Le Centre-Ville De Nantes : a La Recherche D'un Projet D'amenagement
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249 LE CENTRE-VILLE DE NANTES : A LA RECHERCHE D'UN PROJET D'AMENAGEMENT Jean-Pierre Peyon !GARUN ~UME: Le centre-ville de Nantes reste marqué par l'héritage architectural et urbanistique du XVIIIe siècle. Il a connu de profonds bouleversements dans les années Trente par le comblement des bras de la Loire et de !'Erdre. Des opérations de rénovation lourde ont été associées à la reconstruction d'après-guerre mais il faudra attendre la fin des années Soixante pour que la municipalité nantaise s'interroge sur l'avenir de ce riche patrimoine . La mise à l'étude, en 1972, d'un plan de sauvegarde, sa publication en 1980, marquent cette volonté mais les réalisations restent rares et le bilan est encore modeste, comparé à d'autres grandes villes françaises. ABS1RACT: The architecture and lay-out of Nantes's center bears the mark of its XVIDth century heritage . Drastic alterations were made in the thirties, when branches of the Loire and Erdre were filled in. Major urban renewal was carried out during post-war reconstruction, but not until the late sixties would a city govemment stop to consider the future of this rich heritage. This new determination was expressed by the launching of a preservation plan in 1972, followed by its publication in 1980. However, few projects have been implemented so far, and the list of achievements remains modest in comparison with other large french cities. Mots-clés : Centre-ville - Secteur sauvegardé - Rénovation - Réhabilitation - Nantes. Key worœ: City center - Preserved area - Restoration - Rehabilitation - Nantes. Le repérage du centre-ville de Nantes pose quelques problèmes méthodologiques que nous ne ferons qu'évoquer ici, notre propos étant d'analyser les aménagements passés et actuels de cet espace privilégié. La pratique urbaine par les Nantais eux-mêmes est sans doute la meilleure façon d'approcher cette définition. Pour les habitants, le centre commerçant et animéest situé de part et d'autre de l'axe place Graslin, place Royale, place Saint-Pierre, dédoublé par la rue du Calvaire. La partie la plus active s'étend des anciens magasins Decré à la place Graslin en plein cœur de la ville du XVIIIe siècle. Mais le centre comporte aussi des îlots à vocation plus administrative implantés dans le noyau médiéval : mairie, préfecture, cathédrale et château, auxquels se rattachent les cours aristocratiques Saint-Pierre et Saint-André construits à la fin du XVIIIe siècle. A l'ouest de la place Graslin, le cours Cambronne et la place du Sanitat demeurent un lieu de résidence pour les descendants de la bourgeoisie nantaise. Tout ceci constitue le secteur sauvegardé, mais le centre-ville a une extension plus vaste : il faut y ajouter le quartier rénové du Marchix et des Hauts-Pavés, le secteur compris entre le cimetière de Miséricorde, la rue Monselet et la rue Lamoricière. Les premiers quartiers péricentraux entre Talensac et le quai de Versailles, puis ceux situés à l'est, entre le centre administratif Cambronne et la gare peuvent être rattachés au centre-ville. Enfin le quartier Madeleine - Champ-de-Mars, malgré son caractère très composite, participe et participera plus encore de cet ensemble. Les administrations locales, les services d'urbanisme de la ville utilisent parfois la notion d'hypercentre pour caractériser la partie la plus commerçante et CahiersNantais n° 33-34 250 dynamique. Il nous semble que le concept de centre est suffisamment riche pour que nous récusions cette appellation d'hypercentre peu adaptée à une agglomération de moins de 500 000 habitants. Le centre-ville de Nantes ainsi défini offre des caractères composites liés à deux mille ans d'histoire urbaine, à l'image des grandes villes françaises. Seuls quelques restes gallo-romains rappellent l'ancienneté du site des Namnètes, mais la première entité stable du tissu urbain correspond au noyau médiéval. Les maisons moyenâgeuses ont presque toutes disparu, mais le tracé des rues étroites conserve la marque de cette époque, longtemps enserrées dans les remparts contraignants. Ceux-ci longeaient l'ancien bras nord de la Loire, profitaient de la confluence avec l'Erdre, s'aventuraient à l'ouest dans le secteur Saint-Nicolas et s'appuyaient à l'est sur les mottes Saint-André et Saint-Pierre . Deux monuments rappellent l'importance du passé médiéval : la cathédrale et le château des Ducs, mais ils expriment plus encore la fin de ce Moyen-Age. La ville de la Renaissance et du Grand Siècle restera bloquée dans ce tissu urbain malgré les multiples incommodités. La grande poussée urbaine a lieu au XVIIIe siècle puisque la ville compte 80 000 habitants au seuil de la Révolution contre 40 000 au début du siècle. On peut considérer que le centre de Nantes tel que peut le définir le géographe: fonctions, morphologie urbaine, densité, animation, ou tel que le perçoivent les Nantais, s'identifie aux quartiers construits ou réaménagés au XVIIIe siècle. Cette explosion urbaine, cette recherche d'un urbanisme monumental et fonctionnel, sous-tendu par un investissement immobilier massif marque de façon indélébile la trame urbaine du cœur actuel de l'agglomération nantaise. Ce patrimoine remarquable par son extension et son homogénéité sera construit rapidement eu égard aux moyens techniques de l'époque. Les premiers immeubles baroques s'édifient en direction du quai de la Fosse, centre vital de l'activité portuaire. Le maire Gérard Mellier favorise l'édification du premier lotissement dans l'île de la Saulzaie (future île Feydeau) en créant une société de 24 actionnaires ( 1725). Cet ensemble urbain remarquable suscite de multiples difficultés techniques et financières et ne sera réalisé qu'après 1750. C'est surtout à partir de 1760, sous l'impulsion de l'architecte-voyer Ceineray que Nantes connaît des transformations majeures. L'activité portuaire impose la construction de quais au long de la Loire et de l'Erdre. Une partie des vieux quartiers proches de cette confluence disparaît; la place du Bouffay actuelle émerge de sa gangue moyenâgeuse tandis que de beaux hôtels remplacent, en aval de la confluence, un habitat vétuste. Les fortifications qui gênaient depuis un siècle la croissance urbaine sont abattues au nord et à l'est. Les premiers projets de place Royale doivent transformer le vieux quartier Saint-Nicolas. Cette frénésie de construction, qui va doter Nantes d'un des plus beaux ensembles architecturaux du XVIIIe siècle, est le résultat d'un investissement immobilier massif, mobilisant des capitaux accumulés par le grand commerce maritime (Denireau 1982) dont la traite des noirs n'est qu'une composante . Une part du domaine royal ou communal (canalisation de l'Erdre, destruction des remparts) est revendu et forme des espaces urbanisables nouveaux . Des subventions royales ou même provinciales favorisent et stimulent les travaux d'embellissement. Certaines mesures d'expropriation sont favorables à ces travaux. La spéculation immobilière fut sans doute l'un des moteurs essentiels de ces investissements. Ceci n'effrayait pas, au contraire, une bourgeoisie nantaise aguerrie aux risques du grand commerce maritime. Graslin est sans doute le CahiersNantais n° 33-34 251 meilleur représentant de ces bourgeois investisseurs, spéculateurs mais créateurs. Il systématise la vente des appartements sur plan et cette architecture à programme n'est que la version ancienne de notre actuelle copropriété. Mais, ainsi que le montrent plusieurs historiens locaux, ces investisseurs soucieux de réaliser les bénéfices les plus importants recherchent les solutions les plus économiques : décoration absente, rues étroites, densité urbaine forte, cours étriquées et mal éclairées. Cet urbanisme tout en contraste sera poursuivi par Crocy sous la Révolution et l'Empire. Celui-ci ne fait pas preuve d'originalité mais réalise une partie des extensions prévues vers l'ouest. L'axe majeur de la future rue Crébillon sort de terre entre la place Royale, archétype de la représentation du pouvoir et de la richesse, et la future place Graslin, bel arc de cercle organisé autour de son théâtre néo-classique. Arthur Young, admiratif et perplexe devant ce grand chantier urbain, s'interrogera longuement sur les moteurs de la richesse urbaine : commerce ou rente foncière, îlot de prospérité au milieu des campagnes misérables. Tout près de là, le cours Cambronne devait être lieu de promenade et de convivialité, tandis que le cours Delorme amorçait l'extension de la ville vers le nord-ouest. Les travaux se poursuivent durant la Révolution (malgré les troubles vendéens), l'Empire, et ne s'achèvent qu'au XIXe siècle en respectant ces plans urbains du siècle précédent La croissance industrielle voit la continuation de l'extension de la ville mais sans projet urbanistique réel. Quelques édifices publics marquent la croissance des administrations et de l'Etat : poste, casernes, bains publics, halles et surtout gare. Cela concerne de moins en moins le centre-ville car la croissance étale les quartiers urbains. Toutefois, deux réalisations importantes voient le jour : le passage Pommeraye et la rue de Strasbourg. Ce premier ensemble remarquable, directement inspiré des passages urbains parisiens du début du x1xe siècle mais adapté à des conditions topographiques particulières assurait une liaison commerciale utile entre la Bourse et la rue Crébillon. La rue de Strasbourg est un pur héritage des percées hausmaniennes du Second Empire. Elle permettait une liaison efficace entre la route de Rennes et la nouvelle voie ferrée, au travers de la vieille ville médiévale. Elle était associée à un programme immobilier sur lequel se greffait la nouvelle place Saint-Pierre dégageant la perspective de la cathédrale. Cette voie reste encore l'axe routier privilégié entre le nord et le sud de la ville. En ce milieu du XIXe siècle, les quartiers que l'on appelle actuellement péri centraux se développent pour loger les nouveaux urbains ou pour accueillir les nouvelles activités. Ainsi l'industrie navale s'installe dans l'île Sainte-Anne, les usines LU et les entrepôts dans le quartier de La Madeleine ou du futur Champ-de-Mars.