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Jean Lacouture Et L'histoire Littéraire

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Jean Lacouture Et L'histoire Littéraire Document generated on 09/28/2021 7:42 a.m. Nuit blanche Jean Lacouture et l’histoire littéraire Laurent Laplante Number 75, Summer 1999 URI: https://id.erudit.org/iderudit/19341ac See table of contents Publisher(s) Nuit blanche, le magazine du livre ISSN 0823-2490 (print) 1923-3191 (digital) Explore this journal Cite this document Laplante, L. (1999). Jean Lacouture et l’histoire littéraire. Nuit blanche, (75), 39–41. Tous droits réservés © Nuit blanche, le magazine du livre, 1999 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ jean Lacouture t et l'histoire littéraire Avant la biographie de Mitterrand, Entrevue réalisée par il y eut Jacques Rivière et la NRF que suivit de près Laurent Laplante Montaigne à cheval. ean Lacouture a rarement tracé le Barrés, puis il s'est détaché de Barrés. Le portrait de moins illustre que lui. propre de l'intelligence, c'est d'être mobile. Après de Gaulle, Mauriac, Il est tout à fait normal que les hommes Malraux, Nasser, Mendes France, n'aient pas compris le surréalisme à ses Blum, Hô Chi Minh, après les débuts. De même pour le cubisme. De ) Jésuites, voilà qu'il consacrait en même en politique. Quand Jules Romains 1994 un livre à Jacques Rivière, parlait de la « grande lueur à l'est », il était celui que la mémoire culturelle a retenu normal que Gide voit dans le communisme souvent comme « le beau-frère de un grand espoir de l'humanité. Puis Gide l'auteur du GrandMeaulnes ». va voir en Union soviétique et change son opinion. Il a montré son intelligence et Nuit blanche : Vous parlez dans votre disons aussi au passage son courage. livre des erreurs de jeunesse de Jacques Rivière est un homme mobile. Jacques Rivière. Vivait-il à une époque D'une extraordinaire pénétration et d'une où il était plus facile de se les faire extraordinaire mobilité. pardonner ? Ce qui vous a attiré chez Jacques J.L. : Nous vivons encore dans une ère de Rivière, vous qui avez toujours étudié pardon. Quand on a beaucoup de talent, les « puissants », est-ce son pouvoir on se fait tout pardonner. Dans la litté­ comme directeur de la Nouvelle Revue rature française, j'allais dire parisienne, on française (NRF) ? a, si on peut dire, « plusieurs chances à son arc ». Des gens ont fait, politique­ J.L. : Je m'intéresse en effet au phéno­ ment, intellectuellement, esthétiquement, mène du pouvoir. Votre observation est des erreurs, et puis ils se rattrapent. Je ne donc juste. Mais, en me consacrant à crois pas que notre époque soit plus impi­ Rivière, je n'ai guère pensé à ce phéno­ toyable que celle de Jacques Rivière. Tout Jean Lacouture mène. De fait, il a exercé un pouvoir, mais simplement, nous vivons d'une façon un un pouvoir très démocratique, en ce sens peu plus dangereuse à cause des micros, Rivière avait vécu très vieux ou s'il avait qu'il est un jeune homme de 30 ans qui des caméras... Les médias nous guettent vécu à une autre époque, il aurait eu droit dirige un orchestre composé de grands plus qu'il y a soixante-dix ans. à la parole malgré ses quelques erreurs. solistes. S'il refuse un texte de Gide, s'il Moi, on aurait pu me reprocher telle veut organiser un numéro de la revue sur Votre récit montre que Jacques Rivière tel sujet, il doit convaincre. Son pouvoir erreur politique par rapport au Vietnam, a connu une évolution rapide. II a des au Cambodge ou à l'Algérie. J'ai en tête est équilibré par la gloire de ses parte­ ferveurs imprévisibles, juvéniles, par naires. Je n'ai pas écrit mon livre dans plusieurs noms de personnes qui ont été exemple à l'égard de Claudel, puis, plus ou moins compagnons de route du la perspective du pouvoir, car, quand presque sans transition, il affiche un Jacques Rivière parle à Gide, à Claudel, communisme, certains même du fas­ jugement si sûr que vous parlez de lui cisme, et auxquels on a pardonné. Pensez à Proust, à Valéry, à Martin du Gard, comme de la « rose des vents » d'une certaine façon il est le plus faible. à Céline qui a collaboré avec les littéraire. Allemands, qui a été antisémite. On a fini Mais il a une telle sûreté de jugement, une par lui pardonner en raison de son génie J.L. : Rivière est un jeune homme au juge­ telle puissance critique que sa faiblesse littéraire. Il est respecté comme un des ment très fin, mais qu'il pouvait modifier. reprend par moments et assez souvent très grands écrivains français du siècle. Si Il était un admirateur intense de Maurice le dessus. N° 7-5 . NUIT BLANCHE . 39 La vie de Jacques Rivière fut courte. mon cas, je dois avoir un dossier assez Qu'aurait-il été à 50 ans ? lourd à la préfecture de police de Paris en raison de mes rencontres de toutes natu­ J.L. : Je n'arrive pas à le voir. Je crois qu'il res, mais tout cela est discret. Les journa­ se dirigeait vers ce qu'on pourrait appeler listes, eux, travaillent pour la publication. une sagesse classique. Son projet fonda­ Sinon, pourquoi travaillent-ils ? Moi, ma mental du moment était d'écrire un grand doctrine est que toute vérité n'est pas livre sur Racine qui est l'archétype du bonne à dire. Quand Israéliens et Pales­ classicisme français, l'archétype d'une tiniens se rencontraient secrètement à certaine attitude qui, à partir de la passion Oslo, il y avait là des vérités, mais les la plus profonde, va vers un contrôle révéler aurait déclenché de part et d'autre esthétique de cette passion. Jacques des actions terroristes. Rivière, qui était lui-même mêlé à un Je trouve donc répugnant que, pour certain nombre de passions quand il est faire de l'argent, un journal sorte l'histoire mort, était en train d'inventer un contrôle de la maîtresse de Mitterrand et de sa fille. esthétique sur elles. La domestication de Tout le monde savait cela. Je trouvais son volcan. d'ailleurs assez élégant, assez conforme à une certaine tradition de notre presse, qui Le proverbe dit : « On naît poète et on par ailleurs a beaucoup de défauts, qu'elle devient orateur ». Diriez-vous, en n'ait jamais traité de ces choses-là. Je suis pensant à Rivière, qu'il est né critique également choqué de tout le déballage et qu'il devint romancier ? d'histoires autour de la famille royale J.L. : Il n'est pas né romancier et il ne l'est anglaise. La famille de Monaco, c'est autre pas devenu même si j'admire personnel­ chose. Ça fait partie du standing de la lement son petit récit autobiographique Jacques Rivières 1920 principauté. C'est la vie privée, si l'on peut Aimée qui est à peine un vrai roman. dire, qui est leur génie national ! Pas en D'ailleurs, la chose étonnante chez ques, diplomatiques, ses rapports avec Angleterre ni en France. Rivière, c'est qu'il a écrit la théorie du Henri de Navarre, avec les catholiques et Quand ça touche à la conduite des roman d'aventures, qu'il prend pour les protestants. Je voudrais écrire le affaires publiques, c'est autre chose. modèles le roman anglais de Fielding portrait vivant et actif d'un maître de la Quand Mitterrand aide un ami à obtenir ou le roman russe de Dostoïevski, c'est- tolérance à une période où le fanatisme un contrat, il y a quelque chose qui doit à-dire des romans où on ne raisonne pas, était au moins aussi grand qu'aujourd'hui. être révélé. S'il entretient des relations où les êtres et les passions s'entrecho­ Je n'inventerai rien sur Montaigne, mais personnelles avec un homme qui était un quent et où, comme dans le roman on peut trouver un éclairage tel que tout à criminel de guerre, c'est une erreur qui proustien, tout est imprévisible, et qu'il coup on révèle un aspect nouveau en doit être sue. Mais étaler ses affaires senti­ écrit lui-même un roman très sec, très reliant deux ou trois choses connues. Par mentales, sexuelles, paternelles, cela ne se classique et très prévisible. Il y a là une exemple, la relation entre l'esprit méri­ fait, comme disent les Anglais, que dans inconséquence que, personnellement, dional de Montaigne et le protestantisme une « presse à caniveau » et je regrette que j'aime beaucoup : faire la théorie et réa­ français qui est essentiellement un phéno­ nous ayons versé dans ce caniveau. liser le contraire ! mène méridional. Est-ce à dire que vous n'auriez pas Mais je dirais que Rivière est né Qu'éprouvez-vous, après avoir rédigé parlé de ces choses si vous aviez critique. Dès les premières lettres à son une monumentale biographie de De écrit une biographie de François cher Alain Fournier, il y a déjà un grand Gaulle, en voyant Alain Peyrefitte en Mitterrand ? critique qui se manifeste. Il commet des publier une nouvelle ? erreurs, il rate James Joyce par exemple, J.L. : Je ne sais pas. Les journalistes ont mais dans l'ensemble ses choix sont J.L.
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