L'affaire Des Poisons : Les Origines Du Satanisme
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L’AFFAIRE DES POISONS : LES ORIGINES DU SATANISME par Daniel Cardinal Thèse de maîtrise présentée au département d’études anciennes et de sciences des religions de la Faculté des Arts de l’Université d’Ottawa. © Daniel Cardinal, Ottawa, Canada, 2021 Résumé L’affaire des poisons est une célèbre enquête policière qui se déroula à la fin du XVIIe siècle en France sous le règne de Louis XIV. Les rapports officiels de la police de l’époque allaient dévoiler l’implication de membres des plus hautes sphères de la société française, y compris du clergé, du parlement, de la noblesse et de l’aristocratie. Mais l’enquête fut rapidement mise sous silence lorsque le roi découvrit l’implication de son ancienne maitresse en titre, la marquise de Montespan, avec qui il avait passé neuf ans de sa vie. Le nom de la dame fut mentionné par de nombreux témoins qui l’impliquèrent dans plusieurs méfaits, dont l’achat et l’utilisation de philtres d’amour et de divers poisons. Mais pis encore, Montespan fut compromise dans des cérémonies de nature blasphématoires organisées en secret par une devineresse du nom de Catherine Montvoisin - dites la Voisin - et son complice, l’abbé Étienne Guibourg. Ces rituels allaient plus tard prendre le nom de messe noire et inspirer une nouvelle forme de religiosité qui allait prendre le nom de satanisme. À partir des éléments révélés durant l’enquête de l’affaire des poisons, le satanisme allait pour la première fois se distinguer des pratiques de la sorcellerie et de la magie rituelle et se définir en tant que système de croyances. C’est d’ailleurs à partir des témoignages et des révélations de l’époque que la nomenclature satanique allait apparaitre et que tous les rituels subséquents allaient s’inspirer. Avant le XVIIe siècle, le culte voué à Satan avait été entièrement défini par les penseurs de l’Église, les démonologues et les inquisiteurs en particulier, et se confondait injustement avec les activités de sorcellerie et de magie. Il aura fallu la mise à jour des rapports de police de l’affaire des poisons pour que l’on en vienne à la conclusion que la sorcellerie, la magie rituelle et le satanisme étaient des pratiques distinctes et originales. II Remerciements, soutiens et inspirations Natalie, Émilie et Sofi Ceux qui, consciemment ou inconsciemment, m’ont guidé dans la bonne direction : Professeur Emma Anderson Jean Carrier Jashong King Professeur Adele Reinhardt Quelques professeurs influents : Professeur Naomi Goldenberg Professeur Martin Kalulambi Professeur Pierluigi Piovanelli Professeur Anne Vallely Mon directeur de thèse : Professeur Michel Gardaz III TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION…………………………………………………page : 1 I-1 Méthodologie………………………………………..…………page : 5 I-2 Question de recherche…………………………..……….……..page : 7 I-3 Hypothèse…………………………………………….….…….page : 7 CHAPITRE 1 : L’ADVERSAIRE…………………………………page : 9 1-1 De Satan à Lucifer……………………………………………..page : 9 1-2 L’Antéchrist……………………………………………………page : 23 1-2-1 Satan dans les Épitres………………………………..page : 24 1-2-2 Évangiles et textes apocryphes………………………page : 27 1-2-3 L’Apocalypse……………………………………..….page : 34 1-3 Traité de démonologie…………………………………………page : 37 CHAPITRE 2 : L’AFFAIRE DES POISONS………………………page : 52 2-1 L’affaire et les poisons : ……………………………………….page : 52 2-1-1 Le point de départ……………………………………page : 52 2-1-2 L’Affaire des poisons en dates et en chiffres…………page : 54 2-1-3 La Chambre ardente………………………………….page : 58 2-1-4 L’Âge de l’arsenic……………………………………page : 64 2-2 La France sous Louis XIV…………………………………..…page : 70 2-3 La marquise de Brinvilliers……………………………………page : 79 2-4 Madame de Montespan………………………………………..page : 89 2-5 Le réseau la Voisin…………………………………………….page : 95 2-6 Satan s’invite…………………………………………………..page : 108 2-7 Le modèle des requêtes………………………………………..page : 120 IV CHAPITRE 3 : DÉVELOPPEMENTS.............................................page : 126 3-1 Problématique et historicité…………………………………….page : 126 3-2 Messe noire, sabbat et évocation…………………………… …page : 140 3-2-1 Satanisme, sorcellerie et magie rituelle………………page : 140 3-2-2 Messe noire, sabbat et rituels magiques…………..….page : 147 3-3 Répercussions………………………………………………..…page : 168 3-3-1 Magiciens, sorcières, médiums et théosophes………..page : 168 3-3-2 Satanistes et lucifériens……………………………….page : 170 CONCLUSION…………………………………………………….page : 177 BIBLIOGRAPHIE..……………………………………..…………page : 182 TABLE DES ILLUSTRATIONS………………………………….page : 188 ANNEXE I – Titres aristocratiques et de noblesse………..……….page : 192 ANNEXE II– Chronologie de l’affaire des poisons …………...….page : 193 ANNEXE III – Principaux personnages de l’affaire des poisons.....page : 199 V INTRODUCTION « Satan est le mal et le mal est dans nos cœurs. » Joseph Balsamo L’affaire des poisons est une célèbre enquête policière qui se déroula à la fin du XVIIe siècle en France sous le règne de Louis XIV. Historiquement, elle se compare à d’autres causes célèbres comme celle de Jack l'éventreur en Angleterre à la fin du XIXe siècle ou de Charles Manson aux États-Unis au XXe siècle. L’affaire sera mise à jour le 16 juillet 1672 avec la mort de Jean-Baptiste Godin de Sainte-Croix qui laissa dans son leg testamentaire une série de preuves incriminantes contre son ancienne maîtresse, Marie-Madeleine Anne Dreux d’Aubray, marquise de Brinvilliers. La marquise, impliquée dans une série de meurtres, tenta d’échapper à la justice en fuyant le pays, mais fut toutefois rattrapée quelques années plus tard après une escapade à travers l’Europe. En 1676, elle fut jugée et reconnue coupable de plusieurs infractions majeures, dont les empoisonnements successifs de son père et de ses deux frères afin de pouvoir récolter plus rapidement les fonds de l’héritage familial. La marquise fut exécutée sur la place publique le 17 juillet 1676. Avec la conclusion de cet épisode, l’affaire semblait s’être résolue, mais voilà qu’une seconde vague d’accusations allait s’ajouter à l’incident initial. Au début de l’année 1679, l’attention de la police fut dirigée vers Marie Bosse, une chiromancienne bien connue dans les milieux parisiens. La Bosse s’était vantée, lors d’un diner bien arrosé, d’avoir fourni des poisons aux épouses de plusieurs politiciens importants afin 1 que celles-ci puissent se débarrasser de leurs maris encombrants. L’enquête prit une tournure encore plus spectaculaire lorsque des témoignages impliquèrent d’importants membres du clergé, de la noblesse et même des proches du Roi-Soleil. Cette même année (1679), un tribunal extraordinaire - la chambre ardente – fut réinstauré afin de juger les individus impliqués dans cette sordide affaire. Plus de quatre cents personnes allaient être arrêtées pour une variété de crimes et condamnées à diverses peines dont la prison à vie, le bannissement, les galères et diverses formes de mise à mort. L’affaire s’était immiscée dans les plus hautes sphères de la cour du roi jusqu’à ce que le nom de madame de Montespan, l’ancienne maîtresse en titre 1 de Louis XIV, soit mentionné par de nombreux témoins qui l’impliquèrent dans plusieurs méfaits, dont l’achat et l’utilisation de philtres d’amour et de divers poisons. Mais pis encore, la dame fut compromise dans des rituels de nature blasphématoires organisés en secret par une devineresse du nom de la Voisin et son complice, l’abbé Étienne Guibourg. Protégée par le souverain, madame de Montespan allait éviter son interrogatoire, mais dut quitter Versailles dans la disgrâce. Elle finit ses jours à l’abbaye de Fontevrault où elle entreprit une vie de sacrifice et de dévotion. La marquise mourut à Bourbon-l’Archambault à l’âge de soixante-six ans. Vingt-huit ans plus tard, le 13 juillet 1709, Louis XIV ordonna la destruction systématique de tous les documents reliés à cette affaire afin que celle-ci tombe dans 1 Maîtresse en titre est une désignation semi-officielle qui désigne une relation non clandestine entre le roi et une femme de son choix. La terminologie complète est importante puisqu’elle indique que la dame en question a établi plus qu’une relation extra-conjugale avec le souverain puisque le résultat de la progéniture obtiendra un titre aristocratique appropriée. 2 « l’éternel oubli ». Malgré le passage du temps, le souverain se sentait toujours hanté par quelques détails reliés à l’investigation. Mais le chef de la police de l’époque, Gabriel de la Reynie, conserva sa portion des rapports d’enquête, ce qui permit aux historiens contemporains de reconstituer les faits. C’est François Ravaisson qui, au milieu du XIXe siècle, allait mettre à jour tous les détails de l’affaire dans ses Archives de la Bastille. Avec le passage du temps, l’affaire des poisons allait passer dans la culture populaire. Les chercheurs intéressés allaient se scinder en trois catégories : d’un côté, nous avons les historiens qui, en général, traitent l’incident comme une simple anecdote dans l’histoire de la France. Nous ne voulons pas minimiser ici les travaux de ces chercheurs, mais plutôt mettre en évidence le fait que l’affaire des poisons n’est pas un sujet d’une importance primordiale dans les livres d’histoire : en général, nous retrouvons le sujet dans l’index, mais pas dans la table des matières. Nous retenons dans cette catégorie les noms de Maral, Lebigre (1988), Pernot, Sarmant, Walch, Savard et Dussault. Malgré le peu d’importance qu’ils attachent à l’affaire, ils nous donnent une excellente élaboration de l’environnement social en France sous Louis XIV et de la vie quotidienne à Versailles à la fin du XVIIe siècle. Nous retrouvons ensuite les chercheurs qui traitent spécifiquement de l’affaire des poisons comme une enquête criminelle dans son ensemble : Lebigre (1995), Petitfils, Quétel, Somerset, Wood Mollenauer, Lemoine, Funck-Brentano et Mossiker. Ce sont ces auteurs que nous donnent les éléments les plus détaillés de l’affaire. Leur apport est essentiel puisque ceux-ci se concentrent strictement sur ce sujet, mais il fait par contre se méfier des spéculations et du potinage véhiculés dans cette catégorie.