L'avenir DE L'innovation Chroniques Digitales D'un Tour Du Monde
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L'AVENIR DE L'INNOVATION Chroniques digitales d'un tour du monde Francis Pisani Publié par l’Observatoire Netexplo © Netexplo. 2016 Tous droits réservés ISBN : 978-2-9546672-2-5 Note de l’auteur : Les textes mentionnés en bleu font référence à des informations complémentaires disponibles sur le web. La version numérique de ce livre, consultable sur www.netexplo.org, permet un accès direct à ces informations. A Colette, ma mère et à Henri, mon beau-père qui m’ont donné l’envie de connaître d’autres terres. A Edgard, mon père qui m’a aidé à comprendre qu’il venait d’ailleurs, comme nous tous. A Fabien, Émilia, et Yara mes enfants nomades. A Catherine, qui me donne le goût de voyages différents. A ceux, qui maintiennent la tête hors des « boîtes » dans lesquelles il est si facile de trouver ses aises… et à ceux, qui courent le risque de se mettre en marge, pratiquent la désobéissance créatrice, poussent le nez dehors et s’inspirent de ce qu’ils rencontrent pour mieux faire bouger le schmilblick… PARTIR … Mes tours du monde de l'innovation sont d'abord la continuation naturelle des 15 ans que j'ai passés au Mexique (de 1980 à 1995) et des 15 ans qui ont suivi en Californie (1996-2010). Dans un cas comme dans l'autre, j'étais en quête de ce qui peut changer le monde. J'avais choisi Mexico pour suivre les bouleversements d'Amérique centrale lancés par l'insurrection du Nicaragua (quand les sandinistes portaient encore un plus de démocratie). J'ai déménagé à San Francisco pour couvrir l’essor des technologies de l'information, telles qu'on les conçoit et qu'on les crée autour de Silicon Valley. Alors que la vague relancée par le Web 2.0 tendait à devenir mainstream (2008, 2009 peut-être), j'ai commencé à m'ennuyer dans cette région que beaucoup de gens dans le monde considèrent comme La Mecque, le Vatican ou la Jérusalem des TIC. Plus que d'ennui, en fait, il s'agissait d'une épuisante impression de déjà vu à mesure que de nouveaux venus montaient sur scène avec enthousiasme – "we are so excited to present today…" – pour annoncer des innovations qui n'étaient guère plus qu'une virgule dans un roman fleuve. Et le pire était sans doute que journalistes et blogueurs, récemment arrivés, prenaient ces déclarations grandiloquentes pour argent comptant, en parlaient avec une ardeur que je ne ressentais plus. La vague suivante ne pouvait tarder, mais j’étais fatigué d’attendre. Je n'étais pas le seul. Les plus impatients des Américains venus au moment où l'effervescence était captivante ont commencé à repartir. Pour des lieux plus tranquilles (et moins chers) comme l'Arizona, ou pour New York. Dave Winer, par exemple, qui a joué un rôle clé dans "l'invention" des blogs et des flux RSS, est reparti pour la côte Est. D'autres ont écrit de longs articles pour dire que Silicon Valley n'innovait plus… une exagération bien sûr. Disons qu'elle tendait fâcheusement à bégayer. Les plus originaux et les plus inventifs, ceux qui voulaient devenir milliardaires en changeant le monde, étaient remplacés par d’autres, qui n’avaient envie que de faire beaucoup d'argent et très vite. Début d’une longue déchéance, que j’évoque dans la conclusion. Paradoxalement, c'est à peu près l'époque où les chantres du système se répandaient avec la mission d'en faire un modèle. Tel est le cas de Thomas Friedman, chroniqueur du New York Times, qui publia (en 2005) un livre au titre provocateur "Le monde est plat", que j'ai ressenti comme un manifeste reposant sur trois thèses. ˃ L'internet permet de n'importe quel endroit dans le monde, de suivre et de participer à tout ce qui se passe en n'importe quel autre. Pas de discussion sur ce point. ˃ Cette circulation de l'information, conduit à une homogénéisation des sociétés humaines sous l'influence des TIC. ˃ Tout cela se fait sous l'influence et dans le cadre du modèle américain et, plus particulièrement, du type d'innovation arrivé à maturité à Silicon Valley. Vivant en trois langues – français, anglais espagnol - et entre trois cultures – l'Europe, les États-Unis et l'Amérique Latine – ma réaction fut aussitôt, que si le premier point était bien vu, le second était sans doute faux, et que j'espérais bien que le troisième pouvait être nuancé. Je commençais confusément à envisager que les nouveautés d’après, pourraient venir en grande partie d'ailleurs. Et pas seulement de Chine, d'Inde ou de Corée. Du Kenya, d'Indonésie ou du Brésil, des pays que nous ne connaissons pas si bien que ça. Mais, n'ayant pas la preuve de cette intuition, je rêvais d’aller voir sur places, de partir enquêter dans autant d'endroits que possible, pour savoir ce qu'il en était. L’envie s’est transformée en projet, au cours d’un dîner avec ma fille Yara (janvier 2011), et de la nuit qui s’en est suivie. Au fait de mes doutes sur mon futur – je venais de m’installer une nouvelle fois à Paris, sans perspective claire - elle me conseilla de me retirer sur une plage mexicaine et d’y écrire un roman. Superbe idée peu raisonnable, qui me secoua. Le lendemain au réveil, j'ai repensé à une proposition que j'avais faite quelques années plus tôt à Edwy Plenel, quand il était directeur de la rédaction du Monde, et à Jesus Ceberio, alors directeur d'El País, de faire pour eux, une série d'été que j'aurais alimentée en une dizaine d'escales, en différents endroits du globe, pour voir comment on y utilise les TIC. Bonne idée m'ont dit l'un et l'autre, mais hors de nos moyens. Ils doutaient, en outre, que cela puisse intéresser leur public de l'époque. Mais en ce début 2011, le moment était peut-être venu de tenter le coup ? Mélange de lumière et d'extrême confusion, j'ai vu comme une porte s'ouvrir sur… je ne savais trop quoi : la découverte d'un sujet fascinant, la certitude d'y trouver l'énergie qui anime, l'envie de mordre. J'en avais marre d'écrire sur les technologies, comme je l'avais fait depuis 1994 (pour le quotidien Reforma alors que je vivais encore dans un village mexicain), mais pas une seconde je ne doutais de leur importance transformatrice. C'était aussi une assez jolie façon de réaliser un rêve d'enfant. Partir par un côté, et revenir par l'autre. Ne venais-je pas de relire (sur mon Kindle) Le tour du monde en 80 jours ? C'est sans doute ce rêve de gamin, qui m'a le plus excité sur le moment. Qui m'a fait franchir le pas, sans trop réfléchir aux risques qu'il impliquait. Restait à transformer l'illumination en projet…, ce à quoi je me suis appliqué, pendant les six mois suivants. C’est ainsi qu’est né Winch5 (Wave of Innovation and Change on 5 Continents), qui m'a conduit en 2011, 2012 et 2013 dans 45 villes de 32 pays un peu partout dans le monde. J’ai choisi d’entrée de commencer par l'Afrique, pays où l'innovation nous semble la plus improbable, et de terminer par les gros pays de l'Asie-Pacifique (Chine, Corée, Japon) et les Etats-Unis. Mais… Mais… rien n’est jamais si simple, et le premier obstacle a surgi le 7 juillet - j’avais prévu de partir le 25 -, dans une salle de conférence de Marseille mal éclairée. Chute. Déchirure du tendon d'Achille. 6 semaines d'immobilisation totale, puis béquilles et j'ai dû repousser mon départ au 15 septembre. L'idée (traduite par des engagements pris dans mes contrats) était de finir au début du mois de juillet 2012. Mais… Mais… la première opération ayant été scandaleusement mal faite, je me suis vu obligé après un premier voyage autour de l'Afrique, qui m’avait permis de constater que mon pied n’obéissait pas aux ordres de mon cerveau, de me faire opérer une deuxième fois à la mi-novembre. C'est ainsi que je dû repousser la fin de ces voyages, commencé avec des béquilles au cours de ma soixante dixième année et terminé, avec une canne, au printemps 2013. Après des tests faits dans le réel à Baku, Recife, Brasilia, Rio et Mexico, mes pas m’ont conduit, canne au poignet à Casablanca, Dakar, Abidjan, Accra, Nairobi, Le Caire, Alexandrie et Tunis. C’est après avoir récupéré de la seconde opération, que je me suis rendu à Dubaï, Istanbul, et Beyrouth puis – premier tour du monde – à Recife, Rio, Buenos Aires, Santiago, Sydney, Jakarta, Kuala Lumpur, Bangalore, Hyderabad et Mumbai. Le voyage suivant m’a permis de visiter Pretoria, Johannesburg et Le Cap. J’ai, ensuite, pris l’avion pour Tel Aviv et Jérusalem, puis Moscou et Saint Petersburg. J’ai fait mon deuxième tour du monde dans le sens inverse du premier : Saigon, Singapour, Manille, Hong Kong, Shanghaï, Beijing, Séoul, Tokyo et San Francisco. En 2013 un nouveau tour m’a fait passer par Los Angeles, Séoul, Songdo, Singapour et Hyderabad. Dans les interstices, j’ai pu faire quelques reportages à Madrid, Lausanne et Göteborg, entre autres. L’ordre de mes déplacements n’a rien à voir avec la construction du livre. Chaque chapitre est composé de vignettes dont certaines ont déjà été publiées sur mon blog, et sur celui de la Fundación Telefónica, pendant mes voyages ou après.