Le Finistère a de beaux atouts: des paysages côtiers sauvages et pittoresques et un climat océanique rude et vivifiant. Aucune trace du commissaire

Le roman policier de Jean-Luc Bannalec donne envie de découvrir la Bretagne et de se lancer, à vélo, sur les traces du commissaire Dupin entre Brest et Pont-Aven.

Texte et photos: Hans Wüst e commissaire Dupin? Or donc, nous poursuivons Saint-Corentin, une dentellière «LJe n’en ai jamais entendu notre périple sur les traces du en costume traditionnel breton parler!», a!rme le sympathique sympathique policier chargé des vend ses créations. Sur la vaste réceptionniste de l’Hôtel Aba- enquêtes épineuses des romans terrasse du Café du Finistère, lys, à deux pas de la gare de Brest. de Jean-Luc Bannalec et qui, nous contemplons la vie animée DEGRÉ DE DIFFICULTÉ «Quelle idée de se lancer sur les depuis quelques années, attire de la Place de la cathédrale tout en traces d’un commissaire "ctif! en Bretagne de nombreux lec- nous régalant d’un plat de moules Il y a tant de belles choses à voir teurs de l’espace germanophone, et de frites. Sous un soleil rayon- ici.» Le serviable jeune homme avides de découvertes. Les pers- nant, l’ambiance est paisible. Les nous recommande une excur- pectives de rencontrer cet ins- nuages d’orage semblent être en- sion à l’île d’Ouessant. Un che- pecteur peu banal sont peut-être core bien loin d’ici – tout comme min désert mène à la charmante plus prometteuses plus au sud, le commissaire Dupin d’ailleurs. petite ville côtière du Conquet et, puisque ses enquêtes ont pour de là, au port de , plus au cadre , le très pit- Nous reprenons la route nord. Mais aujourd’hui, il n’y a toresque Pont-Aven, le légen- et, après une vingtaine de kilo- pas de bateau pour Ouessant. La daire archipel des Glénan et la mètres, atteignons Concarneau, haute saison se termine "n sep- presqu’île de Guérande et ses sur la côte atlantique. Il y règne tembre et le tra"c voyageurs avec marais salants. certes une ambiance de roman l’île se réduit à quelques liaisons En chemin, un arrêt dans la policier, mais du commissaire par semaine. L’île n’en conserve petite ville de s’impose. Dupin, pas la moindre trace. Par pas moins tout son attrait. Devant l’imposante cathédrale contre, nous localisons rapide-

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La Ville close, cité forti"ée en- Mais même à Pont-Aven, nos Le propriétaire des Ajoncs d’Or tourée d’eau et centre historique recherches n’ont pas davantage de s’est, semble-t-il, opposé à l’utili- de Concarneau, nous fait face. succès. L’Hôtel Central n’existe sation du nom réel. Nous entreprenons une balade pas et aucun Georges Dupin ne Pour la petite histoire, l’auteur sur ses remparts désertés à la travaille à la gendarmerie. Par des aventures du commissaire tombée de la nuit. D’abord, l’en- contre, Gauguin a bien séjour- Dupin est tout aussi di!cilement droit nous paraît un peu sinistre, né dans cette charmante cité «retraçable» que son héros. Jean- mais plus en avant, le panorama sur les rives de l’Aven en 1886, Luc Bannalec est un homme sur le port et ses voiliers dansant comme nombre d’autres artistes sans visage. Ce nom est un pseu- dans le clair de lune nous livre également. Plusieurs galeries donyme. L’éditeur entretient le un spectacle saisissant. Au centre d’art témoignent de la vocation mystère sur la véritable identité de la Ville close, des magasins de artistique de cette petite ville. de l’écrivain. Les critiques litté- souvenir, un musée de la pêche et Ses ruelles aux nombreux cafés raires allemands supposent qu’il de petits restaurants attirent les et boutiques de spécialités bre- s’agit de Jörg Bong, directeur de touristes. tonnes nous invitent à la $ânerie. la maison d’édition S. Fischer- Le petit hôtel «Les Ajoncs d’Or» Verlag. Bien que le premier de ses En nous lançant dans une trône au centre de la localité. En romans policiers ait déjà été tra- incursion à Pont-Aven, nous pénétrant dans la salle à manger duit en français, le commissaire entrons dans le vif du sujet. Une aux murs chargés de peintures, Dupin reste largement méconnu bonne heure de route à vélo sé- nous sommes pris d’un doute et dans l’espace francophone. Par pare Concarneau de la «cité des retournons dans la rue pour voir contre, Bannalec l’est davantage, peintres» par des routes peu fré- s’il n’est pas écrit sur la façade puisque c’est le nom d’une petite quentées. La localité a servi de «Hôtel Central». A l’évidence, ville réelle à 15 km au nord de décor au roman «Un été à Pont- c’est bien ici que se déroule en Pont-Aven. Aven» dans lequel Dupin enquête partie le roman de Bannalec. sur le meurtre d’un hôtelier. Un ment son bistrot préféré: l’Amiral. tableau de l’impressionniste Paul Et sa fameuse entrecôte savou- Gauguin occupe le centre de cette Informations sur le voyage reuse et irrésistible "gure bel et a#aire embrouillée. Pendant des Aller/retour: trois TGV par jour au départ de Genève, via Paris. Un seul bien à la carte – pour 21.50 euros. années, l’œuvre était discrètement changement de train et environ 9 heures de voyage. www.cff.ch Quoi de mieux pour nous faire accrochée à un mur de l’Hôtel Itinéraire: les quelque 150 km de route qui séparent Brest de Pont-Aven passer cette faim… meurtrière Central, parmi d’autres tableaux se parcourent aisément à vélo en quatre ou cinq étapes journalières. Il est d’une longue journée à vélo? de peintres inconnus. recommandé, à Brest, de prendre le ferry pour Le Fret sur la presqu’île de . Là, des chemins déserts traversent de magnifiques paysages via Camaret-sur-Mer et Crozon, en direction de Quimper, Concarneau et Pont-Aven. Business is business: une dentelière bretonne pose pour la photo Infos sur l’hébergement et la restauration: www.ate.ch/excursions en costume traditionnel pour 2 euros. / La ville portuaire de Brest est la principale ville de l’ouest de la Bretagne.

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