Le Maréchal De La Palice. Ou Le Dernier Des Chevaliers Français
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Collection PRESENCE DE L'HISTOIRE dirigée par ANDRE CASTELOT LE MARÉCHAL DE LA PALICE JEAN-CHARLES VARENNES LE MARÉCHAL DE LA PALICE ou Le dernier des chevaliers français Perrin 8, rue Garancière Paris La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. © Perrin, 1989. A Jean CHALON, pour quarante ans bientôt d'une amitié sans faille. A l'Académie du Vernet, ses présidents et ses membres successifs, pour le partage d'un demi-siècle de culture bourbonnaise. CHAPITRE PREMIER LES ILLUSTRES ANCÊTRES : DE « TAILLEFER » AU PALADIN TAILLÉ COMME HERCULE Le maréchal de La Palice est-il le Marlborough fran- çais ? Homme chansonné, célèbre par ses vérités, il appartient à la maison de Chabannes, une des plus considérables de France, ayant racines en Limousin et plus de neuf siècles d'ancienneté. A l'origine, cette famille se nommait Chabanais — peut-être « Chabanet » : petite cabane, petit hangar en parler bourbonnais. Elle a pris pied en Auvergne au milieu du XV siècle. Ses plus anciens ancêtres connus remontent au VIII siècle. Parmi les premiers identifiés figure Vulgrin I comte d'Angoulême et de Périgord apparenté par sa mère au roi de France Charles II, dit le Chauve. « Sage et preux chevalier et grand capitaine distingué par son courage », il témoigne des qualités essentielles appelées à devenir traditionnelles dans sa famille. Son fils Alduin I lors des incursions de bandes normandes, se vit confier par les moines de Charroux la garde d'un reliquaire contenant un fragment de la Sainte Croix. Le danger passé, le protecteur refusa de le rendre. Irrité par cette perfidie, Dieu frappa le rece- leur d'une maladie de langueur et provoqua une grande famine dans la ville. Au bout de sept années de misères et de souffrances, le coupable se repentit. Il fit réaliser une châsse enrichie d'or et de pierreries, y plaça le reli- quaire et en fit cadeau à l'abbaye. Son successeur Guillaume portait une épée célèbre connue sous le nom de Curto. Elle avait été fabriquée par Walender, le spécialiste des aciers tranchants. Son propriétaire, casqué et cuirassé de fer, d'un seul coup de cette arme trancha en deux moitiés égales un adver- saire pourtant enfermé dans une armure. La réputation due à ce prodige fit qu'il chassa définitivement les Nor- mands de l'Aquitaine. Le surnom de Taillefer fut ajouté au nom de Guillaume. Ce merveilleux coup de lame appartient à la mythologie. N'est-il pas souhaitable que la légende fleurisse aux origines de la famille du maré- chal de La Palice ? A travers les luttes féodales classiques, les divers démêlés avec l'Eglise et les couvents, un monde grouil- lant n'offrant souvent que des renseignements impré- cis, parfois contradictoires, le généalogiste arrive à Jacques I de Chabannes, fils de Robert de Chabannes et d'Alix de Bort, seigneur de La Palice grâce à une acquisition effectuée auprès du duc Charles I de Bour- bon, le 18 mars 1430. Jacques I de Chabannes fut en outre seigneur de Montaigu-le-Blin, de Chatelperron, possessions qui le rattachent directement au Bourbon- nais, même s'il fut aussi seigneur de Charlus-Chabannes en Limousin, de Madix et de La Dailhe en Auvergne et de Curton en Guyenne. Capitaine de cent hommes d'armes, sénéchal et maréchal du Bourbonnais, il fut conseiller et chambellan du roi Charles VII qui le nomma grand maître de France le 31 mars 1451. « Sa figure noble et chevaleresque se dresse parmi celles des compagnons de Jeanne d'Arc. et des illustres capitaines qui, à cette époque, défendirent vaillamment contre les Anglais l'étendard français. Digne émule des Dunois et des La Hire, Jacques fut l'un des chevaliers qui se distinguèrent le plus par leur dévouement à la cause de Charles VII ; il prit part à toutes les grandes expéditions de son temps, méritant, dit de lui Savaron, d'être appelé avec son frère Antoine, comte de Dam- martin, duo fulmina belli : « deux foudres de guerre1 ». Quand Jacques I de Chabannes arrive dans Orléans le lundi 25 octobre 1428, les Anglais se sont emparés des Tournelles. Les défenseurs l'accueillent avec grande satisfaction, d'autant qu'il n'est pas seul : Dunois, La Hire, le maréchal de Boussac l'accompagnent. Tous se mettent en devoir d'organiser la défense. Cette intense activité n'échappe pas à l'Anglais William Glasdale. Celui-ci fait savoir à la population qu'à son entrée dans la ville il tuera hommes et femmes « sans en épargner aucun ». Les chefs français tiennent conseil, ils décident de faire raser églises et maisons dans lesquelles l'ennemi pourrait se fortifier. Ils organisent une sortie en force dans le but d'intercepter les renforts et le ravitaille- ment qu'attendent les adversaires. L'arrivée de Jacques I de Chabannes contrarie l'en- nemi. « Les Anglais le redoutaient plus que nul autre Français, à cause de sa prudence et bonne conduite » « Presque toutes les nuits, les Anglais, parvenus sans bruit au pied des boulevards de la place, faisaient tout à coup sonner leurs trompettes, tentaient l'escalade, et toujours, vigoureusement repoussés, ne reprenaient le chemin de leurs forts qu'après avoir longtemps disputé la victoire 3 » Pour les tenir en échec et les inquiéter, des fortifica- tions faites de fossés alimentés par le courant de plu- sieurs petits cours d'eau et des rangées de pals pointe en avant protégeaient le logis des soldats. 1. Comte H. de Chabannes, Histoire de la maison de Cha- Dijon,bannes, 1892. tirée à 70 exemplaires, imprimerie Eugène Jobard, 2. Duplessis, Vie de Jacques et Antoine de Chabannes. 3. Comte H. de Chabannes, op. cit. Le maréchal de Boussac et Jacques I de Chabannes accompagnèrent Dunois dans la sortie qu'il tenta le samedi 15 janvier 1429. Celle-ci, mal préparée, mal conduite, échoua. Le dimanche 30 janvier 1429, les Français tuèrent sept Anglais, firent quatorze prisonniers mais ne perdirent qu'un homme abattu par un trait à la gorge, saigné rapidement. Les tentatives de sortie se multiplièrent, en particulier le jeudi 3 février et le dimanche qui sui- vit, mais les Anglais supportèrent ces escarmouches sans se laisser entraîner dans un affrontement général qui aurait pu changer la disposition des armées. « Sur ces entrefaites, Jacques de Chabannes résolut d'aller, avec quelques hommes d'escorte seulement, trouver à Blois Charles I de Bourbon, comte de Cler- mont. Le mercredi suivant, 9 février 1429, il partit donc, accompagné seulement de messire Regnault de Fon- taine, d'un vaillant chevalier nommé le Bour de Bar et de vingt à vingt-cinq cavaliers. Ils furent malheureuse- ment rencontrés par un corps d'Anglais et de Bourgui- gnons qui les enveloppèrent. Jacques de Chabannes et Regnault de Fontaine se firent jour l'épée à la main et rentrèrent dans Orléans, mais le Bour de Bar, moins heureux, fut fait prisonnier et conduit dans la tour de Marchenoir, à trois lieues à l'ouest de Beaugency » Jacques de Chabannes est au Rouvray le 12 février 1429, date qui reste dans l'histoire nationale sous le nom de « Journée des harengs ». Les Français, ayant appris qu'un convoi de ravitaillement, composé en grande partie de harengs, se dirigeait vers l'armée anglaise campée sous les murs d'Orléans, résolurent de s'en emparer afin d'améliorer leur ordinaire. L'expédi- tion, hâtivement préparée, se solda par un désastre total. « La panique était générale, quand soudain l'hori- 1. Comte H. de Chabannes, op. cit. zon s'éclaircit, et la douce et glorieuse figure de la ber- gère lorraine apparaît aux regards étonnés » Un poème nous renseigne sur l'attitude des chefs militaires à l'égard de la Pucelle : On remarquait Villars, Alain Giron, Gamache ; [...] On y voyait encore Albon, Maillé, Tavannes Gontaut-Biron, Chabot puis Jacques de Chabannes Que suivaient du Thillay, dit Jamet et Therray, Trois glorieux vaincus au combat de Rouvray Et tous interrogeaient d'Illiers sur la Pucelle. La jeune fille ne ralliait pas toutes les adhésions. D'emblée, Jacques de Chabannes prend parti pour Jeanne d'Arc, défend sa cause avec une ironie mor- dante : Les vieux voudraient toujours éloigner la jeunesse De qui l'activité redoute le repos ! On doit savoir vieillir et vieillir à propos... « Paladin sans peur et taillé comme Hercule », il veille sur la jeune fille, s'instaure son protecteur, son meilleur conseiller, devient son champion fidèle, brûlant pour elle d'un pur amour. Beau, plein de charme, recueillant des femmes le regard de velours, il pourrait éprouver pour Jeanne un sentiment pour le moins mitigé. La foule l'admire car il rappelle [...] le beau saint Georges peint au front de sa chapelle Renversant sous les pieds de son blanc destrier Le fulminant dragon qui lui mord l'étrier. L'ancêtre de M. de La Palice participe à tous les com- bats autour d'Orléans. Quand la défaite menace, il change le sort des armes. La hache bien en main, tom- bant comme la foudre, il pulvérise l'ennemi. Lors de 1.