Les Nouvelles Editions Françaises 1940~1941
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LES NOUVELLES EDITIO N S FRA N CAISES 1 LES NOUVELLES EDITIO N S FRA N ÇAISES COLLECTION ‘‘LES JUI F S E N FRA N CE ’’ Novembre 1940 ~ Mars 1941 Réédition de la collection ‘‘Les Juifs en France’’ I Dr George Montandon Comment reconnaître le Juif ? II Dr Fernand Querrioux La médecine et les Juifs. III Lucien Pemjean La presse et les Juifs. IV Lucien Rebatet Les tribus du Cinéma et du Théâtre. Les Nouvelles Editions Françaises 1940~1941 Mars 2008 LENCULUS Librairie Excommuniée Numérique des CUrieux de Lire les USuels LES NOUVELLES EDITIO N S FRA N ÇAISES Robert Denoël a fondé les Nouvelles Editions Françaises le 20 novembre 1940, en transformant la dénomination de sa société « La Publicité Vivante », qui datait du 15 octobre 1937. Il crée cette enseigne un bon mois après la réouverture des Editions Denoël : elle n’est donc pas destinée à remplacer temporairement sa maison fermée par les Allemands du 17 juin au 15 octobre 1940, comme on l’a dit, mais à publier des ouvrages imposés par l’occupant. Pourquoi y publie-t-il aussi Les Beaux Draps ? Auguste Picq expliquait que le pamphlet de Céline avait servi de « faire-valoir » aux N.E.F. Je suppose que les livres pour enfants de Thornton Burgess, publiés pour la première fois en 1933 par les Editions Denoël et Steele et remis en vente en 1940 avec l’adresse des Nouvelles Editions Françaises, avaient aussi cette fonction. Les quatre volumes publiés entre novembre 1940 et mars 1941 dans une collection au titre bien compromettant : « Les Juifs en France », ont été vendus à moins de 3 000 exemplaires. Au cours de son procès, en juillet 1945, Denoël dira qu’il a arrêté cette col- lection après le quatrième volume, « en voyant les mesures prises contre les Juifs ». Le fait est que trois autres titres annoncés au second plat de couverture des quatre premiers n’ont jamais paru. Les Nouvelles Editions Françaises, domiciliées au 21, rue Amélie, c’est-à-dire dans le bâtiment accolé à celui des Editions Denoël, n’avaient pas d’existence légale : c’est en transformant le ‘‘19’’ en ‘‘21’’ sur un acte d’association provisoire [cf. Chronologie, 23 janvier 1941] que Denoël, ou George Hagopian, son homme d’affaires, entérinent une situation de fait (les volumes étaient bien entreposés à cette adresse) mais sans la notifier au Registre de commerce. Les rares documents à l’en-tête des N.E.F. que l’on possède portent tous la signature de Robert Denoël. Maurice Bruyneel dit Albert Morys avait bien, en février 1941, signé le prière d’insérer des Beaux Draps avec le titre de « secrétaire général », et Auguste Picq, le comptable des Editions Denoël, pris en main les comptes de la société, il n’en demeure pas moins qu’un seul homme a, comme dans toutes ses entreprises, présidé aux destinées des Nouvelles Editions Françaises, et ne s’en est d’ailleurs pas caché à la Libération : Robert Denoël. 1941 JA N VIER Karl Epting, le directeur francophile de l’Institut allemand, élabore « de concert avec les éditeurs français » une « Liste Mathias » qui contient un millier de titres d’ouvrages allemands à faire traduire et publier en français «pour rattraper les ‘‘erreurs’’ des an- nées 30 et rendre les Allemands sympathiques au public français ». On ignore comment les éditeurs utilisèrent cette liste mais le fait est que, deux ans plus tard, Georges Blond se félicitait dans Deutschland-Frankreich que plus de 250 livres allemands aient été traduits depuis l’armistice. Le 6 : Lettre de Denoël à Jean Rogissart, qui a organisé le ravitaillement de la rue Amélie : « Vos fromages sont bien arrivés et ont fait la joie de tout le monde. Je crois que la formule que vous avez adoptée est la meilleure. Une note parue dans les journaux autorise en effet les envois jusqu’au 31 janvier inclus, pour ce qui concerne la volaille, tout au moins. Tentez de faire d’autres expéditions, à mes risques et périls bien entendu ». Le 7 : Raymond Durand-Auzias est nommé administrateur provisoire des Editions Gedalge, maison juive. Le 9 : Denoël reprend contact avec Evelyne Pollet dont le roman est resté sur le mar- bre depuis décembre 1939 : « Nous ne pensons pas reprendre l’édition d’une façon régulière avant mars ou avril. A ce moment-là votre livre prendra tout naturellement sa place dans ma production. Grasset et Plon ont, en effet, sorti quelques ouvrages, mais le succès ne semble pas avoir récompensé leurs efforts. La situation est encore bien trop troublée pour que l’on puisse penser à une reprise normale des affaires de librairie. » Le 17 : Raymond Durand-Auzias est nommé administrateur provisoire des Editions de Cluny, qui appartiennent à un israélite, Fernand Hazan. Il assurera cette fonction jusqu’au 16 juin. Le 20 : Denoël écrit à Céline, qui lui a recommandé Jean-Gabriel Daragnès pour son prochain livre : « Je ferai certainement travailler Daragnès un jour prochain, mais pour votre livre 8 LES NOUVELLES EDITIO N S FRA N CAISES j’ai déjà pris un engagement avec l’imprimeur Diéval - rue de Seine - qui offre l’avantage de me fournir le papier qui, comme vous le savez, est extrêmement rare en ce moment. Diéval, que j’ai eu l’occasion d’expérimenter ces derniers mois, me donne des garanties dans le travail, brochage par exemple, que je ne pourrais pas trouver immédiatement chez Daragnès. Mais dès que j’aurai repris le courant habituel de mon activité, je penserai à votre ami. » Jean-Gabriel Daragnès [1886-1950] (© Jean Roubier) L’imprimeur montmartrois ne paraît pas avoir, par la suite, travaillé pour Denoël. C’est probablement Henri Diéval, dont l’imprimerie se trouvait au n° 57 de la rue de Seine, qui a imprimé les quatre volumes de la collection « Les Juifs en France » et Les Beaux Draps, dont les colophons portent : « Imprimerie spéciale des Nouvelles Editions Françaises ». Le 23 : Association en participation entre Robert Denoël, gérant des Nouvelles Edi- tions Françaises, et Mme Pauline Bagnaro, veuve Constant, dite « de Kéan », femme de lettres, demeurant à Paris, 175 rue Legendre. Elle a pour but « l’édition, le lancement, la mise en vente, de l’ouvrage de Louis-Ferdinand Céline intitulé : Les Beaux Draps, et toutes opérations commerciales se rapportant à ce qui précède. » Mme Bagnaro a versé en compte courant une somme de 100 000 francs en bons d’armement. C’est une association limitée à trois ans, à dater du 20 janvier 1941. Sa dissolution a été prononcée le 6 mai 1942. En 1939 Pauline Bagnaro avait publié chez Denoël un roman à compte d’auteur : Le Continent maudit, sous le pseudonyme de Morgin-de Kéan. Cette dame-écrivain paraît intéressée par le monde de l’édition puisqu’on la retrouve en mai 1943 parmi les soutiens financiers de l’éditeur Jean Renard, chez qui elle a publié trois romans durant l’Occupa- tion. L’un d’eux, La Maison près du cimetière, obtint le prix Ariane 1942. Elle est aussi rédactrice politique à Radio-Paris et paraît en très bons termes avec le capitaine Paul Sézille qui, le 21 juillet 1941, la recommande à un M. Scheffler de la Pro- LES NOUVELLES EDITIO N S FRA N CAISES 9 paganda Staffel : Mme Morgin-de Kéan fait partie des « Amis de l’Institut d’étude des Questions juives ». Pauline Constant-Bagnaro est surtout fascinée par Louis-Ferdinand Céline : en 1943, elle publie un roman, Jouer avec le feu, qu’elle dédie « à Ferdinand Céline ». Il semble aussi qu’elle l’ait écrit « à la manière » de Céline, ce qui lui vaut un éreintement dans la presse. On comprend mieux pourquoi Denoël a accepté, ou sollicité, sa participation finan- cière pour publier Les Beaux Draps : il sait que cette dame romancière, sans doute riche, est une admiratrice de l’écrivain. En examinant l’acte d’association provisoire Denoël-Constant rédigé le 23 janvier 1941 par Georges Hagopian, l’homme d’affaires de Robert Denoël depuis 1939, on décou- vre un tour de passe-passe surprenant : l’adresse de la société est corrigée à la main sans que cette modification ait jamais été notifiée au Registre de commerce : le 19 rue Amélie devient le 21. Ce n’est que le 12 septembre 1944, lorsqu’Albert Morys fera transférer le lieu d’ex- ploitation de la société au 5 rue Pigalle que l’adresse initiale et seule valable sera réintro- duite. 10 LES NOUVELLES EDITIO N S FRA N CAISES Ainsi, entre janvier 1941 et septembre 1944, les Nouvelles Editions Françaises n’auront eu aucune existence légale. FÉVRIER Les ouvrages figurant sur la « Liste Otto » diffusée quatre mois plus tôt ont sans doute été saisis chez les éditeurs et pilonnés, mais il reste des livres indésira- bles chez les libraires. La Bibliographie de la France publie cet avis du Syndicat des Editeurs dans son numéro des 14-21 fé- vrier. Le 1er : Reparution du Pays libre, l’hebdomadaire de Pierre Clémenti. Fon- dation à Vichy du Rassemblement Natio- nal Populaire (RNP) par Marcel Déat et Eugène Deloncle. Le 3 : Signature du contrat pour Les Beaux Draps. Céline a obtenu que ses 18 % lui soient payés d’avance, sur base du « bon à tirer » qui doit lui être soumis avant l’envoi à l’imprimeur. Pour les reti- rages, tous les bons à tirer devront lui être soumis pour signature. C’est probablement Denoël qui ré- dige le prière d’insérer paru dans Biblio- graphie de la France, quelques jours plus tard : « Des mesures de salut public, propo- sées par l’écrivain qui avait tout prévu, tout prédit.