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VI - LA VIE MUSICALE EN WALLONIE

(d'État): Liège et Mons ; Bruxelles possède actuellement, de son côté, deux Conserva­ toires. Ceux de Liège et Bruxelles, issus directement des écoles fondées sous le gouvernement hol­ landais reçurent leur titre et leur statut respec­ tivement en 1831 et en 1832. Celui de Mons ne fut élevé à la dignité de 'royal' qu'en 1948. L'organisation des cours s'inspira dès le dé­ part de ce qui s'était fait à Paris. Ce n'est pas pour rien que le premier directeur à Liège fut un Français, Daussoigne-Méhul, dont Cheru­ bini avait recommandé la nomination. Mais, en fait, ces Conservatoires, s'ils répondaient désormais à la forte tendance centralisatrice du début du XIX• siècle, étaient tout autant l'aboutissement d'une très longue tradition qui, dans le cas de Liège notamment, remon­ tait au haut moyen âge, à l'École palatine d'Aix, fondée par Charlemagne. Jusqu'à la fin du XVIII• siècle, les 'maîtrises' d'église avaient presque entièrement conservé le mono­ pole de l'enseignement musical. Des écoles privées ou semi-publiques leur succédèrent après la Révolution française. Lorsque Guil­ ALPHABET FÜR LIÈGE de Stockhausen ( Photo laume d'Orange créa des Écoles de Musique collection Marcel Lemaire). en 1826 à Liège et à Bruxelles, il ne fit que répondre à la longue insistance des deux villes à posséder enfin leur école officielle. (Cf. JosÉ QuiTIN: La Wallonie, le Pays et les Hommes, LES INSTITUTIONS Lettres, Arts, Culture, t. II, pp. 343-345). D'ENSEIGNEMENT, À Mons une Académie Robert fut reprise par DE RECHERCHE ET DE DIFFUSION 1'Administration communale dès 1820 et reçut le statut de Conservatoire communal en 1882. Les Conservatoires royaux. La Wallonie est Le Conservatoire de Bruxelles, national jus­ dotée, au plus haut niveau de l'enseignement qu'en 1966, a été scindé à cette date en deux musical, de deux Conservatoires royaux établissements distincts et autonomes: un

349 CONSERVATOIRE ROYAL DE LIÈGE. L'OR­ CHESTRE DE LIÈGE SOUS LA DIR ECTION DE PAUL STRAUSS. À la gauche de celui-ci, remarquer lç premier violon, Henri Koch prématurément disparu. A remarquer aussi la décoration évoquant la vie musicale par Edgar Scauflaire ( Photo Studio 9, Liège) . francophone et un flamand, conséquence des SIN, MARCEL LEJEUNE, HENRI KocH, HECTOR lois linguistiques. CLOKERS, MAURICE RASKIN , MARCEL DEBOT, Dès leur création, les Conservatoires royaux CHARLES JONGEN, EMMANUEL KOCH, RI­ s'inspirèrent du principe énoncé au Conserva­ CHARD PIETA. toire national de Paris, à savoir, 'la spécialisa­ Bruxelles a longtemps bénéficié de sa position tion d'éléments sélectionnés d'après leurs dis­ privilégiée et attiré, à côté de nombreux Wal­ positions naturelles'. Les Conservatoires se lons, des maîtres étrangers. Mons a été une limitaient, au début, à l'enseignement du sol­ pépinière de remarquables chanteurs. fège, de la théorie, du chant et des principaux Les Conservatoires royaux sont depuis peu instruments. Leur histoire est jalonnée d'enri­ confrontés à de nouvelles exigences. Conser­ chissements successifs, de l'introduction de vateurs par définition, ils ne se sont guère nouveaux cours - musique de chambre, en­ adaptés à la rapide évolution des techniques sembles vocal et instrumental - et, plus ré­ musicales de composition et d'exécution de­ cemment, de l'étude d'instruments dont la puis les cinquante dernières années. Par ail­ vogue ou la résurgence, tels le clavecin et la leurs, visant surtout à former des virtuoses, guitare, suscite de nouvelles vocations. concentrant leur enseignement avant tout sur En dépit de leur forte organisation étatique, la performance individuelle, ils ont négligé la centralisée, les trois Conservatoires royaux formation pédagogique des futurs professeurs ont conservé leur personnalité propre. Liège, que réclament non seulement les écoles de dont J'école de violon a depuis longtemps musique mais aussi l'enseignement général essaimé dans le monde entier, s'enorgueillit primaire, secondaire et normal. Le ministère d'avoir formé une pléiade impressionnante de de la Culture s'est, depuis quelques années, violonistes virtuoses, tels que LAMBERT MAs­ inquiété de ces problèmes. Une réforme est à SART, HUBERT LÉONARD, MARTIN MARSICK, l'étude qui a déjà reçu un commencement de EUGÈNE YSAYE, CÉSAR THOMSON, ÜVIDE Mu- réalisation. Le Conservatoire de Liège, par

350 exemple, est désormais doté de cours de psy­ guerre, une assez extraordinaire expansion de chologie et de pédagogie. Des cours d'analyse l'enseignement musical. Cela pourrait sur­ musicale, des séminaires de composition et de prendre à une époque où l'on déplore en musique électro-acoustique, sous la direction général une désaffection vis-à-vis de la 'pra­ d'Henri Pousseur, sont venus s'ajouter aux tique' musicale, la disparition des pianos dans classes traditionnelles. les appartements exigus, celle des rencontres La tendance officielle qui prévaut actuelle­ amicales autour d'un trio de Beethoven, à un ment voudrait faire des Conservatoires moment où l'on constate l'attrait des mass­ royaux des établissements d'enseignement su­ media et des distractions de toute sorte. En périeur universitaire, où les élèves nantis d'un vérité, l'intérêt pour la musique a profondé­ certificat d'humanités secondaires viendraient ment changé de nature. Réservée jadis à une parfaire et couronner les études qu'ils auraient bourgeoisie qui en faisait l'un des impératifs commencées dans les autres écoles de mu­ de la bonne éducation, la musique pourrait sique. Ce qui, au moment où nous écrivons ces bien connaître, dans la 'civilisation des loisirs', lignes, ne va pas sans susciter des réactions en un sort nouveau. Mais nous n'en sommes sens divers. La nomination, en 1975, de Henri encore qu'à relever les premiers indices de ce Pousseur aux fonctions de directeur permet changement, dont nous reparlerons à propos d'espérer, pour le Conservatoire de Liège, une de l'action des Jeunesses Musicales et de la ouverture sur le monde musical d'aujour­ nouvelle pédagogie musicale dans l'enseigne­ d'hui. ment général. Voici la liste des directeurs qui ont présidé aux De toute façon, il faut bien se rendre à l'évi­ destinées des Conservatoires royaux, depuis dence : le nombre des écoles de musique va leur fondation respective: croissant, le nombre et les exigences des élèves Conservatoire royal de Liège : qui les fréquentent rendent aigu le problème Directeurs : Daussoigne-Méhul ( 1826-1862) du recrutement des professeurs et de leur - Soubre (1862-1872)- Théodore Radoux formation. (1872-1911)- Sylvain Dupuis (1911-1925) ­ Conservatoires communaux, Académies, François Rasse (1925-1938) - Fernand Qui­ Écoles de Musique relevant des autorités locales net (1938-1963) - Sylvain Vouillemin (1963- reçoivent le soutien de l'État, à condition de 1975) - Henri Pousseur (1975-... ) répondre à des normes, de se soumettrè à son Conservatoire royal de Bruxelles: (fran­ inspection. Ils sont divisés en deux catégories, cophone): suivant le niveau que l'on en exige. , Camille Schmit (1966-1974) - Eric Feldbusch , , et ont droit (1974-... ) au titre de Conservatoire. Citons aussi l'Insti­ Le Conservatoire National a connu d'autres tut de Musique sacrée de Namur, qui, outre sa directeurs d'origine wallonne: François Fétis vocation première, s'est fortement engagé (1833-1871) - Joseph Jongen (1925-1939)­ dans la pédagogie musicale. Le reste se partage Léon Jongen (1939-1949) entre les 'Académies' et les 'Écoles', profusion Conservatoire royal de Mons: d'établissements citadins ou villageois, ras­ Alex De Taeye (1931-1952), autre directeur: semblés dans les communes des grandes ag­ André Collin (1952-1963) - Eric Feldbusch glomérations ou isolés dans quelque petite (1963-1973)- Jean Baily (1973-... ) ville ardennaise. En 1974, la Wallonie comp­ tait plus de quatre-vingts de ces établisse­ Conservatoires communaux, Académies, Écoles ments, dont la population scolaire dépasse de Musique. Ces autres écoles de musique, parfois le millier d'élèves (dans une petite que sont -elles? La Belgique, - et la Wallonie à localité comme Amay par exemple): 35.000 cet égard participe activement au mouvement élèves au total en 1970. On n'y dispense pas -a connu, particulièrement depuis la dernière seulement l'enseignement musical, mms ces

351 écoles, bien implantées dans le milieu urbain musique en collectivité et d'intégrer ces écoles ou campagnard, sont en général nées de la mieux encore dans la ·vie locale. Musique, demande locale et s'efforcent de répondre aux activité sociale ... besoins de la population, ce qui donne à Ce qu'elle pourrait bien devenir réellement si chacune sa physionomie propre. Elles té­ se développe une autre tendance, qui se fait moignent en tout cas, par leur succès crois­ jour, en Wallonie, dans l'enseignement géné­ sant, par la création constante de nouveaux ral. cours, par le fait qu'elles sont ouvertes à tous, Alertés par les psychologues et encouragés par sans limite d'âge, aux jeunes apprentis virtuoses les courants pédagogiques modernes, des spé­ comme aux amateurs adultes, de l'utilité véri­ cialistes se penchent de plus en plus sur le rôle tablement sociale de leur existence. Toute la de la musique dans la formation et l'éducation Wallonie n'est pas encore 'couverte' d'écoles des enfants. Le ministère de l'Éducation Na­ de musique de la sorte; des coins d'Ardenne tionale a mis en chantier depuis quelques ou du Namurois, où la demande existe, n'en années une réorganisation de l'enseignement sont pas encore dotés ; mais tout indique de la musique dans les écoles maternelles, qu'on s'y emploie. primaires, secondaires et normales, où depuis longtemps déjà on déplorait sa pauvreté et sa Les fonctions de ces écoles sont multiples. Les désaffection. Sans vouloir entrer dans le détail meilleurs de leurs élèves iront parachever leurs de la réforme des programmes et des méthodes, études dans quelque Conservatoire royal. Le on peut affirmer qu'on a, d'ores et déjà, concours organisé par le Crédit Communal de dépassé le stade de l'expérimentation, et que la Belgique, distinguant chaque année les plus place de la musique dans cet enseignement, brillants parmi les lauréats des Académies ou son rôle éducatif, notamment au point de vue Conservatoires communaux, a souligné la 'verbo-moteur', les procédés inspirés de diffé­ qualité de l'enseignement qui y est dispensé. rentes écoles étrangères - Dalcroze, Carl Nous avons déjà fait allusion à la tendance qui Orff, Kodaly, entre autres (déjà expérimentés consisterait à en faire des établissements d'en­ dans l'enseignement musical spécialisé) pour­ seignement 'secondaire' musical, préparatoires raient bien contribuer à la longue à transfor­ à l'accès aux Conservatoires royaux. Ces écoles mer ce qu'on a pu appeler le 'désert musical' étant ouvertes le soir ou, en dehors des horaires de nos écoles, corriger !"atrophie de la percep­ de l'enseignement général, il y aurait là une tion auditive' que révèlent tant d'adolescents, réforme de structures à entreprendre. Un et faire bénéficier de cette nouvelle éducation, premier pas, encore timide, a été fait: par non seulement la musique elle-même, mais l'organisation d"options artistiques' dans aussi quelques autres disciplines enseignées. l'enseignement général rénové, les élèves ont Une généralisation de ces programmes et de enfin la possibilité de mener de front, sans les ces méthodes est en voie. Déjà quelques écoles, excès du surmenage, ou l'obligation d'aban­ grâce à des maîtres convaincus, bénéficient de donner les unes ou les autres, des études cette nouvelle orientation. L'attitude des fu­ générales et musicales. tures générations vis-à-vis de la musique pour­ Mais ces Écoles de Musique sont de plus en rait, à longue échéance, s'en trouver considé­ plus appelées, croyons-nous, à jouer un rôle rablement modifiée. Mais une réforme de prépondérant dans la vie moderne. À condi­ l'espèce risque de rester lettre morte si la tion d'en revoir les buts et les moyens. Il ne musique conserve sa trop modeste place dans devrait pas s'agir seulement de former de les horaires et les options scolaires. futurs virtuoses ou des amateurs éclairés, mais de multiplier les classes de musique de chambre, Les Jeunesses Musicales. C'est ce que les de favoriser la musique d'ensemble, vocale ou J. M. de Wallonie, qui ont gagné leur autono­ instrumentale, les occasions de pratiquer la mie dans le courant de la régionalisation,

352 voulait vraiment que l'action de la musique pénètre en profondeur dans les jeunes sensibi­ lités. Des essais isolés et sporadiques avaient déjà montré que d'autres actions pouvaient, devaient être entreprises. C'est de la prospère section liégeoise des J. M. qu'est partie, sous l'impulsion d'une équipe d'animateurs grou­ pés autour de CLAUDE MICHEROUX, J'initiative d'un vaste mouvement qui tente de faire de la musique un des éléments moteurs de l'éduca­ tion des enfants. Les J. M. de Liège, sans abandonner complètement la formule du concert' ou du récital, accordent leurs meil­ leurs efforts à l'animation 'sur le terrain'. En peu d'années, elles ont manifesté leur présence annuellement dans quelque cinq cents classes d'écoles primaires ou secondaires. Les musi­ ciens, formés aux techniques d'animation, y engagent avec les enfants un dialogue fécond : initiation aux instruments, aux formes; parti­ cipation des élèves, encouragés à questionner, à chanter, à jouer. Divers 'ateliers' pratiquant les nouvelles méthodes de la pédagogie musi­ cale s'attachent à susciter la 'créativité' dés enfants ; des groupes choraux s'organisent et se développent. Premier résultat spectaculaire: en 1974, trois cents enfants des écoles primaires liégeoises exécutèrent, à la Cathédrale, l'ora­ torio de Benjamin Britten, L'Arche de Noé. La section liégeoise des J. M., fortement structu­ UN ATELIER DES JEUNESSES MUSICALES DU rée, envisage de poursuivre et d'étendre cette HAINAUT (Photo Jeunesses musicales) . action, grâce à l'appui du ministère de la LES JEUNESSES MUSICALES DE LIÈGE DANS LE CAMP DE VACANCES DE VIEUXVILLE. L"ini­ Culture qui s'amplifie heureusement chaque tiation à la musique passe même par la fabrication des année, en lui assurant les moyens en hommes instruments ... (Photo Marcel Lemaire, Liège). et en argent. depuis 1974, ont bien compris de leur côté. Leur activité ne se contente plus, comme eUes Son exemple heureusement commence d'ins­ le firent avec tant de succès depuis leur créa­ pirer d'autres sections des J. M. de la Wallo­ tion en 1940, de faciliter aux jeunes l'accès aux nie. Tout en restant soucieuses de continuer différentes manifestations musicales, ou leur tradition des 'concerts à l'école', elles même d'organiser à leur intention un vaste s'efforcent à Bruxelles, à Charleroi, à Tour­ réseau de concerts et récitals (2.500 en 1973- nai, de transformer la simple initiation passive 1974). Les J. M. de Wallonie recrutent leurs à la musique en une véritable prise de con­ membres dans une vingtaine de centres, dont science du phénomène musical, en un encou­ les activités ont longtemps consisté à faire des ragement à la participation active, en une jeunes de fidèles auditeurs éclairés. intégration de la musique dans l'action péda­ Mais on s'est aperçu que ce qu'on a pu appeler gogique. Ce qui se fait déjà notamment, dans la 'charité culturelle' ne suffisait plus si l'on le Hainaut, avec la collaboration du Centre

353 culturel provincial, est très encourageant. tion d'une section de musicologie autonome. Signalons enfin que, depuis quelques années, L'Université Catholique de Louvain était éga­ un Camp international des J. M. se tient lement dotée, sous la direction de PHILIPPE chaque année dans le domaine d'Irchonwelz, MERCIER , d'une section analogue. que l'État met à sa disposition, ainsi que des Ainsi la musique accédait-elle, enfin, chez camps de vacances en Ardenne. nous à la dignité d'une science universitaire. Tardivement, il faut bien le reconnaître, si l'on Le Centre de Recherche musicale de compare l'essor de cette science dans de nom­ Wallonie. Le Centre de Recherche musicale breux pays étrangers. Retard d'autant plus de Wallonie a été longuement évoqué par surprenant, à tout prendre, que la Wallonie Henri Pousseur en un autre endroit de cet avait été jadis terre féconde à cet égard. Les ouvrage. On ne peut se dispenser toutefois de clercs du Pays de Liège avaient répandu dans ne pas rappeler ici encore le rôle important l'Europe entière du moyen âge leurs théories qu'il joue et est appelé à jouer dans la vie sur l'enseignement de la musique. Jacques de musicale en Wallonie. L'un des aspects du Liège, au XIVe siècle (remis en honneur par C.R.M.W. est son extrême variété, son ouver­ ROGER BRAGARD ), JoHANNES CI CO NIA aux ture sur tous les horizons de la recherche et de XIVe et xve siècles (remis en honneur par la création. À toutes les activités décrites par Suzanne Clercx), JOHANNES TINCTORIS à Ni­ Henri Pousseur vient de s'en ajouter une autre velles au xve siècle, et bien d'autres ont laissé qui est d'ordre à la fois pédagogique et créa­ des traités qui firent longtemps autorité. On ne teur: il s'adjoint désormais un séminaire de fera qu'évoquer ici les Mémoires d'ANDRÉ• jazz, avec la collaboration de spécialistes, MoDESTE GRÉTRY, si riches en informations destiné non seulement à initier les jeunes sur les pratiques de son temps. Il convient musiciens à la pratique de cet art dans sa plus aussi de rappeler brièvement le rôle éminent recente évolution mais aussi à les orienter vers joué, pendant un demi-siècle, par le Hennuyer l'improvisation et la création. FRANÇOIS FÉTIS (1784-1871), créateur de la On peut regretter que les moyens lui soient musicologie comparée, fondateur de la Revue parfois contestés par ceux qui croient que la Musicale, juge sévère et partial, mais qui musique est un bruit qui coûte cher. Il serait contribua, tant par la plume et par les concerts dommage que la Wallonie ne puisse, à l'instar qu'il organisa, à la redécouverte des maîtres de ce qui se fait ailleurs, continuer d'assurer anciens. Et n'oublions pas l'œuvre magistrale l'existence d'un Centre dont l'action est tout d'ANTOINE AuDA, auquel nous devons tant entière tournée vers l'avenir. Pour la bonne pour notre connaissance des vieux maîtres santé d'un peuple, la recherche musicale a wallons. Les ouvrages de ROBERT W ANGER­ autant de droits que la recherche scientifique. MÉE (La Musique .flamande, La Musique belge contemporaine, etc.), de SUZANNE CLERCX (Le Baroque et la musique, Ciconia, Grétry, etc.), de ROGER BRAGARD, de LOUIS LAVOYE, de MUSICOLOGIE - MAURICE BARTHÉLÉMY, d'ANNETTE BRAGARD, 'MUSIQUE EN WALLONIE' etc., attestent que les musicologues wallons ne sont pas restés inactifs. Que ces recherches se En 1945, l'Université de Liège confiait le cours regroupent maintenant au sein de sections d'histoire de la musique à SUZANNE CLERCX, universitaires ne peut qu'amplifier et mieux disciple de Charles Vandenborren, son précé­ structurer leur action et contribuer plus effica­ dent titulaire; elle ne tardait pas à élargir cement à notre redécouverte de notre passé considérablement le champ des études musi­ musical. Action qui n'est pas que livresque: la cologiques. À l'Université libre de Bruxelles, section de musicologie de l'Université de Liège ROBERT W ANGERMÉE était chargé de la direc- est à l'origine, avec ses Colloques annuels de

354 LAMBERT CHAUMONT, HENRY Du MONT, PETIT JEAN DE LATTRE, HUBERT RENOTTE, GOSSEC, GRÉTRY, J.-N. HAMAL, GRESNICK, CHAR TRAIN, FÉTIS, CÉSAR FRANCK, HUBERT LÉONARD, HEN­ RI VIEUXTEMPS, GUILLAUME LEKEU, JOSEPH JoNGEN, EuGÈNE YsAYE, JEAN RoGISTER ... QUATUORS CONCER10 Enfin, signalons l'essor remarquable des sec­ &. tions wallonnes de la Discothèque nationale, SYMPHONIES service de prêts de disques qui atteint aussi, grâce à ses 'discobus', les villages les plus éloignés. Et surtout le magnifique outil cultu­ rel qu'est désormais la Discothèque provin­ ciale de Liège, avec son fonds _de 35.000 disques- de la musique classique au folklore JAQUETTE DU DISQUE CONSACRÉ PAR MU­ et à la bonne chanson-, sa salle de lecture et SIQUE EN WALLONIE À NICOLAS-JOSEPH d'audition, sa bibliothèque musicale, son stu­ CHARTRAIN, COMPOSITEUR WALLON (XVIII< dio d'enregistrement, son installation de télé­ siècle). Le commentaire est dû à Maurice Barthélemy (Photo Francis Nifjfe, Liège). vision en circuit fermé et de magnétoscopie : un ensemble cohérent, qui est appelé à colla­ borer avec le Centre de production liégeois de Wégimont, du Festival des Nuits de Sep­ la R.T.B.F. et le C.R.M.W., et dont le fonds tembre; et ses étudiants témoignent, avec discographique, où ont été notamment ras­ la création de Musica Aurea, que les ma­ semblés d'innombrables enregistrements his­ nuscrits ne sont pas pour eux lettre morte. toriques et de référence, constitue une aubaine Le passé musical, d'autres encore s'emploient tant pour les chercheurs que pour les mélo­ à le mettre en valeur. JosÉ QUITIN, professeur manes. d'histoire de la musique au Conservatoire et président très actif de la Société liégeoise de Musicologie, s'est voué à l'étude des maîtres wallons et liégeois, particulièrement du XVIe LES CONCERTS au XVIII< siècle: il a entrepris de dépouiller systématiquement les archives de l'ancienne Au XIXe siècle, la vie musicale s'est fortement Principauté et les documents rassemblés dans développée à Bruxelles dont le statut de capi­ le 'Fonds Terry' du Conservatoire, constitué tale a naturellement favorisé la concentration par LÉONARD TERRY au XIXe siècle, dont le des talents et des publics. Dans cette activité il catalogue fut longtemps en friche et dont la est difficile de faire la part de ce qui est consultation a, enfin, permis de mettre au jour proprement wallon; le caractère national et et de 'réaliser' de nombreuses œuvres précieuses international de la vie musicale bruxelloise, de musiciens liégeois. représentatif de toutes les tendances, y attirait Mentionnons aussi le rôle remarquable que les artistes du pays entier. Cette activité a été joue, depuis 1970, une a.s.b.l. Musique en longuement évoquée dans La Musique en Bel­ Wallonie qui se consacre à l'édition discogra­ gique. Qu'il nous suffise de souligner ici le rôle phique des musiciens wallons. M. W., qui doit éminent joué par de nombreux artistes wal­ beaucoup au dévouement de son président, le lons dans la vie des concerts à Bruxelles. FÉTIS, notaire ALBERT JEGHERS, peut déjà s'enorgueil­ vers 1840, continue à Bruxelles l'action qu'il a lir d'avoir publié, souvent en première disco­ entreprise à Paris avec les concerts 'histo­ graphique, des œuvres de ROLAND DE LASSUS, riques', où il révéla les maîtres du passé; il est

355 l'un des premiers à diriger les symphonies de sans interruption, les différents directeurs ont Beethoven. Dès 1865, le Liégeois ADOLPHE eu à cœur de présenter, chaque hiver, une SAMUEL assure la direction des Concerts po­ saison de concerts, dont le nombre varia pulaires de musique classique, sur le modèle suivant les circonstances, et au cours desquels parisien. VIEUXTEMPS, piètre chef d'orchestre, furent jouées à côté du répertoire classico­ ne reste qu'un an à la tête de cette association. romantique, des œuvres de compositeurs wal­ Mais JosEPH DUPONT, né à Ensival, impose sa lons. Un trait caractéristique des concerts forte personnalité et son esprit curieux aux liégeois jusqu'à la dernière guerre fut l'impor­ concerts qu'il dirige à partir de 1873 pendant tance très nette accordée aux ouvrages qui 26 ans, révélant Wagner, Strauss et bon nombre requéraient le concours des chœurs. de musiciens contemporains. En 1895, EuGÈNE YsAYE fonde les concerts qui portent son nom En 1888, SYLVAIN DUPUIS fondait les 'Nou­ et son répertoire comprend de nombreux ou­ veaux Concerts' qui, à côté de ceux du Conser- vrages de compositeurs français (école franc­ kiste) et wallons (GUILLAUME LEKEU, THÉO LETTRE AUTOGRAPHE DU GRAND COMPO­ SITEUR ALLEMAND RICHARD STRAUSS AU YSAYE, JOSEPH JONGEN, VICTOR VREULS ...). CHEF D'ORCHESTRE LIÉGEOIS SYLVAIN DU­ Ces concerts disparaîtront en 1914, mais, en PUIS. Elle concerne l'interprétation d 'une de ses œuvres. Bel exemple du soin avec lequel Sylvain Dupuis pré­ 1899, SYLVAIN DUPUIS quitte Liège et reprend parait ses concerLs. la succession de Dupont à la tête des Concerts populaires, où il va exécuter notamment de nombreux ouvrages avec chœurs et étendre sa CHARLOTTENBURG, . .. 19(N­ curiosité à tout le répertoire symphonique DEN2!f:~ ~ -•nz::K&TII. ee. ~....J\~ . 1l.f; contemporain. En 1908, un autre Liégeois, le violoniste ALBERT ZIMMER, fonde la Société Bach. Et plus tard, avant la Deuxième Guerre 1'4 • f mondiale, le Hennuyer ANDRÉ SouRIS, tou­ L l-wt. ~ . jours à l'affût de la nouveauté, animateur incomparable et initiateur d'une extraordi­ naire lucidité, entreprend avec le 'Studio du Séminaire des Arts' de révéler à un public restreint, mais curieux, tous les aspects de la musique moderne.

Le domaine proprement wallon est plus mal connu. Mais non moins intéressant. Il n'est pas étonnant que ce soit à Liège, autour de son Conservatoire et de ses Académies, que se développe l'activité la plus intense. Liège pos­ sède à cet égard - on l'a déjà souligné - , une longue tradition. La réputation des orchestres liégeois du xvnr· siècle avait franchi les frontières. Velbruck reprochait à Grétry d'y venir recruter des musiciens pour les orchestres parisiens. Hama! avait fondé les 'Concerts spirituels' à l'instar de ce qui se faisait à Paris. On a retrouvé le programme (1832) d'un des premiers concerts organisés par le Conserva­ toire (un an après sa création). Depuis lors, et

356 vatoire s'enlisant dans la torpeur et l'acadé­ la musique vivante. FERNAND Qu iNET s'y révé­ misme, allaient profondément marquer la lait, dès le début, un chef d'une intelligence et vie musicale liégeoise jusqu'en 1901. Ce n'était d'une sensibilité extraordinaires. Le répertoire pas seulement des exécutions enfin dignes de que, tout au long de sa carrière, il offrit aux la réputation musicale des Liégeois que Du­ abonnés n'était pas très vaste ; sa curiosité puis offrait aux Liégeois. Son combat, car c'en était limitée ; son goût le portait vers les fut un, avait une signification autrement im­ classiques (Bach, Beethoven), vers les écoles portante. Il n'est pas un de ces quelque cin­ françaises de Franck à Ravel. Les œuvres de quante concerts Uoués deux fois) qui ne pré­ Strauss, Mahler, disparurent des programmes ; sentât une première audition, pour Liège ou l'école viennoise n'y figura jamais. Mais ses pour la Belgique. En parcourant ces pro­ interprétations de Stravinsky, de Debussy (un grammes, on est impressionné par le goût mémorable Pelléas et Mélisande), de Ravel ou irréprochable dont faisait preuve Dupuis, par des Russes (il dirigea notamment, avant tout sa hardiesse et son entêtement (il n'hésitait pas autre en Occident, plusieurs symphonies de à rejouer au concert suivant, une œuvre nou­ Chostakovitch) ont laissé des traces profondes velle, mal accueillie à son gré). Il sut gagner dans la mémoire de ses auditeurs. Bien qu'il progressivement son public à la cause de la fût appelé à diriger maintes fois à l'étranger, musique de son temps. Il imposa l'œuvre de Fernand Quinet n'a pas eu - on le constate Wagner, de Richard Strauss, de Mahler (ces avec quelque amertume - la carrière qu'on deux derniers vinrent diriger leurs propres pouvait attendre de son immense talent de œuvres), de Bruckner; l'école franckiste (Cé­ chef d'orchestre. sar Franck lui dédia une de ses œuvres Hymne, À Liège cependant, la vie musicale, très intense, sur un poème de Racine), d'Indy, Ropartz, nes~ limite pas aux Concerts du Conservatoire. etc., avait ses prédilections. Mais on lui doit Dès 1940, le violoniste HECTOR CLOKERS fon­ aussi de superbes exécutions de la Messe en ré dait les Concerts permanents, afin de venir en de Beethoven, de la Faust Symphonie de Liszt, aide aux musiciens sans travail. Cette acti­ de la Prise de Troie de Berlioz, dont le souve­ vité (plus de 600 concerts) prit fin en 1962. nir reste vivace à Liège, et la révélation - dès D'un autre côté, pendant plus d'un demi­ 1882 - de quelques Russes. Ces Russes que siècle, l'Œuvre des Artistes fit défiler sur les Liège, parmi les premières villes d'Occident, estrades les plus grands virtuoses et quel­ avait découverts, grâce à l'engouement de la ques-uns des orchestres les plus prestigieux. comtesse de Mercy-Argenteau : Cui, Borodine La formule du récital, n'ayant plus guère furent ses hôtes et assistèrent à la création de les faveurs du public, son action s'est quasi­ leurs œuvres. L'opéra de Cui, Le Prisonnier du ment éteinte après la Deuxième Guerre Caucase, fut joué pour la première fois en mondiale. Le 'récital' et la 'musique de français en 1886 au Théâtre Royal. chambre', après une période faste aux Con­ Il fallut attendre la création, entre les deux certs Dumont-Lamarche, se sont plutôt réfu­ guerres, des Concerts populaires dirigés par giés aux Concerts de Midi, qui, nés en 1949, et ARMAND MARSICK pour retrouver la curiosité longtemps abrités au Musée des Beaux-Arts, et l'enthousiasme qui avaient marqué l'action poursuivent à l'Émulation une carrière fé­ de Sylvain Dupuis. Marsick, tempérament conde ; les interprètes belges y sont souvent à fougueux, se faisait volontiers pédagogue et l'honneur ; un public d'étudiants y côtoie des commentait pour son public du dimanche les fidèles amoureux de la musique de chambre. œuvres qu'il lui proposait. Beaucoup de jeunes C'est grâce aux Concerts de Midi, qu'est né le Liégeois lui doivent d'avoir été initiés à la Quatuor Municipal, (HENRI et EMMANUEL musique, notamment à celle de Debussy et de KOCH, LOUIS POULET, ERIC FELDBUSCH) qui Ravel. Ce sont les Concerts du Conservatoire, s'y produisit souvent, avant de former, aux qui dès 1938, devaient rallumer le flambeau de Concerts du Dimanche Matin, à la Chapelle du

357 Vertbois, le noyau autour duquel de jeunes en peu d'années, à la connaissance de la musiciens, au cours des vingt-cinq dernières musique de notre temps. Soulignons ici - on années, ont, avec une foi qui tient du sacerdoce, y revient par ailleurs - que les Nuits de donné plus de 450 concerts, explorant tous les Septembre ont également joué un rôle impor­ aspects de la musique de chambre, du duo au tant dans ce domaine. On peut aussi mention­ sextuor. ner l'activité symphonique à Charleroi, où Le violoniste LÉOPOLD CHAR LIER a vait créé les FERNAND QUINET et SYLVAIN VOUILLEMIN lui concerts qui portaient son nom et qui propo­ donnèrent de l'impulsion. D 'un autre côté, sèrent, chaque été, de la bonne musique de une ville d'eaux comme Spa a connu jadis 'casino' aux visiteurs du Parc d'Acclimata­ cette vie musicale que l'on rencontre autour tion. Après trois quarts de siècle de fortunes des casinos et qui n'était pas sans charme ni diverses, ces concerts qui ont changé de carac­ qualité. tère, sont devenus comme le prolongement de la saison d'hiver du Conservatoire. La vie musicale contemporaine est marquée La curiosité pour la musique ancienne a tou­ par plusieurs phénomènes qui lui donnent un jours été vivace à Liège ; et bien avant que la visage nouveau. Les orchestres symphoniques mode ne s'en installe, quelques musiciens se étaient, jusqu'il y a peu, constitués de profes­ tournèrent vers l'usage d'instruments d'époque. seurs des Conservatoires et de leurs meilleurs Ainsi le Concert ancien, fondé par JEAN Qui­ élèves. Leur existence était précaire, leur sta­ TIN, JuLIETTE FOLVILLE et MAURICE DAM­ tut vague, leur stabilité constamment remise BOIS, au sein de l'Académie créée par le pre­ en question. L'action du syndicalisme autant mier. Ainsi encore I'A.M.C. (Association pour que les exigences du public, la multiplication la Musique de Chambre) dirigée par le pro­ des concerts, leur croissante décentralisation, fesseur VICTOR BoHET et où furent exécutés, ont abouti à la formation d'orchestres 'perma­ pendant l'entre-deux-guerres, bien avant que nents'. la coutume ne s'en répande, les Brande­ À Bruxelles, ·le premier Orchestre sympho­ bourgeois de Bach, entre autres, avec des nique de Bruxelles se mua bientôt, en 1936, en instruments anciens. Orchestre National, dont l'activité fut d'abord L'Association pour le progrès intellectuel et réservée à la capitale. Liège, en 1948, vit la artistique de la Wallonie ( A.P.l.A. W. ) entre­ création d'un premier orchestre permanent, prit, dès 1945, de faire connaître la musique qui se partageait entre le concert et l'opéra ; et qui s'était faite dans le monde avant et pen­ en 1961, l'Orchestre de Liège recevait le statut dant les hostilités, et dont les Liégeois avaient d'un orchestre entièrement autonome, pris en été longtemps sevrés. L'action de PIERRE charge par la Ville et l'Union pour la diffusion FROIDEBTSE et de ses amis, 'la bande à artistique et musicale. Désormais, il est devenu Froide bise', un peu bohème et si frater­ l'orchestre symphonique de la Wallonie entière, nelle, y fut féconde, si même elle manqua car il est invité à se produire dans la plupart de de moyens, mais elle fut de courte durée. nos villes. '1.-a tradition qui voulait que le Il a fallu attendre la fondation du C.R.M .W. directeur du Conservatoire dirigeât les (en 1970) et surtout la création, grâce aux concerts de la Maison a elle-même vécu. L'Or­ J. M., des Concerts Froidebise pour que la chestre de Liège, d'abord dirigé par FERNAND musique moderne trouve, enfin, droit de QUINET, a été ensuite, placé pendant trois ans cité, et que soient révélées aux Liégeois les sous la baguette du Français Manuel Rosen­ grandes œuvres de l'école viennoise, de Mes­ thal, et c'est l'Américain Paul Strauss qui, de siaen, de Berio, de Boulez ou de Stockhausen 1967 à 1977 a été son directeur musical et chef et de compositeurs wallons comme PoussEUR, attitré. Le mandat de Paul Strauss étant venu BARTHOLOMÉE OU PHILIPPE BOESMANS. Les à expiration en 1977, c'est le chef belge PIERRE Concerts Froidebise ont fortement contribué, BARTHOLOMÉE qui lui succéda. Compositeur,

358 Pierre Bartholomée a été pendant plusieurs l'esprit de l'orchestre symphonique. Des mo­ années l'animateur de l'Ensemble Musique niteurs travaillent avec les différentes sections, Nouvelle. Déplorons par ailleurs que, dans le cordes, vents, percussions. Le jeune chef fran­ domaine des 'cordes' notamment, nos or­ çais Alexandre Myrat a été chargé au début chestres ont peine à recruter des artistes wal­ de la direction de l'ensemble. L'Orchestre lons; de plus en plus, on se tourne vers l'étran­ des Jeunes a son siège en Hainaut où un ger: Tchèques, Français; l'Opéra de Wallonie château (Cambron-Casteau) a été mis pro­ a même engagé en 1974 des Mexicains ... visoirement à sa disposition en attendant qu'un autre lieu soit aménagé définitivement. Mons est devenu à son tour le siège d'un Le Ministère de la Culture française accorde Orchestre de Chambre de Wallonie, dirigé par un important subside à l'Orchestre qui aura son premier violon-solo, virtuose de réputa­ partiellement une activité autonome, notam­ tion internationale, Lola Bobesco. Constitué ment dans le domaine de J'animation, et d'une douzaine de cordes et d'un clavecin, cet qui devrait constituer une 'réserve' d'instru­ Ensemble d'archets Eugène Ysaye se produit mentistes bien entraînés pour nos orchestres dans la plupart des villes et bourgades de professionnels qui en ont grand besoin. Wallonie, et entreprend de nombreuses tour­ nées à l'étranger. Son répertoire passe du Depuis quelques années, Namur disposait à baroque à la musique contemporaine, et il a son tour d'un Orchestre Mozart, créé et dirigé créé plusieurs ouvrages de compositeurs belges par Guy BARBIER, dont le titre indiquait assez dont certains ont été spécialement écrits pour le genre de répertoire qu'il se proposait de lui. servir. À partir de 1975, cet orchestre fut En 1978, la démission de Lola Bobesco et un désormais rattaché à la Ville de Bruxelles. assez important déficit financier ont contraint Ce qui caractérise l'activité de ces orchestres et les autorités responsables à revoir le statut de la vie des concerts en général, c'est qu'elles ne l'Orchestre. CHARLES JoNGEN, professeur au sont plus réservées à un seul lieu. L'indépen­ Conservatoire Royal de Liège et concertmeis­ dance dont ces ensembles jouissent, le statut ter de l'Orchestre de Liège, en devient le qui leur assure la stabilité, la demande tou­ violon-conducteur. À l'heure où nous écri­ jours croissante de publics qui ne se recrutent vons ces lignes quelques membres de l'Orchestre plus seulement dans les grands centres, la de Chambre s'opposent à certaines stipula­ multiplication des 'festivals', en ont fait des tions du nouveau contrat qui leur est proposé. orchestres itinérants. Le Ministère de la Cul­ Et notamment à celle qui leur assigne une ture, les services culturels des gouvernements tâche de moniteurs auprès de l'Orchestre des provinciaux, de Liège et du Hainaut surtout, Jeunes de la Communauté Culturelle Fran­ subsidient l'organisation de concerts dans les çaise. coins les plus reculés des provinces. L'absence de salles adéquates n'est pas toujours un Il convient de dire ici un mot de ce dernier qui obstacle: les églises ou les écoles peuvent les a reçu son statut en 1978 en tant qu'institution abriter. Ajoutons encore aux orchestres que permanente. Il groupe, à l'initiative des Jeu­ nous avons cités, les innombrables solistes et nesses Musicales (qui en ont assuré la gestion groupes de musique de chambre qui parti­ au cours de camps d'été dans la région de cipent aux Concerts de Midi de Liège, de Stavelot et des tournées en Wallonie et à Paris) Verviers ou de Mons comme aux séances de jeunes instrumentistes, encore élèves ou d'Éducation permanente dans les maisons de tout frais émoulus des conservatoires et aca­ la Culture. Ces solistes et ces groupes sillonnent démies de Wallonie, qui se réunissent pério­ nos provinces en tout sens et ils y apportent, diquement en sessions de week-end ou de fût-ce même dans une salle de café enfumée, le vacances, pour s'initier à la technique et à message de la musique. Encore ne pouvons-

359 nous qu'esquisser, ici, une activité plus intense les orchestres, les divers ensembles ou solistes, qu'on ne le croit communément. promènent de ville en ville, sans se demander vraiment si le message qu'ils apportent a À titre d'exemple, voici un tableau des toujours des chances d'être reçu et compris ... concerts et récitals organisés dans le Hainaut par l' A.S.B.L. 'Service de diffusion intellectuelle et artistique du Hainaut', seule ou en collabo­ LE THÉÂTRE LYRIQUE ration avec le 'Service d'animation à la diffu­ ET LE BALLET sion culturelle' et du 'Département Arts et Lettres' du Ministère de la Culture française, Le théâtre lyrique est depuis longtemps popu­ pour la saison 1973-1974: laire en Wallonie. Les Wallons aiment chan­ - 92 concerts et récitals destinés aux adultes, ter; ils sont friands de belles voix. L'opéra, - 23 concerts et récitals destinés aux jeunes, l'opéra-comique ou l'opérette ont leurs fa­ - 58 concerts à l'école, veurs. Mais le théâtre lyrique dans nos pro­ répartis dans les villes d'Ath, Baileux, Binche, vinces est, plus qu'aucune autre activité musi­ Comines, Frameries, Hornu, La Louvière, cale, voué à un.éclectisme qui trahit le manque Mons, Mouscron, Tournai. de racines profondes de cet art dans la sensibi­ lité wallonne. Grétry et peut-être Gresnick, ce Il faut souligner le rôle important que jouent méconnu, mis à part - et encore firent-ils dans ces concerts, les harmonies, fanfares et carrière à l'étranger et leurs ouvrages sont-ils sociétés chorales du Hainaut. Autre exemple: fortement influencés par les styles italiens et pendant cette saison 1973-1974, La Louvière français - , la Wallonie n'a doté le théâtre put applaudir des solistes comme Malcolm lyrique d'aucune grande œuvre qui fût l'ex­ Frager et Arthur Grumiaux, l'Orchestre de pression de sa particulière sensibilité. César la R.T.B., l'Orchestre J.-F. Paillard et les Franck s'essaya à l'opéra mais son Ghiselle Carmina Burana, de Carl Orff, exécutés par n'est qu'un ouvrage médiocre. les Chœurs et l'Harmonie de Frameries. On Assez curieusement, c'est dans l'oratorio, ne peut plus parler du 'désert musical' de dans les grandes œuvres avec chœur que les la province ... compositeurs wallons ont traduit le goût de Une des conséquences de cette activité - en leurs compatriotes pour le chant, et, parti­ dépit même de la décentralisation qui la carac­ culièrement, le chant d'ensemble. térise - est une certaine uniformisation des C'est peut-être aussi dans le th.éâtre patoisant, programmes et des audiences. Jadis, et bien dans les innombrables vaudevilles à couplets que beaucoup plus modeste, l'activité musicale et opérettes qui ont fleuri sur les scènes dialec­ était souvent l'expression de l'esprit local. Les tales, que s'est développée une forme de théâtre Concerts du Conservatoire de Liège, par exem­ musical proprement wallon. ple, avaient un caractère qui ne dépendait pas Bien que ce ne soit pas là notre sujet, il faut seulement de la personnalité du directeur-chef bien rappeler qu'à Liège, au XVIII• siècle, d'orchestre. À parcourir leurs programmes, c'est un compositeur 'sérieux', Jean-Noël Ha­ on y relève des tendances (grandes œuvres mal, qui avec ses opéras bouffes wallons, Li chorales, école franckiste, musique française, voyèdje di Chaufontainne, Li Lidgwè ègadgi, etc.) qui répondaient au goût de leur public. Les Hypocontes, et Li Fièsse di Hoûte-si-ploût, D'une part, les goûts des publics ont changé, donna ses premiers titres de noblesse au théâtre sous l'influence notamment du disque et de la lyrique dialectal. Et rappelons aussi que, plus radio, mais les programmes sont devenus plus près de nous, au xx· siècle, ce sont encore stéréotypés ; on offre aux auditeurs des grands deux opéras en dialecte wallon liégeois - centres comme à ceux des petites bourgades, Coûr d'Ognon de Sylvain Dupuis et le très les mêmes programmes 'passe-partout', que sentimental Piér li Houyeû d'Eugène lsaye -

360 qui constituent un des rares apports de nos pendant plus de trois quarts de siècle, lorsque musiciens au théâtre lyrique. Ces ouvrages, cette scène devient l'une des premières d'Eu­ ainsi que les opéras, non sans mérite, du rope, à qui les plus grands compositeurs étran­ Verviétois (seule sa Passion a gers sont heureux de confier la création de connu une certaine fortune) n'ont guère sur­ leurs œuvres. Elle a joué, comme on l'a dit, le vécu à leur première représentation. rôle souvent réparateur de 'Cour d'Appel' des Si bien que le répertoire, sur nos scènes d'opé­ jugements parisiens. ra, est forcément éclectique, avec un penchant Rappelons que quelques musiciens liégeois ­ particulier pour l'opéra et l'opéra-comique tels Joseph Dupont, Sylvain Dupuis et René français. Defossez - ont fortement marqué de leur L'opéra est une entreprise coûteuse et qui personnalité leur long passage au pupitre de demande des moyens considérables, notam­ direction de . C'est dans ce théâtre ment des salles spécialement équipées. Point que furent données les 'premières' d'un grand étonnant que seules des villes de quelque nombre de versions françaises d'opéras ita­ importance aient pu se doter d'un théâtre. Et liens, allemands, tchèques, russes ou fla­ encore, ces théâtres se partageaient-ils entre mands. Aujourd'hui le Théâtre Royal de la l'opéra, le drame et la comédie (Le Théâtre Monnaie, devenu Opéra National, continue de Royal de Liège n'afficha plus de comédie que monter d'excellents spectacles mais qui font lorsque fut fondé le Gymnase, en 1870), et il surtout appel à des troupes ou à des solistes était courant que la salle fût louée par quelque étrangers. Sa politique artistique, très éclec­ troupe de saltimbanques, d'acrobates ou de tique, vise à satisfaire une clientèle très variée, montreurs d'ours, une coutume qui n'a dispa­ où notamment les membres des organismes ru qu'au début de notre siècle. européens qui ont leur siège à Bruxelles sont abondamment représentés. Les ouvrages, dé­ C'est à Mons, en 1609, que l'opéra- qui vient sormais, y sont donnés en langue originale. à peine de naître en Italie - , ou tout au moins une forme qui lui est apparentée, fait sa pre­ Il faut se retourner vers Liège et la province mière apparition chez nous, au Collège des pour retrouver un théâtre lyrique qui, à défaut Jésuites, avec un spectacle lyrique intitulé d'œuvres du cru, soit encore, dans une certaine Hérodes. Les mari~ges des grands (Philippe mesure, l'émanation des goûts et de l'esprit du IV à Bruxelles), les 'Joyeuses Entrées' (des public wallon. Princes-Évêques à Liège), sont bientôt prétexte Ce n'est qu'en 1735 que Liège fut dotée de son à des représentations d'ouvrages lyriques ita­ premier théâtre permanent, la 'Baraque' en liens ou de circonstance, donnés par des bois, située sur la Batte, suivie bientôt d'une troupes de passage. Il faut attendre 1692 à 'Baraque' en briques, où Grétry entendit, en Bruxelles et 1735 à Liège, pour que l'opéra 1754, La Serva Padrona de Pergolèse, jouée trouve droit de cité, des salles spécialisées et par une troupe italienne de passage, qui devait des troupes plus ou moins régulières. Dès lors, décider de sa vocation. La vogue de l'opéra­ les représentations ne sont plus simplement comique français au XVIIIe siècle assura la sporadiques et de circonstance. relative prospérité des théâtres qui se succé­ Bruxelles nous intéresse moins du point de dèrent dans la cité des princes-évêques. Grétry vue wallon. Sa position qui en fait bientôt le vint à deux reprises assister aux représenta­ carrefour de l'Europe, son rôle ultérieur de tions de ses propres ouvrages, qu'on créait très capitale, lui donnent rapidement un prestige peu de temps après Paris et qui connurent to~ international. Le Théâtre de la Monnaie, inau­ la faveur des Liégeois. Son Zémir et Azor guré en 1700, va connaître à travers tous ses jalonne même les inaugurations de plusieurs avatars une brillante carrière, dont le sommet salles vouées à l'opéra et, notamment, celle de est atteint à partir de 1850 et se maintient l'actuel Théâtre Royal (érigé en 1820, recons-

361 truit en 1861). Verviers, Mons, Namur furent Mons a connu plusieurs théâtres, depuis à leur tour dotées d'un théâtre lyrique au XIXe 1759; le dernier en date (1948) reste encore siècle, ce sièCle qui a consacré le genre et a fait fort exigu et se prête mal aux représenta­ de l'opéra le divertissement par excellence de tions du 'grand opéra'. Le goût des Montois, la bourgeoisie. on s'en aperçoit quand on parcourt les pro­ Le Théâtre Royal de Liège, à travers toutes ses grammes de son théâtre lyrique, les a générale­ vicissitudes - faillites, guerres, inondations, ment portés vers l'opéra-comique français et aménagements successifs de la salle - a révélé l'opérette du XIXe siècle. aux Liégeois la plupart des ouvrages qui ont À Verviers, où le théâtre actuel fut inauguré en marqué la production lyrique du XIXe siècle, 1894, la prospérité de la cité des lainiers a fait que ce soit dans le domaine de l'opéra, de longtemps de l'opéra le divertissement par l'opéra-comique ou de l'opérette. Des compo­ excellence de la bourgeoisie; les familles y siteurs comme Meyerbeer, Gounod, Reynaldo possédaient leur loge; les soirées y étaient Hahn, Massenet ou César Cui, parmi bien prétexte au déploiement de l'élégance. Ver­ d'autres, y ont assisté à la création de leurs viers resta longtemps fort attaché à son théâtre œuvres. Très souvent la représentation lié­ lyrique, entretenant une troupe, un orchestre, geoise suivait de près la création parisienne. dont la qualité périclita toutefois avec le déclin La francophilie de la Cité Ardente n'était pas économique de la cité. Le public de ces théâtres pour peu dans cet engouement. On y a tou­ 'vieillissait', il manquait de curiosité, se nour­ jours accueilli avec circonspection, sinon en rissant de sa nostalgie d'un passé révolu. Le des circonstances exceptionnelles (comme les clivage entre ce public, très attaché à 'son spectacles wagnériens par les solistes de Bay­ théâtre', à 'ses' chanteurs, à tout un cérémo­ reuth dans l'entre-deux-guerres), les versions nial désuet et dominical, et celui des mélo­ originales, qu'elles fussent italiennes ou alle­ manes fréquentant les concerts et méprisant mandes. Wagner n'y a jamais été en grande l'opéra, s'accentuait. faveur; c'est au concert que Sylvain Dupuis entreprit de le faire découvrir. Il faut dire que C'est alors qu'en 1967 fut conçu l'Opéra de la scène et surtout la fosse d'orchestre ne Wallonie. Une profonde réorganisation s'im­ conviennent guère à l'opéra wagnérien. posait. Les villes de Liège, Mons, Charleroi et Verviers se constituèrent en a.s. b.l. pour pren­ dre en charge la gestion du nouvel organisme, L'Opéra en Wallonie. Après la Deuxième issu en grande partie des efforts que le Théâtre Guerre mondiale, le théâtre lyrique en Wallo­ Royal de Liège faisait depuis quelques années nie végétait. Liège faisait difficilement front déjà pour sortir le théâtre lyrique des ornières, aux lourdes charges que représente l'exploita­ de la routine et de l'étouffement. L'Opéra de tion d'un théâtre de la sorte. Tant bien que Wallonie se faisait désormais itinérant. Il mal, avec parfois d'heureuses réussites, on y concentrait en une seule institution les efforts entretenait le répertoire familier - que venait et" les moyens dispersés des villes wallonnes. parfois enrichir une coûteuse et éphémère Les musiciens et les choristes, dont les effectifs création - avec une troupe plus ou moins et la qualité augmentèrent, furent assurés de la permanente, un orchestre et des chœurs qui ne stabilité de leur emploi. On réorganisa et travaillaient que six mois, deux ou trois 've­ améliora les ateliers capables désormais d'exé­ dettes' pour plaire aux amateurs de bel canto, cuter costumes et décors; on forma une troupe, des décors vite 'usés', des mises en scène sans avec le souci d'assurer aux spectacles plus grande originalité. d'homogénéité et sans devoir recourir forcé­ Verviers, Namur et Mons, avec des moyens ment aux vedettes de passage. L'augmenta­ plus modestes encore, organisaient des 'sai­ tion du nombre de représentations, le 'net­ sons' régulières. toyage' du répertoire, la quantité plus res-

362 CENTRE LYRIQUE DE WALLONIE. DON CARLOS DE VERDI. La scène de l'autodafé. Décor de Serge Creuz ( Photo Centre lyrique de Wallonie).

CENTRE LYRIQUE DE WALLONIE. ANDREA DEL SARTO DE DANIEL-LESUR. Cet opéra contempo­ rain a été mis en scène par Margarete Wall­ mann (Photo Centre lyrique de Wallonie) .

363 trein te d'ouvrages à monter chaque saison ont deviendra ce qu'ils voudront qu'elle devienne. permis une meilleure préparation, des mises Il faut bien constater toutefois que le C.L.W. en scènes plus soignées et renouvelées. Le ne trouve guère en dehors de Liège ou de public, non sans la résistance de ceux qui Verviers, une audience aussi large et aussi réclament leur ou leur Faust annuel, fidèle. Tant s'en faut. Son implantation dans s'est considérablement élargi. À Liège, le un Hainaut jaloux de ses anciennes prérogati­ nombre des abonnés a, en peu de temps, plus ves, ne se fait pas sans réticences et contesta­ que triplé. Ce public aussi s'est en grande tions. L'opéra en Wallonie n'est pas seule­ partie renouvelé; l'opéra - le prix modique ment une entreprise artistique, mais aussi un des places y est bien pour quelque chose­ fait social, ne fût-ce que par le personnel très n'est plus réservé à la seule bourgeoisie. Les nombreux qu'il occupe à temps plein et dont il amateurs de musique pure se rendent compte assure la stabilité d'emploi, par le souci de ses qu'on peut faire de la très bonne musique à promoteurs de l'ancrer profondément dans la l'opéra. D'opportunes créations (Milhaud, vie culturelle de la région. Il vise, bien sûr, à la Stravinsky, Hindemith) excitent la curiosité; plus haute qualité, à l'homogénéité de ses des ouvrages oubliés ou négligés (de Verdi, de productions, en dépit de moyens encore rela­ Mozart) retrouvent droit de cité et entraînent tivement réduits; mais il ne peut ni ne veut l'adhésion des spectateurs pour qui s'ouvrent rivaliser à tout coup avec les grandes scènes ainsi de nouveaux horizons. L'aventure éphé­ internationales, encore que certaines de ses mère de l'Opérette de Wallonie, dont le siège productions n'en soient pas indignes. Les était à Verviers, s'est soldée par un échec. En cachets exorbitants des vedettes - entre au­ 1974, un nouveau pas fut franchi vers la tres obstacles - le lui interdisent. Il reste vis­ réunion des moyens, la concentration des à-vis du répertoire moderne d'une prudence efforts, pour assurer une meilleure diffusion que certains jugent regrettable. Mais avec des du théâtre lyrique en Wallonie. Avec l'aide du fortunes diverses, quelques erreurs et de très Ministère de la Culture française, les principales honnêtes ou de brillants succès, il est en train villes wallonnes ont créé le Centre Lyrique de de montrer qu'une région comme la Wallonie, Wallonie qui regroupe dans un même orga­ lorsqu'elle veut bien prendre conscience de ses nisme l'Opéra, l'Opérette et le Ballet de Wallo­ propres ressources, et les mettre intelligem­ nie. Il met en commun les ressources des ment en commun, peut réaliser de belles et anciens centres. L'opéra est 'produit' à Liège, grandes choses. l'opérette à Verviers. Ces productions sont présentées aux publics des quatre villes asso­ Le Ballet de Wallonie. La danse, le ballet, ciées : Mons, Charleroi, Liège et Verviers. Le n'ont jamais connu jusqu'à ces derniers Ballet de Wallonie collabore avec le Centre temps, une faveur très grande chez nous. Lyrique chaque fois que l'ouvrage exige une Manque de goût pour le spectacle chorégra­ importante partlctpation chorégraphique. phique, manque de moyens? Il faut pourtant Le C.L.W. a été invité fréquemment à se rappeler que la Camargo était de chez nous, et produire à l'étranger: Pologne, Roumanie, que Marius Petipa fit carrière à la Monnaie France et, tout récemment, Canada. avant de se fixer à Saint-Pétersbourg. Les écoles de danse prospèrent ici autant qu'ail­ Ceci est de l'histoire toute récente et on ne leurs. Mais aucun grand chorégraphe n'a vu le peut encore préjuger de l'action future du jour chez nous. Centre Lyrique. Mais on peut faire plusieurs Le ballet ne se concevait en général que dans le remarques. L'opéra atteint en Wallonie un cadre des divertissements qu'on introduisait, nombre de plus en plus grand de spectateurs de gré ou de force pour le compositeur, dans qui gagnent progressivement le sentiment que les opéras. Les effectifs du corps de ballet cette entreprise est leur chose à eux, qu'elle variaient en fonction des moyens dont dispo-

364 BALLET ROY AL DE WALLONIE. 'PETROVCHKA ' D E STRAVINSKI ( Ph oto Georges De Muynck, Châtelineau) .

sait le directeur de théâtre; le public liégeois qu'art autonome. Il a fallu aussi le concours protesta un jour violemment parce que le de certaines circonstances. En 1960, la Mon­ ballet de la Nuit de Walpurgis avait été réduit naie engage le chorégraphe français Mau­ à deux danseuses. Le corps de ballet était rice Béjart. La troupe qu'il va former, presque toujours exclusivement féminin et on grâce à l'intelligent soutien qu'il reçoit, le usait abondamment du travesti. répertoire qu'il crée, expression d'un génie Il a fallu l'engouement provoqué au début du original et puissant, l'écho qu'il rencontre siècle par les Ballets Russes de Diaghilev, le chez les jeunes spectateurs, ont fait du Ballet passage dans nos villes des plus illustres du xxe siècle plus qu'une simple compagnie compagnies étrangères, la croissante perméa­ de danse, un phénomène artistique considéra­ bilité des cultures par la multiplication des ble, qui rayonne sur le monde entier. Mais si la échanges et des voyages, pour qu'une curiosité Belgique peut retirer quelque prestige du Bal­ plus active se manifestât pour le ballet en tant let du xxe siècle, si c'est son caractère interna-

BALLET ROY AL D E WALLONIE. 'LE COQ D'OR ' DE RIMSKI­ KORSAKOV (Photo Georges De Muynck , Châtelineau) .

365 tional, son universalité, qui frappent avant dans ce domaine que résident jusqu'ici les plus tout, on ne peut soutenir qu'il soit l'émanation belles réussites du Ballet de Wallonie, qui est de notre génie à nous, pas plus que celui de la de plus en plus invité à se produire à l'étran­ Belgique. Il est surtout le fait d'une personna­ ger. lité extraordinaire. Signalons aussi que le Ballet qui porte désor­ C'est aussi la forte personnalité d'un maître de mais le nom de Royal a demandé à quelques ballet qui donna pendant quelque temps, en­ chorégraphes de la troupe ou de l'extérieur, de tre 1950 et 1960, une forte impulsion au ballet composer quelques nouveaux ouvrages, le à Liège. Le Marseillais Joseph Lazzini, qui plus souvent sur les partitions de composi­ avait la foi, parvint en effet à y provoquer, par teurs wallons (MARCEL QUI NET, MICHEL LE­ les spectacles qu'il monta, par la rigueur qu'il CLERC, RENÉ DEFOSSEZ, ÉRIC FEL DB USCH, avait su imposer à la troupe, un engouement etc.). La réussite n'a pas toujours couronné ce que son départ laissa malheureusement sans bel effort. La troupe est excellente, nombreuse, lendemain. Mais on se souvient de la façon bien entraînée, avec des solistes de talent. dont il avait su recréer, avec des moyens Mais le Ballet de Wallonie n'a pas encore modestes, des classiques comme Giselle, Cop­ trouvé le ou les chorégraphes qui lui confére­ pélia, Le Lac des Cygnes et Petrouchka. raient sa personnalité, son style propre. Son succès lui gagne constamment de nou­ Par contre le Ballet de Wallonie est né du veaux spectateurs. En quelques années, le Ballet du Hainaut, issu lui-même d'une école nombre de ses représentations à Liège a aug­ de danse de Charleroi, que sa directrice, Mme menté pour des publics qui apprécient de plus Hanna Vooss, remarquable maîtresse de bal­ en plus les talents et l'homogénéité de la let, a su imposer à l'attention. Le Ballet de compagnie, le soin souvent original de la Wallonie a son centre administratif au Palais présentation scénique. Comme l'Opéra, le des Beaux-Arts de Charleroi et, comme nous Ballet de Wallonie prouve qu'une action intel­ l'avons dit, a été récemment intégré au Centre ligemment concertée peut porter ses fruits sur Lyrique de Wallonie. Comme l'Opéra de Wal­ le plan régional. lonie, il accomplit une œuvre de décentralisa­ tion dans les principales villes de la région. De plus petits ensembles peuvent visiter des bour­ LES FESTIVALS ET LES CONCOURS gades qui ne disposent que de modestes es­ trades. Les festivals. L'après-guerre a vu proliférer La troupe s'est, au cours des ans, étoffée, les 'festivals'. Le mot et la chose ont été enrichie de nombreux danseurs étrangers : la quelque peu galvaudés. On est loin, désor­ danse connaît encore moins que d'autres arts, mais, de la définition qu'en a donnée l'Associa­ les frontières. Le Ballet de Wallonie a entrepris tion européenne des Festivals de Musique: une action que l'on pourait qualifier de didac­ 'Une fête, un ensemble de manifestations tique : faire connaître à un public, qui, le plus s'élevant au-dessus du niveau de la cérémonie souvent, en ignorait tout, les ouvrages clas­ exceptionnelle, célébré dans un lieu prédesti­ siques du répertoire, tels que Giselle, La né. Il se présente aussi dans l'éclat intense que Belle au Bois Dormant, Le Lac des Cygnes, seule une brève durée lui permet de soutenir. Casse-Noisette, ou Roméo et Juliette, en s'at­ Ce caractère d'exception doit lui être conféré tachant, avec autant de fidélité que possible, à ( ... )par l'accord (des) œuvres avec l'ambiance recréer les chorégraphies originales, tâche qui, des lieux où elles sont jouées, créant ainsi une comme on le sait, reste toujours difficile ou atmosphère particulière à laquelle contri­ approximative, dans un art qui n'est pas buent le paysage, l'esprit d'une cité, l'intérêt encore parvenu à fixer fermement son écriture, de ses habitants et la tradition culturelle d'une et où l'on doit se fier aux 'traditions'. C'est région'.

366 Les 'festivals' de musique se sont également multipliés dans nos provinces ; on en compte aujourd'hui plus d'une douzaine. Il faut bien avouer que certains tiennent plus de ce que l'on appelle 'l'animation culturelle', tâchant d'éveiller à la musique des lieux qui jusqu'ici en avaient été privés. C'est là l'un des aspects les plus remarquables de la décentralisation artistique, car on se rend compte que la mu­ sique ne peut rester le privilège des grands centres. Le problème des salles se pose; mais les églises et quelques châteaux retrouvent ainsi une ancienne vocation. Il ne peut y être question de 'soutenir un éclat intense pendant une brève durée'. Les concerts y ont lieu généralement pendant les week-ends; les pro­ grammes 'passe-partout' sont rarement con­ çus en fonction de l'esprit de la région. Mais il est beau que Rochefort, Dinant, Durbuy, Huy ou Val-Dieu, avec son abbaye lovée dans un coin charmant du Pays de Herve, participent, de cette façon encore modeste, à l'effervescence musicale du printemps ou de l'été. Il y a toutefois un danger dans cette tendance décentralisatrice et inflatoire, mais si oppor­ tune à maints égards: l'éparpillement des efforts, la dispersion des moyens et des crédits, où la musique risque de perdre ce qu'y gagne l'esprit de clocher. Encore que jusqu'ici on ne puisse prétendre que ces 'festivals' aient vrai­ ment éveillé l'intérêt des habitants. En 1973, six des principaux festivals wallons décidèrent de réunir leurs efforts et leurs moyens en un Festival de Wallonie qui s'éche­ lonnerait de juin à octobre, afin de lutter contre ce que l'un des promoteurs appela la 'pulvérisation' des subsides alloués par l'État, afin de rechercher un minimum d'unité sur le plan wallon, pour coordonner, organiser en commun, en gardant à chacun son caractère propre. Il s'agissait de se concerter, pour échanger des projets, des informations, des artistes, éviter les 'doublons', etc. Ce Festival L'ABBAYE DU VAL-DIEU À CHARNEUX (Photo de Wallonie regroupe les festivals de Chimay Fédération du Tourisme de la Province de LièKe ). (juin), Saint-Hubert (juillet), Stavelot (août), Liège (Nuits de Septembre), Hainaut (septem­ bre-octobre), Namur (fin septembre-octobre) FESTIVAL DE WALLONIE. Un concert à la Basi­ lique de Saint-Hubert ( Photo Festival de Wallonie ) . auxquels Huy vient de se joindre (mai). Il est

367 FESTIVAL DE WALLONIE. Un concert donné à Bruxelles à la calhédrale Saint-Michel (Photo CA CEF, Namur).

encore trop tôt pour juger des résultats que orchestres un cadre prestigieux sinon acous­ peut avoir l'a.s.b.l. Festival de Wallonie, qui tiquement favorable. Le Juillet musical essaime cherche non pas à créer une manifestation dans toute l'Ardenne, multipliant, dans les spectaculaire de prestige, mais à étaler sur églises, avec un éclectisme qui cherche encore plusieurs mois une activité musicale intense son style, concerts d'orgue ou de jazz, de avec tous les aspects que lui donneront le musique de chambre ou de folklore. cadre local, les objectifs particuliers, les be­ Depuis leur création en 1954, les Semaines soins de chacune des parties. musicales de Stavelot n'ont fait que prospérer. Chimay, dans son décor de prés et de bois, C'est que, à l'attrait de l'Ardenne et des autour de son noble château, cultive son vacances, Stavelot a su joindre celui de remar­ charme de 'belle endormie' et nourrit sa nos­ quables solistes et chambristes, parmi lesquels talgie d'un passé aristocratique. Le château, et le violoniste Arthur Grumiaux est l'un des le ravissant petit théâtre rococo qu'il abrite et plus fidèles, avec ses amis et partenaires, dont qui sert de cadre au festival, se souviennent on a dit qu'ils étaient en train de faire de que Cherubini, Auber, Bériot, Liszt, Borodine Stavelot un petit 'Prades' ardennais. ont été les hôtes des princes de Caraman­ Issues en 1957 des Colloques musicologiques de Chimay. Cadre charmant pour les musiques Wégimont organisés par Suzanne Clercx, pro­ anciennes, et particulièrement celles du fesseur de Musicologie à l'Université de Liège, XVIIIe siècle et des débuts du Romantisme, les Nuits de Septembre de Liège ont affirmé dès que viennent y ranimer des solistes et des le départ leur profonde originalité. Leur but ensembles de très haute qualité. n'a jamais été de rassembler dans une semaine Saint-Hubert devient l'été le centre d'une privilégiée des œuvres et des interprètes qu'on 'académie'; sa superbe collégiale offre aux peut applaudir ailleurs ou au cours de la

368 tantes, assez variées dans des exécutions aussi fidèles que possible, les meilleurs interprètes, pour que leur succès ne soit pas sans lende­ main, tout en donnant un sens à leur voisinage, en les regroupant, sous un grand 'thème' unique, dont elles offrent l'illustration. À jeter un coup d'œil rétrospectif sur les programmes des différents festivals de Liège, on est saisi par l'ampleur de l'œuvre accomplie. Que ce soit avec 'L'Âge baroque', 'Albion et Europe', 'Venise, splendeur du Monde', '1900-1925', 'Un âge d'or: le XVIe siècle', 'Monteverdi' et bien d'autres 'thèmes', les Nuits de Septembre ont souvent uni la fidélité musicologique à l'expression vivante, ont révélé à leurs audi­ teurs que les musiques du passé ne sont pas un domaine froid, neutre, réservé aux spécialistes, mais qu'il y a là une diversité prodigieuse de tempéraments, de genres, de techniques, et que la musique contemporaine, qui n'y fut pas négligée, plonge profondément ses racines dans le passé. COLLOQUE MUSICOLOGIQUE AU CHÂTEAU On doit aux Nuits de Septembre de nombreuses DE WÉGIMONT (Ayeneux) (Photo Fédération du Tourisme de la Province de Liége). créations, des spectacles lyriques ou chorégra­ phiques remarquables, la révélation de chefs­ d'œuvre méconnus. Mais les moyens finan­ saison d'hiver. Il ne s'agissait pas non plus de ciers se sont amenuisés au fil des ans; l'audien­ rivaliser avec Salzbourg ou Aix-en-Provence: ce, qui s'étendait souvent à dejeunes méloma­ Liège n'est illuminée ni par le génie d'un nes, n'a pas toujours répondu aux ambitions Mozart ni par le soleil de Provence. Mais des promoteurs; le Festival de Liège n'a pas d'unir à l"éclat intense' d'une semaine toute toujours su se dégager d'un souci trop chargée de musique des œuvres assez impor- musicologique; ses dernières manifestations

LES NUITS DE SEP­ TEMBRE. REPRÉ• SENTATION AU THÉÂTRE ROY AL DE LIÈGE DE 'JEPHTÉ' DE HAENDEL ( Photo collection Marcel Le­ maire, Liège) . n'ont pas retrouvé la 'fête', J'enthousiasme des direction de Gu y LUKOWSKI, à Liège, d'un débuts. Festival de guitare qui pendant une semaine Aujourd'hui, le Festival des Nuits de Septem­ rassemble, pour quelques récitals, virtuoses bre semble chercher son second souffle et a patentés et jeunes guitaristes belges qui se entrepris une sorte de mutation où la musique retrouvent aussi autour des maîtres dans des contemporaine tiendra une place plus impor­ séminaires. tante. Il faut au moins signaler que c'est pour les Nuits de Septembre que Béjart a naguère Les concours. Prix et concours ont toujours créé quelques-uns de ses ballets, et plus récem­ été en vogue chez nous. On aime les confron­ ment que Stockhausen a composé l'une de ses tations, les joutes musicales ou autres, surtout œuvres les plus originales, Alphabet für Liège, lorsqu'elles sont prétexte à de vastes réunions et que c'est à ce Festival, qu'ont été, en 1978, populaires, où s'affrontent les rivalités lo­ créé, avant Metz, le concerto pour piano de cales. Dans le domaine de la musique 'sérieuse', PHILIPPE BoESMANS et représenté le remarqua­ la province de Liège a connu et connaît encore ble spectacle de théâtre musical, Le procès du quelques-unes de ces compétitions, où l'en­ jeune chien de HENRI PousSEUR. couragement à l'art, et aux jeunes artistes revêt l'aspect d'un assaut de talents. Certains Le Festival du Hainaut compte plus sur l'at­ de ces concours ont eu un grand retentisse­ traction des vedettes et des œuvres consacrées. ment. L'Œuvre des Artistes, au temps de sa Aucune unité apparente ne préside aux con­ prospérité, organisa à Liège les 'Prix Kreisler' certs des orchestres belges ou étrangers, aux (violon), 'Prix Braïlowski' (piano), 'Prix Ca­ récitals de grands solistes, donnés dans plu­ sals' (violoncelle) sous le patronage de trois sieurs villes de la province. C'est qu'il s'agit virtuoses qui remportaient un succès triom­ bien plus ici de créer une nouvelle tradition phal à chacun de leur passage à Liège. Ils musicale, avec l'appui très actif de la radio couronnèrent de jeunes artistes belges et locale, dans une région qui ne P

370 rayonnement en a été régulièrement amoindri. le concours aurait bien mérité de la musique. Parmi les concours dont il faut certainement Malheureusement, si Liège devint, grâce à lui, déplorer la disparition, le Concours internatio­ pour les étrangers, 'capitale du quatuor à nal de Quatuors à Cordes de Liège ( 1951-1972) cordes', le concours n'a jamais provoqué chez revêtait une originalité qui en faisait une nos concitoyens un intérêt très vif. Il n'a compétition dépassant de loin les joutes un suscité aucune vocation locale; aucun groupe peu vaines que sont généralement les con­ wallon ni belge n'y a recueilli des lauriers; les cours. Il n'entendait pas moins que promouvoir instruments primés, acquis par la Ville de un art réputé difficile, aristocratique (qui avait Liège, restent sans emploi. Situation déplora­ d'ailleurs fleuri abondamment jadis à Liège, ble, dont les Wallons ne devraient pas retirer pépinière de quartettistes) sous trois aspects: une grande fierté. composition, interprétation et lutherie. Si le Remarquons par contre, que l'engouement, concours reçut un nombre impressionnant de de nos jours, pour la musique ancienne et la partitions inédites - dont certaines esti­ pratique des instruments d'époque originaux mables - , il n'a jamais été assez heureux pour ou copies a gagné aussi les musiciens wal­ découvrir quelque digne successeur de Bartok lons, surtout les jeunes. Issu de la section ou Schoenberg. C'est que la composition d'un musicologique de l'Université de Liège, l'en­ quatuor à cordes - liée avant tout à la semble Mus ica Aurea a progressivement acquis dialectique tonale - ne répond plus guère à un caractère professionnel et sa participation l'évolution de la musique moderne. Par contre, aux festivals et à l'édition phonographique est dans le domaine de l'interprétation, le con­ de plus en plus remarquée. cours a révélé quelques jeunes ensembles re­ Enfin, pour mémoire, car il relève moins de marquables et a singulièrement contribué au l'objet de cet article, il faut rappeler que le succès de leur carrière: parmi les lauréats, les Concours Reine Élisabeth (violon, piano et quatuors 'Parrenin', 'Vlach', 'Bartok', 'de composition), l'une des plus prestigieuses ma­ Moscou', 'Dimov', etc., comptent aujourd'hui nifestations internationales du genre, est issu parmi les meilleurs du genre. Les épreuves du Concours Eugène Ysaye, du nom de notre d'interprétation furent aussi l'occasion pour plus célèbre virtuose, qui en 1937 et 1938, ces groupes étrangers de nous révéler des couronna David Oïstrakh et Emil Guilels ... et partitions de leurs compatriotes que, sans le qui depuis lors a révélé quelques bons virtuoses concours, nous n'aurions peut-être jamais wallons. connues.

C'est peut-être avec le volet 'lutherie' que le Concours de Liège a fait œuvre la plus fécon­ LES SOCIÉTÉS de. Les instruments - deux violons, alto et DE MUSIQUE D'AMATEURS violoncelle - étaient jugés pour leur facture propre, leur sonorité et leur homogénéité en Comme l'écrivait naguère Robert Wanger­ tant que quatuor. Le Concours a eu parmi les mée, 'il importe de ne pas confondre nos luthiers du monde entier un retentissement sociétés d'amateurs avec les corporations de extraordinaire. Il a démontré de façon pé­ musiciens professionnels que l'on trouvait remptoire que l'art de la lutherie était bien dans chaque ville, et dont l'existence remon­ vivant, que ses produits pouvaient rivaliser tait parfois fort haut: jusqu'au bas moyen âge avec les instruments anciens; il a permis de (XIIIe et XIVe siècles ( ... ) C'étaient là des trouver des solutions à des problèmes qui associations corporatives, dans lesquelles les inquiétaient les luthiers depuis longtemps, musiciens (souvent les instrumentistes seuls) notamment la fixation des normes pour l'alto. s'étaient groupés; comme le faisaient commu­ N'eût-il suscité que cette vaste confrontation, nément toutes les professions, pour m1eux

371 défendre leurs intérêts'. La musique a tou­ l'on peut même discuter de graves problèmes à jours été pratiquée dans les cercles familiaux; une époque où les syndicats existent à peine, les églises ont presque toujours eu recours à pour collaborer à quelques instants de fraterni­ des 'amateurs' pour chanter les offices, parfois té, de joie et de beauté, loin des noirs soucis et même pour tenir l'orgue. Mais, comme le note des travaux ingrats. Les sociétés chorales, - et Robert Wangermée, il faut attendre les XVIe c'est également révélateur des 'motivations' ­ et xvne siècles pour voir se constituer chez sont presque exclusivement masculines. nous de véritables sociétés d'amateurs. À Mons, par exemple, en 1678, l'Académie mu­ En 1841, le Ministère (qui a par ailleurs chargé sicale s'adjoint une filiale, Le Concert Bour­ Daussoigne-Méhul d'une enquête sur les so­ geois qui organise des séances dans son local ciétés de chant d'ensemble et les moyens de les de la rue des Belneux. À Tournai, en 1652, le encourager) recense 12 sociétés de musique en sire de Cambry 'ouvre dans sa maison une Hainaut, 3 dans la province de Liège et 2 dans académie où se réunissaient chaque semaine, le . En 1910, le Hainaut compte pour se récréer en pratiquant la musique, ceux 287 fanfares, 103 harmonies, 97 sociétés cho­ qui la chérissaient parmi les nobles, les ecclé­ rales; la province de Liège 96 fanfares, 87 siastiques et les gros bourgeois'. Ath aussi eut harmonies, 118 sociétés chorales; le Luxem­ son académie d'amateurs. bourg, 42 fanfares, 17 harmonies, 19 sociétés Mais c'est au XIXe siècle que les sociétés chorales; Namur, 57 fanfares, 25 harmonies, d'amateurs vont connaître leur plus grand 37 sociétés chorales. Il n'est pas un village qui essor, tout en changeant très nettement de caractère. Il ne s'agit plus, en effet, de petits SOCIÉTÉ ROY ALE D'HARMONIE DE FRAME­ groupes de bourgeois pratiquant la musique RIES. Exécution des Carmina Burana de Carl Orff ( Photo dans leurs salons ou à l'église, mais d'un vaste Archives de la Société). mouvement issu du peuple, des ouvriers sur­ tout, à l'époque où nos régions s'industrialisent. Les charbonnages, les usines, implantés un peu partout dans les provinces de Liège et du Hainaut, provoquent la formation de denses communautés ouvrières, dont la vie, dans les maisons rudimentaires, dans la mine, dans les ateliers sombres et bruyants, est sans joie. Il y a dans cette brusque floraison de sociétés musicales populaires au début du XIXe siècle, l'émouvant témoignage d'une profonde aspi­ ration vers quelque beauté. Encouragés par l'attitude paternaliste des chefs d'entreprises, ouvriers et petits bourgeois se groupent pour pratiquer les seuls genres de musique qu'ils connaissent: le chant qui a toujours eu la faveur des Wallons, et la musique instrumen­ tale - harmonies et fanfares-, la seule qu'ils aient entendue dans les défilés et parades militaires et sur les kiosques. Musiques de plein air qui permettent de vastes rassemble­ ments sur les places publiques, qui participent aux fêtes du quartier ou du village, où l'on se serre les coudes, où l'on se sent entre soi, où

372 n'ait son 'orphéon'. De tels chiffres laissent (de la 3e à ]" Excellence') ont été remplacés par rêveur : un tel -appétit de musique, si même il des 'tournois non compétitifs', comme ceux participe d'autres aspirations grégaires, a de organisés par la Province du Hainaut, qui quoi étonner. octroie des subsides. Mais cette activité est De nombreuses sociétés de musique sont de­ beaucoup moins intense et moins régulière. venues célèbres: les prospères harmonies et Beaucoup de sociétés, affiliées à la Fédération fanfares hennuyères de Frameries, de Pâtura• Musicale de Belgique, sont pratiquement ges, de Quaregnon, de Wasmes, de Bois-de­ inactives. La croissante désaffection qu'a Boussu, de La Bouverie et tant d'autres; les connue cet art populaire peut être attribuée à sociétés chorales de Liège (la Société d'Or­ des causes très diverses: la lassitude qui naît phée, la Légia, les Disciples de Grétry), de forcément, le vieillissement du répertoire dans Verviers, de Pâturages, de Frameries, de un genre qui devint 'd'une redoutable fécondi­ Charleroi (Les XVI), de Namur. Ces sociétés té , le chœur pour voix d'hommes a capella( ... ), sont confiées à des chefs éminents: ARTHUR organismes étonnants, mettant une virtuosité PRÉVOST, ALEX DE TAEYE, FRANZ WANGER­ supérieure dans la pratique du répertoire le MÉE, dans le Hainaut; SYLVAIN DUPUIS (qui plus médiocre de tous, celui des chœurs de associe fréquemment la Légia à ses 'Nouveaux concours ( ... ) vides de musiques et dont la Concerts') à Liège. Elles participent à des fabrication avantageuse trouva ses spécialistes' concours (joutes dont les Hennuyers ont pris (Ernest Closson); la transformation des joutes l'initiative et qui furent imitées à l'étranger), pacifiques en rituel quasi folklorique ou en où interviennent des classements, une hiérar­ rivalités de clochers ; le manque d'intérêt des chie, dont on tire gloire. De vastes festivals jeunes générations, attirées par d'autres dis­ rassemblent pendant plusieurs jours des mil­ tractions - sport, cinéma - ; les obstacles liers d'exécutants venu~ de tous les coins du matériels tels que le changement du diapason pays et d'ailleurs. Fêtes qui relèvent quasi­ ou de la facture de certains instruments; la ment du folklore, source de rivalités, de fraudes crise économique de 1930 ... aussi dont une opérette wallonne Li Marlî(de Joseph Duysenx) s'est si malicieusement mo­ Toutefois il semble bien qu'on assiste à une quée. sorte de renaissance en Wallonie des sociétés Le mouvement a connu son apogée avant la de musique de même qu'à une sorte de muta­ Première Guerre mondiale. De nombreux tion des sociétés chorales. Même des harmo­ compositeurs s'y sont intéressés, qui ont nies, sous l'impulsion de certains de leurs composé tout un répertoire pour ces sociétés, chefs, montrent qu'elles peuvent renouveler mais dont la relative médiocrité a été l'une des leur répertoire: l'exemple récent en a été causes de la décadence qui s'est amorcée proposé par celle de Frameries, collaborant après 1918. avec la chorale locale, à l'exécution des Carmi­ na Burana de Carl Orff. Ce n'est encore là Aujourd'hui encore, cependant, la Wallonie qu'une exception ; le répertoire reste trop compte un grand nombre de sociétés de mu­ souvent figé dans des marches, ouvertures et sique. Un recensement approximatif signale pots-pourris. S'il y a renouvellement, il se 45 harmonies, 120 fanfares, 53 sociétés cho­ 'limite encore trop souvent à quelque méchant rales dans le Hainaut, en 1974. Liège comptait pastiche de jazz ou de negro-spirituals. Et 119 harmonies, fanfares, cercles de tambouri­ l'objectivité nous force enfin à constater que naires ou de mandolinistes, en 1971, mais la les harmonies et fanfares ont fait place, dans plus grande partie est localisée dans les can­ bien des villages, aux cliques de 'majorettes' tons de langue allemande. L'activité de ces où l'on voit des fillettes aux shakos emplumés, sociétés est loin d'être ce qu'elle a été. Les aux costumes d'un goût douteux, nous offrir concours, avec leurs classements en catégories l'assez triste parodie des défilés à l'américaine.

373 Mais alors que les chorales mixtes, jadis, prête pas aux auditions en plein air. Pourtant, étaient rares (l'A capella liégeois, fondé par on a vu de nombreux cercles d'amateurs se LUCIEN MAWET en 1908 n'avait guère suscité créer un peu partout, d'Ath à Liège, de Han­ d'imitateurs), on voit aujourd'hui de véné­ nut à Arlon; leur vie est souvent éphémère. rables sociétés masculines comme la Légia se Liège possède avec le Cercle Royal des Ama­ transformer en chorales mixtes. Et surtout, on teurs une vieille société qui a eu à sa tête voit naître de plus en plus des groupes vocaux, d'excellents chefs. La province de Liège a aux effectifs variables, mais en majeure partie tenté pendant quelques années d'encourager composés de jeunes, qui se vouent à un réper­ et de récompenser les sociétés symphoniques toire de haute qualité: polyphonies de la d'amateurs, par l'organisation d'un Concours Renaissance et folklore. Le mouvement À d'Orchestres, alternativement national et in­ Cœur Joie qui nous vient de France, n'est pas ternational. Il a eu pour effet, hélas! de sou­ étranger à cette résurgence de l'art choral dans ligner combien ces orchestres sont plus pros­ nos régions. pères et talentueux chez nos voisins de Hol­ Il faut également mentionner ici le rôle que lande et d'Allemagne, et qu'il nous reste beau­ joue depuis plus de vingt ans la Chorale Uni­ coup à faire dans ce domaine. Nous avons versitaire de Liège, qui sous la direction de déjà remarqué que ce pourrait être là l'un des Frédéric Anspach, a régulièrement mis à son rôles des Académies et Écoles de Musique. programme les grandes œuvres du répertoire Enfin, un autre aspect de la musique populaire choral: Cantates et Passions de Bach, Orato­ mérite d'être signalé: la résurrection de la flûte rios de Vivaldi, de Hamal ou de Stravinsky, à bec, à la faveur des nouvelles conceptions de Requiems de Verdi, Brahms ou Fauré, Messes . l'enseignement musical et du goût pour la de Mozart ou de Schubert... musique ancienne, suscite de plus en plus la La musique symphonique n'a guère connu formation de groupes d'amateurs. Certains l'essor des fanfares, harmonies ou chorales. étendent même leur curiosité à des instru­ La technique des instruments à cordes est trop ments comme les violes et le clavecin. exigeante et la musique symphonique ne se Marcel LEMAIRE

NOTES ADDITIONNELLES

1.- Les luthiers wallons. ARTHUR GRUMIAUX. Mais il faut au moins signaler Arthur Il convient, croyons-nous, de dire un mot ici des luthiers Grumiaux qui fait partie de cette élite de violonistes que l'on wallons, dont la réputation a parfois franchi nos frontières. rencontre sur les estrades du monde entier. D'origine hen­ Liège, assez normalement, étant ville de violonistes, en a nuyère, élève d'Alfred Dubois à Bruxelles, et donc rattaché à connu un grand nombre; le Dictionnaire des luthiers de l'école d'Ysaye, Arthur Grumiaux a lié son nom à quelques­ Vannes (1959) en cite trente-cinq, dont un PIERRE PETTRE, le unes des plus belles interprétations du répertoire violonis­ plus ancien luthier wallon (XVII< siècle), contemporain des tique, non seulement classique, où son style sobre et pur et sa grands italiens. Relevons surtout les noms de ANDRÉ, JOSEPH et superbe sonorité font merveille dans Mozart et Brahms, mais JACQUES BERNARD, Xhenoumont, Mongenot, Giboreau, G. moderne (Berg, Bartok). Ses nombreux enregistrements sont Heynberg, P. Laviolette, dont la production leur a valu de des 'best-sellers', notamment ceux des grands concertos et des nombreuses distinctions internationales. À Verviers, Legi­ Sonates de Be.ethoven avec la regrettée Clara Haskil. C'est pont fait aussi 'du bon travail d'après les maîtres italiens' aussi un fervent chambriste et ses prestations avec le groupe (Vannes). qu'il a formé, chaque été à Stavelot, constituent l'un des hauts moments du festival local. Arthur Grumiaux est professeur au Il. - Virtuoses et grands chanteurs Conservatoire Royal de Bruxelles. La Wallonie a connu et connaît encore d'éminents virtuoses et MARCELLE MERCENIER. Professeur au Conservatoire Royal de de grands chanteurs. Si ce qui faisait l'originalité de l'École Liège, la pianiste Marcelle Mercenier est mieux connue dans liégeoise de violon s'est estompé. dans une sorte de style les cercles de musique contemporaine que sur les estrades de international, à la faveur des échanges facilités par les condi­ concert où l'on se contente de ressasser les œuvres les plus tions de voyage, les bourses d'études, etc. , notre région peut connues. Disposant d'une technique éblouissante, dotée encore se flatter de posséder quelques instrumentistes de d'une intelligence musicale aiguisée par ses contacts avec des grand talent. On ne peut dresser ici un palmarès. musiciens comme André Souris, Pierre Boulez et Stockhausen

374 (qui lui ont dédié certaines de leurs œuvres ou lui en ont confié Il y eut même des éditeurs musicaux spécialisés dans la chanson la création), Marcelle Mercenier a quelque peu refusé les et l'opérette wallonnes, comme ALPHONSE DENEUFBOURG et gloires d'une carrière traditionnelle pour mettre son immense MAR CEL VANSIPPE à Binche, les Cent Mille chansons à talent au service de la musique d 'aujourd'hui. Et pourtant ses Charleroi et la maison Halleux à Liège. Aujourd'hui se trop rares apparitions dans le répertoire - de Beethoven à développe une modeste industrie du disque dialectal sous Schumann, de Liszt à Debussy - montrent avec quel esprit l'influence du Grand Prix de la Chanson Wallonne. original, avec quelle acuité analytique elle peut le renouveler Les compositeurs ne s'en tiennent pas qu'à la chanson ; et le revivifier. Elle a tout récemment (octobre 1978) créé le beaucoup ont aussi collaboré à la création d 'opérettes, comme Concerto pour piano, que Philippe Boesmans a écrit pour elle, ' Li Cusin Bèbêrt', de JOSEPH DUYSENX (parolier et composi­ avec un brio qui a fait sensation aux festivals de Liège et de teur), voire d'opéras, comme 'Piéreli houyeû', d'EUGÈNEISAYE. Metz. Sans compter quelques pages originales des revues ... On peut aussi inscrire dans le sillage dialectal et folklorique des JULES BASTIN. Notre pays ne peut plus guère s'enorgueillir rhapsodies, voire des pièces de concours de Rome, inspirées de aujourd'hui des grandes voix qui ont fait jadis de nos écoles de chansons traditionnelles, comme le ' Renaud retour de la chant des pépinières de chanteurs ou cantatrices de renom guerre', ou populaires, fréquemment dialectales, comme au international. récent concours pour le millénaire de Bruxelles. Ces pièces Élève - ainsi que les Bruxellois Louis Devos et José Van Dam fournissent thème musical ou sujet. Très nombreuses sont, en - de Frédéric Anspach, le Stavelotain Jules Bastin est l'une outre, les chansons qui fournissent l'occasion à des composi­ des rares exceptions qui confirment cette constatation. Sa teurs de créer des arrangements, des harmonisations, des pots­ belle voix de basse, ample et riche, son imposante stature, sa pourris, où voisinent sans doute le pire et le meilleur, mais aussi grande faculté d'adaptation à tous les styles - de l'opéra à le français et le dialecte, la chanson folklorique et la l'oratorio et au lied - en ont fait une figure désormais parafolklorique. Parmi les plus notoires arrangeurs, signalons familière et quasi obligée des grandes scènes d'Europe et des le liégeois THÉODORE RADOUX et le Bruxellois d'ascendance États-Unis et des festivals internationaux. Des rôles comme malmédienne ERNEST CLOSSON. ceux du baron Ochs du Chevalier à la Rose, du Grand Inquisiteur de Don Carlos, de la Damnation de Faust, de On ne peut oublier d 'ailleurs que certains furent tentés Roméo et Juliette et de Benvenuto Cellini, de Berlioz, et bien d'introduire cette matière musicale dans l'enseignement, d'autres (y compris Offenbach), qu'il a également enregistrés notamment du chant: la méthode d'ADOLPHE BIARENT, de en compagnie des plus grands interprètes, le conduisent Charleroi fit longtemps florès en Wallonie. régulièrement de Covent Garden au Festspielhaus de Salz­ bourg, de l'Opéra de Paris au Metropolitan de New Y ork. Plus épurés et plus savants furent ANDRÉ SOURIS et EDOUARD Jules Bastin est professeur au Conservatoire Royal de SENNY, qui entreprirent de dégager de la musique folklorique Bruxelles. surtout, mais aussi de la musique populaire ce qu'elles avaient Marcel LEMAIRE d'authentiquement wallon et de pâte musicale originale et typique, dans des compositions très raffinées, comme 'La III. - Compositeurs wallons pour la littérature dialectale. lanterne magique' (Souris) et 'Jésus' (Senny). Un ouvrage de synthèse comme La Wallonie. Le pays et les hommes ne peut négliger de signaler le beau chapitre qu'il La caractéristique essentielle de cette musique 'dialectale' est faudra bien un jour écrire sur la création musicale dans le d'être ressentie comme plus populaire, plus accessible, plus sillage de la culture dialectale. autochtone et partant plus wallonne que celle des composi­ Il n'existe malheureusement pas d'inventaire des compositeurs teurs 'savants', ressentis, eux, comme plus cosmopolites, sinon et des compositions qu'il conviendra de prendre en considéra­ parfois comme trop 'avancés' par le public. lion. On ne peut non plus signaler d'ouvrage qui ait préparé le Cependant, la musique 'dialectale' est sensible aux influences terrain, ni d'article de quelque importance ouvrant la voie à d'école et extérieures. Peut-être d'ailleurs avec un certain cette étude. Force nous est donc de limiter ces quelques retard. On a longtemps confondu une certaine sensibilité considérations à des réflexions décousues et superficielles. romantique et réaliste venue de France et parfois croisée de La première est que la 'fonction' de cette musique est d'épauler musique allemande avec une des caractéristiques essentielles, la création poétique et dramatique dans les divers dialectes de estimait-on, de la mentalité wallonne. Mais cette même la Wallonie. musique 'dialectale' au XVIIIe siècle, avec JEAN-NOËL HA MAL, La seconde est qu'elle n'est pas nécessairement populaire dans ne passe-t-elle pas pour primesautière et gaie, comme la son intention: comme la littérature dialectale, elle se veut musique, notamment française, de son temps? Aujourd' hui populaire ou cultivée. qu'elle subit nettement l'influence du jazz, du rock et du pop, La troisième est son rayonnement généralement sub-régional; que faut-il penser de cette 'âme wallonne' tendre et rêveuse rarement la musique 'dialectale' se veut nationale wallonne ; autant que gaie et luronne que l'on dégageait, sans vraiment en jamais, ou presque jamais, ellen 'a la prétention de s'adresser approfondir l'analyse, du succès de certaines chansons du au monde. Chaque région a connu 'son' compositeur: Tournai terroir? Faut-il rappeler le succès prolongé du 'lèyiz-m' avec MAURICE LENDERS ('les Tournizyns sont là!'), Ath avec plorisme' aujourd'hui si décrié par certains critiques littéraires, LÉON JOURET, le Borinage avec PAUL TORDEUR, DUYSBURGH et et qui ne fut pas sans effets, probablement très discutables, sur EMMANUEL LAURENT, Binche avec PAULIN GAILLARD, ALPHONSE la musique dialectale elle-même? DENEUFBOURG et MARCEL VANSIPPE, Carnières avec ARILLE Bref, cette musique 'dialectale' pose des problèmes histori­ WASTERLAIN, La Louvière avec PAUL DEPRÊTRE, Charleroi avec ques, sociologiques et psychologiques. On attend une équipe JOËL BACHY, Nivelles avec OCTAVE GRILLAERT, Namur avec qui en fasse l'examen qu'elle mérite. Quelle qu'en soit la valeur NICOLAS BOSRET et, surtout, ERNEST MONTELLIER, Liège avec intrinsèque, elle témoigne d'un effort pour sortir du recours PIERRE VAN DAMME. MARCEL BA TTA et JOSEPH DUYSENX , ALBERT aux timbres d'origine française - une constante de la création LEPRINCE et Mme LAURE DI VITO, Malmedy avec OLIVIER dialectale qui remonte très haut- et vers plus d'originalité. On LE BIERRE, MAX MICHEL, HENRI DEHEZ, ALFRED HÉ BERS et ROBERT ne peut se permettre de juger celle-ci qu'après un inventaire et COUNSON. N'oublions pas non plus le liégeois LOUIS HILLIER , une étude qui doivent requérir tout le sérieux d'une musicolo­ compositeur du Tchant des Wallons. gie scientifique. Roger Ptl\üN

375 ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE

La nature même du chapitre ci-dessus, étroitement liée 4. RENÉ VANNES: Dictionnaire des Luthiers, t. 1 (1951), à l'actualité, ne permettait pas de se référer à une t. IJ (1959), (Les amis de la Musique, Bruxelles). abondante documentation ni à de nombreux ouvrages 5. ROBERT WANGERMÉE: La musique belge contempo­ spécialisés. raine (La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1950). L'auteur a dû faire appel surtout à sa propre expérience Divers d'une vie musicale vécue, en tant que critique, au jour le jour depuis quelque trente-cinq ans. Néanmoins il a 1. Le guide de l'enseignement artistique, publié par le trouvé dans les ouvrages et documents mentionnés ci­ Ministère de J'Éducation Nationale et de la Culture dessous maints éléments d'information. française (Collection Documentation et Enquêtes 1. PHILIPPE DEWONCK: Situation de la musique contem- n" 4, Bru~elles, 1972). poraine en Wallonie . (C.A.C.E.F. Rencontres, Na­ 2. Monographies publiées par les Conservatoires mur 1973). royaux à J'occasion d'anniversaires. 2. GEORGES H. DUMONT : La vie quotidienne en Belgique 3. Collections de la Revue Prologue éditée par le sous le règne de Léopold II (Hachette Littérature, Centre lyrique de Wallonie (Liège, 1967-1975). Paris 1974). 4. Archives des théâtres de Liège, Mons, Verviers, des 3. ERNEST CLOSSON et CHARLES VANDEN BORREN : La Services Culturels des Provinces de Hainaut et de musique en Belgique (La Renaissance du Livre, Liège, de la Fédération musicale en Belgique. Bruxelles 1950). 5. La presse périodique et quotidienne.

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