul­ avec profit les nombreux ouvrages de la Chercheur-étudiant au CELAT tiples rubriques qui parsèment l'ouvrage Commission de la toponymie qui sont Université Laval et qui recouvrent tant l'origine des voca­ absents de la bibliographie sélective de bles employés, que le contexte de leurs l'étude. À titre d'exemple, mentionnons emprunts et utilisations. Le livre recèle le toponyme Tadoussac que les auteurs de nombreuses qualités, ne serait-ce ont traduit par «seins de femme» plutôt qu'au niveau de la quantité, de la diver­ que «mamelons». Quant au toponyme sité et de la localisation géographique Rimouski, sa signification réelle ne fait des transferts culturels embrassant l' en- pas l'unanimité: s'agit-il, d'une «terre

REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT 47 DES LIVRES À LIRE !

Bernard GENEST, dirc. et Martine ROBERGE GUIDE D'ENQUETE" ORALE Collection Patrimoines, série Dossiers. Québec, ministère de la Culture, 1991, 268 p.

Parce qu'elle donne la parole aux dé­ ,_"'''-, Guide tenteurs authentiques du savoir, d'enquête orale c'est-à-dire à ceux qui silencieusement participent à l' histoire vi vante, l'enquête orale est l'instrument par excellence pour scruter et reconstituer la mémoire populaire.

Mais l'investigation du vécu des gens est un art difficile qui suppose une démarche rigoureuse et des règles strictes. Ce guide est une synthèse qui expose les principes fondamentaux de la méthode. Il jette un éclairage sur les nombreux problèmes que soulève son application et il propose des solutions. Conçu comme un instrument méthodologique, il ne s'adresse pas qu'aux seuls initiés de la La Direction discipline ethnologique. Il vise égale­ ment un grand nombre de personnes du Bas-Saint-Laurent qu'intéresse l'histoire de la quotidienneté et qui, à un moment ou du ministère de la Culture l'autre, recourent à l'enquête orale. est heureuse de s'associer On peut se procurer cet ouvrage à la publication de la Revue dans les librairies dépositaires des Pu­ blications du Québec. d'histoire du Bas-Saint-Laurent. Euchariste Morin Ministère de la Culture Direction du Bas-Saint-Laurent La diffusion de notre histoire régionale est une bonne façon de mettre en valeur les différen­ tes facettes de notre patrimoine.

Gouvernement du Québec a Ministère de la Culture

48 REVUE D'HISTOIRE DU BAS-SAINT-LAURENT Gestion de la qualité ~_._~ f

Hydro-Québec a tàit un choix, celui d'intégrer à son fonctionnement quotidien les principes de la qualité. Ce choix est important, car il touche à tous les aspects de la réalité de l'entreprise: service à la clientèle, continuité du service, fiabilité du réseau électrique et gestion des ressources humaines, financières et matérielles. Axés d'abord et avant tout sur la satisfaction de la clientèle, les moyens d'action que prend Hydro-Québec s'appuient sur une volonté ferme d'assurer un changement en profondeur tout en réaffirmant les valeurs principales de l'entreprise. ~Hydra-Québec

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REVUE D'HISTOIRE DU B AS-SAINT-LAURENT 49 PUBLICITÉ

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