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Histoire Québec

Noms de lieux et présence indienne à Oka (2e partie) Jean-Paul Ladouceur

Du bon usage de la mémoire Volume 9, numéro 2, novembre 2003

URI : https://id.erudit.org/iderudit/1059ac

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Éditeur(s) La Fédération des sociétés d'histoire du Québec

ISSN 1201-4710 (imprimé) 1923-2101 (numérique)

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Citer cet article Ladouceur, J.-P. (2003). Noms de lieux et présence indienne à Oka (2e partie). Histoire Québec, 9(2), 8–14.

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La région d'Oka en 1990

Municipalité

le. Terres achetées par la gouvernement fédéral pour lé* Indiana

Terre» achetées par la gouvernement du Québec

Terrains acquis par lé municéélité

Sources : Vaudreuil. 3IG8, 6'«. 1984 el . 3109. 7* «d.. i

Noie Certains terrains de , trop petits, n'ont pu être indiqués.

l>ess«« pér J P. Ladooceur

Figure 5 - C'est le territoire acquis par le gouvernement fédéral pour les Indiens, en 1945, que Ton désigne aujourd'hui sous le nom de Kanesatake: «Quelques 828 hectares de terres constituent la base territoriale actuelle de ce que l'on désigne comme la "Réserve indienne de Kanesatake", mais qui n'en est pas véritablement une au plan juridique. Or, ce territoire se résume globalement à 11 parcelles de terres séparées les unes des autres et, de surcroît, non contigues. De plus, des routes et des chemins publics -qui ne sont pas propriété indienne et qui ont fait l'objet de protestations officielles à partir du siècle dernier- traversent leurs terres, ce qui fait passer de 11 à 20 ces parcelles de terres complètement séparées,» Pluritec-Environnement ltée, band, 1988: Kanesatake . Lands Needs Evaluation for Community Expansion, 3.1 et Québec, Ministère de l'Énergie et des Ressources, Locabsation des nations autochtones au Québec. Historique foncier, (Rapport préparé par Jacqueline Beaulieu, 1986), 120. «À l'intérieur même des limites de la municipalité d'Oka, la situation est encore plus troublante : 27 parcelles de terres séparées, subdivisées en 60 lots occupés par des Indiens, se retrouvent à l'intérieur même du périmètre urbain du village d'Oka.» Extrait tiré de : Commission des droits de la personne, Le choc collectif, Oka-Kanesatake-Eté 1990, (Rapport préparé par Monique Rochon et Pierre Lepage, 1991), 75.

HISTOIRE NOVEMBRE 200) PAgE 8 ner...» (47) On laissait aussi au gouverne­ adopta une résolution demandant au lieu­ de ces dernières se trouve dans une note ment le soin d'accorder à la nouvelle mu­ tenant-gouverneur de changer le nom de au procès-verbal du 7 avril 1977 : «Con­ nicipalité le statut de paroisse ou celui de la municipalité en celui de «Municipalité cernant le changement de nom de la muni­ village. de la paroisse d'Oka». Cette demande ne cipalité, le sous-ministre Roch Bolduc sug­ Dans une lettre à l'en-tête du fut pas agréée. gère au conseil en date du 18 mars 1977 le «Department of the secretary of the pro­ De plus en plus conscient qu'en de­ nom de "Belmont" qui d'ailleurs est refusé vince of Québec» [sic] en date du 27 juin hors des usages officiels et de la corres­ par la municipalité. Le conseil maintient 1917, on informe l'un des deux promoteurs pondance, les résidants, comme les gens à sa décision soit municipalité Paroisse que la nouvelle municipalité «... devra s'ap­ l'extérieur de la région, désignaient l'en­ d'Oka.» La Commission de toponymie re­ peler "Municipalité de la partie... de la droit du nom de Oka, le conseil profita du fusa d'accéder à cette demande probable­ paroisse de L'Annonciation d'Oka ", en rem­ fait que le député du comté était ministre ment parce que la municipalité voisine por- plaçant les points de suspension par le mot nord, sud, est ou ouest, suivant que la mu­ nicipalité se trouve dans une de ces direc­ tions par rapport à la partie principale de la paroisse de L'Annonciation-d'Oka». (48) À la suite d'une série de retards cau­ sés par une erreur dans l'arpentage du ter­ ritoire, par une demande des Sulpiciens pour qu'un terrain qu'ils destinaient à une ferme modèle soit inclus dans la nouvelle municipalité, par le refus de la partie «vil­ lage» à demander un statut de village, (ce qui eut pour effet d'entraîner une procé­ dure différente de celle prévue au Code mu­ nicipal) et enfin, par la création à Québec d'un « Département des Affaires municipa­ Figure 6-CE. Wilson, Vue d'Oka depuis les bancs de sable, 1878. Illustration les», l'érection de la municipalité ne fut tirée du New Dominion Monthly de Montréal, juillet 1878. décrétée qu'environ quinze mois après la première requête. L'annonce en fut faite à à Québec pour préparer une nouvelle de­ tait déjà ce nom et qu'on voulait éviter qu'il Maxime Pominville le 21 mai 1918 par Os­ mande. Au procès-verbal de l'assemblée du y ait confusion. Toutefois, devant la ferme car Morin, sous-ministre des Affaires mu­ 22 août 1974, on lit ce qui suit : «Concer­ décision du conseil municipal, la Commis­ nicipales. L'érection fut décrétée le 28 mai nant le nom de la municipalité et devant sion de toponymie s'inclina et le 17 juin 1918 et devint officielle le 10 août 1918 la longueur de ce nom, le conseil cherchera 1977, un avis public informait la popula­ (49) lorsqu'elle fut publiée dans la Gazette à trouver un nom plus court. Lors de la vi­ tion qu'à la suite d'un arrêté en conseil officielle de Québec sous le nom de Partie site de Me l'Allier, ce dernier a affirmé qu 'il adopté le 26 mai 1977 par le lieutenant- Nord de la paroisse de L'Annonciation. tentera de trouver un nom plus approprié. » gouverneur, le nom de la municipalité avait Kanesatake se trouvait dans cette partie Le 3 janvier 1975, le conseil revient été changé pour «municipalité de la pa­ de la municipalité de L'Annonciation mais, à la charge et adopte une résolution «de­ roisse d'Oka». Cette nouvelle appellation lors des démarches entreprises en vue de mandant au ministre J.-Paul L'Allier sa col­ devint officielle lorsqu'elle parut dans la la séparation, les résidants de cette com­ laboration afin de changer le nom actuel Gazette officielle du Québec le 9 juillet 1977. munauté ne furent pas consultés. de la municipalité en celui de Paroisse De 1977 à 1999, deux municipalités En plus d'être trop long, Partie Nord d'Oka». Les procès-verbaux sont par la sises côte à côte portèrent exactement le de la paroisse de L'Annonciation avait l'in­ suite muets sur cette question jusqu'au 4 même nom: Oka. Pour les distinguer, les convénient majeur de n'être pas en usage novembre 1976. Ce soir là, c'est à l'unani­ gens de la région ajoutaient les génériques dans la population locale, supplanté avant mité que le conseil adopta la résolution village ou paroisse après le nom, même si même son adoption par le toponyme Oka. suivante : «Il est proposé, secondé et adopté celle que l'on qualifiait de village n'avait Malgré ce grave défaut, la municipalité à l'unanimité de changer le nom de la mu­ pas le statut légal de «village», mais celui garda son nom jusqu'en 1951. Cette an­ nicipalité de Partie Nord de la paroisse de de «sans désignation». (50) Une telle si­ née-là, plus précisément le 7 juin, le con­ l'Annonciation d'Oka en celui de munici­ tuation en avait incité certains à prédire seil, après avoir énuméré plusieurs « con­ palité de la paroisse d'Oka.» une fusion éventuelle. Ils avaient raison, sidérants » décrivant les inconvénients qu'il Cette résolution fut envoyée aux car l'union des deux municipalités fut ap­ y avait à être identifié par un tel nom, autorités gouvernementales et la réponse prouvée par un fort pourcentage de la po-

HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 200) PAfiE 9 pulation au mois de novembre 1999 et ra­ venu premier ministre, était mort en jan­ LîleàRitté tifiée par le gouvernement quelque temps vier 1960, après n'avoir occupé ce poste Ce toponyme désigne une petite île inha­ plus tard. que pendant quelques mois. bitée dans la partie ouest du lac, au sud de Quelques années plus tard, le gou­ la baie des Indiens. Il est difficile de déter­ Oka sur le lac vernement agrandit considérablement le miner depuis quand cette appellation est Sur le territoire que l'on désignait ancien­ parc en achetant la colline du Calvaire, le en usage, car sur un plan de la seigneurie nement du nom de le Domaine ( le domaine secteur est de la plage, la Grande Baie et dressé par Louis Jobin en 1798 (57) cette des Sulpiciens) une troisième municipalité d'autres terrains à l'est et à l'ouest.(54) Ac­ même appellation, orthographiée d'une fut érigée, mais son existence fut éphémère. tuellement le Parc d'Oka, car c'est son nou­ manière différente, est utilisée pour nom­ Au début des années 40, des hommes d'af­ veau nom officiel, a une superficie totale mer non pas l'île mais une pointe (la pointe faires eurent Orithée) qui s'avance dans le lac, au sud l'idée de cons­ de la baie des Indiens et à quelques centai­ truire des mai­ nes de pieds de cette île. Dans les répertoi­ sons dans la res et sur les cartes topographiques récen­ partie du parc tes, la situation est inversée, le nom dési­ d'Oka actuelle­ gne l'île (l'île à Ritté) tandis que la pointe ment aménagée n'a plus de nom. (58) en terrain de Cette pointe et l'île sont aujourd'hui camping (51) et la propriété des Frères de l'Instruction pour ce faire, Chrétienne qui y ont construit une école et, obtinrent du s'il faut en croire un religieux de cette com­ gouvernement munauté, l'île n'aurait pas bonne réputa­ qu'une partie de tion auprès des jeunes gens d'Hudson qui la commune (52) lui auraient même donné un surnom: «Par soit érigée en Figure 7 - Partie de la carte L'isle de Montréal et ses environs, le temps qui court Tunique et efficace gar­ municipalité. La 1764, [Bellin], Petit atlas maritine. dien de l'île, c'est l'herbe à la puce, qui rè­ municipalité fut officiellement érigée le 29 de 18 kilomètres carrés et, depuis 1990, gne en souveraine sur toute son étendue... mai 1942 sous le nom de Oka-sur-le-Lac et son statut est celui de: parc de récréation La jeunesse anglaise de Hudson sait conserva son statut pendant plusieurs an­ (figure 5). quelque chose des effets nocifs de leurs nées, mais le projet de construction avorta. bains de soleil sur l'île qu'ils ont sur­ La municipalité n'existe plus aujourd'hui La pointe d'Oka nommée: "The Devil's Island "»(59) et ne compta jamais qu'un seul habitant: La situation stratégique de cette pointe jus­ En plus d'une île et d'une pointe, un dénommé Athanase Legault, gardien du tifia le dernier déménagement de la mis­ Orité a aussi désigné une baie. Dans son territoire, qui s'y était construit un abri sion du Lac-des-Deux-Montagnes. L'actuel histoire de la mission du Lac-des-Deux- temporaire (shak). Cet unique habitant est quai d'Oka prolonge cette pointe qui est Montagnes, (p.3) Monseigneur Olivier rapporté dans le Recensement du indiquée sur les cartes topographiques de­ Maurault indique qu'en 1721 les Indiens de 1966. puis 1923.(55) s'installèrent au fond d'une petite baie qui, d'après les archives du Séminaire, portait Le parc d'Oka Les collines d'Oka le nom de Orité. Il semble que ce toponyme Au cours des années 1936, 1942,1962 et Le générique de cette appellation est ne fut pas en usage très longtemps du même à quelques reprises par la suite, le d'usage récent, les cartes topographiques moins chez les Canadiens, car en 1781 c'est Séminaire de Saint-Sulpice éprouva de sé­ (56) ne désignent du nom de collines ces l'appellation Petite Baie qui est utilisée pour rieux problèmes financiersqu i l'obligèrent modestes élévations que depuis une ving­ la désigner. (60) Sur les cartes topographi­ à hypothéquer et à aliéner une grande par­ taine d'années environ. Localement on con­ ques récentes, (61) cette baie située à deux tie de ce qui restait du «Domaine»(53). Une tinue d'appeler montagnes la douzaine kilomètres environ à l'est de la pointe d'Oka partie du terrain fut ainsi vendue au gou­ d'élévations de hauteurs différentes qui est désignée par le toponyme Oka (baie vernement du Québec qui en fitd'abor d une parsèment le paysage au nord et à l'ouest d'Oka), mais cette appellation n'est pas très réserve de chasse et pêche (Réserve de du village d'Oka. Ces collines ne font pas répandue. D'après de vieux résidants de chasse et pêche de Deux-Montagnes) puis partie des montérégiennes, mais sont une cette localité, son nom véritable et encore un parc, le Parc provincial d'Oka. En 1968, résurgence du bouclier canadien et leur en usage est Petite Baie, nom qui lui aurait le nom fut changé en Parc provincial Paul- formation est semblable à celle des Lau­ été attribué en opposition à la Grande Baie Sauvé. Ce dernier avait été longtemps dé­ rentides (fig. 8). à quelques kilomètres à l'est. C'est aussi le puté du comté de Deux-Montagnes et, de­ nom que l'on retrouve sur un ancien plan

HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 2003 PAfiE 10 et dans des contrats de fermage accordés met» et la municipalité a choisi de s'appe­ La Pinède par les Sulpiciens au dix-huitième siè- ler Pointe-Calumet. L'usage local actuel Le village d'Oka est presque entièrement cle.(62) tend vers cette dernière forme. On raconte entouré par une dune de sable fin (la côte Rite ou Ritté est la déformation de que c'est sur cette pointe de sable fin que de Sable) d'une hauteur de 30 à 40 mètres Orité qui est un nom d'origine iroquoise des Amérindiens se réunissaient pour fu­ au dessus du niveau du lac. A la suite d'une ou huronne. Dans son Lexique de la lan­ mer le calumet. (68) Cela est tout à fait pos­ deforestation excessive au cours du 19" siè­ gue iroquoise avec notes et appendices, sible, mais aucun document ne vient attes­ cle, le vent soulevait le sable, les eaux de (p. 35) Cuoq le traduit ainsi «Orité, pigeon, ter une telle assertion. pluie creusaient de profonds ravins, multi­ colombe, tourterelle» et il ajoute même pliaient les éboulis et le sable menaçait plus loin qu'une des sept bandes iroquoi- Le mont Bleu d'envahir le village. Pour obvier à cette si­ ses du Sault-Saint-Louis (Caughnawaga), Cette colline, la plus haute de la région (270 tuation, monsieur Urgel Lafontaine, p.s.s., la bande de la tourtre [sic] «rotirite» avait mètres), domine la partie ouest du lac. raconte dans son deuxième cahier que pour marque un pigeon sauvage «orité». D'après Urgel Lafontaine, p.s.s., elle aurait monsieur Lefebvre, p.s.s., alors supérieur (p.154) Il compare aussi certains mots du été ainsi nommée par les Indiens, parce de la mission, avait, en 1876, un an avant dictionnaire huron de Gabriel Sagard avec que, dans certaines conditions de temps, l'incendie de l'église, fait planter quelques ceux de l' parlé à la fin du siècle elle aurait, vue du lac, un aspect bleuté. milliers d'arbres, mais que des Iroquois dernier et note que Sagard écrivait Orittey. Cet auteur ajoute même «... quand Tair est (Mohawks) mécontents les avaient arra­ (p. 156) 11 n'y eut pas de représentant de bien pur, et que les arbres sont dépouillés chés, brûlés au brisés et avaient même mis la bande de la tourte à Oka, mais un grand de leurs feuilles, on peut [du sommet] aper­ le feu à la cabane du gardien.(71) Dix an­ chef porta ce nom pendant la période de cevoir jusqu'à vingt clochers. »(69) Sur les nées plus tard, en 1886, à la suite de fortes 1852 à 1860.(63) pluies, il se produisit un grand éboulement, le sable Baie des Indiens atteignit les premières mai­ Cette baie est située dans la partie ouest sons au nord du village, ce du lac de Deux Montagnes, entre la pointe qui suscita une vive inquié­ aux Anglais et l'île à Ritté. C'est vis-à-vis tude parmi les résidants. Le cette baie que sont installés depuis fort supérieur de la mission, longtemps les maisons d'une bonne partie monsieur Lefebvre reprit de la population iroquoise (mohawk) et l'idée de fixer le sable en y c'est sûrement à cause de leur présence à plantant des arbres, mais cet endroit que la baie fut ainsi nommée. cette fois il ne demanda pas Sur les cartes anciennes, tant du régime qu'aux Iroquois (Mohawks) français que du régime anglais, on indiquait catholiques et aux Québécois vis-à-vis cette baie «village d'Iroquois». (64) de participer à la plantation Ce toponyme (baie des Indiens) parut une mais «aux Indiens de toutes première fois sur une carte topographique tribus et de toutes religions», en 1996.(65) Au dix-neuvième siècle, cette (72) offrant de les payer pour vaste baie très évasée était connue sous le chaque arbre planté. Au nom de l'Anse. En 1857, les Sulpiciens y cours des dix années qui sui­ avaient ouvert une école «l'école de l'Anse» virent, on planta quelques pour l'instruction des Indiens, école qu'ils 65000 arbres, essentielle­ confièrent en 1862 aux Petites filles de ment des pins, des sapins et Saint-Joseph. (66) Cette école était située des épinettes. L'opération fut près de l'intersection du rang Sainte- un succès. Les arbres arrê­ Philomène (route 344) et du rang Sainte- tèrent l'érosion et forment ce Germaine, soit vis-à-vis le milieu de la baie. Figure 8 - Partie de la Carte topographique de la que l'on appelle aujourd'hui province du Bas-Canada, 1815. Jos. Bouchette. la Pinède (fig.6).

Pointe à Calumet cartes topographiques on désigne cette C'est ainsi que les cartes anciennes(67) et colline de l'appellation mont Saint- La montagne du Calvaire les gens âgés de la région désignent cette Alexis. (70) Cette dernière désignation est Dans le but de convertir les Indiens plus pointe sise à un peu plus d'un kilomètre à connue de certaines personnes, mais le facilement et inciter les convertis à une plus l'est du parc d'Oka. Les cartes topographi­ nom en usage dans la région est mont grande piété, un Sulpicien fortuné du nom ques récentes indiquent «pointe au Calu­ Bleu. de Hamon Guen fit construire, à ses frais,

HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 200) PAfiE 11 le passé, aurait désigné traduction soit correcte, mais elle est plau­ la région de Deux- sible, car on trouve dans la région d'an­ Montagnes, (74) région ciens chenaux asséchés de la rivière des qui correspond ap­ Outaouais. proximativement à l'ancien comté munici­ Lac aux Iroquois pal du même nom. Ce toponyme n'est plus en usage car le lac L'usage ancien de cette n'existe plus, il a disparu à la suite de tra­ appellation est proba­ vaux de drainage. En fait, il s'agissait d'un ble, mais il n'est pas as­ petit lac qui se trouvait à la tête du ruis­ suré car aucun docu­ seau Rousse à l'ouest du rang de L'Annon­ ment ne vient l'attester. ciation, entre le rang Saint-Hyppolite et le On peut toutefois sup­ rang Sainte-Sophie. Certains vieux citoyens poser qu'il fut en usage d'Oka se souviennent encore de ce nom et lorsqu'une bande d'Al­ de l'endroit où il se trouvait, mais on ignore gonquins résidait à la pour quelle raison on lui avait attribué le mission des Sulpiciens nom d'Iroquois. à Oka, soit avant 1869. Après le déménage­ Les nouveaux noms de rues Figure 9 - Chemin du Milieu traduit en Iroquois ment de ces derniers à (mohawk) et en anglais. (Photo J.-P. L.). Depuis 1990, et pour la première fois, le Maniwaki, le terme se­ conseil de bande a nommé plusieurs rues au cours des années 1740,41 et 42, un cal­ rait tombé en désuétude faute d'usagers à l'intérieur du «territoire indien», lequel vaire sur la colline qui porte aujourd'hui et aujourd'hui il a complètement dis­ se trouve en entier dans la nouvelle muni­ ce nom. (73) Ce calvaire se compose de paru. En janvier 1978, un auteur se ha­ cipalité d'Oka. La plupart de ces nouvelles sept petits oratoires en maçonnerie, dont sarda à traduire ce choronyme après en appellations sont des noms de vieilles fa­ trois ont été érigés sur le sommet de la avoir modifié un peu son orthographe: milles iroquoises: Bonspille, Westley, montagne et sont visibles de la route (344) Nicholas, Etienne, Ga­ et du lac. Les quatre autres, construits le briel, etc, deux sont les long d'un sentier sur le flanc ouest, sont noms d'anciens chefs: cachés par la forêt. Au début on installa Karenhatase et Onasa- dans ces petites constructions des tableaux kenrat et un dernier, illustrant les souffrances de la passion du Asennenson une tra­ Christ, mais on se rendit vite compte que duction en iroquois d'un l'alternance du froid, de la chaleur et de nom français. On note l'humidité les détériorait et on les remplaça toutefois que ces nou­ par des bas-reliefs en bois peints de cou­ veaux noms de rues leurs vives. Ces tableaux et ces bas-reliefs, s'accompagnent du gé­ symboles extérieurs de la religion, impres­ nérique «road», le fran­ sionnaient les Indiens et les incitaient aux çais étant partout ab­ piétés du chemin de la croix. Plus tard, à sent. la fin du 19e siècle, ce sont les Québécois qui vinrent nombreux en pèlerinage au Asennenson calvaire d'Oka. Depuis plusieurs années Cette appellation {Asen­ cette pratique a été délaissée et, à la suite nenson Road) désigne d'actes de vandalisme survenus au cours un chemin et est trop des années 70, les bas-reliefs ont été reti­ récente pour que l'on rés des petits oratoires et remisés dans Figure 10 - Nouveau nom du chemin puisse en évaluer l'église où on peut encore les admirer. Ces des Gabriel (Photo J.-P. L.). l'usage, car elle est pos­ petits oratoires sont parmi les plus vieilles «Mamhinhan, mot algonquin qui signifie térieure à l'année 1990 (fig. 9). Il semble constructions à l'ouest de Montréal (fig.7). où il y ade nombreux bas de rivières (pays que cette initiative de la part de la direc­ d'en bas?) désignait à cette époque cette tion de la bande de Kanesatake aille de pair Hamhinhan vaste plaine à paliers en aval de l'Outa­ avec un certain regain de militantisme (76) C'est un mot d'origine algonquine qui, dans ouais.. . » (75) On ne peut affirmer que cette qui s'exprime par la promotion de la lan-

HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 200) PAfiE 12 que les noms iroquois (mohawks) ne résis­ tèrent pas à l'envahissement du territoire par les Canadiens, au départ d'une partie de la bande (une trentaine de familles) pour l'Ontario en 1881 et surtout à l'abandon de la langue iroquoise par une partie de la population. Une politique récente vise à encourager l'usage de la langue iroquoise par la population, notamment chez les jeu­ nes (fig. 11). Cette rétrospective des principaux noms de lieux qui ont un rapport avec la présence d'Amérindiens dans la petite ré­ gion d'Oka met en lumière la force de l'usage en toponymie qui obligea deux Figure 11 - Rédigée en iroquois et en anglais, cette affiche incite les jeunes municipalités à changer le nom français qui Iroquois (Mohawks) à parler leur langue. (Photo J.-P. L). les identifiait depuis plusieurs dizaines d'années, pour une désignation d'origine gue et de la culture iroquoises (mohawk). ments de la mission, le 15 juin 1877. amérindienne. Il a aussi permis de consta­ Asennenson est la traduction en iroquois D'après Olivier Maurault (80) ce chef aurait ter qu'après 280 années d'occupation du de «chemin du Milieu», une appellation aimé que les Indiens de la mission devien­ territoire, il ne reste que trois noms d'ori­ vieille d'environ cent ans et encore en nent propriétaires de la seigneurie du Lac- gine amérindienne encore en usage usage, mais on peut penser qu'à plus ou des-Deux-Montagnes, comme leurs com­ aujourd'hui, soit: Oka, Kanesatake et Ritté. moins long terme elle sera remplacée par patriotes de (Caughnawaga) Quant aux noms français témoignant de la la nouvelle appellation, du moins chez les l'étaient de l'ancienne seigneurie des Jé­ présence d'Amérindiens dans la région, ils Iroquois (Mohawks). Dans son Lexique de suites. ne sont guère plus nombreux, deux sont la langue iroquoise avec notes et appendi­ en usage: Pointe-Calumet et baie des In­ ces Cuoq indique au mot «asen, trois »et Karenhatase Road diens, et un troisième est en voie de dispa­ au mot suivant «Asennen ou asennon, Joseph Karenhatase Gabriel fut un chef des rition (lac aux Iroquois). milieu, entre deux, au milieu». (77) Plus Iroquois d'Oka. Le grand chef actuel est loin en appendice il explique encore « Asen un descendant de cette vieille famille. cf asennen. Les Iroquois ont dû se servir Avant l'installation de ce panneau, le Sources d'abord de leurs doigts pour compter. Les nom en usage pour désigner ce chemin deux mots ci-dessus en fournissent une était «chemin des Gabriel» (fig. 10). 47- Louis-Marie Turcotte, « Municipalité Partie preuve sensible. De quelque côté en effet Nord de L'Annonciation d'Oka», Okami. que Ton commence à compter, par le pouce Conclusion Journal de la Société d'histoire d'Oka, V, ou par le petit doigt, le nombre trois fasenj Après toutes ces années d'occupation du 1(1990), 8. se trouvera sur le majeur, au milieu de la territoire par des Iroquois (Mohawks), on 48- Lettre de M. Simard, sous-secrétaire de la main fasennen)».(78 ) Le chemin du Milieu aurait pu s'attendre à ce que ces derniers province de Québec, à Arthur Masson en part du rang Sainte-Germaine en un point aient désigné des accidents géographiques date du 27 juin 1917. Archives de la so­ situé à égale distance des rangs Saint- côtiers ou terrestres dans leur langue, mais ciété d'histoire d'Oka. Hyppolite et Sainte-Philomène, c'est peut- en dehors d'une petite île sans importance 49- La proclamation est du 28 mai 1918, mais être là que se justifie son appellation, car (l'île à Ritté) et du village (Kanesatake), l'érection ne devint officielle que le 10 août son tracé n'est pas en ligne droite et il ne aucune autre dénomination en usage ne de cette même année lorsqu'elle parût dans sépare pas un territoire en deux parties vient souligner la présence de cette bande la Gazette officielle de Québec, 1546,1547, égales, mais évolue avec le relief et aboutit dans la région d'Oka. 1548. au chemin du Mille (79) près du village Il est certain que plusieurs autres 50- Les publications du Québec, Répertoire des d'Oka. noms d'origine amérindienne furent en municipalités du Québec 1990, (Québec, usage au cours des 18e et 19" siècles, mais 1989), 444. Onasakenrat Road il n'en reste plus trace. Il est probable que 51- Sylvie Lalonde, Le patrimoine historique de Joseph (Swan) Onasakenrat était chef des ceux d'origine algonquienne disparurent la région d'Oka, (Ministère du Loisir, de la Iroquois (Mohawks) lorsque ces derniers rapidement après le départ des Algonquins Chasse et de la Pêche, Rapport non publié, mirent le feu à l'église et aux autres bâti­ pour Maniwaki en 1869 et il semble bien octobre 1985), 88.

HISTOIRE QUEBEC NOVEMBRE 200) PAfiE I) 52- La commune était un espace clôturé à la 62- Christian Dessureault, La seigneurie du Lac 71- Urgel Lafontaine, Cahier numéro 2, 30- sortie du village d'Oka. Les cultivateurs des des Deux-Montagnes de 1780 à 1825, mé­ 31. environs y faisaient paître tout ou partie moire de maîtrise (histoire), Université de 72- Ibid., 31. de leurs troupeaux pendant la belle saison. Montréal, 1979, 54. 73- John R. Porter et Jean Trudel, Le calvaire Le terrain appartenait au Séminaire de 63- Claude Pariseau, Les troubles de 1860-1880 d'Oka, (, 1974), 22. Saint-Sulpice et pendant longtemps un à Oka : choc de deux cultures, mémoire de 74- Dans une lettre à l'auteur en date du 27-6- amérindien fut chargé de la surveillance maîtrise (histoire), Université McGill, 1974, 79, Monsieur Jean Nepveu confirme qu'il a des animaux qui y paissaient. 61. bien utilisé ce terme pour désigner la ré­ 53- Le Domaine était constitué de terrains ap­ 64- Le fleuve Saint-Laurent représenté plus en gion de Deux-Montagnes lors d'une confé­ partenant au Séminaire de Saint-Sulpice et détail que dans l'étendue de la carte rence prononcée à Sainte-Scholastique en qui n'avaient pas été concédés ou vendus. [D'Anville], 1755, [Carton de la carte inti­ mars 1951. La plus grande partie de ces terrains se tulée] Canada, Louisiane, Terres anglaises, 75- Clément Laurin, «Aux origines de Saint- trouvait à l'intérieur du territoire des deux (National map collection 25347). Eustache et de la région des Mille-Isles», municipalités d'Oka qui n'en forment plus 65- Canada, Ministère de l'Énergie, Mines et Cahiers d'histoire de Deux-Montagnes, e qu'une depuis leur fusion le 8 septembre Ressources, Vaudreuil, 31G8, (5 édi- Vol.l,no3, (1978-19791,38. 1999. D'autres parcelles se retrouvaient à tion,1976). 76- Monique Rochon, et Pierre Lepage, Oka- l'extérieur de ce périmètre, mais elles 66- Oka. Les vicissitudes...,25. Kanesatake-Etê 1990. Le choc collectif. étaient moins importantes. Une partie de 67- A. Jobin, Carte de l'île de Montréal dési­ Rapport de la Commission des droits de la ce domaine fut cédée au gouvernement du gnant les chemins publics, les paroisses, les personne, (avril, 1991),75. Québec pour régler certaines dettes, une fiefs et les villages qui s'y trouvent, le ca­ 77- Lexique de la langue iroquoise avec notes autre à des moines cisterciens et enfin une nal de Lachine, les différentes parties de et appendices, (Montréal, J.A. Chapleau et superficie considérable aliénée à un inves­ l'île qui ne sont pas encore en état de cul­ Fils,[1883] ), 2. tisseur belge, le baron Empain. ture, etc, etc..(1834) et Département of 78- Ibid.,156. 54- Sylvie Lalonde, Le patrimoine historique de National Defense, Survey Division Office, 79- Le chemin du Mille reliait les résidences des la région d'Oka, (Ministère du Loisir, de la Relief Model of District-Quebec. familles Gabriel au rang de L'Annonciation, Chasse et de la Pêche, Rapport non publié, (1924). son nom provenait du fait qu'il s'étendait octobre 1985), 88. 68- Commission de toponymie du Québec, Iti­ sur environ un mille. Actuellement une 55- Canada, Department of National Defense, néraire toponymique du Saint-Laurent, ses partie de ce chemin, soit la partie qui com­ Vaudreuil, 31G8, (1 : 63360, 1923). rives, ses îles, (1984), 14. mence au chemin du Milieu et qui se conti­ 56- Canada, Ministère de l'Énergie, des Mines 69- Urgel Lafontaine, Cahier numéro 2, 4. nue vers les résidences des familles Gabriel, et des Ressources, Lachute, 31G9, (7e 70- J.- P. Ladouceur, «À la recherche des se nomme Karenhatase Gabriel Road. éd.1984). deux montagnes», Revue d'histoire de 80- Oka. Les vicissitudes ...,12. 57- Jobin, Louis, Plan de la seigneurie du Lac l'Amérique française, 52, 3, (hiver des deux Montagnes appartenante [sic] à 1999) ,390. Messieurs les Ecclésiastiques du Séminaire de Montréal, Seigneurs de L'isle de Mont­ réal, etc, etc, (1 pouce français pour 12 arpents), Ce plan a été recopié par Chopin etRinfretà Montréal en 1913. 58- Canada, Ministère de l'Énergie, Mines et Ressources, Vaudreuil. 31G8, (6'' édition, IheSELamsarc under Ihe Trimsovereignty 1984). 59- René Laframboise, «L'île Orithé, une acqui­ of The of KccnesaTuKe sition onéreuse», Okami, Journal de la sociétéd'histoire d'Oka, vol.V, no 2,(1990), >o res pecT TTie mM beauty of Tfe 26. uaîidforîliefuTare je neraTio n 60- John R. Porter et Jean Trudel, Le calvaire d'Oka, (Ottawa, 1974), 22. 61- Canada, Ministère de l'Énergie, Mines et Ressources, Vaudreuil, 31G8, (6e édition,

1980). 1 S* * ;I 'Ji ^* (Photo : Gilles Boileau)

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