Denys Puech Et Son ¿Uvre
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= DENYS PDECI? et sot) CEuvre — & & - Par Çepry JAtDON RODEZ, E. CARRÊRE, ÉDITEUR DENYS PUECH ET SON ŒUVRE DENYS PUECH ( Phot. Braun-Clément) Henry JAUDON DENYS PUECH ET SON ŒUVRE « La grâce, t'est vraiment te qui caraetérise le mieux le génie de Praxitèle. D'autres artistes, chez les Grées mê- mes, ont pu être plus variés, plus complets, plus puissants, nourrir et réaliser de plus hautes ambitions, exposer à de moindres périls ceux qui se feraient leurs imitateurs. 11 n'en a pas moins été le plus populaire et le plus aimé de tous les seulpteurs, celui dont l'œuvre a été le plus sin- cèrement admirée et chérie. Les juges les plus compétents ne le plaçaient pas au même rang que ce Phidias dont le Zeus, disait-on, rendait plus religieuses les âmes de ceux qui étaient admis à le contempler : mais on jouissait da- vantage de Praxitèle. » Praxitèle, par Georges Perrot. « Une statue de Phidias a plus honoré la Grèce que tou- tes les victoires d'Alexandre. » Henry Maret. (Rapport sur le budget îles Beaux-Arts de l <)(>.).) RODEZ E. CARRE RE, ÉDITEUR 1908 Digitized by the Internet Archive in 2014 https://archive.org/details/denyspuechetsonuOOjaud L'ART ET LA SCULPTURE EN FRANCE a France est-elle en décadence ? Telle est la ques- tion que les Français semblent prendre un malin plaisir à poser et à résoudre contre eux. C'est une disposition naturelle de notre esprit qui le porte à se critiquer lui-même, à faire le procès de l'énergie Française , de la vitalité nationale , de l'activité in- dustrielle artistique ou littéraire dans notre , pays. Dès 1867, M. Henri Rochefort publiait, aux applau- dissements de tous les libéraux , un livre intitulé : Français de la Décadence d'autres Les , que pu- blications plus retentissantes du célèbre pamphlétaire firent bientôt 011- (1) Haut-relief en plâtre exécuté pour M. Fenaille. 1 2 DENYS PUECH ET SON ŒUVRE blier. Au lendemain de la Commune paraissait un ouvrage entièrement écrit et composé avant l'année terrible par un profond penseur que l'apparente prospérité du régime impérial n'avait pas trompé. Sous ce titre significatif, Le testament d'un Latin (l), c'était la prophétie, en par- tie confirmée par les événements , de nos désastres et de nos abaisse- ments et l'annonce de l'agonie nationale ; il fit sur les jeunes gens de cette génération une impression ineffaçable. Depuis ce sont les ouvrages de M. Demolins et de tant d'autres qui sont venus proclamer la supé- riorité des races anglo-saxonnes. Hier (2) encore un journal adressait en termes formels à un grand nombre d'écrivains étrangers la question : La France est-elle en décadence ? Les résultats de l'enquête sont cu- rieux à lire. Citons une seule réponse, celle de M. Van den Vlugt, dé- puté et professeur de droit à Leyde. « Si c'était la France elle-même, dit-il, qui se posât cette question, ce fait donnerait lieu à une présomp- tion très grave en faveur d'une réponse affirmative. On ne saurait concevoir un symptôme plus décisif de décadence intellectuelle et mo- rale , que l'habitude maladive de regarder au dedans de soi-même, pour voir s'il y a des signes de la dégénérescence qui commence. L'hypocon- drie nationale n'est pas sans doute une preuve de vitalité. » Le profes- seur Hollandais a raison. Un pays n'est vraiment en décadence, que lorsqu'elle est sentie , voulue et librement acceptée. Goethe disait des hommes qu'ils ne meurent que d'une défaillance de la volonté de vivre. Cela est vrai des nations. Ni les désastres militaires, ni les pertes maté- rielles, ni le fléchissement de la puissance économique, ni même ces brutales amputations de territoire qui effacent la patrie de la carte, mais la font vivre dans les âmes (3), ne constituent pour un pays la décadence. Plus alarmants, parce que plus voulus et mieux consentis, seraient d'au- tres symptômes tels que la diminution constante de la natalité, l'impuis- sance à coloniser, l'éloignement des carrières industrielles et commer- ciales , l'accroissement du fonctionnarisme. Voilà pourquoi le débat reste ouvert et nous semblons le compliquer et le le prolonger à plaisir. Jamais, (1) Le testament d'un Latin, par M. Louis kambaud. Paris, Charpentier, 1S72. (2) Mars 1904 : VEuropéen, paraissant à Paris, mais international , puisqu'il est dirigé conjointement par MM. Bjoernstjerne, Novicov, Salmeron et Seignobos. (3) Cette pensée, aussi délicate que vraie, termine la belle allocution, prononcée le 25 juin 190J, par M. René Bazin, aux orphelins de l'asile du Vézinet. L'ART ET LA SCULPTURE EN FRANCE 3 en effet, ce peuple que nous sommes, n'a été matériellement aussi heureux et jamais il ne s'est cru plus à plaindre ; ses doléances ont grandi avec son bien-être, et, à mesure que sa condition devenait meilleure, il la jugeait pire ; la caractéristique de ce siècle, favorisé entre tous, est d'être mécontent de lui-même, puisqu'il suscite plus d'appétits qu'il n'en assou- vit, et que les tristesses imaginaires ne sont pas les moins poignantes (l). A l'heure actuelle, c'est sur tous les terrains et dans tous les do- maines de l'activité humaine que nous nous plaisons à poser et à agiter la question de notre décadence. Un seul (2) semble échapper à ce désolant pessimisme, c'est celui des beaux-arts et particulièrement de la sculpture. Là, nous sommes bien obligés de reconnaître notre supé- riorité, puisque personne ne la conteste sérieusement. On a publié un livre sur la Décadence économique de la France (3) ; on ne pourra, sans doute, de longtemps, en écrire un sur sa décadence artistique. Sili- ce terrain notre primauté n'est pas seulement un fait incontesté et ac- cepté par tous ; c'est même pour nos sociologues pessimistes un phé- nomène normal, prévu, et la conséquence logique de la déperdition de notre vitalité. M. Louis Rambaud, dans le remarquable ouvrage cité plus haut, après avoir écrit sur les peuples morts des pages d'une mélancolie hautaine qui rappelle Montesquieu et Prévost-Paradol , conclut ainsi : « Les décadences sont charmantes, puisqu'elles ne se produisent que chez les peuples dont les civilisations sont parfaites. Celle où vous êtes vous convient, elle n'offre pas les jouissances âpres et fortes de la grande politique ni du grand art, mais elle présente un éclat facile, doux et plein de grâce, résultat général de l'effacement des passions et de la mollesse des mœurs. Et cet éclat vous plaît, que vous le sachiez ou non ; lors même que vous pourriez vous élever, par la vigueur de votre esprit très éduqué, jusqu'à la conception de la liberté moderne et de ses avantages, vous ne pourriez vous accommoder des mœurs qu'elle suppose, vous ne pourriez les contracter et même vous ne le (1) Vicomte G. d'Avenel : Les Français de mon temps, p. 348. (2) Nous ne parlons pas ici du sport et de L'automobilisme auxquels nos plus violents détracteurs rédui- sent ironiquement notre supériorité. (3) M. Rouve. , 4 DENYS PUECH ET SON ŒUVRE voudriez pas. Les peuples cpii réalisent déjà son idéal, sont des peu- ples grands, glorieux et forts, mais graves, moraux et croyants (l), des peuples que vous admirez , mais chez qui vous ne sauriez demeurer une année sans y périr d'ennui. Cet avenir démocratique où le pitto- resque disparaîtra avec l'art, qui ne sera qu'une forme de l'utile, est répugnant et laid pour vous, qui êtes des artistes; oui, vous êtes des artistes ; mais les Grecs ne le furent-ils pas aussi ? Consolez-vous, comme eux, en pensant aux belles œuvres que vous avez faites. Si les peuples qui ont le goût et la faculté artistiques, étaient capables d'avoir la liberté à la façon moderne , ils réaliseraient le plus parfait idéal de société qui se puisse rêver. Nous autres, hommes de décadence, nous avons l'art la grâce et l'esprit, sovons-en fiers! ce sont là de beaux dons (2). » Ces dons, qu'ils soient des fruits de décadence , où les résultats d'une lon- gue éducation ou d'une élégance native, n'en sont pas moins les nôtres. On les a résumés en un mot : le goût Français. Le goût, c'est le juge- ment en matière de beau , et celui de notre pays est généralement sans appel. Le goût , c'est une sorte d'instinct qui nous pousse à re- douter en général les excès, quels qu'ils soient, à rejeter les coquetteries des nègres ou les violences barbares, à craindre par dessus tout la vul- garité, la bassesse, à comprendre exactement le sens du mot « ridi- cule », à rechercher avec passion la clarté. On frémit devant le « bluff », l'obscur et le clinquant nébuleux : l'or très pur seul et contrôlé passera, fut-il en minuscules pépites. L'incohérence, la déraison, la bizarrerie, autant de monstres qui ne sauraient plaire à l'homme de goût. Les Grecs anciens sont ses maîtres, qui sculptaient la Vénus de Cnide et le Jupi- ter d'Otticoli, qui bâtirent les temples de Pestum et de Sicile (3). Cette primauté artistique de la France lui est cependant parfois disputée , mais sans succès. Pour la musique , quoique née dans les deux pays où l'on chante naturellement, l'Italie et l'Allemagne, elle exprimait trop bien les rêves de nos âmes troublées , nos désirs sans objet et sans limite et cette alternative douloureuse et grandiose de (1) Il semble que M. Rambaud avait, en écrivant ces lignes, il y a trente-sept ans, une sorte de vision prophétique de 1 état actuel de la civilisation Américaine.