UNIVERSITE DE FIANARANTSOA o o o ooo000ooo o o o

FACULTE DE DROIT,, D’ECONOMIE-GESTION ET DES SCIENCES SOCIALES DE DEVELOPPEMENT ------

DEPARTEMENT SCIENCES SOCIALES DE DEVELOPPEMENT

OPTION : SOCIO-POLITIQUE MÉMOIRE DE MAITRISE

PRESENTE PAR :

 Monsieur MAROLAHY Dominique Nicole, n° 519 - S

DIRECTEUR DE RECHERCHE :

 Professeur RASAMOELINA Henri

Année 2011

UNIVERSITE DE FIANARANTSOA o o o ooo000ooo o o o

FACULTE DE DROIT,, D’ECONOMIE-GESTION ET DES SCIENCES SOCIALES DE DEVELOPPEMENT ------

DEPARTEMENT SCIENCES SOCIALES DE DEVELOPPEMENT

OPTION : SOCIO-POLITIQUE MMEEEEMMOOOOIIIIRREEEE DDEEEE MMAAIIIITTTTRRIIIISSSSEEEE

MEMOIRE DE FIN D’ETUDES En vue de l’obtention du diplôme de Maîtrise

Présenté par :

MAROLAHY Dominique Nicole, n° 519 - S

Président du jury : Professeur RASAMOELINA Henri Examinateur : Docteur RUPHIN Solange Marie Rapporteur : Melle RASAMOELINA Joelly Rojo.

Année 2011

REMERCIEMENTS

Que tous ceux qui ont aidé de près et de loin à la réalisation de ce présent mémoire que nousn ous allons présenter trouvent iicici l’expression de nos remerciementsremerciements les plus sincèsincèresres !!!

Nous voulons citer en particulier :::

 Monsieur RASAMOELINA Henri, Professeur HDR, président du jury et mon professionnel directeur de recherche.

Vous nous avez acceptés avec bienveillance malgré vos lourdes resporesponsabilitnsabilitésés ;;; depuis lalala première année même durant l’élaboration de cet ouvrage, vous nous avez conduit dans la bonne voie dans ce départementdépartement....

 Madame RUPHIN SolanSolangege Marie, Maître de conférences et chef du Département des Sciences sociales de développement.

Vous avez accepté de juger ce travail de mémoire et facilité la tenuetenue de cette soutenance.

 Mademoiselle RASAMRASAMOELINAOELINA Joelly Rojo , Docteur et Enseignante à l’Université de Fianarantsoa.

Vous avez accepté sans hésitation de corriger notre incompétence rédactionnelle et d’être notre rapportrapporteureur au moment de la soutenance.

Nous remercions égégalementalement Monsieur FANALO LouiLouis,s, un Ray AmanAman----dReny,dReny, pour les informations qu’il m’a donné concernant le district de .

Notre profonde gratitude s’adresse aussi particulièrement à tous les acteurs politiques dans le district de Mananjary, surtout aux notables traditionnels (Amp(Ampanjaka anjaka & Tangalamena) qui nous ont aidéaidéaidé à découvrir l’histoire de MananjaryMananjary....

Je suis enfin, reconnaissant à mes parents, à mes frères et sœurs qui m’ont soutenu moralement, financièrement ; espérons ququee la solidarité dure éternellement !!!

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ACRONYMES

AAP : Association des Amis des Paysans

ADRA : Adventist Developpement Relief Agency

AKFM : Antokon’ny Kongresin’ny Fahaleovantenan’i Madagasikara

AREMA : Avant-garde de la Révolution Malgache

BDEM : Bureau du Développement de l’ECAR Mananjary

BEPC : Brevet d’Étude du Premier Cycle

CAN : Coupe d’Afrique des Nations

CAR : Collectivités Autochtones Rurales

CAPSIM : Comité d’Action Politique et Sociale pour l’Indépendance de

CEPE : Certificat d’Étude Primaire Élémentaire

CISCO. : Circonscription Scolaire

CR : Commune Rurale

CRINFP : Centre Régional d’Institution Nationale de Formation Pédagogique

CSA : Centre de Service Agricole

CST : Conseils Supérieurs de la Transition

CT : Congrès de la Transition

CTD : Collectivité Territoriale Décentralisé

CU : Commune Urbaine

EPP : École Primaire Publique

ESCOPOL : Espace de Concertation Politique

FFKM : Fédération des Églises Chrétiens à Madagascar

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FMI : Fonds Monétaire International

FNM : Front National Malgache

GDSM : Groupement Démocratique et Sociale de Madagascar

HAT : Haute Autorité de la Transition

HPM : Hery Politika Mitambatra

INSTAT : Institut National de la statistique

JINA : Jeunesse Idéaliste Nationaliste

LEADER FANILO : Libéralisme Économique et Action Démocratique pour la Reconstruction Nationale – Fanilo

MAMI : Mananjary Mijoro

MAP : Madagascar Action Plan

MDM : Mouvement Démocratique de Madagascar (Mientana ho an’i Demokrasia eto Madagasikara)

MDRM : Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache (Fihetseham-bahoaka ho Fanavaozana an’i Madagasikara)

MONIMA : Mouvement National pour l’Indépendance de Madagascar

MTC : Mouvements des Travaillistes Chrétiens

ONG : Organisation Non Gouvernemental

PADESM : Parti des Déshérités de Madagascar

PAMOLEA : Projet d’Appui à la Maitrise d’Ouvrage Local pour l’Eau et l’Assainissement

PANAMA : Parti Nationale Malgache

PCRM : Parti Communiste de la Région Malgache

PK : Point Kilométrique

PNDOI : Parti Nouveau Démocrate de l’Océan Indien

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PPM : Parti Populaire Malgache

PSD : Parti Social-Démocrate

RN : Route Nationale

ROI : Revu de l’Océan Indien

RPSD : Rassemblement des Partis Sociales Démocrates

SADC : Communauté de Développement de l’Afrique Austral

TGV : Tanora malaGasy Vonona

TIM : Tiako i Madagasikara

UDR-C : Union Démocrate Républicain-C

UDSM : Union des Démocrates Sociaux de Madagascar

UIT : Union des Indépendants

UNAM : Union Nationaliste Malgache

UNDD : Union pour la Démocratie et le Développement

UNIUM : Union des Intellectuels et des Universitaires Malgache

UPM : Union du Peuple Malgache

USA : United State of America

UTP : Union Travailliste et Paysanne

VVS : Vy, Vato Sakelika

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau n°1 : Les maires des 29 Commune s de district de Mananjary ------82 Tableau n°2 : Les membres du CST ------86 Tableau n°3 : les membres du CT : ------87 Tableau n°4 : Quelques prétendants au poste de la mairie des quelques communes de district de Mananjary : ------91 Tableau n°5 : les prétendants au poste parlementaire : ------95 Annexe 2 : Les membres des conseillers communaux et régionaux. ------163 Tableau n°6 : Liste des Maires et leurs Conseillers dans les 29 Communes de District de Mananjary ------163 Tableau n°7 : Liste des membres conseillers régionaux de la région : ------168

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SOMMAIRE

INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE RECHERCHE

I. Le district de Mananjary et l’état actuel de sa population II. Contexte historique et l’origine du peuplement III. Cadre de la vie traditionnelle des habitants de Mananjary DEUXIEME PARTIE : LA DOMINATION ÉCONOMIQUE ET LA FORMATION DES ACTEURS POLITIQUES DANS LE DISTRICT DE MANANJARY I- Les conceptions du pouvoir politique et la domination économique dans le district de Mananjary II- Reconfiguration de l’espace politique et identification des principaux Acteurs de la sphère politique de Mananjary III- Profils et trajectoires socio-historiques et politiques des différents Acteurs dans le district de Mananjary TROISIEME PARTIE : LA MULTIPLICATION DES ACTEURS POLITIQUES ET SES CONSÉQUENCES DANS LE DISTRICT DE MANANJARY I-Les facteurs endogènes de la multiplication des Acteurs politiques à Mananjary II-Les facteurs exogènes de la multiplication des Acteurs politiques à Mananjary III-Les conséquences de la prolifération des Acteurs politiques dans le district de Mananjary CONCLUSION

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INTRODUCTION

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État de la question :

L’étude de l’acteur politique est une étude intéressante à la sociologie politique. Le concept d’acteurs est donc un concept historique opératoire qui permet de mesurer un certain nombre de réalités sociales, comme l’apparition, la mobilité ou l’intégration dans des réseaux sociaux. Il permet surtout d’étudier une société telle qu’elle se voit ou telle qu’elle se rêve. Les acteurs politiques offrent le miroir déformant d’une société et de ses aspirations. Ils représentent donc l’occasion pour les sociologues de comprendre les mentalités, d’entrer dans les représentations symboliques, constituant ainsi un des liens entre l’histoire sociale et l’histoire politique de district et du pays. On peut se référer sur ce sujet à l’ouvrage de Georges Duby 1 qui utilise ces passerelles entre les différents champs historiques et permet de comprendre comment une société sécrète ses propres représentations.

Les sociétés malgaches, parmi les sociétés africaines en phase de la transition, ont beaucoup évolué en tenant compte du contexte historico-politique et social au cours des XVIII ème et XIX ème siècles qui fut engendré par une hybridation complexe d’éléments endogènes et exogènes, - l’apparition des différents Royaumes, l’intensification des relations avec les Européens et surtout le contact avec la modernité - , sont tous des réalités qui suscitent au dynamisme politique et ne sont contenues par aucune forme d’immobilisme à Madagascar. Comme l’ont bien souligné Jean François Bayart et Alii : « «les dynamismes du dehors » ne sont pas vraiment séparable de celles « du dedans » et l’État postcolonial est produit à leur point d’interférence. L’État africain étant le fruit de l’hybridation et de la modernité »2.

L’État malgache, s’est vu octroyer l’indépendance politique en 1960 3, a toujours été fragilisé par des crises, lesquelles n'avaient pas permis jusque-là le fonctionnement du système politique, éducatif, économique et surtout social installé par la France, pays colonisateur. Malgré les tournants politiques et les divers slogans propagandistes des différents mouvements rebelles dans le sens de la révolution, les élites politiques n’ont fait que, d’une manière significative, tirer profit du tournant pour rebondir et reproduire leur domination. Elles s’associent pour former une unité de pouvoir qui domine la société, en visant d’un même intérêt. L’État est ici perçu comme un lieu d'accumulation et de redistribution des richesses permettant aux acteurs politiques

1 Duby, G., Les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme , Paris, 1978 in http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=HYP_001_0055 , consulté le 17 mai 2011. 2 Bayart, J.F. et Alii. , Le politique par le bas en Afrique : contribution à une problématique de la démocratie , Paris, Karthala, 1992, p. 14. 3 Ramaholimihaso, M., Ny hevitra terabary (Les idées naissent de la concertation), Ateliers camella, 1983, p. 79.

2 centrales de satisfaire les revendications d’autres acteurs de la périphérie, tout en assurant une confluence d’intérêts qui s’oppose pour conserver la stabilité politique du pays. Daniel Fanjava nous parle que : « l’élite intellectuelle est aujourd’hui dépassée par la bourgeoisie d’affaires qui tient en main le pouvoir économique. Elle continue, néanmoins, à tenir un rôle important : économique, théoricien, idéologue, penseur, ingénieur ou technicien »4. Les sociétés malgaches sont actuellement entre leurs mains. Elles sont accusées le plus souvent d’être incapables de penser aux réalités sociales des classes les plus inférieurs et de proposer des projets de société adéquats. Elles ne font que de donner tout simplement le spectacle à la foule. Comme l’a bien stipulé le communiqué du SeFaFi : « les personnels politiques malgaches n’ont cessé de donner au pays et au reste du monde le spectacle désolant de leur incompétence, de leur ambition immodérée et de leur capacité financière »5.

Ce signifiant ou cet imaginaire de l'État, et donc de son pouvoir, crée des formes insoupçonnées et inédites de la multiplication permanente des élites/acteurs politiques en compétition. En ajoutant encore, en période de crises, l’acteur politique doit être capable de réformer son idéologie afin de trouver une nouvelle justification à sa supériorité sociale. Pierre Bourdieu considère que : « l’élite, pour se maintenir, doit posséder une aptitude à la reconversion ; une nouvelle vocation par exemple ; peut lui permettre de donner une autre justification à son existence »6. Depuis l’indépendance politique des pays africains, selon Antoine Tine, « les nouvelles élites politiques sont apparues auréolées d’une « mission messianique » de construction nationale ou de modernisation pour stimuler la croissance économique du pays. L’État s’est présenté comme le « démiurge du développement » »7. Trois Républiques successif à Madagascar, bientôt quatre, le développement tant espéré n’a pas eu lieu.

Alors, il semble nécessaire d'observer les conditions d'apparition des individus qui ont forgé et qui forgent l'histoire et de découvrir l'accord entre les appels du temps, les nécessités du moment et l'arrivé de ces acteurs au pouvoir. Nous allons prendre en compte ainsi les hiérarchies internes et les oppositions entre les différents groupes. C’est pourquoi Alain Touraine, citant Tekpibele Masudi, n'a cessé d'affirmer que : « (…) Il n'y a ni fatalité, ni nécessité historique,

4 Fanjava, D., « Les intellectuels chrétiens d’Afrique et de Madagascar face à la révolution du développement et de la culture », in soritra-pespectives, Revue semestrielle du Développement , n° 1, Antananarivo, 1978, p. 171. 5 Communiqué du SeFaFi : « Classe politique dévoyée, société civile instrumentalisée », du 3 septembre 2010. 6 Luca, A. S., La Noblesse du Premier Empire français : L’identité nobiliaire réinventée , Paris, Haussmann, thèse de doctorat en Droit, 2006, p. 14. 7 Tine, A., Élites politiques et démocratisation au Sénégal. Pour une lecture néo-machiavélienne , Codesria, 2005, p. 11, disponible sur http://www.classiques.uqac.ca/ consulté le 17 février 2011.

3 mais des acteurs qui construisent l'histoire et produisent la société. La production de la société se réalise ainsi au travers des conflits qui s'organisent entre deux acteurs centraux et dont l'enjeu est l'historicité. Celle-ci est définie comme la capacité d'une société d'intervenir sur son propre fonctionnement, de produire ses orientations normatives et de construire ses pratiques à un moment donné de son histoire (…) »8.

Réflexion théorique des élites :

Les premiers développements de ce qu’on a appelé la « théorie des élites » ont ainsi pour point de départ une critique des analyses marxistes de l’État et du pouvoir. Alors que, pour Marx, la domination politique est la conséquence de la domination économique de la classe qui détient les instruments de production, pour les partisans de la théorie des élites, c’est l’exercice du pouvoir ou, au contraire, la soumission de fait à l’autorité politique, qui définit les différents groupes sociaux. La « théorie des élites » contestait, en effet, le postulat marxiste de la primauté de l’économie sur le politique, et refusait que l’analyse des phénomènes sociaux découle des rapports de forces économiques, plaçant les rapports de domination politique au cœur de son approche. Par ailleurs, elle s’appuyait sur une idée déterministe de la nature humaine et privilégiait les explications sociologiques des événements historiques. En conséquence, si cette théorie a pu, cas le plus rare, servir d’instrument de critique de l’ordre existant, elle a la plupart du temps été utilisée pour attaquer les idéologies progressistes. La théorie « classique » des élites est ainsi une idéologie normative qui, au nom d’un réalisme quelque peu aporétique, défend la hiérarchie, l’ordre et la notion d’excellence. L’idée sous-jacente est que les élites dirigeantes sont, par nature, composées des individus les plus aptes à gouverner, de par leurs compétences et leurs qualités psychologiques. La preuve de leur excellence résidant, d’après l’analyse marxiste, précisément dans la position dominante de ces groupes. Très naturellement, cette théorie s’est assortie d’une vision cyclique de l’histoire, considérée comme « œuvre exclusive des minorités actives », une minorité remplaçant l’autre, et la succession de ces minorités formant le mouvement historique.

Bien que les présupposés idéologiques, que nous venons d’évoquer, aient bien entendu été abondamment critiqués, les sociologues qui se sont inspirés de cette théorie des élites, au début du siècle et jusque dans les années 1950, ont ouvert certaines des voies empruntées par la suite des historiens. Il en va ainsi de la question de l’apparition et du renouvellement des élites

8 Tekpibele Masudi, P., Guerres et circulation des élites politiques en province orientale de la République Démocratique du Congo , DES, Université de Kisangani, p. 4.

4 politiques. Vilfredo Pareto s’intéressait aux lois qui gouvernent l’avènement, le maintien, puis le déclin des élites. Pour lui, la circulation permanente était la seule garantie des élites, qui pouvait leur éviter le déclin. Gaetano Mosca s’intéressait, quant à lui, au principe de légitimité du pouvoir, aux instances légitimantes, à l’aspect idéologique du maintien de l’élite dirigeante au pouvoir : la « formule politique » qui assure la pérennité de son pouvoir. Ces deux aspects ont constitué des pistes de recherche sociologique pour l’histoire des élites politiques.

C’est à la fin du XIX ème et au début du XX ème siècle, le courant de pensée élitiste tend à présenter l’élite comme un fait de nature. Presque dans toute une sphère de la société, en tout état de cause, seul une minorité dispose toujours de l’usage de la raison, tandis que la masse n’est qu’en suivre, et ignorante. Frédéric Le Play, citant Giovanni Busino, affirme que : « la répartition sociale entre une classe supérieure dirigeante et une classe subordonnée, découle de la nature »9. De même, le darwinisme sociale fait de l’élite comme un phénomène naturel, et consolide la croyance selon laquelle toute société est gouvernée par une minorité. L’élite serait une nécessité en ce sens qu’elle régule la vie en société et qu’elle seul détient toute la réflexion nécessaire pour gouverner et diriger l’État. Dans cette vision, V. Pareto fait de l’inégalité un phénomène naturel. Par contre, G. Busino considère pour sa part, à l’opposé de Pareto, que l’élite n’est pas un phénomène naturel, mais un produit social ; il explique que « ce n’est pas l’existence de certaines « capacités » qui détermine la supériorité, mais bien le fait qu’un groupe social décide de valoriser telle ou telle capacité »10 . Quoi qu’il en soit donc l’élite serait consubstantielle aux sociétés humaines.

Malgré le dynamisme des études qualitatives, le terme même d’élite est assez complexe à définir, comme tant à le montrer les multiples définitions proposées par les sociologues : ne serait-ce qu’entre l’élite et les élites, il y aurait une réalité bien différente. Ainsi, « le débat sur les élites débute dès lors même bien avant d’aborder le thème d’un rôle supposé ou d’une légitimité. Il débute dès que l’on se confronte aux images qui gravitent autour d’un concept et que l’on doit s’accorder sur une acceptation généralement peu détaillée »11 . Le problème majeur de l’application de la notion d’élite à la recherche sociologique est, tout d’abord, la difficulté qui consiste à définir de façon claire et définitive les élites en tant qu’objet historique. Comme l’exprime G. Busino : « l’analyse historique montre clairement que ce concept ne s’applique à

9 Busino, G., Elite(s) et élitisme : Recherches historiques sur les élites, Paris, Que sais-je ?, 1992, pp. 9-10. 10 Busino, G., Elite(s) et élitisme , Op. Cit., p. 16. 11 B. Trivelin, G. Bajoit, F. Dasseto, cité par Luca, A. S., La Noblesse du Premier Empire français : L’identité nobiliaire réinventée , Op. Cit., p. 8.

5 aucune réalité historique précise, et qu’en outre il peut se référer simultanément à des forces sociales extrêmement différentes et souvent contradictoires » ; « ni le revenu, ni la richesse, ni la profession, ni la place occupée dans une hiérarchie institutionnelle, ni le style de vie ne permettent, en effet, d’individualiser ou de localiser une élite ». Or « à défaut de caractéristiques d’identification précises pour l’historien, la théorie de l’élite reste fumeuse et vague » 12 .

La complexité du terme vient, ensuite, de ce que l’élite n’a pas toujours désigné un groupe social, mais un groupe ou une classe politique dominant : au XVI ème siècle, citant Anne Sandrine de Luca 13 , ce mot signifie « choix », et faire élite veut dire faire un choix ; plus tard, au XIX ème siècle, l’élite désigne ce qu’il y a de meilleur dans chaque espèce de marchandise. Ce n’est que plus tardivement, à la fin de XIX ème et au début de XX ème siècle, que l’élite prend une acception plus élargie, comme un individu, un homme, qu’il a de meilleur, de plus distingué par rapport aux autres 14 , et comme un groupe dominant. Des multiples interprétations surgissent sur la notion de dominant. La plus part du temps, l’élite désigne ceux qui dirigent, ce qui jouissent d’un prestige, ou encore ceux qui profitent d’une inégale répartition des pouvoirs, des richesses, et ceux qui détiennent des compétences et des talents spécifiques ; cela nous permet de conclure que l’élite peut également enfin englober dans leur supériorité, comme l’exprime Vilfredo Pareto, Gaetano Mosca et Charles Wright Mills que nous allons voir ci-après.

Ces trois auteurs, quant à eux, ont formé une école sociologique, puis historique, qui considère que, quelle que soit la nature du régime politique, il y a toujours une élite, une minorité qui gouverne tandis que la masse de la population est gouvernée. Toutes les sociétés voient ainsi s’établir un partage inégal des richesses, du pouvoir et du prestige ; ceux qui concentrent ces privilèges entre leurs mains sont l’élite. L’histoire est menée par ces minorités agissantes qui en sont les principaux acteurs de la société. Ils définissent l’élite comme une classe dominante ou une classe dirigeante, et finalement, une classe politique.

Tout d’abord, Vilfredo Pareto 15 , sociologue et économiste, a apporté une contribution importante dans ces deux matières, particulièrement dans l'étude de la distribution du revenu et dans l'analyse des choix individuels. Il a introduit le concept de l'efficacité et aidé le développement du champ de la microéconomie avec des idées telles que la courbe d'indifférence.

12 Busino, G., Élite(s) et élitisme, Op. Cit ., pp. 87-88. 13 Luca, A. S., La Noblesse du Premier Empire français : Lidentité nobiliaire réinventée , Op. Cit., p. 8. 14 Larousse, Dictionnaire de Français ; Larousse/vuef, imprimé en France, p. 139. 15 Vilfredo Pareto (1848-1923) est Ingénieur et économiste, et c’est seulement plus tard qu’il viendra à la sociologie. Ses ouvrages les plus connus sont : « cours d’économie politique », de 1896-1897 ; « Les systèmes socialistes », de 1901-1902 ; « Traité de sociologie générale », de 1917-1918.

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Au niveau de définition, Pareto, dans son acception la plus large, définit l’élite par ses qualités éminentes, par sa supériorité naturelle, psychologique : « La notion principale du terme élite est celle de la supériorité » ; l’élite désigne « (…) les gens qui ont à un degré remarquable des qualités d’intelligence, de caractère, d’adresse, de capacité de tout genre … ». Elle se compose de tous ceux qui présentent des qualités exceptionnelles ou qui font preuve d'aptitudes éminentes dans leur sphère d'activité. Il distingue les classes sociales comme classe de masse et classe d'élite. L'élite étant elle-même composée d'élite non gouvernementale et d'élite gouvernementale. Pareto explique la pénétration perpétuellement de nouvelles élites dans la société. De la masse monte, que l'élite en place a le choix de combattre ou d'intégrer jusqu'à ce qu'elle soit finalement défaite et remplacée. Il stipule expressément que : « ce phénomène des nouvelles élites, qui, par un mouvement incessant de circulation, surgissent des couches inférieures de la société, montent dans les couches supérieures, s’y épanouissent et ensuite tombe en décadence, sont anéanties, disparaissent, est un des phénomènes principaux de l’histoire et il est indispensable d’en tenir compte pour comprendre les grands mouvements sociaux »16 .

Ensuite, Gaetano Mosca 17 , professeur, député et sénateur italien, a contribué aux sciences politiques en observant que les sociétés primitives sont gouvernées dans les faits si ce n'est dans la théorie par une minorité numérique. Il a nommé cette minorité « classe politique ». Bien que cette théorie soit élitiste, on peut constater que sa base est différente du pouvoir que détient l'élite tel que décrit par C. Wright Mills. Contrairement à ce dernier, et d'autres sociologues plus tard, Gaetano Mosca visait à développer une théorie universelle de la société politique, sa théorie de la classe politique reflète le plus ce dessein.

Mosca définit les élites selon la supériorité de leurs compétences dans l'organisation. Ces compétences selon lui sont surtout utiles pour gagner le pouvoir dans une société bureaucratique moderne. Néanmoins, sa théorie est plus démocratique que celle de Pareto puisque dans la conception de Gaetano Mosca, « les élites ne sont pas héréditaires ». C’est-à- dire des individus originaires de toutes les classes peuvent accéder à l'"élite". Il a aussi adhéré au concept de « la circulation de l'élite » qui est une théorie dialectique de compétition constante entre les élites différentes, avec un groupe d'élite remplaçant un autre à maintes reprises

16 V. Pareto, cité par Busino, G., Elite(s) et élitisme , Op. Cit., p. 17. 17 http://www.wikipedia.fr consulté le 17 juin 2011.

7 progressivement. « Gaetano Mosca , relate Guy Rocher, est allé si loin qu'il a construit une théorie complète de l'histoire sur la base des différentes élites dirigeantes »18 .

Et enfin, Charles Wright Mills 19 , sociologue américain, a fait une critique sociale radicale de la société américaine, de l'approche de Talcott Parsons et du « mainstream » en sociologie américaine. La thèse principale de sa réflexion portait sur la critique de l'idéologie américaine de la société ouverte. Il observe que les élites américaines constituaient un groupe fermé. Nous pouvons dire qu'elles étaient aussi oligarchiques. Il observe une mobilité sociale considérable entre les différents groupes d'élites et entre les élites de différents domaines (économique et industrielle, politique, militaire, etc.). Mills a savamment abordé la question de la formation ainsi que celle de la domination de l'élite du pouvoir dans la société américaine.

À cet effet, il définit l'élite du pouvoir comme étant : « l'ensemble des hommes qui prennent toutes les décisions importantes que l'on peut prendre ». L'élite du pouvoir est composée d'hommes qui occupent des « postes-clés » dans les grandes institutions de la société moderne et qui peuvent prendre des décisions aux conséquences capitales pour la vie des gens ordinaires. Il énonce trois domaines principaux du pouvoir : la politique, l'économie et le domaine militaire entre lesquels il observe une interdépendance mutuelle de plus en plus grande des élites. Sous d'autres cieux, surtout dans des pays européens et américains, deux facteurs principaux favorisent l'homogénéité des élites notamment les facteurs socio-psychologiques et les modes de comportement et personnalité similaire : Premièrement, les facteurs sociaux et psychologiques : les élites sont généralement issues d'une même origine sociale et d'un même milieu social (même cursus scolaire). Deuxièmement, les modes de comportement et personnalité similaire (« type social homogène ») ; les élites auraient les mêmes valeurs et intérêts (mêmes les sentiments d'appartenance à la même classe sociale).

À ce propos, C. Wright Mills a bien souligné que l'étude des élites ne constitue pas en elle-même, contrairement à ce que croyait Mosca, une interprétation historique globale ; elle ne suppose pas nécessairement que toute l'histoire résulte de l'action de certaines élites, ni que le processus de décision des élites suive un cours plutôt qu'un autre. La prise de décision n'est qu'une des fonctions possibles des élites, de même que son influence sur le cours de l'histoire. Il s'agit en réalité plutôt de dégager la variété des élites et la diversité de leurs fonctions, dans les différents contextes où elles peuvent apparaître.

18 G. Mosca, cité par G. Rocher, Op. Cit., p. 6. 19 Mills, C. M., L'élite du pouvoir , Londres, Mills, 1969, pp. 8-25.

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Tout cela ne suffit pas, selon Guy Rocher, pour parler d'une élite en termes sociologiques. Encore faut-il que la supériorité acquière une signification sociale, qu'elle ait une portée pour une collectivité ou pour un groupe, qu'elle exerce une influence réelle ou symbolique, qu'elle s'accompagne d'une action sur les membres d'une collectivité ou d'un groupe, soit directement par l'autorité que possède une élite, soit indirectement par les sentiments ou les idées qu'elle exprime ou le symbolisme dont elle s'entoure. En conséquence, il définit pour sa part : « une élite comme étant formée de personnes ou d'un groupe de personnes dont l'action est significative pour une collectivité ou un groupe et qui y exercent une influence, soit par le pouvoir ou l'autorité dont ils jouissent, soit par les idées, les sentiments ou les émotions qu'ils expriment ou qu'ils symbolisent »20 . De même, B. Trivelin, G. Bajoit et F. Dassetto, citant Anne Sandrine de Luca, tentent de mentionner, preuves à l’appui, que : « l’élite est comme une personne ou un groupe qui aura atteint une position reconnue comme importante au sein d’un ou plusieurs domaine d’activité, sur la base de critères définis socialement. Cette personne ou groupe occupe une place élevée dans la hiérarchie sociale et, par sa position et par sa légitimité, à la capacité d’influencer à un titre ou à un autre le devenir d’un territoire déterminé »21 . Tout cela nous montre vraiment qu’il existe donc une diversité des formes d’élites, plus ou moins exclusives, plus ou moins associées au pouvoir et plus ou moins privilégiées et structurées dans la société.

À ce point, il est peut-être devenu assez clair que la notion de l'élite utilisée ici est plus large que celle que l'on trouve chez Pareto, Mosca et Mills que nous venons d’indiquer. Comme l'ont bien montré Ralf Dahrendorf et T.B. Bottomore, la notion de l'élite employée par ces auteurs équivaut trop précisément à celle de classe dominante ou de classe dirigeante et finalement de classe politique 22 .

Alors, mon étude s'inscrit donc dans la continuité des travaux de Guy Rocher pour définir sociologiquement le terme d’élite politique et pour analyser leur multiplication dans la Région de Mananjary. Notre choix est guidé par l'analyse, pas seulement de la caractéristique démocratique des élites politiques chez Mosca, des transformations en cours de la société mananjaroise et le rythme de ces transformations qui favorisent toujours le renouvèlement des acteurs politiques. « Dans l'analyse sociologique des processus de changement social à l'intérieur d'une société donnée , écrit Guy Rocher, l'étude des élites fournit au chercheur un

20 Rocher, G., Multiplication des élites et changement social au Canada français , Op. Cit., p. 6. 21 Luca, A. S., La Noblesse du Premier Empire français : L’identité nobiliaire réinventée , Op. Cit., p. 9. 22 Ralf DAHRENDORF et T.B. BOTTOMORE, cité par Rocher, G., Op. Cit., p. 5.

9 point de vue, un angle de vision privilégié. Elle lui permet de s'installer au cœur même de la transformation en cours, de regarder la société et son environnement avec les yeux de ceux qui participent le plus activement à son évolution ; les raisons du changement peuvent alors lui apparaître avec plus de clarté, de même que les hésitations, les déchirements et les conflits qui l’accompagnent ; le chercheur peut enfin espérer prédire avec une plus grande probabilité le cours prochain des événements et de l'évolution »23 .

La richesse du débat sur la problématique des élites politiques sollicite mon attention pour analyser la multiplication des élites/acteurs politiques dans le district de Mananjary.

Problématique :

La vie politique malgache est maintenant marquée par une diversité d’acteurs, des partis politiques et de formes de participation politique. La prise de décision intègre, en plus des acteurs traditionnels, comme les partis politiques ou l’électeur, différents groupes et associations plus ou moins structurés autour d’enjeux locaux, régionaux, nationaux ou internationaux. Parallèlement, les lieux de discussion et de décision se multiplient. Les crises politiques, auxquelles Madagascar est périodiquement confronté depuis l’indépendance, étant comme mode ascendante d’apparition des acteurs politiques, alimentent des mutations positives dans la société et revêtent une importance scientifique notoire en sociologie politique dans la compréhension des imaginaires et des tactiques des acteurs politiques, de leur apparition, de leur compétitivité et de leur performance à capter le pouvoir d'État à tous les niveaux : national, régional, local. Et elles font émerger des élites guidées par l'histoire et la contingence 24 .

La question de cette hétérogénéité des élites politiques à Madagascar, plus particulièrement dans le district de Mananjary, nous reste problématique. Nulle étude sociologique de l’apparition des élites n’a bouclé son périple intellectuel, qui n’est retournée vers les problèmes de la société et son évolution, et vers leurs interférences au cœur de l’histoire. Quels que soient les problèmes spécifiques abordés par les chercheurs, quelle que soit l’étendue des aspects de la réalité historique qu’ils ont examiné, ceux dont l’imagination a formulé notre problématique. En vue de nous permettre de mieux cerner notre travail d’étude, nous nous obligeons de proposer les séries de questions suivantes :

23 Rocher, G., Multiplication des élites et changement social au Canada français , Op. Cit., p. 1. 24 Tekpibele Masudi, P. ; Op. Cit., p. 18.

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1. Question centrale : Quels sont les principaux facteurs de la multiplication des acteurs politiques dans le district de Mananjary ?

Cette question principale s'explicite à travers les questions secondaires suivantes :

2. Questions secondaires :  Dans le cas précis à Mananjary, peut-on identifier les principaux acteurs politiques et observer leurs trajectoires socio-historiques et politiques en arrivant à la scène politique ?

 Quels rapports existent-ils entre l’apparition des acteurs politiques et les structures sociales de district ? Et quel serait le rythme de la prolifération et ses conséquences au niveau social ?

En guise de proposition de réponses aux questions posées, nous posons que :

Hypothèses :

1. Hypothèse centrale : La multiplication des acteurs politiques à Mananjary résulterait notamment de la transformation des sociétés.

2. Hypothèses secondaires :  Des différents acteurs politiques émergent et investissent l'espace politique de district de Mananjary. Avant d’apparaître sur la scène politique, ils auraient suivi des trajectoires socio-historiques et politiques diverses et diversifiées : de l'acteur de la société civile au politique, des autorités traditionnels (Ampanjaka) au politique, du fonctionnaire au politique, de l'affairiste à l'entrepreneur politique, etc.

 La dynamique interne de la structure sociale d’une société, qui prétend acquérir d’elle- même une connaissance scientifique, engendre l’apparition des nouveaux acteurs politiques. Les transformations en cours de la société et le rythme de ces transformations auraient occasionnées une forte prolifération ascendante et descendante des acteurs politiques dans le district de Mananjary.

Parmi l’infinité des données que nous pourrons en principe recueillir sur ce thème, ces hypothèses nous fournissent le critère de sélection des données dites « pertinentes ». De plus, Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt ajoutent que « L’organisation d’une recherche

11 autour d’hypothèses de travail constitue le meilleur moyen de la mener avec ordre et rigueur sans sacrifier pour autant l’esprit de découverte et de curiosité propre à tout effort intellectuel digne de ce nom. Bien plus, un travail ne peut être considéré comme une véritable recherche s’il ne se structure autour d’une ou de plusieurs hypothèses »25 .

Cadre méthodologique :

1. De la méthode L'élaboration d’une recherche scientifique exige que la démarche soit guidée par une méthodologie pouvant permettre une systématisation stricte des données constituant la base d'étude. Comme l’a bien indiqué Raymond Quivy et L. V. Camprenhoudt, que : « La recherche en sciences sociales suit une démarche analogue à celle du chercheur de pétrole. Ce n’est pas en forant n’importe où que celui-ci trouvera ce qu’il cherche. Au contraire, le succès d’un programme de recherche pétrolière dépend de la démarche suivie. Étude des terrains d’abord, forage ensuite. Cette démarche nécessite le concours de nombreuses compétences différents »26 . De plus, M. Grawitz a dit que « le propre de la méthode est d'aider à comprendre au sens le plus large, non le résultat de la recherche scientifique, mais le processus de la recherche lui - même »27 .

Pour faire l’état des contradictions, paradoxes, dilemmes auxquels donnent lieu les rapports dialectiques qui entretiennent notre recherche concernant la multiplication des acteurs politiques dans la région de Mananjary. Nous allons opter pour « la méthode fonctionnelle et le fonctionnalisme »28 en vue d'analyser la réalité sociale et dégager l'explication conformément à l'objectif poursuivi par cette présente étude.

Talcott Parsons, l’un des représentants les plus typés de l’école fonctionnaliste en sociologie, est également étudié dans le cadre des théories néo-évolutionnismes. À propos de cette école et de Parsons, G. Balandier a écrit : « Plus ambitieuse encore, une nouvelle théorie, dans le long terme, les tendances modificatrices des sociétés, les orientations dominants régissant leur mouvement général. Les recherches récentes de Talcott Parsons n’échappent pas à cette sollicitation ; ce qui témoigne de la force de persuasion du néo-évolutionnisme »29 . De

25 Quivy, R. et Campenhoudt, L. V., Manuel de recherche en sciences sociales , Paris, Dunod, 1995, p. 117. 26 Quivy, R. et Campenhoudt, L. V., Manuel de recherche en sciences sociales , Op. Cit., p. 3. 27 Grawitz, M., Méthodes des sciences sociales , Paris, Dalloz, 2001, pp. 15, 351. 28 Lire le détail : Rocher, G., L’organisation sociale, Introduction à la sociologie générale , HMH, Paris, 1968, pp. 160-177. 29 Balandier, G., Sens et puissance , Paris, 1971, p. 100.

12 même, G. Rocher tente de montrer, preuves à l’appui, que « le fonctionnalisme [n’a pas] inhibé tout intérêt pour l’étude du changement social »30 . Talcott Parsons est allé le plus loin dans cette analyse, en disant que le fonctionnalisme s’est attaché avant tout, d’une part, à la dynamique interne de la structure sociale, d’autre part, à l’analyse des forces et processus qui contribuent au maintien de cette structure.

C’est à travers de cette démarche que nous allons découvrir les corrélations qui permettent davantage de comprendre l’évolution des acteurs politiques face à la dynamique interne de la structure sociale de Mananjary et ensuite, nous allons analyser les forces et les processus qui contribuent au maintien de cette multiplication de ces acteurs politiques. Notre étude a l'ambition, comme le soulignent Guy Hermet et Alii, citant P. Tekpibele Masudi 31 , de tenter d'expliquer les faits en les plongeant dans le long terme de l'histoire. Une histoire sociale du politique et, partant, de dégager les dynamiques qui ont donné sens et cohérence à la vie politique, mais, aussi, une histoire politique du social apte à identifier l'empreinte profonde du politique sur le social. C’est-à-dire la multiplication des acteurs politiques.

Tout en considérant la fonction comme la conséquence observée d'un fait social, qui contribue à l'adaptation ou à l'ajustement d'un système donné : la fonction ou le rôle qu'ont joué les différentes crises politiques et des bouleversements dans la société malgache qui favorisent le renouvèlement des élites politiques entendue comme un système donné, constitue une conséquence de la complexité croissante des acteurs politiques. La signification politique de l'événement résultant, ainsi, d'une médiation entre les différentes temporalités dans lesquelles nous le situons. En nous permettant de penser les événements les uns par rapport aux autres, l'histoire nous permet donc de formuler leur signification politique, de comprendre ce qu'ils représentent, à la fois pour les acteurs qui les ont vécus et pour ceux qui en ont vécu d'autres comparables. D’où la nécessité d’une problématique du sujet historique, totalement éludée par Easton David qui n’accorde aucune place dans l’analyse des structures et des organisations sociales et politiques elles-mêmes. Nous serons engagés ainsi notre débat élitiste dans une vision de la sociologie historique.

Malgré les difficultés que comporte le fait que les sciences sociales appliquent à un objet humain, des outils humains une attitude de scientificité est possible. Elle implique une démarche intellectuelle, une méthode au sens élevé du terme, mais également des méthodes,

30 Lire Rocher, G., Le changement social , HMH, Paris, 1968, pp. 10-11. 31 Tekpibele Masudi, P., Op, Cit., p. 23.

13 c'est-à-dire les étapes dans le travail et surtout de manière de faire qui pour n'être pas manuelles, n'en représente pas moins des techniques, par la rigueur des attitudes qu'elles impliquent. Ces techniques sont diverses suivant l'objet auquel il s'applique et elles ne s'excluent pas. Encore faut-il d'une part savoir choisir la plus adéquate et d'autre part par l'utilisation convenable 32 .

2. Les Techniques des observations : La réussite de notre recherche dépend en général de la capacité de moi-même, d’une part, à collecter toutes les informations nécessaires au bon moment et au bon endroit, et d’autre part, à résumer et à synthétiser afin de faire sortir les idées importantes. Pour cela, premièrement, il doit travailler obligatoirement en collaboration étroite avec mon directeur professionnel de recherche. Deuxièmement, la méthode fonctionnelle et le fonctionnaliste sont soutenus par diverses techniques. Les techniques prises sont comme moyen précis pour atteindre un résultat partiel, à un niveau et à un moment précis de la recherche. Les questions de la méthode et des instruments de recherche n’ont pas été envisagées non plus à part. Mais, nous avons pris soin d’indiquer dans la recherche que nous faisons les procédures méthodologiques qui ont été menées les recherches et les actions sur le terrain. Ce travail sera réalisé grâce à la mise en œuvre d’une conjugaison des différentes techniques suivantes :

Tout d’abord, Comme l'avait bien dit Kizerbo : « l'histoire se fait par des documents écrits »33 ; ainsi la technique documentaire nous a permis de rassembler les données qui cadrent avec notre étude contenues dans des ouvrages, des revues, des journaux, des encyclopédies, des mémoires, des thèses, des monographies et autres lexiques. Ces différents documents nous ont permis de recueillir les informations susceptibles d'enrichir nos investigations. La sélection s’est appuyée sur des critères de choix définis en rapport avec les conceptions de l’étude et les objectifs fixés.

Ensuite, en choisissant une « recherche-action », l’utilisation d’un entretien semi- directif ou semi-dirigé, étant le plus utilisé en recherche sociale 34 , et un entretien non directif en posant des questions ouvertes suivies des questions de faits dans notre cible sera un atout. Cette technique nous permet, selon Frédéric Labaron : « de recueillir les discours d'individus bien choisis. (…) de mettre l'accent sur les conditions sociales de production d'un discours toujours conçu dans une situation particulière pour un enquêteur doté lui-même de caractères

32 Grawitz, M., Méthodes des sciences sociales , Op. Cit. p. 487. 33 Kahimbira, P., Lutte armée et renaissance de la démocratie en RDC de 1998 à 2006 , Université de Kisangani (RDC), p. 6, in http://www.memoireonline.com/10/10/4005/ consulté le 27 avril 2011. 34 Quivy, R. et Campenhoudt, L. V., Manuel de recherche en sciences sociales , Op. Cit., p. 195.

14 spécifiques. (…) Elle permet en particulier d'atteindre la sphère des représentations et de la perception subjective d'une réalité par ses acteurs, qui sont à la fois complexes et situées »35 .

La technique d'interview non directive s'apparente beaucoup à l'interview centrée mais il y a généralement un thème central décomposé en quelques principaux sous-thèmes déterminés à l'avance et sur lesquels on fait parler, tour à tour, l'interviewé. Ce type d'interview est donc un peu plus structuré et le degré de liberté y est un peu plus réduit. Cette technique a été d'un grand soutien à la présente recherche du fait qu'elle nous a permis de rassembler une quantité intéressante de données des personnes ressources mieux informées sur la problématique des élites politiques dans la Région Vatovavy et de leurs histoires que nous n'aurions pu recueillir autrement. L'interview non directive s'insère dans le type qualitatif de l'enquête, c'est-à-dire « celui où le chercheur interroge telle personne parce qu'elle possède telle caractéristique ou parce qu'elle a comme tel type d'expérience ou telle histoire .» 36

Étant sociologue, j’ai mis en œuvre l’observation participante périphérique en faisant des interviews et des sondages d’opinions avec l’appui des questionnaires. L'observation participante nous permet d’observer les élites politiques dans leur agir, leur mouvement et leur circulation dans la société. Les différentes crises qui ont émaillé le pays depuis l’indépendance, ainsi que les divers conflits. La technique d'observation directe nous a permis aussi d'apprécier la conduite et l'évolution des sociétés. Nous avons suivi de très près l'évolution générale de la situation politique du pays et ses manifestations pour l'évolution. Ainsi donc, nous sommes parvenus à emmagasiner une quantité importante d'informations relatives à notre objet d'étude. Notre expérience personnelle de futur acteur politique dans la Région Vatovavy a été un appui considérable dans l'enrichissement de ce travail.

Nous avons interrogé des personnalités en fonction de différentes personnes par commune. Ces personnalités ont été bien choisies sur base des caractéristiques non exclusives suivantes : la position privilégiée et le rôle joué dans la société, les notables traditionnels, les jeunes prétendants et leurs participations actives dans certains événements majeurs de l'histoire politique dans le district, l'activisme dans la société civile, la position dominante en termes de pouvoir politique. Notre choix est porté sur ces personnalités du fait de leur habileté et des rôles qu'elles ont joués dans la politique, ainsi que de la position d'observateurs privilégiés de certaines d'entre elles. En interrogeant ces acteurs politiques eux-mêmes ainsi que certaines personnalités

35 Labaron, F., « Sociologie-Les méthodes », in Encyclopaedia Universalis 2010 . 36 Albarrelo, L., L’acteur social et la recherche scientifique , 2ème édition, Bruxelles, De Boeck, 2005, p. 7.

15 mieux informées et privilégiées, nous nous installons au cœur même de la transformation en cours de la société. Ceci nous permet de regarder la société et l'environnement avec les yeux de ceux qui participent le plus activement à son évolution pour appréhender les raisons de la multiplication des acteurs politiques avec plus de clarté en y décelant les hésitations, les déchirements et les conflits qui l'accompagnent. Les propos des acteurs interrogés nous fournissent un point de vue, un angle de vision privilégié en décryptant les thèmes dominants de leur pensée, la perception qu'elles ont d'elles-mêmes et de leur position dans l'organisation sociale.

La mise en œuvre de cet ensemble de procédures de ces informations relève donc d’une conception d’assistanat de notre travail de recherche. L'analyse de contenu, un des instruments les plus complets, les plus riches et les plus utilisés en sciences sociales, surtout en phase de dépouillement et de l’interprétation des données. Elle peut être extrêmement utile au chercheur tout au long de son travail, depuis le pré enquête jusqu'au dépouillement et au traitement d'un questionnaire. Il ne prétend pas faire un bilan, dépourvu de sens que pourrait fournir automatiquement sous forme de « listing » une base de données conçue pour faire la saisie systématique de tous les travaux auxquels notre travail aura donnée lieu de près ou de loin.

3. Difficultés rencontrées : La première difficulté rencontrée a été surmontée grâce à l'effort de clarification, - évidemment évolutive, mûrie -, de l'objet de recherche en rapport avec la discipline sociologie politique et la rigueur personnelle dans le traitement du problème d'étude. C'est à ce niveau que l'apport de mon encadreur professionnel s'est révélé plus qu'important. La suspicion dont nous faisions l'objet de la part de certaines personnalités interrogées a été contournée par la perspicacité, l'insistance et les bonnes relations interpersonnelles. L'Internet et les personnes ressources ont été d'un apport non moins négligeable pour combler la contrainte liée au quasi absence de la documentation spécialisée en rapport avec notre objet d'étude.

Ensuite, l'exploitation de l'objet de la présente étude ainsi que la préparation et la rédaction de ce mémoire n'ont pas été exemptes de difficultés dont voici ramassées les principales : Premièrement, les hésitations dues à notre expérience limitée et au doute dans le choix de l’enquêté et la définition de l’objet d'étude et de la méthodologie de recherche. Chaque recherche nouvelle dans un lieu donnée étant toujours recommencement et quête exploratoire. Le second, la rareté ou le trop peu nombre des études malgaches spécialisées en rapport avec notre thème de recherche.

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Intérêts et objectifs de recherche :

Cette étude présente un double intérêt : Sur le plan théorique, d’une part, notre première étude dans la Région Vatovavy se limite à un défrichement. Celle-ci ressemble plutôt à un labourage pour préparer des semailles espérées fructueuses, dans le champ de réflexion sur les acteurs politiques malgaches. Elle a permis de décrypter le code de la prolifération des élites politiques en temps de transformation en cours de la société intermédiaire. Sur le plan pratique, d’autre part, le présent travail est, pas seulement de la Région, un document de repérage des acteurs politiques et de leurs caractéristiques et comportements. Il contribuera aussi à la recherche de la Région Vatovavy indépendante et qui permettra aux chercheurs en sciences sociales d'approfondir leur recherche en matière de la sociologie des élites.

En guise d'objectifs, nous nous proposons de jeter un éclairage sur le renouvellement des élites politiques dans cette ex-préfecture de Mananjary. Il s'agit aussi de dresser un répertoire, même inachevé, de ceux qui font la politique et conditionnent le politique dans ce district. Cette étude s’est donné plusieurs missions, en fonction des emplois possibles de l’outil méthodologique qui constituent la raison d’être de sa réalisation. L’ensemble de notre objectif dans ce travail a amené à réviser la thématique précédemment élaborée et à opérer un réaménagement de la grille de classement auparavant construite pour tenter d’articuler entre eux les différents éléments selon une logique susceptible de rendre compte de multiples facettes sous lesquelles peut être envisagée notre recherche concernant : « La multiplication des acteurs politiques à Mananjary ». En effet, les données et les aspects quantitatifs et qualitatifs auront orienté ces retouches du plan de classement raisonné.

Délimitation du champ d’étude :

Pour des raisons pratiques, cette étude se limite dans le district de Mananjary, car on ne peut pas prétendre appréhender le phénomène de manière exhaustive pour une aire plus vaste. Quoi qu’il en soit, le champ d’étude demande à être très précis et clairement circonscrit. Comme l’ont bien dit Raymond Quivy et L. V. Camprenhoudt : « une erreur très courante chez les chercheurs débutants consiste à le choisir beaucoup trop large »37 . La sous-préfecture de Mananjary est une région multiethnique majoritairement constituée d’Antambahoaka, de Betsimisaraka, de Tanala et également d’Antemoro dans certains villages. Les habitants de ce district vivent bien en harmonie à cause de l’identité culturelle qui les caractérise. Ce sont des

37 Quivy, R. et Campenhoudt, L. V., Manuel de recherche en sciences sociales , Op. Cit., p. 159.

17 communautés ancrées aux us et coutumes, aux liens de parenté, aux traditions ancestrales caractérisés surtout par le respect et la soumission aux directives et aux paroles des chefs coutumiers dits : « Ampanjaka »38 .

Plan du travail :

Pour en savoir un peu plus sur notre étude, il est intéressant de s’attacher, tout d’abord, dans la première partie, à la présentation générale de district de Mananjary afin qu’on puisse orienter notre travail de recherche. Ensuite, nous allons identifier dans la deuxième partie les principaux acteurs de la sphère politique, en abordant leurs trajectoires socio-historiques et politiques avant de capter le pouvoir dans tout le niveau de district. Et enfin, nous allons déduire dans la troisième partie les principaux facteurs de la multiplication des acteurs politiques et ses conséquences dans le district de Mananjary.

38 Ampajaka : Notables traditionnelles qui ont de fortes influences dans la société. Le pouvoir moral qu’ils exercent leur confère une ascendance et une autorité psychosociale envers leurs pairs.

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PREMIERE PARTIE

CADRE GENERAL DE RECHERCHE

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Carte n° 01 : District de Mananjary dans la Région Vatovavy Fitovinany

Source : Foiben-Taosarintanin’i Madagasikara (FTM), Madagasikara et ses 22 Régions – les 5 continents, Antananarivo, p 14.

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I. Le district de Mananjary et l’état actuel de sa population

1. Situation géographique et caractéristique démographique :

1.1. Localisation géographique :

Situé entre 21°12’27 ‘’ de latitude Sud et 48° 21’24’’ de longitude Est 1. Le district de Mananjary se trouve dans la côte Sud-Est de Madagascar, plus précisément dans la Région Vatovavy Fitovinany. Il s’étend sur une superficie de 5 375 Km², soit 25,93 % de la surface totale de la région 2. Ce district est délimité au Nord par le district de Nosy-Varika, à l’Ouest par le district d’, au Sud par le district de , et à l’Est par l’Océan Indien. De sa dissymétrie Ouest-Est et des contrastes topographiques entre Hautes Terres : et Ifanadiana ; et zones basses périphériques, le district de Mananjary se révèle être avant tout un district au relief très accidenté. Car faisant partie de la façade Sud-Est orientale de Madagascar, il se présente, pour les géographes, comme une muraille continue du haut de laquelle, on descend vers l’Océan Indien, en passant par des différentes formes de relief comprenant 3 :  Les abrupts de faille du pays Tanala vers : c’est la zone de falaise, d’où la dénivellation topographique est très forte, l’altitude est très marquée, allant de 500 à 1000 mètres. La pente topographique ou la valeur d’inclinaison est très élevée, supérieure à 15 %. Les systèmes hydrographiques sont en forme de vallées. De ce fait, les cours d’eau et rivières ont un écoulement suit l’escarpement, des failles, donnant des cascades dues à la pente très forte.

 Les collines ressemblent à des plateaux inclinés vers l’Est, qu’un rajeunissement du profil des rivières, ont transformées en croupes arrondies. Elles correspondent aux moyennes et basses collines d’Ifanadiana, Ampasimazava et Ikongo. Le paysage est caractérisé par les ondulations des collines. La formation végétale est clairsemée. La pente topographique est moins forte, elle est en moyenne entre 1 à 15% ; les cours d’eau ont donc un écoulement moins rapide. La taille des cours d’eau est plus grande en largeur. L’encaissement des systèmes hydrographique est faible. Il mesure 50 à 100 mètres. La

1 Rakotonitama, T., Etat de lieu de district de Mananjary , CSA Pangalana, 2011, p. 6. 2 Foiben-Taosarintanin’i Madagasikara (FTM), Madagasikara et ses 22 Régions – les 5 continents , Antananarivo, p. 14. 3 Rajaonavelona, J., La pêche à la civelle dans l’embouchure du fleuve Mananjary (côte Sud-Est malgache), Mémoire de maîtrise, Université d’Antananarivo, 2006, pp. 12-13.

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différence de l’altitude entre le point le plus élevé et le point le plus bas est en moyenne de 450 mètres.

 La région littorale, où descendent des cours d’eau au profil court mais très tendu, coupé de chutes, en particulier , Mananjary et Nosy-Varika, font partie de la côte Est malgache. Le paysage est constitué de plaines côtières. L’altitude varie de 5 à 50 mètres, c’est une zone de basse altitude. La dénivellation topographique est très faible et la valeur d’inclinaison est inférieure à 1 %. L’encaissement du système hydrographique est de 5 à 10 mètres.

Cette zone côtière présente de grandes plaines sableuses et un tracé rectiligne, entre Taolagnaro et Foulpointe. Elle est bien régularisée par la grande houle d’Alizé, constituant d’un grand nombre de crêtes de plages successivement parallèles. Du point de vue hydrographique, des nombreux fleuves dans la Région de Mananjary prennent leurs sources sur les Hautes-Terres centrales de l’Île et descendent en direction de l’Est pour se jeter dans l’Océan Indien ; citons :

 Le fleuve Mananjary qui prend naissance dans les Hautes-Terres, passe à quelques kilomètres d’Ambohimanga-du-Sud, district d’Ifanadiana, d’ et d’ et pourrsuit son cours jusqu’au Mananjary ville.

 La Namorona, la principale rivière du pays tanala du centre ; elle se précipite de chutes en chutes de la grande falaise, passe à côté du village de Ranomafana, district d’Ifanadiana, puis traverse ensuite paisiblement la vallée de pour descendre vers le Sud-Est jusqu’au village de Namorona.

 Le Fanantara qui est la rivière du pays Betsimisaraka du Sud des districts de Mananjary et de Nosy-Varika, ce fleuve prend naissance dans la Région d’Amorin’i Mania, descend vers l’Est et se jette à la mer dans la commune rurale d’Ambohitsara-Est, une commune périphérique Nord de district de Mananjary.

De ce fait, de petites plaines littorales peuvent exister, construites par les alluvions de ces fleuves, mais séparées par des reliefs de basses collines sableuses, c'est à travers ces formations que les hommes ont creusé le canal des « pangalanes »4 pour relier entre elles les

4 Canal des pangalanes : long chapelet de lacs et de lagunes séparés par des seuils, qui longe la côte Est sur une distance de 655km depuis l’embouchure de l’Ivoloina, à 20km de Toamasina jusqu’à Farafangana. 22

lagunes utilisées par les canots à moteur des commerçants et les pirogues des paysans d’Antemoro, d’Antambahoaka, et de Betsimisaraka entre Manankara, en passant par le district de Mananjary, de Nosy-Varika jusqu’à Toamasina, la Région Antsinanana.

À ces multiples formes du relief continental s'ajoute donc la variété des fonds sous- marins, caractérisés par l'extension remarquable des récifs coralliens. Ce district est en effet baignée de mers chaudes ; et ce fait, lié à la position géographique de la région orientale située de part et d'autre du tropique, explique bien des particularités climatiques.

L’étude de la climatologie, étant une science du climat, se démarque de la météorologie par ses méthodes qui s’intéressent au temps qu’il fait, dans le but principal de prévoir les conditions d’évolution du temps. Étant donné que Madagascar est caractérisée, sur l'ensemble de son territoire, par des climats tropicaux à saisons nettement tranchées, il convient de rappeler que ceux-ci présentent de nombreuses nuances régionales5 : leur seul point commun étant, contrairement aux climats tempérés, d'offrir au cours de l'année des différences de températures relativement faibles en comparaison des contrastes saisonniers de la répartition des pluies.

Le district de Mananjary connaît, tout d’abord, un climat tropical peu humide avec une forte pluviosité et une importante humidité, excepté pendant une courte saison sèche avec une faible précipitation allant du mois d’août au mois d’octobre. Ensuite, de novembre à avril, une saison des pluies 6, la moyenne des températures oscille aux environs de 25°C, mais ne dépasse pas 32°C 7. À partir des mois de mai jusqu’au mois d’août, c’est la saison fraîche, le climat change progressivement. Les températures peuvent alors descendre en dessous de 22°C. L’amplitude thermique est de 5°C.

Durant la saison chaude, Mananjary se trouve toujours sous la menace de cyclones successifs, presque pendant toute la moitié de l'année. Car faisant parti de la Région orientale, il est donc frappé de plein fouet par l'alizé du Sud-Est. Cet air, issu de l'anticyclone du Sud-Ouest de l'océan Indien, est fortement chargé d'humidité en toutes saisons et apporte beaucoup des pluies. La température maximale de district varie de 20.7°C à 37°C, et la température minimale est de 14.9°C à 23°C. La pluviométrie moyenne vaut 2 103.5 mm par an.

5 Ballarin, M. P., Blanc-Pamard, C., Cadoux, C., « Madagascar », in Encyclopaedia Universalis 2010. 6 Mananjary est l’un des districts les plus arrosés de l’île. Le nombre de jours de pluie par année varie entre 140 à 175 jours sur les 365/366 jours de l’année. La précipitation atteint 1000 mm par an. 7 Service météorologie Mananjary .

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Quant aux végétations, à l'heure actuelle, les forêts primitives ont presque disparu sur de très grandes surfaces. S'il reste d'importants massifs forestiers sur les versants orientaux, ceux-ci ont néanmoins perdu beaucoup de place au profit de formations secondaires de type savoka, constituées par des associations de petits arbres ou arbustes qui vivent à l'état naturel en bordure des ruisseaux et à la lumière comme les bambous, les ravenala 8, les longoza 9, etc ; et même une végétation très pauvre et herbeuse. Toutefois, les défrichements et les feux répétés conduisent au remplacement de ces savanes par des formations de graminées, qui occupent de grandes surfaces, en particulier sur les collines de la côte Sud-Est de l’Île. Plusieurs facteurs menacent nos écosystèmes, dans certains cas fort ravagés, comme dans les pays Tanala et Betsimisaraka, où la déforestation a provoqué les érosions et les glissements des terrains, surtout à cause de l’absence d’alternative au bois de chauffe. Il faut donc mentionner clairement que la dégradation rapide de la forêt a été provoquée par la main propre de l’homme. En réalité, jusqu’à nos jours, la forêt, suscitant la curiosité et l’intérêt de certains chercheurs 10 , a toujours été un élément indispensable de la vie des peuples presque partout dans la Région de Vatovavy Fitovinany. Notons que la forêt est utilisée comme bois de chauffage, d’ébénisterie ou de construction, des maisons, des charbons, etc 11 . La pratique du tavy, la culture traditionnelle sur brûlis forestier des betsimisaraka et des tanala, a directement contribué à ruiner la forêt. Cette pratique est interdite par la réglementation malgache, parce qu’il ruine les sols. Mais, il n’a malheureusement jamais pu être, selon Père Carvalho Vicente 12 , empêché parce qu’il répond à un besoin primordial des peuples : « se nourrir pour vivre ». De plus, « la situation risque de s’aggraver encore plus dans les régions du Sud-Est , relate Mgr Benjamin Ramaroson, Evêque du Diocèse de Farafangana,

8 Ravenala ou Ravinala, appelée aussi « arbre-du-voyageur » est un arbre originaire de Madagascar à port de bananier, pouvant atteindre 10 m, à feuilles de 3 m disposées en éventail, les pétioles retenant l'eau, et à fleurs blanches. Ses fruits (capsules) de 10 cm libèrent à maturité de nombreuses graines comestibles. 9 Longaza (amome) : Amomum angustifolium K. Schum (zingibé-racées). 10 Ph. Beaujard dresse un premier inventaire de plantes utilisées par les devins-guérisseurs des régions tanala et antemoro dans son ouvrage intitulé : « Plantes et médecine traditionnelle dans le Sud-Est de Madagascar ». Et A. Descheemaeker s’est intéressé aussi aux plantes et à la médecine traditionnelle d’Ambohimanga-du-Sud et d’Ampasimazava dans son travail : « Vocabulaire des Betsimisaraka Atsimo : Zafindramanana. Poste d’Ambohimangan’iHovana. Du vinany de l’Ampasary à la source du Mananjary, d’Ampasimazava, canton de Vohilava, à Ambinanindrano, district Ambositra , (Ambositra : Mission catholique), 1969, pp. 199-207. 11 Vers la fin du XIX e siècle, L. Besson cite les principales essences d’arbres du pays tanala, utilisables comme bois d’ébénisterie ou de construction : « Voyage au Pays des Tanala indépendants de la région d’Ikongo », in Bulletin de la société de Géographie , 7 e série, 14 (1893), pp. 302-303. Et le début du XX e siècle, Ardant Du Picq présente une de trois cents cinquante et une essences forestières et indique les usages multiples et variés que les Tanala de l’Ikongo en font : « La forêt et la vie tanala », in Bulletin de l’Académie Malgache , 10 (1912), pp. 257-261. 12 Père Carvalho Vicente, M. A., Un essai de catéchèse inculturée dans le Diocèse de Mananjary (Madagascar). Analyse et Évaluation critique du livre KRISTY ZANAKA , éd. Déhoniennes, Portugal, 1999, p. 27.

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depuis que le gouvernement de la transition actuel a laissé entendre que l’eau est devenue un produit exportable. Brûler les forêts c’est brûler la patrie, comme vendre l’eau c’est la tuer petit à petit »13 .

1.2. Voie d’accès :

En ce qui concerne les infrastructures des transports, les habitants de district de Mananjary ne sont pas isolés entre eux-mêmes et entre autres. Mananjary est doté d’un aéroport, des transports routiers, et des transports fluviaux.

Tout d’abord, Mananjary dispose d’un aéroport le plus grand et le plus beau de l’ex- province de Fianarantoa. Cet aéroport, pouvant accueillir les moyens courriers du type Boeing 747, est assez moderne car il est doté de balises et de stations de ravitaillement en carburant. Il est ouvert à la circulation aérienne publique en assurant la liaison entre à Antananarivo et la région Vatovavy Fitovinany comprenant Mananjary et Manakara ; et Fort-Dauphin, la région . L’aérodrome est équipé d’une manche à air, d’un phare et d’une radio de transmission.

Ensuite, Mananjary est doté de deux stationnements de taxis-brousse sur les transports routiers : nationale/régionale, et communale. Le premier assure la liaison avec le chef-lieu de région Manakara par intermédiaire de la RN 12, et la région , par la RN 25, puis prendre la RN 7 en arrivant à Ambohimahasoa pour joindre leur capital Antananarivo. Ces routes sont presque totalement goudronnées, mais elles sont presque fragiles dans la période de pluie. Le second est réservé aux taxis-brousse qui assurent les liaisons dans les communes rurales de partie Ouest et Nord de district par la RN 24 et N 11. Ces routes ne sont praticables que durant les saisons sèches. La plupart des routes communales constituées par de pistes sont presque impraticables du fait de leurs mauvais états. Il se peut que de nombreux communes rurales sont accessibles en voiture, mais d’autres ne le sont pas encore. Dans tels cas, comme les communes rurales Ambohitsara-Est, Mahela, Mahatsara-Sud, etc, les déplacements se font soit à pied, soit en pirogue ou en canot à moteur pour joindre leur chef-lieu de district.

En fin, les transports fluviaux sont des transports très pratiquées par des habitants et des commerçants dans la région de Mananjary bien qu’il n’y ait pas de port fluvial. Les pirogues en bois, sans moteurs sont les plus utilisées. Les infrastructures sont constituées par un quai, des

13 Revue de l’Océan Indien (R.O.I.), n° 328, Août 2011, p. III.

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entrepôts, de barges. L’ensablement du canal freine son exploitation. La vetusteté et l’insuffisance des infrastructures limitent les activités du port fluvial.

1.3. Caractère démographique :

Henri Pirenne, un grand historien Belge, dit que : « la démographie est peut-être la plus importante des sciences sociales »14 . L’homme étant aussi bien promoteur que finalité de toute action de développement, de toute action historico-politique et social, est-il à peine besoin de souligner l’intérêt que présente l’étude des populations humaines pour les chercheurs qui s’efforcent de planifier leurs travaux de recherche et d’atteindre leurs objectifs. En effet, on ne saurait évaluer rationnellement les besoins essentiels que notre travail de recherche vise à satisfaire si l’on ne prend pas en considération l’évolution, l’état actuel et les perspectives d’avenir de la population. L’évolution démographique de Mananjary, où la densité de la population plus ou moins élevée dans la campagne et dans la commune urbaine, entraine et conditionne une extension excessive de l’atmosphère politique, même l’évolution des acteurs politiques de district. Ces conséquences auraient pu changer la nature et les comportements politiques des acteurs politiques. Si les recherches d’histoire sociale ont mis ces faits en lumières, seule la description démographique a permis, selon André Armengaud 15 , d’en mesurer les conséquences dans toute leur étendue.

Le district de Mananjary, composé des 29 communes 16 dont la commune urbaine de Mananjary est le chef-lieu du district, connaît un énorme accroissement de la population. L’accélération de cet accroissement naturel est donc à Madagascar un phénomène relativement récent 17 . La population totale de ce district a été évaluée à 177 041 en 1996 18 . Il atteint 250 831 habitants en 2003 19 , avec une densité de la population 47,1%. Le nombre total de la population

14 Henri Pirenne cité par Armengaud, A., Démographie et Sociétés , Paris, Stock, 1966, p. 9. 15 Armengaud, A., Démographie et Sociétés , Op. Cit., p. 97. 16 Les 29 communes, qui constituent le district de Mananjary, sont : Ambohitsara-Est, Mahela, Mahatsara-Sud, Ankatafana, Namorona, Ambohinihaonana, Vohilava, , Ambodinonoka, Morafeno, , Andranomavo, Andranambolala, Mahavoky-Nord, , Mahatsara Iefaka, , Vatohandrina, , , Antsenavolo, Ambohimiarina II, , Ambalahosy-Nord, Manakana-Nord, , , , et Mananjary. 17 Institut National de la statistique (INSTAT), Banque Mondiale. Enquête Démographique et de Santé , Antananarivo, Madagascar, 1997, p. 4. 18 Institut National de la statistique (INSTAT), Recensement général de la population et de l’habitat , Vol. 1, Tableaux statistiques, Tom. II, Faritany de Fianarantsoa, Antananarivo, Madagascar, 1996, p. 18. 19 Institut National de la statistique (INSTAT), Tableaux de Bord Social , Fianarantsoa, 2003, p. 72.

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dans le district de Mananjary, saisie lors du dernier recensement de 2007 20 , s’élève à 471 640 habitants, avec un taux d’accroissement annuel moyen de 17,7 %. Ces chiffres nous montrent que leur nombre a plus que doublé de 2003, dépassant de 47 000 à cette dernière date. Mais, quoi qu’il en soi donc, ces différents sources de données nous mettent en lumière que ces chiffres évolueront et donneront lieu encore à un doublement de la population en 2017. En raison de son caractère insulaire et de sa position géographique éloignée des courants migratoires nationaux, Mananjary a très peu d’échanges de population avec l’extérieur. L’immigration aboutit à l’apparition d’éléments en surnombre, d’éléments différents de la masse, relégués en marge de la région, guettés par la recherche de vie meilleur surtout les commerçants.

La première remarque qui attire l’attention, lorsqu’on observe l’évolution de la population de district de Mananjary à partir de ces différentes statistiques, est donc le déséquilibre entre les deux sexes. Comme partout un phénomène récent à Madagascar, le nombre des hommes est moins élevé que le nombre des femmes. La répartition par âge montre que la prépondérance féminine est plus ou moins forte encore parmi les jeunes adultes, c’est-à-dire dans les groupes d’âge où le déséquilibre des sexes retentit le plus fortement sur tous les aspects de la vie sociale. En outre, dans un coup d’œil, la structure de la population de Mananjary est plus jeune. La population urbaine de district, selon les données du recensement du 2007, est plus jeune que la population rurale, sans doute du fait particulier de l’exode rurale, notamment des jeunes à l’âge du travail. Si dans l’ensemble, la population de moins de 20 ans représente 55 % de la population totale, en milieu rural, celle de moins de 40 ans constitue les 75,7 % contre 82 % en milieu urbain. Cette structure de plus en plus jeune de la population résulte donc principalement de la fécondité élevée que connaît actuellement cette ex-sous-préfecture.

Quant à la répartition spatiale de la population, à l’instar de ce qui se passe à Madagascar, le district de Mananjary connaît également un paradoxe. On y a rencontré une répartition inégale de la population qui s’explique par des différentes conditions. Une forte concentration de la population dans certaines zones dites de croissance, ces zones ayant été définies plutôt pour leur potentiel économique 21 . En prenant comme par exemple les communes qui favorisent des conditions physiques peu favorables des sols peu fertiles, etc ou au contraire, par des fortes potentialités physiques et des ressources naturelles dans certaines communes

20 Service de district de Mananjary. 21 Noëlle, « Forces et faiblesses d’une forte démographie », in Hebdomadaire Lakroa n’i Madagasikara , 27 juin 2010, N° 3677, p. 5.

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rurales comme Mahavoky-Nord, Marofototra, Andranomavo, Vohilava, Antaretra, Marokarima, ect ; le nombre de la population est plus élevé, avec une densité moyenne de 700 à 1 000 habitants par kilomètre carré. Ensuite, par des conditions économiques jugées plus favorables, seule la commune urbaine de Mananjary 22 , qui concentre un pourcentage le plus élevé de la population totale de district, avec une densité de la population plus de 2 000 habitants par kilomètre carré sur des espaces exigus. Et enfin, les moins peuplés sont les communes rurales qui se situent entre le canal des pangalanes et le bleu de la mer de l’Océan Indien dans les axes Sud et Nord de Mananjary, comme Ambohitsara-Est, Mahela, Ankatafana et Namorona, qui ne représentent que de 50 à 70 habitants par kilomètre carré de la densité.

2. L’espace agraire et les activités de subsistance :

2.1 Le paysage agraire :

Le district de Mananjary, parmi les districts de la partie Sud-Est de Madagascar, est un district à vocation agricole. Les éléments géographiques, climatiques et humains se conjuguent pour faire de ce district un ensemble de paysages agraires différenciés. Il connaît une très vaste extension, à travers le monde tropical, de l’agriculture caractéristique des pays humide, où la culture du riz l’emporte largement en durée pendant toute l’année, et occupe des milliers d’hectares des surfaces cultivables. Les plaines plus vastes sont couvertes de marais permanents. Elles sont d’une importance capitale pour le district de Mananjary, car les habitants y plantent leur nourriture de base. Les paysans de Mananjary distinguent plusieurs types de terre cultivée dont les éléments qui diffèrent dépendent de la situation, des possibilités d’irrigation comme de la qualité de la terre.

Les rizières, proche et parallèle du canal des pangalanes jusqu’à Ambohitsara-Est où les habitants Antambahoaka et Antemoro y possèdent, se trouvent à un ou à deux mètres au-dessus de l’eau ; les alluvions qui s’y déposent sont pour elles un riche fertilisant mais les inondations périodiques en saison des pluies peuvent parfois devenir catastrophiques. Toujours dans cette période, l’eau envahit alors des milliers d’hectares de rizière, y compris les marais loin du canal, et les cultures peuvent rester plusieurs jours sous l’eau ; l’importance des dégâts varie selon la durée de l’inondation et le degré de maturation de riz. En général, à cause du changement

22 Le nombre total des habitants de la commune urbaine de Mananjary, selon leur dernier recensement 2008, est de 41 306 repartissent dans la superficie 15 km 2. Voir le document « Plan Communal de Développement (PCD) », Mananjary, 2008, p. 4.

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climatique qui nous menace actuel surtout en saison sèche, ces rizières des pays Antambahoaka et Antemoro peuvent souffrir du manque d’eau ; presque tout le calendrier du semis doit alors être changé. Si les plants de riz sont déjà repiqués, ils jaunissent. Aucun système d’irrigation ne permet de faire venir l’eau en temps utile. On attend toujours la saison des pluies.

Les terres de collines de la partie Ouest et Nord-Ouest de district sont, par contre, occupées par les paysans Tanala et Betsimisaraka. Ils varient entre trente à cinquante mètres de l’altitude. Ils y pratiquent du tavy pour la culture sur brûlis forestiers. Quelques champs de manioc, de canne à sucre et de banane s’y étirent par-ci, par-là suivant la nature du terrain dans les savanes, mais ce sont surtout les troupeaux de bœufs qui les parcourent. Ces paysans possèdent des champs ou des rizières dans les marais qui se situent dans les bas-fonds entre les collines qui s’étendent sur plusieurs milliers d’hectares. Ils y cultivent le riz vatomandry, etc.

Mais les aléas climatiques, l’appauvrissement des sols causé par l’érosion et les cultures sur brûlis et l’absence de tissu industriel, limitent les initiatives de développement du secteur primaire et entraînent une dégradation du revenu des paysans. De plus, l’agriculture reste tributaire du régime des pluies. Les problèmes de crue et d’engorgement concernent la majorité des vallées et les aménagements hydroagricoles sont, pour la plupart, endommagés.

2.2 Les principales activités de production

Dotant d’un climat humide faussement équatorial de la côte Sud-Est malgache, le district de Mananjary favorise les cultures vivrières et industrielles. Mais, les cultures de rente tiennent une place importante dans l’exploitation agricole des paysans. La culture du café couvre les 90 % de la surface réservée à ces types de culture, et quatre agriculteurs sur cinq la pratiquent. Le café représente la principale ressource monétaire des cultivateurs. Il assure les 30 à 50 % du revenu familial 23 . Le café fournit autour des 90 % de la production totale des cultures de rente dans le district de Mananjary. Ce qui confirme encore l’importance de la culture du café dans la région Vatovavy. Il importe de noter aussi que 75 % de la production du café proviennent dans la sous-préfecture de Mananjary.

Actuellement, la production de cette filière souffre de plus en plus baisse quantitative constante et d’une mauvaise qualité car la culture du café est en mauvaise santé. La Revu mensuelle de l’Océan Indien (R.O.I.) nous stipule expressément qu’« avec 40 à 45 de la

23 Monographie de la Région Vatovavy Fitovinany.

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production nationale, la région Vatovavy Fitovinany demeure la première zone productrice de café Robusta de Madagascar. Toutefois, de 1980 à 2010, la production annuelle a chuté de 78 %, le tonnage des exportations est passé de 17 450 tonnes à seulement 60 tonnes et les surfaces cultivées ont diminué de moitié »24 . Toujours dans notre source, de 1980 à 1991, la superficie des plantations est passée de 125 000 ha à 103 000 ha. Le district de Mananjary a été le plus touché accusant une baisse de la production de 70 %.

Plusieurs facteurs ont contribué à ce phénomène. On constate tout d’abord que la filière café avait déjà eu des problèmes, presque partout dans la région du Sud-Est de l’Île, depuis l’abandon des concessions par les colons, notamment à cause de la gestion de l’administration malgache et paysanne. Rappelons, jusqu’en 1989, l’État malgache contrôlait toute la filière, de la fixation des prix au prélèvement des revenus caféiers. C’est donc la nationalisation qui a porté un coup fatal à cette filière. En outre, la vieillesse des caféières et l’absence de régénération des plantes affectent la qualité et la production. Par ailleurs, peu de paysans de district de Mananjary qui ont continué l’exploitation de café, n’ont pas investi dans le renouvèlement des plants et au fil des années, et ils ont été aussi confrontés à la baisse de la production. De plus, l’évolution en dents-de-scie du cours international avait fini de ruiner les producteurs et la filière a touché le fond en 2000. Il n’y a que 0,37 tonnes de café par ha, 0,30 tonnes de poivre par ha et 0,27 tonnes de girofle par ha, restent. Par conséquent, le prix du café de Madagascar a diminué fortement sur le marché international. C’est pourquoi actuellement, le peuple de district commence à s’intéresser à la recherche de l’Or.

2.3 La logique de la production villageoise :

Gérard Althabe 25 , un grand sociologue spécialiste des sociétés malgaches, a mis en lumière la différence fondamentale entre les deux logiques : la logique de production et la logique d’expansion sociale. Pour lui, la logique de production villageoise est celle des sociétés dites réputées « modernes », c’est-à-dire en fait étatiques, l’argent met en rapports, dans l’organisation de la production, des hommes interchangeables, unités débitrices de travail. Dans le second, la relation passe obligatoirement, à un niveau intermédiaire, par une personne vivante ou morte incarnant une force, une valeur ou une antériorité reconnue de tous. Ce peut être un

24 Revue de l’Océan Indien (R.O.I.), n° 328, Août 2011, p. XII. 25 Gerard Althabe cité par Sautter, G., Parcours d’un géographe. Des paysages aux ethnies de la brousse à la ville de l’Afrique au monde , Tome II, Paris, éd. Arguments, 1993, p. 500.

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chef, un ancêtre, un leader… C’est cette référence à un médiateur personnalisé, et non la finalité productive en elle-même, qui donne au travail sa raison d’être.

Gilles Sautter 26 , par contre, a essayé de montrer son idée dans son travail. La logique de l’agriculture moderne et celle des agricultures africaines ou malgaches, ayant évolué in situ, diffèrent d’abord par leur finalité. D’un côté, l’objectif premier est de produire, acquérir, accumuler, consommer et au besoin dilapider le maximum de biens. L’organisation sociale est mise au service de cet objectif implicite ; au niveau des individus, l’accent est placé sur leur fonction de producteurs et de consommateurs. De l’autre côté, la logique des systèmes de production vise avant tout, au-delà de la simple survie des personnes, un objectif de reproduction et d’expansion sociales. Cette logique se manifeste à tous les niveaux, depuis le simple groupe familial jusqu’à la société globale, en passant par les entités intermédiaires que sont, entre autres, les lignages et, dans certains cas, les villages.

Elle n’est en rien incompatible avec le progrès agricole, ni la compétition pour l’argent et les biens. Il existe dans le district de Mananjary un certain nombre de sociétés assez anciennement et fortement engagées dans une économie monétarisée pour que l’argent ou ses substituts soient devenus le régulateur des rapports sociaux.

Les habitants de district de Mananjary fournissent leurs besoins directement dans la nature, en ne faisant subir qu’un minimum de transformation. Pour satisfaire à leur subsistance, les Antambahoaka, les Antemoro, les Tanala et les Betsimisaraka du Sud qui habitent le district de Mananjary recourent à l’une ou à l’autre des ressources comme la culture du sol, l’élevage des animaux, la pêche, la cueillette de fruits, l’herbe, etc. Ils pratiquent en général en même temps ou successivement deux ou plusieurs de ces activités presque pendant toute l’année. Nous prenons comme par exemple les habitants qui habitent entre le canal des pangalanes et le bleu de l’Océan Indien vivent dans la pêche, tandis que les Tanala et certains paysans de Betsimisaraka pratiquent de la chasse dans leur forêt, en s’alliant à des agricultures. L’élevage et l’agriculture alternent suivant les saisons. C’est pour cela que certains anthropologues ont l’habitude de classifier les paysans de la société traditionnelle d’après leur activité dominante comme peuples agriculteurs, chasseurs, pêcheurs, etc.

26 Sautter, G., Parcours d’un géographe. Des paysages aux ethnies de la brousse à la ville de l’Afrique au monde , Tome II, Paris, éd. Arguments, 1993, p. 499.

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De plus, même si le district de Mananjary est doté plusieurs ONG (CSA, AROPA, BDEM, PAMOLEA, Inter Aide, …), les paysans restent encore jusqu’à maintenant dans l’utilisation de la pratique traditionnelle et surtout de la « technologie archaïque »27 . L’utilisation de cette technologie et la pratique d’une division élémentaire du travail de la société paysanne de Mananjary ne peuvent donner qu’à une productivité très faible. Il en résulte ce que Guy Rocher appelle une « économie de subsistance »28 , caractéristique de la société traditionnelle. Dans ce type d’économie, la société produit les biens dont elle a immédiatement besoin pour sa subsistance et sa défense. Selon la statistique de CSA Mananjary, à titre d’exemple, 81 % de la production du riz sont destiné pour l’autoconsommation, 8 % est destiné à la vente, et 6 % pour la semence 29 . C’est-à-dire, les paysans de district de Mananjary n’accumulent des surplus que pour une courte période pour la vie journalière d’une part, et pour la préparation de la cérémonie rituelle (sambatra, fafy, mariage, …) d’autre part. Le ravitaillement est donc presque quotidien. C’est pourquoi la disette et la famine menacent toujours sans cesse dans la société paysanne de district de Mananjary.

II. Contexte historique et l’origine du peuplement :

Un de grand problème passionnant consiste donc à comprendre l’origine du peuplement. Pour comprendre quel a pu être le mécanisme de peuplement de district de Mananjary, il nous semble important d’étudier tout d’abord le contexte historique d’immigration vers Madagascar. Ensuite, nous allons voir facilement leur tentative d’implantation, ainsi que le processus de formation des principales ethnies.

3- Contexte historique d’immigration 30 :

La plupart des ancêtres des Malagasy d’aujourd’hui, selon Emmanuelle Andrianjafy- Andriamanindrisoa 31 , sont venus par la mer. De même, Pierre Boiteau avait bien affirmé,

27 Guy Rocher nous définit que la technologie est dite archaïque : quand elle présente les trois traits suivants : recours à l’énergie brute de la nature, comme la force animale, le vent, l’eau ; emploi d’outils qui sont la continuation directe des membres du corps humain ; et l’utilisation d’armes simples, tels la hache, les flèches, le dard, etc. Voir Rocher, G., L’organisation sociale , Op. Cit., p. 89. 28 Rocher, G. L’organisation sociale , Op. Cit. p. 90. 29 Rakotonitama, T., Etat de lieu de district de Mananjary , Op. Cit, p. 23. 30 Voir les principaux courants d’immigration vers Madagascar, Annexe1, carte n°2, p. 162. 31 Andrianjafy-Andriamanindrisoa, E., « Economie populaire, territoires et développement à Madagascar : les dimensions historiques, économiques et socioculturelles du fokonolona. Études de cas : la commune rurale de

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preuves à l’appui, que « l’homme n’a pas pris naissance à Madagascar ; il y est venu d’au-delà des mers (…) et plus précisément du Nord-Est »32 . Ils avaient conduit par les vents et les courants de l’Océan Indien, depuis la Malaisie, l’Indonésie, ou même plus loin, les îles polynésiennes.

De nombreux débats passionnants, à travers des différentes études qui ont mis en évidence l’existence de plusieurs composantes, renvoyaient directement à la question de l’originalité du peuplement malgache. Chaque historien évoque leur propre point de vue : indonésienne, sanskrit, bantou, arabe, africain, portugaise, anglaise, etc. Alfred Grandidier 33 avait rassemblé les informations nécessaires à la réalisation des grands ouvrages qu’il consacra à l’histoire et à la géographie de l’île en 1901. Son étude s’était surtout appuyée sur les données de la culture malgache pour établir l’origine austronésienne. Selon lui, les populations noires de l’île étaient d’origine Indonésiens mêlés de Mélanésiens, auraient vu arriver ensuite des Javanais, ancêtres des Mérina, les apports africains et musulmans ne lui paraissant que très secondaires et tardifs, et dus surtout à la traite des esclaves. Gabriel Ferrand, qui avait été en poste à Mananjary et qui devint par la suite un grand spécialiste de l’Orient et de ses sources historiques arabes et chinoises 34 , privilégia par contre en 1908 la thèse de l’ « origine africaine des malgaches » les populations installées avant l’arrivée des ancêtres indonésiens.

En outre, Hubert Deschamps 35 , un grand historien de Madagascar, pensait qu’un métissage s’était produit vers le milieu du premier millénaire entre des Indonésiens venus par le Nord de l’Océan Indien et des populations Est-africaines. Les populations proto-malgaches ainsi formées auraient été rejointes ultérieurement par de nouveaux immigrants indonésiens et par des Africains importés comme esclaves par le relais des Comores. Le poète Jacques Rabemananjara la résume ainsi par la suite : « Visiteurs malais, asiatiques, africains, européens y ont déposé ensemble ou tour à tour leurs marques et leurs types. De leur brassage séculaire s'est formé un

Masindray et la commune urbaine d’Anosibe », Thèse de doctorat, Université Catholique de Louvain. Année 2003- 2004, p. 40. 32 Boiteau, P., Contribution à l’histoire de la nation malgache , Paris, éd. Sociales, 1958, p. 9. 33 Alfred Grandidier cité par Ballarin, M. P., Blanc-Pamard, C., Cadoux, C., « Madagascar », in Encyclopaedia Universalis 2010 . 34 Communiqué de Jean-Pierre Domenichini, La question Vazimba. Historiographie et Politique , Conférence à l’Académie Nationale des Arts, des Lettres et des Sciences, Tsimbazaza, Antananarivo, lors des « Journées de l’archéologie », 12-15 décembre 2007, p. 5. 35 Hubert Deschamps cité par Ballarin, M. P., Blanc-Pamard, C., Cadoux, C., « Madagascar », in Encyclopaedia Universalis 2010 .

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peuple intermédiaire guère facile à déterminer et pourtant typiquement reconnaissable : le Malgache contemporain »36 . Pour le président Tsiranana, les Malgaches étaient « les seuls véritables Afro-Asiatiques ».

Le peuple malgache est issu d'immigrations successives, remontant - selon les historiens - au V e siècle avant Jésus-Christ, ou au début de notre ère. Chacune de ces immigrants, selon P. Vérin 37 , apporta ses modes de vie et ses cultures ainsi que les us et coutumes qui avaient créé tout un mélange, toutefois, en choisissant les lieux d’implantation et en s’adaptant au paysage et aux ressources existantes. Elles sont venues par petits groupes, tout au long d'une période qui a pu durer quelques dizaines de siècles. Ayant abordé des points différents de l'île, ces migrants n'ont, au départ, jamais formé un peuple uni, mais de nombreux petits royaumes séparés les uns des autres.

Les premiers découvreurs de l’Île et surtout dans la côte orientale malgache, s’étant échelonnées sur un long espace de temps, remontant à mille cinq cents ans avant Jésus-Christ, qui se sont plus tard disséminées dans l'île 38 , seraient tout d’abord des navigateurs venus du Sud de Bornéo (indonésienne), où on trouve toujours parlées par les peuples daya (notamment les Ma’anyan) des langues très apparentées à celles parlées à Madagascar. Ces migrants avaient acquis des anciens Austronésiens une grande maîtrise de la navigation : ils utilisaient une grande diversité d’embarcations (multicoques, monocoques simples ou à balanciers), s'orientaient d'après le soleil et les étoiles, utilisaient les courants marins et les vents saisonniers des moussons de l’Océan Indien. Ils auraient apporté dans l’Ile de nombreuses plantes d’Asie du Sud-Est, comme le riz, la banane, le cocotier, l’igname, le taro, la canne à sucre. Ils maîtrisaient la métallurgie, y compris celle du fer, et le tissage de la soie. Ensuite, dès le XII e siècle, un trafic important du fer pour l’époque existait entre l’Inde et le Sofala, via Madagascar et les Comores.

Puis les Arabes et les Indiens islamisés arrivèrent vers XII e siècle et plus tard. Ils sont venus apporter des nombreuses pratiques religieuses, techniques et fétichistes. C’est sur la côte

36 Boiteau, P., Contribution à l’histoire de la nation malgache , Op. Cit, p. 37 Vérin, P., « Madagascar », Histoire générale de l’Afrique , Tome II, Paris, Jeune Afrique/Stock, 1980, pp. 751-756. 38 Andrianjafy-Andriamanindrisoa, E., « Économie populaire, territoires et développement à Madagascar : les dimensions historiques, économiques et socioculturelles du fokonolona. Études de cas : la commune rurale de Masindray et la commune urbaine d’Anosibe », Op. Cit, p. 40.

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Est que leurs influences ont été les plus importantes. Grâce à leurs apports, le Matitanana connut un essor culturel : les Arabes enseignèrent aux Antemoro (ethnie du Sud-Est de Madagascar) leur langue, leurs écritures, leur religion, leur pratique de sorcellerie qui se répandirent ensuite à travers l’Ile. Les lettrés autochtones, sorciers ou prêtres, rédigèrent des manuscrits historiques en langue malgache transcrite en caractères arabes, le Sorabe . Les Arabes furent les artisans des Sorabe , des livres contenant à la fois des formules magiques et des traditions historiques. Ces lettrés transmettent aux descendants les instructions retenues dans les livres. Ce qui allait modeler les comportements de la société. (P.42 Emmanuelle). De la traite d'esclaves sur les côtes de l'Afrique de l'Est naît l’immigration africaine le long de la côte Ouest et Nord-Ouest de l'Ile. Enfin, ce n’est que plus tardif que les européens ont découvert Madagascar. Ces nouveaux venus, situant entre XVI e siècle à XIX e siècle, ouvrent une nouvelle page dans l'histoire de la grande Île. Ces tentatives de conquête et d'implantation se limitent à la côte, à l'intérieur de la Grande Île demeurant largement inconnu des Européens jusqu'au début du XIX e siècle. Les Portugais, qui baptiseront île « Saint-Laurent », l'île découverte par eux en premier au début du XVI e siècle, ne laisseront guère de trace. Ils s'efforcent vainement de ravir le monopole commercial des Antalaotra tandis que leurs missionnaires échouent dans leur entreprise d'évangélisation malgache sur les côtes Ouest et Sud-Est. Ils renoncent à toute installation durable dès le début du XVII e siècle. Les Hollandais, vers la fin du XVI e siècle, envisagent de créer dans la vaste baie d'Antongil, sur la côte Est, une escale sur la route de l'île Maurice et de l'Indonésie. Ils y renoncent finalement, chassés probablement par l'insalubrité du site. Mais leur passage laisse au moins une trace culturelle intéressante. Les Anglais tentent eux aussi, au XVII e siècle, d'installer des colonies sur la côte Sud-Ouest, la plus sèche et la plus salubre ; mais ils échouent ou sont massacrés.

Les tentatives de colonisation côtière, qu’elles soient l’œuvre d’Islamisés, dans les embouchures du Nord-Ouest, de Portugais, ou enfin de Français à Fort Dauphin au XVII e siècle, n’avaient pas fait preuve d’unité. Peuplées par des groupes d’étrangers arrivés en vagues successives les côtes ne connurent jamais une véritable colonisation territoriale ; elles furent marquées par une culture largement importée, que Paul Ottino appelait « culture de frange » 39 , qui avait été élaborée au loin dans les centres de commerce les plus importants, par métissage de

39 Ottino, P., « La hiérarchie sociale et l'alliance dans le royaume de Matacassi des XVI et XVII e siècles », Tantara n°1, ASEMI, IV, 1973, pp. 53-89.

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cultures dominantes, culture indienne, indonésienne, perse et arabe, et dont l'émergence paraît remonter au XIII e siècle au moins 40 .

Françoise Raison-Jourde nous parle que : « l’île de Madagascar s’est trouvée à plusieurs reprises dans son histoire confrontée à la domination sur l’Océan Indien de puissances maritimes dynamiques. Celles-ci ont établi dans la partie Sud-Ouest de l’océan des réseaux commerciaux dont les points forts se trouvaient au Nord ou à l’Est de la zone et qui s’appuyaient sur des cités souvent très étrangères à l’arrière-pays africain ou malgache, (…) »41 . Ces mutations côtières avaient été par ailleurs des effets intéressants dans nos histoire. Elles menacèrent très sérieusement les équilibres politiques et sociaux, en obligeant les agriculteurs à chercher protection dans l’intérieur du pays. Des mélanges et des rencontres se produisirent par suite des conquêtes ou par suite de migration, comme on en voit des hommes cherchant un meilleur sol pour eux et pour les animaux. Des rencontres des cultures d’origine différente produisent une spécificité culturelle au niveau de plusieurs domaines : techniques, mœurs et coutumes, linguistique, anthropologie physique, ethnologique et musicologique, etc. Ce brassage culturel est visible dans la vie quotidienne surtout à l'intérieur du pays. Dans les régions côtières, constate Emmanuelle Andrianjafy-Andriamanindrisoa, les apports des nouveaux venus étaient beaucoup plus imposants, ce qui a permis à un certain nombre d'hommes nouveaux de s’imposer, sans pour autant être des chefs lignagers. L’apport musulman dans les régions Nord-Ouest et Sud-Est en est l’exemple le plus typique 42 . En effet, l’originalité de la société malagasy, ainsi que celle de la société mananjaroise est dans un processus de métissage, rassemblant dans une même civilisation des populations de multiples origines, débarquées à des époques diverses sur tous les points du rivage. Le signe majeur en est la langue, de structure malayo-polynésienne, avec un vocabulaire fait de toutes sortes d’emprunts, qui permettent à la compréhension réciproque des populations des différentes régions de l’Île. La technologie et les coutumes anciennes, malgré des apports africains, semblent apparentées surtout au monde austronésien. La culture, vitale et célébrée, du riz qui a engendré une véritable « civilisation du riz », et usage généralisé de l' angady , bêche à long

40 Raison-Jourde, F., Les souverains de Madagascar. L'histoire royale et ses résurgences contemporaines , Paris, Karthala, 1983, p. 13. 41 Raison-Jourde, F., Les souverains de Madagascar. L'histoire royale et ses résurgences contemporaines , Op. Cit, p. 12. 42 Andrianjafy-Andriamanindrisoa, E., « Economie populaire, territoires et développement à Madagascar : les dimensions historiques, économiques et socioculturelles du fokonolona. Études de cas : la commune rurale de Masindray et la commune urbaine d’Anosibe », Op. Cit, p. 41.

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manche, au lieu de la houe africaine ; maisons quadrangulaires à toit pointu et, à l'est, cases sur pilotis ; fourreau de fibres pour le vêtement ; sagaie (sans arc) ; système de parentés partiellement indifférenciées et hiérarchies sociales ; culte des ancêtres (tombeaux et, sur les plateaux, cérémonie du famadiana ou retournement des morts), etc.

4- Le début du peuplement et le processus de formation des principales ethnies

Occupée par les marais des basses terres et par la forêt, caractérisée par un climat plus humide favorable à des différentes cultures. Quelques groupes d’immigrants, comme les Zafiraminia, les Onzatsy et les Zafirambo, ont abordé et choisi de s’installer dans la côte Sud-Est malgache. Les Zafiraminia qui ont donné naissance à deux « tribus » actuelles, les Antambahoaka autour de Mananjary et les Antanosy de Fort-Dauphin. Arrivés un peu plus tard, les Onzatsy qui s'installèrent sur la rivière Matitana en formant l’ethnie Antemoro. Et les Zafirambo en pays Tanala. Tous ces groupes plus ou moins islamisés, dont les descendants donnent aujourd'hui une certaine spécificité culturelle et politique à la région du Sud-Est de Madagascar, possédaient ou possèdent encore des manuscrits anciens, les Sorabe, écrits en langue malgache mais utilisant les caractères arabes et relatant des traditions, des légendes et des formules magiques. Ils forment actuellement les principales ethnies dans la région de Mananjary.

Rappelons que l’administration malgache a retenu une classification en dix-huit ethnies à Madagascar, dont quatre peuvent trouver et constituer la région de Mananjary à savoir : Antambahoaka, Antemoro, Tanala et Betsimisaraka. Cette classification est sans doute trop brutale et grossière, mais l’avantage reste à servir de diverse référence. Comme l’a bien marqué le démographe, F. Gendreau, « la connaissance du groupe ethnique présente surtout l’avantage d’appréhender le phénomène des migrations, et c’est essentiellement de ce point de vue que la question l’intéresse »43 . Pour nous, par contre, la connaissance ou l’étude de l’ethnie, du groupe ethnique permet de mesurer et de mieux comprendre un certain nombre de l’évolution des réalités sociales, comme la nature, leur origine, leur comportement des acteurs politiques. C’est pourquoi donc nous nous assignons pour tâche de présenter, ne serait-ce partiellement 44 , ces ethnies. Leur importance dans notre étude tient, d’une part, au rôle majeur qu’il aurait joué dans

43 Gendreau, F. « Quelques aspects de la recherche en démographie à Madagascar », in Cahier. O.R.S.T.O.M ., série Sciences Humaines, Vol. VI, n° 4, 1969, p. 102. 44 Faute de la rareté des données obtenues concernant les habitants de Mananjary.

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l’évolution des acteurs politiques ; et d’autre part, aux discussions portant sur leur nature et leur comportement, et surtout leur multiplication. 4.1- Les Antambahoaka :

Ils arrivent, presque aux alentours de XII e siècle, dans le Nord-Est de Madagascar, longent peu à peu la côte et s’installent dans la région de Mananjary. Les Antambahoaka peuplent et occupent, dans le district de Mananjary, la ville même de Mananjary et quelques villages voisins le long du fleuve Mananjary comme Tsaravary, Marofody, Manakana, Ambalaromba et Ankatafana. On en trouve au Nord et proche du canal des pangalanes dans le village de Tanandava, près de Mahela, Ambohitsara-Est dans l’embouchure de Fanantara. Des petits groupes sont dispersés dans quelques villages de betsimisaraka dans le district de Nosy- Varika.

La question de l’origine de Raminia a fait l’objet de vifs débats contradictoires. Au moment où une certaine écriture avait marqué que Raminia n’était pas un fils de l’homme. Les traditions orales collecté par les visiteurs européens, par contre, avaient parlé des indiens 45 . Paul Ottino avance par la suite l’hypothèse d’une origine indonésienne indianisée, et les descendants de Raminia sont également teintés, à partir du XIIIe siècle vraisemblablement, d’Islam chiite 46 . C’est pourquoi, leur culture et leurs traditions demeure empreintes d’Islam et plusieurs rituels d’origine arabe sont perpétués. La consommation du porc est interdite, leur costume traditionnel ressemble à un vêtement jadis porté par les commerçants arabes et tous les sept ans a lieu la fête traditionnelle de la circoncision, encore appelée Sambatra. En outre, les Antambahoaka se disent eux-mêmes Zafiraminia, c’est-à-dire « Descendants de Raminia », un personnage en provenance de la Mecque vers le X e ou le XI e siècle. Ils appuient l’affirmation de leur origine à la fois sur la possession de sorabe (manuscrits écrits en écriture arabico-malgache) et sur des généalogies. Historiquement, le prince « Raminia », écrit Père Carvalho Vicente 47 , accoste à « Iharana » (Vohémar), puis son navire longe la côte Est en direction vers le Sud et se fixe à l’embouchure du fleuve Fanantara (au Nord de Mananjary) où il dépose un « Vatolambo ». Les Zafiraminia occuperont les vallées du Sud-Est jusqu’à la Matatàna.

45 Randriamamonjy, F., Tantaran’i Madagasikara isam-paritra , Antananarivo, Trano Printy FLM, 2006, p. 236. 46 Raison-Jourde, F., Les souverains de Madagascar. L'histoire royale et ses résurgences contemporaines , Op. Cit, p. 19. 47 Père Carvalho Vicente, M. A., Un essai de catéchèse inculturée dans le Diocèse de Mananjary (Madagascar). Analyse et Évaluation critique du livre KRISTY ZANAK. Op. Cit., p. 29.

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L’arbre généalogique des chefs de famille Antambahoaka 48 nous stipule expressément que Raminia a eu trois descendants : Andenonika, Ravalarivo (dit Andriandonaipotsy) et Rajo. Les antambahoaka qui habitent près de l’embouchure du fleuve Mananjary se définissent comme descendants de Ravalarivo ; et quelques Antambahoaka de la région d’Ambohitsara-Est se considèrent comme étant des descendants de Rajo. Dans cet arbre généalogique, les cinq fils de Ravalarivo, qui sont à l’origine des cinq principales maisons antambahoaka, sont par ordre de primogéniture : Ramialaza, Rafandaharana, Ratsianga, Ramasindia et Satrokefa ou Satrokarivo 49 .

Les Antambahoaka de la ville de Mananjary et des villages proches de l’embouchure considèrent toujours que le pouvoir et l’autorité hérités des ancêtres ainsi que la prise en charge du culte des ancêtres sont exercés (de manière simultanée) par ces cinq personnalités descendant respectivement des cinq fils de Ravalarivo bien qu’au fil des années, le nombre de tranobe ait augmenté (par suite de scissions conventionnelles, ou conflictuelles) ou diminué (grâce aux regroupements) 50 .

4.2- Les Antemoro :

Situé entre Mananjary et Farafangana, sur la côte Sud-Est de Madagascar, les Antemoro (Ceux du rivage) se regroupent surtout le long des rivières Namorona, Faraony, Mananano et Matitanana, où la densité de la population connaît de plus en plus élevé. Ils comprennent, en amont vers l’ouest, la majeure partie du bassin versant de ces fleuves et de ses affluents. Son importance dans l’histoire découle de ce que la région passe pour avoir été la tête de pont d’une influence arabo-musulmane, que certains commentateurs du XX e siècle ont certes largement amplifiée mais qui, loin d’avoir été imaginaire, a laissé des traces évidentes.

Les Antemoro s’installent sur la côte Sud-Est entre le XIII e et le XVI e siècle. Ils sont les descendants d’immigrants d’origine Arabo-islamique, (attestée par l’existence des manuscrits arabico-malgaches et par divers emprunts linguistiques) 51 , qui s’installèrent à Madagascar soit

48 Un arbre généalogique établi par Evariste Laka, édité par Louis Molet, «Arbre généalogique des chefs de famille Antambahoaka et réflexions sur les noms », in Bulletin de Madagascar , 247 (1966), pp. 1205-1210. 49 Randriamamonjy, F., Tantaran’i Madagasikara isam-paritra , Op. Cit., p. 239. 50 Domenichini-Ramiaramanana, B., cité par Père Carvalho Vicente, M. A., Un essai de catéchèse inculturée dans le Diocèse de Mananjary (Madagascar). Op. Cit., p. 30. 51 Dez, J., « De l’influence arabe à Madagascar à l’aide de faits de linguistique », in Revue de Madagascar , 34 (1966), pp. 14-20.

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parce qu’ils furent chassés de leur pays d’origine, ou soit simplement car ils cherchaient des terres fertiles. Ils auraient vécu dans la région des Iharana avant de prendre racine plus au Sud.

Avec ou peut-être avant les Zafiraminia, des musulmans appelés Onzatsy débarquent à l’embouchure du fleuve Matitanana 52 . Ensuite, à la fin du XV e siècle, des musulmans et des cafres dirigés par son chef d’expédition Ramakararo53 et son fils Ralivoaziry, l’astronome Andriantsimeto Rangaha, le devin Alitavaratra et son frère Andrefakihy Somela (ancêtre des Antanosy de Fort-Dauphin) arrivèrent et touchèrent Madagascar à Iharana (Vohémar). La troupe d’Alitavaratra s’arrête là, tandis que les autres, conduits par Ramakararo, continuèrent leur route en longeant la côte vers le Sud. D’embouchure en embouchure en vue de cherchant un lieu propice à leur installation, et se fixant finalement à l’embouchure de la Matitanana, où ils trouvèrent les villages habités par les Onzatsy. Quelques années plus tard, le groupe resté dans le Nord poursuivait son voyage et accostait aussi peu à peu l’embouchure du Matitanana, avec ses livres sacrés (les sorabes), le couteau à sacrifice, un bœuf sacré et le Valalalampy qui indiquait les lieux propices à une installation 54 .

C’est à partir de Ramarohala (petits-fils de Ramakararo) que le royaume s’organise et que sont définis les liens d’allégeance entre les anciens tompon-tany de la Matitanana et les nouveaux seigneurs. Le chef et le decideur politique, Ramarohala, prend le titre de « Ndrenony » à la suite de son père et centralise le pouvoir.

Les Antemoro sont caractérisés par les quatre clans ou groupes sociaux hiérarchisés : les Anteony, les Antalaotra, les Ampanabaka, et les Antevolo. Tout d’abord, les Anteony, (ceux qui viennent du fleuve), qui sont arrivés les premiers à Matitanana et à , sont les descendants de Ramakararo et de Ramarohala. Une partie de ce clan s’est constituée en « caste » détentrice du pouvoir politique du pays. Ensuite, les Antalaotra , (ceux qui viennent de la mer ou gens de la mer), arrivés plus tard mais réputés pour leurs écritures (Sorabe) et leurs connaissances de l'art divinatoire et des astres, dont les plus illustres étaient les Anakara venus, selon la tradition, d’Arabie saoudite, obligés de fuir la cour du Sultan d'antan à cause de leurs ascendances juives. Puis, les Fanarivoana (les pourvoyeurs de richesses), connus depuis en 1894

52 Père Carvalho Vicente, M. A., Un essai de catéchèse inculturée dans le Diocèse de Mananjary (Madagascar). Op. Cit., p. 30. 53 Voir le trajet de Ramakararo, Annexe 01, carte n°3, p. 163. 54 Rolland, D., « Les Antemoro de la Matitanana », in Domenichini, J.-P., Poirier, J., Raherisoanjato, D., Ny razana tsy mba maty (Cultures traditionnelles Malgaches) , Antananarivo : Librairie de Madagascar, 1984, pp. 95-97.

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sous le nom de Ampanabaka (ceux qui trompent) qui représentent la majorité. Ils constituent les clans autochtones et les descendants des hommes venus avec les chefs musulmans. Les Fanarivoana se subdivisent en plusieurs sous clans et conglomérats de groupes. Tous n’avaient pas le privilège du sombily (acte sacrificiel) qui n’était réservé qu’aux Anteony et aux antalaotra.

Enfin, les Antevolo (Ceux des bambous), désignés aussi par le terme insultant de Tamboa (issu d’un chien), sont classés comme un groupe social hors-système. Ils sont considérés comme impurs, des chiens et non comme des hommes et ont été exclus évidemment de la société. A part de la partie Sud et Ouest de Manakara surtout dans les basses Matitana, on peut les trouver aussi dans le village de Mahavelona-Est, commune rurale Ambohitsara-Est, la partie Nord de Mananjary. Plusieurs raisons sont invoquées pour expliquer l’origine du statut social des Antevolo : d’abord de raison politique, c’est-à-dire la conséquence d’un conflit politique sur la recherche et la tentative de justification de la hiérarchie sociale entre les Antemoro eux-mêmes dans le début de la construction de l’espace politique Antemoro. Ensuite, des raisons purement économiques qui sont à l’origine de la déchéance des Antemanaza et de leurs alliés. On connait, selon Ph. Beaujard, que ce clan « et leurs parents sont aussi les plus riches en terres sur le rive droite, jusqu’au XVII e siècle où intervient leur déchéance »55 .

4.3- Les Tanala :

Attachés invinciblement à leur forêt d’où ils tirent le nom de leur tribu, tout au long de la route qui monte vers les Hautes-Plateaux, le ravenala ou arbre du voyageur, avec ses longues palmes qui se dressent en un somptueux éventail, leur en fournit les montants, la toiture et les cloisons 56 . Les Tanala ou « les gens de la forêt » peuplent à l’origine de façon très lâche par de petits groupes localisés au Nord par la fleuve Nosivola de Mahangoro, au Sud par la fleuve Rienena de Matitanana, à l’Ouest par les Hautes Terres de Betsileo et à l’Est par les grandes plaines de Betsimisaraka, Antambahoaka et Antemoro 57 . Ils repartissent sur de trois régions : La région Sud : dans les districts d’Ikongo et Farafangana. La région Nord : dans la partie d’Ambohimanga-du-Sud, district d’Ifanadiana. Et la région centrale : Presque dans le district d’Ifanadiana et dans la partie Ouest de district de Mananjary comme Kianjavato, Antsenavolo, etc, où notre étude se fixe beaucoup.

55 Beaujard, Ph., cité par Père Carvalho Vicente, M. A., Op. Cit., p. 36. 56 Sj. Dailliez, A., « A la découverte d’un Diocèse malgache Fianarantsoa », St Paul, Fianarantsoa, 1966, p. 19. 57 Randriamamonjy, F., Tantaran’i Madagasikara isam-paritra , Op. Cit., p. 223.

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Il n’est pas facile de retrouver donc pour le moment des sources très précises comme des traces matérielles, des vestiges archéologiques laissés par les premiers groupes d’itinérants qui ont habité ces régions. Mais, quoi qu’il en soit donc, des différentes sources orales rapportent que les premiers occupants de ces régions seraient venus de la côte orientale. Ils seraient arrivés dans le pays par vagues successives aux environs des XII e et XIII e siècle. Comme l’avait bien dit Ph. Beaujard dans son tradition orale : « la première couche de peuplement aurait été constituée par des chasseurs collecteurs « petits et très noirs » qu’auraient refoulés des agriculteurs venus de la basse côte, pratiquant une culture sur brûlis. Les Tanala confondent ces premiers habitants sous le terme de « Vazimba » »58 . Ils vivaient des ressources de la forêt, pratiquant la cueillette, la chasse, la pêche et l’essartage pour la culture du riz ou des tubercules.

Au XIII e siècle selon toujours Ph. Beaujard, des immigrants indianisés et islamisés arrivent sur la côte Sud-Est de Madagascar, dirigé par le chef Raminia, et se fixent au Nord de Mananjary avant de remonter vers l’intérieur des terres et de descendre vers le Sud. Ces nouveaux venus vont jouer un rôle important dans l’élaboration des royaumes du Sud-Est, du Sud et peut-être aussi dans les Hautes Terres. Ensuite, aux XV e et XVI e siècles, d’autres groupes islamisés - ancêtres des Tsimeto, Anakara, Anteony - arrivent avec des éléments africains, de la côte d’Afrique de l’Est, et pour certains, peut-être, d’Indonésie. Et d’autres connus sous le nom de Talaotra et de Kasimambo qui s’installent dans la vallée de Matitanana. Ces derniers se constituent en aristocratie au sein du royaume Antemoro, et qui reste influencé en partie par des conceptions Zafiraminia 59 . Quant à leur pénétration dans le pays Tanala actuel, ces islamisés chassent vers l’intérieur les groupes autochtones, puis remontent et suivent peu à peu à leur tour les grandes rivières (Mananjary, Namorona, Faraony et Matitana) vers les Hautes Plateaux.

Selon les traditions 60 , au XVI e ou au début du XVII e siècle, la Prince ou Princesse Rambo aurait quitté Mananjary pour monter sur les Hautes Plateaux. Elle ou il habita dans la région d’Ambositra. De cette région, des Zafirambo partirent vers le Sud, et à la fin du XVII e

58 Beaujard, Ph., « Les conceptions symboliques de la royauté et l’exercice du pouvoir dans les royaumes tanala de l’Ikongo (XVIII e et XIX e siècles), in Raison-Jourde, F., Les souverains de Madagascar. L'histoire royale et ses résurgences contemporaines , Op. Cit, p. 299. 59 Père Carvalho Vicente, M. A., Un essai de catéchèse inculturée dans le Diocèse de Mananjary (Madagascar). Op. Cit., p. 42. 60 Beaujard, Ph., « Les conceptions symboliques de la royauté et l’exercice du pouvoir dans les royaumes tanala de l’Ikongo (XVIII e et XIX e siècles), in Raison-Jourde, F., Les souverains de Madagascar. L'histoire royale et ses résurgences contemporaines , Op. Cit, p. 300.

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siècle, descendirent la falaise, pour s’établir d’abord sur la haute Manambondro. Ils parviennent à regrouper sous leur autorité les lignages roturiers des vallées de la Sandrananta et de la Manambondro. C’est-à-dire, c’est à partir de XVII e siècle, les Zafirambo (petit-fils de Rambo) s’installent en pays Tanala.

4.4- Les Betsimisaraka :

Ce n’est que plus tardif, les Betsimisaraka ont abordé le district de Mananjary. Ils habitent dans la région de Vohilava, Marofototra, Mahavoky-Nord, Mahela. On peut en trouver dans la région d’Ambohimanga du Sud, district d’Ifanadiana. La majorité se trouve presque partout dans le district de Nosy-Varika.

Jusqu’à la moitié du XVII e siècle, les habitants de la région orientale de Madagascar constituaient des clans indépendants que les écrivains les avaient classés en trois tribus : les Antavaratra (Ceux du Nord) et les Antatsimo (Ceux du Sud) qui étaient tous descendu des Zanamalata (fils de Mulâtre) ; et les Tsitambala ou Tsikoa. Cette période est marquée, d’un côté, par les tentatives d’implantations des européens dans la côte Est malgache, et de l’autre côté, par la tentative d’unification de ces clans. La fin du XVII e et au début du XVIII e siècle est donc la grande époque de la piraterie qui avait permis la formation du groupe Malata issu d’un métissage entre des pirates européens et des femmes autochtones. L’un de ces Malata, Ratsimilaho, qui s’est rallié en 1712 aux chefs de clan qui vivaient entre la rivière Andempona, au Nord de la baie d’Antongil, et la rivière Ivoloina, à 4 km de Tamatave. Ces chefs lignagers des descendants des Zanamalata désignèrent alors Ratsimilaho comme chef suprême (Filohabe), et juste après les luttes sans merci entre les descendants des Zanamalata et les Tsitambala. Chefs se promirent d’être unis en toute circonstance, et c’est ainsi que s’est constituée le nom conventionnel Betsimisaraka. Ratsimilaho prit dès lors le nom de Ramaromanompo.

Le chercheur Salomon Rahotaka 61 , après un séjour de huit ans dans le district de Nosy- Varika, a réussi à déterminer que cette région est habitée essentiellement par cinq clans betsimisaraka à savoir : les Zafindrohova (Descendants de Rohova ou Rahova), les Zafindriala (Descendants de Riala, la sœur de Rohova), les Ranomena (Les eaux rouges, premiers habitants), les Antavaratra (Ceux du Nord), et les Antatsimo (Ceux du Sud).

61 Rahotaka, S., « Pensée religieuse et rites betsimisaraka », in Domenichini, J.-P., Poirier, J., Raherisoanjato, D., Ny razana tsy mba maty (Cultures traditionnelles Malgaches) , Antananarivo : Librairie de Madagascar, 1984, pp. 37- 39.

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D’après une tradition orale, recueillie en 1953 par S. Rahotaka 62 , Rahova et sa sœur Riala quittèrent Antananarivo il y a quelques siècles pour chercher à s’établir sur la côte Est. Ils s’installèrent d’abord à Ambohibe (région d’Ambahy) puis à Analanolona (près d’Ambodiharamy). Quelques temps après, Rahova se déplaça à Amboavontaka-Antrotroka (près de Fanovelona) où habitaient les Ranomena (habitants primitifs de la région).

Au cours d’une fête de circoncision, un des fils de Rahova s’empara de la femme d’un Ranomena, déclenchant une guerre entre ces deux clans. Les Rahova furent vaincus et se réfugièrent dans la région de Mahanoro, chez les Antavaratra (Ceux du Nord) avec qui ils firent alliance pour attaquer les Ranomena. Ces derniers battirent en retraite et se réfugièrent chez les Antambahoaka à Mananjary. Ces derniers réussirent à mettre d’accord les Rahova et les Ranomena et leur furent payer en commun un taureau rouge pour sceller une convention solennelle qui mettait fin l’hostilité. Certains Ranomena ne voulurent plus retourner à Fanovelona et ils s’établirent à Mahoritra, sur le bord du lac de Morongary. Les Zafindrohova se fixèrent dans la région de Fanivelona et Ampahomanitra.

Pour le clan Zafindramanana qui habite dans la commune rurale de Vohilava et dans la région d’Ambohimanga du Sud, district d’Ifanadiana. M. Olsen 63 reconnaissait en 1929 qu’il était difficile de renconter l’histoire de ce clan car on ne disposait pas à cette époque de documents écrits à leur sujet mais seulement d’une tradition orale. Selon cette tradition donc, « au temps des rois hova, alors que l’unité du royaume malgache n’était pas encore constituée, il y eut une guerre à Ikirioka, près de Sahamadio, à côté de Fandriana ». Durant ce periode, « beaucoup de petits chefs chassés par leurs sujets se sauvèrent et se réfugièrent dans la forêt ». Parmi eux, Andriamanana, l’ancêtre des Zafindramanana, fonda le village d’Ilongy, situé à 20 km environ au Nord-Ouest de . Une fois établi là, il eut six enfants. Chacun d’eux reçut un domaine de son père. Ils « prirent femme chez les Betsimisaraka au Nord et à l’Est, ils eurent d’elles des enfants (…), prirent le nom de Betsimisaraka et devinrent un peuple à part ».

III. Cadre de la vie traditionnelle des habitants de Mananjary

62 Rahotaka, S., « Pensée religieuse et rites betsimisaraka », in Domenichini, J.-P., Poirier, J., Raherisoanjato, D., Ny razana tsy mba maty (Cultures traditionnelles Malgaches) , Op. Cit., pp. 35-36. 63 Olsen, M., « Histoire des Zafindramanana (Tribu tanala du Nord d’Ambohimanga-du-Sud) », cité par Père Carvalho Vicente, M. A., Un essai de catéchèse inculturée dans le Diocèse de Mananjary (Madagascar ). Op. Cit., p. 51.

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Malgré les bouleversements ultérieurs de la période coloniale et postcoloniale, les aspects de la vie traditionnelles ainsi que les traditions héritées des différents ancêtres conserverons toujours et resteront encore bien vivante jusqu’actuellement chez les Antambahoaka, les Antemoro, les Tanala et les Betsimisaraka du Sud qui habitent et peuplent le district de Mananjary. Comme l'a bien écrit l'un des meilleurs analystes malgaches contemporains de cette société le Père Jésuite Rémy Ralibera : « Le courant profond de cette culture malgache ancestrale continue à nous mener plus inconsciemment que consciemment »64 .

Dans leur vie quotidienne, ces habitants sont soumis à un cycle constant d’actions régies par leur us et coutumes religieuses traditionnels. « Dans son étude sur les formes élémentaires de la vie religieuse, cité par Guy Rocher, Durkheim avait mis en évidence le caractère religieux, ou peut-être, exactement sacré, de la société primitive. Talcott Parsons reprend et développe l’analyse de Durkheim, montrant que, dans la société primitive, la religion sert à exprimer d’une manière symbolique de l’organisation sociale et ainsi à la renforcer ; (…). Ce localisme sociologique des religions traditionnelles exprime notamment dans les croyances et dans les rites, qui servent surtout à dire, d’une manière mythologique, et à faire survivre les origines et l’histoire de la tribu »65 . Pour l’instant, il est impossible de tenter de retrouver l’origine ces us et coutumes des peuples de Mananjary sans entrer dans le domaine de la spéculation. C’est pourquoi donc, nous nous contenterons de décrire dans un but purement anthropologique, en premier lieu, les us et coutumes traditionnelles, et ensuite l’organisation sociale des habitants qui vivent dans le district de Mananjary.

5- Les croyances et les rites :

5.1. Les croyances :

À part des différents espèces d’esprits comme les Jinin-tany, les Jiny vorona, les Rangahibe sola, l’Angatra, le Lolo, le Lolo-vokatra, les Zazavavindrano, l’Angalampona 66 ; les habitants de district de Mananjary croient aussi plusieurs Dieux, dont nous allons voir toute suite.

64 Père Remy Ralibera cité par Ballarin, M. P., Blanc-Pamard, C., Cadoux, C., « Madagascar », in Encyclopaedia Universalis 2010. 65 Rocher, G. L’organisation sociale , Op. Cit. p. 75. 66 Père Carvalho Vicente nous trouve et nous parle que les Antambahoaka, les Antemoro, les Tanala et les Betsimisaraka du Sud croient à plusieurs espèces d’esprits à part des Dieux. Lire Père Carvalho V., Un essai de catéchèse inculturée dans le Diocèse de Mananjary (Madagascar ). Op. Cit., pp. 288-289.

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5.1.1. Dieu (Andriamanitra)

On connait depuis XVIII e Siècle que les missionnaires catholiques et protestants, arrivés à Madagascar, ont déjà utilisé le terme « Andriamanitra » dans la Bible Malgache, d’une part, et pendant le Fitorian-teny d’autre part, en parlant de Dieu. Dans une première lecture de livre « Kristy zanaka » (christ fils), Mgr Xavier Tabao a choisi aussi d’employer le nom « Andriamanitra » pour parler de Dieu chrétien. Mais il n’informe pas aux lecteurs que ce mot a eu une signification plurielle jusqu’actuellement, les habitants de Mananjary croient de Dieu. Cela prouve par la multiplication des églises qui s’étendent dans le district de Mananjary. Les Antambahoaka, les Tanala, les Antemoro et les Betsimisaraka de Mananjary révèrent et invoquent parfois une divinité sous les noms de Zanahary (Dieu créateur), Andriananahary (Seigneur Dieu Créateur) et Andriamanitra Andriananahary (Seigneur parfumé - Seigneur Dieu créateur). Ils les considèrent tous, dans leur conscience linguistique, créateur. Mais le terme le plus utilisé est parfois : « Zanahary ». Ce dernier a, selon leur croyance, modelé et façonné l’homme.

5.1.2. Zanahary (Dieu créateur)

L’origine du nom Zanahary a été beaucoup discutée pour les Anthropologues et les Théologiens. Ce terme est le plus répandu dans tout Madagascar pour désigner la ou les Divinités. Étymologiquement, Mgr Xavier Tabao, évêque de Mananjary, a fait sien le choix qu’a fait au début du XX e Siècle comme un linguiste Gabriel Ferrand qui affirme : « le mot Zanahary vient des mots Ian (Dieu) et hary (soleil). Donc, Ian hary ou Ianhary, ou encore Zanahary se traduisent par « Dieu Soleil »67 . Le nom Ianahary renvoie au monde indonésien tout comme Andriamanitra, Dieu. Otto Christian Dahl affirme par contre que l’hypothèse de Férrand : « n’est [...] étayé ni par le développement phonétique, ni par le nom du soleil, ni par la mythologie malgache et est inacceptable ». Et en s’appuyant sur la comparaison avec les langues austronésiennes, Il affirme que : « le sens propre du mot Zanahary est conforme à l’étymologie, celui qui a fait exister, le Dieu suprême qui a été créateur ». Si Zanahary était un « Dieu soleil », « on s’attendrait à le voir combiné avec le soleil dans des mythes. Mais dans ceux que j’ai étudiés, je n’ai jamais vu cette combinaison »68 .

67 Mgr Xavier Tabao, M. Kristy Zanaka. Fandalinam-pinoana , Boky fahatelo, Mananjary : Diosezin’i Mananjary, 1986, p. 13. 68 Otto Christian Dahl cité par Père Carvalho Vicente, M. A., Op. Cit., pp. 222-223.

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En outre, l’étymologie populaire malgache explique Zanahary, dans sa structure actuelle, le créateur, comme un mot composé de Zay , Celui qui, et de nahary , créer 69 . Dans sa propre analyse personnelle, Mgr Tabao Manjarimanana savait aussi qu’il existe deux significations du terme Zanahary dans la région de Mananjary : premièrement, il signifie « Dieu Seigneur Créateur » (Andriamanitra Andriananahry... [...], Au deuxième sens, toute force qui peut faire vivre ou tuer reçoit le nom de Zanahary 70 .

D’après la croyance, Zanahary est le Dieu à la fois unique et multiple qui est au-dessus des ancêtres et des différentes espèces d’esprits de la nature. Il peut changer de décision et venir lorsqu’il entend la prière des hommes. Étant le maître de la vie, il nous a créés tous comme les mains, les pieds, il a mis un esprit et a donné une intelligence, et surtout la sagesse, etc. Il est le détenteur de la vie, s’il le veut donc, l’homme restera en vie ; mais si au contraire, l’homme mourra. Tout cela est confirmé par les prières traditionnelles utilisées par les chefs traditionnelles détenant du pouvoir pendant la cérémonie rituelle publique.

Nous présentons, tout d’abord, la prière traditionnelle des Betsimisarada du Sud invoquée par leur Tangalamena pendant la cérémonie rituelle :

« Hée ! Hée ! (d’une voie aigue et portante). Nous t’appelons Créateur (Dieu). Dieu mâle, Dieu femelle. Qui as créé les pieds, qui as créé les mains, qui as créé le soleil, qui as créé la lune, qui as créé la terre. Celui-qui-gronde. (…). Descends du lit en or et assieds-toi sur la chaise d’or. Voici o Dieu pourquoi nous t’appelons. Voilà le bœuf à longue bosse, à poil ras, qui n’a pas froid en traversant l’eau. Voilà la boisson bien fermentée. Mange (et bois) car c’est Toi le créateur de l’homme, etc. C’est fini en ce qui te concerne, Dieu, car Dieu, tu ne mets pas longtemps pour manger et boire. Remonte dans ton lit en or. Et vous autres Ancêtres, venez : Toi R…, Toi X…, etc. Vous êtes propriétaires de cette terre-ci, qui nous avez engendrés. (…). Mangez, car voilà le bœuf à longue bosse et la boisson bien fermentée…, puis rentrez à votre demeure »71 .

Ensuite, voici donc la prière traditionnelle invoquée par les Ampanjaka chez les Antambahoaka, Tanala et les Antemoro :

69 Jaovelo-Dzao, R., Mythes, rites et transes à Madagascar (Angano, Joro et Tromba Sakalava) , Op. Cit., p. 216. 70 Mgr Xavier Tabao, M. Kristy Zanaka. Fandalinam-pinoana , Boky voalohany, Mananjary : Diosezin’i Mananjary, 1980, p. 49. 71 Rahotaka, S., « Pensée religieuse et rites betsimisaraka », in Domenichini, J.-P., Poirier, J., Raherisoanjato, D., Ny razana tsy mba maty (Cultures traditionnelles Malgaches) , Op. Cit., pp. 41-42 ; 44-45.

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« Hé !... Hé !... Hé… Hé !... Écoutez, écoutez, écoutez, on vous appelle, on vous appelle, on vous appelle : Zanahary homme, Zanahary femme (…). Vous le Zanahary d’en haut, qui avez façonné les hommes. La terre est couchée sur le dos, le ciel est couché sur le ventre, et entre les deux il y a les personnes que tu as façonnées. Venez car c’est nous qui appelons ». « Voici la graisse de la viende, le paleron, le tranche grasse, l’alcool, le riz cuit ; et mange bien, Toi, Zanahary. Toi Zanahary qui mange rapidement. Et monte par la chaîne d’argent, prends place sur le lit d’or. De là donnez-nous votre bénédiction, et faites le bien, o Zanahary »72 .

Ces prières traditionnelles, que nous venons de citer, peuvent nous confirmer que les habitants du Sud-Est plus particulièrement dans le district de Mananjary croient en l’existence de Zanahary, Andriananahary, comme Dieu créateur. De même, Jaovelo-Dzao R. 73 nous stipule expressément que les manuscrits arabico-malgaches du XVI e siècle attestent la croyance des Malgaches en Zanahary. Mais nous ne savons pas vraiment le nombre de Zanahary qu’ils croient. Nous constatons qu’à part de Dieu mâle (Zanahary lahy) et Dieu femelle (Zanahary vavy). L’êveque de Mananjary nous cite des différents noms ou appelations des Zanahary qu’énumère celui qui préside la cérémonie ; à savoir Andriodriotra (Seigneur à la course rapide), Andranofalafa (Celui qui habite dans la maison de pétioles du ravenala), Imadiovanzakoho (Celui qui a les ongles propres), Itsimananondrehihinana (Celui qui ne se soucie pas même s’il mangera ou pas), Rabeherongerona (Celui qui gronde beaucoup), Rahanikovary (Venerable qui mange du riz), Ivorombetsivazana (Grand oiseau qui n’est pas un perroquet), Ratomoa, Ramahitsifanahy (Celui qui a l’esprit droit), Masofamakiala (L’œil qui met à découvert la forêt), Ravarabe (Celui qui tourbillonne beaucoup), Les Etoiles, le Soleil, la Lune, etc 74 .

Nous pouvons dire enfin que les noms de Zanahary, dans les formules rituelles, sont divers. Ils varient selon les clans, mais aussi selon le « maître du sacrifice ». Ce Zanahary que chaque chef traditionnel appelle dans ces prières mange rapidement, et monte par leur lit et chaise d’or où il demeure, et où il nous donne sa bénédiction.

5.1.3. Razana (les ancetres)

Sont Razana, en principe, tous ceux qui sont déjà morts pour les malgaches de District de Mananjary. On les prononce toujours surtout au moment de l’enterrement. Otto Christian

72 Père Carvalho Vicente, M. A., Op. Cit., pp. 220-221. 73 Jaovelo-Dzao, R., Mythes, rites et transes à Madagascar (Angano, Joro et Tromba Sakalava) , Op. Cit., p. 215. 74 Mgr Xavier Tabao, M. Kristy Zanaka. Fandalinam-pinoana , Boky voalohany, Op. Cit., 48-49.

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Dahl, cité par Robert Jaovelo-Dzao 75 , dans une étymologie austronésienne, nous affirme que le terme Razana vient de deux mots : Raz et Ana . Le premier, désignant l’essence humaine, est spécifiquement malgache, tandis que le second provient de la Malaisie. Donc il révèle que Razana indique celui qui à la filiation. Mais que les véritables ancêtres, écrit Mgr Xavier Tabao 76 , sont ceux que l’on invoque pendant le « Saotra », c'est-à-dire les grands ancêtres dont on descend, ceux qui occupent le même tombeau que celui où on ira, ceux qui nous ont donné le jour (le père, la mère, le grand-père, la grand-mère... et tous les parents proches). « Ceux –là on leur rend un hommage spécial, on les cite nommément, on dit même où ils sont enterrés. Les autres ancêtres, on se contente de les invoquer globalement, ceux de l’Est, du Nord, de l’Ouest, du Sud ».

Il nous semble vraiment intéressant de demander pourquoi les Antambahoaka, les Antemoro, les Tanala et les Betsimisaraka du Sud qui vivent dans le district de Mananjary ont besoin toujours d’invoquer les ancêtres pendant les rites. L’ancien chef Catholique de Diocèse de Mananjary nous en donne son point de vue. Il avait écrit que : « Ceux qui fait l’homme, c’est sa relation avec les Zanahary, avec les ancêtres, avec les vivants, et avec la créature. Si ses relations avec tous ceux-là sont bonnes, alors ils sont vivants, sinon il y a une répercussion sur sa vie. Si par ma faute j’ai brisé des liens, j’aurai une « tsiny » (faute) de même que le mal que j’ai fait involontairement peut encore m’apporter une tsiny, peut me rendre malade. Surtout si c’est un parent ou une simple personne qui me hait, qui me maudit ou m’ensorcelle : je ne m’en sortirai que si je me protège ou si je construits une nouvelle alliance. Voilà le prix de l’unité. Aussi le Saotra a pour but l’ALLIANCE pour VIVRE. Car la vie est comme l’eau qui coule, elle s’arrête quand le canal la reliant à la source est coupé »77 .

En effet, la vie des peuples du Sud-Est est donc liée aux ancêtres, et leur lien de parenté solidaire (fihavanana) n’est jamais détruit, et que ces derniers ont le pouvoir de nous venir en aide en considérant qu’ils sont proches de Zanahary, ils sont devenus Zanahary. C’est pourquoi que nous constatons que les ancêtres (Razana) sont un facteur d’intégration sociale de peuple. En ce qui concerne la relation entre les vivants et les ancêtres, ces derniers parlent aux vivants à travers les rêves qu’ils leur inspirent, et les Ombiasa (les devin-guérisseur) et les Mpisikidy (les devins) sont chargés d’interpréter ces rêves ; c’est pour cette raison donc que les Ombiasa et les

75 Jaovelo-Dzao, R., Mythes, rites et transes à Madagascar (Angano, Joro et Tromba Sakalava) , Op. Cit., p. 208. 76 Mgr Xavier Tabao, M. Kristy Zanaka. Fandalinam-pinoana , Boky voalohany, Op. Cit., p. 60. 77 Mgr Xavier Tabao, M. Kristy Zanaka. Fandalinam-pinoana , Boky faharoa, Op. Cit., p. 77.

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Mpisikidy ont une place prépondérante dans la vie quotidienne des malgaches de district de Mananjary.

Suivant le rang lors de la réalisation des rites du Saotra, du fafy ainsi que de la circoncision par exemple, Zanahary est honoré avant les ancêtres. C’est pourquoi, Mgr Xavier Tabao, cité par Père Carvalho Vincente, souligne que : « les razana ne sont, pour les habitants de Mananjary, que le « canal » par lequel la vie leur a été communiquée, mais c’est Dieu qui l’a créée et qui la leur a donnée. Zanahary est plus grand que les ancêtres et il a donc droit à plus d’amour, de confiance et de respect que ces derniers »78 . Les razana réglementent l’ordre familial, social et politique. Il faut souligner que l’ancestralité est une notion essentielle de l’organisation du monde Antambahoaka, Antemoro, Tanala, et Betsimitsaraka. Alors, les razana sont l’élément le plus important de la communauté villageoise de la région dont ils continuent à faire partie.

Nous concluons notre propos que les Razana sont, tout d’abord, une source de protection (Fitahiana) et de grâces (fanasoavana). Mais ils sont aussi d’une source d’enracinement familiale. Les habitants de district de Mananjary, selon Père Canvalho Vicente 79 , ont besoin existentiel de s’enraciner dans le temps et dans l’espace. Toute célébration d’un Saotra, d’un mariage ou d’un enterrement constitue sur prétexte pour s’enraciner dans le temps (généalogie des personnes).

En ce qui concerne l’enracinement dans l’espace, il est matérialisé par l’obligation qu’il y a à se faire enterrer dans la tombe des ancêtres (fasandrazana). Ensuite, le retour du défunt dans la tombe des ancêtres constate et renfonce donc pour les membres de son lignage le sentiment d’appartenance à ces diverses catégories sociales. C’est pour cela donc que les Razana sont aussi un facteur d’intégration sociale pour les peuples de Mananjary.

5.2. Quelques principaux rites :

L’interprétation des rites est toujours très difficile. Certains ethnologues pensent que les rites, au lieu de reformuler et de résumer les structures de la société, servent à alléger et à compenser les tensions que ces structures créent chez les individus. Ernestine Friedl pense, quant à elle, par contre que : « les rites sont essentiellement un langage qui permet à une population de

78 Père Carvalho Vicente, M. A., Op. Cit., pp. 280-281. 79 Père Carvalho Vicente, M. A., Op. Cit., pp. 296-297.

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se formuler à elle-même et à ses membres de se communiquer leurs états mentaux, physiologiques et sociaux »80 . C’est-à-dire la communication à travers les rites est une reformulation redondante des croyances et des relations sociales dans la région du Sud-Est de l’Île. C’est pourquoi celle qui garantit la stabilité de société Antambahoaka, Antemoro, Tanala et Betsimisaraka du Sud dans le district de Mananjary est l’unité rituelle. Ce phénomène est sans doute le fait d’un syncrétisme entre les pratiques importées par des différentes immigrations qui s’installent dans la côte Sud-Est malgache et celles qui avaient cours parmi les populations autochtones. Nous nous contenterons donc de décrire quelques principaux rituels des habitants de Mananjary.

5.2.1. La circoncision (Sambatra)

Parmi les cérémonies rituelles publiques, le sambatra, une fête célébrée à l’occasion d’une circoncision, est celle qui est le plus en honneur chez les habitants de district de Mananjary. La fête de la circoncision sera déroulée presque dans la saison fraîche : de Juillet pour certains clans, d’Octobre à Décembre. Les moments où l’on suit la cueillette du café, du girofle, et le récolte du riz dans la première saison de mois de Novembre – Décembre. Ce sont les mois où l’on profite donc de l’aisance passagère des habitants pour permettre aux parents des enfants de faire face aux dépenses, car il y en a trop. Le devin-guérisseur garantit et choisit simplement le jour favorable au commencement des cérémonies.

Quant à la réalisation, on peut remarquer quelques différences. Chez les Antambahoaka, tout d’abord, le rite de la circoncision est collective qui aura lieu tous les Sept ans et qui dure un mois. Tandis que tout dépend de chaque tranobe et chaque parent des enfants, pour les Betsimisaraka, les Antemoro et les Tanala, qui choisissent la date butoir à l’intérieur de ce période cité ci-dessus. Ensuite, les Antambahoaka sont plus pointilleux quant au Manenatra et leur méthode comporte d’autres rites inconnus des Betsimisaraka. Le voatavo arivolahy, objet principal et sacré du Manenatra n’est pas utilisé par les Betsimisaraka. Il est porté sur la tête pendant toute la durée du parcours du Manenatra par un homme choisi dont le père et la mère sont encore vivants. L’homme doit avoir un nom de consonance symbolique comme par exemple : Todiaby (tous réussir), Velotody (Celui qui survit après un accident), Tsaravelona (celui qui vit

80 Friedl, E., « La prééminence masculine est-elle inévitable ? », in Mendras, H., Éléments de sociologie – Textes , Paris, Armand Colin, 1978, p. 33. 51

bien), etc 81 . Tout ceci a pour but de souhaiter bonheur aux enfants, par symbolisme. Le porteur du Voatavo arivolahy est encadré par des hommes forts et ne doit en aucun cas tourner la tête ni regarder de côté pendant le parcours qui dure à peu près trois heures pour couvrir six kilomètres, haltes comprises. Par ailleurs, les Antambahoaka récitent des versets du coran en arabico- malgache à l’ouverture de la cérémonie, chose totalement ignorée par des Betsimisaraka, ainsi que l’utilisation du hazolahy (bois-mâle) à des danses Sadebaka 82 à l’Est du Tranobe. Et enfin, le Jiro est, par contre, une spécialité inexistante chez les Antambahoaka et semble provenir des gens de la forêt, les Tanala de la région d’Antsenavolo, Kianjavato,…, ou des Betsimisaraka d’origine Betanimena, et les Antavaratra.

Quoi qu’il en soit, l’idée principal de la circoncision est la même chez les Antambahoaka, chez les Antemoro, chez les Tanala ou chez les Betsimisaraka du Sud : C’est donc faire de l’enfant un homme : Mandahilahy rendre un garçon, un mâle, pour que ces enfants aient les droits d’un homme, qui fait notamment celui de pouvoir saigner une bête, d’égorger un bœuf à l’occasion d’un des multiples sacrifices dans la société Mananjaroise. En résumé, la circoncision est donc un catalyseur de l’unité lignagère et villageoise, et qui joue un rôle important pour la reconnaissance du statut social des enfants 83 . De même, chez les Antemoro, B. Chandon-Moet nous affirme, preuves à l’appui, que : « Si un garçon meurt avant d’avoir été circoncis, il sera enterré à part ou bien on pratiquera la circoncision sur le cadavre avant de le déposer au tombeau. La circoncision est donc une introduction dans la communauté du clan mais elle est aussi l’introduction dans la communauté plus restreinte de la tranobe »84 .

5.2.2. Le fafy

La plupart de la société malgache du Sud-Est est marquée par deux classes des tabous : les Sandrana (interduction absolues héritées des ancêtres) et les fady (interdictions simples réprouvées par la coutume) 85 . La transgression de ces tabous peut représenter le bouleversement

81 Rahotaka, S., « Pensée religieuse et rites betsimisaraka », in Domenichini, J.-P., Poirier, J., Raherisoanjato, D., Ny razana tsy mba maty (Cultures traditionnelles Malgaches) , Op. Cit., pp. 73-74. 82 Sadebaka : Dense rituelle des femmes Antambahoaka et des femmes Antemoro à l’occasion de la fête de la circoncision (Sambatra). 83 Père Carvalho Vicente, M. A., Op. Cit., p. 52. 84 Chandon-Moet, B., Vohimasina : Village malgache , Paris, éd. Latines, 1972, p. 110. 85 Beaucoup de Sandrana et fady entourent la vie quotidienne des habitants de Mananjary. Chez les Antambahoaka et les Antemoro, il est Sandrana de consommer l’anguille tachetée (Antona), de hérisson et des animaux (même des volailles) égorgés par une femme. Il est simple fady de consommer du porc, de garder les enfants jumeaux. Pour les Betsimisaraka du Sud dans la région de Vohilava, Mahavoky-Nord et Marofototra, il est Sandrana de consommer le

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d’un certain ordre social et constituer évidemment une « tsiny » (une faute). La conséquence inéluctable d’une tsiny (une faute) commise est le « tahy » (tahina) ou le tody dans la région des hautes terres. Ce tahy peut frapper le coupable, ses descendants, même la communauté tout entière. Le fokonolona qui constitue la communauté villageoise prend alors tout simplement une « sazy » (une sanction) à l’encontre du coupable pour effacer certains tsiny. D’autres fautes considéré le plus grave, par contre, telles que l’inceste ou la profanation d’un tombeau, de Tranobe ainsi que le Faditra ne peuvent être effacées que par une « fafy ».

En ce qui concerne la définition du terme, la fafy, désignée étymologiquement comme une aspersion ou bien une action de semer en éparant, a certes valeur de sanction, mais surtout de réparation, de réintégration, et de purification. R. Linton, un anthropologue américain, ne voit qu’une simple levée des empêchements du mariage dans la fafy. Puis, P. Gaudebout et L. Molet voient la fafy comme étant une « cérémonie purificatoire »86 . En outre, Ph. Beaujard a décrit par la suite les fafy comme étant des « rites de réinsertion dans l’ordre social et cosmique »87 . Et enfin, selon R. Dubois, la fafy « n’est pas d’abord un rite de levée de tabou sexuel ou de réparation d’inceste, mais un rite qui dénoue les conflits de parenté »88 , elle est une « resituation sur le flux vital ».

Père Carvalho vicente 89 nous résume, à partir des exemples donnés par I. Rakoto, R. Dubois, et Ph. Beaujard, trois catégories des fafy. Tout d’abord, les fafy rélatives aux conflits familiaux qui concernent principalement donc l’inceste et les injures. La fafy dans l’inceste est exigée lorsque la relation « frère et sœur » ou de deux parents de générations différentes ; est abimée par des relations sexuelles, ou sans que l’acte sexuel soit consommé quand ils expriment leurs rapports comme étant « époux et épouse ». Cette fafy parait avoir pour un but soit, d’une part, de couper la parenté, si l’inceste est entre proches parents. La fafy est donc « hampisaraka » (purification destinée à séparer), d’autre part, de renouer si l’ancêtre commun est éloigné. C’est donc la fafy « hampivady » (purification pour rendre époux et épouse). Les fafy relatives aux tortue, de manger la chèvre. La plupart des Tanala s’abstiennent de manger l’oiseau veuf (Railonga) et de lui lancer des pierres. Tous les habitants de Mananjary évitent de travailler les rizières ou même de payer les dettes de Mardi et Jeudi. Pour la femme enceinte, elle doit s’abstenir de déraciner des herbes, d’enjamber des plants de courges, de porter des oranges ou des citrons. Elle n’entre pas dans la maison du lors des veillées funéraires et ne s’approche pas des tombeaux, etc. 86 Père Carvalho Vicente, M. A., Op. Cit., p. 62. 87 Beaujard, Ph., Princes et paysans : Le Tanala de l’Ikongo , Op. Cit., p. 362. 88 Dubois, R., Olombelona. Essai sur l’existence personnelle et collective à Madagascar , Paris, L’Harmattan, 1978, p. 25. 89 Père Carvalho Vicente, M. A., Op.cit., pp. 63-70.

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injures brisent, par contre, l’ordre parental autant que l’acte incestueux lui-même. Comme le cas d’un vieux père et de son fils décrit par I. Rakoto, citant Père Carvalho Vincente, qui se sont violemment disputés :

« Emporté par la colère, le fils perd le contrôle de ses paroles : « Va-t’en, dit-il à son père, je n’ai que faire de toi, sale porc ». Une semaine après, ayant bien réfléchi, le fils vient s’excuser auprès de son père. Et la famille de lui dire : « Tu as demandé pardon, soit, mais l’affaire ne sera réglée que si tu payes 500 frs à titre de fafy sur ton père. Le fils débourse 500 frs à titre de fafy sur son père. La cérémonie terminée, le père dit à son fils : « Tu es vraiment mien à présent » »90 .

Deuxièmement, les fafy pour normaliser la relation de Zanahary et des ancêtres avec la communauté villageoise. L’exemple le plus typique de la cérémonie du « grand repas » décrit par R. Dubois comme étant un rite d’intégration sociale. Durant cette cérémonie, tous les membres des clans sont unis simultanément, face à Zanahary et les ancêtres, dans une angoisse commune et une même invocation. Le repas fait ensemble exprime et renforce l’unité de la grande famille. Et ils partagent ce repas avec le Zahary et leurs ancêtres.

Et troisièmement, les fafy qui visent à effacer un outrage ou un oubli à l’égard des ancêtres. Ce dernier fafy est outrage parce qu’il porte atteinte à un ordre sacré, comme chez les Antemoro et les Tanala qui procèdent au fafy Kibory (purification du tombeau collectif) chaque fois qu’il y a la profanation du adidy kibory afin d’éviter au coupable les graves conséquences de son acte. Elle est un oubli parce qu’elle semble être une réparation contraignante qui devient en fin de compte pour la famille du malade l’occasion de retrouver un sentiment de bonheur dans l’unité et la solidarité.

6. Organisation sociale et pouvoir politique :

L’étude de l’organisation permet de mieux comprendre l’évolution de la société d’alors et d’aujourd’hui, et de mesurer certaines réalités qui suscitent les communautés villageoises. L’organisation sociale, économique et même politique dans le district de Mananjary repose sur plusieurs aspects. Nous présenterons en premier lieu le système de parenté comme base de l’organisation sociale et, ensuite, nous allons aborder les hiérarchies sociales et les rapports du pouvoir politique existants.

90 Rakoto, I. cité par Père Carvalho Vicente, M. A., Op.cit., p. 65.

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6.1. Le système de parenté et les classes d’âge :

Comme le souligne justement Guy Rocher, l’organisation sociale, économique et même politique de la société dite traditionnelle repose donc sur deux aspects principaux, dont nous allons voir successivement :

6.1.1. La parenté :

Du point de vue théorique, dans la région de Mananjary, la parenté est fondée sur la reconnaissance de liens du sang et de liens d’alliance par le mariage, qui unissent un ensemble de personnes en constituant de lignage. Ce dernier appelle aussi, selon Rasamoelina Henri 91 , karazana ou tarika ; fianakaviana selon le dialecte de Mananjary et, fatrangè chez les Antemoro. Pour comprendre sa formation et son fonctionnement, il est intéressant de revenir à l’organisation clanique. Les quatre ethnies à savoir Antambahoaka, Antemoro, Tanala et Betsimisaraka qui constituent le district de Mananjary se subdivisent en plusieurs clans.

Nous prenons comme par exemple, Chez les Antambahoaka de Mananjary, tout d’abord, les cinq fils de Ravalarivo qui constituent des clans indépendants autour de Mananjary. Puis, on connaît, Chez les Antemoro, les quatre catégories des clans ou groupes sociaux hiérarchisées à savoir les Anteony, les Antalaotra, les Ampanabaka, et les Antevolo. Mais on n’utilise que les trois premiers pour décrire l’organisation sociale et politique des Antemoro. Car ces groupes, n’étant pas de lien généalogique, ne sont pas réellement ordonnés hiérarchiquement selon un axe vertical, car les Anteony et Antalaotra à la masse des Ampanabaka. Quant aux Antevolo, ils sont presque hors système.

Nous avons déjà signalé, pour terminer enfin sur les exemples, que Salomon Rahotaka a constaté cinq clans Betsimisaraka qui habitent le district de Mananjary et Nosy-Varika à savoir les Zafindrohova et les Zafindriala qui sont descendants de Rahova de Riala l’ancien habitant d’Ankadinandriana dans le quartier d’Antananarivo-Ville ; les Ranomena qui sont les premiers habitants, les Antavaratra, et les Antatsimo descendants tous de Zanamalata.

91 Rasamoelina, H., Madagascar : État, communautés villageoises et banditisme rural. L’exemple du vol de zébus dans la Haute-Matsiatra , Paris, L’Harmattan, 2007, p.

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La filiation unilinéaire de ces différentes ethnies donne naissance aux groupes de parenté, clans et lignages. Les clans regroupent tous les descendants d’un ancêtre commun avec lequel on ne sait pas retracer rigoureusement les liens. Les lignages sont donc des fragments de ces différents clans originels communs à l’intérieur duquel les liens qui relient les différents membres sont connus. Les descendants de Satrokefa de Mananjary comprennent dix tranobe, dont huit sont cités par Randriamamonjy Frédéric, citons : Antandroho et Antanibe qui sont considéré comme des lignages ainés, Andramaha, Zafimboanoro, Zafindrampanarivo, Zafindrenarivo, Ndremarosola, Andrahabetonga et Zafindrenony 92 . Et les descendants de Rajo dans le village d’Ambohitsara-Est comprennent aussi douze tranobe ; l’ensemble des volomatevina du pays Antemoro comprennent seize tranobe. Ce sont ces tranobe qui sont elles- mêmes divisées en fianakaviana. Et chaque tranobe a à sa tête un chef, le loha-trano, en général c’est l’ainé de la lignée. Ce loha-trano de la lignée ainée a toujours la préséance sur les chefs lignagères. « Quand le processus de séparation, écrit Rasamoelina Henri , s’est produit dans un passé assez récent. (…). En revanche, quand la fragmentation s’est effectuée à une époque reculée, les diverses fractions ou tarika savent seulement qu’il y aurait sûrement une origine commune même si celle-ci ne peut plus être reconstituée »93 . C’est donc dans ces lignages, les membres peuvent retracer leurs liens de parenté et leurs descendants. Comme l’avait bien souligné Radcliffe-Brown : « dans un lignage, chaque membre quelconque de son lignage par l’existence d’un ancêtre commun connu, alors que cela est impossible, en général, dans un clan »94 .

92 Randriamamonjy, F., Tantaran’i Madagasikara isam-paritra , Op. Cit., p. 241. 93 Rasamoelina, H., Madagascar : État, communautés villageoises et banditisme rural. L’exemple du vol de zébus dans la Haute-Matsiatra , Op. Cit., p. 94 Radcliffe-Brown cité par Ph. Beaujard, Princes et paysans : Le Tanala de l’Ikongo , Op. Cit., p. 148.

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Les parents consanguins

Razana 1 Razana 2

Gay Vavy (Dadabe) (Nenibe)

Mama Baba Mama Baba Mama

Analahy Anabavy Analahy Anabavy Analahy Anabavy

Taranaka Taranaka Taranaka

Zafy Zafy Zafy

Zafiafy Zafiafy Zafiafy

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Ce schema nous montre que l’élément fondamental permettant de définir le lignage Antambahoaka, Antemoro, Tanala et Betsimisaraka du Sud est l’unité de tombeau. Comme l’a bien montré le proverbe malgache qui dit que : « Velona iray trano, maty iray fasana ». C’est-à- dire vivants ensemble dans un tranobe commun et morts dans un tombeau. On constate que ce schéma nous résume aussi la terminologie employée par les habitants de district de Mananjary pour désigner leurs consanguins. Tous les membres du lignage sont propriétaire des terres, ou plus généralement dans le cas de rizière hosim-patrangè chez les Antemoro. Ces terres ne sont pas divisibles et chaque fianakaviana du lignage jouit d’un droit d’usage sur une ou plusieurs parcelles. La vente des rizières, ou le partage, ne se fait qu’avec l’accord de l’ensemble du lignage sous la direction des chefs du lignage et les descendants en ligne féminine de l’ancêtre fondateur. Mais en cas de besoins monétaires comme par exemple un membre de la famille malade à l’hôpital, à la prison, l’étude de leurs enfants, … le lignage peut décider la vente d’une partie des rizières ou des terres avec un droit de rachat. Par son appartenance à un groupe de parenté, chaque personne se voit obligée d’entretenir certains sentiments à l’endroit de diverses personnes, de marquer plus de respect pour leurs Raiamandreny Ampanjaka, pour certaines personnes que pour d’autres, d’aider certaines dans une plus grande mesure que d’autres.

En résumé, nous pouvons constater, à partir d’une perspective large, l’importance du lignage dans l’organisation sociale, économique et politique de district de Mananjary. Il est comme une catégorie puissante pour appréhender le social, car tout le monde ressent les ressorts de la famille dans ce lignage. « Un de ces ressorts , écrit Eduardo Davel 95 , relève du fait que l’influence familiale sur l’organisation produit souvent un milieu de travail plus humain car le niveau d’obligation de la famille propriétaire à l’égard des employés est souvent plus élevé ». Contrairement à l’image idéalisée de l’organisation comme système rationnel et orienté vers la performance, l’organisation lignagère représente donc un système structuré autour d’un ensemble de rapports hautement chargés d’affection et d’histoire. En outre, comme le souligne Philippe Beaujard 96 , chaque lignage comprend : tout d’abord les descendants en ligne masculine de l’ancêtre fondateur, appelés Zanaka lahy ou Zana- dehilahy en pays Tanala et Antemoro, et Zanagnilahy pour les Antambahoaka et les Betsimisaraka (enfants par les hommes). Et ses descendants par les femmes de l’ancêtre

95 Davel, E., Organisation et culture en contexte familial : L’ambivalence comme enjeu de gestion , Thèse de doctorat, Université de Montréal, 2006, p. 36. 96 Beaujard, Ph., Princes et paysans : Le Tanala de l’Ikongo , Op. Cit., p.149.

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fondateur, les Zanaka vavy ou Zana-biavy, et Zanagnivavy toujours chez les Antambahoaka. Politiquement, les descendants du premier peuvent présenter la candidature au poste de chef du lignage, Ampanjaka ou Tangalamena, tandis que le second choit et désigne tout simplement suivant l’ordre de l’ainé et leur comportement depuis à son enfance.

Le lignage routurier

Razana

(Ancêtre fondateur)

Zanagnilahy Zanagnivavy

(Zana-dehilahy) (Zana-biavy)

Zafy Zafy

Zafiafy Zafiafy

Un Tombeau Commun.

L’ensemble de l’organisation lignagère dans la société Antambahoaka, Antemoro, Tanala et Betsimisaraka dont nous venons de citer ci-dessus est redécoupée horizontalement par un système de classes d’âge. Ces derniers prennent un rôle spécifique dans l’utilisation qu’en fait

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chaque société. Nous nous contenterons donc de voir dans le chapitre suivant les différentes classes d’âge existant dans le district de Mananjary.

6.1.2. Les classes d’âge :

Le deuxième axe de l’organisation sociale, économique et même politique de société paysanne de district de Mananjary est celui des classes d’âge. Ces derniers tiennent un rôle important dans le cycle de vie quotidienne des habitants, car les droits et les devoirs sont attachés à différentes catégories d’âge. Ils recoupent aussi horizontalement les groupes de parenté.

Si la terminologie et le nombre de classes varie quelque peu, le fonctionnement du système est presque identique pour les Antambahoaka, les Antemoro, les Tanala et les Betsimisaraka du Sud de Mananjary. Dominique Rolland97 avait trouvé deux classes d’âge dans le pays Antemoro : les Zazalahy et les Andriambaventy. Il avait pris l’exemple le plus typique dans le clan Anteony qui comprend : les Zazalahy, les olon-dehibe et les Andriambaventy. Mais, nous avons bien réussi à constater cinq classes d’âges chez les Ampanabaka de la commune rurale Namorona : Beminono (15 ans plus), Mpanompo (18-25 ans), Andremaventy, Garageha, Fotsy loha, Kisatry (ceux qui viennent Ampanjaka), et Ampanjaka 98 .

Tout d’abord, la classe de Beminono et de Mpanompo (Zazalahy), Tanora chez les Antambahoaka et Betsimisaraka, comprend des jeunes garçons à partir de 15 ans et plus. Ils jouent un rôle très important dans la vie quotidienne des peuples. Ils garantissent la sécurité pendant toute la nuit. En cas de décès, ils portent les morts au tombeau. Lors de la cérémonie rituelle, ce sont eux qui sont chargés de récolter les plantes nécessaires aux fêtes rituelles, d’amener le zébu jusqu’à l’aire d’abattage, etc. Ils sont donc les serviteurs, c’est-à-dire les exécutants des corvées. Ensuite, la classe des Andriambaventy comprend deux classes : les olon- dehibe et les Andriambaventy chez les Antambahoaka, Tanala et même chez les Betsimisaraka. Premièrement, la classe des olon-dehibe constitue donc le groupement de Raiamandreny ou des adultes du lignage qui n’ont pas de statut bien défini. Ils ne portent que de nom de leurs fils ou filles (Iaban’i Boto, Iaban’i Bao, …). Dans le pays Antemoro, les olon-dehibe ne peuvent

97 Rolland, D., « Les Antemoro de la Matitanana », in Domenichini, J.-P., Poirier, J., Raherisoanjato, D., Ny razana tsy mba maty (Cultures traditionnelles Malgaches). Op. Cit., p. 113. 98 Entretien avec l’actuel président conseillé communal de la commune rurale Namorona, Branger Médà, ancien Ampanjaka et maire. Namorona le 15 Janvier 2012. 60

accéder au statut des Andriambaventy que si une place est rendue vacante par suite d’un décès, et c’est l’ensemble des Andriambaventy qui le choisit. Dans le second, les Andriambaventy ou les Andremaventy chez les Antambahoaka et Bestimisaraka du Sud sont des groupements de chef de lignage, le patron du Tranobe ou de fatrangè chez les Antemoro. Ils, étant en nombre limité, sont désignés parmi les olon-dehibe suivant l’ordre de l’ainé. Ils planifient l’organisation sociale, économique, politique et même culturel dans le lignage. Quant à son fonctionnement, les Andriamaventy ou Andremaventy sont les détenteurs des us et coutumes traditionnelles d’un lignage, et les transmettent à leurs descendants pour que ces derniers puissent les remplacer. Ils s’occupent aussi de veiller à l’organisation matérielle des cérémonies et des enterrements.

6.2. Hiérarchies sociales et pouvoir politique :

Le système politique et le fondement de toute organisation dans la société Antambahoaka, Antemoro, Tanala et même Betsimisaraka du Sud restent le principe hiérarchique qui fait donc l’unité entre les différentes catégories des lignages existants. Dans la logique hiérarchique de la vie traditionnelle malgache, surtout les malgaches du Sud-Est, ce sont les Ampanjaka et les Tangalamena, juste après le Dieu et les ancêtres, qui sont à la tête de la hiérarchie sociale ; et enfin les individus. Ils sont les maîtres du lignage, des terres et les détenteurs du patrimoine hérité par leurs ancêtres. Ce rang est représenté, selon Maurice Bloch 99 , comme une hiérarchie échelonnée régulièrement, et divisée en une multitude infinie de petits groupes, dans un ordre minutieux de préséance.

La tranobe est une maison commune à un groupe d’habitants ; elle est habitée par l’Ampanjaka. En tant qu’habitation, la tranobe sert à la fois de lieu de réunion, de maison d’hébergement et de lieu de culte ; le chef qui habite n’en est que le gardien. Pour transmettre une nouvelle, débattre d’une question, prononcer un jugement ou prendre une décision concernant le groupe entier ou seulement un de ses membres, le chef renvoie un appel aux membres de la tranobe pour qu’ils viennent s’y réunir 100 .

99 Bloch, M., « La séparation du pouvoir et du rang comme processus d’évolution. Une esquisse du développement des royautés dans le centre de Madagascar », in Raison-Jourde, F., Les souverains de Madagascar. L'histoire royale et ses résurgences contemporaines , Op. Cit, p. 276. 100 Chandon-Moet, B., Vohimasina : Village malgache , Op. Cit., p. 57.

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Structure hiérarchique de la société traditionnelle malgache

Dieu Monde invisible

Ancêtre

Ampanjaka Tangalamena

Monde

Des vivants

Individus

Source : Cahier cours d’Initiation à l’Etude de Droit (IED), prémière année sciences sociales de dévéloppement.

On remarque que la tranobe ou la grande maison se situe toujours dans la partie centrale du village. Elle est presque, chez les Tanala de la région d’Antsenavolo, Kianjavato et les Betsimisaraka de la région de Mahavoky-Nord, Marofototra ainsi que les Zafindramanana de la région de Vohilava, en position haute par rapport à l’ensemble du village ; et au Nord de celle du chef roturier. Philippe Beaujard 101 nous explique clairement que la position centrale de la grande maison, d’une part, traduit une idée de l’univers pour les Ampanjaka et de la royauté qui

101 Beaujard, Ph., « Les conceptions symboliques de la royauté et l’exercice du pouvoir dans les royaumes tanala de l’Ikongo (XVIII e et XIX e siècles), in Raison-Jourde, F., Les souverains de Madagascar. L'histoire royale et ses résurgences contemporaines , Op. Cit, pp. 304-306.

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présente déjà dans la Mésopotamie antique. Et la liaison du Nord avec le pouvoir politique des Ampanjaka, d’autre part, constatant dans les mythologies orientales, a sans doute pour origine les observations astronomiques, les étoiles semblent tourner autour de l’étoile polaire, au Nord.

Les Ampanjaka sont élus et désignés pour certains clans. Chez les Antemoro, pour être élu Ampanjaka, il ne suffise pas seulement d’appartenir à la lignée dont c’est le tour, il faut encore être passé par les stades des classes d’âge successifs dont nous avons déjà signalé ci- dessus, et avoir atteint enfin celui de « Kisatry »102 ou olon-dehibe. C’est-à-dire, les candidats Ampanjaka seront donc parmi les Kisatry ou les olon-dehibe. Il est élu chaque année et devenu Ndrenonibe dans le pays Antemoro, tandis qu’il règne jusqu’à sa mort chez les Antambahoaka, les Betsimisaraka et les Tanala. L’Ampanjaka des Antambahoaka, Tanala et même Betsimisaraka a un personnage appelé Tangalamena désigné parmi les plus ainés des notables de lignage. Ce dernier joue un rôle de l’Adjoint ou premier ministre de l’Ampanjaka.

En ce qui concerne son pouvoir, l’Ampanjaka est avant tout le gardien de la grande maison et le tombeau qui appartiennent à tous les membres de lignage. Il peut jouer au sein du groupe le rôle d’arbitre en cas de conflit familiale. À la réunion, l’Ampanjaka ne peut rien prendre aucune décision en son nom ; il la préside tout simplement, car ce qui exige d’abord qu’il sache recevoir. Ce conseil restreint comprendra les anciens des différents lignages, pour tout événement de quelque importance, ceux-ci prendront place à côté de l’Ampanjaka et joueront un rôle primordial. S’il s’agit d’un événement religieux, comme le mariage traditionnelle, prières au tombeau, offrande au Créateur et aux Ancêtres, c’est le Tangalamena qui prononce les prières et règle l’ordonnance de la cérémonie, tandis qu’un parmi des olon- dehibe ou des Garageha la fait chez les Antemoro.

En outre, les malgaches du Sud-Est croient que leurs chefs traditionnelles ont les qualités de créateur. Ce pouvoir créateur des Ampanjaka dérive de sa nature divine de « olo- masina » ; il paraît lié à une conception cosmique de la personne royale et du sacrifice où le Souverain Suprême offre son être pour la création. Ce pouvoir est lié toujours avec les esprits de la nature, avec ainsi dans les forces de la vie. Comme l’a bien montré Maurice Bloch : « Dans l’idéologie malgache, le pouvoir est représenté comme une essence immuable, étroitement liée à

102 Terme utilisé par certains Antemoro pour désigner la classe des Olon-dehibe. Voir Dominique Rolland, « Les Antemoro de la Matitanana », in Domenichini, J.-P., Poirier, J., Raherisoanjato, D., Ny razana tsy mba maty (Cultures traditionnelles Malgaches) , Op. Cit., pp. 116-117

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la nature et transmise uniquement à détenteurs légitimes »103 . C’est pourquoi donc les Ampanjaka et les Tangalamena du Sud-Est ont besoin toujours de l’eau. On connaît, à titre d’exemple cité par Philippe Beaujard 104 , l’importance des embouchures ou des confluents chez les Antambahoaka, les Antemoro, et les Betsimisaraka ; et même chez les Betsileo des Hauts- Plateaux celle des trous d’eau profonde, appelé « Antara ». Dans la circoncision, on constate que les Antambahoaka de Mananjary puisent à minuit à l’embouchure de la rivière du même nom l’eau de la circoncision, au milieu d’un remous de la rivière, où l’eau remonte (Miakatra itatra). C’est-à-dire la remontée apparente de l’eau vers sa source dans les tourbillons d’un confluent ou d’un trou de rivière pourrait être le fondement de l’attachement religieux des Ampanjaka. Ensuite, chez les Tanala de l’Ikongo comme chez les Antemoro, le nom du grand Ampanjaka – Andrianony : « Seigneur du fleuve » - indique un rapport privilégié avec l’eau, dont tous les rituels utilisent la force vitale. Ainsi, la fonction de l’eau dans toutes les cérémonies rituelles peut symboliser la souveraineté des Ampanjaka.

Pour conclure, face à son pouvoir, les Ampanjaka restent et occupent la position la plus haute dans la hiérarchie sociale des malgaches du Sud-Est. Quoi qu’il en soit donc, le système des classes d’âge dans la société Antambahoaka, Antemoro, Tanala et même les Betsimisaraka du Sud dévient une institution politique importante. Les classes d’âge ont permis de transposer ailleurs l’élaboration des stratégies politiques, et de permettre l’émergence des individus qui détiennent un pouvoir réel.

103 Bloch, M., « La séparation du pouvoir et du rang comme processus d’évolution. Une esquisse du développement des royautés dans le centre de Madagascar », in Raison-Jourde, F., Les souverains de Madagascar. L'histoire royale et ses résurgences contemporaines , Op. Cit, p. 277. 104 Beaujard, Ph., « Les conceptions symboliques de la royauté et l’exercice du pouvoir dans les royaumes tanala de l’Ikongo (XVIII e et XIX e siècles), in Raison-Jourde, F., Les souverains de Madagascar. L'histoire royale et ses résurgences contemporaines , Op. Cit, pp. 313-314.

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DEUXIEME PARTIE

LA DOMINATION ÉCONOMIQUE ET LA FORMATION DES ACTEURS POLITIQUES DANS LE DISTRICT DE MANANJARY

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I- Les conceptions du pouvoir politique et la domination économique dans le district de Mananjary

Comme le titre l’indique, la contrainte est au cœur du phénomène de pouvoir. Le pouvoir est toujours le pouvoir de... Et le pouvoir de... est bien celui de quelqu'un, d'un groupe, d'une classe. Là où il y a rapport de pouvoir, il y a rapport inégalitaire. Un rapport de domination donc, le pouvoir politique, c'est-à-dire celui qui détient le monopole du pouvoir économique.

La conquête et l’exercice du pouvoir dans tout le niveau de l’État constituent l’objet vif du jeu politique. Dans ce cadre, il convient de s’interroger tout d’abord sur le fondement et les conceptions du pouvoir politique à Madagascar. Et ensuite, nous nous contenterons de décrire la situation économique de district de Mananjary en abordant la forme de domination économique et lutte du pouvoir politique des différents acteurs de la scène politique de Mananjary.

1. Le fondement et les conceptions du pouvoir politique à Madagascar

1.1-Notion du pouvoir :

Comprendre le terme du « pouvoir », c’est donc rencontrer le problème de la domination, encore que la domination désigne une relation de fait, tandis que le pouvoir est la capacité – liée à une inégalité de statut et accompagnée de l’autorité – de commander, c’est-à-dire de contraindre, et d’être obéi. Comme le souligne justement Jean Marie Denquin dans son ouvrage : « le pouvoir se manifeste dans le dialectique de commandement et de l’obéissance »1.

Le pouvoir, ayant la faculté, le moyen, le droit, la permission, et la possibilité de faire quelque chose 2, prend aussi d’une part une forme d’une autorité, une puissance pour commander ou gouverner un pays, comme le remarque évidement Bertrand de Jouvenel : « le pouvoir politique c’est le commandement » ; et jouit d’autre part d’un droit d’exercer certaines fonctions. Comme par exemple le pouvoir d’un patron face à ses employés, le pouvoir de professeur face à ses étudiants, et le pouvoir d’un évêque à ses chrétiens dans un diocèse, etc. Mais, certains penseurs se sont contentés parfois d’expliquer le pouvoir dans la réalité objective. Pour Machiavel, le pouvoir est tel parce qu’il a réussi à s’imposer et à se maintenir grâce au talent du prince, à son art d’exploiter les circonstances. Alain Touraine nous définit que « le pouvoir est la

1 Denquin, J. M., Introduction à la science politique , Paris, Hachette, 2 e édition revue et augmenté, 2001, p. 27. 2 Larousse, Dictionnaire de Français , éd. vuef. France, 2003, p. 332. 66

capacité pour un membre d’une collectivité d’imposer à l’ensemble de celle-ci ses orientations, son mode de gestion ou de fonctionnement »3. Blaise Pascal reconnait que les puissances sont « des grandeurs d’établissement », établies arbitrairement par les hommes, mais il convient de les respecter comme un œuvre de la nature et de la raison. Karl Marx, quant à lui, conteste la transcendance de l’état : « le pouvoir est l’enjeu de la lutte des classes et un instrument d’oppression, au service de la classe économiquement dominante »4. La lutte que Marx évoque ici caractérise l’évolution historique de la société, c’est-à-dire depuis que les hommes se sont constitués en société, le pouvoir représente avant tout le pouvoir politique. Ce qui nous amène à nous demander quand ce pouvoir désigne ou devient généralement en « pouvoir politique » ?

Un panel de définitions est à rattacher au terme du pouvoir politique, mais nous n’en retiendrons que deux. Jean Marie Denquin disait que : « le pouvoir politique prend des décisions d’une particulière gravité : il décide de la paix et de la guerre et même, quand il est totalitaire, de la vie et de la mort de ses sujets pris individuellement »5. Pour Pierre Pactet, le pouvoir politique est comme : « un pouvoir de prévision, d’impulsion, de décision, de coordination qui appartient à l’appareil dirigeant du pays »6.

En général, le pouvoir politique est un pouvoir qui prend son caractère purement politique et prise par des autorités dites politiques. Dans la forme moderne ou démocratique, ce sont les gouvernés élisent ou choisissent les gouvernants. Ces derniers sont obligés de prendre en considération l’opinion de gouvernés, ou du moins du certain d’entre eux, car tout cela détermine, comme étant la source, la dureté de ce pouvoir. Dans ce cas, le pouvoir politique est donc un lien nécessaire pour assurer la cohésion sociale. Comme l’a bien souligné Père Sylvain Urfer, en s’inspirant dans le travail de Pape Paul VI, que : « le pouvoir politique est un objet de toute intervention en matière sociale et d’aider les membres du corps social, et non de les détruire ni de les absorber »7.

Ce type de pouvoir n’est plus alors une prérogative personnelle, il est donc au service d’un bien public et il est exercé conformément à un droit rationnel qui le limite. Mais nous ne

3 Touraine, A., Pour la sociologie , Paris, Seuil, 1974, p. 41. 4 Poty, M., « Le pouvoir, ou les pouvoirs ?» in Dewulf, G., Le pouvoir , Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 1994, p. 16. 5 Denquin, J. M., Introduction à la science politique , Op. Cit., p. 27. 6 Pierre Pactet cité par Randrianantenaina, E. F., Les élites politiques à Madagascar : cas de Vangaindrano , Mémoire de Maitrise, 2008, p. 18. 7 Urfer, S., Le doux et l’amer, Madagascar au tournant du millénaire , Éditions Foi et Justice, Antananarivo, 2003, p. 15. 67

savons pas exactement comment déterminer ce bien commun public. S’agit-il, dans le respect des libertés légitimes des individus, des familles et des groupes subsidiaires, afin de créer, efficacement et au profit de tous, les conditions requises pour atteindre le bien authentique et complet de l’homme, y compris sa fin spirituelle. Michèle Poty nous demande ici : « Est-ce la sécurité chez Machiavel, la paix intérieure et l’ordre social chez Hobbes, ou le bien vivre en commun d’Aristote, voire la prospérité ? Le pouvoir ne peut-il se tromper quant à l’évaluation du bien commun et entraîner toutes sortes de dérives ? Et ce bien recouvre-t-il les intérêts de la communauté tout entière ou seulement ceux d’un groupe ou d’une classe ? »8.

Le pouvoir politique se déploie dans les limites de la compétence qui peuvent être diverses selon les pays et les peuples. Il intervient toujours avec souci de justice et dévouement au bien commun, dont il a la responsabilité ultime. Il n’enlève pas pour autant aux individus et aux corps intermédiaires leur champ d’activité et leurs responsabilités propres qui les conduisent à concourir à la réalisation de ce bien commun.

Le pouvoir apparaît donc indissociable de la domination, c'est-à-dire d'une relation dissymétrique entre des individus qui sont en position de commander et d'autres qui leur doivent obéissance. Cette relation, dans laquelle la domination des uns a pour contrepartie la sujétion des autres, peut être mise en question quant à sa source, à sa légitimité, à son mode d'exercice. Nous allons comprendre pourquoi et à quelles conditions un ou plusieurs hommes peut-il ou peuvent- ils dominer et commander la plupart des hommes dans un pays, dans une région, dans une commune, etc ? Qu’est-ce qui les donne le droit de commander et aux autres le devoir d’obéir ? Ces questions principales nous amènent à nous comprendre clairement le fondement du pouvoir politique surtout à Madagascar .

1.2-Le fondement du pouvoir politique :

Au XIX e siècle, avec la constitution des sciences humaines, de nombreux penseurs 9, dont Montesquieu est le précurseur, ont tenté de répondre à la question du fondement du pouvoir politique par l'observation et la comparaison des réalités historiques et sociales plutôt que par le raisonnement spéculatif ou la réflexion critique sur l'expérience vécue. Marx et Engels 10 ont ainsi cru trouver la raison d'être du pouvoir politique dans la lutte des classes. Selon Marx, d’une

8 Poty, M., « Le pouvoir, ou les pouvoirs ?» in Dewulf, G., Le pouvoir , Op. Cit., p. 15. 9 Lapierre, J. W., « Le pouvoir politique », in Encyclopaedia Universalis 2010. 10 Marx et Engels cité par Lapierre, J. W., « Le pouvoir politique », in Encyclopaedia Universalis 2010. 68

part, « l'État est un organe de domination de classes, un organisme d'oppression d'une classe par une autre ». Dans la communauté primitive, dont Engels, d’autre part, avait réussi à trouver un exemple chez les Iroquois étudiés par l'ethnographe L. H. Morgan, il n'y a ni classes sociales ni pouvoir politique. Mais, dès que la division du travail aboutit à la formation de classes sociales dont les intérêts s'opposent, une « superstructure » politique (l'État) apparaît, puis se développe. « Le pouvoir public se renforce à mesure que s'aggravent les antagonismes de classes au sein de l'État et à mesure que les États contigus deviennent plus forts et plus peuplés ». Un auteur contemporain Nicos Poulantzas affirme encore, dans la lignée de Marx et d'Engels, que « le politique coïncide avec l'émergence d'un appareil autonomisé de gouvernement en rapport avec un groupe spécialisé et privilégié qui monopolise la gestion étatique »11 .

Le pouvoir politique, ses formes, ses modes d'organisation sont des réalités que les spécialistes de la sociologie politique actuelle constatent et cherchent à expliquer. Pourquoi n'y a-t-il pas de société humaine sans pouvoir politique ? Ou bien, si de telles sociétés existent, à quelles conditions peuvent-elles s'en passer ? Ces questions sont philosophiques. La tradition de la pensée occidentale nous donne deux réponses contraires, entre lesquelles le débat s'est renouvelé sans cesse du V e siècle avant J.-C. au XIX e siècle : selon la première, le pouvoir politique est une nécessité inscrite dans l'ordre de la nature ; selon la seconde, le pouvoir politique est un artifice qui résulte d'un accord passé entre les hommes pour mettre fin à des conditions naturelles d'existence jugées insupportables.

Tout d’abord, dans les théories théocratiques de la souveraineté, Jean Paul Jacqué, un spécialiste du droit constitutionnel, avait bien observé que le pouvoir a un caractère divin. Il écrit que : « le pouvoir vient de Dieu choisit directement le gouvernant. Dieu a non seulement établi le pouvoir, la providence a choisi une personne ou une dynastie pour l’exercer »12 . Il ajoute que la doctrine du droit divin providentiel trouve son origine dans la doctrine de Saint Paul et a été notamment développée par Thomas d’Aquin. Le fondement du pouvoir politique est bien divin en ce sens que toute autorité repose sur la volonté de Dieu, mais la forme du pouvoir est affaire humaine. Yvette Sylla soutient, preuves à l’appui, que le sacré est comme source de tout pouvoir à Madagascar. Elle disait qu’ : « aux origines du sacré, se trouvent les Ancêtres. Ce sont eux qui disposent du hasina et qui en font bénéficier les vivants, en particulier les chefs de famille (Ampanjaka), les chefs en général, mais surtout les détenteurs d’autorité, à savoir les Rois ou les

11 Poulantzas, N., Pouvoir politique et classes sociales , FM/ petite collection Maspero, Volume II, 1975, p. 12 Jacqué, J. P., Droit constitutionnel et institutions politiques , Paris, Dalloz, 1994, pp. 14-15. 69

souverains »13 . En outre, Maurice Duverger, quant à lui, cité par Paul Leroy, avait souligné ainsi que : « dans la société humaine, le pouvoir apparaît comme un phénomène aussi naturel que l’eau, le feu, la grêle, dans l’univers physique »14 . Ceci s’explique que le pouvoir est donc naturel car il vient de Dieu. Alors, il est probable que ce n’est pas tout le monde peut accéder de le prendre. En effet, il est réservé à un ou à des hommes les plus distingué de la société.

Ensuite, en général, il est bien évident que toute autorité politique ne se conçoit pas sans la force, c’est-à-dire sans la faculté de contraindre nécessaire pour assurer la sécurité, pour maintenir l’ordre ainsi que la paix. Comme le dit si bien Troutchki : « Tout État est fondé sur la force ». En effet, on peut supposer que dans des milliers sociaux où toutes les forces seraient absentes, le concept d’État disparaitrait et il ne subsisterait que ce qu'on appelle, au sens propre du terme, l' « anarchie » 15 . À Madagascar, Randrianantenaina 16 nous cite vraiment que, sous la période coloniale, des acteurs nationalistes malgaches ont été arrêtés et assassinés par des colons pour la revendication de l’Indépendance. Et ensuite sous les régimes de Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana, de nombreux acteurs politiques comme des maires, des députés de Madagascar dans des différentes régions de l’Île sont arrêtés. Cette force peut définir comme l’ensemble des moyens de contrôle, de pression, de coercition et de destruction dont dispose donc le pouvoir. Certes il peut employer bien d’autres moyens pour agir comme la ruse chez Machiavel et il ne peut être uniquement ni indéfiniment coercitif. Il faut un minimum d’adhésion de la collectivité au pouvoir et une légitimité de celui-ci.

La grande île de l’océan Indien, Madagascar connaît toujours, même depuis la période féodale en passant par la période coloniale, une forme de revendications politiques par des forces dont elle ne semble pas pouvoir sortir jusque-là. Parlons le rentré de Didier Ratsiraka au pouvoir par un « coup d’État » de mai 1972, qui entraîne la chute du régime du premier Président malgache, Philibert Tsiranana 17 . Puis, le drame refoulement des portes paroles de la manifestation de 10 août 1991 avec l’utilisation de mitraillettes et lâche des grenades par l’armée de l’État en exercice qui marque la grave de violence de la deuxième République 18 . Ensuite, la

13 Sylla, Y., « Pouvoir et Sacré dans l’histoire malgache », in Madagascar Fenêtres, Aperçus sur la culture malgache , Antananarivo, Cité, Vol 2, 2006, p. 102. 14 Leroy, P., Les régimes politiques du monde contemporain , Tom. I, Presses Universitaires de Grenoble, 1992, p. 8. 15 Weber, M., Le savant et le politique , 1919 in http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm , consulté le 17 novembre 2010. 16 Randrianantenaina, E. F., Les élites politiques à Madagascar : cas de Vangaindrano , Op. Cit., p. 23. 17 Archer, R., Madagascar depuis 1972, La marche d’une révolution , Paris, L’Harmattan, 1976, pp. 54-57. 18 Urfer, S., Le doux et l’amer, Madagascar au tournant du millénaire , Op. Cit., p. 11. 70

conséquence de résultat de l’élection présidentielle du 16 décembre 2001, qui entraîne la grave crise politique, économique et même social à Madagascar. Et enfin, le miracle de maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina en 2009, qui a réuni entre 30 000 et 50 000 personnes dans la capitale sur la place du 13 mai, formé rapidement une alliance de circonstance avec la plupart des partis d’opposition et une partie de la société civile qui se rallient à lui, et lance donc un appel à la grève générale « jusqu’à ce que le gouvernement du Charles Rabemananjara parte ». Andry Rajoelina a réussi finalement à prendre le pouvoir et prête serment le 21 mars 2009 pour devenir le nouveau président de la HAT 19 .

Quoi qu’il en soit, la force est donc le moyen spécifique et indispensable comme élément fondateur du pouvoir politique. Et force est de constater, selon l’histoire de Madagascar, la légitimité du pouvoir a précédé dans quelques mois, années de la légalité. C’est-à-dire, le pouvoir politique pris par la force prend sa forme et devient légitime comme le souligne justement Max Weber, quant à lui, qui reconnaît trois formes et fondements du pouvoir politique légitime à savoir : le pouvoir traditionnel, pouvoir charismatique et pouvoir légaliste .

1.3-Les conceptions du pouvoir politique à Madagascar :

La première conception malgache du pouvoir politique dont nous allons voir toute suite est celle dans la période féodale. Rappelons que jusqu’à la moitié du XVII e siècle, les habitants des différentes régions de Madagascar constituaient des clans indépendants ; chaque clan a eu son propre chef ou roi. Cette période est marquée par la tentative d’unification de ces clans. Voyons, dans la partie Sud-Est, les Antemoro recouvrirent une vaste région, contournant les plateaux par le Sud et le long de la côte Ouest de l’Île en utilisant les armes de fer fabriqué par l’une de leurs familles, les Antamby. Dans le pays Betsileo, par la suite, Andriamanalina, roi d’Isandra, avait pu à regrouper sous son autorité, de 1750 à 1790, les fiefs d’Imanga, du Lalangina, du Vohibato, de l’Homatrazo, du Tsienimparihy, de l’Analalindrano qui constituaient un immense royaume allant de la Mania au Nord jusqu’au Tsimandao et à l’Ihoasy au Sud, de la forêt orientale jusqu’à Midongy à l’Ouest. En fin, sur la côte Est, chez les Betsimisaraka,

19 Rapport Afrique de Crisis Group, « Madagascar : sortir du cycle de crises », N°156, 18 mars 2010, pp. 4-6., disponible sur http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/africa/southern- africa/madagascar/156%20Madagascar%20-%20sortir%20du%20cycle%20de%20crises.pdf , consulté le 25 décembre 2011. 71

Ratsimilaho avait unifié en 1712, avec l’appui des pirateries européens, tous les habitants de la côte Est de Madagascar 20 .

Mais, grâce à l’utilisation des fusils de commerçants Arabe, Andrianampoinimerina, le chef suprême de la royaume Merina, avait réussi enfin après la deuxième conquête de 1787 à 1810 à unifier tous les royaumes féodaux de Madagascar. Il va renforcer toute organisation. Cette organisation se caractérise tout d’abord dans un cadre spatio-géographique bien déterminé, c’est-à-dire le territoire. Andrianampoinimerina disait que : « ny ranomasina no valampaharihiko » en parlant de son frontière. Andrianampoinimerina dispose aussi de la force publique. Cette force n’est pas seulement d’hommes armés mais aussi d’annexes matérielles, de prisons et d’établissements pénitentiaires de toutes sortes. En fin qu’on puisse maintenir cette force publique, les citoyens doivent payer les impôts. L’existence de ces trois types d’organisation d’Andrianampoinimerina que Pierre Boiteau 21 , à travers le fondement théorie de l’État d’Engels, ait observé que le royaume féodal Merina avait possédé toutes les caractéristiques d’un État. C’est à partir de là que la conception du pouvoir politique est née à Madagascar. Six Rois ont été succédés après le roi Andrianampoinimerina dans le pouvoir monarchique malgache. La conception du pouvoir politique de cette époque consiste donc à en nier l’individu en tant qu’une seule personne et la domination. C’est-à-dire la loi du plus forte qui garantit donc la stabilité de la société féodale. La liberté dépende totalement de la force.

Ensuite, des nouvelles conceptions du pouvoir politique apparaissent à Madagascar après l’Indépendance politique du pays. Primo, le pays se contentait et rêvait une indépendance totale. Les élites nationalistes malgaches ont cherché à obtenir des réformes démocratiques : la liberté de presse, la liberté de réunion, de parole et ainsi que de suffrage universel voire le régime républicain comme en France. Ils pensaient qu’ils devraient prendre la tête du pouvoir du pays. Secundo, la grande Île a emprunté en 1975 la voie du socialisme sous le régime du Président Didier Ratsiraka. Ce choix du socialisme n’était pas un fruit du hasard. Comme l’a bien souligné dans la charte de la révolution socialiste malgache que : « la révolution nationale malgache prend ses racines dans l’âme malgache, elle est conditionnée par son environnement historique (domination coloniale) et géographique (position stratégique) »22 . Dans le courant socialiste,

20 Boiteau, P., Contribution à l’histoire de la nation malgache , Paris, éd. Sociales, 1958, p. 42-46. 21 Boiteau, P., Contribution à l’histoire de la nation malgache , Op. Cit., pp. 68-69. 22 La charte de la révolution socialiste Malagasy, 1975, p. 11. 72

d’après Paul Leroy 23 , les droits naturels de l’homme sont considérés comme une construction intellectuelle, métaphysique, dépourvue de rapport avec la réalité. Dans ce cas, l’homme grâce à sa liberté est le moteur de la transformation sociale. C’est la raison pour laquelle, relate la ROI, que : « la République démocratique nouvellement renommée de Madagascar tente d’établir une nouvelle société fondée selon des principes socialistes, et guidée par les actions des cinq piliers de la révolution : les paysans et les ouvriers, les jeunes intellectuels, les femmes et les forces armées populaires »24 . Le pouvoir politique est donc considéré comme un instrument pour faire fonctionner la transformation des sociétés. Les acteurs politiques malgaches de cette époque, défendant toujours la classe de masse et interdisant la domination de la bourgeoisie, veulent alors que l’homme de la révolution prenne la tête du pouvoir politique. L’organisation des organes de l’État prévu dans la constitution devient pyramidale et est dotée d’un centre de commandement dans la capitale dont les décisions se répercutent à tous niveaux sans être contestées. Seize années du régime révolutionnaire, étant arrivé à un stade de quasi-faillite au début des années 1980 25 , suffiront à entrainer sa chute en 31 octobre 1991.

Tertio, l’échec du processus de la démocratisation en 1992 et la conception de la richesse comme prestige sociale dans la grande Île permettent à apparaître une nouvelle ère de la vie politique malgache que le courant capitaliste prend une considération dans le monde africain, particulier à Madagascar. Le courant capitaliste, en général, met l’importance de « capitale sociale » dans la société. Il faut que le pouvoir politique doive destiner pour les propriétaires des entreprises c’est-à-dire les opérateurs économiques. Ces pensées sont apparues juste après la troisième révolution dans l’histoire de l’humanité. C’est-à-dire la révolution industrielle. Pour le capitaliste, la direction de l’État est guidé comme celle dans l’entreprise « au minimum de dépense avec un maximum de profit » pour le développement du pays. Le régime du Président Marc Ravalomanana en est un bon exemple pour Madagascar. Ce dernier affirmait en 2002 que : « un pays se gère comme une entreprise »26 .

Cette dernière conception prend une considération dans la vie politique malgache actuelle surtout dans des différentes régions de Madagascar notamment Mananjary. Quoi qu’il en soit, pour terminer ce paragraphe, toute tentative de domination est considérée dans notre époque

23 Leroy, P., Les régimes politiques du monde contemporain , Op. Cit, pp. 14-15. 24 Revue de l’Océan Indien (R.O.I.), n° 332, Décembre 2011, p. 41. 25 Rakotoarisoa, J. E., « 1991-2002 : le difficile apprentissage de la démocratie », in Afrique contemporaine, N° 202-203, avril-sept. 2002, p. 16. 26 Raison-Jourde, F. et Raison, J.-P., « Ravalomanana et la troisième indépendance », Politique africaine , n° 86, juin 2002, pp. 7-8. 73

actuelle un pouvoir politique et surtout dans l’appareil de l’État, y compris au niveau national, régional et même local. Alors, nous allons voir par la suite la forme de domination économico- politique qui favorise la formation des Acteurs politiques dans le district de Mananjary .

2. Domination économique et lutte politique dans le district de Mananjary 2.1-La domination économique et la formation des acteurs politiques dans le district de Mananjary : Antonio Gramsci nous introduit ici à propos de ce chapitre qu’il y a une rupture théorique entre les deux conceptions à savoir « hégémonie et domination » sur la formation du capitaliste. Selon lui, « une classe peut et doit devenir une classe dirigeante avant qu’elle ne soit une classe politiquement dominante peut conquérir l’hégémonie avant la conquête du pouvoir politique »27 . C’est-à-dire, dans ce contexte, le concept d’hégémonie d’une part indique effectivement le fait qu’une classe impose à une formation sa propre conception du monde, conquiert donc en ce sens la place de l’idéologie dominante, et ceci avant la conquête du pouvoir politique. D’autre part, selon Weber, la domination implique, outre la contrainte économique et la violence physique, « un travail toujours recommencé de légitimation de leur position par les dominants »28 . Par ailleurs, Nicos Poulatzas, quant à lui, en s’inspirant dans la théorie Marxiste, suppose que : « l’idéologie dominante dans une formation sociale est, en règle général, l’idéologie de la classe dominante »29 . Ce qui explique par rapport à celle de Gramci que le terme domination indique et se manifeste dans l’idéologie de la classe dominante dans une société. Cette idéologie se manifeste ainsi à la fois dans la classe bourgeoise disant la classe économiquement dominante. Cette idéologie constitue une conception du monde caractéristique de l’ensemble d’une formation, dans la mesure où elle est génétiquement rapportée à la fois dans la classe montante. Le rôle politique de l’idéologie dominante à celle de la classe économiquement dominante consiste en ce qu’elle tente d’imposer, à l’ensemble de la société, un mode de vie à travers lequel l’État sera vécu comme représentent de leur intérêt général. La pratique politique ainsi que les actions des acteurs politiques s'insèrent tout logiquement dans un système politique du pays qui s'explique par le paradigme de recherche

27 Poulantzas, N., Pouvoir politique et classes sociales , Op. Cit., p. 24. 28 Max Weber cité par Mauger, G., « Classes dominantes » in Encyclopaedia Universalis 2010. 29 Poulantzas, N., Pouvoir politique et classes sociales , Op. Cit., p. 21. 74

hégémonique qu'a utilisé Jean François Bayart 30 qui s'articule à travers une triple dimension d'autonomisation du pouvoir, d'accumulation des richesses et de sens commun de la domination, pour déterminer le politique. Le paradigme de la recherche hégémonique permet donc de préciser les frontières du politique dans la mesure où la qualification politique d'une pratique ou d'un mouvement social réside dans sa capacité à structurer dans sa globalité les enjeux et les questions sous-jacentes à la recherche hégémonique.

Rappelons que durant cinquante années de vie politique après l’Indépendance politique de Madagascar, ce sont les élites intellectuelles, les militaires et les élites économiques qui se sont succédé dans le pouvoir d’État malgache. Nous y distinguons notamment les enseignants, les juristes, le professeur en médecin ainsi que les officiers supérieurs comme Amiral, Général, Colonel, etc. Ils occupent massivement l’espace politique et dominent dans le secteur économique du pays depuis la première République jusqu’au deuxième mandat de la troisième République de Madagascar. Ces élites montent avant et après l’indépendance et prennent conscience de la situation coloniale dans ses contradictions profondes. Elles la contestent au niveau de la culture et s’engagent ensuite dans la lutte de libération, et prennent aussi la relève du pouvoir colonial.

C’est un peu plus tardif que les bourgeoisies d’affaires ou les élites économiques occupent et montent au pouvoir d’État à Madagascar, dont l’ex-Président de la République, Marc Ravalomanana, un milliardaire propriétaire d’une grande entreprise agro-alimentaire Tiko, fut le premier. Et ensuite le chef actuel de la transition, Andry Nirina Rajoelina, un grand opérateur économique, est le second. Ce phénomène arrive presque partout en Afrique car le monde s’affronte, tout d’abord, une nouvelle ère issue de la mondialisation que nous vivons actuelles. C’est ainsi que Daniel Fanjava nous stipule expressément, preuves à l’appui que : « le pays aspire et demande de trouver un style de développement et de culture adapté à cette réalité »31 . C’est pourquoi les élites intellectuelles et militaires sont à notre époque dépassées par la bourgeoisie d’affaires qui détient en main le pouvoir politique et économique du pays. Et ensuite, l’échec du processus de la démocratisation fait par le résume en place en 1991 à Madagascar qui s'est engagé pour des motifs économiques. La libéralisation de l'économie a révélé l'aspiration de la population à davantage de liberté sur le plan politique. Cette aspiration à

30 Tekpibele Masudi, P., Guerres et circulation des élites politiques en province orientale de la République Démocratique du Congo , Op. Cit., p. 65. 31 Fanjava, D., « Les intellectuels chrétiens d’Afrique et de Madagascar face à la révolution du développement et de la culture », in soritra-pespectives, Revue semestrielle du Développement , n° 1, Antananarivo, 1978, p. 171-172. 75

la démocratie fut clairement exprimée lors des deux concertations nationales organisées par le FFKM à la fin des années 1990 32 .

Force est de constater que depuis l’indépendance, ce sont les métis chinois qui détiennent le pouvoir économique presque dans la région Vatovavy Fitovinany. Ils repartissent presque partout dans les communes rurales où elles sont dotées à forte potentialités économiques. Leurs idéologies sont dominantes à Mananjary. Ils étaient forcement à intégrer dans la scène politique autour de la troisième république de Madagascar pour défendre leurs intérêts. D’autres personnalités économiques et même de petits commerçants dans des différentes communes d’origines ne peuvent accéder. Seulement leurs familles ou leurs proches peuvent la pratiquer. L’un des facteurs qui empêchent dans le chemin de développement est donc la domination de ces métis chinois. Parlons la construction de RN° 11 qui relie Mananjary et Nosy-Varika. Cette construction reste toujours une promesse pendant la propagande. Mais le monde s’évolue et se développe de temps en temps. C’est à partir de l’an 2000 qu’apparaisse des différentes nouvelles têtes d’élites économiques qui investissent et occupent l’espace économique de district. Là où la domination entre ces acteurs commencent. Le rapport de force entre eux dépend de leur niveau de richesse.

L’antagonisme entre les métis chinois et les élites économiques montantes indique pourtant, en plus de ce problème sur lequel on a insisté jusqu’ici dans ce chapitre, une autonomie relative de l’État et de société. Le rapport de l’État représenté par le district et de l’intérêt supérieur de ces élites que Marx distingue maintes fois de leur intérêt privé et économique. En effet, une classe hégémonique, celle qui détient finalement le pouvoir politique d’une formation sociale à autonomie de la lutte économique et de la lutte politique, ne peut dominer effectivement qu’en érigeant ses intérêts économiques en intérêts politiques. C’est pourquoi que Nicos Poulantzas nous conclure que : « le concept d’hégémonie, appliqué à la domination à direction hégémonique de classe de formations capitalistes, connote ici les caractéristiques spécifiques mentionnées de l’idéologie capitaliste dominante, au moyen de laquelle une classe ou fraction réussit à se présenter comme incarnant l’intérêt général du peuple-nation, et

32 Rakotoarisoa, J. E., « 1991-2002 : le difficile apprentissage de la démocratie », in Afrique contemporaine , N° 202-203, avril-sept. 2002, p. 15. 76

conditionner par là-même une acception politique spécifique de sa domination de la part des classes dominées »33 .

Pour terminer, solidaire d'une représentation multidimensionnelle de l'espace social, le concept de la domination que nous venons de décrire, nous permet d'analyser à la fois les clivages qui la traversent et les bases de la solidarité organique entre les différents pouvoirs, les luttes permanentes pour le principe de domination dominant et les échanges permettant d'instaurer des relations d'obligation et de reconnaissance entre les différents champs.

2.2-La lutte politique dans le district de Mananjary :

L’histoire de la lutte politique du pays même depuis la période féodale n’est qu’une lutte économique. Pierre Boiteau nous découvre dans la période féodale que : « les alliances se nouent et se dénouent. Les chefs locaux n’aspirent qu’à leur propre profit, se battent les uns contre les autres »34 . Ferdinand Deleris, en s’inspirant dans les travaux de Robert Archer, relate que : « le régime du Président Philibert Tsiranana a été en fait renversé par la bourgeoisie merina. Mécontente d’être exclue du pouvoir politique, insatisfaite de sa position dominante dans la haute administration, elle aurait redouté la montée en puissance de la bourgeoisie côtière »35 . Et ensuite, le duel entre Marc Ravalomanana et Didier Ratsiraka en 2002 et la tentative d'isolement de la capitale par les gouverneurs de province que la résurgence de l'opposition entre les bourgeoisies Merina et Côtiers 36 , permettent de souffrir la grande Île. Et enfin, l’accession de l’actuel chef de la transition, Andry Rajoelina avec l’appui des différents opérateurs économiques de la capitale. Depuis l’indépendance, les élites politiques malgaches n’ont jamais permis le développement d’institutions solides et stables, préférant les instrumentaliser pour servir leurs intérêts ou tout simplement les ignorer.

Les nouveaux acteurs montants deviennent une force décisive dans la lutte politique contre la domination de la grande bourgeoisie métisse chinoise dans le district de Mananjary et de leur « aristocratie financière », en même temps qu'elle commence à développer sa lutte contre le capital. Cette contradiction a sa contrepartie pratique immédiate : par exemple, dans l'incapacité de reconnaître le caractère objectivement national de la lutte politique, et la nécessité,

33 Poulantzas, N., Pouvoir politique et classes sociales , Op. Cit., p. 43. 34 Boiteau, P., Contribution à l’histoire de la nation malgache , Op. Cit., p. 43. 35 Deleris, F., Ratsiraka : Socialisme et misère à Madagascar , Paris, L’Harmattan, 1986, p. 26-27. 36 François Roubaud, « Madagascar après la tourmente : regards sur dix ans de transitions politique et économique », in Afrique contemporaine , N° 202-203, avril-sept. 2002, p. 6. 77

pour lutter contre la domination économique des métis chinois, de lutter aussi contre sa domination politique.

L'état de rapport des forces entre les classes qui luttent les unes contre les autres dans la société mananjaroise dépend de leur niveau économique et leur capacité d’intégrer dans la société : l'affaiblissement de la bourgeoisie et son isolement résultent de l’accession des nouveaux acteurs montants ainsi que parallèlement dans la reproduction sociale de classe. Comme nous l’avons déjà indiqué, l’histoire de la société est celle de la lutte économique et politique. La reconstitution très minutieuse que nous proposons à ce chapitre est effectivement centrée sur une prise en compte des variables économiques, sur l'analyse des rapports de classe et des positions occupées par les différentes forces en présence, des modifications de leur pouvoir respectif et de la formation des alliances.

Force est de signaler ici que la lutte pour le pouvoir est au cœur de la vie socio- politique de district de Mananjary : des partis, des personnalités, des clans ou même des familles se battent pour prendre le pouvoir ou s'y maintenir. La réflexion sur le pouvoir dont nous l’avons déjà mentionné ci-haut est au centre de la sociologie politique et même philosophique. Voyons que depuis Platon, elle ne cesse de se demander comment et à quelles conditions un ou plusieurs hommes peuvent gouverner toute une cité. Du procès de Socrate à l'affaire Dreyfus et aux purges staliniennes, des tueries de César Borgia aux camps de concentration hitlériens, le scandale de l'abus de pouvoir renouvelle toujours l'interrogation sur ce qui justifie le pouvoir politique et sur ce qui pousse tant d'hommes à risquer leur vie ou à l'user pour conquérir le pouvoir et l'exercer.

Des tensions politiques dans de nombreuses communes dans le district de Mananjary menacent la société. Citons tout d’abord, dans la commune urbaine de Mananjary, les rivalités entre l’actuel maire Razafindrakoto Samuel et le jeune opérateur économique, Patrick Pivot, un métis français-antambahoaka qui prétende au poste de la mairie de cette commune urbaine. Ensuite, le maire antandroy Kotosoa, un nouveau acteur montant de la période de l’accession de Marc Ravalomanana au pouvoir et le métis chinois Mac Tong Tsoy dans la commune rurale de Mahavoky-Nord ; l’artiste et instituteur prétendant d’ethnie Antambahoaka Andrianirina Jean Bosco et le métis chinois Tsin avec l’appui de maire en exercice Andriamazaoro Guy Marie François, merina, dans la commune rurale . Le maire Randriamaniry Georges, un instituteur et commerçant d’ethnie tanala et le métis chinois Tianarivo Jean Henri dans la commune rurale de Vohilava. La rivalité entre le maire actuel Mamihaja Charlot, un jeune

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opérateur économique betsileo et le métis chinois Sylvin de la commune rurale Marofototra. Cette affaire a été portée dans le tribunal de la première instance de Mananjary. Des nouveaux acteurs économiques, pour terminer ces exemple, antemoro, tanala, betsileo, merina et betsimisaraka montants et les métis chinois dans quelques communes rurales comme Kianjavato, Antsenavolo, Antaretra, Andonabe. Ces tensions provoquent de conséquences graves au sein de la société à savoir la fissuration au sein de la vie sociale, la disparition du concept « fihavanana » malagasy, la séparation au sein des chefs traditionnelles, des clans, des familles et ainsi que le retard au développement tant espérer depuis longtemps.

La lutte pour le pouvoir devient alors à Mananjary et même comme partout à Madagascar une course inexorable, acharnée, pour la promotion sociale. Les élections et même la profite de la crise sont caractérisés par les conflits d’intérêts structurant les habitus et les ambitions. Ils sont civils ou belligérants, leurs origines, leur formation, leurs parcours les rattachent à la strate privilégiée de la société centrale qui, par le biais des affaires, de l'administration ou de la politique, a gravité dans l'orbite du pouvoir. C'est dans ce contexte qu'émergent et forment les élites politiques de district en particulier, et même à Madagascar en général. Dans ce cas, les familles, les clans, les ethnies et les territoires, voire les communes et les quartiers sont heureux en voyant leurs «fils» ou leurs natifs occuper un poste de pouvoir politique. La détention du pouvoir politique devient alors une ressource collective à savourer par toute la communauté ou du moins, auquel s'identifie toute la communauté d'origine du promu. La jubilation de l'accession au pouvoir considérant comme accession à la classe de la bourgeoisie car, la réussite économique, sociale, politique est toujours perçue comme un capital commun et collectif dans la région de Mananjary.

Robert Alan Dahl part d'un postulat selon lequel l'accession à des postes politiques de direction et ainsi que le combat pour conquérir au pouvoir nécessitent un certain nombre de ressources : la richesse, la compétence et le prestige. Il explique et observe ainsi par la suite que « deux cas de figures s'offrent alors : soit un groupe ou une élite possède ces trois ressources, dans ce cas nous sommes dans une oligarchie, soit plusieurs groupes ou élites possèdent chacun une (voire deux) de ces ressources. Nous sommes dans ce cas-là dans une polyarchie ». Le pouvoir politique, la direction de l’État et même tous les intérêts sont alors partagés entre ces différents groupes dominants qui ne cumulent jamais les trois ressources. Cette explication est bien vérifiée dans la réalité qui suscite la vie politique de la grande île comme l’a bien marqué

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dans le rapport de Crisis Group que « un petit groupe d’individus qui gravite autour de la présidence conduit les affaires de l’État et court-circuite les mécanismes institutionnels de décisions. Celles-ci se prennent en comité restreint, au sein du « Groupe », composé de conseillers officiels ou officieux du président et de quelques ministres. Plusieurs d’entre eux ont une expérience politique très limitée et ne sont ni des technocrates ni des élus, mais font partie du cercle de proches du président depuis longtemps »37 . Ces différentes élites autour du Président doivent donc s'allier pour trouver des décisions communes finales. On parle donc de système de pouvoir pluraliste compétitif puisque les élites sont en compétition pour faire accepter leurs choix, idées, etc. ; et équilibré (on conçoit que les groupes ont à peu près les mêmes ressources).

Si Madagascar a ainsi pu passer du socialisme sous Didier Ratsiraka (1975-1993) à l’ultralibéralisme sous Marc Ravalomanana, les modes de gouvernance ont en fait peu changé, et sont restés marqués par un autoritarisme récurrent, patrimonialisant l’État et bénéficiant à une toute petite classe de la population. Cet ultralibéralisme de Marc Ravalomanana favorise une émergence de nouvelles classes économiques dans le district de Mananjary. L’accession de ces nouvelles élites alimente des luttes ainsi que des tensions politiques. Ce qui nous reste cependant de construire un répertoire pour identifier les principaux acteurs politiques de district de Mananjary.

II- Reconfiguration de l’espace politique et identification des principaux Acteurs de la sphère politique de Mananjary :

Des différents acteurs politiques émergent et investissent l'espace politique dans tout le niveau dans le district de Mananjary. Ils sont tous viennent des différentes catégories sociales. Pour mieux aborder cette identification de nos acteurs, nous pensons que deux axes importants doivent être explorés. Primo , les acteurs élus dans les élections de 2007 et les membres du parlement de la Transition à notre époque. Ces acteurs détiennent encore le pouvoir politique de district jusqu’actuellement. Et puis, Secundo, les acteurs politiques qui prétendent au poste de la mairie et au poste parlementaire de la IV e République de Madagascar qui n’aura pas eu lieu jusque-là.

37 Rapport Afrique de Crisis Group, « Madagascar : sortir du cycle de crises », Op. Cit., p. 2. 80

3. Les acteurs élus aux élections de 2007 et les membres du parlement de la Transition : La décentralisation a instauré un système administratif caractérisé par un partage du pouvoir entre plusieurs niveaux d’autorité. Pour ce faire, « l’État transfère , selon l’Anthropologue Yaouaga Félix Koné, quelques blocs de compétences et de moyens à des collectivités locales (de base et intermédiaires) dans des domaines précis »38 dont dispose les communes et les districts. Nous allons présenter successivement dans ce chapitre les principaux détenteurs des pouvoirs politiques communaux et parlementaires dans le district de Mananjary.

3. 1-Les maires des 29 communes de district de Mananjary :

Les acteurs communaux ou les élites municipales sont ceux qui détiennent le chef d’administration d’une commune. Ces communes constituent, selon la constitution de la IV e République 39 , les collectivités territoriales décentralisées de base. Elles sont urbaines ou rurales en considération de leur assiette démographique réduite ou non à une agglomération urbanisée. Les acteurs communaux ont pour tâche de concourir au développement économique, social, culturel et environnemental de leur ressort territorial. Leurs compétences tiennent compte essentiellement des principes constitutionnels et légaux ainsi que du principe de proximité, de promotion et de défense des intérêts des habitants. Ils sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de 4 ans.

Nous allons présenter dans le tableau suivant les maires des 29 communes qui constituent le district de Mananjary. Ils sont élus dans l’élection de 12 décembre 2007, et continuent encore leur travail jusqu’à actuellement selon la décision de Gouvernement de la Transition même si leur mandat doivent s’arrêter dans le mois de décembre 2011. Ce sont les maires seules qui sont les acteurs élus démocratiquement à Madagascar.

38 Félix Koné, Y., « Quelles légitimités pour l’exercice du pouvoir communal ? », in Claude Fay, Yaouaga Félix Koné, Catherine Quiminal, Décentralisation et pouvoirs en Afrique. En contrepoint, modèles territoriaux français. Colloques et Séminaires, Hôtel Mandé, Bamako, 2002, p. 126. 39 Lire Article 148-149, 151 de la constitution de la quatrième République de Madagascar, 2010. 81

Tableau n°1 : Les maires des 29 Commune s de district de Mananjary

Origine Origine Activité Pratique Nom et prénoms Communes ethnique sociale principale politique RAZAFINDRABOTO Métis vazaha / Bourgeois Instituteur TIM C.U. Manajary Samuel Antambahoaka RANDRIAVELO Odilon Mahatsiaro C.R. Antambahoaka Paysanne Cultivateur Tena Ambohitsara-Est RANDRIAMANIRY Tanala Paysanne Instituteur TIM C.R. Vohilava Georges Antaretra LOC Hoe Sing Métis chinois Bourgeois Commerçant C.R. Antaretra Mandroso RAHARINIRINA Jean Métis chinois / Paysanne Commerçant AME C.R. Morafeno Claude Antambahoaka RA ZAFIMAHERY Serge C.R. Betsileo Paysanne Commerçant TIM Conrad Vatohandrina Akanga C.R. IARIVELO Norbert Tanala Paysanne Cultivateur Miaradia Ambohimiarina RAZAFIMANDIMBY C.R. Ambalahosy Merina Bourgeois Commerçant AME Marc Nord Ankatafana FRANCIS Antemoro Paysanne Cultivateur C.R. Ankatafana miaradia RANDRIAMANANTSO Mananara Betsimisaraka Paysanne Instituteur C.R. Marokarima A Berthin Fanilo RAMANANANDRO Instituteur Betsileo Paysanne TIM C.R. Anosiparihy Bernard (retraité) RABOTOVAO François Tanala Paysanne Instituteur AME C.R. Tsiatosika De Sales C.R. ANDRIANIRINA Hsu - Métis chinois Bourgeois Commerçant TIM Ambahinihaonan Hu - Seing a

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RAZAFINDDRAMANA Métis chinois Bourgeois Commerçant TIM C.R. Antsenavolo NA Thiéry TIANANAHARY Sylvain C.R. Manakara- Tanala Paysanne Commerçant TIM Gaspard Nord Indépendant MAMIHAJA Charlot Betsileo Paysanne Commerçant C.R. Marofototra Haja ANDRIAMAZAORO C.R. Merina Bourgeois Commerçant TIM Guy Marie François Andranambolava Marompitia SELSON Stéphano Metis chinois Borgeois Commerçant Andonabe C.R. Andonabe Ludovic mandroso RAZAFIMAHATRATRA C.R.Mahatsara Tanala Paysanne Instituteur TIM Fidèle Iefaka RANDRIANAIVO Betsileo Paysanne Commerçant AME C.R. Tsaravary Johnny Alphonse ANDRIAMAMONJISO A Firaisankina Merina Paysanne Commerçant C.R. Sandrohy Hajatiana no hery C.R. Mahavoky KOTOSOA Antandrohy Paysanne Commerçant AME Nord RABEMAHARAVO Jean C.R. Betsileo Paysanne Commerçant TIM Léopold Andranomavo Lan -TU-Hin Léon Indépendant Métis chinois Bourgeois Commerçant C.R. Kianjavato Stéphan Stéphane (Antemoro) SERA Paysanne Instituteur TIM C.R. Mahela Antambahoaka C.R. GEORGES Jean Baptiste Tanala Paysanne Instituteur AME Ambodinonoka

BOTO Justin Antemoro Paysanne Technicien TIM C.R. Namorona

C.R. Mahatsara- JUSTIN Antemoro Paysanne Instituteur TIM Sud

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SAMIZAFY Jean Laurent Betsimisaraka Paysanne Commerçant TIM C.R. Marosangy

Source: Journal officiel de la République de Madagascar, Annexe au jugement n°-TA/FI/EL du 12 décembre 2007, jeudi 03 Juillet 2008, pp.4708-4736, et plus entretien.

Il ressort de ce tableau qu’il y a beaucoup d’évolution des têtes d’hommes politiques dans le district de Mananjary par rapport à celle de 1998 et 2003. Il est marqué par l’accession des nouveaux acteurs économiques et les fonctionnaires à la scène politique de district. Rappelons que dans le premier mandat de la troisième République de Madagascar jusqu’à la fin du régime Didier Ratsiraka, la majorité de communes rurales, surtout les communes à fortes potentialités économiques (café, poivre, girofle, Or, …) comme les communes rurales qui se situe dans la partie Ouest et Nord-Ouest de district comme Mahavoky-Nord, Marofototra, Andranomavo, Vohilava, Marokarima, Tsiatosika, etc, était presque dominé totalement par les métis-chinois. Mais, ils ne représentent que 20 % des maires restent dans l’élection maire de 12 décembre 2007. C’est-à-dire 6 sur 29 maires dans le district. La présence des nouveaux acteurs économiques qui répartissent dans des différentes communes tiennent compte sur l’évolution de la vie politique de district de Mananjary.

Afin qu’on puisse comprendre notre étude, nous allons citer quelques cas. Commençons dans la commune rurale de Mahavoky-Nord, le commerçant de zébus, maire Kotosoa, d’originaire de l’antandroy, a réussi à battre deux fois (dans l’élection maire de 2003 et 2007) le candidat TIM, Hermane dit Heribe, d’origine merina appuyé par l’ex-maire de Mahavoky-Nord, Mac Tong Tsoy, un homme politique du commune 40 . Le maire de Mahavoky-Nord, Kotosoa, devient actuellement un grand homme d’affaire. Ensuite, dans la commune rurale de Marofototra, un jeune acteur économique, sortant de l’université d’Antananarivo, Mamihaja Charlot, un betsileo, a été élu face à la métis-Chinois Sylvin. Ce jeune nouvel acteur a été appuyé par Alain Ramarson, l’actuel membre de la CST, dans cette dernière élection 41 . De même, Rabemaharavo Jean Léopold, maire de la commune rurale Andranomavo de l’ethnie betsileo, a

40 Entretien avec Monsieur le Maire Kotosoa et Marolahy Philippe, membre de conseillé communale, Mahavoky- Nord, le 7 juin 2011. 41 Entretien avec monsieur le maire Mamihaja Charlot, à Mananjary le 3 septembre 2011. 84

pu sortir en 2007 le métis Chinois Gilde 42 . Parmi les acteurs qui prétendent à la mairie d’Andranomavo, l’actuel maire sera encore bien positionné selon le sondage politique. Ensuite, l’arrivé de Rabotovao François De Sales, un instituteur d’origine Tanala, au pouvoir dans la commune rurale de Tsiatosika face à l’ex-maire Metis chinois, Julien ; et de Randriamaniry Georges, un instituteur d’origine Tanala, dans la commune rurale de Vohilava face toujours à ce métis chinois 43 . Et enfin pour terminer cet exemple, le miracle de Randrianaivo Johnny Alphonse, un betsileo d’Ambositra, dans la commune rurale de Tsaravary 44 , un troisième village d’Antambahoaka après Mananjary et Ambohitsara-Est. Ce dernier est une personnalité commerçant de la commune.

Seules les communes rurales Ambodinonoka, Kianjavato, Antsenavolo, Antaretra, Andonabe et Morafeno sont encore destinées par les métis chinois. Dans certaines communes comme Andranambolava, Sandrohy, les maires merina dans ces communes sont de la famille des métis chinois. Tous ceux-ci nous confirme que la société change et évolue dans l’espace et dans le temps.

3.2-Les membres du CST et CT d’originaire de Mananjary :

Le parlement est une institution qui comprend l’Assemblée Nationale et le Sénat. Son rôle en temps normal est de voter la loi, il contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques. Les membres de l’Assemblée Nationale, prévu dans notre constitution, sont élus pour cinq ans au suffrage universel direct et portent le titre de « Député de Madagascar ». Tandis que les membres du Sénat sont appelés de « Sénateurs de Madagascar », ayant un mandat de cinq ans aussi. Le Sénat comprend, pour deux tiers, des membres élus en nombre égal pour chaque Province, et pour un tiers, des membres nommés par le Président de la République 45 .

La République de Madagascar sous le régime de Marc Ravalomanana est dotée démocratiquement cette institution. Quant aux évènements 2009, deux jours seulement après la passation de pouvoir, Andry Rajoelina annonce la mise en place d’un « régime de la Transition vers la IV e République ». Il dissout le parlement et le Sénat, dont les attributions sont désormais

42 Entretien avec monsieur le Maire Rabemaharavo Jean Léopold, Andranomavo le 18 septembre 2011. 43 Entretien avec monsieur le maire Rabotovao François De Sales, Tsiatosika le 23 septembre 2011. 44 Entretien avec monsieur le maire Randrianaivo Johnny Alphonse, Tsaravary le 24 septembre 2011. 45 Article 68-69, 80 de la constitution de la quatrième République de Madagascar, 2010. 85

exercées par la HAT et un Conseil pour le redressement économique et social, deux organes composés de fidèles, et par le gouvernement. Seul ce dernier et le Président exerceront la fonction législative 46 . Mais afin qu’on puisse trouver de solution pour sortir de cette crise, le Président de la Transition était forcé de mettre en place cette institution comme prévu dans la feuille de route, et nomme les membres de cette institution sur les listes des personnalités proposés par les Acteurs politiques partie prenante à la Feuille de route. Cette institution sera chargé du contrôle du travail du Gouvernement de la Transition et, de ratifier les ordonnances adoptés pendant la transition, en particulier celles qui concernent le processus électoral, ainsi que de la Proposition et de l’Adoption de la Législation pertinente 47 .

Dont voici dans le tableau suivant les membres du CST et CT nommé d’originaire de district de Mananjary. Ils sont au nombre 8, dont seule une femme et 7 hommes également.

Tableau n°2 : Les membres du CST

Origine Origine Activité Entité Poste politique déjà Nom et prénoms ethnique sociale principale politique acquis Ex-Député élu à ANDRIAMAMPANDRY Adjoint Mananjary B sous le Antemoro Paysanne UDR-C Joseph Désiré technique premier mandat de Marc RAVALOMANANA

RAMPARANY Ramanana Opérateur Conseiller technique de Antemoro Paysanne ESCOPOL Anthélme économique Ministre Jean Claude

Source : Liste des membres du CST et CT plus entretien.

46 Rapport Afrique de Crisis Group, « Madagascar : sortir du cycle de crises », Op. Cit., p. 8. 47 Article 7 et 9 de la Feuille de route pour sortir de crise à Madagascar. Engagements des Acteurs politiques Malgaches, 16 Septembre 2011. 86

Tableau n°3 : les membres du CT :

Origine Origine Activite Entité Poste politique déjà Nom et prenoms ethnique sociale principale politique acquis

ANDRIAMORATSIR RAVALOMA Assistant Parlementaire de Antambahoaka Paysanne Consultant ESY Sandros Alfred NANA (TIM) Député Gerard (TIM)

Vazaha/Antamb Prési dent Fivondronan'ny JEAN Yves Paysanne Instituteur MDM ahoaka Mananjary (II e République)

Conseiller Régionale (II e Opérateur RAVALOMA KATHY Merina Bourgeois Mandat de économique NANA (TIM) RAVALOMANANA Marc) Poste de la Ancien Maire du C.R. LAIZOMA Etienne Antambahoaka Paysanne Communicati ESCOPOL Antsenavolo on Ex-député de Madagascar élu Nosy-Varika (1998- Opérateur RAVALOMA MAC Tong Ki Jean Yves Métis chinois Bourgeois 2002) - Sénateur de économique NANA (TIM) Ma dagascar élu à Mananjary (2002-2006)

Opérateur SYLBERMAN Betsimisaraka Paysanne H.P.M économique

Source : liste des membres du CST et CT plus entretien

La lecture de ces deux tableaux nous renseigne clairement que la crise politique qui se déroule toujours à Madagascar alimente une multiplication ascendante des acteurs politiques. Cet évènement inaugure une ère nouvelle pour l'espace politique du pays, et même dans le district de Mananjary. Nous assistons à l'irruption des nouvelles têtes d’acteurs politiques dans l’institution parlementaire de la Transition, ce qui nous amène à nous poser la question : est-ce une forme des tentatives de démocratisation de l'espace politique régionale à Madagascar ? Plus de la moitié de ces membres de CST et CT d’originaire de Mananjary ainsi nommés sont presque inconnus du grand public de district de Mananjary. Citons le CST Randriamparany Ramanana Anthéleme, un

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jeune opérateur économique d’ethnie Antemoro d’origine paysanne et ancien conseiller technique du ministre Jean Claude, qui était nommé deux fois au nom de l’Escopol dans cette institution pendant la Transition. Puis, le CT antambahoaka d’origine paysanne, Laizoma Etienne, proposé par l’entité Escopol et le CT betsimisaraka d’originne paysanne, Sylberman, de l’HPM. Ces deux derniers sont tous purement nouveaux dans cette institution. Et le CT antambahoaka, Andriamoratsiresy Sandros Alfred de la mouvance Ravalomanana et Jean Yves, un métis vazaha-antambahoaka qui est à peu près connu car il était ancien président de Fivondronan’ny Mananjary vers la fin de la deuxième République de Madagascar.

Ensuite, la tentative de chercher et de reformuler l’idéologie afin de trouver une nouvelle justification sociale faite par les dinosaures politiques 48 en temps de crise. L’élite, pour se maintenir, selon Bourdieu, doit posséder une aptitude à la reconversion ; une nouvelle vocation par exemple ; peut lui permettre de donner une autre justification à son existence. Ceci marque en fait les modalités d'action des acteurs politiques dans leur circulation du fait de cette crise : marginalité, auto marginalité, blanchiment des personnelles politiques marqué par des différentes négociations qui s'en sont suivies qui ont nourri une forme de recyclage des acteurs politiques. Bref, leur transformation en « homme nouveau » dont le passé, même sombre, doit être ignorée, voire oublié par la mémoire collective sombrée dans l'amnésie. Ce fait est, d’après P. Tekpibele Masudi 49 , comme une blanchisserie politique ; une purification / sanctification, c'est-à-dire une sorte de cuve d'épuration des acteurs. Car, même ceux qui ont été bannis par la population lors de certaines échéances démocratiques (élection) ou ceux qui sont réputés comme ayant commis des erreurs, des crimes, se voient renouvelés en libérateurs ou défenseurs de la cause « communautaire » en temps de crise.

Prenons comme par exemple le retour d’Andriamampandry Joseph Désiré dit TOPY, un antemoro d’origine paysanne, au CST sous la proposition de l’UDR-C ; de Madame Kathy, merina, et de Mac Tong Ki Jean Yves, métis chinois, au Congrès de la Transition (CT). Ces deux derniers sont proposés par la Mouvance Ravalomanana. Madame Kathy était, comme l’indique ce tableau, une ancienne conseillée régionale 50 sous le dernier mandat de Marc Ravalomanana, tandis que le CT Mac Tong Ki était ex-Député de Madagascar élu à Nosy-Varika en 1998, et

48 Dinosaure politique : terme utilisé pour classifier les acteurs politiques ainés. 49 Tekpibele Masudi, P., Guerres et circulation des élites politiques en province orientale de la République Démocratique du Congo , Op. Cit., p. 64. 50 Voir le résultat d’élection de membre de conseillé régionale en Annexe. 88

Sénateur de Madagascar élu à Mananjary sous le premier mandat de Marc Ravalomanana. La nomination de ces trois membres du parlement de la Transition a provoqué un vif débat entre les acteurs politiques locaux, même les habitants intéressés aux affaires politiques. Selon l’entretien qu’on a fait, le CT Mac Tong Ki est accusé par des habitants de Mananjary dans beaucoup d’affaires 51 . C’est pourquoi la population d’Antambahoaka, d’Antemoro, de Tanala et même de Betsimisaraka de district de Mananjary le déteste sur le plan politique. Il est actuel membre de CT pour représenter ces habitants.

Ces acteurs bénéficient par ailleurs des postes importants de commandement au sommet de l'État. Ceci a nettement enrichi la circulation des acteurs politiques pendant les crises politiques. Ce phénomène ne serait pas hasardeux d'illustrer la manifestation et la formation de l'habitus pour les acteurs politiques à Madagascar et même en Afrique. Habitus se comprenant comme une disposition de l'esprit et de la volonté qui fait voir les choses sous un jour déterminé. Pierre Bourdieu le définit de manière complexe, dialectique et se voulant opératoire comme « systèmes de dispositions durables et transposables, structures prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c'est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations »52 .

Pour terminer donc cette interprétation, nous voyons que les crises politiques dans le pays favorisent la fusion des anciens acteurs (dinosaures) et les nouveaux acteurs opportunément entrés en politique par la conjoncture de la crise politique. Les acteurs politiques locaux profitent de la manifestation contre le pouvoir de l'État et de celle adressée aux autres groupes sociaux du fait de la faillite ou de la faiblesse de l'État pour réorganiser et reconfigurer l'espace politique. Cette situation suit une logique à plusieurs séquences guidées par l'histoire des crises politiques depuis 1972 dans la grande île. Certains acteurs ont profité aux niveaux locaux de ces situations de crises. D'autres ont saisi leur chance pour aller occuper des postes politiques supérieurs au niveau national. Cependant, il y en a toujours également qui ont perdu le pouvoir du fait de crise. Voilà, l’histoire des classes selon l’idéologie Marxiste.

51 Entretien aux différents acteurs politiques proches ou non de CT Mac Tong Ki Jean Yves, Mananjary à partir de la fin du mois de Novembre 2011. 52 Pierre Bourdieu cité par Tekpibele Masudi, P., Guerres et circulation des élites politiques en province orientale de la République Démocratique du Congo , Op. Cit., p. 65. 89

4- Les prétendants :

Le district de Mananjary est pénétré de plusieurs nouveaux acteurs politiques qui aspirent déjà au pouvoir politique dans tout le niveau de district. Les habitants s’inquiètent d’une rigueur sur l’avenir de ce district face à cette réalité parce que des nouvelles têtes d’hommes politiques ont pris le pouvoir en 2007, mais le développement espéré est encore pure, comme Mananjary est en deuxième position. La question se pose au sein de la société quelles seront les missions et les rôles des acteurs politiques en périphérie ? Devant toutes ces incertitudes, les malgaches du Sud-Est s’interrogent avec plus d’attention, plus de curiosité sur leurs principaux prétendants.

C’est pourquoi nous allons essayer de proposer, dans ce chapitre, un répertoire de portraits des principaux personnages politiques qui prétendent au poste de la mairie des quelques communes de district de Mananjary et au poste parlementaire de la IV e République de Madagascar. Quelques d’entre eux sont retenus, nous disons quelques parce qu’on ne peut pas joindre tous. Les critères de sélection, inévitablement subjectifs, reposent sur base des caractéristiques non exclusives suivantes : la position privilégiée et le rôle joué dans la société, les jeunes prétendants sortant des écoles professionnelles ou des universités de Madagascar et leurs participations actives, leurs positions dominantes en termes de pouvoir politique, ainsi que leur importance actuelle et surtout à venir, avant les échéances décisives.

Parmi les acteurs politiques qui dominent et gouvernent encore dans le district de Mananjary ; et parmi ceux qui aspirent à les remplacer que nous présentons ici, nous allons essayer de comprendre, en s’inspirant dans les travaux d’Alain Duhamel 53 , les qualités des acteurs politiques qui ont des chances de gagner, de peser et qui, par la même, forgeront notre avenir surtout dans le district de Mananjary. Nous allons présenter tout d’abord les prétendants maires, et ensuite, les prétendants au poste parlementaires de Madagascar dans le district de Mananjary.

53 Alain Duhamel avait essayé de s’interroger sur les hommes politiques qui ont des chances de gagner et qui, par là même, forgeront l’avenir de la France. Il était regroupé par tempérament politique cinquante portraits des acteurs politiques. Voir Duhamel, A., Les prétendants , Paris, Gallimard, 1983, 277 p. 90

4.1-Les prétendants au poste de la mairie :

On connaît que tous les maires en exercices dans le district de Mananjary, excepté le maire de la commune rurale Antsenavolo qui est déjà mort il y a eu quelques mois, seront se présenter leurs candidatures à l’élection maire de la quatrième République de Madagascar. Certains d’entre eux sont encore mieux placés d’après l’entretien que nous avons fait dans quelques communes et le sondage de leur partie politique. Comme les maires dans les communes rurales de Kianjavato, Andonabe, Antaretra, Morafeno, Vohilava, Tsiatosika, Andranambolava, Andranomavo, et Mahavoky-Nord. Les maires dans ces communes, causées par leurs actions sociales qu’ils ont faites, sont appuyés toujours par des Ampanjaka et des Tangalamena. Ils ont bénéficié depuis que le Gouvernement de la Transition a laissé de continuer encore leurs mandats. Qui peut donc prétendre à la gestion des affaires locales et selon quelles légitimités ? Quels chances de peser, de gagner seront-ils pour les prétendants maires de chaque commune ? Avant de répondre à ces questions, nous allons présenter dans le tableau suivant quelques prétendants maires dans quelques communes de district de Mananjary.

Tableau n°4 : Quelques prétendants au poste de la mairie des quelques communes de district de Mananjary :

Origine Origine Activité Partie Nom et prénoms Communes ethnique sociale principale politique Opérateur PATRICK Pivot Métis français Bourgeois C.U. Mananjary économique Personnel de VELO Jasmin Just Pitha Betsimisaraka Paysanne Ripple Fish TGV C.U. Mananjary Madagascar NIRINARISOANA Leader Betsileo Paysanne Commerçant C.R. Antaretra Balsamy Georgette Fanilo RANDRIAMORA Antemoro Paysanne Instituteur TGV C.R. Namorona Roger RAFANAMBINANTSO Instituteur Leader Betsileo Paysanne C.R. Sandrohy A Ndriamihary Ernest retraite Fanilo

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JEAN Bonheur C.R. Betsimisaraka Paysanne Instituteur TGV (Ampanjaka) Mahavoky-Nord Leader C.R. JEAN Marc Métis Chinois Bourgeois Commerçant Fanilo Manakana-Nord RALAINIRINA Jean Instituteur/ C.R. Antambahoaka Paysanne TGV Bosco Artiste Andranambolava ANDRE Félix Betsimisaraka Paysanne Commerçant Maintso C.R. Marofototra RABENANDRASANA Leader C.R. Antesaka Paysanne Chef ZAP Alexandre José Ernest Fanilo Mahatsara-Sud RANDRIANAMBININ C.R. Antemoro Paysanne Instituteur Maintso A Gernand Ambohitsara-Est RALAIBOZAKA Instituteur Leader C.R. Betsileo Paysanne Édouard retraité Fanilo Mahatsara-Iefaka C.R. RALAIVAO Martial Betsileo Paysanne Instituteur TGV Andranomavo Leader C.R. RAHERISON Mamy Betsileo Paysanne Infirmier Fanilo Ambohimiarina II Leader RAKOTOSON Philibert Tanala Paysanne Chef ZAP C.R. Antsenavolo Fanilo RANDRIAMANANJAR Instituteur/ Leader Betsimisaraka Paysanne C.R. Marokarima A Marco Daniel Commerçant Fanilo ANDRIAMANAMPISO Artiste/ Antambahoaka Paysanne TGV C.R. Tsiatosika A Gégé Bernard Commerçant RAVELOMANANA Leader Antemoro Paysanne Cultivateur C.R. Anosiparihy Jean Baptiste Fanilo JAONA Bernard Betsileo Paysanne Commerçant TGV C.R. Kianjavato Cultivateur/ C.R. HONORE Jean Antemoro Paysanne TGV Commerçant Ambodinonoka Leader BOTO Germain Betsimisaraka Paysanne Instituteur C.R. Mahela Fanilo RANDRIAMAMONJIS Antambahoaka Paysanne Instituteur TGV C.R. Tsaravary OA Donatien Clarie

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Leader RAMANGASOA René Antemoro Paysanne Infirmier C.R. Andonabe Fanilo C.R. RAZAFIFARALAHY Leader Antemoro Paysanne Cultivateur Ambalahosy- Sauze Justin Fanilo Nord RAKOTOMALALA Métis chinois Bourgeois Commerçant TGV C.R. Morafeno Leong Wai Wing GABY Ramarolahy Leader Antambahoaka Paysanne Instituteur C.R. Ankatafana Seraphin Fanilo Leader TIANARIVO Jean Henri Métis chinois Bourgeois Commerçant C.R. Vohilava Fanilo

Source : Parti politique Maintso Hasin’i Madagasikara, Leader Fanilo et TGV avec entretien.

Force est de constater dans ce tableau que la future élection communale de la quatrième République de Madagascar dans le district de Mananjary sera la lutte entre les acteurs politiques fonctionnaires et les opérateurs économiques. Vingt-sept prétendants maires retenus dans vingt- six communes de district : quatorze représentent les fonctionnaires instituteurs et docteur de métier ; deux cultivateurs, et onze sont des opérateurs économiques : commerçants et haute personnalité des ONG. La majorité de ces fonctionnaires s’efforcent beaucoup à politiser l’éducation comme l’a bien fait l’ex-président Marc Ravalomanana ainsi que le résume précédent qui se succède. Nous avons opté ici sur les acteurs politiques d’origines paysannes pour but de comprendre la révolution paysanne dans le district de Mananjary. On a retenu vingt- trois acteurs d’origines paysannes tandis que quatre seulement de bourgeois. Ils auraient suivi des trajectoires socio-historiques et politiques avant d’arriver à la scène politiques 54 . Cette révolution paysanne se manifeste beaucoup dans l’espace politique de district car depuis longtemps que certains acteurs paysannes aspirent beaucoup le développement de leur commune natale. En ce qui concerne au genre, seule une femme commerçant d’origine Betsileo peut se présenter la candidature au poste de la mairie dans vingt-six communes retenus dans le district de Mananjary. Elle est le mieux placé parmi les prétendants maires dans la commune rurale d’Antaretra.

54 Entretien avec quelques personnalités, Mananjary à partir de la fin de septembre 2011. 93

Les personnalités ci-haut auront poussées par des différentes catégories d’entités politiques comme le parti politique TGV, Maintso Hasin’i Madagasikara, etc, et économiques comme le soutien de métis chinois dans certains cas. Et d’autres ne le sont pas. Parmi les acteurs retenus, des jeunes cadres universitaires, des jeunes instituteurs sortant de la CRINFP, de jeunes commerçants, des artistes ainsi que des dinosaures politiques constituent les prétendants qui concourent au poste de la mairie dans l’élection communale future.

Nous parlons le cas de Mahavoky-Nord, Mac Tong Tsoy, une personnalité métisse chinoise, choisit et pousse Jean Bonheur pour battre le maire en exercice Kotosoa. Jean Bonheur, betsimisaraka, est un Ampanjaka et instituteur de l’enseignement d’originaire de la commune. Ce métis, après l’échec deux fois de son candidat, a finalement changé de stratégie afin qu’on puisse réussir. Ensuite, Ravelomanana Jean Baptiste, un Antemoro d’origine paysanne et cultivateur, qui aspire à la poste de la mairie dans la commune rurale Anosiparihy. Il s’affrontera au maire actuel Ramananandro Bernard, un instituteur retraité, qui détient le pouvoir au troisième mandat dans cette commune. Et puis, un jeune infirmier Ramangasoa René, d’origine paysanne et d’ethnie Antemoro, qui est courageux et actif de battre la grande personnalité du commune, le maire actuel de la commune rurale Andonabe, Selson Stéphano Ludovic, métis chinois. Ce dernier était élu dans cette commune rurale quatre fois en 2007 (quatrième mandat). Il était appuyé par les Ampanjaka, leurs familles l’actuel membre de CT Mac Tong Ki Jean Yves. Les professions libérales et la proximité avec la population semblent être des éléments qui ont servi ces acteurs dans leur ascension au pouvoir. Les jeunes élites novices en politique pour la grande partie font irruption et profitent de la crise pour faire l’action sociale afin qu’on puisse réussir à prendre au pouvoir. Malgré la spontanéité et la moindre préparation des élections, nous observons que la population de la région de Mananjary a opté pour la qualité économique des personnalités, cette qualité est comme critère de choix de ses gouvernants. Car, de tous les élus maires de 2007, un seul, Boto Justin, maire de la commune rurale Namorona, est un technicien. Ceci n'est pas surprenant si l'on considère le fait que ce maire est purement antemoro d’origine paysanne. Pour leurs niveaux d’instructions, il est remarquable de signaler que parmi ces personnalités retenues, seule sept acteurs ont fini et passé dans la formation un peu plus loin comme infirmier et enseignant, c’est-à-dire niveau Bac plus formation professionnelle ;

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dix ont fini des études lycéens en moyenne de niveau Bac. Et les restes n’ont même que de CEPE. Ce qui nous confirme que le niveau d’instruction des acteurs politiques à Mananjary est très faible. Quant à la diversité d'appartenance ethnique, nous remarquons qu’on trouve une augmentation de l’effectif de la participation politique de Betsileo dans la scène politique de Mananjary par rapport à celle de 2007. On a recueilli six acteurs prétendants betsileo. Mais par contre, une réduction de métis chinois, on n’a retenu que trois métis chinois prétendants maires. Les restes représentent six antemoro, cinq betsimisaraka, quatre antambahoaka, un tanala et un antesaka. 4.2-Les prétendants aux postes parlementaires de la IV e République : Tableau n°5 : les prétendants au poste parlementaire : Nom et prénoms Niveau Origine Activité Partie Age Origine d'étude d'étude sociale principale politique Maitrise en Métis chinois, Semi- DENIS Marc Franconio 32 Avocat Droit mère Antemoro Bourgeois RAJOELSON José 36 Licence Antesaka Paysanne Formateur TGV Andoniaina Opérateur R. Fréderic Omar 43 BAC Antambahoaka Bourgeois Maintso économique RAZAFINDRAHATOKA BAC + 2 40 Antambahoaka Paysanne Fonctionnaire Olivier Vincent en Droit RAZANAKOLONA Opérateur Leader Métis chinois Bourgeois Moise économique Fanilo Opérateur NONISOA Mac Métis chinois Bourgeois MDM économique RAMPARANY Opérateur Antemoro Paysanne Ramanana Anteleme économique Opérateur Madame KATHY Merina Bourgeois TIM économique Source : Partie Politique Maintso Hasin’i Madagasikara, Leader FANILO, TGV, TIM, MDM avec entretien. Nous remarquons dans ce tableau la grande massive de la participation politique des opérateurs économiques à concourir au pouvoir. Tout cela nous confirme que la lutte politique

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dans le district de Mananjary résulterait notamment, comme nous l’avons déjà bien indiqué ci- haut, de la domination économique. Rappelons que dans la période féodale, tous les rois ou toutes les reines de Madagascar étaient appartenir à la classe des nobles 55 . Cette classe était privilège de pouvoir, de l’autorité, même dans la propriétaire des terres, des commerces et ainsi que d’autres avantages diverses. De même, depuis l’indépendance de notre Île, les acteurs politiques malgaches appartenaient à la classe de la bourgeoisie, qui détiennent toujours le pouvoir économique et en même temps d’occuper la poste politique du pays. Ce phénomène dévient récent dans toutes les régions de Madagascar. Cela nous permet de demander quels chances de peser et de gagner seront-ils pour les fonctionnaires, qui ne sont pas des opérateurs économiques pour certains cas ? Mais quoi qu’il en soit, ces prétendants, en tant qu’homme politique, ont propre valeurs personnelles qui s’identifie les uns des autres. Il semblerait intéressant de voir successivement qui est le grand favori dans ces prétendants. Tout d’abord, Denis Mac Franconio, âgé de 32 ans, est considéré comme un grand favori au poste parlementaire parmi ces prétendants. Ce jeune novice en politique est ambitieux, actif et voire intellectuel. Voyons, après son maitrise en Droit et Administration privée des Affaires à l’Université de Fianarantsoa en 2007, il a continué encore son étude à l’Institut de Formation Professionnelle des Avocats de Madagascar. Ce jeune avocat actuel prépare son mémoire de maitrise en sciences sociales de développement, option socio-politique, à l’Université de Fianarantsoa. Son profil dans le monde de juriste lui permet de joindre ce poste parlementaire, car cette institution est chargée de voter la loi, de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques. Son tempérament social-démocrate, il voulait améliorer empiriquement la société mananjaroise en y remettent en ordre et en y introduisant plus de justice et de la solidarité mais en respectant néanmoins les règles du marché et de concurrence surtout pour les affairistes. En plus, quant à son origine sociale, il est un fils de métis chinois et de mère institutrice antemoro d’origine paysanne. Les habitants antemoro, qui vivent dans la partie Sud et Nord, et les habitants Tanala et Betsimisaraka dans la partie Ouest et Nord-Ouest de district de Mananjary où les métis chinois dominent, lui connaissent beaucoup. La seule tâche qu’il aura fait donc, c’est de convaincre les Antambahoaka. C’est la raison pour laquelle que d’autres candidats prétendants lui négocient toujours pour unir afin qu’on puisse réussir à gagner.

55 Randriamamonjy, F., Tantaran’i Madagasikara isam-paritra , Antananarivo, Trano Printy FLM, 2006, p. 476. 96

Ensuite, Rajoelson José Andoniaina, âgé de 36 ans d’origine antesaka, est considéré aussi comme un grand favori au poste parlementaire parmi ces prétendants. Ce jeune prétendant, licencié en lettre malagasy de l’Université d’Antananarivo, était arrivé à la scène politique dans les évènements politiques de 2009. Il est un moniteur de danse de salon, formateur au CRINFP et vice-président de la partie TGV à Mananjary. Il est un fils de Rajoel Etienne, un homme politique de Mananjary dans la première jusqu’à la troisième république (Partie Leader Fanilo en 1992) et un professeur d’Histoire Géographie au Lycée Mananjary. L’influence de son père ainsi que le retard d’entré en politique tiennent compte beaucoup et lui permet de mieux placer dans ce poste par rapport à son rival. C’est pourquoi le TGV de Mananjary lui choisit de se présenter sa candidature au poste parlementaire de la quatrième république. Ses parcours nous confirment vraiment que ce jeune novice en politique, étant ambitieux et intellectuel, ne peut pas négliger ou même sous-estimer à ce poste même s’il ne connait pas encore du grand public de district de Mananjary.

Puis, R. Fréderic Omar, âgé de 43 ans, est un antambahoaka opérateur économique. Il est l’ambassadeur de la partie Vert (Maintso Hasin’i Madagasikara) à Mananjary. Il sera le candidat parlementaire de cette partie. Il est actif sur les évènements qui se sont passé à Mananjary. Lors de la contestation de 2002, il était le président des jeunes TIM à aider l’ancien président Marc Ravalomanana à monter au pouvoir. En 2009, il était aussi là pour appuyer le président Andry Rajoelina. Mais malheureusement, il n’a pas pu obtenir la poste politique. C’est pour cette raison qu’il était déçu et d’accord de suivre Madame Sarah Georget dans la partie Maintso Hasin’i Madagasikara. Il est actif aussi pour la revendication de la région Vatovavy indépendante. C’est pourquoi les notables traditionnelles comme les Ampanjaka, les Tangalamena ainsi que tous les Zokiolona de district de Mananjary lui veulent et lui demandent de se présenter sa candidature au poste parlementaire.

Et enfin, nous parlons juste un mot le prétendant Razafindrahatoka Olivier Vincent, un Antambahoaka d’origine paysanne, avant d’observer les quatre dinosaures politiques de Mananjary qui rêvent le poste parlementaire. Même si Razafindrahatoka Olivier est le mieux placé au poste parlementaire, il n’ose pas se présenter à cause de son problème personnel. Pour les dinosaures, premièrement, les deux premiers prétendants, Razanakolona Moise et l’ex-député de Madagascar élu à Mananjary en 1998, Nonisoa Mac, étaient en échec toujours lors des échéances démocratiques de 2003 et 2007. Et deuxièmement, les deux personnalités membres de

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CT de la Transition actuelle, Ramparany Ramanana Antelme, un antemoro, et Madame Kathy, un merina bénéficient beaucoup dans cette institution pour continuer leur domination, leur manipulation dans les notables de district. Comme nous l’avons déjà évoqué que le CT Madame Kathy était une ancienne conseillé régionale élu dans le district de Mananjary en 2007. Elle ne manque pas de faire, de continuer une action sociale.

En guise de conclusion, ce chapitre nous a permis de classer sommairement les principaux acteurs politiques et ainsi que de reconfigurer l’espace politique de district de Mananjary. Ce classement du personnel politique (parlementaires, élus locaux, dirigeants et cadres de partis politiques,) en fonction de ses origines et ses propriétés sociales apparaît aujourd’hui comme un passage naturel que se doit d’emprunter toute recherche sérieuse sur la professionnalisation politique des personnalités. Il nous reste cependant, pour bien mener à bout notre étude, de découvrir les profils des élites politiques de Mananjary et leurs trajectoires socio- historiques et politiques qui ont été suivi par ces différents acteurs en arrivant à la scène politique de district. Tout cela nous permettra de comprendre quels critères pour quels acteurs politiques peuvent peser dans le district de Mananjary, et peuvent recruter pendant les évènements comme nous vivons actuel ?

III- Profils et trajectoires socio-historiques et politiques des différents Acteurs dans le district de Mananjary : Après la fin de la Seconde guerre mondiale, écrit Andrea Pilotti 56 , avec l’émergence et le rôle croissant des mouvements pour les droits civiques pendant les années 1950 aux États- Unis, la question de la présence des Noirs au sein de l’establishment politique soulève l’intérêt des chercheurs, tandis qu’au cours des années 1960, on a commencé en revanche à mesurer la présence des femmes. C’est pourquoi, l’Institut américain Hoover décide de financer les enquêtes internationales sur le recrutement social des dirigeants politiques. Cela s’est fait d’abord pour l’Allemagne dans le but de comprendre, d’une part, qui étaient les élites nazies et d’autre part de bien vérifier que celles-ci aient été remplacées ; et puis, pour les pays socialistes et les pays du tiers-monde, afin de comprendre et prévoir leurs comportements.

56 Pilotti, A., Les élites parlementaires suisses au 20 e siècle : un processus de professionnalisation contesté et inachevé , Projet de thèse, Université de Lausanne, in http://www.unil.ch/webdav/site/iepi/users/bherzig/public/ProjetThesePILOTTI_1.pdf consulté le 04 décembre 2011. 98

Les acteurs politiques dans le district de Mananjary sont variées et multiples, allant de l'analphabète, comme nous l’avons déjà indiqué ci-haut, au cadre universitaire en passant par des hommes d'affaires, des fonctionnaires, des artistes, des journalistes, et même des chefs traditionnelles, (Ampanjaka), etc. La sociologie des acteurs politiques que nous nous employons à mener pour retracer les trajectoires socio-historiques et politiques qu'ont suivies les différents acteurs politiques dans le district de Mananjary nous conduit à nous poser les questions suivantes : Qui est qui ? D'où vient-il ? Qui était-il ? Qu'a-t-il fait ? Avec qui agit-il/a-t-il agi ? De quel milieu social est-il issu ? etc. Ces questions nous permettent de comprendre les caractéristiques et les trajectoires sociales des principaux acteurs politiques de Mananjary. Ces deux facteurs importants ont souvent encouragé à la réalisation de recherche sur le profil sociologique des acteurs politiques. Pour mieux cerner ce chapitre alors, il semble vraiment important d’aborder en premier lieu les caractéristiques sociales des acteurs politiques. Et puis, nous allons décrire facilement en deuxième temps leurs trajectoires socio-historiques et politiques des principaux acteurs de la scène politique de district de Mananjary.

5- Les caractéristiques sociales des acteurs politiques :

5.1-Les origines sociales des acteurs politiques observés :

Parlons en général, ce sont l ’ouverture politique en Afrique, et puis l ’accession à l’indépendance des pays africains colonisés, qui permettent l ’émergence de personnalités politiques dont « le profil socioprofessionnel nous renseigne , selon Gagliardi-Baysse 57 , sur leur statut social, relativement plus ou moins privilégié ». Les premières élites recrutées étaient, relate Robert Archer 58 , en effet, dans leur majorité parmi les anciens commis de l ’administration coloniale et parmi les bourgeois. Néanmoins ceci ne nous renseigne pas vraiment sur leur origine sociale. De plus, au fil du temps, de nouvelles personnalités intègrent et investissent l’espace politique. Il convient alors de tenter de repérer, pour mieux appréhender les caractéristiques de ce groupe, l ’origine sociale de ces personnalités.

Premièrement, rappelons qu’à Madagascar, en s’inspirant toujours dans les travaux de Robert Archer, les acteurs politiques qui émergent juste avant l ’indépendance et celles qui accèdent au pouvoir plus tard, sont issues de milieux sociaux assez divers. Il ne s ’agit pas

57 Gagliardi-Baysse, A., Dynamiques de formation et de reproduction des élites politiques centrafricains , Master 2 en Science politique, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2009, p. 72. 58 Archer, R., Madagascar depuis 1972, La marche d’une révolution , Op. Cit., pp. 20-30. 99

forcément de personnalités issues de milieux sociaux élevés comme en Europe, notamment en France, où les acteurs politiques sont en général issus de milieux sociaux très favorisés. Pierre Birnbaum montre notamment la forte homogénéité du recrutement social du personnel politico- administratif en France. Pierre Bourdieu, quant à lui, s ’intéresse aux modalités d ’émergence de la « Noblesse d ’état » et met notamment en avant les divers capitaux (scolaire mais aussi symbolique ou encore social) qui favorisent l ’intégration au sein de cet acteur. Rapporté à l’analyse des acteurs politiques à Madagascar, particulièrement à Mananjary, on peut tenter de repérer l ’influence du « capital social » dans l ’intégration à l ’acteur politique.

Les acteurs politiques observés dans le district de Mananjary sont globalement nées et issues des groupements sociaux plus ou moins inférieurs. C'est-à-dire qu'ils appartiennent dans des familles pauvres ou mieux, modestes. Fils et filles d'enseignants, d’Ampanjaka ou de notables traditionnelles, de commerçants, de pêcheurs, et de cultivateurs pour les meilleurs des cas, et d'agents ou commis de l'administration publique. Ils ont émergé dans des contextes socioprofessionnels et politiques particuliers caractérisés par des crises et des diverses voies par lesquelles ils suscitent et intègrent dans la vie politique de district de Mananjary.

Parlons tout d’abord, presque à 85 % des acteurs politiques ainsi présentés sont d’origines paysannes. Ils venaient évidement donc de la campagne et issue même d’une simple famille avec un père cultivateur et une mère aussi cultivateur ou ménagère qui n’ont pas de ressources que celles tirées de la terre. Puis, 15 % de ces acteurs politiques sont issues des familles modestes. C’est-à-dire la plupart de ces familles dites modestes dans le district de Mananjary sont des commerçants, des propriétaires, des fonctionnaires comme instituteurs ou professeurs, et ainsi que des techniciens des formations. Nous insistons ici dans notre étude sur la profession du père car « elle est, écrit Apolline Gagliardi-Baysse, notamment un outil éclairant pour tenter de repérer le niveau social de ces personnalités »59 . On recense dans le cas de Mananjary des cultivateurs, des ouvriers, des artistes, des commerçants mais également pour certains cas des commis de l’administration publique, les plus privilégiés. Et celle de la mère soit en général cultivatrice, soit institutrice, ou soit justement ménagère au foyer. Dans ce cas, il est donc difficile ici de tirer des conclusions quant à l’origine sociale des acteurs politiques dans le district de Mananjary. Ce que nous savons vraiment donc même si la profession des parents est plus inferieur, les acteurs politiques de Mananjary ont réussi à peser dans les postes politiques.

59 Gagliardi-Baysse, A., Dynamiques de formation et de reproduction des élites politiques centrafricains , Op. Cit., p. 72. 100

Tout cela nous confirme, surtout sur les échéances démocratiques, que l’appartenance à une famille dite paysanne est, selon Randrianantenaina Emma 60 , un atout pour gagner dans le district de Mananjary.

5.2-Les caractères genres et la classe d’âge :

En deuxième lieu, pour tenter encore de préciser les caractéristiques sociales des acteurs politiques à Mananjary, il s’agit également de tenter d’apporter à une explication aux origines ethniques, ainsi que d’établir la moyenne des classes d’âges et les genres de nos personnalités. Nous les abordons actuellement dans ce présent travail afin qu’on puisse à dégager ou pas une certaine cohérence « générationnelle » et le caractère genre au sein de la participation politique des acteurs.

D’abord, force est de mentionner qu’à part des quatre ethnies qui constituent le district de Mananjary. Certains acteurs politiques viennent dans des différentes autres ethnies comme Merina, Antandrohy, Betsileo, et également, comme les tableaux précédents l’indiquent, Métis chinois, et Métis français. Ces différentes origines ethniques nous prouvent que la lutte politique dans le district de Mananjary n’est pas héréditaire. Comme l’a bien montré Tessy Bakary qu ’il s’agit « d’une élite d ’extraction sociale modeste dont les fonctions politiques sont loin d ’être héréditaires »61 . La surreprésentation des autres ethnies dans les sphères politiques est un phénomène tout à fait spécifique, qui, bien que suscitant de nombreuses interrogations reste très imparfaitement connu. Essayons de parler aussi par la suite la concentration d'élus et le dynamisme de la participation des acteurs politiques d'origine Betsileo dans le district de Mananjary, sont-elles le fruit du hasard ? Peut-être qu’il s’agit comme nous allons le voir d’une tradition solidement ancrée. Dès lors il parait possible après une étape descriptive de tenter une phase plus analytique en essayant de comprendre pourquoi autant de Betsileo et ainsi que de Merina ont réussi en politique dans le district de Mananjary. Deux clés de compréhension peuvent être explorées : La logique historique et Le goût pour la politique.

Dans le premier, la question de l'implantation des Betsileo dans la région du Sud-Est de l’île est, même s’il est bien plus complexe, marquée par la recherche de vie meilleur. Les

60 Randrianantenaina, E. F., Les élites politiques à Madagascar : cas de Vangaindrano , Op. Cit., p. 112. 61 Tessy Bakary cité par Gagliardi-Baysse, A., Dynamiques de formation et de reproduction des élites politiques centrafricains , Op. Cit., p. 73. 101

Betsileo considèrent que la région du Sud-Est était une zone d'implantation privilégiée. Cependant, il est bon de se demander ce que représentent les Betsileo qui repartissent dans le district de Mananjary. Ensuite, le second, d’une manière générale et au-delà de toute autre forme d’explication, il faut considérer prioritairement le fait que la politique et le pouvoir sont au cœur des représentations sociales d’ethnie Betsileo. Il est en revanche possible de rappeler le rôle de la politique dans les représentations sociales dans la région de Mananjary. Comme dans de nombreuses régions de Madagascar, la réussite sociale ne se mesure pas à l'aune de la réussite matérielle. Dès 1887, un journaliste, Paul Bourde, constatait preuves à l’appui que : « L’ambition n'a qu'une forme, elle n'est point tournée vers la fortune, mais vers le pouvoir »62 .

En outre, on peut classer au moins deux catégories de classe d’âge au sein de l’acteur politique de Mananjary. La première est composée de ceux qui sont nées entre à la fin des années 1970 à 1980. C’est-à-dire de trente ans à quarante ans. Ils sont considérés par des jeunes acteurs de la sphère politique de Mananjary. La deuxième génération est constituée par des personnalités nées dans les années 1975 et plus. C’est-à-dire des acteurs âgés de 45 ans et plus. Même s’il y a plusieurs générations qui semblent donc coexister au sein de l’acteur politique de Mananjary dans notre époque. On remarque beaucoup la participation massive des jeunes : entre trente ans et quarante ans pour la plupart. Ceci est d’autant plus valable si on comprend la mondialisation du monde politique actuel, notamment l’influence de Barack Obama, le Président des USA, ainsi que notre actuel chef de la Transition, Andry Rajoelina, dont la société la comprend peu à peu. Mais quoi qu’il en soit, la caractéristique commune qui semble dégager dans l’observation des acteurs politiques de Mananjary est donc la domination économique au sein de ces acteurs.

En ce qui concerne le genre, pour terminer, il faut signaler qu’il n’existe pas de participation des femmes purement originaire d’Antambahoaka, Antemoro, Tanala, et également Betsimisaraka dans le sphère politique de la région de Mananjary. Seulement trois femmes : betsileo, merina et métis mérina parmi les paysages politiques retenus dans ce présent étude qui participent et même concourent au pouvoir. Le premier est Madame Nirinarisoana Balsamy Georgette. Une grande commerçante betsileo d’Amoron’i Mania d’origine paysanne qui sera la candidate maire de Leader Fanilo dans la commune rurale Antaretra. Le second est Madame Kathy, l’actuel membre de CT d’origine Merina. Et la dernière, Madame Rakotomalala

62 Emmanuel Bernabéu-Casanova, Quelques considérations relatives aux élus d’origine corse en région parisienne , in http://suffrage-universel.be/fr/fridfcorses.htm consulté le 7 décembre 2011. 102

Georgette Antoine dit maman’i Lababa63, institutrice et assistante pédagogique au CISCO Mananjary âgé de 59 ans. Ce dernier est une fille d’un personnalité politique MDRM à Mananjary, chargé de mission de la première république, Rakotomalala Antoine d’ethnie Merina, et de Bao Augustine d’ethnie Antambahoaka. Maman’i Lababa était candidate maire de la commune urbaine de Mananjary en 1998 et député de Madagascar dans la partie MAVANA en 2003. Mais elle était en échec toujours. Tout ceci nous confirme que la séquelle et la valeur de la tradition héritée par les différents ancêtres qui s’installent dans la partie Sud-Est de l’île sont encore très fortes. Dans leur pensé traditionnelle, comme nous l’avons déjà précisé dans la première partie, les femmes n’ont fait que de servir tout dans leur foyer. Est-ce cette considération est-elle un grand facteur qui empêche les femmes à intégrer dans la scène politique de Mananjary ? Force est de constater néanmoins qu’il conviendrait de réaliser une enquête ou une étude le plus profonde, même le plus long terme pour s’en assurer.

6-Les trajectoires sociales des acteurs politiques :

Les acteurs politiques dans le district de Mananjary auraient suivi des trajectoires socio- historiques et politiques diverses et diversifiées avant d’apparaître sur la scène politique : de cultivateur au politique, de l'acteur de la société civile au politique, de l’artiste au politique, des autorités traditionnels (Ampanjaka/Tangalamena) au politique, du fonctionnaire au politique, de l'affairiste à l'entrepreneur politique, etc. De l ’analyse du parcours professionnel des personnalités rencontrées à Mananjary ainsi que l ’étude de quelques autres biographies d’h ommes politiques, se dégage une tendance générale assez claire. Alors, pour tenter de mieux comprendre ce chapitre, nous pouvons relever deux angles importants. Le premier est caractérisé par des trajectoires de formation et le second est les trajectoires socioprofessionnels des acteurs politiques.

6.1-Les trajectoires de formation :

Avant de tenter de modéliser des trajectoires typiques de formation, il convient donc de revenir sur le contexte d’éducation dans les pays africains vers Madagascar. Dans les pays développés, la problématique scolaire est déterminée par l’articulation entre les interactions de deux principaux éléments : les politiques éducatives et les acteurs sociaux. Quant aux pays africains, les systèmes de formation posée par les pays colonisateurs apparaissent alors comme

63 Entretien avec Madame Rakotomalala Georgette Antoine dit maman’i Lababa, Mananjary le 20 Janvier 2012. 103

des projections des politiques métropolitaines adaptées à la situation coloniale. L’objectif assumé par la puissance colonisatrice est d’assurer, à travers sa politique d’éducation, la pérennité de sa domination. Comme le souligne justement Père Rémy Ralibera : « les dirigeants coloniaux ont certes formé des cadres pour leur administration, mais ils ont permis à un certain nombre d’entre eux d’acquérir les compétences et les qualifications des colonisateurs »64 . Dans ce contexte, certaines initiatives scolaires africaines s’inscrivent dans une logique de détotalisation. Il s’agit en effet, de contourner le modèle réducteur d’éducation imposé par le pouvoir colonial afin d’accéder aux ressources nouvelles générées par l’ordre colonial. Après la colonisation, les tentatives dépolitisation de l’éducation fait par les différents régimes qui se sont succédé à Madagascar, n’avaient fait qu’aggraver la situation éducative dans la grande île.

Ainsi, les trajectoires de formation des futures élites politiques à Madagascar ne sont pas donc à appréhender en référence à l ’organisation du système éducatif du pays. Car, voyons le cas de la région de Mananjary, l’école n’a aucune importance dans la préparation de l’élite politique. Les parents envoient leurs fils à l’école pour trouver en espérant de bon travail. Mais non pas d’accéder dans la scène politique. Certains acteurs n’ont que de diplôme CEPE. Citons le maire de la commune rurale d’Ambohitsara-Est, Randriavelo Odilon, un purement cultivateur, n’a même pas de diplôme, et tous les métis chinois. Ces derniers n’envoient même pas leurs enfants que dans l’intégration des merina au sein de leur société. Actuellement, un sur quinze étudiants d’originaire de Mananjary est métis chinois dans l’université de Fianarantsoa dans la dernière année scolaire 2010-2011 65 .

Le ou les lieux de formation primaire des acteurs politiques de Mananjary sont déterminés à la fois par le lieu de travail du père surtout pour les fils des parents fonctionnaires. En effet la plupart des personnalités subit les mauvaises formations et le manque de structures scolaires existantes dans la campagne. C’est pourquoi les métis chinois n’étudient pas. Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que les personnalités qui ont commencé leur formation primaire ou secondaire avant l ’indépendance, l ’ont souvent suivie dans l ’actuel de pouvoir, là où leurs parents étaient installés alors qu ’ils travaillaient pour l ’administration. Citons donc le CST Andriamampandry Joseph Désiré, fils de Boto Navily, un grand fonctionnaire et ancien député

64 Sj Ralibera, R., « La Formation des Élites à Madagascar depuis l’Indépendance », in Madagascar Fenêtres, Aperçus sur la culture malgache , Antananarivo, Cité, Vol. 2, 2006, p. 146. 65 Service scolarité Andrainjato, Université de Fianarantsoa, Andrainjato à partir de la fin du mois de décembre 2011. 104

élu à Mananjary au nom de RPSD dans la premier République malgache ; et le CT Jean Yves, fils d’un haut fonctionnaire aussi de la première République malgache.

Il est remarquable de signaler que l’un des plus grands problèmes rencontrés pendant l’entretien est de savoir le niveau d’étude de l’acteur politique de Mananjary. Ils n’osent pas dire vraiment leur niveau. Nous en avons réussi à découvrir enfin avec l’entretien de leur famille et de leur proche et nous résumons que le niveau d’instruction des personnalités retenues à Mananjary est très faible. Voyons, parmi les soixante-douze acteurs politiques retenus, seuls deux prétendants au poste parlementaire, Denis Mac Franconio et Rajoelson José Andoniaina qui ont fini de l’étude universitaire (Maîtrise en Droit privé des affaires et Licencié en lettre). Et le maire de la commune rurale Marofototra, Mamihaja Charlot et le coordonnateur régionale de la partie Leader Fanilo, Razafindrahatoka Olivier Vincent, ont des niveaux Bac+2 à l’université d’Antananarivo et de Fianarantsoa. Les restes ont de diplôme inferieur de Bac. Nous observons la même récurrence que dans d'autres contextes analysés ci-haut. Citons, les 8 membres de la CST et CT n’ont que de diplôme Bac. Ce qui nous confirme que le niveau d'étude ne semble pas avoir une importance dans le choix des acteurs politiques aux postes de responsabilités au niveau régionale à Madagascar.

En résumé, le niveau d ’étude est donc relativement faible au sein de ce groupe, ce qui nous fait dire que le « capital scolaire » n’est plus décisif que le « capital social » dans les déterminants de l ’intégration politique dans le district de Mananjary. Par ailleurs, le capital social semble indépendant de la constitution d ’un capital scolaire.

6.2-Les trajectoires socioprofessionnelles des acteurs politiques :

Par trajectoire socioprofessionnelle, nous entendons les différents travails et postes occupés par les personnalités politiques avant d ’accéder dans la sphère politique. Dans un coup d’œil, l’espace politique de district de Mananjary est dominé par les fonctionnaires instituteurs et les opérateurs économiques commerçants. Nous cherchons donc à établir s ’il existe ou non une certaine cohérence de parcours dans l ’analyse des profils socioprofessionnels des acteurs politiques, ce qui nous apportera des éléments supplémentaires d ’appréhension de la structure de l’acteur politique, surtout de sa composition en particulier.

On constate également une forte domination des professions comme instituteurs, professeurs du secondaire dans la scène politique. Au sein de cette catégorie, il est important de

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préciser que la plupart a commencé par occuper un poste d’instituteur suppléant mais qu’aucun n’est resté à ce poste. Tous ceux qui avaient débuté leur carrière en étant suppléant ont en effet repris une formation pour devenir un instituteur en cadre et des professeurs du secondaire ou même assistante pédagogique dans certains cas. C’est la raison pour laquelle qu’il y a la présence des jeunes sortants de la CRINFP. Par ailleurs au sein des enseignants, on remarque une domination des spécialisations littéraires. Outre, certains instituteurs ont fait d’autres travails comme des professions libérales, des commerces, des cultivateurs en particuliers. Néanmoins il paraissait nécessaire d’énoncer ici l’existence de ce type de parcours. Au regard de l’histoire de Madagascar, relativement dominée par la présence de fonctionnaires à la tête de l’État depuis la première République, il serait extrêmement intéressant d’étudier de plus près cet aspect.

Si l ’on cherche à expliquer cette domination de ces professions, nous pourrions notamment y voir la conséquence du contexte de manque d ’enseignants vers l’an 2000 que l’ex- président Marc Ravalomanana ait décidé de restructurer l’enseignement à Madagascar sous son régime. Il avait en effet fallu former très rapidement des enseignants et des professeurs partout à Madagascar 66 . De plus la domination de ces professions dans le champ politique doit être comprise à la lumière de la politisation de l’enseignement sous le régime de Marc Ravalomanana. Ceux qui engendrent un mouvement de socialisation politique dans l’enseignement malgache. Voyons dans l’élection communale de 12 décembre 2007, six sur dix maires instituteurs de 29 communes de district de Mananjary sont des maires de la partie Tiako i Madagasikara (TIM) 67 , voire des membres de conseillers communaux 68 . Douze sur vingt-sept prétendants maires retenus sont des instituteurs. Ils sont tous fortement mobilisés. Il n ’est donc pas étonnant que l ’élite politique de Mananjary soit dominée par ce type de professions.

Les acteurs politiques de la région de Mananjary en étude ont aussi, pour la majorité, une trajectoire socioprofessionnelle identique. Ils sont des opérateurs économiques. Ces acteurs peuvent classer en deux catégories : d’abord, les métis chinois qui sont les détenteurs économiques de la région de Mananjary depuis l’accession de Madagascar à l’indépendance, et puis, les nouveaux opérateurs économiques que nous les considérons comme des nouveaux acteurs politiques montantes. Comme nous l’avons déjà signalé précédemment, les métis chinois

66 Marc Ravalomanana a voulu, d’une part, construire 3000 maisons d’école au moins et former 7000 enseignants par an pour l’enseignement primaire. Et d’autre part, 4000 maisons d’école et 4400 enseignants par an pour l’enseignement secondaire partout à Madagascar. Voir Madagascar Action Plan (M.A.P.), 2007-2012, pp. 51-59. 67 Voir tableau n°01, pp. 83-85. 68 Voir tableau n° 06, en Annexe 02, pp. 164-169. 106

occupent presque les communes rurales ayant une forte potentialité économique comme le café, girofle, poivre, et les ressources miniers, presque partout dans la Région Vatovavy Fitovinany. Ils ne font que des commerces et participent à la vie politique afin qu’ils puissent défendre leurs intérêts. La lutte politique dans le district de Mananjary avait bien commencé depuis l’accession de ces nouveaux acteurs économiques d’origine ethnique diffèrent comme Betsimisaraka, Antambahoaka, Tanala, Antemoro, Betsileo, et même Antandrohy, Antesaka qui repartissent dans le district de Mananjary.

Ces deux catégories de personnalités sont presque tous pratiquement issues des familles dites modestes ; et ont profité des échéances démocratiques (neuf sur seize maires commerçants élus en 2007 sont des nouveaux acteurs économiques montants) 69 et des crises politiques pour capter le pouvoir de l'État et participer à sa gestion. Citons le CST Ramparany Ramanana Anthéleme, un jeune opérateur économique montant d’origine Antemoro, le CT madame Kathy, opérateur économique d’ethnie Merina, et le grand homme politique de Mananjary Mac Tong Ki Jean Yves, métis chinois. Nous nous retrouvons ici face à une situation similaire de celle qu'avait observée Robert Alan Dahl 70 au New Haven aux Etats-Unis. Robert Dahl part d'un postulat selon lequel : « l'accession à des postes politiques de direction nécessite un certain nombre de ressources : la richesse, la compétence, le prestige ». Il explique que le pouvoir politique est alors partagé entre différents groupes dominants qui ne cumulent jamais les trois ressources. Les différentes élites doivent donc s'allier pour trouver des décisions communes finales. On parle donc de système de pouvoir pluraliste compétitif (puisque les élites sont en compétition pour faire accepter leurs choix, idées, etc.) et équilibré (on conçoit que les groupes ont à peu près les mêmes ressources). Ce qui fait que la capacité économique est un facteur très important dans l’intégration dans la sphère politique de district de Mananjary.

Partant toujours de ces explications de Robert Dahl ainsi que d’après notre analyse, nous constatons qu'il y a une pluralité d'élites dans le district de Mananjary. Ce pluralisme politique provient donc de pluralisme social à l'image de la société mananjaroise notamment les origines sociales et les origines ethniques différentes et surtout aussi les différentes trajectoires socio-historiques et politiques des différents acteurs politiques dont la différenciation sociale, la

69 Ces neuf acteurs sont dans les communes rurales de Vatohandrina, Manakana-Nord, Marofototra, Tsaravary, Sandrohy, Mahavoky-Nord, Andranomavo, Marosangy et Ambalahosy-Nord. Lire tableau n°01, p. 70 Robert Alan Dahl cité par Tekpibele Masudi, P., Geures et circulation des élites politiques en province orientale de la République Démocratique du Congo , Op. Cit., p. 66.

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diversité d'intérêts, de profils et d'ambitions, etc, sont des marques. Ceci s'observe dans ce district par les milieux d'origine des acteurs politiques. Ils sont issus du milieu socio-culturel, des milieux des travaux comme des instituteurs, des artistes, des infirmiers, des commerçants et des affaires, politiques et de la société civile, etc. Pas surprenant qu'elles aussi aient des intérêts et des ambitions divers et différents.

Alors, pour terminer en ce qui concerne les caractéristiques et les trajectoires sociales des acteurs politiques, à l’inverse de l’hypothèse observé par Apolline Gagliardi-Baysse qui découvre l’importance du « capital scolaire » dans l’intégration politique dans le Centrafrique. Nous pouvons néanmoins émettre d’après l’observation, dans l’échantillon retenu, l’hypothèse de l’importance du « capital social » qui est comme un facteur déterminant à l’intégration politique dans le district de Mananjary. Si la capacité économique semble être des critères importants d’intégration au sein de l’élite politique à Mananjary, au regard de la proportion de personnalités politiques disant les principaux détenteurs économiques de district, il conviendrait néanmoins de chercher un peu plus profonde les principaux facteurs qui résultent la multiplication des acteurs politiques périphériques et quels seront ses conséquences surtout dans le district de Mananjary.

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TROISIEME PARTIE

LA MULTIPLICATION DES ACTEURS POLITIQUES ET SES CONSÉQUENCES DANS LE DISTRICT DE MANANJARY

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I- Les facteurs endogènes de la multiplication des Acteurs politiques à Mananjary :

De la période féodal, coloniale en passant par l’indépendance jusqu’aujourd’hui, l’élite politique malgache n’a cessé d’évoluer. Elle a d’abord émergé, puis s’est construit en formant dans les premiers temps un embryon d’élite, avant de se structurer sur le plus long terme. Sa structuration répond à deux logiques : « la logique interne et la logique externe », mais, elle dépend parfois en grande partie de la société, de la personnalité, du type de pratiques mis en œuvre ou encore du type de régimes politiques. Néanmoins, après avoir insisté sur les logiques, que l’on peut qualifier d’« internes et externes », qui participent à la structuration de l’élite politique, il est nécessaire de s’intéresser plus précisément à la structure même de l’élite politique, à sa configuration.

Il est en effet indispensable de souligner en premier lieu les logiques « internes » qui participent à la configuration de l’élite politique. C’est en prenant en compte logiques internes que nous pourrons appréhender dans sa complexité la structure de l’élite politique à Madagascar. Pour mieux cerner ce chapitre, nous allons insister sur le facteur démographique et la présence de la stratification sociale qui alimente l’apparition des acteurs politiques à Mananjary. Dans le second, nous allons s’attacher par la suite dans la dynamique interne de la structure sociale existante qui prétend acquérir d’elle-même une connaissance scientifique et la reproduction sociale des élites politiques en abordant leur caractère évolutif.

1-Le facteur démographique et sociologique :

Deux axes de réflexions se dessinent ici. Premièrement, nous allons mettre en évidence le rôle important du facteur démographique sur la multiplication des acteurs politiques. Dans le second, nous allons insister par la suite au facteur sociologique en abordant la présence de la stratification sociale qui favorise la formation de groupe au niveau social.

1.1/La forte concentration de la population :

Ce qui domine l’histoire de la région de Mananjary durant les vingt années de la troisième République est l’extraordinaire mobilité des hommes. Initiées et partis pour des raisons économiques, si nous prenons à titre d’exemple la présence de l’exploitation de ressource minier (Or, Corindon, Ametiste, etc) dans ce district. Et puis, le désir de prendre leur distance par

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rapport au système de dépendance en vigueur dans leur famille d’origine, aux hiérarchies villageoises pour certains, notamment les émigrés d’origine captive, les jeunes cadets, entre 18, 20 et 25 ans vont rapidement s’apercevoir qu’ils ne peuvent échapper à la dette qu’ils ont contractée en abandonnant le travail. Contraints de s’appuyer sur les réseaux déjà existants à Mananjary pour se loger, trouvé du travail, de commerce, d’affaire… ils seront l’objet, dès leur arrivée, d’un fort contrôle social de la part des ressortissants de leur communauté. Ceux qui ont tendance à oublier leurs devoirs sont rappelés à l’ordre par leurs aînés résidant dans des différents villages de district. Les demandes du chef de famille au village doivent être honorées. Les migrations vers Mananjary se caractérisent par le maintien d’un lien fort avec le village, même dans les communes ; c’est la nature de ce dernier et les transformations qui en découleront qui vont changer.

En raison de son caractère insulaire et de sa position géographique, le district de Mananjary a connu beaucoup un énorme accroissement de la population. Le nombre de la population augmente toujours 1. La population dans le district de Mananjary est essentiellement rurale, car, voyons 430 334 habitants sur 471 640 habitants totaux de district sont des ruraux, selon les estimations officielles. Le découpage prévoyait vingt-neuf communes dont vingt-huit communes rurales et une commune urbaine comprenant chacune un minimum de dix mille habitants. Une forte concentration de la population dans certaines zones dites de croissance, ces zones ayant été définies plutôt pour leur potentiel économique. En prenant comme par exemple les communes qui favorisent des conditions physiques peu favorables des sols peu fertiles, etc ou au contraire, par des fortes potentialités physiques et des ressources naturelles dans certaines communes rurales comme Mahavoky-Nord, Marofototra, Andranomavo, Vohilava, Antaretra, Marokarima, Namorona, etc ; le nombre de la population est plus élevé, avec une densité moyenne de 700 à 1 000 habitants par kilomètre carré. Ensuite, par des conditions économiques jugées plus favorables, seule la commune urbaine de Mananjary, qui concentre un pourcentage le plus élevé de la population totale de district, avec une densité de la population plus de 2 000 habitants par kilomètre carré sur des espaces exigus. Et enfin, les moins peuplés sont les communes rurales qui se situent entre le canal des pangalanes et le bleu de la mer de l’Océan Indien dans les axes Sud et Nord de Mananjary, comme Ambohitsara-Est, Mahela, Ankatafana et Namorona, qui ne représentent que de 50 à 70 habitants par kilomètre carré de la densité.

1 Voir l’évolution de la population dans le district de Mananjary dans la première partie, pp. 26-27. 111

Cette croissance démographique créée des tensions qui surgissent entre, par exemple, les émigrés et la famille d’originaire, les commerçants d’originaires et les nouveaux venus, etc, mais les rapports sociaux n’en sont pas fondamentalement bouleversés. Un réel mouvement de transformation ne s’amorce qu’à partir du moment où les migrants se constituent en force sociale au regard du village. Si les immigrants ont connu beaucoup dans la région de Mananjary, c’est fondamentalement parce qu’ils ont essayé de mette et de construire leur dignité, leur personnalité, et surtout d’assumer leur responsabilités sociales adapté à la mode de vie du peuple du Sud-Est, et ainsi que de trouver leur champ d’action dans un univers discriminant qui valorise la qualité de citoyen. C’est aussi en vie de contrôler les formes de l’échange, d’agir sur les causes qui leur ont rendu les départs nécessaires.

Nous pensons donc que le volume global et la croissance de la population, leur variation ethnique peuvent influencer profondément l’évolution et surtout la multiplication des acteurs politiques. L’observation historique que nous avons faite à Mananjary nous montre vraiment que les grandes périodes de mutations institutionnelles et culturelles du pays avec le processus de la décentralisation en 1991 ont été précédées par des évolutions démographiques profondes presque partout dans les régions de Madagascar, notamment à Mananjary. Face à cette croissance démographique, la société mananjaroise doit s’adapter. Elle modifie toute une organisation : de l’organisation de la production, d’une part, en s’accentuant la division du travail de manière à accroitre l’efficacité de l’économie ; de l’organisation politique traditionnelle, d’autre part, tous les membres de la famille désirent la prendre pour but de participer. Le système politique traditionnel Antemoro de la commune rurale de Namorona actuel en est bon exemple. Tout cela implique généralement l’établissement de nouvelles relations sociales entre les membres de la société et ces nouvelles relations engendrent une nouvelle aspiration sociale qui peut entraîner le changement.

Émile Durkheim a, en particulier, souligné très tôt cette place du fait démographique, comme la cause principale de la division du travail et du développement économique et social. Il disait en effet que : « en déterminant la cause principale des progrès de la division du travail, nous avons déterminé du même coup le facteur essentiel de ce qu’on appelle la civilisation… Du moment que le nombre des individus entre lesquels les relations sociales sont établies est plus considérable, ils ne peuvent se maintenir que s’ils se spécialisent davantage, surexcitent leurs facultés ; et de cette stimulation générale résulte inévitablement un plus haut degré de culture.

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De ce point de vue, la civilisation apparaît donc, non comme un but qui meut les peuples par l’attrait qu’il exerce sur eux, non comme un bien entrevu et désiré par avance, dont ils cherchent à s’assurer par tous les moyens la part la plus large possible, mais comme l’effet d’une cause, comme la résultante nécessaire d’un état donnée… Plus ils (les individus) sont nombreux et plus ils exercent de près leur action les uns sur les autres. Plus ils réagissent avec force et rapidité ; plus, par conséquent, la vie sociale est intense. Or, c’est cette intensification qui constitue la civilisation »2. C’est-à-dire que l’intensification de la vie sociale, dont dispose Émile Durkheim, face à cet accroissement démographique et la variation culturelle dans le district de Mananjary favorise notamment la formation des acteurs politiques. Ce qui nous confirme la concentration d’élus d’origines des différentes catégories sociales et ethniques à Mananjary. C’est pourquoi en conclusion que la multiplication des acteurs politiques est souvent associée à la surpopulation.

Cette explication démographique, pour terminer notre observation, n’est pas indépendante que si elle se combine à d’autres facteurs. Un économiste spécialiste de développement, Marc Panouil, l’a bien marqué, preuves à l’appui que : « de nombreux auteurs (sociologues, économistes, etc) ont limité la portée de cette explication en montrant que l’influence du facteur démographique devait être étudiée par référence à celles d’autres facteurs qui se combinent avec lui, (…) »3. En effet, nous allons mener notre étude concernant la multiplication des acteurs politiques sur le facteur sociologique.

1.2/La présence de la stratification sociale et l’apparition d’un embryon acteur :

Sans entrer une fois de plus dans les détails, nous présentons sommairement les constatations les plus importantes concernant l’évolution sociale, en particulier les conditions de vie des habitants et de leurs inégalités, auxquelles nous assistons jusqu’ici dans le district de Mananjary.

Tout d’abord, causé par la forte croissance démographique dont nous venons de décrire ci-haut, la société mananjaroise devient et forme une société un peu stratifiée. Nous avons rencontré des inégalités des paysans, des commerçants, des personnalités, etc. Ces changements qui surgissent dans la société à Mananjary, ne sont pas seulement de nature quantitative mais

2 Durkheim, E., De la division du travail social , Paris, Presses Universitaires de France, 7 e éd., 1960, p. 244. 3 Penouil, M., Socio-économie du sous-développement , Paris, Dalloz, 1979, p. 133. 113

aussi de nature qualitative. Nous avons constaté des évolutions vers dans le domaine de la vie un peu professionnelle. Et ces évolutions sont particulièrement importantes. Voyons, les habitants de Mananjary ont essayé d’utiliser des techniques agricoles un peu modernes comme la charrue, les engrais, etc, l’utilisation du groupe électrogène pour remplir de l’eau dans les rizières surtout dans la période sec. Tout cela a existé dans ce district grâce à l’aide des différentes ONG notamment le BDEM, PAMOLEA, Inter Aide, CSA, ADRA, etc. Les habitants ont aussi utilisé déjà des téléphones mobiles grâce à des réseaux Airtel et Telma qui repartissent presque partout de district. Le canal Satellite pour certaines strates privilégiées pour suivre les différentes actualités à l’étranger comme le Coup d’Afrique des Nations (CAN) qui se déroulent actuel et ainsi qu’ici à Madagascar.

Ensuite, les lieux d’habitation différent les uns des autres d’un point de vue sociale. Les catégories de membres de la société deviennent indépendantes les uns des autres de niveaux inférieur et moyen (paysans, ménagères, commerçants, enseignants, etc). Ils commencent de perdre de plus en plus les bases traditionnelles de leur existence. Ceci s’explique nettement moins aux indépendants en positions élevées de la société, par exemple aux dirigeants maires d’une commune, aux membres de la profession libérale comme affairiste, commerçants, … La proportion actuelle de commerçants a fortement augmenté surtout dans les villages chef-lieu du commune. Presque à 75 % de la population sont des commerçants (formelle et informelle). Dans le même temps, de nouvelles lignes de clivage gagnent en importance dans la sphère sociale, particulièrement celles entre le petit commerçant et les grands qui ont essayé de dominer celle du premier. Les habitants de district de Mananjary sont également segmentés en divers catégories professionnelles et en nombreux échelons hiérarchiques. Dans la profession libérale, les différents selon le sexe sont vraiment importantes que la différenciation ethnique, ainsi que le classe d’âge. Car, on a constaté dans un coup d’œil beaucoup des femmes marié ou non qui sont actif et participent massivement dans les affaires, des commerces, etc. Ceci ne nous est pas étonné parce que les femmes sont, dans la pensé traditionnelle du Sud-Est, déterminées par leur propre statut dans la société. De plus, toujours dans le secteur économique, la couche ancienne dirigeante, les métis chinois, est en phase de perdre de vitesse face au classe paysanne montante. C’est-à-dire la composition de la couche sociale se modifie. Il s’agit en effet d’un changement amorcé depuis quelques années dans le district de Mananjary. Voyons, les nouvelles personnalités économiques ont parfois double activité. Elles sont à la fois enseignantes et

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commerçants, de cultivateurs et commerçants, des opérateurs économiques et personnels des projets, etc. C’est pourquoi ils ont évolué et doté économiquement fort aussi vite que les métis chinois qui n’ont fait que des commerces seulement. Ces catégories des habitants gagnent en importance dans le district de Mananjary. Contrairement à ce qui vient d’observer aux niveaux de différentes catégories de strates sociales (moyen et inférieur), il existe de strate qui bénéficie beaucoup dans la détention du pouvoir communale. Nous prenons à titre d’exemple les pillages de terres, les impôts communaux, les projets, etc.

Ainsi, l’évolution de la société dans le district de Mananjary, en arrivant à un stade de société stratifié, est marquée culturellement par de classes paysannes montantes. Alors, les distinctions ou les inégalités subsistent mais les différentes groupes et catégories sociales ne sont plus aussi clairement, en tant que tous nationalité malgache dotant de la culture « Fihavanana », séparés les uns des autres. Dans ce cas, « il y a des entrecroisements », comme l’avait bien marqué Réné Levy. Et il ajoute : « ces entrecroisements sont dus au fait que les positions qu’on peut occuper dans les différents secteurs de la société correspondent moins clairement les unes aux autres que par le passé »4. Le district de Mananjary est donc, depuis quelques années en partie d’une société de classes, fortement marquée par l’antagonisme économique et politique. Il est constitué par de catégories sociales très distinctes, façonnées par leur situation socio- professionnelle. Ces changements profonds de la société mananjaroise favorisent notamment de l’apparition des embryons acteurs politiques. Comme l’a bien souligné justement Guy Rocher dans son ouvrage que : « les phases de changement rapide sont marquées par l'apparition de nouvelles élites, dont l'existence peut parfois être bien éphémère »5.

De plus, l’apparition des acteurs politiques saurait reposer parallèlement avec la coexistence du niveau de vie, car l’augmentation du niveau de vie provoque de prestige au niveau social. Anne Sandrine de Luca note bien que : « le prestige est un élément constitutif de l’aristocratie »6. En effet, ce qui fonde la supériorité sociale de l’élite n’est pas tant un statut juridique particulier, que la représentation du groupe par la société. L’un le plus marqué de la vie villageoise dans le district de Mananjary depuis quelques années est la considération d’« argent » comme prestige sociale. La propriété de bonne maison (facteurs d’appropriation de capital

4 Levy, R., La structure sociale de la Suisse , Suisse, Pro Helvetia, 1983, p. 133. 5 Rocher, G., Multiplication des élites et changement social au Canada français , Op. Cit., p. 5. 6 Luca, A. S., La Noblesse du Premier Empire français : L’identité nobiliaire réinventée , Op. Cit, p. 18. 115

physique) et la possession de capital mobil comme les zébus et autre produits d’élevage, d’agriculture comme le café, le poivre, le girofle favorisent les inégalités en milieu rural. La possession de plusieurs têtes de zébus par exemple fait partie intégrante du système de valeur 7. Plus qu’un animal de production, il, étant considéré comme un animal de prestige jusqu’à la mort, représente pour les habitants de Mananjary une éthique et une réalité sociologique. Le prestige acquis par la richesse permet d’acquérir la puissance. C’est qu’on pourra s’exprimer et être écouté dans la communauté.

Alors, la formation d’un embryon d’acteur, pour terminer ce paragraphe, est d’une part fixée par des normes déterminant les conditions sociales d’accès et d’exclusion, et d’autres part consolidée par la perception qu’à la société de la supériorité de l’acteur politique. Cela veut dire, d’après M. Nassiet, que : « la conception qu’on se fait du groupe social dominant est en effet fondamentale pour la représentation de la société tout entière, car sa position de supériorité implique une large reconnaissance collective des valeurs qui lui sont particulières »8. Donc ici, la condition essentielle pour cette apparition est que la représentation qu’on s’en fait soit aux dominants et aux dominés (masse). C’est pourquoi, Pierre Bourdieu écrit que : « une classe se définit tant par son être, que par son être perçu »9. Ainsi, ce phénomène vaut également au sein de l’élite que la valeur dont les membres du groupe lui reconnaissent. Cette adhésion des autres membres est fondamentalement selon toujours P. Bourdieu que : « les groupes aristocratiques (…) n’ont d’autre fondement que l’arbitraire apparent de l’interconnaissance »10 . L’élite politique doit donc avoir conscience de sa propre représentation sociale. Comme l’a noté bien plus large le sociologue S. Nadel, que : « les membres d’une élite doivent considérer leur suprématie et ses conséquences comme une prérogative dont ils jouissent collectivement et qui les met à part du reste de la population ; c’est-à-dire qu’ils doivent former au sein de la société un groupe au moins en partie conscient de son identité, ayant des privilèges, des devoirs et, d’une façon générale, des règles de conduite »11 .

7 Le bœuf est un bien indispensable qui permet aux paysans Antambahoaka, Antemoro, Tanala et Betsimisaraka de se situer dans la hiérarchie social et oblige les autres à reconnaitre son statut. 8 Nassiet, M. cité par Luca, A. S., Op. Cit., p. 18. 9 Bourdieu, P., La distinction. Critique sociale du jugement , Paris, Minuit, 1979, p. 564. 10 Bourdieu, P., La noblesse d’État. Grandes écoles et esprit de corps , Paris, Minuit, 1989, p. 453. 11 Nadel, S. cité par Guy Busino, Elite(s) et élitisme , Op. Cit., pp. 106-107. 116

Bref, la richesse fait partie donc des éléments contribuant à l’influence à l’apparition d’un embryon d’élite politique et consolidant sa puissance sociale. Nous avons donc insisté sur la multiplication des acteurs politiques qui surgissent de ces initiatives et des opportunités qui leur sont offertes, des possibilités d’expression qui leur sont ouvertes à des degrés divers. De nouveaux savoir-faire économiques, sociaux et politiques se dessinent comme un résultat autour de chaque commune de district.

2-Dynamique interne de la structure sociale et la reproduction locale des acteurs politiques :

Les changements qui affectent peu à peu dans les conditions de vie des individus constituent les symptômes de transformations plus profondes de la structure sociale, surtout dans son organisation sociale, économique et même politique. Cependant, Marc Penouil disait à ce propos que : « la société nouvelle qui s’est constituée est profondément marquée dans ses structures sociales, dans son organisation politique et dans ses comportements économiques par ces influences du passé. La transformation de la société traditionnelle varie, en effet, selon le contexte économique et le milieu social et contribue à déterminer la spécificité de chaque économie »12 . Et Raymond Aron 13 explique bien en ajoutant que : « toutes sociétés ont eu une idée plus ou moins précise de ce qu’elles étaient et de ce qu’elles voulaient être ». Alors, après avoir observé l’origine profonde de la multiplication des acteurs politiques périphériques. Nous nous contenterons d’aborder quels modes de reproduction ont-ils adopté par nos acteurs politiques avant de capter le pouvoir de tout le niveau de district de Mananjary.

2.1/La reproduction sociale des acteurs politiques : Mécanisme et stratégie

La structure sociale qui garantit la continuité des lignées familiales au sommet de la hiérarchie sociale dans le district de Mananjary pendant plusieurs générations et même jusque maintenant suggère de façon évidente qu’il s’agit de famille ayant su gérer de manière efficace leur reproduction. Le cas des acteurs élus maires successif dans la commune rurale Namorona en

12 Penouil, M., Socio-économie du sous-développement , Op. Cit., p. 29. 13 Aron, R., « Science et conscience de la société » cité par Mendras, H., Eléments de sociologie-Textes , Paris, Armand Colin, 1978, p. 235.

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est bon exemple. Avec trois quart des maires élus étaient d’origine de sous-clan Antesinanana, un sous-clan central parmi les 48 sous-clans qui constituent les Antemoro de Namorona 14 . Ce qui fait qu’il nous importe donc d’analyser de plus près et profonde les mécanismes et les stratégies mises en œuvre par les acteurs politiques de Mananjary pour assurer leur reproduction. Le problème peut être abordé est, en premier lieu, celle au niveau sociétal à travers les mécanismes de la reproduction sociale d’une part et, d’autre part, à travers les stratégies de la reproduction familiale et individuelle.

Premièrement, dans une large partie de la région de Mananjary, au cours de la première et la deuxième République, la structure sociale, provoquée par la frustration du pouvoir colonial à Madagascar, devint de plus en plus basées sur des critères d’origine et surtout d’appartenance sociale ; de moins en moins sur de critères d’acquisition. Ce processus a freiné considérablement la dynamique sociale, les trajectoires d’ascension sociale devenant rares et souvent impliquant plusieurs générations. Dans ce système, où la stratification sociale assuma une forme fortement polarisée, le renouvellement de la classe politique concerne presque exclusivement les familles appartenant au lignage d’un village mais intellectuelles, considérées dans cette époque comme une classe supérieure, qui, par les stratégies politiques qu’elles étaient déployées par le pouvoir colonial, arrivent à bloquer l’accès à ces fonctions aux classes paysannes.

Au cours de la troisième République, avec le processus de la démocratisation, la mobilité sociale fut utilisée avant tout pour perpétuer les lignages familiaux, de reflet, elle favorisa la création d’une classe dirigeante qui n’était pas strictement nobiliaire, mais essentiellement locale. De plus l’épuisement démographique de nombreuses familles d’originaire de la catégorie sociale différente et la pression centralisatrice provoquèrent une certaine fermeture sociétale qui, toutefois, ne bloqua pas entièrement la mobilité sociale. En effet, nous avons assisté à l’irruption de nouvelles têtes d’acteurs politiques qui émergent dans le district de Mananjary, notamment de nouveaux acteurs économiques montants. La composition des organes dirigeants communaux nous montre en effet qu’à partir de cette période l’on assista à une diminution des flux sociaux. En d’autres termes, un nombre de plus en plus réduit des fonctionnaires purement réussit à améliorer son propre rang social et à accéder aux séances démocratiques. Tout ceci nous amène à nous demander par quels moyens et par quelles stratégies

14 Lire la liste des maires successifs de la commune rurale de Namorona, Annexe 03, p. 169. 118

les nouveaux acteurs politiques de Mananjary ont essayé d’assurer au niveau familial leur reproduction ?

Deuxièmement, les quelques exemples que l’on peut rassembler témoignent de la mise en œuvre de stratégies diversifiées qui vont des solutions fortement sélectives. En gardant une attitude endogame stricte comme la large majorité de la population, les acteurs marchands ont d’abord développé des stratégies reproductives assez originales, dictées en bonne mesure par leurs intérêts économiques. Ils ont essayé d’améliorer les conditions de vie des Ampanjaka, des familles très pauvres en achetant leur produit en accord comme le café, le poivre, le girofle, etc. Ils ont essayé aussi de résoudre les principaux problèmes des habitants, comme l’aide à la famille hospitalisé, l’aide dans la période de soudure pour les paysans, etc. Ensuite, les acteurs politiques fonctionnaires, qui sont à la fois commerçants, ont parfois politisé l’enseignement en vue de faire un effort pour la réussite aux examens CEPE et BEPC afin qu’ils puissent être reconnu du grand public, particulièrement les parents des élèves d’une commune. Puis, d’autres familles marchandes dans le district de Mananjary, quant à eux, structurent par contre leurs intérêts autour d’un triple réseau : 1-Celui qui les mette en contact avec les autorités de ville chef-lieu de district ou de région où ils sont installés et par l’intermédiaires desquels ils obtiennent les permis pour exercer leurs activités (commerce, exploitation de ressource minier, …) ; 2-Celui qui déterminent par l’aire des échanges et d’écoulement de leurs produits (café, girofle, or, etc). Ils s’étendent sur de nombreuses communes de district. 3-Et enfin, celui des familials et villageois où se définissent les liens de solidarité parentale et les stratégies d’alliance et de reproduction familiale. Ce dernier concerne la stratégie de mariage. Certains acteurs adoptent cette stratégie dans le district de Mananjary. Plusieurs mariages furent mêmes de type remarquable (croisés ou parallèles), ainsi qu’en témoignent les efforts mis en œuvre pour renforcer certaines alliances familiales. Le système de mariage dans la région Sud-Est de Madagascar est un signe d’intégration sociale. Bref, la parenté large, construite sur les relations horizontales, représente un support politique et économique prioritaire pour les stratégies économiques de la famille se nourrissent les uns avec les autres, en créant une forte cohésion de groupe basée sur l’origine autochtone de ses composants. Ce sont les raisons pour lesquelles en général que s’organise la reproduction familiale et individuelle des acteurs politiques dans le district de Mananjary. Leur réussite repose donc, entre autres, sur le tissage d’un réseau social d’alliances familiales centrées sur leur village ou commune d’origine.

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Pour terminer, Pierre Bourdieu nous conclut que le phénomène de reproduction sociale est un mécanisme sociologique de maintien de la position sociale et des façons d'agir, de penser et de sentir d'une famille. L’inégale répartition des capitaux économique, culturel, et social entre les classes sociales alimente cette reproduction sociale. De plus, au 19 ème siècle, Karl Marx traitait, lui aussi, que la reproduction sociale résulterait plus spécialement à la reproduction du capital. Dans ce cas, nous observons que la reproduction sociale des acteurs politiques à Mananjary oriente, à partir d’une perspective large, progressivement surtout autour de l’an 2000 leur stratégie reproductive vers le modèle aristocratique. Comme l’a bien mentionné Luigi Lorenzetti, en disant que : « par leur profil et leurs intérêts dans la vie publique, les élites politiques sont probablement celles qui ont approché le plus les modèles reproductifs aristocratiques et, dans certains cas, leurs pratiques successorales »15 .

2.2/La circulation des acteurs politiques et ses caractères évolutifs :

Les Ampanjaka ont une fonction neutre dans la mesure où, par le prestige qu’ils assurent, ils sont l’instrument permettant d’accéder et de monopoliser les principales instances du pouvoir politique, d’avoir un rôle de premier plan au sein des activités sociales (marché de la terre/exploitation des ressources locales, trafics, etc), et de se positionner sur l’échelle sociale en vue de mettre en place les stratégies d’alliance matrimoniales destinées à consolider le prestige social et le pouvoir économique. En ce sens, la carrière des notables traditionnels dans la région de Mananjary n’est pas motivée par des raisons strictement professionnelles. D’ailleurs, de nombreux Ampanjaka/Tangalamena ne rédigent, au cours de leur carrière, qu’un nombre d’actes limité, ce qui signifie qu’ils sont un instrument utilisé pour faciliter l’accès à d’autres fonctions, en particulier à celles publiques, et pour pouvoir déployer des activités économiques qui nécessitent d’avoir accès aux réseaux clientélistes sur lesquelles elles se basent. C’est pourquoi, les acteurs politiques les profitent toujours 16 .

15 Lorenzetti, L., « Les élites du monde Alpin italien durant l’époque moderne : les voies de la médiation et de la reproduction », in http://cadmus.eui.eu/bitstream/handle/1814/1352/HEC03-02.pdf?sequence=1 , consulté le 23 Janvier 2012. 16 Marolahy Dominique, « Distrikan’i Mananjary : Hifampitadiavan’ny mpanao politika ny Ampanjaka », in Lakroan’i Madagasikara , n° 3656, 31 zanvier 2010, p. 10. 120

Les acteurs politiques ont joué avec les autorités traditionnelles (Ampanjaka & Tangalamena) comme une modalité possible de leur circulation car ces derniers ont une forte pression dans le tranobe où ils règnent. Les autorités traditionnelles ont joué un rôle déterminant dans la configuration de l’espace politique communale dans la partie Sud-Est de Madagascar. Ils sont également intervenus sur la composition des listes et sur le choix des futurs maires. Il s’agissait de favoriser les forces ouvertes à leur participation à ces nouvelles formes de pouvoir ou de s’opposer à certaines autorités traditionnelles hostiles à leurs initiatives. Les enjeux étaient d’autant plus importants que la commune se voit attribuer un certain nombre de fonctions directement en rapport avec leurs interventions. Pour une question de sentiment de prééminence sociale, des regroupements souhaités n’ont pu se réaliser.

Les choix des membres des conseils municipaux, des maires et puis des députés de Madagascar participent de la logique d’investissement de tous les espaces de pouvoir politique de district. Dès lors, ce n’est pas une surprise si, nous prenons à titre d’exemple, le choix du maire a été déterminé soit par l’appartenance au groupe lignager du chef de village, soit par une relation sociale et/ou de parenté suffisamment valorisée. Nous observons, à l’inverse de thèse de Pierre Bourdieu qui met en valeur le « capital scolaire »17 , que le niveau d'instruction ou niveau d'étude n’est pas déterminant sur le choix ou le recrutement des acteurs politiques dans le district de Mananjary, car la compétence n’est pas privilégiée. Ainsi, dans bon nombre de communes, particulièrement les communes rurales, les autorités traditionnelles (Tangalamena et Ampanjaka) sont fortement impliquées dans la gestion des affaires communales 18 soit directement (certains maires sont des chefs de villages ou des conseillers au chef de village) pour certains cas, soit indirectement (fils du chef de village, neveu du chef de village, beau-frère du chef de village). Le maire de la commune rurale Tsaravary était, jusqu’à son élection, le 1 er Adjoint de l’ancien maire de cette commune Simon Robert. Quant à celui de la commune rurale d’Ambohitsara-Est, Odilon a affirmé qu’il était le choix des vieux parce que, dit-il : « je suis devenu maire par la volonté des vieux du village »19 . En effet, lorsqu’il s’est agi de proposer quelqu’un au poste de maire, avant même les élections, les notables traditionnels ou les Ampanjaka presque dans les communes de district de Mananjary se sont réunis, dans la grande maison (tranobe), avec le chef de village et ses conseillers. Ils discutent et proposent en demandant aux conseillers et notables

17 Tekpibele Masudi, P., Guerres et circulation des élites politiques en province orientale de la République Démocratique du Congo , Op. Cit., p. 82. 18 Voir la liste des membres conseillers communaux, tableau n° 06 , Annexe 02, pp. 164-169. 19 Entretien avec monsieur le maire Randriavelo Odilon, Ambohitsara-Est, 27 septembre 2011. 121

du village de la commune « qui est-ce qui peut faire un bon maire pour nous ? ». Les conseillers ont donné leur point de vue. Le candidat qui vient d’être choisi va chercher tout simplement de parti politique pour qu’il puisse être un candidat officiel. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a certes aucune entorse à la légalité. Toutefois, cela pose des problèmes de citoyenneté, de liberté de choix, d’égalité et même d’identité. C’est-à-dire le problème de la démocratie.

Ceci s’explique que la transformation des critères d’appréciation d’une société et des critères qui assurent à un groupe social sa position dominante entraîne peut-être souvent des conflits et provoque des clivages. L’élite politique n’est jamais uniforme qu’elle s’entend au pluriel, tant elle est traversée par des oppositions qui tiennent à des critères de définition différents. Le premier niveau d’opposition est interne. L’appartenance même à une élite suppose l’acceptation de stratégies de promotion et donc de compétition, qui structurent autant de sous- groupes aux intérêts parfois contradictoires. Les élites politiques, religieuses, intellectuelles, économiques appartiennent à des domaines de compétences qui se complètent parfois mais sont susceptibles de se poser comme concurrents. Les élites sont, par nature, hétérogènes et peuvent s’organiser de manière extrêmement complexe. Elles sont donc un groupe social évolutif.

Les acteurs politiques sont caractérisés par son autonomie relative par rapport notamment à la population, ils ne contrôlent pas moins les « frontières » de leur groupe, les critères de l’intégration politique. Les élites sont en relation constante avec la société surtout aux Ampanjaka, mais ne laissent pas n’importe qui entrer dans leur communauté. Ce qui nous fait en effet que, l’élite n’est pas isolée de la société, et n’est pas un phénomène statique ; elle n’est pas exactement définitive dans son idéologie ou dans sa représentation. D’ailleurs, faute de s’adapter aux transformations sociales qui les entourent, les aristocraties périssent ; d’où cette pensé de sociologue Vulfredo Pareto : « L’Histoire est un cimetière d’aristocratie »20 . En effet, prises dans un courant de renouvellement permanant : les aristocraties ne durent pas.

L’élite, et spécifiquement l’aristocratie, est donc un groupe social évolutif, cette évolution est pour deux raisons : soit ce groupe est remplacé par une nouvelle élite, soit il est modifié dans sa composition. J. Coenen-Huther, cité par Anne Sandrine de Luca 21 , qui, en défendant cette idée, ne décrit pas l’élite comme un donnée sociale figée mais au contraire, comme un groupe éminemment fluctuant, en disant que : « tout élite se reproduit ou se

20 Voir Vulfredo Pareto, Traité de Sociologie générale , Op. Cit., p. 1304. 21 Lire Luca, A. S. ; La Noblesse du Premier Empire français : L’identité nobiliaire réinventée , Op. Cit., pp. 26-27.

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transforme également et cela donne lieu à des processus connus sous les appellations classiques de « circulation » ou de « reproduction » des élites ». De plus, pour terminer, Vilfredo Pareto essaie d’expliquer l’origine des mutations sociales, en disant que : « lorsque (…) un mouvement d’émancipation modifie le rapport de forces entre les différentes composantes d’une population hétérogène, de nouveaux critères d’accès à la prééminence (…) sont reconnus comme légitimes. On assiste alors à l’émergence de nouvelles élites ébranlant le monopole des élites établies ». C’est pourquoi, « par l’effet de la circulation des élites, l’élite (…) est dans un état de transformation lent et continue ».

II- Les facteurs exogènes de la multiplication des Acteurs politiques à Mananjary :

Devant une telle explication et de tels afflux d’idées que nous venons d’apporter ci-haut, force est de constater qu’il ne nous suffit pas de se contenter dans les facteurs internes sur l’évolution des acteurs politiques périphériques. Elle nécessite de comprendre aussi d’autres facteurs qui peuvent influencer la multiplication de ces acteurs politiques, particulièrement dans le district de Mananjary. Plusieurs facteurs contribuent peut-être à ce fait. Pour aller au bout de notre analyse, nous allons insister tout d’abord sur le facteur historique et le contexte socio- politique dans le pays et dans le monde. Car, quel que soit l’explication du changement retenue, la question de la mondialisation constitue sans aucun doute un moment théorique important pour l’étude de la multiplication des acteurs politiques. Il s’agit en particulier de mettre en exergue les relations qui lient l’évolution socio-historique et l’apparition des acteurs politiques. Ensuite, nous allons comprendre l’autonomie relative des acteurs politiques qui favorise la prééminence des relations sociales entre les acteurs politiques eux-mêmes. On décrit seulement les différents réseaux d’appartenance de l’élite politique qui nous permettra d’insister sur les déterminants de la carrière politique.

3-Le facteur historique et le contexte socio-politique à Madagascar :

Comme nous l’avons déjà abordé ci-haut, les acteurs politiques à Mananjary semblent donc relativement homogènes. Ils paraissent se reproduire selon des dynamiques sociales et politiques intégrées par l’ensemble de la classe politique et de la société. À partir de cette analyse, il semble que l’évolution de la structure sociale, de la structure de l’élite, l’intégration de nouvelles personnalités et la circulation des élites, soient relativement limitées. Nous avons

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néanmoins présenté par la suite dans ce chapitre les différents moments de l’histoire politique malgache qui ont favorisé, certes ponctuellement et dans des proportions différentes, l’évolution de l’acteur politique, l’émergence de pratiques politiques innovantes. Il s’agit donc de relativiser l’impression de pétrification de l’élite politique dans le district de Mananjary.

3.1/Évolution historique et l’ouverture politique régionale :

L’un parmi des raisons, qui avaient pu entrainer la chute du pouvoir royal à Madagascar, était le manque de la participation des représentants côtiers dans la direction d’État monarchique malgache. Andrianampoinimerina, quant à lui, avait promis d’appliquer une stratégie de l’équilibre ethnique au sein de son administration, c’est-à-dire le respect de la participation de toutes les tribus dans la direction et la gouvernance d’un nouvel État. Or, ce n’était pas le cas, comme l’avait bien remarqué Randrianantenaina Françis 22 , seul le merina qui avait régné, qui avait gouverné le pays pendant presque plus d’un siècle. Le non-respect de l’équilibre ethnique, surtout dans la période féodal où la société était dotée d’une forte conscience ethnisme, est comme un fait politique dangereux. Car ce promesse non tenu était constitué dans cette époque une faute impardonnable pour les dirigeants merina auprès des dix- sept autres ethnies. Tout cela avait provoqué une frustration et surtout un mécontentement des acteurs politiques périphériques de cette époque. Ils ont laissé ce phénomène comme un point de réserve. De plus, les tentatives d’implantations des régimes féminines, qui n’avaient pas accepté pour ne pas dire tabou pour certains ethnies de Madagascar, particulièrement les antambahoaka, les antemoro, les tanala et les betsimisaraka dans la partie Sud-Est de l’Îles. Leurs us et coutumes comme nous l’avons déjà indiqué maintes fois, ne considèrent pas les statuts de femmes dans la direction d’une famille par exemple, d’un tranobe, d’une commune et surtout d’un État. Ce sont les raisons pour lesquelles avaient entrainé et réveillé la conscience régionale et qui avait aussi permis d’une formation d’un embryon d’acteur politique régional à Madagascar.

Ensuite, les Français, dotant d’une forte puissance économique, matérielle et armée, avaient destitué facilement les dirigeants merina qui détenaient le pouvoir royal malgache. Les Français avaient su la réalité qui suscitait au sein de la vie périphérique malgache. Ils avaient profité leur mécontentement et leur colère depuis un siècle sous la domination merina. Une fois que la loi d’annexion fut promulgué le 6 août 1896 qui déclarait que Madagascar était colonie Française, Général Gallieni fut divisé Madagascar en trois régions, dotée chacune d’un centre de

22 Randrianantenaina, E. F., Les élites politiques à Madagascar : cas de Vangaindrano , Op. Cit., p. 49. 124

pouvoir quasi autonome, à savoir le Centre, l’Ouest et l’Est ; et fut recruté les acteurs locaux. C’est pourquoi, selon Randriamamonjy Frédéric 23 , dans les régions de l’Ouest et de l’Est, de nombreux gouverneurs merina furent remplacés par des gouverneurs d’origine locale. Tandis que la région du centre fut sous administration militaire française. Nous prenons à titre d’exemple à ce propos le cas de betsileo, même s’il y avait une administration monarchique autonome. Général Gallieni fut retiré tous les Gouverneurs merina et les remplacés par des personnalités locales. Ce tactique avait pour but que la population malgache apprécié beaucoup cette mesure qui augmentait leur confiance aux Français. Cette tactique avait appelé une tactique de la : « pacification en tache d’huile ».

En outre, les affaires politiques dans le monde entier et même en Afrique avaient changé après la deuxième guerre Mondiale. Ce changement était défini par la conférence de Brazzaville (30 janvier – 8 février 1944), et la conférence de San Francisco (avril 1945) 24 . Pour l’Afrique, la conférence de Brazzaville était organisée pour étudier ce qui pourrait être envisagé comme nouveau statut pour les anciennes colonies. Le principe adopté était donc la promotion rapide de l’économie, l’amélioration du niveau de vie et le nouveau statut politique. Ce nouveau statut politique avait permis d’une ouverture politique régionale presque partout dans les pays africains colonisés, notamment Madagascar.

Pour cela, de nouvelles circonscriptions administratives étaient adopté par les régimes coloniaux à Madagascar. Le décret du 14 Février 1945 avait divisé encore plus Madagascar en quatre régions : le Centre, le Nord, l’Est et l’Ouest. Le Sud fut défini comme région autonome, dirigé par un chef qui portait le titre de « Gouverneur du Sud », alors que les autres régions étaient administrées par des chefs de région. Ces nouvelles régions étaient découpées par les treize communes mixtes 25 . Ces communes mixtes étaient dirigées par le conseil représentatif qui détenait peu de pouvoir, mais il s’agit d’un réel progrès surtout pour les acteurs politiques périphériques. Une année plus tard, Madagascar change encore de statut face au phénomène mondial et devient une collectivité territoriale dotée d’institutions propres et qui comprend les

23 Randriamamonjy, F., Histoire de Madagascar 1895-2002 , Antananarivo, Trano Printy FLM, 2009, p. 39. 24 La conférence de San Francisco était organisée par la suite par les pays vainqueurs sous la direction des cinq grands pays à savoir les USA, la Grande Bretagne, la France, l’Union Soviétique et la Chine. L’objet de la réunion était de chercher les bases d’une vie commune dans la paix et la solidarité pour que plus jamais il n’y ait plus de guerre. Voir Herimampionona Françoise Lalao, in Cahier Cours d’Histoire-Géographie , classe de Terminale, année scolaire 2005-2006. 25 Les treize communes mixtes étaient : Antananarivo Antsirabe, Fianarantsoa, Diégo-Suarez, Majunga, Nosy-Be, Ste Marie, Tamatave, Mananjary, Morondava, Antalaha, Fort-Dauphin, et Tuléar. Voir Randriamamonjy, F., Histoire de Madagascar 1895-2002 , Op. Cit., p. 151. 125

provinces de Tananarive, de Fianarantsoa, de Majunga, de Tamatave, de Diégo-Suarez, et Tuléar 26 . La grande Îles est devenue alors un État autonome, jouissant de ses droits et devoirs, et doté d’une autonomie juridique et financière, gérant ses ressources financières et ses biens, ceux de l’État comme ceux des personnes privées. Les institutions à travers lesquelles l’État gère ses propres affaires sont le chef de l’État, le conseil de Gouvernement, l’Assemblée Représentative et les Assemblées Provinciales.

Le reforme chaque fois de la circonscription administrative permet une ouverture politique peu à peu dans la périphérie de Madagascar. Les acteurs politiques périphériques avaient profité de la période coloniale ainsi que leur colère pendant la période féodale, c’est pourquoi, ils ont réussi à prendre la tête du pouvoir depuis la première jusqu’à la troisième République de Madagascar. Nous parlons donc l’arrivé d’un instituteur d’ethnie Tsimihety, d’origine paysanne de Majunga, Philibert Tsiranana au pouvoir, formé à l’École Normale de Tananarive « Le Myre de Villers » et puis à Montpellier en 1946. Ce dernier avait recruté de nombreux acteurs politiques côtiers au sein de son administration. Tout cela avait provoqué de bouleversement et même la chute de son régime en 1972 par les acteurs politiques centraux. Ces derniers étaient mécontents d’être exclue du pouvoir politique, insatisfaite de leur dominante dans la haute administration du Président Philibert Tsiranana. Ils auraient redouté la montée en puissance des élites politiques côtières. L’arrivé de Didier Ratsiraka jusqu’à la troisième république ; et le Président Zafy Albert.

La colonisation avait déstructuré le système merina sans trop changer le mode de gouvernement local qui continuait d’avoir cours dans presque toutes les régions de Madagascar. Le système colonial était basé sur un découpage territorial comprenant des Régions, des Provinces, des CAR, des Communes rurales de plein exercice, des communes urbaines. C’est la raison pour laquelle que, depuis l’Indépendance, l’organisation administrative de Madagascar est l’héritage de l’administration française dont nous venons indiquer ci-haut. Une administration fortement centralisée constitue le point commun des deux systèmes. L’administration coloniale a adapté certaines structures (Fokonolona, corvées…) et changé complètement d’autres (royauté, système de castes,...). Il faut dire que Madagascar était en phase d’unification, un processus acquis sur le papier mais qui était loin de correspondre à la réalité. Ce découpage s’est fait

26 Le décret du 9 novembre 1946 qui créait et découpait Madagascar en cinq provinces à savoir Tananarive, Fianarantsoa, Majunga, Tamatave et Tuléar. Et la loi 56-117 de 1956 créait Diégo-Suarez comme une province indépendante pour devenir six provinces qui constituaient Madagascar. 126

progressivement et était appuyé d’une déconcentration (Cantons, Districts). Mais c’était la Loi e Cadre de 1956 qui a consacré le système administratif qu’allait hériter la 1 République.

Voyons, tout d’abord, dans la 1 ère République, on a donc adopté un système basé sur une décentralisation à deux niveaux 27 : Les Provinces (6) avec une Assemblée provinciale élue et dotées d’un budget provincial ; et les Communes dont 734 rurales et 44 urbaines. Déjà à l’époque, les circonscriptions administratives ou niveau de déconcentration ne correspondait pas au niveau de décentralisation : Provinces (6), Préfectures (18), Sous-Préfectures (91), ème Arrondissements (44) et Cantons (695). Ensuite, sous la 2 République, la décentralisation se fera à 4 niveaux 28 . C’était la révolution socialiste où la malgachisation était à la base et les dénominations des différents niveaux perdurent jusqu’à présent, non pas tellement à cause de la durée du régime (1975 – 1992) mais peut-être surtout grâce à l’internalisation des dénominations ‘bien malgache’ : Fokontany (CTD de base) environ 15000 (quartiers), Firaisampokontany (groupe de Fokontany) environ 1200 (communes), Fivondronampokontany (groupes de Firaisampokontany) (111 Sous-préfectures) et Faritany (groupes de Fivondronampokontany) (6 ème Provinces). Et enfin, c’était pendant les trois périodes de la 3 République que la ère Décentralisation a connu le plus de changement mais aussi de valse – hésitation. En effet, la 1 période (sous le régime du Président ZAFY Albert) a apporté des mutations profondes : tout d’abord la suppression de tutelle de l’État sur les CTD et des Provinces au profit des Régions ; la 29 mise en place de 3 niveaux de Décentralisation ; et l’instauration de régime parlementaire. La ème 2 période a été caractérisée par le retour des Provinces devenues cette fois ci Autonomes. Mais c’était aussi pendant cette période que les communes ont le plus avancé : le rattachement de la Décentralisation au Ministère du Budget qui a permis de renforcer les ressources des CTD 30 . Depuis 2002, la décentralisation a une fois de plus connu une nouvelle réorientation qui pourrait faire avancer la décentralisation si le processus de mise en œuvre n’était pas freiné. La création des 22 Régions est le plus remarquable.

Et pourtant une nouvelle génération d’acteur commence de plus en plus à occuper le terrain, des jeunes opérateurs économiques pour la plupart et qui viennent souvent du secteur

27 Article 55 de la constitution de la République malgache, Antananarivo, 29 Avril 1959. 28 Article 100 de la constitution de République Démocratique de Madagascar, Antananarivo, 31 Décembre 1975. 29 Région, Département et Communes. 30 La réactualisation des barèmes, attribution de la totalité des impôts fonciers aux Communes, accélération des traitements des dossiers…. 127

privé, car conscients des potentialités des CTD, encore faut-il bien les accompagner pour que leur mandat ne soit pas un tremplin pour leurs affaires personnelles mais pour le bien public. Et c’est là où le MAP et la LP2D prennent toute leur importance. Tant que tout le monde pense que le MAP est l’affaire du Président et du Gouvernement, les élus se contenteront d’attendre les financements et n’entameront même pas des démarches pour aller dans ce sens 31 . La création des 22 Régions va créer autant de pôle de développement mais aussi surtout favoriser l’émulation entre eux. Elle donnera également plus d’opportunités à l’apparition des acteurs politiques locaux d’initier des actions et de prendre en main leur propre développement. Quelle ouverture encore apportera-il le retour à la province prévue dans la nouvelle constitution de la 4 ère République 32 ? L’apparition des acteurs politiques à travers la décentralisation est accompagnée parfois par la multiplication des partis politiques dans un pays.

3.2/Le système multipartisme et sa fonction :

Depuis l’arrivée des colons Français à Madagascar, la vie socio-politique malgache a beaucoup changé. Randriambelomiadana Rochel a bien écrit que « malgré l’abolition de l’esclavage en septembre 1896, les malgaches sont privés de leurs droits politiques, ils deviennent des sujets français. Cette domination sera difficilement supportée par la classe dirigeante de l’ancien État monarchique merina, dont la conscience politique est relativement plus éveillée que celle de l’oligarchie côtière »33 . C’est-à-dire les dirigeants merina étaient mécontentes d’être exclus du pouvoir politique. C’est la raison pour laquelle que les premiers mouvements politiques, à travers la création des Menalamba 34 , de V.V.S. (Vy, Vato Sakelika) 35 en 1913, et de l’association JINY, JINA, etc, soient menés par eux et qu’ils prennent un caractère d’émancipation et secrète.

Ces mouvements avaient porté sur la revendication de l’Indépendance de Madagascar. La manifestation était progressivement recouvert le pays et qui fut la rébellion du 29 Mars 1947.

31 La plupart des investissements réalisés auprès des communes se font dans le cadre d’expériences pilotes ou de financements d’ONG. Les potentiels offerts par la coopération décentralisée ne sont pas exploités comme il se doit. Sur les 1557 communes, à peine une centaine bénéficie de cette manne. 32 Lire Article 157 de la constitution de la quatrième République de Madagascar, novembre 2010. 33 Randriambelomiadana, R., Libéralisme et développement à Madagascar , Antananarivo, Foi et Justice, 1992, p. 15. 34 Randriamamonjy, F., Histoire de Madagascar 1895-2002 , Op. Cit., pp. 12-13. 35 Une organisation politique clandestine constituée par des intellectuels, des étudiants en médecine, des pasteurs ainsi que des prêtres catholiques. Lire Randriamamonjy, F., Histoire de Madagascar 1895-2002 , Op. Cit., pp. 79- 81. 128

Mais la répression qui s’en est suivie a laissé un profond traumatisme dans les masses. La marche vers l’Indépendance a donné lieu à un éveil de la conscience populaire marqué par la création de partis politiques. Pour cela, de partis politiques se formait. Comme le PCRM en août 1936, le PANAMA en 1936 et le MDRM en 1946. Dès que ce dernier parti fut fondé en février 1946, les acteurs côtiers et les Maintienindreny furent fondé aussi le PADESM en juillet de la même année. Car : « ils avaient pensé que le parti MDRM était complot des merina, pour écarter les Français et pour rétablir un régime oppressif contre les Maintienindreny et les côtiers »36 .

Après l’avènement de 29 Mars 1947, plus précisément dans la période de la transition entre 1948 à 1958. Madagascar a connu sous le régime du multipartisme. De différents partis et associations politiques avaient apparu dans la Grande Île. Citons 37 donc l’UNIUM, CAPSIM, FNM, AAP, PNDOI, PPM, UPM, UTP, UNAM, GDSM, MTC, Amis des paysans, FMTC, UIT, etc. Mais les grands partis politiques qui avaient d’envergure nationale étaient donc l’UDSM et le PSD qui viennent ce deux du PADESM ; l’AKFM et le MONIMA, un parti fondé par Monja Jaona en 1958. Le multipartisme de cette époque était l’occasion pour l’émergence d’un grand nombre d’acteur politique même au niveau périphérique, assez fortement ancrés idéologiquement et ayant comme objectif principal la mise en valeur d’un leader. Ce multipartisme avait favorisé la fusion des acteurs politiques périphériques nationalistes de la Grande Île même dans les pays africains colonisés surtout vers la fin du régime coloniale.

Depuis la première jusqu’à la deuxième République, Madagascar était sous l’égide du régime du parti unique. Historiquement, les seuls partis politiques qui possèdent une implantation nationale sont les partis fabriqués par les gouvernements. Le parti PSD de Philibert Tsiranana d’une part, qui a réussi à prendre la tête du pouvoir politique sous la première République, et d’autre part, l’AREMA de Didier Ratsiraka sous le second. Dans un régime de parti unique, le parti est le lieu de sélection du personnel dirigeant, il désigne en effet tous les candidats aux élections. Les personnalités sont sélectionnées par le président du parti, qui dans le cas des partis uniques comme à Madagascar sont également les chefs d’État. Adhérer au parti unique est dès lors la seule manière de parvenir à occuper un poste politique. Ainsi plusieurs personnalités politiques qui ont adhéré à des partis politiques au début des années 1960 et 1975, voire qui occupaient des postes de cadres au sein de ces partis, ont par la suite intégré le rassemblement démocratique de Madagascar, uniquement dans le but d’obtenir, en échange, un

36 Randriamamonjy, F., Histoire de Madagascar 1895-2002 , Op. Cit., p. 168. 37 Randriamamonjy, F., Histoire de Madagascar 1895-2002 , Op. Cit., pp. 216-223. 129

poste au sein du gouvernement. Le parti unique est ainsi une institution qui participe à la structuration de l’élite politique, il est le vivier de l’élite politique. Si le pouvoir de désignation revient à la Présidence, les cadres du parti n’en proposent par moins « leurs candidats ». Cela veut dire que le système unipartisme est peu de sens à accéder au pouvoir gouvernemental pour les acteurs politiques régionaux.

Madagascar a choisi, malgré une première période à nouveau caractérisée par la concentration des pouvoirs et par la tentative de faire taire toute opposition, d’instaurer la liberté de constitution de partis politiques après la crise en 1991. C’est pourquoi, le pays est marqué par le retour au multipartisme. Ce multipartisme ayant eu lieu à Madagascar avec l'adoption d'une nouvelle loi sur les partis et les associations politiques prévu dans une nouvelle Constitution adoptée en septembre 1992. En quelques mois, une dizaine de partis politiques sont créés. L'évolution quantitative du nombre des formations connut un sommet durant les premières années de la troisième République. L'engagement sur la voie de la démocratie provoqua une véritable prolifération de partis et d'associations para-politiques, après la période de fermeture de la Révolution socialiste. On a recensé, selon Jean Éric Rakotoarisoa, que : « plus de 160 formations furent officiellement enregistrées auprès du ministère de l'Intérieur »38 . Cette multiplication rapide des partis avait été favorisée par le choix du scrutin proportionnel pour l'élection des députés. De plus, Michel Offerle a bien indiqué, preuves à l’appui, que : « lorsque le suffrage masculin s'élargit ou s'universalise, des intermédiaires régulent l'échange politique et proposent des programmes et des candidats »39 . L'option prise en faveur de ce système avait été encouragée, lors du Forum national de 1992, par une méconnaissance des rapports de force réels sur le terrain.

Dans le cadre de la démocratie représentative, les partis ont normalement pour objectif la conquête du pouvoir, ou du moins, l’accès à celui-ci par des voies constitutionnelles régulières et, spécialement par l’intermédiaire des élections. Ceux-ci remplissent également un rôle dans le recrutement du personnel politique. Par ailleurs, à Madagascar comme dans beaucoup de pays d’Afrique, faute d’exprimer de réels clivages et de pouvoir entretenir une réelle allégeance citoyenne, les partis servent essentiellement de support à l’émergence et à la pérennisation d’une classe politique.

38 Rakotoarisoa, J. E., « 1991-2002 : le difficile apprentissage de la démocratie », in Afrique contemporaine , N° 202-203, avril-sept. 2002, p. 22. 39 Michel Offerle, « Les partis politiques – théorie », in Encyclopaedia Universalis 2010. 130

Si les régimes de partis uniques ont établi la prééminence du rôle du parti dans la sélection du personnel dirigeant, il convient donc de s’interroger sur les évolutions du rôle du parti politique au moment où le multipartisme est finalement instauré. On pouvait en effet émettre l’hypothèse de la capacité mobilisatrice de ces nouveaux partis, qui élaboreraient des programmes, une ligne idéologique en rapport avec les espoirs suscités par l’avènement du multipartisme et l’organisation d’élections démocratiques concurrentielles. L’objectif était alors la compétition pour l’accès au pouvoir politique. Il s’agissait de mettre en valeur le président du parti, pour qu’il accède à la Présidence de la République. Comme nous l’avons vécu à Madagascar, il n’y avait pratiquement pas de considération idéologique ou quelque programme. Depuis l’ouverture démocratique, la même logique semble agir. On assiste en effet à la multiplication des partis politiques. D’une cent cinquantaine de partis politiques en 1992-1993, on passe à deux centaines partis recensés en 2002, puis trois cent centaines en 2007. Et en 2010, on en compte autour de 400 partis et associations politiques officiellement reconnus à Madagascar 40 . On assiste en moyenne à la création d’un parti par an, sans que la plupart n’ait ni d’orientation politique précise, ni du projet de société exacte, ni de base électorale élargie, et donc pour beaucoup aucune représentativité. Le statut de chef de parti donne automatiquement le statut de membre ainsi que le candidat de tout le niveau de l’État.

L’objectif prioritaire du parti est donc de faire accéder à l’État si ce n’est son leader au moins un de ses cadres. Des personnalités politiques créent ainsi des partis dans la perspective de briguer la magistrature suprême, ou de pouvoir, en cas d’échec, apporter un soutien au parti majoritaire, contre certains avantages conséquents. Être cadre d’un parti étant le meilleur moyen d’espérer pouvoir, à un moment ou à un autre, accéder à des postes gouvernementaux, certains partis continuent d’exister alors qu’ils n’ont aucune représentativité. L’exemple du Leader Fanilo est représentatif de cette stratégie d’accès au pouvoir. Depuis la mort de son chef, ce parti a perdu la plupart de ses dirigeants « originels », et n’a jamais été un parti de masse, néanmoins les quelques « résistants » le maintiennent actif simplement dans le but de pouvoir passer des accords avec la majorité présidentielle et d’avoir ainsi la possibilité d’accéder à des postes gouvernementaux, voire d’obtenir des postes à responsabilité dans des sociétés publiques. Ainsi, par les jeux d’alliances électorales, des accords plus ou moins officiels passés avec le parti majoritaire, la multitude de petits partis politiques malgache non représentatifs tente d’avoir

40 « Le nombre des partis politiques ne cessent d’augmenter à Madagascar. Il risque de toucher le cap de 400, d’ici peu, considérant le rythme actuel de création », stipule Zahasoa in « Lakroa n’i Madagasikara », n°3739 du 9 octobre 2011, p. 9. 131

accès à l’État. En échange d’un soutien électoral, on garantit par exemple une place dans un gouvernement ou dans une institution comme le Conseil économique et régional. Dans la compétition pour le pouvoir politique, les partis sont finalement des supports qui permettent la mise en valeur de personnalités politiques reconnues par la population, et ayant déjà une certaine expérience politique.

La multiplication des partis dans ces dernières années est le symbole de la stratégie adoptée par les hommes politiques : créer un parti, pour être reconnu. C’est facilement à accéder à l’État. En politique, selon Gilbert Raharizatovo, c’est le rapport de force qui compte. Apolline Gagliardi-Baysse nous marque, quant à lui, que : « la représentation ultime de cette utilisation du parti simplement comme « tremplin » »41 , la propension assez récente de personnalités déçues du partage du pouvoir mis en place par Marc Ravalomanana au moment de son élection à la Présidence de la République. Certains sont notamment d’abord entrés en rébellion, mais voyant que ce stratagème ne leurs permettait pas d’obtenir ce qu’ils voulaient ils ont décidé de créer leur propre parti. C’est la démarche adoptée par Pierrot Rajaonarivelo, ancien ministre mais aussi le leader d’exilé politique depuis 2002. En 2010, il a créé un nouveau parti politique dénommé le Mouvement Démocratique de Madagascar (MDM).

Si la multiplication de partis politiques peu représentatifs est symptomatique d’un faible ancrage idéologique et d’une propension à se servir du parti comme tremplin pour « accéder au gâteau national, régionale et même communale », il convient de s’intéresser plus particulièrement à la traduction pratique de cette théorie et de regarder si effectivement au moment de la Présidence de Didier Ratsiraka puis de Marc Ravalomanana le critère partisan est essentiel pour la constitution des équipes politiques.

La sélection des hommes politiques dépend également des phénomènes de luttes internes aux partis politiques, qui donnent lieu à l’élaboration de stratégies et manœuvres pour permettre à un de leurs représentants d’accéder à l’État. Le but ultime du parti politique reste donc la compétition pour l’accession au pouvoir. En fait le parti politique est surtout le lieu de l’émergence de personnalités, le tremplin ensuite pour accéder à des postes politiques de tout le niveau. L’affiliation partisane semble donc historiquement nécessaire pour accéder à des postes politiques. Par ailleurs, il convient de souligner que contrairement aux caractéristiques du

41 Gagliardi-Baysse, A., Dynamiques de formation et de reproduction des élites politiques centrafricains , Op. Cit., p. 127. 132

recrutement politique en cours dans la France de la III e et IV e République notamment, passer par l’assemblée nationale n’est pas un critère majeur du recrutement à des postes gouvernementaux. Il n’est pas nécessaire d’être député pour être ministre à Madagascar. Néanmoins être député peut présenter un avantage et favoriser le recrutement. Cette donnée régionale peut en effet être déterminante : une personnalité politique élue maire ou député, bien ancrée régionalement, c'est- à-dire soutenue par la population, pourra être stratégiquement recrutée, surtout si elle est élue dans une région favorable au chef de l’État. S’il semble que l’affiliation partisane soit une variable importante du recrutement, elle n’est pas exclusivement déterminante, d’autres variables entrent en compte, notamment la logique de l’appartenance régionale.

4- L’autonomie relative des acteurs politiques et le réseau centre-périphérie :

Ce qui nous intéresse dans ce paragraphe est de comprendre quels rapports existent-ils entre les acteurs politiques centraux et celles des périphériques ? Quels processus ont-ils adopté pour alimenter leur relation dans le courant politique actuel ? Il s’agit en particulier de mettre en exergue les relations qui lient entre eux-mêmes, notamment parce qu’ils participent à sa configuration. Pour mieux cerner ce chapitre, nous devrions à décrire les marqueurs sociaux de l’appartenance à l’élite politique qui, tout en les distinguant, les lient en permanence eux-mêmes. Il est intéressant donc de s’attacher tout d’abord dans la marginalisation et le processus de la médiation entre le centre et la périphérie. Ensuite, nous allons concentrer notre observation sur les formes et la prééminence des relations de nature verticale qui lient les acteurs politiques centraux et périphériques.

4.1-Marginalité et médiation :

Guy Rocher part pour sa part sur la notion de marginalité qui peut s'appliquer à des milieux très différents les uns des autres, mais qui ont cependant ceci en commun qu'ils se situent à la périphérie de ce qu'on peut appeler la structure sociale globale de la société 42 . Tant par leur mode de vie que par leur culture (au sens anthropologique du terme), les marginaux n'appartiennent que partiellement à la société dont ils sont membres. Ceci se fait par la lutte effrénée à «participer» à la gestion de la «chose publique».

42 Rocher, G., «La marginalité sociale. Un réservoir de contestation», in Ryan, Le Québec qui se fait , Montréal, Les Éditions Hurtubise, HMH, 1971, pp.41-47. Disponible sur www.uqac.ca/Classiques_des_sciences_sociales consulté le 7 décembre 2011. 133

Tekpibele Masudi, quant à lui, avait bien réussi à observer que le phénomène de la marginalité se présente sous deux formes principales. Selon lui, « il peut être d'abord le fait des couches sociales depuis longtemps exclues de toute participation réelle aux avantages et aux activités de la société : c'est la marginalité socio-économique, dont les racines tiennent aux structures de production et à l'organisation politique de la société. La seconde forme de marginalité se manifeste par un refus volontaire et explicite d'intégration à la société qu'on rejette : c'est la marginalité socio-culturelle, qui résulte de l'élaboration d'une sorte de sous- culture parallèle, plus ou moins en opposition à la culture dominante »43 .

Si la marginalité politique dans le district de Mananjary durant la période féodale semble indiscutable, il importe donc de relever ici un aspect à première vue inattendu, à savoir l’autonomie croissante acquise par les collectivités locales face aux pouvoirs centraux en voie de constitution et de consolidation. La consolidation des organes communautaires composés des familles du lignage qui possèdent et ont accès aux biens immeubles communautaires, et le processus de privatisation des patrimoines fonciers de la part de la paysannerie, en ont été les conséquences les plus immédiates. Elles ont été suivies par l’émergence de familles, souvent issues de milieux marchands qui, grâce à leurs réseaux de clientèles, sont arrivées à se hisser aux postes clés de la vie politique locale et, dans certains cas, à marginaliser les représentants du pouvoir central. D’une manière générale, ces nouvelles élites ont assumé un profil spécifique, prioritairement orienté vers deux fonctions complémentaires : celle de la médiation entre le centre et la périphérie et au sein des acteurs politiques ; et celle de la défense des autonomies locales face aux ingérences externes d’autre part.

Voyons que depuis la période coloniale, Mananjary était déjà constitué l’un des pôles économiques de Madagascar. Il était l’un des treize villes où il y avait des Français, et qui furent appelées « communes mixtes »44 . Mananjary aurait glissé, au cours de cette période, d’une position de forte intégration avec l’espace économique et même culturel Français ; à une position de marginalité et de subordination par rapport aux nouveaux pôles économiques et culturels de

43 Tekpibele Masudi, P., Guerres et circulation des élites politiques en province orientale de la République Démocratique du Congo , Op. Cit., p. 96. 44 Comme nous l’avons déjà marqué dans la page précédente. 134

Français à Madagascar 45 . Plus particulièrement, le processus de formation et de consolidation du pouvoir à travers les communes mixtes et ainsi que l’émergence de l’économie du model européen auraient conduit Mananjary vers la région périphérique de l’Île ; une périphérie relative du point de vue stratégique – il suffit de penser tout simplement aux luttes d’influences que se livrent le régime colonial pour le contrôle des leurs axes et des pôles Sud-Est les plus importants – mais réellement du point de vue économico-politique. C’est à partir de là que s’est constitué la médiation et s’est intensifié la relation centre-périphérie à Madagascar.

La médiation économique est alors à l’origine du pouvoir et de l’influence des acteurs locaux en voie de consolidation dans cette époque. Elle est assurée en large mesure par les familles qui, grâce à leurs fonctions de régulateurs des échanges, se positionnent à l’intersection de réseaux multiples (familiaux, amis, etc). En outre, elles jouent un rôle important dans la mise en valeur des ressources locales et dans l’approvisionnement alimentaire. Quelques exemples concrets sont explorés ici. La famille métis chinois qui repartisse et occupe les communes à forte potentialités économiques, par exemple, a organisé même jusqu’actuellement un ample réseau d’échanges basé sur le commerce, et surtout à l’exportation des produits (café, poivre, girofle, or, etc). Certaines familles marchandes Betsileo dans le district de Mananjary qui se relient dans la grande famille marchande d’Ambositra et d’Antananarivo. Pour cette famille, il s’agit tout simplement en effet de perpétuer leur hégémonie sur les institutions publiques et sur la vie économique locale.

Donc, la médiation est parfois née et se déployée à l’échelle régionale. Cette médiation a une dimension prioritairement politique. C’est ce que l’on peut relever parmi certaines familles Betsileo qui deviennent fonctionnaires. En parcourant la liste des fonctionnaires enseignants dans le CISCO Mananjary l’on rencontre de nombreux représentants de cette famille établis en tant qu’instituteur. La distinction entre médiation économique et médiation politique est naturellement en partie caricaturale : souvent, les deux sont exercées en même temps au sein des familles qui acquirent des prorogations particulières face aux instances du pouvoir central.

45 Randriamamonjy, F., Histoire de Madagascar 1895-2002 , Op. Cit., pp. 149-173. 135

4.2/La prééminence des relations de nature verticale :

Lorsque l’on parle « des acteurs politiques », on a tendance à imaginer l’existence d’un groupe différencié au niveau national, régional et même local, voire totalement coupé de ceux qui n’appartiennent pas au monde du pouvoir. On retrouve là les théories élitistes nées à la fin du XIX e siècle, représentées par Pareto, Mosca ou Michels, théories qui affirment l’autonomie de « l’élite » par rapport au reste de la population. De plus, l’apparition des acteurs politiques dépend de l’entretien et du développement de ce que Pierre Bourdieu appelle : « le capital social »46 . Celui-ci n’est donc pas définitif et doit faire l’objet d’un effort particulier afin de produire et de reproduire un réseau relationnel apportant des profits matériels et symboliques. Pour cela, P. Bourdieu ajoute encore que : « (…) le réseau de liaisons est le produit de stratégies d’investissement social (…) orientées vers l’institution ou la reproduction de relations sociales directement utilisables, impliquant des obligations durables subjectivement ressenties (sentiments de reconnaissance, de respect, d’amitié, etc, ou institutionnellement garanties (droits)) »47 .

Lorsque l’on s’intéresse à la description de l’élite politique malgache, il s’avère en effet que l’on pourrait postuler l’autonomie de ce groupe par rapport au reste de la population. Les élites politiques malgaches sont sélectionnées, comme nous l’avons présenté dans les parties précédentes, en fonction de plusieurs logiques qui contraignent l’accès à la classe politique. Le niveau de richesse est a priori une des modalités de l’intégration, mais surtout la relation au Chef de l’État et/ou à son entourage familial est décisive.

Le président Marc Ravalomanana dispose, selon Mathieu Pellerin 48 , d’un réseau tentaculaire composé de ses salariés, de fonctionnaires, des opérateurs économiques nationaux et périphériques, et de divers cercles politiques sous son régime. Il a placé ses fidèles à la fois à la direction de ses propres entreprises, d’entreprises publiques sur lesquelles il souhaitait garder un contrôle et de collectivités locales. Patrick Ramiaramanana est un exemple emblématique de

46 P. Bourdieu définit le capital social comme : « un ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’inter- reconnaissance ; ou, en d’autres termes, à l’appartenance à un groupe, comme ensemble d’agents qui ne sont pas seulement dotés de propriétés communes, mais sont aussi unis par des liaisons permanents et utiles ». Voir Bourdieu, P., Le capital social. Notes provisoires. Actes de la recherche en sciences sociales , n°31, Paris, Minuit, Janvier 1989, p. 1. 47 Voir Bourdieu, P., Le capital social. Notes provisoires. Actes de la recherche en sciences sociales , Op. Cit., p. 1 48 Mathieu Pellerin, « Madagascar : un conflit d’entrepreneurs ?», in Politique africaine , n° 113, mars 2009, p. 154. 136

cette confusion des genres : après avoir dirigé plusieurs entreprises du groupe Tiko dans les années 1990, il a été nommé maire d’Antananarivo à partir de 2002, puis ministre de l’Énergie alors même qu’il présidait le conseil d’administration de la Jirama, la compagnie nationale d’électricité, etc. Le réseau tentaculaire du président Ravalomanana s’appuie également sur un certain nombre des opérateurs économiques périphériques et surtout de grandes familles tananariviennes, dont il a su, pendant un temps au moins, protéger les puissants intérêts économiques. Mathieu Pellerin a cité en particulier : « le cas des familles Andriantsitohaina, Andreas ou Rasamoely, de Romuald Rakotondrazaka (PDG d’Agrico) ou de Ny Rado Rafalimanana (PDG d’Axius). Il a également su s’entourer de grandes familles karana, en particulier de Rajabali (PDG de Cimelta) et de Danil Ismaël (PDG de Socolait) »49 .

Face à ce réseau tentaculaire, Marc Ravalomanana a bien réussi à implanter son entreprise Magro dans les grandes villes du pays grâce au réseau de relations aux acteurs périphériques locaux. Durant son mandat, la réussite dans les affaires et même dans le politique passait par le soutien du président. C’est pourquoi, Koto Bernard un député d’Ifanadiana en 2003 dans son premier mandat est devenu Ministre dans le second. La réussite de Madame Kathy, un affairiste merina, au poste de conseiller régionale de la région Vatovavy Fitovinany à l’élection 2008. Le docteur Gerard au poste parlementaire TIM à l’élection parlementaire de septembre 2007. Pour les affaires économiques, ceux qui n’étaient pas dans le réseau étaient exclus. C’est la raison pour laquelle que les jeunes entrepreneurs émergents qui ne font pas partie de ces réseaux poseraient également de problème aux membres de ces familles puissantes, et qui l’étaient renversé enfin. Ils ont décidé à soutenir le maire de la capitale de l’époque, Andry Rajoelina.

En fait, le système affairiste et clientéliste en vigueur sous les régimes précédents n’a pas été modifié, mais ses bénéficiaires ont par contre changé. Notons que « de nombreux hauts fonctionnaires ont été remplacés, souvent sans respect des procédures légales, pour s’être montrés trop critiques ou parce qu’ils étaient perçus comme proches de l’ancien régime. Ils ont été remplacés par des personnes plus favorables à la HAT, (…). Le fait que de nombreux responsables gouvernementaux recrutent leurs proches, y compris le président lorsqu’il choisit ses conseillers et certains ministres, favorise l’émergence de réseaux clientélistes et perpétue un

49 Mathieu Pellerin, « Madagascar : un conflit d’entrepreneurs ?», in Politique africaine, Op. Cit., p. 158. 137

système népotique »50 . Ainsi des pratiques notamment népotiques, mais également des logiques partisanes qui déterminent les possibilités d’intégration à l’élite politique. Peu de personnalités pourraient donc y accéder. De même que sa dimension de modèle social suppose qu’une minorité ait accès à ce cercle. C’est : « le mécanisme de distinction qui fait dépendre le prestige d’une distance par rapport aux catégories majoritaires ». Comme l’a ainsi bien affirmé, le sociologue Georges Simmel, que l’élite a toujours une tendance à l’exclusivisme : « les corps aristocratiques ont nécessairement une dimension relativement réduite »51 . Par ailleurs, appartenir à ce groupe permet d’avoir accès aux ressources économiques étatiques et distingue donc l’élite politique de la population. De plus, « un petit groupe d’individus qui gravite autour de la présidence conduit les affaires de l’État et court-circuite les mécanismes institutionnels de décisions. Celles-ci se prennent en comité restreint, au sein du « Groupe », composé de conseillers officiels ou officieux du président et de quelques ministres. Plusieurs d’entre eux ont une expérience politique très limitée et ne sont ni des technocrates ni des élus, mais font partie du cercle de proches du président depuis longtemps »52 . Il s’avère notamment que les membres de l’élite politique peuvent apparaître comme les privilégiés d’un système clos, fonctionnant indépendamment de la société et sans se préoccuper de la population.

Nous constatons cependant que, historiquement, le bien-être de la population a régulièrement été négligé. Le développement des infrastructures de base fait défaut, écoles, hôpitaux et routes notamment, et la majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Selon la même logique, il s’avère qu’elle est également la première victime des différents troubles sociopolitiques, manifestations engendrant répressions, des coups d’État, de l’instauration de régimes autoritaires qui engendre des restrictions régulières des libertés publiques. En caricaturant, la société malgache serait caractérisée par une fracture, par une opposition entre une élite politique riche, souvent corrompue, et avide de pouvoir face à une population pauvre, dépourvue de tout pouvoir. Dans ces conditions, c’est hypothèse de la domination d’un groupe de privilégiés sur la population qui est vérifiée.

L’analyse de l’État en Afrique, élaborée par Jean-François Bayart nous éclaire en effet sur le type de logiques qu’il convient de prendre en compte dans l’analyse de la configuration de

50 Rapport Afrique de Crisis Group, Madagascar : la crise à un tournant critique ?, Op. Cit., p. 8. 51 Georges Simmel cité par Luca, A. S., La Noblesse du Premier Empire français : L’identité nobiliaire réinventée , Op. Cit, p. 21. 52 Rapport Afrique de Crisis Group, Madagascar : la crise à un tournant critique ?, Op. Cit., pp. 7-8. 138

l’élite politique. Il écrit en effet que « L’État postcolonial vit comme un rhizome, comme un ensemble de tiges souterraines dont les parties aériennes, les institutions politiques, sont moins importantes que les racines adventives »53 . L’utilisation de l’expression de « État-rhizome » nous montre que ce dernier se fonde au sein même de la société, dans la multiplicité protéiforme de réseaux dont les tiges souterraines relient les points épars de la société, il s’agit donc de rechercher les fondements sociaux de l’architecture politique. Selon la même logique d’analyse, il convient de s’intéresser précisément aux fondements sociaux de la configuration de l’élite politique, aux relations que les élites politiques entretiennent avec la population.

En effet, si d’un côté, il faut reconnaître la spécificité de l’élite politique, notamment de par son statut privilégié, ou ses « compétences » politiques, et de l’autre, il faut aussi convenir que le système politique à Madagascar ne peut fonctionner sans échanges avec les acteurs politiques périphériques pour équilibrer le pouvoir. La conquête et l’exercice du pouvoir placent les différents acteurs politiques en situation de concurrence, ils doivent alors s’assurer des soutiens. Le système politique est alors caractérisé par l’existence de relations verticales, qui relient continuellement le « centre » et la « périphérie » du pays. Ainsi « Il y a finalement un incessant va-et-vient dans les termes de l'échange entre élites politiques centrales et périphériques à la base, une sorte d'autonomie relative des dominants sur les dominés : autant de ponts réduisant les distances, reliant en permanence les uns aux autres »54 . Mettre en lumière l’importance des relations d’échange comme ceci, c’est faire l’hypothèse de l’autonomie relative des élites politiques ainsi que le réseau centre-périphérie.

III-Les conséquences de la prolifération des Acteurs politiques dans le district de Mananjary :

5-Les conséquences positives :

5.1/Pluralisme idéologique et Changement social :

Comprendre la multiplication des acteurs politiques revient parfois à la compréhension de l’évolution politique et surtout historique de la société où l’on a fait une étude. La société, étant une collectivité organisée de personnes habitant ensemble un territoire commun, en

53 Jean-François Bayart cité par Gagliardi-Baysse, A., Dynamiques de formation et de reproduction des élites politiques centrafricains , Op. Cit., p. 139. 54 Patrick Chabal et Jean-Pascal Daloz, LAfrique est partie, du désordre comme instrument politique , Paris, Économica, 1999, p.45. 139

partageant une culture commune et en fonctionnant comme unité sociale distincte 55 , est donc constituée par des classes ou des groupes sociaux dont il s’agit de déterminer les relations mutuelles. Ces groupes occupent une place, une position à partir de lesquelles sont exercées des activités. Ces activités influencent la transformation des sociétés et sont influencées par elle. Comme l’a bien dit Guy Rocher dans son ouvrage : « ce sont les hommes qui font l’histoire des sociétés, ce sont leurs actions et leurs décisions qui déterminent le destin des collectivités »56 . Nous allons insister ici sur les rôles et les missions des acteurs politiques dans le milieu social, notamment dans le district de Mananjary. Nous constatons par la suite que les acteurs politiques s’associent dans certains moments pour former une unité de pouvoir qui domine la société, et forment un ensemble d'agents particulièrement actifs dans le fonctionnement de la société, surtout dans le domaine du politique. Leurs diverses contributions à l'action historique peuvent revêtir plusieurs formes. Car l’appartenance même à une élite suppose l’acceptation de stratégies de promotion et donc de compétition, qui structurent autant de sous-groupes aux intérêts parfois contradictoires. Les élites politiques, religieuses, intellectuelles, et même économiques appartiennent à des domaines de compétences qui se complètent parfois mais sont susceptibles de se poser comme concurrents. Les élites sont, par nature, hétérogènes et peuvent s’organiser de manière extrêmement complexe.

Il semble vraiment intéressant de chercher la nature qui contribue à l’analyse de changement social en ce qu’il met en lumière le rôle et la mission de personnes, d’acteurs et de groupes qui, par suite des positions et des groupes qu’ils occupent et du pouvoir dont ils disposent, peuvent influencer l’histoire de la société. Et puis, certaines décisions prises par ces acteurs politiques peuvent-elles avoir des répercussions immédiates ou lointaines ? Guy Rocher a bien réussi à observer que les élites politiques, dinosaures ou nouveaux et au pouvoir ou encore prétendants, forment un ensemble d’agents particulièrement actifs dans le fonctionnement de la société. Leur contribution à l’action historique peut revêtir différentes formes. Mais, pour répondre à cette question, Guy Rocher nous a donné notamment trois modalités d’action des acteurs politiques à savoir : « la prise de décisions, la définition de situations, et l’exemplarité »57 .

55 Fichter, J.H., Sociologie , Paris, 1966, p. 95. 56 Rocher, G., Le changement social , Paris, HMH, 1978, p. 128. 57 Rocher, G., Le changement social, Op. Cit., pp. 140-144. 140

Tout d’abord, les acteurs politiques contribuent au changement social par le poids qu’ils pèsent dans l’ensemble du processus de prise de décisions à l’intérieur d’une société. C’est peut- être d’ailleurs sous cet aspect que leur influence apparaît le plus directement. Nous constatons, dans cet aspect, que ce sont donc les acteurs politiques au pouvoir qui sont le plus concerné dans cette première forme d’action historique de Guy Rocher. Prenons à titre d’exemple concret le projet de la construction de canal des pangalanes. Depuis que Mananjary n’était pas doté de transport provoqué par la destruction de pont Anjilajila de la RN 25 au PK 15, tous les acteurs politiques élus et les acteurs économiques nouveaux montants et anciens ont fait une réunion pour but de construire le canal des pangalanes. Actuellement, les transports fluviaux sont directement reliés entre Mananjary et Tamatave. Toujours à titre d’exemple, face à la domination dans tout le domaine social de pouvoir des Ampanjaka dans la commune rurale de Namorona, l’actuel maire Boto Justin a décidé de lutter contre ce pouvoir à travers le fampahafantarana l’importance du pouvoir politique et la séparation du pouvoir traditionnel et le pouvoir politique. Et la décision prise par les acteurs économiques élus maire en 2003 pour la libération économique dans le district de Mananjary. Dans ces exemples, on peut en effet considérer le changement social ou la résistance au changement comme la résultante d’un ensemble de décisions prises par divers acteurs particulièrement puissants ou occupant des postes stratégiques de la société. Mais n’oubliez pas que, selon C. Wright Mills, la prise de décision n'est qu'une des fonctions possibles des élites, de même que son influence sur le cours de l'histoire.

Ensuite, les acteurs politiques exercent encore une deuxième forme d’action historique, par la part qu’ils prennent aux définitions collectives de situations, c’est-à-dire à la conscience, claire ou fausse, qu’une collectivité à d’elle-même, de ce qu’elle est et de ce qu’elle veut être. Le débat concernant l’entrée de l’institution traditionnelle (institution des Ampanjaka) dans l’institution publique fait par certains acteurs politiques considérants comme élites idéologiques, durant le forum régional et l’assise régionale qui s’est tenu à Manakara, en est bon exemple. Tout cela est demandé pour but de mettre en lumière l’institution Ampanjaka comme étant un développement de base avec ou parallèle au Fokontany et pour rendre encore le « hasin’Ampanjaka » dans les régions du Sud-Est. Ce type d’acteur tente d’élaborer ou de propager de nouvelles idéologies afin de prouver une justification sociale au sein de la société. Mais, ce qui distingue cette forme d’action de la précédente, c’est qu’ils exercent davantage au plan culturel et psycho-social, tandis que la prise de décisions affecte principalement des institutions et toute suite des conditions de vie. En effet, la définition de situations consiste , écrit

141

Guy Rocher, dans l’effort qui est fait pour décrire et expliquer des états de fait, leur donner un sens, parfois en faire la critique et en prédire l’orientation future désirable »58 . C’est-à-dire cette deuxième forme d’action historique fait donc appel à des représentions mentales, des sentiments, des aspirations, des motivations pour avoir d’un développement parallèle à la culture propre auquel a existé dans l’environnement social des acteurs politiques.

Et enfin, les acteurs politiques font encore sentir d’une autre façon leur influence sur le cours de l’histoire par la valeur d’exemplarité qu’ils représentent. Le plus touché de cette dernière forme de l’action historique de Guy Rocher est les acteurs politiques prétendants. Pourquoi ? Étant les symboles vivants de manières de penser, d’être, d’agir, ils exercent un attrait sur certaines catégories de personnes, sur les groupes ou sur toute une collectivité. Ces acteurs ont essayé toujours de chercher une identification par rapport aux autres acteurs surtout les acteurs au pouvoir et les dinosaures. C’est pourquoi ils provoquent un certain mouvement d’imitation. Nous prenons toujours à titre d’exemple, le prétendant au poste parlementaire, Denis Mac Franconio a implanté actuellement une association qui s’appelle MAMI ou (Mananjary Miray). Cette association a pour vocation d’aider le maire de chaque commune à développer. Elle va résoudre le problème foncier qui menace la société mananjaroise. Et cette association ne fait pas pour lui de politique. De plus, le prétendant Omar Fréderic a essayé à travers le parti vert (Maintso Hasin’i Madagasikara) par contre de donner l’aide aux habitants sinistrés pendant la période de cyclone et surtout pendant l’incendie. Donc ici dans ces deux exemple, les prétendants s’identifient aux autres acteurs par des racines diverses. Ces racines peuvent résulter…

En guise de conclusion, la multiplication des acteurs politiques entraine la pluralité des idéologies qui affectent le changement de la société. De nouveaux acteurs y apparaissent, qui se font les porte-parole de divers secteurs de la société. Exprimant différents points de vue, différents intérêts, différents valeurs, ces acteurs plus nombreux provoquent une augmentation du nombre et de l’intensité des conflits de valeurs, d’intérêts et d’idéologies. Cette multiplication, en créant d’aspiration nouvelle ainsi que des affrontements qui en résultent, est un facteur plus proprement sociologique celui-là, de cette accélération de l’histoire de la société. On pourrait dire, dans une perspective large, qu’à cause de la multiplication des acteurs politiques,

58 Rocher, G., Le changement social, Op. Cit., p. 142. 142

les sociétés dans le district de Mananjary portent en elle de plus en plus nombreux ferments d’action historique que nous évoquons ici le changement social.

5.2/Libéralisme économique et expansions sociales :

À la recherche de sociétés plus parfaites, les hommes et surtout les dirigeants ne cessent parfois de déceler les imperfections de l’ordre existant et s’évertuent à trouver un nouveau créneau sur le marché des idées. Après le colonialisme, le néo-colonialisme, l’impérialisme, et face à l’économie administrée dans le régime socialisme, de la planification quasi intégrale et centralisée, qui fut empruntée par l’Union Soviétique et sur laquelle s’était engagée allègrement la deuxième République de Madagascar qui nous a conduit à une tragique impasse. Madagascar s’oriente dans une nouvelle voie de libéralisme depuis son appel au Fonds Monétaire International (FMI) 59 .

Pour le FMI et la Banque mondiale, le marché est le moyen le plus efficace de produire des biens et des services. Le libre jeu des initiatives privées et la concurrence qui en résulte sont les meilleures manières d’organiser la vie économique, de promouvoir la croissance et de réduire la pauvreté. C’est au nom du même modèle théorique que l’on exige la réduction du rôle et du contrôle de l’État, la suppression de tous les prix administrés, la liberté des prix qui seule permet une allocation des ressources, la privatisation des entreprises publiques 60 . Vis-à-vis de l’extérieur, la promotion d’une politique libre-échangiste fait partie des exigences essentielles pour Madagascar. Elle doit rendre possible une meilleure intégration des pays en développement à l’économie mondiale. Une croissance soutenue sera obtenue grâce à une hausse parallèle des exportations, de l’épargne et de l’investissement.

Ce choix du libéralisme est la voie dans laquelle le pays s’est engagé après des années de révolution socialiste. Un tel revirement, surtout lorsqu’il est imposé de l’extérieur, provoque nécessairement des phénomènes de rejet aussi bien au sein des autorités dirigeants qu’au sein de la population. C’est-à-dire la liberté est en rapport avec la connaissance que chaque individu ou groupe social a de la situation dans laquelle il se trouve. Cette connaissance est accompagnée par un sentiment de contrainte qui engendre la notion de la liberté. Celui qui se sent à l’étroit cherche

59 Randriambelomiadana, R., Libéralisme et développement à Madagascar , Antananarivo, Foi et Justice, 1992, p. 7. 60 Ayer, G., L’avenir de Madagascar : Idées-forces pour un vrai changement , Antananarivo, Foi et Justice, 2001, pp. 25-26. 143

un espace plus large où il peut se mouvoir aisément. Alors, on ne cherche pas la liberté, si on n’est pas contraint. Ainsi, il s’agit d’une liberté en situation 61 .

Ce virage à 180 degrés de la politique économique dans la grande Île a remis en cause le fondement idéologique du régime, une révolution socialiste dans tous les domaines. La libéralisation de l'économie a révélé l'aspiration de la population à davantage de liberté sur le plan politique. En 1991-1992, comme on l'a déjà rappelé, un mouvement populaire aspira au changement après plus d'une décennie de régime socialiste autocratique et des restrictions des libertés fondamentales. Ce désir de changement se manifesta par une contestation du régime politique en place et l'aspiration à un régime démocratique 62 . On a connu un essor économique régional à Madagascar. Et pourtant une nouvelle génération d’acteur économique commence de plus en plus à occuper le terrain périphérique, des anciens ou des jeunes opérateurs économiques pour la plupart et qui viennent souvent du secteur privé, car conscients de la politique économique ainsi des potentialités des CTD. Vers l’accession de Président Marc Ravalomanana au pouvoir, ces acteurs ont tous profité d’accéder au pouvoir politique aussi de la mairie, de député, etc. Parallèle avec l’intégration de la grande Île dans le Communauté de Développement de l’Afrique Austral (SADC), et sa politique économique de libre échange permet de tous les acteurs politiques à libérer la voie économique du pays. En conséquence, le district de Mananjary connaît une différenciation de plus en plus marquante qui est celle qui existe dans la ville et même dans la campagne. Dans la ville, le commerce est prédominant. Dans la campagne, même l’agriculture a été longtemps prédominante, le commerce s’est très tôt concentré aussi. Ce qui nous fait dire que les sociétés ruraux constituent une expansion face à ce libéralisme économique à Madagascar.

En réalité, la libéralisation totale des marchés et du commerce se révèle incapable de réduire le fossé existant entre les riches et les pauvres et, à l’intérieur, entre la classe bourgeoisie et la classe paysanne montante. Elle fait le jeu de la spéculation financière nationale, même internationale. Le modèle du développement qui permettra une commune ou un district de progresser en croissance économique et en bien-être social et humain doit s’écarter de tout a priori dogmatique. La voie du libéralisme économique fait chaque jour la preuve de son efficacité. Comme l’a bien expliqué Andriambelomiadana Rochel, quant à lui, que : « sur le plan

61 Razafitsalama Rakotovao V. G., Petit manuel de Philosophie , Cours, Terminale Séries littéraires, 2005-2006, p. 79. 62 Rakotoarisoa, J. E., « 1991-2002 : le difficile apprentissage de la démocratie », in Afrique contemporaine , Op. Cit., p. 16. 144

politique, la société doit se donner les moyens de garantir la liberté : elle n’a été reconnue qu’après plusieurs siècles de luttes, chez les peuples européens ; de même il a fallu conquérir les libertés d’opinion, de vote, d’expression, etc. Sur le plan économique, la liberté est considérée comme la condition du progrès donc de la vie. La liberté personnelle et le libre droit de propriété sont inséparables. Dans ces libertés fondamentales découlent les libertés de créer, d’entreprendre et d’agir »63 .

6-Les conséquences négatives :

6.1/Rivalités politiques et sociales permanentes :

Depuis quelques années, le district de Mananjary, réservoir de richesses qui convoitent le monde, est devenu un foyer de rivalités politiques et sociales permanents. Aujourd’hui, les opérateurs économiques métis chinois ne sont plus la seule puissance qui domine tout ce district. De nouvelles têtes d’opérateurs dans des différentes sphères de la société qui occupent l’espace économique de district. Ces rivalités deviennent de plus en plus forts qui menacent la société toute entière.

Théoriquement, la politique se définit par de conflits : conflits d’opinions, conflits d’intérêts, conflits personnels aussi. Les trois types sont d’ailleurs souvent liés, voire interdépendant. Si un conflit politique est plus ou moins permanent, on parle d’un clivage, ou d’une rivalité. Les sociologues Seymour Martin Lipset et Stein Rokkan ont bien réussi à observer quatre clivages fondamentaux dans une société moderne et industrialisée : « premièrement, entre le centre du pays et de régions périphériques (parfois peuplées par des minorités ethniques). Puis, entre l’église dominante (ou l’autorité religieuse en général) et l’État (ou la liberté morale de l’individu). Ensuite, entre la ville et la campagne ; et enfin, entre les employeurs (le Capital) et les employés (le Travail) ». Ces clivages sont souvent désignés par les termes ‘la droite’ et ‘la gauche’, bien que ces notions aient une origine différente, qui date du début de la Révolution Française, la droite étant alors le parti monarchiste et la gauche le parti républicain ou démocrate. Ils ajoutent que, parfois, on parle d’un cinquième clivage, entre valeurs matérialistes et valeurs post matérialistes. Peut-être, on pourra en distinguer encore autres. En tout cas, aux deux côtés d’un clivage, on trouve de positions ‘dures’ et ‘douces’, ou bien ‘extrêmes’ et ‘modérées’. Une

63 Randriambelomiadana, R., Libéralisme et développement à Madagascar , Op. Cit., pp. 7-8. 145

position modérée signifie, en général, la disposition à négocier et à faire de compromis. On accepte les règles du jeu. Par contre, quelqu’un qui tient une position extrême voudra changer les règles du jeu. Si l’on représente les positions sur une ligne, les positions modérées sont proches du centre et les positions extrêmes se trouvent, évidemment, aux extrêmes de la ligne.

Parallèlement à ce que nous venons d’entendre d’après ces deux auteurs ci-haut, nous avons constaté dans le cas de district de Mananjary de conflits d’intérêts et de personnels entre les acteurs politiques qui provoquent des rivalités politiques et même sociales permanents au sein de la société. Ces conflits deviennent au cœur de la vie sociale quotidienne des habitants de district de Mananjary. Nous parlons à titre d’exemple la multiplication de plaintes à caractère politique qui ont reçu par le service du commandant de brigade de la gendarmerie de Mananjary presque à chaque mois, le Bianco Fianarantsoa, et surtout le Tribunal de la première instance de Mananjary. De différents acteurs politiques se rivalisent entre eux aux intérêts économiques notamment les commerces, aux pouvoirs de la mairie de chaque commune de district. Parlons le cas de la commune rurale Mahavoky-Nord, la guerre entre le partisan de Métis chinois Mac Thong Tsoy et le partisan de l’actuel maire Kotosoa dont nous avons indiqué maintes fois de ce présent travail. Leur affaire avaient porté auprès du service de la gendarmerie Mananjary et même jusqu’au Tribunal. Même le Bianco de Fianarantsoa suit et traite actuellement cette affaire. Le cas de la commune rurale de Marofototra, la rivalité entre l’actuel maire Mamihaja Charlot et son adjoint. Ce maire était déféré enfin à la prison. Ces rivalités sont presque partout dans les communes de district de Mananjary. Mais nous ne prenons que ces deux exemples.

Ces tensions politiques provoquent parfois de conséquences graves au sein de la société à savoir, tout d’abord, la fissuration de la famille au sein de la vie sociale. Dans la conception traditionnelle malgache surtout pour les malgaches du Sud-Est, le terme clan ou famille désigne, au sens plus restreint, les personnes apparentées vivant sous le même toit, la même grande maison (Tranobe). Le clan ou la famille figure comme étant le cadre idéal et souhaitable pour l’épanouissement d’un individu. Mais, d’ailleurs face au courant politique actuel, surtout les rivalités au sein des acteurs politiques, cette famille ou même le clan sont menacé de fissurer pour ne pas dire disparaître. Les membres de chaque famille devraient se soutenir les uns les autres sans porter atteinte à l’autonomie de chaque individu. Le soutien peut être d’ordre moral et matériel.

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Ce soutien entraine, ensuite, une séparation au sein des notables traditionnels (Ampanjaka & Tangalamena). Cette séparation constitue l’un des plus difficultés à la revendication de la région Vatovavy indépendante. Voyons donc le cas de la ville de Mananjary, les dix Ampanjaka de dix Tranobe n’ont pas la même idée à la revendication de cette région Vatovavy Indépendante. Et même la famille Antambahoaka se rivalise entre eux. Pourtant, l’esprit de dépendance et d’assistance nuit très souvent à la solidarité et à la cohésion de la famille car à force de répéter une telle attitude certains membres de la famille finissent par éviter de rencontrer les autres. Dans le cas de la commune rurale Vohilava, Marofototra, Antaretra, Mahavoky-Nord, Antsenavolo, etc, les familles qui se rivalisent ne se disent pas de bonjours chaque matin. On ne considère pas le concept de « fihavanana » au sein de la société. Bon nombre de personnes commencent à ignorer l’importance de ce qu’est le clan ou même la famille et surtout minimisent l’impact de la solidarité sur le plan de la vie sociale quotidienne. Alors, on constate avec le temps surtout dans le district de Mananjary que le Fihavanana au sein de la famille commence à s’effriter et même le développement tant espérer depuis longtemps n’a pas encore eu lieu.

6.2/La dégradation structurelle sur le plan administratif : menace du développement :

Un de grand problème passionnant sur le plan du développement consiste donc à comprendre la dégradation structurelle peu à peu des régions périphériques de la grande île sur le plan administratif, particulièrement l’ex-préfecture de Mananjary qui vient de devenir parmi la région Vatovavy Fitovinany actuelle. On se demande comment et quelles mécanismes ont-ils adoptés pour la stratégie du développement régionale à Madagascar ? Cette question est d’une actualité évidente et l’intérêt de ce paragraphe comme champ d’observation historique, est qu’elle s’y est posée dans la longue durée et non dans le cadre quasiment sans recul temporel de notre époque.

Historiquement, comme nous l’avons déjà indiqué maintes fois, Mananjary, occupé par les marais des basses terres et par la forêt, caractérisée par un climat plus humide favorable à des différentes cultures pour la richesse, était dénommé sous le régime colonial par « le perle de l’Océan Indien ». C’est pourquoi il était constitué par la forte présence Française. Depuis l’Indépendance jusqu’à la fin de la deuxième République, Mananjary était l’un des trois préfectures qui étaient constituées la province de Fianarantsoa. La préfecture de Mananjary comprenait quatre sous-préfectures à savoir la sous-préfecture de Mananjary, Nosy-Varika,

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Ifanadiana et Ikongo. La préfecture 64 en générale est de circonscription administrative nouvelle dans la premier République. Elle était placée sous l’autorité d’un représentant de l’État, le Préfet. Elle était cadrée géographiquement et administrativement sur une exécution du plan qui doit se voir dotée progressivement pour les services d’intérêt économique tout au moins, de structures administratives propres.

ère 65 Le découpage territoriale sous la 1 République avait avant tout pour objectif de rendre plus efficace l’exécution du plan et la prestation de services publics, en exploitant l’avantage d’information disposée au niveau local, ainsi que l’existence de ressources humaines locales. Les préfectures se sont vite révélées comme le niveau idéal de planification régionale. Les collectivités (les communes et les provinces) étaient fortement encadré par l’État et leurs ème 66 ère initiatives étaient soumises à un contrôle à priori. Puis, la 3 République , 1 partie, a renoué avec le principe de subsidiarité reconnu à tous les niveaux avec des compétences bien définies des collectivités mais cette fois-ci en accordant plus d’autonomie aux collectivités avec les contrôles de légalité à postériori. Mais avec une administration territoriale : les services techniques déconcentrés se renforçant au niveau des Fivondronana (actuel District) et une faible capacité des services fiscaux décentralisées. Elle a abouti à la mise en place effective des ème ème communes en 1996. La 3 République, 2 partie, a institué l’autonomie des provinces. Le système permettait de conférer aux provinces autonomes, dans le cadre de la conférence interprovinciale qui n’a jamais eu lieu, de larges pouvoirs qui apparenterait davantage le système au fédéralisme. Le système est en fait une sorte de recentralisation des pouvoirs mais cette fois au niveau des provinces. Toutefois, le système des provinces autonomes n’a connu qu’un début d’expérimentation en 2001 avec quelques cafouillages concernant les compétences des services ème ème techniques déconcentrés et celles des commissariats généraux. Et la 3 République, 3 partie, a vu la mise en place effective des Régions, du moins dans sa version déconcentrée, qui s’est vite imposé comme le cadre idoine de planification régionale. Dès leur mise en place, les Régions ont élaboré leur Programme Régional de Développement. Du fait de la nomination des chefs de Région par le gouvernement et de son caractère à la fois déconcentré et décentralisé, l’esprit rejoint la mise en place des préfectures pendant la première république, mais cette région un peu plus large par rapport à la préfecture surtout le cas de la Région Vatovavy Fitovinany.

64 Les Préfectures ont été instituées par le décret n° 60.446 du 23 novembre 1960. 65 Voir la constitution de la République malgache de 1959. 66 Voir la constitution de la République démocratique de Madagascar de 1992, 1998 et 2007. 148

Les compétences des régions en tant que collectivités décentralisées sont essentiellement des fonctions de planification régionale et d’aménagement du territoire et de suivi évaluation. En fait le véritable acquis politique en matière de décentralisation jusqu’ici est la mise en place des communes en 1996. Le rôle des régions, énoncé dans l’article 13 de la loi 2004-001 sur les régions en tant harmonisant et coordonnant le développement des Communes, présente des risques de mauvaise interprétation et constitue un risque de recentralisation des pouvoirs au niveau des régions et une mise sous tutelle déguisée des communes. D’autant plus que les Régions sont renforcées à partir de la présence dans les districts par les chefs de district et les services déconcentrés qui assurent encore une bonne partie des compétences des communes. La prédominance des services déconcentrés (chef de district, services techniques déconcentrés) au niveau des districts et leur présence au niveau même des fokontany 23 est un des principaux blocages de la décentralisation au niveau des communes.

François Vaillancourt a bien réussi à envisager trois menaces possibles de la décentralisation depuis l’Indépendance du pays, à savoir : « Tout d’abord, l’affaiblissement des communes par la base suite à un accroissement du rôle des fokontany qui occupent le même territoire et qui sont des créatures hybrides de l’État central. Ensuite, l’affaiblissement des communes par le haut suite à la montée en puissance des régions qui chercheront à assumer des fonctions communales et en particulier inter-communales. Et enfin, l’affaiblissement des régions par le haut, l’état leur enlevant certaines de leurs responsabilités »67 . La première menace serait d’autant plus crédible si on choisit de remplacer le mode de nomination du chef de fokontany par la nomination automatique de celui ayant reçu le plus grand nombre de voix. Elle disparait si on fait du fokontany une circonscription de la commune. Cette seconde menace correspond à celle qui fut ressenti après la création des provinces autonomes. On doit cependant noter que les pouvoirs des régions ne sont pas aussi étendus que ceux des anciennes provinces autonomes ce qui réduit ce risque. Et la troisième menace semble la moins plausible car elle irait directement en contradiction avec des actions récentes du gouvernement. Il pourrait être opportun d’envisager une réduction du nombre de communes qui s’est accru après 1998 en partie à cause de l’attrait de la dotation forfaitaire par commune introduite à ce moment. Ceci renforcerait l’acteur pérenne de la décentralisation.

67 Vaillancourt, F., « L’économie politique de la décentralisation à Madagascar ; synthèse des interventions » in L’économie politique de la décentralisation à Madagascar , Actes d’un colloque tenu à Antananarivo le 16 avril 2008, pp. 7-13. 149

On peut envisager dans le long terme, et en anticipant sur les futures alternances politiques, la mise en place d’un système de régions autonomes, qui se trouvera facilité par le mouvement actuel de déconcentration au niveau des régions et qui s’apparenterait davantage à un système fédéral avec un gouvernement fédéral et un gouvernement régional. Ce scenario pourrait être rendu possible avec le développement de nouveaux pôles économiques avec une revendication de plus en plus grande des élites régionales de bénéficier davantage des dividendes des ressources naturelles. Si ce scenario survient, il est important de préserver l’autonomie des communes qui se trouve être le niveau viable et plus efficace de prestations locales de services et d’exercice locale de la légitimité politique et de la redevabilité des élus envers les citoyens. La décentralisation à Madagascar peut réussir dans les années à venir à condition qu’il n’y ait plus de remise en cause du découpage territorial actuel. La décentralisation à deux niveaux actuelle 68 correspond au standard de la décentralisation et est plus approprié aux ressources financières de l’État. L’expérience de la Deuxième République et son système à quatre niveaux ont démontré que la multiplication de ces derniers conduisait à l’échec.

7-Réflexions et perspectives d’avenir :

Nous avons réussi à bien observer les conséquences positives et négatives de la prolifération des acteurs politiques dans le district de Mananjary même dans les régions périphéries de la Grande île. Il semble vraiment important maintenant pour terminer cette dernière partie alors de faire une brève réflexion sur l’évolution des acteurs politiques actuels ainsi que les transformations qui les apportent. Tout cela nous permet d’imaginer l’avenir de ce district.

Tout d’abord, nous avons constaté d’après cette analyse ci-haut que les découpages territoriaux jusqu’ici sont l’héritage de l’administration française. C’est-à-dire une administration fortement centralisée qui était basée sur un découpage territorial comprenant des Régions, des Provinces, des CAR, des Communes rurales de plein exercice, des communes urbaines. Madagascar est un pays centralisé aussi bien sur le plan économique, culturel, budgétaire et politique. Cela a commencé au cours du 19 ème siècle avec les conquêtes militaires de la

68 Voir la constitution de la quatrième République de Madagascar de 2010. 150

monarchie merina et continué à être renforcé au cours de la colonisation même si les élites et la classe dirigeante ont souvent changé. Voyons, sur le plan économique, Madagascar a toujours été un pays centralisé ou plutôt polarisé dans la mesure où Antananarivo la capitale reste le pôle économique dominant, concentrant environ 55 % du PIB du pays 69 . Sur le plan budgétaire, 70 l’administration collecte 98 % des recettes totales en 2003 et celles-ci sont concentrées à au moins 80 % à Antananarivo et à Toamasina. Sur le plan politique, la légitimité du pouvoir politique vient souvent de l’élection du Président de la République au suffrage universel, d’un mouvement populaire commencé dans la capitale, et il s’ensuit un système politique unipolaire dominé par un seul parti (PSD, AREMA, UNDD/Hery Velona, TIM et voilà le TGV). Les élections législatives ou territoriales sont gagnées en majorité par le parti au pouvoir. Ainsi les maires et les élus locaux n’ont souvent pas de légitimité propre mais tirent leur légitimité de leur appartenance au parti au pouvoir. On peut conclure que la légitimité du pouvoir politique n’a jamais été décentralisée. Et dans ce cas, tant que les acteurs locaux n’ont pas d’indépendance, ils ne peuvent rien à faire en ce moment-là.

Ensuite, la volonté des factions villageoises de conquérir leur autonomie et l’importance qui a été accordée au choix des leurs dirigeants témoignent des inquiétudes quant à la nature du pouvoir exercé par le maire et son conseil communal, même les parlementaires. Or, la matrice dans laquelle la commune ou la région a été perçue reflète à la fois les expériences de rapports avec l’État et avec le pouvoir lignager depuis l’ère précoloniale. La relation à l’État implique un rapport hiérarchique entre le centre et la périphérie qui est justifié par la force. Le pouvoir lignager est au contraire associé à une relative faiblesse et à la participation des représentants villageois dans des conseils d’aînés : Ampanjaka ou Tangalamena. Il peut également être mis en rapport avec les pouvoirs que certains chefs de fokontany, des maires et d’autres acteurs au pouvoir corrompus avaient exercé au détriment de la population. Par conséquent, les habitants redoutaient le manque d’effectivité et de stabilité d’un pouvoir qui serait exercé par eux-mêmes et non par un agent extérieur puissant. En même temps, se souvenant des abus que l’on fait par ces dirigeants, la question d’une représentation juste des intérêts de ces habitants auprès du commune ou district a été soulevée.

69 Programme Régional de Développement de la Région . 70 Étude de la Banque Mondiale sur la Décentralisation , 2003, p. 15. 151

Devant toutes ces incertitudes, les malgaches du Sud-Est s’inquiètent beaucoup et s’interrogent en permanence avec plus d’attention, plus de curiosité, plus d’exigence peut-être sur l’avenir de district de Mananjary. Les interrogations quant à la qualité représentative du pouvoir des personnels politiques communaux, régionales ont été renforcées par le statut et le mode d’élection prévu par la loi électorale que les villageois n’en savent rien. Les élus sont logiquement conçus comme délégués de la population d’une circonscription et non en tant que représentants des communes ou des régions, qui, du point de vue des populations, constituent les unités politico-économiques les plus pertinentes. Ces habitants pensent à ce que remarque Maurice Duverger que : « les hommes oscillent entre deux interprétations diamétralement opposées : le premier, le pouvoir permet aux individus et aux groupes qui le détiennent d’assurer leur domination sur la société et d’en tirer profit. Le second, c’est le moyen pour régner tout simplement l’ordre et la justice »71 .

Quoi qu’il en soi, tout ceci nous entraine à nous comprendre un peu plus profonde les rôles et les missions des acteurs politiques périphériques dans la grande île. Est-ce qu’ils protègent tout simplement les intérêts des acteurs politiques centraux en cherchant seulement la légitimation envers leurs populations ? Ou ils protègent et espèrent justement le développement de leur région d’origine ? Chacun de nous peut développer notre réflexion sur ce sujet. Mais, en revenant dans les définitions qu’on a trouvé dans le chapitre introductif. Comme chez Pareto, les acteurs politiques sont des gens qui ont à un degré remarquable des qualités d’intelligence, de caractère, d’adresse, de capacité de tout genre. Ceux qui présentent donc des qualités exceptionnelles ou qui font preuve d'aptitudes éminentes dans leur sphère d'activité. Chez Mosca, ceux qui ont la supériorité de leurs compétences dans l'organisation. Ces compétences selon lui sont surtout utiles pour gagner le pouvoir dans une société bureaucratique moderne. Pour C. W. Mills, ceux qui prennent toutes les décisions importantes que l'on peut prendre. Est- ce vraiment le cas pour nos hommes politiques actuels ? Nous trouvons pour le cas de Mananjary qu’ils sont des personnes ou des groupes qui occupent seulement une place élevée dans la hiérarchie sociale comme l’ont bien mentionné B. Trivelin, G. Bajoit et F. Dassetto. Car le développement tant espérer depuis l’accession à l’indépendance de Madagascar en 1958 n’aura pas eu lieu jusque maintenant.

71 Duverger, M., Sociologie politique , Paris, PUF, 1998, p. 27. 152

Si les acteurs politiques de Mananjary peuvent définir à ce que dit Guy Rocher qui considère et définit : « une élite comme étant formée de personnes ou d'un groupe de personnes dont l'action est significative pour une collectivité ou un groupe et qui y exercent une influence, soit par le pouvoir ou l'autorité dont ils jouissent, soit par les idées, les sentiments ou les émotions qu'ils expriment ou qu'ils symbolisent »72 . Les antambahoaka, les antemoro, les tanala et même les betsimisaraka de district de Mananjary ne s’inquiètent pas beaucoup sur leurs fils qui contribuent à l’action historique de ce district. C’est difficile alors d’imaginer l’avenir de district de Mananjary. Nous savons quand même la faiblesse des acteurs politiques périphériques par rapport aux centraux. Nous trouvons que le retour à l’ordre social sera nécessaire pour le bien être de la société mananjaroise. Mais comment faire ? L’implantation de l’institution traditionnelle dans la constitution en sera un exemple. Si on insiste d’apporter n’importe quelles meilleurs solutions pour nos hommes politiques. Ça ce n’est que du rêve pour ne pas dire de mensonge. Mais quelques points méritent d’être soulignés quand même pour tenter, s’il est possible, d’assainir les mœurs politiques pour envisager l’avenir des régions périphériques de la grande île, notamment le district de Mananjary : le renforcement de l’éducation rurale à Madagascar serait d’abord un atout. Car nous sommes convaincu que le premier problème du développement à Madagascar même en Afrique est le problème de sources humaines. On essaie de faire connaître par la suite la raison d’être un homme politique comme étant de représenter ses concitoyens. Est-il donc nécessaire de réduire le nombre de partis politiques à Madagascar ? Puis, la classe politique devrait faire juger les scandales qu’elle accumule, à son bénéfice personnel mais au détriment des intérêts du pays et de ses habitants. Enfin, pour que la société mananjaroise se maintienne, il faut qu’il y ait de la part des acteurs politiques à la fois consensus sur leurs éthiques, ses principes et ajustement de leur comportement par rapport à ces principes.

72 Rocher, G., Multiplication des élites et changement social au Canada français , Op. Cit., p. 6. 153

CONCLUSION

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La multiplication des acteurs politiques à Mananjary est aujourd'hui un sujet qui suscite une véritable curiosité, car le fait d'être socio-politologue a été volontairement porté sur ce thème. Nous avons observé que les acteurs politiques offrent le miroir déformant d’une société et de ses aspirations. Ils représentent donc l’occasion pour les sociologues de comprendre les mentalités, d’entrer dans les représentations symboliques, constituant ainsi un des liens entre l’histoire sociale et l’histoire politique de district et du pays. De nombreux acteurs économiques montants ont pénétré et investissent dans l’espace politique de tout le niveau de district. Plusieurs acteurs ont joué de la " corsitude ", qui renvoyait alors à des valeurs de droiture, de franchise, alors qu’aujourd'hui, Mananjary n'est plus en odeur de sainteté dans l'opinion publique.

Comprendre comment s'est fait la multiplication des acteurs politiques dans les régions périphériques de Madagascar pendant les dix dernières années de la troisième République qui ont marqué l'histoire politique du pays. L’étude de la multiplication des acteurs politiques privilégie généralement une cause présentée comme le moteur de l’évolution. Cette étude est peut-être intéressante dans la mesure où elle nous montre vraiment les résultats et l’impact de certains phénomènes sur le développement de Mananjary, mais leur influence exclusive est rarement démontrée et vérifiée. Alors, il est bien normal de se demander depuis le début quelles sont les principaux facteurs de la multiplication des acteurs politiques à Mananjary ? Est-ce la rhétorique officielle correspond-elle à la réalité du terrain ? Quel est enfin l’état actuel et le rythme de cette multiplication ? Ces quelques questionnements nous ont constitué la trame de notre réflexion dans ce présent travail.

Nous avons tenté de cerner les contours socio-historiques et politiques sur la reproduction des acteurs politiques en périphérique comme révélateur principal de la transformation socio-politique. Une prolifération alimentée par l'évolution de la société. Cette multiplication n'est pas absurde ni même gratuite. Elle suit les deux logiques : les logiques d’ordres endogènes, et les logiques d’ordres exogènes. Ceux deux logiques ont conditionné la multiplication des acteurs politiques intervenus dans le pays particulièrement dans le district de Mananjary. Puis, à travers ces logiques, nous avons pu analyser les fondements idéologiques (historico-sociale, politique et culturel) qui ont servi de justification à la mise en œuvre du

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processus et enfin évaluer ses conséquences dans ce district à partir de donnés observées dans le cas de Mananjary.

Afin que nous puissions dégager l'explication conformément à l'objectif poursuivi par cette présente étude. Nous avons recouru à la sociologie historique 1 et la méthode fonctionnelle et le fonctionnaliste. Car, elles nous ont fallu découvrir les corrélations qui permettent davantage de comprendre la multiplication des acteurs chargés de valeurs et de culture.

La méthode fonctionnelle et le fonctionnalisme 2 est celui qui se rapproche le plus de l’analyse causale, c’est-à-dire la recherche d’un lien de cause à effet entre deux ou plusieurs phénomènes et invite reconnaître les interrelations existant entre les éléments de la culture et de la société, et souligne en même temps les rapports entre chaque élément et l’ensemble socio- culturel. Le fonctionnalisme et l’analyse fonctionnelle ont très largement contribué à mettre l’accent sur l’étude de la société comme totalité et sur la nécessité de toujours rapporter chaque phénomène étudié à cette totalité comme au contexte naturel. Ils ne peuvent donc avoir comme point de départ que le postulat du système social, car ils supposent que la société ou les phénomènes sociaux étudiés présentent les propriétés d’un système. C’est en cela que réside « l’intention globalisante » de l’analyse fonctionnelle et de tout fonctionnalisme, c’est-à-dire l’intention d’étudier tout phénomène social en tenant compte de son contexte le plus global possible et par rapport à ce contexte.

Nous avons découvert les corrélations qui ont permis davantage de comprendre la multiplication des acteurs politiques face à la dynamique interne et externe de la réalité sociale dans le district de Mananjary. Nous avons analysé les forces et les processus qui contribuent au maintien de cette multiplication de ces acteurs politiques. Comme l’a bien marqué Talcott Parsons que : « le fonctionnalisme s’est attaché avant tout, d’une part, à la dynamique interne de la structure sociale, d’autre part, à l’analyse des forces et processus qui contribuent au maintien de cette structure ».

Des nouvelles têtes d’hommes politiques sont pénétrées dans le district de Mananjary. Il est marqué par l’accession des nouveaux acteurs économiques et les fonctionnaires à la scène

1 La sociologie historique est une étude sociologique d'une époque passée : elle est toujours à la fois comparative et transhistorique. Elle considère que les formes passées de la société ne sont pas disparues avec leurs époques, mais que, comme dans la langue, elles restent contenues et actualisées dans ses formes présentes. Yves Deloye s'est montré le plus productif, l'un de ceux qui suscitent les espoirs les plus importants quant à la restructuration des sciences humaines. In http://www.wikipédia.org/wiki/sociologie_historique consulté le 17 janvier 2011. 2 Rocher, G. ; L’organisation sociale, Introduction à la sociologie générale , HMH, Paris, 1968, pp. 160-177. 156

politique de district. Ces faits tiennent compte sur l’évolution de la vie politique de district de Mananjary. Rappelons que dans le premier mandat de la troisième République de Madagascar jusqu’à la fin du régime Didier Ratsiraka, la majorité de communes rurales, surtout les communes à fortes potentialités économiques (café, poivre, girofle, Or, …) comme les communes rurales qui se situe dans la partie Ouest et Nord-Ouest de district comme Mahavoky- Nord, Marofototra, Andranomavo, Vohilava, Marokarima, Tsiatosika, etc, étaient presque dominé totalement par les métis-chinois. Mais, ils ne représentent que 20 % des maires restent dans l’élection maire de 12 décembre 2007. C’est-à-dire 6 sur 29 maires dans le district. Ils sont actuellement en perte de vitesse.

La multiplication des acteurs politiques est marquée par la montée des acteurs politiques d’origines paysannes. La révolution paysanne est constituée par les transformations des sociétés dans le district de Mananjary. Ils auraient suivi des trajectoires socio-historiques et politiques avant d’arriver à la scène politiques. Cette révolution paysanne se manifeste beaucoup dans l’espace politique de district car depuis longtemps que certains acteurs paysannes aspirent beaucoup le développement de leur commune natale. Et surtout l’appartenance même à une famille dite paysanne est un atout pour gagner dans le district de Mananjary.

D’après ce que nous avons constaté dans le district de Mananjary, l’élite est parfois un phénomène naturel comme l’a stipulé Charles Darwin. Mais, elle est parfois, pour la majorité de cas, un produit social comme l’a bien observé Guy Busino. Car, pour le cas de Mananjary, ce n’est pas l’existence de certaines capacités (« capital scolaire » chez P. Bourdieu) des acteurs politiques qui détermine leur supériorité ou même leur reproduction, mais bien le fait qu’un groupe social décide de valoriser telle ou telle capacité. Et surtout l’appartenance à la famille dite paysanne. Nous venons de voir que certains hommes politiques intellectuels ou même riches ne peuvent pas accepter ou même peser à l’élection par les habitants. Ensuite, l’ascension des acteurs politiques à Mananjary à la scène politique suit les trois phases d’évolution historique des élites de Karl Mannheim. Il distingue le premier qui vient de l’aristocratie, fondée sur la distinction du sang (Héritage chez Pareto), (le cas de fils d’acteur de la première République). Le second vient ensuite de la bourgeoisie, érigée sur la propriété (le cas des métis chinois). Et la troisième vient que les élites démocratiques sont distinguées par leurs performances (caractère démocratique chez Mosca). Cette dernière phase est marquée par la révolution des acteurs

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paysans. Presque la majorité des personnels politiques que nous venons d’évoquer a fait la lutte pour le pouvoir.

L’élite serait une nécessité en ce sens qu’elle régule la vie en société et qu’elle seul détient toute la réflexion nécessaire pour gouverner et diriger l’État. D’après la théorie classique des élites, précisément selon Vulfredo Pareto, la circulation des élites est : « un phénomène permanent et nécessaire au bon fonctionnement de la société, envisagée comme un système d’équilibre »3. Si les élites ne circulent pas, l ’équilibre est rompu. Dans le cas de Mananjary, on pourrait appliquer cette théorie en remarquant que lors de situations politiques ou sociales complexes, où l’équilibre est rompu et où on ne constate pas de circulation des élites, pour sauver la société en crise ou tout simplement pour rétablir l ’équilibre, l ’État devient le moteur de la circulation des élites. Nous avons fourni, à travers les lignes qui précèdent, moult efforts pour comprendre, analyser, découvrir et expliquer les relations causales existant entre les deux logiques qui favorisent la multiplication des acteurs politiques à Mananjary. Dès lors, il a été judicieux de voir qui ont fait l'histoire, comment ils l'ont faite et comment ils se sont multipliés. Nous nous sommes aperçus, dans notre étude, de la pesanteur de la prolifération des acteurs politiques dans la reconfiguration de l'espace politique de district. Tout au long de ces pages nous avons vu les acteurs politiques se redéployer et se multiplier du fait de contexte local et national différent. Certaines élites politiques ont profité de la crise et d'autres non, les anciennes élites reviennent en scène le temps d'une éclipse. Cette multiplication varie selon le contexte. La dynamique interne de la structure sociale de la société mananjaroise qui prétend acquérir d’elle-même une connaissance scientifique, engendre l’apparition des nouveaux acteurs politiques, et ainsi que l’évolution historique du contexte socio-politique à Madagascar. La multiplication rapide des acteurs politiques est marquée par une transformation rapide de la société, notamment dans le contexte de crise et bouleversement politique à Madagascar. Tandis que la multiplication lente des acteurs politiques est marquée, par contre, la transformation lente de la société, surtout dans la vie normale et quotidienne sans bouleversement politique. En résumé, les transformations en cours de la société et le rythme de ces transformations auraient occasionnées une forte prolifération ascendante et descendante des acteurs politiques dans le district de Mananjary. Ainsi, nous pouvons dire que nos hypothèses

3 Blanchet, G., Élites et changements en Afrique et au Sénégal , Paris, ORSTOM, 1983, p. 38. 158

de départ ont été confirmées. Cette multiplication s'est faite et dépend des transformations en cours et le rythme de ces transformations sociales.

Cette étude, qui s'insère dans l'ordre de l'inachevé, est perfectible et ne prétend en rien avoir analysé avec exhaustivité la question de la multiplication des élites politiques dans le district de Mananjary. Certains aspects aussi intéressants non élucidés par nous, méritent de l'être par des recherches ultérieures. Il s'agit entre autres des aspects touchant au réseautage entre les acteurs locaux et les acteurs périphériques, la communication politique ou les liturgies politiques des élites politiques pendant la crise, la survivance ou la capacité de se maintenir en politique des élites politiques (analyse de la longévité des élites en politique) ainsi que l'analyse des facteurs d'enrichissement des élites (une sociologie des élites basée sur les trajectoires socio- économiques). Ce travail a certes bénéficié, de près ou de loin, de l'apport de plusieurs chercheurs et personnes de bonne foi ; à eux tout le mérite qu'il porte.

Cette première étude dans le district de Mananjary se limite à un défrichement. Elle n’est, comme nous l’avons déjà marqué dans le chapitre introductif, qu’un labourage pour préparer des semailles espérées fructueuses, dans le champ de réflexion sur les acteurs politiques malgaches. L’étude de la multiplication des acteurs politiques nous a vraiment fourni, comme l’a bien mentionné Guy Rocher, un point de vue, un angle de vision privilégié pour le district de Mananjary. Elle nous a permis de s'installer au cœur de la transformation en cours, de regarder la société et son environnement avec les yeux de ceux qui participent le plus activement à son évolution ; les raisons du changement peuvent bien apparaître actuellement avec plus de clarté, de même que les hésitations, les déchirements et les conflits qui l’accompagnent. Nous pouvons espérer enfin pour terminer cette étude prédire avec une plus grande probabilité le cours prochain des événements et de l'évolution de la région de Mananjary.

La question de cette hétérogénéité des élites politiques dans le district de Mananjary, nous reste encore problématique. Semble-t-il cependant que la transformation des valeurs, des critères d’appréciation d’une société et des critères qui assurent à un groupe social sa position dominante pose la question de la multiplication permanence des élites politiques ?

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ANNEXES

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ANNEXE 1 : Les trajectoires des migrations vers Madagascar

Carte n° 02 : Les principaux courants d’immigration vers Madagascar

Source : Boiteau, P., Contribution à l’histoire de la nation malgache , Paris, éd. Sociales, 1958, p.20.

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Carte n° 03 : Les trajectoires de Ramakarar o et d’Alitavaratra, ancêtres des Antemoro

Source : Rolland, D., « Les Antemoro de la Matitanana », in Domenichini, J.-P., Poirier, J., Raherisoanjato, D., Ny Razana tsy mba maty, culture traditionnelles Malgaches , Antananarivo : Librairie de Madagascar, 1984, p. 96.

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Annexe 2 : Les membres des conseillers communaux et régionaux. Tableau n°6 : Liste des Maires et leurs Conseillers dans les 29 Communes de District de Mananjary Siege au Communes Maires Membres des conseils Partis au Autre pouvoir Roger Georges Zisllene Marie Louise Fanalo Louise Razafindrakoto Samuel Randrianasoloarinelina Marcelin MANANJARY TIM 9 TIM 100% Fanony Anatolie Theophile Rajaonarison Zafisolo Rakotomalala Patrick Emenegilde Said M'Bae Randriavelo Odilon Thomas TIM Ambohitsara Est MAHATSIARO TENA Randria Sandroy 5 36,54% Lezoma Berthin AME Louis de Gonzagues ALDR Ravaosolo Honorine Randriantsoa Ianah Ernest Sammuel TIM Randriamaniry Jules Randriamaniry Georges VOHILAVA Lepo 7 TIM 71,75% MANARANARA Razafindraibe François FANILO IVOHILAVA Ralijaona Rodolphe MANDROSO Randriantala Gervais TIM Tsarasaotra Benoit Loc Hoe Sing Rakoto Ignace Antatretra ANTARETRA Tantara Abel 5 ANTARETRA MANDROSO 63,52% Velontody Jean Christ MANDROSO

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Bezanahary Rasahy Rasamimanana Jojo TIM Raharinirina Jean Morafeno 5 Claude AME 59,67% Dobo Boto Jacquot AME Rasamimanana Venance

Robisaonina Louis

Razafimahery Serge Tsaravelo Vatohandrina Conrad Randrianambinina Jean Pierre TIM 5 TIM 100% Ramiarisoa Philippe Sonina

Ravelonarivo TIM Ia rivelo Norbert Jerome Ambohimiarina II INDEP AKANGA Razafimandimby Emmanuel 5 AKANGA MIARADIA 57,28% Leboto André MIARADIA Razafimamonjy Resisa Ernest

Tongavelo Jean TIM Razafimandimby Marc Galy Jean Ambalahosy Nord 5 TIM 36,07% Tsaboto André Rasolonjatovo Martin AME Razafindrabe Emile

Fanamaro Daniel TIM Razafindrabolahy José Gisy Augustin Françis AME Andrianome Wenceslas Alain Thiery Ankatafana Ankatafana miaradia 7 Guillome 37,42% Naivoson ANKATAFANA Razafimandimby André Gilbert MIARADIA

164

Gervais TIM Razafimahatana Heriot Randriamanantsoa Jerome Berthin MANANARA 7 Marokarima Paul François FANILO 51,03% Monja MANANARA/FA Rasamoel NIL Rakotoarisaonina Odilon Marie Rasolonjatovo Martial Thomas TIM Ramananandro Bernard Anosomparihy Parfaitin Maro 5 TIM 60,49% Boto Vincent INDEP Botovanona Randriatahina Gilbert Razafimahatratra Henri TIM

Rabotovao François De Ratsimandrahona Jean Jacques Zakariasy Elie Robert Tsiatosika Sales AME 45,45% 7 Rakoto Randriamitsiry Jean De Die AME Tsideraina Gerand MANARANARA Ratelo Jean Marie FANILO Razafimbahiny Louis Pasteur Ralaimongo Regis Lemiray Jean Alexis TIM Andrianirna Hsu-HU- Seth Berthin Ambohinihaonana 7 Seing TIM 53,97% Lahimaro Alfred Lalaomampionona Aimé Amboh/Miara Valisoanirina Cabine Andrianasolo Seth Rakotonaivo Justin Razafindramanana Rakotondrajao Antsenavolo TIM 7 Thierry TIM 72,77% Ranahitra Berthe Rakotonirina Georges Lemamy Pierre

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MANARANARA Boto André FANILO Bototsarandro Razafindralambo TIM Mamihaja Charlot Marofototra Ravaonantenaina Lucie Célestine 5 INDEP HAJA 51,67% Botovelona INDEP HAJA Razafindraibe Jean Charles Florent Andriamazaoro Guy Ravelo Benoit René Andranambolava Marie François Desiré TIM 5 TIM 100% Romule I Bonne Emile Soloson Benjamin TIM Selson Stéphano Gervais Ludovic Ramarolahy André Andonabe MAROM-PITIA Velomanana MAROMPITIA 7 ANDONABE Boto Vincent MANDROSO 41,60% Lemiarina MANARANARA Tazandry Jean Paul FANILO Botomaro Razafimahefa Martin TIM Razafimahatratra Fidèle Mahatsara Iefaka Razafimahefa José Alain 5 TIM 66,02% André Jean De Dieu AME Razava Alfred TIM Loly Randrianaivo Johnny Raherinirina Lalao Chantal Tsaravary Alphonse 5 Soza Thomas AME 53,09% AME Ndambo Gilbert André

Lestor Andriamamonjysoa TIM Tsaramila Hajatiana Sandrohy Botononivelo 5 FIRAISANKINA NO Levanona FIR/NO HERY HERY 69,51% Tongamanana

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Mac Thion Tsoi TIM Iamby Norbert Kotosoa Mahavoky-Nord Marolahy Philippe 5 AME 58,61% Herinirina Chrystoph AME Mbinina Victor Razafindrasolo Raymond Rabemaharavo Jean Victor TIM Andranomavo Léopold Benjamin Florent 5 TIM 67,24% Levahiny Désiré AME Randrasana Dit Ndrasana Brunel Louis Lan-Tu-Hin Léon Kamisy Jean Joseph Kianjavato Stéphan INDEP Rakotoralahy Jean Baptiste TIM 5 Stéphane 52,50% Andrianoelina Emmanuel Mamiaritiana Stéphanson Berthin Botonitena Ranaria Celestin TIM SERA Lava Théophile Mahela 7 TIM 49,41% Fontaine Victor Randria Daniel AME Boto George 2 Randria TIM Dama Alphonse TIKO Georges Jean Razanabao Marie Louise AMBODINONOKA Ambodinonoka Baptiste AMI Petera 7 48,59% Razafimaro Joelson AME Telolahy

Jean Louis AMI Branger Meda Andevo Eloi Rakoto Eloi TIM Etienne Jérôme Boto Edouard

BOT O Justin Namorona Botolambosoa Albert 7 TIM 67,79% Boto Marcel

NAMORONA

MANDROSO

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Masitata Ernest JUSTIN TIM Mahatsara -Sud Fidele 5 TIM 62,13% Ndrenarivelo Ramilison Jean Louis AME Ravoajanahary Samuel Samizafy Jean Laurent Leraka Justin TIM Marosangy 5 TIM 69,82% Lepy Pierre Rabo Thomas AME

Source: Journal officiel de la République de Madagascar, Annexe au jugement n°-TA/FI/EL du 12 décembre 2007, jeudi 03 Juillet 2008, pp.4708-4736.

Tableau n°7 : Liste des membres conseillers régionaux de la région Vatovavy Fitovinany :

Partie Candidats Siège à Parti Nord de Districts pouvoir politique la Région Titulaires Remplaçants

1- RATALATA Sylvain Briton (Chef Cisco) KATHY Mananjary 01 2- Randrianarivelo Miharintsoa TIM

Anicet Deslys Hermenegilde ( Ancien Maire CR Marofototra Randrianarisoa 1- Ravelomanantsoa Modeste 01 TIM V7V Prosper 2- Robotoson Louis Rolland Randriatoaniony 1- Randrimamonjy Bertho Serge Ifanadiana 01 Modeste 2- Rasoarimalala Jeannette TIM Honoratine Razafindraibe 1- Raveloson Bernard Ikongo 01 Norbet 2- Rasoaharimalala Monique TIM Bakoly

Source : Annexe au jugement N° 001 FA/F/EL du 15 Février 2008 JORM du Jeudi 13 Mars 2008, pp. 1073-1076.

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Annexe 3 : Listes des maires successifs dans quelques communes de district de Mananjary.

 Les maires successifs dans la commune urbaine de Mananjary :

Lechat Eugène Bernard : français et instituteur, (ex-député et ministre des travaux publics sous le régime coloniale). Simon Jean Baptiste : personnel économe de l’hôpital Mananjary d’origine betsimisaraka. Boto Galy : comptable du SIMPA d’origine antambahoaka. Boto Georges : antambahoaka et personnel de SOMACODIS. Dama Paul Raymond (1983-1988) : instituteur d’origine antambahoaka. Nicoles André (1989-1992) : instituteur de l’époque et l’actuel Ampanjaka centrale des antambahoaka de Mananjary. Francklin (PDS 1992-1993) : fonctionnaire d’origine antemoro. Le retour de Lechat Eugène Bernard en 1996 (1996-1999). Jean Claude (1999-2002) : fonctionnaire antambahoaka. Botozandry Emile (2003-2007) : instituteur d’origine betsimisaraka. Et Razafindrakoto Samuel (2008- ?) : l’actuel maire diplomé en langue Anglaise d’origine antambahoaka-français. Source : CU Mananjary et entretien.

 Les maires successifs dans la commune rurale de Namorona : Mahefaraha Celestin : antesinanana et cultivateur, Ratsabotsy Ernest : antemoro-betsileo et cultivateur. Ralesy Marcel : antesinanana. Boto Jean : valagnady. Goly Joseph : métis chinois et commerçant. Branger Méda : antesinanana. Boto Charles : antesinanana. Razanadimby Michel : valagnady. Et enfin, Boto Justin : l’actuel maire de sous-clan antevohitrindry. Source : CR Namorona et entretien avec monsieur le maire de Namorona Boto Justin.

 Les maires successifs de la commune rurale Mahavoky-Nord : Mac Tong Tsoy (1996-1999) : métis chinois et commerçant. Joseph Désiré (1999-2002) : betsileo et commerçant. Et KOTOSOA (2003- ?) : antandroy et commérçant. Source : CR Mahavoky-Nord.

 Les maires successifs dans la commune rurale Tsaravary : Alphonse : antambahoaka et commérçant. Rakoto Jean Louis : instituteur. Simon Robert : commérçant. Jonny : betsileo et personnel de TIAVO Mananjary. Source : CR Tsaravary et entretien avec monsieur le maire.

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TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS ...... i ACRONYMES ...... ii LISTE DES TABLEAUX ...... v SOMMAIRE ...... vi INTRODUCTION ...... 1 PREMIERE PARTIE ...... 19 CADRE GENERAL DE RECHERCHE ...... 19 I. Le district de Mananjary et l’état actuel de sa population ...... 21 1. Situation géographique et caractéristique démographique : ...... 21 1.1. Localisation géographique :...... 21 1.2. Voie d’accès : ...... 25 1.3. Caractère démographique : ...... 26 2. L’espace agraire et les activités de subsistance : ...... 28 2.1 Le paysage agraire : ...... 28 2.2 Les principales activités de production ...... 29 2.3 La logique de la production villageoise : ...... 30 II. Contexte historique et l’origine du peuplement : ...... 32 3- Contexte historique d’immigration : ...... 32 4- Le début du peuplement et le processus de formation des principales ethnies ...... 37 4.1- Les Antambahoaka : ...... 38 4.2- Les Antemoro : ...... 39 4.3- Les Tanala : ...... 41 4.4- Les Betsimisaraka : ...... 43 III. Cadre de la vie traditionnelle des habitants de Mananjary ...... 44 5- Les croyances et les rites : ...... 45 5.1. Les croyances : ...... 45 5.1.1. Dieu (Andriamanitra) ...... 46 5.1.2. Zanahary (Dieu créateur) ...... 46 5.1.3. Razana (les ancetres) ...... 48 5.2. Quelques principaux rites : ...... 50 5.2.1. La circoncision (Sambatra) ...... 51 5.2.2. Le fafy ...... 52 6. Organisation sociale et pouvoir politique : ...... 54 6.1. Le système de parenté et les classes d’âge : ...... 55

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6.1.1. La parenté : ...... 55 6.1.2. Les classes d’âge : ...... 60 6.2. Hiérarchies sociales et pouvoir politique : ...... 61 DEUXIEME PARTIE ...... 65 LA DOMINATION ÉCONOMIQUE ET LA FORMATION DES ACTEURS POLITIQUES DANS LE DISTRICT DE MANANJARY ...... 65 I- Les conceptions du pouvoir politique et la domination économique dans le district de Mananjary ...... 66 1. Le fondement et les conceptions du pouvoir politique à Madagascar ...... 66 1.1-Notion du pouvoir : ...... 66 1.2-Le fondement du pouvoir politique : ...... 68 1.3-Les conceptions du pouvoir politique à Madagascar : ...... 71 2. Domination économique et lutte politique dans le district de Mananjary ...... 74 2.1-La domination économique et la formation des acteurs politiques dans le district de Mananjary : .. 74 2.2-La lutte politique dans le district de Mananjary : ...... 77 II- Reconfiguration de l’espace politique et identification des principaux Acteurs de la sphère politique de Mananjary : ...... 80 3. Les acteurs élus aux élections de 2007 et les membres du parlement de la Transition : ...... 81 3. 1-Les maires des 29 communes de district de Mananjary : ...... 81 3.2-Les membres du CST et CT d’originaire de Mananjary : ...... 85 4- Les prétendants : ...... 90 4.1-Les prétendants au poste de la mairie : ...... 91 4.2-Les prétendants aux postes parlementaires de la IV e République : ...... 95 III- Profils et trajectoires socio-historiques et politiques des différents Acteurs dans le district de Mananjary : ...... 98 5- Les caractéristiques sociales des acteurs politiques : ...... 99 5.1-Les origines sociales des acteurs politiques observés : ...... 99 5.2-Les caractères genres et la classe d’âge : ...... 101 6-Les trajectoires sociales des acteurs politiques : ...... 103 6.1-Les trajectoires de formation : ...... 103 6.2-Les trajectoires socioprofessionnelles des acteurs politiques : ...... 105 TROISIEME PARTIE ...... 109 LA MULTIPLICATION DES ACTEURS POLITIQUES ET SES CONSÉQUENCES DANS LE DISTRICT DE MANANJARY ...... 109 I- Les facteurs endogènes de la multiplication des Acteurs politiques à Mananjary : ...... 110 1-Le facteur démographique et sociologique : ...... 110 1.1/La forte concentration de la population : ...... 110

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1.2/La présence de la stratification sociale et l’apparition d’un embryon acteur : ...... 113 2-Dynamique interne de la structure sociale et la reproduction locale des acteurs politiques : ...... 117 2.1/La reproduction sociale des acteurs politiques : Mécanisme et stratégie ...... 117 2.2/La circulation des acteurs politiques et ses caractères évolutifs : ...... 120 II- Les facteurs exogènes de la multiplication des Acteurs politiques à Mananjary : ...... 123 3-Le facteur historique et le contexte socio-politique à Madagascar : ...... 123 3.1/Évolution historique et l’ouverture politique régionale : ...... 124 3.2/Le système multipartisme et sa fonction : ...... 128 4- L’autonomie relative des acteurs politiques et le réseau centre-périphérie : ...... 133 4.1-Marginalité et médiation : ...... 133 4.2/La prééminence des relations de nature verticale : ...... 136 III-Les conséquences de la prolifération des Acteurs politiques dans le district de Mananjary : ...... 139 5-Les conséquences positives : ...... 139 5.1/Pluralisme idéologique et Changement social : ...... 139 5.2/Libéralisme économique et expansions sociales : ...... 143 6-Les conséquences négatives : ...... 145 6.1/Rivalités politiques et sociales permanentes : ...... 145 6.2/La dégradation structurelle sur le plan administratif : menace du développement : ...... 147 7-Réflexions et perspectives d’avenir : ...... 150 CONCLUSION ...... 154 ANNEXES ...... 160 BLIBLIOGRAPHIE ...... 170 TABLE DES MATIERES ...... 179

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