GENS DE L'est DANS LES GUERRES DE L'ouest Par Le Docteur Jean-Marie ROUILLARD, Membre Titulaire
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GENS DE L'EST DANS LES GUERRES DE L'OUEST par le docteur Jean-Marie ROUILLARD, membre titulaire Nous ne devons pas même prétendre à la gloire humaine, les guer res civiles nen donnent point ». Bonchamps « Je ne reviendrai pas en Vendée. Il me répugne trop de combattre des Français. Je veux porter mes armes contre Vétranger ; là seulement est Vhonneur et la gloire ». Marceau A midi juste, le 9 septembre 1793, Michel Bastien des Baraques-du-Bois- des-Chênes, volontaire national du district de Sarrebourg, vétéran de Mayence, présentement canonnier à la demi-brigade Paris-Vosges, traverse la Loire sur le pont de Pirmil et, bien décidé à « casser du brigand », quitte Nantes pour péné trer en Vendée Militaire (59)*. Au milieu de son bataillon, à cheval, le général Kléber avec son air de lion, son habit bleu boutonné jusqu'au menton et son grand chapeau à plumet tricolore. Son aide de camp de 16 ans est le nancéien Frédéric Auguste de Beuermann qui va se distinguer bientôt à Blain en chan geant avec la cavalerie de Westermann ; plus tard, au passage du Tage, le 3 août 1809, il sera fait, sur le champ de bataille, chevalier de la Légion d'honneur ; il commandera ultérieurement la levée en masse du département des Vosges au début de janvier 1814 et le même mois, contribuera à la défense de notre ville, où il mourra le 13 avril 1815 (35 et 133). A côté de Kléber, encore plus empanaché que le général comme il se doit pour un représentant, chevauche Merlin de Thionville, son grand sabre à la ceinture et son écharpe tricolore autour des reins. Le colmarien Rewbell, autre représentant, ne doit pas être loin, car il se comportera honorablement à Torfou dans quelques jours. Avec eux pénètre en Vendée militaire l'avant-garde de la fameuse armée de Mayence, qui, ne pouvant plus combattre à l'Est en vertu de la capitulation, a été envoyée précipitamment dans l'Ouest avec les garnisons de Valenciennes et de Condé qui se trouvent dans la même situation. Derrière cette avant-garde suit la colonne du général Beysser de Ribeauvillé qui comprend les 6 270 hom mes de l'ancienne armée des Côtes de Brest avec laquelle, sous le commande ment du ci-devant marquis de Canclaux, il a brillamment contribué à la défense de Nantes contre l'armée de Cathelineau lors de « l'attaque de la S.-Pierre 1793 ». Dans cette colonne se trouve l'adjudant-major Joseph Léopold Sigisbert Hugo, ou plutôt le sans-culottes adjudant-major Brutus Hugo qui n'est encore ni comte ni chevalier de S.-Louis. Mal remis de sa blessure du 18 juillet, lors de * Les numéros renvoient à la bibliographie en fin d'article. 63 GENS DE L'EST DANS LES GUERRES DE L'OUEST la défaite de Vihiers, il chevauche avec les volontaires nationaux du 8e bataillon du Bas-Rhin, qui a pris le nom de bataillon de l'Union. Composé en grande par tie d'Alsaciens et de Lorrains, ce bataillon qui ne faisait pas partie de l'armée de Mayence mais de celle des Côtes de la Rochelle, a déjà été engagé depuis plu sieurs mois en Vendée* (104). Dans ses rangs figure également le volontaire Cari Ritter de Strasbourg que nous retrouverons tout à l'heure (132). Dans l'avant-garde de 5 032 hommes qui défilent avec Kléber se trouvent le 4e bataillon du Haut-Rhin, le 7e et le 13e des Vosges, sans compter les 42 artil leurs dont fait partie Michel Bastien. Klinger de Landau, est adjudant-général de la première division qui s'apprête à suivre avec ses 3 622 soldats ; elle compte à l'effectif le 18e bataillon des Vosges. La deuxième division de 1 653 hommes est sous les ordres de l'adjudant-général Scherb, né à Westhoffen dans le Bas- Rhin, où il mourra le 2 juillet 1838. Depuis le 10 avril 1791 il est déjà chevalier de S.-Louis, ou plutôt ci-devant chevalier. La troisième division de 1 587 hom mes est sous les ordres du général Haxo, né à Etival dans les Vosges (9) ; elle comprend entre autres, le 1er bataillon de la Meurthe et le 3e des Vosges (46). Dans cette division, sera affecté Aubertin de Lunéville, commandant le 11e bataillon du détachement du Nord, dit d'Orléans, amalgame de troupes de lignes (blanches) et de volontaires (bleus) mais qui possède également une escouade de canonniers du Bas-Rhin (3). Ces 10 394 hommes de l'armée de Mayence sont arrivés dans l'Ouest comme la Garde à Waterloo « espoir suprême et suprême pensée » pour renfor cer les armées de l'Ouest qui jusqu'à présent ont subi revers sur défaites et qui, à part les grandes villes, ont laissé toute la campagne aux mains des insurgés qui se sont déjà emparés de 70 000 fusils et de 200 pièces de canons (6). Paradoxalement les Mayençais ont été traités de « capitulards » dans l'Est et hués à Metz ; mais d'Orléans à Nantes leur marche (ou plus exactement leur transport par poste, charrettes et bateaux) est triomphale et Nantes fêta ses sau veurs « comme autrefois un père fortuné et tendre fêtait ses fils arrivant des Isles »**. On ne doute pas un instant qu'ils vont décider de la victoire, car com ment penser que des paysans, souvent mal armés et mal instruits résisteront aux meilleurs soldats du monde, ceux que 80 000 (?) prussiens n'ont pu faire reculer. On se les dispute, mais finalement c'est l'armée des Côtes de Brest, sous le com mandement du ci-devant marquis de Canclaux qui les recueille. Les Mayençais pensent, eux, qu'ils ne feront qu'une bouchée des rebelles ; les vétérans de Ven dée qui ont déjà été si souvent étrillés et démoralisés, sont maintenant pleins d'espoir et Ritter ne doute pas un instant qu'avec de tels combattants, son « bataillon sera à Strasbourg dans huit semaines » (132). Et, pendant que le toc sin et les ailes des moulins en.« bout de pied » annoncent à toute la Vendée l'approche des Mayençais et appellent les insurgés au « rassemblement » géné ral pour la bataille suprême, la confiance et l'assurance sont dans tous les cœurs des volontaires et des soldats qui défilent dans les faubourgs S.-Jacques et Pont- Rousseau. * Archives du Service historique de l'Armée de Terre, château de Vincennes, 16 YC 1, 439. ** Note d'un contemporain citée par de La Gorce (74). 64 GENS DE L'EST DANS LES GUERRES DE L'OUEST Ouvrons une parenthèse pour rappeler que la Vendée est à la mode, si l'on en juge par les publications récentes, les rééditions, les émissions de télévision, les romans, les expositions, les spectacles qui drainent les foules comme au Puy du Fou (156). Sans doute les guérillas actuelles contribuent-elles à mieux faire comprendre les motivations et les résolutions des paysans Vendéens ou Chouans, se déplaçant comme « un poisson dans l'eau », et lancés contre les bourgeois des villes dans une guerre subversive (117). Ce qualificatif, à notre époque, tend à rendre les insurgés sympathiques, même aux fils spirituels de leurs adversaires. A travers ces publications on est frappé de constater le grand nombre des combattants de l'Est engagés deux camps. Même la Lorraine un peu étonnée, vient d'apprendre qu'elle a gagné là-bas une nouvelle bienheureuse, Sœur Odile Baumgarten, née le 15/11/1750 à Gondrexange dans le pays des étangs ; son his toire tragique et glorieuse était cependant déjà évoquée depuis 1953 sur les beaux vitraux de l'église de son pays natal, comme elle l'était sur ceux de la cha pelle du Champ des Martyrs d'Avrillé près d'Angers. Postulante des Filles de la Charité dans notre vieil hospice S.-Nicolas, elle quitta la Lorraine en 1775 pour Paris, puis pour l'Ouest. Arrêtée à l'hôpital S.-Jean d'Angers, elle fut fusillée le 1er février 1794, enchaînée à Sœur Marie-Anne dont elle partage la gloire, dans une fournée de 400 victimes, et ceci dans des circonstances justifiant l'affirma tion de Victor Hugo : « En ce temps-là, la France eut des victimes, mais la Ven dée eut des martyrs » (12, 109, 110, 135, 158). Les gens de l'Ouest et de l'Est, habitant des régions malheureusement pri vilégiées par l'Histoire, ont en commun une mutuelle incompréhension de celle des autres. Puisse ce modeste essai dissiper chez nous un peu de l'ignorance qui entoure une tragédie qui peut nous paraître lointaine dans le temps et l'espace, mais dont la blessure n'est pas encore fermée dans l'Ouest. Mon propos n'est pas de refaire l'histoire des guerres de Vendée, mais de rappeler, à l'occasion de publications récentes ou de rééditions, la place de nos compatriotes dans cette tragédie et le comportement des uns et des autres, en m'attardant sur quelques destins hors série. Sans oser prétendre épuiser le sujet, j'espère surtout susciter des réactions et peut-être des travaux qui confirmeront que beaucoup de gens de chez nous ont contribué à cette histoire. Mais revenons à nos moutons et ceci au sens propre, c'est-à-dire aux terri bles « moutons noirs » de Charette, ainsi que se surnommaient les Maraîchains, qui avec les « Paydrets »* reculent présentement de village en village, en essayant autant que faire se peut de protéger la population qui fuit en masse et dans l'affolement devant la colonne Beysser. Celle-ci met tout à feu et à sang sur son passage dans ce sud du Comté Nantais, qui, bien que breton, va dorénavant partager le sort de la Vendée Militaire.