REPUBLIQUE ALGERIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE Université El Hadj Lakhdar – Batna Faculté des Lettres et des Langues École Doctorale de Français

Thème

Les Bases de Données Lexicographiques Panfrancophones : Algérie et Maroc Étude comparative

Mémoire élaboré en vue de l'obtention du diplôme de Magistère Option : Sciences du langage Sous la direction de : Présenté et soutenu par : Pr. Gaouaou MANAA M. Samir CHELLOUAI

Membres du jury :

Président : M. Samir ABDELHAMID Pr. Université Batna Rapporteur : M. Gaouaou MANAA Pr. Université Batna Examinateur : M. Abdelouaheb DAKHIA Pr. Université Biskra

Année universitaire : 2012 - 2013

REPUBLIQUE ALGERIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE Université El Hadj Lakhdar – Batna Faculté des Lettres et des Langues École Doctorale de Français

Thème

Les Bases de Données Lexicographiques Panfrancophones : Algérie et Maroc Étude comparative

Mémoire élaboré en vue de l'obtention du diplôme de Magistère Option : Sciences du langage Sous la direction de : Présenté et soutenu par : Pr. Gaouaou MANAA M. Samir CHELLOUAI

Membres du jury :

Président : M. Samir ABDELHAMID Pr. Université Batna Rapporteur : M. Gaouaou MANAA Pr. Université Batna Examinateur : M. Abdelouaheb DAKHIA Pr. Université Biskra

Année universitaire : 2012 - 2013

A la mémoire de mon père à ma mère à mon épouse à mes frères et sœurs à ma belle-famille à tous mes amis

REMERCIEMENTS

L’aboutissement de ce travail n’aurait pas été possible sans la précieuse contribution de nombreuses personnes que je veux remercier ici.

Je tiens tout d'abord à exprimer toute ma gratitude et mon respect à mon directeur de recherche, le Professeur Gaouaou MANAA, pour son encadrement, pour ses conseils utiles et pour sa disponibilité.

Ma reconnaissance va aussi aux membres du jury qui me font l'honneur d'examiner mon travail.

Je ne saurais oublier d’adresser mes vifs remerciements à mes enseignants de l’École Doctorale de Français, notamment Messieurs Samir ABDELHAMID, Saïd KHADRAOUI, Abdelouaheb DAKHIA, Mohamed El Kamel METTATHA, Tarek BEN ZEROUAL et Driss ABLALI.

Que soient particulièrement remerciés Messieurs Brahim KETHIRI, Claude FREY et Madame Fouzia BENZAKOUR de m’avoir prodigué des conseils judicieux.

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION GÉNÉRALE ...... 5 PREMIÈRE PARTIE CADRE THÉORIQUE ET OUTILS MÉTHODOLOGIQUE ...... 10

CHAPITRE I APPROCHES ET CONCEPTS ...... 12 Introduction ...... 13 1 La lexicographie francophone (du Sud) ...... 14 1.1 L’approche différentielle (linguistique) ...... 14 1.2 L’approche sociolinguistique ...... 17 1.3 L’approche socioculturelle ...... 19 2 Deux autres types de classement ...... 23 2.1 Le classement par référent ...... 23 2.2 Le classement par champ conceptuel ...... 25 3 Autour de quelques concepts opératoires ...... 26 3.1 La particularité lexicale ...... 26 3.1.1 Définitions ...... 26 3.1.2 La particularité selon la conception linguistique ...... 26 3.1.2.1 Les particularités lexématiques ...... 26 3.1.2.1.1 Les emprunts ...... 27 3.1.2.1.2 La néologie de forme ...... 27 3.1.2.2 Les particularités sémantiques ...... 28 3.1.2.3 Les particularités grammaticales ...... 28 3.1.2.4 Les particularités de statut ...... 29 3.1.3 Les particularités selon la conception socioculturelle ...... 29 3.2 Le continuum ...... 30 3.3 La norme endogène ...... 32 Conclusion ...... 35 CHAPITRE II APERÇU SOCIOLINGUISTIQUE...... 36 Introduction ...... 37 1 Profil sociolinguistique de l’Algérie ...... 38 1.1 Tamazight ...... 38 1.2 L’arabe ...... 39 1.3 L’arabe dialectal ...... 40 1.4 Les langues étrangères ...... 41 1.4.1 Le français ...... 41 1.4.1.1 Les variétés de français ...... 42 1.4.1.1.1 La variété acrolectale ...... 42 1.4.1.1.2 La variété mésolectale ...... 42 1.4.1.1.3 La variété basilectale ...... 43 1.4.2 L’espagnol ...... 44 1.4.3 L’anglais ...... 45 2 Profil sociolinguistique du Maroc ...... 46 2.1 L’amazighe ...... 46 2.2 L’arabe ...... 47

2.3 L’arabe dialectal ...... 47 2.4 Les langues étrangères ...... 48 2.4.1 Le français ...... 48 2.4.1.1 Les variétés de français ...... 49 2.4.1.1.1 La variété acrolectale ...... 49 2.4.1.1.2 La variété mésolectale ...... 50 2.4.1.1.3 La variété basilectale ...... 50 2.4.2 L’espagnol ...... 51 2.4.3 L’anglais ...... 51 3 Données géographiques : physiques et humaines ...... 52 Conclusion ...... 55 DEUXIÈME PARTIE CORPUS ET ANALYSE ...... 56

CHAPITRE III PRÉSENTATION DU CORPUS ET DE LA DÉMARCHE DE RECHERCHE ...... 58 Introduction ...... 59 1 Choix du corpus ...... 60 2 Types de corpus ...... 61 2.1 L’inventaire Algérie ...... 62 2.2 L’inventaire Maroc ...... 62 2.3 La BDLP ...... 63 2.3.1 Développement d’un concept ...... 64 2.3.2 Consultation de la BDLP ...... 65 2.3.3 Structure de la BDLP ...... 66 2.3.3.1 La recherche simple ...... 66 2.3.3.2 La recherche avancée ...... 68 2.3.3.3 La recherche transversale ...... 69 2.4 Les périodiques électroniques ...... 71 3 Démarche d’analyse ...... 72 Conclusion ...... 73 CHAPITRE IV ANALYSE COMPARÉE ...... 74 Introduction ...... 75 1 Corpus d’analyse ...... 76 1.1 Algérianismes ...... 76 1.2 Marocanismes ...... 98 2 Continuité ou discontinuité ...... 107 2.1 Analyse comparée : d’un point de vue onomasiologique ...... 107 2.1.1 Culture ...... 110 2.1.2 Religions et croyances ...... 110 2.1.3 Systèmes politique et militaire ...... 110 2.1.4 Espace et lieux ...... 111 2.1.5 Nourriture ...... 111 2.1.6 Métiers et professions ...... 111 2.1.7 Administration ...... 112 2.1.8 Vêtements ...... 112 2.1.9 Enseignement et éducation ...... 112 2.1.10 Économie ...... 113 2.1.11 La flore ...... 113 2.1.12 La faune ...... 113

2.2 Originalité : les statalismes ...... 115 2.3 Les particularités lexicales communes ...... 121 2.4 Analyse comparée : d’un point de vue sémasiologique ...... 130 2.4.1 Algérianismes et marocanismes : Typologie ...... 130 2.4.1.1 Particularité lexématique ...... 130 2.4.1.1.1 Les emprunts ...... 130 2.4.1.1.2 La néologie de forme ...... 132 2.4.1.2 Particularité sémantique ...... 133 2.4.1.3 Particularité grammaticale ...... 134 2.4.1.4 Particularité de statut ...... 135 3 À propos de certains critères de sélection des particularités lexicales...... 142 3.1 Critère de dispersion géographique ...... 142 3.2 Axe diachronique ou l’origine des mots ...... 144 3.2.1 Le substrat turc ...... 145 3.2.2 Mots dont l’origine turque n’est pas mentionnée ...... 145 3.3 Motivation et appartenance politique du chercheur ...... 146 3.4 Les renvois onomasiologiques ...... 149 4 Convergences et divergences ...... 155 4.1 Divergences ...... 155 4.2 Convergences ...... 155 Conclusion ...... 156 CONCLUSION GÉNÉRALE ...... 158 ANNEXES ...... 163 BIBLIOGRAPHIE ...... 168

Signes et abréviations utilisés

AUF : Agence universitaire de la Francophonie, réseau mondial d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche

AUPELF : Association des universités entièrement ou partiellement de langue française

BDLP : Base de données lexicographiques panfrancophone

CNTRL : Centre national de ressources textuelles et lexicales

IFA : Inventaire des particularités du français en Afrique noire

IFMag : Inventaire des particularités lexicales du français au Maghreb

LCF : Laboratoire de recherche sur les espaces Créoles et Francophones

TVF : Trésor des vocabulaires francophones

Introd. introduction

Fig. figure

V. voir

Tab. tableau

Dom. domaine

Inv. inventaire

« ° » : Un rond en exposant employé pour distinguer les statalismes des autres régionalismes dans les tableaux

[…] Indique une coupure dans une citation

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Plusieurs recherches en sociolinguistique avaient essayé ces dernières années, de décrire le français dans l’espace francophone ; des descriptions qui se proposaient de mettre en valeur l’hétérogénéité de cette langue, longtemps considérée par les puristes comme homogène. Ainsi, bon nombre de dictionnaires et inventaires1 avaient vu le jour depuis, témoignant d’un large éventail de particularismes et de pratiques linguistiques, souvent passés sous silence dans les dictionnaires usuels (Petit Robert, Larousse, etc.) ouvrages légitimes d’un français dit de référence.

Dans la même perspective et plus précisément dans la lignée de l’IFA, des projets2 de recherche pour l’élaboration d’un inventaire de particularismes panmaghrébin (IFMag), ont été entrepris sous l’égide de l’AUPELF-UREF en 1991. Ce qui a bel et bien donné naissance, vers la fin des années 1990 et début des années 2000, à des inventaires nationaux3 représentant les variétés de français en usage dans chacun des pays de cette région, sauf que l’objectif principal de l’entreprise lexicographique qui les avait mis en œuvre, à savoir l’élaboration d’une synthèse panmaghrébine ne s’était pas concrétisé pour des raisons liées beaucoup plus au changement du programme survenu, qu’aux convictions des chercheurs.

Deux de ces inventaires ont suscité notre curiosité, à savoir Le français au Maroc et Le français en Algérie. Or, après une consultation conjointe de ces derniers, nous avons constaté qu’un nombre important des lexies qu’ils regroupent, leur sont communes. Des termes comme : bessif, mellah, goumier, chira, gourbi, cherghi, boudjadi, etc., sont recensés comme particularismes auxquels recourent les usagers du français dans ces deux pays pour décrire des realia et exprimer des nuances de sens qui leur sont propres. Par ailleurs, cet état de fait nous pousse à s’interroger non seulement sur l’exclusivité géographique de certains de ces faits linguistiques, puisque les inventaires sont supposés décrire des variétés nationales, mais de surcroît sur leurs conditions d’usage.

1 Citons à titre non exhaustif : Trésor des vocabulaires francophones, Inventaire des particularités du français en Afrique noire, Dictionnaire suisse romand, Dictionnaire historique du français québécois, Dictionnaire des régionalismes de France, Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire (IFA)… 2 Notamment les travaux menés par les chercheurs maghrébins du réseau « Étude du français en francophonie ». 3 B. Ould Zein et A. Queffélec, Le français en Mauritanie (1997), F. Benzakour et al., Le français au Maroc. Lexique et contacts de langues (2000), A. Queffélec, Y. Derradji et al., Le français en Algérie. Lexique et dynamique des langues (2002), H. Naffati et A. Queffélec, Le français en Tunisie (2004).

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En effet, ces particularités lexicales communes relevées à la fois dans l’inventaire Maroc et l’inventaire Algérie, si elles apparaissent, c’est pour évoquer une réalité et un univers culturel commun. Elles ne peuvent donc être considérées comme uniquement algériennes ou uniquement marocaines, dans la mesure où, semble-t-il, elles désignent des référents qui débordent largement le cadre étatique. Et partant, des appellations telles que marocanisme et algérianisme seraient susceptibles de tomber en désuétude et d’être détrônées par celle de maghrébanisme.

Il va sans dire que ces deux pays partagent bon nombre de facteurs historiques, culturels, géographiques, ethniques, religieux, etc., qui , a fortiori, transcendent leurs frontières étatiques et interviennent dans toute entreprise de création lexicale puisque « toute langue véhicule avec elle une culture dont elle est à la fois la productrice et le produit » (Porcher, 1995). Le contexte écologique dans lequel évoluent ces deux variétés de français est profondément imprégné de ces facteurs, qui participent d’autant plus à une continuité entre ces deux variétés, qu’à une dichotomie prônée par les tenants d’une approche différentielle, s’intéressant beaucoup plus à l’écart formel et ne mettant pas en valeur le lien fort qui existe entre la langue et la culture.

Nous savons que des recherches ont été consacrées au français en tant que variétés endogènes dans ces deux pays, comme en témoignent les travaux cités plus haut, mais s’intéresser à la comparaison de ces variétés comme axe de recherche reste une entreprise nouvelle. C'est pourquoi nous nous sommes proposé de réaliser une étude comparative, qui nous permettra de vérifier si les deux pays ont un français similaire, au niveau lexical s’entend, et ce, en essayant d’apporter des éléments de réponse aux questions suivantes :

− Peut-on dire que le lexique de chacune de ces deux variétés de français est strictement endogène à l’aune des frontières étatiques ?

− Leurs usagers recourent-ils aux mêmes procédés de création lexicale ?

− Existe-t-il des insuffisances dans la description de ces deux variétés, liées à l’approche différentielle appliquée ?

Pour essayer de répondre à ces questions, nous nous sommes basé sur les hypothèses suivantes :

La première repose sur la contiguïté géographique de l’Algérie et du Maroc, leurs situations sociolinguistiques similaires et leurs proximités culturelles. Elle supposerait 7

l’existence de liens et de contacts à plusieurs niveaux qui pourraient influencer peu ou prou la création lexicale.

La seconde s’intéresse aux procédés de création néologiques. L’énumération des procédés qui interviennent dans la création de ces particularismes, nous permettrait d’appréhender le fonctionnement des particularismes et les conditions de leurs usages.

La troisième concerne les inventaires de particularités lexicales. Il nous parait que le moyen idéal pour faire ressortir les éventuelles relations qui pourraient exister entre ces deux variétés de langues, ne serait autre que l’application d’une approche moins dichotomique et plus culturelle, qui saurait mettre en valeur la « symbiose langue- culture ».

Sur ce, le travail que nous menons s’intéresse autant à la microstructure de ces construits lexicographiques qu’à leur macrostructure. Ainsi, le corpus sur lequel nous nous basons pour mener à bien cette recherche est constitué de l’ensemble des particularismes relevés dans les deux inventaires des particularités lexicales du français écrit et parlé au Maroc (paru en 2000) et en Algérie (en 2002). Un corpus qui représente un travail laborieux de dépouillement et de recensement s’étalant sur une décennie (1990 à 2000). Ajoutant à cela les items des deux Bases de Données Lexicographiques des deux pays : BDLP-Algérie et BDLP-Maroc, mises en lignes sur Internet et reliées à la Base de Données Lexicographiques Panfrancophone Internationale.

Le choix de ce corpus est motivé par les raisons suivante : d’une part, ces deux inventaires comptent parmi les excellents produits qui relèvent du domaine de la sociolinguistique et de la lexicographie. Ils traitent d’une manière détaillée la situation du français dans ces deux pays. D’autre part, la BDLP offre une actualisation des données et un mode de traitement de ces dernières qui nous facilite l’analyse.

Cette étude se scinde en deux parties. La première, théorique, s’attache dans un premier temps à circonscrire le domaine de recherche et définir les concepts qui nous servirons, par la suite, d’instruments méthodologiques grâce auxquels une analyse du corpus sera possible. Et dans un deuxième temps, elle présente brièvement le profil sociolinguistique des deux pays ce qui nous permettra d’avoir une idée sur le contexte dans lequel évoluent ces deux variétés de français. La deuxième partie, pratique, se subdivise quant à elle en deux chapitres. Le premier sera consacré à la présentation de notre corpus et la démarche suivie. Ensuite, dans le second, nous soumettrons ce corpus

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à une étude comparative ayant trait à notre problématique tout en traitant les particularismes dans un contexte qui dépasse la dichotomie formelle, afin de faire ressortir les éventuels liens qu’entretiennent ces deux variétés nationales, et de surcroît mettre en valeur une éventuelle dimension panmaghrébine sous-jacente. De plus, nous tenterons à la fin de ce chapitre, de revoir certains critères qui fondent l’approche différentielle de conception linguistique, à la lumière des nouvelles approches, socioculturelles et sociolinguistiques.

Notre démarche consiste aussi bien en une analyse quantitative que qualitative du corpus. Par la première, qui repose sur des données statistiques, nous visons à délimiter les réseaux onomasiologiques qu’entretiennent ces deux variétés de français et à sérier les champs conceptuels en fonction du nombre de particularités qui les constituent. Par la seconde nous examinons isolément certains de ces particularismes en étudiant leurs caractéristiques d’un point de vue sémasiologique.

Pour finir, nous tenterons à l’issue de cette analyse, une interprétation valable des résultats observés afin de déceler les éventuelles divergences et/ou convergences, ce qui nous aidera à appréhender l’évolution des particularismes à travers ces deux variétés de français.

Ainsi nos préoccupations à apporter un éclairage à ces questions exprimées, nous souhaitons pouvoir contribuer autant que faire se peut, à l’aide de ce modeste travail, aux recherches s’intéressant à la dynamique du français dans l’espace maghrébin.

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PREMIÈRE PARTIE CADRE THÉORIQUE ET OUTILS MÉTHODOLOGIQUE Première partie Cadre théorique et outils méthodologiques

Cette première partie se subdivise en deux chapitres. Dans le premier, nous présenterons le cadre théorique dans lequel s’inscrit notre recherche, nous y verrons d’abord les différentes approches qui ont marqué la lexicographie africaine. Ensuite, nous passerons en revue certains concepts-clés ayant trait à notre étude en mettant l’accent sur leur évolution qui s’avère essentiel pour notre analyse, notamment le concept de particularité lexicale. Dans le second chapitre, nous présenterons un bref aperçu du paysage sociolinguistique de l’Algérie et du Maroc. Première partie Chap.1 Approches et concepts

CHAPITRE I APPROCHES ET CONCEPTS Première partie Chap.1 Approches et concepts

Introduction

Dans ce chapitre, nous nous intéressons dans un premier temps à l’évolution des approches qui ont jalonné la lexicographie dite du Sud, dans le but de saisir leurs implications sur le travail que mène le lexicographe et par là même, sur la construction des inventaires de particularités lexicales. Ainsi, nous verrons d’abord l’approche différentielle fondée sur la dimension structurale de la langue, laquelle a marqué les premiers chantiers lexicographiques. Ensuite, l’approche d’orientation sociolinguistique qui tient compte de l’hétérogénéité des communautés. Enfin, sera abordée l’approche socioculturelle qui octroie la primauté dans la description à la dimension culturelle de la langue. Dans un deuxième temps, nous parcourrons quelques-uns des concepts-clés qui ont accompagné l’évolution des approches précitées, que nous jugeons utiles pour l’analyse de notre corpus. Pour cela, nous verrons entre autres les concepts de : particularité lexicale, continuum endogénéité, etc.

13 Première partie Chap.1 Approches et concepts

1 La lexicographie francophone (du Sud)

Étant donné que la présente étude porte sur la description du français en milieu francophone et précisément au Maghreb, il s’avère nécessaire pour nous, de l’entamer par mettre en avant les trois approches adoptées par les chercheurs dans ce contexte, pour l’élaboration de leurs différents inventaires de particularités lexicales.

Depuis les premières recherches qui ont donné naissance à l’inventaire du français en Afrique noire (IFA), la description des variétés de français a beaucoup évolué. La sélection des particularismes aujourd’hui, ne se limite plus à la seule particularité de forme par rapport à un corpus d’exclusion selon une conception purement linguistique et comme le préconisaient les tenants de l’approche différentielle, mais va bien au-delà, en suivant divers cheminements et de nouvelles conceptions : sociolinguistique et socioculturelle, selon que les linguistes et les lexicographes réenvisagent et redéfinissent sous un jour nouveau diverses notions en particulier celle de particularité lexicale.

L’ordre suivant lequel ces trois types d’approche seront abordés plus bas, correspond chronologiquement à leur mise en œuvre par les linguistes et lexicographes lors de l’élaboration des différents inventaires de particularismes, depuis l’élaboration de l’IFA et jusqu’à la construction de la Base de Données Lexicographiques Panfrancophone (désormais BDLP). Ainsi nous verrons en premier lieu l’approche différentielle et linguistique, en second lieu l’approche sociolinguistique et en dernier lieu l’approche socioculturelle.

1.1 L’approche différentielle (linguistique)

C’était l’approche utilisée pour l’élaboration de l’IFA1. Les inventaires conçus selon ce modèle, visent la description d’une norme endogène non normative, représentant une variété nationale de français, en se limitant uniquement à décrire les spécificités lexicales d’un français mésolecte, privilégié au détriment d’autres lectes qui coexistent sur le marché linguistique. Selon Ambroise Queffélec (2008, p.188), le mésolecte qui intéresse les partisans de cette approche est l’ « objet d’un consensus social en tant que façon ordinaire de parler le français pour des Africains vivant au

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Première partie Chap.1 Approches et concepts pays »4. Il se place entre l’acrolecte d’une élite utilisatrice d’un français châtié, et le basilecte appris « sur le tas » des locuteurs non ou peu scolarisés.

Dans son article intitulé : Quelques considérations sur l'apport de l'lnventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire (IFA) à la lexicographie du français en francophonie, (1990, p.28), Danièle Latin a évoqué le caractère doublement différentiel de cette approche en affirmant qu’elle est différentielle une première fois « parce que I’IFA se fonde sur une typologie de l’écart. Sont recensés les traits linguistiques qui représentent un écart fonctionnel significatif par rapport au français actuel, tel qu’il est reflété par les dictionnaires de la langue générale contemporaine […] ». Et une seconde fois, vu que cette approche aborde l’écart d’un point de vue « interafricain » en décrivant les variétés de français à l’intérieur de cet espace.

L’élaboration des inventaires, selon cette approche, passe par plusieurs phases :

1. Recueillir les données en vue de constituer un corpus. Les lexies retenues à ce stade de la recherche présentent un écart par rapport à un corpus d’exclusion appelé aussi base de référence représenté essentiellement par le Petit Robert. La grille de départ, sur laquelle repose un premier classement des particularités, est constituée de deux axes. Selon Claude Poirier (1995, p.32) : « Pour situer une variante lexicale sur l’axe différentiel, (horizontal), il faut répondre à la question suivante : en quoi cette variante du français […] est-elle originale par rapport au FrR 5 ? ». Les réponses possibles, d’après l’auteur, sont les suivantes :

− en raison du fait qu’il s’agit d’un lexème original ;

− en raison de sa signification ;

− en raison de son comportement grammatical ;

− en raison du fait qu’elle constitue une unité phraséologique nouvelle ;

− en raison de son statut dans l’usage.

En ce qui concerne l’axe diachronique (vertical), il a pour but de retracer l’historique de tel ou tel emploi et de voir s’il s’agit d’archaïsme, d’emprunt, d’innovation, etc. La question qui se pose dans ce cas, d’après le même auteur, est la

4 C’est l’auteur qui souligne 5 Cette abréviation qui désigne le français de référence est estimée par l’auteur comme la plus neutre parmi d’autres : français hexagonal, français de France ou français de Paris, notamment par rapport à celle de français standard laquelle, selon lui, évoque déjà la dimension normative.

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Première partie Chap.1 Approches et concepts suivante : d’où provient cet emploi, quelle en est sa source ? Notons que, comme l’a mentionné, Didier de Robillard, (2008, p. 322), cette dimension de temps qui vient aujourd’hui s’ajouter à la description synchronique, n’avait pas sa place dans le projet initial de l’IFA, puisque ses auteurs, considéraient comme neutre la description et les méthodologies appliquées, dans la mesure où elles ne devraient que révéler une réalité préexistante « et par conséquent transférables sans adaptation importante de situation en situation, d’une période historique à une autre, d’un projet à un autre. ». or, ajoute-t-il, décrire la langue en séparant synchronie et histoire c’est se priver de toute possibilité de découvrir « comment les langues sont des processus construits socialement, institutionnellement, politiquement. », et c’est ce que nous allons découvrir avec plus de détail dans les pages qui vont suivre.

2. Après ce stade de collection des items, vient l’étape de filtrage en imposant la masse importante de données face à laquelle se trouvent souvent les chercheurs aux critères de sélection suivants :

− Critère de fréquence : la fréquence d’emploi est un critère important étant donné qu’il a permis aux chercheurs d’éviter les néologies individuelles, événementielles, conjoncturelles ou les hapax.

− Critère de dispersion géographique : ce critère a permis d’exclure les lexies utilisées exclusivement dans une seule région du pays.

− Critère de dispersion chronologique : les lexèmes retenus par ce critère sont attestés à différentes périodes d’une synchronie large. Concernant les deux inventaires de français, à savoir Le français au Maroc et Le français en Algérie, cette synchronie s’étale sur plusieurs décennies (1970-2000).

− Critère de dispersion sociale : sont sélectionnés les mots employés, connus ou considérés comme français par des locuteurs appartenant à des couches sociales et à des milieux professionnels différents. Sont ainsi exclus certains mots relevant exclusivement du vocabulaire scientifique.

Notons que, du fait que les inventaires cités plus haut s’inscrivaient dans la tradition de l’IFA, leurs auteurs ont opté pour les mêmes principes méthodologiques de sélection et de traitement des particularismes adaptés au Maghreb et appliqués dans l’élaboration de chacun des inventaires régionaux (V. annexe 1).

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

3. La dernière phase concerne la mise au point des techniques lexicographiques de classement et de présentation (microstructure et macrostructure) des informations retenues.

En définitive, malgré son apport dans le domaine de la lexicographie, cette approche différentielle strictement dichotomique a fait l’objet de nombreux débats et de critiques, notamment chez les tenants des approches sociolinguistiques et socioculturelles comme nous pouvons le constater à la lecture des lignes qui suivent.

1.2 L’approche sociolinguistique

Ce type d’approche est prôné par les chercheurs qui se sont inspirés de la sociolinguistique labovienne6, entre autres Didier.de Robillard et le laboratoire LCF7 de l’université de La Réunion.

Après s’être convaincus que la diversité des français en Afrique ne se manifeste pas seulement d’un pays à l’autre mais qu’elle est palpable aussi au sein même de l’état- nation, ces chercheurs avaient fini par remettre en cause la conception « internaliste » et structurale de l’IFA fondée sur la « cohérence », et entreprendre des descriptions en appliquant un cadre théorique plus large, qui tient compte, non seulement de la « cohérence » mais aussi de la « cohésion ». Autrement dit en dépassant le cadre restreint du projet « sémio-linguistique » et en s’inscrivant dans un projet «social, politique, anthropologique ». Cela dans le but de mettre en valeur une disparité jusque-là occultée qui reflète « la composante relationnelle-identitaire » et rendre compte par voie de conséquence, des différents usages (diatopique, diastratique, diaphasique, diachronique) de la langue.

En évoquant l’importance qu’il attribuait au facteur de « cohésion » lors de l’élaboration de son inventaire de particularismes8, de Robillard (2008, pp. 328-329), affirme que le premier objectif de son utilisation était « de construire un ensemble bien plus disparate que [ceux qui étaient] construits entre les rails balisés de l’acrolecte et du basilecte […]». Puisque, précise-t-il, le modèle trinitaire (acrolecte, mésolecte, basilecte) sur lequel reposaient les inventaires élaborés selon l’approche différentielle,

6 Selon son principe : « la situation est bien le déterminant le plus puissant du comportement verbal » (1978 :124) 7 Laboratoire de Langues, textes et communication dans les espaces Créolophones et Francophones de La Réunion. 8 Contribution à un inventaire des particularités lexicales du français à l’Île Maurice

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Première partie Chap.1 Approches et concepts ne faisaient que « primer un type d’ordre sur les autres, et donc, à pré-filtrer ce que la cohérence [serait] chargée d’organiser a posteriori en "système" pour lui donner toutes les apparences d’une " vraie langue " en la " naturalisant".»9. En effet, ce facteur de « cohésion » sur lequel insiste, de Robillard, lui a permis de se distancier des autres inventaires dont il trouve le modèle « quasi canonique », arguant que ces derniers bien qu’ils comportent souvent une longue et parfois excellente partie sociolinguistique ; c’est la « cohérence » qui domine, une fois que les choses sérieuses commencent, « à savoir la prétendue description ».

Par ailleurs, il est un autre point sur lequel cette conception sociolinguistique de la lexicographie met le doigt, et que C. Frey, veille depuis quelques années à mettre en évidence, c’est celui des locuteurs allogènes, en affirmant que « Plusieurs informations, ignorées il y a une vingtaine d'années tant par défaut d'attention que par défaut d'engagement, devraient apparaître dans les descriptions lexicographiques d'aujourd'hui, dont l'orientation est plus sociolinguistique. » (Frey, 2006, p.73). En effet, l’auteur, voit dans certains critères de l’approche différentielle un obstacle qui écarte plusieurs éléments essentiels qui mériteraient d’être traités dans toutes entreprises lexicographiques pour que celle-ci puisse mieux dépeindre le paysage sociolinguistique, en prenant en considération tous les locuteurs et tous les éventails sociaux.

Ainsi, d’un point de vue « polylectal », l’auteur souligne le cas des étrangers (allogènes) présents sur le territoire sujet de description, qu’ils soient issus des pays limitrophes ou européens. Ces locuteurs font usage différent de la langue (décrite) dans la mesure où ils utilisent certains mots que les locuteurs nationaux eux-mêmes n’emploient pas. Pour étayer ses dires, l’auteur donne plusieurs exemples entre autres celui du mot « zamu » que les expatriés, au Burundi utilisent pour désigner un gardien à la place du mot « sentinelle », usité par les locuteurs burundais. Ainsi que le terme « boy », lequel est largement utilisé en Afrique chez les expatriés à la place de « domestique » pour désigner un personnel de service.

De surcroît, allant jusqu’au bout de sa réflexion, l’auteur arrive à conclure que :

« Si le français n'est plus seulement la langue des Français, et ce point semble acquis dans la réflexion francophone, il semble également nécessaire d'admettre que les variétés de français du Burundi, du Gabon, de Côte-d'Ivoire, etc., n'appartiennent pas exclusivement aux Burundais, aux Gabonais ou aux Ivoiriens, dans la mesure où ils les partagent avec une partie

9 C’est l’auteur qui souligne.

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

de la communauté francophone, selon les circonstances de communication et des options sociolinguistiques qui transcendent les frontières politiques présentes dans les formulations "français du Burundi", "français du Gabon" ou "français de Côte-d'Ivoire", etc. ». (2006, p.71).

Ces mêmes remarques nous les retrouvons une fois encore chez, Fouzia. Benzakour (2008, p.195), lorsqu’elle s’est exprimée dans son article10 sur l’expérience qui l’avait conduite des années auparavant, à l’élaboration de l’inventaire Maroc. À l’instar, de C. Frey, l’auteure déplore l’impertinence et/ou le caractère trop restrictif de certains critères imposés par l’approche différentielle. En effet, elle évoque, le cas de certains particularismes auxquels il était difficile d’appliquer les marques « peu/moyens scolarisés et intellectuel » appliqués sous la variable « niveau de scolarité » destinée à déterminer le basilecte, dans la mesure où ces particularismes sont produits par des étudiants et des intellectuels mais arabisés et par conséquent maîtrisent peu le français.

En ce qui concerne le critère de « dispersion géographique », Benzakour, affirme que lui aussi est très restrictif et qu’il devrait l’être moins, afin que le descripteur puisse mettre en avant « […] aussi bien les emplois nationaux que ceux qui sont spécifiques à telle ou telle région […] » dans la mesure où la variété décrite n’est pas seulement l’usage de ceux qui résident dans les grands centres urbains, mais elle est le reflet de toute la population francophone.

Pour conclure, quoique succincte, cette présentation de la conception sociolinguistique que nous venons de voir nous permet de repérer rapidement quelques- uns des éléments qui ont conduit les chercheurs à remettre en cause une approche différentielle trop restrictive à leurs yeux, et à prévoir d’autres approches plus souples qui tiennent compte des dimensions sociolinguistique et socioculturelle.

1.3 L’approche socioculturelle

La description lexicographique dans cette perspective a fait son chemin chez les chercheurs s’intéressant à la « dimension culturelle » des variétés décrites car cette dernière, comme le souligne Ambroise Queffélec, « peut conduire le linguiste, devenu acteur engagé, à décrypter à travers les mots les pratiques culturelles et sociales, les idéologies dominantes qu’il peut être amené à dénoncer par un décryptage de certaines formes de corruption des concepts. » (Op. cit., p. 9) . Comme le démontrent à cet égard,

10 Benzakour Fouzia, « Chapitre 2. Le français au Maroc : de l'usage maghrébin à la langue du terroir », in Claudine Bavoux Le français des dictionnaires, De Boeck Université « Champs linguistiques », 2008 p. 191-204.

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Première partie Chap.1 Approches et concepts des lexies telles que : rebelle, maquisards ou fellagas, relevées à la période coloniale de l’Algérie :

« Le commissariat de police de Biskra est attaqué. La gendarmerie de T'Kout, dernier village sur la route menant aux gorges de Tighanimine, est assiégée. Dix gendarmes, quatre femmes et cinq enfants vivent des heures angoissantes avant d'être délivrés. En plein cœur du massif, la petite ville d'Arris, cernée par des bandes rebelles, est coupée du monde. ». (DANIEL JUNQUA, Le Monde du 2 novembre 1974).

« 18 mai 1956. Vingt militaires français tombent dans une embuscade montée par des maquisards d'Ali Khodja, l'un des jeunes chefs locaux du FLN, sur les hauteurs des gorges de Palestro. ». (Rémi Lainé, ARTE, France, 2012).

« À l’intérieur la propagande rebelle n’a pas encore repris toute son ampleur. Elle se traduit surtout par des inscriptions, des slogans, des manifestations de jeunes gens ou d’écoliers et la circulation de rumeurs sur le thème « l’indépendance est proche ». À l’extérieur elle critique violemment l’explosion de la quatrième bombe atomique et fait ressortir que le ministre des Armées et le Chef d’État-Major de la défense nationale ont prescrit, comme l’avaient fait les généraux rebelles, la relance des opérations militaires contre les fellagas. ». (Lieutenant- colonel Degas, archive militaire du 7/05/1961).

Ces lexies qui pourraient être considérées selon la conception différentielle comme doublons de certains mots français et par voie de conséquence seraient éliminés de l’inventaire, trouvent leur place selon une conception culturelle plus large étant donné qu’ils évoquent quelque chose de plus, une connotation, que le dictionnaire « euro-centré » considéré comme corpus d’exclusion n’évoque pas.

Yacine Derradji (1999, p.1), à clairement montré dans son étude sur l’emprunt, que les termes maquisard et fellagas « n’expriment pas de manière parfaite et exacte ce qui est dénoté par les lexies arabes : moussebel [et] moudjahid […] ». Or, sous la plume d’un partisan de l’Algérie française ou d’un militant de l’Algérie libre et indépendante, ces lexies n’évoquaient pas la même chose et ne dénotaient pas la même réalité.

Selon Claude Frey (2006, p.74), l’originalité de cette approche, tient essentiellement au fait qu’elle situe la variété de langue décrite « à son contexte sociolinguistique et culturel ». ainsi, précise-t-il : « les mots et leurs sens ne peuvent naître et s'interpréter que dans ce vaste contexte, [car] la variété de langue n'existe pas indépendamment de la société ou de la fraction de société qui, d'abord, l'a produite et qui, ensuite, en use. ». En effet, d’après sa langue expérience au Burundi, L’auteur, relève quelques exemples saillants de lexies parues 1993, qui appartiennent au domaine politico-ethnique de ce pays. À l’image de l’expression « être sussuruké », qui signifie 20

Première partie Chap.1 Approches et concepts dans le milieu hutu « bénéficier d'une promotion », alors qu’à la même année cette expression avait le sens d’ « être licencié » chez les Tutsis. L’auteur affirme que plusieurs lexies de ce genre sont utilisées « […] dans les milieux hutus ou les milieux tutsis, dans un mouvement lexical lié à l'évolution d'une culture politique qui, depuis 199311, tend à faire apparaître ou disparaître ces termes, ou à leur donner un sens variable selon l'appartenance du locuteur ou du référent. ».

Ainsi, ajoute le même auteur, la mise en lumière de tels phénomènes dans les inventaires de particularismes demeure intéressante voire utile parce que « derrière le lexique, c'est toujours un pays ou une culture que l'on découvre, et derrière l'ensemble des pays, le continuum d'une communauté francophone, avec ses identités et ses différences, résultats de contacts belliqueux ou pacifiques entre différentes cultures ».

Cela nous montre jusqu’à quel point l’engagement du chercheur et ses choix méthodologiques pèsent sur la construction de son inventaire. Que ce dernier se positionne d’un côté ou de l’autre de la frontière politique, il en viendrait à décrire la variété de la langue suivant cette même position, en ne mettant en évidence que les traits qui ne compromettent pas son engagement et qui ne vont pas à contresens de sa prise de position idéologique. Nous rejoignons à cet égard le point de vue de Michel Francard, soulignant que « […] Les choix théoriques et méthodologiques qui président au travail lexicographique sont profondément influencés par la personnalité du chercheur. » (2008, p. 32).

À la lumière de ce qui précède, les partisans de cette approche proposent de franchir le pas concernant la description des variétés et l’élaboration des inventaires, en allant d’une approche différentielle froide qui sépare et discrimine les variétés de langues et les cultures, « vers une approche plus vivante, plus représentative du pays, en construisant, par des renvois onomasiologiques, des réseaux lexico-sémantiques en rapport avec l’imaginaire socioculturel du pays. » Claude, Frey (2008, p. 245). C’est donc dans cette perspective qu’ils cherchent aujourd’hui, à actualiser les descriptions des variétés établies antérieurement selon l’approche différentielle, en tenant compte d’éléments nouveaux comme par exemple :

11 L’auteur explique qu’ « En juin 1993 ont eu lieu les premières élections démocratiques au Burundi, entraînant une modification sensible du paysage politique et de la répartition des postes de responsabilité ; elles furent suivies en octobre de la même année d'un coup d'état aux répercussions violentes. Ces graves troubles, après d'autres, ont été à l'origine de nombreuses créations néologiques, dont certaines peuvent être vouées à la disparition, dans la mesure où la situation au Burundi semble évoluer positivement. ».

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

− Prendre plus de liberté et envisager une approche beaucoup plus culturelle qui ne se limite pas à l’aspect formel des mots.

− Du point de vue idéologique, essayer de rendre compte objectivement de la valeur des mots comme témoignages d’une situation extralinguistique : sociale, culturelle, politique, sans impartialité quelconque de la part du descripteur.

− Effectuer la description en prenant considération aussi du continuum qui pourrait exister entre les différentes variétés de français. Une vision qui correspond mieux aux situations naturelles et dépasse les limites d’une approche linguistique structurale ou de celle d’une sociolinguistique de la covariation, dont s'inspirent les approches différentielles.

− Prendre en compte la motivation de la création lexicale ou sémantique, laquelle, au dire de C. Frey, « permet la compréhension véritable des mots et des discours en prenant en charge un non-dit relevant de l'implicite, du présupposé, du connoté, etc. Le mot ne prend son sens plein que dans la culture qui le produit.

− La nécessité de revoir et corriger les éditions précédentes des inventaires, en raison de l’évolution de la situation extralinguistique, et de l’évolution lexicale conséquente.

Telles semblent être, de façon générale les caractéristiques de cette conception socioculturelle de la lexicographie descriptive. Il faut à cet effet signaler, que l’approche différentielle dichotomique avec laquelle les lexicographes ont débuté leurs recherches s’est avérée insuffisante étant donné qu’elle cantonne les recherches au seul aspect linguistique de la langue en délaissant l’aspect culturel ; bien qu’elle soit une « excellente porte d’entrée », pour reprendre l’expression de Claude Frey. Or, langue et culture forment une symbiose selon l’assertion de Louis Porcher12, et cette dissociation de la langue et de la culture ne peut être vécue par les tenants de l’approche socioculturelle que comme une situation en porte-à-faux, comme en témoigne ce passage de Michel Francard, (2008, p. 35) qui résume bien l’importance du contexte culturel dans l’analyse lexicographique :

12 Voir la définition de L. Porcher, citée dans l’introduction.

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

« L’analyse rigoureuse des matériaux linguistiques ne se conçoit plus indépendamment de leur insertion culturelle et sociale : en témoignent les rubriques encyclopédiques remarquablement documentées (parfois même illustrées) que l’on trouve dans les descriptions lexicographiques récentes. Parallèlement, les particularités – qui cessent parfois de l’être – sont intégrées dans l’histoire de la langue française, grâce à des notices historiques particulièrement fouillées 13. ».

En somme, la description des variétés de français dans l’espace francophone répond au choix du chercheur, aux aspects de la langue qu’il tient à mettre en valeur selon des approches qui supposent des grilles de classement différentes les unes des autres.

2 Deux autres types de classement

Dans toute entreprise lexicographique qui vise à décrire la variété de français en usage dans les pays francophones et établir son inventaire, l’étape de recensement des particularités lexicales est suivie par celle de classement de ces dernières selon l’aspect que le lexicographe tient à étudier ou mettre en avant. Parmi les différents types de classement développés par les descripteurs nous évoquerons dans ce qui suit deux autres types de classement en relation avec notre démarche.

2.1 Le classement par référent

Outre le classement linguistique sur lequel repose l’approche différentielle, un autre basé sur une distinction des référents aide à cerner la spécificité de la variété objet de description. Selon Claude Poirier (1995, p.30), « Le classement fondé sur le référent a une utilité indéniable dans les recherches différentielles sur le lexique. Il permet en effet de bien identifier certains aspects de l'originalité du lexique d'une variété géographique […]». Pour ces lexies recensées par ce type de classement, les linguistes retiennent l’appellation de « statalisme », concept défini par J. Pohl (1985, p.10), cité par C. Poirier (1995, p.29), comme « tout fait de signification ou de comportement, observable dans un pays, quand il est arrêté ou nettement raréfié au passage d'une frontière. » Sont donc réunis, tous les mots qui désignent des realia sui generis d’un pays, tels ceux qui font référence à la faune, la flore, l'environnement physique,

13 Le Dictionnaire historique du français québécois (Poirier, 1998) est une remarquable contribution à l’histoire des usages régionaux du français, dont l’abondante documentation démontre l’existence d’un fond lexical largement partagé par les variétés du français. La même évidence se dégage des consultations croisées que permet la Banque de données lexicales panfrancophone (BDLP).

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Première partie Chap.1 Approches et concepts l'alimentation, l'habitat, l'administration, l’éducation, le système politique, la culture, etc.

Un peu plus loin, Poirier ajoute que « La mise en rapport de classements de type référentiel concernant diverses variétés géographiques de français permettrait de mesurer l'écart respectif qu'elles présentent par rapport à la variété qui sert de point de comparaison. ». En effet, le lexicographe qui opte pour ce type de classement pourrait dégager les liens/écarts qui existent entre différentes variétés de langues.

Nonobstant l’apport de ce type de classement dans la mise en valeur de l’originalité de la variété décrite, des réserves ont été faites par certains chercheurs (Réseau, Poirier, Francard), sur l’emploi, voire le statut même de ces statalismes dans toute entreprise lexicographique cherchant à définir les régionalismes. D’une part, ils estiment que les particularités lexicales sériées dans cette catégorie sont celles qui méritent le moins d’être considérées comme particularismes, du fait qu’elles sont en réalité universelles dans la mesure où l’usager partout où il se trouve « […] n’a pas le choix de les employer quand [il] veut parler de telle ou telle réalité nationale ou régionale de son pays ou d'un autre pays. » (C. Poirier, 1995, p.30). Raisonnement que C. Frey (2004, p.141), considère comme « motif de rejet » de ces statalismes, à moins que la multiplication de la fréquence d’occurrence de ces derniers ne soit prise comme « motif de sélection ». D’autre part, M. Francard pour sa part estime que cette catégorie de statalismes relevés d’après les frontières d’un pays, ne suffit pas à elle seule pour dire d’une variété qu’elle est « nationale » en raison de l’infime partie qu’elle constitue par rapport à l’inventaire des lexies recensées. Il souligne dans ce sens que : « sans doute trouve-t-on, dans chaque pays francophone des statalismes, […] mais cette catégorie, très minoritaire au sein de l'ensemble des particularités lexicales d'une aire géographique donnée, ne suffit pas pour que la variété qui la possède soit considérée comme "nationale"». (1998, p.14).

Voilà donc, sommairement résumées, les réflexions faites par les lexicographes à l’égard du classement par référent. Elles débouchent dans bien des cas sur des différences de conceptions méthodologiques quant à la sélection ou le rejet des statalismes dans les inventaires de particularismes.

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

2.2 Le classement par champ conceptuel

C’est un modèle proposé par Hallig et Wartburg (1963). Il consiste à regrouper les mots selon des groupes onomasiologiques, ce qui donne au chercheur la possibilité d’établir une carte conceptuelle du lexique étudié.

D’après F. Möhren, (1980, p31), l’un des buts du classement onomasiologique c’est de faire « valoir les domaines de vocabulaire préférés pour les choix des expressions. ». En effet, dans les travaux lexicographiques de type différentiels, le classement onomasiologique des lexies donne au lexicographe soucieux de l’émergence des particularités lexicales, le moyen de distinguer les domaines les plus productifs qui favorisent le recours à ces dernières.

Concernant la présente étude, une mise en rapport des deux nomenclatures par le biais d’un classement onomasiologique, pourrait nous offrir une vue d'ensemble sur la répartition des particularités dans les deux pays, selon les champs sémantiques les plus usuels et les plus productifs. De même, Cela nous permet d’avoir une idée non seulement sur les aspects de la réalité que décrivent ces particularismes, mais aussi de déterminer les spécificités de cette réalité dans chacun des pays et, par là même, vérifier par le biais des liens onomasiologiques s’il existe une culture dépassant les frontières étatiques.

Par ailleurs, l’avantage que procure une analyse comparée reposant sur un tel classement est de pouvoir révéler au travers les réseaux lexico-sémantiques que constituent les lexies, les comportements de ces dernières et leurs caractéristiques d’emploi dans des sphères sémantiques qui ne se limitent pas à la forme de la particularité lexicale mais concerne aussi des conceptions culturelles, sociales ou logiques plus larges propres à deux États voire une région.

Outre les approches citées plus haut et les types de classement auxquels elles font appel, il nous semble important aussi d’aborder certains concepts-clés ayant trait à la description des variétés de français afin de mieux en cerner la progression. Le recours à des concepts tels que « particularité lexicale », « endogénéité », « continuum » en relation direct avec notre travail de recherche s’avère fort utile pour analyser l’évolution des particularismes lexicaux selon différentes conceptions.

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

3 Autour de quelques concepts opératoires

L’exposition des approches qui ont marqué les recherches lexicographiques dans le contexte francophone renvoie inéluctablement à l’évolution en parallèle de certains concepts-clés auxquels nous aimerions aussi apporter quelques éclaircissements, vu leur importance.

3.1 La particularité lexicale

3.1.1 Définitions

Parler de particularité sous-entend l’existence d’une norme par rapport à la quelle sont relevés tous les écarts. En effet, selon Suzanne Lafage (2002, p. LXVII) : « la particularité lexicale est un trait divergent entre le lexique d’un topolecte particulier […] et le lexique du français de France servant de référence […] ». De même que pour

Massoumou et Queffélec (2007) cités par Virginie Ompoussa dans sa thèse de doctorat, la particularité lexicale est « un écart entre le français local et le français de référence.». Notons que ces définitions rejoignent la conception différentielle et dichotomique de la description lexicographique.

Est considérée donc comme particularité lexicale dans ce cas, toute lexie de forme française ou non française en usage dans tel ou tel pays dont l’emploi, ou il n’existe pas dans le français de référence, à l’exemple des néologismes de forme, ou bien il existe mais différemment, et c’est le cas des lexies dont le comportement représente une nouveauté au niveau sémantique, grammatical ou de statut. Ainsi, Il s’ensuit de cette définition de l’écart, une typologie de particularismes pour laquelle ont opté entre autres, les auteurs des inventaires14 nationaux en Algérie et au Maroc, et que nous reproduisons ci-dessous.

3.1.2 La particularité selon la conception linguistique

3.1.2.1 Les particularités lexématiques

Sont regroupés dans cette catégorie les phénomènes d’emprunt et de néologie de formes. Notons que les langues qui fournissent le plus grand nombre d'emprunts au

14 Celui de : A. Queffélec, Y. Derradji et al., Le français en Algérie. Lexique et dynamique des langues (2002) et de : F. Benzakour et al. Le français au Maroc. Lexique et contacts de langues (2000)

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Première partie Chap.1 Approches et concepts français en contexte algérien et marocain sont l'arabe (classique et dialectal) et le berbère.

3.1.2.1.1 Les emprunts

− L’emprunt à l’arabe

Ce sont les emprunts et les néologies de formes. Les deux variétés empruntent beaucoup à l’arabe classique et dialectal et peu aux autres langues, comme nous venons de le voir plus haut.

− L’emprunt à arabe classique

Langue de la civilisation arabo-musulmane, l’arabe classique sert à exprimer les réalités religieuses.

− L’emprunt à l’arabe dialectal

Cette variété de langue sert de source pour les emprunts qui relève de la vie socioculturelle comme l’art, la culture, la nourriture, les tenues vestimentaires, outils et objets.

− L’emprunt au berbère

Les berbérismes concernent surtout le domaine identitaire et culturel.

− L’emprunt à l’espagnol

Les mots empruntés à cette langue reflètent une vieille présence espagnole dans la région.

− L’emprunt à l’anglais Il s’agit de lexies usitées particulièrement utilisées dans le langage des médias

3.1.2.1.2 La néologie de forme

Selon Marie-Françoise Mortureux : « L’impulsion qui déclenche l’apparition d’un néologisme se situe dans la communication, lorsqu’un locuteur a le sentiment que le stock de mots dont il dispose à un moment donné ne lui fournit pas le terme adéquat à son propos. » (2008, p.137) Ces mots nouveaux sont créés en appliquant les règles de dérivation et de composition du français à des bases françaises ou arabes.

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

La dérivation

La néologie par dérivation consiste à créer des mots nouveaux par l’ajout d’affixes.

− La suffixation Consiste en l’adjonction d’un affixe en final de la base.

− La préfixation

Ce procédé consiste en l’ajout d’un affixe avant la base.

− La dérivation régressive Consiste en la suppression d’une partie d’une lexie déjà existante dans la langue afin d’obtenir une lexie néologique.

La composition

C’est la formation de mots par combinaison de deux lexies autonomes d’origine :

− Arabe : majless echoura ;

− Française : agence urbaine ;

− Française et arabe : récitant de hadith ;

− Française et anglaise : taximan.

3.1.2.2 Les particularités sémantiques

Ce sont des lexies qui appartiennent au système linguistique français mais utilisé par le locuteur algérien ou marocain avec des acceptions nouvelles. Elles peuvent résulter :

− d’un transfert de sens par changement de signifié et transfert total des sèmes constitutifs.

− d’une restriction de sens par addition de sème.

− d’une extension de sens par soustraction de sème

− d’une métaphorisation par comparaison implicite.

3.1.2.3 Les particularités grammaticales

Ces particularités sont la conséquence d’un emploi morphosyntaxique nouveau :

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

− Changement de catégorie : ou néologie par conversion qui consiste en un changement de la catégorie grammaticale de la lexie sans avoir à ajouter ou à supprimer un affixe dérivationnel.

− Changement de construction : particularismes concernant la construction syntaxique de certains verbes.

− Changement de genre : particularismes concernant le genre.

− Changement d’usage : particularismes concernant l’usage de certains mots outils.

3.1.2.4 Les particularités de statut

Ce sont des lexies appartenant au registre familier ou argotique en français de référence mais usuelles et non marquées en Algérie ou au Maroc : flous, bled, etc.

3.1.3 Les particularités selon la conception socioculturelle

Le concept de particularité lexicale a vu sa référence évoluer depuis les premières recherches menées pour l’élaboration de l’IFA1. Dans son article intitulé : Approches de la variation lexicale en francophonie africaine dans une perspective prédictionnairique, (1993, p.31), Suzanne Lafage a signalé qu’il est important pour les inventaires de particularismes, dans une perspective pré-dictionnairique, de prendre en considération un autre point de divergence souvent passé sous silence. Il s’agit du : « cas où le mot est attesté dans les dictionnaires de référence. » Le problème, affirme l’auteure, « réside en la définition "eurocentrée", fidèle à la réalité hexagonale mais inadéquate pour la réalité africaine quotidienne.» Certains exemples fournis par l’auteure élucident clairement cette situation :

− La forme du référé :

Le cas du Balai communément employé en Afrique n'a pas de manche. D'où l'absence de la lexie manche à balai au sens propre et, a fortiori, au sens métaphorique de « personne maigre, échalas ».

− La fonction du référé :

Le cas du brasero dont le rôle exclusif, dans la plupart des pays africains, c'est la cuisson des aliments.

− Les conditions de la fonction du référé :

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

Le cas de la transhumance. Dans la réalité guinéenne, le bétail vit en montagne et descend, au début de la saison sèche, vers l'humidité de la plaine, etc. « On voit donc l'étendue du champ d'observation des équipes dans ce que nous appelons une enquête extensive et maximaliste », note l’auteure.

La même idée nous la retrouvons chez Claude Frey (2006, p.77), quand il précise que « L'intégration d'un [terme] dans tout dictionnaire de référence, lui ôte le statut de particularité dans la conception linguistique formelle, la lui conserve dans la conception culturelle ; le terme sera donc éliminé de l'inventaire dans le premier cas, conservé dans le second, dans la mesure où il continue à véhiculer la représentation d'une culture endogène. ».

Il s’ensuit de ces exemples que la particularité lexicale n’est pas considérée comme telle en raison de l’écart qu’elle présente du point de vue formel, mais selon des représentations culturelles en relation avec le contexte. Cette nouvelle conception de la particularité lexicale non prise en charge par les inventaires fondés sur l’approche différentielle et linguistique, incite les descripteurs aujourd’hui, à vouloir situer leurs descriptions lexicographiques dans une perspective socioculturelle afin de dépeindre de manière précise la réalité locale.

La mise en rapport des deux variétés de français dont il est question dans ce travail de recherche ambitionne de mettre en lumière les particularismes sous l’angle de cette dimension socioculturelle.

3.2 Le continuum

Outre le concept de particularité lexicale, il nous semble important de mettre en avant celui de continuum et derrière lui, cette idée de continuité/discontinuité qui s’impose à chaque fois qu’il est question de rapports entre variétés de langue.

Selon le Dictionnaire de linguistique & Sciences du langage, (2007, p.117), le continuum :

« qui pourrait référer à la continuité géographique est appliqué spécialement à la situation sociolinguistique dite "post-créole" dans laquelle, en un même point, la distance entre le créole et la langue dont celui-ci est issu s’amenuise au point qu’on passe insensiblement, par des "lectes" impliqués l’un dans l’autre, de la variété la plus élevée à la variété la moins élevée. Par extension, le terme peut s’employer pour toute situation dans laquelle il n’y a pas de discontinuité entre les variétés haut(s), moyenne(s) et basse(s). ».

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

Considéré au début de son apparition comme l’apanage des chercheurs travaillant sur les situations créolophones, entre autres, Charles Bailey, Derrick Bickerton, Beryl Bailey, David DéCamp, le concept de continuum a été repris subséquemment et transposé dans les travaux des linguistes s’intéressant à la situation du français en Afrique, en raison de l’idée de continuité/discontinuité qu’il évoque. À titre d’exemple ceux de Paul Wald et al, que nous nous attachons à présenter brièvement ici compte tenue de l’objet de notre étude.

L’hypothèse émise par P. Wald, J. Chesny, M.-A. Hily et P. Poutignat en 1973, dans leur article intitulé « Continuité et discontinuité linguistiques. Hypothèses pour une recherche sur le français en Afrique noire », met l’accent sur deux situations sociolinguistiques à distinguer lorsque le français est en relation diglossique avec une langue africaine selon que cette dernière assure ou non une fonction de langue véhiculaire.

Ainsi, selon ces auteurs, la première situation, est celle où le français couvre des domaines restreints, et est en relation avec « une langue véhiculaire africaine vivace qui couvre la totalité de la communication interethnique pour une région donnée, mises à part les fonctions spécifiques concédées au français. » (1973, p 21.). Il s’agit dans ce cas d’une relation de « discontinuité interlinguistique» entre le français et les langues africaines, qui a comme corollaire l’usage d’un français normé assuré par l’école.

Au dire de Gabriel Manessy (1994, p. 68), « cette norme est appliquée d’une façon rigoureuse par ceux qui en ont une connaissance suffisante, et le mieux possible par les locuteurs moins instruits. ».

La deuxième situation dans laquelle est employé ce concept, est celle où la langue africaine avec laquelle le français cohabite, n’est pas véhiculaire, et n’est donc pas dominante. Dans cette situation il y a « continuité interlinguistique» entre le français et les autres langues entrainant une interpénétration qui peut arriver dans certains cas jusqu’au stade de la pidginisation.

Poursuivant leur hypothèse, les auteurs confirment que la situation de « discontinuité interlinguistique » entre le français et les autres langues africaines conduit à une « continuité intralinguistique » entre les diverses variétés de français par référence à une norme unique.

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

D’après Bruno Maurer (1996, p. 875), c’est cette acception du continuum qui fut retenue par G. Manessy (1974) lorsqu’il « désignait le "français de l’élite" et le "français populaire" comme deux pôles de ce qu’il appelait continuum. ». Manessy, ajoute l’auteur, « ne faisait pas référence à une éventuelle continuité interlinguistique, bornant l’usage du continuum à la seule continuité intralinguistique. ».

Somme toute, le concept de continuum est mobilisé par les linguistes pour rendre compte des différentes situations sociolinguistiques. Des fois pour mettre en valeur les situations où le français est en continuité linguistique avec d’autres langues, d’autres fois pour présenter celles où il se trouve en situation de discontinuité, notamment en Afrique du Nord, où la langue de Voltaire, comme le précise Manessy (1994, p.11), « se juxtapose à une langue commune, elle-même différenciée en standard et en variétés dialectales ou populaires et propre à assumer tous les besoins communicationnels des sociétés qu'elle dessert […] ». Pour notre part et concernant la présente étude, il nous importe de mobiliser le concept de continuum selon l’acception retenu par Manessy ainsi que selon l’idée de continuité et discontinuité que ce concept évoque.

3.3 La norme endogène

Entreprendre une étude sur les variétés de français dans l’espace francophone implique, pour la compréhension des spécificités qui les caractérisent, de faire appel aux différentes définitions données au concept de « norme endogène » et les conditions qui le fondent.

Le concept de « norme endogène » est un concept « ambigu » auquel plusieurs linguistes se sont attachés à donner une définition. Selon G. Manessy (1993, p.17), la source de son ambiguïté est imputable à la difficulté d’appréhender la « normalité » qui le fonde, laquelle, ajoute l’auteur, « n’est perçue que dans l’interaction même. Elle ne donne qu’exceptionnellement lieu à des représentations conscientes, lorsqu’elle acquiert une fonction emblématique ou identitaire. » Comme c’est le cas au Québec où existe une étroite corrélation entre « légitimation linguistique et construction d'une identité nationale (politique et culturelle).» (Francard 1998, p. 19).

Ainsi, de même que le concept de « continuum », celui d’ « endogénéité » est manié et défini selon les aires francophones où le français est en usage. Des situations sociolinguistiques dissemblables qui lui confèrent à chaque fois une tonalité propre. Sans oublier que c’est une réduction de ne pouvoir évoquer ici toutes les situations 32

Première partie Chap.1 Approches et concepts sociolinguistique où le concept d’ « endogénéité » du français se rencontre, nous nous bornerons donc dans ce qui suit à l’aborder du point de vue africain et de surcroît maghrébin.

En se référant à la définition donnée par M. B. Ouoba concernant la variété du français en usage au Burkina Faso, G. Manessy considère la norme endogène comme « la manière normale de communiquer entre interlocuteurs africains dans des situations où le respect de la norme scolaire ne s'impose pas, ou bien pour lesquelles celle-ci ne fournit que des ressources insuffisantes ; tel est souvent le cas pour le lexique. » (Manessy, op. cit.). Il dégage ainsi deux caractéristiques de la norme endogène : a) sa neutralité par rapport à la hiérarchie sociale ; b) son indépendance vis-à-vis du modèle scolaire. Ceci dit, l’auteur souligne que l’usage de cette variété de langue doit être accepté par les interlocuteurs et ne doit en aucun cas susciter des jugements de stigmatisation ou d’exclusion. De même que cette norme endogène doit s’ériger en modèle prenant ainsi ses distances d’une variété châtiée (chasse gardée des puristes), qui ne procure pas des satisfactions chez les interlocuteurs car souvent jugée en décalage de la réalité locale et dont l’usage se limite à des situations de communication précises, entre autres, le milieu scolaire.

Sous un autre angle, Claude Frey dans son article Particularismes lexicaux et variétés de français en Afrique francophone : autour des frontières (2004), évoque le concept de l’« endogénéité à l’aune des découpages politiques ». Pour lui, établir la description lexicographique des variétés de français en se référant aux frontières étatiques telles qu’elles ont été tracées à l’issue de la conférence de Berlin 15, ne reflète pas la réalité du paysage linguistique africain. Or, ajoute-t-il, « la frontière politique est une notion dichotomique et arbitraire » dans la mesure où elle est artificielle, imposée par le colonisateur et ne tenant compte ni des réalités ethniques préexistant à l’ère de colonisation, ni du contexte écologique dans lequel évoluent les langues naturelles.

Par ailleurs, comme nous l’avons cité plus haut, les différents inventaires de particularités lexicales réalisés dans la lignée de l’IFA ont été élaborés selon une approche doublement différentielle, recensant les particularités non seulement par rapport au français de référence mais aussi d’un point de vue « interafricain » où les contours linguistiques des différentes variétés de français sont reproduits par rapport au

15 La conférence de Berlin, qui s'est tenue de novembre 1884 à février 1885, fut organisée par le chancelier Bismarck afin d'établir les règles qui devaient présider à la colonisation de l'Afrique.

33

Première partie Chap.1 Approches et concepts découpage des frontières politiques. Or, cela laisse à penser qu’il pourrait y avoir décalage entre variété décrite et aire de production.

En résumé, cet état de fait incite à remettre en question la description des variétés de français telle qu’elle a été conçue dans l’optique de l’approche différentielle et pousse à rechercher des liens entre ces variétés, lesquelles dépassent les limites des frontières étatiques.

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Première partie Chap.1 Approches et concepts

Conclusion

Les approches lexicographiques et les concepts qui viennent d’être exposées déterminent le cadre théorique et méthodologique dans lequel s’inscrit cette recherche. Outre l’approche différentielle et dichotomique de conception linguistique, nous avons vu comment la description lexicographique a évolué depuis les recherches menées dans le cadre de l’IFA. Aujourd’hui, elle ne se focalise pas uniquement sur l’aspect formel des faits de langue, mais tend à intégrer d’autres facteurs d’ordre sociolinguistique et socioculturels qui la rendent plus compatible avec le contexte naturel dans lequel se produisent ces faits.

Nous nous sommes intéressés aussi dans ce chapitre aux différents classements qui suivent l’étape de recensement des particularités lexicales. Outre le classement linguistique, nous avons vu deux autres classements : le premier s’intéresse au réfèrent de la lexie, il permet au lexicographe de recenser les statalismes. Le second classement, par champs conceptuels lui fait découvrir les domaines les plus productifs de ces faits de langue.

Enfin, les concepts que nous avons rapidement présentés (particularité lexicale, continuum et endogénéité) et qui sont en rapport avec les approches citées plus haut, nous leur ferons appel à chaque fois que l’étude progresse.

Dans le chapitre suivant nous verrons un bref aperçus sur le paysage sociolinguistique des deux pays.

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

CHAPITRE II APERÇU SOCIOLINGUISTIQUE Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

Introduction

L’Afrique du Nord fut le berceau de plusieurs civilisations. C’est un terrain exemplaire de contacts de langues et de brassage de cultures. Deux des pays de cette région appelée communément Maghreb, à savoir l’Algérie et le Maroc, présentent des similitudes socioculturelles et sociolinguistiques qui sont le fruit de plusieurs facteurs. D’une part, les différentes civilisations qui ont façonnées le paysage culturel maghrébin, l’historique colonial semblable, les diverses religions que cette région a pu porter, la culture populaire analogue, un espace rural et urbain pendant, etc. Et d’autre part, d’une coexistence de plusieurs idiomes : un arabe classique et/ou standard en tant que langue liturgique et officielle, un français sous forme de continuum, un l’arabe dialectal non normé, une langue berbère, ainsi que la présence d’autres langues étrangères.

De ce fait, l’évolution du français dans cette aire plurilingue, est caractérisée parallèlement par une tendance chez ses usagers à l’emprunt aux langues locales afin d’assurer une certaine intercompréhension et exprimer le plus fidèlement possible des realia et faits culturels dépourvus des nuances de sens, imposées dans bien des cas par la langue de Molière. Ainsi, le français en Algérie tout comme au Maroc, se trouve truffé d’emprunts, non seulement cela concerne l’aspect lexical qui demeure le plus réceptif à ce facteur d’enrichissement ou d’hybridation, mais touche aussi avec un degré moindre les autres formes de la langue, à savoir la phonologie, morphologie, etc.

Dans ce chapitre nous verrons un bref aperçu de la situation sociolinguistique des deux pays. Nous aborderons en premier lieu les différentes langues en usage en Algérie et en second lieu, nous passerons en revue celles qui forment le paysage linguistique marocain. En troisième et dernier lieu, nous présenterons, et cela même de façon succincte, quelques données géographiques qui concernent les deux pays. Cela nous permettra d’avoir une idée générale sur le contexte naturel et plurilingue dans lequel évolue la langue française dans ces deux pays.

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

1 Profil sociolinguistique de l’Algérie

1.1 Tamazight

Tamazight appelé aussi « berbère » est la langue la plus ancienne des populations qui ont occupés l’Afrique du Nord. Dans son article intitulé : Langue et littérature berbère (2004, p.1), S. Chaker, estime qu’en Algérie, les berbérophones constituent « un pourcentage d'environ 25 % de la population, soit entre 7 et 8 millions de personnes sur un total de 31 ou 32 millions d'habitants. », tout en soulignant que cette évaluation demeure discutable « car il n'existe pas dans les pays concernés de recensements linguistiques systématiques et fiables.».

À l’exception de quelques groupes éparpillés çà et là, sur le territoire du pays (Chenoua, Ouargla, Ghardaïa, etc.), la population berbérophone est répartie en trois grandes régions :

− La Kabylie : cette région où la variété kabyle est en usage, s’étend de l’Algérois jusqu’à la ville de Sétif. Elle regroupe près de deux tiers de l’ensemble des berbérophones «soit au moins cinq millions de personnes». (Chaker, 2004, p.1).

− Les Aurès : c’est la partie de l’Algérie où le chaoui est parlé. Selon le même auteur, dans cette région qui se déploie du Constantinois au nord jusqu’au massif de l’Atlas saharien au sud, les berbérophones chaouis sont estimés à un million de personnes. Ils constituent donc le deuxième groupe de berbérophones en Algérie de par leur nombre.

− Le Sahara : où vivent les Touaregs qui représentent le troisième groupe significatif, estimé à environ cinq cent mille personnes. Ces berbérophones sont à cheval sur plusieurs pays du Sahel eu égard à leur mode de vie fondé sur le nomadisme. La variété de berbère en usage chez cette communauté est le « tamachek » appelé aussi « tamahek ».

La langue berbère en Algérie se présente donc sous la forme de plusieurs variétés régionales éloignées géographiquement l’une de l’autre, ce qui rend les échanges entre les groupes berbérophones très faible.

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

Concernant l’aménagement linguistique de cette langue. Bien que tamazight ait bénéficié du statut de langue nationale16 depuis une décennie déjà, cette langue peine toujours à retrouver une voie de standardisation et de normalisation. Eu égard, comme le précise A. Dourari (2006, p. 13), à une confusion qui règne entre « questions de langue, de pédagogie, de didactique, d'un côté, et d'ancrage civilisationnel, culturel et identitaire, de l'autre côté. » Beaucoup d’efforts sont attendus de la part des spécialistes dans ce domaine pour assurer l’avenir de tamazight en Algérie, ajoute le même auteur, pourvu seulement qu’ils soient dotés d’une instance qui puisse « soustraire les questions linguistiques à la querelle politicienne ». Un point de vue partagé par G. Manaa qui, intervenant sur la question de la normalisation de tamazight affirme que : « Les berbérisants, les chercheurs intéressés par ce domaine, les spécialistes en linguistique berbère auront à réfléchir sur les problèmes de la standardisation de la langue et à proposer des solutions que les politiciens ne possèdent pas […]», (Ibid., p. 46).

1.2 L’arabe

Langue sémitique appartenant tout comme l’akkadien, l’ougaritique, l’amorite, le cananéen (hébreu, phénico-punique, moabite, ammonite, édomite) l’araméen, le sudarabique ainsi que d’autres idiomes éthiopiens (guèze et amharique) à la même famille. Cette langue qui a servi à la propagation de la religion musulmane dans la mesure où c’est la langue du Coran, est arrivée au Maghreb en accompagnant la conquête musulmane du VIIe siècle. La dimension de sacralité que lui a conférée cette religion depuis, a fait de cet arabe classique une langue « intertribale ou supratribale accessible à tous les arabes », (Cohen, 1997, p.433).

Une variété dite « moderne » et assez éloignée de l’arabe classique a pris forme après l’ouverture du monde arabo-musulman sur le monde occidental suite aux différents mouvements de colonisation européenne. En effet, selon Ambroise Queffélec (2002, p.34), « Le recours à l’emprunt aux langues étrangères européennes (l’anglais et le français) a été la principale procédure néologique utilisée pour adapter la langue arabe aux exigences de la vie moderne. »

En Algérie aujourd’hui, cette variété d’arabe moderne assure le rôle de langue véhiculaire après avoir été imposée par l’État comme langue officielle au lendemain de

16 Voir L’amendement constitutionnel du 8 avril 2002

39

Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique l’indépendance, au détriment d’autres langues maternelles à savoir le berbère et l’arabe dialectal. Cela traduit son utilisation dans les différentes institutions souveraines de l’État (radio, télévision, presse écrite, discours politique, relation diplomatique, enseignement, manuels scolaire et universitaire).

1.3 L’arabe dialectal

Pratiqué par la grande majorité de la population (environ 85%)17, cet idiome essentiellement oral est, sans conteste, le plus répandu et le plus utilisé par les locuteurs algériens car c’est la langue qu’ils pratiquent quotidiennement dans les situations de communication informelles, dans les lieux publiques, en famille, etc.

Dans sa caractérisation des parlers en usage en Algérie, K.T. Ibrahimi (1995, p.26 et 27), affirme que les locuteurs algériens utilisent non pas un seul « dialecte algérien » mais « une variétés dialectales » dont l’intercompréhension et l’interpénétration s’étendent bien au-delà des frontières, jusqu’aux variétés limitrophes tunisiennes à l’Est et marocaines à l’Ouest (V. annexe 3). Ils forment donc « une sphère maghrébine » caractérisée par l’existence de certains dénominateurs communs, notamment le substrat punique, lequel, comme le souligne A. Elimam (2012, p. 1), « représente environ 50% » de cet arabe vernaculaire.

Par ailleurs, l’ambivalence dont fait l’objet cet idiome, majeur mais minoré, est imputable selon G. Grandguillaume à l’absence d’une communauté revendicatrice. Il affirme que « [L’arabe parlé] ne dispose pas, comme le berbère, de support régional défini pour porter cette revendication, comme c'est le cas pour le mouvement culturel berbère, animé par les Kabyles. » (1996, p.40).

Toutefois, cela n’empêche aucunement de dire, et nous rejoignons A. Elimam sur ce point, que malgré certaines variations, « particulièrement sur le plan phonologique », cet idiome est de loin le vernaculaire majoritaire « natif et naturel » qui assure le plus l’intercompréhension entre les pays de la région.

17 A. Queffélec, Y. Derradji et al., Le français en Algérie. Lexique et dynamique des langues (2002). p. 35

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

1.4 Les langues étrangères

1.4.1 Le français

La langue française occupe une position privilégiée parmi les langues en usage en Algérie. Legs d’une longue période de colonisation de près d’un siècle et demi (V. annexe : 2), où elle fut l’instrument d’une « politique de francisation à outrance », pour reprendre les propos de C. Fitouri, (1983), avec une présence à tous les niveaux de la vie sociale, dont l’impact a pu maintenir son expansion à l’ère postcoloniale. Selon Queffélec et al. (2002 p. 36) « Sa diffusion a été le prolongement logique de la domination coloniale et des divers politiques linguistiques et cuturelles mises en place à partir de 1830 en substitution à la langue et à la culture arabes ».

Quantitativement parlant, l'Algérie figure en tête des pays francophones avec environ 16 millions de locuteurs selon un rapport publié le 20 mars 2007 à l'occasion de la Journée internationale de la Francophonie, par l’OIF. Soit un algérien sur deux utilise cette langue sur un total de 34 millions d’habitants recensés en 2008 par l’Office National des Statistiques. Notons de prime abord qu’il ne s’agit là, que d’estimations basées sur des recoupements de diverses données (enseignement de la langue et en langue française, nombre de journaux d’expression française, l’édition en cette langue, etc.) et qu’ils n’existent pas de chiffres exacts relatifs au nombre de la population francophone en Algérie ; lesquels nécessitent un recensement appuyé par une étude scientifique et des procédés très élaborés.

Officiellement, le français est considéré comme une langue vivante étrangère bien qu’elle soit véhiculaire et demeure la langue fonctionnelle des échanges à plusieurs niveaux de la vie sociale et dans différents domaines, notamment dans certaines administrations et établissements scolaires. Ce statut ambivalent n’est que le corollaire d’une politique d’arabisation imposée par l’État au sortir de la colonisation, en vue de « recouvrer d’abord un véhicule authentique de la culture nationale » (Fitouri, 1983, p.137), et, par là même, contrecarrer l’expansion de la langue du colonisateur. Ce qui a engendré une situation ambiguë et conflictuelle témoignant d’un climat de tension et de rivalité entre « francisants » et « arabisants » ajoute le même auteur. Or ce n’est qu’après la suspension de la loi portant sur la généralisation de l’arabisation, en 1999, par le président Bouteflika que cette langue a pu regagner du terrain.

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

1.4.1.1 Les variétés de français

D’après les études faites par les chercheurs de l’équipe Algérie18, l’usage du français dans ce pays reflète « les contours de la typologie des variétés de français d’Afrique de Manessy ». Il varie donc selon « deux pôles extrêmes » : D’une part, un (acrolecte), représenté par les productions élitaires appartenant à une catégorie de locuteurs qui maîtrisent parfaitement le français. Et d’autre part, (un basilecte), pratiqué par une partie importante de la population, et qui n’est autre que le résultat d’une acquisition « sur le tas » de cette langue. C’est donc entre ces deux extrémités que se profile dans un continuum la variété intermédiaire (mésolecte) représentative de la réalité algérienne.

1.4.1.1.1 La variété acrolectale

C’est la variété de français qui se rencontre dans les situations de communication formelles. Une variété donc recherchée, apanage d’une élite, pratiquée principalement par des locuteurs qui ont un haut niveau d’étude (enseignants à l’université, hommes politiques, hommes de lettres, hauts cadres, etc.), et qui sont en contact permanant avec la langue française.

D’après Y. Derradji, (2002, p.121), les locuteurs de cette variété, « en situation informelle, lui substituent soit la variété mésolectale, plus lâche et surtout plus conforme à la réalité sociale et économique, soit l’alternance codique avec l’arabe. »

1.4.1.1.2 La variété mésolectale

Cette variété se déploie comme un continuum entre les deux pôles susmentionnés. Elle est pratiquée par des locuteurs d’une scolarité plus au moins longue, dont le contact avec le français est « prolongé et plus stable » (Derradji, 2002, p.121). Ses locuteurs sont constitués en grande partie de journalistes, enseignant, étudiants, etc., qui n’hésitent pas, suite à une « attitude désinvolte » qu’ils adoptent vis-à-vis du français, à recourir à la création lexicale et/ou à l’emprunt aux autres idiomes en présence pour traduire de manière vivante la réalité algérienne et, par le fait même, pour reprendre l’expression de Benrabah, « enclencher un renouveau » de cette langue. Ce renouveau, que les tenants d’un purisme xénophobe voient toujours d’un mauvais œil, en le

18 Équipe de recherche intégrée entre les universités de Provence et de Constantine, portant sur le projet de recherche (91/MDU/181) : « Le français en Algérie », placée sous la direction conjointe de A. Queffélec et de Y. Cherrad-Bencherfa.

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique considérant comme défavorable à « leur » langue, est malgré tout une réalité fortement ancrée chez les locuteurs francophones puisqu’ils en ont (et auront) besoin pour dire librement ce qu’ils ressentent, comme en témoignent ces propos de M. Dib, cité par M. Benrabah (2009, pp. 60-61) :

« La langue française est à eux, elle leur appartient. Qu’importe, nous en avons chipé notre part et ils ne pourront plus nous l’enlever […] Et si, parce que nous en mangeons aussi, de ce gâteau, nous lui apportions quelque chose de plus, lui donnions un autre goût ? Un goût qu’ils ne lui connaissent pas.».

Ou encore ceux de S. Labou Tansi, (1989, pp.3-4), qui réclamant pour les Africains francophones, le droit de s’approprier le français déclare : « Nous sommes les locataires de la langue française. Nous payons régulièrement notre loyer. Mieux même : nous contribuons aux travaux d’aménagement de la baraque. Nous sommes en partance pour une aventure de “copropriation”. »

Selon Y. Derradji. (1999), par sa proximité avec l’arabe algérien, cette variété mésolectale de français est « […] en net décalage par rapport à la norme exogène véhiculée par l’institution scolaire et universitaire. » ce qui lui « donne, ajoute-il, une dimension algérienne qui tire sa substance des référents culturels et identitaires marquant la réalité du sujet parlant. »

1.4.1.1.3 La variété basilectale

Elle occupe le bas de l’échelle hiérarchique par rapport aux variétés précitées, du fait que ses usagers n’ont pas un contact permanent avec la langue française. D’après Y. Derradji (ibid.), cette variété se manifeste chez deux types de locuteurs :

D’une part des locuteurs adultes et peu nombreux, formés en français pour pallier les difficultés face auxquelles s’est retrouvé le pays à l’aube de l’indépendance. Ces usagers qui ont fait des études en français pendant la période coloniale selon un régime scolaire de deuxième rang réservé aux indigènes, et qui ont été, pour la plus part, contraints de quitter l’école avant même de décrocher le Certificat d’étude primaire, se caractérisent par leur pratique limitée de la langue française marquée par des interactions liées à leur domaine de travail.

D’autre part, une majorité de locuteurs qui ont effectué leur scolarité principalement en langue arabe et dont l’usage du français n’était ni régulier ni permanent. Selon l’auteur, parmi les facteurs qui ont favorisé cet état de fait chez cette

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique catégorie de locuteurs, figure « l’arabisation complète de l’enseignement supérieur des sciences humaines et sociales en 1980 » ; date effective de mise en œuvre de l’école fondamentale. De même que les facilitations d’accès à l’université, notamment par « dérogation », qui ont marqué cette époque, et qui ont provoqué des afflux vers les disciplines considérée comme « valorisante » à savoir, les sciences juridiques et économiques et les lettres, lesquelles, pour la majorité des cas, débouchaient sur des postes de cadres dirigeants et administrateurs monolingues. À cela s’ajoute, confirme le même auteur, la campagne de dénigrement qui a accompagné cette politique d’arabisation et dont a été cible le français, ce qui a provoquer de sérieuses perturbations dans l’enseignement de cette langue, dans la mesure où bon nombre d’établissements, surtout ceux situés dans les zones rurales, lésinaient sur les efforts et les moyens pour mener à bien leur mission.

1.4.2 L’espagnol

Cette langue a laissé des traces dans l’arabe dialectal suite à une langue présence qui a duré plus de 260 ans (Miliani 2009). Elle est particulièrement présente à l’Ouest du pays (Oranie), où les flux migratoires des Espagnols qui ont accompagné la conquête française et ceux qui ont fui le régime franquiste après, se sont installés. En effet, Selon Kamel Kateb (2007, p. 161), « […] les ressortissants espagnols ont représenté l’équivalent de plus du tiers de la population française jusqu’en 1901, presque les deux tiers en 1851. » ce qui n’était pas sans conséquence sur le plan des pratiques langagières, plus précisément sur l’usage de la langue française dans les milieux urbains comme l’illustrent ces propos du préfet d’Oran :

« La population espagnole, qui avait à l’origine d’incontestables avantages pour la mise en valeur de la colonie, commence donc à présenter quelques inconvénients au sujet de l’assimilation à la population française. […] On ne peut que constater qu’il est fait en Oranie un véritable abus de la langue espagnole qui est employée même par l’indigène. »19

Ainsi, ces brassages des populations et contacts de langues avait favorisé le phénomène d’emprunt linguistique, d’où l’existence d’un nombre important d’hispanismes qui subsistent encore aujourd’hui dans les parlers de l’Ouest algérien, évalués à 300 par Benallou et 600 par Moussaoui, comme le précise Mohamed Miliani (2009, p.58). Notamment : trabendo « contrebande », capsa « boîte », calentica « plat à

19 Lettre du préfet d’Oran au garde des Sceaux, ministre de la Justice, en date du 6 février 1939 n°2384 ayant pour objet la situation des étrangers dans le département d’Oran.

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique base de pois chiche », etc., qui sont des hispanismes si bien ancrés dans l’arabe dialectal et fréquemment usités au point de ne plus être considérés comme tels.

De nos jours, l’espagnol fait partie aussi des langues étrangères enseignées au choix à partir de la deuxième année secondaire. Par ailleurs, cette langue est toujours palpable dans la vie quotidienne des oranais essentiellement en raison de la proximité géographique de cette région avec l’Espagne, ce qui a drainé vers ce pays beaucoup de migrants en quête de travail. Mais aussi en raison de l’ouverture de l’économie algérienne à l’investissement étranger depuis le début des années 2000, attirant plusieurs entreprises espagnoles où par conséquence, apprendre l’espagnol est devenu synonyme d’opportunité de travailler.

1.4.3 L’anglais

À l’inverse du français et de l’espagnol qui « ont pénétré en Algérie pour des raisons de colonisation » pour reprendre les propos de A. Dourari (2011, p.6), l’anglais, lui, s’y voit dépourvu de cette connotation. Cela étant, Cette langue est considéré par les locuteurs algériens comme une « vraie » langue étrangère. Sa position ne cesse de se renforcer sur le marché linguistique algérien étant donné qu’elle est principalement perçue comme langue de modernité favorisant l’accès à l’emploi dans les secteurs liés à l’économie et la technologie, notamment dans les firmes multinationales.

Scolairement parlant, après avoir connu une courte période où elle fut enseignée comme première langue étrangère au primaire à titre optionnel et en concurrence avec le français suite aux réformes de 1993, l’anglais est actuellement enseigné comme langue étrangère obligatoire dès la première année moyenne. En ce qui concerne l’enseignement supérieur, malgré une arabisation largement entamée, notamment dans les sciences humaines, cette langue est fortement sollicitée par les filières économiques et scientifiques du fait qu’elle « permet d’être à jour en matière de documentation scientifique sans passer par le filtre déformant et retardant de la traduction, elle- même quasi inexistante dans le monde dit arabe. » (Ibid., p.15).

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

2 Profil sociolinguistique du Maroc

2.1 L’amazighe

Également connu sous les appellations de « tamazight » ou « berbère » est la plus ancienne des langues en présence sur le territoire marocain. Elle occupe la place la moins prestigieuse bien qu’elle soit la langue maternelle de près de la moitié ou un peu plus de la moitié de la population et pratiquée par (environ 40 à 60 %)20. Selon Benzakour (2002, pp.64-65), au Maroc, « les Imazighen ont été arabisés dans les plaines alors que dans les montagnes, ils ont souvent préservé leur langue jusqu’à nos jours ». En effet, ajoute-t-elle, ils sont répartis sur trois aires dialectales qui ne constituent pas pour autant des « blocs monolithiques aux frontières étanches» :

− Au nord, le Rif et ses principales villes y compris celles encore sous occupation espagnole à savoir Ceuta et Mellila. Les tribus qui y vivent et pratiquent le rifain sont Temsamane, Aït Touzine, Aït Ourayen, Béni Znassen, Senhaja, etc.

− Au centre, le Moyen-Atlas et une partie du Haut-Atlas sur une zone qui s’étale entre le Jbel Sargho au sud et le couloir de Taza au nord et entre l’oued Grou à l’ouest et le cours de la Moulouya moyenne à l’est ; où sont installées les tribus qui pratiquent tamazighte entre autres les Aït Ourayen, Aït Seghrouchen, Aït Youssi, Zemmour, etc. Les principales villes de cette région sont : Meknès, Azrou, Khénifra, Khémisset, etc.

− Au sud/sud-ouest, sur une région qui couvre la partie méridionale du Haut-Atlas, l’Anti-Atlas et la plaine du Souss, se trouvent les communautés qui pratiquent tachelhit, parmi lesquelles : les Ihalane, Ida Outanane, Aït Baâmrane, Imtougen, Idemsiren, Aït Ouaouzguite, Indouzal, etc. les principaux centres urbains sont Agadir, Tiznit, Taroudant, Ouarzazate et Essaouira.

Concernant son statut, tamazight n’a pu être considérée de jure comme langue officielle qu’à partir de 2011, date de sa consécration en tant que langue constitutionnelle dans la nouvelle Constitution du Maroc, bien que cette langue soit de facto la langue maternelle d’une grande partie de la population. Un droit acquis après plusieurs années de bataille marquées par certains événements, notamment son introduction dans l’enseignement et son intégration à la télévision étatique en 1994.

20 Selon les chercheurs berbérisants notamment Boukous (1995 :32) et Chaker (2004 :1)

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

En définitive, malgré le fait prometteur de voir aujourd’hui, tamazight intégrer « Windows 8 »21, compte tenu du rôle considérable que peut jouer l’informatique dans le processus de diffusion de cette langue et de la culture qu’elle véhicule ; un long chemin reste cependant à parcourir pour les spécialistes qui se penchent sur la question de son aménagement, tant les problèmes de fragmentation géographiques, linguistiques et géopolitiques, nécessaires à l’accomplissement de cette tâche, demeurent sans issues.

2.2 L’arabe

Cette langue dite aussi standard s’est établie sur les terres marocaines à partir du le VIIIe siècle, avec la conquête musulmane. Actuellement sa présence sur le paysage linguistique marocain est sous deux formes :

Un arabe dit classique souvent associé à la religion musulmane et au Coran qui lui confère d’ailleurs, selon Benzakour (2002, p.67), un prestige lié à cette dimension de sacralité et une référence pour fixer sa norme.

L’autre versant de cette langue est un arabe dit moderne, doté d’une structure grammaticale plus souple et enrichi de termes désignant la modernité aussi bien que d'emprunts aux différentes langues avec lesquelles il entre en contact. Sur le plan constitutionnel, la langue arabe avec ses deux versions classique et moderne constitue l’une des deux langues officielles du pays avec tamazight. Véhiculaire de l’identité arabo-musulmane, elle occupe une place prépondérante dans la société marocaine et est utilisée comme un rempart face à « l’aliénation linguistique et culturelle que les langues de l’Occident sont censés provoquer chez les usagers arabophones.» (A. Boukous, 1995, p.35).

2.3 L’arabe dialectal

C’est la langue maternelle de la majorité des Marocain. À l’instar de son homologue algérien, l’arabe dialectal marocain est lui aussi exclusivement oral, vivant et populaire, non reconnu officiellement et moins prestigieux. D’après Benzakour (Ibid., p.68), cet idiome se compose de différents parlers qui sont identifiés à l’origine des locuteurs, dont les plus importants sont : les parlers citadins, les parlers montagnards, les parlers bédouins et le hassanaya, dialecte introduit par les Beni Hassane en usage au

21 L’entreprise internationale Microsoft a intégré la langue amazighe dans Windows 8 (système d’exploitation), disponible depuis octobre 2012.

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique sud du Maroc. Cependant, ajoute-t-elle, cette diversité de parlers ne pèse pas sur l’intercompréhension chez les locuteurs qui en font usage, en raison de la contiguïté géographique des tribus et de leurs déplacements en permanence.

Par ailleurs, il est important de rappeler que cette langue occupe une place importante dans la société marocaine de par une présence dans toutes les strates du tissu social à l’exception des régions purement berbérophones. Il est pour cela, au dire du même auteur, « une langue véhiculaire qui permet la communication à l’échelle nationale entre les arabophones mais aussi entre les arabophones et les berbérophones. » (Ibid., p.70).

2.4 Les langues étrangères

2.4.1 Le français

Cette langue fut introduite au Maroc et dotée d’un statut officiel par le biais de la colonisation, avec l’instauration du régime de protectorat par la France (1912-1956).

Au lendemain de l’indépendance, sa maîtrise fut l’apanage des classes dirigeantes et de l’élite du pays, comme en témoignent ces propos de, C. Charnet citée par A. Allati, affirmant que « La classe dominante, couche dirigeante de la société, détenant le pouvoir politique et économique, a l’habitude de pratiquer le français en famille, ce fait est d’autant plus accentué que les enfants sont en général scolarisés à la Mission universitaire et culturelle française. » (A. Allati, 1995, p. 152).

C’est toujours le cas aujourd’hui, cette langue continue de faire partie du paysage linguistique de ce pays, ou mieux, elle est très prisée et pénètre toutes les couches sociales de la population, tant elle offre à ses usagers le moyen de réussir. Ce prestige, la langue française le doit à la position qu’elle occupe dans le concert des langues pratiquées sur le territoire marocain. Aujourd’hui, elle est perçue comme vecteur de modernité et de transmission de savoir d’autant plus qu’elle est la langue d’enseignement des disciplines scientifiques et techniques à l’université et favorise grandement à l’instar des autres langues étrangères l'accès au marché de l'emploi.

Toutefois, cette situation de fait ne semble pas trouver écho sur le plan juridique, comme le stipule l’article 5 de la nouvelle constitution (2011), en définissant les langues étrangères « en tant qu’outils de communication, d’intégration et d’interaction avec la

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique société du savoir, et d’ouverture sur les différentes cultures et sur les civilisations contemporaines. »

En somme, le français au Maroc ne bénéficie d’aucune reconnaissance officielle, hormis celle des périphrases : « première langue étrangère » ou « langue étrangère privilégiée ». Il vit donc une situation particulière résultat d’une « perception ambiguë qui lui vient, écrit Benzakour, à la fois de son passé colonial et de son statut jamais clairement défini. » (Benzakour, 2007, p.51)

2.4.1.1 Les variétés de français

En se rapportant aux études22 descriptives faites ces dernières années sur le lexique du français au Maroc, la langue française telle qu’elle s’écrit et se parle aujourd’hui par la majeure partie de la population, ne se conforme pas essentiellement à la variété élitaire dont elle ne cesse de se distancier. En effet plusieurs facteurs en sont à l’origine de cet état de fait, entre autres : la politique d’arabisation, l’engouement que trouve cette langue chez l’élite intellectuelle et l’apparition du phénomène d’alternance codique sous toutes ses formes, lequel selon Benzakour (2008, p.109.), devient une composante nouvelle de l’identité marocaine, voire maghrébine.

Se dessine alors, un continuum de variétés de français allant de la moins raffinée à la plus soignée dans un mouvement de va et vient, traçant les contours d’une variété médiane représentative de la réalité marocaine, plus en contact avec les autres idiomes, sur laquelle se sont penchés les auteurs de l’inventaire Maroc pour étudier l’évolution du français au Maroc.

2.4.1.1.1 La variété acrolectale

C’est une variété qualifiée d’élitaire en conformité avec le français répandu dans l'Hexagone. Ses usagers sont le plus souvent formés dans l’école française. Or, accrochés à l’idée de la langue « académique » ou de « la langue pure », ils affichent un refus catégorique envers toute sorte de néologisme, tant l’image qu’ils portent de cette langue est celle d’un français du « bon usage ».

D’après Benzakour :

22 Notamment les études faites dans le cadre des projets régionaux et l’action de recherche intégrée, entre les universités de Provence et de Rabat (action intégrée n° 94/835, portant sur le projet de recherche « Le français au Maroc : langue, société et enseignement, 1994-1998 », placée sous la codirection de A. Queffélec et F. Benzakour).

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

« Le français élitaire […] continue de monopoliser le marché de l’emploi moderne, d’être le véhicule des sciences, de la technique et des nouvelles technologies. Langue de prestige social, il est le bien de l’élite sociale dirigeante, le capital des hauts cadres gestionnaires des affaires publiques, des directeurs d’entreprises privées ou aux apports de capitaux étrangers, des hauts cadres des secteurs administratifs ou privés » (Benzakour, 2007, p.53.)

Toutefois, ajoute-telle plus loin, « le français élitaire est en train de connaître, depuis peu, un début de " minoration ". », eu égard à l’investissement intellectuel et financier que cette variété exige, chose qui n’est pas à la potée de tout le monde.

2.4.1.1.2 La variété mésolectale

Le français mésolectal est la variété la plus déployée dans ce continuum. Ses usagers ont une bonne maîtrise de la langue française : des journalistes, des cadres, des écrivains d’expression française, des diplômés bilingues, etc. Ces derniers, à la différence des usagers de la variété acrolectale, n’hésitent pas à enrichir leurs discours de toute sorte de néologismes qu’ils jugent indispensables pour dénommer les univers référentiels naturels et socioculturels du terroir. C’est donc un français plus marqué localement principalement au niveau lexical, lequel laisse apparaître clairement ces spécificités.

Des spécialistes (Bourdereau, 2006 et Benzakour, 2007), s’accordent à dire que ce français mérite une reconnaissance de par le rôle qu’il peut jouer dans l’atténuation de l’insécurité linguistique chez le locuteur francophone. En effet, ils pensent que l’école marocaine peut éviter un hiatus complémentaire, en se départant, un tant soit peu, de cette conviction à vouloir enseigner un français « académique » éloigné des usages endogènes, au détriment d’une langue quand même très présente dans l’espace public marocain.

En somme, en raison de sa vivacité et sa diffusion, c’est cette variété que les concepteurs de l’inventaire Maroc avaient choisie de décrire.

2.4.1.1.3 La variété basilectale

C’est un français « approximatif » et « rudimentaire » que ses usagers ont appris « sur le tas ». Il est le produit de deux types de locuteurs : d’une part, principalement les employés (domestiques, guides touristiques de fortunes, etc.), au service des touristes français ou francophone vivant ou en visite au Maroc. D’autre part, les non ou peu

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique scolarisés, ceux qui ont quitté l’école à un âge précoce, mais aussi les lettrés arabisés monolingues.

2.4.2 L’espagnol

D’après Benzakour (2000, p.71), cette langue est introduite au Maroc suite au traité franco-espagnol de 1912. Très présente alors dans les régions concernées par le protectorat espagnol, aujourd’hui elle connaît une nette régression sur le territoire marocain de surcroît dans les villes du nord, excepté les présides de Ceuta et Melilla où elle garde toujours un statut officiel.

Ses usagers habitent essentiellement le nord, ce sont des personnes qui travaillent dans le domaine du tourisme en contact direct avec les enclaves espagnoles.

L’enseignement de l’espagnol au Maroc se fait en tant que matière dans le secondaire et dans le supérieur où il est enseigné comme langue de spécialité dans les départements de langue et de littérature espagnole. Il n’est langue d’enseignement que dans les écoles de la Mission Culturelle Espagnole.

2.4.3 L’anglais

Dans le paysage linguistique marocain, l’anglais se présente comme langue purement étrangère, fonctionnant comme langue d’accès aux domaines de technologie, d’économie et de science. Dans l’enseignement public, l’anglais est enseigné en tant que matière dès la première année du 2e cycle et ce, jusqu’à l’université où il est enseigné en tant que langue de spécialité dans les départements de langue et de littérature anglaise. « Dans certaines écoles privées, cette langue fonctionne aussi comme langue d’enseignement, note Benzakour.» (Ibid. p.72) Elle trouve aussi une place dans les mass médias ne serait-ce que de manière sporadique.

Tel est en somme, un résumé de cette configuration sociolinguistique complexe et hétérogène qui caractérise ces deux pays du Maghreb. C’est au travers ce contexte multilingue qu’un français, dit « du terroir », avait pris forme et qui continue de se répandre encore aujourd’hui. Un français imprégné de la réalité locale mais également de la réalité régionale en raison d’une position géographiques et des liens étroits qui lient ces deux pays, ce que nous verrons dans les lignes qui suivent.

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

3 Données géographiques : physiques et humaines

Géographiquement, l’Algérie et le Maroc font partie d’une région appelée communément le « Maghreb » qui signifie en arabe « le couchant » : côté de l'horizon où le soleil se couche, par opposition au mot « Machrek » signifiant « le levant ». Cette région se situe à l'ouest du monde arabe et musulman, dans l’Afrique du Nord et à proximité de l'Europe. Elle est entourée par : la mer Méditerranée au nord, le désert de Libye à l’est, le Sahara au sud et par l'océan Atlantique à l’ouest.

Comme le montrent les deux cartes ci-dessous, les principales ethnies en présence dans cette région sont les berbères (population la plus ancienne), et les arabes (présents à partir de la conquête arabo-musulmane du VIIe siècle). Par ailleurs, il faut dire que la position stratégique du Maghreb sur la rive sud de la méditerranée, l’avait toujours mis en contact avec les différentes cultures et civilisations (romaine, phénicienne, carthaginoise, etc.), qui se sont développées au pourtour du bassin méditerranéen, créant ainsi des brassages ethniques et culturels dont les traces subsistent encore aujourd’hui dans les langues en usage dans cette région.

Carte : les berbères en Afrique du Nord23

23 Source : le Monde diplomatique, http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/berberes1994

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

Carte 2 : déploiement de l’arabe et du berbère dans la région24.

Ce n’est d’ailleurs qu’à partir de la mi-siècle dernier, que les pays qui forment cette région avaient pu recouvrer leur indépendance, après une langue colonisation française qui avait opérer une acculturation atroce, « beaucoup plus accusée, écrit Fitouri, par l’Algérie qu’en Tunisie et au Maroc du fait de l’influence, plus étendue dans le temps et plus intense. » (1983, p.47).

Carte 3 : La vitalité démographique au Maghreb25.

24 Leclerc J., 2005, L’aménagement Linguistique au Liban, Rapport d’étude du Centre international de recherche en aménagement linguistique, Université Laval-Québec, http://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/algerie-1demo.htm 25 Source : le Monde diplomatique, http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/maghrebpop1994

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

Aujourd’hui ces États poursuivent des politiques linguistiques plus ou moins concordantes par réaction à l’impact de la culture occidentale et à cette acculturation subie, en optant pour la langue arabe comme langue officielle afin de protéger une identité arabo-musulmane si fragile au sortir de la colonisation, mais en négligeant une réalité plus diverse en ethnie et plus riche culturellement, que ne reflète pas cette unique langue officielle. Et pour preuve cette instabilité linguistique que connait la région où à chaque fois des lois se créent en faveur de l’une ou de l’autre langue.

Outre son unité géographique, cette région forme aussi une unité linguistique et religieuse vieille de plusieurs siècles. Elle bénéficie également d’une unité politique depuis la création de l’Union du Maghreb arabe (l’UMA) en 1989. L’Algérie et le Maroc qui en font partie, partagent une frontière, longue de quelque 1.500 km (V. carte 3), fermée en 1994 par Alger à la suite d'un différend politique.

Par ailleurs, malgré ces tensions politiques, les relations entre les deux peuples elles, n’ont jamais été totalement interrompues, notamment entre les habitants des villes limitrophes (Oujda, Tlemcen, Saïdia, Maghnia, Oran, Marsa Ben Mehidi, etc.), où existent de forts liens familiaux résultat de mariages mixtes réussis, entre les ressortissants des deux pays. Ces relations s’étendent même à d’autres villes de l’intérieur des deux pays, et pour cause, les liens renforcés par une diaspora maghrébine souvent très soudée.

Certes il ne s’agit là que d’un raisonnement simpliste mais il faut reconnaitre que nous ne disposons pas, faute d’études sur ce sujet, de données précises concernant le taux de mariages mixtes entre Algériens et Marocains. Ce qui est sûr par ailleurs, et si nous avons insisté sur ce point c’est pour montrer le rôle considérable que peut jouer cette frange de la population dans le renforcement de l’intercompréhension d’une part, par l’utilisation d’un arabe dialectal appartenant à une « sphère maghrébine » (V. annexe 3). Et d’autre part, dans la propagation d’une culture qui, si régionale soit- elle, n'en est pas moins essentielle à l’interpénétration des deux communautés.

En somme, nous rejoignons sur ce point C. Frey, pour dire que les frontières sont, « arbitraires […] parce que souvent artificielle, dont le tracé n'est pas toujours motivé par des considérations culturelles, qui entretiennent pourtant un rapport étroit avec la langue» (2004, p. 01).

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Première partie Chap.2 Aperçu sociolinguistique

Conclusion

Dans cette partie théorique, nous avons tenté au début, de passer en revue certaines approches et concepts-clés ayant trait à notre travail. Nous avons emprunté une démarche qui correspond au cheminement qu’avait suivi l’entreprise de description du français dans l’espace francophone ; depuis les premières recherches de conception linguistiques qui avaient mené à la réalisation de l’ « Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire », jusqu’à celles fondées sur des conceptions sociolinguistiques et socioculturelles considérées comme novatrices, dans l’objectif de retracer les moments forts qui ont jalonné les réflexions des spécialistes autour de la description du français dans les aires francophones.

Dans le deuxième chapitre, nous nous sommes penchés sur le profil sociolinguistique de l’Algérie et du Maroc, ainsi que sur leurs caractéristiques géographiques, (humaines et physique). Où nous avons pu constater, que ces deux pays présentent des similitudes à plusieurs niveaux : un arabe classique majoré, des idiomes locaux minorés, un français varié, legs d’une longue colonisation, l’existence de langues étrangères dont certaines marquent l’histoire du pays, une unité religieuse, une unité historique, un ensemble géographique cohérent, etc., bref, tous ces éléments montrent l’ampleur de la continuité naturelle dans laquelle évolue la langue française dans ces deux pays.

Dans la partie suivante, après la présentation du corpus sur lequel nous allons travailler et la démarche à suivre, nous procèderons à l’examen des particularités lexicales inventoriées dans les deux ouvrages.

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DEUXIÈME PARTIE CORPUS ET ANALYSE Deuxième partie Corpus et analyse

Cette partie est composée de deux chapitres. Dans le premier nous présenterons notre corpus et expliquerons pourquoi nous avons fait ce choix. Nous mettrons ainsi en avant les deux inventaires de particularités lexicales et les bases de données lexicographiques. Nous procéderons ensuite dans le second chapitre à l’analyse de ces faits de langue selon la démarche précitée, en essayant, dans un premier temps, à l’aide d’un rapprochement de distinguer s’il existe un continuum entre les deux variétés de français, et dans un deuxième temps, de revisiter certains critères de l’approche différentielle de conception linguistique. Au terme de cette analyse nous tenterons à la lumière des résultats auxquels cette analyse aboutira, de forger une synthèse. Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

CHAPITRE III PRÉSENTATION DU CORPUS ET DE LA DÉMARCHE DE RECHERCHE Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

Introduction

Dans ce chapitre nous présenterons notre corpus de travail, lequel se compose de deux parties : un corpus version papier, à savoir les deux inventaires de particularités lexicales réalisés dans la lignée de l’IFA (Le français en Algérie. Lexique et dynamique des langues et Le français au Maroc. Lexique et contacts de langues) qui recensent ensemble plus de 2400 lexies. Le deuxième, de type numérique, constitué par l’ensemble des items que proposent la base de données lexicographique et une série de périodiques francophone en ligne. Nous avancerons aussi les motifs qui nous ont amené à faire ce choix. À la fin de chapitre, nous présenterons notre démarche d’analyse.

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

1 Choix du corpus

Pour essayer de mener à bien notre étude, nous avons opté pour les deux inventaires de particularités lexicales suivants : Le français en Algérie : Lexique et dynamique des langues et Le français au Maroc : Lexique et contact de langues. Ouvrages lexicographiques regroupant ensemble un corpus d’environ 2400 formes. Avec comme supplément leurs deux Bases de Données Lexicographiques respectives, BDLP-Algérie et BDLP-Maroc, qui présentent des données numérisées et actualisées.

Il est de constatation immédiate que ces construits lexicographiques sont des outils scientifiques d’analyse de la langue, de par la qualité d’information qu’ils offrent sur les mots et leur utilisation à une époque donnée, grâce aux définitions qu’ils regroupent et les différentes citations qui leurs servent de point d’appui. Ainsi, L’étude conjointe de ces inventaires permet de mettre en évidence les relations entre ces faits de langue et leurs corollaires la société et la culture.

Notre choix du corpus a été fait compte tenu du but descriptif de recherche que nous nous sommes fixé et de l’approche méthodologique adaptée. L’objectif de comparer les particularités lexicales de deux variétés de français, implique d’utiliser un corpus qui obéit aux paramètres de temps, de l’espace et du genre, considérés comme critères de cohérence et de cohésion, comme l’affirme Glessgen (2007), cité par I. Wissner (2010, p.38). Or, les deux inventaires de particularismes et leurs BDLP respectives représentent un corpus cohérent dans la mesure où ils respectent les critères suivants :

− la dimension temporelle similaire que couvrent ces deux inventaires : Synchronie qui s’étale sur plusieurs années (1970-2002) permet de vérifier les occurrences des particularités lexicales à des ères différentes, et éliminer de ce fait les hapax et les faits de langue conjoncturels ou idiosyncrasique.

− L’espace géographique auquel appartient ce corpus est précis : Il représente deux chaînons d’une région, le Maghreb, typique par sa configuration sociolinguistique, historique, culturelle, politique, etc.

− la variété linguistique homogène : Il s’agit d’un français mésolectal employé par un grand nombre de sujets parlants, comme en témoignent les

60 Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

définitions des particularismes relevés, illustrées par un grand nombre de citations qui présentent l’intervention des locuteurs sur la/les langue (s), dans les deux pays in vivo.

− La collecte des particularités lexicales que regroupent ces inventaires a été faite avec des principes méthodologiques analogues, inspirés de la fiche de synthèse de l’IFA mais adaptée à la réalité maghrébine.

En définitive, c’est un corpus écrit, de surcroît numérique qui matérialise un témoignage facilement accessible – linguistiquement parlant – par rapport à un corpus oral, lequel requiert des opérations d'enregistrements et de transcription en effet très coûteuses en termes de temps. Il sera compléter d’un corpus numérisé de certains quotidiens de la presse francophone des deux pays, qui d’une part, représentent assez bien la variété de français étudiée. D’autre part, nous offrent l’avantage de vérifier l’actualisation et la colocation de certaines particularités lexicales.

2 Types de corpus

Une première partie de notre corpus est de version papier, tirée des inventaires des particularités lexicales du français écrit et parlé au Maroc et en Algérie intitulés : F. Benzakour et al. (2000), Le français au Maroc. Lexique et contact de langues et A. Queffélec, Y. Derradji et al. (2002), Le français en Algérie. Lexique et dynamique des langues. Deux ouvrages fruits d’un vaste projet de recherche mené dans le cadre du réseau Étude du français en francophonie de 1’Agence Universitaire de la Francophonie (AUPELF-UREF), dont l’objectif était de dresser un inventaire des particularités lexicales du français au Maghreb.

La seconde partie qui vient compléter ces deux inventaires est de version numérique. Elle concerne les particularités lexicales que regroupent les deux bases de données : BDLP-Algérie et la BDLP-Maroc, lesquelles offrent, comme nous le verrons un peu plus loin, un plus à notre étude en terme de recherche et d’analyse des faits de langue. De plus, nous aurons recours à quelques titres de la presse francophone en ligne des deux pays, en dépouillant une vingtaine de périodiques, soit, dix de chaque pays, pour la description et l’analyse de certaines particularités lexicales.

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

2.1 L’inventaire Algérie

Cet ouvrage dont le rédacteur est Y. Derradji avec la collaboration d’A. Queffelec, se compose de deux parties : un inventaire lexical de 413 pages regroupant environ 1600 lexies, illustrées par des exemples de la presse et la littérature du pays, suivi d’une partie théorique de 140 pages divisée en sept chapitres, intitulées Sociolinguistique de l’Algérie, consacrée à l’étude de la réalité algérienne.

Pour justifier le fondement de la situation actuelle, cette étude est amorcée par un passage en revue des peuples qui se sont installés sur le pays depuis l’Antiquité jusqu’à l’indépendance en 1962. Dans les chapitres qui suivent, l’auteur énumère les langues et les groupes linguistiques présents en en distinguant trois : berbère, arabe et langues étrangère. Ensuite, avant d’aborder la dynamique des langues dans ce pays, il analyse la politique linguistique et culturelle de l’Algérie indépendante en exposant les soubassements de cet état de fait. Puis, il approfondie son analyse, prenant appui cette fois sur une grille qui retrace le status et le corpus des langues en présence, dont les résultats affichés dépeignent par des chiffres et des pourcentages le classement de chacune d’elles. En définitive, après avoir présenté la méthodologie appliquée pour l’analyse des particularités lexicales relevées, l’auteur conclut son étude par une typologie des algérianismes.

Il s’agit là, d’un ouvrage imposant et riche, de par sa portée scientifique et de par les informations qu’il présente, couvrant une synchronie large (1970-2000) illustrée par près de 8000 exemples. De même qu’il est pratique, dans la mesure où, respectant la tradition lexicographique (classement par ordre alphabétique), il facilite au lecteur l’accès aux items.

Bref, les étudiants-chercheurs s’intéressant à l’évolution du français dans l’espace francophone, disposent dans ce long et laborieux travail d’un appui solide.

2.2 L’inventaire Maroc

Ce deuxième inventaire réalisé par F. Benzakour, s’inscrit, tout comme le précédent, dans le même projet et vise le même objectif. Il contient un inventaire lexical de 195 pages qui dénombre environ 828 particularismes, précédé d’une partie théorique de 120 pages intitulée : Le français au Maroc : de l’implantation au contact et à

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche l’intégration, dans laquelle l’auteure expose via neuf chapitres toutes les facettes de la situation sociolinguistique du pays.

Cette partie théorique est entamée par une présentation générale du Maroc selon différents points de vue (géographique, humain, économique et politique), suivie d’une explication de la genèse du paysage linguistique du pays. L’auteure aborde ensuite, la politique linguistique qui y est appliquée avant et après l’indépendance, en mettant en valeur les différentes tentatives d’arabisation. Les deux chapitres qui viennent après, retracent les langues en présence et leur statut ainsi que le plurilinguisme que connait ce pays.

Suivent deux autres chapitres consacrés d’une part, à la situation linguistique actuelle du français où l’auteure fait ressortir cet état de fait en évaluant le status et le corpus de cette langue à l’aide d’une grille d’analyse inspirée de celle élaborée à l’Institut d’Études Créoles et Francophones d’Aix-en-Provence (1991). Et d’autre part, aux variétés de cette langue, lesquelles sont présentées selon un continuum : basilecte, mésolecte et acrolecte.

En dernier lieux, dans un chapitre réservé à l’inventaire lexical, l’auteure présente clairement la méthodologie de travail tout en abordant la microstructure, la macrostructure et la typologie des marocanismes.

2.3 La BDLP

La BDLP est un dictionnaire électronique multimédia en libre accès sur Internet qui regroupe un nombre considérable de diatopismes recensées dans plusieurs pays francophones notamment en Algérie et au Maroc.

Trois points essentiels ayant trait à ce construit lexicographique vont être abordés dans ce qui suit : le développement de ce concept, sa structure et les types de recherches qu’il offre. Mais avant de se lancer dans sa description et mettre en lumière ses fonctionnalités, un bref aperçu rétrospectif des personnes et des événements qui ont jalonné son évolution nous semble important pour avoir une idée sur la genèse de cet outil.

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

2.3.1 Développement d’un concept

À partir des années 1970, une prise de conscience de pratiques divergentes du français en usage dans les pays francophones par rapport à un français homogène (français de référence), avait suscité l’intérêt des linguistes pour l’étude des variétés géographiques de cette langue, c'est-à-dire les variétés de français en usage hors de France en vue d’appréhender leur fonctionnement. Nombreux sont les chercheurs qui se sont penchés sur la question depuis, notamment Bernard QUÉMADA (1990), dont les travaux sur le lexique ont donné naissance au projet du Trésor des vocabulaires francophones (TVF)26.

L’objectif de son projet était d’asseoir une assise lexicographique internationale informatisée regroupant les inventaires dressés et analysés des diatopismes en usage dans l’aire francophone afin de rendre compte de la dynamique du français en usage hors Hexagone. C’est dans ce sillage que la BDLP, qui réunit plusieurs inventaires de particularismes avait vu le jour. Elle rassemble actuellement les particularismes de vingt pays de l’espace francophone, dont ceux du Maghreb représenté jusqu’alors par l’Algérie et le Maroc. Elle est conçue sous forme de dictionnaire électronique multimédia mis en ligne sur Internet en mars 2004. Ses données sont accessibles gratuitement à toute personne s’intéressant aux variétés de français, et sont consultables de différentes façons, soit d’une manière séparée pour chacune de ses bases, soit comme un seul corpus.

De surcroît, la BDLP offre aux chercheurs s’intéressant à la comparaison des diatopismes et à leur expansion dans les espaces francophones, un panorama de toutes les investigations menées dans des contextes sociolinguistiques variés. En effet, d’après, Y. Derradji (2009, p73), « la mise en rapport des données lexicales nationales de la zone d’étude avec les autres données lexicographiques des autres équipes BDLP permettra de dégager les points de convergences ou les différences des usages de français au Maghreb. » Point de vue que partage également, A. Queffélec (2008, p189), chez qui le support informatique de la BDLP est un moyen intéressant qui « permet une confrontation des divers vocabulaires francophones, et ouvre des perspectives de patrimonisation et d’actualisation des données lexicales. ».

26 Le TVF est le dictionnaire des usages du français à travers le monde élaboré sous l’égide de l’AUPELF-UREF et dirigé par le Professeur Bernard QUÉMADA.

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

Outres les arguments avancés plus haut, notre intérêt pour la BDLP en tant que corpus et outil de recherche en même temps est nourri par les possibilités d’investigation qu’elle offre. Grâce à l’outil informatique qui la gère nous pouvons accéder facilement et rapidement à une riche nomenclature dont nous pouvons consulter et analyser les items. De même que, la richesse des objets méta-textuels inclus dans chacun de ses articles (vedettes, variantes, commentaires, définitions, références, étymologie…) favorise le traitement d’un nombre important de données. Enfin, ces bases de données regroupent comme nous l’avons cité plus haut, les particularités lexicales propres à plusieurs pays, ce qui facilite leur mise en rapport, perspective dans laquelle s’inscrit notre recherche.

2.3.2 Consultation de la BDLP

La consultation de cet outil s’établie à l’aide d’un navigateur internet entre autres, Explorer, Firefox, Chrome, etc., en tapant l’adresse du site Web suivante : http://www.bdlp.org/. La page qui s’affichera après (V. fig.1), permettra d’interroger chacune des bases par un simple clic sur le nom ou le drapeau du pays.

Figure 1 : BDLP internationale. Page d’accueil

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

Cette base peut être consultée aussi via le portail lexical du site Web du Centre Nationale de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) à l’adresse suivante : http://www.cnrtl.fr/, comme le montre la figure 2.

Figure 2 : accès à la BDLP à partir du portail lexical du CNRTL

2.3.3 Structure de la BDLP

La BDLP est structurée d’une façon à offrir à son consultant trois principaux types de recherche : une recherche simple, une autre avancée et une troisième qui permet de rechercher une lexie en interrogeant simultanément toutes les bases disponibles.

2.3.3.1 La recherche simple

Ce type de recherche permet de retrouver un particularisme dans une base donnée. La recherche s’effectue par ordre alphabétique en se positionnant sur l’initiale du terme recherché comme l’illustre la figure 3.

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

Figure 3 : recherche simple

La recherche simple d’un terme donne accès à l’article de ce dernier avec les différentes vedettes en rapport avec lui, s’il y en a plusieurs, puis en cliquant sur l’une des vedettes l’utilisateur aura accès à l’ensemble des informations qui forment la microstructure (V. fig. 4). S’affiche donc la vedette écrite en gras avec sa transcription phonétique, sa définition et les éventuelles variantes graphiques et/ou phonétiques. Notons que le support informatique dans ce cas offre deux informations multimédias qui ne figurent pas sur la version papier des inventaires, à savoir le son (prononciation) et l’illustration par image.

Les informations que regroupe chaque article sont réparties sur des rubriques accessibles par onglet :

− L’onglet Citations donne une idée sur la source où a été relevé ce mot recherché dans les textes dépouillés. Ces citations sont référencées comme suit : [presse, journaux, périodiques], littérature, etc.

− L’onglet Commentaire sert à éclairer la définition d’informations encyclopédiques.

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

− L’onglet Renvoi assure le lien entre le particularisme recherché et éventuellement d’autres termes. Cette relation peut être d’ordre sémantique ou morphologique.

− L’onglet Encyclopédie offre la même fonction que celui de commentaire mais avec plus de détails.

− L’onglet Histoire nous informe sur l’origine du particularisme, s’il s’agit d’emprunt à une autre langue ou s’il s’agit d’innovation lexématique, sémantique ou autre.

− L’onglet Francophonie quant à lui permet de savoir si le particularisme est employé ou non dans la variété de référence. Et aussi de savoir s’il est usité dans d’autres régions de l’espace francophone.

Figure 4 : microstructure

2.3.3.2 La recherche avancée

Par les options qu’elle offre, cette recherche vise un affinement que ne propose pas le type précédent. Elle englobe toutes les rubriques de la base et permet de filtrer le contenu de la BDLP d’après de nombreux critères. Pour éviter une trop grande complexité, la recherche est subdivisée en plusieurs formulaires (mots ou expressions,

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche références des citations, marques, grammaire et sémantique, historique, géolinguistique, statut et critique), et l’utilisateur peut en remplir plusieurs pour affiner sa requête.

Figure 5 : recherche avancée

2.3.3.3 La recherche transversale

Elle consiste à rechercher des particularismes dans toutes les bases mises en ligne. Cela donne à l’usager une vue globale sur la diffusion de tel ou tel terme. Un clic sur Menu Francophonie affiche une fenêtre avec l’ensemble des bases disponibles précédée chacune d’une case à cocher. L’utilisateur n’a qu’à activer la sélection après avoir coché les cases des bases choisies et d’y inscrire le terme recherché. En lançant la recherche il obtient la lexie en question avec sa définition et la liste des pays dans lesquels le terme est attesté.

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

Figure 6 : recherche transversale

Par exemple, l’inscription du terme caftan dans la case de recherche transversale après avoir sélectionné la BDLP-Algérie et la BDLP-Maroc donne le résultat suivant :

Figure 7 : recherche transversale du terme « caftan »

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

2.4 Les périodiques électroniques

Aussi, pour vérifier les occurrences et la vivacité de certaines lexies et voir si elles sont encore en usage ou non dans les deux pays, nous recourrons à des recherches sur Internet en interrogeant la base des archives d’une série de périodiques francophones en ligne.

Périodiques algériens

El Watan : quotidien algérien indépendant.

El Moudjahid : quotidien national d’information.

Horizons : quotidien national d’information.

Infosoir : quotidien national du soir.

Le Soir d’Algérie : quotidien algérien indépendant.

Liberté : quotidien national d’information.

Le Quotidien d'Oran : édition d’information nationale.

Le Courrier d'Algérie : quotidien national d’information.

Le Temps : quotidien national d’information.

La Tribune : quotidien national d’information.

Périodiques marocains

Le Matin : quotidien d’information francophone.

Aujourd'hui Le Maroc : quotidien d’information indépendant.

L'Économiste : quotidien économique indépendant.

L'Opinion, Libération : journal partisan du parti nationaliste marocain.

Al Bayane : quotidien marocain.

Maroc Hebdo International : hebdomadaire francophone.

La Gazette du Maroc : magazine francophone.

La Nouvelle Tribun : hebdomadaire marocain en langue française.

Tel quel : magazine francophone.

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

3 Démarche d’analyse

Notre démarche présente deux volets complémentaires et se veut, dans un premier temps, comparative et interprétative, puis par la suite, évaluative. C’est une analyse comparée ayant trait à notre problématique et fondée sur une confrontation des particularités lexicales qui forment notre corpus. Son objectif est non pas de faire la somme des analyses antérieures, mais d’examiner ces données selon une logique et une cohérence en relation avec le questionnement que nous avons soulevé.

Dans le premier volet, nous essayerons par le biais d’une mise en rapport d’un point de vue onomasiologique d’appréhender l’évolution des particularismes lexicaux dans ces deux pays. Cela nous permettra d’avoir une idée sur les champs sémantiques les plus productifs de ces faits de langue, et de cerner les réalités auxquels ils renvoient. Nous procèderons ensuite, à une comparaison des deux nomenclatures, fondée sur le référent, afin de délimiter un aspect de l’originalité lié à l’exclusivité de l’emploi de ces particularismes. Autrement dit, nous tenterons de voir à quel point les items relevés sont-ils dichotomiques et ne renvoyant qu’à des realia cantonnés dans les frontières. De ces deux rapprochements découle un troisième qui consiste en un recensement des faits de langues enjambant les frontières à savoir les lexies communes usitées de part et d’autre dans les deux pays. L’objectif de cette troisième comparaison est de mettre en valeur une éventuelle continuité qui marque le français dans ces deux pays voire dans la région. Après cette comparaison, nous essayerons par le biais d’une analyse sémasiologique cette fois, d’appréhender le processus de création de ces néologismes afin d’établir une grille de classification.

Dans le second volet, nous nous intéresserons aux critères qui fondent l’approche différentielle de conception linguistique, en vue de les repenser à la lumière des nouvelles approches, de conception sociolinguistique et socioculturelle. Cela nous aidera à mettre à découvert d’autres faits linguistiques et d’autres informations que l’approche initiale avait passées sous silence.

Nous terminerons cette étude après une évaluation des résultats obtenus, en faisant la synthèse des points convergents et/ou divergents.

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Deuxième partie Chap.3Présentation du corpus et de la démarche de recherche

Conclusion

Nous avons présenté dans ce chapitre, notre corpus d’analyse dans ces deux versions, numérique et papier, qui comprend près de 2400 items rien que dans la deuxième version. Nous avons justifié notre choix pour ces deux construis lexicographiques, qui comptent parmi les meilleurs dans le domaine de la lexicographie. Nous avons aussi pu voir l’importance de la base de données lexicographique, laquelle comme nous l’avons expliqué, offre d’autres moyens de recherche et présente d’autres avantages, dont ne disposent pas les inventaires de version papier.

Dans le chapitre qui suit, nous analyserons les lexies contenues dans les deux inventaires. Nous procèderons d’abord, à une mise en relation des lexies, d’un point de vue onomasiologique. Elle sera suivie ensuite, d’une analyse sémasiologique s’intéressant aux procédés de création néologique. En dernier lieu, nous revisiterons certains critères qui fondent l’approche différentielle, à la lumière des nouvelles approches de descriptions lexicographiques.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

CHAPITRE IV ANALYSE COMPARÉE Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Introduction

Après avoir passé en revue les différentes approches qui ont marqué l’histoire de la lexicographie francophone en montrant leur évolution parallèlement à certains concepts (chap.1), exposé le paysage sociolinguistique des deux pays (chap.2), en mettant en valeur le plurilinguisme qui les caractérise, et présenté le corpus de même que les grands axes de notre recherche, nous en venons maintenant au dernier chapitre où nous allons procéder à un examen comparé des particularités lexicales inventoriées. D’abord par un rapprochement d’un point de vue onomasiologique dans un premier temps, en partant du concept pour aller vers le signe afin de vérifier si les domaines les plus productifs de ces faits de langue sont comparables. Cela nous permettra en outre de chercher les particularismes qui transcendent les deux variétés et les ramifications sémantiques qu’ils pourraient tisser.

Vient ensuite une mise en relation des emplois décrits dans ces ouvrages, qui s’intéressera à mesurer l’endogénéité que reflète ce corpus. Pour rappel cette endogénéité nous la considérons à l’aune des frontières des deux pays. C’est à ce niveau qu’intervient l’analyse quantitative statistique. En effet cette évaluation de l’endogénéité serait au prorata du nombre de statalismes.

Dans un second temps, d’un point de vue sémasiologique cette fois, nous mettrons en valeur la typologie des algérianismes et des marocanismes. En effet, l’énumération des procédés qui interviennent dans la création de ces particularismes, nous permettra d’appréhender leur fonctionnement et les conditions de leurs usages

Dans le deuxième volet de cette étude, nous nous attacherons à revisiter certains critères liés à l’approche différentielle de conception linguistique, sur lesquels se sont fondés les concepteurs des inventaires, dans l’objectif de tenter de faire valoir d’autres critères, ou du moins, faire ressortir certaines informations omises tant par défaut d’advertance que par défaut d’engagement.

En dernier lieu, en se basant sur les résultats obtenus, nous ferons le bilan de cette étude.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

1 Corpus d’analyse

Dans les tableaux ci-dessous sont présentées les particularités lexicales relevées dans les deux inventaires selon des domaines conceptuels27. Pour ne pas cumuler les tableaux et dans un souci de faciliter la lecture des pages, nous avons fait précéder les statalismes dans les mêmes tableaux d’un rond en exposant « ° », afin de les distinguer des autres régionalismes.

1.1 Algérianismes

Tableau 1A

Religions et Systèmes politique Culture croyances et militaire Espace et lieux Aada Açab °Achbal °Arwika Aâfsa Acer Activiste °Autoconstruction Aafsate Achour °ALN °Bain maure Aatina Achoura °Agent du dark-el- °Bain-douche watani Abordage Adan Agente de police °Barrage vert Abreuvage Agréé °Algérianisation °Bordj Abreuvoir Aïd °Algérianiser °Café maure Açabia Aïd el adha °Algérianisme °Casbah Açabiyate Aïd el fitr °Algérianiste °Chameaudrome Açala Aïd el kébir °Algérianité °Chamellerie Accaparer (s') Aïd esighir °ANP °Dachra Accoutrement Akida Arabisme °Dachrate Achalandage Al hamdou allah Arabiste °Daya Achalander Alem °Armée algérienne °Dayte (après l'Indépendance) °Achewiq Allah irrahmou °Armée de °Derb libération nationale Achili Aman °Armée nationale °Djebel-ammour populaire Activer Amana Auto-satisfaction °Djeddar alimentaire Activiste Ansar Baâthisme °Douar Adab Awal moharem Baâthiste °Droub Additionnellement Ayat °Benbellistes °Erg Affectataire Azl °Berbérisme °Gourbi

27 Nous y viendrons plus loin, pour voir ce classement avec plus de détail.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

°Afghan Baptême °Berbériste °Gourbiville Afrit Baptimisation Bilatérale °Guelaâ °Aguellid Baptisé °Boumédiénisme °Hamada Ahbab Baptiser °Boumediéniste °Hammam °Aïcha-radjel Baraka °Boutéflikien °Kalaâ Aïoua Basmallah °Cadet de la °Ksar révolution °Aïssaoua Bidâa °Chadlisme °Ksour Akal Bienfaiseur °Chadliste °Makam echahid Akh Bir zem-zem °Chouracratie °Mçalla Akhi Califal °Chourakratiya °Mechta °Akoufi Califat °Chouroucrate °Reg Ala Calife Compter sur l'état °Ribat Aladjia Carême Compter sur soi °Sahra Alaoui Chaâbane Conditionnalité °Souk el fellah °Algériade Chahada Contrat national °Tassili °Algérianité Chahid Dark °Technicum °Algérois Chahida Dark el watani °Vara Alif Chahidate Darki °Village socialiste Allah ghaleb Charia Dawla °Zaouïa Allah ibarek Chawal Dawla islamia °Zaouiate Allah irrebah Chérif °Djazaara Agente Allah yestar Chérifien °Djazaariste Astreinte Allahou aalam Chisme Djeiche Autoconstruit Amane Chite Djoundi Badia °Amazigh Choual Djoundia Bain °Amazighité Choura Djoundiate Bled °Amazighophone Coranique Djounoud Bocca Ambianceur Coraniser °École des cadets Chott Amchi Daawa °Éféléniste Djebel °Amenokal Dhor Egaré Djenan Ammi Dhou el hidja Élément Douéra Amputer Dhou el kaada Émir Douerate Anachid Dikr Émira Dur Andalou Diya Émirat Enfuteur Andek Djahilia Éradicateur Fondouk °Ani Djamaa Éradication Ghorfa Aouah Djamaâte °Érendiste Grande mosquée Aoula Djemaâ Exterminateur Guelta Aplaventisme Djihad Faïlek Gueltat Aplavevtriste Djinn Faoudj Guentra Arabité Djinnia Fassila Hai Arabophone Djoumadai °Faux-barrage Haouch

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

°Arch Djoumadaii Fédéral Haouma Ariviste Dohr Fel J'doub °Aroubi Eau de zem-zem °Fellaga Kaf °Arouchia El hamdou lillah Ferka Kiosque d'essence Aroussa Elfadjr Fidaï Kouba Asmaa El-icha Fidaïa Maasjid Atfadlou Ezzakat °Fissisme Makhzen Atteinte Fadwa °Fissiste Makkam Auscultation Faire le ramadan °Garde communale Médina Aussi Fatiha °Génération de Mellah novembre °Australie Fatour °GLD Moucharabieh Autoconstructeur Fête du mouton °Goum Moutonnière Autosatisfaisant Fête du sacrifice °Goumi Oudjak Aya Fetwa °Goumiyas Oued Ayaou Fetwates °Hab-hab Ouest ed dar °Ayaye Fikh °Hamassiste Ouvroir Azima Fikhiste °Hamrouchien Parterre Azriya Fitna Harass el Pécherie djoumhouri °Azzaba Fitra °Harka Qalaa °B.c.g Foukahas °Harki Rahba Ba Fqih °Haut comité d'état Résidanat Baba Frère Historique Résidence Babor Ftar Hizb Rif Bâchée Habous °Hizb frança Sabkha Backchich Hadana Hizbiste Sacherie Bagrament Hadina Houkouma Sandwicherie Bahara Hadith Islamo-baâthisme Sebkha Baladi Hadj1 Islamo-baâthiste Siroperie Balek Hadj2 Islamo-nationaliste Skifa °Ballonner Hadja Islamo- Souk réconciliateur Bar ambulant Hadjis °Kasma Tapisserie °Barah Hadra °Kasmat Yaourterie Barakat Halel Katiba Zriba Barbe Hamdoulla Khobzisme Zribate °Barbéfélène Haram Khobziste Barbu Houri °Kouroughli Bardaâ Houriates Laïco- assimilationniste Bark °Ibadite Laïco-communiste Baroud Ibliss Majlis echoura Baroudeur Idda °Makhzen

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Baroud d'honneur Idjtiha °Mandoubia Barouk Iftar °Mandoubiates Barra Ikhwa Maraboutisme Barrani Ikhwane °Méhariste Barreaudage Ilm °Messalisme Bayane Imam °Messaliste Bayoud Imamat °Mine jibalina Bayoudé Iman Mintaka Béance Imsak °Moudjahida Beau-gossa Inchallah °Moudjahidate Bédéiste Islamité °Moudjahidine Bédoui Istiska °Mouhafadh Bédouin (e) Jeûneur °Mouhafadha Bédouiniser Kafala °Mouhafadhate Bédouinité Kafer °Mouhafidhine °Beïlek Khabith Moukhabarate Bendir Khabitha °Moussabil Beni amis Khotba °Moussabilate Béni-oui-oui Kibla Multilatérale Bent el kelb Koffar Multipartisme °Berbérité Kofr °Nahdiste °Berbérophone Laïlat al kadr Nahia °Berbirisant Layadjouz °Nahnahien Besef Livre sacré Nahyate Bessif Livre saint Nakib Bidonvillesque Maghreb Nassérien Bidonvillisation Mahkama Nassérisme Bidonvillisé Mahrem Nationaux Bidonvillois Malékite °Ninja Bilaniser Mawlid °Novembrisme Bilanter Mawlid enabaoui °Novembriste Bkhour Mehdi °Octobriste Blédard Mekrouh °Pagsisme Blondiste Mektoub °Pagsiste Bogossité Mihrab °Parti dissous °Bokala Minbar Phalange Boubina Mois sacré Quawmiiyya Bouchkara Mokaddem Raïs2 Boudjadi Motabaridja Réconciliateur Boufaroua Moudd Redynamisation Bouffa Mouharram Redynamiser Bouffer Mounkar Révolution agraire Bouhali Moutahadjiba °Rndiste

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Bouhi Moutahadjibate Serriyat Boukhaloutisme Moutaouef °Spahi Boumba Moutawifin Tawabite °Bou-saadi Mouton de l'aïd °Tribu makhzen °Boussaâdia Muezzin °Tripartite Boussboussade Mufti Unicité Branché Nabi Zaïm BTS Nahda Zaïmisme °Cacher le soleil avec Nikah °Zéroualien un tamis Cachet Niya °Zouave Calame Nuit de la destinée Canoun Nuit du destin Casbadji Omra Casbaoui Oukht Chaâb Oulama °Chaâbi Oulémiste Chaâbiste Ouma Chaînard Pertro-imam Chaîne Prieur Chakouriste Psalmodieur Chambrée Raba el-awal °Chaoui Rabi °Chaouia Rabie ethani Chatr Rabita islamique Chatra Rachoua Chawafa Radjeb Chayatine Rahimou allah Cheb Rahma Cheba Rak'a Chebatte Rakaâte Chef Ramadhan Chefti Ramadhanesque Cheikh Ramadhanien Cheikha Récitant de coran Cheikhate Récitant des hadith °Chekoua Répudiée Chemma Sacrificateur °Chenoui Sadak °Chentouf Sadaka °Chergui Safar Chevillère Sahaba Chibani Sahabi

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Chien Sahwa Chikaya Salafisme Chikayate Salafiste °Chir el melhoun Salafite Chira Salafiya Ch'koumoun Salam Chkoun Salamalek °Chleuh Sebha °Chorfa S'hour °Chouari Sira Choubane Sobh Chouf Soufi Chouia Sounna Cibler Sourate Circoncisé Sunite Civilisationnel Tafsir Clandestin Tagout Clinomobile Tahara °Clou de biskra Tarawih Clubard Tariqa Clubisme Vendredi Co-épouse Wadjib Collectif Wakf Collègue Zakat Concerné Zakat el-fitr Conférencier Zaouia Conscientisation Zina Conscientiser Constitutionnalisation Constitutionnaliser Consultant Conviviabilité °Coopsteppe Couscousserie Couscoussier Cousin Cravaté Cross-connexion Da Dadda Dars Débaptisation Débaptiser

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Débaptiseur Débatteur Deberr rassek Débidonvillisation Débrouiller QQCH Débroussaillage Débureaucratiser Debza Defe Dégourbisation Dégourbiser Dégoutage Dégoûtite Démonopolisation Démonopoliser Derbouka Derbouker °Derdja Derwich Descendre Détenir Dette Devanture Dialoguiste °Diffa Divorcer Djaoui Djeniate Djenoun Djerbi Djerid Dlala Domiciliation Domiciller Dominance Dork Dot Douarier Douarisme Doublage Douga-douga Douk-douk Draguillero

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Échéphile Électrifier Emchi °Emezed Émirati Emmener Épargner (QQN DE QQCH) Erradjel Esseulement Estikhbar Estivalier Estivant Étalagiste Examination Exodé Exorcisé Ezzagat Fabrique Fafa Faire la chaine Faire le ballon Faire un accident Faiseur de Fal °Fantasia Faquou Fatma Fawdamental Fech-fech Fellah Fellahine °Fellouze Felten Ferrovier Fetla Fhel F'hemt Figisme Fissa Flène °Foggara °Foggarat

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Forossia °Fquirat Francarabe Freda Frérot Fresques Froidi Fructification Fructifier Galion Galvanisateur °Ganadiz °Gaous Garagouz Gargote Gas'a Gasba Gatlatou Gazouz Gazzanats Gente Ghachi Ghaïta Gharb Gharbi Ghassoul °Ghiwan Ghorba Ghoul Ghoula Ghoulat °Gnaoui °Gnawas °Goual °Goualine °Goubahi Goul Gouler Goulou Gourbisation °Guebli °Guembri Guerba

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Guessra Guessrat Guitoune Gurebat Habba Hacha Hachachine Hachak Hachakoum H'chouma °Hadaoui Hadj moussa et moussa hadj Hadri °Hadra Haggarine Hagra Hak Hakdha Half Halka Hamla Hamlate °Hanbal °Haoufi Haoumisme Haoumiste °Haouzi Harz Hata Hchaïchi H'chicha Hénné Hidjabisation Hidjabisée Hidjabiser Hidjabiste °Hitisme °Hitiste H'jab H'nana Hsada Indu-occupant

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Indue-occupation Integroterroriste Interprétation Irrigant Jumelage Jumeler Kaboulisation Kabouliser °Kabouliste °Kabyle Kanoun1 Kanoun2 °Karkabou °Kcid Kechef Keeper Kein Kelb Kelba Kémia Kemiyattes Khaïma Khaïmate °Khalkhal Khalouta Khalti Khandjariste Khéchinisme Khlass °Khamsa Kho Khol Khouya Kif Kif-kif Klash Kouitra Koursi °Ksouri °Ksouria °Ksourien Labasse °Lalla

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Lampardo Langue nationale Limonaderie Mabadi Maboul Mabrouk Macache Madaïh Made in °made in Algéria Madih Maghrabi Maghrébinité Mahchachates Mahchoucha °Mahdjouz Maïda °Malhoun °Malouf Mal-vie Manger Maoussem Maqla Marabout Maraboutique Maraboutisme Marbouta Marboutate Matrag Maure Mawwal °Mazouad °M'ceddar Mèch-mècha Mèch-mèchier °Meddah °Meddahates °Meddahine °Méhara °Méharée °Méhari °Mejmar

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Melek Melk °Mendil °Mérinide Meska Meskia Meskoune Métier °Mezmoum Miazni Mizan Mohamed Mokh Monter1 Monter2 Mosta Mouachah Mouachahat Mouchkil Mouchkilate °Mouggar Moujtamaâ Moussala Mousselsel Moussem Moussiba °Mouzabite °M'rabet °M'rabtine MTH M'tourni °Na'assa Nabaoui Nachid Nachra Nadi °Naghrat Naï °Nakh Nanna Nawadi Neffa Neffar

88

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Neffir Nez (avoir du-) °Nif Niveau (au-de) Noëlliste Nomade Nomadisme Non voilée Nordiste °Nouba °Noubate Noukta °Novembre Noviciat Oasien Obligé °Octobre Officier Omo °Oranais °Ouaâdates Ouachem °Ouada Ouallah Oualou Oud Ouissam Oula Ouled el bled Ouled el houma °Ourar Outre-mer Ow Paméla Par conséquence Parabolé Parabolique Paradiabolique Parcage Parent Parpaineuse Passager Pénuriste

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Perfuseur Perlage Permanent Permanisation Permaniser Pétrole vert Pétrolier Pièce théâtrale Pipa Pipe Palangrier Planter(-un but) Plasticulture Pluvieux Poésiade Poh Poilu Pollen Ponctuer Porter Portier Post-indépendance Post-indépendant Poupée Poupon Prémature Prévalence Prévalent (e) °Printemps berbère Prioriser Pugilisme Qâadates °Qacida Qafza °Quassaman Qutre vingt et onze Radio-mobile Radio-trottoir Radjla Ragda ou t'mandji Rahala °Raï °Raïman

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

°Raïwomen Ramadhaniate Rapprocher (se) Rasage Rasmi Razzia Razzier °Rbab °Rdaïf °Rdif Recasé Recasement Recaser Réceptionner Recevant °Rechka Recueillement Réfectionner Référée Regroupement Regrouper °Reguibat Remplir l'œil Rentrée Révolution Richa Rif Rifi Rihla Roh Ronda °Rouler le Roumi Roumia Roumiyates R'sasse Saha Sahfa Sahraoui Sahraouité Sahrate °Sanafir S'bah el khir

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

°Sbohiyates °Sbouhi °Sebiba Séguia Séminariste Semoun Serpenté Settout Shatrandj S'hour2 Si Si flène Sidi Sidna Sihr Sirghaz °Sirocco Siwak Sketch-chorba Smahli °Smala Smasria S'ni Snitra Société nationale Sœur Sof Soigner (se) Sollicitude °Soltani Solutionnement Sortie Sortir (à l'étranger) Souak °Soufi Soukardji Soutien Spéculation Sport-roi °Staïfi Stockeur Stockomanie Sudiste

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Taa frança Tabâ Tabagique Tabak Tabla Table Tabrihate °Tabrint °Tabzimt °Taghennent Taïwan Taïwanais Taïwanisme °Tajemaât Taleb °Tamachek °Tamazight Tar °Targui °Targuia Tarz Tbal Tboul Tchatche Tchatcher Tchatcheur Tchic-tchic °Tchi-tchi °Tfal T'fouh °Tifinagh °Timechret Tindi °Tipaser Tire-boulettes Tmanchir °Tolba °Touareg(s) Toub °Touchia °Touchiate °Touiza Tourneur de veste

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Toz Traditionnalisation Trans Transhumant Trentenaire UGETEMISTE USPEISTE Tréviste Trolley °Tûbû Unième Unique (l'-) Veillée du quarantième jour Veillée du troisième jour °Vert °Vert et blanc Volontaire Volontariat °Wali2 Watani Wataniyine Wech Wilayisme Woulla Ya Ya akhi Yahia Yak Yakhi Yalatif Yaouled Yemma °Yennayer °You-you °Youyouter Zarbia Z'bel °Zelidj °Zendali °Zerda Zerdate(s)

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

°Zjoule Zetla °Zianide Ziara Zid Z'men °Zorna °Zornadji °Zornadjia Aada

Tableau 1B

Nourriture Métiers et Administration Vêtements professions °Aïch Acoucheuse rurale °Adel Aabaya ° °Agencier °Agha °Aâbruq Baklaoua °Babouchier °AGI °Aguenour °Berkoukes °Barbier-circonciseur °AIV Amama °Bourak °Blaghdji °APC Araguia °Bouzelouf °Blaghdjia °APN Babouche Cachir Cabinard °APW Badiat Café goudron Cadi °ATE °Badroun Cahoua Cahouadji °Attributaire Balgha °Chakhchoukha Casse-croutier °ATU °Bédias °Chekchouka °Chaouch °Bachadel °Bourabah Cherbette °Chef de daïra °Bachagha °Burnous °Cherchem °Circonciseur °Baladia °Cachabiya °Chorba °Cuivrier °Baladia islamia °Caftan °Chorba-frik Cycliste °Baladyate Camise Choua °Delalates °Bey °Chebika °Chtetha °Délégué executif °Beylek Chèche communal °Corne de °Délégué executif de Beylerbeys Chéchia gazelle wilaya °Couscouse °Derbakdji °Beylical Chéchia stamboul Crème °Derbakiste °Beylicat Cuissette Derssa °Drabki °Caïd °Djeba °Dholma Doubleur °Caïd el arch °Djellaba Dioul °Égorgeur °Caïdal Djellabate Douara °Emplisseur °Caïdat Djilbab Felfel Enginiste °CAPRA °Fergani

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

°Frik Faïenceur °Conseil De La Nation Fez Fromage rouge °Galiériste °D A S °Fouta °Ghars Gargotier °D A S °Foutat °Ghribya °Grimpeur °D E C1 °Gaa ° Grutiste °D E C2 °Gandoura °Harissa °Hadjam °Daïra °Haïk Hror Kabla °Daïral Hidjab °Kaddid °Kanoundji °Daïrate Kabkab °Kalbalouz °Khamassa °Délégation exécutive °Karakou communale °Kalentika °Khammes °Délégation exicutive de Keffieh wilaya Kefta °Khammessat °Dey Khimmar Kemoun °Laveuse °Diwan Litham °Kesra Légumier °Domaine autogéré Mandil °Khlii Maâlam °Entreprise nationale °Medjboud Khobz Maâllim °Entreprise socialiste °Melaya °Khobz dar Maâlma °Gestion socialiste des °Melehfa entreprises Khobza Machiniste Gestionnel °Naël °Ktayef °Meddah °Gouverneur Nikab °Lagmi Moual °Gouvernorat °Qath Lben Mouala °Hakem Sarouel Loubia Moudir °Interdaïra °Taguelmoust Louz °Nadhar °Interwilayas Tarbouche °Makroud °Naghariste °Khodja Tchador °Martouba °Neguafete °Madjlis Mèch-mèch °Oudiste Managérial Méchoui Oukil °Ministre gouverneur Permanencier °Mis (e) en cause °Mesfouf Petit pêcheur °Missionaire °Mhadjeb Pharmacien °Nadhara Moitié-moitié Planteur °Pacha Mouloukhia °Plastificateur °Président (e) de l'APC Mouna °Raïman °Président (e) de l'APW Nas-nas Raïs1 °Vizir °Osbana °Raïwoman °Wali1 Plombs °Rechapeur °Wilaya Press Résident °Wilayal ° Tabib Rechta Tabiba °Refis °Tahar °Rouina Taxieur

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Saïda °Tayab °Samsa °Tayaba °Seffa °Tayabate Sfendj °Trabendiste Vulcanisateur Soumaâ Sucette °Tadjine °Tamina °Zalabia Zombretto °Zrir

Tableau 1C

Enseignement Économie La flore La faune et éducation Alphabétiseur Agence °Alfa °Chameau pharmaceutique °Arabisante °Alfatier (ière) Caroube Cépia °Arabisation °Attirance Caroubier °Cerf de barbarie °Arabiser Auto-suffire °Chêne-zen °Fennec Civique °Azal °Chih Hellouf °Collège d'enseignement °Azala Debcha Melva moyen Doublant °Bancabilité °Degla-beida °Sloughi Double vacation Bancable °Deglet-nour École coranique Bancarisation °Diss °École fondamentale Bancariser °Djebar Exposant °COFEL Doum Extra-universitaire Commerce de la valise °Falaka Commercialité °Fondamental Comptoir(sous le) °Francisant °Dinar °Gandouz °Dinar symbolique Graduation °Dinarite °Louha °Douro °M'cid °Import-import Médersa Infitah Médrsate °Rasma ihsaiya Moudarès Dirham

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Oummi Flouss Oummia Ghrama Ousted Importer °Post-graduant Opérationnalisation °Post-graduation S'auto-satisfaire °Post-gradué °Trabendisation Séance unique °Trabendiser Sortant °Trabendisme Universitaire °Trabendo °Yaoum el ilm Valise

1.2 Marocanismes

Tableau 2A

Culture Religions et Métiers Espace et lieux croyances et professions °Aâroubia Aâlim °Agencier °Assif Abid Aâoicher °Achabine °Bain maure Activer Aâssar °Achoubi °Bain-douches Affronter Ablutionné °Ambulant °Barrage collinaire °Ahidouss Ach-chourouk °Atar °Berrani °Ahouach Achoura °Attarine Bidonville °Aissaoua Adane °Babouchier °Bled el makhzn °Aïta Addhor °Billétteur °Bled siba °Ajam Adel Cadi °Bodj bordj Ala Adoulaire °Chaouch °Bour °Alaouite Aid °Coutché °Café maure °Amazigh Aid al adha Dada °Casbah °Amazighophone Aid al fitr °Dallal °Clandestin Amazighité Aid al maoulid °Dallala °Dakhli °Amazighte Aid assaghir °Délaineur °Derb °Amdah Al jihad °Déplumeur Djebel Amener Alem °Détailleur °Douar °Antiamazighisme Alfajr Développeur °Drouba Antiramadanesque Almaghrib °Entrepreneurship Feddan Arabité Aman °Faiseur de queue °Ferraille Assister Amana °Faux-guide °Ferrane At home Amine °Fernatchi Fondouk Auscultation °Amir-al- °Gallas °Gourbi mouminine

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Aventuresque Ançars °Gallassa °Hammam Badawi Aouacher °Ghayyat °Hammamat Bakchich Aqida °Ghayyatin Hay Barbu Assi Graisseur °Ighermas Baroud Assobh °Guerrab Infrastructurel Barouder Baïa °Guerraba °Issafen Baroudeur Baptême °Hajjam °Jotiya Bédouine Baraka °Hannaya °Kissariya °Beldi °Bay'a °Hlaïqi Koba Bendir Bid'a °Irrigueur °Ksar Béni-oui-oui Bismillah Kabla °Ksour °Bérbérie Califat Kahouaji Lac collinaire °Bérbérophone Chaâbane °Kassal °Maoukaf Berrani Chaféiste °Kassala °Méchouar Bessif Chaféite °Katib Médina Bezef Chahada °Kayass °Mellah Bidaoui Chahid °Kayassa Merja Bidonvilisme Charaïque °Khames °Metfia Bidonvillisation Chariâ °Khammassas °Nouala Bidonvillageois °Chérif Khatib Oued Bidonvillois °Chérifa °Laveur °Oued el harr Bidoun °Chérifates °Laveuse °Ubliphone °Binssa °Chérifien Maâlem °Ribat Blédard °Chérifisme Maâlma °Ryad Bnéniouiouisme Chiisme Maâlmines Salon européen Boîte de cigarette Chiite °Maître-zlaïji °Sékaia Boudjadi Choual °Marieurse °Souika Brasier Choura °Mohtassib °Souikat Canoun Chourouq °Mouhtassibine Souk Capacités Chouyoukh °Nadir Téléboutique Cebsi Chraâ °Nagafat Télékiosque °Chaâbana Coran °Naggafa °Tente caïdale °Chaabi Coranique Naïb °Torchiville Cheb Coraniquement °Neffara Ville nouvelle Cheikh Daawa °Odéjiste °Zanka Cheikha Dhou'l-hijja Ordurier °Zaouia Cheikhates Djihad °Pubeur Zériba Chekara Djin Raïs1 Chemsia Djnouns °Rekkas Cheptelier Dou el kaâda Samsar °Chergui Émir Samsara Chibani °Émir des croyants Samsarate

99

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Chicha Émiral °Tabbal Chikaya Fadjr °Tabbalin Chira Fakih Tabib °Chit Fassad Taxi driver °Chleuh Fateha °Taxieur °Chorfa Fatoua Taximan Chouafa Fatra °Tayaba Chouafates Fête du fitr °Tayabats °Chouari Fête du mouloud Toubiba Chouia Fête du mouton °Trabendiste °Chrifia Fête du sacrifice Zaouia Citadinisation Fikh °Zelligeur Civilisationnel Fitna Couffin Fitr Couscoussier Fokahas Couscoussière Fondamentaliste °Dakka Frère °Darijophone Ftour °Darte Grande fête Dédensification Habous Défellahisation Hadith Démonopolisation Hadj1 Démonopoliser Hadj2 Derbouka Hajja Déréglementation Hajjat °Diffa Hakim °Djbalas Halal °Djemaâ Hanafit Dot Hanbalisme °Doura Hanbaliste Échiphile Hanbalite Emmener Haram Employabilité Hégire Enfants-pierres Hijra Facancier Houri Faire H'ram Faire aïn mica Ichaâ Fakir Idda °Fantasia Iftar Fellah Ijtihad Festoyard Imam Fils du bled Imamat

100

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Flane Inchallah Flana Islamité °Gambri Jabriste °Gas'a Jahilia Gattastrophe Jihad Gazelle Joumâda Ghaïta Joumâda premier °Gharnati Kafala Ghassoul Kafer Ghazzia Kafra Ghettorisation Kafrats Ghoul Kharidjisme °Gnaoua Kharidjite °Gnaoui Khilafa Grand taxi Khotba Guédra Khoulafas Guerba Kofar Habitationnel Kofr Haddra Lafqih Half Laïlat al qadr °Halqa Livre °Hamadchas Maghreb Hamla Mahdi °Hanbal Malékite °Haratine Mariage de jouissance °Hassania Mehdisme Hchouma Mehrab H'dia Mektoub Heading Minbar Hénné Mohajirines °Hitiste Moharram H'jab Mojahidines °Idrisside Mokadem °Imazighen Mokadima °Imgharens Mokadimines Ingérant Moudden Injustification Moufti Insectuel Msalla Inter-maghrébin Nafaqa Intifadaïste Nasrani Intramaghrébin Nasrania °Jamaâ Nazaréen

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Jariya Néosalafiste Jawari Nuit du destin °Jbala Nuit sacrée Kanoun1 Omra Kanoun2 Ouléma Kassida Ouma Kassidat Qibla Kaswa Rabi Keeper Rabi' premier °Khettara Rajab Khol Ramadan °Kif Ramadanesque Kiffé Ramadanien Kifféen Ramadanique Kif-kif Sadaka Koholé Safar Lalla Salaf Légender Salafi Leila Salafia Lyalli Salafisme Maajoun Salafiste Madih Salamalecs Maghrébine Salafite Mahboul Salat el-istikhara Mahboulite Shour Mahr Sira Maïda Sobh Majdoub Sofa et maroua Majlis Soufi Malcompréhension Souna °Malhoun Souniste °Malouf Sourate Marabout Sunniste Maraboutique Sunnite Maraboutismes Taraouih Marocanité Tariqa Matériel Wakf Mawal Zakat Maure Zakat el fitr Médicamental Zaouia Médicinalement °Mejmar

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Melk °Mendil °Mérinide Merouad Mesquine Metaâlem °Mica Modawana Moul choukara Moussem Munitieux Musulma (pas très) Naï Navettard Navetter Navettiste °Nefar Nomade °Noria Noukta Nouktates Nzaha Occuper Oualou Oud Ouissam °Ousla Oustani Parabolé Parabolisé °Patera Patronien Permanisation Permanisé Petit taxi Pétromonarchique Pilluler Polémiqueur Potabilisation Promotionner °Quarqobi °Rabab

103

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

°Raï Razzia Razzier Recasement Recaser Registré Rentrer Retrouver (se) Rezzou Roumi Roumia Ruralisation °Sadari Sadates Sahraoui Sama Saping Scorer Sécher (il) Séguia Sidi Sidna Siyed Smaq Souak Supporteur Surchômage Tabor °Tachelhite °Taktouka Taleb Tapis de prière °Tarifite °Tarija °Taxi-colis °Tifinagh °Tolba °Touiza Trentenaire Véhiculé Vélomotoriste °Wali2

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Watani Watania Way out Yalatif °Youyou °Youyouter °Zajal °Zellige °Zerda Ziara Zina °Zoufri °Z'radi

Tableau 2B

Systèmes politique Nourriture Administration Vêtements et militaire Activiste °Amlou °Aâdoule °Babouche °Agent d'autorité °Baghrir °Adel Bal °Aide-m'kadem °Bagri °Affecter °Burnous °amir al Mouminine °Baklaoua °Agence °Caftan urbaine °Arabisme °Bessara °Baladia °Cheche Arabiste °Boulfafa °Caïd °Chéchia Awaks °Briouates °Caïdal °Derraâ °Bloc démocratique °Briwa °Caïdat °Dfina °Chef de quartier Café cassé °Cédétiste °Djellaba °Chefferie °Chehiouates Clientisme °Faragia °Cheikh des °Corne de gazelle °Dahir °Fez mokaddems °Civiliste °Couscous madfoune °Dar el °Foukia makhzen Clanisme °Dafina Déprotection °Fouta Développementisme °Ghanmi Désembaucher °Gandoura °Ech-choura (majlis-) °Ghriba °Gouveneur °Haïk °Égaré °Halawi °Grand vizir °Hidjab Fédayin °Halwa °Hisba Jalabia °Goum Halwa charquia °Majlis °Kachabia °Goumier °Harcha °Majlis el °Kamis baladi °Guich °Harira °Mokataâ °Kitane °Guichard °Hergma °Mouhafada °Litham °Harka Kabab °Nidara °Mansouria

105

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Hizb °Kabab maghdour °Nouab °Niqab °Homosap °Kafta °Oumana °Rezza °Istiqlalien °Kesra °Pacha °Seroual °Ittihadi °Kharkom Préfecture °Slham °Ittihadia °Khli Province °Taguia °Koutla °Krachel °Supercaïd °Tamelhaft °Maghrébaniser Lben °Tertib °Tarbouche °Makhzen °Mahia °Vizir °Tchamir °Makhzénien °Malloui °Vizirat °Turban du caïd °Marche rifaine Méchoui °Viziriel °Marche verte °Mhancha °Wali1 °Marocanisation °Michermel °Wilaya °Marocaniser °Mkharka °Wilayate °Médiacratie ° °Mokadem °Moujahid °Poulet beldi °Moujahidine °Ras el hanout °Moujahidoun °Rghaïf °Polisarien, enne °Sanida Raïs2 °Seffa °Réislamisation °Sellou °Saadien Smen Scrutatif °Taddefi °Sultan °Tagine °Sultanat °Tangia °Sultanien °Tfaya °Ugétémiste °Trid °Usfpéiste °Zafran °Votatif °Wifak Zaïm Zoama

Tableau 2C

Enseignement et Économie La flore La faune éducation Alphabète °Argentier °Alfa °Sloughi Alphabétisme Bazar °Argan, argane Analphabétisation °Délittouristique Arganeraie °Arabisation Dinar °Argania °Arabiser °Dirham Doum

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

École coranique °Douro Harmel °Falaqua Entreprenariat °Sedra °Louha Entrepreneurial °Louhat Fels Madrassa Flous °Mcid Gerch °M'hadria Réal °M'sid Rtal Planche coranique °Safar-chèque Planchette Soukia Séminariste °Trabendo °Sortir (de ses études)

2 Continuité ou discontinuité

Dans cette section nous tenterons en premier lieu d’appréhender la réalité que révèlent ces particularismes dans les deux pays, en second lieu de mettre en valeur leurs originalités propres, et enfin, en troisième lieu, de voir s’ils entretiennent ou non une continuité.

2.1 Analyse comparée : d’un point de vue onomasiologique

Cette première analyse d’un point de vue onomasiologique consiste en la comparaison des algérianismes et des marocanismes selon les différents domaines conceptuels les plus productifs, comme présentés dans les tableaux par ordre décroissant. Elle a pour but de découvrir s’il existe une similarité et/ou une disparité entre les réalités que couvrent ces néologismes. Le choix de ces domaines au nombre de 12 a été inspiré des résultats obtenus par les concepteurs des deux inventaires. Sont donc retenus les domaines suivants : « culture », « religion et croyances », « système politique et militaire », « espace et lieux », « nourriture », « métiers et professions », « administration », « vêtements », « enseignement et éducation », « économie », « la faune » et « la flore ».

Il faut toutefois noter que la répartition des lexies sur ces champs sémantiques n’est pas toujours facile à faire, vu la polysémie de certaines d’entre elles qui les rend susceptibles d'être classées dans plusieurs domaines.

107

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Ce classement permet la mise en exergue des éléments suivant :

Graphique 1: représentation onomasiologique des algérianismes

Enseignement et Vêtements 3,00% éducation 2,06% Économie La flore 0,69% Administration 2,00% La faune 0,44% Métiers et 3,81% professions 4,37% Culture 49,59% Nourriture 4,81%

Espace et lieux 6,00%

Systèmes politique et militaire 9,74% Religions et croyances 13,43%

Graphique 1 : représentation onomasiologique des algérianismes

Graphique 2: représentation onomasiologique des marocanismes

Enseignement et Administration éducation 2,05% 4,23% Économie 1,93% Vêtements 3,74% La flore 0,85% Nourriture 6,04% La faune 0,12% Culture 35,14%

Systèmes politique et militaire 6,52%

Espace et lieux 7,25% Métiers et professions 9,30% Religions et croyances 22,83% Graphique 2 : représentation onomasiologique des marocanismes 108

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

109

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Les deux graphiques (1et2) ainsi que le tableau 3 présentent d’une manière détaillée les proportions de chaque domaine conceptuel et la nature des particularismes employés.

2.1.1 Culture

C’est le domaine le plus productif dans les deux inventaires, avec un pourcentage de 49,53% d’algérianismes et 34,91% de marocanismes. Comme indiquer dans le tableau 3, la majeur partie des items regroupés sous ce thème sont des emprunts à l’arabe ou des dérivés de l’arabe, vient ensuite en deuxièmes position les particularismes de forme française, le reste est une infime partie constituée de berbérismes, hispanismes et d’anglicismes. Ils renvoient généralement à l’art : ala, malouf, nouba, châabi ; à l’appartenance ethnique : berbérophone, targui, blédard, bédouin, beldi, chorfa ; aux outils et objets de la vie quotidienne : guerba, canoun, coufin, couscoussier, gas’a, ghassoul, guedra ; au comportement : aâfssa, hogra, rahma, etc.

2.1.2 Religions et croyances

Ce thème regroupe les lexies en relation avec les pratiques religieuses, prières, calendriers, fêtes, confréries religieuses, etc. Concernant l’inventaire Algérie, 215 algérianismes sont relevés dans ce domaine dont 96,74% sont des emprunts à l’arabe ou des dérivés de l’arabe, le reste ce sont des mots français. Pour l’inventaire Maroc, 189 items sont classés sous ce thème dont 95,77% d’emprunts à l’arabe ou des dérivés de l’arabe et 4,23% de termes français, comme le montre le tableau 3. Ces lexies évoquent des realia partagées par l’ensemble de la communauté islamique comme aid al adha, aïd al fitr, aïd al maoulid, aïd assaghir, ach-chourouk, achoura, adane, addhor, choual, Choura, chourouq, chouyoukh, chraâ, Coran, khilafa, khotba, khoulafas, kofar, kofr, laïlat al qadr etc.

2.1.3 Systèmes politique et militaire

Ce domaine vient en troisième position dans l’inventaire Algérie, avec 156 lexies réparties en pourcentage comme suit : 67,95% d’arabismes et 32,05% de mots français. En ce qui concerne l’inventaire Maroc, ce domaine occupe la 5e position avec 54 lexies dont 64,81% d’arabismes et 35,19% de termes français. Ce décalage dans les positions se traduit par les événements politiques qui ont marqué la décennie (1990/2000) en

110

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Algérie. En effet, l'évolution politique dans ce pays (le multipartisme et ses corollaires) était source de bon nombre de néologismes comme algérianité, boutéflikien, chadlisme, chouracratie, chourakratiya, chouroucrate,dawla islamia, djazaara, Djazaariste, égaré, élément, émir, émira, émirat, éradicateur, éradication, érendiste, exterminateur, faux- barrage, fissisme, fissiste, garde communale, GLD, hab-hab, Hamassiste, hamrouchien, octobriste, pagsisme, pagsiste, parti dissous, réconciliateur, rndiste, etc.

2.1.4 Espace et lieux

Concernant ce domaine, il vient en quatrième position dans les deux inventaires. Il comprend 96 particularismes soit 6% de l’ensemble des algérianismes inventoriés, et 60 marocanismes soit 7,25% des lexies recensées comme l’indiquent les graphiques 7 et8. De même que les domaines précédents, celui-ci se compose également d’une grande partie d’arabismes et d’une petite partie de mots français. Ces termes sont relatifs au relief, à l’habitat, à l’espace urbain et rural, tels : hai, haouch, chott, djebel, djenan, douéra, médina, mellah, zriba, barrage vert, bordj, café maure, casbah, chameaudrome, etc.

2.1.5 Nourriture

Regroupant les lexies qui désignent de manière générale l’art culinaire dans les deux pays, qui renvoient donc à la cuisine, la pâtisserie, les boissons, etc. dans l’inventaire Algérie, ce domaine occupe la cinquième position avec 77 lexies, qui représentent 4,81% de l’ensemble des algérianismes. Concernant l’inventaire Maroc, ce domaine vient en sixième position par rapport aux autres domaines, comportant 50 lexies qui représentent un taux de 6,04%. Dans les deux inventaires, le pourcentage le plus élevé des lexies classées sous ce thème est constitué d’arabismes, suivi d’une minorité de mots français et de quelques rares berbérismes et hispanismes. Relèvent de ce domaine des termes comme aïch, baghrir, baklaoua, berkoukes, bourak, bouzelouf, cachir, café goudron, cahoua, chakhchoukha, chekchouka, cherbette, cherchem, chorba, chorba-frik, choua, chtetha khobza, ktayef, lagmi, lben, loubia, Louz, makroud, martouba, mèch-mèch, méchoui, merguez , mesfouf, amlou, baghrir, bagri, baklaoua, bessara, boulfafa, briouates, etc.

2.1.6 Métiers et professions

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Comme l’illustrent les deux graphiques 1 et 2, avec un taux de pourcentage de 4,37% dans l’inventaire Algérie et de 9,30% dans l’inventaire Maroc, ce domaine produit en effet plus de marocanismes que d’algérianismes. Ce décalage est dû, semble- t-il, au développement de l’artisanat au Maroc qui a engendré tant de noms d’agents classifiants. Relèvent de ce domaine des termes comme gallas, gallassa, ghayyat, ghayyatin, graisseur, guerrab, guerraba, hajjam,, hannaya, achabine, achoubi, ambulant, atar, attarine, babouchier, billétteur, laveur, laveuse, maâlem, maâlma, maâlmines, maître-zlaïji, marieurse, mohtassib, mouhtassibine, nadir, nagafat, naggafa, babouchier, barbier-circonciseur, blaghdji, blaghdjia, tabib, tabiba, tahar, taxieur, tayab, tayaba, etc.

2.1.7 Administration

Relèvent de ce domaine les mots ayant trait à la vie administrative. 61 lexies recensées sous ce thème dans l’inventaire Algérie, dont 52,46% desquelles sont des arabismes et 47,54% sont de formations française. Les marocanismes qui renvoient à ce thème sont au nombre de 35 dont 74,29% d’emprunt à l’arabe et 25,71% de mots français comme gouveneur, grand vizir, hisba, majlis, majlis el baladi, mokataâ, mouhafada, nidara, nouab, oumana, supercaïd, tertib, vizir, vizirat, viziriel, wali1, wilaya, wilayate, AGI, AIV, APC, APN , APW, ATE, attributaire, ATU, bachadel, bachagha, baladia, baladia islamia, diwan, domaine autogéré, entreprise nationale, entreprise socialiste, gestion socialiste des entreprises, gestionnel, gouverneur, gouvernorat, etc.

2.1.8 Vêtements

Ce domaine regroupe lexies évoquant les habits du terroir, ce qui explique la dominance des emprunts à l’arabe. 48 algérianismes sont classés sous ce thème soit un taux de 3%, contre 31marocanismes qui forment un pourcentage de 3,74% : aabaya, aâbruq, aguenour, amama, araguia, babouche, badiat, badroun, balgha, bédias, bourabah, burnous, cachabiya, caftan, camise, chebika, chèche, chéchia, chéchia, stamboul, derraâ, dfina, djellaba, faragia, fez, foukia, fouta, gandoura, haïk, hidjab, jalabia, kachabia, kamis, kitane, litham, mansouria, niqab, rezza, seroual, slham, taguia, tamelhaft, tarbouche, tchamir, turban du caïd, etc.

2.1.9 Enseignement et éducation

112

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

C’est le domaine de faible production avec un taux de pourcentage de 2,06% d’algérianismes et de 2,05% de marocanismes. Il emprunte moins à l’arabe, d’où la domination des lexies de formation française comme le montre le tableau 3. Relèvent de ce champ des lexies comme alphabétiseur, arabisante, arabisation , arabiser, civique, collège d'enseignement moyen, doublant, double vacation, école coranique, école fondamentale, exposant, extra-universitaire, falaqua, louha, louhat, madrassa, mcid, m'hadria, m'sid, planche coranique, planchette, séminariste, sortir (de ses études), etc.

2.1.10 Économie

Consacré aux termes évoquant le commerce, la monaie, ce domaine est lui aussi peu productif : 23 algérianismes soit un pourcentage de 2% contre 16 marocanismes formant un pourcentage de 1,93% tels argentier, bazar, délittouristique, dinar, dirham, douro, entreprenariat, entrepreneurial, fels, flous, gerch, réal, rtal, safar-chèque, soukia, trabendo, commerce de la valise, commercialité, comptoir(sous le), dinar symbolique, dinarite, import-import, infitah, rasma ihsaiya, flouss, ghrama, etc.

2.1.11 La flore

C’est un domaine très peu productif avec un taux de pourcentage ne dépassant pas le 1% dans les deux inventaires. Il regroupe des lexies comme alfa, argan, arganeraie, doum, harmel, sedra, caroube, caroubier, chêne-zen, chih, degla-beida, deglet-nour, diss, djebar, etc.

2.1.12 La faune

Ce domaine arrive en bas du classement dans les deux inventaires avec 0,44% d’algérianismes classés sous ce thème, contre 0,12% de marocanisme comme chameau, cépia, cerf de barbarie, fennec, hellouf, melva, sloughi, etc.

Le graphique 3 en « courbe avec nuage de points », permet de faire une lecture comparée des résultats obtenus, dans la mesure où il affiche des points à l'intersection de deux valeurs numérique et les combine en points de données uniques.

113

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Graphique 3 : répartition des prticularités lexicales selon les domaines conceptuels algérianismes marocanismes

60,00%

50,00%

40,00%

30,00%

20,00%

10,00%

0,00%

Graphique 3 : répartition des particularités lexicales selon les domaines conceptuels

Mis à part une disparité qui se situe au niveau des trois domaines : « culture », « religions et croyances » et « métiers et professions », d’une manière générale, les deux courbes évoluent dans le même sens dégageant ainsi l’impression que la production des particularités lexicales s’effectue de la même façon dans les deux pays.

Encore faut-il le rappeler, puisque la nomenclature des algérianismes est plus extensive avec environ 1600 algérianismes contre 828 marocanismes, cela constitue une cause plausible du décalage en faveur des algérianismes au niveau du domaine « culture ». L’écart enregistré en faveur des marocanismes dans le domaine de « religions et croyances » appelle deux remarques :

− Dans l’inventaire Maroc ce domaine donne plus de détails relatifs aux prières et au calendrier de l'hegire comme aâssar, ach-chourouk, achoura, adane, addhor, aid, aid al adha, aid al fitr, aid al maoulid, aid assaghir, alfajr, almaghrib, aouacher, assobh, bay'a, chaâbane, choual, choura, chourouq, chouyoukh, chraâ, coran, dhou'l-hijja, etc.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

− L’existence d’un bon nombre de calques tels fête du mouton, fête du sacrifice, nuit du destin, nuit sacrée, grande fête, etc.,

− l’existence d’un lexique relatif à la dynastie alaouite telle mokadem, mokadima, mokadimines, émir des croyants, amir-al-mouminine, chérif, chérifa, chérifates, etc.

En ce qui concerne le domaine de « métiers et professions », le décalage en faveur des marocanismes est dû comme nous l’avons expliqué plus haut, à une richesse artisanale au Maroc, laquelle a favorisé la prolifération de ce type de lexies.

2.2 Originalité : les statalismes

Comme nous l’avons souligné au premier chapitre, les différents inventaires de particularités lexicales réalisés dans la lignée de l’IFA, outre qu’ils sont conçus de manière différentielles par rapport à une variété de référence, sont dichotomiques aussi d’après les frontières étatiques des pays, dans l’optique de mettre en valeurs les différentes variétés géographiques (nationales) de français en usage sur le continent africain, bien que ces frontières, rappelons-le, soient arbitraires. Cet état de fait nous pousse donc à s’interroger sur le degré d’originalité du lexique qui compose ces inventaires (originalité à l’aune des frontières politiques). Pour vérifier cela, nous avons procédé au dénombrement des particularismes composant chacun des deux inventaires selon que ces derniers renvoient ou non à des realia locales autrement dit selon un classement par référent.

Ce type de recensement qui fait intervenir le référent du mot, renvoie au concept de « statalisme », que Jacques Pohl (1985, p.10) définit comme « tout fait de signification ou de comportement, observable dans un pays, quand il est arrêté ou nettement raréfié au passage d'une frontière ». Selon C. Poirier (1995, p.29), la catégorie de statalismes désigne tous les mots qui renvoient à des réalités limitées géographiquement et auxquelles il n'y a pas de correspondant dans d’autres pays. Il serait donc question de mots relatifs à la faune, à la flore, à l'environnement physique, à l'alimentation, à l'habitat, à l'administration, au système politique, à la culture, etc. l’auteur ajoute un peu plus loin que : « le classement fondé sur le référent a une utilité indéniable dans les recherches différentielles sur le lexique. Il permet en effet

115

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée de bien identifier certains aspects de l’originalité du lexique d'une variété géographique […] ».

Par ailleurs, il est important de signaler, comme le souligne C. Frey (2004, p.141), que méthodologiquement, ces particularismes ne sont pas toujours traités de la même manière, et n’ont pas le même statut dans tous les inventaires. Ils sont rejetés de la liste des statalismes ou sélectionnés selon qu’ils sont considérés comme des « régionalismes à utiliser de façon universelle », appartenant à tout le monde, dans la mesure où l’usager ne peut s’en passer pour désigner de manière précise le référent, ou comme des statalismes propres au pays où ils sont relevés, représentant un environnement spécifique et qui multiplient par conséquent la fréquence d'occurrence.

Pour notre part, eu égard au questionnement que nous avons soulevé dans notre problématique, nous avons jugé nécessaire d’effectuer un classement des statalismes qui composent les deux inventaires afin de mesurer un aspect de l’originalité propre à ces deux variétés de français, lié à leur frontière politique et à l’exclusivité d’usage de ces particularismes, et partant vérifier si cette catégorie de faits linguistiques est majoritaire ou non par rapport aux autres régionalismes.

Outre l’appellation de statalismes nous désignerons aussi ces faits linguistiques par une appellation que nous empruntons à C. Poirier (1995), ils seront donc appelés dans les pages qui suivent : algérianismes de référence et marocanismes de référence par opposition aux algérianismes et aux marocanismes inventoriés dans les deux inventaires.

Dans un premier temps nous recenserons dans les deux inventaires toutes les lexies qui renvoient à des realia locales, ensuite nous répartirons les faits linguistiques relevés sur les différents champs conceptuels déjà vus.

Toutefois, il est important de rappeler avant de se lancer dans cette entreprise de classification, que les statistiques que nous avancerons ci-dessous, ne sont pas absolues ; ils seraient parfois susceptibles d’être nuancées, en raison de la difficulté que nous rencontrions parfois à classer certains termes polysémiques.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Graphique 1 : répartition des algérianismes par catégorie 30,81%

69,19%

Graphique 4 : répartition des algérianismes par catégorie

Graphique 3 : Répartition des marocanismes par catégorie 42,51% 57,49%

Graphique 5 : Répartition des marocanismes par catégorie

La première constatation que nous pouvons faire après une consultation rapide des graphiques (4 et 5), est qu’il existe bel et bien une catégorie importante de particularismes de référence dans les deux inventaires, mais qui n’est pas majoritaire. En effet, concernant les algérianismes de référence, ils sont au nombre de 493 items, soit un pourcentage de 30,81%, d’un total de particularismes de 1600 items. Les marocanismes de référence eux, font un total de 352 items soit, un pourcentage de 42,51% de l’ensemble des 825 lexies relevées dans l’inventaire Maroc.

La deuxième constatation est que le taux élevé des marocanismes de référence par rapport à celui des algérianismes de référence, est dû à la vivacité de certains domaines notamment ceux de l’artisanat.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Graphique 3 : répartition des algérianismes de référence par champ conceptuel

Économie 1,00% La flore 0,44% La faune 0,25% Enseignement et Religions et éducation 1,00% croyances 0,06% Vêtements 1,50% Culture 10,43% Métiers et professions 2,50% Espace et lieux 2,50%

Nourriture 2,56%

Systèmes Administration politique et 3,62% militaire 5,00%

Graphique 6 : répartition des algérianismes de référence par champ conceptuel

Graphique 4 : répartition des marocanismes de référence par champ conceptuel Religions et La flore 0,48% croyances 0,97% Enseignement et éducation 0,72% La faune Culture 9,66% Économie 1,09% 0,12% Vêtements 3,50% Administration 3,62%

Métiers et Nourriture 5,19% professions 6,76%

Systèmes politique et Espace et lieux militaire 5,19% 5,19%

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Graphique 7 : répartition des marocanismes de référence par champ conceptuel

Les graphiques (6 et 7), présentent ces faits de langue par champ conceptuel, ce qui nous donnera une idée d’une part, sur les domaines les plus productifs et les moins productifs de ces statalismes et d’autre part, nous aidera à vérifier par comparaison s’il existe une analogie concernant l’évolution de ces faits linguistique dans les deux pays.

Premièrement, la lecture du graphique montre bien que le domaine de la « culture » vient en première position et fournit une grande partie des particularismes de référence dans les deux inventaires. Cet écart semble confirmer l’abondance de ce domaine, comme nous l’avons signalé plus haut (p.36). Si les usagers recourent intensément à l’utilisation de néologismes liés à ce champ conceptuel, c’est essentiellement pour exprimer fidèlement leurs idées et transmettre d’une manière claire ce que peuvent représenter les faits culturels qui marquent leur quotidien, d’où la vivacité que tire ce domaine. Une vivacité qui émane de cette capacité à pouvoir générer continuellement des faits linguistiques pour désigner les référents culturels qui font florès de manière perpétuelle, par rapport à d’autres domaines manquant de rythme et dont les lexies tombent aisément en désuétude ou disparaissent une fois les référents auxquels ils font référence deviennent surannés. Certaines des lexies qui renvoient au domaine de l’administration et à l’économie, relevées dans l’inventaire Algérie telles : G. S. E, A.I.V, CAPRA, COFEL, sont un exemple probant, du fait qu’ils ne sont plus en usage depuis que le système économique du régime socialiste est révolu.

Deuxièmement, le domaine de « religions et croyances » est celui qui génère le moins de particularismes de références dans les deux pays, hormis bien sur ceux renvoyant à certaines confréries du terroir. En effet, l’unité religieuse qui caractérise cette région où la religion dominante est bien l’Islam, avec une école de pensée (madhhab), le malikisme, a fait que les particularismes produits sous ce thème appartiennent à toute la communauté islamique et ne sont pas le propre d’un pays particulier.

Troisièmement, nous constatons que ces particularismes de références évoluent de la même façon d’une manière générale, excepté pour certains d’entre eux appartenant aux domaines de « métier et profession », « espace et lieux » et « vêtement », où l’écart en faveur des marocanismes est manifeste.

119

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Graphique 8 : répartition des statalismes selon les domaines conceptuels

algérianismes de référence marocanismes de référence

12,00%

10,00%

8,00%

6,00%

4,00%

2,00%

0,00%

Graphique 8 : répartition des statalismes selon les domaines conceptuels

À la lumière de la vue conjointe qu’offre le graphique ci-dessus, des différences liées aux taux de productivité de certains domaines, et qui varient d’un pays à l’autre, sont à signaler.

En effet, la hausse enregistrée dans le pourcentage des marocanismes classés dans les domaines de « nourriture », « espace et lieux », « métier et profession » et « vêtement », s’explique en partie par l’existence dans ce pays d’un secteur artisanal et d’un tourisme du terroir très actifs et bien ancrés foisonnant de néologismes. Les artisans marocains pratiquent près de 70 métiers différents et font preuve d’une grande créativité. Cet artisanat qui représente un secteur névralgique de l'économie marocaine, tant en termes d'emploi que de PIB, ne cesse de se renouveler et de se développer pour assurer les besoins quotidiens de la population et répondre aux attentes des touristes.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

2.3 Les particularités lexicales communes

Après avoir relevé dans les tableaux précédents la série des statalismes, afin d’examiner un aspect de l’originalité lié à la frontière qui sépare les deux pays, nous allons essayer à présent de vérifier s’il existe une correspondance entre ces deux variétés en dépit de cette frontière ; et ce, en cherchant parmi les items composant les deux nomenclatures, les particularités lexicales communes usitées dans les deux pays. Cela nous permettrait, partant de la définition selon laquelle « le référentiel est l’ensemble de représentations dont une société dispose à un moment donné et dans une langue donnée. » (J. Rey-Debove, 1998, p.268), de déterminer si ces lexies identiquement attestées dans les deux inventaires renvoient au même univers référentiel et culturel dans les deux pays.

Dans le tableau ci-dessous, nous avons énumérée 319 lexies attestées conjointement dans les deux inventaires. Elles sont réparties selon les domaines conceptuels déjà utilisés dans le même but, celui de voir lequel d’entre eux qui produit le plus de particularismes.

Tableau 4A

Culture Religions et Espace Métiers et professions croyances et lieux Activer Achoura Bain Babouchier Aïssaoua Adan Bain maure Cadi Ala Alem Bain-douche Chaouch Amazigh Aman Bled Dalalates Amazighité Amana Bordj Kabla Amazighophone Ansar Café maure Kahouadji Arabité Aquida Casbah Khammas Auscultation Baptême Derb Laveuse Backchich Baraka Djebel Maaleme Barbu Califa Douar Neguafete Baroud Châabane Foundouk Raïs1 Baroudeur Chahada Gourbi Tabib Bédouine Chahid Hammam Tayaba Bendir Charia Hay Toubiba Béni-oui-oui Chérif Kouba Trabendiste Berbérité Chérifien (enne) Ksour Berbérophone Chiisme Médina Bessif Chiite Mellah

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Bidonvillisation Choual Oued Bidonvillois Choura Ribat Bled Da'wa Souk Bledard(e) Dhor Zaouia Boudjadi Djinn Canoune Djoumada Châabi Fadjer Cheb Fatiha Cheikh Fête du mouton Cheikhate Fête du sacrifice Chibani Fetwa Chikaya Fikh Chikha Fitna Chira Fitra Chleuh Frère Chorfa Ftour Chouari Hadj1 Chouia Hadj2 Chrgui Haram Civilisationnel Houri (elle) Corne Ichaâ Couscoussier Idda Derbouka Imam Diffa Imamat Dlala Incha'llah Dot Islamité Échiphile Jahilia Émir Jihad Emmener Kafala Faire Kafer Fantasia Khotba Fellah Kofr Flène Leïlet el kadr Ghaïta Livre Ghassoul Madjlis Ghoul Maghreb Gnaoui Mahdi Gnawa Malékite Guembri Mihrab Guerba Minbar Hadra Moharram

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Half Mokaddem Halka Muezzin Hamla Mufti Hanbal Nuit du destin H'chouma Omra Henné Oulémas Hittiste Ouma Kanoun1 Qibla Kanoun2 Rabia el-awwal Kasba Rabia ethani Keeper Radjab Khôl Ramadanesque Kif Ramadanien Kif-kif Ramadhan Lalla Sadaka Maboul Safar Madih Salafisme Maghrébine Salafiste Maida Salamalec Malouf Shour Marabout Sira Maraboutique Sobh Maraboutisme Sourate Maure Taraouih Mawwal Tariqa Mechouar Uléma Mejmar Uma Mektoub Wakf Melhoun Zakat Melk Zakat el-fitr Mendil Zaouia Mérinide Moussem Neffar Nomade Noukta Oualou Ouissam Parabolé Permanisation Quassida Raï

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Razzia Razzier Rebab Recasement Recaser Roumi Sahraoui Séguia Sidi Sidna Souak Taleb Tifinagh Tolba Touiza Wali2 Watani Yalatif You-you Youyouter Zelidj Zerda Ziara

Tableau 4B

Vêtements Systèmes politique et Nourriture Administration militaire Babouche Activiste Baghrir Adel Caftan Agent Baklaoua Baladia Chèche Arabisme Corne de gazelle Caïdal (e) Chéchia Arabiste Couscous Caïdat Djellaba Égaré Ghribya Gouverneur Fez Goum Harira Nidhara Fouta Goumier Kefta Pacha Haïk Harka Kesra Vizir Hidjab Hizb Khlii Wali1 Kachabia Makhzen Lben Wilaya Kamis Moujahid Méchoui Litham Moujahidine Smen Nikab Raïs2 Tadjine Seroual Zaïm

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Terbouche

Tableau 4C

Enseignement Économie La flore La faune et éducation Arabisation Dinar Alfa Sloughi Arabiser Dirham Doum École coranique Douro Louha Flouss Médersa Trabendo Msid Sortir

La lecture du graphique 9, permet d’emblée de constater que, ces deux variétés puisent parfois aux mêmes sources lexicales émanant de différents domaines. Elles partagent en effet, 318 lexies, ce qui représente un pourcentage de 38,41% de la nomenclature des marocanismes et 19,88% de celle des algérianismes.

Graphique 9 : contribution des lexies communes à chaque variété

algérianismes lexies communes marocanismes 19,88%

318

38,41%

Graphique 9 : contribution des lexies communes à chaque variété

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Par ailleurs, comme indiqué dans le tableau ci-dessous, si certaines de ces lexies, ont une forme identique, elles n’en gardent pas moins une originalité propres du fait qu’elles sont soit, patrimoniales comme : Ala et Makhzen au Maroc ; soit elles ont une autre valeur sémantique qui vient se greffer sur leur sens dénotatif, telles : Sahraoui, Djebel, et Égaré, en Algérie, lesquelles outre les realia qu’elles désignent, connotent aussi des valeurs propres à un pays et non à l’autre.

Lexies communes à Inventaire Maroc contenu sémantique Inventaire Algérie différent

(n. et adj.) Personne qui a perdu le Personne qui s'est lancée dans la sens des réalités politiques. Plus égaré (n. ou adj.) violence terroriste spécifiquement, sahraoui, e indépendantiste.

ala (n. m.) Instrument de musique traditionnel.

(n.) Type de musique traditionnelle d'origine andalouse ; (adj.) qui est ala (n. f. ou adj.) propre à ce type de musique.

(Terme vieilli) Anciennement, gouvernement du sultan et Dépôt. représentant de ce gouvernement.

makhzen (n. m.) Vieilli Pouvoir central, administration, gouvernement. Actuellement État, Pouvoir, Autorités politiques, Administration centrale marocaine.

habitant du Sahara, et plus Personne qui est originaire du sahraoui, e (n.) spécialement l’ex-Sahara espagnol. Sahara ; habitant du Sahara.

Qui est propre au Sahara, et plus spécialement aux habitants de l’ex- Sahara espagnol. Qui est propre au Sahara, qui relève sahraoui, e (adj.) du Sahara. Spécialisé. Musique accompagnée de chants et de danses folkloriques, originaire du Sahara.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Mont, montagne.

djebel (n. m.) Montagne, mont, zone ou terrain Lieu de résistance, maquis (au montagneux. cours de la guerre d'indépendance ou de la rébellion islamistes).

Tableau 5 : Lexies communes à contenu sémantique différent

Une observation plus précise du graphique 10 suivant, montre de façon claire l’existence de ces lexies dans les différents champs conceptuels avec des proportions variées. Elles sont identifiées même dans certains parmi eux, censés être étanches tels les domaines de : « système politique et militaire », « administration » ou « espace et lieux », en raison d’un contexte culturel et géographique propre à cette région.

Ce sont donc les domaines de « culture » et de « religions et croyances » qui se taillent la part du lion avec 38,87% pour le premier et 28,21% pour le deuxième. Cet état de fait laisse à penser que les « aires culturelles » pour reprendre les propos de C. Frey, « chevauchent […] les frontières politiques et ne permettent pas de déterminer à chaque fois une endogénéité stricte […] ».

Graphique 10 : lexies communes aux deux variétés

Économie 1,57% Administration Systèmes 3,13% Enseignement politique et et éducation Flore militaire 2,19% 0,63% Faune 4,39% Nourriture 0,31% 4,08% Culture 38,87% Vêtements Métiers et 4,70% professions 4,70%

Espace et lieux Religions et 7,21% croyances 28,21%

Graphique 10 : lexies communes aux deux variétés

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

En effet, la proximité géographique qui caractérise les deux pays a fourni des faits linguistiques comme : mellah, ksour, casbah ; la diversité éthique et la présence d’idiomes locaux ont donné : derdja, darijophone, amazighité, berbérité ; l’historique colonial relatif à la présence française dans la région a légué : goum, goumier, harka ; la présence de la langue arabe comme langue officielle et liturgique (du Coran et de l’Islam) a produit : hizb, moudjahid, zaïm, fitna, aquida. Pour ne citer que ces exemples parmi tant d’autres, présents dans le tableau ci-dessus. De fait, tous ces divers facteurs font que ces deux pays entretiennent une certaine similitude, et cela a immanquablement des répercussions sur le lexique.

Par ailleurs, et d'un point de vue strictement dichotomique reposant sur le second objectif de l’approche différentielle, c’est-à-dire établir la différenciation à un deuxième niveau interafricain pour décrire les présupposées variétés nationales (v. supra chap. 1), ces lexies communes en usage effectif en Algérie et au Maroc seraient sujet à caution, et risqueraient de ce fait, de disparaitre des deux inventaires étant donné qu’ils ne sont pas exclusivement endogènes, bien qu’ils ne figurent pas dans le français de référence qui sert de corpus d’exclusion.

Conséquemment , cela ne serait qu’une perte à voir des termes qui sont attestés dans les deux inventaires et évoquant un univers culturel commun tels Khlii : « viande séchée », Omra : « Visite des lieux saints de l'islam effectuée en dehors de la période consacrée au pèlerinage ou hadj. » ou Msid : « École traditionnelle musulmane où l'on enseigne le Coran. »,perdre place dans les deux inventaires, à l’application de cette restriction et cela malgré, rappelons-le, qu’ils soient absents dans les dictionnaires usuels.

De ce qui précède, découle la constatation suivante : nous ne pouvons pas dire que ces deux variétés de français sont exclusivement délimitées par la frontière politique qui sépare les deux pays. Elles entretiennent une continuité aussi bien horizontale que verticale. En effet, le continuum vertical sous forme duquel évolue le français dans ces deux pays, entre la plus prestigieuse et la moins prestigieuse des variétés, se déploie aussi horizontalement par l’intermédiaire des usages communs, tissant des liens entre ces deux variétés comme le montre la figure 8 ci-contre.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Figure 8 : distance inter-lexicale entre algérianismes et marocanismes

Cette figure vient récapituler tous les éléments décrits auparavant. D’abord, comme nous pouvons le constater, chacune des deux variétés de français comprend une part du lexique qui lui est propre, ce sont les statalismes ou particularismes de référence qui renvoient aux realia locales ou à un référentiel culturel patrimonial. Ensuite, ces variétés s’interpénètrent aussi par l’intermédiaire des particularités lexicales communes, lesquelles désignent un référentiel culturel régional propre aux deux pays et relevant de la « réalité panarabe à dominante religieuse » ainsi que de la « réalité panmaghrébine ». Enfin, il est important de souligner aussi la discontinuité du trait qui forme les cercles, laquelle, témoigne d’une porosité des frontières intra- et interlinguistique. Intralinguistique : dans la mesure où certaines lexies considérées comme statalismes renvoient aussi à une réalité panmaghrébine, et peuvent être utilisées dans une pareille situation « de façon universelle ». Interlinguistique : par référence à une continuité existante entre ces deux variétés de français en usage dans l’espace maghrébin, et les autres variétés déployées dans l’espace francophone.

Dans les pages qui suivent, nous verrons avec plus de détails ces lexies, en essayant d’énumérer les procédés de formation auxquels elles font appel, afin d’en établir une typologie, tout en souscrivons à l’opinion de J-F. Sablayrolles affirmant qu’ « aucune grille ne s’impose d’elle-même. Qu'on se la constitue soi-même ou qu'on la reprenne à autrui, la bonne méthode voudrait qu'on la justifiât. » (1996- 1997, p.12). 129

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

2.4 Analyse comparée : d’un point de vue sémasiologique

Le rapprochement d’un point de vue onomasiologique que nous avons établi dans la section précédente nous a amené à conclure que plus de deux tiers des particularismes relevés dans les deux inventaires sont des particularités lexématiques, notamment des emprunts à l’arabe ou des dérivés de l’arabe qui représentent une proportion de 79,74% d’arabismes dans l’inventaire Maroc et 74,75% dans l’inventaire Algérie. De plus, 23,38% des algérianismes et 17, 03% des marocanismes sont des mots français. Enfin, les proportions restantes, soit, 1,81% des algérianismes et 3,50% des marocanismes sont des emprunts à d’autres langues.

Nous entreprenons dans les pages qui suivent, un rapprochement d’un point de vue sémasiologique cette fois, entre les lexiques des deux variétés, ce qui nous permettra d’approcher en profondeur les lexies qui les composent et d’appréhender leurs usages. Cela nous amènera aussi à établir une typologie des procédés mobilisés par les locuteurs dans ces deux pays pour produire ces néologismes.

Notons que les procédés retenus afin d’établir cette analyse sont ceux présentés dans la partie théorique (V. 3.1.2), avec une possibilité de recourir à d’autres afin d’élucider des faits nouveaux qui se présentent mais qui n’ont pas été signalés auparavant dans les deux inventaires.

2.4.1 Algérianismes et marocanismes : Typologie

2.4.1.1 Particularité lexématique

2.4.1.1.1 Les emprunts

L’emprunt n’est pas facultatif, et ne se produit que lorsqu’il y a une nécessité à vouloir exprimer une réalité locale ou une nuance de sens que la langue emprunteuse ne dénote pas de manière évidente. Tel que le confirme Yacine Derradji (2002, p.132) en évoquant l’exemple de « moussebel / maquisard ». Deux unités qui ne peuvent être considérés selon l’auteur, comme équivalentes, car le première comprend les deux sèmes : « sacrifice » et « don de soi ». Donc c’est pour cette raison que l’emprunt aux langues locales, à l’arabe surtout, occupe une place importante dans la nomenclature des deux inventaires.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

 L’emprunt à l’arabe classique

Concernant en premier lieu dans les deux inventaires le domaine « religions et croyances » suivi de celui de « systèmes politique et militaire », où apparaissent des lexies comme : moudjahid, mouhafadh, amine, etc.

 L’emprunt à l’arabe dialectal

Cette langue alimente le français d’emprunts qui reflètent la vie profane : culture, art, gastronomies, habits, etc. de surcroît ces emprunt reflètent aussi la réalité panmaghrébine avec des mots comme chouia, chira, malouf, chouari, tayaba, casbah, etc.

 L’emprunt au berbère

Les emprunts au berbère sont minimes par rapport à l’extension des deux nomenclatures. Ils forment 2,42% des marocanismes et 1,25% des algérianismes et renvoient à la réalité berbère de la région en fournissant des mots tels : amghar, ighermas, amlou, assif, aguellid, akoufi, emzed, tamazight, etc.

 L’emprunt au turc Il s’agit d’un certain nombre de particularismes d’origine substratique ou adstratique, attestés dans les deux inventaires. Cette langue certes n’est pas d’usage aujourd’hui, dans ces deux pays, mais a laissé des traces par adstrat dans le lexique marocain et par substrat dans celui de l’Algérie, suite à une langue présence ottomane dans la région.

Parmi les turquismes relevés figurent : babouche, bakchich, baklaoua, balek, balgha, etc.

 L’emprunt à l’espagnol

Les emprunts à cette langue sont assez rares dans le français des deux pays. Au Maroc, ils sont prévisibles dans les régions qui étaient sous le protectorat espagnol c'est-à-dire le nord et l’extrême sud. En ce qui concerne l’Algérie c’est à l’ouest du pays que sont relevés les rares hispanismes. Ces emprunts représentent une infime partie avec un taux de pourcentage de 0,72% des marocanismes et 0,38% des algérianismes. Il s’agit de mots comme : tabor, douro, trabendo, coutché, fantasia, mouna, melva, kalentika, pastilla, etc.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

 L’emprunt à l’anglais

Ils sont rares les emprunts à cette langue, constituant seulement 0,36% des marocanismes et 0,19% des algérianismes. Les rares anglicismes recensés dans les deux inventaires sont particulièrement usités dans le langage des médias. (presse écrite, télévision ou radio) comme Half « mi-temps », wee-kend « fin de semaine », keeper « gardien de but », taxi-driver « chauffeur de taxi », heading « coup de tête (au football) », etc.

2.4.1.1.2 La néologie de forme

Ce sont les lexies néologiques formées en intervenant sur le signifiant par l’application des règles d’affixation à des bases arabes ou française.

 La dérivation

La suffixation

La dérivation par suffixation est la plus fréquente dans les deux inventaires et forme près 18,50% des algérianismes et 18,72 des marocanismes. Les principaux suffixes usités sont : -iste (hitiste), -isme (trabendisme), -ation (dégourbisation), -ien (chérifien), -isme (chérifisme), -al (caïdal), -el (civilisationnel), -at (beylicat), -ier (babouchier), -esque (ramadanesque), - phone (amazighophone), -eur (pubeur), etc.

La préfixation

La dérivation par préfixation est d’un faible taux. Elle concerne des préfixes comme : dé- (dégourbisation), télé- (téléboutique), inter- (interdaïra), post- (postgraduation), auto- (autoconstruit), re- (recasement), etc.

Les parasynthétiques

La dérivation parasynthétique concerne des lexies telles : dédensification, dégourbisation, démonopolisation, défellahisation, réislamisation, déreglementation, injustification, etc.

La dérivation régressive

Dans les deux inventaires, ce type de dérivation ne donne que alphabète et alphabétiseur.

 La composition

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

C’est un procédé assez fréquent dans les deux inventaires et consiste en la juxtaposition soit, de deux lexies autonomes appartenant à la même langue ou de deux langues différentes. Il produit des lexies comme :

Arabe + arabe

Allah ghale, aïcha radjel, aïd el fitr, aïd el kébi, al hamdou allah, etc.

Arabe + français

Neggafa en chef, aide-m'kadem, bien habous, agent du dark el watani, etc.

Français + français

Café goudron, agence pharmaceutique, nuit du destin, import-import, radio trottoir, taxi-colis, agence urbaine, etc.

Arabe + anglais

Raïman, raïwomen, relevés dans l’inventaire Algérie, désignent chanteur et chanteuse de raï.

Français + anglais

Taximan : relevé dans l’inventaire Maroc, désigne chauffeur de taxi.

2.4.1.2 Particularité sémantique

C’est la création d’un sens nouveau à partir d’un même signifiant. Ainsi, plusieurs lexies faisant partie du français de référence sont utilisées par le locuteur algérien ou marocain avec un nouveau sens.

 Par changement de sens

Consiste en le remplacement total des sèmes constitutifs du signifié visé : le verbe recaser prend le sens de « reloger les habitants des bidonvilles ou des quartiers très pauvres », baptiser « circonscrire », clandestin « (quartier, habitation) Qui est construit sans autorisation », rasage « démolition, destruction », conférencier «un participant à une conférence ».

 Par extension de sens

Consiste en la soustraction de sème à une lexie ce qui lui fait augmenter son nombre d’acceptions et le nombre de collocation : le verbe emmener relevée dans les deux inventaires signifie aussi « apporter quelque chose »

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Le verbe faire comme algérianisme entre dans un plus grand nombre de contextes : « faire un accident », « faire le ballon ».

Le verbe rentrer comme marocanisme signifie aussi « entrer ».

 Par restriction de sens

Consiste en l’addition de sème à une lexie ce qui lui fait diminuer son nombre d’acceptions : barbu désigne « un frère musulman intégriste », ambulant réfère au « marchand ambulant », andalou désigne « un genre de musique algérienne d’origine andalouse ».

 Par métaphorisation

Consiste à donner à un mot qui existe déjà dans la langue, un autre sens en fonction d’une comparaison implicite tel le mot égaré relevé dans les deux inventaires, qui indique comme algérianisme « Personne qui s'est lancée dans la violence terroriste. » et comme marocanisme « Personne qui a perdu le sens des réalités politiques. Plus spécifiquement, sahraoui (e), indépendantiste. »

2.4.1.3 Particularité grammaticale

 Par changement de catégorie

Néologisme par conversion. Nom → adjectif : Bidonville « qui est relatif, propre au bidonville, du bidonville. ».

Adjectif → nom, ordurier « éboueur, employé chargé d'enlever les ordures ménagères des voies publiques. », bâchée « véhicule de transport à moteur dont la partie arrière peut se recouvrir d'une bâche amovible. », transhumant « personne qui accompagne les troupeaux, lors de la transhumance ».

 Par changement de construction

Néologisme concernant la construction syntaxique de certains verbes, entre autres leur transitivité ou intransitivité et une valence spécifique résultant d’une interférence lexicale : le cas du verbe débrouiller qui s’emploi avec un objet direct pour signifier « trouver ou se procurer quelque chose » et non « distinguer ou élucider quelque chose » comme c’est le cas en français de référence : « Peux-tu me débrouiller un congélateur ? ». De même qu’il se

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

construit de façon pronominale avec un objet direct inanimé en signifiant réussir à trouver quelque chose par la débrouillardise : « Il faut s'arracher les cheveux pour se débrouiller un véhicule. »

Le verbe sécher employé à la forme impersonnelle : il sèche pour désigner une situation de sècheresse.

Le verbe sortir employer au sens de finir ou de terminer, dans des constructions comme « Il va y avoir des gens qui vont sortir de leurs études en juin »

 Par changement de genre

Féminisation de certains noms : agente « femme de service ».

 Par extension d’usage

Il s’agit de l’emploi de la préposition (à) à la place d’une autre, par interférence lexicale avec l’arabe dialectal. Elle introduit les compléments de lieu qui désignent rues, places, quartiers, salles de spectacle, etc., là où le français de référence emploi la préposition dans.

Elle remplace aussi en, pendant, durant et construit généralement les syntagmes : à chaque + nom de saison : à chaque été

 Par siglaison

Concernant plus d’algérianismes que de marocanismes : Ugétémiste du sigle U.G.T.M + suff -iste « Union Générale des Travailleurs Marocains »

Usfpéiste du sigle U.S.F.P + suff –iste.

A.G.I : sigle d’Autorisation Globale d’ Importation ;

A.I.V : sigle d’Autorisation d’ Importation de Véhicules ;

A.T.E : sigle d’Assemblée des Travailleurs de l’Entreprise, etc.

2.4.1.4 Particularité de statut

Les particularités qui tiennent à des différences d’usage : connotation, registre de langue, état de langue, etc.

 Connotation

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Il s’agit de lexies employées avec une valeur sémantique seconde et différente, qui se greffe sur le sens dénotatif usuel. Elle recouvre plusieurs domaines liés au contexte, entre autres, à l’affection, aux représentations culturelles et idéologique, etc.

Blédard, harki, goumier, barbe, cravaté, vizir, poilu, etc., marqués d’une connotation dépréciative.

Activisme, fellaga, gent, marqués d’une connotation neutre.

Registre de langue

Concernant le registre d’emploi de certaines lexies : bled, besef, chouia, toubib, etc., marquées comme familières dans les dictionnaires usuels, mais qui relèvent du registre usuel dans les deux pays.

 État de langue

Le cas du substantif accoutrement, lequel est d’usage courant en français d’Algérie, mais considéré comme vieilli en français de référence.

Pour mettre de l’ordre dans les procédés relevés ci-dessus, il serait utile de les classer dans une grille. Les procédés qui marquent l’écart entre les deux typologies sont mis en valeur (encadrés en rouge), à savoir les particularités grammaticales « par changement de genre » et « par extension d’usage » que nous n’avons pas relevées dans l’inventaire Maroc. Ainsi que le néologisme par composition « français + anglais », qui ne figure pas dans l’inventaire Algérie. Hormis ces deux éléments, il semble que les locuteurs dans les deux pays, non seulement ils usent des mêmes procédés de création néologique, mais aussi ils en usent avec le même taux, car c’est l’emprunt à l’arabe qui vient en première position dans les deux inventaires. Les deux figures ci-après récapitulent les principaux procédés usités pour la création des algérianismes et des marocanismes :

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

classique à l'arabe dialectal le turc au berbère Emprunt à l'espagnol

à l'anglais

Particularité suffixation lexématique par dérivation préfixation

parasynthèse

Néologie de arabe forme

par transfert de français sens par extension de par composition arabe+français Particularité sens sémantique par restriction de arabe+anglais sens par français+anglais métaphorisation

par changement de catégorie Typologie des marocanismes grammaticale Particularité grammaticale par changement de construction

par siglaison

connotation

Particularité de statut registre d'emploi

état de langue

Figure 9 : typologie des marocanismes

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

classique à l'arabe dialectal le turc au berbère emprunt à l'espagnole

à l'anglais

particularité suffixation léxématique par dérivation préfixation

parasynthèse néologie de forme arabe par transfert de sens français par extension de par composition particularité sens arabe+français

sémantique par restriction de sens arabe+anglais par métaphorisation par changement de catégorie grammaticale

typologie des algérianismes par changement de construction particularité grammaticale par changement de genre par extension d'usage

par siglaison

connotation

particulatité de registre d'emploi statut

état de langue

Figure 10 : typologie des algérianismes

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Cette comparaison d’un point de vue sémasiologique nous a permis de constater que la typologie des procédés appliqués pour la création des particularismes est la même dans les deux inventaires, sauf pour certains d’entre eux comme signalé plus haut.

Il est de constatation courante, en effet, que ce sont les particularités lexématiques (emprunts et néologismes de formes), qui constituent la majeure partie, avec un taux de pourcentage de 82,97% dans l’inventaire Maroc et de 76,56% dans l’inventaire Algérie. Une grande partie de ces particularités lexématiques, et c'est la deuxième constatation à faire, est constituée d’emprunts à l’arabe dialectal et classique. Sur ce point, il faut souligner que les données convergent dans les deux inventaires, de surcroît si nous ajoutons à cela les convergences mêmes, des usages dont font l’objet certains particularismes. En effet, nous avons remarqué que les locuteurs algériens et marocains font usage de certains verbes de la même façon. Quelques exemples de ces derniers que nous avons relevés dans les deux inventaires et dont nous avons vérifié l’actualité de l’usage, témoignent, comme il a été évoqué sous la plume de C. Frey (V. supra, p.78), d’une « logique sémantique [analogue] liée aux incidences culturelles », et infirment par ailleurs, l’idée d’un usage conjoncturel.

Le tableau ci-après présente le fonctionnement similaire dans les deux variétés, de certains de ces verbes :

Verbes Usage dans la variété algérienne Usage dans la variété marocaine

Les jeunes aussi arrivent à se À l'âge de 12 ans, il s'introduisait par débrouiller des bombes effraction au port de Tanger pour se lacrymogènes au marché noir. débrouiller des cartouches de Se débrouiller (InfoSoir, le 23 octobre 2007) cigarettes blondes en provenance + d'Espagne qu'il revendait ensuite au COD détail dans les rues de la ville. (Aujourd’hui Le Maroc, le 1er avril 2004)

Recaser : L'APC a décidé de recaser ce jeudi Le rythme d'éradication des figure dans un environnement quatre autres familles habitant un bidonvilles a, de ce fait, augmenté linguistique et bidonville situé sous le pont de dans la mesure où quelque 30 mille renvoie à un environnement l'autoroute d'Oued Dhous. (Le Soir familles sont recasées chaque année. situationnel d’Algérie, 18 Avril 2007) (L’Opinion, 22 juin 2010) analogue.

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L'opposition, emmenée par le Front La violence n’a pas reflué ces du salut national dirigé par dernières semaines, alors que l’Irak Emmener : Mener Mohamed El Baradeï, compte s’apprête à marquer dans la plus avec autorité, en défiler, également sur la Place grande discrétion le dixième exerçant un commandement, Tahrir. (la Tribune, le 11 décembre anniversaire de son invasion par une une influence. 2012) coalition emmenée par les États- Unis. (Le Matin, le 19 Mars 2013)

La liste rouge des entreprises Cette évolution mitigée de ce secteur défaillantes, notamment celles qui a naturellement touché de façon

Activer : activent dans le secteur du bâtiment, négative les sociétés cotées en employé contient un chiffre alarmant. (La bourse activant dans les BTP et le intransitivement Tribune, le 07 mai 2013) ciment, qui représentent 12% de la capitalisation boursière. (Le Matin, le 23 Janvier 2013)

Sortir : Les jeunes Algériens ont pris Au sortir des études secondaires, la

conscience que sortir des études majorité des jeunes découvrent la figure dans un environnement après avoir été un apprenant actif ne dure réalité de l'orientation. linguistique et signifie pas nécessairement aller renvoie à un (L'Économiste le 20 juin 2002) environnement postuler pour un poste de travail. situationnel (Horizon, le 26 juin 2012) analogue.

Moi je n'ai pas peur de faire une bloqué le siège de la commune Faire année blanche, si cela me permet de rurale, “qui ne sert à rien” selon eux, + complément de gagner ma dignité. (Le Temps les élèves et étudiants de la ville durée d’Algérie, le 08 mai 2011) menacent de faire année blanche.

(Tel quel, le 24 Novembre 2011)

Après ça, j’ai eu mon bac et je suis Il fait architecte à Casablanca. Faire entré à l’école normale de (1991, Débat : emploi des Jeunes, + nom de métier Bouzaréah pour faire professeur de 2M International) sans musique. (Le Soir d’Algérie, le 26 déterminant Mars 2005)

Il a fait l’école des cadres de la Il a fait l’école des Beaux-Arts de Faire + jeunesse et des sports de Constantine Casablanca, il a intégré ensuite des études à (1998-2000), enseigne la musique à l’École Nationale Supérieure des

140

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

la maison de jeunes de la cité Filali. Arts Industriels et des métiers d’art (Le Soir d’Algérie,le 08 janvier ainsi que l’Académie Populaire des 2008) Arts de Paris. (L’opinion, le 7 octobre 2012)

Le Directeur de la culture de En fait, il avait fait un accident, en l’époque a fait un accident de août dernier, dans la région de voiture alors qu’il était en état Moulay Driss Zarhoun, près de Fès. Faire d’ébriété. (Le Soir d’Algérie, le 21 Jusqu’à aujourd’hui, il a du mal à + Mars 2011) marcher plus d’une demi-heure sans Un accident sentir des douleurs au niveau de ses deux pieds. (Aujourd’hui Le Maroc, le 18 03 2005)

Tableau 6 :

Après avoir passé en revue les différents procédés de création néologique, nous concluons que des convergences dans les usages confortant les liens entre ces deux variétés, ressortent des divergences que ces procédés font apparaitre par rapport à un français de référence. Des usages qui obéissent non seulement à des motifs extralinguistiques imposés par le contexte et le besoin expressif, mais aussi à des motifs linguistiques, propres à la langue. C. Frey explique ces motifs internes « par une logique sylleptique (accord avec le sens) favorisée par la simplicité, la régularité et le continuum sémantique des lexies [employées]. » Ainsi des verbes comme se débrouiller, recaser, sortir, faire, activer, emmener, etc., sont employés par les usagers des deux variétés avec une logique qui leur est propre. Ils font certes l’objet d’un usage divergent par rapport à une norme, mais également sont révélateurs d’une symétrie d’emploi et d’une manière de pensée réelle influencée par des conditions d’énonciation et d’un milieu langagier spécifique à chacun des deux pays, voire à la région du Maghreb.

Il ne s’agit là que d’un exemple parmi tant d’autres à découvrir, il suffit seulement d’orienter le point de focalisation de la description linguistique, d’une conception trop exclusivement dichotomique de l'approche différentielle, s’intéressant à chercher les divergences par rapport à un français de référence, vers d’autres points « équipossibles » en faisant appel à d’autres approches et en mobilisant d’autres concepts pour voir s’il existe aussi de liens outre les hiatus déjà mentionnés.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

3 À propos de certains critères de sélection des particularités lexicales

Nous arrivons au deuxième volet de notre étude consacré à certains critères de sélection fondant l’approche différentielle qui a servi à décrire le français en Algérie et au Maroc, où nous allons essayer d’expliquer comment certains de ces paramètres entravent la description lexicographique au lieu de la servir et passent sous silence bon nombre d’informations essentielles. Nous nous inspirons pour cela de travaux antérieurs d’autres linguistes et lexicographes qui se sont déjà penchés sur ce sujet, mais dans des contextes différents, nous pensons à cet égard à Didier de Robillard et Claude Frey, pour ne citer que ces spécialistes, qui ont chacun participé à la description du français en Afrique et à l’élaboration d’inventaires de particularités lexicales.

3.1 Critère de dispersion géographique

Le premier critère que nous voudrons réexaminer est celui de la « dispersion géographique ». Ce critère de l’approche différentielle, rétrécit le champ de sélection des particularités et ne laisse apparaitre dans les inventaires que des lexies disponibles dans toutes les contrées du pays et employées par des locuteurs d’origine géographique différente, malgré l’existence d’autres lexies qui connaissent une forte occurrence régionale. Ces faits linguistiques délaissés, peuvent appartenir à différents domaines et usitées çà et là, à chaque fois que des conditions d’énonciation qui leurs sont favorables se présentent.

Occurrences Lexies Presse algérienne Presse marocaine Inv.Algérie Inv. Maroc Argan 660 1570 - +

Arganier 357 5230 - + Trida ou trid 276 370 - + Sbaâ laâroussa 11 800 - - -

Tchipa 2915 - - -

Tableau 7 : occurrences des lexies non relevées

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Nous avons relevé dans le tableau ci-dessus, cinq lexies qui n’ont pas été présentés dans l’inventaire Algérie, mais qui sont toujours en usage. Les deux premières concernent un arbre endémique (l’arganier), très connu dans l’Ouest du pays, notamment dans la région de Béchar et de Tindouf. La troisième lexie (trida), désigne une crêpe large, fine et huilée, très connue aussi, Dans l’Est algérien. La quatrième lexie (sbaâ laâroussa), fait référence à un gâteau bien connu en Algérie, et plus précisément dans l’Algérois. La dernière lexie (Tchipa), désigne quant à elle « pot-de-vin », mot très usité aussi dans l’Algérois, notamment dans le milieu des affaires.

Ce sont là des exemples de lexies appartenant à différentes régions de l’Algérie, chassées des inventaires par le critère de « large dispersion géographique », de l’approche différentielle, bien qu’elles soient d’usage très courant, comme en témoignent les occurrences relevées dans la presse. Dans une perspective sociolinguistique et socioculturelle plus large, qui viserait à décrire la variété de langue dans sa globalité, ces faits de langue pourraient bien être relevés et intégrés les inventaires. Puis que, comme le souligne Benzakour, « la variété décrite devrait être celle de toute la population francophone […] et ne pas refléter seulement l’usage de ceux qui résident dans les grands centres urbains. » (2008, p.195)

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

3.2 Axe diachronique ou l’origine des mots

Dans la première partie de notre recherche nous avons signalé que certaines lexies mentionnées dans les inventaires comme des emprunts à l’arabe dialectal, sont en fait des particularités « substratiques et adstratiques », qui ont pu voyager dans le temps en passant d’une langue à l’autre, en s’installant à chaque fois dans des langues emprunteuses selon les modalités d’intégration que ces dernières exigent.

D’après, Josiane F Hamers : « Le terme substrat désigne toute langue A parlée à l’origine dans un territoire déterminé, à laquelle une autre langue B s’est substituée ; la langue antérieure influence la nouvelle langue de sorte que de nouvelles règles et structures se créent. Ces modifications s’étendent sur plusieurs générations. » (1997, p.281)

Il est clair que décrire l’historique ou l’origine des mots, constitue une entreprise difficile à entreprendre, par rapport à ce que cela coute en terme de temps et de documentation à analyser. Il s'agit là d’un travail complexe et difficile à cerner, qui fait appel à plusieurs disciplines, mais non moins important parce qu’il permet à celui qui consulte l’inventaire des particularités lexicales d’avoir une idée sur l’évolution de la langue à travers le temps. Or, encore une fois, il est important de rappeler que la langue n’est pas une forme préexistante et homogène, c’est une « construction sociale »

Ainsi, dans le même ordre d’idées la linguistique qui « propose de séparer synchronie et histoire, se propose de, écrit de Robillard, s’enlever toute possibilité de montrer comment les langues sont des processus, construits socialement, institutionnellement, politiquement. » (2008, p.322)

Par ailleurs, dans sa caractérisation de la grille de classement des diatopismes, Claude Poirier (1995), avait mentionné l’importance de l’axe historique. Pour lui cet axe qu’il dénomme aussi axe vertical par opposition à l’axe synchronique, a pour but de retracer l’historique de tel ou tel emploi et de voir s’il s’agit d’archaïsme, d’emprunt, d’innovation, etc. La question qui devrait être posée par le lexicographe, dans ce cas, d’après le même auteur, est la suivante : d’où provient cet emploi, quelle en est sa source ?

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

3.2.1 Le substrat turc

Cette langue a laissé ses traces dans l’arabe dialectal algérien, en raison d’une vieille présence turque qui a duré plus de deux siècles (1587-1830), d’où le nombre proportionnellement élevé des turquismes par rapport aux anglicismes et aux hispanismes dans le français algérien. Notons que certains turquismes relevés dans l’inventaire Algérie dont l’origine n’est pas suffisamment précisée sont mentionnés comme étant des emprunts à l’arabe, tels dholma « plat traditionnel à base de viande hachée », bourek « sorte de chausson à pâte feuilletée de forme triangulaire ou allongée », soukardji « ivrogne, soûlard », blaghdji « fabricant de babouche », chaouch « huissier » de la période ottomane.

3.2.2 Mots dont l’origine turque n’est pas mentionnée

babouche (pantoufle), bakchich (Pot-de-vin), baklaoua (gâteau), balek (Peut-être) (attention), balgha (babouche), bourek (chausson farci), caftan (Robe traditionnelle longue), chaouch (huissier), cherbet (boisson), chorba (soupe), dholma (Boulettes de viande), ghayta (musette), kafta (Viande hachée), ma'adnous (Persil), rechta (plat à base de pâtes), samsa (gâteaux consistant), sniwa (Plateau), soukarji (ivrogne), spahi (cavalier), tarbouche (calotte), zerda (Repas, Festin), zlabia (Gâteau frit à l'huile), zombretto (boisson alcoolisée), zorna (hautbois), zornadji (joueur de zorna), khodja (secrétaire du caïd), garagouz (œil noir)

Ainsi, il est de constatation courante, que le nombre de ces turquismes est plus élevé que celui d’autres emprunts (hispanismes et anglicismes). De plus, la mise en valeur de l’origine de ces mots nous livre une part de notre histoire. (V. annexe 4)

Il est donc important que l’élément « origine » des articles que comportent les inventaires, soit davantage éclairant afin de guider les usagers de ces construits lexicographiques autant diachroniquement que synchroniquement.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

3.3 Motivation et appartenance politique du chercheur

Il est un autre point d’ordre idéologique, dont il faut tenir compte également, pour comprendre la création de certains faits linguistique, c’est celui de l’engagement politique du chercheur et sa motivation qui pourraient préexister à son travail de description et influencer de ce fait, ses choix, lors du dépouillement et du traitement lexicographique des particularismes.

L’absence de certaines lexies à fortes connotations idéologiques (camp de Tindouf, polisario, printemps berbère, tafsut imazighen, mur de la honte, mur de protection, etc.) dans l’un ou les deux inventaires, nous parait injustifiée, étant donné leurs nombres d’occurrences élevées et leurs fortes résonances dans les discours politiques de leurs pays respectifs. Le différend politique qui a longtemps opposé, et oppose encore, ces deux pays au sujet du Sahara occidental, ainsi que la situation de la langue amazigh et son corollaire l’identité nationale, à l’époque où les deux inventaires étaient en chantier y sont, nous semble-t-il, pour quelque chose.

Sur ce, pour vérifier le bien-fondé de cette affirmation et illustrer nos dires, nous avons eu recours aux archives en ligne de la presse francophone, une vingtaine de publications28 (dix dans chaque pays), tout en prenant conscience que l'ampleur donnée à la diffusion des lexies par les médias, peut augmenter leur fréquence d’usage compte tenu du nombre de lecteurs, sans pour autant être considérée comme un « gage de longévité, ni d'insertion immédiate dans les dictionnaires » (Sablayrolles, 2002). Or, ce qui n’est pas notre objectif ici, car il s’agit de lexies qui ont vu le jour depuis plusieurs années déjà.

Cette requête a été faite le 14/06/2013, à l’aide du moteur de recherche Google, dans la mesure où c’est un outil qui donne accès à un large éventail de périodiques, permettant de collecter un nombre considérable de données, à condition que les investigations soient déterminées par des critères de recherche précis et des filtres, relatifs entre autres à la date, aux sites Web ciblés, à l’exactitude de l’expression, etc.

28 Périodiques algériens : El Watan, El Moudjahid, Horizons, Infosoir, Le Soir d’Algérie, Liberté, Le Quotidien d'Oran, Le Courrier d'Algérie, Le Temps, La Tribune. Périodiques marocains : Le Matin, Aujourd'hui Le Maroc, L'Économiste, L'Opinion, Libération, Al Bayane, Maroc Hebdo International, La Gazette du Maroc, La Nouvelle Tribun, Tel quel.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

De plus ce moteur de recherche nous est avéré utile, du fait qu’il nous permet d’interroger les bases d’archives de certains quotidiens à fort lectorat, mais dont les sites Web ne comportent pas de fonction de recherche, tel le quotidien Le Soir d’Algérie.

Les lexies recherchées sont des néologismes qui évoquent différentes réalités propres au deux pays : ethnique et identitaire (Printemps berbère, Printemps amazigh, Tafsut imazighen A.M.R.E.C, M.C.B), politique (Polisario, Camps de Tindouf, Camps des réfugiés sahraouis, Mur de défense) et sécuritaire (Faux barrage). Notons que l’une de ces lexies (Printemps berbère), apparait comme vedette lemmatisée dans l’inventaire Algérie, et une autre (Camps de Tindouf), dans l’inventaire Maroc, mais dans des citations données comme exemple à une autre vedette (Sahraoui). Les autres n’ont pas été citées. Les résultats obtenus sont rapportés dans le tableau ci-dessous :

Nombre d’occurrences Lexies Presse Presse Inv. Inv. Dom.dz Dom.ma algérienne marocaine Algérie Maroc Printemps berbère 1330 111 687 1660 + - Printemps amazigh 323 21 1740 8360 - - Tafsut imazighen 92 1 9 261 - - A.M.R.E.C - 79 - 2410 - - M.C.B 216 8 2300 3200 - - Polisario 3770 4630 3330 116000 - - Camps de Tindouf 6 3590 1610 12000 - - Camps des sahraouis 34 2700 1970 6810 - - Mur de défense 4 5240 7 741 - - Faux barrage 1220 104 312 197 - -

Tableau 8 : occurrence des lexies dans la presse des deux pays

À la lumière de ce tableau, nous constatons que ces lexies au nombre de 14, se rencontrent fréquemment dans les discours des locuteurs algériens ou marocains, dans des proportions certes variées, mais non négligeables. En effet la première lexie (Printemps berbère), qui figure seulement dans l’inventaire Algérie, aurait pu trouver place dans l’inventaire Maroc, et avoir comme synonymes les deux autres lexies (Printemps amazigh et Tafsut imazighen) en raison de leurs fortes occurrences et le référentiel culturel auquel elles renvoient. Il en va de même pour les deux autres

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée néologismes créés par siglaison (A.M.R.E.C 2489 occurrences) et M.C.B 5724 occurrences), qui renvoient tous les deux à la cause amazighe. Quatre autres lexies relevant du domaine politique : (Polisario 127330 occurrences), (Camps de Tindouf 17206 occurrences), (Camps des sahraouis 11514 occurrences) et (Mur de défense 5992 occurrences), peuvent aussi figurer, nous semble-t-il, dans les deux inventaires eu égard à la vivacité et à la forte résonance dont elles font objet dans le discours politique des deux pays. La dernière lexie (Faux barrage), qui est née pendant les troubles socio- politiques des années 1990, est toujours en usage, d’après les résultats de la recherche effectuée. Elle connait aujourd’hui une extension de sens et, n’est pas seulement usitée pour désigner « la barbarie aveugle de l’intégrisme islamiste », car son univers référentiel s’est étendu aux actes de banditismes livrés çà et là, par des malfaiteurs et des racketteurs.

Il est clair que ces lexies font bel et bien partie des discours politico-identitaires et sécuritaire, dans les deux pays, et ce, avant même l’entame des projets qui ont abouti aux inventaires de particularités lexicales. Seulement comment expliquer alors leur absence de ces inventaires, en dépit de cette vitalité et cette pérennité tangible ? Pour répondre à cette question, il nous faut d’abord rappeler qu’à la différence des dictionnaires qui eux, sont conditionnés par des choix éditoriaux antérieurs, les inventaires dont l’objectif et tout simplement descriptif et non normatif, pourraient aisément contenir plus d’informations puisque, comme le note M. Francard « la marge de liberté du lexicographe est en principe supérieure. » (2008, p.30).

Cette absence pourrait s’expliquée par deux facteurs : soit par un défaut de soin de la part des lexicographes, qui n’ont pas prêté beaucoup d’attention à ces faits linguistiques ; soit par un défaut d’engagement de leur part aussi, résultant des « choix théoriques et méthodologiques qui président au travail lexicographique, [et qui] sont profondément influencés par la personnalité du chercheur. » (Ibid. p. 32)

En somme, il est important que ces néologismes prennent place dans les nouvelles descriptions lexicographiques, sous un angle sociolinguistique plus large, car ils évoquent une réalité politique et historique ancrée dans le quotidien des locuteurs en Algérie comme au Maroc. « Le descripteur doit, écrit Frey, tenir compte de l'hétérogénéité d'une communauté sociolinguistique dans laquelle chaque locuteur adapte son comportement verbal aux diverses situations de communication. » (2006,

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée p.73) Ainsi, il est tenu à passer au-dessus de son engagement politique et sa motivation afin de décrire de manière neutre ces variétés de langues.

3.4 Les renvois onomasiologiques

Le quatrième et dernier point sur lequel il est important d'attirer l'attention aussi, est celui des renvois analogiques dont l’importance est non négligeable, puisqu’elle a été approuvée lors de l’élaboration de bon nombre de dictionnaires, notamment par les dictionnaires Robert. Selon F. Gaudin et L. Guespin, « les relations lexicales sont souvent utilisées pour cerner le sens d’un vocable : utiliser sylve, c’est faire autre chose qu’écrire bois ou forêt, mais pour interpréter le vocable, il est nécessaire de savoir que les trois unités permettent de renvoyer à des classes de référents comparables. » (2000, p.123). En effet, il ne s’agit pas là de relation de synonymie ou d’antonymie, mais de réseaux lexico-sémantiques qui dépassent la notion de « commutabilité », renvoyant à d’autres mots méconnus ou non, qui peuvent même appartenir à d’autres classes grammaticales. Ainsi, ajoutent les mêmes auteurs un peu plus loin, « la relation qui unit l’entrée et le mot en renvoi est une relation simplement associative. »

Nous avons fait remarquer plus haut (V. introd.), que les inventaires de particularités lexicales conçus selon la méthodologie IFA, n’autorisaient pas des renvois onomasiologiques dépassant la nomenclature relevée. Or, les seuls renvois qu’ils admettent consistent le plus souvent en des relations de synonymie ou d’antonymie que la vedette lemmatisée tient avec d’autres lexies. Cette remarque qui concerne les inventaires version papier, s’applique aussi aux bases de données lexicographiques des deux pays (BDLP), lesquelles bien qu’elles soient tout à fait adapter pour ce genre de relations, grâce au support informatique qui les gère, elles ne mettent en valeur que d’une manière sporadique ces réseaux lexico-sémantiques. Ainsi, cela contrarie en quelque sorte la recherche dans ces construits lexicographique, car le consultant verra se limiter le champ des possibilités de découvrir d’autres mots en relation avec le mot recherché, mais qui lui sont méconnus.

Deux rubriques affichées dans les articles de la BDLP sont destinées à mettre en valeur ces relations lexico-sémantiques entres les lexies. Premièrement, la rubrique Francophonie qui fournit par l’intermédiaire de ses sous rubriques : Commentaire(s) « intrazone » et Français de référence, des informations sur la vedette recherchée, et mentionne si elle est en usage dans d’autres zones de l’espace francophone, ou s’il

149

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée existe dans le français de référence une lexie qui lui équivaut sémantiquement. Deuxièmement, il s’agit de la rubrique Renvois, laquelle indique actuellement des relations onomasiologiques à la limite de la nomenclature, mais qui pourrait élargir le champ de ces renvois hors inventaire ou hors BDLP. Néanmoins, plusieurs lexies qui entretiennent des relations de ce genre demeurent « muettes », à défaut d’une advertance de la part des concepteurs. Pour étayer nos dires, nous avons relevé dans les deux inventaires, une série de mots qui autorisent des liens par analogie appartenant au domaine conceptuel de la « pâtisserie » :

Zalabia : (n. f.) Gâteau à base de semoule, trempé dans le miel, surtout consommé pendant le Ramadhan.

Sfendj : (n. m.) Beignet en forme de couronne

Chébakia : (n. f.) Gâteau frit à l'huile et trempé dans du miel.

Makroud : (n. m.) Petit gâteau traditionnel en forme de losange, à base de semoule et de pâte de dattes et enrobé de miel.

Mkharka : (n. f.) Gâteau à base de farine et de grains de sésame pilés, frit et trempé dans le miel.

Griouech : (n. m.) Gâteau à base de farine et de beurre, frit et bien enrobé de miel. Notons que cette lexie ne figure pas dans les deux inventaires, mais connait une résonance et une forte occurrence en Algérie. Sur Internet ce mot donne environ 8 160 résultats.

Samsa : (n. f.) Gâteau traditionnel en forme de petit triangle aux amandes et au miel, préparé surtout pour l'Aïd el Fitr.

Brioutes : (n. f. pl.) Petits gâteaux de forme triangulaire ou allongée faits à partir de feuilletés (sorte de crêpes blanches, très fines et très légères) farcis à la pâte d'amandes, frits et trempés dans le miel.

Des traits descriptif communs à ses lexies, se dégagent de ces définitions et permettent de tisser des liens entre les référents auxquels elles renvoient, comme le montrent ci-après les figures 10 et 11. Ces traits sont :

• Triangulaire ; • Enrobé de miel ; • Frit ;

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

• À base de farine ; • Aux amandes.

Samsa

Gâteau triangulaire aux amandes et au miel.

Briouates

Figure 10

Zalabia Mkharka

Sfendj

Pâtisseries qu'on plonge Gâteau à base de dans le miel après friture. farine, frit et trompé dans le miel.

Griouech Makroud

Chébakia

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Figure 11

Ainsi, deux réseaux ont pu être constitués : le premier, regroupe deux lexies, et le deuxième, plus large, en est constitué de six. Mais les deux réseaux peuvent se relier par le trait descriptif « enrobé de miel ». Deux de ces traits descriptifs nous les avons relevés aussi, dans une caractérisation que W. Marçais avait faite des termes : Tfa et Mtafi, (V. fig. 12), qui désignent une manière de préparation de certains gâteaux pratiquée au Maghreb, à savoir, les traits de frit et enrobé de miel.

Figure 12 : définition du terme matfi donnée par W. Marçai29

Par ailleurs, la consultation des deux bases, BDLP-Maroc et BDLP-Algérie, ne permet d’accéder à ce réseau. Dans la définition de chébakia, comme l’illustre la figure 12, la rubrique Renvois cantonne le réseau lexico-sémantique de ce mot à l’intérieur de la base en ne renvoyant qu’à des lexies faisant partie de la nomenclature.

29 Cette définition a été tirée de la page 372 dans : W. Marçais (1872) « Textes arabes de Tanger », disponible sur Internet à l’adresse : < http://archive.org/details/textesarabesdeta00maruoft>

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Figure 13 : définition du terme chébakia dans BDLP-Maroc

De même pour la rubrique Francophonie qui est censée faire découvrir les liens existant entre les lexies à une échelle « interzonale », ne fait que mentionner la distance entre ce mot par rapport à la variété de référence (V. fig. 15)

Figure 14 : renvoi du terme chébakia dans BDLP-Maroc

Quant à l’article du mot zalabia, dans la BDLP-Algérie (V. fig.14), il n’affiche ni la rubrique de Rrenvois ni celle de Francophonie. Or, comment dans ce cas, cerner la valeur d’une unité lexicale ? L’absence de ces renvois onomasiologiques, dans les inventaires et dans les bases lexicographiques, rétrécie le champ de la recherche chez la personne qui ne connait pas tous les mots, de plus, cela coutera cher en terme de temps au consultant s’intéressant via une recherche par analogie, à recenser toutes les lexies en relation.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Figure 15 : définition du terme zalabia dans BDLP-Algérie

Il est donc évident, que le mieux serait d’accroître le nombre de ces renvois onomasiologiques, car à défaut de leur disponibilité, rappelons-le encore une fois, le consultant ne trouvera pas un mot qui lui est méconnu et ne pourrait pas de ce fait, enrichir son vocabulaire.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

4 Convergences et divergences

4.1 Divergences

• Un nombre important de lexies, dans les deux inventaires, présentent plusieurs variantes phonétiques, source d’une pléthore orthographique, qui traduit un flottement de la prononciation de ces emprunts lexicaux.

• Certaines lexies sont des particularismes patrimoniaux.

4.2 Convergences

• L’utilisation des mêmes procédés de création néologique.

• Les statalismes ne constituent pas la majeure partie.

• Un nombre important de lexies de même forme sont communes aux deux variétés

• Ressemblance des champs conceptuels les plus productifs de ces néologismes

• L’arabe dialectal se déploie en continuum dans ces deux pays. un facteur d’intercompréhension puisqu’il est sources de beaucoup d’emprunts partagés.

• Bon nombre de lexies forment des réseaux lexico-sémantique qui enjambent la frontière politique séparant les deux pays.

• D’autres similitudes sont susceptibles d’être découvertes, si la description dépasse le cadre formel de la langue et devient plus sociolinguistique.

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Deuxième partie Chap.4Analyse comparée

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons analysé les particularités lexicales que nous avons pu relever dans les deux inventaires. Nous avons d’abord procédé à une comparaison basée sur un classement onomasiologique, qui nous a permis de déterminer le mode d’évolution des particularités lexicales et les domaines conceptuels les plus productifs. Nous avons découvert qu’en Algérie comme au Maroc, c’est les domaines de « culture » et de « religions et croyances » qui produisent plus de lexies.

Nous avons également noté, grâce à un rapprochement des lexies fondé sur le référent, qu’il existe un nombre important de statalismes ou particularismes de référence qui dénotent des réalités propres à chacun des pays. Cette mise en relation fondée sur le référent, nous a permis de constater que ces statalismes qui ne débordent pas la frontière ne constituent pas la majeure partie des nomenclatures. Et pour preuve, le nombre important des lexies communes aux deux pays, que nous avons pu recensées. Ces lexies communes témoignent d’un référentiel commun et d’une réalité panmaghrébine débordant les frontières politiques arbitraires.

Par la suite, nous avons tenté d’approfondir l’analyse, en examinant les procédés de création de ces néologismes, par l’intermédiaire d’une analyse sémasiologique. Les résultats de cette analyse attestent que les usagers du français, dans les deux pays, recourent aux mêmes procédés de création néologiques pour dénoter des realia du terroir, ou exprimer des nuances de sens par rapport au français de référence. Les grilles que nous avons élaborées à la lumière des résultats obtenus, affichent une grande similitude de ces typologies.

Enfin, nous avons tenté, dans le deuxième volet de cette étude, de revisiter certains critères qui fondent l’approche différentielle de conception linguistique. Quatre critères ont été abordé : « dispersion géographique », « l’origine », « l’engagement et l’appartenance idéologique du lexicographe » et « les renvois onomasiologiques ». Ces paramètres se sont avérés restrictifs pour la description lexicographique, du fait qu’ils rétrécissent le champ d’investigation et privent bon nombre de lexies de fortes occurrence et pérennes d’apparaître. De surcroît, le paramètre des renvois onomasiologiques, limité dans les inventaires à la seule relation de synonymie, ne permet pas de découvrir des lexies méconnues. Par ailleurs, l’élargissement de ces réseaux onomasiologiques à d’autres classes de référent appartenant ou non à d’autres

156

Deuxième partie Chap.4Analyse comparée grammaticales, a permis d’établir un réseau lexico-sémantique entre certaines lexies qui appartiennent aux deux variétés.

Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il existe plus de convergences entre ces deux variétés de français que de divergences ; il suffit seulement d’opter pour une approche souple et moins restrictive, une approche naturelle qui saurait prendre en compte la « symbiose langue-culture ».

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CONCLUSION GÉNÉRALE Deuxième partie Conclusion générale

S’appuyant sur un corpus constitué de l’ensemble des lexies relevées, dans les deux inventaires des particularités lexicales, Le français en Algérie et le français au Maroc, l’objectif de cette recherche comparative, était d’évaluer la distance inter- lexicale, entre ces deux variétés de français, en usage au Maghreb. Elle consistait, d’une part, à démontrer l’implication des facteurs géographiques, sociolinguistiques, historiques, culturels, etc., sur les relations qu’entretiennent ces deux variétés. Et d’autre part, à illustrer certaines insuffisances descriptives de l’approche différentielle et linguistique, appliquée pour l’élaboration de ces inventaires.

Avant de procéder à l’analyse des particularités lexicales, il nous a semblé opportun de présenter quelques données descriptives, sur les profils sociolinguistiques de l’Algérie et du Maroc. Nous avons pu constater que ces variétés évoluent dans des contextes plurilingues et multiethniques qui se rapprochent, et où le contact des langues est inévitable. En effet, dans ce paysage composite, de multiples éléments (arabe classique, berbère, arabe dialectal, langue étrangères, dont les statuts sont disparates), font que les usagers de la langue française, dans ces pays, puisent souvent dans différentes ressources linguistiques pour traduire un univers culturel qui leur est propre.

Dans la première étape de l’étude du corpus, nous avons entrepris une analyse comparée et quantitative des particularités lexicales. D’abord d’un point de vue onomasiologique, ce qui nous a permis de déterminer les domaines conceptuels les plus productifs de ces faits de langues, malgré la difficulté que nous avons éprouvé à classer certaines lexies polysémiques. Cette comparaison a révélé que ce sont les domaines conceptuels : « culture » et « religions et croyances » qui alimentent le plus, le français usité dans ces deux pays, de néologismes, et dépassent de loin les autres domaines. Aussi nous avons remarqué que la plus grande partie de ces néologismes est constituée principalement d’emprunts à l’arabe ou des dérivés de l’arabe. Une remarque qui confirme les observations que nous avions pu faire lors de la présentation des situations sociolinguistiques des deux pays.

Ensuite, via une comparaison de ces lexies, basée sur le référent cette fois, nous avons pu constater l’existence d’un nombre non négligeable de particularités lexicales de référence, appelées aussi statalismes. Il s’agit de certains mots usités à la limite des frontières politiques, que les lexicographes qualifient de patrimoniaux, de par qu’ils

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Deuxième partie Conclusion générale

reflètent des réalités politiques, culturels, administratives, etc., limités géographiquement.

Il ressort de cette comparaison que dans les deux pays, c’est le domaine de « culture » qui fournit la grande partie de ces particularismes de référence. Par ailleurs, le domaine qui produit le moins de statalismes est bien celui de « religions et croyances », du fait que les néologismes appartenant à ce domaine désignent une réalité plus large, à savoir la réalité arabo-musulmane. De façon générale cette mise en relation basée sur le référent, a permis de constater, que ces statalismes ne constituent pas la majeure partie des lexies recensées, dans les deux inventaires, et partant, leurs proportions ne sont pas suffisantes pour dire que ces deux variétés de français sont limitées géographiquement.

Au terme de cette analyse quantitative, nous avons tenté de vérifier s’il existe des particularités lexicales communes aux deux variétés. Le but était d’évaluer le niveau d’interpénétration de ces variétés de français, et voir jusqu’où sont-elles ouvertes l’une par rapport à l’autre. Les résultats de ce dénombrement, nous ont permis de constater que ces deux variétés présentent une perméabilité lexicale partagée, dans la mesure où ces lexies communes au nombre de 318, constituent un pourcentage de 19,88% des algérianismes et 38,41% des marocanismes. Cette perméabilité est due principalement, à un métissage et à une similitude des facteurs, caractérisant le paysage sociolinguistique des deux pays, que nous avons soulignés plus haut et dont les retombées sur le lexique sont infaillibles.

Tous les résultats de cette analyse quantitative, nous ont amené à constater que ces deux variétés entretiennent des relations inter-lexicales et ne sont pas strictement endogène, à l’aune des frontières étatiques. Un état de fait qui nous a amené à approfondir la recherche par la suite, et entreprendre des analyses d’ordre séméiologiques afin d’examiner comment se forment ces néologismes.

Parmi les résultats auxquels nous sommes parvenu, les particularités lexématiques, dont la majorité est constituée d’emprunts à l’arabe, constituent le plus grand nombre dans les deux inventaires, avec un taux de pourcentage d’environ 82,97% dans l’inventaire Maroc et de 76,56% dans l’inventaire Algérie.

160

Deuxième partie Conclusion générale

Les procédés de création lexicale, que nous avons pu recensés, figurent pour la plupart dans les deux inventaires, ce fait explique que les usagers de ces deux variétés de français recourent généralement, aux mêmes procédés de création néologique.

De plus, Les typologies que laissent apparaitre ces procédés dans les deux inventaires, sont tout au moins classiques (néologie lexématique, sémantique, grammaticale, néologie de statut), mais ne reflètent pas pertinemment la réelle diversité des particularités lexicales. Or, nous avons pu identifier que l’origine substratique ou adstratique, d’un nombre important de ces dernières, n’a pas été signalée.

Outre ces faits relevés, nous avons aussi constaté, à l’aide de cette analyse, que les locuteurs algériens et marocains font usage de certains verbes de la même façon, du fait que nous avons relevé certaines constructions similaires des verbes, dues en majorité à une interférence lexicale avec la langue arabe, tel le verbe se débrouiller, employé transitivement avec un complément d’objet direct.

Au terme de cette première étape de l’analyse consacrée à une étude comparée des particularités lexicales, nous avons souligné des indices témoignant de certaines insuffisances de l’approche différentielle et linguistique, appliquée lors de l’élaboration de ces inventaires, entre autres, l’origine non signalée de certaines lexies et l’absence de ces inventaires d’autres lexies, dont l’occurrence, dans les discours politique, est très forte.

Afin d’obtenir des résultats plus fidèles, nous avons donc procédé, dans la deuxième étape de cette analyse, à l’examen de quelques critères qui nous ont semblés très restrictifs. Le premier paramètre que nous avons voulu revoir, était celui de « la dispersion géographique des particularités lexicales », car nous avions estimé injustifiée, l’absence de ces inventaires, de quelques lexies « régionales », très usitées, lesquelles, a fortiori, demeurent encore aujourd’hui, en usage.

Les informations que nous avons pu relever, dans le tableau 7, ont pu justifier la grande diffusion de certaines d’entre elles. Les quatre termes relevés, qui constituent des exemples parmi tant d’autres (Argan, Arganie, Trida, trid, Sbaâ laâroussa, Tchipa), sont particulièrement en usage dans des contrées du territoire national, mais cela n’ôte en rien à leur vitalité.

Le deuxième paramètre que nous avons essayé d’examiner, fait partie des éléments donnés dans l’article ou la microstructure. Il est supposé informer l’utilisateur 161

Deuxième partie Conclusion générale

de l’inventaire sur l’« origine » du mot recherché. Nous nous sommes rendu compte que les indications données par cet élément ne retracent pas de manière fidèle l’historique des mots. En effet, beaucoup de ces derniers qui sont mentionnés comme emprunts à l’arabe s’avèrent des emprunts à d’autres langues anciennement usitées, et qui marquent l’histoire du pays. À titre d’exemple, babouche (pantoufle), bakchich (Pot-de-vin), baklaoua (gateau), balek (Peut-être) (attention), balgha (babouche), bourek (chausson farci), qui ne sont autre que des turquismes.

Le troisième paramètre revu, concerne la motivation et l’appartenance politique du chercheur lexicographe, autrement dit son engagement politique, qui préexiste, des fois, à son travail de description différentielle. Nous nous sommes demandé pourquoi des lexies comme camp de Tindouf, polisario, printemps berbère, tafsut imazighen, mur de la honte, mur de protection, qui dénotent fortement les réalités, identitaire, politique ou sécuritaire, dans les deux pays, ne trouvaient pas place, dans les deux inventaires.

L’examen que nous avons établi ensuite, pour vérifier si ces lexies répondaient ou non aux critères de description lexicographiques de l’approche différentielle, nous a permis de constater que ces lexies sont bien diffuses, comme le soulignent leurs nombres d’occurrences relevées dans le tableau 8. Ainsi leur omission est due soit à un défaut de soin de la part des lexicographes, qui n’ont pas prêté beaucoup d’attention à ces faits linguistiques ; soit à un défaut d’engagement de leur part.

Le quatrième et dernier paramètre qui a fait l’objet de notre étude est celui des « renvois onomasiologiques », des articles. Nous avons constaté que ces derniers cantonnaient les relations onomasiologiques à l’intérieur des inventaires et ne mettaient pas en exergue les liens analogiques entres les lexies en raison de la seule relation de synonymie qu’ils autorisent. Les réseaux lexico-sémantiques que nous avions pu constituer entre certaines lexies, témoignent de la faillibilité de ce paramètre dont l’importance est tout de même indubitable.

Par ce modeste travail de recherche, et l’effort d’élucidation des rapports entre deux variétés de français, nous ne prétendons pas avoir épuisé ce sujet, cependant nous estimons que les objectifs assignés à ce travail ont dûment été atteints, nous pensons avoir ouvert les portes à tout chercheur qui pourrait traiter les points non débattus dans ce travail ou l’élargir aux deux autres pays du Maghreb (Tunisie et Mauritanie), tant les contextes sociolinguistique, socioculturelles et historique y sont similaires.

162

ANNEXES Annexes

Annexe 1 : Fiche de synthèse Maghreb

La fiche ci-dessous est extraite de l’article d’Ambroise Queffélec intitulé : « Le français au Maghreb : problématique et état de la recherche », in le Inventaire des usages de la francophonie : nomenclatures et méthodologies. Éd. AUPELF-UREF. John Libbey Eurotext. Paris 1993, pp. 163-168.

164

Annexes

Annexe 2 : Carte 1 du Maghreb

Carte représentant l’historique de la présence de la langue française dans la région, disponible à l’adresse suivante : http://andre.thibault.pagesperso-orange.fr/Maghreb.jpg

165

Annexes

Annexe 3 : Carte 2 du Maghreb

Carte représentant le continuum des dialectes de la langue arabe au Maghreb.

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Annexes

Annexe 4 : Carte 3 du Maghreb

Carte représentant la présence turque en Algérie, disponible dans : « Ombres et lumières de l'Algérie française Par Jean-Jacques Tur

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