Cathelineau, Le Saint De L'anjou. Premier Généralissime De L'armée
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CATHELINEAU Le « saint de l'Anjou » DU MÊME AUTEUR Grignion de Montfort, le Saint de la Vendée, Librairie Académique Perrin, 1988. Prix Aram Sazolaliar de la Société des Gens de lettres (1988). Prix de la Société des Écrivains de Vendée. Prix de Joest de l'Académie française (1989). Religion catholique et Contre-Révolution, essai sur les origines de l'insurrection vendéenne de mars 1793, thèse, E.H.E.S.S., Paris, 1990. La Nouvelle Vendée : voyage au sein de la Vendée industrielle. Préface de Michel Albert (écrit en collaboration avec L.M. Barbarit), France-Empire, 1990. La Contre-Révolution, P.U.F., « Que sais-je ?» (à paraître, 1991). LOUIS-MARIE CLENET - CATHELINEAU Le « saint de l'Anjou » Premier généralissime de l'armée vendéenne Perrin 12, avenue d'Italie Paris Si vous désirez être tenu au courant des publications de la LIBRAIRIE ACADÉMIQUE PERRIN Vous pouvez nous écrire (12, avenue d'Italie, 75013 PARIS) Vous pouvez nous indiquer également si vous désirez être périodiquement informé des parutions à venir. © Librairie Académique Perrin, 1991. ISBN 2-26jtrûQ796-9 AVANT-PROPOS Mars 1793, la Vendée s'enflamme. De Machecoul à Mon- taigu, de Mortagne à Cholet, des bandes de jeunes gens brûlent les papiers administratifs, pillent les maisons, mas- sacrent des patriotes. Le 12 mars 1793, Saint-Florent-le- Vieil est mis à sac. Mais, ce n'est que le 13 mars que surgit de la paroisse du Pin-en-Mauges un homme jusqu'alors inconnu, Jacques Cathelineau. Aidé d'un comparse du Pin, Perdriau, marchand de tabac, il conduit à l'assaut les insurgés. Les petites villes des Mauges tombent tour à tour entre leurs mains : l'ennemi est culbuté. Rien ne semble leur résister. Les victoires s'ajou- tent aux victoires. Mais, ce parcours sans faute se termine tragiquement. Cathelineau, l'invincible, est grièvement blessé lors du siège de Nantes, le 29 juin. Il décède peu après, le 14 juillet 1793, à Saint-Florent-le-Vieil où ses hommes l'ont amené sur un brancard. Trois mois ont suffi pour en faire un héros. Peu d'hommes ont laissé leur nom à la postérité après une vie publique aussi brève. Celui-ci venait de recevoir de ses pairs le titre prestigieux de « généralissime de l'armée catholique et royale ». En trois mois, le modeste colporteur du Pin s'est hissé au sommet de l'insurrection. Une promotion aussi rapide a consacré la place éminente qu'il occupait déjà dans le soulèvement. Mais, cette mort prématurée prive l'insurrec- tion de son symbole le plus éclatant, tout en le faisant entrer de plain-pied dans la légende dorée des guerres de Vendée. Mais, si paradoxal que cela puisse paraître, sa vie publique n'a laissé que très peu de traces écrites. Jacques Cathelineau a traversé l'Histoire comme un feu follet... Il apparaît en mars 1793 pour disparaître en juin, au faîte de sa popularité. Sa mort marque même un tournant dans une insurrection dont l'échec nantais scelle le destin tragique. Pourtant, cet homme à l'existence publique si éphémère éclaire toute l'histoire de l'insurrection de mars 1793. Ce n'est pas un hasard si la postérité le vénère sous la dénomi- nation de « saint de l'Anjou ». Certes, l'Église n'a pas encore consacré cette appellation. Cependant, celle-ci témoigne de la haute estime des insurgés envers sa personne et de la vénération dont il a été l'objet de son vivant. Nous verrons à quel point l'historiographie jacobine s'est acharnée contre lui. A la fin du xixe siècle, l'historien angevin Célestin Port a instruit son procès dans un livre critique, la Légende de Cathelineau. Depuis lors, très peu de biographies lui ont été consacrées, à la différence d'un Charette ou d'un La Rochejaquelein. Les historiens contemporains demeurent très timorés à son égard. En fait, la couronne de lauriers tressée par ses hagiographes s'interpose comme écran avec la réalité histo- rique. En effet, il s'avère souvent difficile de démêler dans sa vie le vrai du faux, tant se sont accumulés au fil du temps des épisodes très laudatifs, écrits à partir de sources sujettes à caution. Force est de reconnaître la minceur des témoignages écrits sur sa personne et sur son rôle. Il y a un contraste entre sa gloire posthume et la discrétion de ses contemporains. Les quelques rares hagiographies publiées au xixe siècle qui le font entrer dans la légende frappent par la minceur des témoignages. Écrire la vie de Jacques Cathelineau tiendrait donc de la gageure s'il n'était au cœur de la trame invisible de l'insur- rection. Le colporteur du Pin-en-Mauges est en effet la figure la plus emblématique du soulèvement. Il ne fait qu'un avec l'insurrection : c'est lui qui en pétrit la pâte, qui en est le levain et qui lui donne sa forme. Et celle-ci, reconnaissante, le hisse au sommet, malgré lui. C'est en donnant pleinement à l'insurrection son sens religieux que l'historien peut faire revivre cet homme dont le cœur bat au rythme du soulèvement. Le récit même de l'insurrection par les témoins laisse curieusement assez peu de place au fait religieux. Le plus souvent, ceux-ci se contentent de livrer des anecdotes, des curiosités qui les ont alors amusés ou intrigués. L'historien doit donc reconstituer l'univers religieux de l'insurrection, à partir de ces témoignages éclatés. Nous avons fait le pari de retracer la trajectoire de Jacques Cathelineau, à partir des quelques jalons que l'Histoire nous a laissés. Certains avaient été curieusement oubliés ou mis dans l'ombre. Ainsi, la plus grande discrétion entourait son séjour au presbytère de l'abbé Marchais, à la Chapelle-du-Genêt 1. Or, ce fait capital apporte un éclairage nouveau au personnage, et, au-delà, à l'insurrection elle- même. Si de nombreux documents ayant trait à l'insurrection ont disparu dans les flammes, l'on dispose néanmoins de sources écrites précieuses. Nombre de témoignages ont été consignés dans des Mémoires par les protagonistes des deux camps. Citons notamment les Mémoires de la marquise de La Rochejaquelein, d'un côté, les Mémoires de Savary et de Mercier du Rocher, de l'autre, qui fournissent nombre d'indications sur les faits et gestes de Cathelineau. L'on possède aussi des proclamations et adresses qu'il a paraphées comme des billets portant les ordres qu'il a donnés. Tous ces documents attestent de la place qu'il occupe dans l'insurrection. Le but de ce livre est de reconstituer l'itinéraire qu'il a suivi, pas à pas, en nous servant des nombreuses empreintes qu'il a laissées. 1. La publication de ses sermons, par l'historien François Lebrun, apporte un témoignage précieux sur le vécu religieux des Mauges. 1 NOTRE-DAME L'ANGEVINE Jacques Cathelineau est né le 5 janvier 1759, au Pin-en- Mauges. Les Mauges forment une sorte de plateau découpé par les gorges profondes de plusieurs rivières, le Layon, l'Hyrome et la Sèvre, qui l'isolent du reste de l'Anjou. Tout le pays vit ainsi replié sur lui-même, à l'écart des grandes voies de communication qui traversent cette province. Le relief est si tourmenté qu'il n'y a encore aucune route reliant Angers et Cholet. Au milieu de ce plateau, un petit bourg, presque un village à l'image de tous les autres : le Pin. Accolées les unes aux autres, les maisons s'égrènent de chaque côté de la voie principale, formant un chapelet ininterrompu. Elles n'ont pour seules ouvertures qu'une porte d'entrée et une étroite fenêtre, l'une et l'autre surmontées d'un linteau de granit. Mousses et lichens tachettent leurs toits. L'ocre des tuiles rougeoie au soleil et brise la monotonie sévère du schiste des murs décrépis. Toutes ces habitations sont légèrement surélevées. Quel- ques marches de granit dépareillées servent de marchepied pour accéder à l'unique pièce du logis. Sous cette pièce, une sorte de cave, à demi enterrée, sert d'atelier ; seul un grand soupirail éclaire ce grand trou sombre. De ce lieu caverneux s'échappe constamment le bruit monocorde des battants du métier que rythment les pieds du tisserand. Comme la plupart des habitants du bourg, les Cathelineau sont tisserands depuis plusieurs générations. Tous les ans, les marchands de toile de Cholet passent régulièrement dans chaque village pour acheter leurs tissus. Ce sont le plus souvent des toiles rugueuses de chanvre. Cette besogne est bien mal rémunérée. Peu de villageois en tirent un revenu suffisant pour subvenir aux besoins de leurs familles. Aussi, la plupart d'entre eux se font journaliers l'été, aidant aux travaux des champs dans les grosses métairies. Jean Cathelineau, le père de Jacques, a été le premier de la lignée à abandonner le métier de tisserand : il est devenu tailleur de pierres. La réfection des églises lui apporte suffisamment d'ouvrage pour élever dignement ses enfants. Il s'est marié à vingt et un ans avec Perrine Hudon, le 23 février 1756. De ce mariage est né un premier fils, appelé Jean comme son père, comme le veut la tradition. Puis, le 5 janvier 1759, un second fils est venu au monde : comme son frère, il a reçu le prénom d'un apôtre, Jacques. Les enfants de Jean Cathelineau portent tous, sans excep- tion, des prénoms tirés des saints Évangiles : Jean, Pierre, Jacques, Joseph, Marie. Un choix aussi systématique prouve une observation scrupuleuse des règles de l'Église du temps. Il n'est plus question désormais de donner des prénoms de saints qui n'ont jamais existé, en dehors des légendes édifiées au Moyen Âge.