Chute Du Mur De Berlin : Et Soudain, Un Monde S'est Effondré BERLIN - JEAN CHRISTOPHE SERVANT / RÉDACTION GEO - LUNDI 1 NOVEMBRE 2010
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Chute du mur de Berlin : Et soudain, un monde s'est effondré BERLIN - JEAN CHRISTOPHE SERVANT / RÉDACTION GEO - LUNDI 1 NOVEMBRE 2010 Eté 1989 : nul ne peut imaginer que la frontière entre les deux Allemagnes est sur le point de voler en éclats. Mais en quelques mois, l'Histoire s'accélère. Le 27 juin 1989, la direction du Parti communiste hongrois décide de démanteler ses 246 kilomètres de barbelés frontaliers avec l'Autriche. Pour des raisons à la fois idéologiques et financières - les renouveler serait trop coûteux. A Sopron, en Hongrie, Gyula Horn, ministre des Affaires étrangères, et Aloïs Mock, son homologue autrichien, ouvrent ainsi une brèche dans le rideau de fer. Le 19 août, 600 vacanciers est-allemands profitent d'un pique-nique paneuropéen organisé à Sopron pour filer vers Vienne. Mi-octobre, 50 000 «Ossies» (Allemands de l'Est) emprunteront la même voie. En RDA, les manifestations pacifistes appelant à la démocratisation du pays s'intensifient. L'Eglise protestante, incarnée par le pasteur Christian Führer, prend la tête de marches organisées chaque semaine, les «Manifestations du lundi». Le lundi 9 octobre 1989, alors que la RDA célèbre ses quarante ans d'existence, 70 000 personnes défilent en silence à Leipzig. Les bannières du «Nouveau Forum», de «Démocratie Maintenant» et du «Changement Démocratique», des mouvements d'opposition, s'emparent des rues. Leur slogan: «Demokratie, Jetzt oder Nie» («La démocratie, maintenant ou jamais») . Leurs figures de proue: Bärbel Bohley, Jens Reich, Reinhard Schult, Joachim Gauck et Katja Havemann, veuve du physicien Robert Havemann, l'un des dissidents les plus connus d'Allemagne de l'Est. Egon Krenz, qui a succédé, le 18 octobre, à Erich Honecker à la tête du régime, assiste à l'intensification des manifestations. Le 4 novembre, un défilé gigantesque envahit Berlin-Est. Krenz, ami personnel de Gorbatchev, est contraint d'entamer, en concertation avec les soviétiques, une «offensive politique et diplomatique». Le 6 novembre, le «Nouveau Forum» est légalisé. Des milliers d'Est- Allemands fuient vers la RFA via la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Prague menace de fermer ses frontières. Le 9 novembre 1989, le comité central du Parti socialiste unifié (SED) aborde l'avenir de la RDA et la libre circulation de ses citoyens. Les assistants de Gerhard Lauter, directeur du service central des visas, lui soumettent un projet: les ressortissants est-allemands pourront quitter le pays mais pas y revenir. «Si nous faisons feu, nous finirons pendus au mât du drapeau» Lauter prend alors la décision incroyable d'outrepasser ses compétences et de rédiger un texte accordant la libre circulation à l'Ouest, sans préalable ni conditions de durée. Il suffit d'en faire la demande: les autorisations seront délivrées rapidement. Transmise l'après-midi même au Politburo, la circulaire est approuvée sans que personne n'en mesure la portée. La nouvelle réglementation doit entrer en vigueur le 10 novembre, à 4 heures du matin. Günter Schabowski, membre du Politburo en charge des relations avec les médias, est arrivé tardivement à la réunion. Krenz lui demande d'en parler lors de la conférence de presse internationale retransmise en direct à la télévision en début de soirée. Mais omet d'indiquer à son porte-parole la date d'entrée en vigueur. 18h53: Riccardo Ehrman, journaliste italien de l'agence Ansa, demande à Schabowski à partir de quand cette réglementation est applicable. Réponse confuse de Schabowski: «Pour autant que je sache, à partir de maintenant.» 20 heures: avant toutes les autres, l'agence de presse italienne Ansa annonce la chute du Mur. Le journal du soir de l'ARD, télévision ouest-allemande, annonce lui que les frontières sont ouvertes. L'information circule et, vers 23 heures, des milliers d'Est-Allemands commencent à converger vers les points de passage. Le général Erich Wöllner commande les troupes frontalières de Berlin-Est. La déclaration de Schabowski l'a interloqué. Considérant que les politiques essaient de se décharger du problème sur les troupes frontalières, il décide de ne rien faire, arguant qu'il n'a pas de consignes. Même laisser-faire chez le général Karl-heinz Wagner, chef d'Etat-major au ministère de l'intérieur. Un adjoint d'Erich Mielke, le chef de la Stasi, lui recommande d'empêcher les Berlinois de l'Est d'approcher des points de passage, mais il décide d'ignorer ses recommandations. Harald Jager, lieutenant-colonel de la police des frontières est-allemandes, a pris à 19 heures la direction du point de contrôle de Bornholmer Strasse à Berlin. son adjoint, Manfred Sens, l'a mis en garde: «si les masses s'élancent et que nous faisons feu, nous finirons pendus au mât du drapeau.» Après avoir ordonné à ses hommes de ne pas sortir leurs armes, Jager est le premier à «ouvrir l'écluse». Il est minuit, la frontière est ouverte: en une heure, 20 000 Est-Allemands franchissent le pont sans aucun contrôle d'identité. Dans la nuit, alors que Walter Momper, le bourgmestre de Berlin-Ouest, gère les mouvements de foule, la nouvelle fait le tour du monde. Le Mur est tombé. --- Les dirigeants de la dernière heure --- Willy Brandt et Erich Honecker : L'ouverture contre l'intransigeance L'ex-chancelier ouest-allemand Willy Brandt (à gauche) avait reçu, en 1987, le numéro un est-allemand Erich Honecker. Mais celui-ci ne croyait pas au rapprochement. Il avait même prédit que le Mur tiendrait au moins cent ans. Egon Krenz : L'apparatchik freine trop tard Le successeur d'Honecker, Egon Krenz, tenta de calmer la rue et de sauver le régime avec de nombreuses concessions. Trop tard. Il fut le dernier secrétaire général du Parti socialiste unifié d'Allemagne. En 1997, l'Etat le condamna à six ans de prison. Helmut Kohl et Ronald Reagan : Appelés tous deux à un grand destin 12 juin 1987, Berlin. Le président américain ignore qu'il va devenir «l'homme qui a gagné la Guerre froide». Le chancelier Helmut Kohl sera, lui, l'artisan de la réunification allemande, qui interviendra le 3 octobre 1990. ----------------------- Article tiré du magazine GEO Histoire n°13 ("La Guerre Froide", novembre 2010) .