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Il y a 50 ans, en 1969… la guerre de Syam a bien eu lieu Jean MICHEL

1969, année noire pour André Berthier et son équipe pourtant désormais renforcée par l’archéo- logue Bernard Edeine et le professeur de letres René Poter, deux compétences caennaises invests- sant le . Le Conseil Supérieur de la Recherche en Archéologie (CSRA), infuencé par Lucien Lerat, directeur des Antquités historiques de Franche-Comté, oppose, pour la 4ème année consécutve, un refus à la demande d’autorisaton de fouille. Les sondages proposés par la suite par Edeine sont, eux, refusés par Lerat au prétexte qu’Edeine est un “préhistorien” et que, lui, directeur en charge des “Antquités historiques” est incompétent pour la préhistoire. Le ton monte entre les divers pro- tagonistes et plusieurs incidents vont se produire au cours de l’été 1969 avec un faux-pas magistral de Lerat que Berthier n’hésite pas à dénoncer au ministre Michelet. L’été 1969 est donc compliqué pour l’équipe Berthier-Edeine-Poter alors même qu’une subventon a été accordée par le Conseil Général du Jura pour des investgatons diverses à Syam et Chaux-des-. On découvre sur- tout, en 1969, un Bernard Edeine très actf sur le terrain avec son équipe de stagiaires de l’École de fouilles archéologiques du Mont-Joly comme aussi à la manœuvre au plan natonal.

La demande d’autorisaton de fouille et la longue les travaux de toponymie d’Antoinete Brenet (sur période d’atente l’origine “Seganna” des mots Saine et ) et donne le plan de son ouvrage en préparaton. Berthier lui Dans le précédent artcle sur l’année 1968 [J-2017-03911], communique en retour les références des travaux de nous avions vu que, dès l’automne 68 et sur les Quicherat et revient sur les ouvrages de Carcopino, conseils de ses amis ainsi que d’Edeine et de Poter, Harmand et Rambaud qui tous, selon lui, ébranlent Berthier avait préparé une demande d’autorisaton de la thèse alisienne. Début mars, Poter indique que fouille pour l’été 69. Portant sur la Grange d’Auferin, son ouvrage devrait aborder la thèse des “Séquanes Les Taillets et le Champ Montant, la demande est de l’Ouest” de Carcopino, la queston de la trahison transmise au patron de l’archéologie comtoise le des Éduens, l’origine du mot Alisiia et le texte de 2 décembre 1968, Edeine devant assurer la respon- Florus mentonnant l’incendie d’Alésia par César. sabilité administratve et scientfque des fouilles. Pour couvrir les dépenses sur le terrain, estmées à Des reconnaissances de terrain de printemps et une 10 000 francs, Berthier sollicite l’aide du Conseil Général curieuse découverte du Jura. Le 13 décembre, Lerat accuse récepton de René Poter fait un séjour en famille dans le Jura la demande d’autorisaton de fouille, indique qu’il la à Pâques 1969 et entreprend plusieurs recon- transmet au CSRA mais ajoute, perfdement, qu’il n’y naissances de terrain en compagnie de son fils donnera pas un avis favorable. Jean-Claude, de l’abbé Henri Couanon de Caen et L’équipe Berthier est maintenant en “stand-by” de Fernand Bulabois [C-1969-01947]. Au Pré Grillet, et doit patenter jusqu’au début du printemps 69 les observations portent sur les plates-formes pour connaître la décision de la Commission supé- rocheuses sous l’oppidum, sur les esplanades en rieure des fouilles du CSRA. Dans l’atente et depuis bordure de Saine (avec des banquetes aménagées Constantne, Berthier recommande la réalisaton et des muretes). Au camp nord (camp de Labenius), par des bénévoles locaux de certains travaux indis- l’équipe est impressionnée par la large sorte Sud-Est pensables [L-1968-01892] : dépouillements archivis- en directon de “la Banane” (castellum du Rocheret). tques (toponymes, limites, chemins...), vérifcatons Poter revient sur le mur militaire émetant l’hypo- sur le terrain et relevés topographiques. Il sollicite à thèse que les fossés et pièges pourraient se trouver nouveau l’ingénieur TPE des Ponts & Chaussées de en deça du mur et non au-delà et s’inquiète déjà des , Fernand Bulabois, pour des relevés, dégradatons faites au site suite au passage des trac- coupes et plans. [C-1968-01905] teurs à bois. En parallèle, les échanges épistolaires entre Berthier et En juin, une étonnante découverte met tout le Poter se poursuivent avec intensité [C-1969-01946]. monde en émoi. Jean André, ancien stagiaire de l’as- Poter évoque des artcles de Grillon et de Richard pa- sociaton CEMEA (Centre d’Entraînement aux Mé- rus dans la revue L’Informaton Historique ; il revient thodes d’Éducaton Actve), présent à la colonie des sur la murete gauloise au fond du Pré Grillet, détaille Messageries Maritmes de Cornu, découvre un glaive

12 du côté de la cote 801 ou aux Abatois, le lieu restant Il considère, qu’“Alise-Alésia fait une tache dans l’his- imprécis. toire de l’éruditon française. La Commission aurait eu un geste noble en nous laissant faire sur le site car Poter évoque cete l’étude approfondie de n’importe quel site en , découverte d’un est un progrès, quelles que soient les conclusions que possible “glaive gau- l’on puisse en trer”. lois” dans un de ses courriers de 1969, un Berthier informe Lerat, le 28 mai, que le Conseil autre objet plus pett Général du Jura a donné son accord pour une aide (pointe...) ayant éga- fnancière pour les travaux de planimétrie, de pho- lement été trouvé. tographie aérienne et de relevés topographiques et Dix sept ans plus tard, pour lui demander d’autoriser, le plus rapidement en 1986, Jean André possible, des sondages à réaliser par l’équipe de adresse à Berthier des Bernard Edeine. [C-1969-01942] photos de ce glaive, La demande puis le refus d’autorisaton de sondages remis alors à la colonie [C-1986-02817]. Des Dès le 18 mars, Edeine avait indiqué à Berthier que recherches récentes même si l’autorisaton de fouille à Syam n’était pas conduisent à retenir accordée, il emploierait néanmoins son équipe plus certainement un de jeunes de l’École de fouilles archéologiques du glaive d’artllerie de Mont Joly à des travaux de topographie et de repé- type Empire ou Res- rage. Il recommande à ce moment-là à Berthier de tauraton (un modèle solliciter le Conseil Général du Jura pour une sub- 1816). venton (avec éventuellement report sur l’année sui- vante). Il ajoute qu’en l’absence d’autorisatons de Le glaive de type Restauraton ou Empire fouille par le CSRA, Lucien Lerat, en tant que direc- teur de la Circonscripton de Franche-Comté, devrait au moins accorder des autorisatons de sondages. Le refus (atendu) d’autorisaton de fouille [1969-01941] Berthier apprend par Poter, le 26 avril 1969, que la Le 26 mai, Berthier informe André Socié, président du demande d’autorisation de fouilles a purement Conseil Général du Jura et maire de Champagnole, de et simplement été rejetée par le CSRA, informa- la réponse négatve du ministère pour l’autorisaton tions obtenues par Edeine auprès de son col- de fouille et de sa décision consistant à demander à lègue René Joffroy, membre du CSRA et directeur Lerat une autorisaton de sondages. [C-1969-01912] du musée de Saint-Germain-en-Laye. Il sollicite aussi le préfet du Jura, Georges Mac Grath Selon Edeine, les membres du CSRA auraient été fu- pour l’emprunt d’un hélicoptère de la gendarmerie rieux qu’un archéologue du CNRS (lui-même) ait in- pour des photographies aériennes. Pour Berthier, tégré l’équipe Berthier ; il suggère qu’une demande “le refus de M. Lerat serait grave. Il montrerait une d’autorisaton de sondages soit alors faite auprès de volonté d’obstructon systématque et serait une Lerat, avec copie au préfet et si nécessaire appel à brimade pour une des meilleures équipes de France l’aide auprès d’Edgar Faure et de Malraux. [C-1969- que l’on puisse porter sur un site afn de l’étudier.” 01948] [C-1969-01945] Quelques jours plus tard, Berthier reçoit, via Lerat, la letre ofcielle datée du 6 mai Berthier ayant adressé sa de- du Bureau des fouilles du ministère not- mande à Lerat le 28 mai, celui-ci fant le refus d’autorisaton de fouille après répond, tardivement, le 19 juin. avis négatf du CSRA. Il manifeste auprès Le patron de l’archéologie com- de Poter l’absurdité de la situaton : le toise est d’accord pour des tra- CSRA refuse l’autorisaton de fouille, alors vaux de planimétrie, de photo- que le Conseil Général du Jura accorde une graphie et topographie mais ne subventon. Il s’en prend non sans une cer- veut entendre parler de rien taine aigreur aux “mandarins de la Com- d’autre. Lerat met en avant le mission du CSRA s’intéressant surtout aux fait qu’Edeine est un préhisto- places vacantes à l’Insttut”. rien alors que lui-même, direc- Lucien Lerat teur des Antquités historiques,

13 est incompétent en matère de préhistoire (il n’hésite du Conseil général pour les travaux de Berthier-Edeine pas à dire à l’occasion à Berthier que le Bureau des en août 1969. Dès le 3 avril, Poter s’inquiètait auprès fouilles du ministère a des difcultés avec Edeine). de Berthier des questons d’intendance pour la ving- Berthier informe immédiatement le préfet Mac taine de stagiaires d’Edeine à accueillir (ce dernier a Grath, du refus de Lerat d’accorder une autorisaton planifé le stage, coûte que coûte, du 3 au 28 août) à Edeine [C-1969-01945]. [C-1969-01946]. Berthier demande donc une sub- Après récepton de la letre de Lerat, Berthier répond venton, le 10 avril, au président du Conseil Général à celui-ci le 27 juin en demandant, puisqu’Edeine et écrit aussi le lendemain au préfet qui répond, le ne peut bénéfcier d’une autorisaton de sa part, 17 avril, qu’il présentera positvement la demande que l’autorisaton de sondages lui soit accordée en de subventon au Conseil Général [C-1969-01945]. propre (“35 années de fouilles à Constantne et en Numidie sur des thématques antques”) ; se mon- Le président Socié informe Berthier le 30 avril, que trant positf vis à vis de Lerat, il accepte l’idée d’un le Conseil Général a décidé l’octroi d’un crédit de observateur désigné par le patron de l’archéologie. 10 000 francs : la subventon sera une aide pour les [C-1969-01943] travaux de planimétrie, les photographies aériennes, les relevés et les sondages électroniques [C-1969- Le 9 juillet, Lerat répond à Berthier qu’Edeine n’est 01944]. Berthier remercie le président Socié et l’in- qu’un “prête-nom” et se considère incompétent forme le 6 mai que les travaux envisagés porteront scientfquement et administratvement ; il renvoie Berthier sur son collègue responsable de la préhis- sur la plate-forme pentagonale en bordure de Saine, toire, indiquant que de toutes façons la réponse sera ainsi qu’à la Grange d’Auferin et peut-être aussi autour vraisemblablement négatve de la Cote 801 à Chaux-des-Crotenay. [C-1969-01912] (le CSRA ayant donné une réponse négatve pour des fouilles, des sondages ne seront de toutes façons pas autorisés). Le 15 juillet, Berthier accuse récepton, en indiquant à Lerat ne pas vouloir agir en “prête- nom” ; il précise vouloir re- prendre l’étude de la levée de terre pentagonale près de la Saine, rappelant alors au doyen Lerat que celui-ci n’est pas venu contrôler les résultats obtenus par Berthier en 1966. [C-1969- 01942] Et finalement, le 29 juillet (alors que les stagiaires d’Edeine ar- rivent quelques jours plus tard dans le Jura), Lerat répond sèchement à Berthier qu’il maintent L’octroi de la subventon de 10 000 francs est confr- son refus d’autorisaton des sondages, prétextant mé par le préfet le 21 mai. [C-1969-01945] toujours son “incompétence” et le refus inital d’au- Il est certain que la décision du Conseil Général d’ai- torisaton de fouille par le ministère. Le confit entre der Berthier a contribué à metre Lerat hors de lui et Lerat d’une part et Berthier et Edeine d’autre part est qu’il fera tout pour nuire à Berthier. clairement ouvert. La queston de l’hébergement des stagiaires d’Edeine L’octroi d’une subventon du Conseil Général du Jura Se pose très tôt la queston de l’accueil des stagiaires Mais revenons à l’imbroglio créé par d’une part l’ab- d’Edeine pendant l’été 69. Le 6 mai, Berthier évoque sence d’autorisatons de fouille et de sondages et auprès de son ami Maurice Sergent, la queston de d’autre part, l’octroi, en parallèle, d’une subventon leur hébergement avec un possible à la colonie de

14 la compagnie des Mes- il confrme, le 16 juillet, qu’Edeine sageries Maritmes de est intéressé par l’appareil Terra- Cornu et lui demande contrôle et indique être intervenu d’intervenir auprès du di- auprès de la maison Chauvin & recteur des Messageries. Arnoux. L’acquisition est finale- Sergent intervient le 12 mai ment faite pour une somme de [C-1969-01943] pour de- 1 200 francs à rembourser sur la mander un hébergement subvention du Conseil Général de dix à vingt stagiaires [C-1969-01943]. Selon le Journal sous une tente et pour de la campagne 1969, tenu par un service de restaura- André Berthier [L-1969-00082], ton. Le directeur Carour la détection au sol commence à répond les 14 et 19 mai partir du 5 août. en donnant à Sergent son accord de principe pour ce service de logistque André Socié, maire de Champagnole et et d’intendance. [C-1969- président du Conseil Général 01939] Une campagne de photographies aériennes Mais Edeine reste inquiet et le fait savoir à Berthier le 18 mai évoquant les difcultés rencontrées pour Dans son programme de travail, Edeine inclut aus- la réalisaton du stage de l’été 69 (“je m’arrache les si un reportage en photographie aérienne et pense cheveux”) du fait des atermoiements administratfs. faire cela en recourant à un hélicoptère qu’il pilotera (il dispose d’une licence), ce qu’il confrme à Berthier Il indique avoir obtenu l’accord d’un certain nombre le 18 mai. [C-1969-01941] L’équipe va donc se metre de stagiaires mais il faut trouver impératvement une à la recherche d’une soluton pour disposer d’un tel soluton pour l’hébergement et l’intendance pour la engin. période du 3 au 28 août. [C-1969-01941] Dans une letre au préfet du Jura du 5 juin et suite Finalement, le 21 mai, Sergent informe Berthier de la à une demande d’André Berthier du 30 mai, le chef réponse positve du directeur de la Compagnie pour d’escadron commandant le groupement de gendar- l’hébergement des fouilleurs à la colonie de Cornu. merie du Jura, autorise Berthier à utliser un héli- [C-1969-01943] coptère Alouete de la gendarmerie, sur décision du La réalisaton d’une étude de résistivité électrique des sols ministre des Armées. Le préfet Mac Grath en informe Berthier le 11 juin suivant [C-1969-01910] mais il faut Le programme de travail à réaliser par les stagiaires par ailleurs obtenir les autorisatons de vol pour la de l’École de fouilles du Mont-Joly (hors fouille ou reconnaissance aérienne par hélicoptère, de la part sondages, bien sûr) comporte une étude de résistvité de la gendarmerie et/ou du ministre des Armées. électrique des sols en parte sud de la plaine de Syam. [C-1969-01910] Le 13 juin, Poter présente à Berthier l’idée d’Edeine Le 24 juin, Berthier demande au ministre des de recourir à un appareil électronique pour sonder le Armées une autorisaton pour prendre place à bord sol, soluton que l’entreprise Chauvin & Arnoux pourrait d’un hélicoptère de la gendarmerie en faveur de proposer ; il demande si Maurice Sergent pourrait in- Bernard Edeine et donne des précisions sur la licence tervenir. [C-1969-01950] Sollicité, Sergent fait état le de photographie aérienne d’Edeine. Le vol est prévu 2 juillet de sa perplexité face aux conditons d’emploi en août et vise à survoler la plaine de Syam et le pla- d’un appareillage de mesure de la résistvité des sols teau de Chaux-des-Crotenay. [C-1969-01910] proposé par l’entreprise mais précise toutefois que Dans un échange de letres avec Edeine en janvier 1970, si Edeine considère ce procédé utle, alors il faudrait Mme Guérillot (propriétaire à Chaux-des-Crotenay) de- obtenir un prêt de l’appareil pendant un mois avant mande si elle peut disposer des clichés pris en pho- d’envisager d’en acheter un. [C-1969-01907] tographie aérienne par l’archéologue pendant l’été Le 3 juillet, Sergent indique à Berthier avoir contac- 69. Edeine lui répondra qu’il n’a pas le droit de le té Poter pour la queston de l’acquisiton de l’appa- faire sous peine de se faire retrer sa licence et pré- reil de mesure de la résistvité des sols auprès de la cise qu’il s’agit de clichés aux infra-rouges qui ne société Terracontrôle afn d’étudier les fossés com- peuvent être d’aucune utlité pour Mme Guérillot. blés de la plaine de Syam. [C-1969-01943] [C-1970-04392]

15 Les fouilleurs et visiteurs présents en août 1969 Sur le cliché ci-dessus, on peut voir les stagiaires écou- Le 25 juillet, quelques jours avant le début de la cam- tant Berthier, avec le patron Bernard Edeine, aux côtés de René Poter (cheveux grisonnants). pagne sur le terrain, Berthier annonce au président Socié son arrivée à Chaux-des-Crotenay prévue le (le 4 août) ; il voit le préfet du Jura Mac Grath à Lons- 3 août ; il indique vouloir prendra contact avec lui le-Saunier le 7 août. [C-1969-01945] dès le 4 août. [C-1969-01944] De son côté, Edeine et ses stagiaires s’installent à Cornu pour tout le mois Présents sur le terrain dès le 3 août, les quelque d’août à partr du 3 août (selon le Journal de cam- 25 stagiaires de l’École du Mont-Joly se montrent dé- pagne, Edeine est présent sur le terrain avec une éton- cidés à contribuer actvement aux travaux. nante Land Rover neuve qui impressionne ses amis). Berthier les met en condition assez vite les 4 et Plusieurs des proches de Berthier s’annoncent pour 5 août. Cinq clichés d’août 1969 montrent les sta- venir passer quelques jours dans le Jura : le père giaires de l’École de fouilles du Mont-Joly sur les Armand Laïly (père blanc, afecté à partr de 1968 sites de Syam, Crans, Chaux-des-Crotenay autour à Constantne) du 11 au 13 août, Maurice Sergent d’André Berthier. et le général Clément Blanc pour la seconde quin- Sur un autre cliché, pris à Champagnole, on voit zaine d’août, Elisabeth Houriez, amie de Berthier André Berthier et Bernard Edeine en discussion avec aux Archives de France, pour la fn du mois d’août. le maire André Socié. Ces clichés ont aimablement Albert Girard pense arriver vers le 5 août et se dit été communiqués par Gérard Colmont, de l’associa- heureux de pouvoir travailler avec Edeine [C-1969- ton des Anciens du Mont Joly. [P-1969-04064] 01940] ; il se propose d’aller chercher Berthier à Marignane le 1er août. Le Journal de la campagne Suite au stage d’été accompli par les stagiaires à [L-1969-00082] indique qu’Antoinete Brenet arrive le Syam-Cornu, le bulletn de liaison des anciens du 7 août alors que sa sœur Thérèse, musicienne répu- Mont-Joly “Le Diable en Brèche” N°3 – d’octobre 1969 tée, annonce sa venue pour le 17 août. René Poter rend compte de diverses péripétes et de la vie des et sa famille (épouse, flle et fls) débarquent, eux, à stagiaires pendant et après le stage. Chaux-des-Crotenay le 17 août, après un voyage en Sont produits plusieurs textes “croustllants” ou en voiture très pénible (ils ont dû coucher dans leur vé- tout cas intéressants pour bien apprécier l’am- hicule du fait de l’impossibilité de trouver un hôtel en biance, autour de la participation de l’École du cours de route). Dès son arrivée, Berthier rend visite Mont-Joly à l’aventure Berthier, et les péripéties au président Socié et au chef de cabinet du préfet de l’été 69. [J-1969-03710]

16 lieu le 22 août (Neil Amstrong vient, lui, de poser son pied sur la Lune un mois plus tôt !…) L’événement atre beaucoup de spectateurs (dont le maire de Champagnole) et est couvert par une équipe de la té- lévision régionale (FR3 ) et par la presse locale. Trois aterrissages successifs sont même prévus sur le castellum pentagonal de la plaine de Syam pour les besoins du tournage du reportage télévisé.

Les travaux réalisés pendant l’été En l’absence d’autorisation de sondages, les stagiaires d’Edeine et les amis de Berthier s’ef- forcent de faire du travail utile. Un groupe diri- gé par Albert Girard fait un certain nombre de re- Une sinistre afaire d’espionnage archéologique connaissances de terrain sur le pourtour du plateau Mais en plein milieu du mois d’août 69 alors que la de Chaux-des-Crotenay pour essayer d’identfer les campagne de travaux de l’équipe Berthier-Edeine lignes de contrevallaton et de circonvallaton d’un bat son plein, se produit un détestable événement possible dispositf défensif romain : plaine de Syam, frôlant même le ridicule. Si Berthier reste discret sur Grange d’Auferin, Côte Poire, Roche des Sarrazins, Le l’afaire dans le Journal de campagne pour ne pas cé- Rocheret, Ferme des Bosses et des Prés de Crans, Le der à la tentaton de polémiquer, Antoinete Brenet, Châtelet et le château de la Folie, à Entre-deux-Monts, qui a vécu l’événement en direct, n’hésite pas, dans à la Cote Malvaux, Montagne Ronde et Grands son ouvrage “Les escargots de la Muluccha”, à tor- Epinois, Le Cernoir… ; le groupe Girard relève aussi piller les représentants de la Circonscripton archéo- des structures intéressantes à la Cote 801. Des visites logique de Besançon, coupables de comportements sont également organisées à Crotenay pour recon- inappropriés. naître le lieu de la possible embuscade de cavalerie. Tout commence le 13 août, avec la visite à la mai- Un autre groupe de partcipants travaille à la recon- rie de Syam de deux bisontns demandant à rencon- naissance du possible grand fossé d’arrêt de 20 pieds trer le maire et souhaitant savoir si celui-ci avait vu entre Lemme et Saine. Edeine en réalise des coupes Berthier faire des fouilles sur le terrain (par exemple et fait aussi des relevés du mur de la Grange d’Auferin. dans un taillis près du castellum pentagonal en plaine Une autre équipe travaille autour du “castellum” ou de Syam). C’est le curé Capelli de Syam, faisant fonc- plate-forme pentagonale en plaine de Syam en dé- tion de secrétaire de mairie qui les reçoit et broussaillant un taillis gênant. D’autres partcipants alerte Berthier ; le maire répond par la néga- vont explorer la “citadelle” au-dessus des Gîts de tive. [L-1969-00082] Le 21 août, l’équipe Edeine en Syam. charge des relevés de terrain au pré Grillet, voit sor- Les stagiaires d’Edeine conduisent par ailleurs l’étude tr des buissons un individu armé d’une caméra, se de résistvité électrique d’une large zone en parte disant assistant du directeur de la circonscripton et sud de la plaine de Syam et au Pré Grillet ; commen- menaçant l’équipe de faire un rapport sur l’exécuton cée le 5 août, elle produit ses premiers résultats dès de fouilles sauvages. L’individu semblait rôder depuis le 12 août selon le Journal de campagne. plusieurs jours autour de l’équipe, accompagné d’un enfant pour donner le change. C’est l’équipe travail- Pour la campagne de photographie aérienne, le sur- lant sur la résistvité électrique qui est accostée la vol de la zone en hélicoptère Alouete par Edeine a première, puis celle netoyant un cercle de pierre

17 dans un taillis près de la plate-forme pentagonale tard mais des coupes ont été faites dans les propos pour en faire un relevé. Très vite, Edeine est mis au de Poter et d’Edeine. [C-1969-02076] courant et une vive altercaton se produit entre ce- Un autre artcle des Dépêches du 25 août 1969 lui-ci et le sieur Yves Jeannin, assistant de Lucien fait largement état des investgatons menées à Lerat qui menace Edeine d’un rapport au ministère et Chaux-des-Crotenay par Berthier avec l’aide d’Edeine d’une acton devant un tribunal correctonnel. Alors et de ses stagiaires. Le journaliste mentonne le re- qu’Edeine semble être partculièrement tourmen- cours à l’hélicoptère de la gendarmerie pour des re- té par l’afaire (sa situaton au CNRS et à Caen étant connaissances aériennes et la présence du président alors assez délicate), Berthier et Edeine décident de Socié. Le journaliste insiste sur le fait que les fouilles faire intervenir la gendarmerie pour faire établir un ont été interdites à Berthier depuis 1966 et qu’un constat d’état des lieux. Le 22 août, Berthier ren- nouveau refus du CSRA a été opposé à Berthier en contre Socié et le met au courant de la péripéte. Le 1969. Cet artcle dans la presse régionale déclenche maire de Champagnole écrit aussitôt à Lerat, protes- l’ire de Lerat qui va demander au CSRA de prendre tant contre cete démarche d’espionnage absurde et les mesures « pour en finir » avec cette affaire se disant, par contre, très intéressé par les recherches Alésia-Berthier. [J-1969-03206] d’Edeine et Berthier. S’en suit une discussion franche Ailleurs, à Clermont-Ferrand (où vit Eychart, ami de et animée entre Socié et Lerat, l’attude de ce der- Poter et défenseur du site “gergovien” des Côtes nier étant jugée par le maire de Champagnole comme de Clermont) et à Caen, on parle aussi de ce qui se “frisant la pathologie”. Quelques jours plus tard, le passe à Chaux-des-Crotenay. Un pett artcle de La 24 août, Berthier écrit au ministre Michelet pour re- Montagne (“La nouvelle bataille d’Alésia après deux later l’incident, indiquant avoir demandé un constat mille ans...”) évoque la découverte d’André Berthier d’état des lieux à la gendarmerie, soulignant le ca- grâce à la méthode du portrait-robot, pointe les ractère burlesque de l’épisode et en proftant pour refus d’autorisations de fouille et de sondages lui demander une autorisaton de poursuivre les re- et mentionne la présence pendant l’été 69, d’un cherches sur le terrain. groupe de 25 personnes dirigées par André Ber- Après ce “magistral faux-pas” de Lerat et de son aco- thier et Bernard Edeine, chargé de recherche au lyte Jeannin, l’afaire aurait pu en rester là, mais ce CNRS. [J-1969-01692] Dans la Chronique de Caen n’était pas connaître la viscérale antpathie de Lerat du 20 novembre 1969, le journaliste Guy Pacheu re- à l’égard de Berthier. Nous y reviendrons un peu plus late l’implicaton de deux caennais, Bernard Edeine loin. et René Poter, dans les investgatons menées par Berthier à Chaux-des-Crotenay “Contestataires d’Alise- La médiaton, les conférences, la télévision, la presse Sainte-Reine. Deux Caennais vont peut-être réhabili- La campagne de l’été 69 est l’occasion pour l’équipe ter Vercingétorix”. [J-1969-01691] Berthier-Edeine de faire passer d’utles messages à Beaucoup trop de bruit médiatque manifestement travers des conférences, des artcles dans la presse pour le patron de l’archéologie comtoise qui va ten- et même d’un reportage télévisé. ter de reprendre la main. Une première conférence est donnée, le mardi 19 août au soir, à la salle des fêtes de Chaux-des-Crotenay, suivie par un très large public (le canevas de cete conférence de Berthier est détaillé dans le Journal de campagne). Une semaine plus tard, le 26 août, une conférence plus importante a lieu à l’Hôtel de ville de Champagnole en présence du préfet Mac Grath et du maire Socié. Un artcle des Dépêches en date du 29 août [J-1969-01689] et deux artcles du Progrès [J-1969-01688 et J-1969-01690] en rendent compte. Envisagée très tôt par Edeine, une émission télévi- sée (ORTF – FR3 Lyon) est réalisée sous forme d’un reportage sur les investgatons à Syam, Crans et Chaux-des-Crotenay. Le texte de cadrage et le scé- nario sont vus et annotés par Berthier le 19 août [L-1969-02061] ; le tournage a lieu les 21 et 22 août avec une équipe de 5 personnes dont le fls d’Edeine. Le reportage passe sur les ondes quelques jours plus

18 Retour sur le CSRA, Lucien Lerat et contacts au Le 12 novembre, le ministre Michelet, prend note ministère des difcultés mentonnées par Berthier dans sa letre du 24 août 1969, dans sa démarche de véri- Dès septembre, après avoir quité le Jura, Berthier fcaton de l’hypothèse de localisaton d’Alésia en prend contact avec le ministère. Dans une letre à Franche-Comté. Il se dit disposé à donner une auto- Edeine du 11 septembre 69 [C-1969-01057], il re- risaton de fouille pour mener à terme les travaux en late son entrevue avec Jean Chabert, chef du Bureau cours. Il indique vouloir consttuer une commission des Fouilles, auquel il présente l’afaire Alésia et fait scientfque pour suivre le déroulement des fouilles état des dernières péripétes. “J’ai dénoncé les agis- futures. sements, qui entre nous sont vraiment scandaleux, de M. Lerat, fanatque d’un dogme. Il ne semble pas En novembre et décembre 1969 [C-1969-01057], d’ailleurs qu’aucun rapport n’ait été envoyé à Paris Edeine invite Berthier à transmetre au plus vite une par ce dernier” écrit Berthier. demande d’autorisaton de Chabert semble s’être mon- fouille pour 1970 et à faire tré bienveillant et propose aussi une demande de sub- même de faire signer une venton au Conseil Général letre au ministre Michelet du Jura. permetant à Berthier et Il évoque amplement la ré- Edeine « d’avoir les mains forme du CSRA en cours et libres » pour la campagne du mois d’août 1970. Mais Lerat communique à Berthier la est encore à la manœuvre. liste des membres actuels On sait par plusieurs sources de la commission dite des que, suite à une réunion Antquités Historiques en du CSRA du 30 septembre, ajoutant des commentaires il adresse le 6 octobre au personnels croustllants. On chef du Bureau de fouilles, relève les noms de plusieurs un rapport assez violent personnages qui ont volon- sur Berthier ; la lettre est tairement mis des entraves reprise intégralement dans aux démarches d’invest- Les Escargots de la Muluccha gaton de Berthier, notam- et une autre copie de cete ment en soutenant les refus letre est aussi publiée dans d’autorisatons de fouilles. un numéro de mars 70 du Dessin paru dans le bulletn de liaison de [C-1969-01951] bulletn de liaison de l’associa- l’associaton des anciens du Mont-Joly ton des anciens du Mont-Joly “Le Diable de la Brèche”. Lerat fait état de deux rapports d’inspecton de son Edeine confrme que le CSRA envisage d’accorder assistant des 25 juillet et 22 août, évoque l’artcle des une autorisaton de sondages (mais pas de fouille) en Dépêches du 25 août, la conférence du 26 août de 1970, sondages qui devront être contrôlés par une Berthier et Edeine à Champagnole et l’émission TV commission de géologues (sic) et qu’aucune subven- difusée par FR3. Lerat demande au chef du Bureau ton ne sera accordée par le ministère . des fouilles que Berthier fasse un rapport détaillé sur les résultats de ses investgatons et que le CSRA ne donne des autorisatons de sondages que sous la sur- veillance d’une commission scientfque. Le 12 décembre 1969, Berthier adresse ofcielle- ment au ministère une demande d’autorisaton de Cete letre a été largement difusée par Lerat dans fouille archéologique pour une durée de 40 jours, son réseau d’amis et ofciels archéologues après la pour la période du 20 juillet au 1er septembre 1970. réunion du CSRA et Edeine a manifestement pu en obtenir copie. [C-1969-03714] Il en parle à Berthier dans un courrier du 16 novembre en évoquant “un stupéfiant document qui révèle autant de mau- o-o-o-o-o-o-o vaise humeur que de manque total de sang froid”. [C-1969-01057]

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