M Charles Denner.Wps
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Issu d'une famille juive polonaise, Charles Denner arrive à Paris à l'âge de quatre ans. Durant la Seconde Guerre mondiale, il entre dans la Résistance et participe aux combats du Vercors. En 1945, il apprend l'art dramatique chez Charles Dullin tout en gagnant sa vie comme tailleur ou maroquinier. En 1948, remarqué par Jean Vilar alors qu'il interprète au théâtre un rôle de clown dans Les mamelles de 1 Tirésias d'après Guillaume Apollinaire, il intègre la troupe du Théâtre National Populaire. En 1955, il débute au cinéma au côté de Gérard Philipe dans La meilleure part d'Yves Allégret. La carrière cinématographique de Charles Denner commence grâce au théâtre : Claude Chabrol, séduit par l'étrange séduction du Goering que le comédien interprète sous ses yeux dans La résistible ascension d'Arturo Ui, lui propose en 1962 de l'engager pour Landru. Denner, affublé depuis l'âge de vingt-cinq ans de rôles de 2 vieillards avec faux nez et perruque, accepte sans hésiter de se raser le milieu du crâne et de se laisser pousser les favoris, pour mieux devenir Gambais : un personnage qui, grâce à la maîtrise incomparable de son jeu, atteint une performance digne du Monsieur Verdoux de Charlie Chaplin. Le succès de Charles Denner lui vaut alors d'être sollicité pour de nouveaux rôles de sadiques barbus. Mais l'acteur refuse la facilité. C'est donc dans La vie à l'envers, film d'un parfait inconnu - Alain Jessua -, qu'on le retrouve 3 en 1963, traduisant à merveille le lent glissement d'un solitaire vers l'internement à vie. A la fois banal et émouvant, Denner accroche, y compris dans des rôles de second plan (Compartiments tueurs, 1964, et Z, 1968, de Costa-Gavras ; Le voleur 1966, de Louis Malle). Dévoué à la cause de ses personnages jusqu'à oublier tout le reste ("je suis habité par une monomanie"), Denner est un artisan de l'émotion humaine. Tantôt maître chanteur (Mado, 1976, de Claude Sautet), tantôt père 4 déchirant (Le vieil Homme et l'enfant, 1966, de Claude Berri), tantôt dératiseur puceau jusqu'à sa rencontre de Bernadette Lafont (Une belle fille comme moi, 1972, de François Truffaut), il fait plus que jouer : il sert. Aidé en cela par le charme d'une voix singulière dans laquelle, sous une rudesse apparente, vibrent les nuances les plus subtiles du désir, de l'espoir ou de la 5 déception. Mais les personnages que Denner affectionnent sont ceux que dévore une obsession obscure. Bien qu'il excelle également dans le registre du pur comique (Robert et Robert, 1978, de Claude Lelouch), il préfère l'ambiguïté. C'est François Truffaut qui, neuf ans après La mariée était en noir, offre à Charles Denner un rôle à la mesure de son talent. Devenu Bertrand Morane, L'homme qui aimait les femmes, Denner assure au film d'abord pressenti comme une comédie dramatique une dimension plus profonde. 6 Ecrivain rongé par la passion des femmes, Morane-Denner n'est pas un dragueur, mais un homme tout simplement, au silencieux mal-être, poétique et tendre. Dans son univers où les jambes des femmes sont "des compas qui arpentent le globe et lui donnent son équilibre et sa forme", Denner touche au point de l'égarement à la fois douloureux et souriant. C'est lui, selon Truffaut, "le comédien poétique par excellence", qui imprime au scénario le ton d'un film devenu depuis inoubliable. Après une 7 dernière apparition dans Golden Eighties (1985) de Chantal Akerman, Charles Denner, malade, se retire. Charles Denner joue au théâtre jusqu'au début des années 1970. Il se distingue notamment dans Les Mamelles de Tirésias, dans Le Cid, dans Lorenzaccio et dans Tambour dans la nuit. A la télévision, il joue Les Rustres (1963) de Jean Pignol, L'Idiot (1968) d'André Barsacq, La Sourde Oreille (1980) de Michel Polac, ou Espionne et tais-toi (1985) de Claude Boissol. 8 Meilleure interprétation masculine, 1977 au Césars du Cinéma Français pour le film : Si c'était à refaire. Césars 1978 : nomination au César du meilleur acteur pour L'homme qui aimait les femmes 9 Quel comédien exceptionnel que Charles Denner, il a joué avec les plus grands, il a été dirigé par les meilleurs metteurs en scène, curieusement personne ne lui rend hommage et même sur internet il est très difficile de trouver un entretien ou un article qui lui est consacré. Le but de ce livre est de parler de ce grand comédien à travers quelques films exceptionnels de Lelouch, Truffaut et consort. Pour la petite histoire il est bon de noter que Charles Denner faillit être engagé pour jouer Joseph dans les Compagnons de Baal, 10 rôle qui finalement sera dévolu au futur Popeck Jean Ebert. Enfin il est bon de rappeler que Jean Laurent Cochet faillit le mettre en scène : - J'ai voulu monter une pièce que j'aurais bien aimé jouer, "La foire d'empoigne", qui est une de ses plus belles pièces avec un double rôle sublime joué par le même comédien, le rôle de Napoléon et celui de Louis XVIII qui avait été très mal joué par Paul Meurisse…Et comme Charles Denner, qui était avec Mazotti les deux seuls pouvant jouer ce rôle, était à 11 l'époque très malade, je n'ai pas insisté. Quand se passent de tels événements je me dis que peut-être il ne fallait pas que ces choses se fassent. J'ai rappelé Anouilh qui m'a dit qu'il y aurait d'autres rendez-vous. Quel dommage s’aurait été, on s’en doute, une magnifique rencontre et un fort beau spectacle. 12 Charles Denner c’est avant tout le théâtre avec Jean Vilar, un grand nombre de pièces dont bien sûr Loin de Rueil : Jean Rochefort Jacques l'Aumône Armand Bernard Des Cigales Laurence Badie Lulu Doumer 13 Florence Blot Thérèse l'Aumône Lucien Arnaud Thédore l'Aumône Guy Saint Jean Le père Choque Francis Miege Horace Philippe Dehesdin Curiace Rosy Varte Suzanne Jean Obé Tonton Charles Denner Butard Christiane Minazzoli Marthe Baponot Jean Marie Proslier Mr Baponot Nicole Croisille Kiki la Cingalaise Roger Trapp Clovis François Leccia Michou 14 Michel Barbey un client Bruno Willy un reporter indien René Alone un reporter indien Philippe Avron un voyageur indien Claude Confortes un voyageur Jacques Champreux l'invité indien Jean Pierre Duclos le reporter sportif Le TNP présente "Loin de Rueil", une comédie musicale de Maurice Jarre et Roger Pillaudin d'après le roman de Raymond Queneau, montée par Jean Vilar et réalisée pour la télévision par Claude Barma, avec une chorégraphie de Dirk 15 Sanders. Jacques l'Aumône est un petit gars de Rueil. Son univers, c'est celui de la banlieue, au milieu des petites gens, personnages pittoresques s'exprimant "à la Queneau". Fils de modestes bonnetiers, il nourrit une passion exclusive et sans espoir pour la jeune Camille Magnin. Cet amour le pousse à dépenser des trésors d'imagination, nourris par le cinéma : il se voit tour à tour, boxeur, député, inventeur, académicien, empereur, pape ... Après mille péripéties, il matérialise ses 16 rêves en devenant une vedette de cinéma sous le nom de James Charity. L'action se déroule entre 1925, l'année où le cinéma commence à devenir populaire, et 1938. La comédie musicale comprend de multiples et courts tableaux : "Sur une place de Rueil", "Au café Poléon", "le laboratoire de Jacques", la fête foraine", un bar-dancing en Amérique du Sud, "de nouveau au Poléon" et "dans la salle du Rueil Palace". 17 18 Claude Chabrol, le cinéaste de Que la bête meure, a traité l'affaire Landru avec humour et dérision. Ce film est une farce, 19 une œuvre de vaudeville où la satire bourgeoise chère au cinéphile de la Nouvelle Vague est loin de l'analyse psychologique ou de la mise en tension en règle dans une œuvre avec un tueur en série. Ainsi, Chabrol passe tout son temps à suivre le citoyen Landru avec sa caméra dans des décors de scènes théâtrales et à se moquer des politesses de classe surélevée d'époque. Il va sans dire que le bon vieux Henri- Désiré aurait pu aller frapper à la porte du gendarme pour demander une place au 20 souper. Il n'avait pas besoin de faire tant de chichis et d'escroquer tant de femmes esseulées. Il aurait suffit de rester en bon terme avec le fonctionnaire de proximité. Il aurait reçu une tape sur l'épaule après avoir avoué ses difficultés financières. René le képi et Henri-Désiré auraient ri et pleuré. Le voisin en uniforme lui aurait même prêté un peu de sou. Il n'y a rien d'insolvable en ce bas monde. Les crimes du barbu bleu n'étant pas une histoire de perversion sexuelle (Bleu Landru tuait pour le profit financier), 21 comment donc en vouloir au pauvre chou ? De surcroît, Henri-Désiré était typiquement français ; il était un beau parleur que le ridicule et la peur n'atteignaient pas. Il mettait de beaux costumes et avait des manières. Il portait le chapeau et la canne. Sans aucun suspense, il assassinait une succession de naïves victimes charmées par la courtoisie d'un tueur rigoureux. Pour adoucir l'horreur des crimes d'un sadique, Henri- Désiré a même eu droit à son réquisitoire façon Émile Zola sur le banc des accusés. 22 Décontracté comme un chaton protégé par sa maman, Henri-Désiré nous a fait l'honneur de son éloquence avec laquelle il invitait les femmes à le rejoindre dans sa maison de campagne avant de les découper et de les brûler au poêle.