Trivium Revue franco-allemande de sciences humaines et sociales - Deutsch-französische Zeitschrift für Geistes- und Sozialwissenschaften

29 | 2019 Regards croisés sur le prophète de l'Islam Der Prophet des Islams im Blickwechsel

Francesco Chiabotti et Ruggero Vimercati Sanseverino (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/trivium/6149 DOI : 10.4000/trivium.6149 ISBN : 1963-1820 ISSN : 1963-1820

Éditeur Les éditions de la Maison des sciences de l’Homme

Référence électronique Francesco Chiabotti und Ruggero Vimercati Sanseverino (dir.), Trivium, 29 | 2019, « Regards croisés sur le prophète de l'Islam » [Online], online erschienen am 18 Oktober 2019, abgerufen am 16 September 2020. URL : http://journals.openedition.org/trivium/6149 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ trivium.6149

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Das vorliegende Themenheft der Zeitschrift Trivium ist im Zuge des deutsch- französischen ANR-DFG-Projekts »PROPHET – im Spiegel seiner Gemeinschaft im frühmodernen und modernen Islam« entstanden. Die Auswahl der übersetzten Texte spiegelt die Geschichte und die unterschiedlichen Ansätze der französischen und der deutschen Islamforschung wider, insbesondere jener Forschung, die der Figur des Propheten des Islams gewidmet ist. Schwerpunkt des Themenheftes sind die Prozesse, die im Laufe der Zeit zunächst zur Sakralisierung der Figur des Propheten, danach zu deren Infragestellung geführt haben. Anhand der ausgewählten Artikel, die erstmals nun in beiden Sprachen zur Verfügung stehen, sollen Forschungsfragen und methodologische Diskussionen zum Islam in Europa zusammengeführt und bereichert werden. Diese Publikation wurde gefördert durch die Fritz Thyssen Stiftung (Köln), die Éditions de la Maison des sciences de l'homme und die Délégation générale à la langue française et aux Langues de France (Paris). Ce numéro de Trivium est né dans le sillage du projet franco-allemand ANR/DFG « PROPHET – Muhammad au miroir de sa communauté dans l'islam moderne et contemporain ». Le choix des articles traduits reflète les approches et l’histoire respectives de la recherche française et allemande en islamologie, plus particulièrement la recherche qui concerne la figure prophétique en islam. Ce dossier thématique met l’accent sur les procédés qui ont conduit, à travers le temps, d’abord à la sacralisation de la figure prophétique, ensuite à sa remise en cause. Il rend disponible pour la première fois dans les deux langues un ensemble de textes qui contribueront, en soulevant également des débats d’ordre méthodologique, à rapprocher et à enrichir les questionnements autour de l’islam en Europe. Ce numéro a été réalisé avec l’aide de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (Ministère de la Culture), des Éditions de la Maison des sciences de l'homme et de la Fondation Fritz Thyssen (Cologne).

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SOMMAIRE

Introduction

Regards croisés sur le prophète de l’Islam Introduction Francesco Chiabotti et Ruggero Vimercati Sanseverino

Der Prophet des Islams im Blickwechsel Einleitung Francesco Chiabotti et Ruggero Vimercati Sanseverino

Abréviations utilisées dans les bibliographies / In den Literaturlisten benutzte Abkürzungen

L'image du Prophète dans les corpus anciens. Modes de transmission et premières interrogations Das Bild des Propheten in den alten Textsammlungen. Aspekte der Überlieferung und erste Infragestellungen

»König oder Diener«? Die Versuchung des Propheten oder die Wahl eines Modells Samuela Pagani

Der Körper des Propheten Denis Gril

Torah orale et : transmission, interdit de l'écrit, rédaction Gregor Schoeler

Un prophète vivant pour l'islam pré-moderne et moderne? Ein lebendiger Prophet im vormodernen und modernen Islam?

Une résurrection de Mahomet chez Suyūṭī Fritz Meier

« L’islam a débuté étranger et étranger il redeviendra » : Muḫtaṣar sīrat ar-rasūl de Muḥammad ʿAbd al-Wahhāb en tant que programme et propagande Martin Riexinger

Das am Propheten orientierte Modell der Heiligkeit im Islam Michel Chodkiewicz

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Introduction Einleitung

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Regards croisés sur le prophète de l’Islam Introduction

Francesco Chiabotti et Ruggero Vimercati Sanseverino

1 L’idée de présenter un dossier sur le prophète de l’islam est née au cours de la première année du projet franco-allemand ANR-DFG « PROPHET – Muhammad in the Mirror of his community in early modern and modern islam »1. Cette vaste enquête, qui a occupé un grand nombre de chercheurs issus de spécialisations très différentes (tant au niveau des aires géographiques que des disciplines) a pour vocation de mettre en relation les spécificités françaises et allemandes de la recherche sur l’islam2. Les deux pays possèdent des traditions importantes d’études historiques et littéraires sur l’islam. Dès la naissance des disciplines dites « orientalistes », les contacts tantôt féconds, parfois conflictuels, furent au cœur de « l’émergence de cette nouvelle discipline que l’on peut qualifier d’européenne », selon la formulation de Michel Espagne3. La nécessité d’un travail commun est à l’origine de la constitution d’un groupe de recherche qui s’est impliqué dans une vaste exploration de la réception de la figure prophétique de l’islam dans les périodes prémoderne, moderne et contemporaine. Le présent numéro thématique de la revue Trivium vise à donner un aperçu de la richesse des deux traditions, plus particulièrement, la recherche qui concerne la figure prophétique en islam.

2 Si le projet PROPHET s’était donné une chronologie précise (les périodes prémoderne et moderne), pour ce numéro le choix thématique porte davantage sur les procédés qui ont conduit, dans le temps, à la sacralisation de la figure prophétique, puis à sa remise en cause, et ceci depuis les origines de l’islam. Le lecteur n’y trouvera donc pas le débat sur l’historicité de la figure de Muḥammad. Dès la mise en place du projet, l’équipe avait décidé de ne pas rentrer sur ce terrain de recherche, difficile, bien que prometteur4. L’approche choisie est plutôt de montrer comment chaque époque a développé sa propre « représentation » du prophète, et comment, de cette manière, la « présence » du prophète s’est actualisée au sein de sa communauté. Pour ce numéro, un premier groupe d’articles interroge ainsi l’image du prophète dans les corpus textuels plus anciens. La constitution de cette image va de pair avec l’établissement de

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règles et normes sous-jacentes à la transmission et à l’établissement de ce même corpus. Le premier article « Mündliche Thora und Ḥadīth im Islam. Überlieferung, Schreibverbot, Redaktion », de Gregor Schoeler5 fut le premier d’une longue série de contributions de l’auteur qui interrogent la relation entre oralité et écriture au début de l’islam6. Chronologiquement, ces débats se positionnent certes après la phase initiale de la prédication du prophète et de la mise à l’écrit du Coran. Leur « primauté » réside néanmoins dans le rôle décisif qu’ils ont joué dans l’établissement et la transmission même des matériaux historiques et hagiographiques sur la naissance de l’islam. En discutant les thèses de Goldziher (1850-1921), Schoeler comprend l’interdit du passage à l’écrit (qui ne réussit pas à s’imposer) en relation avec le débat similaire qui avait eu lieu dans le judaïsme, à l’époque de la rédaction de la Mishna et du Talmud, deux corpus transmis par voie orale avant leur passage à l’écrit. Le parallèle avec le cas de l’islam est évident, car la nouvelle religion est également caractérisée par un écart chronologique sensible entre la transmission écrite du Coran et la rédaction des premières collections de traditions prophétiques. Dans le présent article l’auteur propose une réponse nuancée à la question du retard de la fixation dans l’écrit du savoir au début de l’islam. Grâce à l’analyse de la littérature prosopographique, croisée avec l’étude des chaînes de transmission des , l’auteur suggère qu’en réalité, oralité et écrit ont toujours coexisté. La reconstruction de ce débat nous permet de saisir, pour une époque ancienne, le statut de la parole prophétique dans la communauté naissante, et l’interaction entre différentes modalités de transmission auxquelles les premiers savants ont été confrontés pour fonder leur méthodologie propre de transmission du savoir. Il faut donc garder à l’esprit cette dialectique, parfois tendue, pour comprendre d’où est issu le corpus de notices relatives au prophète étudié dans les articles de Denis Gril7 et Samuela Pagani 8. Cette dernière consacre sa contribution à un épisode particulier de la vie du Prophète : le « récit du choix », dans lequel « une voix sans nom, ou le Seigneur lui-même, somme le Prophète Muḥammad de choisir s’il veut être un prophète roi ou un prophète serviteur ». Comme remarqué par l’auteur, nous sommes en présence ici de deux typologies prophétiques opposées, qui incarnent respectivement le paradigme de la royauté sacralisée (ici encore les parallèles bibliques sont à relever) et celui de la soumission à Dieu. L’auteur résume ainsi le rôle que ce choix a pu signifier pour la communauté des origines : « La distinction, voire l’opposition, entre le roi et le serviteur est développée dans la tradition, où elle se charge d’importantes connotations politiques et théologiques, relatives en même temps à la nature et à la fonction du Prophète. Le “récit du choix” met en scène la tension entre ces deux composantes de son image sous la forme d’un récit de tentation. Tout comme le récit de la tentation de Jésus au désert […], il met en abîme un débat sur la nature et la fonction du fondateur qui remonte à la première période de la communauté et ne cesse de se développer au cours de son histoire9. » Cette dichotomie qui traverse la figure prophétique a été, tout au long de l’histoire des sociétés islamiques, productrice d’une tension entre le politique et le spirituel, de leur séparation, ou, au contraire, de leur indissociabilité.

3 Si l’article de Samuela Pagani développe les enjeux et les non-dits d’un seul récit/topos ancien, le texte de Denis Gril s’interroge sur un aspect de la représentation musulmane du prophète amplement négligé dans la recherche académique, à savoir la signification sacrée de son corps. En montrant comment la pensée musulmane met en relation la révélation de la parole divine à la sacralisation de la personne et du corps de son récepteur, l’auteur met en évidence le fondement théologique de la vénération des

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reliques prophétiques, mais permet aussi de comprendre l’attachement de la tradition islamique à la description physique du prophète. La personne du prophète apparaît, aussi bien dans sa dimension spirituelle et corporelle, comme le lieu de rencontre entre le transcendant et l’immanent, et de ce fait comme celui à travers lequel l’espace, le temps, les objets et les personnes sont sacralisés. De cette manière, la lecture en finesse de ces récits fait remonter en surface une préoccupation qui a dû être majeure dans la première communauté, même si les tendances plus puritaines de l’islam prémoderne et moderne ont essayé et tentent toujours d’éradiquer cette présence physique, voire thaumaturgique, du prophète au sein de sa communauté. Notons donc que les premiers traités consacrés au culte des reliques du prophète naissent en tant que réponse apologétique aux attaques des tenants d’un islam dit « puritain », incarné parfaitement par les écrits de Muḥammad ʿAbd al-Wahhāb étudiés par Riexinger.

4 Cette profonde relecture des collections canoniques de hadith croisée à un questionnement novateur, permet aux auteurs de faire émerger de ce corpus un ensemble de questions (paradigme de la royauté dans l’antiquité tardive, centralité du corps dans le charisme religieux) dont les termes diffèrent profondément de ceux préconisés par la tradition elle-même. La question de l’établissement d’un modèle étant ainsi posée, les sources islamiques plus anciennes représentent ce qu’une mémoire collective a voulu retenir, voire produire, du prophète, dans un double souci de reconstitution idéale de l’image prophétique et, en même temps, de réponse aux enjeux de l’époque de chaque auteur : fonder/exprimer une image salvatrice du Prophète dans les premiers siècles de l’islam et définir ainsi le rôle de l’islam dans l’histoire du salut humain. Le messianisme ainsi que les motifs sotériologiques sont abordés, puisque la réception ancienne de la figure prophétique s’inscrivait dans le contexte de l’antiquité tardive, marquée par l’attente eschatologique et l’espoir du salut. La deuxième partie du numéro réunit trois articles consacrés à l’évolution du débat théologique autour de la figure prophétique dans l’islam prémoderne et moderne.

5 L’orientaliste suisse Fritz Meier (1912-1998)10, dont l’œuvre fut consacrée en grande partie à l’étude de la mystique islamique, a également laissé une contribution remarquable à l’étude des représentations théologiques du prophète de l’islam. Dans l’article que nous proposons, il analyse en détail un point de prophétologie qui a particulièrement partagé les avis au cours des siècles. Un ensemble de traditions semblent insister sur la présence post-mortem du Prophète. Tout au long des siècles, plusieurs réponses théologiques ont été apportées pour expliquer, soutenir ou réfuter cette thèse, dont la proximité avec le dogme de la résurrection du Christ est frappante et, pour certains, troublante. Meier organise son exposé en deux parties : une première partie consacrée à la reconstruction historique de ce débat, puis une deuxième partie dans laquelle il présente les thèses d’un grand savant du XVe siècle, Suyūṭī (1445-1505). Ces interrogations sont loin d’être marginales au sein de la communauté islamique. Meier explique en conclusion comment ce débat est central dans la définition théologique, d’une part, du wahhābisme, et d’autre part, du soufisme à l’époque moderne. Il anticipe ainsi les deux articles suivants, le premier, une recherche récente de Martin Riexinger11 dans laquelle l’auteur effectue une lecture critique de la Vie du Prophète rédigée par le fondateur du mouvement wahhabite, Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb (1703-1792), et met en lumière les procédés textuels grâce auxquels l’auteur, d’une part, réduit le fondateur de l’islam à une simple figure historique dépourvue de tout caractère suprahumain, de l’autre, en établissant des parallèles entre son action

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politique et celle du Prophète, trouve dans le processus de réécriture pseudo-historique (Riexinger relève de nombreux anachronismes dans le texte) un moyen fort de légitimation de son action et de son idéologie. Riexinger arrive à montrer avec pertinence l’ampleur de la fracture opérée par le wahhābisme dans la pensée sunnite traditionnelle.

6 L’article de Riexinger est très technique. Il présuppose chez le lecteur une connaissance approfondie des épisodes majeurs de la vie du Prophète et de la première communauté. Or cette connaissance n’est peut-être pas toujours nécessaire pour comprendre un point essentiel que l’auteur arrive à mettre en évidence à partir de sa lecture minutieuse de la biographie du Prophète (re)composée par Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb, le père du mouvement wahhabite. En s’appuyant sur des nombreux exemples, l’auteur montre le degré d’interdépendance entre la théologie politique du mouvement et sa vision de l’histoire. Le lien ne paraitrait pas évident si l’auteur n’était arrivé à montrer avec lucidité la décomposition, puis la recomposition de la figure prophète chez Ibn ʿAbd al-Wahhāb. Les premiers rédacteurs de ce genre littéraire (la sīra) apparu au IXe siècle avaient inclus la figure prophétique, but ultime de la création, dans une vaste histoire universelle. Le Muḫtaṣar de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb revient à cette idée initiale, mais la mission prophétique n’est qu’un épisode dans une longue lutte entre le bien et le mal. C’est donc toute une vision de l’histoire qui est en jeu ici. Le dogme (débattu)12 qui affirme qu’il n’y aura pas de nouveau prophète après Muḥammad introduit l’humanité dans une nouvelle phase dans laquelle Dieu ne « châtiera » plus (directement) les hommes pour leurs mécréances. C’est maintenant la main de l’homme porteur du message du monothéisme, qui se substitue à l’intervention autrefois directe de Dieu dans l’histoire des hommes pour châtier les communautés ayant mécrues en Ses Envoyés. C’est du moins la vision que le mouvement wahhabite avait de son rôle historique. L’histoire sacrée traditionnelle qui est une histoire du salut, est devenue sous la plume Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb une histoire de la perdition de l’humanité, que Riexinger appelle à juste titre Unheilsgeschichte.

7 Plusieurs corollaires sont à relever. La lutte contre la sainteté et le culte des saints s’explique par cette représentation, en soi étonnamment moderne, d’un monde désenchanté. A l’opposé, les formulations classiques et prémodernes du soufisme et du chiisme prévoient une sacralité constante de l’histoire, du fait de l’immanence divine, qui se traduit dans le soufisme sunnite par le rôle des Saints et dans le chiisme par l’héritage des Imams, dont le dernier est toujours vivant13. C’est donc une vision de l’histoire que promeut la théologie de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, qui n’hésite pas à exclure, même du Coran, tout ce qui pourrait contredire son plan d’action militaire. Si dans le Coran Moïse avait encore pu pardonner à son peuple d’être tombé dans l’idolâtrie (l’épisode du Veau d’Or), Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ne tolère plus aucune déviance par rapport à cette nouvelle idée de transcendance divine. On comprend donc l’erreur de vouloir montrer ce mouvement comme « ultra- traditionaliste ». L’article de Riexinger montre définitivement que le wahhābisme est en rupture avec des positions qui étaient centrales pour l’identité sunnite classique.

8 L’article de Michel Chodkiewicz14 analyse un autre aspect des débats sur le prophète qui ont caractérisé la période moderne. Il s’inscrit dans un questionnement historiographique sur ce que la recherche anglo-saxonne nomme « neo-Sufism », une nouvelle configuration d’un soufisme reformé, qui apparaît au XVIIIe et XIX e siècle, basé sur un retour à l’exemple prophétique15. L’auteur veut démontrer que certains

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aspects de ce courant ne sont point inédits dans les écrits mystiques et que, bien au contraire, les prémices de cette focalisation sur le prophète dans le parcours de réalisation spirituelle sont plus anciennes que ce que l’on pourrait croire. Mais par-delà du débat historiographique interne aux spécialistes de la matière, il est à relever encore une fois de plus que c’est une certaine vision de « l’historicité » du prophète qui est au centre du débat. La distance temporelle depuis le temps du prophète n’a pas seulement créé une idéalisation de cette époque d’or perdue à jamais (c’est l’ambition de la salafiyya, le retour à la pratique des « pieux ancêtres »). Dans les courants spirituels on observe des nouvelles instances de « mise en présence »/Vergegenwärtigung du prophète : de nouveau rituels, de nouvelles techniques, de nouveaux genres dévotionnels, et aussi, ce que Meier analyse à travers le traité de Suyūṭī, la diffusion de visions à l’état de veille, de rencontres avec un prophète « vivant », qui n’a pas abandonné l’histoire, mais, au contraire, y participe, certes, à un niveau « ésotérique », réservé à une élite de Saints, mais ceci n’empêche pas aux tenants de cette nouvelle prophétologie qui prône un accès direct à la figure prophétique de s’engager dans l’action politique et de réinvestir donc le présent.

9 Cette introduction veut servir de guide aux lecteurs non spécialistes. Nous ne pouvons pas conclure ces lignes sans remercier l’équipe éditoriale de Trivium pour la qualité des échanges dès notre première rencontre. Nous remercions également les traducteurs ainsi que les relecteurs, plus particulièrement Katrin Heydenreich et Bernd Schwibs pour leur patience, et la pertinence de leurs relectures.

10 Cet ensemble d’articles, mis à la disposition des lecteurs des deux langues, répond à une forte demande de connaissances portant sur la figure fondatrice de l’islam. Le choix de ces articles a aussi été motivé par un souci pédagogique. Dans le cadre du renouveau de l’islamologie en France (une dizaine de postes créés en deux ans) et du développement en Allemagne d’instituts de théologie islamique, la lecture croisée des sources ne pourra que contribuer à rapprocher et à enrichir les questionnements autour de l’islam en Europe.

NOTES

1. https://prophet.hypotheses.org. Projet dirigé par Rachida Chih (CETOBAC – CNRS) et Stefan Reichmuth (Université de Bochum). 2. Le projet s’articule autour de trois axes principaux : 1. Representations of the Prophet: figuration and controversies 2. Heirs of the Prophet: Legitimation and establishment of Religious Authority and Political Power 3. Prophetic piety between individual and collective experience. 3. Michel Espagne : « Silvestre de Sacy et les orientalistes allemands », Revue germanique internationale [En ligne], 7|2008, mis en ligne le 15 mai 2011, consulté le 21 mai 2019. URL : http:/ journals.openedition.org/rgi/398 ; DOI : 10.4000/rgi.398. Voir également Michel Espagne / Nora Lafi / Pascale Rabault-Feuerhahn (dir.) : Silvestre de Sacy : le projet européen d'une science orientaliste, Paris : les Éditions du Cerf, 2014.

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4. Sur ce sujet, les avancées les plus importantes de la recherche sont quasiment toutes dues à l’œuvre de chercheurs allemands ou de langue allemande, comme Harald Motzki, Gregor Schoeler, Andreas Gorke et Nicolai Sinai. Nous remarquons également le groupe de recherche « Inârah » (Institut zur Erforschung der frühen Islamgeschichte und des Koran, http:// inarah.net), qui publie depuis des années des volumes collectifs en allemand en y déployant la méthode dite « hyper-critique ». La réception de ce collectif de chercheurs reste très limitée à cause de la faible diffusion de l’allemand comme langue scientifique à l’étranger. Leur premier volume, paru en anglais il y a quelques années, commence à éveiller l’attention (et les craintes) de la recherche anglo-saxonne, voir l’article, critique, de Jonathan E. Brockopp : « Islamic Origins and Incidental Normativity », Journal of the American Academy of Religion, 84/1 (2016), p. 28-43. Le dernier volume a pour objet l’émergence de Muḥammad comme figure historique. Plusieurs contributions du volume nient bel et bien son existence factuelle. Cette approche est loin de faire l’unanimité de la communauté scientifique. Voir Die Entstehung einer Weltreligion IV. Mohammed – Geschichte oder Mythos?, éd. par Markus Groß et Karl-Heinz Ohlig, Berlin : Hans Schiler Verlag (Inârah – Schriften zur frühen Islamgeschichte und zum Koran, vol. 8), 2017. 5. Gregor Schoeler : « Mündliche Thora und Ḥadīth im Islam. Überlieferung, Schreibverbot, Redaktion », Der Islam, 66 (1989), p. 213-251. 6. Voir en français du même auteur, Écrire et transmettre dans les débuts de l'islam, Paris : Presses universitaires de France, 2002. 7. Denis Gril : « Le corps du Prophète », in : B. Heyberger / C. Mayeur-Jaouen : Le corps et le sacré en Orient musulman, REMMM, 2006, p. 37-57. 8. Samuela Pagani : « ‘Roi ou serviteur’ ? La tentation du Prophète, ou le choix d’un modèle », in : Nelly Amri / Rachida Chih / Denis Gril (dir.) : Le Prophète en islam : l’instauration d’un modèle et formes de dévotion, Archives des sciences sociales des religions, 178 (2017), p. 43-67. 9. S. Pagani, op. cit., p. 43. 10. http://www.iranicaonline.org/articles/meier-fritz-1. 11. Martin Riexinger : « „Der Islam begann als Fremder, und als Fremder wird er wiederkehren“: Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhabs Prophetenbiographie Muḫtaṣar sīrat ar-rasūl als Programm und Propaganda », Die Welt des Islams, 55 (2015), p. 1-61. 12. Voir le livre de Yousef Sangaré : Le scellement de la prophétie en islam, Paris : Geuthner, 2018. 13. Voir Mohammed Ali Amir-Moezzi : Le Guide divin dans le shi’isme originel. Aux sources de l’ésotérisme en Islam, collection Islam Spirituel, Paris / Lagrasse : Verdier, 1992. 14. Michel Chodkiewicz : « Le modèle prophétique de la sainteté en Islam », Al-Masāq – Journal of the Medieval Mediterranean, 7 (1994), p. 201-226. 15. Voir la synthèse de Albrecht Hofheinz : « Illumination and enlightenment revisited, or: pietism and the roots of islamic modernity », accessible en ligne, https://folk.uio.no/albrech/ Hofheinz_IllumEnlightenment.pdf. Voir également Catherine Mayeur-Jaouen : « “Aufklärung islamique”, “néo-soufisme”, “réformisme musulman”, “islamismes” Renouveaux historiographiques de l’histoire de l’islam moderne et contemporain depuis les années 1960 », en ligne : https://ahcesr.hypotheses.org/files/2016/04/AHCESR-nov-2009.pdf.

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INDEX

Mots-clés : islam, prophète, Muhammad Schlüsselwörter : Islam, Prophet, Muhammad

AUTEURS

FRANCESCO CHIABOTTI Francesco Chiabotti est maître de conférences en islamologie à l’INALCO (Paris) et rattaché au CETOBaC. Pour plus d’informations, voir la notice suivante.

RUGGERO VIMERCATI SANSEVERINO Ruggero Vimercati Sanseverino enseigne au Centre de Théologie Islamique de l'Université de Tübingen. Pour plus d’informations, voir la notice suivante.

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Der Prophet des Islams im Blickwechsel Einleitung

Francesco Chiabotti et Ruggero Vimercati Sanseverino Traduction : Bettina Engels

1 Die Idee, ein Heft über den Propheten des Islams zu machen, entstand im Laufe des ersten Jahres des von der Agence nationale de la recherche und der Deutschen Forschungsgemeinschaft geförderten deutsch-französischen Projekts »PROPHET – Muhammad im Spiegel seiner Gemeinschaft im frühmodernen und modernen Islam«.1 Dieses großangelegte Forschungsprogramm, an dem viele Wissenschaftler ganz unterschiedlicher Spezialisierungen (sowohl geografisch gesehen wie im Hinblick auf ihre wissenschaftlichen Fachgebiete) beteiligt waren, hatte zum Ziel, die jeweiligen Eigenarten der französischen bzw. deutschen Islamforschung in Beziehung zu setzen.2 Beide Länder blicken auf eine reiche Tradition der historischen und literarischen Islamforschung zurück. Von Anbeginn standen in den sogenannten »orientalistischen« Fächern – mal fruchtbare, mal konfliktreiche – Begegnungen im Mittelpunkt bei der »Herausbildung dieser neuen Disziplin, die man als europäisch bezeichnen darf«, wie es Michel Espagne formuliert hat.3 Die Notwendigkeit der Zusammenarbeit gab den Anstoß zur Einrichtung einer Forschungsgruppe, in der die Rezeption der prophetischen Figur des Islams in Vormoderne, Neuzeit und Gegenwart aus ganz unterschiedlichen Perspektiven untersucht wurde. Das vorliegende Themenheft der Zeitschrift Trivium soll insgesamt einen Eindruck vom Reichtum der beiden Forschungstraditionen vermitteln, insbesondere aber vom Reichtum jener Forschung, die sich speziell der Figur des Propheten des Islams widmet.

2 Während das Projekt PROPHET chronologisch strukturiert war – und zunächst die vormoderne, dann die moderne Epoche untersuchte –, ist dieses Heft eher thematisch angelegt: Es konzentriert sich auf die Prozesse, die im Laufe der Zeit – und zwar seit den Ursprüngen des Islams – erst zu einer Sakralisierung, dann zu einer neuerlichen Infragestellung dieser Darstellung des Propheten geführt haben. Was der Leser also nicht finden wird, ist eine Debatte um die Geschichtlichkeit der Gestalt . Schon zu Beginn des Projekts verständigten sich die Teilnehmer darauf, diese zwar

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vielversprechenden, aber schwierigen Forschungsfragen auszuklammern.4 Es ging uns vielmehr darum, zu zeigen, wie jede Epoche ihre eigene »Repräsentation« des Propheten entwickelte und wie auf diese Weise die »Gegenwart« des Propheten in seiner Gemeinschaft Wirklichkeit wurde. Eine erste Gruppe von Artikeln hinterfragt in diesem Heft deshalb das Bild des Propheten in älteren Textkorpora. Die Ausprägung dieses Bildes geht Hand in Hand mit der Festsetzung von Regeln und Normen, die der Übermittlung und Etablierung ebenjener Korpora zugrunde liegen. Der erste Artikel, »Mündliche Thora und Ḥadīth im Islam. Überlieferung, Schreibverbot, Redaktion«, von Gregor Schoeler5 war der erste einer langen Reihe von Beiträgen des Autors, die sich mit dem Verhältnis von Mündlichkeit und Schriftlichkeit im frühen Islam beschäftigen. 6 Chronologisch gesehen beziehen sich diese Debatten sicherlich auf die Zeit nach der ursprünglichen Verkündung des Propheten und der Niederschrift des Korans. Ihre »Vorrangstellung« besitzen sie allerdings, weil sie bei der Etablierung und Übermittlung der historischen und hagiographischen Materialien über die Entstehung des Islams eine so entscheidende Rolle gespielt haben. In seiner Erörterung der Thesen Goldzihers (1850–1921) bringt Schoeler das Verbot des Übergangs zur Schriftlichkeit (das sich ja nicht durchgesetzt hat) in Zusammenhang mit der ganz ähnlichen Auseinandersetzung, die zu Zeiten der Niederschrift von Mischna und Talmud innerhalb des Judentums stattfand – zweier Korpora, die vor ihrer Verschriftlichung ebenfalls mündlich überliefert worden waren. Die Parallele zum Islam ist offensichtlich, denn auch diese neue Religion zeichnet sich dadurch aus, dass eine signifikante chronologische Lücke zwischen der schriftlichen Weitergabe des Korans und dem Verfassen der ersten Sammlungen prophetischer Überlieferungen besteht. Im hier vorliegenden Artikel bemüht sich der Autor um eine differenzierte Antwort auf die Frage nach der verzögerten schriftlichen Fixierung des Wissens in der Anfangszeit des Islams. Vor dem Hintergrund einer Analyse der prosopographischen Literatur und der Überlieferungsketten der Hadithe schlägt der Autor vor, dass mündliche und schriftliche Überlieferung in Wirklichkeit immer nebeneinander existiert haben. Die Rekonstruktion dieser Debatte erlaubt es uns, für eine sehr frühe Zeit den Status des prophetischen Wortes in der sich bildenden Gemeinschaft zu erfassen, ebenso wie das Zusammenspiel zwischen den unterschiedlichen Überlieferungsformen, mit denen sich die ersten Gelehrten auseinandersetzen mussten, um ihre eigene Methodologie für die Weitergabe des Wissens zu entwickeln. Man muss also diese manchmal etwas weitgespannte Dialektik im Hinterkopf behalten, um zu verstehen, woher das Korpus an Überlieferungen über den Propheten stammt, das in den Artikeln von Denis Gril7 und Samuela Pagani8 untersucht wird. Letztere widmet ihren Beitrag einer besonderen Episode im Leben des Propheten, nämlich der »Geschichte der Wahl«, in der »eine Stimme ohne Namen oder der Herr selbst den Propheten Muhammad dazu auf[fordert], sich zu entscheiden, ob er als Prophet ein König oder ein Diener sein wolle«. Wie die Autorin bemerkt, haben wir es hier mit zwei gegensätzlichen Typologien des Prophetentums zu tun: zum einen mit dem Paradigma des heiligen Königtums (und auch hier sind die Parallelen zur Bibel beachtenswert) und zum anderen mit dem der Unterwerfung unter Gott. Die Autorin fasst die Rolle, die diese Wahl für die ursprüngliche Gemeinschaft gespielt haben mag, folgendermaßen zusammen: »Die Unterscheidung oder vielmehr der Gegensatz zwischen König und Diener wird in der Tradition weiterentwickelt und nimmt wichtige politische und theologische Konnotationen an, die zugleich das Wesen und die Funktion des Propheten betreffen. Die ›Erzählung von der Wahl‹ inszeniert die Spannung zwischen diesen beiden Bestandteilen seines Bilds in Form einer Versuchungsgeschichte. Ganz wie

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die Erzählung von Jesu Versuchung in der Wüste spiegelt sie eine Debatte über das Wesen und die Funktion des Begründers, die bis in die erste Phase der Gemeinschaft zurückreicht, sich aber im Laufe ihrer Geschichte immer weiter entwickelt hat.«9 Diese Dichotomie, von der auch die Figur des Propheten durchdrungen ist, hat im Laufe der gesamten Geschichte islamischer Gesellschaften zu einer Spannung zwischen dem Politischen und dem Religiösen geführt, zu ihrer Trennung oder aber, ganz im Gegenteil: zu ihrer Untrennbarkeit.

3 Während Samuela Paganis Artikel die Schwierigkeiten und nicht ausbuchstabierten Implikationen einer einzelnen alten Geschichte, eines einzigen alten Topos entfaltet, untersucht Denis Grils Text einen in der universitären Forschung weitgehend vernachlässigten Aspekt der muslimischen Darstellung des Propheten, nämlich die sakrale Bedeutung seines Körpers. Indem er zeigt, wie das muslimische Denken die Offenbarung des göttlichen Wortes mit einer Sakralisierung der Person und des Körpers seines Empfängers in Beziehung setzt, unterstreicht der Autor die theologische Grundlage der Verehrung prophetischer Reliquien, macht aber auch die Bindung der islamischen Überlieferung an die körperliche Beschreibung des Propheten verständlich. Die Person des Propheten erscheint in spiritueller wie physischer Hinsicht als Ort der Begegnung zwischen dem Transzendenten und dem Immanenten, und damit als dasjenige, durch das Raum, Zeit, Objekte und Personen sakralisiert werden. Auf diese Weise bringt die subtile Lektüre dieser Geschichten ein leibhaftiges Interesse ans Licht, das in der ersten Gemeinschaft groß gewesen sein muss, auch wenn die puritanischen Tendenzen des vormodernen und modernen Islams versuchten und bis heute versuchen, diese körperliche, ja wundertätige Gegenwart des Propheten im Schoße seiner Gemeinschaft auszuradieren. Es sei daher vermerkt, dass die ersten Abhandlungen über die Verehrung der Reliquien des Propheten geschrieben wurden, um sich gegen die Angriffe der Anhänger eines »puritanischen« Islams zu rechtfertigen, wie sie in den von Riexinger untersuchten Schriften des Muḥammad ʿAbd al-Wahhāb exemplarisch zum Ausdruck kommen.

4 Ausgehend von innovativen Fragestellungen ermöglicht diese neuartige Betrachtungsweise den Autoren, aus den kanonischen Hadith-Sammlungen eine Reihe von Fragen herauszudestillieren (Paradigma des Königtums in der Spätantike, zentrale Bedeutung des Körpers für das religiöse Charisma), deren Begrifflichkeit sich stark von derjenigen unterscheidet, die im überlieferten Korpus zur Sprache kommt. Damit wird die Frage nach der Begründung eines verbindlichen Modells und Vorbilds gestellt. Die ältesten islamischen Quellen erscheinen vor diesem Hintergrund als der Ausdruck des kollektiven Gedächtnisses und dessen, was es vom Propheten bewahren, oder gar generieren wollte. Es ging den Quellen dabei gleichermaßen um eine ideale Rekonstruktion des Prophetenbilds wie darum, Antworten auf die Herausforderungen ihrer jeweiligen Zeit zu finden: In den ersten Jahrhunderten des Islams musste ein Bild des Propheten als Heilsbringer geschaffen und zum Ausdruck gebracht werden, um die Rolle des Islams für die menschliche Heilsgeschichte zu bestimmen. Da die früheste Rezeption der Gestalt des Propheten im Kontext einer von eschatologischer Erwartung und Erlösungshoffnung geprägten Spätantike stattfand, wird der Messianismus hier ebenso behandelt wie soteriologische Motive.

5 Den zweiten Teil dieser Ausgabe bilden drei Artikel, die der Entwicklung der theologischen Debatte um die Figur des Propheten im vormodernen und modernen Islam nachgehen.

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Auch der Schweizer Orientalist Fritz Meier (1912–1998),10 dessen Werk weitgehend dem Studium der islamischen Mystik gewidmet war, leistete einen bemerkenswerten Beitrag zur Erforschung der theologischen Repräsentationen des Propheten des Islams. In dem von uns ausgewählten Artikel analysiert er im Detail eine Problematik der Prophetologie, an der sich die Geister im Laufe der Jahrhunderte besonders geschieden haben. Eine Reihe von Glaubensrichtungen scheint an der Post-mortem-Gegenwart des Propheten festzuhalten. Zur Erklärung, Stützung oder Widerlegung dieser These wurden über die Jahrhunderte diverse theologische Antworten gegeben, deren Nähe zum christlichen Auferstehungsglauben auffällig und, für manch einen, verstörend ist. Meiers Beitrag gliedert sich in zwei Teile: Ein erster Teil widmet sich der historischen Rekonstruktion dieser Debatte, in einem zweiten Teil werden die Thesen Suyūṭīs (1445– 1505), eines der großen Gelehrten des 15. Jahrhunderts, präsentiert. Diese Fragen spielen innerhalb der islamischen Gemeinschaft eine große Rolle. Abschließend erläutert Meier, in welchem Sinne die Debatte für die theologische Definition des Wahhabismus einerseits und des neuzeitlichen Sufismus andererseits von entscheidender Bedeutung sind. Damit nimmt er die beiden folgenden Artikel schon in gewissem Sinne vorweg. Der erste von ihnen ist eine neue Untersuchung Martin Riexingers,11 der eine kritische Lesart der Muḫtaṣar sīrat ar-rasūl (Das Leben des Propheten) vornimmt, einer vom Gründer der wahhabitischen Bewegung, Muhammad b. ʿAbd al-Wahhab (1703–1792), verfassten Prophetenbiographie. Riexinger beleuchtet die textuellen Verfahren, die der Autor mit zweierlei Absicht anwendet: einerseits um die historische Gestalt des Propheten jedes übermenschlichen Charakters zu entledigen und andererseits, um im Zuge einer pseudohistorischen Umschrift (Riexinger weist dem Text zahlreiche Anachronismen nach) sein eigenes Handeln und seine eigene Ideologie zu legitimieren. Letzteres Anliegen versucht Ibn ʿAbd al-Wahhāb zu erreichen, indem er Parallelen zwischen seinem eigenen politischen Handeln und dem des Propheten suggeriert.–Auf diese Weise kann Riexinger triftig zeigen, wie groß der Bruch des Wahhabismus mit dem traditionellen sunnitischen Denken ist.

6 Riexingers Artikel setzt beim Leser eine gründliche Kenntnis der wichtigsten Ereignisse im Leben des Propheten und der ersten Gemeinschaft voraus. Dieses Wissen ist jedoch nicht unbedingt notwendig, um einen wesentlichen Punkt zu verstehen, den der Autor aus der von Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb (re)kostruierten Propheten-Biographie herausarbeitet. Anhand zahlreicher Beispiele zeigt Riexinger, in welch hohem Maße sich die politische Theologie der wahhabitischen Bewegung und ihr Geschichtsbild wechselseitig bedingen. Der Zusammenhang wäre vielleicht nicht so offensichtlich, wenn der Autor die Zerlegung und anschließende Neuzusammensetzung der Prophetenfigur bei Ibn ʿAbd al-Wahhāb nicht mit solcher Klarheit herausgearbeitet hätte. Die ersten Autoren dieses im 9. Jahrhundert entstandenen literarischen Genres (der sīra) hatten die Gestalt des Propheten als das ultimative Ziel der Schöpfung in eine weit ausgreifende Universalgeschichte eingebettet. Die Muḫtaṣar von Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb kommt zwar auf diese ursprüngliche Idee zurück, die prophetische Mission ist darin aber nur eine Episode in einem langen Kampf zwischen Gut und Böse. Ein ganzes Geschichtsbild steht hier also auf dem Prüfstein. Das (zur Debatte stehende) Dogma,12 dem zufolge es nach Muhammad keinen neuen Propheten geben wird, führt die Menschheit in eine neue Phase ein, in der Gott die Menschen nicht mehr (direkt) für ihren Unglauben »bestraft«. Das unmittelbare Eingreifen Gottes in die Menschheitsgeschichte, um Gemeinschaften zu bestrafen, die nicht an seine Gesandten glauben, wird nun ersetzt durch das Wirken des Menschen, der die Botschaft des

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Monotheismus weiterträgt. So zumindest das Bild der wahhabitischen Bewegung von ihrer eigenen historischen Rolle. Die religiöse Überlieferung, die eine Heilsgeschichte ist, ist unter der Feder Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhābs zu einer Geschichte der menschheitlichen Verdammnis geworden, die Riexinger zu Recht eine »Unheilsgeschichte« nennt.

7 Das hat unterschiedliche Folgen. Der Kampf gegen das Sakrale und die Verehrung der Heiligen wird durch diese überraschend moderne Darstellung einer entzauberten Welt verständlich. Im Gegensatz dazu gehen die klassischen und vormodernen Formulierungen des Sufismus und des Shiismus angesichts göttlicher Immanenz von einer permanenten Heilsbedeutsamkeit der Geschichte aus. Sie wird im sunnitischen Sufismus durch die Rolle der Heiligen zum Ausdruck gebracht und im Shiismus durch das Erbe der Imame, von denen der letzte jeweils immer noch lebt.13 Aus der Theologie Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhābs speist sich also ein Geschichtsbild, das selbst aus dem Koran alles auszuschließen trachtet, was in Widerspruch zu seinem militärischen Programm geraten könnte. Hatte Mose im Koran seinem Volk noch vergeben können, dass es dem Götzendienst verfallen war (Geschichte vom Goldenen Kalb), so duldet Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb nicht mehr die geringste Abweichung von dieser neuen Idee göttlicher Transzendenz. Vor diesem Hintergrund wird auch einsichtig, warum es falsch ist, diese Bewegung als »ultra-traditionalistisch« zu charakterisieren. Riexingers Artikel lässt keinen Zweifel daran, dass sich der Wahhabismus von Positionen abkehrt, die für die traditionelle sunnitische Identität maßgeblich waren.

8 Der Artikel von Michel Chodkiewicz14 analysiert einen weiteren Aspekt der für die Moderne charakteristischen Debatten um den Propheten. Er ist Teil einer historiographischen Untersuchung dessen, was die angelsächsische Forschung »Neosufismus« nennt, einer im 18. und 19. Jahrhundert entstehenden und reformierten Konfiguration des Sufismus, der die Rückkehr zum Vorbild des Propheten propagiert.15 Der Autor möchte zeigen, dass gewisse Aspekte dieser Strömung im mystischen Schrifttum keineswegs neu sind, sondern dass die Ansätze einer solchen Fokussierung auf den Propheten in der spirituellen Verwirklichung wesentlich älter sind, als man meinen könnte. Nun ist aber noch einmal darauf hinzuweisen, dass hier jenseits der historiographischen Debatte, wie sie innerhalb eines Fachpublikums geführt wird, eine bestimmte Vorstellung von der »Geschichtlichkeit« des Propheten wesentlich ist. Der historische Abstand zur Epoche des Propheten hat nicht nur zu einer Idealisierung dieses für immer verlorenen goldenen Zeitalters geführt (Anspruch der salafiyya ist die Rückkehr zur Praxis der »frommen Vorfahren«). In den spirituellen Strömungen sind neue Varianten einer Vergegenwärtigung des Propheten zu beobachten: neue Rituale, neue Techniken, neue Formen der Andacht, und auch das, was Meier einer Analyse der Abhandlung des Suyūṭī entnimmt, nämlich die Verbreitung von Wach-Visionen der Begegnung mit einem »lebendigen« Propheten, der sich nicht aus der Geschichte zurückgezogen hat, sondern vielmehr an ihr teilnimmt – sicherlich auf einer »esoterischen« Ebene, die einer Elite von Heiligen vorbehalten bleibt, was die Anhänger dieser neuen Prophetologie, die den unmittelbaren Zugang zur Figur des Propheten predigt, allerdings nicht daran hindert, politisch aktiv zu werden und damit die Gegenwart neu zu besetzen.

9 Die vorliegende Einführung versteht sich als Leitfaden für Nicht-Fachleute. Wir wollen nicht schließen, ohne der Trivium-Redaktion zuvor für den exzellenten Austausch zu danken, in dem wir vom ersten Moment an mit ihr gestanden haben. Wir möchten auch

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den Übersetzern und Redakteuren, insbesondere Katrin Heydenreich und Bernd Schwibs, für ihre Geduld und aufmerksame Bearbeitung der Texte danken.

10 Dieses Konvolut von Artikeln, das hier Lesern beider Sprachen zur Verfügung gestellt wird, reagiert auf einen großen Wissensdurst im Hinblick auf die Gründerfigur des Islams. Die Auswahl der Artikel verdankt sich auch pädagogischen Überlegungen. In Anbetracht der Tatsache, dass es eine Renaissance der Islamwissenschaften in Frankreich gibt (innerhalb von zwei Jahren wurden etwa zehn Stellen geschaffen) und dass auch in Deutschland mittlerweile Institute für Islamische Theologie eingerichtet worden sind, ist eine grenzüberschreitende Lektüre der Quellen sicherlich geeignet, Fragestellungen rund um den Islam in Europa zu bereichern und zusammenzuführen.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. https://prophet.hypotheses.org, von Rachida Chih (CETOBAC – CNRS) und Stefan Reichmuth (Universität Bochum) geleitetes Projekt. 2. Das Projekt hat drei Schwerpunkte: 1. Repräsentationen des Propheten: Figurationen und Kontroversen; 2. Erben des Propheten: Legitimation und Begründung religiöser Autorität und politischer Macht; 3. prophetische Frömmigkeit zwischen individueller und kollektiver Erfahrung. 3. Michel Espagne (2008): »Silvestre de Sacy et les orientalistes allemands«, Revue germanique internationale, 7 [online]; http://journals.openedition.org/rgi/398 (online verfügbar seit 15. Mai 2011, zuletzt abgerufen am 21. Mai 2019); https://doi.org/10.4000/rgi.683. Siehe auch Silvestre de Sacy. Le projet européen d’une science orientaliste, unter der Leitung von Michel Espagne, Nora Lafi und Pascale Raubault-Feuerhahn, Paris: Éditions du Cerf, 2014. 4. Auf diesem Gebiet lassen sich die wichtigsten wissenschaftlichen Fortschritte fast ausnahmslos auf die Arbeit deutscher oder deutschsprachiger Forscher wie Harald Motzki, Gregor Schoeler, Andreas Gorke und Nicolai Sinai zurückführen. Erwähnt sei auch die Forschungsgruppe »Inârah« (Institut zur Erforschung der frühen Islamgeschichte und des Korans; http://inarah.net), die seit Jahren Sammelbände auf Deutsch herausgibt, in denen die sogenannte »hyperkritische« Methode angewendet wird. Aufgrund der geringen Verbreitung des Deutschen als Wissenschaftssprache sind die Arbeiten dieser Forschungsgruppe im Ausland nach wie vor wenig bekannt. Doch seitdem vor einigen Jahren die englische Übersetzung ihres ersten Bandes erschien, gerät sie nun allmählich auch in den Fokus der Aufmerksamkeit (und der Ängste) der angelsächsischen Forschung; vgl. die kritische Auseinandersetzung von Jonathan E. Brockopp in »Islamic Origins and Incidental Normativity«, Journal of the American Academy of Religion, 84 (1), 2016, S. 28–43. Der letzte Band konzentriert sich auf die Erscheinung Muhammads als historischer Figur. Mehrere Beiträge zu dem Band stellen kurzerhand die Realität seiner Existenz in Frage. Dieser Ansatz ist in der wissenschaftlichen Forschung hoch umstritten. Siehe Die Entstehung einer Weltreligion IV. Mohammed – Geschichte oder Mythos?, hg. von Markus Groß und Karl-Heinz Ohlig (Inârah - Schriften zur frühen Islamgeschichte und zum Koran, Bd. 8), Berlin / Tübingen: Schiler, 2017. 5. Gregor Schoeler (1989): »Mündliche Thora und Ḥadīth im Islam. Überlieferung, Schreibverbot, Redaktion«, Der Islam, 66, S. 213–251. 6. Auf Französisch ist vom selben Autor erhältlich: Écrire et transmettre dans les débuts de l’islam, Paris: Presses universitaires de France, 2002. 7. Denis Gril (2006): »Le corps du Prophète«, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 113/114: Le corps sacré en Orient musulman, hg. von B. Heyberger / C. Mayeur-Jaouen, S. 37–57. 8. Samuela Pagani (2017): »›Roi ou serviteur‹? La tentation du Prophète, ou le choix d’un modèle«, Archives des sciences sociales des religions, 178: Le Prophète en islam: L’instauration d’un modèle et formes de dévotion, hg. von N. Amri / R. Chih / D. Gril, S. 43–67. 9. Pagani (2017), S. 43. 10. http://www.iranicaonline.org/articles/meier-fritz-1 11. Martin Riexinger (2015): »›Der Islam begann als Fremder, und als Fremder wird er wiederkehren‹. Muhammad b. ʿAbd al-Wahhabs Prophetenbiographie Muḫtaṣar sīrat ar-rasūl als Programm und Propaganda«, Die Welt des Islams, 55, S. 1–61. 12. Vgl. das Buch von Yousef Sangaré (2018): Le scellement de la prophétie en islam, Pais: Geuthner.

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13. Vgl. Mohammed Ali Amir-Moezzi (1992): Le Guide divin dans le shi’isme originel. Aux sources de l’ésotérisme en Islam, Collection Islam Spirituel, Paris-Lagrasse: Verdier. 14. Michel Chodkiewicz (1994): »Le modèle prophétique de l’islam«, Al-Masāq – Journal of the Medieval Mediterranean 7, S. 201–226. 15. Siehe die Synthese durch Albrecht Hofheinz (1996): »Illumination and Enlightenment Revisited, or: Pietism and the Roots of Islamic Modernity«, Vortrag an der Universität Bergen, 19. Sept. 1996 [online verfügbar: https://folk.uio.no/albrech/Hofheinz_IllumEnlightenment.pdf]. Siehe auch Catherine Mayeur-Jaouen: »›Aufklärung islamique‹, ›néo-soufisme‹, ›réformisme musulman‹, ›islamismes‹ Renouveaux historiographiques de l’histoire de l’islam moderne et contemporain depuis les années 1960«, online: https://ahcesr.hypotheses.org/files/2016/04/ AHCESR-nov-2009.pdf.

INDEX

Mots-clés : islam, prophète, Muhammad Schlüsselwörter : Islam, Prophet, Muhammad

AUTEURS

FRANCESCO CHIABOTTI Francesco Chiabotti ist Dozent für Islamwissenschaften am Institut für orientalische Sprachen und Kulturen (INALCO) in Paris und Forscher am CETOBaC. Weitere Informationen finden Sie hier.

RUGGERO VIMERCATI SANSEVERINO Ruggero Vimercati Sanseverino ist Juniorprofessor an der Universität Tübingen. Weitere Informationen finden Sie hier.

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Abréviations utilisées dans les bibliographies / In den Literaturlisten benutzte Abkürzungen

BEO Bulletin des études orientales

BGA Bibliotheca geographorum Arabicorum

BIFAO Le Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale

BSOAS Bulletin of the School of Oriental and African Studies

EI2 Encyclopédie de l’islam, deuxième édition

GAL Carl Brockelmann, Geschichte der arabischen Litteratur

GAS Fuat Sezgin, Geschichte des arabischen Schrifttums

Isl. Der Islam

JAOS Journal of the American Oriental Society

JE The Jewish Encyclopedia

JNES Journal of Near Eastern Studies

JOAS Journal of Oriental and African Studies

JRAS Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and Ireland

JSAI Jerusalem Studies in and Islam

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MF Ibn Taimīya, Maǧmū al-fatāwā šaiḫ al-islām Aḥmad Ibn-Taimīya

MISK Mitteilungen zur Sozial- und Kulturgeschichte der islamischen Welt

MSR Muḫtaṣār sīrat al-rasūl

MT maǧmūʿat at-tauḥīd

Muh. Stud. Ignaz Goldziher, Muhammedanische Studien

RAfr Revue Africaine

REI Revue des études islamiques

Remm Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée

REMMM Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée

RGG Die Religion in Geschichte und Gegenwart

RMM Revue du Monde Musulman

SI Studia Islamica

TN Ḥusain b. Ġannām, Tārīḫ Naǧd

WI Die Welt des Islams

ZDMG Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft

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L'image du Prophète dans les corpus anciens. Modes de transmission et premières interrogations Das Bild des Propheten in den alten Textsammlungen. Aspekte der Überlieferung und erste Infragestellungen

Das Bild des Propheten in den alten Textsammlungen. Aspekte der Überlieferung und erste Infragestellungen

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»König oder Diener«? Die Versuchung des Propheten oder die Wahl eines Modells

Samuela Pagani Traduction : Michael Adrian

NOTE DE L’ÉDITEUR

Wir danken Frau Samuela Pagani für die freundliche Genehmigung, diesen Artikel in deutscher Übersetzung zu publizieren. Nous remercions Mme Samuela Pagani de nous avoir accordé l’autorisation de traduire ce texte pour le présent numéro.

1 In diesem Beitrag möchte ich eine Überlieferung analysieren, die gelegentlich als »Geschichte von der Wahl« (qissat al-takhyîr)1 bezeichnet wird. Dieser Überlieferung zufolge fordert ein Engel, der »noch über Gabriel« steht, eine Stimme ohne Namen oder der Herr selbst den Propheten Muhammad dazu auf, sich zu entscheiden, ob er als Prophet ein König oder ein Diener sein wolle. Diese Alternative bildet einen Gegensatz zwischen zwei prophetischen Typen, die beide das traditionelle Bild Muhammads geprägt haben: Als »königlicher Prophet« ist Muhammad der Inbegriff der Souveränität und schließt damit an das Modell des Heiligen Königtums in der Bibel und im Koran an; als »dienender Prophet« verkörpert er das Ideal der Unterwerfung unter Gott, das in der Bibel wie im Koran in der Titulierung »Diener Gottes« oder »Knecht Gottes« zum Ausdruck gebracht wird. Im Koran bezeichnet dieses Beiwort sowohl Propheten, die ihr Königtum (mulk) von Gott erhalten haben, als auch Propheten, die keine Könige waren.2 Die Unterscheidung oder vielmehr der Gegensatz zwischen König und Diener wird in der Tradition weiterentwickelt und nimmt wichtige politische und theologische Konnotationen an, die zugleich das Wesen und die Funktion des Propheten betreffen. Die »Erzählung von der Wahl« inszeniert die Spannung zwischen diesen beiden Bestandteilen seines Bilds in Form einer Versuchungsgeschichte. Ganz wie die

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Erzählung von Jesu Versuchung in der Wüste3 spiegelt sie eine Debatte über das Wesen und die Funktion des Begründers, die bis in die erste Phase der Gemeinschaft zurückreicht, sich aber im Laufe ihrer Geschichte immer weiter entwickelt hat. In dieser Debatte treffen unterschiedliche typologische Interpretationen der Person des Religionsstifters aufeinander, das heißt unterschiedliche Weisen, ihn in der Heilsgeschichte zu verorten, indem man sein Verhältnis zu den biblischen Figuren erhellt. Die Bestimmung eines Typus kommt der Entwicklung einer Ikonographie gleich, ob diese in Texten oder in Bildern entfaltet wird. Wie wir noch sehen werden, konkurriert die Haltung des Propheten gemäß den in frommen Milieus tradierten Überlieferungen mit einer königlichen Ikonographie, die nicht nur von einzelnen Texten, sondern auch von einigen wenigen Miniaturen bezeugt wird. Diese Typen überdauern die Zeiten und passen sich dabei an immer neue Kontexte an. Am Anfang des 20. Jahrhunderts haben sich diese alten Symbole im Rahmen des modernen Gegensatzes zwischen dem Politischen und dem Religiösen mit neuen Bedeutungen aufgeladen. Kurz nach der Abschaffung des osmanischen »Kalifats« im Jahr 1924 führt der ägyptische Jurist ‘Alî ‘Abd al-Râziq die »Geschichte von der Wahl« als eines der traditionellen Zeugnisse für die Tatsache an, dass »der Prophet kein König war und die souveräne Macht weder anstrebte noch ersehnte«.4 Dass der Prophet kein König sein wollte, heißt für diesen Autor, es sei nicht Aufgabe des Islams, über die Staatsform zu entscheiden. Dies würde die Trennung von Politik und Religion erhärten, die ‘Abd al- Râziq gegen die aufkommenden Theorien des islamischen Staats verteidigt. Daran muss auch deshalb erinnert werden, weil ‘Abd al-Râziq zumeist als Sprachrohr westlicher Konzeptionen betrachtet wird, ohne dass man seine Verwurzelung in seiner eigenen Tradition berücksichtigt. Die traditionelle Darstellung Muhammads als eines »königlichen Propheten« wird hingegen von manchen westlichen Forschern immer noch als Beweis dafür angeführt, dass »die Trennung von Politik und Religion für den Islam keine Existenzberechtigung hat«,5 ja dass sich der Islam durch eine »außergewöhnliche […] Verschmelzung« des Politischen und des Religiösen definiert.6 Entgegen diesen Schematisierungen zeugt die »Geschichte von der Wahl« von der Komplexität jener traditionellen Darstellung, die man nicht auf eine bestimmte politische Theorie reduzieren kann. Das Bild Muhammads transportiert vielmehr unterschiedliche Konzeptionen des Verhältnisses zwischen beiden Mächten, die von der Verschmelzung über die Einheit in der Differenz bis zur Spaltung reichen.

Die Sîra und die Versuchung der Macht

2 Bevor wir den Gegensatz zwischen den beiden Figuren des königlichen und des dienenden Propheten in der »Geschichte von der Wahl« untersuchen, wollen wir uns dem Thema der Versuchung der Macht widmen, wie es die überlieferte Erzählung vom Leben des Propheten, die Sîra, entfaltet. In drei entscheidenden Momenten taucht dieses Thema hier auf: bei den beiden Prüfungen auf die Echtheit seines prophetischen Anspruchs, denen Muhammad in seinen Auseinandersetzungen mit den Quraisch von Mekka und den Juden von Medina unterzogen wird, und bei der Entscheidung zwischen dieser Welt und der jenseitigen, zu der er in der Stunde seines Todes aufgefordert wird. Wie wir sehen werden, zeigt jede dieser drei Episoden unser Thema in einem anderen Licht.

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3 Nach der Sîra des Ibn Ishâq/Ibn Hishâm laden die ungläubigen Quraisch Muhammad zu Beginn seiner Weissagungen in Mekka zu sich, um ihn in Versuchung zu führen: Wenn es ihm um Geld ginge, würden sie ihn zum reichsten Mann unter ihnen machen; sei Ehre sein Ziel, so wollten sie ihn zu ihrem Ältesten ernennen; sei es aber die Souveränität, dann zu ihrem König (wa in kunta turîdu bihi mulkan mallaknâka ‘alaynâ). Sie stellen ihn anschließend vor mehrere Herausforderungen: Er soll durch Wunder beweisen, dass er der Gesandte Gottes ist; er soll seine Gunst und seine Stellung bei Gott vor Augen führen, indem er Ihn bittet, einen Engel zu schicken; oder er soll schließlich »den Himmel stückweise« über sie herabfallen lassen. Muhammad weist diese Versuchungen und Herausforderungen zurück: »Ich tu dies nicht und verlange nichts von Gott für mich […]. Nicht dafür bin ich euch gesandt worden.«7

4 Diese Erzählung bündelt eine Reihe von Koranversen, in denen die Ungläubigen sich weigern, dem Propheten Glauben zu schenken, weil er lediglich ein Mensch sei wie alle anderen.8 Die Quraisch sind vielmehr der Ansicht: »Gott ist zu groß, als dass sein Bote ein Mensch wie wir sein könnte«; ein Bote müsse sich vom Rest der Menschen unterscheiden (yatamayyazu) wie die Engel, die die Ungläubigen anbeten.9 Die Sîra ergänzt das Dementi der engelhaften Natur des Propheten im Koran um die Weigerung, ihn als königlich anzusehen, wobei sie dem Thema die Form einer Versuchungsgeschichte verleiht, deren Vorbild die Versuchung Jesu in der Wüste sein könnte.10

5 Wie die Geschichte von der Versuchung Christi durch den Teufel informiert uns die Geschichte von der Versuchung Muhammads durch die Quraisch über das Wesen seiner Person und das Ziel seiner Mission – »euch frohe Botschaft und Drohungen (bashîr nadhîr) zu bringen«, erwidert er seinen »Versuchern«: Ich habe euch meine Botschaft übermittelt, es ist an euch, sie anzunehmen oder zurückzuweisen. Nach einer anderen Rezension der Sîra Ibn Ishâqs erscheint Muhammad in dem Moment, als die Quraisch sich dazu verschwören, ihn zu töten, der Erzengel Gabriel und sagt ihm: »Gott hat den Himmel, der Erde und den Bergen befohlen, dir zu gehorchen. Wenn du willst, befehle dem Himmel, ihnen auf den Kopf zu fallen, der Erde, sie zu verschlingen, und den Bergen, sie zu zermalmen.« Der Gesandte Gottes aber erwidert: »Ich gebe meiner Gemeinschaft einen Aufschub (u’akhkhir): Vielleicht wendet Gott sich ihnen zu.«11 Im Anschluss an diese Episode wird die biblische Erzählung von der Bestrafung der Rotte des Korah angeführt, in der Mose sich unerbittlich zeigt, und Gott kommentiert: »Meine Diener haben dich angefleht, und du hast sie nicht angehört. Hätten sie sich an mich gewendet, hätte ich sie erhört.«12 Durch seine Nachgiebigkeit und seine Milde zeichnet sich Muhammad hier vor Mose aus und zeigt seine Ähnlichkeit mit Jesus.13

6 Muhammads Nachgiebigkeit und Milde passen gut zu seiner Eigenschaft als verkündender und mahnender Prophet, der von den Seinen abgelehnt und verfolgt wird. Die Verhältnisse ändern sich nach der Hidschra, als er eine von seiner Gemeinschaft anerkannte Herrschaft ausübt und mit der Hilfe von Engeln militärische Siege erringt. Die Natur der Macht des Propheten ist just das Thema der zweiten Versuchungsgeschichte in der Sîra, in der Muhammad mit den Juden Medinas konfrontiert ist. In diesem Rahmen stellt sich der Gegensatz zwischen Prophetie und Königtum in neuem Licht dar. In Medina stellen die Rabbiner Muhammad auf die Probe, indem sie ihn einen Ehebruch beurteilen lassen: Erkennt er auf Steinigung, also die von der Thora vorgeschriebene Strafe, dann ist er ein wahrer Prophet (nabî), verurteilt er aber zu Geißelung, öffentlicher Demütigung und Verbannung, dann ist er

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lediglich ein König (malik).14 Indem er sich für die erste Alternative entscheidet, aktualisiert Muhammad das Vorbild Moses und erweckt das mosaische Gesetz zu neuem Leben.15 Im Unterschied zur Versuchung von Mekka, die Muhammads Nachgiebigkeit betont und uns über die menschliche Natur des Gesandten unterrichtet, setzt die Versuchung von Medina voraus, dass er eine Machtposition innehat, und klärt uns über deren Charakter auf: Er ist kein König, sondern ein Prophet, weil er keine Gesetze erlässt, sondern lediglich das göttliche Gesetz anwendet.16 Muhammad begründet keine Monarchie, sondern eine Nomokratie.

7 In diesen ersten beiden Geschichten ist die Versuchung eine Probe auf die Wahrhaftigkeit von Muhammads Prophetie. Sie antwortet auf einen polemischen Einwand, der den Islam von Geburt an begleitet hat und dem zufolge Muhammad kein echter Prophet ist, sondern ein König.17 Anders verhält es sich in der Erzählung vom Tod Muhammads, in der das zurückgewiesene Angebot nicht vom Feind kommt, sondern von Gott, und verlockend auf die treuen Gefährten des Propheten wirkt. In diesem Kapitel der Sîra wird das Thema der Wahl dreimal aufgegriffen. Die erste Stelle findet sich gleich zu Beginn, im Abschnitt über den Ausbruch seiner Krankheit. Nach einer von ‘Abdallâh b. ‘Amr b. al-‘Âs geschilderten Überlieferung zieht sich Muhammad eines Nachts zum Gebet in den Friedhof ’al-Baqî‘ zurück, leistet Abbitte für die im Kampf gefallenen Gläubigen, kündet künftige Streitigkeiten (fitan) an und erklärt schließlich seinem Begleiter, einem Freigelassenen (mawlâ) namens Abû Muwayhiba: »›Mir wurden die Schlüssel zu den Schätzen dieser Welt (mafâtîh khazâ’in al-dunyâ) und das ewige Verweilen in ihr (wa l-khuld fîhâ)18 und anschließend das Paradies angeboten, und ich wurde vor die Wahl (khuyyirtu) gestellt, mich dafür oder für die Begegnung mit meinem Herrn und das Paradies zu entscheiden.‹ Darauf erwidert sein Begleiter: ›Ich flehe dich an, nimm die Schlüssel für die Schätze dieser Welt, das ewige Verweilen in ihr und das Paradies!‹ Doch Muhammad entgegnet ihm: ›Nein, bei Gott, Abû Muwayhiba! Ich habe mich für die Begegnung mit meinem Herrn und das Paradies entschieden!‹«19

8 Muhammad spielt ein weiteres Mal auf diese Entscheidung an, als er auf seine Kanzel steigt, um seine letzten Worte zu verkünden: »Gott hat einem seiner Diener die Wahl gelassen zwischen dieser Welt und der in Seiner Nähe, und er hat die in Gottes Nähe gewählt.« Abû Bakr bricht in Tränen aus, weil er als einziger versteht, dass Muhammad von seinem unmittelbar bevorstehenden Tod spricht.20 Schließlich taucht das Thema der Wahl ein letztes Mal in ‘Â’ishas Bericht über den Tod des Propheten auf.21

9 Das Angebot der »Schlüssel zu den Schätzen dieser Welt« sowie das des »ewige[n] Verweilen[s] in ihr« im ersten dieser Texte erinnert an die biblischen Prophezeiungen der Thronbesteigung des Messias-Königs,22 die mitunter als Testimonia für die Ankunft Muhammads angeführt werden.23 Die Vision vom Angebot der Schlüssel wird darüber hinaus von einer kanonischen Überlieferung zu den Gunstbeweisen gezählt, die dem Propheten vorbehalten sind: »Ich wurde mit der Summe der Worte (jawâmi‘ al-kalim) ausgesandt, ich habe mittels Terror (ru‘b) den Sieg erlangt, und während ich schlief, wurden mir die Schlüssel zu den Schätzen dieser Welt gebracht, und man hat sie mir in die Hand gedrückt (utîtu bi-mafâtîh khazâ’in al-ard fa-wudi‘at fî yadî)«.24

10 In dieser Episode der Sîra weist Muhammad die Gunst jedoch gegen den Wunsch Abû Muwayhibas zurück. Die Reaktion dieses Gefährten hat eine Parallele in den Protesten ‘Umars und anderer Gefährten, als sie die Nachricht von Muhammads Tod erhalten. ‘Umar bestreitet sie zunächst:

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»Einige Heuchler behaupten, Muhammad sei gestorben, aber bei Gott, Muhammad ist nicht gestorben, sondern er ist zu seinem Herrn gegangen, wie Moses der Sohn Amrams, welcher vierzig Tage von seinem Volke fern geblieben (ghâba) und dann wieder zurückgekehrt ist (raja‘a), nachdem man ihn schon tot gesagt hatte, bei Allah, der Gesandte Gottes wird auch wie Moses zurückkehren und denen, welche ihn tot sagten, Hände und Füße abschneiden.«25

11 Eine namentlich nicht genannte Gruppe von Gefährten verschließt sich ebenfalls der Nachricht vom Tod des Propheten mit den Worten: »Wie kann es sein, dass er stirbt, bevor er über die Menschen triumphiert hat (wa lam yazhar ‘alâ al-nâs)«, das heißt bevor er die Welt erobert hat? Im Unterschied zu ‘Umar vergleichen diese Gefährten Muhammad mit Jesus und sagen, dass er wie dieser »aufgefahren« sei und »wiederkehren werde« (rufi‘a […] wa-la-yarji’anna).26

12 In der Erzählung der letzten Tage Muhammads dient das Motiv der Wahl dazu, den Umständen seines Todes einen Sinn zu geben. Die von Ibn Hishâm bearbeiteten Überlieferungen zielen auf eine Bestätigung der Sichtweise, die sich schließlich bei den Sunniten durchgesetzt hat: Der Prophet hat weder einen Erben noch ein Erbe hinterlassen und formell keinen Nachfolger eingesetzt, auch wenn er durch verschiedene Zeichen seine Präferenz für Abû Bakr gezeigt hat. Ganz bewusst wird die Geschichte der Wahl als Motto einem Kapitel vorangestellt, das diese Probleme anspricht. Durch seinen Verzicht erhebt sich Muhammad über die weltlichen Wechselfälle seiner Gemeinschaft, die an der Schwelle zu ruhmvollen Eroberungen und zum Abgrund der Bürgerkriege steht. Muhammad ist der Gründer der »besseren Gemeinschaft«, doch ist er nicht der erste »König« des islamischen Reichs. Durch seine Wahl des Todes erweist er sich als einer wie Mose und Jesus, die Jünger hinterlassen, aber keine Dynastien begründet haben. Wie Mose, der stirbt, bevor er das gelobte Land betritt, stirbt Muhammad vor den Eroberungen27 und begegnet dem Engel des Todes.28 Zudem erinnert die Reaktion Abû Muwayhibas an Petrus’ Bestürzung angesichts der Leidensankündigung Jesu.29

13 Das Kapitel über die letzten Tage des Propheten in Ibn Hishâms Sîra endet mit der Kontroverse zwischen Abû Bakr und ‘Umar über die Realität seines Todes. Abû Bakr, der als einziger die Anspielung auf die »Wahl« des Dieners in Muhammads letzter Rede versteht, erweist sich durch seine nüchterne Reaktion auf den Tod des Propheten und seine standhafte Entgegnung auf ‘Umars Proteste als geeignetster Mann, um die Gemeinschaft als getreuer »Nachfolger« ohne jede extravaganten Ansprüche zu führen. ‘Umar hingegen, der so weit geht, von der »Verborgenheit« und »Rückkehr« des Propheten zu sprechen, werden aufgrund seiner Eroberungen, zumal der Jerusalems, die ihn wie einen David erscheinen lässt, messianische Züge zugeschrieben.30 Die an den Anfang des Kapitels gestellte Wahl Muhammads gibt Abû Bakr von vornherein Recht gegenüber ‘Umar und bestätigt zugleich die überlegenen Verdienste des Ersteren. Muhammads Entsagung funktioniert somit in diesem Zusammenhang wie eine Lektion für diejenigen seiner treuesten Gefährten, die von den Reizen dieser Welt in Versuchung geführt werden könnten. In einer Variante des Hadiths der Wahl richtet sich diese Lektion an ‘Umar selbst. Eines Tages vergleicht dieser mit Bedauern die Schmucklosigkeit des Propheten mit dem Pomp der Chosraus und Cäsaren. Muhammad korrigiert ihn, indem er ihm erzählt, dass er sich dafür entschieden hat, ein dienender Prophet zu sein.31

14 Gegen die Vorstellung, Muhammad sei der Gründer eines universellen Reichs gewesen, des letzten vor dem Tag des Gerichts, zeigt seine »Wahl« des Todes seine

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Übereinstimmung mit anderen biblischen Vorbildern. Im Unterschied zur polemischen Auseinandersetzung mit den Feinden geht es hier nicht darum, die Echtheit von Muhammads Prophezeiungen zu verteidigen, sondern den letzten Sinn seiner Mission zu definieren und zu bestimmen, wer sein treuester Erbe ist. Muhammad könnte von dem Angebot der »Schlüssel zu den Schätzen dieser Welt« Gebrauch machen, ohne seinem Status als wahrer Prophet zu widersprechen, würde sich in diesem Fall aber eines niedrigeren Rangs erfreuen, als er ihm in Wirklichkeit zukommt.

15 Die zahlreichen Varianten der Geschichte von der Wahl lassen sich auf drei Themen zurückführen: die Erniedrigung des Königs, das sich Kleinmachen seines Schutzengels und die Lobpreisung des Dieners. Sie sollen im Folgenden der Reihe nach untersucht werden.

Die Erniedrigung des Königs

16 Die alten Sammlungen von Überlieferungen zur Askese (zuhd) führen die Geschichte der Wahl hinsichtlich zweier Aspekte von Muhammads Verhalten an: seiner Tischsitten und der Art und Weise, wie er von seiner Kanzel (minbar) predigt. Auf die Haltung des Propheten kommt es nicht nur an, um eine gute Praxis (sunna) zu etablieren, sondern auch, weil sie seinen prophetischen Typus charakterisiert. Dies tritt deutlich bei Ibn Sa‘d (gest. 230/845) hervor, bei dem das Kapitel über die »Essgewohnheiten« (ma’kal) des Propheten auf zwei Kapitel folgt, von denen eines seine Ankündigung in der Thora und im Evangelium und das andere seinen Charakter (khuluq) beleuchtet.

17 Ibn Sa‘ds Kapitel über die Ankündigung Muhammads in der Thora und im Evangelium32 versammelt eine Reihe von Überlieferungen, die die Beschreibung eines »Dieners Gottes« in Jesaja 42 paraphrasieren. Die Beschreibung des »Dieners« als jemanden, der nicht schreien und nicht rufen und dessen Stimme folglich auf den Gassen nicht zu hören sein wird (Jesaja 42,2), ist eines der wichtigsten biblischen Zeugnisse für den letzten Propheten.33 Noch bevor sie in systematischer Form in die Werke über die »Zeichen der Prophetie« eingearbeitet werden, spielen diese biblischen Verkündigungen bereits in der ältesten islamischen Tradition eine wichtige Rolle.34 Ibn Sa‘d schildert die biblische Verkündung des letzten Propheten in der Version Ka‘b al- Ahbârs (gest. ca. 32/652) sowie in der des Gefährten ‘Abdallâh b. ‘Amr b. al-‘Âs, der zugleich der Übermittler der Erzählung vom Friedhof ’al-Baqî‘ ist. Dieser letzten Version zufolge erwidert besagter Gefährte auf die Frage nach der Beschreibung Muhammads in der Thora: »Er wird in der Thora auf die gleiche Weise beschrieben wie im Koran: ›O Prophet, Wir haben dich entsendet als einen Zeugen und einen Freudenboten und Warner‹ (33,45). In der Thora nun aber steht: ›O Prophet, Wir haben dich entsendet als einen Zeugen, einen Freudenboten, einen Warner, eine Zuflucht für die Heiden. Du bist mein Diener und mein Gesandter, ich habe dich genannt ›der Vertrauenerweckende‹ (al- mutawakkil). Er ist weder streng noch brutal (laysa bi-fazz wa lâ ghalîz), er schreit nicht auf den Plätzen (wa lâ sakhkhâb bi-l-aswâq), er wehrt Böses nicht mit Bösem ab (wa lâ yadfa‘u al-sayyi’a bi-l-sayyi’a),35 sondern er verzeiht und vergibt (wa lâkin ya‘fû wa yaghfiru).‹«36

18 Bescheidenheit, Sanftmut, Mitleid, diese entscheidenden Merkmale des letzten von der Bibel verkündeten Propheten entsprechen exakt dem Charakter Muhammads. Dadurch, dass Ibn Sa’d das Kapitel über Muhammads Charakterzüge (akhlâq) im Zuge seiner redaktionellen Bearbeitung unmittelbar an das Jesaja-Zitat anschließt, legt er nahe,

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dass die Figur des »Dieners« dem inneren Habitus und den natürlichen Anlagen des Propheten am ehesten entspricht. Die bevorzugten Zeugen, um diesen Habitus zu beschreiben, sind die Gefährten, vor allem jene, die ihn privat gekannt haben: seine Frauen und seine jungen Diener. Die Gemahlinnen des Propheten werden insbesondere dazu befragt, welchen Charakter er »zu Hause« (fî baytihi) zeigte, »wenn er sich zu sich zurückzog« (idhâ khalâ fî baytihi), sowie zu »seinem Verhalten in der Intimität« (‘amaluhu fî l-sirr).37

19 Zum »häuslichen« Charakter des Propheten befragt, wiederholt ‘Â’isha fast Wort für Wort die Beschreibung der Thora: »Charakterlich war er der beste Mensch. Er war nicht vulgär und betrug sich nicht unschicklich (lam yakun fâhishan wa lâ mutafahhishan), er schrie nicht auf den Plätzen (wa lâ sakhkhâb fî l-aswâq), und er vergalt Böses nicht mit Bösem (wa lâ yajzî bi-l-sayyi’a mithlahâ), sondern er verzieh und vergab (wa lâkin ya‘fû wa yasfahu).«38

20 Durch diese besonderen Merkmale unterscheidet sich der »Diener« vom »Tyrannen«: »Der Prophet hatte Eigenschaften, die es bei Tyrannen nicht gibt (kânat l-nabî khisâl laysat fî l-jabbârîn)«, stellt der Nachfolger (tâbi‘)39 Hamza b. ‘Abdallâh b. ‘Utba fest.40

21 Der Begriff jabbârûn verdient einen kurzen Exkurs. In unserem Zusammenhang ist der jabbâr, wie der König, der Gegenbegriff zum »Diener«.41 Die negative Bedeutung, die unsere Traditionen mit diesem Ausdruck verbinden, entspricht dem koranischen Gebrauch. Im Koran sind die jabbârûn »Hünen« (K 5,22), und jabbâr heißt im Allgemeinen »Tyrann« oder »gewalttätig« (z. B. 11,59; 14,15).42 Johannes der Täufer und Jesus werden dafür gepriesen, dass sie keine jabbâr sind (19,14 u. 32), und Gott erinnert Muhammad daran, er solle kein jabbâr sein, weil seine Mission nicht darin bestehe, die Menschen in seine Gefolgschaft zu zwingen (50,45). Tatsächlich ist Al-Jabbâr ein göttlicher Name (59,23), den sich der Mensch nur auf eigene Gefahr aneignet. Fakhr al- Dîn al-Râzî erläutert: »Man sagt von einem stolzen und hochmütigen Menschen, dass er jabbâr ist, wenn es ihm an Demut fehlt und er sich vor niemandem beugt. Dieser Name gebührt zu Recht Allâh.«43

22 Allerdings kann das Attribut jabbâr auch im positiven Sinne auf den Menschen angewandt werden. Dies gilt besonders für die messianischen Prophezeiungen der Bibel, die die islamischen Quellen als Ankündigungen von Muhammads Erscheinen betrachten. Hier übersetzt das arabische jabbâr das hebräische gibbor (»mächtig«, »Held«): »Der Herr zieht in den Kampf wie ein Held (ka-l-jabbâr), er entfacht seine Leidenschaft wie ein Krieger.«44 »Gürte, du Held (ayyuhâ l-jabbâr), dein Schwert um die Hüfte, denn deine Gesetze und deine Regel (sunna) hängen an der Angst, die dein rechter Arm einflößt.«45

23 ‘Alî al-Tabarî (3./9. Jhdt.) bezieht diese beiden Bibelstellen auf Muhammad und argumentiert, dass die göttlichen Attribute hier ein menschliches Wesen bezeichnen.46 Auch Qastallânî (gest. 923/1517) bezieht Psalm 45,4 auf Muhammad und sieht in ihm »ein ausdrückliches geschriebenes Zeugnis der Tatsache, dass Muhammad eine sharia und eine sunna bringt und dass sie durch sein Schwert begründet werden. Was den jabbâr betrifft, so ist er derjenige, der die Menschen mit dem Schwert in rechter Weise zwingt (yujbiru) und durch Zwang (jabr) vom Unglauben abbringt.«47

24 Diese Vorrechte Muhammads entsprechen einer der Definitionen des göttlichen Namens al-Jabbâr:

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»Al-jabbâr ist der, der dazu zwingt, etwas Bestimmtes zu machen, das heißt dass er einen dazu zwingt, das zu machen, was wer will. Man sagt: Der Sultan hat jemanden gezwungen, seinen Befehl auszuführen, wenn er ihn dazu gezwungen hat, etwas zu tun, was ihm zuwider war. Du musst wissen, dass jemanden in dieser Bedeutung dazu zu zwingen, das zu tun, was ihm zuwider ist, stärker ist, als ihn bloß zu etwas zu zwingen oder zu bringen. […] In diesem Sinne kennzeichnet al-jabbâr Allâh als Jenen, der die Geschöpfe dazu zwingt, das zu tun, was er beschlossen hat, und sie dazu drängt, ob sie wollen oder nicht.«48

25 Jabbâr ist kurz gesagt der Souverän als Repräsentant der göttlichen Macht. Nach ‘Alî al- Tabarî, einem vom Christentum übergetretenen Schutzbefohlenen des Kalifen al- Mutawakkil, treffen die biblischen Prophezeiungen des messianischen Königreichs nicht nur auf Muhammad zu, sondern insbesondere auch auf die Ankunft der Abbasiden-Dynastie.49 Seine religiöse Apologetik ist tatsächlich zugleich auch eine politische, wie es der Titel seines Werks verrät, »Das Buch der Religion und des Reichs (kitâb al-dîn wa l-dawla)«. Man darf vermuten, dass die frommen Traditionisten, wenn sie nach koranischem Brauch Muhammad jegliche »jabbârûn-Qualitäten« absprechen, auf diese von der Bibel inspirierte Charakterisierung Muhammads als jabbâr reagieren.

26 Kommen wir nach diesen Erläuterungen zum Gebrauch des Ausdrucks jabbâr auf Ibn Sa’ds Kapitel zurück: Die Beschreibung der Haltung des Propheten beim Essen nimmt dort einen wichtigen Platz ein. Anas b. Mâlik erzählt: »Der Gesandte Gottes setzte sich auf den Boden. Er aß auf dem Boden.«50 Die Rede des Propheten stellt klar, dass diese Haltung die des Dieners ist: »Ich esse so, wie der Diener isst, ich setze mich hin, wie sich der Diener hinsetzt, denn ich bin nichts als ein Diener.«51 »Der Prophet«, ergänzt der Überlieferer, »hielt sich gerade, als er sich hinsetzte, bereit, um sich wieder zu erheben (kâna yajlisu muhtafizan).«52

27 Einige Seiten weiter bilden seine Tischmanieren den Gegenstand eines eigenen Kapitels. Die ersten fünf Überlieferungen, die es anführt, drehen sich darum, wie er sich zum Essen hinsetzt. Die ersten beiden stellen kategorisch fest: »Noch nie hat man gesehen, dass sich der Gesandte Gottes mit den Ellbogen aufstützte (muttaki’an)«; er verkündet es selbst: »Ich esse nicht mit aufgestützten Ellbogen«.53

28 Die drei folgenden Überlieferungen legen genauer dar, dass Muhammad erst nach einer himmlischen Intervention aufhörte, mit aufgestützten Ellbogen zu essen. Nach dem tâbi‘ ‘Atâ’ ibn Yasâr (gest. 103/721) wurde Muhammad von Gabriel ermahnt: »Gabriel kam zu Muhammad, als dieser gerade am höchsten Punkte Mekkas mit aufgestützten Ellbogen (muttaki’an) aß. Er sagte zu ihm: ›Muhammad! [Dies ist] die Art, wie Könige essen (akl al-mulûk)!‹ Also setzte sich der Bote Gottes [gerade hin].« 54

29 Dem Traditionisten und Juristen Ibn Shihâb al-Zuhrî (gest. 124/741) aus Medina zufolge war die Aufgabe der königlichen Haltung hingegen das Ergebnis einer Wahl: »Es ist uns überliefert: ›Kam ein Engel zum Propheten, der noch nie zuvor gekommen war und danach nie wieder kam. Er sagte ihm: Dein Herr lässt dir die Wahl (yukhayyiruka), ob du königlicher Prophet (nabî malik) oder dienender Prophet (nabî ‘abd) sein willst. Der Prophet blickte Gabriel an, als wolle er ihn um Rat ersuchen (ka-l-mustashîr lahu), und dieser gab ihm ein Zeichen, sich zu erniedrigen (ashâra ilayhi an tawâda‘). Also antwortete der Prophet: Lieber dienender Prophet.‹ Zuhrî hat gesagt: Man behauptet, dass der Prophet, nachdem er diese Worte gesagt hatte, nicht mehr aufgestützt aß, bis er diese niedere Welt verließ.«55

30 In all diesen Überlieferungen vermittelt die Haltung des Propheten einen unmittelbaren visuellen Eindruck von seinem prophetischen Typus. Ihre Symbolik wird

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von dem der Bibel entlehnten Gegensatz zwischen dem »Diener« oder dem »Propheten« auf der einen Seite und den »Königen« oder »Tyrannen« auf der anderen beherrscht: Während auf den Fersen hockend zu essen, in ständiger Bereitschaft, sich wieder zu erheben, der Essgewohnheit des »Dieners« entspricht,56 ist mit aufgestützten Ellbogen zu essen »die Essweise der Könige (akl al-mulûk)« oder Tyrannen (jabbârûn); verabscheuungswürdig ist sie, »weil sie dem Gebaren jener entspricht, die ihre Größe zeigen wollen (al-muta’azzimîn), indem sie das Vorbild (asl) der persischen Könige nachahmen.«57

31 Eine andere Serie von Überlieferungen mit pietistischer Tendenz, in denen das Hadith der Wahl auftaucht, gilt dem Gebrauch des Stabs in der Predigt. Auch in diesem Fall finden wir die Geschichte von der Wahl in Verbindung mit Überlieferungen, in denen die Aufgabe dieser Praxis als Folge einer Ermahnung durch einen Engel oder durch Gott dargestellt wird: »Gabriel oder ein anderer Engel erschien dem Propheten, als dieser einen Zeigestock (qadîb) ergriff. Er sagte ihm: ›Zerbrich nicht die Köpfe (qurûn, wörtlich Hörner) deiner Gemeinschaft (umma)!‹«58 »Der Prophet nahm einen Palmzweig (‘asîb min nakhl), um die Leute zum Schweigen zu bringen. Da offenbarte ihm Gott: ›O Muhammad, zerbrich nicht die Köpfe (qurûn) deiner Gemeinschaft!‹ Seitdem wurde der Prophet nicht mehr mit dem Zweig gesehen.«59 »Ibn Jurayj (gest. 150/767) hat gesagt: Ich habe ‘Atâ’60 gefragt: ›Hat sich der Prophet, wenn er predigte, auf einen Stab (‘asâ) gestützt?‹ ›Ja, sagte er, er hat sich darauf gestützt.‹ Ibn Jurayj sagte auch: ‘Umar b. ‘Atâ’ hat mir berichtet: ›Der Prophet bediente sich eines Palmzweigs ohne Blätter (‘asîb min jarîd al-nakhl), um die Leute zum Schweigen zu bringen und ihnen Zeichen zu geben. Da offenbarte ihm Gott: ›O Muhammad, warum zerbrichst du die Köpfe (qurûn) deiner Schäflein (ra‘iyya)?‹ Also warf er ihn weg. Dann kamen Gabriel und Michael zu ihm, und Michael sagte: ›Dein Herr gibt dir die Wahl, ein königlicher Prophet oder ein dienender Prophet zu sein.‹ Der Prophet blickte zu Gabriel, der ihm mit der Hand ein Zeichen gab, sich zu erniedrigen. Da antwortete der Prophet: ›Zweifellos ein dienender Prophet!‹ Also sagte Gabriel: ›Du bist der Fürst der Söhne Adams (sayyid walad Âdam), du bist der erste, für den sich die Erde öffnen wird (tanshaqqu ‘anhu al-ard) [bei der Wiederauferstehung], und der erste derjenigen, die Fürbitte einlegen werden (awwal man yashfa‘u).‹«61

32 Diese letzte Überlieferung reiht zwei ursprünglich vermutlich unabhängige Geschichten aneinander: In der ersten wird der Prophet aufgefordert, eine abstoßende Praxis aufzugeben; in der zweiten unterbreitet ihm Michael die Wahl zwischen den beiden prophetischen Modellen, und Gabriel rät ihm. Dass hier als erster Engel Michael auftritt, ist bemerkenswert, denn für gewöhnlich ist dieser Engel entweder namenlos, oder er wird mit Isrâfîl identifiziert. Der Schluss mit der Ankündigung der Fürbitte und dem eschatologischen Triumph des Propheten verändert den Tenor der Überlieferung: Die Betonung liegt nicht mehr auf der Korrektur des Propheten, sondern auf dem Lohn, den er dafür enthält, dass er freiwillig auf das Königtum verzichtet. Durch diesen eschatologischen Ausgang hat das Hadith nicht die Funktion, eine sunna zu begründen, sondern den einzigartigen Status von Muhammad zu beglaubigen.

33 Allem Anschein nach zielen die Überlieferungen, in denen der Prophet durch eine Ermahnung oder seine eigene Wahl dazu veranlasst wird, sich nach der sunna des »Dieners« zu richten, auf die Korrektur einer konkurrierenden Darstellung seiner Person, die mit einer königlichen Bildlichkeit verbunden ist. Die Darstellung Mohammeds, wie er mit einem Stab versehen auf seiner Kanzel sitzt, war ein

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bedeutender Bestandteil dieser Bildlichkeit.62 Dem hielten die frommen Traditionisten das Bild eines Propheten entgegen, der nicht nur auf dem Boden saß und aß, sondern seinen minbar auch nie als Sitzgelegenheit verwendete.63

34 Der minbar und der Zeigestock (qadîb) waren Insignien der Hoheitsgewalt der Kalifen.64 Seit der Zeit der Umayyaden symbolisierte die Weitergabe dieser beiden Objekte, die dem Propheten gehört haben sollen, zusammen mit seinem Siegel und seinem Mantel die Kontinuität zwischen den Kalifen und Muhammad.65 Damit waren beide ein Zeichen für die Erbschaft des Propheten und zugleich eng mit der monarchischen Macht im antiken und spätantiken Nahen Osten verbunden.66

35 In der klassischen sunnitischen Tradition wird das Thema von Muhammads Verzicht mitunter antischiitisch gewendet. So bestreitet der malikitische Jurist Hammâd b. Ishâq (gest. 267/880) das Recht von Muhammads Tochter Fâtima auf die Erbschaft von Ländereien Fadaks, die zur Beute aus dem Feldzug gegen die Oase von Khaybar gehören, und behauptet, der klarste Beweis gegen die Ansprüche der Schiiten bestehe in Muhammads Weigerung, die »Schätze der Erde« anzunehmen. Diejenigen, die die Güter, über die Muhammad verfügte, für ein persönliches Vermögen hielten, das seine Angehörigen erben könnten, würden aus ihm einen »königlichen Propheten« statt eines »entsagenden Propheten« (nabî zâhid) machen. Muhammad aber als »einen der Propheten, die die Könige der Welt waren (ahad mulûk al-dunyâ min al-anbiyâ’)«, zu betrachten, heiße, seine Würde zu verletzen (ta‘ana).67 Der Rechtsgelehrte bezieht so Position im Hinblick auf eine andere berühmte Kontroverse, in der sich Abû Bakr am Tag nach dem Tod des Propheten ‘Alî widersetzt hatte. Entgegen den Forderungen Fâtimas und Abbâs’ hatte Abû Bakr an ein Hadith von Muhammad appelliert: »Wir haben keine Erben; was wir hinterlassen, ist zum Almosen bestimmt.« ‘Alî wiederum hatte ihm mit einem Koranzitat entgegnet: »Und Salomo beerbte David.«68

36 Die Monarchie Davids und Salomons, der Paradebeispiele für den Typus des »königlichen Propheten« in der islamischen Tradition, stellte dabei nicht nur für die Anhänger ‘Alîs, sondern seit den Umayyaden auch für die Kalifen das Modell der Verschmelzung von königlicher und religiöser Macht schlechthin dar.69 Die Übereinstimmung Muhammads mit diesem prophetischen Typus ist ein Gemeinplatz der klassischen politischen Lehre.70 Seltene Miniaturen, die Muhammad mit überkreuzten Beinen auf dem Thron sitzend zeigen und die ab dem 13. Jahrhundert an türkischen und persischen Höfen entstanden sind, belegen die Fortdauer dieses Modells nach dem Ende des abbasidischen Kalifats.71

37 Die Verzichtenden der Gründungsphase72 beschränken sich nicht darauf, im Namen der Sunna königliche, profanen Modellen entlehnte Gebräuche zurückzuweisen. Sie gehen vielmehr so weit, die Figur des David abzuwerten: Alten Korankommentaren mit pietistischer Tendenz zufolge ist dieser kein khalîfa, sondern ein malik, weil er Blut vergossen hat.73 Die Überlieferungen, denen zufolge Muhammad die Anweisung erhält, seine königliche Haltung aufzugeben, können mit der Szene von König Davids Reue verglichen werden. In der christlichen Ikonographie wird die Szene der Erniedrigung Davids manchmal als Abstieg des Königs von seinem Thron dargestellt. So sieht man in der Miniatur eines byzantinischen Psalters aus dem 10. Jahrhundert, wie David, zur Linken auf seinem Thron sitzend, die Vorwürfe Natans anhört,74 während der König sich rechts auf dem Bild in der Geste des Bereuenden zur Erde niederbeugt.75

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David pénitent, Ms. Grec 139, f. 136v. Bibliothèque nationale de France, Département des Manuscrits, Division occidentale

38 Gilbert Dragon hat im Rahmen seiner Analyse dieses Motivs in der byzantinischen Ideologie gezeigt, dass die Demütigung des Kaisers dem Vorbild der Demütigung des biblischen Königs folgt, jedoch nicht immer dieselbe Bedeutung hat. Auf der einen Seite kann sie zur Veranschaulichung der Theorie der »zwei Mächte« dienen und dem Souverän jedes Priesterprivileg absprechen. Dies ist der Fall bei der Konfrontation zwischen dem Bischof Ambrosius von Mailand und Kaiser Theodosius I., nachdem dieser ein Massaker an aufständischen Einwohnern Thessalonikis hat verüben lassen. Hier wirft der Bischof wie ein neuer Natan dem Kaiser seine Verbrechen vor und verwehrt ihm den Zugang zur Kultstätte mit dem Verweis, dass »der Purpur Kaiser macht, aber keine Priester«.76 Auf der anderen Seite wurde die Reue des Souveräns als ein »kaiserlicher Akt« verstanden, durch den der Kaiser, der seine Fehler anerkannte und sich vor dem »König der Könige« niederwarf, sich David gleich als ein »Diener Gottes« und nicht als »Tyrann« erwies, und zwar derart, dass die theatralische Reue des Souveräns sich in eine Apotheose verwandelte.77

39 Dies ist auch im Koran der Fall, wo David nach seiner Niederwerfung unmittelbar von Gott als khalîfa, als sein Stellvertreter eingesetzt wird.78 Die Reueszene im Koran unterscheidet sich durch die Abwesenheit des Propheten Natan. David, der zugleich Diener und König ist,79 bedarf keines weiteren Repräsentanten Gottes, um in seinen Fehlern korrigiert und in seinen Funktionen anerkannt zu werden. »Diener«, das Beiwort des davidischen Königs in den Psalmen, ist auch ein Titel, mit dem sich die umayyadischen Kalifen schmückten,80 die ohne jede priesterliche Vermittlung zu ihren Ämtern gelangten, weil sie selbst beide Mächte verkörperten.81 Die pietistische Tradition hingegen räumt Natan in gewisser Weise seinen Platz wieder ein. In einem exemplarischen Dialog fragt ‘Umar Muhammads persischen mawlâ Salmân: »Bin ich ein

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König oder ein Kalif?« Salmân gibt ihm eine Antwort, die ihn in Tränen ausbrechen lässt: »Wenn du die islamischen Länder mit einem Dirham besteuert hast, oder mehr oder weniger, und diesen Dirham zu Zwecken verwendet hast, die dem Gesetz widersprechen, dann bist du ein König und kein Kalif.«82 Salmân spielt hier eine ähnliche Rolle wie die israelitischen Propheten, so wie sie in den islamischen Bibelerzählungen vorkommen: Sie sind nicht selbst Könige, sondern Berater und sittliche Aufseher von Königen.83

40 Obwohl die pietistische Kritik des Königtums tiefe Spuren in der klassischen sunnitischen Tradition hinterlassen hat, konnte diese Tradition die Abwertung der Figur des königlichen Propheten nicht gutheißen, ohne die Legitimität der islamischen Macht und ihre Begründung in divinis in Frage zu stellen. Ibn Taymiyya stellt in seinem Kommentar zum Hadith der Wahl fest, dass er eine »Missbilligung des Königtums« (dhamm al-mulk) impliziert,84 gibt sich aber alle Mühe, deren Tragweite abzuschwächen. Die Überlegenheit des Dienergesandten über den Prophetenkönig habe zu Übertreibungen geführt, »bis an den Punkt, dass einer von den Leuten des Buches die Prophetie Davids und Salomons untergraben hat (ta‘ana), genauso wie viele Leute die Autorität der Mächtigen und der Reichen untergraben«.85 Das ist falsch, merkt Ibn Taymiyya an, denn die Figuren Josef, David und Salomon beweisen, dass man gleichzeitig König und Prophet sein kann. Genauso kann man zugleich König und Kalif sein.86 Das biblische Königtum zu rehabilitieren läuft faktisch darauf hinaus, die Legitimität der Umayyaden zu verteidigen.87

41 Ibn Taymiyya bietet eine originelle Lektüre des Hadiths der Wahl, in der er, statt König und Diener in einen scharfen Gegensatz zu stellen, eine dreifache Unterscheidung vornimmt. Für ihn gibt es drei Arten von Propheten: jene, denen man weder Glauben schenkt noch Gehorsam schuldet und die keinerlei Macht ausüben, sowie jene, denen man gehorcht und die eine Herrschaft ausüben. Diese Letzteren wiederum unterteilen sich in zwei Kategorien: den Dienergesandten (‘abd rasûl), der nicht das Gesetz begründet, sondern das Buch Gottes anwendet, und den Prophetenkönig (nabî malik), der berechtigt ist, zu gebieten, was er will, wie Salomon. Muhammad gehört, wie Mose, zur ersten Kategorie.88

42 Andere Theologen erkennen eine Entsprechung zwischen Muhammad und dem Typus des königlichen Propheten, relativieren aber ihre Bedeutung. Mâwardî schreibt, dass Muhammad, wie andere Prophetenkönige auch, den Dschihad mit dem Schwert führt und diese Gewalt nötig ist, weil »die bösen Geister nur durch Terror (rahba) abzubringen sind«.89 Er erläutert andererseits, dass Muhammad die Vergebung der Gewalt vorzieht, wenn er die Wahl hat, sogar im Rahmen seiner individuellen Rechte.90 Im selben Geist erläutert Qastallânî: Wenn es heiße, Muhammad sei »weder hart noch brutal«, wie in der Verkündigung Jesajas, die K 3,159 entspricht, so betreffe dies die »edle Natur (tab‘), getreu der er geschaffen worden sei (jubila ‘alayhi)«, oder sein Verhältnis zu den Gläubigen; werde ihm hingegen aufgetragen, hart zu sein, wie in K 9,73, betreffe dies seine Pflicht zur Korrektur (mu‘âlaja) oder sein Verhältnis zu den Ungläubigen.91 Nach einem Schema, das sich, wie wir oben gesehen haben, bei Ibn Sa’d abzeichnet, werden die Eigenschaften des »Königs« und die des »Dieners« dem öffentlichen Raum respektive der Privatsphäre zugeordnet, ja sogar der äußeren und der inneren Dimension. Der Gegensatz zwischen diesen Eigenschaften wird so durch eine räumliche Metapher dargestellt, in der die beiden Gegenpole nebeneinander bestehen können, ohne dass der eine einen Vorrang gegenüber dem anderen hätte –

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anders als bei der Unterscheidung zwischen den beiden Typen des verfolgten Propheten und des siegreichen Propheten, die durch den Übergang von der mekkanischen zur medinischen Periode chronologisch voneinander getrennt werden.

Das sich Kleinmachen des Engels

43 In der Version, die wir jetzt untersuchen wollen, ist die Figur, die sich erniedrigt, nicht Muhammad, sondern Gabriel. Diese Version wird manchmal in eine Himmelfahrtserzählung eingebaut: »Der Prophet hatte sich gerade mit seinen Gefährten versammelt, als Gabriel ihm auf die Schulter klopfte. ›Dann‹, sagte der Prophet, ›führte er mich zu einem Baum, an dem sich so etwas wie zwei Vogelnester befanden. Kaum nahmen wir Platz, er auf der einen Seite, ich auf der anderen, als der Baum wuchs, bis er den Horizont ausfüllte und uns so weit nach oben beförderte, dass ich mit ausgestreckter Hand den Himmel hätte berühren können. An diesem Punkt wurde eine Leine losgelassen, und das Licht senkte sich (duliya bi-sabab fa-habata al-nûr). Gabriel wurde ohnmächtig wie ein Bettvorleger (ka’annahu hils),92 wodurch mir deutlich wurde, dass er noch mehr Angst hatte als ich. Da wurde mir offenbart: ›Dienender Prophet oder königlicher Prophet? Denn ins Paradies kommst du [in jedem Fall] (fa- ilâ al-janna mâ anta).‹ Gabriel gab mir im Liegen (mudtaji‘) ein Zeichen: gewiss dienender Prophet!‹«93

44 Varianten hiervon finden sich in den Sammlungen kosmologischer oder angelologischer Überlieferungen: »Als der Gesandte Gottes bei Gabriel war und von Angesicht zu Angesicht (yunâjîhi) mit ihm sprach, riss der Horizont des Himmels auf. Gabriel machte sich ganz klein, zog Arme und Beine an seinen Körper und duckte sich auf den Boden (yatadâ’al wa yadkhul ba‘duhu fî ba‘d wa yadnû min al-ard). Da erschien ein Engel vor dem Gesandten Gottes und sagte zu ihm: ›O Muhammad, dein Herr grüßt dich und lässt dich wählen, ob du ein königlicher Prophet oder ein dienender Prophet sein willst.‹ Der Gesandte Gottes erzählte: Gabriel gab mir einen Wink mit der Hand, mich zu erniedrigen. Ich verstand, dass er mir einen Rat gab, und antwortete: ›Dienender Prophet!‹ Dann fuhr dieser Engel zum Himmel auf, und ich sagte: ›O Gabriel, ich wollte dich befragen, aber der Zustand, in dem ich dich gesehen habe, hat es mir erübrigt, dir die Frage zu stellen. Wer ist er, o Gabriel?‹ ›Er ist Isrâfîl‹, sagte er. ›[…] Ich dachte nicht, dass er herabgestiegen wäre, bevor die letzte Stunde gekommen ist. Ich habe mich nur deshalb so kleingemacht, wie du es gesehen hast, weil ich fürchtete, die letzte Stunde sei gekommen.‹«94

45 Das besondere Merkmal dieser Versionen besteht darin, dass Gabriel sich nicht damit begnügt, Muhammad mit einem Wink zu raten, sondern sich vor einem Engel, der über ihm steht, niederduckt und zusammenkauert. Durch seine Erniedrigung führt Gabriel Muhammad die richtige Antwort vor,95 bringt aber zugleich auch seine eigene Furcht zum Ausdruck. Das Bild des »sich Kleinmachens« kehrt – ohne das Motiv der Wahl – in einer persischen Variante der Erzählung von der Himmelfahrt (mi‘râj) des Propheten wieder: Anders als Muhammad »beschränkt« sich Gabriel sukzessive, bis er an ein für ihn unerreichbares Maß stößt: »Gabriel wurde – mit seiner großen Kraft, durch die er mit einem einzigen Flügel Lots Land niederreißen konnte, ohne dass ihm etwas passierte – so klein wie ein Spatz. Muhammad sagte zu ihm: ›Lass uns noch einen Schritt weiter gehen.‹ Gabriel machte noch einen Schritt, und er wurde so klein wie eine Mücke. […] Was hat dies zu bedeuten? Was wird trotz seiner Erhabenheit nach diesen zwei Schritten aus

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Gabriel? Wie soll er, der nicht fähig war, den Ungehorsam der Sünder zu ertragen, für sie fürbitten?«96

46 Im Islam ist Gabriel nicht nur der Engel der Offenbarung, sondern auch der Bestrafung und des Krieges. Diese späte Version der mi‘râj bietet eine Interpretation seiner »Verkleinerung«: Eschatologisch gesehen drückt sie den Vorrang des menschlichen Fürsprechers vor dem Engel der Bestrafung aus, theologisch gesehen den Vorrang der göttlichen Eigenschaft der Barmherzigkeit vor der Macht. Diese Interpretation ließe sich auch auf die zitierten Überlieferungen anwenden, in denen das Thema der Wahl nicht, wie in den im letzten Abschnitt betrachteten, mit der sunna des Propheten verbunden ist, sondern als ein theologisches Gleichnis erscheint. So gesehen würde Gabriel zugleich die kriegerische und eroberungslustige Rolle Muhammads wie auch die göttlichen Attribute der Majestät und der Wut symbolisieren. Seine Erniedrigung vor dem Engel der letzten Stunde verwiese daher in Verbindung mit der Wahl der Knechtschaft durch Muhammad auf die Rücknahme der eroberungslustigen Funktion des Propheten gegenüber seiner soteriologischen Funktion.

47 Der Gegensatz zwischen Gabriel, dem Engel des Krieges, und Michael, dem Engel des Friedens, der in den islamischen Überlieferungen präsent ist, wird in den Kommentaren zu K 2,97 den Juden zugeschrieben. Die Juden hätten Gabriel insbesondere vorgeworfen, Muhammad dazu gedrängt zu haben, den jüdischen Stamm der Banû Qurayza anzugreifen.97 Bei dieser Gelegenheit verhält sich der Engel effektiv wie ein jabbâr im Sinne von jemand, der Gewalt und Zwang ausübt. Der Sîra zufolge wurde Muhammad, als er nach der Grabenschlacht nach Hause zurückgekehrt war, von Gabriel auf einem schwarzweißen Pferd (faras ablaq)98 oder auf einem mit Seidenbrokat bedeckten Maultier aufgesucht und gefragt: »Hast du die Waffen bereits niedergelegt?« Der Prophet bejahte dies, worauf Gabriel ihm entgegnete: »Aber die Engel haben die Waffen noch nicht niedergelegt […].« Dann gab er ihm den Befehl, die Banû Qurayza anzugreifen.99

48 Ein Hadith, in dem von den »Schlüsseln zur Welt« die Rede ist, scheint an diese Episode anzuknüpfen: »Die Schlüssel zur Welt wurden mir auf einem schwarzweißen Pferd gebracht, das Gabriel zu mir hinlenkte und das mit einem Seidenvelours bedeckt war (utîtu bi-maqâlîd al-dunyâ ‘alâ farasin ablaq jâ’anî bihi Jibrîl ‘alayhi qatîfatun min sundus).«100 In seiner Eigenschaft als »Schützer« (mawlâ) Muhammads101 ist Gabriel der Vermittler seiner Amtseinführung als universeller Souverän dieser Welt102 – und damit genau das, was die Erzählung von der Wahl als Versuchung darstellt.

Die Lobpreisung des Dieners

49 In der dritten und letzten Gruppe von Überlieferungen wird Muhammad für seine Wahl der Knechtschaft mit der Ankündigung seines eschatologischen Triumphs belohnt: »Mein Herr machte mich zum Lohn dafür, dass ich mich vor ihm erniedrigt habe, zum Fürsten der Söhne Adams, dem ersten, für den sich die Erde öffnen wird, und zum ersten Fürsprecher.«103 Wie wir oben bereits sahen, taucht dieses Thema auch in einer »hybriden« Tradition auf, die das Motiv der Korrektur des Prophetenkönigs mit der Verkündigung der Fürsprache vermengt. In den Versionen, die wir jetzt betrachten wollen, fehlt das Motiv der Korrektur: Muhammads Erniedrigung gleicht in keinerlei Hinsicht der Geste des reumütigen Königs; sie ist vielmehr ein freiwilliger Akt und Bestandteil eines Heilsplans.

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50 Diese eschatologische Lösung wird zudem auf das Thema der Zurückweisung der Schätze bezogen: »Dem Gesandten Gottes wurde gesagt: ›Wenn du willst, werden dir die Schätze der Erde in einem Ausmaß gegeben, wie es noch niemand vor dir bekommen hat oder nach dir bekommen wird, ohne dass dein Lohn im Jenseits im Geringsten geschmälert würde.‹ Er antwortete: ›Hebt sie für mich im Jenseits auf.‹«104

51 Im Jenseits wird Muhammad etwas bekommen, das größer ist als Salomons Königreich. ‘Abd al-Rahmân b. Abî ‘Aqîl, der mit Vertretern seines Stammes in einer Delegation zu Muhammad geschickt wurde, erzählt: „Als wir uns bei ihm vorstellten, war er für uns die verhassteste Person der Welt, aber als wir wieder gingen, war er für uns zum teuersten aller Menschen geworden. Einer von uns sagte: ›O Gesandter Gottes, warum fragst du deinen Herrn nicht nach einem Königreich wie dem von Salomon?‹ Er lachte und antwortete dann: ›Für euren Freund gibt es vielleicht bei Gott etwas Besseres als Salomons Königreich. In Wirklichkeit entsendet Gott niemals einen Propheten, ohne ihm eine Bitte zu gewähren. Jemand verlangt die Welt, und er wird erhört. Jemand verflucht sein Volk, wenn es sich ihm widersetzt, und aufgrund seiner Bitte geht sein Volk unter. Was die Bitte betrifft, die Gott mir gewährt hat, so habe ich sie verborgen, um für meine Gemeinschaft Fürbitte zu leisten (ikhtaba’tuhâ shafâ‘atan li-ummatî).‹«105

52 In diesen Überlieferungen wird das »Königtum« nicht ausgeschlagen, sondern verschleiert und aufgeschoben: »Der Prophet […] wählt [die Knechtschaft] und verschleiert so, um die Universalität seiner letztlichen Bestimmung zu bewahren, seine transzendente und wesentliche innere Realität.«106 Was Muhammad in dieser Welt »verborgen« hat, manifestiert sich in der anderen. Muhammads Fürbitte wird tatsächlich mit seinem »preislichen Rang« (maqâm mahmûd) gleichgesetzt, in dem er dem Koran zufolge wiederauferstanden sein wird.107 Einer exegetischen Tradition zufolge ist die Erlangung dieses Ranges der Lohn für die Wahl der Knechtschaft: »Qatâda hat gesagt: Man hat uns erzählt, dass der Prophet Gottes vor die Wahl gestellt wurde, ob er ein dienender oder ein königlicher Prophet sein wolle, und Gabriel ihm ein Zeichen gegeben habe, sich zu erniedrigen. Gottes Prophet entschied sich also, ein dienender Prophet zu sein, und deshalb wurden ihm zwei Dinge gegeben: dass er der erste wäre, für den sich die Erde öffnen wird, und der erste Fürsprecher. Und diejenigen, die wissen, sind der Meinung, dass der preisliche Rang, von dem Gott sagt, vielleicht erweckt dich dein Herr zu einem preislichen Rang, die Fürbitte am Tag der Auferstehung ist.«108

53 In diesem eschatologischen Zusammenhang ist das Thema von Muhammads Wahl eng mit dem Nachdenken über sein »Wesen« verknüpft. Tatsächlich besteht das Problem, das sich den Kommentatoren dieses Verses stellt, im Verhältnis der beiden Attribute der »Knechtschaft« (‘ubûdiyya) und der »Herrschaft« (rubûbiyya), hier verstanden als »Menschlichkeit« und »Göttlichkeit«.109 Zwar bestreiten die von Tabarî untersuchten theologischen Auffassungen, Muhammads Verherrlichung – selbst wenn man sich jenen anschlösse, denen zufolge sie bedeutet, »dass Gott ihn neben sich auf dem Thron sitzen lassen wird« – impliziere, man müsse ihm eine »Herrschaft« zuschreiben.110 Das Problem aber war aufgeworfen. Hallâj, ein Zeitgenosse Tabarîs, hatte es in seinen Gedichten offengelegt und sich dafür die beiden Begriffe nâsût (»Menschlichkeit«) und lâhût (»Göttlichkeit«) ausgeliehen, die von arabischen Christen in ihren christologischen Diskussionen gebraucht wurden.111

54 Die Lobpreisung des Dieners ist in der Tat ein zentrales christologisches Thema,112 auf dessen Spuren man auch in der Geschichte der Versuchung Jesu in der Wüste stößt.

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Abû Nu‘aym scheint sich vom Ende dieser Episode inspirieren zu lassen, wenn er behauptet, dass Muhammad dank seiner Entscheidung für die Knechtschaft von den Engeln bedient wurde und sich darin Salomon überlegen zeigte, der seinerseits von Dschinns bedient wurde.113 Die Versuchung Jesu ist eine der Erzählungen des Evangeliums, die die asketische islamische Literatur unter ihre erbaulichen Beispiele aufgenommen hat.114 Die Apologeten wiederum beziehen sich in ihrer Polemik gegen die Christen oft auf sie, weil sie in ihr den Beweis sehen, dass Christus nicht Gottes »Sohn«, sondern sein »Diener« ist.115 In diesem polemischen Kontext dient die Versuchung Jesu gleichermaßen dazu, Muhammad gegen die Anschuldigung zu verteidigen, er bewirke nie Wunder: Die Versuchung zeige, dass keine Wunder zu bewirken nicht bedeute, dass man nicht die Macht dazu habe.116

55 Die Tatsache, dass die »Knechtschaft« Jesu die Folge einer Wahl ist, hat Fakhr al-Dîn al- Râzî in seinem Kommentar zu Vers K 4,172 – »Nimmer ist der Messias zu stolz, ein Diener Allahs zu sein, und nicht auch die nahestehenden Engel« – zu einer interessanten Überlegung angeregt. Râzî zufolge besagt dieser Vers nicht einfach nur, dass Christus (wie auch die Engel) Gott unterworfen und nicht hochmütig ist, sondern dass er, obwohl er über die Macht verfügt (qudra), die er mit seinen Wundern unter Beweis gestellt hat, sich dazu erniedrigt, ein Diener zu sein.117 Dieser Gedanke erinnert an den Begriff der Kenosis, jenes im Brief an die Philipper mit der Lobpreisung des Dieners verbundene christologische Thema. Die Vorstellung, dass sich Christus in der Menschwerdung seiner »göttliche[n] Gestalt […] entäußerte« und »Knechtsgestalt« annahm,118 wurde mit jüdischen Spekulationen über die »Beschränkung« der göttlichen Gestalt in Verbindung gebracht, durch die sich Gott aus Barmherzigkeit in Gestalt des Menschen zeigt.119 Tor Andrae hat auf die Verwandtschaft der Kenosis mit dem Abflauen der muhammadanischen Realität in der Welt hingewiesen, die Qaysarî, ein Kommentator Ibn ‘Arabîs, mit dem Ausdruck ta‘tîl bezeichnet, was so viel heißt wie »zur Untätigkeit verurteilen, berauben, leeren, auslöschen«.120

56 Ibn ‘Arabî artikuliert die Idee der »Selbstbeschränkung« Gottes in Form einer Warnung am Ende einer dichten Meditation darüber, wie der Geist in Jesus »Gestalt annimmt« (tajassada): »Wenn du die Größe (kabbarta) deines Herrn verkündest, dann mache ihn auf die Weise groß, wie Er selbst es tut, wenn er von sich sagt: ›Und erhaben ist Er hoch über ihre [der Ungerechten] Behauptung!‹ (K 17,43) Die ›Ungerechten‹ aber sind jene, die Ihn für dessen unwürdig halten, wessen er sich selbst nicht für unwürdig hält, denn Er sagt: ›Er erfreute sich der Reue seines Dieners‹, ›Er empfängt mit lachendem Gesicht jene, die in sein Haus kommen‹, ›Er rühmt sich zusammen mit seinen Engeln der Wallfahrer‹; und Er sagt auch: ›Ich hatte Hunger, und du hast mich nicht genährt.‹ Denn er hat sich Selbst auf die Ebene seines Dieners herab begeben (anzala nafsahu manzilat ‘abdihi). Wenn du Seine Größe verkündest und ihn dabei aus diesen Heimstätten entfernst, dann verherrlichst du Ihn nicht, wie Er es verdient, sondern behandelst ihn als Lügner.«121

57 Was lehrt uns das »Hadith der Wahl« aus historischer Sicht? Im »Hadith der Wahl« kommt eine Debatte der Urgemeinde darüber zum Vorschein, wie Muhammad zu charakterisieren ist. Diese Debatte, die sich eher in Typen als in Begriffen artikuliert, orientiert sich an der Polarität der beiden messianischen Figuren des »Königs« und des »Dieners« bzw. »Knechts«. Die islamischen Autoren interessieren sich für diese biblischen Figuren nicht nur mit dem polemischen Ziel, den »Leuten des Buches« zu beweisen, dass ihre Heilige Schrift, recht verstanden, die Ankündigung der Ankunft Muhammads enthält, sondern um Antworten auf Fragen zu finden, welche sich

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Gläubigen stellen, die seine Prophetie anerkennen. Die Diskussion der Urgemeinde über diese Typologien ist eine Fortsetzung der Debatte um die Interpretation des Messianismus, die das Christentum und das Judentum jahrhundertelang durchzog und die in der ersten islamischen Epoche noch lebendig war. Auch wenn die Identifikation des Messias die drei »Buchreligionen« voneinander trennt, so bleibt doch die nähere Bestimmung seines Wesens und seiner Rolle für sie alle ein umstrittenes Feld. Dass die Kalifen den »königlichen Propheten« bevorzugten, hat seine Parallelen in der byzantinischen politischen Theologie. Dass die alten »Entsagenden« den »dienenden Propheten« bevorzugten, hat wiederum Parallelen in der Aufwertung des asketischen Jesus in monastischen Milieus wie in jüdischen Spekulationen über den »Knecht Messias«.122 In den von uns untersuchten Varianten und Interpretationen der Geschichte von der Wahl werden die königlichen Eigenschaften des Propheten abwechselnd abgelehnt, relativiert und eschatologisch interpretiert. Knechtschaft und Königtum erscheinen hier wenn nicht als Gegensätze, so doch zugleich vereint und unterschieden in der Person Muhammads. Die Wahl setzt eine Dualität im Propheten selbst voraus, ja sogar eine Spannung, die den ursprünglichen Quellen des Islams eingeschrieben ist.

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NOTES

1. Mit diesem Ausdruck beschreibt Ibn ‘Arabî (o.J.), Muhâdarât, Bd. II, S. 141, das Hadith, von dem er zwei Varianten bringt. 2. Brockopp (2004), S. 577. 3. Hultgren (2002), S. 95–127. 4. ‘Abd al-Râziq (1959), S. 391. 5. Brague (2005), S. 70 ff. 6. Crone (2004), S. 10–16. 7. Ibn Hishâm/Ibn Ishâq (1955), Bd. I, S. 295–298; Guillaume (1967), S. 133 f.; Ibn Ishâq (2017), S. 115–117 (ergänzt). [Für die deutsche Fassung des vorliegenden Aufsatzes wurden die deutsche Teilübersetzung des Werks von Ibn Ishâq (2004) sowie die vollständige Übersetzung Ibn Ishâq (2017) herangezogen, die aber ebenfalls nicht alle zitierten Passagen enthält und für die hiesigen Zwecke gelegentlich unterschiedlich stark modifiziert werden muss; A.d.Ü.]. 8. Vgl. K 6,50; 17,92–93; 25,7. 9. al-Halabî (1427 H.), Bd. I, S. 436; Ibn Hishâm/Ibn Ishâq (1955), Bd. I, S. 297. Zur koranischen Debatte über die menschliche oder engelhafte Natur des Boten vgl. Addas (2015); Crone (2011). 10. Matthäus 4,1-11; vgl. Wansbrough (2004), S. 67. 11. Ibn Ishâq (1978), S. 209. 12. Ebd.; vgl. 4. Mose 16, 35. 13. Vgl. Lukas 9, 54–55. 14. Ibn Hishâm/Ibn Ishâq (1955), Bd. I, S. 564; Ibn Ishâq (2017), S. 243; Guillaume (1967), S. 266. 15. Wansbrough (2004), S. 70 f.; de Prémare (1990). 16. Vgl. hierzu die Erklärung von Ibn Taymiyya (o.J.), S. 34. 17. Bobzin (2010); Sizgorich (2007). 18. Guillaume (1967), S. 678, übersetzt »long life here followed by Paradise«. 19. Ibn Hishâm/Ibn Ishâq (1955), Bd. II, S. 642; Ibn Ishâq (2004), S. 252 (Übers. mod.); Guillaume (1967), S. 678. 20. Ibn Hishâm/Ibn Ishâq (1955), Bd. II, S. 649; Ibn Ishâq (2017), S. 598 (Übers. mod.); Guillaume (1967), S. 679. 21. Ibn Hishâm/Ibn Ishâq (1955), Bd. II, S. 651 f., 655; Ibn Ishâq (2017), S. 601; Guillaume (1967), S. 680, 682. 22. Jesaja 9, 6-7; 45, 1–3; Daniel 2, 44. 23. Tabarî (2016a), S. 355 (Jes 9, 6) u. 415 (Dan 2, 44). 24. Bukhârî (1422 H.): k. al-jihâd wa l-siyar, Nr. 2815. 25. Ibn Hishâm/Ibn Ishâq (1955), Bd. II, S. 655 f.; Ibn Ishâq (2017), S. 601 (Übers. mod.); Guillaume (1967), S. 682 f.; Déclais (1999), S. 285 f.

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26. Ibn Sa‘d (1990), II, S. 208. 27. Shoemaker (2012), S. 90-94, 114 ff. 28. Ibn Sa‘d (1990), Bd. II, S. 198; Déclais (1999), S. 282–288. 29. Matthäus 16, 22–23. 30. Déclais (1999), S. 49; de Prémare (2002), S. 168 ff., 418. 31. Bayhaqî (1988), Bd. I, S. 335, 337. Die gleiche Lektion wird übrigens auch ‘Â’isha erteilt: Ibn Sa‘d (1990), Bd. I, S. 288. 32. Ibn Sa‘d (1990), Bd. I, S. 270 ff. 33. Abû Nu‘aym (1986), Bd. I, S. 72; Qastallânî (o.J.), Bd. II, S. 549. 34. Déclais (2001), S. 57–62, 131–138; Rubin (1995), S. 30–35. 35. Vgl. Jesaja 53,7; 1. Petrus 2,23. 36. Ibn Sa‘d (1990), Bd. I, S. 271. Ich verwende hier die Übersetzung von Déclais (2001), S. 135. Vgl. ebd., S. 73, die Beschreibung des Charakters (khuluq) des letzten Propheten in der Paraphrase Jesajas durch Ibn Ishâq. 37. Ibn Sa‘d (1990), Bd. I, S. 274, 280. 38. Ebd., S. 274. 39. Die Nachfolger (tâbi‘ûn) sind die Autoritäten in der Generation nach den Gefährten. 40. Ibn Sa‘d (1990), Bd. I, S. 279. 41. Vgl. auch Ibn Hajar al-‘Asqalânî (1379 H.), Bd. IX, S. 541: »Man bot dem Propheten einen Schafskäse an, und er hockte sich nieder, um ihn zu essen. Ein Beduine fragte ihn: Was ist das für eine Haltung? Er sagte: Gott hat aus mir einen großherzigen Diener gemacht und keinen unverschämten Tyrannen (jabbâr ‘anîd: vgl. K 11,59)«; Ibn ‘Arabî (o.J.): Futûhât, Bd. IV, S. 499 (bâb al-was âyâ: lâ ta’kul akl al-jabbârîn muttaki’an). 42. [Die dt. Übersetzung des Korans von Max Henning hat an diesen Stellen: »Recken« (5,22), »widerspenstigen Gewaltigen« (11,59) und »trutzige Rebell« (14,15); A.d.Ü.] 43. Al-Râzî (2000), S. 355. 44. Jesaja 42,13; Tabarî (2016a), S. 350 f. 45. Psalmen 45,4; Qastallânî (o.J.), Bd. II, S. 555; Tabarî (2016a), S. 344. 46. Tabarî (2016a), S. 345, 351. 47. Qastallânî (o.J.), Bd. II, S. 555. 48. Al-Râzî (2000), S. 356. 49. Tabarî (2016a), S. 405. 50. Ibn Sa‘d (1990), Bd. I, S. 279. 51. Ebd., S. 280. 52. Ebd. Muhtafiz ist ein Synonym für mustawfiz; vgl. Lane (1863-1893), Bd. II, S. 604, und die folgende Anm. 53. Ibn Sa‘d (1990), Bd. I, S. 288. Vgl. die aus dem Qâmûs al-muhît gezogene Erklärung von Lane (1863–1893), Bd. VIII, S. 2962: »Ich esse nicht in einer festen – oder bequemen – Sitzhaltung, mit übereinandergeschlagenen Beinen oder in einer ähnlichen Haltung, die sich für die meisten Mahlzeiten eignet: denn er pflegte beim Essen in der Hocke zu sitzen, mit geraden Oberschenkeln, um sich jederzeit erheben (mustawfiz) zu können.« Ibn Hajar al-‘Asqalânî (1379 H.), Bd. IX, S. 541, bezieht sich auf lexikographische Diskussionen über den Ausdruck muttaki’ und Meinungsverschiedenheiten über den – verbotenen oder verabscheuungswürdigen – rechtlichen Status dieser Art und Weise, sich hinzusetzen. Einer Stimme zufolge sei dieser Status ein Vorrecht des Propheten und keine Sunna. 54. Ibn Sa‘d (1990), Bd. I, S. 288. 55. Ebd. – Diese Überlieferung wurde von einem Schüler Zuhrîs weitergegeben, Ma‘mar ibn Râshid al-Azdî (gest. 153/770). Dessen Sammlung von Überlieferungen wurde wiederum von seinem Schüler ‘Abd al-Razzâq al-San‘ânî (gest. 211/826) in seiner Musannaf für die Nachwelt erhalten, s. Motzki (2010), S. 4–12. Vgl. Ma‘mar ibn Râshid: al-Jâmi‘, in: ‘Abd al-Razzâq al-San‘ânî

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(1403 H.), Bd. X, S. 417. Die Tradition wird in alten Sammlungen von Überlieferungen zur zuhd wieder aufgenommen, etwa denen von ‘Abdallâh b. al-Mubârak (gest. 180/797): Ibn al-Mubârak (o.J.), S. 264 f., und von al-Mu‘âfâ b. ‘Imrân al-Mawsilî (gest. 185/801): al-Mu‘âfâ b. ‘Imrân al- Mawsilî (1999), S. 239. Die isnâd von al-Mu‘âfâ b. ‘Imrân geht auf Sa‘îd ibn Jubayr (gest. 95/714) zurück, den tâbi‘ von Kufa, der berühmt war für seine Teilnahme an einem Aufstand gegen den Umayyaden-Herrscher al-Hajjâj und für die Martern, die dieser ihm zufügte: Motzki (2010), S. 446. Ibn Sa‘d zitiert in seiner isnâd Ma‘mar und Ibn al-Mubârak. Vgl. auch die Variante, die auf dem Umweg über ‘Â’isha direkt auf den Propheten zurückgehen soll: Ibn Sa‘d, Bd. I, S. 288. 56. Vgl. Lukas 22,27: »Welcher von beiden ist größer: wer bei Tisch sitzt oder wer bedient? Natürlich der, der bei Tisch sitzt. Ich aber bin unter euch wie der, der bedient.« 57. Ibn Hajar al-‘Asqalânî (1379 H.), Bd. IX, S. 542. In der Bibel wird der von den Propheten angeprangerte Brauch, im Liegen zu essen (vgl. Amos 6,4), mit der persischen Monarchie in Verbindung gebracht (Ester 1,6; 7,8). 58. ‘Abd al-Razzâq al-San‘ânî (1403 H.), Bd. III, S. 184. 59. Ebd. 60. Gemeint ist wahrscheinlich ‘Atâ’ b. Abî Rabâh (gest. 115/733); vgl. Motzki (2010), S. 12. 61. ‘Abd al-Razzâq al-San‘ânî (1403 H.), Bd. III, S. 183 f. 62. Zu der Tatsache, dass Muhammad auf seinem Minbar saß und auf einen Stab (‘asâ) aufgestützt predigte, vgl. Ibn Sa‘d (1990), Bd. I, S. 192-196. Vgl. auch ebd., S. 185: Muhammad hielt die Freitagspredigt mit einem »Zepter« (mikhsara) in der Hand. Die mikhsara war ein Zeichen der Königswürde, das auch vom khatîb genutzt wurde: vgl. Lane (1863–1893), Bd. II, S. 749. 63. Nach den von ‘Abd al-Razzâq al-San‘ânî (1403 H.), Bd. III, S. 182, 187–190 festgehaltenen Überlieferungen geht die Praxis, auf dem Minbar sitzend zu predigen, weder auf den Propheten noch auf die »rechtgeleiteten« Kalifen zurück, die aufrecht stehen blieben, sondern wurde von Mu‘âwiya eingeführt; alternativ führt man diesen Brauch auf die zweite Phase von ‘Uthmâns Kalifat zurück. Vgl. auch Cook (2011). 64. Sourdel (1997); Pedersen (1993); Widengren (1955), S. 98–102, 154 f. Vgl. auch Ibn Sa‘d (1990), Bd. II, S. 207: Nachdem er den Treueeid entgegengenommen hat, setzt sich (istawâ) Abû Bakr auf den minbar des Gesandten. Derselbe Ausdruck wird im Hinblick auf Muhammad verwendet: Ibn Sa’d (1990), Bd. II, S. 176. 65. Marsham (2009), S. 109, 314. 66. Widengren (1955), S. 154 f. 67. Hammâd b. Ishâq (1984), S. 9 ff. 68. K 27,16. Vgl. Madelung (1997), S. 360 f. 69. Marsham (2009), S. 6 f., 10, 123f., 138 f.; Borrut (2011), S. 217–228. 70. S. die Verweise auf Juwaynî, Mâwardî und auf die Ikhwân al-Safâ’ (Brüder der Reinheit) in Crone (2004), S. 11. 71. Gruber (2014), S. 287. 72. Die zuhd (»der [weltliche] Verzicht«) ist das Modell von Frömmigkeit, das die fromme Tradition in den ersten Jahrhunderten des Islams beherrscht hat. Wer es befolgt, wird »Verzichtender« (zâhid) genannt. 73. al-Qâdî (1988). 74. Vgl. 2. Samuel 12. 75. Paris, BNF, Ms. grec 139, f. 136v. Das Bild ist einzusehen unter http://mandragore.bnf.fr/. Vgl. Dagron (1996), S. 129–138. Das Motiv der Prosternation steht in Zusammenhang mit der Haltung Muhammads in einer der Überlieferungen über seine Essgewohnheiten. Nach dieser Version berichtete ‘Â’isha: »Man brachte dem Gesandten Gottes zu essen. Ich sagte zu ihm: ›Warum isst du nicht aufgestützt? So hättest du es bequemer!‹ Daraufhin beugte er den Kopf so tief hinunter, dass er mit seiner Stirn fast den Boden berührte. ›Nein‹, sagte er mir, ›ich esse, wie ein Diener isst, indem ich mich hinsetze.« Ibn ‘Asâkir (1995), Bd. IV, S. 73.

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76. Dagron (1996), S. 120 f., 127 f. 77. Ebd., S. 118, 134–137. 78. K 38,24 u. 26. 79. 38, 17–20. 80. Insbesondere Mu‘âwiya, genannt amîr al-mu’minîn und »Diener Gottes«: Nagel (2008), S. 681. Zur Demut der ersten vier Kalifen: Mâwardî (1409 H.), S. 220. Vgl. zu diesem Thema Wensinck (1922). 81. Marsham (2009), S. 138. 82. Dagron (1996), S. 71; Crone (2004), S. 45 f. 83. Vgl. Déclais (1999), S. 25. 84. Ibn Taymiyya (o.J.), S. 21. 85. Ebd., S. 34. 86. Ebd., S. 27. 87. Ibn Khaldûn rehabilitiert gleichermaßen die Umayyaden, indem er ihre Parallele zu David und Salomon unterstreicht: vgl. Borrut (2011), S. 221. 88. Ibn Taymiyya (o.J.), S. 34. 89. Mâwardî (1409 H.), S. 159 f. 90. Ebd., S. 159, 222 (innamâ yakhtaṣṣ ‘afwuhu bi-haqq nafsihi); vgl. auch die von Ibn Sa’d (1990), Bd. I, S. 275 berichtete Überlieferung ‘Â’ishas. 91. Qastallânî (o.J.), Bd. II, S. 549. 92. Der Ausdruck hils bezeichnet die Decke, die man unter den Kamelsattel legt, die Leibwäsche, die man unter der Kleidung trägt, oder einen Teppich; die Wendung fulân ka-l-hils al-mulqâ bedeutet nach Kazimirski (1860), Bd. I, S. 479: »Einer, der wie eine Matte zu Boden geworfen wird, ist ein Nichts«. Vgl. auch Lane (1863–1893), Bd. II, S. 630. Bayhaqî (2003), Bd. I, S. 312, bringt die Variante: ka’annahu hils lâti’, »wie ein Stück Wäsche am Boden kleben«. 93. Ibn al-Mubârak (o.J.), Bd. I, S. 73. 94. Bayhaqî (2003), Bd. I, S. 315. Vgl. auch Ibn Abî Shayba (1998), S. 461 f. 95. Nach Ibn ‘Arabî nimmt Gabriel in dieser Erzählung effektiv den Platz des Herrn ein: Gril (2007), S. 89, 96. 96. Gruber (2010), S. 77, 96. 97. Reynolds (2014). 98. Ibn Ishâq (1978), Bd. I, S. 297. 99. Ibn Hishâm/Ibn Ishâq (1955), Bd. II, S. 233; Ibn Ishâq (2017), S. 401. – Mâwardî (1409 H.), S. 222, merkt an, dass Muhammad in diesem Fall seiner Neigung zur Barmherzigkeit nicht folgen konnte, weil er einem göttlichen Gebot folgen musste; vgl. auch Kister (1986), S. 69. Manche Überlieferungen unterstreichen, dass der Prophet vom plötzlichen Eingreifen Gabriels erschrocken war, oder ergänzen, dass er vergeblich einen Aufschub von einigen Tagen erbat: vgl. al-Halabî (1427 H.), Bd. II, S. 441. 100. Munâwî (1391 H.), Bd. I, S. 147, Anm. 158. 101. Vgl. K 66,4. 102. Vgl. die Miniatur, die Gabriel zeigt, wie er den byzantinischen Kaiser Basileios I. zum Herrn der Welt krönt: Dagron (1996), S. 203 und Abb. 7. Diese wäre zu vergleichen mit der Rolle des Engels in den Miniaturen, die Muhammad als Krieger darstellen: Hillenbrand (2014), Tafeln 11 u. 12. 103. Hammâd b. Ishâq (1984), S. 48 f. 104. Hammâd b. Ishâq (1984), S. 46; Mâwardî (1409 H.), S. 218. 105. Hammâd b. Ishâq (1984), S. 54. – Der Empfang von Delegationen arabischer Stämme durch Muhammad ist in der Sîra eine weitere Gelegenheit, um zu überprüfen, ob er ein Prophet oder ein König ist; vgl. Guillaume (1967), S. 638 f. 106. Gril (2000), S. 68.

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107. K 17,79. 108. Tabarî (1405 H.), Bd. XV, S. 145, über K 17,79. 109. [Zu diesen beiden Eigenschaften des Propheten vgl. den Beitrag von D. Gril im vorliegenden Band.] 110. Tabarî (1405 H.), Bd. XV, S. 145: wa-lâ fî iq‘âd Muhammad s. mûjiban lahu sifat al-rubûbiyya wa-lâ makhrajahu min sifat al-‘ubûdiyya li-rabbihi. Zu Muhammads Inthronisierung vgl. Gilliot (1990), S. 250–254. Zur Interpretation ’Ibn ‘Arabîs vgl. Chodkiewicz (1997). Eine Miniatur, die Muhammad auf einem himmlischen Thron sitzend zeigt, findet sich bei Tanındı (1984), Tafel 31. 111. Massignon (1931), S. 41; Arnaldez (1986). 112. Vgl. Philipper 2,6–9. 113. Abû Nu‘aym (1986), Bd. I, S. 600 ff. Vgl. Matthäus 4,11; Lukas 11,31. 114. Abû Nu‘aym (1974), Bd. IV, S. 12, 54; Chialà (2009), S. 39; Mourad (2004), S. 89 f. 115. Tabarî (2016b), S. 71, 103–105; Demiri (2013), S. 143 ff.; Reynolds (2004), S. 160 f., 199 f. 116. Tabarî (2016a), S. 443 ff. 117. Râzî (1933), Bd. II, S. 221f., zu 2,30. 118. Philipper 2, 6-7. 119. Stroumsa (1983), S. 281-284. 120. Andrae (1917), S. 350ff.; Kazimirski (1860), Bd. II, S. 288. 121. Ibn ‘Arabî (o.J.): Futûhât, Bd. II, S. 405. 122. Vgl. Schäfer (2012), S. 236-264.

INDEX

Mots-clés : Muhammad, prophète roi, prophète serviteur Schlüsselwörter : Muhammad, königlicher Prophet, dienender Prophet

AUTEURS

SAMUELA PAGANI Samuela Pagani ist Professorin für arabische Sprache und Literatur an der Università del Salento in Lecce (Italien). Nähere Informationen finden Sie hier.

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Der Körper des Propheten

Denis Gril Traduction : Bettina Engels et Nikolaus Gramm

NOTE DE L’ÉDITEUR

Wir danken Herrn Denis Gril für die freundliche Genehmigung, diesen Artikel in deutscher Übersetzung zu publizieren. Nous remercions M. Denis Gril de nous avoir accordé l’autorisation de traduire ce texte pour le présent numéro.

1 Die Beziehung des Körpers zum Heiligen ist eine doppelte: Der Körper ist vom Heiligen gezeichnet und spiegelt dessen Gegenwart wider. Wenn man es als das definiert, was – im Gegensatz zur gewöhnlichen oder profanen Welt – die Spur des Göttlichen trägt, so hat das Heilige im Islam seine Quelle vor allem in der Offenbarung, einer transzendenten Realität, die dem Koran zufolge auf das Herz des Propheten herabgekommen ist.1 Zugleich Empfänger und Übermittler des heiligen und heiligenden Wortes, ist der Prophet daher primär an der Stiftung von Sakralität beteiligt. Diese gesetzgeberische Rolle der Propheten lässt sich am Beispiel Abrahams illustrieren, der zu Gott betet und die Stadt Mekka und ihre Umgebung zu heiligem ( ḥarâm) Territorium erklärt.2 Der Prophet verfügt im Gefolge seines Stammvaters dasselbe für Medina.3 Die Sakralisierung eines Ortes, einer Sache oder eines Lebewesens macht sie unverletzlich und belegt sie mit gewissen Verboten. Mit der Aufstellung des Gesetzes wird der Gegensatz heilig / profan durch den Gegensatz verboten / erlaubt ( ḥarâm / ḥalâl) ergänzt, der mit seinen Unterkategorien Dinge, Personen und Taten qualifiziert. Da alles vom göttlichen, offenbarten oder kosmischen Gesetz bestimmt ist, kann sich, einer bestimmten Sichtweise zufolge, nichts der Kategorie des Heiligen entziehen. Nach der Sunna ist die Erdoberfläche, die dem Propheten und seiner Gemeinschaft als Ort der Läuterung und des Sichniederwerfens gegeben ist,4 zur Gänze heilig, mit Ausnahme bestimmter, durch menschlichen oder tierischen Gebrauch beschmutzter Orte, an denen das Gebet verboten ist. Ebenso ist jeder Mensch für seinen Nächsten heilig, wie der Prophet auf seiner Abschiedswallfahrt, die Hauptgebote des

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Gesetzes zusammenfassend, noch einmal feierlich erklärt.5 Alle Wesen und Dinge haben daher zu verschiedenen Graden am Heiligen teil, und ihr profaner Charakter ist nur Ausdruck davon, dass ihnen ein spezifischer Status der Heiligkeit fehlt. Für die Menschen gilt, dass ihr mehr oder minder enger Kontakt zum Sakralen ihrer Person und insbesondere ihrem Körper ein größeres oder kleineres Maß an Heiligkeit (sacralité ) verleiht. Sie ist entweder mit einem Amt – z. B. dem Priesteramt – verbunden oder mit einer inneren Nähe zum Göttlichen, die zwar als solche nicht wahrnehmbar ist, doch an bestimmten – mitunter körperlichen – Zeichen abgelesen werden kann. Das, was man im Allgemeinen als Heiligkeit (sainteté) bezeichnet, und die Erforschung ihrer Erscheinungsformen haben das Interesse der Organisatoren dieses Kolloquiums an Ort und Funktion des Körpers sowohl in der hagiographischen Literatur als auch in den Praktiken der Spiritualität und der Heiligen-»Verehrung« geweckt.

2 Über die Bedeutung des Körpers und seine Bewertung im heiligen Gesetz des Islam, ebenso wie in den Riten und den zahlreichen von diesem Gesetz vorgeschriebenen Lebensregeln, gibt es viel zu sagen. In den verschiedenen Initiationsmethoden des Sufismus spielt der Körper eine nicht minder große Rolle, und die innere Verehrung, die den spirituellen Meistern und den Heiligen im Allgemeinen zuteil wird, erstreckt sich auch auf ihren Körper. Die in unseren Untersuchungen gelegentlich berührte Frage hätte eigentlich eine eigene Forschungsarbeit verdient.

3 Im vorliegenden Aufsatz soll nun gezeigt werden, dass die Verehrung der Körper der Heiligen und die Erwähnung ihrer körperlichen Eigenschaften größtenteils dem Modell des von seinen Gefährten verehrten und beschriebenen Propheten folgt.6 Seine Nähe zu Gott und die Herabsendung von Gottes Wort auf ihn machen ihn zum Heiligsten unter den Menschen und seinen Körper zum heiligsten aller Körper. Dem Kontakt mit ihm wird allergrößter Respekt gezollt, und er wird sogar als Wegzehrung für das Jenseits betrachtet. Die Wiederaufnahme dieses Modells in der hagiographischen Literatur oder in den Anstandsregeln (âdâb) für die Beziehungen zwischen Meister und Schüler könnten das Thema einer weiteren Studie sein.

4 Der Koran spricht nicht vom Körper des Propheten, sondern allein von seinem Herzen, dem Ort der herabgesandten Offenbarung. Es wird einfach nur daran erinnert, dass die Heiligen essen, trinken und auf Märkte gehen wie alle anderen Menschen, um ihr von den Engeln verschiedenes menschliches Wesen zu betonen (Koran 21:8, 23:33, 25:20). Die Sunna dagegen beinhaltet zahlreiche Berichte über die körperliche Erscheinung Muhammads und die seinem Körper gezollten Ehrerbietungen. Den Überlieferern und Kompilatoren solcher Informationen war also bewusst, dass die unabdingbare Beziehung zwischen dem – mit der Welt Gottes und der Engel in Kontakt stehenden – Herzen dieses Menschen und seinem Körper Letzteren heiligte. Die Verbindung zwischen der äußeren Erscheinung und der inneren Form, zwischen khalq und khulq, wird in der Sunna als offenkundige Tatsache dargestellt – ganz gleich, ob es um den Propheten oder einen beliebigen Menschen geht. Die die Genesis aufgreifende Überlieferung, der zufolge Adam nach dem Bild oder der Form Gottes geschaffen wurde (Bukhârî 2001, [isti’dhân] 1, Nr. 6228), stellt die Frage nach den subtilen und geheimnisvollen Beziehungen zwischen Körper und Seele bzw. Geist. Die griechischen und später die islamischen Philosophen haben sich lange mit dieser Frage befasst.7

5 Die arabische Sprache kennt drei verschiedene Wörter für den Körper und spiegelt so die Komplexität der Beziehung zwischen Körper und Geist wider. Im Koran bezeichnet jism (Pl. ajsâm) den Körper im Allgemeinen, den körperlichen Aspekt des Menschen, in

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Entsprechung oder in Gegensatz zu seiner inneren Dimension. Um das Königtum Sauls zu rechtfertigen, erklärt der Prophet (Samuel) den Söhnen Israels: »Gott hat ihn aus euch еrwählt und ihm Größе an Wissеn und Gestalt verliehen (zâda-hu basṭatan fî l-‘ilm wa l-jism)« (Koran 2:247), und Gott sagt dem Propheten hinsichtlich der Heuchler: »Wеnn du siе siеhst, gеfallеn dir ihrе Gеstaltеn« (ebd. 63:4). Jasad bezeichnet dagegen die körperliche Form, die ein Geist angenommen hat, um den Menschen zu erscheinen. Wie bereits angedeutet, wird dieser Ausdruck auf die Propheten angewandt, um sie von Engeln zu unterscheiden: »Wir machten sie nicht zu Körpern, die nicht essen, und sie warеn nicht еwig« (ebd. 21:8). Um Salomo auf die Probe zu stellen und ihm die gänzliche Abhängigkeit seiner Königlichkeit vor Augen zu führen, installiert Gott – so eine der Interpretationen dieses Verses – einen Dämon auf Salomos Thron, der vierzig Tage lang an dessen Stelle regiert: »Wir prüften Salomo und sеtztеn auf sеinеn Thron еinе Gеstalt. Dann kehrte er reumütig um« (ebd. 38:34). In ähnlichem Sinne wird das Goldene Kalb jasad genannt, denn die Statue wurde durch ein paar Spritzer jenes Schlicks beseelt, auf dem Gabriels Pferd bei der Durchquerung des Roten Meers einen Hufabdruck hinterlassen hatte und der dann von Sâmirî aufgesammelt wurde.8 Der Begriff badan dagegen wird nur ein einziges Mal verwendet, als der Körper des Pharaos von den Fluten verschont wird, denn mit diesem Wort wird, den Exegeten zufolge, »ein Körper ohne Geist« (jasad lâ rûḥa fî-hi) bezeichnet.9 Ein Geist kann also in einen Körper hinabsteigen, so wenn Gabriel dem Propheten oder den Gefährten – ohne aber von ihnen erkannt zu werden – in Menschengestalt erscheint.10 Man spricht dann von der »Körperwerdung« (corporisation) der Geister (tajassud al-arwâḥ). Im Falle des Engels oder niederen Geistes löst sich diese körperliche Form auf, wenn der Geist sie verlässt, während der verstorbene Mensch als lebloser Körper zurückbleibt. Die genaue Verwendung dieser drei Begriffe im Koran entspricht nicht unbedingt ihrem weitgehend austauschbaren Gebrauch im klassischen Arabisch, wenn man dem Lisân al-‘Arab, dem großen Wörterbuch des Ibn Manzûr (gest. 711/1311) Glauben schenkt.11 Im Hadith bestätigen die Fundstellen von jasad – das weit häufiger als das sehr wenig bezeugte jism vorkommt – diese Auffassung des Körpers in seiner Beziehung zum Geist. 12

Der Körper des Erwählten

6 Der Körper des Siegels der Propheten, des Erwählten unter den Erwählten, kann nur ein außergewöhnlicher Körper sein, denn er ist dazu bestimmt, das Wort Gottes aufzunehmen. Bereits vor seiner Geburt, bei seiner Zeugung, nach oder während seiner Ankunft auf der Welt begleitet ein sichtbares Zeichen seinen ersten irdischen Auftritt. Seine Mutter sieht in der Schwangerschaft ein Licht aus sich hervortreten, das die Schlösser von Bosra in Syrien erleuchtet (Ibn Hishâm 2017 [1884], 63). Dieses Licht, das nach der Sîra von ihrem Vater ‘Abdallâh auf ihre Mutter Amîna überging (ebd., S. 62 f.), stellt das In-die-Welt-Herabsteigen des Körpers des prophetischen Geistes dar.13 Der Bericht von der Kindheit des Propheten hebt sein rasches Wachstum während des Aufenthaltes bei seiner Amme Ḥalîma al-Sa‛diyya hervor. Dort wird sein Körper einer Operation unterzogen, die der Reinigung seines inneren Seins dient. Laut seinem Milchbruder, mit dem er die Schafe hütet, bringen zwei weißgekleidete Männer ihn in ihre Gewalt, öffnen ihm das Herz, entfernen daraus ein schwarzes Blutgerinnsel und waschen Herz und Eingeweide mit Schnee. Diese Episode muss man zu den Worten in

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Beziehung setzen, die die Mutter Marias bei der Geburt ihrer Tochter an Gott richtet: »Ich habе еs [das Kind] Maria gеnannt und stelle es mit ihren Nachkommen unter deinen Schutz vor dеm gesteinigten Satan.« (Koran 3:36). Gemäß der exegetischen Tradition wurden nur Maria und Jesus vor der Berührung Satans geschützt, der die Kinder bei ihrer Geburt weinen lässt (Ṭabarî, A. 1971, Bd. 6, S. 336–343). Dieser Schutz hat Maria zum vollkommenen Gefäß des Gottesworts und ihren Sohn zu dessen offenbarer Inkarnation gemacht. Muhammad, der im Gegensatz zu Jesus nicht als Prophet geboren wird, verkörpert eine scheinbar gewöhnliche Menschlichkeit, um mittels dieser das Werk Gottes – hier: der Reinigung – zu offenbaren. Die Menschen müssen auch seinem – körperlichen und geistigen – Vorbild folgen; das bezeugt der göttliche Schutz, um den er auch während der Koranlektüre noch bitten muss.14 Vor der Nachtreise und der Himmelfahrt – einem Ereignis, das in umgekehrter Spiegelbildlichkeit zur Herabkunft des Wortes steht und das Auserwähltsein des Propheten besiegelt – wird sein Herz ein zweites Mal geöffnet, gewaschen und vom Glauben erfüllt, um ihn auf die Schau der höchsten Zeichen vorzubereiten.15 Es geht ein weiteres Mal darum, den Körper auf ein sicherlich spirituelles, doch die Gesamtheit seines Seins betreffendes Ereignis vorzubereiten. Tatsächlich reist Muhammad mit seinem Körper16 von Mekka nach Jerusalem, um von dort aus durch die Himmel zu seinem Herrn aufzufahren.

7 Die Vorbereitung von Herz und Körper erklärt sich aus der für die Aufnahme des Wortes und die Auffahrt zu Gott erforderlichen Reinheit, aber auch aus dem belastenden Charakter der Offenbarung. Der Bericht von Muhammads erster Engelserscheinung betont deren physische Auswirkungen: die dreifache Umarmung des Engels, die den Propheten beinahe ersticken lässt, bevor er die ersten Verse des Korans wiederzugeben vermag, ebenso wie das Beben, das anschließend seinen Körper ergreift (Bukhârî 2001: Vom Beginn der Offenbarung (bad’ al-waḥy) 1, Nr. 1–4). Diese körperlichen Reaktionen begleiten seine gesamte Mission. ‘Â’isha berichtet, sie habe an einem sehr kalten Tag den Schweiß auf seiner Stirn herabrinnen gesehen. Im Sitzen, seinen Oberschenkel auf dem Schenkel eines Gefährten abgestützt, beginnt der Prophet, die Offenbarung zu empfangen. Dabei wird sein Schenkel so schwer, dass der Gefährte das Gefühl hat, der eigene werde ihm gleich brechen.17 Ebenso versagen die Vorderbeine der Kamelstute, die der Prophet reitet, als der Koran auf ihn herabkommt, ihren Dienst (Ibn Sa‘d, o. J., Bd. 1, S. 197). Diese Details unterstreichen, wie sich die Wirkungen des an das Herz gerichteten Wortes bis in die körperliche Welt fortsetzen und damit denjenigen, der es empfängt, heiligen. Sein Körper trägt sogar das Zeichen seiner Mission: Zwischen seinen Schulterblättern findet sich »das Siegel des Prophetentums« (khâtam al-nubuwwa), eine Art Höcker aus Körpergewebe, das mit einem Taubenei, einem Apfel oder dem Abdruck eines Saugnapfes verglichen worden ist. Dank dieses körperlichen Zeichens wird er endgültig als der Prophet anerkannt, den gewisse in der Tradition der »Leute der Schrift« stehende Persönlichkeiten – wie der Mönch Baḥîrâ, der seinen Onkel Abû Ṭâlib in Syrien begleitet,18 oder Salmân kurz vor seiner Ankunft in Medina – schon erwartet haben (Ibn Hishâm 1995, Bd. 1, S. 220).19

Schleier und Heiligkeit

8 Da er von Kind auf die körperlichen Zeichen seines Auserwähltseins trägt, da er wächst und – mehr als jeder andere Mensch – dem Blick Gottes ausgesetzt ist, kann

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Muhammad nicht dieselbe Beziehung zu seinem Körper pflegen wie ein gewöhnlicher Mensch. Die Nacktheit war bei den vorislamischen Arabern offensichtlich nicht mit einem Verbot belegt.20 Als er mit anderen Kindern Steine schleppt, legt der zukünftige Prophet genau wie die anderen seinen Lendenschurz ab, um damit seine Schulter zu schützen. Gleichsam aus dem Nichts erhält er eine Ohrfeige und vernimmt den Befehl, seinen Lendenschurz wieder anzulegen. Als junger Mann beteiligt er sich später am Wiederaufbau der Ka‘ba. Sein Onkel al-‘Abbâs rät ihm, es wie alle Welt zu halten und den Lendenschurz zum Steinetragen zu verwenden. Er gehorcht schließlich, fällt aber alsbald in Ohnmacht und bedeckt seine Blöße (Ibn Hishâm 1955, Bd. 1, S. 183).

9 In seinem Eheleben zeigt er sich niemals nackt und richtet seinen Blick nie auf die Geschlechtsteile seiner Ehefrauen,21 obwohl ein solcher Blick unter Eheleuten erlaubt ist. Dies tut er nicht allein aus Scham, sondern auch um die Heiligkeit des Körpers zu bewahren, der nicht gesehen werden darf und auch nicht sehen darf, was einen Schleier zwischen den Propheten und die Schau der heiligen Dinge legen könnte. Obwohl die Sexualität im Islam zutiefst vom Sakralen geprägt ist, baut der sexuelle Kontakt doch normalerweise mindestens eine Distanz zur Gegenwart Gottes und der Engel auf. Als der Prophet nach der ersten Erscheinung Gabriels an der Natur des Wesens zweifelt, das sich ihm gezeigt hat, bittet ihn seine Frau Khadîja, sie im Falle einer erneuten Erscheinung zu verständigen, und er leistet ihrer Bitte Folge. Nach einer Version dieser Anekdote nimmt sie ihren Schleier ab, nach einer anderen Version schmiegt sie sich unter seiner Tunika an den Körper des Propheten. Der Engel, der sich einem Mann in so inniger Verbindung zu seiner Frau nicht nähern darf, entfernt sich; Muhammad ist daraufhin beruhigt und hat nun die Gewissheit, keinem Dämon aufgesessen zu sein (Ibn Hishâm 1955, Bd. 1, S. 239). Der Körper in seiner ambivalenten Beziehung zum Sakralen findet sich hier an der Grenze zweier Intimitäten, die gleichermaßen heilig sind, sich aber wechselseitig ausschließen. Für den unmittelbaren Kontakt zu Gott oder seinem Boten müssen Mann und Frau getrennt bleiben – von jeder Beziehung zum anderen gereinigt, wie die Verbote im Kontext der Gebetsriten, des Fastens, der Pilgerreise oder der sexuellen Beziehungen zeigen –, um die Reinheit des Herzens zu bewahren und die familiären und gesellschaftlichen Beziehungen zu schützen.

Ein außergewöhnlicher Körper

10 Die Beziehung des Propheten zu seinen Ehefrauen dient den Gläubigen beiderlei Geschlechts als Vorbild und veranschaulicht ein anderes Modell der Teilhabe des Körpers am Sakralen, das die eheliche Vereinigung und die Körperpflege würdigt. Hier müssen wir lediglich den Hadith zitieren: »Aus eurer Welt sind mir die Parfüme und die Frauen lieb geworden, und die ›Frische meines Auges‹ wurde mir beim Gebet zuteil.«22 Auf diesem Gebiet erscheint der Körper des Propheten, genau wie auf anderen, ganz außergewöhnlich. Einer Überlieferung zufolge hatte er die sexuelle Potenz von vierzig Männern (Ibn Sa‘d, o. J., Bd. 1, S. 374) und beglückte in einer Nacht alle seine Frauen. Ein einziges Mal und allein für die Zwecke seiner Mission demonstriert er außergewöhnliche Körperkraft: In Mekka begegnet er Rukâna, einem im Ringkampf als unbezwingbar geltenden Mann aus seinem Clan, und er fordert ihn auf, den Islam anzunehmen. Rukâna weigert sich. Der Prophet fragt ihn, ob er die Wahrheit seiner Botschaft anzuerkennen bereit sei, wenn es ihm gelänge, ihn im Kampf zu besiegen.

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Rukâna willigt ein. Zweimal streckt ihn der Prophet nieder. Daraufhin gibt er einem Baum ein Handzeichen, zu ihm zu kommen, und befiehlt ihm im Anschluss, an seinen Platz zurückzukehren. Von dieser Machtdemonstration ist der Ringer zwar beeindruckt, doch der Glaube durchdringt nicht sein Herz. Er kehrt zu den Seinigen zurück und sagt: »›O ihr Söhne ‘Abd Manâfs [Muhammad ist ein Nachfahre ‘Abd Mânafs, A.d.Ü.], ihr könnt mit eurem Freunde allen Bewohner der Erde verzaubern, denn bei Gott, ich habe nie einen größeren Zauberer gesehen.‹ Er erzählte ihnen dann [,] was Mohammed getan und was er selbst gesehen hatte.« (Ibn Hishâm 2017 [1884], S. 161) Diese Art spektakulärer, doch wirkungsloser Großtaten, mit denen die Menschen zu Gott hingeführt werden sollen, ist im Leben des Propheten kaum bezeugt. Es sind andere Qualitäten – eine subtilere Wahrnehmung oder Aktion –, die sein wundersamer Körper im Allgemeinen zeigt. Eines Tages warnt er seine Gefährten: »Ich bin euer Imam; geht vor mir weder geneigt noch kniefällig her und erhebt nicht das Haupt vor mir, denn ich sehe genauso gut vor wie hinter mir. Bei dem, der die Seele Muhammads in seiner Hand hält, wenn ihr sähet, was ich sehe, würdet ihr wenig lachen und viel weinen. Sie fragten: ›O Gesandter Gottes, was hast du gesehen?‹– ›Das Paradies und die Hölle‹, antwortete er.«23

11 Das Sehvermögen des Propheten ist also weder durch den Raum noch durch die Grenze zwischen dieser und der anderen Welt beschränkt; sein Körper ist nicht mehr das Hindernis, das er für gewöhnliche Menschen ist, sondern folgt vielmehr seiner prophetischen Wahrnehmung.

12 Muhammad liebt nicht nur Parfums, sein Körper selbst verbreitet einen Moschusgeruch. Laut Jâbir bin ‘Abdallâh konnte man ihm in Medina folgen, weil er im Vorübergehen einen Parfümgeruch hinterließ. Alle Ausscheidungen seines Körpers verströmten diesen Moschusgeruch: sein Speichel, sein Schweiß und selbst seine Exkremente, die nicht allein wohlriechend, sondern ‘Â’ishas Bericht zufolge auch unsichtbar waren (Bayhaqî 1985, Bd. 6, S. 69 f.).24

13 Die Sîra oder der Hadith schreiben dem Propheten eine gewisse Zahl von Wundern zu, seien es Krankenheilungen oder Eingriffe zur Behebung von Schwierigkeiten. Sein Körper, insbesondere seine Hände, und die Emanationen seines Körpers wie Atem oder Speichel – oder beide zugleich – sind häufig das Hilfsmittel dieser Wunder. Oft bedient er sich seiner Hände. Er legt seine Hand mit gespreizten Fingern auf Fâṭimas Hals, die Hunger leidet und ein äußerst blasses Gesicht hat, und ruft Gott an. Das Gesicht des Mädchens nimmt sogleich eine gesunde Farbe an, und sie beteuert, von diesem Moment an keinen Hunger mehr gekannt zu haben (Bayhaqî 1985, Bd. 6, S. 108).25 Er legt seine Hand auf den Rand eines Brunnens, aus dem sogleich wieder Wasser hervorströmt (Ibn Hishâm 2017 [1884], S. 531), und mehrere Gefährten versichern, das Wasser aus seinen Fingern hervorsprudeln gesehen zu haben (Bayhaqî 1985, Bd. 6, S. 9–11, 62). Bei der Aushebung des Grabens in Medina widersetzt sich ein kompakter Felsblock der Hacke der Gefährten. Der Prophet spuckt in einen Behälter, spricht ein kurzes Gebet und gießt dann die Flüssigkeit über dem Felsen aus, der weich wird und keinerlei Widerstand mehr leistet (Ibn Hishâm 1955, S. 217 f.). Am Tag des Khaybar-Feldzugs übergibt er die Standarte an ‘Alî, dessen Augen voller Augenschleim sind. Ihn anhauchend, spuckt (tafala) er auf die kranken Augen. ‘Alî ist nicht nur geheilt, sondern von diesem Tag an mit übermenschlicher Kraft gesegnet; er kann alleine ein schweres Tor aus den Angeln heben und ermöglicht den Muslimen so die Einnahme der befestigten Stadt (Ibn

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Hishâm 1955, S. 334 f.).26 Der Prophet heilt eine zuvor unheilbare Wunde, indem er an seinem kleinen Finger leckt, mit diesem die Erde Medinas berührt und ihn dann über die Wunde gleiten lässt, wobei er folgende Beschwörungsformel spricht: »Bei deinem Namen, o mein Gott, der Speichel von einem unter uns heilt zusammen mit dem Staub unserer Erde unseren Kranken, mit der Erlaubnis unseres Herrn.« (Bayhaqî 1985, Bd. 6, S. 170) So lehrt er seine Gemeinschaft, sein Heilvermögen und die Heilwirkung der geheiligten Erde Medinas zu entdecken.

14 Die Wundertätigkeit des Prophetenkörpers, die sich auf viele Heilige übertragen wird, geht – wie wir sehen werden – mit einer an diesen Körper geknüpften eschatologischen Hoffnung einher. Es ist normal, dass ein vom Wort Gottes durchströmter Körper von dessen Regenerations- und Heilkraft durchdrungen ist.27 Allerdings erklärt sich das Interesse, das die Gefährten und die dann folgenden Generationen von Muslimen der physischen Erscheinung des Propheten und seinem Charakter entgegengebracht haben, gleichermaßen aus der Vorstellung, dass jeder dieser Züge – gemäß den Gesetzen des Physiognomie28 – von Bedeutung sein kann und dass der Eindruck von Harmonie und Gleichgewicht, der von seiner Person ausgeht, seine physische und zugleich spirituelle Vollkommenheit widerspiegelt. Sein junger Diener Anas bin Mâlik beschreibt ihn folgendermaßen: »Er hatte unter den Leuten eine durchschnittliche Körpergröße; er war weder groß noch klein, hatte eine gesunde, schöne und durchblutete Hautfarbe, die weder auffallend hellweiß noch dunkel war. Sein Haar war weder kurz und krausig noch glattfallend noch sehr lang. Auf ihn wurde die Botschaft herabgesandt, als er vierzig Jahre alt wurde. Er verbrachte in Makka zehn Jahre, in deren Verlauf die Offenbarung zu ihm kam. In Al-Madîna verbrachte er noch zehn Jahre; und als er starb, waren auf seinem Kopf und in seinem Bart zusammen nicht einmal zwanzig weiße Haare« (Bukhârî 2015, manâqib 3547, S. 375). In diesem kurzen Text leitet die Beschreibung des physischen Erscheinungsbildes die Erinnerung an die beiden Phasen seiner prophetischen Karriere ein und schließt sie auch wieder ab – was zeigt, dass für den Gefährten, der diesen Text verfasste und den Propheten aus der Nähe kannte, beides in engstem Zusammenhang steht. Alle Hadith- Sammlungen enthalten ein Kapitel mit Beschreibungen des Propheten (ṣifât al-nabî). Die Schilderung seiner körperlichen Erscheinung brachte sogar eine Art Vulgata hervor, den Hadith ‘Alîs, in dem der Prophet sehr genau beschrieben wird: »Er war weder übermäßig groß noch klein und stämmig, sondern von mittlerer Größe. Sein Haar war weder besonders kraus noch glatt, sondern lang und gewellt. Sein Gesicht war nicht zu groß, seine Wangen nicht zu rund. Seine Haut war weiß mit einem rosigen Teint. Seine Augen waren tiefschwarz, seine Wimpern waren lang. Seine Gliedmaßen und seine Schultern waren kräftig. Seine Brust war stark behaart, seine Hände und Füße aber weniger. Er ging mit schnellen Schritten, als ob er einen Hang hinabliefe. Wenn er sich umdrehte, wandte er seinen ganzen Körper herum. Er, der das Siegel der Propheten war, trug zwischen den Schultern das Siegel des Prophetentums. Niemand gab freigiebiger als er, niemand hatte eine offenere Brust. Er war der wahrheitsliebendste der Menschen, hielt seine Versprechungen mit größter Treue, hatte den mildesten Charakter und war in Gesellschaft äußerst entgegenkommend. Wer ihn zum ersten Mal sah, verspürte respektvolle Furcht; wer häufig mit ihm zusammenkam, liebte ihn. Der Autor dieser Beschreibung fügte noch hinzu: ›Niemals habe ich vorher oder nachher jemanden wie ihn gesehen – Gott möge ihm Gnade und Frieden gewähren.‹« (Ibn Hishâm 1955, Bd. 1, S. 401 f.).29

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Diese Überlieferung ist sogar ein kalligraphisches Motiv geworden: Der Text wurde in der Regel in einen illuminierten, Ḥilya (Schmuck, Zierde) genannten Rahmen eingeschrieben.30 Symbolisch betrachtet wird der Körper wenn nicht zum Wort, so doch zur Schrift, was nahelegt, dass er, vom göttlichen Wort und dessen Bedeutung erfüllt, zum Buch wird – so wie vom Propheten gesagt wird, dass »er ein auf der Erde wandelnder Koran war«.

15 Diese Beschreibungen beschränken sich nicht auf den Propheten. Dieser berichtet – vor allem in bestimmten Versionen der Himmelfahrt – von den Begegnungen mit einigen seiner Vorgänger: »›Ich bin Moses begegnet‹, und er beschreibt ihn:31 ›Es war ein Mann mit zitterndem Körper (?) und glattem Haar, wie einer aus dem Stamm der Shanû’a. Ich bin Jesus begegnet‹, und er beschreibt ihn: ›Er war mittelgroß, von rötlicher Gesichtsfarbe, so als wäre er gerade dem Bade entstiegen. Ich sah Abraham, und ich bin es, der ihm von all seinen Nachfahren am meisten gleicht […].‹«32

16 Nach einer anderen Überlieferung sieht der Prophet im Traum Jesus die Ka‘ba umschreiten. Er beschreibt ihn als einen sehr schönen Mann mit recht dunklem Teint und glattem Haar, das ihm über die Schultern fällt; Wassertropfen perlen auf seinem Gesicht, und seine Hände liegen auf den Schultern zweier Männer. Er bemerkt hinter sich einen kraushaarigen Mann, dem das rechte Auge fehlt, der ebenfalls die Ka‘ba umkreist und sich, die Hände vorne auf den Schultern eines anderen Mannes (also hinter ihm), fortbewegt. Ihm wird erklärt, dass es sich bei diesem Mann um den Antichristen handelt (Bukhârî 2001, manâqib, Nr. 3440). Diese Beschreibung betont die Ähnlichkeit und den Unterschied zwischen Christus und seinem Widersacher. Die Wesen tragen das Zeichen ihrer Funktion, und ihre Körper bringen ihre höhere oder niedere Realität zum Ausdruck. Wenn das Siegel des Prophetentums – ein fleischiger Höcker, den der Prophet zwischen den Schulterblättern trägt – eines der physischen Zeichen ist, an denen ihn erkennen kann, wer die entsprechenden Voraussagen der heiligen Schriften kennt,33 so müssen sein gesamter Körper, die Gesamtheit seiner Gesten wie auch der gesamte Ablauf seiner Mission dem entsprechen, was die »Leute der Schrift« dem Koran zufolge über ihn wissen.34 In einer auf ‘Alî zurückgehenden Überlieferungen erzählt dieser, dass er vom Propheten als Missionar in den Jemen gesandt wurde. Dort wird er von einem Rabbiner, der ein Buch in der Hand hält, angesprochen und gebeten, Abû l-Qâsim (den Propheten) zu beschreiben. ‘Alî beschreibt diesen in Wendungen, die mit der oben zitierten Überlieferung vergleichbar sind, und der Rabbiner fragt ihn: »Und was noch?« Als er antwortet, dass das alles sei, was ihm in den Sinn kommt, setzt der Rabbiner die Beschreibung fort, und ‘Alî bestätigt sie. Ersterer bemerkt dann, diese Beschreibung sei im »Buch meiner Väter« (sifr âbâ’i) zu finden; er ruft in aller Kürze die Etappen von Muhammads Mission in Erinnerung und bezeugt seinen Glauben an ihn (Ibn Sa‘d, o. J., Bd. 1, S. 412 f.). Hier ist nicht das wohlbekannte Thema der Ankündigung des Propheten in den heiligen Schriften von Juden und Christen von Interesse, sondern die Tatsache, dass diese sich in großen Teilen auf die Beschreibung eines Körpers stützt, der in all seinen Teilen und all seinen Taten vom Erbe des Prophetentums gezeichnet ist.35 Autoren wie Bayhaqî (gest. 458/1066; ders. 1985, Bd. 1., S. 194–275) und Ibn al-Jawzî (gest. 597/1200) übernehmen all die überlieferten Beschreibungen des Propheten und zählen jeden kleinsten Teil seines Körpers einzeln auf. Der letztgenannte Autor gibt eine äußerst detaillierte Beschreibung: Kopf, Stirn, Augenbrauen, Augen und Wimpern, Wangen, Nase, Mund und Zähne, Atem, Gesicht, Bart, Haar, Hals, Schultern, Rücken zwischen den

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Schulterblättern, Brust, Bauch, Nabel, Finger, Unterarme, Beine, Fersen, Füße, Gelenke, sein ausgewogener Körperbau, Größe, Haut, Farbe, Schönheit, Schweiß, das Siegel des Prophetentums. Dann folgen die moralischen und spirituellen Eigenschaften.36

17 Die Körper der Propheten – und des Propheten im Besonderen – lassen also gewisse Qualitäten und Tugenden erkennen, die das Normalmenschliche übersteigen; zum anderen wird ihr Leben mit der ihnen anvertrauten Mission identifiziert. Es kommt sogar vor, dass der Körper selbst zum Ort der Erscheinung Gottes wird. Der Koran lehrt die Gläubigen, dass der Körper, auch wenn er seiner Erscheinung nach Körper bleibt, letztlich einer anderen Wirklichkeit angehört. In Ḥudaybiyya reicht der Prophet den Gläubigen die Hand, damit sie den Treueid mit ihm erneuern; genau in diesem Augenblick ist seine Hand nicht mehr die seinige, sondern wird zum Vehikel der göttlichen Anwesenheit: »Die dir Treue geloben, geloben sie Gott. Gottes Hand ist auf ihrеr Hand.« (Koran 48:10.)

Die Gefährten und der Körper des Propheten

18 Allein der obenstehende Vers würde ausreichen, um die erstaunliche Verehrung der Gefährten für den Propheten verständlich zu machen – insbesondere für seinen Körper, so als würde sie der Kontakt zu seinem physischen Sein unmittelbar in die Gegenwart einer sakrosankten Wirklichkeit bringen.

Der verehrte Körper

19 Dieses Gefühl ist bei einigen Gefährten so ausgeprägt, dass es zu einer extremen Schamhaftigkeit führt, wie im bekannten Falle des ‘Uthmân, der verkündete, mit seiner rechten Hand nie wieder sein Geschlecht berührt zu haben, seit er dem Propheten mit ihr den Treueeid schwor.37 Letzterer reagiert auf diese Schamhaftigkeit. Denn so lobenswert sie sicherlich ist, unterscheidet sich ‘Uthmân durch sie von Abû Bakr und ‘Umar, deren größere Intimität mit dem Propheten auch eine andere – entspanntere – Beziehung zu seinem Körper mit sich bringt. Einer auf ‘Âisha zurückgehenden Überlieferung zufolge befand sich der Prophet, mit unbedeckten Beinen bzw. nur zum Teil bedeckten Oberschenkeln, in ihrem Schlafgemach. Abû Bakr und ‘Umar ersuchen nacheinander um Einlass und unterhalten sich mit dem Propheten. Als ‘Uthmân seinerseits darum bittet, hereingeführt zu werden, setzt sich der Prophet auf, bedeckt sich, und dann empfängt er ihn. ‘Âisha, die ihn daraufhin fragt, warum er sein Verhalten ändere, antwortet er: »Würde ich mich denn nicht vor einem Mann schämen, vor dem selbst die Engel Scham empfinden?« Einer anderen Version zufolge ist der Prophet lediglich in das Tuch (mirṭ) seiner jungen Ehefrau gehüllt. In dieser Garderobe empfängt er die ersten beiden, zieht sich dann aber wieder an, um den dritten zu empfangen, und erklärt seiner Frau: »‘Uthmân ist ein schamhafter (ḥayiyy) Mann; ich fürchte, wenn er mich in diesem Zustand sieht, wagt er nicht, mir von seiner Angelegenheit zu berichten.«38 Die Schamhaftigkeit ‘Uthmâns ist von der Art, dass sie ihn selbst, den Propheten und die Engel in eine Beziehung zum Heiligen bringt, die einer gewissen Verhüllung bedarf, um aufrechterhalten zu werden.

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Der geküsste Körper

20 Umgekehrt kann die Verehrung des Propheten aber auch in einem Verhalten extremer Vertraulichkeit zum Ausdruck kommen, das sich gleichermaßen durch seine Absicht und seine Umstände legitimiert sieht. Während der Schlacht von Badr, als der Prophet mit Hilfe eines Pfeils die Reihen ordnet, sticht er Sawâd bin Ghâziyya, einem der Anhänger (anṣâr) aus Medina, ziemlich hart in den Bauch, woraufhin dieser ausruft: » – O Gesandter Gottes, du hast mir wehgetan, und Gott hat dich mit Wahrheit und Gerechtigkeit gesegnet. Gewähre mir das Recht auf Vergeltung (le talion) (fa-aqid-nî)!« Der Prophet entblößt seinen Bauch und erwidert: »Nimm deine Rache!« Daraufhin nimmt Sawâd den Propheten in seine Arme und küsst ihm den Bauch. » – Was hat dich bewogen, dies zu tun, o Sawâd?« »O Gesandter Gottes, wir sind in der Gegenwart dessen, was du siehst, und ich wollte nicht von dir gehen, ohne meine Haut die Deine berühren zu lassen.« (Sîra, Bd. 1, S. 626). In einer ähnlichen Anekdote küsst ein anderer medinischer Anhänger, Sawâda bin ‘Amr, den Körper des Propheten und meint hinsichtlich der Vergeltung: »Ich verzichte darauf, damit du dich am Tag der Auferstehung für mich einsetzt.«39 Der Kontakt mit diesem heiligen Körper ist also, besonders an der Schwelle des Todes, Vehikel jenseitigen Heils. Das Wort Gottes wohnt in ihm, verwandelt ihn, besonders in seiner äußersten Schicht, die zu berühren den Gläubigen in sein erlösendes Licht taucht. Als der Prophet auf seinem Rückweg aus Ṭâ’if den ‘Addâs, einen aus Ninive stammenden, von den Banû Ṭaqîf versklavten Christen trifft, und dieser begreift, dass er einen Propheten vor sich hat, beeilt er sich, ihm Kopf, Hände und Füße zu küssen. Auf die Frage seines Herrn, warum er so etwas tue, antwortet er ihm wie folgt: »Mein Herr, es gibt auf der Welt keinen besseren als er ist, er hat mir etwas gesagt, das nur ein Prophet wissen kann« (Ibn Hishâm 2017 [1884], S. 175). Das Erkennen eines Propheten führt unweigerlich zur Bitte um Fürsprache, die durch den Kontakt zu dessen Körper unmittelbar aktualisiert wird.

Der konsumierte Körper

21 Allein der Kuss, so eifrig er auch gegeben sein mochte, genügte manch einem nicht. Einige Gefährten bemühten sich, alles aufzulesen, was der Körper des Propheten gegebenenfalls absonderte, um es sich anzueignen und es mit dem eigenen Fleisch und Blut zu vermischen. Diese Praktiken, die uns ebenso in Staunen versetzen, wie sie die Zeitgenossen in Staunen versetzt haben, erwachsen aus dem Glauben an eine Kontinuität zwischen irdischem Körper und Körper der Auferstehung. Ein vom Körper des Auserwählten, und sei es auch von seinen Ausscheidungen, durchdrungener Körper könnte nicht bestraft werden; seine Seele wäre damit gerettet. Nach dieser Repräsentation des Körpers geschieht alles so, als verwandele er die Seele, die er in sich trägt, auf dieselbe Art und Weise, wie sinnliche Begehren sie ins Verderben stürzen können. In Ḥudaybiyya ist ein als Unterhändler anwesender Abgesandter der Koreischiten erstaunt zu sehen, dass sich die Gefährten beeilen, das in dem Gefäß, an dem der Prophet seine rituellen Waschungen vollzogen hat, verbliebene Wasser zu trinken.40 Hier geht es lediglich um einen Kontakt mit seiner Hand, doch der Abgesandte beobachtet auch, dass sie Nasenschleim und Sputum des Propheten auffangen, um ihr Gesicht und ihren Körper sowie ihre Haare damit zu benetzen (Ibn Hishâm 1955, Bd. 2, S. 314; ders. 2017 [1884], S. 437). Einer anderen Überlieferung zufolge fragt der Prophet die Gefährten, warum sie dies täten. Sie antworten daraufhin,

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dass sie seine Segenskraft (baraka) suchten. Ohne es ihnen zu verbieten oder auch nur vorzuwerfen, führt der Prophet sie gleichwohl auf den Pfad der Tugenden, denn er sagt zu ihnen: »Wer will, dass Gott und sein Gesandter ihn lieben, der sage immer nur die Wahrheit, zahle zurück, was ihm anvertraut wurde, und tue seinem Nächsten kein Unrecht.« (Kândihlawî, 1968, Bd. 2, S. 580; nach Bayhaqî) Der Prophet, der sich einem Aderlass unterzogen hatte, beauftragt den noch ganz jungen ‘Abdallâh bin Al-Zubayr, das Blut irgendwo zu vergießen, »wo dich niemand sieht«. Letzterer nimmt das Gefäß, entfernt sich und trinkt den Inhalt. Bei seiner Rückkehr fragt ihn der Prophet: » – O ‘Abdallâh, was hast du mit dem Blut gemacht? – Ich habe es an den verstecktesten Ort gebracht, wo niemand es sehen kann. – Hast du es vielleicht getrunken? – Ja. – Und warum hast du das Blut getrunken? Wehe den Menschen vor dir und wehe dir vor den Menschen.«

22 Abû ‘Aṣim, einer der Übermittler dieser Überlieferung, fügt hinzu: »Man fragte sich, ob ‘Abdallâhs Kraft nicht von diesem Blut herrührte.« In einer anderen Version beantwortet der Knabe die Frage des Propheten, warum er so gehandelt habe, mit den Worten: »Ich wollte das Blut des Gottgesandten in meine Eingeweide leiten.« Der Prophet gibt ihm darauf dieselbe Antwort und fügt noch hinzu »Das Feuer wird dich nur heimsuchen, sofern Gott es geschworen hat«, was den Exegeten zufolge auf den Vers verweist: »Es ist niemand unter euch, der nicht dort hinunterkäme« (Koran 19:71). 41 Zu Uḥud sagt der Prophet über Mâlik bin Sinân, der das Blut aus seinen Wunden geleckt hat: »Mein Blut hat sich mit dem Seinen vermischt; das Feuer wird ihn nicht berühren.«42 Nichts anderes sagt er über Surra, die abessinische Dienerin seiner Frau Umm Salama; als er hört, dass sie seinen Nachttopf ausgetrunken hat, statt ihn zu leeren, spricht er: »Sie hat sich mit einem Gehege gegen das Feuer umgeben« (Kândihlawî 1968, Bd. 2, S. 581 f.).

23 Selbst wenn der Fall ‘Abdallâh bin Al-Zubayrs ein wenig untypisch ist, weil die Aufnahme des Blutes seinen tapferen, ungestümen Charakter unterstreicht und sein tragisches Schicksal ankündigt, wird das Verzehren von Stoffen, die normalerweise unrein und verboten sind, nicht untersagt, sondern weist vielmehr auf die postume Glückseligkeit derer voraus, die sie zu sich nehmen. Entsprechend der Ambivalenz des Begriffs ḥarâm wird das Unzulässige heilig, weil es der Glaube derjenigen verwandelt, die mit solchem Glauben an die Heiligkeit und eschatologische Wirklichkeit des Prophetenkörpers handeln, dass sie die irdischen Grenzen des (göttlichen) Gesetzes überschreiten und in den Schutz des beispiellosen Fürsprechers gelangen.

Der konservierte Körper

24 Der Islam kennt keinen Reliquienkult, sofern man unter Reliquien den toten Körper als ganzen oder seine Teile versteht. Der lebendige Körper des Propheten aber ist Gegenstand der oben beschriebenen Verehrung. Einmal besucht der Prophet die Mutter seines jungen Dieners Anas bin Mâlik. Während er seinen Mittagschlaf bei ihr hält, sammelt sie die Schweißtropfen, die sich von seinem Körper lösen, in einem kleinen Flakon auf. Als der Prophet erwacht und sie fragt, was sie da tue, antwortet sie ihm: »Es ist dein Schweiß, wir mischen die Tropfen in unser Parfum, weil er das beste Parfum ist, das es gibt.« (Muslim 1329 h, faḍâ’il 83, Bd. 7, S. 81) Und auch seine Haare werden zu seinen Lebzeiten und nach seinem Tod wie Reliquien behandelt. Khâlid bin Al-Walîd

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trug in seiner Mütze die Haare des Propheten, die er aufgesammelt hatte, als der Prophet nach seiner ‘umra (bzw. Omrah, einer kleinen Pilgerfahrt nach Mekka) ins gewöhnliche Leben zurückkehrte. Diesen Haaren schrieb Khâlid bin Al-Walîd seine Siege zu (Bayhaqî 1985, Bd. 6, S. 249). Umm Salama, die Frau des Propheten, bewahrte dessen Haare in einer Art Silberglocke (juljul) auf. Wenn irgendjemand vom Fieber befallen oder vom bösen Blick getroffen war, nahm man die Haare heraus, tränkte sie in Wasser und bespritzte mit diesem anschließend das Gesicht des Patienten (Bukhârî 2001, libâs 66, Bd. 7, S. 374 f.; Bayhaqî 1985, Bd. 1, S. 236). Mittels der Haare wurde also auch nach dem Tod des Propheten die Verehrung seines Körpers fortgesetzt. Dieser Teil seines Körpers, den die regierenden Dynastien – so wie bestimmte Reliquien- Gegenstände (mukhallafât al-rasûl, âthâr al-nabî) – konservierten, verlängerte seine Anwesenheit auf Erden. Beim verstorbenen Propheten ging es nicht mehr darum, seinen Körper um jeden Preis zu berühren. Doch nun wurde die Erde von Medina, die schon zu Muhammads Lebzeiten geheiligt und heilkräftig war43 und die nach seinem Tod den heiligen Körper empfing, Gegenstand einer von zahlreichen Dichtern zum Ausdruck gebrachten Verehrung. So schreibt etwa der Autor der Burda: »Kein Parfum lässt sich mit der Erde vergleichen, in der seine Knochen liegen. Selig ist der, der ihren Geruch atmet und sie mit seinen Lippen berührt.« (Bûṣîrî 1973, S. 242, al-Burda, Vers Nr. 58)

25 Der Prophet ist gestorben und begraben, die Gegenwart seines Körpers aber macht die Erde (turba) seines Grabs, die Umgebung von Medina zu einer Reliquien-Kammer, so wie es die Gegend von Kerbela für die Schiiten und für wieder andere die Heiligengräber werden sollten.44 Die Vorstellung vom Propheten in seinem Grab ist allerdings nicht die eines toten Körpers. Auf einer Ebene, die gewiss subtiler als die alltägliche Körperlichkeit ist, werden Propheten in ihren Gräbern nämlich als lebendig angesehen. So berichtet der Prophet, auf seiner nächtlichen Reise an Moses vorbeigekommen zu sein, »als er in seinem Grab stehend betete« (wa huwa qâ’im yuṣallî fî qabri-hi).45 Als er den Gefährten die Vorzüglichkeit des Freitags lehrt und ihnen nahelegt, an diesem Tag intensiv zu beten oder um Gnade für ihn zu bitten, »denn, so sagt er, euer Gebet wird mir vorgelegt« (fa-inna ṣalâta-kum ma‘rûḍa ‘alayya), fragen sich diese: »Wie wird dir unser Gebet vorgelegt werden (?), wenn du nurmehr zu Staub zerfallene Knochen sein wirst (wa qad arimta)? – Gott, entgegnet er, hat der Erde verboten, die Körper der Propheten aufzuzehren« (Ibn Ḥanbal, o. J., Bd. 4, S. 8; Wensinck 1992, Bd. 1, S. 347).

26 Um welche Körper handelt es sich? Um Körper zwischen Diesseits und Jenseits, im Übergangsleben des Barzach, vermittels deren sich die Praxis der Anbetung in dieser Welt fortsetzt. Die Frage hat auch Autoren beschäftigt, die der Verehrung des Propheten dadurch Vorschub zu leisten versuchten, dass sie Anekdoten von der lebendigen und wahrnehmbaren Gegenwart des Propheten für diejenigen, die sein Grab besuchen oder sich in dessen Umgebung aufhalten, weitergaben46 – so wie etwa die des Sa‘îd bin Al-Musayyib (gest. 94/712–713), der sich während der Ereignisse von al-Ḥarra (63/683) in der Nähe des Grabmals eingeschlossen fand; obwohl drei Tage lang in der Moschee des Propheten nicht zum Gebet gerufen wurde, war Sa‛îd durch ein vom Grab kommendes Murmeln über die Gebetszeiten informiert (Dârimî, o. J., muqaddima 15, Bd. 1, S. 44).

27 Nach dem Vorbild der Märtyrer: tot, aber lebendig bleiben die Körper der Propheten – Zeugen für die Menschen in dieser und der anderen Welt – also von Leben erfüllt;

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nämlich von dem Leben der die Grenzen des gewöhnlichen körperlichen Lebens hinter sich lassenden Geister, das sich den mit spiritueller Empfindsamkeit begabten Wesen auf quasi wahrnehmbare Weise offenbart. Dass der Prophet einerseits beteuert, dass »Gott der Erde verboten hat, die Körper der Propheten aufzuzehren«, und andererseits sagt: »Jedes Mal, wenn jemand mich grüßt, schickt Aḷḷah meine Seele zu mir zurück, so dass ich ihm den Gruß erwidern kann«,47 lässt darauf schließen, dass auch der Körper in seinem Grab Vehikel einer Gegenwart und eines Einflusses bleibt. So wird verständlich, dass man den Propheten wie zu Lebzeiten besucht und grüßt. Diese Überlieferung bildet zusammen mit vielen anderen die Grundlage des Gräberbesuchs (ziyârat al-qubûr). Wie alle religiösen Überlieferungen wirft sie die Frage nach einer Fortdauer der Beziehung zwischen Körper und Seele im Grab auf. Eine prophetische Tradition lehrt, dass »es im Menschen einen Knochen gibt, den die Erde niemals aufzehrt und von dem ausgehend er am Tage der Auferstehung neu zusammengefügt wird. – Welchen, fragte man? – das Kreuzbein bzw. sacrum (‘ajm oder ‘ajam al-fanab)«.48 Es ist bezeichnend, dass die mit dem verstorbenen Körper in Kontakt stehende Erde, die turba, am Ende gleichbedeutend wurde mit dem über dem Grab errichteten Gebäude, der qubba: zunächst ein Zelt und später jene architektonische Form, die den Kubus mit der Hemisphäre verbindet und darin die Vereinigung von Himmel und Erde symbolisiert.

28 An dieser eschatologischen Dimension des Körpers haben alle Wesen teil, weil sie alle zur Auferstehung gerufen werden. Die Frage der Erde und des Körpers der Auferstehung,49 so wie Koran und Sunna sie lehren, sprengt allerdings den Rahmen dieser Untersuchung. Erinnern wir uns einfach, dass das primordiale Licht des Propheten, das im Zuge seiner irdischen Geburt Gestalt annahm, der Grund dafür ist, dass er als Erster auferstehen wird: »Ich bin der Herr der Söhne Adams am Tag der Auferstehung, das sage ich ohne Stolz (wa lâ fakhr); ich bin der Erste, für den sich die Erde am Tag der Auferstehung spalten wird, das sage ich ohne Stolz; ich werde am Tag der Auferstehung der erste Fürsprecher sein und sage das ohne Stolz.«50

29 Nicht immer scheint die Sunna eine besondere Lehre über den Körper des Propheten im Jenseits bereitzuhalten. Der Koran spricht ganz allgemein von der »jenseitig- letzte[n] Schöpfung [29:20]/andere[n] Schöpfung [53:47]« (al-nash’at al-âkhira), in der der Mensch wiedererschaffen wird (Koran 29:20 und 53:47), von der Rolle des Körpers als Zeugen für die Taten des Menschen während des Gerichts (Koran 24:24; 36:65; 41:20 f.), vom ursprünglichen adamitischen Körper, den jeder Mensch beim Eintritt in das Paradies wiederfindet.51 Die Menschen im Jenseits, insbesondere ihre Gesichter, werden je nach ihrem postumen Schicksal vom göttlichen Licht gezeichnet oder des göttlichen Lichts beraubt sein. In einer seiner Anrufungen bittet der Prophet Gott um eine vollkommene, innere und postume, Erleuchtung der Wahrnehmungsorgane, aber auch aller Körperteile, wodurch er seine im Jenseits fortgesetzte Rolle als Gefäß oder Tempel des Lichts unterstreicht: »[...] O mein Gott, bring ein Licht in mein Herz und ein Licht in mein Grab, ein Licht vor mich und ein Licht hinter mich, ein Licht zu meiner Rechten und ein Licht zu meiner Linken, ein Licht über mich und ein Licht unter mich, ein Licht in mein Gehör und ein Licht in meine Augen, ein Licht in meine Haare, ein Licht in meine Haut, ein Licht in mein Fleisch, ein Licht in mein Blut und ein Licht in meine Knochen [...]« (Tirmidhî, o. J., Bd. 4, S. 235).

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30 Die Körper der in dieser Welt Geläuterten werden die Spur der Läuterung in die andere Welt tragen. Sie werden gleich den Pferden eine weiße sternförmige Blesse [Bukhârî: »ein Mal«] auf der Stirn und weiße Marken an den Füßen [Bukhârî: »Reifen am Fußgelenk«] tragen, und an diesem Zeichen wird der Prophet sie erkennen und an seinem Wasserbecken willkommen heißen, um ihren Durst zu löschen.52 Dank der im Diesseits vollzogenen Körperrituale geht dieses Bild der Erleuchtung des auferstehenden Körpers alle Gläubigen an. Der Prophet hingegen erfüllt hier die Funktion eines Vermittlers, eines Fährmanns zu anderen eschatologischen Orten. Das Bild des Sterns und der hellen Marken legt die Vorstellung nahe, dass der Körper auf der Reise von dieser Welt in die andere vor allem das Reittier der Seele ist. Die Sorgfalt, die man auf ihn verwendet, und die Rituale, die er auszuführen erlaubt, sind lediglich sichtbarer Ausdruck des inneren Wegs der Seele und ihrer Läuterung. All dies ist für den Propheten, der zu den Menschen zurückkehrt, um sie zu Gott zu rufen, bereits erreicht. In dieser Welt galt sein Körper den Gläubigen zugleich als Vorbild und als Mittel der Fürsprache, denn der Körper ist für den Propheten wie für den Heiligen ein Halt für den Segen und ein Unterpfand der Fürbitte. In der anderen Welt sind die Körper der Menschen nicht mehr Schleier, sondern Enthüller ihres Zustands; für den Propheten zählt allein seine Funktion eines Zeugen und Fürsprechers.53

Auf dem Weg zu einer Schlussfolgerung: der Körper und die Offenbarung

31 Im Koran und in der Sunna sowie in der spirituellen Tradition des Islam zielen die eschatologischen Erzählungen darauf ab, sich in einem ersten Moment des Schicksals bewusst zu werden und in einem zweiten des Ursprungs des Menschen; in beiden Momenten ist der Körper gegenwärtig und Zeuge. Das Ende der Welt in seiner doppelten mikro- und makrokosmischen Dimension: Tod des Einzelnen und Zerstörung der Welt, gefolgt von sukzessiven Phasen des Jenseits, ist nur scheinbar ein Ende. Es führt den Menschen in Wahrheit zu seiner ursprünglichen Schöpfung zurück, an die im Koran so oft erinnert wird. Das gilt auch für die unvollendeten Zyklen der Menschheit, von denen in den prophetischen Geschichten erzählt wird. Die Erinnerung an die aufeinanderfolgenden Bündnisse mit den Söhnen Israels in der Sure al-A‘râf endet mit der Beschwörung eines ursprünglichen Paktes: »Als dein Herr aus den Kindern Adams, aus ihrem Rücken, ihre Nachkommen nahm und sie gegen sich selbst zeugen ließ. ›Bin ich nicht euer Herr?‹ – Sie sagten: ›Gewiss doch! Wir bezeugen es.‹« (Koran 7:172)

32 Der Körper ist bei dieser Verpflichtung schon gegenwärtig. Beim Lesen des Korans wundert man sich über die Bedeutung, die dem Körper des Menschen und allen Phasen seiner Entwicklung zugebilligt wird, angefangen beim Ausstoß des Spermatropfens. Die Sure al-Qiyâma (75), »die Auferstehung«, illustriert auf besonders verdichtete Weise diese Rückkehr vom Ende an den Anfang, die dem Körper seine Rolle als Gefäß der Offenbarung verleiht und ihn dadurch sakralisiert. Zunächst wird die Auferstehung in den kleinsten körperlichen Einzelheiten in Erinnerung gerufen, dann durch die kosmischen Zeichen, die ihr vorausgehen, sowie das Urteilen über die Taten, deren sich der Mensch schon auf Erden bewusst ist. Ein Abschnitt scheint hier den Rhythmus der Sure zu unterbrechen, bildet aber in Wirklichkeit deren Zentrum. Es wird dem Propheten empfohlen, seine Zunge nicht übereilt zu bewegen, um nicht die Ankunft

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der Offenbarung zu überstürzen, weil Gott die Zusammenstellung und die erste Rezitation des Korans obliegt. Unausgesprochen wird diese Eile des Propheten auf einer anderen Ebene in Beziehung gesetzt mit der Hast des normalen Menschen, der »das Flüchtige« liebt, mit anderen Worten: das unmittelbare Leben auf Kosten des anderen, in dem sich Menschen durch ihre strahlenden oder finsteren Gesichter unterscheiden werden. Von der Beschwörung des Jenseits kehrt die Sure zur Beschwörung des sterbenden Menschen und der Position seines Körpers in dem Moment zurück, da die Seele zum Herrn geschickt wird. Denen, die die Offenbarung und ihre Gebote in den Wind schlagen, wird in Erinnerung gerufen, dass die Menschen nicht umsonst geschaffen wurden und dass sie genau als die Männer oder Frauen auferstehen werden, als die sie aus einzelnen Spermatropfen geschaffen wurden. Die zyklische Struktur der Sure und das Beharren auf dem Zusammenfügen und Wiederzusammenfügen des Körpers kann man mit dem fortschreitenden Gebot des Korans in Verbindung bringen, an das sich der Prophet bis in die Bewegungen seines Körpers hinein anpassen muss. Es lässt die tiefen Gründe für die Heiligkeit des Propheten-Körpers erahnen.54 Von der Offenbarung ist im Koran die Rede sowie in den Überlieferungen, die von den physischen Auswirkungen, etwa dem Prozess, durch den das Wort Fleisch und wieder Wort wird, handeln.55 Die drei erdrückenden Umarmungen des Engels, die den Propheten dazu bringen, noch einmal das Wort iqra’ (Rezitiere!) zu sagen (den Beginn des Korans zu zitieren), lassen sich mit einem physischen oder initiatorischen Tod vergleichen, der Zugang zu einem anderen Zustand oder Grad des Bewusstseins gewährt. Die verschiedenen Abschnitte, die der Koran Mariens Empfängnis des Wortes oder Geistes widmet, zeigen auf die denkbar klarste Weise die Rolle des Körpers bei der Übermittlung des Wortes: »Und Maria, Imrans Tochter, die ihre Scham schützte. Da bliesen wir in sie von unserem Geist. Sie glaubte den Worten ihres Herrn und seinen Schriften und gehörte zu den Gehorsamen.« (Koran 66:12) Die Erwähnung der Scham preist das Jungfernhäutchen des Körpers und des Geistes.

33 Maria gebärt eine Inkarnation des Wortes und des Geistes, wobei sie am liebsten gestorben wäre, und deshalb soll ihr Körper gestärkt werden (Koran 19:22–26). Der Prophet seinerseits identifiziert sich mit allen prophetischen Vorbildern, die er vorfindet: vom leidgeprüften Körper Hiobs bis zum durch die Himmelfahrt sublimierten und wieder zu den Menschen herabgestiegenen Körper. Auf der Erde vereinigt sich sein wohlriechender Körper mit dem seiner Ehefrauen. Er macht aus der Ehe seine Sunna, also einen Weg zu Gott, wodurch er im doppelten Sinne des Wortes ḥarâm alles aus der körperlichen Vereinigung Stammende heiligt. Genauso, wie die Gläubigen beiderlei Geschlechts seinen heiligen Körper verehren, müssen sich die seine Intimität bezeugenden Ehefrauen von einem gewissen Moment an hinter den Vorhang ihrer Heiligkeit zurückziehen, insofern sie Ehefrauen des Propheten und Mütter von Gläubigen sind (Koran 33:53 und 6). Der Körper ist ein offenes Buch, und es gibt Dinge, die man auf keinen Fall offenbaren darf, andere hingegen, die man genießen kann.

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1. Koran 26:193–194: »Der vertrauenswürdige Geist hat ihn herabgebracht auf dein Herz, damit du zu den Warnern gehörst.« [Alle Koranzitate hier und im Folgenden nach der Übersetzung von Hans Zirker; A.d.Ü.] 2. Koran 2:126: »Und als Abraham sagte: ›Herr, mach dies zu einem sicheren Ort […]‹«, und 14:35. 3. Als der Prophet bei seiner Rückkehr aus Khaybar Medina erblickt, sagt er: »O mein Gott, ich erkläre das Gebiet zwischen diesen beiden Coulees schwarzer Steine für heilig (uḥarimmu), so wie es Abraham für Mekka getan hat.« Bukhârî (2001), jihâd 71, Nr. 2889 und 74, Nr. 2893. Für die anderen Versionen vgl. Wensinck (1992), Bd. 1, S. 452. 4. Neben fünf dem Propheten gewährten Privilegien, Bukhârî (2001), tayammum 1, Nr. 335. Vgl. die Verweise auf die anderen Versionen in Wensinck (1992), Bd. 2, S. 271. 5. In der Version Ibn Isḥâqs (gest. 150/767): »[…] O ihr Leute, haltet euer Gut und euer Blut heilig, bis ihr eurem Herrn begegnet, so heilig wie euch dieser Tag und dieser Monat ist [...]« (Ibn Hishâm 2017 [1884], S. 572). 6. Für die verschiedenen Darstellungen der Person des Propheten und ihre Weiterentwicklung im Islam bleibt Andrae (1918) unübertroffen. Bezüglich der Liebe und der Verehrung für den Propheten im Allgemeinen – und im Sufismus im Besonderen – vgl. auch Schimmel (1981).

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7. Der Artikel »Jism« in der Encyclopaedia of Islam (Second Edition) ist vor allem von der philosophischen Tradition inspiriert. 8. Koran 7:147 und 20:88. In der Geschichte von Salomon ebenso wie in der vom Goldenen Kalb drückt das Verb alqâ (»schleudern/auswerfen/ausspucken/übertragen/werfen/projizieren«, projeter) das Herabsteigen und Eindringen eines Geistes in einen Körper aus. Dasselbe Verb wird für die Übertragung des göttlichen Wortes auf Maria (Koran 4:171 [dort: »entbot«]), des Geists der Offenbarung auf die Propheten und des Korans auf Muhammad als »schwer lastendes Wort« (ebd. 73:5) verwendet, was die Sunna in sehr physischen Begriffen ausdrückt. 9. Koran 10:92 und Qurṭubî (1952–67), Bd. 8, S. 380. 10. Im Hadith zu Gabriel erscheint dieser in Gestalt eines weißgekleideten Reisenden (Muslim 1329 h., Bd. 1, S. 28–30). Nach einer anderen Überlieferung präsentiert sich der Engel dem Propheten in Gegenwart von dessen Ehefrau Umm Salama in Gestalt eines Gefährten, des Diḥya al-Kalbî (Bukhârî 2001, Die Vorzüglichkeit des Koran (faḍâ’il al-qur’ân) 1, Nr. 4980). Zu weiteren ähnlichen Überlieferungen, unter Nennung anderer Gefährten, vgl. Bayhaqî (1985), Bd. 7, S. 65– 78. 11. Ibn Manẓûr (1995): Lisân al-‘Arab, Bd. 2, S. 281 f. (jasad) sowie S. 284 (jism). 12. Zu diesen beiden Ausdrücken vgl. Wensinck (1992). Der Prophet antwortet beispielsweise auf die Frage, wann sich ihm das Prophetentum aufgedrängt habe: »Als Adam zwischen dem Geist und dem Körper war (bayna l-rûḥ wa l-jasad)«, Tirmidhî (2000), Bd. 2, S. 925. Vgl. auch Ibn Ḥanbal (o. J.), Bd. 4, S. 66. 13. Über die Weiterentwicklungen dieser grundlegenden Erzählung im Schiismus vgl. Amir- Moezzi (1992), S. 145–154. 14. Koran 16:98: »Wenn du dеn Koran vorträgst, dann suche Zuflucht bei Gott vor dеm gеstеinigtеn Satan!« 15. Zur Öffnung des Herzens vor dem Mi‘râj vgl. Bukhârî (2001), Die Vorzüglichkeit der Prophetengefährten (mânaqib al-Anṣâr) 42, Nr. 3887. 16. Zu dieser umstrittenen Frage und den verschiedenen Versionen des Berichts siehe u. a. Ibn Kathîr 1986, Bd. 3, S. 108–117. Die fünf täglichen Gebete, die im Zuge der Himmelfahrt zum Gesetz werden, besiegeln die Rolle des Körpers im Vollzug der Riten. 17. Bukhârî (2001), ‘alât 12, Nr. 370; siehe auch Wensinck (1992), Bd. 5, S. 82. 18. Ibn Hishâm 1995, Bd. 1, S. 182. Von diesem Mönch heißt es, er habe sich daran gemacht, »gewisse Teile seines [Muhammads] Körpers (ashyâ’ min jasadi-hi) nach Maßgabe der Beschreibung, die er von ihm hatte, zu betrachten.« 19. Salmân berichtet: »Als der Erwählte Gottes sah, dass ich hinter ihm vorbeiging, wusste er, dass ich etwas zu erkennen suchte, was mir schon beschrieben worden war. Er ließ sein Obergewand von seinen Schultern fallen. Ich sah das Siegel und erkannte es wieder. Sogleich stürzte ich auf ihn zu, umarmte ihn und weinte […].« Zu diesem »Siegel« siehe u. a. auch die von Tirmidhî zusammengestellten Überlieferungen (1985, S. 37–44). Vgl. auch unten die Literaturangaben zur Beschreibung des Körpers des Propheten. 20. Manche zogen sich die Kleider aus, wenn sie auf ihrer Pilgerfahrt die Ka‘ba umrundeten (Ibn Hishâm 1955, Bd. 1, S. 202 f.). 21. So berichtet es ‘Â’isha; vgl. ‘Iyâḍ (o. J.), Bd. 1, S. 66. 22. Nasâ’î 1930, Bd. 7, S. 61; Ibn Ḥanbal (o. J.), Bd. 3, S. 128. Vgl. den Kommentar zu diesem Hadith bei Ibn ‘Arabî (1946), S. 216–226. 23. Muslim (1329 h.), (ṣalât 112), Bd. 1, S. 320. Über das Sehen nach hinten wie nach vorne vgl. ebenfalls Bayhaqî (1985), Bd. 6, S. 73; und über das Sehen bei Tage wie bei Nacht ebd., S. 74 f. 24. »Ich habe niemals einen Seiden- oder Brokatstoff berührt, der zarter gewesen wäre als die Handfläche des Propheten, noch habe ich einen Geruch geatmet, der stärker parfümiert gewesen wäre als der des Propheten«, sagt wiederum ‘Â’isha, nach Bukhârî (2001), manâqib 23 (ṣifat al-nabî

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), Nr. 3561. Siehe auch Muslim (1329 h.), faḍâ’il 80–85, Bd. 6, S. 80–82 sowie Ibn Ibn Ḥajar al- Haytamî (2002), Bd. 8, S. 282 f. 25. Ein andermal legt er seine Hand auf das Euter eines Schafs, das daraufhin wieder Milch gibt (Bayhaqî 1985, Bd. 6, S. 84). 26. Zu weiteren Heilungen, bei denen er zugleich anhaucht und spuckt, vgl. Bayhaqî (1985), Bd. 6, S. 173 f. 27. Koran 17:82: »Wir sеndеn vom Koran hinab, was Hеilung und Barmhеrzigkеit ist für diе Gläubigеn. Denen abеr, die Unrecht tun, mеhrt еr nur den Verlust.« 28. Zur Physiognomie vgl. T. Fahd, »firâsa«, Encyclopaedia of Islam (Second Edition), Bd. 2, S. 937 f. 29. Siehe die Gesamtheit der Überlieferungen, die zum größten Teil im Anschluss an ‘Alî von Ibn Sa‘d zusammengestellt wurden: Ibn Sa‘d (o. J.), Bd. 1, S. 410–425 (fikr ṣifat rasûl Allâh); Tirmidhî (1985), S. 21–35 (dieselbe Überlieferung wird dort im Anschluss an ‘Alî von Ibrâhîm, dem Sohn des Muḥammad bin al-Ḥanafiyya wiedergegeben); Ibn Kathîr (1986), Bd. 6, S. 11–29. Vgl. auch andere Versionen bei Ibn Shabba (gest. 264/877); ders. (1410 h.), S. 602–616; Suyûṭî (1967), Bd. 1, S. 178–190; Muttaqî al-Burhânpûrî (1971), Bd. 7, S. 161–177 (nach Suyûṭîs Jam‘ al-jawâmî) sowie die Ausführungen von Qasṭallânî (1326 h./1907), Bd. 1, S. 248–287 (dieser Autor schließt in die Aufzählung der physischen Qualitäten eine Passage über die Reinheit und Sprachgewalt der Zunge [langue] des Propheten ein, wobei er mit dem körperlich-linguistischen Doppelsinn von »Zunge« spielt). Vgl. auch Andrae (1910), S. 199–212. Diese Porträts des Propheten hätten eine gesonderte Studie verdient, sowohl unter dem Gesichtspunkt des ganz besonderen Vokabulars, das sie verwenden, als auch unter dem eines möglichen Vergleichs mit den Abhandlungen zur Physiognomie und den Beschreibungen der Gründerfiguren anderer religiöser und spiritueller Traditionen. 30. Dieser Ausdruck stammt aus den Hadithen. Man findet ihn insbesondere in einer Überlieferung, der zufolge Ḥasan, der Sohn ‘Alîs, Hind Ibn Abî Hâla, seinen Onkel mütterlicherseits (einen Sohn Khadîjas) nach der körperlichen Erscheinung des Propheten befragt habe, weil »er dafür bekannt war, die Ḥilya des Propheten kalligrafisch zu gestalten« (kâna waṣṣâfan ‘an ḥilyat al-nabî), Tirmidhî 1985, S. 27 sowie Ibn Sa‘d (o. J.), Bd. 1, S. 422. 31. Zusatz des Berichterstatters. 32. Bukhârî (2001), manâqib, Nr. 3437. Vgl. auch den Bericht über den Mi‘râj bei Ibn Hishâm (1955), S. 400. 33. Wie in den Erzählungen des Mönchs Baḥîrâ, des Salmân al-Fârisî (Ibn Hishâm 1955, Bd. 1, S. 182 f. und 220) oder auch des Mönchs Nestor, die der Baḥîrâs weitgehend gleicht, als der Prophet im Alter von 25 Jahren nach Syrien zurückkehrt (Abû Nu‘aym al-Iṣfahânî 1320 h., S. 54). 34. Koran 7:157: »Diе dеm Gеsandtеn, dеm schriftunkundigen Prophеtеn, folgen, den siе bеi sich in dеr Tora und im Evangеlium verzeichnet finden […].« 35. Man muss ebenfalls an die Überlieferungen zu den Bildern der und des Propheten erinnern, die den Gefährten gezeigt wurden und auf denen diese den Propheten wiedererkannten. Dies soll sich entweder zu Lebzeiten des Propheten in einem Kloster im syrischen Buṣrâ zugetragen haben, oder aber während des Kalifats des ‘Abû Bakr in Damaskus, als Heraklius eine große vergoldete Truhe mit einzelnen, mit einem Schlüssel verschlossenen Fächern herbeischaffen ließ. Jedes Fach enthielt das Bildnis eines Propheten auf einem Stück Seide. Hishâm bin al-‘Aṣ berichtet von diesem Treffen, beschreibt das Aussehen jedes einzelnen Propheten und erkennt das Porträt Muhammads wieder, das im letzten Fach steckt. Als er und sein Gefährte Heraklius fragen, woher er diese Truhe erhalten hat, antwortet dieser, sie komme von Adam, sei aus dem Westen (Couchant) zurückgebracht und dann von Dhû l-Qarnayn Daniel anvertraut worden (Bayhaqî 1985, Bd. 1, S. 384–390). Diese bei Hamidullah (1960) erwähnte Überlieferung wird von Vâlsan (1962–63) kommentiert. 36. Ibn al-Jawzî (1976), Bd. 2, S. 39–67. Vgl. auch Suyûṭî (1967), Bd. 1, S. 149–177; dieser geht vom Siegel des Prophetentums aus, vermischt die Charakteristika der einzelnen Körperteile mit den

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physischen und intellektuellen Fähigkeiten (dem Gehör, der Stimme, der Intelligenz, dem Gang, der sexuellen Potenz, dem Nichtvorhandensein eines Schattens oder der Absenz nächtlicher Samenergüsse) und schließt mit den Besonderheiten seines Urins und seiner Exkremente. Es folgen die Überlieferungen zu seiner körperlichen Erscheinung und seinen Tugenden (s. oben). 37. Vgl. Ibn Mâja (1972), ṭahâra, 15, Hadith Nr. 301. Dieselbe Aussage wird ‘Imrân bin Ḥuṣayn zugeschrieben; vgl. Ibn Ḥanbal (o. J.), Bd. 4, S. 439. 38. Muslim (1332 h): faḍâ’il al-ṣaḥâba 83, Bd. 7, S. 116 f.; Ibn Ḥanbal (o. J.), Bd. 6, S. 88, 150, 167, sowie Ṭabarî, M. (1984), Bd. 3, S. 12 f. 39. Kândihlawî (1968), Bd. 2, S. 590 – nach ‘Abd al-Razzâq und Ba‘awî. 40. Am Ende des Lebens des Propheten, während seiner Abschiedswallfahrt, scheint diese Praxis wohletabliert gewesen zu sein. In al-Abṭah, auf dem Rückweg aus Minâ, ruft Bilâl zum Gebet, betritt das Zelt des Propheten und verlässt es wieder mit dem Behältnis, an dem der Prophet seine rituellen Waschungen vollzogen hat, und alle beeilen sich, davon ein wenig zu bekommen (Bukhârî 2015, De Chaakteristika (Manâqib) 23 (ṣifat al-nabî), Hadith Nr. 3566, V: 36 f. 41. Kândihlawî (1968), Bd. 2, S. 581 f.; nach Bayhaqî und Abû Nu‘aym (Ḥilyat al-awliyâ, Bd. 1, S. 330). Siehe auch S. 583, den Fall von Safîna, des jungen Freigelassenen des Propheten, der das Blut des Propheten trinkt, das dieser ihm wegzuschütten aufgetragen hatte. 42. Kândihlawî (1968), Bd. 2, S. 581 f.; nach Ibn Ḥajar al-Haythamî (1967), Bd. 8, S. 270. 43. Vgl. in diesem Zusammenhang die von Samhûdi (1984), Bd. 1, S. 67–69 zitierten Überlieferungen. 44. Die sich von Tunis aus einschiffenden Meeresreisenden brachten Erde vom Grab des Muḥriz bin Khalaf, des Schutzheiligen der Stadt mit. Sie kippten etwas davon ins Meer, um die Stürme zu besänftigen. Abû Ḥâmid al-‘Arnâḥî, Tuḥfat al-albâb, zitiert nach Idris (1959), S. 328. 45. Muslim (1329 h), faḍâ’il 164, Bd. 7, S. 102. Ibn Ḥanbal (o. J.), Bd. 3, S. 120. Eine andere Überlieferung verallgemeinert diesen Fall: »Die Propheten leben in ihren Gräbern, betend.« (Subkî, 1371 h, S. 179 f.) 46. Subkî (1371 h), S. 179–196 (nach Bayhaqî, der dieser Frage ein Pamphlet (juz) gewidmet hat). Fîrûzâbâdî (1966), S. 127–132. Ibn Ḥajar al-Haythamî (2002), S. 138–142. Auch Suyûṭî hat dieser Frage eine kurze Abhandlung gewidmet, ausgehend von dem Pamphlet des Bayhaqî. Er kritisiert einige Behauptungen Subkîs (Suyûṭî, 1352 h, Bd. 2, S. 139–155; ebenso Suyûṭî, 1967, Bd. 3, S. 403– 406). 47. Ibn Ḥanbal (o. J.), Bd. 2, S. 527, und Abû Dâwûd (o. J.), manâsik 98 [Die Gräber besuchen], Bd. 2, S. 492, Nr. 2041. Unter anderem zitiert von Ibn Qayyim al-Jawziyya (1968), S. 18 f. 48. Ibn Ḥanbal (o. J.), Bd. 2, S. 315. Man kann ‘ajam als »Kern« lesen, oder als »Basis« (aṣl) des Schwanzes (Lisân al-‘Arab, Bd. 15, S. 285). Es handelt sich also um den unteren Teil des sacrums, das diese Benennung erhielt, weil es den Göttern bei Tieropfern dargebracht wurde. Zur Vorstellung eines »Kerns der Unsterblichkeit« vgl. Guénon 1987, S. 62–66. 49. Corbin (1960). Siehe zumal die Auswahl der Texte im zweiten Teil. 50. Ibn Ḥanbal (o. J.), Bd. 3, S. 2. Siehe auch Bukhârî (2001), anbiyâ 35, Nr. 3414, wo der Prophet seine Gefährten warnt, ihn über die anderen Propheten zu stellen, wie sie es zu tun pflegen. Er erklärt: »Ich werde der Erste sein, der erweckt wird« [Wortlaut in Muslim (1329) (deutsch), Bd. 2, S. 863], doch er präzisiert, dass er dann den sich am Thron festhaltenden Moses sehen und sich fragen wird, ob der Donnerschlag auf dem Sinai ihm erspart hat, vom Schall der Trompete niedergestreckt zu werden, oder ob er wohl vor ihm zu neuem Leben erweckt wurde. 51. Bukhârî (2015), S. 349 f., Nr. 3326: »Allāh erschuf Adam in einer Körpergröße von sechzig Ellenlängen […] Es wird dann geschehen, dass jeder, der ins Paradies eingehen wird, die Gestalt von Adam einnimmt. Seit damals bis zur heutigen Zeit ist die Menschengestalt immer weniger geworden.« 52. Bukhârî (2001), Die Gebetswaschung (wuḍû’) 3, Nr. 136. Muslim (1329 h), ṭahâra 34, Bd. 1, S. 149–150.

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53. Man wird nichtsdestoweniger bemerken, dass für ein umfassendes Begreifen der Person des Propheten die Heiligkeit seines Körpers und seine Fürsprache in dieser und der anderen Welt niemals voneinander getrennt sind. Dies kann man bei einem jüngeren Werk feststellen, in dem sich ein Großteil der hier zitierten Traditionen wie auch andere wiederfinden: Ibn ‘Alawî al- Mâlikî al-Ḥasanî (1993). Um einer bestimmten Tendenz des zeitgenössischen modernen Islam entgegenzuwirken, schafft der Autor, der im Haram von Mekka lehrt, in diesem Werk ein vielgliedriges Korpus von Verweisen, das die vielfältigen Modalitäten der prophetischen Fürsprache, die Besonderheit der prophetischen Körper und die vom Propheten selbst begünstigte Verehrung seines Körpers zu seinen Lebzeiten belegt (vgl. insbesondere S. 213–230). 54. Die Beziehung zwischen der Offenbarung und der Heiligkeit des Körpers wird besonders in der von al-Ḥasan al Baṣrî überlieferten Tradition betont: »Den Körper dessen, zu dem der Heilige Geist (rû’ al-quds) gesprochen hat, darf die Erde nicht mehr aufzehren.« (Suyûṭi 1967, Bd. 3, S. 403; nach al-Zubayr bin Bakkâr, Akhbâr al-Madîna). 55. Der Abstieg des Wortes in den Körper kann als Vollendung des Prozesses des Wiederaufstiegs des Geistes zu Gott durch die Rezitation und Erhöhung seines Wortes verstanden werden; das ist die Definition des Kampfes auf dem Weg zu Gott. Das erklärt, warum die im Kampf gefallenen Märtyrer, Zeugen des Wortes und genau eine Stufe unter der des Prophetentums stehend, Gott, der sie fragt, was sie sich im Paradies am meisten wünschen, antworten: »Wir bitten dich, unseren Geist in unsere irdischen Körper zurückzusenden, damit wir auf Deinem Weg getötet werden.« (Ibn Mâja 1972, jihâd 16, Nr. 2801).

INDEX

Mots-clés : corps, prophète, islam, hadith Schlüsselwörter : Körper, Prophet, Islam, Hadith

AUTEURS

DENIS GRIL Denis Gril ist emeritierter Professor an der Universität Aix-Marseille. Nähere Informationen finden Sie hier.

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Torah orale et hadith : transmission, interdit de l'écrit, rédaction

Gregor Schoeler Traduction : Anthony Andurand

NOTE DE L’ÉDITEUR

Nous remercions M. Gregor Schoeler de nous avoir accordé l’autorisation de traduire ce texte pour le présent numéro. Wir danken Herrn Gregor Schoeler für die freundliche Genehmigung, diesen Artikel in französischer Übersetzung zu publizieren.

NOTE DE L'AUTEUR

Une première version de cet article a été présentée sous la forme d’une communication au XIVe congrès de l’Union Européenne des Arabisants et des Islamisants (Budapest, fin août – début septembre 1988). Une version retravaillée, presque trois fois plus longue, a été présentée aux participants du colloque « Hadith » qui s’est tenu à Oxford en 1988, à l’occasion duquel elle fut discutée. Sur la terminologie : Les termes common link (CL) et partial common link (PCL) sont explicités infra, au tout début des commentaires sur les diagrammes. – « Hadith » et son synonyme « Tradition » (avec lettres majuscules) désignent l’ensemble de la Tradition, tandis que « hadith » et « tradition » (avec lettres minuscules) renvoient à une tradition particulière. – Sur le mode de citation : le mode de citation utilisé dans les communications présentées a été repris dans le présent article (titres abrégés). – Pour les hadiths favorables ou hostiles à la mise par écrit des traditions, l’article renvoie essentiellement à l’ouvrage Taqyīd al-ʿilm (« La fixation du savoir ») d’al-Ḫaṭīb al-Bagdādī (voir la bibliographie), la collection la plus complète de ces traditions. Le renvoi au passage du Taqyīd sert ainsi, dans le même temps, à désigner une tradition.

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D’autres références figurent dans les notes de bas de page de l’éditeur de cette œuvre, Yūsuf al-ʿUš, sur les hadiths concernés. Ce n’est que dans les cas où des œuvres importantes, non utilisées par al-ʿUš (le Ǧāmiʿ de Maʿmar b. Rāšid, le Muṣannaf d’Ibn Abī Šayba, etc.), apportent le hadith dont il est question qu’il est fait référence, si besoin, à ces œuvres.

I.

1 « Le Hadith entretient avec le Coran la même relation que, dans le judaïsme, l’enseignement oral vis-à-vis de l’enseignement écrit ». Cette analogie en soi évidente, telle qu’elle a été formulée par Josef Horovitz1, n’est nullement admise de manière unanime dans les études islamiques. Ignaz Goldziher ne l’a mentionnée dans son étude fondamentale « Ueber die Entwickelung des Hadīth » (« Sur le développement du Hadīth »)2 que pour la rejeter aussitôt énergiquement comme « trompeuse » et « inexacte ».

2 Pour Goldziher, les nombreuses preuves fournies par Aloys Sprenger dans son étude « Ueber das Traditionswesen bei den Arabern »3 (« Sur le système de la Tradition chez les Arabes ») du fait que des hadiths avaient déjà été fixés par écrit dans les temps les plus anciens semblaient contredire l’idée qu’aurait dominé, dans l’ancienne génération de l’Islam, l’opinion selon laquelle la mise par écrit était exclusivement réservée au Coran, le Hadith devant circuler en parallèle sous la forme d’un enseignement oral. Ces notes consistent naturellement, comme le savait déjà Sprenger4, non en « des livres au sens littéraire du terme », mais en « des scripta, en général des notes écrites, peut-être […] des recueils de dictons, des collections, destinés à un usage personnel »5.

3 Goldziher reconnaissait néanmoins que la mise par écrit des hadiths, même parmi les spécialistes de la Tradition, avait des adversaires. Selon lui, cette « aversion pour l’écrit » ne domina pas dès les premiers temps, mais fut « la conséquence de préjugés qui se sont développés ultérieurement »6. Il se forma en effet, parmi les spécialistes du hadith, une longue querelle, pour savoir s’il fallait seulement conserver les traditions au moyen de la mémoire et les transmettre oralement, ou bien si l’on pouvait aussi les mettre par écrit sans hésitation. Cette querelle fut toutefois, comme le souligne Goldziher à deux reprises, purement « théorique » et ne s’immisça pas dans la « pratique généralisée » de la mise par écrit des hadiths.

4 Goldziher n’a ainsi nullement prétendu qu’après une première période durant laquelle on aurait mis par écrit des hadiths sans réserve, des intérêts théologiques et des préoccupations religieuses seraient apparus, qui auraient provoqué une aversion à l’égard de l’écrit et l’arrêt de sa diffusion (comme on peut le lire dans un ouvrage de référence, qui souhaite dissiper une « superstition » – à savoir celle du caractère oral qu’aurait longtemps revêtu la transmission du Hadith –, mais qui a fait naître à son tour une autre « superstition », à travers la restitution déformée qu’il propose des conceptions de Goldziher7).

5 Toutefois, dans son rejet de l’analogie en question, Goldziher était parti du principe que l’enseignement oral des juifs – c’est-à-dire le contenu du Talmud (Mishna et Gémara) et le Midrash (l’exégèse de textes bibliques) formant avec lui une unité8 –, qui existe aujourd’hui sous une forme écrite et imprimée, tout comme l’enseignement écrit – le Pentateuque ou la Bible –, avait été effectivement transmis à l’origine, durant des

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siècles, de manière purement orale. En revanche, on sait aujourd’hui qu’il n’en fut pas ainsi. On a pu réunir de nombreux témoignages de l’utilisation de notes écrites9. Il n’y eut jamais d’interdit formellement promulgué et universellement reconnu. Toutefois, « il est vrai qu’une forte opposition à l’écrit s’est fréquemment élevée, en particulier contre l’écriture des halakhōth (règles en matière de prescriptions religieuses) ». Cette désapprobation, cependant, vise moins l’écrit en soi, que « l’écrit à des fins d’utilisation publique »10. De ce point de vue, Saul Lieberman11 a établi une comparaison avec les catégoriques hellénistiques de l’ekdosis (version autorisée, publiée) ou du syngramma (le livre au sens propre du terme) et de l’hypomnēma (note destinée à un usage privé). Seule la Bible était un syngramma. Dans l’institut d’enseignement, elle ne devait du reste être lue qu’à partir de pages écrites et ne devait pas être récitée par cœur. À l’inverse, la loi orale – pour autant qu’elle fût fixée par écrit – n’a longtemps existé que sous la forme d’ hypomnēmata. Ces derniers ne devaient toutefois pas être utilisés au sein des instituts d’enseignement ou lors de discussions publiques. Toujours est-il que la loi orale a été enseignée et transmise durant toute l’époque des Amoraïm (ca. 200-500 ap. J.-C.) sans support écrit12.

6 Les faits mis en avant doivent donc suffire à montrer combien l’analogie « entre le rapport du hadith au Coran et la relation de l’enseignement oral à l’enseignement écrit dans le judaïsme » est discutable.

7 (On notera entre parenthèses que le christianisme primitif a connu une analogie similaire. Dans un premier temps, aucun Évangile ou Nouveau Testament rédigé, ne côtoie encore l’« Écriture (sainte) » ou l’Ancien Testament. C’est la parole du « Seigneur » transmise oralement qui possède la plus grande autorité, y compris vis-à-vis de l’« Écriture»13. Birger Gerhardsson, dans l’ouvrage cité14, a montré qu’il était probable que, pour transmettre la parole du Seigneur, des hypomnēmata aient été utilisés pour soutenir la mémoire.)

8 Revenons au mode de transmission qu’est l’« enseignement oral » des juifs et des musulmans. La suite de notre propos montrera, par un examen plus approfondi, non seulement que des rapprochements précis peuvent apparaître sur certains points, mais aussi que nombre des conclusions développées sur le mode de transmission de la Torah orale peuvent devenir fécondes pour explorer certains des aspects correspondants du hadith. (Que l’inverse soit aussi vrai me paraît tout à fait possible : voir notamment infra § 49 et suiv.). – Il va de soi qu’outre les parallèles, il existe aussi des points de divergence et des évolutions distinctes.

9 Il convient de montrer tout d’abord que le mode de transmission « oral » – le terme « oral », comme nous le savons, est à manier cum grano salis – propre au Talmud et au Hadith ont soulevé çà et là des problèmes similaires, suscité des phénomènes similaires et généré des topoi similaires.

10 De part et d’autre, on débat sur la question de savoir si les aveugles peuvent être considérés comme des transmetteurs fiables ; on présuppose ainsi naturellement que le fait que les aveugles ne peuvent vérifier leur savoir au moyen de supports écrits constitue un obstacle à leur reconnaissance comme transmetteurs à part entière15.

11 De part et d’autre, les élèves avaient en effet coutume de prendre des notes en classe. Du côté juif, on utilisait comme matériel d’écriture des tablettes ou des feuillets revêtant la forme de codices (pīnaqsiyōth en hébreu, du grec pinakes), autant que des « rouleaux secrets » (megillōth setārīm), c’est-à-dire privés ; ils servaient de « livres de mémoire » (sifrē zikkārōn)16. Du côté musulman, il s’agissait de la même façon de

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tablettes (alwāḥ, sabbūrāt), sur lesquelles les mots écrits pouvaient être facilement effacés17, mais aussi de carnets (karārīs, kurrāsa au singulier). Des objections s’élevaient parfois contre l’utilisation de ces derniers, au motif qu’ils ressemblaient à des exemplaires du Coran (maṣāḥif)18. Aucune trace écrite ne devait donc exister pour l’éternité19. Pour cette raison, certains demandaient que les élèves effaçassent ce qui était écrit après l’avoir appris par cœur20. De nombreux spécialistes de la tradition ordonnaient dans leur testament que leurs notes fussent détruites après leur mort, brûlées ou enfouies21. En revanche, même ceux qui s’opposaient à la mise par écrit n’avaient rien à redire contre ce qu’on appelle les aṭrāf (littéralement « pointes / extrémités »). Il s’agit d’écrits dans lesquels seuls le début et la fin des hadiths sont notés22. Étant donné que les supports d’écriture étaient rares et n’étaient pas toujours disponibles, les élèves juifs et les élèves musulmans devaient parfois écrire sur les murs23. Du côté islamique, nous apprenons en outre que les paumes des mains et les sandales pouvaient être utilisées en guise de support24.

12 Pourtant, de grandes quantités d’hypomnēmata durables durent être produites. De part et d’autre, la masse des notes disponibles pour certains passages ou qui pouvaient être attribuées à certains transmetteurs est exprimée, non sans excès, en charges de chameaux. Comparé aux quatre cents chameaux qui, d’après un certain Mar Zuṭra, étaient chargés de commentaires haggadiques relatifs à un passage (8, 37 – 9, 43) du Premier livre des Chroniques25, l’unique charge de chameau contenant des « livres » de ‘Abdallāh bin ‘Abbās (mort en 687) qui devaient être déposés chez Mūsā ibn ‘Uqba (mort en 758) paraît bien modeste26. « Comme ce qui était exposé par les maîtres ne devait pas être mis par écrit pour un usage public, on devait transmettre chaque phrase entendue au nom de celui qui l’avait communiquée […]. On devait même, si possible, citer des autorités plus anciennes, qui avaient prononcé la phrase en question : si tu peux faire remonter une chaîne de tradition jusqu’à Moïse, fais-le […] »27. J. Horovitz défendait en son temps le point de vue selon lequel il fallait voir dans cette pratique des écoles juives de l’époque talmudique (des Amoraïm) le modèle de l’isnād (chaîne de transmetteurs qui précède le texte du hadith)28. Ce n’est pas exclu. Comme semblent l’établir aujourd’hui les recherches de G. H. A. Juynboll29, l’isnād est apparu dans l’Islam durant la deuxième guerre civile (680-692). À cette époque, il dut déjà y avoir suffisamment de convertis issus du judaïsme, qui connaissaient le système d’authentification de la Mishna – définitivement mis par écrit dans l’intervalle – et purent l’introduire dans la tradition islamique. Il est cependant plus probable que nous ayons ici affaire à une évolution parallèle dans les deux cultures. Si les sources écrites font défaut ou ne sont pas reconnues au sein d’une communauté, il n’est pas d’autre possibilité, pour le transmetteur, que d’authentifier, d’« appuyer » (asnada → isnād) la phrase prononcée dont il s’agit de prouver la provenance en citant une source orale, autrement dit un garant.

13 Du côté islamique, comme l’a souligné à juste titre Goldziher30, il se forma, à partir de l’opposition à l’écriture des traditions, une querelle entre les adversaires et les partisans de l’écrit, vivace et purement théorique, qui ne parvint pas à interférer avec la pratique, ancrée depuis longtemps, de la mise par écrit. Il n’y a apparemment rien eu de semblable au sein du judaïsme. D’une manière générale, les sentences justifiant la mise par écrit de la loi orale font ici défaut.

14 Aussi l’interdiction de mettre par écrit la Torah orale n’a-t-elle jamais été formellement levée31. Cette situation s’explique à nouveau par le fait que l’époque de rédaction de la

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Mishna et du Talmud est purement hypothétique et demeure sujette à discussion, tant parmi les savants juifs du Moyen Âge que parmi les érudits juifs ou chrétiens modernes. Pour la Mishna, l’ouvrage fondamental de la loi orale judaïque, la période concernée s’étend entre 200 (au plus tard) et 500 (au plus tôt) ap. J.-C., autrement dit sur trois siècles environ ou plus.

15 La question est alors notamment de savoir si les premières rédactions de la Mishna, celle de Rabbi ʿAqiba (autour de 100 ap. J.-C.) et surtout celle de Rabbi Juda ha-Nasi (mort autour de 200 ap. J.-C.), sont ou non déjà faites par écrit. D’après Saul Lieberman32, Rabbi ʿAqiba aurait compilé la nouvelle Mishna en utilisant les hypomnēmata de ses élèves. La « publication » de celle-ci serait passée par une voie purement orale, les transmetteurs (que l’on appelle les tannaïm) récitant les textes appris par cœur dans les instituts d’enseignement. En cas de doute, les tannaïm pouvaient être interrogés sur un texte. La nouvelle Mishna aurait ainsi été publiée en de nombreux « exemplaires », sous la forme de livres vivants. Selon Lieberman, Rabbi Juda a procédé de manière analogue pour sa « nouvelle édition » de la Mishna33.

16 Selon une autre conception, que soutient l’auteur de l’article « Mishna » dans la Jewish Encyclopedia34, Rabbi Juda aurait, en son temps, lui-même fixé par écrit la Mishna, sans pourtant abolir ainsi complètement l’interdiction de mettre par écrit des halakhōth. La méthode orale d’enseignement se poursuivait en effet, dans la mesure où le maître utilisait la Mishna écrite seulement comme un support de son exposé oral.

17 Dans le cas des premières compilations de la Mishna, bien qu’elles fussent probablement mises au point à l’aide de notes écrites35, il ne s’agit pas encore de « publications » écrites. La publication n’est certainement intervenue que dans le cadre de la rédaction finale du Talmud36, peut-être autour de 500 ap. J.-C., ou plus tard – la date précise est là aussi débattue. La matière de l’enseignement s’était en fin de compte tellement développée que sa publication sous la forme d’un « livre » ne pouvait être repoussée plus longtemps37.

18 Un problème similaire s’est également présenté dans le développement du Hadith. Sur ce point, la question se pose de savoir si les premiers muṣannaf-s « pré-classiques » (des collections systématiquement organisées par chapitres), dont les plus anciens ont vu le jour un siècle avant les collections canoniques (les Ṣaḥīḥ d’al-Buḫārī, mort 870, et de Muslim, mort en 875), vers le milieu du VIIIe siècle, existaient déjà sous une forme écrite. Cette question doit être développée plus avant dans la suite de notre propos.

19 Un des savants qui ont l’honneur de compter parmi les premiers muṣannifūn (compilateurs de muṣannaf) est le transmetteur et théologien bassorien Saʿīd b. Abī ʿArūba (mort en 773)38. À Bassora (et plus généralement en Irak), on accordait en son temps – ce fut encore le cas ultérieurement – une valeur particulière à la « publication » orale des traditions. Cela signifiait que la plupart des Bassoriens récitaient par cœur les hadiths (et donc ne les lisaient pas). Chacun possédait certes des supports écrits, mais évitait de les utiliser en public. On rapporte au sujet de Saʿīd b. Abī ʿArūba : lam yakun lahū kitāb, innamā kāna yaḥfaẓu, « il ne possédait (généralement) pas de livres et avait davantage pour habitude de mémoriser »39. Ce n’est pas un topos, dans la mesure où, s’agissant d’autres savants bassoriens, on précise explicitement le contraire – c’est ainsi le cas de Hammām b. Yaḥyā (mort en 781), qui était parfois obligé de consulter son livre40. Saʿīd conservait-il effectivement l’intégralité de son muṣannaf exclusivement dans sa mémoire ? C’est a priori peu probable, dans la mesure où les muṣannaf-s constituent, à l’instar des spécimens les plus anciens qui nous sont parvenus

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– les œuvres de ʿAbdarrazzāq b. Hammām (mort en 827) et d’lbn Abī Šaiba (mort en 849) –, de très vastes compilations. Et il est avéré que ce ne fut pas le cas : nous apprenons en effet que Saʿīd b. Abī ʿArūba avait un scribe, du nom de ʿAbdalwahhāb b. ʿAṭaʼ, qui l’accompagnait et mettait ses livres par écrit41. 20 Il a longtemps été mal perçu, à Bassora, que les savants utilisent leurs hypomnēmata en public et les présentent comme preuves pour authentifier leurs traditions. Le Bassorien Maʿmar b. Rāšīd (mort en 770), qui fut lui aussi l’un des premiers compilateurs de muṣannaf et qui s’était installé à Sanaa, avait pris l’habitude, au Yémen, « de prendre soin de ses livres et de les consulter », puisqu’on n’accordait là-bas aucune valeur à la récitation par cœur. Lors de son séjour dans sa ville natale de Bassora, il se vit cependant contraint de transmettre de mémoire42. 21 De même, le célèbre critique du Hadith bassorien Yaḥyā b. Saʿīd al-Qaṭṭān (mort en 813) aurait encore professé sans lire de notes43 ; pour les hadiths plus longs, il lisait toutefois dans les « livres » de ses élèves44.

22 Dans l’autre centre irakien de Koufa (comme à Médine), on estimait qu’il était souhaitable de transmettre la tradition de mémoire. Le premier auteur d’un muṣannaf issu de cette ville, Yaḥyā b. Zakarīyāʼ Ibn Abī Zāʼida (mort en 798), transmettait de mémoire45. Wakīʿ b. al-Ğarraḥ (mort en 812), qui prit le muṣannaf de Yaḥyā b. Zakarīyāʼ Ibn Abī Zāʼida pour modèle de son propre ouvrage, procédait de même46. 23 Ibn Abī Šaiba (mort en 849), un savant originaire de Koufa et l’un des plus anciens muṣannifūn dont les collections nous soient parvenues, affirme au début de l’un des chapitres de son œuvre monumentale : « Voici ce que je sais par cœur au sujet du Prophète […] »47. Cette formulation étonnante montre que certains compilateurs, même à une époque où leurs notes s’étaient développées jusqu’à former des manuscrits composés de plusieurs volumes, étaient encore amenés à présenter ce qui était mis par écrit comme des hypomnēmata.

24 Comme il a longtemps été proscrit en Irak que les transmetteurs utilisent en public leurs hypomnēmata, il est indiqué dans des traités spéciaux (les awāʼil) quels savants avaient, pour la première fois, produit leurs « livres » en public pour authentifier la tradition présentée : ce furent Rauḥ b. ʿUbāda (mort en 821), de Bassora, et Abū Usāma (Ḥammād b. Usāma, mort en 817), de Koufa48. À l’invitation « Présente tes livres ! », Sufyān b. ʿUyaina (mort en 811) aurait au contraire encore répondu : « Je garde (en mémoire) mieux que mes livres ! »49.

25 Lorsque Bagdad, la capitale du califat, prit définitivement le relais des villes de province de Bassora et de Koufa pour devenir le centre des sciences et de l’érudition relative au hadith, on abandonna peu à peu la méthode qui consistait à réciter le Hadith par cœur. Parmi les plus importants transmetteurs bagdadiens de la première moitié du IXe siècle, ʿAlī b. al-Madīnī (mort en 849), Yaḥyā b. Maʿīn (mort en 847) et Aḥmad b. Ḥanbal (mort en 855), le premier, originaire de Bassora, cultivait encore cette méthode. Aḥmad b. Ḥanbal, à l’inverse, n’en faisait pas grand cas. Il constata à cet égard qu’il préférait le Hadith de ʿAbdarrazzāq ʿan (d’après) Maʿmar b. Rāšīd, qui avait assidûment utilisé et consulté ses livres, au Hadith de ces Bassoriens – qui, dans la mesure où ils s’en remettaient à leur mémoire, commettaient des erreurs50. D’un autre côté, les traditions que propagea Maʿmar b. Rāšīd à Bassora auraient contenu des erreurs – puisqu’il y professait par cœur51.

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26 Aḥmad b. Ḥanbal, compilateur d’une collection de hadiths en plusieurs volumes, le Musnad, était tout à fait conscient de l’importance de l’écrit pour son métier. À une remarque de l’un de ses élèves – « Si le Savoir (autrement dit le Hadith, la Tradition) n’était pas noté, il disparaîtrait ! » –, il aurait répondu : « Bien sûr. Et sans la mise par écrit de la Tradition, que serions-nous (les transmetteurs) alors ? »52. 27 Les biographes de Yaḥyā b. Maʿīn faisaient déjà valoir, non sans éloges, qu’il avait écrit et laissé quantité de « livres »53. Il est tout simplement considéré comme le transmetteur qui a mis par écrit, en son temps, plus de hadiths que tout autre54.

28 À Bagdad, comme auparavant dans d’autres centres situés hors d’Irak, on cessa d’exiger que le Hadith fût récité de mémoire. Cette situation résulte d’une évolution naturelle : la matière qu’il s’agissait de maîtriser était devenue si ample qu’il n’était plus possible – même en la répartissant sur des heures d’enseignement se succédant à intervalles réguliers – de l’assimiler par cœur, du moins si l’on souhaitait éviter les erreurs.

II.

29 Jusqu’à présent, nous avons largement tenu à l’écart la question qui est peut-être la plus intéressante, celle de savoir pour quelles raisons, au sein du judaïsme et de l’Islam, on s’est attaché aussi longtemps – du moins en théorie – à la nécessité de réciter de mémoire la tradition. La réponse nous ramène au point de départ de notre réflexion.

30 Il est certain qu’au sein du judaïsme, l’idée selon laquelle seule la Bible est destinée à l’« écrit » – et que la Mishna et le Talmud devaient l’accompagner sous la forme d’un enseignement oral – a dominé pendant des siècles. Une conception similaire est attestée dans l’Islam par de nombreux hadiths – des traditions du Prophète, des compagnons ou des successeurs –, dans lesquels le taqyīd al-ʿilm, « l’action d’enchaîner le Savoir », c’est-à-dire la fixation de la tradition au moyen de l’écriture, est prohibé.

31 Voici quelques exemples de ces hadiths. Dans une tradition très connue se rattachant à cet aspect, le Prophète, d’après le témoignage de Abū Saʿīd al-Ḫudrī (un compagnon d Mahomet, mort en 693), aurait prononcé les paroles suivantes : « N’écrivez pas mes paroles, à l’exception du Coran ; mais si quelqu’un a écrit autre chose que le Coran, qu’il l’anéantisse ! »55. De même, dans une autre sentence du Prophète, attribuée à Abū Huraira : « Souhaitez-vous un autre livre que le livre de Dieu ? Seuls les livres que les peuples qui vous ont précédé (c’est-à dire les juifs et les chrétiens) ont écrits en plus du livre de Dieu les ont induits en erreur ! »56. Dans ce hadith, on peut noter l’allusion à la Mishna des juifs, qui avait été mis par écrit entre-temps.

32 Abū Saʿīd al-Ḫudrī lui-même aurait répondu, alors qu’on le priait de dicter : « Voulez- vous faire de cela des exemplaires du Coran ? Votre Prophète avait coutume de nous rapporter (oralement) (kāna yuḥaddiṯunā) ; gardez donc (vous aussi) en mémoire nos propos, comme nous avons gardé en mémoire les propos de votre Prophète »57.

33 Les successeurs ʿUbaida b. ʿAmr as-Salmāni et Ibrāhīm b. Yazīd an-Naḫaʿī (mort en 715) auraient chacun dit à un élève qui prenait des notes : lā tuḫlidanna ʿannī kitāban, « Ne consignez pas mes paroles par écrit pour l’éternité ! »58.

34 À ce groupe de traditions s’oppose néanmoins un autre groupe, qui autorise explicitement de prendre des notes. Bien entendu, cette autorisation porte tout d’abord

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sur les informations destinées à soutenir la mémoire. Elle découle parfois du contenu des hadiths.

35 Le Prophète – selon le compagnon Abū Huraira (mort 678) –, dans une tradition bien connue se rattachant à cette question, aurait ainsi répondu, à un homme qui se plaignait de la faiblesse de sa mémoire : « Soutiens ta mémoire au moyen de ta main droite ! »59. Le petit-fils du Prophète, al- Ḥasan b. ʿAlī (mort environ en 670), aurait également conseillé à ses fils et à ses neveux : « Apprenez le Savoir (c’est-à-dire la Tradition). Que celui d’entre vous qui n’est pas capable de le transmettre (de mémoire) le mette cependant par écrit et le dépose chez lui »60.

36 Toutefois, les hadiths de ce dernier groupe ne sauraient occulter le fait que le rejet de l’écriture, dans l’autre groupe, renvoie aussi explicitement aux hypomnēmata : ceux-ci devaient en effet, si d’aventure l’on en avait produit, être effacés ou détruits.

37 Pour quelles raisons, dans cette conception, seul le Coran devait-il être écrit, la Tradition devant au contraire être conservée et transmise de mémoire ? Pourquoi ne devait-il pas y avoir, parallèlement au Coran, un autre enseignement écrit ?

38 Les tentatives d’explication formulées jusqu’à présent s’en tiennent étroitement, dans leur majorité, au texte des traditions : elles procèdent de l’interprétation de leur contenu. Il en alla de même, de manière compréhensible, des explications produites par les anciens savants musulmans. Les raisons avancées par eux pour justifier cette aversion à l’égard de la mise par écrit sont généralement les suivantes :

39 1) la crainte que se forme un second livre, similaire au Coran, ou bien que les hadiths écrits se mélangent au texte du Coran (en particulier alors que la révélation était encore en cours)61. La tradition décrit ainsi trois de cinq rédacteurs du texte coranique, Zaid b. Ṯābit (mort en 666, Médine), ʿAbdallāh b. Masʿūd (mort en 653, Koufa) et Abū Mūsā al-Ašʿarī (mort vers 662, Bassora) comme de farouches adversaires de la mise par écrit de leurs traditions et de leurs paroles62.

40 2) la crainte que les fidèles se laissent détourner du Coran par le Hadith écrit. Les juifs et les chrétiens se sont lourdement rendus coupables en suivant d’autres livres que la seule révélation, et il fallait dès lors éviter les mêmes funestes erreurs63.

41 3) la crainte que les fidèles se fient trop à l’écrit, qui est en effet éphémère, et qu’ils ne mémorisent pas suffisamment les paroles qu’il convient de retenir64.

42 4) la crainte que les traditions puissent parvenir à ceux qui ne sont pas autorisés à y accéder, qu’elles puissent tomber entre de mauvaises mains65. Cette crainte fut sûrement aussi la raison pour laquelle certains transmetteurs demandaient dans leur testament que leurs notes fussent détruites après leur mort66.

43 Les critiques du Hadith ultérieurs (Ibn Qutaiba, al-Ḫaṭīb al-Baġdādī, Ibn ʿAbdalbarr, Ibn Ḥaǧar), pour qui la fixation et la rédaction de la Tradition étaient un fait accompli, ont tenté de concilier les hadiths hostiles à la mise par écrit et ceux qui étaient favorables à l’écriture. On suggérait par exemple que le second groupe de hadiths s’était formé, à la différence du premier groupe, à une autre période que celle durant laquelle la révélation était en cours, ou bien à époque ultérieure. En admettant que les hadiths favorables à l’écriture se soient formés à une époque ultérieure, on peut alors résoudre cette contradiction en invoquant le fait qu’une sunna (pratique du Prophète) en abroge une autre67. Ou bien alors on explique que Mahomet avait accordé à certaines personnes habiles dans l’art de l’écriture, à l’instar de ʿAbdallāh b. ʿAmr b. al-ʿĀṣ (m. en 684), la permission d’écrire, et non à d’autres, moins compétents en la matière68. Une

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autre possibilité de conciliation consiste à affirmer que l’interdiction ne valait que pour les personnes dont on pouvait redouter qu’elles s’en remettent trop à ce qui est écrit, tandis que la permission d’écrire concernait au contraire celles dont on était sûr qu’elles pouvaient se prémunir de ce travers69. On peut enfin rencontrer l’argument selon lequel les premiers transmetteurs (Ibn ʿAbbās, aš-Šaʿbī, az-Zuhrī, Qatāda, etc.) auraient été de purs Arabes et, en tant que tels, dotés d’une excellente mémoire. Tout cela aurait changé à une époque ultérieure, et la mise par écrit serait tout simplement devenue, pour cette raison et du fait de l’ampleur de la matière, une nécessité : sans l’écriture, une large part de la tradition se serait perdue70.

44 Revenons aux raisons invoquées pour justifier les réticences vis-à-vis de la mise par écrit de hadiths. Quant aux explications apportées par divers savants égyptiens modernes, qui ne vont guère plus loin que leurs prédécesseurs médiévaux, on peut ici renvoyer à un chapitre particulier de l’ouvrage de G. H. A. Juynboll, The Authenticity of the Tradition Literature71.

45 Les essais d’explication de Nabia Abbott et de Fuat Sezgins s’inscrivent également dans cette perspective72.

46 Ignaz Goldziher a développé plusieurs pistes pour comprendre le phénomène. Il se tient plus près des sources dans l’un de ses (derniers) travaux, intitulé « Kämpfe um die Stellung des Ḥadīṯ im Islam » (« Disputes sur la position du Hadith en Islam »)73. Parmi l’un des motifs de l’aversion contre l’écrit, il évoque dans cet article le souci des personnes pieuses de ne pas altérer, de manière involontaire, mais pourtant coupable, le texte original du hadith74. Il voit également une autre raison dans l’aversion largement répandue à l’égard de tels hadiths qui se réclament de l’autorité du Coran75. Il attire enfin l’attention, comme troisième motif76, sur « l’aspect de tendance » (répression de traditions gênantes). Tous ces arguments se rattachent certes, comme le sait très bien Goldziher77, également à la diffusion orale des hadiths correspondants. Selon lui, pourtant, ils s’appliquent d’autant plus à leur consignation par écrit.

47 Dans l’essai d’explication proposé dans son livre Muhammedanische Studien78, Goldziher se tient plus éloigné des sources. Il y évoque les ambitions des anciennes écoles du ra’y79 « d’être aussi peu entravées que possible, dans la libre élaboration de la loi, par des leges scriptae ». Parmi les premiers adversaires de la mise par écrit des traditions (et du ra’y) fuqahā’ (docteurs de la loi ; juristes) et qadis (juges) se distinguent effectivement. Pour cette raison, l’analyse de Goldziher, pour autant qu’on ne la généralise à l’excès, ne semble aucunement infondée. Néanmoins, on peut aussi trouver parmi les ahl ar-ra’y (adeptes du ra’y) – notamment à partir du milieu du VIIIe siècle –, outre des adversaires, des partisans de la diffusion par écrit de la tradition80. À une époque ultérieure, il est en effet de plus en plus fréquent que les savants transmettent des hadiths non plus seulement pour appuyer leur propre opinion, mais bien plutôt dans le simple empressement mis à les collecter, qui les conduit même à propager des traditions allant à rebours de leur propre conviction et se contredisant l’une l’autre.

48 Dans la suite de notre propos, cette question sera à nouveau analysée. L’essai de réponse que nous formulerons vise non à remplacer, mais à compléter les propositions antérieures. L’argument central que nous développerons a été inspiré, d’une part, par la remarque de Goldziher sur « l’aspect de la tendance », que l’on peut parfois percevoir dans les réticences à l’égard de l’écrit, ainsi que, d’autre part, par la réponse que les spécialistes du judaïsme ont formulée sur cette question dans leur propre domaine.

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49 D’une manière générale, on rencontre cinq propositions d’explication dans la littérature spécialisée sur le judaïsme. (Elles ont été rassemblées par Julius Kaplan81). Sur cette question, il semble que nous ayons affaire, dans la plupart des cas, à de pures conjectures. On n’a guère pu s’appuyer, à l’évidence, sur des témoignages directs, textuels ou d’une autre nature (selon Kaplan, ibid.).

50 Les théories moins fréquemment soutenues affirment que : 1) L’interdiction de l’écrit « permettait certainement de réserver l’étude de la loi aux cercles étroits des savants reconnus et compétents ». 2) L’interdiction de l’écrit « s’appuyait sur un fondement mystique, lié au sentiment qu’il ne devait y avoir qu’une seule Torah ». 3) « Elle constituait une mesure de précaution contre les interpolations hérétiques ou l’introduction en contrebande, dans les académies, d’œuvres tout entières, présentant elles aussi un caractère douteux. » 4) L’interdiction de l’écrit est motivée par « le manque de fiabilité du mot écrit, perçu comme un outil traître et malhonnête »82.

51 S’agissant des deux premiers points, on rencontre expressis verbis, parmi les savants musulmans, les mêmes arguments ou des arguments similaires pour justifier l’interdiction de l’écrit83. Le point 4 constitue l’argument principal des savants musulmans pour justifier la nécessité de la « tradition par audition » (ar-riwāya al- masmūʿa), ou plutôt le rejet d’une « tradition purement recopiée » (appelée simplement, la plupart du temps, kitāb[a]) (voir infra § 87) 84. Pour le point 3, on ne trouve pas de parallèle, semble-t-il.

52 Cependant, la théorie qui est de loin la plus fréquemment soutenue par les spécialistes du judaïsme affirme que : 5) Selon la volonté originale des docteurs de la loi, l’enseignement oral ne devait pas être un enseignement unitaire, achevé, définitif. L’interdiction d’en fixer le contenu par écrit aurait permis de conserver une certaine souplesse : la possibilité de modifier les lois, de les adapter, au besoin de les réviser, et même d’abroger certaines prescriptions85.

53 Il ne fait aucun doute qu’au sein de l’Islam, il y a eu très souvent, derrière l’aversion pour l’écrit, une attitude similaire, même si cette lecture ne fut que rarement exprimée ouvertement, comme on peut s’y attendre. Il existe néanmoins certains témoignages qui vont très clairement dans ce sens.

54 1) Le calife ʿUmar (règne : 634-644), d’après le récit d’Ibn Šihāb az-Zuhrī (mort en 742) aurait à un moment envisagé de faire mettre par écrit les sunan (c’est-à-dire les pratiques [exemplaires] du Prophète) ; après un temps de réflexion, il aurait cependant rejeté ce projet86. Par la suite, ʿUmar se présente à nous comme un farouche adversaire de la diffusion, non seulement écrite, mais aussi orale des hadiths. De même, il aurait interdit de rendre publique (ẓāhiran) une sentence de Mahomet, dont plusieurs des compagnons du Prophète lui avaient confirmé l’authenticité, au motif que le contenu de celle-ci aurait restreint le calife dans sa liberté d’action dans l’une de ses entreprises87. La position extrême de ʿUmar, hostile à la conservation et à la transmission écrites et orales de la tradition n’a pu obtenir la reconnaissance de plus larges cercles. Le « scripturalisme » (Michael Cook) est encore incarné, à une époque ultérieure, par quelques extrémistes (quelques muʿtazilites, les ḫāriǧites)88 ; d’une manière générale, cependant, un point de vue médian entre les extrêmes a très vite

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prévalu parmi les savants, pour une longue période, selon lequel le hadith, en tant qu’« enseignement oral », devait côtoyer l’« enseignement écrit » qu’est le Coran. 55 2) Un jour, le fils de ʿAbdallāh b. Masʿūd (mort 653), lequel est aussi souvent mentionné parmi les adversaires de la mise par écrit des traditions, aurait attiré son attention sur le fait qu’il avait, dans une précédente occasion, récité différemment un hadith. À la question de savoir comment il en était venu à soutenir pareille affirmation, le fils aurait répondu : « Je l’avais (alors) noté. » Sur ce, Ibn Masʿūd lui aurait ordonné d’apporter son cahier, pour qu’il fût effacé sur le champ89. 56 3) Le juriste mecquois ʿAmr b. Dīnār (mort en 743) ne tolérait pas que ses élèves transcrivissent des traditions ou bien ses propres opinions juridiques (raʼy) : « Demain, peut-être, je me serai déjà détourné de lui [mon raʼy] »90. (Que l’on se rappelle ici l’idée, développée par Goldziher, d’un intérêt des ahl ar-raʼy dans l’interdiction de l’écrit.) 57 4) À cette question se rattache également le mot attribué à al-Auzāʿī (mort en 774), fondateur d’un maḏhab (école juridique). Il aurait déclaré un jour : « Cette science (c’est-à-dire le Hadith) était (autrefois) une noble affaire, puisqu’on la recevait et on la mémorisait ensemble à l’école. Toutefois, lorsqu’elle passa dans les livres, elle perdit de son lustre et elle parvint à des mauvaises personnes (ilā ġair ahlihī ) »91. La métaphore du « lustre », censée illustrer la singularité du Hadith non codifié, n’évoque certes non seulement son caractère malléable, changeant, mais renvoie aussi à une dimension similaire, à ce que l’enseignement de personne à personne, avant que ne s’impose l’apprentissage par les livres, comporte de direct, de vivant, de spontané, et dont on déplore ici la perte définitive, perçue comme un fait désormais irrévocable. (Il me semble que ce dernier aspect – outre la souplesse – a occupé une place de tout premier plan dans la transmission orale de la parole du Seigneur au sein du christianisme primitif, voir supra § 7.) Le second argument d’al-Auzāʿī (« elle parvint à des mauvaises personnes ») évoque cette autre réponse que les spécialistes du judaïsme, dans leur propre domaine, ont parfois apportée à la question ici concernée : « Elle (l’interdiction de l’écrit) permettait certainement de réserver l’étude de la loi aux cercles étroits des savants reconnus et compétents »92.

III.

58 D’après la Tradition, le calife omeyyade ʿUmar II (règne : 717-720) aurait ordonné la première collection officielle du hadith (tadwīn), « par crainte de voir la tradition disparaître et ceux qui la portent s’éteindre »93, après que certains des Omeyyades qui l’ont précédé auraient parfois déjà fait mettre par écrit ou collecter des traditions (à l’instar de Marwan I [règne : 684-685]94 et surtout du père de ʿUmar II, ʿAbdalʿaziz b. Marwān [mort en 704]95).

59 La situation avait profondément évolué depuis la mort de ʿUmar I. Il ne restait plus, ou presque plus de compagnons du Prophète qui auraient pu divulguer des hadiths gênants pour les Omeyyades. En revanche, une entreprise de rédaction sous l’égide des Omeyyades ne pouvait apporter aux souverains que des avantages. Pourtant, des motifs purement religieux peuvent, comme le veut la Tradition, avoir constitué la préoccupation première de ʿUmar II. 60 Si l’on en croit la Tradition, ʿUmar II aurait joué pour le Hadith un rôle similaire à celui de ʿUṯmān (règne : 644-656) pour le Coran.

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61 Le premier savant auquel ʿUmar II aurait confié cette mission aurait été Abū Bakr b. ʿUmar b. Ḥazm (mort en 737)96. Cependant, le premier à avoir mis à exécution et mené à bien le projet aurait été le Médinois Ibn Šihāb az-Zuhrī (mort en 742). « Le premier à avoir collecté (à grande échelle) et écrit le Savoir (c’est-à-dire la Tradition) est Ibn Šihāb (awwal man dawwana al-ʿilm wa-katabahū Ibn Šihāb)97. Cet homme, qui a par ailleurs joué un rôle déterminant dans la diffusion du Hadith, semble pour cette raison avoir eu des scrupules toute sa vie. C’est du moins ce que font apparaître un certain nombre de paroles qu’il a transmises ou qui ont été rapportées à son sujet. La sentence d’az-Zuhrī la plus fréquemment citée et la plus importante sur ce point est la suivante : « Nous refusions de consigner le Savoir (c’est-à-dire la Tradition) par écrit, jusqu’à que ces souverains nous aient obligés à le faire. Mais, à présent, nous sommes d’avis que nous ne devrions plus l’interdire (c’est-à-dire la mise par écrit de la tradition) à aucun musulman. » (kunnā nakrahū kitāb al-ʿilm ḥattā akrahanā ʿalaihi hāʾulāʾ i l- umarāʾ fa-raʾainā allā namnaʿahū aḥadan min al-muslimin)98.

Premier excursus : kariha al-kitāb(a), « il éprouvait de l’aversion envers l’écrit »

62 Il est absolument certain que la traduction utilisée plus haut est correcte, à la différence de celle qui est proposée dans GAS, vol. 1, p. 281 : « Nous étions réticents à l’idée de transmettre les hadiths sous la forme de la méthode de kitāb (autrement dit de simplement recopier des textes […], sans les lire devant le maître ou sans les avoir entendus de sa bouche) ». Le mot kitāb(a) peut certes désigner, dans un autre contexte, la transmission non autorisée par le biais du seul recopiage, comme dans la formule iḏā ḥaddaṯa (ʿAmr b. Šuʿaib)ʿan abīhi ʿan ǧaddihī fa-huwa kitāb, wa-min hunā ǧā’a ḍaʿfuhū , « Quand (ʿAmr b. Šuʿaib) transmet de son père et de son grand-père, c’est “livre” (c’est- à-dire de la transmission écrite), et c’est de là que provient sa faiblesse »99 ; ce n’est toutefois pas le sens qu’elle revêt dans l’expression kariha al-kitāb. Ce constat est valable d’une manière générale. Quatre exemples l’attestent : « Ismāʿīl (Ibn ʿUlaiya) a dit : “On (c’est-à-dire nos honnêtes prédécesseurs) éprouvait de l’aversion envers la mise par écrit (karihū al-kitāb), car ceux qui vivaient avant eux (c’est-à-dire les juifs et les chrétiens) avaient respecté et admiré les livres. Et l’on refusait que l’on se laissât détourner par eux (par les livres) du Coran”. »100. « Aḥmad b. Ḥanbal a dit : “Je refuse de consigner par écrit les paroles de celui qui a fait preuve de complaisance durant la Miḥna101 (akrahu al-kitāba ʿamman aǧāba fī l- miḥna)”. »102. « (ʿAlqama b. Waqqās) dit : “Ne sais-tu pas que l’écrit (al-kitāb) est méprisé ?” Il (Masrūq) répondit : “Si. Je ne voudrais apprendre (les traditions) que par cœur et je les brûlerai ensuite”. »103. « Ibrāhīm (an- Naḫaʿī) refusait d’écrire les hadiths sur des carnets (kāna yakrahu an yaktuba al-ḥadīṯ fī l- karārīs). »104. Dans les quatre cas mentionnés, il serait absurde de traduire kitāb(a) par « mode de transmission fondé sur le seul recopiage ». En fin de compte, le constat est également valable pour des titres de chapitres comme Bāb ḏikr karāhiyat kitāb(at) al-ʿilm wa-taḫlīdihī fī ṣ- ṣuḥuf105 et Bāb mā ǧāʾa fī karāhiyat kitāb al-ʿilm106, car ces chapitres rassemblent des hadiths où l’on prend position contre l’écrit, et non contre le mode de transmission que constitue les kitāba.

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Deuxième excursus : Y a-t-il eu une collection de hadiths initiée par az-Zuhrī pour le compte des Omeyyades ?

63 Goldziher estimait devoir rejeter comme non historiques l’ensemble des récits évoquant les efforts de ʿUmar II pour faire codifier le hadith. « La postérité, dans son admiration », aurait cherché « à associer étroitement les pieux califes [Omeyyades] à la littérature de la tradition de l’Islam »107. À cette vision s’oppose toutefois le fait que la tradition mentionnée plus haut (« Nous refusions de consigner le Savoir par écrit, jusqu’à que ces souverains nous aient obligés à le faire ») possède probablement un noyau d’authenticité et est en tout état de cause ancienne. Elle est déjà citée à l’identique par le disciple d’az-Zuhrī, Maʿmar b. Rāšīd (mort en 770), dans son recueil de traditions K. al-Ğāmīʿ108. Il est totalement improbable que Maʿmar l’ait inventée – par exemple pour apporter du crédit à son activité en tant que muṣannif (compilateur d’un muṣannaf) –, étant donné qu’il invoque également dans son Bāb kitāb al-ʿilm (Chapître sur la mise par écrit du hadith) de son recueil, comme le font aussi des compilateurs ultérieurs, non seulement des hadiths favorables à l’écrit (au nombre de trois), mais aussi des hadiths qui lui sont hostiles (quatre !)109. Toutefois, on ne saurait exclure que la pique adressée aux Omeyyades dans la parole rapportée (« ces souverains nous ont obligés ») repose sur une déformation tendancieuse de Maʿmar), ou bien d’az-Zuhrī lui- même. Cela ne change rien au fait dont il est question, à savoir qu’az-Zuhrī a été le premier à mettre la tradition par écrit dans une vaste collection (tadwīn) pour le compte des Omeyyades. Dans la parole rapportée, ce fait est manifestement présenté comme connu de tous et par conséquent comme historique et, pour cette raison, n’est pas douteux.

***

64 Si az-Zuhrī avait coutume de noter sans réserve un grand nombre de hadiths110, la réalisation de la mission confiée par le calife dut revenir pour lui à briser un tabou, eu égard au consensus en vigueur depuis des décennies, selon lequel seul le « Livre », le Coran, devait faire l’objet d’une recension officielle, à l’inverse de l’« enseignement oral », le Hadith. Peut-être a-t-il mis en circulation la tradition mentionnée plus haut – d’après laquelle ʿUmar I abandonna finalement son projet initial consistant à faire rédiger le Hadith – dans l’espoir d’en dissuader son commanditaire ?

65 Une fois que la collection fut finalisée, ʿUmar II en aurait fait fabriquer des copies sur des feuillets, une tâche une nouvelle fois confiée à az-Zuhrī. Sur ce, continue le récit, il en aurait fait envoyer un exemplaire dans chaque province des territoires sur lesquels s’étendait son autorité – on peut à bon droit douter de l’historicité de cette information, puisqu'elle semble complètement modelée d’après le récit des dispositions prises par ʿUṯmān une fois la recension du Coran achevée. Du reste, il est plus probable que la collection d’az-Zuhrī fut réalisée ou du moins achevée seulement après la mort de ʿUmar II. 66 Toutefois, az-Zuhrī a lui-même « publié » les matériaux qu’il avait réunis, alors qu’il travaillait comme précepteur des princes sous Hišām (724-743). Cela aussi semble lui avoir posé des problèmes, car il aurait dit : « Les souverains m’ont fait mettre par écrit (istaktabanī) [la Tradition]. Par la suite, c’est moi qui les (c’est-à-dire les souverains, en tant que princes) ai fait recopier (fa-

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aktabtuhum). À présent, maintenant que les souverains ont écrit (la Tradition), j’ai honte devant Dieu de ne pas l’écrire pour d’autres qu’eux. »111.

67 Il n’en demeure pas moins que, par la suite, dans l’entourage d’az-Zuhrī – et plus généralement en Syrie –, la mise par écrit de hadiths, même en vue d’un usage public, ne pouvait plus être considérée comme proscrite. Un élève rapporte : « Nous ne cherchions pas à écrire auprès d’az-Zuhrī, jusqu’à ce que Hišām l’y obligea. C’est alors qu’il écrivit pour les fils de celui-ci. Et désormais, les gens écrivent le Hadith. »112. La contrainte exercée sur lui par les souverains ne fut pourtant pas l’unique argument au moyen duquel az-Zuhrī chercha à justifier ce qui lui avait lui aussi longtemps paru scandaleux, à savoir la rédaction et la diffusion officielles du Hadith. Il a également invoqué d’autres raisons : « N’étaient les hadiths qui nous viennent de l’Est, que nous rejetons et ne connaissons pas, je n’aurais pas mis par écrit le Hadith et n’aurais pas permis qu’on le mette par écrit. »113. Ici se manifeste l’opposition entre l’Est et l’Ouest, c’est-à-dire entre l’Irak et la Syrie, qui nous occupera dans la prochaine partie de notre propos.

IV.

68 Si même az-Zuhrī, un partisan et ami des Omeyyades, éprouve initialement des réticences quant au projet de rédiger officiellement la Tradition, il faut s’attendre à ce que cette entreprise suscite une opposition en dehors de la sphère du pouvoir des Omeyyades, et notamment dans l’Irak hostile à cette dynastie. Pourtant, on ne rencontre pas d’attaques directes, formulées explicitement, contre ce projet. L’opposition semble toutefois s’être manifestée davantage de manière indirecte, sous une double forme. D’une part, des hadiths plus fortement dirigés contre la conservation par écrit de la tradition sont mis en circulation à cette époque. Il se peut parfaitement qu’une discussion de moindre ampleur sur ce thème soit déjà intervenue au Ier siècle de l’Hégire (VIIe siècle de notre ère). L’analyse des isnād-s des hadiths dont il est ici question, selon la méthode de Schacht/Juynboll, qui vise à déterminer le plus récent transmetteur commun (common link ; CL) ayant diffusé le hadith concerné, montre toutefois sans équivoque que ce n’est qu’au tournant du IIe siècle de l’Hégire (donc vers 720, à la mort de ʿUmar II) que la discussion prit toute son ampleur et se prolongea ensuite durant quelques décennies. Elle révèle aussi que les plus récents transmetteurs communs (common links), parmi ceux qui prirent position contre la mise par écrit, étaient majoritairement – mais non exclusivement – de Bassora, de Koufa ou de Médine. Il est important que les hadiths des compagnons (et probablement également les traditions des successeurs) sont plus anciens que les hadiths du Prophète. Il suffit ici d’évoquer, pour les premiers, le bassorien Abū Naḍra (al-Munḏir b. Mālik, mort en 727114), qui mit en circulation le hadith attribué à Abū Saʿīd al-Ḫudrī, son garant direct (« Voulez-vous faire de cela des exemplaires du Coran ? [...] » : voir diagramme II 1), ainsi que le cadi de Koufa Abū Burda (mort en 722115), qui transmit le hadith attribué à Abū Abū Mūsā al-Ašʿarī (« J’ai écrit d’après mon père de nombreux “livres”, mais il les a détruits […] »116). Les hadiths du Prophète contre la mise par écrit des traditions – au nombre de quatre, à première vue – semblent être associés aux plus récents transmetteurs communs suivants : (I 1) le Bassorien Hammām b. Yaḥyā (mort en 781 ; Tahḏīb, vol., 11/60 et suiv.) (Taqyīd, p. 29-32 ; cf. supra § 29 et suiv. ; diagramme I 1),

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(I 2) Sufyān b. ʿUyaina (mort en 811), originaire de Koufa, mais installé à La Mecque (Taqyīd, p. 32-33 ; diagramme I 2), (I 3) le Médinois ʿAbdarraḥmān b. Zaid b. Aslam (mort en 798 ; GAS 1/38) (Taqyīd, p. 33-35 ; cf. supra § 31 ; diagramme I 3) et (I 4) le Médinois Kaṯir b. Zaid al-Aslamī (mort en 774 ; Tahḏīb, vol., 8/370 et suiv.) (Taqyīd , p. 35 ; diagramme I 4). Il est certain qu’il s’agit à l’origine, pour les cas (1) à (3), du même hadith, qui fut seulement transmis dans une formulation différente par chacun des transmetteurs désignés. L’isnād commence à chaque fois ainsi : le Prophète – Abū Saʿīd al-Ḫudrī – ʿAṭāʾ b. Yasār – Zaid b. Aslam (I 1 – I 2), ou bien : le Prophète – Abū Huraira – ʿAṭāʾ b. Yasār — Zaid b. Aslam (I 3). Les plus récents transmetteurs communs mentionnés plus haut deviennent ainsi les plus récents transmetteurs de second degré (partial common links, dans la terminologie de Juynboll), et le faqīh (juriste) médinois Zaid b. Aslam se relève être en fait le plus récent transmetteur commun (mort en 753117). Il est connu – et contesté – pour avoir eu l’habitude d’exprimer son raʾy (sa propre opinion juridique) dans son exégèse du Coran118. Les deux hadiths du Prophète qu’il nous reste à présent à examiner – c’est-à-dire I 1-3 et I 4 – ont donc été mis en circulation à Médine vers le milieu du VIIIe siècle. Le premier – indépendamment du fait qu’il fut « diffusé » dans cette ville de nouveau une génération plus tard – fut « exporté » et repris à Bassora et à La Mecque dans des versions quelque peu différentes.

69 (Que le propagateur de l’un des premiers hadiths des compagnons défavorables à la mise par écrit des traditions, Abū Burda, était cadi, et que le propagateur du plus célèbre hadith du Prophète ici concerné, Zaid b. Aslam, fut au demeurant un partisan particulièrement éminent de l’ahl ar-ra’y (partisans de la propre opinion juridique) plaide une nouvelle fois en faveur de l’idée, développée par Goldziher, d’un intérêt de l’ ahl ar-ra’y dans un mode de reproduction purement oral du hadith.)

70 Pour de plus amples détails au sujet de ces hadiths, voir les commentaires sur les diagrammes.

71 L’autre forme d’opposition à la rédaction du hadith ordonnée par les Omeyyades consista en ceci que l’on manifesta ostensiblement – notamment dans les centres irakiens – son attachement à l’apprentissage par cœur des traditions. Des exemples de spécialistes bassoriens de la Tradition qui incarnèrent ce point de vue, ou de muṣannifūn (compilateurs d’un muṣannaf, c’est-à-dire une collection divisée en chapitres systématiques) de Bassora ou de Koufa qui récitaient leurs œuvres sans s’appuyer sur un « livre » ont été apportés plus haut (§ 19 et suiv.). D’autres preuves peuvent ici être avancées. Elles sont notamment destinées à montrer que les anciens savants musulmans eux-mêmes associaient la mémorisation du hadith aux spécialistes de la tradition des villes irakiennes.

72 Aḥmad b. Ḥanbal désigne le mode de conservation de la tradition fondé sur le souvenir comme le maḏhab (la méthode) des Bassoriens119. Il rapporte comment un spécialiste de la Tradition et théologien bassorien, Ibn ‘Ulaiya (mort en 808120), s’est ému d’un hadith du Prophète favorable à la mise par écrit (un hadith de La Mecque, mis en circulation par ʿAmr b. Šuʿaib121). Aḥmad b. Ḥanbal décrit Qatāda b. Diʿāma (mort en 736122), lui- même bassorien et aveugle, comme étant un meilleur « gardien de la Tradition » que les gens de Bassora (aḥfaẓ min ahl al-Baṣra)123. C’est aussi Aḥmad b. Ḥanbal qui affirmait préférer les hadiths de ʿAbdarrazzāq d’après Maʿmar à celui des Bassoriens (qui, parce qu’ils s’appuyaient sur leur mémoire, commettaient des erreurs).

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73 Mais les « gardiens du Hadith » de Koufa (ḥuffāẓ al-Kūfīyīn lil-ḥadīṯ) sont également réputés124. On louait le Koufien al-Aʿmaš (mort en 765) d’avoir été, en son temps, le gardien des traditions des gens de cette ville – il n’avait bien sûr « aucun livre » (kāna muḥaddiṯ ahl al-Kūfa fī zamānihī wa-lam yakun lahū kitāb). Il aurait été, parmi ses compagnons, « le plus éminent lecteur du Coran et le meilleur “gardien” du hadith » (kāna aqraʾahum lil-Qurʾān wa-aḥfa-ẓahum lil- ḥadīṯ)125. 74 Le rejet de la mise par écrit des traditions, exprimé de manière particulièrement agressive en Irak, peut s’expliquer ainsi par l’opposition entre les villes anti-omeyyades de Bassora, Koufa et Médine, et la ville pro-omeyyade de Damas. Hors de Syrie, on n’était pas partout enclin à accepter des hadiths qui avaient été codifiés et propagés sous l’égide de la puissance omeyyade – nous avons observé (§ 61,67) que l’on racontait à propos d’az-Zuhrī qu’il s’était parfois vu confronté à la pression des souverains de reconnaître des hadiths de leur convenance 126.

75 Peut-être redoutait-on, à une époque où la communauté musulmane était sur le point de se déliter en une pluralité de sectes et d’orientations théologiques, d’hypothéquer définitivement l’unité dans l’Islam, si chaque groupe religieux et politique et même chaque savant suivait l’exemple omeyyade et diffusait publiquement, sous une forme écrite, sa propre collection de hadiths. Le danger que cette tendance ne se cristallisât en des schismes était de toute façon moindre dans la cadre d’un « enseignement oral » plus souple. Tant que celui-ci n’est pas « fixé » par écrit, on pouvait s’abandonner à l’illusion que la tradition, tout autant que le Coran (l’« enseignement écrit »), était malgré tout « une ».

76 Toutefois, un autre élément aurait pu contribuer au rejet de la mise par écrit. Les spécialistes bassoriens de la tradition, qui étaient aussi, très souvent, des théologiens et pour la plupart des qadarites127 (par exemple Ibn ‘Ulaiya et de Saʿīd b. Abī ʿArūba), avaient pour habitude et appréciaient de manier dans leurs discussions un « enseignement oral » souple. Il en va de même pour les savants des villes de Koufa et Médine, fortement marquées par le chiisme. Un enseignement oral offrait, vis-à-vis d’un (second) enseignement écrit, maints avantages lorsqu’il s’agissait de défendre ses propres positions et de réfuter les points de vue adverses. Pour un « enseignement écrit », le Coran suffisait : le texte de celui-ci était fixe et définitif, et un corps de savants, les qurrāʾ (lecteurs du Coran), veillait jalousement sur la conservation fidèle et la transmission scrupuleuse du texte. À l’inverse, on pouvait aisément adapter des préceptes transmis uniquement de manière orale, par le biais d’ajouts, d’omissions, de remaniements et d’altérations tendancieux, mais aussi, parfois, en falsifiant certains hadiths. Les recherches de Josef van Ess et de Michael Cook128 montrent que ces phénomènes se sont effectivement produits, mais aussi selon quelles modalités ils se produisirent. La volonté de conserver une certaine souplesse, de ne pas trancher, a assurément joué un rôle dans l’effort pour maintenir le Hadith sous la forme d’un enseignement oral. Dans la phase finale de cette évolution, la transmission par cœur des hadiths, notamment à Bassora, semble n’avoir plus été pratiquée que comme une activité sportive.

77 Où en étaient cependant les partisans de la mise par écrit des traditions ? L’analyse des isnād-s des hadiths concernés montre que des thèses favorables à une version écrite étaient déjà répandues au Ier siècle de l’Hégire (VIIe siècle de notre ère). Le nom de ʿAbdallāh b. ʿAmr b. al-ʿĀṣ (mort en 684129), compagnon du Prophète mecquois, se distingue ici à maints égards, qu’il soit cité comme transmetteur originel130, ou bien que

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sa personne et son goût de l’écriture soient l’objet de la sentence131. Dans un cas, il est peut-être aussi le premier et le plus récent transmetteur commun132. ʿAbdallāh b. ʿAmr possédait une ṣaḥīfa, c’est-à-dire un feuillet sur lequel il avait noté des traditions relatives au Prophète et aux compagnons. Il ne conservait toutefois pas cette ṣaḥīfa – la plus célèbre du genre – en secret, ainsi que les autres avaient coutume de conserver leurs notes, mais il se vantait d’elle en public. Il lui donna même un nom, aṣ-ṣādiqa, « la véridique », et elle fait l’objet d’une tradition particulière souvent citée, attribuée à ʿAbdallāh comme premier transmetteur133. Cette ṣaḥīfa fut ensuite léguée de père en fils au sein de la famille de ʿAbdallāh b. ʿAmr – nous allons entendre à nouveau parler d’elle.

78 Cependant, la diffusion des hadiths favorables à la conservation de la Tradition au moyen de l’écrit s’est produite au cours du siècle suivant, soit le IIe siècle de l’Hégire (VIIIe siècle de notre ère). La plupart des hadiths ne commencent à se ramifier que durant cette période, et les hadiths possiblement plus anciens se ramifient alors de nouveau (les partial common links, PCL, c’est-à-dire les plus récents transmetteurs communs de second degré, dans la terminologie de Juynboll). Au cours de cette évolution, le nom du Mecquois ʿAmr b. Šuʿaib (mort en 736134) apparaît à plusieurs reprises, comme CL (plus récent transmetteur commun), ou bien comme PCL (plus récent transmetteur commun de second degré.135 Il est l’arrière-petit-fils de ʿAbdallāh b. ʿAmr, qui a hérité de sa ṣaḥīfa et auquel on reprochait de l’avoir seulement « trouvé » en l’état et de ne pas l’avoir « entendu » de son père136.

79 Tandis que les spécialistes musulmans associent l’apprentissage par cœur aux Irakiens, et en particulier aux Bassoriens, l’emploi de ṣaḥīfa-s « trouvées » – que les adversaires de la mise par écrit rejettent bien sûr vigoureusement – sont mises en relation avec la « Syrie »137 ou avec « La Mecque et le Yémen »138.

80 À La Mecque, Muǧāhid (mort en 722139) était, parmi d’autres, l’un des partisans de l’écriture du Hadith. Il aurait confié ses « livres » à ses élèves pour qu’ils les recopient140. Une génération plus tard, le Mecquois Ibn Ǧuraiǧ (mort en 767141), qui passe, à l’instar de Saʿīd b. Abī ʿArūba, pour l’un des premiers auteurs de muṣannaf-s (collections divisées en chapitres systématiques) 142, s’enorgueillit ainsi : « Personne n’a autant compilé par écrit la tradition que moi » (mā dawwana al-ʿilm tadwīnī aḥad)143 – et ce à peu près à la même époque où Saʿīd b. Abī ʿArūba, à Bassora, se félicite de ne posséder aucun livre.

81 Il y avait certes à La Mecque des opposants à la mise par écrit, et les tenants de cette position ne formaient nullement, dans cette ville, un front presque uni, comme ce fut longtemps le cas des partisans de l’oralité à Bassora. Le plus célèbre Mecquois qui défendit la position d’une conservation de la tradition fondée sur l’oralité est ʿAmr b. Dīnār (mort en 743). ʿAlī b. al-Madīnī le compte parmi les six plus éminents « gardiens ( ḥuffāẓ) du Hadith» de la communauté réunie autour de Mahomet (parmi les cinq autres figurent deux Bassoriens, deux Koufiens et le Médinois az-Zuhrī !)144. Toujours est-il que ʿAmr b. Dīnār aurait autorisé son élève Sufyān b. ʿUyaina à noter des aṭrāf (« pointes / extrémités »)145.

82 C’est au Yémen que l’opposition contre la mise par écrit des traditions semble avoir été la moins importante. Le Yéménite Hammām b. Munabbih (mort en 719146) est l’auteur d’une ṣaḥīfa (feuillet), qui est préservée dans une version ultérieure. Hammām aurait acheté « les livres »147 pour son frère Wahb148 – tellement tous deux n’accordaient que peu de valeur à la tradition « par audition ». À travers l’exemple de Maʿmar b. Rāšīd, un

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élève de Hammām b. Munabbih, nous avons vu que, au Yémen, on ne récitait pas par cœur (supra § 20).

83 Comment ce constat s’insère-t-il dans le tableau que nous avons dressé jusqu’à présent ? Tout d’abord, il ressort que, dans des centres plus éloignés de Damas comme La Mecque ou Sanaa, l’opposition à la codification du Hadith était plus faible qu’en Irak ou qu’à Médine. À La Mecque ou au Yémen, l’usage public de ṣaḥīfa-s semble déjà s’inscrire dans une certaine tradition. Si ʿAbdallāh b. ʿAmr b. al-ʿĀṣ a déjà effectivement répandu le hadith dont il est question plus haut (III 1), il est logique d’interpréter sa position comme le fait d’une opposition, déjà isolée au Ier siècle de l’Hégire (VIIe siècle de notre ère), contre le consensus accepté de manière générale à cette époque, en vertu duquel le Hadith devait être considéré comme un enseignement oral – que l’on pouvait tout au plus noter sous la forme d’hypomnēmata, conservés aussi secrets que possible.

84 Quant à l’apologie de la mise par écrit fondée sur certains hadiths, développée au IIe siècle de l’Hégire (VIIIe siècle de notre ère), elle semble constituer moins un soutien aux efforts de codification initiés par les Omeyyades qu’une réaction – du moins en partie – à l’hostilité irako-médinoise envers l’écrit. Parmi les protagonistes s’illustrent notamment les possesseurs de notes, qui – comme dans le cas de ʿAmr b. Šuʿaib – regardaient leurs ṣaḥīfa comme de précieux objets de famille et qui, pour cette raison, préconisaient de conserver la Tradition au moyen de l’écrit. Cette position pouvait ensuite provoquer à son tour une nouvelle réaction de la part d’un Bassorien, comme nous l’avons vu dans le cas d’Ibn ʿUlayya (supra § 72 et suiv.). 85 En ce IIe siècle (VIIIe siècle de notre ère), les partisans de la mise par écrit semblent ne pas pouvoir être rattachés à une orientation « idéologique » particulière. Il dut s’agir plutôt, en ce qui les concerne, de personnages pragmatiques, qui, parce qu’ils possédaient justement une précieuse ṣaḥīfa, parce qu’ils ne jouissaient pas d’une bonne mémoire, ou bien pour tout autre motif, n’étaient pas disposés à jouer le jeu de la transmission par cœur de la tradition. Par cette attitude, ils sont les devanciers d’un Aḥmad b. Hanbal, qui a souligné à plusieurs reprises le caractère problématique de cette méthode. Depuis le milieu du IIe siècle (VIIIe siècle de notre ère), on rencontre aussi parmi eux, de temps à autre, des Irakiens, qui – en tant que plus récents transmetteurs communs (CL) – ont répandu des traditions favorables à la mise par écrit. Ainsi, le Bassorien al-Ḫaṣīb b. Ǧaḥdar (mort en 763149) a mis en circulation ce hadith du Prophète d’après lequel ce dernier aurait dit à un homme qui se plaignait de sa mauvaise mémoire : « Soutiens ta mémoire de ta main droite »150. Les spécialistes musulmans ont déjà soupçonné al-Ḫaṣīb d’avoir fabriqué de toutes pièces ce hadith, et les critiques du Hadith le tiennent tous sans exception pour un menteur151. On peut parfaitement imaginer que sa prise de position –appuyée sur un hadith du Prophète – en faveur de la mise par écrit des traditions dans la Bassora du IIe siècle de l’Hégire (VIIIe siècle de notre ère), qui était hostile à cette pratique, ait contribué à lui valoir cette réputation. 86 Dans cinq hadiths apparaît le matn (texte) « enchaînez le Savoir » (qaiyidū al-ʿilm), c’est- à-dire « fixez par écrit la Tradition ». Le slogan est attribué au Prophète152, à ʿAlī153, à ‘Abdallāh ibn ‘Abbās154, à Anas b. Malik155 et même à ʿUmar156. Que la Tradition, en fin de compte, devait être effectivement « enchaînée » c’est ce que montre l’évolution ultérieure, au IIIe siècle de l’Hégire (IXe siècle de notre ère). Comme dans le judaïsme, l’enseignement oral devint aussi, au sein de l’Islam, un second enseignement écrit, dont le prestige n’avait que peu ou rien à envier au premier157.

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87 Pourtant, on ne saurait prétendre que les tenants d’une Tradition écrite ont complètement triomphé de leurs adversaires. En effet, on ne renonça pas, au IIIe siècle de l’Hégire et même plus tard, à une dimension de l’oralité longtemps requise : l’idéal d’une Tradition « par audition » (samāʿ), au cours de la leçon du maître. Comme auparavant, une tradition « purement recopiée » (kitāb[a]) ou « trouvé » était considérée comme « faible » et comme devant être évitée autant que possible (cf. la discussion sur la ṣaḥīfa de ʿAmr b. Šuʿaib, à laquelle ont également pris part, entre autres, Yaḥyā b. Maʿīn et ʿAlī b. al-Madīnī158). En principe, on devait même accéder, dans la mesure du possible, aux collections de traditions canoniques, les Ṣaḥīh-s (« Authentiques ») d’al-Buḫārī, Muslim, etc., à travers le samāʿ159, même si, en pratique, seuls quelques-uns parvinrent à entendre l’intégralité de ces œuvres colossales dans le cadre de lectures données par leurs auteurs ou par des transmetteurs autorisés160.

Les diagrammes

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Commentaires sur les diagrammes

88 Les diagrammes ci-dessus décrivent les principaux isnād-s (chaînes de transmission) traités dans le présent travail d’après l’analyse de Schacht/Juynboll. Je désigne ainsi cette méthode d’analyse des isnād-s parce qu’elle a été formulée par Josef Schacht dans son livre intitulé The Origins of Muhammadan Jurisprudence161, avant d’être affinée et utilisée par G. H. A. Juynboll, dans le livre Muslim Tradition. Studies in Chronology, Provenance and Authorship of Early Ḥadῑth162, ainsi que dans d’autres articles et

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conférences sur ce thème. Il convient toutefois de souligner que d’autres savants, comme Josef van Ess et Michael Cook, ont utilisé cette méthode de manière fructueuse et l’ont également en partie développée.

89 Dans cette méthode, le point de départ de l’analyse des isnād-s est un hadith particulier. Autant que possible, tous les isnād-s qui ont été conservés pour ce hadith sont collectés, comparés et représentés sur un diagramme. D’après le mode de représentation adopté par Juynboll, le Prophète, le transmetteur originel ou le transmetteur le plus ancien est placé au bas du diagramme, tandis que les transmetteurs ultérieurs sont disposés en ligne ascendante. Les flèches indiquent la direction dans laquelle le hadith est transmis. Les voies de transmission rarement attestées ou douteuses sont représentées par des flèches en pointillés. Dans le cas des hadiths du Prophète, il apparaît ainsi souvent que les trois ou quatre plus anciens transmetteurs après le Prophète sont identiques dans les isnād-s et que l’isnād se ramifie ensuite. Dans le mode de représentation que nous avons retenu, ces diagrammes décrivent dans une certaine mesure la forme d’un arbre. Dans le cas des hadiths des compagnons, l’isnād se ramifie souvent plus tôt. Schacht et Juynboll désignent du nom de common link (CL) le transmetteur au niveau duquel l’isnād se ramifie, c’est-à-dire le plus récent transmetteur commun. Le CL marque selon Schacht le moment à partir duquel la tradition fut au plus tôt diffusée. Juynboll appelle partial common links (PCL) les ramifications ultérieures (dans l’arborescence) de l’isnād. Ils sont responsables de la propagation et éventuellement de la reformulation d’une tradition.

À propos de I et II

90 Aucun des hadiths du Prophète I 1 à I 4 hostiles à la mise par écrit – il s’agit de tous ceux qui existent – n’apparaît dans les collections de traditions pré-canoniques (dorénavant désignées comme les collections « anciennes ») suivantes, qui comportent un chapitre Fī karāhiyat kitāb al-ʿilm («A propos de l'aversion contre la fixation du Hadith au moyen de l'écriture») ou autres semblables : le K. al-Ǧāmiʿ de Maʿmar b. Rāšīd (mort en 770), le K. al-ʿIlm d’Abū Ḫaiṯama (mort en 848) et le Muṣannaf de Ibn Abī Šaiba (mort en 849). Al-Buḫārī (mort en 870) n’en invoque lui aussi aucun. À l’inverse, Muslim (mort en 875) connaît déjà I 1163, tandis qu’Abū Dawūd (mort en 888) et at-Tirmiḏī (mort en 892) connaissent respectivement I 4164 et I 1 et I 2 165. (Les autres collections canoniques n’ont pas été consultées). Nous avons établi plus haut que I 1, I 2 et I 3 sont des variantes d’un seul et même hadith. At-Tirmiḏī (op. cit.) l’avait déjà remarqué et énoncé expressis verbis pour I 1 et I 2. Aḏ-Ḏahabī semble l’avoir remarqué pour I 2 et I 3. Dans son chapitre du Mīzān dédié à ʿAbdarraḥmān b. Zaid b. Aslam166, où il s’appuie sur plusieurs des hadiths répandus par celui-ci, il mentionne en effet tout d’abord I 2, pour lequel il cite – correctement – Ibn ʿUyaina (CL dans I 2 !) comme plus récent transmetteur commun, et invoque dans la foulée I 3 (CL : ʿAbdarraḥmān b. Zaid), qu’il qualifie de munkar (« rejeté », non reconnu). Aḏ-Ḏahabī a ainsi perçu, semble-t-il, le phénomène du [P]CL !

91 Cependant, le hadith I 1/2/3 en question n’est pas, à proprement parler, une falsification pure et simple, mais constitue davantage la « projection » (rafʿ, littéralement « élévation ») d’une parole attribuée à Abū Saʿīd al-Ḫudrī (peut-être authentique, mais en tout cas ancienne) (II 1, cf. infra) sur le Prophète. C’est la conjecture que formulaient déjà des spécialistes musulmans à commencer par al- Buḫārī167. En réalité, les deux hadiths présentent bien un contenu similaire, et la

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transposition a dû être d’autant plus aisée qu’Abū Saʿīd se réfère déjà au Prophète dans II l (« conservez donc (vous aussi) un souvenir de nous dans votre mémoire, comme nous avons conservé un souvenir de votre Prophète »). La référence à une pratique de Mahomet pouvait aisément devenir une citation d’une parole de celui-ci. Selon toute probabilité, la projection est à mettre au compte de Zaid b. Aslam (CL dans I 1/2/3). (Une alternative bien moins probable consisterait à l’imputer à ʿAṭāʾ b. Yasār, d’après lequel Zayd b. Aslam – réellement ou prétendument – transmet la tradition.) Il n’en demeure pas moins que les transmetteurs de Zaid b. Aslam (Hammām b. Yaḥyā, Ibn ʿUyaina et ʿAbdarraḥmān b. Zaid) ont dû déjà recevoir de Zaid la tradition projetée sur le Prophète, étant donné qu’ils s’accordent sur ce point particulier (Zaid en tant que leur maître commun). La formulation propre à I 1, I 2 et I 3 est imputable, respectivement, à Hammām b. Yaḥyā, Sufyān b. ʿUyaina et ʿAbdarraḥmān b. Zaid b. Aslam, en tant que PCL.

92 Parmi les trois versions du hadith, la version I 3, associée au « faux » transmetteur originel Abū Huraira, est la plus problématique. Comme nous l’avons indiqué plus haut, aḏ-Ḏahabī l’avait déjà qualifiée de « non reconnue » (munkar). Il convient de noter qu’Aḥmad b. Ḥanbal, qui introduit le hadith dans son Musnad (compilation de hadiths organisées selon les transmetteurs)168, le mentionne dans le chapitre consacré à Abū Saʿīd al-Ḫudrī, bien que le transmetteur originel, cité dans l’isnād, soit Abū Huraira et non Abū Saʿīd al-Ḫudrī! (Dans deux œuvres ultérieures auxquelles je n’ai pas accès, le « vrai » transmetteur original, Abū Saʿīd al-Ḫudrī, serait nommé169). S’agissant de I 2, al- Ḫaṭīb al-Baġdādī produit (par mégarde ? contamination avec I 3 ?) l’isnād (à partir de CL) Ibn ʿUyaina ʿan (d’après) ʿAbdarraḥmān b. Zaid b. Aslam ʿan abīhi (d’après son père), etc. Je lis cependant, avec at-Tirmiḏī170 et ad-Dārimī171 : Ibn ʿUyaina ʿan (d’après) Zaid b. Aslam, etc. (Zaid b. Aslam figure chez Ibn Ḥaǧar parmi les šaiḫ-s (maître) d’Ibn ʿUyaina172 ; la chronologie ne pose pas de problème, puisque Ibn ʿUyaina [né en 725] avait 28 ans à la mort de Zaid [en 753].)

93 Dans le cas de I 4, il semble qu’il s’agisse également d’une projection – en l’occurrence de l’opinion de Zaid b. Ṯābit – sur le Prophète. Il existe en effet une tradition attribuée à Zaid lui-même qui est similaire (mais associée à un autre isnād), dans laquelle celui-ci, dans une situation semblable, refuse que ses propres paroles soient notées173. Selon toute vraisemblance, cette projection est à mettre au compte du Médinois Kaṯīr b. Zaid al-Aslamī (CL). Une nouvelle fois, aḏ-Ḏahabī, qui cite cette tradition dans le chapitre du Mīzān174 qu’il consacre à Kaṯīr b. Zaid, avait déjà remarqué que c’est ce dernier qui l’a transmise sous cette forme (c.-à-d. projetée sur le Prophète). Dans ce cas aussi, aḏ- Ḏahabī a de toute évidence perçu le phénomène du CL !

94 Le hadith II 1 apparaît dans les deux collections « anciennes » d’Abū Ḫaiṯama175 et d’Ibn Abī Šaiba176. Il est peut-être authentique, et dans tous les cas ancien. Dans l’hypothèse où il ne remonterait pas à Abū Saʿīd al-Ḫudrī, il a dû être associé à celui-ci au plus tard par le transmetteur suivant, le Bassorien Abū Naḍra (mort en 727), comme le montre de manière univoque le diagramme (Naḍra est clairement un CL, avec trois PCL !).

95 Au demeurant, un troisième hadith dirigé contre l’écrit, associé à un autre isnād, est attribué à Abū Saʿīd al-Ḫudrī (isnād [à partir du CL] : Ḫālid b. Mihrān al-Ḥaḏḏāʾ [mort vers 758 ; Bassora] ʿan (d’après) Abū al-Mutawakkil ʿAlī b. Dāwūd [mort vers 720 ; Bassora] ʿan (d’après) Abū Saʿīd al-Ḫudrī : « Nous avions coutume de ne rien écrire hormis le Coran et le tašahhud. »)177. Il est ainsi tout à fait possible que ce soit lui, et non

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Abū Naḍra, qui ait d’abord propagé la théorie selon laquelle il ne fallait pas noter les traditions.

96 Le hadith II 2 – tout comme II 1 – figure dans les deux collections « anciennes » d’Abū Ḫaiṯama178 et d’Ibn Abī Šaiba179. Comme II 1, il fait partie des hadiths hostiles à la mise par écrit des traditions les plus fréquemment cités et les plus importants. Il est lui aussi peut-être authentique, et dans tous les cas anciens. Dans l’hypothèse où il ne remonterait pas à Abū Mūsā al-Ašʿarī, il a dû être attribué à ce dernier par son fils Abū Burda (à Koufa), comme le montre une nouvelle fois le diagramme (Abū Burda comme CL, avec des PCL).

97 Comme résultat positif de notre analyse des hadiths hostiles à la mise par écrit des traditions, nous pouvons établir que : (1) le Prophète, selon toute vraisemblance, n’a pas exprimé une telle opinion ; (2) il n’est pas exclu que certains compagnons médinois aient prononcé cette interdiction dès le Ier siècle (VIIe siècle de notre ère) ; (3) il est certain que cette interdiction a été soutenue au sein de la première génération de successeurs (premier quart du IIe siècle [VIIIe siècle de notre ère]), notamment à Bassora et à Koufa ; (4) elle fut projetée sur le Prophète au sein de la seconde génération de successeurs (deuxième quart du VIIIe siècle), à Médine.

À propos de III et IV

98 Parmi les hadiths favorables à la mise par écrit évoqués ici, les suivants apparaissent dans les collections « anciennes » : III 1 figure dans le Muṣannaf d’Ibn Abī Šaiba180, tandis que IV 1 figure dans le Ǧāmiʿ de Maʿmar b. Rāšīd 181. Dans les quatre collections canoniques consultées, III 1 apparaît chez Abū Dāwūd182, alors que IV l est présent chez al-Buḫārī183 et chez at-Tirmiḏī184.

99 Selon un autre hadith, le Prophète aurait autorisé un certain Abū Šāh, dans un cas précis, à faire noter pour lui-même une ḫuṭba (un prône) (transmetteur originel prétendu : Abū Huraira ; CL: Yaḥyā b. Abī Kaṯīr ; mort en 749. Ce hadith figure dans les collections canoniques d’al-Buḫārī, d’Abū Dāwūd et d’at-Tirmiḏī185. Cette tradition, qui n’apparaît dans aucune des collections « anciennes », est tenue pour authentique par les critiques musulmans modernes186.

100 Tandis que les isnād-s des hadiths dans lesquels l’écrit est prohibé présentent tous l’arborescence habituelle (pour les hadiths du Prophète : Prophète – compagnon – successeur [– successeur] – CL ; pour les hadiths des compagnons abordés ici : compagnon – successeur = CL), la structure des isnād-s des hadiths dans lesquels la mise par écrit est autorisée est plus difficile à apprécier. Pas un seul ne revêt, du moins à première vue, la forme d’un arbre. Par l’interprétation, toutefois, il est peut-être possible de la retrouver pour III 1, III 2 et IV 2.

101 III 1 s’approche de cette forme. En tous cas, cette tradition possède un CL très clairement identifiable, associé à plusieurs PCLs et placé dans la position habituelle : ʿAmr b. Šuʿaib. Il est ainsi certain que ʿAmr b. Šuʿaib a diffusé ce hadith. Pourtant, ʿAbdallāh b. ʿAmr, le transmetteur originel, pourrait très bien l’avoir lui-même propagé, dans la mesure où l’isnād se ramifie déjà à partir de lui. Toutefois, il est vrai que la plupart des autres lignes qui, partant de ʿAbdallāh b. ʿAmr, ne conduisent pas à ʿAmr b. Šuʿaib, ne sont que rarement transmises et conduisent en partie à des personnages obscurs, de sorte qu’on peut les écarter comme inauthentiques. Cependant, il n’en va pas nécessairement ainsi de la ligne Yūsuf b. Māhak ʿan (d’après)

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ʿAbdallāh b. ʿAmr, avec Saʿīd al-Qaṭṭān comme CL (ou PCL). Elle figure chez Ibn Abī Šaiba et chez Abū Dāwūd187. Il me paraît peu probable (mais cette hypothèse n’est pas à exclure) que Yaḥyā b. Saʿīd al-Qaṭṭān (en tant que CL ou PCL) ait inventé cet isnād, pour disposer, à la place de l’isnād ʿAmr b. Šuʿaib ʿan abīhi (d’après son père) jugé « faible » (au motif qu’il repose sur une tradition « purement recopiée »), d’un « meilleur » isnād, reposant sur une tradition « transmise par audition ». À cette hypothèse s’oppose en effet le fait qu’il s’agit d’une tradition dont le contenu n’a pas dû être particulièrement du goût de Yaḥyā, un savant bassorien qui se méfiait de l’écrit. Il n’est donc guère imaginable qu’il ait associé au hadith un « meilleur » isnād, qu’il aurait lui-même forgé de toutes pièces. Je considère que l’hypothèse suivante est plus probable. ʿUbaidallāh b. al-Aḫnas, le šaiẖ (maître) de Yaḥyā qui prétend de son côté tenir le hadith de al-Walīd b. ʿAbdallāh b. Abī Muġīṯ188, était aussi un élève de ʿAmr b. Šuʿaib189. Les spécialistes musulmans lui attribuent déjà de nombreuses erreurs dans la transmission190. Pour cette raison, dans le cas de ce hadith, il est tout fait imaginable qu’en lieu et place du véritable transmetteur, ʿAmr b. Šuʿaib, il ait cité Walīd b. ʿAbdallāh, un autre de ses maîtres. Si c’est réellement le cas, nous aurions alors presque retrouvé l’arborescence. Nous n’aurions plus alors qu’à supprimer la ligne Ibn Ğuraiğ ʿan (d’après) ʿAṭāʾ b. a. Rabāḥ, qui est rarement reprise et repose exclusivement, semble-t-il, sur le témoignage d’Ibn Ğuraiğ. Cette ligne est de toute façon moins digne de foi que la ligne Ibn Ğuraiğ ʿan ʿAmr b. Šuʿaib, bien établie et attestée avec certitude sur le plan historique. Si l’on veut suivre ce raisonnement et admettre que ʿAmr b. Šuʿaib, en tant que CL, a été le premier à diffuser le hadith, il conviendrait de plus de se demander si, en associant le hadith à l’isnad « d’après mon père, qui le tenait de son grand-père » (isnad qui ne peut être vérifié) ʿAmr a projeté sur le Prophète une tradition attribuée à l’origine à son arrière-grand-père ʿAbdallāh b. ʿAmr. Cette tradition pourrait être IV I que ʿAmr b. Šuʿaib possédait dans son répertoire. Nous serions alors en présence d’une situation tout à fait similaire que pour le hadith I 1/2/3, très certainement dérivé de II 1 !) Le fait que ʿAmr b. Šuʿaib préfère généralement se référer au Prophète en tant que source du droit191 pourrait plaider en faveur de cette possibilité.

102 Pour terminer, il convient une nouvelle fois de rappeler que toutes ces considérations ne sont qu’hypothétiques et qu’on ne saurait exclure, en se fondant sur l’analyse de l’ isnād, que le hadith ait été diffusé dès le IIe siècle (VIIe siècle de notre ère) par ʿAbdallāh b. ʿAmr. 103 Concernant le hadith III 2, des éléments plus positifs peuvent être formulés. Le texte n’est rien d’autre qu’une variante, en l’occurrence une actualisation de la formulation de III 1. Cette actualisation est à mettre au compte de ʿAbdallāh b. al-Muʾammal, qui tient la tradition de ʿAmr b. Šuʿaib (cf. également III 1 !). Il a simplement remplacé l’ancienne formulation, « Oui, écrivez ! », par le slogan (voir supra § 86) « enchaînez le Savoir ». Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une falsification, mais d’une forme particulière de riwāya bil-maʿnā (transmission selon le sens). Les deux lignes conduisant à ʿAbdallāh b. ʿAmr qui ne passent pas par ʿAmr b. Šuʿaib sont douteuses. Pour la ligne Ibn Ğuraiğ ʿan (d’après) ʿAṭāʾ b. a. Rabāḥ ʿan (d’après) ʿAbdallāh b. ʿAmr, cf. supra (§ 101) à propos de III 1. La ligne Ibn Abī Mulaika ʿan (d’après) ʿAbdallāh b. ʿAmr repose exclusivement sur le témoignage d’Ibn al-Muʾammal et n’est très probablement pas authentique. Peut-être Ibn al-Muʾammal a-t-il voulu appuyer sa version actualisée au moyen de ces isnād-s supplémentaires. Si notre raisonnement est exact – c’est en l’occurrence très probable –, nous aurions alors rétabli ici aussi, pour ce hadith,

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l’arborescence habituelle (avec ʿAmr b. Šuʿaib comme CL et ʿAbdallāh b. al-Muʾammal comme PCL).

104 Parmi les deux hadiths de compagnons abordés ici dans lesquels l’écrit est approuvé, IV 1 est dans tous les cas ancien. Il apparaît dans le Ǧāmiʿ de Maʿmar192. Ce dernier tient cette tradition directement de son maître Hammām b. Munabbih. Si elle ne provient pas d’Abū Huraira elle a dû déjà lui être attribuée une génération plus tard. Elle possède, comme le montre le diagramme, deux CL-s (ou PCL-s, si l’on est enclin à reconnaître le transmetteur original prétendu comme CL) : Hammām b. Munabbih, ainsi que ʿAmr b. Šuʿaib. Ce dernier reçoit cette tradition d’ Abū Huraira, par l’entremise de deux maîtres, Muǧāhid et al-Muġīra b. Ḥakīm.

105 Dans IV 2, Muǧāhid est clairement CL (avec deux PCL-s). Il a ainsi dû propager le hadith au début du IIe siècle (VIIIe siècle de notre ére), voire plus tôt. Les autres lignes issues du transmetteur originel (présumé), ʿAbdallāh b. ʿAmr, sont rarement attestées (comme Abū Rāšid al-Ḥubrānī ʿan (d’après) ʿAbdallāh b. ʿAmr), ou bien reposent exclusivement sur le témoignage d’un seul transmetteur (ainsi Laiṯ ʿan Ṭāwūs ʿan ʿAbdallāh b. ʿAmr ; Ṭāwūs n’est mentionné comme témoin que par Laiṯ, qui tient aussi ce hadith de Muǧāhid, selon une tradition plus sûre).

106 En résumé et pour conclure, on peut établir les éléments suivants. Il est certain que, dès le début du IIe siècle (VIIIe siècle de notre ère), on a attribué des traditions favorables à la mise par écrit aux compagnons Abū Huraira et ʿAbdallāh b. ʿAmr (IV 1, IV 2). Il est possible que ces traditions remontent effectivement à ces deux compagnons. Dans ce cas, elles auraient été diffusées dès le Ier siècle (VIIe siècle de notre ère). Les hadiths du Prophète dans lesquels l’écriture est autorisée sont probablement plus récents que les hadiths des compagnons correspondants (transmis d’abord par ʿAmr b. Šuʿaib, mort en 736, qui est clairement CL dans III 1/2). Ils sont cependant plus anciens – le fait est certain – que les hadiths du Prophète proscrivant l’écriture (dans lesquels Zaid b. Aslam, mort en 753, est CL). Néanmoins, il n’est pas totalement exclu que, dès le Ier siècle (VIIe siècle de notre ère), un hadith du Prophète favorable à la mise par écrit ait été diffusé (ʿAbdallāh b. ʿAmr, mort en 884, comme possible CL in III 1/2). 107 Il s’ensuit donc la possible chronologie suivante (nous laissons ici de côté le Ier siècle (VIIe siècle de notre ère), durant lequel il y eut peut-être déjà une discussion mineure sur ce thème) : 1) Des successeurs attribuent à certains compagnons des hadiths favorables à une transmission par écrit (premier quart du Ier siècle (VIIe siècle de notre ère), notamment à La Mecque et au Yémen), dans un premier temps probablement en réaction au consensus (théorique), largement accepté, en vertu duquel les traditions ne doivent pas être mises par écrit (pour un usage public), mais aussi, très vite, en opposition à 2). 2) Durant la même période, d’autres successeurs attribuent à certains compagnons des hadiths hostiles à une transmission écrite (à Bassora, à Koufa, mais aussi à La Mecque), dans un premier temps probablement en réaction à la pratique, de plus en plus répandue, qui consiste à mettre par écrit des traditions afin de soutenir la mémoire, mais aussi, très vite, dans une discussion avec 1) et – avant toute chose – en réaction aux velléités de codification des Omeyyades. 3) Hadiths du Prophète favorables à l’écriture (premier et deuxième quart du IIe siècle (VIIIe siècle de notre ère), notamment à La Mecque), en réaction à 2). 4) Hadiths du Prophète hostiles à l’écriture (deuxième et troisième quart du IIe siècle (VIIIe siècle de notre ère), à Médine et à Bassora), en réaction à 3), mais aussi, en

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particulier, à l’utilisation en public, de plus en plus répandue, de collections écrites dues à des spécialistes de la Tradition, notamment à Damas, à La Mecque et à Sanaa.

Addenda

(Ces ajouts sont tirés de la traduction anglaise de cet article, G. Schoeler : The Oral and the Written in Early Islam, trad. U. Vagelpohl, éd. par J. E. Montgomery, Londres : Routledge, 2006, p. 140-141)

108 Le plus important travail sur le sujet paru après mon article est une très longue contribution de Michael Cook : « The Opponents of the Writing of Tradition in Early Islam »193. Quoique d’accord avec moi sur la plupart des points, il souligne toutefois quelques « désaccords substantiels »194. Il écrit : « La différence majeure entre son approche méthodologique et la mienne est que Schoeler adhère à la méthode du “ common link” de Schacht »195. En outre, Cook soutient que nous ne pouvons affirmer rien de certain quant à la controverse autour de la mise par écrit des traditions au premier/ septième siècle196. Notons cependant qu’il n’avance aucune objection sérieuse contre ma chronologie de cette controverse197.

109 Un autre point de discorde est mon récit des efforts des Omeyyades pour codifier le hadith ainsi que mon point de vue sur les activités d’az-Zuhrī en tant que collectionneur de traditions198. Sur la base des arguments exposés ci-dessus, je ne vois toujours aucune raison de douter de l'authenticité de ces récits. « La principale objection [de Cook] à ce point de vue est que, si ces initiatives avaient eu un fondement historique, traduisant un effort concerté de la part des autorités syriennes, nous aurions pu nous attendre à ce qu’elles laissent une forte empreinte sur la Tradition syrienne, ce qui n’est pas le cas ». L’auteur admet cependant que « ces récits… ne sont pas invraisemblables en soi »199. Voir aussi mes remarques concernant les pages 122 et 123-124.

110 Une autre importante contribution ultérieure sur la question est l’article de Meir J. Kister intitulé « Lā taqraʾū ʼl-qurʾāna ʿalā ʼl-muṣḥafiyyīn … Some Notes on the Transmission of Ḥadīt »200 dans lequel il énumère et analyse de nombreuses traditions traitant de la mise par écrit du hadith.

111 p. 122 et p. 123-124 [= § 62 et 63-67] Selon toute vraisemblance, l’élément de coercition qui transparaît dans la tradition d’az-Zuhrī « on éprouvait de l’aversion envers la mise par écrit… » se rapporte au calife Hišām et non à ʿUmar II : dans les traditions qui se réfèrent à ʿUmar II et qui traitent de la codification du hadith, un tel élément n’apparaît jamais201. Le peu de fois qu’il est fait mention d’un souverain exerçant de la pression, il ne s’agit pas de ʿUmar II, mais toujours d’Hišām. Cook pense que les récits concernant la codification du hadith ont été transférés d’Hišām à ʿUmar : « dans certaines versions… (le tyran ?) Hišām est remplacé par (le pieux ?) ʿUmar ibn ʿAbd al-ʿAzīz ; la tradition n’a alors plus le caractère d’une excuse »202. Il me semble que les traditions concernant les efforts de codification de ʿUmar II ne mentionnaient à l’origine que le seul Abū Bakr ibn Muḥammad ibn ʿAmr ibn Ḥazm comme collectionneur (désigné). Manifestement ce ne sont que des récits plus tardifs et peu fiables qui établissent un lien entre ʿUmar II et az-Zuhrī203. Ainsi, la compilation de hadiths d’az-Zuhrī – que je considère comme étant historique – n’a

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probablement été établie qu’à l’époque où Hišām était calife. Il l’a commandé à l’usage des princes.

112 p. 128 [= § 82] Il semble en effet y avoir eu, après tout, une certaine opposition à la mise par écrit des traditions au Yémen dans la première moitié du deuxième/huitième siècle. Cook204 souligne que dans la plupart des sources, Ṭāwūs ibn Kaysān (mort en 106/724-725) est présenté comme étant opposé à l’écrit. Sur cette question, je m’aligne dorénavant sur Michael Cook qui note que « les deux traditions, yéménite comme mecquoise, apportent des preuves tangibles de la controverse sur la mise par écrit »205.

113 p. 139-140 [= § 106 et suiv.] Michael Cook rejette la méthode du common link sur laquelle se fonde ma chronologie hypothétique de la controverse, mais il observe toutefois : « N’étant moi-même pas en mesure d’établir une telle chronologie, je n’y vois aucune objection sérieuse »206.

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NOTES

1. In : Der Islam 8 (1918), p. 44. 2. In : Muhammedanische Studien, vol. 2, Halle, 1890, p. 194. 3. In : ZDMG 10 (1856), p. 1-17. 4. Ibid., p. 5 et suiv. 5. Goldziher, in : Muh. Stud., p. 196. 6. Goldziher, ibid., p. 196.

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7. GAS 1, p. 53 et suiv. 8. Kaatz, p. 1. 9. Strack, p. 10 et suiv. ; Lieberman, p. 87 et suiv., p. 204 et suiv. ; Gerhardsson, p. 159 et suiv. 10. Strack, p. 14. 11. Lieberman, p. 87 et suiv. 12. Strack, p. 14. 13. Cf. RGG, vol. l, p. 113 et suiv., art. « Bibel II B. Sammlung und Kanonisierung des Neuen Testaments ». 14. En particulier p. 202, p. 335. 15. JE, vol. 12, p. 19 et suiv. ; s. v. Talmud ; Kifāya, p. 303, p. 344 et suiv. 16. Lieberman, p. 87, p. 204 ; Gerhardsson, p. 160 et suiv. 17. Taqyīd, p. 109. 18. Dārimī, vol. 1, p. 100 ; Taqyīd, p. 48 ; Ǧāmiʿ, vol. 1, p. 67 ; Abbott, vol. 2, p. 60. 19. Taqyīd, p. 46 ; Ǧāmiʿ, vol. 1, p. 67. 20. Taqyīd, p. 53 et suiv., p. 58 et suiv. 21. Taqyīd, p. 61 et suiv. 22. Ibn Abī Šaiba, vol. 9, p. 51, no 6484 ; Abū Ḫaiṯama, p. 141, no 135 ; Ǧāmiʿ, vol. 1, p. 62 ; Dārimī, vol. 1, p. 99. 23. Lieberman, p. 87 ; Gerhardsson, p. 161 ; Taqyīd, p. 100. 24. ‘Ilal, p. 42, p. 50 ; Ibn Abī Šaiba, vol. 9, p. 51, no 6489 ; cf. GAS, vol.1, p. 63. 25. Strack, p. 12. 26. Taqyīd, p. 136. 27. Strack, p. 14. 28. In : Der Islam 8 (1918), p. 46. 29. Juynboll, p. 17 et suiv. 30. Goldziher, in : Muh. Stud., p. 197. 31. Cf. N. Brüll, Jahrbücher für jüdische Geschichte und Literatur, vol. 2, 1876, p. 8. 32. Lieberman, p. 91 et suiv. 33. Lieberman, p. 96 et suiv. 34. Vol. 8, p. 614. 35. Cf. encore Strack, p. 18, p. 71. 36. Cf. l’article « Talmud », in : JE, vol. 12, p. 20. 37. Cf. Brüll, p. 18 et suiv. 38. ʿIlal, p. 348, Tahḏīb, vol. 6, p. 358, s. v. « ʿAbdalmalik b. ʿAbd al-ʿAzīz lbn Ğuraiğ » ; Taḏkira, p. 177. 39. Taḏkira, p. 177 ; Tahḏīb, vol. 4, p. 57. 40. Mīzān, vol. 4, p. 309 ; Tahḏīb, vol. 11, p. 61. 41. Ibn Saʿd, vol. 7/II, p. 76 ; Tahḏīb, vol. 6, p. 399. 42. Tahḏīb, vol. 6, p. 279 ; s. v. « ʿAbdarrazzāq b. Hammām ». 43. Tahḏīb, vol. 11, p. 192. 44. Taʼrīḥ Baġdād, vol. 14, p. 140. 45. Tahḏīb, vol. 11, p. 183 et suiv. 46. Tahḏīb, vol. 11, p.112 ; cf. Der Islam 62 (1985), p. 207. 47. Voir par exemple Ibn Abī Šaiba, vol. 10, p. 154. 48. Tahḏīb, vol. 3, p. 254. 49. Tahḏīb, vol. 4, p. 107. 50. Tahḏīb, vol. 6, p. 279. 51. Tahḏīb, vol. 10, p. 219. 52. Ğāmīʿ, vol. 1, p. 75. 53. Taḏkīra, p. 429 ; Tahḏīb, vol. 11, p. 247 et suiv.

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54. Tahḏīb, vol. 11, p. 248. 55. Taqyīd, p. 29-32 ; cf. infra diagramme I 1. 56. Taqyīd, p. 33-35 ; cf. infra diagramme I 3. 57. Taqyīd, p. 36-38 ; cf. infra diagramme II 1. 58. Taqyīd, p. 46 et suiv. 59. Taqyīd, p. 65-68. 60. Taqyīd, p. 91. 61. Taqyīd, p. 57 ; Ğāmīʿ, vol. 1, p. 68 ; Fatḥ, vol. 1, p. 315. 62. Pour Zaid : voir infra diagramme I 4 et nos commentaires ; pour Abū Mūsā al-Ašʿarī : diagramme II 2 et nos commentaires ; pour ʿAbdallāh b. Masʿūd : voir infra et Taqyīd, p. 38-39. 63. Taqyīd, p. 57. 64. Taqyīd, p. 58 ; Ğāmīʿ, vol. 1, p. 68 et suiv. ; Fatḥ, vol. 1, p. 315. 65. Taqyīd, p. 61 et p. 64. 66. Taqyīd, p. 61. 67. Ibn Qutaiba, p. 365 et suiv. ; Fatḥ, vol. 1, p. 315. 68. Ibn Qutaiba, p. 366. 69. Fatḥ, vol. 1, p. 315. 70. Ğāmīʿ, vol. l, p. 69 et suiv. ; Taqyīd, p. 64 et suiv. 71. Leyde, 1969, p. 47-61. 72. Cf. Abbott, p. 7 et GAS, vol. 1, p. 62. 73. In : ZDMG 61 (1907), p. 860-872. 74. Ibid., p. 862. 75. Ibid., p. 863 et suiv. 76. Ibid., p. 681. 77. Ibid., p. 862 et p. 865. 78. Goldziher, in : Muh. Stud., p. 194 et suiv. 79. Le ra’y est la propre opinion juridique du spécialiste, non basée sur le Koran ou la Tradition. 80. Y. Al-ʿUš, dans l’introduction au Taqyīd, p. 21 et suiv. 81. Cf. Kaplan, p. 265, p. 268. 82. Kaplan, p. 268. 83. Sur le point 1 qui vient d’être mentionné : cf. supra (§ 42), point 4, ainsi qu’infra (§ 57), point 4 ; sur le point 2 ci-dessus, cf. supra (§ 38 et suiv.), points 1 et 2. 84. Cf. Der Islam 62 (1985), p. 227 et suiv. 85. Kaplan, p. 265 ; Brüll, p. 3 et suiv. ; Kaatz, p. 2 ; Strack, p. 14 ; R. Bloch, in : Cahiers Sioniens 8 (1954), p. 13. 86. Ibn Saʿd, vol. 3/I, p. 206 ; Taqyīd, p. 49-51 ; cf. Abbott, p. 7, avec des références à d’autres sources. 87. Ibn Saʿd, vol. 4/I, p. 13 et suiv. ; cf. Goldziher, in : ZDMG 61 (1907), p. 861. 88. Voir sur ce point Goldziher, ibid., p. 864 ; et enfin M. Cook, in : JSAI 9 (1987), p. 161-182. 89. Taqyīd, p. 39. 90. Ibn Saʿd, vol. 5, p. 535. 91. Taqyīd, p. 64. 92. Kaplan, p. 265. 93. Ibn Saʿd, vol. 2/II, p. 134 ; Taqyīd, p. 105 et suiv. ; Ğāmīʿ, vol. 1, p. 76 ; Dārimi, vol. 1/104 ; cf. Abbott, p. 25 et suiv. ; GAS, vol. 1, p. 281. 94. Taqyīd, p. 41 ; Ibn Saʿd, vol. 2/II, p. 117 ; Dārimi, vol. 1, p. 101. 95. Ibn Saʿd, vol. 7/II, p. 157 ; cf. GAS, vol. l, p. 62 et suiv. 96. Ibn Saʿd, vol. 2/II, p. 134 ; GAS, vol. l, p. 56 et suiv. ; Abbott, p. 25 et suiv. 97. Ğāmīʿ, vol. 1, p. 73, 76 ; Abū Nuʿaim, vol. 3, p. 363 ; cf. GAS, vol. 1, p. 280.

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98. Maʿmar b. Rāšīd, chez ʿAbdarrazzāq, vol. 11, p. 258, no 20486 ; Ibn Saʿd, vol. 2/II, p. 135 ; Taqyīd , p. 107 ; cf. GAS, vol. 1, p. 281, avec des références à d’autres sources. 99. Mīzān, vol. 3, p. 265 ; Tahḏīb, vol. 8, p. 44 ; voir l’expression une nouvelle fois ibid., p. 48 ; ainsi que vol. 6, p. 360, s. v. ʿAbdalmalik b. ʿAbdalʿaziz Ibn Ǧuraiǧ. 100. Taqyīd, p. 57. 101. Miḥna (épreuve, examen) était une forme de tribunal inquisitional chargé du contrôle de l’orthodoxie religieuse, menant des persécutions contre les adversaires du Muʿtalzisme, doctrine officielle du califat abbaside sous al-Maʾmūn (règne : 813-833). La Miḥna suscita l’opposition des milieux tradtionalistes, regroupés notamment autour d’Aḥmad b. Ḥanbal (cf. fr.wikipedia.org). 102. Mīzān, vol. 4, p. 410. 103. Ğāmīʿ, vol. 1, p. 66 ; Taqyīd, p. 59. 104. Dārimī, vol. 1, p. 100. 105. Ğāmīʿ, vol. 1, p. 63. 106. Tirmiḏī, vol. 2, p. 111. 107. Goldziher, in : Muh. Stud., p. 210 et suiv. 108. ʿAbdarrazzāq, vol. 11, p. 258, no 20486. 109. ʿAbdarrazzāq, vol. 11, p. 257-259. 110. Maʿmar b. Rāšīd, chez ʿAbdarrazzāq, vol. 11, p. 258 et suiv. = n o 20487 ; Ibn Saʿd, vol. 2/II, p. 135 ; Taqyīd, p. 107 ; Taḍkira, p. 109 ; cf. J. Horovitz, in : Islamic Culture 2 (1928), p. 46-49. 111. Ğāmīʿ, vol. 1, p. 77. 112. Abū Nuʿaim, vol. 3, p. 363. 113. Taqyīd, p. 108. 114. Tahḏīb, vol. 10, p. 269 ; Mīzān, vol. 4, p. 181 et suiv. 115. Tahḏīb, vol. 12, p. 21 et suiv. ; Taḍkira, p. 95. 116. Voir Taqyīd, p. 39-41 ; diagramme II 2. 117. GAS, vol. 1, p. 405 et suiv. ; diagrammes I 1, I 2 et I 3. 118. Tahḏīb, vol. 3, p. 341. 119. ‘Ilal, p. 55 ; Taqyīd, p. 79. 120. Tahḏīb, vol. 1, p. 241 et suiv., s. v. Ismāʿīl b. Ibrāhīm b. Miqsam. 121. Taqyīd, p. 74 et suiv. ; voir diagramme III 1. 122. GAS, vol. 1, p. 31 et suiv. 123. Tahḏīb, vol. 8, p. 318. 124. Tahḏīb, vol. 11, p. 183 ; s. v. Yaḥyā b. Zakarīyāʼ Ibn Abī Zāʼida. 125. Tahḏīb, vol. 4, p. 196 ; s. v. Sulaimān b. Mihrān. 126. J. Horovitz, in : Islamic Culture 2 (1928), p. 41 et suiv. ; Goldziher, in : Muh. Stud., p. 38 et suiv. 127. Orientation théologique qui croyait au libre arbitre. 128. Voir notamment J. van Ess, Zwischen Ḥadῑṯ und Theologie, Berlin / New York, 1975 et Early Muslim Dogma, Cambridge / Londres, 1981. 129. GAS, vol. 1, p. 84. 130. Taqyīd, p. 74-82, diagramme III 1 ; Taqyīd, p. 68-69, diagramme III 2 ; Taqyīd, p. 84-85, diagramme IV 2. 131. Taqyīd, p. 82-84, diagramme IV 1. 132. Taqyīd, p. 74-82, diagramme III 1 ; voir toutefois les commentaires sur les diagrammes III et IV infra !) 133. Taqyīd, p. 84-85 ; diagramme IV 2. 134. Tahḏīb, vol. 8, p. 43 et suiv. 135. Taqyīd, p. 74-82, diagramme III 1 ; Taqyīd, p. 68-69, diagramme III 2 ; Taqyīd, p. 82-84, diagramme IV 1. 136. Tahḏīb, vol. 8, p. 44 et suiv., en particulier p. 47 et suiv. ; Mīzān, vol. 3, p. 264 et suiv. ; Ibn Qutaiba, p. 93.

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137. Taqyīd, p. 53, ligne 9 ; p. 54, ligne 20. 138. Taqyīd, p. 54, ligne 11. 139. GAS, vol. 1, p. 29. 140. Taqyīd, p. 105. 141. GAS, vol. 1, p. 91. 142. ‘Ilal, p. 348. 143. Tahḏīb, vol. 6, p. 358. 144. Tahḏīb, vol. 4, p. 195 ; s. v. Sulaiman b. Mihrān al-Aʿmāš. 145. Ibn Saʿd, vol. 5, p. 353. Voir § 11. 146. GAS, vol. 1, p. 86. 147. Tahḏīb, vol. 11, p. 59. 148. GAS, vol. l, p. 305 et suiv. 149. Mīzān, vol. 1, p. 653 ; Maǧrūḥīn, vol. 1, p. 283. 150. Taqyīd, p. 65-68. 151. Mīzān, vol. 1, p. 653. 152. Taqyīd, p. 68-70 ; diagramme III 2. 153. Taqyīd, p. 89-90. 154. Taqyīd, p. 92. 155. Taqyīd, p. 96-97. 156. Taqyīd,p. 88 ; Ibn Abī Šaiba, vol. 9, p. 49, no 6478. 157. Voir Goldziher, in : ZDMG 61 (1907), p. 869 et suiv. 158. In : Tahḏīb, vol. 8, p. 47 et suiv., s. v. ʿAmr b. Šuʿaib ; Mīzān, vol. 3, p. 264 et suiv. ; Ibn Qutaiba, p. 93. 159. Cf. J. Fück, in : ZDMG 92 (1938), p. 62. 160. Cf. I. Goldziher, in : ZDMG 50 (1896), p. 466 et suiv. ; Fück, ibid., p. 62 et suiv. 161. Oxford, 1950, p. 171 et suiv. 162. Juynboll, p. 206 et suiv. 163. Ṣaḥīḥ, vol. 18, p. 129. 164. Sunan, vol. 3, p. 434, no 3647. 165. Ṣaḥīḥ, vol. 2, p. 111. 166. Mīzān, vol. 2, p. 564 et suiv. 167. Voir Fatḥ, vol. 1, p. 315 ; Taqyīd, p. 32. 168. Vol. 3, p. 12 et suiv. 169. Cf. al-ʿUš, Taqyīd, p. 34, note 21. 170. Ṣaḥīḥ, vol. 2, p. 111. 171. Dārimī, vol. 1, p. 98. 172. Tahḏīb, vol. 4, p. 104. 173. Ibn Saʿd, vol. 2/II, p. 117 ; Ibn Abī Šaiba, vol. 9, p. 53, no 6497. 174. Mīzān, vol. 3, p. 404 et suiv. 175. Abū Ḫaiṯama, p. 131, no 95. 176. Ibn Abī Šaiba, vol. 9, p. 52, no 6491. 177. Taqyīd, p. 93 ; Abū Dāwūd, vol. 3, p. 434, no 3648. Le tašahhud est la récitation de la šahāda (le témoignade de fois de l'islam), spécialement dans la ṣalāt (la prière). 178. Abū Ḫaiṯama, p. 145, no 153. 179. Ibn Abī Šaiba, vol. 9, p. 53, no 6495. 180. Ibn Abī Šaiba, vol. 9, p. 49 et suiv., no 6479. 181. ʿAbdarrazzāq, vol. 11, p. 259, no 20489. 182. Abū Dāwūd, vol. 3, p. 434, no 3646. 183. Fatḥ, vol. 1, p. 313 et suiv. 184. Tirmiḏī, vol. 2, p. 111.

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185. Fatḥ, vol. 1, p.311 et suiv. ; Abū Dāwūd, vol. 3, p. 434 ; Tirmiḏī, vol. 2, p. 111. 186. Cf. Juynboll, The Authenticity, p. 49. 187. Ibn Abī Šaiba, vol. 9, p. 49, no 6479 ; Abū Dāwūd, vol. 3, p. 434, no 3646. 188. Tahḏīb, vol. 9, p. 123. 189. Tahḏīb, vol. 7, p. 3. 190. Ibn Ḥibbān chez Ibn Ḥaǧar : Tahḏīb, ibid. 191. Cf. H. Motzki, Quellenstudien zur Entstehung der islamischen Jurisprudenz: Die mekkanische Rechtsschule bis zur Mitte des 2./8. Jahrhunderts, thèse d’habilitation non publiée, Hambourg, 1988, p. 206. 192. ʿAbdarrazzāq, vol. 11, p. 259, no 20489. 193. Michael Cook : « The Opponents of the Writing of Tradition in Early Islam », Arabica 44, 1997, p. 437-530. 194. Cook (1997), p. 442. 195. Cook (1997), p. 448 ; cf. p. 490 sq. 196. Cook (1997), p. 491. 197. Cf. p. 141 [§107] ; ad p. 139-140 [= § 113]. 198. Voir p. 123-124 [= § 63-67]. 199. Cook (1997), p. 474. 200. Mejr J. Kister : « Lā taqraʾū ʼl-qurāna ʿalā ʼl-muṣḥafiyyīn … Some Notes on the Transmission of Ḥadīt », Jerusalem Studies in Arabic and Islam 22, 1998, p. 127-162. 201. Cf. Cook (1997), p. 460 sq. 202. Cook (1997), p. 461. 203. Cf. p. 124 [= § 64 et suiv.]. 204. Cook (1997), p. 469. 205. Cook (1997), p. 470. 206. Cook (1997), p. 491.

INDEX

Schlüsselwörter : Thora, Ḥadīth, Überlieferung, Redaktion, Islamwissenschaft Mots-clés : Torah, hadith, transmission, rédaction, études islamiques

AUTEURS

GREGOR SCHOELER Gregor Schoeler est professeur émérite d'islamologie à l'Université de Bâle. Pour plus d’informations voir la notice suivante.

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Un prophète vivant pour l'islam pré- moderne et moderne? Ein lebendiger Prophet im vormodernen und modernen Islam?

Ein lebendiger Prophet im vormodernen und modernen Islam?

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Une résurrection de Mahomet chez Suyūṭī

Fritz Meier Traduction : Anne-Laure Vignaux

NOTE DE L’ÉDITEUR

Wir danken dem Franz Steiner Verlag und der Universitätsbibliothek Basel für die freundliche Genehmigung, diesen Artikel in französischer Übersetzung zu publizieren. Nous remercions la maison d’édition Franz Steiner ainsi que la bibliothèque universitaire de Bâle de nous avoir accordé l’autorisation de traduire ce texte pour le présent numéro.

1 La mort de Mahomet, survenue en l’an 11/632 à Médine, fut pour une partie de ses adeptes un événement inconcevable. Le deuxième calife de l’époque, ʿUmar ibn al- Ḫaṭṭāb, lança dans un discours l’hypothèse que, comme Moïse au Sinaï, Mahomet était seulement allé auprès de son Seigneur et qu’il reviendrait après quarante jours1. La sécheresse avec laquelle il avait affirmé cela et son habileté politique, reconnue de tous plus tard, ont pu éveiller le soupçon qu’il avait ainsi voulu cacher la vérité de manière à étouffer dans l’œuf toute joie malsaine chez ses opposants et à gagner du temps au profit du règlement de la succession. Les sources racontent toutefois qu’il s’effondra, pris de désespoir, lorsqu’il dût s’incliner devant la réalité. Il semble donc n’avoir réellement pas pu supporter la nouvelle de la mort (si tant est qu’il y ait un mot de vrai dans tout cela)2 – conséquence fatale d’une identification très forte avec un objet qui a soudain cessé d’exister, et, du coup, peut-être aussi le début de la récupération de cette énergie pour laquelle il resterait célèbre dans l’histoire. ʿUmar admit lui-même le lendemain qu’il avait dit quelque chose de faux et qu’il avait espéré que Mahomet continuait à vivre3. Cet espoir, les autres l’avaient eu également, de même qu’ils avaient attendu un parallélisme avec Jésus, au sujet duquel la doctrine islamique leur avait enseigné qu’il n’était pas mort, mais qu’il avait juste été enlevé4. Sous le troisième calife, ʿUṯmān (23-35/644-656), ʿAbdallāh ibn Saba’ transposa effectivement cette

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théorie sur Mahomet et la soutint par cette réflexion rhétorique suivant laquelle il serait étrange de prétendre que Jésus reviendrait tandis que Mahomet ne reviendrait pas5. Il interpréta de la même façon la mort du quatrième calife, ʿAlī (40/661), inaugurant ainsi la longue tradition de ravissements ou d’occultations et de retours qui allait caractériser le chiisme. Du reste, les décès sont, même en dehors du chiisme, de temps à autre interprétés comme des occultations. En 1864, la mort de Ḥāǧǧ ʿUmar Tal, maître de la confrérie tiǧāniyya et fondateur d’un empire, fut encore déniée dans la région du haut Niger6.

2 Abū Bakr, devenu premier calife du Prophète le jour même de sa mort, et d’autres gardèrent la tête froide et rejetèrent le mythe du ravissement (céleste) de Mahomet7. Aux tribus bédouines, qui voulaient utiliser cette mort à des fins sécessionnistes, on rappela ce Dieu que Mahomet avait annoncé et qui, Lui, ne disparaîtrait pas, même si le Prophète était mortel8. Le parti de la sobriété l’emporta et Mahomet fut inhumé. Les sources racontent en détail comment les choses se déroulèrent. Plus tard, on forgea à ce sujet des récits déclamés, les wafayāt nabawiyya, qui sont le pendant des mawālid, les légendes de la naissance9.

3 Pour les Musulmans, Mahomet repose depuis lors dans le sol de Médine. Jésus, en revanche, n’est pas mort, mais il a été enlevé aux cieux, d’où il reviendra quelque temps avant la fin du monde. Au début du IIIe/VIe siècle, un catholique nestorien aurait lors d’un entretien avec les scolastiques islamiques résumé leurs positions respectives comme suit : « Nous nous rejoignons à propos de la reconnaissance de la prophétie et du Livre céleste de Jésus [l’Evangile, n.d.e.], selon lequel celui-ci est vivant dans les cieux, mais nous divergeons quant à la mission de Mahomet, tout en étant d’accord sur le fait qu’il est mort (à la différence de Jésus)10. » – à noter qu’en utilisant le mot « vivant », le catholique voulait peut-être simplement dire « à nouveau vivant ». Le poète perse Ḫāqānī, qui décrit dans son poème Tuḥfat ul-ʿIrāqayn le pèlerinage qu’il réalisa en 551/1156, se voit en dépit des apparences poussé à placer son Mahomet, qui repose dans la terre, plus haut que Jésus, qui se trouve dans le quatrième ciel. Il y parvient grâce à une élégante pirouette, en affirmant que Mahomet est le sultan mort dans son tombeau et Jésus, le gardien de sa tombe, perché sur le toit11.

4 La théologie islamique poursuivit dans la voie résolument réaliste d’Abū Bakr, soulignant non sans une certaine autosuffisance que le tombeau de Mahomet à Médine était l’unique tombe de prophète vraiment attestée et ne reconnaissant qu’à contrecœur, sous réserve, la tombe d’Abraham à Hebron12. Un saint sépulcre véridique de Jésus à Jérusalem est bien entendu impensable pour l’islam dès lors que selon lui, Jésus n’a jamais été crucifié. Prise au sens strict, cette position réaliste concernant la mort du Prophète aurait pu fait perdre du terrain aux musulmans par rapport aux chrétiens. Ils n’auraient en effet plus pu s’adresser à lui après sa mort et se seraient retrouvés seuls face à un Dieu sans image. Ils n’auraient pu que regretter Mahomet, ce que le poète Al-Kumayt ibn Zayd (mort en 126/743 ou en 127/744) fit effectivement, déplorant la perte de cet être humain dans des mots presque cruels : « Si un vivant pouvait racheter un mort, il dirait : Que mes enfants et moi servions de rançon pour ces os13 ! » Et : « Je donne mon âme en rançon pour ces os que ta tombe, qui est emplie de chasteté et de noblesse, entoure14. »

5 Vers 400/1010, certains allèrent même jusqu’à se demander si Mahomet restait finalement encore un prophète après sa mort15. Il se peut que cette tension provoquée

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par le léger avantage chrétien ait contribué à ce que les musulmans ne s’accommodent pas complètement de l’état des choses. Mais c’est la nature humaine – on est ici tenté de dire : l’anima naturaliter christiana – qui doit avoir bien plus largement participé au fait que les musulmans n’aient pu se départir de l’idée d’une deuxième vie de leur prophète16. Le célèbre traditionniste de Médine, Saʿīd ibn al-Musayyib (mort en 94/712), croyait déjà que le Prophète mort avait été relevé de terre quarante jours après son inhumation et que sa communauté lui était montrée deux fois par jour. Samhūdī (mort en 911/1506), qui rapporte cela, ne doute pas que Ibn al-Musayyib reconnaisse à Mahomet une relation spirituelle étroite avec sa tombe17. Les écarts par rapport à la ligne strictement réaliste qui résultent de ces tentatives sont diamétralement opposés aux conceptions d’un réformateur des environs de 700/1300, Ibn Taymiyya (mort en 728/1328), qui s’efforça de rétablir la position de départ prétendument exacte. Il déclara Mahomet résolument mort et, par conséquent, incapable d’entreprendre quoi que ce soit, ni d’offrir son aide, ou même son intercession, dans l’intervalle précédant la résurrection, c’est-à-dire durant l’époque pour laquelle du côté chrétien, Jésus avait annoncé sa présence « jusqu’à la fin du monde ». Les partisans d’Ibn Taymiyya restèrent minoritaires. D’autres réformateurs contemporains, comme Ibn al-Ḥāǧǧ (mort en 737/1336), qui ne se montraient pas moins virulents à l’égard de ce qu’ils estimaient être de « mauvaises habitudes » religieuses, laissèrent au moins au peuple son prophète. C’est aussi ce que firent plus tard les soufis à la suite d’un certain Aḥmad ibn Idrīs (mort en 1253/1837) – pour autant qu’ils fussent de tendance réformiste : ils se détournèrent il est vrai des saints, mais se tournèrent avec d’autant plus de ferveur vers le Prophète18. En Arabie, Muḥammad ibn al-Wahhāb (mort en 1206/1792) reprit les idées d’Ibn Taymiyya. Ainsi, il aurait, comme le disent les mauvaises langues, désigné Mahomet une fois comme simple facteur (ṭāriš) [lit. sourd, car le mort n’entend pas, n.d.e] et n’aurait rien trouvé à redire lorsque l’un de ses adeptes déclara en sa présence : « Ce bâton vaut mieux que Mahomet, car il me sert à quelque chose tandis que Mahomet est mort et n’est, de ce fait, plus d’aucune utilité19. » Ce n’est toutefois qu’en Arabie et à une époque plus récente que les wahhabites réussirent, par des moyens militaires et politiques, à imposer pleinement les vues d’Ibn Taymiyya et à faire tourner en faveur du lieu de naissance, c’est-à-dire La Mecque, la lutte pour la priorité entre lieu de naissance et lieu d’inhumation du Prophète. Les vagues du wahhabisme atteignirent le Somaliland vers le sud et la côte de l’océan Atlantique vers l’ouest, sans toutefois submerger à aucun endroit la conception traditionaliste, modérée, de la mort de Mahomet.

6 Comme nous l’avons dit, la conception traditionaliste adopte une ligne médiane. Elle ne nie pas la mort de Mahomet, mais elle ne nie pas non plus la possibilité que le Prophète survive et continue à agir. On déplore son trépas et l’on s’en sert dans des poèmes en prose et en vers20 et, surtout, dans les inscriptions funéraires21, pour se consoler de ses propres pertes – une démarche pour laquelle on peut même se réclamer d’une demande explicite que le Prophète lui-même aurait formulée22. Dans la ferme conviction qu’il participe encore au monde, on l’appelle en tant que témoin, protecteur, justicier. Sur le sceau du grand sultan marocain, sur celui du combattant algérien de la liberté Abdelkader (1832-1847), mais aussi dans des lettres, des hommages et des documents officiels, nous lisons comme devise le vers 135 de la Burda de Būṣīrī : « Quiconque a pour appui l’assistance de l’apôtre de Dieu réduira au silence les lions mêmes dans les marais qui leur servent de retraite23. »

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Et dans combien de cartouches apposés sur les portes et les murs, principalement dans l’ouest islamique, la barakat Muḥammad (la bénédiction de Mahomet ; notion on ne peut plus floue et extensible) n’est-elle pas invoquée !

7 Or, une conception largement répandue dans l’islam consiste à penser qu’à la mort, l’âme ou l’esprit (rūḥ) se sépare du corps et part flotter dans des contrées supérieures ou, dans le cas de gens malfaisants, est répudiée dans les profondeurs de la terre. Dans une version de la prière mortuaire, Dieu est appelé à laisser monter aux cieux l’âme (rūḥ) du défunt et à ménager suffisamment de place pour son corps dans la terre24. Nous ne pouvons pas entrer dans les détails ici, pas même à propos de l’interrogatoire et de la peine dans la tombe. Quelques représentations anciennes de l’histoire de la mort de Mahomet affirment déjà que seul son âme ou son esprit s’élève au sens littéral et ce sort est comparé à celui de Moïse25. Dans ce cas, on ne songe donc pas à l’absence physique de Moïse, mais bien à son absence spirituelle26. L’idée que l’esprit de Mahomet se sépare du corps et s’élève librement dans l’espace tandis que son corps repose à Médine est encore défendue aujourd’hui. Abdelkader, le combattant algérien cité plus haut, qui défendait le monisme d’Ibn ʿArabī, était convaincu que dans la mesure où ils n’avaient pas simplement été enlevés au ciel à l’instar de Jésus et d’Hénoch selon la tradition islamique, les corps de tous les prophètes reposaient sous terre tandis que leur esprit était libre27. Dans un échange de tensons au sujet de la Mecque et de Médine datant du IVe/Xe siècle, l’habitant de la première ville rabaisse la seconde dans les vers suivants : « Sans le pèlerinage à la tombe du Prophète, vous seriez comme les autres qui s’enfoncent dans le désert. Pourtant, le Prophète n’y habite même pas (à Médine), mais il séjourne dans le jardin des hauteurs28. »

8 On dit que Mahomet aurait eu le choix entre soit rester sur terre, soit rejoindre Dieu. Il aurait préféré la deuxième solution, après quoi Dieu aurait élevé son esprit à lui29. Une autre représentation dérivée du Jésus chrétien place carrément Mahomet mort sur le trône de Dieu. Elle a eu ses opposants et ses partisans30. Muḥammad b. Musallam at- Tūnisī al-Mālikī (mort en 977/1596), d’Alep, fut encore réprimandé pour une telle affirmation31. Hélas, à bien y regarder, toutes ces mentions s’abstiennent de préciser si c’est vraiment seulement en esprit ou également corporellement, en fin de compte, que Mahomet s’est élevé si haut, voire elles semblent plutôt se rapprocher, dans leur formulation vague et imprécise, de la deuxième hypothèse, en vertu de laquelle le parallélisme avec le Jésus chrétien serait complet.

9 Mahomet s’est toutefois aussi vu attribuer une survie dans la tombe elle-même, tout d’abord par le biais d’un va-et-vient de son âme. Dans une parole également enregistrée dans les collections canoniques, le Prophète promet à quiconque viendra le saluer à sa tombe de lui rendre la pareille, car pour cela, Dieu lui rendra son « esprit »32. Par esprit, on serait à première vue tenté de comprendre la vie, autrement dit, le corps redeviendrait vivant pour un court moment. Mais dans la conception d’Aḥmad at- Tiǧānī (mort en 1230/1815), l’esprit de Mahomet redescendait en vitesse dans son corps depuis les hauteurs de la Jérusalem céleste dans le seul but de rendre son salut au fidèle avant de regagner sa place dans les cieux33.

10 Néanmoins, que l’on admette que l’esprit est dépêché ou bien que le corps est animé dans la tombe, cela présuppose dans les deux cas que l’esprit ou la vie retrouve son enveloppe terrestre et que celle-ci ne se désintègre pas. Or, Médine possède justement une terre si friable que les corps s’y décomposent en six mois environ et que les tombes

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peuvent déjà être réutilisées34. Selon les critères humains, il ne devrait donc pas être resté grand-chose de Mahomet. Mais une autre parole du Prophète s’est prémunie contre cela et, dans la religion, comme on le sait, ce ne sont pas les sciences naturelles, mais bien le message sacré et la foi qui déterminent la vérité. Cette parole du Prophète affirme que Dieu a interdit à la terre de consommer le corps des prophètes, auxquels sont parfois associés les martyrs, et parfois même les muezzins35. Il doit également être proscrit aux animaux de dévorer un prophète vivant. « Je n’ai mangé aucun de tes fils », clame le loup capturé accusé d’avoir dévoré Joseph devant Jacob, le père de celui-ci. « Votre chair et votre sang, à vous prophètes, nous sont défendus36. » Ainsi donc, l’esprit ou la vie du Prophète devait pouvoir se glisser à nouveau dans son enveloppe abandonnée, et plusieurs sources racontent d’ailleurs que des descendants pieux, en particulier biologiques, du Prophète, auraient non seulement entendu sa voix près de sa tombe, mais que le Prophète leur aurait tendu le doigt, voire la main37.

11 Il existe en revanche aussi d’autres sources qui suppriment tout à fait la nécessité des allers et retours de l’esprit. Elles affirment que les prophètes vivent tout simplement en tant que personnes intactes dans leur tombe de la même façon qu’ils ont habité leurs corps durant leur existence terrestre. Elles se réclament pour cela du légendaire voyage nocturne du Prophète ou d’une autre occasion lors de laquelle celui-ci aurait vu Moïse prier près de la « dune rouge » dans sa tombe38. Souvent en lien avec l’incorruptibilité des prophètes, Mahomet aurait exprimé l’assurance que le souhait de bénédiction ou la salutation l’atteignait, soit directement, parce qu’il l’entendait, soit indirectement, par l’entremise d’un ange qui la lui transmettait39. Dans ce cas, l’esprit reste donc lié de la façon la plus intime à son corps et est chez lui dans la tombe. S’il arrive qu’il se libère tout de même du corps, il en va de même chez les hommes vivants. Car d’après une allégation chiite, dans la nuit à vendredi, l’esprit de Mahomet rejoint au ciel celui des autres prophètes et des imams alides morts et, ne l’oublions pas, de l’imam vivant, pour faire sept fois le tour du trône de Dieu, s’incliner deux fois à chaque pied du trône en guise de prière et rejoindre ensuite leur corps sur terre emplis de joie et investis d’une nouvelle connaissance supérieure40. Que l’on n’ait procédé qu’avec une extrême prudence à des travaux de rénovation de la tombe du Prophète s’explique en revanche par la simple crainte du mort sacré duquel on s’approchait. Pour cela, aucune spéculation à propos d’une vie après la mort de Mahomet n’était nécessaire. Au Ve/XIIe siècle, un morceau d’argile s’est un jour détaché du mur intérieur pour glisser dans le tombeau, une autre fois, un chat s’y est introduit et y est mort, une autre fois encore, un mur s’est effondré. À chaque fois, il a fallu une procédure compliquée pour réparer les dégâts parce que quelqu’un devait fouler la sacro-sainte pièce, ce que personne n’avait le droit de faire sinon41. Un ayyoubide à qui l’émir de Médine voulut un jour ouvrir la pièce à titre de distinction particulière déclina cet honneur par politesse pour le Prophète42. Au XIe/XVIIe siècle, une lampe tomba sur le tombeau. Un homme soigneusement sélectionné fut descendu à l’intérieur sur une planche et sortit l’objet43. À l’époque des abbassides, ces objets qui avaient été en contact avec la sainte tombe partaient en tant que reliques à Bagdad – comme un gobelet en bois cassé qui avait été trouvé dans la tombe à l’une des occasions énumérées – plus tard, on les envoya, comme la fameuse lampe, à Constantinople. Les sacrilèges semblaient aussitôt punis par une main invisible. Un artisan chrétien qui eut en 91/710 l’outrecuidance de soulager sa vessie sur la tombe du Prophète fut emporté et mis en pièces44. Au VIIe/XIIIe siècle, un responsable venu de Qūṣ, en Haute Égypte, viola les règles de la bienséance lors de la réparation de la coupole surmontant le tombeau en laissant les charpentiers

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grimper dessus et en n’empêchant par leur martèlement. Comme par hasard, il tomba en disgrâce peu après et fut puni de flagellation45. Lorsque les wahhabites voulurent abattre la coupole entre 1804 et 1813, deux démolisseurs glissèrent et tombèrent, ce qui fut interprété comme un miracle du Prophète pour protéger sa sépulture46. L’idée que le Prophète poursuivait sa vie dans sa tombe de Médine à la manière d’un pharaon doit s’être répandue dès le IIe/VIIIe siècle, sans quoi Ğaʿfar aṣ-Ṣādiq (mort en 148/765) n’aurait pas pu insister auprès de ses adeptes, lors d’un effondrement de la toiture de l’édifice (dont les historiographes ne nous ont pas laissé de mention), alors que les ouvriers montaient et descendaient allégrement : « je ne voudrais pas que l’un de vous y grimpe. Je ne suis pas sûr qu’il ne puisse pas y voir quelque chose qui le prive de la vue, ou qu’il ne voie le Prophète en prière, ou même en compagnie de l’une de ses femmes47.

12 Mais les récits du voyage nocturne de Mahomet au ciel contraignaient à franchir un pas supplémentaire. En fait, Mahomet n’avait pas seulement vu Moïse dans sa tombe, mais aussi dans un des cieux qu’il avait traversés ; mieux que cela, il avait aussi vu Adam, Hénoch, Abraham, chacun dans un des cieux, et pas uniquement leur esprit ou leur âme séparée, mais eux-mêmes en chair et en os48. Cela signifiait qu’après leur mort, les prophètes n’étaient aucunement liés à leur tombe, mais qu’ils la quittaient, qu’ils se promenaient partout dans le monde et qu’ils pouvaient même se rendre dans les sphères célestes. C’est aussi ce qu’on pouvait conclure d’une parole de Dieu au sujet du sort post mortem des martyrs et d’une autre concernant celui des dévots en général. Après leur mort, les sourates 3, 169 et 40, 40 déplacent immédiatement les deux groupes au paradis, où ils peuvent boire et manger. Si on dit déjà cela des martyrs et des autres dévots, raisonnèrent Muḥammad b. Aḥmad al-Qurṭubī (mort en 671/1273) et d’autres, cela doit être d’autant plus vrai pour les prophètes, qui sont supérieurs et qui sont en outre encore des martyrs eux-mêmes49 ! On songea sérieusement à attribuer à Mahomet cette double habilitation, puisqu’il avait imputé lui-même la maladie qui l’avait amené dans sa tombe à l’effet d’un morceau de viande empoisonné qu’il avait eu en bouche quatre ans auparavant, mais qu’il avait recraché50. Le résultat de telles réflexions transparaît dans les explications de deux érudits du Ve/XIe siècle, qui disent plus ou moins la même chose : Abū Manṣūr ʿAbdalqāhir al-Baġdādī (mort en 429/1037) et Aḥmad b. al-Ḥusayn al-Bayhaqī (mort en 458/1066) : Mahomet redevient vivant après sa mort. Il prend à nouveau part à sa communauté, se réjouit de ses actes d’obéissance et est attristé par ses péchés. La bénédiction que l’on prononce sur lui l’atteint. Il a conservé sa qualité de prophète. Tous les prophètes revivent après la mort et ne sont pas liés à leur tombe, mais vont librement où Dieu les laisse aller. Mahomet lui-même voit – et c’est une preuve – Moïse dans sa tombe et au ciel51. Bayhaqī rappelle que la nuit du voyage au ciel de Mahomet, Moïse et d’autres prophètes morts sont allés à Jérusalem, puis ont comme Mahomet été enlevés aux cieux et y ont été revus par lui. Il conclut par ces mots : le fait que les prophètes défunts soient présents à différents moments et à différents endroits (ḥulūl) est tout autant possible d’un point de vue rationnel qu’attesté par la parole de notre Prophète qui dit la vérité. Tout cela est une preuve de leur survie52.

13 Dans la seconde moitié du IXe/XVe siècle, deux savants Égyptiens reprirent cette théorie, l’un de manière périphérique, l’autre plus en détail. Le premier est Saḫāwī (831-902/1427-28-1497), que l’on connaît pour son incontournable dictionnaire de personnalités du IXe/XVe siècle, Aḍ-ḍawʾ al-lāmiʿ li-ahl al-qarn at-tāsiʿ (Le Caire, 1353-1355). Auteur d’un traité concernant les bénédictions sur Mahomet après sa mort

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qui ne semble pas avoir été conservé53, il publia en 860/1456 ou en 861/1457 une étude au sujet des bénédictions sur Mahomet en général, intitulée Al-qawl al-badīʿ fi ṣ-ṣalāh ‘alā l-ḥabīb aš-šafīʿ, qui est non seulement conservée, mais même imprimée54. Dans cet écrit, il défend dans un chapitre particulier la thèse de la survie de Mahomet et des autres prophètes après la mort sur la base de hadiths et d’énoncés d’auteurs antérieurs (167-170). Saḫāwī avait une haute opinion de cette étude et raconte non sans fierté dans son autobiographie que plusieurs de ses admirateurs, en particulier ʿAbdalḥaqq as-Sanbāṭī, l’enseignèrent à d’autres, apparement en 884/1479, à Mèdine, près de la tombe du Prophète. Elle a semble-t-il largement été diffusée. Il ajoute que beaucoup l’ont dénaturée et éditée en la reprenant à leur compte55.

14 Le second savant égyptien est Suyūṭī (849-911/1445-1505), personnalité aussi connue que multiple, qui s’est exprimé sur le thème dans deux écrits. L’un s’intitule Inbāh al- aḏkiyā’ fi ḥayāt al-anbiyā’56, autrement dit « Le réveil des sages : au sujet de la vie des prophètes ». À sa lecture, on remarque immédiatement la similitude de conception et d’argumentation avec l’étude de Saḫāwī, qui est presque une génération plus âgé, au point de soupçonner que Suyūṭī pourrait avoir recopié le livre de Saḫāwī. Une réponse est donnée par les deux savants eux-mêmes. Comme on le sait depuis longtemps, Saḫāwī reproche en effet à Suyūṭī de modifier fréquemment des écrits plus anciens et de se les attribuer. Mais il l’accuse aussi, de lui avoir, pendant leur fréquentation, volé le contenu de certains écrits (iḫtalasa), parmi lesquels « la bénédiction au sujet du Prophète57». Suyūṭī, en revanche, n’évoque pas la dispute, ne mentionne pas non plus Saḫāwī, mais souligne qu’il a trouvé (istinbāṭ) entièrement seul les différentes possibilités d’explication d’un hadith présentant des ressemblances frappantes avec celles de Saḫāwī58, affirmant même avec insistance qu’il ne les a trouvées transmises (manqūl) par personne59. C’est donc sa parole contre celle de Saḫāwī.

15 Les attaques violentes et infâmantes lancées par Saḫāwī contre Suyūṭī dans cette affaire, mais aussi à d’autres occasions, incitèrent des gens de renom à prendre la défense de ce dernier60. On crut découvrir la cause de cette hostilité – car Suyūṭī s’était finalement défendu contre son adversaire – dans la rivalité naturelle entre contemporains et confrères, et on minimisa la reprise des connaissances d’autrui dans le domaine scientifique en la présentant comme la chose la plus naturelle du monde. Dans le cas qui nous concerne, nous ne devons pas oublier que les deux impliqués partageaient nécessairement la même littérature et durent utiliser les mêmes sources, de sorte que des parentés décisives seraient apparues d’elles-mêmes. Il serait facile de prouver que Saḫāwī aussi était dépendant vis-à-vis de savants plus anciens. Mais alors, il reste à savoir comment Suyūṭī a pu ignorer son prédécesseur le plus proche, Saḫāwī. Deux possibilités : soit Saḫāwī a antidaté après coup son Qawl badīʿ et il n’était pas du tout le prédécesseur de Suyūṭī, soit celui-ci n’a réellement pas connu le travail de Saḫāwī. Dans le second cas, cela peut être que Suyūṭī avait décidé d’ignorer Saḫāwī par principe ou bien qu’il ne l’a par hasard pas connu. Aucun indice ne plaide en faveur d’une antidatation de l’écrit de Saḫāwī a posteriori. Il paraît plus vraisemblable que, dans la tension durable qui règne entre les deux, la faute, si l’on peut employer ce mot, soit du côté de Suyūṭī. Cependant, il n’est plus possible de savoir aujourd’hui s’il ne s’est délibérément pas intéressé à Saḫāwī ou si cette méconnaissance était due au hasard. Le fait d’ignorer volontairement un collègue, pour autant qu’il ne s’agisse pas de régler une fois pour toute une querelle sans espoir, serait incompatible avec un exercice honnête de la science, mais la méconnaissance en résultant serait du moins

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compréhensible. La méconnaissance due au hasard pourrait être un signe de négligence hautement répréhensible, mais aussi la conséquence d’un surmenage et d’une activité importante, et elle s’expliquerait alors par le fait que Suyūṭī était un homme exceptionnellement occupé. En l’absence de preuves, nous ne pourrons pas trancher.

16 Nous ne souhaitons pas priver Saḫāwī de l’honneur de la priorité. Toutefois, si nous préférons donner la parole ici à Suyūṭī, c’est pour la bonne raison qu’il aborde notre thème plus en détail. Le deuxième des deux écrits de Suyūṭī est son Tanwīr al-ḥalak fī imkān ruʾyat an-nabī wa- l-malak61 (« Illumination de l’obscurité. De la possibilité de voir prophète et ange »).

17 Les deux traités de Suyūṭī éclairent le problème de la survie de Mahomet sous des angles différents. Dans les pages qui suivent, je ne les utilise toutefois que de manière sélective, c’est-à-dire dans la mesure où ils répondent à nos questions, et je ne prélève dans le premier que l’interprétation du hadith mentionné, rappelant à bien des égards Saḫāwī, qui cherche à démontrer la survie du Prophète après sa mort, condition préliminaire de tout ce qui suit. Le second traité s’est retrouvé dans les éditions des « avis juridiques » (fatāwī) ; à tort, car on ne trouve aucune trace nulle part d’une question juridique à laquelle Suyūṭī aurait voulu répondre. On y voit clairement qu’à l’image de ses prédécesseurs, l’auteur a défendu une sorte de contrepartie à la doctrine chrétienne de la résurrection. Il y postule une résurrection de Mahomet sans ascension62. Concrètement, Suyūṭī relie l’ancienne conception de l’incorruptibilité du corps des prophètes avec celle de la survie à travers l’esprit resté en vie, mais sans faire monter Mahomet au ciel à l’image du Christ. Mahomet reste ici-bas. Mais il est également libre de s’élever quand il le veut. Rappelons-nous le plus important !

18 Le premier traité, l’Inbāh, fournit les bases en extrayant la parole prétendue du Prophète : Nul ne me salue (quand je suis dans la tombe) sans que Dieu me rende mon âme (ou mon esprit) afin que je lui retourne la salutation. Ce qui déconcerte Suyūṭī dans cette phrase, c’est l’idée d’un va-et-vient prolongé de l’âme ou de l’esprit dans le corps. Non seulement ce trafic incessant devait être douloureux pour le corps du Prophète, mais il le déshonorait, car il le plaçait plus bas que les martyrs, qui ne subissaient rien de tel. De plus, cela représentait une violation du Coran, selon lequel personne ne traverse plus de deux vies et deux morts, à savoir – ainsi que l’explique la sourate 2, 28 – la vie avant la mort et la vie après la résurrection, la mort dans la semence masculine avant la procréation et la mort au terme de la vie terrestre. Suyūṭī s’aventure donc dans une autre explication du rūḥ. Il envisage plusieurs possibilités : il pourrait s’agir de l’élocution qui est restituée au Prophète, ou des oreilles intérieures, de l’attention, ou du fait de se réveiller de la fréquentation de la dimension surnaturelle du monde et du temps post mortem (barzaḫ), ou encore d’un rafraîchissement (comme rawḥ), de la miséricorde ou de l’ange, qui se tient au-dessus de sa tombe, ou autre chose encore. Il privilégie le fait de se réveiller d’une immersion dans les affaires du monde post mortem. Mais il pense aussi à une autre interprétation de radda, qui pourrait avoir été conçu comme anticipé, autrement dit, comme s’il était précédé d’un qad. Le sens de la phrase serait alors : Nul ne me salue sans que Dieu ne m’ait auparavant rendu (une fois pour toutes) mon esprit (ou l’esprit de vie) afin que je puisse retourner la salutation. Suyūṭī trouve a posteriori une confirmation de cette interprétation chez Bayhaqī, qui propose effectivement le qad63. Dans le manuscrit Or. 2481, 5b, conservé à Leyde, de l’Ḥayāt al-anbiyāʾ de Bayhaqī, ce mot est absent. En même temps, une liaison presque continuelle de l’esprit avec le corps, admet Suyūṭī, s’établirait rien que par le

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fait que dans le monde, la bénédiction et la salutation à Mahomet soient prononcées en permanence, si bien qu’il serait perpétuellement occupé à répondre. Suyūṭī trouva après coup que ces dernières idées avaient déjà été formulées dans un écrit intitulé Al- faǧr/al-faḫr al-munīr fīmā fuḍḍila bihī l-bašīr an-naḏīr64, œuvre de Tāǧ ad-Dīn al-Fākihānī (mort en 731/1331)65. Pratiquement toutes ces considérations se trouvent déjà moyennant de légères différences chez Saḫāwī, y compris la citation de Fākihānī, que Saḫāwī n’a pourtant pas ajoutée postérieurement, mais bien insérée d’emblée et dûment dans son texte. Quoi qu’il en soit, Suyūṭī défend dans l’Inbāh la thèse selon laquelle le Prophète aurait après sa mort survécu en chair et en os.

19 Le second traité, le Tanwīr, n’aborde la théorie qui nous intéresse que vers la fin, et cela, à travers quatre remarques (tanbīhāt)66. Il s’agit des quatre points suivants : 1) La perception la plus fréquente du Prophète mort – qui représente précisément le sujet de ce second traité – se produit, affirme Suyūṭī, dans le cœur, c’est donc une vision intérieure. En fait, l’œil extérieur le voit également, non pas au sens habituel du terme mais à travers un recueillement exceptionnel (ǧamʿiyya ḥāliyya) dans une forme d’état post mortem (ḥāla barzaḫiyya) en tant que chose spirituelle (rūḥanī, comme dans un des manuscrits) ou expérience (amr wiǧdānī) dont la réalité ne peut être saisie que par quelqu'un qui la possède déjà (bāšarahū), ce qui implique une sorte de « ravissement ». – Nous dirions peut-être qu’il s’agit d’un mélange ou d’un composé entre vue extérieure et vision intérieure. La vision du Prophète est toutefois un domaine particulier, vaste, que nous ne pouvons aborder ici.

20 2) Lors de l’apparition du Prophète, on ne voit pas toujours, et pas de l’avis de tous, le Prophète lui-même, mais souvent uniquement son image (miṯāl). Suyūṭī cite à ce sujet Muḥammad al-Ġazzālī, d’après qui le prophète mort ne se montrerait à la personne que dans une image, qui peut soit correspondre à sa réalité soit être dénaturée par la pureté insuffisante de l’âme. De même, Dieu n’apparaît à ceux qui rêvent que sous forme d’image. – Cela correspond dans les grandes lignes aux explications plus longues données par Ġazzālī dans Al-maḍnūn bih ‘alā ġayr ahlih, traduit par Duncan Black Macdonald dans The Religious Attitude and Life in Islam (Chicago 1909/réimpression New York 1970, 80-83) et retraduit récemment avec publication de la version originale arabe par Vincent Lagardère dans un essai intitulé « À propos d'un chapitre du Nafj wa-l- taswiya attribué a Ġazālī » (Cuadernos de Historia del Islam 11, 1984, 73-86), mais cette fois d’après un autre écrit de Ġazzālī. Si ce n’est qu’à ces endroits, il apparaît bien plus clairement que Ġazzālī ne parle pas d’image au sens de reflet, mais de symbole ne présentant pas de traits extérieurs communs avec Mahomet, mais « signifiant » seulement ce dernier, de la même façon que, par exemple, un soleil peut « signifier » en rêve le seigneur ou la lune son vizir. Une chose que Macdonald et Lagardère ont correctement reconnue67. Ailleurs, Ġazzālī écrit cependant que Mahomet peut apparaître à l’homme en rêve « dans une existence sensorielle » (wuǧūd ḥissī), ce qui signifie en l’occurrence dans une image ou un reflet tiré des descriptions qui ont été transmises et non sous l’apparence que pourrait avoir une personne qui a quitté sa tombe68. Plus tard, il doit s’être écarté de cette thèse lorsqu’il loue les soufis pour le fait qu’ils regardent les anges et l’esprit – au moins l’esprit ! – des prophètes, entendent leurs voix et reçoivent des enseignements d’eux à l’état de veille69. Notre citation de Ġazzālī chez Suyūṭī a été reprise par Muḥammad Ḥaqqī an-Nāzilī (mort en 1301/1883-84) : Ḫazinat al-asrār, Beyrouth, s.d., 175.

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21 Suyūṭī oppose à Ġazzālī le juriste et traditionniste malikite Abū Bakr b. al-ʿArabī (mort en 543/1148), qui a encore rencontré Ġazzālī à Bagdad. Ce cadi, dit Suyūṭī, n’a voulu parler d’un simple reflet du Prophète que lorsque l’apparence s’écarte de la description du Prophète transmise. En dehors de ce cas de figure, le Prophète devrait encore pouvoir être directement visible après sa mort, car comme tous les prophètes, il a récupéré son esprit peu après sa mort et est libre de quitter sa tombe et de se mouvoir sans entraves dans l’au-delà lunaire et translunaire (malakūt). Des citations du Dalā’il an- nubuwwa et de l’Iʿtiqād de Bayhaqī d’après lesquelles le Prophète serait vivant près de son Dieu juste comme les martyrs ont été intégrées et la déclaration de l’hérésiologue ʿAbd al-Qāhir al-Baġdādī insérée dans l’Inbāh n’est pas non plus passée sous silence. Comme dans l’Inbāh (6-7/in Ḥāwī 149), on fait à nouveau intervenir Qurṭūbī selon qui tout part du fait que les prophètes morts seraient en vie et resteraient seulement cachés à notre vue, exactement comme les anges. Seuls ceux auxquels Dieu aurait accordé sa grâce particulière auraient la capacité de les voir.

22 Ensuite, Suyūṭī devient plus clair encore avec les paroles de Bayhaqī, qu’il mentionne également dans l’Inbāh (3,10-14/in Ḥāwī 148,5-8) et que Saḫāwī (Qawl 167, en bas) a déjà enseignés. Il s’agit de la sentence présumée de Mahomet : les prophètes ne sont pas laissés dans leur tombe plus de quarante jours et ils accomplissent ensuite la prière rituelle devant Dieu, jusqu’à ce que la trompette (du jugement dernier) fasse entendre son chant. Et le tradittioniste médinois Saʿīd b. al-Musayyib (mort en 94/712) d’affirmer : aucun prophète ne reste dans sa tombe plus de quarante jours, il est ensuite élevé [au ciel]70. Plus loin, on lit que le délai indiqué par l’Imām al-Ḥaramayn Abū l- Maʿālī ʿAbd al-Malik al-Ǧuwaynī (mort en 478/1085) dans son Nihāyat al-maṭlab fī dirāyat al-maḏhab et celui de Rāfiʿī (mort en 623/1226) dans son commentaire du Musnad de Šāfiʿī serait plus court, à savoir trois jours71, voire, d’après une autre lecture, seulement deux. Abū l-Ḥasan ʿAlī az-Zāġūnī al-Ḥanbalī (mort en 527/1133)72 estime même que ce délai n’est que d’une demi-journée.

23 Suyūṭī se réclame encore de la Taḏkira d’un certain Badr ad-Dīn b. as-Ṣāḥib 73, qui souligne que les allusions faites par Mahomet et la sourate 3, 169 ne pouvaient être comprises que d’une façon, à savoir qu’après sa mort, le Prophète survivait dans un était « intermédiaire » (barzaḫ). Le même rang serait, il est vrai, également accordé aux martyrs, mais seulement à certains qui sont choisis en raison de leur fidélité au Prophète, qui doit lui aussi être considéré comme un martyr. Si Mahomet a vu Moïse prier dans sa tombe, cela prouve que Moïse survit sous forme corporelle. D’autant plus qu’il y a cette précision de lieu : « dans la tombe », car personne n’a jamais considéré que l’esprit du prophète était prisonnier (masǧūn) dans sa tombe. Mahomet aurait, dans un lieu de passage étroit, également vu le prophète Jonas monter une chamelle rouge, vêtu d’une robe de laine74. Badr ad-Dīn défendait d’ailleurs l’idée selon laquelle la subsistence que les martyrs reçoivent près de Dieu telle que décrite par le Coran n’excluait pas la possibilité qu’ils aient aussi jeuné, prié, effectué le pèlerinage et assumé d’autres actes de culte. Certes, l’au-delà n’était plus le lieu dans lequel l’on œuvre et de mise à l’épreuve (dār al-‘amal), mais tout en se trouvant dans l’au-delà (uḫrā ), ces défunts se trouvaient encore dans l’ici-bas (hāḏihī d-dunyā). Cela ne prenait fin que lorsque le délai dans l’ici-bas était écoulé et qu’il était suivi par l’au-delà proprement dit comme lieu de retribution (dār al-ǧazāʾ). C’est ce qu’affirmait le cadi ʿIyāḍ (mort en 544/1149). Mais si les martyrs quittaient leurs tombes et accomplissaient le pèlerinage,

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qui aurait pu refuser pareil droit à Mahomet ? Le corps de Mahomet était donc au ciel et non pas enterré. Voilà ce que l’on trouve chez Badr ad-Dīn.

24 Fort de ces affirmations sacrées et des conséquences qui en découlent, Suyūṭī tire les conclusions dogmatiques suivantes : Mahomet est vivant en esprit et en corps, il bouge et voyage librement, où il veut, sur terre et dans l’au-delà (malakūt), il a gardé l’apparence qu’il avait avant de mourir, mais il échappe aux yeux extérieurs, comme les anges, et ne peut être vu que par ceux pour lesquels Dieu soulève le voile par effet d’une grâce spéciale. Et ceux-là voient non pas un simple reflet, mais le prophète lui- même.

25 3) À la question de l’ubiquité – comment le prophète mort peut-il être vu simultanément dans des endroits très éloignés – Suyūṭī donne une réponse « recyclée » : un homme – selon une autre source, il s’agiterait d’un certain Ibn Abī Ǧamra75 – aurait répondu à la question au moyen d’un vers dans lequel le prophète était comparé à un soleil brillant sur tous les pays. Ibn ʿAṭā’ Allāh as-Sikandarī (mort en 709/1309) aurait un jour été vu par un de ses disciples dans tous les lieux saints alors qu’en réalité, il n’avait pas quitté Le Caire. Ibn ‘AṭāʾAllāh aurait donné comme explication que le grand homme remplit le monde entier.

26 4) Suyūṭī connaît des gens qui déduisent de ce qui précède que ceux qui voient le Prophète aujourd’hui doivent être comptés au nombre de ses compagnons. Suyūṭī rejette cette idée en s’appuyant sur le raisonnement suivant : si quelqu’un voit simplement une image du Prophète – ce qui arrive bel et bien – la prétention à faire partie des compagnons du prophète (ṣuḥba) devient caduque de toute façon, car seul celui qui l’a réellement vu en chair et en os peut être compagnon du Prophète (ru’yat ḏātihī š-šarīfa)76. Et même si l’on voit réellement le Prophète, on n’est pas pour autant un compagnon du prophète, car il faut pour cela l’avoir vu à l’œuvre dans le monde sensible (mulk). En effet, celui qui ne voit réellement le Prophète que maintenant, c’est à dire longtemps après sa mort, le voit, même à l’état de veille, comme cela a été décrit dans les points 1, 2 et 3, dans le royaume intermédiaire transfiguré (malakūt). Pour Suyūṭī, la justesse de cette limitation s’explique facilement par le fait que les membres de la communauté du prophète lui sont tous un jour présentés sans qu’ils soient pour autant promus compagnons du prophète, précisément parce que cette rencontre a lieu dans le royaume intermédiaire (malakūt) – ici malakūt désigne manifestement un état surnaturel qui suit la mort et la fin du monde et qui, justement pour cela, n’est pas accessible au regard de tous aujourd’hui.

27 Résumons-nous ! D’après Suyūṭī, Mahomet a vécu une véritable mort humaine et a été enterré, mais après quelques jours ou peut-être le jour même, il a ressuscité dans son corps. De cette façon, il remplit exactement la condition d’incorruptibilité de Jésus telle qu’elle a été mentionnée dans le Nouveau Testament par Pierre (Ac 2,30-32) et par Paul (Ac 13,34-37). La résurrection de Mahomet n’est certes pas suivie d’une ascension, mais après sa mort, il est tout à fait en mesure d’aller partout dans son corps et aussi de monter au ciel, ce qu’il a déjà fait une fois de son vivant lors de son voyage nocturne. Mahomet reçoit ainsi deux propriétés qui sont par ailleurs typiques du Jésus chrétien : il a subi la mort (ce que les musulmans nient à propos de Jésus) et reste néanmoins vivant parmi les hommes jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20).

28 Peut-être quelques éclaircissements ont-ils leur place ici. Au sujet des points 2 et 4 : Le malakūt, dans lequel les prophètes apparaissent aux hommes après leur mort, n’est visiblement ni le monde sensible ni le royaume céleste,

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mais un monde de l’au-delà ou intermédiaire qui relierait les deux, si bien qu’il faut pour le percevoir un regard plus profond que la puissance de l’œil. Il s’agit, comme les citations de Suyūṭī elles-mêmes le montrent, d’un au-delà dans l’ici-bas, peut-être la correspondance spatiale à cet état temporel intermédiaire nommé barzaḫ qui sépare la mort de la résurrection. Le ou la malakūt (grammaticalement tantôt masculin, tantôt féminin), semble si indissociable du mulk que l’on ne pourrait pas imaginer l’un sans l’autre ; peut-être faut-il y voir le monde des images originelles de l’ici-bas par opposition aux reflets (ici appelés miṯāl), qui présupposent l’original concret visible ici- bas. On est même dans le doute quant à savoir si le malakūt disparaît avec la fin du monde ou s’il apparaît précisément lors de l’avènement de l’au-delà proprement dit77. La deuxième possibilité doit être la bonne. Mais dans le point 4, Suyūṭī situe la rencontre des hommes avec Mahomet après la résurrection finale qui précède l’entrée au paradis encore dans ce « monde du royaume intermédiaire » (266, 1). Cela explique aussi que les prophètes et les martyrs défunts ne puissent y convoler ni avec leurs épouses encore en vie ni avec les femmes qui sont au paradis. Les épouses parce qu’elles sont encore entièrement dans l’ici-bas, les femmes du paradis parce qu’elles interviennent seulement au paradis et ne sont pas conçues pour ce monde intermédiaire. Il n’y a donc pas de relations intimes, ni par-delà la frontière du royaume intermédiaire dans l’ici-bas, ni par-delà sa frontière avec l’au-delà proprement dit. Dans le malakūt, les défunts restent entre eux. Celui qui est décédé avant sa femme ou ne s’est pas marié du tout ne se marie pas dans la tombe. Cela montre de manière particulièrement claire combien le contexte du malakūt est étroitement lié à l’existence terrestre : puisqu’aucune épouse terrestre n’a existé auparavant, elle ne peut pas non plus apparaître de manière idéalisée. Ces questions de mariage ne sont abordées qu’après Suyūṭī et sans lien explicite avec le concept de malakūt, en l’occurrence par le chaféite Ramlī (mort en 1004/1596) et le malikite Uǧhūrī (mort en 1066/1656)78.

29 Le poids des sources antérieures a même amené Ibn Taymiyya à une concession et à une légère réserve vis-à-vis de sa stricte dénégation d’une survie du prophète. Car Ibn Taymiyya était lui aussi dans l’impossibilité de réfuter les écrits affirmant que Mahomet avait vu son prédécesseur Moïse prier dans sa tombe et que durant les nuits de la bataille de Ḥarra 63/683, le traditionniste Saʿīd b. al-Musayyib avait entendu l’appel à la prière résonner depuis la tombe de Mahomet. Il admet ainsi, en contradiction avec les fondements de sa propre théorie, la possibilité d’une existence du prophète et des dévots après la mort, du moins jusqu’à un certain point, mais concernant une action éventuelle de ces défunts, s’en remet, comme pour les anges, entièrement au commandement d’existentiation (ar-amr al-kawnī) divin79. Cela signifie qu’ils ne font que ce que Dieu les laisse faire, à la manière de robots, car une fois là-bas, ils ne sont plus soumis à l’obligation légale applicable aux vivants (taklīf, = amr dīnī), mais uniquement à la volonté créatrice de Dieu, à laquelle ils n’opposent plus de principes moraux ou légaux80. C’est pourquoi Ibn Taymiyya s’en tient à son interdiction de chercher à nouer des relations avec ces morts. Il rapproche ainsi tous les morts, y compris le prophète, de Dieu et les sépare du royaume des vivants par un large fossé, une sorte de no man’s land. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb (mort en 1206/1792), son disciple, se résigne plus tard à une autre concession, probablement sous l’influence des mêmes sources et commentaires. Il écrit : « Nous croyons que le prophète vit dans sa tombe la vie qui caractérise le temps intermédiaire… Mais on ne peut pas lui accorder cette vie qui contient la connaissance rationnelle, le mouvement et la gestion des

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actions81. » La négation d’une vie post mortem du prophète débouche donc d’abord chez Ibn Taymiyya, sur un compromis selon lequel il continuerait tout de même à vivre, mais pas pour nous, et plus tard, chez les wahhabites, à la conviction que Mahomet vit dans sa tombe.

30 Au sujet du point 3 : à la question de l’ubiquité de Mahomet, Suyūṭī donne, de manière plus suggérée que détaillée, deux réponses distinctes, la première pour les gens qui ne veulent pas vraiment croire en une mobilité de Mahomet après sa mort, la seconde pour ceux qui aimeraient justement affirmer, à l’inverse, que Mahomet va partout et qu’il peut être partout en même temps. Pour les premiers, la comparaison avec le soleil, qui brille pour tout le monde, doit faire l’affaire. Mahomet est selon elle une lumière pénétrant le monde entier, qui reste il est vrai au même endroit, mais peut en même temps être vue dans les contrées les plus éloignées – un parallèle en quelque sorte avec une terre « pénétrée par le Christ », une forme un peu affaiblie de la lumière de Dieu éclairant toute chose selon la conception panthéiste. Un sympathique chercheur plus proche de nous dans le temps, le darqāwī Muḥammad b. Masʿūd al-Ṭālibī al-Maʿdarī al- Būnuʿmānī (mort en 1330/1912), qui a d’abord été nāṣirī, puis successivement partisan de Mā’ al-‘Aynayn, d’un nāṣirī-darqāwī nommé Būl-ḫayr al-Būštī (futur mahdi) et enfin du cheik d’Illigh dans l’Anti-Atlas, affirme avoir toujours perçu, par experience directe, la lumière du prophète, qui est en toute chose82. D’autres, comme ʿAbd al-ʿAzīz ad- Dabbāġ (mort en 1132/1719), veulent distinguer entre la personne du prophète et sa lumière. Cette dernière, qui serait près de (maʿa) chacun, serait comparable à un miroir sur lequel la personne du prophète pourrait être distinguée, si bien que l’un pourrait voir le prophète chez lui à l’est tandis qu’un autre pourrait en même temps le voir chez lui à l’ouest, certes uniquement en rêve et en image, mais néanmoins de manière authentique. En principe, seul le regard d’un voyant peut pénétrer jusqu’au prophète lui-même83. Le prophète envoie donc ses images ou son reflet aux rêveurs en guise de substitut. Un écrivain antérieur, Aḥmad b. Ṭāhir b. Muḥammad al-Qazwinī, dont le nom et les dates exactes n’ont pas encore pu être déterminées, mais qui doit avoir vécu avant Bārizī (mort en 738/1338), cherche aussi à expliquer pourquoi de nombreuses personnes voient le prophète en même temps mais sous une apparence différente. Il laisse Mahomet intact, préférant rapporter cette différence à la qualité diverse des miroirs qui sont présentés au prophète, ou du verre, des lunettes pourrions-nous dire, à travers lequel il est regardé. Avec un homme respectueux de la loi, il se montre amical, avec un impie, il se met en colère84. D’après toutes ces constructions, Mahomet n’a plus besoin de changer d’endroit – si ce n’est que Dabbāġ, allant à l’encontre de sa propre théorie, concède encore que dans le cas d’un non-voyant (ġayr al-maftūḥ ‘alayh), qui ne possède donc par le regard exceptionnel nécessaire pour le percevoir lui-même, mais qui brûle d’un désir sincère de le voir, dans ce cas, Mahomet peut aussi lui rendre visite. La comparaison de Mahomet avec le soleil dans la citation de Suyūṭī serait d’ailleurs mal comprise si on se représentait le prophète comme la lumière, car Suyūṭī a affirmé de manière suffisamment claire, que Mahomet, dans son corps post mortem, avait la même apparence que dans son corps terrestre. C’est précisément pour cela que la comparaison avec le soleil n’est pas une explication correcte85. 31 Dans le deuxième cas, dans l’exemple d’Ibn ʿAṭāʾAllāh, la fin ne me semble pas correspondre au début. Si l’homme qui n’est pas nommé a vu son cheikh Ibn ‘Aṭāʾallāh dans tous les lieux saints successifs du pèlerinage mais l’a perdu de vue entre ceux-ci, cela ne peut que signifier qu’Ibn ‘Aṭāʾallāh disparaissait puis réapparaissait ailleurs en

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alternance. Cette ubiquité intermittente supposerait donc la capacité de parcourir à la vitesse de l’éclair de grandes distances (ṭayy al-makān wa-z-zamān), un motif bien connu de la littérature hagiographique86, où il est appelé l’« homme au grand pas » (ṣāḥib al- ḫaṭwa)87. Une variante « supérieure » présumée de ce dernier serait l’« envol » (taḥayyuz ), en vertu duquel il n’est même pas nécessaire de faire un pas, mais seulement de s’étirer (taḥarraka min maǧlisihī) pour être déjà ailleurs, en compagnie s’il le faut88. Comme Ibn ʿAṭāʾAllāh était en même temps à la maison, il s’agit dans son cas d’une sorte de multilocation89 : lui-même se trouve au Caire et il envoie dans le monde des doubles, qui le représentent dans d’autres lieux – l’équivalent des reflets de Mahomet chez Dabbāġ. La véritable multilocation impliquerait toutefois qu’Ibn ‘AṭāʾAllāh se soit multiplié de façon homogène pour ensuite se recomposer en une seule personne à un endroit quelconque, ce qui lui aurait permis de se déplacer dans l’espace. Dans ce cas uniquement, il pourrait dire à raison : je suis déjà là. La phrase finale d’Ibn ‘AṭāʾAllāh – le grand homme remplit le monde entier – rappelle ainsi un autre miracle des saints islamiques, désigné en persan par le terme technique de ṭawāmm : la faculté du saint de devenir géant90, ici portée jusqu’à l’incommensurable. Ibn ‘AṭāʾAllāh ajoute toutefois : si le Saint suprême (quṭb) était appelé par une pierre, il répondrait. Cela ne peut à nouveau vouloir dire qu’une chose, à savoir qu’il pénètre le monde entier. Ce qui amène Suyūṭī à conclure : si le Saint suprême remplit le monde entier, le prophète en est a fortiori capable. Et de citer une phrase d’un certain Abū l-ʿAbbās at-Tanǧī : Voyez, ciel et terre, le trône de Dieu et le siège de Dieu sont emplis de l’envoyé de Dieu91 ! Ce qui nous ramène à la comparaison avec le soleil. Avec son deuxième exemple, Suyūṭī donne donc une explication qui sort elle aussi du cadre de son traité et qui relève du contexte de la « réalité muḥammadienne » (al-ḥaqīqa al-muḥammadiyya), dont il n’est pas question ici.

32 Une explication de l’ubiquité de Mahomet et de ses différentes apparitions à un même moment serait en outre facile à faire concorder avec la théorie de Suyūṭī, qui a été tout près de la donner lui-même. Il s’agit de la multilocation déjà nommée. Il suffisait à Suyūṭī de poursuivre son raisonnement et de dire : si déjà un saint comme Ibn ʿAṭāʾAllāh peut apparaître à plusieurs endroits différents et, comme dans d’autres sources, est capable de faire différentes choses au même moment à plusieurs endroits différents sous des visages différents, pourquoi le prophète n’accomplirait-il pas le même prodige et même avec une probabilité bien plus grande ? Le diable lui-même en est capable. Il ne devrait donc pas être plus difficile à Mahomet, dans son corps post- mortem, de se multiplier n’importe où et d’apparaître sous des formes toujours différentes à chacun.

33 Même le contraire, c’est-à-dire l’absence du prophète, pourrait sans peine être concilié avec la doctrine de la survie du prophète défendue par Suyūṭī. À supposer, ce qui est pratiquement exclu, que l’on entreprenne des fouilles à la tombe du Prophète à Médine comme on en a effectué sous la basilique Saint-Pierre à Rome et que l’on ne trouve rien, le théorie suyutiste de la mobilité de Mahomet après sa mort pourrait fournir des arguments qui invalideraient les déductions embarrassantes des savants matérialistes. On leur opposerait la théorie selon laquelle le prophète, premièrement, n’est visible que par certains yeux dans le royaume intermédiaire où il se trouve et, deuxièmement, pourrait peut-être, en vertu de son indépendance, avoir abandonné sa tombe, avoir fait usage de cette liberté rien qu’en raison des travaux d’excavation.

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34 Étant donné cette polyvalence d’utilisation, on ne peut dénier à l’idée de Suyūṭī un certain génie. Mais Suyūṭī ne semble pas s’être aperçu de sa portée.

35 Aujourd’hui, l’idée concrétiste de l’ubiquité ou de la possibilité d’ubiquité du prophète semble très limitée. Elle est soit reléguée dans le domaine de la fable, soit édulcorée. Les wahhabites sont évidemment contre : ils disent que les gens qui invoquent un prophète ou un saint pour demander de l’aide se trouvent souvent dans les endroits les plus divers et peuvent être jusqu’à plusieurs centaines de milliers. Ils croient tous que celui qui est appelé à l’aide est immédiatement présent partout. Ce seul appel à l’aide relèverait de l’incroyance et du polythéisme, car ces gens attribueraient à l’aidant des propriétés divines, ce qui va contre tout entendement. Ensuite, un seul corps ne peut pas non plus être à plusieurs endroits en même temps. Les wahhabites réfutent donc le principe de l’ubiquité. Les traditionalistes prétendent en revanche – du moins est-ce le cas d’un traditionaliste iraquien – qu’un vrai musulman ne peut de toute façon pas croire à une présence personnelle de l’appelé à différents endroits en même temps, car ce serait de l’incroyance et ce serait impossible. La conception des musulmans consiste plutôt à dire que dans les lieux où le prophète – pour en rester à celui-ci – a été appelé, Dieu procure sa (secourable) bénédiction (al-baraka) par grâce et miséricorde pour ceux qui l’implorent et en signe de grâce envers celui qui a été appelé. Le traditionaliste iraquien qui parle ainsi change donc simplement la présence controversée en une « bénédiction » un peu nébuleuse. Il édulcore par conséquent l’idée d’une présence concrète du prophète, telle que d’autres se la sont toujours imaginée, et la nie en fait exactement comme le wahabite92.

36 Encore ceci à propos du point 4 : le fait que celui qui voit aujourd’hui le prophète et parle avec lui ne peut pas être compté au nombre des « compagnons du prophète » ( ṣaḥāba) est une opinion personnelle de Suyūṭī. Muḥyī d-Dīn b. al-ʿArabī (mort en 638/1240) en a une autre. Pour lui, ces gens sont bien les compagnons du prophète. Le fondateur de la Sanūsiyya, Muḥammad b. al-Sanūsī (mort en 1276/1859), cite les passages pertinents de Futūḥāt al-makkiyya, chapitres 313 et 318, dans un écrit intitulé Īqāẓ al-wasnān fī l-ʿamal bi-l-ḥadīṯ wa-l-qur’ān (Alger 1914, 107-112)93. Un contemporain de Suyūṭī, Aḥmad az-Zawāwī (mort en 923/1517), a un jour dit à son élève Šaʿrānī : notre tariqa consiste à invoquer aussi souvent que possible la bénédiction sur le prophète, jusqu’à ce qu’il vienne s’asseoir à nos cotés pendant que nous sommes à l’état de veille, que nous devenions ainsi ses élèves de la même façon que l’étaient ses compagnons et que nous puissions l’interroger sur les diverses difficultés du hadith94. Les membres de la Tiǧāniyya, dont le fondateur, Aḥmad Tiǧānī (mort en 1230/1815), prétend avoir été désigné et consacré par Mahomet en 1196/178295, se vantaient d’être désignés comme compagnons par le Prophète lui-même et de pouvoir un jour aller au paradis avec les anciens compagnons de prophète96. La vision de Suyūṭī n’est donc qu’une vision parmi bien d’autres, une vision qu’il a également défendue dans un autre contexte, en l’occurrence en lien avec la question de l’état de Jésus lors de son retour à la fin des jours, lorsqu’il sera tenu, pour une courte période, de rendre la justice selon le droit islamique. Connaît-il cette loi ? Suyūṭī le suppose, puisque selon lui, les manifestations de tous les prophètes ne font en fait qu’une et sont incluses dans la révélation de Mahomet. Jésus, qui n’est suivant la conception islamique pas mort, pourra toujours se joindre au défunt Mahomet et se faire instruire par lui – ce qu’il fera, ainsi que des voyants l’ont déjà affirmé. Mais la tradition sait aussi qu’il a déjà fréquenté Mahomet de son vivant et rien ne s’oppose à l’idée qu’à son retour, il ait encore des choses à

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apprendre de ce dernier. Cependant, Jésus ne serait un compagnon du prophète que parce qu’il l’a déjà rencontré plusieurs fois dans les années qui ont précédé 11/632. Le Jésus islamique se situe donc au croisement entre le statut de prophète et celui de compagnon du prophète, ce qui autrement ne peut être dit que d’Élie (Ilyās) et peut- être d’al-Ḫaḍir – si toutefois celui-ci ait été prophète97. Suyūṭī se réfère aux explications d’un dénommé Subkī (probablement Taqī ad-dīn, mort en 756/1355) et cite Ḏahabī (mort en 748/1348) : Jésus, le fils de Marie, est prophète et compagnon du prophète parce qu’il a vu Mahomet et il sera le dernier des compagnons du prophète qui mourra98, en l’occurrence après son retour à la fin des temps, lorsque tout mourra.

37 Les explications de Suyūṭī sont un bon exemple de raisonnement théologique. Partant d’affirmations reconnues incontestables, qui ont déjà largement quitté le terrain de la vérification, un système fermé de rapports et de perspective est conçu, qui devient aussitôt évident à la « connaissance intuitive » et est cohérent en soi. Mais il ne correspond pas encore pour autant à la vérité, car, pour cela, il faudrait, en plus de la base de croyance, une concordance avec les observations de la vérité naturelle et des expériences. Malgré cela, la conception de Suyūṭī est loin d’avoir touché tous les théologiens et n’a pas conquis l’ensemble des traditionalistes. Un ʿAbd ar-Raḥmān b. Naǧm ad-dīn Muḥammad b. ʿAbd as-salām b. Aḥmad Zayn ad-dīn al-Batrūnī at- Ṭarābulūsī as-Šāfiʿī aṣ-Ṣūfī, connu sous le nom de Ibn al-Ġarāmī (mort en 977/1569), qui a enseigné et prêché à Alep et défendait la thèse selon laquelle le prophète était vivant dans sa tombe, s’est heurté à l’opposition de Muḥammad b. Musallam al-Māliki al- Maġribi, que nous connaissons déjà. Celui-ci voulait le déclarer mécréant et n’a lâché du lest que quand il a appris que Batrūnī s’appuyait sur une dissertation de Suyūṭī – visiblement sur notre traité Tanwīr al-ḥalak – parce que cet auteur faisait figure d’autorité99.

38 Par la suite non plus, les théologiens ne se sont pas rangés unanimement du côté de Suyūṭī ou ne l’ont sans doute pas connu en entier, ce qui n’a rien de surprenant étant donné le volume de sa production100. Il faut mentionner ici les difficultés rencontrées par Muḥammad b. Muḥammad al-Maġribī al-Fīlālī, qui a été formé au Caire, lors de son pèlerinage à Médine en 1155/1743 avec sa vision des miracles post mortem du prophète. Après son retour en Égypte, il décida d’expliquer son point de vue plus clairement et plus globalement, dans le calme et en ayant recours aux bases nécessaires. Il rédigea ainsi en 1155/1743 un petit écrit digne de lecture intitulé At-Taḥrīrāt ar-rā’iqa, qui nous est parvenu dans le manuscrit berlinois We 1719 (Ahlwardt 2599). Sa vision repose essentiellement sur le Tanwīr al-ḥalak de Suyūṭī et répète tout ce qui est important dans les explications de l’auteur, peut-être de façon plus claire encore que Suyūṭī lui-même dans la mesure où il envisage le thème sous l’angle de la survie plutôt que sous celui de la possibilité de percevoir le prophète. En complément de Suyūṭī, il distingue parmi les partisans de la petite résurrection de Mahomet, si nous pouvons l’appeler ainsi, entre ceux qui, comme Suyūṭī, ne laissent pas le prophète lié à sa tombe, et d’autresī qui « attachent » le prophète à sa tombe. Les seconds pensent certes que l’esprit de Mahomet et de tous les prophètes est libre et à même de voyager dans les sphères translunaires, mais qu’il n’est pas à même d’emporter le corps depuis la tombe. Nous voilà donc à nouveau face à l’opinion shiite, comme celle que consigne Kulīnī. Ces gens, dit Fīlālī, rejettent les phrases affirmant que Mahomet se relève de sa tombe quarante jours après l’enterrement et les perceptions prétendument éveillées du prophète dans des pays lointains. Selon ces dénégateurs de la mobilité du prophète, les voyants auraient tout au plus pu voir des reflets (miṯāl) du prophète et non le prophète lui-

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même, des reflets que seraient générés par un désir violent de sa personne – à moins que l’on accepte un miracle divin qui mettrait en œuvre une multiplication de Mahomet impossible à expliquer plus précisément, mais néanmoins concevable. Fīlālī nomme ces apparitions des images, des choses, des formes (ṣuwar), émanant de Mahomet (našaʾat), et imagine comme solution possible de l’énigme quelque chose se rapprochant de notre multilocation. Une autre solution possible dans le cadre de la même théorie de l’immobilité du prophète serait, dit-il, le parallèle proposé par Ibn Abī Ǧamra – ce nom apparaît ici – et suivant lequel le prophète serait comme le soleil, qui peut être vu par tous les hommes. L’écueil de la fragmentation d’un en plusieurs est ici discrètement évité (56b-57a).

39 Fīlālī ne fait que transmettre les paroles d’autrui. Il n’opte ni pour la mobilité ni pour l’immobilité du prophète défunt et capitule devant le reproche possible que les ḥadīṯs sur lesquels toutes ces choses se fondent sont extrêmement incertains. Il se réfère néanmoins au shafite Ramlī (mort en 1004/1596), selon les directives duquel les ḥadīṯs au sujet des conditions du prophète, et donc au sujet de son arbre généalogique, sa tombe etc. ne devraient pas être mesurés suivant les mêmes critères que les ḥadīṯs contenant des prescriptions relatives au comportement des croyants. Seule la seconde catégorie serait « connaissance » (ʿilm), alors que la première serait « dogme » (ʿaqāʾid, iʿtiqādāt) et la chaîne de transmission de tels dogmes ne doit pas être vérifiée de manière aussi stricte au niveau de sa solidité que les commandements et les interdictions (60b-61a). Ce principe avait déjà été défendu par Aḥmad b. Ḥanbal (mort en 241/855)101.

40 Le traité encore inédit de Fīlālī reçut l’approbation de deux de ses professeurs égyptiens, dont les recommandations précèdent et suivent le texte dans le manuscrit. La première (51a) vient du cheik ḫalwatī Muḥammad al-Hafnāwī (mort en 1181/1767)102, la deuxième (61b) de son professeur Aḥmad al-Mallāwī (également mort en 1181/1767)103.

41 Une correction philologique doit être apportée à ce stade. Brockelmann (2, 366) attribue cet écrit à Muḥammad b. Muḥammad al-Fullānī al-Kišnawī as-Sūdānī, déjà mort en 1154/1741 au Caire104. Non seulement c’est trop tôt pour l’auteur de notre dissertation, mais le Šaǧarat an-nūr az-zakiyya fi ṭabaqāt al mālikiyya, n° 1330, de Maḫlūf n’attribue pas d’ouvrage de ce titre à cet auteur. À un autre endroit (GAL S 2, 494), Brockelmann évoque à propos de notre auteur le Fihris al-fahāris 2, 264 de Kattānī, où il est question d’un autre Fullāni, à savoir Ṣāliḥ b. Muḥammad b. Nūḥ al-ʿUmarī, qui a vécu jusqu’en 1218/1803. Mais lui non plus n’a pas laissé de livre portant le titre qui nous concerne. Dans notre manuscrit, l’auteur ne s’appelle pas du tout Ġilālī ou Ġīlālī comme l’indique Brockelmann (2, 366, note 1) et comme le recopie Ahlwardt, mais bien Fīlālī, comme on le lit dans le texte 51b, 5, ou « Muḥammad al-Maġribi al-Fīlālī » comme dans la recommandation 51a, 19 de Ḥafnāwī. L’homme ou sa famille provient donc de Tafilalt. On trouve la bonne attribution dans Baḥdath Ismail Pasa : Kesf-el-zunun zeyli, Istanbul 1945-1947, 1, 231, qui indique : « At-taḥrīrāt ar-rā’iqa wa-r-risāla al-fā’iqa, de Muḥammad b. Muḥammad b. aṭ-Ṭayyib at-Tāfīlātī al-Maġribī, mufti des hanafites à Jérusalem, mort en 1191/1777. Incipit : naḥmaduka bi-ǧamīʿi ṣifātika wa-asmā’ika yā ḥayyu yā qayyūm. » C’est exactement notre livre, hormis le fait que dans le manuscrit We 1719, l’ajout wa-r-risāla al-fāʾiqa est absent de l’appellation authentique de l’écrit, à la fois dans le titre et dans le texte. Ces mots ne viennent pas du titre, mais appartiennent à l’introduction, où on lit : Fa-hā ana aǧmaʿu šawāridahā fī risālatin fāʾiqa wa-usammīhā bi-t-

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Taḥrīrāti r-rā’iqa, « Je compile ainsi les informations dispersées (au sujet des problèmes) dans un traité concluant que j’intitule Les informations écrites claires » (52a, 4-5). Une deuxième erreur d’İsmail Paşa se cache dans le nom de l’auteur. Celui-ci s’appelle non pas Muḥammad b. Muḥammad b. aṭ-Ṭayyib, mais Muḥammad b. Muḥammad aṭ-Ṭayyib sans « ibn » devant aṭ-Ṭayyib. Tāfilātī est une variante de Fīlālī. Les renseignements utiles à son sujet sont donnés par Murādī 4,102-108, qui mentionne aussi la date de décès, 1191/1777 (4,108, 4-5), et nous apprend que ses deux panégyristes, Ḥafnāwī et Mallawī, sont ses professeurs (4,105). Murādī ne nomme pas la Taḥrīrāt, mais commente en détail un entretien religieux ne manquant pas d’intérêt, que Fīlālī a eu avec les chrétiens durant sa captivité à Malte. Chez Brockelmann, notre Tāfilātī ne figure que dans un commentaire à Ibn al-ʿArabī, Ad-dawr al-aʿlā (1, 447, n° 114 ; S 1, 799, 118). À présent qu’il est établi que la Taḥrīrāt est son œuvre, il mérite un paragraphe pour lui seul.

42 Revenons-en à l’influence de Suyūṭī : un siècle environ après Fīlālī, en 1261/1845, le Ḥāǧǧ ʿUmar Tal, natif de Torodo, qui n’avait à l’époque pas encore fondé son État tiǧānī dans le Haut Niger, revenait dans le chapitre 31 de son Rimāḥ ḥizb ar-raḥīm ʿalā nuḥūr ḥizb ar-raǧīm105, consacré à la vie après la mort et à la perceptibilité de Mahomet défunt, sur le Tanwīr al-ḥalak de Suyūṭī, dont il recopiait de larges extraits. Grâce aux bonnes relations théologiques que Suyūṭī avait nouées jusque dans le Soudan occidental, une bonne partie de ses écrits avait pénétré jusqu’à l’intérieur de l’Afrique106. Ḥāǧǧ ʿUmar pourrait avoir fait connaissance avec son traité dans cette région ou lors de son pèlerinage à l’est. Les tiǧāniyyūn profitaient largement des explications de Suyūṭī sur la survie de Mahomet, étant donné qu’Aḥmad at-Tiǧānī disait avoir reçu des parties importantes de sa doctrine et de ses instructions de la bouche du Prophète en état de veille. Muḥammad al-ʿArabī (b.) as-Sā’iḥ as-Šarqī al-ʿUmari at-Tiǧānī (mort en 1309/1892) fondait donc également le principal argument de défense de cette prétention sur Suyūṭī, dont il cite nommément le Tanwīr et l’Inbāh – devenu chez lui Anbāʾ107. 43 L’idée de la survie de Mahomet a toujours eu des partisans et des adversaires. Ces fronts ne sont toutefois pas restés immobiles. Parmi ses amis, on compte le simple peuple. Celui-ci ne sait pas grand-chose à ce sujet et, dans ce qu’il sait, il y a de nombreuses contradictions. Suyūṭī a fourni la théorie à ce sujet. En 1934, un vieil homme sur un voilier en Mer rouge a raconté à l’ethnologue Hans Alexander Winkler que chaque jour, vingt esclaves noirs préparaient sur la tombe du Prophète à Médine les cruches d’eau dont le Prophète avait besoin pour ses ablutions rituelles. « Mahomet vit », a-t-il assuré, « il vient et prie à cet endroit ». Mahomet venait-il du paradis ? Le vieillard était également d’accord avec cette idée : « Dieu et son envoyé le savent. Il habite chez Dieu au paradis108. » Mahomet habiterait donc au paradis, mais redescendrait à Médine lors de ses ablutions rituelles matinales ? Ce mouvement de navette pourrait être conciliée avec l’idée des romans du jihad, selon lesquels le guerrier qui cherche à mourir en martyr se fait porteur de demandes adressées au Prophète dans l’au-delà109. Parmi les amis de la survie de Mahomet, il y a aussi les soufis pour qui le « monde de la toute puissance divine » (‘ālam al-qudra) est de toute façon à l’avant-plan du « monde de la sagesse divine », de l’ordre du monde normal. Bien connu pour ses attentes politiques, le cheik soufi marocain Muḥammad al-Kattānī, a apparemment cherché à convaincre le sultan ʿAbd al-Ḥafiẓ (1325-1330/1907-1912), qui était proche des salafistes, de la survie des prophètes, mais en vain. Il a même écrit un livre à ce sujet110. Johann Ludwig Burckhardt, qui a parcouru l’Arabie en 1814-1815, range de manière tout à fait générale

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les Turcs de l’époque du côté de ceux qui tenaient encore Mahomet pour vivant et considéraient même comme allant de soi, vu le rang élevé qu’il occupe auprès de Dieu et devant lequel, de surcroît, on jure (bi-ǧāh), qu’il soit tout à fait à même d’apporter son aide quand et où il lui plaît111. Nous avons déjà évoqué leurs opposants, les wahhabites, à deux reprises, précisément à propos de la question de l’œuvre et de l’omniprésence de Mahomet après la mort. Ils savaient toutefois distinguer entre le peuple non éduqué, enclin à une vénération excessive, et les classes plus instruites, qui devaient mieux connaître les limites de la vénération religieuse. Pour parer à tout éventualité (saddan li-ḏ-ḏarīʿa), ils se présentaient par principe comme les porte-parole de la purification fondamentaliste d’Ibn Taymiyya. Mais ils se rapprochaient néanmoins sur un point de la conception traditionaliste, dans la mesure où des ḥādīṯs anciens attestés, irréfutables d’un point de vue fondamentaliste, s’opposaient à leur pensée. C’était la phrase concernant l’incorruptibilité et la survie du prophète au moins dans sa tombe, que leur professeur, Ibn ʿAbd al-Wahhāb, avait remise à l’honneur. Nous avons la preuve que son enseignement lui a survécu dans une source concernant l’année 1226/1811, date à laquelle le sultan Sulaymān du Maroc, qui cultivait lui-même des idées wahhabites, envoya son fils Ibrāhīm avec la caravane des pèlerins chez Saʿūd, qui régnait alors sur la Mecque et sur Médine. Le porte-parole de la délégation, Ibrāhīm az- Zaddāġī112, que Saʿūd avait encouragé à parler librement, lui déclara : « On nous a dit que vous niiez la survie de Mahomet et des autres prophètes dans leurs tombes. » Ce à quoi Saʿūd répondit : « Pas du tout ! Nous affirmons plutôt qu’il vit dans sa tombe, juste comme les autres prophètes, et même d’une vie supérieure aux martyrs113. » Mais uniquement dans la tombe ! Les théologiens salafistes wahhabites de l’ouest ne voulaient rien savoir non plus d’un Mahomet voyageant en dehors de sa tombe. Le savant Muḥammad b. al-ʿArabī al-‘Alawi – aussi peu enclin à lutter contre l’ignorance et les préjugés que Luther – a fait en 1340/1921 à Fes cette réflexion à un tiǧānī curieux d’apprendre : Si le Prophète pouvait apparaître à quelqu’un après sa mort et pouvait encore se mêler des choses terrestres, il n’aurait pas attendu Aḥmad et-Tiǧānī pour se montrer, mais serait apparu bien plus tôt déjà, lors d’occasions plus importantes, comme lors du conflit entre anṣār et muhāǧirūn qui a suivi sa mort, des tensions entre Abū Bakr et Fāṭima, pendant la guerre qui a opposé ʿAlī à la coalition de Ṭalḥa, az- Zubayr et ʿĀʾiša et lors de la première guerre civile entre ‘Alī et Muʿāwiya114.

NOTES

1. En se fondant sur la sourate 7, 142. La précision géographique du Sinaï est absente dans les deux cas. C’est toutefois cette absence de Moïse qui est signifiée, et non sa mort. Cependant, il y avait la légende juive selon laquelle Moïse n’était pas mort, mais avait disparu dans un nuage ; Marcel Simon : Recherches d'histoire Judéo-chrétienne, Paris / La Haye, 1962, 165. 2. Ibn Hišām, éd. Wüstenfeld, 1012-1013. Ibn Saʿd 2,2, 53-57. Dārimī : Muqaddima 14, vol. 1, p. 39, et d’autres sources. Muḥammad b. Yaʿqūb al-Fayrūzā-bādī : Al-maġānim al-muṭāba fi maʿālim Ṭāba, éd. Ḥamad al-Ğāsir, Riyad, 1969, 187-188. lbn Babuje el Kummis Kitābu kamālid-dini wa tamāmin-

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niʾmati fi ithbātil-ʾraibati, première partie, étudié et commenté par Ernst Möller, Heidelberg, 1901, 31. 3. Ibn Saʿd 2,2, 56, 25. 4. Ibn Saʿd 2,2, 57, 5-9. ʿAbdalqahir al-Bagdadi : Al farq bayn al-firaq, Le Caire, 1948, 14. Sahrastani : Al-milal wa-n-nihal, éd. Cureton, 11 / trad. Th. Haarbrücker, 1, 17, attribue déjà la comparaison avec Jésus à ʿUmar. 5. Ṭabarī I, 2942, 5-9 ; Israel Friedlaender : « The Heterodoxies of the Shiites according to Ibn Hazm », JAOS 29, 1908, 24. Theodor Nöldeke et Friedrich Schwally : Geschichte des Qoräns 2, 1919, 81-83. Regis Blachère : Le Coran, trad., Paris, 1947-50, 3, 892, note sur la sourate 3, 138. 6. Paul Marty : « L’Islam en Mauritanie et au Sénégal », RMM 31, 1915-1916, 282-283. 7. Ibn Hišām 1012-1013. Ibn Saʿd 2,2, 53-57, etc. Dārimī : Muqaddima 14, vol. 1, p. 39 mentionne l’oncle de Mahomet, al-ʿAbbās b.ʿAbdalmuṭṭalib, à la place d’Abū Bakr. 8. Wilhelm Hoenerbach : Waṯīma's Kitāb ar-Ridda aus Ibn Ḥaǧar’s Iṣāba, Akademie der Wissenschaften und der Literatur Mainz, Abhandlungen der geistes- und sozialwissenschaftlichen Klasse, 1951, n° 4, p. 253, 276, 279. F. Meier : « Abū Saʿīd-i Abū l-Ḫayr », Acta Iranica 11, Téhéran / Liège, 1976, 313-314. 9. Plusieurs écrits dans Wilhelm Ahlwardt : Verzeichniss der arabischen Handschriften der Königlichen Bibliothek zu Berlin, n° 9614-9619. Pour le IXe/XVe siècle, nous connaissons toute une série de textes de ce type au moins par leur nom : Saḫāwī : Aḍ-ḍawʿ ad-lāmiʿ li-ahl al-qarn at-tāsiʿ , Le Caire, 1353-1355, 7, 246 ; 8, 142. ʿAbdalḥayy al-Kattānī : Fihris al-faharis, Fès, 1347, 2, 87. Maulavi Muinuddin Nadwi : Catalogue of the Arabic and Persion Mss in the Oriental Public Library at Bankipore, vol. XV, n° 1015, 1. Ribera y Asin : Manuscritos árabes y aljamiados de la biblioteca de la Junta, Madrid, 1912, ms IX, n° 4 : traditions relatives à la vie et à la mort du Prophète d’Ibn ʿAbbās et Abū Bakr (manuscrit datant de la première moitié du XVe siècle en aljamía). Le chapitre sur la mort de Mahomet dans le long poème sur les prophètes écrit par Muhammad Rabadan en espagnol en 1603 est explicite (éd. par H. E. J. Stanley, JRAS N. S. 3, 1867, 98-104 : « Canto a la muerte de nuestro anabi Muhamad salam »). Muhammad al-Muhtar as-Susi : Al-ma’sūl, Casablanca, 1960 et sv, 16, 254, énumère les débuts de quelques poèmes sur la mort du Prophète, qu’un certain al- Ḥanafī b. al-Hāšimī (mort en 1370/1951) a rédigés depuis le sud du Maroc. Au sujet du suaheli, voir Ernst Dammann : « Die Überlieferung der islamischen Suahelidichtung », ZDMG 108, 1958, 41 et 50-51. Au sujet de la Perse : A. Chodzko : Théatre persan, Paris, 1878 / Téhéran, 1976, 29-67 : La mort du Prophète (passion chiite). Concernant l’Inde : Garcin de Tassy : L'islamisme, Paris, 1874, 336-337. Jaffur Shurreef : Qanoon-e-Islam, trad. G. A. Herklots, Londres, 1832, 233-236. Annemarie Schimmel : Und Muhammed ist Sein Prophet, Diederichs, 1981, 124. 10. Ibn Šāhrašub : Manāqib āl Abī Ṭālib, Naǧaf, 1956, 3, 462. 11. Tuḥfat ul-ʿIrāqayn, éd. Yahya Qarib, Téhéran, 1333, 144-145. 12. Ibn Taymiyya : Maǧmūʿat ar-rasā’il wa-l-masā’il, Le Caire, 1341-49, 1 (Ahl aṣṣuffa wa-abāṭil baʿḍ al-mutaṣawwifa fīhim), 58-59. Idem : Al-fatāwi l-kubrā, Le Caire, 1326-29 ; réimpr. Bagdad, 4, 304. Ibn al-Ḥaǧǧ : Al-mudḫal, Le Caire, 1929, 4, 244. Muǧīr ad-dīn al-Ḥanbalī : Al- uns al-ǧalīl bi-tārīḫ al- Quds wa-l-Ḫalīl, Amman, 1973, 2, 76. Ibn Māǧid : Al-fawā’id fī uṣūl ‘ilm al-baḥr wa-l-qawāʿid, fac-simile Gabriel Ferrand : Instructions nautiques et routiers arabes et portugais, 1, Paris, 1921-1923, 69a, ult- 69b, 1. Yusuf Ragib : « Deux monuments fatimides au pied du Muqattam », REI 46, 1978, 92, et note 1 avec bibliographie supplémentaire. Les écrits polémiques chrétiens contre l’islam admettent également que la tombe de Moïse n’est pas connue ; Denys le Chartreux : Contra Alchoranum et sectam Machometicam libri quinque, livre III, art. X (Cologne, 1533, 313-314) ; Contra perfidiam Mahometi, livre III, art. X, 383-384 (D. Dionysii Cartusiani opera omnia, vol. 36, Tournay, 1908). Il s’agit d’une tradition vétérotestamentaire. Deut 34,6 : « Et l'Éternel l'enterra dans la vallée, au pays de Moab, vis-à-vis de Beth Peor. Personne n'a connu son sépulcre jusqu'à ce jour. » Le poète judéo-perse Šāhin (XIVe siècle) y voit une sage intention de Dieu : il ne voulait pas que les israélites y soumettent leurs demandes dans leurs prières et risquent de tomber dans

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l’incrédulité dans le cas où elles ne seraient pas entendues ; Wilhelm Bacher : Zwei jüdisch- persische Dichter, Schahin und Imrani, Strasbourg, 1907-1908, 164 (dans le livre de Moïse). En 1534, Greffin Affagart, un pèlerin qui se rendait à Jérusalem, aurait rencontré dans un bâtiment carré semblable à un cloître quelques « prêtres de sa loi » turcs qui affirmaient que Moïse était enterré à cet endroit. Ce qu’il rejette en se référant au passage du Deutéronome. Greffin Affagart : Relation de Terre Sainte, éd. J. Chavanon, Paris, 1902, 127. En réalité, le peuple a localisé la tombe de Moïse à différents endroits, mais les érudits musulmans ne l’ont jamais reconnue. Dans son guide du pèlerin, Al-išārāt ilā maʿrifat az-ziyārāt, édité et traduit par Janine Sourdel-Thomine, Damas, 1953-1957, 13, 5-6 / texte français 31, 6-8, ʿAlī al-Harawī (mort en 611/1215) dit expressément que la tombe de Moïse est inconnue, mais il en signale les localisations populaires. 13. Josef Horovitz : Die Hašimjjat des Kumait, Leyde, 1904, n° I, vers 52. 14. Horovitz : Hašimijjat, n° III, vers 58. 15. I. Goldziher : « Zur Geschichte der ḥanbalitischen Bewegungen », ZDMG 62, 1908, 13-4. Raimund Köbert : « Bayān muškil al-ḥadīṯ des Ibn Furak », Analeceta Orientalia 22, Rome, 1941, XVII. Tor Andrae : « Die person Muhammeds in lehre und glauben seiner gemeinde », Archives d'études orientales 16, Stockholm, 1918, 287-289. ʿAbdarraḥīm b. al-Ḥasan al-Asnawī : Tabaqat al-šāfiʿiyya, Bagdad, 1970-1971, 2, 267 (n° 879) ; de ce dernier, on a tiré la Šaḏarat al-ḏahab de ʿAbd al-ḥayy b. al-Imād al-Ḥanbalī, 3, 182, en haut. Ibn Raǧab : Aḏ-ʿayl ‘ala Ṭabaqāt al-ḥanābila, éd. Henri Laoust et Sāmī ad-Dahhān, Damas, 1951, 1, 70, 3. Suyūṭī : Ar-rasā’il at-tisʿ, Hyderabad, 1961, en particulier Inbāh al-aḏkiya’ fī ḥayāt al-anbiyā’, 8, 1 ; ibid. 8, 8-9 (mots d’Abū Bakr al-Bayhaqī). Hibatallāh b. Naǧmaddīn Ibn al-Bārizī : Tawtīq ʿura l-imān, manuscrit Sprenger 127a (Ahlwardt 2569), 179b (paroles d’Abdalqāhir al-Baġdādī). Selon Suyūṭī, la qualité de prophète de tous les prophètes est conservée après la mort ; Al-iʿlām bi-ḥukm ʿIsā ʿalayhi s-salām in Al-ḥawī li-l-fatāwī, Beyrouth, 1975, 2, 165. 16. « Si Dieu avait voulu détourner les coups et l’arrivée de la mort de quelqu’un en raison de son haut rang, il l’aurait fait chez Mahomet », lit-on sur une stèle de Haute Égypte du IIIe/IXe siècle ; Répertoire chronologique d'épigraphie arabe, 2, n° 518. 17. ʿAlī b.ʿAbdallāh as-Samhūdī : Ḫulāṣat al-wafā bi-aḫbār dār al-muṣṭafā, Médine, 1972, 97-98 / Le Caire, 1316, 46. 18. Selon une polémique, la ṣāliḥiyya en revanche aurait interdit le pèlerinage sur la tombe du Prophète, à l’instar des wahhabites ; B. G. Martin : Muslim Brotherhoods in Nineteenth-Century Africa, Cambridge University Press, 1976, 199. 19. Tiré de la réplique de Ǧamil Efendi Ṣidqī az-Zahāwī (mort en 1936) : Al-faǧr as-ṣādiq fi r-radd ʿalā munkiri t-tawassul wa-l-karāmāt wa-l-ḫawāriq, Le Caire, 1323 / offset Istanbul, 1980, 18. Ṭāriš également chez Abū Ḥāmid b. Marzūq : At-tawassul bi n-nabī wa-ǧahalat al-wahhābiyyin, offset Istanbul, 1980, 106. Le mot apparaît chez Landberg : Glossaire dalinois, éd. Zetterstéen, Leyde, 1920-1942, 3, 2202, avec de nombreuses références. Pour la même parole à propos du bâton qui vaut mieux que Mahomet (car étant plus utile) qui sort de la bouche d’un wahabite quelconque en 1925 à la Mecque, voir Eldon Rutter : The Holy Cities of Arabia, Londres / New York 1928, 1, 272. 20. Ibn ‘Abdrabbih : Al-ʿiqd al-farīd, Le Caire, 1935, 2, 397 (Ḥaǧǧaǧ b. Yūsuf). Diʿbil in Abū l-Faraǧ al-Iṣfahānī : Maqātil aṭ-ṭālibiyyin, éd. Saqr, Le Caire, 1949, 570, ult / Leon Zolondek : Diʿbil b.ʿAlī, University of Kentucky Press, 1961, n° 201, 3. Sūlī : Aḫbār ar-Rāḍī lillāh wa-l-Muttaqī lillāh, éd. J. Heyworth Dunne, Londres, 1935, 72 (Suli). Maqqari : Nafḥ aṭ-ṭib/Analectes, éd. Dozy et al., 2, 658 (Ibn al-ʿArīf). Ibn al-Ḫaṭīb : Al-katība al-kāmina fī man laqinahu bi-l-Andalās min šaʿara’ al-mi’a aṯ- ṯāmina, éd. Iḥsan ʿAbbās, Beyrouth, 1963, 214, 10. Et bien d’autres. Il est rare que le souvenir de la mort du Prophète, au lieu de soulager le deuil personnel le rende totalement désespéré ; on lit dans un poème de deuil maghrébin du XIIIe/XIXe siècle : « Si je n’étais pas lié par mes parents,

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J’amaigrirais la chamelle avec un long voyage à Tunis ou à Fes ou en Égypte ou dans la ville du meilleur des hommes (Mahomet), pour y devenir un résident dévot. Mais comment le cœur peut-il s’élever du flot de la souffrance Alors que le meilleur des hommes, pendant ce temps-là, se trouve lui-même dans la chambre mortuaire ? (Sūsī : Ma’sūl 5, 125) Dans les condoléances et les vers funèbres, on rappelle parfois la sourate 33, 21 : « Vous avez dans le messager d’Allah un excellent exemple. » ; ici, uswa ḥasana n’a toutefois rien à voir avec taʾassῑ, « consolation », mais fait allusion à la fermeté du Prophète. Exemples : Ma’sūl 13, 130 ; 14, 78 ; 19, 198. 21. La mort du Prophète y est le plus souvent décrite comme « le plus grand malheur », mais c’est conçu comme une consolation. Répertoire chronologique d’épigraphie arabe, n° 67, 86, 137, 142, 144, 145, 149, 150, 152, 155, 156, 160, 165 etc. Louis Massignon : « La Rawda de Médine », BIFAO 59, 1960, 260 et sv. Abu Sa`id-i Abu l-Hayr 314. 22. Dārimī : Muqaddima 14, p. 40. Ibn Māǧa : ǧanā’iz 55, n° 1599-1600, vol. 1, 510. Ibn al-Ḥaǧǧ : Mudḫal 3, 265-266 ; cf. 2, 15. [Le Prophète aurait autorisé les croyants frappés par une calamité à se conforter en se rappellant qu’aucune calamité pouvait égaler la perte du Prophète lui-même, n.d.e]. 23. C. A. Ralfs : Die Burda. Ein Lobgedicht auf Muhammad von al-Busiri (sic), Vienne, 1860, arabe 29 / allemand 16. Dīwān al-Būṣīrī, ed. Kaylani, Le Caire, 1955, 199, 6. Georg Höst : Nachrichten von Marokos und Fes, im Lande selbst gesammelt, in den Jahren 1760 bis 1768, Copenhague, 1781, 180-181. N. Lacroix : « Notes sur les cachets et les sceaux chez les musulmans », RAfr 48, 1904, 211-214 ; 54, 1910, 212-214. Aḥmad b. Ḫālid an-Nāṣirī : Al-istiqṣā li-aḫbār duwal al-maġrib al-aqṣā, Casablanca, 1954-1956, 9, 110-111. Muḥammad Dāwūd : Tārīḫ Tiṭwān, Tétouan, 1957-1976, vol. 2, 282 ; 3, 257, 289 ; 4, 242 ; 6, 11, 69, 397-398 ; 7, 33, 47. Mas’ūl 20, 243, 251, 257, 261. Le fils de Maʿa al-ʿAynayn, Aḥmad al-Hayba (Hiba) utilisa également, en 1330/1912, un tel sceau sur un acte de nomination (Ma’sūl 20, 190), contrairement à son frère Murabbih Rabbuh, qui utilisa après son arrivée en pouvoir en 1337/1919 une autre inscription, à lire dans Ma’sūl 20, 196. Le vers figure sur un portique datant de l’an 1173/1759-1760 exposé à Alger (Gabriel Colin : « Deux inscriptions arabes du Musée de Mustapha », RAfr 59, 1918, 134), en bois dans l’al-qubba al-ḫaḍra’ de la Kasbah de Tanger (Georges S. Colin : « Une nouvelle inscription arabe de Tanger », Hespéris 4, 1924, 99, note 1), sur une hache de combat d’origine et d’époque inconnues, chez un forgeron à Sala (Alexandre Delpy : « Note sur des haches d'arme », Hespéris 34, 1947, 450). La liste n’est pas exhaustive. Au sujet de ʿAbdalqādir, voir Muhammad b.ʿAbdalqādir al-Ǧazā’irī : Tuḥfat az-zā’ir fī tārīḫ, al-Ǧazā’ir wa-l-amīr ʿAbdalqādir, 1964, 308, 1. Le vers apparaît encore sur une chaire offerte par ʿAbdalqādir à la mosquée d’Abu Madyane (Sidi Boumédiène) à el-Eubbad près de Tlemcem ; Brosselard RAfr 3, 1859, 406. Souvent, il est suivi ou précédé d’un autre qui ne vient pas de la Burda, mais qui présente le même mètre et la même rime. II dit : « Celui qui se réfugie derrière toi, ô meilleur des hommes par son honneur, Dieu le mettra à l’abri de toute vengeance. » Ce vers, qui est adressé à Mahomet, semble être la déformation d’un ancien vers de Manṣūr an- Namarī, qui était adressé au calife Hārūn al-Rašīd et a été conservé en deux versions (Abū l-Faraǧ al-Iṣfahānī : Al-aġānῑ 17, 142 / nouvelle édition 19, 74 ; et 12, 20 / nouvelle édition 13, 147). Le vers en question dit : « Celui qui ne se réfugie pas derrière l’homme de confiance de Dieu (Hārūn al- Rašīd), les cinq prières rituelles ne lui servent à rien. » Goldziher cite ce vers et sa variante dans un autre contexte et sans nommer Būṣīrī ou notre sceau (Muhammedanische Studien, Halle, 1889-1890, 2, 55, note 8). On trouve d’autres combinaisons encore dans les sources marocaines : les vers 116 et 135 de la Burda (El Quataiq, Recueils périodiques publiés par la Direction des Archives royales 2, 1976, 364) ou les trois vers 116, puis le non authentique « Celui qui se réfugie derrière toi… », puis le 79 (El Quataiq 2, 1976, 353-354). Il n’est pas possible de traiter de tout cela plus en détail ici.

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24. Saḫāwī : Al-qawl al-badiʿ fī s-salāh ʿalā l-ḥabīb as-šāfiʿ, Médine / Beyrouth, 1977, 205. 25. Dārimī : Muqaddima 14, vol. 1, 39, 9-11. Ibn Saʿd 2, 2, 53, 18-20. 26. Il ne peut pas être question de la mort de Moïse, car il n’en est plus revenu. Dans les récits arabes de la mort de Moïse, Dieu ou l’ange de la mort lui prend certes l’âme (rūḥ), mais ce n’est rien d’autre que sa vie. C’est pourquoi Dieu peut aussi simplement dire, dans le rêve qu’il envoie aux israélites, pour désarmorcer chez eux le soupçon d’un meurtre par Josué : « Nous l’avons (Moïse) emmené chez nous », ce qui veut simplement dire « laissé mourir » (Ṭabarī I, 503, 10). On trouve de plus longs palabres entre l’ange de la mort et Moïse au sujet de l’endroit du corps où il doit lui retirer l’âme chez Kisā’ī : Qiṣaṣ al-anbiyā’, éd. I. Eisenberg, Leyde, 1922, 239, en bas. Dans le Qiṣaṣ al-anbiyā’ de Ṯaʿlabī, Le Caire, 1925, 156, 15, Josué demande en rêve à Moïse mort : « Comment as-tu ressenti la mort ? » Moïse répond : « Comme un mouton qui est écorché vivant. » Tout cela ne peut pas avoir incité nos Arabes à Médine à ne pas concevoir la mort de Moïse comme une mort et à se représenter également la mort de Mahomet comme une tromperie. – Je trouve encore moins satisfaisant de rappeler que selon la sourate 7, 143, Moïse, suite à la vision du Sinaï se désintégrant sous l’épiphanie de Dieu, s’effondra comme foudroyé, inconscient, comme on l’interprète, « mort », comme Qatāda le disait (Ṯaʿlabī: Qiṣaṣ, 127, 12), pour trois jours (Ibn Ḫalaf an-Naysābūrī : Qiṣaṣ al-anbiyā’, éd. Habib-i Yagma, Téhéran, 1961, 234, 7-8) ou pour une période indéterminée (Ṭabarī I, 490, 16-17). Car comparer le départ de Mahomet à cela équivaudrait à le rabaisser. L’absence seulement provisoire de l’esprit correspondrait en revanche, car Moïse « se réveilla » (Ṭabarī ib.) ou retrouva son « esprit » ou son « esprit de vie » (Ṯaʿlabī 128, 1-2). 27. ʿAbd al-Qādir al-Ǧazā’irī : Al-mawāqif fī t-taṣawwuf wa-l-waʿẓ wa-l-iršād, Damas, 1967, 2, 702 (tanbīh a). 28. Ibn al-ʿArabī : Muḥāḍarat al-abrār wa-musāmarat al-aḫyār, Le Caire, 1305, 1, 161, 18-19. Andrae : Die person Muhammeds, 286-287. 29. Abū Nuʿaym al-Isbāhānī : Dalā’il an-nubuwwa, Hyderabad, 1950, 549-550. 30. Comme explication de la sourate 17, 79 : « Une station glorieuse » (maqām mahmud). Andrae 270-272. Abū l-Futūḥ-i Rāzī : Tafsīr, Téhéran, 1334-5, 6, 349. Goldziher : Muh. Stud., 2, 168. 31. Ibn Durr al-Ḥanbalī : Durr al-ḥabab fī tārīḫ aʿayan Ḥalab, éd. al-Fāḫūrī et ʿAbbāra, Damas, 1972-1974, 2, 1, 131-133. 32. Abū Dāwūd : manasik 96, et autres ; Concordance et indices de la tradition musulmane 2, 318 (rūḥī). Muḥammad al-Ġazzālī : Iḥyā’ ʿulūm ad-dīn, Le Caire, s. d., 1, 312. Nawawī : Al-aḏkār al-muntaḫaba min kalām sayyid al-abrār, Beyrouth, 1973, 106. Aḥmad b. Maʿadd al-Uqlišī (d’Ucles en Espagne, mort en 550/1155 à Qūṣ alors qu’il revenait de La Mecque, Maqqarī 1, 872-3, Yāqūt : Geogr. Wb., Uqliš, 1, 339) : Anwār al-āṯār fī faḍl as-salāh ʿalā n-nabī al-muḫtār, chez Bārizī : Tawṯīq ʿurā l-iman, ms. Sprenger, 127b (Ahlwardt 2569), 199b, pu-ult. Et bien d’autres. Le hadith est rejeté par Ibn ad- Daybaʿ : Tamyīz aṭ-ṭayyib min al-ḫabīṯ fīmā yadūr ʿalā alsinat an-nās min al-ḥadīṯ, Le Caire, 1324, 183. 33. ʿAlī Ḥarazim b. al-ʿArabī Barrada al-Maġribī al-Fāsī : Ǧawāhir al-maʿānī wa-bulūġ al-amānī fī fayiḍ sayyidī Abī l-ʿAbbās at-Tiǧānī, Beyrouth, 1383, 2, 48. En particulier Aḥmad b. al-ʿAyyāšī Sukayrǧ/Skiraǧ : Kašf al-ḥiǧāb ʿamman ṭalāqā maʿa š-šayḫ at-Tiǧānī min al-aṣḥāb, s. l., 1961, 503. 34. M. S. Makki : Medina, Saudi Arabia : a geographic analysis of the city and region, Avebury, 1982, 146-147. 35. Goldziher : Muh. Stud., 2, 314. Yusuf Ragib, REI 46, 1978, 91, note 2 (avec quelques passages de hadiths). Ismāʿīl b. Isḥāq al-Ǧahḍamī al-Mālikī : Faḍl aṣ-ṣalāh ʿalā n-nabī, éd. al-Albānī, Beyrouth, 1977, 37-38. Ibn Taymiyya : Fatāwī kubrā, 4, 304. Suyūṭī : Inbāh al-aḏkiyā’, 7-8, in Ar-rasā’il at-tisʿ, Hyderabad / Deccan, 1961, n° 7, in Al-ḥāwī li-l fatāwī, Beyrouth, 1975, 2, 149. Les sources sont innombrables. 36. Ṯaʿlabī : Qiṣaṣ, 73. 37. Trois exemples de salutations rendues depuis la tombe : Ġulam Sarwar-i Lāhawrī : Ḫazīnat ul- aṣfiyā, lith. Nawal Kishore, 1281, 2, 36, 18-19. Šaʿranī : Aṭ-ṭabaqāt al-kubrā, Le Caire, 1954, 2, 147, n°

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50 (Ṣadr ad-dīn al-Bakrī). Muḥibbī : Ḫulaṣat al-aṯar fī aʿyān al-qarn al-ḥādī ʿašar, Le Caire, 1284, 1, 373, 3. Voir aussi Charles M. Doughty : Travels in Arabia Deserta, Cambridge, 1888, 2, 160, 4-9. Pour l’index tendu depuis la tombe : Ibn ‘Ayyad : Al-mafāḫir al-ʿaliyya fi l-ma’āṯir aš-šāḏiliyya, Le Caire, 1937, 26, 16-17 (Abū l-Ḥasan aš-Šāḏilī). Pour la main : Mufīd : Al-iḫtiṣāṣ, Téhéran, 1379, 274, 10-12 ; 275, 2-4 pour ʿAlī). Le Prophète tend un habit de cérémonie de la main au prédicateur depuis la tombe ; Manāqib-i Awḥad ud-dīn-i Kirmānī, éd. Furuzanfar, Téhéran, 1969, 210, 18-21. Il enfile à Rūzbihān-i Baqlī (mort en 606/1209) une durrāʿa, lui pose une couronne sur la tête et lui donne un Ṭaylasān et un étendart ; Rūzbihānnāma, éd. Danigpazuh, Téhéran, 1347, 177-178. Le plus connu de ceux à qui le Prophète a tendu la main est Ahmad ar-Rifa`i, un hasanide, c’est-à-dire un descendant du Prophète. Il se rend en 555/1160 en pèlerinage à Médine, est salué par le Prophète de façon audible et à sa demande, le Prophète lui tend sa main, qu’il baise ; ʿIzz ad-dīn Aḥmad aṣ- Ṣayyād al-Ḥusaynī ar-Rifāʿī (mort en 670/1271-72) : Al-maʿarif al-muḥammadiyya fī l-waẓā’if al- aḥmadiyya, matb. Muhammad Mustafa al-bahiyya 1305, 34-35 ; Margoliouth EI Rifāʿī (vol. 3, 1249b). Rifāʿī porte le nom honorifique de ṣāḥib madd al-yad « l’homme de la main tendue ». Les membres de la qādiriyya ne purent le supporter et rapportèrent la même histoire à propos de ʿAbd al-Qādir al-Ǧīlānī; ʿAbd al-Qādir al-Qādirī b. Muḥyī d-Dīn al-Irdbilī, Tafrīǧ al-ḫāṭir fī manāqib ʿAbd al-Qādir, Alexandrie, 1300, 31. Pour l’Indien Ādam-i Banūrī (mort en 1053/1643) les choses allerent encore un peu plus loin : Mahomet lui aurait tendu ses deux mains à la fois (par la porte s’ouvrant toute seule, alors qu’il n’y a pas de porte à la tombe du Prophète) ; Lāhawrī : Ḫazīnat ul- aṣfiyā, 1, 632, pu-633, 8. 38. Aḥmad b. al-Ḥusayn al-Bayhaqī : Ḥayāt al-anbiyā’ fī qubūrihim, ms. Or. 2481, 2b, 3a-b, de la bibliothèque universitaire de Leyde (catalogue Voorhoeve p. 111). Suyūṭī : Inbāh, 3-4 / in Ḥāwī 2, 148, Saḫāwī : Al-qawl al-badiʿ fī ṣ-ṣalāh ʿalā l-ḥabīb aṣ-ṣāfī, Médine / Beyrouth, 1977, 168. Yusuf Ragib, REI 46, 1978, 91, note 3. 39. Subkī : Ṭabaqāt aš-šāfiʿīya al-kubrā, éd. Tanabi et Hulw, Le Caire, 1964-1976, 1, 170. Muḥammad b. ʿAbdarraḥmān al-Waṣṣābī al-Ḥubaysī : Al-baraka fī faḍl as-saʿy wa-l-ḥaraka, Le Caire, 1354, 171, 16 / Le Caire après 1354, 164, 2-3. Bāriẓī ms. Sprenger 127a, 98a. Suyūṭī : Inbāh, 2, 14 / in Ḥāwī 2, 147, pu. Plusieurs anges : Nasā’ī, saḥw 46 (vol. 3, 43), et autres, Concordance 3, 45a : sayyāḥ. Bayhaqī 6a. Un ange : Bayhaqī 5a. Suyūṭī : Inbāh 3, 1-9 / in Ḥāwī 2, 147, ult-148, 5. Dans le commentaire du Coran perse du Sūrābādī sur la sourate 33, 56 l’ange s’appelle Ṣalṣābīl, ce qui doit sans doute être corrigé en Ṣalṣa’īl ; fac-similé partiel Téhéran 1345, 354, 5. Ce nom est peut-être lié à ṣalṣāla (= taṣliya/ṣalāh) : un ange pour la bénédiction sur le prophète. Il prend note des bénédictions des gens et les montre à Mahomet. La formulation de ʿAbdadallāh b. Masʿūd semble la plus authentique et la plus ancienne car elle renferme encore un doute et un espoir. Elle dit : « Si vous dites la bénédiction sur le prophète, formulez-la bien, car vous ne savez pas, elle lui sera peut-être transmise » ; Ǧahḍamī : Faḍl as-salāh ʿalā n-nabī, 59 ; Kadi : ʿIyāḍ: Aš-šifā bi-taʿrīf ḥuqūq al- muṣṭafā, éd. Biǧāwī, Le Caire, 1977, 2, 647. Sous la forme : « Rehaussez vos assemblées avec la bénédiction sur moi, car votre bénédiction m’atteint ou m’est transmise ! », le hadith est un patchwork qui est rejeté par Suyūṭī ; Al-Ḥāwī li-l-fatāwī, Beyrouth, 1975, 1, 372-373. Ṣalṣābabrāʾῑl se trouve également dans certains manuscrits de la traduction perse de Faḍāʾil Balḫ, œuvre rédigée en arabe en 610/1214 par ʿAbdallāh b. ʿUmar b. Muḥ. B. Dāwūd. L’œuvre originale arabe semble être perdue. La traduction perse date de 676/1279 et provient d’un certain ʿAbdallāh b. Muḥammad-i Ḥusaynῑ-i Balḫi. Charles Schefer : Chrestomathie persane, Paris, 1883, 1, partie perse 75, 2, transcrit dans son extrait de la traduction perse Ṣalṣāʿῑl, bien que son manuscrit parisien ne semble pas avoir de point, mais écrit Salsabyl dans son commentaire (partie française 67, 2). Il indique que b.ʿAbdulḥayy-i Ḥabῑbῑ, das son édition critique de la traduction perse Faḍāʾịl-i Balḫ, Téhéran, 1350, 23, 6, utilise Ṣalṣāʿῑl dans le texte, mais donne comme variante, provenant de deux manuscrits de Saint Petersbourg, également Ṣalṣābῑl. Il est tout à fait légitime d’établir, comme c’est le cas pour d’autres anges de ce type, la forme se terminant en -ʾῑl, en analogie à Ğabrāʾῑl, Mῑkāʾῑl, etc. Le texte de la Faḍāʾịl-i Balḫ, 23, 6, caractérise Ṣalṣāʿῑl comme

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l’ange qui a été placé comme régent sur la terre (al-malak al-muwakkal bi-l-arḍ). On pensera donc plutôt à un rapport avec ṣalṣāl (« terre glaise ») qu’avec taṣliya. 40. Kulīnī : Al-uṣūl min Kāfī, Téhéran, 1375, 1, 253-254. Andrae : Die person Muhammeds, 305. 41. Samhūdī : Ḫulāṣat al-wafā, 285-286. Ferdinand Wüstenfeld : Geschichte der Stadt Medina, Abh. kgl. Ges. Wiss. Göttingen, vol. 9, 1860, 80-82 (d’après Samhūdī). 42. Yūnīnī : Dayl Mir'at az-zamān, Hyderabad / Deccan, 1954-1961, 1, 126-127. 43. Muḥibbī : Ḫulāṣat al-aṯar, 3, 69, 9-15. 44. Ibn Rosteh : Kitâb al-a‘lak an-nafîsa, éd. De Goeje, BGA 7, Leyde, 1892, 69, 8-22. 45. Udfuwī : At-Ṭāliʿ al-saʿīd al-ǧāmiʿ asmā’ al-nuǧabā’ al-Ṣaʿid , Le Caire, 1966, 89, en bas. Jean- Claude Garcin : Un centre musulman de la Haute-Égypte médiévale : Qūṣ, thèse Paris, 1976 (IFAO), 206. 46. Johann Ludwig Burckhardt : Reisen in Arabien, Weimar, 1830, 509-510. Ibid. : Notes on the Bedouins and Wahabys, Londres, 1831, 2,110. 47. Kulīnī : Uṣūl 1, 452. Andrae 286. 48. Buḫārī, salāh 1, et parallèles. B. Schrieke : « Die Himmelsreise Muhammeds », Der Islam 6, 1916, 1-30. Horovitz EI Miʿradj. 49. Suyūṭī : Inbāh, 5-7 / in Ḥawī 2, 148-149. Saḫāwī : Qawl, 168-169. Pour la Taḏkira bi-aḥwāl al- mawtā de Qurtubi voir Brockelmann S 1, 737. 50. Frants Buhl : Das Leben Muhammeds, trad. allemande de Schaeder, Leipzig, 1930, 293-294. 51. Bārizī : Tawṯīq, ms. Sprenger 127a, 179b-180b. Suyuti : Inbāh, 7-9 / in Ḥāwī 2,149-150. L’écrit de Bayhaqī, dont est tiré l’extrait est : Al-iʿtiqād wa-l-hidāya ilā sabīl ar-rašad (Brockelmann S 1, 619, 20). 52. Bayhaqī : Ḥayāt al-anbiyā’, ms. Or. 2481, 4a (Leyde). Saḫāwī : Qawl 168, de Bayhaqī. 53. Saḫāwī : Daw’ lāmiʿ, 8, 18, 14. 54. Médine / Beyrouth, 1977. Brockelmann GAL 2, 35, n° 12 / S 2, 32 n° 12, avec d’autres impressions. L’impression Médine / Beyrouth, p. 265, 4 donne comme année de rédaction 860. Ahlwardt donne dans sa description du manuscrit Berlin 3921 la date de 861. 55. Ḍaw’ 4, 38, ult. 8, 27-28. 56. In Ar-rasā’il at-tisʿli-š-šayḫ al-ʿallāma Ǧalāl ad-dīn ʿAbdarraḥman b. Abī Bakr as-Suyūṭī , Hyderabad / Deccan, 1961, n° 7 / in Al-Ḥāwī li-l-fatāwī… li-ʿālim Miṣr… as-Suyūṭī, Beyrouth, 1975, 2, 147-155 (titre : Inbā’ al-aḏkiyā’ bi-ḥayāt al-anbiyā. J’avais encore à ma disposition une xérocopie du manuscrit berlinois Ahlwardt 2534, 40a-47a (Lbg 329), titre : Inbah al-aḏkiyā’ li-ḥayāt al-anbiyā’). On trouve souvent Inbā’ ou Anbā’ dans la tradition indirecte, dans les citations d’autres auteurs. 57. Ḍaw’ 4, 66, 20-21. 58. Inbāh 15, 12/ in Ḥāwī 2, 153, 7. 59. Inbāh 11, 16-17 / in Ḥāwī 2, 151, 14-15. 60. Muḥammad b.ʿAlī aš-Šawkānī : Al-badr aṭ-ṭāliʿ bi-maḥāsin man baʿd al-qarn as-sābiʿ, Le Caire, 1348, 1, 332-334. ʿAbdalḥayy al-Kattānī : Fihris al-fahāris, Fes, 1347, 2, 338. Certains prennent toutefois également parti pour Saḫāwī contre Suyūṭī. 61. In Al-Ḥāwī li-l-fatāwī 2, 255-269 (n° 70). J’avais aussi à diposition une xérocopie des manuscrits berlinois Ahlwardt 4277, 74b-83a (1) et 63a-74a (2). 62. Dans cette situation, il est recommandé de ne pas désigner le voyage nocturne de Mahomet à Jérusalem et dans le ciel, autrement dit le miʿraǧ, par les termes d’ascension ou de montée au ciel. En arabe, l’ascension du Christ se dit ṣuʿūd. Par « ascension ou montée au ciel », nous désignons un voyage post mortem vers là-haut pour longtemps, notion qui est étrangère à la théologie ou au mythe lié à Mahomet. Ali Bey parle il est vrai du musulman moyen : tout bon musulman croit qu’après la mort et l’enterrement du Prophète, son âme s’est unie à son corps et qu’il a accompli son ascension au paradis avec le corps et l’âme en montant la jument de l’ange Gabriel, Boràk, qui a la tête et le cou d’une jolie femme. Ce n’est pas un article de foi, mais le musulman qui ne voulait pas le croire était considéré comme impie et traité comme tel. ‘Abdulwahhab (=Muhammad b.`Abdalwahhāb) a toutefois déclaré cet événement totalement faux et affirmé que

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l’enveloppe mortelle du Prophète était restée dans la tombe comme pour tous les hommes ; Voyages d'Ali Bey en Afrique et en Asie, Paris, 1814, 2, 442-443. Mais cette confusion ne tourne-t-elle pas en défaveur d’Ali Bey ? Chez les musulmans indiens, le « peuple » fête le voyage au ciel de Mahomet le jour de sa mort (bārā wafāt), le 12 Rabiʿ I, qui est aussi la date de son anniversaire, tandis que les plus instruits et les particulièrement pieux le font pendant le raǧab ; Jaffur Shurreef : Qanoon-e-Islam, tr. Herklots, 233-236, 251. Suyūṭī invoque également le voyage au ciel du Prophète en lien avec l’enseignement selon lequel Mahomet n’aurait pas seulement été envoyé aux hommes et aux ǧinn (al-ṯaqalān), mais aussi aux anges, et ne juge pas impossible que l’un des buts de ce voyage ait même été de se présenter aux anges ainsi qu’aux belles filles et aux charmants garçons du paradis ; Tazyīn al-arā'ik fī irsāl an-nabī ilā l-malā'ik, in Ḥāwī 2, 144, 145. Son contemporain Muḥammad Abū l-Mawāhib (b. Aḥmad at-Tūnisī al-Qāhirī al-Mālikī) aš-Šāḏilī (mort en 882/1477-1478, Šaḏarat aḏ-ḏahab 7, 335-336) envisageait quelque chose de similaire, ainsi que l’indique un passage de Šaʿrānī dans Ṭabaqāt kubrā, Le Caire, 1952, 2, 80, 24-26. Le voyage de Mahomet au ciel devriendrait ainsi une sorte de pendant du voyage aux enfers du Christ. Dans celui-ci, le Christ étend directement après sa mort sa libération aux morts, tandis que dans le voyage de Mahomet, son droit au (monde ?) céleste s’applique déjà au milieu de sa vie. Un prédicateur originaire de Ġaznī à Bagdad, Burhān ad-dīn Abū l-Ḥasan ʿAlī b. al-Ḥusayn al- Ġaznawī (mort en 551/1156), s’est un jour laissé aller à affirmer – ainsi qu’Ibn al-Ǧawzī l’a personnellement entendu – que lors du miʿraǧ, Mohamet avait obtenu de voir le paradis et l’enfer, afin de ne pas avoir peur le jour où viendrait la résurrection. Quand Dieu avait parlé à Moïse, son bâton s’était, de la même façon, transformé en serpent pour qu’il n’ait pas peur au moment de le lancer devant le pharaon ; Ibn al-Ǧawzī : Al-muntaẓam, Hyderabad / Deccan, 1357-1359, 10, 166 (année 551). C’est à ce même prédicateur que son compatriote, le poète Sanā’ī, avait envoyé le brouillon de Ḥadīqat ul-ḥaqīqa à Bagdad, apparemment pour vérifier sa pertinence théologique, mais aussi pour s’assurer que le livre ne serait pas détruit par des ennemis ou pour d’autres raisons, par exemple pour édification et usage du prédicateur. Pendant que cette première version se trouvait à Bagdad, Sanā’ī mit au propre ce qu’il possédait, puis vint à mourir, si bien que les parties encore existantes de la Ḥadīqat durent d’abord être réunies et assemblées. Ce travail fut entrepris par Raffā’, qui écrivit la préface que nous conservons encore aujourd’hui. Voir Mudarris-i Raḍawī dans son édition Téhéran, 1329, l-lā. Pour plus de précisions, voir J. T. P. Bruijn : Of Piety and Poetry. The Interaction of Religion and Literature in the Life and Works of Hakīm Sanā’ī of Ghazna, Leyde, 1983, 81, 120. 63. Inbāh 19, 8-12/ in Ḥāwī li-l-fatāwī 2, 154, 23-26. Taqī ad-dīn ʿAlī as- Subkī : Šifā as-saqam fī ziyārat ḫayr al-anam, Beyrouth, 1371, 51-52, évoque déjà cette possibilité ainsi que la possiblité qu’il soit question ici du réveil qui suit la fréquentation de la dimension surnaturelle. 64. Dans l’impression d’Hyderabad 11, 17-18, on lit faḫr, dans Ḥāwī 2, 151, 15 et dans le manuscrit Lbg. 329, 44a, 7-8 (Ahlwardt 2534) faǧr. Le reste du titre s’écarte de ce qui a été transmis par ailleurs. Brockelmann S 2, 15. 65. Le tout dans Inbāh 8-20 / in Ḥāwī 2, 150-155. 66. Al-Ḥāwī li-l-fatāwī, 2, 262-266. 67. La forme sous laquelle l’ange Gabriel s’est montré à Mohamet n’est évidemment pas, comme le pense Lagardère, une tête de chien (diḥyat al-kalb), mais les traits du beau Diḥya al-Kalbī. L’écrit intitulé An-nafḫ wa-t-taswiya est reconnu par Aḥmad Zarruq (mort en 899/1493) : Qawāʿid at- taṣawwuf, Le Caire, 1968, 129, n° 207, comme une œuvre authentique de Ġazzālī et compté au nombre de ses écrits qui avaient fait l’objet d’une mise en garde, comme Maḍnūn. 68. Fayṣal at-tafriqa bayn al-islām wa-z-zandaqa, Le Caire, 1961, 176-177. 69. Al-munqiḏ min aḍ-ḍalāl, partie consacrée aux soufis. 70. Bayhaqi : Ḥayāt al-anbiyā’, ms. Leyde Or. 2481, 2b. Bayhaqī observe que la première phrase n’est pas claire. Elle pourrait signifier soit que les prophètes priaient dans leur tombe après ce délai de quarante jours, soit qu’ils étaient emmenés vers le haut en chair et en os (et qu’ils

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priaient une fois arrivés à destination). – Suyūṭī signale encore des variantes. La lecture suivante : Aucun prophète ne reste plus longtemps que quarante matins dans la tombe avant que l’esprit ne lui soit rendu, est refusée par Ibn al-Ǧawzī : Al-mawḍūʿāt, Médine, 1966-1968, 3, 239, et par Šawkānῑ : Al-fawā’id al-maǧmūʿa fī l-aḥādiṯ al-mawḍūʿa, Beyrouth, 1392, 325, n° 1011. Saḫāwī (Qawl 167-168) émet également des doutes. 71. Se trouve également déjà chez Saḫāwī (Qawl, 168, 1-4), mais avec les plus grandes réserves et cité d’après Ġazzālī. Dans une version plus complète, on lit cependant l’inverse, à savoir que Mahomet, à la différence d’autres prophètes, n’aurait pas ressuscité du tout. Ibn al-Ḥaǧǧ : Mudḫal 2, 42 : « Aucun prophète n’est enterré sans ressusciter trois jours plus tard, en dehors de moi, car j’ai prié Dieu de pouvoir rester parmi eux, les hommes, jusqu’au jour de la résurrection ». Pour l’exégèse, ceci pourrait être rapproché de la sourate 8, 33 : « Et Dieu ne pouvait pas les châtier, tant que tu séjournais parmi eux. » 72. On trouve un article à son sujet chez Ibn Raǧab al-Ḥanbalī : Aḏ-ḏayl ʿala Ṭabaqāt al-ḥanābila, Beyrouth, 1953, 3, 180-184. 73. Il écrit avant 797/1394-1395, car cette année-là, Ibn Abī l-Ḥiǧǧā écrit un taḫmīs pour concurrencer le sien ; Hitti-Fāris-‘Abd-al-Malik : Descriptive Catalogue of the Garrett Collection of Arabic Mss. in the Princeton University Library, Princeton, 1938, n° 97. Mentionné par Brockelmann 2, 17, n° 23 ; S 1,779, n° 52. 74. La parole présumée du Prophète dit seulement que Mahomet avait l’impression de (ka’annī) voir Jonas dans cette vallée. Une vision donc. 75. Šaʿranī : Ṭabaqāt kubrā, Le Caire, 1954, 1, 160 et 203, nomme deux Ibn Abī Ǧamra, un Muḥammad b. Abī Ǧamra (1, 160) sans date et un ʿAbdallāh b. Abī Ǧamra (1, 203) avec pour date de mort 675/1276-1277. L’histoire de la littérature connaît un ʿAbdallāh b. Saʿd b. Saʿīd b. Abī Ǧamra al-Azdī al-Andalusī (mort en 695/1296 ou en 699/1299-1300) ; Brockelmann 1, 372, S 1, 635 (il l’identifie à l’ʿAbdallāh b. Saʿd b. Saʿīd b. Abī Ǧamra de 675/1276-1277) ; Ziriklī : Al-aʿlām 4, 221 ; Mohammed Ben Cheneb : Étude sur les personnages mentionnés dans l'Idjaza du cheik ‘Abd el Qadir el Fasy, Actes du 14e Congrès des Orientalistes, Paris, 1907, tome 4, n° 107. Aḥmad Bābā : Nayl al- ibtihag, en marge d’Ibn Farḫūn, Le Caire, 1329, 140. Maḫlūf : Šaǧarat an-nūr az-zakiyya fī ṭabaqāt al- mālikiyya, Beyrouth, réimpression de l’édition de 1349, 199, n° 674. Notre texte veut probablement parler du dernier nommé, ʿAbdallāh b. Saʿd, dont le Bahǧat an-nufūs est de temps à autres cité à propos de ce thème. – Le nom d’Ibn Abī Ǧamra est nommé par Fīlālī. 76. Dans ces textes, ḏāt n’est souvent pas l’essence la plus intime, le noyau d’une chose, mais l’individu dans sa complète apparence, « lui ou elle-même », la chose ou la personne véritablement. 77. Le Dictionary of the Technical Terms Used in the Sciences of the Musulmans, de Taḥānawī, éd. A. Sprenger, Bibliotheca Indica, 1854-1862, 2, 1339, à l’entrée al-malakūt, ne donne pas d’informations sur le sens du mot tel que nous le proposons. Le sujet serait à creuser. 78. Fīlālī : Taḥrīrāt, 55b-56a. 79. Ibn Taymiyya : Qāʿida ǧalīla fī t-tawassul wa-l-wasīla, Beyrouth, 1979, 139-140, 155, Iqtidā’ as-sīrat al-mustaqīm muhalafat asḥāb al-ǧaḥīm, Le Caire, 1907, 179 / Muhammad Umar Memon : Ibn Taimiya's Struggle against Popular Religion, avec une traduction annotée de son Kitab iqtida' as-sirat al-mustaqīm mukhālafat aṣḥāb al-ǧaḥīm, La Haye / Paris : Mouton, 1976, 293. Les layālī l-Ḥarra ne sont naturellement pas des « nuits d’été ». Voir Samhūdī : Ḫulāṣat al-wafā, Médine, 1972, 95, 1-4 / Le Caire 1316, 45, 7-10. 80. Qāʿida ǧalīla, 155. Au sujet du « commandement d’existentiation » et du « commandement religeux », parmi d’autres expressions désignant la création et le commandement divins, voir « Das sauberste über die vorbestimmung. Ein stück Ibn Taymiyya », Saeculum 32, 1981, 81-89. 81. Henri Laoust : Essai sur les doctrines sociales et politiques de Taki-d-dīn b. Taimīya, Le Caire, 1939, 518-519. 82. Maʿsūl 13, 88.

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83. Ahmad b. al-Mubārak : Al-ibrīz min kalām sayyidī ʿAbdalʿazīz, Le Caire, s. d., 101-102 / réimpr. Le Caire, s. d. 172-173 / cité chez al-Hagg ʿUmar (Tal) b. Saʿīd al-Fūtī at-Ṭūrī al-Kidiwī : Rimāḥ ḥizb ar- raḥīm ʿalā nuḥūr ḥizb ar-raǧīm, dans la marge de ʿAlī Ḥarāzim : Ǧawāhir al-maʿānī, 1, 203. Muḥammad b. Muḥammad aṣ-Ṣaġīr aš-Šingīṭī at-Tišitī : Al-ǧayš al-kafīl bi-aḫḏ aṯ-ṯa’r mimman salla ʿalā š-šayḫ at-Tiǧānī sayf al-inkār, dans la marge de Šarqī, Buġyat al-mustafīd, Le Caire, s. d., 87. 84. Bārizī : Tawṯīq ʿurā l-imān, ms. Sprenger 127b, 58b-59a. L’œuvre de Qazwīnī dont est extrait ce passage s’intitule Siraǧ al-ʿuqul fī minhaǧ al-uṣūl. Elle est encore inédite. L’endroit proprement dit est bāb 22, faṣl 3 : fī ru’yat rasūl allāh ṣlm fī l-manām. Chez Bārizī, le nom de l’auteur est Aḥmad b. Ṭāhir b. Muḥammad al-Qazwīnī. Chez Šaʿrānī : Al-yawāqīt wa-l-ǧawāhir fī bayān ʿaqā’id al-akābir, Le Caire, 1959, 2, 3, 11 : Abu Ṭāhir al-Qazwīnī. Kātib Celebi/Ḥāggī Ḫalīfa, éd. Flügel III 588 / Istanbul 1941-1943, 2, 983, ne mentionne que le livre Siraǧ et promet de nommer l’auteur. Flügel VI 217 : Muhammad b. Ṭāhir al-Qazwīnī al-mutawaffā sanat (le chiffre manque). Kesf-el- zunun zeyli, Istanbul, 2, 7, en bas : Bahā’ ad-dīn Abū Muḥammad Ṭāhir b. Aḥmad b. Muḥammad al- Qazwīnī an-Naḥwī al-mutawaffā sanat [756]. Pertsch : Kat. herzogl. Bibliothek Gotha, n° 844 : Abū Muḥammad Ṭāhir b. Aḥmad al-Qazwīnī (le nom ne se trouvait pas originellement dans le manuscrit mais lui a été attribué). Brockelmann S 2, 978 : Abū Ṭāhir b. Aḥmad al-Qazwīnī. Il aimerait le séparer de son présumé fils Muḥammad. Cela vient de Pertsch Gotha n° 844. L’origine de la date de mort donnée entre crochets [756] dans le zeyil du Kesf-el-zunun ne m’est pas connue, mais elle doit être fausse si c’est Qazwīnī qui est cité par Bārizī (mort en 738/1338). Qazwīnī se considère comme le premier à interpréter comme il le fait les différentes apparitions en rêve du prophète, et reconnaît en même temps que c’est vraiment le prophète que l’on voit à cette occasion. Il ne peut pas comprendre pourquoi Ġazzālī pensait que l’on pourrait uniquement voir l’être spirituel du prophète et pas sa forme extérieure en plus (ms. Gotha 844, chap. 22, fasl 3 / Bārizī 59b). Il revendique la même primauté concernant son idée selon laquelle on verrait également véritablement Dieu en rêve, même si, comme toutes les notions abstraites, par exemple la foi ou l’incroyance, il ne se donne à voir qu’à travers des images (maṯal, miṯāl), autrement dit des transpositions. Ce serait aussi le cas dans les lettres et les sons du Coran, qui servent comme moyens (wāsiṭa) pour sa parole incréée (ms. Gotha, chap. 22, fasl 4). – Qazwīnī confirme à plusieurs reprises à la fin de son ouvrage Sirāǧ al-ʿuqūl qu’il en est l’auteur et menace les autres qui voudraient se l’attribuer ou le falsifier de malédictions, mais il ne dit pas son nom, que nous aurions tant voulu savoir. Pour faciliter son identification, je donne ici la liste des écrits qu’il énumère à cet endroit, mais dont je n’ai par ailleurs jamais trouvé la moindre trace : Poèmes : Sirāǧ al-ʿuqūl fī minhaǧ al-uṣūl. Nūr al-ḥaqīqa wa-nawr al-ḥadīqa (au sujet de la connaissance). Masālik al-bahṯ ʿan madārik al-baʿṯ (qu’il a cité dans le Sirāǧ). Naqḍ at-taʿlīm wa-kašf at-tawhīm. Yawāqīt al-ʿulūm wa-darārī n-nuǧūm (questions de trente sciences). Dikr al-ḫawāṣṣ fī fasr sūrat al-iḫlāṣ. Risālat qūt ar-rūḥ. Sur l’adabiyyāt : Ṣiwān al-adab fī lisān al-ʿarab. Rafʿ al-ḫayāl ʿan ru’yat al-hilāl. Šarḥ taṣḥībat al-abdāl wa-maʿnā l-ǧamāl wa-l-ǧalāl. Al-ibāna ʿan maʿnā l-iʿāna. Ḥall al- ʿayba ʿan ḥāl al-ġayba (paroles des cheiks). Deux ǧuz' du Qūt Al-qulūb. Al-yāqūt fī tasbīḥ al-mulk wa-l- malakūt. Miṣfāt aṣ-ṣifat wa-r-radd ʿalā n-nufāt. Šarḥ baʿḍ an-naḥw min kalām at-Tirmiḏī. Risālat al- fatwā, fī qawlihi taʿālā « wa-alzamahum kalimat at-taqwā ». Commentaire à divers paroles ou mots tirés des sermons de ʿAlī. Al-manāhiǧ fī ʿilm al-mahāriǧ. Al-masā’il al-mustadraka (questions sur le Coran). Zubdat al-aqwāl fī qawlihi taʿālā « ṯumma ataynā Mūsā l-kiāab tamāman » al-aya. Différents maqāmat dans la bouche d’al-faqīh al-miṣrī, écrits à Sawa. Al-ifāḍa ʿan tarǧamat aš-šahāda. Un ǧuz' au sujet de Muqārabat al-qaḍiyya ʿan muqāranat an-niyya. Ḫiḍr (dans la marge, de la même main : peut-être ḥiḏr) al-liṯām ʿan al-ḥarf wa-al-kalām. Risālat al-istibḥāt ʿan al-aḥwāl aṯ-ṯalāṯ. Concernant la ‘arabiyya : Lubab al-albāb fī marāsim al-aʿrāb (iʿrāb ?). Ġayat at-taʿrīf fī ʿilm at-taṣrīf. Ǧumlat al-ḥadīṯ ʿan at-taḏkīr wa-t-ta’nīṯ. Ad-durr al-manẓūm fi t-taʿdiya wa-l-luzūm. Al-uṣūl wa-l-fušūl. An-nukat, fi n- naḥw ( ?) Alamḥa, fi n-naḥw (très court). Aš-šamma, fi n-naḥw. Qāʿida, fī n-naḥw. Ǧawharat at-taṣrīf ʿalā l-ḥurūf. Ar-rā’iqa, fi t- taṣrīf. Al fā’iqa, son commentaire. Risāla au sujet de mušāǧarat al- mutaʿallim wa-l-faqīh wa-l-adīb wa-l-mutakallim. Lettres et poèmes au kadi Ẓāhir ad-dīn al-Bisṭāmī.

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Une risāla fi nisbat al-layālī ila l-la’ālī ( ?) au ra’īs ʿImād ad-dīn b. Qā’id à Ḫuwayy. Commentaire sur la sourate 1 et sur les vers 20 de la sourate 2, dicté à la grande mosquée à Qazwin, inachevé. Muǧawwid (muǧawwad ?) qirā’at Abī ʿAmr b. al-‘Alā’. Risālat al-īmā’ fī lafẓi-m-mā, écrit à Hamadan, au cheik Abū l-ʿAlā’ al-Ḥafiẓ. Bahǧat al-qurrā’, sur les secrets des variantes de lecture coranique. Al- burhān ʿalā anna Hāṭān (?, ʿalā -an hāḏān ?). At-talqīn fī muhīmmāt ad-dīn, un résumé en persan. Al- iktifā’ fī ʿilm al-iṣṭifā’. Commentaire sur deux vers de Mutanabbī. Muḫtaṣar fī tanzīh al-ḥaqq wa-badw al-ḫalq. Al-ifāḍa fī tashīl al-wilāda. Risālat baṯṯ al-šakwā. Ar-risāla fi naqḍ aḥkām an-nuǧūm. 85. Voir aussi Ibn al-ʿArabī chez Tišītī : Al-ǧayš al-kafīl, en marge de la Buġyat al-mustafīd de Šarqī, 62. Muḥammad b. Ḫilfa al-Ubbīs et les commentaires de Muḥammad b. Muḥammad b. Yūsuf as- Sanūsī sur Muslim, Le Caire, 1328 / réimpr. Beyrouth, s. d., 6, 80, 2-11. On trouve de plus longues explications sur cette problématique de l’apparition en rêve de Mahomet, accompagnées de nombreuses citations, dont Ubbī, chez Abū Sālim al-ʿAyyāšī : Ma’ al-mawā’id ( Ar-riḥla al-‘ayyāšiyya), lith. Fes, 1316 / réimpr. Rabat, 1977, 1, 24-39. 86. Richard Gramlich : « Zur Ausdehnung der Zeit und Verwandtem », in : Die islamische Welt zwischen Mittelalter und Neuzeit, Festschrift für Hans Robert Roemer zum 65. Geburtstag, Beyrouth, 1979, 182. 87. Les attestations sont innombrables. Voir en attendant C. Snouck Hurgronje : Saʿd ès-Suwânî, ein seltsamer Walî in Hadhramot, ZA 26, 1912, 238-239 (Festschrift für Ignaz Goldziher) / Verspreide Geschriften 5, 418-419. À la fin, Snouck Hurgronje signale que ces saints sont désignés comme ahl al-Ḫaṭwa dans la littérature, mais comme ahl ad-daḥqa (ahl èd-dèḥgeh) dans Hadramawt ; daḥqa = pas, étape. Un article sur le Suwânî historique, que Snouck Hurgronje n’a pas cherché ou pas trouvé, est fourni par ʿAbdalqādir b. ʿAbdallāh ah-ʿAydarūsī : Tārīḫ an-nūr as-safīr ʿan aḫbār al- qarn al-ʿāšir, Bagdad, 1934, 466-480. Le nom entier du saint est : Saʿd b.ʿAlī b. ʿAbdallāh Bāmadhiǧ al-Ḥaḍramī at-Tarīmī (ibid. 470, 9-10). Mort en 857/1453, il ne figure pas encore dans le Ṭabaqāt al-ḫawāṣṣ de Šarǧī. 88. Šarǧī : Ṭabaqāt al-ḫawāṣṣ ahl aṣ-ṣidq wa-l-iḫlāṣ, Le Caire, 1321, 131, 17-19. Une autre séquence est donnée par un certain Sawdī (mort peu avant 700/1300) : tout en bas le vol vers ʿArafa, puis le pas, puis la pure volonté (hamm, himma), et tout en haut, le fait que Dieu rassemble la terre devant le saint (yaǧmaʿu) ; ibid. 49. 89. Gramlich : Ausdehnung der Zeit, 185, 192. Si on considère que c’est uniquement l’esprit qui est impliqué et non le corps et l’esprit, une multiplication se conçoit plus facilement. Le cheik égyptien Mufarriǧ ad-Damāmīnī/ Damāmīlī (mort en 648/1250), connu pour ses miracles de ce genre, aurait un jour été vu simultanement à Arafa et chez lui à Damāmīn/Damāmīl. Il déclara : la véritable sainteté permet à l’homme de se montrer sous de nombreuses formes (suwar), son essence sprituelle (rūḥāniyya) peut apparaître en même temps à de nombreux endroits et la forme (sūra) est vraie à tous ces endroits. L’homme lui-même ne se trouve cependant pas en même temps à deux endroits, car seules les formes spirituelles (as-suwar ar-rūḥāniyya), et non les formes corporelles (gismāniyya) peuvent se multiplier. Extrait d’un écrit non conservé de Yāfiʿī, Kifāyat al-muʿtaqid, cité chez Suyūṭī : Al-ḫabar ad-dāll ʿalā wuǧūd al-quṭb wa-l-awtād wa-n-nuǧabā’ wa-l-abdāl, in Al-ḥāwī li-l-fatāwī 2, 254-255. Une autre histoire donne lieu à de plus longues explications chez Udfuwī : Aṭ-ṭāliʿ as-saʿīd al-ǧāmiʿ asmā’ naǧaba as-Saʿid, Le Caire, 1966, 649-654. 90. Abū Saʿīd-i Abū l-Ḫayr, 272-273. Ce fait était également connu en Arabie du sud ; Šarǧī : Ṭabaqāt al-ḫawāṣṣ, 70, 26. 91. Ṭanǧī et une de ses filles sont enterrés au Caire ; Saḫāwī (mort en 902/1497) : Tuḥfat al-aḥbāb wa-buġyat aṭ-ṭullāb fī l-ḫitat wa-l-mazārāt wa-t-tarāǧim wa-l-biqāʿal-mubārakat, Le Caire, 1937, 158. Ibn az-Zayyāt (mort en 814/1412) : Al-kawākib as-sayyāra fī tartīb az-ziyāra (achevé en 804/1402), Le Caire, s. d., ne possède pas cette notice. 92. Ǧamil Efendi Ṣidqī az-Zahāwī : Al-faǧr aṣ-ṣādiq fī r-radd ʿalā munkiri t-tawassul wa-l-karāmāt wa-l- ḫawāriq, Istanbul, 1980, 62.

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93. Réimprimé dans le recueil Al-maǧmūʿa al-muḫtāra min mu’allafāt… sayyidī Muḥammad b. ʿAlī as- Sanūsī, Beyrouth, 1968. 94. Al-Ḥaǧǧ ʿUmar : Rimāḥ ḥizb ar-raḥīm, en marge de ʿAlī Ḥarāzim : Ǧawāhir al-maʿānī 1, 199. 95. Ǧawāhir al-maʿānī 1, 51. Jamil M. Abun-Nasr : The Tijaniyya, Oxford University Press, 1965, 19. 96. Rimāḥ 2, 43 ; 48-49. 97. On trouve un exemple d’initiation de al-Ḫaḍir par le Prophète de son vivant chez Muḥammad b.ʿAlī as-Sanūsī : Al-manhal ar-rawī ar-rā’iq fī asānid al-ʿulūm wa-uṣūl aṭ-ṭarā’iq, in Al-Maǧmū‘a al- muḫtāra, Beyrouth, 1968, 49. – La limitation à ces deux ou trois prophètes montre que le šāhābī ne doit pas non plus être déjà mort, mais doit se trouver dans sa vie concrète, pour être reconnu comme compagnon du prophète. Adam, Abraham, Moïse ne remplissent pas cette condition même s’ils ont rejoint Mahomet. 98. Suyūṭī : Al-iʿlām bi-ḥukm ʿIsā ʿalayhi s-salām, in : al-ḥāwī li-l-fatāwī 2, 161. 99. Ibn al-Ḥanbalī : Durr al-ḥabab 1, 2, 770 ; 2, 1, 132. 100. Saḫāwī : Daw’ 4, 65-70, l’attaque violemment, avec des exemples de sa conduite. 101. Ibn Qayyim al-Ǧawziyya : Rawḍat al-muḥibbīn wa-nuzhat al-muštaqīn, Le Caire, 1956, introduction de l‘éditeur Ahmad ‘Ubayd, p. zāy. De même chez Ẓāhir Šāh Miyān b. ʿAbdalʿaẓīm Miyān Madyan (?) : Diyā’ aṣ-ṣudūr li-munkir at-tawassul bi-ahl al-qubūr (moderne, pas chez Brockelmann), lith., 36-37, imprimé en annexe de Ǧamīl Efendī Ṣidqī az-Zahāwī : Al-faǧr aṣ-ṣādiq fi r-radd ʿalā munkiri t-tawassul, Istanbul, 1980. Ignaz Goldziher : Muhammedanische Studien, Halle sur Saale. 1889-1890, 2, 153 et sv. 102. Muḥammad Ḥalīl Efendī al-Murādī : Silk ad-durar fī aʿyān al-qarn aṯ-ṭānī ʿašar, Bulaq, 1291-1301, 4, 49-50. J. Spencer Trimingham : The Sufi Orders in Islam, Oxford 1971, 77. 103. Murādī 1, 116-117. 104. Ziriklī 7, 293-294. 105. Dans la marge de ʿAlī Ḥarāzim : Ǧawāhir al-maʿānī 1, 204-210. 106. Elisabeth M. Sartain : Jalāl al-dīn al-Suyūṭī, vol. 1 : Biography and background, Cambridge, 1975, 46-52, donne des informations sur la large diffusion des écrits de Suyūṭī à l’est et à l’ouest. Suyūṭī répond à un long questionnaire du « savant » berbère Šams ad-dīn Muḥammad b. Muḥammad b. ʿAli al-Lamtūnī, du Tékrour, sous le titre Fatḥ al-maṭlab al-mabrūr wa-bard al-kabid al-maḥrūr fī l- ǧawāb ʿan al-as’ila al-wārida min at-Takrūr, imprimé dans al-Ḥāwī li-l-fatāwī de Suyūṭī 1, 284-294. Les questions sont extrêmement révélatrices de la situation morale, sociale et religieuse de l’Afrique de l’ouest noire. À la fin, Suyūṭī promet à son interlocuteur de lui fournir deux de ses traités, l’un sur la forme des cieux et de la terre, l’autre sur l’agencement de l’alphabet arabe. Naǧm ad-dīn al- Ġazzī : Al-kawākib as-sā’ira bi-manāqib aʿyān al-mi’a al-‘āšira, Beyrouth, 1945 et sv, 1, 228, 6-7 : la plupart de ses écrits étaient connus de son vivant dans le Ḥiǧāz, en Syrie, à Alep, en Asie mineure, au Maghreb, dans le Tékrour, en Inde et au Yémen. 107. Buġyat al-mustafīd bi-šarḥ. Munyat al-murīd, Le Caire, 1959, 209-216, 357. 108. H. A. Winkler : Ägyptische Volkskunde, Stuttgart, 1936, 56. 109. Pseudo-Wāqidī : Futūḥ aš-Šām, Kafr az-Zaġārī, 1935, 1, 124, 12 ; 137, 15 (bataille du Yarmouk). 110. Muḥammad al-Bāqir al-Kattānī : Tarǧamat aš-šayh Muḥammad al-Kattānī aš-šahīd, s. l., 1962, 215. 111. Notes on the Bedouins and Wahdbys 2, 106-107. 112. Du pays des Ida ou Zeddagh sur le versant sud du Haut Atlas. 113. Abū l-ʿAbbās Aḥmad b. Ḥālid an-Nāṣirī : Al-istiqṣā li-aḫbar duwal al-maġrib al-aqsā, Casablanca, 1954-1956, 8, 121-122. Nāṣirī écrit partout « Ibn Saʿūd » à la place de « Saʿūd ». La délégation du Maroc est également mentionnée par Burckhardt : Notes on the Bedouins and Wahabys 2, 210-211. 114. Muḥammad Taqī ad-dīn al-Hilālī : Al-hadiyya al-hādiya ilā ṭ-ṭā'ifa at-tiǧāniyya, Casablanca (?), 1973, 17-20.

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INDEX

Schlüsselwörter : Suyūṭī, Auferstehung, Prophet, Islam Mots-clés : Suyūṭī, résurrection, Prophète, islam

AUTEURS

FRITZ MEIER Fritz Meier (1912-1998) a été professeur d’islamologie à l'Université de Bâle. Pour plus d’informations, voir la page suivante.

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« L’islam a débuté étranger et étranger il redeviendra » : Muḫtaṣar sīrat ar-rasūl de Muḥammad ʿAbd al- Wahhāb en tant que programme et propagande

Martin Riexinger Traduction : Renaud Soler et Francesco Chiabotti

NOTE DE L’ÉDITEUR

Nous remercions M. Martin Riexinger de nous avoir accordé l’autorisation de traduire ce texte pour le présent numéro. Wir danken Herrn Martin Riexinger für die freundliche Genehmigung, diesen Artikel in französischer Übersetzung zu publizieren.

1 Parmi les œuvres de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, on trouve une biographie du Prophète intitulée Résumé de la vie du Prophète (Muḫtaṣar sīrat ar-rasūl)1. Seuls deux islamologues occidentaux se sont jusqu’à présent confrontés à cet ouvrage, bien qu’il soit bien connu que le fondateur du wahhabisme eût pris grand soin de modeler son activité sur la vie de Muḥammad. Chase Robinson fait remarquer dans une courte note d’Islamic Historiography la structure inhabituelle de l’ouvrage ; Shahab Ahmed, dans son article consacré à la défense de la véracité de l’histoire des versets sataniques par Ibn Taymiyya, traite sommairement de la manière dont Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb présente et évalue cet épisode controversé de la vie du Prophète2. Les présentations apologétiques et polémiques des wahhabites en langues occidentales n’accordent qu’un intérêt faible voire nul au Muḫtaṣar. Le savant wahhabite al-ʿUṯaymīn l’effleure brièvement dans sa biographie de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb mais sans aborder ses aspects marquants3, tandis que Hamid Algar et Hamadi Redissi, dans leur critique du

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wahhabisme4, tout comme Natana DeLong-Bas, dans sa présentation apologétique5, l’ignorent.

2 L’intérêt modéré des chercheurs envers cette oeuvre pourrait s’expliquer par le fait que la diffusion du Muḫtaṣar, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons en conclusion, n’a pas été une priorité pour l’État saoudien au XXe siècle. L’ouvrage ne fut pas inclus dans les premières impressions d’écrits wahhabites mais publié seulement en 1956/1375 en Égypte6. Il est néanmoins possible qu’il ait déjà été connu en Égypte auparavant, comme l’atteste une copie réalisée en 1309 (1891) par Sulaimān b. Suḥmān, qui collabora avec Rašīd Riḍā, à la première édition dans le monde arabe, en 1923, des œuvres de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb et d’autres wahhabites importants7. L’avant- propos laudatif de la première édition du Résumé de la vie du Prophète indique bien que la publication dans l’Égypte de Nasser n’avait absolument pas pour but de compromettre l’Arabie saoudite avec une oeuvre embarrassante.

Structure

3 Le Résumé de la vie du Prophète, conformément à son titre, présente la vie de Muḥammad, tandis que d’un autre côté, il traite d’une série d’événements survenus avant sa naissance et après sa mort. Le texte se compose d’une introduction qui présente les moments importants de l’histoire depuis la création d’Adam jusqu’à la résistance d’Ibn Taymiyya contre les Mongols, à la suite de quoi prend place la biographie du Prophète stricto sensu. Vient ensuite la présentation annalistique du développement de la communauté musulmane jusqu’au règne du calife al-Manṣūr (754-775), sans véritable continuité. Une part importante du texte, surtout en sa partie centrale, n’a pas été formulée par Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb lui-même, mais consiste en un assemblage de citations. L’œuvre ne se laisse néanmoins pas réduire, comme le fait Brockelmann, à une compilation d’extraits. Le choix et l’omission ciblés de matériau du corpus des traditions biographiques sur le Prophète sert bien plutôt à véhiculer la conception de l’histoire de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb et les normes de l’action qui en résultent.

Avant-propos

4 Dans l’avant-propos, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb souligne la valeur didactique des « histoires de ceux qui précèdent et succèdent à Muḥammad (qiṣaṣ al-awwalīn wa-l- āḫirīn) », car elles permettent parfaitement de démontrer les conséquences de l’obéissance et de la désobéissance envers Dieu. Elles sont ainsi, « comme le disent beaucoup d’Anciens, la véritable armée de Dieu » à laquelle Ses ennemis n’ont rien à opposer. Elles établissent clairement que Dieu a promis aux hommes d’envoyer des messagers qui leur transmettraient des messages et qui devraient les avertir que le refus de leur obéir attirerait sur eux la punition divine8.

5 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb fait allusion, au tout début du texte, à cette tradition prophétique (ḥadīṯ) qui tient lieu de slogan pour les wahhabites : « l’islam a débuté étranger et étranger il redeviendra comme il avait commencé (badaʾa l-Islāmu ġarīban wa-sa-yaʿūdu ġarīban ka-mā badaʾa)9 ». Cette tradition attribuée à Ibn Masʿūd inspira aussi d’autres mouvements de réforme rigoristes à l’instar des Almohades10. Au XXe

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siècle, Rašīd Riḍā11, influencé par le « néo-hanbalisme » et les Ẓāhirites, l’utilisa, et dans les cercles de jeunes salafistes contemporains, il jouit également d’une grande popularité12. Elle est loin de n’apparaître, toutefois, que dans des contextes puritains et le cas échéant, parmi les groupes diposés à user de la violence13. 6 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb cite, à propos de la création d’Adam, le verset coranique 7, 172 : « quand ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d’Adam ». Il explique qu’Adam vit devant lui les prophètes comme des bougies dont les hauteurs différentes représentaient la durée de leur vie. Quand Adam vit que David n’avait que soixante ans à escompter, il lui offrit quarante années de sa propre existence. Mais quand l’ange de la mort parut, l’ancêtre des hommes ne voulut plus s’en souvenir : « Adam nia et sa descendance devait nier14 ». Il s’agit ici d’une Tradition que plusieurs historiens citèrent dans leurs œuvres – quoique dans des versions différentes. Ibn Saʿd mentionne dans son Livre des générations (Ṭabaqāt) une version plus longue, que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb cite dans d’autres contextes, dans laquelle Adam et ses descendants non seulement nient, mais aussi se montrent distraits et commettent un péché (ḫaṭiʾa). La seule variante qui soit pertinente pour le propos de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb est en effet celle qui relie les comportements peccamineux à une transgression volontaire de la Loi15.

7 Les descendants d’Adam restèrent fidèles à la religion de leurs pères pendant neuf siècles avant de devenir des mécréants en raison de leur vénération excessive des hommes pieux (ġulūw fī ḥubb aṣ-ṣāliḥīn). Etant donné qu’il manquait de savants qui auraient pu s’opposer à cette évolution, les hommes commencèrent à adorer les statues qu’ils avaient érigées pour commémorer les faits et les paroles des hommes pieux. Afin de les détourner de ces errements, Dieu envoya Noé pour leur transmettre une invitation à revenir à la religion. La durée de dix siècles entre Adam et Noé provient d’Ibn Saʿd, tandis que la décadence religieuse dans le dernier de ces dix siècles, provoquée par les raisons susdites, est un ajout original de Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb. Il constate qu’après l’envoi de Noé, l’associationnisme (širk) ne cessa de revenir, et que Dieu y riposta à chaque fois en envoyant d’autres prophètes pour rappeler à l’ordre les hommes. Beaucoup d’entre eux sont totalement inconnus, ou alors on ne peut pas déterminer, comme dans le cas de Hūd et Ṣāliḥ, à quelle époque ils furent actifs. Ce qui est indéniable, par contre, c’est qu’il n’y ait pas un seul peuple auquel Dieu n’ait envoyé au moins un messager (XVI, 36 : « oui, nous avons envoyé un prophète à chaque communauté »)16. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb considère bien sûr Adam comme le premier envoyé de Dieu17, mais si l’on considère sa vue d’ensemble sur l’histoire universelle, on comprend pourquoi il présente l’œuvre d’un envoyé de Dieu pour la première fois en évoquant l’exemple de Noé, et non celui d’Adam18. 8 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb traite ensuite de manière détaillée d’Abraham. Il reproduit dans un premier temps une Tradition citée par Buḫārī, selon laquelle Abraham – quoique ce soit seulement à trois reprises – mentit, lorsque qu’il affecta d’être malade devant sa famille (Cor. 37, 89 : « et il dit : “oui, je suis malade” »), quand il accusa la plus grande des idoles d’avoir détruit les autres alors que c’était lui-même qui l’avait fait (Cor. 21, 63 : « il dit : “non !.. C’est le plus grand d’entre eux… Interrogez-les donc s’ils peuvent parler” ») et quand il fit passer Sarah pour sa soeur devant le tyran ( ǧabbār). Dans cet épisode non coranique, le tyran veut porter à trois reprises la main sur Sarah, mais à chaque fois sa main est paralysée puis guérie par l’intercession de Sarah. Pour la récompenser, Hagar lui est donnée en cadeau comme servante. Cette

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Tradition n’est pas citée dans le Résumé pour éclaircir l’origine de la mère d’Ismail mais en relation avec la question de savoir si les prophètes expriment toujours des vérités factuelles19. 9 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb reproduit par la suite la longue Tradition rapportée par Ibn ʿAbbās qui décrit le peuplemement de La Mecque et l’érection de la Kaaba par Abraham et ses deux fils Ismaël et Isaac20. Le schéma historique déjà mentionné se retrouve dans la présentation de la descendance d’Ismaël, à qui avait été confiée la garde de la Kaaba : appel au retour à Dieu suivi d’une nouvelle rechute dans l’associationnisme. Pour appuyer ses vues, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb évoque de manière détaillée les légendes associées aux cultes de la période préislamique (ǧāhiliyya ). Il se sert pour cela, comme déjà lors de l’évocation de Noé, d’une terminologie islamique anachronique : ʿAmr b. Luḥayy jouissait d’un tel prestige, en raison de sa piété, qu’il devint roi-prêtre de La Mecque (wa-ṣāra malik Makka wa-wilāyat al-bayt bi- yadih). Il vit en Syrie comment les hommes adoraient les idoles. Il suivit ses propres idées et jugea que ces pratiques étaient licites (istaḥsana). Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb suscite chez ses lecteurs une association d’idées avec les juristes sacrilèges de son temps par le choix d’un verbe (istaḥsana) tiré de la terminologie de la jurisprudence islamique (fiqh). Il mentionne ensuite que ʿAmr b. Luḥayy érigea la statue de Hubal, l’avait érigée à l’intérieur de la Kaaba et avait commencée à l’adorer. Les habitants de La Mecque, puis tout le Hedjaz, l’imitèrent. Ils n’abandonnèrent certes pas la religion d’Abraham mais ils proclamaient que les rites introduits par ʿAmr étaient des innovations louables (bidʿa ḥasana). Par l’utilisation de ce terme, Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb les assimile à nouveau aux juristes négligents de son époque, qui donnent leur approbation aux agissements des soufis21. Contrairement à Ibn Hišām, mais en accord avec une Tradition, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb fait remonter le culte d’al-Lāt à la vénération de la tombe d’un pèlerin mort sur le chemin du retour du pèlerinage. À cause de telles transgressions impunies au principe de l’unicité de la divinité (tawḥīd al- ulūhiyya), les lieux d’idolatrie se multiplièrent tellement que l’islam, finalement, « débuta comme un étranger22 ». 10 Après avoir traité de l’idolâtrie, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb s’intéresse aux rivalités des clans mecquois autour de l’administration de la Kaaba puis décrit chaque transformation que les Qurayš firent subir (ibtadaʿū) de manière arbitraire aux rites du pèlerinage, comme lorsqu’ils osèrent affirmer qu’en tant que descendants d’Abraham, ils pouvaient se dispenser de faire une halte sur le mont ʿArafa (wuqūf fī ʿArafa). Par la suite, ils allèrent jusqu’à prescrire que les hommes feraient la circumambulation autour du sanctuaire complètement nus et les femmes en se couvrant seulement les parties génitales23. 11 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb évoque d’ores et déjà ici certains aspects de l’œuvre de Muḥammad, et l’intègre, de ce fait, dans l’histoire de la succession des moments de soumission à Dieu et de rechute : il souligne que la première révélation qui échut au Prophète n’appelait pas à la prière mais expliquait le principe du tawḥīd. Il critique par là implicitement l’idée selon laquelle « ceux qui reconnaissent la direction de la prière (ahl al-qibla) » lorsqu’ils prient ne devraient pas être taxés d’infidélité. Il fut de surcroît enseigné à Muḥammad que l’islam n’est dans le droit chemin si ceux (yastaqīm) qui ont abandonné cette religion ne sont pas considérés comme des ennemis et leur religion comme une abjection (ʿayb). Ainsi Dieu, malgré l’intercession de Muḥammad pour Abū Ṭalib, qui protégea Muḥammad mais ne se convertit jamais à l’islam, lui refusa le

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pardon (Cor. 9, 114 : « Abraham ne demanda pardon pour son père qu’en vertu d’une promesse qui lui avait été faite ; mais quand il vit clairement que son père était un ennemi de Dieu, il le désavoua. »)24. Ces éléments seront complétés ensuite avec l’évocation de l’institutionnalisation et de la nécessité de la guerre sainte (ǧihād)25. 12 Déjà dans l’avant-propos, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb affirmait l’historicité de l’histoire des versets sataniques ; le récit sur l’invocation des trois anciennes déesses arabes, en rapport avec la sourate 53, lui sert d’abord à mettre en avant sa notion d’adoration et d’invocation de Dieu unique (tawḥīd al-ulūhiyya) puis de déplorer que ce principe a été négligé : Celui qui connaît cette histoire et sait à quel point elle correspond à la manière dont les associationnistes (mušrikūn) d’aujourd’hui se comportent, et à ce que leurs savants leur ont dit et leur disent, et ne fait pas la différence entre l’islam que Muḥammad a apporté et la religion des Qurayš, au sujet de laquelle Dieu a envoyé un messager pour les avertir, est en vérité coupable d’associationnisme (širk) au plus haut degré. La permission de demander une intercession fut en effet expressement révoquée par Cor. 22, 50-5226. Les opposants de Muḥammad parmi les Qurayš et parmi les juifs sont appelés de manière anachronique « savants (ʿulamāʾ) 27 ». Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb souligne finalement que l’islam l’emporte sur les liens du sang (Coran 97-100)28. Il souligne, en référence à une Tradition transmise par Ḥasan al-Baṣrī, que le vrai croyant se révèle par les actes, contrairement à ce que ses propres contemporains soutiennent29.

13 Le caractère didactique et orienté vers le présent du texte se manifeste encore plus nettement dans le traitement très détaillé des conflits autour de l’aspostie (ridda) de certaines tribus arabes après la mort de Muḥammad. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb liste d’abord les différentes formes d’insubordination à Dieu : le retour au culte des idoles, le refus de la prière ou de l’aumône légale (zakāt), l’association à Dieu d’un prétendu prophète (Musaylima, Aswad al-ʿAnsī, Ṭulayḥa al-Asadī). Il souligne que les apostats furent tués ou faits prisonniers et leurs biens confisqués s’ils ne montraient aucun repentir. Il oppose ces faits aux oulémas de son temps qui affirment que la vie et les biens des bédouins, qui ne prient pas et vont jusqu’à nier la résurrection, sont intouchables aussi longtemps qu’ils énoncent la première partie de la profession de foi. Pourtant, cette dernière position est, pour Muḥammad ʿAbd al-Wahhāb, intenable car même les Banū Ḥanīfa, qui avaient commis les plus grandes abjections pendant la ridda, priaient et prononçaient la première partie de la profession de foi. Lorsqu’à l’époque des califes bien guidés, quelques-uns d’entre eux exaltaient, à Koufa, Musaylima et les siens, ʿAbd Allāh b. Masʿūd et d’autres Compagnons du Prophète, selon la Tradition d’al-Buḫārī, ne discutaient que sur la question de savoir s’ils devaient être d’abord sommés de se repentir ou exécutés immédiatement. Qu’il s’agisse d’infidélité (kufr) avait toujours été, en revanche, incontesté30. Ceci suggère de mettre en relation l’écriture du Résumé avec la controverse qui opposa Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb et Ibn ʿAfāliq. Ce dernier considère disproportionné l’avis de Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb selon lequel quiconque se livre au culte des saints se rend coupable d’apostasie car il s’agit surtout d’associationnisme dans les actes cultuels (širk fī l-ʿibāda). Il soutient, en se référant à Cor. 4, 41 (« Que feront-ils, lorsque nous ferons venir un témoin de chaque communauté, et que nous te ferons venir comme témoin contre eux ? ») et à la pratique des Compagnons du Prophète, que personne ne devrait être

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qualifié d’incroyant en raison de ses actes s’il prononce la première partie de la profession de foi (šahāda)31.

14 Le jugement de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb sur les chiites extrémistes (ġulāt) est encore plus tranché. Alors que les participants à la ridda péchaient seulement contre l’institution prophétique, ceux-là devraient être condamnés pour avoir ignoré la souveraineté divine (ulūhiyya) en divinisant ʿAlī. C’est la raison pour laquelle les Compagnons du Prophète les avaient considérés unanimement comme des infidèles, bien qu’ils priassent et jeûnassent. Ils avaient décrété que chaque hérétique devait être brûlé vif comme le pire des infidèles32. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb poursuit avec l’histoire de Muḫtār b. Abī ʿUbayd al-Ṯaqafī qui s’était soulevé pour exiger le talion pour le meurtre de Ḥusayn. Il accomplissait certes la prière et veillait à ce que justice fût rendue dans les territoires qu’il contrôlait mais alla jusqu’à prétendre qu’il recevait des inspirations divines. Les Zubayrides, qui avaient été dans un premier temps alliés avec lui, décidèrent de le mettre à mort. Les savants le considèrent unanimément comme infidèle : il avait péché contre l’institution prophétique, et son respect des rites (šaʿāʾir) de l’islam ne pouvait être retenu comme circonstance atténuante. Il en va de même pour Ǧaʿd b. Dirham, qui était certes célèbre pour son savoir et son orthopraxie mais niait certains attributs divins et avait le front d’affirmer que Dieu n’avait pas pris Abraham pour ami ni n’avait parlé à Moïse. Ses partisans l’avaient suivi dans son égarement en lui faisant des offrandes33. 15 Après avoir évoqué les débuts de l’islam, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb enjambe quelques siècles. Il mentionne brièvement des Fatimides (Banū ʿUbayd), à qui il reproche d’avoir certes pratiqué les rites extérieurs de l’islam (aẓhara šaʿāʾir al-islām) mais d’avoir été des infidèles (kufr) et des hypocrites (nifāq), d’une manière qu’il ne précise pas. Il soutient en même temps que les oulémas les auraient déclarés unanimement infidèles ; grande fut ainsi la joie lorsque Saladin mit un terme à leur règne34. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb traite ensuite des Mongols, qui accomplissaient bien la prière après leur conversion à l’islam, mais n’auraient néanmoins pas reconnu la Loi islamique dans son entièreté. Pour cette raison les savants s’opposèrent à eux jusqu’à ce que Dieu les chassât des terres des musulmans. Ibn Taymiyya, dont l’avis juridique (fatwā) contre les Ilḫānides de Mardin est à l’évidence pris comme référence, n’est cependant pas nommément mentionné35. 16 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb conclut l’avant-propos par un reproche adressé aux savants de son temps : bien que tout ce qu’il écrit ici fût glané dans les livres qu’ils invoquent eux-mêmes, ils s’obstinent à affirmer que quiconque se contente de prononcer les mots lā ilāha illā Allāh ne devrait pas être qualifié d’infidèle36.

La biographie du Prophète

La période mecquoise

17 La biographie du Prophète stricto sensu commence comme à l’accoutumée par la généalogie. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb poursuit avec l’échec de la campagne d’Abraha, le gouverneur éthiopien du Yémen, contre La Mecque. Il s’agit d’une reprise légèrement resserrée du passage correspondant chez Ibn Hišām37.

18 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb signale ensuite que la question du moment du décès de ʿAbd Allāh b. al-Muṭṭalib – avant ou après la naissance de Muḥammad – est

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controversée38. Il en profite pour présenter le grand-père et le père du Prophète ainsi que son oncle Abū Ṭālib39.

19 A contrario il n’aborde ni la conception ni la naissance du Prophète ! C’est seulement Muḥammad âgé de neuf ou douze ans qui l’intéresse de nouveau. Abū Ṭālib l’emmena alors avec lui pour un voyage commercial en Syrie, au cours duquel il rencontra l’ermite Baḥīrā, lequel l’enjoignit de faire protéger Muḥammad par des esclaves contre les juifs. Il n’est pourtant pas question de la découverte par Baḥīrā du sceau de la prophétie entre les épaules de Muḥammad, alors que c’est un élément standard dans les biographies du Prophète. En outre, aucun arbre ne s’incline à cette occasion devant Muḥammad. Les prochains événements évoqués par Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb sont le mariage de Muḥammad, âgé d’environ vingt-cinq ans, avec Ḫadīǧa et ses voyages commerciaux en Syrie40. Il explique la retraite de Muḥammad à Ḥirāʾ par le fait qu’il avait éprouvé le besoin d’adorer Dieu et qu’il abominait le culte des idoles41. S’ensuit le récit de la reconstruction de la Kaaba et de la contribution du Prophète, qui replaça la pierre noire et pénétra le premier dans le nouvel édifice. Un détail de ce récit est digne d’attention : Muḥammad, comme d’autres, avait enlevé son pagne afin d’en protéger l’épaule sur laquelle il charriait les pierres ; ses parties génitales étaient alors visibles. Sur ces entrefaites, un inconnu l’exhorta à couvrir sa nudité : dorénavant, plus personne ne devrait apercevoir ses parties génitales. Ici, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ne suit pas le récit d’Ibn Hišām – où il n’est pas question de vêtement inconvenant ni d’un blâme – mais Ibn Saʿd et Ibn al-Ǧawzī, sans toutefois, comme le font ces derniers, identifier Abū Ṭālib à celui qui réprimanda le Prophète42. 20 Dans un passage qu’il rajoute lui-même, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb aborde une seconde fois la genèse de l’ignorance préislamique de Dieu (ǧāhiliyya) et les pratiques

F0 religieuses afférentes. Il cite l’interprétation de deux versets coraniques 2A par Ibn ʿAbbās pour prouver que l’abandon de l’islam a commencé dix générations après Adam par le culte des hommes pieux (ṣāliḥīn), mais le Déluge vint détruire les idoles qui avaient été fabriquées à cette fin. Il revient alors de manière plus détaillée sur l’institutionnalisation du culte des idoles à La Mecque par ʿAmr b. Luḥayy. Il cite aussi les Traditions selon lesquelles personne d’autre que ce dernier n’a à craindre de tels châtiments en enfer. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb souligne en même temps que les restes de la religion d’Abraham (dīn Ibrāhīm : culte de la Kaaba, pèlerinage, Muzdalifa) ne disparurent jamais. Il entrelace à cette occasion la biographie du Prophète avec l’histoire du développement du paganisme en se faisant l’écho des légendes sur Hubal, al-Lāt, al-ʿUzzā et Manāt, qu’il complète par celles de Ḏū l-Ḫalṣa et ʿAmm Anas43. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb poursuit avec le récit de ʿĀʾiša sur le début de la Révélation44. Il cite ensuite les paroles d’Ibn Qayyim al-Ǧawziyya selon lesquelles Muḥammad fut chargé graduellement de transmettre ce qu’il avait reçu à un cercle de plus en plus large. C’est ainsi qu’il aurait exhorté d’abord ses proches parents, puis sa tribu, puis les Arabes des environs, finalement tous les Arabes et, en définitive, les « deux mondes » (i.e. les hommes et les ǧinn). Il explique dans ses propres mots que Muḥammad passa dix ans à prêcher sans combattre et sans exiger la ǧizya. Dieu lui aurait ordonné la patience, jusqu’à ce qu’il lui permît d’émigrer (hiǧra), puis après cela, de combattre pour se défendre, puis de combattre ceux qui lui faisaient la guerre, et enfin de porter le combat contre les associationnistes, jusqu’à ce que la réligion soit consacrée intièrement à Dieu (ḥattā yakūna d-dīnu kulluhu li-l-Lāh)45.

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21 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb mentionne les premiers fidèles à avoir suivi l’appel de Muḥammad : Abū Bakr, ʿUṯmān, Ṭalḥa, Ḫadīǧa, Zayd b. Ḥāriṯa et ʿAlī. À la différence d’autres auteurs de sīra, il n’attribue explicitement à personne la prééminence. Il est cependant frappant que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb souligne que ʿAlī était âgé de seulement huit ans au moment de sa conversion alors que Ibn Hišām met en avant la place de premier converti. L’intention sous-jacente pourrait être ici de minimiser la signification d’une possible antécédence chronologique dans la hiérarchisation des premiers convertis46. 22 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb raconte que les premiers convertis demeurèrent cachés aux Qurayš qui ne commencèrent qu’à harceler Muḥammad et ses partisans, lorsqu’ils se rendirent compte qu’ils vilipendaient leurs dieux. Sumayya, la mère du Compagnon du Prophète ʿAmmār b. Yāsir, devint ainsi la première martyre car elle ne fut pas défendue par sa tribu lorsque Abū Ǧahl enfonça une lance dans ses parties génitales. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb évoque cet incident de manière plus crue que dans d’autres Traditions : chez Ibn Saʿd, il est seulement dit qu’elle fut poignardée par devant avec une lance (min qubuli-hā), et non dans ses parties génitales (min farǧi-hā)47. 23 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb raconte ensuite comment Muḥammad rendit publique sa prédication quatre ans après le début de la Révélation, ce qui eut pour conséquence une lutte ouverte avec les associationnistes (mušrikūn). Saʿd b. Abī Waqqāṣ frappa l’un des musulmans à la tête avec tant de force que pour la première fois, du sang fut versé pour l’islam48. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb décrit comment les associationnistes raillaient Muḥammad en raison de sa proximité avec les plus humbles (mustaḍʿafūn). Ces difficultés avaient conduit ce dernier à laisser certains de ses partisans chercher refuge en Éthiopie49. Dans ce contexte, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb réaffirme de nouevau l’historicité des versets sataniques. Il écrit toutefois explicitement que si l’invitation à invoquer les trois déesses fut produite par Satan, elle sortit de la bouche de Muḥammad (alqā ʿalā lisānihi). Alors que les Mecquois païens se prosternaient avec lui, après qu’il eut prononcé ce verset, le désaveu vint par le verset 22, 50-52 (cf. supra), de sorte que les Qurayš reprirent de plus belle leur opposition contre Muḥammad50. Suivent des récits de la conversion de ʿUmar, du soutien d’Abū Ṭālib, du boycott des Qurayš, de la mort de Ḫadīǧa et de l’interrogation sur la nature de l’esprit (rūḥ) et les Sept Dormants, qui eut lieu suite à la consultation des savants juifs et fut close par la révélation des versets correspondants51.

24 Avec la fendaison de la lune qui eut lieu après que Walīd b. Muġīra avait déclaré que Muḥammad était un sorcier et un poète, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb mentionne très brièvement le miracle d’authentification (muʿǧiza) que Dieu réserva à Muḥammad52. Il adjoint une longue discussion à propos des miracles du Prophète, qui sont traités ici séparément53. 25 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb présente brièvement le Voyage nocturne ( isrāʾ) à Jérusalem (bayt al-maqdis) et l’Ascension (miʿrāǧ). Il réduit encore la présentation elle- même limitée d’Ibn Qayyim al-Ǧawziyya qui se concentre sur les éléments suivants : 1. La chevauchée nocturne jusqu’à Jérusalem sur le coursier Burāq, 2. La direction par Muḥammad de la prière des prophètes à Jérusalem, 3. La rencontre avec les prophètes qui l’ont précédé, 4. La vision des élus au Paradis et des damnés en enfer, sans description détaillée, 5. La jalousie de Moïse en raison du fait que moins de membres de sa communauté entreront au Paradis que de membres de la communauté de Muḥammad,

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6. La vision de la Maison bien bâtie (bayt al-maʿmūr) et du Jujubier de la limite (ṣidra al- muntahā) ainsi que 7. La réduction du nombre de prières quotidiennes, obtenue par Muḥammad, de cinquante à cinq. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb biffe les descriptions stéréotypées des salutations réciproques des prophètes et de la confirmation de la prophétie de Muḥammad par les autres prophètes mais, ce qui est remarquable, pas celle de la négociation pour réduire le nombre de prières. Il reprend largement chez Ibn Qayyim al-Ǧawziyya la description de l’entêtement des Mecquois, que ce miracle n’ébranle pas54. En comparaison de l’évocation détaillée et enjolivée de cet épisode dans la sīra d’Ibn Isḥāq55, des œuvres qui lui furent consacrées bien plus tard dans la tradition de dévotion à Muḥammad56 et des poèmes sur le Voyage nocturne et l’Ascension qui étaient volontiers récités en public57, le traitement de cet épisode chez Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb donne plutôt l’impression d’un passage obligé.

26 L’évocation du Voyage nocturne est suivie par les récits de l’alliance avec les tribus de Yaṯrib, qui rendit enfin possible l’émigration (hiǧra) de Muḥammad. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb suit essentiellement Ibn Hišām. Grâce à l’islam, une vendetta qui durait depuis cent vingt ans entre les tribus des Ḫazraǧ et des Aws fut enterrée : Muḥammad proclama que son alliance avec eux avait plus de poids que les liens du sang. L’insistance sur l’action du Prophète devait apparemment légitimer la politique anti- tribale des Āl Suʿūd58.

27 Alors que l’évocation des plans des Mecquois pour assassiner Muḥammad comme sa décision d’émigrer (hiǧra) sont exempts de particularités notables, il reste à noter que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb mentionne, pour les troisième et quatrième fois, en relation avec la fuite à Yaṯrib, un miracle. Il reprend le récit, cité par Ibn al-Ǧawzī et transmis par Ibn Hišām et Ibn Saʿd, selon lequel Muḥammad demanda à la bédouine Umm Maʿbad si elle pouvait lui vendre des vivres, à la suite de quoi elle lui avait montré ses moutons décharnés à cause du manque de fourrage. Après que Muḥammad eut caressé le pis flasque d’une brebis, elle donna à nouveau du lait à profusion. Umm Maʿbad fit ensuite grand éloge de l’inconnu à son mari, de la beauté de son visage et de son corps et sa manière élégante de s’exprimer. Elle ne lui attribue néanmoins pas de qualités qui élèveraient Muḥammad au-dessus de l’humanité ordinaire. Son mari reconnaît le « seigneur des Qurayš » et manifeste sa volonté de se joindre à lui. À la suite de cela un poème fut entendu à La Mecque sans que le poète ne fût aperçu59.

28 L’émigration à Yaṯrib est brièvement narrée, la construction de la mosquée avec la contribution effective de Muḥammad, le mariage avec ʿĀʾiša – mais il est dit qu’il eut lieu pendant le mois de Šawwāl, au mépris des conventions de la période préislamique – et la fraternisation (muʾāḫāt) des Émigrés (muhāǧirūn) et des Auxiliaires médinois (anṣār ), par laquelle fut confirmée la supériorité de la communauté nouvellemenent fondée sur celle créée par des liens du sang60.

La période médinoise

29 À partir de la phase médinoise, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb passe à une disposition annalistique. Une liste des Compagnons du Prophète décédés pendant l’année en question est donnée à la fin de chaque chapitre. Cette façon de faire révèle l’inspiration tirée de la chronique universelle d’Ibn al-Ǧawzī, al-Muntaẓam. L’évocation de la période

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médinoise se concentre sur les campagnes militaires et les principaux éléments de l’histoire de la Révélation, comme le changement de la direction de la prière61, l’ordre de combattre dans un premier temps les Juifs de La Mecque (Cor. 2, 190 : « combattez dans le chemin de Dieu ceux qui luttent contre vous ») et ensuite tous les polythéistes (Cor. 9, 37 : « combattez les polythéistes totalement, comme ils vous combattent totalement »)62 et enfin, de manière très détaillée, la mise en cause calomnieuse de ʿĀʾiša en raison de sa supposée histoire d’amour avec Ṣafwān b. al-Muʿaṭṭal (« l’affaire du collier », ḥadīṯ al-ifk)63. D’autres événements sont évoquées de manière télégraphique64 ou tout simplement omis, comme par exemple quelques-uns des mariages de Muḥammad.

30 Un court passage additionnel est consacré aux qualités du Prophète (ḫaṣāʾiṣ). Sous cette catégorie sont regroupés dans des biographies du Prophète des récits sur son apparence physique et son comportement dans la vie quotidienne et domestique. Toutefois, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb limite dans une large mesure son catalogue aux aspects relatifs aux campagnes militaires, comme sa bravoure au combat, sa clairvoyance stratégique, son équipement militaire, son habitude de consulter ses Compagnons et le fait qu’il fit épargner femmes et enfants 65. 31 Après avoir donné la liste des premiers raids contre les Qurayš, Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb note que ʿAmr b. al-Ḥaḍramī fut le premier ennemi de l’islam tué par les musulmans66. La bataille de Badr, qui résultait du désir de vengeance des Mecquois, occupe un espace important. La présentation suit les conventions des récits de batailles, et pour la cinquième et dernière fois, un miracle est mentionné en relation directe avec Muḥammad : « l’Envoyé de Dieu prit une poignée de poussière et la lança au visage des soldats de l’armée et chacun d’entre eux en reçut dans les yeux67 ». Quant à la défaite lors de la bataille d’Uḥud, décrite avec tout autant de détails, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb l’attribue à une intervention de Satan. Celui-ci cria que l’Envoyé de Dieu avait été tué, à la suite de quoi beaucoup de musulmans renonçerent à combattre. Certains ne pèrdirent pas courage malgré tout et affrontèrent avec encore plus d’ardeur leurs adversaires68.

32 Après les récits consacrés aux batailles des « coalisés » (ġazawāt al-aḥzāb) contre la tribu juive des Banū Qurayẓa69, alliée avec les Mecquois, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb relate l’histoire de Ḥudaybiyya. En concluant un pacte avec les Mecquois, Muḥammad s’assura un accès au sanctuaire de La Mecque. À la grande surprise de ses partisans, il ne ratifia toutefois pas cet accord en signant Muḥammad messager de Dieu (rasūl Allāh) mais Muḥammad fils de ʿAbdallāh70. La victoire contre les juifs à Ḫaybar, le siège des juifs de Wādī Qurā et la campagne de Muʾta sont racontés sans beaucoup de détails ni de développements didactiques71.

33 L’épisode de la conquête de La Mecque culmine dans le dégoût que témoigne Muḥammad pour les statuettes de la Kaaba qui montrent Ibrāhīm et Ismāʿīl en train de lancer des fléches d’oracles (« En vérité Dieu les aurait combattus s’ils avaient véritablement fait cela ») : il donne l’ordre de détruire les statuettes puis pénètre dans l’édifice en invoquant Dieu, avant de le convertir en mosquée grâce à l’appel à la prière de Bilāl72. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb raconte ensuite comment ʿAmr b. al-ʿĀṣ et Saʿd b. Zayd furent envoyés pour détruire les idoles de Sawāʾ et la statue de Manāt, et comment Saʿd écrasa ce faisant l’esclave noire nue qui la défendait73. 34 Après le récit détaillé de la bataille de Ḥunayn contre les Banū Hawāzin vient la description de la délégation qui vint demander la libération des prisonniers et la

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restitution de leurs biens. Leurs revendications furent satisfaites dès qu’ils embrassèrent l’islam et prirent effectivement part à la prière74. Les Banū Hawāzin ne tardèrent guère à apostasier l’islam et les musulmans durent pour la première fois « goûter à l’amertume de la défaite75 ». 35 Dans le récit suivant consacré à la campagne contre la ville de Ṭāʾif, les aspects didactiques et de légitimation apparaissent de nouveau avec une particulière évidence. Il est explicitement dit que les ceps de la ville furent arrachés. Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb signale le fait que lors de ce siège, pour la première fois dans l’histoire de l’islam, une catapulte fut utilisée. Le compte rendu se termine par le retrait des musulmans à la suite de lourdes pertes après l’échec de l’investissement de la ville76. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb poursuit avec le récit des pourparlers avec les Ṯaqīf, qui eurent lieu peu de temps après à Ṭā’if. Ceux-ci avaient décidé de se soumettre car ils ne voyaient aucune chance de résister durablement aux musulmans. L’épisode est d’importance car les Ṯaqīf exigaient un délai de trois ans pendant lequel le culte d’al- Lāt devait rester autorisé77. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb se sert du fait que Muḥammad rejeta l’accord et envoya Abū Sufyān, nouvellement converti, détruire la statue, pour introduire une digression sur « le statut juridique de la campagne de Ṭāʾif78 » : Il est licite de faire la guerre pendant les mois sacrés et d’en lever l’interdiction. Il est illicite de tolérer, même pour un seul jour, l’existence de lieux dévolus aux idoles et à l’associationnisme (mawāḍiʿ al-ṭawāġīt wa-l-širk) quand on les tient à sa merci, car ils sont des signes (šaʿāʾir) de l’incroyance et la chose la plus abominable qui soit. Ce jugement vaut pour les aménagements qui furent édifiés sur les tombes, pris pour des idoles et adorées au mépris de Dieu, ainsi que pour les pierres qui sont vénérées, à qui on demande leur bénédiction et à qui on amène des ex-voto. Beaucoup d’entre eux sont des lieux de culte d’al-Lāt et d’al-ʿUzzā. La pire sorte d’associationnisme consiste à les adorer en ces lieux. Aucun de ceux qui gardèrent ces idoles (arbāb haḏihi l-ṭawāġīṭ) ne crut qu’elles créent, nourrissent, décident de la vie et de la mort. Il n’empêche qu’elles firent pour eux ce que leurs frères parmi les associationnistes d’aujourd’hui font auprès de leurs idoles. Chacun suivit les coutumes (sunan) qui étaient là avant lui. Et l’associationnisme prit le pouvoir sur la plupart des âmes, parce que l’ignorance s’était imposée et le savoir avait disparu, et que l’imitation aveugle des autorités (al- taqālīd) s’était imposée. Les commandements devinrent des interdictions et inversement, l’innovation devint sunna et inversement. Le petit grandit et le grand s’affaibilit. Les signes (de la religion) furent effacés (ṭumisat al-aʿlām)79 et l’aliénation de l’islam augmenta. Mais un groupe qui se tient avec Muḥammad (ṭāʾifa min al-ʿiṣāba al-muḥammadiyya)80 ne cessera jamais de se lever pour le droit et la vérité, de mener la guerre sainte ( ǧihād) contre les associationnistes et les innovateurs, jusqu’à ce que nous hériterons de la terre ; et celui qui vivra alors sur la terre fera partie des meilleurs héritiers (Cor. 19, 40). L’imam dépense les biens que les idolâtres déposent en ces lieux (mašāhid) pour les idoles81. Il doit les utiliser pour la guerre sainte et pour les intérêts (maṣāliḥ) des musulmans. De même, les biens de mainmorte qui lui sont aliénés seront utilisés pour les intérêts des musulmans. » Il s’ensuit le récit de la conversion du chrétien ʿUdayy Abī Ḥātam b. Hāšim et du poète Kaʿb b. Zuhayr, qui avaient été dans un premier temps des opposants déterminés à Muḥammad82. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb évoque la campagne de Tabūk en suivant étroitement le modèle d’Ibn Isḥāq. Cette campagne n’a pas seulement de l’importance parce qu’il s’agit là de la première offensive au nord-ouest de la péninsule arabique. Le compte rendu de cet événement sert bien plutôt à réaffirmer l’importance à partir en

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guerre sainte. Comme cette campagne dut se dérouler en été, certains refusèrent d’y participer à cause de la chaleur et de la récolte des dattes qui était imminente, à la suite de quoi fut révélé le verset Cor. 9, 81 : « ceux qui ont été laissés à l’arrière se sont réjouis de pouvoir rester chez eux et de s’opposer ainsi au Prophète de Dieu »83. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb relate ensuite, de manière exhaustive par moments, les ambassades que les tribus envoyèrent à Muḥammad pour signifier leur soumission. Il souligne que parmi les envoyés des Banū Ḥanīfa se trouvait également Musaylima, qui apparut plus tard comme « pseudo prophète » (selon les termes de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb) mais que Muḥammad démasqua dès ce moment-là84.

36 La biographie du Prophète proprement dite s’achève avec la reprise quelque peu condensée des récits sur le pèlerinage de l’adieu, la maladie et la mort de Muḥammad, ainsi que le règlement de la succession en faveur d’Abū Bakr dans le patio (saqīfa). Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb suit là le récit d’Ibn Hišām85.

La continuation de la lutte entre islam et širk

37 Lorsqu’il décrit l’acclamation d’Abū Bakr, Muḥammad ʿAbd al-Wahhāb fait d’abord souligner à ʿUmar l’importance du Coran en tant que guidance avant que celui-ci ne réclame que les hommages soient rendus à Abū Bakr. Abū Bakr, en revanche, met en avant le caractère méritocratique du Califat : Votre gouvernance m’a été confiée (innī qad wullitu ʿalaykum). Mais je ne suis pas meilleur que vous. Si j’agis bien, aidez-moi. Mais si j’agis mal, réprimandez-moi. […] Obéissez-moi si j’obéis à Dieu et à Son Envoyé. Mais si je leur désobéis, aucun devoir d’obéissance ne vous incombe. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb souligne tout ceci en citant comme déterminantes pour l’élection d’Abū Bakr des traditions prophétiques qui insistent sur la préoccupation de ce dernier – et sur sa capacité – de préserver la cohésion de la communauté des musulmans86. Cette conception reflète la théorie d’Ibn Taymiyya de la gouvernance relative à la période suivant la fin du Califat, d’après laquelle la justification du pouvoir du Sultan résulte de sa capacité à garantir d’un côté la mise en pratique des normes divines et, de l’autre, l’expansion de l’islam87. Ce faisant, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb laisse de côté la conception sunnite courante, défendue aussi par Ibn Taymiyya, selon laquelle le Califat d’Abū Bakr était légitimé avant tout par sa désignation par Muḥammad88. 38 En tant qu’épreuve majeure pour la communauté des musulmans, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb présente la ridda, déjà traitée dans l’introduction : l’insubordination d’une série de tribus qui éclata après la mort de Muḥammad. Dans l’édition que nous utilisons, la présentation des évènements, survenus en une seule année, occupe 30 des 229 pages ; c’est-à-dire qu’ils sont traités avec une plus grande attention que n’importe quel autre évènement de la vie de Muḥammad. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb énumère d’abord les différentes formes de ridda, mettant une fois de plus l’accent sur la nécessité de lutter contre les apostats, jusqu’à ce qu’ils prononcent les deux parties de la confession de foi, qu’ils accomplissent la prière et qu’ils s’acquittent de la zakāt. Cependant, il rapporte également qu'Abū Bakr fut confronté à la volonté d’apaisement de personnes qui l'exhortent à faire preuve de clémence, jusqu'à ce que l’affaire se règle d'elle-même. En réponse de quoi Abū Bakr affirma qu’il était nécessaire de continuer à faire le ǧihad, comme il était d'usage à l'époque de l'Envoyé89. ʿUmar le

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dissuada de participer personnellement à la campagne car un général n'aurait pas à se battre lui-même : « Si tu étais tué, les hommes renieraient [leur foi], et le faux l’emporterait sur le Vrai »90.

39 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb cite al-Wāqidī comme source de sa présentation des évènements, bien que son Kitāb al-ridda (« Le Livre des guerres d’apostasie ») avait probablement déjà disparu à son époque. Cependant, l’auteur andalous Ibn Ḥubayš avait encore pu utiliser cet ouvrage pour son Kitāb al-Ġazawāt. Dans le Muḫtaṣar, la chronologie des expéditions correspond à celle de Ibn Ḥubayš ; il est cependant peu probable que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ait connu les Ġazawāt. Le fait que les trois manuscrits conservés [du Kitāb al-Ġazawāt] se trouvent tous en Europe laisse penser que l’œuvre n’a jamais été connue au-delà de l'Occident islamique. Il en va autrement de l’œuvre historique de al-Kalāʿī, al-iktifāʾ fī maġāzī rasūl Allāh wa-ṯalāṯat al-ḫulafāʾ, dont les chapitres sur la ridda ne sont que des versions abrégées de celles de Ibn Ḥubayš. L’existence dans le monde arabe oriental de manuscrits de l’œuvre de al-Kalāʿī est attestée, entre autres pour deux endroits (La Mecque et Basra) où Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb avait vécu91. En outre, les omissions correspondent et l’on y trouve un poème qui manque chez Ibn Ḥubayš, mais est présent chez Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb. On remarque également que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, à l’instar de Ibn Ḥubayš et al-Kalāʿī, place dans le contexte de la ridda les tentatives de Musaylima de réaliser des miracles au lieu de les traiter, comme c’est habituellement le cas, dans la présentation de la vie de Muḥammad92. 40 L’attrait de ce modèle pour Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb s’explique par le fait qu’il avait déjà servi un but similaire de propagande. Les ouvrages de Ibn Ḥubayš et al-Kalāʿī avait été rédigés sur commande des Almohades et devaient, de façon similaire au Muḫtaṣar, promouvoir l’esprit belliqueux93 et plus précisément légitimer la pratique commune aux Wahhābites et aux Almohades : déclarer apostats les ennemis internes à l’islam contre lesquels faire le ǧihād était légitime, ils pouvaient y être tués et leurs biens réquisitionnés94. Le fait que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ait adopté la lecture Almohade de la ridda est d’autant plus significatif que même Ibn Taymiyya, pas précisément réputé pour faire dans la dentelle, avait condamné plein d’effroi le radicalisme d’Ibn Tūmart et de ses adeptes95.

41 La présentation de la ridda de Ibn Ḥubayš se distingue par la description exhaustive des combats contre les apostats ; la violence perpétrée par les musulmans est soulignée et louée. Ainsi, il est rapporté de façon détaillée comment Ḫālid b. al-Walīd, à la fin de l’expédition contre le pseudo-prophète Ṭulayḥa, ordonna que les prisonniers soient entassés dans des enclos à l’intérieur desquels il les fit brûler vifs96. Ibn ʿUmar raconte qu’après chaque victoire contre une tribu apostate, les descendants (ḏarārī) furent capturés et leurs possessions partagées97. La même méthode fut employée dans l’expédition contre les Banū Sulaym98. Le nombre de victimes n’est aucunement caché, ni le fait que de certains clans personne n’ait survécu99. Une telle atrocité semble justifiée par le fait qu’elle amena des résultats : dans une lettre, le transmetteur Fazārī décrit de quelle façon Ḫālid procéda avec les prisonniers. Quand les Banū Ḥanīfa apprirent peu après que Ḥālid se dirigeait vers eux, ils envoyèrent une délégation pour négocier leur retour à l’Islam100. L’appréciation positive de Ḫālid b. al-Walīd est remarquable car celui-ci, à cause de ses actions, est jugé de façon plutôt négative dans l’historiographie101.

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42 Si Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb évoque assez rapidement les conceptions et les méfaits de la plupart des tribus apostates, il consacre une attention toute particulière aux agissements du « pseudo-prophète (kaḏḏāb) » Musaylima, lequel, déjà du vivant de Muḥammad, avait prétendu à la moitié de la prophétie et du pouvoir. Il souligne comment Musaylima de son propre chef se mit à bénir et à promettre des miracles, mais que la punition divine pour ses iniquités ne tarda pas102. 43 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb n’a toutefois pas repris entièrement le récit de la ridda de al-Kalāʿī. Il termine ce chapitre avec l’expédition contre Dubā et les Azd ʿUmān, omettant la description qui suivait, chez Ibn Ḥubayš et al-Kalāʿī, de la répression de la ridda à Ṣanʿā’ et au Ḥaḍramawt. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb passe ensuite directement à l’expédition de Ḫālid b. Walīd contre l’Irak103.

44 La plupart des évènements des années suivantes ne sont évoqués que très brièvement, certaines années restent sans renseignement. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb effleure à peine les premières expéditions contre les Perses et les Byzantins : l’expansion vers l’extérieur est visiblement moins importante que la victoire contre les apostats104. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb explique l’accession au califat par ʿUmar par la désignation de ce dernier par Abū Bakr qui, lui, fonda son choix sur les capacités du premier105. Après l’énumération des conquêtes en Syrie, Iran et Irak, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb considère deux évènements des années 16 et 17 comme dignes d’être mentionnés : la décision de ʿUmar d’instituer la hiǧra comme début de l’ère islamique et le mariage de ce dernier avec la fille de ʿAlī, Umm Kulṯūm. Ce dernier élément est une objection courante à la représentation chiite de l’histoire106. Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb évoque en tant qu’évènements significatifs des années suivantes la famine et la peste d’Emmaüs. Les conquêtes, y compris celle d’Égypte, pourtant si importante, ou la victoire définitive sur les Sassanides à Nihāwand ne valent qu’une note. Il accorde plus d’importance au fait que le pseudo-prophète Ṭulayḥa, converti à l’islam, tomba sur le champ de bataille contre les Perses107. 45 Selon Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, l’assassinat de ʿUmar ouvrit la porte de la discorde, qui n’a pu être refermée jusqu’à présent108. Celui-ci loue le troisième Calife ʿUṯmān pour l’ancienneté de son adhésion à l’islam et pour sa relation étroite avec Muḥammad, relation qui s’exprima dans son mariage avec deux filles du Prophète109. À côté des conquêtes réalisées, les Compagnons morts dans l’année en question sont dorénavant évoqués de plus en plus fréquemment110. En tant que premier signe de la discorde, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb relate l’opposition de l’ascète Abū Darr al- Ġifārī contre Muʿāwiya, le gouverneur de la Syrie nommé par ʿUmar. Selon Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, le mécontentent contre ʿUṯmān lui-même commença à se manifester en 33/34 parmi les gens de Koufa. Il l’explique d’abord par un facteur politique : leur colère suite à l’attribution des postes de gouverneur111. Pour expliquer les évènements qui ont conduit à l’assassinat de ʿUṯmān, Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb recourt au récit relatif au juif yéménite ʿAbdallāh b. Sabā’, qui se serait prétendu converti à l’islam pour induire les musulmans en erreur. Il n’aurait connu de succès ni au Ḥiǧāz, ni dans les villes-campements (amṣār), ni en Syrie. Expulsé vers l’Égypte, il aurait commencé à dénoncer ʿUṯmān avec succès. C’est ainsi que l’on arrive au grand désastre de l’an 35, quand « ces criminels ḫāriǧites » (ulā’ika l-muǧrimūn al- ḫawāriǧ) assiégèrent ʿUthmān dans sa maison et finirent par l’assassiner pendant qu’il priait et récitait le Coran112. Expliquer la fitna par les agissements de ʿAbdallāh b. Sabā’ sert à innocenter ʿUṯmān, discrédité par son népotisme. Cette explication remonte à

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Sayf b. ʿUmar et représente un élément central dans l’exposition de al-Ṭabarī de la première guerre civile, repris par Ibn al-Ǧawzī dans son Muntaẓam, l’une des sources principales de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb113. 46 Dans la représentation de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, ʿAlī ne fait son apparition en tant que Calife qu’après son acclamation par les ahl Badr. Que Muʿāwiya lui refusât les hommages et qu’il eût l’intention de s’insurger n’est évoqué qu’en passant.114 La narration passe ensuite directement à la bataille du Chameau, qui, selon cette version, avait son origine dans une tentative de médiation de ʿĀʾiša. Le confident de ʿAlī aurait fait chasser de Basra les envoyés de ʿĀʾiša, Ṭalḥa et Zubayr. Lorsque ʿAlī et Ḥusayn d’un côté et Ṭalḥa et Zubayr de l’autre se rassemblèrent sur le champ de bataille avec des combattants, les Ḫāriǧites, c’est-à-dire les partisans de ʿAbdallāh b. Sabāʾ qui étaient présents dans les deux armées, auraient craint que les deux camps se retournent ensemble contre eux. Ils auraient alors ourdit une intrigue pour monter les deux armées l’une contre l’autre. Un miracle en lien avec la bataille est mentionné. Après que le chameau de ʿĀʾiša, qui donna le nom à la bataille, se fut écroulé, Muḥammad b. Abī Bakr, que ʿAlī avait chargé de la protection de ʿĀʾiša, rentra sa main de façon impie dans le palanquin, elle s’exclama : « A qui appartient cette (main) qui viole le ḥarām de l’Envoyé ? Puisse Dieu la brûler ! » Il répliqua : « Avec le feu de l’Au-delà ? », à quoi elle opposa : « Avec le feu d’Ici-bas ! », suite à quoi son souhait se réalisa immédiatement. ʿAlī par contre la traita avec respect et la laissa repartir avec quarante femmes de Basra à Médine. Les aspects militaires, abondamment décrits dans les récits des expéditions de Muḥammad et de la ridda, sont totalement absents dans la représentation de ce conflit intra-musulman115.

47 Il en est de même pour Ṣiffin. La préparation de la bataille, les Corans accrochés à la pointe des lances par les compagnons de Muʿāwiya et l’arbitrage entre lui et ʿAlī, moments auxquels les chroniques accordent en général une importance majeure, ne sont qu’à peine mentionnés chez Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb. 48 Ce dernier traite par contre de manière plus exhaustive la confrontation de ʿAlī avec les Ḫāriǧites, ses anciens partisans qui s’opposèrent à lui près l’arbitrage (ḥukm), proclamant « À Dieu seul appartient le décret ». L’élément central en est le discours prononcé par Ibn ʿAbbas, que ʿAli avait délégué comme négociateur dans le camp adverse en Irak, à Hārūra. À propos des Ḫāriǧites, Ibn ʿAbbās aurait déclaré n’avoir jamais vu une communauté religieuse plus engagée au sujet des questions religieuses (ašadd iǧtihādan minhum) et plus assidue dans l’accomplissement des rites (akṯar ʿibādatan). Ainsi, la raison de leur sécession est également cherchée dans une piété dévoyée. Quand Ibn ʿAbbās leur demanda de quoi ils tenaient rigueur à ʿAlī, ils répondirent : 1. En ce qui concerne l’arbitrage, il s’agit d’une décision humaine concernant une affaire relevant de Dieu seul (ḥukm al-riǧāl fī amr Allāh). Une telle façon de procéder contredirait le verset Cor. 12, 40. 2. ʿAlī aurait certes combattu, mais il n’aurait fait aucun prisonnier ni pris de butin. Si les partisans de Muʿāwiya avaient été des croyants, ils n’auraient pas dû être combattus, et s’ils avaient été des incroyants, alors on aurait dû piller leurs biens et faire d’eux des captifs (et donc des esclaves). 3. ʿAlī aurait effacé (de l’acte d’arbitrage) le titre de amīr al-mu’mīn après son prénom. S’il n’est pas le commandeur des croyants, alors il est celui des incroyants.

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ʿAbdallāh b. ʿAbbās réfuta le premier reproche en rappelant que le Coran demande bien, en cas de conflit entre époux, ou en cas de menace de vendetta, d’avoir recours à l’arbitrage (Cor. 5, 95 ; Cor. 4, 35). Il répliqua au deuxième reproche en leur demandant s’ils auraient fait captive leur propre mère, et s’ils auraient considéré comme licite envers elle ce qu’ils considèrent licite avec d’autres femmes (c’est à dire les rapports sexuels). « Si vous répondez oui, vous êtes des incroyants, et si vous soutenez qu’elle (ʿĀʾiša) n’est pas pour vous comme une mère, alors vous êtes des incroyants. Car Dieu a dit “Ses épouses sont leur mères” (Cor. 33, 6). À choisir entre deux maux, qu’ils choisissent celui qu’ils veulent. Au troisième reproche il objecta que lors de la signature du traité de Ḥudaybiyya, Muḥammad avait effacé de sa propre main la formule rasūl Allāh, en la faisant remplacer par Ibn ʿAbdallāh, malgré l’opposition de ʿAlī116. Vu que dans ce récit à chacune des questions fut répondu unanimement « Allāhumma naʿam » (oui, Seigneur !), il donne l’impression que les arguments de ʿAbdallāh b ʿAbbās ont été en grande partie acceptés. Et c’est pour cela aussi que 4000 opposants seraient revenus [dans les rangs de ʿAlī]117. 49 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb a repris cette description verbatim du Muntaẓam de Ibn al-Ǧawzī118. La deuxième plainte et sa réfutation est absente, nota bene, chez at-Ṭabarī, Ibn Aṯīr, Ibn Kaṯīr et dans une version aussi pertinente chez al-Mubarrad119, bien que des indices sur le point de vue exprimé dans cette version, c’est à dire que le comportement de ʿAlī avant et après la bataille du Chameau serait à l’origine de la déception des Ḫāriǧites, se trouvent en effet déjà dans des présentations plus anciennes120. La raison pour laquelle Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb a choisi cette version a moins à voir avec l’explication de ces questions historiques qu’avec la fonction de légitimation de sa biographie prophétique, qu’il nous reste à traiter.

50 Encore une fois, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb condense considérablement la présentation des évènements après al-Harūrā’. En ne nommant pas, dans un premier temps, le nom de la bataille de Nahrawān, il donne l’impression que les Ḫāriǧites restants s’étaient immédiatement soulevés contre ʿAlī. Selon cette représentation, ʿAlī fut finalement d’accord avec Muʿāwiya pour accepter sa proposition de partager l’empire à l’amiable, peu avant d’être tué par Ibn Mulǧam121. 51 Pour Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, si Ḥasan, le fils de ʿAlī, céda à Muʿāwiya son droit au pouvoir de son plein gré au bout de sept mois c’est qu’il avait compris que l’un des deux partis n’aurait une chance de s’imposer qu’à condition de recevoir l’adhésion de partisans de l’autre. Il s’ensuit une discussion sur la légitimité des ambitions des prétendants. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb reconnaît que ʿAlī avait de bien meilleures raisons que Muʿāwiya de réclamer le Califat, mais il souligne en même temps que Ḥasan aurait agi en faisant preuve d’une plus grande crainte de Dieu que son père qui n’aurait renoncé que par nécessité. Mais aucun des deux partis, par ses actions, n’a outrepassé le cadre de l’islam. Seuls les ahl Nahrawān, les Ḫāriǧites, l’ont fait. Les Compagnons du Prophète restés en retrait des deux partis (iʿtazalū al-ṭāʾifatayn), comme Saʿd b. Abī Waqqāṣ, Ibn ʿUmar et Usāma b. Zayd, étaient ceux qui aurait agi de la façon la plus convenable. On aurait par la suite convenu de ne pas dire du mal du parti adverse. En vouloir à Muʿāwiya serait équivalant à nuire à l’iǧmaʿ. Il aurait finalement été désigné Imām car il ne pouvait y en avoir qu’un seul. Pour cette raison, l’année 41 fut appelé l’année de communauté (ǧamāʿa)122. 52 Parmi les décès de l’année 48, il est fait mention de l’épouse de Muḥammad, Ṣāfiya, sans que leur mariage ait été évoqué, et la même chose vaut pour Sawda bt. Zuʿma dans

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l’année 54123. La mort de Ḥusayn à la bataille de Kerbala dans l’année 61 ne mérite qu’une phrase pour Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb. Légèrement plus exhaustif est le traitement de la deuxième fitna, mais dans aucun des deux cas il prend position pour l’un des deux partis impliqués. De façon succincte, il qualifie le règne de ʿUmar b. ʿAd al-ʿAzīz comme un retour aux conditions qui régnaient au temps des califes bien guidés124. Parmi les évènements de la fin de la période omeyade il renvoie une fois encore à Ǧaʿd b. Dirham, qui aurait été le premier à soutenir que le Coran était créé. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb définit Yazīd b. al-Walīd comme le dernier calife reconnu de façon unanime. Il fait référence à un ḥadīṯ selon lequel douze califes issus de la lignée des Qurayš régneraient125. Dans la vision de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, la brèche qui s’ouvrit après la troisième fitna (la chute des Omeyades) n’a pas été colmatée jusqu’à l’époque présente. 53 C’est dans la première période du règne Abbaside que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb voit l’origine de toute dissension (fitan) d’ordre doctrinal qui tenaille les musulmans jusqu’à son époque. Il en attribue la responsabilité avant tout à al-Maʾmūn, car il fit traduire des livres grecs, il annonça que le Coran était créé puis, pendant la miḥna, il forçat l’Imam Aḥmad (b. Ḥanbal) et d’autres savants de haut rang à adhérer à cette affirmation126. De façon abrupte Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb termine l’ouvrage en déplorant le déclin de l’érudition qui commença à l’époque de al-Manṣūr, quand les ʿulamāʾ se mirent à fixer par écrit le tafsīr et le ḥadīṯ (Ibn Ǧurayḥ, Mālik b. Anas, ʿAmr al- Awzaʿī, Sufyān al-Ṯawrī, Maʿmar b. al-Muṯannā), le ra’y (Abū Ḥanīfa) et les maġāzī (Ibn Isḥāq). Auparavant les savants parlaient sur la base de ce qu’ils avaient mémorisé, en transmettant le savoir dans des feuillets éparses (ṣuḥuf ġayr murattaba)127.

Les sources du Muḫtaṣar

54 Comme le montrent les références précédentes et la description suivante, on peut identifier, à côté des collections de ḥadīṯ canoniques, les principales sources suivantes du Muḫtaṣar : la Sīra al-nabawīya de Ibn Ḥišām, le K. al-Maġāzī de al-Wāqidī 128, le Muntaẓam de Ibn al-Ǧawzī, les Ṭabaqāt de Ibn Saʿd, le K. al-iktifā’ fī maġāzī al-Muṣṭafā wa-l- ṯalāṯa ḫulafā’ de Kalā’ī, le Zād al-maʿād de Ibn al-Qayyim al-Ǧawziyya. Alors que les savants wahhābites du XIXe et du début du XXe siècle furent confrontés au problème que presque aucun livre n’était à leur disposition pour l’enseignement et la juridiction129, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb possédait à Darʿīya visiblement une honorable bibliothèque, qui comprenait même des ouvrages historiques rares130.

55 Ce constat correspond à ce qui est connu pour les lectures historiques dans le Ḥiǧāz vers 1700. Grâce au Ṣimt de al-ʿĀṣimī al-Makkī (1639-1699) nous disposons d’une chronique universelle rédigée peu avant la naissance de Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb. En tant que source pour la biographie de Muḥammad et les débuts de l’Islam, cet ouvrage épigonal n’est pas très significatif, mais étant donné que son auteur liste consciencieusement ses sources, il est possible de savoir, grâce à ce livre, quelles sources historiques et études concernant Muḥammad était connues et couramment consultées dans le Ḥiǧāz vers le 1700131.

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La fonction de légitimation du Muḫtaṣar

It would only be a slight overstatement to assert that most of the animosity between Wahhabis and other Muslims boils down to this single question of what exactly makes one’s life and property inviolable from attack132.

56 Dans la présentation du Muḫtaṣar il a été déjà question de la façon dont Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb justifie sa propre action grâce à une mise en parallèle avec l’œuvre des prophètes, la vie de Muḥammad et les actions de ses successeurs ainsi que par l’emploi d’un vocabulaire anachronique. Un exemple significatif en est sa volonté de s’attaquer à la vénération des saints et à d’autres pratiques considérées comme religieusement illégitimes. Un autre point est peut-être la légitimité du pouvoir des Āl Saʿūd, auxquels il accorde son soutien idéologique, en justifiant le Califat de Abū Bakr par ses capacités et son succès (conquêtes, victoire sur la ridda) et non par la désignation, comme l’a fait Ibn al-Ǧawzī, l’une de ses sources principales133. La fonction légitimatrice est particulièrement marquante dans le traitement de questions qui relèvent de la façon de traiter les « non croyants » et les « apostats ». Dans ce contexte, non seulement la légitimation générale de l'action violente est fournie, mais aussi la justification des positions de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb sur des questions détaillées de guerre, comme l'abattage d'arbres134. L’insistance sur l’exemple de ʿUmar et de Abū Bakr, montrant que le chef spirituel n’a pas besoin de participer lui-même au ǧihād, peut être mise en rapport avec le fait que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, à partir de 1746, n’agissait plus en tant que chef de guerre, mais donnait des directives idéologiques depuis al-Darʿīya135.

Ǧihād et apostasie

57 Il n'est pas surprenant que la littérature de sīra ait prospéré lorsque le ǧihād était à l'ordre du jour136. Ce qui est remarquable à propos du Muḫtaṣar, cependant, c'est l'attention portée au ǧihād en opposition à la ridda. Au sujet de la réception de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb de l’historiographie Almohade, il a déjà été souligné qu'il prône un concept de ǧihād qui est en contradiction avec l'opinion de la majorité sunnite car appliqué explicitement aux dissidents musulmans. Le traitement détaillé et particulier de certains événements après la mort de Muḥammad relève du désir de légitimer cette position, d'autant plus que l'on peut trouver des parallèles en dehors du sunnisme. Ainsi, selon l'opinion zaydite, certaines affirmations identifient quelqu'un comme mušrik, et dès lors « c’est un devoir de lui faire la guerre et de le tuer, de réduire ses femmes et ses enfants en esclaves et de s’approprier de ses biens137 ». Plus important encore est le fait que les Wahhābites, à cause de leur conduite rigoureuse dès le début (c’est-à-dire depuis les polémiques de Ibn ʿAfāliq et Sulayman, le frère de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb), ont dû lutter contre l’accusation d’être les continuateurs des Ḫāriǧites138. Ce fait ne pouvait pas être simplement écarté sous prétexte qu'il s'agissait d'un terme polémique utilisé de façon inflationniste. Après tout, la critique envers les Wahhābites part du fait qu'ils élèvent l'action juste comme mesure de la foi et, comme les Ḫāriǧites, désignent leurs adversaires en tant que mušrik et ahl al-ridda139.

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58 Le besoin de différencier clairement sa position de celle des Ḫāriǧites est l'une des raisons pour lesquelles Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb a choisi la version de Ibn al- Ǧawzī du débat entre ʿAbdallāh b. ʿAbbās et les Ḫāriǧites. La deuxième raison, plus importante, pour laquelle Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb attache tant d'importance à cette version et donc aussi à la bataille du Chameau, est la signification juridique des directives de ʿAlī pour traiter avec les adversaires. Son appel à les épargner dans leur fuite et à ne pas toucher à leurs biens sert généralement de précédent pour traiter avec les rebelles musulmans, qui doivent être combattus dans une bataille ouverte pour les empêcher d'atteindre leurs objectifs, mais qui, contrairement aux incroyants et aux apostats, ne doivent pas être persécutés, capturés, privés de leurs biens ou même asservis140. L'accusation selon laquelle les Wahhābites ont violé ces règlements doit être réfutée par l'objection selon laquelle l'ordre de ʿAlī ne constituait pas une norme généralement valable, mais était dû à la circonstance particulière et unique que ʿĀʾiša, la « Mère des croyants », était sur le champ de bataille141.

Muḥammad non transfiguré

Anā Muḥammadun ʿAbdullāhi wa-rasūluh. Mā uḥibbu an tarfaʿūnī fawq manzilatī allatī anzalanī Llāhu ʿazza wa-ǧalla142. 59 Ibn Suḥaym, l’opposant de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, lui reprochait de ne pas seulement détruire des tombeaux, mais de faire également brûler des livres. Il cite à côté du Rawḍ al-rayāḥīn, une collection de biographies de Sufis par al-Yāfiʿī (Yémén, m. 1367), les Dalā’il al-ḫayrāt de al-Ǧazūlī (Maroc, m. 1475), une collection de litanies consacrées à la vénération de Muḥammad, très populaires jusqu’à au début du XXe siècle dans l’ensemble du monde musulman. Ibn ʿAbd al-Wahhāb a rejeté comme calomnieuse l'accusation selon laquelle il aurait ordonné que les Dalā’il soient brûlés, car il aurait seulement mis en garde contre le fait de prêter plus d’attention à un autre livre qu’au Coran143. Mais ce conflit montre tout de même clairement que la vénération de Muḥammad et ses formes d'expression qui étaient habituelles en son temps étaient plus que suspectes à ses yeux. L'un des principaux objectifs du Muḫtaṣar est sans aucun doute de supprimer la base de ce qu’il considérait comme une déviation par rapport au monothéisme.

Miracles

60 Dès les premières biographies de Muḥammad, différents miracles sont associés à sa personne. Parmi eux, la scission de la lune, qui n'est qu'un « miracle de confirmation », et le voyage céleste, sont essentiellement liés à la médiation des commandements divins. Les autres sont soit des miracles qui contribuent au succès de la mission de Muḥammad144, soit des miracles dont le seul dessein est d’illustrer sa position centrale dans la création. Il s'agit notamment des récits sur la vénération par les plantes, les animaux, les pierres et des parties de bâtiments (comme la poutre de la mosquée de Médine), ainsi que sur les miracles liés à la guérison et à l'alimentation145. Au cours des siècles, le nombre de ces motifs grandit de façon sensible dans les biographies de Muḥammad. Si aux débuts il s'agissait plutôt d'éléments accessoires, un auteur comme

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al-Ṣāliḥī (m. 1535) alla jusqu'à considérer chaque miracle comme étant d’une importance égale à celle du Coran146.

61 Ces éléments courants dans la biographie de Muḥammad sont réduits par Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb à ce qui est incontournable : la scission de la lune et le miʿrāǧ, deux miracles mineurs qui ont contribué respectivement au succès de la hiǧra et à la victoire militaire147. 62 Que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb fut soucieux d'éviter d’associer systématiquement Muḥammad avec les miracles se voit également dans la sélection qu’il opère dans les traditions de l'œuvre de Musaylima. Il reprend le récit d’Ibn Ḥubayš / al-Kalāʿī selon lequel le pseudo-prophète bénissait les nouveau-nés et priait pour les malades. Chacun de ces nouveau-nés (mawlūd), cependant, perdit ses cheveux. De plus, un père riche se plaignait qu'aucun de ses fils, sauf un qui avait atteint l’âge de dix ans, n'ait dépassé l’âge de deux ans. C'est pourquoi il demanda à Musaylima de demander à Dieu d'accorder une longue vie à son dernier fils, né la veille. Avant même la fin de la journée, le fils aîné tomba dans un puits et le plus jeune fut à l'agonie. Leur mère dit : « Il s’avère qu’il ne bénéficie pas du même statut auprès de Dieu que Muḥammad ». Un autre puits, que Musaylima avait béni, devint immédiatement saumâtre148. Dans le Muntaẓam d’Ibn al-Ǧawzī, autrement souvent cité par Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, sont reproduits les récits de al-Ṭabarī qui montrent comment l’action de Musaylima attira sur lui le châtiment. Ainsi, une femme lui demanda de bénir, comme Muḥammad, un sceau rempli d’eau de source et de cracher dedans pour qu’ils puissent le reverser dans une source de sa tribu, de façon à la faire jaillir à nouveau. Mais après l'exécution de ce rituel, le puits se dessécha. Chez Ibn al-Ǧawzī toujours, on demande également à Musaylima de bénir des enfants (toutefois plus grands, ṣaby). Leurs cheveux tombent immédiatement, en plus, ils commencent à zézayer. Mais les parents des Banū Ḥanīfa lui font ces requêtes précisément parce que Muḥammad bénissait les enfants de ses Compagnons149. Si Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb a donné la préférence aux versions de Ibn Ḥubayš c’est probablement parce que chez celui-ci, la référence à l’œuvre miraculeuse de Muḥammad, présupposée comme allant de soi chez Ibn al-Ǧawzī et d’autres, est absente150. 63 Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb fournit par ailleurs une explication théologique de la raison pour laquelle les miracles jouent un rôle moins important dans la vie de Muḥammad que dans celle des prophètes précédents. En prenant en considération le verset 59 de la sourate 17 – « Rien ne nous empêche d'envoyer [pour confirmer la mission] des signes (miraculeux) si ce n'est que les anciennes [générations] les ont traités de mensonges », verset interprété comme une réponse à l'appel des opposants de Muḥammad pour qu'il transforme l'argent en or et enlève les montagnes autour de La Mecque, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb soutient que cela s'applique d'autant plus aux miracles de punition coranique avec lesquels Dieu a ruiné des peuples entiers pour leur acharnement à refuser le message. Avec Muḥammad, cependant, le temps serait venu où les incrédules doivent être punis par les mains des croyants, à travers le ǧihād ou par des punitions corporelles (ḥadd). Après tout, le but est de conduire la plupart des incroyants sur le droit chemin151.

64 L'accomplissement et l'application des normes par la communauté musulmane rendent donc superflue l'intervention divine dans le cours normal des événements.

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ʿIṣma n’est pas synonyme de perfection : la fonction des versets sataniques et du pagne absent

65 L'histoire des versets sataniques est l'un des éléments de la biographie du Prophète que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb mentionne dès la préface. Il a également consigné l'épisode dans son court traité sur six éléments centraux de la biographie du Prophète. L'incident est donc d'une grande importance pour sa compréhension de Muḥammad. Le fait que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb souligne avec emphase que la bouche de Muḥammad a dit que les trois déesses païennes peuvent être appelées à l'intercession doit être compris dans le contexte de la tradition de l’histoire des versets sataniques, liée à la question de la ʿiṣma (infaillibilité) des prophètes.

66 L'épisode est connu pour ne pas être dans la sīra de Ibn Isḥāq, selon la version de Ibn Ḥišām, elle apparaît cependant chez al-Ṭabarī, au moins dans le cadre narratif de la transmission d'Ibn Isḥāq. On ne peut donc pas exclure qu'elle faisait partie de sa sīra, du moins dans d'autres rédactions. En plus, une variante du récit que l’on fait remonter à al-Wāqidī (et donc probablement aussi à Ibn Isḥāq) peut être trouvée dans Ibn Saʿd, c'est-à-dire chez un contemporain d'Ibn Hišām. L'historicité de l'incident, qui ne fait pas apparaître Muḥammad sous son meilleur jour, a donc été très tôt controversée au sein de l'Islam, et rien n'a changé jusqu'à un passé récent152.

67 Au fil des siècles, ceux qui ont rejeté cette tradition ont pris le dessus. Ibn al-Ǧawz, souvent cité par Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, explique encore dans sa biographie du Prophète que les versets entendus par les Qurayš étaient récités par des démons et non par Muḥammad. Il est donc clairement soucieux de désamorcer autant que possible le contenu problématique de l’épisode153. Dans son ouvrage historique postérieur, al- Muntaẓam, il mentionne que les Mecquois se prosternèrent après la récitation de la sourate 53. L'explication que cela s'est produit parce que Muḥammad avait mentionné leurs déesses est racontée par certains cavaliers que les exilés en Éthiopie avaient interrogés154. Dans un ouvrage sur les conteurs et les prédicateurs (al-quṣṣāṣ wa-l- muḏakkirūn), il met en garde ceux d'entre eux qui rapportent cet épisode : il les jugeait à l’évidence aptes à semer la confusion chez les profanes155. 68 Selon le Qāḍī ʿIyāḍ, qui a eu une influence certaine sur la transfiguration [Verklärung] de l'image de Mahomet au cours des siècles suivants, Muḥammad est à l’abri de toute tentation. Il souligne également que les chaînes de transmission de ce récit ne remontent pas à un témoin direct (mursal), bien que par ailleurs il ne s’embarrasse pas des normes sévères de la critique du ḥadīṯ lorsqu'il choisit les versions pour appuyer sa position156. Une idée importante qu’il a contribué à populariser est celle, originellement malikite, que Muḥammad ne devrait pas être associée à des déficiences, y compris celles liées aux conditions de vie profanes157. Faḫr al-Dīn ar-Rāzī, dans ses écrits théologiques et dans son interprétation de l’épisode des versets sataniques, rejette presque toute interprétation de l'incident. Seule l’idée que Satan ait trompé toutes les personnes présentes, ou que Muḥammad ait confondu les trois déesses païennes avec des anges, est, selon lui, cohérent avec le concept de la ʿiṣma des prophètes, qu'il comprend comme étant sans péché et comme l’un des fondements de l'Islam158. 69 La conception de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, en revanche, s'inscrit dans une autre tradition, selon laquelle la ʿiṣma n'implique nullement l'absence totale de péché159. Ibn Taymiyya est le principal représentant de ce point de vue contraire, dirigé contre l'exagération de [la nature] de Muḥammad. Selon lui, le concept de la ʿiṣma signifie

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simplement que les prophètes sont protégés contre la persistance dans l'erreur160. Dans ce contexte, il n’a aucune difficulté à reconnaître l’épisode des versets sataniques comme de véritables incidents historiques dans son écrit théologique principal, le Minhāǧ al-sunna, et dans son traité Kalām ʿalā daʿwat Dī Nūn, puisque Muḥammad aurait finalement révoqué cette conception erronée. Pour Ibn Taymiyya, le fait que les chaînes de transmission en relation avec l’épisode ne remontent qu'aux Compagnons du Prophète ne constitue pas une objection valable au caractère historique de l'événement. Selon lui, les règles strictes de la critique du hadith ne sont pertinentes que pour des décisions juridiques, tandis que dans les questions d'exégèse du Coran et relatives à la sīra, des isnāds faibles et des récits divergents, mais en nombre suffisant, peuvent conférer le statut d’irréfutable (tawātur)161.

70 Cependant, l'inconfort causé par ce récit était grand, même dans l’environnement puritain de Ibn Taymiyya. Ses élèves ont contourné l'histoire des versets sataniques ou nié son authenticité162. La référence à cet épisode est absente des copies plus tardives du Minhāǧ as-sunna et donc aussi de l'édition de al-Bulaq. Cependant, la lecture du livre dans lequel Ibn Taymiyya donne le récit le plus détaillé de cet incident, le Kalām ʿalā daʿwat Ḏī Nūn, est documentée pour les cercles ḥanbalites du XVIIIe siècle163. Le texte a donc dû être connu de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb. 71 Deux textes écrits au Ḥiǧāz au XVIe siècle sont intéressants dans ce contexte. L'érudit kurde Ibrāhīm al-Kūrānī a déjà été identifié par John Voll comme le fondateur d'un réseau puritain de savants dont l'effet s'étend jusqu’à aujourd'hui. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb et d’autres savants importants des XVIIIe et XIXe siècles, comme Walīyullāh Dihlawī, ont été influencé par ses disciples, plus particulièrement par Muḥammad Ḥayyā al-Sindī (m. 1750). La thèse de Voll a fait l'objet de vives critiques. Néanmoins, il s'est avéré que, par exemple, la diffusion des idées d'Ibn Taymiyya ainsi que la redécouverte d'idées Ẓāhirites et la critique qui en a résultée à l'égard des écoles juridiques et de l’iǧmāʿ, peuvent très bien être imputées à lui et à certains de ses disciples164.

72 Dans ce contexte, il convient de noter que Ibrāhīm al-Kūrānī a défendu, dans un bref traité consacré spécifiquement à ce sujet, l'historicité du récit des versets sataniques au sens d'une insinuation de Satan165. L'impulsion que la discussion de al-Kūrānī sur cette question a pu donner peut être mise en évidence par le fait que l'historien šāfiʿite al- ʿĀṣimī al-Makkī, lui-même représentant d'une image transfigurée de Muḥammad166, mentionne l'événement, énumère les arguments avancés pour et contre son historicité, et donne un compte rendu détaillé des diverses explications. Il avance l'hypothèse selon laquelle Satan avait adopté la voix de Muḥammad comme la plus probable, mais il évite de prendre une position claire167. 73 Que Ibrāhīm al-Kūrānī et Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb soient d'accord sur cette question ne doit cependant pas amener à conclure prématurément que ce point de vue représente une position commune parmi les savants puritains. En référence à Ibn Kaṯīr, al-Šawkānī rejette pour sa part l’épisode des versets sataniques168. Le savant afghan du mouvement des Ahl-i Ḥadīs, qui enseigne à Amritsar, mentionne son point de vue sans prendre une position claire en sa faveur169. 74 Le fait que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ait d'abord choisi une formulation ambiguë dans la préface, qui peut également être comprise dans le sens de la version « désamorcée » du récit, alors que dans la partie principale, il laisse sans ambiguïté les versets sortir de la bouche de Muḥammad, suggère qu'au vu du rejet massif de ce récit,

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il a vu la nécessité de ne pas prendre le public au dépourvu170. Avec sa présentation, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb se range consciemment parmi ceux qui n'attribuent pas l'absence totale de péché à Muḥammad. Dans d'autres contextes, il reprend également à partir des différents ouvrages les variantes de récits qui ne font pas paraître Muḥammad tout à fait impeccable, comme l'histoire du pagne enlevé lors de la reconstruction de la Kaaba. De cette façon, il prend position contre l'opinion selon laquelle Muḥammad était déjà impeccable et à l’abri de toute erreur avant la révélation171. L'inclusion dans son récit des trois mensonges d'Abraham et du déni d'Adam d'avoir donné des années de vie à David est un autre coup porté à l'idée que la ʿiṣma signifie que les prophètes expriment toujours seulement ce qui est vrai dans les faits. 75 Pour les savants saoudiens à une époque plus récente, le fait que Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb ait attaché tant d'importance à l'affirmation de l’histoire des versets sataniques représente cependant un problème majeur. Dans la nouvelle édition annotée du livre de 2004, le passage est accompagné d'une critique des traditions en question par al-Albānī, qui s’appuie sur le Qāḍī ʿIyāḍ. Cet auteur avait lui-même orienté sa « catapulte » [ce terme est utilisé dans le titre arabe ; N.d.T.] sur l’histoire des versets sataniques en 1952 et publié un traité assez long pour réfuter l'affirmation de celle-ci par Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī172. Dans la biographie du Prophète composée par le savant indien du mouvement des Ahl-i ḥādīs Ṣafīyurraḥmān Moubarakpuri, subventionnée par l'Arabie Saoudite, l'incident n'est même pas mentionné ; les Mecquois se sont inclinés parce qu'ils étaient subjugués par la Parole de Dieu173.

Muḥammad sans nūr muḥammadī

76 Avoir évalué comme authentique l’histoire des versets sataniques n'est cependant pas le seul élément du livre qui illustre les efforts de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb pour contrer la transfiguration de Muḥammad. Il est particulièrement significatif que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb laisse de côté toutes les traditions liées à la conception et à la naissance de Muḥammad et omet également en grande partie son enfance, bien qu'il s'agisse d'éléments que de nombreux musulmans sont susceptibles de connaître particulièrement bien, notamment parce qu’ils sont très prisés dans la poésie liée au Mawlid174. Que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ait jugé ces récits non pas peu pertinents, mais plutôt problématiques, on en a un indice dans un décret wahhabite, qui n'a toutefois été documenté qu'après sa mort. On y trouve l’interdiction de se réunir à certains moments pour lire le récit de la naissance du Prophète, sans entrer dans d'autres aspects de la sīra, et de réciter des poèmes mis en musique à l'occasion de l'anniversaire de Muḥammad, « comme il est de coutume dans certains pays »175.

77 Les récits transmis par Ibn Hišām et Ibn Saʿd liés aux événements survenus durant ces deux moments (la conception et la naissance) contiennent déjà des éléments sur la base desquels s'est développé le concept d’une position particulière de Muḥammad parmi les humains, sinon au sein de la création entière. Dans la présentation de l'enfance de Muḥammad, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ignore l’épisode de l’ouverture de la poitrine et de la purification du cœur, ainsi que la découverte du « Sceau de la prophétie » par l'ermite Baḥīrā à Bosra. Ce qui est encore plus remarquable, c'est qu'il élimine tous les récits qui sont liés à la notion de nūr al-nubūwa [« lumière de la prophétie », N.d.T.], comme celui où Umm Qattal, juste avant la procréation, incite

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ʿAbdallāh, père de Muḥammad, à un rapport sexuel parce que cette lumière était apparue sur son front, ou les rayons de lumière émanant de Amina enceinte, qui lui permirent de voir Basra. Initialement, ces détails ne sont pas encore liés à l'idée que Muḥammad aurait été créé avant le reste de la création et en représenterait, en quelque sorte, le but. Néanmoins, à partir de là s'est développée l'idée de la nūr muḥammadī [lumière de Muḥammad, N.d.T.] préexistante, et celle de la création de Muḥammad avant toute autre créature, en tant qu’« incarnation de l'action créatrice d'Allah » avec une « essence surnaturelle »176. Une autre déclaration contre l'idée de la préexistence de Muḥammad est la citation du verset du Coran, selon lequel toutes les autres personnes – par conséquent aussi Muḥammad lui-même – ont été créées après et à partir d'Adam. C'est d'autant plus à considérer comme une prise de position contre un ḥadīth, essentiel pour la transfiguration de Mahomet, bien qu'il ne soit transmis dans aucune collection canonique, [qui fait dire au Prophète] : « J’existais déjà alors que Adam était encore entre l’esprit et l’eau177 ».

78

La vision de l’histoire du Muḫtaṣar

79 Le fait que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb prenne position contre la transfiguration de Muḥammad, vision qui était dominante en son temps, est lié à son interprétation de l'histoire du monde et de la position de Muḥammad, des prophètes et de certains musulmans à l’intérieur de celle-ci.

80 La préface détaillée allant de la création jusqu’aux Īlḫānides est l'élément le plus remarquable du Muḫtaṣar. L'image de l'histoire qui s'y exprime n'est pas une histoire du salut, mais une histoire de la damnation [Unheilsgeschichte] en puissance, qui est façonnée par la lutte constante entre le tawḥīd proclamé par Dieu et la propension des hommes à être séduit des gens qui courent constamment le risque de se livrer à des actions par piété malavisée178. Jusqu'à Muḥammad, cette lutte est menée par les prophètes. Et elle continue même après sa mort, bien qu'avec deux différences. Premièrement, les bien-guidés ne reçoivent plus de révélation, mais agissent en connaissant le tawḥīd qui a été transmis une fois pour toutes par Muḥammad. Deuxièmement, le sacrilège [de la transgression des lois divines] n'est plus effacé par des punitions divines, mais par des hommes qui imposent les ordres divins par la force. Ainsi, comme successeurs des prophètes apparaissent d'une part des savants comme Ibn Taymiyya avec sa fatwa contre les mongols pseudo-islamiques, d'autre part des chefs militaires comme Ḫalīd b. al-Walīd – par ailleurs blâmé pour ses actions individualistes – comme celui qui a éradiqué la ridda, ou encore Saladin, le vainqueur des Fatimides. 81 Considérant cet arrière-plan, on peut aussi expliquer pourquoi Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb traite Noé comme le premier messager paradigmatique de Dieu : après tout, Adam n'a pas été envoyé à un peuple malavisé pour le ramener sur le droit chemin. L'importance particulière que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb attache aux châtiments destructeurs pourrait quant à elle expliquer l’omission de Moïse dans la préface. Dans d'autres œuvres, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb fait bien référence à la condamnation des adorateurs du veau d'or en tant qu’associateurs (man ḥalafa li-ġayr Allāh ašraka). Mais comme Moïse ne s'est point lancé dans une campagne d'extermination contre les mušrikūn parmi les Israélites (Cor. 7, 148–157), et que ceux-ci furent pardonnés, cela ne

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facilite pas son intégration dans une telle vision de l'histoire179. En ce qui concerne l’agencement chronologique de l'œuvre, l'omission de Moïse serait une indication d'un travail continuel sur le matériel, agencement qui suivrait donc celui des écrits polémiques les plus connus180.

82 L’œuvre de Muḥammad s’inscrit dans cette lutte perpétuelle entre širk et tawḥīd. Si l'on voulait représenter cette confrontation sous forme de diagramme, Muḥammad représenterait la plus forte amplitude sur la courbe du bien. Cependant, son apparition ne peut être considérée comme le centre de la création ou comme la ligne séparant l'ancienne de la « nouvelle ère »181. Contrairement au ḥadīth qudsī « law lāka mā ḫalaqtu l- aflāk » [« Si ce n’était pas pour toi, je n’aurais pas créé les sphères célestes » ; N.d.T.], si important pour la transfiguration de Muḥammad, le cosmos ne fut pas créé que pour lui. Dans le cadre de ce tableau historique, il agit plutôt en tant que porteur d’une fonction au sein de la création. La description détaillée de la ridda, qui est par ailleurs souvent évincée, vise à souligner que l'œuvre de Muḥammad n'a nullement apporté un état de certitude du salut. Au contraire, il y a un risque constant de rechute. Au lieu du « détachement de sa figure de l'histoire des événements », Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb lui redonne une place solide dans l'histoire du salut182.

Prophétologie – image de l’histoire – mandat d’agir

83 Le lien entre l'image d'un Muḥammad « non transfiguré », mais aussi militant, et l'image historique imprégnée par la lutte constante entre la tentation du širk et le retour au tawḥīd implique, en dernière instance, un mandat pour agir. D'une part, ses actions en tant que dirigeant politico-religieux sont reproductibles si aucun aspect spécifique à la révélation n'est affecté. D'autre part, il y a l'idée qu'à l'heure actuelle, étant donné la prédominance du širk, une réforme fondamentale ou, mieux, une restauration (iṣlāḥ) est à nouveau nécessaire. De plus, il est important de se souvenir du ḥadīṯ qui fit office de slogan des Wahhābites. Il en existe effectivement une variante, avec une suite : « badaʾa l-islām ġarīban wa -sa-yaʿūdu ġarīban kamā bada’a. Fa-ṭūbā li-l- ġurabāʾ llaḏīna yuṣliḥūna mā afsada l-nās min sunnātī » (« L’islam a débuté étranger et étranger il reviendra. Heureux sont les étrangers, qui rétablissent ce que les gens ont corrompu de ma sunna » ; la version la mieux attestée de cette tradition s’arrête après le point ; N.d.T.). Bien que cette variante n’apparaisse pas dans le Muḫtaṣar, elle est citée dans la correspondance de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb183. De plus, on peut supposer que l'œuvre n'a pas été lue en secret, mais – comme la littérature de sīra en général – a été utilisée pour l'instruction publique et a fait l'objet de commentaires oraux. L'identification des muwaḥḥidun avec ces « étrangers qui corrigent ce qui a été corrompu de ma sunna » n'a alors probablement échappé à personne184.

Parallèles

Dans l’œuvre de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb

84 Le Muḫtaṣār offre des nombreux parallèles avec d’autres ouvrages de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb. Si dans ceux-ci le point central est représenté par la critique de pratiques, critique qui ne joue qu’un rôle subordonné dans la biographie du Prophète185, des éléments du qiṣaṣ al-anbiyāʾ et de la biographie du Prophète émergent ici avec la

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même intention de placer les pratiques des soufis ainsi que la lutte contre eux dans un contexte hors du temps186. L'utilisation anachronique du terme ʿulamā’ se retrouve également dans les pamphlets187 où la ridda est également présentée comme un élément particulièrement important de la biographie du Prophète188.

85 Comme dans le Muḫtaṣar, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, attribue les erreurs de l'idolâtrie, contrairement à Ibn al-Ǧauzī et Ibn Taymiyya, moins à l'illusion d'un prêtre qu'à une piété mal avisée. Car des personnes particulièrement excellentes sont choisies comme objet de vénération. Cela s'inscrit dans le cadre de ses attaques contre le culte de la tombe du Compagnon du Prophète Zayd b. al-Ḫaṭṭāb, qui était très répandu au Najd189. Le récit détaillé du refus de Muḥammad d'accorder un délai à l'idolâtrie à Ṭāʾif est lié à l'opinion théorique – présentée ailleurs – que ne pas désigner le širk comme kufr, c’est en soi déjà un kufr190. Enfin et surtout, la vraie foi fait ses preuves dans la lutte active contre le širk191. Dans ce contexte, l'interdiction de tuer et de piller ceux qui prononcent la formule « la ilāha illā Llāh » mais qui ignorent tous les autres interdits religieux y est également discutée192, ainsi que le fait que l'oncle de Muhammad et le père de ʿAlī, Abū Ṭālib, n'avait pas obtenu le pardon à cause de sa persistance dans le paganisme, bien qu'il les ait protégés des persécutions de Mecquois193. La supériorité du religieux sur les liens de parenté, qui est illustrée à plusieurs reprises dans le Muḫtaṣar par des exemples historiques, est également déjà soulignée dans le Kitāb al-Tawḥīd194.

Dans la littérature wahhābite des origines

86 Des parallèles évidents dans la structure et les motifs des deux premières chroniques wahhābites d’un côté, et l'histoire de son propre mouvement, la Rawḍat al-afkār de Ḥusayn Ibn Ġannām (m. 1811) de l’autre, suggèrent que le Muḫtaṣar a servi de modèle pour cette dernière. L'histoire événementielle, au sens propre, y est aussi précédée d'un prélude qui situe la mission de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb dans l'histoire de la damnation (Unheilsgeschichte). Le culte des tombes n'est pas seulement assimilé au culte des idoles (awṯān)195. De façon analogue au Muḫtaṣar, où l'origine de chaque culte païen est rapportée, Ibn Ġannām décrit chaque culte de saint et son origine196. Les pires conditions règnent aujourd’hui comme au temps du Prophète dans le Ḥaram de La Mecque197. Le besoin de demander (istiġāṯa) de l'aide est identifié comme une raison de cette carence198. Ici aussi, le motif de la ġurba est introduit dans le contexte de l’idolâtrie199. Si dans le Muḫtaṣar les juifs sont appelés oulémas, Ibn Ġannām, dans une sorte de renversement, dit des oulémas qui font le mal, qu’ils ressemblent aux juifs (alors que ceux qui exagèrent dans le culte de Dieu ressemblent aux chrétiens)200.

87 Une deuxième fois, le topos est expliqué à l'aide de l'exemple de l'œuvre de Muḥammad : la population était dans l'erreur, et alors qu'ils étaient seulement un petit groupe à suivre Muḥammad, ils étaient exclus des tribus201. La connaissance de la sunna, transmise par Muḥammad, a permis cependant de revenir sur le droit chemin202. Les épreuves (iḫtibār wa-imtiḥān) que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb a dû endurer à cause du tawḥīd correspondent donc à l'habitude de Dieu (sunnat Allāh)203. Le déplacement de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb d'Uyaina à Dariya est appelé hiǧra204, le pacte avec les Āl Suʿūd est présenté comme un parallèle de l’alliance de Muḥammad avec les anṣār205, et la résiliation ou le refus d’un pacte avec Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb et Ibn Suʿūd est désigné comme ridda ou irtidād206. Le danger menace même de la part de ses propres partisans et doit être sanctionné par des mises en garde appropriées, comme avant la

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bataille de Tabūk207. Comme dans certaines des descriptions de Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb des batailles du vivant de Muḥammad et pendant la ridda, le récit d'Ibn Ġannām sur les campagnes des combattants saoudiens wahhabites fournit des informations détaillées sur le nombre d'ennemis tués, ainsi que sur le nombre de tentes, chameaux et petits animaux pillés208. Des campagnes de moindre envergure sous la direction de subordonnés sont appelées comme dans le contexte de la biographie du Prophète : sarīya209. La destruction des tombes après la victoire sur les ennemis correspond encore à la destruction des idoles210.

88 L'œuvre d'Ibn Ġannām se termine abruptement, dans la version imprimée et les manuscrits connus, avec les événements de l'année 1796. Esther Peskes souligne cependant que l'histoire des wahhābites de Félix Mengin, diplomate français en Égypte, coïncide jusqu'à ce point avec celle de la Rawḍat al-afkār. Sa description se termine cette fois-ci en 1811, l'année de la mort d'Ibn Ġannām, raison pour laquelle il s’agit probablement d’une transposition [de l’ouvrage d’Ibn Ġannām]. Dans cette version, la destruction des tombes ainsi que la confiscation et la distribution des offrandes votives sont décrites en détail ; on y relate également comment les imams de Sana’a et Mascate, ainsi qu’un cheikh du Hadramaut rendirent hommage à ʿAbd al-ʿAzīz b. Suʿūd211. En fait, en soumettant leurs opposants, les armées saoudiennes semblent avoir été guidées par l'action de Muḥammad contre les polythéistes d'al-Ṭā'if : après l'occupation de La Mecque et de Médine en 1803, on a d’abord exposé le tawḥīd à la population, puis elle a été obligée collectivement et individuellement de suivre la doctrine wahhabite ; enfin, les lieux du širk furent détruits.212.

89 La deuxième chronique de la naissance de la wahhābīya, par Ibn Bišr, est caractérisée par le fait que les aspects violents des enseignements et activités de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb sont adoucis. Cependant, l'idée d'un renouveau cyclique transparaît également dans cette œuvre213. 90 La critique du culte de Muḥammad que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb transmet par le biais d'associations et d'omissions est rendue explicite par son petit-fils, ʿAbd ar- Raḥmān b. Ḥasan, dans son traité al-Bayān al-muḥaǧǧa fī r-radd ʿalā l-laǧǧa. Dans ce traité, il attaque surtout la Burda de al-Buṣīrī et d'autres poèmes consacrés à la louange du Prophète214. ʿAbd ar-Raḥmān accuse les auteurs de suivre l’égarement des chrétiens en exagérant indûment [la place et le rôle de] Muḥammad comme ceux-ci l'auraient fait avec Jésus, alors que le Prophète lui-même s’était indigné face à des louanges excessives215. Il souligne également que l’on n’a pu demander l’intercession de Muḥammad que de son vivant216. L'idée que le Prophète dispose per se de la connaissance de ce qui est caché est rejetée. S'il connaît des choses qui ne sont pas accessibles aux sens ou à la compréhension humaines, c'est seulement parce que Dieu les lui a rendues accessibles. Dans de nombreux aḥādiṯ, Muḥammad témoigne plutôt que, d'une part, des faits de ce monde lui sont souvent inconnus et, d'autre part, que Dieu seul sait quand « l'heure » arrivera217. Le rejet de la position affirmant que Muḥammad avait connaissance des choses cachées pourrait expliquer pourquoi Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb traite l'affaire du collier comme l'un des rares épisodes de la phase médinoise. Il se contente d’indiquer qu'un mois s'est écoulé entre l'incident et la décision quant à la façon de procéder avec ʿĀʾišā. Son fils, par contre, mentionne explicitement cet épisode dans la biographie du prophète comme un exemple que Muḥammad ne connaissait pas per se ce qui est caché218.

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91 La version courte de la biographie de Muḥammad compilée par le fils de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, également connue sous le nom de Muḫtaṣar, peut à son tour nous éclairer sur la façon dont certaines omissions dans l'œuvre homonyme de son père doivent être appréciées. La structure de sa sīra est plus conventionnelle. Il n'y a pas de prélude comme celui avec lequel le père, Muḥammad, a inséré Muḥammad dans l'histoire du monde. Cependant, ici aussi, l'origine du paganisme est expliquée après la description de la naissance et de la jeunesse du Prophète.219. En revanche, les digressions didactiques et légitimantes sont pour la plupart absentes. Contrairement à son père, ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb reprend un certain nombre de miracles associés à la naissance de Muḥammad, dont deux qui impliquent le nūr al-nubūwa. Il déclare cependant que cette lumière est une guidance pour les gens et qu’elle chasse les ténèbres du širk. Cela suggère que son père ne considérait pas ces aspects comme erronés, mais potentiellement trompeurs, car ils pourraient propager l'idée d'un statut ontologique différent pour Muḥammad220. Néanmoins, cet ouvrage ne peut pas être considéré dans son intégralité comme une preuve de la tendance des Wahhābites du XIXe siècle à adoucir les positions particulièrement offensantes de leur père fondateur, thèse que Peskes a développée en comparant les chroniques wahhābites d'Ibn Ġannām et Ibn Bišr221, puisque les autres prises de position essentielles de son père contre l'absence d’impeccabilité sont reprises222. D’autres récits habituels de miracles y sont également absents. La ridda n'est traitée que brièvement, Nahrawān au contraire comme dans le Muḫtaṣar.223. C'est comme si le point de vue de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb sur l'apostasie était maintenu, mais que la conclusion pratique n'était plus la même. Le listage de aḥādiṯ dirigés contre les Ḫāriǧites doit exprimer une prise de distance par rapport à eux224. Par ailleurs, ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb s’étend beaucoup plus longuement sur la personne privée Muḥammad : il énumère toutes ses femmes et révèle des détails intimes comme l'abstinence d'un mois de rapports sexuels225.

Parallèles avec Walīyullāh Dihlawī et la ṭarīqa-i muḥammadīya indienne

92 Certains motifs du Muḫtaṣar trouvent un parallèle chez Waliyullāh Dihlawī qui étudia lui aussi au début du XVIIIe siècle dans le Ḥiǧāz et qui peut être considéré comme le fondateur du courant puritain de l'islam sud-asiatique. Il n'utilise pas le terme tawḥīd al-ulūhiyya mais fait valoir des arguments très similaires : ne pas attribuer aux êtres placés sous Dieu un rôle dans la conduite du monde n’est pas [une position] suffisante si l’on enseigne en même temps qu'ils peuvent être appelés au secours, que l’on peut leur faire des offrandes, que l'on peut se prosterner devant eux et jurer par eux. De cette façon, les ignorants (ǧuhhal) seraient séduits de croire que le culte est pour ces êtres eux-mêmes226. Il établit un parallèle entre l'introduction de l'idolâtrie par ʿAmr b. Luḥayy et le culte des tombes et explique sa propagation par une imitation aveugle (taqlīd)227. Il souligne également que les prophètes sont des êtres humains (innamā anā bašarun miṯlukum) et s'oppose à l'utilisation excessive de récits miraculeux pour illustrer leur statut228. A l’instar de Muḥammad, il rejette toute médiation par les créatures229. Néanmoins, il ne faut pas oublier que l'éventail des traditions intellectuelles qui l'ont influencé est beaucoup plus large que dans le cas de

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Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb. L'exemple le plus frappant est sa prophétologie d'influence néoplatonicienne230.

93 Cependant, les fils et petits-enfants de Walīyullāh développèrent ses idées et éliminèrent de plus en plus les éléments mystiques. La Ṭarīqa-i muḥammadīya, dirigée par son petit-fils Ismāʿīl, devint politiquement importante. Sous la direction militaire de Sayyid Aḥmad Barelwi, il dirigea le ǧihād contre les Sikhs dans le Pendjab. Au cours de la répression qui s’en suivit, les deux furent tués en 1831. L’écrit programmatique Taqwiyatu l-imān, rédigé par Ismāʿīl, contient des attaques similaires contre la vénération du Prophète et la représentation de Muḥammad comme « sommet de la création ». Le concept de la préexistence de la lumière muḥammadienne est associé à l'idée chrétienne d'incarnation231. 94 L'interprétation de l'affaire du collier comme argument contre le ʿilm bi-l-ġayb [le fait de connaître l’invisible et le futur, n.d.t.], mentionnée brièvement chez Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb puis explicitée par son fils, est peut-être un bien commun puritain. Dans le contexte sud-asiatique, où le différend sur cette question a été l'un des principaux points de discorde entre musulmans puritains et soufis, les partisans de Ṭarīqa-i muḥammadīya se réfèrent également à cet incident pour réfuter le fait que Muḥammad possède cette faculté232.

Conclusions

La biographie prophétique en tant que programme et propagande

95 Comme d'autres ouvrages de sīra, le Muḫtaṣar n'est pas une biographie, mais une œuvre qui est censée donner un aperçu de « l'œuvre salvatrice de Dieu » et légitimer des positions en théologie et en fiqh233. Le personnage de Muḥammad acquiert ainsi un caractère mythique, comme dans d'autres œuvres correspondantes ; les récits servent de fictions de cohérence [Kohärenzfiktion] au sens d'Assmann, créant une « connexion entre moyens et fin, bénéfice et coût, cause et effet, partie et ensemble »234. Cette fonction, cependant, la littérature de sīra ne la remplit pas uniquement dans le discours destiné aux cercles érudits, puisque la biographie du Prophète ne s'est de toute façon jamais établie comme une discipline indépendante. La grande importance de ce genre littéraire pour les sociétés islamiques tient plutôt au fait qu'il a servi à présenter de manière exemplaire les normes au peuple, par exemple par le biais de conférences édifiantes dans les mosquées, et donc à les transmettre de manière plausible235. Le Muḫtaṣar est un excellent exemple de cette tendance. Cependant, son exemple montre aussi à quel point la pensée de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb diffère fondamentalement de celle de la majorité sunnite de son époque.

96 L'intention didactique de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb est particulièrement évidente dans le fait que le texte se limite à des aspects qu'il pouvait présupposer connus mais qu’il considère comme devant être corrigés. Cet élément explique à lui seul la sélection, qui ne procède pas d’une aspiration à un examen critique236. Le deuxième moyen important de clarifier le message est la mise en parallèle des époques historiques et l'enchevêtrement des niveaux historiques dans le texte237.

97 Ainsi, si l'on accepte ses prémisses, une interprétation presque cohérente de l'histoire islamique se dégage. Que cela soit voulu trouve son expression notamment dans la désambiguïsation de la narration. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ne choisit toujours

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qu'une seule tradition et transgresse ainsi le principe caractéristique de l'historiographie islamique du « Allāhu aʿlam » (Dieu est certes plus savant)238. Cette revendication implicite d'omniscience, voire d'infaillibilité, était déjà reprochée à Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb par des contemporains239. Il est ainsi en rupture avec la tendance à l’harmonisation propre aux ouvrages de dévotion au Prophète240. Ce qui ternit quelque peu l’image de l’ensemble c’est le fait que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb n’a pas réussi à trouver une conclusion pertinente à son œuvre. Le matériau historique aurait-il résisté à rentrer dans un moule idéologique ?

98 La caractéristique la plus remarquable de Muḫtaṣar est l’exécration assez profonde du merveilleux et du surhumain, qui va de pair avec la réduction aux aspects normatifs, en particulier la nécessité du ǧihād. C'est précisément cet aspect qui illustre le contraste fondamental entre l'islam « taymien » et les vues et pratiques qui ont dominé dans le contexte « sunnite » jusqu'au XIXe siècle241. Les caractéristiques utilisées par Marion Holmes Katz pour décrire la vision du monde des opposants au mawlid à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, telles que « devoid of the Sacred » ou « radical disenchantment », peuvent certainement être appliquées à ce texte242. 99 Le fait que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ne nie pas les qualités thaumaturgiques du Prophète, mais que, en les négligeant, il arrive à les relativiser, est d'une grande pertinence pour l'évaluation sociologique et religieuse du wahhabisme. Cela montre que sa compréhension de la fonction de l'islam est fondamentalement différente de la pratique de son temps. Il dénonce en premier lieu des pratiques, telle que la demande d'aide (tawassul), qui visent à résoudre des problèmes spécifiques. Stephen Sharon qualifie cette forme de religiosité de thaumaturgique dans sa typologie d'objectifs religieux. Pour Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, cependant, ce n'est pas la tâche première de l'islam de soulager les problèmes individuels. Au contraire, la société doit être mise en harmonie avec les directives divines. La fonction de la religion est transformationnelle. En conséquence, le croyant n'a pas grand-chose à attendre, mais on attend plutôt quelque chose de lui243. De plus, relativiser les qualités thaumaturgiques de Muḥammad enlève tout fondement à la fonction de bénédiction des awliyā’, fondement que les défenseurs de la vénération des saints en faisaient dériver244.

100 L'élimination d’éléments miraculeux n'est cependant pas le seul parallèle avec le « modernisme », le Muḥammad « non transfiguré » devenant plus un réformateur social qu’un général245. Fait remarquable : si l’histoire des versets sataniques en tant qu'illustration la plus frappante du caractère humain de Muḥammad est éliminée, c’est probablement en raison de l'importance qu'elle avait acquise en Occident pour la propagande anti-islamique réelle ou supposée. Ce qui peut également avoir joué un rôle dans le cas particulier de Muḥammad Ḥusayn Haykal et Mawdūdī, c’est le fait que les mots ne pouvaient plus être facilement attribués à Satan sans mettre en danger le projet de démythologisation246. Tout aussi important pour l'effet « moderne » et « idéologique » est l'appel à l’approbation active dans l'action collective, un aspect qui caractérise également la biographie du Prophète, restée à l’état de fragment, Sīra-i Sarwar-i ʿĀlam de Abū l-Aʿlā Mawdūdī. Il ne faut pas oublier que ces aspects « modernes » du wahhabisme révèlent seulement des affinités partielles. Ce constat ne peut être transféré à d'autres positions. L'image corporaliste ḥānbalite de Dieu et ses implications cosmologiques, par exemple, s'est avérée un obstacle considérable à la mise en place d’institutions éducatives séculières à partir des années 1920247.

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101 L'opinion selon laquelle Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ne serait qu’un épigone d'Ibn Taymiyya s'est révélée intenable. Il n’y a, cependant, que cet ouvrage qui montre qu’en adoptant la conception de la ridda des auteurs almohades, il renoue avec un mouvement de réforme puritain qui n'était pas d'inspiration ḥanbalite248. Toutefois, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb procède également de manière sélective lors de l'adaptation d’idées almohades. Al-Kalāʿī suit de près l'exemple d'Ibn Hišām et relate la plupart des miracles attribués à Muḥammad. Après tout, il n'avait aucune raison d'ignorer les récits de miracles, puisque Ibn Tūmart en tant que le Mahdi infaillible descendant de Muḥammad prétendait avoir lui-même reçu des miracles de grâce, ce que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb n'a jamais prétendu249. En raison des récits miraculeux, la plupart des parties de l'œuvre d'al-Kalāʿī consacrées à la vie du Prophète ne présentent pas d’intérêt pour Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb.

Le Muḫtaṣar comme facteur de violence potentielle du Wahhābisme

102 Un auteur qui rédige un récit cohérent de l'histoire islamique en utilisant un large éventail de sources, un récit qui répond aux attentes et à l’horizon de son public, pourra difficilement être discrédité en étant qualifié de primitif et sans instruction, de peu créatif, peu original et indigne de discussion, comme l’ont fait ses adversaires musulmans250. À juste titre, Samira Haj a sévèrement critiqué cette représentation péjorative. Malheureusement, sa réévaluation va de pair avec une idéalisation à d'autres égards. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, contrairement à ce qu'elle suggère, ne se limitait nullement à combattre la dégénérescence par l'éducation et la conviction intellectuelle251. L'analyse de Muḫtaṣar confirme que les idées de Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb sont réfléchies et témoignent d’une culture littéraire. Mais ce constat ne permet en aucun cas de passer sous silence les aspects violents du wahhabisme252. Au lieu de cela – et justement pour cette raison – il est important de prendre Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb au sérieux comme l'idéologue et propagandiste habile qu'il était. En ce sens, l'ouvrage est plutôt susceptible d'étayer les critiques de Madawi Al-Rasheed, qui accuse de nombreux chercheurs occidentaux ainsi que des auteurs saoudiens liés au gouvernement d'attribuer la radicalisation de sujets saoudiens proche d'Al-Qāʿida principalement à la réception de Sayyid Quṭb et d’autres islamistes étrangers et de minimiser le potentiel de violence et de radicalisation inhérent au wahhabisme253.

103 En ce qui concerne l'histoire de l’impact du Muḫtaṣar, ceci est d'autant plus important que le message violent de l'œuvre, plus encore que l'affirmation de l’histoire des versets sataniques, est probablement la raison pour laquelle il n'a jamais été diffusé à grande échelle par les autorités après la création de l'état saoudien. Probablement pas seulement parce que la déclaration implicite de tous les non-wahhabites comme infidèles aurait pu susciter la réprobation à l'étranger. Au moment où les autres ouvrages de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb étaient publiés en collaboration avec Rašīd Riḍā, un conflit faisait rage en Arabie Saoudite entre ʿAbd al-ʿAziz b. Suʿud et les iḫwān, ces Bédouins qui avaient été installés dans des oasis depuis les années 1910, formés militairement et strictement endoctrinés au wahhabisme. S’ils avaient fait leurs preuves pendant la phase d'expansion du troisième état saoudien en tant que combattants utiles, leur intransigeance et leur indiscipline face à la politique de compromis de ʿAbd al-ʿAzīz menaçaient dorénavant de mettre sérieusement en péril la consolidation du pouvoir de ce dernier. Par des actions violentes arbitraires, ils

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remirent en question la structure interne du pouvoir et provoquèrent des remous diplomatiques. Ainsi, les iḫwān s’opposèrent à la politique de tolérance d ʿAbd al-Azīz b. Suʿūd envers les chiites parce qu'ils les considéraient comme des apostats. Quand ʿAbd al-Azīz a imposé un blocus au Koweït, motivé par un esprit de Realpolitik, ils ont soutenu qu'il fallait ou bien mener le ǧihād avec toutes ses conséquences, parce qu'il s'agissait d'infidèles, ou bien s'abstenir de toute action belliqueuse. L'argumentation donne l’impression d’être sortie de l'univers idéologique du Muḫtaṣar254. Le peu d'attention accordée à ce travail par l'État pourrait être considéré comme l’exemple d’une tentative de canaliser le potentiel de radicalisation du wahhabisme.

NOTES

1. Muḫtaṣār sīrat al-rasūl, al-Qāhira, 1956 ; ensuite MSR ; MT = maǧmūʿat at-tauḥīd, al-Qāhira, 1346 a.h. ; TN = Ḥusain b. Ġannām : Tārīḫ Naǧd, éd. Naṣīraddīn Asan, Bairūt, 1405 a.h./1985 ; MF = Ibn Taimīya : Maǧmū al-fatāwā šaiḫ al-islām Aḥmad Ibn-Taimīya, Bairūt, 1982 (37 vol.) 2. Chase Robinson : Islamic Historiography, Cambridge, 2003, p. 123 ; Shahab Ahmed: « Ibn Taymiyyah and the Satanic Verses », SI 87 (1998), p. 67-124 ; Brockelmann (GAL vol. II, p. 531) mentionne, de toute évidence sans bien le connaître, que l’œuvre est « extraite d’Ibn Hišām » et la confond avec un exposé de seulement quelques pages sur six épisodes de la biographie de Muḥammad : « Fī sittat mawāḍiʿ manqūla min sīrat an-nabī », MT, p. 103-110 ; l’œuvre n’est pas évoquée dans la recherche occidentale consacrée à la genèse du wahhabisme : Gerd-Rüdiger Puin : « Aspekte der wahhabitischen Reform auf der Grundlage von Ibn Ġannāms Rauḍat al-afkār », Studien zum Minderheitenproblem im Islam I, Bonn, 1973, p. 45-99; Esther Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb (1703-1792) im Widerstreit: Untersuchungen zur Rekonstruktion der Frühgeschichte der Wahhābīya, Stuttgart, 1993 (Beiruter Texte und Studien, 56) ; David Commins : The Wahhabi Mission and Saudi Arabia, Londres, 2006 ; Samira Haj : Reconfiguring Islamic Tradition: Reform, Rationality, and Modernity, Palo Alto, 2008, p. 11-19, 24-27, 30-66 ; on n’en trouve aucune mention non plus dans d’importants ouvrages récents consacrés à la biographie du Prophète et à la dévotion envers Muḥammad : Marion Holmes Katz : The Birth of the Prophet Muḥammad: Devotional Piety in Sunni Islam, Londres, 2007 ; Tilman Nagel : Allahs Liebling: Ursprung und Erscheinungsformen des Mohammedglaubens, Munich, 2008 ; Marco Schöller : Mohammed: Leben und Wirkung, Francfort-sur- le-Main, 2008 ; Tarif Khalidi : Images of Muhammad: Narratives of the Prophet of Islam Across the Centuries, New York et al., 2009 ; à côté du Muḫtaṣar sīrat al-rasūl, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb a réalisé un résumé du Zād al-maʿād d’Ibn al-Qayyim, dans lequel, en se fondant sur des épisodes de la vie du Prophète, il aborde principalement des questions juridiques ; sur le Zād al-maʿād, Tarif Khalidi : Images, p. 228-236 ; sur le Muḫtaṣar Zād al-maʿād (Bairūt, 1984), cf. infra notes 17 et 65. 3. ʿAbd Allāh Ṣāliḥ al-ʿUthaymīn : Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb : The Man and His Work, Londres & New York, 2009, p. 93 sq. 4. Hamid Algar : Wahhabism: A Critical Essay, Oneonta, NY, 2002. Cet « essai » a pour but de convaincre les sunnites proches du soufisme que l’islam chiite a davantage de points communs avec leurs conceptions religieuses que le wahhabisme ; Hamadi Redissi : Le Pacte de Nadjd ou comment l’Islam sectaire est devenu l’islam, Paris, 2007. L’auteur a l’intention de montrer que l’Occident est mal avisé de miser sur l’Arabie Saoudite où le wahhabisme est toujours

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potentiellement enclin au fanatisme. Il suggère plutôt que la seule alternative fiable au nationalisme arabe et à l’islamisme est le projet de modernisation tunisien. 5. Natana DeLong-Bas : Wahhabi Islam from Revival and Reform to Global Jihad, Londres & New York, 2007. L’œuvre y est mentionnée mais pas discutée (p. 5). Cela n’est pas étonnant dans la mesure où celle-ci est en contradiction avec l’évocation idéalisée de la doctrine du ǧihād de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb (p. 202-225) et où elle nie les rapports existant entre les idées de ce dernier et les actions militaires des Āl Suʿūd. On chercherait en vain dans l’index de ce livre les concepts de ridda et de takfīr, centraux chez Muḥammad ʿAbd al-Wahhāb. 6. Une autre édition parut en 1965 au Qatar, lui aussi wahhabite, mais elle ne m’a pas été accessible. Une nouvelle édition, préparée par Hanāʾ Ǧazumātī parut à Beyrouth en 1995, avec la référence aux versets coraniques et aux Traditions prophétiques (aḥādīṯ), qui suit le texte de la première édition imprimée utilisée ici ; une édition, qui prend elle aussi pour base le texte utilisé ici, parut en 2004 à La Mecque, avec le commentaire du traditionniste salafiste Naṣīraddīn al- Albānī sur les Traditions prophétiques utilisées dans le texte. Sur la vie et les conceptions d’al- Albānī, Stéphane Lacroix : « Between Revolution and Apoliticism: Nasir al-Din al-Albani and His Impact on the Shaping of Contemporary Salafism » in : Roel Meijer (éd.) : Global Salafism: Islam’s New Religious Movement, New York, 2009, p. 58-80 ; Jonathan Brown : The Canonization of al-Bukhar̄ ī and Muslim: The Formation and Function of the Sunnī Ḥadīth Canon, Leyde et al., 2007 (Islamic History and Civilization, 69), p. 331-334 ; Werner Ende : « A Wahhābī Inventory of Dangerous Books » in : Andreas Christmann et Jan-Peter Hartung (éd) : Islamica: Studies in Memory of Holger Preißler (1943-2006), Oxford, 2009 (Journal of Semitic Studies Supplement, 26) p. 89-100, voir p. 93 sq. ; une édition par ʿAlī Ibn-Aḥmad Āl Nāʾil avec un commentaire du savant soudanais vivant en Arabie Saoudite Muḥammad Ḥāmid al-Faqī fut réalisée en 2003 ; une traduction anglaise de Sameh Strauch est paru en 2006 à Riyad sous le titre Mukhtaṣar sīrat al-Rasūl = Biography of the Prophet. Ces deux textes ne m’ont pas été accessibles. 7. MSR, p. 236 ; sur le contexte de cette édition : Dirk Boberg : Ägypten, Naǧd und der Ḥiǧāz: Eine Untersuchung zum religiös-politischen Verhältnis zwischen Ägypten und den Wahhabiten, 1923-1936, anhand von in Kairo veröffentlichten pro- und antiwahhabitischen Streitschriften und Presseberichten, Francfort-sur-le-Main et al., 1991 (Asiatische und Afrikanische Studien, 28) p. 253-257, sur les relations entre Rašīd Riḍā et ʿAbd al-ʿAzīz b. Suʿūd : Ibid., p. 310-314 ; les œuvres de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb furent imprimées pour la première fois par les savants indiens, qui appartenaient aux Ahl-i Ḥadīth, ʿAbdulwaḥīd et ʿAbdurraḥīm Ġaznawī, à Dehli (Maǧmūʿat at- tauḥīd, 1311 a.h.), voir Alexander Ellis : Catalogue of Arabic Printed Books in the British Museum M – Z, Londres, 1901, p. 627 sq ; Martin Riexinger : S̱anāʾullāh Amritsarī (1867-1948) und die Ahl-i Ḥadīs̱ im Punjab unter britischer Herrschaft, Würzburg, 2004 (MISK, 13), p. 524 sq., fig. 4. 8. MSR, p. 9 ; qiṣaṣ al-awwalīn est certainement un complément au concept d’aṣāṭīr al-awwalīn en Cor. 6, 25 ; voir notamment Roberto Tottoli : Biblical Prophets in the Qurʾān and Muslim Literature, Richmond, 2002, p. 13. 9. MSR, p. 9 ; Muslim, Abī Dāʾūd, Ibn Māǧa et Tirmiḏī. 10. J.-C. Vadet : « Ibn Masʿūd, ʿAbd Allāh b. Ghāfil b. Ḥabīb b. Hudhayl », EI2, vol. III, p. 873; Ibn Tūmart : Kitāb aʿazz mā yuṭlab, in : Ignatz Goldziher : Le livre d’Ibn Toumart, Alger, 1903, p. 266 sq.. 11. « Tafsīr al-Qurʾān », al-Manār, 18 (1915), p. 321-352, voir p. 327. 12. Conférence du converti américain Khalid Yasin sur la Tradition prophétique ( ḥadīṯ), accompagné par le chant religieux (našīd) populaire « Ġurabāʾ » : http://www.youtube.com/ watch?v=8MfFB7Bmacc& ; « Salafitische Initiativen: Stolz darauf, fremd zu sein », 9 janvier 2010 : https://www.ufuq.de/salafitische-initiativen-stolz-darauf-fremd-zu-sein/ (téléchargées toutes les deux le 24 octobre 2013) [consultés le 15 mai 2019]. 13. Déjà à l’époque prémoderne, des « savants de cabinet » utilisaient cette Tradition pour prendre position, comme le traditionniste šāfiʿite al-Ḫaṭṭābī (m. 998). Sebastian Günther : « In our days, religion has once again become something alien: Al-Khattabi’s Critique of the State of

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Religious Learning in Tenth-Century Islam » in : Todd Lawson (éd.) : « Text and Society », American Journal of Muslim Social Scientists, numéro spécial 2008, p. 1-30, voir p. 11. Le théoricien du droit Abū Isḥāq al-Šāṭibī (m. 1389), originaire de Grenade et qui ne fit pas seulement œuvre originale dans le champ des fondements du droit (uṣūl al-fiqh), se sert aussi de cette Tradition dans sa critique contre le soufisme : aš-Šāṭibī : al-Muwāfaqāt, vol. 1 p. 62 ; Id. : al-Iʿtiṣām, Beyrouth, s.d., vol. 1, p. 18 sq. ; à une époque plus récente, l’auteur soudanais Maḥmūd Ṭāhā, exécuté en raison de son plaidoyer en faveur de l’abandon du système du droit musulman, attribuait à « l’étrangeté de l’islam » une signification particulière : Maḥmūd Ṭāhā : « Ar-risāla aṯ-ṯāniya min al-islām », in : Id. : Naḥwa mašrūʿ mustaqbalī li-l-Islām : ṯalāṯa min al-aʿmāl al-asāsīya li-l-mufakkir aš- šahīd Maḥmūd Muḥammad Ṭāhā, Beyrouth / Koweït, 2002, p. 74, 81, 88 ; sur sa vie et son œuvre : Annette Oevermann : Die Republikanischen Brüder im Sudan: Eine islamische Reformbewegung im zwanzigsten Jahrhundert, Francfort-sur-le-Main et al., 1993 (Heidelberger Orientalische Studien, 34) ; Mohamed A. Mahmoud : Quest for Divinity: A Critical Examination of the Thought of Mahmud Muhammad Taha, Syracuse NY, 2006. 14. MSR, p. 10. 15. Cette histoire qui provient de sources juives se retrouve dans Ibn Saʿd : Ṭabaqāt, vol. I, 1 : Biographie Muhammeds bis zur Flucht, éd. Eugen Mittwoch, Leyde, 1905, p. 7, l. 19 sq. ; cf. J. Pedersen : « Ādam », EI2, vol. I, p. 176 sq. Chez Ibn Saʿd (Id., l. 7 sq.), on trouve une version plus longue que l’on lit au début du Muntaẓam d’Ibn al-Ǧawzī, fréquemment cité par Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb : al-Muntaẓam fī taʾrīḫ al-mulūk wa-l-umam, éd. Muḥammad ʿAbd-al-Qādir ʿAṭā & Naʿīm Zarzūr, Beyrouth, 1310/1995, vol. I, p. 216. Elle fait en effet moins fonction de paradigme de la désobéissance et de la distraction humaines que d’explication de la raison pour laquelle Dieu par la suite consigna dans les Livres ses accords avec les hommes. Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb ne prête aucune attention à cet aspect. 16. MSR, p. 10-12 ; Ibn Saʿd : Ṭabaqāt, vol. I,1, p. 26, l. 2-5 ; qu’Ibn Saʿd considère que la même durée sépare Nūḥ et Ibrāhīm puis Ibrāhīm et Mūsā ne joue aucun rôle chez Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ; sur les remarques faites dans ce contexte à propos du širk : George Rentz: « The Wahhābīs » in : A. J. Arberry (éd.) : Religion in the Middle East: Three Religions in Concord and Conflict, Cambridge, 1969, vol. II, p. 270-284, voir p. 270. 17. Une telle interprétation aurait été unaniment considérée, de son vivant, comme du kufr, et dans son Zād al-maʿād (p. 105), Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb qualifie Adam de prophète ; de même : « Kašf al-šubūhāt », MT, p. 74. Sur cela, voir principalement Cornelia Schöck : Adam im Islam: Ein Beitrag zur Ideengeschichte der Sunna, Berlin : 1993 (Islamkundliche Untersuchungen, 198), p. 133-199 ; à propos de l’interprétation de Mullā ʿAlī Qārī, très estimé dans les milieux puritains : M. J. Kister : « Legends in tafsīr and ḥadīth Literature: The Creation of Adam and Related Stories » in : Andrew Rippin (éd.) : Approaches to the History of the Interpretation of the Qurʾān, Oxford, 1988, p. 82-114, voir p. 85, note 18. 18. Voir infra, paragraphe « La vision de l’histoire du Muḫtaṣar ». 19. MSR, p. 12 sq. 20. MSR, p. 14 sq. ; cf. Tottoli, Biblical Prophets, p. 118 sq. 21. MSR, p. 16 sq. ; à propos des parallèles que dresse Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb entre son environnement et les idolâtres de l’époque de Muḥammad : Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb, p. 237 ; Commins : Wahhabi Mission, p. 12. 22. MSR, p. 18 ; Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī : Fatḥ al-bar̄ ī sarȟ ̣ saḥ ̣īḥ al-Buha̮ ̄rī , éd. Ḥāfiẓ Ṯanāʾ Allāh az- Zāhid & ʿAbd al-ʿAzīz b.ʿAbd Allāh Ibn Bāz, Makka, 1414/1993, vol. IX, p. 594. 23. MSR, p. 23 sq. 24. MSR, p. 24 sq. 25. MSR, p. 28 sq. 26. MSR, p. 25 sq. (« [51] Ceux qui s’efforcent d’abolir nos Signes : voilà ceux qui seront les hôtes de la fournaise. [52] Nous n’avons envoyé avant toi ni prophète, ni apôtre sans que le Démon

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intervienne dans ses désirs. / Mais Dieu abroge ce que lance le Démon. Dieu confirme ensuite ses Versets. Dieu est celui qui sait, il est sage »). 27. MSR, p. 26. 28. MSR, p. 27. (« [100] Celui qui émigre dans le chemin de Dieu trouvera sur la terre de nombreux refuges et de l’espace. La rétribution de celui qui sort de sa maison pour émigrer vers Dieu et son Prophète, et qui est frappé par la mort, incombe à Dieu. Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux »). 29. MSR, p. 28 sq. ; « laysa l-īmān bi-taḥallī wa-tamannī wa-lākinna mā waqara fī l-qulub̄ wa-ṣadaqathu l-aʿmāl » Buḫārī. 30. MSR, p. 29-33. 31. Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb, p. 84 sq. 32. MSR, p. 34. 33. MSR, p. 34 sq. ; à propos de Ǧaʿd b. Dirham, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb se réclame du poème didactique d’Ibn Qayyim al-Ǧawziyya an-Nūnīya. À cette figure presque insaisissable du point de vue historique furent attribué, dans les polémiques sunnites, les interprétations de la Muʿtazila, afin de la dénoncer comme une continuation des hérésies des débuts de l’islam : G. Vajda : « Ibn Dirham, Djaʿd », EI2, vol. III, p. 745 sq. ; Tilman Nagel : Im Offenkundigen das Verborgene: Die Heilszusage des sunnitischen Islams, Göttingen, 2002, p. 622. 34. MSR, p. 36 sq. Il fait référence à an-Naṣr ʿalā Miṣr d’Ibn al-Ǧawzī qui n’est pas énuméré dans la GAL. 35. MSR, p. 37. La Fatwā al-marḍinīya s’est rendue célèbre à l’époque contemporaine car ʿAbdassalām al-Faraǧ, de la Ǧamāʿa al-islāmīya égyptienne, l’a invoquée pour légitimer l’attentat contre Sadate en 1981. Sur cet avis juridique et son retentissement dans l’histoire récente : Yahya Michot : Muslims under Non-Muslim Rule, Oxford / Londres, 2006; cf. aussi Tilman Nagel : Staat und Glaubensgemeinschaft im Islam, Zurich / Munich, 1981, vol. II, p. 117 sq. ; Behnam Said : « Die Konferenz zur Mardin-Fatwa Ibn Taimīyas und zwei Repliken hierauf aus der jihadistischen Szene », in : Tilman Seidensticker (éd.) : Zeitgenössische islamische Positionen zu Koexistenz und Gewalt, Wiesbaden, 2011, p. 99-127. 36. MSR, p. 38 ; l’affirmation selon laquelle toutes ses propres conceptions se trouvent dans les œuvres étudiées par ses adversaires est un topos courant dans les controverses internes des musulmans. 37. MSR, p. 39-42 ; Ibn Hišām : Sīra, vol. 1, p. 54-56, l. 2. 38. MSR, p. 42. 39. MSR, p. 42-48. 40. MSR, p. 48 ; Ibn Saʿd : Ṭabaqāt, vol. I,1, p. 93, l. 18 sq. Ibn al-Ǧawzī ne traite pas cela dans le Muntaẓam mais dans sa biographie du Prophète : al-Wafāʾ bi-aḥwāl al-Muṣṭafā, Le Caire, 1966, vol. I, p. 131-134. 41. MSR, p. 49. 42. MSR, p. 49 sq. Ibn Saʿd : Ṭabaqāt, vol. I,1, p. 93 sq. ; Ibn al-Ǧauzī : Muntaẓam, vol. II, p. 320-327 ; Ibn Hišām : Sīra, vol. I, p. 204-211 ; aḏ-Ḏahabī : Tārīḫ al-islām wa-ṭabaqāt al-mašāhīr wa-l- aʿlām, al- Qāhira, 1367 a.h./1948, vol. I, p. 43, l. 2 à p. 44, l. 9. F0 2A . Cor. 2, 213 : « les hommes formaient une seule communauté. Dieu a envoyé les prophètes pour leur apporter la bonne nouvelle et pour les avertir. Il fait ainsi descendre le Livre avec la Vérité pour juger entre les hommes et trancher leurs différends mais seuls, et par jalousie entre eux, ceux qui avaient reçu le Livre furent en désaccord à son sujet alors que des preuves irréfutables leur étaient parvenues. Dieu a dirigé ceux qui ont cru à cette part de Vérité au sujet de laquelle d’autres se sont disputés, avec sa permission. Dieu dirige qui il veut, sur le chemin droit » ; Cor. 121, 23 : « et ils ont dit : “n’abandonnez jamais vos divinités : n’abandonnez ni Wadd, ni Souwaʿ, ni Yaghout, ni Yaʿouq, ni Nasr !” » [N.d.T.]. 43. MSR, p. 51-55.

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44. MSR, p. 56. 45. MSR, p. 58 ; emprunté à Ibn al-Qayyim al-Ǧawziyya : Zād al-maʿād, al-Qāhira, 1379 a.h., vol. I, p. 20, l. 8 sq., à la place de « anḏara l-ʿālamīn » on lit « inḏār ǧamīʿ man balaġathu daʿwatuhu min al- ǧinn wa-l-ins ilā āḫir ad-dahr ». 46. MSR, p. 58 sq. 47. [qubul désigne la partie avant de la ‘awra, donc les parties génitales ; N.d.T.] MSR, p. 59 sq. Ibn Saʿd : Tabaqāt, vol. VIII : Biographien der Frauen, éd. Carl Brockelmann, Leyde, 1904, p. 193, l. 10 sq., repris mot à mot : Ibn al-Ǧauzī : Muntaẓam, vol. II, p. 384, la rectification de l’éditeur fī qalbihā est en conséquence erronée ; Ibn Hisam̌ (Sīra, vol. I, p. 342, l. 2-5) mentionne simplement qu’elle fut tuée, aṭ-Ṭabarī n’en fait nulle mention. 48. MSR, p. 60; Ibn al-Ǧauzī : Muntaẓam, vol. II, p. 367, celui-ci indique Ṭabarī, Tāʾriḫ (p. 1169 sq.) comme source. 49. MSR, p. 62-68. 50. MSR, p. 63 ; l’énoncé suit Ibn Saʿd : Ṭabaqāt, vol. I,1, p. 137, l. 8-13 ; il s’accorde au point de vue du contenu avec le « récit standard » d’aṭ-Ṭabarī, auquel font référence la plupart des exposés occidentaux, où les tenants et les aboutissants sont un peu plus détaillés. 51. MSR, p. 67-76 ; Ibn Hisǎ ̄m : Sīra, vol. I, p. 321, l. 13 à p. 322, l. 7. Il situe cet événement cependant avant l’émigration en Éthiopie ; chez Ibn al-Ǧawzī (Wafāʾ, p. 58), les Juifs chargent les Mecquois de chercher un signe de la prophétie entre les épaules de Muḥammad. Cet élément, qui n’est pas non plus présent chez Ibn Hišām, manque chez Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb. 52. MSR, p. 77. 53. MSR, p. 77-82. 54. MSR, p. 83 sq. ; Ibn Qayyim al-Ǧawziyya : Zād, vol. II, p. 47 sq., aussi notamment p. 48, l. 10 sq. 55. Ibn Hišām : Sīra, vol. I, p. 403-408. 56. Ibn al-Ǧawzī décrit justement, en comparaison, la négociation du nombre de prière en détails (Wafāʾ, p. 218-224 ; Muntaẓam, vol. III, p. 25-32). Il traite de surcroît de la purification du cœur du Prophète en rapport avec le Voyage nocturne, que la plupart des auteurs situent dans l’enfance et que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb passe sous silence ; voir surtout Aḥmad b. Muḥammad al- Qasṭallānī : al-Mawāhib al-ladunīya bi-l-minaḥ al-muḥammadīya, Bairūt, 1996 (3 vol.), vol. II, p. 339-398 ; sur la signification de l’épisode lui-même : Brooke Olson Vuckovic : Heavenly Journeys, Earthly Concerns: The Legacy of the miʿraj in the Formation of Islam, New York / Londres, 2005, p. 47-72. 57. Marco Schöller : « Biographical Essentialism in the Life of Muhammad in Islam », in : Andreas Schüle (éd.) : Biographie als religiöser und kultureller Text, Münster, 2002, p. 153-172, voir p. 167. 58. MSR, p. 84-91, spécialement p. 85, 88. 59. MSR, p. 94 sq. ; Ibn Saʿd : Ṭabaqāt, vol. I,1, p. 155, l. 10 à p. 157, l. 4 ; Ibn al-Ǧauzī : Muntaẓam, vol. II, p. 57-60. 60. MSR, p. 98 sq. 61. MSR, p. 102. 62. MSR, p. 103 sq. ; de même p. 107 (II, 193 ; VI, 23 ; IX, 49 ; CXXX, 10). 63. MSR, p. 121 sq. ; sur l’histoire précise de la transmission de cette affaire : Gregor Schoeler : Charakter und Authentie der muslimischen Überlieferung über das Leben Mohammeds, Berlin / New York, 1996, p. 119-170. 64. MSR, p. 102 : « au cours de cette (troisième) année : le jeûne de Ramadan fut déclaré obligatoire, et le jeûne de ʿAšūrāʾ fut abrogé, tout en étant désormais recommandable. Cette année-là, l’Envoyé de Dieu maria ʿAlī avec Fāṭima ». 65. MSR, p. 104 sq. ; Rubin : The Eye of the Beholder: The Life of Muhammad As Viewed by the Early Muslims: A Textual Analysis, Princeton, 1995, p. 5-10 ; Marco Schöller : Exegetisches Denken und Prophetenbiographie, Wiesbaden, 1998 (Diskurse der Arabistik, 3), p. 65 sq. ; Nagel : Allahs Liebling, p. 204, 263 sq., 276-288, 297 sq., 305 sq. ; in seinem Muḫtaṣar Zād al-maʿād (p. 94-100, 127-180),

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Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb octroie aussi la primauté aux aspects militaires. À côté de cela, il intègre dans la suite de ses propos la pratique des rituels et quelques comportements de la vie quotidienne, par exemple les mets recommandables et l’étiquette pour boire et manger : ibid. : p. 79 sq., 196 sq. 66. MSR, p. 106 sq. 67. MSR, p. 108-113, citation p. 112. 68. MSR, p. 115-120, l’intervention de Satan : p. 118. 69. MSR, p. 123-127. 70. MSR, p. 127-131. 71. MSR, p. 133-140. 72. MSR, p. 140-148, en particulier p. 146 sq. 73. MSR, p. 149. 74. MSR, p. 149-154. 75. MSR, p. 155 sq. 76. MSR, p. 156 sq. ; à propos de la question débattue de l’utilisation des catapultes pour le ǧihād, voir David Cook : Understanding Jihad, Berkeley CA, 2005, p. 55 sq. 77. MSR, p. 157 sq. 78. MSR, p. 158 sq. ; de même : lettre à ʿAbdallāh b. Suḥaim, TN, p. 284 sq. 79. Dans l’édition utilisée, aʿlām est vocalisé. 80. La loyauté au fondement religieux prend ici aussi la place des liens du sang. 81. Par mašāhid il est sans doute fait allusion à la tombe du Compagnon du Prophète Zaid b. al- Ḫaṭṭāb qui était vénérée dans le Naǧd à l’époque de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb. 82. MSR, p. 159-163. 83. MSR, p. 164-169 : « et ils disaient : “ne partez pas en campagne par ces chaleurs !” Dis : “le Feu de la Géhenne est encore plus ardent !” ». 84. MSR, p. 170-174. 85. MSR, p. 174-182. 86. MSR, p. 182 sq. 87. MF, vol. 35, p. 400 : Nagel : Staat, vol. 2, p. 128. 88. Henri Laoust : Essai sur les doctrines sociales et politiques de Taḳī-d-din Aḥmad b. Taimīya, Le Caire, 1939 (Recherches d’archéologie, de philologie et d’histoire, 10), p. 208. 89. MSR, p. 184 sq. Les diverses formes de ridda sont illustrées par des affirmations telles que Muḥammad n’est pas mort, n’a pas été un prophète, sa prophétie est devenue caduque après sa mort, ou bien par des conceptions comme celle de croire à Dieu mais pas aux prophètes, ou celle selon laquelle Muḥammad fut certes un prophète mais aucune obligation matérielle ne lui est due. 90. MSR, p. 187. 91. Sur l’emploi de matériaux de al-Wāqidī par Ibn Ḥubayš et leur utilisation successive par al- Kalāʿī et al-Diyābakrī, Ella Landau-Tasseron : « On the Reconstruction of Lost Sources », al- Qantara, 25 (2004), p. 45-91. L’importance de Ibn Ḥubayš en tant que transmetteur de matériaux de al-Wāqidī avait déjà été remarqué par Caetani, qui le cite abondamment dans ses Annali (II,1). Sur Ibn Ḥubayš également : D. M. Dunlop : « Ibn Ḥubaysh », EI2, vol. 3, p. 803 sq. Id. : « The Spanish Historian Ibn Ḥubayš », JRAS (1941), p. 359-362 ; GAL S, vol. 1, p. 344 ; sur al-Kalāʿī : Charles Pellat : « al-Kalāʿī, Abū al-Rabīʿ Sulayman b. Mūsā b. Sālim al-Ḥimyarī al-Balansī, often known as Ibn Salīm al-Kalāʿī », EI2, vol. 4, p. 468 ; GAL S, vol. 1, p. 634. La biographie du Prophète seule se trouve par contre dans l’édition plus ancienne : Al-iktifāʾ fī maġāzī rasūl Allāh wa-ṯalāṯat al-ḫulafāʾ, éd. Muṣṭafā ʿAbd al-Wāḥid, Le Caire, 1387/1968. Le manuscrit qui a servi de base pour les deux éditions (Dār al-Kutub al-Miṣrīya 2074) fut achevée en 862 a.h. à La Mecque (ʿAbd al-Wāḥid, vol. 1, p. sīn sq. ʿIzzaddīn ʿAlī, p. rā sq). À propos du manuscrit de Basra : ʿAlī Ḫaqānī : Maḫṭūṭāt al- maktaba al-ʿAbbāsīya fī l-Baṣra, Bagdad, 1962, vol. 1, p. 255 sq (pour ces indications je remercie

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Maribel Fierro, qui a mis à ma disposition les entrées sur Ibn Ḥubayš et al-Kalāʿī de sa base de données privée). L’historien al-Diyārbakrī, actif à la Mecque au XVIe siècle, a par ailleurs utilisé pour la rédaction de sa chronique universelle des matériaux de al-Kalāʿī. Sur lui : Franz Rosenthal : « al-Diyārbakrī, Ḥusayn b. Muḥammad b. al-Ḥasan », EI2, vol. 2, p. 349 ; GAL G, vol. 2, p. 381 ; GAL S, vol. 2, p. 514. 92. MSR, p. 175 ; Ibn Ḥubayš : Ġazawāt, éd. Suhail Zakkār, Beyrouth, 1412/1992, vol. 1, p. 51-60 ; al- Kalāʿī : al-Iktifāʾ fī maġāzī rasūl Allāh wa-ṯālāṯat al-ḫulafāʾ, éd. Muḥammad Kamāl al-Dīn ʿIzz ad-Dīn ʿAlī, Beyrouth, 1417/1997, vol. 3, p. 38-47. La narration est introduite chez tous les trois par un récit de Rafīʿ b. Ḥudayǧ, qui aurait été transmis selon Ibn Ḥubayš – mais pas selon al-Kalāʿī et Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb – par al-Wāqidī. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb saute ensuite deux récits qui se retrouvent chez les deux autres auteurs et continue avec un bref passage qui se trouve seulement chez al-Kalāʿī mais non chez Ibn Ḥubayš, sur la chute de sa tribu. Tous les trois citent un poème polémique de Ibn ʿUmayr al-Yaškurī contre Musaylima de Ṯumāma b. Ašras, qui chez al-Kalāʿī conclut le chapitre, mais se trouve plus tôt (p. 45) chez Ibn Ḥubayš. 93. Landau-Tasseron : Reconstruction, p. 67 sq. ; Robinson : Historiography, p. 122. 94. Ibn Tūmart : Kitab aʿazz, p. 261-266 ; Dominique Urvoy : « La pensée d’Ibn Tūmart », BEO, 27 (1974), p. 19-44, voir p. 32 sq. 95. Henri Laoust : « Une fetwâ d’Ibn Taimīya sur Ibn Tūmart », BIFAO, 59 (1960), p. 157-184, voir p. 163, l. 11. 96. Ibn Ḥubayš, vol. 1, p. 39 ; al-Kalāʿī, vol. 3, p. 29. 97. MSR, p. 192. 98. MSR, p. 206-209 ; Ibn Ḥubayš : Ġazawāt, vol. 1, p. 105-112 ; al-Kalāʿī, vol. 3, p. 79-84. 99. MSR, p. 206 (7000 Banū Ḥanīfa de Musaylima), p. 211, bataille au Bahreïn : « fa-nazalū ilayhim. fa-bayyatūhum fa-qatalūhum. fa-lam yaflit aḥad ». 100. MSR, p. 193, 198 sq. 101. Patricia Crone : « Khālid b. al-Walīd b. al-Mughīra al-Makhzūmī », EI2, vol. 4, p. 928. 102. MSR, p. 196-198. Ici a pu entrer en jeu le fait que les opposants de Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb, Ibn ʿAfāliq et Sulaymān b. ʿAbd al-Wahhāb, identifient le Naǧd avec la ridda et la fitna. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb n’est pas comparé ouvertement à Musaylima, mais par le biais de ce genre d’associations, on tente de saper ses revendications ; cf. Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb, p. 113 sq. 103. Bien que al-Diyarbakrī ait également abrégé le récit de al-Kalāʿī, Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb n'a pas adopté sa version. Chez al-Diyārbakrī, il manque ainsi la bataille contre les Azd de l’Oman, Ta’rīḫ al-ḫamīs fī aḥwāl anfas al-nafīs, Égypte, 1283 a.h., p. 221 sq. En outre, contre la possibilité que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ait repris le récit de la ridda de al-Diyārbakrī témoigne le fait que ce dernier, comme la plupart des auteurs de sīra, classe les récits sur Musaylima pendant le vivant de Muḥammad et qu’il cite en particulier les récits dans lesquels on demande à Musaylima, en faisant référence à Muḥammad, d’accomplir des miracles, cf. Ta’rīḥ, vol. 2, p. 157-160, notamment p. 158, l. 14. 104. MSR, p. 215 sq. 105. MSR, p. 216. 106. MSR, p. 217 sq. 107. MSR, p. 219 ; cf. Ella Landau-Tasseron : « Ṭulayḥa », EI2, vol. 10, p. 603. Sur la « Peste d’Emmaüs », voir Josef van Ess : Der Fehltritt des Gelehrten: Die „Pest von Emmaus“ und ihre theologischen Nachspiele, Heidelberg, 2001. [en français : id. : « La peste d'Emmaüs. Théologie et “histoire du salut” aux prémices de l'Islam », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 144/1 (2000), p. 325-337 ; N.d.T.]. 108. MSR, p. 220 sq. 109. MSR, p. 221 sq. 110. MSR, p. 222-225.

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111. MSR, p. 224 sq. 112. MSR, p. 226. 113. Al-Ṭābarī : Ṭa’rīḫ, vol. 1, p. 3079, 3081, 3091, 3183, 3191, 3227, 3230 ; Ibn al-Aṯīr : Kāmil, vol. 3, p. 104, l. 14 et p. 125, l. 9 ; Ibn al-Ǧawzī : Muntaẓam, vol. 5, p. 49 ; Marshall Hodgson : « ʿAbdallāh b. Sabā’ », EI2, vol. 1, p. 51 ; Fred M. Donner : « Sayf b. ʿUmar, EI2, vol. 9, p. 102 sq ; Wilferd Madelung : The Succession to Muḥammad: A Study of the Early Caliphate, Cambridge, 1997, p. 140. Wellhausen considérait cette explication comme peu crédible, car il reconnaissait aux Ḫāriǧites de véritables efforts théocratiques, de plus, ils n’ont pas été dès le départ un petit groupe de conspirateurs, mais un groupe plutôt dispersé quoique bien ancré dans les villes-campement de l’Irak. Julius Wellhausen : Die religiös-politischen Oppositionsparteien im alten Islam, Berlin, 1901 (Abhandlungen der königlichen Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen ; philologisch- historische Klasse, NF V.2) p. 11 sq. ; l’orientalisme occidental suit l’essentiel de son appréciation. Landau-Tasseron et Nagel reconnaissent à cette transmission un noyau historique : Ella Landau- Tasseron : « Sayf ibn ʿUmar in Medieval and Modern Scholarship », Isl. 62 (1990), p. 1-26 ; Nagel : Mohammed: Leben und Legende, Munich, 2008, p. 589-598, 615-618, 622-625, 634. 114. MSR, p. 226 sq. 115. MSR, p. 227. 116. Ceci correspond à l’interprétation selon laquelle la représentation de Hudaybīya servit à légitimer les positions de ʿAlī à Ḥarūrā’, cf. Michael Lecker : « Ṣiffīn », EI2, vol. 9, p. 552. 117. MSR, p. 228 sq. 118. Ibn al-Ǧawzī : Muntaẓam, vol. 5, p. 124 sq. ; id. : Talbīs, Le Caire, s.d., idārat al-ṭibāʿa al- munīrīya, p. 88 sq. Dans les deux travaux, avec un isnād qui remonte au tābiʿī ʿIkrima b. ʿAmmār, qui aurait entendu ce récit d’un certain Simāk Abū Zumayl (sur ʿIkrima : Ibn Saʿd : Ṭabaqāt, vol. 5 : Biographien der Nachfolger in Medina sowie der Gefährten und Nachfolge in dem übrigen Arabien, éd. K.V. Zetterstéen, Leyde, 1905, p. 404, l. 18 sq. À ma connaissance le récit a seulement été repris chez Dahabī (Ta’rīḫ, vol. 2, p. 182 sq.), que Muḥammad b. ʿAbd Al-Wahhāb a probablement pu consulter également. 119. Abū l-ʿAbbās Muḥammad Ibn Yazīd al-Mubarrad : al-Kāmil, éd. Muḥammad Aḥmad al-Dālī, Beyrouth, 1406/1986, p. 1099 sq. 120. Al-Ṭabarī (Ta’rīḫ, vol. 1, p. 3227) évoque que l’interdit prononcé par ʿAli de poursuivre et de piller les adversaires après la bataille du Chameau fut le motif pour les confrontations qui menèrent à la naissance des Ḫāriǧites. Al-Bayhaqī (al-Sunan al-kubrā, vol. 8, p. 181, l. 5) transmet d’après Ḍāḏiʿ al-Absī que cet ordre provoqua la colère les guerriers (šaqqa ʿaynā dhālika). 121. MSR, p. 229 sq. 122. MSR, p. 230 ; Josef van Ess : Der eine and das Andere: Beobachtungen an islamischen häresiographieschen Texten, Berlin / New York, 2010, vol. 1, p. 21-32. 123. MSR, p. 231 sq. 124. MSR, p. 233. 125. MSR, p. 234 sq. 126. MSR, p. 235. 127. MSR, p. 235 sq. 128. Le fait que Aḥmad Ibn Ḥanbal ait fortement critiqué les ouvrages de al-Wāqidī n’a visiblement pas joué un rôle, cf. Schöller : Exegetisches Denken, p. 60 ; Nagel : Allahs Liebling, p. 229. 129. Guido Steinberg : Religion und Staat in Saudi-Arabien: Die wahhabitischen Gelehrten 1902-1953, Würzburg, 2002 (MISK, 10), p. 65 sq ; Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb ne cite pas cependant le al- Bidāya wa-l-nihāya de Ibn Kaṯīr ni le Ta’rīḫ de al-Ṭabarī, les deux ouvrages historiques le plus utilisées par les Wahhābites au début du XXe siècle (id., p. 134 sq.). 130. Dans sa correspondance et dans d’autres écrits, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb fait aussi référence à d’autres ouvrages, aussi ambitieux bien que moins connues. Dans la missive aux habitants de al-ʿUnayna (TN, p. 364), il cite le Aḫbār Makka de al-Azraqī, cf. l’avant-propos de

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Ferdinand Wüstenfeld : Aḫbār Makka, Leipzig, 1858 (Les chroniques de la Ville de La Mecque, 1), p. XIX : « Le travail d'Azrakí est aujourd'hui si rare en Orient que les recherches assidues du Dr. Sprenger n'ont pas permis d’en trouver une copie ». Contrairement à ce que soutient Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, Azraqī ne fait pas remonter l’idolâtrie à La Mecque à la vénération d’hommes (Aḫbār Makka, p. 73, 78-82). Néanmoins sa présentation de la vénération des arbres Dāt Anwāṭ (p. 82 sq.) fait penser à certaines pratiques du temps de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb. Ce dernier cite également l’écrit de Ibn Taymiyya contre le culte des Saints, le Iqtiḍā’ ṣirāṭ al- mustaqīm : première missive à ʿAbdallāh b. Suḥaym, TN, p. 247-257 (notamment p. 248). Sur ce travail, voir Umar Memon : Ibn Tayimīya’s Strugle against Popular Religion: With an annotated Translation of his Kitāb iqtiḍā’ aṣ-ṣirāṭ al-mustaqīm mukhālafat aṣḥāb al-jaḥīm, La Haye, 1976. Sur le rôle des controverses avec ses opposants ḥānbalites, voir Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb, p. 88 sq. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb (TN, p. 255) cite aussi la position de Ibn Taymiyya sur la substance et l’accident. Il connaissait donc visiblement son Minhāǧ al-sunna. Même sur le plan de la lutte contre les bidaʿ, il ne s’appuie pas exclusivement sur des auteurs ḥanbalites. Il fait référence au al-Bāʿiṯ ʿalā inkār al-bidaʿ wa-l-ḥawādiṯ du šāfiʿīte Abū Šāma (1203-1267), cf. deuxième missive à ʿAbdallāh b. Suḥaym, TN, p. 283. Sur Abū Šāma : Konrad Hirschler : « Pre-Eighteenth- Century Traditions of Revivalism: Damascus in the Thirteenth Century », BSOAS, 68 (2005), p. 195-214. Il fut apprécié par d’autres courants puritains : les sud-asiatiques Ahl-i Ḥadīs par exemple le considéraient comme l’un de leurs prédécesseurs, cf. Riexinger : Sanā’ullāh, p. 147. Dans le Kašf al-šubūhāt, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb cite en tant qu’autorités sur les positions des salaf Ibn al-Qayyim al-Ǧawziyya, Ibn Kaṯīr, al-Dahabī, Ibn Raǧāb, al-Bayhaqī, ʿAbdalbarr al- Ḫaṭṭābī et al-Ṭabarī, cf. la missive à ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al-Laṭīf, TN, p. 209-224 (en particulier p. 217). Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb considère Ibn Ḥazm comme une autorité en ce qui concerne l’interdiction de donner des noms tels ʿAbd ʿUmar et ʿAbd al-Kaʿba (cf. « Kitāb al- tawḥīd », MT, p. 57 sq). Dans l’ouvrage de ce dernier, al-Muḥallā (éd Aḥmad Šākir, Le Caire, 1348 a.h.), en tout cas, rien de semblable n’est présent ; en plus, l’emploi de ces noms dans le contexte de l’occident islamique du vivant de Ibn Ḥazm paraît un anachronisme. 131. ʿAbd al-Malik b. Ḥusayn al-ʿĀṣimī al-Makki : Simṭ al-nuǧūm al-ʿawālī fī anbā’ al-awā’il wa-l- tawālī, éd. ʿAdil Aḥmad ʿAbd al-Mawǧūd et ʿAlī Muḥammad Muʿawwad, Beyrouth, 1998, p. 327-331 ; sur l’auteur, p. 40 sq. et GAL G, vol. 2, p. 384 ; GAL S, vol. 2, p. 516 (là en tant que al- Išāmī al-Makkī) ; vol. 1, p. 190, l. 9, p. 227 sq. ; al-ʿĀṣimī : Ṣimṭ, vol. 1, p. 309, l. 9. D’autres ouvrages que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb n’a pas utilisées : al-Masʿūdī : Murūǧ al-ḏahab (p. 293, l. 7), al- Ḫaṭīb al-Baġdādī (p. 310, l. 5), Ibn al-Ǧawzī : Talqīḥ (p. 291, 299 sq.), Ibn ʿAsākir (p. 309, l. 6, p. 310, l. 5), Bayhaqī (vol.1, p. 309, l. 6, p. 310, l. 5), Ibn al-Aṯīr (p. 316, l. 5), al-Ṣafadī (p. 298, l. 11), le Ta’rīḫ al-ḫamīs de Diyārbakrī (p. 311, l. 13). En plus, al-ʿĀṣimī se réfère à des ouvrages standards en matière d’idéalisation de Muḥammad : Ibn al-Ǧawzī : Wafā, (p. 358, l. 3 ; cf. Nagel : Allahs Lieblig, p. 199-206, 247-264), al Yaʿmurī = Ibn Sayyid an-Nās (p. 290, l. 10 ; cf. Nagel : Allahs Lieblig, p. 218-228), la biographie du Prophète de Muġalṭay (p. 290, l. 16), al-Qasṭallānī : al-Mawāhib (p. 290, l. 14, p. 292, l. 6 ; cf. Nagel : Allahs Lieblig, p. 238-245), al-Suhaylī : Rawḍ al-unuf (p. 292, p. 303, l. 9, p. 346, l. 8 ; cf. Maher Jarrar : Die Prophetenbiographie im islamischen Spanien: Ein Beitrag zur Überlieferungs- und Redaktionsgeschichte, Francfort-sur-le-Main et al., 1989 [Europäische Hochschulschriften, Reihe 111 : Geschichte und ihre Hilfswissenschaften, 404], p.176-210). Il est probable que l’auteur non identifié, Ḥusayn b. Muḥammad al-Dāmġānī, avec son œuvre Šawq al- ʿarūs (p. 300, l. 7), en fasse également partie. 132. Commins : Wahhabi Mission, p. 14. 133. Ibn al-Ǧawzī, Muntaẓam, vol. 4, p. 63 sq. 134. Ibn Ġannām : Rawḍa, p. 84 sq. 135. Commins : Wahhabi Mission, p. 26. 136. Des exemples qui se rapportent à al-Andalus : Jarrar : Prophetenbiographie , p. 169-173, 244-269 ; Robinson : Islamic Historiography, p. 122 sq.

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137. Werner Schwartz : Ǧihād unter Muslimen, Bonn, 1980 (Bonner Orientalistische Studien, 6.2) p. 45 sq. 138. Ibn ʿAfālīq emploie ḫāriǧī en tant que contraire de Iǧmāʿī , cf. Peskes : Muḥammad b. Abdalwahhāb, p. 118. Sur Sulaymān b. ʿAbd al-Wahhāb : Commins : Wahhabi Mission, p. 23. Même al-Šawkānī les critiqua parfois en tant que Ḫāriǧites : Bernard Haykel, Revival and Reform in Islam: The Legacy of Muhammad al-Shawkani, Cambridge, 2003, p. 128. Dans les mouvements d’inspiration soufie en Turquie ceci est toujours d’actualité : Said Nursi : Lemâ’at, Istanbul, 2002, p. 31 ; Ibrahim Cânan : Islâm Âleminin Ana Meselelerine Bediüzzaman’dan Çözümler, Istanbul, 1993, p. 158 sq. 139. Wellhausen : Oppositionsparteien, p. 13 sq. 140. Khaled Abou el Fadl : Rebellion & Violence in Islamic Law, Cambridge, 2001, p. 34-37 ; Madelung : Succession, p. 179 sq. 141. Que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, en supprimant la catégorie des buġāt, priva de fondement l’argumentation de son adversaire Ibn ʿAfālīq, qui désignait les wahhābites comme tels, pourrait être un effet secondaire positif qui a été calculé. 142. « Kitāb at-Tawḥīd », MT, p. 69. [« Je suis Muḥammad le fils de ʿAbdallāh et Son Envoyé. Je n’aime pas que vous m’éleviez à une place supérieure à celle que Dieu m’a accordé » ; N.d.T.]. 143. TN, p. 360 ; Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb, p. 71 sq. Sur al-Ǧazūlī (m. 1465), le père spirituel des saʿdiens : M. Bencheb : « al-Djazūlī, Abū ʿAbd Allāh Muḥammad b. Sulaymān b. Abī Bakr al-Djazūlī al-Samlālī », EI2, vol. 2, p. 527. Sur l’ouvrage cité voir GAL G, vol. 2, p. 252 sq. et GAL S, vol. 2, p. 359. 144. Nagel : Allahs Liebling, p. 109, sur les miracles rapportés par Bayhaqī qui eurent lieu lors de la préparation de la bataille du fossé. 145. Nagel : Allahs Liebling, p. 105 sq. (Abū Nuʿaym), p. 202 (Ibn al-Ǧawzī), p. 287 sq. (Ibn Kaṯīr), p. 293 sq. (al-Ṣāliḥī), p. 323 (Būṣīrī). 146. Nagel : Allahs Liebling, p. 296. Cela dit, ces récits de miracles sont anciens : Andreas Görke et Gregor Schoeler : Die ältesten Berichte über das Leben Muḥammads: Das Korpus ʿUrwa b. Zubair, Princeton, 2008, p. 269. Ce qui augmente est leur degré d’acceptation parmi les savants. 147. Étroitement apparenté sont les deux miracles qui garantirent la certitude de sa naissance (défaite du souverain éthiopien) et l’inviolabilité des « mères des croyants » (la punition du sacrilège commis par Muḥammad b. Abī Bakr). 148. P. 196 sq ; Ibn Ḥubayš : Ġazawāt, p. 55 sq ; Sur ce point, M. J. Kister : « The Struggle against Musaylima and the Conquest of Yamama », JSAI, 27 (2002) p. 1-56, plus particulièrement p. 43 sq. 149. Ibn al-Ǧawzī : Muntaẓam, vol. 4, p. 21 sq., qui suit Ṭabarī : Ta’rīḫ, p. 1934 sq ; Diyārbakrī : Ta’rīḫ, vol. 2, p. 158, l. 11 sq. (il s’y trouve également le récit du père des deux enfants, d’aprés Ibn Ḥubayš) ; chez al-Ṣāliḥī, les miracles qui concernent les sources et la salive de Muḥammad occupent une fonction très importante, cf. Nagel : Allahs Lieblig, p. 293 sq. Des miracles de guérison dans la Burda de Būšīrī (ibid., p. 323). 150. La question de savoir si Ibn Ḥubayš a repris ces récits de Ṭabarī, mais a sciemment éliminé la référence au modèle de Muḥammad, et si cette procédure, le cas échéant, était basée sur une intention théologique, ne peut être clarifiée ici. Fred M. Donner du moins n’a retrouvé de tels récit de miracle dans aucune source plus ancienne, voir la préface à The History of al-Ṭabarī X The Conquest of Arabia, Albany, 1993, p. xvi. 151. MSR, p. 77-82. 152. Cet épisode ne se trouve pas dans les recueils canoniques de hadith. La prosternation des Mecquois païens après l'achèvement de la récitation de la sourate 53 y apparait donc sans motif. Dans la littérature des ḥadīṯs, cette tradition fut déjà exclue des muṣannafāt, cf. Rubin : The Eye of the Beholder, p. 156- 166 ; Ahmed : « Ibn Taymiyyah », p. 72 sq. En 1966, pendant un congrès de savants en Égypte, il fut demandé de supprimer des livres d’histoire toute référence à cet évènement. 153. Ibn al- Ǧawzī : al-Wafā’ bi-aḥwal al-Muṣṭafā, Le Caire, 1386/1966, vol. 1, p. 193 sq.

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154. Ibn al-Ǧawzī : Muntaẓam, vol. 2, p. 375. 155. Kitāb al-quṣṣāṣ wa-l-mudhakkirīn: Including a Critical Edition, Annotated Translation and Introduction by Merlin S. Swartz, Beyrouth, 1971 (Recherches publiées sous la direction de l’Institut des lettres orientales, Beyrouth, XLVII), texte arabe p. 102. 156. Qāḍī ʿIyāḍ : al-Šifā’ bi-taʿrīf ḥuqūq al-Muṣṭafā, Beyrouth / Damas, s.d., p. 275-285 ; Nagel : Allahs Liebling, p. 166-179. 157. Nagel : Allahs Liebling, p. 183 sq. 158. ʿIṣmat al-anbiyā’, Le Caire, 1986, p. 137-143. 159. Ahmed : « Ibn Taymiyyah », p. 71 sq. 160. Ahmed : « Ibn Taymiyyah », p. 74-78, 86-90, 123. Laoust (Doctrines, p. 178-204) n’a pas saisi cette différence décisive, probablement parce qu’il n’avait accès qu’à des éditions nettoyées (censurées) des œuvres les plus importantes. 161. Ahmed : « Ibn Taymiyyah », p. 78-86 ; Schöller : Exegetisches Denken, p. 62 sq. 162. Ibn al-Qayyim al-Ǧawziyya, son élève le plus illustre, n’évoque pas l’événement (Ahmed : « Ibn Taymiyyah », p. 114). Ibn Kaṯīr oublie l’événement dans al-bidāya wa-l-nihāya. Dans son commentaire coranique, il reprend à propos de Cor. 22, 52-54 les termes de Ibn Saʿd, cependant exclusivement avec l’intention de contester avec véhémence l’historicité de l’événement. Il rejette les traditions qui constituent la base de l’événement en tant que mursal, en s’appuyant sur le Qāḍī ʿIyāḍ ; cf. Ibn Kaṯīr : Tafsīr al-Qurʾān al-ʿaẓīm, éd. ʿAbd al-Ḥalīm Maḥmūd et Muḥammad b. Naṣr Abī Ǧabal, Le Caire, 2010, p. 1987-1990. Un autre ouvrage tardif qui confirme la prononciation du verset par Muḥammad est le très répandu Fatḥ al-bārī šarḥ ṣaḥīḥ al-Buḫārī de Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī (1372-1449). Dans le commentaire de la sourate 22, il considère comme l’interprétation la plus probable celle selon laquelle l’événement se serait vraiment produit, mais que les paroles furent prononcées par Satan. Similairement à Ibn Taymiyya, le grand nombre de traditions a pour lui valeur de preuve que le fait s’est vraiment déroulé (Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī : Fatḥ al-bārī šarḥ ṣaḥīḥ al-Buḫārī, La Mecque, 1414/1993, vol. 9, p. 367 sq.). 163. Ahmed : « Ibn Taymiyyah », p. 116. 164. John O. Voll : « Muḥammad Ḥayyā al-Sindī and Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb: Analysis of an Intellectual Group in Eighteenth-Century Madīna », BSOAS, 38 (1975) p. 32-39 ; id. : « Linking Groups in the Networks of Eighteenth Century Revivalist Scholars: The Mizjai family in Yemen », in : John O. Voll. et Nehemia Levtzion (éd.) : Eighteenth Century Renewal and Reform in Islam, Syracuse, 1987, p. 69-92. Positionnements critiques : Ahmad Dallal : « The Origins and Objectives of Islamic Revivalist Thought », JOAS, 113 (1993), p. 341-359 ; Haykel : Revival and Reform, p. 12. Cependant, la position de Voll est maintenant étayée par des preuves substantielles : Bashir Nafi : « Taṣawwuf and Reform in Pre-Modern Islamic Culture: In Search of Ibrahim al-Kūrānī », WI, 42 (2002), p. 307-355 ; id. : « A Teacher of Ibn ʿAbd al-Wahhāb: Muhammad Hayāt al-Sindi and the Revival of Ashab al-Hadith’s Methodology », ILS, 13 (2006), p. 208-241 ; Riexinger : Sanā’ullāh, p. 65-71 ; Khaled El-Rouhayeb : « From Ibn Majar al-Haytamī (d. 1566) to Khayr al-Dīn al-Ālūsī (d. 1899): Changing Views of Ibn Taymiyya among Non-Ḥanbalī Scholars », in : Shahab Ahmed et Yossef Rapoport (éd.) : Ibn Taymiyya and His Times, Karachi, 2010, p. 269-318, passage cité p. 300-305. 165. Alfred Guillaume : « al-Lumʿat as-sanīya fī taḥqīq al-ilqā’ fī l-umnīya by Ibrāhīm al-Kurānī », BSOAS, 20 (1957), p. 291-303. 166. Simṭ, vol. 1, p. 290, l. 5. 167. Al-ʿĀṣimī al-Makkī : Samṭ, p. 327-331. 168. Muḥammad b. ʿAlī al-Šawkānī : Fatḥ al-qadīr, al-Manṣūra, s.d., vol. 3, p. 628 sq. 169. Ahmed : « Ibn Taymiyyah », p. 117. Sur la biographie : Riexinger : Sanā’ullāh, p. 179 sq. 170. L’avis de Ahmed (« Ibn Taymiyyah », p. 118 sq.) que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb offre dans le Muḫtaṣar seulement une version expurgée est dû au fait qu’il n’a pas pris en compte

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l’existence de la deuxième version dans la partie principale de l’œuvre, ni d’ailleurs la conception prophétologique générale de celle-ci. 171. Nagel : Allahs Liebling, p. 163 sq. 172. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb : Muḫtaṣar sīrat ar-rasūl, éd. Kāmil ʿUwayda, La Mécque, 1425 a.h./2004, p. 24, note 4 ; Muḥammad Naṣīr al-Dīn al-Albānī : Naṣb al-maǧānīq li-nasaf qiṣṣat al- ġarānīq, Damas, 1952. 173. Ṣafīyurraḥmān Mubārakfūrī : al-Raḥīq al-maḫtūm : baḥṯ fī l-sīra al-nabawiyya, Le Caire, 2005. 174. Nagel : Allahs Liebling, p. 314 sq., 323. 175. ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb : « al-Risāla al-ṯāniya », in : Sulaymān b. Suḥmān (éd.) : al-Hadya al-sunniya, Égypte, 1344, p. 35-50 (p. 47 sq.) ; cf. aussi D. S. Margoliouth : « Wahhābīya », EI1 (en anglais), vol. V, p. 1086-1090, notamment p. 1087 ; et Holmes Katz : Birth, p. 171. 176. Nagel : Allahs Liebling, p. 164 sq. ; cf. également Schöller : « Biographical Essentialism », p. 162 sq. 177. Holmes Katz : Birth, p. 12 sq. Pour un essai d’harmonisation des versets et ḥadīṯs canoniques qui se rapportent au Nūr muḥammadī : p. 20 sq. Nagel : Allahs Liebling, p. 327, 354, voir aussi p. 313 sq. 178. La vision de l’histoire des wahhābites va donc au-delà de l'histoire islamique au sens strict. Si l’on ne prend pas acte du Muḫtaṣar, cet aspect central est facilement ignoré : Rentz : Wahhābīs, p. 272 ; Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhab, p. 6 sq. Ainsi il n’est pas question d’une deuxième ǧahiliyyah avec laquelle Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb se voyait confronté dans son environnement (ibid., p. 221 sq.), mais plutôt d’une des nombreuses rechutes depuis la mort de Muḥammad. Sur la construction de la biographie prophétique en tant qu’histoire du salut, voir Schöller : « Biographical Essentialism », p. 156. Il est possible de relier à Ibn Taymiyyah l’idée que le širk nait à cause d’une pitié erronée, voir Raquel M. Ukeles : « The Sensitive Puritan: Revisiting Ibn Taymiyya’s Approach to Law and Spirituality in Light of 20th Century Debates on the Prophet’s Birthday (mawlid al-nabī) », in : Rapoport et Ahmed (éd.), p. 319-337 (en particulier p. 319). 179. « Kašf al-šubuhāt », MT, p. 87 : « iǧʿal lanā ilāhan » ; première missive à ʿAbdallāh b. Suḥaym, TN, p. 253. 180. Pour le problème de la datation des polémiques : Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb, p. 51. Vu que Sulaymān b. Suḥaym ne parle pas des mesures que Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb n’a pu promulguer qu’après le pacte avec les Āl Suʿūd, Peskes (p. 58) situe cette missive dans la période incluse entre 1740 et 1745. 181. Selon Nagel : Allahs Liebling, p. 253 sq. Sur Ibn al-Ǧawzī, ibid., p. 324 sq. De façon similaire, Schöller : Exegetisches Denken, p. 35. 182. Nagel, Allahs Liebling, p. 132. 183. Muslim : īmān, 232 ; Tirmiḏī : īmān, 13 ; Ibn Māǧa : fitan, 15, cités dans la seconde missive à ʿAbdallāh b. Suḥaym, dans TN, p. 270-288 (en particulier p. 281). 184. Ibn al-Ǧawzī écrit spécialement pour les prédicateurs, cf. Nagel : Allahs Liebling, p. 205 sq. Certaines omissions du Muḫtaṣar, comme avoir renoncé à mentionner Saladin ou Ibn Taymiyya dans le cadre de l’opposition aux Fatimides ou aux Mongols, semblent avoir été conçues pour soulever des questions à l’auditoire. 185. « Kitāb al-tawḥīd », MT, p. 14 sq. : arbres et pierres ; p. 16 sq. : aucune victime / offrande votive pour quelqu’un d’autre que Dieu ; p. 19 sq. 186. « Kitāb al-tawḥīd », MT, p. 26 sq. ; « Kašf al-šubūhāt », MT, p. 74 : L'idolâtrie qui s'est développée parmi le qawm Nuḥ résulte d'un respect exagéré pour les hommes pieux, qui conduit ensuite à l'adoration de leurs tombes ; p. 74 : Muḥammad a détruit les portraits des de ces hommes et combattu ceux qui les adoraient ; p. 86 : un tel, qui adorait Musaylima ne bénéficia d’aucune grâce, même en ayant récité la šahāda et prié. ʿAlī a brûlé ceux qui croyaient en lui

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comme en Yūsuf et les deux soleils, bien qu’ils prétendaient être musulmans, allusion aux Banū ʿUbayd (Fatimides) ; missive aux habitants de al-ʿUyayna, TN, p. 360-393 (p. 364) : les divinités étaient des hommes ou un arbre auxquels on offrait des sacrifices. 187. « Fī sittat mawāḍiʿ min sīrat al-nabī », MT, p. 104. 188. « Fī sittat mawāḍiʿ min sīrat al-nabī », MT, p. 108 sq. ; par ailleurs : nuzūl, qui s’opposent aux mušrikūn ; en dépit de tous ses bienfaits envers Muḥammad, Abū Ṭālib n’échappe pas à la damnation puisqu’il ne s’est pas converti à l’islam, hiǧra. 189. Seconde missive à ʿAbdllāh b. Suḥaym, p. 287 sq. ; « Fī l-uṣūl al-ṯalāṯa al-wāǧiba ʿalā kull muslim wa-muslima », MT, p. 127. 190. « Fī l-uṣūl al-ṯalāṯa al-wāǧiba ʿalā kull muslim wa-muslima », MT, p. 134 ; cf. Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb, p. 16, 30. 191. Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb, p. 32. 192. « Kitāb al-tawḥīd », MT, p. 11 sq. 193. « Kitāb al-tawḥīd », MT, p. 26 194. « Kitāb al-tawḥīd », MT, p. 42 sq. Cette position fut attaquée par l’influent polémiste sunnite anti-wahhābite du XIXe siècle, Aḥmad b. Zaynī Daḥlān, dans un de ses pamphlets : Asnā al-maṭālib fī naǧāt Abī Ṭālib, s.l., 1999. 195. Ibn Ġannām, Rawḍa, p. 13 sq. Cependant, Noé est aussi appelé, dans un contexte différent, à donner un avertissement contre les adorateurs de la tombe (p. 75). 196. Ibn Ġannām, Rawḍa, p. 14 sq. Le fait que la vénération de la tombe d'Aḥmad Badawi à Tanta et d'autres sites dans les régions voisines de la péninsule arabique soit incluse, illustre également le caractère universel de la prédication de la wahhābiyya (ibid., p. 18-22). 197. Ibn Ġannām, Rawḍa, p. 16. 198. Ibn Ġannām, Rawḍa, p. 18. 199. Ibn Ġannām, Rawḍa, p. 23. 200. Ibn Ġannām : Rawḍa, p. 28. Plus avant (p. 24 sq.), il a déjà été mentionné que Muḥammad aurait prédit à la umma des formes de déclin similaires à celles qui se sont répandues chez les juifs. 201. Ibn Ġannām : Rawḍa, p. 31 sq. 202. Ibn Ġannām : Rawḍa, p. 35 sq. 203. Ibn Ġannām : Rawḍa, p. 38. 204. Ibn Ġannām : Rawḍa, p. 87 sq. 205. Déjà évoqué chez Peskes : Muḥammad b.ʿAbdalwahhāb, p. 245-249, sans cependant faire référence au Muḫtaṣar. 206. Ibn Ġannām : Rawḍa, p. 104 : « wa-fī haḏihi l-sana irtadda Ibrāhīm b. Muḥammad b. ʿAbd al- Raḥmān amīr Ḍurmā wa-naqaḍa ʿahd al-Šayḫ Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb wa-l-amīr Muḥammad b. Suʿūd » ; p. 106 : également sur son propre frère à Ḥuraymila : p. 107 ; p. 124-127 : les incidents de al-Ḥā’ir, alliance du chef de Naǧran avec celui de al-Aḥsā. Irtidād au Naǧd, Darʿiya fut finalement assiégé sans succès. 207. Ibn Ġannām : Rawḍa, p. 107 sq. 208. Ibn Ġannām : Rawḍa, p. 190. L’accusation « orientalists depict Wahhabism as violent » (Haj : Reconfiguring, p. 31) peut être contrée par le fait que les Wahhābites le revendiquent eux-mêmes. 209. Ibn Ġannām : Rawḍa, p. 146. 210. Ibn Ġannām : Rawḍa, p. 192 sq. 211. Félix Mengin : Histoire de l’Égypte sous le Gouvernement de Mohammed Aly, Paris, 1823, vol. 2, p. 522-530, 535-538. On pourrait lui objecter l’appréciation négative de ces faits ; cependant, Mengin a probablement suivi en cela ses informateurs égyptiens ; Peskes : Muḥammad b.ʿAbdalwahhāb, p. 190 sq. Pour la relation d’abord enthousiaste puis distanciée entre les Qāsimī Imams yéménites et leur spiritius rector « idéologique » aš-Šaukani, voir Haykel : Revival and Reform, p. 127-138.

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212. Esther Peskes : « Die wahhabitische Besetzung von Mekka 1803 », in : Rainer Brunner et al. (éd.) : Islamstudien ohne Ende: Festschrift für Werner Ende zum 65. Geburtstag, Würzburg, 2002 (AKM, LIV,1), p. 345-353 ; Marcel Behrens : « Ein Garten des Paradieses »: Die Prophetenmosche von Medina, Würzburg, 2007, p. 35-38. 213. Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb, p. 211. 214. Dans Maǧmūʿāt al-tawḥīd, vol. 4, p. 224-282, cf. Nagel : Allahs Lieblig, p. 316-326 ; Schöller : Mohammed, p. 118-124. 215. MSR, p. 225, « lā tuṭrūnī kamā aṭrat al-naṣārā ibn Maryam » (Buḫārī, anbiyā’, 654). 216. MSR, p. 253, cf. ici les débats qui eurent lieu en Asie du Sud entre Puritains (Ahl-i Ḥadīṯ et Deobandis) et parmi les soufis à propos de la question de savoir si Muḥammad est ḥāḍīr et nāẓir (présent et regardant), et par conséquent s’il est possible ou non de s’adresser à lui avec « yā Rasūl Allāh » (Ô Envoyé de Dieu !), voir Riexinger : Sanā’ullāh, p. 243. 217. MSR, p. 255-259. 218. MSR, p. 122. ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb : Muḫtaṣar sīrat al-rasūl, Égypte, 1396 a.h., p. 279. 219. ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb : Muḫtaṣar, p. 219-239. 220. ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb : Muḫtaṣar, p. 12 sq. 221. Ainsi, Ibn Bišr décrit l'expansion des Wahhābites comme l'établissement d'un État dans un espace auparavant libre de droit et donc comme un phénomène politique plutôt que comme une lutte entre foi et mécréance. Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhab, p. 167, 220, 329. 222. Ainsi l'admonestation à cause des vêtements négligés : ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al- Wahhāb : Muḫtaṣar, p. 24 ; l’histoire des versets sataniques, p. 93. 223. ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb : Muḫtaṣar, p. 471-475, 477 sq., 497 sq. 224. ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb : Muḫtaṣar, p. 498. 225. ʿAbdallāh b. Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb : Muḫtaṣar, p. 320 sq., p. 389. 226. Walī Allāh al-Dihlawī : al-Fawz al-kabīr fī uṣūl al-tafsīr, Karachi, s.d., p. 18 sq. 227. Walī Allāh al-Dihlawī : al-Fawz, p. 19 sq. 228. Walī Allāh al-Dihlawī : al-Fawz, p 21 sq. 229. Walī Allāh al-Dihlawī : Ḥuǧǧāt Allāh al-bāliġa, Le Caire, s.d., vol. 1, p. 125. 230. Walī Allāh al-Dihlawī : Ḥuǧǧāt, vol. 1, p. 84. 231. Shāh Ismāʿīl : Taqwiyat, p. 364. 232. Mir Shamat Ali : « Translation of the Takwiyat-ul-iman, Preceded by a Notice of the Author Maulavi Ismail Hajji », JRAS, 13 (1852), p. 310-372, notamment p. 331 sq. La question du ʿilm bi-l- ġayb jouera, à partir de là, un rôle décisif en Asie du Sud dans la confrontation entre musulmans puritains et leurs adversaires issus des rangs des soufis, cf. Barbara Metcalf : Islamic Revivalism in British India: Deoband 1860-1900, Princeton, 1982, p. 250 ; Riexinger : Sanā’ullāh, p. 244. 233. Schöller : Exegetisches Denken, p. 7, p. 23 sq. 234. Schöller : Exegetisches Denken, p. 32 ; Jan Assmann : Ägypten, Eine Sinngeschichte, Darmstadt, 1996, p. 17 sq. 235. Schöller : Exegetisches Denken, p. 76 sq. 236. Schöller : Exegetisches Denken, p. 68 sq. 237. Cf. Schöller : « Biographical Essentialism », p. 161. 238. Schöller : Exegetisches Denken, p. 89, p. 103 sq. 239. D’après Ibn ʿAfālīq, Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb s’arrogeait infaillibilité alors que seul le iǧmāʿ des umma pouvait la garantir : Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb, p. 108 sq. 240. Schöller : Exegetisches Denken, p. 69. 241. Une nouvelle définition semble de mise, car le terme habituel « néo-hanbalite » dissimule non seulement la radicalité de la rupture avec les idées juridiques et théologiques courantes, mais aussi le fait que la majorité se montrait distanciée, sinon hostile envers les savants

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hanbalites. Cf. John O. Voll : « The Non-Wahhābī Ḥanbalīs of Eighteenth Century Syria », Isl., 49 (1972), p. 277-291 ; Caterina Bori : « Ibn Taymiyya wa Jamāʿatuhu : Authority, ConfIict and Consensus in Ibn Taymiyya’s Circle », in : Ahmed et Rapoport (éd.), p. 23-52, notamment p. 33-36 ; Nagel : Im Offenkundigen, p. 385. 242. Holmes Katz : Birth, p. 213 sq. ; Schöller : Ibn Taymiyah, p. 370. 243. Stephen Sharot : Comparative Sociology of World Religions: Virtuosi, Priests, & Popular Religion, New York, 2001, p. 136. Les deux autres fonctions qu’il a étudiées, nomic (maintien de l’état du monde et de la société) et extrinsic (démonstration d’un statut et d’un pouvoir à travers la religion), sont dans le présent contexte insignifiantes. À cet égard, Ibn Taymiyya est encore une fois le précurseur, cf. El-Rouhayeb : « From Ibn Ḥajar », p. 272. 244. Sur la conclusion par analogie reprise par les critiques de Ibn Taymiyya selon laquelle al- Ġazālī justifia la visite aux tombaux des saints en vue de l’obtention de la baraka [bénédiction, N.d.T.], voir El-Rouhayeb : « From Ibn Ḥajar », p. 289 sq. 245. Schöller : « Biographical Essentialism », p. 160, 169 : l’exemple de al-Qasṭallānī. 246. Un exemple marquant en est déjà la critique effectuée – probablement – par Rašīd Riḍā du listage de l’épisode dans le « Fī sittat mawāḍiʿ » (MT, p. 195, n. 1). À propos du mawlid réformiste et des textes de sīra, voir Holmes Katz : Birth, p. 174-181. Mawdūdī, qui ne parle pas du nūr muḥammadī, polémique vivement contre tous les auteurs qui prêtent foi à ces récits et contribuent à la diffusion de l'histoire : Abū l-Aʿlā Mawdūdī : Sīrat-i sawar-i ālam, 7e éd., Lāhaur, 1999, vol. II, p. 90-94, 571-578 ; Haykal peste explicitement contre les mustašriqūn : Muḥammad Ḥusayn Haykal : Hayāt Muḥammad, Le Caire, 1358 a.h., p. 157 sq., Muir : p. 159 (p. 157-164). 247. « Kitāb al-tawḥīd », p. 4. À propos des protestations contre l’introduction de l’école laïque, surtout à cause des leçons de géographie, voir Hafiz Wahba : Arabian Days, Londres, 1964, p. 49-54, 59-61, ainsi que Steinberg : Religion und Staat, p. 291 sq. À propos de la problématique de l’affinité partielle des mouvements religieux modernes avec Ibn Taymiyya, voir également Martin Riexinger : « How Favourable is Puritan Islam to Modernity: A Case Study on the Ahl-i Hadis in British India », in : Gwilym Beckerlegge (éd.) : Colonialism, Modernity and Religious Identities: Religious Reform Movements in South Asia, New / New York, 2008, p. 147-165 ; id. : « Ibn Taymiyya’s Worldview and the Challenge of Modernity: A Conflict among the Ahl-i ḥadith in British India », in : Birgit Krawietz et Georges Tamer (éd.) : Islamic Theology, Philosophy and Law: Debating Ibn Taymiyya and Ibn Qayyim al-Jawziyya, Berlin, 2013 (Studien zur Geschichte und Kultur des islamischen Orients, 27), p. 493-517 ; Georges Tamer : « The Curse of Philosophy: Ibn Taymiyya as a Philosopher in Contemporary Islamic Thought », ibid., p. 329-374. Cette problématique de l’affinité présumée entre courants islamiques ou figures isolés avant le XIXe siècle peut être éclairée avec pertinence par le contre-exemple du contemporain ottoman de Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, Erzurumlu Ibrahim Hakkı (1703-1782), qui n’accepta pas l’astronomie post-copernicienne, mais qui fut le premier à la présenter en tant qu’hypothèse digne d’être discuté : Erzurumlu Ibrahim Hakkı: Maʿrifetnāme, Bulaq, 1257 a.h., p. 144-151. Il était en même temps un partisan du nūr muḥammadī et – il n’en pouvait pas être autrement pour un soufi – défendait la conception selon laquelle Dieu distingue ses awliyā’ [saints] avec des karamāt [miracles], cf. p. 5, 437 sq , 441 sq. 248. DeLong-Bas : Wahhabi, p. 52 sq., 108 sq. 249. Pour les signes qui ont accompagné la conception, la grossesse et la naissance, ainsi que pour la découverte par Baḥīrā de la marque de la prophétie (mais non pour la vénération par les plantes), voir al-iktifā’, éd. ʿAbd al-Wāḥid, vol. 1, p. 167 sq, 172-176, 190-193. Le šaqq al-ṣadr ainsi que la présentation de l’isrā’ et du Miʿrāǧ sont repris dans leur intégralité (ibid., vol. 1, p. 377-388 ; vol. 2, p. 160-163). L’histoire des versets sataniques est confirmée (vol. 1, p. 352 sq.), et ici aussi c’est Satan qui met les mots sur la langue de Muḥammad. Laoust : « Fetwâ », p. 163, l. 11 ; Maribel Fierro : « Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus : l’élaboration de légitimité almohade », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 91-94 (2000), p. 107-125 (plus particulièrement

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p. 108-116) ; Werner Schwartz : Ǧihād unter Muslimen, Bonn, 1980, p. 16. Bien que cet aspect ne joue aucun rôle en ce qui concerne Kalā’ī, il est également à souligner que pour Muḥammad b. ʿAbd al-Wahhāb, contrairement à Ibn Tūmart, le ǧihād n’a pas d’implications eschatologiques, cf. les références à ʿIsā et au Daǧǧāl chez Ibn Tūmart : Kitāb aʿazz, p. 269. L’absence de ces revendications eschatologiques représente également une différence décisive avec un autre courant du ǧihād puritain, chronologiquement contemporain, celui de la ṭarīqa-i Muḥammadiyya en Inde, voir Marc Gaborieau : « Le mahdi oublié de l’Inde britannique : Sayyid Aḥmad Barelwî (1786-1831), ses disciples, ses adversaires », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 91-94 (2000), p. 257-273. À l’inverse, la critique des Almohades de l’anthropomorphisme serait difficilement compatible avec l’image de Dieu ḥānbalite des wahhābites. 250. Daḥlān les attaqua en les traitant de « bergers », voir Peskes : Muḥammad b. ʿAbdalwahhāb, p. 145 ; Haj : Reconfiguring, p. 30 sq., 33. 251. Haj : Reconfiguring, p. 15, en complément de DeLong-Bas, p. 18 et 53. 252. Haj : Reconfiguring, p. 31 ; sur la première domination saoudite sur al-Aḥsā’, voir Steinberg : Religion und Staat, p. 490. 253. Madawi Al-Rasheed : Contesting the Saudi State: Islamic Voices from a New Generation, Cambridge, 2007, p. 73-77. 254. Steinberg : Religion und Staat, p. 453-457, 464-469, 499, 528-535 ; Commins : Wahhabi Mission, p. 80-92, particulièrement p. 83 sq. ; Roger Webster : « Hijra and the Dissemination of Wahhabi Doctrine in Saudi Arabia », in : Ian Richard Netton (éd.) : Golden Roads: Migration, Pilgrimage and Travel in Mediaeval and Modern Islam, Richmond, 2003, p. 11-30 (cf. p. 18 sq.).

INDEX

Mots-clés : prophètes de l’Islam, Muḥammad, wahhabisme, ridda, sīra, Muḥammad b.ʿAbd al- Wahhāb Schlüsselwörter : Propheten des Islams, Muḥammad, Wahhabismus, ridda, sīra, Muḥammad b.ʿAbd al-Wahhāb

AUTEURS

MARTIN RIEXINGER Martin Riexinger est professeur associé pour les études arabes et islamiques à l’Université de Aarhus (Danemark). Pour plus d’informations, voir la notice suivante.

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Das am Propheten orientierte Modell der Heiligkeit im Islam

Michel Chodkiewicz Traduction : Bettina Engels et Nikolaus Gramm

NOTE DE L’ÉDITEUR

Wir danken Herrn Michel Chodkiewicz für die freundliche Genehmigung, diesen Artikel in deutscher Übersetzung zu publizieren. Nous remercions M. Michel Chodkiewicz de nous avoir accordé l’autorisation de traduire ce texte pour le présent numéro.

1 Hat Ibn Hanbal Melonen gegessen? Denjenigen gegenüber, die darauf brennen, eine kategorische Antwort auf diese Frage zu hören, muss ich meine Verlegenheit bekennen. Wenn man Ibn al-Jawzī (gest. 597 / 1200–1)1 glaubt, so »kaufte [Ibn Hanbal (gest. 241 / 855–6)] weder Granatapfel noch Quitte noch irgendeine Frucht außer der Melone«. Dann wissen wir das also, werden Sie denken. Einer überaus verbreiteten Tradition zufolge, der zahlreiche bedeutende Autoren anhingen,2 hat sich der Imam Ahmad allerdings strikt versagt, Melonen zu verzehren, weil er nicht wusste, wie der Prophet sie aß.3 Auch wenn ich mir nicht sicher bin, vermute ich, dass die historische Wahrheit bei Ibn al-Jawzī zu finden ist. Doch werde ich mich für die Zwecke der folgenden Ausführungen an die andere Version halten, denn sie illustriert auf eine Weise, die einem nicht-gläubigen Menschen lächerlich erscheinen mag, einen einzigen Aspekt des in der islamischen Kultur omnipräsenten Themas der imitatio prophetae.

2 Laqad kāna lakum fī rasūlī llāhi uswatun ḥasana. Dieser Koranvers, der übrigens Teil einer Sure mit einem ausgeprägten prophetologischen Charakter – Al-aḥzāb (Koran 33:21) – ist,4 begründet zweifellos das Paradigma, auf das sich jede denkbare Form von Vervollkommnung im Islam zu berufen hat. Dieser – in Schriften und Äußerungen so häufig auftauchende – Verweis kann Ausdruck wahren Glaubens sein. Natürlich kann er auch ein Ausdruck von Konformität sein, der Interessen, Berechnung oder Ängste verschleiert. Auf jeden Fall aber lässt sich die Geschichte islamischer Gesellschaften

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nicht verstehen, ohne zu berücksichtigen, was für eine wichtige Rolle diesem Verweis sowohl für die Herausbildung individueller und gemeinschaftlicher Normen als auch für die Definition des Ideals zukommt, dem diese Normen verpflichtet sind: Denn ganz gleich unter welchem Aspekt sich die imitatio prophetae präsentiert, stets hat sie die Form einer Asymptote. Sie muss darauf aus sein, sich der unübertrefflichen Fülle des »ausgezeichneten Vorbilds« immer weiter anzunähern, ohne es jemals zu erreichen. 3 Bei der ʿāmma – den gewöhnlichen Gläubigen – wird die Imitatio oft einen recht äußerlichen Charakter behalten: Über die Einhaltung der Gesetzesformen hinaus, die sich aus dem Vorbild und den Vorschriften des Propheten ergeben und für alle verbindlich sind, wird sich der fromme Muslim bemühen, unter verschiedenen gleichermaßen zulässigen Verhaltensweisen diejenigen auszuwählen, die vom Propheten ausgezeichnet wurden, und folglich bestimmte Handlungsweisen, eine bestimmte Kleidung und bestimmte Nahrungsmittel bevorzugen. Dass eine solche Konformität auf einen reinen Konformismus hinauslaufen kann, ist mehr als offensichtlich. Dass sie einer endlosen Kasuistik Tür und Tor öffnet und dem flammenden Eifer der Neuerungsfanatiker das Feld überlässt, hat sich in der älteren und jüngeren Geschichte zur Genüge gezeigt. Doch Muhammad wurde von Gott geschickt, um die makārim al-akhlāq, die »edlen Tugenden«,5 zu »vervollkommnen«, und die imitatio prophetae sollte sich nicht auf das gewissenhafte Befolgen augenscheinlicher Verhaltensweisen beschränken, deren Beispiel sich der Tradition entnehmen lassen. Sie sollte soweit möglich auch darauf ausgerichtet sein, das innere Sein des Gläubigen mit dem Vorbild des Propheten in Einklang zu bringen. Aus diesem Prinzip leitet sich zwar eigentlich kein System ethischer Werte ab – diese finden sich schon im Koran formuliert –, wohl aber eine Repräsentationsweise dieser Werte, basierend auf der historischen Existenz eines sie verkörpernden Menschen.

4 Das sind also die beiden Aspekte der Treue zum »ausgezeichneten Vorbild« – wobei Ersterer eher für das Sozialverhalten, Letzterer eher für das ethische Verhalten von Bedeutung ist –, auf die sich die Aufmerksamkeit der Forschung am häufigsten konzentriert. Annemarie Schimmel, der wir ein Werk6 verdanken, das auf bewundernswerte Art und Weise die zentrale Rolle des Propheten für die islamische Spiritualität herausstellt, greift selbst eine Interpretation von Armand Abel auf, in der die imitatio prophetae auf die Imitation »seiner Handlungsweisen und Tätigkeiten« reduziert wird.7 Allgemein kann man sagen, dass nur wenige Arbeiten genügend Sorgfalt darauf verwenden, die Person Mohammeds in Lehre und Glauben seiner Gemeinde zu beleuchten – um den Titel des 1917 erschienenen Buches von Tor Andrae aufzugreifen.8 Noch seltener aber sind die Arbeiten, die die Wichtigkeit der Bezugnahme auf den Propheten in Hagiologie und Hagiografie angemessen würdigen. Zwar wird die Idee vage und beiläufig zugelassen, doch bleibt sie eher folgenloses Lippenbekenntnis und wird nicht weiter entfaltet. Das gilt beispielsweise für ältere Werke wie Mystique musulmane von Gardet und Anawati (der Eintrag »walī« in der ersten Auflage der Encyclopédie de l’Islam von Bernard Carra de Vaux gibt diesbezüglich keinerlei Auskunft). Es gilt ebenso für Julian Baldicks Buch Mystical Islam (London 1989) oder für die 1985 in der Zeitschrift Islamochristiana erschienenen Aufsätze von Farūqī und Niẓāmī, die sich mit dem Begriff der Heiligkeit im Islam auseinandersetzen.9

5 Zwei aktuelle Kontroversen haben mich nun dazu gebracht, dieses Problem eingehender zu thematisieren. Die erste ist eine innermuslimische Kontroverse. Sie wurde in Ägypten durch die Praktiken der ṭarīqa burhāniyya (des Sufi-Ordens) und vor

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allem die Lehren seines Gründers, des 1983 gestorbenen sudanesischen shaykh (Scheich) Muḥammad ‘Uthmān ‘Abduh al-Burhānī, hervorgerufen. Pierre-Jean Luizard in Frankreich und Valérie Hoffman-Ladd in den Vereinigten Staaten haben die Streitpunkte und Wendungen dieser Debatte zusammengefasst.10 Ohne auf die Einzelheiten der scharfen Auseinandersetzungen einzugehen, die die Publikation der Tabri’at al-Dhimma fī Nuṣḥ al-Umma dieses shaykh ausgelöst haben (und später die Verbreitung von Schriften, die er angeblich einigen seiner Schüler noch post mortem auf Arabisch… und auf Deutsch! diktiert hat), sei darauf verwiesen, dass ein wesentlicher Vorwurf gegen seine Lehre der einer »Vergöttlichung des Propheten« ist.11

6 Die zweite ist eine wissenschaftliche und also höfliche Kontroverse – was, wie man weiß, nicht heißt, dass sie vollkommen friedlich wäre. Hier stehen sich unsere Kollegen Bernd Radtke und R. S. O’Fahey auf der einen Seite und Experten wie Fazlur Rahman, J. S. Trimingham, John O. Voll oder B. G. Martin auf der anderen gegenüber; ausgetragen wird sie um den Begriff der ṭarīqa muḥammadiyya , definiert als das Ziel einer »Vereinigung mit dem Geist des Propheten«. In einem unter dem Titel »Neo-Sufism reconsidered« in Der Islam erschienenen Artikel kritisieren Radtke und O’Fahey die These dieser Wissenschaftler, dass im 18. Jahrhundert – insbesondere mit Ibn Idrīs (gest. 1264 / 1897), Muḥammad al-Sanūsī, Ahmad al-Tijānī – ein »reformierter« Sufismus entstanden sei, der durch das Auftreten jenes sogenannten »muhammedanischen Wegs« gekennzeichnet sei, der, mit der Vergangenheit brechend, den Propheten ins vitale Zentrum seiner Hagiologie gestellt habe.12 Radtke und O’Fahey sehen diesen angeblichen »Neosufismus« hingegen in perfekter Kontinuität mit einer sehr alten Tradition, weil er etwa »die Entwerdung im Propheten« als entscheidende Etappe auf dem Lebensweg ansieht, der zur walāya (Heiligkeit) führt.

7 Diese beiden Kontroversen unterscheiden sich sicherlich gravierend. Die erste endete mit dem Bannfluch gegen den Häretiker. Die zweite – noch nicht abgeschlossene – stellt die üblicherweise anerkannten Ergebnisse einer historischen Untersuchung in Frage. Die Personen, deren Schriften oder Taten am Beginn dieser Debatten stehen – Ibn Idrīs oder Aḥmad al-Tijānī einerseits und Muḥammad ‘Uthmān andererseits –, weisen außerdem recht unterschiedliche Eigenschaften auf. Doch eine Grundhaltung teilen sie: Die Möglichkeiten des muhammedanischen Vorbilds erschöpfen sich aus ihrer Sicht nicht in den geläufigen Formen der aktiven Annahme der uswa ḥasana (dem »schönen Vorbild«). Die Person des Propheten ist in ihren Augen zugleich das, was man in Begriffen der Scholastik die »Formursache« (causa formalis) und die »Wirkursache« (causa efficiens) aller Heiligkeit nennen könnte. Die walāya besitzt in Muhammad zugleich ihre Quelle und ihre exemplarische Vollendung.

8 Persönlich bin ich allerdings davon überzeugt, dass diese Doktrin weder im 18. noch im 20. Jahrhundert neu war. Doch die Stichhaltigkeit des so verstandenen Propheten- Vorbilds zu beweisen, ist keine leichte Sache. Man muss das Problem aus verschiedenen Perspektiven betrachten: insofern das prophetische Modell ein Vorbild für die Heiligen selbst ist; insofern es ein Vorbild für die Hagiologie, die Theorie der Heiligkeit, ist; und insofern es sich schließlich mehr oder minder bewusst der Hagiographie auferlegt, wodurch der Archetyp zum Stereotyp zu verkommen droht. In unseren Quellen finden sich diese drei Aspekte oft vermischt. Die Elemente eines Heiligenlebens können in Funktion dieses Modells umorganisiert worden sein, und derlei fromme Manipulationen ziehen, so sie entdeckt oder vermutet werden, die Authentizität der

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dieser Persönlichkeit zugeschriebenen Lehren oder spirituellen Erfahrungen in Zweifel. Der Historiker tröstet sich mit der Überlegung, dass auch die Wiederkehr eines Stereotyps niemals bedeutungslos ist, dass ihm, mit anderen Worten, auch die »goldene Legende« etwas zu sagen hat.

9 Wie dem auch sei, möchte ich mich an dieser Stelle darauf beschränken, einige Hinweise zu geben, auf einige Tatsachen oder Texte zu verweisen, auf die ich meine Überzeugung gründe. Was die geradezu magnetische Anziehungskraft der uswa ḥasana auf die Hagiographie und deren Folgen für das Bild des walī (des Heiligen) angeht, so erwähne ich sie nur zur Erinnerung. Ihre Auswirkungen sind normalerweise leicht zu bestimmen, selbst wenn überflüssige Details manchmal das Offensichtliche verhüllen. Aus diesem Grund muss man natürlich eher auf den wiederkehrenden Gebrauch der offenkundig von der Sīra nabawiyya (Prophetenbiographie) angeregten Topoi achten als auf das isolierte Auftreten des einen oder anderen Topos. Ohne jeden Anspruch auf Vollständigkeit werde ich einige Charakteristika anführen, deren Signalcharakter für Spezialisten ein wohlbekanntes Signal erkennbar ist. Die Vorzeichen und Wunder, die mit der Geburt eines Heiligen einhergehen, gehören dabei zu den häufigsten. Insbesondere die Berichte, die sich auf die Gründer der ṭuruq (der »spirituellen Wege« oder Orden – Mehrzahl von ṭarīqa, A.d.Ü.) beziehen, beispielsweise auf ʻAbd al-Qādir al- Jīlānī, Ahmad al-Rifāʻī, Bahā al-Dīn Naqshband oder ʻAbd al-ʻAzīz al-Dabbāgh, sind reich an mirabilia, in denen sich ein außergewöhnliches Schicksal ankündigt. Aḥmad al- Badawīs Mutter erscheinen im Verlaufe ihrer Schwangerschaft hintereinander Abraham, Moses, Jesus, Muhammad, Ali und Hussein, die ihr den zukünftigen Ruhm ihres Sohnes prophezeien. Als er geboren wird, ist die Kaaba erleuchtet ...13 Und belustigt stellt man ganz nebenbei fest, dass die Biographen Muḥammad Ibn ʻAbd al- Wahhābs, jenes großen Gegners des Heiligenkults, der Versuchung des Mimetismus nicht widerstehen konnten. In einem vor einigen Jahren veröffentlichten wahhabitischen Werk kann man lesen, dass der Großvater dieses Imams des Tauhīd vor dessen Geburt im Schlaf ein Feuer sah, das aus seinem Nabel emporschlug und alle Wüsten erleuchtete. Er schloss daraus, dass seine Lenden einen Mann hervorbringen sollten, der die Völker führen würde.14

10 Eine weitere signifikante Eigenschaft, nämlich der Waisenstand, ist bei den awliyā (den Gottesfreunden [im Sinne von: Heiligen; A.d.Ü.]) überaus häufig anzutreffen. Auch ihre Kindheit verläuft oft nach dem Vorbild des Propheten. Puer senex oder das reife Kind: »Wann wusstest du, dass du ein Heiliger bist?«, wurde Jīlānī gefragt – »Als ich zehn Jahre alt war«, antwortete dieser. Der Heilige hat ein ausgeprägtes Schamgefühl – dem Bauch seiner Mutter kaum entstiegen, bedeckt al-Rifāʻī sein Geschlecht mit seiner linken Hand –,15 er meidet Ablenkungen und Spiele, er hütet das Vieh. Er spricht ohne Umschweife: Wie der Prophet ist auch er amīn, er flößt allen Vertrauen ein. Mindestens im Traum macht er Erfahrungen, deren offensichtlich läuternde Symbolik die Reinigung des Herzens Muhammads von Engelhand evozieren. Manchmal durchlebt er jene Episode aus der sīra sogar auf identische Weise. Davon berichten detailliert Yāfiʻī, Abū Rabī‘ al-Malaqī sowie die Salwat al-Anfās von Sīdī ‘Umar al-Kattānī. 16 Auch die Begegnung mit Baḥīrā findet oft ihren Widerhall: Eine mysteriöse Gestalt, so wie der rätselhafte baqqāl, der Ibn al-Fāriḍ (gest. 632 / 1234–5) nach Mekka schickt,17 wurde von Gott über das Schicksal des künftigen walī in Kenntnis gesetzt, um ihn seiner Berufung zuzuführen. Oft handelt es sich um einen alten Mann; und es kommt nicht selten vor,

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dass dieser von der Vorsehung gesandte Greis, wie Baḥīrā, ein Mönch ist. Die Rolle des rāhib (des Mönchs) in der Hagiographie bedürfte eines eingehenderen Kommentars.18

11 Der Rückzug – in eine Grotte, in die Wüste, auf Friedhöfe, in Ruinen – ist eine typische Etappe der Heiligen-Ausbildung. Zwar kann er – da die Prophezeiung eigentlich abgeschlossen ist – dort keine Offenbarung erleben, er wird aber mit jenen Traumvisionen belohnt, die den 46. und einzig noch offenen Teil der nubuwwa (der Prophezeiung) ausmachen. Er vernimmt dort ein hātif, eine übersinnliche Stimme. Darauf folgt der »Abstieg vom Berg« – im eigentlichen Wortsinn etwa für einen Abu al- Ḥasan al-Shādḥīlī (gest. 657 / 1258),19 im metaphorischen Sinn für andere: Auf göttliche Weisung kehrt der walī zu den Menschen zurück, um sie zu führen. Im Laufe seiner Mission muss er Prüfungen bestehen. Er muss ins Exil gehen. Seine Verfolger werden schließlich zurückgeschlagen: Der Hidschra (dem Auszug) folgt die fatḥ, die siegreiche Eroberung der Herzen.

12 Derlei Übereinstimmungen mit den Handlungsweisen des Propheten muss es nicht unbedingt an historischer Wahrheit mangeln. Doch die allzu offensichtlichen Homologien sind, zumal wenn sie sich in Serie ereignen, fast immer erfunden. Davon zeugt der Umstand, dass sie meist nur in späten Berichten Erwähnung finden und in älteren Quellen über die betreffende Person nicht auftauchen. Überdies ist zu bemerken, dass von den Homologien, die man seit dem 13. Jahrhundert häufig antrifft, in den ersten Sammlungen der Vitae sanctorum, wie dem Ṭabaqāt des Sulamī oder der Ḥilyat des Abū Nuʻaim, noch keine Rede ist. Als fromme Lügen huldigen sie einer sie übersteigenden Wahrheit. Sie spielen für meine These allerdings keine Rolle und sind meines Erachtens eher geeignet, von fruchtbaren Forschungen abzulenken.

13 Der Historiker weiß natürlich, dass er nichts anderes als Repräsentationen des Heiligen zu fassen bekommt; das gilt auch für die primitive Schicht der Zeugnisse und die autobiographischen Dokumente selbst. Doch auch wenn sich das sirr (Geheimnis) der Heiligkeit seinem Zugriff entzieht, muss er versuchen, sich ihm so weit wie möglich anzunähern. Die Schriften der awliyā, sofern sie ihren eigenen Werdegang beschreiben oder sich bemühen, die walāya zu definieren, verdienen (es) also, aufmerksam studiert zu werden: Aus ihnen kann man nämlich gewisse Erkenntnisse über die beiden erwähnten Kontroversen ableiten. Vor dem Hintergrund einer solchen Untersuchung kann man zumal feststellen, dass die vermeintlich skandalösen Thesen der Tabri’at al- Dhimma schon seit vielen Jahrhunderten im Umlauf sind und dass shaykh Muḥammad ʻUtmān somit bestenfalls im weiteren Sinne als Autor dieses Buches gelten darf. In Wirklichkeit handelt es sich dabei im Wesentlichen um eine Zusammenstellung langer Zitate – von dutzenden Seiten zum Teil –, deren Richtigkeit ich Punkt für Punkt überprüfen konnte. Sie stammen aus Werken, die zu einem geringen Teil unveröffentlicht, zumeist aber gedruckt sind und sich ohne größere Schwierigkeiten in Kairo auffinden lassen – was die Kritiker des Gründers der ṭarīqa burhāniyya selbstverständlich wissen müssten. Ich werde noch auf die Art dieser Texte zurückkommen.

14 Genau genommen kommt die Heiligkeit allein Gott zu: Der Name al-Quddūs (der einzig Heilige), der von ihr kündet, ist ausschließlich ihm vorbehalten. Für die menschliche Kreatur kann Heiligkeit folglich nichts anderes bedeuten als Teilhabe an der Heiligkeit Gottes. Theologisch gesehen gründet die Möglichkeit dieser Teilhabe auf der Doppelnatur des Namens al-Walī, den der Koran sowohl auf den Menschen wie auf Gott bezieht und der beider Nähe beteuert. Während diese walāya für die meisten Wesen

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reine Möglichkeit ist, ist sie bei einigen verwirklicht. Anthropologisch gesehen begründet der Hadith, dem zufolge Gott Adam ‘alā ṣūratihi, »nach seinem Ebenbild«, schuf, die Fähigkeit des Menschen zum ta’alluh, zur Theomimesis oder größtmöglichen Annäherung an Gott. Der Mensch findet walāya, wenn diese Ähnlichkeit mit Gott wiederhergestellt ist, die er durch seinen Sündenfall fī asfali sāfilīn (Koran 95:5) verloren hat. Seine Verfallenheit aber verbietet ihm den Anblick jenes Gottes, dem er ähnlich sein soll. Er kann seinen ursprünglichen Theomorphismus nur wiedererlangen, wenn er sich dem – in der geschaffenen Welt – einzig unversehrten Bild der göttlichen Form, dem unvergleichlichen Vorbild des takhalluq bi-akhlāq Allāh angleicht, das der Prophet oder besser noch: die ḥaqīqa muḥammadiyya oder muhammedanische Wirklichkeit verkörpert.

15 Der Ausdruck ḥaqīqa muḥammadiyya taucht erst sehr spät auf. Ibn al-‘Arabī (gest. 538 / 1240–41) gibt ihm Ende des zwölften, Anfang des 13. Jahrhunderts seine Stellung im technischen Vokabular des Sufismus und formuliert die entsprechende Lehre aus.20 Doch die Vorstellung, die er zum Ausdruck bringt, hat unter diversen Namen schon einen langen Weg zurückgelegt. Man kann sie bereits bei Ibn Isḥāq (gest. 159 / 768) in einem Bericht über den Vater des Propheten finden: Das Thema des nūr muḥammadī, des muhammedanischen Lichts, das bis zu seiner vollkommenen und endgültigen Manifestation in der Person des Muhammad durch die Zeitalter reist, nimmt hier seinen Ausgang.21 Gestützt auf die überlieferte Benennung des Gesandten als sirāj munīr (lichtspendende Lampe) (Koran: 33:46) wird es – etwa von Sahl al-Tustarī,22 Ḥallāj (gest. 310 / 922–3)23 und vielen anderen – immer weiter ausgearbeitet und präzisiert. Die Prophetenschaft stellt nichts anderes dar als den äußeren und transitorischen Aspekt der muhammedanischen Funktion (weil nubuwwa und risāla, Prophezeiung und Botschaft, im zukünftigen Leben gegenstandslos sein werden). Das Innere des Propheten ist reine walāya. Bestimmte Autoren werden übrigens in der Folgezeit betonen, dass die uswa ḥasana nach dem Wortlaut des Koran, fī rasūli llāh, »im« Gesandten Gottes zu suchen ist.24 Viel früher aber, im zweiten bzw. achten Jahrhundert, unterscheidet Jaʻfar Ṣādiq bei den Gläubigen schon zwischen denjenigen, die dem ẓāhir (expliziten Wortlaut) des Propheten, und denjenigen, die seinem bāṭin (inneren Sinn) folgen. Bei ihm ist Muhammad, wie Paul Nwyia bemerkt,25 »das unübertreffliche Vorbild aller Heiligkeit« und nicht nur Richter über das gute Leben oder Paradigma der Tugenden. Auf unterschiedliche Weise bringen viele Texte aus dem dritten und vierten Jahrhundert ähnliche Vorstellungen zum Ausdruck. »Ich tauchte in ein Meer der Glaubenslehren ein, bis ich das Meer des Muhammad erreichte«, erklärt Abū Yazīd al- Bisṭāmī, »und ich sah dann, dass zwischen ihm und mir tausend Stationen lagen und dass ich, wenn ich mich auch nur einer einzigen näherte, im Feuer verbrennen würde«. 26 Der bewundernswerte – aber leider verstümmelte – autobiographische Bericht, in dem Hakīm al-Tirmidhī seinen Weg zur walāya schildert, bezeugt auf bewegende Weise, dass die spirituelle Vervollkommnung für ihn eine möglichst vollständige Identifikation mit dem Propheten beinhaltet. In einer der Visionen, von denen er erzählt, beschreibt er sich – in fünf Zeilen fünfmal wiederholt – als buchstäblich »in die Fußstapfen« (ʻalā atharihi) des Gottgesandten tretend. In einer anderen Vision von reicher Symbolik teilt er sein Bett mit dem Propheten.27

16 Diese Auffassung der muhammedanischen Funktion, die in ihrer ganzen Fülle in den Blick genommen wird, ist ganz offensichtlich Kennzeichen einer Elite. Es wäre aber unklug, daraus zu schließen, dass sie nur auf spezifische Milieus beschränkt wäre. Denn auch wenn es einer frommen Literatur – deren berühmtestes Beispiel der Shifā des qāḍī

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ʻIyyād ist – sicher an der technischen Genauigkeit und der Durchbildung mangelt, die man in den doktrinalen Abhandlungen findet, von denen noch die Rede sein wird, verbreitet sie doch weitgehend ein Bild des Propheten, über das sich Ibn Taymiyya (gest. 728 / 1327–8) empören wird.28 Vor allem aber ist es die Poesie – oft mit gewagten sprachlichen Wendungen, die sich die Prosa versagt –, die zur Übermittlung von Vorstellungen beitragen wird, von denen man glauben könnte, sie beschränkten sich auf enge mystische Zirkel: Das Genre der madā’iḥ nabawiyya (Elogen auf den Propheten), das durch die seit dem siebten bzw. dreizehnten Jahrhundert sich verbreitende Feier des Mawlid (des Geburtstags des Propheten) zur Blüte gelangt , wird unzählige – unbekannte oder berühmte – Dichter inspirieren, deren Werken ein ungeheurer – und übrigens bis heute anhaltender – öffentlicher Erfolg beschert sein wird.29

17 Dennoch wird man gerade in eher theoretischen Werken die explizitesten Formulierungen des prophetischen Modells der Heiligkeit finden. Ibn al-ʻArabī spielt in dieser Hinsicht durch seine eigenen Bücher und – indirekt – durch die Bücher seiner Schüler eine entscheidende Rolle, weil er jener Lehre, die den Propheten zum insān kāmil (vollkommenen Menschen) und zum nuskhat al-ḥaqq (Ebenbild Gottes) erklärt, ihren umfassendsten Ausdruck verleiht.30 Diese Lehre hat nun aber erhebliche und durch den shayk al-akbar (»den größten Meister« – Bezeichnung des Ibn al-ʻArabī; A.d.Ü.) klar bestimmte Konsequenzen für die Modalitäten der spirituellen Verwirklichung: »Die vollkommenste Anschauung Gottes«, so schreibt er, »ist jene, die man in und durch die muhammedanische Form erreicht.«31 »Versuche nicht, Gott anders als im Spiegel des Propheten zu betrachten«, liest man in einer Abhandlung, die Ibn al-ʻArabī nicht mit Sicherheit zugeschrieben werden kann, die aber ganz offenkundig aus der Akbar-Schule stammt.32 Die Beziehung dieser Vorstellung zu einer dezidiert prophetenzentrierten Praxis wird noch durch die Tatsache betont, dass Ibn al-ʻArabī sie in der erstgenannten Textstelle im Blick auf einen andalusischen Heiligen formuliert, der von Beruf Schmied war, sich aber ausschließlich der ununterbrochenen Rezitation des »Gebets des Propheten« widmete.33 Wenn die fuqahāʻ (islamischen Rechtsgelehrten) die vom Propheten eingesetzten Normen verwahren, wie er noch an einer anderen Textstelle des Futūḥat erklärt, so verwahren andere Menschen – als Beispiele führt er Dhu l-Nūn al-Miṣrī und Bisṭāmī an – seine »Zustände« und »Geheimnisse«.34 Etwas später erläutert auch Qāshānī in seinen Taʻwīlāt, dass sich die Orientierung an der uswa ḥasana nicht auf die Nachahmung der Handlungen des Propheten beschränkt, sondern auch auf die Nachahmung seiner »Zustände« (aḥwāl) und Gotteserscheinungen (tajalliyāt) erstreckt.35 18 ʻAbd al-Karīm al-Jīlī wird dieses Thema im achten bzw. vierzehnten Jahrhundert in all seinen Schriften und insbesondere im Nasīm al-Saḥar, einem der erhaltenen Teile seiner umfangreichen Abhandlung Nāmūs al-Aʻẓam, in großem Stil weiterentwickeln.36 Der Nasīm besteht aus zwölf Abschnitten, die sich jeweils auf ein Ereignis im Leben Muhammads beziehen: seine Reise nach Syrien, seinen Rückzug auf den Berg Jabal al- Nūr, seine letzten Worte etc. Nach al-Jīlī muss jedes dieser Ereignisse vom Reisenden (viator) wirklich verinnerlicht werden und darf nicht bloß Gegenstand seiner Meditation bleiben. Es geht hier nicht mehr nur um ein Anteilnahme (adhésion), sondern wirklich um eine Teilhabe (adhérence), und dieser Ausdruck besitzt hier all die Kraft, die er auch im Vokabular des Kardinals Bérulle besaß: Sulūk (das Reisen auf den Pfaden des Propheten) impliziert die Teilhabe des gesamten Wesens an den Zuständen des Propheten. Der sālik (spirituell Reisende) muss daher – nach dem Qāb Qawsayn, einem anderen Fragment des Nāmūs – permanent die ṣurā (Form) und die ḥaqīqa (innere

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Realität) Muhammads in sich verwirklichen. Dies nur als Vorschriften zu betrachten, wäre ein Fehler: Al-Jīlī stützt sich auf eine persönliche Erfahrung, die ihm den insān kāmil in seinem ganzen Glanz offenbarte und von der er uns in seinen Werken wiederholt berichtet: Im Jahr 796 bzw. 1393 sieht er in Zabīd den Propheten, zunächst von den sieben Attributen des Göttlichen Wesens umhüllt, dann mit diesem Wesen eins geworden.37 Eine vergleichbare Vision überkommt ihn im Jahr 802 bzw. 1399 in Medina. 38 Daher ist der Hinweis nicht uninteressant, dass die »skandalöse« Tabriʻa des shayk Muḥammad ʻUthmān, die lange, klug ausgewählte Auszüge aus Ibn al-ʻArabīs Futūḥat (S. 221–252) akribisch reproduziert und die wiederaufgefundenen Teile von al-Jīlīs Nāmūs al-Aʻẓam (S. 37–74) im vollständigen Text wiedergibt, sich letztlich darauf beschränkt, alten Wein in neue Schläuche zu füllen.39 19 Lange vor ʻAbd al-Karīm al-Jīlī – einem als weitgehend orthodox geltenden Autor, dessen Werk über alle ṭuruq hinweg größte Verbreitung erfuhr – hatte schon Ibn ʻAtā Allāh (gest. 709 / 1309) beteuert, dass »die haqīqa muḥammadiyya [muhammedanische Wirklichkeit] wie die Sonne ist und die leuchtenden Herzen der awliyā [Gottesfreunde] Monden gleichen«.40 Die muqaddima (Einleitung) seiner Laṭāʻif al-Minan ist ein hagiologischer Traktat, der – in verkürzter Form – ganz offensichtlich die Thesen Ibn al-ʻArabīs wiedergibt, auch wenn dessen Name nicht erwähnt wird. Hinweise wie die am Ende des ersten Kapitels der Laṭāʻif erscheinen aber noch bedeutsamer, da sie die Rolle des Propheten im Leben bestimmter Heiliger unterstreichen. Dort werden einige der Gefährten des Abū l-Ḥasan al-Shādhilī beschrieben: »Kein anderer als der Gesandte Gottes hat mich erzogen (mā rabbānī illā rasūl Allāh)«, erklärt Makīn al-Dīn al-Aṣmar. Auch ʻAbd al-Rahīm al-Qinawī reklamiert ganz ausdrücklich den Propheten als seinen einzigen Meister. Und was Abū l-ʻAbbās al-Mursī, den Nachfolger al-Shādhilīs angeht, so erklärt dieser: »Seit vierzig Jahren hat mich kein Schleier vom Gesandten Gottes getrennt.«41

20 Andere Persönlichkeiten äußern in derselben Zeit ähnliche Dinge: Dies trifft insbesondere auf zwei der awliyā zu, die von Ṣafī al-Dīn (gest. 682 / 1283) in seiner Risāla näher gewürdigt werden: auf shayk Abū l-Suʻud und auf shayk Abū l-ʻAbbās al-Ṭanjī, dem die Fülle muhammedanischer Gelehrsamkeit in Jerusalem unter der Kuppel des Felsendoms zuteilwurde.42 Gleichartige Berichte aus späterer Zeit lassen sich in den berühmten Tabaqāt Kubrā von al-Shaʻrānī (gest. 973 / 1565) finden. Sie erlauben uns zu verstehen, warum Letzterer in einem anderen Buch mit so viel Nachdruck beteuert, dass »der Gesandte Gottes der wahre Meister (al-shayk al-ḥaqīqī bi-wāsiṭat ashyākh al- ṭarīq aw bilā wāsiṭa)« ist, »durch Vermittlung der Meister des Wegs oder ohne Vermittler« – diese außerordentliche Gunst, Folge absoluter Treue zur uswa ḥasana, wurde, so al- Shaʻrānī, unter den ihm persönlich bekannten shuyūkh (Scheichs) dem ʻAlī l-Khawwāṣ sowie dem Jalāl al-Dīn al-Suyūṭī (gest. 911 / 1505-6) gewährt.43 Zu den genannten muss man unter den awliyā der mamlukischen Ära beispielsweise noch den Namen des Ibrāhīm al-Matbūlī hinzufügen, von dem die Ṭabaqāt Kubrā berichten, »dass er keinen shayk außer dem Gesandten Gottes hatte«,44 oder den des Abū l-Mawāhib al-Shaʻrānī, der beteuerte, dass »der Gesandte Gottes mich mit der Kutte des taṣawwuf [Sufismus] bekleidet hat«.45 Wir haben es hier also mit einer privilegierten Form der Heiligung zu tun, die die islamische Hagiographie sehr früh schon erkannt und beschrieben hat, und die dem Typus uwaysī (ohne persönlichen Kontakt zum spirituellen Lehrmeister; A.d.Ü.) angehört: Ob er nun irdische Meister hat oder nicht – ein sālik dieser Kategorie durchlebt seine spirituelle Lehrzeit tatsächlich unter der Anleitung der rūḥāniyya

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(Spiritualität) eines Heiligen oder eines verstorbenen Propheten, und im prominentesten Falle ist es die rūḥāniyya Muhammads, die seine Erziehung übernimmt. 21 Eine kostbare persönliche Erfahrung trägt übrigens al-Shaʻrānī – ebenfalls in den Tabaqāt – an jener Stelle bei, an der er von Nūr al-Dīn al-Shūnī, einem seiner Meister spricht, der für seine extreme Hingabe an den Propheten bekannt ist – er hatte insbesondere die Praxis einer kollektiven Rezitation der taṣliyya (Eulogien) eingeführt. Wiederholt hatte al-Shaʻrānī im Traum Nūr al-Dīn al-Shūnī zur Linken des Propheten gesehen. Doch als er eines Tages seinen Meister besuchte, ereignete sich etwas noch Großartigeres: »Der Körper des shayk verschwand«, schreibt er, »und es erschien der Körper des Propheten.«46 Das Auftreten eines solchen Phänomens ist alles andere als einzigartig: Im Jahr 790 / 1388 erzählt ʻAbd al-Karīm al-Jīlī in Zabīd, der Prophet sei ihm in der Gestalt seines Meisters Ismaʻīl al-Jabartī (gest. 806/1403) erschienen, wobei er daran erinnert, dass der Prophet auch einem der Schüler Shiblīs in dessen Gestalt erschienen wäre. »Bezeuge, dass ich der Gesandte Gottes bin«, befahl Shiblī seinem Schüler – was diese dann auch tat.

22 Mit Shiblī kehren wir ins dritte bzw. neunte Jahrhundert zurück und erkennen bereits hier, dass eine Hagiologie, die den Propheten buchstäblich als al-shayk al-ḥaqīqī auffasst, in einer langen Tradition verwurzelt ist. Dass dieser Prophetozentrismus sogar noch weiter, nämlich bis zur »Auslöschung im Propheten« führen kann, zur al-fanā fī l-nabī, wie es im späteren Sufismus dann heißt, wird durch eine kuriose Anekdote illustriert, die Suyūṭī in einer seiner fatwās47 erzählt: Einer der ṣaḥāba (Gefährten Muhammads) begab sich nach Muhammads Tod zu einer der Ehefrauen des Propheten. Sie hielt ihm den Spiegel vor, den jener zu benutzen pflegte – und da erschien ihm nicht sein eigenes Spiegelbild, sondern das Gesicht des Gesandten. In diesem sehr sachlichen, unkommentiert wiedergegebenen Bericht kündigt sich eine Form der spirituellen Erfahrung an, die viele andere Persönlichkeiten auf die eine oder andere Weise machen werden. In seinem Bericht von einer Vision, die ihn in der Moschee von Medina überkam, erklärt der Emir ʻAbd al-Qādir: »Die edle Person des Propheten vermengte sich derart mit der meinigen, dass wir zu einem einzigen Wesen wurden.«48

23 Diese Worte wurden gegen Ende des 13. bzw. 19. Jahrhunderts geschrieben. Aber ich bestehe darauf, dass man in ihnen nicht den Ausdruck eines vermeintlichen Neosufismus sehen darf, der in gewisse ṭuruq ganz neue Formen des Zugangs zur walāya eingeführt hätte: Jede ṭarīqa ist – vor der Epoche, in der manche eine radikale Veränderung am Werke sehen möchten, ebenso wie nach ihr – in Wirklichkeit eine ṭarīqa muḥammadiyya, auch wenn diese Bezeichnung nicht immer geläufig sein mag. Wenn die Reformatoren des 19. Jahrhunderts neben den langen silsila (spirituellen Kette), die sie alle ohne Ausnahme für sich beanspruchen können, eine kurze silsila, also eine unmittelbare Beziehung zum Propheten reklamieren, so brechen sie deshalb nicht mit der Tradition: Bei allen shuyūkh, die nicht einfach Verwalter des Sakralen sind, sondern als authentische awliyā angesehen werden können, ist die Verbindung oder besser noch: die Vereinigung (irtibāṭ) mit der rūḥaniyya des Gesandten eine Bedingung für die spirituelle Erfüllung. Die Erfahrung dieser Vereinigung wird in unterschiedlichen Weisen erlebt und mit Hilfe der vielfältigen Ressourcen des symbolischen Repertoires der islamischen Kultur zum Ausdruck gebracht. Da sie aber in der Doktrin begründet ist und im Zeugnis der Meister Bestätigung findet, wird sie als unumgänglich erachtet. Selbst ein Schüler von Ibn Taymiyya wie der Sufi und ḥanbalitische faqīh (islamische Rechtsgelehrte) ʻImād al-Dīn al-Wāsiṭī (gest. 712 / 1312)

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bekräftigt dies.49 Im Maghreb des 15. Jahrhunderts werden Jazūlī, der Autor des Dalāʻil al-Khayrāt, und seine wichtigsten Schüler – auch außerhalb der Gelehrtenzirkel – in dieser Hinsicht beträchtlichen Einfluss ausüben. Ghazwānī, der dritte shaykh der Jazūliyya, gibt einer seiner Schriften bezeichnenderweise den Titel »Der ewige Punkt. Über das Geheimnis des muhammedanischen Wesens« (Al-nuqṭa l-azaliyya fī sirr al-dhāt al-muḥammadiyya). Abū Amr al-Qastālī, ein anderer Jazūlī-shayk, wird vom Abdruck sprechen, den das Bild des Propheten im Herzen des Eingeweihten hinterlässt.50 Man sollte sich auch ins Gedächtnis rufen, dass sich Ibn Idrīs, den man gerne als Gründervater des Neosufismus ansieht, über die Vermittlung seines Meisters ʻAbd al- Wahhāb al-Tāzī, Abd al-ʻAzīz al-Dabbāgh, einem großen Heiligen aus Fès, verbunden ist.51 Letzterer beteuert nun ausdrücklich, dass jeder Mensch, der in den Genuss einer Erleuchtung kommt (al-maftūḥ ʻalayhi), sich in großer Gefahr befindet und dem Untergang nahe ist (khaṭar ʻaẓīm wa halak qarīb), »solange er die spirituelle Stellung (maqām) des Gesandten nicht erschaut hat«, denn »im edlen Wesen des Propheten wohnt eine ihm eigene Kraft, mit der er [die Kreatur] zu Gott hinzieht«.52 Die muhammedanische Meditation erscheint somit auch hier als ein Punkt, an dem der Initiationsweg zwangsläufig vorbeiführen muss.

24 Unter den Episoden aus dem Leben des Propheten gibt es eine von größter Wichtigkeit, die ich nicht erwähnt habe, als ich auf die von der sīra nabawiyya inspirierten hagiographischen Topoi hinwies: Ich meine die Himmelfahrt (mi‘rāj), denn ihr Nachvollzug im Leben des awliyā wird von zahlreichen autobiographischen Texten bezeugt, so dass man darin – in der Mehrzahl der Fälle – die Transkription einer wirklichen inneren Erfahrung und nicht bloß eine literarische Imitation sehen sollte. Die Teilhabe an den Zuständen des Propheten findet seinen vollkommensten Ausdruck darin, dass der walī die »nächtliche Reise« rekapituliert, die Muhammad bis an die Schwelle der göttlichen Gegenwart führt. Das früheste Zeugnis einer solchen Erfahrung ist der allgemein bekannte Bericht von Abū Yazīd al-Bisṭāmī.53 Dennoch finden sich bei Ibn al-ʻArabī die genauesten doktrinellen Darstellungen54 dieser mi‘rāj al-awliyā, aber zugleich auch der differenzierteste persönliche Erfahrungsbericht von den Etappen und dem Ziel dieser Auffahrt zu Gott in Nachfolge des Propheten, die er in mehreren Zeugnissen wiedergibt.55 Auch Semnānī 56 und ʻAbd al-Karīm al-Jiīlī 57 verraten einige Geheimnisse dieser ekstatischen Himmelfahrt. Viele awliyā, die in der Welt weniger bekannt sind, reisen gleich ihnen von einer Himmelssphäre zur anderen dem göttliche Mysterium entgegen: so etwa der Marokkaner ʻAbd al-Raḥmān al-Khazrajī58 oder auch der heilige Patron von Luxor, Abū l-Ḥajjāj al-Uqsurī, dem zugeschrieben wird, er sei dieser übernatürlichen Gunst in der Nacht Mitte des (Monats) Shaʻbān teilhaftig geworden.59

25 Doch wie schon gesagt ist die Nachahmung des prophetischen Modells, so vollkommen sie auch sein mag, nie mehr als eine Asymptote. Dies bestätigt sich im Falle der mi‘rāj der Heiligen. »Unser mi‘rāj ist nicht mit der seinigen identisch« (inna mi‘rājanā laysa ka- mi‘rājihi), erklärt al-Jīlī.60 Die körperliche Himmelfahrt bleibt ein Privileg Muhammads: »Die awliyā«, schreibt Ibn al-ʻArabī an einer Stelle, an der er die Tabriʻa wiedergibt, »unternehmen nächtliche Reisen im Geiste (isrā‘at rūḥānniya) […], ihre Himmelsreisen vollziehen sich nicht in sinnlich-wahrnehmbarer Form.« Und am Ende des Berichts über seine eigene Fahrt von einem Himmel zum anderen bis zu dem Ort, den er den »Aufenthalt Muhammads« nennt, präzisiert er: »Ich bin in mir selbst gereist.«61 Nichtsdestoweniger bleibt die Idee, dass ein walī für sich in Anspruch nimmt, – und sei es auch nur – einen Bruchteil der ganz besonderen, dem Propheten gewährten Gnade

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selbst erfahren zu haben, für die ‘ulamā‘ (islamischen Religionsgelehrten) ein Skandal: So wird im Indien des 16. Jahrhunderts Muḥammad Ghawth Gwalyorī, der Verfasser einer Risāla Mi‘rājiyya, wegen Gotteslästerung zum Tode verurteilt und kann sich nur durch überstürzte Flucht retten.62 Zahlreiche shuyūkh, denen nach diesen Kriterien dasselbe Urteil gedroht hätte, hatten größeres Glück oder waren vorsichtiger und konnten so dem Blick der Zensoren entgehen. Zwar rührt man mit dem mi‘rāj an den äußersten Punkt der sehr reellen, aber auch sehr porösen Grenze zwischen der walāya und der nubuwwa, also zwischen Heiligkeit und Prophetentum. Aber wen könnte es erstaunen, dass in einer Mystik, für die die ḥaqīqa muḥammadiyya zugleich Gipfel und Zentrum ist, das innere Abenteuer, das der Pilgerweg zu Gott, das itinerarium in Deum für den walī darstellt, in Anlehnung an jenes Schema erlebt und beschrieben wird, welches ein Text aus dem abendländischen Mittelalter die »Leiter Mohammeds« nennt?

26 Da sind wir nun weit, sehr weit entfernt von unserem Ausgangspunkt – der Melone, die Ibn Ḥanbal gegessen oder nicht gegessen hat. Mehrere Jahrhunderte Geschichte und eine beträchtliche Zahl von Quadratkilometern habe ich Sie im Galopp – von West nach Ost – durchmessen lassen. Also ein bloßer Überblick, keinesfalls eine erschöpfende Abhandlung. Doch selbst eine methodischere Erforschung der arabischen Quellen wäre wohl unzureichend. Denn die Untersuchung müsste sich auch auf Zentralasien erstrecken (wo insbesondere die Naqshbandiyya seit ihren Anfängen wertvolle Zeugnisse liefert), auf Indien, das ich en passant erwähnte, auf die malaiische Welt, in der die Doktrin des insān kāmil originelle Ausdrucksformen gefunden hat … Dennoch wage ich es nun, einige Schlussfolgerungen vorzutragen, die in manchen meiner Bemerkungen in Wahrheit schon weitgehend vorweggenommen sind. 27 Dass man dem shayk Muḥammad ʻUthmān in Ägypten einen ungerechten Prozess gemacht hat, ist, wie ich glaube, kaum zu bestreiten: Was immer man über die Vereinbarkeit seiner Lehre mit der Orthodoxie denken mag – und dies ist nicht das Problem, das uns hier beschäftigt –, so ist diese Lehre doch in keiner Weise provokativ. Einer seiner ersten Schüler übergab Valérie Hoffman ein Exemplar der Tabriʻa und erklärte ihr, sehr zu Recht: »Muḥammad ʻUthmān hat dieses Buch nicht geschrieben. Es ist das Werk von mehr als achtzig Autoren.«63 Erstaunlich an diesem Vorgang ist nicht etwa, dass die üblichen Gegner des Sufismus diese banale Textsammlung erbittert attackierten – sondern, dass auch die Würdenträger des offiziellen »Obersten Sufi- Rates« sie mit derselben Heftigkeit anprangerten. In der Person des sudanesischen shaykh wurden eigentlich die Meister, die er für sich in Anspruch nimmt, ins Visier genommen und ein überreiches, bemerkenswertes Erbe über Bord geworfen. Eine Bestätigung dieser Haltung – die auf Kritiken fundamentalistischer Bewegungen mit einer selbstmörderischen Überbietung ebendieser Kritiken antwortet – findet man beispielsweise in einem 1992 veröffentlichten Interview mit Muḥammad Zakī Ibrāhīm, dem Oberhaupt des Sufi-Ordens ṭāriqa muḥammadiyya shādhiliyya:64 Für ihn vertreten Autoren wie Ibn al-ʻArabī oder al-Jīlī einen Sufismus, der »dem Islam fremd ist«. Aber er versichert mit Genugtuung: »Sie haben heute weder Schüler noch Erben.« Eine offensichtlich falsche Behauptung, wie schon die Existenz der Burhāniyya und auf diskretere Weise auch die Existenz weniger lautstarker, doch unbezweifelbar legitimer ṭuruq zeigt. Zugleich offenbart diese Behauptung aber den Bruch zwischen der Fassade eines durch die Epigonen des Ibn Taymiyya beeinträchtigten institutionellen Sufismus und den sehr alten Gewissheiten, die in den Tiefen der umma (Gemeinschaft der Muslime) unaufhörlich neue Leidenschaften entfachen.

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28 Diese Gewissheiten und Leidenschaften hatten die Väter des »Neosufismus« selbst als Erbe übernommen. Reformatoren waren sie zweifellos. Ist aber die Geschichte der ṭuruq – ebenso wie die der Mönchsorden – nicht einfach die Geschichte stets aufs Neue einsetzender Reformen? In Umkehrung einer wohlbekannten Redensart, die im Okzident die Ausnahmestellung der Kartäuser veranschaulicht, könnte man behaupten, dass die Grundregel jeder ṭariqā »semper deformata, semper reformata« lauten müsse. Jedes Jahrhundert erlebt das Wirken von Meistern, die sich unter den jeweiligen Bedingungen ihrer Epoche und ihres Milieus daran machen, den ursprünglichen Elan wiederzubeleben und das besondere Charisma, das die Daseinsberechtigung ihres Wegs ausmacht, wieder klar herauszustellen. Um den aktuellen Herausforderungen zu begegnen, muss man den einen oder anderen Aspekt der Glaubenssätze oder Praktiken betonen – andere Worte finden, um dieselben Dinge zu sagen. Doch das Auftauchen einer ṭāriqa mit ganz neuem Namen darf uns nicht täuschen. Der »Neosufismus« ist kein Mythos, wenn man darunter versteht, dass das ausgehende 18. und das beginnende 19. Jahrhundert von namhaften Figuren geprägt waren – Tijānī, Sanūsī, Mirghānī, Mawlānā Khālid, Mawlāy al-ʻArabī l-Darqawī –, die sehr alten Traditionen neues Leben einhauchten. Er wird aber zu einer reinen Fiktion, wenn man ihn von jenen Wurzeln abzuschneiden versucht, die seine Meister niemals verleugnet haben.

29 Ich werde hier nicht auf die neun Besonderheiten eingehen, die nach Radtkes und O’Faheys Analyse die Originalität ausmachen, die manche Wissenschaftler um jeden Preis im Neosufismus erkennen wollen. Ein einziger Punkt ist für mein Vorhaben von unmittelbarem Interesse: der unentbehrliche Bezug auf den Propheten in der Lehre dieser Reformatoren. Die hier zitierten Beispiele zeigen hinlänglich, wie mir scheint, dass dieser Bezug – in einfachen oder gelehrten, gewundenen oder expliziten Formen – aus einem ganz einfachen Grund immer fundamental war: weil nämlich die Heiligkeit ohne ihn im Islam nicht denkbar ist. Zwischen Gott und dem Menschen ist der Prophet der barzakh, die Schranke oder der Isthmus, der die kreatürlichen Wirklichkeiten mit den himmlischen Wirklichkeiten verbindet und den Übergang von den einen zu den andern ermöglicht.65 In ihm erstrahlt dieses sichtbare Bild des unsichtbaren Gottes, das jeder Sohn Adams in sich selbst wiederherzustellen aufgerufen ist. Die Wiederherstellung dieses durch den Sündenfall zerstörten Theomorphismus kann also nur darin bestehen, sich mit dem Propheten in Übereinstimmung zu bringen, der der einzig wahre Meister und das einzig makellose Vorbild ist. Die Vereinigung mit der rūḥaniyya des Gesandten, die Entwerdung in ihr, ist der einzige Weg zur Entwerdung in Gott. Jenseits der naiven Abziehbilder der Hagiographie bleibt die uswa ḥasana für den Historiker der Heiligkeit im Islam folglich ein unverzichtbarer Bezugspunkt. Sie erklärt nicht alles, aber ohne sie lässt sich nichts erklären. Die Aufmerksamkeit auf diese Invariante darf sicherlich nicht dazu führen, die Variablen zu vergessen. Doch umgekehrt reichen die Idiosynkrasien des walī, die Eigentümlichkeiten seiner Umgebung, die Kontingenzen der lokalen Geschichte niemals aus, um sich das Phänomen der walāya zu vergegenwärtigen, solange man vergisst, dass der Prophet im Islam der Spiegel Gottes, der Heilige aber Spiegel des Propheten ist.

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NOTES

1. Ibn al-Jawzī (1986), S. 345. 2. Das gilt insbesondere für Ibn al-ʻArabī; vgl. beispielsweise ders. (1329), S. 247, sowie die französische Übersetzung des Kawkab Durrī (1988), S. 196. 3. Auch wenn man nicht weiß, wie der Prophet Melonen aß, so ist doch mindestens verbürgt, dass er sie aß. Vgl. Wensick 1992 [1933–1969], Bd. 1, S. 189, mit Verweisen auf die Hadithe, die sich bei Abū Dāwūd, Tirmidhī und Ibn Mājah finden. 4. Es ist diese Sure, die den Propheten als khātam al-nabiyyīn (Siegel der Propheten) und als sirāj munīr (lichtspendende Lampe) bezeichnet, und sie instituiert auch die ṣalāt ʻala l-nabī (das Gebet des Propheten). 5. Wensinck (1992 [1933–1969]), Bd. 2, S. 75. 6. Schimmel (1981). 7. Schimmel (1981), S. 32. 8. Andrae (1917). Vgl. hingegen unter den jüngeren Publikationen das Buch von Kaptein (1993) und den ausgezeichneten Artikel von Hoffman-Ladd (1992).

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9. Anawati / Gardet (1963); Baldick (1998); Islamochristiana, S. 11. In Niẓāmīs Artikel »Models of holiness« geht es natürlich auch um das am Propheten orientierte Modell, es ist aber ausschließlich aus ethischer Perspektive behandelt. 10. Luizard (1991), S. 131. Ergänzende Informationen findet man in dem in Anm. 8 erwähnten Aufsatz von V. Hoffman-Ladd sowie insbesondere im 9. Kapitel ihres Buchs Sufism, Mystics, and Saints in Modern Egypt. 11. Hinsichtlich der Vorwürfe gegen die Begründer der Burhāniyya siehe Sammān (1977) und – unter anderen Artikeln – das Interview mit Suṭūḥī (1976). 12. Der Islam 70 (1993), S. 52–87. Siehe auch R. S. O’Faheys (1990) Werk über Ahmad ibn Idris al- Fasi, Kap. 1. 13. Mayeur-Jaouen (1992), S. 170 f. 14. Qaṭṭan / Zayn (1988), S. 35. 15. Shaṭṭanawfī (1330h.), S. 21; Aydarūs (1976), S. 25. 16. Yāfiʻī (1955), S. 460; Kattānī (1316h.), Bd. 2, S. 248. 17. Boullata (1981), S. 49. Ich konnte bisher weder das Werk von Homerin (1994) noch den demnächst in Islamochristiana erscheinenden Artikel von Scattolin (1998) konsultieren. 18. Die Begegnung mit einem rāhib ist ein Thema, das man auch bei Ibn al-ʻArabī findet (der in diesem Zusammenhang ältere hagiographische Berichte überträgt. Siehe beispielsweise Ibn al- ʻArabī (1329h.), Bd. 1, S. 223 f.; ebd., Bd. 4, S. 511, 522 f., 549; sowie Ibn al-ʻArabī (1988), S. 345–348. 19. Ibn al-Ṣabbāgh (o. J.), S. 34 f. 20. Ich gehe auf diesen Punkt im 5. Kapitel von Le sceau des saints (Chodkiewicz 1986) ein. 21. Ibn Hishām (1955), S. 155. Vgl. auch den Aufsatz von Rubin (1975). 22. Siehe Böwering (1980), 4. Kap. 23. Siehe Insbesondere die Übersetzung des Kitāb al-Tawāsīn in Massignon (1975), S. 304–306. 24. Ḥaqqī (1330h.), S. 156. 25. Nwyia (1970), S. 183–190. 26. Badawī (1949), S. 66. Die Übersetzungen, die Meddeb (1989), S. 41, von diesem wie auch von einem ähnlichen Passus anbietet (Badawī [1949], S. 86; Meddeb [1989], S. 74), müssen korrigiert werden. 27. Tirmidhī (1965), S. 16 u. 28. 28. ʻIyyad (1977), inbesondere S. 546–559. 29. Naskhat al-Ḥaqq lautet übrigens der Titel einer bis heute unveröffentlichten kleinen Abhandlung des Ibn al-ʻArabī, die die akbarianische Lehre des insān kāmil rekapituliert. 30. Nuskhat al-ḥaqq ist übrigens auch der Titel eines kleinen, bis heute nicht im Druck veröffentlichten Traktats Ibn al-ʻArabīs, der Akbars Lehre vom insān kāmil rekapituliert. 31. Ibn al-ʻArabī (1329h.), Bd. 4, S. 184. 32. Tanbīhāt ʻalā ʻUluww l-Ḥaqīqa l-Muḥammadiyya, unter dem Namen Ibn al-ʻArabīs veröffentlicht. Vgl. Ibn al-ʻArabī (1987), S. 34. 33. Zu dieser Persönlichkeit, die man daher nur unter dem Namen »Ṣallī ʻalā Muḥammad« kannte, siehe auch Ibn al-ʻArabī, M. (1409h. / 1989): Risālat Rūḥ al-qudus, hg. von Badawī Ṭāhā ʿAllām, Kairo: ʿĀlam al-Fikr. 34. Ibn al-ʻArabī (1329h.), Bd. 1, S. 151. 35. Vgl. Tafsīr al-Qurʻān (unter dem Namen Ibn al-ʻArabīs veröffentlicht) in Bezug auf Vers 33:21; hier als Ibn al-ʻArabī (1986), S. 286. 36. Der Nasīm al-Saḥar liegt in einer in Kairo (ohne Jahr) veröffentlichten Edition vor. 37. Jīlī (o. J.), Al-Kahf wa l-Raqīm, f. 222a. 38. Jīlī (o. J.), Al-Kamālāt al-Ilāhiyya, f. 58. 39. Die Tabriʻa gibt gleichermaßen (auf S. 75 f.) das Ende des abschließenden 63. Kapitels von al- Jīlī (1963), Bd. 2, S. 146 ff. wieder. Wir möchten darauf hinweisen, dass die von Muḥammad

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ʻUthmān angeführten Zitate aus dem Futūḥat sich auf die Ausgabe von 1293 und nicht auf die – weiter verbreitete – von 1329 von beziehen. 40. Ibn ʻAtā Allāh (1375h / 1938), Laṭāʻif al-Minan, als Marginalie des gleichnamigen Werks von Shaʻrānī., S. 20. Siehe auch eine entsprechende Formulierung auf S. 6. 41. Ibn ʻAtā Allāh (1375h / 1938), Laṭāʻif al-Minan, , S. 97. Das Zitat von Abū l-ʻAbbās al-Mursī Shaʻrānī in: ders. (1954), S. 14. 42. Gril (1986), ff. 91b und 125b. 43. Shaʻrānī (1961), S. 5. 44. Shaʻrānī (1954), S. 83. 45. Ebd., S. 73. 46. Ebd., S. 172. 47. Suyūṭī (1959), S. 438f. Al-Suyūṭī, der sonst präzisere Angaben macht, merkt zu dem hier genannten Gläubigen lediglich an: »Ich glaube, es handelte sich um Ibn ʻAbbas.« Und hinsichtlich der Ehefrau des Propheten: »Ich glaube, es handelte sich um Maymūna.« Ich habe al-Suyūṭīs Quelle nicht identifizieren können. 48. ʻAbd al-Qādir al-Jazāʻirī (1967), S. 47. Dieses 13. Kapitel des Werks habe ich in Abd el-Kaders Écrits spirituels übersetzt. Vgl ʻAbd al-Qādir al-Jazāʻirī [Abd el-Kader] (1982), S. 164. 49. ʻImād al-Dīn Aḥmad al-Wāsiṭī l-Baghdādī, Al-Sulūk wa l-Sayr ilā Llāh, Ms. Zāhiriyya 4709. 50. Über die Rolle der Jazūliyya bei der Verbreitung des prophetischen Modells der Heiligkeit im Maghreb vgl. die Dissertation von Cornell (1989), Kap. 7–9. 51. Siehe O’Fahey (1990), S. 40 f. 52. Mubārak (1984), S. 400; vgl. auch S. 55. 53. Zum mi‘rāj Bisṭāmīs vgl. Sarrāj (1960), S. 464; Badāwi (1949), S. 116 sowie den Artikel von Azma (1973). 54. Vgl. dazu insbesondere Ibn al-ʻArabī, (1329h.), Bd. 3, S. 52, Kap. 314 und S. 208, Kap. 349. 55. Vgl. Chodkiewicz (1986), Kap. 10. Dort werden die maßgeblichen Texte analysiert: Kap. 167 und 367 der Futūḥat sowie die Risālat al-Anwār. Umfangreiche Auszüge aus Kap. 367 wurden von J. W. Morris ins Englische übersetzt, in: Ibn al-ʻArabī (1989), S. 351–381. 56. Semnānī (1990), S. 127–151. Vgl. auch Corbin (1972), S. 346 f. 57. Jīlī (1963), Kap. 49 und 62. 58. Kattānī, (1316h.), Bd. 3, S. 18f. 59. Chih (1993). Die Autorin präzisiert jedoch, dass nach al-Udfuwī, der ihm eine Notiz widmet, der mi‘rāj Abū l-Ḥajjājs nur eine von unwissenden Schülern verbreitete Legende sei. Diese Legende, wenn sie denn eine ist, ist heute jedenfalls immer noch sehr lebendig. 60. Jīlī (1963), Bd. 2, S. 8. 61. Ibn al-ʻArabī (1329h.), Bd. 3, S. 342f. für das erste Zitat Burhānī, M.ʿU. al- (1974), S. 250. und S. 350 für das zweite. 62. Rizvi (1983), S. 157–159. 63. Hoffman-Ladd (1995), Kap. 9. 64. Al-Taṣawwuf al-Islāmī, August 1992, S. 43. 65. Vgl. Ibn al-ʻArabī, II, 391 und 396, wo die Funktion des insān kāmil in diesen Begriffen beschrieben wird.

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INDEX

Schlüsselwörter : Heiligkeit, Islam, Prophet, imitatio prophetae Mots-clés : sainteté, islam, prophète, imitatio prophetae

AUTEURS

MICHEL CHODKIEWICZ Michel Chodkiewicz ist Verleger und Spezialist des Sufismus. Nähere Informationen finden Sie hier.

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