Lettre . Aaafn.1
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Les histoires d’AIRBUS PAR GEORGES VILLE, PIONNIER AIRBUS, ANAE ET AAAF LES histoires de L’HISTOIRE L’Airbus A380 a décollé pour son vol inaugural, le 27 avril 2005 de l’aéroport de Toulouse-Blagnac devant plusieurs milliers de pas- sionnés d’aviation, venus fêter son succès. Le plus gros avion civil jamais construit est donc européen. Comme les Airbus déjà nombreux qui l’ont précédé, c’est le fruit d’une coopération européenne, une véritable aventure commencée dans les années 60, dont le succès n’était pas acquis d’em- blée, loin s’en faut, à une époque où le marché ; dominé par les avionneurs américains, augurait une lente agonie de la construc- tion aéronautique civile en Europe. Comment dans une telle adversité, le système Airbus a-t-il pu s’épanouir et devenir aujourd’hui l’égal de Boeing sur le marché des avions civils ? ■ Georges Ville Georges VILLE, un des deux français avec Roger BETEILLE à être reconnu « pionnier Airbus » lors de la cérémonie « Airbus Heritage » en janvier 2001, a contribué pendant plus de trois décen- nies de vie professionnelle à façonner l’histoire de cette coopération euro- ■ Figure 1 : croissance annuelle du trafic régulier péenne ; sa participation à l’aventure Airbus comporte 4 périodes, chacune Les particularites du marché des avions de transport civil d’elles se distinguant par une nouvelle entreprise et un nouveau métier : Avant de rentrer dans la présentation L’évolution de la croissance, élevée sur • de 1965 à 1974, ingénieur de mar- de cette belle aventure, il est utile de la période 1950-2000 (de l’ordre de que Airbus au STAé ; connaître les spécificités de l’activité 16 % vers 1960 et de 5% vers 2000) • de 1974 à 1986, directeur adminis- dans laquelle elle prend place et ceci fait apparaître de fortes variations tratif et financier à Airbus Industrie ; est l’objet du premier chapitre intro- cycliques, en corrélation avec les fluc- • de 1986 à 1998, directeur adjoint de ductif. tuations décennales de l’économie la division Avions d’Aerospatiale ; De dimension mondiale, il fait intervenir (figure 1). • depuis 1999, en position de retraité trois acteurs : Pour répondre à ce besoin, les compa- avec le temps de la réflexion. • le passager et son besoin de gnies aériennes ont mis en exploitation transport, exprimé sous la forme du une flotte d’avions dont la figure 2 pré- Il est sans doute, aujourd’hui, l’un des trafic aérien ; sente l’évolution au niveau mondial rares acteurs de cette histoire à pou- • la compagnie aérienne et la mise en (hors ex-URSS) avec comme ordre de voir apporter cette connaissance aiguë œuvre opérationnelle du transport ; grandeur en 2000 : des vrais enjeux aussi bien techniques • le constructeur d’avions de transport • le total cumulé des avions livrés et industriels que financiers et d’orga- et la réalisation des produits. (18 000), nisation, moins connus mais importants • la flotte totale des avions disponibles pour la compréhension de la réussite LE MARCHÉ DU (13 500) prenant en compte le cumul de la coopération Airbus. TRANSPORT AÉRIEN des avions retirés de l’exploitation Le développement du trafic aérien, à la (4 500), Il a accepté pour LA LETTRE AAAF, de fin des années 1950, est lié à l’exploi- • la flotte totale des avions en exploita- nous faire revivre, à travers ses souve- tation des avions équipés de turbo- tion (12 500) après déduction des nirs personnels, cette grande histoire réacteurs seuls considérés ici. avions non utilisés (1 000). de la construction aéronautique mon- diale, marquée par une concurrence féroce débouchant sur la confrontation entre deux géants : Airbus et Boeing. Cette chronique s’appuie sur le docu- ment « Un demi-siècle d’aéronautique en France : les programmes Airbus » L préparé par George VILLE pour le A L Comité pour l’histoire de l’aéronau- ET tique (COMAERO) en 2005. Au cours TRE de l’exposé, pour distinguer les souve- AAAF nirs personnels exprimés à la première personne du singulier, ceux-ci seront présentés en italiques. ■ Figure 2 : évolution de la flotte des avions de transport à réaction 13 Les positions relatives des deux indi- cateurs qualifient les écarts de com- pétitivité monétaire entre l’Europe et les États-Unis : la corrélation avec la croissance économique en Europe serait facile à mettre en évidence mais ce n’est pas l’objet du présent exposé. La situation des constructeurs euro- péens d’avions civils est fragilisée par le considérable risque monétaire asso- cié à ces changements de parité. Dans le cas présent pour Airbus avec 100% des recettes et 50% des coûts exprimés en dollars, le risque porte sur ■ Figure 3 : évolution des livraisons annuelles d’avions de transport à réaction un équivalent de 50% du chiffre d’af- faires (pour un chiffre d’affaires de 20 pour entrer et se maintenir sur le milliards de dollars et un taux de 1 dol- L’ACTIVITÉ DE CONSTRUC- marché. lar = 0,8 euro, le risque atteint 2 TION AÉRONAUTIQUE milliards d’euros) ; à terme si une telle Le comportement souvent aventureux, Le commerce des avions civils est situation se prolonge, la pérennité de certaines compagnies aériennes a fondé sur l’utilisation du dollar US d’Airbus en tant qu’industriel euro- pour conséquence une évolution des comme monnaie de référence du prix péen peut être mise en cause. livraisons nettement plus chahutée de vente et aucun argument ne permet que les fluctuations du trafic comme le d’entrevoir une évolution de cette montre la figure 3 situation dans un proche avenir. Pour LE DUOPOLE Confrontée aux exigences des compa- situer l’impact d’une telle situation sur BOEING-AIRBUS gnies aériennes pour une présence la compétitivité des entrepreneurs, il L’ensemble des coûts liés à la com- mondiale sur tous les créneaux d’utili- faut appréhender la « juste valeur éco- mercialisation et à l’amortissement sation (en termes de capacité et de nomique » de la parité dollar/euro (la des frais de développement conduit à rayon d’action), l’activité de construc- plus représentative pour la construc- un volume de frais fixes déterminant tion aéronautique s’exerce tion aéronautique dans l’économie de la compétition. dans le cadre d’un marché « Une analyse macro- civile ?) Bien que toute Une analyse macro-économique de très concurrentiel et aussi économique de l’amor- proposition dans ce leur couverture par les marges de pro- éminemment politique. tissement des frais domaine comporte une duction montre que seuls deux cons- Pour maintenir leur pré- fixes par les marges part d’incertitude et tructeurs se partageant également le sence, les constructeurs de production montre d’arbitraire, un faisceau marché peuvent rentabiliser et péren- aéronautiques doivent que seuls deux cons- d’arguments converge niser leur activité. Ces considérations posséder : tructeurs se parta- vers une égalité du dol- permettent de mieux comprendre la LES histoires de L’HISTOIRE geant également le lar et de l’euro (1 dollar situation actuelle du duopole Airbus- • non seulement l’expérien- marché peuvent ren- = 1 euro = 6,56 FF) ; Boeing. ce et le savoir-faire per- tabiliser et pérenni- comment cette « juste Avant de voir Airbus atteindre cette mettant d’intégrer les ser leur activité. Ces valeur économique » a- situation, le chemin a été long comme avancées technologiques considérations per- t-elle évolué dans le le montre l’évolution de sa part de déterminantes pour l’effi- mettent de mieux passé à partir du taux marché présenté en figure 5. cacité de leurs produits comprendre la situa- de change corrigé des tion actuelle du duo- (pour Airbus, il ne faut différences d’inflation ? Expliquer ce long cheminement est une pole Airbus-Boeing » oublier de dire à ce pro- La comparaison entre longue histoire qu’il convient de repren- pos « merci Concorde, le taux économique dre à son début. Cette histoire fera l’ob- sans lui Airbus n’aurait jamais pu réus- Téco et le taux réel Tréel est présentée jet, dans LA LETTRE AAAF, de 7 épisodes, sir ») ainsi que le savoir-faire commer- en moyenne annuelle de 1970 jusqu’à calqués sur 7 périodes remarquables de cial pour les faire reconnaître ; 2003 à la figure 4 (les taux présentés l’histoire d’Airbus : • mais également les ressources sont relatifs au dollar et au franc fran- financières importantes nécessaires çais). • 1965-1968 : la gestation, avec le lancement en 1967 de la phase pré- liminaire de définition de l’A300 par la signature d’un protocole d’accord tripartite entre les gouvernements français, anglais et allemand ; • 1968-1970 : la naissance, marquée par le retrait du gouvernement bri- tannique, la signature en 1969 d’un accord intergouvernemental franco- allemand et la création, le 18 décem- bre 1970, d’Airbus Industrie ; 1 - JANVIER 2006 ° N ■ 14 Figure 4 : évolution des taux de change entre le dollar et le franc français (moyenne annuelle) • 1970-1974 : l’enfance, révélant la per- tinence des organisations techniques et industrielles mises en place pour le LES histoires de L’HISTOIRE programme de développement de l’A300B ; • 1974-1978 : la jeunesse, avec la consolidation des premiers résultats, malgré un environnement peu favora- ble, l’apprentissage du marché et la mise en place des organisations admi- nistratives et financières ; • 1978-1984 : l’adolescence, marquée par la reconnaissance du produit par le marché, le retour des Britanniques et le lancement de l’A310 ; ■ Figure 5 : part Airbus en % du marché mondial des avions de ligne • 1984-1998 : l’âge adulte, associé à une nouvelle équipe de direction, au lancement et à la mise en service des familles A320 et A330-A340, et au partage du marché mondial avec Boeing ; • à partir de 1998 : la maturité, concré- tisée par le maintien d’une pénétration commerciale égale à celle de Boeing, le lancement de l’A380 et la mise en place d’une nouvelle organisation industrielle, plus classique.