Le Président Du Conseil Des Ministres Sous La Ive
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LE PRESIDENT DU CONSEIL DES MINISTRES SOUS LA IVE RÉPUBLIQUE BIBLIOTHÈQUE DE DROIT PUBLIC sous la direction de MARCEL WALINE Professeur à la Faculté de TOMEDroit et des XLVIII Sciences Économiques de Paris LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DES MINISTRES SOUS LA IVE RÉPUBLIQUE PAR SERGE ARNÉ DOCTEUR EN DROIT CHARGE DE COURS A LA FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES DE BORDEAUX LAUREAT DU PRIX HENRI-BRUNO 1954 (MAROC) Préface de M. Albert MABILEAU PROFESSEUR A LA FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES DE BORDEAUX Ouvrage honoré d'une subvention du Ministère de I/Education Nationale et couronné par la Faculté de Droit et des Sciences tconomiques de Bordeaux Médaille d'Or de la Faculté P A R t S LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE DROIT ET DE JURISPRUDENCE R. PICHON ET R. DURAND-AUZIAS 20, Rue Soufflot, 20 1962 A MES PARENTS. « Or, actuellement, dans les conditions du régime, le gouvernement de la France est scientifiquement impossible. » Edgar FAURE, 18 mai 1954. A tous ceux qui nous ont permis de réaliser cet ouvrage, et tout particulièrement à Monsieur Le Professeur Albert MABILEAU, nous tenons à exprimer notre profonde gratitude. S. A. PREFACE Depuis qu'en 1954 le « Droit constitutionnel et Institutions politiques » a acquis droit de cité dans les Facultés de Droit, peu d'auteurs ont tenté dé aborder les problèmes de Politique sous cette optique ambivalente et tEun équilibre périlleux. La mode — les sciences sociales y sont particu- lièrement sensibles — les a détournés du droit traditionnel, pour attirer leurs regards sur la science politique, parée de l'attrait de la nouveauté, où dès maintenant les nombreuses monographies de forces politiques se mêlent aux vastes synthèses des régimes défunts. On saura gré à M. Serge ARNE d'avoir appliqué résolument la nouvelle méthode offi- cialisée dans les Facultés de Droit, en abordant l'étude d'une institution, le Président du Conseil des Ministres, dans des limites précises, la durée de la IVe République. Ce n'est pas une mince gageure d'avoir tenté pareille expérience sur un personnage dont les visages ont été souvent contradictoires, les attitudes quelquefois paradoxales et la destinée finalement misérable. Pourtant, l'auteur a réussi à démêler l'écheveau parfaitement embrouillé de V insti- tution multiforme. Il y est parvenu, parce que son approche du sujet était la plus convenable : en France certes, comme partout ailleurs, les forces politiques et les hommes bâtissent et détruisent les règles ; mais, dans un pays où la tradition constitutionnelle est trop riche, on aurait garde doublier que les formules constitutionnelles et leur application restent un phérwmène politique de première grandeur. La démonstration est ainsi faite qu'on ne saurait donner une explication globale du régime français, sans ajuster aux réalités politiques des forces qui se disputent le Pouvoir, le droit théorique du texte constitutionnel et le droit pratique du fonc- tionnement des institutions. Il est juste de souligner les difficultés que devait inévitablement surmonter F analyste. Cet ouvrage trouve sa source dans une thèse de doctorat, qui a été soutenue en février 1959 devant la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Bordeaux — et honorée par elle —, mais dont la publication a été retardée par les obligations militaires de son auteur. Le dessein était audacieux de mettre à f écran un Président du Conseil, qui venait à peine de quitter la scène politique, sans la confor- table assurance du recul du temps, facteur de sagesse et d'éLoigne:merú des passions. En vérité, les phénomènes sociaux évoluent trop vite en notre temps, surtout dans le domaine politique, pour qu'on puisse encore respecter cette sorte de prescription historique, qui nous ramonait tou- jours de quelques décennies dans le passé ; elle était propice à l'objec- tivité scientifique, mais n'entamait pas moins ce qu'on pourrait appeler la valeur appliquée de la recherche politique. Cependant, malgré la quasi-instantanéité de l'événement et de son interprétation, il a paru plus tard inutile cF apporter à ce travail, sauf sur quelques points, des rema- nie,ments tTenvergure. Les allusions qui sont faites aux débuts de la Va République, lorsqu'elle se fait l'héritière critique du régime précédent, témoignent suffisamment de la justesse de l'interprétation primitive. Il fallait aussi choisir la perspective du sujet. On ne saurait reprocher à M. ARNE de s'être placé dans le cadre des institutions, en plein milieu du régime constitutionnel, ,où les Constituants de 1946 ont voulu installer le Président du Conseil, sans autre préoccupation plus réaliste. Ce fut sans doute là leur erreur ; elle explique certainement son échec, car, comme il est fort bien relevé, « la solution n'est pas constitutionnelle, elle est politique ». Le Président du Conseil est à la tête de l'exécutif, mais c'est une tête à éclipses, un peu comme les sommets que les nuages qui passent et la brume qui s'élève ,estompent aux regards la moitié du temps; en effet, « il n'est pas l'exécutif » et la lourde machine gouvernementale, politique aussi bien qu'administrative, lui échappe soutient quand elle ne Vimmo- bilise. Il est au sein du législatif, mais il s'y trouve noyé, malmené et en fin de compte dominé, parce qu'étant lui-même un député, qui respecte les règles du jeu parlementaire, il ne peut paradoxalement tirer son autorité que d'un « Parlement divisé », qui Wen a aucune sinon pour lui manifester son hostilité. C'est à ce point que s'éclaire l'inévitable conjonction de la position constitutionnelle du Président du Conseil et de la situation politique du Parlement : en régime de type parlementaire, un chef de gouvernement ne gouverne pas — au sens plein du terme — sans une véritable majorité dans les Chambres. L'autorité de F Etat, qu'incarne bien ou mal le Président du Conseil, s'effondre devant F impuissance destructrice du Parlement, que ne saurait équilibrer le soutien épisodique de l'opinion, Gouvernement et Parlement ne sont pas seulement des institutions, mais autant de cadres où se manifestent les forces politiques. Dans ce système, le Président du Conseil est « à la base » dans la situation la plus équivoque qui soit. Pour le citoyen, il est le gouvernement sinon F Etat ; pour F étranger, il représente la France. Il incarne donc le Pouvoir, mais c'est lune pure fiction : « il n'en est pas le véritable titulaire ». Ce personnage institutionnalisé n'est pas une force politique : il les subit toutes, depuis les partis jusqu'à l' opinion publique en passant par les groupes ; il est incapable de les arbitrer, car il se trouve enserré dans un véritable filet, dont toutes les mailles convergent pour l'abattre. « Pri- sonnier... somnolent... condamné... velléitaire », ce sont les étiquettes que l',observateur distribue généreusement aux Présidents du Conseil. On a l'impression d'Mn personnage inerte, résigné à son sort, comme ces marion- nettes de foire sur lesquelles on tire jusqu'à l'effondrement de toute la rangée, pour les voir réapparaître un peu plus tard. A vrai dire, cette passivité ne rend peut-être pas totalement compte de F homme et de l'institution. On aurait voulu voir aussi agir ce Président, dont le métier était parfaitement épuisant et l'usure physique redoutable. Certains se sont débattus comme M. Mendès-France, (Poutres ont essayé de contourner les obstacles comme M. F AU RE, d'autres encore de s'attaquer aux pro- blèmes comme M. MOLLET. Mais tous ces efforts sont restés vains et ne pouvaient que f être dans une situation constitutionnelle et politique écrasante. On comprend ainsi la sévérité de routeur : « la solution constitu- tionnelle s'est présentée comme un lamentable échec » ; sur le plan poli- tique « Fautorité dépend <F abord de F existence d'une Majorité dans le pays et au Parlement ; en second lieu, de la neutralisation des forces dissolvantes qui ont conduit la IVe République à sa perte et tenu pri- sonni,er le Chef du Gouvernement ». Ce jugement absolu, formulé à l'appui d'une documentation d'une ampleur étonnante, sur la base d'une analyse minutieuse et difficilement contestable, prend F allure d'un ver- dict définitif. Ce n'est plus dès lors une simple coïncidence que la IVe République nous offre l'exemple le plus typique de « dépersonnalisation du Pouvoir » qu'aient sans do,ute connu les régimes français,. Les Constituants de 1946 avaient pourtant perçu plus ou moins confusément F importance d'un Président du Conseil, qui personnifie le Gouvernement en même te,mps qu'il incarne F Etat, une fois que le Président de la République est rejeté dans F ombre. Le « primus inter pares » de la vieille tradition constitu- tionnelle — qui date du XIXe siècle — devait devenir un véritable chef de gouvernement : il se présentait seul devant F Assemblée Nationale — du moins jusqu'en 1954 — pour y solliciter F investiture ; il devait, seul encore, y passer un contrat avec la majorité, qui lui permettrait de gou- verner. La valeur des hommes n'est pas non plus en cause ; un des plus rudes censeurs de la IVe République, le Général DE GAULLE ne fa-t-il pas lui-même reconnu ! Et pourtant jamais le régime français ne fut aussi complètement dépersonnalisé : impuissant devant une Assemblée sou- veraine, assailli par des forces toujours revendicatrices sinon parasitaires, le Président du Conseil ne pouvait rester en place qu'en abdiquant toute personnalité ; les, députés préféraient d'ailleurs qu'il n'en ait personnelle- ment aucune lorsqu'ils lui accordaient le mandat de diriger FEtat et, pour plus de sûreté, F envoyaient en vacances quelques mois plus tard, afin qu'il n'aU pas la tentation, le temps aidant, de se créer un personnage.