** Année 1961-1962. — N° 53 S. Le Numéro : 0,50 NF Mercredi 22 Novembre 1961 ** JOUR-NAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DÉBATS PARLEMENTAIRES SÉNAT

COMPTE RENDU INTÉGRAL DES SÉANCES

Abonnements à l'Edition des DEBATS DU SENAT: FRANCE ET OUTRE-MER : 16 NF ; ETRANGER : 24 NF (Ct»nple chèque postal : 9063.13. Paris.)

PRIÈRE DE JOINDRE LA DERNIÈRE BANDE DIRECTION, REDACTION ET ADMINISTRATION POUR LES CHANGEMENTS D'ADRESSE aux renouvellements et réclamations 26, RUE DESAIX, PARIS 15' AJOUTER 0,20 NF

1'e SESSION ORDINAIRE DE 1961 — 1962

COMPTE RENDU INTEGRAL — 28e SEANCE

Séance du Mardi 21 Novembre 1961.

4. — Loi de finances pour 1962. — Suite de la discussion d'un SOMMAIRE projet de loi (p. 1760). Education nationale. — Jeunesse et sports (suite) : 1. — Procès-verbal (p. 1721). MMAndré Cornu, Louis Jung, André Chazalon, François Mitter- 2. — Loi de finances pour 1962. — Suite de la discussion d'un rand, Jean de Bagneux, Georges Marrane, Adolphe Chauvin, Jean projet de loi (p. 1722). Brajeux, Claude Mont, Mme Marie-Hélène Cardot, MM. André Monteil, Henri Longchambon, Jacques Henriet, René Tinant, Affaires culturelles : Charles Fruh. MM. Joseph Raybaud, rapporteur spécial de la commission Renvoi de la suite de la discussion. des finances ; Charles Fruh, Georges Lamousse et André Cornu, 5. — rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles ; Dépôt d'un rapport (p. 1775). Amédée Bouquerel, Louis Gros, Philippe d'Argenlieu, Clément 6. — Dépôt d'un avis (p. 1775). Balestra, Abel-Durand, Alex Roubert, Pierre Garet, Louis Jung, 7. — Règlement de l'ordre du jour (p. 1775). André Malraux, ministre d'Etat chargé des affaires culturelles. M. Fernand Auberger, au nom de la commission des finances. Amendement de M. Edouard Bonnefous. — MM. Edouard Bonne. fous, le ministre d'Etat, André Cornu, le rapporteur spécial. — Adoption. PRESIDENCE DE Mme MARIE - HELENE CARDOT, Amendement du Gouvernement. — Adoption. vice - président. Suspension et reprise de la séance. Présidence de M. Gaston Monnerville. La séance est ouverte à neuf heures trente minutes. Education nationale. — Jeunesse et sports : Mme le président. La séance est ouverte. MM. Fernand Auberger et Jacques Richard, rapporteurs spé- ciaux de la commission des finances ; Paul Pauly et Jean Noury, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles ; — 1 — Maurice Vérillon, Edgar Tailhades, Gaston Defferre, André Monteil, PROCES-VERBAL Lucien Paye, ministre de l'éducation nationale ; Jean Nayrou, Georges Cogniot, Roger du Halgouet. Mme le président. Le compte rendu analytique de la deuxième Suspension et reprise de la séance. séance d'hier a été affiché et distribué. Il n'y a pas d'observation ?... 3. — Excuse (p. 1760). Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage. 121 1722 SENAT . SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 qui est consacrée à l'heure actuelle à Michelet présente un inté- —2— rêt exceptionnel. Ces expositions sont l'expression publique d'un travail scientifique, long, délicat et minutieux. Nous ne pou- LOI DE FINANCES POUR 1962 vons qu'exprimer une approbation absolument totale aux propo- sitions faites pour l'augmentation des moyens en matériel ou Suite de la discussion d'un projet de loi. pour les travaux d'équipement dans les archives nationales comme dans les archives départementales. Mme le président. L'ordre du jour appelle la suite de la A ce sujet, monsieur le ministre, j'insiste sur votre projet discussion du projet de loi de finances pour 1962, adopté par de création d'archives audio-visuelles capables de transmettre l'Assemblée nationale. [N" 52 et 53 (1961-1962).] aux générations futures le présent de notre époque. Ce projet Deuxième partie : Moyens des services et dispositions spéciales. mérite d'être encouragé et matérialisé Avec la direction des arts et lettres, j'aborde l'examen d'un Affaires culturelles. domaine d'activités extrêmement diverses qui ont retenu tout particulièrement votre attention. Mme le président. Le Sénat va être appelé à examiner les En premier lieu, mes observations sur la direction des musées dispositions du projet de loi concernant les affaires cultu- rejoindront celles que je viens de faire sur les archives de relles. France. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission Les crédits, en progression de 20 p. 100, permettront une des finances. nouvelle extension de nos musées parisiens et provinciaux avec l'ouverture de nouvelles salles où la prolongation de leur M. Joseph Raybaud, rapporteur spécial de la commission des durée d'ouverture. Notons tout particulièrement l'amélioration finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques constante de la présentation des oeuvres d'art et le dévelop- de la nation. Monsieur le ministre d'Etat, mesdames, messieurs, pement de laboratoires de restauration et de recherches d'un la distribution de mon rapport écrit me dispensera de vous intérêt évident. exposer à cette tribune le détail chiffré du budget des affaires Votre rapporteur tient, à ce propos, à rendre un hommage culturelles. particulier aux conservateurs des musées de nos villes de Ce budget est en progression apparente de 4 p. 100 sur celui province qui, avec des moyens limités, parviennent à des résul- de 1961. Toutefois, compte tenu du transfert de l'un des tats artistiques incontestables doublés d'un attrait particulier chapitres au budget des charges communes, la majoration est de présentation qui les rend accessibles à tous. sensiblement plus importante ; elle est en fait de 12 p. 100. Progression des crédits également dans le domaine de l'ensei- Les dépenses ordinaires sont en augmentation de 8,8 p. 100, gnement artistique, conformément au voeu que votre commission pourcentage sensiblement égal à celui de 1961. Les autorisa- des finances n'a cessé d'émettre. Cette majoration intéresse tions de programme sont majorées de près de 30 p. 100. En pour 300.000 nouveaux francs les écoles régionales et munici- revanche, les crédits de paiement sont en légère diminution, pales d'art et, pour 200.000 nouveaux francs, les écoles natio- ce qui s'explique, comme dans beaucoup d'autres budgets, par nales de musique. Ces subventions, quoique majorées, sont l'existence d'importants crédits de report qu'il convient bien loin de résoudre le problème de leur fonctionnement. e d'éponger ». Monsieur le ministre d'Etat, vous aviez indiqué l'an dernier Ces chiffres rapidement rappelés, je voudrais m'attarder que vous envisagiez une réforme des écoles de musique. Nous quelqués instants sur les dépenses de personnel afin d'apprécier vous demandons aujourd'hui si vos projets sont sur le point l'organisation et le fonctionnement du ministère. d'aboutir. L'effort amorcé en 1961, au sujet du nombre et du La majoration qui affecte les dépenses revêt deux aspects. taux des bourses, se poursuivra en 1962. Les crédits à ce titre Le premier correspond à l'expansion de certains services du ont été majorés de plus de 32 p. 100 en deux exercices. Votre ministère et doit donc, selon l'avis de votre commission des commission des finances insiste vivement pour que, s'agissant finances, être approuvé sans réserve. Il s'agit notamment du de toutes les formes d'enseignement artistique, soient mis à développement des activités des directions des archives de la disposition du ministre d'Etat des moyens financiers iden- France, des musées et de l'architecture, dont les efforts réels tiques à ceux dont dispose M. le ministre de l'éducation natio- aboutissent à des résultats remarquables grâce à un personnel nale pour les autres disciplines. scientifique et technique de tout premier ordre, je tiens à le L'action culturelle constitue un aspect original de votre poli- souligner. tique puisque vous avez l'intention de diffuser à travers tout L'autre aspect de la majoration des dépenses de personnel le pays des manifestations culturelles de qualité par une action est moins louable. Il concerne la structure administrative même vaste et coordonnée. Les moyens de cette action seront, à du ministère d'Etat. Or, créé depuis trois ans, il nous semble l'échelon national, un centre d'information et de diffusion cul- qu'il eût été plus efficace de lui donner au plus vite son turelle chargé d'alimenter — veuillez excuser l'expression — organisation définitive, seule capable de traduire avec le maxi- des maisons de la culture coordonnant les activités culturelles mum d'efficience l'impulsion nouvelle que le ministre d'Etat régionales. souhaite donner aux différents aspects de l'action culturelle. Telle est bien, je crois, votre pensée, monsieur le ministre. L'intérêt de ce projet n'a pas échappé à votre commission des Or, au contraire, nous assistons à la constitution progressive finances. Elle n'en a pas moins exprimé une inquiétude qui de cette administration, ce qui peut laisser penser qu'elle ne s'est traduite par un amendement tendant à la suppression des sera jamais en mesure de fournir son plein rendement. Il crédits destinés à l'installation du centre de diffusion et d'infor- est certain que la longévité ministérielle instaurée par la Cons- mation culturelle. Cette inquiétude, je vous la livre. titution de 1958 autorise cette politique à long terme. Elle vous Dans nos départements, bien souvent sous l'égide des collec- permettra, monsieur le ministre d'Etat — nous le souhaitons tivités locales, fonctionnent déjà des groupements culturels vivement — d'obtenir un jour tous les moyens nécessaires au importants et efficaces. Votre nouvelle politique d'action cultu- fonctionnement optimum de vos services. relle ne va-t-elle pas aboutir à la création de réseaux culturels Vous trouverez dans mon rapport écrit le détail des diffé- supplémentaires dirigés de Paris et ne tenant aucun compte des rentes créations d'emplois proposées. Elles concernent notam- données locales ? ment la création d'une direction des théâtres, de la musique et Votre commission -s'est étonnée, d'autre part, que les repré- de l'action culturelle, dont nous attendons beaucoup, comme sentants des collectivités locales, premières intéressées aux réali- le fera apparaître l'analyse de ces activités sur lesquelles je sations projetées, n'aient pas été étroitement associées à l'élabo- m'étendrai plus longuement dans le développement de mon ration de ce projet. propos. Enfin, elle a déploré que cette initiative se développe sans que Sous réserve de ces observations, votre commission vous soit connu le statut des maisons de la culture et la manière dont demande de voter les propositions figurant à ce titre dans le les représentants des collectivités locales devront bien évidem- projet qui vous est soumis. ment être associés à leur gestion. Ce n'est que dans l'hypothèse où ces trois questions recevront J'en viens maintenant à l'examen de l'activité des différentes de votre part, monsieur le ministre d'Etat, des réponses précises directions du ministère d'Etat. apaisant les inquiétudes exprimées, que votre commission m'a Tout d'abord, les archives de France. Dotées d'un personnel autorisé à retirer son amendement. de premier ordre, placées sous la direction toute de foi et Voyons maintenant les théâtres nationaux. Ils absorberont, en d'efficacité de M. André Chamson, de l'Académie française, 1962, 62 p. 100 des crédits ordinaires affectés à la direction elles font face à un travail considérable. • générale des arts et lettres et 86 p. 100 de l'augmentation pro- Si les kilomètres de rayonnages se multiplient, si de nouveaux posée par rapport à 1961. locaux doivent être aménagés, nous devons observer que c'est Chaque année se pose à notre Assemblée le problème de l'aug- dans le domaine de l'exploitation des documents que les progrès mentation des subventions à attribuer à ces théâtres. La majo- sont les plus marquants. L'admirable exposition sur saint Louis ration prévue pour 1962 doit permettre, en particulier, une à la Sainte-Chapelle a attiré plus de 300.000 visiteurs. Celle remise en ordre en profondeur des salaires des personnels des SENT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1 723 théâtres, ce qui fera disparaître — nous le souhaitons — les Avant de présenter quelques observations sur les activités de mouvements de grève si préjudiciables à leur réputation. cette grande direction, votre rapporteur tient à rendre un Les conclusions de la commission de contrôle constituée par hommage particulier à son personnel. A l'image de son direc- notre Assemblée sur la Réunion des théâtres lyriques nationaux teur général, M. Perchet, il assume une tâche écrasante avec venant d'être publiée, je ne reviendrai pas sur ce problème. une compétence et un dévouement absolus. Les résultats remar- Je tiens cependant à souligner une nouvelle fois que ces quables obtenus ne se sont limités dans leur étendue que par théâtres absorbent la majeure partie des crédits d'intervention la seule insuffisance des moyens financiers dont il dispose. dont dispose le ministre des affaires culturelles, cela au détriment Il est intéressant de souligner que la loi unique qui régit des autres activités théâtrales, privées ou municipales. depuis près de trente ans l'action de la direction de l'architec- Il faut bien admettre que nous ne retrouvons pas, dans l'ana- ture dans tous les domaines n'a eu à subir que d'infimes lyse des crédits destinés aux différentes activités musicales ou modifications, sans que son efficacité ait jamais été mise en artistiques, la notion de l'impérieuse nécessité qui oblige, chaque cause. A cette occasion je signale à nos collègues que la année, à majorer, sans discussion possible, les crédits destinés direction générale de l'architecture a fait éditer au cours de aux théâtres nationaux. ces dix dernières années des brochures extrêmement complètes Pendant ce temps, la situation de nos théâtres lyriques de pro- donnant toutes les indications sur les diverses formes que peut vince ne cesse de s'aggraver. J'ai consacré une partie de mon revêtir l'intervention de ses services : monuments historiques, rapport écrit à l'étude de l'évolution du statut de la décentrali- fouilles, protection des sites. Il s'agit là d'initiative utile pour sation lyrique. Nous sommes arrivés à un point où la réforme les municipalités que les maires ont déjà su apprécier. promise doit intervenir sans tarder, assortie des augmentations de crédits qui soulageront les finances de nos grandes villes de Les crédits d'entretien, en augmentation de 5 p. 100, ne province ; c'est nécessaire. permettront qu'un volume de travaux à peine supérieur à Dans mon rapport écrit, j'ai cité l'exemple de l'opéra de celui de 1961. Or, la commisison du plan a précisé que les cré- auquel votre ministère a alloué, pour 1961, un crédit de dits actuels devraient être doublés pour assurer un entretien 500.000 nouveaux francs alors que son budget pour 1961-1962 normal, mais l'effort à fournir serait insuffisant s'il n'était s'élève à 3 millions de nouveaux francs. accompagné d'une remise en état générale qu'impose le retard Je parle ici sous le couvert du président de notre commission mis à exécuter les travaux d'entretien. des finances, mon collègue et ami, M. Alex Roubert. Tout comme C'est la raison pour laquelle, dans le cadre du projet de moi, il connaît bien l'opéra de Nice et ses difficultés. Il vous loi de programme que nous avons déjà évoqué l'an dernier dira l'effort considérable accompli par notre ami, M. Jean Méde- et qui vient d'être déposé il y a quelques jours à peine, vous cin, député-maire de Nice, pour que les programmes intéressant envisagez, monsieur le ministre d'Etat, de concentrer sur cer- les théâtres lyriques soient toujours de qualité. tains grands monuments et palais nationaux des crédits beau- Ce qui est vrai pour Nice l'est tout autant pour coup plus importants afin de parvenir en quatre ans à une — et notre collègue Mlle Irma Rapuzzi me le disait encore remise en état normale et définitive. Notre distingué collègue l'autre jour à la commission des finances — que pour Toulon, Edouard Bonnefous voit ainsi exaucer ses désirs. Nous réser- et , et en un mot, Pour toutes nos villes verons notre opinion sur les différents aspects de cette loi de de France. programme pour le jour prochain où notre assemblée sera Monsieur le ministre, il faut absolument trouver une solu- appelée à en délibérer. tion valable à ce problème. Il est grave, très grave pour les Je vous signale dès aujourd'hui, mes chers collègues, qu'elle maires de nos grandes villes. La tâche n'est pas facile, je le se traduit déjà dans le présent budget par l'inscription d'impor- sais, mais il faut poursuivre les efforts entrepris pour parve- tants crédits, 1962 constituant en effet sa première année nir à un résultat positif. Je suis convaincu qu'avec le d'application dès avant le vote de la loi de programme. concours des collectivités intéressées les études entreprises Les crédits pour les fouilles archéologiques sont en sensible ne pourront que réussir. augmentation. Il faut voir là l'heureux résultat de l'intervention Par avance, je vous remercie, monsieur le ministre, de ce à cette tribune, l'an dernier, de notre cher collègue Vincent que vous pourrez entreprendre dans ce sens pour aider les Delpuech. Malgré cela, les crédits d'un montant global de maires de nos villes de province dans la défense de l'art 550.500 nouveaux francs sont bien insuffisants pour assurer, ne lyrique. serait-ce qu'une surveillance efficace des sites archéologiques. Sur le point particulier de l'aide à l'équipement des théâtres Je peux vous citer à cet égard l'exemple du mont Bégo aux privés de Paris, votre commission des finances vous propose environs de Tende. On peut y admirer des dizaines de milliers de proroger pour une nouvelle durée d'un an l'activité du de gravures rupestres faisant de cette région un centre archéolo- fonds d'aide temporaire à l'équipement des théâtres privés gique unique en Europe. Ce trésor est de plus en plus visité et, dont la réforme, actuellement à l'étude, n'a pas encore abouti. malheureusement, les dégradations infligées aux gravures s'aggra- En ce qui concerne la fiscalité applicable aux théâtres, vent d'année en année. Il suffirait de faire exercer une surveil- certaines mesures de détaxation ont été adoptées à la fin lance au moins pendant les trois mois d'été pour éviter les actes de 1960. Nous pensions qu'il s'agissait là d'une première de vandalisme. Il serait pour le moins indispensable, dans des étape. Or, à la question que j'ai posée à ce sujet, il m'a cas aussi caractérisés, que vous puissiez, monsieur le ministre été répondu qu'il appartenait aux municipalités de mettre d'Etat, faire assumer la charge d'une modique dépense nécessaire en oeuvre en faveur des théâtres les moyens que la loi leur à la conservation minimum de sites archéologiques de très grand donne. Nos finances locales devraient donc supporter dans renom. ce domaine également les conséquences d'une fiscalité géné- Il est un point sur lequel, une nouvelle fois, votre rapporteur a rale excessive qui ne veut pas se réformer. attiré tout particulièrement l'attention de M. le ministre d'Etat C'est inconcevable et ce, au nom de la commission des finances unanime : c'est le Or, dans le même temps sont diminués de moitié les crédits problème de la réparation des monuments historiques endom- de subvention qui sont attribués aux collectivités locales pour magés par la guerre. 257 millions de nouveaux francs, plus de l'équipement des salles de spectacles, conservatoires, etc. L'étude 25 milliards, sont encore nécessaires pour achever cette répara- du « bleu » du ministère de l'intérieur qui retrace dans une tion. Au rythme des crédits actuels, il faudra seize ans pour y annexe le montant de l'aide de l'Et .at aux collectivités locales parvenir, ce qui, à mon sens, est inadmissible. dans divers domaines en témoigne. Devant l'Assemblée nationale, M. le ministre de la construc- Pour ce qui est du mobilier contemporain, l'attention de tion avait, l'an dernier, pris des engagements, renouvelés devant votre commission des finances avait été attirée par une auto- le Sénat par M. le ministre d'Etat, seul responsable de ces tra- risation de programme de 450.000 nouveaux francs inscrite au vaux. Notre collègue M. Louvel, sénateur-maire de Caen, a chapitre 56-20. Elle est destinée, d'après les premières expli- attiré tout particulièrement l'attention de la commission des cations qui nous ont été fournies, à des études pour la création finances sur ce point. d'un mobilier contemporain. Estimant insuffisante la justifi- Lors de la discussion du collectif, comme l'a fait remarquer cation fournie, votre commission avait décidé de vous proposer notre collègue M. Louvel, M. le ministre des finances et des un amendement tendant à la suppression de ce crédit. Toutefois, affaires économiques avait promis de faire un effort sérieux pour il a été depuis précisé à votre rapporteur que ce crédit était améliorer cette situation. Vous ne pouvez pas tenir, monsieur le destiné à l'ensemble des études faites pour la réalisation dans ministre, les engagements de M. le ministre des finances et des les domaines du verre, de la tapisserie, de la céramique, de affaires économiques, mais le rappel de sa promesse devant cette la porcelaine, comme du mobilier. Compte tenu de cette justi- Assemblée ne peut que vous aider pour l'inciter à satisfaire les fication, je précise dès maintenant que je retire l'amendement légitimes désirs de M. le sénateur-maire de Caen, dont le point de la commission des finances. de vue est largement partagé dans cette Assemblée. Immense secteur que celui dépendant de la direction de l'ar- Nous attendons sur ce point également des explications très chitecture. Il doit assurer l'entretien, les réparations ou la nettes de votre part. reconstruction de quelque 800 bâtiments civils et palais natio- Pour conclure, j'aborderai le problème du cinéma. Notre naux et de quatorze mille édifices inscrits sur l'inventaire excellent collègue M. Descours Desacres fera part au Sénat, supplémentaire. lors de l'examen des comptes spéciaux du Trésor, de ces obser-

1724 SENAT — STANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 vations concernant la gestion du centre national de la cinémato- Les dépenses ordinaires passent de 161.574.310 nouveaux francs graphie. Il s'agit là, en effet, de l'aspect principal à travers lequel en 1961 à 175.831.470 nouveaux francs pour 1962, en augmen- le Parlement est appelé à se prononcé sur cette importante tation de 13.601.160 nouveaux francs, soit un pourcentage de 8,8. industrie artistique. Il convient toutefois de souligner une diminution des crédits Ne figurent, en effet, à ce titre dans le budget des affaires de paiement qui n'atteignent plus que 90.700.000 nouveaux francs, culturelles qu'un crédit de 22.500 nouveaux francs destiné au alors que l'an dernier ils s'élevaient à 93.600.000 nouveaux paiement des bourses d'étudiants de l'institut des hautes études francs ; ils marquent donc une régression de 2.900.000 nouveaux cinématographiques, et 5.000 nouveaux francs en faveur de la francs, soit 3 p. 100. Cette diminution se remarque d'ailleurs cinémathèque française. dans d'autres budgets et s'explique par le fait que certains tra- Dans les dépenses en capital apparaissent dans le projet de vaux qui devaient être faits en 1961 n'ont pu être exécutés. budget pour 1962 des autorisations de programme d'un montant Par contre, les autorisations de programme se chiffrent à total de 4.400.000 nouveaux francs prévues à raison de 3.500.000 118.100.000 nouveaux francs contre 107.600.000 nouveaux francs nouveaux francs pour l'installation définitive de l'institut des pour 1961, en augmentation de 10.500.000 nouveaux francs, soit hautes études cinématographiques et de 900.000 nouveaux francs 10 p. 100 environ ; cet accroissement est plus particulièrement pour l'aménagement d'une salle de projection qui sera mise à destiné à la remise en état des bâtiments et palais importants. la disposition de la cinémathèque française. Quelques mots, mesdames, messieurs, en ce qui concerne la Votre rapporteur tient également à évoquer brièvement l'acti- musique. Nous attirerons l'attention de nos collègues sur l'effort vité de l'Union générale cinématographique que M. le Premier fait en faveur de la musique qui, pour insuffisant qu'il soit, est ministre a décidé en 1960 de maintenir dans le patrimoine de marqué par une augmentation de 5.500.000 nouveaux francs très l'Etat. Après différentes réformes de structure, le rôle de inégalement répartie, puisque les théâtres nationaux en bénéfi- l'U. G. C. a été limité essentiellement à la distribution et à cieront à concurrence de 5.300.000 nouveaux francs destinés à l'exploitation, la production de qualité étant favorisée par le faire face aux revalorisations des traitements du personnel. système des avances et garanties de recettes. Les résultats de La différence de 200.000 nouveaux francs est constituée par cette politique apparaissent comme satisfaisants. une augmentation des subventions dont bénéficieront les qua- En ce qui concerne la fiscalité frappant le cinéma, votre rap- rante-cinq écoles nationales de musique de province. porteur n'a pu étudier dans son rapport écrii les nouvelles Nous regretterons qu'aucune augmentation n'ait été prévue dispositions introduites par un amendement du Gouvernement en faveur des nombreuses écoles de musique de nos petites dans le texte du projet de loi de finances, lors de la dernière villes alors qu'elles constituent le premier échelon de l'enseigne- séance consacrée à son examen par l'Assemblée nationale. Ces nient de la musique. Elles constituent la base du recrutement nouvelles mesures tendent à poursuivre la réduction de la taxe des artistes, des spectateurs, des auditeurs et nous pensons additionnelle au prix des billets d'entrée dans les salles de que l'échelon inférieur de l'enseignement de la musique a été spectacles cinématographiques. Nous ne pouvons que nous réjouir quelque peu négligé. de cette nouvelle étape venant après celle de 1960. Mais nous Il y a lieu d'enregistrer avec satisfaction l'intérêt accru, bien souhaitons néanmoins que soit revu dans son ensemble le pro- qu'il ait toujours été manifesté, porté par le ministre des affaires blème de la fiscalité applicable au cinéma et qui met cette culturelles aux jeunesses musicales de France, dont la subvention industrie dans une position d'infériorité dans la concurrence qui s'augmente de 30.000 nouveaux francs. Nous ne pouvons que l'oppose, dans ce domaine, aux autres pays du Marché commun. féliciter le ministre d'avoir proposé cette majoration car nous Au terme de l'examen de ce budget, votre rapporteur souhaite connaissons l'utilité de cette organisme qui diffuse largement que les critiques formulées ne masquent pas les résultats l'enseignement musical. obtenus dans d'importants domaines. Il y a lieu de se réjouir aussi de la création d'un crédit nouveau, L'ensemble de cette politique, monsieur le ministre, qui est crédit faible qui parait être un crédit d'amorce, de 10.000 nou- bien vôtre avec ses qualités évidentes et ses défauts inévitables, veaux francs ouvert au profit de la discothèque nationale qui ne répond cependant aux espoirs qu'avait fait naître la création du constitue, j'en suis convaincu fort de l'assurance reçue de M. le ministère des affaires culturelles. ministre, qu'un début dans l'effort qui doit être fait en faveur D'importants problèmes attendent une solution. Aucun progrès de cette entité, dont le rôle sera particulièrement utile dans n'a été fait, notamment, dans le sens d'un véritable regroupe- l'avenir si les moyens lui sont donnés d'assurer son développe- ment au sein de ce ministère des services de l'Etat ayant sous ment. une forme ou sous une autre des responsabilités culturelles, Pourquoi aucun effort supplémentaire n'a-t-il été fait pour ainsi que le prévoyait cependant le décret de création de ce rendre plus facilement utilisable le bâtiment, mal adapté à sa nouveau département ministériel. destination actuelle, dans lequel est installé rue de Madrid le Au travers des critiques et recommandations formulées, le conservatoire national de musique. Il ne s'agit certes pas dans Sénat a conscience d'apporter, à l'action du Gouvernement, dans notre esprit de demander qu'un gros effort soit fait dans ce le domaine culturel, une impulsion désintéressée et efficace. bâtiment puisque, d'après les explications qui nous ont été Dans les jours à venir, la discussion de votre loi de programme données par M. le ministre des affaires culturelles, on prévoit relative aux monuments historiques vous en apportera, mon- la construction d'un nouveau conservatoire dont le coût est sieur le ministre, un nouveau témoignage. (Applaudissements.) provisoirement évalué à 40.000 nouveaux francs. Nous demandons simplement quelques travaux d'améliorations permettant Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis d'attendre la construction de ce nouveau conservatoire avec de la commission des affaires culturelles (arts et lettres). l'espoir qu'une suite prochaine donnée à ce projet lui permettra M. Charles Fruh, rapporteur pour avis de la commission des de devenir une réalité. De même, il y a lieu d'améliorer l'état affaires culturelles (arts et lettres). Madame le président, mon d'entretien dans lequel se trouve l'actuelle salle des concerts du sieur le ministre d'Etat, mesdames, messieurs, au cours de la conservatoire, qui est véritablement indigne des manifestations discussion du budget de l'année 1961, j'ai été amené à préciser qu'elle abrite et il semble: qu'un léger effort pourrait être fait les limites du rapport pour avis que j'avais à vous •présenter dans ce sens. au nom de la commission des affaires culturelles. Je voudrais dire quelques mots de l'enseignement artistique Cette année, je ferai de même en indiquant que mon examen pour signaler d'abord avec infiniment de regret — je sais que du budget des arts et des lettres ne comprendra pas l'étude des la critique ne doit pas s'adresser à M. le ministre des affaires chapitres relatifs au cinéma, aux crédits des relations culturelles culturelles — que sur 1.154 postes de professeurs de dessin inscrits au budget des affaires étrangères, aux monuments histo- existant dans les lycées et collèges, 366 d'entre eux, soit riques, bâtiments et palais nationaux, à la radiodiffusion-télévi- 32 p. 100, sont vacants, ce qui représente une très forte propor- sion française et aux théâtres dramatiques et lyriques nationaux, tion. De nombreux professeurs munis de diplômes ou de certi- l'examen de ces différents chapitres étant confié à d'autres ficats émanant d'écoles de dessin n'ayant pas un caractère offi- rapporteurs spéciaux, nos collègues MM. Lamousse et Cornu, ciel et dont la validité n'est pas reconnue nar l'Etat ou plus en raison de la compétence particulière qui leur est unani- exactement par le ministère de l'éducation nationale, seraient mement reconnue dans cette assemblée. susceptibles d'occuper les postes vacants en qualité de maîtres Le ministère des affaires culturelles est entré dans sa troisième à titre temporaire ou contractuel. Il suffirait d'appliquer les année d'existence, puisqu'il a été créé par un décret du 24 juillet mesures qui ont été prises par le ministère de l'éducation natio- 1959. Depuis lors, il a normalement grandi comme un enfant nale, pour l'enseignement secondaire notamment où la pénurie bien portant et objet de soins attentifs. des professeurs titularisés, certifiés, a amené le ministre à enga- Le projet de budget de 1962 accentue son développement ger à titre temporaire des nrofesseurs de secours, si j'ose dire, commencé au cours des deux précédentes années. des professeurs qui n'ont pas les diplômes nécessaires, voire Je vais nie livrer à quelques très brèves considérations d'ordre même de simples bacheliers. Il semble que cette mesure pourrait général. être prise en ce qui concerne les postes de professeurs de des- Un certain effort a été fait puisque l'ensemble des mesures sin qui sont actuellement vacants. Je ne doute pas que, sur ce nouvelles se chiffre pour 1962 à 266.531.470 nouveaux francs point, M. le ministre des affaires culturelles insistera auprès de contre 255.174.310 nouveaux francs en 1961, soit une progression son collègue de l'éducation nationale pour n1/0 cette solution de 11.357.160 nouveaux francs, c'est-à-dire un pourcentage de 4,4. soit adoptée.

SINAÏ — SE AN(...E llli 21 NOVEMBRE 1061 1725 Il y a lieu de noter aussi l'augmentation du crédit affecté aux Les artistes dramatiques ou lyriques, les musiciens, les dan- écoles régionales et municipales d'art, dont la dotation passe seurs, les choristes, le personnel technique qualifié, les décora- cette année de 500.000 à 800.000 nouveaux francs. teurs, les peintres, etc., constituent avec les auteurs, si j'ose En ce qui concerne la production artistique, il est bien cer- employer cette expression, la seule et unique matière première. tain que nous sommes loin de l'époque où le prince ou les puis- A l'inverse de ce qui se passe dans l'industrie, il n'est pas pos- sants de l'heure s'attachaient des artistes qu'ils entretenaient et sible à ces directeurs de réduire les effectifs en les rempla- qu'ils chargeaient de produire des oeuvres importantes et de çant par des moyens mécaniques. qualité. Le mécénat particulier est aujourd'hui disparu et c'est D'autre part, si l'on considère que les artistes ont, par la raison pour laquelle notre appel doit monter vers le ministre essence, des employeurs multiples et simultanés, le théâtre, des affaires culturelles et l'Etat afin qu'ils prennent le flam- le cinéma, la radiodiffusion, la télévision, la synchronisation, beau du mécénat et permettent à nos artistes de vivre d'une etc., les charges sociales qui en sont la conséquence sont payées manière décente à l'abri de tout souci matériel, ce qui est la trois, quatre et même cinq fois, ce qui crée depuis des années condition première pour qu'un artiste produise en paix une une situation dont l'exception et l'injustice ne semblent pas belle oeuvre qui restera dans l'avenir. Nous avons à signaler la devoir se prolonger davantage. majoration de 50.000 nouveaux francs du crédit affecté à l'achat Sans doute serait-il opportun de dissocier l'industrie du spec- d'oeuvres d'art et nous rappellerons également, sur le plan de tacle des autres industries, et la création d'une caisse autonome, la production artistique, qu'il existe une disposition législative demandée depuis longtemps par l'unanimité des employeurs et qui prévoit que 1 p. 100 des dépenses faites par le ministère des travailleurs du spectacle vivant de cette profession, serait, de l'éducation nationale, à l'occasion des travaux de construc- à notre sens, de nature à ne pas gêner les projets gouverne- tion qu'il peut effectuer, soit prélevé au profit de la production mentaux, tout en permettant au spectacle d'assurer à son per- artistique, lorsque toutefois leur montant dépasse la somme de sonnel les avantages sociaux auxquels il peut prétendre sur des 500.000 nouveaux francs. bases en rapport avec les conditions exceptionnelles d'exploita- Pourquoi, dans ces conditions, ne pas demander, d'une part, tion des théâtres. que cette somme limite soit abaissée, par exemple à 250.000 nou- Je sais certain que, sur ce point, vous ne manquerez pas, veaux francs, ce qui aurait l'énorme avantage d'élargir le champ monsieur le ministre, d'intervenir auprès de vos collègues d'application de ce prélèvement. D'autre part, ce prélèvement ne pour qu'une solution favorable soit apportée. pourrait-il pas s'appliquer à l'ensemble des constructions prévues Sur le plan de la fiscalité, l'impôt sur les spectacles tel qu'il dans chaque ministère ? Ne serait-il pas possible aussi de trans- a été établi le 3 mai 1955 prévoyait une base de 2 p. 100, 4 p. 100, former la caisse nationale des lettres en étendant le champ de 6 p. 100 ou 8 p. 100 suivant le palier des recettes ; cette base, un son activité et en la transformant en une caisse nationale des mois plus tard, le 28 juin 1955, était portée à 3 p. 100, 6 p. 100, oeuvres ? 9 p. 100 et 12 p. 100 ; nous croyons savoir que le retour aux Enfin, il y a lieu d'attirer l'attention du ministre des affaires taux initiaux est pratiquement acquis et peut-être M. le minis- culturelles sur la grande faiblesse du crédit inscrit au cha- tre des affaires culturelles voudra-t-il le confirmer tout à pitre 43-23, en ce qu'il s'applique à l'aide aux jeunes compagnies l'heure ? Toutefois, il conviendrait qu'à l'occasion du vote qui, par leur ardeur et leurs qualités artistiques, méritent de de la loi de finances et comme il a été promis il y a déjà quelque voir leurs efforts soutenus d'une manière plus substantielle. temps une dissociation des théâtres des autres spectacles de J'aborderai maintenant la question des théâtres privés, dont première catégorie soit effectuée, afin de permettre aux muni- notre collègue M. Raybaud, rapporteur au nom de la commission cipalités d'appliquer à ceux-ci un régime particulier quant à des finances, vous a déjà parlé il y a quelques instants. Il est l'impôt sur les spectacles. certain que, depuis de longues années, les théâtres privés, et Nous n'ignorons pas, certes, qu'une commission a été créée en plus particulièrement les théâtres parisiens, se débattent dans vue de réorganiser la fiscalité pesant sur les théâtres et qu'un une situation difficile, à l'exception de certains d'entre eux qui projet est en cours de préparation. Il importe que celui-ci soit ont pu mettre à l'affiche une pièce dont le succès s'est affirmé mis dans son état définitif dans les meilleurs délais. C'est d'ail- et a quelquefois duré pendant plusieurs années. Pour les autres, leurs, je crois, la raison pour laquelle un amendement est pré- il n'en est pas de même et nous savons que, lorsqu'une pièce senté, afin de compenser dans une certaine mesure la situation a un succès moyen, les recettes sont moyennes et le gain est difficile dans laquelle les théâtres se trouvent et proposant la tout relatif. Nous savons aussi que lorsqu'une pièce constitue prorogation pour un an des dispositions relatives au « Fonds un échec, la perte est très importante parce que souvent les d'aide temporaire à l'équipement des théâtres privés de Paris ». frais de premier établissement de la pièce ne sont même pas couverts. Il y a donc une anomalie, une rupture d'équilibre Enfin, dernière observation de détail : un décret du 5 sep- entre le bénéfice qu'un directeur peut faire lorsqu'il a une tembre 1953 — et là c'est la défense des spectateurs que nous pièce à succès et la perte considérable qu'un directeur subit sommes appelés à prendre -- a limité à 20 p. 100 du prix de lorsqu'une pièce, même de valeur, souvent par la faute de la la place vendue pour les théâtres subventionnés par les agences critique, n'a pas eu l'audience des spectateurs. théâtrales le montant de la prestation de service touché par lesdites agences. En raison des abus commis par certaines Il n'en est pas moins vrai que l'exploitation théâtrale est d'entre elles à l'occasion de la vente de places pour les théâ- devenue difficile du fait des lourdes charges fiscales qui pèsent tres privés, ne vous semblerait-il pas souhaitable que le décret sur elle, et il apparaît nécessaire que très prochainement soient du 5 septembre 1953 se trouve étendu à la perception de la pres- examinées les conditions générales d'une exploitation possible tation de service des agences lorsqu'elles sont appelées à ven- d'un théâtre et que les directeurs de spectacle soient aidés afin dre des places pour ces établissements, cette prestation n'étant qu'ils puissent arriver à une situation normale. pas plus importante pour les théâtres privés que pour les théâ- La suppression envisagée du plafond pour les cotisations des tres nationaux ? allocations familiales, et non celles de la sécurité sociale, fait Mon rapport, mesdames, messieurs, est incomplet et beau- peser aussi sur les théâtres une menace. Dans l'exploitation d'un coup de points n'y sont pas traités. Notre collègue M. Raybaud théâtre, sans doute plus que dans toute autre, les salaires ayant présenté un rapport particulièrement détaillé au nom de tiennent une place considérable ... la commission des finances, j'aurais mauvaise grâce à retarder M. André Cornu. Mon cher collègue, me permettez-vous de les travaux de notre assemblée en entrant dans beaucoup d'au- vous interrompre ? tres détails. M. Charles Fruch, rapporteur pour avis. Je vous en prie. Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des affaires culturelles donne un avis favorable à l'adoption des Mme le président. La parole est à M. André Cornu, avec l'auto- crédits qui vous sont soumis. (Applaudissements.) risation de l'orateur. Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis M. André Cornu. Je pense que M. le ministre des affaires de la commission des affaires culturelles (cinéma et théâtres culturelles est parfaitement informé sur ce point : comment nationaux). voulez-vous que dans ce pays il y ait une vraie politique du M. Gereges Lamousse, rapporteur pour avis de la commis- théâtre alors que, il y a une dizaine d'années déjà, la France sion des affaires culturelles ((cinéma et théâtres nationaux). ne consacrait à la défense du théâtre que deux milliards de francs, Madame le président, mesdames, messieurs, Je voudrais, au alors que la seule Allemagne occidentale y consacrait seize mil- nom de votre commission des affaires culturelles, non pas liards ? Et là, ce n'est pas un reproche que j'adresse à M. le faire un examen détaillé des deux domaines qu'elle a eu ministre des affaires culturelles. Il s'agit, au contraire, d'une l'indulgence de me confier, le cinéma et les théâtres natio- conception qu'il faut faire adopter par le ministre des finances. naux — car je n'aurais pas le temps et, au surplus, un Tant que nous n'aurons pas voulu comprendre cela, il n'y aura certain nombre de remarques et d'observations que je pour- pas de véritable théâtre en France. (Applaudissements.) rais faire figurent déjà dans d'autres documents, notamment M. Charles Fruh, rapporteur pour avis. Je vous remercie, mon- dans le rapport qui vient d'être fait par notre collègue M. Ray- sieur Cornu, de votre intervention. Elle complète, en le précisant, baud et, également, dans le rapport qui a été établi sous la l'essentiel de ce que je venais de dire. direction du rapportédr général Pellenc concernant la Réunion

1726 SENA T — SEANCF', DU 21 NOVEMBRE 1961 des théâtres lyriques nationaux mais je voudrais appeler votre si je puis dire, du groupe d'Etat. Elle vous soutiendra de toutes attention et celle du ministre chargé des affaires culturelles sur ses forces dans cette voie et elle souhaite que le ministre des quelques questions que nous considérons comme les plus impor- finances ne vous retire pas d'une main, selon une vieille habi- pantes et les plus urgentes. tude que nous connaissons bien, ce qu'il vous accorde de Je commencerai par le cinéma qui sera, d'ailleurs, examiné l'autre. Elle souhaite également que ne soit pas abandonné défi- de nouveau lors de l'examen des comptes spéciaux. Il faut ici nitivement, à l'intérieur de la nouvelle société, le secteur de la se débarrasser d'abord d'un faux problème ou, plutôt, d'une production. Je sais qu'il est le plus difficile des trois et qu'il attitude critique qui ne peut mener nulle part, je veux parler peut conduire à de nouveaux déboires, comme l'a justement des jugements souvent extrêmement sévères qui sont portés souligné en commission notre excellent collègue M. Cornu, tou- parfois sur la production française. Il semble qu'on soit en tefois il permettrait, en prenant toutes les précautions indispen- ce domaine beaucoup plus pointilleux et exigeant qu'on ne sables en cette matière, de combler la lacune dont nous souf- l'est en matière de presse ou de production littéraire. Alors frons tant pour le film d'intérêt national que pour le film qu'on accepte parfaitement qu'il y ait des livres sérieux et éducatif et pour le film scolaire. d'autres qui le soient un peu moins, des bons livres et d'autres J'en viens maintenant aux théâtres nationaux. Débarrassons- qui soient médiocres ou mauvais, on juge la production cinéma- nous, là aussi, d'entrée de discussion, d'un faux problème qui tographique française avec une excessive sévérité comme si est celui de la séparation des deux salles de la Comédie fran- elle devait comprendre que des chefs-d'oeuvre admirables et irré- çaise. prochables à tous égards. Cette solution Peut évidemment être discutée au départ, mais, Or, il n'existe pas de procédés pour faire des chefs-d'oeuvre. dans la perspective choisie par le ministre, chacune des salles Péguy disait : « Tout le monde ne peut pas être Michelet ». a répondu à ce qu'on attendait d'elle. Le Théâtre de France, Dans le cinéma non plus, tout le monde ne peut pas être animé par M. Jean-Louis Barrault avec le talent qu'on lui Michelet ! Il faut se résigner à cette diversité de productions, connaît, accomplit la mission qui lui a été fixée. Quant à la qui vont de l'excellent au banal, diversité qui est justement Maison de Molière, elle continue d'assurer, sous la souriante le caractère d'une réalité vivante et libre. mais ferme direction de M. Maurice Escande, une oeuvre de Il n'est pas vrai non plus que les producteurs sont des culture et de prestige digne de ses belles traditions. marchands qui cherchent uniquement à récolter des paquets De son côté, le Théâtre national populaire, qui s'identifie à de millions au prix des pires complaisances. J'en connais l'extraordinaire animateur qu'est M. Jean Vilar, poursuit une qui prennent au contraire de gros risques pour produire des carrière où les succès ne se comptent plus devant un public films de qualité dont ils savent d'avance qu'ils ne feront pas d'étudiants, de jeunes provinciaux, d'étrangers séduits par la courir le grand public. hardiesse des formules, la variété des oeuvres et l'éclat de Au reste, nous disposons d'une référence objective qui est l'interprétation. le succès remporté par la production française dans les compé- Pour tous les théâtres nationaux, dramatiques ou lyriques, le titions internationales au cours des deux années écoulées. grand problème est celui de l'insuffisance des crédits. La plu- C'est ainsi qu'à Venise elle a réalisé le tour de force, unique, part des réserves ou des critiques que l'on peut faire au sujet je crois, et contraire d'ailleurs à toutes les traditions, de de leur gestion tombent d'elles-mêmes dans la mesure où les remporter le Lion d'or, la plus haute récompense, deux années administrateurs ne disposent pas des moyens nécessaires pour consécutives, en 1960 pour Le passage du Rhin, en 1961 pour faire ces créations ou ces reprises qu'on leur reproche de ne L'année dernière à Marienbad. En 1961 également, elle obtient pas faire. Sait-on, par exemple, que 86 p. 100 des crédits accor- le grand prix de la ville de Venise pour Léon Morin prêtre, dés à la réunion des théâtres lyriques nationaux, Opéra et à Cannes la Palme d'or pour le film Une aussi longue absence. Opéra-Comique, sont absorbés par les salaires du personnel et En 1960, elle obtient le prix de l'interprétation féminine et les charges sociales ? Il ne reste que 14 p. 100 pour les autres le grand prix des courts métrages pour les films Le sourire postes de dépenses, créations comprises. Cette part est notoi- et La petite cuillère. rement insuffisante et, loin de s'étonner qu'il y ait si peu de Je n'ai cité que les principales récompenses. On peut évidem- créations sur nos deux grandes scènes lyriques, on devrait, au ment discuter le choix fait par les jurys, et on le discute tou- contraire, s'étonner qu'il y en ait autant avec des moyens aussi jours, mais la preuve est faite en tout cas que la qualité de la pro- réduits. duction française s'impose dans les compétitions internationales. Quatre-vingt-six pour cent des crédits pour le personnel ? cela où siègent les critiques étrangers les plus qualifiés. ne signifie -pas que le personnel soit largement payé. Au Plus sérieux me semble être le problème de la fréquentation contraire, les salaires versés à la plupart des artistes, qu'ils des salles. Malgré l'effort consenti Par la plupart des exploitants soient lyriques ou dramatiques, étonnent par leur modicité pour rendre leurs salles plus accueillantes et Pour mieux les équi- quand on sait la route longue et difficile qu'il leur a fallu per à la fois pour l'image et pour le son, le nombre des spectateurs, suivre pour acquérir leurs titres. On peut évidemment soutenir qui passe de 371 millions en 1958 à 352 millions en 1960, semble qu'un sociétaire de la Comédie française n'est pas plus utile au suivre une courbe descendante inexorable. pays qu'un chauffeur de taxi et qu'en conséquence, il ne doit Est-il possible de renverser la tendance ? Nul ne peut l'af- pas gagner davantage. C'est un point de vue contre lequel firmer avec certitude. On a même soutenu cette idée que le s'élève votre commission. Elle estime au contraire que pour cinéma, sous sa forme actuelle et en face de la concurrence donner aux artistes des salaires décents qui leur éviteraient la redoutable de la télévision, était un mort en sursis. Il ne faut chasse aux cachets extérieurs et pour permettre aux administra- pas trop prendre au sérieux ces sombres prédictions. teurs de répondre avec des moyens suffisants aux exigences de En revanche, il est certain que la menace qui pèse sur les leur mission, il y aurait lieu d'augmenter les crédits. exploitants n'est nullement imaginaire. La situation ne pourra Votre commission a examiné avec une particulière attention être redressée que si les pouvoirs publics s'engagent dans trois le problème de l'Opéra-Comique. On ne saurait mieux définir sortes d'efforts convergents. l'état de la Salle Favart en disant qu'elle se trouve depuis Le premier consiste à alléger les charges fiscales qui aug- plusieurs années entre la vie et la mort. Une solution avait mentent le prix du billet et cette action déjà commencée, à votre été proposée par la commission de réforme des théâtres natio- diligence, monsieur le ministre, devra être poursuivie ; naux qui avait travaillé un an sous la présidence de M. le La seconde est l'harmonisation des rapports entre l'activité conseiller d'Etat Puget et au sein de laquelle le Parlement était cinématographique et la télévision et cette harmonisation ne représenté. Cette solution n'a pas été retenue. Il n'appartenait peut se faire sans une intervention de l'Etat qui définira les pas à votre commission de prendre parti pour celle-ci ou d'en tâches et fixera les articulations de chaque activité sur l'autre recommander une autre. Elle demande simplement au ministère afin de substituer la coopération fructueuse à une ruineuse de choisir entre toutes les solutions possibles celle qu'il jugera concurrence. être la meilleure. Le troisième effort engage toute la politique sociale du Gou- Toutefois votre commission s'oppose unanimement à cette vernement. Parmi les spectateurs qui ont délaissé les salles, pseudo-solution recommandée par le ministère des finances et beaucoup s'y sont résolus la mort dans l'âme parce qu'ils man- qui consisterait à supprimer l'Opéra-Comique. quent d'argent. Je sais bien que cette raison, lorsqu'on la M. André Cornu. Très bien ! donne, fait naître certains sourires. Elle n'est malheureuse- ment que trop réelle et beaucoup de familles modestes en sont M. Georges Lamousse, rapporteur pour avis. La commission réduites à choisir entre un plat de viande et la sortie au cinéma. estime, en effet, qu'une telle mesure constituerait une muti- Si le pouvoir d'achat des plus pauvres était augmenté par une lation de notre répertoire lyrique qui justifie à lui seul le meilleure politique sociale, la fréquentation des salles augmen- maintien de l'Opéra-Comique à sa place actuelle ou ailleurs. terait du même coup. Quand on dit « théâtres nationaux », on pense aux cinq Le dernier problème sur lequel votre commission appelle grandes scènes de la région parisienne et c'est là le dernier l'attention des pouvoirs publics est celui de l'Union générale problème que votre commission signale à l'attention du ministre. cinématographique. La commission des affaires culturelles vous Si l'éducation et la culture du peuple sont un devoir de félicite, monsieur le ministre, de n'avoir pas cédé à la pression l'Etat, comme l'affirme la Constitution, nous constatons que, du ministère des finances qui poussait à la vente « à la casse », dans ce domaine — et ce n'est malheureusement pas le seul — SENAT SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1727 l'Etat manque à sa parole puisqu'il n'existe pas à proprement Quant au chapitre 56-36, il concerne les grands monuments parler d'autres théâtres nationaux que ceux de la région pari- nationaux et là aussi, monsieur le ministre, je suis personnelle- sienne dont l'influence décroît à mesure qu'on s'éloigne de la ment heureux de vous adresser mes compliments. C'était néces- capitale. saire et urgent. Il s'agit de l'Hôtel des Invalides, du château de Une véritable politique de culture populaire exige un réseau Chambord, du château de Vincennes, de la cathédrale de Reims de théâtres nationaux qui couvre toutes nos provinces pour et du château de Fontainebleau qui se trouvaient Cens un état venir en aide aux villes grandes ou moins grandes qui s'impo- de vétusté voisin de celui dans lequel se trouvait le château de sent, pour conserver leur théâtre, des charges budgétaires hors Versailles il y a une dizaine d'années. Il faut ajouter la remise de proportion avec leurs ressources. en état de l'aile de Flore et de la cour carrée du palais du Monsieur le ministre, nous savons que vous pensez à ce pro- Louvre. Il a d'ailleurs fallu une dizaine d'années, si j'ai bonne blème. La commission des affaires culturelles du Sénat le mémoire, pour libérer l'aile de Flore, après que M. le président rappelle ici non pour vous faire reproche de son existence, mais Pinay, comme le rappelait tout à l'heure mon collègue M. Ray- pour vous aider à le résoudre. baud dans son rapport si documenté, ait pris la décision de Telles sont, mes chers collègues, les observations que la com- désaffecter le pavillon de Flore et de transporter les bureaux mission des affaires culturelles m'avait chargé de présenter de la loterie nationale et du ministère des finances dans d'autres sur le budget du cinéma et sur celui des théâtres nationaux. locaux. Elle conclut, sous le bénéfice de ces observations, à l'adoption On m'a dit, mais je ne voudrais pas être malicieux, que cer- des deux budgets. (Applaudissements.) tains directeurs avaient des cabinets avec vue sur la Seine et qu'il leur était moins agréable de changer de local. Je me sou- Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis viens qu'à l'époque l'actuel ministre des finances, gouverneur de de la commission des affaires culturelles (Monuments historiques). la Banque de France, avait mis à la disposition du ministère des M. André Cornu, rapporteur pour avis de la commission des beaux-arts les locaux désaffectés de la place Ventadour. Mais affaires culturelles (Monuments historiques). Mes chers collègues, on n'a jamais pu réaliser cette opération. (Sourires.) comme l'an dernier je suis amené à vous présenter l'avis de la Lorsqu'en 1953 une campagne fut lancée en faveur du châ- commission des affaires culturelles sur les crédits relatifs aux teau de Versailles, l'effort demandé aux finances publiques et monuments historiques inscrits au budget qui vous est présente- à la générosité privée avaient été concentrés sur un seul monu- ment soumis. ment mais le plus prestigieux. Il s'agit d'un élément de notre richesse nationale dont la Aujourd'hui, la première annuité de la loi de programme a sauvegarde doit être assurée sans défaillance. Le patrimoine pour objet non seulement de poursuivre l'oeuvre de sauvegarde monumental de la France, qui est l'un des plus riches du monde entreprise à Versailles, mais de porter l'effort sur six autres et sans doute le plus précieux par la diversité des styles et des monuments qui tiennent aussi, dans l'histoire de notre pays et ordonnances, est loin d'être dans un état satisfaisant. dans l'histoire de l'art, une place de premier rang. Les deux dernières guerres et les années difficiles qui les ont Cette dotation exceptionnelle répond à un besoin indéniable suivies, l'amenuisement des fortunes privées, les charges de plus et l'initiative prise par le Gouvernement, c'est-à-dire par le en plus lourdes auxquelles devaient faire face l'Etat et les ministre d'Etat chargé des affaires culturelles, mérite d'être collectivités publiques sont les principales causes de cet état soulignée et encouragée. de fait regrettable. L'insuffisant entretien dont nos monuments Mais l'effort consenti est encore insuffisant ; tous nos monu- ont souffert depuis ces cinquantes dernières années a, malgré la ments ont souffert et réclament notre sollicitude. L'attribution vigilance du service des monuments historiques d'ailleurs dirigé de crédits spéciaux correspondant à une loi de programme ne par un homme éminent, mon ami M. Perchey, affaibli les édifices doit être qu'une étape dans l'oeuvre de sauvetage et de mise les plus solides et terni leur splendeur. en valeur qui a été entreprise. Certes, dans les difficultés budgé- Certes, des dotations budgétaires qui peuvent paraître impor- taires actuelles — elles ont d'ailleurs toujours été les mêmes — tantes en valeur absolue sont affectées chaque année à l'entre- l'effort ne pouvait porter que sur un nombre limité de monu- tien et à la restauration de nos monuments historiques et de nos ments, ce qui impliquait un choix. Mais d'autres monuments palais nationaux. Mais, en raison même du nombre des édifices également remarquables sont dans un état indigne de leur classés — ils sont, mes chers collègues, plus de 10.000 — et des splendeur passée et nécessitent d'urgentes et importantes répa- dimensions exceptionnelles de beaucoup d'entre eux, ces dota- rations : la cathédrale de Rouen ; le château des Ducs de Bretagne tions ne sont pas assez importantes pour effacer les consé- à Nantes, si cher à notre ami M. Abel-Durand ; la cathédrale quences d'une insuffisance prolongée d'entretien. Elles ont de ; le Palais des Papes en Avignon ; l'Ecole Militaire permis, certes, d'arrêter les effets désastreux de la vétusté et à Paris, qui est l'un des monuments les plus prestigieux du des intempéries et d'entreprendre, mais sur un rythme beaucoup XVIII' siècle ; la Cité de Carcassonne ; le château de Lunéville ; trop lent, la réparation des dégâts subis. l'ancienne Abbaye de Fontevrault, pour n'en citer que quelques- Afin d'accélérer les travaux, il est nécessaire d'accorder à nos uns. monuments et à nos palais des crédits exceptionnels en plus des Le plan d'équipement culturel, dont M. le ministre Malraux dotations budgétaires normales. Nous ne pouvons à ce sujet que nous a annoncé l'établissement, doit constituer, semble-t-il, une nous réjouir de la création, au budget de 1962, d'un nouveau nouvelle étape de cette oeuvre de longue haleine qu'est la remise chapitre, le chapitre 56-36 intitulé « Grands monuments natio- en état de notre patrimoine architectural et permettre la restau- naux » constituant, avec le chapitre 56-35 relatif à Versailles, la ration d'un nombre plus grand encore de monuments. Partie première des cinq annuités de la loi de programme qui vient de Versailles, la campagne de sauvegarde ferait tache d'huile et d'être déposée devant le Parlement. nous ne pouvons que nous en féliciter. Il nous paraît intéressant de reprendre l'énumération des travaux que permettraient d'entreprendre les crédits inscrits Mais — et c'est sur ce point particulier que je voudrais appeler au chapitre 56-35 concernant la restauration et la rénovation du l'attention de M. le ministre des affaires culturelles et du Gou- domaine de Versailles, c'est-à-dire : pour le Palais, réfection de vernement tout entier — il ne faudrait pas que la loi de pro- la toiture aile du Midi ; achèvement du mur porteur du Salon gramme et le plan d'équipement fassent oublier les monuments de Mars ; restauration de façades, menuiseries et ferronneries -- vous savez qu'ils sont nombreux parce que vous en avez dans extérieures, tranche ; restauration d'intérieurs — appartements tous vos départements — qui n'ont ni la gloire ni le renom du et salles de musée — tranche, le mot « tranche » signifiant Palais de Versailles ou de la cathédrale de Chartres. Nos églises continuation des travaux ; restauration des parcs et jardins — de campagne, nos manoirs et nos gentilhommières, nos vieilles bassins, plantations — tranche ; enfin, réfection de chaussées et maisons en pans de bois ont également beaucoup souffert ; parce installations complémentaires de chauffage et d'électricité. Je qu'ils n'attirent pas la grande foule des touristes français et signale au passage que, lors de son installation, le chauffage étrangers, ils risquent d'être délaissés et ce serait une erreur central du Palais de Versailles a coûté 400 millions de francs. grave. Ils méritent eux aussi toute notre attention et tous nos S'y ajouteront, pour le matériel, mobiliers et collections, pour efforts, car ils constituent l'attrait et le charme de la France. les dépendances et la grande écurie, c'est très important : toi- A ce sujet, sans vouloir faire de politique, je suis certain tures du grand commun, deuxième tranche ; remise en état de que, dans le cadre actuel du budget, monsieur le ministre, on bâtiments secondaires ; remise en état des bâtiments G et B. pourrait dégager d'énormes économies sur des dépenses inutiles, Lorsque ces travaux seront terminés, mes chers collègues, on inefficaces ou exagérées, pour doter votre ministère de crédits pourra affirmer que le Palais de Versailles, le Grand Trianon, beaucoup plus importants, tout en observant la rigueur finan- le Petit Trianon, le Hameau de la Reine, le théâtre de la Reine, cière à laquelle notre Assemblée est si attachée. l'Opéra Louis-XV, bien sûr, les grandes et petites écuries, les Votre rapporteur croit inutile d'insister auprès de ses collègues, jardins et les bassins, seront à l'abri de tout désastre pour des dont un si grand nombre ont de lourdes responsabilités dans siècles. (Applaudissements.) la gestion des communes et des départements, sur le caractère S'y ajouteront, pour le matériel, la restauration des décors, urgent des mesures qui s'imposent pour conserver tant de trésors mobiliers et collections, l'achat d'objets d'art ayant fait partie artistiques plus ou moins connus. Leur valeur culturelle est du décor ancien de Versailles et l'équipement des ateliers de indéniable. Ils sont aussi les témoins du travail et du goût des restauration. générations qui nous ont précédé et, il faut bien le dire, ils 1728 SENA rf — SEANCE" DU 21 NOVEMBRE 1961 constituent dans chacun de nos départements, un attrait évident cela a déjà été rappelé, est le troisième. Pour le premier pour le tourisme et une chance pour l'économie de notre pays. en 1959, deux mois après la création de votre ministère, il s'est Enfin, s'il fallait là encore tenir compte des seuls intérêts agi pour notre part d'examiner un budget d'intention, de vous matériels de notre pays, il conviendrait de maintenir ces faire confiance — et nous l'avons fait — après que vous nous richesses parce qu'elles sont et deviendront de plus en plus, ayez dit vos pensées et exposé vos projets. avec le développement du tourisme, une source de revenus qui Celui de 1960 fut, si je puis dire, le budget d'organisation. n'est point négligeable. Vous êtes venu nous exposer comment vous aviez pu concevoir Bien d'autres remarques Pourraient s'ajouter à ces quelques votre maison, comment les moyens suffisants ou insuffisants brèves notations, mais nous avons le souci de ne pas alourdir vous avaient été donnés d'organiser, de structurer ce ministère outre mesure une discussion budgétaire accélérée, hélas ! et nous qui, je vous l'ai dit dès 1959, doit être un des plus grands de nous réservons de compléter éventuellement notre avis orale- notre gouvernement. Vous avez annoncé, je dirai en joyeux ment au cours des débats. avènement, la naissance de quelques créations : les maisons de Sous réserve de ces observations, votre commission des affaires la culture par exemple. culturelles donne un avis favorable à l'adoption du texte soumis Celui de 1961, je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que à votre approbation. (Applaudissements.) nous nous attendions qu'il fût un budget de réalisations. Mme le président. Dans la discussion générale la parole est L'intention, l'organisation, les réalisations, tout cela me paraît à M. Bouquerel. absolument logique. II y a certes dans votre budget aujourd'hui des augmentations pour un certain nombre de réalisations ; M. Amédée Bouquerel. Madame le président, monsieur le mais je crois qu'il n'y a d'oeuvre utile que si l'on donne libre ministre, mes chers collègues, si je me suis permis d'inter- cours à la critique, à condition qu'elle ne soit ni partisane, venir dans ce débat, c'est afin d'obtenir quelques apaisements et ni sectaire, mais qu'elle soit simplement une collaboration à aussi quelques précisions. Il s'agit du chapitre 56-32 « Travaux d'équipement pour les l'oeuvre. bâtiments civils et palais nationaux ». D'après certaines infor- Dans les compétences et dans la mission de votre ministère mations qui nous sont parvenues, l'inscription au budget des fixées par le décret de juillet 1959, il en est une, monsieur le affaires culturelles d'un crédit important à l'article 2 intitulé ministre, particulièrement exaltante, c'est la première du décret « Mobilier national, manufacture des Gobelins, construction d'un qui vous invite à « rendre accessibles les oeuvres capitales de bâtiment pour les manufactures de tapisserie », aurait pour but de l'humanité et d'abord de la France au plus grand nombre pos. prévoir la construction de bâtiments devant abriter, à Paris, ave- sible de Français, puis de favoriser la création des oeuvres nue des Gobelins, la manufacture nationale des tapisseries de d'art ». Beauvais. Personnellement, je ne peux croire à une telle éven- Pour pouvoir rendre accessibles les oeuvres capitales de l'huma- tualité, compte tenu des promesses et des engagements qui ont nité et d'abord de la France, il faut d'abord, certes, sortir ces toujours été faits à la municipalité de Beauvais par votre minis- grandes oeuvres des caves des musées où elles se trouvent tère. encore ou des salles où elles sont empilées et mal exposées, il La ville de Beauvais, frappée par le malheur en 1940, puis- faut restaurer, comme vient de le dire excellemment mon col- qu'elle fut sinistrée à 70 p. 100, achève sa reconstruction. La lègue M. Cornu, les monuments qui méritent véritablement manufacture des tapisseries fut totalement détruite. Or, la ville d'être considérés comme des oeuvres capitales. Mais il faut de Beauvais n'a cessé, depuis lors, d'attacher une importance aussi, monsieur le ministre — et c'est l'objet de mon propos capitale, sur le plan de son prestige et de son renom, à ce que d'aujourd'hui — faire une oeuvre humaine : pour pouvoir la manufacture soit reconstruite dans la cité rendue célèbre rendre les oeuvres d'art accessibles, il faut que l'individu, il par les tapisseries qui portent son nom. faut que la personne soit aussi, si je puis dire, dans l'état de Depuis vingt ans, il n'a pas été possible, par suite de nom- grâce nécessaire pour accéder à la découverte de ces oeuvres. breuses difficultés, de procéder à la mise en oeuvre de la Notre déception, en regardant votre budget, c'est de constater reconstruction des bâtiments. Un projet regroupant en un même la grande misère de l'enseignement artistique qui vous a été bâtiment la manufacture nationale, le musée national de la soulignée chaque fois qu'à cette tribune quelqu'un est venu tapisserie et le musée départemental, est à l'étude depuis dix ans. analyser et discuter un rapport concernant votre budget. Il vient finalement d'être abandonné, à la demande de votre direction des musées. Vos services ont admis l'idée d'utiliser le La grande misère de l'enseignement artistique, d'une ma magnifique palais Renaissance, actuellement palais de justice, nière générale, est le défaut d'étude, de mise à jour, de pour y installer le musée national et départemental de la tapis- mise à l'heure de 1961 de cet enseignement. Que ce soient serie. Ainsi, l'emplacement réservé spécialement pour la recons- les écoles nationales des beaux-arts, le ''Conservatoire supérieur, truction de la manufacture nationale est libre et peut être immé- l'école nationale supérieure de musique de Paris ou les écoles diatement utilisé. des beaux-arts de province, il faut, non seulement leur donner Je pense, monsieur le ministre, que vous accepterez de vous de l'argent — et nous en allons en parler — mais même pencher une nouvelle fois sur ce problème. Il serait très dom- concevoir, peut-être en fonction des normes de 1961, un mage de pénaliser les Beauvaisiens en leur supprimant « leur enseignement artistique qui soit le digne héritier de l'Anti- manufacture nationale », pour la seule raison que Beauvais a été quité, mais qui ne soit pas la copie d'un enseignement qui sinistrée presque totalement en 1940. date ou qui emploie des méthodes ayant déjà quelquefois Au moment où l'en parle beaucoup de décentralisation de plusieurs siècles d'usage. Paris et de sa région, on ne comprendrait pas que votre direction N'oubliez pas, monsieur le ministre, que l'enseignement de des musées impose une concentration des manufactures natio- l'architecture, des arts décoratifs, de la peinture, de la gravure, nales, et puis, comment parler de tapisseries de Beauvais qui du dessin, de la tapisserie, dont on vient de vous parler, seraient fabriquées à Paris ? (Sourires.) enrichit le patrimoine culturel national. Mais je compte sur Vous avez, monsieur le ministre, favorisé le rayonnement de vous aussi pour convaincre votre collègue des finances et l'art dans tous les domaines. Or, l'un des meilleurs moyens n'est-il de l'économie nationale que c'est là une collaboration impor- pas de permettre à la province d'y participer efficacement ? tante à l'économie du pays. En effet, dans toutes les appli- Pourquoi alors ne pas donner à Beauvais sa chance ? Je souhaite cations de l'art, en dehors de la satisfaction personnelle de vivement que vous acceptiez d'envisager dès que possible la l'artiste, de la satisfaction absolument pure que cela peut reconstruction à Beauvais de la manufacture nationale de la apporter, il y a l'application des solutions artistiques dans tapisserie. tous les domaines de l'industrie, depuis le mobilier jusqu'à Si vous le permettez, et pour terminer, je voudrais vous pré- l'automobile, de l'industrie de luxe jusqu'à la publicité. senter une requête : la municipalité de Beauvais devrait, dans Tout cela sert l'économie nationale et cependant vos écoles cette affaire, être entendue. Votre direction des arts et lettres ne l'enseignent d'une manière aujourd'hui nettement insuffisante. peut que tirer profit d'une discussion qu'elle pourrait engager Je ferai une exception pour l'institut des hautes études cinéma- avec elle. Je me permets d'espérer que vous accepterez de tographiques qui est une création beaucoup plus récente, mais, retenir cette dernière suggestion et déjà, par anticipation, je lorsque je pense aux beaux-arts, aux arts plastiques, à la vous en remercie, au nom de la ville de Beauvais. peinture, je suis tout de même bien obligé de constater que, Je voudrais m'excuser, monsieur le ministre, d'avoir ainsi si vous n'aviez pas à côté de vous l'effort énorme, remar. retenu quelques instants votre attention. Je suis persuadé que quable et désintéressé des écoles privées et, dans toutes nos vous avez compris qu'il s'agit de défendre le patrimoine artisti- grandes villes les efforts des écoles municipales, l'enseignement que de la capitale du département de l'Oise qu'avec mes collègues artistique français serait réduit à très peu de chose et se j'ai l'honneur de représenter dans cette assemblée. (Applaudis- donnerait dans des conditions vraiment mauvaises. sements.) Mon propos, monsieur le ministre, est surtout d'attirer votre attention sur la grande misère particulière des écoles natio- Mme le président. La parole est à M. Louis Gros. nales de musique. Il y a là vraiment un problème que vous M. Louis Gros. Madame le président, monsieur le ministre, ne pouvez pas ignorer puisque vous nous avez déjà dit en 1959 mes chers collègues, le budget qui vous est présenté, ainsi que et répété en 1960 que c'était un de vos soucis.

SENAT — SEA.NCE DU 21 NOVEMBRE 1061 1729 Or, je constate que, pour le Conservatoire national supérieur Je vous pose la question, monsieur le ministre : aujourd'hui, de musique, le nombre des bourses, c'est-à-dire le montant au mois de novembre 1961, dans nos académies nationales de de l'aide que vous accordez aux étudiants, a augmenté de musique, assisterait-on à des batailles comparables à celle qui 10 p. 100, alors que les jeunes gens nés depuis 1945 arrivent eut lieu en mai 1902 lorsque Debussy, dans son Pelléas et aujourd'hui, compte tenu du flot démographique, précisément Mélisande, a révélé au grand public une musique nouvelle ? à l'âge où ils veulent entrer dans les Conservatoires et les Je crains que plus personne aujourd'hui ne se passionne au écoles nationales de musique. point de livrer des batailles telles qu'on en connut, au Vous avez donc augmenté le nombre des bourses de 10 p. 100 siècle précédent, pour Hernani. et, entre 1959 et 1961, la moyenne du taux de ces bourses a été Il s'agit là -- il faut absolument que vous le sachiez, élevée de 100 francs. Ces augmentations sont tout à fait insuf monsieur le ministre — d'une matière humaine qui meurt fisantes en valeur absolue ; elles ne sont pas sérieuses. Je laisse et que vous n'avez pas le droit de laisser sacrifier. Or, votre de côté les quelque 68 bourses qui sont portées de 1.600 à budget, à ce sujet, n'a pas un caractère de réalisation, mais 2.000 francs par an, c'est le maximum de ce qui est prévu. de sacrifice. Pour les Conservatoires de province, j'aurais voulu, monsieur Je terminerai, mes chers collègues, par une réflexion pédante, le ministre, que vous nous apportiez plus que cette augmen- et je vous prie de m'en excuser. Hier soir — à partir d'un tation misérable de 200.000 francs de la subvention. Il y a certain âge on n'est savant que de ce qu'on a relu la veille 44 écoles nationales de musique en France. Elles sont, per- (Sourires.) — en réfléchissant à ce que j'allais dire aujour- mettez-moi cette expression un peu triviale, portées à bout d'hui je relisais cette phrase de Platon à propos de la musique : de bras, soutenues — mes chers collègues, vous le rayez « Jamais le style de la musique ne change sans que les mieux que moi, vous qui êtes responsables des collectivités principes de l'Etat se modifient. » locales -- par l'effort financier des municipalités dont cer- Monsieur le ministre, prenez y garde ! Les changements de taines d'entre elles consacrent, à leur Conservatoire de 20 style de musique seraient donc signes de révolution. Je ne à 50 millions par an pour payer des professeurs qui se veux pas évoquer ce qui s'est passé l'autre jour au Palais des dévouent pour des salaires de misère au profit des 20.000 sports, mais si ce qu'on a pu y entendre est vraiment le style à 25.000 élèves qui fréquentent à l'heure actuelle les écoles de demain qui préfigure le style du Gouvernement à venir, nationales de musique en province. je ne suis pas sans une certaine inquiétude. (Applaudissements.) Ce sont les municipalités, ce sont les efforts privés, c'est le dévouement, l'esprit de sacrifice de ces professeurs qui M. André Malraux, ministre d'Etat chargé des affaires cultu- font vivre ces écoles et non pas le ministre des affaires relles. Ce serait dommage pour un prochain Gouvernement ! culturelles qui distribue à ces 44 écoles en tout et pour tout (Sourires.) 800.000 francs de subventions. Mme le président. La parole est à M. d'Argenlieu. Je ne voudrais pas que le ministre des affaires culturelles puisse penser qu'à l'époque où nous vivons, qui est celle de la M. Philippe d'Argenlieu. Madame le président, monsieur le technique et de la science, les écoles d'art et particulièrement ministre, mes chers collègues, après l'excellent rapport établi les écoles de musique sont un luxe que l'on peut négliger, que par votre commission sénatoriale chargée d'examiner la ges- l'on peut oublier et, au fond, qu'on peut laisser mourir. tion de la Réunion des théâtres lyriques nationaux et ce qui Je viens aujourd'hui attirer votre attention sur la gravité de a été dit à la tribune de l'Assemblée nationale et ici même cette situation. Le jour où certaines grandes villes, que ce soit à ce sujet, critiques et suggestions doivent permettre de Lille, Toulouse, Marseille ou , seront fatiguées et lassées de réaliser, dans les meilleures conditions, une réorganisation subventionner une école nationale de musique, lorsque cette nécessaire de nos scènes lyriques nationales. école sera morte, vous ne pourrez plus la faire renaître parce que Mon intention n'est donc pas de revenir sur ce qui a été ce n'est pas vous qui allez dépenser alors les dizaines et les évoqué avec beaucoup de pertinence, et mon intervention sera dizaines de millions nécessaires pour le faire. Vous êtes en brève. train de compromettre et peut-être de mettre en danger de mort C'est le but à atteindre qui doit déterminer les réformes à ces écoles de musique qui sont, mes chers collègues — quand je entreprendre et les initiatives à encourager. dis cela je le pense vraiment — nécessaires à la vie d'une nation. Le but est de donner à nos musiciens et à nos artistes On a le droit et on a le devoir, lorsque l'on est au Gouverne- la possibilité de faire rayonner l'art lyrique français chez nous ment, de fournir à la jeunesse d'une nation — et à ceux qui ne et à l'étranger, en lui assurant la place qu'il mérite, et de sont plus tout à fait jeunes — la possibilité de cette satisfac- réagir contre un certain complexe d'infériorité qui décourage tion, de ce développement de la personne que représente la les talents et stérilise les productions nouvelles. musique. Depuis trop longtemps, on laisse croire au public qu'il ne Je sais bien que l'on a pu dire que c'est un luxe, mais soyez saurait y avoir chez nous des voix susceptibles d'affronter attentif, monsieur le ministre. De même qu'il existe des remèdes valablement la comparaison avec certaines voix « extérieures » violents qui vous guérissent de certains maux et qui exigent, autour desquelles il est fait beaucoup de bruit, avec plus ou pour qu'on les supporte, l'administration d'autres remèdes pour moins de raison. en atténuer les conséquences, de même, dans une période de Les démentis apportés à de telles assertions par quelques-uns technique, de sciences, de progrès industriels, il convient de de nos artistes, et de la plus brillante manière, ne réussissent fournir à une nation, si l'on veut qu'elle soit composée d'individus pas à faire disparaître un préjugé tenace, entretenu sans doute et non pas de robots, des occasions de développement de la per- par le fait que le véritable talent n'est pas toujours, il s'en faut, sonne sur le plan culturel, sur le plan intellectuel et sur le le critère qui préside au choix des interprètes sur nos scènes. plan artistique. C'est à cette condition qu'il est possible de vivre Il s'ensuit que le public se détourne quelque peu des scènes et de supporter le rythnie de l'existence actuelle, particulière- lyriques et que l'opinion se désintéresse d'une activité artistique ment épuisante. Sinon, mes chers collègues, vous verrez notre cependant particulièrement vivante et propre à mettre en lumière population se diriger vers ce qu'on appelle non plus des mani- le génie d'un peuple. festations artistiques mais des délassements où l'individu subit C'est contre cela, monsieur le ministre, qu'il nous appartient passivement une distraction de ses préoccupations. de lutter : découragement chez les compositeurs et les artistes, Il existe deux sortes de spectacles, vous le savez mieux que désaffection chez les auditeurs. moi, monsieur le ministre : celui où l'on est passif dans l'obs- Des remèdes vous ont été suggérés, qui peuvent apporter un curité, où l'on subit une rengaine, une oeuvre facile un peu com- complément utile aux résultats de vos propres réflexions. me on prendrait une drogue pour ne plus penser aux préoccu- Je pense, personnellement, qu'il faut, en l'occurrence, s'atta- pations de la vie quotidienne et de son métier ; et puis l'autre cher avant toute chose, à rechercher la qualité, c'est-à-dire le spectacle, le spectacle artistique, celui qui exalte l'homme, celui talent vrai chez les artistes et, d'autre part, à découvrir les dons qui exige du spectateur un effort de compréhension et une naturels chez les jeunes susceptibles de devenir des artistes de certaine communion avec l'artiste lui-même. La musique au pre- classe, à susciter et encourager la production d'ceuvres nou- mier chef donne cette satisfaction ; elle exalte l'homme en le velles. faisant participer à l'oeuvre de l'artiste. Voilà pourquoi je viens Il importe donc de procéder à une véritable organisation de déplorer devant vous la grande misère de nos écoles de musi- la prospection des éléments doués de qualités, méritant de subir que. l'épreuve d'une formation technique et artistique appropriée. Derrière ces 44 écoles nationales de musique de province, Certains pays étrangers n'hésitent pas, dans ce domaine, à monsieur le ministre, vous connaissez cette infinité d'orphéons, rechercher d'éventuels talents en partant du niveau de la com- d'harmonies municipales, de chorales, d'associations dont il ne mune, si modeste soit-elle. Il y a, dans cette méthode, un faut pas rire parce que c'est là que se recrute l'artiste de enseignement utile dont il pourrait être tiré profit sans beau- demain, que se révèlent le grand virtuose et le compositeur coup de difficulté et qui, permettant une sélection progressive, dont nous manquons peut-être aujourd'hui et que se forme donnerait la possibilité, sans aucun doute, de déceler et de retenir l'auditeur, celui qui pourra comprendre aussi bien l'exposi- finalement sur le plan régional d'abord, sur le plan national tion d'art non figuratif que la musique non traditionnelle. ensuite, des élèves de valeur pour nos conservatoires. 122 X730 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 Puisque les conservatoires sont ici évoqués, sans doute serait-il Tous nos collègues ont 'lu ou liront ces conclusions dont la souhaitable de reviser les méthodes d'enseignement de ces cen- prise en considération par vous-même, monsieur le ministre, et tres de formation musicale et de tirer les leçons de certaines par vos services, en vue de l'élaboration d'un statut nouveau, insuffisances reconnues tout en faisant profit de méthodes effi- apporterait sans doute un renouveau artistique sur nos scènes cacement utilisées à l'étranger. lyriques nationales et permettrait un contrôle efficace. Enfin, il me paraît très important de prévoir et d'étudier des Mon propos n'est pas de les exposer ici, mais je les adopte. dispositions matérielles et financières permettant aux jeunes Toutefois, si la commission s'est préoccupée surtout, comme il artistes particulièrement doués de poursuivre leur formation était nécessaire, de dessiner les instruments d'une organisation technique après leurs débuts en public et d'éviter, ainsi, que le meilleure, il me semble indispensable de dénoncer de nouveau souci de gagner rapidement le plus d'argent possible ne les les raisons pour lesquelles de promptes décisions s'imposent pour conduise à compromettre prématurément leurs qualités vocales assurer non seulement la structure de nos établissements lyriques, et à priver nos théâtres d'un concours qui pouvait être légitime- mais une direction digne d'intérêt. ment escompté. J'ai suivi les discussions qui ont lieu à l'Assemblée nationale Nos scènes lyriques pourraient ainsi constituer leurs troupes et au cours desquelles des députés de toutes les tendances ont avec le maximum d'homogénéité dans la qualité. dénoncé les abus qu'ils ont constatés. D'autre part, j'ai lu le La tâche de l'administrateur des théâtres lyriques nationaux rapport de M. Lebas au nom de la commission des affaires cul- et celle des directeurs des théâtres de province se trouverait turelles de l'Assemblée nationale. Ce rapport a souligné des faits ainsi singulièrement facilitée. La qualité des spectacles s'en très graves qui expliquent pourquoi nos théâtres lyriques natio- naux coûtent actuellement près d'un milliard de francs anciens ressentirait grandement et le public reprendrait avec plaisir le de plus qu'il y a deux ans et pourquoi après avoir possédé le plus chemin quelque peu délaissé des salles consacrées à l'art beau ballet du monde et la troupe la plus homogène, nous sommes lyrique. actuellement critiqués des spécialistes étrangers. Les arguments Les compositeurs, comme les artistes, reprendraient confiance que M. Lebas a développés dans son rapport, il faudrait les et nous aurions l'occasion de montrer à l'étranger que le génie reprendre un à un dans le détail à cette tribune. français est bien vivant dans tous les domaines de l'art. Je les résumerai ici pour reprendre, dans l'ordre, les réponses Ce n'est pas encore le cas dans la situation actuelle où la que vous leur avez opposées, monsieur le ministre, dont après prospection, à peu près inexistante, laisse presque complètement MM. Beauguitte, Taittinger et mon ami M. Jacques Boutard, au hasard ou à la bonne étoile le soin de révéler les candidats M. Lebas, commentant son rapport au nom de la commission à la formation élémentaire musicale et vocale, ce qui permet des 'affaires culturelles à l'Assemblée nationale, a déclaré que d'affirmer qu'il n'y a pas de voix en France. la commission s'inquiétait de la gestion en elle-même et qu'elle Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous soyez voudrait être certaine que les crédits importants octroyés aux d'accord avec moi pour réfuter cette assertion et que vous théâtres lyriques nationaux sont dépensés à bon escient. Ajou- prendrez les décisions qui s'imposent pour la faire mentir. tons que c'est bien là notre avis. Je voudrais également attirer votre attention sur l'intérêt 85 millions ont été dépensés pour des reprises qui ne s'im- évident qu'il y a aujourd'hui à ce qu'intervienne un accord posaient pas, notamment celle de , ouvrage qui aurait dû entre la radio-télévision française et l'administration de la rester au répertoire de la salle Favart et que la mise en scène Réunion des théâtres lyriques nationaux pour que soient diffusés de l'Opéra a travesti. directement par la télévision les spectacles de l'Opéra ou de Le conseil supérieur de la Réunion des théâtres lyriques natio l'Opéra-Comique. Outre que cela paraît logiquement s'imposer, naux ne se réunit pas trimestriellement. Pourquoi ? Je souligne il serait anormal et inutilement onéreux de voir la radio-télévi- en passant que la compbsition du conseil supérieur devrait être sion française monter dans ses locaux, et en marge de nos modifiée et qu'il ne devrait plus être formé, en grande majorité, grandes scènes lyriques, une organisation comprenant troupe, de fonctionnaires dépendant plus ou moins de vous-même, mon- orchestre, décors et costumes pour diffuser des oeuvres qui sieur le ministre, mais que ces fonctionnaires devraient être sont précisément du domaine de la Réunion des théâtres lyriques remplacés par des techniciens du théâtre lyrique : chanteurs, nationaux. Il y aurait là une fâcheuse et inexplicable « dou- musiciens, compositeurs, décorateurs, chefs d'orchestre, etc., blure » entraînant sur le plan financier des dépenses considé conseil d'administration proposé d'ailleurs par la commission Tables alors que, au contraire, une collaboration artistique et sénatoriale. financière de la radio-télévision avec la Réunion des théâtres Les conventions collectives dénoncées Par la présente direction lyriques nationaux apporterait un précieux concours à cette il y a deux ans, n'ont pas été remplacées par d'autres. Malgré les dernière. déclarations de l'administrateur, elles ne semblent pas Près de Je me permets, monsieur le ministre, ayant eu l'occasion au l'être, ce oui a donné naissance à un grand malaise social. début de cette année de m'entretenir avec vous de ces questions, Le choix des chanteurs, des danseurs et des musiciens appa- de penser que vous prendrez à cœur une rénovation qui est raît arbitraire. impatiemment attendue par tous les amateurs de belle musique On constate l'absence presque totale de créations valables. et de belles voix. Vous aurez ainsi ajouté une branche de Le budget n'a-t-il pas été déséquilibré par des fermetures laurier à celles que, déjà, vous a mérité votre grand talent annuelles pour permettre la mise au point des Troyens qui et rendu son éclat à un fleuron injustement terni de la couronne n'ont Pas été joués à l'époque et qui viennent d'être joués de l'art français. vendredi seulement après une nouvelle fermeture ? D'ailleurs, la musique n'est-elle pas un puissant moyen de Fait sans précédent, des achats et des locations de décors rayonnement puisque la Renommée, pour se faire entendre dans pour plus de 50 millions ont été effectués à l'étranger, donnant le monde, a choisi la trompette ! (Applaudissements.) l'impression que la France n'est pas capable de trouver des Mme le président. La parole est à M. Balestra. décorateurs chez elle. La quasi-totalité des créations des anciennes directions a M. Clément Balestra. Madame le président, messieurs les disparu des programmes. Le répertoire lyrique et chorégraphique ministres, mes chers collègues, mon premier propos-n'a pas pour a été amputé des meilleurs ouvrages. objet de critiquer le budget des affaires culturelles pour 1962 dont des rapports documentés et précis, présentés par nos collègues Les plus grands artistes de la danse et du chant n'ont pas MM. Joseph Raybaud, Georges Lamousse, Charles Fruit et André repris d'engagement dans la troupe permanente. Ils se pro- Cornu, nous permettent de penser qu'il accomplira au sein de la duisent à l'étranger. Certains ne paraissent plus du tout à Réunion des théâtres lyriques nationaux la tâche essentielle avec l'Opéra. J'illustre cette constatation par le fait que Mlle Yvette Chauviré, une de nos plus célèbres ballerines, n'a pu paraître « la passion du futur ». à Paris qu'avec le ballet de Berlin venu se produire au Théâtre Toutefois la discussion du budget nous donne l'occasion d'exa- des Nations. miner l'utilisation des crédits votés au profit du théâtre lors de notre session budgétaire de décembre 1960. Ne disposant Il n'y a plus, ni à l'Opéra ni à l'Opéra-Comique, de directeurs pas du temps nécessaire pour faire le tour de la question, je de scène, alors qu'on sait que, dans ces théâtres, c'est l'emploi me bornerai essentiellement à évoquer le cas des théâtres lyriques le plus important, aussi bien pour l'établissement des tableaux nationaux — Opéra, Opéra-Comique et théâtres officiels — qui de service que pour la formation des jeunes artistes. ont donné lieu aux plus graves critiques. Le conseiller artistique est un impresario qui poursuit son Notre assemblée avait été alertée l'année dernière sur des travail personnel dans les locaux de l'Opéra et dont les fonctions anomalies dans la gestion de ces théâtres, et, sur la proposition de ne sont pas prévues dans les textes institutifs de la Réunion des notre rapporteur général M. Pellenc, chargea une commission théâtres lyriques nationaux, comme vous pourrez le constater composée de membres de la commisison des finances et de la com- à la page 22 du rapport de la commission. mission des affaires culturelles d'établir un rapport et de proposer Des artistes étrangers sont engagés à grands frais, alors que des réformes tendant à l'amélioration du niveau artistique ainsi d'excellents artistes français de la troupe restent des mois sans qu'à la sauvegarde des deniers publics. chanter. Cette commission a publié récemment son rapport dont les Wagner, Mozart ne sont plus joués à l'Opéra, alors que nos conclusions, je me plais à le reconnaître, sont le fruit d'un tra- chanteurs sont engagés à Bayreuth et à Vienne pour interpréter vail très sérieux. les rôles de premier plan de leurs oeuvres. SENAT SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1731

Carmen, La Tosca, ont disparu des affiches de l'Opéra- dehors des personnalités, je considère que les directions des Comique, les deux premières au profit de l'Opéra en attendant scènes supprimées vous ont conduit à de regrettables tableaux de que Manon suive avec Louise, la Bohême et d'autres pièces à scènes des deux théâtres, ce qui explique les énormes dépenses succès populaire. inutiles, d'engagements intermittents et de cachets supplémen- J'indique que c'est la raison pour laquelle, malgré l'augmen- taires. tation du prix des places, les recettes moyennes de l'Opéra- Au sujet de Manon, vous avez indiqué : « Les héritiers refu- Comique oui étaient, il y a encore deux ans, de 560.000 anciens sent de laisser cette oeuvre au répertoire de l'Opéra-Comique. La francs par représentation, sont tombées au-dessous de 400.000. pièce n'ayant pas de ce fait été jouée pendant deux années Quant aux recettes de l'Opéra réalisées avec quelques pièces à consécutives, ils ont la faculté d'en conférer l'exclusivité au succès, à l'exclusion de celles dont le jeu justifierait les subven- théâtre de leur choix ». tions, on ne peut que constater qu'elles sont dues à l'augmen- Là encore, monsieur le ministre, je crains que vous ne soyez mal tation du prix des places et à la limitation du répertoire qui informé. La pièce appartenait au répertoire de l'Opéra-Comi- comme on dit, « font de l'argent ». que, il n'était pas au pouvoir des héritiers de l'enlever. Cette • Ainsi, le but culturel de la Réunion des théâtres lyriques possibilité leur a été donnée du fait que la direction n'a pas nationaux n'est pas poursuivi et la jeunesse ainsi que les pendant plus de deux ans affiché Manon à l'Opéra-Comique, ce familles à ressources modestes sont exclues par le prix des places. qui semble inimaginable. C'est parce que la direction a rompu de Il y a aussi cette affaire du journal Théâtre dont s'est sérieu- sa propre volonté le contrat que les héritiers peuvent aujour- sement préoccupée la commission d'enquête de notre Assemblée, d'hui commettre l'erreur de vouloir transférer cet ouvrage à cet organe appartenant à l'administrateur et étant financé par l'Opéra. l'Opéra. Une telle pratique ne semble guère avoir été admise Dans votre conclusion, vous ajoutez, monsieur le ministre, par nos enquêteurs qui recommandent qu'elle soit abandonnée. que « le prestige de l'Opéra a sans doute grandi à l'étranger »; Enfin, aucune prospection systématique des jeunes talents vous avez cité, en particulier, la tournée de Carmen au Japon. n'est plus organisée. Or, la presse japonaise comptait assister à des représentations Voici notamment les conclusions de la commission culturelle officielles de l'Opéra de Paris, alors qu'il ne s'est agi que d'une de l'Assemblée nationale soulignée par le rapport de M. Lebas. représentation à laquelle participaient trois chanteurs premiers Le détail montrerait une anarchie totale dans la gestion des plans, deux seconds plans de l'Opéra et sept choristes du même théâtres lyriques nationaux. théâtre, officialisée, certes, par la présence de quelques hauts Je regrette que le temps qui m'est imparti ne me permette dignitaires du théâtre national, mais qui nous a valu de sévères pas de développer chacun de ces arguments et de les illustrer critiques de la presse japonaise et un discrédit de notre première par des exemples dont certains, quoique vrais, sont invraisem- scène mondiale. blables. En réalité, il semble que la vie de l'Opéra-Comique, voire celle Je terminerai en reprenant vos réponses, monsieur le minis- de l'Opéra, soient actuellement bien compromises. Il se révèle tre, qui peuvent, pour des raisons que je vais exposer, nous indispensable que les conclusions des rapporteurs de l'Assemblée donner satisfaction. Parlant des jeunes talents, vous avez décla- nationale et du Sénat soient prises en considération. ré : Veut-on dire que des talents restent ignorés parce que Dans un temps où le domaine culturel et artistique de la leur découverte passe par un seul homme ? Cet homme, à Aix, France lui permet d'occuper encore sa place au premier rang — il s'agit de M. Durunget, imprésario, conseiller artistique -- des grandes nations, il nous paraît que le problème des théâtres avait montré une rare sûreté de jugement. lyriques nationaux doit être traité avec sérieux et qu'une solution En réalité, est-ce une réponse, monsieur le ministre ? M. le doit y être apportée dans les délais les plus courts. conseiller artistique n'a jamais découvert aucun chanteur. Il s'est Telles sont, mes chers collègues, les observations que, au toujours contenté d'engager, à Aix ou ailleurs, des étrangers nom du groune socialiste, j'ai tenu à formuler, avec le ferme déjà connus et consacrés dont tout le monde savait les qualités espoir, monsieur le ministre, que vous nous apporterez dans vos et les défauts. Il a aussi engagé des artistes de l'Opéra. Par réponses les apaisements que nous attendons, (Applaudissernent3.) contre, les prospections systématiques des jeunes talents précé- Mme le président. La parole est à M. Abel-Durand. demment organisées à l'Opéra ont fait découvrir, en quelques années : M. Robert Massard. actuellement l'un des meilleurs M. Abel-Durand. Je voudrais souligner d'abord l'importance barytons de l'Opéra et du monde, engagé en 1950 sur audition, de certaines des conclusions de notre rapporteur M. Raybaud sur était alors employé dans un garage. la nécessité de la réparation définitive des monuments endom- magés par la guerre. M. le ministre des affaires culturelles a Mme Jacqueline Brumaire, une des plus éminentes mozar- la charge de la réparation des monuments historiques. M. le tiennes du monde actuellement, était, avant son engagement sur ministre de la reconstruction a achevé sa tâche bien qu'elle fût audition, pianiste répétitrice. singulièrement plus étendue. M. le ministre des affaires cultu- M. Guy Chauvet, le ténor qui porte les espérances actuelles de relles, lui, en a pour seize ans encore, si l'on s'en rapporte aux l'Opéra, engagé sur audition, était, au moment de son engage- statistiques présentées par M. Raybaud. C'est là, monsieur le ment, employé des contributions directes. ministre, une situation que vous ne pouvez nas tolérer. M. René Bianco, actuellement l'un des meilleurs barytons de Dans l'ensemble, vous avez attribué à la réparation des l'Opéra et du monde, promu premier plan sur audition, était monuments historiques un budget diminué. Vous l'avez renforcé engagé sur audition, venait d'Algérie où il était employé de mai- en ce qui concerne les ouvrages commencés. Vous avez eu raison rie, à Constantine. de le faire. Permettez-moi, ici, monsieur le ministre, de vous M. Alain Vanzo, un des meilleurs ténors actuels de l'Opéra pro- rendre hommage : vous avez tenu la promesse que vous avez faite mu premier plan sur audition, croupissait depuis plusieurs à la tribune du Sénat. Le reconstruction de la sacristie de la années dans les troisièmes plans à l'Opéra-Comique. cathédrale de Nantes est commencée. La première pierre a été Il en fut de même pour M. Paul Finel, un des meilleurs ténors posée hier. Mais il existe dans notre département un autre français de l'heure présente. De nombreux autres exemples monument classé dont j'ai parlé l'an dernier aussi au château de pourraient être cités, démontrant ainsi l'efficacité des auditions Châteaubriant que M. Cornu a visité lorsqu'il était secrétaire lorsqu'une direction compétente y préside. d'Etat aux beaux-arts : une façade d'un style Renaissance, depuis Concernant la location et l'achat de décors à l'étranger, mon- deux ans, porte des échafaudages. Ceux-ci ont été posés en 1959. sieur le ministre, vous avez dit : « que cela s'inscrivait dans la Ils existent encore. Il en coûte 200.000 francs de location par an. politique générale d'échange entre les grands théâtres lyriques Certes, il s'agit d'anciens francs, mais ils pourraient être plus et que notamment dans le cas de Troyens il s'agissait d'une co- utilement employés ailleurs. D'autant plus qu'une des consé- production, l'ceuvre de Berlioz ayant été créée en 1959 à la quences de cet état de fait est que, le crépissage de la façade Scala sur promesse du rachat du matériel par l'Opéra ». Vous n'ayant pu être entrepris, cela empêche d'organiser, à l'intérieur, avez ajouté que « L'Opéra est en négociations avec la Scala pour un musée. J'ai conduit il y a quelques mois M. le directeur des louer un de ses décors en échange ». musées de France à Châteaubriant. Je lui ai montré un ensemble Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que votre qui l'a frappé. J'ai fait passer sous ses yeux certains objets qu'il information n'est fort probablement pas exacte. Il n'a jamais serait intéressant d'exposer. Il y a là, derrière cette façade dont été question de coproduction avec la Scala qui, contrairement j'ai dit quel était l'état, un appartement princier. Etait-il ducal ? à l'Opéra, se considère majeure et monte ses ouvrages elle- Etait-il royal ? Il est l'un et l'autre, car il abrita les amours de même. Il n'est pas plus question de louer des décors de l'Opéra François I" et de Françoise de Foix. à la Scala, d'autant que les décors de l'Opéra de dimensions Mais, monsieur le ministre, le directeur des musées de beaucoup plus grandes ne pourraient être montés sur la scène France s'est opposé à ce qu'on réinstalle le musée dans ce de la Scala sans occasionner des frais considérables pour des bâtiment, parce que l'état dans lequel se trouvait la muraille, en modifications qui rendraient impossible leur réadaptation à la raison de l'humidité intérieure, ne permettait pas d'y présenter scène de l'Opéra. des objets ayant quelque valeur. En outre sur la suppression des directeurs de la scène de Vous avez donc eu raison, monsieur le ministre, de renforcer l'Opéra et de l'Opéra-Comique, vous avez certes donné des le crédit pour les travaux déjà entrepris, mais il ne faut cepen- explications à l'Assemblée nationale ; traitant de la question en dant pas négliger les autres aspects, tout cet ensemble que

1732 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 M. Cornu a souligné, de monuments répartis dans nos campagnes, Nous nous sommes élevés, ici, à plusieurs reprises, contre la d'églises plus modestes, de manoirs, qui sont notre richesse à décentralisation de l'art. L'art est dans la France entière et se nous provinciaux, qui font partie du décor de nos paysages et renouvelle grâce à des architectes formés parfois dans les écoles qui constituent pour nous l'attrait touristique. Voilà tout sim- de province, dans un milieu où, traditionnellement, depuis un, plement ce que je voulais vous dire des crédits concernant l'achè- deux ou trois siècles, parfois depuis plus longtemps encore, vement des travaux commencés. subsistent dans le cadre de l'urbanisme un amour de l'art et des Ajouterais-je, pensant aux cathédrales, que les tailleurs de tendances artistiques dont ma ville se félicite d'avoir, notam- pierres constituent une profession qui fait partie de notre équi- ment au XVIII' siècle, dans le domaine de l'architecture, l'une pement culturel ? Ce sont des artistes qui sont inoccupés parce des plus brillantes représentations. (Applaudissements.) qu'il n'y a pas de crédits pour leur permettre de continuer leurs travaux dans la cathédrale de Nantes par exemple. Voilà la Mme le président. La parole est à M. Roubert. première question que je voulais vous rappeler. M. Alex Roubert. Monsieur le ministre, permettez-moi, après Il est un second point sur lequel je voudrais particulièrement mon ami M. Joseph Raybaud, rapporteur spécial, et d'autres insister. On a souvent parlé aujourd'hui de l'enseignement artis- orateurs, de revenir un instant sur le sort des théâtres lyriques tique, de l'enseignement dramatique, de l'enseignement musical. de province. On n'a pas parlé ou presque pas de l'architecture. Certes, nous nous félicitons des efforts que vous avez con Une ligne de votre budget appelle mes observations : il s'agit sentis en faveur de l'Opéra de Paris et de la Réunion des de l'article 5 du chapitre 36-21 relatif aux ateliers extérieurs de théâtres lyriques nationaux, qui doivent bénéficier de 2.149 l'école nationale des beaux-arts. millions cette année, mais, si nous comparons avec les crédits affectés aux théâtres lyriques de province, nous pouvons consta- M. Raybaud a fait allusion dans son rapport aux crédits de ter combien la différence est énorme. Les plus favorisés sont l'enseignement des beaux-arts en des termes qui nous attribuent ceux de Bordeaux, de Lyon et de Nice qui n'ont respectivement un objectif auquel je ne puis que m'associer, mais avec quelque reçu que 24, 22 et 5 millions. Qu'est-ce à côté de plus de réserve cependant : « M. le ministre envisage dès maintenant d'ai- deux milliards der plus efficacement quelques établissements situés dans les Je voudrais naturellement tout particulièrement attirer votre centres régionaux choisis parmi les plus importants. » attention sur l'importance de ces scènes de province sur les M. Raybaud a considéré sous un aspect des plus favorables, quelles sont produits tous les ans des spectacles de très haute des mesures dont l'annonce a provoqué une très grande inquié- qualité, mais qui s'épanouiraient certes davantage si une aide tude dans les écoles d'architecture de province et, surtout, à plus considérable leur était accordée. l'intérieur de la profession d'architecte. Je pense à Nice qui, après Paris, est la plus grande ville Comment l'enseignement de l'architecture en France est-il de tourisme de France. Si, à Paris, il est intéressant de actuellement organisé ? Il est dispensé par l'Ecole nationale supé- donner des spectacles de haute qualité, considérez, monsieur rieure des beaux-arts, section architecture, laquelle se compose le ministre, que Nice reçoit tous les ans une clientèle étran- d'ateliers intérieurs à l'école, au nombre de sept, et d'ateliers. gère considérable, en même temps qu'une clientèle française extérieurs, dont treize ateliers parisiens et treize ateliers pro- qui n'est pas négligeable, et que l'intérêt bien compris du vinciaux. C'est sur ces ateliers provinciaux que je voudrais appe- tourisme comme de l'art nécessite de gros efforts. ler l'attention du Sénat pour lui signaler une mesure qui irait La municipalité, qui se montre extrêmement vigilante, ne à l'encontre de la décentralisation qui, jusqu'ici, paraissait par- manque pas d'accorder son soutien aux spectacles de haute faite dans ce domaine. qualité et des progrès très considérables ont été faits, ces Ces ateliers provinciaux ont leur siège dans douze ou treize dernières années, sous l'égide de M. Jean Médecin, député- villes. Le concours d'entrée est le même qu'à Paris ; c'est un maire. Des saisons d'opéra ont été montées qui ont recueilli, concours national. Les études sont exactement les mêmes. Les je vous l'affirme, un très grand succès. élèves admis dans les ateliers provinciaux acquittent un droit J'ai eu, dans le courant de l'été, l'occasion, dont je me suis annuel d'immatriculation à l'école nationale supérieure des réjoui, de voir, aux arènes de Cimiez, à Nice, une représentation beaux-arts de Paris. Les programmes, les épreuves sont les des « Maîtres chanteurs » admirablement montée avec des mêmes pour l'ensemble de la France. Elles sont jugées à Paris. artistes venus directement de Bayreuth et sous la conduite d'un Les membres du jury sont désignés par le ministre : ce sont les chef d'orchestre dont le nom est certes peu connu actuellement, différents directeurs et professeurs des ateliers de Paris et de mais qui n'en a pas moins magnifiquement conduit cette oeuvre province. gigantesque et si difficile à interpréter. La comparaison, je C'est là une décentralisation d'apparence parfaite, mais la puis l'affirmer, n'était pas en sa défaveur avec ce qui avait réforme qu'il a annoncée à l'Assemblée nationale comme devant pu être réalisé, voilà quelques années, à l'Opéra de Paris. intervenir par décret dans les quinze jours risque de lui porter Cependant, une subvention de 5 millions pour des dépenses atteinte de deux manières. qui s'élèvent à plus de 300 millions et qui incombent à la D'abord, les écoles nationales existantes en province seraient municipalité, c'est vraiment insuffisant et c'est pourquoi nous remplacées par quatre écoles ayant le privilège d'être des écoles venons vous demander une aide un peu plus confortable. supérieures mais — et c'est là un point qui a attiré l'attention Autre question concernant les théâtres de province, de ces des architectes de province — risqueraient d'être d'un rang provinces où vous souhaitez certainement qu'existe un certain quelque peu inférieur à celles de Paris. D'autres écoles, qui ne nombre de petites capitales artistiques. Vous parlez de décen- seraient plus que régionales, formeraient des techniciens, sur- tralisation, vous dites qu'il convient de conserver dans chacune de ces capitales provinciales un noyau artistique toujours veillants de travaux. vivant et M. Abel Durand vient de l'indiquer à propos de C'est sur ce bouleversement de l'enseignement de l'architec- l'architecture. ture que je voudrais attirer l'attention du Sénat. S'il ne fallait Pour l'art, c'est la même chose. Il y existe de vieilles tradi- y voir que la promesse d'aider plus efficacement certaines écoles, tions, on y trouve un feu sacré de l'art qu'il ne faut pas laisser je pourrais y trouver certains avantages ; mais il s'agit en fait s'éteindre. d'une centralisation allant à l'encontre de tous les principes à - Il existe deux façons d'aider ces villes. D'abord, sous forme l'honneur jusqu'ici. de subventions, pour que la qualité des représentations données Comment se fera le •choix des écoles ? Uniquement d'après la sur place s'affirme de plus en plus. D'autre part, vous pourriez, situation géographique ? En fonction du quadrillage géomé- comme pour les compagnies théâtrales de province, accepter trique ? Le procédé pourrait être très simple en apparence, mais de les faire connaître à Paris. il serait contraire, je pense, à la réalité, car une certaine distinc- Nous nous félicitons tous que des compagnies de la valeur tion peut être faite entre les écoles, par exemple en fonction de celles de Toulouse, de Marseille, de Lyon et de Strasbourg du nombre de candidats reçus — ce qui est facile à constater — puissent venir tous les ans à Paris et faire valoir que dans ou encore en fonction des résultats ou du nombre de diplômes nos provinces on est très capable de donner des spectacles de d'architectes acquis dans ces écoles. Pour plusieurs écoles, on très haute qualité, notamment des spectacles classiques. Cela, peut même tenir compte du fait que certains de leurs anciens vous l'avez fait pour le théâtre. Ne pourriez-vous pas le faire élèves sont entrés en loge pour le prix de Rome. Pour une école également pour l'art lyrique ? que je connais particulièrement, le fait d'avoir obtenu l'an der- Je suis persuadé que les représentations, à condition qu'elles nier, sinon un premier grand prix, mais un premier second grand soient très bien montées et bien surveillées, données à Paris prix, constitue un critère qui pourrait être pris en considération. après avoir été créées à l'Opéra de Marseille, de Toulouse, de Voilà, monsieur le ministre, ce sur quoi je voulais attirer votre Bordeaux, de Nice ou de Strasbourg, ne manqueraient pas d'avoir attention ainsi que celle du Sénat, pour dénoncer — permettez- le retentissement qui convient. moi cette expression — une réforme systématique, une réforme D'autre part, ce serait peut-être un encouragement de plus pour en apparence satisfaisante, mais qui va à l'encontre de principes ces théâtres de province que de pouvoir mettre en valeur un et de doctrines auxquels nous sommes profondément attachés, certain nombre de metteurs en scène et d'artistes qui, s'ils nous, représentants des provinces, dans un domaine où la décen- restent dans leur province, n'aspireront qu'à une seule chose : tralisation est peut-être encore plus nécessaire qu'ailleurs. la quitter pour aller se produire à Paris, ou, lorsque la chance SENA'l' — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1733 peut leur sourire, dans les pays étrangers. Il est finalement plus claires et cette somme, dont vous voudrez bien, si possible, facile, pour une troupe de province — celle de l'Opéra de Nice, nous donner le chiffre, est-elle suffisante pour qu'on entretienne par exemple — d'aller donner un spectacle à Belgrade ou dans les palais de justice et qu'on y fasse un minimum de réparations ? une autre capitale que de venir le faire à Paris. (Applaudissements.) D'autre part, monsieur le ministre, les spectacles de cet ordre ne sont pas donnés par les seuls théâtres ou opéras municipaux. Mme le président. La parole est à M. Jung. Les casinos sont également en cause. M. Louis Jung. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je Dans nos villes de tourisme, les casinos se trouve générale- ne voudrais pas allonger ce débat et je m'excuse de vous par- ment, en vertu de leur cahier des charges, dans l'obligation de ler d'un projet d'intérêt régional, mais vu que la cathédrale de donner un certain nombre de spectacles. On les a encouragés, Strasbourg a quand même été, pour tout notre peuple, pendant en 1946 ou en 1947 — je me félicite d'avoir été quelque peu à de nombreuses années, le symbole de la liberté et même, pen- l'origine de cette mesure — en leur permettant de prélever sur dant la dernière guerre, le symbole de la libération, je vou- le produit des jeux une somme de 8 p. 100 en faveur des spec- drais attirer l'attention de M. le ministre sur la situation dra- tacles de qualité. matique dans laquelle se trouvent les responsables de l'entre- Cette année, un amendement adopté en séance de nuit par tien de ce bâtiment. l'Assemblée nationale, qui ne semble pas avoir été discuté à Actuellement, quand nos techniciens nous disent que la fond — nous aurons l'occasion de le reprendre, dans quelques flèche même est en danger, vous alléguez le manque de crédits. jours, lorsque nous aborderons l'examen de l'article 59 — Vous allez sans doute, monsieur le ministre, nous parler des concrétise un effort en faveur du tourisme. Le prélèvement a efforts déjà accomplis, mais ce serait quand même un coup été porté de 8 p. 100 à 10 p. 100, et tout le monde d'applaudir. cruel du sort que le même homme qui, en 1944, lors de la libé- évidemment. Mais ces 10 p. 100 vont se diviser en deux parties : ration de Strasbourg, a ouvert à nouveau les portes de la cathé- 5 p. 100 pour les spectacles de qualité et 5 p. 100 en faveur de drale ne puisse trouver les crédits nécessaires pour la sauver l'hôtellerie. maintenant. Nous nous réjouissons de cette décision, car c'est une magni- Je vous fais donc confiance, monsieur le ministre, car nos fique victoire pour l'hôtellerie, mais la subvention en faveur du populations alsaciennes et tout le peuple de France attendent spectacle lyrique diminue de 8 à 5 p. 100. que la cathédrale de Strasbourg soit sauvée. (Applaudissements.) Pour attirer les touristes, il faut à la fois de bons spectacles et Mme le président. La parole est à M. le ministre d'Etat. de bons hôtels. Ils ne viendront à l'hôtel que si la ville est M. André Malraux, ministre d'Etat chargé des affaires cul- suffisamment attractive, et parmi les attractions figure le spec- turelles. Mesdames, messieurs, plusieurs orateurs ont souligné tacle. Si l'on construit de bons hôtels, mais qu'on abandonne qu'ils souhaitaient une certaine accélération des débats. Sans les bons spectacles, ils se produit alors une discordance qu'il doute le souhaitent-ils plus encore en constatant l'heure. De convient de s'appliquer à diminuer. plus, je n'ai pu, évidemment, prendre aucune note personnelle D'autre part, cette décision pénalise un certain nombre de pendant ce débat. Il est donc vraisemblable — et vous vou- stations, de casinos qui ont fait des efforts considérables et qui drez bien m'en excuser — que je ne répondrai pas à toutes les ont pu atteindre une renommée internationale. questions de détails qui ont été posées. Pour certaines, la Je veux parler plus particulièrement d'un spectacle que vous réponse serait longue, mais je puis affirmer qu'elle leur sera connaissez bien, monsieur le ministre, et que vous allez applaudir remise avant notre départ, par écrit. Au cas où ils trouveraient tous les ans : le festival d'Aix-en-Provence. C'est un des plus utile de disposer d'une réponse publique et figurant au Jour- beaux qui soient en France, à l'heure actuelle, et tout le monde nal officiel, il leur suffirait de reprendre la procédure de la s'est réjoui du spectacle Mozart, qui vaut très largement le question écrite. Mozart de Salzbourg et certainement mieux que le Mozart donné Pour les questions essentielles, je pense ne rien oublier ; pour en Angleterre. les autres questions, je demande simplement à la commission Jusqu'à présent, le casino d'Aix bénéficiait d'un abattement de reprendre les travaux que nous aurons été obligés de négli- de 8 p. 100, que l'on ramène à 5 p. 100. Cette pénalisation d'envi- ger. Encore une fois, je m'en excuse. ron 10 millions par an équivaut à dire que l'on va supprimer Sur l'essentiel, M. le rapporteur Raybaud a notamment sou- le festival d'Aix-en-Provence, ce qui me paraît hors de la pensée ligner la gêne que ressentait la commission à se trouver en du ministère des arts et lettres. face des travaux du IV' plan qui n'avaient pas été exposés C'est pourquoi je viens vous demander de donner à mon d'une façon suffisante au Sénat. En effet, ces travaux n'ont été amendement à l'article 59 un appui moral et d'insister auprès de achevés que tout récemment. Le conseil économique et social M. le secrétaire d'Etat au finances, en attendant que nous en s'en est saisi la semaine dernière, et sans anticiper sur ce qui discutions dans les prochains jours. pourra être l'avis de ce conseil sur la partie du IV° plan consa- Je vous demande de bien vouloir appuyer cet amendement, au crée à l'équipement culturel je dois signaler, d'une part, la statis- besoin en m'indiquant la rédaction que vous préféreriez. faction que nous pouvons éprouver de constater que, pour la Au moment où l'on veut encourager le tourisme d'un côté, première fois, ce qui touche à l'équipement culturel est inséré le théâtre lyrique de l'autre, qu'on ne pénalise pas l'une des dans le plan national d'équipement et, d'autre part, que la masse plus belles réalisations dont la France a pu s'enorgueillir depuis de crédit prévu pour les travaux doit être finalement de ces dernières années. (Applaudissements.) l'ordre de 90 milliards. Le ministre d'Etat chargé des affaires Mme le président. La parole est à M. Pierre Garet. culturelles a constamment tenu informées les commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat des M. Pierre Garet. Monsieur le ministre je voudrais brièvement crédits qu'il souhaitait voir inscrits au plan d'équipement reprendre ici un propos que j'avais tenu devant vous lors de national. la discussion du même budget, l'année dernière. En ce oui concerne, par contre, la loi de programme, je n'y Vous êtes, monsieur le ministre, le responsable de l'état de reviendrai pas, puisque certains de mes prédécesseurs à cette nos palais de justice, du moins dans la mesure où ils dépendent tribune en ont fait l'exposé. Vous savez comme moi que votre du plan national. Or, chacun sait que ces palais de justice se commission des affaires culturelles a désigné un rapporteur, présentent en général sous des aspects vétustes ; ils sont mal M. Cornu. entretenus et ils sont souvent insuffisants. Sur le centre de diffusion culturelle, je m'étendrai un peu Si je me reporte aux différents articles de votre budget, je plus, puisqu'il s'agit du premier des amendements qui nous sont vois qu'au chapitre 56-32 il est prévu d'abord des crédits parti- soumis. culiers : 2 millions de nouveaux francs pour le palais de justice Votre rapporteur a conclu de l'examen du budget concernant de Saint-Denis de La Réunion, 300.000 nouveaux francs pour l'action culturelle en présentant au Sénat un amendement l'achèvement de la reconstruction de la cour d'appel de Bastia ; tendant à supprimer du titre V, chapitre 56-32, un crédit de par ailleurs, pour l'ensemble des palais de justice qui abritent, 1,200 nouveaux francs destiné à l'aménagement du centre de par exemple, nos cours d'appel de la métropole, je note qu'il diffusion culturelle. Cette suppression est fondée essentielle. n'est prévu pour les travaux d'aménagements et d'installations ment sur l'inquiétude de voir la politique culturelle de mon qu'une somme totale, qui me paraît minime, de 500.000 nouveaux département aboutir à la constitution d'organismes supplémen- francs. taires dirigés de Paris, ne tenant aucun compte des données La question que je veux vous poser est la suivante : cette locales et négligeant les efforts déployés depuis de nombreuses somme vous paraît-elle suffisante, compte tenu des besoins mis décennies par tel ou tel groupement régional. en avant par le ministère de la justice et qui ont été mis en Je n'ai jamais perdu de vue, je ne perdrai jamais de vue que lumière par les travaux de vos services ? la mission assignée à mes services est de rendre accessibles, Ma deuxième question, monsieur le ministre, a trait au comme vous l'avez dit tout à l'heure, au plus grand nombre même sujet. En ce qui concerne les travaux d'entretien, c'est au possible les oeuvres importantes de l'humanité et de la France. chapitre 35-32 qu'il est question des bâtiments civils et palais C'est rceuvre capitale qui va être, maintenant que les assises en nationaux. Une somme totale asez importante est prévue. Dans sont assurées, la tâche majeure de mon département. quelle mesure une partie de cette somme est-elle réservée pour Elle implique que tous les efforts de ceux qui s'y sont consa- les travaux d'entretien et de réparations des bâtiments judi- crés avec leurs moyens et leur foi soient reconnus et secondés. 1734 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 Un plan a été élaboré qui, dans les années à venir, mettra en l'amendement de votre commission des finances et le reprend oeuvre des investissements sans aucune commune mesure avec à son compte. ce qui a été fait jusqu'ici. Mais avant même que les moyens Tout cela indique suffisamment le caractère encore provisoire matériels et financiers pourront être dégagés pour couvrir la des dispositions d'aide aux théâtres privés et répond à la préoc- province française de ce réseau de maisons de la culture, il cupation de M. Raybaud qui se soucie de savoir si l'Etat doit importe que soient utilisés dans les meilleures conditions les laisser aux municipalités toute la charge de l'aide aux théâtres moyens existants dont la mise en oeuvre ne dépend pas uni- privés. quement d'une augmentation des crédits. Quand l'Etat offre aux municipalités le moyen indirect d'aider Partout, déjà, il existe des groupements, et vous en protégez ces théâtres en les détaxant, il utilise une des possibilités qui beaucoup, qui se sont donné comme ambition de promouvoir la lui sont offertes, sans pour autant se décharger d'une respon- vie culturelle dans nos provinces. Augmenter leur moyens sabilité qu'il est de son rôle d'assumer. d'action par la participation financière de l'Etat est certes sou- Mais les municipalités, en consentant de gros sacrifices pour haitable, mais le budget ne peut d'un coup leur donner les leurs théâtres, souhaitent aussi que la loi leur offre ce moyen crédits qui seraient d'emblée nécessaires et avant que chacun de les aider, concurremment avec ceux que l'Etat prend à sa trouve son renforcement matériel dans une augmentation de ces charge, et dont la nouvelle définition sera le fruit des travaux moyens, il paraît urgent de créer l'organe de coordination qui de la nouvelle commission dont il vient d'être parlé. leur permettra à tous de se connaître, de mettre en commun Il n'y a là ni point final ni dérobade de l'Etat, mais la leurs ambitions et leurs possibilités. naissance d'une politique qui doit tendre à donner au théâtre, Entre le public nouveau avide et impatient de connaître et par tous les moyens possibles, tout l'appui que les pouvoirs ceux qui se consacrent à répondre à cet appel, il manque encore publics sont en mesure de leur apporter. l'élément de coordination et de contact que veut être le L'amendement relatif à la création artistique a été retiré, centre de diffusion culturelle. Il s'agit pour celui-ci d'établir mais je veux néanmoins donner à la haute assemblée quelques le catalogue de toutes les manifestations, dramatiques, musicales, informations relatives à ce type de création parce qu'il avait cinématographiques, littéraires, sportives, toutes les expositions retenu l'attention et provoqué un peu la critique de sa et conférences qui sont susceptibles de se déplacer en province commission. et naturellement d'en disposer. Il s'agit aussi d'offrir aux créa- Cinq cent mille nouveaux francs sont prévus pour la création teurs et interprètes professionnels un Public infiniment plus artistique, avec l'intitulé suivant : « Etudes, recherches et large que le cercle de leurs auditeurs et spectateurs habituels, réalisations de prototypes : tapisserie, mobilier, porcelaine, céra- de faciliter la circulation dans la France entière, de Paris à la mique, commandés aux artistes contemporains les plus repré- province, entre les villes de province et aussi de la province sentatifs ». vers Paris, puisqu'aussi bien la situation est telle que la consé- Ce crédit, qui n'a aucun rapport avec les 900.000 nouveaux cration des efforts se fait aujourd'hui à Paris de toutes les francs consacrés à l'achat d'oeuvres réalisées, est par conséquent manifestations qu'animeront les entreprises locales. destiné à provoquer des réalisations qui, faites par les meil- Le centre de diffusion devrait permettre à chaque maire, à leurs artistes, seront de nature à donner un visage nouveau chaque animateur, de connaître dans les tous les ordres qui le et véritablement contemporain au mobilier ainsi qu'aux pro- préoccupent quelles manifestations sont à sa disposition, dans ductions de la manufacture de Sèvres. Je le répète, il s'agit quelles conditions elles le sont pour établir ses propres pro- de prototypes. grammes et recevoir toutes suggestions, tous conseils, toute Sur cette somme globale, il est clair que c'est au mobilier aide concrète sous forme de matériels, de renseignements techni- que l'effort essentiel doit être consacré : c'est pourquoi les ques, juridiques, pratiques dont il peut avoir besoin. 450.000 nouveaux francs qui sont demandés pour le seul mobilier ne peuvent pas être retranchés. En effet, l'Etat a réussi à Pareille centrale ne peut voir le jour qu'à Paris, mais son obtenir la collaboration des meilleurs artistes dans le domaine organisation juridique sera conçue de façon à permettre à de la tapisserie : la France, ici, n'a pas cédé son rang. la province de -s'y exprimer et elle s'y exprimera naturellement Pour le mobilier, en revanche, nous nous contentons d'acheter, puisqu'aussi bien le centre servira de représentation permanente de restaurer et de copier l'ancien. Or, il existe une demande à Paris aux organismes culturels locaux. Il s'agit d'un acte qui de meubles d'un style contemporain, même pour certains s'inscrit dans le sens de la décentralisation et qui veut faire ministères, demande à laquelle nous ne pouvons répondre. précéder l'édification d'un réseau de maisons de la culture de Aussi voyons-nous l'Italie, les pays scandinaves prendre une la constitution des éléments de leur animation. avance très nette qui se traduit par un déficit de notre balance Prévoir 120 millions au budget de 1962 pour la mise en place commerciale ; et l'ouverture du Marché commun aggrave les d'un tel dispositif est une mesure sage, étant entendu que le conséquences de cette régression. ministre prend l'engagement de n'en faire usage qu'après accord Ce crédit était donc essentiel pour permettre dans l'immédiat de la commission des affaires culturelles et de la commission la création de quelques prototypes qui serviront d'exemples et des finances et sans cacher que ses préférences iraient à un d'appels pour un rajeunissement nécessaire à notre prestige organisme au sein duquel siégeraient les représentants des artistique et à notre vie économique. collectivités locales. Je souhaite que le Sénat, après avoir en- tendu ces précisions, accepte le retrait de cet amendement. J'en arrive à l'Opéra-Comique abordé dans le rapport de M. le sénateur Lamousse. Bien entendu, c'est un problème Je me résume en une seule phrase. Ce dont il s'agit, sous critique entre tous et M. Lamousse le connaît bien puisqu'il des complications apparentes, c'est très simplement ceci veut- a participé au rapport de la commission de contrôle constituée on faire la maison-mère avant de faire les succursales ? Ou veut- par notre Assemblée pour l'étude des problèmes de la Réunion on faire les succursales avant de faire la maison-mère ? Les des théâtres lyriques nationaux. deux points de vue se défendent ; c'est une pure question de J'ouvrirai d'ailleurs une parenthèse pour dire combien ce méthode. Si l'amendement est maintenu, il est incontestable que document rédigé par votre rapporteur général et MM. les séna- la tâche de mes services sera rendue plus difficile. Pour ma teurs Lamousse et Raybaud m'est précieux au moment de part, je n'y marquerai aucune opposition, car je comprends l'étude de ce problème. parfaitement ce point de vue. Disons simplement que je ne le E révèle que, depuis des décennies, les pouvoirs publics sont partage pas. Je viens de vous dire pourquoi. Je demande au à la recherche d'une solution qui paraît échapper chaque fois Sénat de bien y réfléchir, quelle que soit sa décision. qu'une nouvelle formule est trouvée. Raison de plus pour que J'en viens au sujet fort important, bien entendu, de la fisca- nous la recherchions, non seulement dans le cadre d'une solution lité des théâtres. Vous savez que j'ai pris l'initiative de démar- liée à la Réunion des théâtres lyriques nationaux, mais liée ches auprès de divers départements intéressés pour que soit à Fensemble de la décentralisation lyrique. mise en oeuvre une politique commune. Cette politique concerne Vous le savez, le conseil supérieur de la Réunion des théâtres les finances, l'intérieur et le travail. lyriques nationaux a abordé ce problème sous toutes ses faces. En collaboration avec le syndicat des directeurs de théâtres, La longue séance consacrée à son examen a conclu à la vient de se constituer un groupe de travail animé par la nouvelle nécessité d'établir un rapport présentant les hypothèses de direction des théâtres. Ce groupe devra s'employer à mettre travail sur lesquelles la commission aura à se déterminer. Ce au point un système d'aide tendant à aménager les diverses rapport sera remis dans les tous prochains jours aux membres dispositions actuellement appliquées, afin de porter remède à du conseil. Celui-ci se réunira autant de fois qu'il le faudra la situation présente, dans le souci réaliste de la plus grande pour aboutir à des conclusions sur lesquelles nous pourrons et rapide efficacité. enfin, en toute connaissance de cause, nous prononcer. Les avis émis par monsieur le sénateur Fruit seront précieux Votre assemblée est associée aux travaux de cette commis- pour l'orientation des travaux de ce groupe dont les conclusions sion en la personne du président de votre commission culturelle, seront connues dans un délai de quelques mois. En attendant, M. le sénateur Gros. le Gouvernement approuve la reconduction pour un an de l'aide Dans le rapport de M. Lamousse, j'en arriverai à Carmen temporaire accordée aux théâtres privés parisiens, prévue par que je reprendrai tout à l'heure à propos du Japon. (Sourires.) la loi du 24 mai 1951 et proposée par le rapporteur spécial Je signale tout de suite que, si la mise en scène a été très de la commission des finances. Le Gouvernement accepte donc coûteuse -- 58 millions d'anciens francs — les recettes ont SENA T — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1735 été importantes, soit 246 millions d'anciens francs pour 88 repré- télévision. Des formules d'entente commencent à se dessiner sentations devant 154.000 spectateurs, et onze représentations et je pense qu'avant la fin de l'année une association profitable au Japon devant 45.000 spectateurs. La méthode n'est donc aux deux partis, dans un domaine précis, aura été formée. pas mauvaise ! Mesdames, messieurs, si le cinéma n'a pas connu en France J'aborde maintenant le cinéma auquel beaucoup d'entre vous comme dans d'autres pays une réduction considérable de son sont directement intéressés et je voudrais, à ce sujet, compléter public, si le nombre des films produits s'est maintenu, si, en les informations que MM. Raybaud et Lamousse nous ont résumé, le cinéma n'a pas connu la catastrophe que certains données sur quelques points. se plaisaient à prédire lorsque nous avons modifié le système Pour la réorganisation du secteur d'Etat, M. Lamousse a d'aide financière, il n'en est pas moins certain que cette activité bien voulu reconnaître que les sociétés d'Etat, dotées de est difficile et que le Gouvernement entend demeurer particu- nouveaux moyens et d'une nouvelle administration, constituaient lièrement attentif à son évolution. d'ores et déjà, un facteur non négligeable d'équilibre sur le En ce qui concerne les monuments historiques, je répondrai marché intérieur menacé, soit par un éparpillement grandis- directement et en détail à M. Garet, car cette réponse serait un sant des entreprises, soit par une emprise trop forte de quel- peu longue. Comme l'année dernière, je lui dis combien ce qui ques sociétés qui jouent un grand rôle sur le marché étranger. retient son attention retient aussi la mienne et que les obs- Votre rapporteur a regretté que la production ait été aban- tacles que nous rencontrons sont bien connus de lui. donnée par cette entreprise. Il est vrai que, présentement, Même remarque pour l'observation en commission des finances l'U. G. C. ne produit pas de films mais, au moment où le de M. Maroselli qui a déploré le retard constaté à l'exécution maintien de cette société a été décidé par le Premier ministre, de certains travaux, en particulier à la réparation du cloître de l'Etat, sur ma demande, mettait en place un système pour Luxeuil-les-Bains. Je lui répondrai également d'une façon per- favoriser une production de qualité : c'est le système des sonnelle. Des instructions viennent ''d'être données à l'archi- avances sur recettes, qui fonctionne depuis le début de jan- tecte en chef des monuments historiques du département de la vier 1960 et qui a permis de favoriser la création d'ceuvres Haute-Saône pour que les travaux en cause soient entrepris qui ont reçu, ainsi que M. le rapporteur vous l'a déclaré, les clans les délais les plus brefs. plus hautes récompenses dans les festivals internationaux. La question de M. Fruh à propos de la salle des concerts Il convient de remarquer que l'U. G. C. s'intéresse, en tant du Conservatoire est très intéressante et nous serons amenés à que distributeur et en tant qu'exploitant à certaines productions. en parler, non seulement avec lui, mais avec la commission. J'en viens au rapport de M. Cornu à propos de la nouvelle La politique de cette société est de spécialiser une des salles loi de programme. Comme il l'a indiqué, les dotations budgé- qu'elle possèch3, le Biarritz, dans la projection des films recon- taires du chapitre 56-35 « Restauration et rénovation du domaine nus d'une haute qualité artistique. de Versailles » et du chapitre 56-36 « Grands monuments natio- Enfin, je ferai remarquer qu'il convient d'abord de remettre naux » constituent la première des cinq annuités de la loi (le de l'ordre dans la société et d'équilibrer les dépenses et les programme déposée devant le Parlement. recettes. Ce qui est fait. Il ne faut pas en déduire que la Les sept monuments auxquels s'applique cette loi ont été position définie par le Gouvernement ne serait pas revisée choisis non seulement en raison de la place éminente qu'ils s'il apparaissait nécessaire que cette société recommençât à tiennent dans notre culture ou de l'intérêt architectural et produire. touristique qu'ils présentent, mais aussi, hélas ! en raison de Quant au plan d'investissement concernant la cinémathèque l'urgence des réparations à y accomplir. et l'institut des hautes études cinématographiques, M. Lamousse Je sais que l'état de nombreux monuments est loin d'être a attiré votre attention sur les crédits d'investissement qui, satisfaisant. Ils ont besoin, eux aussi, d'être restaurés et mis pour la première fois, sont inscrits en faveur d'organismes en valeur, qu'il s'agisse d'édifices illustres ou d'édifices modestes. cinématographiques parmi les dépenses en capital que suppor- Je puis sur ce point donner tous apaisements à M. Cornu : ces tera la France au cours des prochaines années. monuments n'ont pas été oubliés et c'est pour eux que vient C'est, je crois, un événement d'importance. Le quatrième d'être élaboré le plan d'équipement culturel. plan contient un plan d'équipement culturel, et, pour la pre- mière fois, dans celui-ci une place est réservée au musée du Compte tenu de l'existence de ce plan quadriennal, mais cinéma, c'est-à-dire à la cinémathèque, à l'enseignement du sans vouloir anticiper sur les conclusions du Conseil économiqUe cinéma, c'est-à-dire à l'I. D. H. E. C., et au perfectionnement et social auquel il a été soumis, je veillerai qu'une dotation des techniques, c'est-à-dire à la commission supérieure tech- spéciale soit comprise dans les budgets des quatre années à nique. venir. Il est évident que le régime de ces organismes, qui est le Je crois pouvoir indiquer au Sénat que les opérations se système de l'association subventionnée, devra être modifié développent dans les limites de 194 millions pour les quatre pour se rapprocher de celui qui régit des activités analogues années 1962, 1963, 1964, 1965. dans le domaine des musées, de l'enseignement et de la recher- Je vous rappelle enfin que les dotations budgétaires du che. service des monuments historiques ont été augmentées, en En ce qui concerne la fiscalité, les rapporteurs ont bien 1961, de 500 millions d'anciens francs par rapport à celles voulu reconnaître qu'en 1961 celle du cinéma avait été allégée de 1960. Le dépôt d'une loi de programme, la création d'un de quelque 25 millions de francs. D'accord avec eux, - je nouveau chapitre dans le budget de 1962 ainsi que l'élabo- reconnais bien volontiers qu'un nouvel effort de détaxation est ration d'un plan d'équipement, sont des preuves de l'effort nécessaire. Le cinéma français demeure un des plus taxés du que le Gouvernement est disposé à consentir en faveur de monde et il conviendrait de ne pas suivre l'exemple de la nos monuments historiques. Grande-Bretagne, qui a supprimé tout impôt d'exception sur Enfin, répondant à M. Raybaud qui exprimait des craintes les spectacles de cinéma après qu'un nombre considérable de au sujet de la conduite des opérations de réparation des monu- ses salles aient fermé leurs portes. ments ayant souffert de la guerre, il convient de préciser Dès maintenant, je puis informer le Sénat qu'à partir du qu'un accord est intervenu cette année entre les trois ministres 1" janvier 1962 la taxe additionnelle au prix des places, qui de la construction, des finances et des affaires culturelles alimente le fonds de soutien, sera sensiblement réduite. La aux termes duquel il a été décidé que l'ensemble des moyens charge de cette taxe qui s'élevait à 95 millions de nouveaux financiers nécessaires seront inscrits au budget des affaires francs en 1959 ne sera plus que de 62 millions de nouveaux culturelles. Le Plan a pris acte de cet engagement. francs en 1962. Les sommes qui ne sont plus perçues sont Tout en regrettant que les crédits soient encore insuffisants, comprises dans les recettes commerciales de l'exploitation et je dois cependant faire observer que l'ensemble des crédits des autres branches de l'activité cinématographique. Toutes pour Pentreitien, hes grosses réparations, et l'équipement, les places d'un prix inférieur à 1,39 nouveau franc sont exo- qui, en 1959, s'élevaient à 38,7 millions de nouveaux francs, nérées de cette taxe additionnelle. La taxe est abaissée de seraient, pour 1962, de 60 millions de nouveaux francs et, 0,15 à 0,10 nouveau franc pour les places d'un prix de 1,40 si l'on tient compte des crédits de la loi de programme, de à 1,50 nouveau franc et de 0,20 à 0,15 nouveau franc pour 63 millions et demi de nouveaux francs ensuite. Une part impor- les places d'un prix de 1,50 à 1,80 nouveau franc. tante de ces crédits sera affectée aux opérations de recons- En ce qui concerne les autres impôts, je ne suis pas en truction souhaitées par M. Raybaud. mesure d'indiquer aujourd'hui les dispositions qui seront adop- M. Bonnefous souhaitait être tenu informé des intentions tées, les conversations que j'ai avec mes collègues intéressés, le du Gouvernement en ce qui concerne la sauvegarde du site ministre des finances et le ministre de l'intérieur, n'étant pas de la gare d'Orsay. encore arrivées à des conclusions. J'en arrive au domaine de la télévision et du cinéma. M. La- M. Edouard Bonnefous. Je vous demande pardon, mais je mousse s'inquiète à juste titre de la place grandissante que la n'ai pas encore parlé et je ne crois pas que vous puissiez télévision tend à prendre dans les studios de cinéma. A ma savoir d'ores et déjà ce que je vais dire ! demande, depuis de nombreux mois, lé directeur général du M. le ministre d'Etat. Dans ces conditions j'interviendrai centre est en contact avec ses collègues de la radio et de la lors de la présentation de votre amendement,

1736 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 M. Bouquerel a soulevé le délicat problème de la recons- tralisation et du régionalisine. N'oubliez pas ce qui a été fait : truction proposée de la manufacture de tapisserie de Beauvais. il y a eu la création de nouveaux centres, le développement Ce problème appelle un examen attentif. des troupes théâtrales ; des troupes vont devenir des centres ; Le crédit inscrit au budget pour les manufactures de tapis- il y a les festivals, d'ailleurs trop nombreux, ce qui conduit serie ne concerne pas la reconstruction proprement dite de la à un éparpillement des moyens ; il y a les écoles d'art et les manufacture, mais l'aménagement des ateliers actuels. Cela écoles de musique en faveur desquelles un accroissement de dit, il y a, d'une part, des raisons sérieuses qui déconseillent la dotation est prévu pour la première fois depuis près de la reconstruction sur place de la manufacture ; la concentration dix ans ;• il y a les maisons de la culture ; il y a la décentra- à Paris correspond à une économie de gestion et à des avan- lisation dramatique et lyrique — elle est, dans son ensemble, tages administratifs, techniques et artistiques importants. D'au- mauvaise, et c'est là une autocritique — il y a l'augmentation tre part la promesse a été faite par M. Cornu en 1953 de du nombre des bourses d'études, bien sûr insuffisantes — plaider pour le retour de la manufacture, et je comprends 140.000 nouveaux francs attribués à ce titre sur un total de l'intérêt sentimental et économique que la municipalité attache 200.000 -- et enfin il y a l'accroissement des subventions aux à ce retour ; je comprends aussi l'intérêt porté par le ministre musées classés et contrôlés. d'alors. Bien entendu, la décentralisation lyrique est à reprendre de J'ai demandé à mes services de reprendre la question avec fond en comble. Sur ce point, je vous rappelle amicalement la municipalité de Beauvais. Le directeur général des arts que j'avais dit que rien de sérieux ne serait fait tant que nous et des lettres ira l'étudier sur place. C'est en somme ce que n'aurions pas eu un entretien, avec un ordre du jour très vous souhaitez, monsieur Bouquerel. précis, cet entretien réunissant la commission des affaires culturelles du Sénat, les sénateurs maires et' moi-même. Vous M. Amédée Bouquerel. Je vous remercie, monsieur le ministre. en étiez tous tombés d'accord. Nous avions envisagé cet entre- M. le ministre d'Etat. La chronologie appellerait l'inter- tien : je ne dirai pas que j'y étais tout seul, mais je dirai vention de M. Balestra. Mais je préfère mettre un peu à part qu'il y avait le sénateur maire de Strasbourg, moi et un chat cette intervention. qui traversait nonchalamment la pièce (Rires) ; ce n'était Quant à la réforme de l'enseignement de l'architecture, mon- beaucoup. sieur Abel Durand, si vous voulez, je reprendrai la question Donc, disons que sur le fond des choses la politique de avec vous. Je pense que vous avez raison sur beaucoup de décentralisation doit être changée. Elle ne doit pas être changée points mais je vous signale que des contacts ont été établis exclusivement par mes services : premièrement, parce que la avec les architectes de province. D'autre part, il me semble méthode serait mauvaise ; deuxièmement parce qu'ils ont besoin que vos inquiétudes viennent beaucoup du fait que le projet de vous. Par conséquent, il est souhaitable que nous réunis- a été inexactement . connu. Il l'a été inexactement parce qu'il sions les sénateurs maires et que nous fassions des propo- n'est pas définitif. La mise au point se poursuit. Il y a éga- sitions, que MM. les sénateurs maires acceptent certaines de lement les contacts dont je vous ai parlé, ceux avec la pro- celles-ci, écartent les autres et que nous passions tout de suite fession, avec les professeurs eux-mêmes, avec les massiers à l'application de ce qui aura été accepté par tout le monde. de l'école des beaux-arts. Permettez-moi de répondre que vos Je réponds maintenant à M. Balestra. Vous avez, monsieur objections me semblent parfaitement et totalement fondées, la le sénateur, une vue de l'ensemble des questions qui souvent direction qu'elles suggèrent est très certainement à considérer. m'intéresse beaucoup — par exemple, je ne pense pas que Pour une véritable décision, je voudrais me trouver en face vous ayez tout à fait tort sur Manon ni tout à fait raison sur du projet de loi définitif ; à ce moment-là, nous l'envisagerions Les Troyens — et parfois m'intrigue, comme si ce point de ensemble si vous le voulez bien. vue était essentiellement le regret de ceux qui ne sont plus là M. Abel Durand. Je vous remercie ! en face des qualités et des faiblesses de ceux qui sont là. M. le ministre d'Etat. Lorsque vous me dites, monsieur Bien sûr, le théâtre lyrique n'est pas parfait ; bien sûr, la Roubert, qu'il serait souhaitable de faire venir à Paris de réunion des théâtres lyriques nationaux n'est pas parfaite. grandes réalisations de théâtres lyriques de province, j'en A qui le dites-vous ! Mais croyez-vous qu'elle était parfaite hier ? suis tout à fait d'accord, mais je vous signale que nous l'avons Croyez-vous qu'elle était parfaite il y a trois ans et demi ? fait pour Le Roi David à Toulouse. En règle générale, il y a Non. Alors, disons-nous : il faut faire ce que nous pouvons moins d'oeuvres lyriques susceptibles de venir à Paris que faire avec les moyens que nous avons et une certaine bonne d'oeuvres dramatiques, parce que le répertoire lyrique est infi- volonté. niment plus restreint ; le public de Paris qui n'a pas vu telle Ce bilan, je l'ai dit tout à l'heure, pour le théâtre drama- ou telle pièce de Claudel, depuis vingt ans, va la voir jouer tique je le trouve bon. Il n'est pas exact que la Comédie- par la troupe du Centre de l'Est lorsque celle-ci vient dans la Française soit dans une mauvaise position. Elle n'a jamais capitale. Si nous voulions faire la même chose pour l'Opéra ou eu de meilleurs programmes, jamais eu tant de public, jamais l'Opéra-Comique, par exemple, cela serait difficile. tant gagné d'argent. Quant au fond, j'estime avec vous que l'aide que nous Elle a même deux directeurs ! apportons, par la consécration de la province à Paris, est M. Pierre de La Gontrie. très utile. Les centres dramatiques m'ont fait savoir qu'ils M. le ministre d'Etat. Elle aura même peut-être deux direc- avaient doublé les effectifs de leur public en province depuis teurs, comme le dit l'un d'entre vous. Quelle chance pour qu'ils pouvaient se produire à Paris. elle ! (Rires et applaudissements au centre droit.) D'autre part, sous réserve de l'accord de mon collègue des Il n'est pas exact que le Théâtre de France n'ait pas réussi. finances, je souhaite voir, le moment venu, le Sénat adopter Vous le savez tous. Et quand on vient nous dire: mais enfin, l'amendement proposé par le président de votre commission qu'avez-vous fait ? Mon Dieu, qu'on traverse la place de la des finances, M. Roubert. La mesure proposée, si elle était Concorde et on s'en apercevra : le blanc crayeux épouvantable adoptée, permettrait d'assurer le plein emploi des moyens finan- de ces monuments dont vous savez comme moi qu'ils sont jau• ciers à provenir de la mesure proposée par le Gouvernement, nes. (Rires.) Disons : on fait ce qu'on peut, on ne fait pas ce tant dans l'intérêt du tourisme que de l'action culturelle. Par qu'on ne peut pas. conséquent, à propos d'Aix-en-Provence à quoi vous pensiez, En somme, pour le théâtre dramatique, nous avons fait ce je donne mon entier accord à M. Roubert. que nous avions promis. Quant au théâtre lyrique, c'est quelque- fois moins bien et l'Opéra Comique, c'est parfaitement manqué. M. Alex Roubert. Je vous remercie, monsieur le ministre. Maintenant, il faut trouver d'autres solutions pour que, un M. le ministre d'Etat. Je ne voudrais pas parler trop longue- peu plus tôt ou un peu plus tard, nous faisions avec l'Opéra ment de l'enseignement artistique. M. Gros en a parlé d'une Cornique ce que nous avons fait avec la Comédie Française. façon très pertinente.. Vous avez raison, monsieur le président Mesdames, messieurs, au théâtre, on commence généralement de la commission des affaires culturelles, mais on ne peut par perdre. (Applaudissements au centre droit. — Rires.) pas tout faire à la fois. Néanmoins, la chose est si importante Enfin, je dirai quelques mots de Carmen. Il n'est pas sérieux que je crois bon d'envisager une discussion nouvelle sur ce de venir dire que Carmen a dévalué notre première scène natio• sujet lorsque nous nous réunirons en commission. nale au Japon car enfin, les journaux japonais, je les reçois Pour l'enseignement artistique, le plan dispose de 200 millions et il faut bien vous dire que jamais une troupe française quel- de nouveaux francs en quatre ans. Pour les bourses, comme conque n'avait joué au Japon devant ces foules énormes et vous le savez, nous avons poursuivi depuis trois ans une devant ce qu'on a appelé « quelques personnalités japonaises » : politique d'alignement du taux des bourses de l'enseignement l'empereur du Japon ne quitte pas le palais impérial parce artistique sur les taux des bourses de l'enseignement supérieur. qu'il est l'empereur, il est représenté dans des circonstances Le budget de 1962 consacre l'aboutissement de cette politique ; extraordinairement rares par son frère le prince impérial, désormais les taux des bourses seront identiques dans les deux celui-là même qui assistait à la représentation de Carmen. Que enseignements. Vous me répondrez que c'est bien insuffisant. voulez-vous de plus ? Si on veut parler d'autre chose que de Vous aurez tout à fait raison. Chaque chose en son temps. théâtre, on vous répondra qu'il sort tout de même du palais. Je ne voudrais insister que sur un point, auquel beaucoup Il est sorti pour la seconde fois de sa vie — la première fois d'entre vous ont fait allusion, c'est la question de la décen- c'était pour l'armistice — pour aller voir l'exposition de la SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1737 peinture française qui vient de s'ouvrir à Tokio. (Applaudisse- Déjà une inquiétude, monsieur le ministre, se manifeste à ments au centre droit et sur divers bancs.) propos du projet d'un building monumental à Maine-Mont- Si je résume donc ce qui n'était même pas de l'ordre de parnasse, building qui, hélas ! se verra de la place de la l'échec je dirai, prenant service par service : que l'exposition Concorde et risque de marquer une rupture très regrettable Saint-Louis à la Sainte-Chapelle a attiré 300.000 visiteurs, plus dans l'harmonie de ce noble paysage. que jamais une exposition de cette nature avait rassemblé de M. Marcel Prélot. Très bien ! Parisiens ; que l'exposition Michelet vient de s'ouvrir, avec la valeur symbolique que vous savez sur l'un des hommes qui M. Edouard Bonnefous. Nous espérons que vous ramènerez ce a le plus profondément exprimé la République ; que les archives projet — car c'est de vous qu'il dépend — à des proportions nationales ont pris en charge les services venus de l'ancienne acceptables. En tout cas, si une autre construction monumentale Afrique équatoriale, de l'ancienne Afrique occidentale et de devait être faite le long de la Seine, au bout de la place de l'Afrique du Nord, c'est-à-dire des kilomètres de rayonnage la Concorde, il s'agirait d'un véritable attentat. sans échelle ; qu'au festival du cinéma à Venise, pendant deux M. Pierre de La Gontrie. Très bien ! années consécutives, la France a obtenu la plus haute récom- M. André Cornu, rapporteur pour avis. Bien sûr ! pense ; que la loi de finances de 1960 prévoyait un allégement M. Edouard Bonnefous. Allons-nous substituer au désert fran- fiscal par la modification des paliers et des taux de l'impôt sur çais ce qu'un urbaniste appelait récemment « le désert de les spectacles ; que, de même que pour ces théâtres privés, le l'esthétique » ? Nous avons la bonne fortune d'avoir à la tête secteur d'état du cinéma a été réorganisé ; qu'un service des de ce ministère des arts et des lettres un écrivain qui a consacré fouilles a été créé ; qu'un projet de loi de programme est pré- une partie importante de son oeuvre à la défense de l'art. Jamais paré en vue de la sauvegarde des principaux monuments, projet une occasion aussi favorable ne s'est présentée pour que l'Etat qui va vous être soumis ; qu'un important travail de nettoyage affirme sa volonté de ne pas laisser toucher au patrimoine natio- des monuments historiques a été entrepris ; que la maison de nal qui, ne l'oublions pas, est également l'une de nos richesses la culture du Havre est prête ; que la salle d'exposition installée nationales, ne serait-ce que pour notre tourisme. dans la galerie Mollien est ouverte au Louvre ; que le pavillon Nous comprenons parfaitement que certains architectes sou- de Flore a été enfin libéré ; que la cinémathèque française sera haitent inscrire leurs conceptions dans la construction du ouverte au palais de Chaillot probablement au milieu de cette xx' siècle ; mais si l'on veut réaliser des buildings, il faut les année ; que la deuxième tranche des réserves du Louvre va être autoriser dans des régions à urbaniser afin qu'ils constituent exposée cette année ou au début de l'année prochaine ; que le un ensemble qui, en ce cas, mais en ce cas seulement, peut dégagement des fresques de Fontainebleau est presque achevé ; constituer une unité. L'évolution de la conception architecturale que de nombreuses expositions ont été organisées, notamment doit trouver sa place dans l'aménagement du territoire que nous l'exposition Chagall -- plus de 100.000 spectateurs — la plus devons entreprendre. grande exposition d'art iranien jamais organisée, l'exposition Une prise de position formelle de votre part s'impose pour de peinture française au Japon, l'exposition Braque, l'exposition mettre un terme à ce conflit, sans cesse renaissant, entre les Sources du vingtième siècle », d'autres encore. défenseurs de nos sites historiques et les tenants d'une nouvelle J'ai répondu, je crois, à l'essentiel de vos questions. Je m'aper- conception architecturale. Il n'est pas logique, monsieur le çois plus encore que tout à l'heure que j'en ai certainement ministre, que, pour assurer la défense de nos sites, il faille tou- oublié ; je ferai en sorte que les réponses vous soient données jours alerter l'opinion, mobiliser la presse, faire signer des péti- et je m'excuse de ne pas les avoir données moi-même pour tions, alors qu'il dépend de l'Etat, et de l'Etat seul, de s'opposer des raisons visibles à tous. (Applaudissements.) à certains projets indéfendables. Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?... Cette bataille incessante, qu'il a fallu livrer depuis la guerre, Nous allons examiner les crédits concernant les affaires ne cessera nue le jour où les tenants de la nouvelle conception culturelles et figurant aux états C et D. architecturale sauront qu'une place leur est faite dans les villes Je donne lecture de cette partie de l'état C. et dans les régions qu'il faut remodeler ou transformer, mais que jamais l'autorisation ne leur sera donnée de porter atteinte ETAT C aux plus hauts lieux de notre histoire. (Vifs applaudissements.) Mme le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? (Dépenses ordinaires. — Mesures nouvelles.) M. le ministre d'Etat. Je voudrais d'abord faire remarquer que Titre III (moyens des services) : + 11.679.502 nouveaux francs. le ministre-pilote en cette affaire est mon collègue des travaux Par amendement n° 92, M. Edouard Bonnefous propose de publics, à la fois tuteur de la Société nationale des chemins de réduire ce erédit de L850.000 nouveaux francs. fer français... La parole est à M. Bonnefous. M. Edouard Bonnefous. Je lui en parlerai demain, mais il dépend de vous de donner l'autorisation. M. Edouard Bonnefous. Monsieur le ministre, je voudrais pouvoir voter les crédits de votre ministère car j'approuve le M. le ministre d'Etat. ...propriétaire des terrains, futur utilisa- plus souvent vos initiatives, mais je voudrais préalablement teur et bénéficiaire des installations. que vous nous apportiez des apaisements à propos d'un projet Un concours a été ouvert entre divers architectes sur la base dont on fait état dans la presse concernant le terrain actuel- d'un cahier des charges élaboré après avoir pris l'avis des lement occupé par la gare d'Orsay et qui inquiète, je ne vous instances concernées y compris, bien entendu, celle des sites. le cache pas, de nombreux sénateurs et tous ceux qui entendent Lors de la réunion d'un comité interministériel, en date du protéger le site historique de Paris. La gare d'Orsay devant 2 novembre, il a été pris acte que le site dans lequel doit s'ins- disparaître, un concours est ouvert pour construire, sur son crire l'hôtel est de caractère hautement national — le Louvre, la emplacement, un immeuble qui serait affecté non seulement Seine, etc. — et il a été décidé qu'aucune décision ne serait prise à un hôtel mais à des bureaux et même, dit-on, à un palais en ce cas particulier sans consultation des instances à l'éche- des congrès. lon le plus élevé et, bien entendu, de la commission supérieure Je n'entends d'ailleurs pas, ce matin, discuter le fond du des sites. problème. Le budget du ministère des travaux publics qui doit Je souhaite donc que M. Bonnefous, dans ces conditions, accepte être étudié après demain nous en fournira l'occasion. Mais je de retirer son amendement. La diminution de 185 millions de voudrais obtenir de vous qui êtes, de par vos fonctions, le crédits d'entretien des bâtiments civils et palais nationaux pré- défenseur attitré de nos sites et le gardien le plus qualifié de senterait un caractère d'une particulière gravité. l'esthétique architecturale, l'engagement formel que rien ne sera M. Edouard Bonnefous. Je demande la parole pour répondre à fait qui puisse porter un coup qui serait fatal à l'un des sites M. le ministre. les plus sensibles de Paris. Mme le président. La parole est à M. Bonnefous. M. Eugène-Claudius Petit parlait récemment, à l'Assemblée nationale, de « ce paysage qui est sans doute l'un des plus M. Edouard Bonnefous. Votre réponse, monsieur le ministre, prestigieux du monde et qui, pour la France, est certainement ne me satisfait malheureusement pas. Vous me dites, et je l'ai l'un des plus grands ». Nous sommes, en effet, près de la place noté, qu'aucune décision ne sera prise à l'échelon national le de la Concorde, face aux Tuileries, la Seine coulant majestueu- plus élevé sans consultation des instances intéressées. Or, c'est sement le long des palais que nous devons à l'histoire. de vous que la décision doit dépendre. Vous nous parlez de la Dans les projets élaborés durant mon passage au ministère commission des sites ; mais vous savez bien que cette commission des travaux publics, j'avais posé comme condition préalable le consultée seulement pour avis n'est généralement pas entendue. respect des servitudes sévères. L'architecture du palais à Il suffit que vous nous disiez que vous vous opposerez à la construire, pour lequel la pierre de taille serait seule admise, construction d'un tel bâtiment et le ministère des travaux publics devrait également respecter des proportions qui s'harmonisent ne pourra pas passer outre. C'est de vous seul, je le répète, que avec l'hôtel de la Légion d'honneur, la terrasse des Tuileries la décision dépend et je vous demande de me répondre par et le Louvre, plus lointain. Je voudrais être sûr que ces conditions l'affirmative. continueront à être posées. Tout projet qui voudrait passer M. le ministre d'Etat. Je demande la parole. outre ne devrait même pas pouvoir être pris en considération. Mme le président. La parole est à M. le ministre. 1738 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 M. le ministre d'Etat. Il faut nous entendre. Nous sommes M. Edouard Bonnefous. Je suis d'accord avec vous sur ce point. en présence de deux problèmes distincts : d'abord, un problème M. le ministre d'Etat. Officiellement parlant, mon sentiment de principe sur lequel, comme vous le souhaitez, ma réponse est est celui-là. C'est une chose. Mais, sur un sujet de cette impor- oui ; ensuite un problème de fait. Je n'ai aucune espèce de tance, antérieurement à la consultation de la commission des raison de dire à l'avance que la commission des sites doit être sites et des services de l'architecture, je ne peux prendre aucun consultée et qu'elle prendra telle ou telle décision. Qu'on lui engagement. Si j'en prenais un, c'est précisément dans cette fasse des propositions. Pour l'instant, nous avons non pas telle- assemblée qu'on m'en ferait le grief. ment de projets précis mais surtout des groupes d'intérêts précis. On a parlé des architectes et d'un projet Le Corbusier. Il existe M. André Cornu, rapporteur pour avis. Je demande la parole. en effet un projet Le Corbusier. Il est très moderne. Il corres- Mme le président. La parole est à M. Cornu. pond à ce que vous pensez c'est-à-dire qu'il est du type gratte- ciel. Mais il ne s'agit que d'une maquette photographique et d'un M. André Cornu, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, collage dans Paris. Tout cela est amusant pour les hebdomadaires je ne voudrais ni ajouter à ce débat ni évidemment apporter un mais n'est pas très sérieux. élément de trouble. Mais il y a un précédent qui justifie pleine- En face, nous avons d'autres études, d'autres projets de ment les inquiétudes de notre collègue et ami M. Bonnefous. construction d'un immeuble sur la hauteur de quatre étages. Ces Il y a ici, parmi les commissaires du Gouvernement, des hommes projets sont terminés en élévation. Le concours en apportera qui pourraient en témoigner. encore d'autres. Quand il a été question de construire le palais de l'U. N. E. S. II est légitime que la commission des sites soit consultée. C. O. dans la perspective de l'école militaire, qui est l'un des Mais les architectes pouvaient dire : « Il est vrai que ce paysage monuments les plus prestigieux du xvine siècle, la commission est historique, que l'hôtel se trouvera entre le Louvre et la des sites a émis un avis nettement défavorable. Le ministre Tour Eiffel ; mais la Tour Eiffel n'est pas un monument du des beaux-arts de l'époque, que je connais bien, est intervenu xvine siècle et, par conséquent, avant de prendre une décision en avec la plus grande énergie à différentes reprises au sein du notre nom, le ministre aurait pu se donner la peine de nous conseil des ministres. Ni l'avis de la commission des sites ni consulter ». l'opposition du ministre des beaux-arts n'y ont reçu d'échos. Comme je comprends aussi votre point de vue ! Vous souhaitez Cela suffit donc à justifier pleinement les appréhensions de savoir où nous allons. Eh bien, si la commission des sites s'oppose notre collègue Bonnefous. à l'un quelconque des projets, elle aura mon approbation. Mais, Mme le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur avant d'aller plus loin, il est nécessaire qu'elle ait examiné Bonnefous ? des projets semblables. M. Edouard Bonnefous. J'ai le regret de maintenir mon amen- M. Edouard Bonnefous. Je demande la parole. dement. Même si M. le ministre préfère ne pas s'engager de Mme le président. La parole est à M. Bonnefous. façon plus formelle, il n'est pas mauvais que le Sénat fasse M. Edouard Bonnefous. Je vous remercie de votre réponse, connaître publiquement qu'un pareil projet ne serait pas accepté. monsieur le ministre. Je me suis permis de faire une allusion Il sera toujours temps, lors de la navette, de revoir le problème rapide à Maine-Montparnasse car ce projet inquiète de nombreuses purement financier. Mais il est important, je crois, qu'un vote personnes qui ont le souci de l'esthétique de Paris. Sur ce symbolique intervienne ce matin au Sénat. point, je vois que nous n'avons pas encore satisfaction. H dépend Mme le président. cependant de vous qu'un abaissement du building soit décidé. Quel est l'avis de la commission ? En ce qui concerne le concours auquel vous faites allusion, si M. Joseph Raybaud, rapporteur spécial. La commission des on avait fait savoir à ceux qui devaient concourir qu'en aucun finances s'en rapporte à la sagesse de l'Assemblée. cas ils ne pourraient présenter un projet qui entraînerait une Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?... surélévation les difficultés dont vous parlez ne se seraient pas Je mets aux voix l'amendement, repoussé par le Gouvernement présentées. et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse de l'Assem- Vous nous dites que la commission des sites sera saisie. Je blée. me permets de vous répondre que la commission des sites ne (L'amendement est adopté.) peut donner qu'un avis. Si cet avis n'était pas écouté, que feriez-vous ? Si, au contraire, vous nous disiez ce matin que M. Edouard Bonnefous. Je remercie le Sénat. vous ne pouvez pas accepter, dans un endroit particulièrement Mme le président. Il n'y a pas d'autre observation ?... sensible, l'un des centres historiques de Paris, une surélévation Je mets aux voix le titre III, avec le chiffre de 9.829.502 nou- qui briserait cette unité, alors je considérerais la question comme veaux francs, résultant du vote qui vient d'être émis sur l'amen- réglée. dement de M. Bonnefous. C'est cette simple phrase que j'attends de vous. Le jour où (Le titre III, avec ce chiffre, est adopté.) vous l'aurez prononcée, vous nous aurez satisfaits. En faisant allusion à la Tour Eiffel, vous m'avez inquiété. Si Mme le président. e Titre IV (Interventions publiques) : vous voulez compléter l'ensemble dont vous parlez par la Tour + 615.000 nouveaux francs ». — (Adopté.) Eiffel, qui se trouve d'ailleurs en un autre endroit, vous aggra- Nous passons à la partie de l'état D concernant les affaires vez la difficulté que nous voulons éviter. Quand vous nous aurez culturelles. dit qu'il est inacceptable qu'au bout de la place de la Concorde ETAT D et en face des Tuileries, on construise un immeuble en suréléva- tion qui briserait cette unité, alors, je le répète, la question sera (Dépenses en capital. — Mesures nouvelles.) réglée. « Titre V (Investissements exécutés par l'Etat) : M. le ministre d'Etat. Je demande la parole. « Autorisations de programme : 111.400.000 nouveaux francs ». Mme le président. La parole est à M. le ministre. Par amendement n° 81, MM. Marcel Pellenc et Joseph Raybaud, M. le ministre d'Etat. Je regrette, mais j'estime ne pas pou- au nom de la commission des- finances, proposent de réduire voir vous donner cette assurance. la dotation du titre V de 1.200.000 nouveaux francs. M. Edouard Bonnefous. Cela prouve que mes craintes sont M. Joseph Raybaud, rapporteur spécial. La commission retire fondées. l'amendement. M. le ministre d'Etat. Non ! ce que j'ai dit à propos de la Mme le président. L'amendement est retiré. tour Eiffel est très précis. La tour Eiffel est une oeuvre Par amendement n° 82, MM. Marcel Pellenc et Joseph Raybaud, moderne qui se situe en un certain lieu de Paris. Il est évident au nom de la commission des finances, proposent de réduire que si on avait construit la tour Eiffel en face de Notre-Dame, la dotation du titre V de 450.000 nouveaux francs. c'eût été ridicule. Certains membres de la commission des sites peuvent défendre le point de vue de quelque chose qui com- M. Joseph Raybaud, rapporteur spécial. La commission des mence au Louvre et qui se modernise en allant vers la tour finances retire également cet amendement. Eiffel et même plus loin encore. Cela est à discuter. Mme le président. L'amendement est retiré. Mon sentiment est — je parle, moi aussi, pour le Journal Il n'y a pas d'observations ?... officiel — qu'il ne faut pas accepter la surélévation ; mon senti- Je mets aux voix les autorisations de programme du titre V ment est que la gare d'Orsay — je suis peut-être le seul à le avec le chiffre de 111.400.000 nouveaux francs. penser — n'était pas si mal. On a complètement oublié ce qu'elle (Les autorisations de programme du titre V, avec ce chiffre, était. sont adoptées.) M. Edouard Bonnefous. Evidemment ! Mme le président. « Titre V (investissements exécutés par M. le ministre d'Etat. Elle voulait faire l'union entre le pavillon l'Etat) : de Marsan et Versailles, où commençait le chemin de fer. Cela « Crédits de paiement : 20.230.000 nouveaux francs. » avait une signification. —(Adopté.)

SENAT SEANCE 21 NOVEMBRE 1961 1739 « Titre VI (subventions d'investissement accordés par l'Etat) générale des arts et lettres et les directions de l'architecture, « Autorisations de programme : 6.700.000 nouveaux francs. a des archives et des musées. — (Adopté.) Une autre série de mesures a modifié l'aspect général des « Crédits de paiement 500.000 nouveaux francs. » — autres directions. La direction de l'administration générale a (Adopté.) établi son emprise sur l'ensemble des services communs. Une direction générale de l'organisation et des programmes s'est [Article additionnel 44 ter (nouveau).] superposée aux trois directions des enseignements primaire, secondaire et technique qui subsistent avec une appellation Mme le président. Je suis saisie de deux amendements sem- modifiée. La direction du service de santé scolaire et uni- blables pouvant faire l'objet d'une discussion commune : versitaire, réunie au service des bourses, a formé la direction Le premier, n° 83, présenté par MM. Marcel Pellenc et des services médicaux et sociaux. Joseph Raybaud, au nom de la commission des finances, tend Ainsi l'organisation nouvelle comprend : la direction de à insérer un article additionnel 44 ter ainsi rédigé : l'administration générale et des services communs ; la direc- « Les dispositions des articles 14 et 48 de la loi n" 51-592 tion de l'enseignement supérieur ; 3° la direction générale du 24 mai 1951 relative au « Fonds d'aide temporaire à l'équi- de l'organisation et des programmes ; la direction des ensei- pement des théâtres privés de Paris », prorogées en dernier gnements classique et moderne ; 5" la direction des ensei- lieu par l'article 50 de la loi de finances n° 60-1384 du 23 décem- gnements élémentaire et complémentaire ; G' la direction bre 1960 jusqu'au 31 décembre 1961, continueront à être appli- des enseignements technique et professionnel ; 7" la direction quées pendant une nouvelle période d'un an. » des bibliothèques. Le deuxième, n° 96, présenté au nom du Gouvernement -- Cette année, un nouvel arrêté intervenu le 9 octobre 1961 par M. Giscard d'Estaing, secrétaire d'Etat aux finances, tend vient de transformer à nouveau l'organisation du ministère à insérer un article additionnel 44 ter ainsi rédigé : de l'éducation nationale par suite de la création, au sein de la « Les dispositions des articles 14 et 48 de la loi n" 51-592 direction générale de l'organisation et des programmes scolaires, du 24 mai 1951 relatifs au Fonds d'aide temporaire à l'équi- de trois nouvelles directions : une direction chargée du personnel pement des théâtres privés de Paris, prorogées par l'article 33 des établissements scolaires, une direction chargée des affaires de la loi n° 56-780 du 4 août 1956 jusqu'au 31 décembre 1960 intéressant l'organisation scolaire, enfin une direction chargée des et par l'article 50 de la loi n° 60-1384 du 23 décembre 1960 études et de la formation professionnelle. jusqu'au 31 décembre 1961, continueront à être appliquées pen- La direction de l'enseignement général et des services dant une nouvelle période de un an. » communs conserve ses prérogatives en ce qui concerne la règle- La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission mentation,- la documentation et les études d'ordre général, les des finances. affaires de caractère juridique, contentieux et financier et la M. Joseph Raybaud, rapporteur spécial. J'ai exposé tout à gestion des personnels communs aux diverses directions. l'heure les motifs de l'amendement n° 83. Sa rédaction est Nous en sommes donc à une nouvelle étape de la réforme très proche de celle de l'amendement n' 96 présenté par le de l'administration centrale, réforme qui doit s'harmoniser avec Gouvernement, auquel la commission se rallie, retirant le sien celle de l'enseignement. propre. Si nous examinons les grandes lignes du budget de l'édu- Mme le président. L'amendement n° 83 est retiré. cation nationale, nous pouvons en déduire qu'il s'agit d'un Personne ne demande la parole sur l'amendement n' 96 ?... budget en croissance constante — le plus important des budgets Je le mets aux voix. civils — mais qui n'arrive pas à faire face aux besoins, les (L'amendement est adopté.) crédits s'essoufflant à poursuivre la marée des effectifs. Mme le président. Ce texte devient donc l'article addition- D'une année sur l'autre, la progression est la suivante : les nel 44 ter nouveau. dépenses ordinaires de 1961 à 1962 sont passées de 6 milliards Nous en avons terminé avec l'examen du budget des affaires 304 millions de nouveaux francs à 7 milliards 450 millions, culturelles. soit une augmentation de 18 p. 100. Les dépenses en capital, Le Sénat voudra sans doute -.pendre ses travaux jusqu'à crédits de paiement, sont passées de 1.619 millions de nouveaux quinze heures. (Assentiment.) francs à 1.650 millions, soit une augmentation de 2 p. 100. La séance est suspendue. Au total, le budget de l'éducation nationale, pour l'année 1962, atteint une somme de 9.100 millions de nouveaux francs. Ces (La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq minutes, chiffres, bien entendu, ne tiennent pas compte des crédits qui est reprise à quinze heures dix minutes, sous la présidence sont inscrits au budget des charges communes pour l'amélio- de M. Gaston Monnerville.) ration de la fonction publique, pour la réforme médicale, pour la promotion sociale, pas plus qu'ils ne tiennent compte des 170 millions de nouveaux francs inscrits dans le même budget PRESIDENCE DE M. GASTON MONNERVILLE pour la revalorisation de la fonction publique. M. le président. La séance est reprise. Au total, ce budget, que l'on appelle souvent budget d'avenir, avoisinera les 10 milliards de nouveaux francs, mais il ne Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances représentera pourtant qu'un peu plus de 15 p. 100 de l'ensemble pour 1962. du budget de l'Etat, ce qui, plus que l'énoncé des chiffres presque astronomiques, donne la mesure véritable de la place Education nationale, jeunesse et sports. occupée par notre jeunesse dans les préoccupations des pou-. voirs publics. M. le président. Le Sénat va être appelé à examiner les dispositions du projet de loi. de finances pour 1962 .concernant Quels sont les effectifs scolaires ? De la rentrée de 1959 à l'éducation nationale, la jeunesse et les sports. celle de 1961, sur deux années, l'enseignement supérieur a La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des reçu 35.000 élèves supplémentaires et bénéficié d'une augmen- tation de 7,2 p. 100 entre la dernière rentrée et la précé- finances. dente. Pendant le même temps, l'enseignement classique et M. Fernand Auberger, rapporteur spécial de la commission moderne — l'ancien secondaire — a reçu 147.000 élèves de des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques plus. L'augmentation d'une année sur l'autre est de 10,9 p. 100. de la nation. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le rap- Quant à l'enseignement technique, il a effectivement reçu, port écrit concernant le budget de l'éducation nationale a été à la rentrée de 1959, 180.000 élèves et 223.000 à la rentrée de distribué. Quoique très incomplet ce rapport devrait vous 1961. Le taux d'augmentation, sur une année, est de 12,1 p. 100. fournir une documentation sur les caractéristiques de ce budget, En deux ans, de 1959 à 1961, l'effectif des collèges d'enseigne- sur son ampleur, sur ses points faibles et sur quelques pro- ment général ---- c'est là peut-être la progression la plus impor- blèmes d'actualité qui s'y rapportent. Nous ne ferons qu'évo- tante --- Œît passée de 477.000 à 630.000, ce qui représente quer les principaux chapitres de ce budget — ils sont nombreux une augmentation de 14,1 p. 100 entre les rentrées 1060 et — signaler au passage quelques-unes de ses particularités et 1961. Les anciens centres d'apprentissage devenus les collèges présenter les observations faites par votre commission des d'enseignement technique en deux ans sont passés de 204.000 finances. à 248.000, taux d'augmentation 10,7 p. 100. Entre 1960 et En préambule, il nous paraît indispensable d'appeler votre 1961, donc sur une année, l'effectif de nos écoles élémentaires attention sur les transformations survenues l'an dernier et cette est passé de 4.907.000 en 1959-1960 à 4.907.400 en 1960-1961 année encore dans l'administration centrale du ministère de et serait tombé, d'après les évaluations officielles, à 4.837.000 l'éducation nationale. en 1961-1962. Cette diminution évaluative de 70.000 élèves L'administration centrale de l'éducaiton nationale avait déjà nous parait bien imprudente, monsieur le ministre, si l'on subi, par suite de l'application du décret du ler juin 1960, tient compte des statistiques démographiques et des nécessités d'importantes modifications. La création effective du ministère de transfert de populations scolaires rapatriées au titre du des affaires culturelles lui a retiré, tout d'abord, la direction secrétariat d'Etat des réfugiés.

1740 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 L'effectif des écoles maternelles s'accroît lentement, 2,3 p. 100 lement nos écoles d'enseignements spéciaux en faveur de l'en- de 1960 à 1961 soit un effectif total de 1.200.000 élèves. Il ne fance inadaptée. faudrait pas en déduire que les naissances diminuent ; l'unique Examinons, si vous le voulez bien, rapidement, si le budget raison provient du fait que l'école maternelle demeure encore de 1962 est susceptible de comporter des solutions aux problèmes un privilège pour les centres urbains. difficiles que M. le ministre de l'éducation nationale doit résou- dre. M. Antoine Courrière. Très bien 1 Les dépenses de personnel paraissent en nette progression : M. Fernand Auberger, rapporteur spécial. Nous sommes arrivés 600 millions de nouveaux francs en plus par rapport aux budgets à une époque où un Français sur cinq fréquente un établissement précédents. scolaire : conséquence de la vague démographique née au lende- Les dépenses de matériel pour les travaux d'entretien et le main de la Libération, vague qui, après avoir déferlé sur le fonctionnement des services, s'élèvent à 25 millions de nouveaux primaire où elle paraît se stabiliser, submerge les enseignements francs. Quant aux subventions de fonctionnement, elles augmen- courts et longs avant d'atteindre le supérieur dans deux ans ; tent de 96 millions de nouveaux francs. Au total, il y a 726 mil- conséquence également du début de démocratisation de l'ensei- lions de nouveaux francs pour les crédits s'élevant à 6.750.000.000 gnement, ainsi que tend à le prouver la croissance importante de nouveaux francs pour le chapitre des moyens des services. des effectifs des facultés et des grandes écoles. Peut-être serait-il En ce qui concerne le chapitre e interventions des services », possible d'accorder à l'éducation nationale des crédits plus il bénéficie d'une inscription supplémentaire de 408 millions substantiels pour absorber le retard qui a été pris et faire face de nouveaux francs ; par contre, l'action sociale n'est augmentée à la montée des effectifs. Mais l'on se heurte à deux goulots que de 10 millions de nouveaux francs, soit un total pour les d'étranglement, l'un humain, l'autre matériel. D'autre part la dépenses ordinaires de 1.145 millions de nouveaux francs, contre difficulté de recruter des maîtres à notre avis l'obstacle essentiel 545 millions de nouveaux francs en 1961. est le suivant. Alors que les élèves appartiennent aux classes En résumé, la gestion des services coûtera 6.265 millions de d'âge nombreuses, les maîtres doivent être recrutés dans ce nouveaux francs, contre 5.538 millions de nouveaux francs pour qu'il est convenu d'appeler les classes creuses. Or sur le marché l'année précédente, ce qui représente une augmentation de du travail la demande d'enseignants vient en concurrence avec 727 millions de nouveaux francs, soit 453 millions de nouveaux les demandes d'autres activités qui ont des possibilités financières francs pour les services votés et 274 millions pour les mesures supérieures à celles de l'Etat. D'où la nécessité pour l'adminis- nouvelles. tration de faire flèche de tout bois. Du moment qu'elle ne peut La majoration au titre des services votés n'appelle pas d'ob- payer le diplôme à sa juste valeur, elle sera moins exigeante en servation puisqu'elle résulte, d'une part, de l'application de ce qui concerne les titres. Elle fera également appel à des mesures prises pour l'ensemble de la fonction publique et, d'autre retraités présentant la garantie d'un bagage intellectuel certain part, de l'extension en année pleine des emplois créés, dans le mais dont les compétences pédagogiques sont douteuses ou au budget de 1961, à partir de la rentrée scolaire. moins très diminuées. Parce que l'on ne parvient pas à recruter La grande masse des mesures nouvelles concerne les dépenses normalement des maîtres qualifiés, on fait de plus en plus appel de personnel, dépenses dont le total représente 87 p. 100 des à des personnels de fortune qui ne possèdent pas toujours les dépenses de gestion et 60 p. 100 du budget de l'éducation natio- titres requis pour enseigner dans telle ou telle discipline. Or nale. les qualités pédagogiques ne s'acquièrent qu'après plusieurs A ce point de mon exposé, nous désirons appeler votre bienveil- années de préparation et une certaine expérience. Aujourd'hui on lante attention, monsieur le ministre, sur la situation de plusieurs met à la tête d'une classe un bachelier muni de son diplôme et catégories d'enseignants, actifs ou retraités. Vous pourriez me de ses connaissances comme s'il devait enseigner son savoir répondre que cette question n'est pas à examiner dans le budget aux enfants qui lui sont confiés sans qu'il soit initié au préalable de l'éducation nationale, mais puisque nous traitons de ce bud- aux premiers principes de pédagogie élémentaire. get, il me paraît naturel d'appeler votre attention sur quelques Lors de son dernier congrès, la fédération de l'éducation catégories d'enseignants dont la situation se trouve particuliè- nationale s'est penchée sur le problème de la formation des rement défavorisée. maîtres pour tous les ordres d'enseignement et a rappelé qu'un En particulier, nous vous demandons de vous préoccuper du enseignement de qualité ne peut être fourni que par des reclassement indiciaire des enseignants retraités. Le bénéfice maîtres de qualité et que la crise de recrutement subie par de la loi de péréquation a été refusé aux anciens professeurs l'enseignement public à tous les niveaux fait courir un péril certifiés et licenciés de l'enseignement du second degré et à la grave à la nation. plus grande partie des membres de l'enseignement du premier Le deuxième goulot d'étranglement auquel nous nous heurtons, degré. Nous souhaitons qu'un crédit soit dégagé qui permette c'est l'insuffisance des locaux scolaires. Cette insuffisance se l'extension intégrale à ces personnels énumérés du statut appli- manifeste chaque année à la rentrée scolaire et les collectivités qué aux futurs retraités. font des prodiges pour aménager à la hâte des locaux de fortune Il serait injuste de priver les retraités du bénéfice d'une afin d'accueillir les élèves qui se présentent aux portes des revalorisation, ainsi d'ailleurs que le personnel actif, notam- écoles. ment les surveillants généraux de collèges et les autres caté- De ce fait, depuis quelques années, on voit s'élever dans nos gories citées plus haut. cours d'écoles des classes préfabriquées destinées, selon les L'an dernier, monsieur le ministre des finances indiquait a déclarations officielles, à abriter provisoirement les écoliers ce sujet : e Il va de soi que la péréquation automatique sera en surnombre. Or, cette improvisation continue et, cette année maintenue. Il n'a jamais été dans la pensée de personne de encore, dans tous les départements, on aura installé des bâtiments porter atteinte à un élément fondamental de la législation dans préfabriqués qui rétrécissent un peu plus les cours et ce domaine ». Voilà, monsieur le ministre, une déclaration qui n'augmentent pas la superficie des préaux, ni le nombre des mérite d'être suivie d'une décision favorable. toilettes. Nous avons noté que le nombre des postes budgétaires M. Antoine Courrière. Et ces bâtiments préfabriqués sont d'agrégé n'avait pas été modifié par rapport à l'an dernier. Cer- payés par les communes ! tes, un grand nombre de postes sont vacants ; mais cette situa- tion existe, hélas ! dans d'autres catégories de personnels et il M. Fernand Auberger, rapporteur spécial. Exactement, mon cher collègue, car les départements sont dans l'obligation de est souhaitable que la promotion soit maintenue. prélever, soit sur leur budget, sur leurs propres ressources, soit D'autre part, il nous paraît équitable de faire bénéficier les sur les fonds de la caisse départementale scolaire, les crédits agrégés de l'échelle-lettres, qui a été accordée à leurs homo- logues traditionnels. nécessaires à installer ces bâtiments préfabriqués. Nous désirons également, monsieur le ministre, appeler votre M. Antoine Courrière. Que l'Etat ne leur paie pas ! attention sur la situation des professeurs des classes prépa- ratoires aux grandes écoles : horaires de travail excessifs, attente M. Fernand Auberger, rapporteur spécial. Il serait curieux d'établir, par département, la liste des classes préfabriquées indéfinie d'un statut qui leur est promis depuis deux années, installées chaque année, d'évaluer le montant des sommes avantages indiciaires ; les préoccupations de cette catégorie engagées et le nombre de classes en dur qu'on aurait pu cons- sont exposées dans notre rapport écrit. truire, non pas provisoirement, mais définitivement. Je dois également appeler votre attention sur la situation Les écoles normales ne peuvent fournir que 7.000 instituteurs des fonctionnaires des services d'économat des établissements et institutrices, alors qu'il en faut 15.000 par année. Leur nombre d'enseignement : d'ailleurs, pareille demande vous a été pré- et leur capacité sont nettement inférieurs aux besoins. Il en sentée lors de la discussion à l'Assemblée nationale. va de même pour les établissements de l'enfance inadaptée qui En ce qui concerne l'application du reclassement intervenu sont trop peu nombreux. Il en résulte que trop d'enfants sont le I.' mai 1961, il apparaît que seul le personnel d'intendance retardés, infériorisés dans leurs moyens physiques et intellec- et d'économat des établissements du ministère de l'éducation tuels, qui pourraient cependant être incorporés dans notre nationale a été exclu de cette mesure. Il en est résulté un société pour y tenir une place honorable, sont, hélas ! aban- déclassement, s'ajoutant à d'autres déclassements antérieurs, donnés. 80.000 enfants seulement sur 300.000 fréquentent actuel- ainsi qu'une rupture des parités précédemment admises.

SENAT — SE21.NCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1741 Les fonctionnaires intéressés sont au nombre d'environ est inférieur de 20 p. 100 environ aux besoins dans ce domaine, 4.000 pour toute la France, ce qui est relativement peu. Ont-ils sans qu'il soit tenu compte des nécessités d'expansion, de été oubliés ou mis à l'écart ? modernisation et de renouvellement. La gestion de l'économat d'un établissement scolaire dans Sans doute ressort-il des chiffres que les créations d'emplois, lesquels afflue une masse d'élèves sans cesse accrue constitue en valeur relative, seront supérieures à la croissance des effec- une tâche toujours plus lourde, plus pénible, plus difficile tifs ; mais il ne faut pas oublier qu'au cours des dernières en raison de l'insuffisance des crédits et des locaux dont dis- années c'est l'inverse qui s'est produit et qu'il existe encore posent intendants et économes. Il serait souhaitable qu'ils des classes pléthoriques dans tous les ordres d'enseignement. puissent bénéficier du reclassement dont ils ont été évincés, D'autre part, — nous le disions voilà quelques instants — il ne serait-ce que pour reconnaître le zèle et le dévouement dont ne suffit pas de créer les emplois, encore faut-il les pourvoir ils font preuve et que soient maintenues les règles de recru- en personnel qualifié et, dans ce domaine, la situation demeure tement appliquées antérieurement. excessivement difficile. Le budget contient encore ce qu'on appelle les autres Maintenant, je me propose d'examiner aussi rapidement que dépenses. Ce sont les dotations supplémentaires de matériel possible devant vous la situation de chaque enseignement et et de fonctionnement qui s'élèvent à 70 millions de nouveaux les différentes disciplines de l'enseignement national. francs. Commençons par l'enseignement supérieur. Nous voulons appeler votre attention sur les mesures ori- Les crédits affectés à son budget passent à 694 millions de ginales qui y sont incorporées. Elles comprennent notamment nouveaux francs, d'où une augmentation de 150 millions par la création du centre de formation administrative et la création rapport à l'année précédente. d'un service de presse et d'accueil. Au chapitre 34-91, figure Il nous a été indiqué qu'entre la rentrée 1960-1961 et la un crédit d'un million de nouveaux francs dont on peut d'ail- rentrée 1961-1962, la dernière, l'effectif des étudiants était leurs se demander s'il sera vraiment utilisé, puisqu'il est passé de 221.000 à 237.000, l'augmentation étant plus sensible destiné à la location, pendant l'année scolaire, de locaux de d'ailleurs dans les facultés de médecine, de lettres, de sciences colonies de vacances pour y installer des annexes d'établis- et de pharmacie que dans les facultés de droit, dont les effec- sements classiques et modernes : tifs restent stationnaires. Le nombre des professeurs, maîtres Je vous indique en passant, monsieur le ministre, que les de conférences ou agrégés s'élève à 4.438 contre 3.863 en 1961, sénateurs qui s'intéressent aux problèmes de l'enseignement soit 575 créations. L'effectif des maîtres assistants, des assis- seraient très heureux que cette mesure soit appliquée. Je tants et des chefs de travaux passe de 4.421 à 5.478, soit 1.057 suis persuadé de traduire leur sentiment en vous affirmant créations. Au total, le volume des créations d'emplois se situe que nous sommes prêts à vous encourager dans cette voie. à un niveau sensiblement égal à celui de 1961 si l'on observe Parmi les subventions de fonctionnement accordées aux éta- que 2.245 postes sont créés au titre de la réforme de l'ensei- blissements publics, trois mesures méritent de retenir l'atten- gnement médical. tion : l'effort consenti en faveur de l'institut national des Il est bien évident — et nous ne faisons que nous répéter — sciences appliquées de Lyon, qui constitue le prototype de cette que le recrutement des professeurs de l'enseignement supérieur catégorie d'établissement — cinquante emplois nouveaux y seront est très limité et que, là plus qu'ailleurs, la crise risque d'avoir créés — l'effort consenti en faveur des œuvres scolaires et des conséquences redoutables. universitaires, avec l'inscription d'un crédit supplémentaire de Il est un point qui a intéressé particulièrement votre commis- 1.300.000 nouveaux francs, et la création de cent emplois au sion des finances et qui intéresse — j'en suis sûr — le Sénat centre national et dans les centres régionaux. tout entier, c'est la déconcentration universitaire. Enfin, troisième effort : celui qui est consenti en faveur de L'effectif global des étudiants en France augmente sans cesse, la recherche scientifique. Si nous jetons un coup d'œil sur et il devrait atteindre 240.000 en cours d'année, puisqu'il est le chapitre réservé au personnel administratif, nous constatons toujours pris des inscriptions après la rentrée scolaire. Il sera le volume relativement élevé des emplois créés dans les divers de 350.000 environ en 1964, ce qui constitue une échéance. organismes d'enseignement. La faculté de Paris est particulièrement encombrée, puisqu'elle Outre la prise en charge par l'Etat des personnels adminis- reçoit plus de 80.000 étudiants cette année. tratifs des lycées municipaux qui sont nationalisés, outre le Un tableau qui figure dans mon rapport écrit vous permettra renforcement des personnels d'inspection, il faut noter l'effort de juger comment s'effectue la répartition des étudiants entre particulier consenti en faveur des services académiques qui les diverses facultés. En l'examinant, on acquiert la conviction obtiennent, pour 1962, 615 emplois nouveaux contre 385 en que certaines d'entre elles ont une capacité d'accueil plus impor- 1961. tante que celle qui est actuellement utilisée. Ces créations ne marquent cependant qu'une première et Nous pensons, à ce sujet, que la déconcentration économique encore modeste étape sur la voie du renforcement des moyens et l'aménagement du territoire devraient avoir comme préalable en personnel de ces services, dont la tâche se trouve singu- une déconcentration universitaire. Il n'est pas besoin d'insister lièrement accrue par les mesures de décentralisation et de longuement sur la valeur de nos universités provinciales. Si déconcentration déjà intervenues ou qui seront prises dans un elles recevaient l'équipement matériel indispensable, si la durée proche avenir. des cours était augmentée et aménagée, si les professeurs étaient Le budget de 1952 a d'ailleurs prévu la création de vingt secré- encouragés à s'installer et à demeurer sur place, si des loge- taires généraux d'académie, recrutés parmi les administrateurs ments et des restaurants universitaires y étaient créés, il n'y a civils, et qui auront pour mission d'assister le recteur dans pas de raison de penser que la jeunesse estudiantine studieuse sa tâche d'impulsion ou de coordination des services acadé- n'irait pas en province et que les parents manqueraient de les miques. Notons la création d'un centre de formation adminis- y encourager. trative qui préparera les agents, recrutés soit à l'extérieur, Dans ce budget, nous trouvons des inscriptions qui vont en- soit au sein de l'éducation nationale, aux tâches de l'adminis- traîner la création de nouvelles académies. Il reste à prendre tration académique. un certain nombre de dispositions qui pourraient permettre de Si nous examinons les dépenses de personnel, nous constatons freiner, autant qu'il sera possible de le faire, l'exode de la qu'ils représentent 87 p. 100 des dépenses de gestion et 60 p. 100 jeunesse étudiante de la province vers Paris, en affectant en du budget de l'éducation nationale. L'essentiel porte sur les province un certain nombre de boursiers. créations d'emplois. Monsieur le ministre, traduisant le sentiment de mes collègues, Après le vote de la loi de finances pour 1961, le budget nous désirons appeler votre attention sur le problème du loge- de l'éducation nationale comportait 445.920 emplois budgétaires, ment des étudiants. y compris les services ou haut-commissariat. Le projet de budget C'est là un problème extrêmement grave dont la solution de 1962 prévoit la création de 27.667 emplois dans les diverses ne peut être obtenue si les méthodes actuelles sont maintenues. directions, ainsi que pour la jeunesse et les sports et les En 1960-1961, on a compté 220.000 étudiants dont 50.000 autres services, et 16.028 emplois d'enseignants créés pour tous étaient logés dans des internats, foyers ou cités universitaires les ordres d'enseignement, depuis l'enseignement élémentaire — 90.000 logés dans leurs familles — le reste, soit 80.000 jusqu'à l'enseignement supérieur, en passant par l'enseignement environ, était logé dans des chambres d'hôtel, chez des parti- court et long, compte non tenu des emplois nécessités par la culiers, dans des conditions généralement peu satisfaisantes, réforme des études médicales. 't à des prix souvent très élevés. On estime qu'en 1964 il La dernière rentrée scolaire a démontré, s'il en était besoin, faudra loger au minimum 350.000 étudiants. que la création des emplois est une chose, mais que la nomina- Un autre élément vient aggraver ce problème du logement : tion des maîtres et des professeurs en est une autre. En maints c'est l'existence des jeunes ménages d'étudiants qui au nombre endroits, le manque de professeurs dans les établissements de 30.000 à 40.000 réclament, non plus des chambres, mais scolaires a entraîné la protestation des élèves et de leurs des appartements décents pour une jeune famille. parents. Le rapport élaboré par le 4 0 plan fixe à 20 p. 100 le pour- Par référence aux conclusions du plan et surtout à la réalité centage des étudiants à loger en cités universitaires en 1964- de la situation actuelle, nous estimons que le budget de 1962 1965. 1742 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 11 faudrait donc envisager la construction de 20.000 chambres tituteurs et les institutrices et remplacent ces derniers par nar an, à partir de 1962, alors que jusque-là la moyenne des du personnel intérimaire, si bien que les maîtres malades ou constructions annuelles pendant les cinq dernières années de partant au service militaire, les institutrices en couches ne 1957 à 1961 n'a pas atteint 2.000. sont pas remplacés faute de personnel de suppléance. Ainsi, On évalue à 11.000 NF le coût de construction d'une chambre sur les 245.000 postes d'enseignement élémentaire, 42.000 sont en cité universitaire sans compter l'achat des terrains et la attribués à des remplaçants munis d'un diplôme, certes, mais construction des restaurants universitaires. C'est donc un ne possédant aucune initiation pédagogique et parfaitement budget d'équipement de 35 milliards environ qui serait néces- incapables, malgré leur savoir, d'enseigner aux jeunes enfants saire si l'on veut construire 20.000 chambres. qui leur sont confiés. Or, le projet de budget ne comporte qu'une somme inférieure Pour l'enseignement court qui est dispensé tant dans les à 10 milliards pour les oeuvres universitaires. C'est dire que établissements d'enseignement général que dans les collèges seulement 4.000 chambres environ pourront être construites. d'enseignement technique, les effectifs des collèges d'enseigne- Peut-être pourrait-on envisager d'autres modalités de finan- ment technique, en deux années, ont augmenté de 44.000 élèves cement : utilisation de la législation H. L. M., les prêts du et atteignent aujourd'hui 248.000 élèves. On évalue entre 50.000 Crédit foncier et de la caisse des dépôts. et 60.000 le nombre des élèves qui, faute de place, ont été Il faudra également examiner la question du loyer de façon refoulés chaque année entre 1959 et 1961. Les évaluations offi- à ne pas réclamer aux étudiants un loyer mensuel supérieur à cielles, d'après les propres déclarations de M. le ministre, 7.000 anciens francs. ramènent ce chiffre à 36.000 élèves. il faut bien que le Gouvernement et singulièrement le minis- Nous voudrions, monsieur le ministre, appeler votre attention tère de l'éducation nationale prennent leurs responsabilités. sur ce que nous appellerons le statut des collèges d'enseigne- Nous sommes placés devant un problème d'importance natio- ment général. nale. Il faut assurer un logement aux milliers d'étudiants qui Le développement quasi anormal des collèges d'enseignement vont arriver dans nos universités à partir de 1964, sinon nous général doit amener le ministre de l'éducation nationale à se aurons interdit la poursuite de leurs études à ceux d'entre pencher sur un certain nombre de problèmes qui préoccupent eux qui sont les moins fortunés. justement les collectivité locales. Nous désirons appeler votre attention, monsieur le ministre, Ces établissements reçoivent les élèves en premier lieu de sur un point particulier aux étudiants, il s'agit du service mili- la localité, mais également de plusieurs communes du canton et taire et des sursis d'appel. de la région, voire même ceux d'une ville importante voisine. Actuellement plus de 22.000 enseignants — instituteurs et Or il peut être démontré facilement que la ville siège du professeurs — sont sous les drapeaux. Il aurait été question de collège subit des charges lourdes parfois insupportables du fait les affecter à un poste situé près de leur garnison ou, pour de la présence de l'établissement sur son territoire : charges de ceux qui sont en Algérie, de les nommer sur place afin de construction dont la somme subventionnable est parfois réduite, libérer pour la métropole les enseignants en exercice sur ce et le taux dè participation communale élevé, charges de fonction- territoire. nement : mobilier et fournitures scolaires, matériel d'enseigne- Nous espérons que ces bruits répandus complaisamment dans ment, fonctionnement du restaurant scolaire, alimentation et main- la presse ne sont pas fondés. En tout cas, nous espérons que d'oeuvre, internat, lorsqu'il existe, que complique encore éventuel- les enseignants n'ont pas réclamé en leur faveur semblable lement le caractère mixte de l'établissement. mesure et que ce n'est pas avec de tels palliatifs que l'on pourra On peut dire, à juste titre, qu'un collège d'enseignement géné- remédier à la crise profonde de l'enseignement. ral coûte très cher à une commune et qu'il faut aux conseils Par contre, il nous paraît regrettable d'appeler au service municipaux une volonté farouche de servir l'école pour infliger militaire des enseignants âgés de plus de trente ans qui, réformés aux seuls contribuables de leur commune le paiement de dépenses précédemment, ont été récupérés par des commisisons de qui sont faites au bénéfice des enfants d'une région entière. réforme — je tiens des exemples à votre disposition, monsieur C'est la raison pour laquelle nous sollicitons de vous, monsieur le ministre — comme nous regrettons que les sursis d'incorpo- le ministre de l'éducation nationale, une étude très attentive de ration accordés précédemment à de jeunes étudiants aient été ce problème pour que vous puissiez envisager un nouveau statut résiliés automatiquement parce que les intéressés n'avaient pas des collèges d'enseignement général. obtenu leur diplôme avec mention. Les effectifs des collèges d'enseignement technique seraient Ce nouveau critère constitue une véritable brimade à l'en- très supérieurs si l'on disposait de classes et de professeurs. On contre des étudiants qui en sont victimes et une lourde pénalité évalue entre 50.000 et 60.000 le nombre des élèves qui faute de pour les parents qui ont conduit leurs études jusque-là. Nous place - ont été refoulés chaque année, en 1959 et 1960. Les éva- aimerions, monsieur le ministre, que vous vous penchiez sur ce luations officielles de 1961 ramènent ce nombre à 36.000. problème. Ainsi, des milliers d'enfants qui avaient choisi leur voie, qui Je suis chargé d'appeler également votre attention sur un pouvaient espérer devenir des ouvriers spécialisés, des contre- autre problème. maîtres, des techniciens d'entreprise, voire même des ingénieurs Un différend extrêmement grave oppose actuellement le Gou- ont vu leur projet s'évanouir irrémédiablement. vernement à l'U. N. E. F. Le souci que nous avons de l'avenir Dans le budget de 1962, les créations d'emplois dans les de notre jeunesse, à quelque échelon qu'elle soit placée dans collèges d'enseignement technique sont au même nombre que l'Université française, nous commande de rechercher impar- dans celui de 1961 — 2.168 créations contre 2.175 ; le nombre tialement tous les moyens propres à faire cesser une situation des enseignants augmentant de 50 unités seulement ; cependant préjudiciable et regrettable. Car il n'est pas possible d'admettre que le nombre des élèves a augmenté de 24.000. que le monde étudiant d'aujourd'hui, dont la progression est 50 enseignants en supplément pour 24.000 élèves en plus. constante et importante, soit rejeté par les pouvoirs publics Il y a là un déséquilibre tragique qui s'accentue, porte un et mis à l'écart de la nation. Il n'est pas possible non plus préjudice incalculable à la jeunesse et nuit considérablement d'admettre les mesures présentant le caractère de sanctions au prestige de la France collectives qui incitent plutôt à la révolte qu'à la soumission. L'enseignement long se rapporte aux établissements d'ensei- Quand on examine sans passion le fond du problème, on gnement classique et moderne et aux établissements d'enseigne- peut être amené à comprendre l'évolution irrésistible de la ment technique (lycées). jeunesse, ses élans généreux, ses préoccupations, ses aspira- tions et, il faut bien le dire, ses revendications pour obtenir Entre la rentrée de 1960-1961 et celle de 1961-1962, les effec- des satisfactions qui lui paraissent légitimes. tifs des établissements d'enseignement classique et moderne sont En tout cas, il paraît difficilement admissible que dans un passés de 763.000 à 846.000 soit une augmentation de 83.000 pays comme la France les relations soient définitivement rom- d'une rentrée à l'autre. pues entre le pouvoir et la jeunesse estudiantine groupée au Pendant le même temps, les effectifs des établissements sein d'une association véritablement représentative. d'enseignement technique sont passés de 199.000 à 223.000, soit C'est la raison pour laquelle nous aimerions être fixés au une augmentation annuelle de 24.000 élèves. sujet de l'attribution de la subvention de fonctionnement qui Le personnel enseignant, lui, a augmenté de 2.261 unités a été retirée à l'U. N. E. F. pour le classique et le moderne, portant l'effectif total à Après avoir parcouru rapidement l'enseignement supérieur, 45.745 professeurs ; quant au personnel du technique il a nous voudrions attirer votre attention sur l'enseignement court augmenté de 1.254 unités, portant l'effectif total à 15.480 et long. Beaucoup de classes manquent de maîtres et de pro- professeurs. fesseurs, et la presse, toute la presse, rend compte de mani- Diverses mesures sont intervenues afin de favoriser le festations organisées par les parents et les élèves. recrutement des professeurs de l'enseignement secondaire et Dans les collèges d'enseignement général, nous l'avons indiqué, de l'enseignement technique. les effectifs sont passés cette année de 552.000 à 630.000 élèves. Malgré les mesures très favorables accordées au recrutement, La crise paraît moins grave pour le personnel parce que les des difficultés subsistent pour certaines disciplines, enseigne- inspecteurs d'académie prélèvent au maximum parmi les ins- ment des mathématiques principalement et même des lettres. SENA T — SEANCE D 7 21 NOVEMBRE 1061 1743 L'obstacle principal au recrutement provient du déclassement Le 12 septembre 1961, 1.928.710 nouveaux francs ont été man- qui s'est institué et qui tend à s'aggraver entre la fonction ensei- datés par les préfets pour la prise en charge du personnel des gnante et les emplois privés à préparation équivalente. établissements qui ont signé un contrat : 1.780 maîtres ont été Les enseignements élémentaire et terminal sont donnés dans payés. Les dépenses de eonctionnement des établissements sous les écoles maternelles et les écoles élémentaires. contrat d'association ont été également payées pour une somme En 1961-1962, l'effectif des écoles maternelles est prévu pour de 7.367.733 nouveaux francs. 1.200.000 jeunes élèves environ et celui des écoles élémentaires Pour conclure, le budget de 1962 comporte une inscription de atteindrait 4.800.000 environ. 500 millions de nouveaux francs pour l'aide de l'Etat à l'ensei- Nous estimons qu'il est bien téméraire d'escompter une dimi- gnement privé qui compterait 1.800.000 élèves. nution sensible du nombre des élèves qui fréquentent nos classes Les crédits affectés aux bourses ont été portés de 42 millions élémentaires. de nouveaux francs à 52 millions de nouveaux francs. Le budget Un certain nombre a pris le chemin des lycées techniques et de 1961 comprenait un certain nombre de bourses dont l'énumé- des collègues d'enseignement général. ration figure dans le rapport écrit, et il faut y ajouter un crédit Quant aux élèves des écoles maternelles, s'ils ne sont pas plus de 1.150.000 nouveaux francs destiné à l'attribution de bourses nombreux, c'est parce que la construction des écoles et classes aux centres d'apprentissage privés. L'augmentation du crédit de maternelles est au ralenti et les nominations de maîtresses 1962 provient, d'une part, de la création d'un certain nombre qualifiées nettement insuffisantes. de bourses nouvelles pour l'enseignement supérieur, de bourses Que représente la création de 1.650 postes de maîtres pour nationales, de bourses dans les collèges d'enseignement techni- les classes élémentaires et de 100 postes de maîtresses d'école que, d'autre part, d'une augmentation du taux de ces bourses. maternelle qui figurent au budget de 1962 par rapport au nombre Nous vous signalons, en passant, que le ministère de l'éduca- d'élèves qui sont entassés dans des classes surpeuplées et au tion nationale apporte une aide à l'enseignement du français à nombre d'enfants qui ne peuvent être accueillis dans les classes l'étranger. Cet enseignement est donné par 13.000 professeurs maternelles et enfantines ? et instituteurs français dont 7.000 au Maroc, 3.000 en Tunisie, Nous avons constaté que le budget de 1962 ne comporte pas 1.000 au Laos, au Viet-Nam et au Cambodge et 2.000 dans les de créations d'emplois d'instituteurs itinérants agricoles. autres parties du monde. Or, le développement de l'enseignement agricole n'en est Ajoutons qu'en 1962, 1.863 bourses dç 400 nouveaux francs qu'à ses débuts, et à des débuts bien modestes. Il n'est pas seront allouées à des étudiants étrangers venus faire leurs encore organisé et ne le sera pas avant plusieurs années. Il études en France dont 452 pour l'Europe occidentale, 250 pour aurait fallu prévoir un certain nombre de créations d'enseignants l'Amérique du Sud, 240 pour le Maroc et 100 pour la Tunisie. de cet ordre pour continuer l'enseignement qui avait été donné Cette méthode devrait faciliter les échanges d'étudiants fran- jusque-là. çais contre des étudiants étrangers. Nous désirons appeler l'attention du ministre de l'éducation Vous trouverez dans mon rapport écrit des notes concernant nationale sur un point particulier du programme d'enseignement le ramassage scolaire. A l'origine, ce ramassage avait été prévu dans les écoles élémentaires, celui qui se rapporte à l'ensei- pour recueillir en un centre de rassemblement les enfants appar- gnement de l'éducation physique. Dans nos écoles élémentaires, tenant à plusieurs écoles à effectifs réduits. Cela avait été l'enseignement de l'éducation physique marque un fléchisse- prévu dans un but d'économie à la fois pour supprimer des ment. Je sais bien que, chaque fois qu'un projet de construction écoles et pour supprimer des emplois. Des résultats concrets ont vient devant les comités départementaux, les instructions offi- été obtenus, il faut le reconnaître, mais le ramassage sur cielles rappellent que le plateau d'éducation physique doit faire lequel je désire attirer votre attention, monsieur le ministre, partie de l'ensemble et doit être subventionné dans les condi- c'est celui qui consiste à faciliter l'enseignement dans les col- tions ordinaires. Or, nous avons été surpris de constater que lèges d'enseignement général et d'enseignement technique, ainsi parfois le plateau d'éducation physique est sacrifié sous prétexte que dans les lycées. Ce ramassage, qui permet de conduire que les crédits de l'éducation nationale doivent être affectés les élèves vers ces établissements scolaires, tend à démocratiser aux classes pour les élèves et aux logements pour le personnel. L'enseignement en facilitant ce déplacement des enfants et en Nous pensons qu'il y a là une erreur et qu'il faut absolument évitant des frais d'internat qui sont lourds pour les familles. que, dans chaque école nouvelle, comme dans les anciennes, Ainsi, si le chiffre que vous donnez est exact, à savoir que partout où cela est possible, le plateau d'éducation physique 100.000 enfants d'âge scolaire seront « ramassés » en 1962, existe et soit utilisé. Nous pensons que cela est nécessaire, aussi ce sera une excellente mesure pour démocratiser l'enseignement bien pour les ruraux que pour les enfants des cités urbaines. et le mettre à la portée des familles les moins fortunées. C'est à l'école primaire qu'on peut donner le goût des sports Il me reste à examiner devant vous, et je le ferai très rapi- au grand air et des exercices physiques. Nous pensons que c'est dement, les dépenses en capital au titre des constructions sco- à l'école primaire que doit commencer la préparation olympique. laires. Pour l'aide à l'enseignement privé, en 1961, un crédit initial Les dépenses d'investissement de l'éducation nationale se de 200 millions de nouveaux francs avait été inscrit en sa divisent en deux catégories d'opérations : les premières sont faveur. En cours d'année, un transfert de 7 millions de nouveaux entièrement à la charge de l'Etat et concernent les établisse- francs a été opéré pour diverses opérations de rémunérations. ments d'Etat, les deuxièmes concernent les opérations subven- La dotation restante a été répartie à partir du octobre 1961 tionnées par l'Etat et engagées par les collectivités locales. en dépenses de personnels, de fonctionnement, d'avances, en Le budget, en ce domaine, est en progression : il bénéficie application du décret du 31 mai 1931, au total pour une somme de 187 millions de nouveaux francs. Le budget de 1962 prévoit d'une augmentation de 197 millions de nouveaux francs en un crédit de 487 millions de nouveaux francs au lieu de 200 autorisations de programme et d'une augmentation de 30.700.000 en 1961. L'augmentation prévue se rapporte à des crédits de nouveaux francs en crédits de paiement. personnels, d'abord aux insuffisances de la dotation de 1961 Ainsi, les crédits de naiement ne progressent que de 2 p. 100 qu'il faut bien rattraper, ensuite à l'augmentation des dépenses dans le budget de 1962, soit 1.650 millions de nouveaux francs de personnel, en raison du reclassement en cours des maîtres contre 1.619 millions de nouveaux francs en 1961. La progression qui, actuellement, sont rétribués à l'échelon du début et du nom- est faible si l'on se souvient que ces crédits accusaient l'an der- bre important de contrats nouveaux demandés pour l'année nier une baisse de 11 p. 100 alors qu'au cours des trois dernières scolaire 1961-1962, enfin aux bourses versées aux élèves des années les autorisations de programme n'ont cessé de croître, établissements privés ayant souscrit un contrat d'association d'où le problème des renorts de crédits. ainsi qu'aux élèves des établissements privés ayant signé un Quant aux autorisations de programme, elles atteindront contrat simple. 2.270 millions de nouveaux francs contre 1.990 millions de nou- Enfin, il faut noter que, sur ces crédits, 12 millions de nou- vaux francs en 1960, ce qui représente une majoration de veaux francs serviront à des créations d'emplois : 20 d'inspec- 14 D. 100. teurs d'académie, 30 d'inspecteurs primaires, 400 d'agents Selon la presse, M. le ministre de l'éducation nationale aurait contractuels et 480 d'instituteurs, ce personnel de l'enseigne- demandé 4 milliards de nouveaux francs pour combler le retard ment public étant destiné à assurer le contrôle et l'application et faire face aux besoins nouveaux. Nous regrettons avec lui qu'il de la loi d'aide à l'enseignement privé. n'ait pu obtenir satisfaction, d'où le problème de l'insuffisance Rapeplons que 11.522 demandes de contrats simples et 569 des autorisations de programme. Les deux problèmes sont d'ail- demandes de contrats d'association ont été déposées. L'instruc- leurs liés : à quoi sert de multiplier les projets sur le papier tion des dossiers est presque achevée : 6.816 contrats ont été si l'on sait que, sur le terrain, ils ne seront exécutés qu'avec une signés, 16.847 maîtres ont été inspectés, 1.624 contrats ont été bien trop grande lenteur ? refusés. M. Marcel Prélot. Très bien ! Ainsi 8.440 décisions ont été prises, soit 70 p. 100. Parmi les M. Fernand Auberger, rapporteur spécial. Les reports de cas restant à régler au 15 septembre 1961, 23 p. 100 ont été crédits de l'année 1960 sur l'année 1961 se sont élevés à 804 mil- déférés aux instances départementales et 7 p. 100 au comité lions de nouveaux francs, c'est-à-dire à la moitié du montant national de conciliation. du crédit ouvert au budget de 1961.

1744 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 Ces reports représentaient plus du double des reports de 1959 nelle groupant au total 18 classes Pour un montant de sur 1960, puisque ces derniers n'étaient que de 358 millions de 1.600.000 NF. nouveaux francs. Ce projet a été classé à l'échelon départemental. Cette En 1960, le ministère de l'éducation nationale avait consommé municipalité, en attendant que son projet soit agréé et financé, 1.373 millions de nouveaux francs de crédit ; au 30 septembre 1961 a installé des classes préfabriquées pour recevoir les enfants, —et cette constatation est à votre avantage, monsieur le ministre comme c'est le devoir de tout magistrat municipal, selon le — 1.696 millions de nouveaux francs de crédits avaient été utilisés. programme suivant : première année, quatre classes préfabri- On pourrait donc en déduire que les reports de crédits de 1961 quées; seconde année, quatre nouvelles classes préfabriquées ; sur 1962 seront moins importants que ceux de l'année précédente. l'année suivante : quatre autres classes louées au parc dépar- C'est sans doute l'argument invoqué pour doter les crédits de temental, car le département a acquis un parc de classes paiement de 1962 d'une si faible et si insuffisante augmentation, préfabriquées pour rendre service aux collectivités dans l'em- soit 30.700.000 francs, par rapport à l'année précédente. barras ; en 1961, six autres classes préfabriquées, louées au Depuis des années, votre comimssion des finances a attiré département. Ainsi, cette commune a installé 18 classes préfa- l'attention des ministres responsables sur cette question. On briquées en l'espace de quatre ans pour recevoir ses élèves, pourrait incriminer les possibilités réduites des entreprises, mais son projet n'est pas encore réalisé. Monsieur le ministre, c'est-à-dire leur lenteur à exécuter les projets, mais, à notre je vous demande d'étudier, ces problèmes. avis, des goulots d'étranglement existent au niveau du ministère Je suis persuadé que l'on pourrait citer bien d'autres exemples de l'éducation nationale. semblables. De plus, dans la ville en question, l'on construit La réforme qui a consisté à déconcentrer les crédits, excellente 250 logements H. L. M. : la population scolaire va donc en soi, s'est traduite dans l'immédiat par une sorte d'embouteil- s'accroître et il faudra bien ou augmenter encore le nombre lage dans les services départementaux des ponts et chaussées, des classes préfabriquées ou agréer et réaliser le projet, ce qui sont chargés du contrôle des opérations. qui serait à mon avis bien préférable. Lors de la préparation du budget de 1960, il semble également Au sujet des lenteurs des paiements, j'ai un autre exemple qu'il y ait eu une erreur dans le calcul du montant des crédits de à vous citer, monsieur le ministre. paiement et qu'on n'ait pas tenu suffisamment compte du fait Parfois, je le répète, le délai entre l'achèvement des travaux que, l'année précédente, les autorisations avaient accusé un et le versement des subventions est très long, ce qui porte fléchissement. préjudice, non seulement aux collectivités, mais aussi aux Enfin, il faut incriminer la longueur des circuits administratifs entrepreneurs qui se font parfois, malgré eux, les banquiers qui entravent l'exécution des travaux — moins, il est vrai, qu'au de l'Etat. moment de l'établissement de projets passés au crible de trop Il s'agit d'une adjudication de travaux qui a eu lieu en nombreux services. (Applaudissements.) septembre 1960 dans un établissement d'enseignement classique Je ne voudrais pas, mes chers collègues, que vous puissiez et moderne appartenant à l'Etat. Le marché des travaux est croire que je suis en train d'incriminer un service plutôt qu'un adressé au ministère dès le 18 octobre et il est demandé à autre. Le budget de 1962 contient, dans ce domaine, une inno- l'entreprise d'installer un chauffage central, qu'il faut monter vation dont il convient de se féliciter, l'inscription d'un crédit rapidement pour permettre d'accueillir les enfants. Le 28 fé- destiné à consentir des subventions aux collectivités locales vrier 1961, une partie des travaux est terminée et, le 7 mars, pour leurs frais d'études. En effet, la confection d'un projet le marché n'est pas encore approuvé. coûte cher et la modicité des sommes que peuvent y consacrer Le 9 octobre dernier, la réception des travaux est faite certaines collectivités explique souvent l'insuffisance de prépa- par un représentant de l'éducation nationale, mais, le 13 novem- ration de certains projets, ce qui est une source de difficultés bre dernier, l'entrepreneur était informé que le marché était avec l'administration. refoulé par le contrôle des dépenses engagées parce que le Quoi qu'il en soit, le résultat des errements signalés, c'est la montant final de ce marché s'élevait à 50.000 nouveaux francs, réévaluation constante des travaux — et nos collègues en trou- alors qu'au départ il avait été annoncé pour 30.000 nouveaux veront maints exemples dans les pages du fascicule budgétaire francs, et que la différence nécessitait un nouvel appel d'offre. qui a été distribué — qui ampute d'autant les crédits consa- A ce moment l'entreprise, qui n'a pas perçu un centime, se crés aux opérations nouvelles, car il faut bien payer l'arriéré. voit reprocher d'avoir exécuté les travaux de ce chantier, A ce point de notre exposé, nous désirons présenter quelques malgré les ordres des architectes « qui n'avaient pas à comman- observations au sujet des conséquences désastreuses de la lenteur der l'exécution de ces travaux avant que le marché soit d'acheminement ou d'examen des dossiers, qui nuisent considéra- approuvé ». blement à la réalisation des projets de constructions scolaires. Ce qu'il faut, c'est que cette paperasserie administrative En ce qui concerne les constructions scolaires dans leur disparaisse et que les marchés soient examinés dans toutes leurs ensemble, l'acquisition des terrains, surtout lorsqu'il faut conséquences, mais contrôlés rapidement, de façon que les tra- recourir à l'expropriation, est parfois une cause de retard. Dans vaux soient eux aussi effectués rapidement. ce domaine, monsieur le ministre, s'il vous était possible d'inter- Je voulais vous demander une explication, monsieur le minis- venir pour obtenir les mêmes facilités pour les constructions tre, au sujet de différences inquiétantes et regrettables que scolaires que pour les locaux d'habitation, nous vous en serions nous avons trouvées dans le fascicule « vert » — crédits votés reconnaissants parce qu'il nous paraît qu'il y a là une cause — et le fascicule « bleu » qui contiennent le détail de la loi d'utilité publique à invoquer. de finances. Nous avons relevé dans le chapitre 56-32, pages 224 et 225 du budget de 1961, sous la rubrique : « Etablissements Un sénateur à gauche. Très bien ! d'enseignements classiques et modernes appartenant à l'Etat, M. Fernand Auberger, rapporteur spécial. Mais les procé- équipement », les opérations suivantes : Dax, collège de garçons . dures d'examen des dossiers sont fort longues ; elles entraînent Vire, collège de jeunes filles, externat ; Soissons, collèges de des correspondances multiples, et parfois contradictoires, et les filles, externat. Or, dans les mesures nouvelles du budget de liaisons entre les architectes du ministère et les maîtres d'oeuvre 1962, au chapitre 66-32 du « bleu » qui est distribué, nous des projets sont difficiles ; elles retardent la réalisation des avons trouvé les mêmes projets, mais avec une appellation dif- projets au lieu de les favoriser. férente puisqu'il s'agit de « subventions d'équipement pour les Quant au contrôle financier, qui intervient en fin d'agrément établissements d'enseignements classiques et modernes n'appar- des projets, il devrait se borner à vérifier la régularité finan- tenant pas à l'Etat ». « N'appartenant pas à l'Etat », alors que, cière de l'opération, non à amputer les programmes et, de ce à en croire le budget de 1961, les mêmes étaient « appartenant fait, à réduire d'une façon exagérée le montant de la subven- à l'Etat tion en supprimant les aménagements indispensables. Ce contrôle Ces classements et déclassements de projets nous intriguent doit être financier et non pas replacé sur le plan technique. et nous voudrions à ce sujet obtenir quelques éclaircissements D'autre part, les demandes de revalorisation ne sont satis- qui soient de nature à rassurer les collectivités intéressées et à faites qu'après un long délai et les demandes de versement les fixer sur l'avenir de leurs projets. de subventions interviennent parfois après des mois et même En conclusion, nous avons tenté de traduire les préoccupa- des années, ce qui met dans l'embarras les collectivités et les tions de notre assemblée qui, unanimement, souhaite la cons- entrepreneurs. truction d'un équipement scolaire suffisant et réalisé en temps La déconcentration qui vient d'être accordée à l'échelon dépar- opportun afin d'accueillir toute notre jeunesse. temental en faveur des projets allant jusqu'à un million de Nous n'hésitons pas à condamner la pratique inacceptable des nouveaux francs est une chose très heureuse, mais nous estimons reports de crédits inutilisés quand tous les enseignements en que ces mesures d'agrément et de financement à l'échelon natio- réclament l'augmentation. nal devraient être simplifiées et activées. Nous préconisons la mise à exécution d'un plan de déconcen- Monsieur le ministre, à ce sujet, je voudrais vous signaler tration plus complet, qui permettra de bâtir plus rapidement, un exemple qui n'est pas pris dans mon département et qui à meilleur compte, dans l'intérêt des élèves et des collectivités. concerne le retard apporté à la construction d'une école et les Nous appelons la bienveillante attention du ministre respon- conséquences qui en résultent. La ville de X... a, depuis deux sable et de son collègue des finances sur la nécessité impérieuse ans, fait établir un projet d'école primaire et d'école mater- d'instruire toute la jeunesse française pour que ce capital ines- SENA]: — SEANCE DU 2t NOVEMBRE 1961 1745 timable et de plus rentable soit mis en valeur afin de contribuer dix emplois seront créés à l'institut national des sports en vue à la véritable grandeur de notre pays. de recruter des spécialistes sportifs de valeur chargés de préparer Nous sollicitons le recrutement de maîtres et de professeurs l'équipe de France pour les Olympiades de Tokio en 1964. qualifiés dont le nombre répondra à tous les besoins. A ces dix emplois s'ajoutent le poste de délégué général à Nous demandons que la formation de la carrière enseignante, la préparation olympique et un crédit global de 1 million 410.000 dans toutes les disciplines, ne soit pas relâchée, même et surtout nouveaux francs. dans la période d'application de mesures exceptionnelles pen- Quant aux dépenses de matériel et de fonctionnement, elles dant la crise de recrutement. sont également augmentées de 40 p. 100 et sont constituées par Nous réclamons une véritable revalorisation de la fonction l'augmentation des dépenses de déplacement de personnel d'ins- enseignante qui tienne compte des aptitudes, du dévouement, des pection et d'animation, des frais de stages de toute sorte, des responsabilités. dépenses de petit équipement et d'entretien pour les établisse- Nous désirons une véritable démocratisation de l'enseigne- ments sportifs. Il faut noter un crédit particulier de 200.000 nou- ment qui entraînera une véritable formation des élites là où elles veaux francs destiné à une action d'animation directe du haut- se trouvent. commissariat en faveur des organismes de jeunesse, ainsi que Nous appelons de tous nos voeux, après la transformation des dépenses de subventions destinées aux sports scolaires et de l'administration centrale qui est intervenue, une transfor- universitaires, aux établissements de la jeunesse et des sports, mation de notre enseignement dans tous les domaines, trans- ainsi qu'aux écoles de formation de la jeunesse d'Algérie, tous formation qui, tenant compte de l'évolution du monde, des établissements placés sous la tutelle du haut commissariat. idées et des principes valables de la vie moderne, fixerait Toutes ces dépenses sont justifiées par le développement des l'orientation, les méthodes, les buts et, partant de là, fixerait effectifs. les moyens les plus aptes à franchir une nouvelle étape vers la Quant aux interventions publiques figurant au titre IV, elles voie du progrès et de l'avenir. marquent également une progression de 18 p. 100 par rapport Dans la revue Entreprise du 7 octobre 1961, vous avez défini, à 1961 et de 114 p. 100 par rapport à 1958. Ces mesures nou- monsieur le ministre, les objectifs de la réforme de l'ensei- velles concernent quatre secteurs d'activité : en premier lieu, gnement et vous avez déclaré entre autres : « Il s'agit essen- l'éducation populaire dont la dotation augmente de 1.450.000 nou- tiellement d'adapter notre enseignement au monde nouveau ». veaux francs et qui se justifie par les augmentations constantes Après avoir énuméré les moyens qui doivent être utilisés à du nombre des fédérations et associations d'éducation populaire cette fin, vous ajoutiez « Toutes ces réformes supposent une à subventionner ; en second lieu, les activités physiques et transformation radicale de l'état d'esprit qui inspire encore sportives dans des milieux du travail et les activités de plein notre enseignement et la mise à la disposition de l'éducation air, dont la dotation augmente de 3.125.000 nouveaux francs. nationale des moyens qui lui font encore défaut ». On notera dans ce chapitre une augmentation de 2,5 millions C'est par cette déclaration, monsieur le ministre, que nous de nouveaux francs pour les fédérations et les associations terminerons notre exposé pour dire que nous sommes entièrement sportives destinées à la préparation olympique, ainsi qu'un d'accord avec vous sur ce point. supplément de 40.000 nouveaux francs pour les expériences Au nom de votre commission des finances qui s'est pronon- pédagogiques et les classes de neige ; en troisième lieu, les acti- cée à la majorité, nous vous proposons de voter les crédits vités de jeunesse, dont la subvention augmente de 2.850.000 nou- du budget de l'éducation nationale pour 1962. (Applaudisse- veaux francs ; pour les relations de la jeunesse avec l'outre- ments.) mer, il est prévu un crédit de 3,5 millions de nouveaux francs, M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial dont la ventilation est donnée, à la demande de la commission de la commission des finances pour le budget de la jeunesse et des finances d'ailleurs, dans mon rapport ; en quatrième lieu, des sports. les camps et colonies de vacances, où la majoration de 2.900.000 nouveaux francs intéresse essentiellement les alloca- M. Jacques Richard, rapporteur spécial. Monsieur le prési- tions de séjour de vacances, augmentées de 20.000 cette année dent, mesdames, messieurs, le budget de la jeunesse et des et de l'équipement en matériel de ces colonies. sports pour 1962 traduit la volonté du Gouvernement de mettre J'en viens au budget d'équipement. Les crédits de paiement à la disposition du haut-commissariat les moyens financiers augmentent de près d'un quart, ce qui représente une pro- qui lui sont indispensables pour assurer sa mission et répond ainsi aux engagements pris par le Gouvernement, notamment gression beaucoup plus grande que dans les autres budgets. lors de la discussion de la loi de programme d'équipement Quant aux autorisations de programme, elles font un bond sportif et socio-éducatif, en juillet dernier. de près de 71 o. 100. Ces crédits constituent la traduction, C'est dire que les crédits du haut-commissariat sont en sérieuse dans le budget, des dispositions de la loi de programme votée augmentation. En effet, les moyens des services, en passant par le Parlement en juillet 1961 et sur laquelle je ne désire de 198,4 à 238,9 millions de nouveaux francs, enregistrent pas revenir. En 1962 seront inscrits 120 millions de nouveaux une progression de 20,4 p. 100 et les dépenses en capital francs, pour autorisations, auxquels il convient d'ajouter une — pour les crédits de paiement -- une progression de 24,5 p. 100. dotation anticipée de 20 millions de nouveaux francs acceptée Quant aux autorisations de programme, elles ont été majorées de par le Parlement dans le dernier collectif. 71,4 p. 100. En ce qui concerne les investissements effectués directement Avant d'examiner les grandes lignes de ce budget, je voudrais par le haut commissariat, les 15 millions d'autorisations de faire une première observation, qui est plus particulièrement programme sont relatifs : d'abord à des acquisitions immobi- destinée à M. le secrétaire d'Etat aux finances. Il n'est pas lières, pour une somme de 750.000 nouveaux francs — il s'agit actuellement au banc du Gouvernement, mais je pense qu'on du rachat à Electricité de France des bâtiments édifiés lors la lui transmettra. de la construction du barrage de Roselend dans les Alpes et Les crédits du haut commissariat figurent dans les documents de l'achat du fort de Beg Rohu en Bretagne où sera vrai- budgétaires de l'éducation nationale soit à des chapitres indivi- semblablement installé un centre de navigation à la voile ; puis dualisés, mais dispersés, soit à l'intérieur de chapitres où ils à des travaux, pour un montant de 12.750.000 nouveaux francs, sont fondus avec d'autres crédits ; aussi votre commission des qui constitueront la première tranche du programme établi en finances souhaiterait-elle que ces crédits fassent l'objet, sinon faveur des établissements de jeunesse et de sports, et notam- d'un « bleu » spécial, du moins d'un état récapitulatif en annexe ment les premiers travaux d'édification du stade de 100.000 places au budget de la rue de Grenelle. à Paris au bois de Vincennes ; enfin, à des achats de matériel Pour ce qui concerne le budget de fonctionnement, nous de première installation pour 1,5 million de nouveaux francs. noterons seulement que, sur les 40,9 millions de nouveaux francs Je rappelle que les subventions d'équipement attribuées aux de crédits supplémentaires qui nous sont demandés, 13,4 millions collectivités pour l'année sont de 105 millions de nouveaux concernent les services votés et sont imputables, d'une part, francs, dont la répartition est donnée dans mon rapport. Je à l'amélioration des rémunérations de la fonction publique et, voudrais noter toutefois que ces subventions ne constituent pas d'autre part, à l'extension, en année pleine, des créations la totalité des crédits d'état pour les investissements sportifs d'emplois intervenues à la dernière rentrée scolaire. Les mesures et socio-éducatifs. nouvelles figurent pour 21,5 millions de nouveaux francs et il Dans les établissements scolaires neufs, en effet, 100 millions faut y ajouter l'ouverture d'un crédit de 5,6 millions de nouveaux de nouveaux francs de crédits pour 1962 sont inscrits dans le francs qui figurait antérieurement au budget des services civils budget de l'éducation nationale ainsi que 25 millions de nou- de l'Algérie. veaux francs de crédits de rattrapage. Les mesures nouvelles, en augmentation de 41 p. 100 sur celles Il existe également des crédits en provenance du fonds de de l'an passé, traduisent un renforcement des moyens des développement économique et social, destinés à équiper les services en personnel et en matériel et une intensification des grands ensembles, mais sur ce dernier point nous manquons interventions du haut commissariat. C'est ainsi que, pour le de renseignements et je souhaiterais que M. le haut commissaire personnel, 710 emplois nouveaux seront créés en 1962 contre veuille bien nous informer plus complètement. 546 en 1961, dont 620 de professeurs et maîtres d'éducation L'ensemble de ces crédits représente au total, pour l'année physique et sportive. Il convient également de souligner que 1962, 250 millions de nouveaux francs d'investissements. 123

1746 SENA T — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 La loi-programme est une chose ; son application en est une mettront, monsieur le haut-commissaire, de donner une impul- autre. Je pense qu'il est dans le rôle du Parlement de veiller sion nouvelle à l'action que vous avez entreprise. à l'exécution de cette loi. C'est pourquoi j'ai analysé longue- Si l'infrastructure sportive, grâce à la loi-programme, va vous ment, dans mon rapport, la procédure mise en oeuvre par le permettre de combler le grand retard qui a, hélas ! été pris, Haut-commissariat. A ce sujet, deux observations ont été faites vous devez maintenant porter vos efforts sur l'infrastructure par la commission des finances. La première intéresse la compo- socio-éducative — celle des loisirs -- qui ne bénéficie malheu- sition de la commission départementale du plan d'équipement reusement, dans cette loi-programme, que de un sixième des sportif et socio-éducatif. Monsieur le Haut-commissaire, je dois crédits d'Etat. vous dire que les membres de la commission des finances sou- Or, nous vivons dans un monde dur et difficile, surtout pour haiteraient que les parlementaires, notamment les sénateurs, les jeunes où la poussée démographique — 800.000 enfants puissent être appelés à y siéger ès qualités. naissent chaque année — se conjugue avec un changement pro- La seconde observation vise la part du financement qui incom- fond des modes de vie en raison de l'accélération prodigieuse bera aux collectivités locales puisque le taux moyen de la des techniques, et notamment des moyens d'information. subvention d'Etat n'est que de 45 p. 100. La commission a souhaité Je n'apprendrai rien à personne en déclarant que les familles, connaître la position de la caisse des dépôts et consignations qui, aux prises avec les difficultés de toutes sortes qu'engendre la vie moderne, ne sont plus en mesure de suivre et d'assurer dans cette affaire, sera le principal organisme prêteur auprès avec suffisamment d'attention le développement physique et duquel devront s'adresser la plupart de nos municipalités. culturel de leurs enfants. J'ai posé au Haut-commissariat une question écrite. M. le Haut- Je n'insiste pas davantage sur un problème que vous connaissez commissaire a bien voulu y répondre en indiquant que les bien, monsieur le haut-commissaire, et dont vous parlera pro- négociations avaient été entreprises avec la caisse des dépôts bablement tout à l'heure mon collègue rapporteur de la com- et consignations afin de poursuivre deux objectifs : mission des affaires culturelles. Mais ce que je voudrais dire ici — sur le plan administratif, instituer une instruction com- avec force, c'est que la jeunesse a besoin que l'on s'occupe d'elle, mune au Haut-commissariat à la jeunesse et aux sports et à la qu'on l'aide et qu'on l'aide davantage, afin qu'elle puisse s'inté- caisse des dépôts et consignations des dossiers déposés par les grer sans heurts dans le monde adulte. collectivités locales qui désirent emprunter ; C'est souvent parce que les démocraties oublient leurs devoirs — sur le plan financier, obtenir que la totalité de la diffé- vis-à-vis de leur propre jeunesse qu'elles sont abandonnées par rence entre la dépense subventionnable et le montant de la les jeunes qui se tournent alors vers des formes de régimes subvention accordée par l'Etat puisse faire l'objet d'un prêt autoritaires. C'est pourquoi le Sénat, persuadé qu'il est de la de la part de la caisse des dépôts et consignations. responsabilité qui incombe à la République dans le domaine En tout état de cause — c'est toujours le Haut-commissaire de la jeunesse, ne vous ménagera, monsieur le haut-commis- qui s'exprime — il n'est pas possible d'envisager l'automaticité de saire, ni ses encouragements ni son appui. Et, parce que je l'octroi des prêts aux collectivités. Leur attribution est condition- rends hommage à votre ténacité et à votre persévérance et née par l'évolution de la conjoncture économique et financière que mes préoccupations sont également les vôtres, je ne doute générale et, notamment, par le montant des disponibilités de pas que vous vous orienterez résolument dans la voie que nous la caisse des dépôts et des caisses d'épargne. vous recommandons. Monsieur le Haut-commissaire, je ne vous surprendrai pas en Sous réserve de ces quelques observations, votre commission vous disant que cette réponse nuancée ne nous satisfait pas des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits entièrement. C'est pourquoi votre commission des finances a qui vous sont demandés par le haut-commissariat de la jeunesse demandé la quasi-automaticité des prêts, faute de quoi les objec- et des sports et vous demande de les voter. (Applaudissements.) tifs fixés par le Gouvernement lui-même ne seront pas atteints. M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis Sur ce point, nous attendons de vous, monsieur le Haut-com- de la commission des affaires culturelles pour l'éducation missaire, une déclaration précise. nationale. En conclusion, je souhaiterais présenter deux observations d'un ordre plus général. La première intéresse le problème du M. Paul Pauly, rapporteur pour avis de la commission des personnel enseignant de l'éducation physique. Bien qu'il semble affaires culturelles (éducation nationale). Mesdames, messieurs, que tous les postes budgétaires existants dans ce personnel permettez-moi de commencer mon propos par une remarque soient actuellement pourvus soit par des personnels titulaires, que vous jugerez peut-être quelque peu saugrenue. Je suis man- soit par des personnels délégués, il paraît incontestable que le daté par la commission des affaires culturelles. Affaires cultu- Haut-commissariat manque de cadres. Je reconnais volontiers que, relles... affaires et culture, pour moi sont deux termes qui depuis 1960, vous avez pris certaines mesures afin de faciliter choquent et Figaro nous répondrait sans doute que l'amour des l'accès à la carrière de professeur d'éducation physique et le lettres est incompatible avec l'esprit des affaires ! Mais rassu- recrutement de maîtres. Mais vous savez comme moi que le rons-nous : la commission des affaires culturelles est présidée chiffre de professeurs titulaires recrutés cette année est de avec une autorité souriante par M. Louis Gros. Si elle n'a pas 270. Il est faible par rapport à 1959, où vous aviez recruté vocation pour les affaires, elle s'intéresse avec sérieux, et j'allais 259 professeurs ; je ne le compare pas au chiffre de 1960 qui même dire avec efficacité, à l'éducation nationale et aux arts était de 322, car ce chiffre exceptionnel était dû au rattrapage et lettres. de candidats attardés. Monsieur le ministre, par profession et peut-être même par C'est pourquoi, malgré les difficultés que vous rencontrez, vocation, parce que tous les goûts sont dans la nature, on peut afin d'éviter notamment que le niveau du personnel ne se trouve aimer les chiffres. Cependant, je laisse à mes collègues le soin de abaissé, nous vous demandons de procéder à un recrutement vous en citer. Pour rester dans les limites du temps qui m'est intensif des personnels enseignants d'éducation physique. La loi imparti, je présenterai sous une forme schématique quelques- programme qui va créer des établissements nouveaux et l'accrois- unes des observations contenues dans l'avis que j'ai déposé. sement des horaires d'éducation physique que nous souhaitons Ces observations s'adressent plus au Gouvernement qu'au voir poursuivi dans les différents ordres d'enseignement rendent ministre de l'éducation nationale dont l'action se trouve para- d'ailleurs cette mesure nécessaire. lysée par l'insuffisance des crédits et des moyens mis à sa dis- J'ai pu voir récemment une émission télévisée consacrée aux position. (Applaudissements.) expériences de classe à mi-temps pédagogique et sportif. Tous Par ailleurs, le Parlement ne peut agir efficacement au cours les médecins et professeurs qui sont intervenus dans le débat, d'une discussion budgétaire, dont le rythme endiablé — permet- après s'être félicités des résultats très heureux de cette expé- tez-moi le mot — dépasse parfois la vitesse des marathons que rience, ont souhaité qu'elle soit généralisée. nous avons connus sous la IV' République. Or. vous le savez — je m'adresse ici à 1VID le ministre de l'édu- cation nationale — c'est le manque d'éducateurs qui ne per- M. Antoine Courrière. Très bien ! met pas de généraliser ces mesures dans de nombreux éta- blissements. M. Paul Pauly, rapporteur pour avis. Les besoins de l'éduca- Ma deuxième observation portera sur les activités sportives tion nationale sont tels qu'un large débat devra bien s'ouvrir et culturelles dans le domaine postscolaire. Dans ce secteur, un jour devant les assemblées si l'on veut sérieusement prendre qui intéresse essentiellement les jeunes travailleurs des villes conscience de l'effort à entreprendre. Il faudra aussi alerter et des campagnes et qui concerne plusieurs millions de jeunes l'opinion publique sur un problème d'une gravité exceptionnelle gens dont la scolarité prend fin à l'âge du certificat d'études, qui menace l'avenir même du pays. votre politique, monsieur le haut commissaire, a été de faire Quoi qu'il en soit, les interventions à la tribune et les rapports appel à la libre adhésion et à la libre initiative. déposés dans les deux assemblées font apparaître sous un jour Or nous devons constater que 15 p. 100 seulement de ces très sombre la pénurie constante de maîtres qualifiés et jeunes gens appartiennent à des associations sportives confes- l'insuffisance notoire des locaux dans tous les ordres d'ensei- sionnelles, politiques ou culturelles. Par conséquent, 85 p. 100 gnement. La France se trouve à un moment où elle connaît d'entre eux ne sont rattachés à aucune organisation de jeunesse. l'expansion démographique la plus forte de son histoire. Le Il y a donc dans ce domaine beaucoup à faire et j'espère problème de l'éducation nationale dépasse donc son cadre normal que les crédits d'animation mis à votre disposition vous per- et devient vraiment un problème national. SENAÏ SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1747

Laissant ces généralités, j'aborderai rapidement quelques de bien vouloir intervenir d'urgence dans cette affaire afin qu'un points de détail d'ordre pratique. accord puisse s'établir et éviter ainsi une grève dont les consé- En ce qui concerne les étudiants, nous avons reçu, le pré- quences atteindraient les élèves et leur famille. sident de la commission et moi-même, le président de l'union Dans le domaine des constructions scolaires, les perspectives nationale des étudiants de France venu nous exposer la situation sont loin d'être rassurantes car les crédits se révèlent encore actuelle et les besoins auxquels doivent faire face les pouvoirs notoirement insuffisants. Mais la situation serait un peu moins publics pour être à même d'accueillir les étudiants dans des préoccupante si les chiffres qui nous ont été communiqués ne conditions acceptables. confirmaient le décalage existant depuis longtemps entre les A propos de la construction des chambres, une suggestion autorisations de programme et les crédits de paiement. Il faut nous a été faite qui, selon nous, mériterait d'être retenue. toujours plusieurs années au ministère pour consommer ses Vous pourriez, monsieur le ministre, avec les crédits dont crédits d'équipement. vous disposez, accroître le nombre des chambres à construire Vous nous avez fait des promesses, monsieur le ministre. en en 1962. Pour cela, il faudrait faire appel plus largement aux commission, à propos de l'accélération du rythme des construc- possibilités qu'offre la législation sur les habitations à loyer tions. Nous souhaitons vivement que, l'an prochain, les cré- modéré. C'est une méthode qui est employée à Toulouse notam- dits de paiement de 1962, ainsi que ceux des exercices anté- ment. Le recteur de l'université de cette ville est devenu le rieurs, soient utilisés dans leur quasi-totalité. président d'une société de construction d'H. L. M. Vous augmen- Plusieurs de nos collègues se sont faits l'écho des protesta- teriez ainsi, dans une grande proportion, les possibilités de tions des maires. Le retard dans le lancement des opérations l'éducation nationale puisque, dans le financement, votre minis- provoque des réévaluations de dépenses qui compliquent les for- tère interviendrait non plus pour 100 p. 100 mais pour 15 p. 100 malités administratives. Il faut réduire le nombre des bureaux seulement. Il est sûr que, pour des raisons faciles à comprendre, chargés d'examiner les plans, notamment lorsqu'il s'agit de le financement direct à 100 p. 100 ne peut être abandonné. lycées techniques. Il faut réduire également les contrôles super- Il n'est pas moins vrai que les objections soulevées contre le posés. En outre, la politique du ministère de l'éducation natio- financement indirect sont plus techniques que fondamentales. nale dans ce domaine de la construction consiste à choisir géné- L'attention de la commission a été également attirée sur ralement des architectes jugés sur la qualité de leurs réalisa- la nécessité de reprendre le classement du personnel de l'édu- tions antérieures. Il en résulte que ces hommes de l'art béné- cation nationale. Au cours de ces dernières années, des ensei- ficient d'une sorte de monopole ; ils possèdent des cabinets gnants ont été victimes de rupture de parité de traitements surchargés et ne peuvent produire des plans dans des délais au profit d'autres catégories. C'est ainsi que les agrégés ont raisonnables. Cette remarque a été faite par plusieurs collègues subi, en 1958 et 1961, deux déclassements à l'intérieur de la qui souhaitaient voir le ministère associer largement à la réali- fonction publique par rapport à leurs homologues traditionnels, sation des constructions scolaires les architectes locaux dès lors les conseillers à la cour d'appel et les administrateurs civils. qu'ils possèdent les titres et les garanties nécessaires. La commission tient également à donner son avis sur l'arti- Nous avons enregistré avec satisfaction que les constructions cle 56 qui permettrait aux préfets de disposer de 10 p. 100 scolaires avaient baissé par rapport aux prix plancher de des crédits de la loi Barangé pour en faire bénéficier les 10 à 15 p. 100. Encore faudrait-il que ces prix, apparemment collèges d'enseignement général. Je parle devant des orfèvres avantageux, ne soient pas consentis au détriment de la qua- puisqu'il s'agit de fonds gérés par les conseils généraux et qui lité des travaux ou par une augmentation du coût des fondations appartiennent aux départements et aux communes. Les conseil- ou des abords, comme cela se pratique trop souvent dans la lers généraux se verraient donc dépossédés d'une partie de construction des H. L. M. Il conviendrait donc de se montrer très leurs attributions, et, par ce biais, communes et départements vigilants lors de la réception définitive des travaux. subventionneraient l'Etat pour des dépenses dont il a la charge Quoi qu'il en soit, les efforts de la direction des construc- M. Antoine Courrière. Très bien ! tions scolaires au cours de ces derniers mois permettent d'enre- gistrer des résultats appréciables dans l'accélération du rythme M. Paul Pauly, rapporteur pour avis. C'est pourquoi la commis de la construction. Il fallait aussi que cela fût dit. (Applaudisse- sion des affaires culturelles comme la commission des finances ments.) donne un avis défavorable à l'adoption de l'article 56. (Applau Mon dernier propos concerne la crise grave du personnel dissements à gauche.) enseignant qui sévit depuis plusieurs années dans notre pays. Un autre problème préoccupe également les administrateurs La principale cause de cette désaffection pour la carrière ensei- locaux : le ramassage scolaire. Il répond à des impératifs géogra- gnante se trouve certainement dans l'insuffisance des traite- phiques et se justifie aussi par des déplacements de population. ments. Des emplois mieux rémunérés sont offerts par le privé, Le ramassage intéresse surtout, on l'a dit tout à l'heure, l'ensei- aux agrégés notamment. Pour le premier degré, il a fallu gnement primaire et les cours complémentaires. Pour l'ensei- faire appel à des remplaçants, titulaires de la première par- gnement secondaire et, a fortiori, pour les facultés, il pose des problèmes complexes. Le système est sans doute un moyen tie du baccalauréat, parce que le nombre des places offertes moderne pour obtenir un meilleur enseignement, à un moindre aux candidats dans les écoles normales était manifestement prix, mais il soulève des problèmes difficiles à résoudre : coordi- insuffisant. II en résulte qu'un grand nombre d'élèves sont nation, meilleure utilisation des transports, financement. actuellement entre les mains d'instituteurs débutants et inexpé- Les petites communes en voie de dépeuplement ne disposent rimentés. pas des ressources nécessaires pour payer les frais de dépla- Dans le second degré, la situation est grave et trop sou- cement, parfois en voiture particulière, de quelques élèves. vent incohérente. C'est ainsi que des agrégés enseignent dans Enfin, beaucoup de maires et d'administrateurs locaux craignent des sixièmes, alors que des bacheliers ayant échoué à propé- que l'extension du ramassage draine une partie des activités deutique se voient confier des fonctions de professeurs dans vers les chefs-lieux de canton et accélère le dépeuplement de des chaires de mathématiques non pourvues et, dans certains leurs communes. Le système d'ailleurs ayant ses partisans et établissements, ce sont des licenciés qui exercent des fonc- ses adversaires, l'assemblée des présidents de conseils généraux tions de surveillants. On exige aujourd'hui des candidats au a décidé de le soumettre à une étude approfondie avant de professorat à l'enseignement secondaire qu'ils subissent, après prendre parti. la licence, les épreuves d'un examen de culture générale, le Quelques mots maintenant sur la démocratisation de l'ensei- difficile concours du C. A. P. E. S. Il y a peu de temps encore, gnement. La question est à l'ordre du jour. Au moment où nous le corps des professeurs des lycées et collèges de nos dépar- gémissons tous sur la pénurie des maîtres de l'enseignement tements se trouvait composé dans sa grande majorité de pro- et des cadres de l'industrie, il faudrait avoir le courage d'appor- fesseurs licenciés qui, de l'avis général, dispensaient un enseigne- ter les moyens qui nous permettraient de tirer parti de notre ment excellent. jeunesse. Peut-on parler de démocratie lorsqu'on sait qu'en Notons à ce propos l'opinion d'une personnalité qualifiée, 1959 sur cent étudiants on comptait seulement six fils de culti- M. Billières ; au cours de la discussion du budget à l'Assem- vateurs et trois fils d'ouvriers ? (Applaudissements à gauche.) blée nationale, l'ancien ministre a demandé : pourquoi la licence Je voudrais, monsieur le ministre, attirer également votre d'enseignement ne redeviendrait-elle pas le diplôme qui donne attention sur la situation du personnel de l'intendance et de ipso facto le droit d'enseigner. On peut toujours se lamen- l'économat. Cette catégorie de personnel a été particulièrement ter sur le recrutement difficile des professeurs si l'on crée lésée par le décret d'août 1961 appliqué au personnel de l'édu- des nouveaux obstacles qui détournent les étudiants attirés vers cation nationale. La revalorisation a été refusée aux intendants les carrières enseignantes. (Applaudissements à gauche.) et économes sous prétexte qu'un nouveau statut serait élaboré, A la session d'octobre de cette année, au certificat de pro- avec effet du mai 1961, leur accordant un reclassement, mais pédeutique scientifique, mathématiques générales et physique, les pourparlers entre les représentants de ce personnel et le sur 1.125 candidats, 92 seulement ont été déclarés admissibles. Gouvernement ne semblent pas devoir aboutir. A qui fera-t-on croire que les 1.013 candidats « collés » étaient Une grève du personnel de l'intendance est envisagée et même des bacheliers de faible qualité ? en principe décidée : d'une part, grève administrative ; d'autre Les divers établissements d'enseignement technique connais- part, fermeture de l'internat et de la demi-pension à la rentrée sent aussi souvent une situation dramatique. Là encore, la des vacances de Noël. Je vous demande, monsieur le ministre, sélection se fait plus sévère au moment où les besoins en

1748 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 professeurs ne cessent de croître. (Très bien ! très bien !) La Des événements scandaleux au palais des Sports, qui vient crise ne tardera pas à atteindre l'enseignement supérieur. Le d'être saccagé par des jeunes gens dans une crise de folie ou taux de scolarisation est inférieur dans notre pays à ceux d'hystérie collective, se chargent de nous en rappeler la gra- des U. S. A., de l'U. R. S. S., du Canada, voire du Japon. vité d'abord, mais aussi de marquer la lourde responsabilité du Il faut pourvoir en hâte aux besoins énormes de notre indus- pouvoir et du législateur. Après tout, si ceux-là qui, fort heureu- trie en cadres. Alors qu'il est fait appel à des retraités et sement, sont l'exception et ne représentent pas la jeunesse à des contractuels, les concours qui devraient assurer un recru- française se livrent au rock, c'est sans doute parce que, dans tement normal dans la fonction enseignante se révèlent tou- le passé, on n'a pas su prévoir autre chose pour eux ! Puissions- jours très difficiles. C'est une tendance qui s'est généralisée nous en dégager l'amère leçon tant qu'il en est temps encore ! d'ailleurs au cours de ces dernières années dans la plupart Les crédits de fonctionnement affectés à la jeunesse et aux des administrations publiques. Les mêmes causes produisant sports s'élèvent pour 1962 à 234.320.264 nouveaux francs contre les mêmes effets, on observe partout les mêmes difficultés 198.402.895 nauveaux francs en 1961. Vous n'aurez pas été sans de recrutement. Là où l'on entrait sans diplôme, on exige remarquer une différence entre les chiffres fournis par l'excel- maintenant le brevet élémentaire ; là, le baccalauréat remplace lent rapporteur spécial de la commission des finances, M. Ri- le brevet ; d'ailleurs, il faut posséder une licence, même si chard, et les miens qui sont aussi — c'est un de leurs mérites — l'on est appelé à exercer dans un bureau des fonctions d'exé- ceux des rapporteurs de l'Assemblée nationale. Cette différence cutant qui ne requièrent pourtant que des connaissances géné- de 4.550.000 nouveaux francs provient de crédits destinés aux rales assez réduites. traitements et indemnités des inspecteurs généraux et des Dans la plupart des administrations, depuis 1945, il a été inspecteurs principaux de la jeunesse et des sports. Ce crédit procédé à des changements d'appellation des personnels, à des qui était, l'an dernier, rattaché à d'autres chapitres du bud- réformes de structure, avec comme corollaire l'exigence de get de la jeunesse et des sports est noyé cette année de diplômes nouveaux pour les candidats aux divers concours. C'est, la masse des crédits destinés aux effectifs globaux du personnel à n'en pas douter, la recherche des assimilations et des pari- de l'éducation nationale. tés de traitement qui se trouve à l'origine de la fièvre qui Pour quelle raison ? Une politique de centralisation toujours a provoqué la « diplomite » dont souffrent la plupart de nos plus poussée de la jeunesse et des sports au sein de l'éduca- administrations publiques. (Applaudissements.) tion nationale donne peut-être la réponse. Quoi qu'il en soit, Notre rapporteur général ne signalait-il pas ici même, à cette pour s'y retrouver, il faut être devin ou avoir la foi du char- tribune, la semaine dernière, que des changements d'appellations bonnier. Je félicite M. Richard d'avoir été l'un ou d'avoir été et d'indices de traitements étaient opérés sous le fallacieux pré- l'autre, peut-être les deux. (Sourires.) texte d'effectuer des transformations. Ajoutons aussi que le malthusiànisme s'organise un peu partout. Les grandes écoles, On peut conclure que seul un budget clair, bien présenté, Polytechnique notamment, reçoivent sensiblement le même nom- permettrait d'apprécier aisément l'effort accompli ; ce n'est pas bre d'étudiants qu'autrefois. le cas cette année ! Nous demandons qu'il en soit ainsi dans Pour assurer le recrutement des cadres qui font actuellement l'avenir. cruellement défaut et pour faciliter l'orientation des élèves, Ainsi, tenant compte du chiffre rectifié, les crédits de fonc- il faudrait, croyons-nous, modifier les anciennes structures de tionnement sont en augmentation, pour 1962, d'environ 20 p. 100 notre université et bousculer les routines. Sur ce problème délicat, sur 1961, contre 15 p. 100 les deux années précédentes. les avis des spécialistes ne sont pas concordants. Retenons cepen- Cet effort est-il suffisant ? Telle est la première question qui dant, si vous le permettez, la constatation quelque peu désabusée se pose à l'esprit. Votre commission des affaires culturelles ne de Jean Guéhenno, qui a écrit récemment : « L'université se le croit pas, ne le pense .pas. Elle redoute, au contraire, qu'il réforme mal, parce que, consciencieuse, elle imagine mal qu'elle ne permette pas, comme les circonstances l'exigent, l'épanouis- puisse être autre qu'elle est ». sement de certaines activités, celle du sport civil en particulier. L'économie même du pays, son développement, rendent néces- Malgré cela, pour la première fois, enfin, notre pays s'oriente saire la démocratisation de l'enseignement et l'utilisation ration- vers une politique valable de la jeunesse et des sports. nelle des compétences. Mais, pour réaliser une telle réforme, il S'il est nécessaire de souligner que cette politique ne sera faudrait s'opposer aux mandarins qui tarissent le recrutement vraiment efficace que dans la mesure où des moyens généreux normal des serviteurs de l'Etat et s'installent au milieu d'une de fonctionnement lui seront donnés, il est juste aussi de ren- - jeunesse écoeurée et rebutée par la difficulté des concours impo- dre hommage à l'excellent effort d'ensemble consenti par l'Etat sés même à ceux qui seront appelés à n'occuper que des fonc- dans les différents secteurs, grâce, surtout, à la loi-programme tions subalternes. d'équipement. J'en arrive à ma conclusion. Sur tous les sujets que nous Telle est la première observation de votre commission des venons d'évoquer, vous nous répondrez, monsieur le ministre, affaires culturelles. avec le talent et la courtoisie que cette Assemblée sait toujours Nous ne surprendrons pas le Sénat en déclarant que, dans apprécier. Le brillant universitaire que vous êtes deviendrait le domaine de la jeunesse et des sports, les besoins en per- un excellent ministre de l'éducation nationale s'il disposait de sonnel qualifié sont considérables. Un exemple parmi d'autres : crédits et de moyens suffisants. parce que le problème du personnel n'est pas résolu, il sera Bien entendu, respecteux de la solidarité ministérielle, vous difficile, sinon impossible, d'augmenter en 1962 les horaires mettrez en relief l'effort accompli par le Gouvernement et vous hebdomadaires d'éducation physique. Comment, dans ces condi- nous citerez des chiffres. Monsieur le ministre, méfiez-vous de tions, pourra-t-on développer l'intéressante expérience des classes vous-même ! Le maniement habile des chiffres peut donner l'illu- à mi-temps pédagogiques et sportives ? sion du devoir accompli. (Sourires.) Le projet récemment déposé par le Gouvernement tendant à Quant à nous, dans le cadre limité de la discussion budgé- favoriser le recrutement et la formation de cadres et d'anima- taire, nous ne pouvons que jeter un cri d'alarme. La divergence teurs bénévoles en milieu de jeunesse, par l'institution de entre l'effort et les besoins s'aggrave de telle façon que le congés non rémunérés accordés aux jeunes travailleurs et appren- retard paraît de plus en plus difficile à rattraper. Il faut chan- tis des secteurs publics et privés, est d'un grand intérêt. Nous ger de politique scolaire et surtout de méthodes financières. aurons à en délibérer. Depuis quinze ans, on pratique une politique efficace d'aide à Dans mon rapport écrit, j'ai insisté sur la nécessité de doter la natalité sans consentir l'effort correspondant en vue d'assurer les inspections académiques et départementales de la jeunesse l'avenir des enfants. et des sports d'un personnel administratif vraiment qualifié Mesdames, messieurs, puisqu'elle ne peut faire autrement, pour les responsabilités très variées et très lourdes qui leur votre commission des affaires culturelles donne un avis favo- incombent et dont voici un relevé rapide : toutes les questions rable à l'adoption de ce projet de budget. (Applaudissements d'éducation physique et de rééducation physique dans les êta- - blissements d'enseignement dans le monde ouvrier et rural ; sur divers bancs à gauche, au centre et à droite.) organisation des examens, des activités sportives, du sport sco- M. le président. La parole est à M. Noury, rapporteur pour laire et de certains sports civils ; responsabilité des activités avis de la commission des affaires culturelles pour la jeunesse de plein air ; tous les problèmes d'éducation populaire, théâtres et les sports. d'amateur et cinés-clubs, arts plastiques ou folkloriques ; échan- M. Jean Noury, rapporteur pour avis de ta commission des ges internationaux ; auberges de jeunesse ; foyers ruraux, mai- affaires culturelles (Jeunesse et sports). Monsieur le président, sons de jeunes ; activités de tous les mouvements de jeunesse ; monsieur le ministre, monsieur le haut-commissaire, en ces organisation et contrôle des colonies de vacances, où, notam- périodes budgétaires où le silence raisonnable est plus appré- ment, 145.000 enfants sont accueillis chaque année dans la cié que la parole abondante, je vais m'efforcer d'être bref. seule académie de Rennes. Cependant, mesdames, messieurs, le rapport que votre com- Dans tous les domaines, les services sont chargés de la forma- mission des affaires culturelles m'a fait l'honneur de me confier tion des cadres. mériterait, exigerait même un vaste développement puisqu'il A cette tâche véritablement écrasante, viennent s'ajouter s'agit de traiter en :ait du problème de la jeunesse et des toutes les questions d'équipement dominées par l'application de sports. la loi programme 1961. SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1749 A la veille d'une échéance redoutable, devant l'ampleur, la La loi de programme d'équipement sportif connaît ses diversité et l'importance des tâches à remplir, n'apparaît-il pas premières circulaires d'application. L'esprit qui s'en dégage utile, indispensable même, d'accorder une certaine autonomie prouve une heureuse volonté d'aboutir rapidement et de au haut-commissariat à la jeunesse et aux sports, qui pourrait déconcentration administrative sans que, pour cela, les fonc- être, plus que dans le passé, un ministère à part entière ? tionnaires chargés d'interpréter cet esprit soient enserrés dans Nous pensons, dans cet esprit, que les services de la jeu- un corset trop étroit. nesse et des sports devraient être dotés de postes budgétaires Sur le plan strictement financier, nous voulons -penser, leur appartenant en propre, ce qui leur permettrait de recruter comme le disait tout à l'heure M. Richard, que, sous peine un personnel qualifié, mieux orienté vers les travaux qui lui d'échec, les promesses faites seront tenues et que les facilités sont demandés. de prêts aux collectivités locales ou privées seront effectives La préparation olympique reçoit d'importants crédits parfai- sans lenteur ni délais. tements justifiés, dont une partie — c'est un fait nouveau — Si, en effet, des facilités de prêts en priorité n'étaient pas permettra au haut-commissariat de s'assurer le concours de accordées aux collectivités locales pour la part de,40 à 50 p. 100 spécialistes, moniteurs ou entraîneurs de classe internationale, qui sera la leur tout serait à recommencer. Nous n'aurions français ou étrangers. pris qu'un faux départ. Votre commission des affaires cultu- Le haut-commissariat à la jeunesse et aux sports s'est réso- relles, rejoignant en cela la commission des finances, aimerait lument attaqué aux problèmes de la préparation olympique. être rassurée sur ce point essentiel. Nous l'en félicitons sans réserve. Même si à Tokio, en 1964, notre L'année 1961 fera date pour le sport extrascolaire appelé retard n'est pas comblé, il sera moins lourd et si nous persé- parfois le « sport civil ». Elle est en effet celle où l'avant- vérons dans l'excellent travail en profondeur commencé, notre garde des jeunes générations de l'après-guerre atteint seize ans, jeunesse sportive ne saurait décevoir. l'année où ceux qui la composent, suivis de troupes toujours Au chapitre 56-50, il est intéressant de trouver un crédit de plus nombreuses, devront, s'ils ne peuvent plus fréquenter 2 millions de nouveaux francs, représentant la première tranche l'école, s'orienter vers l'apprentissage, la terre ou le chantier des dépenses nécessaires à la construction d'un stade national et, s'ils veulent continuer à faire du sport, trouver accueil d'athlétisme, qui sera réalisé par la transformation du vieux dans les fédérations et les associations. stade Jean-Bouin à Paris. C'est là une heureuse initiative dont Celles-ci, grâce au dévouement de centaines de milliers de nous nous félicitons vivement. dirigeants bénévoles, à qui on ne rendra jamais trop l'hommage Je saisis l'occasion qui m'est offerte pour signaler l'extraordi- qui leur est dû, ont réussi jusqu'ici à jouer honorablement naire développement que connaît aujourd'hui le yachting léger leur rôle avec de modestes moyens. à voile. La mer qui, il n'y a pas si longtemps, dans -le domaine Chaque semaine, chaque dimanche, des millions de jeunes du yachting, était surtout fréquentée par les grands bateaux et d'adultes sont encadrés dans un merveilleux climat d'enthou- de croisière, inaccessibles aux bourses modestes, est désormais siasme où l'ambition n'est pas de glaner les titres de cham- battue, près des côtes, par des bateaux légers ayant pour équi- pions nationaux ou internationaux, mais de rechercher et puis page des milliers de jeunes garçons et filles venus de tous les de maintenir l'harmonieux équilibre du corps et de l'esprit horizons sociaux. Il s'agit là d'un heureux phénomène, compa- par les jeux du plein air et du sport. rable à celui du développement des sports de neige. Il doit Hélas ! combien modestes sont les moyens dont les fédé- être encouragé. Des crédits sont inscrits au budget de la marine rations disposent pour remplir leur mission ; demain plus marchande pour la création ou l'amélioration des bases de qu'hier, devant l'accroissement démographique, ils seront misé- voile. Nous souhaitons très vivement une collaboration étroite rables s'il n'y est pas apporté remède. L'enjeu mérite que entre les ministères intéressés, afin d'éviter la dispersion des l'on y prenne garde. efforts, et pour des raisons évidentes d'efficacité. L'équipement sans les moyens de fonctionnement ne per- Par association d'idées, nous regrettons vivement que, dans mettra pas d'atteindre le but recherché. Les fédérations et les un autre domaine très voisin, le vol à voile échappe complète- associations n'échappent pas à la règle, en un temps où la ment à l'action du haut-commissariat à la jeunesse et aux sports. générosité publique ne suffit plus. Si, en effet, le matériel doit être affecté au ministère des Le budget de 1962 n'apporte pas une solution satisfaisante armées, sous la réserve que ce département ne maintienne pas au grave problème du sport après l'école et le service mili- le parc des planeurs dans l'état de pauvreté qui est actuelle- taire. Votre commission des affaires culturelles en redoute ment le sien, il reste anormal que le haut-commissariat n'ait pas d'autant plus les conséquences que l'aide aux fédérations et à connaître d'une activité de la jeunesse particulièrement inté- associations prévue par les crédits inscrits à l'article 1 — du cha ressante. pitre 43-53 est identique à celle de l'an dernier et qu'elle marque M. Maurice Vérillon. Voulez-vous me permettre de vous inter- ainsi une régression puisque les charges et les obligations sont rompre ? et seront toujours plus étendues. Je souhaite me tromper, mais je crains qu'il n'en soit rien. M. Jean Noury, rapporteur pour avis. Je vous en prie. Je dois maintenant conclure. M. le président. La parole est à M. Vérillon, avec l'autorisation Le budget général 1962 de la jeunesse et des sports marque de l'orateur. un net progrès sur les années précédentes bien qu'il soit loin M. Maurice Vérillon. Je vous remercie, mon cher collègue, de d'être à l'échelle des besoins. m'autoriser à vous interrompre. Fort heureusement, les institutions semblent vouloir, pour la J'ai suivi avec attention votre exposé, dont je me permets première fois, s'adapter à leur mission ; pour la première fois, de vous féliciter. nous avons le sentiment que peu à peu les méthodes anciennes Sur le chapitre particulier de la navigation à voile, dans le d'administration cèdent la place -à une politique nouvelle, domaine sportif et éducatif, vos critiques sont particulièrement rajeunie, plus directe, plus réaliste, décidée à lutter contre la justifiées. Je me permettrai surtout de vous exprimer combien routine administrative d'une époque que l'on veut révolue. j'ai de satisfaction à vous entendre dire qu'une coordination de Puisse-t-elle trouver son équilibre en évitant de tomber dans un l'action sportive est indispensable dans tous les domaines, notam- autoritarisme excessif ! ment dans la pratique du vol à voile et celle de la navigation La loi-programme d'équipement a suscité beaucoup d'espoirs à voile sur mer, sur rivière et sur plans d'eau. Jusqu'ici le dans notre pays qui fut curieusement étonné de l'échec de la vol à voile relevait évidemment, du ministère des travaux France aux derniers Jeux olympiques, cependant que, jusqu'alors, publics et des transports. L'ensemble des activités air et eau il s'était fort peu inquiété des activités sportives ou de plein doivent, à mon sens, être placées sous la direction exclusive du air, laissant le soin, en règle générale, aux fédérations de gérer haut-commissariat à la jeunesse et aux sports, dépendant du le sport civil sans leur en donner les moyens, et à l'O. S. S. U. ministère de l'éducation nationale. de régler, seul, les mêmes problèmes dans les établissements Le vol à voile est essentiellement une activité de jeunes. La d'enseignement. dispersion de ce sport en dehors du ministère de l'éducation Les élites se sont émues, le Gouvernement et le Parlement nationale ne peut que lui être préjudiciable et je suis heureux ont pris des mesures importantes. de constater que tel est aussi votre avis. Je vous en remercie. L'O. S. S. U. reformé prend un nouveau départ sous le mon cher collègue. nom de l'A, S. S. U. M. Jean Noury, rapporteur pour avis. C'est mon avis, mon A Paris, si parfaitement déshérité sur le plan de l'équipement cher collègue, ainsi que celui de la commission des affaires sportif, un stade de 100.000 places et un stade national d'athlé- culturelles dont vous faites partie. Je me félicite très vivement tisme permettront d'associer le très grand public aux manifes- de votre intervention qui apporte de l'eau à notre moulin. Je tations sportives. vous en remercie. La décentralisation semble devoir devenir une réalité grâce Avant de conclure, vous me permettrez, au nom de votre aux commissions départementales d'équipement. commission des affaires culturelles, de formuler deux observa- Apparaît encore une volonté nouvelle de coopération entre tions : l'une sur la loi de programme d'équipement sportif, les responsables des différents mouvements de jeunesse et les l'autre sur le sport extra-scolaire, ou sport civil. pouvoirs publics. 1750 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 L'aide de l'Etat aux collectivités privées n'est plus discutée Il semble en vérité qu'un malin génie s'emploie, dans les aussi bien sur le plan matériel que sur celui de la formation des enceintes du pouvoir, à écarter, et souvent même, à saper les cadres de toutes sortes. solutions qui devraient être rationnelles et rapides que réclame En bref, il est objectif d'affirmer que, pour la première fois, la France républicaine. nous avons le droit d'espérer bien que, paradoxalement, on soit J'entends bien, monsieur le ministre, que vous allez me dire : aussi tenté de penser et de dire que presque tout reste à faire... mais nous avons de très bonnes intentions ! L'enfer aussi en est Susciter l'enthousiasme chez une jeunesse qui ne demande pavé. qu'à suivre le guide si celui-ci sait où pouvoir l'emmener. Alors, après avoir à mon tour applaudi aux déclarations qui Aller vite, très vite, dans la formation des cadres et la création ont été faites par nos différents rapporteurs, notamment aux des stades ou des gymnases. paroles de mon ami M. Auberger qui parlait au nom de la Appeler, encourager, animer, organiser ceux qui ne demandent commission des finances, et qui disait que la civilisation moderne qu'à l'être et qui ne doivent pas rester au seuil d'une porte exigeait de tous les hommes, quelle que soit leur profession, dramatiquement fermée. quel que soit leur métier, des connaissances toujours plus Avoir confiance dans une jeunesse qui la mérite mais qui accrues et toujours plus étendues, je me permets de poser une sera demain celle que notre pays aura su lui-même mériter. question : est-ce que nous donnons à notre enseignement natio- Ceux qui aiment à la fréquenter savent que, si elle est parfois nal dans les circonstances présentes, toute l'importance que dure et difficile à comprendre dans un siècle où l'évolution est normalement il devrait avoir ? si rapide qu'elle frise la révolution permanente, elle est aussi , On nous indique que, pour 1962, le budget de l'éducation natio- courageuse que le furent les jeunes générations qui l'ont pré- nale représente 21,7 p. 100 du budget général et 17,8 p. 100 du cédée. budget des dépenses civiles. C'est vrai ! Si notre société n'a pas su, n'a pas voulu ou, peut-être n'a pas On ajoute que la France, par là même, respecte cette fameuse pu, dans le désarroi des esprits et le bouleversement des temps, règle d'or dont parlait un jour Jules Ferry, à savoir que le prévoir la place des jeunes dans une nation moderne, à qui en sixième du budget de la nation doit être accordé aux dépenses est la faute ? de l'instruction publique. C'est vrai encore ! Mais il faut tou- On reste rêveur devant ces ensembles d'habitation aux dimen- jours prendre garde aux apparences et surtout ne pas se laisser sions colossales où l'on a Pensé à tout, sauf aux enfants qui séduire par les perspectives qui sont incontestablement allé- devront y vivre en vase clos ou s'évader l'ers les jeux inquiétants chantes. du bar et de la rue ! Je voudrais examiner tour à tour -- j'ai fait la promesse d'être Sans doute, faut-il prévoir ce qu'on appelle déjà la civilisation rapide et j'espère la tenir -- le budget de fonctionnement et le des loisirs, mais n'est-ce pas là un objectif à lointaine échéance budget d'équipement pour tirer une sorte de leçon des consta- dans notre pays, pourtant favorisé, où, pour que le pain quotidien tations qu'il nous est facile de faire. soit assuré, les pères et mères de famille doivent travailler, Le budget de fonctionnement d'abord. En ce qui concerne chacun de leur côté, en recherchant l'aisance par le complément l'enseignement élémentaire, un rapport fort consciencieux a été des heures supplémentaires ? établi par la fédération de l'éducation nationale. Ce rapport Dans l'immédiat, il est urgent de s'attacher à construire d'abord définit les besoins en personnel, en tenant compte des facteurs une civilisation du travail dans laquelle la famille et la jeunesse qui sont bien connus : la poussée démographique, l'apport de trouveront, suivant une heureuse formule, une place d'honneur populations nouvelles, la création de grands ensembles d'habi- dans la cité. tation, les déplacements des populations, l'élévation du taux de La commission des affaires culturelles pense, monsieur le scolarisation, le surpeuplement des classes et aussi les consé- ministre, monsieur le haut commissaire, que l'année 1962 peut quences (lues à l'initiative d'une réforme qui porte le nom de être celle d'un grand et valable départ pour une vraie politique notre excellent collègue M. Berthoin. de la jeunesse. Le Sénat qui aime prendre ses responsabilités Ce rapport de la fédération de l'éducation nationale qui tient ne vous refusera pas son concours. compté également dans les prévisions de recrutement de mises C'est dans cet esprit, mes chers collègues, et sous le bénéfice à la retraite, indique que, dans les écoles maternelles, élémen- des observations que j'ai eu l'honneur de formuler en son nom taires et les collèges d'enseignement général, seront à recruter que votre commission des affaires culturelles a donné un avis en 1962 : 15.000 maîtres, en 1963, 10.000 maîtres et ainsi de suite, favorable au budget qui vous est soumis. (Applaudissements.) à raison de 10.000 par an jusqu'en 1970. Or, dans les mesures qui sont inscrites au projet budgétaire, nous relevons, pour les M. le président. Dans la discussion générale la parole est à écoles maternelles et l'enseignement élémentaire, au 1 — janvier M. Tailhades. 1962: 1.600 instituteurs au 15 septembre 1962, 900 instituteurs pour les collèges d'enseignement général en 1962. 3.500 postes M. Edgar Tailhades. Monsieur le ministre, mes chers col- seulement seront pourvus. Vous conviendrez avec moi que c'est lègues, nous abordons la discussion générale. Je sais qu'un tout de même un peu maigre. nombre important d'orateurs se sont fait inscrire. C'est dire que parlant le premier, j'ai un devoir, celui d'être très bref Même déficience à déplorer pour l'enseignement classique et car je serai une manière d'exemple. moderne. Le chapitre 31-38 a prévu, pour la rentrée scolaire Au demeurant, mes chers collègues, tout a été dit, et excel- de 1962, 4.100 postes. Aucun de ces postes ne sera occupé par tement dit, par les rapporteurs qui viennent de se faire entendre des professeurs agrégés. Or, il serait nécessaire que 300 nouveaux à la tribune. Je suis persuadé que vous avez eu comme moi- agrégés soient nommés dans les classes du second cycle et 200 même le sentiment que si, parfois, la critique a été mesurée dans les grandes classes, dont un très grand nombre doit être et nuancée, comme il sied dans cette maison, elle a été tout dédoublé. de même ferme. Je veux espérer que le Gouvernement l'en- Me permettez-vous deux exemples ? A Montpellier, une classe tendra. de mathématiques supérieures du lycée Joffre — l'exemple m'a Je crois, mes chers collègues, que je ne provoquerai aucune été fourni par mon excellent ami M. Péridier qui est sénateur contradiction en affirmant que l'encombrement des classes, la de l'Hérault — compte effectivement plus de 60 élèves. pénurie des maîtres, les élèves refoulés du seuil de l'école, A Nîmes, dans la ville que j'ai l'honneur d'administrer, dans l'angoisse des parents devant l'incertitude de l'avenir de un des deux lycées de jeunes filles, certaines classes de 5' contien- leurs enfants, l'inquiétude de ceux qui réfléchissent au destin nent jusqu'à 54 élèves. de notre jeunesse et partant au destin de la nation, je crois Le fait stupéfiant est que, dans les enseignements classique et que je ne provoquerai aucune contradiction en affirmant que moderne, 3.900 postes, soit 11 p. 100 de l'ensemble, sont tenus tout cela constitue la conséquence exacte d'une politique sco- par des auxiliaires. laire — je ne veux pas être méchant — dont le moins que Où allons-nous ? Je prends encore l'exemple de mon propre l'on puisse dire est qu'elle se déroule sous le signe de l'im- département. En 1959, 8.425 élèves sont intéressés par le cycle prévoyance. d'orientation ; en 1970, 16.070 s'y trouveront. En gros, le double. Mes amis et moi, nous sommes parfois à nous demander Voici l'observation que j'entends dégager. Si nous continuons les si les tenants du pouvoir actuels ont une conscience claire actuels errements, si le replâtrage — permettez-moi le terme — de ce que devrait être, dans un pays comme le nôtre, une devient une sorte de principe, il est aisé de mesurer la dégra- politique rationnelle de l'éducation nationale, s'ils ont conscience dation qui va s'ensuivre concernant la qualité de l'enseignement de la haute mission qui est celle de l'instruction publique, de qui sera donné à nos adolescents. la nécessité de son développement et de son prestige. Nous Pour clore mes observations touchant le chapitre de l'enseigne- nous posons souvent la question de savoir s'ils ont pleinement ment classique et moderne, je voudrais, monsieur le ministre de compris que, dans un pays comme le nôtre, l'éducation nationale l'éducation nationale, vous rendre attentif au problème du déclas- devrait être largement, généreusement et intelligemment orga- sement des fonctionnaires des services économiques de nos nisée, parce que l'éducation nationale, et je suis persuadé que établissements publics d'enseignement. Ces fonctionnaires, je vous serez d'accord avec moi, nous la considérons comme une crois que nous pouvons l'affirmer, sont victimes d'une injustice des conditions essentielles de la sauvegarde d'une civilisation notoire, mais dans le désir de ne pas allonger mon intervention, et du salut 'de notre pays, (Applaudissements à gauche.) je me permettrai de rédiger une question écrite avec l'espoir, SENAT SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1':51 bien entendu, qu'une solution prompte et raisonnable, monsieur Un exemple m'a été fourni, voilà quelques minutes à peine, le ministre, interviendra de votre fait. par notre excellent collègue et ami M. Courrière, qui m'indiquait J'en viens, mes chers collègues, toujours dans le cadre du que, dans le département de l'Aude qu'il représente et dont la budget de fonctionnement, à l'enseignement technique. population est de 275.000 habitants, seulement 6.500.000 anciens Je crois qu'on peut affirmer que l'enseignement technique francs avaient été attribués pour les constructions scolaires au est le grand malade de l'éducation nationale : 1.900 professeurs titre des crédits déconcentrés. nouveaux devraient être nommés chaque année pendant la Si les indications du plan Le Gorgeu avaient été suivies, période 1961-1964 ; 1.040 professeurs seulement le seront. 346 milliards d'anciens francs auraient été nécessaires en 1961. La situation des lycées techniques doit appeler une solli- Or 200 seulement ont été attribués. citude — tout le monde en conviendra — et une vigilance par- Ainsi, la majoration de 14 p. 100 sur l'exercice précédent ticulières à l'instant où la technique prend un essor de plus est loin de combler le retard qui s'accumule' et, monsieur le en plus ample dans l'économie moderne. Tout cela a été marqué ministre, pendant que sont espérées des autorisations de pro- tout à l'heure par les rapporteurs qui se sont succédé. C'est gramme et des déblocages de crédits, les enfants attendent la malheuresement — il faut également le souligner — à ce construction des écoles. même instant que la situation de ces établissements d'enseigne- Les municipalités pour lesquelles, dans cette assemblée, nous ment technique se révèle catastrophique. A la dernière rentrée avons, et cela se conçoit, une particulière sollicitude, les muni- de septembre, près de 3.000 postes de professeurs étaient sans cipalités, dis-je, harcelées par les populations qui sont natu- titulaire et les élèves refusés ont atteint un nombre exorbi- rellement indignées, sont contraintes, pour pallier la carence tant ; on a pu avancer celui de 80.000. de l'Etat, d'édifier des constructions légères, des baraquements Ai-je besoin de souligner l'insuffisance des mesures envisa- provisoires. Vous savez très bien que ces constructions légères gées ? Vous avez reconnu, monsieur le ministre, avec beaucoup coûtent cher et ne peuvent constituer qu'une solution de de franchise, la précarité des moyens mis à votre disposition, fortune. mais ce que je juge grave, ce que mes amis jugent grave, Je sais bien, monsieur le ministre, ce que vous allez me c'est que le Gouvernement se tourne vers la profession pour répondre. Vous allez nous affirmer : tout cela va finir ; les l'appeler à son secours. Il s'en remet à la profession pour incohérences que vous signalez, que vous stigmatisez, les insuf- accueillir, pour former des élèves qui n'ont pas pu prendre fisances que vous avez marquées, vous n'aurez plus à les regret- place dans les établissements d'enseignement technique. Alors, ter ; nous allons accomplir désormais une oeuvre rationnelle, nous avons le droit de poser la question : dans ce domaine, valable, car nous avons un plan. va-t-on vers une démission de l'Etat ? Vous avez déclaré à l'Assemblée nationale — je cite vos propres paroles : « Notre plan 1962-1965 constitue un engagement Des propos officiels ont été tenus au sujet d'une promotion précis et solennel de promouvoir l'éducation et l'instruction de sociale qui ne respecterait plus la règle et la mission classique la jeunesse de France à un rythme qui n'a jamais été suivi de l'Université. Ces propos, dont je m'empresse de dire qu'ils jusqu'à présent. Ce plan doit permettre d'édifier des classes ne sont. point vôtres, monsieur le ministre, ont provoqué à cet pour 800.000 élèves du premier degré, 140.000 élèves des collèges égard, parmi les enseignants et dans l'opinion publique, une d'enseignement général, 100.000 élèves des collèges d'enseigne- compréhensible émotion, un compréhensible remous et une ment technique, 330.000 élèves des lycées, dont 140.000 des légitime inquiétude. Il convient à cet égard, me semble-t-il, lycées techniques et 190.000 des lycées classiques et modernes. de ne pas demeurer dans la confusion pour ne pas soulever Quant aux constructions scolaires, nous diminuerons le prix de sur le plan social — vous voyez à auoi je veux faire allusion — revient de 10 à 15 p. 100 par l'usage de plus en plus développé de très légitimes appréhensions. de plans types ». Monsieur le ministre, ce sont des observations de même D'autre part, vous pensez accroître — là je résume votre importance qu'appelle de notre part l'examen du budget de pensée — les possibilités de recrutement, grâce à l'accélération fonctionnement concernant l'enseignement supérieur. de l'avancement et à l'amélioration des indices. Nous comptons 250.000 étudiants contre 200.000 en 1960. La Voilà, fidèlement reproduites, les déclarations qui ont été crise de recrutement présente une dangereuse acuité, tout le les vôtres à l'Assemblée nationale. Ces déclarations — je me monde en convient. Les sollicitations du secteur privé sont permets de poser la question — seront-elles véritablement suivies nombreuses. Cette année, vingt-quatre étudiants reçus à l'école d'effet ? normale supérieure ont démissionné pour entrer à l'école poly- Je ne veux pas mettre en doute votre volonté. Nous la connais- technique où ils avaient été également admis. Il faut recon- sons, mais nous connaissons également, dans cette enceinte, les naître qu'en l'oceurence l'Etat sait mal récompenser et payer exigences d'un ministère qui se trouve de l'autre côté de la ses élites. Seine, le ministère des finances. Parlerai-je maintenant de la situation matérielle des étudiants L'observation que je veux présenter est celle-ci : un plan, si qui ne cesse d'empirer ? Nos cités universitaires offrent pour complet et si harmonieux soit-il, ne sera que littérature s'il n'est l'ensemble du pays, 25.000 chambres pour 250.000 étudiants, pas assorti des moyens financiers indispensables. Le quatrième soit une seule chambre pour 10. Je comprends l'émotion de plan de modernisation de l'éducation nationale nous permet-il l'Union nationale des étudiants de France dont mes amis, d'envisager l'avenir avec quiétude et sérénité ? Vous me permet- MM. Lamousse et Pauly et moi-même avons reçu la semaine trez d'être quelque peu sceptique. Pourquoi ? dernière une délégation. La commission des affaires culturelles J'ai suivi les travaux du Conseil économique et social qui du Sénat s'est saisie de la question. Elle m'a même chargé — vous le savez — vient de se livrer à l'examen du IV plan de d'établir un rapport. Le Sénat, par conséquent, en discutera. modernisation et d'équipement et, par conséquent, des projets Il serait facile d'épiloguer longtemps sur les déficiences des d'équipement universitaire et scolaire. propositions budgétaires ayant trait au fonctionnement de l'édu- Vous ne devez pas ignorer, monsieur le ministre, les réticences cation nationale. Peut-on, monsieur le ministre, espérer un et les réserves considérables qui y ont été exprimées avec beau- redressement de la situation ? Peut-on espérer un sursaut gou- coup de netteté. La critique essentielle qui a été émise et vernemental ? Cette question, je la pose, et je me demande que nous reprenons à notre tour — cela va de soi — avec si une réponse précise pourra y être apportée. force, c'est qu'aucun financement précis n'accompagne les opéra- Mes chers collègues, je me préoccupe maintenant du budget tions envisagées. d'équipement. Le rapporteur général, M. Alexandre Verret, a parlé des Il nous serait difficile, c'est le moins qu'on puisse affir- « moyens financiers insuffisamment vigoureux » et le représen- mer, d'en être satisfait. Il comprend les autorisations de pro- tant de la fédération de l'éducation nationale qui siège dans gramme, qui s'élèvent à 2.270 millions de nouveaux francs, et cette assemblée a estimé — je cite les termes qu'il a employés — les crédits de paiement, qui sont de l'ordre de 1.650 millions de « qu'il serait souhaitable que le Conseil économique marque sa nouveaux francs. désapprobation d'une politique vague, fluctuante, qui consiste Les autorisations de programme — c'est banalité que de le à proclamer des priorités absolues qu'on grignote ensuite dans répéter — sont simplement des prévisions ; elles ne fixent pas le plan ou qu'on esquisse seulement dans le budget ». la date de l'exécution. Par conséquent, les constructions se La voilà, la vérité que nous faisons nôtre ! II ne faut pas poursuivront au-delà de 1962. Il n'y aura donc pas — c'est ce — c'est la conclusion à en tirer — mettre d'espérances dans que nous voulons marquer — d'amélioration immédiate. le plan car elles pourraient s'évanouir, s'éteindre comme un Quant aux crédits de paiement, s'ils ne sont pas tous utilisés mirage. dans l'année, ils peuvent être reportés sur l'exercice suivant. Puisque nous parlons de plan — c'est une remarque de Le budget comporte 1.196 millions de nouveaux francs de crédits simple bon sens que je tiens à faire devant le Sénat — rappe- de re.00rts et 450 millions de nouveaux francs de mesures lons-nous qu'il en existe un auquel il a été fait allusion ici-même, nouvelles, soit 1.650 millions de crédits de paiement susceptibles à savoir le plan Legorgeu. Ce plan avait été établi avec clair- d'être utilisés en 1962. Notez, par conséquent, mes chers collè- voyance, avec sérieux. On ne l'a pas suivi. gues, qu'il n'y a que 450 millions de nouveaux francs de mesures Je vais terminer mon propos, monsieur le ministre, mes chers nouvelles, ce qui est tragiquement insuffisant. collègues, sans forcer le ton, mais en donnant à l'expression 1752 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 de ma pensée toute la gravité qu'elle doit avoir. Je n'hésite pas population, à l'augmentation du nombre des jeunes, on donne à affirmer, au regard des chapitres budgétaires dont on nous à ces enfants le moyen de recevoir l'instruction et l'éducation demande l'approbation, que le Gouvernement paraît ne pas saisir dont ils ont besoin. — c'est ce que je me permettais de vous dire dès le début de Je vous dirai même, monsieur le ministre, puisque vous mon intervention — ce que représente pour le pays le problème représentez le Gouvernement, qu'il faut choisir : ou la France de l'éducation nationale. Rien dans le comportement du Gou- persiste — et à mon avis elle doit le faire — dans cette vernement, rien dans ses projets, dans les perspectives qu'il politique d'aide à la natalité et d'augmentation de la population, tente de déployer, rien n'est à la mesure de ce que devrait être et dans ce cas elle doit mesurer son effort financier en matière en France l'éducation nationale. d'éducation nationale en tenant compte de cet accroissement En ce domaine capital pour la santé de la Nation, où la 'géné- de la population ; ou alors, si vous ne voulez pas donner aux rosité devrait être de règle, on se livre à certains marchandages ; jeunes qui grandissent les moyens qui leur sont nécessaires on rogne sur les crédits alors que, pour des entreprises souvent pour recevoir l'instruction à laquelle ils ont droit, vous devez sans avenir, vous le savez mieux que moi, on est tant et tant avoir le courage de renoncer, ce qui serait très dommage, à prodigue de crédits. cette politique d'accroissement de la natalité. En 1880, vous me permettrez ce rappel, j'ai le droit de dire Voilà en vérité le problème politique en face duquel vous qu'on avait pensé en France le problème de l'école ; on l'avait vous trouvez et vous ne pourrez pas, dans les années qui pensé avec audace, avec patriotisme. En 1962, ce problème, je viennent, en éviter les conséquences, car si vous persistez à ne suis tenté de dire qu'on le défigure et aue les solutions qu'on y pas accorder a l'éducation nationale les crédits suffisants, à apporte sont indignes d'un régime qui se prétend républicain. partir de 1965, c'est-à-dire quand les enfants nés en 1945 auront On parle de démocratisation de l'enseignement. Mon ami vingt ans, vous serez dans une situation absolument intenable. M. Pauly évoquait tout à l'heure ce problème combien vital pour Il y a des choses que vous savez, monsieur le ministre, mieux le destin du pays. Le pouvoir réalise-t-il ce que doit être la que moi-même : les manifestations qui ont eu lieu à la Sorbonne démocratisation de l'enseignement, lui qui n'octroie pas un ou dans les facultés vous l'ont prouvé. Les jeunes ne se résignent nombre convenable de bourses et oui « mutile » le nombre des pas et il y a des choses qu'ils n'acceptent pas. Nous, leurs classes dans les écoles normales ? Et pourtant, l'augmentation aînés, nous finissons dans certains cas par nous résigner ; les des bourses serait indispensable. Savez-vous que huit enfants sur jeunes, eux, n'acceptent pas certaines situations. Ils ont raison. dix appartenant à des familles ouvrières, et neuf enfants sur dix Or, dès maintenant, nous connaissons de graves difficultés, appartenant à des familles de cultivateurs, sont contraints d'aban- mais, dans quelques années, les difficultés seront plus grandes donner leurs études à la fin du Premier cycle ? Savez-vous que encore. Notre jeunesse mérite donc qu'on se penche sur elle 3 p. 100 seulement des enfants appartenant aux classes populaires et qu'on lui accorde les crédits dont elle a besoin. peuvent aborder les disciplines de l'enseignement supérieur ? Je voudrais traiter de trois aspects du problème : l'état Mardi dernier — j'en ai gardé le souvenir — lors de la discus- d'esprit du ministère de l'éducation nationale — je ne veux sion générale, mon ami M. Chochoy évoquait la condition misé- pas personnaliser le débat, mais je suis obligé de m'adresser rable de certaines catégories de travailleurs en France. N'avez- à vous ; le problème des constructions scolaires, de la for- vous pas le sentiment que c'est précisément dans ces catégories mation des maîtres ; le problème, enfin, de votre comportement que se trouvent des filles et des fils qui seraient parfaitement à l'égard des organisations d'étudiants, et en particulier de capables d'accéder aux disciplines supérieures, d'obtenir des l'U. N. E. F. diplômes les plus enviés, d'atteindre les grades les plus hauts ? En ce aui concerne votre état d'esprit, monsieur le ministre, Eh bien, les bienfaits de l'instruction et de la culture leur quelle que soit la sympathie personnelle que j'aie pour vous, seront refusés, et l'injustice est d'autant plus criante que le je suis obligé de constater que, au lendemain de la rentrée, peuple — personne ici, j'en suis convaincu, n'en disconviendra -- vous avez fait preuve — je crois que c'est le moins que l'on est l'immense réservoir de l'intelligence. En affirmant cela, je puisse dire — d'une certaine satisfaction. Vous avez dit à la songe à un mot de Romain Rolland dans Jean Christophe : « Tu télévision que tout s'était très bien passé et vos représentants, ceux qui sont chargés de prendre contact avec la presse, nous ne connais pas le peuple, alors tu ne connais pas l'élite ! » ont fait savoir que la rentrée scolaire s'était effectuée dans de Le budget que le Gouvernement nous soumet ne peut entraîner bonnes conditions. notre adhésion. Il présente des lacunes beaucoup trop graves. Je suis obligé, monsieur le ministre, de vous dire que nous J'en termine. Voyez-vous, mes chers collègues, dans le monde, ne pouvons, en aucune façon, partager cet optimisme et que il est incontestablement des techniques supérieures à celles de cet état d'esprit nous paraît contraire à la vérité, car la rentrée la France ; mais, dans le monde, la France devrait avoir l'ambi- scolaire de 1961 a été très difficile, notamment en ce qui tion légitime d'exercer la primauté des valeurs intellectuelles, concerne l'enseignement du premier degré et l'enseignement la primauté de l'humanisme. Ce qui importe avant tout, c'est technique, et la rentrée scolaire de 1962, vous le savez — je de donner aux hommes la possibilité de leur plein épanouisse- vous parlerai d'une façon plus précise tout à l'heure — se ment ; c'est de leur donner également le sens de la vocation présente dans des conditions très inquiétantes. qu'ils doivent avoir de la vie. La grandeur de la France n'est pas dans la guerre, elle est Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vou. dans la paix. Elle est également à nos yeux dans l'accomplisse- loir, vous •adressant à des parlementaires, nous dire exactement ment des tâches qui sont essentiellement civilisatrices. Si le ce qu'il en est, ne pas oublier que, comme vous l'avez fait Gouvernement ne donne pas à la jeunesse française l'outil néces- remarquer au cours des déclarations que vous avez été amené saire à l'élaboration de ces tâches — cet outil, vous le savez, est à faire à la télévision, si, dans certains villages, les classes l'instruction — je dis qu'il ne remplit pas son devoir et qu'il ne comportent qu'un petit nombre d'enfants parce qu'il y a prépare des lendemains qui, hélas ! seront des lendemains cruels. des mouvements de population, ces mouvements amènent jus- Nous pensons, et ce sera mon dernier mot, que dans le secteur tement dans les grandes villes, et en particulier dans les très vital, primordial, essentiel de l'éducation nationale, le Gouver- grandes villes, un si grand nombre d'enfants qu'il ne nous nement, comme ailleurs du reste, est un incomparable semeur est plus possible de faire face aux besoins. d'illusions. Lorsqu'on sème, on ne sait pas parfois ce que l'on Je voudrais également attirer votre attention sur un aspect récolte, mais en la circonstance, il est facile de concevoir ce que du problème que vous semblez avoir un peu négligé. Ce sont non seulement des mouvements de population à l'intérieur de sera la récolte. (Applaudissements à gauche.) la France qui se font, mais aussi à l'intérieur des villes. M. le président. La parole est à M. Gaston Defferre. Dans une très grande ville comme celle que j'administre, M. Gaston Defferre. Monsieur le président, mesdames, mes- Marseille, il y a des mouvements de population d'un quartier sieurs, je voudrais aborder le problème qui vient d'être traité à un autre. Je vous ai fait visiter, monsieur le ministre, quand très complètement et très parfaitement par mon ami M. Tailhades vous êtes venu à Marseille, un quartier qui est en pleine d'un autre point de vue. construction. Dès lors, nous avons été obligés d'édifier des En 1945, le général de Gaulle, alors chef du Gouvernement classes démontables. Je puis aujourd'hui vous dire que, malgré et chef de l'Etat tout à la fois, a décidé d'engager la France l'effort qui a été fait, et bien que nous ayons fait construire dans une politique d'accroissement de la population. A mon deux écoles neuves et mis en place plus de vingt classes démon- avis il a bien fait, car lorsqu'on jette un coup d'oeil en arrière tables, aujourd'hui, dans ce quartier, il y a des enfants qui ne on s'aperçoit que la population française, non seulement a aug- trouvent pas de place dans les écoles primaires. menté en nombre, mais que le rapport des âges a été modifié. A cet égard, je voudrais, non pas revenir sur les chiffres Il y a actuellement en France un beauccup plus grand nombre cités par MM. les rapporteurs oui ont apporté ici des précisions de jeunes par rapport aux hommes et aux femmes d'âge très complètes, mais souligner la différence qui existe entre les avancé qu'il n'y en avait avant la guerre. sommes que vous aviez demandées et celles que vous avez Cette politique d'aide à la natalité continue à produire ses obtenues. Je voudrais même citer la différence entre les chiffres effets et nous savons que, chaque année, il naît de plus en qui, d'après ce que j'ai pu savoir, sont nécessaires, étaient consi- plus d'enfants. Mais cette politique n'a sa raison d'être que dérées comme nécessaires, et ceux qui ont été obtenus. Si je si, en même temps que l'on pousse à l'accroissement de la suis bien renseigné, vous pensiez avoir besoin de 476 milliards SENA — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1753 et vous avez obtenu 204 milliards. En réalité, vous avez donc étaient attribuées à l'U. N. E. F. ont été supprimées, et obtenu beaucoup moins de la moitié ! M. le haut-commissaire à la jeunesse et aux sports le sait Il n'est pas nécessaire, monsieur le ministre, de vous tourner parfaitement. Il y a également plusieurs mois que le système vers vos fonctionnaires, ce ne sont pas eux qui m'ont renseigné ! de la cogestion instauré depuis de très longues années, ayant Je n'aurais pas le mauvais goût, étant donné mes bons rapports donné des résultats parfaits et ayant permis une excellente avec eux, s'ils avaient eu la gentillesse de me donner des collaboration, sans aucune démagogie, entre les étudiants et chiffres, d'en faire état à la tribune... l'Université, a été aboli. Ce qui est grave, c'est que non seule- M. Lucien Paye, ministre de l'éducation nationale. Soyez bien ment vous avez supprimé les subventions à l'U. N. E. F. — et persuadé que si je me suis tourné vers mes collaborateurs, ce je reviendrai tout à l'heure sur les raisons pour lesquelles n'était pas du tout pour les suspecter en quoi que ce soit — vous l'avez fait, et il est assez amusant de constater comment, absolument pas ! le temps passant, les choses se présentent actuellement — alors M. Gaston Defferre. J'en suis convaincu, car ils ne le méritent que vous avez suscité, alors qu'a été suscitée la création d'une pas. organisation d'étudiants préfabriquée, et à laquelle le Gouver- En ce qui concerne les dépenses en capital, vous avez obtenu nement accorde des subventions. une augmentation qui paraît importante mais qui, en réalité, Cela nous rappelle, monsieur le ministre, la création de est insuffisante. Les crédits, qui étaient, l'année dernière. de ces syndicats ouvriers que certains patrons fabriquent de toutes 190 milliards sont passés à 220 milliards, ce qui fait 30 mil- pièces, pensant qu'ils feront leur jeu, et qui, en général, aus- liards de plus, soit environ 15 p. 100, mais vous savez comme sitôt constitués, se livrent à une démagogie qui tente de déborder les justes revendications présentées par les syndicats vérita- moi que ce n'était pas 15 p. 100 d'augmentation qui étaient nécessaires mais beaucoup plus. blement authentiques. Je voudrais, pour en finir avec cet aspect du problème, attirer Cela me rappelle aussi ces gouvernements fantoches qu'on votre attention sur une question que vous connaissez bien. Quand a parfois créés comme celui de Bao-Daï. Ce syndicat, cet orga- vous demandez davantage de crédits au ministère des finances, nisme, qui porte le nom de Fédération nationale des étudiants celui-ci vous répond en général que vous n'avez pas dépensé de France, F. N. E. F., n'est nullement représentatif. Jamais la totalité des sommes qui vous ont été accordées. Il est exact des élections n'ont eu lieu pour désigner les membres de son que vous avez presque toujours dépensé la totalité de ce qui bureau, jamais sa compétence n'a été définie et pourtant, si vous a été accordé pour l'enseignement primaire et pour l'en- j'en crois les renseignements qui m'ont été donnés — et je serais seignement secondaire, mais vous avez des reliquats importants heureux que vous me répondiez avec précision — de larges pour l'enseignement technique et pour l'enseignement supérieur subventions lui ont été accordées alors qu'il a été créé de et vous ne pouvez pas obtenir, ou vous n'obtenez que trop tard, toutes pièces pour les besoins de la cause par le Gouverne- les autorisations nécessaires pour faire des transferts de crédits. ment, qui supportait mal de trouver en face de lui une orga- Ne serait-il pas possible, au lieu de nombreux chapitres, de nisation d'étudiants indépendante, comme c'est son droit et grouper tous les crédits dans un seul chapitre avec plusieurs son rôle. articles, ce qui vous permettrait, à vous ministre de l'éducation Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me nationale, d'effectuer des transferts de crédits en cours d'année préciser quel est le montant des subventions versées à cette et ce qui nous permettrait, à nous utilisateurs des crédits du organisation d'étudiants. ministère de l'éducation nationale, d'obtenir les sommes dont Je voudrais, à ce sujet, rappeler dans quelles conditions la nous avons besoin pour nos constructions scolaires ? subvention de l'U. N. E. F. a été supprimée. On reprochait à Je voudrais à cet égard, avant de souligner les inconvénients l'U. N. E. F. de prôner la coopération entre la France et l'Al- de l'insuffisance des crédits qui vous sont accordés sur le gérie et de s'être prononcée pour une paix négociée. Depuis, les plan national, attirer votre attention sur la situation dans laquelle, étudiants n'ont pas changé, ils sont toujours partisans d'une hélas ! se trouve la ville de Marseille. paix négociée en Algérie, ils sont toujours partisans de la coopé- Cette année, en 1961, nous sommes encore réduits à l'exécution ration entre la France et l'Algérie, mais la politique gouverne- de nos plans de 1959. Vous le savez mieux que moi, et j'ai eu mentale a changé et nous assistons à ce phénomène que je ne l'occasion de vous en entretenir, vous avez scindé notre pro- qualifierai pas de curieux — il n'est même pas très nouveau — gramme de 1959 en deux parties et, pour les programmes de qu'aujourd'hui ce n'est plus la fédération d'étudiants que vous 1960 et 1961, qui ont été votés par le conseil municipal depuis avez créée qui est en accord avec la politique gouvernementale, longtemps, nous n'avons pas encore obtenu les approbations mais l'U.N. E. F. En effet, je crois savoir que la politique fran- nécessaires. Je me suis permis d'interroger à ce sujet vos colla- çaise en Algérie est une politique de paix négociée et, si j'ai borateurs et les membres de votre cabinet et ils m'ont annoncé bien compris, elle tend à la coopération entre la France et l'Al- que, pour 1962, nous aurions des crédits nous permettant de gérie, c'est-à-dire exactement à ce que l'U. N. E. F. préconi- rattraper le retard qui a été accumulé. Je les connais trop, et sait. Au contraire, les jeunes gens qui dirigent l'organisation je vous connais trop, monsieur le ministre, pour supposer un créée de toutes pièces, sont, eux, non seulement partisans de instant que ces promesses ont un rapport quelconque avec l'Algérie française — ce qui est leur droit — mais ont une l'approche de la discussion du budget, mais je serais heureux que position politique sur l'Algérie opposée à celle du Gouverne- vous ayez l'amabilité de me confirmer ces engagements, non ment — et vous en auriez trouvé quelques-uns sur la tribune que je n'aie pas confiance en eux, bien au contraire, mais, hélas ! de la Mutualité à côté d'un ancien commissaire de police qui, dans le passé, si souvent des promesses ont été faites qui n'ont depuis, a eu quelques démêlés avec la justice que je n'en aurais pas été tenues, que je serais heureux, vraiment, que, mainte- pas été étonné ! nant, le ministre lui-même me confirme que, pour 1962, je Les positions prises par l'U. N. E. F. ne sont pas des posi- pourrais compter sur la totalité des crédits dont j'ai besoin pour tions politiques. En vérité, l'U. N. E. F. s'est préoccupée de édifier 630 classes primaires nécessaires à Marseille. Je serais l'avenir des étudiants, car les étudiants sont intéressés, évidem- heureux, je le répète, que vous vouliez bien me le confirmer. ment, par la guerre d'Algérie puisqu'ils vont être appelés à faire leur service militaire, par la coopération entre la France M. le ministre de l'éducation nationale. Je vous le confirmerai et l'Algérie puisque c'est un des problèmes majeurs qui déter- dans ma réponse. minera l'avenir de notre pays. M. Gaston Defferre. Je vous en remercie, monsieur le ministre. Par conséquent, quand N. E. F. a posé le problème de Je voudrais attirer votre attention sur un autre problème — la guerre d'Algérie, elle n'a fait que son devoir et on ne peut je ne suis pas élu de Paris, mais j'y connais beaucoup d'étu- pas l'accuser d'avoir fait de la politique ou d'être sortie de son diants — à savoir l'insuffisance des locaux de la Sorbonne. rôle. Si j'étais encore étudiant, d'ailleurs, je serais partisan, Il m'a été dit qu'à l'occasion de la rentrée ces locaux s'étaient à l'intérieur de l'U. N. E. F.. d'aller plus loin encore. En effet, révélés si insuffisants qu'on voyait couramment 600 étudiants dans un pays comme le nôtre, il est indispensable de donner dans un amphithéâtre prévu pour 300 et que les jeunes gens aux jeunes gens et aux jeunes filles, non seulement une for- et les jeunes filles y étaient tellement à l'étroit qu'il était mation civique, mais le goût des affaires publiques. normal qu'au cours d'une matinée on enregistre deux ou trois Deux grandes nations dans le monde se disputent la supré- évanouissements. Ces faits pourraient donner matière à plai- matie : la Russie et les Etats-Unis d'Amérique. Dans l'une santerie, mais ils sont graves. Je vous demande, monsieur le comme dans l'autre, le gouvernement se préoccupe sans cesse ministre, de bien vouloir étudier ce problème ainsi que les de tenir l'opinion publique au courant des grands problèmes problèmes relatifs aux travaux pratiques, aux laboratoires — de l'heure. Les Russes et les Américains ont compris qu'il je passe très vite car d'autres orateurs en ont déjà parle --- n'était pas possible d'entreprendre et de réaliser de grandes - aux bourses, aux restaurants. On m'assure qu'il faut plus tâches d'intérêt national sans y intéresser l'opinion publique de sept heures d'attente pour obtenir une carte qui donne et d'abord, bien entendu, la jeunesse. accès à un restaurant universitaire ! A un moment où l'opinion publique française est dans un état Enfin — c'est le dernier sujet que je veux traiter — je de torpeur que personne ne peut nier, à un moment où, par voudrais vous parler, monsieur le ministre, de votre politique suite des difficultés sociales et économiques, ceux qui travail- à l'égard de l'union nationale des étudiants de France, l'U. N. lent sont préoccupés du lendemain, à un moment où les syndi- E. F. Voilà maintenant plusieurs mois que les subventions qui calistes se demandent s'ils ne seront pas amenés à déclencher 1754 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMB1lE 1961

de nouvelles grèves, il appartient aux jeunes gens et, naturel- M. André Monteil. Le problème est de savoir si l'organisation lement, aux organisations d'étudiants de se pencher sur les d'étudiants qui s'est créée en face de l'Union • nationale des problèmes politiques. étudiants a ou non une certaine représentativité. J'irai plus loin que l'U. N. E. F. A mon sens, le devoir Je lis dans les journaux que, par exemple, à Nice la semaine de la jeunesse est de s'intéresser aux problèmes politiques et dernière, il y a eu des élections et que c'est la liste patronnée celui du Gouvernement, c'est, non pas de reprocher à l'U. N. E. F. par l'organisation que vous attaquez ici qui l'a emporté, mais de le faire, mais au contraire de l'engager dans cette voie de non la liste présentée par l'Union nationale des étudiants. J'ai façon que notre jeunesse participe aux grands mouvements lu dans les journaux d'hier qu'il y avait eu des élections à d'opinion et s'intéresse aux grands problèmes de notre temps. l'école des sciences politiques ; la liste de l'Union nationale des Dans ces conditions, je vous demande, monsieur le ministre, étudiants l'a emporté, mais de deux cents voix ; elle a obtenu de rétablir les subventions qui ont été supprimées à l'U. N. E. F. 60 p. 100 des suffrages. et de rétablir le système de la cogestion. Vous savez comme Certes je n'attaque pas du tout l'Union nationale des étudiants moi comment les choses se sont passées. Lorsque l'on a voulu de France, pour laquelle j'éprouve beaucoup de sympathie, chasser l'U. N. E. F. des organismes universitaires, on a choisi sauf quant à certaines positions politiques dont vous avez parlé dans sa minorité les représentants que le Gouvernement vou- tout à l'heure. Toutefois je voudrais dire simplement ceci : lait voir siéger. Pourtant — ce n'est pas à vous que j'adresserai c'est que le Gouvernement ne me paraît pas avoir commis une ce reproche, monsieur le ministre, et je l'adresserais à M. le faute extraordinaire en désignant comme éléments représentatifs Premier ministre s'il était là — dans votre Gouvernement, du syndicalisme étudiant des étudiants et des personnalités qui le Premier ministre n'aime pas la minorité, encore moins l'oppo- n'étaient pas présentés par l'Union nationale. Ce que je combats sition, et récemment encore, à propos de certaines désignations dans votre attitude, c'est cette affirmation d'un monopole que à certaines élections ou désignations, notamment pour le district vous voulez voir attribuer à une seule organisation d'étudiants. de Paris, tout a été fait pour empêcher les représentants de (Applaudissements à droite, au centre droit et sur certains bancs la minorité ou de l'opposition de siéger dans les organismes à gauche.) qui avaient été créés. M. Gaston Defferre, Monsieur Monteil, je voudrais vous poser Vous, ministre de l'éducation nationale, qui, traditionnelle- une question : en vue de la désignation des représentants de cette ment, devriez être le défenseur du libéralisme, vous avez choisi, organisation d'étudiants qui a été créée par le Gouvernement, pour siéger dans ces organismes de cogestion, des étudiants il y a quelques mois, a-t-il été procédé à des élections ? qui représentaient la minorité, voire des étudiants de cette organisation fantoche qui a été créée pour les besoins de la M. le ministre de l'éducation nationale. Je demande la parole, cause ! Ce n'est pas digne de vous, monsieur le ministre, et je si M. Defferre le permet. sais que nous pouvons compter sur vous pour revenir sur ces M. Gaston Defferre. Bien volontiers. mesures ! M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisa- Je vous demande instamment d'accorder de nouveau à l'U. N. tion de l'orateur. E. F. les subventions dont elle bénéficiait précédemment et de M. le ministre de l'éducation nationale. Je ne puis pas laisser revoir tout le problème de la cogestion, de façon à rendre leur dire que l'association d'étudiants intitulée Fédération nationale place aux représentants des étudiants qui sont les seuls qualifiés des étudiants de France ait été créée par le Gouvernement. Je pour représenter leurs camarades. m'oppose formellement à ce que l'Assemblée puisse le croire. M. André Monteil. Me permettez-vous de vous interrompre, M. Gaston Defferre. Monsieur le ministre, j'enregistre votre mon cher collègue ? affirmation selon laquelle cette association n'a pas été créée par le Gouvernement. Pourtant il y a un curieux concours de cir- M. Gaston Defferre. Je vous en prie. constances. Ep effet, c'est au moment où le Gouvernement sup- M. le président. La parole est à M. Monteil, avec l'autorisation primait ses subventions à l'Union nationale des étudiants de de l'orateur. France et s'attaquait au problème de la cogestion que cette organisation d'étudiants a été créée et c'est à cette nouvelle M. André Monteil. Pour savoir, monsieur Defferre, si l'Union organisation que les subventions ont été accordées. Vous avoue- nationale des étudiants de France est seule qualifiée, il n'y rez qu'il y a là une série de hasards assez curieuse. (Sourires a qu'une méthode, c'est le suffrage. Personnellement, je ne nie à gauche.) pas la représentativité de cette association, mais je m'étonne qu'un démocrate comme vous, auquel je suis lié par une amitié M, le ministre de l'éducation nationale. Je réponds encore qu'il très ancienne (Murmures à gauche) et que j'ai vu si souvent n'y a pas eu une série de hasards puisque la subvention a été défendre au Parlement la cause de la liberté, je m'étonne qu'un retirée à l'Union nationale des étudiants de France par mon démocrate comme vous ne sache pas encore ou oublie que la prédécesseur, il y a à peu près un an et demi, et que la Fédé- démocratie c'est la loi de la majorité dans le respect des droits ration nationale des étudiants de France s'est créée il y a à de la minorité. peu près cinq mois. M. Gaston Defferre. M. le ministre de l'éducation nationale M. Gaston Defferre. Il m'est facile de répondre à mon ami M. Monteil qui m'a interrompu, non pas parce que, sur le devrait savoir qu'il a fallu beaucoup de temps, beaucoup de fond du problème, il a une opinion différente de la mienne démarches, de pourparlers pour arriver à mettre sur pied ladite — je lui répondrai aussi sur ce point — mais parce que, sur fédération et qu'entre le moment du retrait de la subvention à le problème de l'Algérie, nous avons des opinions diamétralement l'Union nationale et le moment de la création de la Fédération opposées. En vérité, il en veut à l'Union nationale des étudiants nationale, il a fallu qu'un certain temps s'écoule ; car la consti- de France à cause de la position que celle-ci a prise sur tution d'une association d'étudiants n'est pas chose tellement l'Algérie. Je n'ai pas attendu l'affaire d'Algérie pour approuver facile. En tout cas, à l'heure où nous sommes, les subventions l'action de l'Union nationale des étudiants. sont accordées non pas à l'Union nationale des étudiants de M. Monteil me dit que seules des élections peuvent dépar- France, mais à la nouvelle association. tager les uns et les autres. C'est tout à fait mon avis : l'Union M. le ministre de l'éducation nationale. Puis-je vous inter- nationale des étudiants procède à des élections : pour être élu rompre de nouveau ? membre du bureau de l'Union, il faut d'abord être élu dans les M. Gaston Defferre. Je vous en prie. amphithéâtres, ensuite dans les facultés, les universités, puis M. le président. La parole est à M. le ministre, avec la permis- dans toute la France. Or, monsieur Monteil, les représentants sion de l'orateur. de l'association dont je viens de parler et qui ont été choisis par le Gouvernement pour participer aux organismes de co- M. le ministre de l'éducation nationale. Cette association — gestion n'ont jamais été élus de la sorte. Ces représentants j'en parlerai d'ailleurs tout à l'heure plus longuement lorsque n'ont été élus par personne ; ils ont été désignés par le Gou- je répondrai aux différents orateurs — s'est créée après le vernement et ce n'est pas la même chose. congrès de Caen, en avril dernier, à la suite des dissensions Par conséquent, si vous vous affirmez être le défenseur des qui se sont manifestées au sein de ce congrès. Je répète qu'il principes démocratiques et si vous dites que la seule façon de n'y a absolument aucun lien de cause à effet entre la suppres- choisir réside dans les élections — ce dont je suis tout à fait sion de la subvention, il y a un an et demi, et cette création, d'accord — cela revient alors non à choisir ceux que vous défen- il y a cinq mois. dez mais à leur préférer ceux que je défends, c'est-à-dire les M. Gaston Defferre. Vous me permettrez, monsieur le ministre, représentants de l'Union nationale des étudiants de France. quel que soit le respect que j'ai pour vous, de ne pas vous suivre dans la voie dans laquelle vous vous êtes engagé. Je M. André Monteil. Monsieur Defferre, voulez-vous me per- pense qu'il y a au contraire une corrélation assez étroite entre mettre de vous répondre à mon tour ? le retrait de la subvention à l'Union nationale des étudiants Je vous en prie. de France et la création d'un autre organisme qui devient M. Gaston Defferre. justement bénéficiaire de ladite subvention. M. le président. La parole est à M. Monteil, avec l'autorisation Mais puisque nous avons approuvé M. Monteil quand il s'est de l'orateur. posé en champion des principes démocratiques, j'estime que SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1755 dans ces conditions, c'est à l'organisation la plus représenta- crédits de suppléance en bien des cas ont permis des ouvertures tive que la subvention doit être accordée. Or il ne fait pas de nouvelles — on a cité le chiffre de 2.000 postes ouverts à ce doute que l'organisation la plus représentative n'est pas la titre — épuisant une. importante fraction des prévisions. Fédération nationale des étudiants de France, mais l'Union Pour colmater les brèches, on a dû faire appel à du personnel nationale des étudiants de France. Si bien que, connaissant le non pourvu de titres réglementaires. Un fait est éloquent : désir qu'a M. le ministre d'appliquer les principes démocrati- dans tel département du Nord de la France, 1.400 enseignants, ques, je suis sûr qu'après il rétablira en faveur de l'Union environ le quart du chiffre local, ne possèdent que le brevet nationale des étudiants la subvention qu'il lui a retirée. élémentaire ou la première partie du baccalauréat. Pendant ce M. Jacques Marette. Dix pour cent seulement des étudiants temps, alors qu'une augmentation de 2.500 bourses était de France votent pour cette association. demandée, une augmentation de 100 seulement a été accordée. Conséquence dramatique, alors que les écoles normales four- M. Gaston Defferre. Monsieur le ministre, pour conclure ce niront au maximum 8.000 maîtres et maîtresses, c'est 12.000 dialogue, qui a été fort intéressant par certaines précisions qu'il en faudrait en 1962 et au moins 10.000 par an entre que vous avez apportées, nous sommes arrivés au moment où 1965 et 1970. Il est temps d'y penser. On aménagera seulement les décisions doivent être prises. En 1965, les enfants nés en trois écoles normales avec les crédits qu'on nous demande d'en- 1945 auront vingt ans. Vous savez mieux que moi qu'à partir tériner. Quelle dérision ! de l'année prochaine les enfants nés en 1945 vont entrer dans C'est ainsi que des maîtres inexpérimentés et non préparés le cycle des études supérieures et que dès maintenant la plupart se trouvent en face de classes de trente à auarante élèves et d'entre eux sont entrés non seulement dans le cycle des études parfois davantage. Certes, on a créé la fonction de conseiller primaires, mais dans le cycle des études secondaires. Si l'effort pédagogique, précieux auxiliaire des débutants, mais, dès le n'est pas fait en temps utile, vous allez vous trouver devant début, ou a négligé d'examiner avec attention la situation de une situation qui risque d'être absolument inextricable. C'est ces véritables missionnaires de l'enseignement public, tant au maintenant et non pas l'année prochaine, ni dans deux ans, point de vue indiciaire qu'au point de vue des indemnités que l'effort doit être fait. Nous comptons sur vous pour le diverses, frais de déplacement et autres. Pourquoi cette pénurie faire, car vous savez mieux que nous que, quelle que soit la de maîtres normalement recrutés ? C'est que les jeunes de plus façon dont on envisage le problème, en définitive l'avenir de la en plus nombreux, arrivant à l'âge de gagner leur vie, essaient France c'est sa jeunesse. (Applaudissements à gauche et au de se tourner vers les situations plus lucratives alors qu'on centre gauche.) a trop tardé à revaloriser la fonction enseignante. M. le président. La parole est à M. Nayrou. Une réelle satisfaction a été apportée cette année et il est M. Jean Nayrou. Monsieur le ministre, mesdames, messieurs, loyal de le reconnaître, mais il reste encore divers problèmes après l'exposé très complet des divers rapporteurs et la portée à régler, celui des instituteurs, admis à la retraite avec l'indice générale des interventions de mes amis MM. Tailhades et Defferre, 360, à qui est refusée la prise en considération de l'indice 390 mon propos est seulement de soulever quelques points de détail qu'ils auraient atteint normalement par promotion au choix. La suggérés par le budget qui nous est présenté. péréquation demandée paraît des plus justifiée et bien conforme J'évoquerai tout d'abord la pénurie de personnel de l'enseigne- à l'esprit de la charte de 1948. ment primaire. La rentrée scolaire de cet automne dans les écoles Il faudrait aussi revoir la situation des chargés d'écoles, dont publiques nous en fournit une preuve malheureusement écla- l'assimilation à la fonction de directeur d'école à deux classes tante. En dépit des témoignages de satisfaction que le Gouver- se justifie par la similitude des fonctions administratives qui nement a bien voulu se décerner, les prévisions des syndicats viennent s'ajouter à l'essentielle fonction pédagogique. C'est d'enseignants se sont malheureusement réalisées. L'organe du là une des raisons de la tendance marquée, à l'intérieur d'un syndicat national des instituteurs, par exemple, publiait le même département, de l'exode des maîtres ruraux vers les 15 septembre, sous la signature du secrétaire général Denis localités où les attendent de meilleurs traitements et des compli- Forestier : cations administratives bien moindres. e La presse, la grande presse s'est saisie du problème avant Ajoutons à tout cela le délicat problème des constructions même la rentrée. Que les problèmes scolaires soient à l'ordre scolaires que l'on a cru éluder par la mise en place de du jour de la nation alors que la situation intérieure et exté- classes préfabriquées. Dans mon département, c'est au rythme rieure pose tant d'interrogations angoissées ; voilà qui démontre d'un projet par an aue l'on tente d'aborder la longue liste que l'on ne ruse pas avec la vie. des projets. Et encore, au prix de quels va-et-vient entre les « L'enfance et l'adolescence butant aux portes de l'école et mairies et les divers services ! n'y trouvant pas la place qui devrait leur - être faite, des parents Alors, faisant appel à une technique nouvelle en la matière passant des heures et des journées à essayer de trouver dans et prise pour une panacée, on fait édifier ces classes pré- un établissement public une place pour leurs enfants, voilà qui fabriquées qui s'élèvent maintenant un peu partout dans les suffit à dresser l'acte d'accusation contre les imprévoyances cours des écoles, dans les cours des H. L. M., voire sur les accumulées depuis des années contre un malthusianisme dénoncé champs de foire ou au milieu des terrains incultes près des en paroles, mais pérennisé dans les faits, contre une dérobade cités nouvelles, où les chantiers se terminent à peine. permanente devant les options nationales fondamentales. » Monsieur le ministre, en l'occurrence il faut se dire que Les contradictions, conséquences de cet état de fait, éclatent. le bon marché risque parfois de revenir fort cher. On a cru Ici des municipalités ont fait un effort de construction valable, bon d'adopter la solution de facilité dont souvent l'allocation mais les postes ne sont pas créés, alors que les locaux sont prêts scolaire fait les frais. On a éludé le vrai problème, construire et que les élèves sont présents. Là, ce sont des créations de des écoles, de vrais ensembles scolaires, pour adopter une postes tardives qui surprennent des municipalités lassées d'at- solution improvisée, vrai tape-à-l'oeil — excusez le terme — tendre. Ailleurs, des écoles maternelles seront obligées d'éle- qui coûte cependant très cher aux communes et qui ne fait ver l'âge d'admission des enfants. Partout, dans les cités concen- que retarder l'échéance. trationnaires caractéristiques de l'époque présente, les condi- Ce délicat problème des constructions se pose aussi dans tions 'd'enseignement iront se détériorant plus encore. Car il l'enseignement technique et dans le second degré où les pro- n'est pas question d'éduquer, mais de scolariser. messes restent si longtemps du domaine de l'actualité. On avancera le bilan des constructions réalisées : c'est vrai qu'il y en a, mais c'est non moins vrai qu'elles sont insuffisantes. M. le Premier ministre assumant, dans des conditions peu On avancera le nombre des créations de postes réparties : leur confortables, l'interim du ministre de l'éducation nationale au insuffisance sera manifeste après deux jours de rentrée. On banc des ministre de l'Assemblée nationale, en décembre 1959, précisera le nombre de maîtres nouveaux recrutés : tous les avait promis, pour 1960, l'inscription du crédit pour la construc- postes cependant ne pourront être pourvus. Car un maître tion d'un collège moderne et technique — c'était la dénomina- d'école ne se recrute pas au rappel du tambour. Et puis sa tion à l'époque — à Mirepoix, important chef-lieu de canton de qualité exige une formation. l'Ariège. Le temns passe et, comme soeur Anne, nous ne voyons On recourra à tous les expédients possibles. Ils ne masque- rien à l'horizon ! ront pas les lézardes, ne colmaterons pas les brèches. Les Pour un petit département comme le mien, nous attendons conditions d'une bonne rentrée rejettent l'improvisation, le avec impatience que s'édifient le lycée de Saint-Girons, le lycée recours aux expédients. Elles exigent une prévision statistique au technique de Pamiers et celui de Foix ; que se transforme le moins deux années à l'avance et, en ce qui concerne les maîtres, lycée mixte de Pamiers, que se complète celui de Foix. En quatre années à l'avance. Elles sont rebelles à la méthode attendant, les professeurs et le personnel enseignant font de surannée de préparation du budget. Elles postulent, surtout leur mieux. Encore faut-il noter qu'il manquait sept professeurs lorsqu'est avancé l'argument des possibilités financières, que à Foix le jour de la rentrée et qu'il y a encore une semaine la celles-ci, toutes celles-ci, soient d'abord réservées au seul ensei- chaire de mathématiques élémentaires de Pamiers n'avait pas gnement public. de titulaire. Tout cela à titre d'exemples, bien entendu. Le résultat, pour l'enseignement primaire, c'est qu'on a 11 s'y ajoute le malaise du corps des intendants et des improvisé. Il a été procédé à des ouvertures de postes de der- personnels civils exclus du reclassement et dont le cas a fait, je nière heure, compensées par des fermetures in extremis. Les le souhaite, l'objet d'un simple oubli facile à réparer.

1756 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 Qu'il me soit permis d'évoquer la situation des professeurs Je n'ose à ce sujet évoquer un précédent douloureux trop connu. des écoles d'arts et métiers effectuant des heures supplémen- Monsieur le ministre, je ne suis qu'un modeste primaire qui croit taires. J'ai sous les yeux une lettre très explicite au sujet de encore naïvement que l'armée est faite pour la défense du pays laquelle je désirerais obtenir quelques apaisements. Voici son et de la République et que les enseignants de l'éducation natio- contenu : nale sont là pour éduquer le peuple. A chacun son métier. « J'ai assuré, depuis le 1" janvier 1961, le remplacement d'un Recrutez des enseignants, donnez-leur les installations voulues collègue appelé au service militaire à raison de six heures sup- et la jeunesse française deviendra ce que vous voulez, ce que plémentaires par semaine. Alors que le règlement prévoit le nous voulons qu'elle soit, suivant ainsi un grand précurseur, notre paiement mensuel de ces heures, nous n'avons absolument rien vénéré Léo Lagrange. touché. Rien d'ailleurs ne laisse prévoir la date à laquelle nous A ce sujet, vient tout naturellement à l'esprit la question du serons payés ». Cette lettre est du 11 octobre 1961. sport scolaire et universitaire. L'O. S. S. U., qui a rendu des Je voudrais à présent formuler quelques brèves observations services incalculables, est devenue l'A. S. S. U. après une crise sur le budget de la jeunesse et des sports. C'est avec quelque très grave qui a failli coûter la vie au sport scolaire. Il est angoisse que j'ai constaté la faible répercussion de la loi de heureux qu'une solution ait été trouvée par une compréhension programme sur les crédits prévus pour 1962. réciproque dont je me félicite. Mais ne pensez-vous pas, monsieur Au chapitre e Subventions d'équipement pour la jeunesse et le haut-commissaire, qu'il aurait été profitable d'éviter cette les sports », les crédits prévus par la loi de programme sont crise ? amputés de 20 millions de nouveaux francs dépensés par anti- En tout cas, je souhaite ardemment qu'elle soit surmontée et cipation en 1961. Sur les 105 millions de nouveaux francs votre qualité de sportif aidant, je suis persuadé que vous tra- inscrits, 77.750.000 seulement iront à l'équipement sportif des vaillerez pour que la nouvelle association suive les traces de collectivités locales. l'ancien office si cher au coeur de tous les enseignants. A ce sujet, je pose une question précise : quel devra être J'en ai terminé et vous prie de m'excuser si j'ai été trop l'apport de ces collectivités ? Est-il exact qu'il sera approximati- prolixe. Mais j'avais le devoir envers l'Ecole, envers ses maîtres vement le double de celui de l'Etat ? Le Sénat sera je pense et professeurs, surtout envers les enfants, adolescents et étu- très attentif à votre réponse qui conditionnera les réalisations diants, d'exprimer ce que pense un parlementaire socialiste resté à entreprendre. fidèle à son métier d'éducateur laïque. (Applaudissements à Pour les constructions scolaires nouvelles, je note que, pour gauche et sur divers autres bancs.) l'enseignement supérieur, la construction d'un seul gymnase M. Be président. La parole est à M. Cogniot. est prévue sur une liste comportant 110 projets. Trente-deux établissements seulement de l'enseignement du second degré et M. Georges Cogniot. Mesdames, messieurs, ce qui domine de l'enseignement technique sur 346 auront droit à des travaux d'abord le présent débat, c'est la constatation que le budget concernant les installations sportives. Si c'est là le résultat de d'équipement de l'éducation nationale pour 1962 est en retard la loi d'équipement sportif, je crois que le groupe socialiste a de 35 p. 100 sur les chiffres déterminés par la commission de eu raison de ne pas la voter. l'équipement scolaire et universitaire dite commission Le Gorgeu, Je vais me permettre aussi, monsieur le ministre, d'évoquer bien que ces chiffres eux-mêmes aient correspondu non à la deux questions très précises. Il s'agit tout d'abord du va-et- satisfaction de tous les besoins réels, mais simplement à la vient, des navettes successives entre les services du ministère couverture des nécessités présentes. Par rapport aux chiffres et l'école normale d'instituteuis de Troyes dont a été l'objet un plus réduits du commissariat au plan, le budget qu'on nous projet d'installations sportives assorti de crédits pour les réalisa- propose de voter accuse encore une différence en moins de tions. Ce projet est déjà ancien et je voudrais bien savoir ce 25 p. 100. que vous comptez faire à son sujet. J'aurais pu évoquer ce En effet, la commission Le Gorgeu demandait, pour les quatre problème des navettes à propos des constructions scolaires pré- années qui courent de 1962 à 1965, des dépenses en capital de vues par les communes. l'ordre de 1.440 milliards d'anciens francs, dont 347 milliards Il y a un autre fait que je voudrais porter à votre connaissance. pour l'année 1962. Lors de la fixation des objectifs du quatrième Il intéresse l'école normale mixte de Chaumont en Haute-Marne. plan, le Gouvernement a réduit les 1.440 milliards à 1.200, réali- Chacun sait que vous disposez de crédit insuffisants, eu égard aux sant un abattement de 240 milliards sur des propositions qui besoins, pour l'équipement sportif scolaire et universitaire dans exprimaient des besoins estimés incompressibles. le pays. Pourquoi faut-il que, dans ces conditions, ces crédits Mille deux cents millards à dépenser en quatre ans, cela aurait soient mal utilisés malgré les intervention des principaux inté- dû donner 300 milliards d'autorisations de programme pour 1962, ressés, chefs d'établissements et personnels enseignant l'éducation chiffre trop modeste, encore une fois, chiffre mesquin, et cela physique, comme ce fut le cas de l'école normale d'instituteurs de est si vrai que M. le ministre de l'éducation nationale demandait Chaumont ? initialement 413 milliards. Alors qu'il n'existe aucun terrain convenable pour le dérou- Qu'en est-il cependant dans le budget qui vous est soumis lement des compétitions d'athlétisme dans le département de la Y retrouve-t-on, je ne dis pas ces 413 milliards, mais le minimum Haute-Marne, on vient de réaliser, à l'école normale mixte de de 300 milliards ? Pas le moins du monde : le chiffre inscrit est Chaumont, un terrain de sport qui est un véritable défi au bon de 227 milliards. Le découvert atteint le quart de la somme sens. Ce terrain présente une pente de 15 p. 1.000 environ, il est proposée par les parcimonieux rédacteurs du plan. fait en « termac » qui se désagrège rapidement. On n'a prévu ni On voit ce qu'il faut penser de l'habile balancement de rhéto- plateau de lancer de poids, ni piste d'élan pour le saut en lon- rique auquel M. le ministre de l'éducation nationale a recouru gueur. Quant à la piste pour les courses de vitesse, elle présente en défendant son budget devant l'autre assemblée et qu'il une dénivellation de 1,87 mètre sur 125 mètres, ce qui la rend emploiera sans doute aussi devant la nôtre. pratiquement inutilisable. D'après l'architecte, il faudrait plus D'un côté, il parle, comme tout le monde, de « • malaise », de de 1.500 mètres cubes de terrassement pour mettre le terrain de « gêne », de e manque de moyens », de rentrée scolaire difficile, niveau. A aucun moment les utilisateurs n'ont été consultés et ce voire dramatique. De l'autre, il dispense généreusement les beau travail a été réalisé malgré leurs protestations et celles du consolations du plan quadriennal, ce plan qui, en fait, dès la chef d'établissement. première année, dès 1962, n'est pas appliqué puisque les crédits Nous pensons pour notre part qu'il est indispensable que, par- théoriquement prévus ne sont pas ouverts. tout où des installations sportives scolaires et universitaires Pascal dit queloue part que « peu de chose nous console parce doivent être réalisées, les plans de celles-ci soient préalablement que peu de chose nous afflige ». Pour que nous nous consolions soumis aux utilisateurs et, en particulier, aux chefs d'établis- de la misère criante de l'école avec des phrases prometteuses sements et aux personnes enseignant l'éducation physique. sur un plan défiguré et démenti dès le point de départ, il faudrait Je souhaite vivement, monsieur le ministre, que vous puissiez que nous ne fussions affligés par cette misère que bien médio- nous donner tous apaisements à ce sujet. crement. Les opérations financées uniquement par l'Etat sont en nette J'admire le curieux système oratoire où l'on évite à la fois de diminution par rapport à 1961 : 9 millions de nouveaux francs au dire que l'école est dans la détresse et qu'elle n'est pas dans lieu de 13 pour les crédits de paiement ; 15 millions de nouveaux la détresse. Ceux qui en font usage me rappellent le Bourgeois francs au lieu de 21,5 pour les autorisations de programme. Mais gentilhomme, désireux d'écrire un billet doux qui ne fût ni en c'est au chapitre du personnel que la situation est la plus désas- vers ni en prose, ce qui, lui enseigna son maître de philosophie treuse. Alors que le déficit est de 7.096 enseignants, on vient de — encore un « cher professeur » — est impossible « pour cette laisser à la Porte un millier de bacheliers candidats à la prépa- raison, monsieur, que tout ce qui n'est pas vers est prose et tout ration du professorat d'éducation physique et le budget ne prévoit ce qui n'est pas prose est vers ». que la création de 520 postes dont 200 de professeurs, 520 postes Hélas, monsieur le ministre, tout ce qui, dans l'enseignement, sur 7.096 ! C'est un cri d'alarme que nous avons le devoir de n'est pas satisfaction des besoins est misère et aucun tour lancer. d'adresse ne peut faire que cette misère cesse d'inquiéter et de Je dois également dire mon étonnement en apprenant qu'on révolter tous ceux à qui importent l'avenir de la jeunesse, les allait former des moniteurs de jeunesse grâce à la prise en progrès de la science et de la civilisation et la grandeur du pays. charge de militaires spécialement destinés à cette formation. (Applaudissement à l'extrême gauche.) SENAT — SEANCE' DU 21 NOVEMBRE 1961 1757 Si nous passons des autorisations de programme, qui peuvent depuis trois ans et demi et qui avait le temps de prendre des parfois être annulées, aux crédits de paiement qui sont plus mesures pour le recrutement des maîtres, excipe du cas de force consistants, nous constatons que ces crédits varient en chiffres majeure. A l'en croire, il cherche des enseignants, mais n'en arrondis de 162 milliards en 1961 à 165 en 1962 ; l'augmentation trouve pas. Ce qui est certain, c'est qu'il n'en trouvera pas tant est insignifiante, moins de 2 p. 100, alors que dans le budget de qu'il paiera l'instituteur débutant à Paris moins de 2.000 francs 1962 pris globalement les crédits de paiement sont majorés de par jour et l'agrégé débutant environ 3.000 francs. près de 3 p. 100. L'éducation nationale est bien mal dotée. J'évoque d'un simple mot, car d'autres orateurs l'ont fait Au rythme des constructions scolaires qu'on nous impose, de avant moi, l'injustice particulière commise à l'égard d'un grand bons esprits estiment qu'il faudra 40 ans pour normaliser la situa- nombre d'instituteurs et de professeurs retraités, ainsi que tion. l'irritante question du statut des intendants et du personnel M. le ministre répondra, il est vrai, qu'il ne serait pas capable, des services d'économat. J'évoque aussi le cas des instituteurs au fond, de consommer davantage de crédits, sa bureaucratie étant ruraux chargés d'école dont les fonctions pédagogiques sont trop lourde, le rythme des constructions trop lent et les reports lourdes et qui demandent le même indice que les directeurs trop importants. La belle excuse ! Si l'on ne peut pas construire à deux classes, du fait qu'ils assument les mêmes tâches admi- d'écoles parce que la machine ne fonctionne pas, ce ne sont pas nistratives. les écoles qui doivent rester en souffrance, c'est la machine qu'il Un héros d'Henri de Régnier aimait à se promener tout nu faut bousculer et réformer. dans son château, trouvant à cela — dit l'écrivain — « je ne Dans la seule journée de samedi dernier, la presse nous a sais quoi de libre et d'historique ». Le dépouillement, le dénue- appris que les parents de Pont-l'Evêque demandaient que l'on mît ment du corps enseignant dans l'édifice délabré de l'Université les enfants en récréation dans la cour de la prison pour la raison a, lui aussi, quelque chose d'historique. Il restera l'un des qu'il n'y a pas de cour d'école et que les professeurs du lycée de caractères de l'époque actuelle et du régime établi. Le plus Manosque faisaient grève parce que les traitements d'octobre haut personnage de ce régime n'a-t-il pas livré toute sa pensée n'étaient pas encore payés le 17 novembre. Dans toute l'université, dans cette phrase méprisante : « Nul n'est contraint de faire le drame des maîtres s'ai oute au drame des locaux. carrière au service de l'Etat ». C'est parler comme si l'Etat Que d'ingénieux artifices, pourtant, préconisés pour économiser pouvait se passer d'instituteurs, de professeurs, de savants et les maîtres, du ramassage aux moyens audiovisuels, sans compter comme si ces clochards devaient à la philantropie des gouver- le recours à la méthode du mi-temps qui séduit moins les auto- nants d'exercer des professions assez inutiles. rités par ses côtés bienfaisants que par la facilité d'affecter à Des voix plus circonspectes excusent le manque d'enseignants deux classes, par roulement, un seul maître et un seul local. en incriminant les années démographiques creuses. Mais, préci- Hélas ! Même les hommes de ressource les plus confirmés n'arri- sément, c'était une raison de plus pour rendre la profession vent pas à escamoter les chaires vides. On ne compte plus les d'éducateur attrayante, au lieu d'en faire — par le déclassement exemples de lycées, de collèges d'enseignement technique, qu'elle subit, même par rapport à d'autres branches de la d'écoles primaires dont le personnel enseignant est incomplet, fonction publique, par rapport à certains magistrats, par rapport plus de deux mois après la rentrée, et où les protestations des aux administrateurs civils — un pis-aller pour les uns et pour familles, les grèves scolaires se multiplient. les autres une abnégation de tous les jours. Tout le monde sait, dans les milieux enseignants, que les La revalorisation franche, sérieuse, massive, de la profession créations de postes nécessaires étaient au minimum de 44.000. enseignante, dans l'immédiat un traitement de début de Le ministre a déclaré à la commission des affaires culturelles 75.000 francs pour l'instituteur et les autres traitements à qu'il en avait demandé 35.000. Le budget en comporte quelque l'avenant, l'accroissement de dignité et de prestige des ensei- 27.000. Nous sommes loin de compte ! gnants, telles sont les conditions préalables hors desquelles Qui plus est, à la place des enseignants qualifiés qui font défaut l'appel au recrutement n'est qu'un vain bavardage. par dizaines de milliers, figurent tant bien que mal des auxi- D'ailleurs, la faiblesse de l'augmentation du nombre des liaires, des contractuels, des retraités, tout un personnel de for- places offertes dans les écoles normales primaires et, à l'autre tune dont le dévouement n'est pas en cause, mais qui manque bout de la hiérarchie universitaire, le blocage budgétaire du de l'expérience et des connaissances les plus élémentaires, ou de nombre des postes d'agrégés trahissent les intentions gouverne- la vigueur physique que l'âge lui a retirée. On a même imaginé mentales. Ces intentions comportent, non pas l'emploi maximum d'employer comme enseignants ceux qui se préparent à le devenir de maîtres qualifiés, mais, à chaque échelon, le glissement et cela, au grand détriment de leurs études, de la continuité et systématique des qualifications vers le bas, les fonctions de du sérieux de leur apprentissage de professeur. Les demi-mesures professeur d'université étant exercées par les agrégés de l'ensei- de ce genre se révéleront les pires mesures. gnement secondaire, celles des agrégés par les certifiés et les De tels procédés rappellent l'excellente histoire de ce soldat licenciés, celles des licenciés eux-mêmes par les instituteurs à qui l'adjudant demandait ce qu'il ferait s'il était cerné par l'en- normaliens, remplacés à leur tour dans les classes primaires nemi et manquait de munitions. « Je continuerais à tirer pour lui par n'importe qui. faire croire que j'en ai encore », répondit le soldat. (Sourires.) C'est là votre système ! Il est détestable, y compris dans ses Vous, monsieur le ministre, vous continuez à mettre devant les aspects démagogiques, qui ne trompent pas les enseignants. enfants des hommes pris au petit bonheur pour faire croire que Ce système porte un nom : c'est l'enseignement au rabais. vous enseignez. Vous lésinez sur l'enseignement pour les raisons qu'à indiquées Rien de sérieux n'a été entrepris pour initier à leur métier ces le rapporteur général de notre commission des finances. recrues disparates. Les remplaçants appelés comme instituteurs M. Marcel Pellenc a écrit qu'on ne pouvait pas esquiver sur titres — c'est-à-dire avec le baccalauréat complet en prin- les options et prétendre tout mener de front, la guerre d'Algérie cipe, mais souvent seulement avec le premier baccalauréat ou et la construction des universités, la force de frappe et l'équi- même le brevet élémentaire — se voient, en fait, refuser le pement hospitalier. J'observe que, dans le budget de 1962, minimum de formation professionnelle à laquelle ils ont droit, quand vous ouvrez 267 milliards d'autorisations de programme c'est-à-dire un an de stage à l'école normale selon la loi du 8 mai à l'éducation nationale, vous en affectez près de 683, trois fois 1956. Dans la Seine, 266 remplaçants seulement ont pu, en 1960- plus, au ministère des armées. Entre les écoles et les casernes 1961, suivre un stage réduit à quatre mois, sur 859 qui auraient vous choisissez, mais votre choix n'est pas celui que dicterait dû en bénéficier et, à la dernière rentrée, le directeur de l'en- l'intérêt national. seignement de la Seine a ramené de trois à un jour le stage Le rapporteur pour avis de notre commission des affaires d'information des suppléants nouvellement recrutés. Même les culturelles écrit qu'il faudrait, pour couvrir les besoins, doubler pompistes embauchés par la société Esso doivent faire un stage le budget de l'éducation nationale. Il y a effectivement un de quinze jours avant de prendre leur service : le métier d'en- budget qui est à peu près le double du nôtre, 1.727 milliards seignant semble désormais le seul pour lequel on n'ait pas besoin contre 910, c'est le budget des dépenses militaires. d'apprentissage ! Pas d'enseignants, pas de locaux et ce sont, entre autres Comment s'étonner de cette situation, quand on voit un très conséquences, les écoles maternelles fermées bien souvent aux haut fonctionnaire parler avec un dédain assez insolent des enfants de moins de quatre ans et réduites en fait à une diplômes en disant que la quête du parchemin est le « cancer scolarité de deux années. On ose dire qu'après tout les de notre temps ». Cette sentence est mémorable. Le cancer de écoles maternelles n'appartiennent pas à l'enseignement obli- l'école, serait-ce donc la surabondance d'agrégés, l'excès de cer- gatoire et sont comme un don gratuit de l'Etat aux parents. tifiés et le trop-plein d'instituteurs sortant de l'école normale ? C'est oublier bien légèrement le sort des familles où la mère C'est un porte-parole autorisé des milieux officiels, M. Louis travaille et même, dans le cas des autres familles, la préoc- Armand, qui écrit dans son dernier livre que la formation des cupation légitime d'assurer à l'enfant une formation pré-scolaire hommes de demain ne doit pas entièrement se faire à l'école el de valeur, qui était une des fiertés de notre enseignement qu'il ne convient pas d'exagérer l'importance de la construction laïque. de nouveaux lycées. Le temps m'est trop mesuré, au cours de cette discussion Je sais bien que le Gouvernement lui-même s'exprime avec budgétaire scandaleusement étriquée, pour que j'insiste sur le davantage de prudence. Ce gouvernement, qui est aux affaires drame dont on vient déjà de parler, le drame des classes

1 758 SENAI' — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961

primaires surpeuplées et pourtant, que d'exemples navrants à tant, les bourses généreusement distribuées dans l'enseignement citer ! supérieur seraient la première démarche réelle de toute démo- Le Gouvernement dit qu'il accordera désormais la priorité cratisation ! à trois secteurs en retard : l'enseignement technique, l'enseigne- Le Gouvernement annonce triomphalement qu'il démocratise ment supérieur et la recherche scientifique. Je formule quelques l'enseignement. Il en donne pour preuve que 10.000 enfants brèves observations à cet égard. qui n'auraient jamais fréquenté les classes de sixième les sui- D'abord, je veux noter l'oubli, dans cette énumération, de vent actuellement grâce aux instances faites auprès des familles l'enseignement classique et moderne du deuxième degré. Dans par les inspecteurs ou les instituteurs. On ne précise pas cet enseignement surtout, les crédits ne seront pas suffisants qu'il s'agit de 10.000 enfants modestes prélevés parmi les pour mettre fin à la surcharge des classes. Je me demande où quelque 550.000 enfants qui sont d'âge à entrer en sixième et -l'on casera les 800.000 élèves supplémentaires qui se présen- qui n'y entrent pas. teront lorsque l'obligation scolaire sera appliquée jusqu'à De combien ces 10.000 enfants feront-ils augmenter le pour- seize ans. D'après les chiffres du quatrième plan, il n'est centage dérisoire des fils d'ouvriers et de paysans qui suivent prévu de locaux du second degré que pour 570.000 élèves. Les l'enseignement prolongé ? Combien en restera-t-il au niveau de autres, où les mettra-t-on ? Et les maîtres, où les prendra-t-on ? la classe de première ? Combien trouveront les ressources maté- Je note ensuite que le développement de l'enseignement tech- rielles suffisantes pour entrer à l'Université ? nique prend un bien mauvais départ quand on commence par Démocratiser, ce serait avant tout augmenter massivement minimiser ]a situation dramatique où il se trouve aujourd'hui. les bourses et créer le présalaire. Ce n'est pas opérer sur le Monsieur le ministre, vous avez déclaré à la commission des papier des réformes que les classes pléthoriques, la pénurie affaires culturelles que 15.000 enfants seulement étaient restés de personnel qualifié, l'engorgement des débouchés, spéciale- en septembre 1961 à la porte des écoles techniques faute de ment du côté de l'enseignement technique, changent en mysti- place. C'est un chiffre auquel ne croit pas M. le rapporteur fications. de la commission des affaires culturelles. Il écrit, en effet, que On parle d'orienter, mais l'absence de voies de dégagement au les demandes d'admission aux seuls collèges d'enseignement sortir du cycle d'orientation marque d'avance la majorité des technique qui n'ont pas pu être satisfaites oscillent entre enfants pour l'enseignement court, pour le collège d'enseigne- 30.000 et 50.000. ment général qui a toutes les préférences du régime parce qu'il Je le dis tout net : il est impossible d'ajouter foi à l'estimation est bon marché, du moins pour l'Etat. Il est beaucoup plus coû- officielle parce que chacun de nous connaît danS son seul teux pour les municipalités ! département, dans sa seule région, des centaines, des milliers Le détenteur du pouvoir, dans un de ses discours, a lancé de cas de refus. Même la situation humiliante où se trouve, une formule d'une charmante désinvolture. Il a parlé des en raison des conditions de la rentrée, le ministre de l'éducation « séquelles de la lutte de classes ». En réalité, tout l'enseigne- nationale ne justifie en aucune manière une déclaration aussi ment, comme le reste de la vie sociale, est caractérisé par des audacieuse. discriminations de classes. Ma troisième observation porte sur l'enseignement supérieur. S'il n'y avait plus de discrimination de classes, la statistique Le nombre des créations de postes dans cet enseignement est n'indiquerait pas que plus la population d'une région est ouvrière toujours insuffisant. Le problème de l'encadrement des étudiants plus les retards scolaires sont affligeants. reste entier. Pour la totalité des gros certificats, nous avons, Dans le département du Nord, 7,70 p. 100 seulement des gar- jusqu'à maintenant, un enseignant pour 120 étudiants ; il en çons ont un diplôme supérieur au certificat d'études primaires, faudrait normalement un pour trente. au lieu de la moyenne nationale de 10,4, et 6 p. 100 des filles, au Les dépenses qui sont inscrites pour les universités et les lieu de la moyenne nationale de 8,5. Il est remarquable que oeuvres universitaires ne pemettront pas d'atteindre, vers 1964- c'est dans le secteur où la classe ouvrière est le plus durement 1965, le niveau d'équipement qui serait nécessaire pour exploitée que le niveau culturel est le plus anormalement bas. accueillir la vague démographique, qui va toucher l'enseigne- Par exemple, dans le textile de Lille-Roubaix-Tourcoing, où la ment supérieur. L'Union nationale des étudiants de France cons- paupérisation est la plus évidente, où l'accroissement de la produc- tate un retard de 50 p. 100 des provisions sur les besoins ; tivité de la main-d'oeuvre dépasse 50 p. 100, où tous les ouvriers mais sans doute est-il téméraire de citer l'U. N. E. F. ? Le minis- doivent travailler bien plus de quarante heures sous peine de tère ne la connaît que pour lui dénier ses droits. ne gagner que 35.000 francs par mois, les retards scolaires, M. le ministre aime beaucoup se référer à l'exemple de faibles au début de la scolarité, atteignent progressivement l'Union soviétique. Il l'a fait encore, l'autre semaine, devant 40 p. 100 à l'âge de treize ans. Près de 20 p. 100 des enfants ter- votre commission des affaires culturelles. Ignore-t-il qu'on minent leur scolarité au cours moyen deuxième année, dans le dénombre actuellement, en Union soviétique, 2.600.000 étu- meilleur cas. avec un retard minimum de trois ans, et 50 p. 100 diants ? Pour être de plain-pied, la France, qui a cinq fois entreront dans l'industrie sans aucune formation. 10 p. 100 seu- moins d'habitants, devrait compter 520.000 étudiants, soit plus lement des enfants examinés à quatorze ans sont d'un niveau du double de l'effectif actuel. supérieur au certificat d'études. Vers 1980, l'Union soviétique se propose d'avoir 8 millions Ne peut-on, dans ces conditions, parler d'un véritable sabo- d'étudiants. Je constate que rien de sérieux n'est fait ; que tage des destinées de l'enfance et de la jeunesse pauvres ? rien n'est prévu pour permettre à notre pays un développement S'il n'y avait plus de discrimination de classes dans l'enseigne- d'un ordre comparable, un développement qui porterait — ment, on ne verrait pas non plus le panonceau « stop » placé comme certains doyens de faculté des sciences l'on publique- devant les portes des classes de seconde des lycées à l'adresse ment réclamé — l'effectif de nos étudiants à environ un million des élèves sortant des collèges d'enseignement général. vers 1970 et 1.500.000 dans vingt ans. Les démocrates sont ceux qui veulent l'enseignement du second Ces proportions sont pourtant celles qui conviendraient à degré obligatoire, ceux qui veulent mettre à l'école ces 1 million une grande nation moderne, où l'industrie automatique, l'agri- 100.000 adolescents de quatorze à dix-sept ans qui ne reçoivent culture scientifique et la recherche exigent qu'un dixième au aucune instruction technique, aucune instruction générale. Parmi moins de la population ait une qualification scientifique et eux, pourtant, combien en est-il dont l'instituteur avait dit un que le reste en sache assez pour faire cas de la science. Pour jour aux parents : « Dommage que vous ne puissiez pas le faire que l'on tienne compte des besoins de ce pays, il faudra un continuer ! ». autre régime que le pouvoir personnel, un régime entretenant Au lieu de réformes, nous avons la contre-réforme. Elle se d'autres rapports avec la jeunesse étudiante... chiffre, pour la part de l'Etat, sans compter les largesses de certaines collectivités locales, à 50 milliards distribués aux écoles M. Jacques Marette. Staline ! confessionnelles, qui en avaient reçu 20 en 1961. J'admire que M. Georges Cogniot. ... et pratiquement une autre politique d'aucuns se félicitent de l'augmentation nominale du budget financière et culturelle que celle de la réaction. (Applaudisse- de fonctionnement quand le motif principal de cet accroissement ments à l'extrême gauche.) résulte de la politique d'abandon des responsabilités de l'édu- cation nationale. M. Jean Bertaud. Vive Staline ! Quiconque votera le budget approuvera une politique scolaire M. Georges Cogniot. Les crédits de bourses de l'enseignement qui augmente de 30 milliards les subsides à l'enseignement supérieur subissent un accroissement juste suffisant pour main- privé, tandis que les mesures nouvelles au titre des bourses sont tenir l'an prochain la situation de 1961. Ils ne permettent de d'environ 4.500 millions, soit sept fois moins, réaliser ni un accroissement suffisant du nombre des bourses, Encore l'expression de « subventions à l'enseignement privé » ni une amélioration correcte du taux, ni, surtout, une réforme est-elle inexacte. Il vaudrait mieux parler, comme l'auraient fait valable du système, c'est-à-dire la suppression des derniers éche- nos grands-pères, des milliards des congrégations. Car chacun lons et l'uniformisation des bourses et des allocations d'études sait que beaucoup de ces maîtres que l'Etat prend en charge se au-delà de la licence. sont engagés par voeu solennel à ne rien posséder en propre, L'insuffisance du budget des bourses n'est pas compensée par pas même les honoraires des lecons particulières qu'ils peuvent l'existence d'un budget de fonctionnement qui correspond plus donner. Il est établi qu'en Loire-Atlantique, les maîtres des ou moins aux demandes du Centre national des oeuvres. Pour- écoles confessionnelles, qu'ils soient laïques ou clercs, se sont SENAT SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1759 engagés par écrit à ristourner tout ou partie de leur traite- séance publique — que cette mesure s'inspire de l'exemple des ment à la direction de l'enseignement diocésain. pays de l'Est! M. Jean Bertaud. Même ristourne qu'au parti communiste ! Dans les pays de l'Est, messieurs du Gouvernement, l'école M. Georges Cogniot. Monsieur Bertaud, je vais vous édifier. vise à l'union harmonieuse du travail physique et du travail (Sourires.) intellectuel. Ce travail intellectuel vous, vous le réduisez pour la main-d'oeuvre juvénile dont vous faites cadeau aux entre- A quoi serviront, bien souvent, les milliards du chapitre 43-34 ? prises, à six petites heures par semaine. J'en trouve l'indication dans le numéro du ler octobre 1961 de La Semaine paroissiale de Remiremont. Dans les pays de l'Est quand l'adolescent, ainsi qu'on vous l'a rapporté, va se familiariser à l'usine avec le travail manuel M. Jean Lecanuet. N'ayez jamais que de bonnes lectures comme et la technologie, il entre fièrement dans un établissement qui celle-là, monsieur Cogniot. (Rires sur certains bancs à gauche.) est le bien du peuple entier. Vous, ce que vous faites, c'est M. Georges Cogniot. J'ai de bonnes lectures et vous allez vous de livrer les jeunes dès l'âge de 14 ans à l'exploitation, à la en féliciter ! discrétion du patronat, et naturellement du gros patronat, car M. André Monteil. C'est un retour aux sources ! seules les affaires importantes, les affaires monopolistes auront le moyen d'organiser en grand l'apprentissage. M. Georges Cogniot. Permettez-moi de lire dans le calme un La référence que vous taisez, nous la connaissons. C'est la texte qui vous intéresse tous. législation de l'Allemagne de l'Ouest. Aurait-on cessé au Gou- M. Jean Bertaud. Avec onction et piété, naturellement ! vernement d'être fier du grand allié «, occidental » et « chré- M. Georges Cogniot. En voici la teneur : tien » ? « Nous ne pourrons, à notre grand regret, équiper notre église La vérité, c'est qu'une des préoccupations maîtresses du Gou- du nouveau système de chauffage prévu et procurer à nos parois- vernement est ce qu'il appelle la liaison Université-Economie, siens une température un peu plus clémente pendant cet hiver. et ce qu'il serait plus exact de nommer la subordination de Nous comptions pour ce faire sur quatre millions que l'Etat nous l'université aux maîtres de l'économie. Nous savons quel pro- aurait remboursés, si nous avions obtenu le contrat pour nos grès ces orientations font dans certains milieux, dans certains écoles chrétiennes. Hélas ! Vous savez tous qu'il n'en est rien. laboratoires de l'enseignement supérieur. Les scientifiques ne C'est une des nombreuses conséquences qui découle de ce rejet, manquent pas de prestige en haut lieu, mais on y considère que, et nous sommes obligés de reporter ce projet à l'année pro- pour être vraiment utiles, ils doivent se trouver sous la direc- chaine. » tion d'un industriel. N'avions-nous pas raison, quand nous disions, lors de la discus- Pour toutes les raisons indiquées, le budget qu'on nous pré- sion de la loi de décembre 1959, que l'Etat allait salarier un sente est répréhensible et inacceptable. Devant ce budget, aucun culte, contrairement aux stipulations formelles de la loi de sépa- démocrate ne peut oublier qu'il est l'héritier de toute une grande ration de 1905, qui n'est pas abrogée ? tradition scolaire et culturelle et qu'il ne lui est pas permis de J'aimerais, monsieur le ministre, entendre votre avis sur la la désavouer. 11 importe au contraire, que nous nous en fas- destination un peu spéciale que le clergé de Remiremont donnait, sions les continuateurs en préparant pour demain, dans le dans sa pensée, aux fonds que vous nous demandez de voter cadre d'une République rétablie et rénovée, la profonde réforme pour des établissements d'enseignement et non pas pour le démocratique de l'enseignement qu'exigent à la fois l'esprit de chauffage des églises. J'aimerais savoir quel recours légal vous progrès civique et les besoins d'expansion de la France moderne. aurez contre un tel détournement des fonds publics quand il se Notre commission des finances, avec beaucoup d'indulgence, a produira ailleurs qu'à Remiremont. appelé le budget de 1962 dans son ensemble un « budget de L'Etat gaulliste a supprimé le régime des partis, mais pas celui l'incertitude ». Surtout en ce qui concerne les crédits de des parties prenantes ! l'éducation nationale, cette expression ne convient pas. Il s'agit J'aimerais encore savoir quel contrôle vous exercez sur l'ensei- d'un budget d'insuffisance, de détresse, d'un budget en régres- gnement des aumôniers des établissements publics (Exclamations sion même sur 1960, et cela de l'avis du rapporteur de la com- au centre et à droite). Par exemple, l'aumônier d'un grand lycée mission des affaires culturelles. de filles de l'Ouest commence sont cours pour les classes termi- En disant non à un tel budget, nous avons conscience de nales par deux leçons intitulées : « Le marxisme, exposé et défendre et la jeunesse et l'avenir. (Applaudissements à l'ex- critiqué ». trême gauche.) M. André Monteil. C'est un crime de lèse-majesté. M. Louis Namy. Très bien! M. Georges Cogniot. Faut-il croire que vous considérez cet M. le président. La parole est à M. Roger du Halgouet. aumônier comme un professeur suppléant de philosophie ou M. Roger du Halgouet. Monsieur le président, monsieur le comme chargé de cours de sociologie ? Le recteur de l'aca- ministre, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, démie de Strasbourg, après biens des hésitations, a écarté l'aumô- mon intervention se bornera à évoquer, presque 23 mois après nier de l'école nationale professionnelle de Metz, qui avait le vote de la loi d'aide à l'enseignement privé, quelques points diffusé parmi les élèves un questionnaire portant sur le fonc- qui figurent bien dans les décrets d'application, mais qui peuvent tionnement des classes et sur les opinions des professeurs. Mais néanmoins prêter à différentes interprétations et qui par là cet aumônier renvoyé a été nommé par la hiérarchie respon- même donnent matière à certaines critiques. sable des mouvements de jeunesse, afin qu'il reste, en dépit du Je rappellerai que la loi du 31 décembre 1959 a pour but recteur et du ministre, au contact des élèves. Quel recours d'aider financièrement l'enseignement libre en rétribuant les avez-vous, monsieur le ministre ? Je vous le demande, laisserez- maîtres tout en diminuant les charges des familles et de créer vous ridiculiser les décisions de l'administration ? ainsi entre l'enseignement officiel et l'enseignement libre un Il me paraît également impossible que le ministre de l'édu- climat de compréhension, climat que bon nombre de chefs d'éta- cation nationale ne donne pas, dans cette discussion, son avis blissement, sinon tous, tentent de réaliser de plus en plus, secon- sur la proposition tendant à réduire les écoles normales pri- dant en cela le Gouvernement. maires au rôle de centres d'apprentissage subalternes, en leur Toutefois, un certain nombre d'observations sont faites quant à retirant la formation générale des élèves-maîtres, proposition l'application de cette loi. inspirée des idées de Vichy, qui a été présentée dans l'autre Il est tout d'abord fort regrettable que les maîtres de l'en- assemblée. Il est permis de s'alarmer de la diminution des seignement secondaire n'aient encore touché aucun salaire. crédits de construction des écoles normales, qui apparaît au Quelques-uns ont reçu comme mesures préliminaires des textes budget. Comment se contenter de l'affirmation officielle qu'il de contrat qui, souvent d'ailleurs, ne leur donnent pas satisfaction. n'y a pas de rapport entre ceci et cela ? En effet, ces maîtres ont la très désagréable surprise de consta- Nous avons le droit de savoir quelles sont les perspectives ter que certains diplômes ne sont pas reconnus à leur juste des écoles normales dans l'optique gouvernementale. Cette ques- valeur. tion n'est pas étrangère au débat sur le budget, puisque les Un professeur ayant trois certificats de licence n'a pas un crédits changent de sens et d'importance relative selon le salaire de base supérieure à celui d'un instituteur auxiliaire. destin futur de ces écoles. D'autres s'aperçoivent que leur ancienneté est reconnue d'une On vous l'a déjà dit, vous ne démissionnez pas seulement façon assez curieuse. Elle part de la date de l'obtention de la devant l'école confessionnelle. Vous démissionnez devant le licence alors que parfois certains maîtres ont travaillé pendant patronat. La circulaire du 16 mai lui livre l'enseignement pro- de longues années pour préparer cette licence tout en ensei- fessionnel. Même si son application ne concerne cette année gnant, car les ressources leur manquaient pour agir autrement. que 15.000 ou 30.000 enfants, elle est destinée à connaître dans Il leur a fallu plusieurs années de préparation des divers certi- l'avenir les plus vastes développements. Les adversaires tra- ficats de licence. D'autres même, pour satisfaire aux exigences ditionnels de l'enseignement technique de l'Etat, les partisans académiques, par exemple à l'occasion de la loi Marie, ont repris, de la formation professionnelle bornée, du dressage étroit et non sans mérite, la route des facultés. sans culture, triomphent aujourd'hui. Une autre source d'ennuis pour les maîtres du secondaire Et vous venez dire à la commission des affaires culturelles jaillit du fait que ne comptent pour l'ancienneté que les heures du Sénat — vous l'avez dit aussi à l'Assemblée nationale en d'enseignement faites dans la matière pour laquelle on a eu le 1760 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 diplôme. C'est ainsi qu'un licencié de lettres perd pour son pour mettre en état des terrains de football, de basket, de ancienneté les heures d'histoire qu'il a pu faire. tennis, et qui, pour l'établissement d'un terrain d'athlétisme, Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le seul critère dont le coût serait de 10 millions, se heurte à des difficultés qui serait vraiment valable serait le fait qu'un professeur ait juridiques pour obtenir de l'Etat, du département et de la ville, consacré un minimum d'heures hebdomadaires à l'instruction des subventions sans lesquelles il risque de ne pouvoir réaliser et à l'éducation de nos jeunes, compte tenu également de ses ce terrain qui, avec les terrains de football et de basket, consti- titres universitaires ? Tout cela ne montre-t-il pas une certaine turait un ensemble sportif et athlétique de première valeur. incohérence et même une certaine contradiction car, enfin, un Certes il faut admettre, et cela est normal, que l'Etat prenne professeur, possesseur de trois certificats de licence, a bien réel- des garanties et personne ne s'élèvera contre une telle mesure, lement une valeur pédagogique supérieure à celle d'un jeune mais pourquoi refuser a priori, à ces maisons d'éducation, l'aide instituteur à peine en possession de son brevet ? que l'on accorde très justement aux établissements publics ? Si, pendant encore quelques années, les maîtres de l'ensei- Il faut de plus en plus penser français, réaliser l'unité de la gnement privé ont la possibilité d'enseigner avec certains titres, nation si chère au chef de l'Etat et donc faire disparaître ce pourquoi ne pas reconnaître leurs années antérieures d'ensei- qui pourrait être un germe de discorde et de désunion. gnement, d'autant plus que ces établissements et ces maîtres En terminant, je suis heureux de vous signaler, monsieur le se trouvaient sous le régime de la loi Falloux, laquelle n'exige ministre, que, dans certains départements et, en Ille-et-Vilaine à ce point de vue qu'une seule condition : le directeur doit être en particulier, les rapports entre les directeurs d'établisse- bachelier. La loi Marie elle-même et de nombreuses circulaires ments d'enseignement libre et l'inspection d'académie sont n'ont-elles pas admis qu'une licence de lettres permettait d'en- empreints d'une très grande compréhension. C'est cette compré- seigner valablement, en vue des fameux 50 p. 100 d'heures de hension mutuelle qui a permis de passer dans d'excellentes licencié, l'histoire et même la géographie, qu'une licence de conditions, un très grand nombre de contrats simples et un lettres modernes comportant même un seul certificat de langue nombre important de contrats d'association. étrangère, permettait d'enseigner cette langue ? Je me sentais donc d'autant plus à l'aise à cette tribune, Il y a également un retard pour le versement du forfait d'exter- monsieur le ministre, pour attirer votre attention sur les nat, pourtant bien utile aux établissements, ne serait-ce que quelques points que je viens d'exposer et que je soumets à pour permettre aux directeurs de faire des prêts sans intérêt votre réflexion. (Applaudissements au centre droit, à droite, à leurs professeurs non payés et dont, depuis la signature des au centre gauche et sur certains bancs à gauche.) contrats des établissements, ils ne sont plus les employeurs. M. le président. A ce point de la discussion, et puisqu'il est N'oubliez pas, monsieur le ministre, que ces établissements dix-neuf heures trente, je pense qu'il convient de suspendre ne peuvent plus demander aux parents de scolarité, le régime notre séance qui a commencé à quinze heures un quart. (Marques de l'externat simple étant la gratuité. Il est assez curieux que la même façon de faire n'ait pas été d'approbation.) suivie dans les départements voisins, Morbihan et Ille-et-Vilaine Il reste actuellement quatorze orateurs inscrits. (Exclama- par exemple, ni même à l'intérieur d'un département. Je crois tions). Il y en avait vingt-six au départ. que l'administration préfectorale a attiré votre attention sur ce Monsieur le ministre, quand pensez-vous prendre la parole ? fait important pour la vie d'établissements pratiquement sans Vers vingt-trois heures ? ressource à l'heure présente. M. le ministre de l'éducation nationale. Monsieur le prési- Mais il n'y a pas seulement les questions d'argent. Il y a aussi dent, je pourrai parler après le dernier des orateurs inscrits, les questions de droit. Dans beaucoup d'établissements, les de façon à répondre à tous. classes élémentaires n'ont pas été admises à participer au con- M. le président. Je le veux bien, seulement laissez-moi vous trat d'association pour la double raison qu'elles sont des classes dire que la séance ne va pas durer toute la nuit. primaires et que, dans les lycées de référence, il n'y en a pas. Vous connaissez la jurisprudence du Sénat. Comme une Cela va à l'encontre de la loi Falloux qui considère que l'éta- séance est prévue pour demain matin, nous devons nous arrêter blissement secondaire forme un tout. De plus, quelle peut être vers minuit et si la discussion des crédits de votre ministère la raison qui exige que l'on se réfère ici à un établissement n'était pas achevée, la suite ne viendrait que dimanche pro- d'Etat et enfin pourquoi systématiquement refuser le contrat chain. Le Sénat en a décidé ainsi et j'applique sa décision. d'association demandé pour ces classes ? Pour l'instant, je pense que nous pourrions suspendre notre Question de droit que celle des certificats d'exercices. On séance jusqu'à vingt et une heures trente. (Assentiment.) exige que le professeur non muni de grade universitaire requis La séance est suspendue. ait fait douze heures hebdomadaires d'enseignement au cours de l'année scolaire 1959-1960. (La séance, suspendue à dix-neuf heures trente minutes, est A ce sujet, une double question se pose. Tout d'abord, n'y reprise à vingt et une heures trente-cinq minutes.) aurait-il pas eu de critère plus objectif que celui des douze M. le président. La séance est reprise. heures exigées en 1960, alors que jusqu'à ce moment rien ne laissait prévoir une telle exigence ? Comment peut-on logique- ment exiger de quelqu'un un travail qu'il aurait dû faire dans — 3 — le passé ? Une ancienneté dans l'enseignement aurait semblé être un critère plus juste. EXCUSE Ensuite, que faut-il entendre par enseignement ? Est-ce seu- lement le cours, ou ne faut-il pas y faire entrer les heures M. le président. M. André Armengaud s'excuse de ne pouvoir de travaux dirigés, comme cela a lieu dans l'enseignement assister à la suite de la séance. public ? Une réponse précise sur ce point apporterait une clarté que beaucoup souhaitent, monsieur le ministre, car de nom- breux directeurs d'établissement n'ont déclaré que les heures — 4 — de cours exigées par les programmes officiels et, de ce fait, ont nui sans le savoir à certains de leurs professeurs. LOI DE FINANCES POUR 1962 Je souhaite que l'on arrive sans tarder à résoudre un autre problème qui est bien, lui aussi, dans l'esprit de la loi : celui Suite de la discussion d'un projet de loi. de professeurs d'enseignement officiel qui enseigneraient dans des établissements d'enseignement privé, comme le prévoient M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de du reste les décrets d'application. Il y aurait là, me semble-t-il, loi de finances pour 1962, adopté par l'Assemblée nationale un moyen pour nos enseignants de se mieux connaître et d'oeu- (n" 52 et 53 (1961-19621). vrer avec plus d'efficacité encore à la formation de la jeunesse. Deuxième partie : Moyens des services et dispositions spéciales. Je souhaite, pour ma part, voir se multiplier ce fait que me signalait un chef de l'enseignement libre: ayant reçu un pro- Education nationale. — Jeunesse et sports (suite). fesseur officiel à titre d'inspecteur, il l'invita à venir donner une conférence pédagogique. Pendant plus de deux heures, on tra- M. le 'président. Dans la suitè de la discussion générale la vailla en commun, se séparant avec la pensée bien arrêtée de parole est à M. Cornu. multiplier de semblables rencontres. M. André Cornu. Mes chers collègues, ainsi que l'a demandé Voilà de la bonne besogne. Cette aide, dans le domaine de notre rapporteur général aux délégués des groupes à cette tri- l'enseignement, donnée à cet établissement, ne pourrait-elle pas bune, je serai bref et je m'efforcerai — ce qui est plus diffi- s'exercer également dans le domaine sportif, monsieur le haut cile — d'être précis. commissaire. Je connais un établissement secondaire, de mon Ce budget de l'éducation nationale est important — je n'appren- département, en contrat d'association qui, soucieux de la for- drai rien à personne — car c'est celui du ministère de l'avenir, mation physique des élèves comme il l'est aussi de la forma- comme l'a dit excellemment le rapporteur à l'Assemblée nationale. tion intellectuelle et humaine, n'a pas hésité à sacrifier ses C'est pourquoi il faut que les crédits satisfassent aux besoins. dépendances et à engager plus de 20 millions d'anciens francs C'est dans cet esprit que la gauche démocratique m'a confié le SENA T — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1761 soin d'exprimer ses préoccupations à M. le ministre de l'éducation M. Pierre de La Gontrie. C'est évident ! nationale. M. André Cornu. Je me permets de dire que je suis plus En 1962, monsieur le ministre, vous nous proposez un budget qualifié que tout autre pour en parler, car j'ai été pendant de 9 milliards de nouveaux francs, alors que, hélas ! c'est un une grande partie de ma vie un haut fonctionnaire de la budget de 12 milliards qui serait nécessaire. Les besoins indis- HP République. pensables, incompressibles ne sont pas et ne pourront pas être Quand un jeune bachelier aura la certitude que l'entrée honorés. C'est donc un véritable « désinvestissement » intel- dans l'enseignement lui permettra d'obtenir au départ un lectuel que vous nous offrez de ratifier et cela, nous ne le traitement décent et, en cours de carrière, un débouché qui voulons pas. satisfasse ses ambitions, alors vous trouverez des candidats pour Tout le monde sent bien confusément que, devant la montée les postes d'instituteurs. Il ne tient qu'à vous de faire en sorte des jeunes classes, devant la soif de savoir et de comprendre que les écoles normales se développent et permettent la forma- qui anime les jeunes, les dépenses en capital sont fondamentales tion d'instituteurs compétents. Certes, de vives critiques ont été pour l'éducation nationale. adressées à ces écoles normales et elles ont eu assez d'échos Si la rentrée scolaire a été déplorable plus encore qu'aupa- auprès de vos services pour que l'on déplore que l'équipement ravant, si l'on a refusé des élèves par milliers dans l'enseigne- des écoles normales primaires ait été systématiquement négligé ment technique, si les élèves doivent s'entasser dans des classes dans le budget. Certes, le nombre de postes d'élèves maintenant de 40, 50 places, et souvent plus, faute de locaux, c'est que mis au concours a été augmenté de 500. C'est d'ailleurs la seule nous ne construisons pas assez. augmentation depuis 1958, alors que, de 1956 à 1958, près de Certes, me direz-vous, le problème ne date pas de 1039. En 3.000 postes avaient été offerts aux jeunes générations. 1947 l'éducation nationale n'a pas fait l'objet d'un plan d'équi- En ce qui concerne l'enseignement secondaire, vous avez pement. En 1953 également, on a sacrifié l'éducation nationale. essayé, monsieur le ministre, de pallier la crise de professeurs De 1956 à 1958 le rythme d'accroissement des autorisations de par diverses dispositions réglementaires. Trois décrets du 24 août programme est resté en-dessous du taux optimum, mais en 1961 ont permis d'utiliser pour certaines disciplines particu- 1958, monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous dispo- lièrement défavorisées des titulaires de licence ou d'un titre siez d'un rapport sur les besoins exacts de l'éducation natio- équivalent. Mais pourquoi imposer pour le professorat l'obten- nale qui venait d'être établi par la commission Le Gorgeu. tion du C. A. P. E. S. ? Sans ce certificat, le jeune professeur Or, de 1959 à 1961, les autorisations de programme sont ne peut pas espérer une titularisation à un indice de traitement passées de 144 à 207 milliards, soit un rythme d'accroissement honorable. Le concours de l'agrégation, qui devrait être la inférieur de 9 p. 100 à celui enregistré de 1956 à 1958, alors source du recrutement pour l'enseignement secondaire, ne suffit que les besoins n'ont fait que croître. pas à pourvoir les postes vacants, c'est un fait. Vous nous promettez un plan d'équipement qui doit per- Monsieur le ministre, vous avez un moyen pour recruter massi- mettre de faire face, d'une part, à l'entrée dans l'enseignement vement des enseignants, ce sont les I. P. E. S. Or, ceux-ci ne supérieur des jeunes adultes et au maintien à l'école jusqu'à sont pas utilisés. Comment se fait-il que le nombre de places 16 ans, à partir de 1965, de tous les jeunes Français. Ce sont là offertes soit en constante diminution depuis 1957 ? Comment se de lourdes échéances et à ce propos deux remarques s'impo- fait-il que l'on déconseille à trop de candidats de se présenter sent : si les crédits inscrits à ce plan sont suffisants, il faut en au concours ? Cependant, le rôle des I. P. E. S. n'est pas de tout cas le défendre contre toutes les attaques d'où qu'elles distinguer, dans la masse, les professeurs hors du commun, viennent. Le pouvez-vous ? Le Gouvernement le voudra-t-il ? mais de préparer des bacheliers de qualité pour les tâches Hélas ! nous pouvons en douter d'autant plus que le crédit 1962 d'enseignement, à charge pour les candidats d'acquérir la licence à imputer sur le plan, soit 227 milliards, est faible, reporté à et les connaissances pédagogiques qui leur font défaut. l'ensemble des crédits prévus, puisqu'il est bien inférieur, mon- Il y a bien d'autres moyens pour recruter des professeurs, sieur le ministre, au quart du montant total des crédits. même s'ils ne sont que des assistants ou des intérimaires. La D'autre part, il ne suffit pas d'autoriser les programmes, commission des affaires culturelles du Sénat a fait remarquer, il faut les lancer. Il est une manière pour l'administration dans son avis, que les candidats refusés au certificat de propé- de ne pas satisfaire aux décisions des assemblées, tout en deutique scientifique n'en étaient pas moins, pour la plus grande feignant parfois de les appliquer, c'est le système des reports part, des bacheliers d'une qualité fort acceptable. Pourquoi ne de crédits non utilisés. En 1962, il permet, d'une part, de pas les utiliser pour enseigner, en leur permettant de poursuivre, minorer les crédits de paiement afférents à l'année et de les par ailleurs, régulièrement leurs études ? amener ainsi à un crédit global qui semble suffisant. Il empêche M. Pierre de La Gontrie. Très bien ! aussi de proposer des programmes plus ambitieux capables de résoudre la crise, puisqu'il est démontré que les réalisations M. André Cornu. Enfin, monsieur le ministre, après ces deux projetées antérieurement n'ont pu être menées à bonne fin. questions, que mon groupe considère comme fondamentales et dont je pense vous avoir fait saisir toute la portée, je voudrais Mes chers collègues, vous comprenez bien qu'il ne suffit vous entretenir de détails. Ils se rattachent à des problèmes pas d'engager une dépense à temps, encore faut-il ne pas dépen- divers que l'on peut définir en peu de mots, mais ils concernent ser mal. Or, dans le plan proposé par le Gouvernement, le ce que l'on peut appeler « l'âme » de notre éducation. second degré n'a pas la place qui lui est indispensable et quant Tout d'abord, qu'est-ce que l'on veut apprendre à nos enfants ? aux crédits du premier degré ils sont en régression sensible. Il s'agit quand même de le savoir une fois pour toute. Donc, pas C'est là une situation extrêmement grave car, dans ces deux de changement annuel des manuels scolaires et de différences enseignements, les effectifs vont croître considérablement ; et régionales entre les manuels. alors à quoi bon construire pour l'enseignement supérieur si Il s'agit surtout de savoir si l'on veut apprendre aux jeune on ne forme pas ceux qui, dans quelques années, pourront pré- quelque chose de neuf, de réel, ou si l'on veut les entretenir tendre à bénéficier de ces installations. dans des connaissances qui n'auraient pas évolué depuis le Il est, monsieur le ministre, un second point sur lequel je XIX' siècle. Il est tout de même inouï qu'en 1961 la carte de voudrais insister. A quoi serviront les locaux propres à accueil- France des canaux ne montre pas à l'enfant la nécessité d'en- lir des effectifs scolaires plus nombreux s'il n'y a pas assez treprendre des travaux considérables et lui laisse ignorer que de maîtres et de professeurs ? En effet, nous assistons depuis le réseau de 1840, magnifique toile d'araignée, est condamné et quinze ans à une désaffection de plus en plus grande des hélas ! condamne la France ! C'est là un exemple pris parmi beau- jeunes pour l'enseignement. Que ce soit pour le primaire et le coup d'autres. secondaire, il n'y a pas assez d'instituteurs, pas assez de pro- Apprendre, acquérir des connaissances, c'est bien, mais savoir fesseurs. La fonction d'enseignant, par ses conditions de travail utiliser les connaissances existantes au mieux de ses apti- harrassante, par sa monotonie, rebute souvent les jeunes intel- tudes est bien préférable ! lectuels. Mais ce n'est pas tout à fait la vraie raison. Si nous Aussi, en 1957, le Parlement avait-il entrepris une vaste ne trouvons plus de maîtres de qualité, si ceux que nous réforme de l'enseignement. L'institution d'un enseignement avons nous quittent, c'est, monsieur le ministre, et vous le d'orientation était préconisée, mais les événements ont empêché savez bien, que leur traitement est dérisoire. Certes, ils ne les Assemblées d'aboutir. Il n'empêche qu'il est souhaitable sont pas les seuls et le problème est à résoudre, évidemment, que l'enfant soit mis en observation et orienté dans ses études dans le cadre plus général de la fonction publique. Les fonc- au meilleur moment, puis suivi. tionnaires ne peuvent pas remplir leur fonction et tenir le rang Pour cela, des crédits sont nécessaires, tant pour des locaux social qui devrait être le leur avec les rémunérations qu'ils que pour des maîtres qualifiés. Or, la réforme de 1959 n'a perçoivent. rien résolu dans ce domaine. Avec les moyens dont vous disposez, monsieur le ministre, il est à craindre qu'il n'y ait pas d'orien- Je vais, monsieur le ministre, ouvrir une parenthèse : dans tation authentique et surtout que cela ne vise qu'un nombre quelques années, vous et vos collègues ou vos successeurs, bien très ]imité d'enfants pendant très longtemps. sûr, n'auront plus de fonctionnaires de qualité. Vous n'aurez Dans ces conditions, autant garder une formule d'enseigne- que des directeurs et des aigris qui, ensemble, ne pourront ment qui a fait ses preuves car, parmi les initiatives pédago- faire que de la mauvaise administration. giques prises par vos services, certaines sont irréalisables sur 124

1762 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 une vaste échelle, notamment la classe à mi-temps qui néces- prudent dans un proche avenir au sujet des impôts — mais site, d'une part, une classe à effectif réduit et, d'autre part, vous avez cependant, dans le cadre même des moyens budgé- pour la réalisation de la seconde mi-temps, des terrains et des taires, la possibilité de trouver des moyens très importants. maîtres que vous n'avez pas. Ne croyez-vous pas que, dans les 300 milliards affectés à une Enfin, monsieur le ministre, à l'occasion de ce budget, je force de frappe dont nous ne savons pas si elle sera jamais voudrais rappeler pour tous ceux de nos collègues — et il sont créée, si elle sera jamais efficace et, en tout cas, dont la création, nombreux — qui, dans cette Assemblée, ne séparent pas l'inté- pour la grande majorité des sénateurs, ne s'impose pas, ne rêt qu'ils portent aux arts plastiques en général de celui qu'ils croyez-vous pas dans les 400 milliards investis en 1960 en vouent à nos enfants, une lacune à laquelle il convient de Algérie, alors qu'on proclame par ailleurs que l'indépendance est remédier, comme vous en avez d'ailleurs manifesté l'intention inévitable, ne croyez-vous pas que dans les 400 ou 500 milliards devant la commission des affaires culturelles. Il s'agit du de francs affectés à la recherche atomique, dont je ne nie 1 p. 100 prélevé sur les crédits affectés aux constructions sco- pas bien entendu l'intérêt et peut-être l'heureux bénéfice laires et réservé aux arts plastiques. Cette loi est bien souvent qu'on en tirera un jour — alors que cette somme énorme restée lettre morte. n'est visée par aucun contrôleur des dépenses engagées, contrôle Or il s'agit d'une loi et vous me permettrez de vous dire sans qui existe dans tous les ministères dépensiers, n'est pas non aucune malice, monsieur le ministre, que si, parfois, votre Gou- plus contrôlée par la Cour des comptes pas plus que par le vernement semble enclin à promulguer des lois qui n'ont été Parlement ! — (Applaudissements sur de nombreux bancs) ne votées ni par l'une ni par l'autre des deux assemblées — vous n'en croyez-vous pas, dis-je, que, sur ces sommes énormes, on pour- êtes pas responsable et je ne fais bien entendu aucune allusion rait prélever quelques centaines de milliards... à la force de frappe (Sourires) — au moins faut-il que vous M. Pierre de La Gontrie. De millions ! soyez vigilant et que vous appliquiez celles qui ont fait l'objet M. André Cornu. ...pour vous venir en aide, monsieur le d'un accord de l'Assemblée nationale et du Sénat. ministre ? Je n'ai pas l'intention d'être méchant — ce n'est pas M. Pierre de La Gontrie. Très bien ! dans mon tempérament, n'est-ce pas, monsieur le président ? — et je ne nie pas qu'il puisse être intéressant d'aider encore les M. André Cornu. En mon nom personnel, j'ajouterai très pays sous-développés. Je me permets néanmoins de rappeler à brièvement qu'il est dans vos intentions, je le sais — et c'est tous mes collègues que, lorsqu'un fils de famille désire acquérir une nécessité — de revaloriser la modeste indemnité qui est son indépendance, ses parents lui disent généralement : « Mon attribuée aux académiciens des cinq académies. garçon, tu vas voler de tes propres ailes ! » Vous savez qu'il convient de faire une distinction entre les académiciens titulaires et les académiciens libres. Les acadé- M. Pierre de La Gontrie. Très bien ! miciens libres, tout comme leurs collègues, ont depuis toujours M. André Cornu. Or, l'amitié que nous portent souvent ces assisté aux débats des académies dans les mêmes conditions ; pays de l'ex et éphémère Communauté est une amitié à si, au début, ils n'étaient pas admis à faire partie du bureau, éclipses. Je ne nie pas qu'elle soit parfois utile, mais je déplore s'ils n'avaient pas davantage le droit de voter pour les élections que, lorsque cette amitié devrait se manifester à l'égard de la des membres titulaires, différents décrets leur ont donné tous mère nourricière, elle se retourne généralement contre elle. Je ces droits. Ils sont donc assimilés aux titulaires, et j'espère me permettrai de dire — et aucun sénateur ne pourra le nier — que, sur le plan matériel, lorsque vous serez amené dans quelques que nous avons en France de très nombreux départements sous- semaines à revaloriser les indemnités des uns, vous revaloriserez développés — je veux dire par là sous-équipés — et qu'il aussi celles des autres et qu'ainsi vous les mettrez tous sur le est tout de même anormal d'inaugurer — monsieur le ministre, même plan. J'attends une réponse de vous, mais je sais, par ne voyez là aucun reproche à l'égard de votre personne — une avance, qu'elle est favorable. académie en Algérie, y construire des préfectures et des sous Ce n'est pas au ministre de l'éducation nationale que je ferai préfectures, quand, dans nos départements, nos communes n'ont aujourd'hui un reproche. Monsieur le ministre, vous avez été pas encore l'eau courante ni l'électricité et que leurs chemins un très grand fonctionnaire, un remarquable recteur et je ne ruraux sont en mauvais état. doute pas un seul instant des efforts que vous avez faits pour M. Jean Lacaze. Et les locaux scolaires ? obtenir du ministre des finances les crédits qui vous sont M. André Cornu. Je vais apporter une précision qui vous nécessaires pour mener à bien votre tâche. J'ai connu moi-même émeuvra certainement : dans mon département, j'ai vu la femme pendant plusieurs années ces difficultés et il ne me viendrait d'un maire obligée, quinze à vingt fois par jour, d'aller cher- pas à l'esprit de vous en faire grief. cher de l'eau à un puits situé à vingt-cinq mètres de sa maison. J'aurais voulu, à l'occasion de la discussion de ce budget, ne Que peut-elle penser en constatant que nous dépensons des faire aucune intrusion dans le domaine politique, mais je m'y sommes énormes pour atteindre des buts dont l'intérêt n'est vois contraint ; je le ferai sans aucune acrimonie et c'est au nullement précisé et nullement évident ? Gouvernement dont vous faites partie que je suis obligé de Monsieur le ministre, je ne veux pas aller plus loin dans cette m'en prendre. énumération, car tous mes collègues sont fixés. Je pense, d'ail- Vous avez un rôle énorme, une tâche écrasante et on ne leurs, que les ministres le sont aussi, mais qu'il leur est diffi- vous donne pas les crédits nécessaires ni pour construire les cile, dans les circonstances présentes, d'élever quelque critique établissements scolaires dont vous avez besoin, ni pour revaloriser que ce soit. les traitements. Je vous assure que la grandeur n'est pas dans les réceptions, Vous allez me répondre, ce soir ou dans quelques jours : dans les dépenses superflues et qu'il vaut mieux s'occuper de C'est une question de rigueur financière », rigueur financière l'équipement du pays dans le domaine scolaire, de ses routes, de à laquelle notre assemblée, vous le savez, a toujours été pro- ses chemins, des adductions d'eau, de l'électrification. fondément attachée, car je me souviens d'un temps — et M. le Tout, monsieur le ministre — j'en ai terminé — se ramène président de cette assemblée ne me démentira pas — où les donc pour nous à une question de crédit. La gauche démocra- ministres dépensiers venaient devant notre commission des tique, c'est-à-dire le groupe qui m'a délégué à cette tribune, finances, je dirai presque en tremblant, tant les deniers de pense que le budget de 1962 n'a pas marqué une volonté de l'Etat y étaient comptés avec parcimonie. changement suffisante pour un vaste programme de construc- Vous ajouterez sans doute que nous évoluons dans le cadre tion scolaire et, je le répète, de revalorisation du traitement des possibilités financières, mais je vais vous donner le moyen des personnels enseignants, leur traitement actuel ne corres- de trouver les milliards, les dizaines et même les centaines pondant en aucune manière à la dureté des temps. de milliards qui vous sont nécessaires. Votre responsabilité Si donc, monsieur le ministre — je vous le dis avec une en tant que ministre de l'éducation nationale n'est nullement en certaine tristesse — si donc nous avions à voter ce soir le cause, c'est la responsabilité des ministres, soit individuellement, budget de l'éducation nationale comme cela se pratiquait autre- soit globalement qui est en cause. Je n'ignore pas que c'est fois, comme il serait, je le pense, encore normal de le faire, le conseil des ministres qui approuve ou qui désapprouve les malgré la sympathie très grande que nous portons à votre per- mesures qui ont des répercussions financières et sont suscep- sonne, malgré les efforts que vous avez réalisés et que nous tibles de grever le budget de l'Etat. Le baron Louis disait : apprécions, croyez-le bien, à leur juste valeur, nous ne vote- « Faites-moi de bonne politique et je vous ferai de bonnes rions pas le budget. Mais je déclare qu'au rendez-vous de finances ». Je serais tenté d'inverser les termes de cette axiome mardi prochain, si les apaisements que vous nous donnerez ne et de dire « Faites-moi de bonnes finances et je vous ferai sont pas suffisants, si vous ne nous apportez pas des engage- de bonne politique, tout au moins en ce qui concerne l'éducation ments fermes, alors vous pourrez craindre que les sénateurs nationale ». qui appartiennent à mon groupe ne donnent pas leur accord Je m'explique, c'est véritablement là — mes chers collègues au Gouvernement pour l'ensemble du budget de ce pays. (Applau- c'est à vous que je m'adresse — un abcès à crever et le dissements à droite, à gauche et au centre gauche.) ministère des finances sera toujours fondé à vous dire « Nous ne pouvons pas augmenter l'impasse ; nous ne pouvons pas M. le président. La parole est à M. Louis Jung. davantage créer des impôts » — et, à ce sujet, si monsieur le M. Louis Jung. Monsieur le président, monsieur le ministre, ministre des finances était là, je lui dirais de se montrer mes chers collègues, après les différents rapports et interventions

1:11 ■41t., SENA1' — SEANCE DU 21 MYVEMBlIE 1961 1763 que nous venons d'entendre, je me bornerai à évoquer quelques quelques observations rejoignant les préoccupations d'un certain points précis afin de ne pas allonger ce débat. nombre d'entre nous. Plusieurs orateurs ont évoqué les questions de réduction de L'évolution des cours complémentaires en collèges d'enseigne- crédits et d'autorisations de programme affectées à l'enseigne- ment général n'a pas été, je pense, le fait d'une simple inten- ment du premier degré, ainsi que celle du report de près de tion, du simple désir de donner une nouvelle appellation plus 80 milliards d'anciens francs des crédits disponibles de 1960 séduisante ou sélecte à une forme d'établissement scolaire. sur l'année 1961. Cet heureux prolongement du cycle primaire apporte une Je ne puis vous cacher, monsieur le ministre, que ces nou- valable formation et compétence intellectuelle. L'évolution de velles ont été très mal accueillies par nos maîtres dont les sa forme pédagogique donne à ces établissements un « stan- difficultés de trouver la place nécessaire aux enfants dans de ding » qu'il y a lieu d'apprécier à sa juste valeur, mais ces nombreuses communes vont toujours croissant et sont d'ailleurs transformations exigent de plus en plus un ensemble scolaire très bien connues de vos services. Comment voulez-vous que parfaitement adapté. nous fassions comprendre à un conseil municipal ayant pré- La mise en place du cycle d'observation ne peut, dans de financé depuis plus de quatre ans la construction d'un groupe nombreux cas, s'établir par suite de difficultés matérielles. scolaire, que l'administration ne peut rembourser, au moins Comment satisfaire pleinement à la réforme prévue ? Comment en partie, les sommes avancées alors qu'il y a des reports assurer le dédoublement temporaire de certaines classes, alors d'une telle importance ? que l'on dispose d'un nombre de locaux insuffisants ? En disant De plus en plus les maires de nos communes ont l'impression cela, je pense à tel collège d'enseignement général récemment qu'une collaboration entre votre ministère et les munic'pelités construit. Une étude et un recensement précis de la populaticn n'existe qu'à sens unique, c'est-à-dire que de plus en plus nos scolaire à accueillir avaient été préalablement établis ; actuelle- communes sont chargées de frais supplémentaires dans tous les ment, pour assurer l'application des dispositions précédemment domaines, que ce soit la construction, le logement, l'achat de évoquées, ces installations se révèlent déjà nettement insuf- mobilier, le ramassage scolaires, etc.. et ce, surtout dans le cas fisantes. de création de collèges d'enseignement général. Monsieur le ministre, il n'est pas dans mes intentions de Mon propos est avant tout d'appeler votre attention, monsieur critiquer ou de formuler des réserves sur cette nouvelle forme le ministre, sur la situation du personnel enseignant. Parler du pédagogique des collèges d'enseignement général. Je dis qu'il déclassement de la fonction publique, des difficultés de recrute- est regrettable de n'avoir pas suffisamment envisagé les diffi- ment de personnel c'est tenir un langage qui pourrait donner cultés, voire quelquefois l'impossibilité de la mettre en oeuvre. l'impression de rengaine parlementaire s'il n'était le reflef Je viens d'évoquer la situation paradoxale des collèges d'ensei- dramatique de la vérité. gnement général récemment réalisés. Tenant compte du délai Ces difficultés de recrutement sont encore accrues par la écoulé entre le lancement et l'acceptation définitive, technique quasi-impossibilité actuelle de garder à la campagne les insti- et financière d'un dossier de construction scolaire, je me dois tuteurs et dans les petites villes les professeurs chargés de de formuler quelques inquiétudes sur les projets depuis long- famille. Parler de décentraliser, de conserver ses valeurs spiri- temps attendus par leurs promoteurs. Cette année ou les sui- tuelles à la campagne française restera une illusion aussi vantes, monsieur le ministre, votre agrément à leur mise en longtemps que ceux qui accepteront de rester se verront péna- oeuvre sera accordée. lisés par des abattements de zone, tant au point de vue traite- Leur conception n'est-elle pas établie en fonction de l'ancienne ment qu'au point de vue allocations familiales. formule cours complémentaires ? S'il en est ainsi, n'allons-nous Vous allez sans doute me répondre, monsieur le ministre, pas, dès leur mise en service, nous trouver en présence d'amé- qu'il existe des bourses et que dans ce budget un effort nagements insuffisants ? sensible a été fait. Volontiers, je vous en donne acte et je En pareil cas, nous savons, monsieur le ministre, sur qui vous en félicite. Mais le problème soulevé ne se trouve pas finalement repose et est reportée la solution à trouver. L'inter- résolu puisque nombreux sont les membres du corps enseignant locuteur direct est le conseil municipal. C'est lui que l'on qui se voient refuser des bourses pour leurs enfants ou qui sollicite, c'est de lui qu'on attend la solution. Le développe- obtiennent seulement des bourses tout à fait réduites. ment des collèges d'enseignement général est tel que leur recru- Devrais-je citer de nouveau l'exemple de cet instituteur, tement déborde largement le cadre communal. Les charges de père de six enfants, ayant la chance que cinq d'entre eux réalisation et de gestion de semblables établissements ne sont soient capables de suivre des études et auquel on a refusé une plus à la mesure des possibilités de la commune. En un moment bourse l'année dernière ? Est-il possible d'enregistrer tous les où leur progression n'est plus à démontrer, n'est-il pas néces- sacrifices, toutes les abnégations de ces parents qui, avec le seul saire de repenser d'une manière toute particulière, et c'est traitement du père, doivent assurer les études de cinq enfants ? urgent, le régime auquel pourraient être assimilés les collèges Cette année, une demi-bourse universitaire a été accordée à d'enseignement général ? l'un des enfants, bourse qui se chiffre à 130 nouveaux francs Sur le plan de l'enseignement technique, la dernière rentrée par mois, alors qu'une chambre à Strasbourg revient à 150 nou- scolaire ne s'est pas effectuée sans vives inquiétudes. Je ne veaux francs par mois. Le manque de place dans les foyers me livrerai pas à la querelle des chiffres. La situation à la fois universitaires aggrave encore ces situations. pénible et grave ainsi offerte à plusieurs milliers d'adolescents Dans ces conditions, permettez-moi, monsieur le ministre, de non admis dans les centres d'apprentissage et collèges tech- vous faire une suggestion : je crois en effet, que si vous niques demeure entière. preniez la décision d'accorder une bourse complète à tous les Je ne doute pas, monsieur le ministre, de la consciencieuse enfants des personnes relevant du ministère de l'éducation attention que vous avez apportée à ce douloureux problème nationale, dès que l'enfant est obligé de poursuivre ses études dont est victime une partie de notre jeunesse. dans un établissement éloigné du domicile familial, vous facili- Drame d'aujourd'hui... elle se trouve sans occupation, sans teriez le recrutement. Vous aideriez, en outre, à sauver nos but, sans sollicitation à l'effort. Drame de demain... elle se trouve campagnes et nos petites villes qui voient partir tous les sans formation professionnelle, sans qualification particulière, fonctionnaires chargés de famille. Ces départs sont malheureu- vouée à l'instabilité de l'emploi avec toutes ses conséquences. sement rendus inévitables par toutes les pénalités accablant Serait-ce l'avenir que nous accepterions pour elle ? L'état ceux qui voudraient rester fidèles à ces populations rurales. d'urgence proclamé, si l'on peut dire, certaines solutions de Construire des bâtiments est une belle oeuvre, mais ce ne serait transition ont été avancées. Les circulaires du 16 mai et du qu'une illusion si le personnel de qualité qui devrait y enseigner 5 juillet. 1961 sont peut-être, par certains côtés, sujettes à faisait défaut. (Applaudissements.) caution. Elles présentent malgré tout un aspect positif et méri- M. le président. La parole est à M. Chazalon. toire apportant d'utiles solutions de relais. Leur caractère tran- sitoire ne doit cependant pas nous échapper et nous détourner M. André Chazalon. Monsieur le président, monsieur le de l'obligation consistant à doter notre enseignement technique ministre, mes chers collègues, la similitude des problèmes, d'un équipement scolaire valable et comparable à celui d'autres des propos ou des remarques évoqués au cours d'un débat ordres d'enseignement. budgétaire exigent, à n'en pas douter, patience et attention L'augmentation de 21 p. 100 des autorisations de programme de la part du ministre en cause. Egalement faut-il reconnaître affectées à l'enseignement technique est appréciable. Elle ne et admettre comme étant utile et conforme aux obligations doit pas se ralentir dans les années futures. La pénible cons- parlementaires cette juxtaposition des interventions de ceux tatation de la rentrée 1961 ne doit plus se renouveler. qui, en raison de leurs conceptions, de leurs doctrines, de leurs Pendant trop longtemps, l'enseignement technique n'a pas compétences ou de leur appartenance géographique, manifestent été apprécié et considéré comme il aurait dû l'être. Pour lui, à la tribune de l'une ou l'autre assemblée leurs inquiétudes, pas plus que pour d'autres, il n'y a ni solution de remplacement, leurs critiques ou leur approbation. ni d'enseignement au rabais. Si court soit-il, il doit garder La complexité et l'importance de ce budget ont été suffisam- sa vraie valeur et sa vraie vocation. Désormais, réintégré dans ment traduites par les différents rapporteurs et intervenants. le vaste ensemble des différentes formes de l'enseignement, il Aussi voudrais-je, monsieur le ministre, présenter simplement faut voir dans cette disposition la reconnaissance de sa qualité.

1764 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 Plusieurs de mes collègues vous ont déjà fait observer, mon- situation des agrégés, modernisation de l'enseignement, difficultés sieur le ministre, la regrettable inscription laissant apparaître de logement pour les étudiants, difficultés de logement pour les des crédits de report à votre budget. Au moment où nos diffi- maîtres, cités universitaires limitées ou réservées pour 1965 à cultés de scolarisation résident, pour une large part, dans un 15 p. 100 des étudiants, manque de laboratoires, de telle sorte que manque de locaux, 810 millions destinés à leur construction l'enseignement scientifique se trouve ainsi limité, pénurie de n'avaient pu être utilisés fin 1960. machines pour l'apprentissage, incroyable embouteillage de la Je me garderai de vous en rendre responsable. Votre volonté rentrée des classes au mois d'octobre de chaque année, absence d'assainir une telle situation est démontrée. Mais le retard de démocratisation dans la mesure même où et les bourses et acquis est un handicap à surmonter. Cette situation est irritante le développement de l'enseignement technique ne permettent pas pour les élus locaux désireux de doter leur commune d'un équi- aux meilleurs enfants des communes rurales de connaître les pement scolaire correspondant aux nécessités et aux obligations. espérances qui leur sont dues. Voilà ce que nous répétons sans Très fermement, je crois utile de vous signaler qu'il est urgent cesse. Ainsi, à mesure que les années passent, le devoir d'un et necessaire de simplifier, voire de supprimer certaines exi- ministre de l'éducation nationale s'alourdit. gences administratives et techniques, causes de difficultés et Je ne ferai donc pas un procès personnel, vous ne le méri- de lenteur rencontrées dans l'examen des projets. teriez pas, monsieur le ministre, vous le mériteriez d'autant Je ne voudrais pas conclure cette question des constructions moins que l'essentiel de votre carrière, qui s'est passée hors du scolaires sans manifester mon appréhension sur la conception Gouvernement, me semble avoir été plus utile à l'Etat que celle qui, désormais, semblerait prévaloir dans l'établissement des qui y a été consacrée depuis que vous faites partie du Gou- listes d'urgence. Doter rapidement les grands ensembles urbains vernement. est certainement indispensable. Par voie de conséquence, cela Il est vrai que le grand universitaire que vous êtes n'ignore veut également dire priorité aux projets importants, voire, rien de ce que je dis ; mais il est vrai aussi que le ministre que sait-on jamais, programme de commandes groupées inclus dans vous êtes devenu ne peut pas, malgré la connaissance évidente les crédits notifiés aux départements. qu'il a de ces problèmes, en modifier le cours. Quelle qu'en soit Mes chers collègues, je vous laisse le soin de penser aux l'énumération douloureuse, je ne reprendrai pas ici l'antenne de bouleversements qu'engendreraient de telles dispositions. Que tous mes collègues : je répéterais sans doute moins utilement deviendront les projets de nos communes de moindre impor- qu'eux ce qu'ils ont déjà dit. tance, rurales ou urbaines ? Lorsqu'ils restaient inscrits au pro- Quelle que soit l'idée qu'on se fasse de l'éducation nationale gramme dit de « compétence départementale », pouvaient-ils en France, rien ne me paraît plus important que le plan d'équi- espérer qu'améliorant chaque année leur classement ils arrive- pement lorsqu'il concerne le domaine qui est le vôtre, monsieur raient à obtenir le financement attendu ? le ministre. Mais rien ne me paraît plus pénible de constater L'urgence et la nécessité d'une construction scolaire n'est pas que, de plan d'équipement en plan d'équipement, malgré l'indis- toujours fonction de son importance. Au demeurant, monsieur le cutable augmentation des crédits, non seulement en valeur rela- ministre, la carte scolaire départementale établie en fonction tive mais également en proportion, à compter du moment où vous d'une complète et sérieuse étude démographique dégagera ne parvenez pas à insérer les crédits d'équipement de l'éducation suffisamment les priorités, même lorsqu'il s'agit de petites et nationale d'une façon suffisante dans l'équipement de la nation, moyennes communes ou agglomérations. Votre souci d'améliorer nous perdons non seulement du temps mais aussi de la distance. la rapidité d'exécution et le prix de revient des constructions Je veux dire par là que, plus le coefficient démographique de la scolaires a été précisé devant l'Assemblée nationale. Pour France va s'accroissant et moins les crédits de l'éducation natio- reprendre votre expression, vous pensez remplacer le plus nale, sur le plan de l'équipement de la France, sont en rapport possible la construction « sur mesure » par la construction « de avec cette évolution. Il se produit là ce que l'on relève d'ailleurs confection ». sur le plan de la construction tout court. La France, qui se dit Certes, la construction préfabriquée bénéficie d'appréciables moderne, désireuse d'acquérir les normes de la grandeur, qui améliorations techniques. L'avantage financier est-il aussi impor- désire être compétitive et qui veut entrer dans tous les clubs plus tant entre le prix plafond pour la construction en système ou moins fermés où seules figurent, paraît-il, les grandes nations, traditionnel et le coût réel d'une construction à caractère dit est en train de reculer. industriel ? Lors de sa réalisation peut-être. A-t-on cependant Cela nécessite donc une oeuvre de longue haleine qui, comme pensé à sa durée d'utilisation, aux charges d'entretien incombant le dit la fable, pour être utile doit être entreprise le plus tôt aux collectivités qui auront fait ce choix ? Dans de telles possible. C'est là le reproche que je ferai au Gouvernement et constructions, a-t-on toutes facilités de réaliser les logements qui m'empêchera, ainsi sans doute que quelques-uns de mes destinés au personnel enseignant ? amis, d'approuver votre budget, lorsque nous aurons l'occa- Enfin, je crois utile de rappeler que ces opérations bénéficient, sion de le voter. J'ai l'impression en effet que, dans les budgets, pour le cycle primaire, d'une subvention d'Etat ne pouvant nous avons de moins en moins l'occasion de voter, de telle sorte excéder 50 p. 100. que nous sommes obligés de déposer des amendements compli- J'en aurai terminé après avoir rapidement évoqué la question qués et de les défendre avec talent, comme l'a fait hier mon ami, du ramassage scolaire. Ce sujet, vous vous en souvenez, mes M. Dailly, de façon à montrer clairement qu'une assemblée se chers collègues, nous avait valu, le 14 juin 1960, un débat fort refuse à voter un budget. Il ne s'agit pas de cela. Nous risquons intéressant. L'élévation de pensée, la précision des propos d'aboutir, en fin de budget, au moment du vote sur l'ensemble, échangés avaient suffisamment fouillé et démontré l'ampleur à une série de contractions et d'oppositions qui conduiront fina- de cette importante question. La réponse de votre prédécesseur, lement un grand nombre d'entre nous à refuser de le voter. monsieur le ministre, était de nature à susciter de légitimes Il s'ajoute à cela un certain nombre de considérations politiques espérances et à faire entrevoir d'objectives solutions. « L'essentiel dont je ne fais pas montre ici et qui ne sont pas pour ce soir. est que nous tirions tous dans le même sens pour accomplir Vous appartenez au Gouvernement, monsieur le ministre, et l'oeuvre que je viens de définir », avait-il conclu. sans doute vous est-il donné, je le suppose du moins, de parti- Certaines initiatives, monsieur le ministre, ont été inspirées ciper à des discussions, car il doit y en avoir au sein du conseil par cette rassurante conclusion. Je redoute que leurs promoteurs des ministres. J'en ai gardé le souvenir. Certains prétendent que soient pénalisés de leur dynamisme. Sont-ils toujours en droit ce n'est plus de mode... d'attendre les dispositions et le concours préalablement escomp- tés ? Les dernières circulaires d'application n'apparaissent pas M. Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas vrai ! comme devant le confirmer. M. François Mitterrand.... mais je pense tout de même que vous Mes chers collègues, l'évocation de ces questions matérielles, devez vous faire entendre. techniques ou financières, pourraient paraître en marge du carac- Les discussions qui ont lieu en conseil des ministres doivent, tère intellectuel et exaltant de la mission du ministère de l'éduca de temps en temps, porter sur les perspectives générales de la tion nationale. Nous voulons que, demain, l'élévation du niveau France. Mais vous appartenez à un gouvernement qui est contraint, intellectuel, la richesse de sa pensée, la valeur de sa formation par les événements plus que par sa propre volonté d'ailleurs, technique assurent un avenir meilleur à notre jeunesse. Alors, d'enregistrer un certain nombre de faits. donnons-lui les moyens de l'acquérir. (Applaudissements.) Ces faits, depuis 1958, n'étaient pas nouveaux. Ils n'ont pas été M. le président. La parole est à M. Mitterrand. inventés par nos ministres. Ils les ont seulement amenés à consi- dérer que la France devait changer d'orientation sur un certain M. François Mitterrand. Mesdames, messieurs, si l'on fait nombre de plans et spécialement, après quinze ans d'hésitations l'énumération des critiques portées au budget de l'éducation et de difficultés, sur le plan de sa présence physique et domi- nationale, on relève — vous le savez bien, monsieur le ministre natrice dans le monde. — ce qui, d'année en année, est répété à la tribune des assemblées. Nous cherchons tous, depuis dix ans, à transformer les modes Je ne discerne pas de responsabilités particulières en ce qui de présence de la France outre-mer pour tenter de révéler à vous concerne et cependant, en 1955, 1956, 1957 et jusqu'en notre pays qu'il dispose d'assez de forces pour durer, quelles 1961, les parlementaires ont entendu régulièrement citer cette que soient les péripéties. Nous tentons de substituer aux formes longue, cette triste liste : pénurie des maîtres, pénurie des classes, de notre présence celles qui nous paraissent les plus adaptées difficultés du recrutement, baisse de la valeur du recrutement, au siècle que nous vivons et, finalement, les plus susceptibles SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1765 de maintenir la permanence de nos valeurs culturelles, c'est-à-dire proportionnellement à ses forces et à ses chances, quand un cer- la langue, l'enseignement et, pour qu'il y ait un enseignement, les tain nombre de pays sont arrivés « de chic » à des résultats maîtres. substantiels au cours de ces dernières années, avec les crédits Or, quel que soit le budget, que ce soit celui de l'éducation que nous leur avons procurés et ne demanderaient pas mieux nationale ou celui des différentes administrations, et elles sont aujourd'hui encore que de disposer d'enseignants que nous multiples, qui s'occupent de l'outre-mer, j'observe que plus le sommes incapables de leur assurer. temps passe et moins la France est outillée pour assurer cette Vous connaissez la grande misère des pays d'Afrique noire forme de non-dégagement. En effet, je ne suppose pas qu'a la qui ont su garder auprès de nous une amitié que nous vou- fois le chef de l'Etat, le Premier ministre et son Gouvernement, lons préserver lorsqu'il s'agit de trouver des maîtres ; par contre, lorsqu'ils parlent de non-dégagement, il s'agit en l'occurrence de pour les locaux scolaires et universitaires, ils n'ont rien à nous l'Algérie. On peut supposer qu'il s'agit d'une sorte de disposi- envier. tion générale de la France de considérer qu'à partir du moment Mais les maîtres, on ne les trouve pas et, le cas échéant, si on où un problème l'ennuie ou on le tait, ou on l'oublie, ou on fait en trouve, on hésite à les envoyer quand, en raison de certains semblant de penser qu'il n'existe pas. incidents de notre politique générale, on n'est pas obligé de les La tendance actuelle du Gouvernement me paraît être de vou- rappeler en cours d'année. loir, en ce qui concerne les problèmes de l'enseignement, se Voilà ce qui m'inquiète. Ce budget de l'éducation nationale désengager. Or, je me demande — c'est l'objet essentiel de cette ne prévoit rien. Vous, vous vous êtes comporté comme un comp- intervention — ce à quoi peut penser un jeune homme de seize table. Je suppose que c'était nécessaire parce que vous aviez ou dix-sept ans lorsqu'il a terminé ses études secondaires ou un en face de vous un autre comptable qui s'appelle le ministre des garçon de quatorze ou quinze ans lorsqu'il s'agit pour lui de finances. Il s'agissait de savoir qui était le plus malin ou bien le chercher une orientation professionnelle. Que peut-il penser mieux soutenu par l'administration et par le Premier ministre ; à une époque où il se sent l'héritier de deux générations qui se hélas ! dans cette compétition on chipote sur des chiffres et l'on sont épuisées dans deux guerres mondiales, où il est le plus jeune perd de vue les grandes perspectives. d'une série de garçons aui sont allés lutter sur des terrains de Lorsque je vois le problème d'Algérie évoluer comme il guerres coloniales, dont sont revenus blessés dans le corps et le évolue, l'Afrique noire arriver au terme de l'indépendance après plus souvent dans le coeur ou dans l'âme, ses anciens, ses aînés ? l'Indochine, en somme, lorsque je considère l'évolution de ce Que peut-il penser lorsqu'il s'aperçoit que, d'une part, la route qu'on appelait la France dans son audience et ce qui se passait il de l'Afrique n'est plus celle qu'on lui avait apprise et que, y a quelques années lorsque nous parvenions aux responsabilités d'autre part, les perspectives de l'Europe n'existent pas ? Le politiques, gardant la Position aui est la mienne, que je Gouvernement ne semble pas mettre beaucoup d'entrain pour lui n'abandonne pas et qui consiste à penser que tout cela était dire : la compétition idéale, voilà le chemin sur lequel vous trou- inévitable et qu'il est malheureux qu'on ne l'ait pas compris verez le moyen d'assouvir vos espérances, voilà la manière qui plus tôt afin de mieux garder les chances de la France, je vous permettra de faire en sorte que votre pays soit un grand pense qu'il faut que l'éducation nationale soit précisément le pays. grand ministère parmi les autres, le grand ministère qui prépare Je cherche les perspectives que le gouvernement d'aujourd'hui pour 1970 les perspectives françaises. offre à la jeunesse. Vous qui avez vécu dans l'Université et qui Il faut que vous ayez les meilleurs étudiants capables de l'avez illustrée, vous êtes devenu une sorte de garde-chiourme. s'insérer dans les organismes européens, il faut que vous ayez On entend parler de vous lorsqu'il s'agit de frapper l'O. S. S. U., les meilleurs techniciens capables de s'insérer dans les orga- de brimer l'U. N. E. F., de vous faire conspuer, ce que vous ne nismes atlantiques. J'espère que nous aurons mieux encore. Il méritez nas d'ailleurs. Vous êtes devenu le grand maître de l'Uni- faut que vous ayez les meilleurs éléments sortis des paysans et versité et vous vous devez de développer les institutions et d'aider des ouvriers pour participer à l'éducation du monde nouveau, ceux qui véritablement sont représentatifs de la profession. qui sera, je l'espère, de moins en moins divisé entre l'Est et De telle sorte que, finalement, j'ai l'impression que votre l'Ouest. qualité se trouve gâchée par le rôle qu'on vous contraint à Or, tout cela aujourd'hui se prépare dans les classes privilé- tenir. giées, celles de la petite et de la grande bourgeoisie française, parmi les « bêtes à concours » de nos grandes inspections et M. Pierre de La Gontrie. Très bien ! de nos conseils. Mais cela ne se prépare presque jamais sur M. François Mitterrand. Je pense que, pour la jeunesse de la base de la commune telle aue nous la connaissons, où neuf sur France, il y aurait mieux à faire. Quelle perspective peut-on dix des jeunes garçons et des jeunes filles qui viennent dans lui offrir s'il n'y a pas de professeur, s'il n'y a pas de classe, nos écoles primaires et vont ensuite vers l'enseignement techni- s'il n'y a pas d'enseignement à la base, s'il n'y a pas de cré- que ne reçoivent rien à cet égard. Cette situation est due à des dit — eh oui, c'est ainsi — s'il n'y a pas de plan d'équipement, s'il circonstances locales, au salaire des parents, à la carence des n'y a pas de perspective, s'il n'y a pas d'idéal de remplacement ? locaux et des maîtres. Il n'est pas question d'en tenir rigueur Le terme en lui-même a quelque chose de mineur et j'aurais à ces derniers. Que peuvent-ils faire, sans ces crédits dont vous voulu trouver une autre expression. Non, il n'y a pas d'idéal ne disposez pas et que vous ne nous demandez pas ? tout court pour notre jeunesse. On lui dit : il y a les sciences, Dès l'âge de 15 ou 16 ans, que peuvent espérer ces jeunes ? On il y a la technique. Oui, c'est vrai ! Et combien de pays étran- les rappelle déjà chez eux. Il faut gagner sa vie. Je sais bien qu'il gers, spécialement dans les pays de l'Est, font un effort incroya- y a une tentative de démocratisation, comme on dit en 1961. ble afin de procurer à des dizaines et des dizaines de milliers Soit ! Faisons le calcul ou la différence : si l'on songe que la de jeunes gens, chaque année, quelque savoir — non pas en République a été instituée en 1870 — ou en 1873 — je n'ai culture générale, car dans ce domaine le temps est irrempla- jamais pu arriver à fixer la date de naissance de la III' Républi- çable et sans doute aussi un passé de civilisation et de cul- que... ture — mais dans le domaine des techniques, pour en faire des hommes aptes à dominer la matière dans le temps qu'ils vivent ? M. Marcel Prélot. En 1875, c'est très facile ! Songez que, dans un grand pays d'Extrême-Orient, dix-sept M. François Mitterrand. C'est peut-être en 1875. Merci beau- facultés ont été créées dans une seule ville depuis quatorze coup, monsieur le professeur (Rires). Mais la question reste ans. Une telle spécialisation — système qui ne serait pas valable posée pour les historiens qui voudraient ne pas se contenter en France — est indicatrice d'un certain état d'esprit que nous d'être seulement des professeurs de droit. En ce qui me concerne, avons tort de négliger. Il en sort chaque année 10.000 étudiants depuis si longtemps qu'il existe une République, même avec les qui n'ont plus rien à apprendre sur la technique du pétrole, accidents de parcours que nous lui connaissons, je considère 10.000 étudiants qui n'ont plus rien à apprendre sur la techni- que c'est un grand échec pour elle de susciter toutes les obser- que de l'électronique, 10.000 étudiants qui n'ont plus rien à vations que nous sommes obligés d'entendre ce soir. apprendre sur la technique de la transformation des métaux. Quel que soit le régime et auelle que soit l'équipe de gouver- Et puis, je retourne dans mon département, dans la petite ville nement, il devrait y avoir, semble-t-il — et c'est la seule proposi- de Fourchambault, et j'y vois que 25 jeunes gens qui seraient tion que je ferai pour conclure — une sorte d'accord entre désireux d'apprendre à se servir d'une fraiseuse ne disposent que nos Assemblées et le Gouvernement pour que, comme on dit de deux outils de ce genre ; lorsqu'il s'agit de former de jeunes en droit, il y ait une part réservataire pour l'éducation nationale. ouvriers qui désireraient acquérir, soit sous la forme de la De même qu'on protège l'enfant en droit civil, afin qu'il ne technique, soit sous la forme de la culture un peu de ce que connaisse pas les changements d'humeur, les accidents de fortune, leur pays devrait leur réserver dans chaque commune, je les injustices ou les ingratitudes, de même qu'on essaie de le constate que pratiquement, ces jeunes gens sont démunis de garantir pour qu'il survive aux défaillances de la famille, de moyens d'apprendre et je me dis alors que nous sommes tous même que l'enfant est de plus en plus dans notre société celui coupables et vous un peu plus que nous, à partir du moment sur lequel se reporte tout l'espoir, il semble, pour quiconque où vous avez consenti à assumer un certain nombre de res- défend l'éducation nationale, que les jeunes gens et les petits ponsabilités. enfants devraient, je le répète, constituer la part réservataire Coupables de quoi ? Coupables de faire que la France, dans de la nation ; il faudrait ati'une sorte de contrat solennel existe les années qui vont venir, sera un pays moins bien équipé, entre les Assemblée et les responsables pour qu'un pourcentage

1766 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 dans le plan d'équipement soit nécessairement accordé à ceux Faut-il, monsieur le ministre — et je m'excuse auprès du qui dans les 25 années à venir sauront mieux que nous substi- Sénat de citer le cas de notre département — faut-il, pour tuer aux espérances déçues des espérances nouvelles. illustrer ce propos, vous rappeler la situation du département Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur le ministre de des Côtes-du-Nord que vous connaissez bien pour y être venu l'éducation nationale. Ce n'est pas une interpellation, ce n'est dernièrement inaugurer le collège d'enseignement général de même nas une explication dans une discussion générale ; c'est Plancoêt ? Nous avons 46 collèges d'enseignement général, une explication de vote. Elle ne s'adresse pas à vous ; elle 12 seulement en bon état ou en cours de construction et s'adresse au Gouvernement de la France. Vous en êtes. J'espère 34 vétustes ou très insuffisants, même ceux récemment cons- que ce Gouvernement qui, par ailleurs, n'a pas souvent mérité truits. Ces établissements groupent plus de 10.000 élèves, dont d'être approuvé par moi et par quelques autres d'ailleurs, fera plus de 7.500 travaillent dans des conditions anormales et je cet effort. Mais cet effort n'est pas encore accompli et nous pense que ce qui est vrai pour notre département breton ne pouvons vivre seulement de promesses. Je serai obligé de doit l'être également pour le reste du territoire. (Très bien !) vous refuser mon accord aujourd'hui. (Applaudissements à gauche Il en est de même pour nos anciens collèges devenus aujour- et au centre gauche.) d'hui lycées, mais qui conservent leur statut financier antérieur. M. le président. La parole est à M. de Bagneux. Ces lycées municipaux ont pourtant perdu leur caractère muni- cipal ; ils reçoivent des élèves de plusieurs cantons, voire de M. Jean de Bagneux. Monsieur le ministre, mes chers collègues, tout un arrondissement, alors que les charges continuent à il serait vain de nier qu'un effort a été fourni à l'occasion de ce peser sur une seule commune. Il y a là une situation injuste budget de l'éducation nationale dont les crédits, tant en valeur et qui ne peut être résolue que par la reprise en charge par le absolue qu'en proportion par rapport aux dépenses budgétaires budget général d'un service qui maintenant profite à tous, totales, sont en augmentation. Mais l'on peut se demander si enfants ruraux ou des petits centres urbains indistinctement. tout l'effort possible, tout l'effort nécessaire a été réellement A ce sujet, je me permets de vous signaler un cas sur lequel fourni. N'a-t-on pas agi là, comme en bien d'autres domaines, mon collègue M. Molle, absent ce soir, m'a demandé d'attirer sous la pression des circonstances, plus qu'on a véritablement votre attention. La commune d'Aubenas possède un lycée préparé l'avenir ? moderne nationalisé, mais dont les bâtiments sont communaux, Le retard de notre équipement scolaire n'est plus à démon- y compris des ateliers assez bien installés. Il y a quatre ou trer, puisque chaque mois de septembre, chaque rentrée scolaire cinq ans, l'Etat a fait construire un centre d'apprentissage qui ramènent régulièrement les mêmes constatations et les mêmes y est jumelé, sur un terrain fourni par la commune, mais sans plaintes : classes surchargées, locaux insuffisants, élèves refu- participation de celle-ci aux dépenses de construction. sés et renvoyés de lycées en collèges, de collèges en écoles, plu- Le projet comportait la construction d'ateliers, mais, pour sieurs milliers parfois dans un mème département. Pourtant, des raisons budgétaires on a pensé que, provisoirement, ceux est-il un domaine où la prévision soit plus aisée, j'allais dire plus du lycée suffiraient aux deux établissements. mathématique ? Les statisticiens peuvent préciser avec une marge Par la suite, il s'est révélé qu'ils étaient trop petits et d'erreur minime la population scolaire et sa répartition, avec l'administration a demandé à la commune d'acheter un terrain au moins cinq années d'avance. Des enquêtes ont été faites, une limitrophe pour permettre de doubler leur contenance. Il était carte scolaire dressée, des plans établis pour que, finalement, il entendu que la construction serait faite par l'Etat, comme n'en soit tenu compte qu'insuffisamment et partiellement. Peut- cela paraît normal. on raisonnablement penser qu'en donnant à l'éducation nationale Le terrain a été acheté, mais dans le projet de budget où une proportion de 12,7 p. 100 das l'ensemble du budget de 1962, figurent les crédits pour l'agrandissement, ceux-ci sont men- au lieu de 12,6 p. 100 en 1961, on aura commencé à résoudre tionnés sous deux rubriques : travaux d'Etat, 40 millions ses difficultés ? d'anciens francs ;• travaux subventionnés, 20 millions d'anciens Sans doute est-il d'autres impératifs plus coûteux encore francs. Le ministère a indiqué qu'il s'agit d'une exigence du souvent, mais ne doit-on pas considérer les crédits destinés à département des finances qui remet en cause des engagements l'éducation comme l'investissement productif par excellence puis- formels. Il y aurait une quinzaine de cas semblables. que c'est l'avenir, et l'avenir des vingt prochaines années qu'ils En effet, cette situation n'est pas particulière à la commune préparent ? Parmi ces crédits, ceux qui sont destinés aux d'Aubenas. C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, constructions scolaires restent un investissement durable. La de bien vouloir faire étudier cette question, car il n'est pas vague démographique issue de la dernière guerre va, en effet, admissible que les communes participent à une dépense qui ne rapidement être suivie d'une seconde d'ici quelques années. leur incombe pas. Si actuellement nous avons, tant bien que mal, et plutôt mal Vous avez, monsieur le ministre, pris des dispositions pour que bien, résolu le problème pour l'enseignement primaire dont améliorer le fonctionnement des services administratifs du les effectifs restent étales, nous ne pouvons nous permettre de ministère et alléger les formalités en matière de construction prolonger le retard en matière d'enseignement du second degré scolaire. Ainsi doit disparaître rapidement le scandale le et du supérieur, sous peine de ne plus jamais pouvoir le combler. mot n'est pas trop fort — des reports budgétaires qui étaient Or, quelle politique suivons-nous actuellement en matière devenus pratique courante depuis plusieurs années et venaient d'équipement ? Exactement aucune. (Très bien !) encore amenuiser en fait des crédits déjà trop maigres. Il reste Le IIIe plan d'équipement avait été précédé par les études encore beaucoup à faire. prévisionnelles des commissions Le Gorgeu. Les exercices budgé- taires précédents sont loin d'avoir réalisé le plan qui aurait Vous savez aussi combien nous souhaitons que soient encore plutôt péché par modestie aue par excès dans ses évaluations. plus largement décentralisées les procédures d'agrément et de Le troisième plan est arrivé à expiration. Entre-temps, une loi financement, en augmentant la compétence des préfets. de programme relative à l'équipement scolaire et universitaire Je voudrais, pour terminer, évoquer un problème qui tient a été votée en 1959, niais elle ne .concernait aue les deux années à coeur à beaucoup d'entre nous qui mesurons mieux que 1960 et 1961, sans combler encore toute la différence entre les quiconque les exigences et les besoins des . collectivités locales : besoins et les réalisations. il s'agit du ramassage scolaire. Vous venez d'augmenter la La loi de finances que nous examinons serait donc normale- participation de l'Etat en la fixant à 65 p. 100 et d'étendre les ment la première tranche du quatrième plan. Or, celui-ci n'est facilités aux élèves du second degré, particulièrement à ces ni examiné, ni approuvé ; le serait-il que son caractère indicatif élèves de collèges et lycées municipaux que j'évoquais tout à n'engage pas le Gouvernement et que les crédits budgétaires l'heure. risquent, dans les années aui vont suivre, d'être tout aussi insuf- Nous pensons que nos petites cités cantonales, ou nos chefs- fisants. lieux d'arrondissement, vont recevoir ainsi une nouvelle sève. Est-il possible, monsieur le ministre, de vous demander l'en- Nous sommes sûrs que vous aurez à coeur que les élèves de gagement de présenter, au cours de l'année 1962, une loi de toutes les écoles — quel que soit leur statut — puissent large- programme qui, reprenant les prévisions du IV' plan, en per- ment bénéficier de ces dispositions favorables. mette, à coup sûr, la réalisation dans ce domaine qui devrait Dans ce domaine, comme dans celui des constructions sco- être prioritaire par excellence ? laires, c'est en effet le souci d'animer la vie locale qui nous Il faudrait d'ailleurs tenir compte dans ce programme de la conduit. situation des collèges d'enseignement général, ces anciens cours Nous ne voulons pas d'une ségrégation intellectuelle qui complémentaires auxouels nous attachons une Particulière impor- isolerait les enfants de nos campagnes, de nos bourgs ou de tance car ils ont été jusqu'ici un des grands instruments de pro- nos petits chefs-lieux. motion soicale et de formation des milieux ruraux. Nous connaissons, monsieur le ministre, vos difficultés et si Ils vont recevoir cette année 630.000 élèves, soit 25 p. 100 de j'ai pu, en quelques endroits, paraître un peu critique, c'est moins seulement que les établissements d'enseignement clas- pour vous montrer, au contraire, qui si vous faites pour l'éduca- sique et moderne, et plus du double des élèves des collèges tion nationale la politique hardie et exigeante qui doit être la d'enseignement technique. Je sais bien qu'un effort a été fait sienne, vous nous trouverez prêts à l'approuver. puisque leur part dans le budget passe de 4 D. 100 en 1961 A C'est le sort de la Nation qui est en jeu, le sort de toute 4,9 p. 100, mais est-il suffisant ? cette jeunesse qui se tourne vers nous avec confiance. Ce serait

SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1767 une lourde responsabilité que de les décevoir. (Applaudisse- les établissements scolaires, mais il convient d'ajouter que ments.) leur utilisation grève de frais généraux importants les budgets communaux qui ne reçoivent aucune subvention de fonction- M. le président. La parole est à M. Georges Marrane. nement ou d'entretien. M. Georges Marrane. Mesdames, messieurs, M. le Premier D'autre part, il est symptomatique qu'il ne soit plus possible ministre a fait à l'Assemblée nationale, le 4 octobre, une déclara- de connaître le montant des subventions de l'Etat accordées aux tion dans laquelle il exprime sa satisfaction de l'action gouverne- fédérations sportives. M. le ministre pourrait-il informer le Sénat mentale en faveur de la jeunesse. des règles présidant à l'attribution des subventions de fonc- Il a affirmé qu'en cinq ans, avec les crédits du programme tionnement aux fédérations sportives et aux mouvements de d'équipement sportif, seront créés vingt-quatre centres sportifs. plein air ? La liste des versements des subventions était autre- quatre-vingt-dix stades, mille deux cents terrains, près de mille fois fournie aux parlementaires. Il serait utile que M. le gymnases, deux mille piscines de cinquante mètres à vingt-cinq ministre nous dise pourquoi il n'en est plus ainsi. J'ajoute que mètres et cinq cents piscines de moindre importance. Jamais une la fédération sportive et gymnique du travail, qui groupe plus telle action n'avait pu être envisagée. de 200.000 adhérents, est toujours privée de toute subvention, Mais il y a loin des affirmations gouvernementales à la réalité. alors qu'elle a fourni en 1961 six internationaux au sport Il en est certainement pour les crédits de la jeunesse et des français. sports comme pour les crédits destinés aux constructions scolaires. M. Georges Cogniot. Mais, voilà, ce sont des ouvriers ! Lors de mon intervention dans la discussion générale du projet de budget de 1962, j'ai donné des exemples de constructions M. Georges Marrane. Dans le rapport écrit qu'il a présenté scolaires terminées et pour lesquelles il n'est pas possible pour à l'Assemblée nationale sur le budget de la jeunesse et des la commune d'Ivry d'obtenir les subventions et les prêts indis- sports, M. Le Tac, député U. N. R., s'est efforcé de faire l'éloge pensables pour payer les entrepreneurs. M. Auberger, notre du Gouvernement. Il a indiqué que « le Gouvernement a procédé rapporteur spécial, a déclaré cet après-midi qu'il connaissait une à une réforme totale du régime des colonies de vacances ». municipalité qui, dans l'attente des crédits dont elle avait besoin, Pour démontrer le bluff de ces éloges, il suffit de rappeler avait installé en 3 ans 18 classes préfabriquées. Et son projet que les subventions accordées aux oeuvres de vacances, subven- n'est pas encore approuvé. tions trop modestes qui permettaient seulement de réduire de Je peux citer également le cas de ma commune. A Ivry, avant quelques dizaines de francs anciens la participation du prix de pouvoir terminer les deux groupes scolaires qui ont été ouverts de journée demandé aux familles, ont été supprimées. M. Le à la rentrée du 15 septembre, nous avons dû édifier 57 classes Tac prétend que le crédit a été plus que doublé, que provisoires. 100.000 bourses en 1961, 120.000 en 1962, d'un montant de Il en est de même pour les aménagements sportifs. Dans son 10.000 anciens francs sont attribuées aux enfants les plus rapport à l'Assemblée nationale M. Le Tac, dévoué au pouvoir déshérités qui peuvent désormais bénéficier d'un séjour de personnel, écrit : vacances, dont ils avaient été jusqu'à ce jour privés par suite « En ce qui concerne l'équipement sportif scolaire, le Gouver- du manque de ressources de leurs parents. nement s'est attaché à faire respecter la règle suivant laquelle Afin que chacun puisse juger combien cet éloge est contraire aucun établissement d'enseignement ne peut être construit sans à la réalité, je citerai l'exemple des vacances populaires enfan- équipement sportif. Dans les faits cette décision ne s'applique que tines d'Ivry, qui ont reçu une subvention de 1.900.000 anciens peu à neu aux projets approuvés depuis 1960. Les établissements francs en 1958 pour environ 1.200 enfants. Cette subvention existant antérieurement, dont l'équipement sportif est loin d'être est tombée, en 1959, à 800.000 anciens francs ; mais 103 familles complet, font l'objet d'un « rattrapage » grâce à des dotations ont touché une bourse de 10.000 francs pour 1.480 enfants. budgétaires, en augmentation chaque année, mais qui restent En 1961, aucune subvention de la jeunesse et des sports pour cependant insuffisantes. » la colonie de vacances, mais 142 familles ont touché 1.420.000 Sur ce point, je rappelle des faits qui démentent formellement anciens francs pour 1.600 enfants. Il faut encore noter que les ces affirmations. bourses de vacances de 100 nouveaux francs viennent en déduc- A Ivry, nous avons obtenu l'approbation préfectorale le 27 octo- tion de la participation familiale, alors que la subvention attri- bre 1961 d'une délibération du 9 février 1961 pour la construction buée sur le budget de la jeunesse et des sports venait en et l'aménagement d'un gymnase, au sein du groupe scolaire augmentation de la participation familiale. Joliot-Curie, qui était d'ailleurs prévu dans le plan d'origine. Il convient d'ajouter que la participation familiale aux frais Mais la lettre accompagnant l'approbation préfectorale disait : de vacances est proportionnelle aux ressources de la famille. En « Il doit être fait toutes réserves en ce qui concerne l'attri- résumé, les dispositions prises par le Gouvernement sous bution des subventions sollicitées, les travaux ayant été com- prétexte d'attribuer des bourses, réduisant la participation des mencés avant qu'une décision soit prise en ce qui concerne cette familles, ont pour résultat de réduire également la participation attribution par les services ministériels intéressés. » financière de l'Etat pour l'envoi en colonies de vacances Je signale encore que les municipalités d'Ivry et de Vitry ont d'enfants de travailleurs. acheté, à proximité du lycée, un terrain pour être aménagé en Pour équilibrer les recettes et les dépenses relatives au séjour terrain de sports .afin de faciliter la pratique de l'éducation en colonie de vacances de ces enfants résidant dans le dépar- physique. tement de la Seine, il est devenu nécessaire d'augmenter la Or le lycée a commencé à fonctionner en 1958 et 45 classes participation financière des familles. sont ouvertes ; mais le terrain de sports n'est toujours pas Ainsi, cette mesure du pouvoir personnel s'insère dans toute aménagé, ce qui oblige les professeurs d'éducation physique à sa politique tendant à accabler toujours davantage les travail- emmener les élèves sur des stades éloignés du lycée, comme par leurs des villes alors que la crise croissante du logement impo- exemple à la porte d'Ivry. serait l'augmentation du nombre d'enfants envoyés en colonie L'équipement sportif des établissements scolaires est aussi de vacances. Pratiquement, les mesures vont dans le sens négligé que l'équipement purement scolaire, malgré la propagande contraire et obligeront de nombreux enfants à rester dans des dont on nous rebat les oreilles à propos des expériences de Vanves logements surpeuplés pendant l'été et à patauger dans les ou de Vitry-le-François. ruisseaux. L'an dernier, lorsque je signalais l'insuffisance du nombre de En ce qui concerne les classes de neige, l'effort budgétaire piscines alors qu'on prétend rendre obligatoire une épreuve de est aussi très insuffisant. La commune d'Ivry a envoyé l'année natation au baccalauréat, M. Herzog répondait déjà que la France dernière dix classes d'élèves en Savoie. est riche en côtes maritimes et en cours d'eau ! L'utilité de ces classes de neige est certifiée par le personnel A Avranches, le gymnase est utilisé comme dortoir du lycée et enseignant, qui a constaté que, quand leurs élèves ont passé l'expérience du mi-temns a mal tourné parce que la création d'un un mois à la montagne, les résultats scolaires sont meilleurs. poste de professeur d'éducation physique n'a pas été accordée. Il serait nécessaire que l'effort du ministère s'ajoute aux ini- A Montargis, le gymnase et ses annexes sont occupés par le réfec- tiatives locales pour multiplier l'organisation de classes de toire et les cuisines. Au lycée climatique de Saint-Servan, pour neige. organiser une classe à mi-temps il a fallu supprimer l'éducation Le Gouvernement trouve toujours des disponibilités pour les physique à deux autres classes. crédits militaires, afin de poursuivre la guerre en Algérie, mais Le centre régional d'éducation physique de la région lilloise il n'en trouve jamais d'un montant suffisant pour les établis- ouvrira ses portes en avril 1962. C'est la revue L'Education natio- sements d'enseignement et pour les aménagements sportifs. nale du 12 octobre 1961 qui nous révèle à son propos que « tout Je rappelle que le ministère de l'éducation nationale a refusé sera prêt à cette date, sauf le stade, le gymnase, les terrains de à de nombreuses communes les crédits pour les constructions tennis, de basket, de volley et les plateaux d'évolution ». scolaires, alors qu'une proportion importante de ces crédits Il serait hélas ! possible de citer bien d'autres exemples. Ceux a été reportée sur le budget de 1962. que j'ai évoqués démontrent à la fois la pénurie des locaux Mais voici que, dans le budget de la jeunesse et des sports, scolaires et l'insuffisance criante des aménagements sportifs. on trouve le moyen de rétribuer des militaires. C'est ainsi qu'au Or, non seulement le Gouvernement n'accorde que des sub- chapitre 37-51 nouveau il est prévu, comme conséquence de la ventions insuffisantes pour les aménagements sportifs dans prise en charge par le haut-commissariat à la jeunesse et aux

1768 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 sports des centres de formation de moniteurs de jeunesse à mon intervention à quelques observations et à quelques ques- Nantes. tions. De nombreux orateurs ont avant moi dénoncé l'absence Ce personnel militaire est ainsi composé : un capitaine, vingt- d'une véritable politique de l'éducation nationale et l'insuffi- huit sous-officiers et du personnel féminin de l'armée de terre, sance des crédits mis à la disposition de votre ministère. quatre hommes de troupe. Toutefois, il n'est que justice de reconnaître qu'un effort M. Raymond Brun. Quatre hommes de troupe ! substantiel a été fait depuis quelques années dans le domaine M. Georges Cogniot. Vous voudriez des généraux ! de l'enseignement primaire. Il faut reconnaître que, tant bien que mal, on est arrivé — et il convient de rendre un hommage M. Georges Marrane. Il y en a un au ministère des postes particulier à l'effort fait par les communes — à assurer les et télécommunications. M. Brun a donc satisfaction. rentrées scolaires. M. Geoffroy de Montalembert. Il y a même un général sur Je trouve cependant fort grave, monsieur le ministre, que les bancs de l'extrême gauche, c'est le général Petit ! votre budget de 1962 marque une insuffisance de crédits pour M. Georges Marrane. Ainsi, non seulement le budget du le second degré et pour l'enseignement technique. En effet, ministre des armées augmente chaque année, mais voici que le nous avions déjà pris au regard du III' Plan, un retard qui Gouvernement fait rétribuer des militaires sur le budget très aurait nécessité des crédits de rattrapage. Au lieu de cela, le insuffisant de la jeunesse et des sports ! Ces faits démontrent déficit enregistré ne va faire que s'accentuer puisque, pour la la nécessité de changer l'orientation gouvernementale en ce qui première année du IV' plan, les objectifs prévus par ce plan ne concerne le budget de la jeunesse et des sports. seront pas réalisés. Cette insuffisance de crédits a déjà et aura Le 15' congrès national de la fédération sportive et gym- des conséquences dramatiques. nique du travail qui s'est tenu à Nice du 10 au 12 novembre J'illustrerai cette affirmation par quelques exemples précis. a adopté à l'unanimité un manifeste pour la sauvegarde du Le département que j'ai l'honneur de représenter dans cette sport et du plein air au service de la nation, ce qui démontre Assemblée avait présenté, pour cette année, une demande, dûment sa préoccupation de défendre l'intérêt de tous les sportifs et de justifiée par l'afflux de la population scolaire, de vingt-cinq toute la jeunesse de France. établissements nouveaux du second degré. Or, cinq seulement Ce texte contient les critiques suivantes sur l'action du Gou- nous sont accordés. vernement pour entraver la pratique des sports par la masse Pour le technique, un palliatif a été trouvé, palliatif très des jeunes Français : éphémère : l'horaire des centres existants a été allongé. Ces « Utilisant, pour mieux tromper l'opinion publique, les voca- centres sont occupés 60 heures par semaine. Grâce à cette bles traditionnels dans la vie sportive française, « indépen- mesure, 2.000 enfants ont pu prouver la place qui leur est dance », « pluralité », « liberté », le Gouvernement désigne un due. Mais on ne peut renouveler cette mesure et allonger à représentant du haut commissariat auprès des fédérations, volonté les jours et les semaines. prend des décrets pour limiter les saisons sportives, pour modi- Nous savons d'ores et déjà que, pour la rentrée 1962, nous fier le découpage territorial des ligues, interdit aux fédérations trouverons 300 à 400 nouvelles places. Mais que vont devenir les de recevoir des sportifs de la République Démocratique Alle- 2.000 ou 3.000 enfants qui vont se présenter à nous ? Il faut mande et de Chine. attendre, paraît-il, 1963 pour connaître une amélioration, mais « Il décide l'attribution des subventions de fonctionnement force nous est de constater que sur 27 projets qu'on a demandé, et des subventions exceptionnelles en fonction de la soumis- on ne nous en accorde que 7, soit à peine le quart de ce qui sion des fédérations. nous serait nécessaire. La subvention d'aide à l'athlétisme est supprimée à la F. S. Je n'insisterai pas sur l'insuffisance des effectifs d'enseigne- G. T. La fédération sportive et gymnique du travail, en tant ment qui ont été dénoncés par les orateurs qui m'ont précédé à que telle, n'a plus le droit cette année de délivrer le permis cette tribune. Mais, n'est-il pas possible, monsieur le ministre, de pêche sous-marine ; elle n'est pas reconnue pour la déli- de remédier à des négligences graves qui marquent le début vrance du diplôme d'Etat de judo. de chaque année scolaire ? Je veux parler de l'absence de Il brime les techniciens qui apportent leurs concours à la professeurs ou du retard dans la nomination des professeurs F. S. G. T. Sa décision de déplacer sept professeurs et maîtres et des instituteurs. de l'institut national des sports a privé les fédérations des Les élèves de philosophie d'un lycée que je connais bien, puis- stages de juillet et août. Alors que l'organisation et le déve- que c'est celui de la ville que j'administre, n'avaient pas encore loppement des activités sportives et de plein air reposent depuis de professeurs de philosophie au début de novembre. Dans un toujours sur le dévouement et les sacrifices de dizaines de mil- autre établissement a été nommé un professeur qui accomplis- liers de dirigeants bénévoles dont l'apport est incomparablement sait son service militaire en Algérie. plus substantiel que les crédits alloués par le Gouvernement. Des négligences ou des erreurs aussi graves portent atteinte La F. S. G. T. a toujours démontré que le sport et le plein air au prestige de l'enseignement public, causent les plus graves rapportent davantage au Gouvernement par les taxes sur l'équi- soucis aux parents et nuisent, évidemment, à la formation intel- pement, les transports, etc., que le montant des crédits accordés. lectuelle des enfants. Seules les mesures tendant à démocratiser toujours plus pro- Je pense, monsieur le ministre, qu'il doit être facile de remé- fondément le sport français pourront aider à son développement. dier à des négligences de ce genre. Je me permets d'insister Il contient ensuite des propositions. Démocratiser, c'est sauve- auprès de vous pour qu'il y soit mis fin, car c'est de tous côtés garder la pluralité des organisations sportives et de plein air que nous arrivent des critiques sur cette façon d'opérer. françaises dont les multiples faces et caractères permettent une A peine aviez-vous pris possession de votre ministère, monsieur implantation toujours plus profonde dans les couches de la popu- le ministre, que je vous avais posé, par question orale, le problème lation. Maintenir, étendre, perfectionner le principe de l'élection des charges des collèges d'enseignement général. La question par tous les adhérents des responsables à tous les niveaux des a été longuement évoquée cet après-midi. Qui devrait, vous sections, clubs, comités départementaux, régionaux et nationaux. avais-je demandé, supporter ces. charges.? Vous m'aviez alors Maintenir intégralement le principe de l'indépendance de chaque répondu que ce problème retenait votre attention et que vos ser- organisation en supprimant toute ingérence de l'Etat, en déve- vices travaillaient à l'élaboration d'un statut. Vous aviez laissé loppant la participation active et le contrôle des adhérents, seuls espérer que les charges afférentes à ces établissements seraient juges en la matière du fonctionnement et de la gestion de leur supportées nar l'Etat. Où en est la auestion ? A-t-elle progressé organisation. Tendre à une unification doctrinale du sport en depuis votre dernière déclaration ou bien serons-nous bercés raison même de son caractère social et national, unification qui longtemps d'illusions ? ne concerne que son caractère éducatif et ne saurait se confondre Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant, et je parle avec l'étatisation et l'uniformisation. Donner à tous les Français au nom de nombreux maires, de nous donner une réponse car ces la possibilité de pratiquer les activités physiques, sportives et charges deviennent insupportables pour nos communes. J'admi- de plein air dans les meilleures conditions. Garantir le droit aux nistre une ville autour de laquelle se construisent des centaines sports et aux loisirs pour tous. Donner à l'élite sportive les et des centaines de logements. J'ai déjà ouvert plus de soixante- moyens de perfectionnement exigés par le niveau du sport mon- quinze classes. Si des ressources nouvelles ne sont pas données dial et son évolution, c'est lui redonner la place qui correspond à nos communes, il devient impossible de continuer à ce rythme au riche passé de progrès de notre pays. que nous imposent la prologation de la scolarité et la vague Pour atteindre ces objectifs il faut l'union de tous les sportifs démographique. Il est urgent qu'une décision intervienne en ce français, de tous les républicains pour rétablir et rénover la qui concerne les charges des collèges d'enseignement général. démocratie en France. (Applaudissements à l'extrême gauche.) J'ai lu avec satisfaction dans le rapport de M. Auberger que les M. Michel Yver. Vite Staline ! inspecteurs primaires vont avoir désormais des auxiliaires tem- M. Georges Marrane. Non ! Vive la France républicaine ! poraires qui assureront le secrétariat administratif. Je m'en réjouis vraiment car c'est une nécessité mais qui devra fournir M. le président. La parole est à M. Adolphe Chauvin. les locaux pour assurer le fonctionnement de ces services et M. Adolphe Chauvin. Monsieur le président, monsieur le assurer l'entretien de ces locaux ? Pas un centime n'a été prévu ministre, mes chers collègues, à cette heure tardive, je bornerai au budget de l'Etat pour ces dépenses nouvelles. Alors la conclu-

SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1769 sion est simple. Une fois de plus les communes devront suppléer M. Adolphe Chauvin. Je suis bien certain que ceux qui s'ex- l'Etat. clament ont fait comme moi ! (Sourires.) Il est une autre question, monsieur le ministre, sur laquelle je voudrais attirer votre attention c'est celle de la situation M. Raymond Brun. Parfaitement ! présente de nos étudiants. Non seulement à Paris mais, on peut M. Adolphe Chauvin. ... je considère qu'il n'est pas très le dire, dans toutes les villes de faculté, ces étudiants sont sérieux de prétendre qu'il soit indispensable pour les mili- obligés de perdre des heures et des heures pour faire la queue taires de suivre les cours à la faculté pour les autoriser à pas- pour leur inscription et devant des restaurants universitaires. Ne ser un examen. serait-il pas possible de trouver un moyen de leur éviter ces Je suis certain, monsieur le ministre, que vous apporterez une pertes de temps ? réponse favorable aux jeunes gens qui sont sous les dra- Je connais des étudiants qui ont dû passer six heures pour peaux et qui veulent continuer à travailler, désireux d'ailleurs une inscription et qui n'ont pu l'obtenir car le guichet s'est d'enrichir le capital intellectuel du pays. (Applaudissements à fermé juste au moment où ils allaient pouvoir passer. Nous gauche.) connaissons tous des étudiants oui n'ont pas accès dans les res- taurants universitaires. Il importe qu'il en soit ouverts de nou- M. te président. La parole est à M. Brajeux. veaux. Mais je pense aussi à une catégorie d'étudiants auxquels M. Jean Brajeux. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est indispensable de songer, les étudiants étrangers et plus je m'en voudrais d'allonger de façon marquée un débat qui a particulièrement les étudiants — je sais que je toucherai votre été jusqu'ici particulièrement précieux et utile, mais vous savez cœur — africains et asiatiques. Au retour d'un récent voyage que je' n'ai pas l'habitude des interventions de longue durée en Allemagne fédérale, tout comme les membres de la mission Mon propos n'a d'autre but que d'attirer votre attention et à laquelle j'appartenais j'ai été frappé par l'effort fait par de vous demander de vous préoccuper d'une question irri- notre voisine Pour l'accueil de ses étudiants. Quelle est votre poli- tante qui se rapporte au centre national de la recherche scien- tique, la politique de votre Gouvernement sur ce point parti- tifique. culier ? Le personnel qui dépend de cet organisme est réparti en Il serait désastreux pour notre rayonnement intellectuel — cinq catégories qui sont les suivantes : stagiaires — deux ans monsieur le ministre, plus que quiconque vous en être convaincu, au maximum ; attachés — huit ans au maximum ; chargés de j'en suis sûr — que faute d'accueil organisé chez nous, ces recherche, maître de recherche et, enfin, directeur de recherche. étudiants aillent chercher ailleurs la culture qu'ils désirent. La catégorie des attachés est, du fait même qu'une durée Monsieur le ministre, je voudrais enfin connaître votre senti- maximale soit fixée, un stade transitoire. Son objet est de per- ment sur l'actuel fonctionnement de nos internats. Pour ma part, mettre aux chercheurs la rédaction d'une thèse de doctorat ou la je considère comme inadapté le système actuel institué au début réalisation de travaux d'un intérêt équivalent. Ladite catégorie du siècle dernier. Les enfants confiés à l'internat sont sou- est divisée en cinq échelons qui vont de l'indice 370 à l'in- vent et, hélas ! de plus en plus, des enfants de familles disso- dice 560. ciées qui auraient besoin de trouver dans l'internat une atmos- La catégorie suivante, celle des chargés de recherche, qui phère familiale et la chaleur du foyer qui leur manque. consacre des années de travail, et correspond le plus souvent De grâce, monsieur le ministre, abolissez la caserne. Si à la soutenance d'une thèse, comporte également cinq échelons pour des raisons d'économies vous êtes obligé de construire de qui vont de l'indice 455 à l'indice 865. grands blocs, faites à l'intérieur de petites unités avec des Mon but, monsieur le ministre, n'est aucunement de discu- maîtres éducateurs et non seulement des maîtres d'internat qui ter les différents échelons de ces deux catégories. C'est, au sont avant tout soucieux, et c'est naturel, de passer les exa- contraire, leur mutuelle relativité que je veux mettre en cause mens qu'ils préparent. En effet, le passage d'attaché a chargé de recherche s'effec- L'éducation est un métier difficile, de plus en plus difficile, tue suivant les décisions des commissions à partir de n'importe qui réclame un don perpétuel de ceux qui s'y consacrent. Son- quel échelon d'attaché et, en se rappelant que les échelons gez-vous, monsieur le ministre, à doter nos internats des maîtres supérieurs d'attaché sont à un indice plus élevé que les éche- éducateurs dont ils ont besoin ? lons inférieurs de chercheur, il arrive qu'un certain nombre Enfin, puisque M. le ministre des armées m'a envoyé à d'attachés, promus à la catégorie supérieure à la suite de vous, voici une dernière question que je lui avais posée, la soutenance de leur thèse, se voient, hélas ! en fait de récom- croyant qu'elle était de sa compétence. J'attirais son attention pense et d'approbation de leur travail, victimes d'une diminu- sur les nombreux jeunes gens que le service militaire oblige à tion de traitement qui peut aller de 49 à 275 nouveaux francs interrompre leurs études. par mois selon le jeu relatif des échelons, en passant de l'un Ne serait-il pas possible — disais-je — de leur permettre à l'autre. d'achever une année scolaire commencée et de les autoriser C'est sur cette situation et sur les conséquences néfastes d'une à passer l'examen qui consacrera le travail de cette année stricte application d'un règlement rigide et mal étudié que je scolaire en les affectant, soit dans une ville universitaire, soit voulais appeler votre attention, car elle a atteint une vingtaine assez près d'une ville universitaire, pour la durée de cette année de chercheurs, en 1960, et quarante-trois sur cent quarante nou- scolaire ? Ne pensez-vous pas qu'une certaine souplesse pour- veaux chargés de recherche, en 1961. rait être apportée à la règle rigide actuelle qui interdit à un Ceux qui sont ainsi nommés dans une catégorie supérieure militaire de se présenter à un examen universitaire ? subissent donc une diminution de traitement, ce qui va à l'en- Je pense, en particulier, aux fils des morts pour la France contre du but recherché et qui est bien difficile à admettre. qui, dispensés de service en Algérie, sont affectés dans une Il en résulte pour les intéressés un choix particulièrement garnison en France et oui, même lorsqu'ils trouvent le temps pénible : ou accepter une baisse de situation susceptible de durer de travailler intellectuellement — j'ai reçu une lettre fort émou- plusieurs années, ou bien quitter le centre national de la recherche vante d'un jeune soldat qui estime avoir du temps et pouvoir scientifique. prendre sur ses soirées pour préparer un examen — se voit D'autre part, cette disposition risque d'aller en s'aggravant interdire la possibilité de passer un examen pendant le service dans les années suivantes si les mesures nécessaires ne sont pas militaire. envisagées pour permettre au Centre national de la recherche M. le ministre des armées m'a fait la réponse suivante : « Cette scientifique d'accorder aux chargés de recherche une amélio- question est très intéressante. C'est un sujet que j'ai traité partiel- ration correspondant à celle au'ont obtenue les attachés lors de lement l'an dernier en ce qui concerne les jeunes étudiants en la promulgation du statut des chercheurs. médecine, en pharmacie, en art dentaire, à la demande et Je crois qu'il n'est pas de l'intérêt du pays de voir les cher- sur l'intervention très pressante de M. le professeur Portmann ». cheurs découragés auitter le centre national. J'estime qu'il n'est Il dit ensuite que « pratiquement, le problème est résolu pour pas souhaitable, d'autre part, d'aigrir des esprits qui ne demandent ces étudiants. Pour les autres jeunes gens, si le problème qu'à se livrer à leurs recherches. n'est pas encore résolu, ce n'est pas du fait du ministre des Je vous demande donc, pour éviter ce risque qui serait grave armées ; c'est celui du ministère de l'éducation nationale, car ce pour notre avenir comme pour notre prestige, de vous préoccuper dernier se refuse à admettre au droit de passer des examens de ce déplorable et incroyable paradoxe qui veut qu'au centre d'enseignement supérieur les jeunes gens qui, en raison de leur national de la recherche scientifique une promotion de grade activité militaire, ne peuvent pas justifier une certaine assi- entraîne une diminution de traitement. duité au cours dudit enseignement supérieur ». Pour en avoir éprouvé les effets dans mon département, je Là, monsieur le ministre, je dis que c'est une plaisanterie, connais, monsieur le ministre, votre esprit de compréhension et car pour qui sait au'à l'heure actuelle nombre de nos étu- de décision. Je ne veux donc pas douter que vous apporterez diants ne trouvent pas de place dans les amphithéâtres, que rapidement une solution convenable à un problème, dont la beaucoup d'entre eux, extrêmement sérieux, travaillent seuls — permanence risque de dégrader rapidement un organisme si utile cela n'est pas nouveau ; lorsque j'ai préparé ma licence, je l'ai au pays tout entier. (Applaudissements à droite et au centre fait en suivant très peu de cours à la faculté... droit.) Voix nombreuses. Oh ! M. le président. La parole est à M. Mont. 1770 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 M. Claude Mont. Monsieur le ministre, mesdames, messieurs, possible avec la rentrée de septembre 1961, l'organisation de de tous les problèmes que nous permet de traiter l'examen du services gratuits de ramassage scolaire, importante étape de la budget de l'éducation nationale, j'en évoquerai deux : le préfi- démocratisation de l'enseignement ». nancement des constructions scolaires et les délais de l'interven- L'Etat s'est donc engagé, les transports d'élèves développés, tion financière de l'Etat dans le fonctionnement des services de les dépenses accumulées. Mais quand interviendra l'aide de l'Etat transports d'élèves. au taux de 65 p. 100 ? Doit-elle être là aussi préfinancée, sou- En application de l'article 2 de la loi du 7 février 1953, et pour vent par de modestes familles ouvrières ou rurales ? Déjà les accueillir des effectifs accrus, des communes ont consacré toutes responsables de ces initiatives interrogent les conseils généraux leurs ressources à édifier de nouvelles écoles, à charge pour pour savoir s'ils n'assureraient pas le relais financier, encore ! l'Etat de leur verser plus tard sa contribution. Mais ce système d'un Etat prometteur mais lent à exécuter. est presque complètement abandonné sans que, pour autant, Ce serait complications affligeantes, excroissance d'une bureau- tous les comptes ouverts aient été apurés. Pourquoi donc ne pas cratie coûteuse, désordre condamnable. leur avoir affecté ces reports de crédits considérables des exer- Il est grand temps de faire prendre effet aux décisions arrê- cices passés ? tées et en particulier d'assurer le versement régulier de la Mais il y a plus confus et plus alarmant. subvention de 65 p. 100 au transport d'élèves. Voilà quelques mois, je vous avais soumis des propositions de En s'acquittant honnêtement et ponctuellement des charges règlement accéléré pour les constructions scolaires préfinancées qui lui incombent aussi bien dans le préfinancement des construc- par les communes. Vous m'avez, tout au contraire, fort inquiété, tions scolaires que dans le coût des transports d'élèves, le monsieur le ministre, en m'écrivant, le 25 octobre, au sujet Gouvernement suscitera plus sérieusement la confiance et la de cette liquidation : cohésion nationale que par tous autres modes de séduction ou « Quant aux autres remboursements sollicités, je suis, à mon d'exhortation ! (Applaudissements.) grand regret, dans l'obligation de les différer, les problème qu'ils M. le président. La parole est à Mme Cardot. posent devant être abordés dans un cadre plus large. « En effet, dans un référé en date du 4 août 1961 consacré Mme Marie-Hélène Cardot. Monsieur le président, monsieur le à cette question, la Cour des comptes a rappelé que le pré- ministre, mes chers collèguei, excusez-moi de retenir quelques financement dérogeait à la règle selon laquelle aucune sub- instants encore votre attention à cette heure tardive, mais, dans vention de l'Etat ne devait être accordée à d'autres collectivités cette longue discussion, il me semble qu'aucune place n'a été alors que les travaux étaient déjà exécutés. faite au problème de la formation professionnelle en entreprise. « Toutefois, en raison des avantages que présente cette procé• Lorsqu'un dialogue s'engage sur un problème, quel que soit dure, je fais procéder à l'étude des modalités selon lesquelles, d'ailleurs le type d'entreprise visée, il s'agit bien souvent d'un dans certains cas particuliers, elle pourrait être utilisée. dialogue de sourds. Chacun des partenaires entend apporter une « Les problèmes posés par le remboursement des opérations solution définitive à l'ensemble de la question à travers tous ses déjà pré-financées pourront être, je l'espère, abordés à cette aspects. Bien plus, les partisans ou les opposants à ce type de occasion, et je ne manquerai pas de vous tenir informé de la suite formation appuient leur dénionstration sur des arguments diffé- qui aura été réservée à mes propositions. » rents sans vouloir connaître les arguments de la partie adverse. Ici, je dois rappeler avec force que des communes ont coura- L'importance que revêtent aujourd'hui plus que jamais les geusement mobilisé leurs crédits, leurs fonds libres, tous leurs problèmes d'éducation ou de formation et la part que les entre- moyens financiers pour résoudre un grave et urgent et salutaire prises prennent à la formation professionnelle de plus de la problème d'accueil des enfants plus nombreux à l'école, cela moitié des jeunes au stade de l'ouvrier qualifié nous incitent à selon la légalité, avec l'accord de l'autorité de tutelle immédiate procéder à un examen plus réaliste de ce mode de formation. et même de l'autorité ministérielle, et aujourd'hui elles en A quels objectifs répond toute formation professionnelle, seraient pénalisées par ajournement sine die du versement de la qu'elle soit scolaire ou qu'elle soit, somme on la désigne sou- contribution de l'Etat ? vent, sur le tas ? J'en suis consterné. Car il y a dure pénalisation. Toutes les Elle répond, d'une part, à un but éducatif qui est d'assurer ressources locales, en disponible ou d'emprunt, engagées à terme à chaque jeune des possibilités de formation adaptée à sa per- incertain pour le compte de l'Etat étriquent les budgets munici- sonnalité et lui permettant de développer le maximum de ses paux et leur interdisent — j'en connais — les entreprises d'équi- facultés propres ; d'autre part, à un but économique qui est pement, de modernisation et de progrès. d'assurer à l'ensemble des activités économiques du pays la En toute hypothèse, il importe d'en finir sans préalable avec main-d'oeuvre qui lui est nécessaire. les ultimes opérations exécutées sous le bénéfice de l'article 2 Ces deux objectifs imposent, bien entendu, une coordination de la loi du 7 février 1953 entre les activités ,de formation et les activités économiques, Au demeurant, cette méthode de construction par pré-finan- afin que la main-d'oeuvre formée puisse effectivement trouver cement des collectivités locales ne vous déplaît pas. Si cela une place dans l'un ou l'autre des secteurs d'activité de la se discerne dans la lettre que vous m'avez adressée le 25 octo- nation. bre, vous l'avez exprimé un peu plus clairement trois jours plus Il est certain que cette coordination se trouve tout particulière- tard dans votre réponse à M. Devemy, à l'Assemblée nationale : ment prise en considération dans le cadre de la formation donnée « à condition évidemment — avez-vous dit à bon droit — que dans l'entreprise puisque celle-ci ne cherche à accueillir des soient respectés l'ordre d'urgence des constructions proposé par apprentis que dans la mesure où son activité économique se la carte scolaire et aussi les normes imposées par le ministère développe et réclame une formation de main-d'oeuvre qualifiée. de l'éducation nationale ». Je me garderai d'entrer dans la polémique consistant à dire que « Ce procédé ne peut être utilisé en toute occasion et de le recrutement d'apprentis répond à un besoin de main-d'oeuvre n'importe quelle manière, mais il peut constituer — j'en ai parlé non qualifiée qui trouverait, par ce moyen, une solution économi- à M. le secrétaire d'Etat aux finances — une formule de dépan- que pour l'entreprise seule. Une telle position me semble, en nage acceptable en certains cas ». effet, résulter d'une généralisation hâtive à partir de cas parti- Vous affirmiez même que « cette formule a été utilisée et culiers, sans doute réels, mais restant des cas isolés, et que continue de l'être dans certaines régions de France, notamment contredit une étude d'ensemble de la question nous ramenant à celle de Nancy ». l'examen d'un des deux autres points suivants : la formation dans Monsieur le ministre, nous aurions bien aimé l'exploiter davan- l'entreprise, répond-elle au but éducatif que l'on est en droit d'en tage dans mon académie si nous y avions été autorisés. attendre ? La formation dans l'entreprise répond-elle aux besoins A quoi tient donc cette différence de régime ? de l'économie nationale ? Nous avons la plus grande hâte de connaître nettement vos Monsieur le ministre, vous avez apporté, lors des débats sur intentions, vos projets, votre plan de réalisation à ce sujet. le budget de votre ministère à l'Assemblée nationale, des apai- Les écoles construites, les maîtres nommés, vous donnez une sements auxquels nous avons été extrêmement sensibles, lors- impulsion nouvelle considérable à la fréquentation scolaire, que vous nous avez précisé très objectivement que le nombre des grâce à l'important concours de l'Etat dans l'allégement des jeunes qui n'avaient pu, en fait, être accueillis dans les établis- charges du transport des élèves. La circulaire du 12 juin 1961 sements techniques se limitait à 15.000 au total, chiffre, certes, le fixe à 65 p. 100 du coût du transport et parfois, à titre excep- beaucoup trop élevé encore, mais qui, je crois, permet de consi- tionnel, à plus de 65 p. 100. dérer qu'un nombre très important des adolescents qui se sont Vous donnez ainsi satisfaction à une très large fraction de dirigés vers l'entreprise pour y recevoir une formation profes- l'oinion publique, parmi laquelle le congrès des délégués canto- sionnelle s'y sont dirigés volontairement et sans poser de candi- naux réclamait —je cite : « l'adoption d'une loi stipulant que dature dans l'un ou l'autre des établissements scolaires partout où l'éducation nationale l'estime nécessaire, l'organisa- susceptibles de les recevoir ; sinon, le nombre des « non admis » tion des transports d'élèves soit obligatoire ». Et la fédération aurait pu se chiffrer à plus de 100.000. des associations de parents d'élèves des lycées et collèges fran- Cette adhésion volontaire n'est pas pour nous surprendre. En çais adoptait à l'unanimité moins trois abstentions, au cours de effet, il est couramment estimé que, parmi les jeunes recevant son congrès annuel de mai dernier, un voeu demandant « ins- une formation professionnelle dans l'entreprise, 50 p. 100 d'entre tamment aux pouvoirs publics de promouvoir sans délai, et si eux n'ont pu, à l'issue de leur scolarité obligatoire, obtenir un

SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE. 1961 1771 certificat d'études primaires. Sans vouloir attacher aux diplômes sommes tous responsables. En rejeter la totale responsabilité la valeur d'un test d'aptitude absolue, force nous est de remar- sur les entreprises qui prennent la charge de former des appren- quer que le faible niveau de ces effectifs est peu fait pour les tis serait une forme de démission qu'aucun de nous ne saurait inciter à poursuivre une formation par la voie scolaire, à laquelle accepter. beaucoup de ces jeunes gens se heurtent. C'est donc tout natu- Si la collaboration des entreprises industrielles sollicitée par rellement qu'ils adhèrent à une formation plus en contact la circulaire ministérielle n° 3825 du 16 mai 1961 présente des avec le concret et dans laquelle la méthode active est de aspects nouveaux sur la participation de l'industrie à l'oeuvre rigueur. Le compléinent de formation théorique qu'ils reçoivent nationale d'éducation dont vous êtes responsable, monsieur le ne saurait, lui-même, oublier ce désir des jeunes auxquels il ministre, l'aide sollicitée des chambres de métiers et de l'arti- s'adresse, de quitter l'ambiance et les obligations découlant sanat en matière de formation professionnelle par la circu- d'une scolarité normale. laire ministérielle n" 3847 du 5 juillet dernier ne fait que ren- Faut-il en déduire que ces jeunes requièrent la création d'éta- forcer la collaboration qui a toujours existé entre la chambre blissements spéciaux pour inadaptés ? Certainement pas, car si des métiers et l'éducation nationale depuis la promulgation de ces adolescents sont bien souvent des inadaptés scolaires, il la loi du 10 mars 1937. ne faut pas en faire des inadaptés sociaux, et l'on sait l'impor- Industrielle moi-même, je me réjouis des aspects nouveaux tance psychologique reconnue actuellement à ce qu'on appelle d'une utile collaboration entre l'industrie, l'artisanat et l'éduca- les cures libres. tion nationale pour cette formation complète, théorique et pra- Chaque fois que l'on se trouve en présence d'une entreprise tique des travailleurs adaptée aux besoins de l'économie natio- de petites dimensions à caractère familial, telle l'entreprise arti- nale en main-d'oeuvre qualifiée. Cependant, la réaction provoquée sanale, l'adolescent opposant scolaire se trouve dans un milieu à l'Assemblée nationale par les deux circulaires ministérielles, favorable à l'épanouissement de sa personnalité, en même temps tant de la part de plusieurs parlementaires que des rapporteurs qu'il acquiert sa formation professionnelle. et plus spécialement de M. Clermontel qui semble ne voir Le mode de formation en entreprise répond donc bien pour dans cet appel aux professions et aux chambres de métiers que toute une catégorie de jeunes à une nécessité permanente. des solutions provisoires ou intermédiaires, n'est pas sans Encore qu'il soit bien délicat de faire un choix dans les cri- susciter une inquiétude certaine des professions et plus encore tères, qu'une formation professionnelle doit remplir pour retenir des chambres de métiers. l'attention des pouvoirs publics et de la Nation, je me risquerai En fait, monsieur le ministre, la question qu'on se pose est à en évoquer quelques-uns parmi les plus probants. alors la suivante : Sollicitez-vous l'aide de la profession et des Tout d'abord la stabilité dans la poursuite de la formation chambres de métiers de façon temporaire et seulement pour dans l'entreprise apparaît, sur l'ensemble des effectifs, au moins pallier les difficultés immédiates, en somme, comme un pis-aller égale sinon supérieure à la stabilité des élèves en milieu sco- pour éviter que les adolescents ne continuant pas leurs études laire, ce qui d'une part montre sa bonne adaptation au niveau ne restent désoeuvrés et livrés à eux-mêmes avec tous les dan- nécessairement jeune auquel elle s'adresse, d'autre part la gers que cela comporte pour eux et pour la société ? volonté de continuer des adolescents dans la profession choisie. Les chiffres cités dans les rapports et les avis présentés à Stabilité également au-delà de la période de formation, puis- l'Assemblée nationale comme dans les interventions de plusieurs qu'il ressort d'enquêtes réalisées, tout au moins dans l'artisanat, parlementaires semblent indiquer que l'ensemble des adolescents auprès d'anciens apprentis que, deux ans après leur service désireux de recevoir la formation d'ouvriers qualifiés seront militaire, 85 p. 100 exerçaient effectivement le métier acquis dirigés sur les collèges d'enseignement technique dans les cinq sous contrat d'apprentissage ou un métier connexe. années à venir. Si le deuxième critère retenu ne peut être que celui du En effet, reprenant les précisions d'effectifs scolaires données résultat aux examens publics sanctionnant la formation profes- par M. Devemy, je constate que le pourcentage d'accroissement sionnelle donnée en entreprises, il ne faut pas oublier que prévu pour les enseignements du second degré est de 64 p. 100 l'essentiel n'est sans doute pas de mener un jeune particuliè- pour l'enseignement général et de 77 p. 100 pour l'enseignement rement apte jusqu'à son examen, mais de faire progresser au technique. L'importance de l'accroissement prévu pour l'ensei- maximum l'ensemble des jeunes, quel que soit leur niveau au gnement technique semble indiquer des besoins accrus de main- départ, ou de les mettre en mesure d'exercer la profession de d'oeuvre qualifiée, au détriment même des formations dans leur choix et de pouvoir en vivre. l'entreprise existant actuellement et dont je défends la valeur Quoi qu'il en soit, le test de l'examen restant celui le plus et la nécessité. généralement pris en considération pour juger de la valeur Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser une seconde d'un enseignement, je rappellerai que le pourcentage moyen de question. Alors que les actions complémentaires et concourantes reçus par rapport au nombre de jeunes ayant entrepris leur de l'éducation nationale, de l'entreprise industrielle et des formation technique n'est que légèrement inférieur dans la for- chambres de métiers permettent actuellement de couvrir la mation sous contrat, comparativement à la formation scolaire, presque totalité des besoins de la nation en main-d'oeuvre bien que, dans la majorité des cas, aucun test de connaissance qualifiée, dans le respect même des aspirations naturelles des ne soit exigé à l'entrée en apprentissage et que le niveau adolescents à recevoir cette formation, n'est-il pas souhaitable d'ensemble des apprentis soit, nous l'avons vu, sensiblement que l'action de votre ministère s'oriente davantage vers une aide moins élevé que celui des effectifs scolaires. complémentaire décente attribuée à ceux qui concourent à Il va de soi en effet que cette formation répond à un besoin donner cette formation d'ouvrier qualifié pour un prix de revient au moins temporaire d'une activité économique puisque c'est là minime et que le maximum des efforts de votre ministère sa raison d'existence. Je dirai simplement que la stabilité de soit consacré à la préparation des techniciens et des techniciens la main-d'oeuvre dans la profession même pour laquelle elle a supérieurs que réclame notre économie nationale et dont l'essen- été formée atteste de son utilité. J'ajouterai que l'inadaptation tiel de la formation doit être donné en école ? En cela, nous scolaire d'une certain nombre d'apprentis les condamnerait bien suivrons les exemples donnés tant à l'Ouest qu'à l'Est. souvent, en l'absence de toute formation sur le tas, à une situa- Evoquant ici l'aspect du prix de revient pour l'Etat des diffé- tion de manoeuvre, ou tout au plus d'ouvrier spécialisé, et ceci rents modes de formation d'ouvriers qualifiés, je crois nécessaire n'irait pas dans le sens de l'intérêt de la nation. de rappeler que l'aide moyenne financière de l'Etat n'atteint J'ajouterai enfin qu'un nombre important de métiers à pas 30 nouveaux francs par apprenti de l'artisanat et qu'elle faible effectif ne peuvent en fait s'apprendre autrement que est moindre encore par apprenti de l'industrie, alors qu'un par la formation en entreprise. Si ces métiers devaient être apprenti de collège technique coûte à la collectivité nationale enseignés en milieu scolaire, ils nécessiteraient, du fait même environ 1.500 nouveaux francs, compte tenu des investissements du nombre très limité d'apprentis dans ces métiers, le regrou- en locaux, équipements, matériels et des bourses d'apprentissage. pement de ces jeunes en internat dans un ou deux secteurs Il ne s'agit point ici de polémique. Les différents modes de nationaux au détriment même de la cellule familiale et du main- formation ne sont nullement concurrentiels ; leur coexistence est tien des populations dans leurs régions d'origine. indispensable car ils répondent à des besoins différents et vouloir Le but même de la formation professionnelle dans le cadre de amoindrir l'un serait, en réalité, agir au détriment des autres. l'entreprise n'est pas que celle-ci assimile le jeune à un salarié, Puisque vous avez défendu vous-même, monsieur le ministre, mais lui garantisse la valeur de la formation. Vouloir donner un la nécessité de la collaboration de la profession à la formation autre but à la formation, c'est la détourner de son objet et de des professionnels qualifiés et que vous êtes convaincu de la sa raison d'être, tandis que renforcer ses garanties, c'est œuvrer nécessité de la pluralité des modes de formation, permettez-moi dans l'intérêt des jeunes et de la nation tout entière. de vous poser une nouvelle question : dans le cadre même de la Demandons-nous très loyalement si cette catégorie de jeunes réorganisation des services de votre administration, et spéciale- n'a pas acquis elle aussi droit à l'attention des pouvoirs publics. ment du regroupement prévu pour le budget de 1963 des crédits Dans le souci d'équité qui est le nôtre, ne semblerait-il pas en chapitres sans distinction de l'ordre d'enseignement bénéfi- logique que ces jeunes et leur famille puissent jouir des avan- ciaire, est-il possible de prévoir qu'un cha:)>.:e7e soit réservé à l'aide tages et encouragements dont bénéficie l'ensemble de la jeu- de la formation professionnelle donnée :3 contrat dans l'entre- nesse scolaire. Il s'agit là d'un problème national dont nous prise ?

1772 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 Est-il possible qu'à l'intérieur de ce chapitre, et par analogie J'ai entendu les orateurs, cet après-midi, développer surtout avec l'actuel chapitre 43-71 relatif aux bourses et secours d'études, les ombres qui demeurent dans le budget de l'éducation natio- apparaissent au moins : un article fixant, outre le montant glo- nale. Je voudrais, pour ma part, demeurer équitable et balancer bal du crédit inscrit, un taux moyen d'aide par apprenti pour aussi objectivement que possible les ombres et les lumières. tout professionnel ou organisme assurant une formation pratique C'est un fait que, pour les crédits de fonctionnement, pour les dans l'entreprise, sous condition de la formation , théorique donnée interventions publiques par exemple, on assiste à quelques corollairement ; un article fixant, outre le montant global du améliorations indiscutables. crédit inscrit, un taux moyen d'aide par apprenti pour tout orga- Il y a des créations d'emplois : 4.104 emplois nouveaux pour nisme ou cours professionnel assurant un minimum annuel de l'enseignement supérieur, dont 2.445 au titre de la réforme trois cents heures de formation théorique complémentaire adap- de l'enseignement médical ; pour ce qui est de l'enseignement tée à la formation pratique donnée sous contrat dans l'entreprise ; élémentaire terminal, 2.200 emplois nouveaux ; pour l'enseigne- un article fixant, outre le montant global du crédit inscrit, un ment court, 3.939 emplois nouveaux ; pour les collèges d'ensei- taux moyen d'aide par apprenti pour les actions des chambres gnement général, 2.168 emplois nouveaux d'enseignants pour les des métiers en matière de formation de professionnels qualifiés, collèges techniques et, pour l'enseignement long, 7.100 emplois ces dernières ayant reçu vocation légale, par la loi du 10 mars nouveaux pour les lycées classiques et modernes et 2.620 emplois, 1937, d'organiser et de contrôler la formation professionnelle dans dont 1.029 d'enseignants, pour les lycées techniques. l'artisanat ; un article fixant, outre le montant global du crédit Je voudrais aussi noter l'accroissement assez net des crédits inscrit, un taux moyen de bourse d'apprentissage par apprenti affectés au bureau universitaire de statistiques qui permettra pour tout apprenti recevant une formation professionnelle, les d'améliorer la qualité des services qu'il rend. critères d'attribution de ces bourses pouvant être fixés, par Nous notons une augmentation de 20 p. 100 des crédits exemple, par comparaison avec les critères d'attribution de pour le fonctionnement du centre national de la recherche bourses d'apprentissage aux élèves des collèges d'enseignement scientifique, qui permettra l'engagement de 300 nouveaux cher- technique ? cheurs et de 600 contractuels. Après ce long exposé, permettez-moi de vous poser encore En ce qui concerne les interventions publiques du titre IV, quelques questions. Je vous ai déjà interrogé, monsieur le minis- je note l'amélioration des crédits affectés aux bourses d'ensei- tre — et j'ai le regret de n'avoir pas eu de réponse — sur les gnement supérieur et aux bourses nationales, ainsi que l'accrois- mauvaises conditions matérielles de travail et de logement des sement du budget des oeuvres sociales pour les étudiants. inspecteurs et inspectrices départementaux des écoles mater- Monsieur le ministre, je me réjouis, en particulier, de l'amélio- nelles et de l'enseignement primaire, sur la situation des surveil- ration qui est apportée au budget des oeuvres sociales des lants et maîtres d'internat des collèges d'enseignement technique étudiants. La création de 4.557 chambres nouvelles intéresse recrutés avant 1952 dans les centres d'apprentissage devenus sûrement le Parlement, mais est-ce bien suffisant devant la collèges techniques. Il me semble bien que rien n'a été fait pour poussée extraordinaire que nous constatons dans l'enseignement améliorer la situation de ce personnel de valeur particulière- supérieur ? ment dévoué. De même, l'augmentation du crédit relatif aux restaurants Même constatation pour les personnels des services écono- universitaires doit être soulignée, mais des photographies publiées miques des établissements d'enseignement technique. La revalo- dans certains journaux il y a quelques jours nous ont montré risation des indices doit suivre automatiquement celle de leurs des files d'étudiants, dont certains étaient depuis la veille, sur collègues. le trottoir, pour se procurer les tickets d'accès au restaurant Tous les orateurs qui se sont succédé à cette tribune ont universitaire, et je suis donc contraint de dire qu'un gros effort attiré votre attention sur les tâches importantes qui subsistent doit être accompli, car il n'est pas normal que l'attribution en matière de constructions scolaires. Il faut accélérer les des tickets oblige les étudiants à faire la queue pendant des créations d'établissements d'enseignement général et je vous le heures. Les tickets ne doivent pas être attribués aux premiers demande pour mon département. arrivants, ils doivent être attribués à tous ceux qui en ont La pénurie du personnel, notamment en ce qui concerne les besoin ! disciplines scientifiques, est urgente à combler. En raison de En ce qui concerne les crédits d'investissement, dépenses en la situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvons, capital, certes, le progrès sur le plan financier est moins net par l'afflux de nouveaux élèves et la mise en application de la puisqu'il y a, en gros, 20 milliards d'anciens francs d'engage- réforme de l'enseignement, il est souhaitable que les membres ments supplémentaires par rapport au budget 1961 et seulement du personnel enseignant soient mobilisés sur place au moment 3 milliards d'anciens francs de crédit de paiement. Je sais qu'il de l'appel de leur classe ou à la fin de leur sursis. y a le report, mais je ne sais pas si nous devons nous en féliciter Je voudrais rendre hommage à la compétence d'un personnel ou, au contraire, déplorer l'existence d'un report aussi considé- enseignant dont le dévouement est digne de tous éloges, malgré rable. Certes, en 1961, vous aurez consommé une quantité de une lourde tâche qui ne s'allège pas. Le nombre d'heures de crédits infiniment supérieure à celle qui fut consommée en 1960. cours, d'heures de correction de devoirs est très important et les Vous espérez, en 1962, rattraper le retard. Vous allez indiquer, classes sont surpeuplées. je pense, au Parlement, un certain nombre de mesures qui seront J'en terminerai là, monsieur le ministre. Je sais l'ampleur prises pour hâter l'accélération de la consommation de crédits. et la charge écrasante de vos fonctions, je sais aussi votre Monsieur le ministre, nous vous suivrons dans cette voie, car souci d'équité et de recherche des solutions les mieux adaptées devant les besoins immenses en constructions scolaires, tant en à la fois aux besoins de la jeunesse et aux préoccupations de ce qui concerne l'enseignement supérieur que l'enseignement l'économie nationale. Je vous fais confiance, monsieur le ministre. classique et moderne, l'enseignement court ou l'enseignement (Applaudissements.) élémentaire, il n'est pas possible d'envisager plus longtemps que tant de crédits, consentis par le Parlement et correspondant M. le président. La parole est à M. Monteil. à un effort fiscal difficile fait par le pays, restent inemployés, M. André Monteil. Monsieur le ministre, mes chers collègues, Quand on examine les effectifs, on constate que l'effort mon intervention sera brève. principal est fait sur l'enseignement supérieur, l'enseignement Il y a plusieurs manières d'apprécier un budget : ce peut technique et la recherche scientifique. être un acte de confiance à l'égard du représentant du dépar- Certes, les critiques sévères diront que ce budget n'est pas tement ministériel intéressé, ce peut être aussi une appréciation ce qu'il devrait être, notamment qu'il est en retard de 35 p. 100 des crédits proposés au Parlement. par rapport aux prévisions de la commission Le Gorgeu et de Je voudrais commencer par ce qui a été la conclusion de 25 p. 100 par rapport aux prévisions du plan national ma collègue Mme Cardot. Mes amis et moi-même, nous avons d'équipement et sans doute ces critiques sévères auront-ils raison, apprécié l'activité de M. le ministre de l'éducation nationale à la sauf quant aux responsabilités. En effet, ce n'est pas en 1961 tête du département qu'il dirige. Nous avons affaire à un grand qu'il faut prévoir la poussée démographique qui aura des consé- universitaire à l'esprit libéral, qui a essayé de sortir des sen- quences en 1962. Qu'on me permette de dire que les critiques tiers battus et de donner au ministère de l'éducation nationale adressées au budget de 1962 s'appliqueraient de façon plus juste une impulsion nouvelle. C'est une des raisons pour lesquelles je aux budgets qui ont été présentés depuis une dizaine d'années... voterai le budget proposé. M. Jacques Henriet. Parfaitement ! Je signalerai également que les chiffres qui figurent dans les états marquent un progrès par rapport aux années précédentes. M. André Monteil. ...et qu'il y aurait quelque malice à rendre Le budget de l'éducation nationale, pour 1962, atteint 910 mil- ce Gouvernement et ce ministre responsables des insuffisances liards d'anciens francs, contre 792 milliards en 1961. Je sais en question. bien que le progrès ne doit pas être apprécié seulement par Il est peut-être plus facile d'ailleurs de rattraper le retard comparaison des chiffres ; en ce qui concerne les crédits de en ce oui concerne le matériel et les constructions qu'en ce qui fonctionnement, notamment, il y a une augmentation de près de concerne la formation humaine. Ce n'est pas en quelques mois, 25 p. 100, ces chiffres traduisent la poussée démographique ni même en quelques années, que l'on peut former des maîtres extraordinaire qui se manifeste dans l'accroissement continuel de valeur, de culture profonde, de pédagogie certaine, qui sont de la population scolaire. indispensables à la jeunesse de notre pays. La situation s'est gâtée SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1773 depuis longtemps en ce qui concerne les universitaires, qui n'ont direction de l'enseignement supérieur ont été mis à sa dispo- pas, matériellement et moralement, la place qui leur revient. Mais sition par la direction générale de l'organisation des programmes je ne suis par sûr que les méthodes envisagées pour pallier ces scolaires. Certains, qui n'étaient pas demandés par la direction difficultés et que j'ai entendu exposer par certains orateurs cet générale de l'enseignement supérieur, ont sollicité néanmoins un après-midi soient bien les meilleures. poste de maître-assistant ou un emploi au C. N. R. S., d'où la J'estime que le premier moyen de relever la condition univer- nécessité de parvenir à un équilibre difficile et délicat auquel sitaire, c'est de donner aux maîtres de tous les degrés les traite- il convient de penser et qu'il serait opportun de réaliser. » ments qui conviennent à leur culture et à leur effort. Mais il ne Eh bien ! je voudrais vous dire, monsieur le ministre — je suffira pas d'ouvrir les écluses des épreuves et d'admettre à connais votre loyauté entière et votre parfaite bonne foi — que tous les examens, concours une masse plus grande de candidats vous avez été assez mal informé dans la circonstance et qu'un même si la formation et la culture ne répondent pas aux certain nombre de professeurs agrégés, dont je pourrais vous normes escomptées. Ouvrir les écluses n'est pas une bonne donner les noms, étaient sollicités par l'enseignement supérieur, méthode. J'ai eu l'occasion de discuter avec un certain nombre mais que leur nomination a été refusée par la direction de l'orga- de membres de jurys d'agrégation auxquels je faisais observer nisation générale des programmes qui voulait les garder au qu'il serait peut-être possible d'admettre plus de candidats qu'on secondaire. La même remarque est valable pour les nouveaux n'en admettait. Il me répondait qu'ils étaient allés à l'extrême agrégés, dont certains étaient en exercice dans l'enseignement limite de ce qu'ils pouvaient faire si l'on voulait garder à ce supérieur et qui, du jour au lendemain, parce qu'ils avaient été concours, en particulier, la valeur qu'il doit garder dans notre reçus à l'agrégation, ont dû quitter l'enseignement supérieur. pays. Cette question peut paraître mineure à nos collègues, mais, A ce propos, monsieur le ministre, je voudrais renouveler une en matière universitaire, il n'y a pas de question mineure. Il intervention faite à l'Assemblée nationale par mon excellent faut revaloriser le prestige de nos diplômes et de nos titres. collègue et ami M. Fréville, député maire de Rennes. Une des Ainsi que je le disais tout à l'heure, on ne l'obtiendra pas néces- raisons du grand prestige dont jouissait l'enseignement français sairement en ouvrant les écluses, même pour ceux qui ne le non seulement à l'intérieur de nos frontières mais à l'extérieur, méritent pas, mais en donnant, matériellement et moralement, c'était la culture profonde de notre corps de professeurs ; en parti- à tous ceux qui le méritent la possibilité de jouer dans la nation culier la formation que donnait l'agrégation était universellement un rôle essentiel. Est-il, mes chers collègues, de rôle plus respectée. essentiel que de former pour la France de demain des cadres qui Or, je ne sais pas si certains errements qui se sont produits lui sont nécessaires ? (Applaudissements sur certains bancs à notamment cette année n'ont pas contribué à faire reculer la gauche et sur divers autres bancs.) valeur de l'agrégation, notamment chez les candidats susceptibles M. le président. Je dois faire observer au Sénat que la séance d'aborder ce concours. Certes, le concours d'agrégation, en prin- ne devait pas dépasser minuit. Il est déjà minuit un quart. Il cipe, est destiné au recrutement des professeurs de lycées, mais reste quatre orateurs inscrits : M. Longchambon pour dix mi- vous savez bien, monsieur le ministre, que depuis très longtemps nutes, M. Henriet pour quinze minutes, M. Tinant pour cinq il a perdu ce caractère et, comme le stipule l'engagement signé minutes, M. Fruh pour cinq minutes. Cela fait trente-cinq par les candidats, l'affectation peut concerner n'importe quels minutes au total. Les orateurs peuvent-ils abréger leurs interven- services du ministère de l'éducation nationale. Je cite cet enga- tions, moyennant quoi la discussion générale pourrait s'achever gement : « Je m'engage à occuper, pendant cinq ans au moins, un ce soir ? Sinon, je suis obligé de l'interrompre dès maintenant. poste dans un établissement d'enseignement public ou au Centre M. Jacques Henriet. Monsieur le président, je renonce volontiers national de la recherche scientifique ». à la parole pour permettre à M. le ministre de nous répondre Vous savez, monsieur le ministre, que l'agrégation est au moins éventuellement ce soir. autant un concours de niveau, qu'il implique une sélection sévère M. le président. M. le ministre ne peut répondre ce soir. Son et qu'il devrait par conséquent permettre à ceux qui en sont exposé. m'a-t-il dit, doit durer trois quarts d'heure. Notre séance titulaires d'être éventuellement nommés sans difficulté dans a commencé à quinze heures un quart et il a écouté vos obser- l'enseignement supérieur comme assistants ou maîtres-assistants. vations depuis le début de cette discussion générale. Il ne pourra Or, en 1961, à certaines agrégations, notamment de sciences y répondre qu'à une prochaine séance, probablement dimanche. physiques, il a été refusé à des candidats qui étaient déjà assis- La conférence des présidents en décidera. tants d'enseignement supérieur le maintien dans la faculté. On arrive à ce résultat paradoxal que mieux vaut être, dans ces M. Jacques Henriet. Je peux réduire mon intervention de conditions, refusé à l'agrégation. En effet, certains candidats qui quinze minutes à cinq minutes. ont été refusés sont restés dans l'enseignement supérieur où ils M. le président. Je vous remercie. fonctionnaient comme assistants stagiaires ou assistants, cepen- Monsieur Longchambon, que pouvez-vous faire ? dant que les candidats qui étaient reçus étaient, par la volonté M. Henri Longchambon. Je peux réduire, monsieur le prési- de la direction de l'organisation générale des programmes dent, mon intervention à cinq minutes. scolaires, versés dans l'enseignement secondaire. M. le président. Je ne peux pas demander à MM. Tinant et. La conséquence, monsieur le ministre, vous la connaissez, c'est Fruh de réduire leur temps de parole, puisqu'ils sont inscrits que de très nombreux normaliens de votre école — de notre école respectivement pour quatre et cinq minutes. si vous me permettez de le rappeler — ne se sont pas présentés La parole est à M. Longchambon. à l'agrégation. Quelle révolution — n'est-il pas vrai ? — dans M. Henri Longchambon. Les brèves observations que je désire l'histoire de l'école normale supérieure : des élèves en grand formuler à propos de ce budget porteront sur deux points. Le nombre refusent de se présenter au concours de l'agrégation premier est relatif aux moyens de recherches accordés aux labo- pensant que, dans ces conditions, ils pourront mieux faire ratoires universitaires. Nous les trouvons inscrits au chapitre carrière dans l'enseignement supérieur ! Une menace très grave 36-15 du budget et nous observons une augmentation en valeur pèse donc sur l'agrégation. Aussi vous serais-je reconnaissant de relative de 50 p. 100 par rapport à ce qu'ils étaient l'an passé. bien vouloir examiner cette question. Cela paraît très important en valeur absolue mais c'est infime Des difficultés du même ordre se produisent pour le passage en réalité. Il s'agit de savoir si l'on veut réellement donner aux d'agrégés déjà en exercice dans les lycées et qui sont demandés laboratoires universitaires les moyens de fonctionner comme par les facultés, par exemple pour exercer les fonctions de maî- laboratoires de recherches scientifiques ou si l'on entend conti- tres assistants. On a « décloisonné » à l'intérieur de la direction nuer à les leur refuser. Ce n'est pas avec un total de 7 mil- de l'organisation des programmes scolaires, mais une cloison liards d'anciens francs, dont 2.500 millions pour les laboratoires subsiste, fâcheuse pour les agrégés qui se trouvent à la charnière de physique nucléaire et 4.500 millions pour les laboratoires des deux enseignements, celle qui relie la direction de l'organi- de toutes les autres disciplines, que l'on peut vraiment alimen- sation générale des programmes à la direction générale de l'en- ter la recherche scientifique dans les laboratoires universitaires. seignement supérieur. Nous sommes loin, avec ce chiffre, des 222 milliards d'anciens Monsieur le ministre, vous avez le choix entre deux méthodes, francs que nous allons voter ou que nous avons votés au titre mais il n'en existe pas de troisième. Si vous voulez maintenir du commissariat à l'énergie atomique, non compris ceux du des rapports très étroits entre un enseignement secondaire de centre européen de recherche nucléaire à Genève et de l'Eu. qualité et l'enseignement supérieur, ou bien il faut qu'une liberté ratom. Il y a une disparité flagrante entre les crédits consacrés suffisamment grande de choix soit laissée aux agrégés, ou bien à une branche particulière de la science et ceux affectés à il faut créer l'obligation, pour avoir un poste d'assistant ou de ce qui est la base même de toutes les recherches scientifiques. maître assistant dans l'enseignement supérieur, d'exercer au quelle que soit leur nature. préalable dans un lycée en qualité de professeur agrégé. J'ajoute que dans l'utilisation de ces très maigres crédits, les M. Fréville vous a posé ces questions et vous avez répondu, laboratoires universitaires sont, je l'ai souvent dit ici, para- au cours de la séance du 28 octobre de l'Assemblée nationale : lysés par les vieilles règles administratives, qui sont levées « Quant à la désaffection des agrégés pour l'enseignement du pour des organismes à caractère industriel et commercial second degré, singulièrement des normaliens, je crois devoir comme le commissariat à l'énergie atomique, ou le commis- répondre à M. Fréville que tous les agrégés demandés par la sariat aux recherches spatiales que l'on nous propose. 1774 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 Dans les universités, une circulaire du 26 septembre 1961 de d'essayer d'introduire dans ces structures urbaines nouvelles votre département ministériel vient encore de le rappeler, il est des cités sportives que je me suis permis d'intervenir. interdit de payer du personnel contractuel sur les crédits de Pour que ces cités sportives croissent avec plus de rapidité, subventions de l'Etat. Elles ne pouvaient le faire que sur leurs je me permets d'émettre ce voeu et de vous prier de faire en ressources propres qui sont généralement infimes. Il faut, mon- sorte que les crédits affectés jusqu'à maintenant à l'équipement sieur le ministre, que les universités et les facultés qui les sportif dans les écoles en construction soient à l'avenir réservés composent, qui ont des budgets autonomes que vous approuvez, exclusivement à la création de cités sportives. Ainsi, vous verrez que vous contrôlez, trouvent dans ces budgets un chapitre leur surgir de terre, dans toutes les villes, dans tous les bourgs, dans permettant de recruter librement du personnel contractuel dans tous les villages importants, des cités sportives dont se félicite- la limite du crédit que vous fixez à chacune d'elles pour ce ront nos successeurs. (Applaudissements.) faire. Cette facilité est indispensable pour le fonctionnement des M. le président. La parole est à M. Tinant. laboratoires de recherche. M. René Tinant. Monsieur le président, mes chers collègues, Voilà le premier point que je voulais évoquer brièvement. à cette heure où chacun désire aller se coucher, je serai très Le second point, je le traiterai plus rapidement encore, puis- bref. Je me bornerai à présenter quelques observations et à que j'ai promis de ne pas être long. Je voudrais vous remercier poser quelques questions à M. le ministre. d'avoir inauguré dans ce budget une ligne nouvelle qui concerne Je voudrais tout de même insister sur l'insuffisance des une aide pour les petites écoles créées par les colonies fran- traitements des enseignants qui explique en grande partie les çaises à l'étranger pour permettre aux enfants français de faire difficultés du recrutement. C'est ainsi que, tout à l'heure, mon des études de type français, même s'ils sont au Pakistan, en collègue et ami Fosset me signalait que, dans le département Malaisie ou en un autre point du monde, ce qui est capital à de la Seine, alors que le nombre d'élèves accédant au second une époque où nous devons exporter des cadres. Or, ceux-ci n'y degré est en augmentation constante, on a dû, faute de maîtres, consentent que si l'instruction de leurs enfants peut être assu- supprimer, le 15 septembre dernier, quarante-quatre classes de rée. Cette novation est très importante. Elle est assortie d'un sixième. Je vous saurais gré, monsieur le ministre, de bien tout petit crédit. Nous pensons que ce sera un petit crédit de vouloir m'indiquer les mesures que vous comptez prendre pour démarrage. Il est très important que, pour 1963, il soit augmenté palier une situation que, hélas ! nous avons à déplorer dans fortement. (Applaudissements.) tous nos départements. Veuillez m'excuser maintenant de reprendre deux questions M. le président. La parole est à M. Henriet. que j'ai eu l'honneur de vous poser à la commission des affaires culturelles mais sur lesquelles j'aimerais que vous me répondiez M. Jacques Henriet. Monsieur le président, monsieur le ici afin que cela figure au Journal ministre, mes chers collègues, je serai très bref. Vous avez dit officiel des débats. à Strasbourg, monsieur le ministre, que votre budget pour 1962 Je vous rappelle tout d'abord la situation des conseillers équivaudrait probablement au sixième du budget national. pédagogiques chargés d'inspecter les instituteurs suppléants. Aujourd'hui même, j'ai entendu M. Tailhades nous dire qu'un Leurs déplacements sont remboursés à raison de 0,10 nouveau budget de l'éducation nationale idéal devrait représenter le franc au kilomètre alors qu'ils se trouvent, de par les nécessités sixième des dépenses nationales. Vous avez atteint ce pourcen- du service contraints d'utiliser en permanence leur voiture tage et je tiens à vous en complimenter. Je tenais surtout personnelle. Les postes inspectés se trouvent généralement dans à attirer votre attention sur l'utilisation des crédits dont vous de petits villages, mal ou pas du tout desservis par les transports disposez en ce qui concerne notamment la réforme hospitalo- publics. Ils doivent à cette occasion accomplir des déplacements universitaire. supplémentaires pour aller prendre leur repas de midi' dans J'ai eu l'occasion d'en parler récemment à M. le ministre de une autre localité. Il serait normal, me semble-t-il, que le droit la santé publique et je lui ai demandé de faire une pause dans de pouvoir utiliser leur voiture personnelle soit reconnu à ces la réforme hospitalière. Mais il n'en est pas de même pour ce conseillers pédagogiques, d'autant plus que les maîtres qui assu- qui est de la réforme universitaire. En effet, cette dernière, qui rent cette fonction sont parmi les meilleurs et qu'ils auraient est fort heureusement amorcée, bien sûr, nécessite cette fois certainement pu postuler, à bref délai, des directions d'école, non point une pause mais un dynamisme accru car interviennent poste qui leur aurait été beaucoup plus avantageux. des problèmes de personnel — on vous l'a dit aujourd'hui — La pratique du ramassage scolaire commence à se développer des problèmes de locaux — on vous l'a dit aussi — et des pro- dans nos cantons ruraux et, certes, nous nous en réjouissons. blèmes de crédits de fonctionnement. A ce sujet, je veux ouvrir Là où il fonctionne, il peut entraîner la fermeture d'écoles une parenthèse pour vous dire qu'il y a en France sept écoles communales à trop faible effectif et les enfants de ces villages nationales de médecine qui fonctionnent avec un budget alimenté sont dirigés vers l'école du bourg en même temps que leurs par les collectivités municipales et départementales et des effec- aînés qui vont au collège d'enseignement général. tifs qui ont doublé, parfois même quadruplé. Les villes et les Il en résulte, pour les familles, une charge supplémentaire départements se trouvent donc devant un budget surchargé. provoquée par la cantine du midi et par la participation aux Aussi, je vous demande une contribution plus importante de frais du ramassage, charge assez lourde lorsque la famille a l'Etat dans les crédits de fonctionnement de ces écoles nationales plusieurs enfants d'âge scolaire, ce qui arrive souvent. L'attri- de médecine. bution de bourses à ces familles, tout au moins aux plus Je veux cependant attirer votre attention sur le fait que c'est nécessiteuses, était jusqu'ici assez controversée parce qu'il ne à vous-même et non à M. le ministre de la santé publique que s'agit pas d'internat. Je vous demanderai, monsieur le ministre, les parents confient leurs enfants. Or, avec les effectifs accrus de bien vouloir nous donner toutes précisions à ce sujet. qui fréquentent nos établissements scolaires, vous pouvez ima- Le premier point de mon intervention se rapportait au traite- giner qu'une épidémie de poliomyélite serait une véritable ment des enseignants. Il est aussi de mon devoir de vous parler catastrophe, dont on vous rendrait responsable. du reclassement indiciaire des retraités de l'enseignement qui, J'ai dejà demandé à M. le ministre de la santé publique qu'il lors du dernier reclassement, ont été sacrifiés, entre autres, institue la vaccination anti-poliomyélitique gratuite et obliga- les anciens professeurs certifiés ou licenciés de l'enseignement toire. Il est indispensable que, dans nos universités, dans nos • du second degré auxquels on a refusé l'application correcte écoles, primaires, secondaires, techniques et supérieures, il soit de la loi de 1948 dite « loi de péréquation » qui est en quelque procédé à cette vaccination. J'aimerais que vous ayez la gentil- sorte la charte garantissant la stabilité indiciaire de leurs lesse, si vous comprenez ce point de vue, d'insister auprès de fonctions. Quand et comment pensez-vous, monsieur le ministre, votre collègue de la santé publique pour que soit instituée cette réparer cette injustice ? vaccination gratuite et obligatoire. Enfin, une dernière question maintenant concernant l'équi- Enfin, monsieur le ministre, vous avez dit à Strasbourg qu'il pement sportif. La loi de programme que nous avons votée y aurait 500.000 étudiants en 1968. Ces jeunes vont-ils faire du récemment nous vaut une appréciable augmentation de crédits sport ? On en a beaucoup parlé aujourd'hui et cela me donne pour 1962. Malheureusement, en raison .même des dispositions l'occasion de vous demander une fois de plus la construction et découlant de la loi de programme, les communes de moins de l'organisation de cités sportives, dont j'ai déjà parlé ici à plu- mille habitants n'ont plus la possibilité d'obtenir une subvention sieurs reprises. Je ne veux pas insister sur ce sujet car on pour l'aménagement de leur terrain de sport à moins de finirait par dire que c'est un « dada » personnel. Mais je vou- s'associer aux communes voisines. C'est sans doute une sage drais exprimer le regret que j'ai éprouvé à ne pas voir votre mesure. Mais cette association n'est pas toujours possible et, signature au bas de la circulaire n° 61-44, en date du 24 août d'une manière générale, je crois que l'idée n'est pas encore 1961, relative à la place de l'équipement social dans les struc- mûre. Il risque de se passer d'assez longs délais avant que ces tures urbaines. associations ne deviennent réalité. Il est question, bien sûr, d'installer dans ces structures Par ailleurs, les subventions dont auraient besoin ces com- urbaines des dispensaires ou des hôpitaux ; mais je n'ai pas vu munes rurales sont relativement minimes. Elles sont sans rap- qu'il soit question d'y construire des écoles et moins encore des port avec les plans envisagés. Je pourrais même vous citer cités sportives. C'est pour vous demander, monsieur le ministre, certaines d'entre elles dont la demande avait été agréée, mais SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961 1775 reportée à l'année suivante faute de crédits ; à la suite du vote de la loi de programme elles sont maintenant hors du circuit. Pensez-vous, monsieur le ministre, pouvoir maintenir un certain volume de crédits qui ne se chiffrerait pas par tellement REGLEMENT DE L'ORDRE DU JOUR de millions et qui pourrait aider, comme par le passé, certaines petites communes pour leur petit stade sportif ? (Applaudisse- M. le président. Sur l'ordre du jour de notre prochaine séance, ments.) la parole est à M. Auberger, au nom de la commission des finances. M. le président. La parole est à M. Fruh. M. Fernand Auberger, au nom de la commission des finances, M. Charles Fruh. Je vaudrais d'abord poser à M. le ministre du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. de l'éducation nationale une question très brève. J'aimerais La commission des finances demande que la fin de la discussion savoir ce qu'il compte faire pour améliorer l'enseignement du du budget des services généraux du Premier ministre, qui a été dessin dans les lycées et collèges. Si je suis bien renseigné, interrompue avant-hier, soit fixée à aujourd'hui mercredi 22 no- 366 postes, c'est-à-dire 32 p. 100 des 1.154 postes de professeurs vembre après-midi, après la discussion du budget de la construc- de dessin, sont actuellement vacants. tion. Ne serait-il pas possible de procéder comme on le fait actuel- lement pour l'enseignement général dans les lycées et collèges ? Bon nombre de professeurs de dessin sont sortis d'écoles non M. Marcel Prélot. Et le budget de l'intérieur ? officiellement reconnues comme écoles d'Etat. Ces professeurs M. le président. Il s'agit d'un simple vote qui ne durera que sont munis de certificats ou de diplômes qui n'ont pas de valeur quelques minutes. Après quoi viendra la discussion du budget au point de vue de l'enseignement d'Etat. Ne pourrait-on de l'intérieur. confier les postes vacants à ces jeunes gens qui seraient pris à titre temporaire ou comme contractuels ? Dans les lycées, on Il n'y a pas d'opposition à la proposition de M. Auberger ?... est allé jusqu'à prendre de simples bacheliers. Il en est ainsi décidé. Je voudrais maintenant poser une question à M. le haut-com- En conséquence, voici quel pourrait être l'ordre du jour de missaire à la jeunesse et aux sports et attirer son attention sur notre prochaine séance publique, précédemment fixée au mer- la misère du sport cycliste sur piste. Vous savez, monsieur le credi 22 novembre 1961, à neuf heures trente minutes : haut-commissaire, que, depuis quelques années, la France n'a plus une seule piste cycliste couverte. Il en existait une à Saint- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1962, Etienne qui a été détruite parce qu'elle était dans un état de adopté par l'Assemblée nationale. [N" 52 et 53 (1961-1962). — vétusté tel qu'elle constituait un danger. Il y en avait une très M. Marcel Pellenc, rapporteur général de la commission des belle à Paris, rue Nélaton, à l'ancien Palais des Sports et qui, finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques elle, a été détruite par spéculation. de la nation.] Actuellement, nous avons beaucoup de pratiquants, aussi bien Deuxième partie : moyens des services et dispositions spé- amateurs que professionnels, du sport cycliste. L'hiver, il leur ciales : est absolument impossible de s'entraîner et, lorsqu'ils veulent disputer des compétitions, ils sont obligés de s'exiler, notamment Construction : d'aller au vélodrome de Bruxelles. Si nous voulons que, sur le M. Jean-Eric Bousch, rapporteur spécial de la commission plan sportif, la France puisse continuer à maintenir son rang, des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques qui a été très brillant dans les compétitions internationales, il de la nation ; est très important que nos coureurs, aussi bien amateurs que professionnels, puissent s'entraîner l'hiver. Je vous demande, M. Charles Suran, rapporteur pour avis de la commission monsieur le haut-commissaire, d'envisager une solution qui per- des affaires économiques et du plan. mette de donner satisfaction à ceux qui désirent pratiquer ce Articles 23, 33, § 1, 35 (lignes « Prêts concernant les H. L. M. s), sport. (Applaudissements.) 36, 37, 53, 54, 55 et 55 bis du projet de loi. M. le président. Personne ne demande plus la parole ? Services du Premier ministre : La discussion générale est close. La conférence des présidents de jeudi prochain fixera la date I. — Services généraux (suite) : à laquelle viendra la suite de cette discussion, vraisemblable- M. Yvon Coudé du Foresto, rapporteur spécial de la commis- ment dimanche. sion des finances, du contrôle budgétaire et des comptes écono- miques de la nation ; — 5— M. Michel Champleboux, rapporteur pour avis de la commis- DEPOT D'UN RAPPORT sion des affaires économiques et du plan (énergie atomique). Intérieur : M. le président. J'ai reçu de M. Jean Bertaud un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du plan M. Jacques Masteau, rapporteur spécial de la commission sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif des finances, du contrôle budgétaire et des comptes écono- au régime de la production et de la distribution de l'énergie dans miques de la nation ; le département de la Martinique (n° 67, 1961-1962). M. Jean Nayrou, rapporteur pour avis de la commission des Le rapport sera imprimé sous le n° 77 et distribué. lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Article 59 du projet de loi. — 6— Il n'y a pas d'opposition ?... DEPOT D'UN AVIS L'ordre du jour est ainsi réglé. Personne ne demande la parole ? M. le président. J'ai reçu de M. Laurent Schiaffino un avis La séance est levée. présenté au nom de la commission des affaires économiques et du plan sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, (La séance est levée le mercredi 22 novembre, à zéro heure portant fixation des crédits ouverts aux services civils en Algérie trente-cinq minutes.) pour l'année 1962 et des voies et moyens qui leur sont applicables (n" 54 et 59, 1961-1962). Le Directeur du service de la sténographie du Sénat, L'avis sera imprimé sous le n° 76 et distribué. HENRY FLEURY. 1776 SENAT — SEANCE DU 21 NOVEMBRE 1961

Erratum MINISTRE D'ETAT CHARGE DES AFFAIRES ALGERIENNES au compte rendu intégral de la séance du 17 novembre 1961. N" 1977 Roger Marcellin ; 1978 Roger Marcellin ; 1981 Roger Marcellin. Page 1607, 1 – colonne : —5— AFFAIRES ETRANGERES TRANSMISSION DE PROPOSITIONS DE LOI N" 767 Edmond Barrachin ; 2047 Maurice Carrier ; 2048 Maurice Carrier ; 2049 Maurice Carrier. Lire comme suit l'avant-dernier alinéa de la 1" colonne : « La proposition de loi sera imprimée sous le n° 65, distribuée AGRICULTURE et, s'il n'y a pas d'opposition, renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du • 1575 Maurice Lalloy ; 1767 Philippe d'Argenlieu ; 1877 André règlement et d'administration générale ». Maroselli ; 1946 ; Michel Yver.

ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE

• 1792 Marcel Champeix ; 2062 Louis Courroy ; 2106 Adolphe QUESTIONS ECRITES Dutoit. REMISES A LA PRESIDENCE DU SENAT LE 21 NOVEMBRE 1961 ARMEES

Application des articles 74 et 75 du règlement, ainsi conçus : N" 1802 Jacques Duclos ; 2064 André Monteil ; 2066 général « Art. 74. — Tout sénateur qui désire poser une question écrite Ganeval. au Gouvernement en remet le texte au président du Sénat, qui le communique au Gouvernement. CONSTRUCTION « Les questions écrites doivent être sommairement rédigées et ne contenir aucune imputation d'ordre personnel à l'égard de tiers N" 744 Charles Fruh ; 2075 Michel Kauffmann. nommément désignés ; elles ne peuvent être posées que par un seul sénateur et à un seul ministre. e « Art. 75. — Les questions écrites sont publiées durant les ses- EDUCATION NATIONALE sions et hors session au Journal officiel ; dans le mois qui suit cette publication, les réponses des ministres doivent également y être N" 1914 Jacques Duclos ; 1968 Victor Golvan ; 1975 Georges Rou- publiées. geron. « Les ministres ont toutefois la faculté de déclarer par écrit que l'intérêt public leur interdit de répondre ou, à titre exceptionnel, qu'ils réclament un délai supplémentaire pour rassembler les élé- FINANCES ET AFFAIRES ECONOMIQUES ments de leur réponse ; ce délai supplémentaire ne peut excéder un mois. N" 1004 Paul Ribeyre ; 1006 Paul Ribeyre ; 1091 Etienne Dailly ; « Toute question écrite à laquelle il n'a pas été répondu dans les 1111 Camille Vallin ; 1318 Paul Ribeyre ; 1777 Gabriel Tellier ; délais prévus ci-dessus est convertie en question orale si son auteur 1820 Jules Pinsard ; 1947 Gustave Alric ; 1997 Paul Mistral ; 2003 le demande. Elle prend rang au rôle des questions orales à la date Michel Kauffmann ; 2011 Francis Le Basser ; 2020 Etienne Dailly ; de cette demande de conversion. » 2033 Etienne Dailly ; 2039 Charles Naveau ; 2054 Auguste Billiemaz ; 2055 Lucien Perdereau ; 2060 Emile Hugues ; 2070 Paul Mistral ; 2073 Michel Kauffmann ; 2074 ; Michel Kauffmann ; 2094 Fernand 2185. — 21 novembre 1961. — M. Jean Peridier demande à M. le Auberger. ministre des finances et des affaires économiques si un particulier bâtissant lui-même le gros oeuvre de sa maison personnelle et INTERIEUR employant seulement des artisans pour la menuiserie, la peinture, l'électricité, etc. doit être considéré comme un entrepreneur assu- N" 581 Waldeck L'Huillier ; 2028 Georges Rougeron ; 2063 Louis- jetti à la T. V. A. ou comme un artisan ordinaire. Courroy.

SANTE PUBLIQUE ET POPULATION 2186. — 21 novembre 1961. — M. Jean Peridier demande à M. le ministre des finances et des affaires économiques de lui faire connaî- • 1993 Georges Rougeron ; 2004 Victor Golvan. tre si un procès-verbal de la commission départementale des impôts directs (art. 1.651 du C. G. I.) ne doit pas, sous peine de nullité, être signé par tous les membres présents composant TRAVAIL ladite commission. N° 2089 Roger Lagrange.

TRAVAUX PUBLICS ET TRANSPORTS

LISTE DE RAPPEL DES QUESTIONS ECRITES N" 2015 Fernand Verdeille ; 2086 Etienne Dailly. auxquelles il n'a pas été répondu dans le mois qui suit leur publication. (Application du règlement du Sénat.) Erratum. au Journal officiel, débats parlementaires, Sénat. PREMIER MINISTRE (Annexes au procès-verbal de la 2' séance du 16 novembre 1961.) N" 1871 Paul Ribeyre ; 1880 Jacques Vassor ; 1917 Guy de La Vasselais ; 1918 Guy de La Vasselais. Page 1552, 2' colonne, scrutin n° 4: MINISTRE DELEGUE AUPRES DU PREMIER MINISTRE (Fonction publique.) Au lieu de : « sur l'amendement (n° 50) de M. Octave Bajeux... », lire : « sur l'amendement (n° 50) de MM. Jean N 2087 Roger Lagrange ; 2092 Charles Naveau. Brajeux et Modeste Legouez...