FREDERIC MISTRAL Frédéric Mistral ou Frederi Mistral en provençal est un écrivain et lexicographe français de langue occitane1,2, né le 8 septembre 1830 à Maillane (Bouches-du-Rhône), où il est mort le 25 mars 1914, et où il est inhumé. Mistral fut membre fondateur du Félibrige, membre de l'Académie de Marseille, maître ès-jeux de l'Académie des jeux floraux de Toulouse, Chevalier de la Légion d'honneur en 18633 et, en 1904, prix Nobel de littérature pour son œuvre Mirèlha (Mirèio), encore enseignée de nos jours4. Il s'agit d'un des rares prix Nobel de littérature en langue non reconnue officiellement dans l'État auquel il appartient administrativement parlant (avec Isaac Bashevis Singer). L'écrivain de « langue d'oc » - appellation alors utilisée au XIXe siècle - est une des figures de la langue et littérature occitanes5 et bien des hommages lui sont rendus dans tous les territoires occitanophones6,7, et ce jusqu'en Catalogne8.

Biographie

Mas du Juge à Maillane.

Mistral est un fils de ménagers9 aisés10 (François Mistral11 et Adélaïde Poulinet, par lesquels il est apparenté aux plus anciennes familles de : Cruvelier, Expilly, de Roux, d'Aurel, elles- mêmes étroitement liées entre elles). Mistral porte le prénom de Frédéric en mémoire d'un pauvre petit gars qui, au temps où mon père et ma mère se parlaient, avait fait gentiment leurs commissions d'amour, et qui, peu de temps après, était mort d'une insolation12. Frédéric Mistral a eu trois demeures successives à Maillane, le mas du Juge, la maison du Lézard et celle qui est connue sous le nom de Museon Frederi-Mistral13. Le mas du Juge, un domaine de 25 hectares, situé entre Maillane et Saint-Rémy, devint propriété de la famille Mistral en 1803. Après la mort de son père Antoine, en 1827, François Mistral en hérita. Le père du futur poète était alors veuf de Louise Laville. De ce mariage était né Louis, demi-frère de Frédéric Mistral14,15.

Carte des différents dialectes de l'occitan selon Frédéric Mistral. Le 26 novembre 1828, François Mistral, veuf depuis 1825, se remaria avec Adélaïde Poulinet, fille du maire de Maillane16. C'est de cette union que naquit le 8 septembre 1830, Joseph-Étienne- Frédéric Mistral, dit Frédéric, dont toute l'enfance et la jeunesse se passèrent au mas du Juge14,13,15.

Plaque apposée sur le pensionnat de la rue Louis-Pasteur d' eut comme élèves Anselme Matthieu et Frédéric Mistral. Mistral va, dès l'âge de sept ans, à l'école de Maillane. Il y pratique lou plantié (école buissonnière), comme il le narre dans ses Memòri e raconte, où au chapitre IV, il part cueillir des fleurs de glai (iris d'eau) pour sa mère. Puis, en 1839, il est inscrit au pensionnat de Saint- Michel-de-Frigolet. Il n'y resta que deux ans, cet établissement ayant fermé, et fut placé au pensionnat Millet d'Avignon. En 1845, il fut logé au pensionnat Dupuy, il fit connaissance de Joseph Roumanille17. Durant cette période, il suivit ses études au Collège royal d'Avignon, dans l'actuelle rue Frédéric- Mistral, et passa, en 1847, son baccalauréat à Nîmes. Reçu bachelier, il fut enthousiasmé par la révolution de 1848 et se prit d'admiration pour Lamartine. Ce fut au cours de cette année qu'il écrivit Li Meissoun (Les Moissons), poème géorgique en quatre chants, qui resta inédit17. Sa famille le voyant bien devenir avocat, il étudia le droit à l'Université d'Aix- Marseille de 1848 à 1851, où il sortit de la faculté avec sa licence en droit18,17. Il se fait alors le chantre de l'indépendance de la Provence, et surtout du provençal, première langue littéraire de l'Europe civilisée. C'est au cours de ses études de droit qu'il apprit l'histoire de la Provence, jadis État indépendant. Émancipé par son père, il prit alors la résolution de relever, de raviver en Provence le sentiment de race […] ; d'émouvoir cette renaissance par la restauration de la langue naturelle et historique du pays […] ; de rendre la vogue au provençal par le souffle et la flamme de la divine poésie. Pour Mistral, le mot race désigne un peuple lié par la langue, enraciné dans un pays et dans une histoire[réf. nécessaire]. Mistral va également proposer un découpage des différents dialectes occitans19.

La maison du Lézard en 191420. Frédéric et sa mère furent contraints de quitter le mas du Juge, en 1855, après la mort de François Mistral. Celui-ci revenait à Louis, le fils aîné. Ils durent s'installer dans une petite maison familiale, au sud du village, qui leur avait été attribuée dans le partage d’hoirie. Frédéric lui donna, en 1903, le nom de maison du Lézard après avoir fait installer un cadran solaire orné de ce petit reptile. C'est là qu'il termina Mirèio, commencé au mas du Juge, et qu'il écrivit Calendau13,14,15.

Musée Frédéric-Mistral à Maillane. Mistral reçoit le prix Nobel de littérature en 1904, conjointement à José Echegaray. Il consacrera le montant de ce prix à la création du Museon Arlaten à Arles. Frédéric Mistral y habita jusqu'en 1875, année ou il put emménager dans la maison qu'il avait fait construire à Maillane, juste devant la maison du Lézard14. Un an plus tard, le 27 septembre 1876, il épousait à Dijon, Marie Louise Aimée Rivière. Ce fut ici qu'ils vécurent. La maison devint, après la mort du poète, le 25 mars 1914 et celle de sa veuve, le 6 février 1943, le Museon Frederi Mistral13,15. Comme les peintres Edgar Degas et Auguste Renoir, le critique Jules Lemaître, les poètes José- Maria de Heredia et Pierre Louÿs, le compositeur Vincent d'Indy, entre autres, Mistral fut membre de la Ligue de la patrie française, ligue antidreyfusarde21. Dans son testament du 7 septembre 1907, Mistral avait légué à sa commune de Maillane, sa maison avec les terrains, jardin, grille, murs, remise et constructions qui l'entourent ou en dépendent… avec les objets d'art, les tableaux, les gravures, les livres et la bibliothèque qu'elle contient, afin qu'on en fasse le musée et la bibliothèque de Maillane, et aussi les meubles qui sont dans la maison à condition qu'ils n'en soient pas enlevés. Il spécifiait en outre que la commune n'entrerait en possession qu'après la mort de son épouse15. Frédéric Mistral étant décédé sans enfants, de son union avec Marie-Louise Rivière, ses neveux et nièces (enfants de ses frère et sœur aînés, Marie et Louis, nés du premier mariage de son père) demeureront sa seule famille vivante avec son épouse. Toutefois Mistral eut, d’une jeune servante de son père, Athénaïs Ferréol, un fils naturel baptisé Marius Antoine Coriolan Ferréol, né à Maillane en 1859. L'écrivain ne reconnut jamais ce fils, mais s’occupa de son éducation. Marius Ferréol fut directeur général des écoles d’Aix et offre à Mistral sa seule descendance connue, dans laquelle figure entre autres son arrière-arrière-petite-fille, la comédienne Andréa Ferréol22. Le Museon est classé monument historique depuis le 10 novembre 1930, son mobilier depuis le 10 février 1931, ce qui a permis à cette demeure de conserver l'aspect qu'elle avait du vivant de Frédéric Mistral15. Frédéric Mistral avait orné son ex-libris d'un blason personnel formé d’une cigale d’or sur un champ d’azur chantant sous le soleil, associée à sa devise Lou soulèu me fai canta (Le soleil me fait chanter23). Son œuvre Félibrige

Portrait de Frédéric Mistral, par Jean Barnabé Amy.

Premier portrait connu de Frédéric Mistral, fait à le 18 juillet 1852, par Jean-Joseph Bonaventure Laurens Bibliothèque Inguimbertine. Rentré à Maillane, Mistral organise avec le poète Joseph Roumanille (Jousé Roumaniho en provençal) la renaissance de la langue d'oc. En 1854, ils fondent, avec cinq autres poètes provençaux, à Châteauneuf-de-Gadagne (Vaucluse), le Félibrige, association régionaliste qui a permis de promouvoir cette langue. Placé sous le patronage de sainte Estelle, le mouvement accueille des poètes catalans chassés d'Espagne par Isabelle II. Mistral en est le premier capoulié (président), de 1876 à 1888. Sa norme graphique, la graphie mistralienne24, qu'il invente de toute pièce apparaît comme peu adaptée à l'histoire de la langue occitane et est avant tout phonétique, et s'inspire pour beaucoup de celle du français25. Les sept primadié, fondateurs du Félibrige, sont Joseph Roumanille, Frédéric Mistral, Théodore Aubanel (Teoudor Aubanèu), (Jan Brunet), Paul Giéra (Pau Giera), (Ansèume Matiéu) et (Anfos Tavan). Le Félibrige est encore aujourd'hui une organisation culturelle présente dans l'ensemble des départements de langue d'oc. Par son œuvre, Mistral veut réhabiliter la langue d'oc et sa poésie épique : la qualité de cette œuvre est reconnue par de nombreux prix. Il réalise un dictionnaire très complet et fouillé des différentes formes des mots de la langue, écrit des chants, des romans en vers à l'imitation d'Homère, dont il se réclame dans les quatre premiers vers de Mirèio : Cante uno chato de Prouvènço Dins lis amour de sa jouvènço A través de la Crau, vers la mar, dins li blad Umble escoulan dóu grand Oumèro, iéu la vole segui.

Je chante une jeune fille de Provence, Dans les amours de sa jeunesse, À travers la Crau, vers la mer, dans les blés, Humble élève du grand Homère, je veux suivre ses pas. Il fonde en 1891 le journal félibréen d'inspiration fédéraliste, L’Aiòli, mais échoue dans sa tentative de faire enseigner la langue provençale à l'école primaire26. Lexicographie : Lou Tresor dóu Felibrige Article détaillé : Lou Tresor dóu Felibrige.

Frédéric Mistral avec sa barbe en pointe qui attire l'œil. Mistral est l'auteur du Tresor dóu Felibrige (1878-1886), un des premiers grands dictionnaire pour l'occitan. C'est un dictionnaire bilingue, en deux grands volumes, englobant l'ensemble des dialectes occitans. Tous sont abordés et représentés, les textes et les auteurs du gascon (ex. Jasmin) à l'auvergnat (ex. Faucon, Ravel) en passant par le languedocien (ex. Arnavielle, Aubanel) et le limousin (ex. Boecis, Chastanet)27. Réalisé minutieusement avec l'appui de correspondants locaux, il donne pour chaque mot les variantes en langue d'oc d'un même mot, sa traduction dans les autres principales langues latines, ainsi que des expressions ou citations incluant le dit mot. Mireille et le prix Nobel de 1904 Article détaillé : Mirèio. Son œuvre capitale est Mirèio (Mireille), publiée en 1859, après huit ans d'effort créateur. Mirèlha, long poème en provençal, en vers et en douze chants, raconte les amours contrariées de Vincent et Mireille, deux jeunes Provençaux de conditions sociales différentes28. Le nom Mireille, Mirèio en provençal, est un doublet du mot meraviho, qui signifie merveille. Mistral trouve ici l'occasion de proposer sa langue, mais aussi de faire partager la culture d'une région en parlant entre autres des Saintes-Maries-de-la-Mer, qui d'après la légende auraient chassé la Tarasque, et de la fameuse Vénus d'Arles. Mistral fait précéder son poème par un court Avis sur la prononciation provençale. Mireille, jeune fille à marier d'un propriétaire terrien provençal, tombe amoureuse de Vincent, un pauvre vannier qui répond à ses sentiments. Après avoir repoussé trois riches prétendants, Mireille, désespérée par le refus de ses parents de la laisser épouser Vincent, va aux Saintes- Maries-de-la-Mer en traversant la Plaine de la Crau, écrasée de soleil, afin de prier les patronnes de la Provence de l'aider à obtenir le consentement de ceux-ci. Mais elle est victime d'une insolation en arrivant au but de son voyage et meurt dans les bras de Vincent sous le regard de ses parents. Mistral dédie son livre à Alphonse de Lamartine en ces termes :

Vincent et Mireille, par Victor Leydet.

Frédéric Mistral, prix Nobel de littérature à la une du magazine Le Petit Journal, en 1904. À Lamartine Je te consacre Mireille : c'est mon cœur et mon âme ; C'est la fleur de mes années ; C'est un raisin de Crau qu'avec toutes ses feuilles T'offre un paysan29 Et Lamartine de s'enthousiasmer : Je vais vous raconter, aujourd'hui, une bonne nouvelle ! Un grand poète épique est né. […] Un vrai poète homérique, en ce temps-ci ; […] Oui, ton poème épique est un chef-d'œuvre ; […] le parfum de ton livre ne s'évaporera pas en mille ans30. Mirèio a été traduite en une quinzaine de langues européennes31, dont le français, par Mistral lui- même. En 1863, Charles Gounod en fait un opéra. Le prix Nobel de littérature attribué à Frédéric Mistral, en 1904, pour Mirèio, récompense une œuvre en langue d'oc, langue minoritaire en Europe et constitue de ce fait une exception. Déjà, en 1901, lors de la première session du prix Nobel de littérature, il faisait figure de favori fort du soutien des intellectuels romanistes de l'Europe du Nord dont l'Allemagne. Pourtant, en dépit des rumeurs qui couraient, le comité suédois décerna le premier Nobel à Sully Prudhomme, candidat officiel de l'Académie française32. Le prix manque pourtant lui échapper à cause d'une mauvaise traduction suédoise de son œuvre. Il doit cependant partager sa distinction avec José Echegaray. Son prix Nobel récompensant une langue minoritaire reste unique jusqu'en 1978, où Mistral est rejoint par Isaac Bashevis Singer pour son œuvre écrite en yiddish. L’Académie suédoise accompagne l'attribution du Nobel à Mistral en ces termes : En considération de sa poésie si originale, si géniale et si artistique, […], ainsi qu’en raison des travaux importants dans le domaine de la philologie provençale. La légitimité poétique de la langue provençale est alors reconnue à l’échelle internationale puisque le prix Nobel signalait sa valeur universelle, dépassant le régionalisme32. Principales œuvres

Manuscrit de Moun espelido. Memòri e raconte, Avignon, Palais du Roure

 Mirèio (1859)  Calendau (1867)33  Coupo Santo (1867)  Lis Isclo d'or (1875), en ligne34  Lou Tresor dóu Felibrige ou Dictionnaire provençal-français, (1879)  Nerto, nouvelle (1884)35  La Rèino Jano, drame (1890)36  Lou Pouèmo dóu Rose (1897)  Moun espelido, Memòri e Raconte ou Mes origines (1906)37  Discours e dicho (1906)38  La Genèsi, traducho en prouvençau (traduction de La Genèse, 1910)39  Lis óulivado (1912)40  Proso d’Armana (posthume) (1926, 1927, 1930)41

Le Museon Arlaten[modifier | modifier le code] Fondé par Frédéric Mistral en 1896. Avec l'aide du docteur Émile Marignan, il rédige un manuel de collecte et voit les dons affluer. Le premier musée ouvre en 1899, les collections sont données au département des Bouches-du-Rhône. En 1904, grâce à l'argent qu'il a reçu pour le prix Nobel de littérature, Mistral installe le musée dans l'hôtel de Laval-Castellane, alors collège d'Arles. Frédéric Mistral le définit comme « complément naturel de l’œuvre félibréenne », et comme « un poème en action » (lettres à Paul Mariéton, 1897), poème qui peut ouvrir une nouvelle voie aux militants de la renaissance provençale. Collections[modifier | modifier le code] Frédéric Mistral en ébauche les grandes orientations à Mèste Eisseto, publiées dans L’Aïoli du 17 janvier 1896, devenu chronique du projet. « Nous rassemblerons alors les collections en commençant par le costume, dont seront montrées toutes les modifications du xviiie siècle à nos jours ; accompagné par les bijoux arlésiens. Viendra ensuite la présentation du mobilier dont l’originalité rivalise avec l’élégance. Une large place sera accordée au gardian et au berger de Crau avec tout leur équipement, puis les superbes garnitures de la Saint-Eloi, fête des laboureurs, introduiront la meinagerie d’Arles, panorama de la vie du mas avec tous ses outils, son équipement domestique, ses plats traditionnels, l’art de la maison […] enfin sera évoquée la marine du Rhône. » Il ne s’agit là que d’une évocation des objets ou thèmes qu’il faut, de toute évidence, collecter ou aborder dans ce musée. Mais la réalisation d’une véritable institution, quasiment expérimentale pour les muséographes de l’époque, nécessite le recours à une science constituée, l’ethnographie. Dans les années 1880-1890 cette discipline a pour objet « l’étude des mœurs […] comme des traits physiques, des caractères moraux et de l’état social des populations » (discours du docteur Marignan, mai 1899, L’Aïoli)42.