Le Cycle Mythologique Irlandais Et La Mythologie Celtique
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
LA VOCATION DE L’ARBRE D’OR est de partager ses admirations avec les lecteurs, son admiration pour les grands textes nourrissants du passé et celle aussi pour l’œuvre de contem- porains majeurs qui seront probablement davantage appréciés demain qu’aujourd’hui. Trop d’ouvrages essentiels à la culture de l’âme ou de l’identité de cha- cun sont aujourd’hui indisponibles dans un marché du livre transformé en industrie lourde. Et quand par chance ils sont disponibles, c’est finan- cièrement que trop souvent ils deviennent inaccessibles. La belle littérature, les outils de développement personnel, d’identité et de progrès, on les trouvera donc au catalogue de l’Arbre d’Or à des prix résolument bas pour la qualité offerte. LES DROITS DES AUTEURS Cet e-book est sous la protection de la loi fédérale suisse sur le droit d’auteur et les droits voisins (art. 2, al. 2 tit. a, LDA). Il est également pro- tégé par les traités internationaux sur la propriété industrielle. Comme un livre papier, le présent fichier et son image de couverture sont sous copyright, vous ne devez en aucune façon les modifier, les utiliser ou les diffuser sans l’accord des ayant-droits. Obtenir ce fichier autrement que suite à un téléchargement après paiement sur le site est un délit. Trans- mettre ce fichier encodé sur un autre ordinateur que celui avec lequel il a été payé et téléchargé peut occasionner des dommages informatiques suscepti- bles d’engager votre responsabilité civile. Ne diffusez pas votre copie mais, au contraire, quand un titre vous a plu, encouragez-en l’achat. Vous contribuerez à ce que les auteurs vous réservent à l’avenir le meilleur de leur production, parce qu’ils auront confiance en vous. H. d’Arbois de Jubainville Le Cycle mythologique irlandais et la mythologie celtique © Arbre d’Or, Genève, décembre 2005 http://www.arbredor.com Tous droits réservés pour tous pays PRÉFace Un des documents le plus souvent cités sur la religion celtique est un passage de César, De bello gallico, où le conquérant de la Gaule raconte quels sont, suivant lui, les principaux dieux des peuples qu’il a vaincus dans cette contrée : « Le dieu qu’ils révèrent surtout est Mercure ; ses statues sont nombreu- ses. Les Gaulois le considèrent comme l’inventeur de tous les arts, le guide dans les chemins et les voyages ; ils lui attribuent une très grande influen- ce sur les gains d’argent et sur le commerce. Après lui viennent Apollon, Mars, Jupiter et Minerve. De ceux-ci ils ont presque la même opinion que les autres nations : Apollon chasse les maladies ; Minerve instruit les débu- tants dans les arts et les métiers ; Jupiter a l’empire du ciel ; Mars a celui de la guerre. Quand ils ont résolu de livrer bataille, ils lui consacrent d’avance par un vœu le butin qu’ils comptent faire… » Si nous prenons ce texte au pied de la lettre, il paraît que les Gaulois auraient eu cinq dieux presque identiques à autant de grands dieux ro- mains : Mercure, Apollon, Mars, Jupiter et Minerve ; la différence n’aurait guère consisté que dans les noms. Cette doctrine semble confirmée par des inscriptions romaines, où des noms gaulois sont juxtaposés comme épithètes ou par apposition aux noms de ces dieux romains. On pourrait donner de nombreux exemples. Nous citerons : o pour Mercure, les dédi- caces Mercurio Atusmerio, Genio Mercurii Alauni, Mercurio Touren[o], Visucio Mercuri[o], Mercurio Mocco2 ; 2o pour Apollon, les dédicaces Apollini Granno, [A]pollini Mapon[o], Apollini Beleno ; o pour Mars les dédicaces Marti Toutati, Marti Belatucadro, Marti Camulo, Marti Catu- rigi ; o pour Jupiter, les dédicaces Jovi Taranuco, Jovi Tarano ; et 5o pour De bello gallico, livre VI, chap. xvii. 2 Inscription de Langres. Moccus paraît être le cochon ou sanglier, en vieil irlandais mucc, génitif mucce, thème féminin en a ; en gallois, moch, et en breton, moc’h. Corpus inscriptionum latinarum, t. VII, no 28. Mommsen, Inscriptiones confœderationis Helveticæ, no 70. LE CYclE MYTHOLOGIQUE IRLANDAIS ET LA MYTHOLOGIE CELTIQUE Minerve les dédicaces Deæ Suli Minervæ, Minervæ Belisamæ5. Ce sont les cinq dieux dont parle César. Avant de tirer du passage précité de César, des inscriptions que nous venons de mentionner et des documents analogues, une conclusion quel- conque, il est indispensable d’en déterminer exactement le sens. Le texte de César commence par le mot « dieu » : Deum maxime Mercurium colunt. Que signifie le mot « dieu » dans la langue que parlait César quand il dictait ses Commentaires ? Cicéron, dans son traité De inventione rhetorica, distin- gue entre ce qui est nécessaire ou certain et ce qui est probable ; comme exemple de propositions probables, il cite celle-ci : « Ceux qui s’occupent de philosophie ne croient pas qu’il y ait des dieux. » Pour Lucrèce, les dieux sont une création de l’esprit humain, développée par les halluci- nations du rêve7. Le mot « dieu, » aux yeux de la plupart des membres de l’aristocratie romaine contemporains de César, désignait une conception sans valeur objective. Nous pensons pourtant être en droit d’affirmer que la langue employée par César dans les Commentaires est celle d’un croyant ; peu nous importe ce qu’il pouvait penser au fond de sa conscience. César est un homme po- litique dont le but, quand il parle, est de préparer ses auditeurs à lui obéir quand il commandera. Il est, parmi ses compatriotes, un de ceux qui ont le mieux su mettre en pratique les vers fameux de Virgile : Tu regere imperio populos, Romane memento ; Hæ tibi erunt artes, pacique imponere morem Parcere subjectis, et debellare superbos8. Placée en face de populations qui croient à leurs dieux, l’aristocratie romaine, sceptique ou non, admet officiellement l’existence des dieux et s’en fait un moyen de gouvernement. Pour comprendre César, il faut ad- mettre que, dans la langue dont il se sert, le mot « dieu » désigne des êtres dont l’existence réelle est considérée comme indiscutable, et qu’on ne peut sans erreur manifeste se figurer comme de simples conceptions de l’esprit 5 De Wal, Mythotogiæ septentrionalis monumenta latina, vol. I, no LII. De inventione, livre I, chap. xxix, § 46. 7 Livre V, vers 8 et suivants. 8 Virgile, Enéide, livre VI, vers 85-85. LE CYclE MYTHOLOGIQUE IRLANDAIS ET LA MYTHOLOGIE CELTIQUE humain, comme des fictions plus ou moins fantaisistes, plus ou moins logiques. La langue de César fut, après lui, celle des inscriptions romaines de la Gaule. Notre manière d’envisager les doctrines mythologiques est toute dif- férente de celle qu’avaient adoptée les hommes politiques de Rome et les croyants qui ont dicté les inscriptions romaines de la Gaule. Nous ne som- mes ni, comme les premiers, appelés à gouverner une population que des habitudes séculaires attachaient au culte de ses dieux, ni, comme les se- conds, des païens. Les dieux des Gaulois, comme ceux des Romains, sont, à nos yeux, une création de l’esprit humain, inspirée à une population ignorante par le besoin d’expliquer le monde. Il est, par conséquent, très difficile de nous satisfaire, quand on prétend démontrer que deux divini- tés, l’une romaine, née de la combinaison de la mythologie romaine et de la mythologie grecque, l’autre gauloise et issue du génie propre à la race celtique, sont identiques l’une à l’autre. Il ne suffit pas que les deux figures divines se superposent à peu près l’une à l’autre par quelque côté ; il faut, sinon concordance complète, au moins accord sur tous les points fonda- mentaux. Lorsqu’il s’agit d’affirmer l’identité d’un personnage réel, on est beaucoup moins difficile. J’ai connu tel professeur illustre ; à son cours j’ai admiré sa science profonde des textes, la justesse et la nouveauté des conclusions qu’il en tirait, l’élégante netteté de son langage, le charme de sa diction, l’éclat de son regard, l’animation de ses traits. Dans son cabinet il a achevé de me séduire par la bienveillance de son accueil, par la finesse de son sourire, par la spirituelle simplicité de sa conversation savante d’où tout pédan- tisme était absent. Ensuite, je le rencontre dans la rue. Je ne lui parle pas ; il ne me dit rien ; ses yeux, si vifs il y a un instant, sont mornes et ternes ; rien, dans sa physionomie, ne révèle l’homme éminent qui se manifestait avec tant de supériorité dans la chaire du professeur devant un nombreux auditoire, ou au coin de la cheminée sans témoins pendant un entretien familier. Maintenant il semble ne penser à rien : que dis-je ? La pensée qui l’occupe et que j’ignore est peut-être la plus triviale et la plus vulgaire. Mais les traits de son visage, tout à l’heure inspirés, en ce moment insignifiants et presque sans vie, offrent à mon regard un ensemble de lignes que je re- connais. Je m’écrie : C’est lui ! et je ne me suis pas trompé. LE CYclE MYTHOLOGIQUE IRLANDAIS ET LA MYTHOLOGIE CELTIQUE Les Romains procédaient d’une manière analogue quand il était question de leurs dieux. Leur Jupiter, par exemple, portait comme insigne caracté- ristique la foudre dans la main droite ; les Gaulois avaient aussi un dieu qui maniait la foudre. Sur ce simple indice, les Romains crurent reconnaître dans le dieu gaulois leur Jupiter. De ce que les deux dieux, l’un national, l’autre étranger, avaient un attribut identique, les Romains conclurent que ces deux dieux n’en faisaient qu’un ; ils le conclurent sans se préoccuper des différences que, sur d’autres points beaucoup plus importants, pouvaient offrir ces deux figures mythiques.