L'aquifère Du Delta De La Dranse: Un Cas D'école'
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Tracers and Modelling in Hydrogeology (Proceedings of the TraM'2000 Conference held at Liège, Belgium, May 2000). IAHS Publ. no. 262, 2000. 511 L'aquifère du delta de la Dranse: un cas d'école' SOPHIE RAVAILLEAU, PHILIPPE OLIVE, MILANKA BABIC & JEAN-MICHEL T AL A VER A Centre de Recherches Géodynamiques, Université Pierre et Marie Curie (Paris VI), F-74203 Thonon-les-Bains, France e-mail: [email protected] Résumé Le delta de la Dranse (Haute-Savoie, France), situé sur la rive sud du lac Léman, est le réservoir aquifère le plus important de la région de Thonon- les-bains. Son exploitation, en constante progression, nécessite une attention particulière du fait de la vulnérabilité de la nappe libre. Bordé au N-NE et au N-O par le lac Léman, au S-0 par la terrasse fluvio-glaciaire de +30 m et au S-E par le plateau morainique d'Evian, le delta de la Dranse est caractérisé par deux terrasses deltaïques s'étageant à +10 m et +3 m au dessus du niveau du lac, témoignant de l'abaissement successif de celui-ci, lors du retrait du glacier du Rhône, jusqu'à sa position actuelle. Reposant sur un niveau morainique formant le mur de l'aquifère, les formations deltaïques sont constituées principalement de niveaux graveleux et sableux avec quelques intercalations conglomératiques discontinues. Venant des Préalpes, au Sud, la Dranse divise le delta en deux parties: la rive gauche constituée par la terrasse de +10 m et la rive droite représentée par la terrasse de +3 m. L'alimentation de l'aquifère, de près de 10 km2 de superficie, est triple: elle se fait par l'infiltration directe des pluies, par l'aquifère de la terrasses fluvio-glaciaire de +30 m et par la Dranse. Les écoulements se font radialement depuis la rivière vers le lac qui constitue le niveau de base du système. La dernière campagne, d'une cinquantaine de prélèvements pour analyses isotopiques (180 et H), a permis de préciser l'origine et le temps de transit des différents apports. L'application du modèle MODFLOW, à partir des données piézométriques et des paramètres hydrodynamiques connus de la nappe, a permis de les quantifier. Mais l'aspect le plus intéressant a été de pouvoir ensuite comparer les vitesses d'écoulement calculées à l'aide du modèle et celles déduites des mesures de 3H, permettant ainsi une validation du modèle. En effet, le temps de séjour moyen calculé à partir des données 3H permet au gestionnaire de déduire le volume et le taux de renouvellement de l'eau souterraine et ainsi de pouvoir gérer de façon rationnelle cette ressource en eau. Enfin, l'accès aisé à une chronique de données récoltées depuis près de 30 ans et la facilité de se rendre sur le terrain permettent aux jeunes modélisateurs, en stage à Thonon, de confronter leurs résultats obtenus par modélisation à la réalité. CADRE DE L'ETUDE Le delta de la Dranse (Haute-Savoie, France) est situé sur la rive sud du Lac Léman entre Thonon et Evian. Couvrant une superficie de 8.2 km2 dans un bassin versant de 535 1cm2, il constitue l'un des réservoirs aquifères les plus importants de la région du Bas-Chablais pour les besoins industriels et l'alimentation en eau potable (AEP). L'alimentation de cet aquifère est triple (Tableau 1): (a) infiltration directe par les Document du Centre de Recherches Géodynamiques (CRG) no. 461. 512 Sophie Ravailleau et al. Tableau 1 Importance relative des différents apports à la nappe du delta. % Pluie Versants Dranse Poncet(1977) 20 5 75 Léon (1983) 5 0 95 Gasparini (1985) 41 4 55 précipitations, (b) les versants et (c) la Rivière Dranse, mais le problème a toujours été â-~ quantifier ces différents apports dont l'importance relative a largement varié en 25 ans. Ces variations s'expliquent par des méthodes de calcul de bilan différentes, par une conceptualisation différente et par l'évolution du système hydrologique lui-même. Depuis, la réalisation de nouveaux forages dans la partie amont du delta, de campagnes de sismique sous lacustre au large du delta et l'implémentation d'un modèle hydrodynamique de la nappe ont permis de revenir sur la quantification des apports. Ainsi en juin 1999, une campagne de relevés piézométriques et de prélèvements pour analyses chimiques (conductivité, NCV) et isotopiques (180 et 3H) a été effectuée (Fig. 1 et Tableau 2) ce qui a permis de préciser les trois aspects suivants: - la stratification des eaux, déterminée à partir de la chronique de données 3H disponible au CRG; - la quantification des trois sources d'alimentation de l'aquifère, à partir des données piézométriques et des paramètres hydrodynamiques connus de la nappe, avec l'application du logiciel Visual MODFLOW (Guiger & Franz, 1996) sur trois transects représentatifs et la validation avec les teneurs en 180 et 3Ff; l'étude, à partir des résultats précédents, de la provenance des nitrates. Fig. 1 Le delta de la Dranse. L'aquifère du delta de la Dranse: un cas d'école 513 Tableau 2 Mesures chimiques et isotopiques de la campagne de prélèvements de juin 1999 sur le delta de la Dranse. 3 18 Point d'eau Prof. Prélev. z H 0 X N03 forage (m) (m) (m) (UT) (%o) (uS cm-] (mg r1) Concise 30 29 373.35 15 ± 1 -9.51 667 29 Ripaille limni 23.5 20 373.31 17 ± 1 -9.91 586 22 Ripaille chasse 372.81 Epinanches 30 25 373.82 15 ± 2 -9.69 666 23 Baud 24 20 373.47 16 ± 1 542 18 Step 12 10 375.49 10 ± 1 -11.69 304 4 Vongy 30 25 378.16 12± 1 -10.20 595 38 St Agathe 70 20 372.65 15± 1 -9.80 773 23 Les rouges 17 15 374.91 15 ± 2 -9.41 779 24 Amphion limni 30 12 375.23 17 ± 1 -11.26 473 5 Gur 8 7 373.69 12 ± 1 -10.85 604 17 Sbleune 16 12 373.67 14 ± 2 -10.16 585 29 Pré de Vigny 12 10 372.96 14 ± 1 -9.42 600 36 Mottay 33 8 372.88 15± 1 -10.83 575 11 Décharge 20 20 374.13 119± 1 -9.66 5400 0 Camping 24 15 373.2 12± 1 -10.95 564 23 Boulodrome 28 15.5 387.36 9± 1 -11.89 390 6 Ecole Vongy 26.5 20 385.92 15± 1 -9.60 688 29 Serres 24 15 373.38 12.1 ±0.5 -10.55 581 19 Ducs 27 25 373.8 15 ± 2 -9.63 695 49 Screg 30 20 374.09 10.0 ±0.8 -11.79 373 8 Bochard 30 25 378.58 14 ± 1 -9.78 648 14 Cimetière 39 35 390.05 13.3 ±0.9 -9.58 683 32 Dubouloz 41.5 38 381.56 16 ± 2 -9.53 712 38 F2—piscine 46 10 372.84 23 ± 1 -9.75 628 35 Al—publier 20 20 375.07 14.9 ±0.8 -9.82 647 17 TP4 5 5 397.26 16 ± 1 -9.26 641 26 BV 7 5 400 15 ± 2 -10.56 485 14 TP7 3.5 3.5 402.46 18.3 ±0.8 -9.62 660 24 TP8 4 4 406.14 12 ± 2 -10.94 343 10 Rivière Dranse 10 ± 1 -11.24 339 4 Source pêcheurs 16± 1 -9.46 676 36 Source Versoie 15± 1 -9.22 582 16 Source Miroir 14.9 ±0.9 -9.05 646 9 Source Amphion Maxima 14 ± 1 -9.54 693 13 GEOLOGIE ET HYDROGEOLOGIE - Dans la plaine molassique, entre Jura au nord et Chablais au sud, le glacier rhodanien a été à l'origine, il y a environ 20 000 ans BP, du dépôt d'une épaisse couche de moraine atteignant l'altitude de 850 m au sud de Thonon (Blavoux, 1988). - Lors de la fonte de cette dernière glaciation, qui s'est achevée vers 13 000 ans BP, se sont déposées (Nicoud et al., 1993) sur le versant d'Evian: trois moraines latérales de 850 m à 400 m et sur le versant de Thonon une série de terrasses de kame (fluvio-glaciaires) qui vont de 730 m à 400 m (Gagnebin, 1938) dont deux ont 514 Sophie Ravailleau et al. été datées. Celle de 540 m à Thonon à 14 970 ± 940 ans BP (datation CRG no. 81) et celle de 392 m à Lausanne à 13 210 ± 180 ans BP (datation CRG no. 606). - Ensuite ce fût la mise en place définitive du Lac Léman à son niveau actuel de 372 m. Des fluctuations ont eu lieu entre +10 m et -3 m (Magny & Olive, 1981). A +10 m il y a 10 520 ± 140 ans BP à Lausanne et 11 000 ans BP à Buchillon. Puis plusieurs oscillations entre +3 m et -3 m entre le Néolithique (-5000 ans BP) et l'occupation romaine (-2000 ans BP). Les dépôts deltaïques qui se sont accumulés depuis environ 10 000 ans sont constitués d'alluvions perméables (galets, graviers et sables) entrecoupées de niveaux discontinus indurés ou argilo-sableux. L'épaisseur de cet aquifère est d'environ 70 m. Au forage de Sainte Agathe, à l'altitude 390 m, l'argile bleue à blocaux caractéristique de la dernière glaciation wurmienne est atteinte après 64 m d'alluvions deltaïques et le substratum molassique à 316 m après 10 m de moraine imperméable (Poncet, 1977). Une campagne de sismique réalisée en 1998 par l'Université de Gand au large du delta de la Dranse a permis d'évaluer l'épaisseur des formations deltaïques à l'extrémité nord du delta à 60-70 m (Snauwert, communication orale).