Castagniccia Interieure – 3.06
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CASTAGNICCIA INTERIEURE – 3.06 3.06 CASTAGNICCIA INTERIEURE 1 ATLAS DES PAYSAGES DE LA REGION CORSE CASTAGNICCIA INTERIEURE – 3.06 3.06 CASTAGNICCIA INTERIEURE 2 ATLAS DES PAYSAGES DE LA REGION CORSE CASTAGNICCIA INTERIEURE – 3.06 « Cette belle forêt n'est composée que de châtaigniers, dont les fruits s'échangent contre le grain, et fournissent assez abondamment à tous les besoins de la vie. La belle verdure de cet arbre, la situation presque toujours pittoresque des villages, la multitude des collines qui se coupent dans tous les sens, et qui sont comme enveloppées par les hautes montagnes qui les dominent ; tout cela forme un coup d’œil enchanteur, soit lorsqu'on l'aperçoit pour la première fois, soit en traversant le pays, où l'on ne fait pas un pas sans varier ses points de vue. » Abbé Gaudin, Voyage en Corse, 1787 « Morosaglia, relié à la gare de Ponte-Leccia, est à l'entrée de la grande forêt de châtaigniers. Jusque-là cet arbre était en futaie continue, désormais les massifs sont vastes comme en Limousin. De là au débouché en vue de la mer, la route de Ponte-Leccia à Cervione est sous l'abri épais de la châtaigneraie. Sur les hautes crêtes et les cols élevés, seulement, les pâturages et les hêtres dominent. Disparus au pied du col de Prato, d'où la vue est si belle sur la Castagniccia, la mer et les îles de Toscane, les châtaigniers recommencent sur l'autre versant ; ils enveloppent complètement Quercitello et Porta, chef-lieu de l'Ampugnani. On voit s’étendre au loin la nappe sombre de la châtaigneraie remplissant la vallée profonde du Fiumalto » Victor Ardouin-Dumazet, Voyage en France : la Corse, 1898 « Dans les schistes lustrés, la convexité générale des formes laisse une part appréciable aux dessins concaves de petits bassins d'érosion (…) Lorsque le versant dépasse quelques centaines de mètres de haut, les lignes concaves prennent de plus en plus de place aux dépens des sommets écrasés. Des arêtes, enfin, se dessine à la jonction des bassins épanouis. Arêtes d'un relief un peu mou, sans trace de ravinement proprement dit ; ce sont encore les fonds de vallées qui conservent le dessin le plus net et les pentes les plus raides. Tel s'offre le paysage de la Castagniccia, la châtaigneraie, avec ses grands bassins en entonnoirs jointifs, ses crêtes semées de villages, d'où descendent des pentes cultivées vers les ravins boisés » Jules Blache, Les grands traits de la morphologie corse, Revue de géographie alpine, 1932 L’ensemble situé entre la dépression centrale de la Corse (Sillon) et les contreforts de la plaine orientale, forme un grand fer à cheval constitué de vallées très boisées et très arrosées articulées autour du massif montagneux du San Pedrone. Le sommet éponyme et point culminant de la chaîne (1767 m), émergeant des reliefs boisés, est un repère visuel pour tout l'ensemble paysager, en même temps qu'un élément identitaire de la Castagniccia. Du haut du San Pedrone la vue s'étend sur tout le système de vallées et de versants de moyenne altitude (au-dessus de 400 m) qui se distribuent autour du massif. La vallée du Golu délimite au nord cette région de la « Castagniccia intérieure ». A l'ouest, elle est bornée par les crêtes du Pianu Maggiore (1581 m) appartenant à la branche occidentale 3.06 CASTAGNICCIA INTERIEURE 3 ATLAS DES PAYSAGES DE LA REGION CORSE du massif du San Pedrone. Sur son flanc oriental, c'est une ligne de sommets dépassant 1000 mètres qui la sépare de l'ensemble littoral de la Costa Verde. Enfin, la limite sud de la Castagniccia intérieure correspond à la continuation de la crête principale du massif du San Pedrone, laquelle bifurque vers l'est au-delà de la Punta Caldane, pour s'abaisser progressivement jusqu'au niveau du lac de barrage de l'Alesani (1-Le nord- est de la Castagniccia vu depuis le sommet du San Pedrone. 2-Depuis les crêtes de Muteri, dominant l'Alesani, on perçoit bien la succession de crêtes qui séparent les différentes unités de la Castagniccia. A gauche s'élève le sommet trapu de la Punta Caldane, et au fond, la silhouette pyramidale du fier San Pedrone). 1 2 3.06 CASTAGNICCIA INTERIEURE 4 ATLAS DES PAYSAGES DE LA REGION CORSE Sur le plan géologique, l'ensemble est entièrement inclus dans la nappe de schistes lustrés propre à la Corse « alpine » : à savoir des sédiments marins émergés et déformés lors de l’orogenèse alpine, et présentant un aspect feuilleté (débit en plaques fines) ou en bancs. Ces schistes sont peu apparents sous le couvert forestier. Contrairement aux roches vertes plus dures, constituées de lambeaux de fond océanique qui chevauchent ici les sédiments schisteux sous lesquels ils étaient enfouis jadis : ces ophiolites arment la plupart des reliefs surplombant les versants boisés, notamment le San Pedrone, le Monte Sant'Angelu (1218 m), ou sur le flanc oriental, le Monte Tre Pieve (1247 m) et le Monte Olmelli (1285 m). La nature du sous-sol explique en partie la présence d'une végétation particulière, avec le climat humide qui imprime aussi sa marque aux paysages (3-Depuis les versants du Fium’Altu, vue sur le sommet du San Angelo). Outre le Fium'Altu né sur les pentes orientales du San Pedrone, principal cours d'eau de la Castagniccia, de nombreuses rivières drainent ces versants. L'eau naturelle ou captée est omniprésente (ruisseaux, sources, fontaines, suintements diffus). La ligne de crêtes qui se dresse à l'est protège la région de l'influence maritime, tout en contribuant à décharger de leur humidité les nébulosités venues de la mer. D'où le développement d'une végétation luxuriante, en particulier dans les vallées du Fium'Altu-Ampugnani, d'Orezza et de Casacconi, enclavées entre ces reliefs et la chaîne du San Pedrone. Sur les grands adrets, l'ambiance moins humide permet la présence de maquis et de pâturages rocailleux (4). 3 3.06 CASTAGNICCIA INTERIEURE 5 ATLAS DES PAYSAGES DE LA REGION CORSE 4 L'essence reine est ici le châtaignier auquel la Castagniccia (« châtaigneraie ») doit son nom. Dans certains secteurs (Orezza, Ampugnani...) les hautes frondaisons des châtaigneraies s'étendent à perte de vue. Mais les peuplements forestiers se composent également d'autres espèces peu communes en Corse, comme le charme houblon ou bien l'aulne cordé (ailleurs dans l'île cette essence endémique est confinée aux ripisylves et jamais très abondante dans ces formations). On y trouve aussi des populations de noisetiers, de remarquables chênaies vertes (yeuseraies), et plus en altitude, de belles hêtraies (la transition avec le massif du San Pedrone, en particulier, est soulignée par le passage à la hêtraie qui devient prédominante). Sur les versants ouest et nord-ouest de l'ensemble (Rustinu), le couvert arboré est plus dégradé ; les yeuseraies y sont plus fréquentes, on y rencontre aussi des formations arbustives de genévriers oxycèdre, plus ouvertes et plus basses, ainsi que des peuplements de pins. Du fait de la prédominance des essences à feuilles caduques, le passage des saisons est bien plus marqué que dans les régions de maquis ou de pinèdes. Aux changements de couleurs (vert tendre du feuillage printanier, vert plus sombre du couvert estival, embrasement automnal, couleurs plus grises de l’hiver), s'ajoute les variations de transparence de la forêt, selon qu'elle arbore ou non sa parure de feuilles (5-Protégée entre les deux crêtes principales du massif, la vallée de la Casaluna vue depuis le sommet du San Pedrone. En face, sous les crêtes du Pianu Maggiore, la hêtraie (feuillage plus sombre) se détache au dessus de la vallée. 6-Châtaigneraie en fleurs dans le vallon de Casacconi). 3.06 CASTAGNICCIA INTERIEURE 6 ATLAS DES PAYSAGES DE LA REGION CORSE 5 6 Ce paysage végétal est fortement lié à l'histoire humaine. Le châtaignier prédomine depuis que les Génois, au XVIe siècle, ont implanté cette essence nourricière, faisant de la région un immense verger dédié à sa monoculture. « L'arbre à pain » corse a assuré la subsistance de générations d'insulaires, tout en alimentant l'artisanat (menuiserie, ébénisterie, vannerie...) et l'industrie (usines d'extrait tannique dans la vallée du Golu). Cependant la châtaigneraie a subi à partir de la fin du 3.06 CASTAGNICCIA INTERIEURE 7 ATLAS DES PAYSAGES DE LA REGION CORSE XIXe siècle les impacts de la déforestation, des maladies et du déclin de l'économie rurale traditionnelle. De grandes surfaces ne sont plus entretenues, même si de jeunes agriculteurs s'efforcent aujourd'hui d'en relancer la culture. Les dégâts provoqués par les troupeaux de chèvres et surtout de porcs en semi-liberté témoignent de cet abandon. Il en va de même pour une grande partie des peuplements de noisetiers, autrefois exploités et qui tendent désormais à disparaître. Dans le cœur de la Castagniccia et dans sa partie occidentale, d'importantes superficies de la châtaigneraie encore existante ont été classées en ZNIEFF. La culture de la châtaigne a marqué l'architecture vernaculaire : les hautes maisons villageoises ont été bâties autour du fucone, le foyer dont la chaleur diffusait dans toute l'habitation, jusqu'aux combles où l'on séchait les récoltes. L'originalité du paysage bâti tient aussi aux matériaux de construction et de couverture, des schistes et des lauzes typiques de la région (7). 7 3.06 CASTAGNICCIA INTERIEURE 8 ATLAS DES PAYSAGES DE LA REGION CORSE Les très nombreux villages et hameaux émergeant du couvert végétal se singularisent également par une implantation particulière, généralement en longueur sur les arêtes des reliefs (8,9). 8 9 La spécificité de la Castagniccia réside enfin dans la richesse de son patrimoine historique : églises, clochers, couvents, chapelles en grand nombre, dont beaucoup de chefs d’œuvre de l'art roman ou baroque, rappellent que ce territoire comptait autrefois parmi les plus prospères et les plus habitées de Corse (10-Les imposantes ruines du couvent de Pedicroce ; 11-Eglise de San Agostino).