تايناسنإ / Insaniyat Revue algérienne d'anthropologie et de sciences sociales

51-52 | 2011 Le Sahara et ses marges ءارحصلا اهشماوه و

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/insaniyat/12463 DOI : 10.4000/insaniyat.12463 ISSN : 2253-0738

Éditeur Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle

Édition imprimée Date de publication : 30 juin 2011 ISSN : 1111-2050

Référence électronique Le Sahara et ses marges » [En ligne], mis en ligne le 15 janvier » ,2011 | 52-51 , تايناسنإ / Insaniyat 2015, consulté le 12 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/insaniyat/12463 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insaniyat.12463

Ce document a été généré automatiquement le 12 octobre 2020.

© CRASC 1

SOMMAIRE

Hommages

In memoriam Mohammed Arkoun (1928-2010)Abdelkader Djeghloul (1946-2010) Nouria Benghabrit Remaoun

ىرــــكذ دمحم نوكرأ ) رداقلا دبع لولغج 2010-1928( )2010-1946( ةيرون طيربغنب نوعمر <"span dir="rtl>

In memoriam Mohammed Arkoun, un délicieux aîné (1928-2010) Nadir Marouf

In memoriam A notre collègue Abdelkader Djeghloul (1946-2010) Hassan Remaoun et Ahmed Yalaoui

Présentation Abed Bendjelid et Yaël Kouzmine

ميدقت ليئاي نيمزوك et ديلج دباع نب <"span dir="rtl>

Réseaux, urbanisation et conflits au Sahara Emmanuel Gregoire

Agriculture oasienne, ruralité et mises en valeur agricoles

ةمزأ تاحاولا ةيديلقتلا ءارحصلا يف ةيرئازجلا : ةحاو ةقلوط اجذومن هللا دبع يرايخ <"span dir="rtl>

Ouled Saïd, palmeraie du Gourara : développement local et reproduction d’une société traditionnelle Abed Bendjelid

Pompage de l’eau et désertification dans la Vallée du Draâ moyen : cas de la palmeraie de Mezguita (Maroc) Aziz Bentaleb

Aménagements hydrauliques et construction des territoires: cas des oasis de Réjim Maâtoug (Sud tunisien) Abdelkrim Daoud

La politique de mise en valeur agricole en milieu steppique algérien : un essai de bilan dans les Hautes Plaines sud oranaises (Algérie) Mohamed Hadeid

Agro-business et développement dans la région de l’Office du Niger (Mali) Florence Brondeau

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 2

Armature urbaine et organisation territoriale

Une géographie urbaine à la marge? Formes et processus de l'urbanisation saharienne égyptienne (hors marges du Delta et de la Vallée) 1917-2006 Martine Drozdz

ةنيدم راردأ قفو قايسلا يرضحلا ديدجلا : وحن ةداعإ ميظنت لاجملا يوهجلا ميلاقلل ةيوارحصلا ةيبونجلا ةيبرغلا رئازجلل نيدلاردب يفسوي <"span dir="rtl>

Dynamiques des villes sahariennes

Adrar, des ksour à la grande ville Sidi Mohammed Trache

Timimoun, évolution et enjeux actuels d’une oasis saharienne algérienne Tayeb Otmane et Yaël Kouzmine

L’évolution d’un quartier périphérique en centre d’animation : Debdaba (Bechar) Abdelkader Hamidi

Patrimoine matériel et immatériel du Sahara

Contribution à l’élaboration d’une typologie "umranique" des ksour dans le Gourara Illili Mahrour

Espace sacré et pouvoir symbolique au Sahara : l’influence des chorfa marabouts originaires de l’Essuk dans la gestion de la cité en Ahaggar Faiza Seddik Arkam

De nouvelles voies de développement local

Djibouti : les marges extrêmes du désert à la recherche d’un destin oriental Moustapha Nour Ayeh

Le tourisme en milieu agropastoral en République de Djibouti, entre réinterprétation des grands modèles et trajectoires propres Serge Ormaux et Clémentine Thierry

Le tourisme de circuit dans le Sahara tunisien : réalités et perspectives Mohamed Souissi

Le Sahara et ses marges, un objet d’étude identifié : vers un renouvellement des recherches sur les espaces désertiques André Larceneux

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 3

Positions de Recherche

ةبراقم ةيجولوبورثنا ةعماج ، ديمحلا دبع سيداب نب : سابل ةبلاطلا طسولا يف يعماجلا مناغتسم رداقلا دبع يبرعلب <"span dir="rtl>

لولدم ةطلسلا ريتاكيراكلاب ةفاحصلا يف ةيرئازجلا ةديرج ربخلا اجذومن ةزمح يريشب <"span dir="rtl>

Comptes rendus de lecture

Ahmed MORO et Bernard KALAORA (Dir.), Le désert : de l’écologie du divin au développement durable Abed Bendjelid

Monique VÉRITÉ, Henri Lhote – Une aventure scientifique au Sahara Bruno Lecoquierre

Julien BRACHET, Migrations transsahariennes : vers un désert cosmopolite et morcelé (Niger) Jacques Fontaine

Notes de lecture

زيزعلا دبع ،يرودلا " خيراتلاروذجلا ةيموقلل ةي ةيبرعلا " ميركلا دبع مح ّ و <"span dir="rtl>

غربنره عمتجملا نوج، ،يندملا خيراتلا يدقنلا ،ةركفلل ةمجرت : يلع مكاح حلاصو نسح مظان . ةعجارم : د . حلاف رابجلا دبع ميرم مامل <"span dir="rtl>

Comptes rendus de travaux universitaires

Mohamed HADEID: Mutations spatiales et sociales d’un espace à caractère steppique : le cas des Hautes Steppes sud oranaises (Algérie) Abed Bendjelid

Faiza SEDDIK ARKAM: Le baraka et l’essuf : Paroles et pratiques magico religieuses et thérapeutiques chez les populations touarègues et sahariennes du Hoggar (Sahara algérien) Bertrand Hell

Revue des revues

Vies de Villes, 107 p., n° 15, Alger, novembre 2010 Dossier : Habitat Ammara Bekkouche

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 4

Urbanisme n° 369, novembre-décembre 2009 Dossier : Villes méditerranéennes Ammara Bekkouche

Sociétés et Représentations, 278 p., n° 30, Publications de la Sorbonne, Paris, décembre 2010 Dossier : L’architecture et ses images Ammara Bekkouche

Informations scientifiques

راثآ تاريجفتلا ةيوونلا ةيسنرفلا ءارحصلا يف ةيرئازجلا راثآ تاريجفتلا ةيوونلا ةيسنرفلا ءارحصلا يف ةيرئازجلا " ةودن ةيخيرات ةيلود ةيناث ميظنت نم زكرملا ينطولا تاساردلل و ثحبلا ةكرحلا يف ةينطولا ةروث لوأو ،ربمفون يموي 22-23 رياربف 2010 يدانلاب ينطولا ،شيجلل رئازجلا ةمصاعلا ةريمس يداقن <"span dir="rtl>

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 5

Hommages

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 6

In memoriam Mohammed Arkoun (1928-2010) Abdelkader Djeghloul (1946-2010)

Nouria Benghabrit Remaoun

1 Au cours de l’année écoulée deux éminents collègues nous ont quittés auxquels le CRASC et Insaniyat ne pouvaient pas ne pas rendre hommage. Il s’agit de Mohamed Arkoun (1928 - 2010) et de Abdelkader Djeghloul (1946-2010) : tous les deux sont largement connus en Algérie - leur pays - et dans le monde où leurs travaux ont été largement réceptionnés par les chercheurs dans le domaine des idées et des sciences sociales. Ces êtres exceptionnels avaient des ressemblances et des différences, et nos institutions comme nos universitaires n’ont probablement pas pu encore capitaliser toute l’ampleur de leur apport à la connaissance de la société. Cependant, notre contact avec les étudiants et la lecture des articles envoyés à notre revue par les chercheurs et contributeurs qui leur font référence, préfigurent assurément d’un processus en cours. L’URASC qui activait d’abord comme unité de recherche rattachée à l’Université d’Oran, puis le CRASC, (Centre National de recherche) auquel elle donna naissance en 1992 et sa revue Insaniyat, ainsi que nombre de chercheurs associés ou permanents, savent toute la dette qu’ils doivent à l’un et à l’autre ainsi qu’à nombre de nos collègues et aînés aujourd’hui disparus.

2 La trajectoire particulière de Mohammed Arkoun a fait qu’il a dû quitter le pays, assez tôt, pour n’y revenir que bien plus tard pour des séminaires et rencontres scientifiques. Mais, lorsqu’il décida d’aller embrasser le monde, les motivations à l’origine de ses recherches avaient déjà pris naissance au sein du terroir dans sa Kabylie natale, à Oran où il fit ses études et ailleurs dans le pays. Il allait scruter la pensée islamique, telle que forgée sur la longue durée, en abordant toute une sphère civilisationnelle, à travers ses racines fondatrices dans la pensée classique. Pour cela il fallait forger l’arsenal méthodologique et théorique adéquat, et il fut, dans ce domaine, l’un des pionniers, un grand maître en tout cas, universellement reconnu, de la raison critique. Nos contacts avec ce big man ont eu aussi une certaine permanence depuis ses passages à Oran dans les années 1980 et sa participation à un de nos séminaires et, encore plus, depuis sa participation au Comité de parrainage de la revue Insaniyat (à partir de l’année 1999). S’il n’a pu revenir au pays ces dernières années pour différentes raisons et malgré

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 7

quelques unes de nos invitations1, il avait la courtoisie de nous envoyer ses livres dès leur parution et de nous faire part de sa satisfaction concernant un certain nombre d’articles ou de numéros d’Insaniyat. 3 Pour sa part, Abdelkader Djeghloul avait eu, à travers ses travaux, à présenter des lectures de F. Fanon et d’Ibn Khaldoun, avant de consacrer l’essentiel de son effort intellectuel à explorer la sphère de production intellectuelle et littéraire de notre passé colonial, sous l’angle, notamment, de son rapport au politique et à l’éveil national. Son séjour en France dans les années 1980 et 1990 lui avait permis, au-delà du contexte de l’époque et du malheur qui nous frappait tous, d’approfondir une recherche et des idées qu’il reviendra défendre dans son pays. Le CRASC, où il avait eu à intervenir souvent à la lisière des années 1990 et 2000, et avec lequel il reprit contact à la veille de son décès, n’oubliera pas les encouragements et la contribution discrète à son fonctionnement. 4 Il faudra désormais se faire à l’idée que Mohamed Arkoun et Abdelkader Djeghloul nous ont quittés à jamais. 5 La presse écrite, la radio et la télévision ont répercuté les nombreux hommages qui ont été rendus aux deux hommes. Cependant le plus grand des hommages est encore à venir, lorsque la pousse qu’ils ont aidée à planter, dans le champ de la recherche en sciences humaines et sociales, donnera naissance à l’émergence et à la consolidation d’un véritable processus de capitalisation et de redéploiement des savoirs touchant à l’homme et la société en Algérie, au Maghreb et ailleurs. Avec la participation de tous, nous nous attachons à y contribuer, au CRASC, à travers Insaniyat notamment. 6 Nos deux collègues et amis sont certes partis, mais non sans nous léguer un patrimoine et une contribution à la pensée universelle qui ne pourront que stimuler notre réflexion et éclairer notre devenir à tous. 7 Qu’ils reposent en paix.

NOTES

1. Notamment pour le Colloque en 2004 sur "L’état des savoirs en sciences sociales".

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 8

ىرــــكذ دمحم نوكرأ )2010-1928( رداقلا دبع لولغج )2010-1946(

ةيرون طيربغنب نوعمر Traduction : ةيروص يجولوم يجورق

نكمي زكرمللل ينطولا ايجولوبرثن ثحبلل لا يف ةيعامتجلا ةيفاقثلا و اذك ةلجم و تايناسنإ مدع ءايحإ ىركذ نيليمزلا نيلحارلا دمحم نوكرأ رداقلا دبع و لولغج دعب رورم نع ةنس خيرات امهتافو . ناينغ فيرعتلا جرلافنع نل ءاوس امهدلب يف رئازجلا ملاعلا يف وأ ،هرسأب و لضفب كلذ امهلامعأ يتلا ىقلت ىدص اعساو طاسوأ يف نيثحابلا ركفلا فلتخم نم اجمت ل مولعلا ةيعامتج .و ل امهنإا ناتيصخش ناتقومرم ناعمتجت نافلتخت و ديدعلا يف ،طاقنلا نم و انتاسسؤم نأ ديك لا ةيثحبلا ةيعماجلا و نكمتت مل دحل ةعاسلاَ ةطاح تاماهسلل لكباا نم ةيفرعملا ةمخضلا يتلا اهامدق عمتجملل . ،لباقملاب دقف نيبت اصتا ةبلطلاب انت لللخو نم َا ةلسرملا ىلع اقملا تعلل انتلجم ىلإ ط فرطل نيثحابلانم ا نيمهاسملا و نيذلا نوليحي امهيلإ هاجت ايراج ل اذه كانها يف معلنأ . 1 ةدحو نإ ايجولوبرثن ثحبلا لا يف ةيعامتجلا ةيفاقثلا و يتلا تناك ةعبات ةعماجل نارهو نم و اهدعب زكرملا ينطولا ايجولوبرثن ثحبلل لا يف ةيعامتجلا ةيفاقثلاو يذلا قثبنا هذه نع ةدحولا ةنس كلذك ديدعلا1992و نيثحابلا نم نيكراشملا ،نيمئادلا و نونيدي لك َ اذهل مه مهريغ ىلإ ركفملا نيذلا انئ مزلو كاذ اولحر نم و نع ريثكلاب َا . 2 راسملا نإ صاخلا دمحمب نوكرأ هلعج رداغي نطولا تقو ،ركبم يف دوعيل اهدعب نمزب نم لجأ روضح تاودنلا تاءاقللا و ةيملعلا هنكل . امدنعو بوجي ررق نأ ،ملاعلا سسأ دق ناك هثاحب افلسل ةقطنم يف ،لئابقلا طقسم ،هسأر نارهوو هتسارد متأ ثيح يفو قطانم ىرخأ نطولا نم . دقف لغتشا ةرتف ،يم ةليوط قرطتو ل لوح ركفلا س بناجلا ىلإل ا عوجرلا يراضحلا لل روذجلا ىلإ خ نم هيف ةسسؤملا ركفلل يديلقتلا . ،ةمث دب نم ل ناكو ءانب ةناسرتلانم هل ةيجهنملا ةيرظنلا و ةبسانملا . امك ادئار ناك هنأ داور نم لقعلا يدقنلا و اذاتسأ افورعم ىلع ىوتسملا يلودلا . 3

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 9

دقل تدطوت انتلص اذهب لجرلا ميظعلا هتلخادم ذنم دحأ تايقتلملايف يتلا اهمظن زكرملا و ةصاخ هتكراشم دنع ةلجم يف تايناسنإ هفصوب اوضع فارش ةنجل يف لا اءادتبا ةنس)نم 1999 . نكي( اذإ هتعاطتسابمل و ةدوعلا نطولا ىلإ تاونسلا يف بابس ةريخ ةفلتخمل ا و يتلا اهانهجو ،هل لخبي هنإف مل انيلع هبتكب يتلا اهلسري ناك انيلإ 1 مغرلاب ضعب تاوعدلا نم درجمب ،اهرودص دادع ةلجم امك نم ل ربعي ناك هاضر ا نع انل هاجتو اقملا ددع نم تل تايناسنإ . 4 نمو ،هتهج رداقلا دبع ماق ،هلامعأ ،لولغجل ل ميدقتبخ نم تاءارق سنارف نع نوناف و ،نودلخ نبا سركي نأ لبق مظعم هدهج يركفلا فاشكتسا يف جاتن لاجم يركفلا ل ا و يسايسلاب هتق ،يرامعتس اضيأل يضامل يبدل اع اندلل ال ةوحصلالب وخ نم ةينطولا دقل . تحمس ةرتفلا هل يتلا اهاضق اسنرفب ةدتمملا و نم 1980 ىلإ 1990 اديعب ، قايس نع تاونسلا ةريرملا يتلا انيناع اهنم نم،اعيمج قيمعت هراكفأ هثحب و يتلا عفاديل داع اهنع يف هنطو . 5 ىسني نل زكرملاو ينطولا ايجولوبرثن ثحبلل لا يف ةيعامتجلا ةيفاقثلا و تاعيجشتلا و تامهاسملا يقلا َ يتلا اهمدق ةم اذه ثحابلا ليعفتل هتكرح ،ةيركفلا تددجت ثيح هتلص هب ةصاخ ةرتفلا يف ةدتمملا ةنس نيب 1990 ةنس و 2000. 6

انيلعف لبقتن نأ مويلا ةركف دمحم نأ نوكرأ رداقلا دبع و لولغج حرل دق نع َ دبل ىلإوا َ ا . 7 دقل تبهسأ ةفاحصلا ،ةبوتكملا نويزفلتلا ةعاذ ولا ميركت يف ،نيلجرلا ميركتلا نأ لإ يقيقحلا نوكيس موي رمثت ةرذبلا يتلا امهسأ اهعرز يف لقح ثحبلايف لاجم يف مولعلا ،ةيعامتج ةيناسنللاا جتنيس ام و اهنع ثاعبنا ديطوتنم و و ةروريسل ةيقيقح ليبس عمج يف رشن ةفرعملاو ناسن عمتجملا يتلا صخت ل او رئازجلا يف يفو نادلبلا ،ةيبراغملا اهريغ و . و لمعنس ةيعمب عيمجلا ىلع قيقحت اذه فدهلا زكرملا يف ينطولا ايجولوبرثن ثحبلل لا يف ةلجم ةيعامتج تايناسنإ لا ةيفاقثلال خو نم و . 8 حيحص انيليمز نأ انيقيدص و دمحم نوكرأ رداقلا دبع و لولغج حرل دق نع َ امهنكل وَ ،ا لخ َ اف امهءارو اثوروم اماهسإ و ايرث ركفلا يف يملاعلا انزفحي نأ نكمي يذلا لإو ىلع ثحبلا و ريني انقيرط وحن لبقتسملا . 9

امهمحر امهنكسأ هللا و حيسف نانج َه. 10

NOTES

ىلع ليبس لاثملا ىقتلملا دقعنملا ةنس 2004 لوح ةلصوح فراعملا مولعلا يف ةيعامتج لا و .1 ةيناسنلا.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 10

In memoriam Mohammed Arkoun, un délicieux aîné (1928-2010)

Nadir Marouf

NOTE DE L’ÉDITEUR

Paris, octobre 2010. Comme pour l’hommage précédent, celui-ci n’a pas pu paraître dans le Quotidien d’Oran.

1 J’ai appris sur le tard la mort de Mohammed Arkoun, et voudrais honorer sa mémoire à ma façon, à l’occasion du 40ème jour de son décès. Je constate néanmoins que sa disparition est passée quasiment inaperçue, tout au moins dans les médias, à l’exception, d’un papier envoyé par Ali El-Kenz à El-Watan (et d’une commémoration prévue début novembre au Centre Culturel Algérien à Paris), voire dans les rituels commémoratifs de nos universités, associations et autres institutions publiques ou privées. Mohammed Arkoun serait-il « personna incognita » dans son pays natal, l’Algérie, alors que la presse et le milieu universitaire marocains, voire tunisiens ont fortement honoré sa mémoire ? Serait-ce dû au fait que le défunt a élu domicile à Rabat où il a choisi de finir sa vie ? Je ne le pense pas. Mohammed Arkoun a surfé sa vie durant sur les contingences politiques du présent, notamment celles que les politiques gouvernementales du Maghreb nous ont offertes depuis sa décolonisation. Arkoun n’est pas un homme politique. Il échappe à ce titre aux classifications droite-gauche, francophile-arabophile, laïque-religieux, etc. Un homme inclassable, c’est-à-dire atypique, est toujours gênant, voire suspect. Mais pourquoi, contrairement aux pays voisins, Mohammed Arkoun est-il resté chez nous un « inconnu ou presque » ? Est-ce dû à la mauvaise réception, en Algérie, et notamment dans le milieu universitaire, de son message, de son discours sur la « raison coranique » ? Si c’est le cas, s’agit-il d’un tabou ou d’un manque de recul critique face à ce qu’on pourrait appeler tout simplement l’islamologie ? Depuis le départ de Jacques Berque, la chaire de sociologie religieuse de l’Islam contemporain n’a pas été renouvelée au Collège de France. La France se désintéresse manifestement de ce que j’appellerais aujourd’hui l’orientalisme éclairé. Le temps des croisades résurgent et autres fractures séculaires structurent de

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 11

plus en plus la pensée occidentale, mais aussi orientale, tant sur le plan politique que philosophique. En dépit des bonnes volontés qui continuent à militer pour le dialogue des religions, mais dont l’influence sur la scène publique, reste marginale, la dyade Orient-Occident, celle des Sarrasins et des Templiers cristallise de plus en plus les imaginaires sociétaux. Face à un tel bras de fer, et à côté d’une conception angélique du « dialogue » parce qu’inefficace, un chemin étroit tente de se construire avec quelques rares intellectuels dont la voix est, sinon incomprise, du moins inaudible, et ce des deux côtés de la Méditerranée. Cette voix (et dirais-je, cette voie), trouve difficilement sa place dans le champ de la controverse religieuse, et se situe à la marge ou dans les interstices des paradigmes canoniques qui eux sont très présents dans les médias.

2 Mohammed Arkoun fait partie de ces penseurs « reliques » et dont pourtant l’apport à la connaissance du conflit de civilisations est immense tout autant que non défriché. 3 Mohammed Arkoun interpelle l’Islam dans son inféodation historique à la praxis politique, à l’usage polysémique qu’elle en fait, usage à la carte, celui d’un corpus qui pourtant - quelle que soit notre position par rapport à la foi - a secrété des valeurs permissives d’une civilisation universaliste, notamment à l’époque abbasside, et dont le monde connu s’est abondamment ressourcé. Qu’il s’agisse de l’influence d’un Ibn-Rochd sur la pensée occidentale, ou de celle des savants dans le domaine de la science qui imprègne par quelques indices terminologiques la science contemporaine elle-même, tout cela atteste à la fois d’un contenu doctrinal et d’un esprit d’ouverture et de convivialité interculturelle. C’est la synthèse des cultures et des savoirs mésopotamien, perse, byzantin, ibéro-africain, etc., qui a fait la grandeur d’une civilisation. 4 Arkoun insiste sur ce fait d’histoire. Mais son approche s’écarte de toute déduction mécaniste. Autrement dit, le contenu doctrinal a été porteur d’une rationalité exemplaire. Mais il reconnaît que cette coalescence n’est pas déterminisme ontologique. La doxa coranique, en dehors de ses aspects prescriptifs dans le domaine du rituel et de la foi, constitue un potentiel de virtualité, et la combinaison qui en découle dépend des hommes, c’est-à-dire du politique, cela est vrai pour toute religion, notamment monothéiste. Le christianisme a produit la modernité à son corps défendant en Europe de l’Ouest, mais a accouché d’un féodalisme tardif en Europe de l’Est, voire d’un archaïsme manifeste en Amérique Latine, et ce, à la même période (XVIIe - XVIIIe). Cette disponibilité du contenu doctrinal par rapport à l’usage qu’en font le Prince et ses hommes liges permet de sortir d’une appréciation normative des religions du Livre, telle qu’on la voit tous les jours sous nos yeux, dans les débats télévisés comme ailleurs. 5 Mohammed Arkoun échappe à la loi d’airain du classement dual. Il n’est ni un hérétique à l’égard de l’Islam, ni un « porteur d’eau » au service de l’idéologie religieuse occidentale. Et pourtant, il s’est vu souvent reprocher de vouloir « évangéliser » l’Islam : j’ai en effet entendu cette invective de la part d’un compatriote interpellant Arkoun à l’occasion d’une conférence qu’il donnait à la Cité Internationale de Paris en 1976. Arkoun était balloté entre ceux qui, faute de l’avoir compris, l’ont stigmatisé comme « pro-occidental » (ce qui ne veut pas dire grand-chose, du reste) et ses collègues français de Sorbonne Nouvelle qui ne lui ont pas facilité non plus la tâche. 6 Mohammed Arkoun a toujours été ouvert à toutes les disciplines, pour peu qu’elles apportent du neuf, dans le sens où elles mettent en évidence l’autonomie déontique entre le logos et la praxis. Cette posture de sagesse ne lui a pas épargné la solitude dont il a pu être l’objet dans des circonstances diverses. Je voudrais à titre d’exemple

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 12

évoquer un de ces épisodes : je me trouvais pour quelques mois à Boston comme chercheur invité (Harvard University – Middle East Studies) au cours de l’année 1989. Mohammed Arkoun était alors convié à une rencontre sur le thème de la haine interreligieuse qui s’est tenue dans l’auditorium du M.I.T (Massachusetts International of Technology) entre représentants des trois religions monothéistes : Arkoun est intervenu le dernier, après Elie Wiesel (Juif américain – Prix Nobel de la Paix), et un prêtre protestant américain. On était dans le scénario de l’inventaire des malentendus entre les trois religions avec l’effet de les concilier si faire se peut. Les trois interventions terminées, Elie Wiesel s’est mis à critiquer l’Islam en s’en prenant à Arkoun, dans des propos qui confinaient au délire. Le hasard a voulu que parmi l’assistance, mon voisin de droite, frémissait de tout son corps pendant le réquisitoire de Wiesel. Je me retournais vers lui : il ne tarda pas à me faire part de l’arrogance de Wiesel. Cet homme n’était autre que Noam Chomsky, le linguiste en vue le plus important après Ferdinand de Saussure. Afin de situer le personnage, Chomsky fait partie des intellectuels juifs qui désavouent Israël pour sa politique coloniale. Chomsky a été refoulé récemment d’Israël en voulant entrer à Gaza par solidarité avec le peuple palestinien. Pour revenir à Arkoun, il était dans la gêne dans la mesure où il n’est pas venu en tant que mufti mais en tant qu’universitaire loin de tout prosélytisme. Etant invité dans le pays de Wiesel, il ne pouvait se permettre de surenchérir sur le ton de la violence verbale. 7 Je voudrais porter par ailleurs mon témoignage sur ses qualités de fédérateur et d’animateur scientifique. Il a fait appel à moi à deux occasions : la première concernait le projet de résolution 19C de l’Unesco sur le « transfert des modèles juridiques ». Nos travaux se sont déroulés trois années durant (1980-1983) et ont eu lieu successivement à Paris, à Venise puis à Malte. Deux conceptions se dégageaient de cette discussion, celle de la sociologie du droit (J.-P. Charnay, E. Leroy, N. Marouf) qui articulait le transfert des modèles juridiques sur le transfert de technologie, le premier étant l’emballage normatif du second, même si des apories subsistent pour ce qui est des pays du Sud. L’autre conception s’inscrit dans l’épistémologie juridique, plus attentive aux convergences internormatives entre monde musulman et occident chrétien, que l’on peut déceler sans faire intervenir le facteur diffusionniste (domination historique, colonisation, etc.) : on ciblait par exemple le raisonnement par analogie en droit occidental et son équivalent dans le principe des Qyas développé par le jurisconsulte médiéval Al-Imam Ech-Chafi’i (les tenants de cette approche étaient Mohammed Arkoun, à côté de juristes belges comme Jacques Lenoble et François Ost). 8 La Seconde contribution à laquelle j’étais convié concerne l’Encyclopédie Lidis-Brepols, sur les « mythes et croyances du Monde » (publiée en 1986). La section monothéisme constituait le second volume (sur trois). A l’intérieur de ce volume, une sous-section était consacrée à l’Islam, sous la direction de Mohammed Arkoun. Mon article portait sur « les mythes et croyances populaires au Maghreb ». Ce travail m’avait donné l’occasion de me documenter abondamment sur le poids des syncrétismes religieux en milieu populaire, où l’on retrouve une cohabitation rituelle entre les trois religions monothéistes, comme les zyara auprès des Saints thaumaturges, mais aussi une cohabitation d’avec les pratiques païennes résiduelles. A l’inverse, la cité médiévale donnait lieu à un Islam savant, celui des fouqaha où le cloisonnement interreligieux était plus patent (ce constat exclut le cas de certaines confréries qui restent très proches de la plèbe urbaine).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 13

9 L’anthropologie religieuse est devenue, dans le tard, ma préoccupation quotidienne. Il existe quelques universitaires qui attachent le plus grand intérêt à cette matière. En ne citant que ceux qui sont sortis de l’Université d’Oran, et qui ont été mes cadets ou mes élèves, je pense à Abderahmanne Moussaoui, Hocine Benkhira, Houari Touati, qui ont tous fait carrière dans des institutions de recherche honorables à l’étranger (respectivement IREMAM à Aix-en-Provence, Maison des Sciences de l’Homme à Paris, et Ecole Pratique des Hautes Etudes à Paris). Les collègues tunisiens et marocains sont plus prolixes dans le domaine. Je voudrais citer le marocain Abdellah Hammoudi, non pas tant pour son dernier livre « Une saison à la Mecque », mais pour un ouvrage paru aux PUF en 1988, sur « La victime et ses masques, essai sur le sacrifice et la mascarade au Maghreb » (une enquête sur un village de l’Atlas durant la fête de ‘Achoura), et le tunisien Moncef Sfar (« Le Coran, la Bible et l’Orient ancien »). 10 J’espère que cette mouture de chercheurs continuera à élargir le champ du savoir dans un domaine tout à la fois périlleux, complexe et passionnant. 11 Dans cette hypothèse, la mort de notre aîné et ami Mohammed Arkoun n’aura pas été celle d’un « deus ignotus » mais d’un pionnier vivant de l’Islamologie contemporaine.

BIBLIOGRAPHIE

Principaux Ouvrages

Deux Epîtres de Miskawayh, Damas, édition critique, B.E.O, 1961.

Aspects de la pensée islamique classique, Paris, IPN, 1963.

L’humanisme arabe au IVe/Xe siècle, J. Vrin, 2ème éd. 1982.

Traité d’Ethique, Trad., introd., notes du Tahdhîb al-akhlâq de Miskawayh, 1ère éd.1969 ; 2ème éd. 1988.

Essais sur la pensée islamique, 1ère éd., Maisonneuve & Larose, Paris 1973 ; 2ème éd. 1984.

La Pensée arabe, 1ère éd. P.U.F., Paris 1975 ; 6ème éd. 2002 ; Trad. en arabe, anglais, espagnol, suédois, italien.

L’islam, hier, demain, 2ème éd. Buchet-Chastel, Paris 1982 ; trad. arabe, Beyrouth 1983.

L’islam, religion et société, éd. Cerf, Paris 1982 ; version italienne, RAI 1980.

Religion et laïcité : Une approche laïque de l’islam, L’Arbrelle, Centre Thomas More, 1989.

Lectures du Coran, 1ère éd. Paris 1982 ; 2ème Aleef, Tunis, 1991.

Ouvertures sur l’islam, 1ère éd. J. Grancher, 1989.

L’islam. Approche critique, Club du livre, 2002.

Pour une critique de la Raison islamique, Paris, 1984.

L’islam, morale et politique, UNESCO-Desclée, 1986.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 14

Combats pour l’Humanisme en contextes islamiques, Paris, 2002.

The Unthought in Contemporary Islamic Thought, London, 2002.

De Manhattan à Bagdad : Au-delà du Bien et du Mal, Paris, 2003.

Humanisme et Islam, Combats et propositions, Vrin, 2006.

En Arabe

Al-Fikr al-‚arabiyy, éd.‘Uwaydat, Beyrouth 1979 ;

Al-Islâm : Asâla wa Mumârasa, Beyrouth 1986 ;

Ta’rîkhiyyat al-fikr al-‘arabiyy al-islâmiyy, éd.Markaz al-inmâ’ al-qawmiyy, Beyrouth 1986 ;

Al-Fikr al-islâmiyy : Qirâ’a ‘ilmiyya, éd. Markaz..., 1987 ;

Al-islâm : al-Akhlâq wal-Siyâsa, éd. Markaz..., 1988 ;

Al-Islâm : Naqd wa-jtihâd, éd. Dâr al-Sâqî, Beyrouth 1990 ;

Al-‘almana wa-l-dîn, Dâr al-Sâqî 1990 ;

Mina-l-ijtihâd ilâ naqd al-‘aql al-islâmî, Dâr al-Sâqî 1991 ;

Min Faysal al-Tafriqa ilâ Fasl-al-Maqâl : Ayna huwa-l-Fikr al-islâmiyy al-mu‘âsir, Dâr al-Sâqî 1993 ;

Al-Islâm, Urubbâ, wal-Gharb : Rihânât al-ma’nâ wa Irâdât al-Haymana, Dâr al-Sâqî 1995 ;

Naz‘at al-Ansana fî-l-fikr al-‘arabiyy, Dâr al-Sâqî 1997 ;

Qadâyâ fî Naqd al-Fikr al-dînî, Dâr al-Talî‘a, Beyrouth 1998 ;

Al-Fikr al-usûlî wal-stihâlat al-Ta’sîl, Dâr al-Sâqî 1999.

Ma‘ârik min ajli-l-ansana fî-l-siyâqât al-islâmiyya, Dâr al-sâqî, 2001.

Min al-Tafsîr al-mawrûth ilâ tahlîl al-khitâb al-dînî, Dâr al-Talî‘a, Beyrouth 2001.

Participation à des ouvrages collectifs

La Liberté religieuse dans le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, Colloque international à l’abbaye de Sénanque. Préface de Claude Geffré. Ed du Cerf, 1981.

Christianisme, judaïsme et islam. Fidélité et ouverture. Sous la direction de Mgr Joseph Doré. Ed. du Cerf, 1999

Histoire de l’Islam et des musulmans en France du Moyen Age à nos jours, Mohammed Arkoun, Collectif, Jacques Le Goff (Préface). Ed. Albin Michel, 2006.

Bibliographie établie par Djillali MESTARI

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 15

In memoriam A notre collègue Abdelkader Djeghloul (1946-2010)

Hassan Remaoun et Ahmed Yalaoui

1 L’année écoulée ne pouvait pas ne pas amener son lot de joies et de malheurs et, parmi ces dernières, le décès de notre ami et collègue Abdelkader Djeghloul emporté par la maladie à soixante-quatre ans.

2 L’homme n’est plus à présenter ; universitaire, philosophe de formation et qui, comme nombre de ses condisciples de l’École normale supérieure d’Alger, à la lisière des années 1960 et 1970, se laisse séduire par la sociologie en l’enseignant à l’université d’Oran dans les deux paliers gradué et post-gradué, où nous avions eu à le côtoyer et à mieux connaître le chercheur qu’il était. 3 Bien entendu, il apportera sa touche d’interdisciplinarité notamment à travers les enseignements qu’il dispensera aux étudiants, son style pédagogique, et la contribution à l’encadrement des diplômés d’études approfondies (DEA) et des tous premiers magisters en Algérie dès 1977 et, surtout, ses préoccupations de recherche qui rejailliront sur les productions dont il encourageait la publication lorsqu’il assurait la direction du Centre de recherche en information documentaire des sciences sociales et humaines CRIDISSH (anciennement CDSH). Il avait fait de ce dernier un véritable lieu de débats d’idées et centre de rayonnement intellectuel que fréquentaient les universitaires et hommes de culture qui s’y déplaçaient en provenance de toute l’Algérie ou encore du Maghreb et d’ailleurs dans le monde. Bravant la censure et l’autocensure, il voulait qu’on y discute de philosophie, de poésie et littérature et autre esthétique, des sciences sociales et d’histoire, d’enjeux de société et de tout un ensemble de questions évitées ailleurs, surtout, dans un contexte d’absence de pluralisme sur les plans de l’expression et de la presse et où la liberté intellectuelle pouvait être « mal perçue », même dans la cadre académique. 4 Comme universitaire, faisant référence à l’analyse marxiste il participera au débat sur la formation sociale de l’Algérie précoloniale et proposera des relectures critiques des œuvres d’Ibn Khaldoun et de Frantz Fanon en consacrant à ce dernier sa thèse de doctorat soutenue en 1972, intitulée : L’ambigüité d’une idéologie tiers mondiste. Il nous aidera ensuite à découvrir une modernité chez des intellectuels, formés dans un moule

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 16

traditionnel à la lisière des XIXe et XX e siècles, tels que Ben Rahal, Bayyoud ou le tunisien Tahar Haddad. A propos des deux premiers, il écrira en préfaçant une traduction en langue française d’écrits de Haddad en 1984, il a décrit « un Ben Rahal, homme de zaouïa et défenseur acharné de l’Islam, un Bayyoud, cheikh ibadite ; les deux sont des initiateurs d’une modernisation sous certains aspects plus effective que celle proposée par nombre de Jeunes algériens. ». 5 Durant une partie des années 1980 et 1990, des préoccupations de recherche, mais aussi des raisons familiales lui imposeront de s’installer en France, où il ne perdra rien de sa verve intellectuelle qu’il déploiera auprès des universitaires, mais aussi de notre communauté émigrée en ayant toujours au cœur l’Algérie dans ses écrits de presse, ses conférences ou organisation de colloques. On sait comment il avait réagi à la répression des émeutes du 5 octobre 1988 et ses efforts pour faire connaître les combats menés, dans notre pays durant les années où ce dernier subissait la hargne du terrorisme. Après cette escale qu’il trouvait longue, en juillet 1997, le sociologue auto-marginalisé, comme il se plaisait à se définir, exprimera sa nostalgie pour Oran, en ces termes : « Une fois ma mission paternelle terminée… je voulais seulement retrouver la chaleur orageuse de ma ville, reprendre mon poste d’enseignant à l’université ». Il finira par retourner dans son pays pour continuer son activisme citoyen, certes pas toujours compris par tous y compris par ses collègues et amis, et renouer un certain moment avec la vie universitaire en enseignant au sein du département des langues étrangères, avant d’être appelé à la Bibliothèque nationale à Alger et aux fonctions de conseiller à la Présidence de la République. 6 Sans être, ici, exhaustifs de tout ce qu’il avait entrepris et écrit, il est indéniable que la force de ses convictions, la profondeur de ses idées font de lui l’intellectuel courageux, provocateur et fécond, même s’il avait ses moments de doutes et de faiblesses, en gardant toujours un rapport difficile avec la violence coloniale qui l’a dépossédée non seulement de sa langue, mais aussi du nom de son grand-père, Benchergui. Il écrira à ce propos : « maintenant je m’appelle Djeghloul parce qu’un administrateur de commune mixte en a décidé ainsi dans les années vingt ». Dans des termes amicaux, il disait dans un hommage posthume à Pierre Claverie, que sa fierté a pris un « sacré coup » et c’est « scandale des scandales », lorsque ce dernier lui a permis de se repérer dans les écrits en langue arabe. 7 Ces dernières années, il se consacrait à un important projet intellectuel en projetant la réédition des œuvres majeures de la littérature et de la pensée produites dans le pays entre l’Antiquité et nos jours. La mort cependant venait l’arracher à ses proches, collègues et amis à un moment où l’intellectuel qu’il portait en lui semblait de nouveau vouloir se manifester. Il appartiendra à d’autres de poursuivre cette œuvre. 8 Il parlait de nos amis disparus dans la tourmente des années sanglantes en disant « qu’ils sont toujours en vie », et nous pouvons dire qu’il en est de même pour lui. 9 De nouveau, salut Kader et repose en paix.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 17

BIBLIOGRAPHIE

A. Publications d’ouvrages

DJEGHLOUL Abdelkader :

Frantz Fanon ; l’ambigüité d’une idéologie tiers-mondiste, Thèse de doctorat 3ème cycle, faculté des sciences sociales, Paris I, 1972.

Annuaire des enseignants chercheurs en sciences humaines de l’université d’Oran, Cahiers de Centre de Documentation en Sciences Humaines, n° 2, Université d’Oran, 1980, 224 pages.

Huit études sur l’Algérie, Editions ENAL, Alger, 1986, 206 pages.

Trois études sur Ibn Khaldoun, Editions ENAL, Alger, 1984.

Lettres pour l’Algérie, Editions ENAP, Alger, 2001, 144 pages.

Nouvelles lettres pour l’Algérie, Oran, Editions Dar El Gharb, 2004

Djaout, Tahar, fragments d’itinéraire journalistique, Alger, Edit. Alpha, 2009, 158 pages.

Chenntouf, Tayeb & Djeghloul, Abdelkader, Eléments de sociologie de l’histoire algérienne XIX- XX, recueil d’articles, tome I, polycopié, Université d’Oran, 1978-1979, 225 pages.

Chenntouf, Tayeb et Djeghloul, Abdelkader, Eléments de sociologie de l’histoire algérienne XIX- XX, recueil d’articles, tome II, polycopié, Université d’Oran, 1978-1979.

B. Ouvrages traduits en langue arabe ،لولغج ،رداقلا دبع تايلاكشلا ةيخيراتلا عامتجل ملعا يسايسلا يف ،نودلخ نبا دنع ةمجرت لصيف ،سابع عبرأ ،تاعبط ةعبطلا ةيناثلا ،ةحقنم ،توريب ةثادحلا راد ةعابطلل ،رشنلا و 1980 ،1981 ،1982، 1987.

ةعبطلا ةيناثلا ،ةحقنم ترشن نواعتلاب ناويد عم تاعوبطملا ةيعماجلا رئازجلاب ،توريب و ةظوحلم : 1981. ،لولغج ،رداقلا دبع خيرات رئازجلا ثيدحلا ةسارد يجولويسوس ةمجرت ،ة لصيف ،سابع ،توريب راد ةثادحلا ةعابطلل ،رشنلا و 1981 ،272 ص . . ،لولغج ،رداقلا دبع رامعتس تاعارصلالا و ةيفاقثلا ،رئازجلا يف ،توريب ةثادحلا راد ةعابطلل ،رشنلا و 2007 ،408 ص . .

،لولغج ،رداقلا دبع خيرات رئازجلا ،ثيدحلا ،توريب ةثادحلا راد ةعابطلل ،رشنلا و 2007 ،904 ص . ،لولغج ،رداقلا دبع تامدقم خيرات يف برغملا يبرعلا ميدقلا ،طيسولا و ةمجرت ةليضف ،ميكحلا ،توريب ،ةثادحلا راد ةعبطلا 1 ،1982.

C. Préfaces et Introduction

Chukri Khodja, El-Euldj, captif des Barbaresques, roman, Sindbad

Eugène Daumas, Moeurs et coutumes de l’Algérie, Préface de Djeghloul Abdelkader, Actes Sud, Sindbad, Paris, 1968.

Daumas, Eugène, Mœurs et coutumes de l’Algérie, Introduction de Djeghloul Abdelkader, Alger, Editions Anep, 2006,255 pages.

Sebbar, Leïla, Zizou l’Algérien, Algérie, Éditions ANEP, 2005.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 18

Haddad, Tahar, les pensées et autres écrits, introduction et traduction de Nouredine Sraib, Préface, Université d’Oran, Editions CRIDISSH, 1980.

Hamḍ ān ibn Ut◌̲mān H◌̲ūǧah Le miroir, aperçu historique et statistique sur la Régence d’Alger, Préface de Djeghloul Abdelkader.

D. Articles et communications

De nombreux articles ont été publiés dans des revues spécialisées, périodiques, et dans des hebdomadaires et quotidiens nationaux ou internationaux (Algérie Actualités, Actualités de l’Emigration, Awal, Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, Le monde diplomatique…) sur des thèmes et personnalités, notamment intelligentsia, culture, Frantz Fanon, Si Mhamed Ben Rahal, Chukri Khodja « Un algérien face au centenaire », Emir Abdelkader, Tahar Haddad, Hamdan Khodja, Ibn Khaldoun, Mouloud Mammeri, Khateb Yacine, Tahar Djaout… D’autre part, Djeghloul a contribué, voire polémiqué, au débat autour de l’actualité qu’a vécue l’Algérie durant les vingt dernières années. Parmi ces contributions, nous pouvons notamment signaler :

Ibn Khaldoun, « la politique et l’histoire », revue Majallat et-tarikh, Actes du colloque international sur Ibn Khaldoun, Alger, 18-25 juin 1978, SNED.

Cahiers pédagogiques sur l’immigration, « Introduction à l’immigration et à l’intégration des étrangers en France : le cas maghrébin », texte distribué par Inter-service Migrants Formation, Paris, non daté, 61 pages.

« Ibn Khaldoun : Mode d’emploi : les problèmes d’un héritage », revue Majallat et-tarikh 1984, Actes du colloque international sur Ibn Khaldoun, Frenda 01-04 Septembre1983.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 19

Présentation

Abed Bendjelid et Yaël Kouzmine

1 La place que tient le Sahara -avec ses marges septentrionale et méridionale au sein du continent africain- s’explique par ses vastes étendues, ses ressources, sa diversité humaine et culturelle et sa géopolitique et cela, même si sa population ne rassemble environ que 10.000.000 d’habitants, Delta et Vallée du Nil exclus. Ces éléments justifient amplement l’élaboration de ce numéro double d’autant plus que sur ce thème, les travaux édités au Maghreb demeurent peu nombreux. Programmée par le Comité de rédaction depuis trois ans, cette livraison sur le Sahara a été menée parallèlement à un projet de recherche avec l’Université de Franche Comté1.

2 Le Sahara se présente comme une mosaïque de territoires dont les identités et les fonctionnements socio-spatiaux se sont forgés sur le temps long au gré des vicissitudes géostratégiques et des rapports de forces politiques et commerciaux, tant endogènes qu’exogènes. Ses caractéristiques environnementales inhérentes en ont fait jusqu’au XXe siècle un espace sous-peuplé au sein duquel l’existence de rares implantations humaines pouvait se lire à lumière de quatre facteurs clés, l’existence de points d’eau – impérieuse ressource patrimoniale -, la nécessité de disposer de places marchandes sur des itinéraires commerciaux, la fonction de refuge et de repli communautaire et, enfin, la volonté de s’approprier et de marquer territorialement un ancrage politique. Les aléas historiques qui ont caractérisé les royaumes en place en Afrique septentrionale comme les dynasties du Sud du désert ont fait évoluer, au fil du temps, les lignes de front de l’appropriation territoriale dont les marqueurs culturels, économiques et sociaux ont laissé des traces pérennes dans les manières de concevoir, de pratiquer et de gérer l’espace saharien. S’il est aujourd’hui commun de penser le Sahara comme une interface, animée par une série de relations économiques, de migrations humaines et de contacts culturels entre le Monde méditerranéen et le Monde africain, il nous semble capital de mettre en présence des regards croisés et comparatifs en sciences humaines et sociales en vue de démontrer l’extrême diversité des processus de changement à l’œuvre au sein de cet immense désert. L’adaptation des sociétés locales à un environnement naturel rude, a tout de même permis l’émergence de lieux de savoir, de culture et de religion, de savoir-faire architectural et de lieux centraux

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 20

politiques et commerciaux maillant localement le Sahara (Sidjilmassa, Chinguetti, Ghadamès, Tamentit, Ghardaïa, Agadès, Tombouctou…). 3 Les conquêtes coloniales du XIXe siècle ont complètement bouleversé les organisations territoriales sahariennes préexistantes et imposé une nouvelle structuration administrative des populations et des territoires. En un demi-siècle, les indépendances des États africains ont donné lieu à l’application de diverses politiques de développement prises par les pouvoirs en place. Si globalement, le niveau d’équipement est encore modeste dans bien des pays, l’exploitation des ressources minières et énergétiques, la mise en place d’infrastructures de communication et la création d’emplois financés par la puissance publique ont déclenché une urbanisation rapide marquée par la mobilité des hommes et un étalement résidentiel démesurée du bâti urbain. 4 Dans le texte qui introduit cette publication, Emmanuel Grégoire brosse un tableau réaliste des transformations économiques de cet espace aride, devenu aujourd’hui un lieu de premier plan dans l’actualité géopolitique mondiale. Bien plus, les nombreuses richesses disponibles fragilisent les flux d’échanges : « désert inanimé durant la période coloniale, le Sahara est redevenu une zone de transit » et de relations impulsant l’urbanisation. La nouvelle structuration de l’espace saharien est due » aux divers réseaux » (réseaux marchands, réseaux de pouvoirs, de corruption, migratoires…) qui l’anime ; et cela même s’ils demeurent périodiquement perturbés par des « querelles frontalières et des conflits identitaires ».

Agriculture oasienne, ruralité et mises en valeur agricoles

5 Dans ce vaste et rude territoire, l’économie demeure le maillon faible des activités humaines. L’agriculture, en particulier, rencontre de multiples contraintes, en dépit des efforts publics consentis de manières diverses selon les États. Quatre articles investissent ce champ et analysent les dynamiques agricoles caractérisées par la constitution territoriale de nouvelles mises en valeur. A travers le cas de la palmeraie de Tolga (Algérie), Abdellah Khiari exprime la crise agricole de cette oasis, générée par l’empiétement foncier de l’urbanisation et le manque d’eau en partie lié aux nombreux forages destinés à la mise en valeur des terres. Dans le Gourara algérien, la palmeraie en crise d’Ouled Saïd rencontre également des entraves, bien que le découpage administratif communal de 1985 ait permis à la population de trouver ses propres solutions de gestion locale. Abed Bendjelid note que » cette création a surtout mis fin à l’immobilisme local en permettant aux divers groupes sociaux communautaires de tenter de gérer leurs affaires administratives en s’insérant dans les institutions modernes de l’État à travers une intégration dans les partis politiques ». Dans la vallée de l’Oued Draâ moyen au Maroc, Aziz Bentaleb soulève l’épineuse question de l’eau, devenue rare « en raison des sécheresses prolongées et de l’édification du barrage Mansour Eddahbi » et relève la multiplication de motopompes qui a conduit au changement de système de culture agricole et à la possible réhabilitation de l’écosystème oasien. Dans un cas comparable choisi en Tunisie, Abdelkrim Daoud se penche sur le volontarisme de l’État « visant le développement des régions désertiques et marginales, dans le but de fixation des derniers nomades et de marquage des territoires ». L’utilisation des eaux fossiles a permis la création de nouvelles exploitations ainsi qu’une amélioration du niveau de vie ; en

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 21

revanche, « le gaspillage de l’eau d’irrigation… et les rejets des eaux de drainage ont créé une situation d’hydromorphie dangereuse » pour l’environnement local et les agrosystèmes. En définitive, l’auteur s’interroge sur « une autre gouvernance de l’eau dans les oasis de Rédjim Maâtoug ».

6 Portant sur les marges steppique et sahélienne, deux textes traitent de deux exemples de mises en valeur agricoles différentes. Sur la Steppe occidentale algérienne caractérisée par l’existence de grands parcours d’élevage ovin, la politique centrale d’attribution de terres a abouti à l’élaboration de stratégies individuelles et familiales visant « l’acquisition de terres dans le cadre de l’Accession à la propriété foncière agricole ». Mohamed Hadeid observe que « les mises en valeur qui réussissent sont rares et, dans le cas contraire, c’est un paysage de désolation que l’on découvre »… contribuant ainsi à une désertification accélérée. Au Sahel, l’expérience pilotée par l’Office du Niger au Mali, en matière de mise en valeur des terres, est un cas d’une autre dimension car impliquant divers pays et visant l’externalisation de la production agricole. « A une échelle régionale, la privatisation du foncier et l’attribution de surfaces de plusieurs dizaines de milliers d’hectares à des sociétés agro-industrielles vont engendrer des recompositions socio-spatiales » et probablement comme dans la Steppe, « un impact comparable pour l’écosystème » se produirait au Sahel d’après l’analyse de Florence Brondeau.

Armature urbaine et organisation territoriale

7 A travers l’analyse des politiques d’aménagement du territoire, il s’agit de révéler le rôle des États dans la diffusion du fait urbain, perçu comme un instrument d’organisation de l’espace. Il s’agit également de mesurer les limites explicatives de ces seules politiques. Ce cas est abordé dans un texte qui montre que « de 1917 à 1996, l’urbanisation en Egypte saharienne est majoritairement le fait de l’État ». Après une analyse géographique des modalités et des contenus morphologiques et fonctionnels des villes, Martine Drozdz souligne le retard de l’équipement de ces agglomérations sahariennes et relève, depuis la fin des années 1990, que « la libéralisation économique et l’amélioration des infrastructures de transport permettent l’inondation du marché urbain de biens acheminés depuis Le Caire et Le Delta » et ne manque pas d’interroger les méthode de définition et d’analyse des villes sahariennes et de leur devenir. A une échelle territoriale régionale, Badreddine Yousfi se penche sur Adrar, ville du Sahara algérien, élevée au rang de chef-lieu de wilaya et nous esquisse ses différentes aires d’influence, parmi lesquelles celle d’une institution culturelle privée (Zaouïa de Cheikh Belkébir). L’auteur conclut que ces infrastructures répondent à une « logique administrative combinée à une vision d’aménagement du territoire ».

Dynamiques de villes sahariennes

8 L’urbanisation généralisée du Sahara et de ses marges fait l’objet de questionnements sur les relations que les populations entretiennent avec le milieu oasien proche au sein duquel l’action publique a été systématiquement à l’origine de profondes transformations.

9 Les recherches antérieures démontrent que la migration et les mobilités, de manière générale, constituent un moteur démographique et économique essentiel des

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 22

agglomérations sahariennes et ce, quel que soit le pays considéré. C’est à partir de quelques ksour habités que l’étalement bâti s’est réalisé, à Adrar par exemple, par le jeu de mécanismes d’une « urbanisation planifiée… accompagnée de grands investissements immobiliers » relève Sidi Mohamed Trache. Ce dernier insiste sur l’importance de la migration de cadres originaires du Nord décrite comme un des fondements du fonctionnement de l’économie locale. Le rôle de la puissance publique apparaît capital alors que l’installation de commerçants privés venus du Nord du pays a permis de développer la consommation et d’améliorer l’image et le rayonnement de la ville d’Adrar au-delà des régions sahariennes. Selon des modalités semblables, s’est faite l’évolution de Timimoun dont le Ksar, encore habité et entretenu, a connu une extension sans précédent du bâti sur le plateau qui borde la sebkha, durant le dernier tiers du XXe siècle. Tayeb Otmane et Yaël Kouzmine décrivent l’histoire de la formation du Ksar, de son peuplement, de son paysage et de ses transformations sociales ; « l’effort de promotion administrative s’est traduit par un afflux démographique important » alors que les mutations enregistrées, qui « soulèvent clairement la question de la durabilité » et celle de l’identité oasienne, remettent en question le rôle et les fonctions d’une « palmeraie aujourd’hui menacée et stigmatisée ». Dans cette même perspective d’analyse, la palmeraie de Bechar (Algérie), occupée depuis des décennies, a pratiquement disparu laissant place à un bâti en amélioration constante. Selon Abdelkader Hamidi, dans cette ancienne redoute militaire, la sédentarisation des nomades a été orientée vers Debdaba, localité située sur l’autre rive de l’Oued Bechar ; « l’urbanisation du site a été accomplie par le remplissage des parcelles agricoles ». Nouvelles populations et nouveaux bâtis ont modelé ce faubourg, devenu au fil des ans un véritable quartier, correctement équipé évoluant vers « un espace de centralité de niveau intermédiaire » comme voulu par le pouvoir local.

Patrimoine matériel et immatériel du Sahara

10 Fondé sur de nombreuses lectures portant sur le patrimoine matériel et complété par un travail de terrain au sein du Gourara et du Touat (Algérie), le texte d’Illili Mahrour, mêlant géographie, histoire, architecture et anthropologie conçoit les ksour comme une sorte de système construit à partir d’une série de variables se référant à la théorie khaldounienne de l’Umran. Pour l’auteure, il s’agit de « répertorier les savoirs liés aux ksour pour une meilleure compréhension de l’espace gourari en vue de la préservation et de la restauration de ce patrimoine vernaculaire ». Concernant le patrimoine immatériel se rapportant à l’espace sacré et au pouvoir symbolique du Sahara, Faiza Seddik Arkam nous donne un long aperçu sur les diverses dimensions (histoire, peuplement, mythes, migrations de tribus, rôle de l’Islam) de l’Ahaggar et affirme que des groupes sociaux targuis assurent des fonctions de « médiateurs entre le monde visible et le monde invisible, entre l’Islam et la tradition ». Le groupe étudié, bien hiérarchisé et engagé dans des logiques d’honneur, dispose de multiples pouvoirs.

De nouvelles voies de développement local

11 La structuration économique des territoires sahariens ne saurait se limiter, malgré les réelles dynamiques d’émergence ou de reconfiguration qu’elles connaissent, aux seules agricultures, aussi diverses soient-elles. L’essor d’activités tertiaires et industrielles a

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 23

marqué, depuis les indépendances, l’amorce de nouvelles voies potentielles de développement économique. Les écarts de richesses entre les pays riverains ou en marge du Sahara sont à la fois le résultat de la diversité des politiques de développement mises en œuvre par ces États, et le produit de la dépendance économique et politique.

12 A ce titre, l’étude de Moustapha Nour Ayeh, du cas particulier de Djibouti ex-» confetti de l’Empire français », à l’interface de l’Afrique et de l’Océan indien, rend compte de « la rareté des ressources » d’un pays inséré dans le contexte géopolitique tendu de la Corne de l’Afrique. Le programme d’ajustement structurel a imposé des privatisations et ouvert des portes à des investissements émiratis dans les grandes infrastructures de transport. En dépit de ces financements arabes, l’auteur démontre l’extrême fragilité économique de la population, qui à l’image des régions sahariennes, connaît la précarité et la misère. L’exemple djiboutien interroge logiquement la capacité des territoires sahariens à diversifier leur économie en vue d’assurer leur développement endogène, réduisant de ce fait leurs dépendances. La réflexion portant sur l’essor du tourisme saharien, vecteur d’un développement ancré territorialement car valorisant des ressources patrimoniales et une main d’œuvre locale, offre des pistes bien utiles. Clémentine Thierry et Serge Ormaux s’attachent à en examiner les facteurs de durabilité et soulèvent diverses interrogations. Les auteurs signalent que « l’offre djiboutienne n’est pas importée, mais naît de la volonté des acteurs locaux, qui mobilisent pour ce faire, leurs propres ressources et savoir-faire ». Autre territoire et autres enjeux, la Tunisie où le tourisme constitue un pilier économique et social capital, entrevoit aujourd’hui les limites du succès de son modèle touristique balnéaro-centré, développé depuis les années soixante du siècle précédent. Mohamed Souissi propose une analyse du tourisme tunisien en s’attelant à décrire l’organisation et le fonctionnement d’un tourisme saharien répondant à de nouvelles demandes, notamment européennes fondées sur la notion de circuits. L’auteur démontre que l’articulation entre tourisme littoral et circuits sahariens est bien réelle et « les mouvements de touristes vers les zones sahariennes se font essentiellement à partir de l’Ile de Djerba ». 13 Le dernier article peut être lu comme une sorte de synthèse relative à l’étude des dynamiques naturelles et humaines qui font du « désert, un système vivant » caractérisé certes par des oppositions, mais aussi par « la fragilité des équilibres économiques et culturels sous les contraintes contemporaines ». Tout cela est mis sous un éclairage où se combinent constats, conflits, enjeux, défis et critiques car « ces sociétés ouvertes sont nécessairement soumises au changement ». André Larceneux fait observer que « les contributions s’inscrivent dans une approche par la complexité, sur la mise en évidence des jeux de relations, sur les équilibres instables et temporaires, sur les tensions entre forces contraires ». Dans cet immense espace touché par la modernité et intégré dans la mondialisation, l’auteur s’interroge sur le devenir d’une « urbanisation artificielle et moderne » tout en mettant en garde sur le rôle d’un « tourisme de masse » potentiellement déstructurant pour les sociétés sahariennes, leurs cultures et leurs territoires. 14 En définitive, ces textes qui ouvrent de nombreuses pistes de recherche en sciences humaines et sociales montrent la complexité et l’étendue des travaux à entreprendre en vue de mieux comprendre le fonctionnement et le dysfonctionnement de la société, de l’économie et de l’espace du Sahara et de ses marges.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 24

NOTES

1. Programme de coopération interuniversitaire algéro-française ‘Partenariat Hubert Curien (PHC) Tassili’, signé entre le laboratoire ThéMA de l’Université de Franche-Comté et le CRASC (Oran) durant les années 2007-2010. Numéroté 07.MDU.710 et codirigé par le Pr. Serge ORMAUX et le Pr. Abed BENDJELID, ce projet avait pour intitulé « Approches des milieux urbains sahariens (Wilayas de Bechar et d’Adrar) ».

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 25

ميدقت

ديلج دباع نب et ليئاي نيمزوك Traduction : ةيروص يجولوم يجورق

دوعي لضفلا ةناكملا يف يتلا اهلتحت ءارحصلا اهشماوه و ةيلامشلا ةراقلا يف ةيقيرف لا ىلإ ةعاسش ،اهتحاسم اهدراوم نتو،ةيعيبطلا اهعو يرشبلا ،يفاقثلا و ةفاضإ ،اهتيفارغج ىلإ مغرلاب نوك ددعنم اهناكس زواجتي ل 10.000.000 ،ةمسن كلذو نود ءاصحإ ددع ناكس اتلدلا يداو لينلا .و هذه رصانعلا لك ةعمتجم رربت لكشب ريبك ةيعورشم اذه ددعلا ،جودزملا املع لامع ةرداصلالا نأ نادلبلاب ةيبراغملا لوح اذه عوضوملا ىقبت ةليئض دج . اذه ددعلانإ يذلا رودي هعوضوم لوح ءارحصلا يذلا تماقو ةنجل ريرحت ةلجملا هتجمربب ةثلث دنم . 1 شنارف يتنوك ،تاونس هدادعإ مت ةازاوملاب عورشم عم كرتشم ةعماج عم 1 رهظت ءارحصلا لكش ءاسفيسف يف ميلاقل يتلاا تبستكا نم اهتيوه اهفئاظو و اجمويسوسلا نمزلا ىلع ةيلدم تحت ةقبر تابلقتلا يتارتسويجلا يتلا تاق اهمكحي علا ل و ةيج أدبم ةوقلا ةيسايسلا ةيراجتلا و ةيلخاد ةيجراخ تناك مأ . دقف تلعج هذه صئاصخلا ةيئيبلا اذه ءاضفلانم ةياغ ىلإ لولح نرقلاو ، ،نيرشعلا ءاضف زيمتي ةلقب هناكس وهو رمأ نكمي هريسفت ءوض ةعبرأ يف لماوع ةيساسأ : عبانملا او،ةيئاملا قاوس ةدتمملال ىلع لوط تاقرطلا ،ةيراجتلا ةفيظو ءاوطن أجلملا لا ،يتاعامجلا و ،ريخ ةدارإلا يف لاجرلا و يف ريثأتلا يسايسلا ىلع ىوتسملا يميلقلا . 2 صرفلا نإ ةيخيراتلا يتلا تزيم كيلامملا ةدجاوتملا ايقيرفأ يف ،ةيلامشلا كيلامم لثم بونج ،ءارحصلا مدقت عم تنكم ،نمزلا ، روطت نم طوطخ تاهبج كلمتلا يلاجملا يتلا تكرت اهتارشؤم ةيفاقثلا ةيداصتق ةيعامتجللاا و ارثأ اقيمع قرط روصت يف قيبطت وو رييست لاجملا ءارحصلا يف عئاشلا اذإ .نم ناك و مويلا رابتعا ءارحصلا ةباثمب ةهجاو اهكرحت ،ةيداصتقلا تاق ةلمج علا لنم تارجهلا و ةيرشبلا 3 ةيفاقثلا صاوتلا وتل ملاعلا نيب يطسوتملا ملاعلا ،يقيرف ولا دقف يرورضلا ادب نم انل ةداش دوجوبل ا ىؤر ةعطاقتم ةنراقم و مولعلا ،ةيعامتجيف ةيناسن للاا و نيبن ىتح ىدم عونت تاروريس رييغتلا ةئراطلا هذه ءارحصلا يف ةعساشلا . دقف حمس ملقأت تاعمتجملا ةيلحملا ةئيبلا عم ةيعيبطلا ةبعصلا روهظب نكامأ ةفرعم نسح ةفاقثو ريبدت و نيد ،ينارمعو امك حمس اضيأ روهظب نكامأ ةيزكرم ةيسايس ةيراجت و مهاست طبارت يف ءارحصلا ىلع ىوتسملا يلحملا ) ،اسامليجس ،يتيقناش ،ساماداغ ،طيطنمت ،ةيادرغ ،سادغأ وتكوبموط . ...( 4

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 26

دقل تبلق تاوزغلا ةيرامعتسلا نرقلا يف عساتلا رشع نيزاوم ميظنتلا يميلقلا يوارحصلا قباسلا تضرف و ةينب ةيرادإ ةديدج ناكسلل ميلاق لا و نوضغ يف جتن . فصنو نرق نم ،نمزلا لودلا ةيقيرف قتسالنع ال قيبطتل تايسايس ةيومنت ةفلتخم اهتنبت فلتخم تاطلسلا ةمكاحلا اذإ . ىوتسم ناك و زيهجتلا لازي اعضاوتم ل ديدعلا يف ،نادلبلا نم نإف دراوملا غتسالل ةيمجنملا ،ةيوقاطلا و ةفاض عضو ىلإابل لاصت قلخ بصانم لكايه لاو لغش اهلومت تاطلسلا ةيلحملا ىدأ ندمت ىلإ عيرس دج زيمتي ةيكرحب ناكسلا دادتما و حسمب لودجل يعقاو وحتلل تل راوغيرغ لوهم تانكسلل . يفف ةمدقم هلاقم موقي ليوناميإ ةيداصتقلا اذهل لاجملا لحاقلا ،فاجلا و يذلا حبصأو لتحي مويلا ةرادصلا لجس يف ثادح ةيفارغجلال ا ةيملاعلا . 5 ةفاض ابو ،اذه ىلإل تاورثلا نإف ةديدعلا ةرفوتملا ديزت ةشاشه نم دابتلا تل اهترازغ ":و نمف ءارحص ةلماخ ءانثأ ةرتفلا ،ةيرامعتسلا تحبصأ ،ةريخل هذه ،ديدجا نم ةقطنم روبع ةقطنم " و ةزفحملا تاق علل ل ىلع ندمتلا . امك دوعت ةنينبلا ةديدجلا لاجملل يوارحصلا ىلإ فلتخم تاكبشلا " ") تاكبشلا ،ةيراجتلا تاكبش ،ةطلسلا ،ةوشرلا تارجهلا ...( يتلا اهتباش تابارض طشنتنإ ل ضعباو ىتح تارتفلا يف ببسب تاعازنلا " ةيدودحلا تاعارصلا و ةيتايوهلا ." 6

،ةيتاحاولا ةح فلال يعارزلا ةايحلا ح صتس ةيفيرلال لا و

داصتق ىقبيل اذها لاجملايف لحاقلا عساشلا و ةطقن ةطشنل فعضا ،ةيرشبلا مكحب ونأ هجاوت ةح فلال ديدعلا ،قئاوعلا نم كلذو مغرلاب دوهجلا نم يتلا اهلذبي عاطقلا يمومعلا يتلاو دسجتت لاكشأ يف لودلا فلتخت تخاب فل اذه طتت،قايسلا يف . و ىلإ ةعبرأ قر ت اقم ل ةنياعم ليلحت لو تايمانيدلا اذه لقحلا ل خ نم ةزيمتملا ةيح فلا ل تاءانبلاب ةيلاجملا قرطل يرايخ ،ةديدجلا جذومن ح صتسل ةحاول ال ليخن نمف خ ةقلوط رئازجلا قرطتي ،) هللا دبع( ةمز ةيعارزلا لا ىلإ يتلا اهفرعت هذه ،ةحاولا يتلا عجري اهلصأ عسوتلا ىلإ ينارمعلا ىلع باسح يضارل ،ةيعارزلاا ببسب ندمتلا ةلق ،هايملا رمأو طبتريوه لكشبو ،رخآب وأ تايلمعب بيقنتلا ةديدعلا ةزجنملا يضارلا ليبس صتسايف حل . هجاوت ةراروق ،رئازجلا ةحاو ديعس اضيأ ليخند ديدعلاوأل تابوعصلا نم ميسقتلا ناك نإو ىتح يراد يدلبلال ا ةنسل ديلج نب حمس ناكسلل1985دق داجيإب لولح ةصاخ رييستلا مهب يف يلحملا . امأ دباع حضويف نأ ءاشن" حمسل اذه رثكأادق عضوب دح ةيكرحللّ ةيلحملا حامسلا عم فلتخمل تائفلا ةيعامتجلا ةيعامجلا و ةلواحمب راهصنلا رييست يف ل اهنوؤش ل ةيرادخل نم ا نب تاسسؤملا ةيرصعلا ةلودلل بازح جامدن قيرط ةيسايسلاللنع اا يف ." حرطي زيزع ةلأسملا ةكئاشلا ةقلعتملا هايملاب عارذ طسوتملاد يداو يف وأل ،برغملاب كلذ بلاط رصنعلا يذلا حبصأ ج ردان ّ د " بسب تارتف فافجلا ةليوطلا دييشت و دس ةروصنمّ يبهذلا " امك ضرعتي ديازت ىلإ يذلا رم حمس ددع تاخضملا رييغتب ل ا وه ماظن و ةيلةح فلالل ا ةيناكمإ و ثعب ماظنلا يئيبلا يتاحاولا ديدج نم . يفو ةلاح ةنراقم اهرايتخا مت ،سنوتب ةعزنلا ىلإ ةيعوطتلا ةلودلل " يتلا فدهت ةيمنت ىلإ قطانم دواد ضرعتي ميركلا دبع ةيوارحص ،ةشمهم ةيغب تيبثت رخآ ودبلل لحرلاّ مسر دودحلاو ةيميلقلا ." حيحص مادختسا نأ هايم تاونقلا حمس قلخب عيراشم ةديدج اذكو نيسحت ىوتسملا يشيعملا ،ناكسلل نكل و " ريذبت هايم ،يرلا فيرصت و هايملا ىدأ قلخ ىلإ ةلاح فافج ةريطخ " ةبسنلاب ةئيبلل ةيلحملا ةمظنلا ةيعارزلا لءاستيو. و ةيناكمإ فلؤملا نع ريخ لا يف قلخ ةماكح ىرخأ هايملل يف" تاحاو ميجن قوتعم ." 7 امأ ناصنلا نيذللا نارخ ول روديا امهعوضوم لوح شماوهلا ةيبهسلا ،ةيلهسلا و امهنإف ناضرعي نيجذومنل يعارزلا ح جذامن صتس نم ل لا . يفف بوهسلا ةيرئازجلا ةيبرغلا يتلا زيمتت ةيبرتب ،ةيشاملا تدأ ةسايسلا ةيزكرملا يضار حنملل عضو ىلإا تايجيتارتسا ةيدرف و ةيرسأ فدهت ىلإ " ليصحت يضار راطإل يف ا ةزايح ةيكلم يضار ل ةيعارزلاا ." اذه يف و ةيعارزلا تاحنأ صتس ل"لا يتلا حجنت دج يه ،ةردانّ ةلاح يف و ديادح ددصلا دمحم ظح لي عوقو ،سكعلا نوكت جرظانملا ةيثراك ً د " ةمهاسملا عم اذكه رحصتلا يف عيرسلا . 8

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 27

ةقطنم امأ يف ،لوهسلا ةبرجتلا نإف يتلا اهدوقي ناويد رجينلا يلاملا يف ةقلعتملاو يعارزلا ح ،يضار صتسل ابل يهف ةلاح داعبأ تاذ ،ىرخأ اهنأ ذإ لمشت ةدع نادلب فدهت و جورخلا ىلإ جاتن يعارزلا ابل دودح نع ةينطولا " ىلعف ىوتسملا ،يوهجلا ةصصوخ نإف يضار تاحاسم حنم ل يضاروا ل تاراتكهلا يتلاا يهاضت نم ف تارشع ل تاعامجل لا ةيعارز - ةيعانص يدؤيس ةداعإ ىلإ ءانب ويسوس يلاجم ،حجرل ىلعا لاحلا " امك وه و يف بوهسلا ثدحيس " ريثأت لثامم ةبسنلاب ماظنلل يئيبلا " لوهسلا يف بسح ليلحت سنارولف ودنورب . 9

ةماعدلا ةيرضحلا ميظنتلا و يميلق لا

ليلحت تاسايسل لخ ةئيهتلا نم ةيميلقلا اهفصوب ةادأ ميظنتل لاجملا حضوتي رود لودلا يف رشن ةرهاظ ندمتلا . اضيأ رم قلعتي سايقبل ا دودحلا ةحراشلا هذهل تاسايسلا . مدق مت و قرطتلا حضوي صن هنأل هذه ىلإ ةلاحلا ل خ نم " نم 1917 ةياغ ىلإ 1996 دجن لضفلا نأ ، ندمت يف ءزجلا رصم نم ربك ةيوارحصلا لا دوعي ةلودلا ىلإ ." دعب ليلحت و يفارغج قرطلل و ريخأتلا ىلإ لجسملا زدزورد تايوتحملا يجولوفروملا ةيفيظولا و ة ،ندملل ريشت نيترام اميف صخي زيهجت قطانملا ،ةيوارحصلا حضوت و ةياهن دنم هنأ تاونس تاينيعستلا )1990( " حمس ريرحتلا يداصتقل نيسحتا و لكايه لقنلا قارغإب قوسلا ةيرضحلا علسب تءاج نم ةرهاقلا اتلدلا و امك لءاستت و" ، اضيأ ةقيرطلا نع اهل ندملا يتلال فرعت خ ةيوارحصلا نم اذكو اهريصم يفسوي وحن . ،راردأ يه ىلعو ىوتسمو ملس يميلقإ ،يوهج هجوتي نيدلاردب ةنيدم ءارحصلا نم ،ةيرئازجلا أوبتت فاصم ،ةي رقم انيطعيل ولل ل ةرظن لوح فلتخم تارايتلا ،ةيريثأتلا اهنيب نم كلت ةصاخلا و ةسسؤمب ةيفاقث ةصاخ ةيواز خيشلا ريبكلاب ) نيبيو فلؤملا . ( هذه لكايهلانأ ريخ لا يف بيجتست ـل " قطنم يرادإ طبترم ةرظنب ةصاخ ةئيهتل لاجملا ." 10

تايمانيد ندملا ةيوارحصلا

حرطي رضحتلا لماشلا ءارحصلل اهشماوه و ةلئسأ يتلا طبرت ةق لوح علا ناكسلال طسولاب يتاحاولا يذلا دوعتو تاريغتلا هيف ةقيمعلا امود لعفلا ىلإ يمومعلا . 11 نيبت تاساردلا ةقباسلا ةرجهلا نأ ةفصب قنتلا ،ت ول ،ةماع لثمت اكرحم ايفارغميد و ايداصتقا ايساسأ ةبسنلاب تاعمجتلل ةينكسلا ةيوارحصلا ،اذه يأو دلبلا ناك َ سوردملاا . و عسوتلا نأ ىلإ ،ينارمعلا ضعب نم اق راردأ طنا مت، يفل ثمل شارط ريشي يديس دمحم هبحصت ... روصقلا ،ةلوهأملا ةبعل تامزيناكيملا لل نموخ ـل ندمت طيطختلا مت هل" تارامثتسا ةمخض لاجملا يف ينارمعلا ." امك دكؤي ىلع ريخ ةيمهأ ل اذها ةرجه تاراط لا ةمداقلا لامشلا نم يتلا لثمت و ىدحإ تاموقملا ةيساسل ليعفتا داصتق يف لا ،يلحملا امك ودبي رود تاطلسلا ةيمومعلا ،ايساسأ حمس نيح رارقتسا يف راجتلا صاوخلا نيمداقلا نيسحت و ريوطتب ةروص ك لامش ةنيدم هتسدنم ،تاءارج بلا لل ل راردأا سفن ربعا و تروطت نوميميت تمتو ةنايص اهرصق لوهأملا مويلا ىلإ عسوت ريخ فرع ثيحل اذه ا نرقلا نم ريخ ثلثلا لا للخ ةخبسلاب ينارمع قبسي مل باضهلا ليثم يفهل ةطيحملا نيمزوك ءانب رصقلا و نامثع ليئاي و نيرشعلا نمض . اده هجوتلا و بيط فصي نم لك هرامعا ناكسلاب ةفاض هرظانم ىلإابل تاريغتلا و ةيعامتج لا " دوهجلاف ةلوذبملا ليبس يف ةيقرتلا قفدت ةيراد ل يفارغميد تدسجتا ل لخ نم دج ماهّ ةلجسملا " وحتلا نأ نيح يف تل يتلا و" حرطت لكشب حضاو ةلأسم ةموميدلا ةلأسم " و ةيوهلا ،ةيتاحاولا ديعت رظنلا رود يف فئاظو و" ةحاو ليخن دعت مويلا ةددهم اذه ." ءزجلا يف و يعرفلا ،ةيلاكشلا نم داكت نوكت ةحاو راشب رئازجلا ) ( ةلوهأملا تارشع دنم نينسلا تفتخا دق امامت ةكرات اهناكم ءانبلل ينارمعلا . 12

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 28

تيبثت ودبلا ههيجوت مت ةبادبدلا ىلإ ةيرق يه ةعقاو و يف يديمح نإف بسح رداقلا دبعو راشب دل ةفضلاو ىرخل لا رامعإ ندمت مت" ذإ عقوملال تاحاسملا لخ نم ةيعارزلا ثيح" ، تداعأ تاعومجملا ةيناكسلا ةديدجلا تايانبلا و ةديدجلا ليكشت هذه ةقطنملا يتلا تحبصأ رم عم ّ نينسلا ةقطنم ةيقيقح و ةيح ةزهجم لكشلاب ،مزو لال لاجم ةيزكرم يذ نم" ةجردلا ةيطسولا " كلذو بسح ةئيشم ةطلسلا ةيلحملا . 13

ثارتلا يدام يداملا ءارحصلل لال و

مئاقلا ىلع ديدعلا تاءارقلا نم ةروحمتملا لوح ثارتلا يداملا رورحم عمجي لاقم يليليإ يذلا همعدي لمع يناديم ةراروقلا يف ،تاوتلا و ،ايفارغجلا نيب ،خيراتلاو ةسدنهلاو ةيرامعملا ،ايجولوبورثنلا و ربتعت روصقلاو ةمظن اعونل ا ةينبملا نم ةلمج نم اق طنال تاريغتلا يتلا ليحت ةيرظنلا ىلإ ةينودلخلا . ةبسنلابف هذهل ،ةفلؤملا ـب رم قلعتي لا فينصت " فراعملل ةطبترملا روصقلاب لجأ مهفلانم لضف لاجملللا يراروقلا ةيغب ةظفاحملا و ةداعإ ةنايص ثارتلا يلحملا ." 14 امأ اميف صخي ثارتلا يدام طبترملا لال ءاضفلاب سدقلا ةطلسلا و ةيزمرلا ،ءارحصلل نإف انيطعت ةرظن فلتخم نع داعبأ راقهلا ) ،خيراتلا ،رامع ،ريطاسللاا دص ّ ماقرأ قي ةزياف ةطاسولا موقت نيب فئاظوب" ةيقرتلا ةرجه ،لئابقلام لسل رودا دكؤت( تاعامجلا ىلعنأ و ديلاقتلا ملاعلاو يئرملام ملاعلال ،يئرموسلال لا نيب ." 15

لبسلا ةديدجلا ةيمنتلل ةيلحملا

فقوتتل ةلكيهلا ةيداصتقلا ميلاق ل ،ةيوارحصلال ىلع ىوتسم عورفلا ،ةيعارزلا ىلع مغرلا تايمانيدلا نم ةيقيقحلا ةداعإ قاثبن ول لكشتلال يتلا اهفرعت ميلاقل هذها . 16 دقل رفسأ روطت تاطاشنلا ةيتامدخلا ،ةيعانصلا و روهظ نع ،ل قرط ةديدج قتس للا دنم ةنكمم ةيمنتلل ةيداصتقلا . نيابتلاف دوجوملا تاورث يف نادلبلا ةدجاوتملا ىلع فراشم ءارحصلا تقولا يف وه هتاذ ةجيتن عونتل تايسايس ةيمنتلا يتلا اهقبطت ةلودلا ةهجو نم يداصتقل يسايسلاا ول قتسلل ةهج ىرخأانم . 17 رون حايأ ةصاخلاو يتوبيجب اذهب ،صوصخلاو ليحت ةسارد ةلاحلا يتلا اهب ماق ىفطصم " يهو زاجنإ ةيروطاربم لل ةيسنرفلا ةهجاوم يف " ، ايقيرفإ طيحملا و يدنهلا ىلإ ةردن " دراوم " اذه دلبلا جردملا نمض قاطنلا يسايسويجلا دتمملا نرقلل ،يقيرف لا ضرف ثيح عورشم ليدعتلا يلكيهلا ةصصوخلا تارامثتس باوبل ا حتف و ةيتارامإ لكايهلا يف ىربكلا لقنلل . 18

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 29

مغرلاب و هذه ،ةيبرعلا يومتلانم تل زربي فلؤملا ةمق ةشاشه داصتقا ناكس هذه ةقطنملا يتلا اهنأش قطانملا نأش ةيوارحصلا ،ىرخ فرعت لا ىوسل رقفلا سأبلا و ،ةمث نم و. لءاسي اذه لاثملا يتوبيجلا ميلاق ةردق ل ةيوارحصلاا ىلع عيونت اهداصتقا ةيغب نامض ةيمنتلا ،ةيلحملا يذلا رم صقني اهتيعبت لنم ا وه و ،هيلع . و ريكفتلا نإف ريصم يف ةحايسلا ةيوارحصلا دحأ يتلا مهأيه مئاعد ةيمنتلا ةيلحملا حنمي ديدعلا لولحلا نم ،ةعفانلا كلذ و اذه عونلانأ ةحايسلا نم نمثي دراوملا ةيثارتلا ديلا ةلماعلا و ةيلحملا اذكه نياعيو نم. لك لماوع ةمادتس ناحرطيل ا و ديدعلا ؤاستلا نم امك ،ت ل يرييت جراس ومروأ و نيتنوميلك ناريشي نأ ىلإ " ضرعلا يتوبيجلا ،ادروتسم سيل هنكل ةدارإ جتانونع نييلعافلا نييلحملا نيذلا نودنجيو اذهل ضرغلا مهدراوم ةصاخلا نسح مهريبدتو ." لاجم يف رخآ نمضو و تاناهر ،ىرخأ فرعت سنوت يتلا لكشت اهيف ةحايسلا ةماعد ةيداصتقا ةيعامتجا و ةيساسأ دودح ةرهش اهجذومن ،يحايسلا ،يعامتجلا يزكرملا يذلا هريوطت مت و ،تانيتسلا دنم ذإ ليلحت ةيعضولا ةيبلسلا يتلا اهفرعت ةسايسلا ةيسنوتلا للخ نم يسيوس حرتقي دمحم لاسرتسلا فصو يف ميظنت لاغتشا و ةحايس ةيوارحص بيجتست تابلط ىلإ ،ةديدج ةيبرول اهنما صخ ةمئاقلا ابو ل ىلع موهفم ،تاراسملا طبرلا نيبي ثيح ةق فلؤملا لع نأ ةحايسلا نيب ةيلحاسلا تاراسملا و ةيوارحصلا ةيقيقح ةق نأ لوع يه تاكرحلا ةيحايسلا " هاجتا يف قطانملا ةيوارحصلا قلطنت لكشب يساسأ ةريزج نم ةبرج ." 19 امأ لاقملا ،ريخ نكميفلا هتءارق ةلصوحك ةساردل تايمانيدلا ةيعيبطلا ةيرشبلا و يتلا لعجت ءارحصلا نم ماظن يح" " زيمتي ،تاضقانتب هنكل اضيأو زيمتي ـب ةشاشه تانزاوتلا " ةيداصتقلا ةيفاقثلا و تحت ةأطو تاطوغضلا ةرصاعملا ." طيلست دقل مت ءوضلا هذه ىلع لك روم يتلا عمجت ل ا ،تاعارصلا نيب ،تاناهرلا تايدحتلا تاداقتنلا نأ ذإ و هذه تاعمتجملا " تامهاسملا نأ " ونوسرل ةحتفتملا ةرورضلاب يه تاعمتجم ةصاخ رييغتلل ." دكؤي يردنأ لخدت راطإ يف ةبراقم ،ةدقعم لوح راهظإ ةبعل ،تاق علال لوح تانزاوتلا ةرقتسملا ريغ و ،ةتقؤملا لوح تاطوغضلا و ةدوجوملا ىوقلا نيب ةضقانتملا " اذه ءاضفلايف عساولا ةرثأتملا ةنرصعلاب ،ةملوعلا و فلؤملا نإف راتخي يضارتلا عامج لجأ ريسلانم لا و ةيلمعب ةيمنتلا ،ةيلحملا لءاستي و اضيأ لوح ريصم ندمت عنصتم يرصع و " " هيبنتلا عم رود ىلإ ةحايس ةيرهامج " " نكمي نوكت نأ بقاوع تاذ ةميخو ىلع تافاقثلا ةيوارحصلا ةيلحملا و . ،ةص يفو نكمي خلا ل لوقلا هذه تاساردلانأ حتفت دق اقافآ ةديدج ثحبلل مولعلا يف يذلا رم ةيعامتج رربي ةيناسن ل ةماخضلالا وه ا و ماهملاو يتلا بجي مايقلا لجأ اهب نم للخلا لاغتش مهفلا لضفلول يفيظولا ا ،عمتجملل داصتق ءاضفلال او يوارحصلا و هشماوه سكعني ىتح اباجيإ كلذ ىلع ةيمنتلا ةيلحملا . 20

NOTES

جمانرب نواعت يعماج يرئازج شلاب،يسنرف ةكار عم Tassili Hubert-Curien عقوم ربخم نيب ةميت .1 ةعماج نم سنارف زكرملا يثوك ، ينطولا ايجولوبورثن ثحبلل لا يف ةيعامتجلا ةيفاقثلا و ، THéma ثحت ذاتس فارشا لا نم لك MDU.07 ةرتفلا ل ةدتمملال خ نيب 2007-2010 . مقرملا ( نارهو ) crasc جراس ذاتس ،ديلج تحت دباع ومروأنبل ناونع ا و و " تابراقم طاسول ةيرضحلاا ةيوارحصلا ةي)لو راشب راردأ و ." (

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 30

Réseaux, urbanisation et conflits au Sahara Conflictive urbanization and networks in the Sahara Redes, Urbanización y Conflictos en el Sahara ،تاكبشلا دمتلا ّن تاعازنلا و ءارحصلا يف

Emmanuel Gregoire

1 Affecté, durant ce dernier demi-siècle, par d’importantes mutations à la fois économiques, sociales et spatiales, le Sahara n’est plus un espace inanimé, mais est devenu un territoire vivant et ouvert sur le monde. Désormais, il est parcouru par de multiples acteurs1 : les chameliers maures et touaregs qui acheminent le sel des oasis sahariennes jusqu’au Sahel, les touristes et leurs guides, les concurrents du rallye Paris- Dakar, il y a peu de temps encore, les prospecteurs de pétrole et de minerais, les bandes armées et les militaires qui les pourchassent, les commerçants et leurs convois de camions et enfin les migrants subsahariens qui tentent l’aventure au Maghreb voire en Europe. Tous ces hommes ont leur propre perception du désert : espace pastoral, social et culturel pour les populations sahariennes, espace mythique pour les touristes, terrain de jeu pour les coureurs automobiles, espace de recherches minières et pétrolières pour les employés des multinationales, espace hostile pour les militaires maliens et nigériens et complice pour leurs adversaires touaregs et toubous, espace marchand pour les animateurs du commerce transsaharien et secret pour les trafiquants en tous genres et enfin espace de tous les dangers pour les migrants subsahariens. Ces acteurs sont le plus souvent organisés en réseaux structurés et solidaires dont les nouvelles circulations s’inscrivent dans une tradition de mouvements transsahariens interrompus par la colonisation. Chacun d’entre eux a tissé son propre réseau de routes qui parfois se confondent ou se coupent, les plus empruntées étant celles du négoce transsaharien.

2 Ce texte présentera les réseaux marchands et migratoires qui sont les plus importants et visibles. Il envisagera leur impact sur le développement des villes en esquissant une

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 31

typologie des localités qu’ils traversent, ces réseaux façonnant aussi l’espace urbain saharien. Enfin, il traitera de leur adaptation aux transformations du champ politique en abordant les querelles frontalières interétatiques et les conflits locaux en prenant l’exemple de la rébellion touarègue au Niger2.

I. Les réseaux transsahariens

3 Par souci de clarté, nous dissocierons les réseaux marchands des réseaux migratoires, mais cela ne signifie nullement qu’ils ne soient pas interconnectés. Au contraire, les uns et les autres empruntent les mêmes itinéraires et se retrouvent dans les mêmes places, les camions de marchandises transportant des migrants.

Les réseaux marchands

4 Lorsque l'on évoque les relations entre le Monde arabe et l'Afrique noire, on pense aussitôt au commerce transsaharien tant celui-ci joua un rôle décisif à l’époque précoloniale. Après de longues décennies de somnolence sous l’effet de la colonisation qui l’asphyxia, ce négoce renaît de ses cendres. Certes, les convois de camions ont remplacé les caravanes chamelières, mais ses animateurs ne sont pas en rupture avec le passé hormis la mise à l'écart des Touaregs qui ne sont plus les convoyeurs attitrés des marchandises ayant souvent été remplacés par d’autres populations (Arabes, Toubous, Haoussas, etc.).

5 Le Sahara est aujourd’hui traversé par de grands axes orientés principalement nord- sud ; quelques routes le parcourent d’ouest en est reliant ainsi l’Atlantique à la mer Rouge. Ces axes mettent en relation des villes éloignées les unes des autres et qui sont le siège des grands commerçants : Sebha est en contact, au nord, avec Tripoli et Benghazi et, au sud, avec Agadez, Zinder, Kano, Faya-Largeau, N'Djamena etc. De son côté, Tamanrasset est le théâtre d'une foire internationale (assihar) organisée, chaque année, afin d'encourager les échanges entre les pays de la sous-région. Pendant quelques jours, elle est le point de ralliement de commerçants venus d’Alger, d’Oran, de Ghardaïa, de Ouargla, d’In Salah, mais aussi de Gao, de Tombouctou, d’Agadez, de Zinder et de Kano. D'anciens maillages entre villes maghrébines, sahariennes et sahéliennes se sont reconstitués tandis qu’elles ont tissé entre elles de nouveaux liens sous l’effet des réseaux marchands. L'Afrique noire a ainsi été réintégrée économiquement et spatialement dans la stratégie des réseaux marchands d’Afrique du Nord tout comme le Maghreb l’a été par les négociants du Sahel : les riches marchands aderaouas en matériaux de construction de Tahoua et de Niamey ont des correspondants au Nigeria, au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire, mais aussi à Tamanrasset. 6 Les marchandises du négoce transsaharien sont de deux types3 : on trouve, d'une part, des produits issus des productions nationales comme les dattes d'Afrique du Nord qui sont échangées contre du bétail d’Afrique noire (chameaux, moutons et plus rarement bovins), du henné, du sésame, de l'arachide et d’autres produits. Il y a, d’autre part, des biens manufacturés nationaux ou importés depuis l'étranger (autrefois d’Europe, aujourd’hui de Chine) ; pendant de longues années, l'Algérie inonda le marché ouest africain de cartons de lait (Lahda) et de denrées alimentaires qu'elle subventionnait et qui étaient exportées en fraude sur la rive sud du Sahara puis revendus à Niamey et Kano. En contrepartie, l’Algérie importait des articles de l'industrie nigériane (tissus,

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 32

parfums, objets divers). La Libye, quant à elle, écoule en Afrique noire des produits alimentaires et des biens manufacturés. À partir des années quatre-vingt-dix, un important trafic de cigarettes américaines vit le jour : comme depuis l’Egypte, il repose sur l’interdiction d’importer en Libye des cigarettes afin de protéger l’industrie nationale et la société d’Etat qui en a le monopole de la distribution. Ces exportations de cigarettes depuis le Niger où elles ne font que transiter prirent une ampleur considérable au cours des années quatre-vingt-dix puisqu’elles portèrent, chaque année, sur des dizaines de milliards de francs CFA soit un chiffre d’affaires équivalent à celui de la COMINAK qui exploite l’uranium de la bordure occidentale du massif de l’Aïr. Ce trafic qui concerne dans des proportions moindres l’Algérie implique de très gros commerçants et des personnalités politiques libyennes haut placées qui leur garantissent une totale impunité. Aux réseaux marchands se greffent donc des réseaux de pouvoir complices, les plus hautes sphères des Etats libyens, nigériens et béninois étant impliquées dans ces flux de cigarettes. 7 Comme par le passé, ces commerçants arabes qu'ils soient d'origine algérienne, libyenne, malienne ou nigérienne, contrôlent ces grands flux d'échanges. Dans les localités qu’ils traversent, ces négociants ont installé des petites communautés qui appartiennent à un même réseau. On peut citer l’exemple des familles de la tribu des Ouled Sliman qui dominaient autrefois le Fezzan. Après avoir quitté cette région au cours des années trente pour fuir la colonisation italienne, ces familles y sont retournées au cours des années soixante-dix et quatre-vingt après avoir tissé des réseaux marchands en Afrique centrale et occidentale. De même, les réseaux mozabites et chaambas algériens ont été réactivés : des familles opèrent solidairement, depuis Ghardaïa et Métilili jusqu’à Kano, organisant un va-et-vient incessant de marchandises, les unes étant destinées à l’Afrique noire tandis que les autres en proviennent. Beaucoup de ces flux reposent sur des interdictions d'importation ou d'exportation que les commerçants s’empressent de contourner d’où leur intérêt économique, mais aussi leur illégalité. Lorsque ces flux sont légaux, le désir de ne pas acquitter de droits de douane souvent élevés les pousse à verser dans la fraude et la clandestinité. Ils parviennent aisément à se jouer des contrôles douaniers grâce à leurs relations dans les milieux politique, administratif et militaire des sud algérien et libyen. Aux réseaux marchands se greffent donc des réseaux de corruption, les douaniers, les policiers et les militaires fermant les yeux sur l’activité de ces réseaux moyennant rémunération. 8 Le zèle des uniformes se focalise davantage sur les micros échanges qui relèvent des petits commerçants ouest africains. Contrairement aux commerçants arabes, ces derniers ne disposent pas du capital relationnel nécessaire à toute activité frauduleuse. Lorsqu'ils ne réussissent pas à échapper aux contrôles, ils sont systématiquement rackettés : leurs marchandises sont alors confisquées et leurs convoyeurs reconduits à la frontière quand ils ne sont pas emprisonnés. Ce commerce de proximité porte sur des quantités limitées et implique une grande diversité d’acteurs. Qu’ils soient grossistes ou détaillants, tous tirent leur subsistance des disparités économiques et financières entre Etats à partir du moment où elles permettent un gain même minime : les écarts de richesses, les complémentarités de production, les différentiels de prix, la diversité des politiques fiscales et douanières, les appartenances à des zones monétaires distinctes sont autant de rentes qui stimulent les échanges et qui sont difficilement quantifiables en raison de leur caractère diffus et frauduleux. Toutefois, ces réseaux présentent des capacités variables à s’emparer des rentes frontalières ; les négociants arabes en accaparant l’essentiel tandis que les commerçants ouest africains

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 33

se cantonnent dans le micro commerce. Enfin, ces échanges transsahariens sont du seul ressort des opérateurs économiques nationaux car il y a peu de flux commerciaux entre les Etats. 9 La quasi-totalité de ces mouvements s’effectue en dehors de tout cadre législatif et organisation supranationale. Symbole de la pacification du Sahara, la CEN-SAD qui compte vingt-huit membres (2010) dont l’ensemble des Etats sahariens demeure à l’état de projet car elle n’est pas en mesure de prendre des dispositions concrètes sur deux points essentiels : l’organisation des échanges transsahariens et la libre circulation des personnes, contrariée voire entravée par les Etats alors qu’elle est officiellement reconnue dans les textes comme étant libre. Outre les mouvements précédemment décrits, il y a toute une série de trafics très secrets comme ceux des armes et de la drogue. De la résine de cannabis et de la cocaïne traversent le Sahara de l’Atlantique à la mer Rouge et du golfe de Guinée à l’Europe. Ces trafics ouest-est et sud-nord profitent de la faiblesse des Etats et d’un retour du non-droit : affaiblis, les Etats ne contrôlent plus des zones entières de leur territoire qui sont aux mains de la Brigade d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et de groupes touaregs et toubous. Ces groupes garantissent la sécurité des précieuses marchandises prohibées contre des rémunérations élevées : on est là en présence de réseaux transnationaux maffieux structurés et occultes d’où la difficulté de collecter des informations. 10 Un autre aspect important relatif à ces échanges transsahariens est la question monétaire qui se pose avec acuité, chaque Etat ayant sa propre monnaie. À l’exception du franc CFA utilisé par le Mali, le Niger et le Tchad, les dinars algériens, libyens et tunisiens ainsi que l'ouguiya mauritanien ne sont pas convertibles ou partiellement. Cette inconvertibilité pousse les commerçants à effectuer leurs opérations de change de manière clandestine afin d’éviter de recourir au marché des changes officiels. Les réseaux marchands utilisent par conséquent le marché des changes parallèles ou procèdent sous forme de troc, l’argent gagné sur la vente de marchandises étant réinvesti dans d’autres biens qui constituent des flux de contrepartie (la foire de Tamanrasset organise officiellement le troc). Réseaux marchands et cambistes sont étroitement liés quand ils n’en constituent pas un seul. Ce marché des changes parallèles régit de vastes espaces pouvant s’étendre jusqu’à Kano pour le dinar libyen qu’on peut changer à Wappa ou à Faggé, grandes places du marché noir de la métropole nigériane. Loin de constituer un frein aux échanges, les disparités monétaires sont, au contraire, une opportunité pour les commerçants qui jouent sur les fluctuations du taux de change du marché parallèle pour réaliser des bénéfices supplémentaires. 11 Aux réseaux marchands sont donc liés des réseaux de pouvoirs, des réseaux de corruption, des réseaux monétaires et des réseaux de transport.

Les réseaux migratoires

12 Des populations se sont toujours déplacées de l'une à l'autre rive du Sahara comme l'illustrent les anciens mouvements caravaniers et la traite des esclaves. Comme pour les échanges marchands, ces circulations humaines furent réduites au cours de la période coloniale et ne reprirent que récemment, l’Algérie et surtout la Libye ayant besoin de main d’œuvre peu qualifiée.

13 Avant d’être une région de transit vers l’Europe, l’Afrique du Nord a été et demeure une terre d’immigration pour les Subsahariens. Les flux migratoires entre les deux rives du

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 34

Sahara sont nés des cycles de sécheresse qui touchèrent le Sahel dans les années soixante-dix et quatre-vingts. Les Touaregs maliens et nigériens jouèrent un rôle important : leurs déplacements débutèrent après la sécheresse de 1974 puis s’amplifièrent après celle de 1984 qui toucha plus encore leur cheptel. L'espoir de trouver des moyens de survie et un emploi motiva, au départ, leur voyage. Les appels du colonel Kadhafi qui les incitaient à rejoindre la légion islamique ne les laissèrent pas indifférents, nombre de jeunes ishumars y apprenant le maniement des armes (ils constitueront l'essentiel des effectifs des combattants des rébellions touarègues malienne et nigérienne). Ces ishumars furent les premiers à créer un espace migratoire transfrontalier (Nord du Niger, Sud algérien et libyen). Les migrations des années quatre-vingt-dix n’ont fait que densifier, diversifier et mettre en lumière cet espace migratoire qui, de transfrontalier, devint transnational. Ces migrations profitèrent de la reprise des échanges marchands, les camions de marchandises les acheminant sur le versant Nord du Sahara. Ce sont des ressortissants d'Afrique occidentale (Nigériens, Maliens, Nigérians, Ghanéens, Togolais, Béninois, Sénégalais, etc.) et centrale (Tchadiens, Camerounais, Centrafricains, Gabonais etc.) qui tentent, chaque année, l'aventure au Maghreb, peu d’entre eux rejoignant l’Europe. Julien Brachet a ainsi parlé de désert « cosmopolite » dans la mesure où il est marqué par la co-présence de personnes d’origine culturelles et sociales diverses4. 14 Fuyant le chômage qui sévit dans leurs pays, ces jeunes Africains s'expatrient pendant plusieurs années en Afrique du Nord pour y amasser le capital indispensable à la réalisation de leurs projets une fois de retour chez eux. Ils y sont employés à des travaux de force (manœuvre agricole, maçon, manutentionnaire etc.) que les nationaux refusent d'accomplir. Ces « immigrés » forment des petites communautés qui sont autant de structures d'accueil et d’aide à la recherche d’un emploi pour les nouveaux arrivants. On les retrouve à Tamanrasset, Djanet, Ghât, Sebha, Brak, Misrata, Syrte, Benghazi, Tripoli et d’autres villes encore. Ces Subsahariens sont indispensables à la mise en valeur agricole du Sahara, surtout après les investissements massifs opérés dans le secteur primaire par la Libye grâce à ses revenus pétroliers. Ils mettent donc en valeur les grandes exploitations agricoles étatiques et les jardins et les vergers des commerçants et des fonctionnaires libyens. En cela, ils participent à la « renaissance rurale » du Sahara5. 15 Cette migration entre les deux rives du Sahara a été facilitée par l’amélioration des infrastructures routières et l’essor de la motorisation, des progrès énormes ayant été réalisés au cours de ces trente dernières années. Elle est devenue avec les années deux mille une migration à destination de l’Europe. Des considérations sécuritaires ont fait naître l’idée que l’externalisation du contrôle des migrants aux frontières de l’Europe constitue la solution au problème de l’arrivée de migrants africains sur son sol. Dans ces conditions, Olivier Pliez évoque « trois frontières qui n’en font qu’une »6 : celle de l’espace Schengen bien fermée est la première. Celle des camps de transit et de filtrage des migrants et des réfugiés installés sur la rive sud de la Méditerranée est la seconde tandis qu’une troisième frontière se met en place, par répercussion, à des milliers de kilomètres au Sud. Cette nouvelle frontière n’est pas une ligne mais un vaste espace englobant le Sud des Etats du Maghreb et le Nord des pays sahéliens, contrôlé souvent arbitrairement alors que l’objectif de la grande majorité des migrants subsahariens n’est pas l’Europe mais l’Afrique du Nord contrairement à ce qu’avancent les médias occidentaux.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 35

16 Espaces migratoires et marchands se chevauchent, les places migratoires étant de plus longue date, des places marchandes. Ce sont les échanges commerciaux qui ont rendu possible les migrations et qui, aujourd’hui, les véhiculent autant dans le sens sud-nord que nord-sud car il y a aussi des retours au pays : l’espace migratoire est donc venu se greffer sur l’espace marchand, plus structurant du point de vue spatio-temporel. Enfin, à ces réseaux s’ajoutent des réseaux religieux7, des liens forts entre commerce et islam existant déjà à l’époque des caravanes.

II. La reconfiguration de l’espace saharien par les réseaux marchands

17 Ces circulations s’opèrent dans un contexte politique nouveau à savoir un Sahara qui profite de la perte de contrôle des Etats et de sa prise en main par des populations qui en refont l’unité. Il s’agit donc d’un Sahara en proie à de profondes mutations économiques, sociales et spatiales notamment du point de vue de son urbanisation.

18 L’histoire de l’urbanisation du Sahara montre que durant la première moitié du XXe siècle, il est pour l’essentiel un espace sans villes mises à part les localités comme Agadez, Ghadamès, Ghardaïa, etc. qui renvoient à un commerce transsaharien, alors en plein déclin, et qui avait consacré la ville-carrefour ou relais. Les colonisateurs ont réduit les circulations marchandes et transformé le Sahara en un vaste hinterland quadrillé de villes de garnison et d’une série de forts. Après l’échec de l’OCRS (Organisation commune des régions sahariennes) qui avait pour objectif de maintenir le Sahara et les richesses de son sous-sol dans le giron français, celui-ci devient une périphérie, plus ou moins intégrée, des nouveaux Etats et les villes se sont multipliées pour qu’ils puissent mieux contrôler leur territoire. Ce modèle est aujourd’hui remis en cause par de nouvelles articulations fondées sur les circulations. La ville se situe au centre de toutes ces articulations et n’est plus forgée par le « haut » comme par le passé mais par le « bas »8. On assiste à la fin de la conception de la ville saharienne autrefois décidée par l’Etat qui est remplacée par la ville modelée par les acteurs que sont les marchands et les migrants qui créent de nouveaux quartiers, marchés et entrepôts ainsi que de nouvelles gares routières. Ces villes sont la conséquence d’un processus d’urbanisation récent. Le Sahara compte désormais 61 villes dont 53 dans le Sahara maghrébin et seulement 8 dans le Sahara sahélien : il y a donc une forte hétérogénéité entre ses deux versants9. Sa population est, quant à elle, passée de 1,7 millions d’habitants en 1948, à deux millions en 1966 puis à cinq au milieu des années quatre- vingt-dix10. 19 Le Sahara connaît deux processus d’urbanisation : celui des villes d’environ 100.000 habitants que sont Tamanrasset, Sebha, Agadez, Tombouctou, Nouadhibou et d’autres encore et une micro urbanisation qui est le fait d’oasis qui deviennent des petites villes ou des localités qui se développent en raison de la présence d’une nouvelle route, d’un chantier ou d’un projet. Une hiérarchie de celles « impactées » par les réseaux marchands et migratoires peut être dressée11 : • En haut de la hiérarchie, des villes-carrefour, siège des réseaux marchands et lieu de transit parfois prolongé pour les migrants. Ces villes (Tamanrasset, Sebha, Agadez, Tombouctou, Gao, Nouadhibou, etc.) sont aussi des capitales administratives et souvent des garnisons ;

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 36

• Ensuite, des villes-relais (Dirkou et Arlit au Niger) qui peuvent être des points de rupture de charge pour les réseaux marchands. Pour les migrants, ce sont souvent des lieux de transit temporaire ou prolongé (pour ceux qui n’ont plus les moyens de poursuivre leur voyage) ; • Enfin, des villes-halte qui peuvent être des villes frontalières comme Assamaka (Niger) ou Gatrun (Libye), des lieux de bivouac, des puits, des marchés ou des croisements de routes.

20 Si le Sahara s’urbanise12, se pose la question de la durabilité de ses villes étant donné la réversibilité des flux marchands et migratoires : sont-elles des villes éphémères ou durables ? Pour assurer leur pérennité, l’histoire ancienne et récente du Sahara montre que la présence d’activités marchandes et de fonctions administratives sont indispensables.

III. Le négoce transsaharien face aux transformations du champ politique

21 Désert pourtant réputé comme étant un des plus inhospitaliers de la planète, le Sahara n’a jamais constitué un véritable obstacle à la circulation des hommes ni des marchandises, mais a été au contraire un « pont » pluriséculaire entre l’Afrique noire et le Monde arabe13. L’histoire montre que ces circulations transsahariennes ont été davantage contrariées par le contexte politique régional que par une géographie hostile. Ce contexte très changeant donna lieu à des périodes d’expansion et de récession du négoce transsaharien.

22 Celui-ci connut une longue période faste qui s’étendit du XIème jusqu’au XVIe siècle avec un temps fort généré par les contacts noués avec le commerce européen au XVe siècle. Ces contacts favorisèrent un élargissement de l’espace commercial saharien en instaurant des courants d’échanges transversaux d’ouest en est14. La période suivante qui débuta au XVIe siècle pour s’achever au XIXe fut, au contraire, une époque de déclin marquée par la réorientation généralisée du trafic chamelier vers le trafic maritime et par des luttes intestines entre les différentes formations touarègues. Celles-ci créèrent un climat d’insécurité qui perturba le commerce caravanier : la prospérité d’une ville comme Agadez en fut durablement affectée d’autant plus que les rezzous contre les caravanes se multipliaient dans son arrière-pays. La conquête coloniale porta ensuite un coup fatal à ce négoce millénaire avec l’abolition de la traite esclavagiste et plus encore le détournement du commerce transsaharien au profit de la voie maritime et des réseaux ferrés ouverts par les Britanniques au Nigeria. Agadez et Tombouctou qui assuraient tout le transit du Nigeria à la Méditerranée périclitèrent même si la politique coloniale française s’efforça de maintenir quelques flux entre l’Algérie et son empire ouest africain pour concurrencer le négoce britannique (elle mit fin aux échanges avec la Libye passée sous tutelle italienne). 23 La colonisation réduisit donc les circulations. D’espace continu, homogène et ouvert, le Sahara se transforma en un espace discontinu, fractionné par la création de frontières : le septentrion nigérien devint un hinterland jalonné de forts (Djado, Madama, Séguédine, etc.), de postes frontaliers (Assamaka, oasis de Toummo) et de villes- garnison qui étaient les anciennes villes du commerce transsaharien (Agadez et plus au Sud Zinder). Ce modèle a été repris par les Etats, une fois indépendants, pour renforcer leur emprise territoriale. À partir des années quatre-vingt, on assista, au contraire, à un décloisonnement de l’espace saharien marqué par une reprise des circulations. Comme

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 37

par le passé, elles dépendent d’une conjoncture politique régionale versatile, les conflits interétatiques et identitaires pouvant les remettre en cause à tout moment.

Les conflits entre les Etats : la question des frontières nationales

24 La balkanisation du Sahara imposée par la colonisation puis reprise lors de l’accession à l’indépendance des pays du Maghreb et d’Afrique noire a mis sur le devant de la scène la question des frontières. Comme ailleurs en Afrique subsaharienne, leur tracé a séparé des espaces auparavant solidaires, ce qui leur a conféré un caractère artificiel. En étatisant le Sahara, les puissances coloniales ont créé des différences politique, économique et sociale au sein de régions autrefois unies tout en créant, malgré elles, un système de contournement élaboré par les populations afin de transcender ces nouvelles frontières à leurs yeux « illégales », ce qui contribue à leur perméabilité.

25 L’histoire de la frontière entre le Niger et la Libye montre qu’elle a été, suivant les époques, soit un obstacle aux échanges marchands, soit un véritable adjuvant. Au cours des années soixante-dix, c’est-à-dire un peu plus d’une dizaine d’années après l’indépendance du Niger, les flux de marchandises, après avoir été interrompus durant la période coloniale, reprirent timidement profitant des relations cordiales qui prévalaient entre les deux pays en dépit de leur différend sur le tracé de la frontière. Le Niger revendiquait l'oasis de Toumo que la Libye occupa peu de temps après l’arrivée au pouvoir du colonel Kadhafi. Des camions faisaient alors la navette entre Sebha et Agadez où un souk libya vit même le jour. Ces petits flux s’avérèrent tributaires des relations entre les deux pays. Celles-ci connurent une crise grave entre 1981 et 1984 qui entraîna leur gel durant quatre ans. Le chef d’état nigérien, le général Seyni Kountché, accusait le guide de la révolution dont les troupes intervenaient déjà au Tchad de déstabiliser son pays en encourageant les Touaregs nigériens à rejoindre la légion islamique et en proposant la création des « Etats-Unis du Sahel » qui devait regrouper, au nom du panislamisme, plusieurs Etats sahariens dont le Niger. Cette crise le conduisit à renforcer son dispositif militaire : Agadez et Dirkou devinrent des garnisons militaires qui commandaient une série de postes avancés (Madalewa, Madama, Chirfa, Séguédine et Dao Timmi). Les commerçants désertèrent ces zones désormais militaires et la piste qui relie Agadez à Sebha via Dirkou ne fut plus empruntée même si la frontière n'était pas officiellement fermée. Le dégel des relations diplomatiques entre les deux pays s'amorça à la fin de l'année 1985 puis celles-ci redevinrent cordiales après le décès du général Kountché (1987), cette période correspondant aux revers militaires du colonel Kadhafi au Tchad et à la fin de ses ambitions expansionnistes. Les échanges commerciaux reprirent et la frontière économique prit le pas sur la frontière politique. Elle se révéla être un facteur stimulant pour les échanges car plus les frontières instaurent du droit, plus elles encouragent la fraude et par conséquent le négoce. À la différence des Etats obligés de défendre le principe de l’intangibilité des frontières nationales pour affirmer leur souveraineté, les réseaux marchands et migratoires les transcendent ce qui fait leur force. 26 Cette brève rétrospective des relations politiques entre le Niger et la Libye montre le rôle joué par les querelles territoriales interétatiques dans les circulations transsahariennes : le contentieux sur l’oasis de Toumo n’est toujours pas réglé entre le Niger et la Libye. De même, le tracé de la frontière dans la région de Figuig n’a toujours pas fait l’objet d’un accord entre le Maroc et l’Algérie si bien qu’aucun passage n’est

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 38

possible dans cette zone. Ces désaccords frontaliers peuvent générer une conflictualité variable allant de la dispute à la guerre ouverte comme ce fut le cas pour la bande d’Aozou au Tchad.

Les conflits régionaux : le « problème » touareg

27 Si les tensions, et plus encore, les conflits entre les Etats affectent les échanges transsahariens, les conflits identitaires les entravent également, les rezzous touaregs perturbant le commerce caravanier au XIXe siècle. La farouche résistance des chefs touaregs à la conquête coloniale (révolte de Kaosen au Niger) précipita ensuite le déclin du négoce transsaharien dont ils étaient les guides et les caravaniers. Les chefferies touarègues perçurent en effet très vite les conséquences désastreuses de la colonisation pour elles : autrefois trait d’union entre les deux rives du Sahara, elles virent leur territoire coupé par de nouvelles frontières étatiques et perdirent, de ce fait, tout pouvoir sur les espaces sahariens et sahéliens qu’elles contrôlaient auparavant. Les indépendances des années soixante les marginalisèrent davantage, les populations du Sud prenant en main les rênes des nouveaux Etats ayant joué le jeu de la scolarisation, ce que refusa l’aristocratie touarègue. À cette éviction politique s’ajouta une marginalisation économique, la communauté touarègue ne s’insérant pas dans l’économie de marché en raison de son aversion culturelle pour le commerce qu’elle considère comme une activité dégradante ; autrefois convoyeurs du commerce caravanier, les camions des commerçants arabes parcourent désormais les pistes du désert sans la protection de guides touaregs. Ces évolutions expliquent le « mal-être » touareg qui donna d’abord lieu à de vives tensions entre le général Seyni Kountché et la communauté touarègue puis à la rébellion qui débuta en 1991 avec la création du Front de libération de l’Aïr et de l’Azawak (FLAA) par Rhissa Boula.

28 Le Nord du Niger, berceau du pays touareg, fut particulièrement touché par les attaques de la rébellion qui étaient effectuées par surprise et reposaient sur une forte mobilité qui n’était pas sans rappeler les rezzous du passé. Les postes de gendarmerie et de police constituaient des cibles privilégiées. Les commandos touaregs s’en prenaient aussi aux camions de marchandises et aux taxis de brousse qui circulaient sur les grands axes routiers créant un climat d’insécurité qui obligea l’armée nigérienne à encadrer les véhicules qui se rendaient à Agadez en organisant des convois réguliers entre celle-ci et Tahoua au sud-ouest, Zinder au sud-est. Les échanges marchands qui s’effectuaient avec le sud du pays diminuèrent de même que les flux dirigés vers l’Algérie et surtout la Libye. Après l’attaque dans le désert du Ténéré de camions transportant des cigarettes (1992 et 1993), l’armée nigérienne organisa des convois entre Agadez et Dirkou pour sécuriser ce négoce très lucratif. Une fois la rébellion terminée, les échanges avec le Maghreb reprirent, les camions transportant les cigarettes faisant toujours l’objet d’une attention particulière de l’armée et des douanes étant donné la valeur élevée de leurs marchandises. Récemment, les flux furent de nouveau perturbés par les actions du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ). 29 La question des frontières comme le « problème » touareg, véritable conflit identitaire au Niger et au Mali, affecte régulièrement les flux marchands même s’ils ne les ont pas fait totalement disparaître comme la rébellion le fit pour le tourisme saharien. Dans ce contexte politique instable, les réseaux marchands et migratoires sont fragiles et ne peuvent s’inscrire dans la durée. S’ils ont profité de la perte d’autorité de l’États et de

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 39

son encadrement, comme au Niger affaibli par la fin du régime militaire puis la démocratisation, ils paraissent en liberté surveillée tant le Sahara demeure une zone politiquement sensible et convoitée en raison des richesses de son sous-sol. 30 Pour conclure, on peut estimer que le Sahara redevient un enjeu politique fort à l’échelle de la planète qui tient à la richesse de son sous-sol qui regorge de minerais (uranium, fer, etc.) et de pétrole alors qu’il y a un tarissement au niveau mondial. Toutes les grandes puissances veulent être présentes : les compagnies pétrolières américaines prospectent dans de multiples zones tandis que la Chine s’intéresse à l’uranium du Niger où la société française Areva a perdu son monopole d’extraction. Le Canada, l’Australie et l’Afrique du Sud avancent également leurs pions. Ce contexte de tensions potentielles fragilise les réseaux transsahariens qui peuvent à tout moment être remis en cause.

BIBLIOGRAPHIE

Bava, S., « Reprendre la route : les relais mourides des migrants sénégalais au Niger », in L. Fouchard et A. Mary Entreprises religieuses et réseaux transnationaux en Afrique de l’Ouest, Paris, Karthala/IFRA, 2005.

Bensaad, A., « Agadez, carrefour migratoire sahélo-maghrébin », Revue Européenne des Migrations Internationales, (19), 1, 2003, pp. 7-28.

Bensaad, A., Le Sahara, vecteur de la mondialisation, Maghreb-Machrek, (185), 2005, pp. 7-12.

Boesen, E. et Marfaing, L., Les nouveaux urbains dans l’espace Sahara-Sahel, Paris, Karthala, 2007, 336 pages.

Bisson, J., Mythes et réalités d’un désert convoité : le Sahara, Paris, l’Harmattan, 2003, 480 pages.

Bourgeot, A., Le commerce transsaharien « Sud du Sahara-Sahel Nord », Paris, éditions Sépia, 1989, pp. 129-137.

Brachet, J., Migrations transsahariennes, Vers un désert cosmopolite et morcelé (Niger), éditions du Croquant, Bellomcombe-en-Bauges, 2009, 322 pages.

Bredeloup, S. et Pliez, O., « Migrations entre les deux rives du Sahara », revue autrepart, n°36, Paris, éditions Armand Colin/IRD, 2005, 199 pages.

Cote, M., La ville et le désert, le Bas-Sahara algérien, Paris-Aix-en-Provence, Karthala-IREMAM, 2005, 306 pages.

Cote, M., « Une agriculture pionnière au Fezzan », in Proche Libye, sociétés, espaces et géopolitiques au lendemain de l’embargo, Paris, Karthala, 2004, pp. 211-228.

Fontaine J., Les populations sahariennes, in Sociétés sahariennes entre mythes et développement, Les Cahiers URBAMA, Tours-Besançon, n°12, Tours, 1996, pp. 33-44.

Gregoire, E. et Schmitz, J,, « Afrique noire et monde arabe », revue autrepart n°16, Paris, éditions de l’Aube/IRD, 2000, 181 pages.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 40

Gregoire, E., « Un territoire parcouru : le désert du Ténéré », in J. Bonnemaison, Le voyage inachevé, Paris, éditions de l'ORSTOM-CNRS-PRODIG, 1998, pp. 255-262.

Gregoire, E., « Sahara nigérien : terre d'échanges », Autrepart, n°6, Paris, 1998, pp. 91-104.

Gregoire, E., Touaregs du Niger, Le destin d'un mythe, Paris, Karthala, 1999, rééd 2010, 359 pages.

Lothe, H., Les Touaregs du Hoggar, Paris, Armand Colin, 1984, 255 pages.

Pliez ,O., Villes du Sahara, urbanisation et urbanité dans le Fezzan libyen, Paris, CNRS éditions, coll. Espaces et territoires, 2003, 207 pages.

Pliez, O., « Sahara-towns, Au-delà du désert et de ses routes », mémoire d’habilitation à diriger des recherches, université de Provence, Aix-en Provence, 2009, 202 pages.

Pliez, O., « Des jeans chinois dans les rues du Caire, ou les espaces discrets de la mondialisation », Mappemonde, n°88 (4-2007), Paris, 2007.

Spiga, S., « Aménageurs et migrants dans les villes du Grand Sud algérien », revue Autrepart, n°36, Paris, éditions Armand Colin/IRD, 2005, pp. 81-104.

NOTES

1. Grégoire, E., « Sahara nigérien : terre d'échanges », Autrepart, n°6, Paris, 1998, pp. 91-104. 2. Grégoire, E., Touaregs du Niger, Le destin d'un mythe, Paris, Karthala, 1999, rééd. 2010, 359 pages. 3. Grégoire, E., « Un territoire parcouru : le désert du Ténéré », in J. Bonnemaison, Le voyage inachevé, Paris, éditions de l'ORSTOM-CNRS-PRODIG, 1998, pp. 255-262. 4. Brachet, J., Migrations transsahariennes, Vers un désert cosmopolite et morcelé (Niger), éditions du Croquant, Bellomcombe-en-Bauges, 2009, 322 pages. 5. Cote, M., « Une agriculture pionnière au Fezzan », in Proche Libye, sociétés, espaces et géopolitiques au lendemain de l’embargo, Paris, Karthala, 2004, pp. 211-228. 6. Pliez, O., « Sahara-towns, Au-delà du désert et de ses routes », mémoire d’habilitation à diriger des recherches, université de Provence, Aix-en Provence, 2009, 202 pages. 7. Bava, S., « Reprendre la route : les relais mourides des migrants sénégalais au Niger », in L. Fouchard et A. Mary Entreprises religieuses et réseaux transnationaux en Afrique de l’Ouest, Paris, Karthala/IFRA, 2005. 8. Pliez, O., « Sahara-towns, Au-delà du désert et de ses routes », op. cit. 9. Fontaine, J., « Les populations sahariennes », in Sociétés sahariennes entre mythes et développement, Les Cahiers URBAMA, Tours-Besançon, n°12, Tours, 1996, pp. 33-44. 10. Bisson, J., Mythes et réalités d’un désert convoité : le Sahara, l’Harmattan, Paris, 2003, 480 pages. 11. Pliez, O., « Sahara-towns, Au-delà du désert et de ses routes » op. cit. 12. Cote, M., La ville et le désert, le Bas-Sahara algérien, Paris-Aix-en-Provence, Karthala-IREMAM, 2005, 306 pages. 13. Lothe, H., Les Touaregs du Hoggar, Paris, Armand Colin, 1984, 255 pages. 14. Bourgeot, A., Le commerce transsaharien « Sud du Sahara-Sahel Nord », Paris, éditions Sépia, 1989, pp. 129-137.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 41

RÉSUMÉS

Depuis quelques décennies, on assiste à un renouveau des flux marchands entre les deux versants du Sahara qui engendre d’importantes mutations économiques, sociales et spatiales. De désert inanimé durant la période coloniale, le Sahara est redevenu une zone de transit, les circulations marchandes et migratoires contribuant à son urbanisation. Ces mouvements sont perturbés par des querelles frontalières interétatiques et des conflits identitaires (rébellions touarègues au Mali et au Niger). Les richesses pétrolières et minières du Sahara qui demeurent très convoitées par les grandes puissances de la planète fragilisent également ces flux qui peuvent de ce fait être remis en cause à tout moment.

For some decades, we have seen a renewal of commercial flow between the two flanks of the Sahara which experience important social economic and cultural changes. From an inanimate desert during the colonial period, the Sahara has again become a transit zone with merchant traffic and migrations contributing to its urbanization. These movements are somewhat disturbed by interstate border quarrels and identity conflicts (Touareg rebellions in Mali and Niger).The petrol riches and the mining industry are very coveted by the great powers of the planet making this flow more fragile which can be questioned at any moment.

Desde hace varios decenios, asistimos a un rebrote de flujos de comerciantes entre las dos vertientes del Sahara que engendra importantes mutaciones económicas, sociales y espaciales. Del desierto inanimado durante el periodo colonial, el Sahara ha vuelto a ser una zona de tránsito, ya que las circulaciones mercantiles y migratorias contribuyen a su urbanización. Estos movimientos se encuentran perturbados por camorras fronterizas entre estados y conflictos de identidad (revueltas de los Tuareg en Malí y Níger). Las riquezas petrolíferas y mineras del Sahara siguen muy codiciadas por las grandes potencias del planeta y debilitan también esos flujos que se pueden, por ello, cuestionar en todo momento.

ءارحصلل يذلا رجنت هنع نيينثلا نييردحنمل كانه ددجت قفدلل ،يراجتلا ضعب دنم ،تايرشعلا ا نيب ،ةيداصتقا وحتتل ةيعامتجا ةيلاجم و ةماه دج ءارحص نم . و ةلماخ ءانثأ ةرتفلا ،ةيرامعتسلا تحبصأ هذه فرعت اهرضحت . ويف تمهاس يتلا تارجهلا و ةيراجتلا ، ةكرحلا لضفب ءارحصلا ديدج نم ةقطنم روبع يف قراوطلا نيدرمتملا )ةيتايوهلا تاعارصلا و لودلا نبي ةيدودحلا تاف خلا لضعب ببسب ابارطضا تاكرحلا ةرطيسلا ىلإ ملاعلا يف ىمظعلا ىوقلا ىعست يتلا و ءارحصلل ةيمجنملا و ةيلورتبلا تاورثلا رجينلا . نإ (و يلاملا تقو .يأيف و اهيف قلطنملا , كيكشتلا اذه ادانتسا ىلع ,نكمي يتلا تاقفدتلا هذه ةشاشه نم ديزت ،اهيلع

INDEX

Palabras claves : redes mercantiles, migraciones, urbanización, frontera, conflictos de identidad, Tuareg Mots-clés : réseaux marchands, migrations, urbanisation, frontière, conflits identitaires, Touaregs Keywords : trade network, migrations, urbanization, border, identity conflict, Touaregs

تاكبش ةيراجت , تارجه , ندمت , دودح , تاعارص ةيتايوه , قراوط سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 42

AUTEUR

EMMANUEL GREGOIRE

Directeur de recherche IRD, Centre d’études africaines (Paris).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 43

Agriculture oasienne, ruralité et mises en valeur agricoles

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 44

ةمزأ تاحاولا ةيديلقتلا ءارحصلا يف ةيرئازجلا : ةحاو ةقلوط اجذومن La crise de l’oasis traditionnelle dans le Sahara algérien : le cas de l’oasis de Tolga Crises in traditional Saharan oasis : the example of Tolga () La crisis en el oasis tradicional en el Sahara argelino : el caso de los oasis de Tolga

هللا دبع يرايخ

NOTE DE L’ÉDITEUR

تاقيقحتلا ،ةيناديملا راوحلاو رشابملا ،نيعرازملا عم اناك ةزيكر اذه ،لمعلا كلذو ةنس 2008.

شيعت تاحاولا ةميدقلا ميلقإ يف نابيزلا ةمزأ ،ةداح اهسكعت ةدع تارشؤم : رغص مجح تارمثتسملا ةخوخيش ، راجشأ ،ليخنلا ةيدودرملا ةفيعضلا ،رومتلل عجارتلا ريبكلا ليصاحملل ةسورغملا دنعو نيب مادقأ ،راجش لا ةرجهلا هبشلا ةماتلا ناكسل رصقلا ،ميدقلا هذه تارشؤملا ةدهاش ىلع ةيعضولا ةبعصلا يتلا رمت اهب تاحاولا ةيديلقتلا ةقطنم يف نابيزلا . 1 ةحاو ةقلوط ،ةميدقلا ةفورعملا ةدوجب اهرومت ةلقد رون ) سكعت( ، مويلا رهاظم ةمز يتلا لا ةمظن رمتل اهبا ةيحاولا ،ةيديلقتلا يتلاو هذه ةساردلا فرعتنس لل اهيلع خ نم . 2 عقت ةحاو ةقلوط ةميدقلا نابيزلا يف ،يبرغلا يلع دعب 35 برغ ةنيدم مك ةركسب لكش) 1(، دقو ترهتشا ،ميدقلا ذنم تاحاسمب اهليخن ،ةعساولا ةدوجو ،اهرومت اهنأ رمت مويلا ل إ ةلحرمب ةبعص ثعبت يلع قلقلا : عسوتلاف ينارمعلا ةنيدمل ةقلوط )50 000 ةمسن فحزت ( ىلع باسح اهيضارأ ،لامشلا نم تاطيحملاو ةثيدحلا ةيح فلا ل ةقطنم يف عارذ خيطبلا اهرصاحت بونجلا نم لكش) 2 امم رجنا( ، روهدتلا هنع لصاوتملا ةحاول ةقلوط ةميدقلا . 3

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 45

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 46

1 . عجارتلا جاتنيح ريبكلا فلا ل ا يف

روهدتلا نإ يذلا هفرعت ةحاولا مويلا دوعت هتيادب تانيعبسلا ىلإ نرقلا نم ،يضاملا امدنع ذخأ عسوتلا ينارمعلا عيرسلا وزغي طيحملا رشابملا ،ةحاولل صتقيو تاحاسم ةربتعم نم اهيضارأ . ناكو اذه عسوتلا ينارمعلا اقفرم ةطشنأب ةيتامدخ تبلج امسق اريبك ديلا نم ةلماعلا ةأفكلا ةيح فلا ل يتلا تناك لمعت ،ةحاولا يف حبصأو تارمثتسملا غتسا لل موقي ىلع ةلماع دي فرعت ،ةسامخلاب يتلا لثمت مويلا 70 % ديلا ةلماعلانم ةحاولا يف ةسامخلا دوعت ) ةوقب ميلقإ يف نابيزلا تفتخا دعب نأ يف قيبطت1972 دنع ةروثلا ةيعارزلا تارمثتسملاف . ( يتلا لغتشت ةلماع ديب ،ةيلئاع لثمت مويلا لل إ 30 % عومجم نم تارمثتسم ،ةحاولا يتلا ديلا ىلإ ةلماعلارخ أجلت ل نيح نم ،ةيمسوملا ةصاخ تاقوأ يف ينجلا . 4 عراست دق و روهدت ةحاولا تانينامثلا ةميدقلا لل نرقلاخنم ،يضاملا دعب رودص نوناق ةزايح ةيكلملا ةيراقعلا ةنس ةيح فلا ل 1983 ) يذلا رم اريثك رثأ لAPFAا ىلع ةحاولا( ، ىلع ىوتسملا يداصتقلا يعامتج اول فارغورديهلا و ي. 5 - تارمثتسملاف ةثيدحلا لاكش ةيسدنهلالا تاذ لكش) 3 ( يتلا تئشنأ راطإ يف نوناق ةزايح ةيكلملا تاطيحم يف عارذ خيطبلا ،ةفوتكملاو ققحت احابرأ قوفت فاعضأ تارملا حابرأ تارمثتسملا ةيديلقتلا . عونتف ليصاحملا ةيعارزلا تارمثتسملا يف ةثيدحلا ،ليخن تاعارز ) ةيمحم دودرملاو( ، يلاعلا ليخنلل ديدجلا )80 ةلخنلل ىلإ ةدحاولا 100 جرحدغك ، جوتنم/ رومتلا ( ةحاولا يف ،ةميدقلا يتلا يناعت ةخوخيش نم ،اهليخن ةلقو هايم يقسلا ،اهيف لامهإو ةنايص يقاوسلا ،ليخنلاو يلختلاو لامعتسا نع رابغلا بيصختل رثكأ ذنم ،نيدقع ضر نم لا عافترل ،هراعسأ امم ىدأ رقهقتلا ىلإ جاتن ريبكلا يفو ةيعونل ا يف جوتنملا )25 ىلإ 35 غك / ةلخنلل ةدحاولا . ( ليصاحملا امك نأ ةيرضخلا يتلا تناك لكشت يتلا ل قباطلا غلل لو للا سرغت ،راجش تحتل يلخت ا دق نوح اهنع فلا ل ،ةدم ذنم تزغ دعب تاجوتنمنأ تويبلا ةيكيتس بلال قاوسأ ،نابيزلا تتابو ليخادم تارمثتسملا ةيديلقتلا رصتقت ىلع ،ليخنلا يهو ليخادم ةعضاوتم دج . 6 ةنراقملا ةيلاتلا ،نيترمثتسم نيب ةدحاو ةيديلقت ىرخأو ةثيدح رهظت قرافلا ريبكلا يف تادئاعلا نيماظنلا نيب ميدقلا ثيدحلاو : 7

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 47

جذومن ةرمثتسم نم ةيديلقت

- ةرمثتسم ةيديلقت ةحاولا عقت يف ،ةميدقلا اهتحاسم 30 ،ارآ لمعي اهب اهبحاص ،هتلئاعو يهو رفوتت ىلع 40 ،ةلخن اهنم10 لقي اهنس نع 40 ،ةنس امأ يقاب ليخنلا ديزيف هرمع نع 80 ةنس . ناكو جوتنم هذه ةرمثتسملا ةنس للخ 2009 زواجتي ل ، 12 لدعمب يأ ،اراطنق ) 30 غك / ةلخنلل . ( اذه جوتنملا ناكملا نيع يف عيب غلبمب 120 000 جد . دعبو حرط فيلاكت ،ةرمثتسملا ةردقملا ـب 34000 ،جد ةعزوملاو ءابرهكلا هتسا نيب كل رئبلل يعامجلا 30000 ديلا ،جد و ةلماعلا ةيمسوملا يفاص4000 ،جدنم قبي لوخدملا مل بحاصل ةرمثتسملا لإ 86000 جد . 8

جذومن ةرمثتسم نم ةثيدح

- ةرمثتسم ةثيدح طيحم عقت يف ةفوتكم لامش ةنيدم ،ةقلوط اهتحاسم ،تاراتكه رفوتت 4 ىلع 300 ةلخن ،ةديدج 38 اهنم ،تاونس 35 تجتنأو تغلب ةلحرم5 جاتن ذنمل ا اراطنق ةنس لدعمب يأ 2009 ) ةلخنلل ةدحاولا 92 غك / ردق نمث اهعيب ، ( ـب 000 ،جد380 امك ثتسملارفوتت ةرم ىلع ةيكيتس4 تويب جاتنبأل ،تاورضخلا ل تجتنأ هتميق ام 800 000 ،جد تعيب قوس يف رضخلا ةيرقل سورغلا . دقو تردق تادئاعلا ةيلامجلا هذهل ةرمثتسملا ةثيدحلا ب 1 180 000 جد . ناكو يفاص ليخادملا 900 000 ،جد دعب حرط فيلاكت هذه ةرمثتسملا ةثيدحلا يتلا تغلب 280 000 ،جد ةعزوملاو ديلا نيب ةلماعلا ةمئادلا ناصخش ) ( ،ةيمسوملاو ،رابغلاو ءابرهكو بقنملا ،يدرفلا لامعأو ىرخأ . 9 ةنراقملاف نيتاه نيب نيترمثتسملا رهظت يدرت جاتن ماظن ،يديلقتلا ل ا يذلا زاتمي رغصب مجح هتارمثتسم مدعو ،اهقسانت لكشي وهو ام اقئاع ايسيئر اهروطتل . 10

2 . رغص مجح تارمثتسملا مدعو اهقسانت

زربي ليلحت تاينبلا ةيراقعلا ةيدلبل ةيح فلا ل ةقلوط ةنميه ، تارمثتسملا ةئف لودج ) 1( ةريغصلا ) لقأ نم اراتكه 2 ( ىلع يقاب تائفلا ،ىرخ لا لثمت ثيح يلامجإ نم 76,8 % % تارمثتسم ةيدلب ةبسن يطغت ،ةقلوط اهنأل لإ لإ 32,8 % يضارل ةحلاصلاا نم ةعارزلل يف ةيدلبلا . هذه تارمثتسملا ةريغصلا زكرمتت اهبلغأ يف ةحاو يف ةقلوط ةميدقلا . 11

لودج مقر 1 : ةينبلا ةيراقعلا تارمثتسمل ةيدلب ةقلوط ةدحولا : راتكه

: ءاصح لا ماعلا ةنس ةح فلل ل ردصملا 2000

امأ تارمثتسملا يتلا ديزت اهتحاسم نع 2 ،اراتكه يتلاو تئشنأ اهمظعم يف راطإ يف نوناق ةزايح ةيكلملا يهف رشتنت ،ح صتسل قيرطلنع لامشا بونجو ةيدلبلا يتقطنم يف ةفوتكم ،لامشلا يف عارذا و خيطبلا بونجلا يف ىلع يضارأ ةيمومع يضارأ ،تايدلب يضارأو ) ةلودلا ك مأل ( يتلا يطغت مسقلا ةحاسم نم ربك لا ةيدلب ةقلوط . 12

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 48

عقوتي فعاضتو نأ يضار ةرفو ل ،ةيمومعلاا ةرفوو هايملا ةيفوجلا ةطسوتملا ،قمعلا نم راشتنا تارمثتسملا ،ةثيدحلا امم ديزي ةدح ةمزأنم ةحاولا ،ةميدقلا يتلا يلختلا متي اهنع اهيك ،راغصلال فرطمنم نيلبقملا رثكأ رثكأف ىلع حشرتلا ةدافتسلل نوناق نم ةزايح ،ةيكلملا ثحبلا وأ طاشن نع نمضي مهل وخدم لضفأ ل . 13 دعت مويلا مل تارمثتسم ةحاولا ،ةميدقلا ىقست عيبانيب حفس ،بازلا لبج يتلا تفج ذنم رثكأ ،نيدقع نم لوصحلا امك نأ ىلع رئبلا ءام يديلقتلا حبصأ ،اردان نوكل طامسلا يئاملا ءوجللا بيرقلا ،دفن دق ضر ل مامأ قبي ملوإ نيح حطس ل فلا طامسلا ىلإنم ال يئاملا طسوتملا قمعلا ةطساوب ةينقت بقنملا ذاقن ةحاولال . 14 ةهجاومل و هذه ،ةيعضولا مامأو ةفلكتلا ةظهابلا رفحل بقنم ،يدرف مدعو هتيداصتقا رغصل مجح تارمثتسملا رداب نوح ءاشنإب فلا، ل تايعمج مضت باحصأ تارمثتسملا ،ةرواجتملا ماهس رفح بقنميف ل يعامجل . حوارتي ددع دارفأ ةيعمج لك نيب 10 و 30 اوضع . هذه تايعمجلا يطغت مويلا 90 % تارمثتسم نم ةحاولا ةميدقلا . 15 أدبي اذه نماضتلا لوح بقنملا قافتاب باحصأ تارمثتسملا ىلع مارتحا فلتخم دونب قافتا ءاشنإ ،ةيعمجلا ،اهنيب نم ةيمازلإ وضع ءاضعأ لك نم ةيعمجلا لوبق ةرايز حلاصم ريبخ نم هايملا ةساردل يضارأ ،هترمثتسم دصق رايتخا ناكملا بسانملا رفحل ،بقنملا ديفتستو ةرمثتسملا يتلا عقو اهيلع رايتخا ناضتحا بقنملا ةصحب فصنو ةصح هايملا نم دبل ةدحاو ،ةرود لك يف اذهو اضيوعت ءزجلل ةحاسم نم ةرمثتسملا يتلا ميقأ اهيف ،بقنملا متيو عيزوت ءاملا ءاضعأ نيب ةيعمجلا ةفصب ةيرود مجحبو يعاس نوكي قفو هحاسم لك ةرمثتسم . 16 اذهو جذومن ةيعمج نم تئشنأ ةنس عقت برق1982 ةيوازلا ، ةينامثعلا رصق يف ةقلوط ،ةميدقلا مضت 14 ةرمثتسم . 17 رفحل و ،بقنملا مدقتسا ءاضعأ ةيعمجلا اريبخ راتخا مهل ناكم ،بقنملا اذه بقنملا مهفلك 8 400 000 ،جد مهاس ثيح درف ـب لك 600 000 ،جد لصحيل ىلع ةصح هايملا نم بسانتت عم ةحاسم ،هترمثتسم ةرم ةدحاو لك 14 اموي . 18 عمتجي ءاضعأ ةيعمجلا ةرم ةدحاو ةنسلا يف ةشقانمل لكاشم ةيعمجلا ديدستو تاقحتسم ةروتافلا ةيونسلا ءابرهكلل كلهتسملا ،بقنملا ءام خض يف ردقملاو اهغلبم ـب 420 000 ،جد عفدي ثيح وضع هتميق لك ام 000 ةنسلا30 يف جد فلكملل يلاملا ةيعمجلا يف . امك عفدت ةيعمجلا ايرهش6000جد صخشلل يذلا موقي عيزوتب ءاملا ىلع تارمثتسملا . 19

3 . راثدنا رصقلا ،ميدقلا ةرجهو هناكس

رصق نإ ةقلوط ،ةميدقلا فورعملا ايلحم ،ةرشدلاب نودب وه مدقأ كش روصق ءارحصلا ةيرئازجلا . ةينامورلا راث افل ةرشتنملا كانهو انه ،رصقلا ربع ةدهاش ىلع مدق هذه ،ةأشنملا اهنيب نم ةسينكلا ،ةميدقلا يتلا تلوحت اميف دعب دجسم ىلإ قلطي هيلع مويلا دجسم قيتعلا دجسم وأ ةعمجلا . اذه ،رصقلانإ يذلا يوأي ناك ديزي ام نع 2000 تانيتسلا ل ةمسن ل نم خ نرقلا ،يضاملا تارشع مويلا هيف قبي مل ل ناكسلاإ نم . تاناضيفلاف ةفينعلا يتلا تحاتجا ةقطنملا يف ىلع مظعم تتأ1969دق تانكس رصقلا ةنوكملا ،بوطلا نم ليلقلا نأو نم ناكسلا نيميقملا مويلا هيف اونب دق ىلع ضاقنأ تانكسلا ،ةميدقلا لزانم ةديدج ةداملا نم ،ةبلصلا اهنأ ةشه لإ . 20 يتلا ةيبلاغ ترداغرس نأ ل ظحا رصقلال ي ترقتساودق ،ةطوس سأر يح يف عقاولا بونج برغ ةنيدم ةقلوط ،ةيلاحلا ةقطنملا يف يأ ةيذاحملا ةحاولل ةميدقلا لامشلا نم . 21 تلاز ميقت رصقلا يتلا يفل امأ ئاعلا دحلت ةعاسلال ،ةريقفلا ئاعلا نم ت يه ل تمدق يف اهمظعم ميلقإ نم ،ةنضحلا ةصاخو ةنيدم نم ةداعسوب ةيدلبو رورس نب . لمعي دارفأو هذه مهفصوب ةح فلال يف ئاعلا ةسامخت ل ىدل باحصأ تارمثتسم ةحاولا ،ةميدقلا امع وأ ل دنع ً رومتلا باحصأت نحشل حمل غيرفتو ةداملا تابكرملا نم . 22

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 49

كانه زمر رهشأ رخآ نم زومر ةحاولا ةميدقلا فرعي مويلا اعجارت اريبك ،هفئاظو يف قلعتيو ةيوازلاب انه رم لا ةينامثعلا ةرهشلا تاذ ،ةريبكلا يتلا اهعاعشإ ناك يطغي قرشلا لك يرئازجلا نرقلا ذنم 17 . هذه ،ةيوازلا ةعباتلا ةقيرطلل ةينامحرلا يهو ىدحإ قرطلا ) ةيسيئرلا رئازجلا يف ث ثلا ل : ،ةيناجيتلا ةيرداقلا ةينامحرلاو ( تناك اهتفيظو ةيساسلا ميلعت ،نآرقلا يهو ةفيظولا ةيسئرلا ةقيرطلل ةينامحرلا . لاجم ناك ريثأت هذه ةيوازلا لمشي لك لامش قرش ،رئازجلا هادعتي و انايحأ قطانم ىلإ ىرخأ نطولا نم . دنعو اهميمرت اهعيسوتو ثيدحتو اهقفارم تانينامثلا يف نرقلا نم يضاملا ءاشنإ قفارم ةيضاير ) تناك ةيوازلا ، ( لبقتست ادادعأ ةبلطلا نم قوفي 300 ابلاط اذه ةنس لبق ددعلانأ ل عجارتإ 2000 ، مويلا اريثك رصتقيل ةنس 2009 ىلع لقأ نم 20 ابلاط . اذه روهدتلا رسفي ءزج فارتع مدعب هنميف لا ةداهشلاب يتلا اهحنمت ةيوازلا ةبلطلل مهجرخت دنع فرط فيظولانم ،يمومعلا اذهو نأ ذنم ترهظ تاعماجلا ةيم دهاعملاو لسلا . دقل تحبصأ دقارملا تاعاقو سيردتلا ةيوازلا يف ،ةرغاش هبش ؟ةياهنلا يه له 23

BIBLIOGRAPHIE

Cote, M., Les oasis au Maghreb, Tunisie, CERES, 1995.

Khiari, A., Une région pionnière dans le Sahara algérien : El Ghrouss, Méditerranée, N° 3 et 4, 2002.

Mazouz, S., Mémoires et traces : le patrimoine ksourien, in Côte, Marc (dir.), La ville et le désert, le Bas- Sahara algérien, Paris, IREMAM-KARTHALA, 2005.

Nacib, Y., Cultures oasiennes, Bou-Saada essai d’histoire sociale, Alger, ENAL, 1986.

Les systèmes agricoles oasiens, Options méditerranéenne, série A : séminaires méditerranéens n° 11, CIHEM /CCE-DG 8, 1990.

RÉSUMÉS

عقت ةيدلب ةقلوط ميلقإ يف نابيزلا ،يبرغلا يهو رهتشت اهتحاوب ،ةميدقلا يتلا دوعت دهعلا ىلإ ،ينامورلا يتلاو زاتمت ةيعونب اهرومت ةديجلا ةلقد رون ) امك رهتشت( ، رودلاب يميلقلا يذلا هبعلت ةيوازلا ةينامثعلا ميلعت يق ،نآرقلا هذه ةحاولانأ لإ رمت مويلا ةمزأب ةداح ةجتان عسوتلا نع ينارمعلا يف طيحم ،ةحاولا راشتن اول ديازتملا ةطشنلل ةيتامدخلا يتلا بطقتست ديلا ةلمعلا ،ةيح فلا صقانتول هايم يقسلا ءارج ديازت ددع بقانملا تاطيحملا يف ةحلصتسملا ةيح فلا ل اثيدح . ناكو ،ةمز جئاتن نم ل هذه ا عجارتلا لهذملا جاتن ،يح فلا ةرداغملاول ل ةيعامجلا هبش ناكسل رصقلا ،ميدقلا لؤاضتلاو ظوحلملا يميلق عاعشلا ةيوازللل ا يف ةينامثعلا .

Tolga est une commune des Ziban ; l’ancienne oasis datant de l’époque romaine, est réputée par la qualité de ses dattes de variété deglet nour, et par le rôle régional que jouait sa zaouïa El,Athmania dans l’enseignement coranique. Cette palmeraie se trouve aujourd’hui dans une situation de crise générée par l’extension urbaine dans son environnement, les activités tertiaires qui drainent la main d’œuvre rurale, la pénurie en eau d’irrigation causée par la multiplication des forages dans les nouveaux périmètres de mise en valeur agricole qui l’entourent. Tout ceci a pour résultat un recul considérable de la production agricole, l’abandon quasi,total du vieux ksar et un rôle de moins en moins prépondérant de la zaouïa.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 50

Tolga is a western Ziban municipality, its palmgrove dating from the roman period, is famous for the quality of its dates,”Deglet nour” (sunshine fruit variety), and for its Zaouia El,Athmania regional role in Koranic teaching. Today this oasis finds itself in a critical situation caused by urban extension and tertiary activities which absorb its agricultural workers besides the lack of water for irrigation resulting from a sinking of multiple wells in the new agricultural development areas. As a result, there is a considerable decrease in agricultural output, the old ksour are almost all abandoned and the zaouia’s role is less and less preponderant.

Tolga es un municipio de los Ziban del oeste, un oasis antiguo, de la época romana, reputado por la calidad de sus dátiles de variedad ‘deglet nour’, y por el papel regional que jugaba su zaouia El,Athmania en la enseñanza coránica. Este oasis se encuentra hoy en una situación de crisis, generada por la extensión urbana en su medioambiente, las actividades terciarias que absorben su mano de obra campesina, la escasez de agua de irrigación causada por la multiplicación de las prospecciones en los nuevos perímetros de valorización agrícola que lo rodean. Resulta con ello, un regreso considerable de la producción agrícola y el abandono casi total del antiguo ksar, papel cada vez menos preponderante de la zaouia.

INDEX

ةمزأ تاحاولا , ةقلوطلا , ةحاو ليخنلا , نيمكت , بيقنتلا لورتبلا نع , سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

روصقلا Palabras claves : crisis del oasis, Tolga, palmeral, puesta en valor, ksar Keywords : oasis crisis, Tolga, palm grove, urban extension, agricultural development, ksar Mots-clés : crise oasienne, Tolga, palmeraie, mise en valeur, forage, ksar

AUTEUR

هللا دبع يرايخ

ذاتسأ ،ثحاب ةسردملا ايلعلا ةذتاس ل ةنيطنسقبل .

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 51

Ouled Saïd, palmeraie du Gourara : développement local et reproduction d’une société traditionnelle Ouled Saïd, a Gourara palm grove: local development and reproductive traditional society Ouled Saïd, palmeral del Gourara : desarrollo local y reproducción de una sociedad tradicional ،ديعس د ةحاو وأل ليخن ةراروق : ةيمنتلا ةيلحملا ةداعإو ليكشت عمتجم يديلقت

Abed Bendjelid

1 Implantées dans un milieu naturel aride et rude, les palmeraies traditionnelles du Gourara ont connu certes, une déprise agricole notable liée à de réelles contraintes de fonctionnement depuis des lustres, mais depuis une décennie, les transformations de l’espace peuvent y être mesurées par tout observateur avisé. Le cas typique d’une petite palmeraie du Gourara peut être analysé à Ouled Saïd, oasis chef-lieu de la commune, dont la structure est singulière grâce à la répartition éclatée de petits ksour au sein de son terroir agricole (carte 1).

2 Au-delà de l’analyse classique d’une oasis saharienne habitée par une paysannerie possédant un savoir-faire séculaire (travail de la terre, entretien des foggaras, aménagement de réseaux de seguias, artisanat rural, protection du terroir, construction d’un habitat adapté au climat…), l’idée directrice de cette recherche vise à la fois à comprendre les pratiques d’une petite société traditionnelle qui s’est sentie délaissée par le pouvoir politique central pendant des décennies et à déceler les stratégies locales, plus ou moins conflictuelles, élaborées en vue d’amener la puissance publique à mieux s’occuper d’elle et ceci, tout en utilisant graduellement les institutions publiques modernes (Assemblée populaire communale, partis politiques) en vue de prendre en charge ses propres affaires économiques et sociales communales.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 52

C’est probablement, la tendance prise par les oasiens des ksour du Gourara et du Touat dont la ruralité, encore bien affirmée, puise ses sources dans la culture locale diversifiée, fondée à la fois sur la religion musulmane et sur des pratiques maraboutiques certes encore vivaces, mais perçues ça et là comme caractérisées par un usage archaïque coloré. 3 Dans le cas d’Ouled Saïd, depuis le Xe siècle (Bellil R., 2000, a) l’histoire a sédimenté à la fois ses traits physiques et forgé des comportements sociétaux, reflet d’une ruralité bien palpable. Quand bien même la colonisation a permis une ouverture sur le reste de l’Algérie, la société paysanne a fini par affirmer une sorte de résistance sociale ksourienne propre aux sociétés traditionnelles agressées. Plus marquante a été la période postindépendance pour une population qui s’est sentie oubliée par le Centre et de ce fait, elle a fait le dos rond face à des collectivités locales qui, elles aussi, percevaient cette société comme historiquement périmée à la fois à travers ses structures sociales, ses notables, son bâti architectural, son agriculture, ses techniques agricoles, ses foggaras, son fonctionnement, etc. 4 Après des décennies d’attente, cette petite société rurale a fini par se rendre compte de la puissance écrasante du pouvoir central, de ses priorités économiques et de ses institutions hiérarchisées. Dans ce contexte, les deux questions posées peuvent être résumées simplement : comment cette société paysanne d’Ouled Saïd, palmeraie lovée au pied du Grand erg occidental, a tenté de survivre de ses maigres ressources agricoles et des revenus de ses migrants, en attendant les aides publiques relatives à son équipement ? Comment s’est adaptée cette société, perçue comme archaïque en vue de s’intégrer dans les structures institutionnelles et juridiques modernes (partis politiques nationaux, élections locales, associations, etc.) et arriver à assurer par là, la gestion de ses affaires communales et par voie de conséquence celle de son développement économique et social ?

I. La palmeraie d’Ouled Saïd chef-lieu : terroir, ksour dispersés et société

a. La population d’Ouled Saïd : progression lente et regroupement démographique au sein du chef-lieu

5 Créée lors du découpage administratif de 1985 à partir de l’éclatement de la commune de Timimoun, la commune d’Ouled-Saïd connaît une croissance démographique régulière puisque les données des recensements de la population et de l’habitat de 1977, 1987, 1998 et 2008 démontrent cette progression chiffrée, estimée à 4990, 5898, 7538 et 8223 habitants (tab.1). Comme partout en Algérie, la tendance au regroupement graduel des populations reste régulière (60,6% en 1977, 65,2% en 1987, 71,3% en 1998 et 71,9% en 2008) ; toutefois en 2008, son regroupement municipal est pourtant bien inférieur à la moyenne enregistrée dans la wilaya d’Adrar (92,6%).

Tableau 1 : Evolution récente de la population d’Ouled Saïd par secteur et dispersion 1987-2008

Population Taux d’accroissement

Années Type 1987 1998 2008 98/87 2008/1998

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 53

Ouled Saïd ACL 712 2904* 3357 13,3 1,5

Ighzer AS 561 664 706 1,5 0,6

Hadj Guelmane AS 1031 1232 1191 1,6 -0,3

Ifka AS …. 575 661 …. 1,4

Ouled Saïd II AS 1533 …. …. …. ….

Zone Eparse ZE 2061 2163 2308 0,4 0,7

Total Commune 5898 7538 8223 2,2 0,9

Source : ONS, 20101 *Fusion d’Ouled Saïd I et II.

6 En ce qui concerne la distribution géographique de la population communale, le recensement de la population de 1998 fait ressortir la fusion des deux agglomérations (Ouled-Saïd I et II) en une seule, dénommée Ouled-Saïd chef-lieu communal (2904 habitants en 1998) et l’émergence de l’agglomération secondaire d’Ifka (575 habitants). Globalement, cette fusion permet de noter logiquement un très fort taux d’accroissement annuel moyen (13,3%) durant la période intercensitaire 1987-98 du chef-lieu ; toutefois, cet accroissement se stabilise à 1,5% entre 1998 et 2008. En vérité, la commune a perdu plus de population entre 1998 et 2008 car son taux d’accroissement (0,9 %) est largement inférieur à celui de la décennie précédente (2,2%) et aussi à la moyenne de la wilaya d’Adrar, estimée à 2,6%. Enfin, le lecteur est tenu de faire la différence entre la commune en tant que territoire administratif de gestion et le chef- lieu du même nom qui fait l’objet de cette recherche.

b. Le terroir de la commune d’Ouled Saïd, exploité par la population d’une dizaine de ksour dispersés dans la palmeraie

7 Selon les données municipales, la commune d’Ouled-Saïd se compose de 14 ksour (pl. de ksar) : Ouled-Saïd chef-lieu, Hadj-Guelmane, Kali, Ighzer, Feraoun, Semouta, Tiliouine, Tindjelet, Arhlad, Tigharet, Baba Idda, etc.). Ces établissements humains séculaires sont constitués chacun d’un hameau et de son plan de parcellaire agricole.

8 En raison de son originalité, cet article s’intéresse principalement à Ouled-Saïd chef- lieu communal qui se présente comme un terroir agricole épousant la forme d’un losange grossier supportant une dizaine de petits ksour (carte 1) ; ces derniers sont autant de noyaux habités éclatés à l’intérieur de ce parcellaire agricole saharien. En classant à part le fragment récent de Laaroussi greffé sur la route, ces ksour dispersés (Ouled Abdelli, Ouled Bamoussa, Ksar Echergui, Ouled-Haroun, Es-Saffah, Boudara, Salah- Eddine, Salah-Ouamar, Ksar Eccheikh, Badaha, etc.) dont certains créés au Xe siècle sont occupés aujourd’hui par une population allant de 400 à 70 habitants par hameau. Tous ces établissements humains sont localisés à l’intérieur de la palmeraie et seul Laaroussi apparaît comme un noyau récent dont le bâti comme les fonctions sont d’ailleurs en rupture totale avec le reste ; selon le schéma classique de l’Etat aménageur dans les grands espaces steppiques et sahariens, c’est le long de la route goudronnée,

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 54

qu’ont été implantés les principaux équipements collectifs de cette commune (mairie, agence postale, école, centre de santé, stade, ateliers communaux…) créée en 1985.

Carte 1 : Carte de localisation des ksour dans la palmeraie d’Ouled-Saïd

c. L’eau et la terre entre pesanteurs sociales et modestie de la production agricole

9 La palmeraie d’Ouled Saïd chef-lieu occuperait, selon les données fournies par la municipalité, une surface agricole utile de 130 hectares dont 90 sont irrigués ; le nombre de fellahs enregistrés s’élèverait à 260. L’oasis compte 26 400 palmiers dattiers dont 91,5 % sont productifs.

10 Typiquement oasien, le paysage rural donne un aspect de verdure qui tranche avec la couleur dorée du Grand erg occidental ; l’observateur averti peut relever le résultat récent de travaux d’entretien tant à l’intérieur du plan parcellaire (murettes de séparation entre les exploitations, protection de parcelles…) qu’à l’extérieur du périmètre de la palmeraie (afregs) qui s’étend principalement et progressivement vers le nord-est. Néanmoins, il est utile de noter que de nombreuses parcelles, situées à l’intérieur du terroir, sont en jachère et ceci pour de multiples raisons sociales, juridiques et culturelles, voire anthropologiques ; au sein des exploitations visitées, nous pouvons évaluer à plus d’un tiers la superficie des terres non travaillées. Si les fellahs interrogés expliquent cette situation par un manque d’agriculteurs qualifiés et l’attraction du salaire assuré ; en revanche, aucun paysan ne s’est plaint de l’indisponibilité de l’eau. 11 Le système ingénieux de récupération de l’eau sur des kilomètres (Bisson J., 1957), par le biais des foggaras2 est encore utilisé par des oasiens qui ont su profiter de

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 55

l’implantation de leur palmeraie située au pied de la retombée méridionale de Grand erg occidental, lequel disposerait d’une importante nappe d’eau. Ceci explique la présence de 15 foggaras vivantes dont le débit varie de 0,2 l/s à 12 l/s. Les efforts surhumains, effectués au cours des siècles par les hommes, pour amener l’eau jusqu’à la palmeraie donne une idée du savoir-faire traditionnel de ces populations sédentaires qui tentent aujourd’hui, difficilement il est vrai, de maintenir un débit correct des foggaras. En effet, la conservation du réseau hiérarchisé de seguias et l’entretien des kesrias (peigne de répartition de l’eau) attestent certes, de la volonté du maintien de cet instrument patrimonial par leurs propriétaires, mais ce système apparaît tout de même un peu désuet en raison de son débit mis en rapport avec le travail demandé pour cela. La puissance publique a bien compris les limites de cette source hydraulique en finançant un forage spécifique pour l’alimentation en eau potable de la population d’Ouled-Saïd. Là, l’agriculture est encore traditionnelle et les rendements comme la production demeurent manifestement modestes. 12 Toute l’organisation sociale est ici fondée sur l’appropriation de l’eau des foggaras, ressource durable plus importante et plus coûteuse que la terre. Dans le Gourara, les foggaras et la terre qui font partie de la culture locale, garantissent le fonctionnement de l’économie et la permanence des structures sociales en dépit de l’altération subie par ces dernières depuis l’indépendance. Cette évolution expliquerait, au moins en partie, la détérioration des rapports entre les notables locaux et le pouvoir politique central pendant des décennies.

d. Les trois modes d’exploitation agricoles au sein du terroir d’Ouled Saïd chef-lieu

13 Au sein des 12 ksour enquêtés dans la palmeraie d’Ouled-Saïd chef-lieu, le sondage effectué dans les différents types d’exploitations agricoles (Meghoufi A.- Bentbelkacem K., 2002) fait ressortir trois modes d’exploitation.

14 Dans le Ksar Echeikh, sept familles exploitent en mode de faire-valoir direct leur propriété en utilisant l’eau de la foggara alors que dans le Ksar Es-Safah, le travail de la terre est fait par de jeunes actifs conseillés par leur grand frère, enseignant à l’Institut de technologie agricole de Timimoun ; ceci expliquerait la bonne tenue de cette autre propriété foncière en indivision, caractérisée par une alimentation en eau par la voie traditionnelle (2 foggaras, 2 bassins dénommés madjens) et par la voie moderne (un puits équipé d’une motopompe et un bassin cimenté). Le troisième mode d’exploitation pratiqué, celui de Ksar Haroun est appliqué dans une petite exploitation, irriguée à partir d’une foggara et disposant d’un madjen ; un tiers de la superficie est consacrée aux céréales, un tiers au maraîchage (oignons), aux herbes aromatiques (coriandre) et aux légumes secs (lentilles) ; le reste est en jachère. A Ksar Haroun, le mode de faire-valoir indirect pratiqué est le khemmassat (métayage au cinquième) ; ce troisième mode de faire-valoir « existe dans un grand nombre de jardins de l’oasis » relèvent les deux auteurs. Comme partout en Algérie, le khemmassat reprend de la vigueur après son interdiction par l’Ordonnance portant sur la révolution agraire (1971). Dans le Gourara, différentes formules de khemmassat sont pratiquées en raison probablement de la demande puisque « le propriétaire fournit l’eau, le fumier, les semences et les outils… on rencontre des harratines qui sont des khammès de propriétaires habitant le ksar » (Maghoufi A.-Bentbelkacem K., 2002, p. 61).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 56

15 Dans le Gourara, les formes d’appropriation foncière demeurent très complexes : terres collectives en indivision, terres habous 3, propriétaires habitant dans des palmeraies voisines (comme ici à Hadj-Guelmane, Kali, etc.), terres cédées provisoirement à des proches, etc. A cette situation juridique enchevêtrée, s’ajoutent la migration de jeunes actifs attirés par la ville et le salariat, la libération lors de l’application de la réforme agraire de la population servile noire des harratines (pluriel de hartani) détenteurs d’un formidable savoir-faire dans les domaines du creusement des foggaras, de leur entretien et du travail de la terre car dans ces espaces sahariens, la coutume veut que les propriétaires ne travaillent pas la terre. Tout ceci expliquerait, en grande partie, l’étendue de la pratique du métayage et par voie de conséquence, cela se traduit sur le terrain, par l’importance des parcelles non travaillées dans l’oasis d’Ouled-Saïd. 16 Si l’eau ne manque pas, les pertes sont notables en raison de l’entretien irrégulier des seguias et des bassins de réception en terre et, de l’ensablement des foggaras. La production de dattes pour toute la commune, estimée par les services communaux à 8 000 quintaux, est largement commercialisée. Les rendements céréaliers apparaissent bien modestes avec une moyenne faible de 5 quintaux/ha, « le maïs n’est cultivé que dans quelques parcelles… ces cultures irriguées constituent un simple appoint à la consommation locale… ; sur 30 exploitations étudiées, les exploitants semblent plus préoccupés par la diversité des cultures et leur rotation que par les rendements » (Meghoufi A.-Bentbelkacem K., 2002, p. 51). Quant aux cultures maraîchères, elles sont variées tant pour les cultures d’hiver (carottes, fèves, navets, oignons, ail) que pour celles d’été (courgettes, pastèques) ; les produits maraîchers sont consommés localement, mais une partie est tout de même vendue sur le marché de Timimoun. « Le prodigieux développement des villes (sahariennes) a induit un grand nombre grandissant de consommateurs » (Bisson J., 1987, p. 43) ; il en est ainsi, par exemple, pour Timimoun qui comptait moins de 3000 habitants en 1950 et en agglomère plus de 33 000 en 2008 ! 17 L’enracinement dans le pays au cours de l’histoire, l’amélioration relative du travail de la terre perceptible à travers les actions d’entretien du paysage, la recherche de l’emploi d’une main d’œuvre plus ou moins qualifiée et la timide ouverture vers le marché local sont autant d’indices qui démontrent la volonté des populations locales de donner un second souffle à leur palmeraie séculaire.

II. Discontinuités dans les actions de développement local initiées par la puissance publique et transformations spatiales

a. L’identité et la territorialité d’une oasis périphérique restée ouverte sur l’espace régional et national

18 Ouled-Saïd a certes perdu son ouverture économique en direction de l’Atlas saharien depuis l’introduction de l’automobile, mais il a su préserver à la fois son environnement physique contre l’ensablement et étendre progressivement son petit parcellaire agricole grâce à un savoir-faire paysan qui a fait du développement durable un genre de vie séculaire. Toutefois, si Ouled-Saïd est situé dans une position périphérique à cause de son implantation territoriale au pied du Grand erg occidental, il est tout de même relié au reste du Gourara, par une bretelle goudronnée rattachée à

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 57

la Route nationale transversale 51 joignant le Sahara central à la Vallée de la Saoura ; c’est dire aussi que la commune reste ouverte sur l’espace national.

19 Durant la colonisation, les différentes populations ethniques des oasis du Gourara ont continué à vivre dans une extrême pauvreté en reproduisant logiquement leur vie sociale et culturelle sous le contrôle distant de l’administration française. Devant ce genre de vie difficile et la faiblesse des revenus d’une population progressant régulièrement, l’amélioration de la piste, puis de la route, reliant Timimoun à Ouled Saïd a été le facteur classique indéniable qui a ouvert la voie à la migration d’actifs jeunes et moins jeunes. La route est dans ce cas précis la planche de salut pour aller chercher sa subsistance ailleurs et l’armée coloniale l’a bien compris dans la mesure où des actions de dénombrement ont été menées à Ouled Saïd même. En effet, selon des informations orales fournies par Jean Bisson, ces inscrits devaient être embauchés à la fin des années 1950 dans le secteur pétrolier à Hassi Messaoud où le gisement a été découvert quelques années auparavant. Bien plus, selon l’enquête faite par cet auteur en 1952 dans le Caïdat de Hadj Guelmane, les habitants d’Ouled Saïd avaient entamé leurs premières migrations juste après la Première guerre mondiale en 1922, puis cette migration de travail s’est poursuivie durant l’Entre-deux guerres pour s’accélérer après la Deuxième guerre mondiale, durant les années 1946-50 avec des destinations préférentielles en direction principalement de Mascara (ouvriers d’usines), d’Oran (agriculture) et de petites villes d’Oranie (Perrégaux, Saint Denis du Sig, Mostaganem, Tiaret, Aïn Sefra, Mecheria, etc.). 20 Certes, aujourd’hui encore, les migrants de la commune d’Ouled Saïd continuent de se diriger vers les villes d’Oranie, mais aussi vers la zone pétrolière et le Mzab pour travailler ; mais ces nouvelles destinations migratoires nationales ne doivent pas occulter ses autres relations économiques et sociales d’envergure régionale. Ainsi, en 1952, Bisson J. notait l’arrivée à Ouled Saïd de caravanes en provenance des Hautes Plaines steppiques occidentales et de l’Atlas saharien, conduites par les tribus des Amour de l’Atlas, de Mecheria (tribus des Hamyanes) et de Géryville (tribus des Trafis, des Krarma, des Ouled Hadj Bahous, etc.) ; les itinéraires suivis empruntaient les oueds dévalant des Monts des Ksour et du Djebel Amour qui débouchent sur le Grand erg occidental, puis sur le Tinerkouk, enfin sur le Gourara. Ces relations se sont poursuivies et, « en 1970, une bonne partie des palmiers des Ulad Saïd (1500 environ) au Gourara appartiennent à des tribus du Sud oranais (Aïn Sefra) qui viennent encore annuellement pour les récoltes » (Marouf N., 2010, p. 179). Même si aujourd’hui, Ouled Saïd a quelque peu altéré ses relations économiques avec les populations de l’Atlas saharien, il semble que des rapports culturels et en particulier confrériques se maintiennent encore à travers l’immensité du Grand erg occidental. Dans le Gourara et à l’instar des tous les ksour, la société communautaire d’Ouled Saïd a modelé au cours de sa riche histoire des structures sociales dominées par les propriétaires de l’eau et de la terre, alliés aux détenteurs de savoirs religieux appartenant généralement à des zaouïas confrériques de diverses envergures. Comme de très nombreuses palmeraies du Touat et du Gourara, Ouled Saïd a gardé une activité religieuse indéniable et s’impose, encore aujourd’hui, comme une étape importante de la fête religieuse du S’boue4 qui parcourt les ksour du Sud-ouest saharien.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 58

b. Discontinuités des actions publiques durant le dernier tiers du siècle et retombées sociales locales

21 Comme pour toutes les palmeraies sahariennes et pour des raisons de priorité données à la reconstruction des institutions de l’Etat, Ouled Saïd n’a connu que peu de changement dans son développement, durant au moins deux décennies après l’indépendance, à l’exclusion de l’effort de la scolarisation et de la piste refaite, la reliant à Timimoun. Le changement le plus marquant dans la vie locale est venu grâce à la promulgation de l’Ordonnance portant sur la Réforme agraire (1971) et de ses effets sociaux.

22 Il apparaît qu’aujourd’hui, les structures sociales de la société oasienne se soient simplifiées, manière aisée pour permettre aux différents groupes sociaux constitutifs d’entrer dans la vie moderne telle que voulue par le discours politique. Il y a un peu plus d’un tiers de siècle, « les structures sociales oasiennes formées de propriétaires terriens et de détenteurs de culture, chorfas5 et mérabtines6 d’un côté, et de harratines7 de condition servile, chargés de l’entretien des foggaras et du travail de la terre de l’autre », ont été fortement bousculées par « l’application de la réforme agraire (1971) par le pouvoir central du régime de H. Boumediene, à l’origine de la refonte des rapports sociaux au sein de la société oasienne » (Bendjelid A. et alii, 1999, p. 46). Cette refonte des structures agraires a eu des implications profondes sur les groupes sociaux et sur l’économie locale puisque les harratines ont été, théoriquement, libérés de leur condition. Sur le terrain, les mesures de nationalisation « restent bien timides encore dans le Touat. Il semble qu’elles se soient surtout heurtées à la résistance des propriétaires, et que, de surcroît, les harratines, par solidarité sans doute, n’en voulaient pas » (Marouf N., 1980, p. 239). 23 Très nombreux ont été les harratines qui sont partis vers d’autres horizons urbains ou ruraux proches pour mettre en pratique leur savoir-faire ancestral. De ce fait, de petits périmètres financés par l’Etat et accompagnés de la réalisation d’un noyau d’habitat rural programmé ou la construction d’un village socialiste agricole proche ont été les points de chute de ces harratines libérés. Le cas relativement réussi de cette action est celui de Mguiden, localité située le long de la Route nationale 51 en direction d’El Goléa. Ces nouveaux et petits terroirs agricoles ont été de petits laboratoires de parcellaires irrigués qui ont été, ultérieurement, affermis par l’extension de surfaces de mise en valeur créées dans le cadre de la Loi portant sur l’Accession à la propriété foncière agricole promulguée en 1983. En revanche, les départs de cette main d’œuvre qualifiée ont largement pénalisé bien des palmeraies, Ouled-Saïd y compris, car les propriétaires de la terre et de l’eau ne savaient ni travailler la terre, ni entretenir les foggaras, ni tailler les palmiers. Devenus des travailleurs de la terre payés à la journée, certains harratines exigent, en dehors du salaire quotidien, d’autres avantages (déjeuner, produits de la terre) pour assurer l’entretien et la récolte de dattes dans les palmeraies; plus tardivement, comme à Ouled-Saïd, certains sont devenus des métayers. Globalement, le bouleversement des rapports sociaux, le maintien de régimes fonciers complexes, la scolarisation généralisée dans les palmeraies et les migrations de jeunes actifs permettent de mieux comprendre l’aspect négligé du paysage agricole de la palmeraie étudiée, tel qu’observé à la fin de la décennie 1990. 24 Le début du vrai changement se situerait après la création de la commune d’Ouled-Saïd, née en 1 985 de l’éclatement de la commune de Timimoun car sa gestion locale était désormais possible sur place. Le fragment habité de Laaroussi, devenu lieu du pouvoir

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 59

municipal, a fixé le long de la route les premiers équipements administratifs et sociaux (mairie, entreprise communale de travaux, école, centre de santé, etc.) et par voie de conséquence de création d’emplois. Comme partout dans l’espace saharien, la route possède là, un formidable pouvoir urbanisant surtout lorsque la puissance publique le décide. 25 A l’aube de la décennie 1 990, la relation entre le pouvoir central et l’ancienne notabilité locale, de moins en moins stigmatisée, a commencé par être au beau fixe, probablement en raison à la fois de l’ouverture du champ politique algérien aux partis, des résultats de la mise en valeur saharienne et du nouveau regard porté par les gouvernements successifs sur ces grands espaces toujours paisibles. Selon les dires de certains techniciens et notables locaux, l’amélioration de ces rapports se situerait au moment du lancement du programme sectoriel décidé par le nouveau gouvernement de Mohamed Boudiaf en 1992. Axant ses efforts sur la croissance de l’agriculture, ce programme a aussi mis en application sa vision relative à la sauvegarde du patrimoine saharien (réhabilitation de foggaras pour une autorisation de programme évaluée à 40 millions de dinars au profit de 35 foggaras situées dans la wilaya, relance des activités oasiennes, forages, études pédologiques, restauration de ksour, etc.). Dans la wilaya d’Adrar, cette action a en outre porté sur le lancement du programme dit des Grands travaux qui a porté sur la réhabilitation des palmeraies, l’entretien des brise-vents, l’ouverture de pistes, la consolidation des canaux d’irrigation, le débroussaillage, etc. L’instauration progressive de la confiance entre le pouvoir central et les propriétaires locaux, désormais ‘responsabilisés’ s’est concrétisée d’une part, par une importante aide directe faite au profit de la production agricole par l’intermédiaire de multiples fonds financiers créés et de l’autre, par un changement radical d’attitude des décideurs dans la mesure où les palmeraies comme les foggaras et les bâtis vernaculaires sont considérés désormais, comme des parties intégrantes du patrimoine national et par voie de conséquence, logiquement soumis à la protection publique. 26 A Ouled-Saïd, l’opération dite ‘réhabilitation des foggaras’ lancée en 1992 a eu toutes les faveurs des propriétaires de foggaras, en attente depuis un tiers de siècle, qui ont constitué plusieurs associations ; la plus active, l’Association des propriétaires de foggaras d’Ouled Saïd (chef-lieu), formée de onze personnes, a entrepris la réhabilitation de celle de Tighezza, obstruée durant des décennies. Le passage de chercheurs d’Oran et d’Amiens8 a été une chance unique pour cette équipe qui a assisté, et filmé, le travail pharaonique effectué par les membres de cette association lors de l’ouverture de cette foggara au printemps de l’année 2000 (Marouf N., 2010). L’essentiel de la réhabilitation de la foggara de Tighezza a été effectué manuellement par les propriétaires aidés par quelques employés communaux et des agents de services techniques locaux. Quant à la commune d’Ouled Saïd, elle a fourni une pelle mécanique pour le creusement des galeries effondrées et pour leur remblaiement. Enfin, il est à souligner que l’Etat a dégagé un premier financement de 250 000 dinars pour cette opération de désensablement des galeries de circulation des eaux d’irrigation ; logiquement, l’objectif recherché était d’augmenter le débit de cette foggara. 27 Consécutivement à cette action pharaonique, cinq demandes de réhabilitation de foggaras localisées à Ouled Saïd étaient en attente de concrétisation au début des années 2000. Le financement de l’agriculture par le FNDRA (Fonds national du développement rural et agricole) s’inscrit dans le même sens, répondant ainsi à l’attente de la paysannerie oasienne et à celle des nouveaux entrepreneurs agricoles.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 60

Par ailleurs, en mars 2010, le maire nous signale qu’une action d’aide au développement a été entreprise au début de la décennie par le PNUD (Programme des nations unies pour le développement) qui, sur les 33 foggaras en activité dans la commune, a financé le curage de 13 pour un montant de 1,8 milliard de dinars ; pour la concrétisation de ce contrat, le mouvement associatif intéressé par l’entretien des foggaras a exigé l’engagement contractuel avec une entreprise équipée (pelle mécanique, camions, personnel qualifié) disposant de tuyaux de circulation des eaux répondant aux normes.

III. Reproduction de la société traditionnelle et gestion communale : un regard vers la ville

a. Reproduction de la société traditionnelle oasienne à travers son insertion dans les structures modernes de l’Etat

28 Dans un pays où l’histoire sociale plus que la géographie, joue un rôle notable, cette microsociété oasienne, structurée comme celle de toutes les palmeraies du Gourara, garde en mémoire la méfiance cultivée, durant des décennies après l’indépendance, vis- à-vis du Centre qui, parfois, l’avait considérée comme un ensemble (structures sociales, foggaras, bâti ksourien, pratiques culturelles) archaïque, pour ne pas dire anachronique. En dépit de la libération de la population servile des harratines, sentie comme un arrachement par leur propriétaire, consécutivement à l’application de la réforme agraire de 1971, cette distance politique fut gardée jusqu’au début de la décennie 1990. En revanche, cette situation n’a pas empêché la société oasienne d’Ouled Saïd de demeurer imprégnée de la culture locale (parler, folklore, poésie, chants de type ahellil, rites, ziaras, artisanat, pratiques religieuses, etc.) car reposant sur une identité forte fondée sur la religion, des coutumes sociales austères et une nature rude. Malgré toutes les contraintes, les ruptures et les révisions nourries envers le pouvoir central, la société locale a d’abord pris acte du découpage administratif élevant en 1975 Adrar au rang de chef-lieu de wilaya, ensuite Ouled Saïd au rang de chef-lieu de commune en 1985. Cet intérêt a probablement aidé cette petite société oasienne à se repositionner pour mieux contribuer à son développement local car avant 1985, Timimoun était bien loin ; tout ceci l’a poussée à élaborer des stratégies de participation à la gestion de ses affaires communales et ce, face à un pouvoir central doté d’institutions et de moyens énormes. Dans le Gourara, le Touat et le Tidikelt, les élections seraient orientées par les confréries religieuses, assimilées ailleurs à un tribalisme perçu parfois comme « structurel dans le corps social, même au sein des partis politiques » (Yalaoui A., 2008, p. 265).

29 En 1985, la première Assemblée populaire communale d’Ouled Saïd élue est dirigée par le Front de libération nationale. Néanmoins, après les convulsions politiques nées de la forte progression de Front islamique du salut lors du premier tour des élections législatives en 1991 et de la dissolution des municipalités algériennes décidée en 1992, la gestion communale a alors été confiée provisoirement à un Délégué de l’exécutif communal affilié à ce même parti. Aux élections locales de 1997, 2002 et 2007, les partis politiques en compétition sur le terrain ont présenté la liste de leurs candidats aux élections municipales. Le changement est net puisque la présidence de l’Assemblée populaire communale est désormais assurée par un militant d’un nouveau parti, né en 1997, à savoir le Rassemblement national démocratique. Dans cette petite communauté paysanne, l’ouverture et surtout l’adhésion d’individus à des partis politiques peuvent

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 61

être lues comme la traduction de l’acceptation du jeu politique moderne qui met fin à la méfiance vis-à-vis du Centre. La question la plus lucide à formuler est de s’interroger sur les éventuelles relations existantes entre les membres de confréries religieuses de zaouïas et les militants des divers partis politiques voulant se présenter sur la liste partisane aux élections communales car, en définitive, les deux aspirent à gérer au mieux les affaires de la population ; cette redoutable question est caractérisée par une prudence extrême exprimée par des personnalités locales qui attestent que ces relations sont feutrées et frappées de ce fait, par le sceau du secret. Ainsi par exemple, le maire élu en 2002 était membre de la confrérie de la zaouïa d’Ighzer, ksar de la commune d’Ouled Saïd. En un mot, cela veut dire que la société traditionnelle locale a réussi à s’adapter sans grande difficulté aux institutions politiques modernes.

b. L’action redistributive de l’Etat améliore la vie des habitants d’Ouled Saïd

30 Ouled Saïd chef-lieu était une oasis caractérisée par une ruralité affirmée et un paysage classique d’une palmeraie du Gourara certes, en difficulté sur la plan agricole, mais une série d’actions planifiées d’équipement et d’aménagement, de réhabilitation de foggaras et un début d’amélioration des maisons ksouriennes ont entraîné une amorce de changement dans son paysage bâti et une amélioration de sa production agricole et cela, même si la société locale a gardé jalousement ses permanences sociales et culturelles coutumières. A côté des programmes nationaux de développement, nous pouvons donner un aperçu des besoins exprimés par la municipalité en vue d’améliorer la vie quotidienne des électeurs en axant les efforts sur l’équipement. Le cas précis concerne la gestion communale de projets financés par les PCD (Plans communaux de développement) ; en 2007, 2008 et 2009, d’un montant de 212 625 000 dinars (équivalents à 2 200 000 euros), ces PCD ont permis la réalisation de diverses infrastructures (alimentation en eau potable, châteaux d’eau, entretien de routes, aménagements divers d’espaces publics dans les ksour, construction de centres de santé, terrains de jeux, éclairage public de hameaux, études architecturales d’un nouveau siège de mairie, achat de gros matériel roulant destiné au parc communal).

31 Globalement, le financement du développement local des communes sahariennes a pris son envol à partir de la création du FDRS (Fonds de développement des régions sahariennes)9 en 1998 ; mis en place « par la Loi des finances de l’année 1 998, le Fonds spécial de développement des régions du Sud dont l’alimentation est assurée par un prélèvement de 2 % sur le montant annuel de la fiscalité pétrolière, a pour objet d’aider au décollage économique et à la promotion du développement durable de ces régions » (MATE, sans date, p. 131). 32 La concrétisation de ces projets s’est accompagnée d’un effort en matière sociale et notamment de création d’emplois ; même précaire, cet emploi d’actifs jeunes est ainsi venu dans la foulée d’une série d’actions décidées par le Centre. Il en est ainsi pour, par exemple, la mise en place d’une IAIG (Indemnité allouée pour des travaux d’intérêt général) versée à de jeunes actifs. Certes le montant alloué est symbolique (3 000 dinars/mois), mais elle a permis la création de 28 emplois de jeunes et moins jeunes occupés à l’entretien de routes, d’afregs de protection et d’espaces publics situés sur le territoire communal. Ce soutien indemnitaire est complété par l’octroi d’une AFS (Allocation forfaitaire de solidarité) versée aux personnes âgées et handicapées

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 62

disposant de revenus insuffisants ; ainsi, tout un système de redistribution financière d’argent public, mis en place dans tout le pays, est affermi dans notre espace par l’instauration du Fonds du Sud. 33 C’est dire là, l’importance de l’aide apportée par la puissance publique pour alléger la pauvreté locale et améliorer les conditions de vie austères. Par ailleurs, les revenus des migrants temporaires et saisonniers soulagent quelque peu leur famille restée sur place ; les services communaux avancent que plus d’une vingtaine d’actifs se déplacent quotidiennement à Timimoun alors qu’annuellement, une autre vingtaine est concernée par une migration régionale en direction à la fois du Mzab en tant qu’ouvriers agricoles ou en tant que salariés dans le bâtiment et à Hassi Messaoud, ville du pétrole.

c. Modifications récentes du paysage oasien et progrès d’un habitat rural orienté vers un mode de consommation urbain

34 Le paysage de la palmeraie qui n’a connu que peu de changement à l’intérieur du terroir est le reflet d’une mise au travail insuffisante car les jeunes sont peu intéressés par la terre ; ce travail demeure précaire et ne concerne que des hommes âgés et des femmes, voire quelques salariés s’occupant de ce que nous appelons une agriculture de weekend. D’ailleurs, après la libération des actifs soumis à la servilité, toutes les oasis ont souffert et continuent de souffrir de cette perte de savoir-faire car le travail agricole est aujourd’hui devenu monnayable. La colonisation de nouvelles parcelles situées au nord-est, à l’extérieur du plan parcellaire, a permis aux paysans de récupérer celles couvertes par l’ensablement, tout comme d’ailleurs l’installation d’actifs locaux dans les nouveaux petits périmètres de mise en valeur localisés dans la commune (Tinhanou, Semouta), voire même plus loin, comme à Badriane. Certes, des travaux agricoles attestent d’un entretien raisonnable de parcelles travaillées, accompagnées de la réfection du réseau hydraulique, d’une réparation et d’une extension des afregs (rideaux de protection de l’espace agricole) ; toutefois, il faut reconnaître que l’étude de l’impact réel de cette agriculture sur l’économie locale est encore à faire.

35 En moins d’une décennie, le paysage bâti d’Ouled Saïd chef-lieu a subi un changement significatif ; si l’amorce de la reconstruction des maisons avait débuté durant les années 1990 en raison du financement accordé par le Programme national de l’habitat rural, la structuration de la palmeraie en ksour éclatés, tout comme la proximité des parcelles agricoles, ont obligé les auto-constructeurs à réaliser leur habitat résidentiel tout à côté de leur ancienne demeure. En réalité, le soutien apporté par la puissance publique à la construction rurale varie selon la nature des travaux de 500 000 à 700 000 dinars ; ces dernières années, cette subvention a surtout modifié la structuration de la palmeraie dans la mesure où les maisons construites s’égrainent le long de la route goudronnée qui serpente à l’intérieur de l’oasis. Cet habitat nouveau épouse franchement le type urbain classique par son plan architectural, sa morphologie et les matériaux de construction utilisés (briques, pierres, faïence, décoration). Bien plus, le renouvellement de l’habitat résidentiel de cette commune rurale s’est accompagné aussi de l’installation d’éléments de confort urbains classiques (toilettes : 96,1%, cuisine : 93,1%, salle de bain : 88,1%) ; en outre, l’installation des réseaux divers attestent des efforts fournis (ONS, 2010) au sein de l’espace municipal (électricité : 97,4%, alimentation en eau potable : 39,8%, assainissement : 4,5%, gaz naturel : 0,7%).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 63

Au bout du compte, en 2008, les ménages d’Ouled Saïd avaient un taux de possession d’appareils électroménagers variable : téléviseurs (87,0%), réfrigérateurs (80,4%), antennes paraboliques (53,4%) lignes téléphoniques (22,2%), climatiseurs (18,8%) et ordinateurs (02,8%). 36 Ces données constituent la preuve de la pénétration profonde, dans l’imaginaire des responsables locaux, des ruraux et des oasiens, de l’attrait du mode de consommation urbain grâce à la persévérance affichée par les différents régimes politiques algériens en faveur de la ville et de son genre de vie ; dans tous les cas de figures possibles, la ruralité occultée dans l’espace rural semble bien porteuse de dangers car la ville saharienne est, aujourd’hui, bien incapable de produire de la richesse !

d. La nouvelle route oriente aussi la vie de relations en direction de la ville de Timimoun et non plus vers les palmeraies locales

37 Ce mode de consommation urbain tourne certes, le dos à la vie agricole et rurale, mais sur le terrain, il est aussi matérialisé sur le territoire par la réalisation d’infrastructures coûteuses de voies de communication qui rapprochent très vite les ksour de la ville. C’est en effet, le cas de la nouvelle route reliant Ouled Saïd à Timimoun qui, réalisée par une entreprise de Batna, a été inaugurée fin 2009 ; en réalité, cette nouvelle voie routière est à la limite inutile, même si elle permet de gagner une distance de 14 kilomètres entre ces deux localités. L’ancienne piste, revêtue en 1992 qui serpente à travers diverses agglomérations ksouriennes (Azekour, Badriane, Ighzer, etc.) longeant la Sebkha de Timimoun, garde un caractère champêtre et touristique plus ouvert sur le monde rural oasien de cette partie du Gourara. Cela pose un problème de prospective et d’aménagement du territoire dans la mesure où cette nouvelle voie ne sert pratiquement pas à commercialiser les productions oasiennes (dattes, légumes, produits d’artisanat), mais va plutôt doper la mobilité de ruraux en direction de la ville par le biais de l’utilisation de fourgons aménagés, de camionnettes et de voitures individuelles ; l’emploi est déjà dérisoire dans l’oasis étudiée et que dire alors, de la surcharge humaine apportée dans une petite ville, en l’occurrence Timimoun, où l’emploi est tout aussi problématique ?

e. De la palmeraie d’Ouled Saïd à la concrétisation de l’image de la ville

38 La profusion d’argent public est telle que l’image de la ville s’est imposée à tous les acteurs institutionnels et privés ; cet anachronisme restera vivace tant que la puissance publique alloue généreusement son argent et dans ce cas, même si ce déversement peut apparaître légitime, les retombées pourraient devenir redoutables pour des oasis comme Ouled Saïd dans la mesure où la contrepartie relative à la production agricole reste localement médiocre. Avec le programme de l’habitat rural entrepris, de nombreuses familles ont quitté leur demeure construite en toub (briques d’argile mélangée à de la paille) pour vivre dans des maisons modelées selon la norme urbaine. Par ailleurs, les inondations catastrophiques de 2004 dans la wilaya d’Adrar ont permis à la commune d’Ouled Saïd de bénéficier d’un financement de 150 logements entre 2005 et 2008 ; l’addition de divers programmes résidentiels (auto construction rurale, lotissements, cité des fonctionnaires composée de 20 logements, programme de

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 64

relogement consécutif aux inondations, etc.) accompagnés de la réalisation d’équipements collectifs (nouveau siège prévu de l’Assemblée populaire communale, centre de santé, maison des jeunes, centre artisanal) financés par la puissance publique ont, dès 2009, produit une morphologie urbaine en rupture totale avec l’habitat traditionnel ksourien !

39 En arrivant de Timimoun à Ouled Saïd chef-lieu en 2010, l’observateur constate qu’il entre d’abord, dans une petite ville du Nord algérien caractérisée par sa voie express d’entrée de ville, ses beaux trottoirs aux bordures peintes en rouge et blanc, ses lampadaires en fonte du début du XXe siècle, ses lotissements, etc. ; ensuite plus loin, il débouche sur la palmeraie avec ses jardins, ses palmiers, ses foggaras et ses ksour originels, enfin sur les dunes du Grand erg occidental.

Conclusion

40 En un quart de siècle la transformation du paysage d’Ouled Saïd chef-lieu est manifeste au sein de cette palmeraie paisible, devenue au fil des ans une petite agglomération qui présente désormais une image pratiquement urbaine ; il en est de même pour sa petite société à ruralité forte qui s’ingénue à s’ouvrir sur le monde moderne et ce, en dépit d’un conservatisme social et religieux, s’inscrivant dans des permanences culturelles affirmées.

41 Ces changements qui datent de 1985, année de création de cette commune détachée de celle de Timimoun, ont permis à ce territoire de recevoir ses premiers équipements collectifs et infrastructures de base symbolisés par l’édification de la mairie et par le revêtement de la piste champêtre qui serpentait le long de la Sebkha de Timimoun reliant les divers ksour (Badriane, Ighzer, etc.). Au-delà de la relative autonomie communale, cette création à surtout mis fin à l’immobilisme local en permettant aux divers groupes sociaux communautaires de tenter de gérer leurs affaires administratives en s’insérant dans les institutions modernes de l’Etat à travers une intégration dans les partis politiques. C’est sans doute là, pour des groupes habitués à être guidés par les zaouïas un progrès certain ; cet exemple de la reproduction d’une société traditionnelle démontre les capacités de cette communauté rurale à situer l’importance des enjeux liés à la gestion de leurs ressources, à l’équipement de leur espace et à l’amélioration de leurs rudes conditions de vie. 42 Par ailleurs, l’enjeu religieux et culturel toujours présent et à Ouled Saïd, oasis millénaire qui s’enracine dans divers apports ethniques, linguistiques et culturels qui lui ont permis d’être en relation à le fois avec les tribus de l’Atlas saharien et le Touat et au-delà, avec l’Afrique noire. Cet ancrage symbolique est vécu comme une fierté par cette population qui affirme son identité à travers sa culture et tient encore à sa permanence. En dépit des convulsions de l’histoire auxquelles s’ajoutent diverses perturbations dont la libération de la population servile (les harratines) au début de la décennie 1970, la dilution du savoir-faire agricole et hydraulique, le vieillissement des propriétaires fonciers et la scolarisation massive des jeunes fortement attirés par les métiers de la ville et du pétrole, expliqueraient en grande partie la production agricole modeste produite par une paysannerie résiduelle exploitant le terroir d’Ouled Saïd. En effet, le travail de la terre est là, l’affaire principalement d’actifs âgés que complète, comme dans bien des oasis du Gourara, une agriculture de weekend de plus en plus

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 65

pratiquée par des actifs fonctionnarisés dans les branches de l’enseignement, de la santé, des services rendus et de l’administration. 43 Si la ruralité est encore bien affirmée à Ouled Saïd chef-lieu, la notable dépendance de l’aide apportée par la puissance publique a certes, amélioré les conditions de vie de la population (habitat, subventions, réseaux de viabilisation, transport rural, etc.), mais cette pratique distributive fait aussi de cette population rurale une population de pensionnés comme le souligne, à juste titre, un responsable communal ! En somme, nous nous trouvons aujourd’hui face à la vraie question de fond qui peut être formulée à travers l’interrogation portant sur le devenir de l’agriculture oasienne et sur la recherche de nouvelles ressources économiques locales à dégager.

BIBLIOGRAPHIE

Bellil, R., a : Les oasis du Gourara (Sahara algérien), fondation des ksour, II, Paris-Louvain, Editions Peeters, 2000, 276 p.

Bellil, R., b : Les Zénètes du Gourara, leurs saints et l’ahellil , Revue Insaniyat, n° 11, Oran, CRASC, 2000.

Bendjelid, A. ; Brûlé, J.C. et Fontaine, J. (dir.), Aménageurs et aménagés en Algérie. Héritages de années Boumediene et Chadli, Paris, L’Harmattan, ISBN : 2-7475-7.

Bendjelid, A. et Alii., Mutations sociales et adaptation d’une paysannerie ksourienne du Touat : Ouled- Hadj-Maamoun (wilaya d’Adrar, Algérie), Revue Insaniyat, n° 7, CRASC, Oran, 199

Bisson, J., Mythes et réalités d’un désert convoité : le Sahara, Paris, L’Harmattan, 2003, 480 p.

Bisson, J., Le Gourara. Etude de géographie humaine, Alger, Institut de recherches sahariennes, 1957, 221 p.

Bisson, J., Paysans et nomades aux confins de l’Erg occidental : les raisons d’une permanence de la vie rurale, Actes du Colloque d’Adrar ‘Perspectives de l’agriculture saharienne’, Oran, URASC, 1987.

Commune d’Ouled Saïd, Services techniques, 2003, 2005 et 2010.

Marouf N., L’eau, la terre, les hommes. Passé et présents des oasis occidentales (Algérie), Paris, L’Harmattan, deuxième édition augmentée avec DVD inclus, 2010, 280 p.

Marouf, N., Lecture de l’espace oasien, Paris, Sindbad, 1980, 281 p.

Meghoufi, A. et Bentbelkacem, K., Eau et espace agricole dans l’oasis d’Ouled-Saïd (Gourara, Algérie), Mémoire d’ingénieur, aménagement rural, Université d’Oran, 2002, 81p.

Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement (s.d.) : Aménager l’Algérie de 2020, Alger, 182 p.

Moro, A. et Kalaora, B. (Dir.), 2005 : Le désert, de l’écologie du divin au développement durable, Paris, L’Harmattan, 265 p.

Office national des statistiques, 2002 : Evolution des agglomérations 1987-1998, Alger.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 66

Office national des statistiques, Principaux résultats de l’exploitation exhaustive. Wilaya d’Adrar, Revue ‘Données statistiques’, n° 527/01, 32 p., Alger, 2010.

Otmane, T., Mise en valeur agricole et dynamiques rurales dans le Touat, Gourara et Tidikelt (Sahara algérien), Doctorat, géographie, Université d’Oran, 2010, 399 p.

Subdivision des services agricoles et Subdivision de l’hydraulique, Timimoun.

Tabbouch, A., Les villages socialistes pastoraux frontaliers en milieu steppique : le cas de la Wilaya de Naama (Algérie), Magister, géographie, Université d’Oran, 2011.

Yalaoui, A., La crise de reproduction de la société traditionnelle en Algérie. Doctorat d’Etat, sociologie, Université d’ Oran, 2008, 375 p.

NOTES

1. Fusion d’Ouled Saïd I et Ouled Saïd II. 2. Foggara : galerie souterraine creusée et destinée au captage de l’eau pour l’irrigation oasienne. 3. Habous : biens concédés à des institutions religieuses. 4. S’boue : étymologiquement septième jour de la semaine de festivités religieuses annuelles célébrant l’anniversaire du Prophète Mohammed. Cette manifestation festive régionale commence à Beni Abbès dans la Saoura et se termine dans le Gourara. Elle traduit les liens de solidarité entre les ksouriens et, est considérée localement comme faisant partie du patrimoine immatériel ; en ce sens, elle est la marque d’une identité culturelle bien territorialisée. 5. Chorfas : personne appartenant à des familles d’origine noble et descendante du Prophète Mohammed. 6. Mérabtines : hommes de religion, instruits dans la connaissance du sacré. 7. Harratines : populations serviles noires, employées durant des siècles dans les travaux agricoles et l’entretien des foggaras. 8. Cette sortie sur le terrain s’est inscrite dans le projet de coopération interuniversitaire n° 99. MDU. 412 (1 999-2 002) signé entre l’Université de Picardie (chef de projet : Pr. Nadir Marouf) et le CRASC (chef de projet : Pr. Abed Bendjelid). 9. Ces financements, exclusivement réservés à des programmes intégrés, établis et proposés par les wilayas éligibles ; ils ont pour objectif d’améliorer les conditions de vie des populations, de valoriser les ressources locales, de protéger les patrimoines et, d’assurer le développement intersectoriel et durable. Evalués par les wilayas et communes, ils sont étudiés par des commissions formées par des présidents des assemblées locales élues, présidées par le wali. Ces propositions sont soumises enfin, pour leur acceptation à un Conseil interministériel présidé par le Premier ministre.

RÉSUMÉS

Dans le Gourara, les palmeraies survivent tant bien que mal grâce à l’endurance de leur communauté paysanne, à la persistance de leur culture et à l’aide de la puissance publique. L’idée directrice de cette recherche, centrée sur l’oasis d’Ouled Saïd, est d’analyser en premier lieu le terroir agricole, en deuxième lieu de comprendre les changements géographiques des

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 67

divers paysages locaux et en troisième lieu, de tenter de situer les enjeux d’une petite société rurale traditionnelle qui se reproduit en utilisant les institutions modernes de l’Etat en vue de gérer son territoire communal en assurant un développement local. Celui,ci s’appuie fortement sur l’aide publique et sur la recherche de l’amélioration des conditions sociales de la population résidente. De fait, une série d’actions d’aménagement ont été entreprises dès le début de ce millénaire, parmi lesquelles il est à souligner la réhabilitation du patrimoine matériel (foggaras, ksour, protection de l’environnement, etc.). Par ailleurs la recomposition des structures sociales, a permis à quelques groupes sociaux de s’impliquer dans la vie politique locale en vue de gérer les affaires de la commune. Ce développement local améliore certes, le cadre de vie des habitants d’Ouled Saïd, mais il pose aussi la double question relative au devenir de l’agriculture oasienne locale et au penchant recherché du mode de consommation urbain sublimé.

In the Gourara, palm groves survive as well as they can thanks to their peasant community resistance, to their persistence and their culture, besides solid public help. The guidelines of this text centered on the Ouled Saïd oasis, are firstly to analyze the agricultural land division and secondly to understand the geographical changes of the diverse local countryside, and thirdly to try to put the stakes into the context of a small rural traditional society which reproduces itself by using modern State institutions with an aim to manage its municipal territory ensuring local development leaning strongly on public aid and a search to improve the social conditions for the resident population. In effect a series of planning actions were undertaken as early as the beginning of the21st century, among which must be emphasized the patrimonial material rehabilitation (foggaras, ksour, environmental protection etc.). Furthermore a social structure recombination enabled some social groups to be implicated in local politics, in order to manage municipality business. This local development certainly improved the Ouled Saïd inhabitants’ way of life, but it also raised the dual question of the oases local agriculture future and the hastened preference for a consumer mode.

En la región de Gourara, los palmerales se mantienen más o menos gracias a la resistencia de la comunidad campesina, a la persistencia de su cultura y a la ayuda del poder público. La idea directriz de esta investigación, centrada en el oasis de Ouled Saïd, es analizar en primer lugar la tierra agrícola, en segundo lugar comprender los cambios geográficos de diversos paisajes locales y en tercer lugar, intentar situar los desafíos de una pequeña sociedad rural tradicional que se reproduce utilizando las instituciones modernas del Estado con el fin de gestionar su territorio municipal asegurando un desarrollo local. Éste se apoya fuertemente en la ayuda pública y en la búsqueda de mejora de las condiciones sociales de la población residente. De hecho, una serie de acciones de ordenación se han iniciado desde el principio de ese milenio, entre las cuales cabe señalar la rehabilitación del patrimonio material (foggaras, ksour, protección del medioambiente, etc.). Por otra parte, la recomposición de las estructuras sociales, ha permitido a algunos grupos sociales implicarse en la vida política local con objetivo de gestionar los asuntos del municipio. Este desarrollo local mejora ciertamente, el marco de vida de los habitantes de Ouled Saïd, pero plantea también la doble cuestión relativa al devenir de la agricultura del oasis local y la tendencia a buscar un modo de consumo urbano sublimado.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 68

دوعي لضفلا رارمتسا يف دوجو تاحاو ليخنلا ةراروقلا يف ةجردلاب عمتجملا ىلإ ىلو لا يفيرلا دومصو هتفاقث اذكو لخدت ىوقلا ةيمومعلا . موقت ةركفلا ةيساسلا اذهل ،ثحبلا يتلا رودت ،ديعس لوح ةحاود ىلع ةشياعم وأل ميلق ،يعارزلال ا مهف تاريغتلا مث ةيفارغجلا فلتخمل دهاشملا ةيلحملا ،ريخ يفو، ةلواحملا ةعقوم تاناهر عمتجم يفير يديلقت ريغص عنصي هسفن ديدج قيرط نم نع مادختسا تاسسؤملا ةرصاعملا ةلودلل لجأ نم رييست هميلقإ ،يتاعامجلا نامض ةيمنتلا لل ةيلحملاخ نم كلذ و موقت ةريخ . لكشبل هذهوا ريبك ىلع ةدعاسم تائيهلا ةيمومعلا يتلا لمعت ىلع نيسحت فورظلا ةيعامتجلا ناكسلل نييلحملا . ،ةمث نم ىعس نومئاقلاو تاءارج عضو ىلإل رم ا ددع نم ةيئيهتلا ل ىلع ا ةيادب ذنم ،ةيفل ل هذها ركذنو اهنيب نم ةداعإ ميمرت ثارتلا يداملا ) ،ةراقفلا ،روصقلا ةيامح ةئيبلا , خلا . ... ( امك تحمس ةيلمع ةداعإ ليكشت تاينبلا ةيعامتجلا ةكراشملاب ةايحلا يف ةيسايسلا ةيلحملا فدهب رييستلا نسحلا نوؤشل ةيدلبلا . حيحص اذه ومنلانأ يلحملا حمسي نيسحتب يشيعملا راط لا ناكسل ،ديعس د نكلو وأل اضيأ حرطي لاؤسلا جودزملا طبترملا ريصمب ةعارزلا ةيتاحاولا ةيلحملا ليملاو ةقيرط ىلإ هتسا كل يرضح باذج .

INDEX

ديعس د وأل , وصق ةراروق , ةداعإ قلخ عمتجملا يديلقتلا , ةراقفلا , ةقيرط سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

يرضح هتساكل , رييستلا يدلبلا Palabras claves : Ouled Saïd de Gourara, reproducción de la sociedad tradicional, foggaras, modo de consumo urbano, gestión municipal Keywords : Ouled Saïd, traditional society reproduction, foggaras, consumer mode, municipal management Mots-clés : Ouled Saïd du Gourara, reproduction de la société traditionnelle, foggaras, mode de consommation urbain, gestion communale

AUTEUR

ABED BENDJELID

Professeur, géographie et aménagement, Université d’Oran, EGEAT (Laboratoire des espaces géographiques et de l’aménagement du territoire), chercheur associé au CRASC, Oran.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 69

Pompage de l’eau et désertification dans la Vallée du Draâ moyen : cas de la palmeraie de Mezguita (Maroc) Water pumpage and desertification in the Draâ Valley : the Mezguita palm grove example (Morocco) Bombeo del agua y desertificación en el Valle del Draâ medio: el caso del palmeral de Mezguita (Marruecos) هايملا خض حصتلا و يداو يف عارذلا ّ ر طسوتملا : ةحاو ليخن ةطيقزم ) برغملا ( اجذومن

Aziz Bentaleb

1 La désertification est un phénomène de dimension mondiale qui touche un quart des terres émergées de la planète et met en danger les moyens d'existence d’environ 900 millions d'habitants (PNUE1, 2002). Au niveau du Maroc, les régions méridionales touchées actuellement par ce fléau se situent au Sud d’une ligne Agadir-Ouarzazate- Errachidia, à l’Est du Maroc (Moulouya (Missour), les Hauts Plateaux et certaines régions du Rif. La Vallée du Draâ moyen se place, quant à elle, en tête des zones qui sont les plus menacées par la désertification et par les problèmes d’épuisement des nappes phréatiques. Cet espace de six palmeraies qui subit des transformations écologiques et socioéconomiques constitue une région subsaharienne au Maroc méridional. Il est limité au nord par le Jbel Saghro, à l’est par la remontée nord du Jbel Bani, au sud par la Hamada du Draâ et à l’ouest par l’Anti-Atlas, dont elle sépare la partie orientale de la partie occidentale par une gorge sous forme de canyon appelé Tarhia.

2 Sous le bioclimat aride, les processus de désertification dans le Draâ moyen entravent les tentatives de développement durable. La croissance démographique et la gestion devenue inappropriée des zones agricoles et pastorales, ajoutées aux fréquentes sécheresses, ont pressé le processus de déséquilibre écologique. Ceci se manifeste à travers une érosion hydrique et éolienne, la disparition progressive de la biodiversité et la réduction de la productivité des sols.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 70

Figure 1 : La palmeraie de Mezguita dans la Vallée du Draâ moyen

1. Présentation de la zone d’étude

3 La palmeraie de Mezguita qui se situe à 64 km d’Ouarzazate constitue l’oasis la plus en amont du bassin du Draâ moyen (fig.1). Elle totalise une superficie brute de 3536 ha et celle cultivable de 2419 ha, sur laquelle se concentre une masse humaine d’environ 35830 habitants, avec une densité agricole moyenne de 14 habitants/km2 (contre 30hab/km2 dans l’agglomération urbaine d’Agdez). L’agriculture dans la zone qui est dépendante de l’eau d’irrigation se caractérise par de petites exploitations agricoles, où les surfaces varient de 1 à 2 hectares (palmier dattier, cultures sous jacentes). L’élevage est généralement sédentaire, composé d’ovins, caprins et bovins.

Tableau 1 : Evolution de la population dans la palmeraie de Mezguita

Source : RGPH (1971 ; 1982 ; 1994 ; 2004).

4 L’analyse des données des recensements généraux de 1971, 1982, 1994 et 2004, montre l’importance de la croissance rapide de la population de Mezguita (tab.1). Celle-ci s’expliquerait par l’amélioration des conditions de vie des oasiens, la fécondité élevée (ISF 3,5 contre 3 au niveau national) et la sédentarisation des nomades, qui constituent une grande partie de la population de l’agglomération urbaine d’Agdez. Cette croissance augmente la demande en terres et entraîne comme conséquence des effets dommageables sur l'environnement local.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 71

5 L’exploitation des données publiées par le HCP (Haut Commissariat au Plan) et le RGPH en 2004, montre que la population active dans la zone (15 à 59 ans) est de 49%, soit un taux brut d’activité de 20,3%. Le taux d’analphabétisme et de vulnérabilité à la pauvreté sont respectivement, de 50% et 53,42%. Ceci met en évidence la précarité des conditions socio-économiques des oasiens. 6 Le choix de cette oasis pour l’étude du pompage, découle du fait qu’elle est caractérisée par la présence d’une nappe de cuvette, circulant dans les formations détritiques du Quaternaire moyen et récent. Celle-ci est devenue parmi les nappes les plus exploitées par le pompage. En fait, la motopompe à eau a des effets remarquables sur le paysage agraire et de plus en plus sur le niveau piézométrique des aquifères.

2. Emergence du phénomène de pompage privé et son évolution dans la Vallée

7 Le périmètre de la Vallée du Draâ compte parmi les plus importants et les plus anciens périmètres irrigués au Maroc. Les sécheresses répétitives et la limitation des ressources en eau n’ont pas permis la valorisation des énormes efforts consentis en matière d’aménagement hydro agricole. Ainsi, le recours au pompage privé trouve sa justification dans les servitudes de l’eau de surface et dans les aléas climatiques. La disponibilité de l’eau souterraine permet à l’agriculteur d’être autonome vis-à-vis de la programmation des irrigations.

8 Avant même la construction du barrage Mansour Eddahbi et plus souvent depuis l’époque coloniale, certains puits avaient été équipés pour pallier les défaillances des eaux superficielles. Chamayou2 (1966) notait l’existence de 205 puits motorisés dans toute la Vallée, tandis qu’une autre étude estimait le chiffre à 185 en juillet 1969 (MEPN3, 1969). Le nombre de motopompes était en tout cas réduit avant la construction du barrage. Paradoxalement, les pompages privés se sont développés d’une façon massive durant la période de construction du barrage (2001 puits motorisés en 1977 contre 5421 en 1987 et 1441 puits en 1993), car l’intervalle de distribution de l’eau à partir des lâchers du barrage n’est pas adapté aux besoins en eau des cultures qui exigent des irrigations fréquentes (maraîchage, luzerne, henné). 9 La succession des années de sécheresse était une véritable épreuve pour l’ensemble des infrastructures hydrauliques modernes mises en place. Bien que l’intérêt du pompage ait été connu avant les années de sécheresse, l’organisation de la propriété, son morcellement et son éparpillement ainsi que les coûts de l’équipement n’encouragent pas alors les paysans à se lancer dans cette nouvelle forme de mise en valeur (Jarir M., 19834 et Hrou Azizi., 1983 5). L’usage de cette technique était alors limité à certains domaines et à certains particuliers qui disposaient des moyens nécessaires. 10 Les raisons d’adoption du pompage (de 1147 en 2000 à plus de 1400 puits équipés en 2008) dans la palmeraie de Mezguita selon l’étude des réponses des exploitants, fait apparaître ces principales causes (Bentaleb A.6, 2008) : • 64% des « adoptants » citent la sécheresse (l’aridité du climat et l’édification du barrage Mansour Eddahbi) pour justifier l’achat de leurs motopompes. • 20% des exploitants trouvent que la rentabilité des cultures irriguées et la possession des grandes superficies irriguées sont des bonnes raisons pour l’adoption du pompage, notamment dans les extensions de l’Oued Drâa.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 72

• 7% des exploitants ont évoqué les problèmes de la distribution coutumière de l’eau de la seguia, notamment la priorité de l’amont sur l’aval. Le pompage était donc une solution adéquate pour la gestion privée de l’eau et pour éviter les conflits sur le partage de l’eau de la seguia.

11 En général, le pompage dans les exploitations de la zone est une stratégie développée par les agriculteurs, afin de faire face aux aléas climatiques, favorisés par l’édification du barrage Mansour Eddahbi. Le tarissement des seguias, le morcellement de la terre, le désir d’avoir une certaine autonomie dans la gestion de l’eau et l’amélioration des revenus agricoles constituent des facteurs prépondérants dans l’adoption de l’innovation de la motopompe. Par contre, l’adoption du pompage mécanique est le seul moyen pour l’irrigation des exploitations nouvelles qui adoptent le système cultural intensif, visant la commercialisation des productions.

3. Impact du pompage sur l’écosystème du Mezguita

3.1. Systèmes de production agricole

12 La motopompe dans la palmeraie de Mezguita a permis aux agriculteurs d’introduire des cultures rentables et grandes consommatrices d’eau, malgré les conditions pédoclimatiques peu favorables. Ce mode d’utilisation des terres a un impact sur le système cultural des exploitations enquêtées. L’analyse des résultats de la figure N°2 montre les remarques suivantes : • L’assolement : la superficie agricole totale et le pourcentage de celle irriguée sont marqués par une évolution ascendante après l’adoption de la motopompe. L’extension des exploitations intra-palmeraie et extra-palmeraie se fait soit par le mode d’achat, soit par l’aménagement foncier des terres collectives hors palmeraie après leur distribution. • La jachère : La part des surfaces laissées en jachère semble dépasser largement les 49% de la surface totale avant le pompage, contre seulement 10% après l’adoption du pompage : de nombreux exploitants, sinon la majorité, ont cultivé leurs parcelles successivement pour intensifier le système de la production agricole sans tenir compte de la capacité des facteurs des productions physiques, notamment l’eau et le sol.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 73

Figure 2 : Assolement des exploitations avant et après le pompage (%)

Source : Enquête du terrain 2008 (fgure droite gauche : avant pompage et droite après pompage).

13 Les cultures rentables ne cessent d’augmenter soit en nombre ou en superficie, à cause de leur prix important sur les marchés. La substitution des variétés locales par d’autres sélectionnées (pommier, olivier etc.) est un indice fort des mutations en cours.

3.2. Rotations culturales et valorisation du travail agricole

14 Les rotations culturales pratiquées avant l’irrigation par l’eau de la nappe ont été généralement du type triennal. Les agriculteurs alternaient les céréales, les légumineuses, le maraîchage et la luzerne. Actuellement, le type de rotation le plus répandu est biennal entre le maraîchage et les céréales, particulièrement le blé tendre. Ce fait s’explique par l’irrigation intensive sur toute l’année qui permet aux agriculteurs de dégager des marges brutes importantes en courte durée. On remarque aussi les faits ci-dessous : • Un déficit d’hommes d’âge compris entre 25 et 45 ans, dû au phénomène d’émigration de cette classe d’âge. • La quasi-totalité des exploitations (sauf celles aux surfaces très réduites) font recours à la main d’œuvre temporaire rémunérée généralement en argent (40 à 50 Dirhams/jour), parfois en nature avec une partie de la production (datte, céréales etc.). Ces employés sont sollicités de façon quasi-systématique pour effectuer les travaux de préparation du sol (labours, planage des casiers) et de cueillette. Selon la disponibilité en main-d’œuvre familiale, le chef de foyer peut également faire appel à des journaliers pour réaliser l’irrigation ou le désherbage. Certaines tâches sont réservées à des ouvriers spécialisés, comme pour toutes les opérations concernant le palmier dattier (taille, élagage, récolte).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 74

• L’entraide entre voisins : plus fréquente dans les exploitations traditionnelles et quasiment nulle dans les exploitations hors palmeraies. Lors des récoltes ou de la préparation du sol, plusieurs paysans peuvent s’entraider pour réaliser ensemble les travaux sur leurs exploitations respectives. Le poids de ce système traditionnel d’entraide (Tiwizi) varie d’une zone à l’autre. Cette pratique de solidarité commence à disparaître en raison de l’individualisme qui s’est développé rapidement après l’effritement des structures sociales traditionnelles et l’adoption de la technologie moderne.

3.3. Impact économique du pompage sur les exploitations agricoles

15 Pour caractériser l’effet direct du pompage sur le budget des exploitants, nous avons analysé uniquement certains paramètres agro-économiques liés à la marge brute de quelques cultures. Comme déjà avancé, les cultures irriguées par le pompage ont un rendement plus important que celles irriguées par la seguia. (tab.2).

Tableau 2 : Rendement et pourcentages des productions destinées à la vente avant et après le pompage

rendement (Qx/ha ou kg/pied) % de la production commercialisée Culture avant pompage après pompage avant pompage après pompage

blé tendre 18 28 0 10

Maraîchage 100 220 14 67

Légumineuse 8 14 12 14

Luzerne 550 700 5 7

Olive 4 12 0 0

Amande 4 11 0 5

Pomme 14 20 70 70

Abricot 24 30 70 70

Grenade 16 20 0 5

Dattes 14 25 75 80

Pastèque 250 330 0 85

Melon 210 280 0 30

Henné (tonne) 0,67 2,5 75 90

Source : Enquête du terrain 2008.

16 Autrefois, la vocation principale des cultures de l’étage inférieur était d’abord la satisfaction des besoins alimentaires de la famille et du bétail. En effet, le blé tendre

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 75

constitue la céréale de base, consommée principalement sous forme de farine (pâtisserie, pain) et de semoule (couscous). Cette céréale est exclusivement autoconsommée dans les foyers agricoles. Sa production est généralement inférieure aux besoins annuels de la famille. En revanche, les fermiers des exploitations nouvelles disposent de surfaces plus importantes et commercialisent environ 10% de leurs excédents.

17 La vente des produits des cultures maraîchères (tomate, pomme de terre, carotte, navet etc.) et des légumineuses (petits pois et fèves) est rare. Après l’irrigation, environ 67% des maraîchères et 14% des légumineuses sont destinées à la vente dans les marchés locaux. La luzerne occupe une place importante dans l’assolement (plus de 15% en moyenne). Elle constitue un des piliers de l’alimentation animale tout au long de l’année. Sa part vendue dans les souks reste faible avant et après le pompage (5% contre 7%). Elle est exclusivement destinée à l’alimentation du cheptel. 18 Parmi les produits arboricoles commercialisés, nous retenons principalement les dattes (actuellement 80% contre 70% de la quantité produite avant pompage), les pommes et les abricots (70%), les amandes et les grenades (5%), les olives restent un produit d’autoconsommation en raison de leurs faibles rendements. 19 Les enquêtes du terrain effectuées dans les exploitations agricoles ont aussi mis en évidence l’importance du melon et de la pastèque dans la zone. Son rendement est passé respectivement de (210-250qx/ha) avant le pompage à (230-330qx/ha) après l’adoption du pompage. 20 La culture du henné constitue la spécificité des zones d’extension hors palmeraie. Cette plante aromatique (Lawsonia inermis ; en arabe Henna) est une salicaire arbustive originaire de l’Inde, mais très ancienne dans la région. C’est une culture pérenne dont la durée de vie est de 10 à 15 ans. Elle est également très vulnérable à la salinité et très exigeante en eau. Malgré les mauvaises herbes, essentiellement le chiendent qui perturbe fortement la croissance du henné, l’enquête sur les exploitations hors palmeraie a montré que le rendement du henné est passé de 0,67T/ha à 2,5T respectivement avec le pompage. Par cette analyse comparative des rendements pour chaque culture, le calcul de la marge brute de spéculation montre que le pompage a révolutionné les systèmes culturaux, en améliorant la rentabilité économique des exploitants. Les superficies sont ainsi rapportées en hectare afin de mettre toutes les cultures sur la même échelle. Cette logique permet de comparer facilement la rentabilité économique entre les cultures. 21 Il s’avère d’après ces analyses des rentabilités économiques des activités agricoles que la marge brute totale la plus élevée est enregistrée respectivement par le palmier dattier, les cultures maraîchères, la luzerne, le henné, l’élevage et enfin, on trouve en bas de la hiérarchie des cultures moins rentables, telles les céréales. L’introduction du pompage a permis une nette amélioration du revenu brute de l’exploitation. Il conviendra de signaler que la marge brute procurée par le palmier dattier est respectivement supérieure 57 fois à celles du blé tendre, 6 fois à celle du henné, 3 fois à celle de la luzerne et 2 fois plus à celles des maraîchages. Ceci montre bien, l’importance du palmier dattier dans la constitution des revenus des exploitants. A ce titre, on recommande, la replantation de bonnes variétés de palmiers résistantes au bayoud dans la zone pour améliorer d’une part le budget économique des agriculteurs, et d’autre part, pour préserver l’écosystème oasien par une ceinture de palmiers, qui constitue sans doute un rempart contre la désertification.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 76

3.4. Impact écologique de l’introduction du pompage

22 L’adoption des innovations du pompage dans la zone a engendré des effets pervers, notamment :

a. L’apparition des nouvelles maladies

23 Suite à la pratique de l’irrigation, de nouvelles cultures sont apparues et avec elles de nouvelles maladies se sont développées. (Photo 1 et 2).

24 La majorité des agriculteurs, notamment ceux des exploitations hors palmeraies ont commencé à intensifier l’utilisation des engrais et des produits phytosanitaires après l’adoption du pompage. 70% des agriculteurs ont déclaré l’apparition au moins d’une maladie sur leurs champs irrigués. De plus, l’irrigation intensive a favorisé le développement d’une phanérogame appelée "cuscute" sur la pomme de terre. La courgette, l’oignon, la tomate et les carottes sont touchés par des ravageurs et des mauvaises herbes notamment les pucerons et la noctuelle. Il s’agit d’une plante sans racines ni feuilles qui s’accroche aux plantes hôtes le long de la tige. Ce parasite constitue un sérieux danger, car aucun traitement d’après les agriculteurs ne se révèle efficace. En effet, les céréalicultures sont soumises au cours de la période printanière à des attaques systématiques de Sésamies (Sésamia calamistis - insectes foreurs des tiges et des épis) et de la folle avoine. L’arboriculture a subi également l’influence au moins d’une maladie qui touche en particulier le pêcher, l’amandier et l’abricotier. Il s’agit d’une croûte noire, connue localement par l’appellation de « Tamsloularte » et recouvrant la tige de l’arbre. 25 Le milieu oasien enquêté est donc actuellement favorable au développement des maladies cryptogamiques et des insectes ravageurs des cultures basses. Les paysans mentionnent assez fréquemment que les produits phytosanitaires constituent l’une des causes initiant la bonne production agricole, notamment dans les fermes hors palmeraies. Le recours à des pesticides est très fréquent, on le trouve plutôt chez des exploitants ayant davantage des cultures maraîchères génératrices de revenus.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 77

b. Evolution de niveau de la nappe

26 Les principaux aquifères de la palmeraie de Mezguita sont des nappes alluviales peu profondes. Le taux de renouvellement des nappes est quasiment dépendant des lâchers du barrage dans les oasis traditionnelles et de l’importance des précipitations dans les oasis nouvelles. La surexploitation des nappes profondes engendre un appel d'eaux plus salines (Hachicha M et al, 19957).

27 L’analyse du niveau piézométrique de la nappe met en évidence la mauvaise situation des ressources souterraines. En effet, le volume pompé dans les extensions (62844,29m3/an/par exploitation) est presque 2fois (1,70fois) supérieur à celui prélevé dans les oasis traditionnelles (36849,13m3/an/par exploitation). Ce fait, montre la surexploitation des ressources souterraines et l’accentuation de la baisse du niveau piézométrique qui est en relation avec le phénomène de la diffusion des motopompes dans la région ; ce qui force les agriculteurs à approfondir leurs puits pour avoir une eau suffisante.

Tableau.3 : Evolution de niveau piézométrique des nappes phréatiques

Source : Enquête du terrain, juin 2008.

28 La profondeur totale moyenne des puits à la date moyenne de creusement (1993) était de 10,61m pour toute la palmeraie et de 14m pour les zones hors palmeraies. Actuellement, la profondeur moyenne est de 12,85m en palmeraie et 17,57m hors palmeraies à cause de la pression sur les ressources en eau. Le niveau piézométrique dynamique au cours des années de pompage a connu une diminution considérable. Il est passé de 8,7m en 1993 à 11,50m en 2008 dans les exploitations traditionnelles (soit un rabattement annuel de la nappe de 0,17 m par an) et de 12m à 15,75m dans les exploitations hors palmeraie, soit un rabattement annuel de 0,21m (tab.3).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 78

Photo 3 : Cas d’une exploitation moderne abandonnée en raison de l’épuisement de la nappe

Source : Aziz Bentaleb, Ouriz le 22 Mai 2006.

29 Le pompage non contrôlé a eu des effets pervers sur l’environnement et sur la durabilité de l’agriculture oasienne (photo.3). Donc, la survie du milieu oasien et ses extensions dépend d'abord de la bonne gestion de ces ressources peu renouvelables.

c. Qualité des eaux souterraines

30 Lors de nos enquêtes, nous avons mesuré la conductivité électrique (CE) des eaux à l’aide d’un conductimètre. La salinité (g/l) étant déterminée en multipliant la valeur de la conductivité électrique (ms/cm) par le coefficient 0,743.

31 La variabilité de la salinité des eaux des points d’eau étudiés est fonction des caractéristiques hydro-pédologiques et géomorphologiques de l’oasis, mais aussi du contexte géomorphologique de la région et de l’emplacement des puits par rapport à l’axe de l’oued Draâ. L’interprétation des résultats de la figure N°2, montre que la qualité des eaux souterraines présente de fortes variations latérales et verticales en fonction des variations lithologiques de l'aquifère et des activités agricoles. La salinité très variable à l’échelle spatiale, suit d’une part un gradient croissant allant de l’amont vers l’aval hydraulique, et d’autre part un gradient latéral de la palmeraie vers ses extensions. 32 La CE est la plus élevée au niveau des oasis traditionnelles avec des variations remarquables entre la palmeraie (1 et 1,50g/l) et ses bordures extrêmes (0,56-0,99g/l) d’une part ; et entre la palmeraie et ses extensions ‘‘oasis modernes’’ (0,33-0,55) d’autre part. La moyenne générale de Ph obtenue pour toute la zone est de l’ordre 7,46. Ces valeurs varient entre 7,1 et 7,5 dans la palmeraie traditionnelle et entre 7,5 et 7,9 dans les oasis nouvelles. La basicité du Ph peut être liée à l’abondance des ions sodiques et leur effet alcalisant.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 79

Figure 2 : Evolution spatiale de la salinité des eaux souterraines dans la palmeraie de Mezguita et ses extensions (g/l)

33 Le diagnostic et l’examen des résultats de CE, nous ont permis de déceler 3 zones à conductivités électriques différentes : • zone fortement saline : elle est située soit dans l’axe de l’oued Draâ, soit en aval de la palmeraie (sauf Tirazouine). Ce rayon représente 76,66% des totaux des puits enquêtés, dont la CE varie entre 1g/l et 1,50g/l. Ce résultat montre la dégradation de la qualité des eaux des puits en allant soit vers le sud de la Vallée (en raison des facteurs topographiques et climatiques) soit en direction de l’oued à cause de l’infiltration des eaux superficielles, lors des lâchers du barrage chargés en sel. • zone moyennement salée : cette bande représente 10% de points d’eau enquêtés. Elle se situe généralement dans les bordures extrêmes de la palmeraie (Ouriz et Tafergalte). Le CE varie entre 0,56 et 0,99g/l. Ce résultat fait apparaître l’amélioration de la qualité des eaux lorsqu’on s’éloigne latéralement de l’oued Draâ. • zone moins salée : elle constitue un ruban étroit correspondant aux oasis modernes développées récemment hors la palmeraie traditionnelle (13,33%). Elle est caractérisée par de faibles teneurs en sel, du fait que la CE oscille entre 0,33 et 0,55 g/l. L’alimentation de la nappe repose alors sur les précipitations et les crues des ruisseaux. L’installation de l’agriculture orientée vers la commercialisation dans ses oasis menace sans doute la pérennité et la qualité des eaux souterraines, en raison du surpompage anarchique et de l’utilisation abusive des intrants.

34 En fait, 95% des agriculteurs de la zone utilisent les fertilisants azotés et diverses sortes d’engrais. Ce sont les engrais d’azote ammoniacal sous forme de chlorure, de phosphate sous forme d’anhydride phosphorique (P2OS), outre les engrais complexes ternaires de type 19-38 et NPK de type 14-28-14, plus proches d’une fumure de fond qui est employé fractionné, sous forme d’un à deux apports par cycle.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 80

35 La protection de l'environnement des oasis contre la dégradation de la qualité des eaux est indispensable. La problématique de la maîtrise des eaux et de leurs sources de pollution peut être résolue si l'on appréhende tous les éléments du bilan hydrique et si on intègre la culture de la gestion de l’eau au sein des usagers agricoles.

4. Réhabilitation et reconstitution de l’écosystème oasien du Mezguita

36 Sur le plan agricole, les facteurs climatiques, socio-économiques, institutionnels et la faiblesse du système de transfert de technologies vers les producteurs sont les principales contraintes pour l’amélioration de la production agricole. En dépit de toutes ces contraintes, l’ingéniosité des pratiques traditionnelles, le savoir faire local et l’exploitation judicieuse des potentialités existantes pourra permettre de lever la plupart des handicaps identifiés et favoriser le développement d’une agriculture soucieuse et respectueuse de la diversité biologique. Pour ce faire on recommande : • Le renforcement des stratégies de développement du secteur phoénicicole à travers le plan de Restructuration des Palmeraies Nationales lancé depuis 1986. Cette opération permettra non seulement de reconstituer le patrimoine phoénicicole national dévasté par le Bayoud, mais aussi de corriger la densité de peuplement et d’améliorer la qualité de la production des dattes dans un échéancier convenable. • L’encadrement de la phoeniciculture en matière d’irrigation et de techniques de plantation et d’entretien, de récolte, de stockage et de commercialisation. • La valorisation de la datte locale par la commercialisation et par l’agro-tourisme. Par ailleurs, il faudra valoriser l’utilisation des dattes aussi bien pour l’alimentation du bétail que pour la consommation humaine tant au niveau national qu’international. A ce titre, il apparaît souhaitable d’encourager l’installation d’unités de fabrication d’aliments de bétail à base de déchets de dattes au niveau régional, ou à la rigueur, d’encourager les agriculteurs à s’équiper de broyeurs de dattes (MADRPM, 20008). D’autre part, il faudra étudier les possibilités de transformation de la datte industrielle pour la consommation interne ou l’exportation. • Faire des études du marché et l’organisation du circuit de commercialisation de la datte. Dans ce domaine, il est a priori nécessaire d’entreprendre une prospection des marchés tant au niveau national qu’international. L’étude devrait être confiée à une société spécialisée dans la commercialisation des produits agricoles et ayant une renommée internationale (Haddouch M., 20059). L‘amélioration du circuit de commercialisation des dattes serait conditionnée par la mise en place d’un marché régional des dattes dans lequel seront également présentées les autres productions de la zone (henné, race D’mane, etc.). Cette solution permettra aux agriculteurs de tirer un meilleur profit de leur production en récupérant une part de la marge accaparée par les intermédiaires et d’assurer une meilleure ouverture du marché local sur les grands marchés du pays. L‘idée est ainsi de transférer le marché des dattes actuellement sis à Marrakech sur Ouarzazate. Il faudra par ailleurs renforcer les activités de la société “Dattes de Zagora” en matière d’investigation de marchés aussi bien nationaux qu’internationaux. • Réduire les superficies des cultures grosses consommatrices d’eau (luzerne et henné….) car elles contribuent à fragiliser les sols et à les appauvrir notamment par l’utilisation des techniques non appropriées (recours à la mécanisation sur des sols squelettiques). Ainsi, il faut limiter les choix culturaux contre-indiqués « monoculture de henné, plantation

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 81

fruitière ou de maraîchage » développés dans les oasis modernes hors palmeraies traditionnelles. Le choix des espèces à planter doit tenir compte de leurs exigences écologiques ainsi que des caractéristiques édaphiques des sites d’intervention.

37 Dans le domaine du développement des ressources en eau, l’action doit être axée notamment sur les opérations suivantes : • Satisfaction des besoins en eau des plantations, d’où la nécessité de l’intensification de la recherche pour la maîtrise des ressources en eau. • L’amélioration de la maîtrise des eaux superficielles, en particulier les crues, par l’aménagement et la réhabilitation des ouvrages hydrauliques. Les programmes d’irrigation dans les périmètres de Grande Hydraulique doivent tenir compte davantage des besoins en eau du palmier dattier, en assurant la fourniture d’eau au moins pendant les stades critiques de son développement. Tous les témoignages concordent pour dire que le barrage n'est pas accepté par la population qui n'y voit pas d'effets positifs (l’arrêt du limon, envasement, etc.), la retenue est accusée de « tuer la palmeraie » ou moins d’accélérer le processus de la dégradation de l’écosystème oasien « salinité, ensablement etc. ». • La recharge artificielle des nappes par des eaux du barrage Mansour Eddahbi, et cela durant chaque trimestre pour préserver le patrimoine agricole. Il est nécessaire donc d’effectuer des études qui auraient comme objectif d’établir un bilan des ressources au niveau local et global et établir un plan global de gestion des ressources avec pour orientation générale un développement durable. • Le renforcement des services publiques d’appui aux petites et moyennes exploitations pour soutenir l’accès aux nouvelles technologies d’irrigation qui économisent l’eau, tel que le goutte à goutte. • L’encouragement de la mise en place des coopératives pour l’exploitation des eaux en commun (pompage collectif). • La mise en application de la loi 10-95 sur la gestion de l’eau et l’adoption d’une approche globale visant l’économie de l’eau. Il faut freiner la diminution progressive de la nappe et arrêter le creusement massif et incontrôlé des puits et des forages.

38 Enfin, nous suggérons que d’autres études approfondies soient menées en orientant les investigations vers l’étude de la nappe phréatique afin de déterminer les seuils de creusement et de prélèvement d’eau. L’étude des effets de l’utilisation massive des engrais azotés sur la nappe phréatique et l’étude de l’impact écologique de la motopompe sont recommandées. Il est donc important d’inventorier de manière précise les ressources hydrogéologiques des différentes zones et de les mettre en relation avec le niveau d’exploitation et l’environnement local.

Conclusion : Rendre l’âme aux oasis pour la sauvegarde du patrimoine naturel et culturel

39 En milieu oasien, l’eau est une ressource rare, ce qui a poussé les sociétés traditionnelles à élaborer des systèmes d’irrigation qui répondent aux modes d’une gestion sociale très complexe, assez bien adaptée au contexte local. Or, depuis les années 1980, on assiste à une période d’assèchement du climat et à une raréfaction de la ressource en eau. Face à cette crise climatique, le système traditionnel des seguias, de même que la tentative de modernisation du système d’irrigation du Draâ basée sur le barrage montrent leurs limites. Parallèlement, l’exploitation incontrôlée des ressources en eau, reste basée sur un système d’irrigation par submersion d’où le risque

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 82

d’augmenter la vulnérabilité de ces espaces déjà naturellement fragiles. Toutes les oasis de la zone sont condamnées à mort si les évolutions actuelles se poursuivent.

40 Donc, la valorisation sociale et économique de l'eau pourrait sembler une autre alternative, notamment par le choix de cultures moins exigeantes en eau, le passage au goutte à goutte qui semble être une technique plus économe et la sensibilisation des agriculteurs sur l’importance de la gestion de l’eau dans la durabilité de l’écosystème oasien devient une urgence pour lutter contre les facteurs de désertification et la sauvegarde du patrimoine naturel et culturel des oasis.

NOTES

1. PNUE, « Le Sommet saura-t-il redonner l'élan nécessaire au règlement du problème de la désertification ? » Revue Homme Terre Eau, N° 116, volume 25, Montpellier, Mars 2002, 20 p. 2. Chamayou, J., « Hydrogéologie de la Vallée du Draâ moyen », thèse du doctorat de l’université (Lille II), 1966, pp.20-50. 3. MEPN, « Ministère de l’équipement et de la promotion nationale » DRE de Ouarzazate, Rapport hydraulique de l’oued Draâ », Rabat, 1969. 4. Jarir, M, « Er-Rachidia et l’organisation régionale de la Vallée du Ziz. Exemple d’aménagement hydro-agricole dans le présaharien marocain », Thèse de doctorat de 3éme cycle, Université François Rabelais Tours ; UFR d’aménagement, géographie et informatique, volume 1, 1983, p. 82. 5. Hrou, A., « Enclavement et développement au Maroc : cas de la province d’Errachidia », thèse de doctorat, Tome 1, Université Aix Marseille II, institut de géographie et d’aménagement, 1983, p. 415. 6. Bentaleb, A., « Dynamique de la désertification dans le Draâ moyen : analyse et perspectives », Thèse de doctorat national en géographie, Université Mohamed V, Rabat, 2008, pp. 95-100. 7. Hachicha, M. ; Mtimet, A. ; Zidi, Ch. et Job, J. O., « La salinisation des sols et la gestion des eaux dans les oasis », Actes de Séminaire : Tozeur, 8-9 décembre 1993, Sols de Tunisie, Bulletin de la Direction des Sols n°16, 1995. 8. MADRPM, « Etude socio-économique de la réserve de la biosphère des palmeraies Sud Marocaines », DPV, Agadir, 2000, pp.30-42. 9. Hadouch, M., « Situation actuelle et perspectives de développement du palmier dattier au Maroc », ORMVAO, Ouarzazate, Service de la production agricole, 2005, pp. 30-35.

RÉSUMÉS

La palmeraie de Mezguita située en amont de la Vallée du Draâ moyen au sud du Maroc, est caractérisée par l’intensification agricole, et ce, grâce à la disponibilité des eaux d’irrigation. Actuellement, avec la raréfaction des eaux de surface, en raison des sécheresses prolongées et de

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 83

l’édification du barrage Mansour Eddahbi, les agriculteurs ont recours au pompage des nappes souterraines pour répondre aux besoins en eau des cultures, notamment, le palmier dattier et la céréaliculture. Néanmoins, ce mode incontrôlé d’exploitation des eaux contribue à la dégradation de l’écosystème oasien ; ce qui nécessite l’élaboration de pistes de réflexion pour la sauvegarde des potentialités hydriques et du patrimoine phoénicicole.

The Mezguita palm grove situated in the upper Draâ Valley in southern Morocco is characterized by intensive agriculture, thanks to irrigation. Actually with surface water becoming rare because of prolonged drought and the building of the Mansour Eddahbi dam, farmers have turned to pumping underground water to meet their needs for their crops, mainly for date palms and cereals. Nevertheless this uncontrolled way of using water contributes to degrade the oasis eco system; this situation necessitates an elaboration of guides for reflection in order to safeguard the hydraulic potentialities and palm grove patrimony.

El palmeral de Mezguita situado cuesta arriba del Valle del Draâ medio al sur de Marruecos, se caracteriza por la intensificación agrícola, y esto gracias a la disponibilidad de las aguas de irrigación. Actualmente, con la rarefacción de las aguas de superficie, a causa de la sequedad prolongada y la edificación del pantano Mansour Eddahbi, los agricultores recurren al bombeo de las aguas subterráneas para responder a las necesidades en agua para los cultivos, en particular, la palmera datílera y la cultura de cereales. Sin embargo, ese modo de hacer sin controlar la explotación de las aguas contribuye al deterioro del ecosistema del oasis; lo que necesita la elaboración de pistas de reflexión para salvaguardar las potencialidades en agua y del patrimonio relativo a la producción de dátiles.

زيمتت ةحاو ةطيقزم ةدجاوتملا ةيلاعب ةعرد بونجلاب يبرغملا فيثكتلاب ،يح فلا ارظنل اهرفوتل ىلع هايم يقسلا ةردن ،ايلاح . عم هايملا وو ببسب يلاوت تاونس فافجلا ءاشنإو روصنملا دس ،يبهذلا دقف رطضا مظعم هايملا نوح خض ىلإ فلا ل ةيفوجلا دسل تايجاح ،ةعارزلا ةصاخ رجش ليخنلا بوبحلاو . نلقعملا ريغ ل غتسل نكل دراومللل اذها ةيئاملا ىدأ روهدت ىلإ ماظنلا يئيبلا . امم بجوتسي لخدتلا ةيامحل تاورثلا ةيئاملا تارثلاو يحاولا .

INDEX

Mots-clés : oasis, pompage intensif, désertification, sauvegarde

ةحاو , هايملا خض , رحصتلا , ةيامحلا سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

Palabras claves : oasis, bombeo intensivo, desertificación, salvaguardia Keywords : oasis, intensive water pumping, desertification, safeguarding, eco system

AUTEUR

AZIZ BENTALEB

Professeur-Chercheur, Unité des études et des recherches environnementales, Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM), Rabat, Maroc.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 84

Aménagements hydrauliques et construction des territoires: cas des oasis de Réjim Maâtoug (Sud tunisien) Hydraulic installations and territory: the example of the Redjim Maatoug (South Tunisian oasis) Organización hidráulica y construcción de los territorios: caso de los oasis de Réjim Maâtoug (extremo sur tunecino) تلا ّ ةئيه يئاملا وكت و ّة ميلاقلا ّن : ةلاح تاحاو ميجر قوتعم ) بونجلا تلا ّ يسنو (

Abdelkrim Daoud

1 Le Sud tunisien fut durant les quatre dernières décennies un espace de mise en valeur, visant autant des objectifs socio-économiques que stratégiques. Principal acteur de ces actions, l’Etat visait, à travers la mise en place d’infrastructures diverses et la mobilisation des ressources en eaux ou la promotion administrative, l’intégration des zones arides et hyper arides du Sud tunisien. Le projet de Réjim Maâtoug, visant la création d’environ 2000 hectares d’oasis ex-nihilo entre dans ce cadre. La problématique du présent travail consiste à étudier l’impact social et spatial des grands aménagements hydrauliques ayant permis la création de ces nouvelles oasis. Il tentera ainsi de montrer comment les ressources en eaux fossiles du Sud-ouest et les grands aménagements hydrauliques ont été mis au service d’objectifs stratégiques visant un meilleur contrôle de zones frontalières, et socio-économiques et la sédentarisation des derniers nomades ou semi-nomades du Sud. Ce travail tentera ensuite de montrer les limites des grands aménagements hydrauliques en milieu hyper aride où les besoins en eau des plantations sont énormes, et ce à travers l’étude des retombées écologiques constatées sur le terrain, et particulièrement les problèmes de drainage de l’eau d’irrigation, d’hydromorphie ou parfois de salinisation. Il engagera enfin une réflexion sur les limites de la construction des territoires par l’eau dans ces milieux hyper arides, et sur les alternatives de développement possibles, dans une conjoncture marquée par la

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 85

vulnérabilité accrue des ressources en eaux fossiles, l’augmentation des frais de leur mobilisation et l’aggravation de ses impacts sur le système de production oasien.

I. Historique de la mise en place des oasis de Réjim Maâtoug

I.1. D’importantes ressources en eaux fossiles

2 Réjim Maâtoug est un ensemble d’oasis et de groupements d’habitations, créés dans le désert, à quelques kilomètres de la frontière algérienne, à environ 130 kilomètres à l’ouest de Kibili, et 70 kilomètres de Douz (Doc. 1). Ce sont les ressources en eau des nappes fossiles qui ont été mises à contribution dans le Sud ouest tunisien en général, pour les grands aménagements hydrauliques. Il s’agit du système aquifère du Sahara septentrional, composé par la superposition de deux principales couches aquifères. La superficie de ce bassin est estimée à environ 1 million de km2, dont 80.0000 en Tunisie (700.000 en Algérie et 250.000 en Libye1). Il s’agit de la nappe du Continental Intercalaire (CI) et de celle du Continental Terminal (CT), auxquelles s’ajoute la nappe du Turonien, moins importante. Les études les plus importantes, relatives à ce système, ont commencé dès de début des années 70 du siècle dernier2.

Figure 1 : Carte de localisation

3 Toutefois, des études plus récentes3 ont abouti à la réalisation d’une importante base de données sur ce système et, grâce à différents outils dont la modélisation, ont conclu « qu’il existe une possibilité de porter l’exploitation du système aquifère du Sahara septentrional, estimé à 2,5 milliards de m3 en 2000, jusqu’à un niveau de 7,8 milliards de m3 /an à l’horizon 2050 »4. Sur les 2,5 milliards de m3 par an, la part la plus importante revient à l’Algérie

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 86

(1,50). La Tunisie et la Libye exploitent respectivement 0,55 et 0,45 milliards de m3. En Tunisie, la nappe du CT, logée dans les sables pontiens et les calcaires sénoniens près de la frontière algérienne, présente une minéralisation plus élevée, jusqu’à 6g/l dans sa partie Nord (Chott-El-Gharsa), que sa partie Sud (Nefzaoua et Jerid), où elle n’est que de 2 à 3 g/l5. En raison de son accessibilité, la nappe du CT est la plus exploitée. Par contre, celle du CI présente une minéralisation moins élevée, de 2,5 à 3g/l dans le Jerid et le Nefzaoua, et est également moins sollicitée.

I.2. Mise en place progressive des oasis de Réjim Maâtoug

4 Trois phases peuvent être distinguées dans la mise en place ex nihilo des oasis de Réjim Maâtoug : la première, s’étalant de 1977 à 1984, peut être considérée comme celle du démarrage de cette nouvelle forme d’occupation de l’espace et de la construction d’une nouvelle territorialité. Elle fut marquée par l’installation de 20 logements et une école, constituant le noyau de ce qui est appelé aujourd’hui le village de Réjim Maâtoug, et l’aménagement du premier périmètre irrigué : l’oasis de Réjim 1, couvrant 100 ha. L’action de l’Etat, qui projetait d’aménager environ 3000 ha dans le territoire des Ouled Ghrib, s’insère en fait dans le cadre du Plan Directeur des Eaux du Sud (PDES), qui fut achevé dès 1976 et appliqué à partir de 1980. Ce plan avait pour principal objectif l’utilisation des eaux fossiles pour réhabiliter les oasis anciennes et créer de nouvelles oasis. Les reconnaissances par forages effectués par la Direction Générale des Ressources en Eau ont conclu à « une disponibilité de 2000 l/s exploitable à l’aide de forages jaillissants, avec un débit de 70 à 120 l/s et une salinité de l’eau de 1,8 à 2,5g/l. »6

5 Les contraintes auxquelles devaient faire face ces premiers aménagements étaient liées à l’éloignement, l’absence de route reliant cette zone à Kibili, et aux difficultés d’installation des premiers irrigants, appartenant dans leur quasi-totalité à la tribu semi-nomade des Ghrib, qui passaient ainsi, et sans transition, du semi nomadisme à la sédentarité et du pastoralisme à l’agriculture irriguée. A cela s’ajoutent les contraintes imposées par le milieu naturel (hyperaridité et fréquentes tempêtes de sable), limitant la réussite des premières plantations. La deuxième phase, entre 1985 et 1989, fut marquée par la multiplication des forages, la création de l’Office de développement de Réjim Maâtoug, dirigé par l’armée, qui avait pris en charge (en coordination avec le Ministère de l’Agriculture), la réalisation des principaux travaux de fixation des dunes, de nivellement des terrains destinés aux plantations, de construction de routes et de l’installation de l’infrastructure d’irrigation et de drainage. Cette phase fut marquée aussi par la mise en place des oasis de Réjim 2 (100 ha) et Matrouha (75 ha). La troisième phase, marquée par la prise en main de l’Office de Réjim Maâtoug de l’aménagement et de la gestion des périmètres irrigués et des ressources en eau, fut la plus importante, particulièrement par la création de nouveaux périmètres. Deux tranches de réalisations peuvent être distinguées dans cette troisième phase : de 1990 à 1995 furent créées les oasis d’Ennasr 1 (288 ha sur 192 lots), Ennasr 2 (144 ha, 96 lots), El-Ferdaous 1 et 2 (360 ha et 240 lots chacune). Cette première tranche totalise 1 152 ha répartis sur 768 lots. L’eau est fournie à ces différentes oasis au moyen de 16 forages captant le CT. Ces oasis furent aussi équipées d’un réseau de drainage et de brise-vents en palmes ou en plantations forestières. Les lots, de 1,5 ha environ, étaient plantés par les soins de l’Office, avant de les livrer à leurs futurs exploitants. L’Office s’est chargé aussi de la construction de 762 logements. La deuxième tranche de réalisation démarrée en 2002, est prévue pour s’achever en 2009, avec la création des oasis d’El-

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 87

Amal I et II (216 ha sur 144 lots chacune) et Essalam I et II (288 ha et 192 lots chacune). Au total, 14 forages assurent l’irrigation de cette deuxième tranche d’oasis (1 008 ha répartis sur 672 parcelles), et le tour d’eau ne dépasse pas six jours. L’exploitation globale de l’eau, inférieure à 100 l/s jusqu’en 1982, est arrivée à 815 l/s en 19957 et dépasse aujourd’hui 1 000 l/s. La tendance actuelle est encore à l’accroissement de la demande en eau, parallèlement à l’extension des plantations et à la faible efficience de l’irrigation8.

II. Un bilan global mitigé

II.1. Une nette amélioration du niveau de vie

6 Bien que ne disposant pas de données statistiques globales sur le secteur, nous pouvons toutefois affirmer que le bilan social et économique à Rejim Maâtoug, bien que mitigé, montre une nette amélioration du niveau de vie des irrigants, et une nette augmentation de la production de dattes destinée à la commercialisation, ou de certains produits maraîchers destinés à l’autoconsommation. Une étude d’évaluation de la première tranche (1 152 ha) réalisée par l’Office de Développement de Réjim Maâtoug en 2006 a conclu à l’existence de cinq types de parcelles, sur la base de critères de production. La classe 1, est constituée par les parcelles ayant plus de 40 pieds productifs, la classe 2 entre 30 et 40, etc. Au total, 10% seulement des parcelles appartiennent à la classe 1, et furent considérées comme réussies (sur la base d’une production moyenne de 50kg/palmier, soit 2 tonnes/parcelle, ce qui est économiquement viable). 80 % appartiennent aux classes 2, 3 et 4 et 10% à la classe 5. Les parcelles de cette classe furent considérées comme étant à refaire.

7 Par ailleurs et sur le plan social, la sédentarisation s’est traduite par un changement radical du mode de vie, avec accès à la scolarisation des enfants et aux soins de santé de base. L’habitat est désormais aggloméré sous forme de petits villages implantés le long de la route, sur laquelle on voit se succéder les villages de Réjim Maâtoug, d’El- Ferdaous, d’Ennasr, d’Essalam et enfin de Matrouha, le plus proche de la frontière algérienne. (fig. 2 et photo 1). Plusieurs services banaux et de proximité se sont également installés. D’anciens pasteurs, les premiers bénéficiaires des lots sont devenus agriculteurs irrigants et sédentaires. Toutefois, l’élevage n’a pas disparu, mais s’est intégré dans l’exploitation. A travers la construction de ces nouveaux territoires par le biais des grands aménagements hydrauliques, l’objectif de l’Etat depuis la fin des années 70 du siècle dernier, était aussi la formation d’une petite paysannerie ancrée dans ces territoires et attachée à sa terre. Dans cette zone frontalière, les soucis de marquage des frontières n’étaient pas absents de la politique de l’État. Des primes d’installation furent accordées à ces nouveaux paysans, destinées à subvenir à leurs besoins avant que l’exploitation n’arrive au stade de la production.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 88

Figure 2 : Image Spatiale de l’Oasis de Réjim Maâtoug

Source : Google Earth

Photo 1 : Village d’El Ferdaous à Régim Maâtoug

Photo. A. Daoud 2008

II.2. Gaspillage d’eau et hydromorphie

8 Pour le cas de Réjim Maâtoug, le problème fondamental reste le gaspillage et le surdosage des eaux d’irrigation. Cela se constate particulièrement dans les plantations de la première tranche où, initialement, aucun dispositif d’économie d’eau n’était installé. Face à cette situation, l’action de l’Office a consisté, dans le cadre d’un programme de réhabilitation, à équiper chaque parcelle de bouches d’irrigation, reliées à un canal principal muni de vannes. Un système de canaux secondaires est branché sur les bouches d’irrigation pour amener l’eau directement sous les palmiers. Les services techniques de l’Office estiment que ce dispositif, qu’ils appellent système d’irrigation gravitaire améliorée, peut économiser jusqu’à 30% d’eau d’irrigation. Une enquête directe9 auprès des irrigants de l’oasis d’El-Ferdaous II, courant 2008, a permis de constater leur engouement pour ce système, avec lequel l’exploitant trouve plus de

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 89

temps pour effectuer d’autres travaux comme le labour, le sarclage et l’épandage de fumier.

9 L’irrigation et l’excès d’eau génèrent des contraintes, dont la plus importante est l’eau de drainage. La pente entre le site des oasis et les alentours étant quasi-nulle, et en l’absence d’une dépression à proximité pouvant drainer naturellement les eaux d’irrigation, l’eau de drainage est collectée par le moyen de canaux enterrés, dans un bassin, d’où elle est ensuite pompée et déversée au moyen d’un canal, dans les espaces vides jouxtant l’oasis. Ces grandes quantités d’eau, livrées ainsi à l’évaporation, auront pour conséquences à terme l’augmentation de la salinité et la perte de fertilité des sols, sans compter les risques de contamination bactériologique qu’elles peuvent entraîner. A cela s’ajoutent les surcoûts de mobilisation des ressources en eaux générés par la mise en place, le fonctionnement et l’entretien de la station de pompage des eaux de drainage. Il va sans dire que les impacts économiques directs de la perte de fertilité des sols de ces nouvelles oasis sur leur capacité de production et sur les revenus à moyen et long termes des paysans sont importants, impacts aggravés par l’augmentation de la vulnérabilité de la ressource en eau en raison de la sollicitation excessive des nappes. En effet, il est communément admis qu’un hectare irrigué dans les oasis du Sud-Ouest tunisien consomme actuellement entre 20.000 et 23.000 m3/an, et Réjim Maâtoug ne fait pas exception à cette règle. Cette exploitation intensive des aquifères fossiles pourrait entraîner des phénomènes de drainance et une augmentation de salinité des horizons superficiels. L’intensification des prélèvements sur les réserves géologiques de la nappe du CT dans le Jerid et le Nefzaoua depuis 198010 a eu des conséquences négatives sur les échanges hydrodynamiques de cette nappe. En effet, cet auteur note que l’hydrodynamisme de cette nappe est régi par « la pression de mise en charge des niveaux profonds captés par forages, et par la gravité dans la partie superficielle exploitée par puits de surface »11. La surexploitation des niveaux profonds entraînera la baisse de la piézométrie et, corrélativement, un appel d’eau des niveaux supérieurs, qui sera à l’origine de l’augmentation de salinité. En outre, l’intensification de l’exploitation à Réjim Maâtoug a entraîné une baisse de la piézométrie, observée depuis le milieu des années 1980, et estimée aujourd’hui dans une fourchette comprise entre 11,5 et 14,5 mètres. 10 Le gaspillage de l’eau d’irrigation provenant des nappes fossiles et les rejets des eaux de drainage ont crée une situation d’hydromorphie dangereuse. A l’intérieur même de l’oasis, l’hydromorphie touche, selon les services techniques de l’Office, environ 50 ha. Il faut noter que ces problèmes d’hydromorphie se retrouvent aussi dans beaucoup d’oasis algériennes du Bas-Sahara, en raison d’une topographie similaire12. Cette situation est paradoxale dans un environnement désertique.

III. Pour une autre gouvernance de l’eau dans les oasis de Réjim Maâtoug

III.1. Eau et construction des territoires, quelles limites ?

11 Les problèmes d’hydromorphie, de salinisation des sols, du rabattement du niveau piézométrique et de la salinisation des sols montrent encore une fois que la construction des territoires par l’eau dans les régions arides et hyper arides a des limites. Celles-ci s’imposent à l’homme à travers les contraintes omniprésentes de

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 90

l’aridité. L’avenir des aménagements hydrauliques à Réjim Maâtoug passe par un nouveau mode de gouvernance des ressources en eaux et en sols, dans un objectif de durabilité. Il est peut être temps de changer l’échelle de la territorialisation, et de penser à une gestion transfrontalière et plus concertée du système aquifère du Sahara septentrional entre les trois pays concernés, Algérie, Tunisie et Libye. Ceci est d’autant plus impératif que des études récentes13 ont montré que les secteurs les plus vulnérables de ce système sont ceux qui abritent les plus fortes densités de populations, et que, dans l’avenir, l’exploitation du potentiel hydraulique devrait tenir compte des risques de dégradation, et cela ne peut se faire « qu’au prix d’une rupture totale avec les régions traditionnelles d’exploitation intensive[…] 80% des prélèvements additionnels devront se faire dans des régions nouvelles et éloignées, essentiellement dans la partie libre de l’aquifère : 3,5 milliards dans le bassin occidental du CI, 0,6 milliards aux confins sud du CT en Algérie. Par pays, cette exploitation se décompose comme suit : 6,1 milliards de m3/an en Algérie, 0,72milliards de m3/an en Tunisie et 0,95 milliards de m3/an en Libye »14. Ces mêmes études ont montré que l’exploitation actuelle du système a rendu la zone proche des chotts algéro-tunisiens la plus vulnérable. De ce fait, si les choix actuels de construction des territoires uniquement par le biais de l’eau sont maintenus, cela exigerait éventuellement des transferts coûteux de cette ressource. Par contre, l’alternative d’une gestion durable devrait inclure la concertation entre les trois pays composant le bassin. En tout état de cause et dans l’immédiat, l’étude du cas de Réjim Maâtoug montre que pour diminuer la vulnérabilité de la ressource, il est possible de concevoir des aménagements visant l’économie de l’eau d’irrigation d’une part, et la réutilisation agricole in situ des eaux de drainage. La généralisation de l’équipement des oasis de Réjim Maâtoug par le système d’irrigation gravitaire améliorée, et l’équipement des oasis en cours de création nous semble être une bonne solution. Cela revient à terme à mieux maîtriser la demande. De plus, et dans la mesure où leur qualité chimique et bactériologique le permet, les eaux de drainage pourraient être réutilisées pour la production de fourrages. Cela revient à les considérer comme « une nouvelle ressource en eau »15. L’économie de l’eau d’irrigation ne peut avoir les résultats escomptés sans l’implication totale du paysan, car l’expérience a montré que les solutions techniques à elles seules ne suffisent pas si elles n’ont pas l’adhésion des principaux acteurs concernés. La participation paysanne à la gestion de l’eau, à travers leurs associations nous semble être un élément essentiel de cette nouvelle gouvernance, entendue ici dans le sens que lui donne Cosanday16 qui la considère comme « un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions, pour atteindre des buts discutés et définis collectivement ». L’application d’une tarification sur l’eau à Réjim Maâtoug serait parmi les moyens les plus efficaces de limiter le gaspillage, et de retarder l’échéance de la fin de l’artésianisme, car jusque là, l’eau est distribuée gratuitement. La tarification implique la prise en compte du coût réel de mobilisation et de distribution de l’eau. Il est évident que le pompage va entraîner une augmentation substantielle des coûts d’exploitation, ce qui justifie encore une fois la nécessité d’adopter un autre mode de gouvernance de l’eau, basé sur la participation consciente des irrigants à sa gestion, dans le cadre d’associations à intérêt collectif. L’eau a été et restera l’enjeu fondamental du développement dans ces régions arides. Faut-il encore rappeler qu’au moment où, dans des régions où les conditions climatiques sont plus clémentes, l’eau est payée cher par les irriguants, car sa mobilisation et son transfert reviennent cher, avec des problèmes de tours d’eau (Cap-Bon, Basse vallée de la Medjerdah, Sahel de Sousse), celle-ci est ici gaspillée, avec une irrigation sans limites, par submersion démesurée en

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 91

quantités à l’hectare, démesurée en fréquence, tout simplement parce qu’encore fournie gratuitement. Ce qui est encore plus étonnant, c’est que parallèlement à cette utilisation parfois minière de la ressource à Réjim Maâtoug, les méthodes d’économie d’eau adaptées à ce milieu désertique ne furent adoptées que tardivement. Outre l’épuisement de la ressource, la gratuité de l’eau à Réjim Maâtoug est en train de conforter une certaine attitude sociale des irrigants (venant aujourd’hui d’horizons géographiques divers) vis-à-vis de l’eau, qui va vers davantage de gaspillage que de gestion de la ressource en tant que patrimoine.

Photo 2 : Système d’économie d’eau dans l’oasis d’El Ferdaous II à Rejim Maâtoug (Photo A. Daoud, 2008)

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 92

Photo 3 : Extension du front des plantations : oasis d’El-Amal à Réjim Maâtoug (Photo A. Daoud, 2008)

III.2. Le « projet territorial », alternative pour des territoires durables en zones désertiques

12 Aujourd’hui, il s’avère indispensable d’étudier l’opportunité de revoir tout le système de production oasien, tel qu’il a été transposé dans les zones pionnières à l’instar de Réjim Maâtoug, dans lequel le palmier dattier occupe la quasi-totalité des superficies, et duquel le paysan tire l’essentiel de ses revenus. Ce système implique l’insertion de plus en plus poussée de la région dans l’économie de marché, au moment où la quasi-totalité des maillons de la « filière dattes » échappe aux paysans de ces oasis. La diversification du système de production devrait viser une meilleure intégration de l’élevage ovin et caprin avec production de fourrages in-situ, l’introduction de l’arboriculture et du maraîchage sous les palmiers pouvant aider à diversifier les revenus et optimiser l’utilisation de l’eau. Si l’eau reste un élément fondamental pour le développement du Sud tunisien, il nous semble toutefois que dans les zones pionnières comme Réjim Maâtoug, la construction des territoires doit faire l’objet d’ « un projet territorial »17, incluant, en plus de l’agriculture irriguée, d’autres activités pouvant diversifier les revenus des paysans et limiter la pression sur les ressources en eaux. La pluriactivité, déjà observée sur le terrain, constitue, dans la plupart des cas, une véritable stratégie paysanne. De même, la « mise en tourisme » de ces territoires pourrait constituer un important élément de ce projet territorial. Elle pourrait concerner la beauté paysagère, la pratique hydroagricole d’irrigation ou de cueillette des dattes, et comporter de l’animation événementielle, en rapport avec la culture locale. La mise en tourisme nécessite au préalable une bonne préparation de l’offre touristique, par exemple à travers une signalétique scientifique et promotionnelle ciblant les sites à visiter. C’est ainsi que le tourisme peut contribuer à intégrer les régions arides périphériques dans le territoire national, et, quel que soit le qualificatif que portera ce tourisme, rural,

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 93

solidaire, durable, tourisme de géosite, il devra impliquer, outre les professionnels (agences de voyage, hôteliers, etc), les acteurs locaux dans les oasis, à travers leurs associations.

Conclusion

13 Au final, à travers l’exemple de Réjim Maâtoug, ce travail a montré le rôle des aménagements hydrauliques prônés par l’Etat dans la construction du territoire. L’accent a été mis sur les mutations sociales et spatiales induites par ces aménagements, ainsi que sur les contraintes environnementales liées à l’utilisation des eaux des nappes fossiles. Dans la conjoncture géopolitique actuelle, le marquage des frontières par des aménagements coûteux n’aurait peut-être pas trouvé de justification. Du mode de gouvernance futur de l’eau, privilégiant sa gestion patrimoniale avant toute autre considération, dépendra la durabilité de la ressource dans la zone aride et hyper-aride du Sahara tunisien. Ce mode de gouvernance de l’eau devrait prendre en compte le coût réel de mobilisation de cette ressource vulnérable, et les risques hydrologiques lies à son exploitation. Il sera au total une nouvelle adaptation à la sécheresse par la gestion de la rareté. Enfin, les territoires de l’eau dans les régions arides rencontrent de nombreux blocages, et l’alternative reste « un projet territorial » incluant, en plus de l’agriculture oasienne, d’autres activités. Les territoires de l’eau ne sauraient être durables si au départ, l’exploitation de la ressource ne répond pas aux critères de la durabilité. Cela est d’autant plus vrai que les ressources en eau du Sud Ouest tunisien sont fossiles, reçoivent une très faible recharge et, de surcroçoît, intensément exploitées.

BIBLIOGRAPHIE

Ben Moussa Ch. L’eau et l’irrigation dans l’oasis d’El-Ferdaous II à Régim Maâtoug. Mémoire de maîtrise en géographie, Sfax. 2008, Texte ronéo. 61 pages.

Bisson J « Un front pionnier au Sahara tunisien : Le Nefzaoua » in Bull. Assoc. Géogr. Franç. N° 4. 1991 pp 299-309.

Cosanday G. Les eaux courantes. Géographie et environnement. Collection Belin Sup. Géographie. Ed. Belin. Paris 2003.

Cote M « Des oasis malades de trop d’eau ? »In Sécheresse. n° 2, 1998, pp. 123-130.

Cote M. « Des oasis aux zones de mise en valeur- l’étonnant renouveau de l’agriculture saharienne » in Méditerranée, n° 3-4, 2002. pp. 5-14.

Dubost D. ; Moguedet G. « La révolution hydraulique des oasis impose une nouvelle gestion de l’eau dans les zones urbaines » In Méditerranée. n° 3-4, 2002, pp15-20.

Hayder A. (1995) – « Les régions sahariennes dans les politiques d’aménagement du territoire » in Revue Tunisienne de Géographie, n° 27, 1995, pp. 143-165.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 94

Jadaoui M. ; Ouhajjou L. « le tourisme dans les oasis, éléments d’un projet de territoire » Communication au Colloque International : Tourisme oasien, formes, acteurs et enjeux, Ouarzazate (Maroc), 23-25 octobre 2008.

Kassah A. « Aménagement hydraulique et développement régional en Tunisie » in Sécheresse, n° 2,1994 vol 5 pp. 75-84.

Kassah A. « Irrigation et développement agricole dans le Sud tunisien » in Méditerranée, n° 3-4, 200, pp.21-26.

Khiari A. « Une région pionnière dans le Sahara algérien : El Ghrouss. » in Méditerranée, N° 3-4, 2002. pp27-30.

Mamou A. Caractéristiques, évaluation et gestion des ressources en eaux du Sud tunisien. Thèse de Doctorat d’Etat. Sc. Nat. Univ. Paris-Sud. 1990, 542 pages.

Mamou A. « Le développement des zones sahariennes en Tunisie et ses incidences sur les ressources en eau » In Actes. Séminaire les oasis au Maghreb, mise en valeur et développement. Publications du CERES. Tunis. Série Géographie, n° 12. 1995, pp. 71-86.

Mamou A. ; Hilaimi A. « Note sur les ressources en eau et leur exploitation à Rejim Maatoug. », Direction Générale des Ressources en eau, Tunis, 1996.

Mamou A. et Kassah A. « Economie et valorisation de l’eau en Tunisie ». in Sécheresse, n° 4, vol 11 2000, pp. 249-256.

Mamou A. ; Kassah A. Eau et développement agricole dans le Sud tunisien. Publication du Centre d’Etudes et de Recherches Economiques et Sociales CERES, Tunis, 2002, 286 pages.

(1)- Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS), Système aquifère du Sahara septentrional, gestion concertée d’un bassin transfrontalier. Tunis, OSS, 2008, Collection Synthèse, 51 pages.

Zouari K. Géochimie et sédimentation des dépôts continentaux d’origine aquatique du Quaternaire supérieur du Sud tunisien. Interprétation paléohydrologique et paléoclimatique, Thèse Es Sciences. Univ. Paris-Sud. 1988, 321 pages.

UNESCO Etude des Ressources en Eau du Sahara Septentrional. 6 volumes + annexes, Pub, Unesco, Paris. 1972.

NOTES

1. Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS), Système aquifère du Sahara septentrional, gestion concertée d’un bassin transfrontalier. Tunis, OSS, 2008, Collection Synthèse, p.9. 2. Unesco, Etude des ressources en eau du Sahara septentrional, Paris, Unesco, 1972, 6 volumes + annexes. 3. Observatoire du Sahara et du Sahel, op.cit. Voir aussi la bibliographie de cette étude. 4. idem 5. Cf. Mamou A, Caractéristiques, évaluation et gestion des ressources en eaux du Sud tunisien. Thèse de Doctorat d’Etat. Sc. Nat. Univ. Paris-Sud. 542 pages. Mamou Ahmed et Kassah Abdelfattah, Eau et développement agricole dans le Sud tunisien, Tunis, Publication du Centre d’Etudes et de Recherches Economiques et Sociales CERES, 2002, 286 pages. 6. Mamou, A. et Hilaimi, A., Note sur les ressources en eau et leur exploitation à Rejim Maatoug, Ministère de l’Agriculture, Direction Générale des Ressources en eau, Tunis, 1996. 7. Idem

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 95

8. Cette efficience peut être estimée en termes de productivité du m 3 d’eau d’irrigation. L’OSS estime, globalement et pour l’ensemble du bas Sahara, que cette efficience « est de 0,32 kg de datte/ m3 d’eau pour le palmier dattier, alors qu’elle peut dépasser 0,5 ; de 0,02 kg de grain de blé/m3 d’eau pour le blé sous pivot, alors qu’elle peut dépasser 1,2 et de 2,5 kg de tomate/ m3 d’eau pour la culture de tomate en plein champ, alors qu’elle peut dépasser 6 », OSS, op.cit, p.33. 9. Ben Moussa, Ch., L’eau et l’irrigation dans l’oasis d’El-Ferdaous II à Régim Maâtoug, mémoire de maîtrise en géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax, 2008, Texte ronéo, 61 p. 10. Mamou, A., « Le développement des zones sahariennes en Tunisie et ses incidences sur les ressources en eau » In Actes Séminaire les oasis au Maghreb, mise en valeur et développement, Publications du CERES, Tunis, 1995, Série Géographie, n° 12, pp. 71-86. 11. Idem. 12. Cf. Cote, M., « Des oasis malades de trop d’eau ? », in Sécheresse, Paris, 1998, n° 2, pp. 123-130 et Cote, M., « Des oasis aux zones de mise en valeur- l’étonnant renouveau de l’agriculture saharienne », in Méditerranée, N° 3-4, 2002, pp.5-14. 13. OSS. op. cit 14. Idem, p.19. 15. Dubost, D. ; Moguedet, G. « La révolution hydraulique des oasis impose une nouvelle gestion de l’eau dans les zones urbaines », in Méditerranée, n° 3-4, 2002, pp.15-20. 16. Cosanday, G., Les eaux courantes, Géographie et environnement, Collection Belin Sup. Géographie, Paris, Ed. Belin, 2003. 17. Jadaoui M. ; Ouhajjou L. « Le tourisme dans les oasis, éléments d’un projet de territoire ». Communication au Colloque International : Tourisme oasien, formes, acteurs et enjeux. Ouarzazate (Maroc). 23-25 octobre 2008.

RÉSUMÉS

A travers l’étude du cas des oasis de Réjim Maâtoug, situées dans l’extrême Sud,ouest tunisien, à proximité des frontières algériennes, ce travail pose la problématique globale des politiques volontaristes de l’Etat, visant le développement des régions désertiques et marginales, dans le but de fixation des derniers nomades et de marquage des territoires. Dans une première partie, il dresse un aperçu succinct sur les étapes de la construction des territoires par le biais de la mobilisation de l’eau fossile provenant du système aquifère du Sahara septentrional et la création de nouvelles oasis. Il dresse ensuite un bilan socio,économique et environnemental de ces aménagements, pour arriver enfin à dégager les limites de la construction des territoires par l’eau dans ces régions désertiques, et proposer l’alternative d’un projet territorial basé sur la nécessité d’adopter une gestion plus patrimoniale et concertée des ressources en eau, la diversification des activités non agricoles, dans le but d’alléger la pression sur les ressources en eau.

By studying the Rejim Maatoug oasis in Southern Tunisia, close to the Algerian border, this work raises the global problematic of voluntary state politics, aiming at developing desert fringe regions, in order to settle the last nomads and to define territories. In the first part we give a precise outline about the stages for territorial formation by using artesian water from the northern aqueous system and new oasis creation. A socio economic and environmental

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 96

evaluation of these arrangements are made, to disengage territorial limits by water in these desert regions and to put forward an alternative territorial project based on the necessity of adopting a more patrimonial counseled management for water resources, and a diversity for non agricultural activities, to reduce tensions concerning water resources.

A través del estudio del caso de los oasis de Réjimen Maoug, situados en el extremo Sur Oeste tunecino, cerca de las fronteras argelinas, este trabajo plantea la problemática global de las políticas voluntaristas del Estado, con el objetivo de desarrollar las regiones desérticas y marginales afín de parar el desplazamiento de los últimos nómadas y fijar el deslinde de los territorios. En una primera parte, se hace una vista previa sobre las etapas de la construcción de los territorios por vía de la movilización del agua fosilizada que proviene del sistema acuífero del Sahara septentrional y la creación de nuevos oasis. Se pone luego un balance socioeconómico y ambiental de estas organizaciones para llegar en fin a soltar los límites de la construcción de los territorios por el agua en estas regiones desérticas, y proponer la alternativa de un proyecto territorial basada en la necesidad de adoptar una gestión más patrimonial y concertada de los recursos en agua, la diversificación de las actividades no agrícolas, con el objetivo de aliviar la presión sobre los recursos en agua.

ةسارد نم اق طنال ةلاح تاحاو و ميجر ،قوتعم ةدوجوملا ىصقأ يف بونجلا يبرغلا تلا ّ يسنو ىلع ةبرقم دودحلا نم يرئازجلا ّ حرطت ،ة هذه ةساردلا يلاكشلا ماعلا ّة ملا ّ ة ُ ةطبتر سلاب ّ يدار ةسايلا دلل ّة ّ ،ةلو ةفداهلا ةيمنت ىلا قطانملا صلا ّ يوارح يشماهلا ّة ضرغل ّ تيبثتة رلا يقب نم نم تلا ّو ّح ل ّ كح يف ّم لاجملا رعتت . و رصنع يف ّ وأ ض ةحمل ىلإ ّ يخيراتل لحارملا نع ّة ملا ُ ةفلتخ ءانبل تلا ّ يلاجملا بار يف هذه ،قطانملا ةطساوب ةئبعت دراوملا يئاملا يروفحلا ّة ملا ّة ُ فوت ةموظنملاّ يف ةر يئاملا يفوجلا ّة ّة صلل ّ ءارح شلا ّ يلام ءاشنإ ّو ،ة تاحاولا ؛ةديدجلا مث ّ ضرعتست ةليصحلا يعامتجلا يداصتقلا و ّة يئيبلا و ّة ّة يلمعل تلاّ تا ّ ةئيه نايب ىلا ريخ يدودحم ل لصت . ا يف و تلا ءانب اجملا ّ ةتل ّ يبار ةطساوب ّة تلا ّ ةئيه يئاملا يف ّة هذه قطانملا صلا ّ يوارح ةرورض و جاهتناّ ة ةرادا ةديشر يكراشت و دراوملل ّة يئاملا ةطشن عيونت ل ّاو ،ة يداصتقلا يح فلا ريغل ّة فيفختل ّة طغضلا ىلع دراوملا يئاملا راطإ يف ّ جمانرب ة ءانبت ُ يبارم ُ لماكت .

INDEX

Palabras claves : oasis, Réjim Maâtoug, agua, construcción de los territorios, medio ambiente. Keywords : oasis, Rejim Maatoug, water, territorial formation, cultural environment Mots-clés : oasis, Réjim Maâtoug, eau, construction des territoires, environnement culturel

تاحاو , ميجر قوتعم , ءاملا , ءانب تلا ّ يلاجملا بار , ةئيبلا سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

AUTEUR

ABDELKRIM DAOUD

Enseignant de l’Université de Sfax, géographie. Laboratoire Eau-Energie-Environnement. Ecole Nationale d’Ingénieurs de Sfax.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 97

La politique de mise en valeur agricole en milieu steppique algérien : un essai de bilan dans les Hautes Plaines sud oranaises (Algérie) Algerian policy for agricultural development in a Steppe milieu: an attempt at evaluation in the High plains south of Oran La política de puesta en valor agrícola en medio estépico argelino : un ensayo del balance en las altas llanuras sub,oranesas (Argelia) يعارزلا ح ةسايس صتسل طسولال يفا يبهسلا باضهلا يف ايلعلا بونجلل ينارهولا ) رئازجلا : ( ةلواحم ةلصوح

Mohamed Hadeid

1 En Algérie, la politique de mise en valeur agricole a été lancée essentiellement depuis la promulgation de la Loi portant « Accession à la propriété foncière agricole » en 1983. Elle consiste à céder pour un dinar symbolique une portion de terrain en vue de la cultiver et la mettre en valeur principalement par l’irrigation ; le bénéficiaire qui réussit à exploiter cette terre devient propriétaire après cinq ans de travail. Cette politique, appliquée dans des zones aux compétences agro-pédologiques convenables, peut réussir facilement, mais dans la zone steppique à vocation pastorale, n’est-il pas risqué de généraliser cette opération sur ce type d’espace ? Certes, la céréaliculture a été toujours pratiquée dans la steppe, mais dans des zones exploitables sur le plan agricole (bas fond des vallées, daïas...). Aujourd’hui, les mises en valeur agricoles dans la steppe sont présentes dans plusieurs endroits, notamment dans les zones de parcours, sans se soucier de leurs aptitudes culturales. De ce fait, cette opération a suscité l’intérêt d’un grand nombre de personnes, nomades essentiellement, dans un but d’acquérir la propriété du terrain. Pour l’État, l’objectif de cette action, outre la création d’emplois, est l’amélioration des revenus ruraux. Quelles sont donc les

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 98

contraintes que rencontre l’application de cette politique de mise en valeur agricole dans un espace steppique connu pour sa vocation pastorale, en particulier les Hautes Plaines sud oranaises ?

1. La Loi portant sur l’accession à la propriété foncière agricole (APFA) : moteur de la politique de mise en valeur agricole en milieu aride et semi-aride

2 Cette loi, promulguée le 13 août 1983, consiste à donner le droit, à tout individu, d’acquérir des terres agricoles ou à vocation agricole pour les mettre en valeur par des travaux d’aménagement, de défrichement, de mobilisation de l’eau, d’équipement et de plantation… Cependant, l’acquéreur ne devient propriétaire qu’après la réalisation du travail de mise en valeur, au bout de cinq années. Le champ d’application de cette loi porte sur des terres relevant du domaine public, situées en zone saharienne ou présentant des caractéristiques similaires, ainsi que sur les autres terres non affectées, relevant du domaine public et susceptibles d’être utilisées après mise en valeur pour l’agriculture.

3 Les critères d’évaluation, de localisation et de choix de périmètres sont définis par les services techniques compétents de l’agriculture, de l’hydraulique et des domaines. La taille du projet est déterminée en fonction de la disponibilité en eau et en terres ainsi que la viabilité économique de l’exploitation : la localisation du périmètre, s’opérant à l’initiative des collectivités locales, doit se porter sur des terres situées dans et autour de concentrations agricoles existantes ou potentielles… Une fois inventoriés, ces périmètres doivent être délimités et matérialisés par les services techniques, tout en faisant l’objet d’un plan parcellaire qui prend en considération la taille minimale de la parcelle à concéder. Les listes des périmètres et des bénéficiaires sont approuvées par la suite par un arrêté du wali et affichées au niveau des communes concernées. 4 Pour bénéficier de cette opération dans le cadre de l’APFA, les conditions sont accessibles à tout citoyen majeur. Selon la loi, toute personne physique jouissant de droits civiques ou personne morale de statut coopératif, de nationalité algérienne, peut acquérir des terres agricoles ou à vocation agricole dans les conditions fixées par la présente loi, moyennant un dinar symbolique ; les candidats doivent fournir des dossiers aux services compétents. Le dossier de bénéficiaire est conservé au niveau de la commune. Après la mise en valeur, le bénéficiaire peut saisir la commune afin de lui demander la levée de la condition résolutoire (transfert de propriété contre la réalisation du programme de mise en valeur), telle que formulée dans la loi en vigueur. L’appréciation de cette mise en valeur se fait par un comité composé de représentants, à la fois, de la commune, des services agricoles, de l’hydraulique et des domaines.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 99

2. La situation de la mise en valeur dans les Hautes Plaines sud-oranaises

2.1. La mise en valeur en milieu steppique, une opération qui se généralise

5 En effet, cette politique ne cesse de se répandre dans un espace aussi hostile pour l'agriculture irriguée que celui de la steppe dans sa partie occidentale plus particulièrement. Certes, la mise en valeur agricole a démarré lentement au début de son application, puisque dans la wilaya de Naâma par exemple, 3.990 ha ont été affectés entre 1984 et 1991 où 43,3 % ont été réellement mis en valeur (A. Khaldoun, 2004, p. 118). L'évolution des surfaces irriguées indique une nette augmentation. Ces surfaces sont passées de 3130 ha en 1984 à plus de 24000 en 2008 et ce, pour les deux wilayas réunies (El-Bayadh et Naâma) (R. Zaanoun, 2010, p. 119).

6 Ces chiffres concernent les périmètres de l’APFA et ceux des concessions agricoles. Notons que cette deuxième opération, lancée à partir de 1997 est venue afin de tirer leçon de la première, et ce, en changeant les conditions d’attribution des terres. En effet, les concessions agricoles sont une opération du même principe que l’APFA, mais tout en tentant de responsabiliser les populations locales en matière de distribution des terres. En réalité, ces concessions sont venues corriger la loi de l’APFA qui donnait la propriété de la terre à l’exploitant qui l’avait mise en valeur. En s’apercevant que le patrimoine foncier agricole se privatisait progressivement, l’État a « rectifié le tir » en confiant le droit de l’exploitation à l’exploitant pour une période de 99 ans, par contre, le droit de propriété revient au secteur public uniquement.

2.2. Le tâtonnement des périmètres de mise en valeur, le cas de Draâ-Lahmar à El-Bayadh

7 Le périmètre de Draâ-Lahmar se situe le long de la route menant vers Petit Mécheria, à une distance de 8 kilomètres au sud de la ville d’El-Bayadh. Il occupe une superficie de 320 hectares répartis en 64 exploitations. Il est localisé sur des terrains assez plats représentant une sorte de grande dépression, mais encroûtés et exposés aux vents du sud-ouest. (Figure 1)

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 100

Figure 1 : Situation du périmètre irrigué de Draâ-Lahmar par rapport à la ville d’El-Bayadh.

8 L’enquête de terrain menée en 2003 et en 2007 n’a pu approcher que la moitié des exploitants, les autres étant absents. La plupart des exploitations (20) ont eu l’autorisation de l’administration entre 1985 et 1990, et 14 exploitants durant l’année 1987. Durant cette étape, seule une douzaine a commencé réellement le travail de la terre, le reste soit 14 exploitants l’ont fait après 1990. Ainsi, beaucoup de nuances peuvent être signalées dans le début réel du travail. Les procédures de financement sont souvent la cause de ce retard. L’apport financier personnel d’une bonne partie des exploitants (66.7 %) montre peut-être la lenteur dans le déblocage des crédits, en particulier, avant le lancement du programme du FNRDA1. (Tableau 1)

Tableau 1 : Année d’autorisation et début du travail des exploitations de Draâ-Lahmar

Autorisation de l’administration Début réel du travail Périodes Effectifs % Effectifs %

1985 à 1990 20 76.9 12 46.2

1991 à 1995 1 3.9 7 26.9

1996 à 2001 5 19.2 7 26.9

Total 26 100.0 26 100.0

Source : Enquête terrain avec les étudiants 4ème année, spécialité Aménagement rural, avril 2003.

9 Les surfaces cultivées indiquent aussi des nuances. Toutes les exploitations ne sont pas cultivées entièrement. En effet, le dixième seulement est cultivé à 100 % et près de 7 %

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 101

des exploitations sont totalement dépourvues de cultures et seules les clôtures sont installées. Les autres sont cultivées généralement entre 20 et 80 %.

10 La situation en 2007 est presque pareille, seulement, le nombre de parcelles non cultivées a été multiplié par cinq et demi en quatre ans. Ainsi, les exploitations non travaillées représentaient près du quart du total en 2007 contre moins de 7 % en 2003. Toutes ces différences dans les parts des surfaces cultivées et même irriguées montrent sans doute des rapports différents à la terre, liés aux problèmes de financement et parfois même au savoir-faire agricole puisque une grande partie des exploitants sont des éleveurs. (Tableau 2)

Tableau 2 : Surfaces cultivées dans les exploitations de Draâ-Lahmar

Situation en 2003. Situation en 2007. Taux de surfaces cultivées Nombre % Nombre %

0 % cultivé 2 6.9 11 24,4

Moins de 10 % 2 6.9 0 0,0

De 20 à 50 % 10 34.5 14 31,1

De 60 à 80 % 12 41.4 15 33,3

100 % 3 10.3 5 11,1

Total/Moyenne 29 100.0 45 100,0

Source : Stage avec les étudiants 4e année, spécialité Aménagement rural, avril 2003 et avril 2007.

11 Le périmètre de Draâ-Lahmar étant situé dans une zone peu riche en ressources hydrauliques, deux grands forages ont été prévus pour alimenter toutes les exploitations selon un système de distribution horaire que les exploitants eux-mêmes gèrent. Mais, sur le terrain, nous avons aperçu un phénomène de multiplication de forages et de puits. L’enquête a montré l’existence d’une vingtaine de puits et une dizaine de forages en 2003. En 2007, le nombre de forages à lui seul a atteint 38 unités. Cet aspect est plus que voulu par les exploitants afin d’augmenter la part de la surface irriguée dans leur exploitation. Pour eux, les quantités distribuées en eau sont insuffisantes pour exploiter au mieux les terrains alloués. Il faut signaler aussi que cet aspect a été renforcé grâce au programme du FNDRA qui finance ces opérations de creusement de puits depuis 2000.

12 Cependant, le programme du FNRDA a prévu dans son financement l’installation du système d’irrigation du « goutte à goutte » bien adapté aux zones assez pauvres en eau. Les exploitations, équipées par ce système, étaient peu nombreuses (3 au maximum dans tout le périmètre en 2002), mais cette opération a touché un grand nombre d’exploitants, puisque selon notre enquête menée en avril 2007, celle-ci a démontré que ce système est présent dans une trentaine d’exploitations. 13 La production est assez diversifiée avec, toutefois, la dominance des cultures maraîchères, suivies de l’arboriculture. Les produits agricoles sont commercialisés

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 102

directement dans la ville d’El-Bayadh, principal marché pour ces exploitations qui ne sont qu’à huit kilomètres. Le moyen de transport utilisé est généralement loué auprès de particuliers puisqu’un quart seulement des exploitants possèdent leur propre moyen de transport pour la commercialisation. 14 Quant aux exploitants, il s’agit avant tout d’exploitations individuelles avec 73 % du total, le reste est réparti entre les exploitations collectives (17 %) et familiales (10 %). Les deux tiers d’entre eux utilisent la main-d’œuvre familiale, le reste fait appel à une main d’œuvre extérieure à la famille. Concernant l’âge de ces exploitants, la dominance des jeunes (moins de 40 ans) est bien nette avec 38 % du total, suivis par les 40 à 60 ans qui représentent moins du tiers. La population âgée n’est pas négligeable puisqu’elle représente 28.6 %. La main d’œuvre employée est, quant à elle, jeune dans sa majorité puisqu’elle ne dépasse pas 36 ans. L’origine géographique des exploitants est essentiellement d’El-Bayadh. Le lieu de résidence indique quant à lui que les bénéficiaires de ce périmètre habitent tous El-Bayadh, ils appartiennent au arch 2 des Gerraridj. Selon les déclarations de ces derniers, le site du périmètre de Draâ-Lahmar leur appartient selon les droits coutumiers, ce qui les a conduit toujours à revendiquer la propriété de ces terres. Cette opération de mise en valeur leur a permis d’acquérir les terrains mais d’une façon individuelle. Des terres arch destinées, à l’origine, à être une propriété collective ne le sont plus. Un certain nombre d’exploitants de ce arch, n’ayant pas pu exploiter leur lopin de terre, ont dû les revendre à des gens venant hors de la région. L’étude des professions antérieures révèle une certaine diversité dans les emplois exercés par les exploitants. Ces derniers n’étaient pas tous des agriculteurs : 40 % le sont, 20 % sont d’anciens éleveurs convertis à l’agriculture et les 40 % restants sont répartis entre des fonctions n’ayant aucun rapport avec l’agriculture : (commerçants, entrepreneurs, médecins et militaires) qui se sont intéressés à cette opération. Celle-ci représente un investissement rentable pour eux et bénéfique pour le développement agricole de la région. En fait, certains exploitants exercent cette activité agricole comme profession secondaire, tels que commerçants ou médecin. Cette diversité de professions antérieures peut aussi être révélatrice des transactions au sein des exploitations du périmètre de Draâ-Lahmar, car au départ de la création de celui-ci, la totalité des bénéficiaires étaient des éleveurs. (Tableau 3)

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 103

Tableau 3 : Évolution des professions précédentes des exploitants de Draâ-Lahmar

Source : Stage avec les étudiants 4e année, spécialité Aménagement rural, avril 2003 et avril 2007.

15 Concernant leur origine géographique, les exploitants de Draâ-Lahmar ont déclaré tous qu’ils sont originaires d’El-Bayadh à l’exception d’un natif de Béchar et un autre de Sidi Bel Abbés. Le lieu de résidence actuel indique que les exploitants n’ont pas changé de demeure. Cependant, il faut noter que lors de notre enquête dans le périmètre en avril 2007, une exploitation appartenant à un exploitant de Draâ-Lahmar était louée par ce dernier à des mascaréens pour une somme de 180.000 DA par an. Ces derniers, qui étaient de simples ouvriers agricoles dans des périmètres de la région, ont pu prendre le risque de mettre en valeur ces terres, bien qu’ils connaissent les caprices du climat local (gelée, vents forts, ensablement…). Grâce à leur savoir-faire, ils ont pu cultiver la pomme de terre et planter des arbres fruitiers dans un milieu hostile. En fait, les mascaréens sont beaucoup demandés dans les périmètres de mise en valeur agricoles de la steppe et ce, en raison de leur connaissance en matière de cultures.

16 En discutant avec les exploitants sur les problèmes rencontrés dans l’exploitation de leurs terres en avril 2003, plusieurs difficultés d’ordre naturel, financier, ou autres, ont été soulevées. Selon eux, ces problèmes gênent l’exploitation rationnelle et optimale des terres. Certains, même, ont déclaré leur intention d’abandonner leurs concessions alors que d’autres s’en sortent assez bien malgré l’existence de toutes les difficultés citées dans le tableau 4. Le problème de l’eau est le plus fréquent ainsi que l’électricité (65 % des exploitations n’en sont pas dotées). L’ensablement se pose aussi comme contrainte naturelle pour 19 % des exploitations, sans oublier les autres aléas climatiques telles que la gelée que connaît la région d’El-Bayadh depuis toujours. Selon l'enquête menée en 2007, les exploitants insistent plus sur le problème d'ensablement et d'inondations.

Tableau 4 : Nature des problèmes rencontrés par les exploitants de Draâ-Lahmar

Nature des problèmes. Effectifs %

Manque d'eau 5 23.8

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 104

Manque d'électricité 5 23.8

Ensablement 4 19.0

Manque de subventions 3 14.3

Climat (gelée) 2 9.5

Déficit en matériel 2 9.5

Total 21 100.0

Source : Stage avec les étudiants 4e année, spécialité Aménagement rural, avril 2003.

17 Toutefois, les exploitants réclament plus d’aides à l’État et dénoncent parfois l’injustice dans la répartition de celles-ci, notamment à travers le programme du Fonds national de régulation et de développement agricole (FNRDA). Certaines exploitations, mises totalement en jachère, indiquent la difficulté de quelques exploitants pour la mise en valeur de leurs terres ; par contre, d’autres, bien que sans aide et grâce à des efforts personnels, ont remarquablement exploité leurs terres. Ces différences ne peuvent être expliquées que par les rapports qu’entretiennent les hommes avec la terre. Il ressort de la discussion avec ces exploitants un propos unanime « la terre, si vous lui donnez tous vos efforts, elle sera généreuse ». Toutefois, le savoir-faire en agriculture a toujours fait la différence en matière de pratiques agricoles. Les éleveurs, qui représentent une bonne partie des exploitants du périmètre, ne possèdent pas ce savoir-faire, ce qui les amène à ne pas cultiver entièrement leurs parcelles, d’autant plus qu’ils pratiquent toujours le pastoralisme. D’après l’enquête de terrain (avril 2007), ceux qui s’investissent totalement dans leurs terres sont en général, des personnes n’ayant aucune autre source de revenus, ce qui les oblige à utiliser au maximum la surface agricole attribuée.

2.3. Le PNDA et la mise en valeur en milieu steppique

18 Après le processus de libéralisation du secteur agricole dans les décennies 1980 et 1990 et sous l’impact des réformes structurelles et de la politique des prix (1994-1999), les conditions matérielles et sociales des petits exploitants (qui forment l’immense majorité dans les campagnes algériennes) se sont, sans doute, détériorées. Tout cela a conduit les pouvoirs publics à élaborer un Programme National de Développement Agricole (PNDA) à partir de 2000. « S’il reste clair que le nouveau programme agricole n’opère pas de rupture avec le cadre économique libéralisé défini au début des années 1980, les orientations qu’il véhicule convergent essentiellement vers des objectifs de reconstruction du territoire agricole. Il participe à une réhabilitation des fonctions régulatrices de l’État et relance le processus d’investissement interrompu en 1986 ». (O. Bessaoud, 2002, p. 97)

19 Ainsi, le PNDA (2000) représente, en quelque sorte, un retour de l’État notamment pour la reconstruction du territoire agricole après une période de désengagement qui a duré plus d’une décennie. Les orientations contenues dans ce programme agricole ont comme objectifs d’assurer des obligations socio-économiques et techniques (améliorer la compétitivité agricole de l’Algérie, accroître les productions et les rendements), mais elles visent aussi et principalement des objectifs de reconstruction du territoire

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 105

agricole, de protection des écosystèmes fragiles et de mise en valeur des terres à vocation agricole. Ce programme agricole affiche, ainsi, des actions de grande ampleur. Outre la reconversion des sols (viticulture et céréales dans les zones favorables), le développement des filières (céréales, lait, pomme de terre, arboriculture), le programme national de reboisement concernant 1,2 million d’hectares (pour hisser le taux de boisement de l’Algérie du Nord de 11 % à 14 %), des actions de mise en valeur par les concessions de terres sont définies pour les zones de montagnes, de piémonts, steppiques et sahariens. L’objectif final de ce programme, par l’ensemble de ses actions, est de reconfigurer le territoire agricole hérité de la colonisation, d’améliorer les revenus des agriculteurs par des soutiens financiers (à la culture des blés, à l’irrigation, aux actions de plantations, à la mise en valeur, à l’utilisation des biens favorisant l’intensification…). « Ce programme est financé par le Fonds National de Régulation et de Développement Agricole qui a investi en 2001 près de 40 milliards de DA, soit 4 fois plus que la moyenne d’investissement au cours des années 1995-98 et 10 fois plus qu’au cours de la campagne agricole 1993. La mise en œuvre de ce PNDA présuppose la poursuite sur la longue durée du processus d’investissement, un tissu institutionnel (privé, public et coopératif) de qualité et une meilleure mobilisation des cadres techniques ». (O. Bessaoud, 2002, p. 98) 20 Dans la steppe, le lancement du PNDA et de son fonds spécial pour financer les opérations de mise en valeur, a été si important aux yeux de la population pastorale qu’il a entraîné l’engouement pour l’accession à la propriété foncière agricole en vue de sa mise en valeur. Ce programme est si ambitieux qu’il est derrière la multiplication des opérations de mise en valeur dans un milieu steppique qui n’est pas prêt, ni sur le plan physique, ni sur le plan humain pour accepter tous ces programmes (M. Hadeid, 2006, p. 212). Toutefois, les répercussions du PNDA sur cette politique de mise en valeur agricole n’ont pas été convaincantes en milieu steppique. L’exemple des Hautes Plaines sud-oranaises à travers ces périmètres en est la preuve. L’équipement des exploitations a bien eu lieu (installation du système goutte à goutte, construction de bassins de stockage d’eau…), sans pour autant que les exploitants travaillent mieux leurs terres. En fait, les bénéficiaires n’ont fait que « détourner » un programme ambitieux, et aussi généreux, pour en tirer profit dans une steppe frappée par la désertification et où l’activité principale, le pastoralisme, n’a pas trouvé d’échappatoire à cette crise.

3. Les contraintes de la mise en valeur en milieu steppique

21 Malgré les conséquences positives résultant de la mise en valeur (emploi, revenus, production…), certaines contraintes ont contribué à limiter le succès de ces opérations. La spécificité physique et sociale de la steppe en est tributaire.

3.1. Les problèmes techniques

22 Le coût financier de la mise en valeur dépasse, parfois les prévisions initiales ; c’est le cas observé par exemple dans le périmètre de Raoudassa situé dans la commune de Mécheria. Dans ce périmètre, le défonçage préalable de la croûte calcaire a entraîné des financements, supplémentaires, imprévus au départ de l’opération. Il faut signaler aussi que dans ce périmètre, « des frictions ont surgi dès le départ, entre les bénéficiaires et l’agence bancaire au sujet du taux d’intérêt exigé par celle-ci » (A. Khaldoun, 1997, p. 46).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 106

23 Après le lancement du PNDA, financé par le FNRDA depuis 2000, les modalités de financement ont changé. A présent, l’État ne verse plus d’argent, mais finance des opérations telles que la construction de bassins de stockage d’eau, l’installation de matériel d’irrigation (goutte à goutte par exemple), le creusement et la réhabilitation de puits, la mise en place de brise-vent... Cette nouvelle procédure de financement a permis d’équiper un bon nombre d’exploitations et de périmètres, mais l’administration concernée par cette procédure favorise toujours celles et ceux les mieux placés et les plus proches d’elle. A Draâ-Lahmar, plusieurs bénéficiaires ont montré leur mécontentement quant à la distribution de ces subventions. Sur le terrain, plusieurs exploitations ne sont pas parvenues à profiter de ces opérations. A titre d’exemple, une quinzaine d’exploitations sur les soixante quatre du périmètre, n’ont pas bénéficié de bassin de stockage d’eau d’après l’enquête du mois d’avril 2007. Selon les mécontents, celles qui ont été les mieux servies, "avaient des liens" avec les structures administratives. 24 Des problèmes, autres que l’aspect financier, peuvent être détectés dans les périmètres de mise en valeur en milieu steppique. Par exemple, la mobilité observée dans le morcellement de l’exploitation entre les bénéficiaires eux-mêmes (changements apportés au sein des exploitations) indique l’existence de certains conflits entre les bénéficiaires dans la conduite de l’exploitation (choix de culture, élevage ou autre…) comme ce fut le cas dans le périmètre de Raoudassa dans la commune de Mécheria. 25 L’enclavement géographique, l’absence d’encadrement technique et agricole touchent aussi un nombre non négligeable de périmètres à Moghrar, à Draâ-Lahmar… Les exploitants sont soumis à l’enclavement géographique. Ce dernier rend difficile l’écoulement des produits agricoles. Mais aussi l’absence d’encadrement technique pouvant leur offrir des services en matière de soutien et de conseil pour les cultures à pratiquer afin d’obtenir de meilleurs rendements. A Draâ-Lahmar où la plupart des exploitants sont des nomades sédentarisés par la suite et n’ayant pas forcément le savoir-faire en agriculture, ce problème de sous-encadrement a été soulevé par nos interlocuteurs.

3.2. Nature juridique des terres

26 Les problèmes liés à la nature juridique des terres sont multiples lors de l’application de l’APFA. Dans ce type d’espace (steppique et oasien), le problème foncier demeure un obstacle quant aux différentes politiques de développement appliquées dans la région. L’aspect foncier est ambigu et non défini complètement par les structures de l’État. Domaine arch revendiqué par certains groupes sociaux (tribus ou arch) ou domaine de l’État, cette confusion a toujours été le sujet de graves conflits et tensions entre des citoyens et l’État et entre des citoyens eux-mêmes.

27 Le cas étudié par G. Duvigneau (2004, p. 110) montre que la commune de Brézina connaît de fortes oppositions entre arch. En fait, ces rudes tensions existent entre arch des Ouled Brézina (qui est toujours au chef-lieu et dans toutes les assemblées populaires communales), et celui des Ouled Sidi Hadj, fraction des Ouled Sidi Cheïkh, qui ont des droits d’usage de pacage sur les terrains de la plaine de Gourat, et en particulier sur les trois grandes dayas (El-Anz, El-Begra, Bessam) où l’on peut pâturer et, par endroit, cultiver l’orge en petites parcelles dispersées. L’origine du conflit revient

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 107

au choix de ces trois dayas 3 afin d’en faire des périmètres irrigués par le barrage de Brézina. 28 D’autres exemples sont à signaler : à entre les nomades de Ouled Moumen et les ksouriens4 où ces derniers se disputent les périmètres cédés par l’État aux alentours de la commune, sans oublier celui de Draâ-Lahmar revendiqué par les Gerraridj originaires d’El-Bayadh et les nomades de Ouled Oumrane (M. Hadeid, 2010, p. 13). Les conflits entre ces derniers ont engendré à chaque fois, des pertes en vies humaines. Dans cet ordre d’idées, d’autres problèmes peuvent surgir comme c’est le cas dans le périmètre d’El-Matlag à Tiout. Dans ce dernier, des conflits sont survenus entre ksouriens et khammès métayers qui ont préféré bénéficier des terres octroyées par l’État dans le cadre de l’APFA et rompre ainsi le contrat moral qui les liait aux ksouriens.

3.3. Les problèmes liés au milieu naturel

29 L’ensablement représente incontestablement l’aspect le plus grave pour ces exploitations de mise en valeur. Implantés dans plusieurs endroits de la steppe, dans une période caractérisée par la dégradation très accentuée de la steppe, ces périmètres sont soumis à chaque fois à des vents chargés de sable.

30 Ni les brise-vents, ni les autres types de protection, n’empêchent le sable de pénétrer à l’intérieur de l’exploitation. Le périmètre de Draâ-Lahmar, aux environs d’El-Bayadh, est touché par ce problème. Ce phénomène a été vécu en direct au mois d’avril 2003, lors du stage des étudiants de géographie (spécialité : aménagement rural). Durant les enquêtes, des vents forts se sont déclenchés de direction sud-ouest/nord-est provoquant, en moins d’une heure, des accumulations sableuses à l’intérieur des exploitations ainsi que sur les chemins d’exploitation et ce, malgré les protections. 31 Les exploitations, les plus exposées aux vents, sont très touchées, contrairement à celles situées en retrait : sur les cinq hectares de chaque exploitation, près du quart a été recouvert par le sable. Cet aspect n’est pas exclusif à Draâ-Lahmar, on l’a vu dans un autre périmètre au sud de Moghrar où les moyens de protection sont rudimentaires et la moitié de l’exploitation est soumise à l’ensablement, et donc abandonnée. Le même constat est à signaler à Aïn-Ben-Khelil, Tousmouline, … 32 Toutefois, l’ensablement n’est pas le seul obstacle naturel, la salinisation et la croûte calcaire que l’on trouve dans presque tous les périmètres présentent d’autres problèmes qu’il faudrait solutionner. Mais, il s’agit là d’un travail onéreux et de longue haleine. Le défonçage de la croûte représente un travail de plus, mais, il est nécessaire pour entamer l’exploitation des terres. La croûte défoncée, une fois extraite, peut être utilisée pour la construction d’un bâtiment ou d’un bassin de stockage d’eau ou être revendue. D’autres risques peuvent surgir comme l’inondation des exploitations se situant près des lits des oueds.

4. Les conséquences de la mise en valeur en milieu steppique.

33 Après la promulgation de la loi de l’APFA, il est trop tôt pour faire le bilan de la mise en valeur agricole en milieu steppique. Toutefois, quelques conséquences sont déjà visibles sur le terrain et méritent d’être évoquées.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 108

4.1. Les conséquences spatiales : cloisonnement de l’espace ou nouveau paysage de la steppe ?

34 Dans ce milieu steppique, le fait qu’un pasteur ou agro-pasteur occupe un territoire donné, il est, donc reconnu comme propriétaire par la communauté pastorale de la zone en tant qu’usufruitier. Au vu de la coutume de la communauté locale, nul ne peut obtenir l’usufruit sans l’accord de l’occupant initialement reconnu par la société. A ce titre, le vide juridique concernant le territoire steppique contribue à une occupation foncière parfois « anarchique » et inégalitaire. Plusieurs endroits de la steppe sont ainsi occupés de cette façon, comme si la mise en valeur existait bien avant la promulgation de la loi de l’APFA. Dans ce cas, la mise en valeur des terres vient, en quelque sorte, valider les territoires occupés selon la règle sociale communautaire. Ainsi, l’avènement de la Loi sur l’accession à la propriété foncière dans le cadre de la mise en valeur des terres du Sud a provoqué une appropriation a priori des espaces steppiques. Elle représente une phase d’attente pour l’accès définitif et officiel aux terrains. Ce cas a été bien remarqué dans une commune des marges steppiques au sud de la wilaya de Saïda. Les surfaces des terrains appropriés et défrichés (lits d’oueds en particulier), ont été multipliées entre 1972 et 1993 selon une étude sur la commune de Maâmoura (T. Berchiche, 2000). L’occupation d’un territoire devient un enjeu capital de développement de l’élevage et surtout de la survie des petits éleveurs.

35 L’enjeu, concernant l’appropriation des terres par la culture, est également important pour les gros éleveurs. En possédant 81.5 % du cheptel, ces derniers détiennent aussi près de 51 % des surfaces cultivées, avec une moyenne de 66 ha pour un gros éleveur contre 28 ha pour un petit. Les éleveurs, gros ou petits, se sont tous ainsi positionnés pour l’acquisition d’une partie du territoire. Les stratégies adoptées sont liées à la limitation des aires de parcours selon les moyens de chaque catégorie d’éleveurs : les plus petits sillonnent la zone dans un rayon ne dépassant pas les dix kilomètres alors que les éleveurs moyens utilisent les parcours à l’échelle communale. 36 Les gros éleveurs peuvent, grâce à leurs moyens de transport, parcourir l’espace en utilisant les parcours céréaliers de la wilaya de Saïda. Tout cela se fait en s’appropriant quelques dizaines d’hectares pour marquer l’emplacement de chaque catégorie, de chaque famille, dans un souci de ne pas s’éloigner du territoire communal. Toutes ces données s’inscrivent dans une logique d’acquisition d’une part de ce territoire. (Tableau 5)

Tableau 5 : Rapport entre la taille du cheptel et les surfaces cultivées

Nombre de Surface moyenne Taille du Nombre Nombre Surfaces têtes par cultivée par cheptel d’éleveurs d’ovins cultivées (ha) éleveur éleveur

Moins de 50 4 150 113 38 28 têtes.

De 51 à 100 4 265 160 66 40 têtes.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 109

De 101 à 200 4 456 237 114 59 têtes.

Plus de 200 8 3 833 528 479 66 têtes.

Total/ 20 4 704 1 038 235 52 Moyenne

Source : T. Berchiche, 2000.

37 Cette appropriation des terres a des conséquences directes sur la diminution des superficies pastorales au profit des surfaces défrichées et labourées, par l’augmentation de la charge des parcours et de ce fait, l’accélération de leur dégradation. Sur le plan social, il s’agit de « l’accentuation des inégalités sociales dues au fait que seuls les éleveurs disposant de grands moyens peuvent faire face aux dégradations des parcours en agissant soit sur la constitution de stocks alimentaires, soit en se déplaçant dans des zones de parcours inaccessibles aux petits et moyens éleveurs ». (T. Berchiche, 2000, p. 118)

38 Pour les nomades, cette politique de mise en valeur a suscité bien des intérêts, notamment une course plus ou moins déguisée à l’acquisition du territoire dans le cadre de l’accession à la propriété foncière. Mais il nous semble que l’accès au territoire et par conséquent par la recherche d’accès à la propriété foncière sur des terres arch est révélateur de l’évolution des systèmes de production en steppe, donc, des enjeux de développement du secteur. 39 D’une manière générale, les conséquences spatiales se manifestent déjà par un enfermement systématique de la steppe, espace censé être ouvert. Les clôtures des mises en valeur, ou celles en attente d’une régularisation, se multiplient et bloquent parfois le passage des troupeaux. Ces clôtures, concernant parfois des zones non concernées par la mise en valeur (pour en bénéficier de l’opération) en faisant valoir le fait accompli, engendrant l’accentuation de la charge sur les parcours encore libres, non clôturés et provoquant leur dégradation. 40 Quand ils réussissent, les périmètres situés dans la steppe apportent des changements à ce milieu caractérisé par la monotonie topographique et végétale. La région se voit tacheter par des plaques verdoyantes inégalement réparties sur le plan spatial. Ce changement donne quelques images intéressantes de la steppe occidentale dans cette nouvelle aire, mais, hélas, les mises en valeur qui réussissent sont rares et, dans le cas contraire, c’est un paysage de désolation (dégradation totale) qu’on découvre. Les mises en valeur en milieu steppique, supposées être le moyen de revaloriser l’activité agricole tout en améliorant les revenus des ruraux, ne sont-elles pas en train de contribuer à la dégradation de la steppe et de renforcer, ainsi, la désertification que connaît la région depuis ces dernières décennies ?

4.2. Les conséquences socio-économiques : de l’emploi créé et des produits consommés localement

41 En dépit de tous les problèmes rencontrés par la généralisation de la mise en valeur en milieu steppique ou ceux qu’elle engendre, les conséquences socio-économiques de

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 110

cette politique ne peuvent pas être négligées. La mise en valeur a permis de créer des emplois, permanents et saisonniers, de même qu’elle a rendu possible l’approvisionnement des villes et des agglomérations steppiques en légumes et fruits, réduisant ainsi l’importation massive de ce type de produits, notamment du Tell et du Sahara du Sud-ouest (Béchar, Adrar).

42 Il faut signaler que sur le plan national, et depuis le lancement du PNDA en 2000, 445.000 emplois ont été créés en trois ans dont 381.000 permanents. Ces chiffres ont été annoncés par le Ministre de l’agriculture et du développement rural au mois d’avril 2003 à l’occasion de la réunion d’évaluation trimestrielle du PNDA (El Watan, 30 avril 2003). 43 Quelle que soit la validité de ces déclarations, elles indiquent quand même que la mise en valeur a eu des effets, notamment en ce qui concerne la création d’emplois. Dans les Hautes Plaines sud-oranaises, cette politique n’a pas été négligeable en matière d’emploi ; les données fournies par le Service de l’agriculture de la wilaya d’El-Bayadh nous ont permis de dresser un bilan non exhaustif, dans la mesure où les concessions agricoles n’ont pas été prises en considération vu l’indisponibilité de chiffres fiables et actualisés (Tableau 6).

Tableau 6 : Part de l’opération APFA dans l’emploi agricole total dans la wilaya d’El-Bayadh

Source : Direction de l’agriculture de la wilaya d’El-Bayadh, 2008, ONS, 2008.

44 Ainsi, l’APFA, à elle seule, a permis de créer près de 1700 emplois jusqu’en 2008 à El- Bayadh. Ce chiffre représente près de 5 % des actifs agricoles de la wilaya. Ce qui n’est pas du tout négligeable dans une zone à vocation pastorale. De même, la surface totale attribuée dans le cadre de l’APFA représente plus de 18 % de la surface agricole utile de la région contre 14 % en 2003. Avant, les terres agricoles étaient concentrées dans les oasis des ksour de l’Atlas saharien, à présent, les périmètres de mise en valeur s’éparpillent sur la steppe proprement dite et donc, sur les terres de parcours.

45 A l’avenir, ces taux sont appelés à augmenter. En effet, si on ajoute les projets qui verront le jour prochainement dans le cadre des concessions agricoles, les surfaces attribuées pourraient atteindre les 30.000 hectares et le nombre d’emplois avoisinera les 8.000. Dans la wilaya d’El-Bayadh, par exemple, les services compétents ont donné un avis favorable pour la création de cinq périmètres, dans le cadre de la concession agricole, répartis sur cinq communes steppiques, sur une surface totale de l’ordre de 19.700 ha et dont l’impact sur l’emploi sera de plus de 3 000 postes. Dans la wilaya de Naâma, plus de 1 000 dossiers de demande de terres à mettre en valeur dans le cadre de l’APFA ou de concessions agricoles sont en instance. Selon les services concernés, ces demandes seront toutes traitées et une grande partie pourrait être acceptée. A ce rythme, la steppe est en train de changer progressivement de vocation (M. Hadeid, 2009, p. 13). Le lancement du PNDA et les financements du FNRDA ont donné un coup

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 111

de pouce extraordinaire quant à la généralisation de la mise en valeur agricole. (Figure 2)

Figure 2 : Répartition des périmètres de mise en valeur agricole dans les Hautes Plaines sud- oranaises (Programme APFA)

Source : Direction de l’agriculture (Wilaya d’El-Bayadh et de Naâma), 2008.

46 Sur le plan de la commercialisation et des échanges, il faut signaler que dans les périmètres enquêtés (Draâ-Lahmar, Raoudassa, Tiout…) leur production ne dépasse pas les limites de la wilaya. Autrement dit, les produits sont destinés au marché local, ce qui représente un avantage pour les citoyens de la steppe lesquels disposeront, ainsi, de produits frais (légumes et fruits), auparavant importés des autres wilayas plus ou moins proches (Saïda, Mascara, Sidi Bel Abbés, Tiaret, Béchar et Adrar). Selon les exploitants, les problèmes rencontrés (eau, contraintes liées aux sols, surfaces attribuées, problème de commercialisation…) ne leur permettent pas des productions importantes et davantage de rendements pour une éventuelle exportation, au moins vers les wilayas limitrophes.

47 Tout ce constat est, à vrai dire, provisoire : il faut attendre un peu pour mesurer réellement les vraies conséquences et l’impact de cette politique sur un espace steppique en voie de dégradation.

Conclusion

48 Bien qu’ambitieuse, la politique de mise en valeur agricole intervient dans une période de crise où les hommes de la steppe l’utilisent pour acquérir des terrains, revendiqués depuis longtemps en se référant à l’appartenance à leur arch. Cette attitude tend à découper progressivement la steppe en propriétés entraînant la région vers une situation de blocage. La fermeture du système steppique ne s’adapte ni avec la steppe en tant que région naturelle, ni avec ses populations qui n’acceptent pas le

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 112

cloisonnement. De plus, l’ambiguïté de l’aspect foncier et la crise du pastoralisme tendent à détourner l’opération de mise en valeur vers une appropriation des terres induisant le blocage du système. Le tâtonnement, des périmètres irrigués, enregistré dans les différents secteurs de la région des Hautes Plaines sud-oranaises n’est en fait que le reflet de la non réussite de cette politique dans un espace à vocation pastorale essentiellement. La masse des investissements versée à ce secteur, notamment par le biais du PNDA, ne va pas de pair avec les résultats constatés sur le terrain. Le détournement de cette opération par les usagers (appropriation des terres), combiné aux caprices du climat de la steppe (gelée, ensablement, inondation…) seraient les principales raisons pouvant conduire à l’échec de cette politique. Certes, l’amélioration des revenus des ruraux a été accomplie, mais le secteur agricole dans la steppe n’a pas beaucoup évolué, au moment même où l’activité principale de la région (le pastoralisme) demeure toujours en crise…

BIBLIOGRAPHIE

Berchiche, Tahar : Enjeux et stratégies d’appropriation du territoire steppique, cas de la zone de Maâmoura (Saïda). In Options Méditerranéennes, Série. A / n° 39, Montpellier, CIHEAM, 2000, pp. 107-120.

Bessaoud, Omar, L’agriculture algérienne : des révolutions agraires aux réformes libérales (1963-2002), in Blanc, Pierre (dir.), Du Maghreb au Proche-Orient : les défis de l'agriculture, Paris, L'Harmattan, 2002, pp. 73-99.

Duvigneau, Guy, Un aménagement détourné avant même sa mise en place, le futur périmètre irrigué de Brézina (wilaya d’El-Bayadh) ; in Bendjelid A, Brulé, J.C., Fontaine, J. (Dir.), Aménageurs et aménagés en Algérie, héritages des années Boumediene et Chadli, Paris, L’Harmattan, 2004, pp. 109-112.

Hadeid, Mohamed, Les mutations spatiales et sociales d’un espace à caractère steppique, le cas des Hautes Plaines sud-oranaises (Algérie), Thèse de Doctorat d’État, Géographie, 506 pages, Université d’Oran, 2006.

Hadeid, Mohamed, Politiques de développement régional dans les Hautes Plaines occidentales algériennes : un bilan mitigé, Développement durable et territoires [En ligne], Varia, mis en ligne le 26 mai 2009. URL : http://developpementdurable.revues.org/8190.

Hadeid, Mohamed, Jeux d’acteurs et stratégies d’appropriation de l’espace en milieu steppique : le cas des Hautes Plaines sud-oranaises, Insaniyat n° 50, octobre – décembre, pp. 09-21, CRASC, Oran, 2010.

Khaldoun, Abderrahim, Contraintes d'aménagement dans la steppe : exemples de quelques périmètres irrigués dans la wilaya de Naâma ; in Bendjelid A, Brulé, J.C., Fontaine, J. (Dir.), Aménageurs et aménagés en Algérie, héritages des années Boumediene et Chadli, L’Harmattan, Paris, 2004.

Khaldoun, Abderrahim, La création de périmètres de mise en valeur et ses conséquences sur l’espace et la société pastorale dans la région des Hautes Plaines sud oranaises : diversité, fonctionnement et contraintes ; in Options Méditerranéennes, Série. A / n° 39, Montpellier, CIHEAM, 1997, pp. 45-49.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 113

نم سلا ّ ةيبه ةقطنملا ةسارد : ةيرئازجلا ةيبرغلا علا ُ ايل سلا ّ لوه يف يعارزلا ح صتسللا ،نونعز قيفر : : ريتسجام. ، ،ايفارغجلا ىف ةعماج نارهو ، 2010 ،178 ةحفص ةماعنلاو يبلا ّض يتيلو

NOTES

1. FNRDA : Fonds national de régulation et du développement agricole. 2. Arch : tribu, terre arch : terres de droit collectif. 3. Dayas : dépressions avec fond de sol cultivable (steppe et Sahara). 4. Ksouriens : habitants des villages traditionnels, se situant au niveau de l’Atlas Saharien et du Sahara.

RÉSUMÉS

Les Hautes Plaines sud,oranaises constituent une région à caractère rural où l'activité principale demeure le pastoralisme. La politique de mise en valeur agricole, lancée depuis la promulgation de la Loi portant Accès à la propriété foncière agricole (APFA) en 1983 a été à l’origine de la généralisation de cette opération sur l’ensemble de l’espace steppique. Bien que les éleveurs de la région, ne possédant pas le savoir,faire nécessaire en matière d’agriculture, ont adhéré massivement à cette politique dont les objectifs étaient, à la fois, l’augmentation de la surface agricole utile et de la productivité. L’enjeu de cette action porte essentiellement sur l’acquisition du terrain attribué par la loi ; mais une fois l’occupation foncière faite par l’exploitant, celui,ci met rapidement la terre en culture car pendant des années, les labours en steppe étaient formellement interdits. Cet enjeu s’est amplifié davantage après l’application du Plan national du développement de l’agriculture (PNDA) en 2000, dans la mesure où ce programme finance généreusement l’équipement des exploitations (construction de bassins de stockage d’eau, installation du système de type goutte à goutte, creusement de puits…). Malgré ces subventions, les résultats sur le terrain semblent moins convaincants, puisque peu de périmètres irrigués, créés dans le même cadre, ont réussi cette opération de mise en valeur agricole. En prenant comme exemple un périmètre irrigué dans la commune d’El,Bayadh, les enquêtes ont démontré cette fluctuation dans la réussite en matière de mise en valeur agricole. Certaines exploitations réussissent et d’autres pas et ce, malgré les actions de financement du PNDA. Détecter les mécanismes de ce tâtonnement s’avère plus qu’indispensable pour diminuer le taux d’échec et contribuer à la réussite de cette opération, peu évidente, dans des espaces dont la vocation pastorale est toujours dominante.

The High Plains in the southern Oran region make up a territory of a rural nature where pastoralism was and still remains the main activity. The agricultural development policy started with the publishing of the law concerning access to agricultural land property (APFA) in 1983 and this triggered off the operation for the whole steppe space. Although the regional stock breeders did not have the necessary knowhow for agricultural matters, they adhered massively to this policy, whose objectives were at the same time to increase both agricultural surface and productivity. The stakes for the population concerning this action, are essentially land acquisition as stated by the law, once the cultivator succeeds in developing the land attributed to him, but also to practice agriculture at a time when ploughing was forbidden. These stakes

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 114

increase greatly after putting the national plan for agricultural development into practice in 2000; to a certain extent here the program financed equipment building water storage tanks, drip by drip irrigation systems, well drilling…). In spite of these subventions, the on field results are not convincing, since few of the irrigated perimeters disposed in the same framework have succeeded in developing agriculture. By taking the El,Bayadh municipality as an example, our investigations have shown this success fluctuation in agricultural development. Certain cultivators were successful others not and this despite financial backing by the PNDA. To detect the trial and error procedure mechanisms proves to be more than necessary in order to lower the failure rate and to contribute to the success of the operation, which is not evident in spaces where the pastoral vocation is always dominant.

Las altas llanuras del sur del Oranesado constituyen una región de carácter rural donde la actividad principal era y sigue siendo el pastoralismo. La política de valorización agrícola emprendida desde la promulgación de la ley sobre el acceso a la propiedad de tierras agrícolas (o APFA) en 1983 llevó a la generalización de esa operación en todo el espacio estépico. Aunque no poseen el saber hacer necesario en el área de la agricultura, los criadores de la región han adherido de manera masiva a esta política cuyos objetivos eran a la vez la extensión de la superficie agrícola útil y de la productividad. El reto para esas poblaciones en dirección de esta acción, se refiere esencialmente a la adquisición del terreno previsto por la ley, una vez que el propietario ha conseguido valorizar la tierra que le ha sido atribuida, y también a trabajar en la agricultura en un tiempo en que las labranzas estaban absolutamente prohibidas. Este reto se ha amplificado más aún después de la aplicación del Plan nacional de desarrollo de la agricultura (PNDA) en 2000, en la medida en que ese programa financia generosamente el equipamiento de las explotaciones (construcción de depósitos de agua, instalación del sistema gota a gota, excavación de pozos). A pesar de esas subvenciones, los resultados en el terreno parecen menos convincentes, porque pocos perímetros irrigados, creados en el mismo marco, han conseguido esta operación de valorización agrícola. Tomando como ejemplo un perímetro irrigado en el municipio de El,Bayadh, las encuestas han demostrado esta fluctuación en los resultados de la valorización agrícola. Algunas explotaciones funcionan bien y otras no ; esto, a pesar de las acciones de financiamiento del PNDA. Detectar los mecanismos de ese tanteo resulta más que necesario para disminuir la tasa de fracaso y contribuir al éxito de esta operación, poco evidente, en unos espacios cuya vocación pastoral permanece dominante.

دعت باضهلا ايلعلا بونجلل ينارهولا ةقطنم لازي يعرلا ل عباط تاذ يفير اهيفو ناك طاشنلا وه يساس يعارزلا ل .اح ةسايس صتسنإ لل ةقبطملاا نوناقلا نس ذنم نمضتملا لوصحلا ىلع ةيكلم يضارل ةيعارزلاا ببسلا تناك يه1983 ةنس ، ميمعت يف هذه ةيلمعلا ىلع لماك ءاضفلا يبهسلا . و نوبرملا ناك نإ نودقتفي ةربخلا لاجم ةمز يف ،ةعارزلالال دقف اونبت هذه ةسايسلا لكشب ،ريبك ثيح تلثمت فادهأ ةريخ ةدايزلا يفل هدها ةحاسملا نم ةيعارزلا ةيجاتن اذكل عفر ا و . ،ناهرلا نإ ةبسنلاب ناكسلا ء ؤهلل هاجت هذه ،ةكرحلا سكعني اساسأ ليصحت يف يضارل يتلاا اهددح ،نوناقلا درجمب نأ حجني يتلا لصحضر عرازلا ،اهيلعل نكل ا اضيأ صتسإ يفوح مايقلا ل ةعارزلاب ةرتفلا يف يتلا عنم اهيف ثرحلا اعنم اتاب . دقو اذه داز ناهرلا دح دعب قيبطت ّ ه ططخملا يعارزلا ينطولا ح صتسلل ةنسل رابتعاب2000 ، اذه جمانربلانأ ليومتب ماق تادعملا ةيعارزلا لكشب يخس ) ءانب ،جيراهص نيزخت ،هايملا بيكرت ماظن يرلا ،طيقنتلاب رابل رفحا . ... ( ىلع مغرلا ،تاناع ل هذهوا نم ودبت جئاتنلا ةسوململا يف ضرأ عقاولا ،ةعنقم ريغ ضعب قطانملا نأ كلذ ةيورملا ،طقف يتلا تأشنأ ،راط و تحجنل سفن ايف يعارزلا ح ةيلمع صتس يف للا دخأ تاحاسملاعم . و ةيورملا اهفصوب ةيدلب نع ،ضيبلا اثم ل دجن نأ تاقيقحتلا يب دق اذه يعارزلاّ توافتلاتن ح صتس حاجنل يف ل ا . تحجن ضعبف تايلمعحو صتس للا لشفلاب ءاب رخ ضعبلالا اذهو مغرلاب تايلمع نم نيومتلا )م.و.ت. .ز ( ودبي يرورضلا نم هنأ فشكلا تامزيناكيم نع هذه ةبرجتلا ضيفختلل ةبسن نم لشفلا ةمهاسملا و حاجن يف هذه ةيلمعلا ةبعصلا هذه قطانملايف يتلا نميهي اهيلع طاشنلا يوعرلا .

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 115

INDEX

Palabras claves : altas llanuras estépicas, pastoralismo, acceso a la propiedad agrícola, plan nacional de desarrollo agrícola

باضهلا ايلعلا ةيبهسلا , يعرلا , ةيمنتلا ةيعارزلا , ليصحت ةيكلم يضار لا سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

ةيعارزلا , ططخملا يعارزلا ينطولا ح صتسللل Mots-clés : hautes plaines steppiques, pastoralisme, mise en valeur agricole, accession à la propriété foncière agricole, plan national de développement agricole Keywords : high steppe plains, pastoralism, agricultural development, land property access, national development plan

AUTEUR

MOHAMED HADEID

Enseignant, géographie et aménagement, Université d’Oran, EGEAT (Laboratoire des espaces géographiques et de l’aménagement du territoire), chercheur associé au CRASC, Oran.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 116

Agro-business et développement dans la région de l’Office du Niger (Mali) The agro-business and development in the Region Niger Office (Mali) El agro,bisness al asalto de las tierras regadas de la Oficina del Niger : desafíos y perspectivas de desarrollo ) سانزبلا يعارزلا ةيمنتلا و ةقطنم يف ناويد رجينلا ) يلاملا

Florence Brondeau

1 Alors que la sécurité alimentaire constitue une préoccupation majeure pour de nombreux pays du Sud, les potentialités de production de son delta intérieur font du Mali une puissance agricole potentielle à l’échelle régionale. Dans ce contexte le système irrigué de l’Office du Niger se trouve au cœur des enjeux économiques et politiques définis dans le cadre de l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) et de la CEN-SAD (Communauté des Etats Sahélo-Sahariens). Des projets d’aménagement sans précédent, à la mesure des ambitions du Mali et de ses partenaires, sont programmés à court terme : la création d’un pôle de production macro-régional a pour objectif de sécuriser l’approvisionnement alimentaire des populations de la sous région. Alors que la « révolution verte » basée sur les exploitations familiales se révèle des plus fragiles, il semble qu’un nouveau modèle de politique de développement agricole se profile en faveur de l’agro-business. Cette région est à l’aube de mutations socio-économiques et environnementales rapides et profondes. Le processus de redistribution sinon de confiscation des terres qui est d’ores et déjà en cours remet fondamentalement en question les perspectives de développement envisageables pour les populations à l’échelle locale et régionale.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 117

I. Un pôle de production potentiel à la recherche d’un modèle de développement

2 « L'Office du Niger : îlot de prospérité paysanne ou pôle de production agricole ? ». La question posée par Jean Yves Marchal en 19741 semble plus que jamais d’actualité alors que les programmes d’aménagement en cours ou programmés à court terme s’orientent vers l’introduction de l’agro-business tandis que la fameuse « révolution verte » prématurément annoncée semble être « en panne ».

1. Une « révolution verte » en panne

3 Le bilan actuel de la « révolution verte » basée sur la modernisation des exploitations familiales et l’intensification de la production est finalement très mitigé, sinon inquiétant, même si les progrès significatifs ont certes été effectivement enregistrés. Les rendements rizicoles ont plus que doublé pour atteindre 4 tonnes à l’hectare en moyenne. La production rizicole annuelle est de l’ordre de 400 000 tonnes, ce qui représente la moitié de la production nationale, tandis que la diversification des cultures pratiquées a permis à cette région de devenir une des principales zones maraîchères du pays… Mais, ce tableau très schématique mérite d’être nuancé.

4 Les exploitations familiales se trouvent pour beaucoup d’entre elles dans une situation financière très précaire. Certains casiers obtiennent certes des rendements élevés (jusqu’à 8 t/ha dans la zone Rétail) mais les résultats sont très inégaux (2 t/ha dans bien des secteurs du Macina). Le prix très élevé des engrais empêche les exploitants d’utiliser des doses suffisantes et contribue à leur endettement. Or l’efficacité des semences hybrides, largement diffusées, est assujettie à l’utilisation d’intrants. Cet endettement engendre un processus de désinvestissement qui se matérialise par la vente du matériel agricole et des bœufs de labour et peut aller jusqu’à la cession partielle des parcelles (Coulibaly Y., Bélières J.F., Kone Y.2, Défis Sud3). Il constitue donc un véritable frein à l’investissement, fragilise le processus d’intensification qui s’amorçait à peine et suscite de nombreuses évictions. 5 Il ne semble toutefois pas que l’on ait réellement donné les moyens à cette paysannerie locale d’entreprendre de réelles mutations. La taille excessivement réduite des exploitations et le manque d’encadrement technique et commercial constituent sans doute les principaux freins à la modernisation de l’agriculture familiale (Coulibaly, Bélières, Kone2). Ainsi 56 % des exploitants disposent de moins de 3 ha cultivables, seuil de viabilité d’une exploitation dans la zone irriguée. L’accès au foncier constitue donc sans doute le principal frein aux perspectives de développement des exploitations familiales. Il est conditionné par la disponibilité en main d’œuvre mobilisable, et de plus en plus par les capacités d’investissement des paysans. Une partie des surfaces aménagées a toutefois d’ores et déjà été attribuée à des fonctionnaires, des commerçants... selon des critères très flous. 6 Cette « révolution verte » n’a donc pas engendré le processus de développement escompté. Ainsi dans une région qualifiée de « grenier à riz » (Kuper, Tonneau4), la plus grande partie de la production est intégrée dans un système vivrier qui ne dégage que peu d’excédents commercialisables et permet tout juste aux 17 000 exploitants agricoles de survivre. En l’état, ce système ne peut en aucun cas initier la création d’un

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 118

pôle de production capable d’approvisionner la sous-région. Par ailleurs, financer l’extension des surfaces irriguées et assurer la durabilité des aménagements constituent dans le contexte actuel un enjeu majeur. Or, les réhabilitations et les extensions comme la maintenance du réseau constituent un véritable gouffre financier (3500 à 5000 euros par hectare aménagé). L’amortissement des aménagements n’a par ailleurs jamais été envisageable jusqu’à présent et la redevance de l’eau ne permet pas de financer l’entretien correct du réseau hydraulique qui doit consécutivement faire l’objet de réhabilitations régulières. Les bailleurs de fonds ne souhaitent plus entretenir un système qui semble condamné à vivre sous perfusion financière permanente. Quant à l’Etat malien déjà lourdement endetté, il est incapable de financer de front l’entretien des infrastructures hydrauliques, la poursuite des réhabilitations et les extensions projetées (BCEOM5). 7 En outre, ce réseau hydraulique gravitaire consomme des quantités d’eau colossales et ceci en dépit des économies qui ont pu être réalisées au fil des travaux de réhabilitation successifs. Les ponctions mensuelles moyennes réalisées au profit de l’Office du Niger sur le débit du fleuve varient de 3 % en période de crue à 74 % au mois de mars. En année décennale sèche, ces prélèvements mensuels représentent la quasi-totalité du débit mensuel moyen entre février et mai (Bélières J.F., Keita I., Sidibé S.6). Le risque de pénurie saisonnière a d’ailleurs été démontré à l’occasion de l’étiage. Le choix d’un système d’irrigation gravitaire est intrinsèquement source de gaspillage. Les pertes les plus importantes (22 à 28 %) sont enregistrées dans le réseau des canaux principaux. Elles sont liées tant à l’évaporation qu’aux nombreuses fuites par brèches qu’aux infiltrations. L’efficience du système est évaluée à 33 %, ce qui est très en deçà du taux acceptable pour ce type de réseau d’irrigation (50 à 60 %). Cette surconsommation est également imputable au maintien d’une tarification forfaitaire à l’hectare et aux nombreux branchements illicites qui sont tolérés sur les marges de la zone irriguée. Le choix de promouvoir une quasi monoculture rizicole y compris pendant la saison la plus chaude, constitue une aberration en terme de gestion de l’eau. 8 Les fragilités de cette « révolution verte » suscitent des doutes sur la capacité de l’agriculture familiale à impulser le processus de croissance agricole rapide, attendu par le gouvernement malien et par ses partenaires qui se tournent vers l’agro-business.

2. L’agro-business : un modèle de développement alternatif ?

9 Les projets d’aménagement envisagés sont donc à la mesure des ambitions formulées par L’UEMOA et la CEN-SAD : faire du Mali une puissance agricole régionale. Des projets de quelques milliers d’hectares ont d’ores et déjà été réalisés (carte 1), mais ces programmes d’extension connaissent une phase d’accélération sans précédent. Le Sexagon (principal syndicat des paysans de l’Office) évalue les surfaces concernées à 360 000 ha (Le Monde, 16-04-09).

10 L’UEMOA entreprend des aménagements de l’ordre de 25 000 ha pour la mise en œuvre d’une « Opération de Production de Riz », après l’ouverture prévue d’un nouveau bief sur le Fala de Molodo (carte 1), au niveau du point C. La première tranche compte 5 500 ha. Dans le cadre du Millenium Challenge Account (MCA), les Etats Unis ont entrepris un projet d’aménagement de 14 000 ha dans le Kouroumari à Alatona. 11 C’est toutefois le projet Malibya qui évolue le plus rapidement et qui se révèle le plus spectaculaire. Le décret No 04-329/P-RM formalise l’attribution de 100 000 hectares aux

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 119

pays membres de la CEN-SAD, dont l’aménagement a fait l’objet d’une étude préliminaire de faisabilité par la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture) à la demande du Secrétariat Général de la CEN-SAD. Dans ce cadre, la Libye et le Mali ont créé une société mixte, Malibya Agriculture, chargée de mettre en œuvre des aménagements colossaux sur la totalité de cette surface attribuée de fait à la Libye dans le système hydraulique du Macina (carte 1). Une première tranche de 25 000 ha doit être aménagée dans le secteur de Boky Wéré et au-delà vers Kolongotomo et Ké Macina. Ce projet associe le développement de la production rizicole, de la canne à sucre et du maïs avec la création d’un pôle d’élevage bovin intensif et d’usines de transformation des produits maraîchers (la tomate en particulier). La production rizicole devrait atteindre à terme 1,6 millions de tonnes de riz par an. Il est prévu d’obtenir 200 000 t de riz dès 2012 au terme de la première phase d’aménagement. Une intensification de la production de l’ordre de 20 % est envisagée grâce à l’introduction de variétés hybrides mises au point par le Centre National Chinois du riz hybride dont les rendements dépassent 10t/ha. Le village de Boky Wéré doit accueillir une station de production de semences hybrides chinoise. Le Mali se place ainsi dans une situation de dépendance vis- à -vis de la technologie chinoise : ces semences ne sont pas reproductibles et elles devront être rachetées par les exploitants au début de chaque saison de culture. Leur efficacité étant par ailleurs assujettie à l’utilisation massive d’engrais et d’intrants divers, la majoration des coûts de production pénalise les petits exploitants et laisse craindre la pollution des eaux de drainage et de la nappe phréatique. En outre, cette évolution menace la diversité des productions de riz locales déjà mise à mal par le succès des variétés du Nerica (hybride mis au point par le Centre Africain du Riz). Enfin, au niveau gustatif, ces variétés hybrides ne sont pas appréciées par les populations qui préfèrent en effet, de loin les variétés locales. Ainsi, les riz importés de Thaïlande sont choisis avant tout pour leur prix et non pas pour leur goût. C’est ici le choix d’une production massive qui a été fait, destinée pour une large part à l’exportation.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 120

Carte 1 : L’agro-business à l’assaut de l’Office du Niger : vers quelles recompositions géographiques ?

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 121

12 Dans ce nouveau contexte, d’aucuns craignent que la récente loi (votée en novembre 2008) sur la sécurité en biotechnologie n’ouvre la porte à des expérimentations de semences génétiquement modifiées. Ces inquiétudes sont aggravées par les programmes initiés par l’AGRA (Alliance pour une Révolution Verte en Afrique) en collaboration avec le MCA à Alatona. L’AGRA est un projet de recherche dans le domaine des semences améliorées conçu et financé par les fondations Bill Gates et Rockfeller. Des semences maraîchères résistantes aux maladies les plus courantes devraient être distribuées aux exploitants. La COPAGEN (Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain) s’inquiète de voir la zone de l’Office du Niger se transformer en « une forêt d’expérimentation sans aucune transparence sur les types de semences qui sont introduits » (Michel Y.7) et a manifesté avec les principales organisations paysannes à plusieurs reprises à Bamako contre l’introduction des OGM.

II. Dynamiques foncières et gestion de l’eau : enjeux et perspectives de développement

1. Vers une redistribution ou une confiscation des terres ?

13 Les mutations en cours quant à l’accès au foncier et les recompositions socio- spatiales associées sont au cœur des enjeux de développement dans cette région. On assiste en effet dans la zone de l’Office du Niger à une redistribution du foncier sur la base d’une promotion de la propriété privée. Certains projets financés par la Banque Mondiale (Koumouna) ou par d’autres bailleurs de fonds, tentent de promouvoir une classe d’agro-entrepreneurs susceptibles de financer une partie des aménagements hydrauliques (réseaux tertiaires, voire secondaires) et capables de mettre en valeur des exploitations de taille moyenne 10 à 50 ha, dont les titres fonciers leur seraient attribués. L’objectif est de « mettre en place une nouvelle race de producteurs » comme le

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 122

proclamait le gouverneur de la région de Ségou lors de l’inauguration de périmètre de Koumouna financé par la Banque mondiale (Défis Sud, décembre 2008). Ainsi, le projet financé par les Etats Unis dans le cadre du Millenium Challenge Account et implanté sur le site d’Alatona est construit selon ce modèle (carte 1). Les 14 000 ha aménagés seront répartis entre 1 785 exploitants et vendus par lots de 10, 30,90 voire 120 ha. 57 % des exploitants disposeront de 20 à 50 ha. L’UEMOA a engagé des études pour l’aménagement de 11 000 ha dont 5500 à réaliser avant 2012. Des lots de 9, 21 ou 48 ha seront attribués à des ressortissants des 8 pays membres.

14 Les défenseurs de la privatisation du foncier insistent effectivement sur le fait que la sécurisation de l’accès à la terre est une condition nécessaire aux investissements sur le long terme. Mais, les paysans de l’Office du Niger revendiquent d’autres formes de sécurisation : les organisations paysannes et le Sexagon militent pour une généralisation des permis d’exploitation ou des baux emphytéotiques. Ces contrats déjà en vigueur, mais de façon marginale, leur permettraient de bénéficier d’un usufruit transmissible des parcelles sur de longues périodes. L’hypothèque de celles-ci pourrait alors servir de garantie à l’octroi d’un crédit destiné à développer l’exploitation. Des baux d’exploitation longue durée sont d’ailleurs attribués à de grosses sociétés agro- alimentaires de manière à attirer leurs investissements. Ainsi dans les sociétés chinoises et sud-africaine SUKALA et SOSUMAR se sont vues respectivement attribuer 15 000 et 18 000 ha, tandis qu les sociétés Malibya, et HUICOMA (société malienne de production d’oléagineux) disposent chacune de 100 000 ha pour une durée de 30 ans renouvelable. C’est une façon pour ces sociétés d’accéder au foncier gratuitement et sur de longues périodes. Corrélativement, des villages entiers sont « expropriés » et déplacés pour céder la place aux aménagements. On ne connaît d’ailleurs ni le nombre exact des personnes que l’on envisage de déplacer, ni les conditions précises de leur réinstallation. A Alatona, les 33 villages évacués ont été reconstruits en périphérie et 5 ha ont été attribués à chacune des familles déplacées. 15 Officiellement, ces réinstallations sont présentées comme une opportunité dans la mesure où les sites seront désenclavés par un accès routier ; ils bénéficieront d’une adduction électrique et d’accès à l’eau potable et disposeront par ailleurs d’infrastructures scolaires et sanitaires. On ne peut que saluer l’amélioration potentielle des conditions de vie des populations… Mais, il faut craindre des tensions dans les zones d‘accueil entre les populations bénéficiant de droits coutumiers antérieurs et les nouveaux arrivants. Par ailleurs, dans la mesure où les paysans déplacés devront rembourser 3 ha sur les 5 ha attribués pour devenir propriétaire du lot, il n’est pas sûr qu’elles aient les moyens financiers d’en conserver la jouissance. 16 On peut considérer ces attributions foncières comme de maigres lots de consolation : sur les 360 000 ha programmés, 9000 seulement reviennent aux populations locales (Le Monde 16-04-09). Ainsi sur les 5500 ha aménagés dans la zone UEMOA, 500 ha ont été distribués aux villageois déplacés. La société Malibya se dégageant de toute responsabilité quant au sort des populations susceptibles d’être déplacées dans le cadre de la réalisation du projet, les réinstallations et les litiges fonciers potentiels sont du ressort des collectivités locales concernées en charge de la gestion des ressources naturelles et du foncier. D’aucuns parlent d’ores et déjà de « poudrière » pour qualifier les tensions qui se développent dans le Macina (La Nouvelle République, 13 février 2009). 10 000 emplois devraient toutefois être créés dans le cadre des activités du projet Malibya. Leur nature n’est pas spécifiée et il est à craindre qu’ils restent saisonniers

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 123

(repiquage du riz, coupe de la canne à sucre ou récolte des tomates) et mal rémunérés au regard de l’offre de main d’œuvre disponible. Il semble qu’on assiste bel et bien à un véritable « accaparement des terres » potentiellement irrigables par quelques sociétés agro-industrielles et par la Libye en particulier. 17 A une échelle plus régionale, la privatisation du foncier et l’attribution de surfaces de plusieurs dizaines de milliers d’hectares à des sociétés agro-industrielles vont engendrer des recompositions socio-spatiales majeures qui condamnent un système traditionnel de gestion des ressources reposant sur la pluri-fonctionnalité des ressources et de l’espace et répondant à une répartition saisonnière des usages (carte 1). Quoique voués à une production rizicole et maraîchère, les casiers irrigués de l’Office du Niger constituent en effet un espace pastoral majeur dans une région où l’élevage extensif et transhumant domine encore largement. La zone irriguée dispose en effet en saison sèche des rares ressources en eau disponibles. Les troupeaux convergent donc vers les canaux et les drains pour s’abreuver ; les résidus de culture assurant leur alimentation (carte 1). Ces animaux viennent certes des zones sèches voisines, mais la plus grande partie d’entre eux appartient toutefois aux riziculteurs de l’Office qui, pour certains sont devenus des agro-éleveurs. Le cheptel de la zone a été évalué à 300 000 bêtes en 1998 pour un taux d’accroissement de l’ordre de 10 %/an… (Kuper, Tonneau8). Des conflits d’usage éclatent d’ores et déjà régulièrement entre les bergers et les agriculteurs à l’occasion des dégâts commis sur les cultures (carte 1). Les divagations du bétail contribuent à dégrader le réseau de digues. Ce système pastoral est donc incompatible avec la fin de la vaine pâture et la privatisation du foncier : l’espace disponible pour ces troupeaux va se réduire considérablement et la tolérance vis-à-vis des dégâts éventuels sur les cultures sera probablement moindre. En soustrayant de vastes territoires pastoraux aux bergers de l’Office et aux pasteurs transhumants, la gestion des troupeaux va se trouver complètement désorganisée. 18 Des conventions de gestion des ressources ont été élaborées ces dernières années à l’échelle des communes (Kala Siguida, Molodo, et Kolongotomo en particulier) et du Cercle de Macina de manière régler ces conflits d’usage (carte 1). Ces conventions reposent sur l’élaboration ou la restauration de règles en adéquation avec les nouvelles données démographiques et socio-économiques qui ont modifié les formes d’occupation de l’espace et leurs variations saisonnières. Cette réglementation est établie de concert avec les différents acteurs, après de longues négociations la plupart du temps, de manière à concilier les intérêts de chacun… Dans les secteurs du Macina et de Molodo, où les projets les plus ambitieux sont programmés, ces conventions risquent bien de devenir caduques avant d’avoir été réellement expérimentées. Se pose par ailleurs, la question du devenir des territoires de pêche des Bozos, dont le maintien suscitait déjà des heurts avec les cultivateurs et surtout les bergers de la région. Le développement d’un pôle d’agriculture intensive semble difficilement conciliable avec le maintien d’activités extensives de pêche et d’élevage.

2. A la recherche d’une nécessaire gestion intégrée des ressources en eau…

19 L’amélioration de la gestion de l’eau qui constitue un impératif absolu dans la perspective des aménagements envisagés conditionne la faisabilité et la durabilité de ces projets. Des efforts ont d’ores et déjà été réalisés pour réduire la consommation

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 124

d’eau ; l’utilisation du goutte à goutte et de petits asperseurs est expérimentée avec succès dans quelques projets encadrés par des ONG. Le pompage dans la nappe sub- affleurante est envisageable. Les sociétés agro-alimentaires ont les moyens financiers de développer ces techniques d’irrigation à grande échelle. Ainsi, des asperseurs de grande taille fonctionnent déjà depuis environ deux ans dans la région de Markala, dans le cadre du projet de production de canne à sucre de 15 000 ha exploité par la société sud-africaine SOSUMAR. Par ailleurs, il existe des systèmes très performants dans la basse vallée du Sénégal qui pourraient inspirer les gestionnaires du projet maraîcher de Malibya : la Société des Grands Domaines du Sénégal utilise un système de goutte à goutte et d’asperseurs, voire de brumisateurs régulé par ordinateur pour irriguer une production de tomates sous serre.

20 L’impact de ces progrès potentiels est toutefois à relativiser au regard des travaux hydrauliques et de l’extension des surfaces rizicoles planifiées. Le canal adducteur principal de l’Office du Niger verra sa capacité doubler, tandis que les canaux du Sahel et de Boky Wéré comme le Fala de Molodo seront approfondis et élargis. Les travaux prévus sur le canal de Boky Wéré s’étendent sur 40 km et sont assurés par la société chinoise China Geo-Engineering Corporation CGC omniprésente au Mali sur les contrats de génie civil ; ce qui devrait faire de ce canal : « … le plus géant sur le territoire malien » (Abdalilah Youssef, directeur général de Malibya à l’Aube, le 10-11-2008). Le gouvernement malien a par ailleurs soumis à la Libye la réalisation de projets complémentaires : l’ouverture du 3ème bief du Fala de Molodo en vue d’aménager 200 000 ha dans le Méma Farimaké, celle du 2ème bief du fala de Boky Wéré de manière à assurer l’approvisionnement en eau des systèmes hydrauliques du Macina, du Karéri et du Kokéré et la construction d’un portefeuille d’études pour l’aménagement de 50 000 ha dans le système hydraulique du Méma et du Farimaké. Or, les pertes déjà énormes sur ce réseau primaire. Pour que les réaménagements permettent de résorber les pertes par évaporation et infiltration, il faudrait concevoir des canaux couverts ou un réseau de conduites souterraines et envisager l’imperméabilisation du réseau ; ce qui au regard du surcoût est probablement exclu. 21 L’augmentation des prélèvements sur le Niger consécutifs à ces aménagements hydrauliques n’a pas été évaluée, elle laisse craindre une aggravation des risques de pénurie saisonnière. La direction de l’Office compte sur la construction du barrage de Fomi (Guinée) en amont pour améliorer la régulation du débit du fleuve et permettre une augmentation des prélèvements ; la surface de la retenue d’eau sera certes 2,9 fois supérieure à celle du barrage de Sélingué (Zwarts L.9). L’Office encourage toutefois la limitation sinon l’abandon des surfaces de riz irrigués entre février et mai (Traoré S.I. 10). Dans ce sens, une tarification dissuasive de la redevance-eau a été appliquée pour la contre-saison 2009 : son montant a été porté à 100 % de la redevance de la saison principale contre 10 % jusqu’alors. En remettant ainsi en question le processus d’intensification recherché, cette démarche est significative de la pénurie d’eau qui se profile dans le cadre d’un système qui privilégie obstinément la riziculture irriguée. Le choix d’autres céréales semble pourtant logiquement s’imposer de manière à limiter la consommation d’eau tout en contribuant à la sécurisation alimentaire de la région. Les investisseurs ne semblent cependant ni entreprendre de réflexion à ce sujet, ni même suivre les directives de l’Office. Ainsi la société Malibya, désireuse d’atteindre ses objectifs de production rizicole négocie d’ores et déjà avec le gouvernement malien une

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 125

clause de priorité dans le contrat qui la lie à l’Office du Niger quant à l’accès à l’eau de février à mai et tente d’obtenir l’exonération de la redevance-eau 22 Par ailleurs, l’augmentation des prélèvements en eau de l’Office sur le fleuve doit être considérée dans un contexte régional ; elle implique un impact inévitable pour les écosystèmes comme pour les populations situés en aval au Mali et au Niger. Pour des extensions de l’ordre 100 000 à 150 000 ha, initialement envisagées dans le Schéma Directeur de Développement Régional, une réduction significative des surfaces inondées dans le delta vif avait été évaluée à 200.000 ha. Mais les extensions programmées s’élèvent dorénavant à 360 000 ha… Dans le cadre de la programmation des trois barrages officiellement validée lors de la réunion de l’Autorité de Gestion du Bassin du Niger en novembre 2008 à Conakry (Fomi en Guinée, Taoussa au Mali et Kandadji au Niger), une cartographie de la réduction de la surface d’inondation dans le delta vif du Niger a été réalisée dans la perspective de la mise en eau du futur barrage de Fomi. Une baisse du niveau de crue de 45 cm a été envisagée réduisant de moitié la surface inondée. Depuis la capacité de stockage du barrage de Fomi a été revue à la baisse. Mais, les perturbations hydrologiques potentielles liées aux prélèvements suscités par les extensions engagées à l’Office du Niger ne semblent pas être intégrées dans ces projections.

Conclusion

23 Officiellement, l’ampleur des investissements engagés est justifiée par la nécessaire indépendance alimentaire de l’Afrique de l’Ouest. « La société Malibya pense que le développement du Mali et de l’Afrique dépend dans un premier temps de la promotion et du développement de l’agriculture au niveau interne. Il ne s’agit pas céréales importées ou exportées, mais celles que nous produisons nous-mêmes et que nous utilisons chez nous… Cela m’amène à vous citer un passage évoqué dans le Livre Vert : « Il n’y a pas de liberté pour une société qui mange au-delà de là de ses frontières. » (Abdalilah Y., directeur général de Malibya à l’Aube, le 10-11-2008). S’il est mené à bien, ce projet permettra sans doute effectivement un accroissement rapide de la production agricole du Mali. La sécurité alimentaire du pays en sera-t-elle pour autant renforcée ? Rien n’est moins sûr dans la mesure où la politique menée par la Libye en Afrique vise avant tout à s’émanciper de sa dépendance croissante vis-à-vis des marchés alimentaires mondiaux. Sa production nationale souffre de pénurie d’eau croissante dans les grandes zones désertiques aménagées à grands frais et ses importations s’accroissent (177 000 tonnes de riz en 2005 d’après la FAO). L’externalisation de sa production agricole, déjà engagée dans d’autres pays africains vise à assurer son propre approvisionnement en denrées alimentaires. L’essentiel de la production de Malibya- Agriculture est donc destiné à approvisionner les marchés libyens. La sécurisation alimentaire est donc utilisée par la Libye comme un prétexte à la confiscation des terres.

24 Par ailleurs, on peut craindre que l’engouement pour les agro-carburants vienne concurrencer les cultures à vocation alimentaire dans la zone de l’Office du Niger, alors qu’en dépit de bonnes récoltes et de l’Opération Initiative Riz, le Mali a été obligé d’importer des céréales en 2009. A Markala, le projet sud-africain SOSUMAR porté par la société « Transvaal Sugar Beperk » dispose de 14 000 ha dans l’Office destinés à promouvoir une production de canne à sucre transformée pour une part en bio- éthanol. Les sociétés chinoises qui contrôlent déjà 6000 ha de canne à sucre dans ce

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 126

secteur et possèdent les trois usines Sukala, souhaitent tripler leurs capacités de production en étendant les superficies cultivées, dont une partie serait destinée à la fabrication de bio-carburants. En outre, la société Huicoma (entreprise malienne) projette d’aménager quelques 100 000 ha en oléagineux divers (tournesol, soja), tandis que l’huilerie Abou Woro Yacouba Traoré « HAWYT », expérimente la culture du tournesol (10 000 ha à Niono en 2007), dans le but de développer une production de bio- diésel. Une jeune société française Agroed (Agro Energie Développement) envisage de cultiver 30 000 ha de pourghère (Jatropha curcas) dans la zone irriguée. Des capitaux américains (MCA) ont été investis pour expérimenter la production de biocarburants de « seconde génération », c’est-à-dire produits à partir de résidus de culture. Il s’agit ici d’utiliser les résidus issus du décorticage du riz. Ce projet paraît surprenant alors que l’intensification de l’élevage dans le cadre des exploitations familiales commençait à peine à se développer à partir justement de ces résidus de culture. Cette expérimentation constitue un des multiples exemples traduisant la difficile conciliation entre l’agro-business et l’agriculture familiale.

BIBLIOGRAPHIE

BCEOM (Bureau Central d’Etudes pour le Développement d’Outre Mer Schéma Directeur Développement Régional, Zone Office du Niger Rapport de synthèse, Montpellier, 2001, 22p.

Belières et al., Gestion du système hydraulique de l’Office du Niger : évolutions et perspectives. In Actes du colloque PCSI 22-23 La gestion des périmètres irrigués collectifs à l’aube du 21ème siècle : enjeux, problèmes, démarches. Cemagref/Cirad/Ird Agropolis, Montpellier, 2001.

Brondeau, F., « Les désajustements environnementaux dans la région de l’Office du Niger : évaluation et perspectives », Cybergéo n° 263, 2004.

Coulibaly, Y. ; Belières ; JF. et Kone, Y., « Les exploitations agricoles familiales du périmètre irrigué de l’Office du Niger au Mali : évolutions et perspectives », Cahiers Agricultures, Vol 15, n° 6, 2006.

Coulibaly, Y. et Sangare, Y., L’accès aux ressources et leur gestion dans les grands périmètres irrigués africains : de la prévention des conflits à la décentralisation à l‘Office du Niger (Mali), Cahiers Agricultures, vol. 12, N° 4, 2003.

Défis, Sud, Dossier Le Mali est-il une puissance agricole ?, n° 86, 2008, 31 p.

Kuper, M. et Tonneau, J-Ph. (coordination scientifique), L’Office du Niger, grenier à riz du Mali, Cirad/Karthala, 2002, 251 p.

Marchal, Y., L'Office du Niger : îlot de prospérité paysanne ou pôle de production agricole ?, Revue Canadienne des Etudes Africaines, 8 (1), 1974, pp. 73-90.

Marie, J. et alii. (Coordination scientifique), Avenir du fleuve Niger, IRD coll Expert. Collégiale, 2007, 281 p.

Meaux, S. et alii. Aménagement hydraulique et conflits agropastoraux Analyse spatio-temporelle en zone Office du Niger (Mali), Cahiers Agricultures, vol. 13, n° 6, Nov-Déc. 2004

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 127

Merlet M., Quels impacts aura la promotion de l’utilisation des agro-carburants sur les pays en développement ? Actes du colloque ADEF (Association des Etudes Foncières), octobre 2007.

Michel, Y., "L'accaparement des terres de rizières met en péril la souveraineté alimentaire de l'Afrique", Bulletin du collectif Grain. www.GRAIN.org , 2009.

PACT (Projet d’Appui aux Collectivités Territoriales) 2005 Projet de convention locale de gestion durable des ressources agro-pastorales dans le Cercle de Macina. Ségou. 19p

Traore, S.I., Disponibilité de l’eau à l’Office du Niger, Rapport interne Office du Niger, 2008, 8 p.

Zwarts, L. et al., Le Niger, un câble de sauvetage : résultats économiques et écologiques de la gestion efficace dans le bassin du haut Niger, Conférence FAO-Pays Bas, 2005.

NOTES

1. Marchal, J.Y., « L'Office du Niger : îlot de prospérité paysanne ou pôle de production agricole ? », Revue Canadienne des Etudes Africaines, 8 (1), 1974, pp. 73-90. 2. Coulibaly, Y. ; Bélières, JF. et Koné, Y., « Les exploitations agricoles familiales du périmètre irrigué de l’Office du Niger au mali : évolutions et perspectives », Cahiers Agricultures, Vol 15, n° 6, nov- déc 2006. 3. Défis, Sud, Dossier Le Mali est-il une puissance agricole ?, n° 86, 2008, p. 31. 4. Kuper, M. et Tonneau, J-Ph., L’Office du Niger, grenier à riz du Mali, Cirad/Karthala, 2002, p. 251. 5. BCEOM (Bureau Central d’Études pour le Développement d’Outre-Mer), Schéma Directeur Développement Régional, Zone Office du Niger, Rapport de synthèse, Montpellier, 2001, p. 22 6. Bélières, J.F., Keita, I. et Sidibé, S., Gestion du système hydraulique de l’Office du Niger : évolutions et perspectives. Actes du colloque PCSI 22-23 janvier 2001, La gestion des périmètres irrigués collectifs à l’aube du 21ème siècle : enjeux, problèmes, démarches, Cemagref/Cirad/Ird Agropolis, Montpellier. 7. Michel, Y., "L'accaparement des terres de rizières met en péril la souveraineté alimentaire de l'Afrique", Bulletin du collectif Grain. www.GRAIN.org / janvier 2009. 8. Kuper, M. et Tonneau, J-Ph., L’Office du Niger, grenier à riz du Mali Cirad/Karthala, 2002, 251 p. 9. Zwarts, L. et alii, Le Niger, un câble de sauvetage : résultats économiques et écologiques de la gestion efficace dans le bassin du haut niger. Conférence FAO-Pays Bas, L’eau pour l’alimentation et les écosystèmes. Pour une action concrète, Rome, 2005. 10. Traoré, S.I., Disponibilité de l’eau à l’Office du Niger, Rapport interne Office du Niger, 2008, p. 8.

RÉSUMÉS

L’évolution du marché mondial des céréales et l’éclatement d’émeutes de la faim font plus que jamais de la sécurité alimentaire une des priorités des politiques agricoles dans les pays du Sud. Dans ce contexte, le Mali est considéré comme une puissance agricole macro,régionale potentielle. Des programmes d’aménagement colossaux sont entrepris dans les systèmes irrigués de l’Office du Niger et laissent augurer des mutations sans précédent. Le modèle de développement basé sur l’agriculture familiale semble donc être remis en question au profit de la

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 128

promotion de l’agro,business dans un contexte de privatisation foncière. Cette région est à l’aube de recompositions socio,spatiales et de désajustements tant socio,économiques qu’environnementaux que l’on commence tout juste à pressentir, alors que la vocation de l’agro,business à sécuriser l’approvisionnement alimentaire du Mali et des pays voisins suscite bien des réserves.

The world cereal market evolution and the hunger riot outbreaks make food product security more than ever a priority for agricultural polices in the countries of the South. In this context, Mali is considered as a powerful macro regional agricultural potential. Huge installation programs have been undertaken in the Niger Office irrigated land systems letting one foresee changes without precedent. The development model base on family agriculture thus seems to be questioned in favor of agro,business promotion within a real estate privatization context. This region is at the dawn of socio,spatial rearrangements and readjustments in so much as socio,economic as environmental that one is just starting to feel, however the agro,business vocation for safe food provisions for the Mali and its neighbors arouses a lot of reticence.

La evolución del mercado mundial de las cereales y la explosión de motín del hambre hacen parte más que nunca, de la seguridad alimentaria una de las prioridades de los políticas agrícolas en los países del Sur. En este contexto, Mali es considerado como una potencia agrícola macro regional potencial. Se emprendieron importantes programas de organización en los sistemas de riegos de la Oficina de Niger y dejan augurar mutaciones sin precedentes. El modelo de desarrollo basado sobre la agricultura familiar parece volverse a poner en cuestión en beneficio de la promoción del agro bisness en el contexto de privatización territorial. Esta región está al borde de recomposiciones socio espaciales y de desajustes tanto socio,económicos como ambientales que sólo acabamos de presentir, mientras la vocación del agro bisness para asegurar el suministro alimentario de Mali y de los países vecinos suscitan muchas reservas.

روطت نإ قوس بوبحلا ةيملاعلا يشفت و لامعأ بغشلا ،يئاذغلا نم ل تلعجا نم تقو رثكأ يأ نم ،ىضم ىدحإ تايولوأ ةيسايسلا ةيعارزلا نادلب يف بونجلا اذه ،قايسلا يف . و دعي يلاملا دحأ مهأ ىوقلا ةيعارزلا ةيوهجلا ىربكلا ريخست مت دق . و جمارب ةمخض زيهجتل ةمظنأ يرلا ناويدب رجينلا امم رجنأ رييغت هنع قبسي مل ،ليثم هل كيكشتلا امك مت جذومن يف ةيمنتلا مئاقلا ىلع ةعارزلا ةيرسلا ةحلصمل ةيقرت ةراجتلا ةيعارزلا راطإ يف ةصصوخ يضارلا . ودبي هذه ةقطنملانأ و ىلع ةبتع يتلا نيوكتلايه ،ديدج نم ىلع ىوتسملا يعامتجل ،يئاضفلاا و فرعت تقولا يف هتاذ يدعت ويسوس ل ايداصتقإ ايئيب و . هجوتلا ،اذه نأ نيح يف وحن ةراجتلا ةيعارزلا نيمأتل ةريخذلا ةيئاذغلا يلاملل نادلبلا و ةرواجملا وه رمأ ريثي ريثكلا تاظفحتلا نم .

INDEX

Palabras claves : Oficina del Niger, riegue, agricultura familiar, agro-bisness, gestión del agua, acceso a los bienes raíces

ناويد رجينلا , يرلا , ةعارزلا ةيرسل ا , ةراجتلا ةيعارزلا , رييست دراوملا سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

ةيئاملا , ليصحت يضارلا Keywords : Niger Office, irrigation, family agriculture, agro-business, water management Mots-clés : office du Niger, irrigation, agriculture familiale, agro-business, gestion de l’eau, accès au foncier

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 129

AUTEUR

FLORENCE BRONDEAU

Enseignante, Université Paris 4 Sorbonne. UMR 8185 ENeC.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 130

Armature urbaine et organisation territoriale

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 131

Une géographie urbaine à la marge? Formes et processus de l'urbanisation saharienne égyptienne (hors marges du Delta et de la Vallée) 1917-2006 Urban geography on the fringe? Urbanization forms and methods in the Egyptian Sahara (Outside the Delta and Valley) 1917-2006 Una geografía urbana al margen ? Formas y proceso de urbanización sahariana egipcia (fuera del margen del Delta y del Valle) 1917-2006 يوارحصلا ندمتلا ةروريس و لاكشأ ؟شماهلا ىلع ةيرضحلا ايفارغج لا 2006-1917 لينلا ( يداو و اتلدلا ) ءانثتساب يرصملا

Martine Drozdz

1 En 1997, le Président égyptien Hosni Moubarak inaugure le lancement d’un projet d’échelle pharaonique : créer un nouveau Delta, sur les bords du Lac Nasser, grâce au détournement d’une partie des eaux de retenue du Haut-Barrage d’Assouan. A l’aide d’une station de pompage qui doit devenir la plus puissante station du monde, la station de Tûshka, il s’agit une nouvelle fois d’essayer de transformer le Sahara égyptien pour en faire un Eldorado agricole, industriel et urbain. Ce projet, dernier rêve que tous les présidents de la république égyptienne ont proclamé, marque implicitement l’arrêt définitif du précédent projet de développement des déserts égyptiens, qui portait également le nom de « Nouvelle Vallée » mais qui était centré sur les régions d’oasis. C’est pendant cette période (1957-1997) que la région connaît ses mutations les plus spectaculaires, tant dans l’occupation et l’organisation de l’espace que dans les dynamiques économiques locales. Un processus d’urbanisation des oasis, quasi-exclusivement agricoles dans les années 1950, se met en place selon des modalités qui sont loin d’être évidentes, puisqu’il ne s’appuie pas sur le développement d’activités industrielles, ni sur celui de circuits commerciaux qui favoriseraient l’émergence de

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 132

places marchandes. Et pourtant en 1996, à la veille de la libéralisation économique qui touche actuellement massivement les oasis, 53% de la population saharienne est considérée comme urbaine par le gouvernement égyptien.

2 L’espace saharien égyptien, qui comptait 36 000 habitants en 1907, répartis dans 22 communes, en compte un siècle plus tard 398 000, onze fois plus, répartis dans les 180 unités administratives qui se situent le long des franges littorales, de leur arrière-pays et dans les cinq régions d’oasis. Dans ces 180 communes, on trouve deux capitales régionales, des centres oasiens, un chapelet de petites agglomérations jouxtant les fronts pionniers agricoles ainsi que des villages touristiques bordant le littoral méditerranéen. Autant de profils qui encouragent une étude précise des évolutions de la population saharienne égyptienne et des requalifications de ces territoires tout au long du siècle dernier. Dans le sillon des conclusions des recherches récentes1 sur le Sahara, qui montrent que l’urbanisation du Sahara, c’est-à-dire la transformation des activités des habitants, des modes de résidence, des pratiques sociales et des échanges, représente la mutation la plus importante des soixante dernières années pour ces territoires ; cet article cherche à explorer les modalités d’émergence de ces nouvelles formes d’organisation sociales et spatiales dans le Sahara égyptien. On verra ainsi que jusqu’en 1996, l’urbanisation est majoritairement le fait de l’Etat et on essaiera dans un premier temps de comprendre à quel moment le contenu des politiques d’aménagement égyptiennes a pris un tour volontairement urbain. Ce détour rétrospectif permettra de voir la complexification croissante et l’internationalisation des normes d’aménagement en vigueur, complexification soutenue par l’arrivée de nouveaux acteurs étrangers à partir de la décennie 1980. En parallèle de cette analyse des politiques publiques d’aménagement urbain, on essaiera de préciser les contours de cette mutation urbaine en répondant à la question que pose l’anthropologue Reem Saad à propos de la Haute-Egypte : « qu’est-ce qu’il y a d’urbain » dans le Sahara Egyptien ?2. Enfin, on regardera comment se pose désormais la question du devenir de ces espaces urbains sahariens égyptiens, dépourvus aujourd’hui de politique régionale de développement, entre libéralisation économique et mobilisation de la société civile3.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 133

Figure 1 : L’Egypte et les oasis sahariennes

Les oasis avant les grands projets nationaux

3 Jusqu’en 1947, le peuplement du Sahara égyptien s’organise en un système double. D’un côté des pasteurs nomades ou semi-nomades qui parcourent le Sahara septentrional, de part et d’autre de l’actuelle frontière égypto-libyenne, d’un autre côté, les oasis, zones de peuplement sédentaire, recensées dès 1882. Ces régions d’oasis s’organisent en une multitude de communautés agricoles qui exploitent les nappes phréatiques peu profondes ou profitent des nombreuses sources artésiennes présentes dans le fond des cinq dépressions du Désert Occidental. Elles sont reliées entre elles par un réseau de pistes qui se déploient le long des différents itinéraires empruntés pour parcourir la route des Quarante Jours qui relie le Darfur au Delta et à la côte méditerranéenne. Les communautés de ces oasis s’organisent autour de la pratique de l’agriculture qui mobilise plus de 90% de la population active masculine jusqu’en 1947, les 10% restant s’employant surtout dans l’artisanat. La forme du peuplement est archipélagique, le chef-lieu administratif concentrant moins de 40% de la population de l’oasis. L’habitat se partage ainsi entre les formations dispersées de maisons isolées accolées aux champs et aux puits et les petites agglomérations très denses formées de maisons mitoyennes, souvent cerclées d’une enceinte, où les rues sont couvertes et dans lesquelles domine la brique de terre crue.

4 La survie des oasis dépend de leur situation sur la piste des Quarante Jours et de l’accès aux activités commerciales générées par cette situation4. L’organisation du commerce transsaharien qui garantit le maintien des oasis ne permet pas pour autant l’émergence d’un groupe local de commerçants, laissant quasiment l’intégralité de la population à la pratique de l’agriculture. Les activités marchandes sont en effet exercées par des

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 134

groupes originaires de Haute-Egypte qui résident dans les oasis et exercent leur pouvoir et leur contrôle sur les circuits commerciaux par l’intermédiaire du Kâshif, le représentant du gouverneur de Haute-Egypte5. Aussi la construction de la notabilité locale dans les oasis ne s’appuie-t-elle pas sur l’émergence d’un groupe de commerçants local, mais se construit à partir du contrôle des moyens de production locaux, par conséquent sur la propriété des puits. Le principal propriétaire des puits est donc celui à qui revient la charge de négocier l’ensemble des surplus produits avec le Kâshif ou les commerçants de Haute-Egypte. 5 Le contrôle militaire et politique de la zone saharienne égyptienne se renforce après la Première Guerre Mondiale et entraîne de nombreuses perturbations dans la répartition de la population. A partir de 1919, les Britanniques y installent un gouverneur militaire et négocient avec les pouvoirs Italiens la cession de trois oasis senoussies dans le territoire national égyptien en cours de consolidation (Farâfra-Bahariyya, Dâkhla, Sîwa). Dès lors, la zone passe sous le contrôle du Foreign Office6. L’action urbanisante des Britanniques est quasiment inexistante : elle se limite à la construction de garnisons sur les plateaux surplombant les dépressions oasiennes et à proximité de la gare dans l’oasis de Khârga. Cependant, le strict contrôle des mouvements et l’interruption des circulations transsahariennes entraînent au nord la réunion des éleveurs semi-nomades dans des villages de sédentarisation et un important exode en direction du Caire au départ des oasis7. Ainsi jusqu’en 1947, la croissance et le déclin des communes sahariennes, dans un environnement très agricole, répondent parfois à des logiques locales spécifiques8 mais s’expliquent surtout par un contexte politique et économique fortement perturbé. La mobilité intra-oasis est très forte pendant ces trois décennies9, de même que l’exode en direction de la Vallée et de la capitale. Il faut donc nuancer l’idée d’un peuplement qui aurait été très stable avant l’intervention étatique et qui se trouverait fortement perturbé par cette-dernière10. A contrario, au vu de l’organisation du peuplement en micro-communautés et de l’extrême mobilité des terroirs pour répondre aux risques environnementaux (épuisement des sols et abaissement régulier des niveaux piézométriques11) et politiques, on peut poser l’hypothèse qu’avant l’action entreprise par l’Etat égyptien, les conditions favorables à l’émergence d’une urbanisation saharienne, tant le développement d’activités non- agricoles que la stabilité de la localisation des individus, ne sont pas réunies.

1957 et ses suites : la définition d’un aménagement urbain des oasis égyptiennes et ses conséquences socio-spatiales

6 Le projet « Nouvelle Vallée » tel qu’il est défini par le Président Gamal Abd el Nasser, est annoncé en 1957 et mis en place à partir de 1959. Annoncé comme un projet de développement agricole, il est mené sous l’autorité des organisations gouvernementales responsables de la bonification et de la gestion des nouvelles terres12. Très modeste malgré les chiffres annoncés, il ne concernera finalement que 2500 familles, originaires de la Vallée, principalement des paysans sans terre13. A cette première phase d’aménagement exclusivement agricole interrompue en 1967 fait suite un ensemble d’actions dédiées explicitement au développement urbain à partir de 1973. A cette date, la prise en charge de la gestion de l’urbanisme des deux capitales régionales Sahariennes, Marsâ Matrûh et Khârga-ville est assurée par le GOPP (General

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 135

Organisation for Physical Planning). Les modalités et les contenus de l’intervention de la puissance publique dans les espaces sahariens se modifient considérablement. Entre 1979 et 1982, plusieurs groupes d’experts égyptiens et étrangers sillonnent le Sahara afin de proposer un plan régional de développement de la région. Ce plan est publié entre 1984 et 1986. Il est co-rédigé par PACER (entreprise égyptienne d’ingénierie d’infrastructures urbaines et de transport) et Euroconsult (entreprise néerlandaise de conseil en développement agricole et gestion des ressources naturelles) ; il est financé par la FAO et l’agence US/AID14. Reprenant l’argumentaire des grands projets menés alors en Egypte15, il invite à fonder le développement du Sahara égyptien sur la construction de villes nouvelles qui doivent servir à structurer les fronts pionniers agricoles et devenir des centres de production. Khârga-ville, par exemple, est censée atteindre 350 000 habitants en 1991, à la faveur du développement industriel du site d’extraction de phosphates d’Abu Tartur16. Si la ville planifiée n’atteindra jamais ces chiffres et si une fois encore, les ambitions sont démesurées, les effets sur l’organisation de l’espace et les activités des oasiens sont considérables. La population saharienne croît ainsi continument durant ces deux décennies, à une vitesse supérieure à la moyenne nationale et a tendance à se concentrer dans le chef-lieu administratif depuis le milieu des années 1970. La population considérée comme urbaine selon les critères officiels, c’est-à-dire recensée dans les chefs-lieux de markaz, concentre ainsi 46% de la population saharienne totale en 1976 et un peu plus de 50% vingt ans après. Le développement du réseau urbain s’appuie jusque dans les années 1970 sur des villes de moins de 10 000 habitants. Cette strate commence à s’étoffer dans le recensement de 1986, une fois les investissements concédés permettant un recrutement local massif des jeunes diplômés nés dans les années 1960, sur la base des recommandations du plan PACER. Le dynamisme urbain du Sahara égyptien, dont la croissance est continue au long du siècle dernier, s’appuie donc fortement sur l’impulsion donnée par la promotion administrative aux petits centres locaux17.

Figure 2 : La population urbaine saharienne, 1976-1996

1976 1986 1996

196 275 378 Population saharienne totale 068 495 891

140 192 Population urbaine saharienne totale 90 439 306 721

Part de la population urbaine en Egypte en % de la population totale 42 43,91 43,3 0

Part de la population urbaine dans les gouvernorats sahariens en % de la 46,13 50,93 50,86 population saharienne totale

Nombre "d'unités urbaines " (chef-lieux de markaz et de gouvernorat) 10 10 12 dans le Sahara égyptien

Nombre d'unités de plus de 5000 habitants 6 14 16

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 136

Nombre d'unités de plus de 10000 habitants 2 4 6

Source : CAPMAS, 1998, OUCC, 2006.

7 Le constat de la concentration et de l’agglomération des populations demeure cependant insuffisant pour caractériser les progrès de l’urbanisation saharienne. S’il est admis que l’urbanité ne se limite pas à une forme spécifique18, le Sahara égyptien offre un cas limite particulièrement stimulant pour proposer d’autres critères de qualification d’un phénomène dont la mesure officielle s’avère très restrictive. Afin de rendre compte des transformations des activités, des pratiques et des paysages d’un territoire quasi-exclusivement agricole au début du siècle, un travail systématique a été mené sur un ensemble de 21 variables combinées en composantes principales et permettant ensuite de discriminer les communes sahariennes en cinq groupes grâce à une méthode de classification automatique. L’analyse a été répétée à l’ensemble des communes, pour les trois recensements complets disponibles, (1976, 1986 et 1996). Aux communes pour lesquelles l’activité économique reste inchangée et demeure exclusivement agricole (plus de 90% des actifs recensés) s’opposent dans un premier temps, jusqu’en 1986, celles où l’emploi administratif se développe et dans lesquelles l’alphabétisation progresse très rapidement. Cette première distinction oppose d’un côté les deux capitales régionales ainsi que les petits centres oasiens19 aux communes marginalisées et oubliées des équipements publics qui se concentrent dans les nouveaux fronts pionniers et dans les villages de sédentarisation du Nord. Certaines communes de fronts pionniers agricoles ouverts dans les années 1960 attendront plus de vingt ans avant de bénéficier de la nomination d’un instituteur pour leur école20. A ce stade, 61% des actifs recensés travaillent dans l’agriculture, 16% dans les services, 7% dans le commerce, mais ces 7% qui représentent 3800 actifs se concentrent pour 75% d’entre eux dans les communes de la bordure septentrionale du Sahara. En d’autres termes, l’urbanisation dans les oasis a cette particularité de ne pas accompagner le développement d’activités commerciales, mais celui des services administratifs. Le citadin oasien bénéficie d’un meilleur encadrement scolaire, mais n’a que peu la possibilité de consommer des produits manufacturés en dehors de l’oasis.

8 Vingt ans après, les critères de différenciation entre les communes sahariennes sont plus variés et témoignent de la progression des changements sociaux associés à la mise en place du programme de développement des régions sahariennes. Seul un tiers des communes présente un profil similaire à celui qu’elles donnaient à voir dans les années 1940, avec une population vieillissante (soit 69 000 habitants, 20% de la population saharienne). A ces communes, on peut ajouter les communes des fronts pionniers ouverts dans les années 1980 et 1990 qui présentent un profil d’emploi similaire aux premières, très majoritairement agricole, mais avec une population plus jeune, plus masculine et plus éduquée (30 000 habitants environ, 10% des communes). Tout comme les communes touristiques du littoral (30 000 habitants, 5% des communes) qui emploient majoritairement des hommes jeunes dans le secteur de la construction et les fronts pionniers miniers (1% des communes recensées mais 19 000 habitants), ces communes ont en commun de présenter un important déficit de services et d’emplois administratifs. Le reste des communes se partage entre un petit groupe de villes à économie diversifiée, tournée vers le commerce et les services avec une faible base agricole (6% des communes, dont les deux capitales régionales), enfin les petits centres

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 137

oasiens qui se distinguent du reste des communes sahariennes en présentant la particularité d’avoir une base agricole non négligeable (plus de 30% des actifs) et un secteur tertiaire surreprésenté (jusqu’à 60 % des emplois) mais une activité commerciale et industrielle embryonnaires (ce groupe concerne 109 000 habitants, 25% de la population saharienne). Si l’on résume ces informations, en 1996, environ 149 000 habitants, soit un gros tiers de la population saharienne égyptienne, vit dans une commune mal équipée, orientée vers l’agriculture, l’extraction minière, ou le BTP. Le reste de la population est polarisée par un réseau de villes qui offrent des infrastructures éducatives et des possibilités d’emplois dans l’administration, sans que pour autant l’activité agricole ne disparaisse. En marge des dynamiques internationales qui commencent à se mettre en place en Egypte et qui concernent surtout le littoral, les oasis sahariennes se transforment en agrovilles. Dans les centres de Khârga-ville et de Mût, les paysages urbains s’uniformisent à la faveur de la production de constructions qui affirment le monopole de la construction du logement par l’Etat et la domination de la construction collective dans des centres organisés selon un zonage fonctionnel. Le tissu urbain hérité est progressivement abandonné ou reconverti en étable, la trame viaire se simplifie et s’élargit, faisant place à des parcelles aménagées en bloc, le commerce se développe peu, strictement contrôlé par la puissance publique.

De nouveaux enjeux pour les villes sahariennes égyptiennes

9 L’étude des taux de migration sur trente ans permet de mesurer l’attractivité des régions frontalières égyptiennes pour la population nationale. Assez également réparti tout au long de la deuxième moitié du vingtième siècle dans les régions sahariennes ; cet afflux migratoire accompagne la croissance démographique continue de ces régions. Mais cette continuité masque l’ampleur de l’écart constaté pour la dernière décennie qui voit l’écart démographique se creuser entre le littoral saharien et les régions oasiennes. Le gouvernorat de Marsâ Matrûh atteint désormais 322 000 habitants, soit la population de l’ensemble du Sahara au début des années 1990. Cette augmentation signifie un taux de croissance annuel moyen de 4,3% pour la région, c’est-à-dire deux points supérieur à la moyenne nationale, quand la population de la Nouvelle Vallée atteint 187 000 habitants et ne croît qu’à un rythme annuel de 2,8%. Si l’attractivité de la Nouvelle Vallée était supérieure à celle de Marsâ Matrûh pendant les premières décennies de l’Indépendance, le décrochage des régions d’oasis sous l’effet de la littoralisation des activités et des investissements, publics et privés, est désormais patent. La mise en tourisme de la côte méditerranéenne le long du littoral saharien qui remonte au début des années 1990 est activement soutenue par les bailleurs de fonds comme une activité motrice du développement21.

Figure 3 : Taux de migration pour quelques gouvernorats égyptiens, 1973-1976

1973-2006

Egypte 6,62

Benî Sûwayf 2,17

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 138

Sûhâg 0,59

Asyût 3,58

Mer Rouge 27,39

Nouvelle Vallée 27,79

Marsâ Matrûh 13,57

Source : CAPMAS, 1998, OUCC, 2006

10 A ce décrochage démographique s’ajoutent la diminution des investissements publics dans les oasis, la dégradation des conditions de la gestion des infrastructures urbaines ainsi qu’une importante montéeb du chômage. Le budget annuel du Gouvernorat des oasis est estimé à 138 000 LE soit un peu moins de 20 000 euros pour 187 000 habitants22 et le gouvernement central refuse désormais de financer les projets de développement économique en charge de favoriser l’intégration des jeunes diplômés attendant un emploi dans la fonction publique23. La construction des infrastructures des petites villes, en particulier les réseaux sanitaires, est désormais prise en charge par les ONG, à l’instar du programme US/AID Infrastructure improvements project - secondary cities pour lequel dix villes oasiennes étaient éligibles en 2007 mais deux sont effectivement financées24 en 2009. Déjà en 1987, les représentants des communes rurales oubliées du développement oasien se mobilisaient auprès des autorités gouvernementales pour obtenir les moyens nécessaires à l’ouverture d’écoles indéfiniment retardée25, mais cette pénurie s’étend désormais aux services urbains. Le responsable de la jeunesse et des sports de Mût, la capitale de Dâkhla, a ainsi fini ainsi par construire lui-même le centre sportif de la ville, faute de moyens jamais parvenus. Montant lui-même une association et s’appuyant sur son réseau familial très implanté dans la ville, lui permettant d’obtenir les machines et la main d’œuvre nécessaires à la construction du centre à travers la mobilisation des apprentis maçons et contremaîtres de l’école de travaux publics du Mût, il construit cette infrastructure entre 2002 et 200326. La gestion du foncier dans les centres villes oasiens connaît elle aussi une mutation importante sous l’effet de cette baisse d’investissement. L’achèvement en 2002 de la zone urbanisée d’al-Zohoub au nord de Khârga-ville, située sur un ancien camp militaire, est le dernier investissement public dans le logement réalisé dans la ville. Aucun autre logement public n’est actuellement en construction et cette prérogative est désormais laissée à l’initiative des habitants. Les services urbains en charge de gérer les ressources en eau n’ont plus le droit d’ouvrir de nouveaux puits depuis 2001 ; l’usine de traitement des eaux usées de Mût et de Dâkhla n’a toujours pas été construite tandis que le lac d’épandage ne cesse de s’élargir27. Le paysage oasien change sous l’effet de ce nouveau contexte, les immeubles privés se multiplient, de deux à cinq niveaux alors que de nouvelles constructions inspirées des riches villas construites dans les lotissements des villes nouvelles du Caire font leur apparition en bordure de Mût. Les matériaux de construction, pierres blanches de Minya, ciment produits à l’usine Cemex d’Asyût, plus accessibles grâce au doublement de la route Khârga-Asyût achevé en 1999, ou encore les peintures en provenance du Caire ou les céramiques produites localement par des

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 139

artisans de Sûhag installés à Khârga, participent à ces changements paysagers qui témoignent de l’intensification de la circulation des biens et des populations.

11 L’économie urbaine oasienne, très peu polarisée par les activités commerçantes pendant la deuxième moitié du vingtième siècle, connaît une formidable insertion dans les réseaux marchands nationaux depuis une dizaine d’années. Ce développement du commerce de détail participe également à une reconfiguration de l’espace urbain hérité des grands aménagements par la création de rues dédiées. L’évolution du tissu urbain de la ville de Khârga est ainsi exemplaire de ces mutations : profitant d’une situation particulière, entre Dâkhla et la Vallée, et des équipements que son rang de capitale régionale lui confère, elle devient un nœud à la fin des années 1990, polarisant autant la population régionale que les circulations commerciales inter-régionales égyptiennes. Aujourd’hui, Khârga compte trois gares routières et trois artères commerciales où l’on retrouve tous les produits en provenance du Caire, de la motorisation légère, avec les petites cylindrées Dayun, le géant Chinois de la moto économique28, acheminées depuis Bulaq, quartier péricentral de la métropole cairote, aux décorations pour téléphone portable. La libéralisation économique et l’amélioration des infrastructures de transport29 permettent l’inondation du marché urbain de biens acheminés depuis le Caire et le Delta : vêtements et articles de sport achetés à ‘Abdîn, quartier populaire du centre du Caire, pièces détachées de voiture en provenance du quartier de la place Ramses et de la région de Menoufeyya, téléphones portables, achetés dans le souk d’al- Azhar, à l’instar des valises et des tissus, pièces détachées informatiques achetées au centre commercial al-Bustan, situé en plein centre du Caire, à proximité de la place Tahrir. Ce passage d’une économie urbaine peu monétarisée à la création de places marchandes connectées aux circuits commerciaux nationaux s’accompagne d’une très forte diminution de la production artisanale locale, encore très active dans les années 199030. Elle ne concerne maintenant que quelques lieux dédiés au folklore oasien et à destination des touristes. Les ateliers de poterie d’al-Qasr ont ainsi disparu tout comme la vannerie que l’on trouvait récemment encore sur les étals du souk de Khârga. Les étals de magasins de légumes se sont multipliés également à la faveur de l’augmentation de la motorisation et on trouve toute l’année les mêmes produits que sur les marchés des villes de la Vallée et du Delta, dans des magasins majoritairement tenus par des familles originaires du Saïd31.

Conclusion

12 La variété des formes urbaines sahariennes invite à la prudence dans la caractérisation d’un processus dont les regards portés sur lui s’avèrent souvent difficile à généraliser. Avec Denis Retaillé et Odette Louiset, nous pouvons dire qu’"il a bien raison, l'ami, de penser qu'au fond de la ville, il y a l'urbanité, et que le défi, c'est de la mesurer. Surtout quand nos critères nous désorientent"32. Régulièrement déconcerté par un paysage difficilement lisible, le géographe peine à retrouver les habituels outils et repères pour décrire ces formes hybrides sahariennes. Le Sahara égyptien n’échappe pas à ce constat. Petits villages et centres marchands du dernier faisceau d’une géographie saharienne désormais mythique, moulinés par l’utopie socialiste et militaire de l’Egypte d’après- guerre, les oasis se retrouvent à l’aube de ce nouveau siècle dans une caricature de ville, écrin urbain hors d’échelle. La disqualification récente des zones de développement agricole et urbain invite tout particulièrement à rester attentif à la

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 140

diversité des stratégies actuelles des acteurs locaux pour répondre à ce nouveau contexte entre dégradation des ressources et intégration aux dynamiques politiques et économiques mondiales.

BIBLIOGRAPHIE

Bliss, Frank, Wirtschaftlicher und sozialer Wandel im "Neuen Tal" Ägyptens über die Auswirkungen ägyptischer Regionalentwicklungspolitik in den Oasen der westlichen Wüste, Bonn, Politischer Arbeitskreis Schulen, 1989, 415 p

CEDEJ/CAPMAS, « Century Census Egypt 1882-1996/ Un Siècle de Recensement », Le Caire, CD- rom et Livret d'accompagnement, rédaction F. Moriconi-Ebrard et H. Bayoumi, 2003, 126 p

Cole, Daniel P., Altorki, Soraya, Bedouin, settlers, and holiday makers: Egypt's changing northwest coast, Le Caire, American University in Cairo Press, 1998, 246 p.

Drozdz, Martine, « Une condition marginale ? Mesurer et caractériser les changements spatiaux et sociaux au Sahara égyptien, premières approches », Lyon, Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines, 2008, 108 p.

Evans-Pritchard, Edward E., The Sanusi of Cyrenaica, London, Oxford University Press, 1949, 168 p.

Faggi, Pierpaolo, « Etatisation de l'eau dans le projet "Nouvelle Vallée" en Egypte », in L'homme et l'eau, Tome IV, L'eau dans l'agriculture, Lyon, Editions de la Maison de l'Orient, 1987, pp. 104-10

Fakhry, Ahmed, Bahariyah and Farafra, Le Caire, American University in Cairo Press, 1976, 189 p.

Gumuchian, Hervé, « La République Arabe d’Egypte à la conquête de ses déserts » in Revue de Géographie Alpine, volume 63, 1974, pp. 225-252

Henein, Nessim, Poterie et potiers d’Al-Qasr : Oasis de Dakhla, Le Caire, IFAO, 1997, 242 p.

Hivernel, Jacques, Balat : étude ethnologique d’une communauté rurale, Le Caire, IFAO, 1996, 204 p.

Ibrahim, Saad Eddin et Guenena Nemat, « Culture and leadership in Development Initiatives in Egypt » in Development in Practice, volume 5, numéro 3, 1995, pp. 225-231.

Louiset, Odette et Retaillé, Denis, « la ville sans plan » in La ville et l’urbain, l’Etat des savoirs, Lausanne, PPUR, 2007, pp.365-387.

Pliez, Olivier, Villes du Sahara, Urbanisation et urbanité dans le Fezzan libyen, Paris, CNRS Editions, 2003, 200 p.

Wuttmann, Michel, Gonon, Thierry, Thiers, Christophe, « The Qanats of Áyn-Manâwîr, Kharga Oasis, Egypt » in Journal of achaemenid studies and researches, numéro 1, 2000, http:// www.achemenet.com/pdf/jasr/jasr2000.1.pdf, dernière consultation : 15 septembre 2009.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 141

NOTES

1. Pour une analyse de la bibliographie scientifique contemporaine sur le Sahara et le Sahara égyptien en particulier, voir Drozdz, 2008. 2. Conférence donnée par Reem Saad en avril 2009 à American University of Cairo : “What is urban in rural Egypt ?” 3. Cette analyse s’appuie sur plusieurs corpus. En premier lieu les données compilées du recensement égyptien, publiées par l’Observatoire Urbain du Caire Contemporain pour la période 1882-1996. Pour la période 1976-1996, ce corpus a été analysé autour d’une vingtaine de variables selon une méthode multivariée, pour distinguer des profils de communes sahariennes. Les données et les analyses statistiques ont été complétées pour la période la plus récente par une série d’enquêtes menées dans les oasis en février 2008, en avril et en mai 2009. 4. Pourquoi ces activités commerciales le long de la route sont-elles directement nécessaires au maintien des oasis? Seuls les surplus vendus permettent l’ouverture de nouveaux puits, l’extension de la surface agricole et la reproduction de la famille paysanne. Si le mouvement régulier d’ouverture des puits est menacé, ou rendue impossible par un isolement trop important des oasis, l’équilibre des ressources des familles paysannes est rompu et on constate une augmentation des mouvements migratoires en direction de la Haute-Egypte et du Caire. 5. Hivernel, op.cit. 6. Evans-Pritchard, 1949 7. Bliss, 1989. 8. Ahmed Fakhry décrit ainsi la crise écologique qui affecte l’oasis de Bahariyya dans les années 1930. Voir Fakhry, 1976. 9. Pour les détails des mouvements démographiques inter-oasiens, voir Drozdz, op.cit. 10. Bliss, op.cit. 11. Wuttmann et al., 2009. 12. Les actions d’aménagement des espaces désertiques ont été menées à partir de 1959 sous la direction du GODD (General Organisation for Desert Development) et de la GALR (General Authority for Land Reclamation). 13. Pour les détails du projet officiel de la politique de développement agricole de la Nouvelle Vallée, voir Gumuchian, 1974. 14. PACER Consultants/Euroconsult, Land Master Plan for the New Valley, 4 volumes, Le Caire, 1986, 412 p. 15. PACER conçoit au même moment le plan de la ville satellite d’Alexandrie, Borj al-Arab. 16. En 2009, la mine n’emploie que 5000 personnes, aucune industrie de transformation n’a été construite, et les logements sont abandonnés. Khârga compte 70 000 habitants. 17. Une analyse de variance menée sur la relation entre la croissance démographique des centres sahariens et la promotion administrative montre l’importance de ce critère pour expliquer les très fortes variations positives (voir Drozdz, op.cit.) 18. Voir Olivier Pliez sur l’idée d’ « urbanité sans ville » au Sahara (Pliez, O., 2003). 19. Le développement et l’inflation des services administratifs, et en particulier éducatifs, sont tels dans ces décennies que la Nouvelle Vallée détient aujourd’hui le record d’encadrement des élèves des écoles primaires. Une moyenne de 18 enfants par classe (PNUD, Egyptian Governorates Human Development Reports, El-Wadi El-Gadeed Governorate, Le Caire, 2009, 11p.) alors qu’en Haute- Egypte, cette moyenne atteint 35 élèves par classe et 31 dans le gouvernorat de Marsâ Matrûh (PNUD, Egyptian Governorates Human Development Reports, Matrouh Governorate, 2009, 221 p.). 20. Faggi, P., 1987. 21. PNUD, op.cit. 22. “Un désert pour l’emploi” in Al Ahram Hebdo, 23 octobre 2002.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 142

23. « Le nombre d'habitants [de la Nouvelle Vallée] s'élève à 195 000, dont 15 % sont au chômage. « Ceci est dû au fait que tous les jeunes cherchent un travail dans la fonction publique. Or, ce secteur n'offre que 1 958 postes tous les ans, ce qui est très peu comparé au nombre des diplômés », estime Al-Awadi Fahmi, maire de la ville de Farafra », in ibid. 24. US/AID, Scoping meeting for New Valley Governorate El Mounira Village, Kharga Oasis, Balat Village, Dakhla Oasis – Egypt Infrastructure Improvements Project/Secondary Cities, avril 2007, 50p. 25. Ibrahim et al., 1995. 26. Source : entretien en février 2008. 27. Source : entretien auprès des services de l’eau et de l’habitat – Khârga, février 2008, enquête de terrain à Dâkhla, avril 2009. 28. 3000 LE en 2008, alors que les anciens modèles tchèques, Jawa dépassaient les 10 000 LE. Voir “Egyptians favor Chinese products in daily life” in People’s daily, 20 novembre 2007. http:// english.people.com.cn/90001/90778/90858/90866/6306190.html. (dernière consultation, 15 septembre 2009). 29. En 1983, on mettait encore au moins deux jours à atteindre Khârga depuis le Caire en raison des discontinuités de routes carrossables depuis le Caire vers Asyût et plus encore, par la route des Oasis. En 2009, équipé d’un pick-up chargé de marchandises, le voyage dure entre 10 et 14 heures. 30. Henein, 1997. 31. Haute-Egypte. 32. Louiset, O. et Retaillé, D., 2007.

RÉSUMÉS

Le Sahara égyptien, qui comptait 36 000 habitants en 1907, en compte un siècle plus tard 398 000, répartis le long des franges littorales, de leur arrière,pays et dans cinq régions d’oasis. A partir des conclusions des recherches récentes sur le Sahara qui montrent que l’urbanisation, c’est,à,dire la transformation des activités des habitants, des modes de résidence, des pratiques sociales et des échanges représente la mutation la plus importante des soixante dernières années pour ces territoires, cet article cherche à explorer les modalités d’émergence de ces nouvelles formes d’organisation sociales et spatiales dans le Sahara égyptien. Si jusqu’en 1996, l’urbanisation est majoritairement le fait de l’Etat, on essaiera de comprendre à quel moment le contenu des politiques d’aménagement égyptiennes a pris un tour volontairement urbain. En parallèle de cette analyse des politiques publiques d’aménagement urbain, on précisera les caractéristiques de cette mutation urbaine. Enfin on regardera comment se pose désormais la question du devenir de ces espaces urbains sahariens égyptiens entre libéralisation économique et mobilisation de la société civile.

The Egyptian Saharan area which counted 36000 inhabitants in 1907, and one century later 398000, spread out along the coastal fringe, its hinterland and the five oases regions. From the conclusions of recent research on the Sahara, which shows that urbanization, namely the transformation of inhabitants’ activities, residence modes, social practices and exchanges represent the most important mutations of the last 60 years for these territories: this article tries to explore the modalities of these new forms of social and spatial organization emerging in the Egyptian Sahara. If until 1996, urbanization is mainly a State action, we will try to understand at

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 143

what moment the Egyptian political planning context took a voluntary urban turning. At the same time, while analyzing public urban development policies, we will give precisions about the characteristics of this urban mutation. Lastly we will look at how the question will be raised from now on, concerning the future of these Egyptian urban Saharan spaces, between economic liberalization and civil mobilization.

El Sahara egipcio, que contaba con 36 000 habitantes en el 1907, cuenta con 398 000 un siglo más tarde, repartidos a lo largo de las franjas litorales, detrás del país y en cinco regiones del Oasis. A partir de las conclusiones de investigaciones recientes sobre el Sahara que muestran que la urbanización, es decir, la transformación de las actividades de los habitantes, los modos de residencia, las prácticas sociales e intercambios representan la mutación más importante de los sesenta últimos años para estos territorios, este articulo tiende a explorar las modalidades de emergencia de estas nuevas formas de organización social y espacial en el Sahara egipcio. Si hasta en el 1996, la urbanización es principalmente el hecho del Estado, intentamos entender en qué momento el contenido de las políticas de organización egipcio tomó un giro voluntariamente urbano. En paralelo a este análisis de las políticas públicas de organización urbana, precisamos las características de esta mutación urbana. En fin miraremos cómo se plantea ahora la cuestión del porvenir de estos espacios urbanos saharianos egipcios entre liberación económica y movilización de la sociedad

دعب رورم نمزلا نرق نم حبصأ ددع ناكسلا ءارحصب رصم يهاضي 398000 ،ةمسن غلبي ناك دعب نأ 30.000 ةمسن ةنس ناكسلا عزوتي ثيح1907 ء، ؤهل ىلع لوط شماوهلا ،ةيلحاسلا قطانملا ةيئانلا و ةسمخ تاحاو ةفلتخم ثاحب جئاتنلنم ةثيدحلاااق طنا . ل و لوح ،ءارحصلا نيبتي ،ندمتلا نأ ريغت يأ طاشن ،ناكسلا طامنأ ،نكسلا تاسرامملا ةيعامتجلا دابتلا لثمي ،ت و لوحتلا ل ةيمهأ رثك لا يف نيتسلا ةريخ ةبسنلابلا ةنس ميلاق هذهل لا ،ةمث نم . فدهيو اذه لاقملا ةنياعم ىلإ قرط ثاعبنا هذه لاكش ةديدجلالا ميظنتلل يعامتجل يئاضفلاا و ءارحصلا يف ةيرصملا ،ندمتلا ناك نإ . و ةنس ىتح ماقملا دعي يف1996 ،لو صاصتخا ، نم ل ا ،ةلودلا لواحنسف مهفن نأ ةرتفلا يتلا تنبت اهيف تاسايس ةئيهتلا ةيرصملا راسملا يندمتلا لكشب يدارإ ةازاوملاب . و اذه ليلحتلاعم صاخلا تاسايسلاب ةيمومعلا ةئيهتلل ،ةينارمعلا لواحنس ،اضيأ ديدحت صئاصخ اذه لوحتلا ينارمعلا . ،ريخ ىرنسلا ةيفيكلا يف و يتلا حرطت اهب ةيضق لبقتسم هذه تاءاضفلا ةينارمعلا ةيوارحصلا ةيرصملا ررحتلا نيب يداصتقل دينجتا و عمتجملا يندملا .

INDEX

Mots-clés : géographie, micro urbanisation, sahara égyptien, développement, oasis Keywords : geography, micro urbanization, development, egyptian sahara, oasis

ايفارغج , ندمت رغصم , ةيمنت , ءارحص رصم , ةحاو سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

Palabras claves : geografía, micro urbanización, desarrollo, sahara egipto, oasis

AUTEUR

MARTINE DROZDZ

Allocataire-monitrice, Université de Lyon, Département GHHAT (Géographie, Histoire, Histoire de l’Art, Tourisme), Doctorante rattachée à l’UMR 5600, Environnement, Ville, Société.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 144

ةنيدم راردأ قفو قايسلا يرضحلا ديدجلا : وحن ةداعإ ميظنت لاجملا يوهجلا ميلاقل ةيوارحصلال ةيبونجلا ةيبرغلا رئازجلل La ville d’Adrar dans un nouveau contexte urbain : vers une réorganisation de l’espace régional des territoires sahariens du Sud,ouest de l’Algérie The town of Adrar in a new urban context: Towards regional space reorganization for Saharan territories of south western Algeria La ciudad de Adrar en un nuevo contexto urbano : hacia una reorganización del espacio regional de los territorios saharianos del Sur Oeste de Argelia

نيدلاردب يفسوي

دعت ةنيدم راردأ ندملا نم ةيرئازجلا ةيوارحصلا ةيكيمانيد تايرشعلا رثك لال ل ةريخلخا ةيفيظو تفرع ثيح وحتت ةيعامتجاول ةيرهوج . رمف ددع اهناكس نم 4.468 نكاس ةنس . ةيحانلا نم ،ةيفيظولا تروط ةنيدملا اهتاكبش ةيلدابتلا 1 1966 ىلإ 60.039 نكاس ةنس 2008 روصقلا عم ةيلحملا ميلاق اول ةيوارحصلا امدعب تمعد ةلسلسب تازيهجتلا نم ةيتامدخلا نم ةجردلا ايلعلا تاطاشنلاو ،ةيراجتلا ةزرفم كلذب تامزيناكيم ةيداصتق ةدقعم لا دابتلل تل تاكرحلاو ةيرشبلا . تحمس هذه ةيكرحلا ةنيدملل جامدن داصتق ابل لقح ايف ،ينطولا نكلو ترثأ سفن تقولا يف ىلع ةيعون طباورلا ةيعامتجلا ةيديلقتلا ةنكاسلل ةيلحملا . 1

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 145

،لعفلاب دقف تقلخ راردأ اهسفنل فئاظو ةديدج تحمس اهل ريوطتب اهتاكبش ،ةيتامدخلا اضيأ لب ندم عم 2 ةيراجتلا ةيلقنتلاو تداعتساو اهتاق ةيوارحصلا اجملال طقف سيل عم ع تل لامشلا ،يرئازجلا ةلواحم داجيإ ةناكم ةيرضح نمض ميظنتلا يبارتلا يوهجلا ينطولاو . يتلا 4 يذلا هرطؤت تاكبشلا ةيطبارملا 3 درفنتو ةنيدم راردأ ةيصوصخب اهطسو يعامتجلا رثؤت ةروصب ةحضاو ىلع تاسرامملا ،ةينيدلا ةيداصتقلا ةيعامتج اول . اذه ل لواحنسلخ نم ثحبلا مهف تسسأ فيك تاكبشلا ةيتامدخلا ةيراجتلاو ةديدجلا ميظنتلل يميلقلا يبارتلا ) ( يلاحلا ةنيدمل راردأ فيكو حمس اهل ،كلذ جامدن طقف سيل ابل ةكبشلا يف ةيرضحلا ةينطولا امنإو ديهمتلاب رودل يوهج ءارحصلا ةيسايسلا تاء يف لملا ةيداصتق بقتسم لظ اول يف ،ل ؟ةديدجلا لهو تظفتحا ةنيدملا اهتاكبشب ؟ةميدقلا ترثأ فيك هذه ةيكرحلا ىلع عمتجملا ؟يلحملا 2

1 . ةكبش ةيرضح ةلتخم ةهجلل ةيبونجلا ةيبرغلا

ىلع مغرلا نوك ةقطنمنم بونجلا يبرغلا يرئازجلا اروحم اماه رورمل ةيراجتلا فاقلا تل نورقلا يف ةقباسلا نادوسلا دلب نيب برغ ايقيرفإ ) ،برغملا د تاعمجتلا لنأ ب ( لوإ ةينارمعلا تلظ درجم زكارم ،روبع قرت ىوتسم ىلإمل ندم ئناوم ءارحصلا لثم ةساملجس . ليلدلاو ةكبشلا ىلعنأ كلذ ةينارمعلا ةهجوم هاجتا يف رواحملا ةيراجتلا ،لامش بونج ) . ( ،نكل لجسي خيراتلا زورب نيتنيدم امهل ناك نأشلا ةلكيه يف لاجملا يف مسقلا يبرغلا ءارحصلل ةيرئازجلا امهو : طيطنمت تاوتلا يف نوميمتو ةراروقلا يف . اذه ةفاض ندم ىلإابل لقت ّ ةيمهأ نيعك تلكديتلا حلاص يف ةسدانقلاو ةرواسلا يف . ،ىلولا نإ دقف عجارت ةنتف اهرود دوهيلا ع دنا ذنم نرقلال يف سماخلا ،رشع تزرب ذإ زكارم ىرخأ لفاوقلل تاوتلا يف دابتلاو ةدوبك تل . امأ ةيناثلا دقف تلصاو اهطاشن يراجتلا لفاوقلا عم ةيراجتلا ةياغل علطم نرقلا ،قباسلا اذه ىلع مغرلا عجارت نم اهراصتقاو مجح كلت دابتلا تل ىلع ةراجت قيقرلا ضعبو تاجوتنملا تاحاولل ةيح فلا ل ،ةرواجملا تناك ثيح نوميمت ازكرم قيوستلل نادوسلا د وحنل ب ازكرمو ودبلا عم لحرلا دابتلل ت ةصاخو يديسل خيشلاد وأل ةبناعشلاو . 3 تسسأ و ةبقحلا ةيرامعتسلا روطتل ةكبشلا ةيرضحلا ةيلاحلا لكشتب ةيون ةينارمعلال ا ىلع ىلو ةيفلخ ل ةماقإا جارب تانكثلاول ةكبش ا نم ةيركسعلا مهأ تاحاولايف يتلا تروطت زكارم ىلإ ةدايقلل ةيركسعلا ميلاقل بونجلا )1902 ةهج اذه نم( . ةهج ،ىرخأ نم و تدهش مهأ هذه زكارملا تايلمع رارقتسل ودبلا لحرلا ةصاخو يوذ عينم يحوانب ،ةرواسلا تابيقرلا ،فودنتب ضعب لئابق قرف نم ةبناعشلا ةراروقلا يف تاوتلاو ىوزلاو خيشلا د وال) ( ةراروقلا يف تلكديتلا و . امك تفرع تاعاطقلا روطت ةيح فلا ريغل ضعب تاطاشنلا يف عاطقلا يناثلا صاخلا مجانملاب محفلا لثم راشبب ةيادبو تايلمع بيقنتلا ىلع لورتبلا ذنم ةنس 1947 . حمس فاشتكاذإ طفنلا بونجلا يف يقرشلا ددعل ناكس ريبك نم تاحاولا قاحتل ابل لوقحب كلت قطانملا نوج ،نوسيب ) 1960 . يغي ( مل و روطت ّر تاشرو لغشلا بسحف تايطعملا ةيداصتقلا ةيلحملا ىلع طباورلا رثأ لب ةيعامتجلا فلتخم نيب تابكرم عمتجملا ،يلحملا يلاملا ل ةئفلل قتس لل ةليغشلاا ىلع رثا عاطق اقباس يف ةح فلال نيثارحلا ) ( اهعافدناو وحن هذه ،تاعاطقلا يهو ةلحرم ةيسيئر ةيادب يف اهررحت تاسرامملا نم ةيوطلسلا بنللء ل . 4

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 146

ذختا رصقو ،راردأ دحأ مهأ روصق ةحاو يميت ،تاوتلاب ارقم ةسراممل ةطلسلا ةيركسعلا ،ةيرامعتسلا اذهو ةماقإب ةنكث ةاذاحمب رصقلا سيسأتو ةاونلا ةيرقل ىلو لا بسح ميهافم ريمعتلا ،يبورولا قفو ططخم يأ يجنرطش اميف نيب 1925 و 1960 . نوكتيو زكرملا ديدجلا ةئزجتلا نم ةينكسلا ةعومجمو قفارملا نم ةعومجملا لثم ةيسردملا ،ةانبلل قوس قدنفلا رانيدلا اميف دعب ) لزن ةليمج ، ) عضوم( يف لزن تاوتلا ايلاح ىفشتسملا( ، تاونس نيب 1940 ضعبو يلاهأ5 و1949 . حمس روهظب كلذ يراجت يح ةباطحلا ) ( هنكسي ةيبلغأ ةبناعشلا نم بازملا ةراجتلا نهتما . ءو ؤهل ارظن مهتاق علل ةدتمملا ،ةيادرغ نم ،ةفلجلا ضيبلا ىلإ )د وأل يديس خيشلا . ( تمعد راردأ راطمب يركسع ةيندم قيرطو مظني ت حرل دبعم ريغ راشب ىلإ . اذكهو زكرملا رم ديدجلا راردأب نم 500 نكاس ةنس يف 1908 ىلا ،2.500 نكاس ةنس 1958 ـب 100 يبوروأ . 5 تلظو راردأ ةرتفلا يف ،ةيرامعتس لا رقم فصل ةرئاد ظحت مل ىوس ضعبب تازيهجتلا تاذ ىوتسملا تعضخ ثيح يلو لا ذوفنل عاعشإو ةنيدم راشب )450 يتلا تناك زكرت ملك امش ل( فئاظولا ةيرادل اهنوكلا يراد ةرواسلل ميلقل ال رقما بونجلا يبرغلا ) ردقو ددع اهناكس ( ةنس 1958 ب 24.000 نكاس . امك تركتحا راشب ةراجت ةلمجلا تناك ثيح ةطقن عيزوتلا وحن قطانملا ةيبونجلا ةيبرغلا ةمعدم ةكبشب ةروطتم صاومت ل ةكس ةيديدحلا نارهو ) ،راشب - قيرط دبعم نارهو نيب راشبو ءادتبا ةنس نم ةيوج ةينطو ت1958 حرو ةيلودو ل ،ايليسرم ) سيراب : نارهو ربع . ( تيظحو راشب هذهب ةناكملا اهن تناك نيبورو ةنيدم ل لل نوكت نأ لبق يلاه ةنيدملا . زواجتف لدعم رضحتلا ةنس 1954 ةرواسلا يف 57 % براشب 24.000 ةسدانقلاو ـب 7500 ،نكاس غلبي تاوتلا مليف نيح يف ىوس 6% ةراروقلا يف ، 10 ردقب %) 3.000 نكاس نوميمت يف تلكديتلا يف و ، غلب( 24 %) 4700 تمستا ةكبشلا نكاس حلاص نيع . يف ( ةيرضحلا قطانملا يف ،ل قتسلل دعبا ةيبونجلا ةيبرغلا رئازجلل ،نازت مدعب لا ىلع مغرلا نم روطت تاعمجتلا ددع نم ةينارمعلا ندم ىلإ ةيقيقح تايرشعلا يف اميس يف ل ةريخ ،لا ميلقإ ،تاوتلا ةراروقلا تلكديتلاو . تلصاو راشب اهترطيس ىلع لاجملا يبونجلا يبرغلا اهنوكل ةنيدملا ةديحولا رثكأب نم 40.000 نكاس ةنس زواجتي ملو1966 ، مجح ندملا ىرخ لا 5.000 نكاس . راردأب امأ ىلع ىوتسملا نوميمتو ،يوارحصلا تلتحاف راشب ةناكملا ،ةثلاثلا تلتحا نيح يف راردأ ةناكملا 29 نمض فينصت 64 لمش ايرضحً ايوارحصً اعمجت ً. 6

ردصملا : ناويدلا ينطولا ءاصحلل 2008

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 147

تأدب دق ءادتبا و ةنس نم ةنيدم حم راردأل م ىلجتت1977 ، ايفارغميد ايفيظوو اهتيقرت ذنم ةنس ذنم ةي ايرادإل رقمو فص ىلإ 1974 ةيقرتو ةكبش كلاسملا قرط ىلإ ةينطو راطإ يف جمانربلا صاخلا قطانمل ةيبونجلا ءادتبا ةنس نم زفقف1966 ، لدعم رضحتلا ىلإ ولاب ةي ل 16.9 .% سكعيو لدعم ومنلا يفارغميدلا هذه ةرتفلايف يذلا ردقب 4.5% هذه ةيكيمانيدلا ، ىلع مغرلا ددع اهناكسنأ نم زواجتي مل 7.500 نكاس ،طقف تفنصو كلذب زكرملا يف ثلاثلا ايوهج دعب راشب ب 52.000 نكاس ةلدابعو ـب 9.000 نكاس . لجتي مل اذه رثأ لوحتلا لإ تايرشعلا يف ةريخ ترم ثيحل راردأا ىلإ 28.000 نكاس ةنس 1987 ةبسنب ومن %4.1 رضحتلل لدعمو يئ لو 30.5 .% اذهبو تلصفنا ةعومجم نع ندملا ىرغصلا قرتختل فص ندملا ،ةطسوتملا امك تزاتجا راشب 100.000 ،نكاس تفرعو ةنيدم نوميمت فلوأ اروطت و ً ايناكس اماهً تزاتجا ثيحً 10.000 نكاس لدعمب 5.3 ومن % و4.8 % ىلع بيترتلا . يتأيو يف فصلا 5.000-10.000 نكاس ةعومجم ندملا نم فينو ينب لثم ةسدانقلا ينبو سابع . امنيب جاردإ مت ناقر جربو يجاب راتخم تاعمجتلا فص يف هبشلا ةيفيرلا ىلع مغرلا امهومن نم عيرسلا ردقملا ب امك تفنص10% ، اذه ةرملل فصلايف ىلو ل نيملاطا ةراروقلا يف طيتو تلكيديت يف يلقاو ةرواسلا يف . امأ ىلع ىوتسملا ،يوارحصلا تلتحاف راشب ةبترملا ةيناثلا راردأو ةبترملا 16 نمض فينصت 62 لمش ايرضحً ايوارحصً اعمجت 38 وً ايفير هبشً اعمجت . امنيب تزيمت تاونسلا ةيلاوملا لصاوتب روهظ تاعمجتلا هبشلا ةيفيرلا تاوتلا يف طيطنمت لثم ،نيلوليتو تدكأ راشب راردأو ىلع امهتناكم ىلع ىوتسملا يوهجلا لدعمب ومن 3.6 % ىلو لل و2.04 % ةيناثلل حبصيل ددع امهناكس 42.000 و 134.000 نكاس ةنس 1998 ىلع يلاوتلا . يف ،نيح تعجارت ةناكم ندملا ةريغصلا ةرواسلا يف ىلع ىوتسملا يوهجلا ،يوارحصلاو ثيح اهومن دعتت مل ت دعم ل تلجسو2% ، تاعمجتلا ةينارمعلا ،ةراروقلا يف تاوتلا تلكديتلاو نيب ت دعمل 2و 3% تزواجت ثيح ، نوميمت 17.000 نكاس فلوأو 15.000 نكاس . اريخأو تظفاح ةينبلا ةيرضحلا ىلع سفن ةلاحلا ةنس بارتقا عم 2008 ، لوخد راردأ فص ىلإ ندملا ىربكلا ب 66.000 نكاس براشبو 165.000 ،نكاس نيحف تزواجت نوميمت فلوأو 20.000 ،نكاس امنيب تلتحا جرب يجاب راتخم ةبترملا ةعبارلا ب 16.000 نكاس . 7

2 . تاكرحلا ةيناكسلا ةفيثك تاق : راشب ل عم ع نارهوو يقابو ميلاقل ةيبونجلاا

سكعت تاكرحلا ةيناكسلا ةلجسملا نيب 1987 و راردأ1998 نيب ىرخ ل ولاوا تاي ل ةطيرخ ) روطت رودلا يفيظولا هذهل ،ةنيدملا اهلوحتو زكرمل زيمتي ةردقب باذتجا مقر( 03و مقر02 ناكسلا ةيبونجلا تاي ولا طقف سيلل نم ةيلامشلا لب ،اضيأ اذهو ىلع مغرلا نوك لدعمنم ديصر ةرجهلا اهب يدرط ،لعفلاب . و ةظح نكمي لابقإل م ةماق ديدعلا صاخش لل ىلعاا نم ،راردأب اذهو ارظن دوجول ةيكيمانيد ةيرضح ةمهم تايرشعلا ذنم ،ةريخل قيرطا نع رفوت بصانم لغش ةديدج عاطق يف تامدخلا ةيمومعلا ةصاخلاو تاطاشنلاو ) ةيراجتلا ( . امك عجش ومن ةريظح نكسلا راردأب ريثكلا بابش ندملانم ىربكلا يتلا يناعت لكشم نم نكسلا ةماق هذهبابل ةنيدملا تاراط تزفح ثيح ةصاخ تاو ل عبلا نكاسمو ةيفيظو . تدأ هذه ةيكرحلا رييغت ىلإ ةبيكرتلا ةيعامتجلا ةنيدمل ،راردأ اهعونت اهحاتفناو ىرخ ميلاقللا ىلعا . امأ ةبسنلاب نادقفل راردأ ضعبل اهناكس رسفيف لصاوتب كلذ تارايت ةرجه ناكسلا نييلحملا يتلا تأدب ةرتفلا ذنم ةيرامعتسلا امك راشأ كاذل نوج ،نوسيب ) ةصاخو ةرجه 1960 ( نيثارحلا وحن ةئيب ةررحتم بساور نم ةسرامم قيقرلا . امك جردنت تاق نمض كلت علا ل ةيدرطلا تاكرح ةيسكع ةدوع ) ( دارف ضعبل نييدفاولال ا ىلع راردأ وحن مهقطانم ةيلصلا . 8

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 148

زيمتتو هذه تاكرحلا اهتفاثكب راردأ نيب راشبو راردأ نيب و نارهوو رثكأب نم 1000 صخش نيهاجتل ديصرا ثيح( اعم، ةرجهلا ) حلاصل وه راردأ حلاصل ةلاحلا يف و ىلو نارهول ا يف ةلاحلا ةيناثلا . نكميو عاعش ربكأل كلذ در نيتنيدم ) نارهو لامشلا يف يبرغلا راشب ويف بونجلا يبرغلا ميلاق(ل ةيبونجلا ىلعا ةيبرغلا . تزرب ملاعم ةيفيظولا تاق هذه علا ل ذنم ةرتفلا ةيرامعتسلا تلجس ثيح ىلوأ تارجهلا تاوتلا نم وحن ،نارهو ةجردبو لقأ وحن راشب . امك نكمي ريسفت تارجهلا راشب نم راردأ ىلإ ةسراممب ةريخ ذوفنلل هذها ىلع ىوتسم تايدلبلا ةيبونجلا ميلق ةرواسلال ،زازرك لثم ،ريذخ د يباسك وأل لخادتت ثيح تاكبشلا ،ةيفيظولا ةيعامتجلا ةيفاقثلاو يتلا طبرت تاوتلا هذهب قطانملا . 9

: ناويدلا ينطولا تايئاصحلل ردصملا

يتأيو فصلا يف يناثلا روحم ،ةيادرغ ،تسارنمت ،ةلقرو فلشلا ةمصاعلاو يلاوحب 500 صخش نيهاجت ل .ا ( اعم هذه تاكرحلا ) زيمتتولل راردأ درطبخ نم يناكس ادعام ةلاح يف ةمصاعلا زرب ثيح عون ديدج ،تارجهلا، نم قلعتت ةكرحب تاراطل نيفظوملاوا راجتلاو بابشلا . تناكو صرف رفوت ءاقتر نكسلا ل ينهملاا و يداملاو ازفاح ء ؤهل ل . امك نكمي بونجلا تاي ةدراطل ةظح ةق و دوجوللعم ،تسارنمت لثم مع ةيادرغ ةلقروو . يهو رسفت ةلاح تسارنمتيف ةفاثكب ةيراجتلا تاق علا ل ةيعامتج اول ةيفاقثلا تاوتلا نيب تلكديتلاو نيع) حلاص ( اهرطؤي دوجو ةنكاس قراوتلا نم راردأب . ةلاح امأ ،ةيادرغيف عجرتف دوجول تاق علا ل ددع ةبناعشلا ريبك نم نييبازملاو راردأب ةرتفلا ذنم ،ةيرامعتسلا نكمي امك لهاجتل ةيكمانيدلا ةيرضحلا ةيادرغل يتلا اهل ناك نأشلا باذتجا يف ناكس ددع نم راردأ . امأ ةبسنلاب تارايتل ةرجهلا وحن ،ةلقرو يهف دوعت دوجول مجانم تاقورحملا ةفاضإ تاق علل ةميدق طبرت ،تاوتلا نيب ةراروقلا " " سنوتو ارورم اذهب رصقلا . 10 اريخأو فصلا يف ثلاثلا زيمتت راردأ ةدراط تاق عبل وحن ةدكيكس ارظن دوجول بطق يعانص تاقورحملا يف هذهب ةهجلا فصلا يف . هسفنو درفنت راردأ ةيناكس تاق عبل ةبذاج عم طاوغل .ا 11

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 149

بناج وحن ل ،راردأل لابقظح ملال دوعيفا امأ نع روطت ىلإ تارجهلا نادلب نم لحاسلا برغملا د وحنل ةصاخوب قطانملا ةيوارحصلا امك راشأ كلذل ،دعس يلعنب ) زكترتو2009 . ( هذه تاكرحتلا ةيعامتجل ىلع ةكبشا تاق علا ل لضفب لحاسلا دوجو د ةنكاسل ب يف نم راردأ تاينيعبسلا ذنم ببسب تابارطض لا ةيسايسلا يلامب فافجلا و يذلا برض ةقطنملا . امك ةراش نكمي راردأ نأ ىلإل ا روحم ةكرح يف ماه ةرجهلا ةيرسلا وحن ابوروأ ارورم ةنيدمب ةينغم ىلع دودحلا ةيرئازجلا ،ةيبرغملا برغملا نمو مث اينابساف قيرط نع ةتبس ةيليلمو . 12

ذوفن3 . تاسسؤملا اجمتل ةينيدلا : ةناكم ةزيمم ةيوازل خيشلا دمحم ريبكلاب

ةنس 1950 فرط نم عجارتت6 مل ةريتو روطت ةيوازلا ةريبكلا ةنيدمل راردأ اهسيسأت ذنم اهميعز يحورلا خيشلا دمحم ،ريبكلاب ردقي ثيح ددع ةبلطلا نينوكملا هذه ةيوازلا يف ذنم يلاوحب كلذ 20.000 لداعي ام بلاط يأ 1.000 بلاط جرختم نيتيرشعلا يف ةنس لك نيتريخل .ا ميعدت دقو مت هذه ةسسؤملا ةينيدلا رقمب يرصع تاونسلا يف ،ةريخلا ثيح نوم زاجن ايلام قيرط لنع اذه تاعربتا عابتأ ةقيرطلا ةيوازلاو . نوكتت هذه ةأشنملا ةديدجلا تاعاق ،ميلعتلانم ،ة صلال تارضاحملا ،ةبتكم ، فرغ مونلل معطمو . 13 ىلع ىوتسملا و ،يلاجملا ةكرح نأ ظح ةبلط ةيوازلا ل ي صخت طقف تاوتلا ةراروقلا ل و بونجلاب يرئازجلا نكلو دتمت ضعب ىلإ قطانملا ةيلامشلا ةفاض لود ىلإابل ءارحصلا ةرواجملا ) ،يلام ،رجينلا ايناتيروم ايبيلو . ( ضحيو لامشلا يبرغلا ةبسنب ةماه ثيحب ردق ددع ةبلطلا نيدفاولا يلاوحب هنم دعت ثيح ناسملت25% ، لوأ ةبلطلا ةقطنم ق طنا وحنل ةيوازلا ةريبكلا راردل . دوعيو خيرات ةينيدلا تاق علا ل ةيملعلاو تاوتلا نيب ناسملتو ةكرحلا ىلإ ةيطبارملا يتلا ترهظ برغملا يف يبرعلا نورقلا ذنم ىطسولا . تعاطتساو ناسملت نأ اهتاق ددجتل ةيطبارملا ع ميلاقل لضفب هذهاعم ةيوازلا خيش يديس دمحم ،ريبكلاب يذلا ماقأ سردو ةنيدمب ناسملت ) ارظن ةعمسل اهسرادم ةينيدلا ةيعامتجل هتاق ظفاحوا( ل، ىلع كانهع هتايعجرم عم ةيملعلا روطت لب تارهاصمل كلذ ةيلئاع . يتأتو ةنيدم ركسعم ةبترملا يف ،ةيلاوملا لتحي ثيح ميلعتلا ينيدلا ةناكم ةماه ةنكاسلا دنع ،ةيلحملا دوعي دوجول كلذو ددع فارش نيذلال ا ريبك نم نوظفتحي ةيعامتجا تاق عبل قيرط نع تاكبشلا ةيطبارملا عم ناسملت بونجلاو يبرغلا يرئازجلا . امنيب لكشت ةنيدم نم لك نارهو مناغتسمو باطقأ ةيملع ،ةينيد مهاست ةكرحلا يف ةينيدلا ىلع ىوتسملا يبرغلا بونجلا و ،يبرغلا ارظن دوجول ددع اياوزلا ريبك نم هذه قطانملا يف . ،اريخأو تجسن قطانم لوهسلا تاق ايلعلا لع ةيطبارم ةزيمتم ةنيدم عم راردأ ىلع مغرلا دوجو نم ددع اياوزلا ريبك نم هذهب ،قطانملا اذهو ىلع ءيش لد امنإنإ لدي ىلع ىدم ةوق باطقتسا ةيواز خيشلا دمحم ريبكلاب و اميس قطانمبل ةفلجلا ضيبلا و . 14 امأ ىلع ىوتسملا ،يلحملا دقف غلب عاعشإ ةيوازلا روصق لج تايدلبو ميلقإ تاوتلا ادع ام . زيمتتو ةدوب مكحب اهنوك ةقطنملا ةيلصلا 7 ناقر يتلا عتمتت ةيوازب ةريبك ةيواز يناقر ) ( خيشلل اهب ةفاثكب ،ةيوازلاب لط ةفاضإ يميت ىلإ يتلا دعت لاجم دادتما ةعمجمل ،راردأ ةنوكتملا ددع روصقلا ريبكنم نم . اريخأو تحبصأ ةيواز ةتنوك اءزج اذه لاجملانم ينيدلا امدعب تناك لكشت ابطق اينيد اريبك هتاذ دح قتسم يف ل . لثمتو اتنيدم نوميميت نيورشو ىلوأ قطانملا دوفولا ثيح نم ميلقإ نم ةراروقلا ىلع ةيوازلا ةريبكلا رارد يتلال ربتعت نوميميت ىلوأ ةهجو خيشلل سسؤم ةيوازلا دعب هتدوع هتلحر نم ةيملعلا ناسملت نم ةنس 1943، امنيب ، ظفاحي لهأ نيورش ىلع كلت 8 سسأ ثيح ةسردم ةينآرق بلطب ءافرش نم ةنيدملا كلت ذنم ةرتفلا ةق علال . تمهاس ةيصخش خيشلا ةقيرطب ةرشابم ءاطعإ يف ةيوازلا اذه دعبلا لضفب هملع هتاماركو امك دقتعي عابتأ ةقيرطلا ) ةيعامتجل هتاقا ل ةكبش ع لل نموخ( ، .9 ةيملعلاو ةيملعلا هت حرل يتلال اهروط لخ 15

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 150

ردصملا : ةيواز راردأ 2006

دعب ،هتافو عاعش لازين صاوتم عاطتسا ثيحل اذه دحلل ا ال ول عابتأ ةقيرطلا ةظفاحملا ،تاق ىلع هذه علا ل لضفب نزو هذه ةسسؤملا لقث و ةينيدلا يتلا ظفتحت باطخب ينيد رودي لوح ةيصخش اهسسؤم اهخيشو ،يحورلا غلبي نأ ةناكم داك ىتح '' سدقملا .'' 16

2006 راردأ : ةيواز ردصملا

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 151

4 . تاسسؤملا ةيمومعلا ةيتامدخلا ةثيدحلا : نيوكت اجمت ل ذوفن ةديدج ةسفانم ةيوازلل

تحمس ةيقرتلا ةيرادل ةديدجلاا ةنيدمل ثادحتساب ةي راردأل رقمو فص ىلإ زكارم باطقتسا ةديدج تازيهجتلا ربع ةيمومعلا ةيتامدخلا ةيميلعتلا ةيحصلاو ) ( قلخو اجم،ت ل ذوفن قفو قطنم يفارغج علطتي قيقحتل داعبأ ةيسايس ةيرادإ و . بحس لعفلا كلذ نم اياوزلا اءزج اهتاطلس نم امدعب تناك ةسسؤملا ةديحولا ةذفانلا ايلاجم ايعامتجاو . 17

1.4 ىفشتسم : رود يلاجم يعامتجاو راردأ ديدج ىلع ىوتسملا يلحملا

18

امك مضي ىفشتسملا 441 امدختسم : مهنم ايبط 71 ماع ًا بيبطو ً ا19 يصاصتخا ًا و ًا بيبط 395 مدختسم ،يبط هبش ً ا ةفاضإ ىلإ 160 يرادإ ً ا مدختسم ًا .

19 تطعأ ةسايس ةلودلا ديوزتل قطانملا ةيبونجلا ءابط نيصصختملا ابل ،اهرامث قيبطت رثإ أدبم ةمدخلا ةيندملا ءابطل ىلعا 11 بابشلا نيجرختملا ،تاعماجلا نم حبصأف نوكتي اذه مقاطلا ءابطأ نم نييرئازج ءابط بناجأل ا ةيادب لج ناكيف دعب ام تاينيعستلا12 ، . سكعنا روطتب كلذ ةيعون تامدخلا ،ةيبطلا ةيطغتلاو ةيفارغجلا هذهل ةأشنملا . يفارغجلا لص نيبيولا ىضرمل ىفشتسم ،راردأ لاجم نأ عاعشإ هذه ةسسؤملا زواجتي ل دودحلا ةيراد ،ةي هيلمتل قفو وللاام ل ةطيرخلا ةيحصلا يتلا مسقت ثل ميلقإث ىلإ ةي ولال . دوعيو لصأ بلغأ ىضرملا تايدلب ىلإ ميلقإ 13 تاعاطق ،ةيحص عاطق لك دوزم ىفشتسمب ،تاوت ءزجو ميلقإ نم ةراروقلا دوجو . ظح تاقفدتيول ةريبك نوميميت نم ،ناقرو ةصاخ اميف ةيصعتسملا صخي احلا تل يتلا اهلقن متي ىفشتسم ىلإ ،راردأ فضأ مدع كلذ ىلإ تاصاصتخ دوجولا لج كلتب تاسسؤملا . 20 يطغي عاطق راردأ تايدلب لامش ميلقا ،تاوت امنيب يطغي عاطق ناقر ءزجلا يبونجلا تاوتلل ءزجلاو يبرغلا ،تلكديت نم اريخأو مدقي عاطق نوميميت تامدخ ةيبط تايدلبل ميلقإ ةراروق . 21

2.4 ةعماجلا : قارتخا ذوفن ةيقيرف ل ةديدج راردا اجمتل ل

تثدحأ ةطرقمد ةنرصعو ميلعتلا رئازجلا يف تارييغت ىربك ميظنتلا يف يعامتجلا عمتجملل ،يوارحصلا ةصاخو اميف قلعتي ةينبلاب ةيعامتجلا ةينهملا رودو اياوزلا . عضو زيهجتو فلتخم تاعمجتلا ةينارمعلا ميلاقل ةيوارحصلاا يف تاسسؤمب ةيميلعت ةيموكح تاسسؤملا ةيطبارملا ،ةمزأ يف امدعب تناك هذه ركتحت ميلعتلا تارتفل ةليوط . دقو ترشتنا تاسسؤملا ةيميلعتلا ةماعلا مهأ عقريف ذوفن اياوزلا ليجست مت و فوزع يجيردت ميلعتلا نع يديلقتلا ةجيتن ةطرقمد ةيمازلإو ميلعتلا رئازجلا يف . رصتقي ميلعتلا يديلقتلا امومع ىلع ميلعتلا ينيدلا يوغللاو فقوتيو لوبق ةعباتم ةساردلا اياوزلاب ىلع لوبق ةيوازلا خيش . ،نيح يف يظح ميلعتلا ثيدحلا حوتفملا ،مولعلا ىلع لك لابقإب ديدش كلت قطانملا يف هنوكل دسجي عيراشم تاحومطو ةثيدح بابشلل ئاعو مهت ل . يقل ناسحتسا كلذ ريبك نيثارحلا ةئف دنع امك انظحل ،ايناديم كلذ نيذلا نوصرحي رثكأ مهريغ نم ىلع ةعباتم ميلعتلا يتاسسؤملا هنوكل دسجي ةانقلا ةلاعفلا لوصحلل ىلع بصانم ايلع اهنأش نم يقترت نأ هذهب ةئفلا لخاد عمتجملا يلحملا . 22

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 152

هذه ،تاروطتلالظ يف و تصرح ةيواز خيشلا دمحم ريبكلاب ىلع ظافحلا ىلع اهتناكم و اهتعمس اهفصوب ةسردم عورشم ةريبك ل ،ةيقار مخضل دسجتخ نم ةماقإ يف دهعم تاساردلل ،ةيم ىحوتسمل ايلعلاس ل جذومنلاا نم يرهزل رصمبا . ظحي مل اذه عورشملا ةقفاومب تاطلسلا ةيزكرملا ةيادب يف تانيعستلا لإ تلكوأ ثيح ماهم هل نيوكت ،ةمئ ل ريغا تايح رييستلا دعتيلمل هنأ هنوك حنمت ،ريغص مل دهعميم ص هيف سإلو خيشلل ريبكلاب يذلا حبصأ درجم وضع سلجملاب ،يملعلا ةراد هذهل تنيعل اذا ماهملا لثمم رشابم اهل رييستل اذه دهعملا . ،نيح يف ىلخت خيشلا اذه بصنملانع ةديدع تاف ل ريدم عم خ ىلع رثإ ،دهعملا اغرفتم هتيوازل . دعتو هذه ،ةوطخلا ةنبللا سيسأتل ىلو لا ةسسؤم ةيملع ةيميداكأ ةنيدمب ،راردأ ترفسأ دعب ىلع كلذ ديسجت عورشم ةعماجلا ةنس 2001 يتلا تحبصأ،م تايلك نوكتتث ايلاحلث نم مولعلا :و باد ،ةيم ةيلكل مولعلاا ةيعامتجسللاا و ،ةيناسنلا ةيلك مولعلا ،ةيسدنهلا اهب ـب ل ردق ددع ط 4900 بلاط مهرطؤي 178 ذاتسأ اذه نم ً ا ةهج ةهج ،ىرخأ نم . و رهظي ذوفن نأ ةيوازلا دودحم ةعماجلا يف طقف سيل عجارتل ددع تاونسلا يف ةيم ل ةبلط ةريخ مولعلا حلاصللسا لا بعش مولعلا ةيناسنلا ةينوناقلا و ،ةينقتلا نكلو نوكل ةذتاس بلغأل يمدختسملاوا نيلهؤملا ن نيمدقتسم قطانم نم ةعقاو .14 جراخ لاجم ذوفن ةيوازلا 23 زكرتي و لاجم ذوفن هذه ةسسؤملا يفارغجلا لص بسحل ا ةبلطل ةعماجلا ميلاقل ىلعا ةيوارحصلا راردأ ةي ميلقإل صخوابل و . امك لصي عاعشإ هذه ةعماجلا قطانم لوهسلا ايلعلا ،ضيبلا ةيبرغلا ،ةماعنلا ةديعس ) ( اذهو ىلع مغرلا قئاع ةفاسملانم سكعي ثيح اذه عيزوتلا يفارغجلا ةدارإ ضعب ةبلطلا قاحتل ابل ةعماجب راردأ ةجيتن دوجول ةيعامتجا تاق لع طبرت هذه نيب قطانملا يتلا دوعت تاكرحلل ةيطبارملا انايحأ . نكلو دقتعن اذه ذوفنلانأ يلاجملا ههجوت ةطيرخلا ةيعماجلا يتلا اهدعت ةرازو ميلعتلا يلاعلا . 24

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 153

5 . تاكبش ةيراجت ةديدج هاجت داصتق جامدن : ل وحنلا ا يف ينطولا يوهجلاو

اذإ تناك ةنيدم راردأ يناعت صقن بيهرنم تاطاشنلا يف ،ةيعانصلا يهف عتمتت ةينبب ةيراجت روطت يف ،رمتسم ةمعدم لماوعلاب ةيلاتلا : 25 برقلا دودحلا نم ةيوارحصلا يتلا بعصي ىلع لود ةقطنملا اهتبقارم . • دوجو ةنكاس ةيفير ميلاق ةفيثكل ةرواجملا ا يف ،تاوتلا لثم ةراروقلا و ،تلكديتلاو ةعزوم ىلع • ديدعلا روصقلا نم . بايغ ةنيدم سفن مجحلانم ىلع دادتما دعب 500 ملك . • دوجو ةلثك روجأ لخد تاذ عفترم ةنراقم لامشب د بلال . • ليلحت زورب ، ةراجت ةينبلال 15ل حضتي ةيراجتلا خ نم لوص ةيفارغجلا اول راجتل ةنيدم راردأ ةلمجلا تاونسلا يف ،ةريخلا مودقو ةريبك ةئف راجتلا نم بابشلا لامش نم رئازجلا . لدت هذه تايطعملا ىلع يمانت رودلا يوهجلا اذهل زكرملا يرضحلا روطتو ةيراجتلا دابتلا تل يف ميلق يوارحصلال دقو غلب ددع .ا راجت ل فيك ةلمجلا 520 رجات ردق نيح ددعًيف راجت ،ا ةئزجتلا ب 3075 رجات . زكرتت ةعيبط هذه تاطاشنلا ةبسنلاب ةراجتل ةلمجلا ىلع ةراجتلا ،ةيئاذغلا ةراجت داوم ،ءانبلا تاودرخلا ،سب ملاو ل امأ ةبسنلاب ةراجتل ةئزجتلا زيمتتف روهظب ةراجتلا ةرذانلا ،ةغايصلا لثم ،تارهوجملا ثاثلا ... ،خلا فضأ روطتلا كلذ ىلإ ريبكلا يف ةراجت ةهج اذه نم سب ملال ةهج ،ىرخأ نم . و سكعي عيزوتلا يفارغجلا راجتلل بسح مهتاطاشن مهلوصأو ةيفارغجلا دوجو تاقلح ةيراجت ةقلغم ةصصختم . ةلثم ىلع كلذ اول ،ةديدع ركتحي ثيح راجتلا لئابقلا ةراجتلا ،ةيئاذغلا معاطملا ،يهاقملا و امنيب صتخي راجتلا نيمداقلا فيطس نم ةبعش يف داوم ،ءانبلا تازيهجتلا ةيلزنمورتكللا ،ثيثأتلا و نيح يف دوجو ظح فثكمل ي راجتل بازملا ةراجت يف تاودرخلا امأ ةبسنلاب،ء طلال و ةراجتل سب ملال داومو ليمجتلا تايجولونكتلا و ةديدجلا صاصتخا يهف نم راجتلا نيمداقلا ةقطنم نم رئازجلا ةمصاعلا نمو ةقطنم ،نارهو امنيب صتخي راجتلا لحملا ّ ةراجتلا نوي يف ةهجوملا وحن قطانملا ةيدودحلا . 26 تمهاس هذه تاقلحلا ةيراجتلا ةنيدم طبر يف راردأ ةكبشب ةينطولا دابتلا تل رواحم ربع ةيراجت ىربك ،ةصصختم هاجتاب تاعمجتلا ةيرضحلا ىربكلا لامشب د بلال . قباطتت لو هذه رواحملا ذوفن ،ةيوازلا اجمت عم ل ةينبلا نأ يأ ةيراجتلا ةنيدمل راردأ تلكشت ةناعتس نودب لا تاكبشلاب ةيطبارملا . اذكهو ةيراجت دقف تأشن دابتت ةمظتنم راردأ لامشل ةي لو و نيب رئازجلا . صتخيف روحم نارهو - راردأ ةراجت ةسبل يف لا داومو ليمجتلا . امأ روحملا يناثلا وهف طبري راردأ ةيادرغب ةمصاعلا و روحملا وه ،ةيكرح رثكو لا ةيراجتلا عونتت ثيح دابتلا هب تل تاودرخ نم داوم ىلإ ةيئاذغ تازيهجتلاف ةيجولونكتلا ةقيقدلا فتاوهلا ةلاقنلا ) . ... ( طبريو اريخأ روحملا يقرشلا راردأ ةنيدمب فيطس صتخي ةراجتبو عطق رايغلا تازيهجتلا و ةيلزنملا ىلع ديعص . ،رخأو ةيراجتلا يتأت ضعب دابتلا تل ةمظتنم ريغ ةبترملا يف ،ةيناثلا يهو طبرت راردأ ضعبب ندملا ،ةديعس لثم ،ركسعم ةركسب داولاو اميف صخي قيوست داريتساو ضعب داوملا ةيعارزلا . 27 يهف زواجتت ،دودحلا عزوتت ثيح 16 ةنيدم امأ اميف ميلاق راردأ صخيل ةيبونجلا دابتتا عم ل ىلع نيروحم نيماه : تسارنمت جربو يجاب راتخم ردق ثيح ددع راجتلا داريتس لا يف صخت . هذه ةراجتلا و ،يشاوملا داوملا ةيعارزلا رومتلا لثم ةنحلا و 17 ريدصتلاو ب 39 رجات ً ا يتلا جتنت ايلحم داوملاو ةيئاذغلا . 28 زكرتتو ىلع تاق ةقلح هذه علا راردأل - ةيواز ةتنوك - ناقر لكشتف ىلو . ل امأا زكرم عاعشإ وحن ديدعلا روصقلا نم ،ةرواجملا ةفاضإ دوجو ىلإ تاكبش ةيراجت لحاسلا د دتمتل ب ىلإ اهرطؤت ةيعامتجلا تاق علا ل ةليبقل ةتنوكلا يتلا يطغت اءزج ريبك لحاسلا دلب يف ً ا . امأ ،ةيناثلا ربتعتف قرتفم قرطلا وحن تسارنمت جرب يجاب و ،راتخم يهو ةطقن روبع لوح لود لحاسلا ةصاخ ةنيدم يلامب واق . 29

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 154

6 . قيرطلا يوارحصلا : وحن قافآ ةديدج دابتلل تل

اذإ عورشم ناك قيرطلا يوارحصلا اعورشم اينطو ةلزعلا حجن كف يف ىلع قطانملا ،ةيوارحصلا دقفف تلشف ةسسؤم ةيمومعلا لقنل نيرفاسملا يتلا تناك ركتحت عاطق لقنلا . لجتت ملو رهاظم جامدنلا يبارتلا يلعفلا دعب روهظ لإ 18 كاذنآ ديسجت يف حومطلا كلذ نوناق 88/17 خرؤملا رهشب يذلا1988 ررح، ةنس يام عاطق راكتح لقنلال باسحلا نم . حمس ةيقرتب كلذ تاكرحلا ةيمويلا ءارحصلا يف ةيرئازجلا امدعب مت 19 تاسسؤملا ةرغصملا ريوطت ةكبش لقنلا ،يربلا ةيعونو ددع حرلا ت تابكرملا ل . 30 ،لعفلاب و طوطخلا نإف يتلا طبرت راردأ ندملاب ةيوارحصلا ،راشب لثم ،ةيادرغ ،تسارنمت يساح دوعسم ةلقروو سكعت ةيعامتج ةفاثكل ا تاق علا ل ةيفيظولاو هذه نيب قطانملا رظنا ) ةطيرخلا . ( اذإ تناك راشب ةمدقم يتأت يف هذه ،ندملا اهن سرامت ل كلذ ذوفن يوهج ًا ىلع ًا ضعب تاسسؤملا لل راردأخ نم ةيمومعلا يتلا تذختا اهنم ازكرم ايوهج كونبلا لثم ) (، . امأ ةبسنلاب ةدشل وحن ،ةيادرغ قنتلات ل 20 فضأ دوجو كلذ ىلإ تارجه ةفيثك نيتنيدملا نيب رسفتف ةيصوصخلاب ةيراجتلا ،ةريخ هذهل لا ةفاضإ اهنوكل لثمت ةطقن روبع وحن لامشلا يقرشلا طسوو د بلال . اميفو صخي لوح ةفاثك روحم قنتلا يساحت ل دوعسم ةلقرو و ثيح زكرتت ربكأ لوقحلا ةيلورتبلا ةيزاغلاو ءارحصلاب ،ةيرئازجلا يهف رسفت ةكرحب يمدختسم عاطق تاقورحملا لقنتلابو هاجتاب لودلا ةرواجملا ،ايبيل سنوت ) . ( اريخأو دعي روحم تسارنمت اروحم ايجيتارتسا روبعلل وحن لود ،لحاسلا ميلاق ناكسل ةيبونجلا لكاهل ل ربعيخ نم ةيبرغلا نيهجتملا وحن كلت ،قطانملا امك نكمي ريسفت دوجوب كلت قنتلات ةيلاج ل ةريبك تاذ .21 لوصأ ةيوارحص - ةيلحاس راردأب تكسو ينب يح ) ( 31 امأ ةبسنلاب فيرلا نيب ،ةنيدملا و قنتلل تل يهف زيمتت تاكرحتب ةفيثك راردأ نيب روصقلاو ةرواجملا رظنأ ةطيرخلا ) . ( رهظيو ايلج راثأ قيرطلا ينطولا مقر 06 ةيقرت يف لقنلا ىلع دادتما ميلقإ ،ةي ةصاخو ولال لخاد تاوتلا قيرط نع ةريظح نوكتت نم 269 ةبرع لدعمب 25 دعقم لكل ةبرع ً ا . زكتري اذه عونلا لقنلا نم ىلع تاسسؤملا ةرغصملا يتلا لمعتست تابرعلا ةأيهملا . امك حمس روطت ةيبايسن لا نييروصقلل داصتق جامدنلابلا ،يرضحلا يف نع قيرط ليغشتلا تاعاطق يف ،ءانبلا ةراجتلا ،ةراد اول جامدن ثيحب ل اذه متيا نودب رييغت ةماق ارظنل ا نسحتل تامدخ لقنلا . لزتخأف رصقلا ةليخم يف يروصقلا ةروص يف يح ينكس ،يطيحم تدتماو دودح لاجملا يشيعملا جراخ ىلا لاجملا ،نوكسملا لمشيل ةنيدملا عطاقتت ثيح ديدعلا تافاقثلا نم عراستتو ةيعامتجلا اهيف وحتلا تل . نأش لهف نم عراسي نأ كلذ لوحت يف ؟روصقلا 32

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 155

2007 راردأ ةي ول للقنلا ةيريدم ردصملا :

ةمتاخلا

تلوحت راردأ ةحاو نم روبع روصعلا يف ةقباسلا ةنيدم ىلإ ىنعمب ةملكلا تاونسلا يف ،ةريخل تحبصأا نأ ىلإ ةنيدم عتمتت ةيكيمانيدب ةيرضح اهكرحت تاكبش ةيتامدخ ةيراجتو ةديدج . دقو ىفضأ روطت لقنلا يربلا ةيكرح ةيداع ريغ ىلع هذه ،ةنيدملا اهجمدو ةكبش يف ةينطولا دابتلاتل . امك مهاس ريرحت لقنلا ةنس ذنم 1988 ) راكتحا نم تاسسؤملا ةيمومعلا ( ذوفن ةيقرت يف ةنيدم اجمت ،راردأ يذلا ل رم حمس زوربب ل ا لخاد مجح لئاه قنتلل تل ميلاقل ةيوارحصلاا هاجتاب روصقلا ةرواحملا ميلاقل ،تاوتلا ،ةراروقلا ةرواسلا ىلفسلا تلكديتلاو ةهج هاجتابو نم ندم ءارحصلا ) ،راشب ،ةيادرغ تسارنمت ةلقرو و ةهج نم ( و ،ىرخأ تمهاس تازيهجتلا ىوتسملا تاذ يلاعلا ةعماجلا لثم ىفشتسملاو روطت يف ذوفنلا يلاجملا ةنيدمل راردأ ىلع ىوتسملا ،يوارحصلا ةزرفم ةيحانلا نم ةيعامتجلا تائف ةيعامتجا ةينهم ،ةديدج نوكتت تاراطإ نم ةباش تلقتنا عتمتتو لامش ،دنم بلا ل رودب يدايق ىلع ىوتسملا يلحملا . امك معدت رودلا يوهجلا ةينبلاو ةيعامتجلا ةينهملا ةنيدملل مودقب راجت مهل ناك لامش بابش لضفلا ،دنم ةيراجت تاق بلا ل ل جسن يف ع ةديدج ةلقتسم نع ذوفن ةكرحلا ةيطبارملا مستت ىلع سكع ام تاكرحلا هب ةيراجتلا لود لحاسلا يف . زكرتت ندملا عم تاق هذه علا ل ةيلوبورتملا ةعقاولا لامش رئازجلا ،نارهو لثم ةمصاعلا فيطسو . 33 نكمي ريخ ل لوقلاا يف ةنيدم نأ راردأ تحبصأ احوتفم اجم ل وحن تايدحت ىرخأ ،ةديدج زواجتت ميظنتلا يعامتجلا ،يديلقتلا جسنت ةديدج غيص هيف طباورلل ةيعامتجلا ،ةيداصتق اول روهظ ىلع رثإ تائف ةيعامتجا ةينهم ،ةيدايق تمهسأ ةيطارقميد ميلعتلا لكشب ريبك يف زاربإ هملاعم امدعب تاسسؤملاو بنلا ناكء ل ةيديلقتلا نونميهي ىلع طسولا يلحملا . رهظيو شماه نأ ةطلسلا ةيطبارملا لاجملا يف يرضحلا يوارحصلا صلقت دق ايئزج دعب زورب ةبيكرت ةيعامتجا ةديدج عمتجملل يوارحصلا . 34

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 156

BIBLIOGRAPHIE

بتك

Bendjelid, A. ; Brûlé, J.C. et Fontaine, J., Aménageur et aménagés en Algérie, Paris, L’Harmattan, 2004.

Bensaâd, A. (Dir.), Le Maghreb à l'épreuve des migrations subsahariennes, immigration sur émigrant, Paris, Karthala, 2009.

Bisson, J., Le Sahara : mythes et réalités d’un désert convoité, Paris, L’Harmattan, 2003, 479p.

Blin, L., L’Algérie du Sahara au Sahel, Paris, L’Harmattan, 1990, 502p.

Boesen, E. et Marfaing, L. (Dir.), Les nouveaux urbains dans l’espace Sahara-Sahel, une cosmopolite par le bas, Paris, Karthala, 2007.

Brachet, J., Migrations transsahariennes, vers un désert cosmopolite et morcelé (Niger), E. du croquant, Bellecombe-en-bauges, 2009.

Capot-Rey, R., La Sahara français, Presses Universitaires (collection Pays outre Mer), 1953, 464 pages.

Faradj, M.F., Le Touat à travers le 18ème et le 19ème siècle, Alger, ENA, Ouvrage en langue arabe.

Marouf, N., Lecture de l’espace oasien, Paris, Sindbad, 1980,286p.

Prenant, A. et Semmoud, B., Maghreb et Moyen-Orient : espaces et sociétés, Paris, Ellipses, 1997.

Cote, M. (Dir.), La ville et le désert, le Bas Sahara algérien, Aix-en-Provence, Karthala, Paris, IREMAM, 2005.

Troin, J.F. (Dir.), Le Grand Maghreb, Paris, Armand Colin, 2006. ةيملع ت اقمل

Bataillon, C. (dir.), Recherches sur la zone aride, Nomades et nomadisme au Sahara, Paris, UNESCO, 1963.

Bisson, J., Evolution récente des oasis du Gourara (1952-1959), extrait de travaux de l’Institut de Recherches Sahariennes, 1960.

Bisson, J., Précision sur le Gourara, extrait de travaux de l’Institut de Recherches Sahariennes Tome XXII, 1963.

Bisson, J., Ksour du Gourara et du Tafilelt, de l’ouverture de la société oasienne à la fermeture de la maison, Ed.CNRS, In Annuaire de l’Afrique du Nord, Tome XXV, 1986.

Béteille, R., « une nouvelle approche géographique des faits migrant : champs, relations, espaces relationnels », in Espace géographique, n°3, Paris, 1981, pp.187-197.

Chantal, B. ; Maryse, J. ; Carole, R., « La mobilité géographique et la promotion professionnelle des salariés : Une analyse par aire urbaine », in Economie et statistiques, N° 326, 2000, pp.53-68.

Cote, M., « Dynamique urbaine au Sahara », in Insaniyat, N°05, Oran, CRASC, 1998, pp.85-92.

Courgeau, D. ; Lelièvre, E. et Wolber, O., « Reconstruire des trajectoires de mobilité résidentielle, Elément d’une analyse biographique des données de l’EDP », in Economie et statistiques, N° 316-317, 1998, pp.163-173.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 157

Fontaine, J., « Infrastructure et oasis-relais migratoires au Sahara Algérien », in Annales de Géographie, N° 644, V 114, 2005, pp. 437-448.

Fontaine, J., (coord.), « Sociétés sahariennes, entre mythe et développement », Besançon-Tours, Cahiers de l’Université ouverte, Cahiers d’URBAMA, 1996, 151 p.

Grague, G., « Des lieux de travail de plus en plus variables et temporaires », in économie et statistique, N° 369-370, 2003, pp.191-212.

Jonchay, Yvan., « L'infrastructure de départ du Sahara et de l'Organisation Commune des Régions Sahariennes (O.C.R.S.) », in Revue de géographie de Lyon, Vol. 32 n°4, 1957, pp. 277-292.

Pauron, A., « La mobilité des agents titulaire de l’Etat », in Economie et statistiques, N° 369-370, 2003, pp.93-111.

Raynaud, P., « L’emploi public est tiré par la fonction publique territoriale », in Economie et statistiques, N° 369-370, 2003, pp.75-92.

Pliez, O., « Vieux réseaux et nouvelles circulations entre les deux rives du Sahara », in Revue géographique des pays méditerranéens, tome 99, 2002, pp. 31-40.

Kouzmine, Yaël ; Fontaine, Jacques ; Yousfi, Badreddine et Tayeb, Otmane, Etapes de la structuration d'un désert : l'espace saharien algérien entre convoitises économiques, projets politiques et aménagement du territoire, In Annales de géographie n° 670 (6/2009), Varia, Décembre 2009 (pp. 91-117). لئاسر تاركذمو

Bellaoui, M., 2003, le rôle de transport dans l’organisation spatiale de la wilaya d’Adrar. Mémoire d’ingénieur, en géographie, Université d’Oran. Mémoire en langue arabe, 2003.

Bisson, J., Le Gourara, étude de géographie humaine, Mémoire n°3, Université d’Alger, Institut de Recherches Sahariennes, 1957, 221p.

Bendaba, A.K., Mutations fonctionnelles du centre ville d’Adar. Mémoire d’ingénieur, géographie, Université d’Oran. Mémoire en langue arabe, 2003.

Foundou, G.A., Etude des nouvelles extensions de la ville d’Adrar. Mémoire d’ingénieur, géographie, Université d’Oran, Mémoire en langue arabe, 2005.

Hamidi, A.K., Mutation d’un quartier périphérique d’une ville moyenne en centre d’animation. Debdaba à Bechar. Mémoire de magister, géographie, Université d’Oran, 2006.

Moulay, L. et Bahnini, A., Le rôle territorial de la ville d’Adrar à travers les équipements et les activités commerciales. Mémoire d’ingénieur, géographie, Université d’Oran. Mémoire en langue arabe, 2005.

Karoumi, B., Tentative de délimitation du territoire fonctionnel de la ville d’Adrar. Mémoire d’ingénieur, géographie, Université d’Oran. Mémoire en langue arabe, 1999.

Kouzmine, Y. , Dynamiques et mutations territoriales du Sahara algérien vers de nouvelles approches fondées sur l'observation. Thèse de doctorat en géographie, Université de Franche Comté, Besançon, 2007. ريراقت تاساردو

Annuaire statistique de la wilaya d’Adrar, 2009 (D.P.A.T. de la wilaya d’Adrar).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 158

P.D.A.U. du groupement de la commune d’Adrar et de Timmi (Révision), 2009 (D.U.C. de la wilaya d’Adrar).

Plan de transport de la wilaya d’Adrar, 2005 (Direction des Transports de la Wilaya d’Adrar).

Atlas régional des départements sahariens, Avril 1960, Etat Major Interarmées.

NOTES

.(2008 ناويدلا ينطولا تايئاصحلل ) دادعتلا يلامجلا نكسلل ،ناكسلاو .1 2. تعطقنا كلت ةيكرحلا عجارت ذنم ةراجتلا ،ةيوارحصلا دعبو لعفب كلذ ميسرت دودحلا ةرتفلا يف ةيرامعتس لا .

نيحلاصلا ء لاجرو ،نيدلا رارح يمتني نم مهول لك ا لئابقلا ىلإ ةيبرعلا ،ةيربربلاو نيثارحلا مهو نيذلا نولكشي ديلا ةلماعلا قيقرلا اقباس ةردحنملا ) لوصأ نم ىرخأ ( . مهأ ةيواز ةقطنملا يف ةيواز يه خيشلا يديس دمحم ريبكلاب . .4 مادقتسا مت ىلوأ تاعومجم ةبناعشلا نمض تادحولا ةيركسعلا ةيوارحصلا ةيسنرفلا .5 (Capot Rey R., 1953). عبتت ةيوازلا ةقيرطلا ةيواسوملا ةيزازركلا . .6 7 رهظي دوجو نا ةيواز ةقيرع ناقر يف ةفورعم اهخويشب حمسي مل روطتب ذوفن ةيواز راردأ لكشلاب يذلا هيلع قطانملا وه يف ةرواجملا ىرخلا .

رامعتسل قلغا هتسردم مهتا ثيح دحأ يسسؤم ةيوازلا لامعتساب فنعلا هاجتاب ،هتبلط نكل عفادلا يسيئرلا يسايس قلعتيو خيشلل فقومبيل قتسلل هاجتابا رامعتس لا . 9. جسن خيشلا دمحم ريبكلاب ةقادص تاق ل ةدع خويشعم ع اياوز خيشلا لثم ،دياقلب ،ةجلفوب دواد نب ... خلا .

يوارحصلا صلختلا نم ةلوهسب بساور نم ميظنتلا ،يديلقتلا ىلع مغرلا ميلعتلا نأ نم يناجملا ميلعتلاو يلاعلا نامهاسيس راكف امكل بلق هذه هلوانتنسا يف اقحل . ريرس ةدايعو ً ا ةددعتم تامدخلا ةي زكرمللك يف و .120 حرتقي ثيح قلخ ىفشتسم ةعسب .11 .1990 بيبط يصاصتخا ةنس 17 ابيبط ،نابايلا نم لصأ نم نويصاصتخ ءابطلا15ل غلب ددعا بناجلا .12 2006 ابيبط اصتخم ةنس 19 مهنم 90 ءابطل غلب ددعا .13 مامأ اياوزلا اذه عضولا ب نوقحتلي حبصأل ط ميلعتلا تاعماجلاب ل لصاوتملال خ نم . .14 رجات .200 سم 2008 قيقحت يناديم ةنس .15 16. عضخي ل ميلقا ةراروقلا ذوفنلا ىلا يراجتلا ةنيدمل راردأ . رسفي نوميميتل نأ تاكبش ةيراجت ،ميلق لخاد ل اذها ةلقتسم راردأ نع . 17. حرصملا ريغ فضأ دابتلا كلذ ىلإ تل اهب . متتو ةراجتلا لحاسلا ةيلودلا دل قيرطب نع يف ةضياقملا . 1971 ةنس قلخ ةسسؤملا(SNTV) مت ةينطولا لقنل نيرفاسملا .18 تفرع هذهو ةسسؤملا لكاشم ةريبك ةيلام تقاعأ نسحت ةمدخلا تناك ثيح يناعت اهتيرضح باطعل ةرركتملاا نم . 19 تمعدت هذه تاسسؤملا ليومتب ةلاكولا ةينطولا معدل ليغشتو ،بابشلا وهو زاهج يموكح قفاري بابشلا لواقملا قلخ تاسسؤم يف ةيداصتقا . .1998و1987 تاكرح ناكسلا نيب .2001 ناويدلا ينطولا ،تايئاصحلل .20

فورظ ةيسايسلا ةيعيبطلاو ةقطنم يف لحاسلا تاونس ذنم تانيعبسلا قفدت يف ديدعلا ةيوارحصلا ئاعلا تل - ةيلحاسلا ىلع ةنيدم ،راردأ يهو زكرمتت يحب تكساو ينب .

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 159

RÉSUMÉS

ترثأ ةيقرتلا ةيرادل ضعبلا تاعمجتلا ةيناكسلا ءارحصلا يف ةيرئازجلا ةيلاجملا تاق ىلع علا ل ةيديلقتلا ةينبملا ةيداصتقل ىلع ساسأا ةيفاقثلا دابتلا وت ل ةثوروملا نورق ذنم ،ةقباس روهظ ىلع رثا ديدعلا تاطاشنلا نم ةيتامدخلا ةيراجتلاو ةديدجلا تاعمجتلا يف ةاقرملا . ىدأ بلق ىلإ كلذ دق و ةيداصتقل قطنما دابتلا تاكرحلاوت ل ةيرشبلا ىلع ىوتسملا ،يلحملا ينطولا يوهجلا ىتح و , يلودلا هذهل قطانملا عمتجملا يف ،ةهج نم ىلإو وحت ت يلحملال ةهج ىرخأ نم . لثمتو ةنيدم راردأ يتلا تبستكا ديدعلا فئاظولا نم ةيتامدخلا ةيراجتلاو اجذومن كلتل ايح وحتلا تحمس ،ت جامدنل اهل ابل يف ةكبشلا ةيرضحلا ةينطولا . تدأ ةجمرب و ديدعلا تازيهجتلا نم ىوتسملا تاذ يلاعلا ةعماجلا لثم ىفشتسملاو روطت ىلإ ذوفن ةنيدم اجمت راردأ ل ىلع ىوتسم ميلاقل ةيوارحصلاا ،ةرواجملا ةجردم اهايإ ةكبش يف تامدخلا ةيعماجلا ةيحصلاو ةينطولا . صخف عاعشإ ةعماجلا ميلاقل ةفاضإ كلتا لج قطانم ىلإ لوهسلا ايلعلا ،ةيبرغلا ذوفن امنيب ىفشتسملا دعتت مل اجمت ل ميلاق دودح ل ةيلحملاا تاوتل ،ةراروقو ةجردبو لقأ تلكديت . سكعتو ةكبش لقنلا قطانملا ةفاثك عم كلت دابتلا ت ةيوارحصلال ،راشب لثم ةيادرغ تسارنمتو . . ةيحانلا نم ،ةيداصتقولا حمس روطتلا يفيظولا ةنيدمل راردأ روطتو ةكبش لقنلا زوربب ةديدج ةئف نم راجتلا بابشلا نيمداقلا قفو لامش قطنم ،دنم بلا ل تاقلح ةينهم كرتشت اهلوصأ يف ةيفارغجلا . تزرفأ هذه تاقلحلا رواحم ةيراجت ،ةصصختم تحمس ةنيدملل عيسوتب اهتاكبش ةيراجتلا اهجامدناو ةكبشب ةينطولا دابتلا تل . ةيحانلا نم ،ةيعامتجولا تقلخ هذه ةيكمانيدلا تائف ةيعامتجا ةيدايق ةديدج طسو يف عمتجملا ،يلحملا يهو لكشتت تاراط ل ةمدقتسملاا نم ةراد نوؤشلال لامشدنم بلا ل ،ةيلحملا مامأ عجارت شماه ذوفن ةقبط بنلاء ل ءافرشلا نيطبارملاو ) ( روطتو يجيردت ةئفل ،نيثارحلا هتلمأ قفو ام وحتلا تل ،ةثيدحلا ةثدحم اكابرإ ةينبلا ةيعامتج يف ل ا ةيديلقتلا . امك عجارت ايجيردت لقح ريثأت ايوازلا يتلا تناك ربتعت لعافلا يسيئرلا ةيعامتج ميظنت يفل ا تاق علا ،ةيداصتقل اول امل ذوفن اهل نم ينيد ىلع ناكسلا ،نييلحملا لباقم ىمانت رود ةطلسلا ةيراد ميظنتل يف ا ةلكيهو تامدخلا ةيعامتجلا ةيداصتقلا. -

Conjuguée par de nouvelles logiques politiques et économiques durant les dernières décennies, l’urbanisation de certaines localités du Sahara algérien avait accéléré la réorganisation de l’espace régional saharien, bouleversant le fonctionnement traditionnel de ces espaces. Ceci entraîna une rupture des réseaux séculaires remplacés par de nouveaux réseaux politiques et économiques tissés par de nouveaux acteurs. D’un ancien ksar dans l’oasis de Timi dans le Touat, Adrar est devenue une ville qui s’impose aujourd’hui comme une vraie ville négociant sa place dans la réorganisation spatiale dans le Sud,ouest algérien. Ainsi, Adrar développe des mécanismes nécessaires pour jouer un nouveau rôle régional, d’abord par la mise en place d’une série d’équipements de rang supérieur tels que l’université et l’hôpital, puis par la genèse de nouvelles activités commerciales et de services ; ces actions lui ont permis de s’intégrer dans le réseau urbain national et d’élargir ses aires d’influences. Cette dynamique a produit des flux formés d’une mobilité saharienne à caractère temporaire d’une part, et d’une mobilité à caractère résidentiel d’autre part. Le premier type de mobilité est encadré par un réseau de transport qui s’est développé dans les dernières années, primo en direction des ksour du Touat et du Gourara, du Tidikelt et plus ou moins de la Saoura supérieure, secundo en direction des villes sahariennes telles que Bechar, Ghardaïa et Tamanrasset, tertio vers les villes du Nord telles qu’Oran et Alger. Le deuxième type de mobilité est le résultat de l’évolution fonctionnelle de la ville d’Adrar produite par des politiques successives de développement, dans lesquelles il était question d’appeler de nouvelles compétences qu’elles soient intellectuelles (médecins, enseignants…), techniques (techniciens, comptables…) ou manuelles (maçons, électriciens…), indisponibles localement et indispensables pour accompagner cette dynamique urbaine. Par ailleurs, cette dynamique avait stimulé la

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 160

formation d’une nouvelle catégorie de commerçants venus du Nord algérien, constituée selon un modèle segmentaire qui s’articule sur les origines géographiques et la nature des activités commerciales, créant ainsi des axes commerciaux spécialisés vers certaines villes du pays comme Sétif, Oran, Alger et Ghardaïa. D’autre part, ceci avait permis à la ville d’Adrar de s’insérer dans le réseau d’échange économique national. Enfin, la genèse de nouvelles classes socioprofessionnelles constituées de cadres et de commerçants non originaires d’Adrar a contribué à la recomposition des rapports au sein de la société locale qui a du mal à surpasser son modèle hiérarchique. En effet, cette nouvelle situation a créé une nouvelle élite, redéfinissant ainsi la notion des rangs sociaux. Conséquemment, ceci a induit à des crispations dans la société locale dus aux brouilles autour de la nouvelle place de l’ancienne notabilité (chorfa et merabtine) devant l’émancipation des harratine (descendants d’anciens esclaves) rejoignant la nouvelle élite. Quant à la zaouïa, de par de son importance religieuse et historique, elle ne constitue plus le seul acteur influant comme c’en était le cas autrefois ; elle cède sa place aux organisations administratives pour les services sociales et économiques.

From a former ksour in the Touat Timi oasis, Adrar has become a town which imposes itself as a real town, negotiating its place in the spatial reorganization of the Algerian south west. Thus it has developed the necessary mechanisms to secure a new regional role first by putting a series of superior equipment in place such as university and hospital, then forming new commercial activities and services. This enabled it to integrate the national urban network and to widen its spheres of influence. This dynamism has produced a Saharan mobility of a temporary nature on the one hand, within a transport network frame, which developed during the last few years in the direction of the surrounding ksour and Saharan towns, and on the other hand a residential mobility produced by development policies to call upon new skills unavailable locally and essential to develop this urban dynamism. This mobility formed a new socio professional category, made up of staff and traders not originally from Adrar, changing the relationships within the local society. In fact this mutation not only disturbed the local socio hierarchical model but imposed a new definition for the notion of social rank in the Saharan town.

Conjugado por nuevas lógicas políticas y económicas durante los últimos decenios, la urbanización de algunas localidades del Sahara argelino había acelerado la reorganización del espacio regional sahariano, trastornando el funcionamiento tradicional de esos espacios. Lo que se traduce por una ruptura de las redes seculares substituidas por nuevas redes políticas y económicas tejidas por nuevos actores. De un antiguo Ksar en el oasis de Timi en el Touat, Adrar es una ciudad que se impone hoy día como una verdadera ciudad negociando su sitio en la reorganización espacial en el Sur oeste argelino. Así, Adrar desarrolla mecanismos necesarios para tener un nuevo papel regional, primero por la puesta en sitio de una serie de equipamientos de rangos superiores tales como la universidad y el hospital, luego por la génesis de nuevas actividades comerciales y de servicios, lo que le permitió integrarse en la red urbana nacional y amplificar sus espacios de influencias. Esta dinámica ha producido flujos formados de una movilidad sahariana a carácter temporal de una parte y de una movilidad a carácter residencial por otra parte. El primer tipo de movilidad es caracterizado por una red de transporte que se ha desarrollado en los últimos años, primo en dirección de ksour du Touat y de Gourara, del Tidikelt y màs o menos por la Saoura superior, segundo en dirección de las ciudades saharianas tales como Bechar, Ghardaïa et Tamanrasset, tercio hacia las ciudades del Norte como Oran y Argel. El segundo tipo de movilidad es el resultado de la evolución funcional de la ciudad de Adrar producida por políticas sucesivas de desarrollo en el cual se trataba de llamar a nuevas competencias, sean intelectuales (médicos, docentes….), técnicas (técnicos, contadores….) o manuales (albañiles, electricistas…) indispuestos localmente e imprescindibles para acompañar

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 161

esta dinámica urbana. Ahora, esta dinámica había estimulado la formación de una nueva categoría de comerciantes llegados del norte argelino, constituida según un modelo segmentario que se articula sobre los orígenes geográficos y la naturaleza de las actividades comerciales, creando así ejes comerciales especializados hacia ciertas ciudades del país como Sétif, Oran, Alger et Ghardaïa. Por lo cual, esto había permitido a la ciudad de Adrar de insertarse en la red de intercambio económico nacional. Por fin, la génesis de nuevas clases socio profesionales constituidas de categorías superiores y de comerciantes no originarios de Adrar ha contribuido a la composición de relaciones en el seno de la sociedad local que tiene dificultad a sobrepasar su modelo hierar quico. En efecto esta nueva situación ha creado una nueva élite, volviendo así a definir de nuevo la noción de rangos sociales. Por lo cual, eso ha inducido a crispaciones en la sociedad local, debidas a desavenencias alrededor de la nueva plaza de la antigua notabilidad (chorfa et merabtine), frente a la emancipación de los haratine (descendientes de antiguos esclavos) juntándose así a la nueva élite. En cuanto a la zaouia, además de su importancia religiosa e histórica, ya no constituye el único actor influyendo como el caso antaño y deja sitio a las organizaciones administrativas para los servicios sociales y económicos.

INDEX

ءارحص , باطقتسا , ذوفن اجمتل , دابتتل , راردأ سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

Mots-clés : Sahara, attraction, aire d’influence, échanges, Adrar Keywords : Sahara, staff, spheres of influence, exchange, mutation Palabras claves : Sahara, atracción de influencias, intercambios, mutación, Adrar

AUTEUR

نيدلاردب يفسوي

ذاتسأ ،ثحاب ةعماج ،نارهو ربخم ةيفارغجلا اجملا تل ةئيهتلاو ،ةيميلقلا ثحاب دقاعتم : .CRASC-Oran

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 162

Dynamiques des villes sahariennes

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 163

Adrar, des ksour à la grande ville Adrar, from ksour to town Adrar, ksour en la gran ciudad ،راردأ روصقلا نم ةنيدملا ىلإ ةريبكلا

Sidi Mohammed Trache

1 Au Sud-ouest de l’Algérie, à près de 1400 km d’Oran, se dresse la ville saharienne d’Adrar, dont le nom en berbère (Adghagh) semble signifier « montagne, rocaille » (Faradj M., 1977), et dont la transcription française en a fait Adrar. Sa wilaya est limitée au nord par celle d’, au nord-ouest par Béchar, à l’ouest par Tindouf, au sud- est par Tamanrasset et au nord-est par Ghardaïa.

2 D’abord lieu de refuge important par ses oasis, Adrar devient un véritable carrefour commercial entre le Nord et le Sud qui stimulera de grands mouvements migratoires avec la pénétration arabe dès la seconde moitié du 10e siècle. A partir de cette période, les vagues migratoires se succèdent au rythme des évènements qui ont secoué le Maghreb, alternance continuelle de phases d’accalmie et d’isolement et de conquêtes extérieures (Martin A., 1908)1 et ce, jusqu'à la pénétration coloniale. Celle-ci laissera ses premières empreintes par l’implantation d’un casernement au nord des ksour, suivi de petits lotissements coloniaux qui vont enclencher un mouvement d’urbanisation de cet espace oasien dont la vocation était jusque-là agricole. Les ksour d’Adrar vont très vite basculer vers des activités tertiaires générées par les investissements des pouvoirs publics. En effet, la promotion administrative d’Adrar au rang de chef lieu de wilaya en 1975, à la faveur d’un nouveau découpage administratif, lui permet d’acquérir de nouvelles fonctions, typiquement urbaines. Celles-ci vont donner un nouveau visage aux ksour d’Adrar tant sur le plan social que spatial : une croissance spatiale rapide accompagnée d’un déclin fonctionnel et structurel des ksour2 (Hammouzine A., 2003) ainsi qu’une immigration intense. C’est ainsi que, de 4468 habitants en 1966, la ville passe à 28 580 en 1987, 43 142 en 1998 et 63 039 en 2008. 3 L’intervention de l’Etat dans l’espace oasien a entraîné de nombreuses mutations tant sociales, qu’économiques et spatiales. Depuis trente ans, l’initiation d’un nouveau type d’organisation spatiale va totalement bouleverser les composantes de cet espace, essentiellement rurales à l’origine.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 164

1. Un développement urbain manifeste

1.1 Une extension urbaine bipolaire, rapide et très étalée

4 La ville d’Adrar a connu son premier véritable développement spatial à la fin des années 1970. Sa promotion administrative au rang de chef-lieu de wilaya active davantage cette extension par l’implantation massive d’équipements collectifs et de nouvelles structures d’encadrement des populations locales. On assiste, alors à un boom spatial où la ville s’étend indéfiniment et multiplie sa surface par plus de dix en une vingtaine d’années, Adrar sort des ksour vers une ville nouvelle, créée de toutes pièces (figure1). L’essentiel de cette extension se fait à partir des années 1980. Cette urbanisation accélérée, très étalée et spécifique à la ville d’Adrar, est intimement liée à ses nouvelles fonctions de commandement et de gestion d’un espace wilayal qui, lui– même, est très étendu. Les nombreux programmes d’habitat social et les lotissements s’accompagnent du développement de grands équipements tertiaires : sièges de la wilaya et de la commune, banques et assurances auxquels s’ajoutent de manière ponctuelle les équipements sociaux publics (lycée, collèges et écoles, nouvel hôpital, centres de santé…).

Figure 1 : L’extension de la ville d’Adrar

5 Spatialement, l’urbanisation d’Adrar se fait à partir des premiers lotissements coloniaux (centre-ville actuel) dans un premier temps et se développe ensuite de manière classique autour de ce tissu ancien vers le nord, le nord-ouest et le nord-est. L’implantation coloniale depuis 1900 a permis quelques réalisations publiques qui ont

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 165

donné une structure en damier au développement de la ville avec les groupes scolaires, lycée, hôtel de la grande place, marché, église et hôpital… 6 Adrar se détache du système traditionnel ksourien et s’oriente dès lors vers un modèle urbain moderne en bénéficiant d’un Programme spécial de développement de wilaya dès sa promotion au rang de chef-lieu de wilaya en 1975. Il lui permet de réaliser ses structures d’encadrement, d’implanter ses structures administratives et financières qui seront suivies de grands équipements collectifs de proximité et d’importants programmes de logement d’accompagnement. Les politiques immobilières, et foncières surtout, des années quatre vingt3 sont à l’origine d’une urbanisation soutenue mais aussi le résultat d’un important dysfonctionnement urbain de la ville d’Adrar. En effet, les lotissements programmés durant cette période par les collectivités locales n’ont pas été tous réalisés4 laissant ainsi d’énormes espaces vides ; ils ont constitué une véritable entrave à une harmonie urbaine, notion absente des plans d’urbanisation. 7 Parallèlement à l’urbain planifié, naît un quartier intra-muros dans l’illégalité la plus totale (Bni ousket)5 abritant des populations migrantes provenant de diverses régions sahariennes et en particulier du Mali et du Niger (Foundou Gauma A., 2006). Dès lors, et devant cet état de fait, Adrar étend son espace sur deux sites. Dans un premier temps, la ville s’étend en direction de l’ouest ("Ville Nouvelle" Sidi Mohamed Belekbir) pour changer ensuite et prendre, en rompant avec l’urbanisation antérieure, la direction de l’agglomération de Tililane au nord-est de la ville d’Adrar ("Ville Nouvelle" de Tililane). Ces deux espaces sont à la limite du boulevard périphérique qui ceinture la ville d’ouest en est. Ils peuvent être assimilés à des espaces périurbains dans la mesure où ils sont excentrés par rapport au centre-ville d’Adrar. Ils se sont développés, le premier sur un site vierge, le second sur l’agglomération secondaire de Tililane. 8 Cet étalement urbain s’imposait comme choix d’urbanisation eu égard aux lotissements ceinturant la ville qui posaient des problèmes urbains conséquents dans la mesure où ils ont généré des interstices importants entre les urbanisations nouvelles et la ville ancienne. D’autre part, cette nouvelle urbanisation vers l’est de la ville semble être une volonté des pouvoirs locaux pour une meilleure maîtrise de la gestion de la ville et pour lui conférer un paysage urbain plus harmonieux que celui de Mohamed Belekbir. Mais dans la réalité, l’observation et l’enquête de terrain montrent que le pouvoir public local avait décidé la rupture de l’urbanisation axiale unique et surtout de soigner l’image de la cité par la création d’un quartier périurbain mieux équipé disposant d’un habitat de meilleure qualité que celui réalisé dans le premier site, et abritant des populations au niveau social plus conséquent (cadres administratifs, diverses corporations de médecins, d’enseignants…). 9 Politique de soutien aux populations locales et/ou stratégie pour les fixer, elles ont été accompagnées de grands investissements immobiliers pour répondre, et surtout attirer, un emploi qualifié dans un espace où règnent de très fortes chaleurs pendant près de la moitié de l’année.

1.2 Un habitat exclusivement de type social

10 Le développement de l’habitat aussi bien à Adrar que dans d’autres villes sahariennes relève de manière quasi-exclusive du domaine du social. Autrement dit, les politiques immobilières qui se sont succédées à Adrar visaient pour l’essentiel à attirer les populations jeunes et qualifiées, confrontées au problème du logement, et parfois

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 166

caractérisées par une situation de sous-emploi dans certaines régions denses du Nord du pays.

11 Ainsi, les pouvoirs publics ont misé, depuis les années quatre vingt, sur la création d’un cadre de vie et de travail conséquent en investissant dans le logement social pour répondre et stimuler la demande de populations immigrantes. Était offert sans condition à tous ceux qui contractaient un emploi dans la ville ou dans la région un logement équipé en mobilier nécessaire. Depuis les premiers lotissements coloniaux, l’habitat social d’accompagnement6 a constitué le type dominant de toute opération immobilière engagée dans la ville jusqu’à l’avènement de la libéralisation du foncier7 qui a permis la création de lotissements à la limite du tissu urbain (figure 2). Le logement social d’accompagnement et récemment le logement social participatif répondent de manière concrète aux besoins de la population. L’exemple du LSP (programmes El-Hamel) dont ont bénéficié même des individus célibataires et, de surcroît, des populations actives en situation de chômage montre l’intérêt des pouvoirs publics à fixer et à stabiliser les populations jeunes dans un espace fragile à bien des égards. 12 Ce développement urbain planifié s’est très vite accompagné de la création d’emplois divers, souvent qualifiés, pour lesquels la main d’œuvre locale faisait parfois défaut. Adrar, comme beaucoup d’autres villes sahariennes, va puiser dans cette main-d’œuvre jusque dans les villes les plus éloignées ; l’immigration apparaît donc inéluctable pour l’encadrement administratif et technique des populations locales. Cette politique de soutien se manifeste par des motivations financières et matérielles qui constituent un élément fondamental d’attraction des populations qualifiées des autres régions et particulièrement du nord du pays. Ceci a entraîné une croissance démographique importante.

1.3 Une croissance démographique des plus importantes (Tableau 1)

13 Parallèlement à cette extension démesurée, la ville, comme l’ensemble de sa wilaya, a connu une croissance démographique intense : de 4468 habitants en 1966 elle passe à prés de 44 000 habitants en 1998 ; elle est estimée à 63 000 lors du dernier recensement de 2008.

Tableau 1 : Evolution de la population des agglomérations d’Adrar (1966 à 2008)

Sources : (*) Données des différents recensements de population consignées dans les collections de statistiques, armature urbaine de 1987 (n°4) et de 1998 (n°97).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 167

Figure 2 : Les programmes d’Habitat à Adrar

14 A la lumière du tableau n°1, deux observations essentielles s’imposent. Le plus important de la croissance démographique est réalisé durant la seconde période intercensitaire 1977 – 1987. Par ailleurs, malgré un fléchissement de sa croissance démographique, Adrar connaît ultérieurement des évolutions positives illustrées par des taux de croissance supérieurs à la moyenne nationale qui sont de 2,28 entre 1987 et 1998 et de 1,72 entre 1998 et 2008. 15 En fait, les courants semblent s’inverser par rapport aux décennies 70-80. Le taux d’accroissement de la ville d’Adrar – ainsi que celui de sa wilaya – était le plus élevé du pays entre 1987-1998 (13,8%). Il n’est que de 3,9% sur la période 1998-2008 et les soldes migratoires de la période précédente (1987-98) démontrent une tendance à l’émigration avec des taux d’émigration de 13,5% et d’immigration de 0,43%. Les retours de plus en plus nombreux des immigrants vers leurs lieux d’origine sont manifestes et expliquent cet état de fait (figure 3). Ceux-ci sont accentués par une émigration confirmée des populations locales vers les régions voisines et le Nord du pays8. L’apport extérieur semble s’amenuiser (figure 4) étant donné la réduction des potentialités locales d’emploi. Le tableau n° 2 confirme ce propos.

Tableau 2 : Les mouvements migratoires à Adrar entre 1987 et 1998

Entité spatiale Emigration Immigration Solde Migratoire

VILLE 8659 3984 - 4675

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 168

WILAYA 30092 9194 - 20898

Sources : Données statistiques, n° 315 - Récap., histoire migratoire des wilayas, RGPH 1998, Offce National des Statistiques, Alger.

16 Ce renversement de tendance va à l’encontre d’une volonté affichée - qui était a priori de fixer les populations sur place, en ce sens que non seulement les émigrants natifs d’Adrar sont nombreux à quitter la wilaya (sur 30092 sortants, 3117 sont natifs d’Adrar) mais que parmi les 26 975 immigrants nés hors d’Adrar, 22721 (76%) sont retournés dans leur lieu d’origine. Sur la dernière période intercensitaire (1998-2008), les données n’étant pas encore publiées il est probable que les mouvements migratoires continuent vers la wilaya d’Adrar avec, certainement, beaucoup moins d’intensité. 17 L’urbanisation de la ville nécessite incidemment un recrutement supplémentaire et sélectif des populations immigrantes. Adrar fait appel aux cadres administratifs et à un personnel d’encadrement technique provenant de divers horizons, dont le Nord du pays sera l’essentiel pourvoyeur.

2. Une immigration sélectionnée

18 Trois approches ont été utilisées pour cerner avec une certaine précision le phénomène migratoire à Adrar : une enquête par sondage auprès des ménages, une enquête sur les activités commerciales et les commerçants, et une troisième plus ponctuelle au sein des équipements collectifs, l’hôpital et la DPAT9. L’objet de ces enquêtes était de qualifier l’immigration, de déterminer ses caractères essentiels afin de situer son rôle joué dans le développement de la ville d’Adrar. Ces trois approches ont permis d’abord de mesurer le phénomène d’immigration au sein de différents types de population et ensuite de recouper différentes sources d’information et de comparer les résultats obtenus.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 169

2.1 Une immigration essentiellement issue du Nord

19 La ville d’Adrar rassemble dans sa composante migratoire des populations diversifiées avec, toutefois, une dominante particulière des populations du Nord du pays. Au sein même de cette dernière, cette composante est fortement diversifiée par ses origines géographiques et le type de migration.

20 Sur les 290 ménages immigrants enquêtés, plus de la moitié proviennent du Nord (190 ménages, soit 67 %) dont 86 ménages du Centre, 56 de l’Ouest et 48 de l'Est du pays. Le Sud contribue avec 83 ménages seulement.

2.2 Les régions de l’Ouest et du Centre fournissent l’essentiel de l’encadrement à la ville d’Adrar

21 Dans les structures tertiaires, l’encadrement relève essentiellement de la région Ouest et secondairement du Centre du pays. Des résultats similaires ont été enregistrés lors de l’enquête réalisée à l’hôpital et à la DPAT d’Adrar. En effet, le personnel administratif et spécialisé provient principalement du Nord et en particulier du Nord- Ouest Algérien (notamment Oran et Tlemcen). L’activité non, ou peu qualifiée, mobilise la population locale. L’Ouest d’abord et le Centre du pays ensuite sont les principaux fournisseurs du personnel qualifié.

22 La wilaya de Béchar fournit, à l’inverse, une population active diversifiée allant du commerçant au cadre administratif. La figure n°5 montre cette diversité géographique dont le bassin migratoire s’individualise nettement au Nord du pays et dans les wilayas limitrophes (Béchar et Ghardaïa).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 170

2.3 L’activité commerciale, nettement dominée par la région Centre

23 Trois entités géographiques se dessinent à travers la lecture des figures n°5 et n°6 : la région algéroise se distingue avec la capitale Alger, Tizi-Ouzou et Bouira qui détiennent l’essentiel du commerce adrarien; viennent ensuite la région oranaise et enfin la troisième entité, le Sud algérien, représenté par Béchar et Ghardaia.

24 L’immigration issue du Centre et du Sud du pays alimente l’essentiel de l’activité commerciale à Adrar. Celle qui concerne l’encadrement provient essentiellement de l’Ouest et secondairement du Centre. Il s’agit notamment des fonctionnaires et des cadres administratifs qui sont soit recrutés pour leur premier emploi mais venus, le plus souvent, dans le cadre d’une mutation professionnelle volontaire dans la ville, ou encore d’enseignants et de médecins dont la motivation essentielle est d’ordre matériel.

3. Les rotations migratoires et l’avenir incertain d’Adrar

25 Celles-ci se traduisent par un renouvellement continu des populations provenant des divers mouvements migratoires composées pour l’essentiel de jeunes du Nord du pays.

3.1 Les émigrants du Nord : un retour quasi-certain au lieu d’origine

26 L’histoire migratoire de la wilaya10 confirme l’intensité des échanges de population entre les régions telliennes et Adrar et le taux important de retour des émigrants du Nord vers leur lieu d’origine. Près des deux tiers des ménages déclarent leur séjour comme étant temporaire à Adrar.

27 A l’inverse, les ménages originaires du Sud (Béchar en particulier) s’adaptent mieux au contexte oasien et affichent une stabilité migratoire plus grande. Ils sont près des trois quarts des migrants du Sud à s’y installer de façon définitive. Mais en gros, 40 % des immigrants d’Adrar, particulièrement les plus jeunes ont une intention de retour au lieu d’origine.

3.2 L’immigration ancienne constitue la population la plus stable

28 Parallèlement aux émigrants du Sud, les populations les plus anciennement installés à Adrar et, par conséquent, les plus âgés considèrent - selon les enquêtes qualitatives menées sur le terrain – que la vie à Adrar correspond à leurs critères de confort. En effet, au-delà de la classe d’âge 45-50 ans, le désir de retour chez-soi est faible, la tendance est plutôt à une installation définitive. Il y a alors une adaptation réelle voire un attachement de cette population à ce nouvel espace de vie qui, au départ, leur semblait relativement « hostile ».

29 Parmi les plus jeunes, la volonté de retourner à la ville natale est une réalité tangible. Elle est manifeste chez les fonctionnaires, les cadres de l’administration et chez ceux qui exercent leur profession dans les activités tertiaires. L’exemple des médecins est très significatif ; la totalité manifeste leur désir de retour après un séjour de quelques années, dix années au plus.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 171

3.3 Ceux qui décident d’émigrer restent en moyenne entre 5 et 10 ans ; au-delà, la probabilité de rester est plus grande

30 L’immigration à Adrar constitue pour de nombreux migrants du Nord une simple étape mais souvent porteuse dans leur cheminement professionnel comme dans leur vie sociale. Cette migration est essentiellement motivée au départ par des aspects d’ordre matériel et financier. Elle constitue alors pour beaucoup d’entre eux une source d’enrichissement intéressante et d’autant plus motivante pour un retour plus ou moins rapide dans le Tell. En constituant un véritable marché de l’emploi, Adrar absorbe les surplus de main-d’œuvre, la plus qualifiée parfois, d’autres régions du pays, qui était en quête d’un premier emploi. C’est le cas de nombreux médecins, d’enseignants de collège et de lycée et même d’enseignants universitaires qui intègrent la vie active pour la première fois à Adrar. Toutefois, la durée de leur séjour est généralement déterminée dès leur installation, cinq à dix ans, une durée qui leur semble suffisante pour mieux asseoir leurs conditions d’existence à leur retour dans la région d’origine. Au-delà de dix ans, la probabilité de retour s’amenuise pour tendre vers un séjour illimité, voire définitif.

4. Un développement centralisé de l’activité commerciale mais qui reste encore inefficace

31 Une des conséquences fondamentales de l’intervention de l’Etat dans l’espace d’Adrar, liée à l’immigration aussi bien interne qu’externe, est le développement important de l’activité commerciale et de service. Elle répond de manière réactive et concrète, aux besoins d’une demande locale en forte croissance.

4.1 Des activités commerciales fortement centralisées

32 La ville d’Adrar concentre l’essentiel de ces activités commerciales et accentue la forte centralité qu’elle exerce sur les autres ksour et petites villes de la région. Elle est d’ailleurs considérée comme le "centre ville" par l’ensemble de la population ksourienne de la région, quelle que soit les distances considérées.

33 Elle compte à elle seule plus de 1 000 établissements commerciaux et de service, dont 60% sont localisés au centre-ville11, ce qui représente 620 points de vente. L’activité commerciale a connu une diversification des produits et des services rendus à la population depuis les années 1990. La réponse en matière de qualité et de standing à la demande d’une population de plus en plus exigeante - notamment celle migrante du Tell - a constamment conduit à améliorer la qualité de l’achalandage et modernisé les échoppes. Des visites régulières sur le terrain de 1998 à 2005 ont permis de percevoir ces mutations qualitatives. Le secteur commercial tente de s’adapter à une demande en constante augmentation afin d’abord de lui répondre convenablement mais également d’achalander une clientèle qui lui échappait, dont les achats de produits occasionnels et d’équipements individuels se faisaient généralement à l’occasion du retour en congé dans la région d’origine.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 172

4.2 Une consommation en augmentation mais qui reste limitée

34 Les immigrants considèrent en majorité leur séjour comme provisoire dans la ville d’Adrar. Il ne constitue en fait qu’une simple étape transitoire qui procure à certains de l’expérience professionnelle et pour d’autres un doublement de salaire pour une fonction identique dans le Nord du pays. Cette migration temporaire est alors motivée par des raisons matérielles qui n’encouragent guère, a priori, une grande consommation de biens localement, car le souci majeur de cette population est de capitaliser pour envisager un retour ultérieur plus favorable dans le Tell.

35 Le niveau de modernisation des activités commerciales, en matière d’achalandage et de standing, enregistrés au cours des dernières années à Adrar, en particulier dans certains services (restauration, pizzerias, salons de thé…) constitue une réponse commerciale au retard certain dans l’équipement individuel des immigrants, et permet de bénéficier davantage d’une clientèle, de fait, captive. Malgré le nombre important de magasins d’équipement individuel (20% de l’ensemble)12, la qualité des produits offerts reste néanmoins en-deçà des exigences affichées par les consommateurs habitués au plus large choix des grandes villes du Tell. 36 Incidemment, les migrants consomment moins et achètent rarement des produits vestimentaires et très rarement des articles considérés comme « de luxe » (85%). La consommation s’oriente davantage vers le petit appareillage et les ustensiles ménagers, des produits nécessaires relevant de la quotidienneté. 37 Le plus intéressant à noter est que les dépenses réalisées par la population migrante, (celle du Nord en particulier), n’excèdent que rarement les 50 % du budget mensuel. Les populations qui dépassent ce seuil, sont le plus souvent des migrants de longue date, dont l’intention de rester définitivement à Adrar constitue une réalité. Par conséquent, une partie des ressources des habitants immigrants de la ville est soit capitalisée pour anticiper un retour futur ou pour consommer hors de la région.

Conclusion

38 L’intervention de l’Etat sur l’espace oasien a généré l’urbanisation massive de l’agglomération d’Adrar, comme elle a développé incidemment une immigration importante dont les apports en matière de santé, de scolarisation et de technologies nouvelles pour les populations locales sont, aujourd’hui, incontestables. Elle a également accentué de manière prégnante la centralité d’Adrar sur les autres communes de la wilaya, par le renforcement de ses fonctions administratives

39 L’importante rotation des populations du Nord dans la ville d’Adrar a donné naissance à des mouvements migratoires de grande ampleur et, par conséquent, à un type particulier de ville où le transit constitue un mode de vie à part entière, transit généré par la capacité d’intégration dans la vie active et des salaires attractifs. Ces éléments interrogent le modèle de développement urbain et sa durabilité dans un espace saharien où les mutations sont, par ailleurs, profondes. Cette question de la durabilité de la migration, et de son ancrage territorial dans le temps, constitue un réel défi pour le développement futur d’une agglomération soutenue financièrement de manière importante et continue par l’Etat.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 173

BIBLIOGRAPHIE

Faradj, M., La région du Touat durant le XVIIIe et le XIXe siècle, Alger, OPU, 1977 (en langue arabe).

Foundou Gauma, A., Analyse des extensions récentes à Adrar et leur intégration dans la ville ; Mémoire d’ingénieur en géographie, Oran, 2006.

Groupe de recherche au CRASC, Approche comparative des nouveaux espaces urbanisés dans les villes de l’Ouest algérien; projet de recherche de 2003 à 2006, inédit.

Kouidri, M, Les mouvements résidentiels dans la ville d’Adrar, Mémoire d’ingénieur en géographie, Oran, 1998.

Martin A.G.P., Les oasis Sahariennes (Gourara, Touat, Tidikelt), Imprimeries algériennes, Alger, 1908.

Seddiki, M. ; Foulani, M., Etude urbaine d’une agglomération saharienne et de son rôle fonctionnel sur l’espace, Mémoire d’ingénieur en géographie, Oran, 2003.

PDAU d’Adrar, Bureau d’Etudes Sahraoui, Oran, 1995.

Armature urbaine, 1987, RGPH 1987, Coll. Stats., Série 04, ONS, 1988.

Armature urbaine, 1998, RGPH 1998, Coll. Stats., n° 97, ONS, 2000.

Résultats par agglomérations, 1987, RGPH, Coll. Stats., n° 13, vol. 2, ONS, 1989.

NOTES

1. Cité par Kerroumi, B., Le Touat, mutation d’une région saharienne, DEA, Univ-Bordeaux III, 2004, p. 21. 2. Hammouzine, A. ; Kadaoui, N., L’évolution des ksour d’Adrar ; l’exemple de Ouled Ouchène et de Ouled Ali, mémoire de géographie, Université d’Oran, 2003. 3. La politique des lotissements n’a pas épargné les villes sahariennes, même si elle ne se pose pas dans les mêmes termes qu’au nord du pays. L’espace est public, il existe sans contrainte foncière réelle, mais il pose paradoxalement un problème de surcoût quant à sa viabilisation par l’urbanisation étalée exagérée. 4. Etant propriétaires, les bénéficiaires des lots de terrain attendent un surenchérissement pour revendre les biens acquis à des prix dérisoires dans le cadre de la politique foncière des lotissements. 5. Cette expression qui veut dire « construis et tais toi » signifie et révèle l’incapacité des pouvoirs publics à maîtriser le sol urbain à la fin des années 1980, période de crise économique. Ce type d’urbanisation n’est pas spécifique de la ville d’Adrar ; on le rencontre aussi à Timimoun, deuxième ville de la wilaya d’Adrar et principale agglomération du Gourara. 6. Chaque entreprise disposait d’un quota de logements pour ses employés. 7. Nouvelle loi d’orientation foncière : Loi 90-25 et 90-29 de 1990, dont l’essentiel du contenu est la libéralisation du marché foncier, où l’Etat se désengage de l’acquisition et de l’aménagement des terrains qui, désormais, relèvent des Agences foncières locales et du domaine des promoteurs privés. 8. Kerroumi, B., op.cit., p.25. 9. Direction du Plan et de l’Aménagement du Territoire (Direction de wilaya).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 174

10. Données Statistiques n° 315 – Récap. 11. Bendaba A., Les mutations spatiales et fonctionnelles au centre-ville d’Adrar, mémoire de géographie (en langue arabe), Oran, 2003, pp. 84-98. 12. Cette proportion est voisine et dépasse parfois celles qu’on rencontre dans les grandes villes de l’intérieur : 18% à Oran et 15% à Tlemcen, in "Les structures commerciales et les dysfonctionnements intra urbains dans la ville d’Oran" (Trache S.M., Bendjelid. A.), Projet de recherche CNEPRU, 2001, inédit ; et "Méthodes d’approche des structures commerciales et de la hiérarchie urbaine. L’exemple du Tlemçenois"; Cahiers du GREMAMO, n° 14, laboratoire SEDET, Paris VII, 1997.

RÉSUMÉS

L’intervention de l’Etat dans l’espace oasien a entraîné de nombreux changements. D’une bourgade rurale de près de 5 000 habitants, Adrar, chef, lieu de wilaya, devient une véritable ville , certes artificielle , en centralisant et en concentrant l’essentiel de la population et des activités tertiaires tant de commandement que d’encadrement. La ville qui compte 42 735 habitants en 1998 et 63 039 en 2008, concentre l’essentiel des équipements publics, attire de plus en plus de populations qualifiées et s’étale spatialement par une production exceptionnelle de l’habitat. L’implantation d’équipements collectifs et de nouvelles structures d’encadrement des populations locales nécessitaient un recrutement supplémentaire et sélectif des populations immigrantes. Les cadres administratifs et le personnel d’encadrement technique, en grande partie non disponibles sur place, proviennent essentiellement du Nord du pays et secondairement des wilayas du Sud. Les besoins naissants, devenus de plus en plus importants, grâce à cette nouvelle immigration, ont permis un déploiement des activités commerciales et de service et particulièrement dans la ville d’Adrar, chef lieu de la wilaya. Par ailleurs, ces mêmes activités ont attiré essentiellement les populations commerçantes telliennes. Cependant, cette nouvelle urbanisation importante semble fragile, parce que soutenue par une population en majorité extérieure dont la principale préoccupation est un enrichissement rapide et un retour en force dans la ville d’origine. Les perspectives de développement de la région ne sont,elles pas déjà au départ compromises ? Espace fragile, ressources limitées, population importante au séjour temporaire, exode de populations locales jeunes vers les zones attractives du Nord… sont les composantes essentielles d’Adrar auxquelles s’ajoute une centralité très marquée (un espace de convergence de la consommation) de la ville chef,lieu, laissant peu de chance aux autres "villes" de la région de se développer.

State intervention in the oasis space has brought about many changes. From a township of almost 5000 inhabitants, Adrar the County (Wilaya) administrative center, has become a real town, somewhat artificial,by concentrating the majority of its population and tertiary activities both authority and management. The town which counted 42 735 inhabitants in 1998 and 63 039 in 2008, by centralizing the main public facilities, and attracting a more and more qualified population ,has spread out spatially due to an important habitat production. The setting up of collective equipment and new administrative organization for the local population required additional selective recruitment among the immigrant population .Both the executive staff and the technical personnel not available on site, come mainly from the north of

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 175

Algeria and secondly from the southern counties. Growing needs becoming more and more important, thanks to this new immigration, have allowed a variety of commercial activities and services, particularly in the county head seat, Adrar. Furthermore, these same activities have mainly drawn commercial populations from the Tell area. However this new rapid urbanization seems fragile, because it is upheld by a mainly external population coming from elsewhere, whose only concern is a fast enrichment and a return to their hometown. These regional development perspectives have they not already been compromised from the beginning? A fragile space, limited resources, an important temporary short stay population, local youth exodus to the more attractive north….are the main characteristics of Adrar to which one must add a marked central consumption space for the county head town, leaving little chance for the other regional “towns” to develop.

La intervención del Estado en el espacio oasisiano engendró numerosos cambios. Desde una aldea rural de aproximadamente 5000 habitantes, Adrar, cabeza de la provincia vuelve una verdadera ciudad, desde luego, artificial – centralizando y concentrando lo esencial de la población y actividades tercias, tanto mandamiento como gestión. La ciudad que cuenta con 42735 habitantes en el año 1998 y 63039 en 2009, concentra lo esencial de los equipamientos públicos, atrae cada vez más poblaciones cualificadas y se extiende espacialmente por una producción excepcional de la vivienda La implantación de los equipamientos colectivos y las nuevas estructuras de la gestión de las poblaciones locales necesitan una contratación adicional y selectiva de las poblaciones inmigrantes. Los cuadros administrativos y el personal de marco técnico, en gran parte no disponibles en la provincia, provienen esencialmente del Norte del País y de las provincias del Sur. Las recientes necesidades, que vuelven cada vez más importantes, gracias a esta nueva inmigración, permitieron un despliegue de actividades comerciales y servicio, particularmente en la ciudad de Adrar, cabeza de la provincia. Por lo tanto, estas mismas actividades trajeron esencialmente poblaciones comerciantes de las colinas. No obstante, esta nueva e importante urbanización parece frágil, puesto que sostenida por una población en mayoría exterior cuya principal preocupación es un enriquecimiento rápido y un retorno numeroso en la ciudad de origen. ¿No serán ya comprometidas desde el principio, las perspectivas de desarrollo de la región? Espacio frágil, recursos limitados, populación de importante estancia temporal, éxodo de las poblaciones locales jóvenes hacia las zonas atractivas del Norte... resultan los componentes esenciales de Adrar a la que se añade una centralización muy marcada (un espacio de convergencia del consumo) de la ciudad, cabeza de la provincia dejando poca oportunidad a las otras “ciudades” de la región para desarrollarse.

رجن لخدت ّ نع ةلودلا ءاضفلا يف يتاحاولا ديدعلا تاريغتلا نم . نمف ةدلب ةيفير اهنطقي 5.000 دقلإ ،ةمسن تلوحت راردأ ةنيدم ىلإ ةي رقم ولا ةيقيقحل ميمصلا نكي يف كلذمل ,نإ و ىتح , ببسب زكرمت ةيبلاغ ناكسلا تاطاشنلا و ةيتامدخلا اهيف . ةنيدم نإ راردأ يتلا اهنطقي ناك 42735 ةمسن ةنس 1998 و63039 ةمسن ةنس يوتحت2008 ، ىلع مهأ قفارملا ،ةيمومعلا ءىتفت ل يه بذجت و اهيلإ ديزملا نم ناكسلا نيلهؤملا عسوتلا عم ديازتملا ءاضفلل يناكسلا . ءاشنإ نإ قفارملا ةيعامجلا لكايهلا و ةديدجلا ريطأتل ناكسلا نييلحملا بلطتي فيظوت يفاضإ و يئاقتنا ناكسلل ،نيرجاهملا يناعت ذإ ةقطنملا يمدختسم ةيراد تاراط صقنلو عيرذانم ا يف ينقتلا معدلا يرادول نيذلا ا دفاوتي ،مهبلغأ ةجردلاب ،ىلو لامشلال نم ا بونجلا تاي ل يقاب نم و مث .

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 176

INDEX

Keywords : Adrar, ksour, urban changes, migrations, tertiary activities

راردأ , روصق , ةينارمع وحتتل , ةرجه , تاطاشن ةيتامدخ سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

Palabras claves : Adrar, Ksour, mutaciones urbanas, migraciones, actividades tercias Mots-clés : Adrar, ksour, mutations urbaines, migrations, activités tertiaires

AUTEUR

SIDI MOHAMMED TRACHE

Enseignant, géographie et aménagement, Université d’Oran, EGEAT (Laboratoire des espaces géographiques et de l’aménagement du territoire), chercheur associé au CRASC, Oran

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 177

Timimoun, évolution et enjeux actuels d’une oasis saharienne algérienne Timimoun, development and actual stakes in an Algerian Saharan oasis Timimoun, evolución y desafíos de un oasis sahariano argelino ،نوميميت وطت تاناهر و ةيلاح ّ ر ةحاول ةيوارحص ةيرئازج

Tayeb Otmane et Yaël Kouzmine

1 De nombreuses mutations ont caractérisé l’oasis de Timimoun au double plan social et spatial depuis les années 1950. Un certain nombre d’entre elles relèvent des effets classiques de l’urbanisation et de l’intégration territoriale en milieux désertiques, et sont donc semblables à celles connues par les autres oasis sahariennes algériennes ; d’autres mutations sont plus spécifiques et sont liées aux particularités locales qui engagent l’oasis et sa zone d’influence dans un processus de transformations multiformes.

2 La dominante rurale de l’oasis s’est progressivement réduite au profit de nouvelles activités économiques. La diversification économique et les nouvelles attractivités induites ont également joué à plein pour modifier substantiellement l’organisation sociale et spatiale de l’oasis qui se trouve aujourd’hui confrontée, notamment, à des problèmes de gestion de la fragile interaction entre l’homme et son environnement. 3 La palmeraie, qui représente toujours une composante essentielle du paysage visuel oasien comme identitaire de Timimoun, subit de manière croissante les affres de l’urbanisation et des carences de la gestion urbaine. Cette remise en cause du rôle prépondérant de la palmeraie dans le fonctionnement de l’oasis ne représente-t-il qu’un marqueur logique de l’évolution des oasis du Gourara ou constitue-t-il un bouleversement plus profond du territoire oasien vers une nouvelle forme d’organisation spatiale en rupture avec les modes d’occupation séculaires du désert ? 4 Afin de répondre en partie à ce questionnement, nous analysons ici les mutations les plus symptomatiques de l’oasis de Timimoun depuis les années 1950, dans l’objectif de

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 178

mesurer les réorganisations sociales et spatiales qui l’ont caractérisée, comme les enjeux actuels auxquels elle est confrontée.

1. Les fondements de l’oasis de Timimoun

5 Timimoun est la capitale historique du Gourara, située à 200 km au nord-est de la ville d’Adrar, chef-lieu de la wilaya à laquelle appartient administrativement la commune (carte n° 1). En situation centrale dans le Gourara, à la limite est du Grand erg occidental, Timimoun a été historiquement un pôle d’animation des oasis environnantes structurées le long de la sebkha ou localisées dans l’erg (Taghouzi et Tinerkouk). Le peuplement des oasis du Gourara actuel résulte d’une succession historique d’apports ethniques divers.

6 Comme dans le reste du Sahara septentrional, les habitants primitifs des oasis du Gourara furent des populations noires vraisemblablement dont l’origine géographique est encore sujette à caution1 qui passèrent progressivement à partir des IVe et Ve siècles sous la domination de berbères Zénètes, devenus sédentaires. Au côté de cette population berbère, vivait une population juive dans les oasis du Gourara et du Touat2. Dès le XIIe siècle, les oasis gouraries se sont vues adjoindre des populations arabes, issues de tribus hilaliennes3, puis d’autres composantes arabes dans les siècles qui suivirent. 7 Par la suite, et plus récemment, des populations nomades issues de l’Oued‑Righ, du pays Chaamba, du M’Guiden et des zones steppiques algéro-oranaises, puis des réfugiés du nord maghrébin4, vinrent s’implanter dans le Gourara.

Carte 1 : Localisation de Timimoun

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 179

8 Timimoun était le centre commercial le plus dynamique du Gourara. A l’image de la région du Touat, cette zone était privilégiée par le commerce entre les nomades des Hautes plaines steppiques oranaises5 et d’El-Goléa ; les dattes et les produits maraichers des palmeraies y étaient échangés contre le blé, le thé, le sucre et le beurre… Cependant, au-delà des denrées alimentaires et des produits semi-manufacturés, un commerce d’esclave prospérait dans la région6, même si l’apport de ces populations dans le substrat local doit être relativisé, car « quelles que soient l’atrocité et l’ampleur de la traite terrestre par les voies de Mauritanie, du Touat ou du Fezzan, il ne faut pas oublier que la grande masse des esclaves noirs ne faisait que transiter dans les oasis pour gagner les villes et ports du Maghreb »7. 9 A l’heure des débuts de la colonisation, le commerce de marchandise fut approprié par les Chaanbi qui suivirent l’implantation de l’administration française au Sahara. Les installations progressives de populations nomades et de Chaanbi dans le Gourara modifièrent la structure sociale de dominance Zénète8. Ce processus de peuplement a donné naissance à une hiérarchie sociale particulière ayant caractérisé cette partie du Sahara. 10 L’oasis gourarie se distingue par un mode d’occupation spatiale spécifique répondant aux exigences naturelles locales contraignantes, comme par une stratification sociale particulière. 11 Le mode d’organisation classique de l’oasis composée du ksar, de la palmeraie et de la foggara, constitue la réponse la plus adaptée, et historiquement pérenne, à ces contraintes désertiques. Comme l’essentiel des oasis sahariennes, l’implantation humaine dans le Gourara a répondu à deux facteurs concomitants, la possibilité de mobiliser des ressources en eau essentielles aux pratiques agricoles d’une part et l’existence de réseaux d’échanges, d’autre part9.

Photographies 1 : Les éléments de l’oasis

12 La mobilisation des ressources hydrauliques prend une forme particulière au Gourara par le biais des foggaras10. Ce système d’exploitation de l’eau distingue, à l’échelle algérienne, l’ensemble des oasis du Gourara, du Touat et du Tidikelt, par la spécificité du procédé ainsi que par son maintien, partiel dans certains cas, jusqu’à ce jour.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 180

Actuellement, 908 foggaras sont opérationnelles parmi les 1 398 foggaras recensées dans les trois ensembles cités ci‑dessus en 2004 par l’Agence Nationale des Ressources en Eau (ANRH). La rareté des précipitations - cette zone aride ne reçoit annuellement qu’entre 15 et 20 mm - a conduit les ksouriens à mobiliser l’eau des nappes souterraines par ce procédé de captation. Si la zone est privée d’eau de surface ou de pluies, elle est au contraire dotée naturellement d’un immense réservoir souterrain (Continental intercalaire). Cette nappe revêt par ailleurs un intérêt international, car chevauchant sur l’Algérie, la Tunisie et la Libye11. C’est à proximité des affleurements de cette nappe que se sont implantées les oasis à foggaras du Gourara, du Touat et du Tidikelt. 13 Afin de capter l’eau et pouvoir irriguer les palmeraies de Timimoun, 2 329 puits de profondeurs variables furent creusés ainsi qu’une cinquantaine de kilomètres de galeries (photographies n° 1). 14 C’est au contrebas du M’Guiden, un reg, que le ksar de l’oasis de Timimoun fut implanté, le facteur topographique fut déterminant. Afin d’assurer un écoulement gravitaire de l’eau de la foggara, les jardins furent développés en bas de pentes à la limite de la sebkha, ce facteur ayant fortement conditionné par la suite l’évolution de l’oasis. 15 Les travaux titanesques de réalisation et d’entretien ne furent rendus possibles que par le biais de travaux collectifs (touiza) où l’investissement en main d’œuvre était proportionnel au volume d’eau accessible, une fois le système opérationnel. Néanmoins, la réalisation de ces foggaras s’inscrivait dans un contexte social particulier, où les harratine12, main d’œuvre servile et vassalisée, assuraient en grande partie le travail de force nécessaire, comme l’entretien des jardins ; les propriétaires terriens, Chorfa ou Mrabtine, jouissant alors de la ressource hydrique et des productions agricoles. 16 Au-delà de cette photographie historique de l’oasis, les mutations sociales et politiques, engendrées par la colonisation et le pouvoir algérien, ont profondément modifié les structures sociétales des oasis, par la fin de l’esclavage (théorique en 1848), l’introduction du salariat et l’accession au pouvoir de populations jusque là partiellement asservies. 17 Dans le même temps, le contexte technico-économique évoluant, le rôle traditionnel des oasis de place d’échange et d’agro-système13 fut remis en cause par la diversification des activités économiques et le renouveau de l’agriculture oasienne, tous deux engendrés, en partie, par l’intégration au territoire national et le désenclavement.

2. De la ruralité à l’urbanité, les mutations socio- spatiales de l’oasis

2.1. Évolutions démographiques et mutations de la structure de l’emploi

18 L’Atlas des départements sahariens rédigé par un service de l’armée française (1960), donne un aperçu intéressant de Timimoun à la fin des années 1950 : « Chef-lieu administratif de la région, Timimoun groupe un peu plus de 3 000 habitants ; la majorité, environ 2 000 vit entassée dans le “ksar”, noyau le plus ancien de l’agglomération : c’est là qu’habitent les Zénètes avec leurs métayers noirs. Ce ksar aux ruelles fort pittoresques s’oppose au “village”

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 181

dont les maisons s’ordonnent au long de rues perpendiculaires : ses habitants sont arabophones et tous immigrés récents (de nombreux Chaanba de Metlili). Le village groupe les principaux commerçants, les services publics, tandis que les bâtiments administratifs (situés dans l’enceinte du Bordj) sont accolés au ksar et forment le trait d’union d’une ville qui est en fait double tant par son aspect que par l’origine ethnique et les occupations de ses habitants ».

19 La population de Timimoun a sextuplé au cours des cinquante dernières années passant, selon les statistiques de 3 000 habitants en 1954 à 20 607 habitants en 2008. La petite bourgade saharienne des années 1950 est devenue une agglomération urbaine à part entière suivant un processus généralisé au Sahara de « glissement du rural vers l’urbain »14. 20 L’agglomération a connu une croissance démographique importante de 1966 à 1987. La croissance annuelle moyenne est passée de 4,3 % pour la décennie 66-77 à 5,3 % pour la suivante. Le fort accroissement enregistré sur la seconde période peut être expliqué par la natalité qui a caractérisé tout le territoire national ainsi que par l’apport extérieur des oasis de l’ensemble du Gourara comme de la sédentarisation des nomades des Hautes plaines steppiques. Timimoun s’est imposée historiquement comme le centre dynamique du Gourara et son rôle a été renforcé, ou conforté, par sa promotion en 1974 en chef-lieu de daïra, au sein de la nouvelle wilaya d’Adrar créée la même année. Cette promotion lui a permis de se doter en équipements et en infrastructures inhérents à ce rang administratif.

Tableau1 : Evolution de la Population de la commune de Timimoun (1966/2008)

21 Le taux d’accroissement démographique a sensiblement baissé aux cours des vingt dernières années, il fut divisé par deux entre 1987 et 1998 (2,6 %) par rapport à celui de la décennie précédente et atteignit 1,9 % sur la dernière décennie (1998-2008), ce qui est inférieur à la moyenne de la wilaya d’Adrar sur la même période (2,5 %). Ce taux, actuellement comparable au taux national, prouve que Timimoun connaît les mêmes tendances de stabilité démographique que les autres villes algériennes du fait de la limitation de naissances, du recul de l’âge moyen de mariage (26 ans en 1998 à l’échelle nationale), de la scolarisation, mais également des contraintes économiques qui pèsent de manière sensible sur les mécanismes de la natalité. 22 La population de l’agglomération de Timimoun représente en 2008 les deux tiers de la population communale (66,2 %). Son poids relatif a connu une légère augmentation

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 182

depuis 1987 (tableau n° 2). Les agglomérations secondaires et les petits ksour ont perdu de la population entre 1998 et 2008 en enregistrant des taux négatifs (-0,9 %), s’agit-il de migrations vers Timimoun ou au profit d’autres régions ? La publication annoncée des statistiques du RGPH concernant les migrations entre 1998 et 2008 permettra de répondre à cette interrogation.

Tableau 2

Tableau 3

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 183

Figure 1

23 Le changement de la structure de l’emploi de la commune de Timimoun est également remarquable (tableau n° 3 et figure n° 1). La situation s’est inversée en trente ans, passant d’une domination très nette du secteur agricole à une emprise marquée du tertiaire. L’emploi agricole fut divisé par deux entre 1977 et 1998, passant de 2 048 à 1 181 actifs. À l’inverse, le tertiaire doubla sur la même période. Ces mutations sont liées, d’une part, au renforcement du salariat dans l’administration, mais également dans le commerce et différentes activités tertiaires et, d’autre part, à la crise de l’agriculture oasienne. La régression du nombre d’actifs dans l’agriculture s’est prolongée au cours de la décennie 1987-1998. Toutefois, les données du recensement de 1998 concernant l’emploi sont problématiques, celles de l’agriculture sont apparemment sous-estimées et les autres secteurs ont été regroupés dans une seule catégorie, ce qui a tendance à biaiser partiellement l’analyse. Néanmoins, la tendance à la tertiairisation des activités économiques est un fait général pour les villes algériennes et en particulier au Sahara.

2.2. La promotion administrative et ses effets

24 La promotion administrative de Timimoun en chef-lieu de daïra en 1974 a renforcé son rôle de pôle attractif et dynamique. L’implantation des équipements administratifs d’échelon daïral (services de daïra, subdivisions des directions de wilaya…) ont participé amplement au gonflement du secteur tertiaire dans l’administration, les emplois offerts directs et induits ont attiré la population locale, voire régionale et nationale, notamment du fait de l’existence des primes du Sud accordées aux fonctionnaires s’implantant dans les wilayas sahariennes. De plus, la promotion administrative s’est accompagnée d’une dotation conséquente en programmes d’habitat et d’équipements scolaires, sanitaires et autres (lycée, centre de formation professionnelle, hôpital, polyclinique…). L’effet de cette promotion administrative s’est traduit par un afflux démographique important et une extension spatiale éclatée le long des axes routiers menant vers Adrar, Béchar, à El-Goléa ou encore reliant les ksour qui ceinturent la sebkha. En parallèle, le rôle de l’administration s’est affirmé avec le

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 184

temps en se substituant à la structure locale traditionnelle, la Djemââ, dont le pouvoir décisionnel dans la gestion des affaires publiques s’est progressivement affaibli.

2.3. L’étalement urbain et la reconfiguration de l’agglomération

25 A l’image du bilan dressé au crépuscule des années 195015, deux types principaux de morphologies urbaines caractérisent la ville de Timimoun, l’ancienne forme d’habitat matérialisée par le ksar adossée à la palmeraie et l’extension entamée durant la période coloniale qui fut poursuivie de manière importante après l’indépendance (carte n° 2).

26 La morphologie traditionnelle du ksar se démarque de celle de la ville récente sur plusieurs points. Les maisons traditionnelles de conception intravertie sont implantées de manière serrée et contigüe, séparées par des ruelles étroites et sinueuses qui se terminent souvent en impasses ou débouchent sur des places, Rahba, lieu de rencontre et de sociabilité pour les habitants du ksar. Cette forme d’urbanisation a produit un tissu contigu, qui occupe 43 ha environ, selon le dernier Plan Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (PDAU) de Timimoun. 27 L’extension urbaine qui a gagné le nord-est, le sud-ouest et l’est du ksar, s’est faite de part et d’autres des principaux axes routiers suivant une trame orthogonale développée à partir des années 1920, caractéristique de la période coloniale comme de l’urbanisation saharienne ultérieure conduite après l’indépendance algérienne. La création du village colonial en regard du ksar a constitué le premier développement de l’agglomération hors de son enceinte historique. Néanmoins, la plus grande part de l’urbanisation visible aujourd’hui est due aux extensions réalisées entre 1962 et 2006, auxquelles s’ajoutent les projets de développement urbain actuels au nord-est et au sud-ouest. 28 Les deux parties historiques de l’agglomération sont séparées par l’axe central de la ville qui représente un lieu constant d’animation et de circulation où les restaurants tenus par des immigrés kabyles côtoient les bâtiments administratifs, les hôtels et toute sorte de petits commerces. Cette urbanisation plus récente s’est étendue sur 600 ha environ, soit quatorze fois la superficie du seul ksar, tandis que la palmeraie s’étalait vers l’ouest, en gagnant la sebkha (carte n° 2).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 185

Carte 2 : Le processus d’urbanisation de Timimoun

29 La partie récente de l’agglomération a concentré progressivement les principaux équipements développés par la colonisation mais également par l’État algérien. La centralité politique et économique s’est déplacée du ksar vers les nouvelles extensions habitées au départ essentiellement par des commerçants Chaanbi originaires de Metlili16, bien que la population se soit diversifiée par la suite du fait de mobilités résidentielles depuis le ksar, ou d’apports des ksour environnants, voire même de régions voisines. Cependant, le ksar conserve une vitalité sociale et économique, tout autant qu’une valeur symbolique importante. 30 Au-delà de la césure morphologique entre les deux ensembles urbains, et à un niveau plus fin, c’est la structure même de l’habitat qui a évolué, dans l’utilisation des matériaux de construction, la composition des espaces de vie, qui traduisent une évolution de la vie rurale vers la citadinité, ou encore dans les équipements du foyer, évolutions qu’avait déjà pu analyser de manière précise Jean Bisson au milieu des années 1980. Le recensement de 2008 permet, par ailleurs, de préciser le taux d’équipement des ménages de la commune de Timimoun : 94 % des ménages disposent d’un téléviseur, 74 % d’une parabole, 92 % d’un réfrigérateur, 12.5 % d’un ordinateur et, enfin, 3.5 % d’une connexion internet.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 186

Photographies 2 : Les mutations de l’habitat du ksar

31 Ces mutations ont également affecté le ksar qui s’est en partie recomposé sur lui- même17. À la différence de nombreux ksour algériens partiellement détruits, à l’abandon ou pour certains préservés par des rénovations menées sous l’égide du ministère de la Culture18 mais désormais vides d’habitants, le ksar de Timimoun est toujours vivant, habité et pratiqué. 32 Ce ksar est depuis plus de trente ans le lieu de transformations majeures : sa structure traditionnelle est atteinte, les maisons traditionnelles en argile cèdent la place à d’autres construites en parpaing, le modèle des villes du nord est reproduit de manière stricte tout en préservant néanmoins les façades extérieures en leur offrant « un cachet ksourien »19, par l’utilisation de torchis colorés (photographies n° 2). 33 La réalisation des réseaux d’électricité et d’adduction d’eau potable ont nécessité des réaménagements, tout comme la réfection de certaines voies internes au ksar, qui furent pavées afin de faciliter la circulation viaire. L’intégration d’éléments d’un “confort moderne”, comme la recomposition sur eux-mêmes d’un grand nombre de logements du ksar ont participé de toute évidence à conforter le maintien d’une partie de la population en son sein, et ainsi à éviter des effets de mobilités résidentielles négatifs, qui auraient pu remettre en cause sa pérennité.

3. Une palmeraie en péril ?

34 Si le ksar a connu des mutations prégnantes depuis trente ans, la palmeraie de Timimoun subit de manière prononcée les affres de la croissance démographique. En effet, l’oasis de Timimoun est actuellement confrontée au rabattement de la nappe phréatique, à l’extension de la sebkha qui mite progressivement davantage la palmeraie, ainsi qu’à la désaffection paysanne. Ces évolutions relèvent de plusieurs facteurs

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 187

explicatifs, et soulèvent clairement la question de la durabilité de l’un des éléments fondateurs de l’identité oasienne gourarie.

35 Un nombre de 21 foggaras totalisant 53 km de galeries souterraines traverse le tissu urbain du sud-est au nord-ouest et capte l’eau de la nappe du Continental intercalaire. Conséquence du rabattement de la nappe, le volume d’eau mobilisé par les foggaras est en diminution et les superficies des jardins irrigués en contrebas se réduisent également (photographies n° 3). 36 Dix-huit forages ont été réalisés sur la même nappe pour alimenter la ville et les autres ksour de la commune. Le volume d’eau mobilisé en 2007 a été évalué à 35 337.6 m3/j, soit 409 l/s, dont la plus grande part est réservée à la ville de Timimoun. La population locale met en relation directe le tarissement des foggaras et la réalisation des forages. Certes, il existe une corrélation entre les deux phénomènes, mais le problème est également plus global et complexe. Le tarissement des foggaras a commencé bien avant la réalisation des forages par rabattement ou par manque d’entretien des galeries : la foggara d’Amraïer, parmi les plus importantes à Timimoun, qui mobilisait 15 l/s en 1900, avait déjà vu son débit se réduire à 11.8 l/s en 195020. Au-delà de cet aspect local, l’exploitation de la nappe affecte l’ensemble des régions des trois pays concernées (l’Algérie, la Tunisie et la Libye). La pression sur l’eau est perpétuelle et le rabattement de la nappe s’accentue davantage du fait qu’elle subit actuellement un déstockage. Les possibilités de renouvellement existent, mais demeurent très limitées. 37 Ici l’urbanisation, et l’accroissement de la consommation en eau de la nappe, a eu des effets non négligeables tant spatiaux que sociaux. L’exigence naturelle liée au rabattement de la nappe d’eau a repoussé les limites des jardins de Timimoun vers les endroits topographiquement les plus bas, les zones salées (sebkha). Les jardins situés à proximité du qasri, un peigne répartiteur de l’eau, autrefois les plus avantagés en apport d’eau, se sont trouvés à une côte supérieure à celle de l’écoulement naturel de l’eau, ce qui a conduit à leur abandon progressif. 38 À ce facteur naturel s’ajoute la désaffection paysanne liée à des facteurs endogènes et exogènes. Les premiers relèvent des mutations de l’organisation sociale, stratifiée durant des siècles entre groupes de propriétaires non-agriculteurs et de harratine. La stratification sociale inégalitaire a poussé les harratine, non-propriétaires de l’eau et des terres, à quitter le travail agricole au profit du salariat offert dans la ville de Timimoun, comme à l’extérieur, dans les agglomérations de la région (Béchar et Adrar), dans les villes des hydrocarbures (région de Ouargla – Hassi-Messaoud ou Hassi-R’Mel) ou les métropoles littorales du Nord. 39 Les besoins de la ville en eau potable ont augmenté ainsi que leur corolaire, les rejets d’eaux usées. Un volume de 24 736 m3/j est rejeté quotidiennement dans la sebkha de Timimoun et ses effets se font sentir de manière prégnante sur la palmeraie. Cumulé au problème de rabattement de la nappe, qui pousse les jardins vers les zones les plus déprimées pour qu’ils bénéficient de l’irrigation gravitaire par foggara, les eaux usées de la ville, rejetées dans la sebkha augmentent en volume et gagnent progressivement les jardins qui l’entourent. Les cultures intercalaires ont disparu dans les jardins qui se trouvent au contact des zones salées. Le système de complantation avec palmier, céréales et maraîchage, souvent pratiqué par les agriculteurs, à tendance à se réduire à la seule culture du palmier. Cependant, même ce dernier qui est connu pour son adaptation au climat saharien et sa résistance à la salinité, se trouve menacé par l’augmentation croissante du sel dans le sol.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 188

Photographie 3 : La palmeraie de Timimoun

40 Le facteur hydraulique n’a pas agi seul pour aboutir à la désaffection paysanne, la structure même de la propriété foncière a également joué en défaveur de l’agriculture. D’après le recensement général de l’agriculture réalisé en 2001, 787 propriétaires (57,7 % du total) dans la commune de Timimoun possèdent moins de 0,5 hectare et 260 (19 %) moins de 1 hectare. 41 Le rapport entre la population totale communale et la superficie productive est égal à 34 personnes par hectare ; la palmeraie qui répondait aux besoins d’une population réduite est devenue bien trop exiguë. Cela a poussé des agriculteurs à chercher, dans un contexte favorable d’ouverture économique, des emplois ou des revenus complémentaires en dehors du secteur agricole, comme elle a amené d’autres à vendre leurs propriétés ; des algérois ont trouvé dans ce type de transaction un bon marché pour investir en infrastructure touristique, ce qui peut annoncer un début du mitage de l’espace agricole. 42 Au-delà des facteurs naturels liés au rabattement de la nappe, à la salinité et à l’ensablement, l’entretien des foggaras est nécessaire pour les maintenir opérationnelles. Ce travail était auparavant l’une des tâches les plus pénibles des harratine, autrefois réalisé collectivement par touiza et par association. Ce processus de travail coopératif, néanmoins souvent réalisé sous la contrainte, a quasiment disparu en lien avec le délitement des structures traditionnelles de pouvoir, mais également du fait des autres mutations sociales oasiennes. Par ailleurs, la faiblesse des gains en débit obtenus après le curage d’une foggara ou de son extension, et l’absence de main d’œuvre qualifiée pour réaliser ce travail ont accentué le phénomène. 43 La commune de Timimoun a ainsi perdu 49 foggaras parmi les 173 inventoriées par l’Agence Nationale des Ressources en Eau en 2004. Par ailleurs, les foggaras qui

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 189

parcourent le tissu urbain de la ville sont exposées à différentes formes de dégradation : détérioration du réseau de seguia, pollutions diverses et empiétement, voire destructions partielles dans le cadre d’opérations urbaines menées par les aménageurs comme par les habitants. 44 La croissance démographique qui se prolonge encore à l’heure actuelle, malgré un tassement relatif sur la dernière période intercensitaire, ne fera qu’amplifier un phénomène amorcé depuis plusieurs décennies.

Conclusion et perspectives…

45 L’agglomération de Timimoun a connu des mutations qui ont caractérisé de nombreuses autres oasis sahariennes algériennes telles qu’une urbanisation rapide, les mutations des hiérarchies sociales, l’ouverture et le développement du salariat, la réduction du travail agricole, le tout dans un contexte d’une volonté étatique forte d’aménagement et d’encadrement du territoire. Ces différents facteurs d’évolution ont participé à redessiner la morphologie de l’agglomération et de l’habitat, à en modifier la structure sociale comme l’origine de ses habitants, mais également à remettre en question le rôle et la fonction d’une palmeraie aujourd’hui menacée et marginalisée dans le fonctionnement économique urbain, bien que conservant une forte capacité d’identification sociale dans la vie collective.

46 Le caractère particulier de Timimoun réside, entre autres éléments, dans le maintien d’une population ksourienne importante du fait de la revitalisation du ksar par l’introduction d’éléments du confort urbain correspondants aux standards des autres agglomérations algériennes, mais également par la diversification des activités économiques. 47 Dans une wilaya caractérisée par un net déficit migratoire entre 1987 et 199821, la question du développement de l’emploi, comme les projets de développement territoriaux futurs constituent des enjeux centraux. 48 D’après les premiers documents de réflexion du futur Schéma National d’Aménagement du territoire à l’horizon 2025 (SNAT 2025), deux axes majeurs de développement devraient être renforcés dans les décennies à venir22, l’agriculture, comme la préservation de la palmeraie n’y ayant pas une place privilégiée. 49 Le premier point a trait au développement du tourisme. La région qui recèle un important potentiel en matière de sites naturels ou anthropisés (ksour, palmeraies, Grand erg occidental…), de patrimoine culturel et immatériel (ziaras) ou de tourisme de découverte (méharées, trekking…), souffre d’un manque de valorisation national et international, mais également d’infrastructures d’accueil de qualité. Le développement d’une activité touristique plus affirmée peut constituer une piste de renforcement et de diversification de l’emploi, tout en permettant un maintien des éléments de l’identité oasienne par un développement local, intégrant et intéressant les habitants au processus. Le développement actuel d’une offre de service (agence de voyage), comme la rénovation annoncée du principal hôtel de Timimoun, présagent déjà d’une volonté locale allant dans ce sens. 50 La seconde piste de développement régional est liée à l’exploration en hydrocarbures systématisée dans le Gourara, tout comme dans le Touat. La découverte de ressources gazières en 2007 dans le bassin de Timimoun23 a déjà des effets induits en matière

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 190

d’emplois et d’activité économique dans l’hôtellerie, les transports ou le service aux entreprises. L’ouverture et la mise en exploitation de la raffinerie de Sbaa située au nord d’Adrar il y a quelques années, a généré un nombre d’emplois non négligeables pour les nationaux, comme pour les locaux. Reste à savoir aujourd’hui quelles sont les potentialités exactes en termes de ressources du bassin de Timimoun et par conséquent quels seront les impacts territoriaux sur l’agglomération et les communes avoisinantes, en matière d’emplois…

BIBLIOGRAPHIE

Bisson, Jean, Le dilemme agricole saharien, aménagement moderne et milieu oasien, le cas de la Saoura, du Souf et du Touat, in Bendjelid Abed., Brûlé Jean-Claude, Fontaine Jacques (dir), Aménageurs et aménagés en Algérie, Paris, L’Harmattan, 2004, pp. 91-103.

Bisson, Jean, Mythes et réalités d’un désert convoité : Le Sahara, Paris, L’Harmattan, 2003, 479p.

Bisson, Jean, Jarir Mohamed., « Ksour du Gourara et du Tafilelt, de l’ouverture de la société à la fermeture de la maison », in Annuaire de l’Afrique du Nord, Aix-en-Provence, Tome XXV, 1986, pp. 329 - 345.

Capot-Rey, Robert, Le Sahara français, Paris, PUF, 1953, 564p.

Chebel, Malek, L’esclavage en Terre d’Islam, Paris, Hachette, 2007, 497p.

Côte, Marc (dir.), La ville et le désert, le Bas-Sahara algérien, Paris – Aix-en-Provence, Karthala – IREMAM, 2005, 306p.

Fontaine, Jacques, » Infrastructures et oasis-relais migratoires au Sahara algérien », in Annales de Géographie, Paris, n° 644, 2005, pp. 437-448.

Guillermou, Yves, « Survie et ordre social au Sahara, les oasis du Touat-Gourara-Tidikelt en Algérie », Cahiers des Sciences Humaines, n° 29, 1993, pp. 121-138.

Kouzmine, Yaël, Dynamiques et mutations territoriales du Sahara algérien, vers de nouvelles approches fondées sur l’observation, Thèse de doctorat en géographie, Université de Franche- Comté, 2007, 424p.

Kouzmine, Yaël, Villes sahariennes et migrations en Algérie, polarisations et structures spatiales régionales, in Bendjelid Abed (dir), Villes d’Algérie, Formation, vie urbaine et aménagement, Oran, Editions du CRASC, 2010, pp. 127-138.

Otmane, Tayeb, Mise en valeur agricole et dynamiques rurales dans le Touat, le Gourara et le Tidikelt (Sahara algérien), Thèse de doctorat en géographie, 399 p., 2010.

NOTES

1. Camps, Gabriel, Les Berbères, Mémoire et identité, Arles, Babel-Actes Sud, 2007 (rééd.), 351p. 2. Les sources varient quant aux dates et à l’ampleur des migrations juives dans la région. La qualité de refuge de la région a semble-t-il joué un rôle essentiel dans ces implantations. Pour des

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 191

éléments plus complets : Oliel, Jacob, Les juifs au Sahara, le Touat au Moyen Âge, Paris, Editions CNRS, 1998, 188p. 3. Bisson, Jean, Le Gourara, étude de géographie humaine, Mémoire n° 3, Alger, Institut de Recherches Sahariennes, 1957, 221p. 4. Bisson, Jean, 1957, op. cit. 5. Despois Jean, « L’Atlas saharien occidental d’Algérie », in Cahiers de géographie du Québec, Laval, vol. 3, n° 6, 1959, pp. 403-415. 6. Malek Chebel, dans son ouvrage citant un rapport du Commandant Deporter de 1891, précise les tarifs auxquels s’échangeaient les esclaves sur les marchés du Touat et du Gourara à la fin du XIXe : « Petit garçon entre 4 et 10 ans : entre 150 et 200 francs-or ; 200 à 350 francs-or pour la fillette du même âge ; ensuite les prix s’échelonnaient entre 200 et 500 francs-or pour les jeunes gens des deux sexes. » Chebel, Malek, L’esclavage en Terre d’Islam, Paris, Hachette, 2007, 497p. 7. Camps Gabriel, 2007 (rééd.), Op. cit. 8. Pour preuve, dans les années 1950, après quelques décennies de colonisation, la composition socio-ethnique du Gourara était évaluée de la sorte : Zénètes : 28.8 %, populations arabes : 24.7 % et harratin : 46.5 %. État-Major Interamées, Antenne de documentation géographique, Atlas régional des départements sahariens, 1960, 244p. 9. Kouzmine Yaël, Fontaine Jacques, Otmane Tayeb, Yousfi Badreddine, « Étapes de la structuration d'un désert : l'espace saharien algérien entre convoitises économiques, projets politiques et aménagement du territoire », in Annales de Géographie, Paris, n° 670, 2009, pp. 659-685. 10. Néanmoins, cette méthode de captation des ressources en eau, vraisemblablement d’origine perse (Qanat), existe également dans d’autres milieux désertiques ou semi-désertiques au Maroc (Khettara) ou à Oman (Fallaj). 11. Ould Baba Sy, Mohamedou, Recharge et paléorecharge du système aquifère du Sahara septentrional, Thèse de doctorat de Géologie, Université de Tunis, 2005, 261p. 12. (Singulier : Hartani). « Quelle que soit l’origine du mot, je ne crois pas que l’on doive nécessairement donner un contenu étroitement ethnique à un terme qui a un sens socioéconomique : le hartani est le jardinier plus ou moins asservi par des conquérants berbères puis arabo-berbères. Il se trouve que ces conquérants sont de race blanche et que les asservis étaient des gens de couleur. (…) C’est par commodité de langage que géographes et ethnologues, ne faisant en cela que suivre les errements de l’administration, ont généralisé l’emploi du terme Haratine pour désigner l’ensemble des populations mélanodermes des régions sahariennes ». Camps Gabriel, 2007 (rééd.), Op. cit. 13. Côte, Marc, (dir.), La ville et le désert, le Bas-Sahara algérien, Paris – Aix-en-Provence, Karthala – IREMAM, 2005, 306p. 14. Bisson Jean, Mythes et réalités d’un désert convoité : Le Sahara, Paris, L’Harmattan, 2003, 479p. 15. Cf. Infra. 16. Bisson Jean, 2003, op. cit. 17. Bisson, Jean, Jarir, Mohamed, « Ksour du Gourara et du Tafilelt : de l’ouverture de la société oasienne à la fermeture de la maison », in Annuaire de l’Afrique du Nord, Aix-en-Provence, Tome XXV, 1986, pp. 229‑345. 18. Nous pouvons citer les ksour de Mogheul, Taghit ou encore d’El-Ouata dont l’avenir et la pérennité ne sont pas encore assurés. Le caractère muséal ou patrimonial de ces ksour rénovés n’a pas encore fait à ce jour l’objet d’une réelle valorisation, permettant de développer une attractivité touristique comme une appropriation par les habitants des agglomérations proches. 19. Otmane, Tayeb, Mise en valeur agricole et dynamiques rurales dans le Touat, le Gourara et le Tidikelt (Sahara algérien), Thèse de doctorat en géographie, 399 p., Université d’Oran – Université de Franche-Comté, 2010. 20. Bisson, Jean, 2003, op. cit.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 192

21. Entre 1987 et 1998, la wilaya d’Adrar a connu un solde migratoire négatif de moins 21 000 habitants. Les données migratoires du dernier RGPH de 2008 ne nous sont pas encore connues au moment de la rédaction de cet article. 22. Pour davantage d’informations sur cette question, se reporter à Kouzmine, Yaël, Dynamiques et mutations territoriales du Sahara algérien, vers de nouvelles approches fondées sur l’observation, Thèse de doctorat en géographie, Université de Franche-Comté, 2007, 424p. 23. SONATRACH, rapport annuel 2008.

RÉSUMÉS

Timimoun, oasis saharienne, “capitale” du Gourara et ville,relais entre le Touat et le M’Zab, a connu une croissance démographique remarquable depuis 1954. Cet essor démographique s’est traduit par un étalement spatial important, faisant basculer l’oasis du rationalisme ksourien vers une forme d’agglomération saharienne étalée, morphologiquement diversifiée et économiquement renouvelée. La croissance fut liée au développement de ses équipements, au renforcement de son statut administratif ainsi qu’à son rôle touristique. La tertiairisation de l’économie a gagné du terrain au détriment de l’activité agricole qui constituait le fondement historique de son économie. Les mutations passées, et en cours, tant au plan des dynamiques agricoles qu’urbaines, font de Timimoun un exemple pertinent de mesure des évolutions du milieu oasien.

Timimoun, a Saharan oasis, the so called “capital of the Gourara” and relay town between the Touat region and the M’Zab, has met with a remarkable demographic growth since 1954. This demographic increase has found expression in an important spatial widespread, making the oasis move from rational ksour to a sprawling morphologically diverse and economically renewed Saharan agglomeration. This growth was linked to infrastructure development and change in administrative statute as well as its tourist role. A tertiary economy has won ground to the detriment of its agricultural activity which made up the historical foundation of its economy. The changes, past and present, for both agricultural and urban dynamics, make Timimoun a pertinent example to measure development methods in an oasis milieu.

Timimoun, oasis sahariano, “capital” de Gourara y ciudad enlace entre el Touat y el M’Zab, conoció un notable crecimiento demográfico desde 1954. Este incremento demográfico se tradujo por una importante extensión espacial, haciendo volcar el oasis del racionalismo ksuriano hacia una forma de aglomeración sahariana extendida, diversificada morfológicamente y renovada económicamente. El crecimiento fue liado al desarrollo de su equipamiento, al refuerzo de su estatuto administrativo así como su papel turístico. La tercerización de la economía ganó terreno en detrimento a la actividad agrícola que constituía el fundamento histórico de su economía. Las mutaciones pasadas y en ejecución, tanto desde el plano de las dinámicas agrícolas como las urbanas, hacen de Timimoun un ejemplo pertinente de medida de las evoluciones del medio del oasis.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 193

دقل تفرع ،نوميميت ةحاو يه ةيوارحص و ربتعت ذإ ةمصاع ةراروق ةنيدم لصوو يميلقإ نيب تاوت و ،بازيم اديازت ايفارغميد اظوحلم ةنس ذنم امم ىدأ1954 عسوت ىلإ ، يلاجم ريبك لقن ةحاولا نم ةنلقعلا ةيروصقلا نارمعلا يف رهظم ىلإ ةعمجم ةيوارحص ةدتمم ةيجولوفروم تاذ ةددعتم داصتقا و ددجتم طبتري . و اذه عسوتلا ينارمعلا روطتلاب يذلا هتفرع اهتازيهجت معد اهعضو و ،يراد ل ةفاضا ابل اهرود ىلإ يحايسلا . دقل لغش عاطقلا ثلاثلا ازيح اريبك ىلع باسح طاشنلا يعارزلا يذلا لكش دحأ تايساسأ اهداصتقا خيراتلا ربع ةيضاملا . وحتلا نإ ةيلاحلات لو ءاوس لاجملا يف يعارزلا يف وأ لاجملا ينارمعلا لعجت نوميميت نم سايقل ايح اثم تاروطتلال طسولا يف يحاولا .

INDEX

Mots-clés : oasis, urbanisation, mutations socio, économiques, foggara, ksar Keywords : Palm grove, urbanization, socio economic changes, foggara, ksar

ةحاولا , ندمتلا ويسوسلا , وحتلاتل ةيداصتقإ , ةراقوف , رصق سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

Palabras claves : oasis, urbanización, mutación socioeconómicas, foggara, Ksar

AUTEURS

TAYEB OTMANE

Enseignant, géographie et aménagement, Université d’Oran, EGEAT (Laboratoire des espaces géographiques et de l’aménagement du territoire), chercheur associé au CRASC, Oran.

YAËL KOUZMINE

Ingénieur de recherche à l’INRA – Toulouse, géographe.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 194

L’évolution d’un quartier périphérique en centre d’animation : Debdaba (Bechar) Bechar, the outer suburb evolution, Debdaba becoming an active commercial centre La Evolución de un barrio periférico en centro de animación Debdaba (Bechar) روطت يحاوضلاب يح زكرم ىلإ طيشنت : ةبادبد ) راشب ( اجذومن

Abdelkader Hamidi

Du pôle structurant au centre-ville éclaté

1 La ville est faite de tensions permanentes entre la mobilité et la fixation, entre le cosmopolitisme et l’enracinement local, entre la centralité et la vie de quartiers.

2 Selon Bengherbi Mohamed1, la ville à l’époque coloniale était faite de « ségrégation » puisque la population algérienne ou « indigène », l’habitait mais ne participait pas à sa dynamique urbaine. 3 Aujourd’hui la ville a changé. La « ségrégation » a peut-être disparu car les habitants des villes sont tous des Algériens, mais les fonctions qui font l’essence de ces villes ont profondément changé pour ne pas dire disparu car la ville n’est plus qu’un « réceptacle » d’habitat. Elle est désormais réduite à sa plus simple expression ! Or, le logement ne crée pas la ville au sens anthropologique : « Les maisons font la ville, mais les citoyens font la cité » (J.J. Rousseau)2. 4 D’une manière générale, la ville moderne et le centre-ville en particulier se définissent aujourd’hui par rapport au seul et presque unique paramètre économique. L’hyper- centre ou le C.B.D. (Central Business District) s’impose et le centre-ville perd son caractère d’espace plurifonctionnel : résidence, activité, échanges et récréation. 5 Dans les villes algériennes la notion de centre-ville est approchée selon la géographie et surtout l’histoire propre à chaque ville. Certes, dans la plupart de nos villes le centre

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 195

coïncide avec la ville coloniale. Mais dans certaines villes de moindre importance comme Nédroma ou Mazouna, le centre traditionnel a su s’imposer et se maintenir comme centre-ville. 6 A Bechar, le centre-ville appelé jusqu’à ce jour « village » en référence à sa nomination d’origine : « village européen » en opposition au Ksar et au reste des quartiers dits « indigènes » tels que Debdaba et la Chaaba, est aujourd’hui dépassé ; il a perdu sa définition de quartier au sens social. 7 Cette « crise urbaine » multiforme de la ville algérienne dont parlent tous les spécialistes, trouve son expression dans une ville comme Bechar. Simple ksar jusqu’au début du siècle dernier, la ville s’est vue soudain propulsée, en moins d’un demi siècle, au rang de chef-lieu de région militaire dont les fonctions n’ont cessé d’évoluer.

Vue sur la place Lutaud ex Place des chameaux. Fin des années 1960

8 Au début des années 1980, l’opération de rénovation qu’a connue le centre-ville de Bechar a eu comme première conséquence l’émigration d’une population qui avait hérité de cet espace d’habitat au lendemain de l’indépendance, vers les autres quartiers. En témoigne le solde migratoire négatif de ce quartier en cette période (1977-1987) et qui était de (-4,94 %) alors que ceux de la ville et de Debdaba étaient respectivement de +1,11 % et de plus de +3 %. Le taux d’accroissement du centre-ville pour la même période était de (-1,62 %), celui de la ville était de 3,94 % et de Debdaba égal à 3,69 %. 9 La lenteur de cette opération de rénovation (près de 15 ans !) et la fermeture des uniques salles de cinéma au début des années 1990 ainsi que la construction récente de deux cités militaires avec des « bâtiments murailles » aux façades « aveugles » donnant sur les deux principales avenues du centre ville, ont fait perdre à ce dernier ses atouts d’attractivité. « La ville apparaît aujourd’hui comme ayant perdu son unité spatiale… Après la

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 196

ville précoloniale mono centrique » (ksar) « et la ville coloniale dualiste, » (ksar / village européen) « c’est la ville éclatée. Traduit- elle une société ayant perdu son unité ? »3. 10 En tous les cas, cette crise urbaine semble se confirmer et s’étendre avec le temps, prétextant ainsi l’émergence d’autres centres d’animation. Emergence souhaitée et préconisée d’ailleurs par les derniers outils d’urbanisme et d’aménagement de Bechar tels que le Plan d’aménagement de la wilaya (P.A.W.) et le Plan directeur d’aménagement et d’urbanisme (P.D.A.U.)

Le nomade créa… la ville !

11 Les travaux entrepris par l’armée de colonisation dès son arrivée à Bechar en 1903 entraînèrent peu à peu une dynamique urbaine caractérisée par un afflux de population et la création « spontanée » de deux quartiers : au nord du ksar, le village européen et juif où se groupèrent des commerçants venus dans le sillage des troupes, et à l’ouest, un quartier « indigène » appelé Chaaba, abritant dans des taudis des travailleurs venus des ksour de la région et du Tell à la recherche d’une éventuelle embauche dans les chantiers de la ligne de chemin de fer et de la transsaharienne.

12 La présence des troupes à Bechar, devenu le quartier général de l’armée de colonisation au Sud-ouest, eut pour conséquence le développement de l’habitat et des équipements. Vers 1940, Bechar avait encore l’allure d’un vaste campement militaire très hétéroclite. Sa structure urbaine commençait à peine à s’organiser le long de l’axe principal allant de la gare ferroviaire à la sortie sud. Les quartiers constituant cette ville naissante étaient encore à l’état embryonnaire et assez distincts : le vieux ksar habité par une population exclusivement musulmane de cultivateurs et d’ouvriers vivant de la palmeraie sur les berges de l’oued Bechar ; au sud, un quartier de « gourbis » commençait à se former, abritant une population très pauvre originaire des différents ksour de la région et des Hautes Plaines steppiques du nord. 13 Dans les années 1950, Bechar s’affirme comme centre administratif et militaire. De nouveaux quartiers commencent alors à voir le jour. C’est ainsi qu’une cité résidentielle est bâtie pour les officiers de l’armée française et baptisée « Barga » du nom de la crête au pied de laquelle elle fut construite à l’ouest de la ville. De nos jours cette cité est devenue un véritable quartier à dominance militaire certes, mais contenant d’autres cités civiles. 14 Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les conditions socio-économiques des populations algériennes se sont dégradées. L’économie traditionnelle fut déstructurée et commença alors un exode de populations nomade et ksourienne, en quête d’emploi, vers la ville de Bechar. L’absence de débouchés engendra un entassement de populations avec son lot de misère. C’est ainsi que l’on assista à la naissance d’un nouveau quartier sur la rive gauche de l’oued Bechar.

Sédentarisation ou comment le nomade est devenu citadin

15 En 1954, le nombre des habitants de Debdaba était de 1615 ; il a atteint 13 185 en 1966. Cette évolution rapide peut être expliquée en partie par la sédentarisation forcée des nomades suite à la promulgation de la loi de 1958 interdisant le nomadisme.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 197

16 La tribu des Ouled Djerir nomadisant depuis plus d’un siècle dans la vallée de Zouzfana au nord-est de Bechar, fut donc contrainte à se sédentariser. La plupart de ses membres s’installèrent alors dans leurs jardins sur la rive gauche de l’oued Bechar au lieu dit Debdaba, occupés jusqu'à lors par une population venue des ksour environnants et dotée du savoir-faire nécessaire pour l’entretien des palmiers dattiers. 17 D’autres populations rejoindront les Ouled Djerir, à la recherche d’emploi et ne pouvant à l’époque prétendre à un logement dans les autres quartiers de la ville : le ksar étant saturé et contrôlé par l’administration coloniale, le reste de la ville appelé » village » d’occupation exclusivement européenne et juive (A. Hanni. 2002), elles s’installent à Debdaba et à la Chaaba et plus tard Bechar Djedid autre quartier populaire occupé par les « nomades Doui Ménia » venus d’Abadla au milieu des années 1940 où ils trouvèrent l’opportunité du logement à bas prix. Ces populations des ksour de la Saoura et des petites bourgades du Nord et du Sud trouvent d’abord un logement provisoire à Debdaba en attendant de trouver un emploi dans un des nombreux chantiers de la ville, lui assurant ainsi une installation définitive en milieu urbain : « La maison en ville devient […] une possibilité de s’y fixer définitivement, en comptant sur une embauche possible… »4.

Le jardin devenu îlot

18 « Dans les pays sous-développés, les villes se sont développées le plus souvent sans aucun plan » (Santos, M., 1984)5 pourtant « le plan d’une ville est en quelque sorte le résumé de son histoire… les quartiers (des villes des pays sous-développés) ont souvent des plans différents en fonction des époques de construction »6.

19 D’après Jean Bisson, « la croissance fulgurante des quartiers nomades relève d’un urbanisme spontané, à peine tempéré par le respect de la voirie… »7. En effet, l’histoire de la création du quartier Debdaba ne déroge pas ou presque à cette règle. Les propriétaires fonciers des jardins qui ont servi d’assiette à l’implantation des premières habitations, étaient les Ouled Djerir, tribu nomade du Nord de Bechar. Ils y ont construit leurs maisons en toub. 20 Les premiers îlots ne tarderont pas à se structurer selon l’organisation de l’espace nomade, « puisque chaque nouvel arrivant construit sa maison auprès de celle de son frère, de son cousin, de son oncle… »8 avec toutefois la particularité de ressembler à la trame du ksar : habitations agglomérées et espace commun très réduit… Aussi le résultat sera d’« une remarquable homogénéité » car en effet, les premières constructions ont été érigées sur ces parcelles de jardins situés sur les berges de l’Oued Bechar et exploitées jusqu’alors par des ksouriens pour le compte de ces nomades moyennant une occupation partielle en plus du cinquième des récoltes. Ces jardins « ont été les points d’ancrage de la sédentarisation et, partant, des premières formes de l’organisation de l’espace urbain »9. Tout cet espace est structuré suivant une trame agraire dont les ruelles débouchent d’un côté sur l’Oued et de l’autre sur la première rue tracée par l’administration coloniale (Rue Saadelli Belkhir ex. rue de la palmeraie). S’en suit une nouvelle bande d’habitat du même type traditionnel aujourd’hui rénové, dont les éléments structurants sont : la rue Emir Abdelkader et la place de la première mosquée à Debdaba qui est le point d’articulation de tout le quartier puisqu’elle est la première place ; c’est la plus animée du fait de sa proximité du pont central enjambant l’Oued vers le centre- ville de Bechar.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 198

21 Malgré les efforts de structuration des espaces d’extension du quartier par la programmation des équipements, des cités et des lotissements avec une trame orthogonale tout en reprenant les caractéristiques de l’ancien tissu, le quartier se caractérise à ce jour par une forte densité, une typologie d’habitat à mi-chemin entre le spontané des campements nomades et l’aggloméré des ksouriens. L’administration coloniale n’est intervenue dans ce tissu que pour matérialiser le tracé des principales voies. Ainsi aucune règle d’urbanisme au sens technique du terme n’a été imposée. 22 La densification de ces « îlots jardins » a été favorisée par : 1. le tracé des voies principales qui n’a pas touché les grands îlots. 2. la cession des terrains des anciens propriétaires ou de la Zaouia de Kenadsa aux nouveaux arrivants. 3. l’élargissement des familles par accroissement démographique. 4. la réduction au maximum des parcours ou passages nécessaires aux déplacements internes entre les maisons.

23 Quant aux façades donnant sur la rue, elles ont favorisé plus tard : • l’ouverture des locaux commerciaux et des garages • l’apparition de grandes fenêtres et de grands balcons.

24 Notons au passage que les occupants de ces logements donnant sur la rue sont des ksouriens métissés formant une large majorité compacte et dense de la population, qu’ils soient originaires du ksar même de Bechar ou qu’ils soient venus de Tindouf, d’Adrar, de Béni Abbès ou des autres oasis de la Vallée de la Saoura. La façade autrefois dénigrée par le nomade est devenue un enjeu économique capital.

Une occupation du sol dominée par l’habitat traditionnel

25 L’implantation, la conception et la distribution à l’intérieur d’un logement ainsi que les matériaux utilisés sont la conséquence directe d’une conception culturelle résultant d’une évolution socioéconomique et historique. Les principales causes qui ont présidé à la création du quartier Debdaba, comme nous l’avons vu, étaient la sédentarisation des nomades et la marginalisation de la population autochtone appelée « indigène » par l’administration coloniale.

26 De ce fait, l’urbanisation du site a été accomplie par « remplissage » des parcelles. On commençait par occuper un terrain aussi large que possible selon l’influence de la famille ou son poids social afin de permettre aux autres membres de rejoindre le premier occupant et procéder ainsi à la densification par ajouts horizontaux. Chaque famille tenait à rester entre soi (« choisis ton voisin avant de choisir ta maison »)10. La communauté de voisinage […] a pour corollaire l’accolement des haouch […] ; une vie de quartier dont on ne soupçonne pas l’intensité depuis la rue, est assurée »11 à l’intérieur de l’îlot. 27 Les voies y sont orthogonales délimitant de grands îlots calqués sur une trame agraire dont la dimension des parcelles varie entre 100 m² et 200 m². Le parcellaire y est irrégulier marqué par les subdivisions des parcelles originelles. 28 Quant aux extensions récentes, la typologie y est totalement différente puisqu’elle est constituée des grands ensembles semi collectifs ou cités dont l’architecture est semble-

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 199

t-il inspirée de celle du vieux Ksar de Bechar ! Ils ont été construits à la fin des années 1970, à l’initiative de l’Etat sur des terrains domaniaux délimitant le « vieux Debdaba » et rentrent dans le cadre de la politique post coloniale qui tout en prétendant rompre avec les anciennes pratiques se retrouve en train de reconduire « purement et simplement la réglementation française en matière d’urbanisme (Ordonnance du 31 décembre 1962) ». Le plan de masse y est compact, avec des ruelles couvertes par endroit desservant des logements et des espaces communs implantés à l’intérieur de la trame. La conception du logement n’a rien à voir avec celle des maisons du Ksar : superposés et imbriqués, sans cour intérieure avec des ouvertures réduites au maximum réduisant ainsi les possibilités d’éclairage suffisant des pièces, ceci expliquerait les transformations de ces logements dès le début par l’agrandissement des percées. 29 Ces logements sont dépourvus des commodités de l’habitat ksourien adapté à la vie dans ces régions du Sahara. L’objectif de réduire leur exposition au soleil, n’est pas atteint puisque deux façades au moins donnent sur l’extérieur. Ce n’est pas le cas des logements du Ksar. D’autre part, ces ensembles n’ont pas une trame qui s’intègre dans le tissu environnant. Ils feront plus tard à l’occasion de leur cession aux habitants (Loi de 1981 relative à la cession des biens de l’Etat) l’objet d’importantes transformations visant à les adapter au mode de vie dans ces quartiers populaires : » La libéralisation du parc immobilier dans les années 1980 afin d’impliquer les occupants dans l’entretien du cadre bâti a libéré les initiatives des habitants qui dans un souci d’une meilleure adaptabilité ont refaçonné, réaménagé tous azimuts leur habitation »12. 30 De par leur architecture, leurs matériaux et leur composition, les constructions sont le reflet de la structure socioéconomique de leurs habitants. 31 Certes habiter, d’un point de vue anthropologique n’est pas le seul fait de se loger, mais le logement est le point d’ancrage sans lequel cette fonction d’habiter serait comme suspendue ou en sursis. 32 Les logements à Debdaba sont de type traditionnel et nous avons noté qu’à la périphérie de l’îlot, les maisons sont à deux niveaux alors qu’à l’intérieur, elles sont généralement d’un seul niveau et ont souvent leurs ouvertures vers l’intérieur (maison introvertie). Nous y rencontrons quelques maisons qui sont encore en « toub », témoins des premières occupations du site et des premières méthodes de bâtir dans le quartier. Le parcellaire y a suivi le tracé des anciens réseaux d’irrigation de la trame agraire.

Les mutations d’un quartier nomade

33 La vétusté de l’habitat traditionnel appelé souvent haouch, a nécessité quelques transformations. Elles ont été d’ordre structurel et ont touché principalement les matériaux sans toutefois changer la conception ou la distribution interne, puisque la maison traditionnelle à Debdaba garde ses caractéristiques d’origine. Toutefois, d’autres constructions de type « haouch contemporain » (construction à plusieurs étages) sont de plus en plus nombreuses le long des rues commerçantes.

34 Les mutations aussi bien sociales que spatiales qu’a connues le quartier à travers le temps ont donné naissance à une nouvelle conception de l’espace « habitat » et plus particulièrement sa reconstruction. « L’aboutissement de ce processus est un habitat dans lequel les habitants construisent l’espace à l’image qu’ils se font de l’urbanité »13. Mélange entre tradition et modernité par la reproduction du modèle ksourien (haouch) et l’ouverture sur l’extérieur (balcons, garage, et/ou commerce au rez-de-chaussée). Le

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 200

matériau traditionnel, c’est-à-dire le « toub » a été remplacé par d’autres matériaux dits « durs ». Ainsi, malgré toutes les qualités prouvées des matériaux dits traditionnels (confort thermique, coût très réduit, poids avantageux, disponibilité…), les habitants se sont orientés vers les nouveaux matériaux pour les raisons suivantes : 1. Ces matériaux sont plus résistants aux intempéries (les pluies notamment) que le « toub » ; 2. Les habitants ne sont plus disposés à cause de leur nouveau mode de vie et de leurs activités, à organiser des « touiza » comme autrefois afin d’entretenir périodiquement leurs maisons traditionnelles. 3. La difficulté de desserte par les réseaux divers a nécessité le réaménagement de cet ancien habitat et a donné prétexte à la reconstruction par des procédés et des matériaux de type moderne.

Rénovation ou transformations morphologiques à la recherche de nouveaux espaces

35 En cours de réalisation, les nouvelles maisons se retrouvent avec les caractéristiques des maisons traditionnelles à peine transformées : au lieu du toub, on construit avec du béton, on garde une certaine intimité des pièces intérieures par rapport à la pièce des invités…etc.

36 La transformation des habitations traditionnelles avec des moyens financiers souvent très modestes des ménages se traduit par des disparités visibles. En effet, certaines constructions ont subi de grandes transformations plus rapidement que d’autres. « Très souvent l’aspect extérieur des constructions […] est en contradiction avec les traditions de la société, les moyens financiers des résidents et les facteurs climatiques locaux…, ceci est d’autant plus étonnant que nous avons affaire, en général, à des classes moyennes non dénuées de bon sens. En outre, on peut voir partout des balcons inutilisés,… des fenêtres et des portes-fenêtres perpétuellement closes… et ce, dans un climat où il ne fait froid, qu’à peine trois mois sur douze… »14. La croissance de la cellule familiale est l’un des facteurs essentiels qui poussent vers la multiplication délibérée des pièces habitables et qui répond à « une véritable question d’anthropologie sociale et culturelle et concerne toutes les strates de l’armature urbaine algérienne »15 et ce, quelque soit la nature du logement. 37 Les deux principales actions entreprises sont les suivantes : 1. L’extension verticale des maisons par la montée en étages. 2. L’ajout de pièces supplémentaires par le réaménagement de l’intérieur du logement.

38 Le plan conçu par l’architecte n’est nécessaire en fait, que pour obtenir le permis de construire.

Vers un nouveau centre

39 Le degré d’équipement d’une ville, voire d’un quartier, révèle indéniablement le degré d’attraction de ce quartier ou de cette ville. En effet, plus la ville est dotée d’équipements nécessaires au déroulement de la vie urbaine, plus elle attire d’habitants, et inversement. L’équipement étant indissociable de la fonction d’habiter, il accompagne le logement dans toute analyse de l’espace urbain. « L’habitat n’est pas uniquement l’hébergement (logement), c’est aussi et surtout la production cohérente d’espaces

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 201

de vie (emplois, prestations de services publics, convivialité sociale) ; c’est le cadre d’insertion et d’ancrage physique, économique et social des villes »16.

40 Faute de disponibilité d’assiette à Debdaba, les pouvoirs publics ont fait construire une série d’équipements sur la seule bande de terrains domaniaux encore libre, orientée du nord au sud-ouest, à la limite de l’ancien tissu. Cette localisation s’imposait tout naturellement aux décideurs à cette époque, car tous les terrains à l’intérieur de l’ancien tissu étaient occupés. Ce n’était donc pas un souci d’accessibilité qui avait dicté ce choix. 41 Debdaba est doté de tous les équipements nécessaires au « bon déroulement » d’une vie de quartier.

De plus en plus d’équipements et de commerces

42 L’importance des équipements commerciaux réside dans le fait qu’ils comblent les besoins des habitants du quartier sans que ceux-ci ne soient obligés de se déplacer vers d’autres quartiers.

43 Debdaba dispose de deux marchés (souks). Le premier situé au centre du quartier (le plus ancien), le second est situé à la limite est de l’ancien tissu urbain, à proximité du cimetière du quartier. Il date des années 1980. Il contient 9 locaux. L’activité y est restée très faible jusqu’au début des années 2000, car les habitants préféraient l’ancien marché ou celui du centre-ville pour des raisons de disponibilité de produits d’une part et de proximité des moyens de transport qui étaient jusqu’à une date récente insuffisants, de l’autre. 44 Depuis deux ans environ, ce marché semble reprendre de l’importance grâce à une nouvelle répartition des marchés de quartier initiée par les autorités locales. L’inauguration d’une nouvelle agence de la SONELGAZ, d’une antenne administrative de la mairie, ainsi que d’une agence des PTT et la réutilisation des locaux des ex : Galeries algériennes fermées depuis leur construction à proximité de l’hôpital « Boudiaf », pour la tenue de foires, semblent avoir créé une nouvelle dynamique au quotidien. Nous sommes tentés de dire qu’un nouveau pôle commercial est en train de naître dans cette portion de l’espace du quartier Debdaba. Malgré cela, nombreux sont les habitants de Debdaba qui ont pris l’habitude de fréquenter d’autres marchés où la diversité, la qualité et les meilleurs prix sont, semble-t-il, assurés. Ceci montre la dépendance du quartier par rapport au centre-ville qui continue à exercer une attraction sur les habitants de Debdaba en matière d’approvisionnement en produits alimentaires. 45 Toutefois, une grande partie des commerces est localisée sur les axes principaux de Debdaba -Centre ou le Vieux Debdaba. En 1977, on y comptait 372 locaux commerciaux environ, répartis sur les axes sus cités et concentrés dans la partie centrale du Vieux quartier autour de la Place à proximité de la première mosquée et du marché ancien. Ce chiffre est passé à 628 commerces au moins selon nos estimations à l’issue d’une enquête terrain datant de 2008, avec pratiquement la même répartition et la même concentration.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 202

46 Mais au delà des chiffres, ce qui nous semble plus intéressant à noter, sont la diversité et la disparité spatiale de ces commerces. En effet, nous pouvons faire au moins trois remarques à ce propos : 1. Hormis l’absence quasi-totale du commerce de gros, nous pouvons dire que presque tous les commerces sont présents à Debdaba. 2. Certes, les commerces sont concentrés dans le Centre du Vieux quartier, mais nous en avons rencontré qui traditionnellement se trouvent dans les centres tels que les commerces de luxe (Bijouteries, cosmétiques, librairies, etc.). 3. Des espaces urbanisés en périphérie ont favorisé l’apparition du commerce de gros, des ateliers de réparation et de production ainsi que d’énormes garages de stockage : « Les extensions des villes ont eu pour résultat l’apparition d’un tissu périphérique urbain totalement incohérent du point de vue de sa fonctionnalité donnant une image monotone du paysage urbain caractérisé par la multiplication d’ouvertures des fonds de commerce. Ainsi, il n’y a pas d’habitation du rez-de-chaussée donnant sur la rue qui ne s’est pas convertie en un local pour un commerce »17.

47 D’autre part les « éternels » chantiers de la ville ont encouragé les nouveaux commerçants venus du « Tell » à s’installer et à investir dans ces nouvelles extensions.

Conclusion

48 « L’explosion » démographique a engendré des transformations structurelles au sein des habitations et fonctionnelles au niveau de la composition urbaine de la ville de Bechar en général et du quartier Debdaba en particulier. Le centre-ville appelé jusqu’à ce jour « village » en référence à sa nomination d’origine : « village européen » en opposition au Ksar et au reste des quartiers dits « indigènes » tels que Debdaba et la Chaaba, est aujourd’hui dépassé ; il a perdu jusqu’à sa définition de quartier au sens social. Quant au quartier Debdaba, et selon le plan d’aménagement de la wilaya, des efforts de recomposition de son espace doivent être consentis afin de créer « des espaces de centralité de niveau intermédiaire » dans le but de donner au quartier « une organisation urbaine » !18

49 L’analyse socio-économique de Debdaba, a fait ressortir une vocation tertiaire de ce quartier, alors que l’augmentation du taux de chômage d’un côté et les manifestations d’une nette amélioration du niveau de vie des habitants de l’autre, dénotent une contradiction qui interpelle et suscite des interrogations. C’est à se demander si nous ne sommes pas aujourd’hui à Bechar, en phase d’un schéma de croissance urbaine du centre-ville, rive droite – rive gauche, comme cela a été le cas d’autres villes beaucoup plus prestigieuses ?

NOTES

1. Bengherbi, Mohamed, Architecte, urbaniste, expert en patrimoine cité par Nabila Sadki, « Dossier : Aïn naâdja, Garidi, Badjarah, Bab ezzouar… Des cités dortoirs, symbole d’une « crise urbaine ». Quotidien national « Horizons » du 29/ 01/ 2005.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 203

2. Cité par Bendjelid, A., « Les modalités d’intégration sociale dans le processus de régulation urbaine au Maghreb. Le cas d’Oran. (Algérie) », in « Villes maghrébines en fabrication », Sous la direction de Boumaza.N., Paris, Maisonneuve et Larose, 2005. 3. Côte, Marc, L’Algérie ou l’espace retourné, Algérie, Ed. Media – Plus, 1993, p. 228. 4. Bisson, Jean, » De la zaouia à la ville : El Biodh Sidi Cheikh, ou la naissance d’une ville nomade », in Petites villes et villes moyennes dans le monde arabe, URBAMA, 16-17, 1986, p. 145, Université de Tours. France. 5. Santos, Milton, Pour une géographie nouvelle, Paris, Ed. Publisud, 1984, 188 p. 6. Beaujeu-Garnier, J., Géographie urbaine, Ed. Armand Colin – collection U., 1983, p. 89. 7. Op. cit. 8. Idem. 9. Idem. 10. Dicton populaire usité en Algérie, pour insister et montrer l’importance du voisinage. 11. Bisson, J., op.cit. 12. Tahraoui, Fatima, « L’habitat en Algérie : conception et usage » in « paysages, peuplement et habitat /Modes de peuplement et habitat » /Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, 126e congrès, Toulouse, 2001, Terres et hommes du Sud. (document Internet). 13. Côte, Marc, L’Algérie ou l’espace retourné, Constantine, Ed. Media plus - Constantine, 1993, p. 267. 14. Bendjelid, A., « Anthropologie d’un nouvel espace habité : enjeux fonciers et spatialités des classes moyennes à Oran et sa banlieue (Algérie », in Revue Insaniyat, n° 2, CRASC, Oran, 1997. 15. Bendjelid, A., idem. 16. Ministère de l’habitat et de l’urbanisme : Rapport sur les stratégies nationales de l’habitat. Document HTM (internet). 17. Bendjelid, A., op. cit. 18. URBAT (Bechar), P.D.A.U. 1996 de la commune de Bechar.

RÉSUMÉS

Cadre de vie de la population saharienne aussi bien ksourienne que nomade sédentarisée, les villes du Sud de l’Algérie représentent aujourd’hui un objet préférentiel d’étude et d’analyse. En effet, leurs dynamiques socio-spatiales sont des plus spectaculaires de par leur vitesse et leur ampleur. Bechar est l’une de ces importantes villes dont la dynamique urbaine est des plus intéressantes de par ses mécanismes et sa vitesse d’extension. A composition socio-démographique des plus complexes, son analyse géographique est d’un intérêt capital dans le décryptage du jeu des acteurs du processus d’urbanisation. Voici une ville dont l’origine est un « ksar anodin voué au déclin » au début du siècle dernier, et qui devient en l’espace d’un demi-siècle une des plus grandes villes du Sahara algérien. Localisé entre l’oued et la montagne, Bechar s’étend aujourd’hui sur plus de 15 kilomètres du nord au sud. C’est donc une ville qui ne cesse de s’étirer soutenue par une activité économique exclusivement tertiaire et fragile car elle dépend de l’investissement direct de l’Etat et de son rôle de chef-lieu de la plus grande région militaire du territoire. Debdaba, le plus grand faubourg populaire de cette ville, semble aujourd’hui prendre l’aspect

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 204

d’un quartier doté d’une centralité périphérique, concurrençant sérieusement le centre-ville de Béchar.

Algerian southern towns, settings for the Saharan populations’ daily life, both for ksour people or settled nomads, represent a preferential subject for study and analysis nowadays. In fact their socio spatial dynamism is the more dramatic due to its rapidity and extent. It has a most complex socio-demographic composition, for which a geographical analysis is of great interest in decoding the actors stakes in this urbanization process. Here is a town whose origin is a “simple ksar doomed to decline” at the beginning of the last century, and which in fifty years became one of the biggest Algerian Saharan towns. Situated between oued and mountain, the town of Bechar stretches today over more than 15 kilometers from north to south. It is therefore a town which has never stopped spreading founded on a tertiary and “fragile” economic activity because it depends on direct State investment and its role as county seat for the biggest territorial military region. Debdaba, the town’s most important working class suburb nowadays seems to take on the aspect of a district doted with a peripheral centrality, a serious rival for the town centre.

En el Marco de vida de la población del Sahara que vive en los 'Ksour' tanto nómada como sedentarizada, las ciudades del sur de Argelia representan hoy un objeto de análisis y estudio preferencial. En efecto, sus dinámicas socio-espaciales son de las más espectaculares por su rapidez y amplitud. Bechar es una de esas importantes ciudades cuya dinámica urbana es interesantísima por sus mecanismos y su rapidez. Con una composición socio-demográfica muy compleja, su análisis geográfico es de mucho interés en la interpretación del juego de los actores del proceso de urbanización. He aquí una ciudad cuyo origen es un « ksar insignificante destinado a desaparecer » al principio del siglo pasado, y que se transforma al cabo de medio siglo en una de las más grandes ciudades del Sahara Argelino. Situada entre el oued y la montaña, Bechar se extiende hoy sobre más de 15 Km. del norte al sur. Es pues una ciudad que no deja de « extenderse », sostenida por una actividad económica exclusivamente terciaria y « frágil » porque depende de las inversiones directas del Estado y de su papel de cabeza de distrito de la mayor región militar del territorio. Debdaba, barrio popular de más extensión en esta ciudad, parece cobrar hoy el aspecto de un verdadero centro periférico que hace concurrencia al centro-ciudad. , ¿Cuáles son las características de este barrio ? , ¿Debdaba es sólo un « simple » barrio popular de la ciudad de Bechar, o bien se trata de una verdadera mutación de ese espacio periférico en el centro-ciudad ?

يشيعملا راط ابل ءاوس رم قلعتل ا ناكسل ،ءارحصلا روصقلا يف ودبلا وأ ،لحرلا ندمب وأ بونج ،رئازجلا ةريخ لثمتل هذه نإفا مويلا عوضوم تاساردلا يف ماه ،اذكه . و اهتايمانيد نإف ويسوسلا ةيلاجم تايمانيد يه ةلهذم دج ارظن اهتعرسل اهمجح و راشب . هذه نيب ندملانم ويه يتلا دعت اهتايمانيد ةيرضحلا ةيمهأ تاذ ةغلاب ارظن هتامزيناكيمل ةعرس و اهعسوت ا . اهتليكشت نأ ذإ ميدويسوسلا ةيفارغ ،ةدقعملا اهليلحت و ،يفارغجلا ةيمه ناغلبي ناكمبلا ةرفشنم كف يف ةبعل نيلعافلا ةروريسلل ةيرضحلا . هذهف ةنيدم اهلصأ " رصق يداع موكحم طاطحن هيلع اب ل " ةيادب يف نرقلا ،قباسلا تحبصأ دق و نوصغ يف نرق ىدحإ ربكأ ندم ءارحصلا ةيرئازجلا . دتمت راشب مويلا ةدجاوتملا، ،ةباغلا داولا نيب و ىلع لوط رثكأ نم لامشلا15 ملك نم بونجلا ىلإ . يهف نذإ ئتفت ةنيدم ددمتت اهمعدي ل و طاشن كلذ يف يداصتقا يتامدخ لكشب ،يرصح اهنأ ثيح ةطبترم رامثتس ابل رشابملا ةلودلل اهفصوب و ارقم ايزكرم ةيحان ربك ل ةيركسع نطولا يف بعلت ارود ايساسأ . ودبي ،مويلاو ةبادبد نأ لكشت ربكأ ةقطنم ةيبعش هذه ،ةنيدملا يف تحبصأ ذخأت كلمي لكش يح ةيزكرم ،ةيحاضلا يف لخدي ةسفانمويف ةيدج طسو عم ةنيدم راشب .

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 205

INDEX

Mots-clés : périphérie, centralité, sédentarisation, quartier, Béchar

ةيحاضلا , ةيزكرم , ةيوست , يح , راشب سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

Keywords : periphery, centrality, settlement, suburb, Bechar Palabras claves : periferia, centro, Sedentarización, barrio, Bechar

AUTEUR

ABDELKADER HAMIDI

Doctorant, géographie, Université d’Oran.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 206

Patrimoine matériel et immatériel du Sahara

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 207

Contribution à l’élaboration d’une typologie "umranique" des ksour dans le Gourara Towards an ‘‘Umranic’’ ksour typology in the Gourara Contribución en la elaboración de una tipología Umranica de los Ksour en El Gourara ةمهاسم عضو يف ةجذمن " ةينارمع " روصقلل ةراروقلا يف

Illili Mahrour

1 Dans l’immensité des espaces désertiques et face à l’hostilité de l’environnement l’homme a toujours usé de fins stratagèmes pour survivre dans les milieux les plus extrêmes. L’ensemble du Sahara algérien est parsemé d’établissements humains traduisant ce dispositif défensif contre la nature et les hommes : les ksour.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 208

Ksar d’Aghlad, majesté de l’architecture de pierres du Gourara

Photo: Architecte Kaci MAHROUR, Timimoun 2004.

2 Les ksour sont ces imprenables forteresses érigées sur les grands parcours caravaniers qui reliaient le Nord au Sud de l’Afrique sub-saharienne. Leurs différents dispositifs défensifs ont suscité l’intérêt des chercheurs quant à leurs origines historiques, leurs modes de construction et les coutumes des groupes ethniques qui les créèrent. Ces ensembles architecturaux et urbains sahariens sont des composants du patrimoine historique algérien. Afin de préserver et de promouvoir ces lieux d’exception architecturale, de nombreuses manifestations culturelles, des colloques nationaux et internationaux et des démarches de classement sont fréquemment organisés, notamment dans les secteurs de Taghit, de Tinerkouk et de Tèmacine. Le projet « La route des ksour », initié par l’UNESCO et le PNUD en 2003 et soutenu par la fondation des Déserts du Monde a été l’un des premiers projets à remettre les ksour en réseau à l’échelle territoriale en réintroduisant la notion de route, d’itinéraires et de chemins historiques. En outre, l’Etat algérien a mis en place un vaste programme de restauration de centres historiques des villes du Sud dans le but de sensibiliser la population d’une part à leur patrimoine vernaculaire et d’autre part à une meilleure exploitation touristique dans l’optique d’un développement durable.

3 Néanmoins, les actions menées ne présentent qu’une vision fragmentaire de l’appréhension de l’espace ksourien et l’interdépendance spatiale et économique des entités, reste assez méconnue. Le recours au concept de umran, développé par Ibn Khaldoun au XIVe siècle, parce qu’il consiste à prendre la société humaine dans toute son extension spatiale et sa profondeur temporelle, présente un caractère universel. Ibn Khaldoun, auteur de la Muqaddima, traite de la science de la société et de la civilisation comme préalable à l’étude de l’histoire. La théorie de la société et la théorie de l’histoire se complètent chez lui, car la compréhension de l’une passe par celle de l’autre. C’est une démarche globale qui propose une théorie de la société et de la civilisation humaine à partir d’une nouvelle approche de l’histoire et une connaissance approfondie de celle-ci.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 209

Carte de La Structuration du Territoire

in « Sahara, Jardin Méconnu », Pietro Laureano, éditions Larousse 1991, p. 130.

4 Selon A. Cheddadi1, pour exprimer ses propres conceptions, Ibn Khaldoun a recours à un procédé familier aux théoriciens, consistant à déplacer un vocable de son usage courant pour lui donner un sens technique plus circonscrit et à inventer de nouveaux vocables. Cette armature conceptuelle est très importante et à défaut d’en saisir rigoureusement la signification exacte, on risque de commettre de véritables contresens sur l’ensemble de la théorie politique et sociale d’Ibn Khaldoun. Les termes « umran badawi » ou « badawa » et « umran hadari » ou « hadara » ont été traduits respectivement par « vie au désert » ou « vie nomade » et « vie sédentaire ». A. Cheddadi affirme que c’est un contresens flagrant car dans la Muqaddima, Ibn Khaldoun donne une définition explicite et sans ambiguïté de ces deux termes où « Hadara » et « badawa » se réfèrent respectivement à la « vie urbaine » et à la « vie rurale », non aux modes de vie nomade et sédentaire. La nuance est importante, car au niveau de la conception globale d’Ibn Khaldoun, le problème historique posé n’est pas celui des rapports des nomades et des sédentaires, mais celui plus vaste et historiquement plus significatif des rapports entre civilisation agropastorale et civilisation urbaine.

5 Pour Ibn Khaldoun, les grands processus historiques sont à la fois sociaux et politiques et ils se structurent autour d’un mouvement cyclique portant les sociétés d’un ordre rural (badawa) fondé sur l’agriculture et l’élevage et se caractérisant par sa simplicité technologique et politique, vers un ordre urbain (hadara), fondé sur l’artisanat et le commerce, où la technologie et l’organisation politique atteignent un haut degré de complexité. C’est le caractère à la fois opposé et complémentaire des deux pôles, rural et urbain, qui explique le mouvement cyclique de la civilisation2.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 210

6 Cette approche nous donne une assise théorique fondamentale pour la compréhension de cette civilisation urbaine spécifique à la région du Gourara. Ces précisions éclairent l’aspect indissociable de la dualité rurale et urbaine pour une meilleure lecture de l’espace ksourien où l’architecture et l’urbanisme traditionnels ne se trouvent plus définis par une période historique, mais par les principes fondamentaux qui sont à la base de leur création. Il résulte que tout phénomène urbain est la synthèse de l’interaction entre l’aspect humain, géographique et économico-culturel. 7 Au regard des multiples actions menées par les instances algériennes et internationales, notre recherche s’attache à l’élaboration d’une typologie des ksour en tant qu’unité urbaine d’établissement humain saharien pour l’élaboration d’un outil de travail permettant une meilleure lecture et appréhension de ces espaces. En tant qu’unité urbaine la plus répandue dans le Sud algérien, notre aire d’étude concerne la région du Touat-Gourara où les autorités de la wilaya d’Adrar ont dénombré plus de 290 ksour. Cette région considérée comme « le ventre du Sahara » par les Touareg renvoie à la fonction symbolique de l’habitat fortifié oasien car celui qui contrôle le « ventre » domine le Sahara. L’aspect d’habitat abandonné puis réutilisé des ksour implique une complexité dans la définition typologique de ces entités qui jalonnent le territoire de la Sebkha de Timimoun. Pour cela, notre intérêt s’est porté sur les ksour en tant qu’unités urbaines où la citadinité est privilégiée par rapport à la ruralité. 8 Pour l’appréhension et la compréhension des ksour, de multiples typologies ont été élaborées à travers l’histoire. Elles se sont basées successivement sur une classification chronologique selon les groupes ethniques (Ksar Gétule et Ksar Juif) puis sur une classification morphologique basée sur les formes (ksour circulaires et quadrangulaires), enfin selon les matériaux utilisés (pierre et terre)3. Notre travail contribue à cet ensemble de typologies en exprimant un intérêt spécifique portant sur la genèse de ces ksour. En tant qu’unité urbaine fortifiée dans le paysage saharien, notre réflexion porte essentiellement sur les interrogations suivantes : 9 Comment définir une notion « urbaine » de ces unités d’habitations sahariennes que sont les ksour ? Quelle est l’importance de l’aspect cultuel dans la genèse urbaine ? Comment la nature géologique du site influe-t-elle sur le mode d’implantation ? Au delà d’une classification chronologique et formelle basée uniquement sur l’aspect défensif et la nature des matériaux, n’y aurait-il pas de genèse morphologique commune aux ksour ? Quel est le noyau originel, le mode défensif et le mode de croissance d’un ksar ?

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 211

Vue aérienne de Timimoun : La palmeraie, le ksar, le tracé colonial et la ville actuelle

Photo: Architecte Kaci MAHROUR, Timimoun 2004.

Hypothèses

10 Nous avons envisagé un ensemble d’hypothèses à partir desquelles s’élabore notre typologie umranique des espaces ksouriens.

Première hypothèse : La notion d’urbanité en Afrique du Nord

11 En référence aux travaux d’Ibn Khaldoun sur la théorie du Umran et l’histoire des populations d’Afrique du Nord, nous émettons l’hypothèse selon laquelle les ksour du Gourara sont à considérer comme des « entités urbaines ». En tant que fait historique urbain, les ksour seront considérés comme « ensemble d’habitats urbains » entre cité et campagne où l’établissement humain est en relation avec les éléments de la composition urbaine dès l’implantation du groupe humain.

Deuxième hypothèse : Groupes ethniques et religion, le fait mystique (ethnies, culte, espace)

12 La spatialisation de la mémoire lignagère et de la mémoire religieuse est révélatrice d’un mode d’habiter. Le fait mystique et religieux est un élément indissociable dans le mode d’implantation des lignages et de leurs représentations dans les espaces publics de la cité. Cette hypothèse est basée sur l’importance donnée à la hiérarchisation des structures sociales et de leur spatialisation (espaces publics, lieux de cultes et de recueillement, cimetières).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 212

Troisième hypothèse : Le lieu et la nature géologique (nature, site et eau)

13 Les établissements humains sacrifient la rudesse de l’implantation des habitations au profit d’une meilleure exploitation des ressources en eau. Pour cela, nous concentrons nos observations sur les différents modes d’implantation par rapport à un moyen de défense naturel (une proéminence, un pic ou une colline) afin d’apprécier l’importance donnée au relief et à la nature du site. Nous allons rechercher l’interaction entre la morphologie du territoire et les choix d’établissements humains en rapport avec les techniques d’apport en eau. Nous verrons également dans quelle mesure la nature géologique des sols influe sur l’implantation et le développement spatial des établissements humains déjà en rapport avec la présence de l’eau.

Quatrième hypothèse : Les typologies et les systèmes de croissance

14 Cette hypothèse est consacrée à l’interaction entre le type d’habitat et le mode d’implantation du ksar. Chaque unité urbaine autonome participe de l’interrelation entre les entités ksouriennes en tant que facteur des répartitions spatiales défini par la fonction et l’activité économique des ksour. Dans notre contribution à l’élaboration d’une typologie umranique des ksour du Gourara, nous envisageons l’unité d’habitation comme reconstitution du mode d’implantation du ksar dans sa conception formelle.

Objectifs

15 S’inscrivant dans les projets algériens de recherche sous l’axe « étude archéologique des milieux urbain et rural », cette recherche sur les ksour sahariens est basée sur le concept de « umran » d’Ibn Khaldoun. La typologie architecturale et urbaine proposée a pour objectif de saisir l’interaction des trois domaines de la géographie, des sciences humaines et de l’économie dans la formalisation architecturale et architectonique de l’espace ksourien. L’étude du contexte théorique et de l’historique de l’espace urbain des ksour avant et après Sijilmassa, capitale des cités caravanières, appréhende tout d’abord, l’espace architectural dans son contexte historique. Celui-ci témoigne des organisations humaines au XVe siècle et ce, par la présentation du contexte politique et économique de l’Afrique du Nord sous le règne des dynasties Mérinides et Abdalwadides4. Puis l’analyse et la compréhension des ksour du Gourara à travers les caractéristiques géologiques du lieu explicitent la gestion de l’eau et son rôle dans la notion de propriété. Enfin, la compréhension de la notion de lignage5 et sa matérialisation dans l’Aghem identifient les rôles de la djemâa, des zaouïas et des différents soffs6 à l’origine d’une hiérarchisation des espaces publics et privés des ksour.

Méthode

16 Les techniques de la méthode typo-morphologique sont souvent utilisées pour classer et ordonner les nombreuses productions architecturales et saisir leurs variations au cours de l’histoire. Néanmoins, leur exploitation très large est entachée par le traitement superficiel et réducteur dont elles sont l’objet. Pour cela nous nous sommes attelés à la recherche des types d’habitat en vue d’une classification des ksour.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 213

L’approche typologique permet de déceler les mécanismes de formation et d’évolution des productions architecturales, en les replaçant dans leur contexte spatial et temporel spécifique.

17 Afin d’asseoir notre contribution à l’élaboration d’une typologie umranique des ksour du Touat-Gourara, nous avons opté pour la démarche suivante : en premier lieu, nous précisons les données théoriques relatives à la théorie du Umran établie par Ibn Khaldoun en rapport avec les formations urbaines et la question de l’habitat en tant que fait civilisationnel urbain. Cette démarche théorique permet d’établir une relation entre les lieux des établissements humains et les éléments de composition urbaine à l’origine du ksar entre cité et campagne : puis, nous abordons l’ensemble des sources historiques (arabes et occidentales) relatives au Touat-Gourara qui présentent les différentes interrelations territoriales d’une région également lieu des parcours caravaniers. Nous mettons aussi en exergue la complexité du peuplement de cet espace géographique au travers des différentes vagues migratoires des groupes ethniques influents dans cette région. Dans un deuxième temps, notre étude s’interroge autour de la question de la spatialisation des groupes ethniques en rapport à la mémoire lignagère et la mémoire religieuse du Gourara. Nous démontrons le rôle de la famille, du lignage et de la tribu dans la structuration de l’espace des ksour, puis nous précisons l’influence à la fois des lignages et des walis dans la stratification des structures sociales et la spatialisation de l’organisation civile. Dans un troisième temps, la connaissance de la nature géologique des roches nous renseigne sur les potentialités architectoniques du matériau pierre qui dépend de la morphologie géologique du territoire et qui influe sur l’apparition de l’eau et des établissements humains dans le Gourara. L’étude morphologique et les descriptions géologiques du lieu nous renseignent sur l’aspect unique et exceptionnel de l’apparition de la vie en cette contrée. Par là nous prenons la mesure de la rudesse d’un territoire et du génie de l’homme dans sa capacité à créer un environnement viable par une exploitation quasi scientifique des sols et de savantes techniques hydrauliques. Enfin, nous avons réalisé une synthèse des études de l’évolution typologique établie depuis le XIXe siècle sur les ksour en tant qu’habitat urbain saharien. Il s’agit d’identifier l’ensemble des typologies, de les comparer et de relever les limites et les potentialités de chacune. Nous nous sommes référés aux travaux d’A.G.P. Martin, du Colonel Quenard, de R. Capot-Rey en 1956, de la typologie de J.-C. Echallier de 19727 et de l’ensemble des travaux de recherche et de coopération scientifique réalisés depuis 1980 à l’EPAU8 d’Alger.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 214

TIMIMOUN : Photo aérienne illustrant les différents tracés urbains de la ville

Exposition des travaux de l’Atelier Architecture Traditionnelle dirigé par Kaci MAHROUR à l’EPAU d’Alger Photo : Architecte Kaci MAHROUR, Alger1989

18 En retraçant le processus de genèse du cadre bâti, la typification permet de délimiter les phases d’évolution les plus significatives, de définir leurs caractéristiques et de démarquer les variants des invariants. Ce phasage est une approche critique permettant d’identifier le savoir implicite qui a gouverné l’activité constructive depuis ses origines et particulièrement les fondements des implantations. Ainsi, cette typologie umranique des ksour résulte de la synthèse des approches émanant de la démarche typo-morphologique utilisée comme outil indispensable à la mise en place d’une méthode de restauration ou de réhabilitation d’un patrimoine architectural en voie de disparition. Elle résulte de la hiérarchisation des données historiques de la région lors de la fondation des ksour, des données socio-culturelles inhérentes à la formation de l’espace du ksar et de ses habitations, enfin de la notion de propriété à l’intérieur comme à l’extérieur des ksour. De ce fait, notre recherche met à jour les différentes approches typologiques et leur analyse permet notre contribution umranique qui émane de l’ensemble des spécificités historiques, géologiques, et sociales du Gourara.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 215

Timimoun : Axonométrie d’une partie du tissu urbain du Ksar

Exposition des travaux de l’Atelier Architecture Traditionnelle dirigé par Kaci MAHROUR à l’EPAU d’Alger Photo : Architecte Kaci MAHROUR, Alger1989.

Ksar, architecture et urbanité

19 L’architecture ksourienne est née de la coexistence des modes de production appartenant à des périodes historiques bien définies. Cet environnement est le résultat d’un processus continu qui a impliqué les capacités de la société gourarie9 à se concevoir, se planifier, se construire et se maintenir dans cet espace géographique aride. Cette architecture est donc un espace concret qui doit être le support de référence pour toutes les réalisations à venir. Dans toutes les démarches de restauration, de valorisation et de réhabilitation du patrimoine, il ne s’agit pas de reproduire des formes, mais d’intégrer la dimension urbaine afin de moderniser les structures anciennes. De ce fait, l’architecture du projet patrimonial dépassera les contraintes formelles et techniques pour à nouveau insuffler la vie dans ces lieux. Cette recherche contribue à l’élaboration d’une typologie essentiellement conçue afin d’acquérir une plus grande connaissance des habitats sahariens dans la perspective d’une meilleure restauration et réhabilitation au cœur de la vie des villes du Sud algérien. Il ne s’agit pas de noyaux urbains à muséifier mais de lieux où il faut refaire apparaître la vie. Il semble impératif que la population se réapproprie son patrimoine, qu’elle le revalorise pour être transmis aux générations futures. Pour la survie et l’autonomie de ces unités d’habitations architecturales et urbaines sahariennes, le tourisme national et international pourrait être une option à envisager sans pour autant être une finalité.

20 De par seule son architecture, la ville doit révéler sa logique. La morphologie urbaine permet d’appréhender la structure du bâti et de ses éléments structurants par une série de types et le processus de genèse de la ville se lit au travers de ses différentes phases historiques de croissance et de destruction. Notre recherche met en exergue

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 216

l’importance d’inclure à l’analyse typologique10 la dimension de l’amplitude culturelle et historique à travers l’onomastique des espaces, miroir de l’ancrage des pratiques spatiales et des modes d’habiter de la population autochtone. Ce travail sur la toponymie (essentiellement berbère et arabe) nous a été explicité par des hommes de terrain tels que l’ethnologue algérien R. Bellil11 qui a vécu et travaillé dans la région de Timimoun et l’architecte algérien K. Mahrour qui a effectué des relevés architecturaux et urbains systématiques des ksour du Touat et du Gourara (1976- 2004). De ce fait, la relation de l’architecture au mode d’habiter et l’appropriation de l’espace habitable sont deux éléments clés à ajouter aux éléments de la typification dépassant ainsi la vision caricaturale des cités sahariennes réduites à de simples « manifestations formelles ».

Typologie des Ksour selon Piétro Laureano : Ksour de pinacle circulaire et ksour quadrangulaires en pierre ou en terre crue

in « Sahara, Jardin méconnu », éditions Larousse, 1991, p. 142.

Typologie Umranique de l’habitat ksourien

21 Notre typologie umranique des ksour du Touat Gourara résulte de l’ensemble des questionnements qui ont guidé le développement de cette recherche pour obtenir une typologie basée sur plusieurs échelles de lecture de l’espace ksourien : • Echelle du territoire de la Cité. Elle a une aire d’influence territoriale et résulte des données théoriques du Umran d’Ibn Khaldoun12 (où le ksar se définit entre ville et campagne) associées aux études géologiques explicitant l’apparition de l’eau et des ksour du Gourara (ksar, foggara, jardin). • Echelle de la Cité. L’établissement humain est déterminé par une communauté dans un lieu-dit qui résulte de l’étude de la spatialisation des groupes ethniques et le rapport de la mémoire lignagère. • Echelle de l’unité morphologique intermédiaire. Elle émane de l’association de plusieurs édifices déterminés et définis par une relative autonomie par rapport à la cité. Elle résulte à la fois des travaux sociologiques et ceux réalisés par les architectes. • Echelle de l’édifice. En tant qu’unité architecturale abritant une activité, l’unité résidentielle étant l’édifice dominant, l’habitation est toujours considérée comme l’édifice de base. Elle résulte des travaux typologiques des architectes.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 217

22 Cette recherche permet donc d’appréhender le kaléidoscope des spécificités de l’espace habité ksourien dans ses aspects les plus complexes et variés. En retraçant la genèse du processus de typification des ksour réalisé par les différents militaires, voyageurs, historiens, géographes, chercheurs et architectes, les ksour doivent être considérés comme des unités architecturales et urbaines émanant d’une dialectique applicable à toutes les échelles de la cité : le territoire, la cité, l’Aghem et l’habitat.

23 En premier lieu, notre contribution assoit la notion d’urbanité où le umran est indissociable des ksour du Touat-Gourara car selon la théorie d’Ibn Khaldoun, ce sont des cités complexes entre ville et campagne émanant d’une « conscience d’urbanisation civilisationnelle »13. De ce fait, nous définissons les ksour comme des unités umraniques à savoir des unités d’habitations architecturales et urbaines. Dans cette conception urbaine de l’habitat, les diptyques cité - palmeraie et cité - jardin sont en rapport de complémentarité spatiale. Ils sont indispensables au lignage gourari qui se conçoit, se planifie, se construit et se maintient dans l’espace des Tigurarin14. Dans un second temps, nous avons défini l’Aghem comme unité originelle des ksour. Dans la continuité des typologies proposées par les différents chercheurs et architectes15, il se décline en plusieurs types eux-mêmes subdivisés en sous types. Néanmoins, à l’inverse des autres démarches typologiques basées sur l’aspect formel, le groupe ethnique et les religions, notre travail s’organise autour de l’unité originelle la plus répandue et commune aux ksour : l’habitat. De là, notre typologie s’établit à partir du processus de genèse spatiale du ksar en tant qu’unité d’habitations architecturales et urbaines, depuis son aspect originel (l’Aghem) jusqu’à son organisation la plus complexe (les Ighamawen).

TIMIMOUN : Croquis synthèse de la relation unitaire qui lie l’Aghem à son habitation type

Exposition des travaux de l’Atelier Architecture Traditionnelle dirigé par Kaci Mahrour à l’EPAU d’Alger. Photo: Architecte Kaci MAHROUR, Alger, 1989.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 218

24 L’Aghem est une unité d’habitation fortifiée clairement définie par ses remparts, ses tours et ses chemins de ronde. C’est une architecture essentiellement de pierre (de forme circulaire ou rectangulaire) et entourée d’un fossé à laquelle on accède par un pont - levis. L’intérieur est constitué des habitations du lignage qui s’organisent autour d’un espace central ouvert : la Rahba, lieu de représentation sociale. Dans le cas des ksour à Zkak, les habitations s’organisent le long d’un parcours linéaire (le Zkak) transposant ainsi le lieu de représentation sociale dans l’espace de transition entre l’intérieur et l’extérieur de l’Aghem : l’Asseklou. Ce dernier est un espace fermé qui matérialise à la fois le seuil unique, l’espace de rencontre et de contrôle. De plus, il a une valeur sacrée car c’est l’unique espace de représentation dans l’Aghem. Dans ce cas, le lignage se confond avec l’unité résidentielle matérialisée dans l’espace par l’Aghem, les jardins et les foggaras.

25 Enfin, nous avons défini des sous types d’Aghem dont les éléments distinctifs sont les facteurs religieux (Kouba annexées et ksour zaouïa) et les facteurs polychromiques (rouges, blancs et teintes sombres) liés à la nature de la roche (grés, argiles et calcaires). 26 1. Aghem : nous avons opté pour la distinction typologique à partir de la variation spatiale de l’organisation des habitations à l’intérieur de l’Aghem. Nous obtenons ainsi : 1.1. L’Aghem à Rahba 1.2. L’Aghem à Zkak Dans chaque type nous avons des facteurs distinctifs : 27 1.A. Aspect formel de l’extérieur Aghem circulaire, Aghem para-circulaire, Aghem rectangulaire et Aghem carré.

28 1.B. Aspect défensif Aghem fortifié, Aghem fortifié avec tours d’angles, Aghem fortifié avec tours et fossé, et Aghem fortifié avec tours, fossé et grottes.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 219

Aghem fortifié avec puits extérieur

Photo: Architecte Kaci MAHROUR, Timimoun, 2002.

29 1.C. Aspect hydraulique Aghem autonome avec puits, Aghem autonome avec foggara, et Aghem autonome avec puits et foggara.

Le Puits du KSAR d’Aghlad.

Photo: Architecte Kaci MAHROUR, Timimoun 2001

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 220

Timimoun :Foum El Foggara

Document issu des relevés architecturaux réalisés par les étudiants de l’Atelier « Des Architectures de la tradition » dirigé par K. Mahrour, 2000-2001. Photo : Architecte Kaci MAHROUR, Timimoun 1989.

30 1.D. Aspect géologique • Aghem Continental intercalaire : terres cuesta gréso-argileuses, aux teintes rouges induisant une architecture de terre et de pierre. • Aghem des buttes témoins de l’ère primaire : terres d’argiles, de grés et de calcaires, aux teintes sombres induisant une architecture uniquement de pierres sur pitons isolés. • Aghem de hamada : terre d’argiles et grès tendres silicifiés aux teintes blanches induisant une architecture complexe d’Aghem fortifiés isolés sur pitons rocheux qui peuvent se développer et croître en architecture troglodyte. • Aghem d’erg : au cœur des formations dunaires et proche de l’Albien et des terres calcaires, induisant des ksour épars à l’abri de dunes Afreg à l’architecture de terre.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 221

Ksour du Gourara : « Coupes et plan d’Aghem Tehnye N’Timimoun

Photo: Architecte Kaci MAHROUR, Alger 2001

31 1.E. Aspect lignagier et religieux • Aghem à un seul lignage : la structure lignagère est matérialisée par un Aghem isolé, fortifié et généralement d’architecture de pierre, en raison des attaques en périodes de conflits et de rezzous. • Aghem à zaouïa : marqué par la présence du signe religieux et maraboutique du XVIe siècle (kouba, zaouïa et mosquée). Ce sont essentiellement des architectures de pierre en raison de l’ascendant du pouvoir religieux sur la population.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 222

Aghem N’Amass : un aghem fortifié en ruine mais la Kouba extérieure est toujours entretenue par sa population

Photo : Architecte Kaci MAHROUR Timimoun 2002

32 Nous mesurons ainsi la complexité de l’espace gourari et nous comprenons la nécessité du recours à l’interdisciplinarité pour permettre la compréhension et l’analyse de ces unités d’habitation saharienne. Tous ces facteurs distinctifs se combinent donnant un nombre important de variants typologiques dépassant la notion de sous type définis jusqu’ici16.

33 Grâce à l’onomastique des lieux, cette démarche nous a également permis de lever certaines ambiguïtés dans la définition du vocabulaire ksourien. Par les précisions et les rectifications des abus de langage, le sens est rétabli et la perception des espaces devient pertinente. Comme le précise R. Bellil, la famille constitue la cellule de base élargie, avec une filiation patrilinéaire. Les familles sont regroupées dans le lignage (lqum) nettement individualisé dans l’espace par son habitat qui peut être soit la forteresse isolée (Aghem), soit le quartier dans le cas des ksour importants. Le lignage relie les différentes familles à un ancêtre commun. Le sommet de cette pyramide constitué par la tribu (taqbilt) rassemble plusieurs lignages établis dans des ksour différents. 34 Nous arrivons ainsi à notre deuxième élément typologique : les Ighamawen. Pour reprendre la terminologie de K. Mahrour, les Ighamawen correspondent à des formations urbaines issues de la croissance de l’Aghem. Nous obtenons deux types de croissance : la croissance par extension et la croissance par reproduction. Ces deux types de croissance sont la matérialisation formelle, dans l’espace du regroupement de lignages, de migrations ou d’unification par l’action de saints religieux. L’importance des foggaras attenantes et la propriété associative des jardins permettent également l’établissement de grandes unités urbaines composées de plusieurs Aghem. Il est important de souligner que les facteurs religieux (koubas, et ksour zaouïas) et les facteurs polychromiques (rouges, blancs, et teintes sombres) liés à la nature de la roche (grés, argiles et calcaires) sont intégrés dans les types d’Ighamawen. Ces derniers se déclinent en caractéristiques liées au nombre d’Aghem associés et les variations formelles qui en résultent (habitats fortifiés, troglodytes et ou à zaouïas).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 223

35 2. Les Ighamawen : nous avons opté pour la distinction typologique à partir de la variation spatiale de l’organisation du mode de croissance des Aghem. Nous obtenons ainsi : 2.1. Les Ighamawen à la croissance par extension. 2.2. Les Ighamawen à la croissance par reproduction. 36 Dans chaque type de croissance, nous avons privilégié les aspects lignagiers et religieux comme facteurs distinctifs des Ighamawen. Nous obtenons ainsi : • Les Ighamawen issus de regroupement de lignages reliés aux ancêtres. • Les Ighamawen issus de migrations massives de lignages différents liés à des conditions climatiques ou sécuritaires. • Les Ighamawen issus de l’intervention d’un saint unificateur de différents lignages ou groupes ethniques.

Timimoun : Typologies de croissances urbaines selon Kaci Mahrour : Croissance par dédoublement et croissance linéaire

Documents : Architecte Kaci MAHROUR, Alger 2001.

37 3. L’Aghem d’erg : Enfin, vient le troisième type qu’est l’Aghem d’erg ou le ksar d’erg ; qu’ils soient de petite ou de grande taille, ce sont des habitations non fortifiées éparses à l’intérieur de l’erg occidental, à l’abri d’une dune Afreg ou au cœur d’une theïra d’erg. L’Aghem d’erg est entièrement lié à la culture de jardins irrigués par des puits à balanciers et selon les variations économiques et politiques, il peut s’établir en relation de complémentarité avec des Aghem fortifiés ou maintenir sa propre autonomie.

38 Notre typologie umranique des ksour du Gourara s’est basée sur la combinaison de trois unités architecturales et urbaines identifiables - l’Aghem, les Ighamawen et l’Aghem d’erg

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 224

- en fonction de plusieurs facteurs distinctifs issus du fait civilisationnel dans le sens khaldounien du concept Umran.

KSAR d’Aghlad : une architecture savante des mâalems Gourari

Détail Architectonique d’un encorbellement : maîtrise des techniques constructives de la pierre locale Photo Architecte Kaci MAHROUR, Timimoun, 2002.

39 Cette recherche nous a offert l’opportunité de répertorier les savoirs liés aux ksour pour une meilleure compréhension de l’espace gourari en vue de la préservation et de la restauration de ce patrimoine vernaculaire. Dans une perspective de développement durable et de bonne gouvernance, l’implication des populations locales à toutes les étapes de la connaissance, de la valorisation et de la gestion de ces lieux est incontournable. En effet, toute nouvelle construction, revitalisation ou réhabilitation, doit s’inscrire dans un processus dialectique de rapports symboliques propres à ces sociétés jalouses de leurs identités respectives. Chaque Aghem a sa propre identité, ses spécificités liées aux savoir-faire de son groupe ethnique ou religieux. Les techniques constructives se transmettent et se complètent d’un ksar à l’autre. Tous les patrimoines matériels et immatériels doivent être préservés et valorisés dans leurs spécificités multiples. Par la compréhension de la genèse du processus architectural et urbain ksourien et de notre typologie umranique, nous contribuons à la valorisation de notre patrimoine saharien dont la croissance et la planification émanent de la prise de conscience de sa valeur inestimable.

40 Enfin, nous espérons avoir posé les jalons d’une réflexion théorique plus fine et plus critique vis-à-vis de l’espace ksourien en vue de la mise en place de cahiers des charges plus pertinents dans les opérations de restauration, de réhabilitation et de revalorisation de ce patrimoine architectural et urbain d’ampleur civilisationnelle.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 225

BIBLIOGRAPHIE

Bellil, R., « Les Oasis du Gourara I et II », Le temps des Saints et Fondation des ksour, Paris, (a et b), Peeters Press Louvain, 2000.

Bisson, J., « Le Gourara, étude de géographie humaine », institut de recherche saharienne, mémoire n° 3, 1957.

Bisson, J., « Paysans et nomades des confins de l’Erg occidental : les raisons d’une permanence de la vie rurale », in Perspectives de l’agriculture saharienne (Actes du colloque d’Adrar, 23-26 Février 1986, URASC, Oran), 1987.

Bisson, J. et Jarir, M., Ksour du Gourara et du Tafilalet : l’ouverture de la société oasienne à la fermeture de la maison. Habitat-Etat-Société au Maghreb, CNRS, Baduel Robert (dir.), 1988.

Bisson J., « Mythes et réalités d’un désert convoité, le Sahara », Editions l’Harmattan, 2003,

Basset, A., « Les ksour berbérophones du Gourara ». Revue Africaine, t LXXXI, 1937, pp. 3-4.

Bourdieu, P., Esquisse d’une théorie de la pratique précédée de trois textes ethnographiques, Genève, DROZ, 1972.

Caniggia, G. et Maffeig, L., « Composizione e Typologia », Edilizia 1 Lectura dell Edilizia di Base, « L’approche morphologique de la ville et du territoire », Masilio Editore, 1979.

Chabane, D., La théorie du Umran chez Ibn Khaldoun, Alger, OPU, 2003.

Cheddadi, A., « Reconnaissance d’Ibn Khaldun », Revue Esprit, n° 11, Novembre 2005, Revue des revues, de l’Adpf, sélection de mars 2006.

Cheddadi, A., « Livre des exemples » d’Ibn Khaldoun, Paris, Editions Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiades », 2002.

Capot, R. et Cornet, A., « Glossaire des principaux termes géographiques et hydrographiques sahariens, Alger, Imp La Thipo-Litho, Université d’Alger, Institut de recherche sahariennes, 1963.

Colonna, F., Timimoun, une civilisation citadine, Alger, ENP, 1989.

Cote, M. (dir.), La ville et le désert, le bas Sahara algérien, IREMAM – Karthala éditions, 2005.

Echallier, J.C., Forteresses Berbères du Gourara, Libyca t. XXI, 1973.

Echallier, J.C., Villages désertés et structures agraires anciennes du Touat-Gourara (Sahara algérien). Arts et métiers géographiques, Paris, 1972.

Echallier, J.C., Essai sur l’habitat sédentaire traditionnel au Sahara algérien, IUUP, 1968.

Ibn Khaldoun, A., « Discours sur l’Histoire universelle Al-Muqaddima » par Vincent Monteil, Thesaurus Sindbad édition, mars 2005.

Ibn Khaldoun, A., Discours sur l’Histoire universelle, Paris, Sindbad, 1987.

Lauréano, P., « Les ksour du Sahara Algérien : un exemple d’architecture globale », ICOMOS Information, Juillet/Septembre, n° 3, 1987.

Mahrour, K., « La mémoire collective d’une cité du Désert : Tamentit ». Atelier Architecture Traditionnelle : Atelier Tamentit 1989-1990, EPAU d’Alger, 1991.

Mahrour, K., « La mémoire collective d’une cité du Désert : Timimoun ». Atelier Architecture Traditionnelle : Atelier Timimoun 1991-1992, EPAU, Alger.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 226

Mammeri, M., L’Ahellil du Gourara, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1984.

Mammeri, M., Le Gourara, Eléments d’études anthropologiques, Libyca t.XXI, 1973.

Marouf, N., Lecture de l’espace oasien, Alger, Edition Sindbad, 1980.

Marouf, N., Terroirs et villages algériens, Alger, OPU, 1981.

Martin, A.G.P., Les Oasis sahariennes Gourara-Touat-Tidikelt, Alger, Imprimerie algérienne, 1908.

Muratori, S., Studi per una opérante storia urbana di Venezia, Roma, Instituto poligrafico dello stato Ed, 2 vol, 1959.

NOTES

1. Abdesselam Cheddadi, philosophe marocain ayant travaillé sur Ibn Khaldoun (XIV e siècle) et son œuvre majeure, la Muqaddima, déclare qu’Ibn Khaldoun a réalisé la plus belle synthèse jamais faite de l’histoire sociale, politique et culturelle des sociétés musulmanes. 2. Cheddadi, Abdesselam « Reconnaissance d’Ibn Khaldoun», Revue Esprit, n°11, Novembre 2005. Revue des revues, de l’ADPF, sélection de mars 2006. 3. En référence aux différentes typologies réalisées par AGP Martin (1908, p : 25-59) et Echallier J.C. (1972, p : 23-91). 4. Mérinides : (1244 – 1465) Dynastie d’origine berbère zénète localisée entre Figuig, Sijilmassa et la Moulouya au Maroc actuel. Abdelwadides : (1236 – 1554) Dynastie appelée aussi Zayyanides en référence à Zayyan père de Yaghmoracen fondateur de la dynastie berbère zénète, rivale des Mérinides, localisée dans de la région occidentale de l’Afrique du Nord entre Tlemcen, Nedroma et Sijilmassa. 5. Bellil, Rachid, Les oasis du Gourara I, le temps des saints, Paris, Peeters Press Louvain, 2000, p.88. 6. Selon P. Bourdieu, le soff est un système d’alliances politiques et agonistiques, une sorte de virtualités conventionnelles et avant tout onomastiques. Cette division en unités opposées et complémentaires constitue un aspect profond qui domine toute la vie sociale et rituelle des Gourari. 7. Jean-Claude Echallier, urbaniste archéologue et historien, a étudié les modes de groupement de l’habitat sédentaire traditionnel au Sahara algérien, depuis l’habitat dispersé jusqu’au tissu urbain dense. Il travaille à partir de 333 sites anciens relevés sur des photos aériennes et contrôlés sur le terrain. Il réalise une typologie des ruines à partir de l’examen des techniques de construction et des matériaux utilisés et de la mise en œuvre architecturale. Les types et sous types présentés s’appuient sur les formes, les matériaux et les groupes ethniques de la région. Il sépare les structures agraires des ensembles bâtis (foggara, seguia et barrages). Il atteste la présence de céramiques, d’inscriptions et gravures libyco-berbères dans la région de Timimoun. Il a mis en place sa typologie à partir de types et sous types où il attribue l’aspect formel des enceintes circulaires au peuplement berbère ou judéo berbère à l’inverse des formes quadrangulaires qu’il considère comme arabes. Il les distingue comme suit : (a) - Les enceintes de pierre souvent contour d’une éminence rocheuse, (b)- Le socle retouché et l’enceinte montée soigneusement, (c)- Les constructions quadrangulaires (pierre, blocs de sel, pierres noyées dans l’argile) avec des tours d’angle, (d)- Les constructions quadrangulaires de briques d’argile crue avec tour d’angle. Voir Typologie d’Echallier (p.23-91), Méthodes de recherches et répartition des types dans « Villages désertés et structures agraires anciennes du Touat-Gourara (Sahara algérien) », Arts et Métiers Géographiques, Paris, 1972 et article de Gérard Brasseur, Journal de La Société des Africanistes, année 1974, volume 44, numéro2, p.205-506. 8. Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme d’Alger.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 227

9. Selon Rachid Bellil, 2000, a, p.62 : Les Gourari sont composés à l’origine de Harratins qui sont les descendants d’une ethnie déjà mentionnée par Hérodote et appelée par la suite Aethiopes puis Gétules. 10. En référence à l’analyse typologique contemporaine de l’école italienne des années 1960 et appliquée par Panerai et Castex en développant un point de vue syntaxique et structuraliste rompant avec la tradition esthétisante de l’histoire de l’art traditionnel. 11. R. Bellil, met en place une typologie où il intègre aux traces matérielles des travaux d’A.G.P. Martin (1908, p : 25-59) et J.-C. Echallier (1972, p : 27-59), les données écrites sur les chronologies du peuplement et des migrations et les éléments fournis par la tradition orale. En tant qu’ancien enseignant du Lycée de Timimoun, il a effectué sa recherche à partir de la tradition orale qui lui a donné des repères quant à la représentation que les gouraris se font de leur passé et à partir d’un texte manuscrit rédigé à la fin de la période coloniale française (1958) par un gourari, Al-Hadj Idda, dans lequel l’auteur retrace le passé d’une vingtaine de Ksour (Aghlad, Ouled Said, Kali, …), 2000, b, p 223. 12. Abdesselam Cheddadi, 2006. 13. Référence aux travaux de A. Cheddadi, 2006 et Djamel Chabane, 2003, cf. bibliographie. 14. Terme utilisé par Ibn Khaldoun pour définir cette région du Sud algérien. 15. Notre recherche s’est basée sur l’ensemble des typologies proposées par : AGP Martin, Colonel Quenard, Capot Ray, J. Bisson, J-C Echallier, Laureano, IMESH et Thomann, R. Bellil, K. Mahrour. 16. Les différentes typologies établies se décomposent à partir de facteurs distinctifs liés à la forme, aux matériaux utilisés, aux groupes ethniques ou aux moyens d’irrigation.

RÉSUMÉS

Les ksour ou Ighamawen sont ces imprenables forteresses érigées sur les grands itinéraires caravaniers qui reliaient le Nord au Sud de l’Afrique sub,saharienne. Leurs différents dispositifs défensifs ont suscité l’intérêt des chercheurs quant à leurs origines historiques, leurs modes de construction et les coutumes des groupes ethniques qui les créèrent. Notre recherche s’attache à l’élaboration d’une typologie des ksour en tant qu’unité urbaine d’établissement humain saharien. Le recours au concept du « Umran », développé par Ibn Khaldoun, nous permet une meilleure lecture de l’espace du Ksar entre cité et campagne. Cette typologie umranique inclut à la traditionnelle analyse typologique, la dimension de l’épaisseur culturelle et historique, l’ancrage des pratiques et des modes d’habiter en vue d’y faire réapparaître la vie.

The ksour and the Ighamawen are these mighty fortresses implanted along the major caravan trails which linked the North to the south of sub,Saharan Africa. Their various defensive facilities have triggered interest concerning their historical origins, their construction modes and the customs of the ethnic groups that created them. Our study aims at elaborating a ksour typology as an urban unity of Saharan human establishment. The use of the “Umran” concept as developed by Ibn Khaldoun, allows a better reading of ksar space between town and country. This “umranic” typology adds a cultural and historical dimension to the traditional typological analysis, fixing the habits and living modes with a view to bringing back life to the ksour.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 228

Los ksour o Ighamawen son aquellas impregnables fortificaciones erguidos por los grandes itinerarios caravaneras que unen el Norte al Sur de África sub sahariana. Sus diferentes dispositivos defensivos han suscitado el interés de los investigadores en cuanto a sus orígenes históricos, sus modos de construcción y las costumbres de los grupos étnicos que los crearon. Nuestra investigación se interesa a la elaboración de una tipología de los ksour en tanto que unidad urbana de establecimiento humano sahariano. El recurso al concepto de « Umran », desarrollado por ibn Khaldoun, nos permite una mejor lectura del espacio del ksar entre ciudad y campaña. Esta tipología umranica incluye al tradicional análisis tipológico, la dimensión de la espesura cultural e histórica, el anclaje de las practicas y modos de vivir con fin de hacer reaparecer la vida.

روصقلا نوامقل كلت نوصحلاا يه وأ ةدتمملا يتلا تناك ىلع قيرط طبرت حرلا لامش نيبت ول بونج ءارحص ايقيرفإ . دقو تراثأ اهرئاخذ ةيعافدلا مامتها ،نيثحابلا ةصاخب و اهلوصأ ،ةيخيراتلا قرط و اهءانب ديلاقت و تاعامجلا ةيقرعلا يتلا اهتدجوأ . طبتري انثحب ةيلمعب عضو ايجولوبيت روصقلل اهفصوب ةدحو ةينارمع دجاوتلل يرشبلا ءارحصلاب . اننكمي و مادختسا موهفم " نارمعلا " يذلا هروط نودلخ نبا ةءارق نم لضفأ ءاضفل رصقلا نيب ةنيدملا فيرلا و . لخدت هذه ايجولوبيتلا ةينارمعلا راطإ يف ليلحتلا يجولوبيتلا ،يديلقتلا دعب كمسلا يفاقثلا ،يخيراتلا و تاسرامملا ةقيرط و نكسلا ةيغب ةداعإ ةايحلا اهيلإ .

INDEX

Keywords : saharan habitat, Ibn Khaldoun, Agam (pl. Ighamawen), stone architecture, ksour typology

نكسلا يوارحصلا , نودلخ نبا , مغأ , ةسدنه رحجلا , ايجولوبيت روصقلا سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

Palabras claves : vivienda sahariana, Ibn Khaldoun, Aghem, arquitectura de piedra, tipología de los ksour Mots-clés : habitat saharien, Ibn Khaldoun, Aghem, architecture de pierre, typologies des ksour

AUTEUR

ILLILI MAHROUR

Doctorant, architecte école polytechnique d’architecture et d’urbanisme Alger.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 229

Espace sacré et pouvoir symbolique au Sahara : l’influence des chorfa marabouts originaires de l’Essuk dans la gestion de la cité en Ahaggar Sacred space and symbolic power in the Sahara: the influence of Chorfa marabouts, originally from Essuk, in city management in the Ahaggar Espacio sagrado y poder simbólico en el Sahara : la influencia de los chorfa morabitos originarios de Kel Essuk en la gestión de la ciudad en Ahaggar ءاضفلا سدقملا ةطلسلا و ةيزمرلا ءارحصلا يف : ريثأت ةفرشلا نيطبارملا رييست يف راقه ةنيدم لا

Faiza Seddik Arkam

Aperçu de l’histoire du peuplement de l’Ahaggar

1 Les premières sources écrites sur les Touaregs ont été celles des géographes et historiens arabes largement exploitées par les explorateurs et voyageurs qui les ont suivis quelques siècles après. Ibn Hawkal (Xe siècle), El Bekri (XIe siècle), El Idrissi (XIIe siècle), Ibn Battouta (XIVe siècle) et Ibn Khaldoun XIVe siècle), Jean Léon l’Africain (XVIe siècle) et Mahmoud Kati (XIIe siècle) ont été les premiers à offrir la genèse historique de ces populations sahariennes, à offrir des descriptions relatives à leurs modes de vie et à leurs mœurs, si éloignés de l’Islam. Toutefois, ils ont accordé plus d’importance aux échanges transsahariens politiques, socio-économiques, culturels qui les liaient à leurs voisins Arabes et Africains, mais ont très peu fait cas des croyances de ces sociétés nomades.

2 Dans ce milieu de désert rocailleux et de montagnes arides et inhospitalières que les Arabes ont appelé “El Hoggar”, Ibn Khaldoun suivant ses prédécesseurs généalogistes arabes (El Bekri XIe siècle) les dénomme Howwara, et soutient qu’ils sont issus du grand

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 230

groupe berbère des Sanhadja venus (ainsi que l’autre grand groupe berbère Ketama) bien avant l’Islam de la péninsule arabe (Yémen), leur ancêtre Huwwar serait l’origine du mot “Ahaggar”, les habitants, les Kel Ahaggar forment une unité plus géographique que sociale. 3 D’après les observations des archéologues et préhistoriens, c’est au Néolithique moyen que des populations blanches font leur apparition au Tassili. Ces dominateurs guerriers, dont l’histoire est rapportée par la tradition orale touarègue, ont conquis le territoire et ont dominé les chasseurs éleveurs de chèvres autochtones, les « Issabaten » à l’arrivée de Tin Hinân, l’ancêtre mythique des suzerains de l’Ahaggar venue du Tafilelt.

Un ancêtre mythique féminin

4 Dans les récits des voyageurs arabes du Moyen-âge, il est question de villes peuplées exclusivement de femmes, qui concevaient en se baignant dans l’eau des sources1. Ce récit s’ajoute à celui du grand voyageur et chroniqueur maghrébin, Ibn Battouta, qui s’indigne du mode de vie de ces pasteurs nomades qui imposaient aux passants une taxe, et dont les femmes jouissaient d’une liberté "incontrôlée".

5 Les Touaregs nobles de l’Ahaggar se revendiquent de la descendance d’une femme noble, Tin Hinân, venue du Tafilelt marocain, un récit mi-historique, mi-légendaire dont le souvenir est précieusement conservé au point de justifier jusqu'à ce jour le droit au commandement des tribus suzeraines, des tiwsatin (tribus) mot consacré par l’usage, issues de la lignée utérine. Cette ancêtre féminine est à l’origine du système matrilinéaire propre à cette société, de la primauté de la relation oncle et neveu utérin, de la relation frère-sœur à l’origine de l’organisation sociale. 6 Le monument funéraire de Tin Hinân se dresse près d’Abalessa, c’est le premier fait historique datable de l’Ahaggar. La légende en fait une musulmane, mais la chronologie établie d’après le mobilier et les datations au carbone quatorze s’y opposent. 7 Sur cette reine légendaire s’est fondée l’organisation de la société touarègue qui fait prévaloir la filiation maternelle dans l’héritage du droit au commandement. Dans ces mythes d’origine correspondant à une strate préislamique, les Touaregs expliquent la naissance des fils de la femme, dans le couple frère-sœur original, par les relations qu’elle a avec des géants, des jnûn, etc... 8 Selon les textes berbères médiévaux, les femmes entretiennent un commerce particulier avec le surnaturel qui leur donne le pouvoir de divination, voire de prophétie. Ce commerce est conçu comme une source de danger pour les hommes, et comme un trait « démoniaque » qui justifie l’intervention de personnages masculins (les lettrés) investis d’une puissante légitimité religieuse.

Bouleversements sociaux : du nomadisme à la sédentarité

9 Actuellement, les Touaregs Kel Ahaggar sont sédentarisés en grande majorité et leur mode de vie en est bouleversé. Badi Dida2 nous explique comment, pour diverses raisons économiques et commerciales, religieuses et politiques, le Sahara a toujours été un large espace ouvert aux migrations humaines. La colonisation française a opéré un découpage arbitraire de cet espace en créant des frontières rigides. Les sociétés

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 231

nomades, comme celles des Touaregs étaient considérées comme des peuplades errant de manière anarchique sur d’immenses espaces et ignorant jusqu'à la notion de territoire. Cette même vision réductrice de ce qu’est le nomadisme pastoral et le même préjugé à l’égard de ces populations nomades ont été repris par les jeunes Etats issus des indépendances. Les frontières établies et maintenues après les indépendances ne tiennent nullement compte de la nature même de l’environnement saharien, des contraintes naturelles liées à la recherche des pâturages et encore moins de l’organisation sociopolitique fortement hiérarchisée de ces populations.

10 Seulement, avec l'indépendance de l'Algérie (1962), l'Ahaggar maintenu totalement isolé du reste du pays durant toute la période coloniale, apparaît comme une région marginale, éloignée et quasiment inconnue si ce n'est au travers de clichés exotiques. Elle apparaît aussi comme un champ d’expériences nouvelles, exalté par l’idéal égalitaire socialiste qu’on oppose à la vision hiérarchique de cette société. 11 Par la sédentarisation survenue à l’indépendance, par la sécheresse qui a ruiné les pâturages, donc l’économie pastorale, nombreux sont ceux qui, attirés par le travail salarié et par la scolarisation de leurs enfants quittent ainsi leur campement ou même leur petit village pour venir à Tamanrasset. Ils se retrouvent cloîtrés dans un espace urbain exigu, qui les étouffe complètement car ne répondant aucunement au besoin d’espace vital pour ces anciens nomades habitués à la liberté qu’offre l’espace saharien. 12 Les structures hiérarchiques qui maintenaient le pouvoir traditionnel et les rapports de dépendance étant bouleversées, de ce fait certains groupes ont réussi à se détacher de la structure initiale, comme ce fut le cas des anciens esclaves ou des forgerons enaden, qui constituaient les classes dominées dans l’ancienne hiérarchie par les nobles Touaregs Imuhagh, hommes libres, détenteurs du pouvoir. Ces groupes ont vécu cette sédentarisation différemment, ils ont pu s'adapter en réussissant à trouver de nouveaux moyens de subsistances leur permettant d'intégrer avec un peu plus de facilité un nouveau mode de vie. Selon leur statut (noble, esclave, religieux), les individus n’auront pas réagi de la même manière à la situation de contact.

L’islamisation des populations touarègues

13 Vers le XIe siècle, des Sahariens voilés, les moulethimin ; (porteurs de litham, voilement) Sanhadja revenus du Ribat, un lieu mythique et mystique où ils auraient reçu un enseignement religieux des plus rigoureux, forment le mouvement almoravide. Conquérants à leur tour, ils imposent l’islam aux groupes encore animistes.

14 Le lignage des Sanhadja ne repose sur aucune base territoriale, aussi, des groupes prétendant descendre du même ancêtre dont ils portent le nom peuvent se situer à des milliers de kilomètres les uns des autres. 15 « C’est au nom d’un Islam pur, régénéré dans la rigueur et l’ascétisme que les Lemtouma, nomades Sanhadja du désert, conquirent une bonne partie du Maghreb et de l’Espagne3 ». 16 L'islam, tel qu'il s'est propagé au Maghreb tout comme dans différentes régions du monde, a été fortement marqué par l'héritage des religions qui l'ont devancé. Mais il a fait nettement reculer ces religions, jusqu'à les faire presque disparaître sur ses lieux de propagation. En retour, il a adopté nombre de croyances et de rites appartenant à

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 232

ces religions, ce qui fut une des principales causes du particularisme local de l'islam dans les différentes régions du monde musulman. 17 Une nouvelle vague d’islamisateurs à la fin du XVe siècle essaime des marabouts dans tout le Sahara. En Ahaggar, l'histoire orale garde le souvenir très vivace d'un islamisateur Agag Alemine. Agag "le croyant" venu du Tafilalt et dont la tombe, toujours très vénérée, se situe entre Hirafok et Idelès. La filiation utérine empêche un homme de son prestige et de sa position de créer une descendance religieuse qui prenne autorité au sein de la société d'accueil. Et il n’y a pas eu de confrérie religieuse permanente ni de mosquées en Ahaggar qui aurait permis à une élite religieuse d'exercer un pouvoir réel sur une société à caractère matrilinéaire, qui absorbait des étrangers en pratiquant une certaine exogamie sans se laisser conquérir par les alliances matrimoniales. Les conditions de vie dans ce territoire pauvre et très peu habité, que ne traversent pas les grandes trajectoires caravanières, ne favorise pas l’implantation d’une classe religieuse qui n’y trouve aucun support économique4.

L’émergence d’une classe de religieux : chorfa ou Ineslmen

18 La fonction religieuse se répand dans toutes les classes des hommes libres, mais la spécialisation est l’affaire de ces importants groupes religieux, qu’on dénomme Ineslmen.

19 Les Kel Ahaggar ne possédaient pas de groupes religieux Ineslmen au sein de leur structure hiérarchique, fondée sur une aristocratie guerrière. La plupart de ces officiants religieux sont issus de l'extérieur et certains de ces Ineslmen ont été intégrés bien après au sein de la hiérarchie traditionnelle. 20 C’est probablement entre le XIIe et le XVI e siècle, que quelques chorfa du Touat ont pénétré dans l’Ahaggar, auréolés de leur pouvoir religieux et de leur origine chérifienne5. A cette époque, leur influence auprès des populations demeure faible. Ils venaient du Nord, de Fez, du Tafilalt marocain et de la Saquiet el-Hamra. Leur alliance à ces Berbères a donné naissance à de nouvelles tribus que l’on appelle maraboutiques. 21 Mais on sait pertinemment que ces chorfa sont presque tous berbères du Sud-Ouest marocain, et que cette stratégie de pouvoir se fonde sur une appartenance mythique : selon Mouloud Mammeri6, leur appartenance physiologique à la lignée du prophète fonde leur prétention au paradoxal statut d’une sainteté héréditaire : « parce qu’elle est dans leur sang, cette grâce ne cesse jamais d’être efficace, ils peuvent être illettrés, leur personne ne cesse pas pour autant d’être sacrée ». 22 Le nomadisme paraissait constituer un mode de vie peu compatible avec le développement de l’islam (ville, mosquée, communautés groupées, vie sociale liée au commerce…) dans les régions montagneuses de l’Ahaggar. Les zaouïa, mot arabe qui dérive du verbe « inzawa », se retirer dans un coin, n’avaient pas une très grande influence sur la tournure des évènements car le pouvoir décisif était détenu essentiellement par les guerriers nobles, même si ces derniers prenaient souvent conseil d’un religieux. Chez les Touaregs, l’honneur est l’attribut des nobles guerriers Imuhagh, et ces derniers ont eu du mal à accepter d’autres règles que celle de l’honneur guerrier qui les distingue. C'est ainsi qu'ils se sont souvent moqués du pacifisme des chorfa. L’islam a pourtant permis l’émergence de ces chorfa en clercs religieux, en une

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 233

classe qui a acquis un pouvoir symbolique de domination parallèle ou ajouté au système local basé sur l’honneur guerrier. 23 Au Sahara, le culte des saints, entourant traditionnellement les mausolées qui accompagne les pratiques rituelles autour des ziara (pèlerinages), n’était pas généralisée comme ce fut le cas dans d’autres régions du Maghreb, particulièrement au sein des sociétés nomades où l’installation d’une confrérie, d’une tarîqa est difficile et où également le rapport aux morts est bien particulier. Chez les Touaregs on ne cite pas les noms des Inemutten, des morts, on ne leur construit pas de mausolée. Par contre, on rencontre des ruines d’anciennes mosquées (temesguida en tamahaq), telles que celle d’Ilamane (Hoggar central). Selon la légende, elle aurait été construite par les compagnons du Prophète. 24 Tombouctou est l’exemple même de la cité islamique cosmopolite, elle regroupe des Touaregs, des Berbères Sanhadja, des Songhaï, des Peuls, des Soninké, des Haoussa… Elle est le terreau de plusieurs langues, de plusieurs cultures réunies sous l’égide d’un pouvoir d’essence religieuse, celui des notables, des lettrés. Les villes de Tademekka et Tombouctou ont été des centres religieux de référence pour les différentes populations touarègues, elles sont considérées comme le berceau de la civilisation touarègue. L’ancienne capitale de l’Adagh, Tademekka dite Tadamakat ("la Mecque") est appelée aussi Essouk (le "marché"), un véritable lieu de rencontres et d’échanges, dont sont issues les tribus religieuses Kel Essouk (ceux d’Essouk). Essouk est aussi l’une des premières portes d’entrée de l’Islam en Afrique. De là, sont originaires un grand nombre d'alfaqi (en tamahaq), de fuqaha (en arabe), savants lettrés, de grands marabouts qui ont constitué les célèbres tribus chérifiennes et maraboutiques Kel Essouk, Kel Intessar ou Kel Ansar, Kel Eghlel, Ifoghas qui représentent l’élite religieuse dans le monde touareg. 25 Les Kel Ansar ont un héritage culturel et religieux important. En plus d’être des savants lettrés, ils ont aussi eu un impact historique important durant la colonisation au Mali. Tout en étant des résistants durant la colonisation française, ils ont poussé leur progéniture à accepter la scolarisation. Pour eux, c’était une autre manière de résister à l’ennemi. Visionnaires, ils voulaient préparer l’avenir de leurs enfants. Cela leur a valu d’avoir des cadres à l’indépendance. Cette tradition de savoir s’est perpétuée, de même que la sensibilité politique. Sensible à la poésie et à la musique, ils en feront également un outil de combat. 26 Les Kel Ansar ou Kel Antesar sont un des grands groupes touaregs vivant au Mali, principalement dans la région de Tombouctou. Certains d’entre eux vivent à Agadez au Niger. Ils sont très nombreux à avoir migré vers Tamanrasset et aux zones frontières. De même que pour les Ifoghas, ces Kel Adagh redoutés naguère par les colonisateurs, connus pour leur combativité et leur résistances passées et actuelles. 27 Plusieurs d’entre eux nous expliquent qu’ils se sont réfugiés à Tamanrasset durant la période trouble de la rébellion touarègue au Mali et au Niger en 1991 et que certains ont fini par s’y installer définitivement, des vagues de migrations continues liées à des phénomènes multiples (répression, sécheresse prolongée…) ont eu lieu bien avant, dés les années 1970.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 234

Les représentations locales autour des Eneslmen

28 La sédentarisation aidant, la communauté religieuse des Ineslmen s'est récemment formée à Tamanrasset et constitue une entité achevée, au pouvoir socio-économique affirmé, les chorfa venus des oasis sahariennes sont désignés souvent par le titre honorifique de Mouley (seigneur). Au départ, ils ne représentaient pas un groupe important chez les Kel Ahaggar, mais ils ont réussi à élargir leur cercle d'influence au sein d'une communauté saharienne plus large.

29 Les Eneslmen forment, comme les forgerons Enaden, une catégorie sociale qui assume des fonctions de médiateurs. Mais ils jouissent d'un meilleur prestige que ces derniers. Ce sont des médiateurs entre le monde visible et invisible, entre l'islam et la tradition, et grâce à leur statut de pacifistes, entre groupes et individus considérés comme des pairs, engagés dans des relations d'honneur. Ils assurent à ce titre des fonctions d'arbitrage et jouent souvent une fonction d'"éminence grise"7, de conseillers sur le plan politique, de sages Imgharen détenteurs de la baraka, incarnant un contre-pouvoir spirituel qui les autorise à prendre quelquefois le relais de l'aristocratie guerrière afin de mettre en œuvre des décisions politiques arrêtées au sein des assemblées consultatives. 30 Qu’en est-il vraiment des représentations qui existent chez les Touareg de l’Ahaggar et autres sahariens à propos des statuts et des pratiques de chacun de ces officiants religieux, regroupés par le titre générique Ineslmen ? 31 L’acherif : il est au sommet de la hiérarchie des fonctions de l’aneslem (personnage religieux), celui du personnage respecté du cheikh acherif (pl : echerifen), investi de la baraka (la grâce divine) des saints dont il est le descendant direct. Cet acherif reçoit toute l’année des dons en argent ou en nature contre justement cette baraka et la protection morale qu’il accorde à ses sujets et visiteurs. Ces dons sont redistribués lors des sedqates (a) ; takuté (t), (offrande rituelle) réunissant la communauté, organisées pour le partage rituel du flux de la baraka8. 32 Tous les icheriffen ne prétendent pas accéder au statut de alem ou de faqih (de savants religieux). Ils peuvent être des mystiques, des ascètes afaqir éloignés des basses préoccupations matérielles. Mais ils représentent en quelque sorte la sphère légitime de l’exercice du pouvoir religieux car ils détiennent le pouvoir religieux traditionnel de l’islam au Maghreb, possédant par ce biais le titre honorifique de Mouley cherif (seigneur) ou souvent aussi de Cheikh de zaouïa lorsque ces derniers sont affiliés à une confrérie (tarîqa), ce qui n’est pas toujours le cas. L’acherif organise périodiquement des ziara (pèlerinages auprès du tombeau de son ancêtre). Un pouvoir religieux à dimension sociale et politique leur faisant cumuler des fonctions de juriste, de conseiller, de chef coutumier, leur permet d’influer considérablement sur la sphère politique locale et même au-delà. L’acherif cumule souvent les fonctions et ne se limite guère à l’activité religieuse ou thérapeutique. Il peut gérer une culture ou un commerce et il ne se spécialise dans la guérison qu’après avoir atteint un certain âge. Lorsqu’il est sollicité pour ses dons de guérison et sa baraka en tant que chérif (noble descendant du prophète), il pratique « tasbiba » (issebeb) en lisant le Coran et en soufflant et crachant sa salive dans de l’eau ou tout autre support liquide (huile, miel), il provoque ainsi la guérison par un pouvoir personnel véhiculé par la salive porteuse de baraka. Cette baraka est héritée des saints de son lignage. L’acherif descendant de saint possède el

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 235

hikma, la règle secrète, ainsi que esiren, le secret. Les plus grands saints avaient des serviteurs rohaniyin qui leur faisaient faire des miracles « karamat ». 33 On citera le faqih pour l’importance qu’il a au sein de la société, cependant il ne pratique ni la guérison ni l’alliance avec l’invisible, c’est un érudit qui s’adonne au fiqh (jurisprudence), qui fait office de juriste (qadi), de sage qui officie lors des plus importants événements de la vie (mariage, naissance, divorce). Ces Ineslmen foqaha s’interdisent toute pratique occulte mais ils ont néanmoins une connaissance du monde invisible, une connaissance livresque et aussi mythologique. Ce sont souvent des sédentaires, des gens des villes qui s’adonnent à la méditation, à la lecture et à l’enseignement des savoirs religieux, Ils sont issus le plus souvent des grandes familles de la noblesse religieuse. 34 Les autres acteurs religieux sont les tolba, ces « fabricants » d’amulettes qui ont toujours eu des privilèges depuis la colonisation dans l’Ahaggar et tout le Sahara et l’indépendance de l’Algérie n’a fait que renforcer leur position sociale. 35 Les amulettes se payent cher et leurs services sont aussi chèrement monnayés, à tel point qu’un taleb consacré, reconnu et intégré socialement peut largement survivre et même bien mieux que n’importe quel cultivateur. Cependant, c’est souvent qu’il cumule aussi les fonctions jusqu’à ce que son assise soit bien implantée. Le titre de taleb s’hérite le plus souvent de père en fils. Le pouvoir de guérison s’acquiert par le biais de l’initiation. Le descendant direct peut ne pas pouvoir mener à bien cette mission, parfois le taleb choisit son disciple, d’abord parmi les siens (ses enfants, voire petits enfants, neveux…) 36 Le titre de taleb s’étend par contre dans le contexte urbain mais aussi rural à d’autres catégories sociales. Certains tolba sont initiés à la magie (sihr) et aux secrets des talismans, ils sont craints pour leur pouvoir occulte, d’aucuns n’hésitent pas à utiliser ces pouvoirs pour obtenir ce qu’ils veulent, de l’argent, l’autorité, les faveurs d’une femme. Un simple taleb autoproclamé peut être considéré comme un puissant sorcier et fabriquant d’amulettes, manipulateurs des forces invisibles, véritable allié des afarit (génies puissants et redoutables). Il entre en communication avec les génies par le biais de rituels qui mettent en jeu la pollution, la souillure, certains en arrivent à souiller le livre sacré (par le sang), il entreprend des sacrifices d’animaux (fedya) dédiés à des entités surnaturelles qu’il désire chasser ou se les concilier. Au Sahara, le prestige du taleb a également diminué, mais paradoxalement sa présence n’en est que plus forte. Son statut s’est beaucoup individualisé, les tolba ne représentent plus un pôle religieux distinct, animé par un esprit de corps. Cependant de nombreuses personnes de tout horizon les sollicitent pour régler tel ou tel problème d’ordre social ou affectif. Les réputations se font et se défont au gré des circonstances. 37 Certains tolba sont issus de catégories inférieures accèdent à la connaissance religieuse et par ce biais à une certaine respectabilité, leur conférant une légitimité. Si en plus de cela ils s’avèrent efficaces dans le domaine de la guérison, ils acquièrent alors une grande notoriété. On remarquera ainsi que le domaine religieux et thérapeutique s’est peu à peu démocratisé et a ouvert ses portes à d’autres groupes sociaux tels que les harratin (cultivateurs affranchis). D’autres rapports de pouvoirs se mettent ainsi en place au travers de nouvelles légitimités. L’accès au domaine de la connaissance et du religieux s’ouvre à d’autres catégories sociales, cependant de nouveaux enjeux apparaissent.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 236

38 Nous observons que le statut d’un cheikh ou d’un taleb dans les régions du Nord était jadis plus respecté, soumis à des normes rigoureuses. Souvent dans les campagnes, il se confondait avec le marabout, le mrabet qui officiait dans les rituels religieux, durant les rites de passage, écrivait des hjab ou hirz (amulettes protectrices) aux gens malades, et encadrait les cérémonies religieuses, les enterrements. Dans les villes, il a une moindre présence. L’islam politique et fondamentaliste a réduit encore plus son influence sociale. Condamné dans sa forme traditionnelle, il a été remplacé par de nouveaux personnages ayant acquis un statut de raqi (guerrisseur spirituel) qui interviennent afin d’exorciser les djinns et autres chayatin « démons », purifier les âmes et les maisons, guérir les maladies exclusivement par une technique associé au prophète de l’islam et qui fait autorité, appelée la roqia. Elle se présente sous forme d’une incantation accompagnant le souffle coranique, s’est inspirée d’une ancienne pratique rituelle thérapeutique mais qui est revisitée, renommée, légitimée et remise au goût du jour, et pour se distinguer des pratiques traditionnelles, elle exclue toute forme de sacrifice et condamne toute autre pratique considérée comme bidaâ (invention blâmable).

L’espace sacré, la ziara

39 La ziara représente une forme de pèlerinage à un lieu consacré par la présence d’un tombeau d’un Wali local (saint). Elle a pour objet de célébrer les morts, de les honorer par des sacrifices réguliers et des offrandes, en attente du flux de bénédiction qui va émaner de ces tombeaux sacrés. Elle a pour mission de domestiquer l’esuf, le monde imprévisible de l’étrange.

40 La ziara, lieu de festivités réunit à cet effet des rituels où se mélangent le sacré et le profane. Durant cette fête sacrée, on peut autant écouter le chant mystique d’un poète soufi intitulé « El Burda » qui accompagne les cérémonies de mariages, que des poésies guerrières accompagnant l’imzad ou encore des séances extatiques de Dzikr ou Adzeker (pratique soufie liée au pèlerinage). Le Dzikr regroupe les pèlerins autour de la tombe du saint, il consiste à réciter le tahlil (profession de foi et noms de Dieu). Le zikr comme le chant d'El Burda (chant soufi du poète El Busiri) provoque une grande émotion dans toute l'assemblée car il accompagne le plus souvent des cérémonies rituelles sacrées (mariages, enterrements). Les femmes ne participent pas à ces chants mystiques, mais lorsque les pèlerins passent le long des campements, elles encouragent les hommes par des youyous, comme pour les expéditions guerrières, ce qui rajoute à la gravité du moment. A la nuit tombée, c’est le chant et la danse de possession lors des tazengharet animés par les iklan et Izzegaghen (anciens serviteurs et affranchis) qui prennent le relais. 41 Cependant, le flux de baraka d’un saint ne suffit pas à guérir tous les tourments de la société touarègue. Il faut aussi gérer un quotidien tourmenté par l’affliction et la maladie. Et pour cela se concilier les forces invisibles (Kel esuf) qui menacent l’équilibre des hommes en ayant recours à la religion musulmane, ainsi qu’à la musique et aux chants de possession9. Le pèlerinage sert à purifier le pays, à chasser l’esuf (le vide), et rétablir l’équilibre entre l’extérieur et l’intérieur, à rassembler le corps social, à renouer les liens de solidarité, à entreprendre un nouveau cycle après s’être imprégné de la Baraka des lieux saints.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 237

Photo 1 : Prière autour du Tombeau de Mouley Abdallah el Reggani, Ziara de Tazrouk (Août 1998)

42 Des conflits naissent toujours entre le pouvoir religieux local et l’institution politique quant à la date et la forme que doit prendre une Ziara. Les autorités locales lui confèrent une valeur folklorique susceptible d’attirer les visiteurs, les touristes, donc de l’argent, de la publicité. 43 Elles essayent de la canaliser dans ce sens au grand dam de ses organisateurs qui veulent garder sa dimension sacrée. Cette forme folklorique a dénaturé le caractère sacré de la manifestation. Les malheurs qui frappent Tamanrasset (maladies infectieuses, sécheresse prolongée, inondation, paupérisation, misère) sont largement associés à cette forme de profanation du rituel religieux. 44 En Ahaggar, la première zaouïa fut construite à Tit, lieu dit, Daghmouline (Adagh Molen) « la montagne blanche », où est célébrée chaque année depuis l’indépendance une ziara organisée par les descendants de Mouley Abdallah, originaire d’Aoulef. 45 Ensuite, il y a eu celle de Tazrouk, affiliée à la Qadiriya et célébrée en août en hommage à Mouley Abdallah e Reggani (originaire de l’oasis de Reggane), cette dernière ziara est renouvelée au printemps à Abalessa. Celle de Tesnou ; lieu de passage rituel pour les voyageurs qui font trois fois le tour du tombeau de Mouley Lahcen. La plus récente des ziara, est célébrée sur un territoire nomade par les Touareg, organisé par les autochtones, sur le territoire traditionnel des Dag Ghali. Elle est associée à un homme de pouvoir et de sainteté, El hadj Ahmed Ag el Hadj El Bekri, ancien Aménokal de l'Ahaggar et elle se trouve à proximité d'un village appelé Tarhananet. Cette Ziara auprès du tombeau de ce Wali saleh possède une dimension collective et représente un moment fort dans le vécu religieux de ces populations. La plus récente des ziara est paradoxalement la plus conservée d’un point de vue rituel et sacrée, elle est organisée par les descendants du Cherif sur le territoire traditionnel des Dag Ghali, un territoire vierge au milieu des montagnes de la Taessa. Elle est entourée d’une grande discrétion et n’est jamais annoncée longtemps à l’avance pour ne pas attirer de visiteurs étrangers. Elle regroupe les différentes tiwsatin (groupes de parentés) touarègues.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 238

Photo 2 : Préparation du repas d’offrande lors de la sadaqa (a) takuté(t) lors de la ziara de Tazrouk par les femmes Izzegharen (cultivateurs), Août 1998

Les transformations du champ religieux et symbolique

46 Seulement, la légitimité et la consécration dont ont toujours joui les personnages religieux au Sahara sont discutées actuellement, ces foqaha érudits sont contestés par certains protagonistes religieux. Connus pour être très ouverts à la connaissance universelle, souvent épris de culture mystique, leur savoir s’inspire essentiellement du soufisme. Certains d'entre eux se retrouvent néanmoins piégés par l’évolution des mouvements religieux modernes.

47 Ces foqaha (savants) fidèles à l'école malékite ont à leur côté de jeunes étudiants en religion qui marquent leur influence progressivement. Ces étudiants ne sont plus formés par la voie traditionnelle (Maître - initié) mais vont dans des universités, fréquentent les villes et les mosquées urbaines et subissent l’influence des mouvances religieuses actuelles. Affrontant l’actualité mondiale, ils se sentent en tant que musulmans dans la position de victimes, dominés par un monde occidental oppressif. 48 Ils reviennent auprès des leurs d'une manière assez stratégique : ils viennent solliciter la transmission du savoir auprès des anciens, puis dans une démarche très active, se permettent de remettre en cause l’enseignement des Maîtres (sans pour autant leur manquer de respect car ce sont souvent des parents proches). 49 Le wahhabisme fait son entrée dans les milieux religieux touaregs, les protagonistes d’un islam salafiste savent que l’influence des Ineslmen est très grande sur la population. Il s’agit alors de les gagner à leur cause. Jusqu'à maintenant, leurs tentatives ont le plus souvent échoué ; ces derniers refusent toute violence marquée par l’islamisme politique, malgré leur traditionnel esprit guerrier et leur contestation des ordres établis. Pour contrecarrer ces nouveaux courants, ces derniers appellent au respect de la tradition de l’idjtihad, qui marque l’effort de compréhension, d’analyse et de réactualisation des textes religieux ainsi que la pratique méditative et l’esprit

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 239

critique. Tous ces facteurs permettent de résister à toute approche dogmatique et fondamentaliste.

Les transformations de l’espace féminin et le rapport au sacré

50 Depuis la nuit des temps, la femme touarègue jouit d'une certaine liberté. En effet, plus que partout ailleurs, elle a pu exercer jusqu'au pouvoir suprême. Des siècles durant, la société touarègue fut matrilinéaire, et le pouvoir de commandement se transmettait par le biais de la parenté matrilinéaire. N'accédait au pouvoir que le neveu utérin du précédent Chef. Ceci reste valable dans toutes les confédérations touarègues, à quelques exceptions près. L'avis de la femme a toujours été sollicité et pris en compte dans les grandes décisions qui ont donné un sens et un contenu à la vie de cette société.

51 Diaspora et exode ont abouti à la transformation de ces sociétés touarègues qui subissent de plein fouet la modernité, sous la forme d’une « modernisation » brutale qui touche à leur être existentiel, à l’âme de la société, à son imaginaire, à son rapport à l’autre et à l’espace, et surtout a ce qui faisait sa force et son originalité, son système de parenté matrilinéaire. Les changements économiques et sociaux ont eu un impact qui a permis la transgression en milieu urbain des interdits matrimoniaux. Les femmes qui ont rompu avec la tradition matrilinéaire, en se mariant en dehors du groupe, se retrouvent une fois divorcées ou veuves complètement démunies et fragilisées et amenées parfois à la prostitution. Car rares sont celles qui ont bénéficié d’une scolarité et d’une formation leur permettant de s’assumer et de survivre dans un quotidien difficile. Après des séparations successives, après bien des crises dans les couples, elles se retrouveront finalement seules à assumer leur jeune progéniture. 52 Les touaregs appauvris, déstabilisés et désorganisés se rabattent sur les centres urbains tout en gardant des attaches avec leurs campements et villages d’origines. Ici commence une vie écartelée dont les rênes vont leur échapper. Ce sont les migrations forcées vers les villes. 53 Qu’elles soient issues ou non de lignages saints, les femmes qui seront investies elles aussi de la grâce divine (baraka), doivent posséder des qualités personnelles pour rendre cette baraka effective qu'elles transmettront aux autres femmes en échange d'offrandes et qu’elles transmettront aussi à leur enfants par filiation mais aussi par d’autres moyens symboliques, par le lait par exemple. La pratique religieuse par les femmes est intégrée à leurs activités sociales et insérée dans leur cycle de vie. Elles le font naturellement parce qu’elles gèrent le quotidien, le mal être au sein de leur famille, de leur communauté, pendant les états de maternités, les naissances, les états maladifs quelques fois graves, pouvant entrainer la mortalité des enfants. 54 L’Islamisation a également influé sur les règles de parenté strictes, qui ont longtemps permis au Kel Ahaggar (ceux du hoggar) de maintenir une organisation politique et sociale stable et de là une domination. L’endogamie théorique du Touareg noble subit actuellement des entorses, le système matrilinéaire s’est vue progressivement désagrégé par l’influence de l’islam mais aussi par des nouvelles conjonctures économiques.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 240

BIBLIOGRAPHIE

Belhachmi, Fouzia, Anthropologie économique et historique des Touaregs du Hoggar, Thèse de Dotorat, Paris VIII, 1992.

Benhazera, Maurice, « Les anciennes croyances des Touaregs du Nord », Atlantis(6), 1933, pp. 130-140.

Camps, Gabriel, Rubrique « Issabaten », Encyclopédie berbère, Vol, Aix en Provence, Edisud, 1992.

Casajus, Dominique, « Le poète et le silence », in Graines de paroles. Ecrits pour Geneviève Calame- Griaule, Paris, CNRS, 1989.

Claudot- Hawad, Helène, « La conquête du vide ou la nécessité d’être nomade chez les Touaregs », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, N° 41- 42, 1996, pp. 397-412.

Gast, Marceau, « Dix études sur l’organisation sociale chez les Touaregs », Extrait de ROMM 21, 1975,

Jamous, Raymond, Honneur et Baraka, les structures sociales dans le Rif, Paris, Maison des sciences de l’homme, Cambridge University Press, 1981,

Seddik-Arkam, Faiza, « La musique traditionnelle face à la maladie et à la possession chez les Touaregs de l’Ahaggar (sud de l’Algérie) », Cahiers des musiques traditionnelles, N° 19, 2006, pp. 139-159.

NOTES

1. Bonte, Pierre (dir.), Epouser au plus proche. Inceste, Prohibitions et Stratégies matrimoniales autour de la Méditerranée, Paris, Ed. de l'EHESS, 1994. 2. Badi, Dida, Les migrations touarègues, Alger, Publications du CNRPH, 2001. 3. Camps, Gabriel, Rubrique « Issabaten », Encyclopédie berbère, Aix-en-Provence, Edisud, 1992, p. 102. 4. Gast, Marceau, « Modernisation et intégration. Les influences arabo-islamiques dans la société des Kel Ahaggar », (Sahara-Algérien), Annuaire de l’Afrique du Nord, 1976, p. 205. 5. De chérif, mot arabe qui signifie à l’origine noble, désignant les tribus nobles de Koreich (à La Mecque), ensuite désignant « l’homme de religion s’attribuant une parenté avec le Prophète », désignant ahl el-bayt, c’est à dire ceux de la maison du Prophète, descendants d’Ali, et de Fatema Zohra (respectivement, le gendre et la fille du Prophète Mohamed). 6. Mouloud Mammeri, « Yenna-yas Ccix Muhand », « Cheikh Mohand a dit », Laphomic, Alger, 1989, 7. Walentowitz, Saskia, Enfant de Soi, enfant de l'Autre ». La construction symbolique et sociale des identités à travers une étude anthropologique de la naissance chez les Touaregs (Kel eghlal et Ayttawari de l'Azawagh, Niger), Thèse de doctorat, Paris, EHESS, 2003, p. 44. 8. Ce pouvoir mystique de la baraka, on le retrouve dans le reste du monde berbère, il a été décrit par plusieurs auteurs Dermenghem, Doutté, Westermarck, et analysé finement par Raymond, Jamous, Honneur et Baraka, les structures sociales dans le Rif, Paris, Maison des sciences de l’homme, Cambridge University Press, 1981. 9. Voir un article consacré à ce sujet, Faiza Seddik Arkam, « La musique traditionnelle face à la maladie et à la possession chez les Touaregs de l’Ahaggar (sud de l’Algérie) », Cahiers des musiques traditionnelles, n° 19, 2006, pp. 139-159.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 241

RÉSUMÉS

Les Eneslmen forment une catégorie sociale qui assume des fonctions de médiateurs au sein de la société touarègue Kel Ahaggar. Ce sont des médiateurs entre le monde visible et invisible, entre l'Islam et la tradition, et grâce à leur statut d’hommes de paix, entre groupes et individus considérés comme des pairs, engagés dans des relations d'honneur. Ils assurent à ce titre des fonctions d'arbitrage et jouent souvent une fonction d'éminence grise. Ils sont généralement issus d’une noble lignée de chorfa en provenance du Tafilalet marocain ou encore du Sud du Sahara, de ces lieux devenus mythiques que sont Tombouctou, ainsi que l’ancienne capitale de l’Adagh, Tademekka ("c'est la Mecque"), appelée aussi Essouk (le "marché") : un véritable lieu de rencontres et d’échanges dont sont issues les tribus religieuses Kel Essouk (ceux d’Essouk). Essouk est aussi l’une des premières portes d’entrée de l’Islam en Afrique. Le nomadisme paraît constituer un mode de vie peu compatible avec le développement de l’Islam (ville, mosquée, communautés groupées, vie sociale liée au commerce…) dans les régions montagneuses de l’Ahaggar. Chez les Touaregs, l’honneur est l’attribut des nobles guerriers Imuhagh, et ces derniers ont eu du mal à accepter d’autres règles que celle de l’honneur guerrier qui les distingue. L’Islam a pourtant permis l’émergence de ces chorfa en clercs religieux, en une classe qui a acquis un pouvoir symbolique de domination parallèle ou ajouté au système local basé sur l’honneur guerrier.

The “Eneslmen” make up a social category assuming mediatory functions within the Kel Ahaggar Touareg society. They are the mediators between the visible world and the invisible, between Islam and tradition, and thanks to their status as men of peace, between groups and individuals considered as peers, committed to relationships of honour. By this title they assure refereeing functions and often play the role of power behind the throne. They are generally from a noble line of Chorfa from the Moroccan Tafilalet or even from the southern Sahara, from such mythic places as Timbuktu besides the former Adagh capital, Tadamecca (this is Mecca),also called Essouk ( the market): a true place of meeting and exchange, from where the religious Kel Essouk tribes originate. Essouk being one of the first gateways for Islam in Africa. Nomadic life would seem to be a way of life which is not compatible with Islam, (towns, mosque, grouped community, social life linked to trade…) in the mountainous Ahaggar regions. Among the Touaregs, honour is attributed to noble warriors the Imuhagh who find it difficult to accept other laws than those of their warrior’s honour which distinguishes them. Islam has however enabled the Chorfa to emerge as religious clerks, into a class which has acquired symbolic power of parallel rule added to the local system based on warriors’ honour.

Los 'Eneslmen' forman una categoría social y asumen las funciones de mediadores en la sociedad tuareg Kel Ahaggar. Son mediadores entre el mundo visible e invisible, entre el Islam y la tradición, y gracias a su estatuto de hombres de paz, entre grupos e individuos considerados como pares, comprometidos en relaciones de honor. Cumplen con las funciones de arbitraje y a menudo la de eminencia gris. Generalmente descienden de un noble linaje de shorfa originarios del Tafilalt marroquí o del sur del Sahara, de aquellos lugares míticos como Tombuctú, y la antigua capital del Adagh, Tademekka ("es la Meca"), llamada también Essouk (el "mercado") : un verdadero lugar de encuentros e intercambios ; de ese lugar vienen las tribus religiosas Kel Essouk (Los de Essouk), lugar que es una de de las primeras puertas de entrada al mundo islámico en África. El nomadismo parece constituir un modo de vida poco compatible con el desarrollo del Islam (ciudad, mezquita, comunidades agrupadas, vida social relacionada con el comercio…) en las regiones montañosas del Ahaggar. Para los Tuareg, el honor es un atributo de los nobles guerreros Imuhagh ; estos últimos aceptan difícilmente otras reglas que las del honor guerrero

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 242

que los distingue. El Islam sin embargo ha permitido la emergencia de esos shorfa en clérigos religiosos, o sea en una clase social que ha adquirido un poder simbólico de dominación paralela o añadido al sistema local basado en el honor guerrero.

نملسن لثمتلا ةيعامتجا ةئف يدؤت ةفيظو ةطاسولا عمتجم يف قراوطلا راقهأ لاك . مهنإ ءاطسو نيب ملاعلا ،ديلاقتلا يئرملا ملاعلاو وم ،يئرملا ريغ كلذول لضفب س مهتناكملا نيب مهفصوب ،مل لاجر س تاعامجلا نيب دارف نيذلال ا نوربتعي و ،انارقأ فرش تاق لع يف بجومب . و هذه ،ةناكملا مهنإف ةفرشلل ةليبن ةللس نم نوردحني امومع مه . و نوموقي فئاظوب ميكحتلا نودؤيو ةفيظو هجوملا يفخلا يف ةلثمتملا و ةيروطسأ تحبصأ يتلا نكاملا كلت نم وأ ،ءارحصلا بونج نم اضيأ وأ ةيبرغملا يفات تلنم تمدق ءاقلل يقيقح قوسلا ) ناكم : (قوسإ اضيأ ةامسملا ، " اكمدت ") ةكم (و قادلا ةميدقلا ةمصاعلا كلذك و ،وتكوبموت لوخد باوبأ ىلوأ ىدحإ اضيأ يه قوسلا قوسإ . باحصأ ( )قوسإ لك ةينيدلا لئابقلا هنع ردحنت دابملا وتل . نم ةيلبجلا قطانملا يف ملسلا روطت عم قفاوتي شيع لةقيرط هرابتعاب لاحرتلا ايقيرفإ نأ ىلإ ودبيملسلا ميش نم ،قراوطلا دنع فرشلا ةراجتلاب . ... ( دعي ةطبترم ةيعامتجا ةايح ،تاعامج ،دجاسم ،ندم )راقهلا ىلع تلصحت ةقبط للخ نم ،ةينيد تاقلح يف ةفرشلا ء ؤه لروهظب حمس دق ناك ملسلا نأ عم بنلا ،ءلنيلتاقملا لاتقلا فرش .ىلع مئاقلا يلحملا ماظنلل ةيزاوم ةنميهلل ةيزمر ةطلس

INDEX

Mots-clés : Ahaggar, chorfa, touaregs, pouvoir symbolique, tolba Palabras claves : Ahaggar, chorfa, tuaregs, poder simbólico, tolva Keywords : Ahaggar, Chorfa, touareg, symbolic power, tolba

راقهأ , ةفرشلا , قراوط , ةطلسلا ةيزمرلا , ةبلطلا سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

AUTEUR

FAIZA SEDDIK ARKAM

Thèse de troisième cycle en socio-anthropologie, Année 2008 – Université de Besançon.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 243

De nouvelles voies de développement local

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 244

Djibouti : les marges extrêmes du désert à la recherche d’un destin oriental Djibouti: Extreme desert margins in search of an oriental destiny Djibouti : Los márgenes extremos del desierto en la investigación de un destino oriental يتوبيج : شماوهلا ىوصقلا ءارحصلل : علطتلا ريصم ىلإ يقرش

Moustapha Nour Ayeh

1 Djibouti, par son climat aride, semble être la marge extrême du Sahara, où l’extrême aridité est due à sa position d’abri ; la ville se trouvant dans une cuvette entourée par les hauts plateaux d’Éthiopie, de Somalie et de l’autre côté du détroit de Bab-el- Mandeb, les montagnes de l’Arabie heureuse (le Yémen). Avec ses 23 000 km² et environ 800 000 habitants, dont les 2/3 se concentrent dans la capitale éponyme, Djibouti tend à se faire passer pour une cité-État.

2 Djibouti, considérée comme un ancien confetti de l’empire français comme on aimait à la qualifier dans les livres d’histoire, s’est métamorphosée en République en 1977. Cependant, les deux fonctions principales de la ville (le commerce et le militaire) la marquent encore et financent largement le pays. Reste que l’explosion démographique1, conjuguée à la rareté des ressources ainsi que l’instabilité chronique de toute la Corne de l’Afrique, a rendu illusoire tout développement économique. Beaucoup d’experts en économie étaient enclins à penser que les perspectives du pays resteraient peu attrayantes à cause de ses faiblesses structurelles. Néanmoins, au tournant du nouveau millénaire, la rente géostratégique s’est renforcée et surtout le pays a misé sur l’Asie (Moyen-Orient, Asie du Sud ou de l’Est) pour améliorer ses performances économiques. Une dizaine d’années après cette nouvelle politique, quel bilan pourra-t-on faire ?

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 245

1. Structures et difficultés de l’économie

1.1. Les fondements de l’économie djiboutienne

3 L’économie djiboutienne est avant tout une économie de services puisque plus de 80 % de sa valeur sont générés par le secteur tertiaire avec essentiellement trois piliers : les transports, le commerce et la finance, ces trois branches s’adjugeant la moitié du PIB (Figure 1).

Figure 1 : valeur ajoutée par branche

Source : chiffres fournis par le Ministère de l’Économie et des Finances - Direction Nationale de la Statistique (DINAS), année 2000.

4 Tous ces services s’appuient sur deux activités qui sont d’ailleurs à l’origine de la création de la ville de Djibouti.

5 La ville est présentée, non sans raison, comme une ville garnison. À son indépendance, Djibouti avait conclu un accord de défense avec la France, mais en fait depuis sa création en 1887, elle reste sous parapluie français. Ce qui lui a évité d’être emportée par les conflits incessants (même si elle en subi les contrecoups) qui ensanglantent régulièrement la Corne de l’Afrique. Économiquement parlant, la forte présence militaire d’une puissance occidentale fut et reste une rente appréciable. Longtemps, cette rente se positionnait comme la principale source de devises étrangères du pays. Et cette mono-activité, pouvait induire, dans les années 80, plus de la moitié du PIB du Pays. En 2003, « L’état-major des FFDJ évalue celle-ci [la rente] à 130 millions d’euros (…) soit environ 25 % du PIB ». Si les effectifs de l’armée française sont en décroissance régulière depuis une trentaine d’années, l’installation de l’armée américaine, avec 1800 hommes à partir de 2002, a maintenu, voire, accru la rente militaire.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 246

6 Les transports représentent la seconde source de revenus. Le couloir Djibouti Addis- Abeba prend sa source au port de Djibouti. Depuis l’éclatement de l’Éthiopie en 1991 (avec l’indépendance de l’Érythrée reconnue deux ans plus tard) et surtout la guerre entre les deux pays 1998-2000, l’Éthiopie est devenue le plus grand pays enclavé du monde. Sa porte de sortie est Djibouti, entraînant une extrême dépendance de Djibouti vis-à-vis du marché éthiopien, mais non moins extrême dépendance de l’Éthiopie vis-à- vis du port de Djibouti. 7 Sans véritable base productive, avec un marché local très étriqué, et des ressources en matières premières assez faibles, l’économie de Djibouti s’appuie sur l’extérieur pour se développer, se caractérisant de ce fait par sa faiblesse et son extrême vulnérabilité aux chocs extérieurs.

1.2. Une économie souvent anémique

8 Sur le long terme, les performances économiques du pays ont été médiocres de 1977 à 1991, le PIB mesuré en prix constants n’a progressé qu’à un taux moyen de 1 % par an2. Puis arrive une période de dépression économique 1991-1998 (Figure 2). Avec cette crise qui est due en partie aux conflits internes et à la perte de son intérêt stratégique, les dépenses publiques dérapent fortement, au point que le déficit public atteint le cinquième du PIB. Le pays était pratiquement en faillite. À partir de 1995, avec le refus de la France de venir à la rescousse, le pays s’adresse au FMI qui le met immédiatement en ajustement structurel. La recette appliquée est plus que classique. Il fallait alléger le fardeau de l’État (par la réduction des effectifs militaires et une baisse d’environ un tiers des salaires des fonctionnaires). D’un autre côté, l’État devait se désengager de plusieurs sociétés publiques ou parapubliques.

Figure 2 : Évolution du PIB 1991 – 2006

Source : d’après les chiffres fournis par le Ministère des fnances de Djibouti.

9 Cette politique, dans un pays fortement urbanisé, s’est immédiatement traduite par un accroissement de la pauvreté. La pauvreté absolue, dont le seuil est fixé à 1,8 $ par personne et par jour (seuil défini sur la base des besoins alimentaires minimaux correspondant par équivalent adulte3) touche plus de 40 % de la population du pays

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 247

(Tableau 1). Autrement dit, près de la moitié des habitants n’arrive pas à satisfaire leurs besoins en nourriture.

Tableau 1 : pauvreté à Djibouti

Seuil ($/jour et par personnes) % de personnes atteintes 2002

Pauvreté relative 3 $ 74,4

Pauvreté absolue 1,8 $ 42,2

Source : PNUD, Djibouti, p. 6. 2003.

10 La dégradation lente du niveau de vie est un bon indicateur du manque de la vivacité sur le long terme de l’économie djiboutienne.

1.3. Lecture du problème dans l’évolution du PIB/hab

11 Si on replace le pays dans le contexte régional, la République de Djibouti semble en meilleur état (Figure 3). Mais si les revenus sont plus élevés que dans les pays voisins, les prix aussi. En termes de PIB/hab en parité de pouvoir d’achat, l’écart entre Djibouti et les pays voisins est plus faible, mais reste toujours en faveur de Djibouti.

Figure 3 : Économie de la Corne de l’Afrique et du Yémen

Source : D’après les chiffres fournis (sauf Somalie) par le bilan du monde 2009, p. 97 et p. 123.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 248

12 Si statistiquement, on y vit mieux que dans les pays voisins, le niveau de vie n’en a pas moins régulièrement décliné depuis une trentaine d’années. Au milieu des années 70, alors que Djibouti faisait partie des TOM4, le PIB/hab était estimé de 1145 $5. Les meilleures estimations pour aujourd’hui (2006) tablent sur 1030 $, soit 10 % de moins. Les chiffres auraient tendance à faire croire à une stagnation du niveau de vie (ce qui est déjà humainement insupportable), en fait la situation est beaucoup plus dégradée. Ces chiffres sont en effet exprimés en dollar courant, le référentiel entre les deux dates est donc fort biaisé, un dollar de 1976 ayant automatiquement plus de valeur que celui d’aujourd’hui6. Si l’on exprime en dollar constant, le 1145 $ de 1976 équivalent à 5700 $ de 20057. C’est-à-dire que si Djibouti avait pu maintenir le même niveau de vie qu’en 1976, son PIB/ habitant devrait être 5 fois supérieur à ce qu’il est réellement.

13 L’anémie économique, ajoutée la pression démographique et les troubles politiques, rendent la décennie perdue pour les pays (expression de la fragilité structurelle de Djibouti). Il ne semble pas qu’il y ait des idées pour sortir le pays de ce marasme.

2. Le virage de l’an 2000

2.1. S’ouvrir à tout prix

14 La rente militaire n’a rien développé, n’assurant à peine le fonctionnement courant de l’État. Djibouti n’a cessé de vouloir diversifier son économie. Cela passait par le développement de son atout principal : le transport. Comme petit pays au marché étroit, le transport n’avait de sens que dans une politique économique et une économie très ouvertes sur l’extérieur. Le credo du pays a été donc le libéralisme. Ainsi, les investissements dans les domaines maritimes et le transit, la pêche et le commerce de détail, les télécommunications, l’électricité et l’eau, le sel et la poste sont désormais ouverts aux investisseurs étrangers. Cependant, l’acquisition de terre n’est pas autorisée pour les étrangers qui peuvent toutefois bénéficier d’un bail emphytéotique de 99 ans.

15 Depuis longtemps, le pays a voulu être membre d’organismes internationaux. Il adhère à la ligue arabe en 1977 et rejoint la Z.E.P8 en 1981. La ZEP est remplacée par la COMESA9 (création en 1994), le marché d’Afrique orientale et australe. Depuis le 30 novembre 2001 est instaurée la zone de libre-échange que Djibouti a intégrée, supprimant du coup tout droit de douane entre les pays signataires. La majorité des pays10 relève désormais de ce dispositif. Néanmoins, le principal partenaire de Djibouti (l’Éthiopie) n’a pour l’instant pas intégré la zone de libre-échange.

Tableau 2 : poids du COMESA

Population en M 400

PIB en G$ 360

Source : Comesa 2008 (http://about.comesa.int/).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 249

2.2. Se tourner vers l’Orient

16 Cette orientation, assez ancienne, n’a pas porté les fruits jusqu’en l’an 2000, avec la conjonction heureuse de plusieurs facteurs. Le programme d’ajustement structurel imposait des privatisations. D’un autre côté, le principal outil économique (le port) perdait du terrain face aux ports du golfe d’Aden, Aden et Salalah en particulier n’avait plus les moyens de financer par lui-même sa modernisation pour être en mesure d’accueillir les navires de dernière génération. Il fallait trouver d’urgence un partenaire solide. En 2000, la compagnie de Dubaï (DPW) prend le contrôle du port de Djibouti, et ce, pour 20 ans au moins. Depuis, les Émirats ont injecté dans les divers projets, et particulièrement, la construction d’un nouveau port, 800 millions de dollars, soit l’équivalent du PIB du pays. Le terminal pétrolier est en service depuis 2006. Le terminal à conteneurs est inauguré en février 2009 « avec un tirant d’eau de 18 m par rapport à tirant d’eau 12 m sur le port de Djibouti, permet de pouvoir accueillir des porte- conteneurs de nouvelle génération11 ».

17 Le symbole de cet intérêt pour la ville reste le palace Kempinski (chambres et suites, restaurants, centre de conférence, casino, piscine….) coût estimé 120 millions d’euros (Photo 1)

Photo 1 : Djibouti Kempinski Palace

Photo NOUR AYEH, janvier 2009.

2.3. Des résultats encourageants

18 Les bonnes performances portuaires Les armateurs ne s’y sont pas trompés, l’escale djiboutienne semble de plus en plus incontournable en Afrique de l’Est. Par exemple, le groupe CMA-CGM, qui n’assurait qu’une escale tous les quinze jours, fait une rotation de 4 à 5 par semaine maintenant et a ouvert une représentation à Djibouti. Cette compagnie compte faire de Djibouti un hub pour ses flux à destination de l’océan Indien12. Le port commence réellement à

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 250

fonctionner comme un point d’éclatement des marchandises pour la région et ses performances se sont nettement améliorées (Tableau 3).

Tableau 3 : Performances du port de Djibouti

2000 2008 Variation 2000-2008 (%)

Chiffre d’affaire M $ 39,7 142 257

Marchandises MT 4 9 125

Source : Aden Ahmed Doualeh, président de l’autorité des ports, La Nation, N° 21, février 2009.

19 Le retour de la croissance Depuis 2000, le taux de croissance de l’économie s’affermit régulièrement, faisant de cette décennie la meilleure décennie de son histoire, pour la République, et contrastant singulièrement avec la précédente. En 2006, la croissance a dépassé les 4 % (Figure 2). Et depuis cette date, le rythme de croissance est systématiquement supérieur à ce chiffre. « La croissance de l’économie djiboutienne devrait s’accélérer en 2008 pour atteindre en termes réels 6 % et 7 % en 2009 »13 comme l’indique le gouverneur de la banque centrale de Djibouti. Mais la crise mondiale se traduirait par une réduction d’un tiers du rythme de croissance cette année, à cause de la baisse des investissements étrangers et la contraction des échanges avec l’Éthiopie.

20 Une économie moins dépendante de la rente militaire ? Les pays du Golfe restent très engagés donc dans l’économie djiboutienne, leurs « investissements représentent 24 % du produit intérieur brut en 200814 ». Le poids de la rente militaire semble avoir décru avec 8 % du PIB mais encore 20 % du budget de l’État puisque les États-Unis et la France versent (pour la présence de leurs bases) un loyer directement au budget national. 21 Actuellement, les monarchies du Golfe, essentiellement les Émirats, contrôlent toute l’économie des transports (ports et aéroport), les douanes, la zone franche de Djibouti (DZF), l’industrie hôtelière (avec la mise en place du Kempinski). Et même la compagnie aérienne Daallo Airlines15, dont le principal hub se trouve à Djibouti, est mise sous la tutelle de Dubaï. Si les projets qui sont dans les cartons se réalisent, les pays du Golfe contrôleront aussi l’énergie (électricité, raffinage de pétrole), l’eau (dessalement de l’eau de mer), le commerce (avec les zones commerciales). 22 Mais peu d’impact sur le niveau de vie Si la stabilisation macroéconomique est incontestable, le retour de la croissance a peu d’impact sur les conditions de vie. La croissance naturelle démographique djiboutienne estimée à 3,5 % (à cela il faut ajouter le flux migratoire en provenance des pays voisins) contrebalance les performances économiques. Et sur le long terme, on est bien loin de rattraper les pertes des années 80 et 90. Sans un minimum de maîtrise démographique, ce rattrapage restera illusoire. 23 D’un autre côté, les bonnes performances de 2008 et 2009 se sont malheureusement accompagnées par une forte inflation importée (avec la crise alimentaire mondiale et la piraterie dans la région) qui a laminé les revenus. À la fin de l’année, et après une envolée des prix des produits alimentaires et pétroliers, l’inflation est estimée à 9,2 % au point que la

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 251

meilleure année pour la croissance a été aussi l’année des manifestations contre la vie chère.

3. D’une ville à une autre

3.1. La ville de la presqu’île

24 La première révolution urbaine a commencé avec la création de la ville de Djibouti, officiellement en 1887, ville qui devient le siège du gouverneur Léonce Lagarde en 1892. La ville s’était installée sur une presqu’île, séparée du continent par un oued. Elle adopte une structure classique opposant la ville européenne (celle des plateaux) et la ville indigène (celle des anciens quartiers). Cette dichotomie est accélérée par le succès grandissant de la ville auprès des populations de l’intérieur, qui depuis sa création ne s’est jamais démenti. Ainsi, pour le pays, la transition urbaine est finie (d’après les chiffres) au cours des années 60.

3.2. La ville à l’assaut du continent

25 Une urbanisation par défaut à partir de 1977 Une nouvelle orientation prise après l’indépendance a fait passer la ville sur le continent. Mais la ville qui bourgeonne sur cette rive gauche est souvent une ville faite de bric et de broc, anarchique et marquée par la pauvreté (Figure 4). C’est une ville presque par défaut que les divers plans de restructuration ou d’urbanisation n’ont jamais permis de contenir. Cette expansion non contrôlée fragilise et hypothèque donc le futur de l’agglomération.

26 L’impact des investissements sur la ville à partir de 2000 À partir de 2000, une autre dynamique émerge. En effet, un autre centre tend à coaguler au nord de Balbala avec pour cœur le nouveau port (Figure 5). Une vraie zone industrielle est en gestation, devant accueillir une raffinerie de pétrole, une usine de dessalement de l’eau de mer, seconde centrale thermique. Mais pour l’instant, l’ultime virage est tout au plus en cours de négociations. L’immense zone réservée est menacée par l’habitat précaire, et pour l’instant, peu d’entreprises industrielles se sont manifestées. D’un autre côté, il faudra voir comment construire ce noyau urbain (quel habitat, quels commerces, quelles administrations…).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 252

Figure 4 : Djibouti en 2000

Réalisation NOUR AYEH.

27 La principale faiblesse des activités portuaires réside dans les difficultés du transport ferroviaire. La ligne construite à la fin du XIX a besoin d’être totalement modernisée et prolongée au-delà d’Addis-Abeba pour ouvrir l’Afrique centrale au flux djiboutien. Pour l’instant, les investissements ne se bousculent pas même si les gouvernements (éthiopien et djiboutien) veulent se désengager. Cependant, le nouveau port de Doraleh a déjà un impact sur le chemin de fer et la configuration de la ville. Un axe entre l’extrême sud de la ville (zone où il y a peu de développement urbain) et le port est financé et mis en chantier avec des Chinois. « Ensuite, le maître d’œuvre du chantier va entamer les travaux de pose de voie neuve sur un parcours de 12 km, l’édification d’un viaduc et d’une gare routière16 ». Avec la gare ferroviaire, la première construite depuis le XIXe avec la gare du Serpent, l’extension de l’agglomération vers le sud, qui était un moment l’ambition de la ville, est désormais possible. Et avec un certain opportunisme, le campus universitaire, financé par les pays du golfe, se localisera aussi vers cette zone à partir de 2011.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 253

Figure 5 : Djibouti en 2009

Réalisation : NOUR AYEH

Conclusion

28 Il est indéniable que le décollage économique n’est pas encore à l’ordre du jour à Djibouti. Les fragilités du pays sont encore importantes et les handicaps loin d’être surmontés. Le boom démographique, le manque de ressources et la déficience des infrastructures de base (l’eau, l’électricité et les transports) sont des lourds défis. S’il est trop tôt de dire si le pari consistant à jouer le libéralisme à tout prix et l’ouverture vers l’Asie est gagné, on est forcés de constater des performances et des changements de la ville. Cette dernière est devenue le port le plus actif de l’Afrique de l’Est, ce qui a renforcé sa compétitivité et sa dimension sur la scène régionale.

29 Il est notable aussi que ce frémissement ait déjà un impact important dans la structure urbaine. La ville de ce siècle commence à émerger maintenant. La ville de Djibouti, qui va atteindre le million d’habitants dans les quinze années à venir, tend à voir une trajectoire polycentrique et il est de plus en plus évident que le poids de la ville coloniale est en train de s’amoindrir tant économiquement que démographiquement. Il reste à savoir si cette nouvelle trajectoire sera mieux maîtrisée que les précédentes.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 254

BIBLIOGRAPHIE

Dubois, Colette, Djibouti 1888-1967 : héritage ou frustration, Paris, l’Harmattan, 1997, 431 p.

Gil, José, Les problèmes urbains à Djibouti, Thèse de géographie, Bordeaux III, 1976, 119 p.

Groupe de Huit-Sedes, Projet de Développement Urbain de Djibouti n° 2 Djibouti- Ministère des Travaux Publics, de l’Urbanisme et du Logement, 1990, 633 p.

Ismail Ibrahim, Houmed, Indépendance, démocratisation, enjeux stratégiques à Djibouti, Paris, L’Harmattan, 2002, 194 p.

Jeune Afrique, Atlas de Djibouti, Paris, édition jeune Afrique, 2007, 64 p.

Kessides, Christine, la transition urbaine en Afrique : impact sur la croissance économique et la réduction de la pauvreté, Cities Alliance-World bank, Washington DC, 2006, 121 p.

Ministère de l’Intérieur, Réflexion sur les politiques de décentralisation et d’aménagement du territoire, M.I.D, MHUEAT, 2002, Djibouti, 45 p.

Oberle, Philippe, Hugot, Pierre, Histoire de Djibouti. Des origines à la République, Paris, Présence Africaine, 1985, 346 p.

Said Chireh, Amina, le nomade et la ville en Afrique : stratégies d’insertion urbaine et production d’espace dans la ville de Djibouti, thèse, Bordeaux 3, 2001, 249 p.

Bouquet, Christian, « Espace, territoire, lieu, au crible de la géographie politique, l’émergence de l’État à Djibouti », in espace politique. revues.org/index1225.html, 2009, 11 p.

Lettre Diplomatique, « Djibouti en quête d’un avenir tourné vers le monde », in lettre diplomatique, n° 64, Trimestre 4, 2003, www.lalettrediplomatique.fr./

Schultz, Joseph, « Urbanisme, géopolitique et santé à Djibouti », in Cahiers GEOS, n° 30, Montpellier, 1995, pp. 1025-1046.

NOTES

1. Le pays a multiplié par quatre sa population en 25 ans. 2. ONU, bilan commun de pays-Djibouti, chap 3. 3. Rapport sur les Objectifs de développement du millénaire, 2003, pp 13. 4. Territoire d’outre-mer. 5. Chiffre fourni par Gil J dans sa thèse de 1976, p. 78. 6. Un dollar de 1976 = 5 dollars 2005 (http://fr.wikipedia.org/wiki/Dollar_constant). 7. En France, le PIB/hab courant est passé de 6 963 $ en 1976 à 35 000 environ en 2005. 8. Zone d’échanges préférentiels des pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe. 9. Le traité du "Common Market for Eastern and Southern Africa" (COMESA), signé par 20 États d’Afrique orientale et australe en novembre 1993, a été ratifié lors du sommet de Lilongwe en décembre 1994. 10. Djibouti, Égypte, Kenya, Madagascar, Malawi, Maurice, Soudan Zambie, et Zimbabwe (2000) Rwanda et Burundi (2004), Libye et Comores (2006). 11. De Oliveira, directeur des ports, interview à RFI, 16 mars 2009. 12. Farid Belbouab, représentant à Djibouti de CMA-CGM, décembre 08, La Nation, N° 183. 13. Directeur de la banque centrale à La Nation, édition N° 190 du Mercredi 31 Décembre 2008.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 255

14. Bilan du monde, édition 2009, p. 118. 15. Détenue depuis 2007, à 60 % par Dubaï. 16. La Nation, N° 60, jeudi 16 avril 2009.

RÉSUMÉS

La récession des années 90 a dramatiquement mis en évidence les fragilités de l’économie de Djibouti et sa dépendance quasi exclusive de la rente militaire. Soumis à l’ajustement structurel, en 1995, et sommé de privatiser les entreprises publiques, Djibouti a permis la prise de contrôle d’une large partie de son économie par les pays du Golfe, en particulier les Émirats Arabes Unis. L’afflux relatif des capitaux arabes, durant les années 2000, a eu une double conséquence. Sur le plan économique, les investissements arabes ont permis de relancer l’économie et d’atténuer sa trop grande dépendance à l’égard des bases militaires occidentales. Sur le plan de la géographie urbaine, les investissements consentis dans les infrastructures (nouveau port, zones d’activités) ont eu pour effet d’entraîner une réorganisation de la structure urbaine.

The recession in the 1990’s dramatically revealed the Djibouti economy fragility and its almost total dependence on military revenue. Subject to structural adjustment and obliged to privatize public enterprises, Djibouti has allowed a large part of its economy to be in the control of Arab Golf countries, particularly The United Emirates. The relative rush of Arab investments enabled the economy to start up again and to lessen its too great dependence concerning the western military bases. At a geographical urban level, the investments agreed on in infrastructures, new harbor and activity zones have had the effect of urban structure reorganization.

La recesión de los años 90 ha puesto en evidencia trágicamente la fragilidad de la economía de Djibouti y su dependencia casi exclusiva de la renta militar. Sometido a un ajuste estructural, en 1995, y obligado a privatizar las empresas públicas, Djibouti ha permitido la toma de control de una gran parte de su economía por los países del Golfo en particular los Emiratos Árabes Unidos. La afluencia relativa del capital árabe, durante los años 2000, tuvo una doble consecuencia. En el aspecto económico, las inversiones árabes permitieron reactivar la economía y disminuir su gran dependencia de las bases militares occidentales. En lo que concierne a la geografía urbana, las inversiones concedidas en las infraestructuras (nuevo puerto, zonas de actividad) tuvieron como consecuencia ocasionar una reorganización de la estructura urbana.

فشك دوكرلا يداصتقلا يذلا هتفرع يتوبيج تاينيعستلا يف لكشب حضاو ةشاشه نع اهداصتقا هتيعبتو لكشب داكي نوكي يرصح تاشاعملا ىلإ ةيركسعلا . دعبف اهعوضخ ليدعتلا ىلإ يلكيهلا ةنس اهرابجإو 1995، ىلع ةصصوخ تاسسؤملا ،ةيمومعلا تحمس يتوبيج نادلبل تارام ل ةيبرعلا جيلخلاا صخ ابول ، ،ةدحتملا ةرطيسلاب ىلع ءزج اهداصتقا ريبك نم . دقل قفدلل ناك يبسنلا مصاوعلل تاونس ،ةيبرعلا ل لخ 2000 ريثأت جودزم .، ىلعف ىوتسملا ،يداصتقلا تحمس تارامثتسلا ةيبرعلا شاعنإب داصتق لا صيلقتلاو ةبسن نم اهتيعبت ةريبكلا دعاوقلا ىلإ ةيركسعلا ةيبرغلا . امأ ىلع ىوتسم لكايهلا ) ءانيملا ،ديدجلا قطانم طاشنلا ( دقف تدأ ةداعإ ىلإ ميظنت ةينبلا ةيرضحلا .

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 256

INDEX

Mots-clés : Djibouti, ajustement structurel, Emirats Arabes Unies, infrastructures portuaires, bases militaires Palabras claves : Djibouti, ajustamiento estructural, Emiratos Árabes Unidos, infraestructuras portuarias, bases militares Keywords : Djibouti, economic fragility, Emirats Arabes Unies, economic renewal, harbor infrastructure, military base

يتوبيج , ليدعتلا يلكيهلا , تارامل ةيبرعلا ,ا تازيهجتلا ةدحتملا سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

ةيئفرملا , دعاوقلا ةيركسعلا

AUTEUR

MOUSTAPHA NOUR AYEH

Enseignant, Université de Djibouti.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 257

Le tourisme en milieu agropastoral en République de Djibouti, entre réinterprétation des grands modèles et trajectoires propres Tourism in the Djibouti Republic agro pastoral milieu; between main model reinterpretation and its own trajectories El turismo en medio agro-pastoral en la República de Djibouti, entre reinterpretación de los grandes modelos y trayectorias propias ةحايسلا طاسول ةيوعرلاا يف ةيروهمجب يتوبيج ةداعإ نيب ليوأت جذامنلا و تاراسملا ةصاخلا

Serge Ormaux et Clémentine Thierry

1. Djibouti : une destination touristique émergente aux marges de l’espace saharien

1 La République de Djibouti, avec ses 23 000 km2 fait figure de « micro Etat » de la Corne de l’Afrique. Née en 1977, elle est forte d’une histoire longue et mouvementée et se situe à un carrefour de peuples et de civilisations. A l’instar de nombreux Etats africains, elle est depuis une décennie le théâtre de nouvelles formes de tourisme. Ces dernières s’enracinent-elles dans la culture agropastorale qui constitue le fondement de cette jeune nation ? Le tourisme djiboutien se contente-t-il de suivre des modèles importés ou engage-t-il une trajectoire qui lui serait propre ? Telles sont les questions auxquelles nous tenterons d’apporter des éléments de réponse.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 258

Le tourisme, activité mondialisée au cœur d’enjeux contemporains

2 Activité économique globalisée de premier ordre, le tourisme devrait a priori offrir de nombreuses perspectives de développement aux pays qui choisissent de le placer au sein de leurs projets de territoires. Cependant, les dernières décennies ont été celles d’une prise de conscience de certains effets pervers de l’activité touristique sur les pays d’accueil : destruction des écosystèmes, affaiblissement des systèmes de valeurs locaux ou encore perte des savoirs et cultures traditionnels sont autant de dégâts imputés à un « tourisme Attila »1. Simultanément, les expressions de « tourisme solidaire », « écotourisme » ou « tourisme équitable » ont fait leur apparition, pour nommer une pratique touristique se voulant différente.

3 L’examen des initiatives alter touristiques qui apparaissent dans différents pays permet d’effectuer un certain nombre de constats. 4 Le principe qui sous-tend ces nouvelles formes de tourisme est celui d’une vision à long terme privilégiant une prise en compte globale des territoires et de leur devenir. Les formes de tourisme alternatives prennent souvent place autour de préoccupations à la fois environnementales et éthiques. On est donc très proche des fondements du développement durable, qui considèrent précisément la durabilité à travers les trois piliers que sont l’économie, le social et l’environnement.

Figure 1 : Tableau récapitulatif des formes de nouveau tourisme

5 D’un point de vue général, on doit tout d’abord constater que l’offre alter touristique se distingue assez peu de celle qui prévaut dans le tourisme de type « traditionnel ». Elle se structure en effet autour d’un mode d’organisation plutôt classique et valorise des points d’intérêts dont bon nombre sont semblables à ceux des produits standards. L’écotouriste dort, mange et a soif de découvertes et d’activités à l’instar de n’importe quel consommateur de voyages. Cependant, sa demande donne lieu à une interprétation particulière des notions d’hébergement touristique ou d’excursion.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 259

Ainsi, les moyens de transport et la nourriture sont-ils souvent extraits, au moins partiellement, de la ressource locale ; l’hébergement quant à lui peut utiliser une forme d’habitat traditionnel aménagé spécialement à ce nouvel usage et agrémenté de certaines commodités, conformément aux attentes d’un touriste d’aujourd’hui, fût-il amateur d’authenticité. On constate aussi une autre différence avec l’offre classique, dans l’affichage d’une forte proximité des populations locales avec les touristes. Ces populations jouent plus nettement le rôle de prestataires de services mais sont aussi sollicitées dans le cadre de rencontres et d’échanges avec les voyageurs. 6 L’engouement pour une telle offre touristique est difficilement mesurable, mais un certain nombre de constats sont cependant aisés à formuler : il existe un grand nombre de voyagistes, spécialisés ou non, qui proposent des circuits ou excursions « écotouristiques », « éthiques » ou « durables ». Les médias quant à eux ne tarissent pas d’articles sur les voyageurs qui renoncent peu à peu à un tourisme de masse basé sur des structures standardisées souvent coupées des réalités du pays qui les abrite, un tourisme hors-sol en quelque sorte ! Par ailleurs, de nombreux pays en voie de développement affichent leur offre de « tourisme responsable » comme une option de développement permettant de répondre aux « objectifs du millénaire ». 7 Il apparaît clairement que la mise en avant, durant ces dernières années, des problèmes environnementaux, des inégalités à la surface du globe, et des perspectives offertes par une conception plus durable du développement, a largement contribué à fournir une clientèle à ces nouvelles formes de tourisme. Entre militantisme altermondialiste et snobisme bourgeois-bohème, le consommateur teste ici de nouvelles expériences et renouvelle son potentiel émotionnel. L’industrie touristique, elle, détecte les contre- modèles et les tendances marginales, puis les recycle bien vite, enclenchant ainsi une nouvelle segmentation de son offre et de nouveaux cycles du produit. 8 Quel que soit le jugement que l’on peut porter sur ces phénomènes, il n’en reste pas moins qu’apparaît ici un tourisme beaucoup plus territorialisé, sans doute plus attentif aux lieux qu’il investit, mais aussi plus attentif à l’image de soi construite et entretenue par le consommateur.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 260

Figure 2 : Enjeux autour de la création de nouveaux espaces touristiques

Djibouti, une jeune République aux marges de l’espace saharien

9 La République de Djibouti se structure autour de Djibouti-ville, capitale macrocéphale et fortement centralisatrice. Elle rassemble, en effet, plus des trois quarts de la population du pays et la plupart des services et des fonctions administratives. La disparité fondamentale qui s’établit entre la capitale et le reste du territoire fait que celui-ci dans son ensemble apparaît clairement comme un « arrière-pays ». D’un point de vue environnemental, cette réalité s’inscrit dans des conditions naturelles particulièrement contraignantes, sur les plans climatiques et géologiques. A l’échelle du globe, en effet, l’aridité de cette région reste inégalée, avec des températures météorologiques qui peuvent dépasser les 50°C aux périodes les plus chaudes de l’année. Située sur la dorsale des grands rifts africains, Djibouti est marquée par une forte activité géologique et volcanique. Ceci donne lieu à des reliefs « lunaires », en de nombreux points du pays, qui constituent un potentiel remarquable sur le plan touristique (champs de laves, cheminées, lacs salés ou sulfureux, etc.).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 261

Figure 3 : Températures annuelles moyennes en République de Djibouti (2007)

10 C’est autour de ces contraintes naturelles fortes qu’est né un rythme de vie adapté, basé principalement sur un mode de faire valoir agropastoral transhumant. Ce dernier implique le nomadisme, qui joue de la complémentarité des terroirs selon les saisons et les variations de température et de pluviométrie. Autour de ce mode de vie nomade se sont greffées des pratiques multiples qui sont l’apanage des peuples Issa-Somali et Afar, les deux ethnies qui occupent de manière ancestrale le territoire. 11 Les traditions sont aussi fortement ancrées dans le mode de vie de ces populations. Ainsi l’hospitalité est-elle un des piliers fondamentaux des sociétés afares et somalies. De nombreux adages vont dans ce sens, comme cette histoire qui raconte qu’un valeureux guerrier alla jusqu’à mourir, plutôt que de refuser l’hospitalité à l’un des siens, n’hésitant pas à se délester de tout ce qu’il possédait. 12 Dans un Etat où le réseau routier est peu développé, les ressources intérieures peu abondantes et les contraintes naturelles prégnantes, l’écart entre la ville capitale et le reste de l’Etat ne cesse de s’accroître. La situation actuelle se complexifie pour les populations nomades de l’arrière-pays : peu de familles établies en brousse peuvent désormais vivre sans l’aide de leurs membres établis en ville, et le nomadisme pastoral cède peu à peu le pas à une agriculture et un élevage vivriers sédentaires ou semi- sédentaires. Ce phénomène a été soulevé et analysé par François Piguet dans l’un de ses ouvrages2. Ces changements donnent lieu à une surexploitation ponctuelle de milieux naturels déjà fragiles et remettent en cause le fonctionnement des groupes sociaux. 13 Les pages qui suivent se penchent précisément sur cet « arrière-pays » djiboutien, et plus particulièrement sur les nouvelles formes de tourisme qui tentent d’y prendre place depuis quelques années. Si les enjeux qu’elles revêtent en termes de développement local et de préservation d’un certain mode de vie sont assez clairs, il importe cependant de les questionner afin d’en évaluer la portée. Envisager la République de Djibouti sous l’angle de ces nouvelles activités touristiques revient en fait à la considérer comme une « marge » d’autres espaces, et en particulier de l’espace

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 262

saharien : une marge géographique évidemment et d’abord, mais aussi une marge en termes de pratiques touristiques. Si les raids tout-terrain du désert mauritano-malien ou les randonnées chamelières algériennes font figure de modèles, en quoi Djibouti s’en inspire-t-il, et en quoi s’en différencie-t-il ?

Modalités et ressorts du développement touristique en République de Djibouti

14 De longue date, le développement d’activités touristiques est une des préoccupations de l’entité djiboutienne. De la période coloniale à aujourd’hui, des excursions ont toujours été pratiquées par les personnes en poste sur place (militaires, diplomates, coopérants, volontaires internationaux, etc.). Des sites naturels et paysagers remarquables tels le lac Assal, le lac Abbé ou le site appelé Belvédère en constituent le cadre principal.

Figure 4 : Paysages emblématiques de la République de Djibouti

15 Ainsi, y a-t-il toujours eu à Djibouti un petit bureau du tourisme chargé de coordonner ce type d’excursions, se déroulant souvent à la journée. La mise en place d’une véritable politique de développement touristique date de l’indépendance en 1977. La création d’un office de tourisme dans les années 80, puis l’adhésion à de nombreuses structures institutionnelles comme l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), ont véritablement marqué l’entrée du petit Etat dans l’ère touristique. 16 Jusqu’à une période récente, l’offre Djiboutienne se structurait principalement autour d’activités de niche concentrées pour la plupart autour du golfe de Tadjoura, principale ouverture du pays sur la Mer Rouge. Ainsi, la pêche au gros ou encore la plongée sous- marine ont-elles souvent été à l’origine des premières entrées de touristes internationaux sur le sol djiboutien. L’hébergement était alors principalement assuré par des hôtels de standing situés dans la Capitale. Ce type de tourisme, bien que consacrant la République de Djibouti comme destination touristique, focalisait le regard du visiteur sur Djibouti-ville et les littoraux du pays. De même, les bénéfices de l’activité ainsi pratiquée profitaient beaucoup plus aux prestataires de services, souvent étrangers, qu’aux populations djiboutiennes.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 263

17 C’est récemment que l’on a vu se développer le tourisme dans l’arrière-pays djiboutien, sous une forme différente, assimilable à ce « nouveau tourisme » dont il a été question ci- dessus. Cette activité se structure principalement autour de campements touristiques, structures d’hébergement originales, puisque directement héritées du mode de vie nomade, gérées par les populations et mobilisant les ressources locales pour loger et nourrir les touristes. Le premier de ces campements a vu le jour dans les années 90 et, fort de sa réussite a engendré un assez grand nombre d’initiatives du même type. C’est autour de sites paysagers d’exception, répartis sur l’ensemble du territoire, que continue aujourd’hui de se développer cette nouvelle offre touristique. On observe ainsi tout un florilège de localisations et de prestations permettant aux touristes de découvrir reliefs, paysages, curiosités géologiques et modes de vie du petit pays. 18 La destination touristique djiboutienne affiche de prime abord de nombreux points communs avec les destinations alter touristiques que nous avons désignées comme « grands modèles » ci-dessus. L’offre se présente principalement sous forme de campements constitués de huttes ou daboïtas (habitat traditionnel des Afars) aménagées pour l’accueil des hôtes. Les produits touristiques proposés vont du simple accueil de type gîte, au séjour en immersion émaillé d’excursions courtes et de contacts avec la société locale, au circuit pédestre ou chamelier de plusieurs jours, permettant d’aller de campement en campement le long des anciens itinéraires pratiqués par les nomades.

Figure 5 : De l'habitat traditionnel à l'hébergement touristique, exemple de la Daboïta

19 La destination Djiboutienne semble ainsi résolument opérer une transition vers un tourisme alternatif, encore émergent au moment des travaux menés sur le terrain. On signalera toutefois que parallèlement, un tourisme d’affaire est en plein développement, en lien en particulier avec l’ouverture économique sur l’Asie, et parie sur un équipement hôtelier de luxe, comme l’atteste la construction récente d’un cinq étoiles de la chaîne Kempinsky.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 264

2. Les nouveaux tourismes, une utopie nécessaire ?

20 La première partie de cet article nous a donné l’occasion de présenter un certain nombre d’éléments de contexte, autant en ce qui concerne la situation contemporaine du tourisme que celle de la République de Djibouti. Il importe cependant, avant d’aller plus avant, de présenter les questionnements et la méthodologie qui ont pu sous-tendre l’étude dont les résultats sont ici en partie présentés. Il s’agira également de fournir un certain nombre d’éléments d’analyse quant aux modalités de ce développement touristique.

Le développement de l’écotourisme entre réinterprétation et esprit d’initiative

21 Le tourisme de découverte désormais proposé à Djibouti s’inspire fortement de ce que l’on pourrait appeler le modèle saharien ; on y retrouve le lien avec la culture nomade, la valorisation des paysages arides ou semi-arides, le recours aux campements, l’utilisation de caravanes de chameaux, etc. Il faut dire qu’il s’agit là d ‘un modèle qui a fait ses preuves dans plusieurs pays comme l’Algérie, la Tunisie, la Libye, la Mauritanie ou encore le Niger. L’espace saharien est en effet de longue date une destination écotouristique de premier ordre. L’ensoleillement, les paysages, l’immensité, la sensation de dépaysement et d’aventure qu’un tel espace peut offrir aux voyageurs est un indéniable facteur d’attractivité. L’offre saharienne s’est ainsi peu à peu érigée en haut lieu du « voyager autrement ».

22 Les catalogues proposés par les voyagistes spécialisés le montrent bien faisant état d’une offre considérable, avec une tendance au renouvellement des destinations en fonction des aléas géopolitiques mais aussi de la soif de nouveauté des consommateurs. C’est principalement autour de « paysages d’exception », de « reliefs insoupçonnés », de « sites envoûtants » que se structure l’argumentaire de vente de la destination saharienne. Les activités proposées autour de ces sites et paysages emblématiques ainsi mythifiés sont principalement des randonnées ou des itinéraires de découverte. Les liens avec les populations locales sont eux aussi largement mis en avant. Loin d’être de simples « prétextes » au voyage ou à l’excursion proposée, ces peuples, fournissent le plus souvent la toile de fond culturelle de l’offre touristique née souvent de l’interaction entre des tours opérateurs européens et des acteurs locaux. Concrètement, la Sahara est le théâtre d’initiatives associant trekkings chameliers, bivouacs, voire accueil dans la famille du guide, permettant aux touristes d’approcher au mieux les territoires et les hommes qui les peuplent. 23 Au regard de l’offre saharienne telle qu’elle est exposée dans les brochures et catalogues de voyagistes, la République de Djibouti fait figure de « parent pauvre » de l’écotourisme de type saharien. La destination n’y apparaît en effet que rarement et si les paysages exceptionnels du pays sont vantés, l’offre djiboutienne ne se distingue pas par une originalité flagrante. Elle affiche, en substance, les mêmes types de prestations que son grand voisin saharien. En revanche, il est possible de mettre en lumière un certain nombre de processus qui montrent combien le développement de l’écotourisme djiboutien fait preuve d’une certaine singularité, notamment du point de vue des stratégies territoriales déployées.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 265

Modalités d’approches de l’activité

24 L’étude menée sur le développement du tourisme en milieu agropastoral transhumant en République de Djibouti a nécessité un travail de terrain d’environ deux mois et demi au cours de l’année 2008. L’objectif était de mieux cerner les formes et les modalités d’apparition de ce tourisme, et d’en apprécier l’originalité. Il importe de préciser qu’une telle étude apparaissait comme relativement exploratoire. Les recherches menées ne connaissaient pas de précédents et se penchaient sur un phénomène en pleine émergence. La question des sources d’information et des données s’est donc rapidement posée.

25 La République de Djibouti n’a pas de véritables archives officielles et si les administrations et services étatiques collectent un grand nombre d’informations qui pourraient en faire office ils n’en sont pas forcément conscients. Par ailleurs ces données sont éparses, difficilement accessibles et difficilement corrélables. En même temps, cette absence de données est révélatrice d’une réalité et constitue d’une certaine manière de l’information par prétérition. Il s’avère ainsi que l’Etat djiboutien, même s’il a lancé une politique de développement touristique depuis une dizaine d’années, est peu engagé dans la mise en œuvre des campements touristiques et autres initiatives prenant place dans l’arrière-pays. Les créateurs et gestionnaires de telles entreprises n’ont d’ailleurs reçu aucune aide gouvernementale pour l’installation de leurs structures. A l’inverse, on peut émettre l’hypothèse que cette dynamique bottom up est la preuve d’une réelle prise de conscience et de responsabilité par les acteurs eux-mêmes, au plus proche du territoire. 26 Il a donc fallu acquérir un certain nombre d’informations via l’observation dans un premier temps, puis via la rencontre d’un certain nombre d’acteurs liés au développement de cette activité touristique émergente, dans un second temps. L’approche s’est centrée sur les campements touristiques, établissements touristiques certes sommaires mais ayant l’avantage d’être localisables. Il s’est agi de les visiter afin de comprendre dans quels cadres paysager et environnementaux ils sont implantés, comment ils fonctionnent, qui en sont les initiateurs. La rencontre avec les gestionnaires de ces structures a été particulièrement riche et, à force d’entretiens et de recoupements, a pu pallier l’absence de sources officielles. Peut-être, dans quelques années, la croissance du phénomène touristique dans l’arrière-pays favorisera-t-elle la mise en place d’une statistique officielle !

3. Le tourisme : activité nouvelle ou renouveau de traditions séculaires ?

27 Nous l’avons dit, le tourisme n’est pas un phénomène entièrement nouveau en République de Djibouti. L’émergence relativement récente d’initiatives alter touristiques dans l’arrière-pays contraste cependant avec une offre traditionnellement basée sur les littoraux de la Mer Rouge et l’ensoleillement. Il importe d’analyser les ressorts du passage progressif d’un tourisme de niche à un tourisme qui affiche des ambitions plus globales.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 266

Du tourisme de niches à l’écotourisme

28 Le développement de formes de tourisme qui se réclament de « l’écotourisme » en République de Djibouti se concentre pour l’essentiel à l’intérieur des terres, semblant presque ignorer l’espace littoral qui était jusqu’alors le fleuron du gisement touristique du pays. Sur une vingtaine de campements en place lors de nos recherches sur le terrain, 7 seulement avaient une proximité immédiate à la mer. Pourquoi, alors, durant de longues années cet espace n’a-t-il pas suscité d’initiatives touristiques, et pourquoi cet engouement si soudain ?

29 Plusieurs explications peuvent être avancées. Dans les années 90, la République de Djibouti a connu un violent épisode de guerre civile, dont de nombreuses villes et espaces, situés dans l’arrière-pays furent le théâtre. Ces conflits ont largement contribué à freiner les velléités de développement, quelles qu’elles soient. Une fois la paix rétablie, le tourisme n’a pas forcément été perçu comme une priorité. La plupart des campements touristiques aujourd’hui en place ont donc essaimé dans les années 2000. 30 Les acteurs qui sont à l’origine de leur création sont tous jeunes (de 20 à 35 ans) et issus de l’arrière-pays djiboutien. Leur approche de l’accueil touristique relève d’une connaissance fine des territoires et des populations qui les abritent, mais aussi des attentes des touristes potentiels. Dans leurs discours, la plupart mettent très clairement en avant une volonté de profit personnel mais se font aussi l’écho d’un certain nombre de préoccupations éthiques et environnementales, comme le souci d’associer les populations locales à l’initiative qu’ils gèrent, ou celui de ne pas compromettre les ressources locales et l’environnement. Ce caractère endogène constitue véritablement une originalité de l’offre djiboutienne, et tend en partie à la distinguer des grands modèles évoqués précédemment : l’activité touristique n’est pas importée mais naît de la volonté d’acteurs locaux, qui mobilisent pour ce faire leurs propres ressources et savoir-faire. Il est d’ailleurs révélateur de constater que leurs prestations ne sont jusqu’à maintenant pas reliées à des produits « clé en main » diffusés par les tours-opérateurs spécialisés européens. Cette dernière observation conduit à évoquer une autre singularité de la situation djiboutienne. 31 Le démarrage d’une l’activité touristique basée sur la découverte de l’arrière-pays peut trouver en effet une autre explication. Fort d’une position stratégique et géographique hors pair, le petit Etat accueille de nombreuses représentations diplomatiques ou militaires et ce depuis de nombreuses décennies (l’armée française par exemple mais aussi de nombreux coopérants et bénévoles internationaux). Une véritable « demande » a peu à peu émané de la part de ces résidents provisoires de la République. Ces expatriés sont généralement désireux de découvrir le pays, ses grands sites, sa culture. C’est la prise en compte de cette demande, par ceux qui allaient devenir prestataires touristiques ou gestionnaires de campements qui a facilité la valorisation des espaces semi-désertiques de l’arrière-pays. Cette clientèle européenne « de l’intérieur » constitue une réelle spécificité de l’offre Djiboutienne, qui, si elle semble s’ouvrir à des voyageurs venus de l’étranger, se structure encore très largement autour de la demande des expatriés en poste dans le pays.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 267

De l’espace vécu à l’espace touristique

32 L’arrière-pays connaît ainsi un regain d’intérêt via la mise en place de ces initiatives touristiques d’un genre nouveau. Il importe de mettre en lumière un processus plus profond qui semble sous-tendre ce changement. L’arrière-pays djiboutien, lorsque l’on se penche sur ses caractéristiques géophysiques fait figure de territoire aride : chaleur, manque d’eau, reliefs marqués, etc. Il fut pourtant le lieu de vie de nombreuses populations nomades pendant des siècles et le reste encore, pour partie. Une question s’impose et a d’ailleurs guidé nos travaux sur le développement du tourisme à Djibouti : comment peut-on rendre « touristique » un territoire qui est avant tout un lieu de vie, et de surcroît, un lieu où les conditions de vie sont difficiles ? Comment le touriste en quête d’extraordinaire, de dépaysement et de découvertes comble-t-il ses attentes dans un lieu qui est celui du quotidien difficile de ses habitants ?

33 Une transition semble s’opérer marquant le passage d’un espace lieu de vie à un espace touristique, d’un espace difficile, qui est celui du quotidien, à un espace de la découverte, du loisir et du récréatif pour des hommes venus d’ailleurs

Figure 6 : De l'espace vécu à l'espace touristique

34 Il apparaît clairement que les attentes du touriste sollicitent le quotidien des populations d’accueil. Ce processus est particulièrement facilité par le fait que tourisme et nomadisme, en plus de cohabiter sur un même territoire, ont en commun un certain nombre de préoccupations. Pourtant, tout tendrait à les opposer : le tourisme fait figure d’activité économique répondant à des logiques modernes et globalisées alors que le pastoralisme est une activité séculaire qui répond à des logiques ancrées et fortement territorialisées. Cependant, un certain nombre de caractères communs relient les deux activités : une utilisation optimale du territoire selon ses potentialités, une façon de considérer l’espace alors perçu comme un ensemble de contraintes et de ressources avec lesquelles il faut composer, ou encore une façon similaire d’appréhender les temporalités. Les flux touristiques, tout comme les transhumances nomades ne sont-ils pas régis par les saisons ? Le rythme des déplacements caravaniers

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 268

ne constitue-t-il pas précisément pour le touriste occidental le véritable dépaysement temporel qu’il recherche…au moins pendant le temps de sa parenthèse touristique ? 35 Les travaux d’Isabelle Sacareau3 (géographe de formation ayant réalisé de nombreuses recherches sur l’himalayisme et le développement du tourisme au Népal) parus en 1997 démontrent que, contrairement à un tourisme plus « classique », peu d’interventions extérieures sont nécessaires pour voir se développer ces nouvelles formes de tourisme basées sur la découverte d’un milieu naturel difficile aux contraintes marquées et du mode de vie de ses habitants.

Carte 1 : Campements touristiques et occupation traditionnelle du territoire en République de Djibouti

36 Un exercice de cartographie simple, présentant l’emplacement des actuels campements touristiques, de même que celui des zones de pâtures et points d’eaux utilisés par le mode de faire valoir agropastoral permet d’étayer ce constat. 37 De nombreux campements se situent à l’immédiate proximité de points d’eau ou de lieux de pâtures. Ceci relève non seulement d’une connaissance authentique du territoire de la part des gestionnaires de campements, mais aussi et surtout du lien qui existe entre pastoralisme et tourisme, les ressources valorisées par le premier devenant ressources mises à disposition du second, avec en prime la mise en spectacle d’un mode de vie séculaire. Il est possible, même, d’avancer, que les traditions, valeurs et savoir- faire qui sont ceux du nomadisme constituent un terreau favorable à une activité touristique douce telle qu’elle se développe dans l’arrière-pays djiboutien. L’hospitalité, le sens de l’accueil, la propension à guider, dispositions d’esprit très vivaces chez les peuples afars et somalis, ont sans doute, largement contribué au développement et à l’originalité des formes touristiques telles que l’on peut les observer aujourd’hui.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 269

L’impact de l’activité touristique sur les territoires concernés

38 Les impacts de l’activité touristique naissante dans l’arrière-pays djiboutien sont certes difficiles à évaluer, et plus encore à quantifier. Un certain recul sera nécessaire, mais les manifestations de ce nouveau tourisme émergeant en République de Djibouti offrent déjà l’occasion d’observer certains changements. En général, les espaces qui choisissent de mettre en œuvre des initiatives alter touristiques sont en attente de résultats en termes de développement territorial. Ils visent pour la plupart tout à la fois des retombées économiques et un tourisme plus respectueux des cultures et des écosystèmes.

39 On commence en effet à observer, à Djibouti, une forme de « renaissance » de territoires laissés à l’écart des réseaux routiers et des plans d’aménagements de l’Etat. L’exemple de la forêt du Day semble révélateur de telles évolutions. Située sur un haut plateau à 1 500 mètres d’altitude, cette forêt primaire abrite des espèces végétales et animales rares et des écosystèmes fragiles. Dans cette zone, les populations traditionnellement nomades se sont groupées en village, et les familles vivent désormais de cultures diverses et d’élevage. N’ayant plus à se déplacer, elles ont accru le nombre de têtes de leurs troupeaux, qui broutent la végétation, mettant à mal cette forêt relique. L’installation d’un campement touristique près du site a permis la mise en lumière d’une telle situation. Des mesures de protection du lieu ont peu à peu été décidées, dans le but notamment, de sensibiliser les populations à l’intérêt de préserver leurs écosystèmes. La création du campement a aussi permis, par l’intermédiaire des dépenses et des dons des touristes, de mettre en place un dispensaire, une école et d’autres équipements. 40 Les changements sont encore balbutiants mais les formes touristiques se développant en milieu agropastoral transhumant à Djibouti semblent, en tout cas au regard des formes de tourisme classique, être plus profitables aux populations et impacter moins négativement les environnements concernés.

Pour conclure…

41 Marge géographique de l’espace saharien, la République de Djibouti l’est aussi en ce qui concerne ses pratiques alter touristiques encore émergentes. Cependant, loin de se contenter de calquer le grand modèle que représente l’espace saharien, elle fait preuve, grâce au dynamisme des acteurs locaux, d’initiative et d’originalité.

42 Il semble difficile d’anticiper le devenir de ce tourisme dans l’arrière-pays djiboutien tant le phénomène était émergent lorsque nous nous sommes penchés sur les modalités de son développement, et tant cette activité est soumise à de nombreux éléments de contexte, mais il y a là un ferment qui paraît prometteur. Une inconnue demeure, comment l’Etat soutiendra-t-il dans l’avenir ces initiatives individuelles ? Sera-t-il capable de les accompagner sans toutefois se substituer à elles ? Saura-t-il faire le tri entre des démarches réellement alter touristiques et des opérations relevant plutôt du simulacre ? 43 Le développement récent de formations de type BTS dans le domaine du tourisme pourrait être une manière d’amplifier le professionnalisme des acteurs tout en l’inscrivant dans une démarche à la fois globale et durable. Par ailleurs la

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 270

régionalisation en cours au sein de la République peut laisser entrevoir un certain intérêt des futures collectivités territoriales pour ce mode de gestion et de développement.

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

Ben Yahmed, Danielle, Atlas de l’Afrique, Djibouti, Paris, Jaguar, 2007, 64 pages.

Mowforth, Martin et Munt, Ian, Tourism and sustainability, development and tourism in the third world, second edition, New York, Routledge, 2003, 338 pages.

Volle, Aurélie, Quand les Mapuche optent pour le tourisme, Paris, l’Harmattan, 2005, 227 pages.

Articles

Chaboud, Christian, « Le modèle vertueux de l’écotourisme : mythe ou réalité ? », in Monde en développement, Numéro 124, 2004, pages 187-201.

Campbell, L.M., « Ecotourism in rural developing communities », in Annals of tourism research, Volume 26, Numéro 3, 1997, pages 534 à 553.

Travaux universitaires

Thierry, Clémentine, Le développement du tourisme en milieu agropastoral transhumant en République de Djibouti, une activité nouvelle, ou le renouveau de traditions séculaires ?, Master, Géographie, 172 pages, Université de Franche-Comté, 2008.

NOTES

1. Lozato-Giotard, Jean-Pierre, Le chemin vers l’écotourisme, impacts et enjeux environnementaux du tourisme d’aujourd’hui, Paris, Delachaux et Niestlé, Changer d’ère, 2006, 191 p. 2. Piguet, François, Des nomades entre la ville et les sables, sédentarisation dans la corne de l’Afrique, Paris, Genève, Khartala, 2000, 444 p. 3. Sacareau, Isabelle, Porteurs de l’Himalaya : le trekking au Népal, Paris, Belin, 1997, 271 p.

RÉSUMÉS

Au cours des dernières décennies, le tourisme a connu de profonds bouleversements. Certains effets pervers de cette activité sur les territoires qui l’abritent ont été dénoncés, et dans le même temps diverses alternatives (comme l’écotourisme) sont apparues.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 271

Le continent africain fait figure de front pionnier, voire d’initiateur, pour de telles pratiques. Des treks chameliers sahariens aux éco-campements maliens, ces nouvelles façons de voyager se veulent plus éthiques et plus respectueuses des milieux naturels comme des populations d’accueil. La République de Djibouti, Etat en marge de l’espace saharien, apparaît comme une destination alter touristique émergente. A partir de cet exemple, ce papier cherche à analyser les processus à l’origine du soudain développement de ces initiatives, entre réinterprétation des grands modèles et projets innovants. Ce faisant, il fournira les premiers résultats d’une étude menée sur le développement de ces nouvelles formes de tourisme à Djibouti.

Within the last decades tourism has met great changes. Certain perverse effects have been noticed from tourism on territories open to sightseeing, and at the same time diverse alternatives such as eco tourism have appeared. The African continent is a pioneer, even initiator of such tourism. From Saharan camel tracks to eco-camping in Mali, these new ways of travelling want to be more ethical and more respectful of the natural milieu and the local population. The Djibouti Republic a State on the edge of the Saharan space would appear as an emerging ‘alter tourist destination ‘. From this example, this article tries to analyze the processes at the origin of this sudden initiative development, between reinterpretation of main models and innovating projects. Doing this, we provide the first results of a study carried out on the new forms of tourism in Djibouti.

Durante estos últimos decenios, el turismo ha conocido profundas transformaciones. Algunos efectos perversos de esta actividad sobre los territorios que la experimentan han sido denunciados, y en el mismo tiempo diversas alternativas (como el ecoturismo) han aparecido. En ese tipo de prácticas, el continente africano se considera como pionero e incluso como iniciador. De los trekking en camello saharianos a los eco,campamentos malienses, esos nuevos modos de viajar se quieren más éticos y respetuosos del medio natural y de las poblaciones acogedoras. La República de Djibouti, Estado en margen del espacio sahariano, aparece como otra destinación turística diferente y emergente. A partir de este ejemplo, este artículo trata de analizar los procesos que están en el origen del repentino desarrollo de esas iniciativas, entre reinterpretación de grandes modelos y proyectos innovadores. Así, esto, nos proporcionará los primeros resultados de un estudio realizado sobre el desarrollo de esas nuevas formas de turismo en Djibouti.

تفرع ةحايسلا نوضغ يف ةيرشعلا ةريخ تاريغتلا ةيرذج يدصتلا مت دق . و ديدعلل ةنيشملا راث لا نم اذهل تقولا طاشنلا يف ميلاق هتاذلو ضعب ترهظ ا يف ةدع ،لئادب ةحايسلا لثم ةيئيبلا . لتحت ةراقلاو ةيقيرفلا ةرادصلا ةبسنلاب لثمل هذه تاسرامملا ىلع روهظ . لامجلا نمف حرلا ت ل ةيوارحصلا تاميخملا ىلإ ةيجولوكيلا ،ةيلاملا دعت هذه تايفيكلا ةديدجلا رفسلا يف ،ةيق رثكأ كلذخأل اهنأ مرتحت لكشب طاسو ربكأل ةيعيبطلاا ناكس قطانملاو ةفيضملا . رهظت ،يتوبيج ةلود يه عقت ىلع شماه و لاجملا يوارحصلا ةهجو ةديدج ةليدب و ةحايسلل . اق طنال و اذه ،لاثملانم فدهي اذه لاقملا ليلحت ىلإ تاروريسلا روطتلا يف لص يتلال دعت ا ئجافملا هذهل تاردابملا ةداعإ نيب ليوأت جذامنلا ىربكلا عيراشملا و ةركتبملا ،ةمث نم . اذه نإف لاقملاو ضرعي جئاتنلا ةساردل ىلو لا تمت لوح روطت لاكش ةديدجلال هدها يتوبيجب .

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 272

INDEX

يتوبيج , ميلقإ , تايجيتارتسإ ةيمنتلا , ةحايسلا ةديدجلا , يعرلا سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

Palabras claves : Djibouti, territorio, estrategias de desarrollo, nuevos turismos, pastoralismo Keywords : Djibouti, territory, development strategies, new tourism, pastoralism Mots-clés : Djibouti, territoire, stratégies de développement, nouveaux tourismes, pastoralisme

AUTEURS

SERGE ORMAUX

Professeur à l’Université de Franche-Comté, directeur de l’UMR ThéMA.

CLÉMENTINE THIERRY

Doctorante en géographie à l’Université de Franche-Comté, Laboratoire ThéMA.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 273

Le tourisme de circuit dans le Sahara tunisien : réalités et perspectives Tour tourism in the Tunisian Sahara: reality and perspectives El turismo de circuito en el Sahara tunecino : realidades y perspectivas ةحايسلا ءارحصلا يف ةيسنوتلا : قاف عقاولالا و

Mohamed Souissi

1 Dans le Sud tunisien, le tourisme saharien constitue une alternative au tourisme balnéaire. Il concerne la zone touristique de Gafsa-Tozeur qui a suscité, ces dernières années, un intérêt croissant des différents acteurs du tourisme en Tunisie. Dans cette zone, la pratique du tourisme de circuit est considérée aujourd’hui comme l’élément principal de l’offre touristique dans les régions sahariennes. La diversité des paysages, des cultures et des habitats traditionnels dans ces régions sahariennes explique l’importance de cette forme de tourisme. Dans le cadre de l’animation des séjours dans les stations balnéaires, les tours opérateurs et les agences de voyages programment des excursions dans les régions sahariennes, notamment, autour du Chott el-Jérid et dans les principales villes touristiques du Sud tunisien.

2 Malgré les opportunités de diversification du tourisme saharien dans le Sud tunisien, la commercialisation du tourisme de circuit reste liée essentiellement à l’image touristique saharienne dans les pays émetteurs et aux stratégies commerciales des voyagistes étrangers. L’étude des brochures publicitaires de ces voyagistes montre que le produit saharien est vendu dans les marchés émetteurs comme un produit complémentaire au tourisme balnéaire, ce qui est à l’origine de la faible durée de séjour dans les régions sahariennes. Le pôle balnéaire de Djerba-Zarzis joue un rôle important dans l’organisation du tourisme de circuit. Ce pôle est le point de départ de la plupart des circuits touristiques. 3 Par conséquent, l’objet de ce travail est d’élaborer une réflexion sur l’état des lieux du tourisme de circuit dans le Sahara tunisien, d’étudier son organisation spatiale et d’analyser son fonctionnement commercial chez les voyagistes étrangers. Enfin, en

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 274

tenant compte du potentiel touristique réparti dans les régions sahariennes et en se fondant sur l’observation des pratiques actuelles du tourisme international en Tunisie et l’analyse des enquêtes que nous avons menées auprès des différents acteurs (l’Office National du Tourisme Tunisien, l’Agence Foncière Touristique, les voyagistes étrangers…), ce travail tient aussi à proposer de nouveaux circuits touristiques capables de mieux organiser le tourisme de circuit dans le Sahara tunisien.

1. Le tourisme dans le Sahara tunisien : état des lieux et organisation spatiale

1.1. Une faible intégration des régions sahariennes dans le système touristique

4 Selon le découpage régional de l’administration touristique, le tourisme saharien concerne quatre gouvernorats du Sud tunisien à savoir, ceux de Tozeur, Kébelli, Gafsa et Tataouine. Ces quatre gouvernorats sont regroupés sous l’appellation de « zone touristique de Gafsa-Tozeur » qui attire près de 800 000 touristes étrangers par an (ONTT, 2007)1. Cependant, à l’examen des statistiques du tourisme dans le Sud tunisien, on constate une faible intégration de cette région dans le système touristique tunisien par rapport à l’activité touristique du pôle balnéaire Djerba-Zarzis.

5 Concernant la demande touristique, la région Djerba-Zarzis a enregistré en 2007 une fréquentation d’environ 1 300 000 touristes internationaux, contre seulement 770 000 à Gafsa-Tozeur, soit une différence de l’ordre de 530 000 visiteurs. De même, les statistiques reflètent une large différence de la durée de séjour entre les deux régions puisque la région balnéaire Djerba-Zarzis présente une durée moyenne de 7,5 jours, alors qu’elle n’a pas dépassé 1,3 jour dans la région saharienne Gafsa-Tozeur. Ces différences reflètent, en réalité, l’existence de deux formes de pratiques touristiques dans le Sud tunisien. La première, dominante dans la région Djerba-Zarzis, est liée à un tourisme de séjour à vocation balnéaire, alors que la deuxième est liée à un tourisme de circuit essentiellement saharien pratiqué dans la région Gafsa-Tozeur. 6 L’examen des statistiques fait également apparaître que l’offre et la demande touristiques sont relativement limitées dans la région touristique saharienne Gafsa- Tozeur, par rapport à l’ensemble de la Tunisie. D’ailleurs, sa capacité hôtelière est seulement de 5 % de la capacité totale du pays en 2007. Quant à la fréquentation, elle ne représente que 14 % du total des touristes ayant séjourné en Tunisie au cours de cette même année (tab.1).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 275

Tableau 1 : L’offre et la demande touristique dans la région saharienne Gafsa-Tozeur

Source : Stat. ONTT, 2007.

7 D’après cette analyse, nous pouvons conclure que les stations balnéaires du Sud tunisien demeurent aujourd’hui les grands récepteurs des flux touristiques, alors que les régions sahariennes restent une destination secondaire pour les touristes étrangers. Cela permet de poser la question de la relation que peuvent entretenir ces deux espaces touristiques et de leurs dynamiques propres.

1.2. Organisation de l’espace touristique dans les régions sahariennes : influence du pôle balnéaire Djerba-Zarzis

8 L’analyse géographique de la carte de l’organisation de l’espace touristique dans les régions du Sud tunisien (carte 1) fait apparaître l’existence d’une activité touristique organisée autour de deux espaces basés sur deux types de produits différents : l’espace touristique balnéaire Djerba-Zarzis axé sur un produit de séjour et l’espace saharien Tozeur-Douz axé sur un produit d’excursion. Dans les espaces périphériques autour de ces pôles, on peut constater l’existence d’un nombre important de sites touristiques sans diffusion spatiale apparente comme Tamerza, Nefta, Matmata et Tataouine.

9 Dans le Sahara tunisien, l’espace touristique se caractérise par son étendue géographique par rapport à l’espace touristique balnéaire Djerba-Zarzis. En plus de la combinaison de plusieurs pratiques touristiques, l’espace saharien couvre la totalité des régions sahariennes du Sud tunisien. En effet, la carte révèle l’existence de deux pôles d’attraction touristique majeurs : Tozeur et Douz. Les pratiques touristiques dans ces deux pôles sont axées sur trois formes de tourisme : le tourisme culturel saharien axé sur le patrimoine et l’animation culturelle, le tourisme des oasis orienté principalement vers les circuits organisés dans les oasis, enfin, le tourisme de désert axé sur les randonnées et les bivouacs dans le désert. De même, la carte illustre l’existence de deux sites touristiques sahariens importants : Matmata et Tataouine. Dans ces deux sites, les pratiques touristiques sont orientées vers le tourisme de désert et le tourisme culturel saharien, notamment la visite des ksour berbères2.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 276

Carte 1 : Organisation de l’espace touristique dans les régions du Sud tunisien

Source : Enquêtes personnelles auprès de l’ONTT, l’AFT et « Tunisie Voyages » à Tunis « Nouvelles Frontières » et « Fram Voyages » à Paris (2005) / Conception et réalisation personnelles.

10 Il convient aussi de noter qu’en plus de cette concentration des pratiques touristiques autour de Tozeur, Douz, Matmata et Tataouine, la majorité des sites touristiques situés dans les espaces périphériques attirent les touristes étrangers pour la pratique du tourisme des oasis. C’est le cas, essentiellement, des sites situés au nord de Chott-Jerid comme Nefta, Tamerza, Metlaoui et Gafsa.

11 Ainsi, l’organisation spatiale du tourisme dans les régions sahariennes se caractérise par l’influence des pôles balnéaires sur l’espace saharien. En effet, les mouvements des touristes vers les villes sahariennes se font à partir de deux espaces géographiques différents. Le premier flux, le plus important, se fait à partir de Djerba-Zarzis vers les villes de Douz et Tozeur. Quant au second, il se fait à partir des autres zones touristiques balnéaires comme Sousse, Monastir et Hammamet. Selon notre enquête de terrain menée en 2005 auprès des tours opérateurs étrangers et des agences de voyages tunisiennes, ces mouvements de touristes correspondent à des circuits organisés pour la visite des oasis et des villages berbères du Sud tunisien. 12 En général, ces circuits sont le produit phare des régions sahariennes. Ils sont organisés en collaboration avec des acteurs locaux de la région et représentent la forme de tourisme la plus commercialisée par les voyagistes étrangers.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 277

2. Les circuits organisés dans le Sahara tunisien

2.1. La commercialisation du produit saharien : formules de séjours et types de circuits touristiques

13 La commercialisation touristique du Sahara est liée essentiellement à l’image touristique saharienne dans les pays émetteurs et aux stratégies commerciales des tours opérateurs étrangers. En effet, parallèlement à nos enquêtes de terrain auprès des tours opérateurs étrangers, nous avons analysé l’image touristique saharienne véhiculée par des tours opérateurs français à travers leurs brochures publicitaires, ainsi que les types de formules de séjours proposées pour la destination Sahara. Notre base de travail est composée de 22 brochures des principaux tours opérateurs (Nouvelles Frontières, Club Méditerranée, Fram Voyages, Jet Tours,…). Elles concernent les années 2001 à 2004 et traitent de la haute et de la basse saison touristique, comme le montre le graphique 1.

Graphique 1 : Principaux thèmes abordés par les voyagistes français pour le produit saharien

Source : Nouvelles Frontières, Club Med, Fram Voyages et Jet Tours (2001-2004) / Conception et calcul personnels.

14 D’après les résultats obtenus, on constate que le produit saharien est le deuxième produit le plus représenté par les tours opérateurs. Il arrive derrière le produit balnéaire qui représente l’image touristique majeure du tourisme tunisien. Sur l’ensemble des photos analysées, 30 % traitent des thèmes à vocation saharienne contre 48 % pour le produit balnéaire et 22 % pour le produit culturel. De même, pour la destination Sahara, les circuits touristiques et les randonnées représentent le thème le plus abordé par les voyagistes français (près de 35 % des photos) ; ce qui confirme les formes des pratiques touristiques dans les régions sahariennes.

15 En ce qui concerne les types de formules de séjours et de circuits touristiques proposés pour la destination Sahara, la quasi-totalité des brochures présentent des formules dites classiques (tab. 2) :

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 278

Tableau 2 : Types des formules de séjours et de circuits proposés par les voyagistes français pour la destination Sahara

Source : Nouvelles Frontières, Club Med, Fram Voyages et Jet Tours (2001-2004) / Conception et calcul personnels.

• Destination directe (circuit et séjour complet au Sahara) : généralement, les touristes séjournent à Tozeur, Douz, ou Tataouine. Cette formule représente près de 29 % de l’ensemble des formules analysées pour la destination Sahara. • Destination indirecte (circuit uniquement) : les circuits sont organisés, en grande partie, par des agences de voyages tunisiennes pour la visite des oasis et des ksour berbères. Cette formule de séjour est commercialisée à partir des grandes stations balnéaires comme Djerba, Zarzis, Sousse et Monastir. C’est la formule de séjour la plus commercialisée pour la destination Sahara (52 % de l’ensemble des formules analysées). • Séjour combiné (balnéaire / Sahara) : ces types de formules visent les stations balnéaires, mais dans le cadre de l’animation de séjour, les organisateurs proposent des séjours avec excursions dans les régions sahariennes proches de la station. Généralement, les séjours combinés sont programmés à Djerba et Tozeur. Cette formule ne représente que 18 % par rapport aux autres types de formules proposées pour la destination Sahara. D’après ce classement, la destination Sahara est commercialisée par les tours opérateurs étrangers comme une destination indirecte et secondaire à partir des espaces touristiques balnéaires. Le tourisme dans les régions sahariennes est basé sur des circuits de très courte durée, ce qui explique la faible durée de séjour enregistrée dans les hôtels du Sud-ouest tunisien. De même, suite à une enquête à Paris auprès du voyagiste français Nouvelles Frontières, le responsable du marketing affirme que la Tunisie est programmée en général pour des séjours balnéaires.

16 La programmation des stations sahariennes n’est là que pour compléter la gamme de la destination (Souissi. M., 2007)3.

2.2. Le tourisme de circuit : le produit phare des régions sahariennes

17 Dans les régions sahariennes du Sud tunisien, les circuits organisés représentent la forme de tourisme la plus pratiquée par les touristes internationaux. En effet, dans le cadre de l’animation des séjours dans les stations balnéaires, les tours opérateurs et les agences de voyages programment des excursions dans le Sahara tunisien. Généralement, ces excursions se déroulent dans des véhicules tout terrain (4x4) et durent habituellement trois nuits et quatre jours. Les itinéraires couvrent le désert et

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 279

les oasis de Matmata, Douz et Tozeur. Le touriste passe le reste de son séjour dans la station balnéaire, là où le circuit a commencé à savoir Hammamet, Sousse, Monastir ou Djerba. De même, selon une enquête de terrain menée en 2003 auprès des touristes dans la zone balnéaire Sousse-Monastir4, la formule saharienne « Safaris en 4x4 » reste la formule la plus adoptée par les touristes étrangers. Plus de 89 % de ceux qui ont visité le Sud tunisien ont choisi cette formule d’excursion (graph.2).

Graph. 2 : Formules d’excursions des touristes dans le Sud tunisien

Source : Enquête personnelle auprès des touristes (2003).

18 Enfin, dans l’espace touristique du Sud tunisien, les tours opérateurs étrangers et les agences de voyages tunisiennes proposent également aux touristes des mini-circuits dans les régions voisines des lieux de séjours. La durée des excursions est très variable. Elle va d’une journée à trois jours. Généralement, ces circuits se font à partir de Djerba, Douz ou Tozeur.

2.3. Exemple d’un circuit touristique saharien organisé par le tour opérateur français Jet Tours

19 Les voyagistes étrangers organisent des séjours complets sous forme de circuits en étapes dans les différentes oasis et villes sahariennes. Le voyage est programmé directement à partir des pays européens vers les aéroports de Djerba ou Tozeur. La carte 2 illustre un exemple de circuit organisé par le tour opérateur français Jet Tours. Le voyage est organisé en vol charter ou régulier à partir de Paris et à destination de Djerba. Le prix moyen proposé par le voyagiste se situe, selon les périodes, entre 495 € et 750 €. Le circuit se déroule en véhicule 4x4 avec six personnes maximum, accompagnées par un guide local parlant français. Selon le tour opérateur, le voyage est organisé, habituellement, pour une durée de huit jours, dont cinq jours programmés pour le circuit saharien. Quant à l’hébergement, il s’effectue dans des hôtels trois et quatre étoiles selon les villes - étapes du parcours.

20 En effet, le circuit prend son départ à Djerba le deuxième ou le troisième jour, en fonction du jour d’arrivée des touristes. Dans une première étape, les touristes visitent

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 280

les villes de Gabès, Kebelli, Tozeur et le village de Bechri. Dans une deuxième étape, le circuit parcourt les oasis de Chebika, Tozeur et Midès. Ensuite, dans une troisième étape, les touristes découvrent les oasis de Nefta, Hazoua et El Faouar. La quatrième étape est consacrée à la visite de la ville de Douz, Chenini et Tataouine. Enfin, avant de retourner vers Djerba, les touristes visitent, dans une dernière étape, le village de Toujane et la localité de Matmata.

Carte 2 : Itinéraire d’un circuit touristique saharien organisé par le tour opérateur français Jet Tours

Source : Enquêtes personnelles auprès du voyagiste « Jet Tours » à Paris (2005) / Conception et réalisation personnelles.

21 A travers cet exemple de voyage saharien, on peut constater que les excursions couvrent presque la totalité de l’espace touristique du Sud tunisien. Mais, la question qui se pose aujourd’hui est celle des retombées économiques de cette forme de tourisme sur la population locale. Selon les responsables du tourisme contactés dans les régions de Douz et Tozeur, les bénéfices économiques des circuits sous forme de « Safaris » sont limités surtout aux hôtels étapes. En effet, les touristes consacrent le plus de temps pour la visite des oasis et le désert saharien. Les commerces et les autres services des villes sahariennes sont très peu fréquentés par les touristes effectuant ces types de circuit. Le modèle typique de tourisme à Tozeur se limite à une balade en calèche tirée par des chevaux dans l’oasis, mais les propriétaires d’oasis ne profitent pas directement de ces activités. Ce type de tourisme présente très peu de retombées locales ; les touristes ont peu de contacts avec le patrimoine socio-culturel. Enfin, l’espace touristique des régions sahariennes révèle l’existence d’un potentiel important en termes de pratiques touristiques liées aux composantes du produit saharien, notamment le tourisme des oasis, le tourisme de désert et le tourisme culturel saharien. A l’avenir, ce potentiel permettra de diversifier le tourisme de circuit dans le Sahara

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 281

tunisien à travers le développement de nouveaux circuits à thème capables de mieux couvrir l’espace touristique saharien.

3. Perspectives du tourisme de circuit dans le Sahara tunisien : potentialités et réorganisation de l’espace touristique saharien

3.1. La diversité du potentiel touristique saharien : un atout pour l’étalement de la saison touristique

22 Le Sahara tunisien offre des opportunités certaines pour une plus grande diversité de produits et un étalement de la saison touristique. La partie Nord du Sahara présente des implantations humaines permanentes avec des ensembles urbains traditionnels, des villages de montagne, des oasis, etc.5 En effet, l’espace touristique saharien du Sud se caractérise par la diversité de ses paysages constitués par des espaces de verdure dans les oasis, des déserts de sable, des espaces étendus de sel (Chotts) et des déserts rocheux de montagne. Les paysages sahariens, et notamment les oasis, dont l’ancienneté est liée à l’existence de sources d’eau, présentent l’originalité d’une agriculture spécifique. C’est le cas des oasis du Jérid qui constituent un noyau urbain ancien, des oasis maritimes, ou encore des oasis de montagne.

23 En plus des oasis, le Sud tunisien se caractérise par la présence d’ensembles traditionnels formés par des constructions isolées ou groupées qui ont une valeur exceptionnelle du point de vue historique et socioculturel en raison de leur architecture spécifique6. C’est le cas des ksour fortifiés et des ghorfa, vestiges architecturaux témoignant d’une organisation extrêmement structurée des sociétés sahariennes (photo 1). De nombreux guides de voyage internationalement reconnus, notamment « Michelin », « Lonely Planet », « le Guide Bleu », etc. insistent fortement sur la qualité de ces constructions et consacrent plusieurs pages à leur architecture célèbre, ainsi qu’à la culture berbère qu’elles incarnent7. De même, les groupements humains des régions du Sud tunisien et leurs activités économiques traditionnelles sont très diversifiés. Chaque région possède des caractéristiques spécifiques, des cultures et habitations différentes telles les palmeraies de Gafsa, Tozeur, Kebelli et Nefta, les maisons troglodytes (Matmata), les villages romains (Chebika…) et les ksour (Ksar Khilane, Haddada…). Cette diversité constitue une importante motivation à la découverte et explique l’importance du tourisme de circuit, considéré aujourd’hui comme le fil conducteur de l’organisation de l’offre dans les différents espaces touristiques du Sud tunisien.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 282

Photo 1 : Ksar Ouled Soltane dans le Sud tunisien

Source : GAROZZO. A, « Tunisie aux portes de l’orient », 2002, p. 48. Ksar Ouled Soltane, situé dans la région de Tataouine, est l’exemple même d’une architecture traditionnelle. Il est l’un des plus beaux et des mieux conservés de tout le Sud tunisien.

24 Outre la diversité des paysages et des habitats traditionnels, le Sud tunisien offre, grâce à sa modeste superficie géographique, la possibilité de passer du Sahara à la mer en moins d’une journée de voiture (Baziz, S., 1996)8, ce qui constitue un avantage important par rapport au Maroc, à l’Algérie et à la Libye, concurrents directs de la Tunisie sur ce type de produit. De plus, dans le cadre de l’animation culturelle, les régions sahariennes du Sud tunisien proposent chaque année plusieurs manifestations et festivals internationaux, notamment, « le festival international du Sahara à Douz », « le festival international des oasis à Tozeur », « le festival des ksour à Tataouine », etc. Enfin, il faut noter que le Sahara du Sud tunisien possède aussi d’autres potentialités orientées vers de nouvelles pratiques touristiques sahariennes. C’est le cas par exemple du développement d’une hôtellerie pittoresque (hôtels à caractère local, tentes…) dans les oasis de montagne qui peut être proposée aux touristes recherchant un tourisme haut de gamme avec des circuits à thème. On peut également relever un potentiel de développement du tourisme de randonnée et de circuits autour des thèmes de la faune et de la flore combinés à des aspects historiques et socioculturels dans les oasis de montagne, dans le Chott el-Jérid et la vallée de Selja.

3.2. Nouveaux circuits à thème et réorganisation de l’espace touristique saharien

25 En se fondant sur la diversité du potentiel touristique et sur l’organisation géographique des formes de tourisme saharien, on peut identifier la possibilité de deux

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 283

circuits touristiques à thème capables de mieux organiser le tourisme dans les régions sahariennes du Sud tunisien (carte 3) : • « Le circuit des oasis » : ce circuit permettra d’organiser l’espace touristique autour de Chott- Jerid entre les villes de Gabès, Tozeur et Kebelli, en passant par Gafsa, Metlaoui, Tamerza et Nefta. En raison du potentiel important des oasis dans le Nord de Chott el-Jerid, ce circuit pourra être orienté vers un tourisme de randonnée dans les oasis. Son itinéraire permettra aussi d’intégrer le Parc national de Bouhedma situé dans les régions de Gafsa et Sidi Bouzid ; en effet, ce parc est considéré comme l’un des principaux en Tunisie. Il abrite d’importantes richesses de la faune et de la flore. Il est caractérisé par la présence de la savane sub- saharienne dominée par le gommier (Acacia raddiana). • « Le circuit des Ksour berbères » : ce circuit permettra d’organiser l’espace entre le pôle d’attraction touristique de Tozeur et les deux principaux sites sahariens, Matmata et Tataouine. En effet, ce circuit est orienté, d’une part vers une pratique touristique culturelle axée sur la visite des ksour berbères, et d’autre part vers une pratique de tourisme de désert centrée sur les randonnées et les bivouacs dans le désert. De même, l’itinéraire de ce circuit donnera la possibilité d’intégrer les deux parcs nationaux de Sidi Toui et Jebil. Ce dernier renferme plus de 100 000 hectares de dunes et est caractérisé par la présence des gazelles et certaines espèces d’oiseaux et de reptiles.

Carte 3 : Tourisme de circuit et réorganisation de l’espace dans les régions sahariennes

Source : Enquêtes personnelles auprès de l’ONTT, l’AFT et la direction générale des forêts (2006) / Conception et réalisation personnelles.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 284

26 Afin de parvenir à ses objectifs, l’administration touristique tunisienne et les acteurs privés devront collaborer ensemble pour développer et renforcer le tourisme de circuit dans le Sahara tunisien. Plusieurs recommandations peuvent être faites sur ce thème : • Elargir l’offre d’équipements hôteliers dans les pôles d’attraction touristique et promouvoir l’aménagement d’espaces de loisirs, notamment ceux destinés à l’animation et au tourisme sportif. • La collaboration de l’ONTT avec les autorités locales pour développer le tourisme dans les parcs, notamment en matière d’équipements et d’infrastructures de base (centre pour les visiteurs, routes d’accès, hébergement…). • La coopération entre les agences de voyage, les hôteliers et les populations locales afin de renforcer les circuits de découverte du Sahara en utilisant des moyens de transport comme les dromadaires et les chevaux. • L’élaboration de circuits pédestres ou à VTT dans les oasis et les palmerais pour découvrir les différentes techniques agricoles, notamment les aménagements hydrauliques traditionnels hérités des époques phéniciennes et romaines. Ces types d’aménagement existent dans quelques régions du Sud comme Gafsa, Tozeur et Tataouine. • La nécessité de la mise en valeur de l’architecture traditionnelle dans les médinas de Nefta et Tozeur pour qu’elles constituent une composante majeure dans les circuits touristiques et la découverte du patrimoine architectural du Sud tunisien (Banque Mondiale et Office National du Tourisme Tunisien, 2003)9.

27 Pour résumer cette réflexion, il convient de noter que la gamme de circuits proposée par les agences de voyages est caractérisée par une répétitivité qui, à terme, risque de faire perdre à ce produit son attrait et son originalité. Il serait donc nécessaire de réfléchir à une approche de mise en place de circuits qui tienne compte de toutes les potentialités des régions sahariennes d’une part, et de leur combinaison d’autre part, et d’adjoindre à ces circuits une dimension plus culturelle.

Conclusion

28 Ces recherches montrent une sous-exploitation des potentialités touristiques de l’espace saharien.

29 Notre nouvelle approche géographique de l’organisation spatiale du tourisme dans les régions sahariennes est en grande partie fondée sur les potentialités du Sud tunisien et l’observation des pratiques actuelles du tourisme ; elle dépendra, notamment, des orientations futures de l’Etat en termes d’aménagement du territoire et de l’évolution de la demande touristique internationale. L’avenir du tourisme de circuit dans le Sahara tunisien portant sur le développement des nouveaux produits nécessite une étude approfondie de chaque marché émetteur, un inventaire des ressources touristiques locales, et une réflexion générale sur les contraintes actuelles du tourisme tunisien pour bien cibler les objectifs et faire face aux besoins futurs de la demande. 30 Le Sud tunisien est une région stratégiquement importante pour un tourisme durable qui permet le passage d’un tourisme balnéaire, basé sur un seul produit, au tourisme saharien développant de multiples sous-produits et valorisant d’autres richesses naturelles et patrimoniales. La mise en tourisme du patrimoine naturel et culturel saharien lui offre une chance de conservation, l’évolution vers un rôle durable qui concilie rentabilité économique et équité sociale et contribue à la naissance d’un

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 285

rapprochement entre tous les acteurs. L’intégration économique et sociale du tourisme de circuit en milieu saharien suppose que celle-ci cohabite avec les secteurs traditionnels pour les promouvoir. Elle est supposée profiter à une majorité de la population locale de façon à créer plus d’emplois et pouvoir maintenir la population sur le territoire dans un équilibre harmonieux. En outre, l’approche environnementale doit être prise en compte dans l’élaboration des circuits touristiques et dans le processus de développement socioéconomique des régions sahariennes. 31 Signalons enfin que le développement d’un tourisme durable dans le Sahara tunisien nécessitera tout de même, une mobilisation de la population locale, des acteurs du tourisme ainsi qu’une volonté politique affirmée au niveau local, national et international. Il est évident que ce concept polysémique présente un périmètre incertain et un contenu imprécis, mais la mise en place d’un processus d’évaluation économique et environnementale continue des projets de tourisme saharien permettra dans l’avenir de mieux les recentrer selon des objectifs opérationnels et durables pour les acteurs concernés.

BIBLIOGRAPHIE

Banque Mondiale et Office National du Tourisme Tunisien, « Stratégie de développement touristique en Tunisie », rapport final, Tunis, 2003.

Baziz, S. « La diversification du produit touristique tunisien : le produit saharien », mémoire de fin d’études, Institut des Hautes Etudes Commerciales, Tunis-Carthage, 1996.

Office national du tourisme tunisien et Agence japonaise de coopération internationale, « Étude du plan directeur de développement du tourisme en République tunisienne », esquisse du rapport final, tome III, Tunis, édition ONTT, 2001.

Office National du Tourisme Tunisien, « Le tourisme tunisien en chiffres », édition ONTT, Tunis, 2007.

Souissi, M., « Le tourisme international en Tunisie : vers de nouvelles formes et la réorganisation de l’espace touristique », thèse de doctorat en géographie, Université de Paris IV, Paris, 2007.

Souissi, M., « Géographie du tourisme en Tunisie : contraintes et innovations », mémoire de DEA en géographie, Université du Maine, le Mans, 2002.

UNESCO, Observatoire du Sahara et du Sahel, Office National du Tourisme Tunisien, « Stratégie pour un développement durable du tourisme au Sahara », Actes de réunion du réseau consultatif du projet transversal pour l’élimination de la pauvreté, Sidi Bou Saïd, Tunisie, 18-19 avril 2002, rapport final, UNESCO, Paris, 2002

NOTES

1. Office National du Tourisme Tunisien, « Le tourisme tunisien en chiffres », Tunis, édition ONTT, 2007, p. 49.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 286

2. Le ksar est une architecture traditionnelle constituée par des Ghorfa -des greniers sans fenêtres où les nomades entreposaient leurs grains- . Empilées les unes sur les autres, les Ghorfa peuvent comporter jusqu’à cinq étages auxquels on accède par des escaliers extérieurs taillés dans la pierre. 3. Souissi, M. « Le tourisme international en Tunisie : vers de nouvelles formes et la réorganisation de l’espace touristique », thèse de doctorat en géographie, Université de Paris IV, Paris, 2007, p 210. 4. L’enquête par questionnaire a été établie en trois langues (française, anglaise et allemande) auprès de 1032 touristes étrangers. 5. UNESCO, Observatoire du Sahara et du Sahel, Office National du Tourisme Tunisien, « Stratégie pour un développement durable du tourisme au Sahara », Actes de réunion du réseau consultatif du projet transversal pour l’élimination de la pauvreté, Sidi Bou Saïd, Tunisie, 18-19 avril 2002, rapport final, UNESCO, Paris, p. 28. 6. Souissi, M. « Géographie du tourisme en Tunisie : contraintes et innovations », mémoire de DEA en géographie, Université du Maine, le Mans, 2002, p. 93. 7. Office national du tourisme tunisien et Agence japonaise de coopération internationale, « Étude du plan directeur de développement du tourisme en République tunisienne », esquisse du rapport final, tome III, Tunis, édition ONTT, 2001, p.151. 8. Baziz, S. « La diversification du produit touristique tunisien : le produit saharien », mémoire de fin d’études, Institut des Hautes Etudes Commerciales, Tunis-Carthage, 1996, p. 18. 9. Banque Mondiale et Office National du Tourisme Tunisien, « Stratégie de développement touristique en Tunisie », rapport final, Tunis, 2003, p. 110.

RÉSUMÉS

Le tourisme de circuit est considéré aujourd’hui comme l’élément principal de l’offre touristique dans les régions sahariennes. Cette forme de tourisme concerne la zone touristique de Gafsa,Tozeur. Le pôle balnéaire de Djerba,Zarzis joue un rôle important dans l’organisation du tourisme de circuit dans les régions sahariennes. L’analyse de l’image touristique saharienne véhiculée par les tours opérateurs étrangers à travers leurs brochures publicitaires montre que les circuits touristiques et les randonnées au Sahara représentent le thème le plus abordé par ces voyagistes. L’objet de cette communication est d’élaborer une réflexion sur l’état des lieux du tourisme de circuit dans le Sahara tunisien, d’étudier son organisation spatiale et d’analyser son fonctionnement commercial chez les voyagistes étrangers. Elle tiendra aussi à proposer de nouveaux circuits touristiques capables de mieux organiser le tourisme de circuit dans le Sahara tunisien.

Tourist tours are considered as the main attraction that the Sahara region offers. This form of tourism concerns the Gafsa,Tozeur tourist zone. The Djerba, Zaris spa pole plays an important role for organized sightseeing tours in the Sahara regions. An analysis of the Saharan tourism image, given by foreign tour operators in their publicity brochures, shows that the organized trips and excursions represent the subject the most approached by travel agencies. This research aims at elaborating evaluations of places in the tourist tours in the Saharan Tunisian circuit, to study its spatial organization and to analyze its commercial function among the foreign travel agents. It also tries to suggest new trips capable of better organization for this tour tourism in the Tunisian Sahara.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 287

El turismo de circuito se considera hoy como el elemento principal de la oferta turística en las regiones saharianas. Esta forma de turismo concierne a la zona turística de Gafsa,Tozeur. El polo balneario de Djerba,Zarzis juega un papel importante en la organización del turismo de circuito en las regiones saharianas. El análisis de la imagen turística sahariana vinculada por los touroperadores extranjeros a través de sus folletos publicitarios muestra que los circuitos turísticos y las excursiones en el Sahara representan el tema más abordado por esas agencias. El objeto de esta comunicación es emprender una reflexión sobre el estado de la cuestión del turismo de circuito en el Sahara tunecino, estudiar su organización espacial y analizar cómo los touroperadores extranjeros hacen funcionar su comercio. También tratará de proponer nuevos circuitos turísticos capaces de organizar mejor el turismo de circuito en el Sahara tunecino.

دعت ةحايسلا ةينيبلا مويلا ارصنع ايساسأ ضرعلا يف يحايسلا قطانملا يف ةيوارحصلا . صخي ثيح اذه عونلا ةحايسلا نم اديدحت ةقطنملا ةيحايسلا اسفغل روزوت , . بعلي مامحتس بطقل ا ابرجل سيزراز رود ً,ا امهم ميظنت يف ةحايسلا ةينيبلا قطانملا يف ةيوارحصلا . ليلحت نإ ةروص ةحايسلا ةيوارحصلا يتلا اهعضت رفسلا ةيبنجل ىلع تاروشنملات اكوا ل ةيراهشلا تاراسملا نيبت نأ ةيحايسلا لاوجتلا و يف ءارحصلا امه ناهجولا نايساسلا حايسلل . فدهلا هذه ةلخادملانم ريكفتلا وه ةحايس يف ةينيب لخاد ءارحصلا ،ةيسنوتلا ةسارد اهميظنت يئاضفلا ليلحت و اهلاغتشا يراجتلا حايسلا دنع بناجلا . امك اهنأ ىعست حارتقا ىلإ تاراسم ةحايس ةديدج ةرداق ىلع ميظنت ةحايسلا لكشب لضفأ ءارحصلا يف ةيسنوتلا .

INDEX

Mots-clés : Tunisie, sahara tunisien, tourisme de circuit, tourisme balnéaire, tours opérateurs Keywords : Tunisia, tunisian sahara, tourist organized trips, coastal tourist tourist agencies Palabras claves : Túnez, sahara tunecino, turismo de circuito, turismo balneario, tours operadores

سنوت , ءارحصلا ةيسنوتلا , ةحايسلا ةينيبلا , ةحايس تاعجتنملا , ةمظنم سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

ةيحايسلا حرلاتل , رافسل ا ت اكول

AUTEUR

MOHAMED SOUISSI

Enseignant, géographie, Université de Sousse (Tunisie).

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 288

Le Sahara et ses marges, un objet d’étude identifié : vers un renouvellement des recherches sur les espaces désertiques The Sahara and its margins, a precise subject under study: in favor of renewed research on desert spaces El Sahara y sus márgenes, un objeto de estudio identificado: hacia una renovación en las investigaciones sobre los espacios desérticos اجملا تل ديدجت يف ثاحبل ددحم ا : يسارد وحن عوضوم ،اهشماوه ءارحصلا و ةيوارحصلا

André Larceneux

1 Pour comprendre les dynamiques et les transformations qui affectent aujourd’hui le Sahara, il est nécessaire d’y inclure aussi ses marges, territoires par nature mal définis et extensifs, aux contours incertains. Car il est dans la logique des territoires où la population est nomade, par essence, et qui s’ouvrent encore plus sous l’effet de la mondialisation, de présenter cette confrontation permanente entre des lieux centraux (réels ou imaginaires) et des itinéraires multiples, marquant autant de réseaux, de flux enchevêtrés qui s’irriguent de la circulation des hommes, des richesses, des idées et de la culture : le retour dans le cœur du désert saharien est ressourcement et purification, avant un nouveau départ. Si le désert a, aujourd’hui, pour les populations européennes, cet attrait qui peut revêtir, au-delà du tourisme de masse, des aspects quasi mystiques, on peut aisément comprendre la dimension qu’il peut prendre pour les populations qui en sont originaires, qui portent en elles-mêmes sa culture.

2 Une culture qui joue de la présence et de la mobilité, du temps et de l’espace et qui se confronte en permanence à l’infini : celui de la profondeur historique puisant à l’aube de l’humanité, celui offert par un ciel étoilé insondable, celui de l’immensité des paysages ouverts et variés. On insistera pour noter que la logique centre–périphérie est

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 289

retenue dans ce colloque, à la fois dans ces acceptions géographiques habituelles, mais aussi et surtout en termes de représentations : le Sahara est bien le centre et les périphéries sahariennes, ses marges : elles ne sont pas marges d’espaces densément développés, même si, territoires de transition, elles présentent cette double qualité. Le point de vue « saharien » est dominant. 3 Pour essayer rendre compte de la diversité des contributions et de leur finesse, on peut adopter une double perspective qui, on l’espère, pourra témoigner de leurs richesses. Il nous semble que chaque contribution est, d’une certaine manière, redevable de cette double approche. Une première lecture des interventions peut être construite sur un ensemble d’oppositions binaires, terme à terme. Une seconde s’attachera plutôt à repenser le Sahara comme un système soumis comme tout organisme vivant à des chocs endogènes ou exogènes et à étudier ses capacités de résilience.

Le désert et ses oppositions

4 Les diverses contributions ont souvent été présentées en opposant à un « désert » pris comme un archétype, une valeur en soi, un certain nombre de notions qui peuvent apparaître comme des contraires logiques ou dynamiques. La dialectique ainsi constituée rend compte des conditions des mutations des territoires sahariens. La tonalité générale n’est pas absente d’un certain pessimisme devant des évolutions qui peuvent paraître peu favorables pour l’avenir du Sahara et de ses populations.

Désert et désertification

5 Il peut sembler surprenant, plusieurs contributions s’attachant à cette opposition, que ces deux concepts soient valorisés différemment. Alors que l’idée même du « désert », aussi bien dans ses dimensions naturelles que socio-économiques, a une image très positive, la « désertification », le processus qui y conduit, est perçue négativement. Il est vrai que ce processus affecte particulièrement les « marges », les zones de contact avec les espaces de plus fortes densités, de population et d’activités par lesquels le désert existe ou même peut vivre. La disparition de ces espaces, de ces marges, est de nature à remettre en question les équilibres de l’écologie ou de l’économie du Sahara dans son ensemble. Ainsi, l’évolution des steppes sous l’effet du réchauffement climatique, les phénomènes d’ensablement, la progression du désert affectent à la fois les écosystèmes très localisés et les ensembles agropastoraux plus vastes. Il est intéressant alors de noter les interactions proposées dans les contributions qui se partagent entre des études très localisées et la compréhension d’un équilibre général du système saharien. La richesse des contributions est sur ce point très grande.

Désert et dégradation des espaces désertiques

6 Le désert est un système vivant : selon plusieurs auteurs, il « grouille de vie ». Cette vie est tout d’abord celle de la flore et de la faune. Que d’espèces participent à cette activité, quelles que soient la minéralité ou l’altitude de leurs territoires. Mais c’est encore plus un patrimoine inappréciable pour l’Histoire de notre humanité : origine de l’homme, art et archéologie, ethnologie, architecture. Aujourd’hui, on prend la mesure

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 290

de ce que le Sahara nous apprend sur l’histoire du climat et sur les inventions que les hommes ont trouvées pour s’adapter à ces évolutions : se protéger de la chaleur, gérer une eau précaire. Habitats et agricultures oasiennes ont su dans l’histoire fournir des réponses adaptées. Ce que montrent plusieurs contributions, c’est la fragilité de ces équilibres écologiques et culturels sous les contraintes contemporaines. Elles ne présentent certes plus la violence qu’ont provoquée les pénétrations coloniales et la résistance qui y a été opposée. Mais les écosystèmes sahariens sont fragiles, les seuils de densité acceptables sont bas. Il n’est pas étonnant alors que la tonalité de plusieurs recherches renvoie à la nécessaire protection de ce patrimoine contre des atteintes répétées et souvent irréversibles, aux précautions à prendre contre de véritables destructions et à la préservation de la culture et des modes de vie sahariens. La modernité sous plusieurs de ses facettes (l’économie pétrolière, le commerce de marchandises transsaharien et son flux de camions, les migrations sud-nord et, bien sûr, le tourisme de masse) est porteuse de ces agressions à l’environnement et à la culture. La dynamique propre de la population locale dépasse sans doute les capacités locales de production vivrière et les ressources en eau. Les ressources naturelles sont, dans bien des cas, surexploitées. La faible biomasse et le climat sec réduisent considérablement la capacité endogène d’auto-épuration des écosystèmes sahariens. La gestion des eaux est ainsi un des défis les plus importants de l’économie saharienne, tant pour les besoins en eau potable ou d’usage courant que pour le traitement des eaux polluées déversées dans les oueds. Le désert est un espace à protéger.

Nomades et sédentaires

7 Le désert est un espace de circulation qui articule des déplacements caravaniers à longue distance et des mouvements plus courts liés au pastoralisme. L’homme du désert est un nomade, en perpétuel mouvement : les lieux qu’il visite n’ont de sens que par leur liaison, par les réseaux qui les relient. Les points d’eau sont de ceux là : l’économie du Sahara est aussi une économie d’oasis, fournissant des espaces de sédentarité et d’habitat. L’organisation traditionnelle serait fondée ainsi sur une articulation spécifique entre l’agriculture oasienne et les mouvements caravaniers, entre populations sédentaires et populations nomades.

8 Or, les développements récents sont marqués par une progression de la sédentarisation des populations, pour des raisons tant politiques qu’économiques. Déjà la colonisation avait tenté de fixer les populations semi-nomades, en instaurant par exemple le Code de l’indigénat. Par définition, pour les pouvoirs politiques, les populations nomades sont insaisissables et incontrôlables, leurs déplacements sont de l’ordre de l’illicite, de l’illégal. Ces pouvoirs poussent au quadrillage, à l’enregistrement, au contrôle. Par ailleurs, la production pétrolière et le pouvoir d’achat de ses salariés génèrent une économie commerciale qui suscite un développement économique et une urbanisation souvent artificielle et moderne. Le tourisme, là où il se propage, provoque les mêmes évolutions. 9 La sécurité, les besoins d’éducation, l’amélioration de la protection sanitaire ou l’aide aux populations les plus en difficultés conduisent à doter les centres urbanisés d’équipements adaptés : ceux-ci, forcément localisés, possèdent une force d’attraction indéniable. Les formations urbaines se gonflent ainsi de populations nouvelles, modifiant les équilibres sociaux antérieurs et le rapport entre nomades et sédentaires.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 291

Brassage des populations et confrontations accrues de modèles culturels divers provoquent des changements sociologiques profonds. La sédentarisation progressive, mais massive, des populations modifient les équilibres traditionnels. 10 Ce système d’oppositions terme à terme, qui structure beaucoup de contributions, est certainement efficace et il présente bien, à notre sens, les problèmes rencontrés par les espaces sahariens. Toutefois, il n’est pas sans porter une sorte d’idéalisation du modèle saharien, une vision quelque peu romantique. Ce désert idéalisé serait agressé par la modernité. A bien des égards, une représentation moins romantique du monde du désert a été présentée, souvent en creux, dans beaucoup des textes. Le désert, c’est aussi pour les populations qui l’habitent un monde difficile où la pauvreté extrême et la faim sont quotidiennes, comme la maladie et la souffrance. La violence guerrière est loin d’être absente comme les traces persistantes de hiérarchie entre les hommes, de dépendances personnelles portées jusqu’à l’esclavage, de déplacements forcés de populations, d’oppositions ethniques. Du reste, le désert saharien est lui-même le territoire de peuples différents, souvent en conflits. Chacune des cultures très diverses de ces peuples sahariens présente des aspects attirants, mais d’autres le sont moins : le statut des femmes pour certaines, le rapport à la religion, les hiérarchies sociales, le repli sur soi, voire le racisme. S’il faut bien prendre ces sociétés dans leur globalité, il faut comprendre sans doute que leurs mutations ne proviennent pas (toujours) uniquement des « agressions extérieures » mais aussi des transformations internes, endogènes, que les relations avec l’extérieur peuvent certes induire, en jouant sur les mentalités et les représentations des populations qui les composent. Ces sociétés ouvertes sont nécessairement soumises au changement. Certains de leurs membres sont plus ouverts à ces changements que d’autres, ce qui est source de tensions et de conflits. La question est alors de savoir si ces sociétés ont une capacité d’adaptation ou si, au contraire, elles risquent de se désagréger sous l’effet d’un nouveau rapport au monde. C’est bien le Sahara comme système qui doit être l’objet de recherche.

Le système saharien et sa résilience

11 Comprendre le système saharien a été un des objectifs premiers de cette publication. Mais aucune des contributions n’a, en tant que tel, abordé directement cette problématique. Elles sont restées centrées sur des questions plus spécifiques, que les organisateurs ont su regrouper en thèmes pertinents autour des recompositions économiques et spatiales, de l’aménagement du territoire et de l’environnement, des enjeux politiques et des dynamiques urbaines. C’est sûrement dans les conférences introductives et les discussions en session que les éléments fondamentaux du système saharien ont pu être dégagés, notamment par les chercheurs les plus expérimentés. Ils ont parfaitement assumé les fonctions de président de session qui leur avaient été confiées. Néanmoins, une synthèse d’ensemble serait encore nécessaire et on ne pourra dans ces lignes en proposer même une esquisse. Car l’objet direct des contributions, dont il faut rendre compte, a bien porté sur les mutations du système saharien et il est certain que celles-ci ont été surtout repérées sur les marges, comprises dans une acception large : frontières, espaces, activités. Dès lors, c’est bien en termes de capacité d’évolution, d’adaptation du système saharien qu’il faut raisonner et mettre en évidence ses possibilités de résilience. De ce fait, c’est une autre lecture des contributions qui peut être proposée : dans un premier temps, elles ont permis

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 292

d’analyser des extensions du système saharien, puis, dans un second temps, d’aborder les problèmes posés par une croissance mal maîtrisée.

Une extension du système saharien

12 Le désert est fondamentalement un espace de circulation. Il a conduit dans le passé des caravanes d’hommes et de marchandises par des voies multiples, mais restant à l’intérieur du Sahara. Branchés sur le commerce mondial, les Sahariens ne dépassaient pas ou peu ses frontières, même si elles restaient floues. Plusieurs contributions ont mis en évidence de profonds changements. D’une part, la nature même des produits s’est modifiée. Plus articulés sur les économies de bazar des pays périphériques, transitent aujourd’hui, des flux de marchandises diverses, parfois illicites (cigarettes, drogues, armes…). Les migrants venus du Sud ont remplacé les esclaves. Les touristes du nord sont arrivés et leurs flux sont croissants. Camions et 4x4 assurent désormais l’essentiel des mobilités. Les grands projets d’infrastructures routières transsahariennes suivent. Les Sahariens ne sont plus les seuls à traverser le désert. D’autre part, réciproquement, les déplacements des Sahariens se sont étendus : on les retrouve désormais dans les villes européennes, comme marchands, hommes d’affaires ou touristes. Une contribution les a montrés à Dubaï et au Moyen-Orient. Les réseaux se sont développés, se sont prolongés : les populations sahariennes se sont réparties, elles aussi, dans les autres pays, notamment en Europe. A l’heure de la mondialisation, le Sahara n’est pas resté à l’écart : ses espaces de mobilités se sont étendus.

13 Le désert s’étend lui aussi en raison du réchauffement climatique, il gagne sur ses marges qui sont intégrées progressivement. Les phénomènes d’ensablement ont été bien décrits ainsi que la difficile résistance des espaces steppiques. Faut-il comprendre cette transformation comme un moment particulier, finalement peu significatif, d’un cycle long de formation du désert qui a vu sur plusieurs millénaires évoluer le climat ? Dans ce cas, la domination des cycles astronomiques resterait la première cause de ce changement et l’homme saharien ne peut que s’y adapter. Mais, si le réchauffement a une origine anthropique de dimension « mondiale » (ce dont on ne peut plus douter) et non locale, le prix de l’adaptation doit alors être partagé entre tous et il ne saurait être supporté que par le seul Saharien. Comment peuvent être définies dans ces conditions les adaptations supportables : le transfert d’eau par de grands ouvrages financés par l’Occident, l’acceptation des migrations vers le Nord riche, européen et américain, la préparation à des déplacements de réfugiés climatiques ? La chasse aux migrants illégaux apparaît alors comme un refus supplémentaires des pays européens, après le colonialisme, de ne pas reconnaître les conséquences de leurs actes. La découverte et l’exploitation du pétrole saharien, qui est un des faits de gloire du colonialisme français, contenaient en germe la destruction des modes de vie sahariens traditionnels, presque aussi efficacement que la contamination des espaces et des populations avaient pu l’être par les essais nucléaires. 14 L’adaptation des marges sahariennes aux effets attendus du réchauffement climatique doit aussi s’appuyer sur les recherches scientifiques nouvelles : si on peut en pressentir la gravité (le désert peut atteindre la Méditerranée au Maghreb, avoir des conséquences dramatiques en Egypte, au Tchad, au Soudan : les guerres du Darfour sont déjà des conflits climatiques), il est urgent de pouvoir mieux régionaliser les effets de ces

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 293

changements, selon les différents scénarios du GIEC et, de mieux connaître la fragilité des espaces et des populations.

Une croissance démographique soutenue

15 Un des phénomènes les plus préoccupants est sans doute la croissance démographique importante dans les territoires sahariens. Non qu’il faille suivre les discours néo- malthusiens (Diamond, Cochet) qui renvoient toujours à l’idée que le malheur des pauvres vient du nombre de leurs enfants et non de l’inégale distribution des revenus. Cette croissance, qui doit être interprétée dans le cadre classique de la transition démographique (l’allongement de la durée de vie précède la baisse de la fécondité), affecte l’ensemble des territoires, en particulier les espaces oasiens. Cette croissance a deux aspects. D’une part, elle résulte du développement des activités économiques spécifiques. D’autre part, elle se nourrit du maintien sur place des populations locales.

16 Le rôle des ressources primaires et énergétiques dans le développement du Sahara ne doit pas être sous-estimé, d’autant que leur exploitation s’accompagne d’une présence militaire et sécuritaire conséquente. Cela est vrai, certes à des degrés divers, pour tous les pays sahariens. La découverte de ces ressources a bouleversé les économies oasiennes et nomades. Elles sont fondamentales pour les pays qui les possèdent, fournissant l’essentiel de leurs richesses et de leurs capacités d’importation. Par exemple, le pétrole assure le développement économique des espaces et des populations non sahariennes de ces pays : il permet d’acheter les productions céréalières, laitières et le sucre pour l’ensemble de la population. La rente pétrolière finance ainsi des Etats comme l’Algérie, la Libye, le Tchad. Il n’y a pas que le pétrole : les phosphates, l’uranium et d’autres productions jouent un rôle similaire. 17 Ces activités productives d’intérêt national contribuent ainsi à stabiliser une population dans les zones de production, en particulier dans les oasis voisins, en les transformant en véritables centres urbains, dotés de la densité d’activités et de fonction urbaines habituelles. Toutefois, et c’est un paradoxe, les emplois locaux restent le plus souvent insuffisants par rapport aux besoins d’une population jeune et de plus en plus qualifiée. Car l’offre scolaire et universitaire locale a souvent été une réponse à cette croissance démographique, en particulier en Algérie après l’indépendance. Les politiques d’aménagement du territoire volontaristes ont maintenu dans les espaces sahariens des populations qu’à tord ou à raison, on ne voulait pas voir s’entasser dans les grands centres urbains selon le syndrome du Caire ou des villes africaines. Le résultat attendu est ainsi cette croissance de grande ampleur des populations dans le Sahara, pas tout à fait urbaines mais qui n’ont plus, de fait, de contact réel économique ou culturel avec le désert ou les activités agricoles oasiennes. 18 Ce développement urbain s’est fait le plus souvent en important des modèles architecturaux et urbanistiques occidentaux. Les villes ont subi, sous la pression et dans l’urgence, le double héritage d’un modèle militaro-colonial et d’un urbanisme moderniste de masse, inadapté aux conditions écologiques et climatiques locales. Dans la plus parfaite suffisance et insouciance, la modernité architecturale a tourné le dos aux équilibres locaux, à la fois historique (ksour abandonnés) ou écologique (gestion de l’eau). De plus, cet urbanisme officiel d’urgence s’est doublé aussi d’un développement des constructions informelles ou illégales pour répondre à l’afflux de populations. Ce gaspillage des espaces a été accompagné par celui produit par des routes et des voies de

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 294

circulation diverses ou par des vestiges d’établissements ou d’infrastructures abandonnés. 19 De nombreuses contributions de ce colloque ont montré les conséquences non durables de cette croissance économique des centres urbains sahariens et de cette consommation incontrôlée des espaces. Les milieux désertiques sont des milieux fragiles où, en raison de la faible biomasse produite, la capacité d’autoépuration est limitée. Des études détaillées dans plusieurs contributions mettent en évidence le caractère central des formes multiples prise par la question de l’eau. L’augmentation des besoins en eau a conduit à des prélèvements excessifs, jouant d’illusoires abondances en pompant jusque dans les nappes fossiles, avec une imitation de l’exploitation pétrolière (le risque de pollution définitive de l’eau en plus). L’irrigation forcée (loin de la subtile et collective dynamique des foggaras) ne donne souvent que des résultats agricoles médiocres, si ce n’est en termes de salinisation. Le gaspillage de cette ressource rare semble devenue une habitude. Il s’ajoute aux effets généraux de la pression anthropique sur les espaces naturels. Les usages urbains contribuent eux aussi à une surexploitation de la ressource en eau et produisent des eaux usées dont la gestion et l’élimination s’avèrent aussi difficiles que celle des déchets solides. 20 Faut-il poursuivre dans cette voie « productiviste », en l’infléchissant simplement dans un sens plus libéral, moins étatique : plus de croissance créerait plus de richesses permettant de mieux traiter l’environnement, de « l’industrialiser » ? Faut-il imiter le modèle des déserts américains ? L’avenir du Sahara est-il à Las Vegas, en Californie, à Palm Beach ou dans les villes fantômes de l’Ouest Américain ? La quasi faillite de ce modèle (incendies à répétition, pollution atmosphérique, ressources en eau dégradées, inégalités sociales et extrême pauvreté) ne doit laisser guère de doute. 21 La tonalité générale des contributions est bien celle d’une remise en cause de ce modèle, de sa pseudo-rationalité, de sa vision à court terme et de ces effets environnementaux qui ne sont plus gérables. Se dégage ainsi de cette livraison un certain nombre de pistes, méthodologiques et programmatiques.

Un programme de recherche ambitieux

22 Cette production, on se plait à le répéter, a montré la vitalité des recherches actuelles sur le Sahara et ses marges. Plus encore, s’appuyant sur un corpus scientifique important et un patrimoine de recherches accumulées remarquable, il montre un infléchissement méthodologique qui doit être souligné. Les contributions s’inscrivent dans une approche par la complexité, sur la mise en évidence des jeux de relations, sur les équilibres instables et temporaires, sur les tensions entre forces contraires. Les faits analysés, les situations décrites conduisent souvent à des logiques de « double bind » difficiles à maîtriser, loin du confort des certitudes : par exemple, faut-il maintenir sur place des populations dont le niveau quantitatif excède de toute évidence les capacités de résilience des milieux naturels sahariens ? La réponse ne peut venir que d’un déplacement du problème vers des dynamiques d’apprentissage, de prise de conscience, d’actions collectives et individuelles qui supposent des relations dialectiques et des débats entre chercheurs, responsables politiques, forces sociales, groupements divers de la population. Là aussi, mais c’est vrai aux latitudes européennes, le monde des ingénieurs d’Etat omniscients ou des bureaucrates de tout poil est terminé : il est fini en raison du cumul de leurs erreurs et de leur « autisme ».

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 295

La circulation des idées, le débat libre sont les conditions pour gérer de manière satisfaisante les territoires : et cela est d’autant plus nécessaire que les espaces sont fragiles et que leur destruction est souvent irréversible.

23 Le débat public est toujours le préalable pour décomposer cet oxymore qu’est le « développement durable », juxtaposition de termes incompatibles dans un monde de ressources finies. La tension persiste entre, d’une part, les partisans des « emplois verts », c’est-à-dire de l’industrialisation de la dépollution, portée par les grandes entreprises du secteur des services urbains et, d’autre part, les défenseurs d’une croissance économe, voire d’une décroissance, privilégiant des relations humaines et culturelles à l’accumulation des biens matériels. Mais les uns et les autres participent à la nécessaire prise de conscience des exigences environnementales. 24 Ce qui peut (devrait ?) faire l’objet d’un consensus aujourd’hui, c’est l’abandon de cet urbanisme de poulailler inspiré de la vision dégradée du modernisme et de Le Corbusier, urbanisme partout catastrophique en termes sociaux ou esthétiques, mais encore plus inadapté en milieux saharien. Il faut redécouvrir l’héritage des médinas sahariennes, qui ont inventé des techniques non seulement pour se protéger, mais aussi pour tirer bénéfice de la chaleur et du climat, en utilisant pleinement et avec parcimonie l’eau pour vivre et se rafraîchir. Cela suppose de remplacer le quantitatif par le qualitatif, d’abandonner un fonctionnalisme rigide, d’adapter la tradition aux conditions nouvelles. Et pour cela libérer les imaginaires. Certes avec le risque de voir, comme des nuées de sauterelles, débarquer les « bobos » européens, de les observer bousculer les marchés fonciers locaux et les équilibres sociaux, et parcourir des circuits mondains, temporaires et effets de modes, étapes du Paris Dakar ou cabotages entre Essaouira, le Gers et les Maldives. Les ghettos de riches peuvent aussi fleurir dans le désert. 25 Mais l’urgence est bien de répondre au défi du changement climatique. Car là aussi les contradictions sont majeures et le Sahara en est au cœur. Le pétrole est sa richesse (même s’il n’en bénéficie que marginalement), sa population dépend de ses emplois, directement par son exploitation ou indirectement par le transport de marchandises. En même temps, il contribue en premier rang aux émissions de gaz à effet de serre et donc est responsable du réchauffement climatique. L’effet boomerang est direct. Le risque de fuite en avant toujours présent. 26 S’adapter suppose, entre autres, une très large remise en cause des techniques d’irrigation productivistes par une agriculture vivrière soutenable, par un rejet des productions de masse. La gestion globale de l’eau doit être une priorité, avec une limitation quantitative, une chasse au gaspillage et un soin particulier aux questions d’épuration. 27 Enfin, toutes ces interrogations peuvent se retrouver sur une question centrale, celle du tourisme. On l’a dit, le désert hante l’imaginaire des hommes, s’invite dans leur religion et remplit leurs rêves. Il les appelle, les pousse au mysticisme, les prend parfois jusqu’à la folie. Les Européens aussi, peut-être surtout. Dès lors comment ne pas penser faire de ces désirs de désert un des piliers du développement économique des espaces sahariens, lieux et mouvements mêlés. L’accueil des populations sahariennes, habituées aux échanges et aux rencontres, a toujours été manifeste et profond pour ceux qui les respectent. Le touriste, lui aussi, parfois se pense comme nomade, même si son déracinement reste temporaire, comme pour supporter le quotidien d’une vie stressante et souvent difficile.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 296

28 A l’inverse, comment ne pas voir dans ce touriste l’ennemi public numéro 1 pour le développement durable : les voyages en avion avec gaz à effet de serre non taxés, les enclaves urbanistiques entretenus par des serviteurs « indigènes », les modes de vie occidentaux transportés avec eux par les touristes, satisfaits d’une simple pincée d’exotisme marchandé, la surexploitation des ressources locales (en particulier l’eau) souvent au détriment des activités productives ou vivrières, l’importation nécessaire de biens alimentaires, le choc des cultures, etc. Les effets du tourisme de masse sont souvent désastreux : cela justifie la formation de véritables ghettos, usines à touristes pour les isoler du reste de la société. On voit bien les difficultés à gérer, dans ces conditions, un tourisme vraiment durable des points de vue écologique, social ou culturel. Et un tourisme respectueux, proche de la rencontre d’amis, n’est pas susceptible de générer des flux financiers suffisants pour permettre un développement économique. Les effets de seuil sont ici, comme ailleurs importants. On comprend bien, là encore, la nécessité d’une gestion de l’espace saharien par la complexité. 29 On trouvera des réponses, souvent subtiles et pertinentes, à ces quelques questions ouvertes dans cette livraison consacrée au « Sahara et ses marges » et à d’autres qui n’ont pas pu être évoquées dans ces quelques lignes.

RÉSUMÉS

Cette livraison sur « le Sahara et ses marges » a pu bénéficier des contributions de chercheurs de plusieurs générations et de plusieurs horizons disciplinaires : il en a résulté une grande diversité des approches et une grande ouverture des directions de recherche. Deux lectures peuvent en être faites. Tout d’abord, les contributions ont joué sur des oppositions : désert versus désertification, valeur symbolique et patrimoniale du désert mais dégradation de ses espaces, nomadisme renouvelé mais progression de la sédentarité. Mais surtout, elles ont permis, de manière plus exigeante, de penser le désert comme un système dynamique, soumis à des forces climatiques, socio,économiques et culturelles, tant internes qu’externes, qui le font évoluer et se transformer : il convient donc d’analyser ses capacités de résilience tant comme écosystème que comme espace socioculturel. Les recherches exposées permettent de fonder les bases de la compréhension du désert comme système.

This publication on the Sahara was advantaged by contributions from several generations of research in many different disciplines, resulting in a large diversity of approach and openings for new research. Two main observations can be made. Firstly, the contributions brought oppositions into play: desert versus desertification, patrimonial and symbolic values of the desert but spatial degradation, nomad renewal yet settlement progression. But especially, in a more demanding way, they enabled thinking about the desert as a dynamic system, subject to climatic, socio,economic and cultural forces, in so much internal as external, which make it develop and change: it is fitting to thus analyze its resilience as an ecosystem and as a socio cultural space. The research work revealed by this conference allows us to found a basis to understand the desert as a system.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 297

El coloquio sobre el «Sahara y sus márgenes» ha podido beneficiar de las contribuciones de investigadores de varias generaciones y de diversos horizontes disciplinares: de ello ha resultado una gran diversidad de aproximaciones y una gran variedad de direcciones de investigación. Dos lecturas pueden hacerse. Primero, las contribuciones han considerado las oposiciones: desierto versus desertificación, valor simbólico y patrimonial del desierto opuesto a la degradación de sus espacios, nomadismo renovado opuesto a la progresión del sedentarismo. Pero sobre todo han permitido, de modo más serio, concebir el desierto como un sistema dinámico, sometido a fuerzas climáticas, socioeconómicas y culturales, tan internas como externas, que lo hacen evolucionar y transformarse: conviene pues analizar sus capacidades de resiliencia tanto como ecosistema que espacio sociocultural. Las investigaciones expuestas en este coloquio permiten fundamentar las bases de la comprensión del desierto como sistema.

دقل دافتسا رمتؤم ءارحصلا اهشماوه و " " تاماهسإ نم نيثحاب نومتني ةفلتخم لايجأ ىلإ اجمت و لو ضخمت دق عونت كلذ نع تابراقملا ريبك يف حاتفنا و عساو تاهجوتلل ثحبلا . نكمي و مايقلا. نيتءارقب تاماهس ترادل ا، لوح لئاسموأ ل ةضقانتم : ءارحصلا لباقم ،رحصتلا ةميقلا ةيزمرلا ةيثارتلا و ءارحصلل لباقم طاطحنا اجم ،اهت ةوادبلال ةددجتملا لباقم ةدايزلا ،لومخلا يف اهنأ مه ل نكلا و تحمس ةقيرطب رثكأ ،ابلطت ريكفتلا ءارحصلا يف هرابتعاب اماظن ،ايمانيد عضخي لاوح ،ةيوجلال ا ىلإ ويسوسلا , ةيداصتقا ،ةيفاقث و ةيلخاد ،ةيجراخ و يتلا مهاست اهمدقت يف اهلوحت و : بجي اذإ ليلحت اهتردق ىلع فيكتلا ءاوس ماظنك يجولوكيا لاجمك وأ فاقثويسوس ي هيلع . ثوحبلا نإف و ةضورعملا اذه ىقتلملايف حمست سيسأتب مهفلا حيحصلا ءارحصلل اهفصوب اماظن .

INDEX

Palabras claves : desierto, desertificación, migraciones, contaminación, agua, turismo Keywords : desert, desertification, migrations, pollution, water, tourism Mots-clés : désert, désertification, migrations, pollution, eau, tourisme

ءارحصلا , رحصتلا , ةرجهلا , ومنلا يناكسلا , ناكسلا , ءاملا , ةحايسلا سرهف تاملكلا ةيحاتفملا :

AUTEUR

ANDRÉ LARCENEUX

Professeur d'Aménagement et Urbanisme, ThéMA, Université de Bourgogne.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 298

Positions de Recherche

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 299

سابل ةبلاطلا طسولا يف يعماجلا : ةبراقم ةيجولوبورثنا ةعماج ، دبع ديمحلا سيداب نب مناغتسم

رداقلا دبع يبرعلب

ربتعي سابللا تاجاحلا نم ةيساسلا ةايحل ،ناسن ريكفتلا ىلإ عفدل هب ام كلذا و ةيفيك يف لوصحلا ،هيلع ءادتبا قاروأ نم نيتلا توتلا وأ يتلا اهلمعتسا ةيادب يف ةفوفلملا هتايح و يتلا اهذختا و ناسنلا رتسل هتروع سحأ نيح يرعتلاب هتجاح و ىلإ لوح طسو مسجلا ةياقو هدسج . 1 روطت امو يف داز سابللا روهظ ةطايخلا رفوت داوملاو ةيساس عطقلا عونت ل يصفتلااوو تل راشتنا عم روهظو ةعانص عناصملاو سب ملال ةصاخلا حبصأ و لمعتسي ةنيزلل ،جربتلا و ،كلذب ءايز ةديدجلال رهظا عون نم تريغت و ةضوملا روهظ عم كلذ ناك ةروثلا و ةيعانصلا ابوروأ يف ترشتنا ثيح ةطايخ ةضوم ةقيضلا سب ةديدج ملات روهظل ل تعرتخاآو نم روطت راشتنالظ . و سب ملال قاحسإ رجنس سايلا واهو فرط نيملاعلا نييكيرملا .1 اهريغت رصعلا ىلإ يلاحلا 2

3 اذه سابللا ةصاخ يبنجأ نمم وه ةلئاعلا ةأرملانع نع و ،اهسفن عجري و بسح كلذ لاقم لوح " ءاسنلا باجحلا و ةراضح يف طسوتملا " نامراجل نويت

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 300

رابتعاب و عمتجملا يرئازجلا اعمتجم ايوبأ patriarcal ، زاتمي ةطلسب لجرلا ىلع ةأرملا و ،ةرسل ثيحا " ىعسي ةظفاحملا ىلإ ىلع كسامت ةلئاعلا نسح اهدارفأ نيب تاق علا ول و لصفلا تاعزانملا يف ةفاض رودلا ىلإابل يساس هيجوتلال يفا ةبقارملا و رهسلا و ىلع هنإف عضي ، ادويق ةباقر تناك ةأرملانإ ىلع سابللاو يوثن ول ا اهئدابم ةرس3و ل ظفحا ميق " ىضرت ةكرح نأ ،نايحل ريغتلا كلذب يعامتج بلاغل لايف إل ا يتلا اهفرع عمتجملا لوخد و كاكتح ةفاقثلال لاصت تاعمتجملابا ل ةيبرغلااو ةيقرشملاو ىرخوم للا ع قيرطلنع ا تلعج سابللا فرعي ةدع تاريغت . امك ةمظن ربتعت لا ةيسابللا ىدحإ جئاتنلا احوضو رثك لا ةصاخ روهظ، عم ةضوملا ضارع سابللا نع ل راشتنا ا يديلقتلا ءايز و ل ا لاخدإ و 4 ةفقاثملل عطق ةيبيكرت ةديدج ىلع ،سابللا امم ىدأ يلختلا عون ىلإ نم سابللا نع يديلقتلا : ةء ملال اي) ملال كياحلا ( - – باجحلا ... 4 امأ اذإ انهجوت ةعماجلا ىلإ انلوجت و فلتخم يف اهئاجرأ اهاندجو رخزت ةفاكب ،ةسبل عاونأ لا ءاضفو ءاقتلل فلتخم ،تافاقثلا دجت ثيح ةبلاطلا ةلبقملا ىلع ةعباتم اهتسارد ايلعلا مامأ حاير ةضوملا ةبغرلا ءايزو عونت ديلقتلال يف او عتمتلا و اديعب ةيل عونب قتس ةيرحلال نم ل ا و نويع نع ةباقرو ،ةلئاعلا مازتل ةفاقث عارص نيبل وا ةئيبلاو ةيلحملا اهزيمي ام و رهاظم نم ةيسابل ةنيعم ةعضاخ طورشل نيناوق و ةصاخ كلتب ةئيبلا قاحتلا عم . و ةبلاطلا ةيعماجلا يحلاب يعماجلا ،ةرم لو ابلاغل مدطصت ام امب يرجي هيف ) ةصاخ نكت اذإ ىلع ةياردمل كلذب يهف ابلاغ( قطانم يتأت ،نمام ةيفير ،ةيرضح هبش وأ مضت ةنودم تاداعلا نم و ديلاقتلا ةطوبضملا ةضورفملا و يتلا تأشن نايح ول ،اهيلع ضعبا يف كلذل رهبنت دق طمنب . مامأ ةبارغو 5 عضولا ةايحلا اهطسو يف ديدجلا عقاولا ةنيدم يف ةريبك ةنيدم لثم مناغتسم يهف امإ ىعست لثامتلا ىلإ فيكتلا متهت بجعت نهبهبو امإ كلذب نهعمل فو . 5 هذه ةمدقملانم ردابتي انناهذأ ىلإ ةعومجم ةسبل لوح ؤاستلال عون نم ا يتلا اهدجن تل يف ءاضفلا ،يعماجلا حمطنو فرعتلا ىلإ ىلع ةفاك ضارغأ ةسبل تاسرامملا لاو ةيسابللا تابلاطلل فلتخم و تاروصتلا ةصاخلا سابللاب اذه ءاضفلايف اقثويسوسلا ديدجلا يف ةبسنلاب ةيبلغل تابلاطلا . 6 تناك ةساردلا ةيادبلا يف ةظح بصنت عمتجم ل ىلعم ثحبلا ةفرعم لج ،لككل تافصلا و ةكرتشملا عاون ةدئاسلال ا ةبولطملاوو سب ملالنم فرط تابلاطلانم . فوقولل و ىلع عاون ةفلتخملال ا ةسبل ءوجللال مت ل ةظح ةينقت ىلإ سابلل تابلاطلا م لخدم دنع ةعماجلا و ةدعاسمب يرابخلا دادعإ مت دق . لودج و يئاصحإ لجسي ددع هيف تابلاطلا يتاوللا نيدتري لكشلا عطقلا هسفن ةيسابللا اهسفن ) ةرتف يف( ةينمز و ةددحم تريتخا ايئاوشع يه و : نم ةعاسلا ةرشاعلا ةعاسلا ىلإ ةيداحلا ةرشع احابص موي 2008/06/02 ددع ناك ثيح تابلاطلا يتاوللا نجرخ نلخد و 700 ةبلاط ةاعارم عم ةيناكمإ لوخد جورخ ةبلاطلاو اهسفن . وه و يذلا رم حمس ميسقتب انل ل ا سابللا ةسمخ ىلإ لاكشأ اقفو عطقلل ةيسابللا ةنوكملا سابلل ،لكك لودجلا حضوي يت و ل كلذا : 7 مت فيك ّ اذه فينصتلا ؟لاكشلل

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 301

8

لصح اذه ام امدنع تابلاط و( ، انيقتلا تاعومجمب تابلاطلا نم تاعاق يف ةساردلا ةياهن يف لامع صصح ةيقيبطتلال وا )T.D.( ءافتكل تابلاطلابا متي مل انعسو طقف لب ةنيعلا لمـشتل ةعوـمجم ةبلـطلا نم )10 ةبلط (و ، ةعومجم باحصأ نم نيصصختملا حملات ل ةسبللا ةيئاسنلا يف )03.( 9 انمسق ثحبلا ةعبرأ ىلإ لوصف انلوانت ثيح لصفلا خيراتيف لو سابللا ةضوملال ا و نم روصعلا ةميدقلا انرصع ىلإ يلاحلا انزكر يرئازج وه و ىلعام ةسبلأ نم ةيديلقت ةيلحم وأ ،ةدروتسم امنيب انزكر لصفلا يف يناثلا ىلع سابل ةبلاطلا ةيعماجلا هلاكشأ و مسق ثيح ةسمخ ىلإ لاكشأ اقبط ددعل عطقلا ةنوكملا ،ةعطق عون سابلللك و لصفلا امأ يف ثلاثلا انحضو ةدوجوملا ةق علال دسجلا نيب سابللا تاسرامملا وو ةيسابللا ةقفاوملا ةيعونل ،دسجلا ةفاضإ ةفرعم ىلإ رود ةفقاثملا لاصتلا يفاقثلا و تابلاطلا نيب طاسولا و ةيعامتجلا ةفلتخملا ريغت يف سابللا ةضوملا ردا لصفلا هانجوام يف وه و عبارلا . 10 امومع و دقف انلصوت جئاتنلا ىلإ ةيلاتلا 11 : • امأ لكشلا ، سماخلا نوكتملا رامخلا و ةب جلا ضافضفلالنم رصتقي وهف ليلق ادج و ىلع ضعب تابلاطلا تاهجوتلا تاذ ةينيدلا تاداعلا وأ ةيرس ةددشتملال ا . اندجوو ىمسي ام نأب باجحلاب يرصعلا يذلا وه ىغطي ةسبل ،ىرخ نوكتي ىلع ةيقب ل او نم • ليوارسلا اهعاونأب تاكيللا ناولو ،ةيهازلا ل ا تاذ تارونتلا وأ اهعاونأب . تافصلا و ةكرتشملا يف اذه سابللا رامخلا وه يذلا هيمسي ضعبلا سابللا وفلابو قيضلا ،ر ل جتانلا ةعيبط نع جيسنلا لمعتسملا لباقلا ةلاطتس لول يدؤيف قاصتل لا ىلإ دسجب ةبلاطلا زربيل دسجلا هتامو ل لكبع ،هتايصوصخ هفصت ام وه تابلاطلا و ةضوملاب ةنرصعلا و . دعاست هذه عطقلا ةديدجلا ةبلاطلا ىلع كرحتلا ةقاشر لكب ةفخ و ايشم ايرج اسولجوأ وأ ىلع • ىلع تاـجردملا وأ ضر لا ناكم يأ ،رخآ يف وأ نود فوـخلا فاشكن رثـعتلالنم ا ئجافملاو ةجيتن زفقلا لعفب وأ لماوع ،ىرخأ لعجي ام ةبلاطلا ةبقارم يف ةرمتسم اهسابلل تناك سابلبنإ رخآ . ءيش يأ هسبلت اضارغأ هل ةبلاطلا و ،ةنيعمل إ ضارغ نكل ريغتتل هذه ا ةاتف ىرخأ ىلإ نم و • امومع ،رخو لكش ل دقف اندجو ضارغأ نم نأ سابللا رتستلا يفخي يذلا بناجلال يوثنول ا يذلا ديزي لامج نم ةبلاطلا اهتقانأ ظفاحيو و ىلع ،اهتناكم بنجتتف كلذب تاقيلعتلا ،ةيبلسلا و صرحت ام وه هيلع تابلاطلا . كسمتت ضعب تابلاطلا امب ىمسي باجحلاب بابلجلا وأ نعفادي بسنول مكحب ا هنأب هنع وه ل هنأ • فشكي دسج ةبلاطلا يذلا ريثي ةوهش ،روكذلا امنيب رقت تايرخأ ليبس عابتإ ىلإ ،ةضوملال هنأ لإ اذه سابللا فلكي بويع رتسي يذلا ايلاغ لو حبق دجوونمام . . رهظي ل قرفلا باجحلا نيب يرصعلا سابللا و يذلا هعضت تابجحملا ريغ ىمسي ام وأ تاجربتملاب • نمكي ةعطق يف قرفلال شامقلالو إ ةعوضوملا ىلع سأرلا رامخلا " " راهظإ وأ تاجربتملا نيعارذلل لفسأ وأ نيتبكرلا ىلعأ وأ ردصلا . هجتي باجحلا يرصعلا ةرم ديزم ىلإ لك ديلقتلا يف نم جذومنلل يرصعلا يبرغلا وأ نكل عم • ظافحلا ىلع رتسلا يذلا يدانت طباوضلا هب ةيعامتجلا ،ةيفاقثلا و نمف لاورسلا ضيرعلا ادج يذلا هبشي ةرونتلا ةليوطلا يذلا تانينامثلا رهظ يفو لاورـسلا ىلإ يداعلا تانيعستلا ) ىلإ( قيضلا ميلسلا " " لاورسلا ىلإ ريصقلا pental-court ، ةرونتلا مث ةريصقلا يتلا تحبصأ ةحومسم تابجحملل نكل اهدحول سيل ىتحف نوكي رتسلا عضوت ماكل براوجلا ةقيقرلا )les bas.(

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 302

يعامتج ةقيثول ةق ةئشنتلاا ءانبلاب سابللل يرسو ةيعامتجو ع ول لاا ةيبلغل ،تابلاطلا نهلف • ساسحإ ةبقارملاب ديقي ،له نهتيرحو ل فرط انم ةعومجمب طباوضلا نم يتلا ضرفت نهيلع اددع تاروصتلا نم لثمت جذومنلا يسابللا بولطملا فرط ،ةلئاعلانم يذلا بجاولا نم و ةظفاحملا هيلع جراخ تيبلا فرط ةبلاطلانم مكحتي . و ىلع ةبلاطلا اذه ءاضفلايف ديدجلا ةمظن فيكتلالا ةيسابللاعم ةدجاوتملا ،هيف رارصإ عم ةئفلا ةيقابلا ىلع رتستلا ىمسي قفو ام ةمشحلا ةفعلا ظفح فرشلا تاحلطصموويه و ةيزمر ىعست تابلاطلا ةظفاحملا عافدلا و اهن اهنع لثمت ل ةيوهلا ةيلحملا لص تاداع لاو زوجي ءارو نم . باجح فشكل ذإ دسجلالإ رخ لل بنجي ةنتفلا ةياوغلا و بسح نهرظن .

NOTES

.cd rom،2004 ةعوسوملا ةيبرعلا ،ةيملاعلا ةخسن ،ةينورتكلا صرق طوغضم .1 2. Charles-André, Julien, Études maghrébines : mélanges Charles-André Julien, Presse universitaires de France, Paris, 1964, p. 31. ةبارقلا ةرسو لا : تاسارد ايجولوبورثنلا يف ةيعامتجلا دمحم ،فيرش ،نتاف .3 .418 ص ، ،ةيردنكسلا.2006 ، ،ءافولا راد ةعبطلا ،ىلولا 4. ةفقاثملا : حلطصم يجولوبورثنا كاكتحا ينعي رثأتو تافاقثلا اهضعبب ضعبلا جاتن جذومنل يفاقث ديدج . .41 ص ، ةركذم.2004 ، ،ريتسجام ةعماج ،نارهو لامجلا دسجلا يوثنو لا ،هللا دبع نب ،ةيهز .5 جهانم ثحبلا يملعلا ،شوحوب ،تابينذلا رامع و دمحم ،دومحم .6 .64ص.، ،رئازجلا1999 ، ناويد تاعوبطملا ،ةيعماجلا ةعبطلا ،ةيناثلا

AUTEUR

رداقلا دبع يبرعلب

ريتسجام ،ايجولوبورثنلا يف تحت فارشإ جاحلا ةحامس يجلا ،يل ةعماجل ،مناغتسم 2010.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 303

لولدم ةطلسلا ريتاكيراكلاب يف ةفاحصلا ةيرئازجلا ةديرج ربخلا اجذومن

ةزمح يريشب

NOTE DE L’ÉDITEUR

ريتسجام ،عامتجل ملعا يف تحت فارشإ : د. ريشب ،دمحم ةعماج ركب يبأ ،دياقلب ،ناسملت 2008.

ةفاحصلاب ةبوتكملا ،اهعاونأو هذه دجن نيب ثيح نم انقلطنا هذه ةساردلا يف فيرعتلا نم عاون ةفاحصلال ا ،ةرخاسلا يتلا لمعتست ةيرخسلا مكهتلا ،دقنلاو و ةليسو ،ريبعتلل اهنأ يأ لوانتت ثادح بولسأبل ا ،رخاس ءاوس ،امسر ةباتك وأ مستت . و هذه ةفاحصلا ةصاخ دقنلاب ةأرجلاو ةهجاوم يف داسفلا يسايسلا يعامتج اول يفاقثلا و ،يداصتق اذكو لا ريغو نم كلذ اجملاتل . ةيرخسلاف نكمي لصي نأ ح سوفنلا ىلإ ل ىوقأ يه ةقيرطبس ،ةيداع ريغ ثيح موقت ةفيظوب ءانبلا ،دقنلاو ةلواحمو بوعشلا م فيفخت اهبعاتم لآو نم ةيمويلا . نيب نم و نونفلا بيلاس لوا يتلا دمتعت اهيلع ةفاحصلا ،ةرخاسلا نفلا يريتاكيراكلا يذلا حبصأ ارصنع امئاد فحصلا يف ،ةيمويلا هلوانتب لكل عيضاوملا ءاطعل ىوتحم يرابخإ يم عإول ،نيعم امك مدختسي تاعارصلا يف ةيركفلا ةيسايسلاو ةقيرطب ةيدقن ةعذ انايحأل . 1 ريتاكيراكلا و ريبعت هجتني وه ام نع عمتجملا تاسراممو راكفأ تاداعنم ق خأوول . كلذل وهف يوطني تحت ءاول لئاسو لاصت لا يتلا ربعت رهاوظلا نع ةيعامتجلا . هذه رهاوظلا يتلا نكمي نوكي نأ طيسب ،حضاو اهنم وه ام و اهنمو دقعم وه ام بعصي ىتح ديدحت ،هميهافم و هذه رهاوظلانم دجن ةطلسلا فلتخمب اهلاكشأ اههجوأو ةيسايسلا نم ةيلامع ةيوبو اول ةينيدلا ةيرس واول كلذ ريغ ىلإ . 2 نمكت عفاود اذه ثحبلا ةلواحم يف فرعتلا ريتاكيراكلا ىلع نف هتردقو ىلع راهظتسا لاكشأ ةطلسلا لخاد عمتجملا ،يرئازجلا قرطتلا يأ ريتاكيراكلا ىلإ بناجلا نم جولويسوسلا نيلواحم ،ي زاربإ لاكشأ ،ةطلسلا اهتيزمر و طسو عمتجملا نيئكتم ىلع ريتاكيراكلا هنوكل لمحي هلخادب ةأرجلا ةردقلاو ىلع ةهجاوملا ركنتلا و . 3

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 304

امأ انرايتخا لمعل ماسرلا يريتاكيراكلا ،بويأ هنإف دوعي هلامعأ ىلإ يتلا ىظحت ةيبعشب طسو ءارق ةئف، دئارجلا ةقطانلا ،ةيبرعلاب كلذك زيمتل هلامعأ بناجلا نم ينفلا و 1 ةريبك يركفلا . 4

ةيلاكشإ ةساردلا وأل :

ربتعي ءاملع عامتج لا يسايسلا ةطلسلا نأ ةرهاظ ةيعامتجا ةمز درفلل لم عمتجملاو ىلعدح دعتو ةطلسلا، رهاوظلا نم ةيعامتجلا ةضماغلا يتلا اهفلي و امئاد ءيش ةبهرلا نم 2 ءاوس فوخلاو ضومغلاو . يهو رهظت لكشب حضاو اذإ تطبترا موهفمب ةسايسلا ةلودلاو اهفصوب ،تاسسؤم اهنايطعي ثيح اعون حوضولا نم ،يلجتلا و اهنكل و دجوت لاكشأ يف ىرخأ لخاد عمتجم يأ ةيعامتجا ةئف وأ نايح ودبتل اهنأ ىتح ضعب ةدرفتما رهظي يف رثأل اهل يأ و . و لاكشأ لكش نم ل ريبعتلا لواحن ل ،يعامتجخل نم ا يذلا حبصأ هتاذ لثمي ةرهاظدح يف ةيعامتجا وهو ريتاكيراكلا لأ هتمهم و فشكلا لاكشأ نع ةطلسلا جتانلا رث اهنعلا و . نم و اذه قلطنملا تمت ةغايص لؤاستلا يتلا : نيماضم يه ام لاكشأو ةطلسلا عمتجملا يف يرئازجلا يتلا عاطتسا يريتاكيراكلا ؟هتاموسر بويأ اهزربيل نأ ل خ نم 5

ةيلاكش تايضرف ل هذها انلواح ث ل نيلواحمل ثل خ نم دكأتلا: و اهنم ءانثأ ةيلمع ثحبلا 6 ريتاكيراكلا بويأ دنع ةليسو فشكت ةيم عإل طامنأ ةفلتخم ،ةطلسلل هذه ةطلسلا ةيفخلا .1 ةسدنملاو ةدع لاكشأيف تائيهو تافصو اذك اهتيلباق و ملقأتلل لدبتلا و نكميف اهدجن نأ : ةيسايس ةيوبأوأ ةيق ةينيد خألوأ ةيداصتقاوأ وأ . فشكي ريتاكيراكلا ةيئانث نع عارصلا مكاحلا نيب ام موكحملا ،رومأملاو رم و لا و قيرط نع .2 ةأرجلا يتلا اهبستكي اذه نفلا هتلواحمو ةمئادلا حضفل لامع ةيرسلالا نماوكلا و ةيلخادلا ،لاعفلا لامع ءاوس تاسسؤم ةرس ضعبل ولوأ لخادال ا ةلودلا اهتاذ دح يف . زربي ريتاكيراكلا رهاظم ةرطيسلا عوضخلا ،مازلول ا هذهو و ميهافملا ودبت ةحضاو يتلا ل .3 ملاعملا اذإ تءاج قايس ،يركفيف ل إ عيطتسي ماسرلا اهطيسبت اهتغايص و ىلع وحن نكمي نم اهمهف .

جهنم ةساردلا ايناث :

انددح لاجم ثحبلا لامعأ يف يريتاكيراكلا ،بويأ ماسر ةديرج ربخلا ةيمويلا ةقطانلا ةيبرعلاب اهنوكل رثكأ اعيزوت فحصلا نيب ،ةيمويلا هانذخأ ذإ ارشؤم سايقل ةميق بحسلا ردقملا يلاوحب فصن نويلم ةخسن ايموي ةرتف ثحبلا ل كلذكل ) اهنوكلخو ( ، صصخت ابناج اتباث مسرل يريتاكيراكلا ضعب دئارجلا ف ةيمويلال ىلعخ ، ءاوس ةقطانلا ةيبرعلاب اهنم وأ ،ةيسنرفلاب يتلا فصتت اهنأب دئارج ةصاخ ةلقتسم ةيمومع ريغ لومتيأ فرط نمل و ةلودلا . 7 رايتخا مت دق موسرلا ةنيعونع ةرداصلا يفناج نيب ام 2005 ربمسيد ىتح 2006 ءاقتنا مت و ، تاموسرلا يتلا اهل نيماضم لمحت لاكشأ لكش نم ةطلسلا هذهل رثأ وأ ةطلسلا يف فلتخم اجم اهت ل . 8 مهفلو رثكأ يناعمل ريتاكيراكلا يعسلا و ،اهليلحتل انأجل لامعتسا ىلإ ةلباقملا ةرشابملا عم ضعب نيمتهملا نيينعملا و اذهب عونلا لاكشأ نم ريبعتلا ،ةيفاحصلا تناكف ذاتس ةلباقم لا عم اذه كلذكو ميعدتل لك . ماسرلا عم و ليلحتلا ريبعتلا بويأ و ةلواحمو ةبراقم 3 رامع يلزي مهفلا لسرملا نيب لسرملاو هيلإ - لاصت ةغلبلا .- 9 اندمتعا دق و ىلع ةينقت ليلحت نومضملا دعاسي هن ل ىلع ثحبلا ىنعملا نع يذلا هلمحي ةروصلا صنلا وأ ميسقت مت . و ةساردلا ةعبرأ ىلإ ،لوصف لصف لك يوتحي ىلع نيثحبم . 10

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 305

ةساردلا جئاتن

لامع يتلالا انمق نإ اهليلحتب لاغشنلا اهيلعو ماسرل ةنيع ةعضاوتم ،بويأ لإ يه ام نم تائملا تاموسرلا نم تخرأ يتلا تلثم ةرتفل و خيرات نم ،رئازجلا ةربعم ثادحأ نع اهنم ةراسلا اهنم ةملؤملا و . ملاعل كلذكيل ليثمت اياونلاوه ل د ةيلعفلا ةنماكلا ءارو فقاوملا وأ نماوكلا ،ثادح لاعف حضفلولا ا ضرعومت ثيح ةيلخادلا تافرصتل صاخشلا . يتأت ةدر و لعف مسرلا يريتاكيراكلا دقاعتلا ل يفخلال خ نم ماسرلا نيب روهمجلا و يقلتملا ةلاسرل . نوكتت صوصن دقعلا مربملا ةغل ةيراشإ ىلع ،كحضلا لل توكسملل خ نم لك يف هنع جاتن ينفلال لمعلا ا و انعبتت لامع ،اهتسارد . بويأل وخفل انكردأ كحضلا نأ وه سيل ضرغلا يساس ،هلامعأل نم ا ىدعتي لب ةراشإ ىلإ كلذ يقلتملا تفل ههابتنا و ،طقف هعضيل مامأ عوضوملا ماهلا يذلا هسمي يحاونلا لك نم ،بناوجلاو هذه تايصوصخلا يتلا زاتما اهب ماسرلا بويأ ىلع رارغ ضعب نيماسرلا نيرخلا . 11 زربي لمعلا يريتاكيراكلا مدقملا اكشأ ةريثك عارصلا نمل لخاد عمتجملا ،يرئازجلا اهمهأو عارصلا وه نطاوملا نيب طيسبلا ربعملا و ،رأفلاب هنع اذه نطاوملا شمهملا يذلا لياحتي ىلع عضولا يداصتق يعامتجلل يسايسلااا و نكمتي ىتح ءاقبلا نم دومصلاو لظ يف عارص ىوقلا تارايتلاو ةنيابتملا قلطنملا ثيح نم فدهلا و رأفلا . و يذلا مغرلاب رغص نم امئاد هنا همجح دجاوتمل إ مسرلا يف هلباقم يف . دجنو طقلا يذلا ربعي ،ءايوق ةطلس نع ل ا . زربي ريتاكيراكلا انل جذامن 4 رأفلا ريبعت وه ،ةمواقملا نع موقت ثيح ةطلسو نوكت ةمواقملا ةفلتخم ،ةطلسلا نم ءاوس يطارقوريبلا ،ةيم نكلل نكمي ةينيدلا عوأ سمل ل ةطلسلا اة وأ ةيسايسلا ةيوب لكشباول حضاو لخاد عمتجملا يرئازجلا يذلا زاتمي طمنب ةطلسلا ةيوبلا يتلا بعشتت وحن فلتخم تاطلسلا ةبسنلاب ريم لا ةرس وأ ل . ا يف قلطنتف ب ةطلس نم ل ا تاعامجلا ىلإ ،ةيم ريدملا وأ ل ،ةسسؤملاس يف لا اذك سيئرلا و تاسسؤملا يف ىرخ وأ لا ةطلسلا يف ايلعلا . 12 ةفاض مسرلا ىلإابل و بويأ نإف زكتري لكشب ريبك ىلع ةغللا لخاد ،صنلا مغرلاب نأ نم صقني لامع ةميق نم اهنوكلل هذه ل كلذا لمحت نيماضم يجولويسوس ،ةقيمع هذه يفة و ل يذلا رهظيل5 ةغللاخ نم دجن عارص عارصلا رخآ وه مئاقلا برعملا نيب سنرفملاو ةيجاودزا ةغللا ةدمتعملا فرط ماسرلانم . 13 رهظت ايجولوديول هذه ا ، يف 6 ريتاكيراكلا ،باطخ هنكست ايجولوديلا لكك عاونأ باطخلا عيضاوم ،همسر يتلا جلاعت عيضاوم عافدلا قوقح نع نطاوملا طيسبلا لاكشأ لك دض طلستلا نبغلا ءاوسو فرط ةلودلانم كلذ ناك ةلثمتملا اهتاسسؤم يف ةيمومعلا اهتزهجأو فرط تاهجنم وأ ىرخأ يعدت ةياصولا هيلع ىلع رارغ باحصأ تاعامجلا وأ ةيم لسلا ذوفنلا ،لاملا و كلذو بولسأب يمكهت ،رخاس بولس يذلال وهوا هدمتعي ةداع نيدهطضملا - حيرص ضعب تارملا يف ركام تارم ضماغ يف ىرخأ و و دمعي وه . راهظإ ىلإ و ةيزمر ةطلسلا اهرهظي ثيح ةيزمر يف يكردلا ،يطرشلا وأ نيلوؤسملا وأ تاراطإ يف و حلاصملا ةيمومعلا ةراش نكمي انه . ءيش ىلإل وا وهو ماه ةيناكمإ لوحت ريتاكيراكلا هتاذ دح يف انه- دصقن ل ريتاكيراك بويأ لكشب ددحم لمع يريتاكيراك لك لب ةيم ةميق وذ عإل - ةطلس ىلإ اهل اهريثأت ىلع يأرلا اذك ماعلا ىلع تارارقلا و ةيسايسلا لخاد ةلودلا . كلذك نيب نمو جئاتنلا يتلا انلصوت ،اهل سناجتلا وه ريتاكيراكلا نيب ةفاحصلا ول رهظيل خو نم كلذ لحارم روطت ةفاحصلا ،رئازجلا يف لازي ام اطبترم ثيحب و ناك هنأ يتلا وحتلاب ،اهب وت ل اذه ىلإ اهدهشت مويلا ل قتسللا ذنم . 14

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 306

NOTES

ةركذم ،ريتسجام فيرام ،دوليم تايلجتلا ةيتاعوضوملا نفل ريتاكيراكلا طسولا يف ،ييبعشلا 2005..1 ،رئازجلا ، تاروشنم ،بلحد 1993 ةعبطلا ، ،ىلولصا.4. ليلحتلا يعامتجلا ةطلسل ،محلم .2 ،نسح ذاتسأ ةعماجب يسسؤم نيب نارهو نم و ةديرج ةفاحصلا ..3 دمحأ يتاطسلا دبعنب ،يلاعلام سلا دبعل و ،لاقبوت راد ايجولوينج ،ةفرعملا لاشيم ،وكوف ةمجرت .4 108 ص ،.2 ط ،2008 5. Dourari, Abderazek, Les malaises de la société Algérienne, Alger, éd, Casbah, 2004, p.11. دمحأ يتاطسلا دبعنب ،يلاعلام سلا دبعل و ،لاقبوت راد ايجولوينج ،ةفرعملا لاشيم ،وكوف ةمجرت .6 .87 ص ،.2 ط ،2008

AUTEUR

ةزمح يريشب

ثحاب مئاد زكرملاب ينطولا ةيجولوبورثن ثحبلل لا يف ةيعامتجلا ةيفاقثلا و CRASC

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 307

Comptes rendus de lecture

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 308

Ahmed MORO et Bernard KALAORA (Dir.), Le désert : de l’écologie du divin au développement durable

Abed Bendjelid

RÉFÉRENCE

Ahmed MORO et Bernard KALAORA (Dir.), Le désert : de l’écologie du divin au développement durable, Paris, L’Harmattan, Collection CEFRESS, 2006, 265 p.

1 Cet ouvrage très utile valorise, à la fois des travaux d’un laboratoire de recherche résultant de projets locaux et de coopération (Egypte, Algérie) et d’enseignements contribue à la vulgarisation du savoir relatif au désert ; les préfaciers B. Kalaora et N. Marouf insistent sur l’étalement d’un sujet allant du divin au développement durable et sur la nécessité s’avoir un regard croisé sur le sujet. En effet, des chercheurs de diverses disciplines en sciences sociales et humaines (philosophie, histoire, géographie, anthropologie, sociologie) et travaillant sur de nombreux pays (Algérie, Égypte, Mali, Maroc) ont participé à cet enrichissement pédagogique et scientifique.

2 Ce livre documenté souligne « le caractère à la fois paradoxal et multiple de la relation des hommes au désert. Celle-ci ne saurait être unique, elle n’est pas la même selon la géographie (il n’y a pas des déserts chauds et des déserts froids par exemple, le ‘génie des lieux’, les hommes (selon qu’ils sont gens du désert, voyageurs, touristes, nationaux ou étrangers) ou les cultures en présence. Mais ces singularités ne sauraient nous faire oublier l’existence de figures ou motifs idéaux-typiques caractérisant l’expérience du désert dont la signification, le sens et la place varient selon le contexte historique». Dans cet ordre d’idées, l’histoire est toujours là : histoire géologique, histoire économique, histoire des migrations, histoire des brassages ethniques et culturels… En ce sens, « le désert comme lieu du divin et du sacré et du monothéisme est sans doute l’une des modalités les plus partagées de l’imaginaire collectif » ; au-delà de la lecture des textes exposés dans leur diversité transdisciplinaire, les auteurs concluent en mettant à jour des problèmes prégnants dans le Monde actuel ;

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 309

ainsi, « l’avènement de l’environnement et la prise de conscience de la biodiversité redéfinissent le statut et la place du désert au sein de la planète terre. Plutôt que de la détruire et de la domestiquer, il revient à l’homme d’en comprendre les enjeux environnementaux, en préservant un lieu relevant à la fois du vivant et du sacré ». 3 B. Kalaora tire des enseignements d’une rencontre franco-égyptienne tenue à El Arish dans le nord du Sinaï (Egypte) traitant de « la valorisation agricole et l’exploitation d’un milieu par nature fragile » et rend compte d’une nouvelle pensée philosophique tressée autour de la connaissance face au désert et à son avenir. Bien plus, cet auteur conclut son article d’une façon magistrale en écrivant que « le développement des sciences environnementales, notamment l’écologie et la biogéographie, a joué certainement un rôle dans ce renouvellement de la représentation du désert. A la différence de la géographie qui a une vision plus négative, insistant sur les facteurs de stérilité du milieu et de dévastation ou le définissant comme l’archétype du non-espace (ne portant pas les signes conventionnels de l’appropriation au travers des catégories de maillage et de quadrillage), l’écologie et la biogéographie au contraire, mettent l’accent sur la dynamique du vivant et de l’adaptabilité des espèces aux contraintes de l’aridité. Le désert alors change de signification, il est perçu comme habitat spécifique, un écosystème aride dont il faut étudier l’ensemble des composants et leur fonctionnement. Cette représentation écosystémique modifie le statut du désert qui, de milieu inerte et statique, devient dynamique, non plus séparé du monde vivant mais faisant partie de la biosphère ». Dans un texte mûri par la réflexion et l’expérience, J.P. Deffontaine étale son savoir pédagogique à travers « Le désert et la montagne, lieux mythiques et mystiques des expériences et de développement durable » ; il tente une comparaison entre les espaces fragiles que sont la montagne et le désert et où se mêlent l’imaginaire des hommes et les pratiques ; en effet, « ces hauts lieux ne sont-ils pas, dans les traditions religieuses, des espaces sacrés du sacrifice et de la révélation ? ». Il dresse quelques analogies faites, au cours de l’histoire, par des penseurs sur ces deux territoires considérés comme ‘pauvres et invivables’ et relève les progrès des aménagements et de la mise en valeur des ressources effectués au cours du dernier siècle ; effectivement, la montagne comme le désert sont « deux biotopes à ménager. La prise de conscience de l’irréversible transformation de la nature par les activités humaines, la montée en force des questions d’environnement, la dégradation de biens publics vitaux, comme l’eau et l’air, l’adhésion à la notion de ‘jardin planétaire’ qui relie les faits locaux aux phénomènes globaux, sont à l’origine d’une volonté de conservation, de préservation de la nature. Comme le désert, la montagne apparaît comme un écosystème fragile qu’il faut défendre contre les agressions de l’homme. Celui-ci est vu comme un perturbateur des équilibres. Il faut créer des parcs, des espaces protégés, sanctuariser la nature ». Ces remarques censées dans le domaine de l’aménagement du territoire sont tout à fait adaptées aux réalités du Maghreb. 4 Une collection de textes abordant le thème du désert, de niveau inégal, parsème cet ouvrage en alliant des réflexions, des constats, des dialogues et des résultats de recherche plus ou moins inédits qui apportent tout de même des connaissances certaines au lectorat. Ces articles ont pour auteurs E. Burnus, T. Roche, A. Moro, D. Kintz, J.O. Job & J. Albergel, N. Marouf. Quant à la troisième partie de l’ouvrage, elle est consacrée aux Comptes rendus d’enquêtes (Observatoire de l’écosystème saharien) englobant quatre articles élaborés par des chercheurs travaillant au sein d’institutions universitaires algériennes, membres du programme de recherche signé par deux partenaires1. En effet, les quatre articles de plus de 70 pages, illustrés par neuf cartes, traitent de l’écosystème oasien à travers la politique agricole et la question foncière, l’utilisation des nappes d’eau dans le Touat et le Gourara, la dégradation du milieu

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 310

naturel et des activités humaines dans le Touat et le Gourara, et de la mesure du niveau d’équipement dans les ksours du Touat. Les titres des textes présentés comme des résultats de recherche du programme partenarial ont été élaborés par Abed Bendjelid « Politique de mise en valeur et exploitations agricoles au Sahara (Wilaya d’Adrar, Algérie), par Sid Ahmed Bellal « Exploitations des eaux souterraines dans la région du Touat et du Gourara (Wilaya d’Adrar), par Ouassini Dari « Dégradation de l’environnement dans le Touat et le Gourara » et par Mohamed Hadeid « Niveaux d’équipement des ksours du Touat (Algérie) ».

NOTES

1. Programme de coopération interuniversitaire algéro-française, signé entre l’Université de Picardie (Amiens) et le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Oran) durant les années 1 999 et 2002. Numéroté 99.MDU.412 et dirigé par le Pr. Marouf Nadir et le Pr. Bendjelid Abed, ce projet avait pour intitulé « Observatoire, population et environnement de l’écosystème oasien ».

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 311

Monique VÉRITÉ, Henri Lhote – Une aventure scientifique au Sahara

Bruno Lecoquierre

RÉFÉRENCE

Monique VÉRITÉ, Henri Lhote – Une aventure scientifique au Sahara, Paris, Ibis Press, 2010, 429 p.

1 Auteur déjà en 1992 d’Odette du Puigaudeau : une bretonne au Sahara, Monique Vérité vient de livrer une nouvelle biographie passionnante, sur une personnalité saharienne haute en couleur, célèbre en France et au Sahara après-guerre et qui est aujourd’hui un peu oubliée : Henri Lhote (1903-1991).

2 Henri Lhote peut être considéré comme l’un des plus grands explorateurs du Sahara au XXe siècle, aux côtés de Conrad Kilian et de Théodore Monod. Le parallèle avec ce dernier est assez fascinant car ces deux grands sahariens, exactement contemporains, avaient des personnalités diamétralement opposées. Ils ont vécu chacun de la même passion, l’un au Sahara central (Lhote) et l’autre dans l’Ouest saharien (Monod) et ont atteint tous deux l’apogée de leur carrière dans les années 1950, Monod lors de ses traversées de la Majabat al Koubra et Lhote dans ses campagnes pour inventorier les sites de peintures rupestres du Tassili n’Ajjer. Et tout pourtant les opposait : leur enfance, leur formation, leur parcours scientifique, leur rapport à l’institution militaire, leur manière d’être… 3 Henri Lhote a connu une période de grande notoriété à la suite des quatre missions qu’il a organisées et menées dans le Tassili entre 1956 et 1962. Elève et protégé de l’Abbé Breuil, il avait été initié aux représentations pariétales du Tassili par celui qui en fut le découvreur : Charles Brenans, officier méhariste, en poste au Tassili entre 1931 et 1939, et dont Lhote fut très proche jusqu’à sa mort en 1955, alors même qu’il devait participer à la première mission tassilienne. Cette expédition, telle que la raconte Monique Vérité dans son livre, est un parfait condensé de ce que fut en réalité toute la carrière d’Henri Lhote au Sahara, bâtie « à la force du poignet » en dépit de solides

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 312

oppositions, avec des échecs notables mais aussi de véritables réussites, une contestation récurrente de ses méthodes scientifiques, et enfin une immense notoriété que Monod, pour sa part, ne connaîtra curieusement que dans le grand âge (à 87 ans à la suite d’un film de télévision). Tout d’abord, l’expédition au Tassili s’organise dans la confrontation ouverte avec d’autres sahariens français avec lesquels Lhote était en opposition permanente : « Le retour de Lhote et de Brenans en Algérie, par la grande porte saharienne, est loin de plaire à certains ! Ce n’est pas pour nous surprendre, la guerre continue, mais plus violente cette fois, car on s’attaque aux missions Lhote elles-mêmes qu’on tente de torpiller… ». Après bien des vicissitudes, Henri Lhote et ses équipiers arrivent à Djanet le 16 février 1956 : « Le premier bon augure aura été l’arrivée de la pluie, à leur descente d’avion. Comme il n’a pas plu depuis des années, les Touaregs proclament que Lhote a la “baraka”. Et à chaque retour de Lhote au Tassili, en 1957, en 1959 et en 1960, il pleuvra ». Lors de ces différentes campagnes, le chef d’expédition sera accompagné par le guide targui Djebrine Machar ag Mohamed : « Aux yeux du grand public, le nom de Djebrine est indissociable des missions Lhote dont il sera le guide attitré… La complicité des deux hommes se noue à travers leur plaisir à parcourir ces immensités caillouteuses. Ils prennent du bon temps ensemble ». Sur le Plateau, Henri Lhote est le chef et, comme il l’a toujours fait, son autorité ne peut être contestée : « Lhote est responsable de tout, des gens, des bêtes, du matériel, des réserves d’eau, de bois, de vivres et des activités scientifiques de terrain, puisqu’il est le seul savant. Sa conception de l’équipe n’a pas changé : elle est toujours pyramidale… La seule loi, c’est le succès de la mission. Lhote s’y plie et avec lui tous doivent s’y plier ». 4 La grande découverte de cette première mission sera celle de Jabbaren ; un chapitre « Jabbaren aux 5000 figures » y sera consacré dans le livre que Lhote tirera de cette mission, à la découverte des fresques du Tassili (publié en 1958) : « Jabbaren, c’est tout un monde ! Plus de cinq mille sujets peints dans un quadrilatère mesurant à peine six cents mètres de côté ! Si l’on se réfère aux différents étages de peintures, on en déduit que plus de douze civilisations différentes s’y sont succédées. C’est sans exemple, et compte-tenu de sa superficie, le Tassili peut être considéré comme le centre d’art préhistorique le plus riche du monde ». 5 Une grande exposition, visitée par le tout-Paris, aura lieu au pavillon de Marsan entre novembre 1957 et mars 1958 : « Lhote est en train de gagner son pari : rendre visible l’art rupestre saharien et être identifié comme celui qui l’a fait connaître au monde entier. Sa notoriété ira grandissante et il deviendra le héraut de la geste saharienne ». Les méthodes de reproduction des peintures par calques utilisées lors des missions sur le plateau du Tassili seront beaucoup reprochées à Lhote qui peinera, pendant toute sa carrière saharienne, à s’affirmer comme un scientifique à part entière. 6 Ainsi a été la carrière saharienne d’Henri Lhote, celle d’un autodidacte, formé à l’école du scoutisme, qui a dû batailler tout sa vie pour s’imposer, explorateur infatigable et intrépide du Sahara central (Hoggar, Ténéré, Tassili) à partir de 1929, homme de terrain reconnu mais scientifique contesté (malgré une thèse d’ethnologie soutenue en 1944 sous la direction de Marcel Griaule), chef d’expédition autoritaire de missions parfois ratées (Hoggar-Tefed est en 1949-50) et d’autres fois couronnées de succès (les missions Tassili), organisateur de talent, particulièrement doué pour les relations publiques, ce qui fâchera beaucoup certains de ses collègues… 7 Dans son livre, Monique Vérité parvient remarquablement à dénouer les ambiguïtés d’Henri Lhote et à démonter les moteurs de sa personnalité, ce que Jean-Loïc Le Quellec résume ainsi dans sa postface : « Comment ne pas tenir compte de l’itinéraire personnel de cet

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 313

autodidacte et de toutes les difficultés qu’il eut à affronter à ses débuts ? Comment ignorer l’ombre tutélaire de l’Abbé Breuil, dont l’influence fut si prépondérante ? Bien des critiques adressées à Henri Lhote devraient en réalité, par ricochet, viser ce “cher maître”, de l’influence duquel l’élève zélé, toute sa vie respectueux de l’autorité, n’a sans doute pas su complètement se départir ». Et Monique Vérité termine son livre en racontant, avec une émotion perceptible, la seule rencontre qu’elle eut avec Henri Lhote, un an avant sa mort : « C’est cette image que je garde dans le tréfonds de ma mémoire, celle d’un vieil homme en bout de course, célébrant son retour aux origines et offrant sa ferveur en partage ».

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 314

Julien BRACHET, Migrations transsahariennes : vers un désert cosmopolite et morcelé (Niger)

Jacques Fontaine

RÉFÉRENCE

Julien BRACHET, Migrations transsahariennes : vers un désert cosmopolite et morcelé (Niger), Paris, Éditions du Croquant, Collection Terra, 2009, 322 p.

1 Cet ouvrage est la version remaniée d'une thèse de doctorat de géographie soutenue en décembre 2007 à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Cet ouvrage tente de décrypter -et il y réussit- les flux migratoires entre les deux rives du Sahara ; il montre que l'essentiel de ces mouvements n'a pas pour but l'Europe mais le Nord de l'Afrique et, ainsi, il déconstruit les discours médiatiques et politiques basés sur la peur du péril migratoire, peur qui a pour effet le durcissement des politiques migratoires, particulièrement en Europe ; in fine, cet ouvrage pose la question du droit à la mobilité des hommes, aussi bien à l'échelle locale qu'à l'échelle internationale.

2 Le texte s'organise en quatre parties. Dans une première, l'auteur évoque la permanence des flux migratoires dans l'ensemble saharo-sahélien à l'époque contemporaine. Il rappelle que « la circulation des hommes, des bêtes et des marchandises est au cœur de l'organisation des sociétés et des économies sahariennes ». Il montre comment les circulations se sont complexifiées depuis les indépendances des pays africains et comment ont évolué les motivations des migrants. Avec l'augmentation des volumes des flux, les systèmes de transport se sont développés à travers le Sahara ; un système spécifiquement destiné aux migrants s'est mis en place et, parallèlement, les agents des différents corps de sécurité et de contrôle des États ont soumis les migrants à des taxations illégales. 3 La seconde partie est consacrée au rôle de la ville d'Agadès, « porte de sortie de l'Afrique subsaharienne ». C'est l'étape inévitable pour les migrants provenant, au départ, des

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 315

pays sahéliens puis, progressivement, de toute l'Afrique de l'Ouest, voire de l'Afrique orientale ou même de l'Asie du Sud ou de l'Est (y compris la Chine), à destination de l'Algérie ou surtout de la Libye. L'importance de ces mouvements -plusieurs dizaines de milliers de migrants transitent chaque année par Agadès- n'est pas sans conséquences pour la ville : organisation spatiale, développement, activités économiques... en relation avec la double fonction récente de carrefour migratoire et de place marchande internationale. 4 La troisième partie montre les difficultés des migrants pour rejoindre l'Algérie et la Libye : difficultés naturelles d'un milieu particulièrement hostile (Ténéré, Djado...) où les routes sont inexistantes et où les migrants sont totalement dépendants des passeurs et des chauffeurs des véhicules, taxations illégales par les agents de l'État nigérien qui atteignent des niveaux élevés et grèvent les maigres budgets des migrants, difficulté d'accès au territoire algérien et libyen : dans ces pays, le durcissement des politiques migratoires, incité et soutenu par l'Union Européenne, se traduit par un renforcement des contrôles aux frontières. De ce fait, les migrants changent de statut : d'irréguliers, ils deviennent clandestins et les risques de refoulement et d'expulsion augmentent ; l'autre conséquence de ce durcissement est le morcellement de plus en plus accentué de l'espace saharien... qui, en retour, n'est pas sans conséquence sur les migrants et l'organisation des flux migratoires. De ce fait, la circulation et le séjour des migrants subsahariens en Algérie et en Libye sont de plus en plus difficiles, risqués et onéreux (avec des différences notables entre ces deux pays). Mais ces évolutions politiques ne semblent pas avoir d'effets significatifs sur le volume des flux migratoires, toujours beaucoup plus importants en direction de la Libye que de l'Algérie : ce sont davantage les itinéraires empruntés et les modalités de franchissement des frontières qui ont évolué, devenant quasi-systématiquement clandestins. 5 Dans la quatrième partie, l'auteur aborde la question de la corruption, de ses relations avec l'État nigérien, de l'adaptation des acteurs de la migration aux pratiques corruptives et revient, in fine, sur les motivations des migrants. Au Niger, s'opposent les préceptes de la « bonne gouvernance » préconisés par les institutions internationales et son absence de mise en pratique : les acteurs proclament la nécessité de la bonne gouvernance tout en participant aux pratiques illégales qui leur permettent « de mieux pérenniser leur pouvoir et surtout d'accroître leurs gains ». Dans les régions sahariennes du Niger, la corruption est systématisée et s'accompagne souvent « d'actes de violence vis-à- vis des migrants, afin de leur extorquer de l'argent ou des biens ». Ces agents de l'État se placent ainsi « en dehors des normes officielles, mais également en dehors des normes socialement acceptées par ailleurs ». Ces pratiques amènent certains acteurs des réseaux de transport à s'engager eux aussi dans la clandestinité : les phénomènes migratoires se complexifient et se transforment. Enfin, l'auteur replace la question de la motivation des migrants, au delà de la question économique, dans le cadre plus large des « désirs d'individualisation, d'autonomie ou d'émancipation des migrants » : un moyen pour le migrant de s'extraire des contraintes de sa société d'origine pour devenir lui-même, ailleurs. 6 Ainsi, le Sahara est au cœur du système migratoire africain. Il s'y forme une véritable communauté de migrants sur la base d'expériences communes vécues, souvent difficiles, qui ont peu de liens avec les sociétés locales : le désert devient cosmopolite.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 316

Notes de lecture

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 317

زيزعلا دبع ،يرودلا ةيخيراتلاروذجلا " ةيموقلل ةيبرعلا "

ميركلا دبع مح ّو

RÉFÉRENCE

،توريب ،ةيبرعلا ةدحولا تاسارد ةيبرعلا زكرم ةيموقلل "، " ةيخيراتلاروذجلا ،يرودلا زيزعلا دبع .2008 ةحفص، 87 ربوتكأ ةعبطلا ،ىلو لا

جلاعي اذه باتكلا راسملا يخيراتلا ةيموقلل ،ةيبرعلا د بلال يف يو ُ ضرع ةركفلا ةرتف نم اهتيادب تقولا ىلإ رضاحلا عوضوم راد . و باتكلا نيروحم يف : 1 تايلوأ نإ يعولا يبرعلا تناك 1 ديكأت تاذلا زازتع اول لوقي اهب ذإ زيزعلا دبع يرودلا وأل ً: ُم ةمهب ةيوضوفو ،اهتيادب يف ازعو عضولل كلذ يسايسلا يعامتجلا يتلاو هتشاع ةريزجلا حـبصأ م نـيدلا ل عمو ءيجم،م عجرملاس ل ظاقيإ ةيبرعلال يف ساسا ،يعولاسل ال ا لبق ذإ ْ تروطت ةرظن برعلا ةهل ةدابع نم ل ا ةيدرف ) ( لئابقلل ةهلآ ىلإ ،لـمشأ مـعأ و كارتش اول ةدابعلا يف ةئيب ةدحوم يف . اذهو ديحوتلا لصتي ةيحيسملابل يتلا اهتمعد ةسايسلا ةيطنزيبلا ،كاذنآ ةيدوهيلا ىلإ لو يتلا تناك عتمتت ضـعبب ةـيامحلا ،ةيناساسلا تهجتا لب مهتديقع ىلإ ىلع ظاقـيإ ىمس ىلإ ىلعاول م يعولا ل هللالا" ،يبرعلاس دقفل لمع" ا ، ديحوتو ةملكلا و ةدايقلا ... تلكشتو ةـكرح ةيبرع اهتئيب يف يفو اهتغل يفو ،اهتلاسر يهو دشنت ةدحولا ،ةيسايسلا ماسقن ركنتو لا ،ةئزجتلاو ضفرتو ،ةيعبتلا يهو هجتت نيوكت ىلإ ق موِ مي ُ لث ُم ،ةدـحو ذختتو ةهجو م َ ةايحلا ةيند يف ةيمويلا . تلت هذه ةـلحرملا تاحوتف تباج ةيم سإل ،راصم رافس اول ا ترشنو ةدايسلا برعلل ،نيملسملا و فو ُتِ باوبأ َح ،ةرومعملا نم ت ملو دقوتت ةلعش مولعلا ةفرعـملاو لإ دعب ءاسرإّ مئاعد ةلودلا ) ةصاخ ةيادب يف رصعلا يسابعلا ( لغتشا ثيح برعلا ديكأت يف مهتاذ روهظب تاساردلا ثوحبلاو ،ةيبرعلا ةكرحو نيودتلا و فيلأتلا ،فينصتلاو ةيوغل ةيخيراتو ،ةيبيرجتو تزربو تاساردلا ةصصختملا ةيم لسلا ةساردك نآرقلا ثيدحلاو تاساردلا بنج ةيهقفلا . تأشنف سرادملا ةيهقفلا تدهمو ىلو لا ... دقو تراـص هذه سرادـملا ةدعاق ةفاقثلا 2 روهظل بهاذملا ةيهقفلا ىرخ اميف ل دعبا ةيـبرعلا ساسأو اهنيوكت . 2

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 318

لوقي بتاكلا اكردتسم سلا ّ يخيراتلا در ةيموقلل ةيبرعلا انديفي" نل دجمن نأ هذه ةراضحلا اننكلو ديرن ةفرعم ،روذجلا اذإو تناك ةراضحلا ةيبرعلا ،ترهدزا دق كلذف ببسب ررحتلا يركفلا ةأرجلاو ةعسو قف لا ،ةـيملعلا ببسبو ثحبلا ةقيقحلا نع مارتحاو ءارآ ريغلا مهداهتجاو امهم اوفلتخا ... اذـلو دكر برعـلا اولام نيح ديلقتلا ىلإ نيحو لءاضت قاطن ةيرحلا ةيركفلا ") . ص 21 . ( 3 يعولا نإ يبرعلا دنتسا سسأ ىلإ ةيفاقث ةجردلاب ،ىلول هنإوا ذختا ةهجو ةيناسنإ يف لحارم هروطت اذه نإو روطتلا ك اروذج َهل نو ةخسارً ةيعامتجل اهتاذبا يهسس لا ةـيفاقثلاو ةـيموقلل ةيـبرعلا . 4 رهظ يعولا يموقلا نرقلا يف عساتلا ،رشع دقو تدهم م هل رشن ميلعتلا ُ ت واحل ايناث ً : : ةفاقثلا ثبو ةـصاخو نانبل يف ةيروسو ،رصمو هراثآ تناك نم ةيادبو وزغلا يبرغلا يتلا تأدب ةلمحب نويلبان تايلاسرلا ةـيبنج 1798 مسقلالوايف ،م يناثلا لغلغت راكف ،هنم لوا تاداعلاو ةيبرغلا لثمت . اذه مامته يعولاو لا ةغللاب يف ةيبرعلا اهرابتعاو دحأ تاموقم ،ةبورعلا دجنو طاشنلا نأ يفاقثلا يذلا تماق تايعمجلا هب يتلا ىلو تسسأت ل ا د بلال يف ةيبرعلا ـك " ةيعمجلا ةيملعلا ةيروسلا يتلا تسسأت توريب يف ةنس 1857 ةقلحلاو ،م ةـيفاقثلا يتلا تنوكت قشمدب رخاوأ يف نرقلا عساتلا رشع لوح خيشلا رهاط ،يرئازجلا ةقلحلا مث ةيفاقثلا ةريغصلا قشمدب يتلا ترولبت ةنس يف ةيعمجب1903 م ةيرس ترمثأو ةيعمج يف ةضهنلا ةيبرعلا ةنس 1906 ") اهل ناك ادعب ايسايس . ص 50 كلذك ( كاكتحل ناك . يفاقثلا و عم مادطصا ،رم مث لا لو برغلالا برعلا رامعتسيف ل ةـيلجت اقحايف رثأ ل روذجلا ةيخيراتلا ةيموقلل ةيبرعلا اهكسامتو نيصرتو اهميهافم . دقفر َ برعلا بح ُ ميهافمب ،ةيرحلا رحو ِ اوص امبيذخ ل ىلعا ُ مهنكم نيسحت نم مهرومأ ةيشاعملا ،ةيداصتق اول مهنأ اونوكي مل لإ نيدعتسم يلـختلل مهثارت نع راكنإ وأ ،مهتاذ دتشاف مهصرح ىلع ديكأت ؛تاذلا صخلي كلذ يحليوملا امدنع لوقي " ببسلا حيحصلا لوخد كـلذ وهيف ةيندملا ةيبرغلا د ةتغب بلا ليف ،ةيقرشلا ديلقتو نييقرشلا نييبرغلل عيمج يف مهلاوحأ ،مـهشياعمو نورينتسي ل ثحببل و نوذخأي ،سايقب نورصبتي لو نسحب نوتفتلي رظنل كلانهو رفانتام ىلإ نم عابطلا نيابتو ميلاقل ،تاداعلاوا قاوذ تخاولف ال اوقتني ملو اهنم حيحصلا ،حيبقلا نم اهوذخأي لب ةيضق ملسم ،اهب اونظو اهيف نأ ةداعـسلا ،ءانهلاو اومهوتو اونوكي نأ مهل ةوقلا ،ةبلغلاو اوكرتو كلذل عيمج لوص ةميدقلا مهيدل ناك ام لا نم تاداعلاو ةميلسلا ،ةرـهاطلا باد اول اوذبنو ام قحلا مهف نم هيلع ناك ايرهظ سأ ل مدهناف ناـكر توهو ساسً، لل تعطقناواا مهيف بابس. اوحبصأف3ل ا نوميهي م ظلاليف " 5 ،ةياهنلا يف و تسيل ةركف ةيموقلا ةركف ةئراط ةسبـتقم وأ ةجيتن يه لب روطت يعولا يبرـعلا يذلا رجفت مادو رثكأ ةعبرأ نم رشع انرق لثمتي ً ةيوـيح، يف ةدـيدج ديرت ثعب ةايحلا ،ةم ديرتو لا انايك يف اصاخً ؛اهلً اذهو ىعسي ام هيلإ يعولا يموقلا ثيدحلا يذلا تناك هتيادب علطم يف ةضهنلا ةكرح عم نيفقثملا . 6

NOTES

لمع اسسؤم اديمعوً ةيلكلً ،1919 قارعلا ماع دادغب ةمصاع دلو دبع زيزعلا يرودلا يف .1 ،مولعلاو باد لا اسيئر مث ةعماجل ةرتفلا ل دادغب ل خ 1963-1968 لقتنيل اهدعب سيردتلل ةعماجلا يف ةيندرل .ا عاطتسا يرودلا هتافلؤم يف ةيخيراتلا مدقي نأ ةروص ةديدج خيراتللنع يم ل يبرعلا سلا قيرط هجمد ةلاص ثحبلال يخيراتلا تافلؤم يف نيخرؤملا برعلا ءامدقلا تاودأ عم ليلحتلا ثحبلاو يتلا اهاقتسا برغلا نم . 2. Schacht, Joseph, The origins of muhammdan, jurisprudence, Oxford, charedon press, 1950, p.125.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 319

،ةرهاقلا ، ،رصم ،فراعملا راد ةرتف نمزلاوأ نم ، ثيدح ىسيع ماشه نب ،يحليوملا .3 دمحم ، 1947 ص . ، 252.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 320

غربنره عمتجملا نوج، ،يندملا خيراتلا يدقنلا ،ةركفلل ةمجرت : يلع نسح مكاح حلاص مظانو . ةعجارم : د. حلاف رابجلا دبع

ميرم مامل

RÉFÉRENCE

غربنرها عمتجملا نوج، ،يندملا خيراتلا يدقنلا ،ةركفلل ةمجرت : نسح يلع مكاح حلاصو مظان . ةعجارم : .د حلاف رابجلا دبع . زكرم تاسارد ةدحلا ،ةيبرعلا ةمظنملا ةيبرعلا ،ةمجرتلل ةعبطلا ،ىلول توريبا 2008 . 509 ص .

تنيب ةءارق عوضوم اذه باتكلا فلؤملا نأ لغتشي ىلع ةيلاكشإ راسم روطتلا يركفلا و يدقنلا دوجول عمتجملا ،يندملا دقل ضرع فلؤملا و روطت عمتجملاةث لث ل يندملا لخ نم ،ماسقأ يفف ةيادبلا قرطتي لوصأ ىلإ عمتجملا ،يندملا اهدعب ةثادحلاب هتق قتنم ل لع ىلإ ايهتنم ةايحلا ىلإ ةرصاعملا . 1

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 321

نيبي باتكلا مسقلا نم ولو ةيفيكلال ا يتلا عفاد اهب ركفلا يكيس كلا ىلع ةركفلال يتلا اهدافم ةطلسلا نأ ةيسايسلا تلعج مايق ةراضحلا ارمأ ،انكمم ةسايسلاف طاشنلا يه يفتكملا رثكأ هتاذب نوط ثدحت . لوأ نم ةيرظنلافأل نع ةيسايسلا اهتق ةايحلابل ع يف ،ةماعلا اريشم رطخ ىلإ ةحلصملا ،ةصاخلا ةيمهأ و ،ةلادعلا ادامتعا ىلع ساسأ بهذم طارقس ةليضفلا نأ يف زيامت ةدحو اهيفل لباقملا يف . و كانه ناك وطسر مهف رخآ ل رثكأ روطت ازيمت ،نوط وفأل عمتجملا ًنعنأ ثيحا يندملا ينعي هيدل كارشإ عمتجملا ةايحلا يف ةيسايسلا ةلماشلا ذإ،ةنيدملل ةطبارلا يه ةدايسو عامتج ومش رثك لا وأ ىلع طباورلا ةيناسنلا اهنوك ةدوجوم ةايحلا لجل ةحلاصلا نمضتت يه و لاكشأ ،ميظنتلا ناسنلاف هدنع لكلا ءزج نم وه يسايسلا نوكي ىمسأو اذإ طبترا ةلادعلاب ،نوناقلا و حلاصملا نأ ريغ ةيدرفلا ةميق تاذ ،ةيواستم رارقتس كردألا نأ مزلتسيو ةيامح ،عيمجلا تاميظنتلا و ةيسايسلا رهصت لجأ اعم ئدابمنم ةيكلملا ةيطارقتسرلا ةيطارقميدلا و . اذه عمتجملا و سكعي عيزوت ةطلسلا ةيداصتقلا رفوي ةصرفلاو مامأ تاقبطلا ةيواستملا ريغ شيعلا يف ةلودلاو ،م لسب لكشتت اذه أدبملانم ةلادعلا ) ( نيينانويلا مغر نأ اوصقأ ،بناج دابعلال ا وو ةأرملا مهقوقح نم ةيسايسلا . ىعسو نورشيش ةغايص يف اذه موهفملا ةغلب ةيسايس نم ةلادعلا حنم ل دارف قتسال ءارآ ةصاخلال نع ةيل اخ ل اهعضوو ميمص يف لمع بعشلا " "، ساسأف عمتجملا يندملا ةلادعلا وه يتلا اهلكشي لقعلا يذلا مهفي هفصوب حلاصلا ماعلا .و رولب اذه موهفملا ارمثتسم فارعأ عمتجملا ينامورلا ةيكلملاب ةصاخلا ةيمحملا ةطساوب نوناقلا نكل . رايهنا ةيروطاربمول هتاها فقوأ ةريسم قيمعت شاقنلا يرظنلا ،يكيس كلال و لولحب كلذ ةيحـيسملا . دقنلاف ينيطسغولا ةدابعلاب نهر ةم دوجو لا ،ةقئ هلعج لال ام ربتعي ةسينكلا نم لك نأ ةلودلا و ناتادأ ةعاطل هتاه ةرظنلالظ ،هللا يف و ةينيدلا نم دقف لك عمتجملا يندملا ةطلسلا و ةيسايسلا امهتردق ىلع ةرادإ نأشلا يويندلا . ىعدتسا و اذه عضولا لاقتن اقح ،ةثادحلا ىلإل لا دقف ةمظن تزّفح لا ةيكلملا ةيزكرملا روهظ تايرظن ةثيدح لوح ،ةطلسلا ةيعرشلا ،ةدايسلا و لغشنا و يلفايكيم داسفلاب ،يسايسلا اربتعم ةسايسلا اديحو ل عضول ح داسفلل دح داعأ . رابتع زبوهلو ةعامجلا ىلإ ا ةمظنملا ايسايس يف اهموهفم ،ميدقلا ميقف ،ةلادعلا ،ةفاقثلا ،ملعلا نفلا و فقوتت ىلع ةردق ةلودلا ليكشت يف عمتجم يندم . 2 مسقلا يناثلا يبي ءوشن ناسن ،يداصتق ّلنا ظنملاف ّ نويكيس نور كلال دش ّ اود حوضوب ىلع رود ةلودلا رثكأ امم بهذ هيلإ وركفم نورقلا ،ىطسولا ىعو مدآدق ثيمس عمتجملا نأ و نكمي هميظنت راطإ يف ةعفنملا ةيدرفلا امك تنيب ميهافملا ةثيدحلا درفلا نع تايلمعلا نأ ةيداملا ةايحلل ةيعامتجلا اهيدل ةوق نوكم كلذ يف ّة بسح . نوج درفلا كولو نأ تمتي ّع قوقحب اهترفو ،ةعيبطلا هل نوناقلا نأ ثيح ،يعيبطلا ،ةيرحلا ،لمعلا لدابتلا ةيكلملا و ةصاخلا طورش يه ةايحلا ةيناسنلا . 3 امنيب ىري زبوه ةحلصملا يف ةيدرفلا اهنأ تلخدأ ءادعلا دقحلا بيرختلا فنعلا و و ،لدابتملا دكؤي هتهج نود كولو ةيكلم نم هنأ نوكت ةصاخ ةايحلال ةيمومعلا ،ةديفم ساسأف ةايحلا ةيناسنلا ةعيبطلا يف عمتجملا و يندملا ةيكلملا يه ةصاخلا ةلودلا و يه زاهجلا يذلا اهيمحي هيلع . نرقلاف و نماثلا يمت يد رشع يمل داصتق ابل ّ ،يسايسلاز عسوت قوسلا ةيعامتج هلغلغت لا تاقو علا ليف امم لعج نيركفملا نودصتي ةلأسمل بئارضلا و لمعلا رعسلا ةميقلاو و . امك ىطعأ اذه نرقلا ةيمهأ ناسن ،يداصتق ىربكل ال عاستاف ةسفانملا دايدزا و اهتيرح نازفحيس هذه ةسفانملا امم لعجي ةوق عمتجملا و ةبل رثكأ ص . 4 ةيئزجلا نإ ةيلكلا و صاخلا ماعلا وأ امهو ناموهفم نايفسلف ناربعي اذه قايسلا يف نع حلاصملا ةيدرفلا حلاصملا و ةماعلا نايكلا يف يعمتجملا ،يسايسلا ةلود نوناقلا و اهدحو عيطتست قيفوتلا تابلطتم و ةيق قتسا نيبل ماظنلا درفلا ةيلخ للا ماعلا . لثمتي و قحلا يف دييقت نيرخ ةيرح يعادبل ا ةيناكمإ شياعت ةيرحب نمض نوناق اذه ،ماع قحلا ةعامجلاو يف ةيسايسلا عيرشت وه ينوناق امعدم ةطلسب ةرهاق شيعي اهلظ يف بعشلا هتفصب ةيعر يف ةلود ةينوناق ىمست ةلودلا ةيندملا مستت ةاواسملاب ددحت اقبط رخ و ةيرح نوناقل درف ابللك ةيرحلا ماعلا . 5

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 322

اذإ ةلودلا ةيندملا ةلود يه ةينوناق ئدابم ةث ةمئاق اهنمل ىلع ةيرحلاث وضع عمتجملا لك يف هفصوب انئاك ،ايناسنإ ةاواسملا لكل ،اياعرلا درف نم قتسا درفلا ةيلو ل هرابتعاب ،انطاوم و هدمتسا اذه ام طناك اميف هامسأ ةيضرفلا ةيقطنملا ) . ( تءاج ةروثلا و ةيسنرفلا لجأ نم ةاواسملا و ةم ةدحولا ةينوناقلا ةيرحلا ،ةيداصتقو لا ظن و اهيلإ ّ نوركفملار ىلع اهنأ رجف رصع ديدج مامأ روطت ةلودلا ،ةثيدحلا دقف تعجش ناسن اهتننق قوقح لاو . لجيه لوأنإ وه وط نم موهفم ّر ةثادحلا امم ريظنتلل ىدأ هب ،ةلئاعلا يف عمتجملا ،يندملا ،ةلودلا طبر و ناسن لكلا يداصتق ابل هحلاصما و ةصاخلا هرابتعاب اناديم لعفلل ،يقلخلا لراك نأ ريغ سكرام نكمي ىري ءاصقإل هنأ تايلمعلا ةيداصتقلا ةيرورضلا ةلودلل جاتن راطإو يفل ا ةيعبطلا ةحلصملا و ةسفانملا و . 6 ويكسيتنوم ناك عضو لوأ نم تاميظنتلا ةطيسولا بلص عمتجملا يف يندملا رصع يف ،ريونتلا هتعفادمب ،ررحتلل ملكتي ناك ةيكلملا تازايتم نع لا ةمئاقلاو ةثراوتملا هذهف بنلل،ء ل ةقبطلا رهوج ماظنلا نود ةيكلم ،يكلملاء و بنل ل هتيهيدبو ةيساس ةيكلمء ل نودابنل نمل ددهي اذه ام ،ةيرحلا لحلا ديحولاو هامسأ ام وه عمتجم تاعمتجملا ةماقإ يأ تايلاردف تائيهلا ةطيسولا اهتمدخب ررحتلل . امأ وسور كاج دقف ىطعأ ةيمهأ ةعامجلل حلاصلا و ماعلا مكحب دقعلا ،يعامتج ل دارفا رارحأ مه ل ا ةعيبطلابو نويق ةوقلابخأل و هريبعت يف ةدارل)ا ةماعلا . ( املك تلكشت ةلودلا ىلع وحن لضفأ تغط نوؤشلا ةماعلا ىلع ةصاخلا سكعلا و ،حيحص دنومدا ءاج و كروب امجاهم وسورل ةروثلا و ،ةيسنرفلا ةجيتن هتيشخ نأ نم ةيتاواسملا ) ءاغلإ بتارملا ةيعامتجلا اهتازايتما و ةاواسملا و عتمتلا يأ قوقحب ةدحاو مامأ نوناقلا دعاست( ىلع ريمدت لل عمتجملاإ يندملا . 7 اهل باطخلا ّ ر ظن ةيقرشلا تدجو ابوروأ يفو ،ثادحل ةلمجايه نم مسقلا ،ثلاثلا يسايسلا رصاعملا . كشت راسملا ّل يخيراتلا ةيعويشل نرقلا تاروثلا20 ربع يتلا تثدح يف تاعمتجملا ،ةفلختملا تروطت ةيكارتشلا اهفصوب ةيجيتارتسإ ةراد ومنلا يداصتقل لا و ميظنتلا ةلودلا نأ و لثمت ةحلصملل ةماعلا . عمتجملا ناك يندملا ماظنلا يف يعويشلا اناديم اطشان طباورلل ةلقتسملا يتلا مزلتست ةيامح ةينوناق ةيسايس و ،ةلودلا نم دقف ترولب ةيسكراملا ةيرظن ةلودلا نع اهن تدارأ ل ةطرقمد ،عمتجملا يطارقميدلاف ةيسايسلا ة ةوطخ ىلوأ ديدجتلا يف ،يكارتشلا نكمي اهزييمتل ةيطارقميدلا نع ةيعامتجلا ةيكيس كلال . اذإ و تناك قوسلا ميمص عقت يف عمتجملا ،يندملا ةضهانم نإف ةسايسلا تجتنأ ةيرظن ةيلاربيل ةلودلا نع . 8 يمحت ةريخ و عمتجملال هذها موقت ريبعتلابو ،هحلاصم نع ،ةقيقحلا ،رم يف ل اذها و نم ميمص قيرطلا اهلمع وه و ديحولا ةيامحل عمتجملا ةيدرفلا ةيل قتس ةنايصلل او . 9 امك ديعأ فاشتكا ناديم عمتجملا يندملا فورظ يف ةيخيرات ةديدج ذخأ ،ايلك ىنعم و افلتخم ىنعم نع عمتجملا يزاوجربلا ديلقتلا يف يلاربيللا يذلا هغاص لجيه هرابتعاب اماظن تاجاحلل اماظن يأ قوسلل نمضتي لمعلا يعامتج ل لدابتا علسلاو . امأ ،مويلا موهفم نإف عمتجملا يندملا هانعمل اف ل ديلقتلا ينعي يف خ ،يسكراملا دعي نمضتي مل هنأ ذإ داصتق لا نوناقلا يذلال نوكتي ،صاخلال خ نم سأرب ،لاملا ،علسلا قوسلا لمعلا و . 10 خش دق و نمضتي رباه كشل سامّ ةردق ةيطارقميدص ةنماك عمتجملا يف ،يندملا ديدعلاف ةايحلا كشم ةماعلاتنم ل ةرصاعملا اءدب قوقحلا نم ،ةيندملا ،ثولتلا زييمتلا ،يسنجلا ،ناسن قوقحل ةحلسا ل ةيوونلاا تريثأ كلذ ىلإ ام فرط عمتجملانم و يندملا رثكأ امم تريثأ فرط ةزهجأ نم ةلودلا . 11 ديدعلا نإ يسراد نم ايطارقميدلا ةديدجلا ت دقعلا فصن نيذلا دقعلاول اوزرب ل يضاملا خ اوددش ىلع ةيمهأ عمتجملا يندملا يوقلا طيشنلا و لجأ خيسرتنم مئاعد ةيطارقميدلا يتلا لمحت ةاواسملا ةيرحلا ةلادعلاو و رابتعاب عمتجملا يندملا عقوملا وه رصاعملا مم لل . 12 ،ريخ لمتشإلا يف باتكلاو ىلع تبثلا يفيرعتلا ةحفصلا نم 471 ةياغ ىلإ 474 دق و ، داصتق تلثمتلا ،ينمضلا يف ،ةيناعامجلا ،ةعامجلا ةثادح ثيدحت مكح درفلا مكح )، ةلقلا و ( مكح ،ةرثكلا و صاخلا ةيمومعلا ماعلا و ،ةينلعلا و ةبترملا ،ةقبطلا و ةبترملا ةباقنلا و ةيفرحلا ةينواعتلاو تاسسؤملا تائيهلا و ،ةطيسولا نيدايملا ةلصفنملا . 13

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 323

ةفاض تبثت ىلإابل تاحلطصملا ةيزيلجن ةغللا نم ل ا ةيبرعلا ىلإ ةحفصلا نم 475 ةياغ ىلإ سرهفلا و480 ، يذلا ةرابع وه نيركفملا تاحلطصم نع ملع خيراتلا نم ل يكيس كلا ىلإل ةثادحلا ديدحت نم موهفملا روطت و ةركف عمتجملا يندملا . موهفمف عمتجملا يندملا ىدل وطسرأ ضيقن وه رصعل ريونتلا لولدم وذ رخآو ركفلل ثيدحلا انظحل اضيأدق . راركتو ةدع تاملك لكشب تاحفص ريبك يف باتكلا ةروثلاك ةيسنرفلا 24 ةيطارقميدلا و ،68 ةلادعلا ، 37 ، ةيلامسأرلا 26 حلاصلا ، يبي اذه ام ماعلا77و عمتجملا نأ ّن يندملا لمحي ادعب ايراضح دمتعي ىلع قوقحلا يتلا تءاج اهب ةروثلا ةيسنرفلا زورب ةركفو ةنطاوملا يتلا مستت ةلادعلاب و ةاواسملا نينطاوملا دارف ول ا نيب تذخأ و اضيأ ةكبح ةجوزمم ةيلامسأرلا نيب حلاصلا و ماعلا . 14 ،امومعو اذه نإف باتكلا ةعباتم وه ةيرظن ةيليلحت لسلستل خيرات روطت عمتجملا يندملا و هتاريثأت ركفلا يف يسايسلا يبرغلا وطسرأ نم اق ةفس رصع طنال ل ريونتلا ف ىلإ سكرام و ليفكوت مهريغ وطت .و و موهفم ّر عمتجملا يغتم ةق يندملا لع هل ّ ايخيرات ةر ةلودلا نيب و داصتق عمتجملال .ا و تاددحملاف ةيسايسلا ةيداصتقلا و ةمساح ىعسم يأ يف مهفل ةيهام عمتجملا يندملا هتريسم و خيراتلا ربع . ةفداصملا سيلف لبق نم مساقتت نأ ةعزنلا ةيلاربيللا ،ةيكارتشل ناثرا نايسايسلا ل امه او و ناميظعلا ،ةثادحلل روصتلا لوح عمتجملا ةمهملا تاف ،يندملا تخللا امهنيب و أشنت امم ناديري هلعف هددصب . 15

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 324

Comptes rendus de travaux universitaires

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 325

Mohamed HADEID: Mutations spatiales et sociales d’un espace à caractère steppique : le cas des Hautes Steppes sud oranaises (Algérie)

Abed Bendjelid

RÉFÉRENCE

Mohamed HADEID: Mutations spatiales et sociales d’un espace à caractère steppique : le cas des Hautes Steppes sud oranaises (Algérie). (Directeurs de recherche : Pr. Abed BENDJELID et Serge ORMAUX). Doctorat d’Etat, Géographie, 506 pages, Université d’Oran, DZA, 2006.

1 Seconde thèse de doctorat d’Etat en géographie portant sur les Hautes Plaines steppiques de l’aile occidentale en deux décennies, cette recherche qui traite de cet espace fragile naturellement et déshérité économiquement tente d’analyser les transformations socio spatiales récentes.

2 La description géographique de la Steppe sud-oranaise, soumise à une forte désertification, apparaît somme toute sommaire tout comme ses limites géographiques. Hadeid Mohamed tente de démonter les mécanismes et les actions du développement local des acteurs publics (centraux et locaux) et privés (petits et gros éleveurs, maquignons, entrepreneurs, exploitants agricoles dans les périmètres de mise en valeur) et ce, à la faveur d’une planification incomplète puis d’un libéralisme économique teinté d’une série d’incertitudes dans l’attitude de la puissance publique en matière de politique de développement agricole. Dans cette conjoncture, le développement local attendu a eu des impacts différenciés sur les espaces géographiques steppiques des Wilayas d’El Bayadh et de Naâma dont les ressources

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 326

seraient localement surutilisées et dont les effets ont donné lieu, d’une part à bien des formes de précarité sociale (amorce de la fin du nomadisme, sédentarisation urbaine indigente de petits éleveurs ruinés, agriculture oasienne encore pauvre, faiblesse de la création d’emplois, etc.) et d’autre part, à la consolidation de groupes sociaux puissants venant de loin (Alger, Blida, Oran, Djelfa). Cette analyse des transformations apparaît être le fil conducteur de cette thèse de géographie régionale dont les quatre parties se suivent selon les titres suivants : « Du nomadisme à la vie sédentaire : un passage lent et profond d’une société traditionnelle à une société urbanisée», « Du pastoralisme à la tertiairisation des structures économiques des Hautes Plaines oranaises », « La nouvelle structuration de l’espace des Hautes Plaines sud-oranaises est-elle synonyme d’insertion dans l’espace régional et national ?», « La problématique de l’aménagement de l’espace des Hautes Plaines sud-oranaises ». Sans vouloir reprendre le contenu des ces parties, il me semble plus logique de faire émerger un certain nombre d’idées développées dans cette recherche académique. 3 Le développement local ambivalent est évalué tant à l’échelle locale (petite mise en valeur, aides de l’Etat à l’agriculture, réalisation d’équipements et de voies de communication…) qu’à l’échelle régionale (croissance des échanges démographiques et économiques, rapports avec Oran, ses services et son port intégrant indirectement la Steppe dans la vie de relations internationales). Dans le détail de l’analyse de cet espace steppique modelé par la politique agricole publique, Hadeid Mohamed se penche longuement sur la création de périmètres irrigués dans le cadre de l’A.P.F.A. (Accession à la propriété foncière agricole) qui, selon les textes réglementaires, permet après cinq années de mise en valeur, au bénéficiaire d’obtenir son acte de propriété. Cette pratique, forme de privatisation des terres collectives faisant partie du Domaine foncier de l’Etat, pénalise le fonctionnement de la société rurale encore structurée en tribus. Plus grave encore, le cloisonnement de l’espace steppique, produit de la privatisation foncière par ce texte juridique de l’A.P.F.A., gêne fortement la libre circulation du cheptel ; bien plus, il crée de nouvelles pratiques en contradiction avec l’histoire sociale locale, ses pratiques coutumières et par voie de conséquence il rallume les conflits entre les usagers traditionnels de la zone steppique. C’est dire aujourd’hui, les difficultés rencontrées pour gérer ce type de contradiction dans un pays où la relation des usagers avec la terre, terres de parcours y compris, demeure une donnée affective de premier plan, voire une composante de l’identité locale. Malgré tout, le développement local a certainement permis le désenclavement du territoire steppique à l’intérieur des limites administratives des wilayas étudiées. Si la description géographique des divers sous espaces steppiques est tout à fait classique, l’essai d’explication des liens fondées sur les changements atteste d’un creusement d’inégalités entre les divers groupes sociaux qui tirent leurs ressources de la Steppe locale. 4 Globalement, cette thèse élaborée est de bonne facture, en partie à cause de l’effort investi dans la collecte des données statistiques, de leur traitement sous la forme cartographique et de l’essai d’analyse fourni par l’auteur. Ce vaste territoire, parcouru et modelé au cours de l’histoire par les quatre grandes tribus que sont les Hamyane, les Laghouat El Ksel, les Amour et les Ouled Sidi Cheikh, connaît à la fois un net recul du nomadisme, un regroupement affirmé de la population, une amorce soutenue de l’accroissement des villes et une tendance visible à la désertification de l’environnement. Toutefois et en raison de l’investissement de travail effectué, ce travail méritait une synthèse enrichie par un apport de savoir anthropologique dans un

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 327

territoire steppique où les références identitaires tout comme les pratiques sociétales, sont encore vivaces, contribuant à faire comprendre les stratégies des divers acteurs en présence et leurs comportements quotidiens face au changement connu par l’espace et l’économie. Ceci atténuerait probablement la vue pessimiste de l’échec annoncé, avancé par l’auteur à la fin de son texte (p. 418) en écrivant « d’après cette analyse, il est avéré que les différents types d’aménagement appliqués dans le milieu steppique ont toujours connu des échecs. Qu’il s’agisse des aménagements sectoriels ou globaux, des actions localisées ou des politiques agraires, ils ne sont pas parvenus revaloriser les potentialités de l’espace steppique, ni à changer la structure et l’organisation de la société. Mais au contraire, ils ont contribué à leur déstructuration déjà enclenchée durant la période coloniale. Cette déstructuration a été derrière le phénomène de dégradation que connaît la actuellement la Steppe ». Cette affirmation prouve le peu de place et de corrélation économique accordés au fonctionnement de la société communautaire locale, à la permanence de ses coutumes et de ses pratiques sociales qui renaissent, avec une vigueur à toute épreuve, après toute une série de mesures teintées de ‘modernité’ imposées par le pouvoir central et souvent sans aucune concertation, ni dialogue aves les populations. 5 Il est vrai que l’auteur accorde trop de place à l’Etat en tant qu’agent de développement au sein de ce vaste espace territorialisé par les tribus ; toutefois, la persévérance investie ne lui permettait pas d’approfondir tous les points abordés. Certains choix retenus montrent l’effort investi en matière d’enquêtes, de sondages et de collecte de données et cela, même si, par exemple, l’étude de l’armature urbaine de l’espace steppique -dont la méthode d’approche de l’analyse fonctionnelle méritait d’être renouvelée- apporte des éclairages utiles sur la connaissance des villes présentées selon les diverses strates décelées dans la hiérarchie urbaine (El Bayadh, , et Rogassa). Dans ce milieu steppique soumis à une désertification menaçante, les transformations vécues par la Steppe sud-oranaise sont en partie raisonnablement liées au pouvoir central d’une part, et d’autre part à la métropole régionale portuaire d’Oran, qui joue un rôle moteur dans la croissance enregistrée en un demi-siècle par cet espace déshérité.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 328

Faiza SEDDIK ARKAM: Le baraka et l’essuf : Paroles et pratiques magico religieuses et thérapeutiques chez les populations touarègues et sahariennes du Hoggar (Sahara algérien)

Bertrand Hell

RÉFÉRENCE

Faiza SEDDIK ARKAM: Le baraka et l’essuf : Paroles et pratiques magico religieuses et thérapeutiques chez les populations touarègues et sahariennes du Hoggar (Sahara algérien). (Directeur de recherche : Bertrand HELL). Doctorat, socio anthropologie, 589 pages, Université de Franche-Comté, 2008.

1 Il s'agit d'un travail important de 589 pages comprenant des tableaux, des figures, des cartes ainsi que plus d'une centaine de photographies personnelles qui sont autant de documents ethnographiques très intéressants. Le texte est clairement présenté, les idées s'enchaînent lisiblement à partir d'une structuration en trois parties cohérentes. La densité de ce travail et la qualité des données recueillies répondent pleinement au cahier des charges exigé d'un doctorat en socio-anthropologie. Le corpus de données ethnographiques présenté est de toute première importance et de nombreuses hypothèses interprétatives confèrent à ce travail un intérêt scientifique certain.

2 Les études de Madame Seddik-Arkam sur le monde touareg ont été entreprises dans le cadre de l'Université de Franche-Comté en 1998 (maîtrise, puis DEA en 2000). Forte de cette longue familiarité avec ce terrain la candidate a choisi de privilégier une restitution des matériaux ethnographiques. Le cœur du doctorat (partie 2 et 3, pp.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 329

222-498) est construit sur la présentation des parcours biographiques des acteurs centraux de cette sphère des pratiques magico-religieuses, sur la description de certains rituels-clés ou encore sur l'évocation du "drame" personnel de quelques patients. Ce choix n'est pas fortuit et exprime un véritable positionnement méthodologique. Dès son introduction la candidate signale que les pratiques étudiées relèvent « d'une réalité sociale et ethnique multiple » (page 74) et que le milieu social retenu est profondément bouleversé par la modernité (sédentarisation, recomposition des normes sociales, etc.). L'objet anthropologique retenu ne peut dès lors s'observer qu'en tenant compte de la dynamique interne caractérisant « le paysage contemporain du magico-religieux » (page 35). Voilà pourquoi la candidate n'opte pas pour une monographie classique mais retient prioritairement, pour faire ressortir cette dimension dynamique du phénomène, comme informateurs privilégiés les principales figures de médiation (dans tous les sens du terme) présents dans le champ du thérapeutique religieux : une tagahant-devineresse (Aïcha Fatna), une "esclave" alliée des Kel Essuf (Tacheka), une tanesefert-guérisseuse (Khadija) et pour les hommes un chérif (Moulay Ahmed), un fqih (Adas), un taleb (Mahmoud etc.). La description du parcours des trois soeurs (Malika, Sakina et Naïma) permet, elle, de pénétrer dans ce que la candidate nomme à la suite de De Martino « la crise de la présence » des patients (pp. 225-237). 3 Choisir des informateurs et pouvoir recueillir des données sont deux choses différentes en ethnologie et tout particulièrement dans ce domaine très précis du monde de la possession, des références à l'invisible et de la manipulation d'un sacré ambigu. Or la candidate a su nouer des relations suffisamment étroites avec les officiants, elle a réussi à construire une position d'insider (selon le terme de Zara Neale Hurston) autant de conditions absolument indispensables à la réussite de l'approche de terrain. Une telle observation participante n'est pas sans poser des problèmes méthodologiques et la candidate prend soin dans une longue introduction - de manière très convaincante en mobilisant à la fois des auteurs sensibles à ce type de posture (Caratini, Devereux, De Martino, etc.) que ceux plus réservés (O. de Sardan, Bourdieu, etc.) - de traiter de la question de sa « subjectivité assurée » : cf. « la relation négociée » page 87, « la part du je » page 38, la demande « interactive » page 65, etc. 4 Cette demande réflexive accomplie la candidate propose dès lors un travail sur le vécu en profondeur des acteurs de la sphère moderne du thérapeutique magico-religieux à la fois totalement nouveau pour la population touareg du Hoggar et d'un très grand intérêt scientifique. Le texte fourmille de descriptions (cf. le rituel pour Koni page 423), de notations ethnographiques très riches (cf. le rapport entre la couleur noire et les Kel Essuf (pages 285, 411), la relation singulière entretenue avec les morts (page 403), l'ambivalence des usages du sang (pages 421-430) et de restitutions du parcours des malades (pages 225-237). Mais la candidate développe aussi une réflexion anthropologique très pertinente en suivant le fil de son ethnographie, en particulier sur le thème de la souillure comme marqueur de statuts, sur celui de la différenciation entre légitimité par le lait et légitimité par le sang et surtout le thème de l'inversion des pouvoirs masculins/féminins et du processus de reconnaissance sociale d'un pouvoir magico-religieux propre aux femmes. Et en définitive la candidate nous dresse un tableau tout à fait remarquable - étayé par un véritable terrain mené dans la longue durée et en profondeur - du jeu dynamique de la complémentarité des pouvoirs

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 330

masculins et féminins dans l'univers touareg contemporain des recours thérapeutiques du sacré. 5 La candidate a, à juste titre, suivi le conseil de Roger Bastide (1972:127) : « Les cultes de possession ne doivent pas être étudiés à travers des idéologies occidentales... Il faut rester coller aux faits ». Soucieuse donc de ne pas tomber dans la facilité d'une grille de lecture réductionniste, la candidate multiplie les références anthropologiques et convoque de nombreux auteurs. Reste qu'associer des positions aussi divergentes que celles de Viviana Pâques, E. De Martino, Mircea Eliade, Françoise Héritier, etc. pourrait s’avérer problématique. Mais cette posture méthodologique, quoique dissonante au regard d’une certaine tradition très intellectualiste de l’ethnologie française (fortement marquée, rappelons-le, par la philosophie…) n’altère à mon sens en rien la qualité scientifique de cette thèse. L'exemple de V. Crapanzano est ici à citer : lors de la réédition en 2000 de son ouvrage sur les Hamadcha du Maroc (1973), cet anthropologue américain remarquait que toutes ses propres « spéculations théoriques » étaient caduques et "datées" mais que la valeur de sa recherche résidait maintenant dans la « vérité ethnographique » de sa recherche. Le doctorat présenté par Madame Seddik-Arkam est une excellent travail à la fois en raison de « la vérité ethnographique » qu'elle présente sur un objet très délicat à approcher, mais aussi par la pertinence anthropologique du débat que la candidate a su susciter tout en collant au plus près à son matériau de terrain.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 331

Revue des revues

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 332

Vies de Villes, 107 p., n° 15, Alger, novembre 2010 Dossier : Habitat

Ammara Bekkouche

1 Ce numéro sur l’habitat en Algérie revient de façon récurrente sur la question de sa qualité qui, en plusieurs circonstances, avait fait l’objet de débats constamment rattrapés par une décevante réalité. Il affiche néanmoins l’exceptionnalité de son dossier en rapport au contexte des Assises de l’architecture (2010) et le discours tranchant du Président de la république face à la production d’une situation urbaine critique. C’est ainsi que Akli Amrouche structure son texte éditorial invitant à réfléchir sur de nouvelles façons de faire.

2 Egrenant les nombreuses difficultés liées aux conditions de réalisation des projets, Djaffar Lesbet revient sur le programme de ‘Un million de logements’ et sur quelques signes expressifs du rang peu méritoire du cadre de vie en Algérie. Il compense néanmoins son propos en citant le cas de Belghimouz qui à l’initiative de son chef de daïra, peut être considéré comme un exemple à suivre en matière de procédure et du résultat obtenu. 3 Quelques autres références architecturales illustrent concrètement ce concept de qualité que Jean-Jacques Deluz définit comme étant flou et ambigu. Pour lui la confusion entre richesse et beauté témoigne d’un déficit culturel, chacun confond signe extérieur et expression de son prestige. Dans cet ordre d’idées, les modèles exposés en témoignage d’un travail de qualité compensent péniblement la succession des bilans négatifs et peu rassurants qui ressortent dans les discussions. Il nous est agréable de retrouver la Maison en pierre conçue et réalisée par Si Larbi Abdelhamid à Oran. L’étude de Larbi Merhoum concernant 100 logements sociaux en zone rurale, atteste d’une approche novatrice et chargée d’enseignements quant à la manière de redistribuer et d’articuler les différents espaces intérieurs et extérieurs (la localisation du projet n’est pas indiquée, ce qui laisse supposer qu’il peut être reproductible ?). De même, les réalisations de villages dans le Sud algérien par l’architecte égyptien Hany Hassan El Miniawy restent pour nous autant de cas à méditer tant au niveau des procédures que des matériaux locaux utilisés. Le recours à des typologies architecturales authentiques

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 333

transgresse la démarche folklorique et faussement culturelle d’ornement des façades. Le reportage enfin de Hayet Boumezbeur, sur une nouvelle cité à Beni-Isguen dénommée Ksar de Tafilalet, clôt ce dossier en signalant que son élaboration s’est délibérément écartée d’une démarche de réflexion et de planification dictées en amont par les instruments d’urbanisme. Une intention qui interpelle la réflexion d’autant que la présentation du projet bien intégré au milieu ibadite, ne mentionne pas de nom d’architecte dans sa conception.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 334

Urbanisme n° 369, novembre- décembre 2009 Dossier : Villes méditerranéennes

Ammara Bekkouche

1 Le thème des villes méditerranéennes qui compose ce numéro sous la direction d’Antoine Loubière est structuré autour d’entretiens (Marcel Roncayolo, Michel Peraldi, Fouad Awada), de rencontres et de différents textes relatifs au développement durable. Ce concept et son corollaire le développement urbain stratégique servent de prétexte pour débattre en focalisant, encore une fois, la réflexion sur les lancinantes questions qu’ils charrient autour du changement climatique, la raréfaction des ressources en eau, les divers facteurs de risques (???). Leurs effets dévastateurs quotidiennement rapportés par les médias et qui concernent tous les pays du monde, semblent prendre une importance particulière quand est pointée la vulnérabilité des villes côtières de la Méditerranée (Anthony Bigiot). Diverses manifestations échangent les expériences convoquant le Plan bleu (Julien Le Tellier & Sylvain Houpin) et où Barcelone, en bonne position, livre ses enseignements pour tirer les leçons de l’aménagement urbain, en recommandant toutefois à ne pas considérer les situations d’exemples comme des modèles à suivre (Jordi Borja). Une mise en garde qu’il est toujours utile de rappeler face aux éventuelles séductions des grands projets idylliques auxquels sont associés les stars de l’architecture contemporaine. L’internationalisation de la maîtrise d’œuvres dans les pays de la rive sud de la Méditerranée et dont il est principalement question ici, signale en fait le déficit de formation d’urbanistes ouverts sur l’international (Fouad Awada). Conjointement à ce tableau où sont présentés les horizons des paysages urbains de Casablanca et Le Caire en 2050, se diffuse et s’amplifie un vocabulaire emprunté aux références anglo-saxonnes : Water front, world cities, sustainability, top down, benchmarking, marketing, branding… sont ainsi diversement associés aux nouvelles stratégies métropolitaines à la recherche d’une vision.

2 D’autres grandes villes telles que Marseille et Istanbul (Nora Seni, Michel Peraldi) agrémentent ce dossier auxquelles s’arriment les enjeux des médinas et de leurs potentialités en termes de ressources humaines, économiques et scientifiques liées au développement durable. Opportunément, l’objectif d’associer la modernité à la tradition

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 335

suscite une profusion de rencontres internationales légitimant davantage de fonds d’investissement de la Banque mondiale notamment (Laurent Vigier et Pascale Chavrillat). 3 En marge, il est intéressant de relever à travers l’interview accordée par Luc Noppen, l’invité de Thierry Paquot, un avis plutôt nuancé à l’égard de certaines portées du développement durable pour justifier la densification et contrer l’étalement urbain. Très investi sur la manière d’appréhender les questions liées au patrimoine, notamment sur l’héritage des couvents, il y travaille pour des visions plus ouvertes intégrant des chercheurs d’horizons disciplinaires très diversifiés.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 336

Sociétés et Représentations, 278 p., n° 30, Publications de la Sorbonne, Paris, décembre 2010 Dossier : L’architecture et ses images

Ammara Bekkouche

1 Le titre évocateur de ce volumineux numéro coordonné par Evelyne Cohen et Gérard Monnier contribue à alimenter les diverses formes de manifestations autour de l’architecture en France. L’objectif commun est « … de dresser le constat de la vaillance du médium photographique, que viennent de renouveler les techniques de l’image numérique, le plus souvent dans une alliance étrange – qui n’allait pas de soi- entre les instruments les plus traditionnels, la chambre pour la prise de vue, et la puissance des scanners pour la mise au point des tirages ».

2 Douze contributions allient leur approche sur l’histoire de l’architecture moderne en rapport d’une part à la photographie et d’autre part, aux outils numériques dont il faut mesurer les conséquences en tant que nouveau mode de représentation. Julie Noirot présente une analyse du cas de Le Corbusier pour montrer comment « Il l’utilisait (la photographie) à la fois comme un outil de documentation, un support d’étude et de recherche et un instrument de célébration de sa nouvelle architecture». Il impliquait « ses » photographes aux projets selon ses désirs, pour mettre en scène la force de ses œuvres. 3 Anat Falbel, retrace la trajectoire du photographe Peter Scheir qui a quitté l’Allemagne nazie pour se fixer au Brésil. Sillonnant l’Amérique, son travail sur les réalisations alors en cours, nous fait (re)découvrir et comprendre les subtilités des significations données à la modernité. Le surgissement de Brasilia ou encore les aspects « immatériels » des façades en verre, réaffirment pour une part la maturation commune de noms illustres d’horizons divers tels que Le Corbusier, Oscar Nemeyer, Laslo Moholy-Nagy, Bertold Brecht… 4 A partir d’une étude sur l’architecture des sanatoriums d’Assy, Gérard Monnier, relate l’histoire captivante de la construction de leur identité par la publication de photographies d’archives. Il entend ainsi montrer l’importance du travail des photographes dont les

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 337

conditions sont souvent difficiles et incommodes, pour nous permettre d’étoffer la recherche historique entre autres. Sabine Erhmann saisit l’opportunité de revenir sur une manière de considérer la photographie en tant qu’outil critique du projet architectural pour rendre compte de la différence entre espace virtuel et espace social. 5 Au chapitre de l’expression cinématographique qui entretient des liens étroits avec l’architecture, Eric Monin et Gérôme Parlange explorent la brochure Le Mètre carré pour qualifier le sens de cette relation. Au sujet du manque d’intérêt de l’architecture pénitentiaire, Caroline Soppelsa s’interroge sur la capacité de notre société à l’intégrer à son patrimoine… 6 Céline Drozd, Virginie Meunier, Nathalie Simonnot et Gérard Hégron abordent le thème des ambiances dans le projet d’architecture pour tenter de savoir comment un architecte peut-il représenter ce qui ne se voit pas mais se ressent ? Une approche comparative est menée entre Peter Zumthor et Jean Nouvel incluant les modes et les outils de représentation des ambiances. Il ressort de cette étude que les ambiances projetées par les deux architectes sont généralement perçues, vécues comme telles par les usagers. Ce constat permet de conclure qu’il n’existe pas de méthode exclusive, mais plusieurs, en fonction de la sensibilité du concepteur. 7 Dans une perspective de la sociologie de la médiation, Isabelle Grudet se questionne sur les représentations conceptualisées des professionnels de l’aménagement de l’espace urbain. Le grand projet de Lyon Confluence sert à son raisonnement pour montrer de façon critique, que les habitants sont des destinataires et non des producteurs de discours. Gilles Maury expose l’itinéraire et la richesse d’une représentation dont la constance est toujours actuelle. Il s’agit de la Société régionale des architectes du Nord (1868-1914) qui fut un exemple de regroupement dynamique d’architectes, ayant initié la défense de ses intérêts et la promotion de ses compétences. 8 Joanne Vajda parcourt les guides de voyage en tant qu’instrument de diffusion et de valorisation de l’architecture. Une évolution lente semble réorienter le regard focalisé sur les monuments anciens vers une vision plus « moderne » de la ville. 9 Juliette Pommier revient sur l’architecture chez les étudiants des Beaux-Arts en disséquant la revue Melpomène qui rendait compte de leurs travaux et de l’état d’esprit de la formation de l’époque. Quelques images qui prêtent à sourire et le vocabulaire utilisé renseignent sur une idée de la représentation de la profession axée sur l’élitisme et la dimension pécuniaire. Quelques questions sur l’architecture entre théorie et pratique ainsi que ses relations avec les autres disciplines scientifiques, montrent combien elles ont toujours nourri les débats pour recentrer la légitimité de ce métier sur son rôle social et sa place dans la société. D’autres outils de représentation, les archives en tant que documents relatifs à l’œuvre architecturale, donnent matière à Florence Wierre pour suivre les traces de leur production et les modalités de leur classement et de leur conservation. Une prise de conscience chez les architectes les encourage à adopter cette pratique pour s’associer et étoffer le mouvement de protection des œuvres réalisées. 10 Ce numéro apporte un intérêt certain aux enseignants en architecture notamment pour ceux quelque peu déroutés par la vague des formes de reproductions issues de l’outil numérique.

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 338

Informations scientifiques

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 339

راثآ تاريجفتلا ةيوونلا ةيسنرفلا يف ءارحصلا ةيرئازجلا راثآ تاريجفتلا ةيوونلا ةيسنرفلا ءارحصلا يف ةيرئازجلا " ةودن ةيخيرات ةيلود ةيناث ميظنت نم زكرملا ينطولا تاساردلل ثحبلا ةكرحلاو يف ةينطولا و ةروث لوأ ،ربمفون يموي 22-23 رياربف 2010 يدانلاب ينطولا ،شيجلل رئازجلا ةمصاعلا

ةريمس يداقن

نمضت ىوتحملا يسيئرلا هذهل ةودنلا شاقنلا لوح راثآ تاريجفتلا ةيوونلا ةيسنرفلا يف ،رئازجلا ةذتاسأ ، نيطشان و عمتجملا يف يندملا نم ءارحصلا ،ةيرئازجلا ىنست ثيح ءاربخل ،اسنرف و ،ايناطيرب و ،ايلارتسأ مهولدبو ء اينولوبل لوح براجتلادو لا ةيوونلا هببست ام و ةريخ راطخأ نمل هذها ةميسج ،ناسنل ةئيبلا ىلعا تانئاكلا وو ،ةيحلا هيلعو تحرط ةيلاكشلا لوح ةيعضو فلم اياحض براجتلا ةعبرأ رشع ةيوونلال ل خ نم ) ،ةلخادم14 (و رشع )10 ( تاداهش دوهشل ةيح ،نايع املع تارضاحم نأ رواحم ةودنلا ثل ترادث يف ةيسيئر روحملا يه ،يحصلا ،يئيبلا ينوناقلا و . 1 دعب ضرع طيرش يقئاثو تاريجفتلاب صاخ ةيوونلا ركنيإ ناقر يفو تسارنمتب تقرطت و ةرضاحملا ميدقت نم ىلو ل رامعا يروصنم ثحاب ةسدنهلا يف ةيوونلا رئازجلاب ام ىلإ هامسأ : " ةمحلم براجتلا ةيوونلا ملاعلا يف : ثيح، راشأ ةيفلخلا ىلإ رمتست و" ةاسأملا ةيخيراتلا براجتلل ةيوونلا ،ةيسنرفلا ةتيبملا و اهتين سيسأت ذنم ةظفاحم ةقاطلا ةيرذلا بجومب رارق 18 ربوتكأ لخدتل 1945و قيبطتلا زيح ماع يف 13 رياربف 1960 ةفلخم اياحض مت مضه اهقوقح يذلا رم تراشأ . ل ا هيلإ ةذاتسأ بطلا ةيناطيربلا نازوس تيبار فور Susanne اهتلخادم يف ةنونعملا ـب : " جذومنلا يناطيربلا يلارتسل ةجلاعما يف راثآ Rabbitt Roff براجتلا ةيوونلا اذهب ذخ " جذومنلال ىلعا ابنجت ،تاغوارملل ليلضتلا و يموكحلا ضراعملا ةركفل ضيوعت اياحضلا . 2

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51 340

امك دافأ ريبخلا يسنرفلا ونيرب وليراب Bruno Barrillot ةلخادم يف : " ليهأتلا يئيبلا عقاوملل ذينفت عم تاباطخ1 ةيوونلا " ىلع ةرورض فشكلا ىلع قئاثولا ةيفيشرلا ةسطرقملا تاطلسلا ةيسنرفلا يتلا اهامسأ و ةبذاكلاب لوح لوقلا ةفاظنب براجتلا ةيوونلا اعد ىلإ و ةيمهأ مايقلا تانياعمب ةيناديم عقاوملل ةررضتملا يأرلا وه . يذلاو راشأ هيلإ يد اضيأ دن ورل روب Rolland Desbordes سيئر ةنجللا عاعش اسنرفبل لوح ا ةلقتسملا مل يف عل ثحبللا و هترضاحم : " جئاتن ليلحت تانيع ممح عقومنم ركنيإ ". تحضو ثيح لامجلا ليلاحت ت ضفل ل ىلع دوجو ررض يعاعشإ يوون تببست براجتلا هيف ةينطابلا ةثداح يف ليريب يف يام1 1962 يتلا ترضأ هايملاب ةيفوجلا ،ضر ،ةبرتلا لول تابنلا ءاوسلاو ىلعدح ىلإ وصو ل لمجلا هرابتعاب نئاك يح ًا عتري هذه ةئيبلاًيف ا . 3

4 انيبم ةبوعصلا يتلا ضرتعت نييرئازجلا ةباص ضارمأبل ا ةق ،ةنمزمل ثابتا يف ع ،تاقاعإ و تاهاع و ةميدتسم عاعش ،يوونلاابل هقرطت عم نوناق ىلإ اروم

تافارتعل مهأانم ةصاخلاو اياحضلاب مهفصوب دوهش يتلا تمدق نايع ةودنلاو يف نيتيحض براجتلل ةيوونلا امه و : لاشيم يربوسيد Michel Dessoubrais يذلا ررضت رثإ هضرعت ةباحسلل ةيلاعلا عاعش مجانلال ل ةبرجت نع ثداح ،ليريب يناثلا مايليوووه بوك ىمادق نم دونج ناقر دهش ثيح راجفنا عوبريلا ةذفنملا رضخ ولا موي نم William Kob 25 ليرفأ 1961. 5 ماتخ ةودنلا يف و جرخ نولخدتملا ،نوكراشملا و تاحارتقاب تايصوت و ثلثمت ةرورض يف فيشر ريرمتل صاخلاا حتف و براجتلاب ةيوونلا ةيئانث ةق راطإ ،ةيلودليف ريضحتع و تافلم ةيبط ةينوناق نامض عم قوقح ،اياحضلا ليهأتلا و يئيبلا قطانملل ،ةررضتملا صيصخت و ةودن ةيملاع لفكتلل اذهب ،عوضوملا رابتعاب براجتلا نأ ةيوونلا لكشم درجم يملاع ل ةلضعم ةيميلقإ . 6

NOTES

ليحي لخدتملا قئاثولا ىلإ انه ةيفيشرلا جرفت يتلا مل اهنع تاطلسلا ةيرادل ةيسنرفلاا دعب . .1

تايناسنإ , Insaniyat / 2011 | 52-51