AAA CADÉMIE LLL OOUVAIN U V A I NNN

UUU NIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LLL OUVAIN

FFF ACULTÉ DE PHILOSOPHIE ET LETTRES

DDDÉPARTEMENT D ’ÉTUDES GRECQUES , LATINES ET ORIENTALES Poséidonsouverain Contributionàl’histoirereligieuse delaGrècemycénienneetarchaïque

Thèseprésentéepar sousladirectiondesprofesseurs CharlesDOYEN LambertISEBAERT et AspirantduF.R.S.–FNRS Patrick MARCHETTI envuedel’obtentiondugradede Docteurenlanguesetlettres —Tiragedestinéàladéfenseprivée—

Louvain-la-Neuve, décembre 2008

ÀCaroline

Avertissementaulecteur

Cettedissertationdoctoralefutréaliséeaucoursdedeuxman datssuccessifsd’AspirantduFondsdelarecherchescientifique– FNRSàl’UniversitécatholiquedeLouvain,dontnousavonsbéné ficiéentrele1 er octobre2005etle30septembre2009. Dans cet intervalle, conformément au règlement doctoral en vigueurdansnotreUniversitéetauxdispositionsprisesparl’École doctorale en langues et lettres, nous avons préparé un Diplôme d’étudesapprofondiesenphilosophieetlettres(languesetlittéra turesorientales),obtenule7septembre2007.Lemémoireprésen téàcetteoccasion,sousletitre Ἀθην ᾶΠολι άς,Ποσειδ ῶνΠατ ήρ. Étudedesmythesfondateursdelacitéd’Athènes ,constitueunepremière ébauchedudernierchapitredelaprésentethèse. Nosmandatsd’AspirantduF.R.S.–FNRSfurentégalement l’occasion de préparer, en collaboration étroite avec Véronique VanDriesscheetPatrickMarchetti,unerecherchegénéralesurla métrologiegrecque,depuisl’époquemycéniennejusqu’àlafinde l’époquehellénistique.Cetterecherchedonneralieuàdeuxouvra ges,àparaîtreprochainement. Enfin, la présente dissertation, quelque peu augmentée, sera incessammentsoumiseenréponseàlapremièrequestionduCon coursannuel(2010)delaClassedeslettresetdessciencesmorales etpolitiquesdel’Académieroyaledessciences,des lettres et des beauxartsdeBelgique. 5

Remerciements

Parmilesmenuesobligationsliéesàl’achèvementd’unethèse dedoctorat,lamoinsdésagréableconsistesansdouteàexprimer notregratitudeenverslesInstitutionsetlespersonnesquicontri buèrent—financièrement,scientifiquementethumainement—à laréussitedecetteentreprise. En premier lieu, nous savons gré au Fonds de la recherche scientifique – FNRS, et plus particulièrement aux Secrétaires générales successives de cette Institution, Mesdames MarieJosé SimoenetVéroniqueHalloin,denousavoirgénéreusementaccor dédeuxmandatsd’Aspirant,etd’avoirfinancéplusieursvoyages d’étudeàl’étranger. Nous tenons également à remercier l’Association des amis et anciens de l’Université de Louvain, l’Institut historique belge de Rome et l’École française d’Athènes de nous avoir offert des subsidesplusponctuels,afind’effectuerdesrecherchesàRomeet Athènes;leshôtelleriesetbibliothèquesdel’AcademiaBelgica,à Rome,del’Écolefrançaise,àAthènes,rendirentces séjours à la foistrèsagréablesettrèsstudieux.QuelesPrésidentsetDirecteurs decesInstitutionssoientassurésdenotresincèrereconnaissance. NoncontentsdenousaccueilliretdenoushébergerenGrèce, MonsieurDominiqueMulliezetMadameVéroniqueChankowski, DirecteuretDirectricedesÉtudesdel’Écolefrançaise,nousdon nèrentaccèsàtroisséminairesdetroisièmecycle,ennousassurant ainsiuneformationdoctoraledetrèsgrandequalité:nousvoulons lesenremercierspécialement. Toutaulongdenotremandat,l’UniversitécatholiquedeLou vainetsaFacultédephilosophieetlettresnousprocurèrent des conditions de travail optimales. En outre, les membres de notre Département,leDoyendelaFacultéetleRecteurdel’Université montrèrent leur intérêt pour nos recherches et nous exprimèrent devifsencouragements:leursollicitudenousfutprécieuse. Depuis que Monsieur Luc Marchal nous communiqua, au Collège NotreDame de Tournai, son goût des belles lettres, de nombreuxprofesseurs,auxFacultésNotreDamedelaPaix,puis ennotreAlmaMater,nousfirentconnaîtreetaimerdavantageles langues et littératures grecques et orientales, ainsi quelalinguis tique: citons en particulier Madame et Messieurs AnneMarie Doyen, Daniel Donnet, Yves Duhoux, Lambert Isebaert, René Lebrun,PatrickMarchettietHermanSeldeslachts.Sicettethèsede doctoratalemoindremérite,elleledoitsansaucundouteàleur scienceetàleurenseignement. 6

PlusgrandeencoreestnotredetteenversnosprofesseursLam bertIsebaertetPatrickMarchettiqui,voiciquatreans,acceptèrent d’assumerladirectiondenostravauxet,depuislors,necessèrentà aucun moment d’encourager nos efforts, de corrigernos erreurs, de nourrir notre réflexion, d’aiguiser notre attention: tous deux furentdevéritablespromoteurs,ausensleplusnobleduterme. VincentCucheetVincentDuSablonnousdonnèrentaccèsà leurstravauxavecunegrandelibéralité:lepremier,àsonmémoire delicenceconsacréàlafiguretaurinedePoséidon;lesecond,àsa thèsededoctorattraitantdesconceptsdel’ordredumondechez HomèreetHésiode.Nousleurensommestrèsreconnaissant. YvesDuhouxacceptaderelireavecunecritiquebienveillantela premièresectiondecettethèse;AnneMarieDoyen,PierreAssen makeretJeanLempireseplièrentavecbonnevolontéàlatâche ingratedereliretoutoupartiedenotremanuscrit.Leurpatienceet leurdévouementnoustouchèrentbeaucoup. Denombreuxautresnousaidèrent,surlesplansscientifiqueet personnel.Nepouvantlesnommertousici,noussouhaitons au moinsexprimernotregratitudeànosfamilleetbellefamille,qui noustémoignèrentconstammentleuramouretleursoutien;ànos amis,philhellènesàdesdegrésdivers,quineménagèrentpasleur présence ni leur humour; à Caroline, enfin et surtout, qui sans cessepartageamonenthousiasmecommemesdoutes. TABLEDESMATIÈRES 7

Tabledesmatières

INTRODUCTIONGÉNÉRALE ...... 11

SECTIONPREMIÈRE .POSÉIDONMYCÉNIEN ...... 15

CHAPITRE I er .Offrandes,économieetsanctuairesà...... 16 Introduction ...... 16 LasériePYFr ...... 20 —Poséidonet Pakijana ...... 20 —Un“lectisterne”pourPoséidon...... 23 —Poséidonaux Wanassa ...... 25 LatabletteTn316 ...... 36 —Significationdutermeporowitojo ...... 38 —ObjetdelatabletteTn316 ...... 40 —Imaged’unpanthéonpylien ...... 42 LatabletteEq36 ...... 58 LatabletteFn187 ...... 66 Ledossierduscribe6...... 72 —Poséidonet Pere82 ...... 72 —Denouveaules* φορῆνες etla“porteclef”?...... 77 —Poséidonderechef...... 81 Synthèseetconclusion ...... 86

CHAPITRE II.PossessionsfoncièresetimpositionàPylos...... 94 Introduction ...... 94 Ledossierduscribe24 ...... 97 —NouveauxversementsàPoséidon...... 97 A.Quatrecontribuables ...... 98 B.Aperçuqualitatifetquantitatifdel’impôtfoncier ...... 103 C.Documentscomplémentaires ...... 106 —Lecadastred’uneterresacrée?...... 106 A.Cinqtenanciers ...... 108 TABLEDESMATIÈRES 8

B.Rapportentrelecadastreetlerôle ...... 118 C.Terresacréeoupalatiale? ...... 125 LasériePYEs ...... 131 —Extraitcadastral...... 131 —Rôled’impôt...... 135 A.Impôtdûaupalais ...... 135 B.ImpôtdûàPoséidonetàtroisacolytes ...... 137 C.Proportionsetcalculdel’impôt ...... 143 Synthèseetconclusion ...... 154

ANNEXE . Tablesmétrologiquesetchronologiques...... 161 Métrologiemycénienne ...... 161 Chronologie ...... 162

SECTIONSECONDE .POSÉIDONARCHAÏQUE ...... 163

CHAPITRE I er .LePoséidonlittéraire:Reliquatd’unpouvoirroyal...... 164 Introduction ...... 164 Généalogiedel’ordreolympiende ...... 168 —LaprudencedeZeus ...... 168 —LatoutepuissancedeZeus ...... 173 —L’équitédeZeus ...... 176 ZeusetPoséidon:frèresennemis ...... 185 —Dieuxpresqueéquivalents? ...... 185 —Dieuxradicalementdifférents ...... 187 CronosetPoséidon:telpère,telfils ...... 194 —AffinitésgrecquesdePoséidon...... 194 —Modèlesprocheorientauxdesouveraineté...... 196 A.Laroyautéparexclusion ...... 197 B.Laroyautéparcoexistence...... 199 —LedieuPoséidon:unesynthèseoriginale...... 208 Synthèseetconclusion ...... 215

CHAPITRE II.LePoséidonathénien:Histoired’unpèreévincé...... 220 Introduction ...... 220 TABLEDESMATIÈRES 9

Érichthonios,filsdePoséidon?...... 222 —PoséidonHippiosetsaparèdrechtonienne...... 223 A.Arion,chevald’ArcadieetdeBéotie ...... 224 B.Skyphios,chevaldeThessalieetd’Attique ...... 226 C.Pégase,chevaldeCorinthe ...... 227 —Poséidonsurl’acropoled’Athènes ...... 228 A.VestigesdenaissanceschevalinesenAttique ...... 228 1.HalirrhothiosetHippothoôn...... 229 2.Cercyôn,CychreusetCécrops...... 230 B.Unehiérogamieprimitivesurl’Acropole?...... 232 1.Dieugéniteur ...... 233 2.Mèrechtonienne ...... 233 3.Sources...... 234 4.Cheval...... 236 Duchevalauserpent,dePoséidonàAthéna: itinérairesd’unenfantdel’Acropole ...... 239 —Poséidon,pèrenatureld’Érichthonios...... 239 A.LecultecommundePoséidonetÉrechthée ...... 240 B.Érechthée,ouÉrichthonios?...... 241 C.Poséidon:unpèreassassin ...... 242 —Athéna,mèreadoptived’Érichthonios...... 244 A.D’AgraulosàAthéna ...... 244 B.Lanaissanced’Érichthonios,fondementdel’idéologieathénienne ...... 245 C.HéphaistosetCécrops:descomparsesdeladéessepoliade ...... 246 1.Héphaistos...... 246 2.Cécrops ...... 247 —Entrepèreetmère:leFils...... 248 A.Métamorphosesanimalessurl’Acropole ...... 248 1.Athénaetlesserpents...... 249 2.Cécrops ...... 250 3.Érichthonios ...... 250 B.Permanencedel’enfantdivin ...... 251 Synthèseetconclusion ...... 252

CONCLUSIONSGÉNÉRALES ...... 258 Exposédesrésultats ...... 258 —Poséidonmycénien ...... 258 A.Pylos,fidèleillustrationducontinentgrecmycénien? ...... 258 B.Acquisdel’étudedocumentaire ...... 260 C.Poséidonmycénien,Elougaritique:tentativedesynthèse ...... 264 —Poséidonarchaïque ...... 270 A.Religionpanhelléniqueetreligioncivique ...... 270 B.Acquisdel’étudedocumentaire ...... 271 TABLEDESMATIÈRES 10

C.PoséidonetZeusarchaïques:enguisedeconclusion ...... 273 Perspectivesderecherche ...... 276

BIBLIOGRAPHIE ...... 280 Abréviations ...... 280 —Éditionsdetablettesmycéniennes...... 280 —Éditionsdetablettesprocheorientales...... 280 —Éditionsdetexteslittérairesgrecs...... 280 —Éditionsdefragmentslittérairesgrecs ...... 280 —Éditionsdetextesépigraphiquesgrecs ...... 281 —Dictionnairesetencyclopédies...... 281 —Collections...... 281 —Périodiques...... 281 Sourcesantiques ...... 282 —Sourcesmycéniennes...... 282 —Sourcesprocheorientales ...... 283 —Sourceslittérairesgrecquesetlatines...... 283 A.Auteursettextes ...... 283 B.Commentateursetscholiastes ...... 285 C.Lexicographes ...... 285 —Sourceshistoriquesgrecquesfragmentaires...... 285 —Sourcesépigraphiquesgrecques...... 285 Travauxmodernes ...... 285

INDICES ...... 300 INTRODUCTIONGÉNÉRALE 11

INTRODUCTIONGÉNÉRALE

Leprésentouvrageestissud’unprojetbeaucouppluslarge,quiambitionnaitd’étudierla synthèse,danslessystèmesdepenséegrecsdel’époquearchaïque,d’unhéritagereligieux proprement hellénique et de mythes orientaux repensés; en d’autres termes, il s’agissait d’établirlagénéalogiedelareligionpropreauxnouvellesformesdeviesocialedel’époque archaïque,ettoutparticulièrementcelledelareligioncivique.Volontairementambitieux,ce projetvisaitprincipalementàenracinernotrerecherchedansuneperspectivehistorique,en analysantlareligioncommeunphénomènesocial:unerestrictionprogressivedupropos étaitinévitableetescomptée. Aufuretàmesuredel’avancementdestravauxpréparatoires,Poséidonestrapide mentapparucommeunsujetd’étudeapproprié.Jouissantd’unepositionimportantedans lepanthéondesÉtatspalatiauxduII emillénaire,d’aprèsletémoignagedestablettespylien nes,cedieuestfréquemmentreléguéàunepositioninférieuredanslessystèmesreligieux del’époquearchaïque:tantôtsoumisentouspointsàsonfrèreZeus,d’aprèslesschémas del’ Iliade oudela Théogonie;tantôtdéfaitparuneautredivinité—commeAthénaàAthè nes,ouHéraàArgos—lorsd’unconflitpourlapossessiond’unecité.Étantgénéralement malheureux en politiqueà l’époque archaïque,après une possible hégémonie à l’époque mycénienne,Poséidons’avèredoncprécieuxpourillustrer,ennégatif,lesparticularitésde l’idéologiesocialeetdelareligionarchaïques:ladéchéancedecedieudonneàpenser. Àdéfautdepouvoirtraiterl’ensembledespanthéonsarchaïques,aumoinsnouseût ilétéagréabled’intitulercettethèse LePoséidongrec !Mais,denouveau,lesujetsedéroba, tropvaste.Dèslors,desmillevisagesdudieudanslareligiongrecque,nousn’enretînmes qu’unseul,ouplutôtdeux,quipourraienttransparaîtredansladocumentationmycénienne etseretrouverçàetlàdanslalittérature,lesmythesoulescultesgrecsàl’époquearchaï que:Poséidonestunpère,àvocationuniverselle;decefait,ledieuestégalementunroi universel.Cestraits—quoiquesouventméconnus—nousontparufondamentaux,d’une partpourcomprendreledieuenluimême,maisaussipourtenterd’expliquerl’évolution généraledelareligiongrecquedepuislepanthéond’unpalaismycéniencontinentaljusqu’à lasociétédivinereprésentéedansl’épopéehomérique. Le titre finalement retenu témoigne avant tout deslimites étroites imposées par le temps et l’espace —contraintes qui nous obligèrent à aller directement à l’essentiel—, davantagequedel’originalitédenotreméthodeoudenospointsdevue.Quelelecteur consentedoncàvoirennotreaveud’impuissanceunsoucid’honnêteté. DèsquelasouverainetédePoséidonfutplacéeaucœurdudébat,surgitlaquestion de l’angle d’approche. Malgré les perspectives intéressantes qu’ouvrent les étymologies INTRODUCTIONGÉNÉRALE 12 indoeuropéennesconvergentesdesthéonymesPoséidon et Démétercomme “Maître de Dā ”(*poteidās̯ )1et“Dā mère”(*dāmātēr ),ainsiquel’interprétationséduisantedelaracine *dāparl’indoeuropéen“eauvive”2,ilaparufortrisquédefonderuneétudedefaitsreli gieuxgrecssurleseulhéritagedelalangueetl’idéologieindoeuropéennes,maintesfois remaniéenpayshellénique.Danslemêmeordred’idées,nousavonssciemmentchoiside ne nous inscrire dans aucun courant anthropologique, quoique nous ne méconnaissions nullementlesapportsconsidérablesdecessystèmesdepensée.Sansschémapréconçuni espritd’école,nousdonneronsrésolumentlaprioritéauxtémoignagestextuels,enappor tant la modeste contribution d’un philologue à l’histoire des religions. Pareille étude ne sauraitévidemments’affranchird’unecritiquehistoriqueaiguisée:ilconvientd’étudierces documentsentenantcomptedeleurcontextederédactionoudecomposition,deleurs finséconomiques,socialesoureligieuses,desaléasdeleurconservationoudeleurtrans mission,etsurtoutdessociétéshumainesquilesontproduits. LessourcesécritesdisponiblespourétudierledieuPoséidonauxépoquesmycénien neetarchaïquesontdenatureetdeportéetrèsdifférentes,etappellentdesdémarchesher méneutiquestotalementdistinctes.Enconséquence,parsoucidecohérence,cessources furentrassembléesendeuxsectionschronologiques. Lapremièresectiondel’ouvragecontientprincipalementlestablettesenlinéaireBde Pylos,datantdudébutdu XII es.av.J.C.Cesdocumentsstrictementéconomiquesappor tent incidemment de précieuses informations sur les dieux honorés au sein d’un palais mycénien3,etindiquentvisiblementunepositionprééminentedePoséidondanslepan théondePylos4.Cependant,lesnombreusesdifficultésexégétiquessoulevéesparchacune

1 L’étymon* potei dās̯ ,syntagmeauvocatif,aétéréinterprétécommeunnominatifendorienetdéclinéà lamanièredesnomsmasculinsenᾱς(nom.Ποτειδ ᾶς,voc.Ποτειδ ᾶ[!],acc.Ποτειδ ᾶν,gén.Ποτειδ ᾶ)—ou alors,unedésinencedenominatifenᾱςfutajoutéeauthème,pourdonnerparcontraction,suiteàladispari tiondelasifflante:*Ποτειδ ᾱσ ᾱς>*Ποτειδ ᾱh ᾱς>Ποτειδ ᾶς.Parailleurs,danslesautresdialectesetmême endorienpourunecertainemesure,unefinaledenominatifenων(plutôtqueων)futajoutéeauthème: l’évolution ultérieure provoque l’aspiration, puis la chute du sigma intervocalique (*Ποτειδ ᾱσων > *Ποτει δᾱh ων>Ποτειδ ᾱων),suivieenionienattiqueparl’assibilationet parl’évolutionde ᾱenη,l’abrègementen hiatusdeηenεet,enattique,parlacontractiondeεωenω(Ποτειδ ᾱων>Ποσειδ ᾱh ων[myc.]>Ποσειδ ᾱων [ép.]>*Ποσειδ ήων>Ποσειδ έων[ion.]>Ποσειδ ῶν[att.])etendorien,lecaséchéant,parlacontractionde ᾱωen ᾱ(Ποτειδ ᾱων>Ποτειδ ᾱν)—laraisond’êtredel’accentoxytondansΠοτει δ ᾱν,àlaplacedupérispo mèneattendu(ontrouvelemêmecasdefiguredansledoublet Ἑρ ᾱh ας[myc.]> Ἑρ ᾶς us. Ἑρ ᾱων> Ἑρ ᾱν;cf.également* Ἀλκ ᾱων> Ἀλκ ᾱν)estuneargutiedel’accentuationdorienne.Laf ormecorinthien neΠοτειδᾱωνdoitêtreunehypercorrectionparanalogieauxnomsproprescomme*Μαχ ᾱωνou Ἰᾱ ων, tandisqueΠοσοιδ άνestdûàuneassimilationdevoyellesnoncontiguës( oeo>ooo):Ποσειδᾱων>*Ποσοι δᾱων.Cf.C.J.R UIJGH ,«SurlenomdePoséidonetsurlesnomsenᾱον,ῑον», RÉG ,80,1967,p.616. 2 Cf. en part. A.CARNOY , «Le nom de Poséidon», MB ,28,1924,p.175180;ID., «Les noms des dieuxetdeshérosd’Homère», LÉC ,22,1954,p.342343;C.S.LITTLETON ,«PoseidonasaReflexofthe IndoEuropean‘SourceofWaters’God», JIES ,1,1973,p.423440;M.NYMAN ,«APreMarineVestigeof θάλασσα .AnEtymologicalProposal», Arctos ,14,1980,p.5859;M.JANDA , Eleusis.DasindogermanischeErbe derMysterien(IBS ,96),Innsbruck,2000,enpart.p.254258et292296. 3 Cf.,enpart.,lasynthèserécentedeFrançoiseROUGEMONT ,«Lesnomsdesdieuxdanslestablettes inscritesenlinéaireB»,dansNicoleBELAYCHE etal. (éd.), Nommerlesdieux.Théonymes,épithètes,épiclèsesdans l’Antiquité ( RRR ,5),Turnhout&Rennes,2005,p.325388. 4 Cf.e.a.IleanaCHIRASSI ,«Poseidaon–EnesidaonnelPantheonmiceneo»,dans Attiememoriedel1 o CongressoInternazionaledimicenologia.Roma27settembre–3ottobre1967 ( IncunabulaGraeca ,25),Rome,1968,t.II, p.945991;D.SCHILARDI ,«ThePrehistoricCultofPoseidoninthePeloponnese:theCaseofPylos,Helike andMethana»,dansDoraKATSONOPOULOU ,St.SOTER &D.SCHILARDI (éd.), HelikeII.AncientHelikeand Aigialeia.ProceedingsoftheSecondInternationalConference.Aigion,1–3December1995 ,Athènes,1998,p.267281. INTRODUCTIONGÉNÉRALE 13

—ou presque —des tablettes mycéniennes ont obligé à entreprendre systématiquement uneétudededétail. Laconcisionsouventextrêmedesinformationsenregistrées sur une tablette, ainsi quel’interprétationdélicated’uncertainnombredetermesmycéniens,obligentlemycéno logueàuneétudeglobaledeladocumentation:lesseulesconclusionsfondéesreposentsur le rassemblement et la confrontation de tablettes écrites par le même scribe, traitant du mêmesujetoudécouvertesaumêmeendroit.Quiconquesedépartitdecetteméthodes’ex pose nécessairement à de graves erreurs d’appréciation: l’exemple en fut donné récem ment,avecl’inventiondetoutespiècesd’unetriadedivinedanslesnouvellestablettesthé baines,surlemodèledelathéologieéleusinienneauI er millénaire5. Pourlareligionmycénienne,lerisquedemésinterprétationestd’autantplusgrand quelestablettessontdestexteséconomiquesetnon,àproprementparler,destémoignages cultuelsoumythologiques.Lebonusagedeladocumentationmycéniennedansl’étudede lareligiongrecqueexigedonccirconspectionetparallèlesargumentés. Untelécueilrendpratiquementinexploitableslestablettesisolées.Cecasdefigure estillustréparlatablettesuivante,provenantdeCnossos,quiappartiendraitàunlotde tablettesantérieurdeplusieursdécenniesauxautresarchivescnossiennes6,estécriteparun scribeinconnuparailleurs,etneconnaîtaucunparallèle: KNV52 +52 bis +8285(«piècedestablettesdechar»[RCT])—Scribe:manusalibinonreperta .1 atanapotinija1u[̣ ]uest. [ .2 enuwarijo1pajawone1poseda[ one ↓ lat.inf. [[erinuwe, peṛ ọ ]][̣ Ἀθάνας (?)ποτν ίᾳ ,1; u[,1]; Ἐνυαλ ίῳ ,1;Παια όνει,1;Ποσειδα[ hώνει,1];[[ Ἐριν ύει, pero ]]. «Pourd’Athana (?),1;[pour]U[,1];pourÉnyalios,1;pourPaiawôn,1;pourPoséid[on, 1];[[pourÉrinye, pero ]].» Outrelemanquedeparallèles,l’omissiondetouteprécisiontemporelleoutopographique, etdetoutidéogramme,nepermetguèred’éclairerlesystèmereligieuxdelaCnossosmycé nienne;cedocumentattesteseulementl’existenceetlaréunion —pourunmotifincon nu—deplusieursdivinitésdontlesnomsévoquentdesthéonymesgrecsduI er millénaire7. Un seul autre texte, fragmentaire, mentionne Poséidon à Cnossos8, tandis qu’un certain Ἐν(ν)εσιδ άhων,quipourraitrefléterl’épithètepindarique Ἐννοσίδας ets’accorderà

5 Cf. en part. Y.DUHOUX , «Dieux ou humains? Qui sont maka , oporei et kowa danslestablettes linéaireB de Thèbes?», Minos , n.s., 3738, 20022003, p.173253; ID., «Adieu au maka cnossien. Une nouvellelectureenKNF51etsesconséquencespourlestabletteslinéaireBdeThèbes», Kadmos ,45,2006, p.119; ID., «La soidisant “triade divine” des tablettes linéaireB de la rue Pélopidou (Thèbes)», dans M.R.CATAUDELLA , A.GRECO & G.MARIOTTA (éd.), Gli Storici e la Lineare B cinquant’anni dopo. Atti del ConvegnoInternazionale.Firenze24–25novembre2003 ,Padoue,2006,p.6582. 6 Plusieurs tablettes de ce lot présenteraient un contenu religieux: cf. Joann GULIZIO , K.PLUTA & T.G.PALAIMA ,«ReligionintheRoomoftheChariotTablets»,dansR.LAFFINEUR &R.HÄGG (éd.), Pot nia.DeitiesandReligionintheAegeanBronzeAge.Proceedingsofthe8 th InternationalAegeanConference.Göteborg,Göte borgUniversity,12–15April2000 ( Aegaeum ,22),Liège&Austin,2001,p.453461. 7 Cf. en part. Ileana CHIRASSI COLOMBO , «Note sul pantheon miceneo in Creta: riconsiderando la KNV52»,dansΠεπραγ ένατο ῦΓ´ιεθνο ῦςΚρητολογικο ῦΣυνεδρ ίου(Ρ έθυ νον,18–23Σεπτεβρ ίου 1971), Athènes,1973,t.I,p.376402. 8 KNX5560,l.1b. INTRODUCTIONGÉNÉRALE 14 l’étymologieindoeuropéennedePoséidon9,apparaîtraitdanssixtablettesenregistrantdes livraisonsdemieletdevêtements10 .Lamoissonestmaigreettrèsfragmentaire:cecons tat,fréquentdansl’ensembledeladocumentationreligieusedeCnossos,nousinciteà privi légierl’étudedurôledePoséidondanslepanthéondePylos,bienmieuxdocumenté. Lasecondesectiondecettethèseregroupe,quantàelle,deuxsourcesd’information distinctesetcomplémentairespourl’étudedelareligiongrecquearchaïque.D’unepart,les grandesœuvreslittérairesproduitesentrele VIII eetleVes.donnentunevisionrelativement cohérentedelasociétédesdieuxdirigéeparZeusetdesvaleursquilasoustendent,quand bienmêmechaqueauteuradopteuneperspectivedifférente.D’autrepart,lareligiondu Ier millénairemontreaussiunegrandediversitélocale et régionale: panthéons originaux, mythesépichoriquesetpratiquescultuellesétonnantesfoisonnentdanslescitésgrecques, ettrouventencoreunéchodansla Périégèse dePausanias,au II es.apr.J.C.Touteétudesur lareligiongrecquearchaïquesedevraitdeconfronteretsynthétisercedoubletémoignage. Entrel’imagequelestablettespyliennesdonnentdu«Poséidonmycénien»etlerôle du«Poséidonarchaïque»danslalittératuregrecqueetlescultesciviques,maisaussiàl’in térieurdesensemblesainsidéfinis,apparaissentplusieursincohérencesetcontradictions, qu’ilfaudramettreenquestionetélucider.Àcettefin,lesreligionsetmythesduProche Orientancienserontinvoquéscommetierspointdevue,pouréclairerl’émergenceetles métamorphosesdessystèmesreligieuxgrecsdel’époquemycéniennecommedel’époque archaïque:delasorte,notrerechercherejoindramodestementsonprojetinitial.

*

Latablettecnossiennecitéeenexempleappellequelquesprécisionssurlesnormessuivies danscetouvrage,quidiffèrentlégèrementdel’usagecourant.Parsouciderespecterlapré sentationgénéraledestextesmycéniensetdemieuxenindiquerleséventuelleslacunes, nousavonsmatérialiséleslignesderéglagedanslatranscription;latranslittérationenca ractèresgrecsalphabétiquestentederestituerl’étatdelalanguegrecqueàl’époquemycé nienne,notammentenconservantleslabiovélairesetlesaspiréesétymologiques.Pourles textes littéraires archaïques, nous respectons scrupuleusement les choix des éditions de référence;toutefois,nousavonsgénéralisélanotationdu iota souscrit,etnenoussommes senti tenu ni par l’emploi des majuscules, ni par la ponctuation. Enfin, les traductions jugées suffisamment assurées sont introduites par desguillemets«àlafrançaise»,tandis quelesguillemets“àl’anglaise”dénotentuneinterprétationpresqueexclusivementfondée surl’étymologie,enparticulierpourlesthéonymesetlesnomsdefonction.

9 Pindare, Pyth. ,IV,v.33,173; Péans ,4,v.41;cf.e.a.M.JANDA , op.cit. [n.2],p.257. 10 KNM719,l.2;Gg (1) 704,l.[2];Gg (3)705,l.[3];717,l.[2];5185,l.[2]. POSÉIDON MYCÉNIEN 15

SECTIONPREMIÈRE .

POSÉIDONMYCÉNIEN

POSÉIDON MYCÉNIEN 16

er CHAPITRE I . Offrandes,économie etsanctuairesàPylos

Introduction Nihymne,niprière,nimythe.Unsimpleexamendestextescnossiensdémontrelapauvre térelativedeladocumentationmycéniennepourl’étudedelareligiongrecque:ce corpus ne renseignerien,hormislesthéonymes—parfoisobscurs—etquelquesoffrandesénumé réesavec,aumieux,uneindicationtemporelle.Enoutre,l’étatfortsouventfragmentaire destablettesdeCnossosajouteunedifficultésupplémentaireàuneexégèsedéjàardue. Fondamentalement,PylosnediffèrepasdeCnossos,entoutcaspasparlesarchives quiyfurentrédigées.Textesessentiellementcomptables,quienregistrentl’entréeetlasor tiedematièrespremières,dedenréesbrutes,demarchandisesfinies,d’animauxoudeper sonnesdansuneoptiquedegestionpalatiale,lestablettesmycéniennesnelivrerontjamais lesthéogonies,lescycleslégendaires,lesrituelsminutieux,lesrécitshistoriographiques,la correspondancepubliqueouprivée,lestraitésscientifiques,lesconventionsinternationales outantd’autresdocumentsprécieux,quifurentdécouvertsdanslestellsprocheorientaux. Toutefois,lesarchivesrelativesauxquestionsreligieusessontplusrichesàPylosqu’à Cnossos,enparticulierpourcequiconcernePoséidon,granddieudeMessénie.Nonseule mentlesdocumentspyliens,plusrécentsqueleurshomologuescnossiens,sontmieuxcon servéssurunplanstrictementmatériel—moinsfragmentaires,ouplusaisémentreconsti tuables—,maisl’informationqu’ilsnouslivrentestégalementplusgénérale,plusvariée, plusprécise.Ceconstatvautnotammentpourlareligion:lesscribespyliensnesesatisfont pasd’enregistrer,commeàCnossos,deslivraisonsd’huileparfumée,d’orge,demieletde vêtementsauxdiversesautoritésetdivinités,maisconsignentégalementdesoffrandesde grandevaleur—commedesvasesenor—,dessacrificesdebétail—bœufs,moutons, porcs—,ouencoredesdenréesetproduitsdestinésàlatenuedebanquetssacrés;lesar chivesdonnentaussiunbonaperçudupersonnelsubalternequigraviteautourdesdivini tés,àl’intersectiondessphèresreligieuseetéconomique,fussentilsdésignéscommeescla ves, travailleurs “dépendants” ou *φορ ῆνες; enfin, Pylos offre des exemples uniques de dossierscadastrauxdanslaGrèceduII emillénaire,ainsiqueduprélèvementfiscalquel’on opèreàpartirdeceuxcietquel’ondestine,engrandepartie,audieuPoséidon. Dansladroitelignedesprincipesdeméthodeexposésenintroduction,nousnous proposonsdepasseren revueladocumentationpyliennerelative,deprèsoudeloin,à Poséidon,enveillantàtoujoursrespecterlaspécificitédudocument,sansidéepréconçue niapprochedogmatique.Souvent,cettedémarchenousobligeraàdépasserleréglageétroit denostablettes,enposantdesquestionsnouvelles,enproposantdessolutionsdifférentes, enosantdesrapprochementsinédits.Nousespéronsquecetterecherchenousamèneraà POSÉIDON MYCÉNIEN 17 mettreenlumièreuneétapeimportantedel’histoire—religieusecertes,maisaussiécono mique,politiqueetsociale—delacivilisationgrecque,quis’inscritenpartiedansdessché masetstructuresprocheorientaux,maisprésenteégalementbiendesaspectsoriginaux. Unsimplecoupd’œilsuffitàseconvaincredelaprésenceimportantedePoséidon danslesécritspyliens,laquelletrahitlaplacecentraledudieudanslastructurereligieuseet politiquedel’ÉtatdePylos.Faceàcetteabondancedocumentaire,diverstypesdeprésen tationétaientenvisageables:soitfairesesuccéder,dansunerigueurpresqueexclusivement germanique,lesdifférentestablettesorganiséesen«classes »,«series »et«sets »etcommenter aufuretàmesurelesélémentsintéressantnotrerecherche1;soitadopteruneapproche pluslatine,enprenantPoséidoncommefilrougeetenparcourantlestablettesaugréde rapprochementstouchantàlaforme,aucontexteouaufond2;soitmêlerlesdeuxmétho desavecunpragmatismetoutanglosaxon,enstructurantl’étudeenfonctiondedonnées objectivesetquantifiables3. Ennousdéfendantdetoutevolontédecaricature,nousestimonsquechacunedes démarchesévoquéesasestraverspropres,singulièrementpourletypederechercheque nouscomptonsmener. Lapremièredémarches’appuiepartropsurunclassement délibérément arbitraire destablettesenséries,principalementétabliàl’aidedesidéogrammesutilisés,etsurl’attri bution,plusarbitraireencore,denumérosd’ordreàcesdocumentsarchéologiquesetaux différentesmainsdescribe.Lestenantsdecettedémarche,quisevoudraientlesplusneu tresetlesplusobjectifspossible,suivent,parfoissanss’enapercevoir,un apriori fondateur: ils négligent volontairement tous les documents absents —ceux qui ne furent jamais rédigés et ceux qui ne nous sont pas parvenus—, et surestiment parfois les tablettes conservées.Àcetégard,laseuleétudepar«sets »—ensemblesquiregroupentdestablettes delamêmesérie,rédigéesparlemêmescribeetconservées au mêmeendroit—, pour intéressanteetindispensablequ’ellesoit,risquede livrer une image tronquée des réalités mycéniennesetd’enfausserlesappréciations. Ladeuxièmedémarchejouitdebeaucoupdelibertés,maisfaitexagérémentappelàla subjectivitéduchercheur,quiordonneralesdifférentsdossiersen fonctiondesongoût personnel,despréjugésdesonécoleetdesattentesdesonpublic.Lesaspectsplustechni ques—mainduscribe,lieudetrouvaille,traitsdelangue—peuventalorspasserause condplan.Mêmesicegenredeméthodeadonnélieuàderemarquablesetutilesintui tions,ilnousaparuessentieldegarderenmémoirelesparticularitésliéesàlanatureetàla fonctiondenotredocumentation,afindebalisernotredémonstrationaumoyenderepères objectifsetincontestables. Latroisièmedémarcheserésumepratiquemententroisactions:mesurer,pondérer etcomparer.Elleimpliqued’agencerlestextesenuncanevasserré,laissantpeudeplace auxtémoignagesexceptionnels—parexcellenceinclassables—,etdonnantlaprioritéàla sériation.Trèspertinentpourlesmatièresexclusivementéconomiques,cesystèmeconvient moinspourlesfaitsreligieux,carilfavoriselesdonnéeschiffréesauxdépensdesréalités 1 Ce type de démarche —parfois poussée à l’absurde— trouve une remarquable illustration chez J.WEILHARTNER , MykenischeOpfergabennachAussagederLinearBTexte ( PHKD ,330; VmykK ,22; MykSt ,18), Vienne,2005. 2 Onrenverra,àtitred’exemple,àl’étuderemarquabledePia DE FIDIO , I dosmoi piliiaPoseidon.Una terrasacradietàmicenea ( IncunabulaGraeca ,65),Rome,1977. 3 Cecritèrepourraitêtrelanaturedesproduitsversésàladivinité:cf.LisaMariaBENDALL , Economicsof Religion in the Mycenaean World. Resources Dedicated to Religion in the Mycenaean Palace Economy ( Oxford University SchoolofArchaeology ,67),Oxford,2007. POSÉIDON MYCÉNIEN 18 nonquantifiables;ilimposeraégalementunplanassezstrict,ordonnéenfonctiond’un paramètreunique,selonlesrésultatsescomptés.Denouveau,lasouplessefaitdéfaut. Faceàceconstat,nousproposonsdesuivreuneméthodologiedifférenciéeenfonc tiondel’objetétudié:étudeanalytiquequandl’identitéduscribeseraunélémentessentielà lacompréhensiondesaproduction;approchedavantagesynthétiquelorsquel’aspectglo bald’undossierparaîtraprimersurladistributionen«sets »;recherchemathématiqueet proportionnelle dès que le matériau s’y prêtera. Au détracteur qui nous reprocherait un manquedesystématisme,nouscroyonspouvoiropposerl’efficacitédeladémarche. Enconséquence,leprésentchapitreaborderasuccessivementcinqdossiers,quinous ontsembléconcernertoutparticulièrementlaplacedudieuPoséidondanslareligionet l’économiepyliennes—sphèresquisecomplètentbienplusqu’ellesnes’opposent.Deux autresdossiers,quitouchentauxquestionsfoncières—cadastreetimposition—,seront réservéspourlechapitresuivant. Lamatières’ordonneradonccommesuit: —LasériePYFr,quiconsignedeslivraisonsd’huileparfumée,seraconsidéréecommeun toutorganique,malgrélefaitqueplusieursscribessoientintervenusdanscetravailetque lesdocumentsproviennentd’aumoinstroispiècesdifférentes.Poséidonyestmentionné àtroisreprises,partroisfonctionnairesdifférents:d’abordaucoursdumois Pakijan ios , ensuiteàl’occasiond’unecérémoniede“lectisterne”,enfinlorsdelafêtedes Wanassa . Cestroisinscriptionsserontéclairéesparl’étudededixseptautrestextesappartenantàla mêmesérieetregroupésaumoyenderapprochementstextuels. —La tablette Tn316, qui est un unicum dans la documentation en linéaireB, fera l’objet d’unesectionparticulière.Sonauteur,lescribe44,n’arédigéqu’uneseuleautretablette, etledocumentmêmeestconservédansunedespiècesd’archivesdupalais:ilyaurait doncpeuàtirerd’uneétudespécifiquementpaléographiqueouarchéologique.Parcontre, lecontenududocument,àlafoistrèsstructuréetpartiellementénigmatique,mériteraune attentionapprofondie,d’autantquelatablettemetsansdouteenjeulesprincipauxdieux etsanctuairesduroyaumedePylos,quireçoiventvasesenoret* φορῆνες . —Laquestiondesdeux* φορῆνες féminins offerts au sanctuaire de Poséidon en Tn316 trouveraunprolongementtoutnaturelaveclaprésence,enEq36,d’unesclavedePoséi don .Nousaborderonsrapidementlesstructuresdecedocumentcadastraletdesoncom plémentprobableEq146—enlaissantauchapitreprochainlesoind’aborderlesques tionsfondamentalesrelativesàlaterre—,avantdenousintéresserauxstatutsdesdiffé rentstravailleursauservicedeladivinité:lesesclaves,les“dépendants”etles* φορῆνες . —Le paragraphe suivant regroupera deux documents isolés, qui proviennent de la pièce d’archives8etfurentrédigéspardeuxscribesassezactifsparailleurs.Lescribe2,auteur deFn187,estnotammentlerédacteurprincipalouexclusifdessériesPYJn,MaetTa,et contribueengrandepartieàlasériePYFr,tandisquelescribe15,auteurdeUn219,écrit lamajoritédestabletteslabelliséesPYQa.LepointcommunentrelestablettesFn187et Un219, outre le fait qu’elles nous apparaissent toutes deux comme un excursus dans l’activitégénéraledeleurauteur,estdeconsignerdesdéboursementsdedenrées—orge, figuesetfarine (?)d’unepart;aromatesd’autrepart—àplusieursdestinataires,dontcer tainssontdesdieux,dessanctuaires,ouencoredesdesservants.Coïncidenceoupas,trois bénéficiairesidentiquesapparaissentdansl’uneetl’autretablette. —Le dernier dossier abordé dans ce chapitre réunit toutes les tablettes attribuées au scribe6,quisontliéesdeprèsoudeloin,aucomplexed’archives.Cefonctionnaireparaît trèsintéresséauxaffairesdePoséidon,puisqueUn6enregistreaumoinstroissacrifices prévuspourPoséidonet Pere82 ,ainsiqu’unbanquet,tandisqueUn853consignelacon tributionqu’uncertainHekhel(l)awôn,déjàmentionnéenUn219,verseàPoséidonen vued’unbanquetquipourraitbienêtreceluideUn6.Enfin,avecUn443,qu’ilconvient POSÉIDON MYCÉNIEN 19

probablementderapprocherdeUa1413,lescribe6intervientdanslesfournituresd’une fêteenl’honneurdes* φορῆνες. Lesliensentrecesdifférentsdossiersserontnombreux,etl’ordredeprésentationest enpartieartificiel;nousavonssimplementveilléàdemeurerlepluscohérentpossible.Le rejetdesdeuxdossierscadastrauxdansunsecondchapitres’imposait,àcausedesproblè mesparticuliersqueposentcesdocuments,etdeslongsdéveloppementsqu’ilsexigent;il n’enrestepasmoinsqueledossierduscribe24et la série PYEs forment un ensemble cohérentavectouslesautresdocumentspyliensmentionnantPoséidonoutoutautredieu. Les écrits des scribes 6 et 24, notamment, présententdenombreuxetprofondsaxesde convergence,aupointquelesactivitésdesdeuxfonctionnairesparaissentsecomplétertrès exactement: pour cette raison, les premiers sont sciemment placés à l’extrême fin du chapitreIer etlesseconds,àl’entameduchapitreII. POSÉIDON MYCÉNIEN 20 LasériePYFr Lestablettespyliennescaractériséesparlaprésencedel’idéogramme*130( OLE )sontre groupéesdanslasériePYFr4:parmilescinquantedeuxdocuments—majoritairementen format«feuilledepalmier»—quecomptecettesérie,trentedeuxproviennentdelapièce 23—magasind’huilesisàl’arrièredu megaron ,maisnecommuniquantpasaveclui—,qua tredelapièce32—autremagasind’huile,situéàdroitedu megaron —etdouzedelapièce 38—antichambresetrouvantentrelaporteNordEstetlagrandecourcentrale5.Laplu partdestablettesenregistrentdeslivraisonsd’huileparfuméeeffectuéesdansuncontexte cultuel: dès lors, l’idéogramme de l’huile ( OLE = era (3) wo, ἔλαι ον) y est fréquemment complétéd’unsignephonétiqueligaturé,précisantlaqualitédel’huile: OLE +Apoura(ro pa), ἀ(λοιφ ά) «onguent»; OLE +PA pour pa(kowe) era 3wo, σφα(κ όεν) ἔλαι ον «huile parfuméeàlasauge»6. Lacohérencedumatériel,l’aspectvisiblementformulairedestabletteset,surtout,la présencedePoséidon,dePotniaetdu wanax aunombredesdestinatairesdel’huileparfu méenousinvitentàexaminerdanssonensemblelasériePYFr,ententantd’enextrairedes informationsàportéereligieuse.ÉtantdonnéqueledieuPoséidon,quisertdefilrougeà notreenquête,yestmentionnéàtroisreprises,dansdeuxpiècesbiendistinctesetsousle calamedetroisscribesdifférents,nouspréféronsauclassementexterne—fûtiltopogra phiqueougraphologique—uncritèreinternederapprochementstextuels. Par conséquent, en vue d’ordonner le mieux possible notre documentation, nous présenterons successivement les affinités entre Poséidonetlesanctuairede Pakijana , les documentsrelatifsaureketoroterijoet,finalement,lesliensentrePoséidonetle wanax .

—POSÉIDONET PAKIJANA 1.– Le premier document enregistre l’offrande à Poséidon d’une petite quantité d’huileparfuméelorsdumois Pakijanios:

4 DepuisleurpublicationparE.L.BENNETT Jr, TheOliveOilTabletsofPylos.TextsofInscriptionsFound, 1955 ( Minos ,Suppl.2),Salamanque,1958,cestextesontdonnélieuàdenombreuxétudesetcommentaires: cf.e.a.M.VENTRIS &J.CHADWICK , DocumentsinMycenaeanGreek ,Cambridge,1973 2, p.476483;Cynthia W.SHELMERDINE , ThePerfumeIndustryofMycenaeanPylos , Göteborg, 1985; Celestina MILANI , «Contributo allostudiodelletavoletteFrdiPilo»,dansE.DEMIRO ,L.GODART &AnnaSACCONI (éd.), Attiememoriedel secondo Congresso Internazionale di micenologia. Roma—Napoli, 14–20 ottobre 1991 ( Incunabula Graeca , 98), Rome, 1996,t.I,p.351360;AnnaSACCONI ,«LetavoletteFrdelloScriba2elapreparazionedeglioliprofumatia Pilo», Kadmos ,35,1996,p.2338;LisaMariaBENDALL ,«ATimeforOfferings:DedicationsofPerfumed OilatPylianFestivals», Minos ,n.s.,3334,19981999,p.19;EAD .,«EconomicsofPotniaintheLinearB Tablets»,dansR.LAFFINEUR &R.HÄGG (éd.), Potnia.DeitiesandReligionintheAegeanBronzeAge.Proceedingsof the 8 th International Aegean Conference. Göteborg, Göteborg University, 12–15 April 2000 ( Aegaeum , 22), Liège & Austin,2001,p.445452;EAD ., op.cit. [n.3],p.96104;J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.120133. 5 Cf.E.L.BENNETT Jr&J.P.OLIVIER , ThePylosTabletsTranscribed.PartI:TextsandNotes (Incunabula Graeca ,51),Rome,1973,p.155160; PartII:Hands,Concordances,Indices (IncunabulaGraeca ,59),Rome,1976, p.5455. 6 Cf.E.L.BENNETT Jr,op.cit. [n.4],p.1524.Ladistributiondescesdeuxligaturescorrespondraitaux mainsscripturales:lamain2écrittoujourslaligature OLE +PA (PYFr1202,1205,1206,1216,1220,1222, 1224,1226,1228,1233,1235,1236,1246),tandisquelaligature OLE +Aestplutôtutiliséepardesscribesde classeII(PYFr12171219,1221,1225,1230,1240).OnnoteraquelatablettePYFr1232,portant OLE +PA , estattribuéeàunscribedeclasseII,tandisquelestablettesPYFr1207et1223,quiprésentent OLE +A,sont respectivement attribuées aux mains 41 et 44. Enfin,lestablettesPYFr1194,1229et1239,quidonnent égalementàvoirchacunedecesligatures,n’ontpasétéattribuées. POSÉIDON MYCÉNIEN 21

PYFr1224 (pièce23)—Scribe:stylet1202,main2 .1a pakowe,etiwe .1 pakijanijojomeno, posedaonẹ OLE +PA Z 2

Pakijanίοιοην ός,Ποσειδ αhώνει,σφακ όενἑρτ ίεν·ΕΛΑΙ FΟΝ +σφά(κος)Z 2. «Pendantlemois Pakijanios ,pourPoséidon,(huile)parfuméeàlasauge,parfuméeàl’ ἕρτις: HUILE +sau(ge),2mesures.» L’analysedecettetabletteneposeguèreproblème:l’objetdelalivraisonestindiqué entouteslettres supralineam ,soitaunominatif«derubrique»,soitàl’accusatifcomplément d’objet,etserareprissynthétiquementàlafindutexte,souslaformed’idéogrammes;le destinataire est mentionné au datif; les indications temporelles apparaissent au génitif. CettestructurecommuneadmetquelquesvariationsdanslestextesdelasériePYFr:ainsi, lesréférenceschronologiquespeuventégalementsetrouveraulocatifetlenomdudestina taireestdéclinéàl’allatiflorsqu’ils’agitd’unsanctuaire. 2.– Le mois Pakijanios est probablement une formation secondaire à partir d’un nomdefêteauneutrepluriel( Pakijaniă ):selonunprocédéconnu,unefêteimportante aura donné son nom au mois durant lequel elle est célébrée7. À son tour, la fête des Pakijaniă tiresonnomducélèbretoponyme Pakijane [ιᾶνες](ou Pakijana [ιάνᾱ])8:encet endroit sont notamment honorées les divinités Potnia, Manasa , Posidahéia, Trishêrôs et Dopota 9.D’unemanièreoud’uneautre,les Pakijaniă devraientmettreàl’honneurlesdieux del’endroit,selondesmodalitésdifficilesàpréciser;ilestencoreplusardudedéterminer siPoséidonreçoitdesoffrandesàcetteoccasion,puisquelatabletteFr1224indiqueuni quementunemodesterationd’huiledanslecourantdumoisdes Pakijaniă ,sansprécisersi cedonestprécisémentliéàlafête. Encontrasteaveclesdeuxmesuresd’huileoffertesàPoséidon,unautrebordereau delivraison,rédigéparlemêmescribequeFr1224etretrouvédanslamêmepièce,témoi gnedel’importancedelafêtedes Pakijaniă: PYFr1216 (pièce23)—Scribe:stylet1202,main2

.1 pakijanijoi,pako OLE +PA 1V 2 .2 uacat

Pakijan ίοι hισφακό<εν>·ΕΛΑΙFΟΝ +σφά(κος) 1V 2.

«Aux Pakijaniă ,(huile)lasauge: HUILE +sau(ge),80mesures.» Dansceténoncélapidaire,letermepakijanijoi,àcomprendreaudatiflocatifneu trepluriel,désigneraitàlafoisledestinataireetl’occasiondelalivraisond’huileparfumée: 7 Cf.CatherineTRÜMPY ,«NochmalszudenmykenischenFrTäfelchen.DieZeitangabeninnerhalbder pylischenÖlrationenserie», SMEA ,27,1989,p.193195,§2.1. 8 Letoponymeenᾶνεςestunancienethnique,aumasculinpluriel,quiconnaîtundatiflocatifenᾶνσι et un instrumental en ᾶφι; sur le modèle de l’alternance Ἀκαρν ᾶνες ~ Ἀκαρναν ίᾱ , Pak ιᾶνες pourrait admettreundoublet Pak ιαν ίᾱ ,éventuellementattestéenPYJo438,l.10,etOn300,l.3(formesmutilées), tandisquePYEn609,l.1,attesteplutôtlaformeadjectivale Pak ιάνι α(ι)(cf. infra ,n.543).Letriplet Pakijana estégalementattesté:ilpourraitselirecommeuntoponyme pluraletantum ,soitauneutre(† Pak ίαν ᾰ),surle modèledeΜέγαρα,soitauféminin(† Pak ιᾶναι),surlemodèlede Ἀθῆναι,maisl’existenced’ungénitifen inviteàopterpourunfémininsingulier( Pak ιάνᾱ),surlemodèledeΜεσσ ήνη,Μεσσ άνᾱ;cethèmeadonnéle génitif Pak ιάνας etl’allatif Pak ιάνανδε .Parsoucidesimplicit é,noustranscrironstoujourscetoponymeen Pakijana . 9 Ceconstat,quinepréjugeenriendel’existenceéventuelled’autrescultesdivinsà Pakijana ,résultede lalecturedelatablettePYTn316,l.25:cf. infra ,p.3637. POSÉIDON MYCÉNIEN 22 le palais de Pylos destinerait plus de trente litres d’huile parfumée à la célébration des Pakijaniă .Toutefois,certainssavantslisentcetermeaumasculinetenvisagentquel’huile estlivréeauxdieux,auxdesservants,ouàlapopulationde Pakijana 10 .Comptetenudes usagesdesscribesmycéniens,l’onpourraitplutôtattendrelatournurecomplète*pakija nijoiteoi( Pak ιαν ίοις θεοίhι «pour les dieux pak ianiens»)danslepremiercas;uneex pressiondutypeijerejapakijana( ἱερείᾳ Pak ιάνας «pour la prêtresse de Pakijana »)11 ouundérivéen(ι)εύςdansledeuxième;uneformepériphrastiquecommepakijanijo akoro( Pak ιαν ίῳ ἀγρῷ «pour la campagne pak ianienne»)12 ,utiliséeparmétonymie,ou encoreundérivéenεύς13 dansletroisième. Nonobstantceshypothèsesdivergentes,lalecturedepakijanijoicommeunnom defêteconservenotrefaveur,àcausedel’existenceincontestabled’unmois Pakijanios ,qui doit tirer son nom d’une solennité religieuse plutôt que de noms fonctionnels liés au sanctuairede Pakijana .Quoiqu’ilensoit,ceproblèmedépasseleseulcadredelatabletteFr 1216:ilconviendra,eneffet,d’interpréterlesdatifslocatifsplurielswanasoietdipisi joi 14 de la même manière que pakijanijoi, et de vérifier que l’explication adoptée convienneàchaqueemploidecestermes. 3.–L’allatif Pak ιάνανδε seretrouveplusieursfoisdanslasériePYFr,ainsiquedans lerestedeladocumentationpylienne,sansquel’onpuisseétablirpourautantquedesden réesenvoyées«à Pakijana »sontutiliséesdanslecadredes Pakijaniă 15 .Quantàl’adjectif toponymique Pakιάνιος ,ilestégalementemployépourdésignerlacampagnede Pakijana: PYFr1236 (pièce23)—Scribe:stylet1202,main2

.1 pakijanijo,akoro,upojo,potinija, OLE +PA S 1V 1 .2 uacat

Pakijan ίῳ ἀγρῷ, up οιοΠοτνίᾳ· ΕΛΑΙFΟΝ +σφά(κος) S 1V 1.

«Pourlacampagnede Pakijana ,pourPotniade upo: HUILE +sau(ge),28mesures.» L’expression toponymique pakijanijo akoro trouve un équivalent exact dans rousijoakoro16 :lacampagnedeLousos s’opposeainsiàcellede Pakijana .Ladivinité 10 Cf.e.a.lesdifférentesinterprétationsrecenséespar DMic ,t.II,p.7475, s.u. «pakijanijo »,n.3,ainsi queJ.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.123124. 11 Cf.PYEb339[+]409,l.1;1176,l.A;[En609,l.16,18];Eo224,l.6,8.Àlarigueur,l’onpourrait aussitrouverlestitres ἱέ ρειαou ἱερε ύςemployésabsolumentpourdésignerlepersonnelcultueldusanctuaire de Pakijana:cf.M.LEJEUNE ,«Prêtresetprêtressesdanslesdocumentsmycéniens»(1960),dans MémoiresII , p.9192. 12 Surcettetournure,cf. infra .Parailleurs,CatherineTRÜMPY ( loc.cit. [n.7],p.196,§2.2)suggèreque l’ancienethnique Pakijan ες(nom.m.pl.),synonymedutoponyme Pakijan α,apuconserversonsenspremier etdésigner,danscertainscas,«lesgensde Pakijana ». 13 Pourlesemploisdecesuffixe,cf.enpart.M.F.GALIANO , «Quelques observations sur les noms mycénienseneu», Minos ,n.s.,12,1972,p.207260;J.L.P ERPILLOU , Lessubstantifsgrecsen εύς( Étudeset commentaires ,80),Paris,1973. 14 Cf. infra ,p.2533. 15 PYFr1209[+]1211enregistrel’envoid’huileparfuméeàl’ ἕρτιςà Pakijana ,sanspréciserdedate,nide destinataire; le début de Fr 1233 est perdu, de sortequel’onignoreàquelleoccasionlepalaisaversé à Pakijana 4mesuresd’huileparfuméeàlasauge;enfin,Fr1217nousapprendquelepalaisverseégalement 4mesuresd’huileà Pakijana àl’occasiondelacérémoniedu reketoro ,quiconcerneégalementPoséidon(cf. infra ,p.2325).EnPYFn187,l.4,lesanctuairede Pakijana figureaunombredesdestinataires—enbonne partieénigmatiques—derationsdecéréales;parailleurs,latabletteVn20,l.6,quirappelleunelivraison antérieuredevinà Pakijana etdansd’autreslocalité,s’inscritnettementdansledomaineprofane. 16 PYFr1220,l.1;1226,l.1;Ua1413;Un47,l.1;Vn10,l.4. POSÉIDON MYCÉNIEN 23 honoréedansceterritoireestmentionnéeunesecondefoisdanslasériePYFr: PYFr1225 (pièce23)—Scribe:stylet1217,classeII

.1 era 3wo,upojo,potinija

.2 wea2noi,aropa OLE +A S 1

Ἔλαιονup οιοΠοτν ίᾳ,εhανοῖhι,ἀλοιφά(ν)·ΑΛΟΙΦΑ S 1.

«HuilepourPotniade upo ,pourlesvêtements,onguent: ONGUENT ,24mesures.» Le syntagme upojopotinija apparaît également dans une troisième tablette py lienne,quienregistredesrationsdecéréales17 .L’interprétationlaplusvraisemblableconsis teàidentifier upojo commelegénitifd’untoponyme18 .Ladifficultéexégétiqueestailleurs etdépassel’étudedelaseulePotniade upo:fautilconsidérerPotniacommeunthéonyme unique19 ou,aucontraire,commeuntitredivinpouvantcaractériserplusieursdéessesdis tinctes20 ?Laréponseàcettequestionpermettraitd’identifierounonPotniade upoàla Potniahonoréeà Pakijana .Nousréservonsceproblèmepourl’instant21 :contentonsnous derappelerquelatabletteFr1224,quiaservidepointdedépartànotreenquête,révèleun lienténuentrePoséidonetlasphèrereligieusede Pakijana .LasecondementiondePoséi dondanslasériePYFrsembleconfirmerlesrelationsquePoséidonentretientavecce sanctuaire.

—UN “LECTISTERNE ”POUR POSÉIDON 1.–Enunlieuinconnu,ledieuPoséidonreçoitdel’huileparfuméeàl’ ἕρτις pourune occasionparticulière: Fr343 (prèsdelapièce41,pièce38)—Scribe:stylet343,main4 .1a etiwe, .1 po]sedaonereketoroterijo OLE [

[Πο]σειδα hώνει,λεχε hστρωτηρίοι,ἑρτίεν·EΛΑΙFΟΝ []. «[Alicubi (?),aliquando (?)],pour[Po]séidon,lorsdelacérémoniedu“lectisterne”,(huile)parfuméeà l’ ἕρτις : HUILE [].» La présence du suffixe τήριον autorise à penser que le terme reketoroterijo désigneunecérémonie,aulocatifneutresingulier22 .Ilseraitpossibledesongerégalementà unnomdefête,auquelcasl’onattendleneutrepluriel(cf.p.ex. ἀνθεστήρια, καλλυντήρια,

17 PYFn187,l.8;cf. infra ,p.66. 18 Cf. DMic , t. II, p.388, s.u. «upojo »;CécileBOËLLE , potinija.L’élémentféminindanslareligionmycé nienne(d’aprèslesarchivesenlinéaireB) ( Étudesanciennes ,26),Nancy,2004,p.4546etn.47.Pourleurpart,R.A. SUCHARSKI &K.T.WITCZAK («upojopotinija andtheCultofBaetyls», ŽA ,46,1996,p.512)suggèrent plutôtd’yvoirla«Damedupiliersacré»,parrapprochementaveclesanskrit yū pa . 19 Cf.e.a.CatherineTRÜMPY ,«Potniadanslestablettesmycéniennes:quelquesproblèmesd’interpréta tion»,dansR.LAFFINEUR &R.HÄGG (éd.), op.cit. [n.4],p.411421. 20 Cf.e.a.CécileBOËLLE , op.cit. [n.18], passim (enpart.p.4450pourcequiconcerneupojo[]poti nija). 21 Cf.aussi infra ,p.43. 22 Onnepeutécarterd’embléel’hypothèsed’undatifneutresinguliermarquantladestinationdel’huile (reketoroτηρ ίῳ ,«pourlacérémoniedu reketoro »):l’huileestvraisemblablementlivréeàlafois lorsde et pour laditecérémonie,commeleconfirmel’usagedudatiflocatifplurielaveclesnomsdefête(p.ex. Pakijan ίοι hι, «aux Pakijania »).Paruneconventiondontnousreconnaissonsl’aspectarbitraire,nouschoisissonsdetou jourstranscrireettraduirelesnomsdecérémonieaulocatifplutôtqu’audatif. POSÉIDON MYCÉNIEN 24

πλυντήρια ) —la forme reketoroterijo serait alors au génitif temporel (τηρίων ) 23 . Cependant,lamentiond’unautredérivéenτήριον(tonoeketerijo)aprèsunprobable nomdefêteenFr122224 inviteàconsidérercesdeuxtermesenτήριονcommedescéré moniesayantlieudanslecadrepluslarged’unefête. 2.–UneautretablettedelasériePYFrmontrequ’unecérémoniede“lectisterne” nécessitel’envoià Pakijana d’huileparfuméeàlasaugeetàlaviolette (?) 25 : Fr1217 (pièce23)—Scribe:stylet1217,classeII

.1 era 3wo,pakowe,wejarepe[ .2 rekeetoroterijo .3 pakijanade OLE +AV 1

Ἔλαιονσφακόενειαλειφές(?),λεχε hστρωτηρίοι,Pakιάνανδε· ΑΛΟΙΦΑV 1. «Huileparfuméeàlasauge,àl’onguentdeviolette (?) ,lorsdelacérémoniedu“lectisterne”,à Pakija na : ONGUENT ,4mesures.» Àlalecturedecesdocuments,deuxhypothèsesviennentàl’esprit26 :soitlesdeux tablettesFr343et1217fontallusionàdeuxcérémoniesde“lectisterne”,quiontlieuendes sanctuaires différents —la première en un lieu perdu ou non précisé, peutêtre dans le palaismêmedePylosoudansunsanctuairedePoséidon;lasecondeà Pakijana —,soit ellesseréfèrentàlamêmecérémonie,quialieuà Pakijana etaucoursdelaquellePoséidon est particulièrement mis à l’honneur. Dans l’un et l’autre cas, le “lectisterne” pourrait constituerunlienparticulierentreledieuPoséidonetlesanctuairede Pakijana . 3.–Venonsenàl’étymologiedutermereke(e)toroterijo:unconsensussedes sineparmilesmycénologuespourdécomposercenomen* λεχε hστρωτήριον «cérémonie oùl’onétendlelit»27 etétablirunparallèleavecl’antiqueriteromaindu lectisternium 28 . Étantdonnélesusagesmultiplesdulitdansl’Antiquité,ceλεχε hστρωτ ήριονmycé nienpeutévoquersoitunrepassacréoffertàdesdieuxreprésentésétendussurunlit—à

23 Cetyped’expressionadonnénaissanceàungrandnombredemoisenίωνauI er millénaire(p.ex. ἀνθεστηρ ίων):cf.CatherineTRÜMPY , UntersuchungenzudenaltgriechischenMonatsnamenundMonatsfolgen ,Heidel berg,1997,p.12,§1 etpassim . 24 Cf. infra ,p.25et3233. 25 Telle est la suggestion d’Y.DUHOUX , Aspectsduvocabulaireéconomiquemycénien(cadastre—artisanat— fiscalité) ,Amsterdam,1976,p.119,n.308.Pourd’autresinterprétations,cf.DMic ,t.II,p.413414, s.u. «wea repe ». 26 Pourl’alternativesuivante,cf.CécileBOËLLE , op.cit. [n.18],p.4849. 27 Cf.e.a. DMic ,t.II,p.237238, s.u. «rekeetoroterijo »,aveclaréférenceauxétudesantérieures.La variationdupremierélément(reke/rekee)futexpliquéeparM.LEJEUNE («Notesmycéniennes»[1963], dans Mémoires II , p.373375) en invoquant une alternance entre le thème nu λεχεσ (reke) et le locatif λεχε hει(rekee),paranalogieaveclesmotscomposésen ὀρεσ(thèmenu), ὀρει(loc.sg.)ou ὀρεσ(σ)ι(loc. pl.).Toutefois,cettehypothèseingénieuseseheurteàdesdifficultésd’ordresyntaxiqueetmorphologique, dont certaines n’avaient pas échappé à M.Lejeune: voilà pourquoi T.MEISSNER («Two Mycenaean Problems», dans J.H.W.PENNEY [éd.], IndoEuropeanPerspectives.StudiesinHonourofAnnaMorpurgoDavies , Oxford,2004,p.258261)arécemmentproposéqueletermeestcomposéaudépartdeλεχε h,desorteque lescribedeFr1217auraitutilisélesigneepourrendrelephonème[h],enseservantduprincipedela «voyelle morte». Cette hypothèse rejoint l’analyse proposée par E.RISCH («ProblemebeiderSchreibung vonHiatundKompositionsfugeimMykenischen»,dansA.HEUBECK &G.NEUMANN (éd.), ResMycenaeae. AktendesVII.Internationalen MykenologischenColloquiumsinNürnbergvom6.–10.April1981 , Göttingen, 1983, p.384),lequelconsidèrel’insertiondusigneecommeunetentativedenoterl’étymologiedumotcomposé. 28 Cf.e.a. RE ,t.XII/1,col.11081115, s.u. «Lectisternium»;G.DUMÉZIL , Lareligionromainearchaïque. AvecunappendicesurlareligiondesÉtrusques ,Paris,1974 2,p.473476,558560. POSÉIDON MYCÉNIEN 25 l’imaged’unlectisterneromain,quoiqu’encecas,le terme κλίνη eût mieux convenu que λέχος—,soitunehiérogamieaccompliedansunesaintecouche,laquellepeutmettreen scènedeuxdieux,ouencoreunmorteletunedivinité.L’existenced’uneautrefêtemycé nienne,nomméeΞένια,quiconsisteraitenunbanquetsacréoffertauxdieux,àl’instardes Θεοξ ένιαduI er millénaire,incitepeutêtreàopterpourlasolutiondu ἱερ ὸςγ άος29 ;enco reconvientildedemeurertrèsprudentdanscetyped’exégèse,enl’absenced’aucunélé ment de preuve autre que l’étymologie et les dénominations postérieures de rituels reli gieux30 .Leseulfaitassuréestqu’aumoinsunλεχε hστρωτ ήριονconcerneledieuPoséidon, etqu’unecérémonieainsinomméealieuà Pakijana . 4.–UnautretermementionnédanslasériePYFrprésenteunestructuresimilaireà λεχε hστρωτήριον:defait,lemottonoeketerijo31 selaisseaisémentdécomposerenun thèmenominaltono,uneracineverbaleekeetlesuffixeterijo,servantàcréerdesnoms decérémonie.Lethèmenominalestgénéralementinterprétéparθόρνος—motattestéen mycénienpourdésignerunsiège,qui,aprèsmétathèse, deviendra θρ όνος au I er millénai re32 —,tandisqueleslectureslesplusvraisemblablesdelaracineverbalesont ἕλκ«tirer, traîner» ou ἕχ «(dé)tenir, porter»33 : le θ ορνο hελκτ ήριον ou θ ορνο hεχτ ήριον serait ainsi unecérémonieoùl’ontireouporteunsiège,lecaséchéantceluidusouverainluimême. Toutefois,ceriteneconnaîtraitaucunereprésentationimagéeàl’époquemycénienne,ni aucunepostéritéauI er millénaire:pourcetteraison,surlabasedu pluraletantum τὰθρ όνα, onapupostulerl’existenced’unneutre*θρ όνον«fleur,herbe»etimaginerquecettecéré moniedonneraitlieuàuneprocessiondeporteursdefleurs34 .Cettehypothèseseraiten adéquationavecl’iconographiquemycénienneetlesusagesduI er millénaire,quimontrentà plusieursreprisesdesfleursoffertesàdiversesdéesses. Tout le problème est donc de savoir si le destinataire de ladite cérémonie est effectivementunedéesse,auquelcaslasecondesuggestionparaîtralaplusadéquate;par contre,s’ildevaits’agirdusouverainpylienluimême,l’interprétationparθόρνοςconser veradavantagedecrédit.L’explicationdonnéeaudatiflocatifwanasoi,quecomplèteet précisetonoeketerijodanslatablettePYFr1222,seradoncdéterminante.

—POSÉIDONAUX WANASSA 1.– La dernière mention de Poséidon dans le série PY Fr s’inscrit au sein d’un grouped’aumoinssixtablettes35 ,quiprésententdenombreuxpointscommuns:toutes —saufFr1251—furentretrouvéesdanslapièce23;toutes—saufFr1219—sontdela mainduscribe2;toutesprésententunestructuretrèscomparableetportentledatiflocatif

29 Cf.SoteroulaCONSTANTINIDOU , «Xenia and Lekhestroterion : Two Mycenaean Festivals», ωδ ώνη. Φιλολογ ία,18(2),1989,p.926,enpart.p.1923. 30 Cf. p.ex. Monique GÉRARD ROUSSEAU , Les mentions religieuses dans les tablettes mycéniennes ( Incunabula Graeca ,29),Rome,1968,p.201203, s.u. «reketoroterijo »;CatherineTRÜMPY , loc.cit. [n.7],p.214215,§6.1. 31 PYFr1222,l.1;cf. infra ,p.26. 32 Laformecnossiennetoronowoko(KNAs (2) 1517,l.11),àlireθρονο οργοί«fabricantsdetrône», auraitdéjàconnucettemétathèse,ouauraitd’embléerésoludemanièredifférenteledegrézéroduthème *thr n̥ . 33 Cf. DMic ,t.II,p.362, s.u. «tonoeketerijo ». 34 Cf.V.P.PETRAKIS ,«tonoeketerijo Reconsidered», Minos ,n.s.,3738,20022003,p.293316,372. 35 AuxtablettesPYFr1219,1222,1227,1228,1235,1251,quiserontcitées inextenso danslasuitede l’exposé,ilconvientprobablementd’ajouterFr1234(pièce23),égalementécriteparlescribe2,laquellepré senteavantunecassurelessigneswana[,quel’onpeutrestituerenwana[soi]ouwana[kate]. POSÉIDON MYCÉNIEN 26 plurielwanasoi,àl’exceptionnotabledeFr1219,dontlescribea—fautivement?— écritwanosoi. Fr1219 (pièce23)—Scribe:stylet121936 ,classeII .1 uacat .2 wanosoi,posedaone OLE +A V 2

Fαν< ά>σσοι hι, Ποσειδαhώνει·AΛΟΙΦA V 2.

«Aux Wanssa ,pourPoséidon: ONGUENT ,8mesures.» Fr1235 (pièce23)—Scribe:stylet1202,main2

.1 wa]nasoi,wanakate,pakọ [̣ we ]OLE +PA 1 .2 ]w ạ nasoi,potinija,pakowẹ OLE +PA V 3

[Fα]νάσσοι hι, ανάκτει, σφακό[εν]·ΕΛΑΙFΟΝ +σφά(κος) 1. Fανάσσοι hι,Ποτνίᾳ,σφακόεν· ΕΛΑΙFΟΝ +σφά(κος) V 3.

«Aux[Wa ]nassa ,pourlewanax ,(huile)[parfuméeà]lasauge: HUILE +sau(ge)72mesures. Aux Wanassa ,pourPotnia,(huile)parfuméeàlasauge:HUILE +sau(ge)12mesures.» Fr1227 (pièce23)—Scribe:stylet1202,main2

.1 wanakate,wanasoi,[ OLE (?) ] S1 V1

Fανάκτει,αν άσσοι hι·[ΕΛΑΙFΟΝ (?) ] S1 V1.

«Pourlewanax ,aux Wanassa:[ HUILE (?) ],28mesures.» Fr1222 (pièce23)—Scribe:stylet1202,main2

.1a OLE +PA V 1 .1 wanasoi,tonoeketerijo

Fαν άσσοι hι,tonoekeτηρίοι ·ΕΛΑΙFΟΝ +σφά(κος)V 1.

«Aux Wanassa ,lorsdelacérémoniedu tonoeke: HUILE +sau(ge),4mesures.» Fr1228 (pièce23)—Scribe:stylet1202,main2

.1 wanasoi,erede OḶ Ẹ +̣ PA V 1

Fαν άσσοι hι, erede ·ΕΛΑΙFΟΝ +σφά(κος) V1.

«Aux Wanassa , erede: HUILE +sau(ge),4mesures.» Fr1251 (cour63)—Scribe:stylet1202,main2

.1 wanasoi[̣ OLE

Fαν άσσοι hι[ΕΛΑΙFΟΝ].

«Aux Wanassa ,[HUILE].» 2.–Ilfautd’embléerenonceràtraduirewanasoipar«auxdeuxReines».Outrele faitquecettehypothèseavancéedelonguedaterelèvedavantagedel’ apriori conceptuel qued’unesainerecherchephilologique37 ,onnoteraquelaprésencedudatiffémininduel *ανάσσοιϊν (<*ανακτyα)obligeàconsidérerqu’àquatrereprises38 ,lescribeenregistre 36 L’identificationdecestyletestdueàT.G.PALAIMA , TheScribesofPylos ( IncunabulaGraeca ,87),Rome, 1988,p.123124. 37 L’hypothèsed’unedésinencedudatiffémininduelenοιϊνn’estd’ailleurspasexemptedecontesta tion:cf.e.a.E.RISCH ,«Mykenisch seremokaraoi oder seremokaraore »,SMEA ,1,1966,p.5758. 38 Cf.PYFr1219,1227,1235. POSÉIDON MYCÉNIEN 27 raitaumoyend’uneexpressionasyndétiquedesversementsd’huileeffectuésenfaveurde troisdivinités,sansindiquernilelieunil’occasiondeceversement:cetteasyndète —inat tenduedansdestextesàcaractèrecomptable—,ainsiquel’absencedetouteinformation complémentaire au nomdu destinataire, constituent des obstacles dirimants à l’interpré tationdewanasoiparlefémininduel. Unefoisles«deuxreines»disqualifiées,demeurelalecture* ανάσσοι hι(<*ανακτ yο), datifmasculinouneutreplurield’unadjectifdénominatifen*yo .Leterme* άνασσοι ou*άνασσαseréfèredoncàdesêtresoudeschosesrelatifsauάναξ. Ilsembleraitquel’onpuisseexclurelemasculinpourdeuxraisons.D’unepart,surle modèledeschaînesdedérivationconnues39 ,uneformesecondairedutype* ανακτyεύς devraitdésignerledesservant(dusanctuaire)du wanax;l’existencedel’adjectif wanasewijo (* ανακτyηyος)plaideenfaveurdecedérivéintermédiaire,mêmesilesuffixe ēwiofut probablement employé de manière autonome en grec mycénien40 . D’autre part, le mot άναξ connaîtunedérivationadjectivaleparticulière:àlaplacedusuffixeordinaire* yo,le mycénienrecourtausuffixebinaire* tero,quimarquel’oppositionentrecequirelèvedu άναξ etcequin’enrelèvepas41 ;étantdonnéquedesdesservantsdu wanax participeraient sansaucundoutedecette dualité, le dérivé ανάκτεροι serait certainement préférable à *άνασσοι42 . Somme toute, l’interprétation la plus vraisemblable d’un point de vue strictement morphologique consiste à lire wanasoi comme un datiflocatif de l’adjectif *άνασσος substantivéauneutrepluriel.Les*άνασσα sontsoitunlieusoituntempspropreau άναξ: enfonctiondelanaturehumaineoudivinedeceάναξ, l’on optera pour la traduction «palaisduάναξ»43 ou«sanctuaireduFάναξ»44 pourrendrelapremièreexégèse,«fêtedu άναξ» ou«fêtedu Fάναξ »45 pourrendrelaseconde.Sanspréjugerdelasolutionàretenir, 39 Cf. *zeu(Zε ύς<* yεύς<* yης)«Zeus»→diujo,diwijo( ίyον,ίιον)«sanctuairedeZ.» → diwijeu (ι ιεύς) «desservant (du sanctuaire) de Z.; [d’où] anthroponyme», ainsi que *posedao (Ποσειδ άhων)«Poséidon»→posidaijo(Ποσιδ άhιον)«sanctuairedeP.»→*posidaijeu(Ποσιδαh ιεύς)«desservant(dusanctuaire)deP.». 40 Surcepoint,cf.e.a.M.LEJEUNE ,«Étudesdephilologiemycénienne.V.Lesuffixeτερο»(1962), dans MémoiresII ,enpart.p.280281. 41 Cf.ibid. ,enpart.p.282283. 42 OnremarqueraquelethéonymePotniaconnaîtégalementunedérivationexceptionnelle:enlieuet place de l’attendu †Ποτνια ῖος (<†Ποτνι άyος), les tablettes attestent la forme Potinijawejo (Ποτνι άειος) «relevantdePotnia»,dontl’analyseprésentedesérieusesdifficultés,maisdoit,endéfinitive,êtreunadjectif possessifen* eyo:cf.e.a.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.27],p.359364;C.J.RUIJGH ,«Àproposdemyc. potini jawejo», SMEA ,4,1967,p.4052;E.RISCH ,«Laformationdumot potinijawejo », Minos ,n.s.,12,1972, p.294300; DMic ,t.II,p.161163, s.u. «potinijawejo »;pourlesadjectifspossessifsen*eyo,cf.J.T.KIL LEN , «Mycenaean Possessive Adjectives in ejo », TPhS , n.s., 29, 1983, p.6699; sur la divinité Potnia comme“collecteur”,cf. infra ,p.6364. 43 Cette hypothèse trouverait un appui dans l’expression τὰ βασιλ ήια «le palais», attestée chez Hérodote:cf.e.a.MoniqueGÉRARDROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.240242, s.u. «(?) wanasoi ». 44 Cette analyse est notamment tenue pour vraisemblable par P.CARLIER ( La royauté en Grèce avant Alexandre [ Étudesettravaux ,6],Strasbourg,1984,p.8390[appellationB 2]),lequelretientégalementlestraduc tions«palaisroyal»(B’ 2)et«desservantsdu wanax »(B 1)sanstrancherdavantagelaquestiondel’humanité oudeladivinitédudit wanax ,nimarquersapréférencepourl’interprétationdewanasoiparlemasculinou parleneutre. 45 Cf.e.a.A.LEUKART ,«Götter,FesteundGefäße.Mykenisch eus und ēwios:StruktureneinesWort feldesundseinWeiterlebenimspäterenGriechisch»,dansA.HEUBECK &G.NEUMANN (éd.), op.cit. [n.27], p.244246, §10.2; Catherine TRÜMPY , loc.cit. [n.7], p.204209, §4.1; I.HAJNAL , Studienzummykenischen Kasussystem ( UntersuchungenzurindogermanischenSprachundKulturwissenschaft,n.s.,7),Berlin&NewYork,1995, p.6367,§8.4. POSÉIDON MYCÉNIEN 28 nousétudieronslesattestationsdutermeenrecourantausyntagmeneutre«aux Wanassa », quitraduitindifféremmentlelocatiftemporelouspatial. 3.–Poséidon(Fr1219),le wanax associéàPotnia(Fr1235),ainsiquele wanax seul (Fr1227)sonthonorésaux Wanassa ;deplus,encelieuouencettecirconstanceestorgani séelacérémoniedu tonoeke (Fr1222)46 ;enfin,letermewanasoiestassociéàl’énigma tiqueerede(Fr1228),quel’onidentifiesoitcommeunsubstantifdeladéclinaisonathé matiqueaudatifsingulier,soitcommeuntoponymeàl’allatifsingulier47 .L’absencedecer titudesurlaprésenceounond’unallatifenFr1228nepermetpasd’exclurel’interprétation «spatiale»dewanasoi:nousdevonsdoncexaminerunautregroupededocuments,où letermedipisijoiapparaîtdanslamêmepositionquewanasoi.Aux Wanassa doivent donccorrespondreles Dipsia : Fr1220 (pièce23)—Scribe:stylet1202,main2

.1 rousijo,akoro,pakowe OLE +PA V 4̣ .2 dipisijoi,wanakate OLE +PA S 1

Λουσίῳἀγρῷ,σφακόεν·ΕΛΑΙFΟΝ +σφά(κος) V4. ιψίοι hι,ανάκτει·ΕΛΑΙFΟΝ +σφά(κος) S1.

«PourlacampagnedeLousos,(huile)parfuméeàlasauge: HUILE +sau(ge),16mesures. Aux Dipsia ,pourle wanax: HUILE +sau(ge),24mesures.» Fr1231 (pièce23)48 —Scribe:stylet1202,main2 .1 potinija,dipị [̣ si]joi,t ẹ [̣ .2 keseniwijo[ i(?) ]OLES 1[ .3 uacat [ ]uacat[ Ποτνίᾳ,διψίοι hι, tẹ [].̣ Ξενίοι[ hι(?)....]· ΕΛΑΙFΟΝS 1[]. «PourPotnia,aux Dipsia , tẹ [].̣ Aux Xenwia (?) ,[....]: HUILE ,24[+ x]49 mesures.» Fr1232 (pièce23)—Scribe:classeII

.1 dipisijoi,porowito,pakowe OLE +PẠ ̣ S 1 .2 uacat

ιψίοι hι, porowito ,σφακόεν·ΕΛΑΙFΟΝ +σφά(κος) S 1.

«Aux Dipsia , porowito ,(huile)parfuméeàlasauge: HUILE +sau(ge),24mesures.» Fr1338 (zone103)—Scribe:classeII .1 eqomene[ .2 dipisijoi[ OLE Eqomen ει (?) []. ιψίοι hι[ΕΛΑΙFΟΝ ]. «À Eqomenês (?)[]. Aux Dipsia [HUILE ].» 46 Cf. supra ,p.25. 47 LetermeeredeapparaîtégalementenPYMn1411,l.2,enpositionsimilaireàmasede,toutaussi mystérieux;surlesinterprétationsrespectives,cf. DMic ,t.I,p.238, s.u. «erede »etp.428, s.u. «masede ». 48 Lesignet ẹ (l.1)estajoutépaṛ PalaceofNestor ,t.IV:cf.LisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3],p.98. 49 Danscetteformule,0≤x≤23. POSÉIDON MYCÉNIEN 29

Fr1240 (pièce23)—Scribe:stylet1217,classeII

.1 era 3wo,pakọ [̣ we .2 dipisijo,eqo[ .3 OLE +AV 1 [

Ἔλαιονσφακό[εν][],ιψίων (?)Eqo(?) []·AΛΟΙΦAV 1.

«Huile[parfuméeà]lasauge[],des Dipsia (?) Eqo(?) []: ONGUENT ,4mesures.» Fr1245 (pièce23)—Scribenonidentifié .1a pa[ .1 dipisipotiusquam pakijani(?) ]joie [̣ OLE

[ιψ ίuel Pakijani(?)]οι hι e[] pa [ OLE ].

«Aux[ Dipsi ]a( uel aux Pakijaniă )e [] pa [HUILE ].» Commeaux Wanassa ,le wanax (Fr1220)etPotnia(Fr1231)reçoiventtousdeuxde l’huileparfuméeaux Dipsia ,cequiconfirmequedipisijoiaunefonctionsimilaireàwa nasoi. Toutefois, le contexte n’autorise pas à trancher clairement entre une situation spatialeoutemporelle:l’asymétriedesdeuxregistresdeFr1220—oùlesyntagme Λουσίῳ ἀγρῷ,audatifsingulierdedestination,correspondauxdeuxdatifs ιψίοι hιet ανάκτει— nepermetpasdeconclureque ιψίοι hιdésigneunelocalité,àl’instarde Λουσίῳ ἀγρῷ;le termeporowito,associéà ιψίοι hι enFr1232,présenteluimêmedesproblèmesd’inter prétation;laprésenced’unanthroponymeenFr1338,audessusdelamention ιψίοι hι, est sujetteàcaution,auvudel’étatdudocument50 ;demême,leslacunesdeFr1240n’autori sentaucuneconclusionsurlecas51 et, afortiori ,surlafonctiondelaformedipisijo52 . SeulelatabletteFr1231,malheureusementfragmentaire,pourraitoffriruneexpressionsi milaireàcedernierterme,sil’onconsidèrequekeseniwijo[notelegénitifneutrepluriel ξενίων —cettegraphiepouvanttoutaussibientranscrirelenominatif,l’accusatif,ledatif oulelocatif53 —;cependant,quitteàajouteruneincertitudedanscedossier,nousjugeons préférablederestituerlesigne[i]danslalacune54 etdecomprendreletermecommele datiflocatifneutrepluriel ξενίοι[ hι], de sorte que nous ayons une indication spatiale ou temporellecomparableauδιψίοι hιdelaligneprécédente55 .

50 Cf. DMic ,t.I,p.232, s.u. «eqomene [».Lecaséchéant,cemotpourraitsetrouverenFr1240,l.2. 51 Nousavonstranscritlaformeaugénitifneutrepluriel,enprésumantunrapportavecledatifneutre plurieldestablettes1220,1231et1232,maislaformepeutaussicacherunnominatif,unaccusatifouundatif masculinouneutresingulier,voireunnominatif,accusatifougénitifmasculinpluriel.CatherineTRÜMPY ( loc. cit. [n.7],p.199201,§3.2)suggèred’yvoirunnomdemoisenίων,enalléguantdesexemplescnossiens, ainsiquelaconstructionrégulièredesnomsdemoisioniensattiquesauI er millénaire. 52 Surlemodèledesautrestablettesécritesparlemêmescribe(Fr1217,1218,1225,1242),noussuppo sonsqueletextedoitêtreluencontinusurlestroislignes,etneconcernequ’uneseulelivraisond’huile, relativeaux Dipsia ;pourunesituationinverse,cf.n.55. 53 Tellequ’elleestconservée,laformepeuttranscriretouslescasd’unmotdeladeuxièmedéclinaison,à l’exceptiondugénitifsingulier,dudatiflocatifplurieletdesnominatifetaccusatifneutrespluriels.Générale ment,l’hypothèseduneutresingulierξ ένιονestretenue,pourenfairel’épithèted’un ἔλαι ονsousentendu, aunominatifderubriqueouàl’accusatifcomplémentd’objet:cf. DMic ,t.I,p.353, s.u. «keseniwijo [». 54 Nous ne nous sentons pas tenu par le mot mutilé ]nuwijo (Fr 1255), fréquemment allégué en parallèledekeseniwijo[etrestituéen[kese]nuwijo.Sitelétaiteffectivementlecas,ils’agiraitd’uncas similaireaudipisijodeFr1240,àtranscrire,lecaséchant,commeungénitifneutrepluriel;cependant,les lacunesconsidérablesdel’uneetl’autretabletten’autorisent,ànosyeux,aucuneconclusionsûre. 55 Danslesautresbordereauxdelivraisond’huileàdesfinscultuellesrédigésparcemêmescribe,les régluresdestablettesdélimitentdesrubriquesdistinctes(cf.Fr1220 et1235);ainsi,noussupposonsqueles POSÉIDON MYCÉNIEN 30

4.–Enl’absencedetoutélémentdécisif,ilfautdoncpoursuivrel’enquête,enexami nantlesadjectifsen* ēwioconstruitssurlabasedesnoms Wanassa et Dipsia .Lesuffixe complexe* ēwiorésulterégulièrementdeladérivationen* yo de substantifsenεύς,tel ijerewijo ( ἱερήιος «relatif au prêtre») < ijereu ( ἱερεύς «prêtre») ; néanmoins, par mécoupure( ἱερήιος>ἱερήιος,surlemodèledeἱερεύς«hommedesἱερά»),cesuffixea puêtreutilisédemanièreindépendantedèsl’époquemycénienne56 .Lesadjectifswanase wijo( ανασσήιος )etdipisijewijo(διψι ήιος )peuventdèslorsêtreexpliquésdedeux manières: soit on postule l’existence d’un appellatif intermédiaire, à l’instar des formes Ποσιδα hιε ύςetι ιε ύς57 ;soitonadmetunedérivationimmédiateaudépartdesadjectifs substantivés au neutre pluriel * άνασσα et *δίψια 58 . Dans le premier cas, les noms masculins *ανασσεύς et * διψιεύς signifieront respectivement «homme des Wanassa » et «homme des Dipsia »,etlesadjectifsdérivés«relatifàl’hommedes W. ( ou des D. )»59 ; danslesecond,lesadjectifssuffixésen* ēwiosetraduirontpar«relatifaux Wanassa (ou aux Dipsia )». Puisque les adjectifs apparaissent dans un contexte comparable aux datifslocatifs plurielswanasoietdipisijoi,nousavonschoisidelesrendreprovisoirementpar«des tinéaux Wanassa ( ou auxDipsia )»—traductionquinousaparulaplusneutrepossible: Fr1215 60 (pièce23)—Scribe:stylet1219,classeII .1 wanakete,wanasewijo,wearepe .2 sapera RA (?)

Fανάκτει,ανασσήιον ειαλειφές(?), sapera RA . «Pourlewanax ,{huile}àl’onguentdeviolette (?) destinéeaux Wanassa ,sapera RA .»

deuxlignesdelatabletteFr1231enregistrentdeuxlivraisonsdifférentes,desortequeδιψ ίοι hιpeutêtreun locatifparallèleàξεν ίοι[ hι].Pouruncasdefigureopposé,cf.n.52. 56 Enfaveurdecetteanalyse,cf.e.a.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.40],p.280281;J.L.PERPILLOU ,«Obser vationssurlegrecmycénien», RPh ,s.3,42,1968,p.252258et op.cit. [n.13],p.3437,§19;A.LEUKART , loc.cit. [n.45], p.241, §6; contra , cf. C.J.RUIJGH , Études sur la grammaire et le vocabulaire du grec mycénien , Amsterdam,1967,p.135,§111;M.F.GALIANO , loc.cit. [n.13],p.207208. 57 Cf. supra ,n.39. 58 En tout état de cause, il nous paraît peu probable que des noms féminins singuliers † άνασσα <†άνακτyă «reine»(cf.e.a.A.LEUKART ,loc.cit. [n.45],p.242,§8.1;p.244,§10.1;CatherineTRÜMPY , loc.cit. [n.7],p.209213,§4.2)et† ίψια<† ίψiă «déesse Dipsia »(cf.EAD ., loc.cit. ,p.201204,§3.3)soient àlabasedesadjectifsdérivés ανασσ ήιοςetδιψι ήιος:outrelefaitquel’onattendraitladérivationrégulière en* ayo,surlemodèlede diujajo (ι yαῖον«sanctuairedeίyα»)< diuja , diwija ( ίyă «épousedeZeus» ou ίyā «fille de Zeus», cf. C.J.RUIJGH , op.cit. [n.56], p.130131, §108), le contexte où apparaissent les adjectifsn’imposepasd’imagineruneautrebasequelesneutrespluriels* άνασσαet*δίψια. 59 Enfonctiondelasignificationretenuepourlesneutrespluriels Wanassa et Dipsia ,cestermesauront uneacceptiondifférente.Silesensspatialestadopté,le* ανασσε ύςseraun«hommedusanctuaire( ou du palais)du wanax »,autrementditun«desservantdu wanax »;sil’onrecourtàlasignificationtemporelle,il devientun«hommedelafêtedu wanax »,soitun«célébrantdu wanax »;demême,le*διψιε ύςseraitsoitun desservant,soituncélébrantde* Dipsos ( ou du* dipsos ?).Lesadjectifsdérivéssignifierontd’unepart«relatif audesservantde x»,d’où«relatifauculte( ou auservice)de x»,del’autre«relatifaucélébrantde x»,d’où «relatifàlafêtede x». 60 Lesquatresignesdelal.2résistentàtouteinterprétation certaine; pour quelques hypothèses — d’aucunsyvoientunnomdevase,d’autresunequalitédel’huile—,cf.DMic ,t.II,p.280, s.u. «sapera »;cf. égalementE.L.BENNETT Jr,«ASelectionofPylosTabletTexts»,dansJ.P.OLIVIER (éd.), Mykenaïka.Actes duIX eColloqueInternationalsurlestextesmycéniensetégéens(Athènes,2–6octobre1990) ( BCH ,Suppl.25),Athènes, 1992,p.120,ainsiqueLisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3],p.98. POSÉIDON MYCÉNIEN 31

Fr1221 (pièce23)—Scribe:stylet1219,classeII

.1 porowito,wanasewija OLE +A S 1

Porowito ,ανασσήια ·ΑΛΟΙΦΑ S 1.

«Porowito ,{onguent}destinéaux Wanassa :ONGUENT ,24mesures.» Fr1218 (pièce23)—Scribe:stylet1217,classeII

.1 era 3wọ []wejarepe,poṛ ọ [̣ wito .2 dipisijewijo OLE +A S 1 .36 uacant

Ἔλαιονειαλειφές(?),poro [wito ],διψι ήιον· ΑΛΟΙΦΑ S1.

«Huileàl’onguentdeviolette (?) , poro [wito ],destinéeaux Dipsia: ONGUENT ,24mesures.» L’hypothèse la plus économique consiste à interpréter les formes wanasewijo, wanasewijaetdipisijewijocommedesadjectifsaunominatif(ouaccusatif)singulier, s’accordanttantôtà ἔλαιον, tantôtà ἀλοιφά(ν), utilisés en tant que nominatifs de rubrique (oucomplémentsd’objet)61 . Naturellement,leféminindeFr1221peutsurprendre,puisquelaprésencedel’idéo gramme ΑΛΟΙΦΑ impliquegénéralementunaccorddesépithètesauneutre62 , mais nous remarquonsquelesdeuxautrestablettesinscritesparlemêmescribe(«main1219»)pré sententégalementdessingularités:Fr1219portewanosoiàlaplaceduwanasoiatten du,Fr1215wanaketeplutôtquewanakate63 ;enoutre,lasecondelignedeFr1215 nousestincompréhensible,etdétonneaveclesautrestablettesdelasériePYFr,quis’achè ventd’ordinaireparunidéogrammeetunequantité.Demême,l’hyperbatedeFr1218,où dipisijewijo se rapporte probablement à era 3wo wejarepe, pardelà le mystérieux porowito,estégalementattestéedansuneautretablettedumêmescribe,Fr1225,oùles termesera 3woetaropasontséparéspartroismots. Étantdonnéquelesdeuxadjectifsapparaissentvisiblementenpositiond’épithètes, nousn’avonsaucuneraisondelestranscrireauneutrepluriel,nid’imaginerqu’ilsindiquent desnomsdefête( †ανασσήια «fêtedelareine»)oudemois( †ανασσηίων «mois de la fête de reine»; †διψιηίων «moisdelafêtede[ladéesse] Dipsia »)64 .Aucontraire,unsain principedesimplicitéetd’économiedeshypothèsesdetravailnousretientdetrouverdans lasériePYFruneattestationdupendantféminindu wanax mycénien,ainsiquedelaparè dred’unprétendudieu Dipsos . Les informations livrées par ces trois dernières tablettes concordent ainsi avec les autresdocumentsdelamêmesérie:aux Wanassa ,leroireçoitdel’huile(Fr1215)65 etle 61 Pour cette interprétation, cf. e.a. Monique GÉRARD ROUSSEAU , op. cit. [n.30], p.6164, s.u. «(?) dipisijo »etp.238240, s.u. «(?) wanasewijo ». 62 Cf.Fr1217,1218,1223.Danscestroiscas,ainsiquedanslaplupartdesautresoccurrencesdel’idéo gramme ΑΛΟΙΦΑ (Fr1225,1240),letermeera (3) woesttoutefoisexpriméentouteslettres,contrairementàla tabletteFr1221. 63 Cescribenoteégalementwearepe(Fr1215),àl’instarduscribe44(Fr1223),plutôtquewejarepe (Fr1205[main2,stylet1202];Fr1217,1218,1225[classeII,stylet1217]);surcesparticularités,cf.T.G. PALAIMA , op.cit. [n.36],p.123124. 64 Cettehypothèseinutilementcompliquéepostulequelesadjectifsen* ēwiosontconstruitssurlabase denomsféminins(† άνασσα«reine»;† ίψια«[déesse]Dipsia»),paroppositionauxadjectifsen* yo,qui dépendraientdenomsmasculins( άναξ«roi»;* ίψος«[dieu]Dipsos»):cf.e.a.CatherineTRÜMPY ,loc.cit. [n.7],p.201204,§3.3;p.209213,§4.2,ainsique supra ,n.58. 65 Cf.égalementFr1227et1235. POSÉIDON MYCÉNIEN 32 conceptdeporowitoestliénonseulementaux Dipsia (Fr1218)66 ,maiségalementaux Wanassa (Fr1221)—lestroismentionsdeporowitoprévoientd’ailleurslamêmequan titéd’huile,àsavoir24mesures( S1). 5.– Venonsen à l’interprétation globale des quatorze documents que nous avons présentésdanslebutderépondreànotrequestioninitiale:quesontles Wanassa?L’analyse combinatoire,ainsiquelacommunedérivationen*ēwio ontmontréqueces Wanassa sont unconceptcomparableaux Dipsia .Deplus,sinotrerestitutiondeFr1231estexacte,le terme Xenwia —qui procède également d’une dérivation adjectivale en * yo— apparaît dansunepositionparallèleà Dipsia .Enfin,letermepakijanijoi(Fr1216)estluimême strictementcomparableauxtroisautresmotsenvisagésetestutilisédansuncontextesimi laire;l’onpeutdoncsupposerqu’ilappartientàlamêmecatégorielexicale.

Dérivéprimaire Dérivésecondaire Nomdebase (adj.n.pl.) (adj.m.sg.) άναξ substantif *άνασσᾰ ανασσήιος *δίψος ,* δίψα ? substantif? *δίψιᾰ διψιήιος ξένος substantif *ξένιᾰ — Pakιᾶνες,ιάνα toponyme *Pakijan ιᾰ — a) Lestermescomparablesà Wanassa invitentàécarterl’interprétationspatiale,que nousavionsretenueautitred’hypothèsedetravail.MisàpartlatabletteFr1228,oùerede constituerait un doublet gênant avec wanasoi s’il fallait vraiment interpréter ce terme comme un allatif, plusieurs arguments s’opposent, en effet, à identifier Wanassa comme étantlesanctuaireoulepalaisdu wanax . D’unepart,l’onattendrait apriori l’allatifsingulierd’undérivéen* yo(†wanasode) pourdésignerle«sanctuairedu Wanax »67 .Danslecasdepakijanijoi,cetargumentest mêmedirimant,puisquenousconnaissonslenomdusanctuaire( Pakιᾶνες, Pak ιαν ίᾱ ou Pak ιάνα)etquel’allatif Pak ιάνανδεestbienattesté:encecas,len.pl.* Pak ιάνι ᾰnepeut certainementpasdésignerlesanctuairede Pakijana ,niledatiflocatif Pak ιαν ίοι hιsetraduire par«ausanctuairede Pakijana ». D’autre part, même si la traduction «profane» peut paraître plus séduisante au premierregard,étantdonnéquelesréservesd’huileparfuméesetrouventeffectivementau palaisroyal—cequijustifieraitledatiflocatifutiliséenlieuetplacedel’allatif—,ellese heurteàuneautredifficulté:lesscribesn’ontpaspourhabitudededésignernommément lepalais.Dèslors,laprésencemêmed’uneexpressionsignifiant«aupalaisroyal»serait uneirrégularité. Enfin et surtout, il faudrait, sur le modèle de dérivation άναξ → άνασσα «sanctuaire ou maisondu wanax »,postulerl’existencedesthéonymesounomsdefonction *δίψος,ξένοςet† pakijan ος,detellesortequelestermesδίψια,ξένιαetPakijan ια puissent signifier«sanctuairede*ίψος,deΞένοςetde†Pakijan ος» ou «maisondu*δίψος,du ξένος et du † pakijan ος». Lafaiblevraisemblancedecettehypothèsejouenaturellementen défaveurdel’uneetl’autreanalyse. b) Detouspointsdevue,ilestpréférabled’interpréter Wanassa , Dipsia , Xenwia et Pakijania commedesnomsdefête,ainsiquelelaisseentendre en Fr1224 l’expression pakijanijojomeno( Pakijanίοιο ηνός «aumois Pakijan ios »,c.àd.«aumoisdurant 66 Cf.égalementFr1232. 67 Cf.p.ex.PYFr1230:diwijode OLE +A V 1; ιίονδε· ΑΛΟΙΦΑ V1; «Au sanctuaire de Zeus: ONGUENT ,4mesures». POSÉIDON MYCÉNIEN 33 lequel a lieu la fête des Pakijan ia »). L’existence, au I er millénaire, de fêtes nommées (Θεο) ξένια68 ,ainsiquedesmoisdelphiqueΘεο ξένιος69 etthessalien ίψιος70 —quitirent sansdouteleurnomdesneutresplurielsΘεο ξένια et ίψια —, confirme pleinement cette interprétation . Ainsi, si les Xenwia mycéniens sont clairement la «fête des hôtes»71 , les Dipsia pourraientêtrela«fêtedelasoif»72 etles Pakijania la«fêtede Pakijana»—c.àd. dusanctuaireluimême,oud’uneéventuelledivinitééponyme73 .Delamêmemanière,les Fάνασσαseraientdoncla«fêteduroi». 6.–Malgréleslacunesdeladocumentation,nouspouvonscomparerlesdifférents bénéficiairesd’allocationd’huileenfonctiondesdifférentesfêtesetdesquantitésreçues:

OccasionOccasion Destinataire Quantité Référence 72mesures Fr1235,l.1 wanax 28mesures Fr1227 sapera RA Fr1215 porowito 24mesures Fr1221 Fάνασσα Potnia 12mesures Fr1235,l.2 Poséidon 8mesures Fr1219 tonoeke τήριον 4mesures Fr1222 erede 4mesures Fr1228 [] [] Fr1251 24mesures Fr1232 porowito 24mesures Fr1218 wanax 24mesures Fr1220,l.2 ίψια Eqo [(?) 4mesures Fr1240 Eqomene [(?) [] Fr1338 Potnia [] Fr1231,l.1 [] [] [Fr1245] (?)74 Ξένια — 24≤x≤47mesures Fr1231,l.2 — 80mesures Fr1216 Pakijan ια Poséidon(?)75 2mesures Fr1224 a) Enl’étatactueldenosinformations,seulsles Xenwia etles Pakijania nedonnent lieuqu’àunseulversementd’huile,dansdesproportionsimportantes—de24à47mesu 68 Cf.e.a. RE ,s.2,t.V/2,col.22562258, s.u. «Theoxenia». 69 Cf.CatherineTRÜMPY , loc.cit. [n.7],p.213214,§5et op.cit. [n.23],p.212213,§168. 70 Cf.EAD ., loc.cit. [n.7],p.196197,§3.1et op.cit. [n.23],p.218,§173. 71 Cf.e.a.SoteroulaCONSTANTINIDOU , loc.cit. [n.29],p.1418. 72 Lerapprochementavecuntermetelque* dipso ou* dipsa «soif»(cf.δ ίψα)esttentant—pourl’éven tuelledérivationenios plutôtqu’en aios d’unthèmeféminin,cf.C.J.RUIJGH , op.cit. [n.56],p.133,§110—, maisiln’estguèreaisédeproposeruneexégèseplusdétailléedecettefêtesurlabasedesquelquesrapproche ments dont nous disposons. Pour un florilège d’interprétations plus ou moins plausibles, cf. Monique GÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.6164, s.u. «(?) dipisijo »—dontlapropreexplication,baséesurlaraci neélargie* dep hs«masser»,noussemblepeuconvaincante—,ainsiqueDMic ,t.I,p.175176, s.u. «dipi sijo ». 73 Surl’existencepossibled’unedivinité Pakijana ,cf.e.a.MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30], p.166169, s.u. «Pakijana ». 74 Cefragmentpourraittoutaussibienconcernerles Pakijan ια:cf. supra ,p.29. 75 La tablette Fr1224 précise uniquement que Poséidon reçoit de l’huile parfumée durant le mois Pakijanios;ilestvraisemblablequecetteoffrandeaitunlienquelconqueavecles Pakijania . POSÉIDON MYCÉNIEN 34 respourlapremièrefête,80mesurespourlaseconde—;quantàPoséidon,ilreçoitune offrandeminimed’huile,pendantlemois Pakijanios , peutêtre lors de la fête même des Pakijania . Parcontre,lesdeuxautresfêtesconcernentungrandnombrededestinataires,quise voientleplussouventattribuerunequantitélimitéed’huileparfumée. Aux Wanassa ,le wanax reçoittroisversementsdistincts,s’élevantaumoinsàcentme suresd’huile:ceciindiquel’importancequ’occupeleroidanslasociétémycénienne,ainsi quelafêtequiluiestconsacrée;letripleversementpourraits’expliqueraisémentsilafête seprolongesurplusieursjours,sedéroulesimultanémentendesendroitsdistincts,voirea lieu plusieurs fois au cours de la même année. Outre le roi luimême, nous constatons qu’unequantitéappréciabled’onguent(24mesures)estréservéeauporowitoetquedeux offrandes plus réduites (4mesures) ont lieu, d’une part lors d’une cérémonie peutêtre relativeautrôneroyal( θρόνος/*θόρνος )76 ,d’autrepartprobablementenunlieudistinctdu palaisroyal.Enfin,deuxdivinitésaumoinssonthonoréesaucoursdela«fêteduroi»: Potnia reçoit 12mesures d’huile parfumée à la sauge, en même temps que le wanax en reçoit72—soitsixfoisplus—,etl’onoffreàPoséidon8mesuresd’onguent. Lors des Dipsia , l’on remarque que deux versements importants (2×24mesures) sontdenouveaudestinésàl’énigmatiqueporowito ;enoutre,le wanax reçoitluiaussi24 mesuresd’huileàlasaugeetdeuxautresversementsconcernentpeutêtrelemêmeperson nage,répondantsansdouteaunomouautitrede Eqomene [;enfin,Potniaestégalement honorée lors des Dipsia , dans une mesure que nous ignorons, à cause de la lacune de Fr1231. NousrappelonségalementquePoséidonreçoitpoursapartunequantitéinconnue d’huileparfuméeàl’ ἕρτιςaucoursd’unecérémoniede“lectisterne”( reketeroterio ,λεχε hστρω τήριον ),quisedérouleselontouteévidenceendehorsdesquatrefêtesquenousavonsénu mérées,soitdansleseulsanctuairede Pakijana ,soitégalementdanslepalaisoudansun sanctuairedePoséidon77 . b) Dansl’ensemble,l’interprétationdelasériePYFretl’analysedelahiérarchisation desoffrandesauxdiversbénéficiaireslorsdesdifférentescirconstancesneposentplusde problèmemajeur,àl’exceptionirritantedutermeporowito,quenousavonsjusqu’àpré sentlaissédecôté.Or,ilimported’aumoinsprésenterlesdifférentespistesd’analysedece mot,puisqueceluici,déclinéaugénitifsingulier(porowitojo),sertvisiblementdetitreà notreprochainetabletteàcontenureligieux(PYTn316). Lepremierproblèmeconcernelecasdeporowito.Ensoi,cetteformepeuttrans criretouslescasd’unnommasculinouneutre,hormislegénitifsingulier,ledatiflocatif plurieloulesnominatifetaccusatifneutrespluriels.S’ilfauttirerargumentdel’occurrence dutermeausingulierenTn316,onréduiralespossibilitésàquatrecasetautantdefonc tions:lenominatifderubrique,l’accusatifcomplémentd’objet,ledatifd’attributionoule locatif.Quantàlanaturedecemot,l’onpeutexcluresansdoutel’hypothèsed’unadjectif caractérisantl’huileparfumée:sicettehypothèseestplausibledanslecontextedeFr1218 et1232,elleestpeuprobableenTn316etabsolumentexclueenFr1221—oùlaprésence del’adjectifwanasewijaferaitattendreunaccordaunominatifouàl’accusatifféminin singulier.Euégardàcettedernièreremarque,lecasleplusprobablepourporowitoest soitundatif( porowitῳ),soitunlocatif( porowit οι),fautedequoilestablettesFr1218et1221 76 Cetteprésomptiontrouveunappuidansl’associationentrelacérémoniedu tonoeke etla«fêteduroi» (* Fάνασσα):cf. supra ,p.25. 77 Cf. supra ,p.2325. POSÉIDON MYCÉNIEN 35 présenteraientdeuxcomplémentsdifférentsaunominatifouàl’accusatif,sansaucuncom plémentd’attributionoudesituation,cequiiraitàl’encontredesconventionsobservées danslasériePYFr. Ledatif porowitῳoulelocatif porowitοι pourraientthéoriquementdésignertroisréali tésdifférentes:soitlebénéficiaire—humainou divin— d’une offrande d’huile (datif), soitunefêteouunecérémonie(datifoulocatif)78 ,soitunlieudit—sanctuaireouédi fice—(datifoulocatif).Parcontre,ilestpréférabledenepasanalyserporowitocomme unnomdemois79 . Latroisièmehypothèse—celled’unelocalitéappeléeporowito—estsansdoute lamoinsvraisemblable,puisquel’allatifestrégulièrement employé dans ce cas de figure (Pakijanade , ιίονδε ); elle ne sera pas écartée d’office pour autant, car plusieurs docu mentspourraientattesterl’emploidetoponymesaulocatifdansuncontextesimilaire80 .La possibilité que porowito soit le destinataire de l’huile —privilégiée par plusieurs sa vants—seraitconfortéeparl’analysecombinatoire,puisqueporowito apparaît dans le même contexte que les datifs Ποτνίᾳ et ανάκτει81 .Toutefois,cetargumentnesauraitêtre décisif,étantdonnéquelapositiondeporowitoestégalementcomparableàcelledes locatifsλεχε hστρωτηρίοι et,plusencore,de tonoekeτηρίοι 82 —quidésignentdeuxcérémo nies,dontlasecondeaumoinsalieulorsdelafêtedes Wanassa .Puisqueaucunepossibilité ne s’impose particulièrement, il faudra toutes les examiner à la lumière de Tn316, qui serviradepierredetoucheauxhypothèseséchafaudéesparailleurs.

78 Pourlapossibilitédetraduirelesnomsdefêteetdecérémonieparunlocatifouparundatif,cf.supra , n.22;cetteexplicationestextrapolableauxtoponymesetauxnomsdesanctuaires. 79 Contra ,cf.e.a. DMic ,t.II,p.150151, s.u. «porowito ».Cettehypothèse,quifaitdeporowitoun locatifouunnominatifderubrique,reposeavanttoutsuruneinterprétationdugénitif porowit οιο(Tn316) proposéeparL.R.Palmer,alorsquelasériePYFrétaitencoreinconnue.Or,lestroisoccurrencesde ce termeenPYFrneconfirmentguèrecetteprésomptioninitiale—lajustificationducas,àlaplacedugénitif attendu,neconstituantpaslamoindredifficulté—:cf.e.a.lescritiquesdeCatherineTRÜMPY , loc.cit. [n.7], p.223225,§8etdeJ.WEILHARTNER ,«ÜberlegungenzudemmykenischenBegriff porowitojo aufPYTn 316», Kadmos,41,2002,p.156158. 80 DanslasériePYFr,lesexpressionspakijanijoakoro[Fr1236,l.1]etrousijoakoro[Fr1220, l.1],pourraientnoterdeslocatifs( Pakijan ίοιἀγρο ῖ;Λουσ ίοι ἀγρο ῖ)plutôtquedesdatifs( Pakijan ίῳ ἀγρ ῷ; Λουσ ίῳἀγρ ῷ).Parailleurs,latablettePYTn316révèleégalementl’emploideslocatifspakijasi( Pak ιᾶνσι ) [l.2], posidaijo (Ποσιδα hίοι) [v., l.1], pere*82jo ( Pere82ίοι), ipemedeja ( Ἰφεεδεια< ίοι>) et diujajo(ι ια ίοι)[v.,l.4],ainsiquediujo(ι ίοι)[v.,l.8],endépendanceduverbeijeto( ἵετο ί). 81 Cf. J.WEILHARTNER , loc. cit. [n.79], p.158159 (comparaison de Fr1221 et 1215, ainsi que de Fr1232,1220et1231). 82 Oncomparerap.ex.Fr1217et1218,ainsiqueFr1222,1221et1232. POSÉIDON MYCÉNIEN 36 LatabletteTn316 S’ilnefallaitretenirqu’unseultémoignageécritrelatifàlareligionmycénienne,latablette opisthographedeformat«page»PYTn316seraitsansnuldouteceluilà.Defait,depuis plusd’undemisiècle,l’intérêtdesmycénologuespourcedocumentexceptionnel—quire censeaumoinsquatresanctuairesetdouzedivinités—nes’estjamaisaffaibli,témoinle grandnombredesuggestions,d’hypothèsesetd’interprétationsauxquellescetexteadonné lieu83 . À plusieurs égards, ce foisonnement d’exégèses a nui à la bonne intelligence du texte:pourbeaucoup,ilimportaitdavantagedesoutenirouderéfutertelleoutelleanalyse construitesurlabasedeTn316plutôtqued’examinerledocumentenluimêmeetd’étu dierletextedefaçonneutre.Cestraversfurentsuccessivementréparéspardeuxarticles fondamentaux:lepremierétudieavecminutielatabletted’unpointdevuepaléographique etparvientàétablirl’ordredanslequellessignesfurentincisés84 ;leseconds’intéresseà l’historiographie contemporaine et permet de mettre en lumière, pour mieux les écarter, plusieursidéesreçuesquiconcernenttantlescirconstancesderédactiondelatabletteque sonobjet85 .Lelieudedécouverte,ainsiquelacritiqueinternedeTn316,excluentdetoute évidence que cette tablette ait été rédigée dans l’urgence, juste avant la chute du palais pylien,oumêmequ’elleaitpudemeurerinachevée86 .Ainsi,loind’enregistrerunacterituel exceptionnel,cetexteadeforteschancesdeconserverlatracedelareligionrégulièredu royaumedePylos: PYTn316 87 (pièced’archives8)—Scribe:main44 r.1 porowitojo, r.2 ijetoqe,pakijasi,doraqe,pere,porenaqe r.3 puro ake,potinija AUR *215 VAS 1 MUL 1 r.4 manạ sa,̣ AUR *213 VAS 1 MUL 1posidaeja AUR *213 VAS 1 MUL 1 r.5 tiriseroe, AUR *216 VAS 1dopota AUR *215 VAS 1 r.6 angustum

83 Cf.,p.ex.,latentatived’analyseglobaledeB.SERGENT ,«Héortologiedumois Plowistos dePylos», DHA ,16,1990,p.175217—quisouventpècheparmanquedeprudence,enseréférantsansprécaution auxdonnéesreligieusesetmythologiquesduI er millénaire.Pourunesynthèsecommode,cf.M.VENTRIS & J.CHADWICK , op.cit. [n.4],p.284289et458464;Y.DUHOUX ,«MycenaeanAnthology»,dansY.DUHOUX & Anna MORPURGO DAVIES (éd.), ACompaniontoLinearB.MycenaeanGreekTextsandtheirWorld.Volume1 (BCILL ,120),LouvainlaNeuve,2008,p.321335. 84 E.L.BENNETT Jr,«puro vacant (PYTn316.710,v.1316)»,dansE.RISCH &H.MÜHLESTEIN (éd.), Colloquium Mycenaeum. Actes du sixième Colloque International sur les textes mycéniens et égéens tenu à Chaumont sur Neuchâteldu7au13septembre1975 ,Neuchâtel&Genève,1979,p.221234. 85 T.G.PALAIMA ,«“Kn02—Tn316”»,dansSigridDEGER JALKOTZY ,S.HILLER &O.PANAGL (éd.), FloreantStudiaMycenaea.AktendesX.InternationalenMykenologischenColloquiumsinSalzburgvom1.–5.mai1995 (PHKD ,274; VmykK ,18),Vienne,1999,t.II,p.437461. 86 Cf.e.a.AnnaSACCONI ,«LatavolettadiPiloTn316:unaregistrazionedicarattereeccezionale?», Minos ,n.s.,2022,1987,p.551555;T.G.PALAIMA ,«TheLastDaysofthePylosPolity»,dansR.LAFFI NEUR &W.D.NIEMEIER (éd.), Politeia.SocietyandStateintheAegeanBronzeAge.Proceedingsofthe5 th International AegeanConference.UniversityofHeidelberg,ArchäologischesInstitut.10–13April1994 ( Aegaeum ,12),Liège&Austin, 1995,t.II,p.623633etpl.LXXIV. 87 Pour les amendements aux lectures de ce document, cf. E.L.BENNETT Jr, loc.cit. [n.60], p.110; aprèsexamensurphotographiespartielles,ilsemblequelenadelal.4doiveêtrepointé(cf. infra ,n.120)et quel’agencementdesignesauv.,l.3,puisseêtretranscritn ạ ̣ ●(cf. infra ,p.46). POSÉIDON MYCÉNIEN 37

r.7 uacat r.8 uacat r.9 uacat r.10 puro uacat reliquaparssineregulis → v.1 ijetoqe,posidaijo,akeqe,watu v.2 doraqe,pere,porenaqe,ake v.3 puro AUR *215 VAS 1 MUL 2qowija,n ạ ̣ ●,komawete‘ja’ v.4 ijetoqe,perẹ *82jo,ipemedejaqediujajoqẹ v.5 dorạ qe,pereporenaqe,a,pere*82̣ AUR +*213 VAS 1 MUL 1 v.6 ipemedẹ jạ AUR +*213 VAS 1diuja AUR *213 VAS 1 MUL 1

v.7 puro emaa2,arejạ AUR *216 VAS 1 VIR 1 v.8 ijetoqe,diujo,doraqe,pere,porenaqeakẹ ̣ v.9 diwe AUR *213 VAS 1 VIR 1era AUR *213 VAS 1 MUL 1 v.10 AUR VAS dirimijo └┘diwo,ijewe, *213 1[] uacat v.11 puro uacat v.12 angustum v.13 uacat v.14 uacat v.15 uacat v.16 puro uacat reliquaparssineregulis Porowit οιο. Πύλος ἵετοίκε Pak ιᾶνσι , δῶράκε φέρει, φορῆνάςκε ἄγει· Ποτνίᾳ· ΧΡΥΣ (Σ)ΟΝ *215 VAS 1, ΓΥΝΗ 1· Manas ᾳ· ΧΡΥΣ (Σ)ΟΣΙΠΝΟΣ 1, ΓΥΝΗ 1 · Ποσιδα hείᾳ ΧΡΥΣ (Σ)ΟΣΙΠΝΟΣ 1, ΓΥΝΗ 1 · Τρισ hηρώhει· ΧΡΥΣ (Σ)ΟΝ *216 VAS 1· Dopot ᾳΧΡΥΣ (Σ)ΟΝ *215 VAS 1. Πύλος( uacat ). Πύλος ἵετοίκε Ποσιδα hίοι, ἄγεικε άστυ, δῶράκε φέρει, φορῆνάςκε ἄγει· ΧΡΥΣ (Σ)ΟΝ *215 VAS 1, ΓΥΝΑΙΚΕΣ 2· qowijana●komaweteja . Πύλοςἵετοίκε Pere82ίοι,Ἰφεεδεια<ίοι>κειyαίοικε,δῶράκεφέρειφορῆνάςκεἄ<γει>· Pere 82 · ΧΡΥΣ (Σ)ΟΣ +ΙΠΝΟΣ 1, ΓΥΝΗ 1· Ἰφεεδείᾳ· ΧΡΥΣ (Σ)ΟΣ +ΙΠΝΟΣ 1 · ίyᾳΧΡΥΣ (Σ)ΟΣΙΠΝΟΣ 1, ΓΥΝΗ 1 ·Ἑράhᾳareja · ΧΡΥΣ (Σ)ΟΝ *216 VAS 1, ΑΝΗΡ 1. Πύλοςἵετοίκείyοι,δῶράκεφέρει,φορῆνάςκεἄγει· ίει· ΧΡΥΣ (Σ)ΟΣΙΠΝΟΣ 1, ΑΝΗΡ 1·Ἥρᾳ· ΧΡΥΣ (Σ)ΟΣΙΠΝΟΣ 1, ΓΥΝΗ 1 · Dirim ίῳ,ιὸςἱέει, ΧΡΥΣ (Σ)ΟΣΙΠΝΟΣ 1[]. Πύλος( uacat ). «Pendantle porowito. Pylos accomplit une cérémonie à Pakijana , et apporte des cadeaux, et mène des “porteurs” : pour Potnia,1 CALICE en OR ,1 FEMME ;pour Manasa,1 BOL en OR ,1 FEMME ;pourPosidahéia,1BOL en OR ,1 FEMME ;pourTrishêrôs,1 COUPE en OR ;pour Dopota ,1 CALICE en OR . Pylos( uacat ). PylosaccomplitunecérémonieausanctuairedePoséidon,etmènelesgensdelaville,etapportedes cadeaux,etmènedes “porteurs” :1 CALICE en OR ,2 FEMMES ;qowijana●komaweteja . Pylos accomplit une cérémonie au sanctuaire de Pere82 , et au Iphémédéia, et au sanctuairedeDiwia,etapportedescadeaux,etmèdes “porteurs” :pour Pere82 ,1BOL en OR , 1 FEMME ;pourIphémédéia, 1 BOL en OR ;pourDiwia,1BOL en OR ,1 FEMME ;pourHermès areja ,1 COUPE en OR ,1HOMME . Pylos accomplit une cérémonie au sanctuaire de Zeus, et apporte des cadeaux, et mène des “por teurs” :pourZeus,1BOL en OR ,1 HOMME ;pourHéra,1 BOL en OR ,1FEMME ;pour Dirim ios, filsdeZeus,1BOL en OR ,[]. Pylos( uacat ).» POSÉIDON MYCÉNIEN 38

Larichessedesrenseignementsconsignésdanscedocumentcontrastefortementavecla pauvretédenosconnaissancessurlesréalitésreligieusesmycéniennes.Pourcetteraison, notrecommentairedoitdistinguertrèsclairemententrelesfaitsavérésetleshypothèses, avecd’autantplusdezèlequelatabletteTn316servitfréquemmentdepierreangulaireà desthéoriesconcernantlareligionetlasociétémycéniennes.Danslecadredenotrerecher che,ilconviendradecentrercecommentairesurtroispoints:lasignificationprobabledu termeporowitojo ;lanaturedesopérationsconservéesdanslesquatreparagraphesdela tablette;lesrelationsentrelesdifférentesdivinités,danslamesureoùl’analysecombina toirepermetdelesinférer.

—SIGNIFICATIONDUTERMEPO RO WI TO JO Des trois hypothèses permettant d’expliquer les trois occurrences de porowito danslasériePYFr,nouspouvonsd’oresetdéjàécarterl’idéed’untoponyme.Outrelefait quecetteconjectureneconvientpasparfaitementaucontextedeslivraisonsd’huile—où l’on aurait attendu un toponyme à l’allatif plutôt qu’au datif ou au locatif—, le titre porowit οιο en Tn316 résiste, de surcroît, à toute explication: au plan formel, le génitif seraitincompréhensible,tandisquelarécurrencedutoponyme Πύλος etlaprésenced’au moinsquatrenomsdesanctuaireaulocatifdiscréditenttotalementl’identificationdeporo witocommeuntoponyme.Demeurentdonclapossibilitéquecetermedésigneuneper sonnehumaineoudivinedanslasériePYFr,ainsiquel’hypothèsed’unnomdefêteoude cérémonie:nousexamineronssuccessivementcesdeuxpistesd’interprétation. 1.–Siporowitoestunanthroponymeouunappellatif,l’entêtedeTn316pourra, lecaséchéant,êtretraduitcommelecomplémentd’unnomsousentendu:«(service)de ou du porowitος»88 .Enoutre,l’hommenommé porowit οςrecevraitàtroisreprises24mesures d’huileparfuméedestinées,dansuncas,àlatenuedes Wanassa et,danslesdeuxautres,à celledes Dipsia .Siletermeestplutôtunthéonyme,latripleoffrandedelasériePYFrse comprendplusaisémentencore: Porowit οςseraithonorélorsdes Wanassa etdes Dipsia ,à l’instar du wanax et de Potnia ;deplus,lesdeuxrationsd’huileverséesàl’occasion des Dipsia laisseraientsupposerquece Porowit οςestl’unedesprincipalesdivinitéshonorées lorsdecettefête,toutcommele wanax estleprincipalbénéficiairedes Wanassa .Parcontre, l’interprétationdeTn316devientnettementplusdélicate:soit—solutiondésespérée— lapremièrelignedeTn316estconsidéréecommeunvestigedupremiertexteinscritsur cettetablettepalimpsesteet Porowit οιο seraitunmotextraitdesoncontexte89 ,soit—hy pothèseguèreplusélégante—Porowit οςauraitdonnésonnomàunmois,nonpasselonla dérivationattendue,avecl’adjectifdérivé(* Porowit ιος ήν), mais parunprocédénonattes téavantl’époquehellénistique,quirecourtaugénitifduthéonyme(* Porowit οιο ήν) 90 . Enfait,aucunedessolutionsproposéesneconvaincpleinement.D’unepart,aucune autre tablette ne présenterait un genetiuuspendens censéindiquerlebureauouledépartement dontdépendledocument,etlaprésenced’unfonctionnaire,siimportantsoitil,comme destinatairedelivraisonsd’huiledanslasériePYFr,auxcôtésdesdieuxetduroiluimême, serait également un exemple unique. D’autre part, l’ingéniosité déployée pour défendre l’existenced’unsupposéthéonyme Porowit οςrecèledeslacunesbienplusgravesencore. Ainsi, l’étude paléographique de Tn316contreditformellement l’hypothèse d’une mala dresseduscribe,lequelauraitoubliéd’effaceruneinformationdevenueinutile:lapremière 88 Cf.e.a.MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.2223etp.179180, s.u. «(?) porowito ». 89 CatherineTRÜMPY , loc.cit. [n.7],p.227,§8. 90 J.WEILHARTNER , loc.cit. [n.79],p.160161. POSÉIDON MYCÉNIEN 39 lignedurectoappartientvisiblementàl’étatdéfinitifdutexte91 et,parailleurs,sacomposi tionenmajusculesindiquesuffisammentqu’ellesertdetitregénéralaudocument.L’argu mentlepluspénétrantendéfaveurdelasecondetentative—quifaitde porowitοιοlemois dudieu Porowit ος—n’estpastantlerecoursàunprocédédedérivationrareet,detoute évidence, tardif, que le constat suivant: des actes religieux effectués durant le prétendu «mois de Porowit ος» concerneraient au moins douze dieux différents, dont cinq sont inconnusparailleurs,maispasuneseulefoisledieu Porowit οςluimême!Étantdonnéque l’uneetl’autresuggestionrelativeausupposénomdivin Porowit οςéchouentàexpliquerce génitifisolé,laprésenced’unthéonymedéclinéàl’entêtedeTn316nousparaîtencore plusdifficileàdéfendrequecelled’unanthroponymeouunnomdefonction. 2.–Ladernièrepossibilitéestdeconsidérerporowitocommelenomd’unefête oud’unecérémonie,voired’unrituel92 .Encecas,lasyntaxeneposeaucunproblème:le titre porowit οιοestaugénitifdetemps,etTn316recenseunensembled’actesreligieuxqui ontlieu«pendantlafête ou lacérémonie ou lerituelduporowito».Lestroismentionsde porowitodanslasériePYFrs’accommodentdecetteinterprétation,toutenpermettant del’affiner:puisqueletermeapparaîtexclusivementenrelationavecdesfêtesreligieuses (Wanassa et Dipsia )93 ,ilestplusprobablequ’ildésigneunnomdecérémonieouderituel,à l’instardu tonoeke τήριον,quialieupendantles Wanassa 94 . L’analysecombinatoireimposeégalementdepréciserleconceptdeporowito :soit ils’agitd’unecérémonieunique,aucoursdelaquelleontlieulesdifférentespratiquesenre gistréesparTn316,ainsiquelestroisoffrandesd’huiledeFr1218,1221et1232,soitles textesfontallusionàtroisouquatrerituelsdistinctsquiportenttouslenomporowito. Danslepremiercas,ilfautadmettrequeles Wanassa ,les Dipsia etlesoffrandesdeTn316 ontlieusimultanément,enlienaveclacérémonieduporowito—cequiparaît apriori peuprobable—;danslesecondcas,aucontraire,nouspouvonssupposerquelorsdecha quefêteimportanteontlieuunouplusieurs95 rituelsduporowito,quirequièrentinvaria blement24mesuresd’huilesparfumée,etqu’unefêteplusimportante,égalementnommée porowito, prend place une fois l’an. Cette dernière solution nous paraît préférable et pourraittrouverunappuidansl’étymologie—controversée—dutermeporowito. Defait,auxétymologiespossibles,maisgratuites, s’appuyantsurlesracines* plew «naviguer»et* phlew «germer»96 ,ilfaudraitplutôtpréférerlaracine* weid «voir»,pré fixéeen*προetsuffixéecommeunadjectifverbal(*προιδ το>*πρόιστο)97 ,desorte quelerituelporowito(*πρόιστον )désigneraitla«prévision ou provision»,offrandepré liminaireàunecélébration,sansdoutecomparableà l’ἀπαρχήgrecqueetaux primitiae ro maines(«prémices»):àcetitre,latenuedes Wanassa etdes Dipsia doitêtreprécédéed’un *πρόιστον . Dans cette optique, la cérémonie du *πρόιστον détaillée en Tn316 doit

91 Cf.E.L.BENNETT Jr, loc.cit.[n.84],enpart.p.229231. 92 Lefaitquelesnomsdefêteoudecérémoniemycéniennesseterminentgénéralementen* iă eten *tērion/tēriă (cf. e.a. Catherine TRÜMPY , loc.cit. [n.7], p.202) n’est pas un argument dirimant: nous ne pouvonsprétendreconnaîtrelatotalitédesusagesmycéniensenlamatière. 93 PYFr1221( Wanassa );1218et1232( Dipsia ). 94 PYFr1222. 95 LestablettesFr1218et1232laissentprésumerqu’aumoinsdeuxrituelsdu porowito ontlieulorsdes Dipsia:cetterépétitiondurituelpourraitêtredueaufaitquelafêtes’étendesurplusieursjournées. 96 Cf. DMic ,t.II,p.150151, s.u. «porowito ».Lasecondehypothèseestappuyéeparlenomdemois spartiate[Φλ]οι άσιος:cf.Y.DUHOUX , loc .cit. [n.83],p.330331. 97 Cf. e.a. Monique GÉRARD ROUSSEAU , op. cit. [n.30], p.179180, s.u. «(?) porowito »; Catherine TRÜMPY , loc.cit. [n.7],p.226227. POSÉIDON MYCÉNIEN 40 vraisemblablementêtreunecélébrationsolennelle,inaugurantl’annéenouvelle,aucoursde laquelleseraienthonoréeslesdivinitéslesplusimportantesdupanthéonpylien. Bien que l’étymologie proposée ne soit pas exempte d’une inévitable incertitude, l’existenced’unrituelprécis,quialieuaucoursdechaquefêteimportanteetadonnéson nomàunecélébrationannuelleimportantedemeure,ànotreavis,l’hypothèselapluspro bablepourexpliquerlesemploisdutermeporowito.Parailleurs,elleexpliqueaumieux lasyntaxenominale:danslasériePYFr,letermeapparaîtaulocatif( porowit οι ),commeles autresnomsdecérémonie( tonoeke τήριοι; λεχε hστρωτήριοι )98 etdefêtes( αν άσσοι hι; διψί οι hι; ξενίοι[ hι(?) ]; Pakijan ίοι hι),tandisqu’enTn316,ilestdéclinéaugénitifde temps (porowit οιο). Enfin, cette explicationconstitue un argument supplémentaire pour écarter l’idéeselonlaquelleTn316constitueraitunriteexceptionnel;toutaucontraire,l’entête indiqueraitclairementquecettetablettefaitétatdesactesprévus«lors(delacérémonie)du porowito».

—OBJETDELATABLETTE TN316 Unefoisécartéel’hypothèsefantaisistemaisrécurrentequivoitenTn316uneten tativeultimeetdésespéréedeseconcilierlesdieuxpyliensauxdernièresheuresdelaviedu royaume99 ,ilfauts’interrogersurlanaturedesactesaccomplislorsduporowito.Toute l’énigmeserésumeenunephasesibylline,quirevientenleitmotivtoutaulongdudocu ment(puroijetoqe alicubi doraqepereporenaqeake)100 ,quel’onpeutsansdoute transcrireen Πύλος ἵετοίκε alicubi , δῶράκε φέρει, φορῆνάςκε ἄγει. Àuneoccasion,le scribeajouteàlaformulel’expressionakeqewatu, ἄγεικε άστυ, immédiatement après lenomdusanctuaireaulocatif 101 . Nombreuxsontlesproblèmesqueposeceténoncé.Laformepuro,quiapparaîten grandscaractèrescommeletitredechaquesection,doitsansdouteêtreidentifiéecomme lesujetdechacundestrois(ouquatre)verbesplutôtquecommeunnominatifderubrique —auquelcasl’onseraitenpeinedetrouverunsujetpourcesverbes,àmoinsdesupposer uneconstructionimpersonnelle,peuprobableauxvoixmoyenneetactive—;parmétony mie,leterme Πύλος feraitallusionaux«gens ou prêtresdePylos»,représentantlatotalité duroyaume.Lesverbessontsansdouteconjuguésàla3 epersonnedusingulierdel’indi catifprésentetlesensdepere( φέρει, «il porte»)etake( ἄγει, «il mène»)102 estobvie.Par contre,laformeijeto,transcriteen ἵετοι,asuscitédesdiscussions:laréférencenaturelle auverbe ἱέναι «envoyer»103 est parfois récusée —probablementàjustetitre—,carce

98 Cf.PYFr1218,1221,1232;1222;343,1217.Ensoi,lestermesporowito,tonoeketerijoet reke(e)toroterijopourraientégalementêtreinterprétéscommedesneutrespluriels,déclinésaugénitifde temps,commeporowitojoenTn316.Cecisupposeraitquelesrituelsintégrésdansd’autresfêtesporte raientlenomde porowit α,tandisque,parcontraste,lacélébrationannuelleseraitappelée porowit ον.Toutefois, l’emploidudatifpourdésignerlesnomsdefêtesdanslasériePYFrnousinviteàmaintenirlalectureaudatif neutresingulier. 99 Cf. supra ,n.86. 100 PYTn316,l.23;v.,l.12,45,89. 101 PYTn316,v.,l.1. 102 Ilnousparaîtpeuvraisemblablequ’uneoccurrencedeake(v.,l.1)doiveêtretraduited’unemanière différente que les quatre autres, sur la base d’un rapprochement avec le présumé * ἅγω «purifier» — partageant la racine de ἁγν ός et ἅζοαι— (cf. L.R.PALMER , The Interpretation of Mycenaean Greek Texts , Oxford, 1969 2, p.266267) ou avec ἄρχω «aller en tête» (cf. M.LEJEUNE , «Sur quelques termes du vocabulaireéconomiquemycénien»[1964],dans MémoiresII ,p.306307,n.88). 103 Cf.e.a. DMic ,t.I,p.276277, s.u. «ijetoqe »,enpart.n.1. POSÉIDON MYCÉNIEN 41 verbedemouvementréclamenormalementuncomplémentàl’allatif104 ;onluipréfèreun hypothétiqueverbe construitsurlamêmeracinequeἱερός,nonattestéauI er millénaire,qui signifierait«accomplirunecérémoniereligieuse»105 .Enfin,lesplusgrandesdifficultésde laformulesontlestroissubstantifs:sil’onreconnaîtsansdifficultélesmots άστυ, δῶρον et *φορήν106 , l’interprétation de ces termes prête par contre à controverse .La«ville» (άστυ )désignepeutêtre,parmétonymie,les«gensdelaville»,enoppositionà«Pylos», quiviseraitl’ensembleduroyaume;les«cadeaux»( δῶρα )mentionnésparlatablettedoi ventcertainementêtrerapprochésdesvasesqui,detouteévidence,sontoffertsauxdivini tés lors de la cérémonie du porowito107 ; quant aux «porteurs» ( *φορῆνες )108 , mis en rapportaveclesidéogrammesd’êtreshumains,ilssontcertainementdesmembresduper sonnelsacré109 plutôtquelesvictimesd’unsacrifice110 . Ces trois substantifs seraient les complémentsd’objetdesverbes φέρει (δῶρα )et ἄγει ( άστυ,φορῆνας )111 . Laformuleintroductivedechaqueparagrapheprécisedoncque,lorsduporowito, Pyloseffectuequatrecélébrationsdistinctes,selonunriteidentique;aucoursdechacune d’entreelles,desvasesetdesêtreshumainssontamenésdansunseulouplusieurssanctuai 104 LatabletteFr1223,seconddocumentrédigéparlescribe44,confirmed’ailleursl’usagedel’allatifpar l’auteurdeTn316:[]tinode,erawopakowe,wearepe OLE +AS 2|[]wodoweqewearepe OLE +AS ̣2;tino δε, ἔλαι ονσφακ όεν ειαλειφ ές(?)·ΑΛΟΙΦΑ S2·ορδ όεν ειαλειφ ές(?)·ΑΛΟΙΦΑ S2;«À tino ,huileparfuméeàlasauge,àl’onguentdeviolette (?): ONGUENT ,32mesures;(huile)parfuméeàlarose, àl’onguentdeviolette (?):ONGUENT ,32mesures». 105 Cf.e.a.L.R.PALMER , op.cit. [n.102],p.264266;J.L.GARCÍA RAMÓN ,«SobrelatablillaPYTn316 yelpretendidopresenteradical ijeto »,dansE.DEMIRO ,L.GODART &AnnaSACCONI (éd.), op.cit. [n.4],t. I, p.261268 (quin’exclutpaslatraduction«serendreenprocession»,àcôtéde«célébrerunecérémonie»); I.HAJNAL ,«Mykenisch ijeto , ijero undVerwandtes», ibid. ,t.I,p.269288(quiadmetlerapprochementavec ἱερ ός,maisoptepourlatraduction«semettreenmouvement»). 106 Lalecturedeporenaparl’infinitifdebutφορ ῆναι(δ ῶράκεφ έρειφορ ῆναικε ἄγει«etl’onportedes cadeaux, et l’on amène pour les porter»), notamment soutenue par G.NAGY («A Mycenaean Reflex in Homer:Φορ ῆναι», Minos ,n.s.,2930,19941995,p.171175)etA.WILLI («doraqepereporenaqeake:An IndoEuropeanFigureinMycenaean?», Minos ,n.s.,2930,19941995,p.177185),toutingénieuseetsédui santesoitelle,nepeutguères’imposercommel’hypothèselaplusplausible:cf.T.G.PALAIMA ,«porena:A MycenaeanReflexinHomer?AnIEFigureinMycenaean?», Minos ,n.s.,3132,19961997,p.302312. 107 Ilestplusdifficilededéfendrequecesvasessontdesobjetscultuelsappartenantaupalais,quiseraient restituésaprèsleurutilisation,commeledéfendente.a.AnnaSACCONI , loc.cit. [n.86],p.553etT.G.PALAI MA , loc.cit. [n.85],p.450451. 108 Pourcettelectureetcettetraduction,cf.MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.176177, s.u. «(?) porena ».Ilestpeuprobablequeces«porteurs»soientspécifiquementchargésd’amenerlesvasesdans lesdifférentssanctuaires,puisqueΤρισ hήρως, Dopota , Ἰφε έδειαet Dirimijo (?)reçoiventchacununvase,mais aucun*φορ ήν,tandisqu’unseulvase,maisdeux*φορ ῆνες,sontenvoyésausanctuairedePoséidon. 109 Cf.e.a.AnnaSACCONI , loc.cit. [n.86],p.553554(«sacerdotiesacerdotesse»).Enopérantunecom paraisonfortintéressanteavecdestextescunéiformesquienregistrentledond’hommesetdefemmes,ainsi quedevaisselleenmétalprécieux,auxsanctuaireshittites,A.UCHITEL («AssignmentofPersonneltoCultic HouseholdsinMycenaeanGreeceandtheHittiteEmpire[PYTn316andKBoXVI.65]», Kadmos ,44,2005, p.5159) suggère que les êtres humains mentionnés en Tn316 —càd. les *φορ ῆνες— ne sont ni des victimeshumaines,nidesesclaves,nidesprêtres,maisdesmembresdupersonnelcultuelcomparablesaux hilammieš̮ etaux arnuwalaš hittites. 110 Cf.e. a. M.VENTRIS & J.CHADWICK , op. cit. [n.4], p.459460; R.J.BUCK , «Mycenaean Human Sacrifice», Minos ,n.s.,24,1989,p.131137;DMic ,t.II,p.143, s.u. «porenaqe ». 111 Malgrél’inversiondel’ordredesmotsdanslaproposition ἄγεικε άστυ(parrapportàδῶράκεφ έρει etφορ ῆνάςκε ἄγει),ilnousapparaîtpeuprobableque άστυoccupelafonctiondesujetetsoit,dèslors,un doubletdeΠ ύλος;aucontraire,l’itérationdelaformuleintroductiveetlasymétriedesesdifférentséléments laisse penser que tous les substantifs sont compléments d’objet. Notons que cette étonnante inversion apparaîtprécisémentdansunparagraphequiposed’autresproblèmesdesyntaxe,avecl’expression qowijana● komaweteja (v.,l.3). POSÉIDON MYCÉNIEN 42 resafind’êtreoffertsàuneoudesdivinités;seulleparagraphequiconcernelesanctuaire dePoséidonprécisequeles«gensdelaville»sontinvitésàprendrepartàlacérémonie —maispeutêtreestceégalementlecas,implicitement,pourlestroisautrescérémonies. Bienquel’ordredanslequelapparaissentlessanctuaires,lapréséanceaccordéeaux divinitésfémininesetlahiérarchisationinféréedel’importancedesoffrandespuissentêtre particuliersàlacérémonieduporowitoetnepasrefléterfidèlementl’importancerelative desdivinitésmycéniennes112 ,ilnefaitpasdedoutequeTn316donnedeprécieusesindi cationssurlepanthéonpylien,commenousleverronsdansuninstant.

—IMAGED ’UNPANTHÉONPYLIEN Lesassociationsentrelesthéonymesetlesnomsdesanctuaires,lesrelationsentreles différentsdieux,ainsiquelarépartitiondesoffrandes,offrentunephotographieinstanta néedelareligionmycéniennedePylos,quel’onpeutprésentercommesuit:

Typedevase (δῶρον) Humain (*φορ ήν) Sanctuaire Bénéficiaire *215 *216 *213 VIR MUL Πότνια × 1 Manasa × 1 Pakijana Ποσιδάhεια × 1 Τρισ hήρως × Dopota × –{Ποσειδάhων}? Ποσιδάhιον × 2 –qowija na●komaweteja ? Pere82 × 1 Pere82 ιον Ἰφεέδεια × Ἰφεεδεια<ῖον> ίyα × 1 ιyαῖον Ἑράhας areja × 1 *Ζε ύς × 1 ίyον Ἥρα × 1 Dirimijo ,ιὸς*ἱύς × [?] [?] Destroistypesdevasesattestésdanscedocument,lesdeuxplusrares—c.àd.lecalice *215etlacoupe*216—nesontpasattestésparailleursdansladocumentationécritemy cénienne,maissontconnusparl’archéologieetl’iconographiedepuisl’HelladiqueRécentI (c. 1625–1520)pourlepremieretleMinoenMoyenIII( c.1700–1600)pourlesecond,soit plusieurs siècles avant la rédaction de PYTn316 et la chute du palais de Pylos, à l’HelladiqueRécentIIIB/C( c.1190–1180)113 :l’antiquitédecesmodèlesdevasespourrait indiquer que le rituel du porowito s’inscrit dans une très longue tradition religieuse. L’examendutableausynoptiquerévèlequeseulsPotnia, Dopota etladivinitéhonoréedans lesanctuairedePoséidonreçoiventuncalice*215,tandisqueTrishêrôset Hermèssont pourvus d’une coupe *216: la raison de cette répartition est obscure à nos yeux, mais pareillediscriminationisoleclairementlesdivinitésmentionnéesdeshuitautres,lesquelles nereçoiventqu’unbold’ordetypepluscommun114 . 112 Pourcetteremarque,cf.T.G.PALAIMA , loc.cit. [n.85],p.448et451452. 113 Ibid. , p.440 et 450451. Ceci n’empêche pas de penser que ces types de vases aient encore été fabriquésàl’HelladiqueRécentIIIB/C,pourserviràdesfinscultuelles,àl’instardescérémoniesrecensées parPYTn316. 114 Lerécipient*213senommeipono( ἴπνος),commelerévèlelatabletteΚNUc160,v.,l.3;lenom POSÉIDON MYCÉNIEN 43

L’attributiondes *φορῆνες constitueégalementuncritèredeclassification,quinere coupepasexactementceluideladistributiondesvases:ainsi,quandlarèglegénéraleveut quechaquedivinitéreçoiveun *φορήνdumêmesexequelesien,nousconstatonsqueles troisouquatre115 dieuxprivésde *φορήνreçoiventchacununvasedetypedifférent(une coupepourTrishêrôs,uncalicepour Dopota ,unbolpourIphémédéia).Aucontraire,le sanctuairedePoséidonreçoitunseulvase,maisdeux *φορῆνες de sexe féminin —cequi vaàl’encontredeshabitudes:siledieuPoséidonesthonoré,ilestcurieuxquedesfemmes soientattribuéesàundieumasculinet,quandbienmêmeunedivinitéféminineseraitho noréeenlieuetplacedePoséidon,ilestremarquablequ’ellereçoivedeux *φορῆνες plutôt qu’unseul;si,enrevanche,lesdeuxfemmessontdonnéesauxsupposéesdéessescachées dans les mots qowija na● komaweteja ,onrelèveral’irrégularitédelaplacedesthéonymes, ainsiquedel’emploid’unseulidéogramme MUL àlaplacedesdeuxsignesdistinctsatten dusàlasuitedechaquenomdivin. Quoiqu’ilensoit,encumulantlesdeuxcritères,ilsemblequePotniaetleoules dieuxhonorésdanslesanctuairedePoséidonreçoiventlesplusgrandshonneurs;nous remarquonségalementqu’unnombreimportantdedivinitéssontattachéesausanctuairede Pakijana ,auxcôtésdePotnia,etquePoséidon,outrelaoulesdéessespartageantpeutêtre son sanctuaire, entretient également des relations implicites avec Posidahéia, honorée à Pakijana ,ainsiqu’avecIphémédéia,quijouitprobablementdesonpropresanctuaire.Auvu decettedispersion,ilimported’étudierl’ensembledel’inscription,etnonlesseulspara graphesconsacrésauxsanctuairesdePotniaetdePoséidon,pourcomprendrelaplaceque tiennentcesdeuxdivinitésaupanthéondePylos. 1.–Lepremierparagrapheenregistrelesdonsapportésà Pakijana ,cantondePylos quiestréputéfaireofficedesanctuairepourladéessePotnia. a) Sanssurprise,Potniatiendraitlapremièreplacedanssonpropresanctuaireetse voitoffrirunvaseparticulier,ainsiqu’unefemme116 .Cettegrandedivinitédumondemy cénien,quiapparaîtdanslesquatresitesmajeursdeCnossos,Pylos,MycènesetThèbes,est au centre de débats récurrents, principalement centrés autour de son unicité: s’agiraitil d’unedéesseunique,connueçàetlàpardeshypostaseslocalesplusoumoinssingularisées, ou,aucontraire,d’unensemblededéessesmultiplesetindépendantes,partageantletitre génériquede«Maîtresse»?Lesavisdivergentets’affrontentsurcepoint117 . b) AprèsPotniaviennentdeuxdivinitésféminines118 ,quireçoiventchacuneunbol d’oretunefemme,puisdeuxdivinitésmasculines,dotéesd’unvaseremarquable,maisdé pourvuesde*φορήν.Decesquatredivinités,troissontdes hapaxlegomena dansladocumen desrécipients*215et*216estmalheureusementinconnu,fautedenotationsyllabiqueajoutéeàl’idéogram me.Surleproblèmedesnomsdevasesenmycénien,cf.DeborahANDERSON ,«MycenaeanVesselTerms: EvaluatingtheIEEvidence», Minos ,n.s.,2930,19941995,p.295322. 115 Lecasde Dirimijo ,quireçoitégalementunvasedetype*213n’estpasclair,puisqu’unelacunedu documentnenouspermetpasdesavoirs’ilrecevaitounonun*φορ ήν. 116 LatablettePYFr1236attestaitdéjàlalocalisation de Potnia de upo dans la campagne de Pakijana (cf.supra ,p.22)etl’ons’accordeàpenserquecelieuesteffectivementlegrandsanctuairedePotnia:cf. p.ex.CécileBOËLLE , op.cit. [n.18],p.2943. 117 Cf.p.ex.lathèsedeCécileBOËLLE , op.cit. [n.18], passim , présentée anticipativement dans EAD ., «potinija:unitéoupluralité?»,dansR.LAFFINEUR &R.HÄGG (éd.), op.cit. [n.4],p.403410,ainsique l’aviscontrairedeCatherineTRÜMPY , loc.cit. ,p.411421. 118 Legenredumot Manasa estinférédusexedu*φορ ήνquereçoitcettedivinité,desapositionentreles deuxdéessesPotniaetPosidahéia,ainsiqueduthèmeen a,caractéristiquedenombreuxsubstantifsfémi nins.Toutefois,l’interprétationparunnommasculinnepeutêtreexclued’emblée,auvudesdeux*φορ ῆνες desexefémininapportésausanctuairedePoséidon,etpeutêtredestinésaudieu:cf. infra ,p.4552. POSÉIDON MYCÉNIEN 44 tationmycénienne;seul Τρισ hήρως estmentionnéunesecondefois,égalementàPylos,où ilreçoitunemesured’huileparfuméeàlasauge119 . Lenomdesdieuxassociésausanctuairede Pakijana auxcôtésdePotniaadonnélieu àdes lectionesgraecae variées,quiprésententdifférentsdegrésdeprobabilité.Ainsi,plusieurs corrections,aussigratuitesquevaines,tendentàdécouvrirderrièrelethéonyme Manasa la traced’unedéessegrecqueduI er millénaire120 ;parcontre,ilestcertainquePosidahéia,la seconde déesse associée, soit étroitement apparentée à Poséidon. De même, le premier théonyme masculin peut raisonnablement être interprété comme le composé —ou juxtaposé?—Τρισ hήρως «Troisfoishéros»121 ,tandisquelalecturede Dopota n’estpas établieaveccertitude122 . Desquatredéitéssecondaireshonoréesà Pakijana ,lesdeuxmâlesparaissenttenirun rangsubalterne,commel’indiquentleurposition inextremis etl’absencede*φορ ήν, malgré les vases remarquables qui leur sont consacrés; Manasa et Posidahéia, quant à elles, occupentvisiblementunepositionintermédiaireentrePotniaetcesdieuxmasculins. c) Ποσιδ άhειαcachemalsesliensavecledieuPoséidon(Ποσειδ άhων)123 .Toutefois, alorsquel’onattendraitundérivéen*ya,surlemodèledeΖε ύς(*ι )>ίyα—d’au tantplusquelesnomsdesanctuairesΠοσιδ άhιονet ίιον,issusd’unedérivationsimi laire124 ,sontattestésdanscettetablette—,forceestdeconstaterquelemycénienemploie

119 PYFr1204,l.1. 120 Ainsi,lacorrectiondemanạ saenmaṭ ẹ ṇ ẹ sa,visantàretrouverunsurnomdeDéméterenquệ tede safillePerséphone(*Ματ ένσ ᾳ,«pourCellequicherche»)provoquedesincongruitésd’ordrepaléographique (deuxscribesdifférentsauraientrédigélesdeuxfacesdePYTn316)etorthographique(laformeattendue étant *matesa); cf. pourtant G.H.KNUTZEN , «PYTn316, Recto4: matẹ ṇ ẹ sạ , nicht manạ sạ », Kadmos , 34,1995,p.5362et«Matensa‚Suchende‛dermykenischeNamederspäteren», ZPE ,120,1998, p.3944. La correction d’autorité manasa (*Μ ᾷ * αν άσσ ᾳ «pour la Mère souveraine») est encore plus fantaisiste, puisqu’elle fait violence au texte mycénien et postule, en outre, l’existence de deux hapax legomena—lestermes* ᾶ«mère»et*άνασσα«reine»n’étantpasattestésdemanièrecertainedansnotre documentation—; cf. pourtant C.J.RUIJGH , «La “déesse mère” dans les textes mycéniens», dans E.DEMIRO ,L.GODART &AnnaSACCONI (éd.), op.cit. [n.4],t.I,p.456.Enfin,lalecturemapạ saseraitlạ plusdéfendable,encorequ’ellenes’imposepasd’ellemêmeàlavuedesreproductionsphotographiques;la translittérationenseraitéventuellementΜαρπ ήσσ ᾳ«pourMarpessa»,cequitémoigneraitd’unecontinuité avec la mythologie du I er millénaire: cf. K.T.WITCZAK , «Quaestiones Mycenaeae. I. Przedgrecka bogini mapạ sạ a homerycka Μ άρπησσα», Meander ,46,1991,p.263267et«FurtherontheMycenaean Goddess mapạ sạ (PYTn316.4r)», Kadmos ,35,1996,p.175176. 121 Cf.e.a.MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.222224, s.u. «Tiriseroe »; DMic ,t.II,p.353 354, s.u. «tiriseroe».Surcetypedecomposition,cf.P.H.ILIEVSKI ,«tiriseroeandsomeotherMycenaean NameswithAugmentativePrefixes»,dansT.G.PALAIMA etal. (éd.), StudiaMycenaea(1988) ( ŽAMonographies , 7),Skopje,1989,p.6779. 122 Leslectures*οσπ όταςou*ωπ ότας,“Maîtredemaison”(?),seheurtent,eneffet,àplusieursdifficul tés:cf.MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.7879, s.u. «Dopota »; DMic ,t.I,p.188189, s.u. «do pota ».Cf.aussiM.LEJEUNE ,«ῶ,“maison”»(1977),dans MémoiresIV ,p.175182. 123 CettelecturedelaformeposidaejaenΠοσιδ άhειαparaîtplusvraisemblableque*Ποσιδ άhy α — auquel cas le signe e noterait uniquement l’aspiration , comme dans le doublet reketoterijo ~ rekeetoterijo(cf. supra ,n.27)—:eneffet,ladifférencedutimbredelavoyelleparrapportauaattendu envertuduprincipedela«voyellemorte»,ainsiquel’existencedudérivéposidaijo(plutôtque†posi dajo,†posidaejoou†posidaajo),plaidentendéfaveurdecettehypothèse. 124 Onremarqueraquesilescribe44optepourlesuffixe simple *yo/ya dans le cas du sanctuaire (diujo, ίyον) et de la déesse (diuja, ίyα) qui tirent leur nom de Zeus —alors que diwijo ( ίιyον>ίιον)etdiwija(ιίyα>ιία?)sontattestésparailleurs—,teln’estpaslecaspourlenomdu sanctuairedePoséidon(posidaijo,Ποσιδ άhιον),quiprocèded’unsuffixeélargi*iyo . POSÉIDON MYCÉNIEN 45 lesuffixepossessif*eya 125 :ladéesseΠοσιδ άhειαseraitdonc«CellequiappartientàPo séidon»davantagequelaparèdre(*Ποσ ίδα hyᾰ)oulafille(*Ποσιδ άhyᾱ)dudieu126 .Rien nepermetd’établirlaraisonpourlaquellelesuffixepossessifesticipréféréàladérivation régulière:enl’étatdenosconnaissances,contentonsnous de souligner que, sur le plan linguistique,lerapportquiunitΠοσιδ άhειαàPoséidonn’estpasexactementéquivalentà celuiqu’entretiennent ίyαetZeus. Fussentellesfilles,épousesousimplementsoumisesàZeusetPoséidon,ilesttoutà faitremarquablequeni ίyαniΠοσιδ άhειαneseretrouveàl’endroitattendu,àsavoirdans lesanctuairedeZeuspourlapremière,danslesanctuairedePoséidonpourlaseconde. 2.–LesanctuairedePoséidon,précisément,estnomméendeuxièmelieudansl’énu mérationdeTn316.Nousavonsdéjàsignalélesirrégularitésformulairesintroduitesdans ceparagraphe:adjonctiondel’expression ἄγεικεάστυaprèslenomdusanctuaire,absen cedethéonymeavantlamentiondesoffrandes,inadéquationdunombreetdelaqualité desoffrandesaudieunormalementhonorédanscesanctuaire;présencedestermes qowija na●komaweteja àuneplaceinattendue,aprèsl’enregistrementdes *φορῆνες .Detoutesces particularitésdecomposition,seuleladernièreprésenteunobstacleàlacompréhensiondu document:defait,quiconques’abstientdeprendreencomptelestroisderniersmotsde cettesectioncomprendra,sansaucunedifficulté,queledieuPoséidon—passésoussilen ce,puisqu’étantleseulhabitantlégitimedu Ποσιδάhιον —adroitàuncaliceenoretà deux* φορῆνες desexeféminin. a) Lesrèglesstrictesquel’oninfèredelarépartitiondesvasesetdes *φορῆνες enTn 316peuvent,eneffet,n’êtrequ’uneillusion,renforcéeparnotreméconnaissanceducon texteetdesmotifspourlesquelsestorganisélerituelduporowito.Ilfautêtreconscient, parailleurs,quecesprincipessontextrêmementrelatifs. Ainsilefaitquelesdivinitésmasculinesreçoiventun *φορήν masculinn’estsûrement attestéquepourlescasd’HermèsetdeZeus;l’absenced’idéogrammehumainassociéà Trishêrôs et Dopota ,ainsiqu’à Dirimijo ,nepermetpasdevérifiercetterègleet,bienplus,seu lelaprésencedel’idéogramme MUL inviteàpenserque Manasa et Pere82 sontdesdéesses alorsqu’ensoi,cesthéonymespourraientêtredegenremasculin.Endéfinitive,surlesdou zethéonymessûrementattestés,seulsquatrenomsdedéesses(Potnia,Posidahéia,Diwia, Héra)etdeuxnomsdedieux(Hermès,Zeus)—soit50%—obéissentaveccertitudeau principedecohérenceentrelesexedeladivinitéetceluidu *φορήν.Ceciestd’autantplus troublantque,parailleurs,lareligionmycéniennen’estpasavaredecetyped’«incohéren ce»:teldieumasculinpeutaccepterensacrificedesvictimesdesexeopposé127 ,telautre avoiruneprêtresseattitrée128 . Demême,laprésomptionselonlaquellechaquediviniténepeutrecevoirqu’unseul *φορήνn’estconfirméequeparhuitexemplessurdouze—soit66%—:dansuntiersdes 125 Sur ce suffixe, cf. e.a.J.T.KILLEN , loc.cit. [n. 42], p.6699; C.J.RUIJGH , «The Social Status of PersonsIndicatedbyPossessiveAdjectivesin ejo ,withSomeLinguisticObservations», Minos ,n.s.,3334, 19981999,p.251272. 126 Surcessignificationsrespectives,liéesàl’emploidudérivésubstantival *yā ouadjectival*yă ,cf. C.J.RUIJGH , op.cit. [n.56],p.130131,§108,ainsiqu’ infra ,p.5455. 127 Cf.PYUn6,l.1:Poséidonreçoit[une]vache,[une]brebis,unverratetdeuxtruies;danslamême inscription, Pere82 sevoitpardeuxfois(l.3,4)offrirlesmêmesvictimes,cequinenouséclaireguèresurle genredecettedivinité(cf. infra ,p.7273). 128 Cf.KNXd97+284,l.1:laprêtressequihonoreίyαest,enfait,affectéeaucultedeZeus,comme l’indiquesonnom(cf. infra ,n.214).Ledossierduscribe6montreégalementqu’uneprêtresseetun(e)“porte clef”sontauservicedePoséidonetde Pere82 (cf. infra ,p.7273et7879). POSÉIDON MYCÉNIEN 46 cas,ledieunesevoitoffriraucunêtrehumain.Peutonexclure,audépartdececonstat, qu’une même divinité obtienne deux *φορῆνες plutôtqu’aucun,ouunseul?Aucontraire, commenousl’avonssignalé,laprésenced’unseulidéogramme MUL fait songer que les deuxfemmesamenéesau Ποσιδάhιον sontdestinéesàlamêmedivinité. Endéfinitive,seulelarépartitiondesvasesobéit,pourautantquel’onpuisseenju ger,àunerègleinfaillible —chaquedivinitéayantdroitàunseuletuniquevase—, encore queladistributiondestypesdevasesn’obéisseàaucunerèglelogiqueànosyeux. b)b)b)Lasolutionlaplussimpleconsistedoncàprésub) merquel’alinéaconsacréauΠοσι δάhιονobservelamêmestructurequelestroisautressectionsdelatablette.Dèslors,plutôt que de chercher dans l’expression qowija na●komaweteja latraced’une129 oudedeux130 divinitéssupposémentvénéréesauxcôtésdePoséidonetsusceptiblesderecevoirunvase d’oretdeuxfemmes,noustâcheronsdemontrerquecestroismotsapportentsansdoute une information supplémentaire, mais non indispensable à la bonne compréhension du paragraphe. α. Avanttoutechose,ilconvientdeprésenterl’aspectmatérieldecetteinscription: auversodeTn316,lal.3débuteparcinqidéogrammes composés en grands caractères bienaérés( AUR *215 VAS 1MUL 2).Aprèsquelquetemps,troismotsfurentajoutésàlafinde cetteligne:aprèsunetrèscourteespace,vient,enmodulepluspetit,lemotqowija,suivi d’unséparateur;letextesepoursuitaveclesignen ạ ̣etunautresyllabogrammeinsolite,de tailleassezgrande—iloccupelatotalitédel’espaceinterlinéaire—dontlaformeévoque lesyllabogramme*19131 ,voireunesuperpositiondessignestietqe132 ;suiventunnou veau séparateur, puis le mot komaweteja, en petits caractères faiblement incisés —le derniersigneétantnoté supralineam .Ilressortdecetexamenquelesdixsyllabogrammes inscritsdanslasecondepartiedelalignenotenteffectivementtroismots,distinguéspar deuxséparateurs,maisapparemmentnoncoordonnés.Dèslors,àmoinsd’envisagerl’hy pothèsed’uneconstructionasyndétique—nonattestéeenmycénienetréellementpeupro bableenTn316,auvudesquinzeconjonctionsdecoordinationenclitiquesquirythmentle texte—,ilfautadmettrequecestroismotsformentsoitunseulsyntagmecomposé,par exemple,d’unsubstantifetdedeuxadjectifsaccordés,soitdedeuxoutroisunitéssyntacti quesayantdescasetdesfonctionsdifférents. Lastructurequenousobservonsexclutd’embléelalecturededeuxnomsdivinsàla findeceparagraphe133 ;parcontre,ilestpossible—maisnonnécessaire—d’yretrouver

129 Cf. e.a. M.DEL FREO , «Osservazioni su miceneo komaweteja », Minos , n. s., 3132, 19961997, p.145158etpl.III. 130 Cf. p.ex. R.A.SUCHARSKI , «komaweteja», Eos , 81, 1993, p.177181; C.J.RUIJGH , loc. cit. [n.120],p.456457;T.G.PALAIMA , loc.cit. [n.85],p.448et452,n.46. 131 Surcesigne,cf.MatildeCIVITILLO ,«Ilsillabogramma *19 . Statusquaestionis epropostedilettura», dans Anna SACCONI etal. (éd.), ColloquiumRomanum.AttidelXIIColloquioInternazionalediMicenologia.Roma, 20–25febbraio2006 ,Pise&Rome,2008,t.I( Pasiphae ,1,2007),p.131149—laquellesuggèredelirezo 2, sansprendreencomptelepassagequinousintéresseici. 132 CettedernièreremarqueestdueàE.L.BENNETT Jr( loc.cit. [n.84],p.228),lequelobjecteaussitôtque lescribeavaittoutelaplacenécessairepouradscrirelesigneqeàti,plutôtquedel’ysuperposer.Lesavant noteégalementqu’une rasura s’étenddepuisl’actuelsignen ạ jusqu’auséparateurdemotprécédantkomạ wete‘ja’,etylit[[na●ti]],engrandscaractères;lesignequinousintéresse,noté●,seraitunreliquatde cettepremièrerédactionconservédansl’étatdéfinitifdutexte(cf. ibid. ,p.227228). 133 Contra ,cf.e.a.R.A.SUCHARSKI ( loc.cit. [n.130],p.177181),lequelfaitfidenạ ̣ ●etidentifievisible ment qowija et komaweteja commedeuxthéonymesenasyndète,ainsiqueC.J.RUIJGH ( loc.cit. [n.120],p.456 457),quiadoptelalectureancienne—maisintenable—nạ ̣ [qe (?)]ettranscritΓ όyᾳΝ ᾷκεΚοα εντε ίᾳ «pourCellequis’occupedesbœufsetpourlaPetite,fille ou épousedudieuauxlongscheveux». POSÉIDON MYCÉNIEN 47 unthéonymeféminin,composéd’un134 ,deux135 outrois136 termes.Saufàopterpourcette ultimesolution,ilconviendrad’expliquerleoulesmotsrestant—unseulmotdanslecas d’unthéonymecomplexeàdeuxtermes;deuxmotspourunthéonymesimple;troismots enl’absencedetoutnomdivin—:onasouventsuggéréd’yvoirunoudesappellatifsen rapportaveclesidéogrammes MUL 2,quiprécèdentimmédiatement.Toutefois,laprésence dedeuxanthroponymesoudedeuxnomsdefonctiondifférentsesthautementimproba ble,fautedeparticuledecoordinationsûrementattestée:laseulehypothèseplausibleserait d’enfaireunedésignationdefonctionaufémininpluriel,applicableauxdeuxfemmes.De plus,siquelquetermefaiteffectivementréférenceauxidéogrammesantérieurs,ilfaudra renonceràimaginerunehyperbateentrelesidéogrammesetl’appellatif:encecas, qowija seravraisemblablementunnomdefonctionplutôtqu’unthéonyme. L’analyse combinatoire du groupe qowija na● komaweteja permet donc d’établir les hypothèses de travail suivantes: (1) les trois mots notent un nom divin complexe; (2) qowija estunnomdefonctionet na●komaweteja unthéonyme;(3) qowija na● est un nom defonctionet komaweteja unthéonyme;(4)lestroismotsformentunappellatifcomplexe. β. Ceshypothèsesserontaffinéespardeuxtypesd’analysecomplémentaires:lapre mière,interne,s’attèleàreconstituerl’étymologiedesmotsétudiés;laseconde,externe,fait appelàdesemploiscomparablesdecestermesoudetermesapparentésdansladocumen tationduII eet,lecaséchéant,duI er millénaire.Étantdonnéquelemotobscur na●man quedeparallèleet, afortiori ,échappeàtoutevelléitéétymologique,nousconcentreronsnos effortssurlestermes qowija et komaweteja . Le mot qowija est sans doute une forme de γ όια (< *γ όyᾰ, féminin de γοῦς «bœuf»)137 déclinéeàl’accusatifdueloupluriels’ils’agitd’unappellatif,audatifsingulier danslecasd’unthéonyme.Siaucunedéesse*Βο ία«Bovine»n’estconnueparailleursaux II eouauI er millénaire,nouspouvonsnéanmoinsalléguer,parexemple,l’Héra βοῶπις chan téeparHomère138 ,ouencoreplusieursanthroponymescomposésattestés dès l’épopée, tels Ἠερ ίβοια139 ouΠερ ίβοια140 ,avecd’autantplusd’àproposquelepremierestportépar labellemèredesAloadesOtosetÉphialte—euxmêmes considérés comme les fils de PoséidonetIphimédéia141 —etqueleseconddésigned’unepartlafilled’Akessamenos, épousedufleuveAxiosetaïeuled’Astéropée,d’autrepartlafilled’Eurymédon,roides Géants,quis’unitàPoséidonetdonnanaissanceàNausithoos,roidesPhéaciens.Dansles troiscas,ilestpatentqueceshéroïnes«trèsbovines»entretiennentdesrelationsétroites

134 Cf.M.DEL FREO ,loc.cit. [n.129],p.151153(solutions cet d). 135 Ibid. ,p.151152(solutions aet b). 136 Encecas,lenomdivin Qowija seraitsuivid’unseulcomplémentaugénitif(dutype«pour Qowija de na●komaweteja »),ouencorededeuxcomplémentsdéterminatifs—adjectifsqualificatifsousubstantifsau génitifadnominal—(dutype«pour Q. ,(de) na●,(de)komaweteja »). 137 Onnepeutexclurelaformeγ οία(<*γ όyᾱ,dérivéadjectivaldeγοῦς),signifiant«Cellequiest relative au bœuf», mais l’accentuation et la scansion des anthroponymes attestés à l’époque historique (Ἠερ ίβοι ᾰ,Περ ίβοι ᾰ,etc.)invitentàopterplutôtpourlesuffixeféminin*yᾰ. 138 Lesaffinitésd’Héraavecles bovidés sont particulièrement claires dans la mythologie argienne, en particulierdanslesrécitsressassantlestribulationsd’Iôd’unepart,desProitidesd’autrepart:cf.A.B.COOK , Zeus.AStudyinAncientReligion.I.ZeusGodoftheBrightSky ,NewYork,1964 2,p.438453,enpart.p.443447. 139 Homère, Il. ,V,v.385391. 140 Homère, Il. ,XXI,v.141143; Od. ,VII,v.5662. 141 Cf. e.a. Homère, Od. , XI, v.305320; Hésiode, Catalogue des femmes , fr.19 (Merkelbach & West); Pindare, Pyth. ,IV,v.8889;Pausanias,IX,22,6;ps.Apollodore, Bibl. ,I,7,4.Surleslienspossiblesentre l’héroïneépiqueἸφι έδειαetladéessemycénienne Ipemedeia ( Ἰφε έδεια),cf. infra ,p.54. POSÉIDON MYCÉNIEN 48 avecPoséidonouundieufluvial142 .Riennes’opposedoncàpostulerl’existenced’une déesse mycénienne Γόια qui ait des affinités naturelles avec Poséidon au point d’être honoréedanssonsanctuaire.Cependant,l’interprétationparunappellatiffémininduelou plurielévoqueégalementdesréalitésreligieusesgrecquestrèsantiques:uncoupleouun groupedefillesnomméesγοίᾱ ouγοίαι«bovines»etemployéesauservicedePoséidon faitnotammentsongerauxπ ῶλοι«pouliches»consacréesauxLeucippidesàSparte,aux ἄρκτοι«ourses»etaux έλισσαι«abeilles»d’ArtémisàBrauronetÉphèse,aux βόες«va ches»peutêtreattachéesàl’argienneHéra143 ,etsurtoutauxτα ῦροι«taureaux»chargésdu cultedePoséidonàÉphèse144 .Cesdesservantsaunomanimalseraientattestésailleurs dans la civilisation mycénienne, si tout ou partie des noms d’animaux suggérés par les inventeurs des tablettes thébaines ( ἡίονοι «mulets», ἑρπετ ά «serpents», χ ᾶνες «oies», χο ῖρος«porc»,κ ύνες«chiens», ὄρνιθες«oiseaux»,*γέρεναι«grues»)145 pouvaienteffecti vementêtrecompriscommedestitresdecongrégationscultuelles—composéesdeprê tres,voirededanseursetmusicienstravestisenanimaux146 .Toutefois,ilimportedegarder àl’espritquelatranslittérationetl’interprétationdecesdifférentstermesthébainssontloin d’être assurées et qu’en outre, leur contexte n’impose nullement une lecture «religieu se»147 :enl’état,nousnepouvonsdoncallégueraveccertitudeaucunparallèlepources «bovines»dansladocumentationenlinéaireB. Quantauterme komaweteja ,ilestidentifiécommeunadjectifouunsubstantiffémi nindérivédunom Κοάενς «Chevelu»aumoyendusuffixe*eyă .Selonl’interprétation retenue, ce mot caractérisera soit des femmes «appartenant au Chevelu» (κοα έντειαι ), soitunedéesse«QuiappartientauChevelu»—oùΚοα έντεια seraituneépiclèsedela possibledéesseΓόιαouencoreunthéonymeemployéabsolumentsurlemodèle,lecas échéant,deΠοσιδ άhεια«QuiappartientàPoséidon».Poursapart,lenomΚοάενς pour raitêtreunnomdefonction,unanthroponyme148 ouunthéonyme149 .L’examendureste deladocumentationmycéniennerévèleunautreemploide komaweteja ,dansunetablette thébainerelativeàlalivraisondelaine: 142 SurlesaffinitésnaturellesentrePoséidonetlesfleuves,cf. infra ,p.211et276277. 143 Àladifférencedetouslesautresexemples,lefait que les prêtresses d’Héra à Argos aient pu être appelées«vaches»estuniquementuneconjecturemoderne:cf.A.B.COOK , op.cit. [n.138],p.441. 144 Pour ces rapprochements, et d’autres encore, cf. B.SERGENT , loc.cit. [n.83], p.197200, ainsi que J.WEILHARTNER ,«DieTierbezeichnungenaufdenneuenLinearBTextenausTheben»,dansEvaALRAM STERN &G.NIGHTINGALE (éd.), Keimelion:ElitenbildungundelitärerKonsumvondermykenischenPalastzeitbiszur Homerischen Epoche. Akten des internationalen Kongresses vom 3. bis 5. Februar 2005 in Salzburg (PHKD , 350; VmykK ,27),Vienne,2007,p.343344(lequelnefaitaucunlienavec qowija ). 145 Cf.e.a.V.L.ARAVANTINOS ,L.GODART &AnnaSACCONI , Thèbes.FouillesdelaCadmée.I.Lestablettes enlinéaireBdela OdosPelopidou .Éditionetcommentaire ( BibliotecadiPasiphae ,1),Pise&Rome,2001,p.319 321,ainsiqueM.DEL FREO ,«Mic. kerenaineinuovitestiinlineareBdiTebe»,dansV.LA ROSA ,D.PA LERMO &LuciaVAGNETTI (éd.), Ἐπὶπ όντονπλαζ όενοι. SimposioitalianodiStudiEgeidedicatoaLuigiBernabò BreaeGiovanniPuglieseCarratelli.Roma18–20febbraio1998 ,Rome,[1999],p.299304. 146 J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1], p.198 et loc.cit. [n.144], p.339351; J.L.PERPILLOU , «Offrandes mycéniennes», RPh ,s.3,80,2006,p.129130. 147 Àcesujet,onliraavecintérêtlebelexercicedeméthodeproposéparY.DUHOUX ,«Lesnouvelles tablettesenlinéaireBdeThèbesetlareligiongrecque», AC ,74,2005,p.911et1718,§10,ainsique,de manièreplusdétaillée,«Animauxouhumains?Réflexionssurlestablettes AravantinosdeThèbes»,dans AnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit. [n.131],t.I( Pasiphae ,1,2007),p.231250. 148 Cf.e.a. DMic ,t.I,p.374375, s.u. «komawe ». 149 Pourcettedernièrehypothèse,cf.e.a.R.A.SUCHARSKI ( loc.cit. [n.130],p.179181)etM.DEL FREO (loc.cit. [n.129],p.156157),quireconnaissentenΚο άενς«Chevelu»unedésignationdePoséidon,surle modèledel’épithèteépiqueΚυανοχα ίτης«Àlachevelurebleufoncé»,malgréladissemblancedestermes κόᾱetχα ίτᾱ. POSÉIDON MYCÉNIEN 49

THOf35 (odosEpaminonda)—Scribe303 .1 komaweteja,tepeja, ku LANA 1

.2 ]marinewejai,akia2rijade ku LANA 3

Κοα εντείᾳ( uel είας) tep είᾳ· ku * FΕΡFΕhΑ 1. Marinew είαhι,Αἰγι hαλίανδε (?)· ku * FΕΡFΕhΑ 3. «Pourlafabricantedetissustepa appartenantàKomawens( ou deKomawenteia):1unitéde LAINEku . {Pourlesfabricantesdetissustepa (?) }appartenantà Μarineus,àAigihalia (?) :3unités de LAINE ku 150 .» Le contexte ne permet pas de préciser si komaweteja est plutôt un adjectif au datif accordéàtepejaouunsubstantifaugénitifadnominal.Leparallèleaveclaformemari newejaipourraitfairepréférerlapremièrehypothèse, mais une tablettepeut présenter desstructuressyntaxiquesdifférentesd’uneligneàl’autre,commelemontred’ailleursun autretexte,delamêmemainetdelamêmesérie,quiprésentedesaffinitésavecledocu mentprécédent: THOf25 (odosEpaminonda)—Scribe303

.1 marinewejai, a3kia2rija LANA 4[]uest. [ .2 amarutode , paparaki LANA 6 .35 ] uacant

Marinew είαhι,Αἰγι hαλίαι (?)·* FΕΡFΕhΑ 4[]. Ἀαρύνθονδε, paparak ι·* FΕΡFΕhΑ 6. «{Pourlestisserandes (?) }appartenantà Marin eus,àAigihalia (?) : LAINE ,4[+ x]unités. ÀAmarynthos,pour Paparak (ē)s: LAINE ,4unités» Ensoi,rienn’imposedeconsidérerquecestablettesrecensentdesoffrandes;lefaitque, danstroiscas,unequantitémodiquedelainesoitlivréeàdesouvrièresspécialisées,afin quecellesciréalisentunecertainepiècedetissuinviteplutôtàcroirequeleslivraisonsde laines’inscriventdanslecadred’une«corvée»prévueannuellement,quianom ταλασίαà Cnossos,MycènesetPylos151 .LamajoritédestextesdelasérieTHOfpourraientcorres pondreàladistributiondematièrepremièreàdiversartisans,àcausedelarécurrenced’au tresnomsd’ouvrières(apiqoro, ἀφικ όλῳ«pourla“servante”»;arakateja, ἀλακατείᾳ 152 «pour la fileuse»; aketirija 2, ἀσκητρίᾳ «pour la décoratrice») et de la référence à l’activitéannuelle(newa, νέα«del’annéeencours»;paraja, παλαιά «de l’année anté rieure»153 ). 150 L’abréviation ku pourrait,sanscertitude,serésoudreenkupirija(κυπρ ία«chypriote»):cf.J.L.ME LENA , apud E.L.BENNETT etal. ,«436raccordsetquasiraccordsdefragmentsinéditsdans KT 5», Minos , n.s.,24,1989,p.204205,aveclesréservesdeJ.P.OLIVIER ,«ElComerciomicénicodesdeladocumenta ción epigráfica», Minos ,n.s.,3132,19961997,p.287291,enpartierelayées par J. WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.202,n.530. 151 Cf.e.a. Y.DUHOUX , op.cit. [n. 25], p.69115 (qui ne pouvait connaître les documents thébains); J.T.KILLEN ,«SomeThoughtson tarasija »,dansSofiaVOUTSAKI &J.T.KILLEN (éd.), EconomyandPolitics intheMycenaeanPalaceStates.ProceedingsofaConferenceHeldon1–3July1999intheFacultyofClassics,Cambridge (CambridgePhilologicalSociety ,Suppl.27),Cambridge,2001,p.161180;MarieLouiseB.NOSCH ,«Acquisition andDistribution: tarasija intheMycenaeanTextileIndustry»,dansCaroleGILLIS ,ChristinaRISBERG & BirgittaSJÖBERG (éd.), TradeandProductioninPremonetaryGreece.AcquisitionandDistributionofRawMaterialsand FinishedProducts.Proceedingsofthe6 th InternationalWorkshop,Athens1996 ,Jonsered,2000,p.4361;EAD .,«The GeographyofTalasiaObligation», AegeanArchaeology ,4,19972000,p.2744;EAD .,«MoreThoughtsonthe MycenaeantarasijaSystem»,dansM.PERNA (éd.), FiscalityinMycenaeanandNearEasternArchives.Proceedings of the Conference Held at Soprintendenza Archivistica per la Campania, Naples, 21–23 October 2004 ( Studi egei e vicinorientali ,3),Naples,2006,p.161182. 152 THOf34,l.1,2;36,l.1,2. 153 THOf34,l.1,2.L’accordsefaitavecl’idéogramme LANA ,àtransposersansdouteen*FΕΡ FΕhΑ,au POSÉIDON MYCÉNIEN 50

Lamentiondeplusieursdivinités(Héra,Hermès,Potnia)154 etdu wanax luimême155 pourraitdonneràpenserquecertainestablettesdelasérieTHOfontquandmêmeune portéecultuelle156 .Toutefois,ilestplusplausibledeconsidérerquelesdivinitésetle wanax apparaissentégalementcomme“collecteurs”danscecontexte157 .Lapossessionoulecon trôled’esclavesetd’ouvriersparledieuest,eneffet,untraitcaractéristiquedel’économie mycénienne et la supervision divine ne dispense aucunement ces artisans d’obligations “profanes”tellesquelacorvée158 . Malgrél’incertitudeinhérenteàlanaturedenotredocumentation,lastructureappa remmentsymétriquedeTHOf35,l’existencedesnoms ou titres Κο άενς et Marinεύς dansd’autressitesmycéniensetplusieursexemplesdedérivésfémininsen* eiaauseinde la série THOf (du type akaijeja, «[femme] subordonnée à akaijo»159 ) permettent d’analyserdemanièreplausiblekomawetejaetmarinewejai comme deux adjectifs dérivésenpositiond’épithètes,plutôtquedeconsidérerlepremiermotcommeunsubs tantiffémininaugénitifetlesecondcommeunadjectifsubstantivéaudatiffémininpluriel. Les ouvrières en question dépendent donc vraisemblablement du Κο άενς et du Marinεύς;r esteàdéterminersicestermes désignentdeshommesoudesdieux. LenomΚο άενςestportéparun“collecteur”160 cnossien,actifdansl’industrietex tiledepuislagestiondestroupeauxdemoutonsdansdiverseslocatités161 jusqu’àlasuper visiond’unatelierdefilatureàPhaistos162 ,enpassantparl’entretiendepersonnel163 . À neutre pluriel: cf. M.LEJEUNE , «Le nom grec de la laine» (1972), dans MémoiresIV , p.5366, ainsi que M.S.RUIPÉREZ ,«Mycenaean wewesijo ,AlphabeticalGreekε ἰρεσι ώνηandΤειρεσ ίας»,dansSigridDEGER JALKOTZY ,S.HILLER &O.PANAGL (éd.), op.cit. [n.85],t.II,p.537542. 154 THOf28,l.2;31,l.3;36,l.2. 155 THOf36,l.1. 156 Ainsi,cf.e.a.J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.201204. 157 Cf.LisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3],p.8384,226228. 158 Pouruneétudeplusdétailléedesesclavesetdesouvriersdeladivinité,cf. infra ,p.6265. 159 THOf27,l.2,3. 160 Surles“collecteurs”etleurrôledansl’économiemycénienne,cf.e.a.J.BENNET ,«“Collectors”or “Owners”?AnExaminationoftheirPossibleFunctionswithinthePalatialEconomyofLMIIICrete»,dans J.P.OLIVIER (éd.), op.cit. [n.60], p.65101; P.CARLIER , «Les collecteurs sontils des fermiers?», ibid. , p.159166; J.DRIESSEN , «“Collector’s Items”. Observations sur l’élite mycénienne de Cnossos», ibid. , p.197214; L.GODART , «Les collecteurs dans le monde égéen», ibid. , p.257283; J. T.KILLEN , «Some FurtherThoughtson“Collectors”»,dansR.LAFFINEUR &W.D.NIEMEIER (éd.), op.cit. [n.86],t.I,p.213 226;FrançoiseROUGEMONT , «Some Thoughts on the Identification of the “Collectors” in the LinearB Tablets», dans Sofia VOUTSAKI & J.T.KILLEN (éd.), op.cit. [n.151], p.129138; J.P.OLIVIER , «Les “collecteurs”:leurdistributionspatialeettemporelle», ibid. ,p.139160. 161 KNDk (1) 920+7294+7330,l.1a(àda*22to);931+7293,l.1a(àsajo);1049,l.1a(àrasuto);Dv 1272+5411,l.Aet7176+8236+8281,l.1a(àekoso);5278+5338+8557,l.[B](àqamo);8562+8776,l.2 (toponymeperdu).UnpersonnagenomméΚο άενςdisposeégalementd’unboucenKNC(2) 913,l.2. 162 KNLe5629+5867+8446+8522+8559+ fr. [+]8512,l.3. 163 KNAp 618+623+633+5533+5922, l.2 (deux femmes); B (1) 988+7601+III6+5761+7040, l.1b (vendeurd’unesclave,cf.J.P.OLIVIER ,«Desextraitsdecontratsdevented’esclavesdanslestablettesde Knossos», Minos , n.s., 2022, 1987, p.479498). Nous laissons de côté la mention de komaweta, qui disposededeuxhommesenKNB798,l.5;cetteformepourraitthéoriquementêtreunaccusatifsingulier deΚο άενς,maisilnousparaîtardudejustifierl’emploidececasdansl’absolu,d’autantplusquelaforme opiteukewe (dat. sing. ou nom. pl.?) apparaît sur la même tablette (l.9). Malgré le fait que plusieurs “collecteurs”cnossienssontmentionnésdanscetteliste,ilfautdoncmarqueruneréservesurl’assimilationà Κο άενς:ainsi,cf.e.a.DMic ,t.I,p.375, s.u. «komaweta »; contra ,cf.e.a.J.T.KILLEN ,«LinearB ako raja/jo »,dansAnnaMORPURGODAVIES &W.MEID (éd.), StudiesinGreek,Italic,andIndoEuropeanLinguistics OfferedtoLeonardR.Palmer (IBS ,16),Innsbruck,1976,p.124125;L.GODART , loc.cit. [n.160],p.270.Citons égalementpourmémoirelesmentionsdeΚο άενςenKNX9434,l.Bet9711,l.1. POSÉIDON MYCÉNIEN 51

Pylos,cenomdésignetantôtunhommedépositairedeporcs164 ,tantôtunforgeronastreint àla ταλασία165 ,tantôtunchefmilitaire166 :ils’agitsansdoutelàdetroispersonnagesdiffé rents,cequitendàmontrerqueΚο άενςestunanthroponymeplutôtqu’untitre,àPylos commeàCnossos.Ceciestconfirméparlefaitquecetermeestattestéuniquementausin gulieretparlanaturevisiblementanthroponymiquedesappellatifsquiapparaissentdansle voisinageoudanslemêmecontextequelemotΚο άενς.Enaucunemanière,ceΚο ά ενςnesauraitêtreundieu. En ce qui concerne Marinεύς, il apparaît dans une tablette mutilée de Mycènes, laquelleenregistresansdouteunelivraisondetissusàThèbes167 ,ainsiquedanstroistextes cnossiens168 : l’un enregistre dix hommes affectés au οῖκος de Mạ riṇ εύς169 ; l’autre, un versementde10unitésdecoriandreaumême M ạ riṇ εύς170 ;ledernier,dumieldonnéàune esclavede Marinεύς(?)171 .Aucundecestextesn’imposedeconsidérerque Marinεύςsoit undieu172 —lecontexteetlesdocumentsparallèlesauxtroispremiersexemplesfavorisent mêmenettementunelecture«humaine». En tout cas, ce Marinεύςsembleconcernéparla productiontextileàMycènesetparlaparfumerieàCnossos173 :cettediversitéd’occupa tionssuggèred’yvoirunanthroponymedavantagequ’unnomdefonction. Toutes choses étant égales par ailleurs, la fonction comptable de notre documen tationetlanaturedel’économiemycéniennerendent, apriori ,plusprobablel’interprétation deΚο άενς et Marinεύςcommedesanthroponymesplutôtquecommedesthéonymes. Nousavonsvu,enoutre,quelecontexteobligeàinterpréterΚο άενςcommeunnom d’hommeetn’exclutaucunementlamêmehypothèsepour Marinεύς.Cesdeuxappellatifs sontdoncportésparplusieurspersonnagesoccupantdespostesimportantsauseindela structurepalatiale:ilestvraisemblablequecesnomspropresaientétéenvogueausein d’unecertaineélitemycénienne.CommeleurshomonymesdeCnossosetdeMycènes,les dénommés Κο άενς et Marinεύς de Thèbes sont impliqués dans l’activité textile, sans douteentantque«collecteurs»;pourcetteraison,enTHOf25et35,cesdeuxhommes supervisentilsuneouplusieursouvrièreslainières,respectivementappeléesparlesadjectifs possessifs κοα έντεια «subordonnée à Κο άενς» et marinew ειαι «subordonnées à Marinεύς»174 .Pointdeplaceicipourl’hypothèsededieu. γ. Cedétourunpeulongparlestablettesthébainesetlesarcanesdel’économiepala tialemycéniennepermetd’excluretouteattestationd’unprétendudieuΚο άενςàCnos 164 PYCn925,l.1. 165 PYJn750,l.9. 166 PYAn519,l.10. 167 MYX508,l.1. 168 Lemêmepersonnagepourraitégalementapparaîtredans les tablettes mutilées KNGa (1) 7594,l.1, X5970,l.1b,et7828,l.1(sanscontexte),quiconserventchacunelessyllabesmari[. 169 KNAs (2) 1519+ fr. ,l.11. 170 KNGa (1) 674,l.B.Surcetaromate,cf.J.L.MELENA ,«CorianderontheCnossosTablets», Minos , n.s.,15,1974,p.133163. 171 VAS KN Gg (2) 713+994, l. 1: marinewe , doera ‘ ME +RI ’ *209 +A []; Marin έει, δο hέλᾳ(?)· ΜΕΛΙ ,ΑΜ (ΦΙ )ΦΟΡΕΥΣ [];«Pour Marineus ,àsonesclave(?): MIEL , tot AMPHORE (S)». 172 Tel était déjà le constat posé par J.T.KILLEN , «The Knossos Ld (1) Tablets», dans E.RISCH & H.MÜHLESTEIN (éd.), op.cit. [n.84],enpart.p.178,dontlesargumentsconservent,noussembletil,toute leurvaleur;cf.égalementLisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3],p.8991. Contra ,cf.e.a.J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.4850,5759,221222,etlesréférences adloc. 173 Surcesecteurd’activitéàCnossos,cf.e.a.Ellen D.FOSTER , «An Administrative Department at KnossosConcernedwithPerfumeryandOfferings», Minos ,n.s.,16,1977,p.1951. 174 Encesens,cf.J.T.KILLEN , loc.cit. [n.42],p.7577;C.J.RUIJGH , loc.cit. [n.125],p.268269,§12. POSÉIDON MYCÉNIEN 52 sos,PylosouThèbeset,partant,d’affaiblirlaprobabilitédel’existenceduthéonymedérivé Κοα έντειαenTHOf35etPYTn316.Enadmettantquelesdeuxattestationsdekoma wetejaàPylosetàThèbesobéissentaumêmeprocédédedérivationetfassentréférenceà uneréalitéidentique,l’onseradèslorsenclinàpréféreruneinterprétation«humanisante» destroismotsajoutésàlafinduparagrapheconsacréausanctuairedePoséidon.Nous sommesencouragédanscettevoieparlaprésence,dans la sérieTHOf, du datif pluriel poresi( φορῆνσι)ensixièmeetdernièrepositiond’uneliste de destinataires de laine175 : ces*φορῆνεςontdeforteschancesd’êtreidentiquesaux*φορῆνεςdePYTn316etsont certainementungroupehumainattachéàunedivinité.LatabletteTHOf26prouvequeles *φορῆνεςthébainssontprobablementimpliquésdansl’industrietextile;peutêtreenallait ildemêmepourleurshomologuespyliens.Encecas,l’emploidel’adjectifpossessif κοα έντειος àPylosseraitexactementparallèleàl’occurrencethébaine:lestravauxdetissage réalisésparles*φορῆνεςdusanctuairedePoséidon176 seraientcontrôlésparun“collecteur” dénommé Κο άενς. Somme toute, l’interprétation du mot komawetejacommeunadjectifpossessif dérivé de l’anthroponyme Κο άενς —qui paraît la plus probable et la plus simple au regarddenotredocumentation—permetd’exclured’embléeunedesquatrehypothèsesde travailformuléestoutàl’heure177 etd’enécarterdeuxautres.Effectivement,entantque dérivéanthroponymique,komawetejanepeutêtre perse unnomdedéesse(hypothèse 3)etilparaîtdéraisonnablequ’unteladjectifpuissecaractériserunthéonyme,quelqu’ilsoit (hypothèses1et2).Dèslors,lalecturelaplussatisfaisanteànosyeuxconsisteàinterpréter le groupe qowija na● komaweteja commeunappellatifcomplexe(hypothèse4),formé du substantiffémininplurielouduelγόιαι( uel ίᾱ ),d’uncomplémentdéterminatif—adjectif épithèteousubstantifaugénitif—na●etdel’adjectifpossessifdérivédunomdu«collec teur» Κο άενς, le tout décliné p.ex. à l’accusatif178 , en apposition aux idéogrammes MUL 2,desortequ’ilfaillelireainsilatroisièmeligneduversodeTn316: χρύσ(σ)ον uas *215ἕν·γυναῖκας( uel ε)δώ,γόιᾰνς( uel ίᾱ) na●κοα έντε ιᾰνς (uel είᾱ)«unvase*215 enor;deuxfemmes,les“bovines”(de) na●,contrôléesparΚοάενς». IlressortdenotreanalysequePoséidonestbienladivinitévénéréedansle Ποσιδά hιον,commeattendu;étantl’uniquedieuhonorédansledeuxièmeparagraphedeTn316 —àl’inversedestroisautresparagraphesdel’inscription—, son nom n’est pas précisé outremesure.Plusétonnant,cedieureçoituntraitementexceptionnel:nonseulementles gensdelaville(άστυ)sontamenésdanslesanctuairepourlacélébration,maislesoffran des —uncaliceenoretdeuxfemmes—sont également plus fastueuses que pour n’im portequelleautredivinité.Enfin,lescribeatenuàinscrireletitreprécisdes*φορῆνεςlivrés àPoséidon,ainsiquelenomdu“collecteur”dontdépendaientcesfemmes;parcontre,il n’enfitrienpourlesautre*φορῆνες,soitquelesfemmesdonnéesàPoséidoneussentjoui d’unstatutparticulier,soitquedanslesautrescas,uneprécisiondecetypeeûtétéjugée superflue. 3.–LasectionsuivantedeTn316regroupedeuxoutroissanctuairesetquatredivi nités.Defait,selonquel’onprocèdeounonàlarestitutionipemedejaqe, Ἰφεέ

175 THOf26,l.3.Chacundescinqautresdestinataires reçoit une fraction PA de laine, tandis que les *φορ ῆνεςs’envoientattribueruneunité. 176 Aprèsunraisonnementtrèsdifférent,B.SERGENT ( loc.cit. [n.83],p.197198)conjectureégalement quedeuxfemmesouvraientdestoilesdanslesanctuairedecedieu. 177 Cf. supra ,p.47. 178 Lenominatif«derubrique»estuneautrepossibilité:cf.latranslittérationdutexte, supra ,p.3637. POSÉIDON MYCÉNIEN 53

δεια disposerad’unsanctuaireparticulierouserahonoréeauseindusanctuairede Pere82 . Cettedernièreconstruction,ingénieuse,pourraittirerargumentdufaitque Ἰφε έδειαnese voitpasattribuerde* φορήν,àl’imagede Τρισ hήρως et Dopota ,divinitésmineuresassociées au sanctuaire de Potnia,à Pakijana , et, éventuellement, de Dirimijo , honoré auxcôtés de ZeusetHéra,danslesanctuairedeZeus;encecas,ledatif Ἰφεεδείᾳ (v., l.5) anticiperait delaprésencedeladéesseauxcôtésde Pere82 179 .Toutefois,nousconstatonsquelesautres divinitésassociéesauseind’unautresanctuaire(Manasa , Ποσιδάhεια ,Hermès,Héra)reçoi ventquandmêmeun* φορήν.Decefait,etàcausedelastructureformulaireetrégulièrede cedocument,ilnousparaîtpréférabledeprésumerun lapsuscalami semblableauade lalignesuivanteetdepostulerque Ἰφε έδειαpossèdesonpropresanctuaire. Parailleurs,ilconvientdesedemandersilegroupementdetroissanctuairesausein d’unemêmesectionrésulteuniquementdel’astuced’unscribesoucieuxdenepasrépéter troisfoislaformuleintroductive180 ousi,aucontraire,lestroissanctuairessontintimement liésentreeux,aupointdefairel’objetd’uneseuleprocession.Nouspenchonspourlase condeanalyse,pourdeuxraisons:d’abord,l’agencementgénéraldelatablettetendàmon trerquelerituelduporowito impliquequatrecélébrationsdistinctes,incluantdespro cessionsdetailleàpeuprèségale181 ,plutôtquesixcortègeshétérogènes;ensuite,auvu despremièreetquatrièmesectionsdelatablette,ilsembleprobablequeledieuHermès, isolé,soitliéàl’endroitoùsedéroulelafêteetoù se situent les trois sanctuaires plutôt qu’auseulsanctuairede ίyα182 .Ontiendradoncpourvraisemblablequelessanctuaires de Pere82 , Ἰφεέδειαet ίyαsesituent,àtoutlemoins,danslemêmesecteur. a) Pere82 estconsidéréecommeunedivinitéféminine,àcausedusexedu*φορήνqui luiestattribué;toutefois,cetargumentpourraitnepasêtredécisif,sil’onadoptelalecture défendue ici pour le paragraphe réservé au Ποσιδάhιον . Cette même divinité réapparaît dansunesecondetablettepylienne,oùellesembleliéeàPoséidon183 .Lalecturedusyllabo gramme*82est,pourl’heure,inconnueetledemeurerajusqu’àcequ’unefuturedécouver tedetablettesnouspermettepeutêtredeletranslittérer184 ;ensebasantsurlaprésomp tiondugenrefémininduthéonyme,leslecturesja2,sa 2etswaontétéproposéesetles interprétations pereja 2 ( Πέλεια «Colombe»), peresa2 (* Πρέσζα «Vénérable», voire Βρῆσσα )oupereswa(* Πρέσα,àrapprocherdunomdel’OcéanideΠέρση185 ?)ontquel quevraisemblance186 ,maisaucunenepeuts’imposer187 . 179 Encesens,cf.T.G.PALAIMA , loc.cit. [n.85],p.452453. 180 Ibid. ,p.447. 181 Pakijana reçoit cinq vases et trois *φορ ῆνες; le sanctuaire de Zeus, trois vases et deux ou trois *φορ ῆνες;celuidePoséidon,seulementunvaseetdeux*φορ ῆνες,maislesgensdelavillesontinclusdansla procession. Dans le même ordre de grandeur, le lieu des trois sanctuaires recevrait quatre vases et trois *φορ ῆνες. 182 Contra ,cf. ibid. ,p.452etn.49. 183 PYUn6,l.3,4;cf. infra ,p.7273. 184 Cf.M.LEJEUNE ,«Nouvellesremarquessurl’identificationdessignessyllabiquesrares»(1957),dans MémoiresI ,p.206210,§25.Lalistedesemploisde*82livréeparcetauteur(ID., «LessyllabogrammesBet leurtranslitération»[1970],dans MémoiresIV ,p.4243)nes’estpasagrandiejusqu’àprésent. 185 Normalement,lemycéniennenotepaslesliquidesappuyéessurunesifflante:ilfaudraitdoncpostu lerunemétathèsepostmycénienne—lamêmeévolutionpouvantégalementêtrepostuléepourperesa 2,lu Πρ έσα—:cf.M.VENTRIS &J.CHADWICK , op.cit. [n.4],p.463. 186 MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.172174, s.u. «Pere82 »;J.CHADWICK ,«TheGroup sw inMycenaean», Minos ,n.s.,9,1968,p.6265; DMic ,t.II,p.108109, s.u. «pere*82 ». 187 SurlabasedutermeperewijoattestéenTHX105,l.3,V.L.ARAVANTINOS ,L.GODART &Anna SACCONI ( op.cit. [n.145],p.308309et361)ontproposédelirelesyllabogramme*82wja,enfaisantde pere*82ladéesse*Πελ έια«Colombe(!)»etdeperewijosondesservant.Enréalité,M.LEJEUNE ( loc.cit. POSÉIDON MYCÉNIEN 54

b) Ilesttentantdetranscrireipemedejapar Ἰφε έδεια,etdefairelerapproche mentavecl’héroïnehomérique Ἰφι έδεια,maîtressedePoséidonetmèredesAloades188 ; encecas, Ἰφεέδειαpourraitentretenir,comme Pere82 ,desrelationsprivilégiéesavecPo séidonet,dansunemoindremesure,avecDionysos189 ;parailleurs,lenomipemedeja pourraitégalementévoquerceluide Ἰφιέδη ,filled’AgamemnonetClytemnestre,doublet delacélèbre Ἰφιγ ένεια190 . Lalecture Ἰφε έδειαinviteàconsidérerquelenomhistorique Ἰφιέδειαfutréarran géparétymologiepopulaireaumoyendupréfixe *ἰφι (<*ιφι) «fortement, puissam ment»: ceci expliquerait éventuellement l’altération vocalique ε>ι, ainsi que l’élision homérique, ellemême révélatrice d’un hiatus et, partant, de l’absence étymologique de digamma191 .Celadit,l’origineduthéonyme demeureobscure192 .Enl’étatdeladocumen tation,ilparaîtdifficiled’affirmerquelamycénienne Ἰφεέδειαpuisseêtreunehéroïne193 : saposition,aumilieude Pere82 , ίyαetHermès,ainsiquelefaitqu’ellejouissevraisembla blementdesonpropresanctuaire,suggèrentplutôtd’yvoirunedéesseàpartentière.Tou tefois,iln’estguèrepermisd’endireplusausujetdecet hapaxlegomenon Ipemedeja;les rapprochementsavecl’héroïne Ἰφι έδειαouavecledieuPoséidon,toutintéressantssoient ils,doiventdemeurerdeprudenteshypothèses194 . c) Encontraste,ladéesseίyαprésentepeudedifficultés,dumoinssurleplan morphologique:ils’agitclairementd’undérivéconstruitsurlabaseduthème*δι ,aumo yendusuffixedeformationdessubstantifsféminins*yă ,voireàl’aidedusuffixeadjectival [n.184],p.208,§3)avaitdéjàexclulalecturewja,puisquelesigne*82estattestéàl’initialed’aumoinsun mot,alorsquelalanguegrecqueignorelaséquencesemiconsonantique# y.Parailleurs,lesauteurscités croienttirerargumentdelaprésencesupposéed’«animaux sacrés»danslesnouvellestablettesthébaines pourappuyerl’existenced’unedéesseanimale:cependant,unnouvelexamendessourcesamontréqueces «animaux» sont certainement des humains, n’appartenant pas forcément à la sphère religieuse (cf.supra, n.147).Sommetoute,lesseulsargumentsvalidesenfaveurdelathèsed’unedéesseColombe(Πέλεια)se résumentàl’iconographiecrétomycéniennerelativeauxoiseaux,ainsiquel’existencedeprophétessesnom mées«colombes»(πελει άδες ouπ έλειαι)danslesanctuairedeZeusàDodone(cf.e.a.Hérodote,II,57; Sophocle, Trach. ,v.171172;Pausanias,VII,21,2;X,12,10)—laréférenceauxprétenduesdivinitésiqo (Ἴκος, «dieu Cheval») et opi ( Ὄφις, «déesse Serpent») étant, pour sa part, extrêmement suspecte: cf. MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.120122, s.u. «(?) iqo »etp.155, s.u. «(?) opi ». 188 Cf. supra ,n.141. 189 LesAloadesfurentfoudroyésàNaxos(cf.e.a.Pindare, Pyth. ,IV,v.8889),patriedeDionysos,où Iphimédéiaellemêmeauraitséjournécontresongré(cf.DiodoredeSicile,V,50,1–51,2);parailleurs,l’on montrelestombeauxdesAloadesàAnthédon,enBéotie,auseind’unsanctuairedeDionysos(cf.Pausanias, IX,22,6). 190 Hésiode, Cataloguedesfemmes ,fr.23a(Merkelbach&West),v.1526. 191 Cf. Homère, Od. , XI, v.305306 (éd. A.LUDWICH , BT , Stuttgart & Leipzig, 1998): τ ὴν δ ὲ ετ ’ Ἰφι έδειαν, Ἀλω ῆοςπαρ άκοιτιν,|ε ἴσιδον[…]«aprèscelleci,jevisIphimédéia,époused’Aloeus[…]». 192 Lesecondélémentestunanimementrattachéàlaracine*εδ «penser,ordonner»etpourrait,sans doute,conveniràunedivinitéprochedePoséidon:songeonsnotammentàlaΜέδουσαcorinthienne,parèdre anciennedePoséidon,mèredePégaseetChrysaôr(cf. infra ,p.227228).Quantaupremierélément,certains, d’aprèsunesuggestiond’A.HEUBECK («Myk. a3kipata „Ziegenhirt“.VermutungenzugriechischenWort bildungenmitα ἰγ(ι)und ἴψασθαι»,IF ,68,1963,p.20),ontparfoistentédelemettreenrelationaveclaracine *ἰπ«presser»(cf. Monique GÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30], p.116118, s.u. «Ipemedeja »; H.MÜHLE STEIN ,«ipemedejaetIphimédéia»,dansE.RISCH &H.MÜHLESTEIN [éd.], op.cit. [n.84],p.235237);tel autresuggèrelaracine*σεπ«fournir,pourvoir»etlalecture* Ἰσπε έδεια,pourvoirenladéesse«Cellequi donneconseil»(G.NEUMANN ,«ipemedeja ,einemykenischeGöttin», MSS ,46,1985,p.165171);aucune suggestion,cependant,n’emportelaconviction. 193 Contra ,cf.MariaROCCHI ,«Osservazioniapropositodiipemedeja»,dans E.DEMIRO , L.GO DART &AnnaSACCONI (éd.), op.cit. [n.4],t.II,p.863864. 194 Encesens,MariaROCCHI , loc.cit. [n.193],p.861867. POSÉIDON MYCÉNIEN 55

*yā .Onreconnaîtgénéralementquelethéonyme Ζεύς est à la base du dérivé ίyα195 et, selonlaquantitédelavoyellesuffixale,lesmodernesyvoienttantôtl’épouse(ίyᾰ),tantôt lafille( ίyᾱ)deZeus196 .Quellequesoitl’hypothèseadoptée,ilestsurprenantquecette déessenesoitpasassociée,d’unemanièreoud’uneautre,ausanctuairedeZeus197 —tout commeΠοσιδ άhειαestétonnammentvénéréeà Pakijana ,etnondansleΠοσιδ άhιον.Sans doute,lefaitqueladéesseHéra,parèdrelégitimedeZeusdèsl’épopéehomérique,appa raissedéjàauxcôtésdesonépouxdanslatabletteTn316198 inviteàvoirenίyαlafille plutôtquel’épousedeZeus199 —peutêtrepourraitonétendrecemêmepostulatàΠοσι δάhεια, quoiqu’aucune épouse officielle de Poséidon ne soit clairement attestée dans la documentationmycénienne:abritéedanslesanctuairedePotnia,cettedernièreseraitainsi nonpasl’épouse,maislafilledePoséidon.ContrairementàΠοσιδ άhεια,dureste,ίyαest fréquemmentcitéedansladocumentationmycénienne:àPylos,oùellepossèdedesescla ves200 ;àCnossos,àl’occasiond’unactecultuel201 ;peutêtreàThèbes,dansuncontexte delivraisonsdevin202 . d) Finalement,ledieuHermès,quinedisposed’aucunsanctuairepropre,reçoitune coupeetun*φορήνmâle203 .OutrePylos,cettedivinitéestégalementattestéeàCnossoset àThèbes,dansdescontexteshélasfréquemmentmutilés204 .Parailleurs,lemot areja ,qui sembleapparaîtreenpositiondecomplémentdéterminatif,demeureuneénigme:s’agitil d’uneépiclèseforgée,lecaséchéant,surlethéonyme Ἄρης (Hermès Ἀρείας) 205 ?oud’un toponymeaugénitif(Hermèsd’ areja )206 ?L’interprétationàdonneràcetermerestediscu tableetlemanquedeparallèles207 obligeàlaisserlaquestionouverte.

195 Exceptionnotable,MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.6770, s.u. «Diwija (Diuja )»,pro posedevoiren ίyαunedéessedelabeautéetdelarichesse,surlemodèledeladivinitéindienneŚrī,à causedelapolysémiedelaracine*δyε«jour;dieu;richesse»dansplusieurslanguesindoeuropéennes. 196 Cf.C.J.RUIJGH , op.cit.[n.56],p.130131,§108. 197 Parcontre,àCnossos,cettemêmedéesseesthonoréeparlaprêtressedeZeus,cequiattestedesliens beaucoupmoinslâchesentrelesdeuxdivinitésque ne le donnent à penser les inscriptions pyliennes: cf. KNXd97+284,l.1(cf. infra ,n.214). 198 Cf. infra ,p.5657. 199 Lesautresoccurrencesduthéonyme,souslaformediuja( ίyα)oudiwija( ίιᾰ,ι ίᾱ?)neper mettentpasdetrancher.Laformulehomériqueδῖᾰ θε άων«divineentrelesdéesses»peutplaiderenfaveur delalectureίyᾰ«épousedeZeus»,silesensorigineldusyntagmeépiqueestvraiment«épousedeZeus parmilesdéesses»(ainsi,cf.C.J.RUIJGH , op.cit. [n.56],p.133,§109);parcontre,lefaitqu’Hébé( Ἥβη),la filledeZeus,soitnomméeία( scil. ίᾱ )àPhlionteetSicyone(Strabon,VIII,6,24;cf.Pausanias,II,13,34) faitopterpourlalectureίyᾱ«filledeZeus». 200 PYAn607,l.5;Cn1287,l.6. 201 KNXd97+284,l.1(cf. infra ,n.214). 202 THGp109,l.1(?) ;313,l.2(?). 203 L’interprétationdeemaa2commeledatifduthéonyme Ἑρ άhαςestàpeuprèsunanime:cf. DMic , t.I, p.215, s.u. «emaa2». Contra ,MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.3940, s.u. «(?)areja »et p.8588, s.u. «(?)emaa 2»,suggèredelirelesyntagmeemaa2 areja ἕραια ἄρεια «présents occasionnels supplémentaires».Cetteaudacieuseconjecturenepermettoutefoispasd’interpréterlesautresoccurrencesdu motemaa2;quiplusest,lastructuredeTn316faitattendreunthéonymeavantl’énoncédesoffrandes. 204 PYUn219, l.8; Na (anciennement Xn, puis Nn)1357, l.1; KND411+511, l.1; X9669, l.1b;

THOf31,l.3.Pourunessaid’histoirereligieuse,cf.JoannGULIZIO ,«and emaa2:TheContinuity ofhisCultfromtheBronzeAgetotheHistoricalPeriod», ŽA ,50,2000,p.105116. 205 Ainsi,cf.e.a. DMic ,t.I,p.97, s.u. «areja ».AuI er millénaire,plusieursdivinitésportentcetteépiclèse martiale:citonsAthéna Ἀρε ία,Aphrodite Ἀρε ία,Dionysos Ἄρειος,Ényalios ἌρηςetZeus Ἄρηςou Ἄρειος. 206 Encecas,l’onattendraitpeutêtrel’antépositionducomplément,surlemodèledeupojo()poti nija( up οιοΠ ότνια,«Potniade upo »):cf. supra ,p.2223. 207 EnTHOf31,l.3,ilseraitpossibledecorrigerlalectureemaa2re[ja(?)]en Ἑρ άhᾳ< a>reja ,en POSÉIDON MYCÉNIEN 56

4.–L’ultimechapitredeTn316estconsacréàunefamilledivinecomposantsans douteunetriade,honoréedansle ίyον :lecoupleforméparZeusetHéraest,auI er millé naire,unaxefondamentaldupanthéongrec,tandisquelacaractérisationde Dirimijo com me«filsdeZeus»( ιὸς *ἱύς)inviteàconsidérerquel’époux,l’épouseetl’enfantforment uneentitédivinecohérente. a) LenomdeZeusestbienplusraredansladocumentationmycéniennequeceluide Poséidon—cequitrahit,sinonuneimportancereligieuseinférieureàcelleduI er millé naire,àtoutlemoinsuneimplicationdanslastructurepalatialeplusmodestequecellede Poséidon.ÀPylos,ledieun’estpasconnuendehorsdelatabletteTn316208 ,sicen’estpar son sanctuaire, lequel reçoit quatre mesures d’onguent209 et deux vêtements210 dans des circonstancesinconnues,ainsique,lecaséchéant, par son prêtre ιιεύς211 . À Cnossos, touteslesattestationsdestermesdiwooudiwenedoiventpasobligatoirementêtreinter prétéescommeunthéonyme:danscertainscas,ils’agitd’anthroponymes212 .Parcontre, unmois ίιος213 etuneprêtresseιίεια214 témoignentdufaitqueZeusn’estpasinconnu en Crète et qu’il y jouit même d’une relative importance; son sanctuaire est d’ailleurs mentionnédansl’unedessixtablettesexhuméesàKhania215 .Enfin,d’aucunsontvoulu

présumantunehaplologieduthéonymecomplexe,facilitéeparlaséquencedetrois;l’étatlacunairedu passage —les vestiges du signe situé à droite de re étant euxmêmes d’interprétation très incertaine— empêchetoutefoistouteconclusiondéfinitive. 208 Laséquenced ị ẉ ẹ ṣ ị poroti[mi]toqo,quiselitauversodePYXạ 412(cf.E.L.BENNETT Jr, loc. cit. [n.60],p.111;ID.,«Junctions,Restorations,andReconstructionsinPylianandRelatedTexts», Minos , n.s.,3132,19961997,p.140143),commeenAq218(en scriptiocontinua )etTn316(sousuneformetron quée)doit,eneffet,êtreunexercicemnémotechniquedavantagequ’unénoncésyntaxiquementcohérent:cf. e.a.M.DEL FREO , loc.cit. [n.129],p.157158etpl.III. 209 PYFr1230,l.1(cf. supra ,p.32). 210 PYMb1366,l.1:diwijo*1462;ι ίῳ ( uel ίιον?)· FΕhΑΝΟΙ 2;«PourlesanctuairedeZeus( ou LesanctuairedeZeus[donne]?):2VÊTEMENTS ».Surlevêtement*146,cf. infra ,n.293. 211 Lecontextelaissesupposerqueι ιε ύςdésigneledesservantdusanctuairedeZeusenPYAq218, l.[2]. Par contre, cet appellatif est sans doute un anthroponyme dans la série PYEs, ainsi qu’en An656, l.[[2]],9,etpeutêtreenCn3,l.2(cf. infra ,p.141142);demême,laformediwoestclairementunanthro ponymeenAn172,l.7. 212 EnKNDv1503+7183,l.B,diwoestassurémentunanthroponymeaunominatif,àlireίων,com meàPylos(cf. supra ,n.211);ilenvasansdoutedemêmeenKNE842,l.1a.Laformediwesemblebien êtrelethéonymeenKNFp (1) 1+31,l.2—dikatajo diwe (ικτα ίῳ ίει,«pourleZeusduDikté»)—, commeenKHGq5,l.1(cf. infra ,n.215);parcontre,enKNF(1) 51,v.,l.2,ellenotecertainementunan throponyme,p.ex. ίης,déclinéaudatif(cf.Y.DUHOUX ,«Adieuau maka cnossien.Unenouvellelecture enKNF51etsesconséquencespourlestabletteslinéaireBdeThèbes», Kadmos ,45,2006,p.910,§5.1). 213 KNFp (1) 5,l.1.Lorsdumois ίιος(diwijojomeno,ιίοιοην ός)sedéroulaitcertainementla fête de Zeus éponyme (ίιᾰ [n.pl.]).Cettefête,parl’intermédiairedunom demoisquiendérive(ῖος, ε ῖος), est encore attestée au I er millénaire dans de nombreux calendriers: cf. Catherine TRÜMPY , op.cit. [n.23], p.186, §151; p.199, §156; p.201, §157; p.218220, §174; p.248250, §195; p.253, §198; p.258259,§203;p.262,§206;p.266267,§210;p.276277,§217. 214 KNXd97+284,l.1: diwijeja diwija [];ι ιε ίᾳ ,ι ίᾳ ·[];«ÀlaprêtressedeZeus,pour Diwia:[]».L’associationavecladivinitédiwijaprouvequediwijejaesticiunnomdefonctionplutôt qu’unanthroponyme.Parcontre,ilestpeuprobablequelaι ίειαsoituneprêtressedeι ίᾱ ,auquelcasl’on attendrait*diwijajeja(ι ια ίεια),construitsurlabasedunomdesanctuaire*diwijajo(cf.diujajo),à l’instar de posidaijo (Ποσιδ άhιον)> *posidaijeu (Ποσιδα hιε ύς)et diwijo ( ίιον) >diwijeu (ι ιε ύς).Commeijereja( ἱέ ρεια«prêtresse»)estleféminindeijereu( ἱερε ύς«prêtre»),diwijejaestdonc lefémininattendudediwijeu. 215 KHGq5,l.12:diwijo[de,]diwẹ ̣ MẸ ̣+RỊ ̣ *2 0̣ 9̣ VAṢ +Ạ1[]̣ |diwonusoMẸ ̣+RỊ ̣ [●]2[];̣ ιίον[δε],ίει· ΜΕΛΙ ,ΑΜ (ΦΙ )ΦΟΡΕΥΣ 1. |ι ονύσῳΜΕΛΙ ,[●]1;«AusanctuairedeZeus,pourZeus:MIEL , 1AMPHORE .|PourDionysos:MIEL ,2[●]». POSÉIDON MYCÉNIEN 57 voir derrière le datif oporei attesté à Thèbes l’épiclèse d’un Zeus Ὀπώρης chargé de protégerlesfruitsdelaterre,maiscettehypothèsenerésistepasàlacritiqueet*Ὀπορής 216 n’estriend’autrequ’unanthroponyme . b) OutreTn316,ladéesseHérapourraitégalementêtreattestéeàuneautrerepriseà Pylos217 ; elle est probablement également mentionnée à Thèbes, en relation avec une livraisondelaineku 218 ;parcontre,cethéonymeestinconnuàCnossos—les tablettes crétoisesmentionnantlemoterafaisantunanimementréférenceàl’importantelocalitéde Crètecentrale219 .Nullepartailleursqu’enPYTn316cettedéessen’estenlienavecZeus. c) Poursapart, Dirimijo estun hapaxlegomenon delectureinconnue.Ladivinitéainsi désignéenesurvitpasauI er millénaireetnepeutdoncêtrerapprochéedesenfantsofficiel lementnés,àcetteépoque,ducoupleforméparZeusetHéra—Hébé,ArèsetIlithye—, nidesrejetonsengendrésparunseuldesdeuxparents,àl’exclusiondel’autre—Athénaet Héphaistos—220 ;ons’abstiendraégalementd’yreconnaîtreApollonouDionysos,enfants desamoursinfidèlesduroisdescieux221 .Parconséquent,ilfautavouerquenousignorons àpeuprèstoutausujetdeladivinitéDirimijo 222 ,sicen’estl’informationcapitalequelivre Tn316: Dirimijo estlefilsdeZeus,àPylos,auII emillénaire.

216 THFq126,l.2;130,l.2;169,l.[2];213,l.[2];214,l.2;229,l.2;254[+]255,l.3;257,l.1;304, l.2;331,l.1;339,l.1.Cf. supra ,n.5. 217 PYUn219,l.[8].IlesttoutàfaitinvraisemblablederestituercethéonymeenUn853,l.1(cf. infra , p.81). 218 THOf28,l.2:era,keoteja ku LANA 1,àlire Ἥρας keotείᾳ · ku * FΕΡ FΕhΑ1«Àl’ouvrièrekeoteia d’Héra:1unitéde LAINE ku »?Cf.J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.203.D’autresontplutôtconsidéréle termekeotejacommeuneépiclèsed’Héra:cf.p.ex. DMic ,t.I,p.343, s.u. «keoteja ». 219 Cf.e.a.MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.9496, s.u. «Era »; DMic ,t.I,p.232233, s.u. «era ». 220 Cf.Hésiode, Théog. ,v.921929. 221 Cedernierdieuapparaîtd’ailleursàPylossouslenomdiwonuso(ι όνυσος):PYXa1419,l.1;Ea (anciennementXa)102+107,l.1(oùsonekara[ ἐσχ άρα (?),«foyersacrificiel;sanctuaire»]mesure2unités 2 ½desemence[soitprèsde1hectare /3:cf. infra ,n.511]:cf.J.L.MELENA ,«24JoinsandQuasiJoinsof FragmentsintheLinearBTabletsfromPylos», Minos ,n.s.,3536,20002001,p.357360,ainsiqueJ.CHAD WICK ,«TheSemanticHistoryofGreek ἐσχ άρα»,dansAnnemarieETTER [éd.], ooperosi.FestschriftfürErnst Rischzum75.Geburtstag ,Berlin&NewYork,1986,p.515523,etJ.WEILHARTNER , «Zu den Opfertieren innerhalbderLinearBTexte:möglicheHinweisefürBrandundSchlachtopfer»,dansAnnaSACCONI etal. [éd.],op.cit. [n.131],t.II[ Pasiphae ,2,2008],enpart.p.811813).ÉgalementprésentdansunetablettedeKha nia(KH,Gq5,l.2;cf. supra ,n.215),DionysospourraitêtrehonorédanslesanctuairedeZeusmentionnéà laligneprécédente(ainsi,E.HALLAGER ,MariaVLASAKIS &BirgittaP.HALLAGER ,«NewLinearBTablets fromKhania», Kadmos ,31,1992,p.7581);toutefois,nonobstantlaparentéformelleentrelesdeuxthéony mes—quiplaideenfaveurdelavénérationenunsanctuairecommun—,unetabletteséparéeendeuxregis trespeutparfoisenregistrerdeslivraisonseffectuéesàdesoccasionsouàdesendroitsdifférents:cf.p.ex. PYFr 1220 et 1231; KNFp (1) 1+31. Sur le théonyme Dionysos, cf. M.S.RUIPÉREZ , «The Mycenaean NameofDionysos»,dansA.HEUBECK &G.NEUMANN (éd.), op.cit.[n.27],p.408412;surlaplacedece dieudansl’émergencedelareligionmycénienneet,enparticulier,sursesliensavecZeusàl’ÂgeduBronze, cf. T.G. PALAIMA , «Die LinearB Texte und der Ursprung der hellenischen Religion: diwonuso » (en anglais),dansN.DIMOUDIS &A.KYRIATSOULIS (éd.), DieGeschichtederhellenischenSpracheundSchrift.Vom2. zum 1. Jahrtausend v.Chr.: Bruch oder Kontinuität? 03.–06. Okt. 1996. Ohlstadt (Oberbayern – Deutschland) , Weilheim,1998,p.205224,etR.DUEV ,«ZeusandDionysusintheLightofLinearBRecords»,dansAnna SACCONI etal. (éd.), op.cit.[n.131],t.I( Pasiphae ,1,2007),p.223230. 222 Ainsi,cf.MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30], p.6566, s.u. «Dirimijo »; DMic , t.I, p.178, s.u. «dirimijo ». POSÉIDON MYCÉNIEN 58 LatabletteEq36 Quoiquelesdocumentscadastrauxpyliensaientétéréservéspourleprochainchapitre,il nousfautdèsàprésentleveruncoinduvoileenprésentantdeuxtablettesdespluscourtes etdesplusmutiléesquientrentdanscettecatégorie223 . Delamainduscribe1(stylet74),connupouravoirrédigéégalementl’étatdéfinitif ducadastreintitulé Pakijanια(sériesPYEn,EpetEd)224 ,lasériePYEqsecomposede troisdocumentsdeformat«page»auxdimensionssimilaires,maisàl’aspectdifférent:l’un est orienté horizontalement (Eq213); les deux autres, verticalement (Eq 36 et 146). La répartitionendeuxgroupesestd’ailleursconfirméeparlecontenudestablettes:lapremiè redécritunrecensementeffectuéparuncertain Akosot ας,quiportesurdelargesparcelles mesurantde6à40unitésdesemences;lesdeuxderniersprésententlesformulesspécifi quesd’uncadastreproprementdit,avecdesterrainscomprisentre¼d’unitéet4unitésde semence.Cesecondgroupedoitretenirnotreattentionàcausedelamentionincidente,àla suited’unerestaurationdelatablette,d’unesclavedePoséidon. PYEq36 [+]887+1451+1452+fr. 225 (pièced’archives8)—Scribe:stylet74,main1 .1 ]wejo,watu, .2 ],adete .3 to]s ọ de,pemọ GRA 2

.4 odaa2 ]a dete,[[]]̣ GRA .5 toso]d ẹ ̣└┘pemo 2 .6 odaa2 ]n ị j̣ ạ dẹ .7 mutila .8 mutilauelnonexstabat .9 mutila

.10 tosodepemo ]GRA 1odạ ạ ̣2[ .11 ]k ẹ me,tosode,̣

.12 pemoGRA tot o]daa2,atawonejo, .13 ]pạ rajo,poṇ ẹ toqeṃ ị ,̣ .14 ]●●, tosode,pemo,̣ GRA 4

.15 oda]a 2,posedaono[]doero,p ạ ̣ ●●,o ṇ ạ ̣ ● GRA T .16 to]sodep ẹ [̣ mo ] └4[ ]uac. [ PYEq146 226 (pièced’archives8)—Scribe:stylet74,main1

.1 odaa2└┘tereta,e[ .2 koro,tosode,pemo[[ GRA ]] GRA [

.3 odaa2,poroteu,eke,tosode,pemo GRA 1

.4 odaa2,repirijo,eke,tosode,pemo GRA 1 223 Touteslesnotionsrelativesaulexiquefoncierserontétudiéesendétail infra ,ch.II. 224 Detoutescestablettes,seulelapremièrelignedePYEd411estattribuéeauscribe41(stylet149), assistant du scribe1 (stylet 74) pour la rédaction du cadastre de Pakijanια, auteur notamment des séries PYEbetEo.Surl’activitéduscribe1(stylet74),cf.T.G.PALAIMA , op.cit. [n.36],enpart.p.3739. 225 Cf.J.L.MELENA ,«244JoinsandQuasiJoinsofFragmentsintheLinearB Tablets from Pylos», Minos , n.s., 2728, 19921993, p.308309, dont nous respectons la mise en page, malgré les différences notablesavecE.L.BENNETT Jr&J.P.OLIVIER , op.cit. [n.5],t.I,p.131;parailleurs,d’aprèslaprochaine éditionderéférence,LisaMariaBENDALL (op.cit. [n.3],p.69etn.259)signaleunelacuneaprès le signe pa(l.15),aulieudescinqsignesindiquésici. 226 Lesnouvelleslecturesdelal.11sontduesàE.L.BENNETT Jr, loc.cit. [n.60],p.107. POSÉIDON MYCÉNIEN 59

.5 odaa2,ademewe,eke,tosodepemo GRA 1v3 .68 uacant

.9 oda]a 2,[]meno,ijate,onato, GRA .10 e]k ẹ ,ṭ ọ sodẹ └┘pemo 1 .11 odaa2,asiwijo,i q̣ ọ natomo,̣ .12 onạ ṭ ọ ,ẹ ḳ ẹ [̣ to]sodepemo GRAT 7 .1315 uacant .16 tosodepe ]mo GRAT 3 Aucunecaractéristique—sicen’estl’auteurcommunetladispositionsemblabledeces documents—n’assurequeEq36et146appartiennentaumêmedossier;quandbienmê mecetteprésomptionsevérifierait,nousignoronsl’ordredelecturedecestablettesetle nombred’éventuelsdocumentscomplémentairesaujourd’huiperdus.Comblededifficulté, lesdonnéesprosopographiquessontinexistantesouinexploitables,etl’étatlamentablede lapremièretablettenefavorisepasl’interprétationdeceprobabledossier. Notreétudeseconcentrerasurdeuxaspectsdecestextes:d’unepart,nousexpose ronslesdifférentesformulesconsacréesintroduisantlespossessionsfoncières,pourcom prendrelastructureetl’ordonnancedececadastre;d’autrepart,nousposeronslaquestion dustatutdel’esclaved’undieuet,plusgénéralement,detousleshumainsquitravaillentau servicedeladivinité. 1.–L’examendesformulesdoitrespecterauplusprèsleurordredeprésentation, afindedéterminerd’abordl’organisationinternedechaquedocument,d’envisagerensuite leurcompatibilité. a) Àl’endroitd’unpossibleentête,latabletteEq36débuteparunelonguelacune, suiviedequatresyllabogrammes.Lesdeuxpremiers—[]wejo—seraientladésinence d’unadjectifdematièreoudepossessiondérivéd’unthèmeen;selonl’optionadoptée, lemotdebaseseraunnomcommunouunanthroponyme.Lesdeuxsuivantsformentle motwatu( άστυ«ville»),quiévoquelalocalitédePylos227 .Silapremièreligneestbien unintitulé,lepossibleadjectifenειοςpourraitêtreunpossessif,aunominatifmasculin pluriel,etlemot άστυunnominatifderubrique:ainsi,lapremièreligneselirait[Οἱδε ῖ νες,]ειοι· άστυ«[Quilibet ],dépendantsde[untel];(en)ville».Admettantquetelsoitle cas,ilfaudraencoreprécisersicepotentieltitreintroduitunseulparagrapheoulatotalité delatablette,voirel’ensembledudossiercadastralformé,lecaséchéant,parlestablettes Eq36et146—sanscompterleséventuelsdocumentsperdus. Lesquatrelignessuivantes,entoutcas,semblentapparteniràunmêmeparagraphe, commel’indiquentlarécurrencedel’appellatifadete( ade τήρ)228 etlasimilitudedessurfa cescadastrées( GRA 2).Laformuletypeenseraitlasuivante:Ὁδε ῖνα,ade τήρ.Τ όσ(σ)ονδ ὲ σπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 2«Untel, ade τήρ. Autant, en semence: 2 unités de semence». L’omis sion d’un verbe commeἕχειàlafindelapremièrepropositionpourraitêtreintentionnelle, mêmesilapertedelamoitiégauchedutextenepermetpasd’enjuger229 ;laconjonction

ὧ(ς)δ’ ἂρa2,quiintroduitchaquenouvelleentréedanscettetabletteetenEq146,estresti tuéeavecvraisemblance.Enfin,lesl.6et7serattachentprobablementàcemêmeparagra 227 Cetélémentn’étonnepasdanslechefduscribe1 (stylet 74), lequel s’occuperait, comme pour le cadastre titré Pakijan ια(PYEn,Ep, Ed)etlerelevéducantonde Akerawa (Eq213),deterrainssituésà proximitédupalais.L’usagedumot άστυ estcomparableàceluidePYTn316,v.,l.1(cf. supra ,p.4041). 228 Lalectureetlesensensontinconnus:cf. DMic ,t.I,p.26, s.u. «adete ». 229 Laprésencede[[eke]]dansla rasura delal.4(cf.E.L.BENNETT Jr&J.P.OLIVIER , op.cit. [n.5],t.I, p.131)seraitunargumentencesens,maisn’estpasconfirméeparJ.L.MELENA , loc.cit. [n.225],p.308. POSÉIDON MYCÉNIEN 60 phe—cettehypothèseneferaitplusdedoutesilal.8étaitrestéeblanche—;encecas,la finale[]nị j̣ ạ de(l.6)désigneraitunefonctioncomparableàcẹ llede ade τήρ.Lapremière sectiondelatablettecompteraitentouttroisnomsdetenanciers. Àpartirdelal.9jusqu’àlal.16,quatrepropriétéssontenregistrées.Delapremière nedemeurequelasuperficie( GRA 1);deladeuxièmesubsistenotammentl’énigmatique []k ẹ me(l.11)qui,paranalogieaupremierparagraphẹ ,pourraitêtreunnomdefonction, voireunanthroponyme230 .Lesinformationssurlatroisièmetenuresontpluscomplèteset couvrentdeuxlignesetdemie:letenancierinconnudépendd’undénommé At άων 231 ,sa concessionestcaractériséed’«ancienne»(p ạ rajo,̣ παλαιόν)«etil“peine”dessus»(ponẹ ̣ toqemị ,πον̣ ήτοικειν)232 ;uneprécisionsupplémentairedevaitencoresetrouverdansla lacunedudébutdelal.14,avantl’indicationdelasuperficieduterrainaumoyendelafor muleconsacrée(tosode,pemo, GRA 4).Enfin,lesinformationsconcernantlequatrième tenanciersontpresqueintégrales:ilestunesclaveanonymedePoséidon,détientunterrain caractérisédepạ ̣ ●●o ṇ ạ ̣ ●( πα[λαιὸν] ὄνα[τον] (?), «ancienne location»)233 etmesurantau 1 moins /3d’unitédesemence. Vuedanssonensemble,latabletteparaîtbiencomporterdeuxparagraphes,quedis tinguent les formules introductives, le statut des tenures et la qualité des tenanciers. La premièreregroupedestitulairesdefonctionsnommés ade τῆρεςet,peutêtre,[]nị j̣ ạ dẹ ;la seconderassembleaumoinsundépendantde Ata wônetunesclavedePoséidon,déten teursd’«anciennes»possessions,quipourraientn’êtrequedeslocations( ὄνατα).Lacon currenceentreladésinenceειοι (?)delal.1etlestitresde“dépendant”—expliciteàla l.12etimpliciteàlal.15—amèneàconclurequel’entêtedelal.1concerneuniquement lepremierparagraphe,silafinaleειοι (?)désigneeffectivementunecatégorieprécisede “dépendants”,opposésaux“dépendants”citésdanslasuitedutexte.Enfin,lessepttenan ciersdelatablettetotalisentaumoins GRA 9 T4;enfonctiondeslacunes,cemontantpeut sansdouteêtremajoréà c. GRA 12 T4. b) EncequiconcerneEq146,laséparationentroisparagraphesestindiscutable,au vudestroislignesblanchesménagéesaprèslesl.5et12. Lesdeuxpremièreslignespeuventêtreanalyséesdedeuxmanières,soitcommeun titre,soitcommelapremièreentréeduparagraphe,selonlarestitutionadoptée.Dansle premiercas,unelecturecomme Ὧ(ς)δ’ ἂρa2,τελεστα ὶἕ[χονσι]χ ῶρονς,κτλ.«Parailleurs, les telestai dé[tiennent]desterrains,etc.»annonceraitparprolepselesentréesdesl.35,etla superficiementionnéeàlafindelal.2—aujourd’huiperdue—totaliseraitlesterrainsde cestroisτελεστα ί—soit GRA 3V 3.Danslesecond,ilfaudralire Ὧ(ς)δ’ ἂρa2,τελεστ ὰς E[ἕχει]χ ῶρον,κτλ.«Parailleurs,letelestasE [détient]unterrain,etc.»etadmettre quelamêmeformulefutrépétéeàchacunedestroislignessuivantes,ensousentendantles termesτελεστ άςetχ ῶρον.Ladernièresolutions’imposepourplusieursraisons:nonseule mentlarestitution ἕ[χονσι]semblebientropcourtepourlalacune,maisl’itérationde ὧ(ς)

δ’ ἂρa2convientégalementmalàunentêteetàlapremièreentréed’unparagraphe;par 230 Le mot peut également appartenir au lexique foncier, s’il s’agit d’une faute pour [ke]k ẹ me<na>̣ ([χε] χεέ<να>), comme en PYEa59,l.2.Τoutefois,letermeχεχε έναestusuellementsuivideκτο ίνα;sur cettenotion,cf. infra ,p.111112. 231 L’anthroponymeAt άων apparaîtenPYAn192,l.9.Nousnesaurionscependantexclurel’existence d’unanthroponyme At αώνειος. 232 Pourlalecturedecetteexpression,cf.J.T.KILLEN ,«NewReadingsandInterpretationsinthePylos Tablets», dans Sigrid DEGER JALKOTZY , S.HILLER & O.PANAGL (éd.), op.cit. [n.85], t.II, p.343344; T.MEISSNER ,loc.cit. [n.27],p.262264. 233 Surlesdernierssignesdelal.15,cf.toutefois supra ,n.225. POSÉIDON MYCÉNIEN 61 contre,leparallélismecrééparcetteanaphoremetlesquatreentréessurunpiedd’égalitéet justifielasimplificationdelaformuleparledésirdefairetenirsuruneseulelignechacun destroisderniersτελεστα ί.Enconclusion,quatretenanciers—E[],Πρωτε ύς,Λ έπριοςet Ademewe —,tousinconnusparailleurs , portentletitrede τελεστάς;leurterrainestprésenté parlaformulerécurrente Ὧ(ς)δ’ ἂρa2,(τελεστ ὰς) ὁδε ῖνα ἕχει(χ ῶρον).Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρ ο· ΣΠΕΡΜΟ tot . Lesecondparagraphedelatablette(l.912)sedémarquenettementdelasectionpré cédenteparun uacat detroislignesets’yréfèreenmêmetempsparlarépétitiondelacon jonction ὧ(ς)δ’ ἂρa2.Iloffreuneformuledifférenteetnonambiguë:Ὧ(ς)δ’ ἂρa2,ὁδε ῖνα ὀνατὸνἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ tot .Lesdeuxterrainsenregistréssouscetteru briquesontdoncenlocation,etleurdétenteurn’estpasun telestas;ilestremarquablequele scribeprennedèslorslapeined’indiquerlafonctionoccupéeparchacund’eux—lepre mier,[]meno ,estmédecin(ijate, ἰατ ήρ);lesecond, Ἄσιος,pourraitavoirunmétierrela tifauxchevaux(iq̣ ọ natomo,̣ ἴκων atomo?)234 . Enfin,letroisièmeparagraphe(l.16)enregistreunseulterrain,mesurant¼d’unité desemence.lalacuneinitialeempêchedesavoirsicettepetiteparcelleaétéattribuée,p.ex. àunesclave—commel’esclavedePoséidon,derniernomméenEq36,quidisposed’au 1 moins /3d’unitédesemence—,ousielledemeurelibre. Autotal,latabletteEq146recense7parcelles,répartiesentroisrubriques—terres appartenantauxτελεστα ί,terresconfiéesen ὀνατόνàdeshommesdemétier,terreindéter minée—;leursuperficies’élèveaumoinsà GRA 4T 10 V 3, etatteintprobablement GRA 5 T10 V 3entenantcomptedelalacunedelal.2. c) Ensemble,lesdeuxtablettescomptabilisentdonc14parcelles,pourunesuperficie totale minimale de GRA 14 T 2 V 3 et, plus probablement, de c.GRA 18 T 2 V 3 —soit environ12hectares235 . Ces terrains seraient répartis en cinq rubriques, en fonction de lacatégorie socio professionnelledutenancier:enEq36sontnommésd’unepartdesfonctionnairesdépen dantprobablementd’unemêmepersonne,nomméeàlal.1,d’autrepartdestenanciersap paraissantàtitrepersonnel,dépendantquidu“collecteur” At άων, qui du dieu Poséidon; enEq146sesuccèdentquatre τελεστα ί,deuxhommesdontlaprofessionestdûmentcon signéeetunterrainaustatutinconnu.LatabletteEq36recenseraitdoncdes“dépendants” detoutesorte,tandisqueEq146enregistreraituniquementdespersonnesindépendantes. Lesformulesemployéessontpropresàchaquerubrique,maisformentunensemble cohérent.L’usageduverbe ἕχεhενseraitapparemmentréservéàEq146,maislemauvais étatdeEq36nepermetpasd’êtrecatégoriqueàcesujet.Ilestremarquable,également,que lesformuleslesplusdéveloppéesseretrouventdanslaseconderubriquedeEq36:cefait trahitlesexigencesplusgrandesimposéesàcestenanciers. Surleplanjuridique,lescinqrubriquesetleursformulesparticulièrestraduisentpeut êtrecinqstatutsdifférentsdelapropriétéfoncière,auxobligationspropres.Sileslacunes despremièreetcinquièmerubriquesempêchentd’ensavoirdavantage,ilsemblebienque ladeuxièmerubriqueconcerned’ancienneslocations;latroisième,desdétentionsenpro pre;laquatrième,de{nouvelles (?)}locations.

234 L’analysedecemotestpourlemoinsobscure:onpeutsongeràunsyntagmeaggloméréformédu génitifpluriel ἴκωνetdunomdefonction atomo ,attestéàCnossosetPylos,parfoisprécédédugénitifneutre plurieleqeo( ἑκέhων)àPylosetfémininplurieleqeao( ἑκεhάων)àCnossos.Surlestermesévoqués,cf. DMic ,t.I,p.120, s.u. «atomo »,etp.229230, s.u. «eqeo». 235 Pourcetteapproximationdesmesuresdesurfacemycéniennes,cf. infra ,n.511. POSÉIDON MYCÉNIEN 62

Riennes’opposeàcequelestablettesEq36et146formentunseuldossier,mais riennegarantitqued’autresdocuments,perdus,n’enaientpaségalementfaitpartie.Quant àl’ordredesdocuments,ilparaîtexcluqueEq146puisseêtrelueenpremierlieu,àcause delapositioninitialedelaconjonction ὧ(ς)δ’ ἂρa2,quiseréfèreàunrenseignementanté rieur: en l’état, Eq36 pourrait bien précéder Eq146, même si l’entête apparaissant en Eq36,l.1,paraîtneconcernerquelepremierparagraphedecedocument. 2.–Ensusdesprêtresetautresdesservantscultuels,lesdieuxmycéniensontàleur servicediversescatégoriesdepersonnelinférieur:esclavessacrés,ouvriersspécialisés“dé pendants”et*φορ ῆνεςcomplètentl’effectifdestravailleursdeladivinité. a) Outrelesesclavesappartenantauxparticuliers,lestablettesmycéniennesrecensent uncertainnombred’esclavessacrés,quidépendenttantôtdedesservantscultuels,tantôtde ladivinitéellemême236 . Dansleroyaumepylien,lesprêtresses(ijereja, ἱέ ρεια)etles“porteclef”(karawi poro,κλα ιφόρος)possèdentdesesclaves237 .Peutêtreenvatildemêmepourl’obscure doqeja ,quidétiendraitdesesclavesdansledistrictdeMetapa 238 .Ilestpossiblequecesdeux outroischargesreligieusesdonnentaccèsàlapossessiond’esclavesdeofficio plutôtqu’àtitre privé:encecas,lesδόhελοιetδ όhελαιenregistréssouscesappellatifspeuventàbondroit êtreconsidéréscommedesesclavessacrés. Parailleurs,unimmortelpeutposséderunesclaveensonnompropre:telestlecas del’esclaveanonymedePoséidonenEq36(Ποσειδ άhωνοςδ όhελος),quifaitéchoauxes clavesdeDiwia(ι ίαςδο hέλα; Mutirik ος,ίyαςδ όhελος)239 ,ainsiqu’àΑἰγι αλ ός,esclave d’Artémis( Ἀρτ έιτοςδ όhελος)240 .Commedanslecasdes*φορ ῆνες,iln’existeaucuneadé quationforcéeentrelesexedel’esclavesacréetceluideladivinité. Lamajoritédesesclavessacréssusmentionnéssontconnuspardesdocumentscadas traux.Ledossiercadastrallepluscomplet,intitulé Pakijan ια,enregistred’ailleurspasmoins de44esclavessacrés,identifiésparlamentiondeleuranthroponymesuividel’expression θε hοῖοδ όhελος( uel δο hέλα):oncompteainsi,aubasmot,22hommeset22femmesqui partagentlestatutd’«esclavedeladivinité»241 .Ilestnatureld’identifiercettedivinitéavec 236 Cf.l’étudeancienne,maistoujourslargementvalide,deM.LEJEUNE ,«Textesmycéniensrelatifsaux esclaves»(1959),dans MémoiresII ,p.6381. 237 Pourlesprêtresses,cf.PYAe303,l.1;Eb1176,l.AB;Ep539,l.7,8;En609,l.[16];Eo224,l.6: laprêtressedePylospossèdeaumoinsquatorzeesclavesanonymes,desexeféminin,«àcausedel’orsacré» (enekakurusojoijerojo, ἕνεκαχρυσο ῖο ἱερο ῖο),etcellede Pakijana ,troisesclavesdifférents,nommés Teter εύς, Mer εύςet Eratar α.Pourles“porteclef”,cf.PYAe110,l.1,ainsiqueEp539,l.9:àPylos,cedi gnitairedétientaumoinsunesclave,tandisqu’à Pakijana ,{la“porteclef”(?)}Karpathiadisposed’unesclave appelé Pu●dakας.Surcesfonctionset,enparticulier,surlaprêtresseÉrithaetla“porteclef”Karpathiaà Pakijana ,cf. infra ,p.7879. 238 PYAn607, l.18, où ladite doqeja possèderait en tant qu’esclaves tantôt le père ( doq είας δόhελος πατ ήρ:l.23,56),tantôtlamère( doq είας δο hέλαάτηρ:l.67,78)desfemmesenregistrées,ainsiqueles treizefemmesellesmêmes( doq είας δόhελαι:l.34)—encorefaudraitilquecet hapaxlegomenon fûtdécliné au génitif singulier plutôt qu’au nominatif pluriel, et qu’il désignât effectivement une fonction davantage qu’unefemmeouunedéesse.Lesquestionsdedétaildemeurentnombreusesetl’interprétationgénéraledela tabletteesttoujoursdébattue:cf.e.a.E.L.BENNETT Jr,«TextualNotes:PYAn607», Minos ,n.s.,7,1961, p.513 et pl.I; Monique GÉRARD ROUSSEAU , op. cit. [n.30], p.7981, s.u. «(?) doqeja »; Sigrid DEGER JALKOTZY ,«TheWomenofPYAn607», Minos ,n.s.,13,1972,p.137160;A.HEUBECK ,«ZueinigenPro blemenderpylischenTafelAn607», Minos ,n.s.,19,1985,p.6190;AdrianaQUATTORDIO ,«Undocumen todicaratterecultuale.PYAn607», PP ,47,1992,p.99114;CécileBOËLLE , op.cit. [n.18],p.114120. 239 PYAn607,l.5;Cn1287,l.6;surcettedéesse,cf. supra ,p.5455. 240 PYEs650,l.5;cf. infra ,p.131132. 241 Cf. les séries PYEb, Ep, Eo et En, ainsi que Ed411, lat.inf. Pour les références exhaustives, cf. POSÉIDON MYCÉNIEN 63 ladéesseΠότνια,laquelleparaîtêtrelagrandedéessedusanctuairede Pakijana ,desservipar laprêtresseÉrithaetla“porteclef”Karpathia;nousnepouvonstoutefoisexclurequela divinitéenquestionsoitPoséidon,quiestsansdouteprésentà Pakijana etpourraitêtre«le dieu»parexcellenceduroyaumedePylos.Cesesclavesprésententlepointcommund’être touslocataires( ὀνατ ῆρες)deparcellesissuestantôtdeκο ῖναικτ ίεναι,tantôtdeχεχε έναι κτο ῖναι;seuleexception,unecertaine Ὑαίαjouit,toujoursen ὀνατόν,d’unγ έραςappar tenantàlaprêtressede Pakijana 242 .Cetteconditioncommunedelocataireparaîtégalement être lelotdel’esclavedePoséidonenEq36,l.1516. b) Ensusdes“collecteurs”humains,telslesdénommésKomawenset Marin eus,ou encorelesquatre«grands»pyliens—Ake os, Akosot as,AmphimédèsetWedan eus—243 , lesdivinitésellesmêmespeuventégalementendosserlafonctionde“collecteur”244 .Cette chargeénigmatiquejoueunrôleessentieldanslefonctionnementdel’économiepalatiale mycénienne,enparticulierdanslesindustriestextileetmétallurgique:ilparaîtacquisquele “collecteur”exerceunetutellesurlesproducteursetlesartisansetsertd’intermédiaireavec lepalais.Fussentilshommesoudieux,lecontrôledes“collecteurs”surlestroupeauxou surlesouvriersspécialiséss’exprimetantôtparleurnompropre,déclinéaugénitifdepos session,tantôtparunadjectifpossessifdénominatifen*ειος. Danstroissitesetdanstroissecteursd’activité,troisdivinitésoccupentlafonction de“collecteur”: —Potniaoccupelapositionlaplusimportantedanslasphèreéconomique:ladéesseinter vientdansl’industrietextileàCnossos,PylosetThèbes,oùellepossèdedestroupeaux245 etsupervisedestisserandes246 ;àPylos,unbouilleurd’onguent(arepạ ẓ ọ [o],̣ ἀλειφαζό hος)247 ,unevingtainedeforgerons(kakewe,χαλκ ῆες)248 etplusieursautresouvriers249 sontcontrôlésparPotnia,quiparaîtdoncaumoinsimpliquéedanslaproductiondupar J.P.OLIVIER etal. , IndexgénérauxdulinéaireB (IncunabulaGraeca ,52),Rome,1973,p.224, s.u. «teojo». 242 PYEb416,l.12;Ep704,l.2.Pourcecasspécifique,cf. infra ,p.114115etn.461. 243 SurKomawenset Marin eus,cf. supra,p.4852;sur Wedan eus,cf. infra ,p.140141. 244 Ainsi,cf.MarieLouiseB.NOSCH ,«SchafherdenunterdemNamenspatronatvonPotniaundHermes in Knossos», dans F.BLAKOLMER (éd.), Österreichische Forschungen zur Ägäischen Bronzezeit 1998. Akten der TagungamInstitutfürKlassischeArchäologiederUniversitätWien.2.–3.Mai1998 ( WienerForschungenzurArchäologie , 3), Vienne, 2000, p.211215; Susan LUPACK , «Deities and Religious Personnel as Collectors», dans M.PERNA (éd.), op.cit. [n.151],p.89108 ;LisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3],p.7792. 245 À Knossos, cf. Dl (1) 930+7284+7290+7333+8002, l.AB; 933+968+975, l.AB; 943, l.AB; 946 +fr. ,l.AB;950,l.AB;7147+7851,l.AB;7503+7638+7847,l.AB;7771,l.AB;7905+9328,l.A B; 9716+9762+9775+ fr. , l.AB (inventaires de dix troupeaux de moutons, localisés à Sijaduwe , Qanwaso , Karuno et Raja ettotalisantplusde320têtes);Dp997+7206,l.1;7742,l.12(inventairesdetoisons[poka, πόκαι ]issuesdetroupeauxdePotnia);cf.aussiX444,l.1etC5730,l.1—pourlesnouveauxraccords,cf. L.GODART etal. ,«175raccordsdefragmentsdanslestablettesdeKnossos», Minos ,n.s.,2728,19921993, p.59et65;pouruneprésentationdel’ensembledecestextes,cf.J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.9497, ainsiqueLisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3],p.211212.ÀPylos,cf.Cc665,l.1(troupeaude100moutonset de190porcsappartenantàPotnia—lespremierspeutêtrepourleurlaine,lessecondscertainementpour leurviande). 246 KNG820+ fr. ,l.3;THOf36,l.2. 247 PYUn249,l.1. 248 PYJn310,l.1417;431,l.1624. 249 Auxdeux“dépendants”dePotnianommésΚαhεσεύς(PYQa1299,l.1)et Werajo (cf. infra ,n.254),il faudraitajouterlesdouzehommesrecensésenAn1281,l.113,lesquelssontaffectésàPotniaetàquatre responsablesreligieuxgravitantsansdouteautourdePotnia:septd’entreeux(l.18)sontliésàlaPotnia«au cheval»([po]tinijaiqeja,[Πό]τνια Ἰκεία),peutêtrehonoréedansle«BâtimentSudEst»,etcinqautres (l.913)àlaPotniasituéeà[ ●●]akesị .Surcetexte,cf.SusanḶ UPACK ,«TheNortheastBuildingofPylos andAn1281»,dansAnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit. [n.131],t.II( Pasiphae ,2,2008),p.467484. POSÉIDON MYCÉNIEN 64

fumetdubronze.L’adjectifpossessifποτνι άειος,authèmeaberrant,sertàcaractériser ces“dépendants”deladéesseΠότνια250 . —Hermès s’investit visiblement dans l’industrie textile: le dieu dispose d’un troupeau de soixantebrebisettrenteagneauxàCnossos251 ;àThèbes,desfilandièresdépendentsans doutedelui252 . —HéraapparaîtuniquementàThèbes,oùellecontrôleuneouvrièretextilespécialisée253 . Lestablettesrelativesauxforgeronspyliens“dépendantdePotnia”prouventqueceuxci sont soumis aux mêmes obligations que les ouvriers «civils»: tous sont corvéables, et reçoiventàcettefindesquantitéssimilairesdebronze —à Akerewa , les forgerons sans “collecteur”reçoivent AESM 1N2etles ποτνιάειοι de AESM 2àAESM 3;à* Apeke ,les premiers se voient allouer de AES M 4 à AES M 7, les seconds de AES M 3 à AES M 6. De même,àThèbes,lesouvrièrestextilescontrôléespardesdivinitéssontsansdoutecontrain tes,commelestisserandesdirigéesparKomawenset Marin eus,d’effectueruneταλασ ία. Lecadastre Pakijan ia montreégalementlanettedistinctionquiexisteentreunθε hοῖο δόhελοςetunepersonne“dépendantdeladivinité”,puisqu’uncertain Werajo ,ποτνι άειος,y détientuneχεχε ένακτο ίναàtitred’ ὀνατ όν254 ,sansseconfondreaveclesnombreuxescla vessacrésdecedossier.Cettedissymétrieestd’autantplusremarquablequeles«esclaves de la divinité» du cadastre Pakijania pourraient être des esclaves de Potnia. Toutefois, commeceuxci, Werajo estlocataire—etnonpropriétaire—desaterreetsaparcelleest citéejusteavantcellesdesesclavessacrésdanslerécapitulatifgénéral255 . Dansl’étatdenosconnaissances,Poséidonnecontrôleaucun“dépendant”;lemê meconstatvautpourlesdeuxautresdivinitésquidétiennentdesesclaves—àsavoirDiwia etArtémis.Inversement,aucundestroisdieux“collecteurs”—Potnia,HermèsetHéra— nepossèderaitd’esclave,si«ledieu»( θεhός)ducadastre Pakijania étaitPoséidonplutôt quePotnia. c) Siles*φορ ῆνεςthébainssonteffectivementastreintsàlaταλασ ία256 ,leursituation estcomparableàcelled’ouvriers“dépendant”deladivinité:l’appartenanceàunsanctuaire oul’affiliationàunediviniténedispensentpasforcémentdelacorvéecivile.ÀThèbes,ces “porteurs”exercentuneactivitéenrapportavecl’industrietextile,commelesouvrièresdé pendantdePotnia,HéraetHermès,maislesanctaireouledieuauquelilsserattachent nousestinconnu. Ladocumentationpylienneestfortdifférente:noussavonsàqueldieuetsanctuaire estoffertchaque*φορ ήν,maisnousignoronsl’activitéindustriellepratiquéeparceuxci257 . Peutêtrecertainsd’entreeuxs’occupaientilsdetravauxdefilageettissage;cetteoccupa tionpourraitêtreréservéeauxhuitfemmesengagéescomme*φορ ῆνες,tandisquelesdeux hommespartageantcestatuts’attelleraientàuntravailplus«masculin»,commelaparfu merieoulamétallurgie.Danscetteoptique,lesexedes*φορ ῆνεςnedépendraitpastantde celuideladivinitéhonorée,quedelanaturedutravailàfournir. Lalistedesdieuxdisposantde*φορ ῆνεςàPylosestdesplusinstructives:{Poséi 250 Cf. supra ,n.42. 251 KND411+511,l.1;cf.aussiX9669,l.1b.SelonMarieLouiseB.NOSCH (loc.cit. [n.244],p.214 215),letroupeaudeKND411sesitueraitdanslalocalité Ekoso . 252 THOf31,l.3—àlaconditionquelecasdeemaa2(datif?)permettecetteinterprétation. 253 THOf28,l.2;cf. supra ,n.218. 254 PYEb364[+]366,l.12;Ep613[+]1131,l.14. 255 PYEp613[+]1131,l.1520. 256 THOf26,l.3.Cf. supra ,enpart.p.4950. 257 PYTn316, passim . POSÉIDON MYCÉNIEN 65 don}reçoitdeuxfemmes;Potnia, Manasa ,Ποσιδ άhεια, Pere82 ,DiwiaetHéra,unefemme; HermèsetZeus,unhomme.Parmicesneufdivinités,cinqpossèdentégalementdesescla vessacrés(Poséidon,DiwiaetPotnia [?])oucontrôlentdesouvriers“dépendants”(Potnia, HéraetHermès);troisautresgravitentautourdePoséidonetPotnia( Manasa ,Ποσιδ άhεια et Pere82 )etpartageraientleurstatutdemaîtreoude“collecteur”;enfin,Zeus—et,lecas échéant, Dirimijo —nepossèdeaucunesclave,ninecommandeaucun“dépendant”,dans lalimitedenotredocumentation,maispeutcertainementêtrerapprochéd’Héra,quiestun “collecteur”. Aumoinsdeux*φορ ῆνες,desexeféminin,semblentobéiràl’autoritédu“collecteur” mortelKomawens;offertesàPoséidon,ellesporteraientégalementletitre—cultuel?— de«bovines(de) na●»(γοίᾱ uel γ όιαιna●).Ilestdifficiledeprécisersicettesituation estexceptionnelleou,aucontraire,constituelarèglegénérale,maiscettepositionintermé diaireentretutelleshumaineetdivinepourraitéventuellementdéfinirlestatutde*φορ ήν: ouvrierspécialisécontrôléparun“collecteur”humain,maisattachéàunsanctuaireetàun dieuspécifiques,intégréàdescérémoniesreligieusesparticulières258 etrecevant,enconsé quence,untitrecultueltelqueγ όιαna●.Decepointdevue,le*φορ ήνsesitueraitàmi cheminentrel’artisansoumisàun“collecteur”humainetceluiquidépendd’un“collec teur”divin. Le statut du *φορ ήνparaîtégalementsupérieuràceluidessimplesesclaves sacrés, bienquel’absencederecoupementsprosopographiquesn’autoriseaucuneconclusionfer meàcepropos:contrairementauxesclavesprivésousacrés,lestravailleurs“dépendants” etles* φορῆνες devraientjouirdustatutd’hommeslibres. d) Quellequesoitl’originalitédelafonctionde*φορ ήν,ilestintéressantderemar quer,enconclusion,quecertainesdivinitésémergentnettementdanslasphèreéconomique mycénienne,etsingulièrementàPylos: —ArtémispossèdeunesclavemâleàPylos. —Hermès dispose d’un troupeau de moutons à Cnossos, contrôlerait une ou plusieurs ouvrièresàThèbesetdisposed’un*φορ ήνmâleàPylos. —Diwia possède à Pylos deux esclaves —un homme et une femme— et un *φορ ήν femelle;Hérajouitd’uneouvrièreàThèbesetd’un*φορ ήνfemelleàPylos;Zeus,époux d’HéraàPylos,ydisposeégalementd’un*φορ ήνmâle. —PotniacontrôleaumoinsdixtroupeauxàCnossosetunseulàPylos,oùellesupervise égalementunbouilleurd’onguent,unevingtainedeforgeronsetun*φορ ήνfemelle,sans compterleποτνι άειος Werajo ducadastre Pakijan ια;àPylosencore,Poséidonpossède un esclave mâle et deux *φορῆνες femelles; à Pylos toujours, Manasa , Ποσιδ άhεια et Pere82 ,satellitesdePotniaetdePoséidon,reçoiventchaquefoisun*φορ ήνdesexefémi nin.LepoidsrelatifdePotniaetPoséidondanslasphèreéconomicoreligieusepylienne dépendengrandepartiedel’attributiondesquarantequatreθε hοῖοδόhελοιetδ όhελαιde Pakijana àl’uneoul’autredivinité. L’idéegénéralementreçued’unecorrespondanceentrelesexedeladivinitéetcelui de son personnel cultuel et ouvrier ne trouve aucun fondement dans la documentation pylienne,etdoitdoncêtreabandonnée.Danslemêmemouvement,nouspouvonsdouter dufaitqueleculted’undieumâledevraittoujoursêtredesserviparunprêtremasculin,et celuid’unedéesseparuneprêtresse:visiblement,lareligionmycéniennedépasselescar canscréésparleshistoriensmodernes.

258 Les cérémonies mettant en scène les *φορ ῆνες seront abordées au cours de l’étude du dossier du scribe6:cf. infra ,p.7781. POSÉIDON MYCÉNIEN 66 LatabletteFn187 Rédigéeparunscribepylientrèsactif259 ,latablettedeformat«page»Fn187enregistre, commetouslesdocumentsdesasérie,diverseslivraisonsd’orge;ellesedistingueparla présencedenombreux hapaxlegomena ,ainsiqueparl’occurrencedeplusieursdestinataires appartenant à la sphère religieuse260 . Au vu des difficultés d’interprétation que pose ce texte,nousn’enproposonsicinitranslittération,nitraduction;seulslestermesintéressant notreproposserontcommentésdanslasuitedel’exposé. PYFn187 261 (pièced’archives8)—Scribe:main2

.1 apiteja HỌ Ṛ Ḍ ̣[ ] NI 2 .2 posidaijode HORD [ ] NI T 1 .3 karuke HORD [ ] FẠ Ṛ ̣ .4 pạ kijanadẹ HORDT 1[ ] NI T 1 .5 karuke HORDT 1V 3 NỊ Ṭ 1V 3 .6 dedowarewe HORDT 1 .7 kụ ṛ ị nazejạ HORDT 2 NI T 2 .8 upojopotinija HORDT 5̣ NI T 4 .9 opiturajo HORDT 3 .10 auto*34tara HORDT 1 .11 amatuna HORDT 1 .12 teqirijone HORDV 3 .13 udonooi HORDT ̣ 3 .14 poterewe HORDT ̣ 4 NI T 4 .15 aketirijai HORDT 1V 3 .16 karuke HORDT 1V 3 .17 isoeko HORDT 2[[ Ṿ 3]] .18 posidaijeusi HORDT 1V 3 .19 *34keja HORDT 1V 3 NI T 1V [3] .20 aroja [HORD ]V 3 .21 karuke HỌ Ṛ Ḍ Ṭ ̣ 1Ṿ ̣ 3̣ .2223 uacant

Chaquedestinatairereçoitunerationd’orge( HORD ,κριθά),variant—enl’étatactueldu 1 5 texte—entre /24 ( V3)et /12 ( T5)d’unité;parailleurs,desfigues( NI ,νι κύλεον )sontégale 1 mentlivréesàhuitdesvingtetundestinataires,dansdesproportionsvariantentre /12 ( T1) et2unités;enfin,unseuldestinatairerecevraitdelafarine( FẠ Ṛ ̣, έλευρον [?])enlieuet placedefigues. Dansquatrecassurcinq,lesquantitésdefiguesetd’orgesontidentiques262 ;ense fiantàcetteclefderépartition,ilestpossiblederestituer,entoutehypothèse,troismon tantsmutilés263 ;quantauquatrième(l.3),nouspouvonspostulerqu’iléquivautauxrations 259 Cf.T.G.PALAIMA , op.cit. [n.36],p.5968. 260 Unautredocumentdecettesérie(Fn970,l.12),quipourraitconcernerdeslivraisonsd’orgeàPoséi [don](p ọ ṣ ẹ [daonẹ (?)],Ποσειδα hώνει)etau“mél[angeur]”(mika[ta (?)],ίκ[τ ᾳ]),serapassésoussilenceà causedesonétatlamentable. 261 Pourlalecturedelal.19,cf.E.L.BENNETT Jr, loc.cit. [n.60],p.108. 262 Cf.l.[4],5,7,14.Parcontre,Potniade upo reçoitdavantaged’orgequedefigues(l.8). 263 Cf.l.[1],[2],[19]. POSÉIDON MYCÉNIEN 67

1 d’orge ( T1 V 3, /8d’unité)délivréesàtroisreprisesàundestinataire homonyme, sinon identique264 . 1.–Surlabasedecesconjectures,nouspouvonsmesurerl’importancerelativedes différentsdestinataires: —Enpremierlieu, apiteja (l.1)reçoitunequantitédefiguessupérieureautotaldesautres livraisonsdelatablette( c. 230,4l);sisarationd’orgeestàl’avenant, apiteja estdeloinle bénéficiaireleplusimportantdeFn187. —Ensuite,Potniade upo (l.8)et poter εύς(l.14)sevoientattribuerdesrationsdequatreà cinq fois inférieures à celle de apiteja , qui s’élèvent respectivement à c.48l et c.38,4l d’orgeet c.38,4ldefigues. —Par ailleurs, quatre personnes ou groupe de personnes ont droit à des rations d’orge comprisesentre 1/6( T2)et¼( T3)d’unité: isoek ος(l.17), opitura ιος(l.9)265 ,les udono οι (l.13)et kurinazeja (l.7)—cettedernièrerecevantégalement 1/6d’unitédefigues. —Enfin,quatorzedestinatairesperçoiventunerationégaleouinférieureà 1/8d’unité(T1 V3): 34keja reçoit c. 14,4ld’orgeetprobablementlamêmequantitédefigues(l.19),un “héraut”( κᾶρυξ ),nomméàquatrereprises,reçoitsansdoutechaquefoisunerationde 14,4ld’orge,augmentéeàuneoccasiondelamêmequantitédefigueset,uneautrefois, defarine(l.3,5,16,21);deuxgroupesdepersonnes,lesdécoratrices( ἀσκήτριαι )etles prêtres du sanctuaire de Poséidon (Ποσιδα hιῆες) touchent également c.14,4l d’orge (l.15, 18); deux sanctuaires, déclinés à l’allatif (Ποσιδα hίονδε, Pakιάνανδε ), reçoivent certainementchacun c.9,6ld’orgeet c.9,6ldefigues(l.2,4);cinqhumainsdénommés dedowar εύς, auto34tara , amatuna , teqir ίων et aroja ontdroittantôtà c.9,6l,tantôtà c. 4,8l d’orge (l.6,10,11,12,20). Cettelistedebénéficiairesmêlevisiblementsanctuaires,dieuxethumains—fussent ilssimplesparticuliersouinvestisdefonctionséventuellementreligieuses—,sansaucune structureapparente.Detouteévidence,latablettenesuitpasstrictementunordredegran deurdécroissant,quoiqueleversementleplusimportantsoitmentionnéenpremierlieu; restelapossibilitéd’unagencementgéographiqueet/ouchronologique. Indéniablement,certaineslivraisonsd’orgeontunevocationreligieuse:iln’estpas douteux que les sanctuaires de Pakijana et du Ποσιδ άhιον soient concernés, ainsi que la déessePotniade upo etlesprêtresdePoséidon;lesdifférents“hérauts”,ainsiquequelques autrespersonnages,pourraientégalementêtreinvestisdefonctionssacrées266 .Toutefois, nousn’ensaurionsconclure apriori quetoutelatabletteauncontenureligieux267 ,niqu’elle s’organiseexclusivementautourdetrois,quatreoucinqsanctuairesauxquelsseraientaffi liéestouteslespersonnesetladéessementionnéesdanscedocuments268 . Àdéfautd’uneinterprétationglobale,nouspouvonsreleverlesliensimplicitesentre lesdiversrécipiendaires.Potniade upo (l.8)estparailleursexpressémentliéeàlacampagne de Pakijana (l.4)269 .LesprêtresdePoséidon(l.18)sontlogiquementetétymologiquement 264 Cf.l.5,16,21. 265 Peutêtres’agitild’unnomdefonction,àlire*ὀπιθυρα ῖος«préposéàlaporte(dederrière [?])»:cf. Monique GÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.157158, s.u. «(?) opiturajo »; DMic ,t.II,p.4445, s.u. «opi turajo ». 266 Sur le «héraut», cf. Monique GÉRARD ROUSSEAU , op. cit. [n.30], p.125126, s.u. «(?) karuke »; O.PANAGL ,«Herold,SängeroderKultfunktionär?RolleundBedeutungvon karuke inmykenischerZeit», dansEvaALRAM STERN &G.NIGHTINGALE (éd.), op.cit. [n.144],p.311316 . 267 Encesens,cf.Monique GÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.2324. 268 Contra ,cf.e.a.lasynthèsedesopinionsantérieuresetl’avispersonnelprésentésparCécileBOËLLE , op.cit. [n.18],p.4450,demêmequeJ.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.115117. 269 PYFr1236;cf. supra ,p.2223. POSÉIDON MYCÉNIEN 68 inféodésàunsanctuairedePoséidon(l.2),maisl’onnepeutexclureunerelationétroite aveclesanctuairede Pakijana (l.4),oùesthonoréeΠοσιδ άhεια270 etoùestorganiséunλε χε hστρωτήριον,peutêtreidentiqueàlacérémoniehomonymeenl’honneurdePoséidon271 . Quant aux quatre mentions d’un “héraut” qui rythment le texte (l.3, 5, 16, 21), elles induisent nécessairement une structure sousjacente, soit que la récurrence de ce terme désignequatrefoislemêmehomme,soitqu’ellefasseallusionàplusieurspersonnesdiffé rentesoccupantdesfonctionssimilaires.Enfin,ces“hérauts”sontégalementliésauxdéco ratrices(l.15)età teqir ίων (l.12),commelemontreuneautretablettepylienne(Un219). 2.–L’examenapprofondidecedocumentcomplémentaire,quienregistreladistribu tiondediversaromates,souventénigmatiques,permettradepoursuivrenotreréflexionsur lastructureetlafonctiondeFn187: PYUn219 (pièced’archives8)—Scribe:main15

.1 ekerane,tuwo2 O1[ .2 padewe, O1padewe, O1 .3 karuke, PE 2 KA 1 O6 .4 teqijone, O1aketirijai, KA 1 .5 atimite, O1dakoroi, Ẹ 1 .6 dipteraporo, RA 1 O3korọ []̣ 1̣ .7 anakate,̣ TE 1potinija[

.8 e[] U1emaa2, U1pe[ .9 akawone, MA 1para[]2 .10 rawaketa, MA 1 KO 1[ ]ME 1 O1 WI 1 .11 KE 1 [ ]uacat .1217 uacant Ἑχελ(λ)α <ώ>νει (?),θ ύος2,(κ ύπαιρος) (?) 1[]· pad έει,(κ ύπαιρος) (?) 1· pad έει,(κ ύπαιρος) (?)1· καρύκει, PE 2, κ(νᾶκος )(?) 1, (κ ύπαιρος) (?) 6· teqi yώνει, (κ ύπαιρος) (?)1· ἀσκητρ ίαhι, κ(νᾶ κος )(?)1· Ἀρτιίτει (?), (κ ύπαιρος) (?)1· δακ όροι hι, ἕ(ρτις) (?)1· διφθεραφ όρῳ, ῥὰ(ξ) (??) 1, (κ ύπαι ρος) (?)3· kor ῳ, [ ●] 1· ἀνάκτει (?), TE 1· Ποτν ίᾳ []· Ἥ[ρ ᾳ(?)], U1· Ἑρ άhᾳ, U1· pe []· aka ώνει, MA 1· para [●● ]2·λα αγ έτᾳ, ά(ραθον) 1,κο(ρ ίανδνον)1,[ ●● ], έ(λι) (?)1,(κ ύπαιρος) (?)1, (ρίζα )(?)1,κη(ρ ὸς) (?)1[ ●● ]. «Pour Hekhel(l)an (?), 2unités de substances aromatiques, 1[+ x] unité(s) de (souchet)(?), [];pour Pad eus,1unitéde(souchet)(?);pour Pad eus,1unitéde(souchet)(?);pourle“héraut”, 2unitésde PE ,1unitédeca(rthame) (?),6unitésde(souchet)(?);pour teqi iôn,1unitéde(sou chet)(?);pourlesdécoratrices,1unitédeca(rthame) (?);pourArtémis (?),1unitéde(souchet)(?); pourles“balayeursdutemple”,1unitéd’ ἕ(ρτις) (?);pourle/la“portepeau”,1unitédeba(ies) (??), 3unitésde(souchet)(?) ;pour kor os,1unité[dey],pourle* anax (?),1unitéde TE ;pourPotnia,[ tot unité(s)de y];pourHé[ra] (?),1unitéde U;pourHermès,1unitéde U;pour pe [],[ tot unité(s)de y]; pour aka wôn, 1 unité de MA ; pour para [●], 2[+x] unités [de y]; pour le lawagetas , 1unité de fe(nouil),1unitédeco(riandre),[ tot unité(s)de y],1unitédemi(el) (?),1unitéde(souchet)(?),1unité de“racine”(delaine) (?),1unitédeci(re) (?)[ ●● ].» Cedocumentnousintéresseàplusieurségards:ilmontre,d’unepart,qu’unscribemycé nien ne répugne pas à mélanger dieux, personnel cultuel, hauts fonctionnaires civils et simplesprofanesauseind’unmêmedocument;ilnousinvite,parailleurs,ànepasinférer destructurelogiqueàpartirdelanaturedesbénéficiaires,deleurpositiondanslatablette et de la qualité et/ou la quantité des rations —la seule ordonnance plausible étant la

270 PYTn316,l.25:cf.supra ,p.3637. 271 PYFr1217et343;cf.supra ,p.2325. POSÉIDON MYCÉNIEN 69 successionchronologiquedeslivraisons—;enfin,ilénumèretroisdestinatairesdéjàmen tionnésenFn187. Àcôtéd’anthroponymescertainsouprobables(telsHekhel(l)an, teqi iôn, aka wôn),cedocumentattestelaprésencedu lawagetas ,hautpersonnageduroyaumepylien, etpeutêtremêmedusouverainluimême—sil’onadmetqueletermeanakateestune erreur pour wanakate—; de plus, dans une sphère nettement religieuse, on retrouve quelquesnomsdefonctionrévélateurs(ainsi,lesδακ όροι,probablesancêtresdesζακ όροι d’époqueclassique,ouencoreleδιφθεραφ όρος272 )etsurtoutplusieursthéonymesplusou moins incontestables (Potnia et Hermès; peutêtre Artémis et Héra, voire Pad eus?)273 . CommeenFn187,aucunedistinctionn’estopéréedanslaprésentationdecesbénéficiaires denaturesdifférentes:dieuxethumainssontsimplementmentionnésàlasuiteetdansle désordre274 . Autresurprise,lesdivinitésnesontpasmisesenexergue,ninereçoiventd’offrandes sensiblementplusremarquablesouplusnombreusesquelesdestinatairesprofanes—mê mesilanotationacrophoniquenenouspermetpasdeconnaîtreexactementlesproduits ouépicesévoquésparcertainssyllabogrammes275 .Toutaucontraire,cesontle“héraut”, le/la“portepeau”etle lawagetas quiobtiennentlesrationslesplusimportantesetlesplus diversifiées;or,silesdeuxpremierspeuventoccuperunefonctioncultuelle,letroisième appartientindéniablementaumondecivil.Iln’yadoncaucuneadéquationentrelaposition socialeetreligieusedesbénéficiairesetlarationquileurestattribuée:le lawagetas reçoit bienplusquele* anax ,certainsdesservantsreligieuxsontdavantagepourvusquelesdivini tésellesmêmes.Encelaaussi,latabletteUn219estsemblableàFn187. Finalement—concordanceremarquable—,lesl.34deUn219réunissenttroisdes tinataireségalementprésentsenFn187:le“héraut”(κᾶρυξ),uncertain teqi ίων276 et lesdécoratrices( ἀσκήτριαι ).Lespartsquechacunreçoitdansl’unetl’autredocuments’ins crivent grossomodo dansunemêmeéchelledegrandeur:le(s)“héraut(s)”touche(nt)depart 272 Surcestermes,cf.J.P.OLIVIER , «Étude d’un nom de métier mycénien: dipteraporo », AC , 28, 1959,p.165185;ID., Àproposd’une“liste”dedesservantsdesanctuairedanslesdocumentsenlinéaireBdePylos ,Bru xelles,1960,enpart.p.100105et122125.Auxoccurrencespyliennesdutitreδιφθεραφ όροςconnuesdecet auteur(Ea814,l.<1>;Fn50,l.6;Un219,l.6),ilfaudraitpeutêtreajouterdeuxmentionslacunaires, à Cnossos(C954+<1632>+5016,l.3:di[ptera]poroi?)etTirynthe(Uh12,l.2:]d ị p̣ ṭ ẹ ̣ rạ [po]ṛ ọ ?).̣ 273 Hasardounon,Potnia,HermèsetHérasontégalementindirectementassociésàThèbes:cestrois dieuxsontlesseulsàcontrôlerdesouvriers“dépendants”;quantàArtémis,elleestaunombredesdivinités quipossèdentdesesclaves:cf. supra ,p.6263. 274 SurladiversitédesdestinatairesdePYUn219,cf.e.a.J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.166167. 275 Cf.J.P.OLIVIER , loc.cit. [n.272],p.175178;LisaMariaBENDALL , op.cit.[n.3],p.247255.Surl’in terprétationpossiblede Ocommeabréviationidéographiquedusouchet,cf.ibid. ,p.193et198;KA adavan tagedechancededésignerlecarthame(kanako,κν ᾶκος)quelecalament(καλ άινθος),nonattestéenmy cénien;Epeutégalementabrégerenemena(sortedejonc?),cf.MYGe603+ fr. ,l.2,3,4,6—où KO dé signeégalementlacoriandre,plutôtquele«jonc»(kono,σχο ῖνος)—; RA pourraitsignifier«labaie»(raka, ῥά ξ?),lecaséchéantreprésentéeparl’idéogramme*1 5̣ 4̣ (PYUn592,l.5),cf.̣ DMic ,t.II,p.216, s.u. «raka » —parailleurs,cetteabréviationpourraitégalementfigurerenPYFr1215,l.2(cf. supra ,p.30);lephono gramme KE estintégréàl’idéogramme*189delasériePYQa,oùcemêmescribe15—auteurdecesseuls documents—enregistredeslivraisonseffectuéesàdehautspersonnagesainsiqu’àdesdesservantscultuels: cf.e.a.J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.136138—s’agiraitildumêmeproduit?(cf. infra ,n.376)—;sur un emploi possible de la “racine” de laine, notamment en parfumerie, cf. LilyY.BECK & C.W.BECK , «wirizaWoolonLinearBTabletsofPerfumeIngredients», AJA ,82,1978,p.213215.Enfin,l’initiale PE —égalementprésentedanslasérieMYGe—demeureobscure,demêmeque TE et U,lesquelspourraient,à titred’exempleetsanscertitudeaucune,selireτέ(ρινθος)«té(rébinthe)»et ὕ(σσωπος)«hy(sope)». 276 CettecorrectionestrendueplausibleparlaconcordanceavecFn187,ainsiqueparlaprésenced’au treserreursdanscedocument,p.ex.ekerane[cf. infra ,p.98100](l.1)etnakate(l.7). POSÉIDON MYCÉNIEN 70 etd’autrelaplusgranderation,tandisque teqir ίων reçoit une portionminimale.Toutefois, dansaucunedesdeuxtablettes,lecontextenepermetd’affirmerquetoustroisappartien nentàlasphèrereligieuseouformentunensemblecohérent;aucontraire,lacoexistence d’unanthroponymeetdedeuxnomsdefonctions,d’unplurieletdedeuxsinguliers,ainsi quelaséparationphysiquedecestroisdestinatairesenFn187,forcent,àtoutlemoins,à formulercettehypothèseaveclaplusgrandeprudence. 3.–CestroiscoïncidencesentrelestablettesFn187etUn219sontdoncfortinté ressantes,encequ’ellespermettentderapprochercesdeuxdocumentsetd’éclairermutuel lementleursdifficultés. Unerelecturecroiséemontrera quelles sont les conclusions que nouspouvonslégitimementdéduiredestermesreligieuxapparaissantdanscesinscriptions. Ainsi,sil’oneuttôtfaitderemarquerquelesversementsdeFn187sonttousmulti plesde V3277 et,parlasuite,depostulerquel’allocationdebaseéquivaudraitàlanourri turedetroisjours278 ,voirequechaquebénéficiairereprésenteraitungroupedetaillepro portionnelleàlarationattribuée279 ,lacomparaisonavecUn219inviteàlaretenue:l’onne sauraitraisonnablementextrapolerunprincipedecohérencedansladistributiondesden réesaudépartdesseulsdocumentsdontnousdisposons;quiplusest,lemodèleproposé faitpeudecasdeslivraisonseffectuéesdirectementauxsanctuairesouàladivinité;enfin, cecin’expliqueenrienlaprésenceoul’absencederationsdefigues.Ilnousparaîtpréféra bled’admettrequelerationnementparmultiplesde V3,s’iln’estpasdûauhasard,doit simplementcorrespondreàuneunitédemesurecommodepourlescéréalesetlesfruits. Autreprésomption,quitendàs’érigerencertitude: en Fn187, la redondance du nomdu“héraut”—conçucommeunintermédiaireentrelepalaisetlessanctuaires— prouverait que tous les destinataires mentionnés entre le Ποσιδ άhιον, Pakijana , la déesse up οιο Πότνια et les prêtres de Poséidon se rattachent d’office à l’une de ces quatre mentionsreligieuses,quistructureraienttoutledocument —lesrationsservantencecasà rémunérerdespersonnestravaillant280 ouparticipantàdesfêtes281 auseindesdifférents sanctuaires. Cependant, cette hypothèse n’explique pas pourquoi les quatre sanctuaires seraientdésignésdetroismanièresdifférentes —parl’allatifdutoponyme,ledatifduthéo nymeouducollègededesservants—,ninejustifiel’occurrencede apiteja (l.1),quireçoitla rationlaplusimportante282 .Enoutre,lacomparaisonavecUn219révèleàlafoisquele nomdu“héraut”n’apparaîtpasforcémentenrelationavecunsanctuaireetqu’unmême destinatairepeutêtrenomméplusieursfoisdanslemêmedocument—enl’espèce, Pad εύς reçoitàdeuxreprisesuneunitédesouchet (?) (l.2)283 . Somme toute, l’itération du datif καρ ύκει en Fn187 doit simplement signifier quece personnage est rétribué de manière répétée,aumoyenderationsprobablementidentiques,pourdesraisonsquenousigno rons;l’absencedetouteprécisiondiscriminative,demêmequelaproximité—réelleou 277 Cf.p.ex.L.R.PALMER , op.cit. [n.102],p.231233. 278 Cf. J.T.KILLEN , «Religion at Pylos: the Evidence of the Fn Tablets», dans R.LAFFINEUR & R.HÄGG (éd.), op.cit. [n.4],p.439440. 279 Cf.J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.116. 280 Cf. ibid. ,p.115117. 281 Cf.J.T.KILLEN , loc.cit. [n.278],p.435443;LisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3],p.5960. 282 L’hypothèsedeCécileBOËLLE (cf. supra ,n.268),quiconsidère apiteja ,Ποσιδα hίονδεet Pak ιάναν δε commetroisdésignationsdesanctuairesseheurteégalementàl’objectiondelacohérenceinterne,puisque apiteja n’estpasdéclinéàl’allatif;deplus,ceprétendusanctuairerecevraituneallocationdisproportionnéepar rapportauxdeuxautres,toutenn’ayantnihéraut,nidépendants. 283 Cetyped’itérationn’estpasraredansnotredocumentation:évoquonsl’exemplede Pere82 ,quireçoit deuxfoislesmêmesanimauxenPYUn6(cf. infra ,p.7273). POSÉIDON MYCÉNIEN 71 factice—dece“héraut”avec teqir ίων etlesdécoratrices,invitentàconsidérerqueleterme κᾶρυξdésignetoujoursuneseuleetmêmepersonne,plutôtquequatrehommesdifférents désignésparuntitreidentique. Enconclusion,économiefaitedessuggestionsgratuites,nousensommesréduità admettrequelestablettesFn187etUn219mentionnentdesentitésreligieusesaumilieu d’autresbénéficiaires,parmilesquelscertainsappartiennentsansdouteaumondeprofane. Enaucunemanièrenousnepouvonsétablirquecestextes—et,enparticulier,Fn187— concernentexclusivementlasphèresacrée.Dureste,malgrésadifficulté,latabletteFn187 montreunenouvellefoislesliensexistantentrePotniaetPoséidon:desquatretermesreli gieuxassurés,deuxconcernent,eneffet,ladéesse( Pak ιάνανδε , up οιοΠοτνίᾳ )etdeuxau tresledieu(Ποσιδα hίονδε,Ποσιδα hιε ῦσι).QuantàUn219,cettetablettemetcôteàcôte deux ou trois divinités déjà présentes en Tn316, mais dans des sanctuaires différents (Potnia, Hé[ra] [?], Hermès), en leur adjoignant des théonymes plus rares (Artémis, Pad εύς[?])284 ;deplus,Potniapourraitégalementêtreliéeauroimycénien(* ἄναξ ).Tout modestessoientils,lesrésultatsdecetteenquêtenesontdoncpasnuls:cesdeuxdocu mentsfournissentl’unetl’autredeprécieusesinformationssurlareligionmycénienne.

284 Artémis serait également présente en PYEs650, l. 5; quant à Pad εύς, il s’agit d’un hapax , à rapprocher,lecaséchéant,duthéonymecrétois Pade (KNFp (1) 1+31,l.4;48,l.2;Fs8,l.AB;Ga (3) 456, l.1;Ga953[+]955,l.2;cf.aussiC394,l.4). POSÉIDON MYCÉNIEN 72 Ledossierduscribe6 Unultimedossierépigraphique,desplusintéressants,faitétatd’offrandesàPoséidon.Ilse composeprincipalementdetroistablettessansdouteissuesdelapièced’archives8,toutes palimpsestes,quiconstituentpournousl’uniquetémoignagedel’activitéduscribe6,fonc tionnairepeutêtreinaccoutuméàcesupportd’écriture,sinonauxdonnéesreligieusesqu’il avaitàconsigner285 .Àcestroisdocumentsdeformat«page»,nousadjoignonsunfrag mentetunetablette«feuilledepalmier»,quileursontapparentésparlelieudetrouvaille etparlecontenu286 .

—POSÉIDONET PERE 82 Ledocumentleplusinterpellantdece«set »recensetroissacrificesoffertsauxdeux divinitésPoséidonet Pere82 —dontlessanctuaires,distincts,sontdéjàmentionnésdansla tabletteTn316—,ainsiquel’offrandedeproduitstextiles,d’onguentetd’animaux: PYUn6+1189+1250+ fr. 287 (complexed’archivesetenvirons)—Scribe:main6 r.0 mutila ̣ ̣ r.1 posedạ [onẹ ]B Ọ Ṣ ̣f[ ] OṾ Ị Ṣ f̣ [ ]SUS +KA 1 SUS f2 r.2 angustum r.3 pere*82 BOS f1 OVIS f1 SUS +KA 1 SUS f2 r.4 pere*82 BOS f1 OVIS f1 SUS +KA 1 SUS f2 r.5 angustum r.6 *14637*1 6̣ 6̣ +̣ WẸ ̣[ ]LANA 5 r.7 AREPA S1 V2 [̣ r.8 BOS m2 BOS f2 OṾ Ị Ṣ x̣ [ ↘ v.1 ]ijerejaTELA +TẸ [̣ v.2 ka]rawiporo TELA +TE [

Ποσειδ α[hώνει]· ΓFΟΥΣf[1], ΟFΙΣ f[1,] ΚΑΠΡΟΣ 1, ΣΥΕΣ f2. Pere82 · ΓFΟΥΣf1, ΟFΙΣ f1, ΚΑΠΡΟΣ 1, ΣΥΕΣ f2. Pere82 · ΓFΟΥΣf1, ΟFΙΣ f1, ΚΑΠΡΟΣ 1, ΣΥΕΣ f2. FΕhΑΝΟI 37, FΕhΑΝΟI *166 [tot ], *FΕΡFΕhΑ5, ΑΛΕΙΦΑΡ S1 V2[ ], Γ FΟΕΣm2, ΓFΟΕΣf2, Ο FΙ(Ε)Σx [tot ,ΚΑΠΡΟΣ (ΟΙ )tot , ΣΥ (Ε)Σftot ](?). [] ἱερε ίᾳ ·TEPA []. [κ]λα ιφ όρῳ·TEPA [].

285 Cf.T.G.PALAIMA , op.cit. [n.36],p.7273. 286 PeutêtrefaudraitilencoreajouterlatabletteUn1177+ fr. ,potentiellementécriteparlescribe6:cf. J.L.MELENA ,«63JoinsandQuasiJoinsofFragmentsintheLinearBTabletsfromPylos», Minos ,n.s.,35 36,20002001,p.376.Faitremarquable,lescinqdenréesrecenséesdanscedocumenttrèsfragmentaire(mou tons,bœuf,miel (?),onguent,fromages)seretrouventdanslatabletteUn718duscribe24,cequirenforcerait lesliensdéjàévidentsentrecesdeuxfonctionnaires(cf. infra ,p.97).Malheureusement,alorsquelasomme desdenréesdeUn718estexactementdonnéeenUn1177pourlebœuf,lemieletpeutêtrel’onguent(avec unelecture V1[+1]),ontrouvedeuxmoutonsdetrop(6plutôtq̣ ue4)etleslacunesnepermettentpasde vérifiersiUn1177comptabilisaitégalementdugrain,delafarine,duvinetdespeauxdemouton:plusque jamais,laprudenceestdoncderigueur. 287 Pourlalectureamélioréedecettetablette(enpart. l.1 et 7), cf. E.L.BENNETTJr, loc.cit. [n.60], p.105.Àcetextes’ajouteraprochainementunfragmentnonjointif:cf.LisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3], p.29, n.80 (en l’absence de toute précision, l’omission de «]LANA 5» dans le texte édité p. 30 doit être involontaire,d’autantplusquecettedenréeestcomptabiliséeparailleurs:cf.,p.ex.,p.75et224226). POSÉIDON MYCÉNIEN 73

«PourPoséid[on]:[1]VACHE ,[1] BREBIS ,1 VERRAT ,2 TRUIES . Pour Pere82 :1VACHE ,1 BREBIS ,1 VERRAT ,2 TRUIES . Pour Pere82 :1VACHE ,1 BREBIS ,1 VERRAT ,2 TRUIES . 37VÊTEMENTS ,[ tot ] PAGNES ,[],5unitésde LAINE ,32[+w]288 mesuresd’ ONGUENT ,[],2TAU REAUX ,2VACHES ,[ tot ] MOUTON (S), [tot VERRAT (S), tot TRUIE (S)] (?). []pourlaprêtresse:[ tot ] TISSU (S)tepa []. []pourle/la“porteclef”:[ tot ] TISSU (S)tepa [].» Selonleséditeursdu corpus destextespyliens289 ,ilconviendraitderapprocherdecetexte uncourtfragmentquifutdécouvertàproximitéd’unfragmentdelatabletteprécédente: PYXn1439 (zoneSudOuest)—Scribe:classeI .0 supramutila .1 po ]sedao[̣ ne (?) .2 ]uacat [ inframutila [Πο]σειδ αhώ[νει]. «[ÀPo]séidon[].» Commenousl’avonsdéjàindiquédanslecommentairedetabletteTn316,iln’est pasassuréque Pere82 soitunedéesse:lafemmedontbénéficie Pere82 enguisede*φορήν nepeutêtrealléguée,puisquePoséidonluimêmeparaîtbienrecevoirdeux*φορ ῆνες de sexe féminin en son sanctuaire. Les animaux mentionnés dans la tablette montrent d’ailleursl’absencedetoutecorrélationentrelesexedeladivinitéetceluidespersonnesou animauxquiluisontattachés,étantdonnéquePoséidon,comme Pere82 ,reçoiventl’unet l’autreunoudeuxlotscomposésd’unevache,unebrebis,unverratetdeuxtruies290 .Dieu ou déesse, d’ailleurs, l’association de Pere82 avec Poséidon et la similitude des offrandes n’enestpasmoinsremarquable:probablementcesdieuxpartageaientilsunefête,voireun lieudeculteetdesdesservantscommuns. Larichessed’informationsquerecèlecedocumentferal’objetd’undoublecommen taire:nousanalyseronsd’abordlesdonnéesquisedonnentlittéralementàlireentreles lignesdeUn6,avantd’analyserledernierétatdutexte. 1.–Uneétudepaléographiqueapprofondiede cette tablettealivréquelquesensei gnementsprécieux291 :eneffet,àl’instardesdeuxautrestablettesduscribe6,cedocument est en grande partie palimpseste. Au recto, seule la l.1 appartiendrait à l’état initial du texte;parcontre,aprèsqueleréglageetletextedesl.27eurentétéeffacés,lescribecréa un angustum (l.2)avantdepoursuivresonréglage,desortequeletexteactueldesl.3et4se trouveàchevalsurlesanciennesl.23et34.Endécalageparrapportautextedéfinitif,les 288 Danscetteformule,0≤w≤3. 289 Cf.E.L.BENNETT Jr & J.P.OLIVIER , op.cit. [n.5], t.I, p.285. D’après J.L.MELENA (cité par LisaMariaBENDALL , loc.cit. [n.297],p.88,n.55),cefragmentseraitjointifenhautdeUn6. 290 Pourl’interprétationdesidéogrammesreprésentantdesanimaux,cf.L.GODART ,«Valeurdesidéo grammes OVIS m, OVIS f, CAP m, CAP f, SUS m, SUS f, BOS m, BOS fdanslestablettesdeCnossosetdePylos»,Κρητικ ὰ Χρονικ ά,23,1971,p.8994;Y.DUHOUX ,«Auxsourcesdubestiairegrec:leszoonymesmycéniens»,dans SylvieMELLET (éd.), Leszoonymes.ActesduColloqueInternationaltenuàNiceles23,24et25janvier1997 ( PFLN , n. s., 38; LAMA , 14), Nice, 1997, p.173202. Sur l’idéogramme SUS +KA en particulier, cf. Y.DUHOUX , loc.cit. ,p.184,ainsiqueM.BRIAND ,«Grecκ άπρος:du“(porc)vorace”au“sanglier”», ibid. ,p.91115,en part.p.9798. 291 Cf.E.L.BENNETT Jr&J.P.OLIVIER , op.cit. [n.5], t.I, p.248, ainsi que E.L.BENNETT Jr, loc.cit. [n.60],p.105. POSÉIDON MYCÉNIEN 74

éditeursdelatabletteontainsipuobserverquelerédacteuravaitinitialementréservéune ligneblanche,avantd’inscrirel’exl.3(l.34),dontseulesdesbribesontéchappéàla rasura , denoterensuitedeuxversementsdestinésàPoséidon(posedaone,Ποσειδαhώνει)aux l.4et5—lesquelleschevauchentlesactuellesl.45et56—,puisunesixièmeligne,dont nedemeurentquedestraces.Leversofutégalementeffacéetrécrit;visiblement,l’ancien texteétaitidentiqueàl’actuel. Danslepremierétatdecedocument,lescribeavaitdoncconsignétroisversements distinctsaudieuPoséidon;selontouteévidence,lenomde Pere82 futseulementintroduit postcorrectionem .Mêmesilesmodalitésdel’activitéscribalesontdifficilesàévaluerenraison delapauvretédecesvestiges,nouspouvonsconsidérerdeuxhypothèses.D’unepart,le scribeauraitpuréutiliseruneanciennetablette,devenueobsolète,laquelleconcernaitune autrecérémonie,recensaitaumoinstroisoffrandesàPoséidonetmentionnaitauversola prêtresseetle/la“porteclef”;conservantseulementlapremièreligne,quiseraitencore pertinentedanslecadreduprésentdéboursement,lefonctionnaireauraiteffacépuisrécrit lerestedudocumentpourlemettreenconformitéavec la nouvelle cérémonie. D’autre part,lesdeuxversionsdutexteinscritpourraientseréféreràlamêmecérémonie:ence cas,lescribeauraiterronémentenregistrétroisversementsàPoséidon,enlieuetplaced’un seulversementàPoséidonetdeuxà Pere82;prisd’unremordsplusoumoinsimmédiat,il auraitbifféetcorrigélesfaussesinformations. CettesecondeoptionobligeàconsidérerqueledieuPoséidonoccupeuneposition centralelorsdel’événementquidonnalieuauxoffrandesconsignéesenUn6,aupointque l’auteurdudocumentaitpucommettreuneerreuraussigrossière.Deplus,lefaitqueles troisseulestablettesécritesdelamêmemainsoientpalimpsestes—et,danslecasprésent, surlesdeuxfaces—poseraitentermescriantslaquestiondel’habiletéetdelacompétence d’unscriberesponsabled’offrandessiimportantes.Aucontraire,cetraitconstantautoriseà penserquelescribe6apourhabitudede«recycler»destabletteshorsd’usageenleseffa çantsommairement.Cetteprésomptionnousoriente,dèslors,verslapremièrehypothèse. Cellecitrouved’ailleursuneconfirmationdansl’examenduversodelatablette:aulieu d’amenderlesdonnéeséventuellementfautives,commeillefitaurecto292 ,l’auteurpréféra touteffacer,puisrécrireexactementlesmêmesdonnées,décaléesd’unsigneversladroite. Unetelleattitudesejustifiemaldanslecasoùceluiciseseraitrenducompted’uneerreur bénigne en cours de rédaction. La seule explication satisfaisante serait que le scribe ait d’embléeeffacélatotalitédudocument,àl’exceptiondelal.1duverso,toujoursvalide, avantd’entreprendresontravail:danssonzèle,ilauraitégalementeffacélesformulesdu verso,alorsqu’illuiauraitétépossibledelesconserver,soittellesquelles,soitenlesmodi fiantlégèrement. S’ilfautretenireffectivementnotrepremièrehypothèse,uneimportanteconclusion s’impose:latabletteUn6garderaitlesouvenirnonpasd’uneseule,maisbiendedeuxcé rémoniesreligieusesdistinctesmettantenscènePoséidon.Laplusancienneseraitpresque exclusivementconsacréeaudieu,lequelrecevraitaumoinstroisversementsdifférents—et mêmequatre,silefragmentXn1439appartientbeletbienàcetexte—,dontunsacrifice decinqtêtesdebétail;àl’occasiondecettecélébration,laprêtresseetle/la“porteclef”se verraientremettredestissustepa .LaplusrécenteassocieraitPoséidon,bénéficiaired’un—

292 Danslaversiondéfinitivedutexte,lescribeauraitmodifiélesl.3et4,effaçantpardeuxfois[[ OVIS f 1]] pour récrire BOS f 1 OVIS f 1, et modifiant [[ SUS f]] en SUS +KA : tel est l’avis de J.P.OLIVIER , cité par MoniqueGÉRARD ROUSSEAU ,«LessacrificesàPylos», SMEA ,13,1971,p.142,n.17. POSÉIDON MYCÉNIEN 75

oudeux—sacrifices,et Pere82 ,qu’honorentdeuxoffrandessimilaires;ànouveau,laprê tresseetle/la“porteclef”auraientdroitàuncertainnombredetissustepa . 2.–Ilfautmaintenantnousintéresseràl’étatdéfinitifdelatablette,tellequ’ellefut archivée,etnousinterrogersurlasignificationdel’ultimeparagraphedurecto,séparépar unsecond angustum desoffrandesdestinéesà Pere82 .Plusieursdenréesysontmentionnées àlasuitesouslaformed’idéogrammes,sansaucunementiondedestinataire. Étantdonnéqueledébutdutexteestperduetquenousignoronslanaturedespro duitsquiyétaientindiqués,ilestpossibled’imaginerquelesl.68constituentunrécapitu latifdesdépensesprévuesdanslatablette:avantletexteconservéseraientconsignéesdes sortiesdevêtements(*146,*166+ WE )293 etdelaine( LANA )294 ,demêmequedesfourni turesd’onguent( AREPA ),àdesfinssansdoutecultuelles;lescribeauraitensuitetotalisé cesdépensesàlafindelatablette,encomptabilisant également les animaux destinés à Poséidonet Pere82 ( BOS m, BOS f, OVIS x,[ SUS +KA , SUS f][?]).Cetteanalysesoulèvetoutefois unedifficulté:seulesdeuxvachessontcomptabilisées—quicorrespondentauxbovidés offertsà Pere82 —,alorsquePoséidonrecevaitégalementunevache:faudraitiladmettre uneerreurduscribe,ouencoreunelectu re BỌ Ṣ ̣m(l.1)? D’autrepart,nouspouvonsaussiprésumerquelesl.68neconstituentpaslerésultat d’uneaddition,maisseraientuneoffrandesupplémentaire,destinéesoità Pere82 ,soitàPo séidon,voireauxdeuxdivinitésencommun295 .L’absencedementionclaired’undestina taire constitue cependant une difficulté non négligeable, sauf à imaginer que son —ou leur—identitéfûtàcepointobvie.Ilfaudraitégalement expliquerle motif d’une telle répartitiondesoffrandesentrelesl.14et68. Enfin,lesdenréesprésentéesdanslatablettepourraient,entoutouenpartie,être destinées à l’organisation d’un banquet rituel accompagnant une fête religieuse, plutôt qu’êtredesoffrandes strictosensu 296 .Cettedernièrehypothèseestsansdoutelaplusvrai semblable,puisquelesbanquetssacréssontabondammentattestésdansladocumentation mycénienne297 .Toutefois,l’onpeuts’interrogersurladestinationexactedesbêtesmen

293 Pourl’interprétationdesidéogrammes*146et*166+ WE ,cf. Y.DUHOUX ,«Idéogrammestextilesdu linéaireB: * 146 , * 160 , * 165 et * 166 », Minos , n.s., 15, 1974, p.116132 et pl.III, ainsi que M.PERNA , Recherchessurlafiscalitémycénienne ( Étudesanciennes ,28),Nancy,2004,p.1550(sur*146);pourleursattestations àPylosetCnossos,cf.LisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3],p.228240;surleurimportancedansuncontexte cultuel,cf.MarieLouiseB.NOSCH &M.PERNA ,«ClothintheCult»,dansR.LAFFINEUR &R.HÄGG (éd.), op.cit. [n.4], p.471477. La valeurdes vêtements *146 et *166+WE varie certainement en fonction de la matièreemployée—linoulaine—,delaqualitédelafibreetdutissage,ainsiquedelatailledelapièce. Ainsi,enPYUn1322(l.45),deux—ouplusieurs?—vêtements*146delinfins’échangentcontre5unités degrainpourl’un,contre15pourl’autre:wea2no[, ●]no,repoto*1 4̣ 6̣ ̣ GRA 5|we[●●,●]no[, ●●● ]*1 4̣ 6̣ ̣ GṚ Ạ 15̣ ;̣ Fέhανος ( uel οι), [λί]νον λεπτ όν, FΕhΑΝΟΣ (uel ΟΙ )· ΣΙΤΟΣ 5 | Fέ[hανος ( uel οι), λ ί]νον [λεπτ όν(?)], FΕhΑΝΟΣ (uel ΟΙ )·ΣΙΤΟΣ 15;«Vêtement(s),[li]nfin, VÊTEMENT (S):5unitésde GRAIN |Vê[te ment(s),li]n[fin (?)], VÊTEMENT (S):15unitésde GRAIN ».Ildoitnéanmoinsexisterunmodèlestandardiséde lamarchandise*146,àlavaleurdéfinie,enparticulierlorsque,sansaucuneindicationspécifique,cevêtement estprélevéoulivrédanslessériesPYMa,MbetMn,ousertdemonnaied’échangelorsdumécanismede l’ ὄνον(cf. infra ,n.307). 294 Surl’étalondepeséedelalaine,cf.Pia DE FIDIO , «Le poids mycénien de la laine», dans Sigrid DEGER JALKOTZY ,S.HILLER &O.PANAGL (éd.), op.cit. [n.85],t.I,p.195204. 295 Cf.p.ex.J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.162. 296 Cf.e.a.LisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3],enpart.p.30. 297 Cf. e.a. ibid. ,p.2658,ainsique,pourlecaspylien,J.WEILHARTNER , «Kultische Festbankette im mykenischen Pylos», dans Beatrix ASAMER et al. (éd.), Temenos. Festgabe für Florens Felten und Stefan Hiller , Vienne,2002,p.4552,pl.78;LisaMariaBENDALL ,«HowMuchMakesaFeast?AmountsofBanqueting POSÉIDON MYCÉNIEN 76 tionnéesenregarddesthéonymes:devaientellesêtrepartagéesparlesconvivesou,au contraire,constituaientellesl’apanageexclusifdeladivinité?Lasecondepisteestpréféra ble,puisqu’ellepermetdejustifierlanettedistinctionentrelesanimauxdécritsauxl.14et ceuxquiapparaissentàlal.8.Danscetteoptique,ilestpossiblequelespremiersaientété consacrés par holocauste, tandis que les seconds étaient réservés à la consommation humaine298 .Cettedichotomiedel’offrandetrouveraitunéchodansunpassagefameuxde l’ Odyssée 299 : ῥέ ξας ἱερ ὰκαλ ὰΠοσειδ άωνι ἄνακτι, ἀρνει ὸντα ῦρόντεσυ ῶντ ’ἐπιβ ήτορακ άπρον, οἴκαδ ’ἀποστε ίχειν ἔρδεινθ ’ἱερ ὰς ἑκατ όβας ἀθαν άτοισιθεοῖσι,το ὶο ὐραν ὸνε ὐρὺν ἔχουσι, πᾶσι άλ’ἑξε ίης.[…] «Aprèsavoiroffert,enguisedebeausacrificeauseigneurPoséidon, unbélier,untaureauetunverratquisaillisselestruies, retournetencheztoietconsacredesainteshécatombes auxdieuximmortelsquitiennentlelargeciel, àchacun,l’unaprèsl’autre.[…]» DanscetteinjonctiondeTirésiasàUlysse,lesacrificeréservéauseulPoséidonchto niencontrastefortementavecleshécatombesdestinéesàtouslesdieuxolympiens:lepre miers’apparenteàunriteexpiatoire,oùlesvictimessontpleinementvouéesàladivinitéet, decefait,impropresànourrirl’homme,tandisquelessecondessontdavantagefestiveset donnentcertainementlieuàdesbanquets300 .D’ailleurs,lestroisvictimesoffertesàPoséi don—verrat,bélierettaureau—constituentuneτριττ ύς,sacrificesolenneldetroisani mauxnotammentaccomplilorsdeprestationsdeserment,correspondantàlacérémonie lustraleromainedes suouetaurilia 301 .PourraitonaffirmerquelesanimauxdestinésàPoséi donet Pere82 enUn6seraientdestinésàunritesacrificielsimilaire302 ?Ilestpermisd’en doutersérieusement:outrequenousignoronstoutducontextedanslequelestaccomplile sacrificeet,partant,desonéventuellefonctionpurificatrice,lesvictimesdeUn6nepré sententnilenombrerequis,nil’homogénéitésexuellesouhaitée.Nouspouvonsseulement conclurequePoséidon,comme Pere82 ,reçoiventuneoffrandetrèsimportante,présentée parordredécroissantdevaleuroud’importance:d’abordlavache,ensuitelabrebis,enfin leverratetlestruies. Enfin,lesdeuxpersonnesmentionnéesauversodelatablette,laprêtresseetle/la “porteclef”,évoquentdesdesservantsattestésdanslecadastrede(s)Pakijania303 .Estceà direqu’ils’agitdesdeuxfemmes,dontlesnoms, Ἐρίθα(erita)etΚαρπαθ ία(kapatija), sontconnusparcertainestablettescadastrales,etque,dèslors,lessacrificesàPoséidonet FoodstuffsintheLinearBRecordsofPylos»,dansAnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit. [n.131],t.I( Pasiphae ,1, 2007),p.77101(aveclesréférencesàl’abondantebibliographieantérieure). 298 Ainsi,cf.J.WEILHARTNER , loc.cit. [n.221],enpart.p.815819. 299 Homère, Od. ,XI,v.130134≈XXIII,v.277281(éd.A.LUDWICH , BT ,Stuttgart&Leipzig,1998). 300 CitonsenillustrationlanonmoinscélèbrehécatombedetaureauxnoirsofferteàPoséidonparles Pyliens,lesquelsconsommentlesentrailles(σπλ άχνα)etleschairssupérieures( ὑπέρτερακρ έα)desvictimes, enréservantaudieulesosdelacuisse(ηρ ία)etleslangues(γλ ῶσσαι):cf.Homère, Od. ,III,v.1340,enpart. v.9,65et340. 301 Surles suovetaurilia romains,cf.e.a.Catonl’Ancien, Agr. ,141,14;Varron, Écon.rurale ,II,1,10;Tite Live,I,44,2.Cf.égalementG.DUMÉZIL , op.cit. [n.28],p.247251. 302 Cf.W.BURKERT , GreekReligion.ArchaicandClassical (trad.J.RAFFAN ),Oxford&Cambridge(Mass.), 1985,p.45,notammentsuiviparJ.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.162. 303 Cf. infra ,p.7879. POSÉIDON MYCÉNIEN 77

Pere82 ,ainsiquelebanquetquilesaccompagne,ontlieudanslesanctuairede Pakijana? Ou,aucontraire,cescérémoniessedéroulentellesdansunautrelieusaint,oùsontégale mentprésent(e)suneprêtresseetune—ouun—“porteclef”?Lalacuneduverso,qui cachesansdoutelesnomsdecesdeuxacteurscultuels,nepermetpasdetrancherdéfiniti vementcedilemme;l’examendeladeuxièmetabletterédigéeparlescribe6apporteraune piècesupplémentaireaudossier.

—DENOUVEAULES *ΦΟΡ ΗΝΕΣ ETLA “PORTE CLEF ”? Dansundocumentdefacturerelativementdifférentedesdeuxautrestablettesquilui sont attribuées, le scribe6 enregistre trois transactionsapparemmentdisparates,dontles liensaveclaviereligieusepyliennenesontguèreexplicites: PYUn443 [+]998304 (pièced’archives8)—Scribe:main6

.1 kupirijo,turupterija,ono LANA 10*14610 .2 porenozoterija LANA 3 .3 ]d ọ ke,kapatija,̣ HORD 2terija GRA 1̣ LANA 5 reliquaparssineregulis

Κυπρ ίῳ ,στρυπτηρ ίας ὄνον·* FΕΡ FΕhΑ10, FΕhΑΝΟI 10. *Φορηνοζωστ ήρια·* FΕΡ FΕhΑ3. [Ὁδεῖνα]δῶκε (?)Καρπαθίᾳ·ΚΡΙΘΑ 2·ter ίᾳ·ΣΙΤΟΣ 1,* FΕΡFΕhΑ5.

«ÀKyprios,valeurdel’alun:10unitésde LAINE ,10 VÊTEMENTS . Fêtedela«ceinturedes“porteurs”»(?) :3unitésde LAINE . [Untel]apayé (?) àKarpathia:2unitésd’ ORGE ;à ter ia (?) :1unitéde GRAIN ,5unitésde LAINE .» Lapremièreligneenregistrel’achatàKyprios305 d’unecertainequantitéd’alun306 encontre partied’unversementdelaineetdevêtementsselonlemécanismedel’ ὄνον307 ;ladeuxiè meconcernelalivraisondelaineàl’occasiond’uneprobablefêtenommée*φορηνοζωσ τήρια;latroisièmedétailleraitlespaiementsdestinésàdeuxfemmes,Karpathiad’unepart, terija del’autre308 . 304 Surlapositiondeceraccord,cf.J.L.MELENA , loc.cit. [n.225],p.315. 305 Cet anthroponyme Kyprios a donné lieu à de nombreuses études: cf. le résumé commode qu’en donneLisaMariaBENDALL ,op.cit. [n.3],p.121,n.80. 306 Surl’emploidel’alun,enparticulierdanslatannerieetlateinturerie,cf.M.PERNA ,«L’alundansles documentsenlinéaireB»,dansPh.BORGARD ,J.P.BRUN &M.PICON (éd.), L’alundeMéditerranée.Colloque International.Naples,4–5–6juin2003.Lipari,7–8juin2003 ( CollectionduCentreJeanBérard ,23),Naples&Aixen Provence,2005,p.3942,ainsiqueR.J.FIRTH ,«ReconsideringAlumontheLinearBTablets»,dansCarole GILLIS & MarieLouiseB. NOSCH (éd.), Ancient Textiles. Production, Craft and Society. Proceedings of the First InternationalConferenceonAncientTextiles,HeldatLund,Sweden,andCopenhagen,Denmark,onMarch19–23,2003 , Oxford,2007,p.130138. 307 Pouruncasidentique,cf.PYAn35,l.56.Danscesdeuxtransactions,aucunequantitéd’alunn’est mentionnée;enprésumantquelamêmequantité,conventionnelle,estlivréedepartetd’autre,lesdeuxprix s’équivaudraient,desorteque LANA 10+*14610= LANA 2+ CAP f2+*1463+ VIN 10+ NI 4.Surl’ ὄνον, rétributionaccordéeenéchangedemarchandiseslivréesaupalaisendehorsdetoutcircuitdetaxationou d’imposition,cf.Y.DUHOUX , op.cit. [n.25],p.130134,§26c;J.T.KILLEN , loc.cit. [n.160],enpart.p.217 224—cetteinterprétationétantdebeaucoupplusplausiblequelalecture ὄνος«âne»,comprisecommeune unité de mesure (W.R.GALLAGHER , «A Reconsideration of ono in Mycenaean Greek», Minos , n.s., 23, 1988,p.85106;J.L.MELENA , apud E.L.BENNETT etal., loc.cit. [n.150],p.202203). 308 Lesrestitutions[apu]doke( ἀπύδωκε)ou[ape]doke( ἀπέδωκε),quiauraientunsenssimilaire,pa raissenttroplonguespourlalacune,s’ilfauteffectivementyrestituerégalementunsujet.Surlestermesdé rivés de la racine * dō , cf. Y.DUHOUX , «Le groupe lexicalde δ ίδωι en mycénien», Minos , n.s., 9, 1968, p.81108. POSÉIDON MYCÉNIEN 78

Parmicesdépensesdemontantetdenaturevariés,deuxopérationspourraienttou cher au domaine religieux: de fait, la troisième implique Karpathia, homonyme de la “porteclef”de Pakijana ,quipourraitégalementêtredésignéesoussontitreκλα ιφ όροςen Un6; d’autre part, le terme *φορηνοζωστ ήρια 309 laisse clairement apparaître le thème *φορηνο,lequelévoqueimmanquablementles*φορ ῆνεςdePYTn316etTHOf26. 1.–UniquementattestéàPylos,letitreépicèneκλα ιφ όροςdésignecertainementune fonctionreligieuse;auI er millénaire,cetermeconnaîtd’ailleursunéquivalent(κλ ᾳκοφ όρος) et des correspondants (κλ ῃδο ῦχος et κλειδο ῦχος), presque exclusivement usités dans un contextereligieux. L’intituléd’unrôled’impôtordonnantlaperceptiondebronze,visantsansdouteà armerlaflottepylienne,enchâsselenominatifplurielκλα ιφόροιaumilieudemagistratures civilesderangprovincial( koret ῆρες,δύαρτες,προkoret ῆρες)etdenomsdefonctionnai reslocauxàvocationpeutêtremilitaire( ὀπίσυκοι [?]ὀπισκαφε hῆες [?]):ceciindiqueque plusieurs“porteclef”existentdansleroyaumepylienetjouentunrôlepeuclairdansces procéduresdetaxation—leurtitresuggèretoutefoisquecesfonctionnairescontrôlentles magasins sacrés et versent la quotepart des sanctuaires à l’impôt310 . Un —ou plutôt une—deces“porteclef”estbienconnuegrâceaucadastreintitulé Pakijan ια:elleanom Καρπαθ ίαetdétientdeuxχεχε έναικτο ῖναιendéfautdel’entretienidoine311 ;ellepossède égalementunesclaveauquelle damos aallouéuneχεχε ένακτο ίνα312 .CetteKarpathiaest étroitementliéeàlaprêtressedusanctuaire,appelée Ἐρίθα313 :toutesdeuxsont,eneffet, nomméesàlasuitedanslerécapitulatifgénéraletlecadastredéfinitif314 .Parailleurs,un(e) κλα ιφόροςapparaîtdansunelistefragmentaireetreçoit5unitésd’unproduitinconnu315 . Enfin,àPylosmême,un(e)“porteclef”possèdeun, une ou des esclave(s) et se trouve aussiassocié(e)—mêmeindirectement—àuneprêtresse316 . Cetexamendes testimonia arévéléqueletitrede“porteclef”n’estpasuniquedansle royaumepylienetquecetypededignitaireaccompagnerégulièrementlaprêtresse—oule prêtre?—d’unsanctuairedonné.Ensoi,rienneprouvequelaprêtresseetle/la“porte clef”deUn6soienteffectivementÉrithaetKarpathia,enchargeà Pakijana:certes,seulle cadastrede Pakijana afournidesattestationsabsoluesdestermes ἱέρειαetκλα ιφόρος317 , 309 Lalecturepossibled’unséparateurdemotentreporenozoetterija(cf.E.L.BENNETT Jr&J.P. OLIVIER , op.cit. [n.5],t.I,p.249)n’offrepasd’interprétationsatisfaisantepourlepremiermot,quoiquele secondtrouveraitunremarquableéchodansl’anthroponymeféminin terija (l.3). 310 PYJn829, l.13. Pour un état de la question sur l’objet exact de cet impôt, cf. M.DEL FREO , «L’expression kakonawijo delatabletteJn829dePylos»,dansR.LAFFINEUR &E.GRECO (éd.), Emporia. AegeansintheCentralandEasternMediterranean.Proceedingsofthe10 th InternationalAegeanConference.Athens,Italian SchoolofArchaeology,14–18April2004 ( Aegaeum ,25),Liège&Austin,2005,t.II,p.793803. 311 PYEb338,l.AB;Ep704,l.78.Surcestermesdulexiquefoncieretl’obligationde«donnerune façon»( όρζε hεν)notammentinhérenteàladétentiondecetypedeterre,cf. infra ,p.111112et158. 312 PYEp539,l.9. 313 PYEp704,l.3,56,àcompareravecEb339[+]409,l.ABetEb297,l.13. 314 PYEd317,l.12(avecun ἑκέταςetleprêtre Weter εύς);Ep539,l.79;Ep704,l.3,58. 315 PYVn48,l.7;danscettemêmetabletteapparaissentdiverstoponymes,ladéesseerewijopoti nijaetdes θυρατῆες (?) «portiers (?)», à rapprocher peutêtredu*ὀπιθυρα ῖοςdeFn187,l.9.Dansuneliste dumêmetype,unecertaineΚαρπασ ίαapparaît,àproximitéd’un[ te ]qirίων(Vn851,l.12,13):lapremière pourraitseconfondreaveclaΚαρπαθ ίαquinousoccupeet,lecaséchéant,êtreuneκλα ιφόρος,tandisquele secondapparaîtégalementenFn187,l.12etenUn219,l.4(cf. supra ,p.66et68). 316 PYAe110,l.1;303,l.1.Sil’indicationpuro ( Πύλος ) oppose effectivement ce(tte) “porteclef” et cetteprêtresseàla“porteclef”KarpathiaetlaprêtresseÉrithade Pakijana ,l’esclavementionnéenAe110ne peutêtreidentifiéàpu●daka(Ep539,l.9). 317 Cf.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.11],p.8892,§25. POSÉIDON MYCÉNIEN 79 maislalacunedelatabletterecèlesansdoutedeuxanthroponymes,etaucunélémentdu dossier n’évoque clairement Pakijana . Et quand bien même les ecclésiastiques de Un6 seraientdeuxfemmes,ellespourraientfortbiendesservir le Ποσιδ άhιονmême,puisque, visiblement,ledieunedédaigneniles*φορ ῆνεςdesexeféminin,nilesvictimesfemelles. RestelenomKarpathia,quiapparaîtenUn443:fautilyvoirlaκλα ιφόροςde Pakijana? Cetteconjecturen’estnullementassurée:aucunélémentdelatabletten’indiqueledistrict de Pakijana et les *φορῆνες sont une institution répandue dans le mondemycénien. De plus,notrecomplèteignoranceausujetdeladénommée ter iaimposelaprudence:difficile d’hasarder, d’une part, que cette inconnue occupe un ministère religieux et de soutenir, d’autrepart,quelenomKarpathiapuisseêtreuniqueàPylos. Pourprendrelapleinemesuredecettedoublehypothèse—présencesd’Érithaet KarpathiaenUn6,delaκλα ιφόροςenUn443—318 ,ilconvientd’entirertouteslescon séquences,directesetindirectes.Toutd’abord,l’activitéduscribe6seconcentreraitsurle districtde Pakijana:parconséquent,lesfestivitésdécritesparUn6etlacontributionde Un853—liéeaubanquetrituel319 —auraientlieunonseulementdanslesanctuairede Pakijana ,maismêmesouslasupervisiondesonclergéféminin,puisquelaprêtresseÉritha etla“porteclef”Karpathiarecevraientauminimumdestissustepa àcetteoccasion.Ceci revientàaffirmerquelecultedePoséidonseraitinféodéausanctuaireetauxdignitaires religieuxde Pakijana .Ensuite,toutledossierduscribe24,quientretientd’étroitsrapports aveclesdeuxtablettesprécitéesduscribe6,seraitluiaussiliéàcedistrictde Pakijana—ce que rien n’assure, et que les particularités dialectales tendent même à infirmer 320 . En d’autrestermes,leplusgranddomainecadastréduroyaumepylien,oùseretrouvel’élitede lasociétémycénienne,sesitueraitàproximitédelacapitale,danslarégiondominéepar Potnia:étonnant,dèslors,quelagrandedéesseousesdesservantesn’interviennentnulle partdanscedossierpourtantrelativementcomplexe. L’assimilationdelaKarpathiadeUn443audignitaire“porteclef”deUn6etson identificationaveclaκλα ιφόροςKarpathiadudossiercadastalde Pakijana soulèventdonc deuxproblèmesdetaille,quinesontpasinsolubles,maisnepeuventpas,nonplus,être ignorésaumomentdeposeruneconjecture.Cesdifficultéssontdenatureàfavoriserune sageincertitude:enl’état,nousnepouvonsniexclurecesidentités,nilesconsidérercom meacquises. 2.–Surlemodèledeladécompositiondesnomsλεχεhστρωτήριονet tonoeke τήριον etd’aprèsleradicalverbal*ζωσ«ceindre»,lamajoritédesmycénologuessonttentésde considérerles*φορηνοζωστήριαcommela«fêteoùl’onceintles*φορ ῆνες»—laseule difficulté, non dirimante, résidant peutêtre dans l’emploi du nominatif «de rubrique», plutôtquedudatiflocatifattendu—,ouencoredes«objetsceignantles*φορ ῆνες»321 .Un nomdefestivitésimilaireseraitd’ailleursattestédansuneautretablettepylienne: PYUa1413 (zoneSudOuest)—Scribe:classeI

.1a *1467*166+ WE 1[ .1 rousijoakoro,porenotutẹ [̣ rijo(i) (?)

Λουσίῳἀγρῷ, *porenotu τη[ρίοι( uel ρίοι hι) ]· FΕhΑΝΟI 7, FΕhΑΝΟI *166 1[]. 318 Parmilestenantsdeceshypothèses,citonsp.ex. DMic ,t.I,p.316, s.u. «kapatija »;T.G.PALAIMA , loc.cit. [n.106],p.306307;J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.163. 319 Cf. infra ,p.8284. 320 Pourledossierduscribe24,cf. infra ,p.97130. 321 Cf.p.ex.T.G.PALAIMA, loc.cit. [n.85],p.455. POSÉIDON MYCÉNIEN 80

«PourlacampagnedeLousos,[àlacérémonie( uel lafête)]du porenotu []:7VÊTEMENTS ,1PAGNE [].» Cettetabletteestsingulièrementprochedesdocumentsrédigésparlescribe6,àlafoispar l’associationdesidéogrammes*146et*166,dontl’unique autre attestation se trouve en Un6,etparl’occurrenceduterme* porenotu τή[ριον( uel ρια)],dontlacompositionparaît semblableàcellede*φορηνοζωστήριαenUn443;parailleurs,lescaractéristiquesinternes etexternesdecedocumentévoquentégalementlestablettesdelasériePYMbrédigéespar lescribe14,ainsiquecellesdelasériePYFrquisontduesauscribe2(stylet1202)322 . a) Ensuivantlesexemplesdeλεχε hστρωτ ήριον, tonoeke τήριονet*φορηνοζωστ ήρια,il est tentant de décomposer * porenotu τή[ρια] en isolant le suffixe d’agent *τήρ, le thème nominal*φορηνοetlaracineverbale *tu ;cetermedésigneraitdonclafêteaucoursde laquelleoul’objetaumoyenduquelles*φορ ῆνεςsubissentl’actionexpriméeparlaracine *tu .Laracineverbalecorrespondantepourraitêtre,parexemple,*θυΙ«fairebrûler→ sacrifier par le feu», *θυII «s’élancer en bondissant» ou *στυ«être en érection, être dressé». Si les *φορῆνες sont réellement l’objet de l’action verbale, il convient de préférer *θυI,seulverbetransitifdirectdelaliste,quel’onpeut,enoutre,rapprocherdusubstantif neutretuwo(θ ύος)«produitaromatique»323 .Enfonctiondesthèsesenprésencesurla fonction des *φορ ῆνες —victimessacrificiellesouserviteursdivins—324 , nous pouvons hésiterentrel’hypothèsed’uneimmolationou,aucontraire,d’unencensementdesdits*φο ρῆνες325 .Aucunedecespistesn’estpleinementsatisfaisante:nilapremière,carleverbe θύειν désigne exclusivement, chez Homère, des offrandes non sanglantes —fruits de la terreetliquides—offertesparcombustion,nonpasdessacrificesd’êtresvivants;nilase conde,parcequel’emploiabsoludeθύεινdanslesens«fairebrûlerdesaromates»,quoique vraisemblable,n’estpasattesté—deplus,l’onattendraitaudatif,etnonàl’accusatif,la mention de la personne honorée d’une telle fumigation. À cause de l’option que nous avonsretenuetoutàl’heureetpuisqu’encasdesacrificeshumainseffectifs,l’onattendrait certainement un nom de destinataire divin, la seconde analyse nous semble préférable. Gardonsàl’esprit,toutefois,quecesconjecturessebasentsuruneseuleattestation,resti tutée,dansundocumentpauvreenindicationscontextuelles:ilconvient,parconséquent, dedemeurerprudent326 . b) Entoutcas,lamentiongéographiqueΛο ύσιος ἀγρ όςtémoignedelaprésencede *φορ ῆνες dans le territoire de Lousos; ceuxci s’ajoutent aux *φορ ῆνες de Pakijana , du Ποσιδ άhιον,delarégiondestroissanctuaires( Pere82 ιον, Ἰφεεδεια< ῖον>,ι yαῖον)etdu ίyονmentionnésenPYTn316,ainsiqu’aux*φορ ῆνεςprésentsdansleroyaumethébain, 322 Cf.T.G.PALAIMA , op.cit. [n.36],p.6162,7778,118;ID., loc.cit. [n.106],p.307308. 323 PYUn219, l.1 (cf. supra , p.68); Un267, l.3. Les tablettes de Thèbes ont récemment révélé la formule ote tuwoteto (THFq 126, l.1), que les éditeurs ont proposé de translittérer ὅτε θ ύος θ έτο «lorsquel’offrandeignéefutfaite»,ensuggérantqueletermeθύοςaitpudésignerd’unepartunesubstance aromatique,d’autrepartunsacrificeparlefeu(cf.V.L.ARAVANTINOS ,L.GODART &AnnaSACCONI , op.cit . [n.145],p.185188).Cependant,Y.DUHOUX ( loc.cit. [n.147],p.1213,§8.1)amontrédemanièreconvain cantequecettepropositionsubordonnéetemporelledevraitplutôtselire ὅτεΘ ύων( uelsim. )θ έτο«lorsque Thuwônfutenterré»,desortequelessyllabestuwoontdeforteschancesdedésignerunanthroponyme,et nonleneutreθύος. 324 Cf. supra ,p.4041. 325 Pour quelques autres suggestions, cf. aussi DMic , t. II, p.143144, s.u. «porenotutẹ [»,̣ ainsi que MarieLouiseB.NOSCH &M.PERNA , loc.cit. [n.293],p.473. 326 Ainsi,cf.T.G.PALAIMA , loc.cit. [n.85],p.455;J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.158159. POSÉIDON MYCÉNIEN 81 connusparTHOf26.Malgrélafaiblequantitédedocuments,ilappertdoncquecetype dedesservantscultuelsestassezrépandudanslemondemycénien:ceuxcisontprésents dansaumoinscinqendroitsduroyaumepylien,sanscompterl’occurrencethébaine. Deplus,lesdeuxtablettesquenousvenonsd’étudierposentdemanièreaccruele problèmedurapportdeces*φορ ῆνεςavecl’économiemycénienne:àThèbes,ilsreçoivent unequantitédelaineàouvrer,sansdoutedestinéeàretourneraupalaisdanslecadredela ταλασ ία;auΠοσιδ άhιον,lesdeux*φορ ῆνεςdesexefémininsontprobablementcontrôlées paruncollecteurnomméΚο άενς,quipourraitégalementêtreimpliquédanslafilièrelai nière,àl’instardesescollègueshomonymesdeCnossosetdeThèbes;enfin,lesdeuxfesti vitésquiconcernentles*φορ ῆνεςàPylos—*φορηνοζωστ ήριαet* porenotu τή[ρια]—néces sitentlalivraisondetroisunitésdelained’unepart,deseptvêtementsetd’unpagnede l’autre.Visiblement,les*φορ ῆνεςdoivent,enplusdeleursprérogativesreligieusesassurées, prendreunepartactiveàl’industrietextiledesroyaumesmycéniens. Enoutre,àcausedelaprésencedeUn443aunombredestablettesrédigéesparle scribe6,nousdevonsnousinterrogersurlaprésencepossibledePoséidonenfiligranedes *φορηνοζωστήρια.Poséidonest,eneffet,unbénéficiaireimportant,sinonl’uniquedestina taire,desdenréesenregistréesparlestablettesUn6et853;parailleurs,laKarpathiade Un443 pourrait être la “porteclef” de Un6, laquelle est également concernée par les offrandesàPoséidonet Pere82 .IlneseraitdoncpasinattenduquePoséidonjoueunrôle particulier lors des célébrations qui mettent en scène les *φορ ῆνες, d’autant plus que la tabletteTn316montrequelesfemmesaffectéesàPoséidonentantque*φορ ῆνεςjouissent probablementd’unstatutparticulier327 .Àdéfautd’aucunementionplusexplicitedansles documentsUn443etUa1413,laparticipationplausibledePoséidonaux*φορηνοζωστ ήρια etaux* porenotu τή[ρια]doit,biensûr,demeurerconjecturale.

—POSÉIDONDERECHEF Lasecondetabletteopisthographeduscribe6présentedenombreusessimilitudes, tantformellesqu’internes,avecUn6.Malheureusement,cedocumentcomplexeestmal conservéetseslacunesnouspriventdeprécieusesinformations: PYUn853 +971[+]869[+]870[+]876[+]878[+]1513+fr. 328 (complexed’archives)—Scribe:main6

r.1 ]kẹ rạ 2una,erạ []̣ ●

r.2 posedaone └┘rekọ no6[̣ r.3 *14618[ ] LANA 2M2[ r.4 AREPA V4[ ]●1OVIS m1OVIS f1CẠ P̣ f̣ [̣ r.5 SUS +KA 2SUS f4[ ]●1̣ FAR T1V[ r.6 VIN 5 TẸ Ḷ Ạ [̣ ]1TELA +PA 1 r.79 uacant

r.10 ]3[ ]weea2[ → v.1 ]ekemede,d ọ []ḍ ụ ruwoqọ

327 Cf. supra ,p.5152. 328 Cf.J.L.MELENA, loc.cit. [n.225],p.319320;ID.,«133JoinsandQuasiJoinsofFragmentsinthe LinearBTabletsfromPylos», Minos ,n.s.,2930,19941995,p.284.Ilestànoter,dansl’attentedel’ editio maior de PalaceofNestor ,t.IV,queletexteproposée.a.parLisaMariaBENDALL ( op.cit. [n.3],p.75)diffère sensiblement,tantdansl’ordonnancegénérale(enpart.l.1011)quedansleslecturesparticulières:cf.p.ex. erạ ̣[●](l.1),re[●]no(l.2), T1̣ (l.5),]e[̣ ●]mede(v.,l.1). POSÉIDON MYCÉNIEN 82

v.2 deest v.38 uacant

[E]kera 2una era []●. Ποσειδ αhώνει·rekon οι6,[], FΕhΑΝΟI 18 ,[̣ FΕhΑΝΟI *166 tot (?)], *FΕΡFΕhΑ2M2[], ΑΛΕΙΦΑΡ V4 [ ],[ ΓFΟΥΣx( uel ΓFΟΕΣ x)(?)][]1, ΟFΙΣ m1, Ο FΙΣ f1, ΑΙΞ f( uel ΑΙΓΕΣ f)[ tot ],[], ΚΑΠΡΟΙ 2, ΣΥΕΣ f4, []1, ΜΕΛΕΥΡΟΝ T1V[tot ], [], FΟΙΝΟΣ 5, “TELA (E)” []1, ΦΑΡ FΟΣ 1. [φ άρ]εhα[ uel [έρ] εhα[? []Ἑχεήδει (?) ,do []duruwoqo .

«[E]kera 2una era []●[]. 2 ÀPoséidon:6rekono ,[],18 [+̣ u] VÊTEMENTS ,[ tot PAGNES (?)],2unités /3[+ v] de LAINE , [],16 [+ w] mesures d’ ONGUENT , [ ], 1 [+ x BŒUF (S)(?)], 1 BÉLIER , 1BREBIS , [ tot ] CHÈVRE (S), [], 2VERRATS , 4TRUIES , [ ], 28 [+ y]mesures de FARINE , [], 5unités de VIN , 1[+z] TISSU (S), 1TISSU φᾶρος 329 . [tissusφᾶρ] ος[ uel [lai]ne[? [à] (?) Hekhemêdês (?) , do []duruwoqo .» 1.–Laseuleentréeimmédiatementcompréhensible(l.26)concerneaumoinsquin zedenréesvariéesquisontlivréesàPoséidonetcorrespondentsansdouteauxfournitures nécessairesàl’organisationd’unbanquetcultuel330 .Demanièretoutàfaitremarquable,les dépensesconservéessontenregistréesdanslemêmeordrequ’enUn6(l.68)etsemblent s’inscriredansunrapportdusimpleaudouble331 :

Denrées Un6 Un853 rekono (?) — 6 *146 (FΕhΑΝΟΣ ,«VÊTEMENT ») 37 18 ̣ [+u] *166+ WE (FΕhΑΝΟΣ *166, «PAGNE ») [–] [?] 5 2M2[+ v] LANA (*FΕΡFΕhΑ,«LAINE ») (= M15) (= M 8[+ v]) S1V 2[+w] AREPA (ΑΛΕΙΦΑΡ ,«ONGUENT ») V 4[+ w’] (= V 8[+ w]) BOS m( ΓFΟΥΣm,«TAUREAU ») 2 1[+ x](?) BOS f( ΓFΟΥΣf,«VACHE ») 2 OVIS m( ΟFΙΣ m,«BÉLIER ») 1 [–] OVIS f( ΟFΙΣ f,«BREBIS ») 1 CAP f( ΑΙΞ f,«CHÈVRE ») [?] [–] SUS +KA (ΚΑΠΡΟΣ ,«VERRAT ») [?] 2 SUS f( ΣΥΣ f,«TRUIE ») [?] 4 [HORD (ΚΡΙΘΑ ,«ORGE »)]? —(?) ●1 uel [GRA (ΣΙΤΟΣ ,«GRAIN »)]? FAR (ΜΕΛΕΥΡΟΝ ,«FARINE ») —(?) T1V 1[+ y] VIN (FΟΙΝΟΣ ,«VIN ») —(?) 5 TELA +TE (TEPA ,«TISSU tepa ») 2×[ –] 1[+ z](?) TELA +PA (ΦΑΡ FΟΣ ,«TISSU φᾶρος») [?] 1 a)Abstractionfaitedes6 rekono —termeaudemeurantobscur—,nousconstatons quelesvêtements,lalaine,l’onguent,lesbovidésetlesovidésapparaissentdanslemême ordre.Cetteconcordancepermetderestitueravecquelquesécuritél’idéogrammedupagne 329 1 Danscesformules,0≤u≤1;0≤v< /3;0≤w’ ≤3;0≤y≤19. 330 Cf.LisaMariaBENDALL ,op.cit. [n.3],p.7275. 331 CeconstatestposéparJ.T.KILLEN , loc.cit. [n.232],p.350352. POSÉIDON MYCÉNIEN 83

(*166+ WE )danslalacunedeUn853(l.3)etdeprésumerquedesidéogrammesdésignant descaprinsetdesporcins,devaientsûrementsetrouverenUn6(l.8)—commepermet taitdéjàdel’établiruneanalyseinternedelatablette,paranalogieauxl.14.Ensuivant cette même logique, il faudrait admettre que les lacunes des l.67 de Un6 ne recèlent aucunautreidéogrammequedeschiffresdénombrantlesquantitésdepagnesetd’onguent prévuespourlebanquet.Demême,auversodeUn6,onpourraadmettrequelaprêtresse etle/la“porteclef”reçoiventdestissusφ άρεhαensusdes tepa ,etonimagineraquel’idéo gramme TELA deUn853—seuleoccurrencepyliennedecesigneànepasprésenterde complémentphonétique—s’appliqueenfaitàdestissustepa .Parcontre,ilnesemblepas quel’onpuisseretrouverenUn6laplacenécessairepourlesidéogrammesnotantdescé réales,delafarineetduvin,pourtantprésentsourestituésavecvraisemblanceenUn853. Auniveaudesquantités,enpassantoutrelesmentionslacunairesdepagnesetsans prendreencomptelebétail,dontlenombredetêtesestmutilédepartetd’autreaupoint derendreimpossibletoutecomparaison,ilestàpeuprèscertainquetroisdenréessont indiquéesdansunrapportapproximatif2:1:lesvêtements,lalaineetl’onguent.Puisque, dansdeuxcasaumoins,cerapportn’estpasparfait,ilestimpossibledeproposertoute restitutionchiffrée. b) Decetteimportantedécouvertedécoulentdeuxconséquences,quiconcernentles tablettesUn6etUn853. D’abord,ilestmaintenantcertainquelesoffrandesoffertesàPoséidonet Pere82 en Un6, à moins qu’elles ne soient totalisées dans les l.68, sont tout à fait distinctes des ingrédientsprévuspourlebanquet332 :eneffet,lacorrespondanceentreUn6,l.68, et Un853, l.34, tend à montrer, acontrario ,quelesanimauxénumérésenUn6,l.14,ne correspondentpasàl’ordrecanoniquedu«menu»d’unrepassacréet,partant,nesontpas destinésaubanquet,maisbienàunsacrificeexclusifàladivinité. Ensuite,uneextrapolationdurapportmathématiqueobtenusurlabasedetroisden réesinviteàpenserqueUn853consigneàpeuprèslamoitiédesdenréesrépertoriéesen Un6—exceptionfaitedes rekono ,descéréales,delafarineetduvin,attestéesenUn853, maispasenUn6—;audépartdececonstat,onenvientàsedemandersiUn853décrit unbanquetdemoitiémoinsimportantqueceluiquiestprévuenUn6ousi,aucontraire, lesdeuxinscriptionssontrelativesaumêmebanquet,detellesortequeUn853acteraitla rentréedanslesmagasinspalatiauxdeprovisionsquiseraientdépensées,avecd’autres,lors delatenuedubanquetaccompagnantlessacrificesàPoséidonet Pere82 (Un6)333 . c) Cettehypothèsed’unrapportlogiqueentrelarecettedeUn853etladépensede Un6serévèleextrêmementintéressanteetmériteun examen plus approfondi: somme toute,Un853seraitl’unedesfourniturespréliminairesaubanquetdeUn6. Unedifficultéseprésented’emblée:certainesdenréescollectéesenUn853nesere trouvent pas en Un6. Outre les rekono ,dontnousignoronstoutàlafoislanatureetla fonction334 ,ilesttrèscurieuxquelevinetlesproduitscéréalierssesoient«égarés»entre Un853etUn6.Toutefois,dansnotreignorancedesmodalitésprécisesdelafêteetdu banquetenl’honneurdePoséidonet Pere82 ,nousnepouvonspastirerdeconclusiondéfi

332 Cf. supra ,p.7576. 333 Telleestl’optionretenueparJ.T.KILLEN , loc.cit. [n.232],p.350353,notammentsuiviparLisaMaria BENDALL , op.cit. [n.3],p.7275. 334 Cetermeserait,parailleurs,attestécommeanthroponymeàCnossos:cf. DMic ,t.II,p.239, s.u. «re kono ». POSÉIDON MYCÉNIEN 84 nitive:peutêtrecesproduitsétaientilsdestinésàunautreusage,quenousneconnaissons pasetquiauraitétédécritsurunautredocument. Nonobstantcebémol,l’hypothèsepossède,ensafaveur,deuxargumentsdepoids. D’unepart,cemodèleexpliqueladissymétrieentrelesdeuxdocuments:Un853dé buteparunintitulédontlesdeuxmotslacunairesn’évoquentaucuneréalitéreligieuse,puis sepoursuitparlamentionaudatifduthéonymePoséidon—destinataireultime—etla listedesproduits;enrevanche,Un6débutesansdouteparlesmentionsdesacrificesà Poséidonet Pere82 —peutêtreaprèsunentêtedonnantdesinformationscontextuelles, telslemomentetl’endroitoùestcélébréelafête—etcontinueaveclerepassacré.Seulle secondtexteestclairementdansuncontextedefestivitéreligieuse,àl’inversedupremier. D’autrepart,cesindicationsinitialesdeUn853offrentdesindicesimportantssurla naturedecettecomptabilité.Lepremiermot—]kẹ rạ 2una—évoquenaturellementl’an throponyme Ekera 2wo ,portéparunepersonnalitépyliennedepremierplan,d’autantplus quecethommeesttenudepayerunimpôt(dosomo, δοσός),destinéprécisémentàPo séidon,dansundossierrelatifàl’impôtfoncierquenousouvrironssouspeu335 .Lacoïnci dencecessed’êtrelefaitduhasardàpartirdumomentoùl’ons’aperçoitque Ekera 2wo doit payerlamoitiédumontanttotaldel’impôt:puisquelamêmeproportionde50%sere trouveentreUn853etUn6,ainsiqu’enUn718,ilestfortprobableque[ E]kera 2una (Un 336 853)et Ekera 2wo (Un718)cachentuneseuleetmêmepersonne ,quioccupedesterrains consacrésàPoséidonet,àcetitre,estredevableàladivinitéd’unmontantcalculéaupro ratadelasuperficiedesapropriété337 .Quantausecondmotdelatablette—erạ ̣[]●—,il doit,ànotreavis,s’inscriredansuneformulelaconique similaire àcelle qui entame Un 718338 :étantdonnéqueUn853relatedemanièrepratiquementassuréelaquotepartap portéepar[ E]kera 2una pourl’organisationd’unbanquet,noussommestentéderestituerle terme*era[no],àtranslittérer ἔρα[νος]339 ,quidésignel’écotapportéparlesconviveslors desbanquetscommuns340 .Sicetterestitutionestacceptée,onliraainsil’intitulédelata blette:[Ἑ]χελ(λ) αῦν· ἔρα[νος],Ποσειδαhώνει,«Hekhel(l)aw(ô)n,àtitredecontributionau banquet,pourPoséidon». 2.–Aurecto,latablettecontientencoredeuxlignesdetexteaprèsun uacat detrois lignes.Selonlalogiquequenousavonsdégagée,ils’agiraitdelaparticipationauxagapesde Poséidonverséeparunsecondpersonnage,peutêtreégalementprésentenUn718.Ence cas,cepourraitêtreleδᾶος(damo),le λααγέτας (rawaketa) ou le ρογι ών(ε)ιονκ άας 341 (worokijonejokama) .Lesvestigesdechiffre—]3[—etdematière—]weea2[,à lire[φ άρ]εhα[ou [έρ] εhα[?—s’accommodentdecetteexplicationmaissontbientrop fragmentairespourproposerunerestitutionplusprécise. Lapremièreligneduverso,quoiquepluscomplète, est plus obscure encore: l’on peut y restituer l’anthroponyme Ἑχε ήδης, au nominatif ou au datif; suit le syntagme 335 Cf. infra ,p.97130. 336 En l’espèce, il pourrait s’agir de simples variantes d’un même nominatif —Ἑχελ(λ)α ῦν étant une formesyncopéede Ἑχελ(λ) άων—:cf. infra ,p.98100. 337 Ceciestl’argumentcentraldeJ.T.KILLEN (cf. supra ,n.333). 338 Cf. infra ,p.9798. 339 Ou ἕρανος,enpostulantunepsiloseinitialepostmycénienne?L’étymologiedutermeestobscure:cf. e.a. DÉLG ,t.II,p.364, s.u.«ἔρανος »; DÉCLG ,p.87, s.u.«ἔρανος »(quiproposeunrapprochementavec ἔρααι). 340 Surl’ ἔρανος et, en général, sur les banquets dans l’épopée homérique, cf. e.a. P.CARLIER , op.cit. [n.44],p.154157,enpart.n.66. 341 Surcesoccupantsdesterres sarapeda ,cf. infra ,p.100103. POSÉIDON MYCÉNIEN 85 obscurd ọ []ḍ ụ ruwoqo,d’interprétationdouteuse.Lesinformatị onsconsignéesauverso pourraient,maissansaucunecertitude,seréférerauxpersonneschargéesdecollecteretde conserver les denrées fournies par les différents contribuables pour le banquet de Poséidon. 3.–Enconclusion,siletravailréaliséparlescribe6s’inscritnettementdansl’activité religieusepylienne,parlesréférencesauxsacrificespourPoséidonet Pere82 ,aubanquet sacréetàlafêtedes*φορηνοζωστ ήρια,nousremarquonsquelacontributionrelatéeenUn 853appartientaucadrereligieuxenmêmetempsqu’elleledépasse.Defait,cettetablette nousmontredequellemanièrecertainesdenréessontduesàPoséidon,nonpasentantque dieuvénéréparsesfidèles,maiscommepropriétairedeterrainsrémunéréparseslocataires. Cette double facette, religieuse et économique, était déjà présente dans le dossier des ouvrierscontrôlésparunedivinitéofficiantcomme«collecteur»;nouslaretrouveronsim médiatement,demanièrebienplusflagrante,dansles documents consignant les impôts (δοσοί)dus,entoutouentrèsgrandepartie,audieuPoséidon. POSÉIDON MYCÉNIEN 86 Synthèseetconclusion Lestextesétudiésaucoursdecechapitreontsuffisammentmontrél’interpénétrationdes domaineséconomiqueetreligieuxdanslemondemycénien:lesdieuxdirigentdestravail leurs“dépendants”,lesquelssontredevablesd’unecorvéeàl’endroitdupalais,commetout ouvrierlibreoucontrôléparun“collecteur”;les sanctuaires, les divinités et les prêtres perçoiventdesrationsdecéréalesetdefruits,commelesautresacteursdel’économiepala tiale;lesesclavessacrésdisposentdeparcellesrecenséesdanslescadastres,àl’imagede différentscorpsdemétier«civils».Enéchoautitredecechapitre,lasynthèsecouvrira donclestroisplagesconnexesdesoffrandes,del’économieetdessanctuairesàPylos. 1.–AlorsqueCnossosconserveuniquementlesouvenirdelivraisonsdemieletd’un vêtementà*Ἐν(ν)εσιδ άhωνdansdescirconstancessouventinconnues,lesdocumentsde Pylossontplusprolixes:Poséidonluimême,sonsanctuaireousesdesservantsreçoivent tantôtdesversementsrelativementmodestesd’huileparfumée,d’orgeetdefigues,tantôt desoffrandesdeplusgrandevaleur,commeuncaliceenor,desbêtesdesacrificeoudes produitspermettantdebanqueter;enoutre,nousconnaissonsgénéralementlaquantitéde cesproduitset,surtout,l’occasiondeleurversement. a) Laqualité desproduitsversésàPoséidonnedivergegénéralementpasdeceque reçoiventlesautresdieux:ainsi,lasériePYFrrecensedeslivraisonsd’huileparfuméeà PoséidonetàPotnia—déessepeutêtreviséeégalementparlessyntagmesup οιοΠοτν ίᾳ et Ποτν ίᾳ Ἀσίᾳ —, mais aussi à Trishêrôs, aux «dieux» (teoi, θέοι hι) et à la «mère divine» (matere teija, άτρει θε ίᾳ ), ainsi qu’au roi de Pylos; en Fn187, d’autres destinataires que le Ποσιδ άhιον et les *Ποσιδαhιῆες touchent de l’orge et des figues, comme Pakijana , up οιοΠ ότνιαouencoreleκ ᾶρυξ;enTn316,lestreizedieuxmentionnés reçoiventtousunvaseenor,mêmesiPotniaet Dopota sontlesseulsàdisposerdumême calicequePoséidon. Parcontre,ledoublesacrificed’unevache,d’unebrebis,d’unverratetdedeuxtruies à Pere82 ,qu’accompagnentunouplusieurssacrificessemblablespourPoséidon(Un6),ne trouveaucunecorrespondanceincontestableàPylos,mêmes’ilestpossiblequecertaines têtesdebétailissuesdutroupeaudePotniaachevèrentleurviesurl’autel 342 .Lebanquetsa créquiestégalementprévuenUn6etl’ ἔρα [νος ]queHekhel(l)awônverseàPoséidonen Un853sonteuxaussidesévénementsisolés:nulleautrediviniténereçoitexplicitement rekono (?), vêtements, pagnes, laine, onguent, bœufs, moutons, chèvres, porcs, céréales, farine,vin,tissustepa etφ άρεhα.Cettedoubleoriginalitépeutdifficilementêtreuncaprice duhasard,carPoséidonestégalementleseuldieupylienàpercevoirdesδοσο ί,quenous mentionnonsiciparanticipation,etquiconsistentengrain,farine,vin,taureau,béliers,fro mages,peauxdemoutons,onguentetmielenUn718,engraindanslasériePYEs343 . b) Laquantité dedenréesperçuesparPoséidonvariefortementselonquel’offrande soitounonspécifiqueàcedieu.Lesversementsd’huilesemblentfortparcimonieux:ici,2 mesuresd’huileàlasaugeetàl’ ἕρτις;là,8mesuresd’onguent;ailleursencore,laquantité estperdue.Celacontrastefortementavecles80mesuresd’huileàlasaugedestinéesaux Pakijan ia ,ouauxplusde100mesuresd’huileparfuméequelesouverainreçoitàl’occasion des Wanassa.Mêmeimpressionpourlesrationsd’orgeetdefiguesperçuesparlesanctuaire etlesprêtresdePoséidonenFn187,quinetotalisentquetroisboisseauxetdemi( T3V 3),

342 PYCc665,l.1;cf. supra ,n.245. 343 Cf. infra ,ch.II. POSÉIDON MYCÉNIEN 87 alorsqu’uneentitécomme apiteja enrecevrait4unités,soit48boisseaux.Enfin,enTn316, Poséidonnereçoitqu’unseulvase,commelestreizeautresdivinités—bienquelemodèle *215 VAS puisseavoirdavantagedevaleurque*216 VAS et*213 VAS . LecontrasteestsaisissantaveclesdenréesquePoséidonestleseul—oupresque— àrecevoir.EnUn6,lesacrificedePoséidoncompteaumoinsunevache,unebrebis,deux verratsetunetruieensacrifice—etpresquecertainementledouble,àl’instardePere82 .Le banquetsacréquiaccompagnecessacrifices,donnéenl’honneurdePoséidon,nécessiteau minimum—encombinantlesdonnéesdeUn6etUn853—6rekono (?),37vêtements,un nombreinconnudepagnes,5unitésdelaine,aumoins32mesuresd’onguent,4bœufs,au moins2moutons,1chèvreet6porcs,unequantiténondéfiniedecéréalesetplusd’un boisseaudefarine,5unitésdevin,aumoinsdeuxtissustepa etunφᾶρος.Ilfautencorey ajouterleproduitdesδοσο ί:enUn718,6unités½degrain,½unitédefarine,6unités devin,1taureau,4béliers,20fromages,2peaux,8mesuresd’onguentet16mesuresde miel; en PYEs, 10unités de grain. Au total, ces versements propres à Poséidon se chiffrentàplusde28têtesdebétail(7bœufs,8moutons,1chèvreet12porcs),à20fro mageset2peaux,àplusde817,6ldegrainetdefarine,à316,6ldevin,à22,4ldesiru peux(onguentetmiel),à14kgdelaine,àplusde37vêtementsetpagnes,àplusdetrois tissustepa etφάρεαetàaumoins6rekono (?). c)Lesdiversmoments choisispourhonorerPoséidondonnentlieuàdesoffrandes différentes: trois fêtes ou cérémonies justifient la consécration d’huile; une cérémonie solennelleexigeledond’unvaseenor,enmêmetempsquel’arrivéedenouveaux*φορ ῆ νες;lesrationsd’orgeetdefiguesausanctuaireetauprêtredePoséidondoiventfaire partiedelagestionordinaire;lessacrificesconjointsàPoséidonet Pere82 sontsuivisd’un banquetsacré;enfin,laperceptiondesδοσο ίpermetprobablementlatenued’unautre banquetenl’honneurdudieuPoséidon. Lorsdumois Pakijan ios ,Poséidonreçoitunetrèspetitequantitéd’huileenunlieu inconnu.Lelienimpliciteentrecetteoffrandeminimeetlafêtedes Pakijania —quijustifie lalivraisonde80mesuresd’huile—mérited’êtresouligné,puisquePoséidonseraitlaseule divinitéassociéedeprèsoudeloinàlafêtedecesanctuaire.Ladeuxièmelivraisond’huile parfuméeàPoséidonrenforcecetteimpression:le dieuparticipeàun“lectisterne”,qui pourraitcorrespondreàunritehiérogamique;or,unecérémoniedumêmenomalieuà Pakijana ,commel’indiqueunautrebordereaudeversementde4mesuresd’onguent. CommePotnia,Poséidonesthonorépardeslibationsd’huilelorsdes«fêtesduroi» (Fάνασσα);lesdeuxdieuxnetiennenttoutefoispaslaplacecentralelorsdecettesolennité, étantdonnéqu’unequantitéd’huileplusimportanteestconsacréeauritueld’ouvertureque devraitêtreleporowito,etquelesouverainreçoitplusdecinqfoislaquantitéd’huile consentie aux divinités; remarquons qu’une cérémonie mettant en scène le trône royal prendraitégalementplacelorsdecettefête.Lesίψια,autrecélébrationimportante,qui justifientdeuxporowitoetimpliquentle wanax etPotnia,ainsiqu’uncertain Eqomene [(?), neconcerneraientpasPoséidon,d’aprèsl’étatdeladocumentation;lemêmeconstatdoit êtretirépourlesΞένια. Ilestcertainqueles Pakijanιαsontunefêteannuelle,carcesfestivitésontfourniun nomdemois;cefaitestégalementprobablepourlesίψιαetlesΞένια,auvudesmois Θεοξένιοςet ίψιοςauI er millénaire;aucuneobjectionsérieusen’indiquequ’ilenailleau trementpourles Fάνασσα.Lacérémoniedu“lectisterne”pourraitaussin’avoirlieuqu’une foisl’an,àlaconditionquelesdeuxtablettesconcernentbienuneseuleetmêmefête,qui impliqueraitl’offranded’huileàPoséidonetausanctuairede Pakijana . Uneautrecérémonienousparaîtêtreannuelle:leporowitosolenneldeTn316, durantlequeltreizedieuxreçoiventchacununvaseenor,ainsique—pourdixouonzede POSÉIDON MYCÉNIEN 88 ceuxci—unoudeux*φορ ῆνες.Ceporowito,quiouvriraitsymboliquementl’année,ne seconfondpasaveclestroiscérémoniesdumêmenomorganisées,pourl’une,lorsdes Fά νασσαet,pourlesdeuxautres,lorsdes ίψια:leurfonctiond’inaugurationseraitidentique, maissesituerait,biensûr,àunetoutautreéchelle.Laprésencedanscettetablettedetous lesdieuxquitiennentuneplaceuntantsoitpeuimportantedansleroyaumepylien—à l’exceptionpeutêtred’ArtémisetdeDionysos—plaideenfaveurd’unetrèsgrandeim portanceduporowitodeTn316. LesrationsdeFn187suiventcertainementunelogiquedifférente.Nousavonsdéjà exprimédesérieuxdoutessurlefaitqu’ilpuisses’agird’unetabletteàcontenuexclusive mentreligieux,enregistrantlesdenréesalimentairesfourniesauxparticipantsd’unecélébra tionlonguedetroisjours.Ens’appuyantnéanmoinssurunerationjournalièrede V1,ce textereflèteraitlesdéboursementseffectuésparlepalaisafindenourrirunpersonnelvarié. L’importancedecertainesrationsexclutl’hypothèsed’unversementquotidien,etlapart réservéeà apiteja secomprendraitvolontierscommeuneallocationmensuelle,tandisquela faiblessed’autresmontantsinterditd’envisagerunrationnementsupérieuràtroisjours:la solutiondoitnécessairementêtreintermédiaire.Selontoutevraisemblance,Fn187rassem ble certains paiements réguliers —p.ex.aux sanctuaires, à la divinitéet aux prêtres—, d’autrespaiementsquicorrespondentàlarétributionuniquedeservicesoudebiensfour nisenquantitépréciseoudansuncertainlapsdetemps,etd’autresencorequipeuventêtre sporadiques,telleversementsansdouterépétéenfaveurdumême“héraut”;l’erreurest depostulergratuitementquetouslesversementsdeFn187connaissentlamêmepériodi cité.QuantauxmotifsdelarétributiondusanctuaireetdesprêtresdePoséidon,ilsdemeu rentinconnus;combinés,cespaiementsrelativementfaiblescorrespondraientà21rations journalières. LessacrificesmultiplesàPoséidonet Pere82 quis’égrènentenUn6pourraientnepas êtreunévénementrare,silescribeaeffectivementremployéunanciendocumentconsi gnantaumoinsuntriplesacrificeàPoséidon:onimagineraitmalqu’unetabletted’argile aitpuêtresommairementeffacéeetrécriteunanaprèssarédactionprimitiveet,dansce cas,Poséidonauraitétéhonoréd’unimportantsacrificequelquetempsavantlacérémonie communeavec Pere82 .DanslecasoùlesraturesdeUn6seraientduesàl’auteurmêmedu document,l’hypothèsedesacrificesmoinsfréquentspourraitêtreretenue.Enl’état,rienne laisseentendrequecetypedecérémoniesoitexceptionnel: la régularité des sacrifices à Poséidonet Pere82 estdoncprobable,maisleurpériodicitéestinconnue. Parcontre,silebanquetdeUn6procèdeeffectivementdel’ ἔρα [νος ]deUn853,et quecedernierdoitêtremisenrapportaveclesδοσο ίdudossierduscribe24,l’étudedela proportionnalitédecedossierfiscalpermettrad’envisagerdespistessurleséchéancesdes différentspaiements:ilsembleraitqu’unrythmepluriannuelpuisseêtrelarègle,avecun prélèvementbiennalpourlesδοσο ίetquadriennalpourles ἔρα [νοι ]344 .Mêmesic’estle cas, rien n’empêche de penser que l’on festoie lors de chaque sacrificeenl’honneur de Poséidon—etde Pere82 —:simplement,lesdenréesnécessairesàl’organisationdeces banquetsdevraientêtreacquisespard’autresvoies quand les ἔρα [νοι ]liés audossierdu scribe24nesontpasdisponibles. 2.–Lesquestionséconomiquesnesontjamaisfortéloignéesdelasphèrereligieuse, notammentàcausedelaprésencedetroistypesdetravailleursquirelèventàlafoisdes deuxcatégories:lesesclavessacrés,les“dépendants”dedivinitéetles*φορ ῆνες.Luimême

344 Cf. infra ,p.123125. POSÉIDON MYCÉNIEN 89 détenteurd’aumoinsunesclaveetdedeux*φορ ῆνες,Poséidonnediffèrepassurcepoint delamajoritédesdivinitéspyliennes. a) Àcôtédesesclavesprivés,existentdesesclavessacrés ,quiappartiennentauper sonnelduculteouauxdivinitésellesmêmes.Laconditiond’esclave(δ όhελος,δο hέλα)im pliquesansaucundouteunedépendanceabsolueaumaître,etlaservitudesacréenepeut échapperàlarègle:l’esclaveestavanttoutunemarchandisemonnayable345 .Lesesclaves peuventnéanmoinsdisposerd’unlopindeterre,souventenlocation( ὀνατόν):telestlelot del’esclavedePoséidonenEq36,ainsiquedesesclavesdelaprêtresse,dela“porteclef” etdeladivinitédanslecadastre Pakijan ia;lasituationestmoinsclairedanslecadastre PYEs,oùdeuxesclavesdisposentdepetitesparcelles,sansquelescribeaitprécisésice sontdeslocations346 .Entoutcas,laforcedetravaildontlesdivinitésdisposentparl’entre misedeleursesclavesleurassureunrôlenonnégligeabledansl’économiemycénienne,en particulieràPylos,oùArtémis,Diwia,PoséidonetpeutêtrePotniapossèdentdesesclaves. b) Àcôtédeshommesdemétierindépendantsetdeceuxquidépendentd’un“col lecteur”humain,existentdesouvriers“dépendant”d’unedivinité .Contrairementauxescla ves,cesontdeshommeslibres:leurdépendances’exprimesurtoutauniveauéconomique, carun“collecteur”exerceunetutellesurleuractivitéprofessionnelleetsertd’intermédiaire aumomentd’écoulerleurproduction.Dansleseulcasoùl’onpeutenjugeraveccertitude, un“dépendant”dedivinitédisposeégalementd’uneparcelleenlocation.Souslahoulette dedieuxcommeHéra,HermèsetPotnia,cesouvriers“dépendant”dedivinitéss’inscrivent simultanémentetindissociablementdanslesdomaineséconomiqueetreligieux. c) Inversementauxdeuxautrescatégoriesdetravailleursdeladivinité,les“porteurs ” (*φορ ῆνες)apparaissentuniquementdansuncontextereligieux:ilsparticipentàunepro cessionetsontamenésauxdieuxenTn316;ilssontfêtésenUn443etUa1413,oùils reçoiventpeutêtreuneceintureetferaientl’objetd’unencensement.Malgrésadiscrétion, cetteinstitutionestprobablementrépanduedanslemondemycénien:ilsetrouvedes*φο ρῆνεςdansleroyaumedeThèbesetdansplusieurssitesduroyaumedePylos—àLousos, à Pakijana etauxsanctuairesdePoséidon, Pere82 ,Iphémédéia,DiwiaetZeus. Deuxindicesfontpenserqueles*φορ ῆνεςexercentmalgrétoutunefonctionécono miqueenplusdeleuractivitécultuelle:d’unepart,enTHOf26,l.3,des*φορ ῆνεςreçoi ventuneunitédelaine ku àtraiter,sansdoutedanslecadredelacorvée(ταλασ ία)présente enfiligranedelasérieTHOf;d’autrepart,enPYTn316,v.,l.13,lesdeux*φορ ῆνεςde Poséidonsemblentsousl’autoritédu“collecteur”humainKomawens.Cesdeuxtraitsap parententlestatutéconomiquedeces“porteurs”àceluid’ouvriers“dépendant”d’undieu oud’unmortel;celaétant,danslecasdes*φορ ῆνεςdePoséidon,lecumuldestutelles humaineetdivine—dontonignores’ilestexceptionnelourégulier—resteremarquable. Aucunélémentnepermetdedéterminersilafonctionde*φορ ήνestperpétuelleou temporaire.Dansl’hypothèseoùcettefonctionéconomiqueetcultuelles’exercedurantun tempsdéterminé,leremplacementdes*φορ ῆνεςayantachevéleurmandatauraitlieulors delagrandecérémonieannuelleduporowito,qui voit arriver les nouveaux *φορ ῆνες auprèsdesdifférentsdieux(Tn316). Enfin,ilresteremarquablequelesdivinitésrecevantdes*φορ ῆνεςsoientdéjà,pourla plupart,activesdanslasphèreéconomique—Potnia,Poséidon,Diwia,HermèsetHéra—

345 KNB822,l.1;B (1) 988+7601+III6+5761+7040,l.1:cf. supra ,n.163.L’équivalenceentreleserva gesacréetleservageprivépeutêtreinduitedetextestelsPYCn1287,l.67ouEs650,l.56,oùlesdeux typesd’esclavessontmentionnéscôteàcôte,sansaucunedistinction. 346 Es650,l.56:cf. infra ,p.131132. POSÉIDON MYCÉNIEN 90 ouétroitementliésàunedivinitéquil’est—Manasa ,Ποσιδ άhεια, Pere82 ,Zeusetpeutêtre Dirimijo . 3.–LalocalisationduΠοσιδ άhιονmentionnéàdeuxreprisesdanslestextespyliens sembleunproblèmeinsoluble:celieusaintn’est,eneffet,préciséparaucuneindication toponymique;toutefois,lesaffinitésavéréesdePoséidonavecledistrictde Pakijana auto risentcertainesconjectures.Parailleurs,l’étudedesdesservantsattribuésàPoséidonper metdecompléterletableau:outreses*Ποσιδαhιῆεςattitrés,ledieudisposenotamment dedeuxcongrégationsmentionnéesdanslesdossiersdesδοσο ί,de*φορ ῆνες,d’uneprê tresseetd’un(e)“porteclef”.Cesdeuxélémentscombinésamèneronttoutnaturellementà poserlaquestiondelaplacedePoséidondansledistrictde Pakijana ou,end’autrestermes, à définir l’identité du grand dieu honoré à cet endroit, qui dispose notamment de 44esclaves,etpourquilaprêtresseÉritharevendiquelapossessiond’un* ἑτώνιον347 . a) Auxsanctuaires mentionnésenTn316,nousnepouvonsajouterquepeud’infor mationsurlesinfrastructuresreligieusesdePylos:lesanctuairedePoséidonestunenou vellefoismentionnéenFn187;celuideZeusapparaîtencoreenFr1230etMb1366; ceuxde Pere82 ,IphémédéiaetDiwiasontinconnusparailleurs;Dionysosdisposed’une ἐσχ άρα (?)enEa102+107. Le district sacré de Pakijana mérite également une attention toute particulière. Ce lieuditestundesneufdistrictsdelaprovincelaplusprochedelacapitalePylos,aumême 348 titreque Pi82 , Metapa , Petono , Apu 2, Akerawa , Erato(ou Rouso ), Karadoro et Rijo .Toujours citéenquatrièmepositiondansl’énumérationcanoniquedeceschefslieuxadministratifs, lecantonde Pakijana sedistinguedesautresparsafréquenteassociationauxquestionsreli gieuses:legrandcadastreintitulé Pakijan ia mentionne notamment le prêtre Wetereus , la prêtresseÉritha,la“porteclef”Karpathia,un“dépendant”dePotniaetdenombreux«es clavesdeladivinité»;lasériePYFrenregistreunepremièrelivraisond’huileparfumée pourlafêtedes Pakijan ia (Fr1216),unedeuxièmeàPoséidon,danslecourantdumois Pakijanios (Fr1224), une troisième à upοιο Π ότνια, dans la «campagne de Pakijana » (Fr1236)ettroisautresà Pakijana même(Fr1209,1217,1233);latabletteFn187noteune livraisond’orgeetdefiguesaulieudit Pakijana ,placésurlemêmepiedqueleΠοσιδ άhιον; enfin,Tn316metégalement Pakijana enbalanceaveclessanctuairesdePoséidon, Pere82 , Iphémédéia,DiwiaetZeus,etlocaliseà Pakijana lescultesdePotnia, Manasa ,Posidahéia, Trishêrôset Dopota . Cedernierdocumentadonnélieu,dansnombredetravauxmodernes,àuneconjec tureapparemmentsimpleetévidente:Pakijana seraitlegrandsanctuairedeladéessePot niaàPylos,etlecentrenévralgiquedetoutelaviereligieuseduroyaume.Cetteidéeserait corroboréeparlaprésencede upοιοΠ ότνιαenFr1236etFn187,ainsiqueparlaprésence àcetendroitd’une«prêtressede Pakijana »etd’une«“porteclef”à Pakijana »,sansdoute habilitées,parleursexe,àreprésenterunegrandedéesse349 .D’unecertainemanière,ladési gnation Pakijana signifierait,parmétonymie,«sanctuairedePotnia»etsesubstitueraitop portunémentaudénominatif†Ποτνια ῖον,curieusementinconnuàPylos,commeàCnossos, MycènesouThèbes;enmêmetemps,danstouteunesériededocuments,Pakijana demeu reraitlenomd’undesseizedistrictsofficielsduroyaumepylien.

347 PYEb297,l.13;Ep704,l.56. 348 Surcettestructureadministrativeetlalocalisationprobabledecescantons,cf. infra ,p.126etn.513. 349 Àtoutesfinsutiles,signalonsqueleprêtrenommé Weter euspourraitégalementofficierà Pakijana;il disposeentoutcasdeterrainsenlocationdanslecadastre Pakijania (cf. DMic ,t.II, s.u.«wetereu»). POSÉIDON MYCÉNIEN 91

Poséidon,pourtant,auraittoutesaplacedansledistrictde Pakijana:ledieureçoitde l’huilependantlemois Pakijanios etparticipeàun“lectisterne”semblableouidentiqueà celui de Pakijana ;lesdeuxuniquesmentionsdesonsanctuairevoisinent l’évocation du cantonde Pakijana ;ladéessePosidahéiaellemême,naturellementapparentéeàPoséidon, sevoitprésenterunecoupeenoretun*φορ ήνfémininà Pakijana .L’examendesmembres dupersonnelcultuelaffectéauservicedePoséidonneferaqueconfirmercetteimpression. b) Outrelesmentionséparsesdedesservants dontnousignoronstout,horsletitre —commele“héraut”(κᾶρυξ),les“balayeursdutemple”(δακόροι),leou la“portepeau” (διφθεραφόρος)ouencorele“mélangeur”(ίκτας)—,etqu’ilnousest,parconséquent,im possiblederattacheràundieuouàunsanctuaireparticulier,certainstitresreligieuxsont explicitementliésaucultedePoséidon. Les *ΠοσιδαhιῆεςdeFn187exercentsansdoutelemêmerôlequele ι ιε ύς de Pylosoula ιίεια deCnossos:lespremierssontlittéralementdes«hommesattachésau sanctuairedePoséidon»,commelessecondssontunhommeetunefemmeattachésau sanctuairedeZeus.Lacollégialitédelafonctioncontrasteaveccequel’onobservepourle cultedeZeus:legroupedes«prêtresdePoséidon»—s’ils’agiteffectivementd’eux—a puoccuperunepositionimportantedansl’horizonreligieuxpylien. Ceplurielpresbytéralévoquedeuxcongrégationsquiévoluentdanslesillagedudieu aumomentdepréleverlesdifférents δοσοί: la première, en Un718, est formée par les ὀίδε(ρ)ται,“lieurs” ou “écorcheursdemoutons”;laseconde,danslasériePYEs,parles λυκτῆρες (?), “éclaireurs” (?)350 .Seulel’étymologiepourrait,peutêtre,nousrenseigner sur lesfonctionsqu’assumentcesdeuxgroupes;ilestentoutcasfortintéressantderetrouver deuxplurielsdansleurtitulature. Autrepluriel,àvaleurduale:Poséidonreçoitdeux*φορ ῆνεςfémininsenTn316,qui dépendentducontrôleurKomawensetporteraientchacuneletitrecultueldeγόια na● «bovinede na●».Pareilledésignationthérionymiqueneseraitpasexceptionnellepourdes desservantscultuels,commeentémoignentdecélèbresexemplesduI er millénaireet,peut être,duII emillénaire.Ces*φορ ῆνεςparticiperaientégalementàlaviereligieuseautravers defêtestelsles*φορηνοζωστήρια(Un443)etles*φορηνο tu τή[ρια (?)](Ua1413). EnUn6,sansdouteàl’occasiondessacrificesàPoséidonet Pere82 ,uneprêtresseet un(e)“porteclef”,pournousanonymes,reçoiventchacuneaumoinsuntissutepa .Cesdi gnitairessontsansdouteliésaucultedePoséidon,puisquelapremièreversiondelatablet te,effacée,indiquaituniquementdessacrificesdestinésàPoséidonetmentionnaitdéjàces deuxbénéficiaires.FaudraitilassimilerlaKarpathiadeUn443àlaκλα ιφ όροςdeUn6,et imaginerquelesdeuxpersonnesmentionnéesenUn6sontÉrithaetKarpathia,respective ment«prêtressede Pakijana »( ἱέ ρεια Pak ιάνας)et«“porteclef”à Pakijana »(κλα ιφ όρος Pak ιᾶνφι)?Nousavonsexprimélesréservesdeprincipe,maisforceestdeconstaterque cettedoubleidentificationresserreraitlesliensdéjàtrèsétroitsentrePoséidonet Pakijana . c) L’énoncédestémoignagesrelatifsausanctuaireetaupersonnelreligieuxdePoséi donconfirmelesindicationsfourniesparlesoffrandesetlesfestivitésauxquellescedieua part:Poséidonnepeutêtreétrangeraudistrict«sacré»de Pakijana .Delààavancerque Poséidonluimême,etnonPotnia,estladivinitéparexcellencedePylos ,quiesthonoréeà Pakijana ,ilnerestequ’unseulpas,bienaiséàfranchir. L’ opiniocommunis repose tout entière sur l’agencement de la tablette Tn316 et sur l’idéefausse,maisrépandue,qu’uneprêtressedessertforcémentunedéesse.Lesecondar gumentestleplusfacileàdisqualifier,puisquelaprésencede*φορ ῆνεςféminins(Tn316), 350 Cf. infra ,p.198et139140. POSÉIDON MYCÉNIEN 92 d’animauxdesacrificefemellesetd’uneprêtresse(Un6)enrapportdirectavecPoséidon démontreàsuffisancequ’iln’existeaucunecohérencesexuelleobligatoiredanslareligion grecqued’époquemycénienne.Quantàlaprésentationetl’ordred’énumérationsuivisen Tn316,ilestloisibledelescomprendretoutautrement. SiledatiflocatifPakιᾶνσιn’équivautpasà†Ποτνια ίοι ,maissecomprendnaturelle ment comme un simple toponyme, le paragraphe inscrit au recto de la tablette indique qu’unefêtereligieuseetuneprocessioneurentlieudanslecantonde Pakijana ,oùdesvases enoretdes*φορ ῆνεςfurentdistribuésauxdivinitésPotnia, Manasa ,Posidahéia,Trishêrôs et Dopota , sans mentionner le lieu précis où furent déposés les vases et conduits les *φορ ῆνες.Or,ilnepeutfairededoutequedeslocauxadaptésetspécifiques,dépendantdes divinitésconcernées,attendaientlescadeauxetles“porteurs”:seulement,cesdétailsne furentpasjugésnécessaires.Aprèsquelquesatermoiements,lescribereprendsarédaction auverso,enlaissantblancs,aurecto,unparagraphedéjàrégléainsiqu’unlargeespace.Il changedestratégie,enindiquantclairementlesanctuaireoùsedéroulentlesfestivités,bien quetoutel’actionsesitueraitquandmême—implicitement—dansledistrictde Pakijana . LescribenenommepasledieuPoséidon—bénéficiairetoutdésignéduvaseetdesfem mesapportésàsonsanctuaire.Parcontre,ilajoutel’indication ἄγεικε άστυ après la men tion du Ποσιδ άhιον,ainsiquedesprécisionsliéesaustatutdes*φορ ῆνεςdePoséidon,avant deseraviserpourlesdeuxautresparagraphesduverso:cesdeuxdonnéespourraientêtre propres au sanctuaire de Poséidon ou, au contraire, relever de la nouvelle formulation générale,quipréconiseaussidenommerlesanctuaire concerné, mais sera simplifiée par après.Suiventtroissanctuairesregroupés,quipourraientêtrephysiquementliés,oùquatre dieuxsonthonorés.Enfin,vientlesanctuairedeZeus,avecsatriadefamiliale.Ledernier paragrapheduverso,réglé,estégalementlaisséblanc:peutêtrelescribeavaitill’intention dereprendredemanièreplusanalytiquedesdonnéesdurecto,maisrenonçaàsonprojet. LapremièreconséquencedelalocalisationdetouslesdieuxetsanctuairesdeTn316 dansledistrictde Pakijana estuneréinterprétationdudocumentluimême,quigarderaitle souvenird’unliencultuelextrêmementsolideentrePylos,capitaleduroyaume,et Pakijana , sondistrict«sacré»:lorsdelacérémonieinauguraleduporowito,desprocessionsrelie raientlesdeuxsitesetapporteraientà Pakijana vasesenoret*φορ ῆνεςdestinésauxprinci palesdivinitésduroyaume,rassembléesdanscecanton,autourdeplusieurs sanctuaires. Parmicellesci,Poséidonjouitduplusgrandhonneur,puisquecedieuestleseulàrecevoir deuxfemmesenguisede*φορ ῆνες;laqualitédesvasesoffertspermetunesecondediscri mination,avecd’unepartPoséidon,Potniaet Dopota quiontdroitàuncalice,d’autrepart HermèsetTrishêrôsquibénéficientd’unecoupe,aulieudubolcommun.Lapositionde Potniapourraitpresques’expliquerparlehasard,etnereflèteraitpaslahiérarchiedupan théondePylosetde Pakijana .Toutaucontraire,lacohabitationdetouscesdieuxdansle même district de Pakijana permetderétablirdesliensévidents,enpartieoccultésparla structure un peu artificielle qu’adopte le scribe44: Poséidon est logiquement lié à Posidahéiad’uncôté,à Pere82 etIphémédéiadel’autre;Zeus,poursapart,estaussibien lié à Héra et Dirimijo qu’à Diwia et Hermès; Potnia aautant d’affinités avec le clan de Poséidonqu’avecceluideZeus,puisqu’ellepourraitêtreintimementliéeparsontitreau dieu “Époux de Dā ”,maiscompteaussiaunombredesdivinités“collectrices”, comme Héra et Hermès, divinités avec qui Potnia est d’ailleurs citée en Un219, l.78; restent Manasa ,Trishêrôset Dopota ,quenotreignorancenoussuggèredelaisserensuspens. DanslasériePYFr,lacélébrationdes Pakijania ,quinécessitelalivraison—sûre mentà Pakijana même—deplusd’uneunitéd’huileàlasauge(Fr1216),mettraitnotam mentàl’honneurPoséidon,granddieuduroyaumeengénéraletde Pakijana enparticulier; pourcetteraison,aucoursdumoisdes Pakijania ,Poséidonrecevraitspécifiquementune POSÉIDON MYCÉNIEN 93 libationdedeuxmesuresd’huile,enunlieunonprécisé,quidoitêtrelepalaisdePylos (Fr1224).Demême,leritueldu“lectisterne”organiséà Pakijana ,quijustifiel’envoidans cedistrictdequatremesuresd’huileparfumée(Fr1217),mettraitlogiquementenscènePo séidon;àl’occasiondecemême“lectisterne”,dansunlieuinconnuquidoitégalementêtre lepalais,lemêmePoséidonreçoitaussidel’huile(Fr343).Lorsdecesdeuxfêtes,unacte cultuelcélébrédansledistrictde Pakijana connaîtraitchaquefoisunerépliqueréduitedans lepalaismêmedePylos,àdestinationdudieuPoséidon:cetteduplicationfaitéchoaulien religieuxuniqueentrePyloset Pakijana qu’exprimentlesprocessionsdeTn316. PourFn187,lalocalisationduΠοσιδ άhιονà Pakijana pourraitsignifierquetousles bénéficiairesderationssetrouveraientégalementdansledistrict«sacré»:celairaitdesoi pourlesentréesΠοσιδαhίονδε(l.2), Pak ιάναν δε(l.4), up οιοΠοτν ίᾳ (l.8)etΠοσιδα hιε ῦσι (l.18),maiségalementpourle“héraut”quatrefoisnommé(l.3,5,16,21),pour Teqir iôn (l.12)etles“couturières”(l.15),ainsiquepourlesonzeautresdestinataires.EnUn219,de même,le“héraut”(l.3), Teqi iôn(l.4)etles“couturières”(l.4),commePotnia(l.7), Hé[ra](l.8)etHermès(l.8),seraienttoussituésà Pakijana:telseraitaussilecasdu* anax (l.7) et du lawagetas (l.10),desdieux Padeus (?) (l.2) et Artémis (l.5), des “balayeurs du temple”(l.5)etd’un(e)“portepeau”(l.6),etsurtoutdeHekhel(l)an(l.1). Toutledossierduscribe6concerneraitégalementlecantonde Pakijana ,etcefonc tionnairepourraitêtretoutspécialementdétachéauprèsdudistrict«sacré».Ledénommé Hekhel(l)aw(ô)n,quiverseun ἔρα [νος ](Un853),setrouveraità Pakijana ,confirmantleté moignagedeUn219.Lebanquetdonnéaveclesdifférents ἔρα [νοι ]auraitégalementlieuà Pakijana ,ainsiquelessacrificesquileprécèdent(Un6):riend’étonnant,puisquePoséidon et Pere82 seraientdeuxdieuxhonorésà Pakijana ,dontlessanctuairespourraientêtrepro ches; les titres ἱέ ρεια et κλα ιφ όροςcitésauversodelatabletteseraientrespectivement ceuxd’Éritha,«prêtressede Pakijana »,etdeKarpathia,«“porteclef”à Pakijana ».Cette mêmeKarpathiaseraitencorecitéedanslatroisièmetabletteduscribe6,oùellebénéficie d’unpaiement(Un443);lafêtedela«ceinturedes“porteurs”»(?),quiapparaîtdansle même texte, aurait bien sûr lieu à Pakijana , où se trouvent au moins les dix ou onze *φορ ῆνεςdeTn316,tandisqu’uneautrefêtedes*φορ ῆνεςauraitlieuàLousos(Ua1413). Enfin—quitteàanticiperleprochainchapitre—,ledossierduscribe24,quicon cerneles*τε ένε hασαλ(λ)α(ι)πεδαdétenusparHekhel(l)awôn,le wanax ,le lawagetas ,le damos etWroikiôn,prendraittoutnaturellementplaceà Pakijana:lesrationsdeUn219ysitue raientdéjàHekhel(l)an,le< w>anax etle lawagetas ,etl’ ἔρα [νος ]deUn853confirme raitlaprésencedeHekhel(l)aw(ô)nàcetendroit;surtout,lefaitquetouslesδοσο ίpré levésencontrepartiedel’occupationdecesterrainssoientversésàPoséidonestunindice probantenfaveurdelalocalisationdecesterresà Pakijana ,quiseraitenquelquesortela ἱερ ὰχ ώραdugranddieu. Laréflexionpeutêtreétendueauxautrescadastresetdossiersd’impositionfoncière. D’unepart,Poséidontoucheunepartsubstantielledesδοσο ίper çussurlestenuresde PY Es,quipourraientaussisetrouver àPakijana .D ’autrepart,sijamaisunimp ôtfoncier avait étélev ésurlabaseducadastreintitul éPakijania ,ilneferaitgu èrededoutequele principaloul ’uniqueb énéficiaireene ût étéPos éidon ;quantaux «esclavesdudieu »,qui jouissentdelocationsdanslecadastre Pakijania ,ilsdevraientsansdouteob éiraum ême ma îtrequel ’«esclavedePos éidon »quiappara îtdanslatablettecadastraleEq 36. UnfaisceaudevraisemblancesinvitedoncàvoirenPoséidonledieuessentieldudis trict«sacré»de Pakijana ,quedesserventlaprêtresseÉritha,la“porteclef”Karpathiaet peutêtre le prêtre Wetereus.Poséidonpossèdeégalementenpropretoutunéventail de desservantsetd’ouvriers,s’étendantdes*Ποσιδαhιῆεςauxθε hοῖοδ όhελοιouδ όhελαι,sans oublierles*φορῆνες,les ὀίδε(ρ)ταιetlesλυκτῆρες (?). POSÉIDON MYCÉNIEN 94

CHAPITRE II . Possessionsfoncières etimpositionàPylos

Introduction Àplusieursreprisesdanslechapitreprécédent,nousavonsévoquédesdocumentsd’un type particulier. Caractérisées par des listes d’appellatifs —anthroponymes ou noms de fonction—qu’accompagnentdesformulesstéréotypéesetdestermesdulexiquefoncier, cestablettesunpeurébarbativesmaisrichesd’enseignementsontdesextraitscadastraux; laplupartfurentrassembléesdanslaclasseE351 . 1.–Chaque entrée cadastrale s’achève par l’idéogramme *120 ( GRA ) suivi d’une quantitégénéralementexpriméeenfractionsT,parfoisenVet,plusrarement,enunités; cetinvariantdéfinitprécisémentlaclasseE.Faitparticulier,cesigneadmeticiunelecture différentedecellequis’imposedansuncontextederationsoud’offrandes:aulieudusito (σῖτος) «grain, céréale, blé» attendu ,lesdocumentscadastrauxenoffrentlalecturepemo (σπ έρο) ou pema (σπ έρα) «semence»352 . Cet infléchissement est de toute première importance,carl’idéogrammenedésignepointdesboisseauxdecéréalesréelles,destinéesà êtrelivrées,offertesouéchangées,maisdéterminelatailled’uneparcelleenfonctiondela quantitéthéoriquedegrainsnécessaireàsonensemencement;ensomme,cesymbolefait officed’unitédesuperficie353 . Ainsi,dansleroyaumedePylos,uncadastretrèslongetdétaillé,composédesséries préparatoiresPYEbetEo,desdocumentsdéfinitifsPYEpetEn,ainsiquedestablettes récapitulativesdePYEd,compte118parcellesettotaliseenviron102unités½desemence situées à Pakijana; le cadastre PYEa contient une centaine de parcelles pour 137 ou 138unitésdesemence;unautrecadastre,mutiléetbienplusmodeste,recenseunequin zainedeparcelles,dontl’uneestprécisémentoccupéeparunesclavedePoséidon354 ;en fin,unrecensementeffectuépar Akosotascomptedesterresd’untypeparticulier,dansun cantondonné,pouruntotalde94unitésdesemence355 .Encequiconcernelesautres Étatsmycéniens,detelscadastresourecensementssontconservésdansunétatplusou 351 L’étudederéférencepourcesdocumentsestaujourd’huicelledeM.DEL FREO , Icensimentiditerreninei testiinlineareB( BibliotecadiPasiphae ,5),Pise&Rome,2005. 352 Danscetteacception,l’idéogramme*120peutêtreligaturéavecla materlectionis etselire GRA +PE . 353 Pourl’interprétationcorrectedel’idéogramme GRA danslestextescadastraux,cf.Y.DUHOUX ,«Les mesuresmycéniennesdesurface», Kadmos ,13,1974,enpart.p.2733. 354 Cf. supra ,p.5862. 355 Pourlesdonnéeschiffréesmentionnéescidessus,cf. infra ,p.125.Touscestextessontprésentéset commentésdansM.DEL FREO , op.cit. [n.351],ch.II,p.69196. POSÉIDON MYCÉNIEN 95 moinsfragmentaire,àCnossos356 ,àTirynthe357 etpeutêtreàThèbes358 . 2.–Cesextraitscadastrauxneserventpasuniquementàconsignerdanslesarchives palatialesunétatdel’occupationdesparcellesd’undomainedonnéàunmomentdonné; ilssontégalementutiliséspourfixerl’assisedel’impôtfoncier.Seulesdeuxsériescadas trales,PYEretPYEs,sonteffectivementaccompagnéesd’unrôled’imposition.Dansles deuxcas,l’impôtestnomméδοσ ός;danslesdeuxcas,toutoupartiedeceδοσ όςest destinéaudieuPoséidon. a) L’analyse linguistique et sémantique du mot δοσ ός a livré des résultats éclai rants359 .Appartenantàlafamilleduverbe διδόναι —dontilestlecomplémentd’objet dansl’expressionδοσ ὸντ όσ(σ)ον ὁδε ῖναδώσει«Untelpaieraautantd’impôt»360 —,le substantifδοσόςs’opposeimplicitementauxtermesδῶρονet ἀπύδοσις,quipartagentavec lui la même racine * dō et le même champ lexical, mais admettent une acception singulièrementdifférente. Lesseulesattestationsdutermeδ ῶρονdansladocumentationmycéniennesecon centrentdanslagrandetablettepylienneTn316,oùleplurielδ ῶρα,complémentd’objetdu verbeφ έρει,désignesansdoutelesvasesenorportésenprocessiondepuisPylosjusqu’à diverssanctuairespériphériques361 ;l’exclusivitédecetemploi,ainsiquelavaleurremar quabledesvasesprésentésauxdivinitésdeTn316invitentàcomprendreceδ ῶρονmycé niencommeun«cadeauprestigieux»ouune«offrandedeluxe». Quantauterme ἀπύδοσις,ilcontrebalanceraittoutparticulièrementδοσ όςdansle contextedesprélèvementsfiscaux.Lesdeuxmotssontconstruitssurlabasedudegrézéro delaracine—lepremier,degenreféminin,aumoyendusuffixe* sis ,exprimantlaréali stionduprocès;lesecond,masculin,aveclesuffixe* smós ,quienprécisesimplementla réalité.Cettedifférenceaspectuelleentraîne, apriori ,uneoppositionsémantique:lepremier seraitun«paiementeffectif»ouune«fournitureparobligation»etlesecond,un«paie mentàeffectuer»ouune«obligationdefourniture».Lasyntaxeverbaleconfirmeraitcette dichotomie,puisquelemot ἀπύδοσιςestemployédansuncontextepassé(δῶκε)ouprésent (δ ίδωσι),tandisqueδοσ ός,nécessairementprospectif,estemployéaveclefutur(δώσει). Enfin, seule l’ ἀπύδοσις—impôt effectivement prélevé— pourrait être accompagnée de l’indicationd’unmanquement( o=opero, ὄφελος)parrapportàl’impositionprogammée 356 Surlestextescnossiens,cf.M.DEL FREO , op.cit. [n.351],ch.I,p.168.Plusieurstablettesdesséries KNEetFenregistrentnotammentdesparcellesdetailles diverses: cf. p.ex. la «plantation» (putarija, φυταλι ά)deplusde130unitésdesemenceenE849,l.12,ainsiquelesprobablesparcellesappartenantau λα α<γ> έτας et mesurant en tout plus de 32unités de semence en E (1) 288, l.1, E846, l.12, et E1569+7349+7843+8004,l.2.EnF (2)841+867,l.16,lesparcellessemblentmesuréesparlesidéogrammes GRA +PE ( ΣΠΕΡΜΟ , «semence») et NI (ΣΥΣΣΑΙ , «FIGUIERS »): cf. J.T.KILLEN , «Piety Begins at Home: PlaceNamesonKnossosRecordsofReligiousOfferings»,dansP.H.ILIEVSKI &LjiljianaCREPAJAC (éd.), Tractata Mycenaea. Proceedings of the Eighth International Colloquium on Mycenaean Studies, Held in Ohrid, 15–20 September1985 ,Skopje,1987,p.174177;M.DEL FREO , op.cit. ,p.4246. 357 TIEf2,l.1;Ef3,l.1.Cf.M.DEL FREO , op.cit. [n.351],ch.III,p.197202. 358 Cf.M.DEL FREO , op.cit. [n.351],ch.IV,p.203209.EnTHFt140,l.18,desterrainspourraientêtre mesurésàlafoisensemence( GRA+PE )etenolives( OLIV ),pouruntotalde88unitésdesemenceet194 unitésd’olives:cf.J.T.KILLEN ,«SomeObservationsontheNewThebesTablets»,BICS ,43,1999,p.217; contra ,M.DEL FREO , op.cit. ,p.206209. 359 Cf.enpart.Y.DUHOUX , loc.cit. [n.308],p.81108;M.LEJEUNE ,«οσ όςet ἀπύδοσις»(1975),dans MémoiresIV ,p.101113;Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.1620. 360 PYUn718,l.23. 361 PYTn316,l.2;v.,l.2,5,8.Surcetexte,cf. supra ,p.3657.Lefaitqu’auv.,l.13,leplurielδ ῶραne désigne,endéfinitive,qu’unseulvaseestsansdouteuneerreurduscribe,explicableparlarépétitioninva riabledelaformuleintroductive. POSÉIDON MYCÉNIEN 96

—ouδοσ ός.Lesattestationsdecesdeuxtermesengrecmycéniens’accommodentbien deceschémaexplicatif. Toutefois,lapauvretérelativeducontextedanslequel ces mots apparaissent, ainsi quel’existencedudérivé ἀπυδοσ ός—sansdoutesynonymed’ ἀπύδοσις—,probabledans laCrètedu XIVes.362 ,certainedansl’Arcadiedu IV es.363 ,nousavertissentdudangerquere présentetoutethéorisationabusive:ainsi,lecaractèremanifestementfoncierduδοσ ός, ses destinataires particuliers —au premier rang desquels, Poséidon— et, peutêtre, son rythmedeperceptionoriginalsontautantdetraitsquipourraientdistinguerradicalementla notion de δοσ όςetcelled’ ἀπύδοσις.Acceptonscependantqueladéfinitionbrossée du δοσόςconvientremarquablementauxdeuxdossiersd’impositionétudiésdanscechapitre. b) Le terme δοσ ός,laprésencedePoséidoncommedestinataireetl’organisation généraledesdocumentssonttroispointscommunsentreledossierduscribe24etlasérie PYEs,quigarantissentlacohérenceetl’unitéduchapitre.Àyregarderdeplusprès,cha cundecesensemblesestoriginal,parlenombre,laphysionomieetlecontenudestablettes quilecomposent: — Ledossierduscribe24estl’uniqueproductiondecefonctionnaire.Composédeseule mentquatretablettes,ilrecenseetimposepourtantleplusgranddomainepylienattesté, mesurant au moins 112hectares et partagé entre cinq tenanciers. Poséidon y apparaît comme le seul destinataire du δοσ ός, qui est fixé en produits de l’agriculture (grain, farine,vin,onguent,miel)etdel’élevage(taureau,béliers,peauxdemouton,fromages). — LasériePYEsfutrédigéeenpartieparlescribe11(cadastre),enpartieparlescribe1 (rôle);d’autrestémoignagesdel’activitédecesdeuxhommessontconservésparailleurs. Detailleassezmodeste(environ18hectares),ledomaineestrépartientretreizeperson nes: par conséquent, la taille des parcelles diffère considérablement par rapport au dossierduscribe24.LasériePYEscomptepasmoinsdequinzetablettes,dontquatorze servent à prescrire le rôle d’imposition; celuici est relativement complexe, puisque, outrePoséidon,troisdestinatairessecondairesetunanonymeprofitentégalementdela levéed’unδ όσοςuniquementlibelléenunitésdegrain. Cesdeuxensemblesserontétudiéssuccessivement,demanièrecomplémentaire364 . LerôlejouéparPoséidonaucœurdesdeuxdossiers de δοσ οί était une raison nécessaireetsuffisantepourentreprendreuneétudedesmécanismesducadastreetdel’im pôtfoncierdanslecadredelaprésenteétude.Certes,analyserjusqu’audétaillemoindre rapportnumérique,laplusinsignifiantevariationdeformulaireoulapluspetitelacunedes dixneufinscriptionsquiconstituent,ensubstance,cesdeuxdossiersd’impositionpourrait, aupremierregard,êtreassimiléàdesvétilles.Une attention plus approfondie montrera toutefois —etàplusieursreprises—quelaréalitédesinstitutionsmycéniennesserévèle uniquementaveclaprécisiondel’analyseetlerefusdevéritésdogmatiques.Lechapitrequi s’ouvreiciseradoncl’occasiondequestionneretdenuancerlesfonctionsetlesprivilèges d’entitésimportantesd’unroyaumemycénien,telsle wanax ,le lawagetas etle damos;d’étu dierlesdifférentsstatutsdesterresrecenséesdansuncadastre;demieuxdéfinirlesrap portsqu’entretiennentPoséidonetlesouverainpylienautourdelapropriétéfoncière. 362 KNNc4484[+]4488+ fr. , l.1: toso , apudoso[moa]minisoM20; Τόσ(σ)ον, ἀπυδο[σ ός· Ἀ]νισ ός, M20;«Autant,àtitred’impôt:Amnisos,20“statères”[delin]». 363 IG V,2,343,A,l.2631(Orchomèned’Arcadie, IV es.av.J.C.);l’acceptioncontemporainedel’ad jectif ἀπυδ όσ[ιος]àTégée( IG V,2,3,l.2730, c. 390av.J.C.)sembleplus«moderne».Surcesdeuxoccur rences,cf.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.359],p.111113,§911. 364 Unebonneprésentationdecestextesaétéfaitedans M.VENTRIS & J.CHADWICK , op.cit. [n.4], p.275284,456458;uneétudemagistraleenestdonnéeparPia DE FIDIO , op.cit. [n.2], passim . POSÉIDON MYCÉNIEN 97 Ledossierduscribe24 Enquantitécommeenqualité,l’activitéduscribe24estfortcomparableàcelleduscribe6, dontnousavonsprésentélestroistablettesenachevantlasectionconsacréeauxoffrandes etsanctuairesdePoséidon.Enquantitéd’abord,carseulesquatretablettesécritesparce fonctionnairenoussontparvenues—encore,l’uned’ellesn’estellequ’uneétiquetteappo séesurunpanierenosier.Enqualitéensuite,àcause des ressemblances, tant externes qu’internes,entrelesproductionsdecesdeuxhommes:lestablettesduscribe24sonten format«page»,etdeuxdecellescisontpalimpsestes365 ,commelesonttouslesdocu mentsproduitsparsoncollègue;bienplus,chaquedossierévoqueuneimportantecontri butionde Ekera 2wo ,sechiffrantdepartetd’autre—ainsiquenousl’avonsdéjàannon cé—àlamoitiédesmontantsversésàladivinité.

—NOUVEAUXVERSEMENTSÀPOSÉIDON SigrandessontlesaffinitésentrelesdeuxscribesquelacomparaisonentreUn853 (scribe6)etUn718(scribe24)s’imposeàl’esprit:l’intitulé,ledestinataire,lastructureetla récurrenced’idéogrammessontexactementsimilaires.N’étaientladifférenced’écritureetle goûtbienconnuduscribe24pourlesparticularismes phonétiques, morphologiques et syntaxiques366 ,oncroiraitavoiraffaireaumêmepersonnage: PYUn718 367 (pièced’archives7)—Scribe:main24 .1 sarapeda,posedaoni,dosomo

.2 owidetai,dosomo,toso,ekera 2wo .3 dose, GRA 4 VIN 3 BOS m1

.4 turo 2, TURO 210kowo,*1531 .5 merito, V3 .6 uacat

.7 odaa2,damo, GRA 2 VIN 2 m .8 OVIS 2 TURO 25arero, AREPA V2*1531 .9 tosode,rawaketa,dose, .10 OVIS m2mereuro, FAR T6

.11 VIN S2odaa2,worokijonejo,ka‘ma’

.12 GRAT 6VINS 1 TURO 25meri[to .13 uacat [ me]r ị tov1̣ Sarapeda ·Ποσειδ άhωνιδοσ ός. Ὀιδ έ(ρ) τα hιδοσ ὸντ όσ(σ)ον Ἑχελ(λ)άων δ ώσει· ΣΙΤΟΥ 4, FΟΙΝΟΥ 3, ΓFΟΥΣ m1,τυρ yοί —ΤΥΡ yΟΙ 10—,κ ῶος—Κ FΟΣ 1—, έλιτος V3. m Ὧ(ς) δ’ ἂρa2, δ ᾶος· ΣΙΤΟΥ 2, FΟΙΝΟΥ 2, Ο FΙΕΣ 2, ΤΥΡ yΟΙ 5, ἀλε ί<φατος> —ΑΛΕΙΦΑΤΟΣ V2—, Κ FΟΣ 1. Τόσ(σ)ονδὲλααγέταςδώσει· ΟFΙΕΣ m2,ελεύρου —ΜΕΛΕΥΡΟΥ T6—,FΟΙΝΟΥ S2. Ὧ(ς)δ’ ἂρa2, ροικιώνειονκάας· ΣΙΤΟΥ T 6, FΟΙΝΟΥS 1, ΤΥΡ yΟΙ 5, έλι[τος]—[έ]λιτος v1. «Sarapeda;impôtpourPoséidon. Aux“écorcheursdemoutons”,Hekhel(l)a wônpaieraautantd’impôt:4unitésde GRAIN ,3unitésde VIN , 1TAUREAU , fromages —10 FROMAGES —, peau de mouton —1 PEAU DE MOUTON —, 12mesuresdemiel. 365 Cf.T.G.PALAIMA , op.cit. [n.36],p.8990. 366 Surcesspécificitésduscribe24,cf. infra ,p.126. 367 Pourlalecturedelal.13,cf.E.L.BENNETT Jr, loc.cit. [n.60],p.116. POSÉIDON MYCÉNIEN 98

Parailleurs, le damos (paiera): 2 unités de GRAIN , 2 unités de VIN , 2 BÉLIERS ,5 FROMAGES ,del’on guent —8mesuresd’ ONGUENT —,1 PEAUDEMOUTON . 2 D’autrepart,le lawagetas paieraautant:2BÉLIERS ,delafarine—½unitéde FARINE —, /3d’unitéde VIN . 1 Parailleurs,leκάαςappartenantàWroikiôn(paiera):½unitéde GRAIN , /3d’unitéde VIN ,5FROMA GES ,dumiel—4mesuresdemiel.» L’intitulédudocument,trèselliptique,estsembableàceluideUn843:troismotsindi quentl’objetdelatablette(δοσ ός,cf. ἔρα[νος]),sondestinataire(Ποσειδ άhωνι,cf.Ποσει

δαhώνει)etlapersonneou,enl’occurrence,lalocalitéconcernée( Sarapeda ,cf.[ E]kera 2una ). Lepremiermotdelalignesuivante,déclinéaudatifpluriel,occupeunepositionam biguë:commeenUn853,ilpourraitpoursuivrel’entêtedelatablette,écritàchevalsur deuxlignes;d’autrepart,ilpeutpleinementapparteniràl’énoncédeladeuxièmeligne. Danslepremiercas,nousaurionsunexempledel’emploi du double datif, owidetai désignantlespersonneschargéesdecollecterl’impôtaubénéficedePoséidon368 ;dansle second,owidetaiseraitsoitundatifd’avantage—cequiimpliqueraitque Ἑχελ(λ)άων fûtsoumisàl’impôtnonpasensonnompropre,maisàcausedespersonnesainsiévo quées —, soit un complément d’objet indirect. Puisque les autres tablettes se référant à Ἑχελ(λ)άωνnefontaucunementiondecespersonnes,nouspouvonsexclurel’hypothèse dudatifd’avantage;àcausedelararetédelatournure,nousécartonségalementcelledu doubledatif.Ilestdoncprobablequeleterme owidetais’appliqueauxfonctionnaires réceptionnantleδοσ όςmentionnéauxl.25,demêmequelesautrescontributionsrecen séesdansledocument.L’analyseétymologiqueinviteàretrouverlethèmenominaldunom dumouton—ὄις—,suivid’unthèmeverbalsignifiant«lier»(*δε),«écorcher»(*δερ) oumême«voir»( ιδ)369 .Fussentils«lieurs»,«écorcheurs»ou«surveillants»d’ovins, cespersonnessansdouteliéesaucultedePoséidonjouentvisiblementunrôledanslapré parationdessacrificesetdesbanquetssacrés;peutêtresontilscomparablesaux άγειροι, «bouchers»responsablesdelacuisinesacrificielleauI er millénaire. Alorsquel’entêteouvrantUn843impliquaitunseulcontribuable,latabletteUn718 récapitule les δοσο ίversésàPoséidonparquatrepersonnesoucollectivités, qui seront énumérés dans la suite du texte à l’aide de la formule introductive ὀιδ έ(ρ) τα hι δοσ ὸν τόσ(σ)ον ὁ δε ῖνα δ ώσει—abrégéeenτόσ(σ)ον ὁ δε ῖνα δ ώσει—,desmarqueurslogiques

ὧ(ς)δ’ ἂρa2etδ έ,ainsiqued’unetentativedemiseenpage.Àlasuitede Ἑχελ (λ) άων ,déjà présentenUn843souslaforme[Ἑ]χελ(λ) αῦν,letextementionnele“peuple”(δ ᾶος),le λααγέτας et, enfin, un certain ροικιώνειονκάας.Lejeudesparticulesetl’emploidela formuleverbalestructurentletexteenrapprochantleδᾶοςdeἙχελ (λ) άων etleκάαςdu λααγέτας. Cetagencementparticuliernousinviteàéclaircirles noms et fonctions des quatre contribuablesdelatabletteavantdepoursuivreparl’examendelaqualitéetdelaquantité desproduitsdusaudieuPoséidon;nousprésenteronsdanslafouléeuneétiquetted’argile serapportantànotretexte,ainsiquelespiècesmanquantesdudossier. A.Quatrecontribuables 1.–Impressionnésparlestatutsocialélevéde Ἑχελ(λ) άωνet,surtout,parl’impor tantecontributionquecethommeverseàPoséidonenUn718—ainsiqu’enUn853,si l’onacceptel’identitédeekera 2woet[e]kẹ rạ 2una—,plusieursmycénologuesontsup 368 Pourunautreexempledecetypedeconstruction,cf. supra ,n.214. 369 Pourlesdeuxpremièrespossibilités,cf.e.a. DMic ,t.II,p.58, s.u. «owidetai»;latroisièmesuppose l’haplologieowi(wi)detai(communicationpersonnelled’Y.DUHOUX ). POSÉIDON MYCÉNIEN 99 poséque Ἑχελ(λ) άωνétaitlenompersonneldu wanax pylien370 ou,àtoutlemoins,celui dugrandprêtredePoséidon371 .Cependant,unefineanalysedesquelquestextesoùappa raîtcetanthroponymeet,enparticulier,uneexplicationmagistraledudossierduscribe24 ontpermisd’écarterlaconjecturehasardeusefaisant de Ἑχελ(λ) άωνleroidePylos372 . Quantàl’hypothèsedunomd’ungrandprêtre,ellereposeuniquementsurlefaitquece débiteurdePoséidonapparaîtquelquefoisdansdescontextes religieux; on attendrait au moinsunsyntagmedutype Ἑχελ(λ) άων ἱερε ύς—surlemodèlede Ἐρίθα ἱέ ρεια—,un titretelΠοσιδα hιε ύς,oumêmeunesimplementionduΠοσιδάhιονpourétayercetteidée. En l’état, au vu du caractère manifestement foncier des δοσο ί versés à Poséidon en Un718et,paranalogie,del’ ἔρα[νος] enregistréenUn853,ilparaîtpréférabledeconsidérer Ἑχελ(λ) άωνcommeunnotabledehautrang,propriétaireterriendépourvudefonctions strictementreligieuses,maisliéd’unemanièreoud’uneautreaudieuPoséidon. Pouvantdésignerétymologiquement“Celuiquiterrassele λαός(ennemi)”373 —ou “Celuiquitientson(propre) λαός”—,cenomconvientparticulièrementàunmembrede l’élite mycénienne; la forme originelle en serait Ἑχελ άων, syncopée en Ἑχελα ῦν, puis affectéed’unegéminationdelalabiale( Ἑχελλα ῦν, Ἑχελλ άων)—ceciexpliqueraitlesdif 374 férentesgraphiesekera 2wo,ekera,e kerijawoet[e]ḳ ẹ rạ 2una .Euégardà cetteanalyselinguistique,l’associationrécurrenteentre Ἑχελ(λ) άωνetleλα αγέτας(“me neurdu λαός”)dansnotredocumentationestd’autantplusremarquable.OutreUn718 —dontleformulaireoppose Ἑχελ(λ) άωνetleδ ᾶοςd’unepart,leλα αγ έταςetle ροι κιώνειονκάαςd’autrepart—etlediptyquecadastralrédigéparlemêmescribe24375 ,ces deuxhommessontrespectivementnommésàlapremièreetauxdeuxdernièreslignesde Un219,oùl’unetl’autrereçoiventunequantitérelativementgrandedeproduitsaroma tiques376 ;ilsapparaissentégalementcôteàcôtedanslatabletteAn724,quirecensedes rameursabsentsdelalocalitéroowa,placéssouslaresponsabilitédediverspersonnages, 370 Ainsi,cf.J.CHADWICK ,«WhoWasekera 2wo?»,dansJ.BINGEN ,G.CAMBIER &G.NACHTER GAEL (éd.), Lemondegrec.Pensée—littérature—histoire—documents.HommagesàClairePréaux (ULB.Facultéde philosophieetlettres ,52),Bruxelles,1975,p.450453. 371 Cf.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.131135. 372 Cf.e.a.M.LEJEUNE ,«Ledossier sarapeda duscribe24dePylos»(1975),dans Mémoires IV ,p.67 85,enpart.p.7173,suiviparP.CARLIER , op.cit. [n.44],p.5562. 373 Cf.A.LEUKART ,«Lessignes *76(ra 2,«rja») et *68(ro 2,«rjo») etlenomdugrandprêtredePoséidon (sinonduroi)àPylos»,dansJ.P.OLIVIER (éd.), op.cit. [n.60],p.393etn.40.Sansnousprononcercontre cettehypothèse,notonsqued’autreslecturesetétymologiessontpossibles:cf.G.E.DUNKEL ,«Mycenaean akera 2teand Ekera 2wo »,dansM.FRITZ &SusanneZEILFELDER (éd.), NovalisIndogermanica.Festschriftfür GünterNeumannzum80.Geburtstag (GrazervergleichendeArbeiten ,17),Graz,2002,p.92,§6; T.G.PALAIMA , «Specialvs.NormalMycenaean.Hand24andWritingintheServiceoftheKing?», Minos ,n.s.,3334,1998 1999,p.216,n.43. 374 A.LEUKART ,loc.cit. [n.373],p.387405.EnPYUn219,laprésencedesdeuxerreursteqijone etnakatenousinviteàcorrigerekeraneenekerane,plutôtquedetranscrirecedatif *Ἑχελ(λ) άνει( ibid. ,p.394395):encecas,l’onattendrait*ekeraune,quoiquel’absencedenotationdela semivoyelle[w]endiphtonguenesoitpasabsolumentexclue(cf.égalementT.G.PALAIMA , loc.cit. [n.373], p.215216).Parailleurs,poursuivantl’étymologieproposéeparA.Leukart,G.E.DUNKEL ( loc.cit. [n.373], p.8593,enpart.p.92,§8)préfèreconsidérerlesnotationsra 2etrijacommedeshypercorrectionsgra phiquespourra,nenotantaucunegéminationeffectivedelalabiale. 375 PYEr312,l.3;880,l.1.Cf. infra ,p.106107. 376 Cf. supra ,p.6870.Parailleurs,enPYQa1292, Ἑχελ(λ) άωνreçoitdeuxunitésde*189,produitégale mentnoté KE ,dontleλα αγ έταςsevoitattribuer1unitéenUn219,l.11(cf. supra ,n.275).Lespossibilités d’interprétationdecetidéogramme*189doiventsansdoutetenircomptedunouveaufragmentUn1482:cf. J.L.MELENA , loc.cit. [n.286],p.380384;J.T.KILLEN ,«ANoteonPylosTabletUn1482», Minos ,n.s.,35 36,20002001,p.385389. POSÉIDON MYCÉNIEN 100 dont Ἑχελ(λ) άωνetleλα αγ έτας377 .Cesrelationsentrelesdeuxhommespermettentde présumerqu’ilsoccupaientdesfonctionsd’égaleimportance,sansdoutedanslesdomaines civiletmilitaire. 2.–Déterminerlanaturepréciseduδᾶοςmycénienestunproblèmecomplexe,qui sortducadredenotreétude.Danslaligned’uneanalyse trifonctionnelle, d’aucuns ont vouluopposersystématiquementle*λα όςauδ ᾶος,demêmequeleursresponsablesres pectifs,leλα αγ έταςauδαοκ όρος,afinderetrouverderrièrele«peupleenarmes»d’une part,le«peupleauxchamps»d’autrepart,lestracesdesdeuxièmeettroisièmefonctions duméziliennes378 .Ceschémapartropthéorisévoitnaturellementdansle άναξlereprésen tantdelapremièrefonction,celledelasouverainetépolitiqueetreligieuse.Malheureuse ment,l’étatdenotredocumentationrenddélicatetouteextrapolationexcessive.Oseraiton reconnaître une différence ontologique entre les anthroponymes Ἑχελ(λ) άων, Ἀγέ uel Ἀρχ έλα ος(akerawo)et Ἑχέδαος(ekedamo)? Étantdonnél’absencedetoutementiond’un*rawodanslestablettesmycéniennes, seulunexamensans apriori desoccurrencesdedamopermetdedégagerquelquestraits relativementsûrs379 .Leδ ᾶοςestunecollectivitélocale,quisemblesurtoutsedéfinirparle statut de propriété; ainsi, cette entité possède en indivision une terre communale, des esclavesetdesanimaux.Decetteterrepartagée,certainesparcelles(kotona,κτο ῖναι)peu ventêtreconcédéesen“usufruit”àdesparticuliers—dèslorsappeléskotoneta(κτοι νέται)—, au titre de onato paro damo ( ὀνατ ὸν παρ ὸ δ άῳ «location provenant du damos »)380 .Entantquepersonnejuridique,le damos seraitreprésentéparles«titulairesde parcelles»(kotonooko,κτοινο hόχοι),notammentencasdelitigesurlestatutdeterrains dépendantdu damos 381 .Quantaudamokoro(δαοκόρος),nousignoronslateneurdeses fonctions;toutauplussavonsnousqu’iljoueunrôleauniveaudelaprovince—nondu royaume—etquele άναξintervientdanssanomination,sinonprésidesesfunérailles382 .

377 PYAn724,l.5,7;surcedocument,cf.M.DEL FREO ,«LatabletteAn724dePylos», Minos ,n.s., 3738,20022003,p.143171.Parailleurs, Ἑχελ(λ) άωνapparaîtaussidansuneautrelistederesponsablesde rameurs(An610,l.13),oùilcôtoieuncertain Wedan εύς—lequeljoueunrôleimportantdanslesecond dossierdeδοσο ίdusàPoséidon(cf. infra ,p.140141). 378 Pourunaperçudecetypedelecture,cf. DMic ,t.I,p.155155, s.u. «damo »et«damokoro »;t.II, p.230231, s.u. «rawaketa ».OnyopposeralacritiquetoujourspertinenteformuléeparH.VAN EFFENTER RE ,«Un lawagétas oublié»,dans Attiememoriedel1 oCongressoInternazionaledimicenologia.Roma27settembre–3 ottobre1967 ( IncunabulaGraeca ,25),Rome,1968,t.II,p.588593,ainsique«Laos,laoietlawagetas», Kadmos , 16,1977,p.3655;cf.égalementW.F.WYATT ,«HomericandMycenaeanλαός»,Minos ,n.s.,2930,1994 1995,p.159170;ÉvelyneSCHEID TISSINIER ,«Laosetdèmos,lepeupledel’épopée», AC ,71,2002,p.1 26.Plusfantaisisteencorenousparaîtl’hypothèsedéfendueparStavroulaNIKOLOUDIS («TheRoleofthe rawaketa .InsightsfromPYUn718»,dansAnnaSACCONIetal. [éd.], op.cit. [n.131],t.II[ Pasiphae ,2,2008], p.587594),laquellecroitpouvoirinférerdelastructuredeUn718queHekhel(l)awônseraitleresponsable duδᾶοςetleλα αγ έταςceluiduκάας—quiseconfondraitavecleλα ός,àsavoirleshommesdebasse condition—,detellesortequelatablettereflèteraituneoppositionentrelesnantisetlespetitesgens;pour uneexplication plusrationnelleet,ànotresens,bienplussatisfaisantedelastructuredecedocument,cf. infra ,p.103105. 379 Cf.M.LEJEUNE ,«Le damos danslasociétémycénienne»(1965),dans MémoiresIII ,p.135154;Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.145161. 380 Surl’ ὀνατ όν,cf.aussiY.DUHOUX , op.cit. [n.25],p.4146,§1012. 381 Cf.lecélèbreconflitquiopposelaprêtresse Ἐρίθαauxκτοινο hόχοιouauδᾶος,selonlestermesdu doubletPYEb297,l.13etEp704,l.56. 382 Cf.PYTa111,inventaireréaliséotewanakatekeaukewadamokoro(ὅτε άναξθ ῆκεΑ ὐγήαν δαοκόρον).Enfonctiondusensreconnuauverbeτιθ ήι,lesexégètesoptentpourl’uneoul’autreinterpré tation:cf.DMic ,t.II,p.326, s.u. «teke ». POSÉIDON MYCÉNIEN 101

3.–Onacoutumedeconsidérerleλα αγ έταςcommelesecondpersonnageenim portancedanslesroyautésmycéniennes,venantjusteaprèsle άναξluimême;conformé mentàl’étymologiedesontitre,le lawagetas seraitlelieutenantdu wanax investiducom mandementdesforcesarmées383 .Pourtant,cefonctionnairen’estquerarementmentionné enpersonnedanslestextesmycéniens:exceptéles quatre textes où le lawagetas apparaît conjointementà Ἑχελ(λ) άων384 ,l’uniqueattestationpossibledecetitresetrouveraitdans unetablettefragmentairecenséeenregistrerunelivraisondevêtements385 .Commedansle casdu άναξ,cetitresurvitauI er millénaire,souslaformeλᾱγέτας386 . Lapositionéminentedu lawagetas àl’époquemycénienneestlargementinduitedufait quecethommeest,commele wanax ,dotéd’unτέενοςenEr312387 ,del’existence,àPylos et Cnossos, de personnes désignées comme λα αγ έσιοι388 —comparables aux αν άκτε ροι389 ,quidépendentdirectementdu wanax—,ainsiquedel’attestationd’unekonosija rawakeja(κν ώσιαλα αγε<σ> ία,«maisoncnosiennedu lawagetas »)390 .Commenous leverronstoutàl’heure,ilestrisquédetirerargument de l’ hapaxlegomenon τ έενος,qui pourraitêtrepropreauscribe24,etdontl’occupantn’échappepas deiure àl’impôtfoncier. Quant aux hommes dépendant du lawagetas , s’ils attestent indirectement l’existence d’un lawagetas enCrèteetprouventlecaractèrepanmycéniendecettefonction,ilsnedémontrent pasquele lawagetas estunofficierderangimmédiatementinférieurauroi:dansledomaine économique,denombreux“collecteurs”contrôlentégalementplusieurs“dépendants”391 , sansqu’ilssoientpourautantconsidéréscommedesofficiersdepremierrang;demême,la λα αγε<σ> ία cnossienne ne paraît pas fondamentalement différente des qasirewija (γασιλη ίαι,«maisonsdebasileus») recensées notamment dans la même tablette392 , alors quelesγασιλ ῆεςmycénienssontclairementdesfonctionnairessubalternesd’importance locale393 . Àl’instardu wanax —indûmentassimiléàἙχελ(λ) άων—,certainssavantsontpro posé, sur la base d’un rapprochement gratuit entre deux catalogues de rameurs, que le lawagetas dePylosaitnom Wedanεύς394 .Cetteconjecturepermettraitd’étofferàpeudefrais 383 Cf.p.ex.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.137145;P.CARLIER , op.cit. [n.44],p.102107; DMic ,t.II, p.230231, s.u. «rawaketa ». 384 PYAn724,l.7;Un219,l.10;Un718,l.9.NousajoutonsàcesmentionslatabletteEr312,l.1,qu’il convientd’examinerenregarddeEr880:cesdeuxdocumentsformentunseultextecohérent. 385 PYMb1406,l.1:[rawa(?)]keta,eke[*146]([λα α]γ έτας (?)ἕχει[ FΕhΑΝΟΣ(ΟΙ )], «[le lawa ]getas (?)a[tot VÊTEMEΝΤ (S)]»);demême,letexteMb1402,l.1,pourraitêtrerestituécomme suit:[wana]kate*1465;[ανά]κτει· FΕhΑΝΟΙ 5;«[pourlewana ]x:5VÊTEMENTS ».Cependant, latabletteMb1406doitpeutêtreêtrereclasséeenEa,desortequecedocumentrelateraitplutôtuneposses sionfoncièredu[ lawa ]getas:cf.M.DEL FREO ,«PropostadiriclassificazionedelletavolettePYMb1406ePY Xa1438», RAL ,s.9,13,2002,p.171176. 386 Sur ce terme rare et poétique, cf. E.SUÁREZ DE LA TORRE , «Observaciones acerca del λαγετ άς pindárico», CFC ,13,1977,p.269280. 387 Le lawagetas cnossienpourraitégalementdisposerdeplusieursparcellesdeterres:cf. supra ,n.356. 388 Cf.e.a.P.CARLIER , op.cit. [n.44],p.103106. 389 Ibid. ,p.6372. 390 KNAs (2) 1516,l.211;cf.aussiKNX<1027>,l.1b. 391 Cf. supra ,n.160. 392 KNAs (2) 1516,l.1219,2025;cf.aussiKNK(1) 875,l.16;PYFn50,l.13;867,l.3;Pa398,l.1; 889[+]1002,l.1. 393 Cf.e.a.P.CARLIER , op.cit. [n.44],p.108116;H.LEJDEGÅRD ,«TheFunctionandSocialPositionof theMycenaean qasireu», Minos ,n.s.,3132,19961997,p.371378. 394 Cf.p.ex. MargaretaLINDGREN , ThePeopleofPylos.ProsopographicalandMethodologicalStudiesinthePylos Archives ,Uppsala,1973,t.II,p.134136et150155;cf.aussi DMic ,t.II,p.415, s.u. «wedanewo ».Lestextes POSÉIDON MYCÉNIEN 102 lapauvredocumentationrelativeau lawagetas ,enyadjoignantlestémoignagesconcernantle notableimportantqu’estvisiblement Wedanεύς395 .Toutefois,l’exempledelafausseiden titédu wanax et Ἑχελ(λ) άων,ainsiquel’absencedetoutepreuveévidente,nousobligentà lacirconspection:ilparaîtplusvraisemblabledeconsidérerquelestitresetnomswanax , la wagetas ,Hekhel(l)awônet Wedan eusdésignentquatrepersonnesdistinctesdanslesarchives palatiales. Endéfinitive,laseulecertitudeissuedeladocumentationmycénienneestl’unicitédu lawagetas au sein d’un royaume mycénien —en cela, ce titre est comparable à celui de wanax .Lestablettesindiquentégalementquele lawagetas estcertainementunhautdignitaire del’administrationpalatiale,sansdémontrerqu’ilyoccupenécessairementlesecondrang: d’autrespersonnages,quelesscribesdésignentparleurnompropre—tels Ἑχελ(λ) άωνet Wedanεύς—jouentégalementunrôleimportantausommetdel’étatmycénien;toutefois, lesarchivesnepermettentpasdepréciserquellesfonctionsprécisesreviennentauxunset auxautres.Dèslors,plutôtqued’établirunestrictehiérarchieentreeux,ilsemblepréféra bled’affirmerquetousappartiennentàl’élitedel’Étatetinterviennent,àdesdegrésdivers, danslagestiondesaffairespubliques. 4.–LequatrièmedébiteurdePoséidonestdésignédemanièresingulière.Defait,le kama(κ άας)estuntypeparticulierdeterre,exploitéeparunkamaeu(καα hεύς)396 . Contrairement aux κτο ῖναιordinaires,leκάαςimpliqueuneobligationspécifique: lesκαα hῆεςsonttenusdedonneràleursterresunecertainefaçon(wozee,όρζε hεν), sansdouteafind’amenderlesol;cettenécessitéestégalementdécriteparlesverbestere jae (τελε ίαhεν, «accomplir sa charge») et *terapikee (*θεραπ ίσκε hεν «effectuer un service»).Lescadastresmycénienstendentaussiàmontrerquelasuperficied’unκάαςest plusgrandequecelled’uneκτο ίναrégulière.Cesdeuxélémentsindiquentquelestatutde κάαςestliéàlaqualitéduterrain,qu’ilimpliquedescontraintesspécifiques,probablement contrebalancéespardesavantagespropresauκαα hεύς—peutêtres’agitild’unbailem phytéotique,ausensétymologiqueduterme( ἐφύτευσις )—;lesrenseignementsconsignés surlestablettescadastralesnepermettentpasdavantagedeprécision397 . L’épithèteworokijonejoposedavantagedeproblèmesd’interprétation398 .Mor phologiquement, ce mot se décompose en un thème nominal en *ων, suivi du suffixe dérivatif* eyo,lequelpeutformersoitunadjectifdematière,soitunadjectifpossessif399 . Enfonctiondutyped’adjectifetduthèmenominal,plusieurshypothèsesplusoumoins vraisemblablesfurentproposées.Surlabasedelaracine * wrēg/wrōg «roseau», le terme ρωγι όνειος pourrait, par exemple, être un adjectif de matière signifiant «garni de ro seaux»400 .Cependant,danslecontextedeUn718,onattendraitplutôtquececomplément déterminatifdésignâtunepersonnephysique,susceptibledepayerunδοσ όςàPoséidon:

alléguéssontPYAn610,l.14,et724,l.7;leseulpointcommuninvoquépourjustifierl’indentificationde Wedan eusau lawagetas estlaprésencede Ἑχελ(λ) άωνdepartetd’autre,respectivementauxl.13et5. 395 Surcepersonnage,cf. infra ,p.140141. 396 Cf. DMic ,t.I,p.309311, s.u. «kama »et«kamaeu». 397 Pourcetteétudeduκάας, cf. Y. DUHOUX , op.cit. [n.25],p.2740,§79,ainsiquePia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.162170. 398 Cf. DMic ,t.II,p.446447, s.u. «worokijonejo ». 399 Cf.e.a.J.T.KILLEN , loc.cit. [n.42],p.6699. 400 Cf. Y.DUHOUX , op.cit. [n.25],p.28,n.66;parailleurs,lemycénologue belgetranslittèreleterme eremo,caractériséparcettemêmeépithèteenEr312,l.7(cf. infra ,p.107),enἕλεον«terrainhumide». Pouruneautreinterprétation,commelieu«crevassé»,cf.A.HEUBECK ,«Myk. worokijonejokama », ŽA , 15,19651966,p.267270. POSÉIDON MYCÉNIEN 103 pourcetteraison,ilestsansdoutepréférabled’yvoirunadjectifpossessif,désignantleκα α hεύςtitulaireduterrainenquestion.Danscetteoptique,plusieurssavantsontsongéau nomd’uneassociationreligieuse,àrapprocherdesὀργε ῶνεςd’époqueclassique401 ;dela sorte,lacongrégationreligieusedes *ρογιῶνες feraitéchoàlacollectivitécivileduδᾶος. Cettehypothèse,pourséduisantequ’ellesoit,netrouvepasdeparallèlesclairsdanslado cumentationmycénienne;deplus,ellesupposeunemétathèse*ρο>*ορ,ainsiqu’un changementdetimbredelavoyelleenhiatus,dansl’évolutionultérieuredumot.Enconsé quence,surlemodèledesnombreuxadjectifsen*eyo dérivésd’anthroponymes—notam mentutilisésdansladénominationdespersonnesdépendantde“collecteurs”402 —etpuis quelesautresκαα hῆεςconnussonttousdesimplesparticuliers,etnondesgroupements civilsoucultuels,l’adjectifworokijonejoadeplusforteschancesd’êtredérivédunom propre Fροικίων403 —comparableàl’anthroponymecnossien*woroko(Fροικός),connu auI er millénairesouslaformeῬοικός.Onliradoncροικι ώνειονκ άας,encomprenantque laterreviséeestexploitéeparleκαα hεύς Fροικίων. Lefaitqu’uncontribuabledeUn718soitspécifiquementdéfiniparuneterminologie relativeauxbiensfondsconfirme,d’unepart,quelesδοσο ίdusàPoséidonsontunimpôt foncieret,d’autrepart,quele damos mentionnéauxl.78peuteffectivementsedéfinirpar untypeparticulierdepossessionoud’occupationdusol.Parextension,nouspouvonspré sumerquelaprésencedeHekhel(l)awônetdu lawagetas danscedocumentsejustifieégale mentparlestatutdesterrainsqu’ilsoccupent. B.Aperçuqualitatifetquantitatifdel’impôtfoncier Voiciuneprésentationsynthétiquedesdenréesquedoiventfournirlesquatreassu jettisauxδοσο ίdePoséidonpourlelieudit Sarapeda:

Sarapeda ·Ποσειδ άhωνιδοσ ός Ἑχελ (λ) άων ᾶος Λααγέτας Fροικίων GRA ( ΣΙΤΟΣ ,«GRAIN ») 4 2 — T6(= ½) FAR ( ΜΕΛΕΥΡΟΝ ,«FARINE ») — — T6(= ½) —

VIN ( FΟΙΝΟΣ ,«VIN ») 3 2 S2(= 2/3) S1(= 1/3) BOS m( ΓFΟΥΣ m,«TAUREAU ») 1 — — — OVIS m( ΟFΙΣ m,«BÉLIER ») — 2 2 —

TURO 2( ΤΥΡ yΟΣ ,«FROMAGE ») 10 5 — 5 *153( Κ FΟΣ ,«PEAU ») 1 1 — — AREPA ( ΑΛΕΙΦΑΡ ,«ONGUENT ») — V2 — — meri( έλι,«miel») V3 — — V1 Àlarigueur,l’onpourraitconsidérerquecesversementssontdestinésàunsacrifice(θυσία) pourledieuPoséidon,enremarquantquel’ordred’énumérationattesteraitd’uneremar quablepermanencerituelleentreleII eetleI er millénaire:aprèsuneoffrandepréliminaire degrain( ἀπαρχή)etunelibationdevin(σπονδ ή)vientlesacrificeanimalproprementdit (σφαγή),luimêmesuivid’offrandesnonsanglanteset,enfin,del’emploid’unepeauàdes finspurificatoires404 .Toutefois,cettebelleintuitionestinfirméeparledoubleconstatque chaquecontribuableneversepastouslesingrédientsnécessairesàlatenued’unsacrificeet queletributdu lawagetas ,enparticulier,suitunordrepurementaléatoire.Deplus,l’analyse 401 Cf.p.ex.lesauteurscitésetlacritiquedéveloppéeparMoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30], p.250251, s.u. «(?) worokijonejo ». 402 Cf. supra ,p.6364. 403 Cf.J.T.KILLEN , loc.cit. [n.42],p.8384. 404 Cf.W.BURKERT , op.cit. [n.302],p.4546. POSÉIDON MYCÉNIEN 104 dedocumentssimilaireslaissedavantagepenserqu’àl’instardeUn6etUn853,lesdenrées énuméréesdanscettetablettesontdestinéesàl’organisationd’unbanquetcultuel405 . QuoiquetouslesdébiteursdeUn718nesoient pas tenus de verser une certaine quantitédechaquedenrée,ilestpossibledepondérer,aumoinsapproximativement,l’in tervention de chacun dans le versement global. Indépendamment l’un de l’autre, deux savantss’ysontessayé,enobtenantdesrésultatstrèssimilaires406 :

Ἑχελ (λ) άων ᾶος Λααγέτας Fροικίων M.LEJEUNE : –total 50% 33% 11% 6% –grain –54,4% –27,2% –10,2% –8,2% Pia DE FIDIO : –vin –50% –33,3% –11,1% –5,6% –bétail –50% –25% –16,7% –8,3% Àdesfinscomparatives,ilestnécessairedereporterlesdifférentesdenréesdansunemême unité.Ainsi,laquantitédefarinedefroment—έλευρον,paroppositionà ἄλφιτα«farine d’orge»—quedoitprocurerle lawagetas pourraitêtreconvertieencéréalesnonmoulues, selonunratiovariantde1:1,2à1:2sil’ons’appuie sur la transformation mécanique de grainenfarine407 ,ouselonunratio1:3sil’onsefondesurdeséquivalencesinféréesdes textes408 ;delasorte,lesrapportsentreversementscéréalierspourraientêtrelessuivants:

Ratio Ἑχελ (λ) άων ᾶος Λααγέτας Fροικίων –ΣΙΤΟΣ , 1:1,2 56,3% 28,2% 8,5% 7,0% «GRAIN » 1:2 53,3% 26,7% 13,3% 6,7% –ΜΕΛΕΥΡΟΝ , «FARINE » 1:3 50% 25% 18,7% 6,2% Lalivraisondevin,àlaquelletoussontsoumis,confirmecetordredegrandeur:

Ἑχελ (λ) άων ᾶος Λααγέτας Fροικίων FΟΙΝΟΣ ,«VIN » 50% 33,3% 11,1% 5,6% Lacomparaisonn’estguèreaiséepourlesautresproduitsdel’élevageetdel’agriculture,eu égardàladifférencedetraitemententrelescontribuables:

Ἑχελ (λ) άων ᾶος Λααγέτας Fροικίων ΤΥΡ yΟΣ ,«FROMAGE » 50% 25% 0% 25% Κ FΟΣ ,«PEAU » 50% 50% 0% 0% –ΑΛΕΙΦΑΡ ,«ONGUENT » 50% 33,3% 0% 16,7% –έλι,«miel» 405 Cf.J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.165166;LisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3],p.7273. 406 Cf.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.372],p.7576;Pia DE FIDIO ,op.cit. [n.2],p.8489. 407 Pourlesdifférentsratiosentrelescéréalesbrutesetlafarine,cf.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.372],p.75; Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.8586.Surlesproblèmesquepourraitposerl’identificationdesidéogrammes *120,*121et*129,cf.e.a.J.T.KILLEN ,«Wheat,Barley,Flour,OlivesandFigsonLinearBTablets»,dans P.HALSTEAD & J.C.BARRETT (éd.), Food,CuisineandSocietyinPrehistoricGreece ( SSAA , 5), Oxford, 2004, p.155173,enpart.p.163169;RuthPALMER ,«WheatandBarleyinMycenaeanSociety.15YearsLater», dansAnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit. [n.131],t.II( Pasiphae ,2,2008),p.621639. 408 L’exerciceestpérilleuxetsefondesurl’ apriori selonlequeldifférentsproduitsmentionnésenquanti tésdiverses,maisproportionnellementconstantes,dansunemêmetabletteousériedetablettespourraient avoirlamêmevaleur:cf.e.a.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2], p.102114. Selon cette méthode, on obtient, à volumeégal,leséquivalencessuivantes: GRA 1=NI 1=HORD 2et HORD Z24 =NI Z12 =FAR Z41 =VIN Z4=OLEZ 2=ME +RI Z1,desorteque HORD 6=NI 3=GRA 3=FAR 1=VIN 4=OLE 2=ME +RI 1. POSÉIDON MYCÉNIEN 105

Untraitconstantressortnéanmoins,pourpeuquel’onregroupemieletonguent dansuneseulecatégorie409 :Hekhel(l)awôndoitchaquefoisverserlamoitiédescontribu tionsdevin,fromage,peauxetsirupeux.Envertudeceschéma,ilfaudrait,d’unepart, postulerunrapport1:3entrelafarineetlegrainpourquelacontributionengraindeHe khel(l)awônatteignelesmêmesproportionsquepour les autres denrées et, d’autre part, fixeràquatremoutonsleprixd’unbœuf,desortequel’impôtpayéentêtesdebétailobéis seàlamêmeclefderépartition410 :

Ἑχελ (λ) άων ᾶος Λααγέτας Fροικίων –Γ FΟΥΣ m,«TAUREAU » 50% 25% 25% 0% –ΟFΙΣ m,«BÉLIER » Toujours en posant l’hypothèse d’un ratio 1:3 entre farine et grain, l’on observe égalementquelacontributiondu damos estcomparableàcellesdu lawagetasetdeWroikiôn prisesconjointement:elleestdeuxfoissupérieuredanslecasduvinetdessirupeux;équi valentepourcequiconcernelescéréales,lefromageetlebétail;parailleurs,le damos est tenudefournirunepeaudemouton,commeHekel(l)awôn,contrairementau lawagetas età Wroikiôn411 . Quantauxversementsdecesdeuxderniers,ilssemblentrépartisaucasparcas.Pour levinetlescéréales,lesrapportsentreWroikiônetle lawagetas s’établissentdusimpleau double,voireautriple—dansl’éventualitéd’unratio1:3entre FAR et GRA .Parailleurs,le lawagetas estdispensédeverserfromagesetsirupeux,tandisqueWroikiônnedoitpasdon nerdebétail:danscestroiscatégories,l’autrepartenaireverselatotalitédelacontribution. Enfin,commenousl’avonssignalé,cesdeuxpersonnagessontexemptésdefournirune peaudemouton. Enrésumé,ilsemblequ’ilfailleretenirunratio 1:3 entre les idéogrammes FAR et GRA ,unrapport1:4entre BOS met OVIS m,ainsiqu’uneparitéentre AREPA etmeri;toutes lesautresproportionsentredenréesdifférentesrestentpurementconjecturales,enl’absen cedetablesd’équivalenceclaires412 .Danscetteperspective,nousconstatonsqueHekhe l(l)awônverseexactementlamoitiédel’impôttotal;l’impôtdu damos sechiffreà50%du totaldespeaux,33,3%desvinetsirupeuxet25%descéréales,dufromageetdesbes tiaux;àl’inverse,lacontributiondu lawagetas etdeWroikiônenvinetsirupeux(16,7%)est proportionnellementmoinsélevéequeleurversementdegrain,fromageetbétail(25%).

409 Lesdeuxproduitspouvaientavoirunconditionnementsemblableetunevaleursimilaire.Parailleurs, ilssonttousdeuxmentionnésàPylosdanslecontextedebanquetscultuels:cf.LisaMariaBENDALL , op.cit. [n.3],p.138139et150152. 410 Cf.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.8687;dansuneautreétude,cetauteuranéanmoinsprivilégiél’exis tence,àl’époquemycénienne,durapportsolonienentreunbœufetcinqmoutons:cf.EAD .,«Fiscalità,re distribuzione,equivalenze:perunadiscussionesull’economiamicenea», SMEA ,23,1982,p.123124.Une autreéquivalenceattribuéeàSolon(πρ όβατον=έδινος)peutsuggérerque OVIS 1= GRA 1;delasorte, avecnosconversions BOS 1=OVIS 4et FAR 1=GRA 3,lavaleurdubétailserait—parhasard?—identique àcelledescéréales;parcontre,affirmerquelesproduitsdel’agriculture(céréalesetvin,sanscompterlessi rupeux)auraientexactementlamêmevaleurquelesproduitsdel’élevage(bétailetfromages,sanslespeaux) relèvedelapétitiondeprincipeincohérenteetindémontrable(pourtant,cf.EAD ., op.cit ,p.123125). 411 Pourunepartiedeceséquivalences,cf. ibid. ,p.87. 412 Enappliquantlerapport GRA 3=VIN 4=meri1(cf. supra ,n.408),nousobtenonslesrésultatspon déréssuivants,pourcequiconcernelescéréales,levinetlessirupeux:Hekhel(l)awônpaie50%duδοσός, le damos 28,4%,le lawagetas 14,8%etWroikiôn6,8%.Àcesstatistiqueshypothétiques,ilfautbiensûrajouter lescontributionsenproduitsdel’élevage(bétail,peaux,fromages). POSÉIDON MYCÉNIEN 106 C.Documentscomplémentaires Danslamêmepièced’archivesqueUn718futdécouverteuneétiquettedepanier, portantauversolesempreintesdel’osiersurlequelétaitcollécedocument.Tantlamain scribalequelecontenusuccinctdecetexteattestentsesliensavecledossierde Sarapeda : PYWa731 (pièced’archives7)—Scribe:main24 .A dosọ mọ .B ]owideta[ οσ ός·[] ὀιδ έ(ρ)τα[hι]. «Impôt:[][pour]les“écorcheursdemoutons”[].» Dansleslacunesdecedocument,l’onpourraitéventuellementrestaurerletermeSarapeda , ainsique lethéonymeΠοσειδ άhωνι,pourretrouverunintitulésemblableàUn718. LepaniermarquéparWa731étaitsansdoutedestinéàrecevoir,outreUn718,les piècesattestantlepaiementdel’impôt.Defait,l’emploidufutur δώσει en Un718, l.3 et 9, montrelecaractèreprospectifdecedocument:lorsquel’impôtprescritauraeffectivement étéperçuparlesὀιδ έ(ρ)ται,ceuxcidevrontrédigerdesreçusmentionnantlenomducon tribuable,lemontantrégléet,lecaséchéant,lesarriérés—introduitsparlesyllabogramme o,pour ὄ(φελος)«manque».Lesquatrequittancesauraientensuiteétéverséesaudossierdu δοσ όςde Sarapeda ,enétantplacéesdanslepanier adhoc .Cesdocumentsjustificatifsnous fontdéfaut,soitqu’ilsaientétéperdus,soitqu’ilsn’aientjamaisétérédigés—dansl’hypo thèseoùlepalaisdePylosetsespiècesd’archivesauraientétédétruitsentrelemomentoù l’impôtfutordonnéetceluioùilauraitdûêtrelevé.

—LECADASTRED ’UNETERRESACRÉE ? Lasecondepièced’archivesdePylosalivrédeuxdocumentsquicomplètentadmira blementnotreinformationsurlaperceptionduδοσόςdestinéàPoséidon.Cestablettes formentunextraitcadastraldétailléquiprouve,sibesoinenétait,queUn718constituebel etbienlerôled’unimpôtfoncierpourlalocalitéde Sarapeda 413 : PYEr880 (pièced’archives8)414 —Scribe:main24

.1 e]kera 2[woki ]timeno,eke

.2 sarapedo[ i(?)pe ]pu 2temeno .3 toso[ ]GRA 30[ ] uacat GRA .4 tosode ,[ akiti]to,pema └42[ .5 tosa,weje[ we OLIV (?) ]1100[ .6 tosade,suzạ [̣ NI (?) ]1 0̣ 0̣ ̣̣0[̣ .7 uacat .8 kusutoroqa,tosọ ,pema94̣ .910 uacant [Ἑ]χελ(λ) ά[ων κ]τ ίενον ἕχει, saraped οι[ hι(?)] ( uel saraped ον), [φε]φυτη ένον. Τ όσ(σ)ον [κτ ίενον (?)]· ΣΠΕΡΜΑ 30[–]. Τόσ(σ)ονδ ὲ[ ἄκτι]τονσπ έρα· ΣΠΕΡΜΑ 42[–]. Τόσ(σ)αι ει ῆ[ες]·[ FΕΙΗFΕΣ (?)][ –]1100[–].Τ όσ(σ)αιδ ὲσ ῦσσαι·[ ΣΥΣΣΑΙ (?) ][–]1000[–]. Ξυντροκ ά,τ όσ(σ)ονσπ έρα·94.

413 Surcedossier,cf.enpart.M.DEL FREO , op.cit. [n.351],p.152166. 414 Pourleslecturesamélioréesdesdonnéeschiffréesauxl.4et6,cf. ibid. ,p.157,n.452. POSÉIDON MYCÉNIEN 107

«[He]khel(l)a[wôn] occupe un (terrain) cultivé, à Sarapeda ( ou de type saraped ος), planté d’arbres. Autant,[de(terrain)cultivé (?)]:30[+w]unitésde SEMENCE 415 . Etautantde[(terrain)nonculti]vé,ensemence:42[+x]unitésde SEMENCE 415 . Autantdevi[gnes]:1100[+y][ VIGNES (?)].Etautantdefiguiers:1000[+z][FIGUIERS (?)]. Entout,autant,ensemence:94.» Les lacunes de ce document laissent transparaître le nom de [ Ἑ]χελ(λ) ά[ων], lequel est concernéaupremierchefparleδοσ όςdeUn718,ainsiqueceluidelalocalité Sarapeda: ceciconfirmequelatabletteEr880estliéeauxdeuxtextesquenousvenonsdeprésenter. Parailleurs,troistermesdécrivantunstatutfoncierprolongentlamentiondeκ άας enUn718etrévèlentquel’impôtàpayeràPoséidons’appuiesuruncadastreprécis:le participeprésent[κ]τίενον(l.1,[3 (?)])appellel’adjectifverbal[ἄκτι]τον(l.4),tandisquele participeparfait[φε]φυτηένονfaitsansdouteréférenceàlaqualitéduterrain[κ]τ ίενον. LecadastredeHekhel(l)awônestcomplétéparunseconddocument,heureusement moinsmutilé,oùapparaissentclairementdeuxautresdesquatreprotagonistesdeUn718. Ilconstituelequatrièmeetderniertexteduscribe24: PYEr312 (pièced’archives8)416 —Scribe:main24 .1 wanakatero,temeno[ .2 tosojopema GRA 30 .3 rawakesijo,temeno GRA 10 .4 uacat .5 teretao[]tọ ṣ ọ p̣ ẹ mạ GRA 30 .6 tosode,tereta VIR 3 .7 worokijonejo,eremo .8 GRA tosojo,pema └6[ .9 uacat

Fαν άκτεροντ έενος,τ όσ(σ)οιοσπ έρα· ΣΠΕΡΜΑ 30. Λα αγ έσιοντ έενος· ΣΠΕΡΜΑ 10. Τελεστ άων{τε ένε hα(?)},τ όσ(σ)ονσπέρα· ΣΠΕΡΜΑ 30.Τ όσ(σ)οιδ ὲτελεστα ί· ΑΝΡΕΣ 3. Fρο ικιώνειον{τ έενος (?)}ἐρῆον,τόσ(σ)οιοσπ έρα· ΣΠΕΡΜΑ 6[–].

«Apanageroyal,d’autantensemence:30unitésde SEMENCE . Apanagedu lawagetas:10unitésde SEMENCE . {Apanage (?)}des telestai ,autantensemence:30unitésde SEMENCE .Etautantde telestai:3HOMMES . {Apanage (?)}inhabitéappartenantàWroikiôn,d’autantensemence:6[+1 (?)]unitésde SEMENCE .» Cenouveautexterecèledeuxautrestermesrelatifsàl’occupationouàlaqualitédusol, tousdeux hapaxlegomena dansladocumentationmycénienne:lemottemenoévoque,sans doute,leτ έενοςconnudepuisl’épopéehomérique—toutleproblèmeétantdesavoirsi cesdeuxmotsdésignentunemêmeréalité—;quantausubstantiferemo,ilestgénérale menttranslittérépar ἐρῆον«lieudésert,nonhabité»417 etcetteacceptiondoitêtrecom patible avec le substantif κ άας, puisque le même adjectif possessif ροικι ώνειον qualifie l’unetl’autremotenUn718etEr312. Cettetablettetémoignedelaprésencedu lawagetas etdeWroikiôndansledomaine Sarapeda ,quicomplètentainsilamentiondeHekhel(l)awônenEr880 ;toutefois,cesdeux tablettesnefontaucuneallusionclaireau damos et,bienplus,introduisent deux nouveaux protagonistesdanscecadastre:leάναξluimême(Er312,l.12)etlesτελεσταί(Er312, 415 Danscesformules, w=20ou22et x=2ou0,desorteque w+ x=22. 416 Surlechiffredelal.8,cf.e.a.M.DEL FREO , op.cit. [n.351],p.165,n.499. 417 Cf. DMic ,t.I,p.240, s.u. «eremo ».Pouruneautrelecture,cf. supra ,n.400. POSÉIDON MYCÉNIEN 108 l.56). Il convient donc d’examiner attentivement si l’on peut effectivement établir un rapport clairentrelecadastreconservédanslapièce8etlerôledelapièce7. A.Cinqtenanciers Puisquelamentiondulieudit Sarapeda (Er880,l.2) nereparaîtrapasenEr312et quelapositioninitialedeHekhel(l)awônenEr880correspondàl’ordonnancedeUn718, ilfautprobablementlireEr880avantEr312.Nouspasseronsdoncsuccessivementenre vuelescadastresdressésaunomdeHekhel(l)awônd’unepart(Er880),du wanax ,du lawa getas ,des telestai etdeWroikiônd’autrepart(Er312)418 . 1.–LatabletteEr880constituetoutentièrelerelevécadastraldelapropriétédeHe khel(l)awônsiseà Sarapeda .Cettedescription est complexe: elle se compose, après une phraseintroductive,dedeuxfoisdeuxentrées,respectivementrythméesparlespronoms τόσ(σ)ονetτόσ(σ)ονδέ,puisτόσ(σ)αιetτόσ(σ)αιδέ,etseconclutparunrécapitulatifprécé déetsuivideligneslaisséesblanches.Unelacunecentrale,s’étendantsurlessixpremières lignes,renddifficilel’interprétationdecedocumentetobligeàeffectuerdesrestitutions plusoumoinsassurées419 . Ilconvientsansdoutedelirelapremièrelignecomme une phrase simple,formée d’unsujet,d’uncomplémentd’objetetd’unverbe;àladeuxièmelignesuitimmédiatement lecomplémentdelieupuis,enhyperbate,unparticipedéterminantlecomplémentd’objet. Cettesyntaxepeucanoniques’expliqueparlanécessité,ressentieencoursderédaction,de préciserdavantagelanatureduterrain[κ]τ ίενονévoquéàlaligneprécédente;l’ajout inex tremis del’épithèteestconfirméparlaconsignation,danslesdeuxlignessuivantes,d’infor mationssansaucunrapportaveclecaractèrearboricoleduterrain,avantlerecensement, auxl.56,despiedsdevignesetdefiguierseffectivementcontenusdanscetteparcelle420 . Onconsidéreradonclaprécision[φε]φυτηένονcommeunajoutsuperfludansl’énoncédes l.12,destinéàanticiperlecataloguedesl.56. Lesl.34enregistrentdeuxterrainsdistincts,detailledifférente.Ladésignationpré cisedecesterres,ainsiqueleursuperficieexacte,secachentdansleslacunesdudocument; néanmoins,latailledelaparcellementionnéeauxl.12setrouvevraisemblablementàla l.3,tandisqu’uneterred’unautretypeseraitévoquéeàlal.4.Pourcetteraison,ilestten tantderestituerlestermes[kitimeno]et[akiti]todansl’uneetl’autrelacune421 ,etde présumerquelestatutdesdeuxparcellesestopposé.Encequiconcernelasurfacedeces 418 Cette dernière tablette a fait l’objet d’une étude particulière, fort bien documentée, mais qui isole indûmentledocumentdestroisautrestablettesduscribe24:cf.PaolaPONTANI ,«Noteall’iscrizionediPilo Er312:poteretripartito?», Aevum ,72,1998,p.3751. 419 LelecteurtrouveraunrécapitulatifdesdiversesrestitutionsetinterprétationsdecetextechezRuth PALMER , WineintheMycenaeanPalaceEconomy ( Aegaeum ,10),Liège&Austin,1994,p.6672;M.DEL FREO , op.cit. [n.351],p.154161. 420 D’autresmentionsd’arbresfruitierssetrouventdanslestablettescadastralesKNF(2) 841+867,l.16 (figuiers, oliviers) et —peutêtre— THFt140, l.18 (olives): elles accompagnent l’idéogramme GRA +PE (σπ έρο),qu’ellespourraientcomplétercommeunitésdesuperficies(cf. supra ,n.356et358).Cettesimilitude justifielarestitutionhypothéthiquedesidéogrammes OLIV et NI dansleslacunesdeEr880,l.5et6. 421 Larestitutionpema,souventproposéepourlal.3,necomblepaslatotalitédelalacune;parailleurs, l’itération du terme σπ έρα et de l’idéogramme GRA ne s’impose pas forcément, comme le prouvent les expressionsdeEr880,l.8—oùlemotpemaestbienprésent,maisl’idéogrammefaitdéfaut—etEr312, l.3 —où l’idéogramme GRA apparaît sans sa lecture syllabique. À la l.4, la restitution [apu 2te]to ([ἀφύτη]τον,«sansarbre»),proposéeparM.DEL FREO ( op.cit. [n.351],p.159160)pourcontrebalancerle participe[φε]φυτηένον,outrelefaitqu’elleseraitun hapaxlegomenon dansladocumentationmycénienne,se prête mal à l’étude comparative avec Un718, puisqu’un terrain «sans arbre», contrairement à un terrain «noncultivé»,nepourraitpasêtreexonéré defacto (cf. infra ,p.112113). POSÉIDON MYCÉNIEN 109 terrains,lasommationinscriteàlal.8etlesrèglesdenotationnumériqueenlinéaireBré duisent fortement le champ des possibilités: le premier terrain mesure soit 50, soit 52 unitésdesemenceetlesecondsoit44,soit42—lapremièrehypothèseétantmêmelaplus probable,auvudelatailledelalacune422 . Lesdésignationsfoncièresdecettetabletteposentdeuxproblèmesmajeurs.D’une part,ladésinencede[ki]timenocontrasteavectouteslesautresoccurrencesduparticipe, souslaformefémininekitimena(κτι ένα),enaccordexpliciteaveclemotκτο ίνα:ilim portedoncdes’interrogersurlesubstantifsousentenduenEr880.D’autrepart,lajuxta positiondestermes[κ]τ ίενονet[ ἄκτι]τονrenvoieaudébatsurlaterminologiemycénienne delaterreet,enparticulier,àl’oppositionbienconnueentreleskotonakitimena(κτο ῖ ναικτ ίεναι)etleskekemenakotona(χεχε έναικτο ῖναι).Nousaborderonssuccessive mentl’unetl’autrepoint. a) L’enquête relative à la désinence en timbre des termes [ki]timeno et

[pe]pu 2temenoestintimementliéeàladéterminationdelanature,dugenreetducasde la désignation toponymique Sarapeda (Un718, l.1), présentement répétée sous la forme sarapedo[–](Er880,l.2).Nousanalyseronsdoncenpremierlieuceproblèmeconnexe, avantderevenirsurceluidunomqualifiéparlesépithètes[κ]τ ίενονet[φε]φυτηένον. Sansnousprononcerencoresurlasignificationduterme Sarapeda 423 ,attachonsnous àendéterminerlanatureprécise.Parcommodité,nousavonsjusqu’àprésentconsidéré quecetermedésigneunlieudit,c.àd.caractérisedesterrainssituésdansunmêmedo maine et partageant sans doute un statut identique. En fait, cette désignation générique peutêtreaffinée.Morphologiquement,letermes’analysecommeunféminin,singulierou pluriel, ou encore un neutre pluriel; encore la forme sarapedo[–] rendelle caduque l’hypothèse du genre féminin, à moins de recourir à la lectio difficilior d’un accusatif duel (* saraped ω),peuprobableàcausedel’absencedunuméralcardinaldwo(δώ).Quantàsa nature, Sarapeda estsoituntoponyme,soitunnomcommunouunadjectifsubstantivépré cisantlalocalisationet/oulestatutdeterrainssituésdansunecertainerégionduroyaume pylien. Lasolutionlapluséléganteconsistedonc,enfonctiondelarestitutionpossibledu signeidanslalacune,àanalyserlaformesarapedo[–]deEr880soitcommeuntopo nyme pluraletantum aulocatifneutrepluriel(Sarapedοι[ hι]),soitcommeunnomouunad jectifdéclinéàl’accusatifsingulier—enaccordaveclesubstantifsousentendudéterminé parlesparticipes[κ]τ ίενονet[φε]φυτηένον—(sarapedον),augénitifpartitifneutrepluriel (sarapedων)ouaulocatifneutrepluriel(sarapedοι[ hι])424 .Selonlapisteretenue,le(terrain) κτ ίενονdeEr880sera«situéà Sarapeda »,«detype saraped os»,«parmiles(terrains)de type saraped os»ou«situéaux(terrains)detype saraped os».Lalargeurdelalacune,quipa raîtautoriserlarestitutiondedeuxsignes,donnepeutêtreplusdepoidsàlapremièreetà ladernièresuggestion.

422 Cf.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.9899;poursapart,M.LEJEUNE ( loc.cit. [n.372],p.69)édited’au torité5 0 et44 .Aprèsunréexamendelatablette,M.D EL FREO ( op.cit. [n.351],p.165166)estimequel’on nepourraitexclureleslectures30et64,32et62,40et54,42et52;ceraisonnementparaîttoutefoisspé cieux,caroncomprendraitmalqu’àlal.3,lescribeaitdisposétroisbarreshorizontalesdansunepremière colonneetunequatrièmedansunesecondecolonnes’ilavaitlavolontéd’écrire40ou42,alorsqu’àlaligne suivante,ilsuperposeaumoinsquatrebarreshorizontales;quantàlapossibilitéderestituersixtraitshori zontauxàlal.4,onremarqueraqu’ils’agitd’unenotationinhabituellepour60—mêmesil’exiguïtédelafin delal.4pourrait,lecaséchéant,êtreinvoquéepourjustifierdetellesirrégularités. 423 Cf. infra ,p.127129. 424 Ainsi,cf.e.a.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.372],p.6971. POSÉIDON MYCÉNIEN 110

Lapossibilitéque saraped οςsoitunadjectifrégiparunnomneutreenUn718,mas culinouneutreenEr880,renvoieauproblèmedesépithètes[κ]τ ίενονet[φε]φυτηένον, lesquellesdépendentnécessairementd’unnommasculinouneutre,dèslorsquel’onécarte lapistepeuprobabled’unelectureàl’accusatifduelféminin*[κ]τι ένω[…]*[φε]φυτηένω. Or,letermetraditionnellementutilisépourdésignerla«parcelle»oule«terrain»estpréci sément le féminin κτο ίνα,orthographiékotonaàPylosetkotoinaàCnossos. Il faut doncenvisagerquelescribe24,quel’onsaitaccoutuméàd’inhabituelsusageslinguisti ques425 ,sesoitréféréàunautremotpourdésignercetteréalitécommune426 :songeonspar exempleaux hapaxlegomena koro(χ ῶρος«bienfonds»)427 ,aroura( ἄρουρα«terredela bour»)428 et orojo (lecture et sens discutés)429 présents dans deux tablettes de la série PYEq,rédigéeparlescribe1(stylet74),ouencoreautermeputarija(φυταλι ά«planta tion»)430 attestéuneseulefoisàCnossos. Sitouslestermesfémininsmentionnéscidessussontexclusparlesdésinencesen des participes épithètes, un mot masculin tel koro (χ ῶρος) pourrait convenir en Er880.Sousentendreunteltermeseraittoutefoisuneconjecturegratuiteet,parailleurs, nes’accorderaitpasauterme sarapeda (Un718),s’ilfallaiteffectivementyvoirunadjectif substantivéplutôtqu’untoponyme.Ilapparaîtdemeilleureméthodedechercherunterme neutreattestédanslemaigre corpus duscribe24etpouvantdésigneruneportioncadastrale. Précisément,cemotexiste:pardeuxfois,latabletteEr312faitallusionàuntemeno (τέενος),lequeldésignelapartdeterritoireattribuéeau wanax etau lawagetas;ensuite,mê metermeestcertainementsousentenduàproposdes telestai et,peutêtre,unesecondefois pourWroikiôn. Nouspouvonsdoncadmettrequelesterrains(de)Sarapeda sonttousappelés*τε έ νεhα431 .Delasorte,dansl’éventualitéoù saraped οςestunadjectif,l’intitulédeUn718se lirait{*τε ένε hα}saraped α«{apanages}detype saraped ος»etleterraindeHekhel(l)awôn décritenEr880serait,àtitred’exemple,un{τέενος}[κ]τ ίενον, saraped ον,[φε]φυτηένον «{apanage}cultivé,detype saraped ος,plantéd’arbres».Deplus,cettesuggestionalemé rited’expliquerl’absencedetouttermeapparentéàSarapeda enEr312,demêmequede toutementionexplicitedeτ έενοςenUn718etEr880:aucasoùseulslesterrainsdécou pésdanslalocalitéSarapeda oudetype saraped οςsontdes*τε ένε hα,l’associationdesdeux termespourraitaisémentêtreconçuecommeredondante,voirepléonastique;envertudu principe d’économie qui régit la notation des archives en linéaireB, une telle répétition seraitévidemmentsuperflue. Surlesplansmorphologiqueetcombinatoire,lesubstantifτ έενοςpeutdonceffica cement être sousentendu comme nomenregens du potentiel adjectif saraped ον et, surtout, desparticipes[κ]τίενονet[φε]φυτη ένον.Αumomentd’étudierplusendétaillanaturedu τέενος ανάκτερον, n ousexamineronssicettehypothèsetientégalementd’unpointdevue lexical432 .

425 Cf. infra ,p.126. 426 M.DEL FREO ( op.cit. [n.351],p.157)admetcependantquelesparticipeskitimenoetkekemeno puissentêtreutilisécommesubstantifsàpartentière. 427 PYEq146,l.2. 428 PYEq213,l.1. 429 PYEq213,l.2,3,4,5,6. 430 KNE849,l.1. 431 Contra ,cf.p.ex.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.170175. 432 Cf. infra ,p.127129. POSÉIDON MYCÉNIEN 111

b) L’appellationfoncière[ki]timeno,quelescribe24emploieàproposdudomaine deHekhel(l)awôn,estparticulièreauxdocumentscadastrauxpyliens,oùserencontrefré quemmentuneoppositiondualeentrelesexpressionskotonakitimenaetkekemena kotona.Silalecturedecessyntagmes,ainsiquelesaspectsformelsdecetteopposition, sontconnusdelonguedate,l’interprétationàdonnerauxdeuxtournuresdemeurel’objet dedébats,qu’ilfaudranécessairementaborderici.Noustenteronsensuited’intégreràces explications le participe parfait [pe]pu 2temeno et l’adjectif verbal [akiti]to, lesquels appartiennentvisiblementaumêmechampsémantiqueque[ki]timeno. Oneuttôtfaitd’analyserkotonaetkitimenacommedestermesconstruitssurla basedelaracine*ktei «habiter»:lepremierestunsubstantiffémininconstruitsurlede gréfléchi,àlireκτο ίνα,tandisquelesecondestleparticipeprésentmédiopassifduverbe athématique*κτ ίσθαιaccordéaufémininsingulier,àlireκτι ένα433 .Quantàlaformekeke mena,ildoits’agirduparticipeparfaitmédiopassifde* χίχεσθαι —verbeluimêmecons truitsurlaracine* ghē«êtrevide,manquer»—égalementaccordéaufémininsingulier434 . Ilestclair,également,quelesdeuxdésignationsκτο ῖναικτ ίεναιetχεχε έναικτο ῖναιs’op posentàuntriplepointdevue:surleplanlexicald’abord—parl’emploidedeuxracines verbalesdifférentes—,surleplansyntaxiqueensuite—parl’ordregénéralementinversé dusubstantifetdel’épithète435 —,surleplanaspectuelenfin—parlecontrasteentrele thèmeduprésentetceluiduparfait. Lasignificationprécisedesdeuxtermesdel’oppositionestbiendavantagedébat tue436 .DèsledéchiffrementdulinéaireB,denombreuxsavantsfurenttentésd’interpréter l’associationfréquentedesκτο ῖναικτ ίεναιavecdesnomsdeparticuliersetdesχεχε έναι κτο ῖναιavecleδ ᾶοςcommelesigned’unstatutjuridiquedecesterrains:lespremièresse raientdesterrainsprivésetlessecondesdespossessionscollectives,autrementditdester respubliques.Cettesolution,outrelefaitqu’elles’appuieexcessivementsurdescatégories modernesetfaitpeudecasdel’étymologie,nerésistepasàunexamensans apriori des donnéestextuelles437 .Uneautrepisteconsisteàexpliquerlesparticipesκτ ίενοςetχεχε ένοςcommedesallusionsaustatutagricoledesterrains:sil’onadmetquelaracine* ktei , parextension,apusignifier«cultiver»,lesκτοῖναικτ ίεναιseraientdesparcellescultivées tandisquelesχεχε έναικτο ῖναιseraientdesterrainsdemeurésenjachère438 .Lesobjections à cette théorie concernent notamment l’acception «cultiver» pour le verbe * κτίναι , qui paraît en porteàfaux à la fois avec l’étymologie indoeuropéenne et le lexique grec du Ier millénaire439 .Enfin,unetroisièmevoied’approchedecetteproblématiqueestlestatut démographiquedecesterrains,oùl’ondistingueraitentrelesparcelleshabitéesetcellesqui

433 Cf. DMic ,t.I,p.390391, s.u. «kotona »;p.366367, s.u. «kitimena ». 434 Delapléthored’analysessuggérées(cf.p.ex. DMic ,t.I,p.337339, s.u. «kekemena »),A.HEUBECK («Myk. kekemeno », ŽA , 17, 1967, p.1721) n’en conserve que deux, dont l’une (*κεκεσ ένος) est peu probableàcausedelanotationusuelledugroupeenlinéaireB(cf.Y.DUHOUX , op.cit. [n.25],p.2223, §5). 435 Sur ce point, cf. O.PANAGL , «Eine Wortstellungsopposition im Mykenischen (kotona kitimena: :kekemenakotona)», ACD ,9,1973,p.314. 436 Pourunbonétatdelaquestion,cf.M.DEL FREO ,«Mycénien puterija etlecouple kitimena / keke mena », RPh ,s.3,75,2001,p.3338. 437 Ainsi,cf.e.a.Y.DUHOUX , op.cit. [n.25],p.1517,§2b. 438 Y.DUHOUX , op.cit. [n.25],p.927,§16;G.DUNKEL ,«Mycenaean kekemena ,kitimena », Minos , n.s.,17,1981,p.1829. 439 Cf.M.CARPENTER ,«kitimena andkekemena atPylos», Minos ,n.s.,18,1983,p.8188; M.DEL FREO , loc.cit. [n.436],p.3436. POSÉIDON MYCÉNIEN 112 sontvacantes:parfaitedupointdevueétymologique,cettehypothèseprésentenéanmoins quelquesfaiblessesdansl’analysecombinatoire440 . Étantdonnéquel’expressioncnossienneputerijakotoinacorrespondsansdoute ausyntagmepylienκτο ίνακτι έναetqueletermeχεχεέναestattestédansl’unetl’autre site, il convient d’élargir le propos: selon la lecture de l’adjectif puterija, la «parcelle ⏓ “habitée”»dePyloscoïncidesoitavecune«parcelleplantéed’arbres»(*φυτελίακτο ίνα)441 , soit avec une «parcelle de planteur» (φυτηρ ία κτο ίνα)442 à Cnossos. La première lecture plaideenfaveurd’uneinterprétationagricoledesépithètescaractérisantlesdifférentesκτο ῖ ναι,tandisquelasecondeorienteplutôtverslestatutjuridiquedecesparcelles.Cetteder nièresolutionestpeutêtrelaplusséduisante,carelleépargnelerecoursàunhypothétique ⏓ substantif*φ ύτελος,respectelasignificationétymologiquede*κτίναι etpermetdedresser untableaucohérentdesdénominationsfoncièresmycéniennes,nonpasensebasantana chroniquementsurleconceptdepropriétéfoncière,maisentenantcomptedesspécificités physiquesdesterrains. Ainsi,unepartieduterroirsecomposeraitdeparcellesn’ayantreçuaucuntraitement particulier, ni aucune affectation, et dénommées par le parfait d’état χεχε έναι «vides, vierges».Aucontraire,lesterresdéjàoccupéesàdesfinsparticulièressontdésignéesparle duratifκτ ίεναι«habitées»àPylosetparlequalificatifφυτ ήριαι«deplanteur»àCnossos: cescatégoriesdeterrainstirentcertainementleurnomd’avoirétéconfiéesd’abordàune personnechargéed’aménagerlesold’unecertainemanière,etquidoitporterletitrede kitita (κτ ίτας«colon», c.àd.«quicréeuneκτι ένα»)àPylos,depute(φυτ ήρ «plan teur»,c.àd.«quicréeuneφυτηρ ία»)àCnossos443 .Lamissiondeceshommesn’estpas sansrappelerlesdevoirsinhérentsàlaqualitédeκαα hεύς,àsavoirtravailleretamenderle κάαςdontonalacharge444 . Ilestvraisemblablequ’àchaquecatégoriefoncièrecorrespondentdesdroitsetobli gationsspécifiques,lesquelsnoussontlargementinconnus, mais justifient les différentes dénominationsappliquéesauxterrains,ainsiqu’àleursoccupants. PourenreveniràHekhel(l)awôn,ilimportedenoterqueson[κ]τ ίενονestsimilaire àuneφυτηρ ίακτο ίναcrétoise,cequisousentendquelaparcelleaétépréalablementoccu péeettravaillée,detouteévidencepourlarendrepropreàlacultivation.Encesens,les parcelles«habitées»et«deplanteur»nepeuventêtreriend’autrequedesterres«culti vées»: il faut donc certainement reconnaître au verbe *κτίναι une signification élargie, commelelaisseentendreuneexpressiontellepu 2terekitijesi(φυτ ῆρεςκτ ίενσι«lesplan teurshabitent[pourcultiver]»)445 .Dèslors,leparticipe[φε]φυτη ένον(Er880,l.2),loinde s’opposer à [κ]τ ίενον, précise le type de culture appliquée: au moins une partie du domaineaétéaménagéeenverger.Danscecas,l’emploiduparfait[φε]φυτη ένον,enop positionavecleprésent[κ]τ ίενον,secomprendaisément,carc’estprécisémentlefaitque lesvignesetfiguiersaient«étéplantés»danslepasséetcontinuentd’êtreproductifsqui permetauterraind’êtreprésentement«cultivé». Commentcomprendrealorsl’adjectifverbal[ ἄκτι]τον?Opposéà[κ]τ ίενον,ceterme peutensois’appliqueràuneparcellequin’apassubidepréparationpréliminaire—etne 440 Cf.l’exposéetlescritiquessubséquentesdeM.DEL FREO , loc.cit. [n.436],p.3638. 441 Cf.e.a.Y.DUHOUX , op.cit. [n.25],p.1215,§2a. 442 Cf.e.a.M.DEL FREO , loc.cit. [n.436],p.3842. 443 Ibid. ,p.4244.Pouruneconceptionanalogue,cf.Pia DE FIDIO ,«Miceneo kitita e metakitita»,dans AnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit. [n.131],t.I( Pasiphae ,1,2007),p.159177. 444 Cf. supra ,p.102. 445 PYNa520,l.B;cf.aussiNa1179,l.1( inlac. ). POSÉIDON MYCÉNIEN 113 seraitguèredifférented’uneχεχε ένακτο ίνα—,ouàuneterrenoncultivéeaumomentoù lecadastreestétabli;danscederniercas,laterreseraitsoitdéfinitivementincultivable,soit momentanémentincultedufaitd’unejachère,soittombéeendéshérenceaprèsunepériode de cultivation. La présence de ce même terme dans la série PYNa, où il justifie des exemptionsdel’impôtenlin446 ,inviteàchoisirplutôtl’optiond’unefricheprovisoire,car l’onconçoitmalquelepalaisaitcalculéunimpôtsurlabased’uneterrearideounon encore défrichée. L’exemption dont jouissent également les «planteurs qui cultivent»447 s’expliquedelamêmemanière:l’impôtestsuspenduaussilongtempsquelaterreconcer néen’estpasκτι ένα—soitqu’ellenel’aitjamaisété,soitqu’elleaitcesséd’êtreexploitée durantuntemps. Sepose,enfin,laquestiondel’appartenancedecetteterre ἄκτιτος.Ensebasantsur l’oppositionmarquéeavecle[κ]τ ίενονrecenséenEr880,l.13et56,etspécifiquement inscritsouslenomdeHekhel(l)awôn,l’onpourraitimaginerquel’[ ἄκτι]τον(l.4)nedépend pasdecenotable,maisseraitseulementsituédanslamêmerégion—cequijustifieraitla mentiondesdeuxterrainssurlamêmetablette,ainsiquel’additionfinale(l.8).Danscette optique,ceterrainpourraitêtredemeurédansl’escarcelleduδ ᾶοςetl’[ ἄκτι]τονdeEr880, l.4,correspondraitauδ ᾶοςdeUn718,l.78:cettehypothèsepermetd’obtenirdespro portionssatisfaisantesentrelasuperficiedesterrainsetlemontantdesδοσο ίcorrespon dants,ainsiquederespecterl’ordresuivienUn718—Hekhel(l)awônetle damos (Un718, l.28) se retrouvant en Er880; le lawagetas et Wroikiôn (Un718, l.913), en Er312448 . Toutefois,ilfautbiennoterquel’attributiondel’[ ἄκτι]τονauδ ᾶοςposed’autresproblè mes:pourquoiuneterrenonproductiveseraitelleimposée,quandleterme ἄκτιτοςjustifie précisémentlesexemptionsdelasériePYEa?comment expliquer le manque de clarté danslarédactiondelatabletteEr880,oùle damos s’intercaleraitaumilieudurecensement deHekhel(l)awôn?quedire,enfin,des τέλεσται de Er312,dontnousconstaterionsl’exem ption,sansaucunmotifapparent?Àcesdifficultéss’ajoutelefaitquelesrapportsentrele cadastreetlerôlesontplusprochesencoresil’onidentifieleδ ᾶοςaux τέλεσται plutôt qu’auterrain[ ἄκτι]τον449 .Pourcesraisons,ilsemblepréférabled’admettrequelatablette Er880enregistretoutentièrelecadastredeHekhel(l)awônetque,commeattendu,ledo maine[ ἄκτι]τονfaitl’objetd’uneexemptiond’impôt450 . 2.–PremierterrainrecenséenEr312,le αν άκτεροντ έενοςnetrouveaucunécho enUn718,dèslorsquel’onserefuseàidentifierHekhel(l)awônau wanax 451 .Laconclu sionlaplusnaturelleestquele wanax ,quoiqu’iloccupeunterrainfaisantpartieintégrante des Sarapeda ,estexemptédepayerl’impôtàPoséidon.Pareilleexonérationn’estabsolu mentpasliéeaustatutduterrain,puisquele lawagetas ,lequelestexplicitementtitulaired’un τέενος,esttenudepayerleδοσός,àl’imagedetouslesautresdétenteursdeterres(de) Sarapeda et dans les mêmes proportions452 : la situation particulière du souverain trahit doncunerelationuniqueentrePoséidon,lesterres(de) Sarapeda etle wanax ,quenousenvi

446 PYNa406, l.AB; 537, l.1; 926, l.1; cf. Y.DUHOUX , op.cit. [n.25], p.1819, §3b. Sur la série PYNaetlesprélèvementsdelinàPylos,cf.e.a.M.PERNA , op.cit. [n.293],p.209256. 447 PYNa520,l.AB;cf.Y.DUHOUX , op.cit. [n.25],p.1718,§3a. 448 Ainsi,M.LEJEUNE , loc.cit. [n.372],p.7879,80. 449 Cf. infra ,p.118125. 450 Ainsi,Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.114118. 451 Cf. supra ,p.98100.Parailleurs,le wanax évoquéicipourraitdifficilementêtred’essencedivine;cf. e.a.lesjustesremarquesdePia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.135137. 452 Cf. infra ,p.118125. POSÉIDON MYCÉNIEN 114 sageronstoutàl’heure453 .Pourlemoment,ilconvientd’examinersiletitredeτ έενοςpeut effectivements’appliqueràtouteslesparcelles(de) Sarapeda ,ainsiquenousenavonsformé l’hypothèse. Ilparaîttentantderapprocherlesubstantifτέενοςduverbe τένειν ,d’unpointde vuelogiquesinonétymologique454 :danslespoèmeshomériques,leτέενοςconsiste,en effet,enuneportiondeterredécoupéesurlespossessionsduδῆοςetaccordéeenusu fruitàunpersonnageimportant,fûtilroiouguerriervaleureux455 ;cetermepeutégale mentdésignerl’espaceconsacréàunedivinité,enétantnotammentutilisédanslatournure formulaireτέενοςβω όςτεθυ ήεις«un temenos etunautelexhalantl’encens»456 . Cettenotiondeτ έενοςhomériqueestfortprochedelaκτο ίναmycénienne,laquelle estunterrainprélevésurlesterresduδ ᾶος457 ;elleévoqueégalementletermeτόος «portion»,quipourraitêtresynonymedeκτο ίναetseraitattestéenmycénien,aulocatif, danslaformulerareepiqetometerapike(ἐπίκετοε ῖ*θεραπ ίσκει«etileffectueson servicesurlaparcelle»)458 . Ilimportedesoulignerquelaprincipalecaractéristiqueduτέενοςhomérique,proba blementtransposablesurletemenoetle*tomomycéniens,n’estpastantsonattribution possibleàunroiquesondécoupageàpartirdeterrescommunales.Cetteactiondu“peu ple”transparaîtégalementdansunautretermehomériquedécrivantle«privilège»accordé auroiouàunguerrier(γ έρας),ainsiqueleprouveuneexpressiontellequeκτ ήατ(α)[...] γέραςθ’ ὅτιδ ῆος ἔδωκεν«desrichessesetunprivilègequ’aaccordé(s)lepeuple»459 ;ce γέραςpeutd’ailleursluimêmesecomposerd’apanages(τε ένεα)etdebanquets( δαῖτες )460 . Estcelefaitduhasardsilemotmycénienkera(γέρας)désigneprécisémentunterrainde 453 Cf. infra ,p.125130. 454 Lesmotsτέενοςetτ ένωsontassociés,peutêtreparparonomase,chezHomère, Il. ,VI,v.194195 (lesLycienstaillentunτ έενοςpourBellérophon);IX,v.577580(lesÉtoliens,pourMéléagre);XX,v.184 186(lesTroyens,pourÉnée).Lelienétymologiqueentrecesdeuxtermes,notammentacceptépar DÉLG , t.IV,p.11031104, s.u. «τένω»,estdénoncécommefacticeparH.VAN EFFENTERRE ,«Téménos», RÉG , 80,1967,p.1726,etJacquelineMANESSY GUITTON ,«Temenos», IF ,71,1966,p.1438(lesquelsserallient plutôt à un emprunt au sumérien temen , via les langues sémitiques), ainsi que DÉCLG , p.218219, s.u. «τέενος»(lequelsuggèreplutôtlaracine* dem«maison»,étendueen*en ). 455 Outrelesexemplescitésàlanoteprécédente,cf.Homère, Il. ,XII,v.313314(SarpédonetGlaukos disposentd’unτ έενοςenLycie);XX,v.389392(Otryntée,pèred’Iphition,prèsdulacGygée); Od. ,VI, v.291294(Alkinoos,pèredeNausicaa,prèsd’unboisconsacréàAthéna);XI,v.184187etXVII,v.296 299(Ulysse,àIthaque).Laseulementionexplicited’un«apanageroyal»(τέενοςβασιλ ήιον)—uel βαθυλ ήιον «auxrichesmoissons»?—,habitéparunroiportesceptre(βασιλε ύς[...]σκ ῆπτρον ἔχων),setrouveen Il. , XVIII,v.550560.Surleτ έενοςhomérique,cf.e.a.P.CARLIER , op.cit. [n.44],p.158160. 456 Homère, Il. ,VIII,v.4748(Zeus,surleGargare);XXIII,v.144148(ledieufleuveSperchios,àses sources); Od. ,VIII,v.362363(Aphrodite,àPaphos).En Il. ,II,v.695696,Pyrasoslafleurieestleτέενος deDéméter. 457 Cf. supra ,p.111112. 458 PYEp 613[+]1131, l.8 (scribe1, stylet74). Cette même formule est également présente dans le documentpréparatoireEb842,l.B(scribe41),quiconcernelemêmeκαα hεύςSasawo ,souslaformeerronée epiqetoeterapike:cf.Y.DUHOUX , op.cit. [n.25],p.3336.Lesensàdonneràcedoublettoe/tomea suscitédenombreuxdébats:cf.,p.ex.,DMic ,t.II,p.358, s.u. «toe». 459 Homère, Od ., VII, v.150; cf. également Il. , I, v.123, 135 (les Achéens accorderaient un nouveau γέραςàAgamemnon,àlaplacedeChryséis);I,v.161162,276;XVI,v.5659;XVIII,v.444445(Briséis estleγ έραςquelesAchéensontdonnéàAchille).Surletermeγ έραςdansl’épopée,cf.P.CARLIER , op.cit. [n.44],p.151154. 460 Homère, Od .,XI,v.184187.Lesconceptsγ έραςetτ έενοςsontégalementassociésen Il. ,XX,v.179 186,enlienétroitaveclaτι ήroyale;leτέενοςetlaτι ήβασιλη ίςvontégalementdepairen Il. ,VI,v.191 195. POSÉIDON MYCÉNIEN 115 laprêtressede Pakijana accordéen ὀνατόνàuneesclavesacrée461 etprovenantsansdoute, endernièreanalyse,desterresdu damos 462 ? D’unpointdevueagricole,lesτε ένεα homériques sont décrits comme des terres partagéesentrelaculturedelavigneetdesarbresfruitiersdansunverger(φυταλιή)etl’ex ploitationcéréalièredansuneterrelabourée(ἀρούρη),commeentémoignenotammentun passagedel’exordequeSarpédonadresseàGlaukos 463 : καὶτέενοςνεόεσθαέγαΞάνθοιοπαρ’ὄχθας καλὸνφυταλιῆςκαὶἀρούρηςπυροφόροιο; «Et[pourquoi],auprèsdesrivesescarpéesduXanthe,occuponsnousunvasteapanage, aubontaillisetàlabonneglèbefécondeenblé?» Fautilrappelerquelestermeshomériqu esφυταλιήetἀρούρηsontattestésdanslesarchives mycéniennes,souslesformesputarijaetaroura464 ?Pourtoutquienjugesurlabase decettedescription,leterrain[κ]τίενον[...][φε]φυτήενον,plantédeplusde1100piedsde vignesetd’autantdefiguiers,qu’occupeHekhel(l)awônenEr880,n’acertesrienàenvierà unτέενοςhomérique.Hésiteratonàenfaireuntemenomycénien? Somme toute, le temeno et, éventuellement, le kera mycéniens se définiraient commedesportionsdeterredestinéesàlaproductionagricole,quisontdécoupéesdansun territoirecommunaletattribuéesàcertainespersonnes,sansêtreforcémentréservéesau seulroiouàunputatifchefdesarmées:onvoitainsiunesimpleesclavesacréejouird’un kera.Noussommesdoncfondéàpostulerqueleterme τέενος estsousentendu,lecas échéantaupluriel,enEr312,l.6et7;demême,ledomainedeHekhel(l)awônadefortes chancesd’êtreuntemeno,commeinviteàlepenserlacohérenceducadastreformépar Er880etEr312465 . L’associationexclusivedes*τε ένε hαaveclesterrains(de)Sarapeda ,l’exemptionfis caledontbénéficieleroietlaconsécrationàPoséidondel’impôtfoncierprélevésurles autresparcellesdonnentàpenserqu’àl’époquemycénienne,leterme τέενος s’appliquerait àuneterresoustraiteauδ ᾶοςpourêtreoffertesoitausouverain,soitàunedivinité466 , maisdontl’exploitationpeuttoujoursêtrerétrocédéeàd’autrespersonnes,dèslorscon traintesàpayerunimpôt.Cettehypothèseexpliqueraitlesdeuxacceptionsapparemment 461 PYEb416,l.12;Ep704,l.2.Laformeverbaleekeqe,àlirepeutêtre ἕχεικ ῄ«elleoccupesous conditions»,indiqueraitl’étatprécairedel’attributiondecettelocationàl’esclavesacrée.Mêmesilalectureet lesensdecetteparticulesuffixéeqesontencorediscutés,leprésentcontextemontrequ’ellenesertpasde coordination;cf.DMic ,t.I,p.206207, s.u. «eke ». 462 Pours’enconvaincre,ilsuffitdepoursuivrelalecturedeEp704:lamêmeprêtresse Ἐρίθαoccupeen location une χεχε ένα κτο ίνα παρ ὸ δ άῳ (l.3) et est en litige au sujet du statut d’un autreterrain,qu’elle mêmerevendiquecomme* ἑτώνιονpourladivinité,maisqueleδᾶοςdéclareêtreunelocationdeκτο ῖναι χεχε έναι(l.56):cesdeuxexemplesmontrentqu’aumoinscertains,sinontouslesbiensfondsdontdispose laprêtressesontprélevéssurlesterrainscommunaux. 463 Homère, Il. ,XII,v.313314.Pourdesformulessimilaires,cf. Il. ,VI,v.194195;IX,v.577580;XX, v.184186. En Il. , XVIII, v.541572, l’aède intercale la description du τέενος βασιλ ήϊον —lequel est un champdeblémoissonné—(v.550560)entrecelled’uneterreaulabour( ἀρο ύρη)etd’unevigne( ἀλω ή);en Od. ,VI,v.291294,leτέενοςdupèredeNausicaaestassociéàunevigneflorissante(v.293[éd.A.LUD WICH , BT ,Stuttgart&Leipzig,1998]:[…]πατρὸς ἐο ῦτ έενοςτεθαλυ ῖά τ ’ἀλω ή). 464 Cf. supra ,p.110. 465 Cette idée est notamment défendue par L.DEROY & Monique GÉRARD ,LecadastremycéniendePylos (IncunabulaGraeca ,10),Rome,1965,p.7073;toutefois,lalecture[*Ἀρ]βὺτ έενος—«réservede(lalocalité) Arbu »,voire«RéservePouilleuse»—,quecesauteursproposentpour[]pu 2temenoparaîtréellementpeu satisfaisante. 466 Surcetteambiguïté,cf. infra ,p.129130. POSÉIDON MYCÉNIEN 116 incompatiblesqueleterme τέενοςrevêtdèsl’épopéehomérique—àsavoird’unepartun territoireaccordéparleδῆοςàunhommepuissant,d’autrepart unepropriétéréservéeà ladivinité—,ainsiquelagénéralisationdelasecondesignificationengrecclassique. 3.–Ausujetduλα αγ έτας,nousn’avonsguèrederemarquesàajouterànotreprécé dentexposé467 .Rappelonsseulementque,toutdétenteurd’unτέενοςfûtil,le lawagetas est soumisàl’impôt,commelesontsansdoutetouslestenanciersenregistrésenEr312et 880,àlaseuleexceptiondu wanax .Cetteconstatationestunargumentsupplémentairepour avancerquetouslesterrainsrépertoriésdanscesdeuxtablettescadastralessontbeletbien des*τε ένε hα;dumêmecoup,tombeleseulargumentinvariablementutilisépourfairede ce fonctionnaire le général en chef des armées royales, censé se démarquer, avec le souverainluimême,detouslesautresnotablesduroyaumedePylosparlapossessiond’un τέενος,lequelsymboliseraitcerangsupérieur. 4.–NonmentionnésenUn718,lesτελεστα ίfontfigured’intrusenEr312,l.56: l’attitudelaplussimpleconsistedoncàimaginerqu’àl’imagedu wanax ,cestroishommes occupantsansdouteun ouplusieurs*τε ένε hαsontdispensésdepayerl’impôtàPoséi don468 .Toutefois,lesmotifsdecettesupposéefaveur sont loin d’être évidents: dans les cadastrespyliens,des τελεστα ίsontfréquemmentlocatairesdeκτοῖναικτίεναι,sansqu’au cunavantagevisibledécouledecettesituation.Lestatutmêmedeceshommesétantdes plusincertains469 ,cettesolutiondefacilitédoitêtremaniéeavecgrandeprudence. Or,certainssavants,remarquantlacurieuseabsenceduδᾶοςenEr312et880etla toutaussicurieuseabsencedes τελεστα ίenUn718,ontposéuneéquationd’égalitéentre cesdeuxentités470 .Defait,ladistinctionnettequifutparfoisopéréeentreδᾶοςet τελεσ τα ίprocédaitprincipalementd’uneoppositiondéfinitiveentreχεχεέναικτοῖναιetκτοῖναι κτίεναι471 ,lespremièresétantsupposéespropresauδᾶος,doncpubliques,tandisqueles secondesseraientdespropriétésprivéesexclusivementliéesaux τελεστα ί472 . Dèslorsquelesdifférentesdénominationsdeκτοῖναιn’ontsansdouteaucunrapport avecleurstatut«public»ou«privé»,ilfautrenonceràuncontrasteclairentreleδᾶοςet les τελεστα ί,enpréférantuneapprocheplusnuancée,carladichotomieproposéenerésiste pasàunefineanalysedestémoignagesmycéniens. Le τελεστάς, ainsi que le démontre son titre, est avant tout un homme devant «accomplirunecharge»( τελε ίαhεν ).Cettechargepourraitnotammentconcernerlelopin quiluiestconfié;encela,ilneseraitguèredifférent d’un καα hεύς,dontlapropriétéest pourtanttailléesurles χεχεένα κτοῖναι, et qui, commeleτελεστ άς,esttenud’amenderson terrain ( όρζε hεν, τελε ίαhεν, *θεραπ ίσκε hεν)473 .Ensoi,cesdeuxtitresnes’opposentpas, maisreflètentseulementunedifférenceentrelesobligationsliéesauxdeuxtypesdeterres quesontles*κ άα hαetlesκτο ῖναι.Ainsi,lecasduτελεστ άς Suko ,quiesttenu,commeun καα hεύς,d’accomplirsacharge(τελε ίαhεν),maisrechigneàdonnerunefaçon( όρζε hεν)à saparcelle474 montrelafaibledifférencequipeutexisterentrelesdeuxstatuts.

467 Cf. supra ,p.101102. 468 Ainsi,M.LEJEUNE , loc.cit. [n.372],p.7680,§5. 469 DMic ,t.II,p.338339, s.u. «tereta ». 470 Cf.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.114118,suiviee.a.parJ.T.KILLEN , loc.cit. [n.232],p.350353. 471 Surladifférenceentrecesdeuxexpressions,cf.supra ,p.111112. 472 Cf.p.ex.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.372],p.7374,§3. 473 Cf. supra ,p.102. 474 PYEb149[+]940,l.12;Ep613[+]1131,l.45. POSÉIDON MYCÉNIEN 117

Ilest,parailleurs,remarquablequ’aumomentd’établirlegrandtotal(kusutoroqa pato, ξυντροκ ὰ πάντων )desterresrecenséesà Pakijana ,lesscribes41et1distinguententre lestenuresdesτελεσταί(GRA 44 T 2̣ Ṿ ̣ [–])etcellesdesκαα hῆες( GRA 58 T 2̣ [–])475 .Dece pointdevue,lafonctiondeτελεστ άςprenddavantagedesenssil’oncomparela κτοίνα κτι έναauκάας,plutôtqu’enopposantentreellesles χεχε έναικτο ῖναιetlesκτο ῖναικτ ίεναι. Silespremièressontsouventallouéesen ὀνατόνparleδ ᾶος,tandisquelessecondes dépendentenmajoritédeparticuliers,combiend’indicespermettentdoncd’affirmerque cesdeuxespècesdeκτο ῖναιnesontpastoutesdesparcellesdécoupées,àl’origine,surles terresduδᾶος,commelesontsansdouteles*κ άα hα?Etquelesτελεστα ί,commeles ὀνατ ῆρες de χεχε έναι κτο ῖναι et les καα hῆες, ne peuvent pas être également issus du δᾶοςetredevablesenversluidesparcellesqu’ilsoccupent,plutôtqued’êtreleshypothéti quesvassauxd’un wanax suzerain,jouissantdeterrespourleprixdeleursservices?Aucun, envérité476 .Toutaucontraire, le fait que des κτοινο hόχοι —que l’on voit représenter le δᾶοςlorsdelaquerellecontrelaprêtresseἘρίθα477 etquisontparailleurstitulairesde χεχεέναικτο ῖναι 478 —puissentégalementêtredes καα hῆες479 oudesτελεστα ίpossédant desκτο ῖναικτ ίεναιqu’ils allouentàleurgré480 prouve qu’aucuneantinomien’existeentre lesdeuxstatutsetqueleδᾶοςfaitnaturellementofficedepointdecontactentrelesdiffé rentescatégoriesdeterrainset,partant,detenanciers. En conclusion, il est théoriquement possible de considérer que les τελεστα ί de Er312,l.56occupentdesterrainsetagissentaunomduδ ᾶοςévoquéenUn718,l.68, danslamesureoùleδ ᾶοςsedéfinitcommel’ensembledesdétenteursdeparcelles(κτοι νο hόχοι)—cequesont,parexcellence,lesτελεστα ί.Entoutcas,lacomplémentaritédes deuxdésignationsenEr312etUn718,demêmequelerespectdesproportionsentrela superficiedesterrainsetlemontantduδοσ ός,plaidentenfaveurd’unetelleconjecture.

475 PYEd411,l.12.Cf.M.DEL FREO , op.cit. [n.351],p.104. 476 Cf.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.145161;EAD .,«Palaisetcommunautésdevillagedansleroyaume mycénien de Pylos», dans P.H.ILIEVSKI &LjiljianaCREPAJAC (éd.), op.cit. [n.356], en part. p.142147; P.CARLIER ,«Àproposdes tereta », ibid. ,p.6573. 477 Cf. supra ,n.381. 478 Cf.e.a.PYEp301,l.214.Lesparcellesnonattribuées à ces κτοινο hόχοι sont dites ἄνωνοι «non louées»(Eb818,l.1;Ep301,l.1):surlasignificationdecetadjectifprivatif,cf.Y.DUHOUX , op.cit. [n.25], p.42,§10c,etp.4446,§12; DMic ,t.I,p.6869, s.u. «anono ». 479 Telestlecasde A3tijoqo (Eb156[+]157,l.2;846,l.AB;Ep301,l.2), Parako (Eb173,l.1;377,l.A B;Ep613[+]1131,l.11;301,l.12)et Koturo 2(Eb839,l.AB;892,l.AB;Ep613[+]1131,l.13;301,l.13). PouruneexplicationplausibledelatabletteEb156[+]157,cf.M.LEJEUNE ,«Peutonlire au pour 85 ?» (1966),dans MémoiresIII ,p.190194.EnEb1347,l.12,leκτοινο hόχος Koturo 2alloueuneterreen ὄνατονà unesclave:peutêtres’agitild’uneportiondesonκ άας,commedanslecasde Parako (cf.notesuivante). 480 Ainsienvatilde A 3tijoqo (Eb846,l.AB;Ep301,l.2;Eo247,l.17; En74, l.1118), Wanatajo (Eb369,l.AB;Ep301,l.3;Eo211,l.15;En609,l.38), Adamao (Eb747,l.AB;Ep301,l.4;Eo351, l.12;En659,l.810), Pikereu (Eb496,l.AB;Ep301,l.8;Eo160,l.14;En74,l.2024), Rakuro (Eb566, l.AB; Ep301, l.9; Eo 281, l.12; En659, l.1516) et Aiqeu (Eb895[+]906, l.AB; Ep301, l.14; Eo 471[+]855,l.12;En659,l.1213).Deplus,lesκτοινο hόχοιTataro et Parako semblentliésentreeux—le premierloueà Posoreja ,esclavedeladivinité,uneκτο ίνακτι έναmesurant GRAT 1V 3(Eo224,l.7),tandis quelesecondrétrocèdeàcettemêmeesclaveunepartiedesonκ άαςayantlamêmesuperficie(Eb173,l.2; Ep613[+]1131,l.12);parailleurs, Posoreja disposeded’uneχεχε ένακτο ίναetd’unκάαςen ὄνατα(Ep539, l.45)—etsonttousdeuxétroitementassociésauτελεστ άςAmaruta ,puisqu’ilsontattribuéen ὄνατονrespec tivementuneetdeuxdesseptparcellesinscritessouslenomdecethomme(Eo224,l.18;En609,l.1018). Enfin,lesκτοινο hόχοιWanatajo et Atuko prennentchacununeκτο ίνακτιέναenlocation,l’unchez Amaruta (Eo224,l.5;En609,l.15),l’autrechez Wanatajo luimême(Ep301,l.5;Eo211,l.2;En609,l.5). POSÉIDON MYCÉNIEN 118

5.–ContrairementàUn718,l.1113,oùWroikiôndisposed’unκ άας,la tablette Er312,l.78,attribueàcethommeunterrain«désert»( ἐρῆον)d’unesuperficiede6ou7 unitésdesemence.Lacoïncidence,danslesdeuxcas, de l’adjectif possessif ρο ικιώνειον montrequecesdeuxtermessontapparentés,soitque ἐρῆονsoitsynonymedeκάας,soit qu’unterrain dit ἐρῆονaitététransforméen κάας entrelarédactionducadastreetcelle durôle. Sur le plan sémantique, l’adjectif ἐρῆοςestincontestablementprocheduparticipe parfait χεχεένος:cesdeuxtermesévoquentlasolitudede terresvides d’occupationhu maine. Il est remarquable que le κάαςsoitégalementsimilaireàla χεχεένα κτοίνα: ainsi n’existetil aucune incomptabilité entre la détention d’un κάας et celle d’une χεχεένα κτοίνα481 ,aupointqu’unetablettecadastralerécapitulativeenregistredeuxὄναταdeκάας aumilieud’ὄναταdeχεχεέναικτοῖναι482 ;deplus,lesdeuxtypesdetenureexigentunmê metravaildelaterre(όρζε hεν )483 . Àl’inverse, unκάαςsedémarquenettementd’unterrainἄκτιτον,puisquelepremier estimposable,tandisquelesecondbénéficied’uneexemption.Àla différencedusystème des κτο ῖναι, où une parcelle χεχε ένα demeure improductive et, partant, non imposable jusqu’aumomentoùelleestdéclaréeκτι ένα,puisredevientinféconde( ἄκτιτος)àl’occa siond’unejachèreoud’unedeshérence,lesystèmeduκάαςpermetquelaterreportedu fruitet,danslemêmetemps,rapportedesimpôtsalorsqu’elleestentraind’êtreamendée. Ceconstatreposelaquestiondel’éventuellesynonymieentreἐρῆον (Er312, l.7) et κάας(Un718,l.11).Sil’analogielexicaleentreἐρῆο ςetχεχεένοςseconfirme,l’ἐρῆον seraitau κάαςcequelaχεχεένακτοίναestàlaκτοίνακτιένα:uneterrevierged’occupa tion,sansrapportagricolenifiscal.IlfaudraitdoncadmettrequeleterraindeWroikiôna changédestatutentrelerelevéducadastreetl’imposition. B.Rapportentrelecadastreetlerôle L’examen global des trois principaux documents rédigés par le scribe24 et, en particulier,lacomparaisonentrelestablettesEr880et312d’unepart,Un718d’autrepart, permettent de découvrir l’organisation générale de l’imposition et de la perception du δοσόςdestinéàPoséidon.Nousverronsd’abordlamanièredontl’impôtfutrépartiau départducadastredesterres,avantdenousinterrogerensuitesurlaproportionnalitéet, subséquemment,surlapériodicitédecetimpôt. 1.–Lecadastredes*τέενε hα(de) Sarapeda ,telqu’ilestenregistrédanslestablettes Er880et312,serésumecommesuit484 :

Occupant Typedesol Superficieglobale [Ἑ]χελ(λ)ά[ων] [κ]τ ίενον [50](ou [52]) c. 29,3(ou c. 30,5)% [ἄκτι]τον [44](ou [42]) c. 25,8(ou c. 24,6)% Fάναξ — 30 c.17,6% Λααγέτας — 10 c.5,9% Τελεσταί — 30 c.17,6% Fροικίων ἐρῆον 6(ou 7) 3,5(ou 4,1)% TotalTotal — 170( ou 171) 100%

481 Cf.p.ex. supra ,n.480. 482 PYEp539,l.5et7. 483 Cf.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.162164. 484 Touteslesapproximationsdecetableaus’entendent±0,1%. POSÉIDON MYCÉNIEN 119

Selontoutelogique,ledomaine[ἄκτι]τονdeHekhel(l)awôn,improductif,nepeutêtreim posé.Lacomparaisonaveclerôledel’impôtfoncierprescritenUn718montre,d’autre part,quele wanax estdispensédetoutversementàPoséidonetqueles τελεσταί,reprissous levocableδ ᾶος,sontrapprochésdeHekhel(l)awôn;poursapart,le lawagetas estassociéà Wroikiôn,àlafoisparlastructuredelatabletteetlejeudesparticules,ainsiqueparla complémentaritédesdenréesverséesenguisedeδοσ ός485 . Cesobservationspermettentdefairecorrespondreles cinq tenanciers du cadastre PYErauxquatrecontribuablesdurôleUn718,enlesregroupantentroiscatégories486 :

Cadastre(Er880et312) Rôled’impôt (Un718) Céréales,bétail Vinet Occupant Superficieimposable Contribuable Peaux etfromages sirupeux 50 c. 51,8% [Ἑ]χελ(λ)ά[ων] Ἑχελ (λ) άων 50% 50% 50% (ou 52) (ou c. 52,8%) Fάναξ — — — — — — Τελεσταί 30 c. 30,8% ᾶος 25% 33,3% 50% Λααγέτας 16 c. 16,5% Λααγέτας 25% 16,7% 0% Fροικίων (ou 17) (ou c. 17,3%) Fροικίων 96,97, Total 100% Total 100% 100% 100% 98 ou 99 Lecommentairedecetableaus’organiseraendeuxpoints:dansunpremiertemps,nous étudieronscomparativementlesproportionsducadastreetdurôle;dansunsecondtemps, nousanalyseronsl’organisationdifférentedestenanciersdePYEretdescontribuablesde Un718. a)Ladifficultémajeurerencontréeaumomentd’établirlesproportionsdel’impôt réside,commenousl’avonssignalé,dansladiversitédesdenréesoffertesenδοσ όςàPo séidon.Lacomparaisonlaplusobjectiveimpliquedonclamiseensériedesdonnéespar catégoriededenrées. LacontributiondeHekhel(l)awôn,entregistréeenUn718(l.25),couvreexactement lamoitiéduδοσ ός;ilestaisédelamettreenrapportavecleterrain[κ]τ ίενονoccupépar cethomme,puisquesasuperficiecouvreunpeuplusdelamoitiédesterresimposables.La répartitionduδοσ όςparaîtdonclégèrementàl’avantagedecetenancier487 . Les trois autres contribuables (l.713) se partagent l’autre moitié du δοσ ός, selon desmodalitésmoinsclaires.Auvudelatailledeleurstenures,lestroisτελεστα ίdevraient payerensembleunimpôtdoubleàceluidu lawagetas etdeWroikiônréunis;telestlecas pourlevinetlessirupeux,maispouraucunedesdeuxautrescatégories.Enmatièrede céréales,debétailetdefromages,eneffet,le damos verseunecontributionstrictementéqui valenteàcelledesdeuxderniersassujettis;cedéséquilibren’estpasentièrementcompensé parlapeaudemoutonofferteparle damos ,sanscontrepartiechezle lawagetas etWroikiôn, puisquelavaleurdelatoisonpeutdifficilementdépassercelledel’animal.Autotal,le damos

485 Cf. supra ,p.103105. 486 Dansletableausuivant,lesapproximationss’entendent±0,3%pourHekhel(l)awôn,±0,5%pourle damos ,±0,2%pourWroikiôn. 487 Notonsquesilebœufvauteffectivementcinq—et non quatre— moutons (cf. supra , n.410), la contributiondeHekhel(l)awônestlégèrementsupérieureàlamoitiéduδοσ ός( c. 51%)etreflèteauplus prèssespossessionsfoncières. POSÉIDON MYCÉNIEN 120 verseunpeuplusd’unefoislaquotepartdesdeuxplusfaiblestenanciers488 ;étantdonné qu’iloccupeprèsdedeuxfoisplusdeterresqu’eux,ilest,commeHekhel(l)awôn,avantagé parlaclefderépartitionduδοσ ός. Iln’estguèreaisédepondérerlescontributionsrespectivesdu lawagetas etdeWroi kiôn,puisquecesdeuxindividusnefournissentpaslesmêmesdenrées;toutefois,lesfour nituresdevinetdecéréalesquedoiteffectuerle lawagetas sontdeuxettroisfoisplusélevée quecelledeWroikiôn,alorsqueleterraindupremiernemesurequ’unefoisetdemiecelui dusecond489 .AlorsqueWroikiônpaieunepartduδοσ όςàpeuprèsproportionnelleàla tailledesaparcelle,le lawagetas estdoncclairementdésavantagé.Cedéséquilibreestflagrant danslecasdesdenréesprimaires—nepossédantqu’environundizièmedelasuperficie desterres,le lawagetas verse25%delacontributiontotaleenbétail,18,7%descéréales, 11,1%duvin—,mêmes’ilestvraiquecepersonnagenefournitaucunedesdenréesse condairesquesontlefromage,lespeauxoulessirupeux. Quandlacomparaisonestpossibleetpertinente,ladistributionduδοσ όςrespecte globalementl’ordredegrandeurdesparcellesimposables,mêmesilarépartitionassezlibre desdenréesfourniesparlesdeuxpluspetitscontribuablesnepermetpasdevérifiertoutes lesproportionsdansledétail;le lawagetas seulparaîtlégèrementléséparrapportauxtrois autrescontribuables.Cetteconcordancetendàconfirmerl’exactitudeducadastredesterres imposables,avecl’exemptionduτ έενοςroyal,l’exclusionduterrain[ ἄκτι]τονdeHekhe l(l)awônetl’identificationdestroisτελεστα ίauδ ᾶος490 . Uneautrehypothèsedetravail,quipostulel’exemptiondesdomainesdu wanax et des telestai etl’attributiondelapartie[ ἄκτι]τονau damos ,donnelesrésultatsbeaucoupmoins satisfaisantsde45%pourHekhel(l)awôn,40%pourle damos ,10%pourle lawagetas et5% pourWroikiôn491 :lamauvaiseadéquationauxproportionduδοσ ός,ainsiquel’exemp tionproblématiquedes telestai 492 ,invitentàl’écarterpurementetsimplement. b) Unargumentnonnégligeableenfaveurdel’interprétationquenousvenonsdere jeterestlaconformitédurôleUn718àl’agencementducadastreEr880et312:lester rainsdeHekhel(l)awôn,du damos ,du wanax ,du lawagetas ,des telestai etdeWroikiônauraient étécadastrésàlasuite,puispassésenrevuedanscet ordre au moment d’établir le rôle, lequelommettraitsimplementdementionnerlestenuresdu wanax etdes telestai ,exonérées d’impôt493 .Pourjustifierlaformulechoisie,ilconvientdoncd’expliquerl’interversiondes telestai —devenus damos —etdu lawagetas entreEr312etUn718,demêmequelesparticu laritésdemiseenpagedesdocuments,commelaséparationducadastreendeuxtablettes distinctesouencoreles uacat ménagésenEr312(l.4)etUn718(l.6). LecadastrePYEr,quifutlogiquementrédigéenpremierlieu,adeforteschances d’êtreorganiséd’unpointdevuetopographique.Visiblement,lescribe24atenuàdistin guercinqentitésdistinctes,pasforcémentparleurstatut—puisquetouteslesparcelles portentsansdouteletitredeτ έενοςet,lecaséchéant,sontimposéesdanslesmêmespro portions—,maisplutôtparleurlocalisation.D’unepart,legranddomainedeHekhel(l)a 488 Surlabasedel’équivalencemeri1= VIN 4= GRA 3= OVIS 3(cf. supra ,n.408),maissansintégrerles dixfromages,nilapeaudemouton,leratioentrelacontributiondu damos etcellesdesdeuxdernierscontri buabless’établità1:1,19. 489 Enproportiondelatotalitéduterroirimposable,lepremierdétientde10,1à10,4%delasuperficie desterres,lesecond c. 6,2ou c. 7,1%. 490 Telleestaussil’opiniondePia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.114116. 491 M.LEJEUNE , loc.cit.[n.372],p.7879,§5c. 492 Surcespersonanges,cf. supra ,p.116117. 493 Ibid. ,p.80,§6a. POSÉIDON MYCÉNIEN 121 wônfaitl’objetd’unetabletteàpart(Es880),quidétailleexactementlestatutdelaterre,la superficiedesterrainscultivésounon,letypeetlaquantitédeplantations,ainsiquelataille totaledelatenure.D’autrepart,quatreautresdomainespluspetitssontrecenséssuccincte mentsurunesecondetablette(Es312),ellemêmediviséeendeuxsectionsparun uacat: chaquesectionconcerneunesuperficiedeterrainpratiquementégale,chaquefoisoccupée pardeuxtenanciers—le wanax etle lawagetas d’unepart,les telestai etWroikiônd’autrepart. Le classement n’oppose pas forcément les *τε ένε hα des deux premiers aux terrains des deux derniers, puisque le génitif τελεστ άων appelle un substantif sousentendu, qui doit naturellementêtre{τέενος};iln’observepasnonplusunordredécroissantdesparcelles, sansquoileterraindétenuparlestrois telestai devraitêtrementionnéàlasuitedudomaine royal.Lasolutionlapluséconomiqueconsistedoncàjustifierlesrapprochementsopérés paruneproximitégéographiquedesparcelles:ledomainedeHekhel(l)awôn,lesdomaines du wanax etdu lawagetas ,ainsiquelesdomainesdes telestai etdeWroikiôndoiventêtrephy siquementséparés,cequijustifielarédactiondedeuxtablettesdistinctesetl’insertiond’une ligneblancheaumilieudeEr312. L’objetdurôled’impositionUn718esttoutàfaitdifférent:cedocumentnevisepas àrenseignerlepalaissurlapositiondesparcellesimposées,maisàfixerunimpôtpropor tionnelàlatailleduterrainoccupé.Danscetteoptique,ilestnaturelquelestenanciersim posablesaientétéclassésparordredécroissantdesuperficie,desortequelepremiercontri buablementionnéversedavantagequeledeuxième,etainsidesuite.Lesgroupementsdu premieretdudeuxièmecontribuable,ainsiquedutroisièmeetduquatrième—observa blesparlastructureinternedutexte494 —répondraientalorsàdesimpératifsmathéma tiquesplutôtquetopographiques:

— Hekhel(l)awônetle damos totalisent,eneffet, 5/6desterresimposables:leurcontribution commune se doit de respecter la même proportion par rapport au δοσ ός total. En pratique,cerapportestrespectépourlevinetlessirupeux,dontlesquantitéstotalessont comptées à la sizaine, mais pas pour les céréales,le bétail et lesfromages, ni pour les peaux,dontletotaldesfourniturespeutplusdifficilement—voirepasdutout,pourles animauxettousleursproduitsdérivés—êtrediviséparsix495 .Àl’intérieurdecepre miergroupe,unesecondedistributionàimposeràHekhel(l)awôndeverserexactement lamoitiéduδοσ ός,etau damos deréglerlereste. — Le lawagetas etWroikiôndevraientthéoriquementpayerensemblelesixièmeduδοσ ός. Exactement appliquée aux liquides, cette proportion est systématiquement arrondie à l’unitésupérieurepourlegrain,lebétailetlesfromages—apparemmentcomptésàla demidizaine—;enéchange,cegroupeestdispensédefournirdespeaux.Commenous l’avons déjà signalé, la répartition des denrées au sein de ce groupe accuse un certain déséquilibreendéfaveurdu lawagetas . S’ajoutantàcettestructureinterneetencontradictionpartielleavecelle,laprésenta tionexternedudocumentesttoutautantremarquable.L’aménagementd’uneligneblanche aprèslacontributiondeHekhel(l)awônsépareainsiletexteendeuxpartiesdistinctes,les quellessontstrictementéquivalentes,puisquelepremiercontribuableverselamoitiédu δοσ ός—sacontributionestparticulièrementmiseenexergueparsapositioninitialeet l’emploidelaformuleintroductivecomplète.Deplus,ladistinctionphysiqueopéréeen 494 Ladeuxièmecontribution(l.78)estmiseenrapportdirectaveclapremière(l.25)parlaconjonction odaa2,alorsquelatroisièmeentrée(l.911)estreliéeàlaquatrième(l.1113)parl’emploid’uneformule introductivebinaire,àl’imagedesdeuxpremiersparagraphes,etl’absencedesautàlalignesuivante. 495 Ceconstatsebasesurladoubleprésomptionqu’unemesuredefarinevauttroismesuresdegrainet unbœuf,quatremoutons(cf. supra ,p.105). POSÉIDON MYCÉNIEN 122

Un718entreHekhel(l)awônetlestroisderniersassujettisreflèteexactementlarédaction ducadastrePYErendeuxtablettes,dontlapremière,Er880,estconsacréeauseulHekhe l(l)awôn,tandisquelaseconde,Er312,concernelesquatreautrestenanciers. Àcôtédurapport5:1découlantdelarépartitiondesassujettisendeuxgroupes,la miseenpagedelatabletteintroduiraitdèslorslaprécisionsupplémentaired’unrapport1:1 entrelepremiercontribuableetlestroisautres—mêmesil’absencedeblancaprèslacon tributiondu damos etl’absencedesautàlaligneaprèscelledu lawagetas pourraientégale ments’expliquerparunemaladresseduscribe24,lequelseseraitaviséaufuretàmesure dumanquedeplacedisponibleetauraitcondensésontexteenconséquence496 . 2.–Ilressortassezclairementdesdifficultésrencontréesparlescribe24pourcalcu lerlacontributiondechacunauproratadelasuperficieoccupée,etpourintégrerdansle tributdifférentesdenrées,enquantitéstrèsdiverses,queleδοσ όςdePoséidonestunim pôtderépartition.Enéchangedel’occupationdesterrainsPYEr,ledieuexigeaitderece voir6unités½degrain,½unitédefarine,6unitésdevin,1taureau,2moutons,20froma ges,2peaux,8mesuresd’onguentet16mesuresdemiel;lescribe24s’efforçaparlasuite derépartirlepluséquitablementpossiblecetimpôtentrelesquatrecontribuables. Untelprélèvementcorrespondcertainementàunbesointrèsprécis:étantdonnéla naturedivinedudestinatairedel’impôt,ilnepeuts’agirquedel’organisationd’unecéré moniereligieuse,impliquantcertainementunsacrificeetéventuellementlatenued’unban quetsacré.Lesaffinitésentrelesproductionsduscribe6etlatabletteUn718duscribe24 invitentd’ailleursàprivilégiercettehypothèse:toutcommelerectodelatabletteUn853 enregistrerait la contribution ( ἔρα[νος]) versée par Hekhel(l)awôn en vue du banquet de Un6497 ,lesprovisionsdontlacollecteestprogramméeenUn718serviraientdanslecadre defuturesagapes.Lefaitque,danslesdeuxcas,Hekhel(l)awônpourvoieexactementàla moitiédesdépensesprévueslietrèsétroitementcesdeuxdossiers,quipourraientconcer nerlesmêmespersonnes—lestenanciersimposablesdePYEr—,pourlesmêmesrai sons—ladétentiond’unetenuredanscedomaine—etauxmêmesfins—latenuede banquetssacrés. a)L’étudedelaproportionnalitéduδοσ όςdePoséidonseheurtedèslorsàundou bleproblème:fautilprendreencomptelatotalitéduterroirPYErpourcalculerl’assiette de l’impôt, ou seulement les tenures imposables? fautil considérer les versements de Un718commeleseulrôled’imposition,ouyadjoindrelescontributionsinférablesdesta blettesUn853etUn6?Unetroisièmedifficultés’ajouteenfin,aumomentdetransférer lesdifférentesdenréesenuneunitécommune,afindelescompareràlasuperficiedester rains,expriméeenunitésdesemence. — Selonquelatenuredu wanax etleterrain[ ἄκτι]τονdeHekhel(l)awônsoientcomptésou nondansl’assietteduδοσ ός,cellecivariede96–99à170ou171unitésdegrainsemé —soituneaugmentationde c.75%.Ilparaîtraitcurieux,cependant,quelescontribua blesfussenttenusdeverserunimpôtcalculéenincluantdespersonnesexonérées deiure ou defacto .Enoutre,puisqueleδοσ όςn’estpasunimpôtdequotité,maisunimpôtde répartition,ilestdetoutefaçonpréférabledeprendreencomptelamatièreimposable pourréellementprendremesuredelapressionfiscale. — L’inclusionounondestablettesduscribe6danslerôled’impôtestunproblèmeautre mentpluscomplexe.Defait,seulHekhel(l)awônapparaîtnomménentdanscedossier connexe —la présence des trois autres contribuables étant inférée de l’existence d’un 496 Ainsi,cf.e.a.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.372],p.74. 497 Cf. supra ,p.8284. POSÉIDON MYCÉNIEN 123

rapportde50%entreUn853etUn6.Leslacunesdesdeuxtablettesnepermettentpas, enoutre,dedisposerdedonnéeschiffréesexactesetexhaustivessurlesdenréesrassem bléespourlebanquetdeUn6,maismontrentquandmêmequelesdossiersduscribe6 et du scribe24 impliquent des produits en partie différents: Un718 ne mentionne ni laine( LANA )nitextiles(*146,*166+ WE ,TELA +TE ,TELA +PA ),pasplusquedescaprins (CAP f)oudesporcins( SUS +KA, SUS f)etencoremoinsde rekono;Un6et853ignorent pourleurpartlesfromages( TURO 2),lespeaux(*153)etlemiel(meri).Lorsquelacom paraisonestpossible,ilsemblemêmequelacontributiondeUn853etUn6soitbeau coupplusélevéequecelledeUn718498 .Àlatripleconditionqueles ἔρα [νοι ]duscribe6 concernentbienlesmêmespersonnesquelesδοσο ίduscribe24,quecesdeuxprélè vementssoientpériodiquesetaientlieuàlamêmefréquence,ilconviendradoncdemul tiplierenvironparquatrelepourcentagedelapressionfiscale. — Afind’êtrecomparéaucadastrede96à99unitésdegrainsemé,lerôleUn718devrait également être transposé en unités de grain. Une conversion relativement assurée des céréalesetdesliquidesindiquequelavaleurduδοσ όςdépasse13unités½degrain499 ; lebétailajouterait8autresunités,siunbœufvautvraimentquatremoutonsetlemouton uneunitédegrain500 ;restentles20fromagesetles2peaux,difficilementconvertibles. Onadmettradoncqueletotaldescontributionsvautenviron25unitésdegrain. Sommetoute,lavaleurdel’impôtavoisine25%dessemaillesthéoriques.Enajoutantdans labalanceles ἔρα [νοι ]duscribe6,cerapportserapprochecertainementdutauxexorbitant de100%. b) L’importancedescontributionsconsentiesparlestenanciersimposablesdePYEr poselaquestiondelapériodicitédel’impôt.Ilest,eneffet,excluqueleδοσόςdeUn718 soit unique ou occasionnel: dès lors qu’il est la contrepartie de l’occupation de tenures dûmentrecensées,ildoitêtreprélevéàintervalles réguliers, selon un rythme annuel ou pluriannuel.Quantaux ἔρα [νοι ]duscribe6,ilspourraientàlarigueurcorrespondreàune taxationexceptionnelle;toutefois,lesacrificeàPoséidonet Pere82 quijustifielebanquetde Un6nesemblepasêtreunévénementunique—commeentémoignentlesvestigestou jourslisiblessousletexteactuel.Silesacrificeetlebanquetquil’accompagnesontréguliè rement célébrés, il est possible que la perception des ἔρα [νοι ] auprès des tenanciers de PYErsoitégalementrécurrente. 498 LacontributionencéréalesdeHekhel(l)awônestcertesenvirondixfoisinférieureenUn853(l.5: [GRA (?)] T 1 FAR T 1 V [–]) par rapport à Un718 (l.3: GRA 4),maissesversementsdesirupeuxetdevin s’accroissentde33,3et66,7%d’unetabletteàl’autre;surtout,cecontribuablefournitenUn853(l.45)au moinsun[bœuf],deuxmoutons,[une]chèvreetsixporcs,alorsqu’ilnedonnequ’untaureauenUn718(l.3). Auregarddeségalités GRA 3=FAR 1=NI 3=OVIS 3=VIN 4=meri1et OVIS 4=BOS 1(cf. supra ,n.408et 410),Hekhel(l)awônpaieenUn718l’équivalentde10unités¾degrain,plus10fromagesetunepeau.En Un843,envertudesrapportscnossiens TELA +PA =LANA 1M 2et TELA +TE =LANA 7(cf.J.T.KILLEN , «The Knossos Lc [Cloth] Tablets», BICS , 13, 1966, p.105109; ID., «A Problem in the Knossos Lc (1) [Cloth]Tablets», Hermathena ,118,1974,p.8290)etenportantencomptechèvresetporcsàlamoitiédela valeurd’unmouton,lemêmeHekhel(l)awôndonneauminimuml’équivalentde18vêtements,11unités 1/3 delaineet14unités 7/24 degrain,sansmêmecompterles rekono ,nilamaind’œuvrenécessaireàlaconfection destissus(àcesujet,cf.EvaANDERSSON &MarieLouiseB.NOSCH ,«WithaLittleHelpfrommyFriends: InvestigatingMycenaeanTextileswithHelpfromScandinavianExperimentalArchaeology»,dansKarenP. FOSTER &R.LAFFINEUR [éd.], Metron.MeasuringtheAegeanBronzeAge.Proceedingsofthe9 th InternationalAegean Conference.NewHaven,YaleUniversity,18–21April2002 [ Aegaeum ,24],Liège&Austin,2003,p.197205etpl. XLV) ;sil’équation LANA 10+*14610= LANA 2+ CAP f2+*1463+ VIN 10+ NI 4estvraie(cf. supra , n.307),alors LANA 8+*1467= GRA 12 T 6etl’ ἔρα[νος] deHekhel(l)awônpeutêtrepondéré,aubasmot,à 32unitésdegrain,plus6rekono et8vêtements—soittroisfoisson δοσόςdeUn718. 499 Pourleséquivalences,cf. supra ,n.408. 500 Cf. supra ,p.105etn.410. POSÉIDON MYCÉNIEN 124

Leseulélémentdecomparaisonpertinentestledossierdesδοσο ίdePYEs501 ,oùil apparaîtquePoséidonreçoit10unitésdegrainpourdesterrainsmesurantautotalprèsde 28unitésdegrainsemé,soituneproportionde35,9%;enajoutantlestroispercepteurs mineursmentionnésauxcôtésdePoséidon,leδοσ όςmonteàpresque12unités½de grainetlaproportionà44,5%.Or,l’impôtàPoséidondelasériePYEss’opposeàun autre δοσός,probablementdestinéaupalaisetprélevéannuellement ( έτε hι έτε hι), qui rapporte c.13,7%delavaleurcadastrale.Cettedissymétriepermetd’imaginerunprélève mentpluriannuel,peutêtretriétérique,pourleδοσ όςsupplémentairedePYEs—cequi signifieraitunimpôttotalannuelde c. 35,8%.Lasimilitudeduδοσ όςdeUn718autorise àpostuler apriori lemêmerythmedeprélèvementbiennal502 . Si les ἔρα [νοι ]dudossierduscribe6étaientperçusàlamêmefréquence que les δοσ οίdeUn718,l’impôtbiennaldépasseraitlavaleurcadastrale,etl’impôttotalannuel (c. 50%)seraittrèssupérieuràceluidudossierPYEs(35,8%).Parconséquent,ilestsans doutepréférabledeconsidérerquelesdeuxperceptionseffectuéessurlesterrainsdePYEr suiventdeuxcyclesdifférents:dansl’hypothèsed’unδοσ όςeffectivementtriétérique,les ἔρα [νοι ]pourraientêtrepentétériques,desortequel’impôtglobalannuelsechiffreraità c.37,5%delavaleurcadastrale.Globalement,cetauxestconformeàl’impositionappli quéeenPYEs,quandbienmême,dansledétail,quatretenanciersdePYEsbénéficie raientd’untarifpréférentiel503 . SijamaistouslesprélèvementsdePYEsétaient,malgrétout,annuelsetqueceste nanciers devaient verser c. 58,2% du grain théoriquement ensemencé, les δοσ οί de Un718 pourraient également être prélevés chaque année. Dès lors, en conservant des ἔρα [νοι ] pentétériques, l’impôt annuel global des tenanciers de PYEr serait d’environ 50%;seulsdeuxtenanciersdePYEsjouiraientd’untauxplusavantageux504 . Danslecasd’unrythmepentétériquedel’impôtàPoséidonetauxacolytesdansle dossierPYEs,letauxd’impositionannueltomberait à c. 24,7%.Cetordredegrandeur correspondraitàunprélèvementquadriennalduδοσόςet de l’ἔρα[νος] destinésàPoséi donenUn718etUn6( c. 25%).Denouveau,quatretenanciersdePYEsauraientdroità untauxinférieurà25%505 . Entoutétatdecause,ilparaîtexcluquelestenanciersimposablesdePYEraientété contraintsdeverserannuellementdes ἔρα [νοι ]destinésaubanquetdePoséidon;parcon tre,cettecontributionpourraitcertainementobserverunrythmequadriennal.Ilvadesoi quepareilleconjecturedevientcaduquesilesparticipantsaubanquetdeUn6nesontpas rigoureusementidentiquesauxcontribuablesdeUn718:onpourraitimaginer,parexem ple,quetouslestenanciersdePYErsoientinvités,sansexemptionaucune,àverserune quotepart pour le banquet équivalant à la taille de leur τέενος —la participation de Hekhel(l)awônmontantàlorsà c. 55,1%,cellesdu wanax etdu damos à c.17,6%,celledu

501 PourtouteslesproportionsconcernantlasériePYEs,cf. infra ,p.143153,enpart.lestableauxdes p.144et153. 502 Encesens,maisenpartiesurd’autresbases,cf.Pia DE FIDIO ,op.cit. [n.2],p.125126. 503 CestenancierssontKopreus,imposéà25%( 1),Alektruwôn,à32,1%(2),Wroithias,à34,7%( 7)et Ane os,à30,9%( 9).Cesdonnéescontredisentleprincipegénéralselonlequellespetitestenuressontrelati vementplusimposéesquelesgrandes:sicetteloiétaitd’applicationdanslesdossiersdesscribe6et24com meauseindudossierPYEs,onattendraitquelescontribuablesdePYErbénéficientd’untauxd’imposition inférieurà25%. 504 Ils’agiraitdeKopreus,avecuntauxde40,3%( 1)etde Ane os,avecuntauxde47,1%. 505 LesquatreprivilégiésseraientencoreKopreus,avec17,4%( 1),Alektruwôn,avec21,7%(2),Wroi thias,avec24,3%( 7)et Ane os,avec22,8%( 9). POSÉIDON MYCÉNIEN 125 lawagetas à c. 5,9%etcelledeWroikiônà3,5ou4,1%.Notreignorancedesdétailsdudos sierduscribe6oblige,parconséquent,àuneprudenteréserveausujetdes ἔρα [νοι ].Quant aux δοσ οίdeUn718,ilspeuventêtrequadriennaux,biennauxouannuels;lavraisem blanceveutqu’ilsconnaissentlamêmepériodicitéquelesδοσ οίperçusparladivinitéen PYEs. C.Terresacréeoupalatiale? L’étude comparée des extraits cadastraux et du rôle d’impôt relatifs aux domaines (de) Sarapeda arévéléunétroitrapportentrePoséidon,le wanax pylienetlesterressusmen tionnées.Defait,ledieusembleêtrelebénéficiaireexclusifduprélèvementopérésurles revenusdesterrainsexploitables(de) Sarapeda ,tandisquelesouverainest,poursapart,le seultenancieràbénéficierdedroitd’uneexemptionfiscale. Cesinformationsamènentàconclurequelesdomaines (de) Sarapeda sont soit un bienfondsconsacréàPoséidon,soitunepossessionroyale:danslepremiercas,Poséidon toucherait une redevance, sans doute annuelle, équivalant au loyer des terres occupées, dontleroiseraitdispensé exofficio;danslesecond,toutoupartiedutributroyalseraitdé tourné,pouruneraisoninconnue,auprofitdudieuPoséidon.Cettealternativeconstitue ensoiuneimpasse:lesdonnéestopographiquesetétymologiquespermettrontpeutêtre d’ensortir. 1.–Lesterresdetype sarapedος ousituéesà Sarapeda couvrentunesuperficiede170 ou171unitésdesemence.Cettesurfaceestsupérieureàcelledesautrescadastresconnus duroyaumepylien,puisqueledomainede Pakijana mesureunpeumoinsde102unités 506 507 5 508 ½ ,celuidelasériePYEapeutêtre137ou138unités ,celuidePYEs27unités /6 , celui de PYEq plus de 14 unités¼509 . Par ailleurs, un relevé global des terres orojo dressépar Akosota danslecantonde Akerawa s’élèveà94unitésdesemence—cequiest rigoureusement identique, en superficie, au terrain du seul Hekhel(l)awôn510 . En valeur absolue,nouspouvonsétablirque GRA 1équivautauminimumà66ares511 —cequiporte latailledesdomaines(de) Sarapeda àaumoins112hectares,contrerespectivement c. 67,90 (ou91),18et9hectarespourlesquatreautresdomainescadastréset c. 62hectarespourles terresorojode Akerawa . Letraitplusremarquable,cependant,restelatailledesdifférentesparcellesdecedo maine,detrèsloinsupérieureàcequelesautresdocumentscadastrauxdonnentàvoir: Hekhel(l)awôndisposeaubasmotde62hectares,le wanax etle damos de20hectares,le la wagetas de7hectares,tandisqueleκ άαςdeWroikiônmesurequelque4hectares.Lefaible morcellementdulieudit Sarapeda contrasteavecles118parcellesdécoupéesdansledomai

506 PYEd411,l.12. 507 Cf.M.LEJEUNE ,«AnalysedudossierpylienEa»(1977),dans MémoiresIV ,p.122127,§57;M.DEL FREO , op.cit. [n.351],p.84. 508 Cf. infra ,p.131132. 509 PYEq36,l.116;146,l.116. 510 PYEq213,l.16. 511 Cetteévaluationestbaséesurleraisonnementd’Y.DUHOUX , loc.cit. [n.353],p.2733.Deuxparamè tresentrentencomptedansl’équation:lepremierestl’unitédecapacitésolide—qu’ilconvientderéévaluer à 115,2 l à la placede 96l, si l’on admet que l’unité se divise en 12 mesures T plutôt que 10 (cf. infra , n.631)—;lesecond,ladensitéd’ensemencementdesparcelles—lechiffrede175l/ha,inférédesdonnées duI er millénaire,devantapparaîtrecommeunmaximum,auvudestauxbienplusbasattestésenOrientau II emillénaire. POSÉIDON MYCÉNIEN 126 nede Pakijana ,oulacentainedetenuresquidevaientformerlecadastrecompletdelasérie PYEa512 . Siétenduesoitelle,lapossiblelocalitéSarapeda neselaissepasaisémentsituersur unecartedeMessénie:contrairementàPakijana ,Sarapeda n’estpasaunombredesseize districts,regroupésendeuxprovinces,quicomposentleroyaumedePylos513 .Parconsé quent,alorsqueledomainede Pakijana sesitueforcémentdanslecantonhomonyme,nous nedisposonsd’aucunélémentobjectifpourlocaliser Sarapeda ,fûtcemêmepoursituercet endroit dans la Province Proche —c.àd. «citérieure» au massif Αἰγολα ῖον (dewero a3koraija, δεερωαιγολαία)— ou dans la Province Lointaine —c.àd. «ultérieure» (pera3koraija,περ[α]αιγολαία). L’associationfréquentedePoséidonaveclesanctuaire de Pakijana 514 pourrait faire songerquelesterrains(de) Sarapeda sesituentdansledistrictdumêmenom515 ;toutefois, laplusgrandeprudencerestedemise,carriennedémontrequeleΠοσιδ άhιονsoitlocalisé à Pakijana ,nimêmequelesterres(de) Sarapeda setrouventàproximitédecesanctuaire. Undernierargument,d’ordresociolinguistique,permetd’affirmerquelesterres(de) Sarapeda seraientéloignéesdupalaisetlescribe24distantdel’administrationcentrale.De fait,cefonctionnairesedémarquetriplementdelaκοιν ήpanmycénienne:surleplanpho nétique,laliquideétymologique*névolueenαplutôtqu’enοdanslemotpema(σπ̥ έρ α)516 ; sur le plan morphologique, la désinence du datif athématique se présente en ι plutôtqu’enειdanslethéonymeposedaoni(Ποσειδάhωνι)517 ;surleplansyntaxique, onnotel’emploidugénitifdeprixavecl’accusatifderelationdans l’expression tosojo pema(τόσ[σ]οιοσπέρα)518 .Cestroissingularitésdialectaless’expliqueraientélégamment si le scribe24étaitleresponsableattitréd’undomainepériphérique:éloignédelalangue uniformiséedupalais,cepersonnageofficielseraitdavantageperméableauxinfluencesdu mycénien dit «spécial», dont il est le meilleur représentant; cet isolement expliquerait égalementquelacontributiondelamain24auxarchivespalatialessoitsifaibleetconcerne exclusivement les terrains (de) Sarapeda 519 . Ces considérations plaident donc en faveur d’unecertainedistancegéographiqueentrePyloset Sarapeda . 512 CesdonnéessontissuesdeM.LEJEUNE , loc.cit. [n.507],p.124125,§6.L’évaluationdunombrede parcellesdePYEapoursuitlarègledetroisdecet auteur:si les 74parcelles conservées mesuraient 100 unitésdesemence,lasuperficietotaleprésuméede137unités compterait c. 101parcelles. 513 Surcettestructure,cf.M.LEJEUNE ,«Étudesdephilologiemycénienne.VI.Lescirconscriptionsad ministrativesdePylos»(1965),dans MémoiresIII ,p.113133;J.CHADWICK , TheMycenaeanWorld ,Cambridge etal. ,1976 2,p.3448. 514 Cf. supra ,p.9193.Unargumentdécisifseraitlalocalisationà Pakijana des ἔρα[νοι] deUn853etdu banquetdeUn6,sileliendecestablettesavecledossierduscribe24estavéré.. 515 Ainsi,avecprudence,cf.T.G.PALAIMA ,«SacrificialFeastingintheLinearBDocuments», Hesperia , 73,2004,p.230231. 516 PYEr312,l.2,5,8;880,l.4,8. 517 PYUn718,l.1. 518 PYEr312,l.2,8.Cetteanalyse,proposéeparM.LEJEUNE ( loc.cit. [n.372],p.8285,§8)conservesa pertinence,d’autantquel’usaged’unaccusatifderelationindépendantdel’adjectifτ όσ(σ)ος—éventuelle mentadverbialisé—futconfirméparl’expressiontosapemo(τόσ[σ]ασπ έρο)enTIEf2,l.1(cf.ID., «EnmargedestablettesdeTirynthe»[1977],dans MémoiresIV ,p.193194,§3).Considérer,avecM.S.RUI PÉREZ(«Àproposde tosojo dePYEr312»,dansJ.P.OLIVIER[éd.], op.cit. [n.60],p.563567),quelesi gnesopuissenoterlasifflantepalataliséeetainsiconcurrencerlessignessojo(plutôtquelacombi naisonattenduesijo),n’expliqueenaucunemanièrequelescribe24aitchoisi,danslemêmetexte,denoter lemêmemotτόσyον(<*τότyον)deuxfoissouslaformetosojo(l.2,8)etdeuxfoissouslaformetoso (l.5,6):ànotresens,lamorphologierendmieuxcomptedecettealternancequelaphonétique. 519 Cf.T.G.PALAIMA , loc.cit. [n.373],p.205221. POSÉIDON MYCÉNIEN 127

2.–Jusqu’àprésent,nousavonslaisséensuspensleproblèmedel’étymologieetde lasignificationdumotsarapeda520 .Cesinterrogationsontuneimportancetrèsvariable enfonctiondelanaturedeceterme:leurintérêtestpratiquemmentnuldanslecasd’un nompropre,maisdevientcrucialsisarapedaestunadjectif,voireunsubstantif.Entout cas,lapremièresyllabetrahitl’originenonhelléniquedetoutoupartiedecemot,sansquoi lasifflanteinitialeseseraitrégulièrementamuïeenpositionantévocalique. Sisarapedaestuntoponyme,legenreetlenombredumot,ainsiquelaconsonan cedesesdeuxdernièressyllabes,peuventfairesonger,lecaséchéant,àunsyntagmeécrit en scriptiocontinua ,àlire Sar αςπέδα«Plainesde Sara »—où Sara seraitunnomdelocalité comme*Σαλα,*Σαιλα,*Σαραouencore*Σαιρα521 . Dansl’hypothèsed’unadjectifoud’unsubstantif,ilestégalementloisibledepenserà unmotcomposémixteenπέδον«sol,terre»,dontlepremiertermeseraitdelectureetde sensincertains522 .Lecontextedudossierindiquequ’untelmotnepourraitdésignerniun statutd’occupationfoncière,niunrégimeagricole particulier, puisque les termes κ άας, [κ]τίενον,[ἄκτι]τον, ἐρῆονet[φε]φυτη ένονapportentdéjàdesprécisionsdecetype:il faudraitdoncpenseràunesignificationplusgénérique,applicableàcesterrainsvisiblement intimement liés à Poséidon, par exemple «(terrains) sacrés» ou «(terrains) de la divini té»523 . Toutefois, autant cette analyse sémantique est séduisante, autant son fondement étymologiqueparaîtinsuffisant:onnevoitguèrederaisondeprêtergratuitementausup poséthèmenonhellénique sara lesens«consacré»ou«divin».Or,ilestpossibled’arri veràuneacceptionégalementrecevableenrenonçantàladécomposition sara πέδαeten alléguantdesparallèlesnongrecs. Ainsi,lesyntagmeneutresingulieršallipedan ,utilisédanslestexteshittitescontem porainsdestablettesenlinéaireB,signifielittéralement«legrandlieu»etdésigneméta phoriquement le trône ou la capitale impériale524 : l’adjectif šalli «grand» est, en effet, régulièrementemployédansl’acception«royal»,tandisquelesubstantifpeda ,commeson homologuegrecπ έδον,serapportegénériquementàtouttyped’«endroit»525 .Lemycénien sarapeda pourrait être un décalque de cette expression hittite: une lecture au neutre pluriel*σαλ(λ)α(ι)πεδα526 seraituncorrespondantexactdelaformepluriellehittite—non attestée—šallai *pedana ,quidésigneraitles«grandslieux»,c.àd.lesdomainesroyaux. Le toponyme et anthroponyme Σαρπηδ ών, notamment porté chez Homère par le commandantdubataillonlyciendanslaplainetroyenne,peutégalementfournirdesélé mentsdecomparaison.L’étymologiedecenomresteobscure—pourraitonsongeràune

520 Pourunéventaild’explicationsétymologiques,cf. DMic ,t.II,p.282283, s.u. «sarapeda ». 521 Cf.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.372],p.7071,§1d.Parmilesexemplesdelecturesuggérésparcetauteur, les translittérations *Σαλλα et *Σαρρα sont peutêtre moins vraisemblables, car l’on pourrait attendre le signe ra 2pournoterlagéminationdelaliquide,commedans l’anthroponyme ekera 2wo (Er880, l.1; Un718,l.2):cf. supra ,p.99etn.374. 522 Pourdesexemplesdemotscomposésayantπέδονensecondmembre,cf. DÉLG ,t.III,p.867, s.u. «πέδον». 523 Ainsi,Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.9297. 524 KBo 1,28,r.,l.1214;6,29,col.I,l.32; KUB 1,1,col.IV,l.6366= KBo 3,6+ KUB 19,70,col.IV, l.2427. 525 Cf. CHD ,vol.P,fasc.3,p.330345, s.u. «pedaA»(enpart.p.338);vol.Š,fasc.1,p.92100,s.u. «šalli»,(enpart.p.99). 526 Danscettehypothèse,lecomplexera 2(notantet)ouledoubletra 3 (notant ) auraientpuêtresubstituésausignefondamentalra:estceprécisémentpouréviterdechoisirentrelesdeux signesdesubstitutionquelescribe24arecouruausignesimple? POSÉIDON MYCÉNIEN 128 altération du hittite šallipedan 527 ?—,maisilimportedeconstaterqueSarpédon,fils de ZeusetpremieralliédesTroyens,joueunrôleprimordialdansl’ Iliade ,oùilincarneautant laroyautélyciennequelaprésencedeZeusauxcôtésdesTroyens,toutenétantétroite mentliéàPoséidon,àl’instardesoncompagnonGlaukos528 .Ilestdoncpossiblequele nommêmedecepersonnageseréfèreàlafonctionroyale ou à la familiarité avec les ⏓ dieux:lerapprochementaveclemycéniensarapeda—àlire*Σαραπεδα?—estdonc digned’intérêt,mêmesilesliensavecl’expressionhittite šallipedan nesontpasévidents. EnCrète,réputéeterrenataleduroiSarpédon,setrouvepeutêtrelemaillonman quantdelachaînereliantlesterrainspyliens(de) Sarapeda etle šallipedan hittite.Lestablet tesd’HaghiaTriada,datantduMinoenRécentIB( c.1530–1440),sontrédigéesdansune langueinconnue,notéeaumoyendel’écriturelinéaireA,ancêtredulinéaireB.L’examen decestextespermet,malgrénotreignorancedelalangue,d’encomprendrelastructure interneetmêmedeleslire,dansl’hypothèseoùlessignessyllabiquesdulinéaireAadoptés enlinéaireBontconservéleurvaleurphonétiquepremière529 .Danscesdocuments,les 530 associationsrécurrentes*31*55et*31*58 , respectivement lues saru et sara 2, furent interprétéescommelesformessubstantivaleetadjectivaledunomdupalaisoudel’admi nistrationroyale;rapprochementfutfaitavecl’idéogramme (?)*87( DOMUS [?])etlemycé niensarapeda531 .Toutefois,sicessignesparaissentbiendésigneruntoponymeetl’adjec tifethniquequiendérive,rienn’autoriseàconclurequ’ils’agissedupalaisroyaletdeses dépendants:cepourraitaussibienêtrelenomd’unelocalitéquelconque532 .Parconsé quent,lapotentielledénominationdupalaisroyalparlemotsaro/saraenlinéaireAne sauraitêtreunargumentdécisif.

527 Pouruneétymologiehittitolouvitedesnomsdeprincestroyensoualliés,cf.R.LEBRUN ,«L’identité des Troyens», dans L.ISEBAERT & R.LEBRUN (éd.), QuaestionesHomericae.ActaColloquiiNamurcensishabiti diebus7–9mensisSeptembrisanni1995 ( CÉC ,9),Louvain&Namur,1998,p.153155;pourlecasdeSarpédon, avec une solution fort proche de la nôtre, cf. également V.I.GEORGIEV , «Rhadamanthys, Sarpedon und Minos»,dansO.CARRUBA (éd.), StudiaMediterraneaPieroMeriggidicata ,Pavie,1979,t.I,p.200201. 528 Cf.P.WATHELET , DictionnairedesTroyensdel’Iliade ( BibliothèquedelaFacultédephilosophieetlettresdel’ULg. Documenta et Instrumenta , 1), Liège, 1988, vol.II, p.973989, 15181521, s.u. «302.Σαρπηδ ών»; ID., Les Troyensdel’Iliade.Mytheethistoire ( BibliothèquedelaFacultédephilosophieetlettresdel’ULg , 252), Liège, 1989, en part.p.8084,181183;pourlesreprésentationsiconographiquesdeSarpédon,cf.D.VON BOTHMER , LIMC , t.VII/1,p.696700, s.u.«Sarpedon». 529 Cf.e.a.A.FURUMARK ,«TheLinearATabletsfromHagiaTriada.StructureandFonction», ORom , 11,1976,p.121;pouruneexcellenteintroductionàlaproblématique,cf.Y.DUHOUX ,«LelinéaireA:pro blèmesdedéchiffrement»,dansY.DUHOUX etal. , ProblemsinDecipherment ( BCILL ,49),LouvainlaNeuve, 1989,p.59119.Lecodageutilisédanslasuitede l’exposé est emprunté à J.RAISON & M.POPE , Corpus transnumérédulinéaireA( BCILL ,74),LouvainlaNeuve,1994 2. 530 Laséquence*31*55apparaîtcinqfoisdanslestablettesd’HagiaTriada;laséquence*31*58,vingt etunefois:cf.J.RAISON &M.POPE , IndexdulinéaireA( IncunabulaGraeca ,41),Rome,1971,p.6265,fig.52 53. 531 Cf.A.FURUMARK , loc.cit. [n.529],p.1421;ID.,«AegeanSociety», OAth ,12,1978,p.14;ID., apud Margareta LINDGREN , «The Interpretation of Personal Designations in LinearB: Methodological Pro blems»,dansE.RISCH &H.MÜHLESTEIN (éd.), op.cit. [n.84],p.85,n.14.Lesavantsuédoislisaitlaséquen ce *31*55 saro, et ajoutait dans son argumentation l’association *31*53 sara, qui apparaît bien moins fréquemment:cf.J.RAISON &M.POPE , op.cit. [n.529],p.6263,fig.51. 532 Cf.p.ex.A.UCHITEL &MargalitFINKELBERG ,«SomePossibleIdentificationsintheHeadingsof theLinearAArchives», SMEA ,36,1995,p.2936.Ledéchiffrementdecesauteurs,basésurlelycien,ne suscite pas l’approbation unanime: cf. Y.DUHOUX ,«LalanguedulinéaireAestelleanatolienne?», dans M.MAZOYER &O.CASABONNE , AntiquusOriens.MélangesoffertsauProfesseurRenéLebrun ,vol.I,Paris,2004, p.207228. POSÉIDON MYCÉNIEN 129

Lesparallèleslinguistiques,etsingulièrementlehittite šallipedan ,favorisentl’interpré tationdumycéniensarapedacommeundomainepalatialplutôtquecommeuneterre ⏓ consacréeàladivinité.Sicetermeestuntoponymepluriel,unelecturedutype*Σαραπεδα estpossibleetlerapprochementavecletoponymeΣαρπηδ ώνtentant,maistouteexplica tionétymologiquerestenécessairementhasardeuse.Parcontre,sicemotestunsubstantif ouunadjectif,sanécessairesignificationpeutêtreéclairéeparl’étymologie:encecas,une translittérationcommeσαλ(λ)α(ι)πεδα—«“grandslieux”;propriétépalatiale» ou «relatifs aux“grandslieux”;palatiaux»—,conviendraitremarquablementaucontexte. 3.–Lemotsarapedaestiluntoponyme,unsubstantifouunadjectif?Lesterres ainsidésignéesappartiennentellesendroitàPoséidonouausouverainpylien?Enrefer mantledossierduscribe24,ilestopportundeposerànouveaucesdeuxquestions,qui traversentenfiligranetoutecettesection. L’analysemorphologiquen’apaspermisdedétermineravecunecertitudeabsoluela naturedumotsarapeda533 ;cependant,avecl’aidedesapprochescombinatoireetétymo logique,nouspouvonsmaintenantétabliruneéchelledeprobabilité. D’unpointdevuestrictementmorphologique,l’hypothèsed’untoponyme pluraletan tum dutypeΜ έγαραestparfaitementrecevable,pourvuquel’onacceptelarestitutionsara pedo[i]enEr880.Néanmoins,ladistributiondecenompropreestplussurprenante: apparaissant à l’initialeet à l’état non construit en Un718, il serait décliné au locatif et enchâsséaucœurdelapropositionenEr880,avantd’êtrepurementetsimplementomis enEr312;onseraitendroitd’attendreuneplusgrandecohérencesyntaxiquedansl’em ploid’untoponyme,enparticulierdanslesdocumentscadastraux,oùlesindicationsgéo graphiquesparaissentessentielles.Enfin,l’étymologieestd’unmaigresecours,commepour touteanalysedenompropre. Lanonrécurrencedutermesarapedo[–]enEr312plaideégalementendéfaveur d’unsubstantifneutresingulier(* saraped ον)désignantuncertaintypedeterre:sicettepos sibilitéconvientparfaitementàl’intitulédeUn718—oùunnominatifplurielderubrique indiqueraitquelatabletteconcerneles«terresdetype sarapedον»—,ellenesatisfaitque moyennementpourEr880—oùsejustifieraitl’accordde[κ]τ ίενονet[φε]φυτηένον,mais guèrelapositiontrèscurieusedusubstantif,séparédesapremièreépithèteparleverbe ἕχει534 —etnesejustifiepasdutoutenEr312—oùlesubstantifseraitnonseulement sousentendupourchacunedesquatreentrées,alorsquelecadastreporteraitprécisément surles*saraped α,maiségalementremplacépardeuxfoisparτ έενος,sansaucunejustifica tion d’une telle alternance, sauf si les termes * saraped ον et τέενος étaient synonymes; mêmedanscecas,lesraisonsduchangementdedésignationdemeureraientobscures. En définitive, l’analyse de sarapeda comme un adjectif implicitement accordé à τέενοςparaîtlameilleuresolution.EnUn718,l’adjectif,substantivé,désigneles«{*τε έ νε hα}detype saraped ος»;enEr880,ilestuneépithètedutermesousentenduτ έενος,à l’instardesparticipes[κ]τ ίενονet[φε]φυτηένον;enEr312,ilestluimêmesousentendu aprèslamentiondeτέενοςauxl.1et3,tandisquetoutel’expressionτ έενος saraped ονest sousentendueauxl.5et7.Lesensreconnuàcetadjectifnepeutdoncêtreincompatible 533 Cf. supra ,p.109110. 534 L’hypothèseingénieused’unerestitutionde[qe]danslalacunedelal.2(cf.p.ex.L.R.PALMER , op. cit. [n.102],p.216217)contournecettedifficulté,mais en crée d’autres, en opposant les termes κτ ίενον —ou,lecaséchéant,κτ ίενονς,voireκτι ένω—d’unepartet saraped ον[φε]φυτηένονd’autrepart,alorsque toutes les terres recensées dans ce dossier sont supposées concerner le lieudit Sarapeda (cf. l’entête de Un718)etqueleparticipe[φε]φυτηένονcomplèteκτ ίενονdavantagequ’ilnes’yoppose(cf. supra ,p.111 113). POSÉIDON MYCÉNIEN 130 aveclanotiondeτ έενος,maisdoitlapréciserutilement;d’autrepart,lesdeuxtermesdoi ventêtrespécifiquementréservésaudomainedontlescribe24alacharge,aupointque l’unoul’autresuffiseàfaireréférenceaustatutspécifiquedecesterrainsetmêmeque l’associationexplicitedu nomenregens etdesonépithètesoitévitée. Surlabasedesacceptionshomériqueetclassique,lemotτ έενοςpourraitdésigner un«apanage»ou«domaineréservé»,quiappartientenpropreàundieuouungranddu mondemycénien535 .L’adjectifsarapedo,àlireσαλ(λ)α(ι)πεδον,indiqueraitensusquele τέενοςestunepossessionpalatiale.Leproblèmeestdesavoirsicetteépithèteestqualifi cativeoudéterminative,autrementditsitoutτ έενοςmycénienappartientforcémentau palaisousiseulsles*τε ένε hασαλ(λ)α(ι)πεδαrépondentàcettedéfinition;l’étatdeladocu mentationnepermetpasderéponsetranchée,quoiquel’absencedel’expressionintégrale soitunargumentenfaveurdelapremièreoption.Entoutcas,lagestiondeces*τεένε hα estaccordéeàdiverspersonnagesetentitésplusoumoinsimportants,telsHekhel(l)awôn, le lawagetas ,le damos etWroikiôn,quiversentencontrepartieuntributàPoséidon;comme attendu,seullesouverainestexemptédecetimpôt. Entantqueterrespalatiales,ilestlogiquequelecadastredes*τε ένε hασαλ(λ)α(ι)πε δαsoitconservédanslapièced’archivesdupalaisdePylos.Parailleurs,onattendraitquele palaisperçoiveégalementunimpôtfonciercalculésurlabasedecesrelevéscadastraux536 : lapossibilitén’enestpasdutoutexclue,maisilnenousestparvenuaucundocumentqui relatepareilleimposition. L’aporieantérieureseraitainsirésolue:lesterrainsσαλ(λ)α(ι)πεδαsontpropriétépala tiale,dontl’usufruitimpliqueauminimumleversementdeδοσο ίàPoséidon.Cetétatde faittrahitunetutelledugranddieudePylossurlepalaisetsesdépendances:voilàquienri chitconsidérablementnotreconnaissancedesattributionsdecettedivinitéauII emillénaire. Parailleurs,s’ilfautencroirel’analysesociodialectale,cesterrespalatialesneseraientpas sisesàproximitédelacapitalePylos,maisconstitueraientundomaineexcentré,confiéàla responsabilité du scribe24: la présence de Poséidon dans une enclave périphérique du royaumeestaussiuntraitdesplusremarquables.

535 Cf. supra ,p.113116. 536 TelseralecaspourledomaineenregistrédanslasériePYEs,dontlestenanciersdoiventverserdes δοσο ίaupalais,àPoséidonetàtroisacolytes:cf. infra ,p.135153. POSÉIDON MYCÉNIEN 131 LasériePYEs LesquinzetablettesdelasériePYEsformentunseconddossierdefiscalitéfoncièredont ledieuPoséidontirebénéfice.Toutesconservéesdanslapièced’archives7,ellesfurent écrites par deux fonctionnaires différents: le scribe11 rédigea la seule tablette «page» Es650,opisthographe,quiconstitueunextraitcadastraldetreizeparcellesportantl’intitulé kiritijojo, et le scribe1 est l’auteur des quatorze autres documents, qui sont le rôle d’imposition. Parmi ces quatorze tablettes, une, de format «page», prescrit un impôt annuelpourlestreizetenanciersprécédemmenténumérés(Es644)etlestreizeautres,de format«feuilledepalmier»,sontdesrelevésindividuelsfixantlesobligationsfinancières dechacundestenanciersenversPoséidonettroisautrespercepteursmineurs(Es645,646, 647,648,649,651,652[+]1453,653,703,726,727,728,729). Àl’inversedudossierduscribe24,oùlerôleUn718futprésentéenpremierlieu,en échoauxoffrandesprésentéesàPoséidonenUn6et853,nouspasseronsenrevuelasérie PYEsdansl’ordrechronologiquederédaction:d’abordlecadastreEs650,puislerôle d’impôtavec,d’unepart,latablette«page»uniqueEs644et,d’autrepart,lestreizetablet tes«feuilledepalmier»individuelles.

—EXTRAITCADASTRAL Àl’instardestablettesEr880et312dansledossierduscribe24,lasériePYEspré senteuncadastresimplifiécontenantlenomdestenanciersetlasuperficiedeleurparcelle: latabletteEs650537 . Demêmequesoncollèguechargédurecensementdes*τε ένε hασαλ(λ)α(ι)πεδα,l’au teurdeEs650auraiteuuneactivitérelativementréduite:ànotreconnaissance,iln’aré digéqu’uneseuleautretablette538 .Commelescribe41—auteurdessériespréparatoires PYEbetEodestinéesàlarédactionducadastrede Pakijana ,ainsiquedelapremièreligne durécapitulatifgénéralEd411539 —,cefonctionnaireparaîttravaillerenétroiterelation aveclescribe1,dontilestpeutêtreunassistant. LatabletteopisthographeEs650sedémarquedesdocumentsEr880et312surdeux points. D’une part, elle est conservée dans la pièce d’archives7, tandis que le cadastre PYErsetrouvedanslapièce8.D’autrepart,sonauteurfaitpreuved’unespritplusanaly tiquequelescribe24:lamêmeformuleestrépétéequatorzefoissanslamoindrevariation etledocumentsuituneordonnancetrèsstricte;cettestructurecaractéristiqueseretrouve d’ailleursdanstoutelasériePYEs,quiprésente,decefait,unaspecttrèshomogène. PYEs650 +fr. 540 (pièced’archives7)—Scribe:main11

r.1 kiritijojo,kopereu eke,tosodepemo GRA 6 r.2 arekuturuwo, eke, tosodepemọ GRA 7 r.3 seno eketosode, pemọ GRA 1 r.4 oporomeno eketosodepemo, ̣ GRA 4

r.5 a3kiwaro,atemito,doero eketosodepemo GRA 1 r.6 wedanewo,doero eketosodepemo GRA T4 r.7 worotijao eketosodepemo GRA 2 537 Surcedocument,cf.e.a.M.DEL FREO , op.cit. [n.351],p.166172. 538 PYAn18;cf.T.G.PALAIMA , op.cit. [n.36],p.7374. 539 Ibid. ,p.97103. 540 Cf.J.L.MELENA , loc.cit. [n.286],p.374. POSÉIDON MYCÉNIEN 132

r.8 karaieke,tosodepemo GRA T3 r.9 aneoeketosodepemo GRA 1T 5 → v.1 rukoworo eketosodepemo GRA 1T 4 v.2 oka eketosodepemo GRA 1T 2 v.3 pirotawo eketosodepemo GRA 1T 2 v.4 kudamaro eketosodepemo GRA 1T 2 v.5 pirotekoto eketosodepemo GRA [[ ]] v.68 uacant Κριθ ίοιο. Κοπρε ὺς ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 6. Ἀλεκτρυ ὼν ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 7. Sen ος ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 1. Ὁπλοεν ὸς ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 4. Αἰγι αλ ός, Ἀρτ έιτοςδ όhελος, ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 1. Wedan ῆοςδ όhελος ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ T4. Fροθ ίαhο(!), ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 2. Karai (?)ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ T3. Ane ος ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 1 T5. Λυκ όορος ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 1 T4. Ok ας ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 1 T2. Pirotaw ος ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 1 T2. Kudamar ος ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ 1 T2. Pirotekot ος ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ [[]]. «EnKrithios. Kopreusoccupe(unterrain).Autant,ensemence:6unitésde SEMENCE . Alektruwônoccupe(unterrain).Autant,ensemence:7unitésde SEMENCE . Sen os occupe(unterrain).Autant,ensemence:1unitéde SEMENCE . Hoplomenosoccupe(unterrain).Autant,ensemence:4unitésde SEMENCE . Aigiwalos,esclaved’Artémis,occupe(unterrain).Autant,ensemence:1unitéde SEMENCE . 1 L’esclavede Wedan eusoccupe(unterrain).Autant,ensemence: /3d’unitéde SEMENCE . De (!)Wrothias541 ,occupe(unterrain).Autant,ensemence:2unitésde SEMENCE . Karai (?)occupe(unterrain).Autant,ensemence:¼d’unitéde SEMENCE . 5 Ane osoccupe(unterrain).Autant,ensemence:1unité /12 de SEMENCE . 1 Lykoworosoccupe(unterrain).Autant,ensemence:1unité /3de SEMENCE . 1 Ok as occupe(unterrain).Autant,ensemence:1unité /6de SEMENCE . 1 Pirotaw os occupe(unterrain).Autant,ensemence:1unité /6de SEMENCE . 1 Kudamar os occupe(unterrain).Autant,ensemence:1unité /6de SEMENCE . Pirotekot os occupe(unterrain).Autant,ensemence:[[]]unité(s)de SEMENCE .» Quoiquecebeaudocumentpuisseêtreinterrogédemultiplesmanières,nousconcentre ronsnotreeffortsurtroisapproches,quiparaissentlespluspertinentespournotrepropos: l’intitulédutexte,laqualitédesdétenteursdeparcellesetlasuperficiedesterrainsalloués. 1.–Lemotkiritijojoévoquelenomdel’orge(kirita,κριθά):ceseraitl’adjectif dénominatifκρ ίθιος,substantivéetdéclinéaugénitifmasculinouneutresingulier. Certainsyontvuunnomdedomaine,enalléguantleparallèledestermessarapeda etsarapedo[–]danslestablettesUn718(l.1)etEr312(l.2),ainsiquepakijanijaen

541 Laprésenceinattendued’ungénitifàcetendroit relèvevisiblementdel’erreurscribale,sansdoute favoriséeparlaprésencedugénitif Wedan ῆοςàl’initialedelaligneprécédente.Sousentendreunmottel quedoero(δ όhελος)estexclu,puisquelesautrespiècesdudossierprouventqueWroithiasluimême,etnon sonéventuelesclave,estsoumisàl’impôtfoncier:cf.Es644,l.[7];728,l.1. POSÉIDON MYCÉNIEN 133

En609(l.1)542 .Toutefois,cetteexplicationconvientmald’unpointdevuesyntaxique: plutôtqu’ungénitifadnominalaurégimesousentendu,unlocatifsingulierseraitattendu ou,commedanslesexemplesprécités,unadjectifsubstantivéaunominatifderubrique543 . Deplus,lesadjectifs saraped οςet Pakijan ιοςneserventpasforcémentdetoponymes:le mot sarapeda nous paraît plutôt être un adjectif qualificatif 544 et l’adjectif possessif Pakijan ιοςpourraitavoiruneacceptiondifférented’unesimpledésignationtoponymique,à causedelabivalencedunomproprepakijana:ne s’agiraitil pas des [terres] «appar tenantau(sanctuairede) Pakijana »,plutôtque«situéesdans(ledistrictde)Pakijana »?Ces deuxobjectionsinvitent,entoutcas,àrejeterlapossibilitéd’untoponymeΚρ ίθ(ι)ον,par ailleursinconnu. Laseuleexplicationsatisfaisantepourungénitifemployéabsolumentdemeuredonc l’indicationtemporelle,tellequenousl’avonsreconnueauxexpressions Pakijan ίοιοην ός «durantlemois Pakijanios »et porowit οιο«durantleporowito»545 .Seloncettehypothè se,leΚρ ίθιος[ ήν]seraitunmoispylien546 ,dénomméd’aprèslafêteéponymedes*Κρ ίθια, demêmequelemois Pakijanιοςtiresonnomdes Pakijanιαorganisésàcetteépoquede l’année. «Fêtes de l’orge», ces *Κρ ίθια seraient étymologiquement et conceptuellement comparablesauxίψια«fêtesdelasoif»etaux Ξένια «fêtes des hôtes», également célé brésdanslaPylosmycénienneettoujoursconservésdanslesnomsdemoisίψιος etΘεο ξένιος auI er millénaire547 . SilecadastredelasériePYEsestdaté«dumoisKrithios»,nousdevonségalement envisagerlapossibilitéquel’entêtedeEn609neconcernepoint«[lesterres]de Pakijana », maisdatecerecensementdumois Pakijanios ou,plusprécisément,delafêtedes Pakijania . Unetellehypothèsenepeutêtreexclue,quoiquel’emploiducasnonconstruitetleparallè leavecl’intitulésarapedadeUn718donnentlapréférenceàlapremièreanalyse. 2.–DesquatorzehommesrecensésenEs650,seulsdeuxsontpeutêtreconnusen dehorsdelasériePYEs.Letenancier Ἀλεκτρυ ών,lequeljouitd’unterrainde6unitésde semence—soitprèsde4hectares,selonnosapproximationsantérieures—pourraitainsi êtreuneqeta( ἑκέτας“suivant”)chargéducommandementdesoixantehommes,aupa tronyme etewokereweijo (Ἐτε οκλεέhιος «fils d’Étéocle») 548 , tandis que Senos seraitunbergerœuvrantdanslalocalitéMaro ,oùildépendraitducollecteur Wedan εύς549 . Lasuperficieduterrainaccordéauquatorzièmehommedelalistefuteffacéeaprèsla rédaction du document et le nom de Pirotekot os ne reparaîtra plus dans toute la série 542 Cf. p.ex. M.LEJEUNE , «Sur l’intitulé de la tablette pylienne En609» (1975), dans Mémoires IV , p.157158,§2etn.20;M.DEL FREO , op.cit. [n.351],p.167170. 543 Onnotera,àcepropos,quepakijanijapeutêtreconsidérécommeunnominatiffémininouneutre pluriel,selonquelerégimesoitκτο ῖναιou—àtitred’exemple—τε ένε hα(«[terres, uelsim. ]de Pakijana »), toutautant—voiredavantage—qu’unlocatiffémininsinguliersupposantuntermetelque[χώρᾱι](«dans [larégion,uelsim. ]de Pakijana »). 544 Cf. supra ,p.109110. 545 Cf. supra ,p.2021et3840. 546 Ainsi, cf. e.a. M.VENTRIS & J.CHADWICK , op.cit. [n.4], p.277278 et 458; Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.2627; DMic ,t.I,p.363364, s.u. «kiritijojo ». 547 Surcemécanismededénominationmensuelleetpourlesexemplesutilisés,cf. supra ,p.2122et3233. 548 PYAn654,l.69.Surletermeeqeta,cf.e.a.lamonographiedeSigridDEGER JALKOTZY , eqeta. ZurRolledesGefolgschaftswesensinderSozialstrukturmykenischerReiche (MykSt ,6),Vienne,1978,ainsique DMic , t.I,p.230232, s.u.«eqeta ». 549 PYCn131, l.11; 655, l.19. La présence d’un esclave de Wedan εύς en Es650, l.6, ainsi que de Wedanεύςluimêmedanslesdocumentsrelatifsaurôled’imposition,estunargumentenfaveurdel’identité du Seno delasériePYEsàceluidePYCn:cf.e.a.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.28. POSÉIDON MYCÉNIEN 134

PYEs550 .Cetteréductiondequatorzeàtreizetenanciersn’estpassansévoquerlecadastre delasériePYEn,oùquatorzeτελεστα ίsontannoncésdansl’intitulé551 ,maisseulstreize détenteurs de κτοῖναι κτίεναι sontreprisdanslasuitedelasérie,ainsiquedanslasériepré paratoirePYEo552 .Cettetroublantecoïncidence—laquellenedoitpasfaireoublierque lescadastresPYEsetPYEnconcernentdesterrainsetdesoccupantsdifférents—per mettrait peutêtre de postuler que les tenanciers de Es650 sont également des τελεστα ί occupantdesκτοῖναικτίεναι,quipouruneraisonmystérieuse,auraientconnuuneréduc tionstatutairedequatorzeàtreizeindividus553 ,etlarécurrencedelaformule introductive deEs650«Ὁδε ῖνα ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ tot .»dansunesectiondetablette recensantdesterrainsde τελεσταί seraitunargumentsupplémentaireencesens554 ;toute fois,lesilencedenossourcesnousoblige —fautillerappeler?—àbeaucoupdepruden cesurcepoint555 . 3.–Par rapport au dossier du scribe 24, la série PYEs présente l’originalité de nommercôteàcôtedespersonnagesdehaut rang,tel le “suivant” Alektruwôn, et des hommesdeconditionbienplusmodeste,commeAigiwalos,esclaved’Artémis,ainsique l’esclaveanonymede Wedan eus.Cesdifférencessocialessemblentserefléterdanslataille desparcellesdontchacundispose. Les superficies des treize terrains cadastrés se divisent en trois catégories: trois terrainsprésententunegrandetaille,variantde4à7unitésdesemence;huitunetaillemo yenne,compriseentre1et2unitésdesemence;deuxunepetitetaille,inférieureà1unité desemence. OutreAlektruwôn,dotédequelque4hectares½deterres,KopreusetHoplomenos jouissentdeterrainsmesurantrespectivement4hectareset2hectares½.Lestaillesdeces parcellessontcomparablesàcelleduκ άαςexploitéparWroikiônenEr312,lequelétait, deloin,lepluspetitterraindécoupédansles*τε ένε hασαλ(λ)α(ι)πεδα.Ilest apriori vrai semblablequ’àl’instard’Alektruwôn,KopreusetHoplomenosoccupentunepositionso cialeélevée,voirepartagentavecceluiciletitred’ ἑκέτας. Leshuitterrainsdontlasuperficies’échelonneentre1et2unitésdesemence—soit 1 entre66areset1hectare /3—constituentdestenuresdetaillenormale.Ainsi,parmiles treizeτελεστα ί—déjàévoqués—dePYEoetEn,sixoccupentuneκτο ίνακτι έναdontla superficies’inscritdanscetintervalle,etseulsdeuxd’entreeuxdisposentd’uneκτο ίναsupé rieureà3unitésdesemence—environ2hectares556 .LeshuittenanciersdeEs650quien 550 Ilestpeuprobable,cependant,queleterrainde cequatorzièmetenancieraitétépartagéentreles treizeautres:leslimitesdecetteconjecturedeMabelLANG («EsProportions»,dansE.L.BENNETT Jr[éd.], MycenaeanStudies.ProceedingsoftheThirdInternationalColloquiumforMycenaeanStudiesHeldat“Wingspread”,4–8 September1961 ,Madison,1964,p.3751)furentmisesenévidencee.a.parY.DUHOUX , op.cit. [n.25],p.56 57,ainsiquePIADE FIDIO , op.cit. [n.2],p.4150. 551 PYEn609,l.2. 552 Il s’agit de Adamao (Eo351; En 659, l.810), Aiqeu (Eo 471[+]855; En 659, l.1213), Akatajo (Eo269;En659,l.1819), Amaruta (Eo224;En609,l.1018), A3tijoqo (Eo247;En74,l.1118), Pikereu (Eo160; En 74, l.2024), Piritawo (Eo371[+]1160; En 467, l. 5), Poteu (Eo 268; En 467, l.3), Qereqota (Eo444;En659,l.16), Rakuro (Eo281;En659,l.1516), Ru83 (Eo276;En74,l.19), Tiqajo (Eo278; En467,l.1)et Wanatajo (Eo211;En609,l.38). 553 Cf.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.542],p.159162,§46,enpart.p.161. 554 PYEq146,l.15.Cf.Y.DUHOUX , op.cit. [n.25],p.5455. 555 Cf.p.ex.lesréservesdePia DE FIDIO , op.cit.[n.2],p.2426. 556 Cf. supra ,n.552. Adamao , Aiqeu , A3tijoqo , Piritawo , Rakuro et Ru83 disposentde71à110ares; Amaruta , Pikereu , Poteu , Qereqota et Wanatajo ,de1hectare 1/3à1hectare 2/3; Akatajo ,deplusde2hectares; Tiqajo ,de prèsde5hectares½,répartisendeuxparcelles(Eo278,l.1:dwokotono,δ ὼκτο ίνω).Cesdonnéesne POSÉIDON MYCÉNIEN 135 trentdanscettecatégorieappartiennentdoncàla«classemoyenne»duroyaumedePylos; notonsqueleberger Sen os,ainsiquel’esclaved’ArtémisAigiwalos,quidisposentchacun delasuperficieminimaled’uneunitédesemence,comptentaunombredeceuxci. Deuxtenuressontdetailletrèsinférieureàtouslesautres:l’esclavede Wedan eusne disposequede22aresetledénommé Karai ,deseulement16ares.Ilestdoncprobableque cedernieroccupeunepositionguèresupérieureàlafonctionservile.Nousobserverons, dans un instant, que ces deux modestes détenteurs paient proportionnellement le plus lourdtributauxpercepteursdel’impôt.

—RÔLED ’IMPÔT Quanduneseuletabletteopisthographeaurasuffipourconsignerlesinformations cadastrales relatives aux treize hommes assujettis, pas moins de quatorze tablettes sont nécessairespourinscrireleurcontributionfiscale. Lescribe1prendlerelaisduscribe11pourrédigercesdocuments,quifurenttous entreposésdanslapièced’archives7,commelerôled’impositionUn718duscribe24etle cadastreEs650.Sil’argile,lamiseenforme,l’écritureetlecontenudestablettestrahissent uneoriginecommune557 ,l’aspectextérieurdesdocumentspermetdelesclasserimmédiate mentendeuxcatégories:d’unepart,latablettedeformat«page»Es644,évoquedanssa présentationlecadastreEs650ets’yreporteligneparligne;d’autrepart,lestreizetablettes deformat«feuilledepalmier»quicomplètentledossiersedémarquentradicalement,dans leurstructureinterneetleuréconomiegénérale,desdeuxdocumentssusmentionnés. Cesdeuxsériesdetextescontiennentdesinformationscomplémentairesausujetde l’impôtdestenanciersd’Es650,quenouspasseronssuccessivementenrevue:lapremière tablettefixeunimpôtannueldestinéàunbénéficiaireinconnu,quidoitêtrelepalaislui même;lestreizeautresprescriventunimpôtdontlafréquencen’estpasprécisée,àdesti nationdudieuPoséidonetdetroispercepteursmineurs. A.Impôtdûaupalais Conservantl’ordredeEs650,maisomettantlequatorzièmehomme,dontlaparcelle futrayéeducadastre,lescribe1adopteégalementlestyleformulairedesoncollègue11:la formule«Τοῦ δεῖνος / Ὁδε ῖνα(.)οσ ὸς έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ tot »,répétéeàtreizerepri ses558 , fait écho à la tournure redondante du cadastre correspondant. Seule distinction fondamentaleentrelesdeuxtextes,l’idéogramme GRA —utilisécommeunitédesuperficie etpréciséparla materlectionis pemo(σπ έρο«semence»)enEs650—désigneenEs644 devéritablescéréales,àverserenguised’impôtennature;ilconvientdoncprobablement deleliresito(σῖτος«grain,céréale,blé»)559 . prennent pas en compte les terres allouées à titre d’ ὄνατον: rectification faite, Adamao , Aiqeu , Piritawo et 1 Rakuro sontpourvusde71à124ares; A3tijoqo ,Amaruta , Poteu , Ru83 et Wanatajo ,d’environ1hectare /3à2 hectares; Akatajo , Pikereu et Qereqota ,deplusde2hectares;aucunterrainde Tiqajo n’estalloué. 557 T.G.PALAIMA ,op.cit. [n.36],p.4647. 558 L’omissiondedosomoàlal.2,peutêtreprovoquéeparlalongeurexceptionnelledel’anthropony mequiprécède,neserapasrépétéedanslasuitedutexte,mêmesisastructurelimpideetunivoqueeûtsans peineautorisécetyped’abrègement.Àpartirdelal.3jusqu’àlafindutexte,lescribeabandonnelegénitif subjectifpourlenominatifderubrique—quiseraégalementd’usagedansdouzedestreizetablettes«feuille depalmier»—;cependant,l’onnepeutexclurequ’ilfaillerestituerlegénitifwo[rotijao(?)]( F[ροθίαhο (?)])danslalacunedelal.7,d’aprèslaformeaberrantedeEs650,l.7. 559 Cf.THAv100,l.2,3,ainsiqueMYAu658,l.4:toso VIR 20sito GRA 4[](Τόσ(σ)οι· ΑΝΡΕΣ 20·σῖτος ΣΙΤΟΣ 4[]«Autant:20HOMMES ;grain:4unitésde GRAIN » ),mêmesilatablette KNAm (2) 819,l.B,semblemettreenrapportletermesitoetl’idéogramme*121( HORD ).Cf.aussiW.F.WYATT Jr, POSÉIDON MYCÉNIEN 136

PYEs644 (pièced’archives7)—Scribe:stylet644,main1

.1 koperewo,dosomo,weteiwetei GRAT 7 .2 arekuturuwono,weteiwetei GRAT 9V 3 .3 sẹ no,dosomo,weteiweteị GRAT 2 .4 oporomeno,dosomo,weteiwetei GRAT ̣ 1[̣

.5 a3kiwaro,dosomo,weteiwetei GRAT [̣ .6 wedanewo,doero,dosomo,weteiwetei GRAT ̣ 1V 2 .7 wọ [̣ rotija (?), ]d ọ ṣ ọ mo,weteiweteị GRAT 3V 2 .8 karai],doso[mo],weteiwetei GRAV 3 .9 a]neo,dosomo,weteiwetei GRAT 2V 3 .10 ?rukourodoso]mo,wetei[we]ṭ ẹ i[̣ GRA]V[̣ .11 oka ],dosomo,weteiwetei GRAT 2V 1̣

.12 pirotawo,dosomo,wetei[we]tei GRAT 2V[

.13 kudamaro,dosomo,weteiwetei GRAT 2[

Κοπρ ῆοςδοσ ὸς έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ T7. Ἀλεκτρυόνος{δοσ ὸς}έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ T9 V 3. Sen ος.οσ ὸς έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ T2. Ὁπλοεν ός.οσ ὸς έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ T1[]. Αἰγι αλ ός.οσ ὸς έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ T[]. Wedan ῆοςδ όhελος.οσ ὸς έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ T1 V 2. F[ροθ ίας(?)].οσ ὸς έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ T3 V 2. [Karai (?)].οσ[ ὸς] έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ V3. [A]ne ος.οσ ὸς έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ T2 V 3. [Λυκ όορος.οσ] ὸς έτε hι[ έ]τε hι·[ ΣΙΤΟΣ ]V[]. [Ok ας].οσ ὸς έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ T2 V 1. Pirotaw ος.οσ ὸς έτε hι[ έ]τε hι· ΣΙΤΟΣ T2 V []. Kudamar ος.οσ ὸς έτε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ T2[].

7 «ImpôtdeKopreus,annuellement: /12 d’unitéde GRAIN . 19 {Impôt}d’Alektruwôn,annuellement: /24 d’unitéde GRAIN . 1 Sen os.Impôt,annuellement: /6d’unitéde GRAIN . 1 560 Hoplomenos.Impôt,annuellement: /12 [+w]d’unitéde GRAIN . x 560 Aigiwalos.Impôt,annuellement: /12 d’unitéde GRAIN . 1 Esclavede Wedan eus.Impôt,annuellement: /9d’unitéde GRAIN . 5 W[rothias (?)].Impôt,annuellement: /18 d’unitéde GRAIN . 1 [Karai (?)].Impôt,annuellement: /24 d’unitéde GRAIN . 5 [A]ne os.Impôt,annuellement: /24 d’unitéde GRAIN . a [Lykoworos.Im]pôt,annuellement: /bunitéde GRAIN . 13 [Ok as].Impôt,annuellement: /72 d’unitéde GRAIN . 13 560 Pirotaw os.Impôt,annuellement: /72 [+y]d’unitéde GRAIN . 1 560 Kudamar os.Impôt,annuellement: /6[+z]d’unitéde GRAIN .» L’intelligencedecedocumentneposeaucunproblèmemajeur:chaquehommese voitimposeruntribut,àverserencéréales,«annéeparannée»561 ,visiblementenrapport aveclecadastredeEs650.L’absencedetoutdestinataireexplicitetrancheaveclaclartéde

«TheMycenaeanIdeogram120 GRANUM », Kadmos ,7,1968,p.100,etC.J.RUIJGH ,«L’originedusigne*41 (si )del’écriturelinéaireB», Kadmos ,9,1970,p.172173.Pourlesdoutesexpriméssurl’identificationde*120, *121et*129,cf. supra ,n.407. 560 11 5 1 Danscesformules,0≤w< /12 ;1≤x<12;0≤y< /72 ;0≤z< /12 . 561 Danscetteexpression,leredoublementdulocatif,àvaleuritérative,estd’origineindoeuropéenne:cf. e.a. O.MASSON ,«À propos dedeuxformulesredoubléesaulocatif. Mycénien weteiwetei “chaque année”, chypriote amatiamati “chaquejour”», ŽA ,15,19651966,p.257266. POSÉIDON MYCÉNIEN 137 laformuleettendàconfirmerquelebénéficiairenatureldecetimpôtannueldoitêtrele palaisdePylos562 . L’impôtestsansdoutecalculésurlabasedulopindoncchacundispose,maisles proportionsvarientd’unhommeàl’autre.Lamoyennegénérale,hormislescontributions 17 troplacunairesdeHoplomenos,AigiwalosetLykoworos,fixeleprélèvementà2unités /24 decéréalespour21unités½desemencerecensée,soit12,6%.L’impôtdesgrosproprié taires,telsKopreusetAlektruwôn,estlégèrementinférieuràcetteproportion,puisqu’ilse chiffrerespectivementà9,7et11,3%,tandisquel’impôtd’unpetittenanciercommel’es clavede Wedan eusmonteà33,3%—soitledoubledelacontributiond’unKarai,égale mentdotédepeudeterres.Quantautributpayéparlaclassemoyenne,ilnevariequede 13,9à16,7%. Seuls les tenanciers les plus importants et, à l’autre bout de l’échelle, l’esclave de Wedan eussedistinguentdoncdelacontributionduplusgrandnombre.Cetraitsignificatif serarécurrentdanslestreizetablettesdelasériePYEsquinotentl’impôtdestinéàPoséi donetàtroisautrespercepteurs. B.ImpôtdûàPoséidonetàtroisacolytes Lestreizetablettesdeformat«feuilledepalmier»classéesdansla sériePYEset rédigéesparlescribe1constituentautantdefiches individuelles qui détaillent, tenancier partenancier,lesversementsàeffectuerenfaveur de quatre bénéficiaires. Pratiquement toutes ces tablettes furent découvertes dans la pièce d’archives7 563 . Leur caractère extrêmement répétitif nous permet de présenter inextenso laseulefichedeKopreus,qui occupelogiquementlapremièreplace,sil’ons’entientàl’ordred’énumérationdeEs650 et644: PYEs646 (pièced’archives7)—Scribe:stylet644,main1

.1 kopereu,posedaone,dosọ mo,̣ GRA 1T 5 .2 *34ketesi,dosomo GRAT 1V 4 .3 wedanewe,dosomo GRAT 1V 4 .4 diwijewe,dosomo GRAT 1V 4 .5 uacat Κοπρεύς. Ποσειδα hώνει,δοσ ός· ΣΙΤΟΣ 1T 5. 34ke τῆρσι,δοσ ός· ΣΙΤΟΣ T 1V 4. Wedan ήει,δοσ ός· ΣΙΤΟΣ T 1V 4. ι ιήει,δοσ ός· ΣΙΤΟΣ T 1V 4. «Kopreus. 5 PourPoséidon,àtitred’impôt:1unité /12 de GRAIN . 5 Pourles 34ke τῆρες ,àtitred’impôt: /36 d’unitéde GRAIN . 5 Pour Wedan εύς,àtitred’impôt: /36 d’unitéde GRAIN . 5 Pourι ιε ύς,àtitred’impôt: /36 d’unitéde GRAIN .» 1.–ContrairementàEs644,cetextedésigneaunominatifderubriquelapersonne imposableetpréciseaudatiflenomdudestinatairedutribut,selonlaformule«Ὁδε ῖνατ ῷ 562 Contra ,MabelLANG ( loc.cit. [n.550],p.4546)imaginequelesδοσο ίdeEs644sontperçus,etnon versés,parlestreizetenanciersetPia DE FIDIO ( op.cit. [n.2],p.6373),qu’ils’agitdel’impôtannuelperçupar Poséidon, tandis que les tablettes «feuille de palmier» noteraient un impôt supplémentaire, de rythme triétérique. 563 SeulledocumentEs703,ainsiquedesfragmentsdestablettesEs644et652[+]1453,proviennentde lapièce8(«grids »64et83). POSÉIDON MYCÉNIEN 138

δε ῖνι δοσ ός· ΣΙΤΟΣ tot .». L’ordre suivi pour nommer les bénéficiaire est invariable: d’abordPoséidon,quireçoitunepartieimportantedel’impôt,ensuiteunecollectivitépuis deuxindividus,quisevoienttoustroisattribuer lamêmequantitédecéréales,d’ailleurs relativementfaible. Bienquecettestructuresoitressasséeàl’identiquedanstouteslestablettes564 ,l’em ploidescasfluctuedemanièreparfoisimportante,voireaberrante.Ainsi,unetablettepré sentepresqueuneinversiondescas,aveclenomducontribuableaudatifetceluidePoséi donaugénitif565 etuneautredonnelenomdudieuaunominatif566 .Plusétonnant:pas moinsdedixdocumentsportentlenomde Wedan eusaugénitif,àlaplacedudatifattendu etencontradictionaveclesnomsdes 34ke τῆρες et de ι ιε ύς,invariablementetindubita blementdéclinésaudatif567 . Unepartiedeschangementsformelss’expliqueparl’ordrederédactiondestablettes, apriori identiqueàceluid’Es650et644:ainsi,deKopreusàAigiwalos,lescribeasystéma tiquement écrit les mots Ποσειδα hώνει δοσ ός dans cet ordre,avant d’omettre le terme δοσ όςpourlesixièmecontribuableetd’acheversontravailenadoptantl’ordreδοσ ὸς Ποσειδα hώνειpourlesseptdernièrestablettes568 .Lavariationcasuelleentreledatifetle génitifpourlenomde Wedan euspourraitobéiràlamêmelogique,puisqueseulestroisdes quatrepremièrestablettesrédigéesparlescribe1portentledatif,alorstouteslesautres montrentungénitif.Toutefois,lamodificationfondamentaledesignificationquirésultede cettealternancemériteunexamenplusapprofondi. Strictosensu ,lesyntagme«το ῦδε ῖνοςδοσ ός»doitsignifier,commeenEs644(l.1, 2),letributqueverse,etnonperçoit,lapersonnevisée:spontanément,legénitifadnomi nalestperçucommeungénitifsubjectif,nonunfauxgénitifobjectif,censédésignerlebé néficiaireduditδοσ ός.Évidemment,cetteremarqueconnaîtuncontreexempleparfaiten Es649,oùilseraitextrêmementpeuprobablequePoséidon,mentionnéaugénitif,fûttenu depayerunimpôtàAlektruwôn,aux 34ke τῆρες,à Wedan eusetDiwieus,lequelsapparais senttousaudatif!Néanmoins,cetargumentapeudeforceàcausedeserreursmanifestes duscribeàcetendroit,sansdouteattribuablesàladistractionouàl’hésitationinitialesurla miseenpagedestablettes«feuilledepalmier»569 . Toutaucontraire,lecontrasteentre Wedan eusetlesdeuxautresacolytesdePoséi dondansdixdestreizetablettesposeunréelproblèmedecohérenceinterne,lequelest exacerbésil’onremarquequeseuleslestablettesconcernantKopreus,AlektruwônetHo plomenos—end’autrestermes,lestroisgrandstenanciersducadastreEs650—portent ledatif Wedan ήει:faudraitilsupposerunediscriminationdansletraitementdesgroste 564 L’omissionanecdotiquededosomoenEs703,l.1,estpeutêtredueaumanquedeplacerésultant delalongueurdunomducontribuable,quoiqueEs649,l.1,quicompteexactementlemêmenombrede signes,note néanmoins ce mot essentiel; on relèvera également l’inversion des termes Ποσειδα hώνει et δοσ όςenEs648,l.1;651,l.1;652[+]1453,l.[1];726,l.1;727,l.1;728,l.1;729,l.1. 565 Es649,l.1:arekuturuno neposedaonodosomo GRA 2T 3(Ἀλεκτρυ<>όνειΠοσειδάhωνος δοσ ός· ΣΙΤΟΣ 2Τ3,«PourAlektruôn,impôtdePoséidon:2unités¼de GRAIN »).Cetteanomaliese doubled’unlapsusdanslenomdutenancier,avecl’emploidusignenopourwo.Auvudescesirrégulari tés,suggérerquelafinalenesoitune scriptioplena dunominatifsingulier(cf.p.ex.M.DEL FREO , loc. cit. [n.377],p.152153)noussembleêtreunehypothèsegratuite;ilestplussatisfaisantdeprésumer une interversioncasuelleparinadvertance(ainsi,M.LEJEUNE , loc.cit. [n.359],p.108,n.25). 566 Es653,l.1. 567 Es645,l.3;648,l.3;651,l.3;652[+]1453,l.3;653,l.3;703,l.3;726,l.3;727,l.3;728,l.3; 729,l.3. 568 Cf. supra ,n.564. 569 Ainsi,cf. supra ,n.565. POSÉIDON MYCÉNIEN 139 nanciers,quidevraientverserunimpôtà Wedan eus,tandisqueceluicidevraitpayerlui mêmeunecontributiondanslesdixautrescas?Cetteapparentecontradictiontrouverait unappuidanslefaitqu’aumoinsdeuxdesdixtenanciers—leberger Sen oset, afortiori , l’esclavede Wedan eus—dépendentdecepersonnage570 :eniraitildemêmepourleshuit autres,dontnousignoronstoutparailleurs? Lesélémentsmanquent,malheureusement,pourétayercettedernièrehypothèse.En l’étatdenotredocumentation,àcausedelaparfaiterégularitédelaformuleetdel’égalité remarquabledesmontantsrelatifsauxtroisacolytesdePoséidon,ilestsansdoutepréfé rabledeconsidérerquetouteslesquantitésdecéréalesmentionnéesdanslestreizetablettes sontduesparlestenanciers.Encecas,onnepourraitdonneraucuneautreexplication objectiveauchangementdecasquelalibertésyntaxiqueduscribe,ouencoreunecontami nationdugénitifissudusyntagme Wedan ῆοςδ όhελος. Par ailleurs, plusieurs bizarreries syntaxiques s’expliquent plus aisément si l’on modifienotrepostulatdedépart:lorsdelarédactiondestablettesindividuelles,lescribe1 n’auraitpasaveuglémentsuivil’ordredeEs650et644,maisauraitprioritairementtraitéles plusgrospropriétaires,enlesclassantparsuperficiedécroissante—Alektruwôn,Kopreus, Hoplomenos—,avantdereprendre,avec Sen ospuisAigiwalos,lesmoyensetpetitste nanciers en respectant,cette fois, l’ordre canonique. Cette analyse explique l’incongruité syntaxique de la fiche d’Alektruwôn, rédigée en tout premier lieu, la présence du datif Wedan ήειdanslestroispremièrestablettes,puislepassageaugénitif Wedan ῆος,l’absen cedumotδοσ όςdanslesixièmetexteetl’inversiondusyntagmeΠοσειδα hώνειδοσ ός danslesseptderniers. Pourlafacilitédulecteur,laprésentationsynthétiquedescontributionsfixéesdans cestreizetablettesrespecteratoutefoisl’ordre«normal»destenanciers:

οσ ός Ποσειδα hώνει 34ke τῆρσι Wedan ῆος ι ιήει Es646 Κοπρε ύς GRA 1T 5 GRAT 1V 4 GRAT 1V 4 GRAT 1V 4 Es649 Ἀλεκτρυ<>όνει(!) GRA 2T 3 GRAT 2V 4 GRAT 2V 4 GRAT 2V 4 Es645 Sen ος GRAT 5 GRAV 2 GRAV 2 GRAV 2 Es647 Ὁπλοεν ός GRA 1T 7 GRAT 1V 2 GRAT 1V 2 GRAT 1V 2 Es653 Αἰγι αλ ός GRAT 6 GRAV 2 GRAV 2 GRAV 2 Es703 Wedan ῆοςδ όhελος GRAT 3 GRAV 1 GRAV 1 GRAV 1 Es728 Fροθ ίας GRAT 8 GRAV 4 GRAV 4 GRAV 4 Es726 Karai (?) [GRAT ]2 GRAV 1 GRAV 1 GRAV 1 Es648 Ane ος GRAT 5 GRAV 1 GRAV 1 GRAV 1 Es729 Λυκ όορος GRAT 7 GRAV 3 GRAV 3 GRAV 3 Es727 Ok ας GRAT 7 GRAV 3 GRAV 3 GRAV 3 Es651 Pirotaw ος GRAT 7 GRAV 3 GRAV 3 GRAV 3 Es652 Kudamar ος GRAT 7 GRAV 3 GRAV 3 GRAV 3 [+]1453 2.–Demeureunequestionessentielle,quinepeutplusêtreéludéeàcestade:l’iden titéetlafonctiondestroisbénéficiairesaccessoiresdel’impôt,mentionnésàlasuitede Poséidon,àsavoirles 34ke τῆρες, Wedan εύςetι ιε ύς. a) Lessyllabogrammes*34et*35,formellementtrèsproches, doivent sans doute 571 êtreconfondusetnotentpeutêtreledoubletru 2/lu/ .Cettehypothèsedisqualifieles 570 Pour Sen os,cf. supra ,n.549. 571 Cf.C.J.RUIJGH ,«Lesyllabogramme *34/35 dulinéaireB:valeurpossible ru 2=lu »,dansO.CARRU POSÉIDON MYCÉNIEN 140 nombreuseslecturesavancéesprécédemmentpourleterme 34ke τῆρες,généralementsurla based’unsignevocaliséen572 .Ilconviendraitdoncdelirecetermeλυκτ ῆρες (?),etde l’identifier comme un nom d’agent en τήρ construit sur le degré zéro de la racine *leuk w«répandredelalumière».L’emploidupluriel,ainsiquelaproximitédecegroupe avecledieuPoséidon,peutinviteràpenserquelesλυκτ ῆρες (?)formentuncollègeàfonc tion sacrée; en cecas, le parallèle avecles δᾳδο ῦχοι du I er millénaire ou avec l’épiclèse φωσφ όρος,quiadmetuneportéereligieuse,estenvisageable573 . Ces λυκτ ῆρες (?) se confondentils avec les accusatifs duel *35katere et singulier *35rakạ teraquiapparaissentdansuneautretablettepyḷ ienne574 ?Lesavisdivergentsur ce point575 , mais le contexte de la tablette incriminée rend plus probable que les deux 35ka τῆρεetle 35rak ạ τ̣ ήρsoientdesobjetsplutôtquedespersonnes576 ,demêmequele changement de vocalisme de la syllabe ka et l’adjonction énigmatique d’une sylla beradanslaformeausinguliernecorroborentpaslasupposéeidentitéavecdesλυκτῆ ρες (?)dudossierPYEs. b) Contrairementaucollègesusmentionné, Wedan eusestunpersonnagebienconnu àPylos.CommeHekhel(l)awônetle lawagetas ,ilcommandeuneescouadederameurs577 et appartientcertainementàl’élitemilitaireduroyaume.Toutefois,sesprérogativeslesmieux attestéesrelèventdudomaineéconomique: Wedan eusestl’undesquatresgrands“collec teurs”dePylos.Àcetitre,ilestresponsabled’unevingtainedetroupeauxdemoutonstota lisantplusde1267bêtes,tantenCitérieure( Maro , Ekomeno (?), Wanojo Wowo )qu’enUlté rieure( Asijatija , Puro Rawaratijo , Uporakirija , Timito Akee )578 ,etd’untroupeaude100chèvres à Maro 579 ;lesvingtbergerspaissantcesanimauxdépendent directement de Wedan eus, lequeldisposeparailleursd’unesclave,commelerévèleledossierPYEs580 ;unetablette mutiléeenregistresouslenom Weudan eusquelquestêtesdegrosetpetitbétail,sansdoute 581 destinéesausacrificeenvued’unbanquetcultuel .L’hommedétientégalement,à A2kira et Koroduwo ,dedeuxterrainsdésignésparlasyllabe ke —pourχε{χεένακτο ίνα}?—qui bénéficientdel’exemptiondel’impôtenlin,àhauteurdedeuxfois10unités582 ,etpossède, aulieudit Akereu ,troisunitésd’unbienoudenréeinconnu,notéparl’abréviation DA 583 , quipourraitégalementêtreuneformedepropriétéfoncière584 .

BA (éd.), op.cit. [n.527],t.II,p.555572;Y.DUHOUX ,«Lessyllabogrammes 34 et 35 dulinéaireB»,dans A.HEUBECK &G.NEUMANN (éd.), op.cit. [n.27],p.112125. 572 Cf.p.ex.MoniqueGÉRARD ROUSSEAU , op.cit. [n.30],p.253254, s.u. «(?)34ketesi »;encoreence sens,cf.J.CHADWICK ,«PylosVa15»,dansJ.P.OLIVIER , op.cit. [n.60],p.169172. 573 Cf.C.J.RUIJGH , loc.cit. [n.571],p.561562;Y.DUHOUX , loc.cit. [n.571],p.119. 574 PYVa15,l.1,2a;v.l.1. 575 Ainsi, prudemment, C.J.RUIJGH , loc.cit. [n.571], p.568, et, sans réserves, DMic , t.II, p.465, s.u. «*35katere »; contra ,Y.DUHOUX , loc.cit. [n.571],p.118119. 576 J.CHADWICK , loc.cit. [n.572], p.167169; contra , C.J.RUIJGH , «Interprétation hypothétique de la tabletteVa15dePylos», ŽA ,31,1981,p.4762. 577 PYAn610,l.14. 578 PYCn40,l.4,6,9;45,l.24;254,l.4,5,7;600,l.8;655,l.6,1320. 579 PYCn643,l.5. 580 PYEs650,l.6;644,l.6;703,l.14. 581 PYCn418,l.15.Cf.e.a.J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.151152. 582 PYNa856,l.1;1041,l.1. 583 PYUn1193,l.3. 584 L’interprétationenesttrèsdélicate,puisquel’abréviationrécurrente DA connaîtindubitablementdes lecturesdifférentesenfonctionducontexte:cf.e.a.M.LEJEUNE , loc.cit. [n.542],p.174.L’associationdu terme [χεχε έ]νων etdu sigle DA enPYAn830,l.9,ainsiqueladéterminationde DA par ke en KNAs (1) POSÉIDON MYCÉNIEN 141

Ilesttoutàfaitimprobable,commenousl’avonsdéjà signalé, que Wedan eus ait portéletitrede lawagetas ,caraucundocumentnecorroborecetteidentificationgratuiteet légère585 .L’apparitiondecetappellatifdanslagestiondestroupeauxdemoutonspermet d’yvoirunanthroponyme586 :pourautantquel’onpuisseenjuger,l’usageveut,eneffet, quelescollecteursnesoientpasdésignésparunnomdefonction.Delasorte, Wedan eus faitsonger,parexemple,auxdénommés Marin eus,lesquelssontactifsàCnossos,Thèbes etMycènes,notammentdansl’industrietextile587 . c) Neseraitilpasétonnantqueleι ιε ύςprélevantunepartiedel’impôtfûteffecti vementun«prêtredeZeus»588 ,alorsmêmequ’aucunprêtredePoséidonn’apparaîtclaire mentdansledossierPYEsetqueZeusluimêmenesembleybénéficierd’aucunprivi lège?CetteaporieamèneàconsidérerqueDiwieusestunanthroponymedavantagequ’un nomdefonction589 . Cemêmepersonnageest,probablement,avecletitredeeqeta( ἑκέτας,“suivant”), lecommandantdevingthommesdanslalocalité NewokitoWowija 590 et,sousl’appellation de*ereute(ἐρευτ ήρ“inspecteur”591 ),lebénéficiaireouàtoutlemoinsleréceptionnaire decinqbœufsenvoyésparautantdecorpsdetroupeaulieudit Mezana 592 . D’unepart,lesfonctionsmilitairesdeDiwieuscadreraientremarquablementavecles responsabilitésdesoncollègue Wedan eus,lequelestresponsablederameurs.Lesaffinités entrecesdeuxhommes—individustitulairesdechargesciviles—entraîneraituneopposi tion implicite avec les λυκτῆρες (?) —collège peutêtre investi d’un rôle religieux—593 ; 608[+]625+5870+5942,l.4,sontcependantdesargumentsenfaveurd’unelecturefoncièredePYUn1193: cf.e.a.M.DEL FREO , op.cit. [n.351],p.175176. 585 Cf. supra ,p.102103. 586 Telle est l’option défendue par Monique GÉRARD ROUSSEAU , op. cit. [n.30], p.243245, s.u. «(?) wedanewo ,wedanewe ». 587 Cf. supra ,p.51. 588 Pouruneattestationpossibled’untelnomdefonction,cf. supra ,n.211. 589 D’aucuns considérent que Diwieus est réellement le prêtre officiant au culte de Zeus: cf. p.ex. J.WEILHARTNER , op.cit. [n.1],p.110113.Parailleurs,l’interprétationdeMoniqueGÉRARD ROUSSEAU ( op. cit. [n.30],p.7072, s.u. «(?) diwijeu »)estintéressantesurleplanconceptuel,puisquele diwieus deviendraitle fonctionnaire «préposé aux * diwia »—c.àd.,aux«richesses»,danslechefdel’auteur (cf. supra , n.195). Malheureusement,elleestpeuprobablesurleplancombinatoire,puisquelesoccurrencesenAn959(l.9)et Cn3(l.2)peuventdifficilementêtreunnomdefonction,étantdonnéquelepersonnageportedéjàletitre d’ ἑκέταςd’unepart,d’ἐρευτ ήρdel’autre;deplus,elleniecontretouteévidencelerapportaveclethéonyme Ζε ύςetl’adjectifdérivéίιος. 590 PYAn656,l.79. 591 Cf. DMic ,t.I,p.243, s.u. «ereutere ».Cetitred’ ἐρευτ ήρestaccoléàceluid’ ἑκέταςsurl’étiquette PYWa917,l.2,enrelationaveclenomducollecteur Akoso [tas],collèguede Wedan eusnotammentchargé del’inspectiondedomainesfonciers(Eq213,l.1);surcedernierpersonnage,cf.e.a.G.NIGHTINGALE , «Akosota and the Economy of Pylos», dans Anna SACCONI etal. (éd.), op.cit. [n.131], t.II ( Pasiphae , 2, 2008),p.569586;pouruneautreassociationdesdeuxsubstantifs,cf.KNAs<4493>,l.1. 592 PYCn3, l.17. Pour J.WEILHARTNER (op. cit. [n.1], p.149150, et loc. cit. [n.221], p.819821), Diwieuspassepourle«prêtredeZeus»et Mezana pourunedivinitéliéeauxtravauxdelaguerre,tandisque lesbœufsseraientdestinésàunsacrificecompletparholocauste,enoffrandepropitiatoireàl’entamed’une guerre;cesexplicationsneparaissentnilesplusévidentes,nilesplusconvaincantes. 593 IlparaîtréellementtrèsimprobablequelesnomsWedan eusetDiwieuspuissentapparteniràlasphère religieuse,commelanature«sacrée»del’impositiondePYEsajadisamenéàlepenser:cf.p.m.A.HEU BECK ,«ZudenpylischenEsTafeln», DieSprache ,4,1958,p.8095(oùlepremierdevient«sacrificateur»et le second «prêtre du sanctuaire de Zeus»); P.H.ILIEVSKI , «The Recipient of the Es Tablets», dans L.R.PALMER & J.CHADWICK (éd.), Proceedings of the Cambridge Colloquium on Mycenaean Studies , Cambridge, 1966,p.238244(oùlesdeuxnomsdeviennentdesépiclèsestoponymiquesdePoséidon).Aucunetablette mentionnantl’unoul’autrenomnepeutraisonnablementêtreinterprétéeencesens. POSÉIDON MYCÉNIEN 142 cettedichotomies’inscriraitnéanmoinsdansunecertainesymétrie,puisquelesλυκτῆρες (?), Wedan eusetDiwieusreçoiventchacunlamêmepartdel’impôtfoncier. D’autrepart,lafonctionetletitrereconnusàDiwieusfontéchoauxresponsabilités d’Alektruwôn,leplusimportanttenancierdePYEs,quicommandeluiaussidestroupes entantqu’ ἑκέτας.Cefaitrévèleque Wedan eusetDiwieusappartiennentaumêmemonde quelesoccupantsdesparcelleslesplusimportantesdePYEs,commeAlektruwôn,Ko preusetHoplomenoset,sansnuldoute,lesallocataires de terrains recensés en PYEr, commeHekhel(l)awônetle lawagetas .Danscesdossierscadastraux,ladifférenceentreper cepteursettenanciersseraitdonctenue,puisquetousappartiennentàl’élitesociale,queles unsjouissentd’avantagesdirects,souslaformed’unversementdecéréales,etquelesau tresdisposentd’unavantageennature,àsavoirl’usufruitd’un bienfonds moyennantle paiementd’unimpôt594 . 3.–L’examendel’impôtverséaupalaisenEs644amontréquelaproportionde l’impôtparrapportàlasurfacecadastraleduterrainpeutvarierdusimpleautripleenfonc tiondelacatégorieàlaquelleappartientletenancier.Cetteobservationserépètedanslecas del’impôtàverseràPoséidond’unepart,auxtroisacolytesdel’autre,selondesmodalités légèrementdifférentes. a) Les treize occupants des domaines PYEs doivent verser au dieu Poséidon un 5 totalde10unitésdecéréales,pour27unités /6deterresrecensées,soit35,9%.Denou veau,leshommesqui,dansl’absolu,détiennentlemoinsdeterreet,logiquement,paientle moinsd’impôtsontobligésdeverserlaplusgrandecontributionproportionnelle,puisque l’esclavede Wedan euset Karai versentrespectivement75et66,7%delavaleurcadastrale deleurterrain.Quatretenanciersdelaclassemoyenne—Aigiwalos, Ok as, Pirotaw oset Kudamar os—sontimposésàhauteurde50%,tandisquelesquatreautrespaiententre 29,4et43,8%delacapacitéd’ensemencementdeleurparcelle.Enfin,lesdeuxplusimpor tantsdétenteursdeterrainsversentàPoséidonunimpôtmodéré,de32,1et23,6%,tandis queletributdeHoplomenosestfixéà39,6%. Cetteclefderépartitionprésentelaparticularitédenepasdistinguerclairementles troisgrandstenanciersd’unepartiedelaclassemoyenne, mais de répartir autrement les proportionsd’imposition:Kopreus,détenteurde6unitésdeterrain,verseletauxplancher de23,6%;ensuite, Ane os,AlektruwônetWroithiasversentunimpôtcomprisentre29,4 et 33,3%, alors que la taille de leur parcelle est très variable; de même, Hoplomenos, Sen osetLykoworospaiententre39,6et43,8%.Aucunélémentinterneauxdocuments fiscauxnepermetd’expliquerlaraisond’êtredecesdifférenteséchellesdetaxation. b) Danslesgrandeslignes,lesproportionsdel’impôt versé aux trois acolytes est conformeàcequenousvenonsd’observer:cumulée,lacontributionverséeàcespercep teurssecondairess’élèveà8,5%ducadastre;lesdeuxpluspetitsdétenteurspaient12,5et 16,7%,tandisque Ok as, Pirotaw oset Kudamar ospaientchacun10,7%;touslesautres tenanciersversentmoinsde10%deleurensemencement.Dansledétail,parcontre,nous retrouvonsunediversitécomparableàcelledel’impôtpourPoséidon:LykoworosetAlek truwônpaient9,4et9,5%; Sen os,Hoplomenos,AigiwalosetWroithias,8,3%;Kopreus, 6,9%.Plussurprenant, Ane osneverseque2,9%dutotaldesonensemencementtrois acolytes,soitmoinsde1%àchacun.Denouveau,aucunerépartitionlogiquen’émerge.

594 Pourcetteremarque,cf.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.3031. POSÉIDON MYCÉNIEN 143 C.Proportionsetcalculdel’impôt L’exercice quiconsiste à étudier l’ensemble des proportions du dossier PYEs est déjàancien595 ,maisapporteradesrésultatsinéditsenvertudel’applicationd’unnouveau rapportd’équivalencedanssystèmedemesuredesdenréessèches596 . 1.–Lesévaluationspartiellesquiprécèdentontmontréquel’impôtn’estpasstricte mentproportionnelàlasuperficieduterrain:iltendàêtreplusélevépourlespetitstenan ciers,etpluslimitépourlesgrands.Deplus,cetimpôtvaried’untenancieràl’autreet, pourunmêmetenancier,d’unpercepteuràl’autre.Comptetenudestreizetenancierset destroiscatégoriesdepercepteurs,ilconvientthéoriquementd’examiner39donnéesstatis tiques, auxquelles on ajoutera les 13perceptions cumulées, qui nous renseignent sur le montanttotaldel’impôt.Cependant,troisdonnéesrelativesauxperceptionsexercéespar lepalaissontregrettablementperduesdansleslacunesdeEs644,etl’additiondesimpôts partiels est donc faussée dans le cas de Hoplomenos, Aigiwalos et Lykoworos: seules 46donnéessontdoncpertinentesdanslecadredenotrerecherche. a) Lapremièreapprocheconsisteàcomparer,envaleurabsolue,lescontributions destreizetenanciersdePYEs.Pourcefaire,ilsuffitd’additionnerlesdifférentsδοσο ί queversechaquecontribuableetdelescomparerensuiteaveclecadastredeEs650597 :

Rôleventilé Tenanciers Cadastre Rôleglobal {Palais} Poséidon Acolytes 1 Κοπρε ύς 6T 0 T 7V 0 1T 5V 0 T 5V 0 2T 5V 0 2 Ἀλεκτ ρυών 7T 0 T9V 3 2T 3V 0 T 8V 0 3T 8V 3 3 Sen ος 1T 0 T 2V 0 T 5V 0 T 1V 0 T 8V 0 4 Ὁπλοεν ός 4T 0 ≥T 1V 0 1T 7V 0 T 4V 2 ≥2T 0V 0 5 Αἰγι αλ ός 1T 0 ≥T 1V 0 T 6V 0 T 1V 0 ≥0T 8 V 0 Wedan ῆος 6 T 4 T1V 2 T 3V 0 V 3 T 4V 5 δόhελος 7 Fροιθίας 2T 0 T3V 2 T 8V 0 T 2V 0 1T 1V 2 8 Karai T 3 V 3 [T ]2 V 0 V 3 T 3V 0 9 Ane ος 1T 5 T2V 3 T 5V 0 V 3 T 8V 0 10 Λυκ όορος 1T 4 ≥V 1 T 7V 0 T 1V 3 ≥0 T 8V 4 11 Ok ας 1T 2 T2V 1̣ T 7V 0 T 1V 3 T 10 V 4 12 Pirotaw ος 1T 2 T2V [1 ]̣ T 7V 0 T 1V 3 T 10 V 4 13 Kudamar ος 1T 2 T2 [V 1]̣ T 7V 0 T 1V 3 T 10 V 4

Total 27 T 10 ≥2T 10 V 5 10 V 0 2T 4V 3 ≥15 T 3V 2 Ces données peuvent avantageusement être portées en graphique, où apparaissent en abscisselesnumérosd’ordredestreizecontribuablesetenordonnéesleurcadastreetleur 595 Cf.e.a.MabelLANG , loc.cit. [n.550],p.3751;Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.3463. 596 Dans toutes les données chiffrées qui précèdent et dans celles qui suivront, nous considérons, contrairementànosprédécesseurs,quel’unitévaut12T:cf. infra ,n.631. 597 Danslestableauxetlesgraphiquesquisuivent,nousadmettonsque Pirotaw os( 12 )et Kudamar os( 13 ) versentchacunaupalaisunecontributionde GRA T2V 1,àl’imagede Ok as( 11 ),lequeldisposed’unterrain demêmesuperficieetverseexactementlesmêmesδοσο ί à Poséidon et aux trois acolytes. Du reste, la successionimmédiatedecestroistenanciersplaideégalementenfaveurdecetterestitution.Danslecasoùla lecturecorrectedelacontributionde Ok asserait GRA T2V 2(cf. E.L.BENNETT Jr&J.P.OLIVIER , op.cit. [n.5], p.142), il faudrait naturellement restituer cette même donnée pour les entrées 12 et 13; en cas opportun,nousindiqueronsennotelesrésultatsutilesquidécoulentdecenouveauparamètre. POSÉIDON MYCÉNIEN 144 rôleglobal,exprimésenunitésdecéréales( GRA )598 :

8

7 Cadastre Rôle 6

5

4

3

2 Cadastreetimpôt(enGRA) 1

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 TenanciersdePYEs(parnumérod’ordre) Sanssurprise,l’assiettedel’impôtparaîtglobalementcorrespondreaucadastreEs650,de sortequelesplusimportantspropriétairesversentégalementlescontributionslespluséle vées. Cette figure fait clairement apparaître les grands tenanciers que sont Kopreus ( 1), Alektruwôn( 2)etHoplomenos( 4),lesmodestes—commel’esclavede Wedan eus( 6)et Karai ( 8)—,ainsiqueleshuitdétenteursderangintermédiaire. b) Larelationducadastreetdurôled’impositioncomparéscidessusmetenéviden celaproportionnalitédel’impôt.Pourcefaire,ilsuffitdetransformerlesdonnéesbrutes desδοσο ίenpourcentagedelavaleurcadastraledelaparcellecorrespondante:

Rôleventilé Tenanciers Cadastre Rôleglobal {Palais} Poséidon Acolytes 1 Κοπρε ύς 6T 0 9,7% 23,6% 6,9% 40,3% 2 Ἀλεκτ ρυών 7T 0 11,3% 32,1% 9,5% 53,0% 3 Sen ος 1T 0 16,7% 41,7% 8,3% 66,7% 4 Ὁπλοεν ός 4T 0 — 39,6% 8,3% ≥50% 5 Αἰγι αλ ός 1T 0 — 50% 8,3% ≥66,7% Wedan ῆος 6 T 4 33,3% 75% 12,5% 120,8% δόhελος 7 Fροιθίας 2T 0 13,9% 33,3% 8,3% 55,6% 8 Karai T 3 16,7% 66,7% 16,7% 100% 9 Ane ος 1T 5 14,7% 29,4% 2,9% 47,1% 10 Λυκ όορος 1T 4 — 43,8% 9,4% ≥54,2% 11 Ok ας 1T 2 15,5% 50% 10,7% 76,2% 12 Pirotaw ος 1T 2 15,5% 50% 10,7% 76,2% 13 Kudamar ος 1T 2 15,5% 50% 10,7% 76,2% Total 27 T 10 12,7% 35,9% 8,5% 55,3% Enmoyenne,lacontributiondestinéeaupalaissechiffreà12,7%ducadastre,celledePo séidonà35,9%,cellesdesacolytesà8,5%:globalement—hormis 4, 5et 10 —,l’impôt représente55,3%delabasecadastrale.Aufuretàmesuredelaprésentationdesrelevés 598 LesversementsfiscauxdeHoplomenos( 4),Aigiwalos( 5)etLykoworos( 10 )sontnaturellementam putésdelapartprélevéeparlepalais:dansl’absolu,lescolonnesdugraphiquecorrespondantaurôled’impo sitiondecestroishommesdevraientêtreplusélevées. POSÉIDON MYCÉNIEN 145 d’impositionpartiels,nousavonssoulignélesdisparitésentrelesdifférentstenanciers,qui apparaissenttrèsclairementlorsdel’examendesstatistiquessériées: —Quoiqu’ilnedisposepasduplusgrandterrain,Kopreus( 1)jouitdumeilleurtauxd’im positionpourlesversementseffectuésaupalaisetàPoséidon;danslecasdestroisaco lytes,ilestseulementdépassépar Ane os( 9),dontlacontributionestétonnamentbasse. — La situation d’Alektruwôn ( 2) et de Hoplomenos( 4), lesquels disposent également de grandesparcelles,estpluscontrastée:lepremierprofited’untauxpréférentielpourle palaisetPoséidon,maisverseunmontantrelativementélevéauxacolytes;lesecondpaie unesommeinconnueaupalais,unecontributionàPoséidonlégèrementsupérieureàla moyenneetuneproportionmédianede8,3%auxpercepteurssecondaires;enpropor tion,leursversementsaupalais,àPoséidonetauxacolytessonttoutàfaitcomparablesà ceuxdeWroithias( 7)et Ane os( 9),quipossèdentpourtantdesparcellesbienpluspeti tes,derespectivement2unitéset1unité 5/12 desemence. — Suiventlestitulairesdeterrainscomprisentre1unitéet1unité 1/3desemence( 3, 5, 10 , 11 , 12 , 13 ),quiacquittentuntributrelativementstable:de15,5à16,7%pourlepalais; de 41,7 à 50% pour Poséidon; de 8,3 à 10,7% pour les acolytes. Ils paraissent bien constituerlaclassemoyenne. —Enfin,lestenancierslesplusmodestessonttenusdeverserlepluslourdtribut: Karai ( 8) doitaupalaisunecontributionnormalede16,7%,maissacontributionàPoséidonet auxacolytesestcalculéeselonlestauxtrèsélevésde66,7et16,7%;quantàl’esclavede Wedan eus( 6),assurémentleplusmallotidetouslestenanciersdePYEs,ilestsoumis auxtauxexorbitantsde33,3%et75%pourlepalaisetPoséidon,etautauxélevéde 12,5%pourlestroisacolytes. Lamiseengraphiquepermetd’apprécieravecdavantaged’acuitélasommationdes prélèvementspartiels:

140% (Palais) 120% Troisacolytes 100% Poséidon 80% ? ? 60% ? 40%

20% Rapportentrecadastreetimpôt(%) 0% 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 TenanciersdePYEs(parnumérod’ordre) Cesrésultatscumulésconfirmentenpartielesdonnéesintermédiaires.Lasommedespaie mentsdel’esclavede Wedan eus( 6)dépasselavaleurcadastraledesaparcelle,pours’établir à120,8%,tandisque Karai (8)doitverserexactementlaquantitédegrainnécessaireàl’en semencermentdesonterrain.Del’autrecôtédel’échelle, Kopreus ( 1) etAlektruôn ( 2), titulaires des deux plus grandes parcelles, paient peu d’impôt —respectivement 40,3 et 53,0%—,maisnesontpaslesseulsàbénéficierdecetauxpréférentiel:Wroithias( 7)et Ane os( 9),nonobstantleurparcelledetaillemoyenne,nepaientque47,1et55,6%deleur valeur cadastrale. Enfin, les quatre autres tenanciers (3, 11 , 12 , 13 ) paient entre 66,7 et 76,2%deleurcadastre—teldevaitégalementêtrelecasdeHoplomenos( 4),Aigiwalos (5)etLykoworos( 10 ),dontletotaldesversementsestinconnu. Cesdonnéesglobalesamènentàretracerlescontours des trois catégories définies préalablement,lorsdel’examendelaseuletabletteEs650: POSÉIDON MYCÉNIEN 146

— Lapremière,celledesgrandspropriétaires,comprendtoujoursKopreus( 1)etAlektru wôn( 2),maissevoitajouterWroithias( 7)et Ane os( 9),qu’avantagelaclefderépartion del’impôt:latailledeleurparcellevariede1unité 5/12 à7unitésdesemence,etletaux d’impositionoscilleentre40,3et55,6%. — Ladeuxième,celledelaclassemoyenne,comprendsixdétenteursdeterresmesurantde 1unitéà1unité 1/3desemence( 3, 5, 10 , 11 , 12 , 13 ),plusHoplomenos( 4),quidétient étonnament une terre de 4unités, soit trois à quatre fois supérieure à celle des autres tenanciers;l’impôtyvariede66,7à76,2%.Lacohérencedecettesérieinviteàconsidé rerquelescontributionsduesaupalaisparHoplomenos( 4),Aigiwalos( 5)etLukoworos (10 )s’inscriventégalementdanslafourchettede15,5à16,7%ducadastre,soitenviron 1/6599 ;envaleurabsolue,cesversementssechiffreraientà c. T8, c. T2et c. T 2V 4,avec unemarged’erreurde ±V3pourlepremierchiffre,de ±V1pourlesdeuxderniers,de tellesortequeleurimpôtglobals’élèveraitrespectivementà2T7± V3, T9 ± V1et T11 ±V1,soit64,6 ±1,0%,75 ±1,4%et69,8 ±1,1%deleurrelevécadastral. — Latroisième,celledespetitesgens,n’estpasmodifiée: Karai (8)etl’esclavede Wedan eus (6)ontlesplusmodestesterrains,de¼et 1/3d’unitédesemence,ainsiquelesplusim portantsimpôts,de100et120,8%. c) Nonseulementlestauxd’impositionchangentpratiquemmentd’unepersonneà l’autre,maislaproportiondel’impôtquechaquetenancierverseàl’unedestroiscatégories depercepteurs—lepalais,Poséidonetlestroisacolytes—connaîtégalementdesvaria tionsnonnégligeables.L’expressionenpourcentagedurapportentrelescinqversements partielsetlerôled’impositionglobalenpermetunecomparaisonaisée600 :

Rôleventilé Tenanciers Rôleglobal {Palais} Poséidon Acolytes 1 Κοπρε ύς 2T 5V 0 24,1% 58,6% 17,2% 2 Ἀλεκτ ρυών 3T 8V 3 21,3% 60,7% 18,0% 3 Sen ος T 8V 0 25% 62,5% 12,5% 4 Ὁπλοεν ός c. 2T 7V 0 c. 25,8% c. 61,3% c. 12,9% 5 Αἰγι αλ ός c. 0T 9V 0 c. 22,2% c. 66,7% c. 11,1% Wedan ῆος 6 T 4V 5 27,6% 62,1% 10,3% δόhελος 7 Fροιθ ίας 1T 1V 2 25% 60% 15% 8 Karai T 3V 0 16,7% 66,7% 16,7% 9 Ane ος T 8V 0 31,2% 62,5% 6,2% 10 Λυκ όορος c. 0T 11 V 1 c. 23,9% c. 62,7% c. 13,4% 11 Ok ας T 10 V 4 20,3% 65,6% 14,1% 12 Pirotaw ος T 10 V 4 20,3% 65,6% 14,1% 13 Kudamar ος T 10 V 4 20,3% 65,6% 14,1% Total c. 16 T 1V 5 c. 23,4% c. 61,9% c. 14,7%

599 1 L’impôtdûaupalaisseraitd’exactement /6(16,7%)pourlesseptmembresdecettecatégoriesil’on adoptelalecture T2V 2enEs644,l.11(cf. supra ,n.597);encecas,leurimpôtglobalvarieraitde66,7à 77,4%delavaleurcadastrale. 600 Lesapproximationsconcernant 4, 5et 10 dériventdesextrapolationseffectuéesdanslafinduparagra pheprécédent;pourcesdonnées,lamarged’erreurestde±1,1à±1,4%pourlesversementsaupalais, ±0,9à±1,2%pourPoséidonet±0,2%pourlesacolytes;lestotauxs’entendent±0,3%pourlepalaiset Poséidon,±0,1%pourlesacolytes.Pour 11 , 12 et 13 ,l’impôtglobalpasseà T10 V 5etlesproportionsà 21,5%,64,6%et13,8%aveclalecture T2V 2 (cf. supra ,n.597). POSÉIDON MYCÉNIEN 147

Aupremierregard,aucuneconstanten’apparaît:silarépartitiondel’impôtentrelestrois typesdepercepteursn’estpastoutàfaitaléatoire,ellen’estestpasmoinslargementappro ximative. Enfonctiondestenanciers,lepalaisperçoitde16,7à31,2%dutributtotal,soitune variationdusimpleaudouble,alorsqueletotaldescontributionsluirapporte c. 23,4%des montantsversés;l’impôtàPoséidonfluctuebeaucoupmoins,de58,6à66,7%,pourun totalde c. 61,9%;leversementauxtroisacolytescouvrelaplagelaplusétendue,de6,2à 18,0%,soitdusimpleautriple,pouruntotaldec. 14,7%. Desquatredétenteursdeterrainslesplusprivilégiés,troisprésententàpeuprèsla mêmerépartitiondel’impôt( 1, 2, 7):de21,3à25%pourlepalais,de58,6à60,7%pour Poséidon—soitlestroisplusfaiblesproportions,justeendessousdelamoyenne—etde 15à18,0%pourlesacolytes—soitunpourcentagetrèsélevé.Seul Ane osprésenteune clefderépartitionincongrue:alorsqu’ilverseàPoséidonunepartdesonimpôttrèspro chedelamoyenne(62,5%),ildoitendonneruneportionextraordinairementélevéeaupa lais(31,2%)etextraordinairementbasseauxacolytes(6,2%),desortequelepalaistouche un tribut ( T2 V 3)dedeuxfoisinférieuràcelui dePoséidon( T5), mais de quinze fois supérieuràceluid’unacolyte( V1). Lestenanciersdelaclassemoyenne( 3, 4, 5, 10 , 11 , 12 , 13 )présententlaplusgrande homogénéité: le palais reçoit de 20,3 à c. 25,8% de leur tribut; Poséidon de c. 61,3 à c. 66,7%;lesacolytes,de c. 11,1à14,1%. Commeattendu,lestributsversésparlesdeuxplusmodestesdétenteursmontrent unegrandeincohérence,àcausedeladifficultédefractionnerprécisémentdesmontants peuélevés( T4V 5et T3).LeurcontributionàPoséidonn’estpasaberrante,maislesverse mentsaupalaisetauxacolytessortentdesschémashabituels:comme Ane os,l’esclavede Wedan eus( 6)verseaupremieruneimportantepartiedesontribut(27,6%)etunefaible fractionauxderniers(10,3%);parcontre, Karai ( 8)donneàl’unetauxautreslamêmepart desonimpôt(16,7%),cequireprésentepourlepalaisunetrèsfaiblefraction( V3),équi valantseulementauquartdu δοσόςdePoséidon(T2)etautripledelasommeverséeà l’undesacolytes( V1). 2.–Lenouveaucalculdesvaleursabsoluesetdesproportionssurlabased’unsystè medivisionnaireduodécimalinvalideunepartiedesconclusionsdenosprédécesseurs. Surunebasedécimale,eneffet,lasommedes δοσοί dus à Poséidon et aux trois percepteursmineurs(* T140V 3)équivautpresqueexactementàlamoitiédelasuperficie desterrescadastrées(* T282):cettecoïncidenceainduitl’idéequel’impôtinscritsurles treizetablettesenformat«feuilledepalmier»estglobalementcalculépouréquivaloiràla moitiéducadastreEs650,mêmesi,dansledétail,l’impôtd’unseultenancier(7777)respecte raitcetteclefderépartition.Cefaitimpliqueraitdoncunecertainesolidaritéetuneréparti tioninternedessommesàpayer. Deplus,toujoursd’aprèscetteprésomption,émergenttroissousgroupes,quipré senteraientdessoustotauxdeδοσοίplusoumoinséquivalents601 .Aubesoin,lequator zième tenancier —dontnousignoronstout,saufqu’ilexista—entredansl’équation,soit

601 MabelLANG ( loc.cit. [n.550],p.3940,4243)regroupelescontribuables 1et 2, 3à 7et 8à 13 ;Pia DE FIDIO ( op. cit. [n.2], p.5063) préfère combiner 1 et 2, 3 à 8 et 9 à 14 . Pour sa part, W.F.WYATT Jr («RemarksonProfessorLang’sPaper“EsProportions”»,dansE.L.BENNETT Jr[éd.], op.cit. [n.550],p.53 55)optepourunesubdivisionenquatregroupessurlabasedelapossessionfoncière( 2; 1, 3; 4, 5, 7; 6, 8, 10 13 ),toutenreconnaissantluimêmelesfaiblessesdesonmodèle. POSÉIDON MYCÉNIEN 148 pourremédieràquelquesincohérences602 ,soitpourcompléteretrééquilibrerlesrésultats finaux603 .Cessousgroupesmontreraientégalementunesolidaritéinterne,soustendue,le caséchéantpardesobligationsetprivilègescultuels partagés et s’exprimant notamment lorsduversementdutribut. Seloncesystème,donc,letributàverseràPoséidonetauxacolyteséquivaudrait,de manièregénérale,50%àdesmontantscadastrés,répartisen40%pourPoséidonet10% pourlesacolytes,selonunratiode1:12entreleversementàPoséidonetlarétributiond’un destinatairemineur.D’unautrecôté,lessommesàverserannuellementaupalaisseraient comptéesà16,7%ducadastre—encorequeseulstroispersonnes( 7, 8, 9)paientvraiment cettesomme.Delasorte,l’impôttotalsechiffreraità66,7%604 .Encoreunefois,seulela contributiondeWroithias( 7)obéiraitscrupuleusementàcesproportions;touteslesautres s’yconformeraientuniquementparl’intermédiairedelamoyennegénérale,maisseraient tantôtinférieures,tantôtsupérieuresauxpourcentagesévoqués. 3.–Querestetildecesthéoriesexplicatives? a)IlesttoujourstentantdeconsidérerqueletributaupalaisinscritenEs644est bienétalonnésurlecadastreEs650,àuntauxnormalde16,7%.Cetteprésomptiontrou vemêmedeuxnouveauxappuis.D’unepart,lafractiondusixième,relativementdifficileà manipulerdansunsystèmesexagésimalmixte(*1=T 10 =V 60),trouveparfaitementsa placedansunsystèmesénaire(1=T 12 =V 72):pourtoutterraincadastréà«xTy»unités decéréales,lepalaisprélèvesimplementunefraction«T2xVy»enguised’impôtfoncier annuel 605 . D’autre part, pour peu que l’on accepte la lecture possible pour 11 et les restitutions probables pour 4, 5 et 10 606 , les sept personnes appartenant à la catégorie intermédiaire,ainsique Karai ( 8)seraientsoumisàcetauxdebaseetl’esclavede Wedan eus (6),pouruneraisoninconnue,peutêtreliéeàsonstatutservile,àuntauxdouble.Seulsles quatredétenteursprivilégiés( 1, 2, 7, 9)bénéficieraientd’unaménagementsouslaforme d’une réduction d’impôt, importante pour les deux premiers (–T4 et –T2 V 3), plus limitéepourlesdeuxderniers(–V4 et –V2). Somme toute, les versements annuels au palaisseraientunimpôtdequotité,fixépardéfautausizièmeducadastre,avecuntaux spécifiquementdédoublépour 6etdesexonérationsfiscalespour 1,2 ,7 et 9 . DanslecasdePoséidon,nouspouvonsremarquer,sanstropattacherd’importanceà cettecoïncidence,quelasommedestreizecontributionsfaitexactement10unitésdegrain. Il est possible que cette quantité ait été déterminée d’emblée, puisque le dieu paraît apprécierleschiffresronds,notammentdansledossierduscribe24,oùletotaldescontri butionsdonnenotamment8unitésdegrainet6unitésdevin607 .Unefoisdéterminéela quantitédegrainàpercevoir,onauraitprocédéàunimpôtderépartition,avecpourdouble contrainted’opérerunprélèvementnedépassantnormalementpaslamoitiéducadastre,et den’utiliseraucunefractioninférieureaudouzième( T).Delasortes’expliquentlescontri butionsdesdétenteursmoyens:quatrepaientexactement50%(5555,11111111,12121212,13131313),uncinquiè 602 MabelLANG , loc.cit. [n.550],p.4344. 603 Pia DE FIDIO ,op.cit. [n.2],p.4150. 604 Pourl’expressiondecesrapports,cf.MabelLANG , loc.cit. [n.550],p.3839,42;Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.3435. 605 5 Dansunsystèmehexagésimalmixte,lepalaisprélèveraitunefraction«T /3xVy»,cequioblige,en pratique,àtoutconvertirdanslapluspetiteunitédivisionnaire,selonlaformule«V10 x+y»,avantdesimpli fierlerésultatobtenu. 606 Cf. supra ,n.599etp.146. 607 PYUn718:cf. supra ,enpart.p.103103.Ceschiffressebasentsurunratio1:3entrelesunités GRA etlesunités FAR . POSÉIDON MYCÉNIEN 149 meunmontantarrondiàl’unitéinférieure(10101010)etlesdeuxderniersbénéficientd’unecon tributionlégèrementplusfaible,autourde40%(3333,4444).Denouveau,lesquatredétenteurs privilégiéssontrelativementépargnés,avecuneparticipation environcomprise entre un quart et un tiers de leurs avoirs (1, 2, 7, 9),tandisque,pourleurpart,lesdeuxhommesde conditioninférieuredépassentchacund’uneunitéTlamoitiédel eurcadastre(6, 8). Latriplecontributionauxpercepteursmineursestplusdifficileàinterpréter.Detou teévidence,elledoitêtreliéeàcelledePoséidon,puisquelesquatremontantssontchaque foisinscritssurlamêmetablette.Enoutre,unedoublecontrainteestànouveaurespectée: chaquedestinatairedoitrecevoirexactementlamêmepartetlesfractionsnepeuventêtre inférieuresauseptantedeuxième( V).Autotal,chacundespercepteursrecevraunequantité de T9V 3etlestauxappliquésprésententunetrèsgrandefluctuation.Parconséquent,ilne semble pas s’agir strictement d’un impôt de répartitionoudequotité,maisplutôtd’une transpositionmécaniqueplusoumoinscohérente,audépartduδοσ όςverséàPoséidon. Ainsi,ceuxquiversentT2et T3àPoséidonpaientV1àchacundesacolytes( 6, 8); T5et T6deviennent V2(3,5); T7devientV3(10 ,11 ,12 ,13 );T 8devient V 4(7).Seul Ane os( 9), dontleversementde T5estconvertien V1,sortdeceschémaens’acquittantd’unverse menttrèsbas,plusdecentfoisinférieuràsavaleurcadastrale.Pourlesmontantspluséle vés,latranspositionestplusaléatoire:Hoplomenos( 4),dontlacontributionde1T7de vient T1V 2,respecte grossomodo lesproportionsdespluspetitsrevenus,maisKopreus( 1) et Alektruwôn ( 2) acquittent des montants proportionnellement plus élevés, équivalant environàundizièmedeleurtributàPoséidon,alorsqu’unacolyteperçoitautotalmoins d’undouzième(7,9%)duδοσ όςdePoséidon. LatrèsnettedistinctionentrelaperceptionEs644etlestreizetablettesindividuelles autoriseraàenvisagerunepériodicitédifférentepourcesdeuxtypesdeδοσο ί608 ;elleper metdejustifierégalementunmodede calcul différent de l’impôt dans les deux cas, avec d’unepartunimpôtdequotité,perçuannuellementpourlecomptedupalaisetd’autrepart unimpôtderépartition,prélevépériodiquementpourPoséidon.Le δοσ όςdestinéaudieu viseraitainsiàrassemblerunequantitédegraindéfinieàl’avance,nécessairepourl’orga nisation périodique d’une cérémonie religieuse ou d’un banquet cultuel; à ce titre, ce prélèvementestfortcomparableàl’ ἔρα[νος]deUn853etauδοσ όςdeUn718609 . Quant aux trois δοσοί secondaires, greffés sur l’impôt du dieu, ils ne sont pas à proprement parlerunimpôtderépartition,maiss’apparentent assezfortementàlaperceptiond’une commissioncalculéeparrapportauxmontantsdu δοσ όςdePoséidon. b) Dansl’ensemble,larépartitionduδοσ όςannueletdesδοσ οίàPoséidonetaux troisacolytesn’apparaîtpastotalementaléatoire,maismontrequandmêmeunecertaine souplesse. Visiblement, le pragmatisme est le maîtremot. En l’état, malgré d’ingénieuses tentatives,nousnepouvonsriendired’uneéventuellesodalitéentrelestreizetenanciers, encoremoinsdel’existencedetroisgroupesdéfinisquisepartageraientdesdroitsetde voirsspécifiques.Leseulpointcommunentrecestreize hommes est la détention d’une terreaustatutparticulier,encontrepartied’unimpôtannueletd’uneredevanceàPoséidon etauxtroisdestinatairesmineurs.Cependant,jusqu’àpreuveducontraire,lestreizehom messontindividuellementetindépendammentresponsablesduterrainquileurestconfié etdel’impôtquileurestprescrit:entoutcas,larépétitioninvariabledeformulestellesque «Ὁδε ῖνα ἕχει.Τ όσ(σ)ονδ ὲσπ έρο· ΣΠΕΡΜΟ tot .»(Es650),«Το ῦ / Ὁδε ῖνα(.)δοσ ὸς έ τε hι έτε hι· ΣΙΤΟΣ tot .»(Es644)et«Ὁδε ῖνα.Ποσειδα hώνει,δοσ ός· ΣΙΤΟΣ tot. Λυκτ ῆρσι, 608 Cf. infra ,p.150153. 609 Cf. supra ,p.8284et103105. POSÉIDON MYCÉNIEN 150

δοσ ός· ΣΙΤΟΣ tot . Wedan ήει,δοσ ός· ΣΙΤΟΣ tot .ι ιήει,δοσ ός· ΣΙΤΟΣ tot .»(Es646 et al. )neparaîtpassousentendreunequelconqueresponsabilitécollective.L’uniqueconstat indéniableestlacoexistencedetroistypesdetenanciers,quedistinguentlatailledeleur parcelleetlaprésenceoul’absenced’avantagesoudedésavantagesfiscaux—cecin’impli quantenaucuncasquecespersonnesformentcorporation.Parconséquent,laquestiondu quatorzièmetenancierdoitégalementdemeurerensuspens:nousnepouvonsinférernila tailledesaparcelle,nilemontantdesesδοσο ί,etsonabsencenebouleversepaslastruc tureoulesrapportsinternesdudossierPYEs. c) Ledédoublementdesdocumentsfiscauxestl’ultimedifficultédudossierPYEsà mettreenlumière.Ceproblèmeestcentral,carilposelesquestionsdelapériodicitédu prélèvementfiscaletdel’appartenanceultimedesterrainsimposés. Dèslorsquel’onrefusedevoirenEs644uneallocationannuelledegrainenvuede l’ensemencementdesparcelles610 ,forceestdereconnaîtrequelestreizetenuresdePYEs sontgrevéesd’unedoubleimposition:latablette«page»globaleEs644prescritunimpôt explicitementannuel,tandisquelestreizetablettes«feuilledepalmier»fixent,auxmêmes tenanciersetpourlesmêmesparcelles,uneperceptionsupplémentaire,defréquenceincon nue.L’oppositionentrelarépétitiondusyntagme έτε hι έτε hιenEs644etsonabsence danstouteslestablettesindividuelleslaisseenvisagerquelapériodicitédesdeuxprélève mentsestdifférente. Surlabasedececonstat,maisaussidesrapportsétablisentrelescinqpercepteursde l’impôtet,surtout,delasupposéetripartitiondestenanciersengroupeshomogènes,une doublealternativefutproposée:soitladoubleimpositiontrahitundoublestatutjuridique desterres,lesquellesdépendraientàlafoisdePoséidonetdupalais,soitlatabletteEs644 concerne,sanslesnommer,lesmêmesdestinatairesquelestreizetablettesindividuelles; danscederniercas,àcausedel’équivalence3:1àpeuprèsobservableentrelasommedes δοσο ίdestreizetablettesetcelledesδοσο ίdeEs644,soitEs644seraitlebilanannuel d’uneperceptiondontlesobjectifstriennauxsontfixésparlestreizetablettesindividuelles, soitcestreizetablettesfixentunecontributionsupplémentairequis’ajoutepériodiquement àlacontributionnormaleannuelledeEs644etlamultiplieparquatre611 .Unevariantede cetteultimesuggestionconsisteàimaginerquechacundestroissousgroupesverseàtour derôlelacontributionsupplémentaire,cequiapoureffetdeladoublerplutôtquedela quadrupler;enadmettantunversementcomplémentairetriétérique,chaquegroupeserait astreintauversementexceptionnelselonunrythmeennéaétérique—cequiallégeraitcon sidérablementlapressionfiscaledestenanciersdePYEs612 . L’idéed’undécouplementdesdeuxperceptionsestnaturellementséduisante:àcôté 1 d’unimpôtannuelthéoriquementfixéà /6 du cadastre, une perception plus importante auraitégalementlieu,àintervallesréguliers.Lerythmetriétériquesuggérétrouveunappui danslapersistancedecedécomptebiennalauI er millénaire,enparticulierdanslescélébra tionsàcaractèrereligieux,ainsiquedanslecycleordinairedelajachère,censéconveniràla divinitéchtonienneetagraire,prochedeDéméteretDionysos,qu’estPoséidon613 . Lesrapportsnumériquesalléguésinvitent,parcontre,àdavantagederetenue:non seulementlalacuneconcernantlescontributionsannuellesdetroiscontribuablessurtreize

610 Encesens,cf.pourtantMabelLANG , loc.cit. [n.550],p.4546. 611 Pia DE FIDIO ,op.cit. [n.2],p.6373. 612 TelleestlasolutionfinalementretenueparPia DE FIDIO ,op.cit. [n.2],p.7073. 613 Ibid. ,p.6869. POSÉIDON MYCÉNIEN 151

(4, 5 , 10 )faitlapartbelleàl’interprétationetinduitunrapport3:1largementrestitué614 , maisencorel’adoptiondenouveauxrapportsauseindusystèmedivisionnairedesmesures sèchesrendelletrèspeuprobablequelasommedescontributionsdeEs644fasseuntiers desδοσο ίtotauxdestreizetablettes.Cecidisqualified’embléel’hypothèsed’unprogram metriennalderecouvrementdel’impôtetaffaiblitl’idéequelestreizecontribuablesaitété répartisentroisgroupeséquivalents,chargésdeversersuccessivementl’impôtsupplémen taire,demanièreàdoublerlacontributionglobaleannuelle,carlepostulatdestroissous groupesd’impostiondisparaîtavecl’abandondel’équivalence*1= T10.Detoutemanière, l’aspectmatérieldenosdocumentsportelecoupdegrâceàcetteinterprétation:outrele faitquenulletablettenemetteclairementenrelieflaprétenduetripartitiondugroupe,alors que,parexemple,undoubleinterlignageentrechaquesousgroupeeûtétéfortbienréalisa bledanslecadastreEs650,onvoitmalquecertainesdestreizetablettes«feuilledepal mier»fussentdestinéesàêtreutiliséesplusieursannéesaprèsleurrédaction—unoudeux anssilaperceptionsupplémentaireestannuelle,deuxouquatreanssielleesttriétérique— etnéanmoinsconservéesaumêmeendroitquelesdocumentsutiliséspourl’annéeoula périodeencours.Ilestdebeaucoupplusprobablequecestreizetablettesconstituentle doubledel’avertissementfiscalsignifié,aumêmemoment,auxtreizetenanciersetsoient destinéesàêtredétruitesouarchivéesàl’arrivéedurécipissécorrespondant. Lesseulesexplicationspossiblessontd’unepartcelled’unversementannueloupé riodiqueàPoséidonetauxtroisacolytesensusdel’impôtannuelaupalais,etd’autrepart celled’unimpôtannuelàPoséidonetauxacolytespériodiquementaugmentéd’unecontri butionenvirontroisfoisplusélevée,verséeparl’ensembledestenanciersdePYEs. Lasecondesolutionimpliquequel’intituléabsentdeEs644puisseêtre{Ποσειδα hώ νει,λυκτ ῆρσικε, Wedan ήεικε,ι ιήεικε·δοσ οί},surlemodèledeUn718(l.1),et quelesquatrecontributionsdistinctesdanslasériedestreizetablettes«feuilledepalmier» soientchaquefoisconfonduesenuneseuleentréegénéraleenEs644;ilfaudraitégale mentadmettrequel’impôtsupplémentairesoitcalculéselonuncoefficientdifférentpour pratiquementchaquetenancier:de2,2pour Ane os( 9),ilpasseraitnotammentà3pour deuxtenanciers( 3, 7),àenviron4pourtroisautres( 11 , 12 , 13 )etjusqu’à5pourun Karai (8).Cettedoubledifficultén’estpasdirimante,maisinviteàenvisagersérieusementl’autre solution,quiprésentel’incomparableavantagedelaclarté,voiredel’évidence. L’uniqueobjectionàl’identificationdudestinataire du δοσ ὸς έτε hι έτε hιavecle palaisdePylosseraitlacoexistencedePoséidonetdusouverainaurangdesayantsdroità l’impôt;cetteassociationentreledieuetlesouverainposeraitégalementlaquestiondu statutsacréoupalatialdesterrainstaxés.Enréalité,lasituationestpluscomplexeencore. AuxcôtésdePoséidon,troisacolytesprélèventaussiun δοσός. Cet état de fait n’entraîne pourtant paslaconclusionqu’aucundecesacolytespossèdeeffectivementunepartiedes terrains,nimêmequetousceshommesappartiennentàlasphèrereligieuseentantque desservantsousectateursdudieu:silesλυκτ ῆρες (?)peuvent,lecaséchéant,formerun collègeconsacré, Wedan eusetDiwieussontindéniablementimpliquésparailleursdansdes occupationsprofanes615 .Laperception,parPoséidon,d’un δοσός portant sur une terre déterminéenesuffitdoncpasàaffirmerquecelleciluiestdédiée;end’autrestermes,le dieupourrait,aumêmetitrequelestroisacolytes,bénéficierderevenusissusd’uneterrene lui appartenant pas. L’archivage du dossier PYEs au cœur du palais pylien indique, en

614 Enréalité,seulsdeuxcontribuables( 3 et 7)versentdanslecadredeleurtabletteindividuelle une sommeexactementtroisfoisplusélevéequeleurcontributionannuelle. 615 Cf. supra ,p.139142. POSÉIDON MYCÉNIEN 152 outre,quelesfonctionnairespalatiauxinterviennentactivementdanslerecensementdeces parcelleset,sansdoute,dansleprélèvementfiscal. Laconclusionlaplusspontanéeestde reconnaîtreauxparcellesdePYEsunstatutdepossessionspalatiales,ainsiqu’unlienparti culieravecledieuPoséidon. CetteproximitéentrePoséidonetleroidePylosrappellelasituationdes*τε ένε hα σαλ(λ)α(ι)πεδα:quoiqueterrains«palatiaux»—sitelleestbienlasignificationdel’épithè te—,leursrevenussontexclusivementdestinésàPoséidon,souslaformed’unδοσ ός616 . Cetteaffinitén’interditpasdepenserquelestreizeterrainscadastrésenEs650soientéga lementdes*τε ένε hα,mêmes’ilssontdetaillebienplusmodestequelesparcellesdeEr 880et312.Enapparence,lapartitiondesδοσο ίentrelepalaisetPoséidon—sanscomp terlestroisacolytes—représentel’originalitédelasériePYEsparrapportaudossierdu scribe24.Toutefois,l’exemptiondontbénéficieleτέενοςdu wanaxcompensesansdoute lanonperceptiondel’impôtdûaupalais:auvudelacontributiondu lawagetas enUn718, le wanax auraitdûverserenδοσ όςàPoséidon6béliers,1unité½defarineet2unitésde vin,ainsiqu’un ἔρα[νος] troisfoisplusélevé,pourl’usufruitd’unterrainmesurant30unités de céréales, alors qu’un impôt d’environ 10%617 sur les terrains imposables de PYEr, d’unesuperficiede96à99unitésdecéréales,n’auraitapportéautrésorroyalqu’unedizai ned’unitésdegrain618 . Parconséquent,laseuledifférencevéritableentrelesdeuxdossiersd’impositionest laprésence,enPYEs,desλυκτ ῆρες (?),de Wedan eusetdeDiwieus.Leurfonctionprécise estinconnue:lespremierssontpeutêtreliésaucultedePoséidon,tandisquelesdeuxder nierssevirentpeutêtreaffermerlecadastrageetlaperceptiondel’impôtenéchanged’une rétributionengrain;encecas,ilspourraientêtrecomparésaux ὀίδε(ρ)ταιchargésderé colterleδοσ όςdePoséidonenUn718—lesquelsneparaissentpourtantpastirerdirecte mentbénéficedeleuroffice619 .Leseulfaitcertainestquelestroispercepteursmineursde PYEsprofitent,aumêmetitrequePoséidonetqueletrésorroyal,maisdansdespropor tionsmoindres,dusystèmedetenuremisenplacepourlesterresdePYEs.Cestroisdesti natairesmineurssont,entoutcas,rémunérésàlamêmefréquencequePoséidon—c.àd., lecaséchéant,selonunrythmetriétérique. Voici,enconclusiondel’analysedudossierPYEs,l’illustrationdumodèleexplicatif leplussatisfaisant:touslesans,lestenanciersversentl’impôtprévuaupalais;selonun rythmepluriannuelrégulier620 ,ilspaientaussitributàPoséidonetauxtroisacolytes. Le montantproportionneldurôleglobals’établitcommesuit,selonquel’impôtsupplémen 616 Cf. supra ,p.125130. 617 EnEs644,lesversements 1et 2,quicorrespondentauxdeuxplusgrandsterrains(6et7unitésde céréales)sechiffrentà9,7et11,3%delavaleurcadastraledesterrains(cf. supra ,p.144);pourlesparcelles de PYEr, plus grandes encore, ce taux aurait probablement été revu à la baisse, par exemple jusqu’à la 1 fractioncommodede /12 (8,3%). 618 Dansl’hypothèsed’unprélèvementtriétériquepourPoséidonetenadmettantleséquivalences GRA 3 = FAR 1= OVIS 3 = VIN 4 (cf. supra , n. 408), ce δοσ όςroyalbiennalàPoséidonauraitcoûté12unitésde grain,àcouplerpeutêtreavecun ἔρα[νος] quadriennaldevaleurtriple:encecas,lesdépensesdusouverain seraientamortiesparleprélèvementannueld’aumoins15unitésdegrain,queproduisentdesterresmesurant 1 96unitésdesemenceimposéesàuntauxprochede /6(15,6%).Selond’autreséquivalences,silapression fiscalesurlestenanciersdePYErs’élèveannuellement à c. 37,5% (cf. supra , p.124), le souverain devrait verser11unités¼degrain,quecompenseraituneimpositioncompriseentre11,4et11,7%. 619 Ilest,sansdoute,loisibled’imaginerqueledossierPYErdonneégalementlieuàunδοσ όςdestinéà trois(?)percepteursmineurs:cf.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],e.a.p.121.Cependant,l’absencedetoutindice encesensinvite,àtoutlemoins,àunecertaineretenue;cf.néanmoins infra ,p.155. 620 S’ils’avéraitquetouslesδοσο ίsontannuels,les proportionsexactesdecetimpôt setrouveraient supra ,p.144. POSÉIDON MYCÉNIEN 153 taireestprélevétouslesdeuxouquatreans621 :

Rôleannuel Rôlepériodique Rôleglobalannuel Tenanciers {Palais} (Poséidonetacolytes) Cyclebiennal Cyclequadriennal 1 Κοπρε ύς 9,7% 30,6% 25% 17,4% 2 Ἀλεκτρυ ών 11,3% 41,7% 32,1% 21,7% 3 Sen ος 16,7% 50% 41,7% 29,2% 4 Ὁπλοεν ός c. 16,7% 47,9% c. 40,6% c. 28,6% 5 Αἰγι αλ ός c. 16,7% 58,3% c. 45,8% c. 31,3% Wedan ῆος 6 33,3% 87,5% 77,1% 55,2% δόhελος 7 Fροιθ ίας 13,9% 41,7% 34,7% 24,3% 8 Karai 16,7% 83,3% 58,3% 37,5% 9 Ane ος 14,7% 32,4% 30,9% 22,8% 10 Λυκ όορος c. 16,7% 53,1% c. 43,2% c. 29,9% 11 Ok ας 15,5% 60,7% 45,8% 30,7% 12 Pirotaw ος 15,5% 60,7% 45,8% 30,7% 13 Kudamar ος 15,5% 60,7% 45,8% 30,7% Total c. 13,6% 44,5% c. 35,8% c. 24,7% Entoutelogique,lestroiscatégoriesdetenancierssonttoujoursaussivisiblesdanscesché ma:enfonctiondesdeuxsolutionsenvisagées,lapremièrepaieraitchaqueannéede25à 34,7%oude17,4à24,3%delavaleurcadastraledesparcelles( 1, 2, 7, 9);ladeuxième, c. 40,6 à c. 45,8% ou de c. 28,6 à c. 31,3% ( 3, 4, 5, 10 , 11 , 12 , 13 ); la troisième, 58,3 et 77,1%ou37,5et55,2%( 6, 8). Onremarqueraégalementqu’encasd’impôttriétériqueàPoséidonetauxacolytes,la proportiondel’impôtglobalannuelparrapportaucadastre(35,9%)seraitpresqueexacte mentégaleaurapportentreleprélèvementdePoséidonetcecadastre(35,8%);cettecoïn cidenceseretrouveégalementchezdeuxtenanciers( 2, 3)622 .Envaleurabsolue,celasigni fieraitquetouslestroisans,lesδοσο ίcumulésatteindraientlasommede c. 20unitésde grain623 ,dont10unitéssontréservéesauseulPoséidonet c. 10autresunitéssontpartagées entrelepalaisetlestroisacolytes624 .L’obtentiond’untelrésultatestunargumentsupplé mentaireenfaveurd’unrythmebiennaldel’impôtpourPoséidonetlesacolytes.Ilserait égalementpossibled’arguerquetoutleδοσ όςdePYEsn’estriend’autre,endéfinitive, qu’unimpôtderépartition:lerevenutotalenseraitfixé,pourdeuxans,à20unitésde grain, dont une moitié devrait impérativement échoir au dieu Poséidon et l’autre, être savammentrépartieentrelepalais,lesλυκτ ῆρες (?), Wedan eusetDiwieus.

621 Lesapproximationsselisent±1,1%pour 4et 10 ,±1,4%pour 5,±0,3%pourletotal.Dansl’hy pothèsed’unelecture T2V 2enEs644,l.11(cf. supra ,n.597),lerôleannuelde 11 , 12 et 13 passeà16,7%,le rôleannueltotalà13,7%etlerôleglobalannuelà c. 36,0%danslecasd’uncyclebiennal,à c. 24,8%pour uncyclequadriennal. 622 Ilsuffitdecomparerletableaucidessusaveclesrésultatsprésentés supra ,p.144. 623 Lemontantexactestde GRA 19 T 11 V 1±V 5sionlit T2V 1enEs644,l.11;de GRA 20 V 1±V 5si l’onylitT2V 2(cf. supra ,n.597). 624 Ensemble,lesacolytesprélèveraienttouslesdeuxansunesommede GRA 2T4V3,soit GRA T9V 3 parpercepteur;sileδοσ όςtotalbiennalestbiende20unités,ilresteraitaupalais GRA 7T 7V 3àprélever endeuxans,soituneperceptionannuellede GRA 3T 9V 4(Z2). POSÉIDON MYCÉNIEN 154 Synthèseetconclusion Lesdeuxdossiersd’impositionfoncièreétablissurlabasedescadastresPYEretPYEs furentétudiéssansidéepréconçue,audépartd’unexamenobjectifdesdonnéestextuelles. Cettedémarche,nécessaireàtoutmycénologue,serévélad’autantplusindispensabledans lecasprésentpourunedoubleraison.Surleplanmathématique,d’abord,l’applicationd’un systèmemétriquestrictementduodécimalinduitdenouvelles proportions, qui modifient sensiblementlesanciennesconclusionssurlesmécanismesducadastreetdel’impôt.Surle plansociétal,ensuite,l’importancetraditionnellementaccordéeaudossierduscribe24au momentd’élaborerunorganigrammestructuréetcohérentdelasociétépylienneauII emil lénaireoblige,plusquejamais,àremettreencontextelestablettesconcernéesenfaisant preuved’unespritcritiqueparticulièrementaiguisé.Unetelleméthodeaportésesfruits, mêmesi,leplussouvent,laprudencerestedemise. 1.–Laqualitéetlaquantitédesdenréesprélevées à titre de δοσο ί montrent que nousavonsaffaireàunimpôtderépartition plutôtquedequotité.Leconstatestimparable en Un718, où tous les contribuables versent des produits différents, selon une clef de répartitionquitendàrespecterapproximativementlatailledeleurparcelle,demanièreà fournir au total une quantité définie par avance de chaque produit; il est relativement assurédansledossierPYEs,aumoinspourleδοσόςàPoséidon,quitotaliseexactement 10unitésdegrain,etpeutêtrepourl’impôtannuelaupalaisetlacontributionpériodique auxacolytes,dontlasommesechiffreraitégalementà10unitésdegrain,àlaconditionque lerythmetriétériquesoitd’application. L’annualité d’aumoinsunepartiedesδοσο ίestexprimée,enEs644,parlesyntag meexplicite έτε hι έτε hι;silebénéficiairedecetimpôtesteffectivementlepalaisdePylos, cerythmeannuelestconformeàceluidelataxation“civile”descantonsetprovinces,ainsi quedela«corvée»(ταλασ ία)imposéeauxtravailleurs,commeledémontresuffisamment larécurrencedanscesdossiersdesadjectifsnewo(νέος)etzawetero(σσα έ[σ]τερος)ou de l’adverbe zawete (σσ άετες)«(de)l’annéeencours»,quis’opposentàparajo (πα

λαι ός)ouperusinuwo(περυσιν ός)«del’annéeécoulée»,ainsiqu’àa 2teroweto( ἅτε ρον έτος)«l’annéeprochaine»625 .Inversement,l’absencedel’expression έτε hι έτε hιdans lestreizetablettes«feuilledepalmier»dudossierPYEs,ainsiqu’enUn718,peutfaire songerquelesprélèvementsopéréspourlecomptedePoséidonetdestroispercepteurs secondairesobserventunepériodicitédifférente .Lerecoursàunrythmecomplémentaire biennal,parexemple,nesauraitétonner,auregardducycleagricolenormaldel’Antiquité etdescyclesfestifstriétériquesencoreobservésauI er millénaire;deplus,cettehypothèse detravailaccréditelathèsed’unimpôtderépartitionenPYEs.Parailleurs,siles ἔρα[νοι] consignésparlescribe6—dontleseulexemplaireàpeuprèsconservé,Un853,concerne Hekhel(l)awôn—sontbiencalculéssurlabaseducadastre PYEr, leur importance fait songeràunecontributionpentétérique,detellesortequelestenanciersdePYErsubissent unepressionfiscale( c. 37,5%)plusoumoinséquivalenteàceuxdePYEs( c. 35,8%). La multiplicité des versements semble, en effet, être un trait caractéristique de ces deuxdossiersd’imposition.DansledossierPYEs,cetaspectestlimpide:encasderythme triétérique,Poséidonreçoitunδοσ όςbiennalcouvrantlamoitiédesversementsglobaux, tandisquelepalaistoucheunδοσ όςannuelàhauteurde c. 38,1%etlestroisacolytes

625 Surcestermes,cf. DMic , t. I, p.131, s.u. «a2tero »; p.472473, s.u. «newo»; t.II, p.8081, s.u. «parajo »;p.113114, s.u. «perusinuwo»;p.455456, s.u. «zawete »et«zạ weṭ ẹ ṛ ọ ».̣ POSÉIDON MYCÉNIEN 155 perçoiventchacununδοσ όςbiennalde c. 4,0%—soit,àtrois,c. 11,9%del’impôttotal. LasituationestmoinsclairepourlestenanciersimposablesducadastrePYEr:ilestincon testable que ceuxci versent un δοσ ός à Poséidon, peutêtre à une fréquence biennale (Un718);ceδοσόςpourraitsedoublerd’un ἔρα[νος] detriplevaleur,destinéaumême dieumaispayétouslesquatreans(Un853 etaliaperdita ?).L’absencedeδοσ όςprélevépar lepalaisestentièrementcompenséeparl’exonérationdu αν άκτεροντ έενος626 etpourrait doncêtreuneillusioncomptable,opéréeaudétrimentdudieuetàl’avantagedestenanciers imposables—lepremierétantprivéduδοσ όςetdel’ ἔρα[νος] duspériodiquementparle souverain;lesseconds,dispensésdeverserunδοσ όςannuelaupalais—,àmoinsque, commeilestprobable,ledéficitdePoséidonnesoitcombléparuneaugmentationdela contributiondesquatrecontribuables—auquelcas,l’opérationestblanchepourchacun. Quantaux ὀίδε(ρ)ται,leursituationdivergeenapparencedecelledespercepteursmineurs dePYEs,auxquelsilssemblentpourtantapparentés.Cependant,leursupposébénévolat seraitunleurre,sijamaisunetabletteaujourd’huiperdueavaitenregistréunδοσόςleur étant dû ou, mieux, s’ils prélevaient implicitement une part du δοσ ός —ou de l’ ἔρα[νος] —qu’ilsperçoiventpourlecomptedePoséidon:ils pourraient, par exemple, disposerdedenréescommeles rekono ,lescéréales,lafarineetlevin,quifontpartie de l’ ἔρα[νος] d’unHekhel(l)awônenUn853,sansplusseretrouveraunombredesdenréesen registréesenUn6627 .Autotal,donc,ledossierPYEscomptepasmoinsdecinqδοσο ί distincts, tandis que l’unique δοσ όςdécritdansledossierduscribe24pourraitsevoir ajouterl’ ἔρα[νος] dudossierduscribe6,unδοσ όςsansdouteblancpourle wanax etun autreδοσ όςimplicitepourles ὀίδε(ρ)ται. Laquestiondelaproportionnalitédel’impôt estindissociabledecellesdelapériodi citéetdunombredeversements.Lesoptionsretenuesici—δοσ όςannuelaupalais;δοσ ο ίbiennauxàPoséidonetauxacolytes; ἔρα[νος] quadriennalàPoséidon—produisent unimpôttotalannueléquivalantà c. 35,8%delavaleurcadastraleenPYEs,à c. 37,5%en PYEr628 .Dansledétail,lasituationvariesensiblementd’uncadastreàl’autre.EnPYEs, lerapportdel’impositionpassedusimpleaudoubleentrelacatégorielaplusprivilégiée(de 25à34,7%)etlaplusdéfavorisée(58,3et77,1%),tandisquel’impôtdelaclassemoyenne se situe à un seuil intermédiaire (de c. 40,6 à c. 45,8%). Par contre, les proportions de Un718parrapportaucadastrePYErneconnaissentpasdevariationsubstantielled’un contribuableàl’autre,hormislesimprécisionsinhérentesaucalculd’unimpôtderéparti tion;lasituationestidentique,sembletil,pourlecalculdel’ ἔρα[νος] àUn6,sousréserve du respect des rapports entre les ἔρα[νοι] du damos , du lawagetas etdeWroikiôn,dontle détailnenousestpasconservé.Enfin,seullecadastrePYErprésentedesexemptions:le cas du wanax est, somme toute, expliqué par la nonperception du δοσ ός auquel le souverainauraitdroit,enparticuliersiles*τε ένε hασαλ(λ)αιπεδαsontbiendespossessions palatiales; celui d’Hekhel(l)awôn est bien plus remarquable, lui qui se voit attribuer un énormedomainedeplusde62hectares,dontpresquelamoitiéfutreconnue[ ἄκτι]τονet, 626 Cf. supra ,p.151152etn.618. 627 Cf. supra ,p.8384. 628 Ceschiffres,quimettentétonnamentenrapportlasemencethéoriqueetlegrainrécolté,pourraient néanmoinsêtretrèssignificatifs.Si,auII emillénaire,lerendementengrainestconventionnellementfixéà troisfoislaquantitédesemence(surcechiffreréaliste,cf.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.178etn.164),un terrainmesurantuneunitédesemence( GRA 1)produittroisunitésdegrain( GRA 3),estlaisséenjachèreun an,puisdenouveauensemencé:lecultivateurréservelogiquementuneunitédegrainpourlesprochaines semaillesetsonprofitestdedeuxunitésdegrainpourdeuxans,soituneunitéparan.Delasorte,lasuper ficie d’un terrain équivaut à son revenu net annuel et les proportions de l’impôt s’appliquent aussi aux rentréesréelles. POSÉIDON MYCÉNIEN 156 parconséquent,degrevéed’impôt—cepersonnageparaîtdoncjouird’undoubleprivilège dansledossierduscribe24,quitrahitsonimportanceparmilesgrandsdumondepylien. 2.–L’imagequisedégagedesdeuxdossiersd’imposition—singulièrementdesdo cumentsrédigésparlescribe24—futsouventprésentée,àl’excès,commeunrésuméde lasociétépylienne.Fondamentalement,uncadastrerenseigneuniquementsurl’identitédes tenanciersetlestatutdesterresoccupées;quantauxtablettesd’impositionfoncièreétu diéesdanscechapitre,leuroriginalitén’estpastantdeconserverincidemmentuneimage prétendumentfidèledetouteslescomposantesd’unroyaumemycéniendu XIII es.,quede démontrerl’associationdudieuPoséidonetdusouverainpylienaucœurd’unequestionde propriétéfoncière.Selontoutelogique,donc,lesacquisdecetteétudedoiventsesituerà troisniveaux:l’identitédespersonnestitulairesdeparcelles;lanatureetlestatutdester rainsoccupés;l’étroiteimbricationdessphèresreligieuseetpolitique. a) «Àtoutseigneur,touthonneur»seraitunprincipebienmalchoisipourcaracté riserledossierduscribe24.Nonseulementle wanax —dontnulnesongeàcontesterla primautéauseindel’Étatmycénien—nedisposepasdelatenurelaplusgrande,maisen coren’estilmêmepasnomméenpremierlieu,siEr880prendeffectivementplaceavant Er312.CeciprouveàsuffisancequelecadastrePYErn’estpas,entantquetel,unevision enraccourcidela(bonne)sociétépylienneetdispense,parconséquent,dechercherpour Hekhel(l)awôn et Wroikiôn des fonctions ou distinctions précises qui justifieraient leur présencedanscecénacle.Ensomme,lecadastrePYErréunit,peutêtrefortuitement,deux fonctionnaires d’État (le wanax et le lawagetas ),deuxparticuliers(Hekhel[l]awônetWroi kiôn),ainsiqu’unecollectivité(le damos ),représentéepartrois telestai: — Les titres de wanax et de lawagetas sont uniques dans chaque royaume mycénien; l’un désigne sans aucun doute le roi, premier personnage de l’État; l’autre, un important officierdelacouronne,quel’onpeutnéanmoinshésiteràqualifierdesecondhommedu royaume, tant il est comparable à d’autres membres de l’élite palatiale, lesquels sont toujoursappelésparunsimpleanthroponymemaisn’enexercentpasmoinsdehautes fonctionsmilitairesetéconomiques. — Hekhel(l)awônestprécisémentaunombredecesprivilégiés,commelemontrentlataille delaparcellequ’iloccupeenPYEr,ainsiquesonassociationpresqueconstanteavecle lawagetas dansladocumentationpylienne;cethommeestissudumêmemilieuqueles Wedan eusetDiwieus,quitouchentunδοσ όςdanslasériePYEs,etqu’unAlektruwôn, tenancierdeloinlemieuxlotidecettemêmesérie.Parcontraste,Wroikiônestunillustre inconnu,sansdoutedemoindreimportancequeHekhel(l)awôn,témoinlataillerelative mentmodestedesatenure,doubléedesobligationsspécifiquesetcontraignantesliéesà ladétentiond’unκάας:cestraitstranchentaveclegrandterrainconsentiàHekhel(l)a wôn,quiestreconnu,pourlaplusgrandepartie,commeterrain[κ]τίενονetimposéàla mêmehauteurqueleκάαςdeWroikiôn,etquiesttotalementexonéréd’impôtpourla zonedéclarée[ ἄκτι]τον. — Le damos mentionnéenUn718estrelayé,danslecadastrePYEr,partroisτελεστα ί ano nymes; ceuxci seconfondentsansdouteaveclesκτοινο hόχοι,quel’onvoitreprésenter le damos dansd’autrescirconstances.Lelibelléducadastreinviteàpenserquecestrois hommessontsolidairementresponsablesduterrainmesurant30unitésdesemence,plu tôt qu’individuellement titulaires d’une parcelle de 10unités de semence. Identique en surfaceàceluidu wanax ,troisfoisplusétenduqueceuxdu lawagetas etdeWroikiôn,le terraindestrois telestai n’estdépasséqueparceluideHekhel(l)awôn:celavautlogique mentau damos d’être,enUn718,ledeuxièmecontribuableenpositionetenimportance. LecadastreEs650sedistinguetrèsclairementdeceluidePYEr,puisquelestreize tenanciersénuméréssonttousdesparticuliers.Néanmoins,ceuxcinesontabsolumentpas POSÉIDON MYCÉNIEN 157 surunpiedd’égalité,commepermetdel’établirledoublecritèredelatailledelaparcelle d’unepart,delaproportiondel’impôtd’autrepart: — Lapremièrecatégorieregroupelesdeuxtenancierslesplusimportants,Kopreus( 1)et Alektruwôn( 2),lesquelsdisposentde6et7unitésdesemence,ainsiquedeuxtenanciers plus modestes, Wroithias ( 7) et Ane os ( 9), titulaires de terrains mesurant 2 unités et 1unité5/12 desemence.Enfonctiondesparamètresdepériodicitéretenusici,lerapport entreleurcontributionmoyenneannuelleetlasurfacedeleurparcelleestcomprisentre 25et34,7%.Seulpersonnagepeutêtrementionnéparailleurs,Alektruwônseraitinvesti defonctionsmilitairescomparablesàcellesdeDiwieus;ilseraitfortprobablequeson homologueKopreus,dotédelamêmemanière,appartîntégalementàl’aristocratiemili taire de Pylos, mais cette hypothèse pourrait difficilement être étendue aux comparses Wroithiaset Ane os,quidisposentd’unterrainbeaucouppluspetitetsonttotalement inconnus. — Laclassemoyennecomprend Sen os( 3),Hoplomenos( 4),Aigiwalos( 5),Lykoworos( 10 ), Ok as( 11 ), Pirotaw os( 12 )et Kudamar os( 13 );leurstenuressontcomprisesentre1unité et1unité 1/3desemence—àl’exceptionnotabledecelledeHoplomenos,quimesure 4unités— et leur impôt global annuel varie de c. 40,6 à c. 45,8%. Parmi ceuxci se trouvent un berger dépendant du “collecteur” Wedan eus ( 3) ainsi qu’un «esclave d’Artémis»( 5). — L’esclaveanonymede Wedan eus( 6)et Karai (8),lesdeuxdernierstenanciers,disposent detrèspetitesparcelles( 1/3et¼d’unitédesemence)etpaientlesimpôtslesplusélevés (77,1 et 58,3%). Leur condition sociale est certainement très basse, à tel point que la fonctiond’esclavedeladivinitéparaisseenviableàlaleur. Renonceràrépartirlestreize—ouquatorze—tenanciersdePYEsselonunesa vantestructuretripartiteannihiledumêmecoupl’astucieusehypothèsequifaitd’euxles membresdu damos mentionnéenUn718etreprésentépartrois telestai enEr312629 .Certes, 5 lasuperficietotaledesparcellesdePYEs(27unités /6desemence)pourraitcorrespondre aux30unitésdesemencedétenuesparle damos ,surtoutsilatenureeffacéede Pirotekot os, restituéeàpropos,venaitcorrigerl’addition.Certes,lesanalogiesopportunesducadastre Es650 avec les quatorze telestai —égalementréduitsàtreize—recensésdanslesséries PYEoetEn,ainsiqu’aveclesformulesintroduisantlesterrainsde telestai enEq146per mettentd’imaginerquelestenanciersdePYEssonteuxaussides telestai .Maispostulerque seulstroistenanciersdePYEssontréellementdes telestai —lestroismêmesquisontcités en Er312—, détenteurs de κτο ῖναι κτ ίεναι, alors que les dix —ou onze— autres ne seraientquedemodestes ὀνατ ῆρες,relèveassurémentdelapétitiondeprincipe.Surtout, cettehypothèseobligeàadmettrequeEs644seraitunimpôtannuelimplicitementdestiné àPoséidonetauxtroisacolytes,quelamentiondesδοσο ίdestinésauxacolytesauraitété perdueouomisedansledossierduscribe24,queleδοσ όςoffertparle damos audieu,uni quementperçuengraindansledossierPYEs,auraitétépartiellementtransforméenvin pourUn718,tandisquelesproduitsdel’élevagecitésdanscettemêmetabletteseraient exclusduδοσ όςfoncier;parailleurs,cettehypothèsen’expliquepaslabrusqueirruption des ὀίδε(ρ)ται en Un718, qui paraissent remplacer les acolytes de PYEs; enfin, les approximations mathématiques nécessaires à cette analyse paraissent dans un premier tempséclairantes,maisserévèlentrapidementdifficilesàjustifieretdangereusesàmani puler,d’autantplusquedemultiplescorrectionssontrenduesindispensablesparl’adoption dusystèmefractionnaireduodécimal.

629 Cf.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],enpart.p.126129et157158. POSÉIDON MYCÉNIEN 158

Lesmultiplesobjectionsetdifficultésqu’entraînecettehypothèsedetravailconfor tentl’analysetraditionnelledesdeuxdossiersd’impositionfoncière:lescadastresEr880et Er312d’unepart,Es650d’autrepartconcernentdeuxdomainesnettementdistincts.Les impositionsfoncièresquisontopéréessurcettebasesontnaturellementdifférentes,mais n’enoffrentpasmoinsd’intéressantesanalogies,quifurentsuffisammentmisesenexergue danslepremierpointdelaprésentesynthèse. b) Comme tout document cadastral, les dossiers d’imposition foncière présentent plusieurstermestechniquesconcernantlanatureetlestatutdesterrainsenregistrés. Beaucoupdecestermesontuneportéeagricoleetclassentlestenuresenfonctionde leursqualitésintrinsèques.Leurétude,quiexigeunevisiondépassantlecadredudossierdu scribe24etdelasériePYEs,apermisdebaliserquelquespistesderecherche: — La tenure par excellence, immédiatement rentable et, par conséquent, imposable, est appeléeφυτηρ ίακτο ίναàCnossos,κτο ίνακτι έναàPylos.Cellecis’opposeauterraindit ἄκτιτον,lequelestmomentanémentnonexploitableetdoncexonéréd’impôt.Lesκτο ῖναι cultivées sont reliées par un axe relativement sûr aux χεχε έναι κτο ῖναι, «parcelles vierges», logiquement non imposables, mais soumises à une obligation de travail spécifique ( όρζε hεν); les premières κτο ῖναι paraissent dériver des secondes, qui par l’actiond’un«planteur»(φυτήρ),quiparl’actiond’un«colon»(κτ ίτας).Ledétenteurde κτο ίνα,appeléκτοινο hόχος,peutégalementporterletitrede τελεστάς, qui fait sans doute allusionàsesobligationsagricoles( τελε ίαhεν ). — Un second axe certain relie le terrain «désert» ( ἐρῆον) au κ άας. Ces deux types de terrainsprésententlepointcommunden’êtrepasdesκτο ῖναι,maislesdétailsdecette différence qualitative demeurent obscurs —quoique le κάας soit régulièrement plus étendu que la κτο ίνα. Comme un détenteur de χεχε ένα κτο ίνα, le καα hεύς est tenu d’amender son sol ( όρζε hεν, τελε ίαhεν, *θεραπίσκε hεν); comme la κτο ίνα κτι ένα, le κάαςestimposable:ils’agiraitdoncd’unstatutintermédiaireentrelesdeuxtypesde κτο ῖναι,etiln’estpasexcluquelesobligationsliéesàladétentiond’unκάαςvisentàen faire, infine ,uneκτο ίνακτι ένα. Cesorientationspeuventêtreschématiséescommesuit:

Terresimposables φυτηρίακτοίνα(Cnossos) h ἐρῆον κάας(actiondu καα εύς) κτοίνακτιένα(Pylos) (?) χεχεένακτοίνα (actionduφυτήρ ou κτίτας) ἄκτιτον Terresnonimposables Deuxtermesdulexiquefoncieréchappentparcontreauchamplexicaldestravaux delaterre.Apparaissantuniquementdansledossier du scribe24, ils désignent le statut externedesterrainsetposentlaquestiondeleurpropriété.L’étudedusubstantifτέενοςet du probable adjectif saraped ος constituent donc une étape essentielle de l’examen des tablettesEr880et312,danslamesureoùuneanalysecombinatoireamontréquetoutes lestenuresdececadastresontprobablementdes*τε ένε hαsaraped α. Malgréleslimitesméthodologiquesd’unecomparaisonavecl’épopéehomérique,il esttentantdeconsidérerletemenomycéniencommeuneportiondeterreextraitedes terrainscommunauxdu damos pourêtreattribuéeàunroiouàundieu—tantl’étymologie populairefaisantdérivercenomduverbeτένεινetlerôleduδῆοςhomériquedansson attributionparaissentapparteniràunfondsancien.Enl’occurrence,les*τε ένε hαdePYEr auraientétéaccordésparle damos àPoséidonetformeraientunesortede ἱερ ὰχ ώρα;àson tour, le dieu aurait abandonné l’usufruit des ces terrains à divers tenanciers —parmi POSÉIDON MYCÉNIEN 159 lesquelsle damos occupeprécisémentuneplacenonnégligeable—,encontrepartiedever sementsréguliersprenantlaformed’unδοσ όςet,peutêtre,d’un ἔρα[νος] . Toutefois,lesouveraindePylosretireunintérêttoutparticulierdelagestiondeces *τε ένε hα,lequelintérêts’exprimeraitàtraversl’épithètesarapeda,silesanalogiesavec l’expressionhittite šallipedan etlenompropre Σαρπηδών,ainsiquelalectureσαλ(λ)α(ι)πεδα «palatiaux», sont acceptées. Non seulement tout le dossier relatif à l’imposition de ce domaine,rédigéendehorsdupalais—etsansdouteàunecertainedistance,d’aprèslesva riantesdialectales—,estconservédanslespiècesd’archivepyliennes,maisle wanax enper sonnedisposeégalementd’unτέενος,identiqueentailleàceluidu damos etpourtantnon imposable.L’étudedelasériePYEs,oùlepalais perçoit vraisemblablement un δοσ ός annuel,montrequecetteexonérationduτέενοςroyalapuêtreconsentieencompensation del’absencedeperceptionduδοσ όςrégaliensurlesterrescadastréesenPYEr. Lasimilitudedesδοσ οί dans les deux dossiers d’imposition foncière —avecPo séidoncommedestinataireprincipaletlepalaiscommebénéficiairesecondaire,directou indirect—faitsongerquelestenuresdePYEspartagentlestatutdesterrainsdePYEr, ens’inféodantàlafoisàPoséidonetausouverainpylien.Malheureusement,l’expression attendueest simplementsousentendue dans le formulaire «Ὁδε ῖνα ἕχει.» deEs650,de sortequecetteprésomptionnepeutêtredémontrée. Terres c onsacréesàPoséidon,les*τε ένε hασαλ(λ)α(ι)πεδαsedéfiniraientégalement commedespossessionspalatiales.Cetteremarquableententeentreledieuetlesouverain autourd’une ἱερὰχώραposesansdétourleproblèmedurôledelareligionaufaîtedela sociétémycénienne. c) Poséidonestomniprésentdanslesdeuxdossiersd’imposition,oùilperçoittantôt la totalité du δοσ ός et de ἔρα[νος] , tantôt la moitié. Chaque dossier semble également mentionner une congrégation cultuelle gravitant autour du dieu, peutêtre investie de fonctionséconomiques:aux ὀίδε(ρ)ται,“lieurs” ou “écorcheursdemoutons”deUn718, répondentlesλυκτ ῆρες (?),“éclaireurs” (?)dePYEs.Lasécheresseconstitutivedesarchives mycénienneset,enparticulier,desdocumentscadastrauxnenousrenseignepasdavantage surl’appareilreligieuxentourantPoséidon,nisurlalocalisationmêmedesa ἱερ ὰχ ώρα. Lesouverainestplusdiscret:simpledétenteurd’unτέενοςenEr312,ilpercevrait anonymementunδοσ όςannuelenPYEs.CommePoséidon,le wanax n’estpasisolédans lesarcanesdelafiscalitéfoncière.LesdénommésWedan eusetDiwieuspourraientoccuper lamêmefonctionquelesλυκτ ῆρες (?)enPYEsetêtrechargés,contrerémunération,de percevoirl’impôt.Cependant,lefaitqu’ilssoientnommésindividuellementetpersonnelle mentcontrasteaveclacollectivitéetl’anonymatdesmembresduprobablecollègesacré; deplus,leurscompétencesmilitairesreconnuesparailleursdémontrentleurappartenanceà l’éliteprofaneduroyaume.Ilestdoncprobablequecesdeuxhommesexercentleuroffice pourlecomptedupalais,attenduque Wedan eusestégalementundesquatre“collecteurs” attitrés de Pylos. Parmi les tenanciers, Hekhel(l)awôn, le lawagetas et Alektruwôn —tous troisnotables,etcommandants,soitderameurssoitd’uncorpsdetroupe—,complètent letableaudela«cour»duroipylien. Lesinteractionsentrecesdeuxmondesnesontguèreaiséesàétabliraudépartdes seulstextesétudiésdanscechapitre.Assurément,laprésenceduroiauxcôtésdePoséidon etleurintérêtcommunaux*τε ένε hασαλ(λ)α(ι)πεδαnesuffisentpasàdémontrerlapossi blefonctionsacerdotaledusouverain,nilerôledePoséidoncommedivinitétutélairedu royaumeetdelaroyautéenMessénieauII emillénaire;toutefoiscetteassociationétroite autourdedeuxdomainesfonciersimportants,quicouvrentprèsde200unitésdesemence —ou c. 130hectares—,trahitl’implicationcommunedudieuetduroidanslesquestions delaterre. POSÉIDON MYCÉNIEN 160

Poséidon—peuimpliquédanslecontrôled’ouvrierstextilesoumétallurgistes,con trairementàPotnia,HermèsouHéra—,estleseuldieuconcernéparlesdossiersfonciers: cecisejustifieparlescompétencesagricolesd’undieuquidoitêtreleprotecteurnatureldes champsetdesrécoltes,ainsiquedestroupeaux,etquiestencoredésignéauI er millénaire pardesépiclèsestellesqueΦυτ άλιοςouΓεν έθλιος630 .Leroi,quantàlui,estsansdoutele garantetlesymboledusystèmepalatialmycénien.Ensemble,dieuetroiconcourentdoncà lastabilitéd’uneéconomieetd’unesociétélargementfondéessurl’agriculture:àceten droitetpourcetteraison,serejoignentlessphèrespolitiqueetreligieuse.

630 Ainsi,cf.p.ex.Pia DE FIDIO , op.cit. [n.2],p.185187;cependant,lesquantitésimportantesdepro duitsdelaterreetdel’élevageoffertsaudieurendentimprobablequeleδοσ όςnesoitqu’une ἀπαρχ ή. POSÉIDON MYCÉNIEN 161

ANNEXE . Tablesmétrologiques etchronologiques

Métrologiemycénienne Les idéogrammes *110 à *113 —conventionnellement notés Z, V, T et S— notent les mesuresmycéniennesdecapacité,tandisquelesidéogrammes*114à*118—transcritspar Q, P, N, Met L—serventdemesurepondérale. Pourlesmesuresdecapacité,nousadoptonsleséquivalencessuivantes631 :

Unité Fractions Volume 1 T12 V72 Z288 115,2l Denréessolides T1 V6 Z24 9,6l (GRA ,HORD ,FAR ) V1 Z4 1,6l Z1 0,4l 1 S3 V18 Z72 28,8l Denréesliquides S1 V6 Z24 9,6l (VIN , OLE , AREPA ,ME +RI ) V1 Z4 1,6l Z1 0,4l

Lesunitésdemasses’organisentcommesuit632 :

Multiple Unité Fractions Masse L1 10 M30 N 120 P1440 28,2kg 1 M3 N 12 P 144 2,8kg Denréespesées M1 N4 P48 939,6g (AES ,LANA ) N1 P12 234,9g P1 19,6g

631 Pour les unités de mesures sèches, cf. V.L.ARAVANTINOS , L.GODART & Anna SACCONI , op.cit. [n.145],p.161163et263264:sil’additiondelatabletteTHFt140estexacte,l’unitécompte12mesuresT. Cettenouvelleéquivalencesemblemieuxcorrespondreauxbasesternaireetsénaireenvigueurdanslesunités decapacitéliquide,maissuscitenéanmoinsdesréticences,principalementàcausedel’absenced’attestation desmesures* T10et*T11:cf.p.ex.M.DEL FREO , op.cit. [n.351],p.7,n.28(oùlaréférenceàlasérie PYAbpeutêtrerecevable,àconditiondegarderàl’espritquecestablettesderationnementformentelles mêmesunsystèmed’équationsauxinconnuesmultiples).Dansl’attented’éclaircissementsfuturs,lechoixde T12plutôtque T10pourfairel’uniténemodifiepasconsidérablementnotreperceptionduPoséidonpylien. 632 Cf.enpart.Pia DE FIDIO , loc.cit. [n.294],p.195. POSÉIDON MYCÉNIEN 162 Chronologie Lestablettesexhuméesdanslesdifférentssitesmycéniens—nonexactementcontempo raines—sontattribuéesauxépoquessuivantes633 :

Sites Période Cnossos(Pièceauxtablettesdechar) MinoenRécentIIIA1 Cnossos(Palais) MinoenRécentIIIA2 LaCanée MinoenRécentIIIB1 Thèbes(Armurerie) HelladiqueRécentIIIB1 Thèbes(Archives;ruePélopidou) Mycènes HelladiqueRécentIIIB/C Tirynthe Pylos

Encequiconcernelachronologiegénéraledel’ÂgeduBronzeRécent,noussuivonsune chronologiemédiane634 :

Crète Continent Datation MinoenRécentIA HelladiqueRécentI 1625/1600–1530/1520 MinoenRécentIB HelladiqueRécentIIA 1530/1520–1450/1440 MinoenRécentII HelladiqueRécentIIB 1450/1440–1420/1410 MinoenRécentIIIA1 HelladiqueRécentIIIA1 1420/1410–1390/1370 MinoenRécentIIIA2 HelladiqueRécentIIIA2 1390/1370–1320/1300 MinoenRécentIIIB1 HelladiqueRécentIIIB1 1320/1300–1260/1250 MinoenRécentIIIB2 HelladiqueRécentIIIB2 1260/1250–1190/1180 MinoenRécentIIIC HelladiqueRécentIIIC 1190/1180–1070/1060

633 Cf. J. D RIESSEN , « Chronology of the Linear B Texts », dans Y. D UHOUX & Anna M ORPURGO DAVIES (éd.), op.cit. [n.83],p.76. 634 Cf.Pia DE FIDIO ,«MycenaeanHistory», ibid. ,p.84. POSÉIDONARCHAÏQUE 163

SECTIONSECONDE .

POSÉIDONARCHAÏQUE POSÉIDONARCHAÏQUE 164 er CHAPITRE I . LePoséidonlittéraire: Reliquatd’unpouvoirroyal

Introduction D’unpointdevuelittéraire,HomèreetHésiode,letragédienEschyle,ainsiquelespoètes lyriquesPindareetBacchylide,appartiennentaumêmemonde.Malgréunevariétédemè tresetdegenres,leursœuvressontpleinementleproduitetlesymboledecettepériode dite«archaïque»del’histoiregrecque—qu’ellesdélimitentvéritablement,enamonteten aval. Cette cohérence trouve son origine dans l’effacement plus ou moins grand de la notion—éminemmentmoderne—d’«auteur»devantcellede«tradition»:évidentdans lecasd’Homèreet,pourdenombreuxaspects,dansceluid’Hésiode,cetraitestégalement présent,dansunecertainemesure,chezEschyle,PindareetBacchylide,mêmesilesTragi quesetlesLyriquessedéfinissentclairementcommedesindividualités1. Du VIII eau Ves.,cetteépoquecharnièrevoitàlafoislaredécouvertedel’écritureet ladiffusiondel’alphabet,l’émergencedesanctuairesetdeconcourscommunsàtousles Grecs,ainsiqu’unmouvementintensedecolonisationetl’apparitiond’unestructuresocio politiquevouéeàuntrèslargedéveloppement—lacité.Enunmot,l’archaïsmegrecest l’occasiond’unedéfinitiond’unpanhellénisme,postérieuràlacommunautéstructurelleet idéologique des palais mycéniens, mais antérieur et nécessaire à l’œuvre utopique d’un Isocrate.Étudierdansleurensemblecesproductionslittérairesdel’âgearchaïquerelève nonseulementd’unedémarchejustifiée—oseraiton:d’uneabsoluenécessité?—,mais procuremêmedesrésultatsd’unintérêtcertain,danslamesureoùchacundecespoèmes représenteunpointdevuedifférentsurunfondscommundemythesetdeconceptions religieusespartagés:touscesthèmestraditionnelsappartiennentàunréservoirmythique fortancien,panhellénique,forgédurantlesÂgesobscurs,dontcertainsélémentsremon tentàl’époquemycénienne,alorsqued’autresrésultentd’uneinfluenceprocheorientale,et qued’autresencoreprésententdestraitsindoeuropéenscaractéristiques. Surleplansociopolitique,parcontre,Homère,Hésiode,Eschyle,PindareetBac chylide offrent des perspectives très différentes. Homère dépeint une société de princes (βασιλῆες )résultantdel’effondrementdespalaismycéniens,quiseconstruitenpartiesurla basedesstructures,desmythesetdesidéologiesmycéniennes, mais promeut également 1 DanslafouléedestravauxpionniersdeM.PARRY etd’A.B.LORD ,ceproblèmefut,sinondéfinitive mentélucidé,aumoinsbrillammentmisenperspectiveparlesétudesfondamentalesdeG.NAGY :cf.en part. LemeilleurdesAchéens.Lafabriqueduhérosdanslapoésiegrecquearchaïque (trad.JeannieCARLIER &Nicole LORAUX ),Paris,1994; Pindar’sHomer.TheLyricPossessionofanEpicPast ,Baltimore&Londres,1990; Lapoésie enacte.Homèreetautreschants (trad. J.BOUTTARFIGUE ), Paris,2000; Homer’sTextandLanguage , Urbana (Ill.), 2004. POSÉIDONARCHAÏQUE 165 d’autresvaleursetd’autresaspirations,etpossèdeensonseindesgermesdemétamor phose.Hésiodeévolueégalementdansunesociétégéréepardes βασιλῆες ,maiss’inscriten fauxparrapportàleursexactionsetleurssentencescontrairesàlajusticeetl’équité:sa critique vise à l’instauration d’un ordre social fondé sur l’εὐνο ία, qui doit mettre fin à l’arbitrairedusouverain.Au Ves.,Eschyle,PindareetBacchylideviventsouslestermesde cenouveaucontratsocialetseposentenchantresdesociétésaristocratiques,idéalement dirigéesparuntyranéclairéquihéritedesfonctionsdejugeetderoi :HiérondeSyracuse, hôtedestroispoètes,estunprototypedece«souverain»( βασιλεύς), ce «tyran conducteur du peuple»( λάγετας τύραννος)2. Chaque«auteur»puisedoncauréservoirmythiquecom munenretenantlesélémentsquiintéressentsavisiondumonde,sonproposlittéraireet sonobjectifsociopolitique. Les diverses conceptions sociales véhiculées par ces œuvres archaïques s’appuient toutefoissurunemêmebasereligieuse:mêmesisesqualitésetsapuissances’affinentetse précisentaufildutemps,lesouverainZeusestd’emblée,commedépositaireetmesurede laθ έις,leseuletéternelgarantd’unordresocialquisoitenchâssédanslecosmos3.D’Ho mèreàBacchylide,desnotionstoutàfaitfondamentalescommeκόσος,ο ῖρα,γ έρας,τι ή ouθ έιςpermettentauxGrecsdepenserlarelationàl’autreetauxdieux,enstructurantles sociétéshumaineetdivine4;subsumantcesvaleurs,lavolontédeZeus( ιὸς βουλή)se confondavecl’ordrecosmique,ledestinuniverseletlajusticedivine,aupointdecondi tionnerlecoursdelaviedeshommes,commel’existencedesdieux. Face à cette représentation du monde et des dieux, le dirigeant idéal, qui tient sa puissanceetsonautoritédesanaissanceetdubonvouloirdeZeus,doitfairepreuvedes qualitésdesagesse,justiceetmesure.Cesvertussociales—enconstantdevenir,maissous tenduesparuneconceptionidentiquedel’ordredumondeetdesdieux—sontesquissées par Homère; théorisées, idéalisées et revendiquées par Hésiode; questionnées par Eschyle;vécuesetvantéesparPindareetBacchylide.Ellessontdesvaleursaristocratiques, applicablespersonnellementetcollectivement,puisquelesdeuxniveauxducitoyenetdela communautésonteninterdépendanceetinteraction.Depuislehéroschantéparl’épopée jusqu’àl’aristocrateetathlètecélébréparl’épinicie,enpassantparlehérostragiqueenfer mé,selonlescontraintesdugenre,dansunetensionentreledroitetlajustice,laréflexion quedéveloppelasociétégrecquearchaïquesurellemêmeprenddesformesmultiples,plus oumoinsabouties,maisjamaiscontradictoires:l’arrièrefondidéologiqueetreligieuxest, eneffet,strictementidentiquepourtous,etserésumedanslenomdeZeus. CetteomniprésenceetomnipotencedeZeusàl’époquearchaïquecontrasteavecles donnéesreligieusesdePylos,où—sinosanalyses sont acceptées— Poséidon apparaît commelegranddieudupalaisetdelaroyauté.Nousnedoutonspasquecettestructure religieusepyliennepuisseêtreétendueauxpalaiscontemporainsdeMycènesetdeThèbes, mêmesiladocumentationécritedecessitesesttrèsinsuffisantepourenfaireladémons tration:cetteconjectureestautoriséeàlafoisparlesstructuresetlemodedefonctionne mentdecespalais—tellementsemblablesàceuxdePylos—,etparlestraitsfortantiques delafiguredePoséidonenBéotieetenArgolideauI er millénaire5.Leproblèmeseposeen 2 Pindare, Pyth. ,III,v.70,85. 3 Cf.ea.W.ALLAN ,«DivineJusticeandCosmicOrderinEarlyGreekEpic», JHS ,126,2006,p.135. 4 M.VincentDU SABLON ,doctorandàl’UniversitécatholiquedeLouvain,achèveunethèsededoctorat remarquablesurcesconcepts,sousletitre Lesystèmeconceptueldel’ordredumondedanslapenséegrecqueàl’époque archaïque. Τι ή, ο ῖρα , κόσος , θέις et δίκη chez Homère et Hésiode , dont la lecture nous fut extrêmement profitable:noussouhaitonsl’enremercierdenouveau. 5 Cf. infra ,p.278279. POSÉIDONARCHAÏQUE 166 d’autrestermesàCnossos,oùlastructurepalatialemycéniennes’estappuyéesurlaculture minoennepréexistante—quil’anourrieetsingularisée—,etentraenrelationétroite,par sa position géographique remarquable, avec les grandes puissances de la Méditerranée orientale,tellel’Égypte,quipurentexerceruneinfluenceprofondeetdurablesursesstruc turesmêmes;deplus,l’importantefragmentationdessourcesécritescnossiennesajouteà ladifficultédedémêlersubstratminoen,religion mycénienne et influences externes. En l’étatdenotredocumentationetdenosconnaissances,uneprudenceaudacieusenousinvi tedoncàdécrirePoséidoncommeledieupalatialparexcellenceenGrècecontinentale. Comptetenudel’apparenteprééminencedePoséidonàl’époquemycénienne—en relationavecle άναξ—etdelatutelleincontestabledeZeussurlesβασιλ ῆεςetleursuc cesseurdanslessociétésarchaïques,latentationestgrandedeschématisertrèsgrossière mentlesÂgesobscurscommeunbasculementdePoséidonàZeus,àchevalsurleII eetle Ier millénaire,quientraîneraîtl’apparitiondenouveauxconceptsd’équilibresocialetdejus tice,placéssousl’égidedeZeus,tandisquedesvestiges de l’ancien système transparaî traientencoredansl’unoul’autrepassagehomérique6.Effectivement,teloutelépisode épique,commelacélèbrequerelledesCronidesauchantXVdel’ Iliade metenscènePoséi doncommeuneanciennepuissancedéclassée,témoind’unautremonde,oùs’appliquent desvaleursobsolètesenregarddelasociétédeZeus. Ilvasansdirequ’untelmodèledoitnonseulementêtreprécisé,maisencoreprendre appuisurdesbasessolides.Cettedémarcheimpliqued’unepartl’analyseprécisedelalitté raturegrecquearchaïqueafind’endégagerlesvaleursetlesschémasintrinsèques,d’autre part le recours à la comparaison argumentée avec les mythes procheorientaux, afin de comblernoslacunesdocumentairesàl’aidedespuissantscourantsdepenséequinecessè rentd’influencerlemondegrecdepuisl’époquemycéniennejusqu’àl’âgearchaïque. Danscetteoptique,nousproposonsdeprésentercommesuitlaproblématiquedes aspirationsàlaroyautédu«Poséidonlittéraire»: —Lapremièreétapeconsisteàétudierlescausesetlesmodalitésdelaprisedepouvoirde Zeusparmilesdieux,tellequ’elleestdécriteparlesauteursarchaïques—aupremierrang desquels Hésiode—, pour établir une généalogie de son nouvel ordre olympien. La Théogonie ,relayéeparl’épopéehomérique,le Prométhéeenchaîné etlesodespindariques,met en évidence trois qualités essentielles à l’exercice de la souveraineté divine: d’abord la prudence(ῆτις),dispositiond’espritpropreàpallierl’absencedepuissance;ensuitela forcephysiquemême(βίη,κρ άτος),laquellepermetd’imposerdupoingetdufoudreses volontés;enfinl’exigenceabsolued’équité(θέις),quifondelenouveaupouvoirsurdes basessolidesetimmuables,etassuresapérennité.Lesrécitsmythologiquesetthéogoni ques mettent en scène l’ensemble des Immortels qui,tantôt comme adversaires, tantôt commealliés,contribuentàlanaissanceetaumaintiendurègnedeZeus:Cronos,Pro méthée,Mêtisetsonfilsànaîtresurleplandelaprudence;Kratos,Bia,lesCyclopeset lesHécatonchiressurceluidelaforcebrutale;Thémis,lesSaisonsetlesMoiressurcelui de l’équité. L’épopée représente autrement ces valeurs, en les incarnant respectivement danslespersonnesd’Ulysse,d’Achilleetdusouverainparfait,respectueuxdel’équitéet garantdel’ordresocial.Lagradationdesqualitésdeprudence,puissanceetéquitérecon nuesàZeuspermetdoncd’étudier,aucœurdesconceptionsgrecquesarchaïques,l’élabo rationd’unsystèmedevaleurssoustendantlasociétédesOlympienset,enmiroir,celle deshommes. —Lasecondeétape,toujoursbaséesurdesdonnéesexclusivementgrecques,estdecompa rerZeusetPoséidon,lesdeuxgrandsdieuxmasculinsdel’ordreolympien.D’unpointde 6 Cf. p.ex. Ch.SEGAL , « Divine Justice in the Odyssey : Poseidon, Cyclops, and Helios », AJPh , 113, 1992,p.489518. POSÉIDONARCHAÏQUE 167

vuefonctionnel,lescapacitésdecesdieux—notammentexpriméesparleursépiclèseset leursactions,etrésuméesenleursattributsrespectifs,lefoudreetletrident—sontcom plémentaires,àtelpointquelesdeuxfrèrespeuventpasserpourdesdieuxéquivalents. Parcontre,lesconfrontationsdirectesentreZeusetPoséidonausujetdelasouveraineté révèlent l’inimitié insurmontable entre ces frères, ainsi que la nécessaire soumission de Poséidonauseind’unsystèmedevaleursdépendantdeZeus.Lestermesduconflitcélè breduchantXVdel’ Iliade serontainsil’occasiondemettreenlumièrelesjustifications idéologiquesdelaroyautédeZeusauI er millénaire. —Ladernièreétapeestd’inférerdespositionsparticulièresacquisesparZeusetPoséidon danslalittératuregrecquearchaïquel’évolutiondesconceptionshelléniquesdelasouve rainetédivineethumaine,etdelastructuresocialeengénéral.Dansunpremiertemps, nousrelèveronslaparentéfrappanteentrePoséidonetlagénérationdesdieuxantérieurs auxOlympiens:saufsaqualitédefrèredeZeusetsaprésencedanslemonde,Poséidon ressembleàs’yméprendreauxTitans,HécatonchiresetautresCyclopes,etparaîtconsti tuerunpendantdeCronosacceptabledanslecercledeZeus.LadoubleproximitédePo séidonaveclesOlympiensetavecl’ancienordrechasséparZeusamèneranaturellement às’interrogersurl’origineduschémalinéairedesuccessiondivine,oùlejeunedieudétrô neetexclutsystématiquementsonpère:aprèsavoirexploréplusieursmythesorientaux similaires,dontle Chantde [Kumarbi ]etl’ Enumaeliš ,noustrouveronsdanslesmythesetla religiondupalaisd’Ougarituneautrereprésentationdelasouveraineté—parcoexistence plutôtqueparexclusion—,susceptibled’avoirinfluencéfortementlareligiongrecqueà l’époque mycénienne. Enfin, nous proposerons l’évolution probable des rapports entre PoséidonetZeusautourdelaquestiondelaroyauté,depuisuneprobablecollaborationà l’époquemycénienne—comparableàcelled’EletBa‘alàOugarit—,jusqu’àl’autocratie de Zeus à l’époque archaïque, impliquant la soumission de Poséidon et une métamor phoseimportantedesaphysionomie. Enrésumé,notreprojetnécessiteuneprojectionendeçàdesréalitésreligieusesde l’époquearchaïque,àlafoisensebasantsurl’imagequelesdieuxdel’époquearchaïque donnentdeleurpassé,enseservantdesdonnéesmycéniennesetenrecourantàl’étudedes mythesprocheorientauxintégrésdanslareligiongrecque.Enbonneméthode,ilnesaurait être question de prendre au pied de la lettre la titanomachie grecque, en imaginant par exemple que Cronos, Rhéa et les autres Titans jouirent durant les Âges obscurs d’une faveuretd’uncultecomparableàceuxdesOlympiensàl’époquearchaïque,nidepostuler hâtivementl’existence,autempsjadis,desosiesd’unKumarbihittitohourriteoud’unYam ougaritiqueàcausedel’analogieentrelesschémasdepenséegrecsetlesmythesproche orientaux.Toutaucontraire,uneétudeanalytiqueminutieuse—portantnotammentsur les raisons de l’accession de Zeus au trône divin, sur les caractéristiques des puissances divinesmisesaubandelasociétégrecqueparlatitanomachie,ouencoresurlesmodalités d’intégrationdestructuresorientalesdanslareligiongrecque—donneraaccèsauxmouve mentsdefondetauxlignesdirectricessoustendantlapenséereligieusegrecqueentreles époquesmycénienneetarchaïque,plutôtqu’àleurexpressionépidermique. POSÉIDONARCHAÏQUE 168 Généalogiedel’ordreolympiendeZeus Depuislanaissancejusqu’auxprimesépousailles,lavieetlesluttesdeZeusdécritesdansla Théogonie d’Hésiodesontplacéessouslesignedevaleurscardinalesquipermettent,justi fientetlégitimentdurablementl’accessionduCronideautrônepaternel.Cellescisontla prudence( ῆτις),lapuissancephysique(β ίη,κρ άτος)etl’équité(θέις):lapremièreaccom pagnelanaissancedudieu,lasecondes’acquiertlorsdesajeunesse,latroisièmeestconsa créeensecondesnoces.L’étudedecestroisqualités—dontdeuxaumoins,littéralement épouséesparZeus,fontcruellementdéfautàPoséidon—éclaireralesjustificationsidéo logiquesdelasouverainetéincontestabledeZeus. L’ordred’apparitionchezHésiodedelaprudence,delapuissance,puisdel’équité n’estnullementanodin,ettrouved’admirablescorrespondancesdansl’épopéehomérique: àl’instard’Ulyssequi,dansl’ Odyssée ,dépassetousleshérosparsesrusesinnombrables, Zeusestleplusprudentdetouslesdieux;àl’instard’Achillequi,dansl’ Iliade ,estlemeil leurdesAchéensparsaforce,Zeusdevientledieulepluspuissant.Leroidesdieuxras sembledoncenluidesqualitésquisontincompatibleschezleshéroshumainsdel’épopée. Enfin,l’équité—ultimequalitéacquiseparZeusdansla Théogonie —situeZeusaucœurde toutlemodèlesocial,dontildevientleprincipemême. Delaprudenceàlapuissance,etdelapuissanceàl’équité,s’observedoncunehiérar chieprogressivestructuranttoutl’ordredeZeus.Uniquedieuàl’emporterdanschacunde cestroisdomaines,Zeusestnettementaudelàdescapacitéshumaines,qu’ilinstitue,ins pireetjuge:roidesdieux,Zeusestenmêmetempslacondition,lemodèleetl’auneduroi humainidéal.Dèslors,enconservantcetordred’énumérationdelaprudence,delapuis sanceetdel’équité,notreétudetenteradecollerauplusprèsdesconceptionsarchaïques delasociétédesdieuxetdelasociétédeshommes.

—LAPRUDENCEDE ZEUS Enéchoàlaméchanterusemachinéepar(δολ ίηκακ ήτετ έχνη,δ όλος)néces sairepourquele«grandCronosàlaprudenceretorse»( έγαςΚρ όνος ἀγκυλο ήτης)pût séparer Ouranos de Gaia et libérer ainsi la race des Titans7, la naissance du «prudent Zeus»(Ζε ὺςητι όεις)nécessitauneῆτιςourdieparRhéa,aveclacomplicitédeGaiaet Ouranos8. La victoire définitive de Zeus sur son père, impliquant le vomissement par CronosdetouslesautresCronides,passeraégalementparuneruse(δόλος)etdesstratagè mes (τ έχναι) combinés à la force (βίη) 9 . Durant la titanomachie, encore, l’intelligence (πρ άπιδες,ν όηα,ἐπιφροσ ύναι)dufutursouveraindesdieux—contrastantavecladémen ce( ἀεσιφροσύναι)d’Ouranos—luiferalibéreretseconcilierlesHécatonchires,commeil avaitdéliélesCyclopes10 .LedifférendentreZeusetProméthée,etlecruelchâtimentqui enrésulta,mettenttoujoursenjeulaprudencedesdeuxprotagonistes,pourlemalheurdes hommes11 . Enfin, les premières noces du souverain des dieux avec Prudence (Μῆτις), l’absorption de celleci et la naissance d’Athéna par androgénèse consacrent à jamais la prudencesupérieuredeZeus12 : 7 Hésiode, Théog. ,v.154210. 8 Ibid. ,v.453491. 9 Ibid. ,v.492496. 10 Ibid. ,v.501506,617730(enpart.655663). 11 Ibid. ,v.521616. 12 Ibid. ,v.886900,924926(éd.M.L.WEST ,Oxford,1971 2). POSÉIDONARCHAÏQUE 169

Ζε ὺςδ ὲθε ῶνβασιλε ὺςπρ ώτην ἄλοχονθ έτοΜ ῆτιν, πλε ῖσταθε ῶνε ἰδυ ῖαν ἰδὲθνητ ῶν ἀνθρ ώπων. Ἀλλ’ ὅτεδ ὴἄρ’ ἔελλεθε ὰνγλαυκ ῶπιν Ἀθήνην τέξεσθαι,τ ότ’ ἔπειταδ όλῳφρ ένας ἐξαπατ ήσας αἱυλ ίοισιλ όγοισιν ἑὴν ἐσκ άτθετονηδ ύν, Γα ίηςφραδοσ ύνῃσικα ὶΟ ὐρανο ῦἀστερ όεντος· τὼςγ άρο ἱφρασ άτην, ἵνα ὴβασιλη ίδατι ὴν ἄλλος ἔχοιι ὸς ἀντ ὶθε ῶνα ἰειγενετ άων. Ἐκγ ὰρτ ῆςε ἵαρτοπερ ίφρονατ έκναγεν έσθαι, πρ ώτην ὲνκο ύρηνγλαυκ ώπιδαΤριτογ ένειαν ἶσον ἔχουσανπατρ ὶ ένοςκα ὶἐπίφροναβουλ ήν, αὐτὰρ ἔπειτ’ ἄραπα ῖδαθε ῶνβασιλ ῆακα ὶἀνδρ ῶν ἤελλεντ έξεσθαι, ὑπέρβιον ἦτορ ἔχοντα· ἀλλ’ ἄραινΖε ὺςπρ όσθεν ἑὴ ν ἐσκ άτθετονηδ ύν, ὡςο ἱσυφρ άσσαιτοθε ὰἀγαθ όντεκακ όντε. […] Αὐτὸςδ’ ἐκκεφαλ ῆςγλαυκ ώπιδαγε ίνατ’ Ἀθήνην, δειν ὴν ἐγρεκ ύδοιον ἀγέστρατον ἀτρυτ ώνην πότνιαν, ᾗκ έλαδο ίτε ἅδονπ όλεο ίτε άχαιτε. «EtZeus,roidesdieux,pritpourpremièreépouseMêtis, qui,parmilesdieuxetleshommesmortels,alesplusgrandesconnaissances. Cependant,justeaumomentoùelleallaitenfanterAthéna, déesseauxyeuxpers,alors,égarantcomplètementsonintelligenceparuneruse, illafitdescendredanssonventrepardesparolesinsidieuses, surlesavisdeGaiaetd’Ouranosétoilé: cesdeuxci,eneffet,l’enavisèrentainsi,pourquel’honneurroyal n’échûtàaucunautredesdieuxtoujoursvivantsàlaplacedeZeus. Ilfallait,eneffet,quenaquissentdecellecidesenfantstrèsintelligents, d’abordlaviergeauxyeuxpers,Tritogénéia, disposantd’unefougueégaleàsonpèreetd’unevolontéréfléchie, maisensuitec’estunfils,roidesdieuxetdeshommes, qu’elleallaitenfanter,etquiauraituneâmeàlaforceexcessive; auparavant,toutefois,Zeuslafitdescendredanssonventre, defaçonàcequeladéesseluisignifiâtlebienetlemal. […] Et{Zeus}luimêmeengendradesatêteAthénaauxyeuxpers, laterrible,quipousseautumulte,quimènel’armée,l’infatigable maîtresseàquiplaisentlesclameursetlesluttesetlescombats.» ZeusetAthénasont,parexcellence,lesdeuxdivinitésinvestiesdeῆτις,commeleconfir mentlaviedupremieretlanaissancedelaseconde,tellesqueleschantentHésiode. LaprudencedeZeuspeutêtreétudiéepardeuxvoiescomplémentaires:d’unepart endéfinissantd’unpointdevuegénéralceconceptdanslesmondeshumainetdivin;d’au trepartenétudiantendétaillestroiscombatsmenésparZeus—contreCronos,contre Prométhée, contre Mêtis et son fils à naître— pour acquérir la prudence et la royauté suprêmes.Nousexamineronssuccessivementcesdeuxpistesderéflexion. 1.– La notion de ῆτις,trèsimportantedanslapenséegrecquearchaïque,peut se définircommel’habilitéàforgerunexpédient—δόλος,ηχαν ή,τ έχνη, ἀπάτη,κ έρδος—,à saisirlemomentopportunetàanticiperl’avenir,pourarriveràsesfins;cetteintelligence rusée,multiple,soupleetchangeante,contrebalancelaforcebrutaleetcompenseefficace mentlafaiblessephysique13 .Lacristallisationauvocatifdel’épiclèsehomérique ητι έτα

13 Àcesujet,cf.lesremarquablesétudesrassembléesdansM.DETIENNE &J.P.VERNANT , Lesrusesde l’intelligence.LamètisdesGrecs ,Paris,1974. POSÉIDONARCHAÏQUE 170

—àl’instardeε ὐρυ όπαou νεφεληγερ έτα—,confirmentl’anciennetédutermeet,subsé quemment,dececoncept14 . Dansl’épopée,Zeusestledieuemplideῆτις,témoinl’expressionformulaireη τι έταΖε ύς( uel Ζε ῦ),toujoursutiliséeauxcinquièmeetsixièmepiedsdel’hexamètre;après Homère,l’adjectifητι όειςaccordéauthéonymepermetdesuppléercettetournureauxcas obliques15 .Zeusestégalementlamesuredetouteῆτιςhumaine:Ulysse16 etHector17 sontchacunqualifiésd’«égalàZeusparsaprudence»(ι ὶ ῆτιν ἀτάλαντος[ uel ε,ον]), avecuneformulestéréotypéeoccupantlesecondhémisticheaprèsunecésuretrochaïque. Lesroueriesd’Ulysse,enparticulier,sontproverbiales,commel’attestentlesautresépithè tesconsacréesdecehéros,tellesποικιλο ήτης,πολ ύητις,πολυ ήχανος,πολ ύτροπος,πολ ύ φρων,δα ΐφρων,ouencoreδ όλων ἆτος18 .Cetyped’intelligenceseretrouveégalementchez NestoretsonfilsAntiloque,notammentdansl’épisodecélèbredesjeuxfunérairescélébrés parAchilleenl’honneurdePatrocle19 .Ceshérosruséssont,pardéfinition,lesprotégés d’Athéna, déesse maîtresse du subterfuge et de l’artisanat, caractérisée par les épiclèses πολ ύβουλοςetπολ ύητις,setarguantellemêmed’êtrecélèbreparmitouslesdieuxpoursa ῆτιςetsesκ έρδεα,quandUlysseestlemeilleurdeshommesparsaβουλ ήetses ύθοι20 . D’autresdieuxqueZeusetAthénapeuventégalementprétendreàlaprudence:ainsi lejeuneHermès,enfantàlaprudenceinsidieuse(αἱυλο ήτης)dontl’hymnehomérique rappellelesmilletoursetruses,etquipartagenombred’épithètesavecUlysse21 ;ouencore l’industrieuxHéphaistos,alteregomasculind’Athéna,fruitparthénogénétiquedelaseule HéraenréactionàlanaissancedelafilledeZeusetinvestid’unehabilitétechniquehorsdu commun22 .Certainesdivinités,etnondesmoindres,ensontparcontretotalementdé pourvues,commePoséidon,DéméteretDionysos,ainsiqu’ApollonetArtémis23 . 2.–Danssonparcoursverslasouverainetéauxcieux,Zeusaffrontetroisadversaires sérieuxsurleplandelaprudence:d’abordCronos,ensuiteProméthée,enfinlefilsànaître deMêtis.LestroiscombatsmenésparZeussontautantd’étapesessentiellesdansl’acquisi tiondesaprudence24 . a) EnémasculantsonpèreOuranos,Cronosséparelecieletlaterre,instaurelerè gnedesTitans—lespremiersdieux(πρ ότεροιθεο ί)25 —etcréelaroyautéauciel:ilestle détenteurdel’«honneurroyal»(βασιλη ὶςτι ή),le«roi»(βασιλε ύς),«souverainaugrand 14 Lascansionparticulièredelaformuleι ὶ ῆτιν ἀτάλαντος( ⏑ – ⏑ ⏑ )—quirenvoienécessaire mentàunoriginalmycénienίει ῆτιν hατ άλαντος—estunargumentsupplémentaireenfaveurdel’ancien netédelanotiondeῆτις. 15 Cf. LfgrE ,t.III,col.204205, s.u. «ητι έτα»et«ητι όεις».Surl’intelligencesupérieuredeZeus,cf. également LfgrE ,t.II,col.856873, s.u. «Ζε ύς»,enpart.col.865866. 16 Homère, Il. ,II,v.169,407,636;X,v.137. 17 Homère, Il. ,VII,v.47;XI,v.200. 18 Cf. LfgrE ,t.III,col.503523, s.u. «Ὀδυσ(σ)ε ύς»,enpart.col.517520. 19 M.DETIENNE & J.P.VERNANT , op.cit. [n.13], p.1731; R.DUNKLE , «Nestor, Odysseus and the mêtis–biê Antithesis:TheFuneralGames, Iliad 23», CW ,81,19871988,p.117. 20 Homère, Od. ,XIII,v.296299.Cf.aussi LfgrE ,t.I,col.208221, s.u. «Ἀθηνα ίη, ἈθήνηΙ»,enpart. col.213214;M.DETIENNE &J.P.VERNANT , op.cit. [n.13],p.169243. 21 Hymne homérique à Hermès , I, v.13 et passim; LfgrE , t.II, col.708712, s.u. «Ἑρε ίας, Ἑρ ῆς**, Ἑρ άων»,enpart.col.711. 22 Hésiode, Théog. ,v.927929.Cf.aussi LfgrE ,t.II,col.949951, s.u. «Ἥφαιστος*»;M.DETIENNE & J.P.VERNANT , op.cit. [n.13],p.244260. 23 M.DETIENNE &J.P.VERNANT , op.cit. [n.13],p.263. 24 Cf.enpart. ibid. ,p.59125. 25 Hésiode, Théog. ,v.424. POSÉIDONARCHAÏQUE 171 pouvoir,roidespremiersdieux»( έγ’ἄναξ,θε ῶνπροτ έρωνβασιλε ύς)26 .Cetteaccessionau trôneestd’embléeplacéesouslesignedumal:l’œuvreméchante(κακ ὸν ἔργον)d’Ouranos tenant enfermés ses enfants entraîne une rusée et méchante manœuvre (δολ ίη κακή τε τέχνη)ourdieparGaiaetperpétréeparCronos27 ;surtout,lacastrationpaternelleentraîne directementlanaissancedesbrutalesÉrinyes( Ἐριν ύες κρατερα ί)—issuesdeséclabous sures sanglantes provoquées par la mutilation—, ainsi qu’une annonce solennelle du châtiment(τίσις)àvenir28 .LamalédictionproféréeparOuranosn’estpasvaine,puisque Cronosn’ignorepasquesondestinestd’êtredomptéparsonproprefilsetqueRhéaveut faire payer à son époux les Érinyes (τίνεσθαι Ἐριν ῦς) de leur père et de leurs enfants dévorés29 .LavictoiredeZeussurCronosestdoncinéluctable:elledoitnécessairementse situersurleplandelaῆτις,puisqueCronosavaincuOuranosgrâceàsaprudenceretorse, et doit permettre au nouveau souverain ( ἄναξ) de s’emparer de la royauté divine, pour régneretcommander(βασιλευ έεν ἠδὲἀνάσσειν)aprèslerèglementdelatitanomachie30 . b) PartageantavecCronosl’épiclèsed’ ἀγκυλο ήτης31 ,Prométhéeest,parsapruden ce,unadversaireàlapleinemesuredeZeus,ainsiquel’exprimentsuffisammentlenom mêmeduPrévoyant(Προηθε ύς)etcertainesdesesautresépithètes:α ἰολ όητις,ποικ ίλος, ποικιλόβουλος, δολοφρον έων et πολ ύϊδρις 32 . Ce fils de Japet, au service des hommes, affronteleCronideàdeuxreprises.D’abordàMékôné,lorsdeladistinctionentredieuxet hommesmortels,ilchercheàfourvoyer( ἐξαπαφ ίσκειν)lavolontédeZeusparunemanœu vrerusée(δολίητ έχνη)aumomentdelarépartitiondesmorceauxd’unbœuf.Cependant, Zeusdéjouelarusetoutenfeignantd’êtrejoué:leroidesdieuxchoisitdélibérémentpour lesdieuxlaportioncongrue—osetgraisse—,institueainsilesacrificecarnéetprévoit égalementlemalheur(κακ ά)desmortels33 .Refusantdésormaislefeuauxhommes,Zeus provoquepourainsidireunenouvelletromperie( ἐξαπατ ᾶν)danslechefdeProméthée,qui subtiliseuneflammeetlalivreauxmortels.Enreprésailles,pourleprixdesbienfaitsqu’ac cordelefeu,Zeusenvoieauxhommeslafemme,«beaumalenéchanged’unbien»(καλ ὸν κακ ὸν ἀντ’ἀγαθο ῖο), «ruse escarpée, indéjouable» (δ όλος α ἰπὺς ἀήχανος), et enchaîne cruellementProméthée34 . Lorsdechacundecesdeuxduelsdeprudence,Zeusvoitchaquefoisplusloinquele prévoyantProméthée:cedernierprojettepourleshommesdesbiensimmédiats—vian desetfeu—,sansanticiperleursconséquencesàpluslongueéchéance,quandZeuslui mêmeméditeàtermeladiscriminationradicaleetdéfinitivedesmondeshumainetdivin, parl’opérationdesacrifices—renduspossiblesparlapartitiondeMékônéetlevoldu feu—,lasujétiondeshommesauxdieux,ainsiquelemalheurinhérentàlaracehumaine. Le souverain des dieux, comme l’indique un hémistiche formulaire, redondant dans ce passage, qui intervient après une coupe penthémimère, «connaît les desseins impérissa

26 Ibid. ,v.462,476,486;cf.aussiHésiode, Trav. ,v.111.Lacorrectionπροτ έρωνestdueàM.L.WEST , Hesiod.Theogony ,Oxford,1971 2,p.130,301;lesmanuscritsportentπροτ έρῳ,àcomprendreθε ῶνπρ ότερος βασιλε ύς«premierroidesdieux». 27 Hésiode, Théog. ,v.158160. 28 Ibid. ,v.183187,207210. 29 Ibid. ,v.459465,468476. 30 Ibid. ,v.488491,493,881885. 31 Cf. LfgrE ,t.I,col.7172, s.u. «ἀγκυλο ήτης». 32 Cf. LfgrE ,t.III,col.15591560, s.u. «Προηθε ύς». 33 Hésiode, Théog. ,v.535560. 34 Hésiode, Théog. ,v.521534,561616,enpart.570,585,589,602; Trav. ,v.47105,enpart.57,83. POSÉIDONARCHAÏQUE 172 bles» (Ζε ὺς [δ’] ἄφθιτα ήδεα ε ἰδώς)35 : sa prudence subjuge celle de Prométhée, lequel pourtant«àtoussujetsconnaîtlesdesseins»( Ἰαπετιον ίδηςπ άντωνπ έρι ήδεαε ἰδώς)36 .Par deuxfois,enconclusiondudoublerécitdelacréationdePandoreparHésiode,leverdict tombesansappel,enavertissementauxmortels37 : Ὣςο ὐκ ἔστιι ὸςκλ έψαιν όονο ὐδὲπαρελθε ῖν. «Ainsi,iln’estpaspossibled’abusernid’esquiverl’espritdeZeus»; Οὕτωςο ὔτ ίπ ῃἔστιι ὸςν όον ἐξαλ έασθαι. «Ainsidonc,d’aucunemanièreiln’estpossibled’échapperàl’espritdeZeus». LetraitementoriginaldumythedeProméthéechezEschyle38 apportedeuxinforma tionscomplémentaires.D’unepart,promuTitan,Prométhéeestmaintenantl’enfant«àla prudenceescarpée»(α ἰπυ ήτης)dela«justeconseillère»( ὀρθ όβουλος)Thémis39 —elle mêmeassimiléeàGaia40 —;informéparsamèredecequelatitanomachiepourraitseule mentseréglerpardesjeuxinsidieux(αἱύλαιηχανα ί)etlaruse(δ όλος),rabrouéparles autres Titans —sûrs de leur puissance—, mais accueilli par Zeus, Prométhée rend possible,parsesconseils,lavictoiredesOlympiens41 .End’autrestermes,lesprudences conjuguéesdeZeusetProméthéevainquentlapuissancedesTitans—cequiestenplein accordaveclerôledelaῆτιςlorsdel’accessiondeZeusaupouvoirdivin.D’autrepart, toujoursenchaînépouravoirdérobélefeudeZeusauprofitdeshumains,Prométhéesait l’heuredesadélivrance,carleTitandisposed’unmoyendepressionimparablesurleroi desdieux:unprochainmariagedeZeusferaitnaîtreunfilspluspuissantquesonpère,qui ledétrônerait—ainsis’accompliraitl’imprécation( ἀρά)lancéeparCronos,pèredéchude Zeus—, et seul Prométhée connaît le moyen d’empêcher cette destitution42 . Avant de retourneràla Théogonie ,oùcethèmedufilsvainqueurdupèreestégalementprésent,ilfaut soulignerquetoutle Prométhéeenchaîné estplacésouslesignedelaῆτιςsupérieuredeZeus. PonctuantlesrécitsduchâtimentdeProméthéeetdeserrancesd’Iô,deuxsentenceslivrées parlechœurrésumentexactementcettepensée43 : Οὔποτε<––>|τ ὰνι ὸς ἁρον ίαν|θνατ ῶνπαρεξ ίασιβουλα ί. «Jamais<––>lesvolontésdesmortelsnetransgresssentl’ordreharmonieuxdeZeus»; Τὰνι ὸςγ ὰρο ὐχ ὁρῶ ῆτιν ὅπᾳφ ύγοι’ἄν. «LaprudencedeZeus,eneffet,jenevoispasdequellemanièrejelafuirais». 35 Hésiode, Théog. ,v.545,550,561;àcetitre,Zeusestégalementle ὕπατος ήστωρ.Pourcesexpres sions,cf. LfgrE ,t.III,col.176177, s.u. «ήδεα»;col.196, s.u. «ήστωρ». 36 Hésiode, Théog. ,v.559; Trav. ,v.54. 37 Hésiode, Théog. ,v.613;Trav. ,v.105(éd.M.L.WEST ,Oxford,1971 2;1980 2). 38 SurlesdifférentesversionsdumythedeProméthée,sarichesse,sesantécédentsorientauxetmême sesprolongementsoccidentaux,cf.JacquelineDUCHEMIN , Prométhée.Histoiredumythe,desesoriginesorientalesà sesincarnationsmodernes (Collectiond’Étudesmythologiques ),Paris,1974,enpart.p.5981pourlesdifférencesentre HésiodeetEschyle;cf.égalementD.J.CONACHER , ’ PrometheusBound .ALiteraryCommentary ,To ronto,1980,ch.I,p.320.L’attributiondelatrilogieprométhéenneàEschyleestpériodiquementcontestée, enparticulierdanslemondeanglosaxon(cf.p.ex.M.L.WEST ,«TheAutorshipofthePrometheustrilogy», dans StudiesinAeschylus [ BeiträgezurAltertumskunde ,1],Stuttgart,1990,p.5172; AeschyliTragoediaecumIncerti PoetaePrometheo [éd.M.L.WEST ], BT ,Stuttgart,1990,p.LIII ).Cepostulatdemeuretoutefoislargementindé montrableetn’échappepasauxcritiques,tellescellesduc.r.d’A.MOREAU , RPh ,s.3,74,2000,p.318320. 39 Eschyle, Prom.ench. ,v.18,873874. 40 Ibid. ,v.209210. 41 Ibid. ,v.199225. 42 Ibid. ,v.167177,519525,755770,907940. 43 Ibid. ,v.550552;906(éd.M.L.WEST ,BT ,Stuttgart,1992). POSÉIDONARCHAÏQUE 173

Loindes’appliqueruniquementauxsouffrancesapparemmentinjustesenduréesparPro méthéeetIô,cesapophtegmessontl’échodeladoubleconclusiondumythedeProméthée chezHésiode:audelàdescashéroïquesparticuliers,ilss’appliquentàtouslesmalheursde lagenthumaine. c) Letroisièmeadversaireavouédusouveraindesdieuxenmatièredeprudencesera lepremierenfantmâledePrudence(Μῆτις):enfantfortintelligent(περ ίφρων),àlaforce excessive( ὑπέρβιος),ileûtacquis,parsaprudenceetsapuissancesupérieuresàcellesde sonpère,laroyautédesdieuxetdeshommes,siGaiaetOuranosn’enavaientavertileur petitfilsZeus.CetarrêtdudestinestdumêmeordrequelesecretdétenuparleProméthée d’Eschyle,quipourraitluiavoirétérévéléparsamèreGaiaThémis,ouquelaprédictionde Thémis à propos du mariage de Thétis44 . Chez Hésiode, Zeus prévient l’agression en avalantl’OcéanideMêtis,aprèsavoirtrompéparuneruse(δόλῳἐξαπατᾶν)ladéessedontla connaissance dépasse pourtant celle de tous les dieux et les hommes, autrement dit en abusantparsaprudencelaPrudencemême45 .L’avalementdeMêtisparZeussignifiela supérioritééternelleduroidesdieuxenprudence,queconsacrentsesépiclèsesητι έταet ητι όεις:Zeusnepourrajamaisplusêtredétrônéparplusruséquelui;parsarusemême, ilmetfinaucycledessuccessionsinstauréparlaruseprimitivedeCronos. Engloutie,MêtisdonneàZeusdesavoirlebienetlemal.Cediscernementfaisait défautàOuranosautantqu’àCronos,puisquelepremiersecomplaisaitdansdes«œuvres mauvaises»,etquelesecondrecourutàune«mauvaiseruse»;aucontraire,dèslorsqu’il opèreclairementcettedistinction,Zeuspeutinfligerauxmortelsun«beaumalàlaplace d’unbien»afindechâtierlecrimedeProméthée,etépouserensecondesnocesÉquité (Θέις),quienfanteranotammentJustice(ίκη)46 .L’intégrationcomplètedelaῆτιςest ainsiunprérequisindispensableàl’acquisitiondutroisièmepilierduroyaumedeZeus,la justice. Enconclusion,chaqueaffrontementremportéparZeusconfirmeetaccroîtlapru dencedudieudel’Orage,enmêmetempsqu’ilétablitdavantagesasouveraineté:faceà Cronos, il acquiert l’honneur royal (βασιλη ὶς τι ή) chez les dieux; face à Prométhée, il étendsonpouvoirsurleshommes,qu’ilsoumetàjamais;faceàMêtis,encombattantpar anticipationsonfilsànaître,ilassurelapérennitédesadominationuniverselle.

—LATOUTE PUISSANCEDE ZEUS En sus de sa prudence, Zeus dispose d’une force physique remarquable, qui lui assure l’hégémonie parmi les Immortels. Dès sa jeunesseenCrète,lafougue(ένος) du dieugranditenmêmetempsquesesmembres 47 ,etCronos,toutbrutal(κρατερ ός)fûtil, savaitquesondestinétaitdesuccombernonseulement aux manœuvres,mais aussi à la force(κ άρτος,βίη)etlespoings(χε ῖρες)desonfils48 . ChezHésiode,lasupérioritéphysiquedeZeusseconstruitgrâceauralliementdes enfantsdeStyx,desCyclopesetdesHécatonchiresàlacausedufuturroidesdieux;chez 44 SurcetépisodeanalogueauxnocesdeMêtis,cf. infra ,p.186. 45 Hésiode, Théog. ,v.886900(cf. supra ,p.169). 46 Àcetitre,relevonsleraccourciremarquableeffectuéchezHésiode (?),fr.343,v.1315(éd.R.MER KELBACH & M.L.WEST , Oxford, 1967): Μ ῆτις δ’αὖτε Ζην ὸς ὑπὸ σπλ άγχνοις λελαθυ ῖα | ἧστο, Ἀθηνα ίης ήτηρ,τ έκταιναδικα ίων,|πλε ῖσταθε ῶνε ἰδυ ῖακαταθνητ ῶντ’ἀνθρ ώπων,«QuantàMêtisalors,ellesetenaitca chéesouslesentraillesdeZeus,mèred’Athéna,ouvrièredejusticequi,parmilesdieuxetleshommeséphé mères,alesplusgrandesconnaissances». 47 Hésiode, Théog. ,v.492493. 48 Ibid. ,v.7173,464465,490491,493496. POSÉIDONARCHAÏQUE 174

Homèreetdanslatraditionultérieure,elleestdûmentacquiseets’exprimenotammentpar ladétentiondufoudre.L’uneetl’autrejustificationdelatoutepuissancedeZeussecom plètentdavantagequ’ellesnes’opposent. 1.–AumomentdeladéclarationdeguerrecontrelesTitans,l’OcéanideStyxprend parti pour Zeus et se range sur l’Olympe avec ses enfants, Ardeur (Ζ ῆλος) et Victoire (Ν ίκη),maissurtoutPouvoir(Κρ άτος)etForce(Β ίη)49 : Στ ὺξδ’ ἔτεκ’ Ὠκεανο ῦθυγ άτηρΠ άλλαντιιγε ῖσα Ζῆλονκα ὶΝ ίκηνκαλλ ίσφυρον ἐνεγ άροισιν κα ὶΚρ άτος ἠδὲΒ ίην ἀριδε ίκεταγε ίνατοτ έκνα. Τῶνο ὐκ ἔστ’ ἀπάνευθει ὸςδ όος,ο ὐδέτις ἕδρη, οὐδ’ ὁδός, ὅππ ῃ ὴκε ίνοιςθε ὸς ἡγεονε ύει, ἀλλ’α ἰεὶπ ὰρΖην ὶβαρυκτ ύπῳἑδρι όωνται. «QuantàStyx,filled’Océan,unieàPallas,elleenfanta ZêlosetNikêauxbelleschevilles,ensonpalais, etelledonnanaissanceàKratos,ainsiqu’àBiê—remarquablesenfants. Pourceuxcin’existepasdedemeureàl’écartdeZeus,niaucunsiège, nideroute,oùledieunelesmènepas, maistoujoursilssiègentauprèsdeZeusaulourdgrondement.» CesdeuxderniersauxiliairesbrutauxdeZeus,quiincarnerontégalementl’intransigeanceet lacruautédupouvoirdivinàl’entamedu Prométhéeenchaîné 50 ,sontunecomposanteindis pensabledel’accessionàlasouverainetéchezlesdieuxdanslerécithésiodique. LeslibérationssuccessivesdesCyclopes51 etdesHécatonchires52 —enchaînés par Ouranos— participent du même schéma: en déliant ces êtres primordiaux, Zeus fait sienneleurpuissance,ens’appropriantd’uneparttonnerre,foudreetéclair,etens’assurant d’autrepartleconcoursnécessaireàlavictoiresurlesTitans.Filsd’OuranosetGaia,les CyclopesetlesHécatonchiressedistinguent,eneffet,parleur«âmeàlaforceexcessive» (ὑπέρβιον ἦτορ)etleurorgueil( ὑπερ ήφανοι);lesactesdespremierssontempreintsde«vio lence,forceetjeux»( ἰσχ ὺς ἠδὲβ ίηκα ὶηχανα ί),tandisquel’aspecténormedessecondsse double d’une «immense et puissante violence» ( ἰσχ ὺς ἄπλητος κρατερ ή)53 . Même si les contributions de ces entités divines au pouvoir de Zeus —concernant le foudre et les liens—,s’apparententàlamagied’Héphaistos,ainsiqu’auxrusesdeProméthée,etontdès lors trait à la ῆτις de Zeus54 , il ne peut faire de doute que leur premier apport à la souverainetésesitueauniveaudelasimpleforcephysique:ceconstatestimplicitepour lesCyclopes,lesquelsoffrentàZeusl’instrumentd’unedominationsurlesmortelsetles immortelsreposantprincipalementsurlamenaced’unfoudroiement55 ;ilestparcontre toutàfaitexplicitepourlesHécatonchires,lesquelsinterviennentdansuncombat«relatifà lavictoireetlapuissance»(νίκηςκα ὶκ άρτευςπ έρι)avecleurénormeforce(εγ άληβ ίη)et leurspoingsinvincibles(χε ῖρες ἄαπτοι)56 .

49 Ibid. ,v.383388(éd.M.L.WEST ,Oxford,1971 2);cf.aussiv.397401. 50 Eschyle, Prom.ench. ,v.187. 51 Hésiode, Théog. ,v.501506. 52 Ibid. ,v.617735. 53 Ibid. ,v.139153. 54 CetaspectestsoulignéàjustetitreparM.DETIENNE &J.P.VERNANT , op.cit. [n.13],p.7599. 55 Cf.enpart.Hésiode, Théog. ,v.7173,503506.Lesarmesdudieudel’Orageserventàlavictoiresur Ménoitios( ibid. ,v.514516),lesTitans( ibid. ,v.687710)etTyphée( ibid. ,v.836868). 56 Cf.enpart. ibid. ,v.644653,ainsiquev.617620,719. POSÉIDONARCHAÏQUE 175

2.–Devenuroietpèredesdieuxetdeshommes,Zeussetarguedeplusieurstitreset épiclèses qui notent sa puissance à nulle autre pareille: étant «parmi les dieux le plus puissantetleplusgrandparsonpouvoir»(φ έρτατοςθε ῶνκ άρτειτε έγιστος)57 ,ilmérite desqualificatifstels ὑπερεν ής, ἐρισθεν ήςouεγασθεν ής,etestledieudetouslessuperlatifs (ἄριστος,κ άρτιστος, έγιστος, ὕπατος, ὑπέρτατος,φ έρτατος)58 . LatoutepuissancedeZeusnesouffreaucunecontestation,nisurlaterre,nidansles cieux,nichezleshommes,niparmilesdieux.Delamultituded’exemplesinférablesence sens59 ,ilsuffirad’évoquerlafameusejactanceduroidesdieux,quisefaitfortdel’empor terdansuneépreuves’apparentantautiràlacorde,quandbienmêmeilseraitopposéà touslesdieuxetdéesses,etd’attireràlui,jusqu’auciel,laterreetlamer,pouruneraison évidente60 : Τόσσον ἐγὼπερ ίτ’ε ἰιθε ῶνπερ ίτ’ε ἰ’ ἀνθρ ώπων. «Tellementmoi,{Zeus},suisetsupérieurauxdieuxetsupérieurauxhommes.» Loind’unefanfaronnadegratuite,lesprétentionsdeZeuscachentdesinvectivesbien réelles: le dieu désobéissant, frappé (πληγε ίς) par Zeus, ne pourra décemment rejoindre l’Olympe,souspeined’êtrejetéaufondduTartare61 ;HéraetAthéna,quifontmined’ou trepasserl’interdit,sontimmédiatementmenacéesdufoudre(κεραυν ός)deZeus 62 .Toutle chantVIIIdel’ Iliade s’élabored’ailleursautourdecettequestiondelatoutepuissancede Zeus,expriméeautraversduchamplexicaldelaforcephysique63 . SilasupérioritédeZeussurlesautresdieuxpeuts’affirmer par la seule force des bras,parexemplelorsdesconflitsquil’opposentàHéraouHéphaistos64 ,sonarmedepré dilectiondemeurelefoudre.Denouveau,lesexemplesépiquessontlégion,ainsiqueles épiclèsesrelativesàl’activitédudieudel’Orage( ἀργικ έραυνος, ἀστεροπητ ής,βαρ ύκτυπος, ἐριβρε έτης, ἐρίγδουπος, ἐρισ άραγος, στεροπηγερ έτα, τερπικ έραυνος, ὑψιβρε έτης)65 ; les poèteslyriques,enparticulierPindare,poursuiventdanscetteveine,enmultipliantlesépi thètes originales (αἰολοβρ έντας, ἀργιβρ έντας, βαρ ύγδουπος, βαρυσφ άραγος, ἐγχεικ έραυνος, ἐλασιβρ όντας, ἐλατ ὴρ ὑπέρτατος βροντ ᾶς ἀκααντ όποδος, ἐρισφ άραγος, καρτεροβρ έντας, ὀρσ ίκτυπος,στεροπ ᾶνπρ ύτανις,φοινικοστερ όπας)66 etensoulignantl’invincibilitédufoudre deZeus(κεραυν ὸςπαγκρατ ής,κεραυν ὸςπαβ ίας)67 . Pourleshommeségalement,Zeusestlamesuredetoute puissance. Tout comme Ulyssel’emporteparsaprudence,AchilleestlemeilleurdesAchéens( ἄριστος Ἀχαι ῶν)par

57 Ibid. ,v.49. 58 Aux épithètes épiques (cf. LfgrE , t.II, s.u. «Ζε ύς**», col.861862, §2a), il convient d’ajouter notammentquelquesépiclèsesemployéeschezlespoèteslyriques,p.ex.Pindare, Ol. ,IV,v.1; Isth. ,VII,v.5; Péans ,VIIb(Maehler),v.5052;fr.57(Maehler),v.12;Bacchylide, Dith. ,III,v.40. 59 Cf. LfgrE ,t.II, s.u. «Ζε ύς**»,col.861864,§2. 60 Homère, Il. ,VIII,v.1827(citationduv.27). 61 Ibid. ,v.1016.L’expressionο ὐκατ ὰκ όσονemployéedanscepassageindiquequeledieurebelleà l’autoritédeZeuss’exclutluimêmedelasociétédesdieux;surcepoint,cf.V.DUSABLON , op.cit. [n.4],et infra ,p.178179. 62 Ibid. ,v.397437,450456. 63 Cf.e.a. ibid. ,v.17(θε ῶνκ άρτιστος ἁπάντων),29(κρατερ ῶς),31( ὕπατοςκρει όντων),32=463(σθένος οὐκ ἐπιεικτ όν),144≈211(πολ ὺφ έρτερος),450( ένοςκα ὶχε ῖρες ἄαπτοι),470( ὑπερεν ὴςΚρον ίων). 64 Cf.e.a.Homère, Il. ,I,v.560594;XV,v.1433. 65 LfgrE ,t.II, s.u. «Ζε ύς**»,col.864865,§3c. 66 Cf. Pindarus.ParsII.Fragmenta.Indices(éd.H.MAEHLER ), BT ,Leipzig,1989,p.194195, s.u. «Ζε ύς». 67 Cf.e.a.Pindare, Dith. ,II,v.15; Nem. ,IX,v.24.Cf.aussi Ol. ,IX,v.7983. POSÉIDONARCHAÏQUE 176 saforce68 ;l’oppositionentrecesdeuxqualitésdanslechefdeshérosgrecs—exprimée parl’inimitiéentreUlysseetAchille—estd’ailleursunthèmeépiquetraditionnel69 .Or,si Ulysseest«égalàZeusparsaprudence»( ιὶ ῆτιν ἀτάλαντος) ,laforced’Achilles’évalue égalementàl’échelledesdieux,etdeZeusenparticulier:labrutalitéguerrièreduhérosest assimilableaufeucosmiqueetauxventsémanantdesdieux70 . Étant,detouslesdieux,leplusprudentetlepluspuissant,Zeusréaliseenluimême lasynthèsedesdeuxqualitésenprincipeexclusiveschezleshéroshumainsdel’épopée:en conséquence,toutcombatluiestfavorable,toutevictoireluiestacquise.Cependant,unau tretraitluipermettrad’asseoirsadominationàperpétuité:dieuvictorieuxparexcellence, Zeusseraensusledieudel’équitéindispensableàl’équilibresocial.

—L’ ÉQUITÉDE ZEUS Sileconflitparricidequ’estlatitanomachienenécessitaqueprudenceetpuissance,il aboutitàunenouvelleordonnancedumonde,désormaisstructuréparlajusticeetlapaix. Telleseral’œuvredeZeus.L’élémentcentraldecettenouvellejusticeestlarépartitiondes honneurs(τια ί)entrelesImmortelsquisuitimmédiatementlaprisedepouvoirdeZeus71 , maisfutannoncéedèslamiseauxprisesentreTitansetOlympiens72 , ἤατιτ ῷ, ὅτεπ άντας Ὀλύπιος ἀστεροπητ ὴς ἀθαν άτους ἐκάλεσσεθεο ὺς ἐςακρ ὸν Ὄλυπον, εἶπεδ’, ὃς ἂνετὰε ἷοθε ῶνΤιτ ῆσι άχοιτο, ήτιν’ ἀπορρα ίσεινγερ άων,τι ὴνδ ὲἕκαστον ἑξέεν ἣντ ὸπ άροςγεετ’ ἀθαν άτοισιθεο ῖσιν. Τὸνδ’ ἔφαθ’, ὅστις ἄτιος ὑπὸΚρ όνου ἠδ’ ἀγέραστος, τι ῆςκα ὶγερ άων ἐπιβησ έεν, ἣθ έις ἐστ ίν. […] Ὣςδ’α ὔτωςπ άντεσσιδιαπερ ὲς, ὥςπερ ὑπέστη, ἐξετ έλεσσ’·αὐτὸςδ ὲ έγακρατε ῖἠδὲἀνάσσει. «encejouroùl’Olympienàl’éclairappela touslesdieuximmortelssurlegrandOlympe, etdéclaraqueceluidesdieuxquicombattraitavecluilesTitans, personneneluiarracheraitsesapanages,maisquechacunaurait l’honneurqu’ilavaitprécédemmentparmilesdieuximmortels. Etildisaitqueceluilàqui,souslerègnedeCronos,étaitsanshonneuretsansapanage, auraitaccèsàunhonneuretàdesapanages,commeilestéquitable. [...] Etainsimême,pourtous,sanscesse,ainsiqu’ill’apromis, ilaccomplitsonengagement;etluimêmedétientungrandpouvoiretexercelecommandement.»

68 Cf.enpart.G.NAGY , LemeilleurdesAchéens (op.cit. [n.1]),ch.2,p.4965. 69 Ibid. ,ch.3,p.6683.LeprinceHectorestlafoisleplusruséetlepluspuissantdesTroyens,tandisque legrecAjax—sonadversaireauduelsansvainqueurduchantVII—excellepareillementenforceeten puissance( Il. ,VII,v.197198,288289);danslatraditionépique,toutefois,tousdeuxlecèdentenpuissance àAchilleetenruseàUlysse—lepremierseratuéparAchille,tandisquelesecondperdralacompétition l’opposantàUlyssepourl’obtentiondesarmesdudéfuntAchille. 70 Cf.G.NAGY , op.cit. [n.68],ch.20,p.365396,enpart.§56,p.36937;§910,p.374376;§1320, p.381388. 71 Cf.e.a.Hésiode, Théog. ,v.7374,111113,303,346348,397401,411415,418428,448452,881 885,904906;cf.aussi,p.ex., HymnehomériqueàDéméter ,I,v.325328,441444,460462; Hymnehomériqueà Hermès ,I,v.172175,516517; HymneàAphrodite ,I,v.2932;Pindare, Ol. ,VII,v.5471. 72 Hésiode, Théog. ,v.390396,402403(éd.M.L.WEST ,Oxford,1971 2). POSÉIDONARCHAÏQUE 177

L’équitéinhérenteaurègnedeZeusestachevéeparsondeuxièmemariage,quisuitimmé diatementl’avalementdeMêtis.Leroidesdieuxépousel’OuranideÉquité(Θέις),quilui donnerasixfilles:lestroispremières,lesSaisons( Ὧραι),sontBonneOrganisation(Ε ὐνο ίη), Justice ( ίκη) et Paix (Ε ἰρήνη); les trois dernières, les Moires (Μο ῖραι), incarnent l’équitablerépartitiondesportions(ο ῖραι)entrelesmortels73 . εύτερον ἠγάγετολιπαρ ὴνΘ έιν, ἣτ έκεν Ὥρας, Εὐνο ίηντε ίκηντεκα ὶΕ ἰρήνηντεθαλυ ῖαν, αἵτ’ ἔργ’ ὠρε ύουσικαταθνητο ῖσιβροτο ῖσι, Μο ίραςθ’, ᾗςπλε ίστηντι ὴνπ όρεητ ίεταΖε ύς, Κλωθ ώτεΛ άχεσ ίντεκα ὶἌτροπον,α ἵτεδιδο ῦσι θνητο ῖς ἀνθρ ώποισιν ἔχειν ἀγαθόντεκακ όντε. «Ensecond,{Zeus}épousal’opulenteThémis,quiengendralesSaisons —Eunomiê,DikêetlaflorissanteEirênê—, lesquellesprennentsoindestravauxaubénéficedeséphémèresmortels, ainsiquelesMoires,auxquellesleprudentZeusaimpartileplusgrandhonneur —Klôthô,LakhésisetAtropos—,lesquellesdonnent auxhommesmortelsd’avoirlebienetlemal.» SiThémisintervientendernierlieu,ellen’estpaslamoinsimportantedesconquêtesde Zeus.L’équitéasseoit,eneffet,lasouverainetédeZeus,encequ’ellegarantitlesrelations auseindugroupedesimmortels,organiséesselonunehiérarchiedeτια ί.Defait,après quelesOlympienseurentreconnuàZeuslaβασιλη ὶςτι ή—extorquéeàCronos—,celui ci,àsontour,répartitlesτια ίentreeux74 .L’ordredepréséanceplacedoncZeusausom met,aveclafonctionderégneretcommander(βασιλευ έεν ἠδὲἀνάσσειν),ettouslesautres dieuxreçoiventuneportion(ο ῖρα)spécifique,composéed’apanages(γέραα)particuliers, enfonctiondel’honneur(τι ή)dechacun75 .Toutcesystèmeestgarantiparl’équitéobser vée—etépousée—parZeusaprèslatitanomachie,detellesortequechacundesImmor telsaitdroitàunlotconformeàsonactionlorsduconflitaveclesTitans,quiavaittrès précisémentpourenjeules«partsd’honneur»(τια ί)chezlesImmortels76 . Detouteévidence,cetteharmonieusemiseenplacedelasociétédivinen’ad’autre ambitionquedeservirdemodèleparfaitàtoutesociétéhumaine.Ilest,àcetégard,toutà faitsignificatifquelessixfillesdeZeusetThémisexercentdeschargesprimordialesauprès desmortels.Parailleurs,l’équitérespectéeparZeusdansla Théogonie s’inscritdansunmou vementquidépassetouslesdieuxetleshommes,auquelmêmeZeusnepeuts’opposer:le destin.CettedoubleimplicationdesnocesdeZeusetThémis,quis’appliquentàlafoisen deçàetaudelàdumondedesdieux,sereflètentdanslesdeuxgroupesdedéessesnéesde cetteunion:lesSaisonsgarantissentlesrelationslesplusessentiellesauseindel’humanité, tandisquelesMoiressontlesdétentricesdudestinuniversel. NousexposeronsentroispointslesenjeuxdesnocesdeZeusetThémis:d’aborden rappelant dans quelle mesure l’équité conditionne la survie et la prospérité des sociétés humaines,parl’œuvredesSaisons;ensuiteenmontrantlanécessairerelationentrel’équité, lavéritéetledestin,qu’exprimentlesMoires;enfin,enétablissantlesoutiensolideque procureThémisàlaroyautéetàl’ordreinstaurésparZeus. 1.–Laθ έιςs’apparenteàunsentimentreligieuxquiinterdit,autoriseouprescritcer tainsactesauseind’ungroupedonné,demanièreàétabliroumaintenirunéquilibreentre 73 Ibid. ,v.901906(éd.M.L.WEST ,Oxford,1971 2). 74 Cf. ibid. ,v.459462,485491,888893;v.881885. 75 Surcesnotionsfondamentalesdelapenséegrecquearchaïque,cf.V.DU SABLON , op.cit. [n.4]. 76 Hésiode, Théog. ,v.882. POSÉIDONARCHAÏQUE 178 lescomposantesdecegroupe77 .C’estpeudirequececonceptstructuretoutesociétéhu mainecohérenteetharmonieuse:ilenestrienmoinsquelaconditiond’existence. a) Chefsetsymbolesdessociétéshomériqueethésiodique,lesβασιλ ῆεςsontdirecte menttenusàl’observanceduprinciped’équité.SelonHomère,eneffet,Thémisellemême convoquelesassemblées( ἀγορα ί)desdieux;demêmeouvretelleetdissoutellecellesdes hommes78 .Or,auxassemblées,leschefshumainsexercentprécisémentleursprérogatives politiquesetjudiciaires,ens’appuyantsurlesceptre(σκ ῆπτρον)etlessentenceséquitables (θ έιστες)qu’ilstiennentdeZeus79 . Qu’aucundesβασιλ ῆεςdel’ Iliade nesoitunchefparfaitestunconstatreconnu80 : Achilleestcertesleplusbrave,maisilluimanquel’esprit;Ulysseestleplusrusé,maisla puissancephysiqueluifaitdéfaut;lasagessedeNestorestremarquable,maissavieillessele tientéloignéducombat;inversement,lajeunessedeDiomèdeluiassureuneplaceimpor tanteàlamêléeetàl’assemblée,maisleprived’expérience;ducôtétroyen,Hectorl’em porteparlesang,laruseetlafougue,sanssedistinguerparlaperspicacité. Primusinterpares , le roi Agamemnon fait même figure de caricature royale: tout «supérieur en royauté» (βασιλε ύτατος)fûtildufaitdesanaissance,ilnesedistingueniparsafougue,niparson intelligence;mêmelaθ έιςleboude. CarleconflitopposantAchilleetAgamemnon,quisoustendtoutlepoème,procède sans aucun doute d’une offense originelle à l’équité: en privant Achille de Briséis, son γέραςlégitime,pourcompenserlapertedeChryséis,AgamemnonaspoliélePéléidedesa ο ῖραetl’aatteintdanssaτι ή.SesentantexcludelasociétédesAchéens,Achilleseretire ducombat:sonretraitprovoqueluimêmed’inéluctablesconséquences,etnuitàl’ensem bledesGrecs,jusqu’àcequ’AgamemnonrestitueBriséisetdédommageAchille.Deretour aucombat,lehérosretrouveenmêmetempssaplacedanslasociétédesguerriers:jadis ἀγέραστος—et,parvoiedeconséquence, ἄτιος—,ilrecouvrepleinementsonγ έραςetsa τι ή81 .CeconflitentreAgamemnonetAchilleillustrebienlesgravesconséquencesdetout manquementàlaθέιςdanslechefd’unroi:étant,enroyauté,plusgrandqu’Achille(βασι λε ύτερος)etsupérieuràtous(βασιλε ύτατος),maistaxéde«roidévoreurdesonpeuple» (δηοβόρος βασιλεύς)quandilusurpelapartd’Achille82 ,Agamemnonfaitvaciller—et manquededétruire—toutelastructuresocialeenenfreignantlesrèglesd’équité. Plusponctuellement,leschantshomériquesvoientdes personnages parler ou agir conformément—ounon—àlaplacequechacunoccupedanslasociété,c.àd.aulotqui luiestimparti:leurattitudeestalorsdite(ο ὐ)κατ ὰο ῖραν, uelsim .D’unautrepointdevue, leurinterventionpeutêtremesuréeàl’aunedelastructuremêmedontilssontunecompo sante,selonqu’ilsrespectent—oupas—sonintégrité:(ο ὐ)κατ ὰκ όσον, uelsim .Dansla mesureoùellesontuneportéesociale,cesdeuxexpressionsprésument,delapartdela personnevisée,laconnaissanceetlerespectdelahiérarchiedesτια ί—ou,aucontraire, saméconnaissanceetsondédain—:lesattitudesκατ ὰκ όσονetκατ ὰο ῖραν—voire,par litote,ο ὐπαρ ὰο ῖραν—impliquentdonc defacto l’observancedelaθέις,quidétermineles 77 Cf.J.RUDHARDT , ThémisetlesHôrai.Recherchesurlesdivinitésgrecquesdelajusticeetdelapaix ( Rechercheset rencontres ,14),Genève,1999,p.1543.Surceconceptdansl’épopée,cf. LfgrE ,t.II,col.990994, s.u. «θέις, Θέις**»;JoannaJANIK , TermsoftheSemanticSphereof δίκη and θέις intheEarlyGreekEpic(PolishAcademyof ArtsandSciences.StudiesoftheCommissiononClassicalPhilology ,30),Cracovie,2003. 78 Homère, Il. ,XX,v.45; Od. ,II,v.6869. 79 Homère, Il. ,I,v.234239;II,v.204[206];IX,v.9699. 80 Cf.P.CARLIER , LaroyautéenGrèceavantAlexandre ( Étudesettravaux ,6),Strasbourg,1984,p.195204. 81 Cf.V.DUSABLON , op.cit. [n.4]. 82 Cf.Homère, Il. ,I,v.231;IX,v.6869,160161;cf.aussiIX,v.391392,ainsiqueX,v.237239. POSÉIDONARCHAÏQUE 179 comportements adéquats des individus dans le cadre de relations communautaires. La récurrencedansl’épopéed’uneexpressiontelleque ἣθ έις ἐστ ί,«commeilestéquitable», trahitlatensionnaturelledesmembresd’unesociété—enparticuliercelledesβασιλῆες— àmaintenirlacohésionetlahiérarchiedugroupeenadoptantdesattitudesconvenables83 . Delamêmemanièrequ’Agamemnondevient«roidévoreurdesonpeuple»dèslors qu’ilcessed’agirenconformitéaveclaθέις,Hésiodedistingueclairementles«roisvénéra bles,nourrissonsdeZeus»(βασιλ ῆεςα ἰδο ῖοι,διοτρεφ έες)des«roismangeursdeprésents» (βασιλ ῆες δωροφάγοι) dans l’exercice de la justice: les premiers tranchent les sentences émises par les plaideurs ([δια]κρ ίνειν θ έιστας) par des arrêts droits ( ἰθε ῖαι δ ίκαι); les se conds,pardesarrêtstors(σκολια ὶδ ίκαι).Entoutecohérence,lesunssontprotégésparles Muses—fillesdeZeusetdeMnémosyne,lasœurdeThémis—,agissentaunomdeZeus etsontfavorisésparlui,tandisquelesautresprovoquentl’iredusouveraindieu84 .L’enjeu dutribunalroyalestencorelaθέις:estellerespectéeparleroi,lasociétéhumaine se maintiendraenprospérant;estellemépriséeparlui,lasociétéseraaffectéeensesfonde ments mêmes —mort des hommes, infertilité des femmes—etferafaceauxcalamités célestes,vouluesparZeus. b) ÉpouxdeThémis,Zeusestenmêmetempslamesureetlasanctiondescompor tementshumains85 .Fruitdecetteunion,lesSaisonsonttrèsnaturellementd’étroitesaffini tésaveclesforcesdecroissanceetdematurationdesvégétaux,desanimauxetdeshom mes86 ,detellesortequ’ellespatronnentlestravaux( ἔργα)deshumains,chantésparun Hésiode,lesquelss’inscriventdanslecycledessaisons( ὧραι)etassurentlapérennitédela société87 .Prisesindividuellement,deuxdesSaisonsexprimentégalementlesconditionset lesrésultatsdel’observancedelaθ έιςdansunesociété:laBonneOrganisation(Ε ὐνοίη) d’unesociétéestunétatquipermetlaPaix(Εἰρήνη)88 . Quant à Justice (ίκη),latroisièmeSaison,elleestuneforceobjective qui tend à conféreràchacunlelotquiconvientàsapositionetsesactes;lesactionsquelesindividus veulent justes, ainsi que les arrêts (δίκαι) des juges, tout humains et subjectifs soientils, doivents’efforcerdes’accorderàceprincipesupérieur89 .Ainsi,laθέιςinspiredesactions quesanctionnelaδίκη:lapremièreestantérieureàl’acte,lasecondepostérieure.Siun hommecommetl’injusticeouunjugeprononcedesarrêtstors,celuilàcontreviendraàla δίκηetserapersonnellementchâtiéparelle;maisbienplus,sonforfaitestuncrimede lèseθέις,quipeutmettreàmallasociététoutentière.Fortdecettecertitude,Hésiode peutinvoquerZeus,auprologuedes TravauxetJours ,ens’exclamant90 : 83 Cf.V.DUSABLON , op.cit. [n.4]. 84 Hésiode, Théog. ,v.8093,434; Trav. ,v.3536,213285;Homère, Il. ,XVI,v.384392;cf.également Homère, Od. ,XIX,v.109114.Surlapolysémieduplurielθέιστες,cf.J.RUDHARDT , op.cit. [n.77],p.2934. 85 Àcetitre,Zeuschâtiel’humanitéd’argent,laquelleestmarquéeparladémesure( ὕβρις)etrefusede rendreleshonneurs(τι ὰςδ ίδωι)auxdieux—contrevenantparlààlaθέις—(Hésiode, Trav. ,v.134139); Zeuspunitégalementquiusurpedesrichesses,maltraiteunsuppliantouunhôte,commetl’adultère,faitdu tortauxorphelins,ouquerelleunpèreâgé—actesinjustes( ἔργα ἄδικα)quisontaussi,quoiqu’implicitement, opposésàlaθέις—( ibid. ,v.320334). 86 Cf.J.RUDHARDT , op.cit. [n.77],p.8296,151154. 87 Hésiode, Théog. ,v.901903; Trav. ,v.286617. 88 J.RUDHARDT , op.cit. [n.77],p.97104,146150. 89 Ibid. ,p.104145,enpart.p.128131. 90 Hésiode, Trav. ,v.910(éd.M.L.WEST ,Oxford,1980 2).Pourlecommentairedecepassagedifficile, cf.M.L.WEST ,Hesiod.Works&Days ,Oxford,1980 2,p.141142;J.RUDHARDT , op.cit. [n.77],p.119122. Pourunpassagecomparable,cf.Pindare, Ol. ,X,v.24,oùles«sentencesdeZeus»(θ έιτεςι ός)fontsans doute écho à l’invocation antérieure de la Muse (Μοῖσα) et de Vérité ( Ἀλάθεια), fille de Zeus (v.36), de POSÉIDONARCHAÏQUE 180

Κλ ῦθι ἰδὼν ἀιώντε,δ ίκῃδ’ἴθυνεθ έιστας τύνη· ἐγὼδ έκεΠ έρσ ῃἐτήτυαυθησα ίην. «Toiquivoisetentends,écoute!Etrègletessentencessurlajustice, toi!Moi,jepourraisalorsconteràPersèsdesparolesvéritables.» SiZeusestbiensûràlasourcedesarrêtsdroits,lesmeilleurs( ἰθε ῖαιδ ίκαι, ἄρισται)91 ,s’ilest lepèreetlevengeurdeίκηoffensée92 ,sonrôleestplusétendu:fondamentalement,ilest le garant de la θ έις, proférant avec justice (δίκη)des sentences équitables(θέιστες) qui permettentl’ordresocialetserontàlabasedesparolesvraies( ἐτήτυα)énoncéesparHé siodedanssonpoème—àsavoirlestravaux( ἔργα)convenantauxhommes,superviséspar lesSaisons.Audelàd’undieujudiciaireetjusticier,Zeusestdoncledieupolitique. 2.– Le fait que les θ έιστεςdeZeussoientunesourcedevéritépourles paroles d’HésiodeindiqueuneautrecaractéristiquedeladéesseThémis.Filled’OuranosetdeGaia d’aprèsla Théogonie ,Thémisapartàlapresciencedesesparents—et,singulièrement,desa mèrelaTerre(Γα ῖα). a) Depuisl’émasculationd’Ouranosjusqu’àl’avènementdeZeus,lesdéitésprimor dialesOuranosetGaiaconnaissentlecoursdesévénementsetontlepouvoirdel’orienter: c’est pourquoi ils avertissent (πυνθ άνειν) et avisent (φρ άζειν) abondamment, afin d’établir fermementlaroyautédeZeus.AinsicecoupleoriginelinformetilCronos,puisRhéa,que lavictoiredufilssurlepèreestmarquéeparledestin(πέπρωται),etparticipentilspleine mentàlaῆτιςquimettraZeusensûreté;lesconseilstrèsavisés(* ἐννεσ ίαιπολυφραδ έες) deGaiapermettrontenoutredevaincreCronosparlaruse(δ όλος)93 .Plustard,lesavis (φραδοσύναι)deGaiainvitentZeusàlibérerlesHécatonchires—parquidevravenirla victoire sur les Titans—94 , puis les dieux bienheureux à investir Zeus de la fonction royale95 .Enfin,GaiaetOuranosavisentZeusd’avalerMêtis,detellesortequel’honneur royalneluiéchappejamais;ilfaudrapourcelacontrerlanaissanced’unfilspluspuissant, quelecoursdeschosesrendinévitable(εἵαρται)96 . Lafonctionmantiquequ’occupeGaiapeutaussiêtreassuméeparThémis:lesanctu airedelphique,originellementdétenuparGaia,seraitpasséàThémisavantd’échoiràApol lon,etlesparolesoraculairesquiysontproféréespeuventporterlenomdeθέιστες97 ; l’oracle(χρησ ός)quedétientleProméthéed’EschyleausujetdeZeusluifutrévéléparsa mère,laTitanideThémis98 ,quiestellemêmeassimiléeàGaiaetconnaîtl’avenir99 ;selon Pindare,Thémisdévoileraencored’autresoracles(θέσφατα),relatifsaufilsànaîtredeThé tis,luiaussidestinéàêtrepluspuissantquesonpère100 .Qualifiéedansl’épopéepardes mêmequel’expressiond’Hésiodesuitl’adresseauxMuses( Trav. ,v.14);surlerôledesMusesdanslatrans missiondelavérité,cf. infra ,p.181. 91 Hésiode, Trav. ,v.3536. 92 Ibid. ,v.256262. 93 Hésiode, Théog. ,v.463465,468480,492496. 94 Ibid. ,v.624628. 95 Ibid. ,v.881885. 96 Ibid. ,v.888898. 97 Cf.J.RUDHARDT , op.cit. [n.77],p.2930,47. 98 Eschyle, Prom. ench. , v.873874; les savoirs de Prométhée sont des χρησ ῳδίαι ( ibid. , v.775). Cf. également supra ,p.172. 99 Ibid. ,v.209211.SurcetteassimilationpartielledeThémisàGaia,cf.J.RUDHARDT , op.cit. [n.77], p.4850. 100 Pindare, Isth. ,VIII,v.26a35a(cf. infra ,p.186).Cetoraclen’estpasforcémentidentiqueàceluique ThétisrévèleauseulProméthée,puisquelethèmedel’enfantpluspuissantquesongéniteurconnaîtaumoins POSÉIDONARCHAÏQUE 181

épithètesévoquantsanoblesseetsabeauté(αἰδο ίη, ἠυγεν ής, καλλιπ άρηος, λιπ άρη)101 , la déesse qui sait l’avenir et conseille en conséquence pourra être appelée ὀρθ όβουλος par Eschyle,εὔβουλοςparPindare. Cesconnaissancesvéridiquesnesontpasl’apanageexclusifdeThémis.LaTitanide Mémoire(Μνηοσ ύνη),autrefilled’OuranosetGaia102 ,constituel’exactcorrespondantde sasoeurThémisencequ’ellesaitexactementlepassé.Bienplus,l’uniondeMnémosyneet deZeusapermislanaissancedesMuses(Μο ῦσαι)103 ,authentiquesmaîtressesdevérité, commeces«fillesdugrandZeus,àlaparoleajustée»(κο ῦραιεγ άλουι ὸς ἀρτι έπειαι)104 lerevendiquentsansfard105 : Ἴδενψε ύδεαπολλ ὰλ έγειν ἐτύοισιν ὁο ῖα, ἴδενδ’εὖτ’ἐθέλωεν ἀληθ έαγηρ ύσασθαι. «Noussavonsdiredenombreuxmensonges,quisemblentvéritables, maisnoussavonsaussi,quandnouslevoulons,faireentendrelevéridique.» Toutefois,lescapacitésdecesdéessesnesecantonnentpas—commeleferaitcroireleur ascendancematernelle—auxchosesdupassé,puisquelesMusescharmentleurpère106 , εἴρουσαιτ άτ’ἐό ντατ άτ’ἐσσ όεναπρ ότ’ἐό ντα «endisantcequiest,cequiseraetcequiétaitauparavant». Enfin,lesMusescomplètentparfaitementlepouvoirdeThémiseninspirantlesroissensés (βασιλ ῆες ἐχέφρονες),detellesortequeceuxcitranchentlessentencesémisesparlesplai deurs(διακρ ίνεινθ έιστας)pardesarrêtsdroits( ἰθε ῖαιδ ίκαι)107 . b) Ladoubleconnaissancedufuturetdupassé—conféréeàZeusparsesunions aveclesTitanidesThémisetMnémosyne,etexpriméeparlanaissancedesMuses—s’op poseausavoirreprésentéparl’OcéanideMêtis,enmêmetempsqu’ellelecomplète:lecer taind’unepart,lepossibled’autrepart;lesprophétiesdelaterred’uncôté,ladivination parl’eaudel’autre108 .Àcetitre,les«desseins»(ήδεα)d’unOcéanosadressésàsafille Styx109 —projetencorefloudel’avenir—contrastentavecles«avis»(φραδοσύναι)de GaiaetOuranosdestinésàRhéa,àZeusetauxOlympiens110 —explicationtrèsnettedu futur.Lasuccession—ouplutôtunenchevêtrementinextricable— de la ῆτιςetdela θέις est néanmoins indispensable à Zeus pour accéder au pouvoir d’abord, pour s’y mainteniréternellementensuite111 :sansl’une,pasdevictoiresurlesadversairesautrône unevariante—lefilsdevantnaîtredeMêtis,vaincu avantmême de venirau jour—; contra , cf. J.RUD HARDT , op.cit. [n.77],p.4748. 101 Cf. LfgrE ,t.II,col.994, s.u. «θέις,Θ έις**». 102 Hésiode, Théog. ,v.132138. 103 Ibid. ,v.5362,915917. 104 Ibid. , v.30. Les Muses seront également qualifiées d’«Olympiades à l’agréable parole» ( ἡδυ έπειαι | Μο ῦσαι Ὀλυπι άδες):cf. ibid. ,v.965966,[10211022]. 105 Ibid. ,v.2728(éd.M.L.WEST ,Oxford,1971 2). 106 Ibid. ,v.38(éd.M.L.WEST ,Oxford,1971 2).LesMusesdonnent précisémentà Hésiodelepouvoir «dechantercequiseraetcequiétaitauparavant»( ibid .,v.32). 107 Ibid. ,v.8093. 108 Cf. e.a. M.DETIENNE , Les maîtres de vérité dans la Grèce archaïque , Paris, 1981 2, ch.IIIII, p.950; M.DETIENNE & J.P.VERNANT , op.cit. [n.13],p.104105.Zeusestlemaîtredetousles oracles (πανο φα ῖος):Homère, Il. ,VIII,v.250;Hésiode,fr.150(Merkhelbach&West),v.[12].Cf.également LfgrE ,t.II, col.856873, s.u. «Ζε ύς**»,enpart.col.868,§7. 109 Hésiode, Théog. ,v.397398. 110 Cf. supra ,n.9396. 111 Cf.M.DETIENNE &J.P.VERNANT , op.cit. [n.13],p.104107. POSÉIDONARCHAÏQUE 182 divin,nidediscernementdubienetdumal;sansl’autre,pasdejusterépartitiondesτια ί nid’obtentionlégitimedelaβασιλη ὶςτι ή.Grâceàlaconjonctiondesdeuxdéesses,Zeus détientladoubleconnaissancedes ἄφθιτα ήδεαetdesθ έσφατα;MêtisetThémisfontde luilemaîtredudestin,ledieudontlesvolontés(βουλα ί)112 seconfondentavecladestinée universelle. Danscetteoptique,ThémisdonnefinalementlejourauxMoires,fillesdeZeusàqui leurpèreaimpartileplusgrandhonneur(πλε ίστη τι ή):accorderauxmortelsheurset malheurs113 .D’unepart,lenommêmedecesPortions(Μο ῖραι)seréfèreaupartagedes τια ίopéréparZeusparmilesdieux,quiserarépétéchezleshommes:chacunreçoitune portion(ο ῖρα)propre,quicorrespondàuncertainhonneur(τι ή)auseind’unensemble structuré (κόσος); l’observance de la θ έις pérennise tout le système. D’autre part, le pouvoirdesMoiresprocèdenaturellementdelacapacitédeZeusàdistinguerlebiendu mal,quiluiestprocuréeparMêtis114 :ilestd’ailleurssignificatifqueleroidesdieuxsoit dénomméητ ίεταΖε ύςdanscepassage.L’imagedesdeuxjarresdeZeus,développéedans undiscoursd’AchilleàPriam,résumebiencetteconceptiondelatoutepuissancedeZeus dansl’attributiondulotdesmortels:Zeusprenddansunejarrelesmaux,dansl’autreles bienfaits,etcréeainsilesortdechaquehomme115 . Cependant,s’ilagitquelquefoisdeconcertaveclaMoireetl’Érinye,parexempleau momentd’inspireràAgamemnonlafunesteerreurdepriverAchilledesonγ έρας116 ,Zeus estparfoisimpuissantfaceaudestin:quoiqu’ilenaitlepouvoiretledésir,ilneluiestpas permisd’arracherSarpédonouHectoràleurportiond’existence(ο ῖρα)respective,alors que chacun d’eux est depuis longtemps marqué par le destin (πάλαι πεπρω ένος α ἴσῃ), commeleluirappellentrespectivementHéraetAthéna117 .Bienplus,Zeusesttoutàfait démunifaceàlanécessité( ἀνάγκη),quefontrespecterMoiresetÉrinyes118 : —Τ έχνηδ’ ἀνάγκης ἀσθενεστ έραακρ ῷ. —Τ ίςο ὖν ἀνάγκης ἐστ ὶνο ἰακοστρ όφος; —Μο ῖραιτρ ίορφοιν ήον έςτ’ Ἐριν ύες. —Tο ύτων ἄραΖε ύς ἐστιν ἀσθεν έστερος; —O ὔκουν ἂν ἐκφ ύγοιγετ ὴνπεπρω ένην. —T ίγ ὰρπ έπρωταιΖην ὶπλ ὴνα ἰεὶκρατε ῖν; —Το ῦτ’ο ὐκέτ’ ἂνπ ύθοιο·ηδ ὲλιπ άρει. —Carunemanœuvreestgrandementplusfaiblequelanécessité. —Quidoncestaugouvernaildelanécessité? —LesMoiresauxtroiscorpsetlesÉrinyesdouéesdemémoire. —Zeusestilvraimentplusfaiblequecelleslà? —Assurément,ilnepourraitpasfuirla{portion}marquéeparledestin. —QuemarquedoncledestinpourZeus,sicen’estexercertoujourslepouvoir? —Cela,tunepourraisplusenêtreinformé:n’insistepas. Zeusestdonclejouetdesonpropredestin.Enl’occurrence,lesouveraindesdieuxrisque d’êtredétrônéparsonfils,commeCronosfutévincéparZeus,àcausedelacastration initialed’Ouranos.Iln’estpasanodinquelesÉrinyesépaulentlesMoiresàcetteoccasion, 112 Cf.p.ex.Hésiode, Théog. ,v.465. 113 Ibid. ,v.904906. 114 Ibid. ,v.899900. 115 Homère, Il. ,XXIV,v.527551. 116 Ibid. ,XIX,v.8689. 117 Ibid. ,XVI,v.431458;XXII,v.167185. 118 Eschyle, Prom.ench. ,v.514520(éd.M.L.WEST , BT ,Stuttgart,1992).LedialogueopposeProméthée auchœur. POSÉIDONARCHAÏQUE 183 puisque,d’aprèsHésiode,cesdéessessontissuesdusangd’Ouranosetontdéjàprécipitéla déchéancedeCronos119 .Faceàlanécessité,lalibertéd’actiondeZeusserévèlenulle. Cesexemplesdémontrentquelesouveraindivinesttoutàlafoismaîtreetesclavedu destin.Defait,Zeusnemaîtrisepaslapuissancesupérieurequiagitdanslemondedes dieuxetpeutuniquementéviter,grâceàsaprudence(ῆτις)etàsaconnaissancedessen tencesdudestin(θ έιστες),desubirluimêmelaloidelanécessité.QuantausortqueZeus réserveauxmortels,ilnepourrapasêtrearbitraire,maisdoitimpérativementseconformer aucoursdudestinuniversel,danslerespectscrupuleuxetinconditionneldelaθ έις. 3.–LesépousaillesdeZeusetThémis,quiachèventetpérennisentlasouveraineté chezlesdieux,symbolisentlenécessaireenracinementdurègnedeZeusdansl’ordreuni versel:lasociétédesdieux,dirigéeparunroiincontestable,estenparfaiteadéquationavec lanécessité,quiladépasseetlasoustend;pourleurpart,lesroyautésterrestresdoivent s’efforcerderespectercemodèle.Leroihumain—quitientsafonctiondeZeusmême— adonclachargedeconformerlasociétéqu’ildirigeàcetordreuniversel,enrespectantlui même la θέις,àl’imagedeZeus,enparticulierlorsdelaprisededécisionsetdejuge ments.Celuiquiobserveraceprinciped’équitéassurelemaintiendesonrègneetdeson royaume,ensepliantàlaportiond’existencequiluiestconféréeparlesMoiresetenbéné ficiantdesbienfaitsapportésparlesSaisons;celuiquis’endéfieras’exclutluimêmeetex clutlessiensdel’ordreuniversel,enencourantledésaveudeZeus. Thémis,lesSaisonsetlesMoiressontdoncenmêmetempslescausesetlesconsé quencesdel’ordredeZeus.Ellessontinséparablesdelasouverainetéhumaineoudivine. De ce fait, un Pindare peut célébrer l’union originelle d’un souverain et de la force de cohésionsociale,enassociantauxnoceslesMoires—maîtressesdudestin—,etenfaisant naîtrelesSaisonsdecettepremièrehiérogamie120 : Πρ ῶτον ὲνε ὔβουλονΘ έινο ὐραν ίαν χρυσ έαισιν ἵπποις Ὠκεανο ῦπαρ ὰπαγ ᾶν Μο ῖραιποτ ὶκλ ίακασεν ὰν ἄγονΟ ὐλύπουλιπαρ ὰνκαθ’ ὁδὸν σωτ ῆρος ἀρχα ίαν ἄλοχονι ὸς ἔεν· ἁδὲτ ὰςχρυσ άπυκας ἀγλαοκ άρ πουςτ ίκτεν ἀλαθέας Ὥρας. «Enpremierlieu,c’estlabonneconseillèreThémis,l’ouranienne, que,depuisleseauxd’Océanos,surunattelagedecavalesparéesd’or, lesMoiresconduisaientversunesaintecouche, enempruntantlesplendidechemindel’Olympe pourqu’ellefûtl’épouseoriginelledeZeussauveur; cellecienfantaitcellesaubandeaud’or,auxfruits sublimes,lesSaisonsvéridiques.» Même si cette généalogie diffère sensiblement de celle d’Hésiode, tant dans l’ordre des unionsdeZeusquedansl’originedesMoires,sasignificationestidentique,carlesSaisons, 119 Cf. supra , p. 170171. Selon Hésiode ( Théog. , v.217222), les Moires sont également filles de Nuit (Ν ύξ), apparentées aux Kères qui châtient sans pitié (Κῆρες νηλε όποινοι), et ces déesses poursuivent sans relâche les transgressions (*παραβασ ίαι) des hommes et des dieux jusqu’à obtenir réparation (cf. aussi ps.Hésiode, Boucl. ,v.248263).Cessombresdivinitésdelamortetdelavengeance,gardiennesd’unordre cosmique,sontdonctrèsprochesdesÉrinyesd’unpointdevuefonctionnel;cf.e.a. LfgrE ,t.II,col.699 700, s.u. «Ἐριν ύς**»;col.14031407, s.u. «κήρ,Κ ήρ»;t.III,col.244249, s.u. «ο ῖρα,Μ.». 120 Pindare, Hymn. ,I=fr.30,v.17(éd.H.MAEHLER , BT ,Leipzig,1989).Ilesttoutàfaitcohérentque cemêmepoètefassedeThémissalvatrice(σώτειρα)laparèdredeZeushospitalier(ξ ένιος),laquelleneserait honoréenullepartautantqu’àÉgine:cf.Pindare, Ol. ,VIII,v.2123. POSÉIDONARCHAÏQUE 184 fillesdeZeusetThémis,combattentladémesure( ὕβρις)—antithèseparfaitedelaθέις— etincitenttoutaucontrairel’hommeàseplieràl’ordredumonde,etàs’yinscrire121 : Ἐντ ᾷγ ὰρΕ ὐνο ίανα ίει,κασιγν ήτατε,β άθρονπολ ίων ἀσφαλ ές, ίκακα ὶὁότροφοςΕ ἰρήνα,τ άι’ἀνδρ άσιπλο ύτου, χρ ύσεαιπα ῖδεςε ὐβο ύλουΘ έιτος· ἐθέλοντιδ’ ἀλέξειν ῞Υβριν,Κ όρουατ έραθρασ ύυθον. «Carlà[àCorinthe]habitentBonneOrganisationetsesdeuxsœurs—assisesolidedescités—, JusticeetPaix,quisontélevéesensemble,dispensatricesderichessesauxhommes, enfantsparéesd’ordelabonneconseillèreThémis: defait,ellesdésirentrepousser Démesure,mèred’Orgueil,audiscourshardi.»

121 Pindare, Ol. ,XIII,v.610;cf.également Péans ,I=fr.52a(Maehler),v.510. POSÉIDONARCHAÏQUE 185 ZeusetPoséidon:frèresennemis DesaffinitésdePoséidonaveclesroyautéshumaineetdivine—patentesdanslaPylos mycénienne—demeurentquelquessouvenirsdanslatraditionlittéraireduI er millénaire,en particulierdansl’épopéehomérique.AlorsqueZeusyestincontestablementlesouverain desdieuxetdeshommes,plusieursépisodesopposentouassocientZeusetPoséidonsurle plandelasouverainetéuniverselle;Hadès,quiapparaîtcommetiersCronidedèslespoè meshésiodiquesethomériques,faitpâlefigureparrapportàsesdeuxfrères. D’unepart,Poséidonsevoitattribuerdesépiclèses,desattributsetdesfonctionsqui paraissentcaractérisersonhégémonie:decepointdevue,ZeusetPoséidonseraientdes divinitéséquivalentesetinterchangeables.D’autrepart,lestenantsetlesaboutissantsdes affrontementsdirectsentrelesdeuxfrèresautourdelaquestiondelasouveraineté,notam mentauchantXVdel’ Iliade ,démontrentclairementquelesprétentionsetaspirationsde Poséidonaupouvoirsuprêmesontabsolumentvaines,carledieuluimêmeestfondamen talementincompatibleaveclenouvelordresocialinstauréparZeus.

—DIEUXPRESQUEÉQUIVALENTS ? Dansl’épopée,PoséidonpartageavecZeusplusieursépiclèsesdénotantsaforcebru taleetsapuissanceredoutable( ἄριστος,κρε ίων, έγας; ἐρισθεν ής,ε ὐρυσθεν ής;βαρ ύκτυπος, ἐρίκτυπος , ἐρισφ άραγος)122 ;commeZeus,Apollonetquelquesautresdieux,ilestégale menthonorédutitred’ ἄναξ123 .CettepuissanceavéréedePoséidonl’autoriseàrivaliser avecZeusdanssonactionparmileshommesetparmilesdieux. Zeus et Poséidon, les deux plus puissants dieux du panthéon épique, assurent le bonheur ou le malheur des mortels, comme le montre une réflexion d’Hésiode, lequel précisequ’aucunnavirenesauraitfairenaufragedurantlasaisonnavigable124 , εἰδ ὴ ὴπρ όφρωνγεΠοσειδ άων ἐνοσ ίχθων ἢΖε ὺς ἀθαν άτωνβασιλε ὺς ἐθέλησιν ὀλέσσαι· ἐντο ῖςγ ὰρτ έλος ἐστ ὶν ὁῶς ἀγαθ ῶντεκακ ῶντε. «àmoinsquelezèledePoséidon,l’Ébranleurdusol, oudeZeus,leroidesImmortels,neveuilleleperdre: carenceuxcisetrouveenmêmetempsl’accomplissementdesbiensetdesmaux.» Cettepensée,quiprendappuisurunexempletrèsconcret—oùentrentenjeulesqualités dedieudesséismesetdesrazdemaréepourPoséidon,dedieudesoragesetdestempêtes pourZeus—,s’achèvesurunprécepted’ordrebeaucoupplusgénéral,relatifauxbienfaits dont sont susceptibles les deux Cronides. D’autres exemples épiques montrent que le concours de Zeus et Poséidon garantit la félicité des mortels, par exemple dans le cas d’Antiloque—aimédesdeuxCronidesetinstruitpareuxdetouslesartséquestres125 — oud’Héraclès—honoréparZeusetPoséidon,quiluilivrentCycnos126 —;inversement, ladiscordancedeZeusetPoséidonentraînedesennuissansfins,telleslespéréginations 122 Cf. LfgrE , t.III, s.u. «Ποσειδᾱων , Ποσειδ έων, Ποσειδ ῶν», col.1473, §2, ainsi que supra , p.175. PindareaccordemêmeàPoséidonquelquesépiclèsesproprestraduisantlapuissancedudieu,tellesεὐρυβ ίας (Ol. ,VI,v.58),ε ὐρυ έδων( Ol. ,VIII,v.31),εγασθεν ής( Ol. ,I,v.25)ouδεσπ ότας( Ol. ,VI,v.103; Pyth. ,IV, v.207; Isth. ,VI,v.5;cetitres’appliqueàZeusen Nem. ,I,v.1314,àAmmondanslefr.36[Maehler],v.1). 123 Cf. LfgrE ,t.I,col.781790, s.u. «ἄναξ»,enpart.col.784785,§1a. 124 Hésiode, Trav. ,v.667669(éd.M.L.WEST ,Oxford,1980 2). 125 Homère, Il. ,XXIII,v.306308. 126 Ps.Hésiode, Boucl. ,v.103107. POSÉIDONARCHAÏQUE 186 d’Ulyssedansl’ Odyssée ;enfin,l’oppositioncommunedeZeusetPoséidoncontrelesmor telsprovoquedescatastrophesterrifiantescommeladisparitiondesTelchines,dontlaterre futfrappéeparlefoudreetletrident,etengrandepartieenseveliedanslesflots127 . LacompétitionqueselivrentZeusetPoséidonpourexercerlepouvoirparmiles hommessedérouleaussidanslemondedesdieux.Àcesujet,ilestintéressantdenoterque lesdeuxCronidessontenlicepourépouserThétis,avantqueThémisnerévèledesoracles contraires:lefilsdelaNéréideseraitpluspuissantquesonpère,etdeviendraitsouverain desdieuxs’ilétaitengendréparZeusouPoséidon128 . Τα ῦτακα ὶακ άρων ἐέναντ’ ἀγορα ί, Ζε ὺς ὅτ’ ἀφ ὶΘ έτιος ἀγλα όςτ’ ἔρισανΠοσειδ ὰνγ άῳ, ἄλοχονε ὐειδ έαθ έλων ἑκάτερος ἑὰ ν ἔεν· ἔρωςγ ὰρ ἔχεν. Ἀλλ’ο ὔσφιν ἄβροτοιτ έλεσανε ὐνὰνθε ῶνπραπ ίδες, ἐπε ὶθεσφ άτων< ἐπ> άκουσαν·εἶπεδ’εὔβουλος ἐν έσοισιΘ έις, εἵνεκενπεπρω ένον ἦν,φ έρτερονπατ έρος ἄνακταγ όνοντεκε ῖν ποντ ίανθε όν, ὃςκεραυνο ῦτεκρ έσσον ἄλλοβ έλος δι ώξειχερ ὶτρι όδοντ όςτ’ ἀαιακ έτου,Ζην ὶισγο έναν ἢι ὸςπαρ’ ἀδελφεο ῖσιν.[…] «Celaaussi,lesassembléesdesbienheureuxs’enétaientsouvenues, lorsqu’ausujetdeThétis,sequerellèrentZeusetlesublimePoséidon,pourunmariage!, chacunvoulantqu’ellefûtsapropreépouse, àl’aspectgracieux:defait,l’amourlestenait. Maislesintelligencesimmortellesdesdieuxneréalisèrentpascetteunion, aprèsqu’ilsprêtèrentl’oreilleauxoracles:car,déclaralabonneconseillèreThémisaumilieud’eux, puisquec’étaitmarquéparledestin,ladéessemarineenfanteraitunsouverain, rejetonpluspuissantquesonpère, quidesamainlanceraitunautretrait,plusfortquelefoudre etqueleredoutabletrident,sicellecis’unissaitàZeus ouaveclesfrèresdeZeus.»[…] DesiredoutablesprédictionsforcentZeusetPoséidonàmarierThétisaumortelPélée, afinqu’Achillenaissedecetteunion. CeschémaévoquebiensûrlesnocesdeZeusetMêtis—lesquelless’achèventpar l’engloutissementdeladéessepouréviterlamise aumonded’unfilspluspuissantque Zeusetsonfoudre129 —,ouleterriblesecretrévéléparThémisàProméthée—concer nantunenfantànaîtred’uneprochaineuniondeZeus,lequelinventeraitunfeupluspuis santquelafoudre,unvacarmeplusfortqueletonnerre,ainsiqu’unfléaumarinébranlant laterreetsurpassantletridentdePoséidon130 .LesnocesavortéesdeThétisavecl’undes deuxCronidess’inscriventdoncpleinementdanslecanevasdesmythesdesuccession,qui voientnécessairementlefilsdétrônersonpère:lefaitquePoséidonpuissedevenirl’undes maillons de cette chaîne de succession est un indice en faveur de ses affinités avec la fonction royale. L’association fréquente du foudre et du trident comme instruments et 127 Cf.Pindare, Péans ,IV,v.4045. 128 Pindare, Isth. ,VIII,v.26a35a(éd.B.SNELL &H.MAEHLER , BT ,Leipzig,1971 5). 129 Cf. supra ,p.173,ainsiqueHésiode (?),fr.343,v.68(éd.R.MERKELBACH &M.L.WEST ,Oxford, 1967): ἐξαπαφ ὼνΜ ῆτινκα ίπερπολ ύιδριν ἐοῦσαν·|συ άρψαςδ’ὅγεχερσ ὶν ἑὴ ν ἐγκ άτθετονηδ ύν,|δε ίσας ὴτ έξῃκρατερ ώτερον ἄλλοκεραυνο ῦ,«aprèsavoirtrompéMêtis,quoiqu’ellefûttrèssavante:l’ayantsaisie, celuicilafitdescendrededanssonventre,craignantqu’ellen’enfantâtquelquechosed’autre,plusbrutalque lefoudre». 130 Cf. supra ,p.172et,enpart.,Eschyle, Prom.ench. ,v.920925;lacorrectionàapporteréventuellement audébutduv.925estdiscutéechezM.L.WEST , op.cit. [n.38],p.312314. POSÉIDONARCHAÏQUE 187 symbolesdeladominationsurleshommesetlesdieux,danslerécitdeladestructiondes TelchinescommedanslesdeuxoraclesdeThémisévoquéscidessus,constitueunsecond indiceencesens. D’uncertainpointdevue,letridentdePoséidonestl’exactcorrespondantchtonien du foudre céleste de Zeus: ainsi s’équivaudraient les deux Cronides. Au chant XX de l’ Iliade ,lareprisesolennelleducombatdesdieux,voulueparZeus,estunbonexemplede cettepartitiondumonde:duhautdescieux,Zeusfaitretentirunterribletonnerre,tandis quededessouslaterre,Poséidonprovoqueuntremblement,àtelpointqu’Hadès—tiers Cronideimpuissant—craignequesondomainen’apparaisseaugrandjour131 .Lesépiclè sesépiquesetlyriquesdePoséidonquidisentlesrapportsdudieuauxséismes(γαι ήuel γαι άοχος,δαασ ίχθων, ἐλασ ίχθων, ἐλελ ίχθων, ἐννοσ ίγαιος, ἐννοσ ίδας, ἐνοσ ίχθων,κινητ ὴργ ᾶς uel γα ίης, σεισ ίχθων) comme sa maîtrise du trident ( ἀγλαοτρια ίνας, ε ὐτρια ίνας, ὀρσοτρια ί νας)132 sontdonclependantdesappellationsdeZeuscommedieudel’Orageporteurdu foudre133 .

—DIEUXRADICALEMENTDIFFÉRENTS DèslorsqueZeusetPoséidonentrentenconflitdirectautourdelaquestiondela souveraineté, ilapparaîtdistinctement que les deux Cronides ne peuvent s’équivaloir au seindelasociétédivine.L’ Iliade fournitquelquesexempleséclairantsdecesconfrontations, quiculminentavecl’oppositionouverteduchantXV.Poursaisirledétaildecetterivalité entreZeusetPoséidon,ilserévélerautiledemettreenperspectivelesdifférentesétapesde l’altercationetdeciterlalettredutexte:nousobserveronsd’abordlesprémissesdelaque relle,analyseronsensuiteleconflitenluimêmeetconcluronsenfinsurlesenjeuxdelapré éminencedeZeusetl’impossibilitédupouvoirdePoséidon. 1.–Sesouvenantcertainementdespéripétiespassées—lorsqu’Héra,Athénaetlui mêmemanquèrentdepeud’enchaînerZeus,maisdurentrenoncer inextremis àleurprojet, faceausoutienquel’HécatonchireBriaréeÉgéon,appeléparThétis,manifestaauroides dieux134 —,PoséidonsemontrepusillanimeaumomentoùHéral’exhorteàrepousserles TroyensetàprendreparticontreZeus,afindepermettrelavictoiredesDanaens135 : Τὴνδ ὲ έγ’ὀχθ ήσαςπροσ έφηκρε ίων Ἐνοσ ίχθων· «Ἥρη ἀπτοεπ ές,ποῖοντ ὸν ῦθον ἔειπες; Οὐκ ἂν ἔγώγ ’ἐθέλοιιι ὶΚρον ίωνι άχεσθαι ἡέαςτο ὺς ἄλλους, ἐπε ὶἦπολ ὺφ έρτερ ός ἐστιν.» «Mais,grandementindigné,lepuissantÉbranleurdusolluirépondit: “Héra,effrontée!,queldiscoursastutenulà? Pourmapart,jenevoudraispasquenouscombattionsleCronideZeus, nousautres,puisqu’ilestvraimentbeaucouppluspuissant.”»

131 Homère, Il. ,XX,v.5665. 132 Cf. e.a. LfgrE , t.III, s.u. «Ποσειδᾱων, Ποσειδ έων, Ποσειδ ῶν», col.1475, §3g; Pindarus. ParsII. Fragmenta. Indices (éd. H.MAEHLER ), BT , Leipzig, 1989, p.201, s.u. «Ποσειδ άων (Ποσειδ άν, Ποτειδ άν)». L’expressionκινητ ὴργ ᾶςsetrouvechezPindare, Isth. ,III/IV,v.37,tandisqueγα ίηςκινητ ήρκα ὶἀτρυγ έτοιο θαλ άσσης se lit dans l’ Hymne homérique à Poséidon , v.2; l’épiclèse δαασ ίχθων est un hapax legomenon de Bacchylide, Dith. ,II,v.16. 133 Cf. supra ,p.175176. 134 Ibid. ,I,v.396406. 135 Ibid. ,VIII,v.198211(citationdesv.208211,éd.M.L.WEST , BT ,Stuttgart&Leipzig,1998). POSÉIDONARCHAÏQUE 188

Cependant,quelquetempsplustard,alorsqueZeus détournesonattentionducombat, PoséidonnepeutserésoudreàlaisserlesAchéensendérouteetdécidedeprendrepartau combat:souslestraitsdudevinCalchas,puisduroiThoas,enfind’unvieillard,ilharangue leshérosgrecs.L’offensivereprend,faceauxTroyensd’Hector—excitésparZeus,qui souhaiteglorifierAchilleoffenséetsamèreThétis—,àtelpointquel’aèdeconstate136 : Τὼδ ’ἀφ ὶςφρον έοντεδ ύωΚρ όνουυ ἷεκραται ώ ἀνδρ άσιν ἡρώεσσιντετε ύχατον ἄλγεαλυγρ ά. […] Ἦ ὰν ἀφοτ έροισινὁὸνγ ένος ἠδ’ἴαπ άτρη, ἀλλ ὰΖε ὺςπρ ότεροςγεγ όνεικα ὶπλε ίοναεἴδη. «QuantauxdeuxpuissantsfilsdeCronos,parleurvouloiropposé, ilsavaientpréparéauxnoblesguerriersdefunestessouffrances. […] Biensûr,tousdeuxontlamêmeorigine,etunecommunefiliation, maisZeusétaitnélepremieretjouissaitd’unplusgrandsavoir.» L’inférioritédéclaréedePoséidonobligeledieuàcetteactiondiscrète,souslecouvertd’un aspecthumain,àl’insudesonfrèreZeus;Poséidonnesedévoileraqu’àpartirdumoment oùZeusseseraabandonnéausommeil,àlasuited’unstratagèmed’Héra137 . Lesdeuxpassagescités,quiparticipentdumêmemouvement,annoncentclairement lestroismotifsdelasupérioritédeZeussurtouslesdieux,etsingulièrementsurPoséidon: Zeusestdebeaucouppluspuissantquelesautresdieux;ilestlepremiernéparrapportà Poséidonetensaitdavantagequelui. Auvudel’ensembledelatraditionépique,lesdeux premiers arguments invoqués peuventparaîtrepeufondés:d’unepart,lerécitdel’enchaînementmanquédeZeusetla puissancechtoniennereconnueàPoséidontendentàdiscréditerlemodèled’undieusur passanttrèsnettementtouslesautres;d’autrepartetsurtout,laprimogénituredéclaréede Zeusestencontradictionflagranteaveclecredohésiodique,oùZeusapparaîtcommele dernierenfantdeCronosetRhéa,toutenétantspécifiquementdésignécommele«plus jeune»( ὁπλ ότατοςπα ίδων)138 .Zeusluimêmereconnaîtd’ailleurslapuissanceetl’antiquité dePoséidon,enluiconcédantlaforcephysique(κρατερ όςπερ ἐώ ν)dansl’ Iliade etenle désignantsuperlativement(πρεσβ ύτατοςκα ὶἄριστος)dansl’ Odyssée 139 . Seulletroisièmeargumentestvéritablementincontestable:parladoubleconnaissan cedesdesseins( ήδεα)etdesoracles(θ έσφατα),enterinéeparsesnocessuccessivesavec MêtisetThémis,Zeusestnécessairementleplussavantdesdieux,maisdevientégalement l’initiateuretlefondementdetoutesociétérégléeparl’ordreetlajustice140 .Quoiqu’ilsoit extrêmementpertinent,cetargumentestcomplètementpassésoussilencelorsdelajoute oratoire opposant Zeus et Poséidon par Iris interposée: les raisons de cette curieuse omissionmériterontuneréflexionapprofondie. 2.–ConstatantàsonréveillerôleactifquejouePoséidondanslamêléeauxcôtés desAchéens,Zeusprendd’abordHéraàpartie—laquellesedéfendfaussementdetoute collusionavecl’Ébranleurdusol—,puisluifait manderIrisetApollon,pourrenvoyer Poséidonchezluietrendrel’ardeuràHectoretauxTroyens.Apeurée,Héras’exécute,en

136 Ibid. ,XIII,v.345346et354355(éd.M.L.WEST , BT ,Munich&Leipzig,2000). 137 Ibid. ,XIIIetXIV, passim . 138 Hésiode, Théog. ,v.453458,478479. 139 Homère, Il. ,XV,v.164; Od. ,XIII,v.141142. 140 Cf. supra ,p.181183. POSÉIDONARCHAÏQUE 189 déclarantauxOlympiensqueZeussedit,parmilesdieuximmortels,lemeilleurenpuissan ceetenvigueur(κάρτε ΐτεσθ ένε ΐτε ἄριστος)141 .ZeusinvestitalorsIrisd’unmessage,quela déessetransmetfidèlementàPoséidon142 : Ἀγχο ῦδ ’ἱστα ένηπροσ έφηκλυτ ὸν Ἐννοσ ίγαιον· «Ἀγγελ ίηντιν άτοι,γαι ήοχεΚυανοχα ῖτα, ἦλθονδε ῦροφ έρουσαπαρα ὶι ὸςα ἰγι όχοιο· παυσ άεν όνσ ’ἐκέλευσε άχης ἠδὲπτολ έοιο ἔρχεσθαιετ ὰφ ῦλαθε ῶν ἠ’ε ἰς ἅλαδ ῖαν. Εἰδ έο ἱο ὐκ ἐπέεσσ ’ἐπιπε ίσεαι, ἀλλ ’ἀλογ ήσεις, ἠπε ίλεικα ὶκε ῖνος ἐναντ ίβιονπολε ίξων ἐνθ άδ’ἐλε ύσεσθαι·σὲδ ’ὑπεξαλ έασθαι ἄνωγει χε ῖρας, ἐπε ὶσεόφησιβ ίῃ πολ ὺφ έρτεροςε ἶναι κα ὶγενε ῇπρ ότερος·σὸνδ ’ο ὐκ ὄθεταιφ ίλον ἦτορ ἶσόνο ἱφ άσθαι,τ όντεστυγ έουσικα ὶἄλλοι.» «Sedressantprèsdelui,{Iris}adressalaparoleàl’illustreÉbranleurdelaterre: “Jesuisvenueici,dieuauxcrinsd’azurquiporteslaterre, porteused’unmessagepourtoi,delapartdeZeusporteégide: ilaordonnéquetucesseslecombat,ainsiquelalutte, puisquetut’enaillesparmilestribusdesdieux,oudanslamerdivine. Parcontre,situn’obéispasàsesparoles,maislesdédaignes, celuicimenaçaitégalementdeveniricipourlutterauxprises; etilt’exhorteàtesoustraireàsespoings, puisqu’ilaffirmeêtrebeaucouppluspuissantquetoiparsaforce, etlepremierparsanaissance;maistoi,tonâmenecraintpas des’affirmerégaleàlui,quemêmelesautresrévèrent.”» L’admonestationtransmiseparIrisàPoséidonfondel’autoritédeZeussurlesdeuxargu mentssusmentionnésdelapuissancephysiqueetdelaprimogéniture.Envertudecesdeux qualitésreconnuesàZeus,Poséidondevraitàlafoisobéirauxinjonctionsdesonfrèreet cesserdeseconsidérercommeégalàlui,souspeined’êtrephysiquementmalmené:ledé batportedoncsurlasouverainetédeZeusparmilesdieux. Immédiatement,Poséidons’emportecontrecetteargumentation143 : Τὴνδ ὲ έγ’ὀχθ ήσαςπροσ έφηκλυτ ὸς Ἐννοσ ίγαιος· «Ὦπ όποι, ἦῥ’ ἀγαθ όςπερ ἐὼ ν ὑπέροπλον ἔειπεν, εἴ ’ὁότιον ἐό νταβ ίῃ ἀέ κοντακαθ έξει. Τρε ῖςγ άρτ ’ἐκΚρ όνουε ἰὲν ἀδελφεο ί,ο ὓςτ έκετο ῾Ρέα, Ζε ὺςκα ὶἐγώ,τρ ίτατοςδ ’Ἀΐ δης, ἐνέροισιν ἀνάσσων. Τριχθ ὰδ ὲπ άνταδ έδασται, ἕκαστοςδ ’ἔορετι ῆς· ἤτοι ἐγὼν ἔλαχονπολι ὴν ἅλαναι έενα ἰεὶ παλλο ένων, Ἀΐ δηςδ ’ἔλαχεζ όφον ἠερ όεντα, Ζε ὺςδ ’ἔλαχ ’ο ὐραν ὸνε ὐρὺν ἐνα ἰθέρικα ὶνεφ έλῃσιν. Γα ῖαδ ’ἔτιξυν ὴπ άντωνκα ὶακρ ὸς Ὄλυπος· τώῥακα ὶο ὔτιι ὸςβ έοαιφρεσ ίν, ἀλλ ὰἕκηλος κα ὶκρατερ όςπερ ἐὼ νεν έτωτριτ άτῃἐνὶο ίρῃ. Χερσ ὶδ ὲ ήτ ίεπ άγχυκακ ὸν ὣςδειδισσ έσθω· θυγατ έρεσσινγ άρτεκα ὶυ ἱά σικ έρδιονε ἴη ἐκπ άγλοις ἐπέεσσιν ἐνισσ έεν,ο ὓςτ έκενα ὐτός, οἵἑθεν ὀτρ ύνοντος ἀκο ύσονταικα ὶἀνάγκ ῃ.» «Mais,grandementindigné,lepuissantÉbranleurdelaterreluirépondit: “Hélas!toutnoblequ’ilest,ilauraparléavecarrogance, 141 Homère, Il. ,XV,v.107108. 142 Ibid. ,v.173183(éd.M.L.WEST , BT ,Munich&Leipzig,2000). 143 Ibid. ,v.184199(éd.M.L.WEST , BT ,Munich&Leipzig,2000). POSÉIDONARCHAÏQUE 190

s’ilmecontientcontremongréparsaforce,quandj’aipartaumêmehonneurquelui. Noussommes,eneffet,troisfrères,issusdeCronos,enfantésparRhéa, Zeusetmoimême,etHadèsletiers,quirègnesurceuxd’enbas. Puistoutfutpartagéentrois,etchacunreçutunhonneur; aprèsletirageausort,j’obtins,quantàmoi,d’habiteràjamais lamergrisâtre,Hadèsobtintlesténèbresbrumeuses, Zeusobtintlelargeciel,dansl’étheretlesnuées. Laterrerestaencorecommuneàtous,ainsiquelegrandOlympe: etd’aucunemanière,jenevivraiencesdeuxendroitsselonlavolontédeZeus,maisbienàmonaise, etquoiqu’ilsoitplusbrutal,qu’ilrestedanssatierceportion. Etqu’ilnem’intimideenriendesespoings,commesij’étaisvraimentunmanant; ilseraitplusutile,eneffet,degourmanderpardesparoleseffrayantes sesfillesetsesfils,qu’ilaengendrésluimême, quil’entendrontlesexciter,etparnécessité.”» LedieureconnaîtbienlapuissancesupérieuredeZeus,maisrécuselaloiduplusfort:un pouvoirlégitimedevraits’établirsurd’autresbases.Or,Poséidontireargumentdelarépar tition—supposéeéquitable—deshonneurs(τια ί)entrelestroisCronidespourjustifier uneégalitéentreeux,etpourrefuserladominationd’aucund’entreeuxsurlesautresdans lesdeuxdomainesdemeuréscommunsàtous. Iris persiste toutefois, et apporte un argument supplémentaire, qui fera finalement fléchirPoséidon144 : Τὸνδ ’ἠε ίβετ ’ἔπειταποδ ήνεος ὠκέα Ἶρις· «Οὕτωγ ὰρδ ήτοι,γαι ήοχεΚυανοχα ῖτα, τόνδεφ έρωι ὶ ῦθον ἀπην έατεκρατερ όντε, ἦτιεταστρ έψεις;στρεπτα ὶ έντεφρ ένες ἐσθλ ῶν. Οἶσθ ’ὡςπρεσβυτ έροισιν Ἐριν ύεςα ἰὲ ν ἕπονται.» Τὴνδ ’α ὖτεπροσ έειπεΠοσειδ άων ἐνοσ ίχθων· «Ἶριθε ά, άλατο ῦτο ἔποςκατ ὰο ῖραν ἔειπες· ἐσθλ ὸνκα ὶτ ὸτ έτυκται, ὅτ’ἄγγελοςα ἴσιαε ἴδῃ. Ἀλλ ὰτ όδ’α ἰνὸν ἄχοςκραδ ίηνκα ὶθυ ὸν ἱκάνει, ὁππ ότ’ἂν ἰσόορονκα ὶὁῇπεπρω ένονα ἴσῃ νεικε ίειν ἐθέλησιχολωτο ῖσιν ἐπέεσσιν. Ἀλλ ’ἤτοιν ῦνένκενεεσσηθε ὶς ὑποε ίξω.» «Maisalors,laprompteIris,auxpiedsrapidescommelevent,luirépliqua: “Estcevraimentencestermesqu’entonnom,dieuauxcrinsd’azurquiporteslaterre, jerapporteraiàZeuscediscourshostileetbrutal, ouychangerastuquelquechose?Lavolontédesgrandesâmesnepeutêtreinflexible. TusaisàquelpointlesÉrinyesprennenttoujourslepartidesaînés.” EtPoséidon,l’Ébranleurdusol,derépliquerensuite: “DivineIris,tuasproférécetteparoleenexacteproportion; Mêmecequisepasseestrespectable,pourvuquelemessagersachelamesuredeschoses. Maisterribleestladouleurquienvahitmoncœuretmonesprit, chaquefoisqu’ilveutmecherchernoisepardesparolesfielleuses, àmoiquiaiuneportionégaleetsuis,danslamêmemesure,marquéparledestin. Maisbon!,encescirconstances,toutirritéquejesuis,jemeretirerai.”» Nonsansappeleràlaruineultimed’IlionetàlavictoiredesArgiens,Poséidonabandonne alorslabatailleenlaissantlechamplibreàApollon,chargéparZeusderanimerlafougue d’Hector. Seull’argumentdelaprimogéniture—quisemblepourtantleplusadventiceauvu delatraditionépique—estdoncjugérecevablepourlégitimerl’ordredeZeus.Lestermes employés( ὁότιος,ἰσόορος, ἔορετι ῆς,κατ ὰο ῖραν)démontrent,eneffet,quecedé 144 Ibid. ,v.200211(éd.M.L.WEST , BT ,Munich&Leipzig,2000). POSÉIDONARCHAÏQUE 191 batentreZeusetPoséidonautourdelasouverainetédivineserésumeàladéfinitiond’une organisationgénéraledelasociétéenfonctiondeprincipespartagéspartoussesmembres etgarantisparunordresupérieur.Telesttoutl’enjeuprofonddecettequerelle. 3.–AumêmetitrequeleconflitentreAgamemnonetAchille,l’altercationopposant ZeusetPoséidonmetenjeulaquestiondel’équitésociale.Constituantunaxecentralde l’ Iliade ,cesdifférends—quiconcernentd’unepartlemondedeshommes,d’autrepartle mondedesdieux—sontlesdeuxfacettesd’unemêmeréflexionsurlasociété. Enintervenantd’initiativesurlechampdebataille,Poséidonoutrepassesciemment lesinstructionsdeZeus:ledieufaitfidel’autoritéuniverselledesonfrère,carilsepose d’embléeenégal( ἶσος)àlui,aumoinsdanslesdomainesquineconstituentpasl’apanage exclusifd’undestroisCronides.Defait,Poséidonaffirmepartagerlemêmehonneur( ὁό τιος)queZeusensefondantsurlatripartitionquis’opéraentrelestroisfilsdeCronos: chacunreçutunhonneur( ἔορε τι ῆς) et obtint par tirage au sort ( ἔλαχε παλλο ένων) d’habiterunecertainepartiedumonde,paraprèsdésignéecommeétantlaportion(ο ῖρα) propreàchacun. Cefaisant,Poséidonconfondlaτι ήetlaο ῖρα,etinfèredel’équivalencedespor tionsunenécessaireidentitédeshonneurs.Or,quoiquelaο ῖραéchueàchaquedieupuis seêtreconsidéréecommel’expressiond’uneτι ήparnatureimmatérielle,cetteportionne circonscritpasentièrementl’honneurquilasoustend.L’argumentationdePoséidonrepo sedoncsuruneassimilationabusive:silestroisportions(ο ῖραι)occupéesparlesCroni dessontéquivalentes,puisquerésultantdupartageentroispartiesd’unhéritagepaternelet faisantl’objetd’untirageausortenbonneetdueforme,leshonneurs(τια ί)sont,quantà eux,différentsethiérarchisés.Cettehiérarchiedériveégalementdupartageinitialdesτια ί: Zeusaobtenulaβασιλη ὶςτι ή145 etHadèsl’honneurd’êtrelesouverain(κο ίρανος, ἀνάσ σων)desmorts146 ;quantàPoséidon,àencroireson Hymne ,ilauraitreçuledoublehon neurd’êtredompteurdechevauxetsauveurdenavires147 . Dès le moment où, par le truchement d’une parole d’Iris, Poséidon s’aperçoit de cettedistinctionfondamentaleentreτι ήetο ῖρα,toutesonargumentationserévèlenulle, etledieun’ad’autrechoixquesesoumettreàl’autoritédeZeusetcesserlecombat.Son ultimereprocheauxfaçonsbrutalesdesonaînéest,àcetégard,trèssignificatif:aulieu d’encore prétendre à un honneur semblable à Zeus ( ὁότιος), Poséidon se revendique seulementuneportionégaleetundestinsemblableàsonfrère( ἰσόοροςκα ὶὁῇπεπρωέ νοςα ἴσῃ).Effectivement,Zeus,PoséidonetHadèsontpartaumêmedestinquifaitd’eux lestroisfilsdeCronos,destinésàhériteràpartségalesdesdomainespaternels148 . Toutefois,commenousl’avonssignalé,l’argumentdécisifdanscedébatsurlesparts d’honneur—ledroitd’aînessedeZeus—,quiamènePoséidonàreconnaîtrelaβασιλη ὶς τι ήetl’autoritédeZeus,sembleenporteàfauxaveclesdonnéesdel’ Odyssée etdela Théo gonie .Biensûr,onpourraitarguerqueZeusnes’inclutpasdanslacommunautédesdieux quandilreconnaîtPoséidoncommeπρεσβ ύτατοςκα ὶἄριστος149 ,ouquel’ordrederégurgi

145 Cf. supra ,n.74. 146 Cf.e.a. HymnehomériqueàDéméter ,I,v.8587,347;Homère, Il. ,XV,v.188;Hésiode, Théog. ,v.850. 147 HymnehomériqueàPoséidon ,v.45. 148 Pourladistinctionfondamentaleentrelesnotionsdeτι ήetdeο ῖραdanscetépisode,cf.V.DU SABLON , op.cit. [n.4]. 149 Ainsi,cf. LfgrE ,t.III, s.u. «Ποσειδᾱων,Ποσειδ έων,Ποσειδ ῶν»,§5c,col.1483. POSÉIDONARCHAÏQUE 192 tation des enfants de Cronos leur conférerait un nouvel ordre de naissance150 —Zeus, exempt de cette seconde mise au monde, méritant alors sa prétention d’aînesse sur les Cronides.Outrelefaitquecesdeuxobjectionstiennentdusophisme,ellesnerendentpas comptedelamanièredontPoséidonluimêmeprésentelagénéalogiedesCronides151 et, surtout,oblitèrenttotalementl’intérêtdel’affrontementverbalentreZeusetPoséidon. Enréalité,lesrapportsdepuissanceentrelesdieux,quePoséidonremetenquestion parsonincartadedeschantsXIIIetXIV,nepeuventsepenserautrementqu’àl’intérieur dunouveausystèmederéférencemisenplaceparl’accessiondeZeusautrônedivin.Les récriminationsmêmesdePoséidonseréfèrentàcetordrenouveau,puisqueledieudisqua lifieexplicitementlasupérioritéphysiquedesonfrèrecommejustificationdesonpouvoir universel,etexigeunfondementjuridiqueàcetétatdefait.End’autrestermes,l’opposant deZeusn’apaslafacultédes’extrairedusystèmed’ordreetdejusticedontZeusestle fondateuretlaclefdevoûte.Danscesconditions,Poséidonn’aplusaucuneraisondepré tendreàlasouverainetéauseindecemodèlesocial—quiestlecadredepenséedessocié tésgrecquesd’époquearchaïque—,carsesvelléitésmêmesruineraientleditmodèle:une prisedepouvoirdesapartseraituneentorseirréparableàlaθέιςquisupportelasociété desdieuxet,demanièregénérale,toutelasociétégrecquearchaïquedanssonensemble. L’argumentdelaconnaissancesupérieuredeZeus—quiesttudansledébatpourla souverainetésuprême—estdonclabasedetoutce système de pensée. Les épousailles avecThémisetl’amalgameavecleprinciperégulateurdesrelationssocialesqu’estlaθέις placent defacto Zeusausommetd’unsystèmesocialdontilestlegarant.Quandbienmême cesavoirdeZeusn’estpastextuellementrevendiqué,ilestvécuparlesprotagonistesdela querelleetconstituelecadrederéférencedudébat,donttoutl’enjeuestladéfinitiondela hiérarchieauseindelasociétédesdieux.Decepointdevue,l’allusiond’IrisauxÉrinyes prendtoutsonsens,puisquecesdéessesontlachargedemaintenirl’ordrecosmiqueen veillant,aveclesMoires—fillesdeThémis—àl’exécutiondelanécessité( ἀνάγκη)152 :le règnedeZeusetsasouveraineté—nonseulementsursesenfants153 ,maisaussisurtous lesdieux—sontduressortdelanécessité,etnuldieuouhommenepeuts’enaffranchir. Poséidons’enaperçoitgrâceàIriset,pourcetteraison,loueprécisémentladéessed’avoir parléκατ ὰο ῖραν,c.àd.enconformitéaveclaplacequechacunoccupedanscettesociété patronnéeparZeus154 . Decettemanièrepeutserésoudrel’aporiequeconstituel’aînesse—ounon—de PoséidonsurZeus,ainsiqueleproblèmedeleurforcephysiquerelative:mêmes’ilétait, envaleurabsolue,leplusâgéetlemeilleurdesdieux(πρεσβ ύτατοςκα ὶἄριστος),Poséidon estnécessairement,auseindelasociétédesdieux,inférieurentouspointsàZeus,entant qu’ilévolueauseind’unrepèreétalonnésurlesvaleursincarnéesparZeus.Unrenverse mentdeperspectives’opèredoncàpartirdumomentoùlesdieuxsontobservésàtravers leprismedelasociétédontilsfontpartieetoùchacunestinvestid’uneτι ήparticulière: Zeus,quiestlaraisond’êtredecettesociétéetyjouitdelaβασιλη ὶςτι ή,doitêtresupé rieur à toutes les autres composantes de cet ensemble —dieu de tous les superlatifs, commenousl’avonsdéfini.PeuimportentdonclesqualitésintrinsèquesdePoséidon,Zeus acquiertledroitd’aînesse—garantiparlesÉrinyes—etlaforcesuprême.Cettedouble 150 Encesens,cf. HymnehomériqueàAphrodite ,I,v.2223,oùHistiêapparaîtàlafoiscommelapremière (πρ ώτη)etlacadette( ὁπλοτ άτη)desenfantsdeCronos. 151 Homère, Il. ,XV,v.187188(cf. supra ,p.189190). 152 Cf. supra ,p.182183. 153 Homère, Il. ,XV,v.197199(cf. supra ,p.189190). 154 Cf. supra ,p.178179,ainsiqueV.DUSABLON , op.cit. [n.4]. POSÉIDONARCHAÏQUE 193 caractérisationdeZeus—quifournitledoubleargumentdesupérioritélorsdelaquerelle avecPoséidon—estparadoxalementlaconséquence,plutôtquelacauseprofonde,dela dominationuniverselledudieu,laquelles’étendnonseulementsursaportion(ο ῖρα)du monde,maisaussisurlesdomainescommunsàtous,etmêmesurlesportionsdesesdeux frèresCronides.LaprésencedeZeusàlatêtedelasociétédesdieuxestdoncundonné initial, à partir duquel s’organisent, conformément à la θέις, tous les éléments de cette société:ceciexpliqueque,spontanément,Poséidonseprésenteluimêmecommelepuîné etleplusfaibledesdeux,etreconnaisseimplicitementlesdroitsd’aînessedeZeus. Si,sansl’avertissementd’Iris,Poséidonavaitpersistédanssaméconnaissancedela hiérarchiedesτια ίetdanssonoppositionfaroucheàZeus,ileûtcommisunacted’ ὕβρις exactementcontraireàlaθέιςréglantlasociétédesdieux:peus’enfallutque,devenant unemenacepourl’intégritédelasociététoutentière,ilnefûtreléguéparZeusaubande laditesociété,envoyéauTartarepourgrossirlesrangsdesTitans—dieuxd’enbasentou rantCronos( ἐνέρτεροιθεο ί,Κρ όνον ἀφ ὶς ἐό ντες)—,coupablesd’avoirétélesadversaires duprésentroidesdieux155 .AveccesTitans—dieuxpleinsd’hybris,préolympiens—et, enparticulier,avecleursouverainCronos,Poséidonprésenteplusieurspointscommuns, quenousexamineronsdansuninstant.

155 Homère, Il. ,XV,v.222228. POSÉIDONARCHAÏQUE 194 CronosetPoséidon:telpère,telfils SiPoséidonsedistingueradicalementdeZeus,ilprésenteaucontrairedeprofondesres semblancesavecCronosetaveclesdiversesdivinitéspréolympiennesgravitantautourde cedieuantique.Ayantàl’espritlesmotifsdelasouverainetédeZeusdanslasociétégrec quearchaïque,nousproposonsdemettreenlumièrelapossibilitéd’unrègnedePoséidonà l’époquedespalaismycéniens,dontlesouveniraltéréseseraitmaintenudanslapersonna litéduroiCronos,déchuetexiléparZeus. Enpremierlieu,noussouligneronslesaffinitésdudieuPoséidonavecleséléments divinsopposésàl’ordreetàlasociétédeZeus:CronosetlesTitansd’unepart,lesHéca tonchiresetlesCyclopesd’autrepart.Ensuite,nousmontreronsqueleschémahésiodique desuccessionlinéairedegénérationsdivinesn’estpasleseulmythed’origineorientalequi aitinfluencélapenséegrecque:unmodèlederoyautéparcoexistence,attestédanslareli gionpalatialeougaritique,acertainementmodelél’idéologiereligieusedespalaismycéniens. Pourconclure,nousprésenteronsuneévolutionprobabledudieuPoséidonauseindessys tèmesreligieuxgrecsentrelesépoquesmycénienneetarchaïque,enexploitantlesdonnées grecquesetougaritiquesdansuneperspectivecomparatiste.

—AFFINITÉSGRECQUESDEPOSÉIDON Detouteévidence,Poséidonincarneauseindupanthéon olympien une ancienne puissancechtonienne,aupouvoirfortétendu.Riend’étonnant,donc,àcequ’ilentretienne d’étroitsrapportsavecplusieursdivinitésprimordiales,étrangèresàlasociétédeZeus,mais néanmoinsnécessairesàl’ordredumonde. L’aspectquinousretiendraparticulièrementiciestlaproximitédePoséidonavecles puissancesdivinesfondamentalementopposéesàZeusetàlasociétéqu’ilfonde:lespre mières—CronosetlesTitans—serontvaincuesparlenouveauroidesdieux;lessecon des—lesHécatonchiresetlesCyclopes—serontannexéesparlui.Avectoutescesforces préolympiennes,parnaturehybristiques,Poséidonmontredenombreusesaffinités. 1.–PrèsdeconnaîtrelemêmesortqueCronosetlesTitansàcausedesoninsubor dinationàZeus,Poséidonestfortprochedecettepremièregénérationdedieux,tantpar sonmoded’interventionqueparsesdomainesd’action. Parmilesdieuxdupanthéonépique,PoséidonestleseulàpouvoirtenirtêteàZeus, entantqu’adversaireàlatailleduroidesdieux.Decepointdevue,leconflitlatententre lesdeuxCronidesestsimilaireàlatitanomachie:demêmequeCronosincarneunordredu mondepassé—opposéentouspointsausystèmemisenplaceparZeus—,Poséidonse définitparcertainsaspectscommel’antithèseexactedeZeus,quiignoreourefuselenou veaumodèlesocialetseréfèreàunétatdeschosesrévolu.Puisque—commeCronoset lesTitans—Poséidonagitavecviolenceetdémesure,auméprisdelajusticeetdansl’irres pectdelaθέις,ilencourtlogiquementlamêmepeinequesesprédécesseurs.Faisantpartie intégrantedupanthéon,Poséidonnecommetjamaislafauteirréparablequiluivaudraitles foudresdeZeusetlebagneduTartare,quoiqu’ilmontrefréquemmentsesprédispositions àagirdelasorte;laquerellel’opposantàZeusauchantXVdel’ Iliade enestunbonexem ple,puisqueledieunecèdeàlasouverainetédesonfrèrequ’àl’ultimeinstant,aprèsavoir niélefondementetlahiérarchiedelasociétédesdieux.SiPoséidonluimêmeaffectionne deresterainsisurlatangente,teln’estpaslecasdesaprogéniture,quiprésentelesinstincts naturelspaternelssanslaretenuenécessaireaurespectdelaθ έιςetàl’intégrationdansla sociétédesdieux.Ainsi,lesAloadesOtosetÉphialte—filsd’Iphimédéeengendréspar AloeusouparPoséidon—purentligoterArèsetl’enfermerpendanttreizemoisdansun POSÉIDONARCHAÏQUE 195 vasedebronze,puistenterd’entasserl’Ossasurl’OlympeetlePélionsurl’Ossapourmon teràl’assautducieletfairelaguerreauxdieuximmortels—cedernieractedeviolenceet d’ ὕβριςleurvalantd’êtreabattusdansleurjeunesseparApollon156 . BienquelesétenduesmarinessoientlaportiondumondeattribuéeàPoséidonlors dutirageausortentrelestroisCronides,lepouvoiretlapuissancedePoséidonsemani festentessentiellementparsacapacitéd’ébranlerlaterreetdeprovoquerdeviolentsséis mes:lesnombreusesépiclèsestouchantàcettefaculté157 démontrentquePoséidonestun dieuchtonien.Or,lesTitans—enfantésparTerre(Γα ῖα),cachésenelleparOuranoset emprisonnéssouselleparZeus—présententégalementl’aspectdedivinitéschtoniennes: cesdieuxd’enbas( ἐνέρτεροιθεο ί,ο ἱἔνερθεθεο ί)158 portentlesépiclèsesχθ όνιοι159 et ὑπο ταρτάριοι160 .Leurséjoursouterrain,dansleTartare,sesituesouslaterreetlamer,aussi éloignédelaterrequelaterreestéloignéeduciel161 :ilsyrésidentparlavolontédeZeus —quiavoululesexclured’unesociétédontilssontlanégation—,maisparlamaindes HécatonchiresetdePoséidon.AinsiseconfirmentlesaffinitésdePoséidonaveclesdieux chtoniensquesontlesTitanscadenassésauTartared’unepart,lesHécatonchiresacquisà lacausedeZeusd’autrepart. 2.–AyanteuxmêmesétéenchaînésparleurpèreetlibérésparZeus,lesHécaton chiresetlesCyclopesserangentauxcôtésduCronidelorsdelatitanomachie162 .Obligés deZeusetalliésindispensablesàsonaccessionautrône,ilsneserontpaspourautantinté grésdanslasociétécrééeparlenouveausouveraindesdieux:tropmarquésparlabestialité destempsprimordiaux,ilssontcantonnésàl’écartdelasociétédesdieux. LesHécatonchiresvainquentlesTitansetlesenchaînentauTartare;Poséidonferme lesportesenbronzedecelieu,oùhabiteraientaussilesHécatonchires,enfidèlesgardiens deZeus(φ ύλακεςπιστο ὶι ός)163 .Unevariantedurécitsitueuniquementdeuxdecestrois illustresauxiliairesdeZeus(ι ὸςκλειτο ὶἐπίκουροι)dansleTartare—oùsontcôteàcôte lessourcesetlesextrémitésdetout( ἐξε ίηςπ άντωνπηγα ὶκα ὶπε ίρατα)—,àproximitédes Titans:CottosetGygèsontleurdemeureaudessusdesfondementsd’Océanos( ἐπ’ Ὠκεα νο ῖοθε έθλοις),tandisquelanoblessedeBriaréeluivautdedevenirlegendredePoséidon, enrecevantcommeépouseCymopolée,lafilledudieu164 .Toutefois,lorsdelatentative d’enchaînementdeZeusparHéra,PoséidonetAthéna,BriaréeÉgéonprendrapartipour Zeus,contresonpèreoubeaupèrePoséidon165 .

156 Cf.Homère, Il. ,V,v.385391; Od. ,XI,v.305320. 157 Cf. supra ,p.187. 158 Homère, Il. ,XIV,v.274;XV,v.225 159 Hésiode, Théog. ,v.697. 160 Homère, Il. ,XIV,v.278279;Hésiode, Théog. ,v.851. 161 Cf. en part. Homère, Il. , VIII, v.1316; XIV, v.203204; Hésiode, Théog. , v.717731, 807814; HymnehomériqueàApollon ,I,v.335336.Cf.également LfgrE ,t.IV, s.u. «Τάρταρος,Τ άρταρα»,col.319321. SurlestraditionsdivergentesrelativesaurôledesTitanset,enparticulier,àlalocalisationdecertainsd’entre eux,cf.F.SOLMSEN (†),«TheTwoNearEasternSourcesofHesiod», Hermes ,117,1989,p.413422. 162 Cf. supra ,p.174175. 163 Hésiode, Théog. , v.713[735].La description du Tartare chez Hésiode évoque une jarre en bronze, dontlecolestferméparPoséidon;cetteimageévoque,àl’espritdenombreuxcommentateurs,levasede bronzedanslequellesAloades,filsdePoséidon,enfermentledieuArès. 164 Hésiode, Théog. ,v.807819. 165 Homère, Il. ,I,v.396406,etlascholieATauv.404a;cetHécatonchireestégalementdécritcomme unfilspluspuissantqueson père(βίηνο ὗπατρ ὸς ἀε ίνων).Cf. LfgrE ,t.I,col.243, s.u. «Αἰγα ίων»; t.II, col.9495, s.u. «Βρι άρεως, Ὀβρι άρεως». POSÉIDONARCHAÏQUE 196

Géantsàl’œilunique,forgeursdufoudreetpourvoyeursdutonnerre,lestroisCyclo pesdela Théogonie évoquentsansaucundouteleurshomonymesdel’ Odyssée ,nonseulement parleurstatureetleuraspect,maissurtoutparleurcomportementviolentetdépourvude touteéquité166 .LepersonnageemblématiquedePolyphèmevitdanslasolitudeetlasauva gerie,n’acuredesdieuxetmépriseleségardsdusauxsuppliantsetauxétrangers—pour tantgarantisparZeusXenios—:nesachantqu’iniquité( ἀθε ίστιαε ἰδώς),leCyclopeest l’expression même de l’ ὕβρις,lanégationd’unêtreapteàtoutevieensociété167 . À cet égard,ilestremarquablequecePolyphèmesoitlefilsdePoséidonetdelanympheThoô sa,ellemêmefilledePhorcys,etquelacolèredePoséidonrésultantdel’aveuglementde sonCyclopedefilssoitlaraisondeserrancesd’Ulysse168 . Toutfilsd’OuranosetGaiaqu’ilssontselonlagénéalogieprésentéeparHésiode,les HécatonchiresetlesCyclopesprésententdoncuneétroiteparentéavecPoséidon.Celien privilégiéentreledieuetlesforcesprimitivesdomptéesparZeusetsoumisesàluimérite réflexion:ledieuPoséidonn’atilpasluimêmepourfonctiondecanaliserlesforcesvio lentesdelanature—séismesetrazdemarée—,enlessoumettantàl’ordredeZeus? L’inclusiondePoséidonauseindelasociétédesdieux,malgrélatensionpermanenteentre ὕβριςetθ έιςquilecaractérise,pourraitdèslorsprocéderdumêmemécanismequel’union desOlympiensaveclesHécatonchiresetlesCyclopeslorsdelatitanomachie:d’unepart, leconcoursdePoséidonpermetdemieuxfonderlasociétédeZeus,mais,d’autrepart,le dieutrouvemalsaplacedanscenouveausystème,auquelilestfondamentalementétranger. Cettedisparitéentraîneforcémentdesconflits,quiportentlogiquementsurlapositionde chaquedivinitéauseindumêmeensembleetsurlaquestionpatentedelasouveraineté.

—MODÈLESPROCHE ORIENTAUXDESOUVERAINETÉ Affirmer qu’Homère et Hésiode —comme tous les auteurs archaïques—, sont, pourunegrandepart,dépositairesdemythesetdeconceptionsreligieusesforgésenOrient relèveaujourd’huidutruisme169 .LesempruntsavérésdumondegrecauProcheOrientdé passentd’ailleurslargementlecadredelalangue,delalittératureetdelareligion,pourcou vrirunchampextrêmementlarge,quis’étenddepuislesstructureséconomiquesetsociales, englobelagéographieimaginaireetsymbolique,ainsiquelesmotifsiconographiques,an nexe pratiquement toutes les sciences —fussentelles mathématiques, astronomiques ou médicales—,etcomprendmêmel’écriturealphabétique. Le «miracle grec» consistera à intégrercethéritageoriental,àlerepenseretàledéployerdanslecadred’unesociétémulti ple,auxpréoccupationsetauxquestionnementspropres. La royauté grecque de type palatial étant, originellement, un système politique oriental,lesinterrogationsetlesjustificationsqu’émetlapenséegrecquesurlethèmedela royautédoiventêtre,aumoinsenpartie,l’échoderéflexionsorientales.Or,laquestionde laroyautédivineprocèdenaturellementdeladéfinitiondelaroyautéhumainedanscesdif férentescultures.Parconséquent,ilnesauraitêtretotalementinutiledechercherlesmodè 166 Pouruneprésentationsynthétique,cf. LfgrE ,t.II,col.15821583, s.u. «Κύκλωψ». 167 SurcetaspectdesCyclopes,cf.V.DUSABLON , op.cit. [n.4]. 168 Homère, Od. ,I,v.6879. 169 OnrenverranotammentauxtravauxéclairantsdeP.WALCOT , HesiodandtheNearEast ,Cardiff,1966; JacquelineDUCHEMIN (†), Mythesgrecsetsourcesorientales ,Paris,1995;W.BURKERT , TheOrientalizingRevolution. NearEasternInfluenceonGreekCultureintheEarlyArchaicAge (trad.M.E.PINDER &W.BURKERT ),Cambridge (Mass.) & Londres, 1995²; Ch.PENGLASE , GreekMythesandMesopotamia.ParallelsandInfluenceintheHomeric HymnsandHesiod ,Londres&NewYork,1994 ;M.L.WEST , TheEastFaceofHelicon.WestAsiaticElementsin GreekPoetryandMyth ,Oxford,1997. POSÉIDONARCHAÏQUE 197 lesprocheorientauxsusceptiblesd’avoirinfluencélesreprésentationsgrecquesdelasouve rainetéchezlesdieuxet,notamment,desmodalitésd’accessionautrônesuprême. Dans le cadre de nos recherches, deux schémas apparaissent très distinctement. D’unepart,nousobservonslasuccessionviolentedesdieux,selonunelistestéréotypée, aboutissantfinalementàlasouverainetéd’undieu de l’Orage; ce modèle,présent entre autresdanslesmythologiesbabylonienne,hourriteethittite,aclairementinfluencélerécit quedonneHésiodedel’avènementdeZeus,ainsiquelaconceptionpanhelléniquedela royautéduCronideZeus.D’autrepart,lesmythesd’Ougaritrévèlentunautremodèle,basé nonsurl’exclusionetlasuccession,maissurlacoexistenceetlacollaborationd’unvieux souveraindivinetunjeunedieudel’Orage;cesystèmeaégalementinfluencélesconcep tionsreligieusesgrecquesauII emillénaireetfournitdesdonnéesprécieusespourcompren drelesrapportsentreZeusetPoséidondanslespanthéonsgrecsduI er millénaire. A.Laroyautéparexclusion Plusieursmythesprocheorientauxont,dansdesmesuresfortdiverses,influencéles représentationsgrecquesdelasouverainetéchezlesdieux,quis’exprimentavecuneforce etunebeautéinégaléesdanslesrécitsdesuccessiondivinedela Théogonie d’Hésiode.Le pluscélèbre—etleplussimilaireauxschémashésiodiques— est assurément le mythe hittitohourrite intitulé Chantde [Kumarbi ];legrandrécitbabyloniendelacréation,com mençantparlesmots Enumaeliš ,présenteégalementdesaffinitéstroublantesavecletexte d’Hésiode;enfin,quelquestextespostérieursàHésiode,maisseréférantsansdouteàdes traditions héritées du II emillénaire, complètent le corpus des possibles modèles proche orientauxdesconceptionsgrecquesàl’époquearchaïque.L’étudecomparativeapermisde mettreenévidenceplusieursdeleursélémentsconstitutifsetdemodéliserleprinciped’ex clusiondupèrequistructuretouscesrécitsdesuccessionroyalechezlesdieux. 1.–Lesmythesappartenantau CycledeKumarbi proviennentdeHattuša(Boğazköy), capitaleimpérialedesHittites,maismontrentdesconnotationshourritesévidentes—tant danslagéographiemythiquequedanslathéonymie—,ainsiqu’unhéritagemésopotamien. L’undecestextes—le Chantde [Kumarbi ]—relatelasuccessiondesroisdivins170 .Alalu exerçaitdepuisneufanslaroyautésurlesdieuxlorsqu’ilfutdéfaitparAnuetseréfugia sous la terre. À son tour, Anu régna neuf années avant d’être attaqué par Kumarbi, descendantd’Alalu.Voulantéchapperàl’agression,Anupartversleciel,maisestretenu parKumarbi,lequelmordlavirilitédudieu.Danssafuite,AnuprévientKumarbiquetrois dieuxredoutablesnaîtrontdecetaccouplement—ledieudel’Orage,lefleuveTigreetle dieuTašmišu—;irrité,Kumarbicracheunepartiedelasemence,quiproduiraaumoins undieu,maisd’autresdieuxdemeurentaudedansdelui,dontledieudel’Orage.Lasuite dutexte,mutilée,laisseentendrequeKumarbiavaleunepierre,afindedétruireledieude l’Orage,maiséchouedanssonprojet;ilestpratiquementcertainqueledieudel’Orage parviendraàs’extraireducorpsdesonpèreetàlevaincre,quandbienmêmelafindela tabletteestperdue.Unautretexte—LeChantd’Ullikummi —donnelerécitdel’affronte mententreledieudel’OrageetunmonstreengendréparKumarbi,nomméUllikummi,qui manquedepeud’anéantirledieudel’Orage,maisseraitfinalementvaincuparlui171 .

170 CTH 344.Cf.aussiE.LAROCHE ,«Textesmythologiqueshittitesentranscription.Deuxièmepartie. Mythologied’origineétrangère», RHA ,26,1968,p.3947. 171 CTH 345. POSÉIDONARCHAÏQUE 198

LesnombreuxparallèlesaveclerécitdelasuccessiondesdieuxchezHésiodefurent maintesfoissoulignés,aussitôtquefutconnule Chantde [Kumarbi ]172 .Desquatredieuxqui sesuccèdentdanslemythehittitohourrite,seulAlalun’apasdecorrespondantchezHé siode;parcontre,Anu—dieuduCiel—estlependantdel’Ouranoshésiodique;Kumar bi—quiémasculesonpèreetavalesonfils,ainsiqu’unepierre—estsemblableàCronos; le dieu de l’Orage —destiné à occuper le trône des dieux, après plusieurs épreuves— évoquesansaucundouteleZeusgrec.Mêmeleduelacharnéentreledieudel’Orageet Ullikummisereflèteraitdansl’ultimeluttedeZeuscontrelemonstreTyphée173 . 2.–Lecélèbrerécitbabyloniendel’ Enumaeliš 174 offreégalementplusieurspointsde comparaisonaveclesschémasdesuccessiondela Théogonie 175 .Uncoupleprimordial,for méparApsuetTiamat,engendredesenfants,quisereproduisent;touscesdieuxdemeu rentdansleseindelamèreTiamatetsonthaïsparApsu,quisouhaitelesdétruirecontrela volontédeTiamat;alorsquelesautresjeunesdieuxsontapeurés,Éa—filsd’Anu,des cendantd’Apsu—tueApsuetinaugureunnouveaurégime;cependant,Tiamatsouhaite venger Apsu, et ne pourra être apaisée ni par Éa, ni par Anu; Marduk—fils d’Éa— obtientalorsd’affronterTiamat,lavaincetlasépareendeuxpourcréerlecieletlaterre;il devientainsileroidesdieux.Lecoupleprimitifd’ApsuetTiamat,lahainedupèreenvers sesenfantsetleurcontentionparlamèreseretrouventdansleportraitquedresseHésiode d’Ouranos,deGaiaetdesTitans.Laséquencegénéalogiqued’undieuduCiel(Anu),d’un dieuintelligent(Éa)etd’undieudel’Orage(Marduk)trouveaussiunéchodanslafiliation d’Ouranos,deCronosetdeZeuschezHésiode,ainsique—dansunemoindremesure— danslasuccessiond’Anu,deKumarbietdudieudel’Oragedansleschémahittitohourrite. 3.–Enfin,lathéogonienéobabyloniennedelavilledeDunnu176 ,ainsiquelerécit tardifdePhilondeByblos—prétendants’inspirerd’uncertainSanchuniathon—177 ,pré sententaussidiversesanalogiesavecla Théogonie d’Hésiodeetappartiennentau corpus des mythesprocheorientauxdesuccessiondivine. 4.–L’avènementdeZeusautrôneroyal,telqu’ilest conté par Hésiode, s’inscrit doncdansunetraditionmythiquerépandue,d’originesansdoutemésopotamienne,dontle schémadirecteurestsimple:auseind’unefamilledivine,lesdieuxsesuccèdentdegénéra tionengénérationpourassumerlasuprématie178 .Cettesuccessionpeutêtrestrictement 172 Cf.e.a.E.O.FORRER ,«EineGeschichtedesGötterkönigstumsausdemHattiReiche», AIPhO ,4, 1936 ( MélangesFranzCumont ), vol.2, p.688713; H.G.GÜTERBOCK ,Kumarbi.MythenvomchurritischenKronos ausdenhethitischenFragmentenzusammengestellt,übersetztunderklärt ,Zurich&New York, 1946,p.100115,en part. p.100104; R. DUSSAUD , «Les antécédents orientaux à la Théogonie d’Hésiode», AIPhO , 9, 1949 (Παγκάρπεια. MélangesHenriGrégoire ,vol.1),p.227231.Cf.aussilasynthèsedeM.L.WEST , op.cit. [n.169], p.278280. 173 Cf. p.ex. H.G.GÜTERBOCK , op. cit. [n.172], p.102105. Toutefois, M.L.WEST ( op. cit. [n.169], p.300304)metl’accentsurd’autresparallèlesprocheorientauxduconflitentreZeusetTyphée. 174 Ph.TALON , Enūmaeliš.TheStandardBabylonianCreationMyth ( SAACT ,4),Helsinki,2005;B.R.FOS TER ,«EpicofCreation(1.111)»,dansW.W.HALLO (éd.), TheContextofScripture.VolumeI.CanonicalComposi tionsfromtheBiblicalWorld ,Leydeetal. ,1997,p.390402. 175 Cf.enpart.M.L.WEST , op.cit. [n.169],p.280283. 176 W.G.LAMBERT &R.WALCOT ,«ANewBabylonianTheogonyandHesiod», Kadmos ,4,19651966, p.6472; cf.W.W.HALLO , «The Theogony of Dunnu (1.112)», dans W.W.HALLO (éd.), op.cit. [n.174], p.402404. 177 FGrH III,790(PhilondeByblos),F17.Cf.A.I.BAUMGARTEN , The PhoenicianHistory ofPhiloof Byblos.ACommentary ( ÉPRO ,89),Leyde,1981;M.L.WEST , op.cit. [n.169],p.283286. 178 Cf.C.S. LITTLETON ,«The“KingshipinHeaven”Theme»,dansJ.PUHVEL (éd.), MythandLawamong theIndoEuropeans.StudiesinIndoEuropeanComparativeMythology ,Berkeley etal. ,1970,p.83121. POSÉIDONARCHAÏQUE 199 patrilinéaire,commedansl’ Enumaeliš;sonenjeupeutd’embléeêtrelaroyautédivine,com medansle Chantde [Kumarbi ]:lecanevasgénéraladmetdesdéveloppementsvariés.Dans la Théogonie d’Hésiode,enparticulier,seretrouventleprincipe de succession filiale —le plusjeunefilsobtenantl’héritagepaternel—,ainsiquel’idéed’unelignéedynastiqueissue d’Ouranos,àlaquelleappartiennentCronosetZeus.Enoutre,lapossibilitéquenaissede MêtisoudeThétisunfilspluspuissantquesonpère,susceptibled’évincerZeus,s’inscrit naturellementdanscettetradition. Cemodèledesuccessionlinéaire,quiimpliquel’évictionviolented’unpère—réel ousymbolique—pourconquérirletrône,définitlasouverainetéparexclusiond’unprédé cesseur.Danslesmythesgrec,hittitohourriteetbabylonien,ledieudel’Oragesetrouveà l’extrémitédelachaînedesdieuxsouverains:saprésenceàlatêtedupanthéonexcluttout autredieudel’exercicedupouvoiretmetfinaucycledesuccessions.Toutefois,ceschéma n’estpasl’uniqueréponsequ’apportentleslittératuresprocheorientalesàlaquestiondela souverainetédivine:lathéologieougaritique,quiimpliquelacohabitationetlacollabora tiondesdieuxEletBa‘al,apuégalementinfluencerlapenséereligieusegrecque179 . B.Laroyautéparcoexistence Afin d’étudier avec quelque objectivité les données religieuses ougaritiques, il est nécessairedes’extraired’undoublecarcan,largementforgéparl’historiographiemoderne. D’unepart,dèsledéchiffrementdel’alphabetcunéiformeen1930,l’étudedel’important corpus detextesrituelsetmythologiquesmisaujourparlesfouillesfrançaisesfutsouvent considéréecommeunappendiceauxrecherchesbibliques:lesystèmereligieuxd’Ougarit neméritaitpastellementd’intérêtpourluimême,maisbiencommeantécédentdesreli gionsdel’AncienTestament.Ainsi,le«dieu»parexcellencequ’estEl( ’il ),souveraindivin analogueparplusieursaspectsauYahvédesJuifs,futparfoisalléguéenfaveurdel’existen ced’unhénothéisme,voired’unmonothéisme,surlacôtesyropalestiniennedèslaseconde moitiéduII emillénaire.D’autrepart,lacomparaisonaveclestextesreligieuxduII emillé naire et leurs prolongements grecs et procheorientaux du I er millénaire a parfois guidé l’interprétationetlarestitutiondetablettesobscuresetfragmentaires.Delasorte,lessché masdesuccessiondivineattestéssurtoutparHésiodeetPhilondeByblos,dontl’antiquité fut démontrée par la découverte et la publication du Chant de [Kumarbi ] —strictement contemporainesdel’ editioprinceps desgrandstextesmythologiquesd’Ougarit—,furentéga lementappliquésauxmythesougaritiques:levieilEldevraitêtredétrônéparsonfils,le dieudel’OrageBa‘alHaddou,puisquelemêmesortattendKumarbichezlesHourriteset CronoschezlesGrecs.Depuisquelquesdécennies,cesdeuxexcèsexégétiquessontpro gressivementcorrigés,etlestablettesconcernantlesdieuxd’Ougarit,commetouslesdocu mentsissusdusitedeRasShamra,sontétudiéspourcequ’ilssont:destémoignagesdes structuresmentales,sociales,économiquesetpolitiquesd’unpetitroyaumeouestsémitique duII emillénaire,vassaldel’Empirehittite,situéaucarrefourdesinfluenceségyptiennes, babyloniennes,hourritesethittites. Étantdonnécettenécessitédereprendre abouo l’exégèsedesprincipauxtextesmy thologiquesd’Ougarit,ilneparaîtrapasdéplacédecommencerparunenaissance—celle des«dieuxgracieux»—,quipermettradedresserleportraitdudieuEl,toutàlafoispère etroi.Ensuite,l’analysedelalonguefresquequ’estle CycledeBa‘al offriraunmatérielabon 179 L’amalgamededifférentestraditionsrelativesauxmodalitésdelasouverainetédeZeusseraitmême palpabledansla Théogonie ,siHésiodeyavaiteffectivementréunideuxmythesoriginellementindépendants(la victoiresurCronosetlatitanomachie):cf.R.MONDI , «The Ascension of Zeus and the Composition of Hesiod’s Theogony », GRBS ,25,1984,p.325344;F.SOLMSEN (†), loc.cit. [n.161],p.413422. POSÉIDONARCHAÏQUE 200 dantpourcernerl’imagedeBa‘al,dieudel’Orageougaritique.Finalement,lesinformations rassembléesdanscesdeuxmythesprincipauxetdansplusieursépisodesconnexesautorise rontunesynthèsesurlastructuredupanthéonougaritiqueetlesrapportsentreEletBa‘al autourdelaquestiondesouveraineté. 1.–Danstoutelalittératureougaritique,le Mythedesdieuxgracieux estlaplusclaireat testationd’unethéogonie;àcetitre,cetteœuvres’incritpleinementdansungenrelittéraire procheorientalcourantdel’ Enumaeliš àla Théogonie hésiodique.L’étudedecerécitest,par conséquent,toutàfaitindiquéedanslecadreduprésenttravail. PuisqueledieuElsetrouveaucentredecetépisode,ilconviendra,aprèsuneprésen tation contextuelle et interne du Mythedesdieuxgracieux , de mettre en évidence les deux fonctionsprincipalesd’El—lapaternitéetlaroyauté—,tellesqu’ellesapparaissentdans cetexteenparticulier,etdanslamythologieougaritiqueengénéral.Enfin,noussouligne ronslapermanencedecesdeuxfonctionsd’Eldansle CycledeKeret etla Légended’Aqhat . a) Latablette KTU 1.23sediviseendeuxpartiesdistinctesetcomplémentaires180 . Lerecto—scindéparneuftraitshorizontauxenautantdeparagraphes—commen ce(§1)ets’achève(§8)pardeuxinvocationsaux«dieuxgracieux»( ’ilmn‘mm ):cesdivini téssontinvitéesàmangerdupainetboireduvin,etàcomblerdebienêtreleroi,lareine, «ceuxquientrent»,lesgardeset«ceuxquiprocessionnent».Lesparagraphesintermédiai ressemblentêtredesprescriptionsrituellesentrecoupéesdecourtesindicationsmythologi ques(§27),tandisquel’ultimerubriqueduversoreprendladescriptionantérieured’un «champdesdeuxdieux,champd’AthiratetRah may»(l.13),oùlesdeuxdieuxs’asseyenṭ (§9).Cetteindicationmarquelafindurectoetdelapartiespécifiquementliturgiquedu texte. Surlatrancheinférieureetleverso,enunseulparagraphedequaranteseptlignes, suitalorslalégendedelanaissancedecesdieuxgracieux.Lascènesepasseenbordurede mer, où le dieu El rencontre deux femmes, qui crient «père, père» ( ’ad’ad ) et «mère, mère»( ’um’um );lesexed’Els’allonge,ledieusaisitlesfemmesetlesplacedanssamaison. Eltendalorslamainverssonsceptre—visiblementassimiléàsonphallus—,etabatun oiseaudanslescieuxpourlefairerôtir.Ledieuattendensuitel’appeldesfemmes:sielles le nomment «époux, époux» ( mtmt ), elles seront à jamais ses épouses ( ’at ṯ ); si elles le nomment«père,père»( ’ad’ad ),ellesserontàjamaissesfilles( bt ).LesfemmesappellentEl leurépoux,ledieus’unitàellesetlesfemmesmettentaumondeAube( šh ṛ )etCrépuscule (šlm ),queleurépouxordonnedeplacerauprèsdelaGrandeDame(rbt )Šapaš;répété181 , cepassagedécritlesenfantscommelesdieuxgracieux( ’ilmn‘mm ),gloutons( ’agzrym )182 ,en

180 Pour l’édition de ce texte, cf. P.BORDREUIL & D.PARDEE , Manuel d’ougaritique , Paris, 2004, t.I (Grammaire.FacSimilés ),p.123124,pl.VVI;t.II( Choixdetextes.Glossaire ),p.2736;poursatraductionet soncommentaire,cf.e.a.P.XELLA , IlmitodiŠh reŠlm.Saggiosullamitologiaugariticạ ( Studisemitici ,44),Rome, 1973;A.CAQUOT ,M.SZNYCER &AndréeHERDNER , Textesougaritiques.TomeI.Mythesetlégendes ,Paris,1974, p.353379; D.PARDEE , «Dawn and Dusk (1.87)», dans W.W.HALLO (éd.), op.cit. [n.174], p.274283; poursastructurepoétique,cf.T.L.HETTEMA ,«“ThatItBeRepeated”.ANarrativeAnalysisofKTU 1.23», JEOL ,31,19891990,p.7794. 181 En vertu d’un procédé itératif fort prisé dans la poésie ougaritique (cf. e. a. W.G.E.WATSON , «Ugaritic Poetry», dans W.G.E.WATSON & N.WYATT [éd.], HandbookofUgariticStudies [ HdO , s.1, 39], Leydeetal. ,1999,p.178181),ilestfortprobablequelesl.5564constituentunerepriseamplifiéedesl.49 54,mêmesicepointfaitl’objetdediscussions:cf.e.a.D.PARDEE , loc.cit. [n.180],p.274275et282,n.59. 182 D’autresinterprétationssebasentsurl’épiclèsesuivante—bnym—pourdécomposer ’agzrym en ’agzr ym et postuler une la racine gzr «couper, sectionner»: cf. DUL , t.I, p.29, s.u. «agzry», où l’acception POSÉIDONARCHAÏQUE 201 fantsd’unjour( bnym )183 ,tétantauseindelaDame( št )—c.àd.ladéesseAthirat184 .Ces dieuxdévorenttouslesoiseauxducieletlespoissonsdelamer:dèslors,leurpèreEl ordonnequ’ilssoientétablisdanslasteppe,oùilsdemeurentseptannéesavantderencon trerungardiendelaculture,lequellesinviteàmangerdupainetàboireduvin. b) Le mythe de la naissance des «dieux gracieux» est une bonne illustration des fonctionsd’Eldanslamythologieougaritique,résuméesdansl’épithètelaplusfréquem mentattribuéeaudieu,«Taureau»( tṟ ),quiexprimesaroyautéetsapuissancesexuelle185 . Cedieuest,eneffet,commelepèreparexcellence—«Dieulepère»( ’il’ib )186 —,à lafoisgéniteurdesdieux187 ,del’humanité188 ,voiredescréatures189 ;saparèdreAthiratest égalementconsidéréecommelamèredesdieux190 .Cetraitestprésentdanslemythedes «dieuxgracieux»,oùElestnonseulementlepèredeŠah aretŠalim,maiségalementceluị desdeuxfemmesqu’ilépouse:defait,dansl’hypothèseoùcellesciauraientmalcomprisle manège avec le sceptre et l’oiseau —dont les connotations sexuelles ne sont évidentes qu’auxfemmesnubiles—,ellesseraientpourtoujoursdemeuréessesfilles.Decepointde vue,siElestbienlapersonneapostrophéeparlescris«père»et«mère»lorsdelaren contreaveclesdeuxfemmes,ledieuapparaîtraitsous le jour d’un géniteur androgyne. Poursapart,Athiratintervienttoutaussiactivementlorsdecettenaissance,commenourri cedes«dieuxgracieux». Pèredesdieuxetdeshommes,Elestaussileurroi ( mlk ), maître ( ’adn ), et prince (šr )191 .Représentécommeunvieillardàlabarbeetauxcheveuxblancs192 ,cesouveraindi vin incarne la sagesse193 et la bonté, comme l’expriment ses titres «le miséricordieux» (lt pṇ ),«lesaint»( qdš )et«Elaugrandcœur»( ’ildp’id )194 .Parlui,hommesetdieuxexer centlaroyauté:silesdieuxYam,Ba‘alet‘Athtarpeuventsuccessivementmontersurle trône,ilsledoiventàEl195 ;quantàl’autoritédesroishumains,elleprocèdeégalementde lapuissanced’El. c) Deuxmythes,mettantenscènelesroishumainsKeretetDanel,présententun matériaupourapprécierlesinterventionsd’Eldanslesroyautéshumaines;àcetégard,la «affamé,glouton»esttoutefoisretenue,d’aprèsl’hébreu gzr ,sansdouteenregardduterme gzr «morceaude viande»(l.63)etdeladescriptiondelagloutonneriedesdieuxgracieux(l.6164,7175). 183 Diversestraductionsdecetteexpressionfurentproposées,euégardàlabivalencedumot ym «jour; mer»—commenomcommunouthéonyme—:cf. DUL ,t.II,p.964966, s.u. «ym(I)»,«ym(II)». 184 L’expression b’apd dšṯ (l.61),quipeutêtreabrégéeen b’apd ḏ (l.59),apparaîtégalementsouslaforme b’apzd’at rṯ (l.24). 185 Surcedieu,cf.e.a.M.H.POPE , ElintheUgariticTexts ,Leyde,1955;A.CAQUOT , M.SZNYCER & .« אל AndréeHERDNER , op.cit. [n.180],p.5573; DDD ,p.274280, s.u. «El 186 Cf. DUL ,t.II,p.52, s.u. «ilib(I)». 187 Les dieux —e.a. Ba‘al, ‘Anat, Yam, Môt, ‘Athtar, Šapaš— parlent systématiquement d’El comme leurpère( ’ab )ouleursouche( htḳ ),etsonteuxmêmesdésignéscommefilsd’El( bn’il ):cf.AichaRAHMOU NI , DivineEpithetsintheUgariticAlphabeticTexts (trad.J.N.FORD )( HdO ,s.1,93),Leyde&Boston,2008,en part.nos 1,3,26,27,108110. 188 Cf.e.a. KTU 1.14,col.I,l.37,43,136,151,278( ’ab’adm );cf.AichaRAHMOUNI ,op.cit. [n.187],n o2. LeroiKeretestégalementunfilsd’El(cf. infra ,n.197). 189 Cf.e.a. KTU 1.4,col.III,l.32;1.17,l.24( bnybnwt );cf.AichaRAHMOUNI ,op.cit. [n.187],n o29. 190 Cf. KTU 1.4,col.I,l.22;col.IV,l.32( qnyt’ilm );cf.AichaRAHMOUNI ,op.cit. [n.187],n o93. 191 Cf.AichaRAHMOUNI ,op.cit. [n.187],n os7,8,11,12,75. 192 Cf.e.a. KTU 1.3,col.V,l.2,25;1.4,col.V,l.4;1.18,col.I,l.[12]. 193 Cf.e.a. KTU 1.3,col.V,l.3031;1.4,col.IV,l.4143;col.V,l.35;1.16,col.IV,l.[1]2. 194 Cf.e.a. KTU 1.1,col.IV,l.13;1.4,col.IV,l.58;1.5,col.VI,l.1112;1.6,col.III,l.4,10,14;1.16, col.I,l.11,2122;col.V,l.23;cf.AichaRAHMOUNI , op.cit. [n.187],n os6668,111112. 195 Cf. infra ,p.203et204206. POSÉIDONARCHAÏQUE 202 présencedeBa‘alcommeintermédiaireentreleroihumainetledieuElestaussidesplus intéressantes. Le CycledeKeret 196 présenteleroiKeretnonseulementcommeunfils( bn )etdescen dant( šph )d’Eḷ 197 ,maisaussicommesonserviteur(‘ bd )etlegracieuxparmisespages( n‘mn ālm )198 .Privédedescendance,KeretobtientensongedudieuEllapromessed’unfils; aprèsavoiraccomplilesritesprescritsetconquissafutureépouseH urray,Keretestbénieṭ fortifiéparElàl’instigationdeBa‘al;H urrayenfante«Yaṣ ib,lepage(̣ ālm ),quisuceralelait d’AthiratettéteraauseindelaVierge[Rah maỵ (?)]»199 ,septautresgarçonsethuitfilles. Demême,dansla Légended’Aqhat 200 ,Ba‘alintercèdeauprèsd’Elpourqueceluici donneauroiDanelunfils,quipuisseassurerlecultedesesancêtres,veillersursonpèreet mangerlesportionsprévuesdanslestemplesdeBa‘aletd’El;ledieus’exécute,prendson serviteur(‘ bd )Danel,lebénitetlefortifieafinqueleroiengendreunfils,Aqhat. Danscesdeuxmythes,Eln’intervientpasseulementensaqualitédegéniteur,mais surtoutentantqueroidivin.Defait,parsonaction,Elpermetlemaintiendedynasties,en transmettantlaroyautédeKeretàYas ibetdeDanelàAqhat.LetraitementréservéàYaṣ iḅ —filsdeKeretetdeH urray—etaux«dieuxgracieux»—nésdedeuxfeṃ mesrencon tréesparledieuEl—estsimilaire:cesenfantssonttousallaitésauseind’Athirat—la GrandeDame( rbt ),épouseduroiEl—,cequiconfirmeleurqualitéde«filsd’El».Dans lamesureoùlanaissancedes«dieuxgracieux»nediffèrepasdecelledesroishumains,il estdonctentantdeconsidérerle Mythedesdieuxgracieux commeuntémoignagedel’idéo logieroyaleougaritique. 2.–Lessixtablettesdu CycledeBa‘al offrentunbonaperçudescaractéristiquesdu dieudel’Orageougaritiqueet,enparticulier,desesrapportsavecsonpèreEl,avecl’aveu etlesoutienduquelledieuBa‘alacquiertfinalementlaroyautéetseconstruitunpalais201 . Aprèsavoirrésuméleslignesdefaîtedecerécitetenavoirprésentélesdeuxprota gonistesprincipaux—Ba‘alet‘Anat—,nousétudieronsspécifiquementlapositiondeEl dansle CycledeBa‘al etlesmécanismesd’attributiondelafonctionroyaleparmilesdieux.

196 KTU 1.1416.Pourunesynthèsecommodedecettelégende,cf.e.a.B.MARGALIT ,«TheLegendof Keret»,dansW.G.E.WATSON &N.WYATT (éd.), op.cit. [n.181],p.203233;pourlatraduction,cf.e.a. A.CAQUOT , M.SZNYCER &AndréeHERDNER , op.cit. [n.180],p.481574;D.PARDEE , «The Kirta Epic (1.102)»,dansW.W.HALLO (éd.), op.cit. [n.174],p.333343. 197 KTU 1.16,col.I,l.1011,2022,23;col.II,l.4344,4849. 198 KTU 1.14,col.I,l.4041;col.II,l.89;col.III,l.49,51;col.VI,l.3435,[41];1.15,col.II,l.1516, [19],20. 199 KTU 1.15,col.II,l.2528.Lenomdelasecondedéesseestinconnu;àcausedel’épithète btlt ,lenom de ‘Anat est souvent restitué, mais la déesse Rah maỵ —qui est le pendant d’Athirat dans une tablette où réapparaîtl’imagedel’enfanttétantauseindeladéesse( KTU 1.23,l.13,28;24,59,61),etassisteaunoces deKeret( KTU 1.15,col.II,l.6)—pourraitaussibienconvenir,d’autantquecethéonyme,construitsurla basede rh ṃ «matrice;[d’où,parmétonymie]jeunefemme,fillenubile»,nedétonnepasavecl’épithète btlt; d’ailleurs, le terme rh ṃ peut servir d’épiclèseexceptionnelle à ‘Anat, la «Vierge» par excellence ( KTU 1.6, col.II,l.[5],27). 200 KTU 1.1719, en part. 1.17, col.III. Pour la traduction, cf. e.a. A.CAQUOT , M.SZNYCER & AndréeHERDNER , op. cit. [n.180], p.399458; D.PARDEE , «The ’Aqhatu Legend (1.103)», dans W.W. HALLO (éd.), op.cit. [n.174],p.343356. 201 KTU 1.16;cf.e.a.A.CAQUOT ,M.SZNYCER &AndréeHERDNER , op.cit. [n.180],p.101271,291 314;D.PARDEE ,«TheBa‘luMyth(1.86)»,dansW.W.HALLO (éd.), op.cit. [n.174],p.241274.Pourune synthèsedesnombreusesinterprétationsrituelles,cosmogoniquesouhistoricopolitiquesdontle CycledeBa‘al fit l’objet, cf. M.S.SMITH , TheUgariticBaalCycle.VolumeI.IntroductionwithText,TranslationandCommentary ofKTU1.11.2( SupplementstoVetusTestamentum ,55),Leyde etal. ,1994,p.58114. POSÉIDONARCHAÏQUE 203

a) Aprèsplusieursactionsd’El,comprenantlaconvocationde‘AnatetdeKotharet Khasis,ainsiquelaproclamationdeYam—«aiméd’El»( mdd’il )202 —commeroides dieux( KTU 1.1),Ba‘als’érigeenadversairedeYametlemenace;enréponse,Yamenvoie desmessagersàl’AssembléedesdieuxprésidéeparEletexigequeBa‘alluisoitlivré;El obtempèreetacceptequeBa‘aldeviennel’esclavedeYam;‘Anatet‘Athtartdoiventretenir Ba‘alpouréviterqu’ils’enprenneauxmessagers(KTU 1.2,col.III).Surl’injonctiond’El, KotharetKhasisédifieunpalaispourYam,provoquantlajalousiede‘Athtar—lequelse plaint amèrement auprès d’El, mais est rabroué par Šapaš au nom du dieu suprême (col.III).Captif,Ba‘alsouhaitejeterYamàbasdutrône;ilestaidéparKotharetKhasis, quiluiforgedeuxmassues;aveccesarmes,Ba‘alparvientàacheverYametestproclamé roipar‘Athtart(col.IV). L’épisodesuivantreprésenteBa‘alentraindebanqueterdansleSapon,regardantses fillesPidrayetT alay,tandisque‘Anatcommetdesmassacresavantḍ eprocéderàsatoilet te;Ba‘almandesasœuretluidemanded’intervenirauprèsd’ElafinqueBa‘alait,luiaussi, unpalaispourluimêmeetsesfilles;Ba‘alenvoieunmessageàKothar( KTU 1.3).Ledieu del’Orageattenddudivinartisanqu’ilfabriquedescadeauxpourséduireAthirat;Kothar s’exécute;Ba‘alet‘AnatapportentleursoffrandesàAthirat,afinqueladéessesoutienne les revendications de Ba‘al auprès d’El; accompagnée de ‘Anat, Athirat se rend donc auprèsd’EletplaidelacausedeBa‘al;Elmarquesonassentimentàlarequêteetlepalais deBa‘alestconstruitparKotharetKhasis;Ba‘alcélèbreparunbanquetlaconstructionde sonpalais,danslequelKotharménagefinalementunefenêtre,malgrélerefuspremierde Ba‘al,lequelcraignaitunefuguedesesfillesetuneincursiondeYam.Souveraindelaterre, Ba‘alserésoutàenvoyeruneambassadedanslemondesouterrain,detellesortequeMôt —autre«chérid’El»( ydd’il )203 —reconnaisselerègnedeBa‘al( KTU 1.4). MôtfaitsavoiràBa‘alqu’ilmeurtdefaimetdesoif,etinviteledieudel’Orageà descendredanssagorge;apeuré,Ba‘alacceptedeseconstitueresclavedeMôtetd’être mangéparlui;aprèsunlongpassagelacunaire,Ba‘alsevoitordonnerdedescendredansle mondesouterrainavecsesfillesPidrayetT alay,maiss’unitauparavantàunegénisse.Lorṣ qu’ilapprendlamortdeBa‘al,Elselamente,prendledeuiletannoncequ’ildescendrasous terre.‘Anatapprendaussilamortdesonfrère( KTU 1.5);ladéessesecomportecomme El, et va chercher avec Šapaš le corps de Ba‘al, l’enterre sur le Sapon et lui rend les honneurs.Athiratapprendde‘AnatlamortdeBa‘aletestinvitéeparElàprésenterunde sesfilsàlaroyauté;Athiratdésigne‘Athtar,quimontesurletrônedeBa‘aldansleSapon, maisesttroppetitpourl’occuper;‘Athtardescenddoncdutrônepourrégnersurlaterre. Entredelongueslacunes,‘AnatagresseettueMôtafinqu’ilrestitueBa‘al,puisElrêvedu retourdeBa‘aletseréjouit;ilaccordeà‘Anatl’aidedeŠapašpourretrouverledieu.De nouveauvivant,Ba‘alseréinstallesursontrôneetfaitfaceàunenouvelleattaquedeMôt aprèsseptans;lecombatestindécis,jusqu’àcequeŠapašrabrouelesprétentionsdeMôtà laroyautéaunomd’El;Môtprendalorspeur,etBa‘alestinstallésurletrôneroyal.Le CycledeBa‘al s’achèveparuncourtélogeàŠapašetKotharetKhasis. b) Le CycledeBa‘al est,d’abordetavanttout,unpoèmeàlagloiredudieudel’Orage, Ba‘alHaddou,«quichevauchelesnuées»( rkb‘rpt ),relatantsamontéeenpuissanceetson accessionautrôneavecl’aidedesasœuretauxiliaire‘Anat204 . 202 KTU 1.1,col.IV,l.20;1.3,col.III,l.3839;1.4,col.II,l.34;col.VI,l.12;col.VII,l.34. 203 KTU 1.4,col.VII,l.4647,48;col.VIII,l.2324( mdd’ilm ),3132;1.5,col.I,l.8,13;col.II,l.9; col.III,l.10,19,26;1.6,col.VI,l.3031. 204 Surcesdieux,cf.e.a.A.CAQUOT ,M.SZNYCER &AndréeHERDNER , op.cit. [n.180],p.7392; DDD , .« אעל p.132139, s.u. «Baal;« ענת p.3643, s.u. «Anat POSÉIDONARCHAÏQUE 204

Ba‘alincarneàlafoislapuissancedelafoudreetlafertilitédelapluie205 :savoix, entendueduhautduciel,estletonnerre206 ;lesarmesqueluiforgeKotharetKhasisre présententpeutêtrelafoudre;sesfillessortentdelafenêtredesonpalaispourféconderla terre207 .LapuissancedeBa‘al—expriméedanssesépithètes traditionnelles «très puis sant»( ’al’iyn )et«pluspuissantdeshéros»( ’al’iyqrdm ),ainsique«vaillant»( dmrn )208 —se manifestelorsdescombatsquil’opposentàYametMôt. Quantà‘Anat,ellefaitpreuve,àtoutmoment,d’uneindéfectiblefidélitéàl’égardde sonfrère.Parèdreduseigneur( b‘l ),elleporteletitre«maîtresse»( b‘lt )209 .CommeBa‘al, elleapparaîtrégulièrementsousunjourviolent210 —elleporteraitlestitres«‘Anatdela dévastation (?)»( ‘nthlṣ̌ )211 et«‘Anatdestructrice»(‘ nt hbly̮ )212 —etnecraintpasdemena cervertementsonpèreEl213 .Enoutre,‘AnatassisteraitBa‘aldansleprocessusdefertilisa tion214 .Sonépiclèseattitrée«jeunefille»( btlt )exclutqueladéessesoitréellementl’épouse deBa‘al215 .Deplus,ellenerésidepascommesonfrèresurlemontSapon( spṇ ),maissurle montInbab( ’inbb )—ouOughar( ’uār ). c) ÀtraverslaprisedepouvoirdeBa‘al,le Cycle poselesproblèmesdel’accessionà laroyautéetdelarépartitiondesfonctionsparmilesdieux.Immédiatement,ledieuElse montreaudessusdetouslesconflits,entantquejugesuprêmedontlasanctiongarantitle règnedeteloutel. Dansunpremiertemps,ElsanctionnelaroyautédeYam, préside l’assemblée des dieuxetacceptedeluilivrersonennemiBa‘al,autoriselaconstructionparKothardeson palais.Àsontour,aprèsladéfaitedeYametselonlapromessedeKothar,Ba‘alacquiertsa «royautééternelle»(mlk‘lm ),son«pouvoiràperpétuité»( drktdtdrdr )216 :ilobtientd’Ella constructiond’unpalaissurleSapon,quiattestedonclanouvellesouverainetédeBa‘al. Aucoursdel’exercicedecettesouverainetératifiéeparEl,YampuisBa‘alarborent destitresexplicites:lepremierexhibeladoubledénomination«princeYam,jugeNahar» (zbl ym , tpṯ ̣ nhr ) 217 et se présente luimême comme seigneur ( b‘l ) et maître ( ’adn ) des

205 Surcetaspect,cf.enpart.S.A.WIGGINS ,«TheWeatherunderBaal.MeteorologyinKTU1.1–6», UF ,32,2000,p.577598. 206 Cf.e.a.KTU 1.4,col.VII,l.29( qlhqdš «savoixsainte»);1.19,col.I,l.46( tbnqlb‘ḷ «l’agréablevoix deBa‘al»). 207 KTU ,1.4,col.VI,l.1011;col.VII,l.1335;cf.égalementcol.V,l.611. 208 Cf.AichaRAHMOUNI , op.cit. [n.187],n os 14,15,47.Pourladernièreappellation,cf. KTU 1.4,col.VII, l.39;1.92,l.30. 209 Cf.AichaRAHMOUNI , op.cit. [n.187],n os 3235. 210 Cf.,p.ex., KTU 1.3,col.II,l.137. 211 KTU 1.109,l.25. 212 KTU 1.39,l.17;1.102,l.11;1.162,l.14. 213 Cf.e.a. KTU 1.3,col.IV,l.53–col.V,l.25;1.18,col.I,l.114. 214 Cet aspect est plus difficile à cerner, et dépend principalement de l’interprétation de l’épisode de l’enterrement de Ba‘al par ‘Anat. Le théonyme ‘Anat est certes un homonyme du nom «source» ( ‘n ) au pluriel( ‘nt ),maislalectured’épiclèsestelles«‘Anatdeschamps»( ‘ntšdm )et«‘Anatdulabour»( ‘ntmh rṭ ṯ ) (KTU 1.6,col.IV,l.13,1214),oul’interprétationde KTU 1.96commeuneomophagiedeBa‘alpar‘Anat afind’approvisionnerdifférentessources,seheurtentàdesdifficultésépigraphiquesetphilologiques:cf.e.a. A.CAQUOT ,M.SZNYCER &AndréeHERDNER , op.cit. [n.180],p.87,262263etn.gh;D.PARDEE , loc.cit. [n.201],p.271,n.262. 215 LestroisfillesdeBa‘alseraientd’ailleursnéesdetroismèresdifférentes:Pidrayseraitlafillede ’ar; Talay,dẹ rd ;Ars ay,dẹ y‘bdr .Cf.D.PARDEE , loc.cit. [n.201],p.250,n.69. 216 KTU 1.2,col.IV,l.10.Cf.aussi1.3,col.IV,l.23;1.6,col.V,l.56;col.VI,l.3335. 217 KTU 1.2, passim;cf.AichaRAHMOUNI ,op.cit. [n.187],n os51,52,105. POSÉIDONARCHAÏQUE 205 dieux218 ;lesecondportelesépiclèses«prince,seigneur[delaterre]»( zbl ,b‘l [’ars ])̣ 219 ou «très haut» ( ‘ly )220 ,etsevoitdécritcommele«roi»( mlk ) et «juge» ( tpṯ )desdieux̣ 221 . Ba‘alaaussil’occasionderevendiquersaroyautélégitime:puisqu’ilestinstallédansson palais,quid’autrepourraitrégnersurla«terredesonpouvoir»( ’ars drkṭ )222 ?Lesoutien qu’apporteElàBa‘alsemanifesteraencorelorsdelamort,puisdelarésurrectiondudieu, puisquetouràtourElexprimerasapeineetsajoieenapprenantlesortréservéàBa‘al. Parcontre,le«terrible»( ‘rz )‘Athtaretle«noble»(̣ āzr )Môt—lesquelsprétendent explicitementàlasouveraineté223 etaffrontentquiYam,quiBa‘al—encourentungrave châtimentdelapartdudieuEl,ainsiqueŠapašleleurannonceenuneformulestéréoty pée224 : soutenant le souverain en place, El retirera les fondations du siège ( ’altt bṯ ) de l’usurpateur,renverseraletrônedesaroyauté( ks’umlk ),briseralesceptredesoncomman dement( ht̮ mṭ pṯ ).Denouveau,Elestlapierredetouchedetoutẹ royautédivine. Lecasde‘Athtarestparticulièrementintéressantpourmieuxsaisirlahiérarchiedes pouvoirsdivins225 .SouslerègnedeYam,‘Athtarexigelaconstructiond’unpalais,puisqu’il seditroietauneépouse—contrairementàYam—;pourtant,sesdoléancessontalors rejetéesparŠapašaunomd’El226 .Plustard,lorsqueleroiBa‘alestdéfaitparMôt,Athirat, avecl’aveud’El,désigne‘Athtarpourremplacerledieudel’Orage;cependant,‘Athtarne parvientpasàremplirsonoffice,étanttroppetitpouroccuperletrônedeBa‘al;‘Athtar descendalorsdutrône,pourdevenirroidelaterre( mlk’ars ),entantque«dieudesatotạ lité» ( ’il klh )227 . Cet épisode de l’interrègne révèle l’infériorité objective et effective de ‘AthtarparrapportàBa‘al228 :mêmesi‘Athtarexercelaroyautésurlaterre,ilestsoumis aupouvoirdudieudel’Orage,luimême«seigneurdelaterre»( b‘l’ars ).Ainsi,surunmệ medomaine,peuventcoexisterdeuxroyautés,avecdifférentsdegrésdepuissance.Lefait queBa‘alet‘Athtarnes’excluentpas,maispuissentrégnerdeconcert,estuneclefmajeure pour interpréter correctement la structure du panthéon ougaritique en général, et les rapportsentreEletBa‘alenparticulier. 218 KTU 1.2,col.I,l.17,33[34],45. 219 Cf.not. KTU 1.3,col.I,l.34;1.5,col.VI,l.10;1.6,col.I,l.4243;col.III,l.9;col.IV,l.5,16.Cf. AichaRAHMOUNI , op.cit. [n.187],n o50. 220 Cf.not. KTU 1.16,col.III,l.6,8;cf.AichaRAHMOUNI , op.cit. [n.187],n o87. 221 KTU 1.3,col.V,l.32;1.4,col.IV,l.4344. 222 KTU 1.4,col.VII,l.4244.Yampourraitavoiruneprétentionsemblable( KTU 1.2,col.III,l.22),à moinsqu’ils’agissed’unerevendicationde‘Athtar:cf.A.CAQUOT ,M.SZNYCER &AndréeHERDNER , op.cit. [n.180],p.125,n.s;D.PARDEE , loc.cit. [n.201],p.248,n.53. 223 Pour‘Athtar,cf. KTU 1.2,col.III,l.22,aveclesréservesexpriméesàlanoteprécédente;pourMôt, cf. KTU 1.4,col.VII,l.4752. 224 KTU 1.2,col.III,l.1518;1.6,col.VI,l.2229. 225 Cf. en part. P.XELLA ,«Lespouvoirsdudieu‘At tar:̱ Morphologie d’un dieu du panthéon ugariti que»,dansN.WYATT ,W.G.E.WATSON ,andJ.B.LLOYD (éd.), Ugarit,Religion,andCulture.Proceedingsofthe InternationalColloquiumonUgarit,Religion,andCulture.Edinburgh,July1994.EssaysinHonourofJohnC.L.Gibson , Münster,1996,p.381404. 226 KTU 1.2,col.III. 227 KTU 1.6,col.I,l.4367.L’interprétationdelal.65estparticulièrementdiscutée:cf.e.a.A.CAQUOT , M.SZNYCER & AndréeHERDNER , op. cit. [n.180], p.258, n.o; D.PARDEE , loc. cit. [n.201], p.269270, n.250.Letitreportépar‘AthtarestidentiqueàceluideKotharetKhasis,quirègnesurMemphis,en«dieu desatotalité»,dontlaCrèteestlesiège( tbṯ )etMemphislaterredesonhéritage( ’ars nḥ lṭ ):cf. KTU ,1.1,col. III,l.1;1.3col.VI,l.1316. 228 Cetteinférioritéestd’embléesoulignéeparEllors du choix du successeur de Ba‘al: cf. KTU 1.6, col.I,l.4355,aveclesremarquesd’A.CAQUOT ,M.SZNYCER &AndréeHERDNER , op.cit. [n.180],p.256, n.h;D.PARDEE , loc.cit. [n.201],p.269,n.245. POSÉIDONARCHAÏQUE 206

3.–Lesdifférentsmythesétudiésjusqu’àprésentpermettent de faire le point sur l’organisationdupanthéond’Ougaritet,singulièrement,d’ydépartagerlesfonctionsd’Elet deBa‘al.Toutl’enjeududébatestdetrancherlaquestiondelasouveraineté,divinecomme humaine. Danssonensemble,lepanthéonougaritique—quirassembletouslesdieuxnésd’El etd’Athirat—est«l’assembléedesdieux»( ph r’ilm̮ )ou«l’assembléedesfilsdedieux»( ph r̮ bn’ilm ).Étantlefrèredesseptantefilsd’Athirat229 ,etlefilsàlafoisd’EletdeDagan230 , Ba‘alnesedistinguepasparticulièrementdesautresdieuxd’Ougaritparsagénéalogie.Par contre, les locutions «la famille d’El et l’assemblée de Ba‘al» ( dr’ilwph rb‘l̮ )231 et «les deux (?)famillesdesdieux»( drm’ilm )232 suggèrentquedeuxgroupesdistinctscoexistentau seindupanthéon.Lepremiergroupecomprendraitles«filsd’El»( bn’il ):ilestappelé«fa milled’El»( dr’il ),«familledesfilsd’El»( drbn’il )ou«cerclefamilialdesfilsd’El»( mph rt̮ bn ’il ); le second groupe, «l’assemblée de Ba‘al», serait composé des «dieux alliés de Ba‘al»( ’ilt‘d rb‘ḻ ). Pourraitonimaginerunedichotomieentrecesdeuxgroupesdedieux,quiappartien draientàdeuxgénérationssuccessivesetopposées,àl’imagedesTitansetdesOlympiens chezHésiode,oudesdifférentesgénérationsdivinesattestéesdanslamythologieproche orientale?End’autrestermes,Ba‘all’emportetilsursonpère,pourhériter—fûtcepaci fiquement—desfonctionssouverainesd’El,delamêmemanièrequeZeusdéfaitCronos, queledieudel’OragehourritevaincKumarbietqueleMardukbabyloniensuccèdeàÉa? Uneréponseaffirmativeàcettequestionéquivaudraitàfairecorrespondrelapro gressivemontéeenpuissancedudieudel’Oragecontéedansle CycledeBa‘al àunemiseà l’écartinversementproportionnelledesonpèreEl,lequelseraitdéposédesontrône,écarté delasociétédesdieuxetrejetéauxconfinsdumondemythique,negardantqu’unprestige obsolèteetuneaurasemblableàcelledesanciensdieux233 .Pourtant,uneétudestructurale du CycledeBa‘al démontreque,loind’isolerElaubandelasociétédesdieux,l’actionde Ba‘alrétablitledieuEldanssesprérogativesdechefdupanthéonougaritique;deplus,la victoiredeBa‘alsurYamcréeunordrenouveau—enchâssédansl’ordreancienrestau ré—,detellesortequeBa‘alassureunefonctionanalogueàEl,maisdansunestructurede ranginférieur;enfin,ladéfaitedeMôtsouslescoupsde‘Anatrépètecemodèleauniveau —encoreinférieur,ettoujourssubordonnéauprécédent—del’activitéhumaine234 . Danscetteoptique,le CycledeBa‘al n’estpastantl’histoired’unerévolutioncontreun ordreancienetpériméquelerécitd’unecosmogonieaboutissantàlacréationd’unesociété auxdimensionsetauxvaleurshumaines235 .Etcettecosmogonienemetpasseulementen scèneBa‘al,ledieudel’Oragequicombataujourlejour,annéeaprèsannée—commeau tempsprimordialdumythe—leseauxchaotiquesde Yam et la sécheresse mortelle de Môt:ensaqualitédesouverainsuprêmeetdegéniteurdetouslesprotagonistes,ledieuEl surmonteetenglobelecombatdescontraires,endonnantdroitdecitéauchaosetàla 229 Cf.enpart. KTU ,1.4,col.VI,l.4446.Ba‘almassacreracesfilsd’Athirat( KTU 1.6,col.V,l.13). 230 Cf.e.a.AichaRAHMOUNI , op.cit. [n.187],n o28. 231 Cf.KTU 1.39,l.7;1.41,l.16( inlac. );1.87,l.1718. 232 Cf. KTU 1.123,l.32. 233 Ainsi,cf.e.a.M.H.POPE , op.cit. [n.185],enpart.p.82104;ID.,«TheStatusofElatUgarit», UF , 19,1987,p.219230. 234 D.L.PETERSEN &M.WOODWARD ,«NorthwestSemiticReligion:AStudyofRelationalStructures» UF ,9,1977,p.233248,enpart.p.237343. 235 Encesens,cf.R.J.CLIFFORD ,«CosmogoniesintheUgariticTextsandintheBible», Orientalia ,n.s., 53,1984,p.183201. POSÉIDONARCHAÏQUE 207 mort,enfavorisantlesluttesdeBa‘alpourl’ordreetlavieet,surtout,enveillantàmainte nirl’équilibreauseindel’universsanssedépartird’unebienveillantedouceur236 . Parconséquent,lessphèresd’existenceetdepuissancedivinecentréessurEletBa‘al nesauraients’exclure;toutaucontraire,lapremièreinclutetconditionnelaseconde237 .La justessedeceparadigmeseraitencorerenforcéesilesrésidencesdesdeuxdieuxseconfon denteffectivementaveclecentredel’universougaritique,sisaumontSapon,quis’oppose àlameretaudésert—confinsdelagéographiemythique—:Ba‘alaétablisontrôneet sonpalaisdanslesreplisdecettemontagne,etElyauraitégalementsademeure238 . Entantqueroiprivédepalais,Ba‘alseplaignaitdesasituation«auTaureauElson père,àElleroiquil’afaitêtre»( tr’il’abh’ilmlkdyknnẖ )239 .Cetteexpressioncondensele doubleascendantd’ElsurBa‘al,entantquepèred’abord,entantqueroiensuite:Ba‘alest dieuetroiparEl.Sil’épithète«Taureau»( tṟ )conféréeàElexprimebiensadoublequalité degéniteuretdesouverain,Ba‘al,enparfaiteémanationd’El,porteletitrede«Taurillon» (‘gl )240 .Toutefois,siBa‘aln’existequeparEl,Elluimêmeabesoindurègnedudieude l’Orage,commelemontrentlespéripétiesdu CycledeBa‘al —etsingulièrementladéfaite deYamparBa‘al.Lestémoignagesiconographiquesconfirmentd’ailleursquecesdeuxdi vinitéssontdétentricesdepouvoirscomplémentaires241 .El,souventreprésentéassis,incar nelavieillesse,labontéetlasagesse:ilestlegarantdelacontinuitéetdel’équilibre.Ba‘al, parcontre,estdebout:sajeunesseetsaforcephysiquepromettentl’actionetleprogrès. Dupointdevuedeshommes,EletBa‘alnepeuvents’excluremutuellementdela sociétédesdieuxetexisterseuls:leurcohabitationetleurcollaborationsontnécessairesau bonfonctionnementdelasociétéougaritique—toutparticulièrementpourlesaffairestou chantàlaroyauté.L’intercessiondeBa‘alauprèsd’Elvisantàassurerlapermanencedes dynastiesdeKeretetDanelest,àcetégard,uneillustrationdesplussignificatives.Pèreet filssontdoncintimementunisetsolidairesdansl’exercice de la royauté divine, comme danslesoutiendesroyautéshumaines242 .

236 J.C.L.GIBSON ,«TheTheologyoftheUgariticBaalCycle», Orientalia ,n.s.,53,1984,p.202219. 237 C.E.L’H EUREUX , Rank among the Canaanite Gods: El, Ba‘al, and the Repha’im , Missoula, 1979; N.WYATT ,«UnderstandingPolytheism:StructureandDynamicinaWestSemiticPantheon», JHC ,5,1998, p.2463( nonuidi ). 238 Lesdifférentesappellationsdelamontagnesainted’Ougarit(oug. ār’ils pṇ ;hitt. dḪUR .SAG hazi̮ ;gr. Κάσιον ὄρος;lat. Casiusmons )autorisentunrapprochementavecla«montagne[]»(oug. hršn̮ ;cf.akk. hur̮ šanu ,sum. ḪUR .SAG )etle«montKas»(oug. ārks ),oùhabiteEl( KTU 1.1,col.II,l.[3],23[24 (?)];col.III, l.[11]12,22);laréférenceaquatiquedelaformulestéréotypée«àlasourcedesdeuxfleuves»( mbknhrm ), «aumilieudujaillissementdesocéans»( qrb’apqthmtm )évoquelalocalisationd’El«auborddelamer»( gp ym ),«auborddel’océan»( gpthm )lorsdelarencontredesfuturesmèresdes«dieuxgracieux»( KTU 1.23, l.30).Cf.N.WYATT ,«Lecentredumondedansleslittératuresd’Ougaritetd’Israël», JNSL ,21/2,1995, p.123142. 239 KTU 1.3,col.V,l.3536;1.4,col.I,l.[46];col.IV,l.4748. 240 KTU 1.5,col.V,l.4,d’après1.108,l.9.Cetteimageestconfirméeparl’iconographiedeBa‘al(e.a.la stèleduLouvreAO15.775=RS4.427)etparlesrapportsquecedieuentretientaveclesgénisses( KTU 1.5, col.V, l.1726; 1.1011); cf. aussi KTU 1.12, col.II, l.39; 5355. ‘Anat, sœur de Ba‘al, est également pourvuedecornes(cf.p.ex. KTU 1.10,col.II,l.2123)etdénommée«génisse»(cf. KTU 1.13,l.22,2930). Cf.e.a.A.CAQUOT ,M.SZNYCER &AndréeHERDNER , op.cit. [n.180],p.7576. 241 Cf.A.CAQUOT &M.SZNYCER , UgariticReligion ( IconographyofReligions ,XV,8),Leyde,1980,p.12. 242 Surl’idéologiereligieusedelaroyautéougaritique,cf.e.a.N.WYATT ,«TheReligionofUgarit:An Overview»,dansW.G.E.WATSON &N.WYATT (éd.), op.cit. [n.181],p.559562;ID.,«TheReligiousRole oftheKinginUgarit», UF ,37,2005,p.695727. POSÉIDONARCHAÏQUE 208

—LEDIEU POSÉIDON :UNESYNTHÈSEORIGINALE Lesdeuxparagraphesprécédentsontviséd’unepartàsoulignerlaproximitédePo séidonaveclesdiversesdivinitéschtoniennesétrangèresàlasociétédeZeus,d’autrepartà mettreenévidencelesdeuxmodèlesprocheorientauxdesuccessiondivineayantcertaine mentinfluencélesconceptionsreligieusesgrecquesdepuisleII emillénairejusqu’àl’époque archaïque.Audépartdecesdonnées,nousespéronsêtreenmesurederetracerl’évolution généraledelathéologiedePoséidon. Dansunpremiertemps,nousreviendronssurlaplacemédianedePoséidondansle panthéonhésiodique,àchevalsurlagénérationdesTitans—d’unpointdevuefonction nel—etcelledesOlympiens—d’unpointdevuegénétique—,etmontreronsdansquelle mesureunetellepositiondérivedel’applicationd’unmodèledesouverainetéparexclusion dupère.Dansunsecondtemps,nouspostuleronslapréexistence,danslepalaismycénien, d’unschémadesouverainetéparcoexistence,comparableàceluid’Ougarit,eninsistantsur lesdifficultésméthodologiquesetdocumentairesdecettedémarcheetenappuyantnotre hypothèsesurlacomparaisonproductiveentreles rp’um d’Ougaritetleshérosgrecs.Enfin, nousprésenteronssuccinctementquelquesmythesorientauxdérivésdesschémasreligieux ougaritiquespourenillustrerlesconsidérablespotentialitésévolutives,avantdeproposer unereconstitutiondeleursmodificationsenpaysgrec,depuisl’âgedespalaismycéniens jusqu’àl’époquearchaïque. 1.– Les relations fusionnelles qu’entretient Poséidon avec les dieux préolympiens dirigésetincarnésparCronosinvitentàmettreenquestionlesliensdeparentécanoniques entrecesdivinités.Defait,ladéfinitiondeCronoscommepèreetdePoséidoncommefils viseavanttoutàdistinguerclairementd’unpointdevuegénéalogiquedeuxdivinitésque toutrassemblesurleplanfonctionnel.N’étaitcettedifférencegénérationnelle,ladistance entrePoséidonetsesprédécesseursdanslachronologiemythique—Cronos,lesTitans,les HécatonchiresetlesCyclopes—s’estomperaitpourlaisserlaplaceàdiversesentitésdivi nesparticipantd’unemêmepuissancemasculinechtonienne,violenteetimprévisible. Danslesystèmereligieuxdesauteursgrecsarchaïques,l’affirmationderapportsfra ternelsentreZeusetPoséidon,ainsiqueleurcommunefiliationàCronos,aprécisément pourobjetdeposerleproblèmedelaroyautédivineentermesdeconflitdesgénérations. Decettemanière,cetteentitéchtonienneuniqueestenmêmetempsexclueetinclusedans lepolythéismecentrésurZeus:d’unepartenchaînéeauTartare—CronosetlesTitans— oureléguéeauxconfinsdumonde—lesHécatonchiresetlesCyclopes—,d’autrepartliée aupanthéonolympien—Poséidon.FairedePoséidonunfrèrecadetdeZeusrevientdonc àjustifierlaprésenceaumonde,dansleculteetlesmythes,decettepuissancechtonienne, toutenlajugulantetenlacontrôlantdansuncadrerigoureusementdéfiniparlesvaleurs deZeus.Detouteévidence,cetteopérations’apparenteàl’intégrationd’unélémentancien —etnéanmoinsindispensable—dansunnouveausystèmedevaleurs,plutôtqu’àl’ajout tardifd’unepiècerapportée. Pareillepartitiondesdieuxengénérationssuccessivesetopposéesdérive,sansaucun doute,duschémaoriental—attestédeBabyloneàHattuša—quidéfinitlaroyautédivine parl’exclusiond’unpère:lareprise,magnifiéeetamplifiée,decethèmeparHésioderevèle suffisammentsonempreintesurlapenséegrecquearchaïque.Envertudecemodèlede successionpatrilinéaire,toutquiestantérieuretétrangeraudieudel’Orageendevientfor cémentl’ennemimortel:laseulemanièredefaireexisterdanscesystèmePoséidon,entant quemembredelagénérationantérieure,estdoncdetransformerlepèreenpair. DanslechefdePoséidon,lamiseenplacedecemodèledesuccessionexclusivecrée diversproblèmes,dontlemoindren’estpaslerapportétroitdecedieuàlaroyauté,avéré POSÉIDONARCHAÏQUE 209 danslaPylosmycénienneettoujoursvisibledansplusieurspanthéonsd’époquehistorique —notammentàAthènes243 ,maisaussienArgolideetenBéotie.Cettepermanencedela fonctionroyaledePoséidondepuisleII ejusqu’auI er millénaire—quiplusestdansundo maineexpressémentsoumisaupouvoirdeZeusàl’époquearchaïque—nousinciteàpos tulerl’existence,àl’époquemycénienne,d’unsystèmedereprésentationdelasouveraineté divinedifférentdeceluiqueprésenteHésiodedanslesillagedesmythologiesorientales,et vraisemblablementplusprochedumodèleougaritique. 2.– Tenter uneétude comparative des réalités religieuses grecques et ougaritiques posed’embléeunproblèmedeméthode,doublédedifficultésd’ordredocumentaire,ainsi quel’aintelligemmentillustréuneanalysecomparativedesentitésintermédiairesentreles hommesetlesdieuxquesontles rp’um ougaritiquesetleshérosgrecs244 .Quandbienmê mecescatégoriesreligieusesprésentent apriori desaffinitésformellesetfonctionnelles,leur enracinementdansdeuxsociétésdifférentesrendvainetoutetentatived’identificationpure etsimple;deplus,lanatureetlaquantitédeladocumentationdisponiblevariegrandement selonleslieuxetlesépoques—desimplesdocumentscomptablesàPylos;desmytheset rituels plus élaborés à Ougarit; des textes littéraires et épigraphiques très nombreux et variéspourlemondegrecduI er millénaire.Ilconvientdoncdeprocéderavecunegrande prudence, en mettant en évidence des analogies issues éventuellement de contacts pro longésentrelesdeuxcivilisationset,plusprobablement,dedéveloppementsparallèlesau départd’undonnésociopolitiqueetidéologiquesimilaire. Or,lepalaisquiconstituelemodèlesociopolitiquegrecàl’époquemycénienneest clairementunhéritageprocheorientaletprésentedessimilaritésstructurellesindéniables aveclepalaisd’Ougarit.Parailleurs,latailleplusoumoinssimilairedecespetitsroyaumes lesopposefortementauximmensesterritoirescontrôlésparlepharaonégyptienoul’empe reurhittite:lesétatsmycéniensetleroyaumed’Ougaritentretiennentdonclemêmetype derelationsaveclespuissancesdelaMéditerranéeorientale,mêmesilapositiongéostraté giquedupalaisd’Ougaritaccentuenécessairementl’importancedesapolitiqueextérieure. Enfin,l’effondrementsimultanédespalaisdeGrèceetdeSyrie,ainsiquedel’Empirehitti te,estunultimetémoignageenfaveurdel’identitédecesmodèlesdesociété:assezlogi quement, les mêmes structures succombent de la mêmemanière,auxmêmescauses,au mêmemoment. Decefait,leroietl’élitepalatialedePylosprésententsansdouteunaspectfortpro chedeleurshomologuesougaritains,puisqu’ilsévoluentaucentredesociétésorganiséesà partirdesmêmesfondementséconomiques,ets’inscriventdansunmêmeenvironnement international,oùilsdoiventcomposeraveclesgrandsdumoment.Parconséquent,ilest trèsvraisemblablequecessouverainsetcesélitesdéveloppentuneidéologiecomparable pourexpliquerlemondequilesentoure,fonderlastructuredeleursociétéetjustifierla positionqu’euxmêmesyoccupent. Lecasdéjàcitédes rp’um ougaritiquesestunexcellentargumentenfaveurdetelles analogiesidéologiques.Dansl’environnementpalatiald’Ougaritsedéveloppeuncultefu néraired’ungenreparticulier,quiexaltelesancêtresdel’élitepalatiale,entantqu’êtresde rangsupérieuràdesimplesdéfunts—maisinférieursàd’authentiquesdieux—,quiprotè gentladynastierégnanteetlasociétépalatialedanssonensemble;aprèslachutedupalais, 243 Cf. infra ,ch.II. 244 P.MERLO &P.XELLA ,«DaErwinRohdeaiRapiumaugaritici:antecedentivicinoorientalideglieroi greci? », dans S.RIBICHINI , MariaROCCHI & P.XELLA (éd.), La questione delle influenze vicinoorientali sulla religione greca. Stato degli studi e prospettive della ricerca. Atti del Colloquio Internazionale. Roma, 20–22 maggio 1999 , Rome,2001,p.281297. POSÉIDONARCHAÏQUE 210 cesentitésdemeurentetsontréinterprétéesauseind’unnouveausystèmereligieuxsousla formedepeupleshabitantjadislaPalestineetdedéfuntsdépourvusdetoutpouvoir—les rephaïm bibliques245 .Or,lesprémissesducultehéroïquegrecàl’époque postpalatiale se laissentassezsûrementrestituercommeunculteancestralmycénientrèssimilaireàcelui quiestattestéàOugarit,maisayantévoluédefaçontoutàfaitopposéeaprèsladisparition delasociétépalatiale246 .Departetd’autredelaMéditerranéeorientale,lesélitesdespalais sedéfinissentdoncellesmêmeseninstaurantdesgénéalogiesd’ancêtressemimythiques, intermédiairesentrelesdéfuntsetlesdieux,notammentinvestisd’unefonctiondepatro nageetdeprotectionparrapportàlasociétéhumaine. Cetteconvergenceprofondedesidéologiessocialesmycénienneetougaritiqueauto riseàpostulerunecertainecorrespondancedesidéologiesroyalesdecessociétés,dansla mesureoùlesouverainapparaîtcommelaclefdevoûtedusystèmepalatial.Entoutelogi que,cetteidéologieroyales’exprimeenbonnepartieàtraverslapenséereligieuse.Dèslors, plutôtquedeprojetersurl’époquemycénienneles schémas hésiodiques, nous pouvons nous interroger sur la pertinence d’un modèle de souveraineté où le père et le fils ne s’opposentpas,nines’excluent,maiscoexistentetcollaborent.Leschémabinaireassociant EletBa‘alàOugaritpourraitainsicorrespondreàuncoupleforméparPoséidonetZeus danslespalaismycéniens,enparticulieràPylos. LacorrespondanceentreBa‘aletleZeusdécritparHomèreouHésiodeestobvie,et nenécessitequepeud’approfondissements.Malgrél’étymologieindoeuropéennedeson nometlaréférenceaucielclair,leZeusduI er millénaireestavanttoutundieudel’Orage, quiprésentedegrandesressemblancesavectouslesdieuxdel’Orageprocheorientaux247 . NonseulementZeusest,commeBa‘al,pourvudufoudreetdutonnerrecommeexpres sionsdesapuissancedivine,maisleséjourd’unΖε ὺς Ὀλύπιοςestégalementtoutàfait comparableàceluiduBa‘alSapon( b‘ls pṇ ).Defait,lamontagnedudieudel’Oragesesitue aucentrenévralgiquedelagéographiemythique,enmêmetempsqu’elletientlieudefron tièreseptentrionaledumondehabité—leSaponpourlesOugaritains,l’Olympethessalien pourlesGrecsd’époquearchaïque,dansuneoptiquepanhellénique.Enfin,danslestradi tionsougaritiquescommedanslalittératuregrecquearchaïque,Ba‘aletZeussoutiennent lesroishumains,danslamesureoùceuxciseconformentàl’ordredivin. LesrapportsentreEletPoséidonsontàpremièrevuemoinsapparents. Toutefois,lesdeuxfonctionsprincipalesd’El—lapaternitéetlaroyauté—transpa raissentdanslapersonnalitéduPoséidonarchaïque.Defait,mêmesiZeusestparexcellen celepèreetdeshommesetdesdieux(πατ ὴρ ἀνδρ ῶντεθε ῶντε, uelsim. ),ainsiqueleurroi (θε ῶνβασιλε ὺςκα ὶἀνδρ ῶν, uelsim. ),Poséidoncomptedanslamythologiegrecqueungrand nombre de descendants de rang princier, dont plusieurs sont la souche d’une dynastie: citonsparexemplelesMolionidesEurytosetCtéatos,lesjumeauxNéléeetPélias,Belléro phon,Abas,ouencoreThésée248 .Cetteabondanteprogénitureattestesansdoutedescapa citésdePoséidoncommedieugéniteuretdieusouverain,quipourraient constituerune HedwigeROUILLARD BONRAISIN , «L’énigme ;« רפאים Cf. e.a. DDD , p.692700, s.u. «Rephaim 245 desrefā’îmbibliquesrésoluegrâceauxrapa’ūmad’Ougarit?»,dansJ.M.MICHAUD (éd.), LaBibleetl’héritage d’Ougarit ( POLO ,1),Sherbrooke,2005,p.145182. 246 P.MERLO &P.XELLA , loc.cit. [n.244],p.281297. 247 Cesdivinitésprésententunetrèsgrandecohérenceentreelles,quis’exprimenotammentdanslessimi litudesiconographiques:cf.p.ex.A.VANEL , L’iconographiedudieudel’oragedansleProcheOrientancienjusqu’au VII esiècleavantJ.C. ( CahiersdelaRevueBiblique ,3),Paris,1965,enpart.p.159169. 248 PourunelistedesdescendantsdePoséidondanslatraditionépique,cf. LfgrE ,t.III, s.u. «Ποσειδᾱω ν, Ποσειδ έων,Ποσειδ ῶν»,col.1472,§1b;pourunrelevéplusexhaustif,cf.A.S.PEASE ,«TheSonofNeptu ne», HSCP ,54,1943,p.7782. POSÉIDONARCHAÏQUE 211 strateanciennedelareligionhellénique.LematérielmycéniendePylos,toutlimitéetfrag mentairequ’ilest,confirmeraitcetteimpressionsi—commenousavonstentédelemon trer—ledieuPoséidonentretientdesrapportsprivilégiésavecle wanax de Pylos249 . La traditionépique,enfaisantdesNéléidesquirègnentsurPyloslesdescendantsdePoséidon rejoindraitainsiletémoignagedestablettespyliennes.D’autrepart,toutlepanthéonolym pienestissudeCronos—déitéchtonienneoffrantd’étroitesressemblancesmorphologi quesavecPoséidon—:sinousavonsraisond’analyserCronos—oulesTitans—etPo séidoncommelesdeuxversantsd’unemêmepuissancedivine,Poséidonpourraitalorslégi timementrevendiquerlapaternitédesdieuxolympiens,etcelledeZeusenparticulier,de mêmequelacréationdetoutel’humanité250 . Leslieuxderésidencesd’EletdePoséidonsontégalementcomparables.Tandisque lepremiervitaucentredel’univers—quiestàlafoisunséjourmontagneuxetlessources desdeuxfleuvesetdesocéans—,le secondpartagesontempsentrel’Olympeetsonpalais marin,maisestaussidécritcommeledieuquienfermelesTitans—sesparents—dansle Tartare, «aux confins de l’énorme terre» (πελώρης ἔσχατα γαίης)251 . La position souter rainesiseàl’entréeduTartare—quidécouledecettefonctiondeportier—convientbien àundieuchtonien,«quiébranlelesol»;elleestd’ailleurslademeurenormaledesautres prochesparentsdudieuquesontlesHécatonchires252 .Àcetendroitsetrouventlesracines (ῥίζαι)delaterreetdelamer,lessources(πηγαί)etextrémités(πείρατα)delaterre,duTar tare, de la mer et du ciel, ainsi que le cours deStyxetlesfondements(θ έεθλα)d’Océa nos253 : pareille description correspond au centre de l’univers, où se rejoignent tous les confins. La présence d’Océanos en ces lieux est particulièrement significative: le fleuve circulairebordantleslimitesdel’universetprenantsasourceensoncentreévoquenon seulementlalocalisationaquatiquedel’Elougaritique—situéeàl’originedesdeuxfleuves etdesocéans—,maisaussilafonctiondesourcierreconnueauPoséidongrec,ainsique lesliensdecedieuavecl’eaucosmiqueetaveclefleuveOcéanos254 . Enfin,EletPoséidontrouventchacununsymboledeleurpouvoirpaterneletroyal dansleuridentificationautaureau.SicethèmeestclairementvisiblepourEl,caractérisé parl’épiclèse«Taureau»( tṟ ),ilestoblitéréchezPoséidonparl’associationbienconnuedu dieuauchevalenlienaveclesprérogativesroyales(Ποσειδ ῶν Ἵππιος),laquelleassociation neconnaîtaucuncorrespondantvéritabledanslemondeprocheoriental,mais—comme nousleverrons—s’inscritremarquablementdansunschémaindoeuropéen.Néanmoins, lesouvenird’unPoséidonbovindemeurevivace,notammentdansladénominationhésio dique Τα ύρεος Ἐννοσ ίγαιος, dans les Ταυρ ία célébrés pour le dieu, lors du mois ionien Ταυρε(ι)ών,chezlesταῦροιdesservantsonculteéphésienet,peutêtre,chezlesdeuxγοίαι attachéesausanctuaireduPoséidonmycénienàPylos255 . 249 Cf. supra , Sectionpremière ,ch.Ier etII. 250 Cf.p.ex. HymnehomériqueàApollon ,I,v.335336(éd.J.HUMBERT , CUF ,Paris,1959 [2] ): Τιτ ῆνέςτε θεο ί,το ὶὑπὸχθον ὶναιετ άοντες|Τ άρταρον ἀφ ὶ έγαν,τ ῶν ἒξ ἄνδρεςτεθεο ίτε,«EtlesdieuxTitans,leshabi tantsdedessouslaterre,autourdugrandTartare,desquels[sontissus]etleshommesetlesdieux».Dansune autreoptique,le Mythedesraces présentelesgénérationsd’oret—probablement—d’argentcommelefruit desdieuxentourantCronos,tandisqueZeuscréalaracedebronze,lesdemidieuxet—sansdoute—la racedefer:cf.Hésiode, Trav. ,enpart.v.109111,127129,143145,156160,176. 251 Hésiode, Théog. ,v.729733. 252 Ibid. ,v.734735,815819.Cesmonstresfurentd’ailleursoriginellementliésparCronos«surlescon fins,auxextrémitésdelagrandeterre»( ἐπ’ἐσχατιῇ,εγάληςἐνπείρασιγαίης ):cf. ibid. ,v.617623. 253 Cf.e.a. ibid. ,v.727728,736739=807810,775806,811813,816. 254 Lesrapidesanalogiesrelevées infra (p.276277)mériteraientuneétudeàpartentière. 255 Cf.e.a.ps.Hésiode, Boucl. ,v.104;Hésiode,fr.145(Merkelbach&West),v.<14>;Hésychios, s.u. POSÉIDONARCHAÏQUE 212

Enconclusion,malgrédelargestransformations,ladoublecompétencederoietde père,ainsiquelesdescriptionssubsidiairesdusiègedivinaucentredel’universetd’unthé riomorphismetaurin,seretrouventdansladescriptiondePoséidonparlesauteursgrecs archaïques.Ilestdoncvraisemblable,auvudesaffinitésévidentesentreZeusetBa‘al,que Poséidonoccupedanslepanthéondupalaismycénienunrôleabsolumentcomparableà celuid’ElàOugarit.Aucoursdel’évolutionmenantdestablettesmycéniennesauxconcep tionsreligieusesvéhiculéesparl’épopéehomériqueetlespoèmeshésiodiques,lesfonctions naturellesdePoséidonluiserontâprementdisputéesparZeus,envuedelapromulgation d’unnouveaumodèledesociété.LeplusclairenjeudecetteévictiondePoséidonparZeus étantsansdoutel’intégrationdelaθέιςpropreàZeusauxfondementsdel’ordresocial256 , ilrestedèslorsàdéterminerlesmodalitésdecettetransformation. 3.–Avantdeproposeruneesquissedel’évolutiondelathéologiedePoséidonet Zeusenpaysgrec,noussouhaitonsillustrerrapidementquelquesavatarsdelareligiond’El et de Ba‘al attestés dans le monde oriental même, mais audehors du cadre structurant qu’estlepalaisd’Ougarit.Cetaperçudémontrerasibesoinenétaitlesénormespotentialités évolutivesdesdonnéesmythiquesetreligieusesextraitesdeleurmilieuoriginel. a) Parmilesprolongementsdelareligionougaritique,le Mythed’ElkurnišaetAšertu 257 estintéressantàplusd’untitre.D’abord,cecourtmythehittitemetouvertementenscène desdieuxouestsémitiquesenpuisantsansdouteauréservoirmythiqued’Ougarit;ensuite etsurtout,cerécitestcontemporaindel’existencedupalaisd’Ougarit—etnonpostérieur à sa chute. Cette double circonstance permet sans doute d’apprécier le développement simultanédemythesparallèles,maispasd’arguererronémentdumythehittiteunesuppo séeréalitéreligieuseougaritique,tantlesdeuxsociétéshittiteetougaritiquesesituentdans desperspectivesdifférentes258 . Le premier fragment du Mythe d’Elkurniša et Ašertu décrit les avances explicites d’Ašertu—époused’Elkurniša—audieudel’Orageetlerefusdecedernier,quiparten avisersonpèreElkurniša,auxsourcesdel’Euphrate.Elkurnišarenvoiesonfilsenluienjoi gnantd’humilierAšertu,etledieudel’OragedéclareàAšertuavoirtuésesseptantesept,et quatrevingthuitfils;Ašertuestdonchumiliéeetprendledeuil.Unsecondfragmentrela teunrapportsexuelentreElkurnišaetAšertu,épiésparAstarté( dIŠTAR ),laquellevadansle désertenavertirledieudel’Orage. Cemytheprésenteeffectivementunschémafamilialconformeàceluid’Ougarit,où ledieudel’OrageBa‘alest,àl’instardetouslesdieux,lefilsd’EletAthirat;l’onyretrouve la haine de Ba‘al envers les septante fils d’Athirat, ainsi que leur massacre259 ; enfin, le théonymeElkurnišatémoignesansdouted’uneincompréhensiondutitresémitique—non attestéàOugarit—d’«Elcréateurdelaterre»(’lqn’rs )̣ 260 ,quiseprêtebienauxfonctions génitricesd’El,etleséjouraquatiquedecedieu,loindesonépouse,correspondraitàcelui d’El.Parcontre,latentativededévoiementdeBa‘al,quiconstituelenœuddumythehitti te,n’aaucunecorrespondanceavéréedanslamythologieougaritique:plutôtquederesti

«Ταυρ ία»,«τα ῦροι»,«Τα ῦρος».Cf.aussi supra ,p.4748. 256 Cf. supra ,p.176184. 257 CTH 342;cf.e.a.G.BECKMAN , «Elkurniša and Ašertu (1.55)», dans W.W. HALLO (éd.), op.cit. [n.174],p.149. 258 Plusieursexégètesont malheureusementsuccombéà cette tentation: cf. p.ex. M.H.POPE , op.cit. [n.185],p.3542. 259 Cf. supra ,n.229. 260 Cf.e.a.M.H.POPE , op.cit. [n.185],p.4954; DDD ,p.280281, s.u. «ElCreatoroftheEarth». POSÉIDONARCHAÏQUE 213 tuerarbitrairementuntelépisodeàOugarit,nouspouvonsimaginerquecethèmeestin troduitdanslaréélaborationhittitedumythe,àcausedelaprééminenceeffectivedudieu del’Oragedanslareligionhittite.Parconséquent, le Mythe d’ElkurnišaetAšertu ne serait rien d’autre que l’expression d’une problématique proprement anatolienne à l’aide de personnagesdivinsouestsémitiques:decepointdevue,ils’agitvéritablementd’unmythe hittitocananéen,aumêmetitrequele Chantde [Kumarbi ]esthittitohourrite,etla Théogonie d’Hésiodegrécoasianique. Uncertaintempsaprèslachutedupalaisd’Ougarit,citonsencore,pourmémoire,la figuredudieuisraéliteYahvé,quifinitparconcentrer,selonunprocessuscomplexeetdans uneperspectivemonothéiste,lesqualitésdedieucréateursouverainetdedieudel’Orage quisontrépartiesentreEletBa‘aldanslesystèmereligieuxougaritique261 ,ouencoreles schémasthéogoniquesd’unPhilondeByblos,lequelhérited’unmatériauouestsémitique etdemodèlesdesuccessionorientauxayanttransitéparlaGrèceetHésiode262 . b) Àpartirdesdifférentesobservationsformuléesdanscechapitreetauvudecette vivacitéavéréedesmythesàvocationsociale,nousproposonsiciunesuggestiond’évolu tiondumythedesouverainetédepuisletypepalatial—attestéàOugaritetrestituabledans lemondemycéniencontinental—jusqu’auxréalitésperceptiblesdanslalittératurearchaï que,enparticulierl’épopéehomériqueetlapoésiehésiodique.Cetteévolutiondemeurera nécessairementconjecturale,maisestconstruiteens’appuyantsurlesfaitsindubitablesou hautementprobables,ententantdeproduireunsystèmecohérent,etenobservanttoujours undoubleprincipedevraisemblanceetd’économiedeshypothèses. Àl’instardumodèledesouverainetédivinebipolairesoutenantlasociétépalatiale d’Ougarit,lespalaismycéniens—toutparticulièrementPylos—ontprobablementpromu unpanthéonoùPoséidonoccupelesfonctionsgénétricesd’EletZeuslesattributionsora geusesdeBa‘al;lesdeuxdieuxyexercentuneroyautédivine—lepremierchapeautantet conditionnantlesecond—,detellesortequeleroihumain( άναξ )peutsedéclarer«filsde Poséidon»toutenseréférantàlagestedeZeus,ouinvoquerl’uneetl’autredivinité,àdes degrésdivers,dansl’exercicedesonpouvoirroyaltemporel.Cemodèle,liéetadaptéàune société palatiale comme Ougarit ou Pylos, pourrait être représenté spatialement comme deuxsphèresconcentriques—dontlaplusgrandeenglobel’universetlapluspetiteles mondesdesdieuxetdeshommes—ou,entermesdegéométrieplane,commeuneellipse dontPoséidonetZeusoccuperaientchacundesfoyers. Aprèslachutedespalaissemettentenplacedenouvellesformesdeviesociale,qui aboutirontnotammentàl’émergencedescitésgrecquesàl’époquearchaïque.Cetteméta morphoseinduitunchangementdeperspectivedanslesystèmereligieuxsoustendantla société,enmêmetempsquesontaffirméesetrevendiquéesdesvaleurspropresaunouveau groupe—telleslajusticeindividuelleetcollective,oulanécessitéd’εὐνο ία.Étantdonné quecettenouvelledéfinitiondugroupeestincarnéeparla θέις deZeus,lemodèlereli gieuxpalatialévoluedel’ellipsebifocaleàunereprésentationcirculaire,n’admettantqu’un seulcentre:Zeus.LapuissancechtoniennedePoséidonapparaîtenporteàfauxavecce schéma,danslequelellesedéfinitcomme ὕβρις;elleestparconséquentexclueàl’extérieur ouauxmargesdurepèrecentrésurZeus,delamêmemanièrequelagéographiemythique relèguelesTitansetlesHécatonchiresdansleTartareouauxportesdeceluici.Cettenou

261 Ledétaildecesquestionsanaturellementdonnélieuàd’intensesréflexionsetdenombreusessuppu tations,qu’ilestinutiled’aborderici;pouruneintroductioncommodeàcesproblèmesbibliques,cf. DDD , .« יהוה s.u. «Yahweh ,910919 262 Cf. supra ,n.177. POSÉIDONARCHAÏQUE 214 vellethéologiejustifiel’adoption,enlieuetplacedumodèlereligieuxpalatial,d’unschéma desuccessionlinéaireetexclusivedelaroyautédivine,oùledieudel’OrageZeusestl’ulti meetéterneloccupantdutrône,etoùlesdiversespuissanceschtoniennes—synthétisées enCronos—sontrejetéesàjamaisdanslagénérationdivineprécédente. Toutefois,lapuissancedivinereconnueàPoséidonnepermetpassonévictionpure etsimpledumondedesbienheureuxdieuxtoujoursvivants(άκαρεςθεο ὶα ἰὲ ν ἐό ντες;θεο ὶ *αἰειγενέται );pour survivre,Poséidonestintégré danslenouveau repère sous la forme d’undieusoumisàZeusetsedéfinissantàl’aunedesvaleursqu’incarneZeus.Ils’ensuitun dénidelapaternitéetl’institutiondelafraternitéentrePoséidonetZeus,accompagnéede lasujétiondupremierdieuausecond.Surleplanmythique,cetteredéfinitionsocioreli gieuse correspond au second δασός, opéré après la chute de Cronos, auquel se réfère PoséidondanslechantXVdel’ Iliade:chaqueCronideyreçoitenpartageunepartiedu monde—lamerpourPoséidon,lesenferspourHadèsetlecielpourZeus—,suruneba seéquitable;cependant,toutenétant ἰσόοροι, les trois frères ne sauraient être ὁότιοι, puisqueZeusexercelaprééminence 263 . L’épisodemythiquedelatripartitiondumondeentretroisfrèresdivinss’ancresans doutedansdesconceptionshéritéesdelareligionpalatialemycénienne,ellesmêmesfort prochesdelamythologieougaritique—commenousl’avonssoulignéàplusieursreprises. Enl’espèce,lesdomainesimpartisàPoséidon,HadèsetZeusévoquentclairementlesposi tionsrespectivesdeYam,MôtetBa‘al,tellesquelesdécritle CycledeBa‘al .Qu’Hadèssoitle prolongementduMôtougaritiqueetdesonhomologuemycénienesttrèsplausible:tant Môtqu’Hadèsapparaissentcommedeuxpersonnificationsdivinesdelamortetduséjour desmorts,quiontpeudepoidsdanslesmythesougaritiquesetgrecs,maisinterviennent surtoutdanslagéographiemythiqueetlesaspirationseschatologiques.Parcontre,larepri separPoséidondesattributionsdeYamsurprenddavantage,danslamesureoùPoséidon correspondraitoriginellementàElselonleschémaquenousproposons;or,cettesurprise trouvetrèsprécisémentunéchodansladocumentationgrecquemême,oùlesfonctionset attributsmarinsdePoséidon—quoiqueprofondémentancrésdanslalittératurearchaï que—donnentl’impressiond’unerelativenouveautéfaceàsonapanaged’ébranleurdela terre,et afortiori faceàsesrôlesderoietdegéniteur,ouàsesrapportsavecletaureauetle cheval.Cebasculementd’ElversYamestrendupossibleparl’appartenancedePoséidonet Zeusàlamêmegénérationetparl’émergenced’unCronos,détrônéparZeus,quiendosse lesfonctionsd’ancienpèreetroidesdieuxetdeshommes;ilestfacilitéparlaviolence naturellereconnueàPoséidondanslenouvelordredeZeus. Enfait,l’anciennerelationdePoséidonetZeusautourdelasouveraineté—décal quedesrapportsentreEletBa‘alàOugarit—setransformeetsecristalliseenunrapport conflictuelinspiréparleviolentcombatentreYametBa‘al:larivalitéplusoumoinslarvée entrePoséidonetZeusdansl’épopéehomériqueestainsileréceptacled’uneantiquetradi tionorientale,quifaits’affronterledieudel’OrageetlaMer264 .Déjàfamilier—comme El—deseauxquiprennentleursourceaucentredumondeetlebordent,ettrèsproche d’Océanos,Poséidonacquiertainsiunecompétencetouteparticulièresurlemondemarin, surlestracesdu«princeMer,jugeFleuve»( zblym , tpṯ nhṛ ),presqueenguisedecompensa tionpourlapertedesonancienstatut.CetteréaffectationdePoséidondansledomaine maritime,quinepeutnéanmoinseffacertotalementsesprécédentesqualités,constitueun traitimportant,sinonessentiel,dusecond δασόςmythiqueentrelesdieux. 263 Cf. supra ,p.191193. 264 Cf.J.M.DURAND ,«Lemythologèmeducombatentreledieudel’OrageetlaMerenMésopotamie», MARI ,7,1993,p.4161. POSÉIDONARCHAÏQUE 215 Synthèseetconclusion Lavisiond’ensemblequenousavonsdonnéedu«Poséidonlittéraire»depuisl’époquemy céniennejusqu’àl’époquearchaïquedépassedeloinleslimitesétroitesdelalittératurepour s’enracinerauplusprofonddesstructuressociopolitiquesetdesidéologiesreligieusesqu’a connueslemondegrecdurantcespériodes.Deplus,loindedemeurercantonnéauseul dieuPoséidon,nousdûmesforcémentintégrerdansnosréflexionslepersonnagedeZeus, àlafoispourlerôleessentielqueceCronidejouedanslessystèmespolitiquesetreligieux del’époquearchaïqueetpourlesrelations—tantôtamicales,tantôtconflictuelles—que cedieuentretientavecPoséidondanslamythologiearchaïque—souventautourdelasou verainetédivineetdupatronagedessociétéshumaines. Pourcesdeuxraisons,nousorganiseronscetterétrospectiveendeuxparties:l’une seracentréesurla«sociétédeZeus»qu’estlareligiongrecqueàl’époquearchaïque,afin d’ymettreenévidencelesprincipalesmotivationsidéologiquesdelasuprématiedeZeus sur tous les autres dieux, et de l’infériorité subséquente de Poséidon; l’autre tentera de reconstituercequeputêtrela«sociétédePoséidon»àl’époquedespalaismycéniens,ainsi quel’évolutionmenant,àtraverslesÂgesobscurs,àlareligiond’époquearchaïque.Enpré liminaireàcettedoublesynthèse,nousprésenteronssuccinctementlessourcesdisponibles, ainsiquelaméthoderetenuepourlestraiter. 1.–Aucoursdecechapitre,nousfûmesamenéàutiliserdessourcesmythologiques d’origineetdedatetrèséloignées:plusdeseptsièclesetdesmilliersdekilomètresséparent l’ Enumaeliš etles Olympiques dePindare.Deplus,l’exploitationdesdonnéesextraitesdes tablettesenlinéaireBdePylosaamenédansladiscussiondesdocumentsn’ayantensoi aucunevocationreligieuse.Dèslors,ilasemblébonderésumericilestypesdedocuments ànotredispositionetdejustifier aposteriori ladémarchesuivie. Troiscatégoriesdesourcesmettentenévidencel’indéniableprofondeurhistorique delareligiongrecque: —Lesproductions littérairesd’époque archaïque, d’Homère à Bacchylide,furent considé réescommeunensemblecohérentpourlesraisonsexposéesdansl’ Introduction àcechapi tre:malgréunegrandediversitédeformesetdefins,lesauteursarchaïquespartagentun mêmehéritagemythologique,unemêmereprésentationdelasouveraineté,ainsiqu’une mêmeconceptiondessociétéshumaineetdivine.L’analyseinternedecessourcespermet dedessinerla«sociétédeZeus»,quistructurelesconceptionssociopolitiquesetreli gieuses. —Lestablettesmycéniennessontdenaturetrèsdifférente.Documentsadministratifspro duitsparunestructurepalatiale,ilsnerenseignentqu’incidemment sur les conceptions religieuses du temps. Une critique serrée permet toutefois d’en tirer une photographie instantanéedesdivinitésmentionnéesdanslesdocumentsantérieursdequelquesmoisà ladestructionbrutaledespalais,lesquellessontsusceptiblesd’occuperuneplaceimpor tantedanslareligionpalatiale.Nonobstantcesréservesimportantes,lestablettespylien nessemblent esquisser lescontoursd’une«société de Poséidon»,où ce dieu serait en rapportétroitaveclastructurepalatialemêmeetaveclesouverain( άναξ )enparticulier. —Les mythes procheorientaux forment un ensemble beaucoup plus composite que les groupesprécédents.Issusdesystèmesreligieuxdivers,ilsontencommund’appartenirà descivilisationsayantdetouttempsexercéuneprofondeinfluencesurlaGrèce,dansdes domainesaussinombreuxquevariés.Leurétudepermetd’établirdesschémas,attestésà unmomentetàunendroitdonnés,dansunesociétéprécise,quiontnourrilesréflexions religieusesgrecques. POSÉIDONARCHAÏQUE 216

Le simple énoncé des sources révèle immédiatement les difficultés auxquelles se heurtel’historiendelareligiongrecque:lesmythesprocheorientauxdes XIII eet XII es.ne connaissentpasd’équivalentenGrèce,oùaucunrécitmythologiqueélaborénenousest attestéavantl’épopéehomérique.Certes,larestitutionprudentedesdonnéesmycéniennes, renduepossibleparl’artetlapatiencedesmycénologues,peutêtreenpartieenrichiede traitsinférésdel’épopéehomérique,voiredelalittératurearchaïqueengénéral;cettepro céduren’estcependantpasexemptederisques,étantdonnéquecesrécits,enconstanteré élaboration,fontd’abordsensdanslasociétéquilescommanditeetlesproduit.Dèslors,il esttentantdecomblernoslacunesdocumentairesparunecomparaisonquisoitlaplus intelligenteetlapluslégitimepossibleaveclesréalitésreligieusesduProcheOrientstricte mentcontemporainesauxtablettesmycéniennes.Danscecadre,nousdevonsnécessaire mentprivilégierlesanalogiesstructurellesetfonctionnellesparrapportauxsimilitudesfor melles,lesquellessontdavantagesujettesàdescorrespondancesfortuites.C’estpourquoila comparaisonentrelareligionpalatialedePylosetcelled’Ougaritjouitànotresensd’un créditparticulier,euégardauxaffinitésprofondes et multiples entre ces deux structures sociopolitiques. Enrésumé,l’étatdenotredocumentationnenouslaissed’autrechoixqued’allieràla projectionsurl’époquemycéniennededonnéesreligieusesgrecquesd’époquearchaïquela comparaisonavecdessystèmesreligieuxcontemporainsduProcheOrient—notamment celuid’Ougarit—,afinderetracerlesgrandeslignesdel’évolutiondelareligiongrecque depuisune«sociétédePoséidon»jusqu’àla«sociétédeZeus». 2.–Uniqueroidesdieuxetdieudesroisàl’époquearchaïque,Zeusdevientlaseule conditiond’existencedudirigeanthumain:celuiciestdésormaisconsidéréun«enfant» ouun«nourrisson»deZeus(διογεν ής uel διοτρεφ ής),ettientsonhonneurduroidesdieux (τι ὴ δ’ ἐκ ι ός ἐστι)265 . Ainsi censée servir de modèle à l’exercice du pouvoir dans la sociétéhumaine,ladominationexclusivedeZeuschezlesdieuxdérivenaturellementdes conceptionsdelasouverainetéetdelasociétéayantcoursàl’époquearchaïque. LacaractéristiquecentraledelasociétédeZeusestl’aspirationàunéquilibresocial s’exprimanttrèsconcrètementdanslepartageéquitabledespartsd’unbutinentreprinces homériquesou,plusabstraitement,danslejustepartagedesτια ίopéréparZeusàl’issue delatitanomachie.Cetterecherched’équilibresynthétiséedansleconceptdeθέιςoblige chaquemembredelasociétéàseconformeràlapositionquiestsienne,enobservantune attitudeconvenable,enparolesetenactes;enretour,pareilleinscriptiondansunordre cosmique garantit l’application d’une justice à l’échelle individuelle —tout homme lésé danssesprérogativesétantrétabliparleroiexerçantlajusticeaunomdeZeus,sinonpar Zeusenpersonne—,ainsiquelapérennitédelacité,malgréd’inévitablesvicissitudes. FillesdeZeusetThémisselonla Théogonie ,lesSaisonsetlesMoiressontlesauxiliai resindissociablesdel’ordredeZeus.Lespremièressontlescausesetlesconséquencesde l’observation de la θ έιςauniveausocial,entantqu’uneBonneOrganisation (Ε ὐνο ίη) favoriselaPaix(Ε ἰρήνη),tandisquelaJustice( ίκη)sanctionnelesmanquementsàl’Équité (Θ έις):cesSaisonspermettentàtoutesociétéd’existerd’abord,desemaintenirensuite, danslerespectdel’ordreharmonieuxdeZeus,enrefusantDémesure( Ὕβρις)etOrgueil (Κ όρος).Quantauxsecondes,ellesagissentauniveaupersonnel:ellesconfèrentàchaque individuundestinpropreetuneplacepersonnelledanslasociété,s’inscrivantdansl’histoi reuniverselle;delamêmemanière,avecleconcoursdesÉrinyes,lesMoirescontrôlentla 265 Homère, Il. ,II,v.197;cf.égalementHésiode, Théog. ,v.96= HymnehomériqueauxMuses ,v.4.Pour d’autrespassagesencesens,cf. LfgrE ,t.II, s.u. «Ζε ύς**»,col.865,§4a. POSÉIDONARCHAÏQUE 217 nécessité( ἀνάγκη ),s’imposantmêmeaupluspuissantdesdieux,etrèglentdonclesdestins divins. EuégardauxactionsdessixfillesdeZeusetThémis,ladominationdeZeussurles dieuxetl’ordonnancedetoutesociétéselonlesvaleursdeZeussontdéterminéesparune conceptionparticulièredel’individuetdelasociétéoùceluiciévolue:àl’hommed’agiren conformitéaveclaplacequiluiestimposéeparledestin;àlasociétéd’observerlesvaleurs cardinalespourcontinuerd’existerens’enchâssantdansunplusgrandensemble,touten respectantchacundesélémentsquilacomposent.Cetteimportanceaccordéeàl’actionin dividuelle—deshommescommedesdieux—etàsesconséquencesheureusesounéfas tes, dans le cadre certes restreint d’un ordre cosmique, pourrait être propre à l’époque archaïque,etjustifieràelleseuleleplébiscitedeZeusparsespairsetparlesmortels,envue d’unesouverainetéuniqueetuniverselle. CettenouvelleθέιςdeZeusestuncontratsocialoùledirigeanthumainestunlieu tenantdeZeus,doté,commeZeusluimême,deprivilègesetd’obligations.Toutexercice dupouvoirest,parconséquent,soumisaurespectd’unordresupérieur,auquelmêmeles dieuxnepeuventsesoustraire.Àcausedesaparfaiteadéquationàl’ordrecosmique,lavo lontédeZeus(ι ὸςβουλ ή)seconfondavecledestinuniversel;idéalement,teldevraitêtre lecasdesparolesetdesactesdu βασιλεύςhumain—fûtilprincechezHomère,jugechez HésiodeoutyranchezPindare. Unetelleexigencedeconformitéàunéquilibresurpasseettransformelesdeuxva leurshéroïquestraditionnellesqueZeusdétientauplushautpoint.Commelerevendique explicitementsonadversairePoséidon,laforcebrutale(βίη,κρ άτος)deZeus—matériali séeparsonfoudre,ainsiqueparsesserviteurspeuamènesKratosetBia—estimpropreà justifierlepouvoirdeZeus;ellepermetnéanmoinsd’enassurerlemaintienendernier recours,parexemplelorsdel’assautdeTyphéecontrel’Olympe.Etlaprudence(ῆτις),qui épouseparfaitementZeusautantqu’ellefaittotalementdéfautàPoséidon,estaussirégulée parlaθ έις:malgrésonespritextrêmementrusé,Zeusrespectelesconditionsdevieenso ciété,contrairementàCronosetProméthée,sesadversairesdanscedomaine—lepremier mutilantsonpèreetdévorantsesenfants;lesecondserendantcoupabledevoldufeu divin.Enconclusion,mêmesilesqualitéshéroïquesdepuissanceetdeprudenceluiper mettentd’accéderautrôneetdes’ymaintenir,c’estlasublimationdecesqualitésdansla θέιςquifondeàjamaislasouverainetéincontestabledeZeus. 3.–Pour penser la société de Poséidon durant l’époque mycénienne et les Âges obscurs,ilestindispensabledes’extrairedeladichotomieaiséeentreθέιςet ὕβρις,puisque cecadreconceptueld’époquearchaïquerésulted’uneréorganisationdesdonnéesreligieu sesàpartirdeZeus,àdesfinssociopolitiquesbienspécifiques.Àcetitre,lerapportd’infé rioritéentrePoséidonetZeus,commelesrécitsdelasuccessionlinéairedesdieux,dela titanomachieoudupartagedesτια ί,nepeuventêtreprojetéstelsquelssurunpasséplus oumoinslointainenguised’histoirereligieuse,maisdoiventavanttoutêtreétudiéscomme desmythestrouvantleurjustificationdanslesystèmereligieuxquilesreprésente. Celadit,unefoismisenlumièrelestenantsetlesaboutissantsdusystèmereligieux archaïque,plusieursincohérencesinternesapparaissent,quilaissentsoupçonnerautantde remaniementsvisantàintégrerdansunnouveausystèmedepenséediversélémentsplus anciens.DanslecasdePoséidon,cestracesdesuturesontnombreuses,ettroublantes: —LorsdelaquerelleduchantXVdel’ Iliade ,lasoumissionnécessairedePoséidonàZeus estacquiseparledroitd’aînessedusecondet,accessoirement,parsaforcesupérieure; pourtant,d’autrespassagesépiquesdémententlapertinencedecesarguments.Laseule différenceconstanteetindubitableentrelesdeuxdivinitésestladoubleconnaissancequ’a POSÉIDONARCHAÏQUE 218

Zeusdesdesseins( ήδεα)etdesoracles(θ έσφατα),dueàsesqualitésrespectivesdeῆτις et de θ έις, et célébrée par ses noces avec Mêtis et Thémis. Or, cette connaissance supérieuren’estpasalléguéelorsdelaquerellepouruneraisonbienprécise:entantque définitionmêmedelasociétédeZeus,ellesoustend defacto lesrelationsentrecesdeux dieuxdanslareligionarchaïque.Parconséquent,àpartirdumomentoùPoséidonappa raîtdanscettesociétédeZeus,ilesttoujoursdéjàradicalementinférieurauroidesdieux; cetétatdefaitnepermetdoncpasdepréjugerdesrapportsfamiliauxentrePoséidonet Zeusavantl’époquearchaïque. —LesaspirationsdePoséidonàlasouverainetésontbienprésentesenfiligranedeplusieurs épisodesépiques,telslaquerelleduchantXVoulerécitdel’enchaînementdeZeuspar Héra, Poséidon et Athéna, même si elles sont sèchement rabrouées par Zeus ou ses comparses; de même,Poséidon est à la source de nombreuses lignées humaines, dont plusieursexercentlaroyauté.CetapanagedePoséidon,quilelienotammentàsonpère CronosetauxTitans,estencontradictionaveclestitresépiquesdeZeuscommeθε ῶν βασιλε ὺςκα ὶἀνδρ ῶνouπατ ὴρ ἀνδρ ῶντεθε ῶντε. —Quoique Poséidon appartienne à la même génération de Zeus, ce dieu détient des pouvoirschtoniensetadopteunemanièred’agirlerapprochantdelagénérationdivine des Ouranides, laquelle comprend les Titans, les Cyclopes et les Hécatonchires. En particulier,CronosetPoséidon,entantquegrandesdivinitéschtoniennesmasculinesqui exercentourevendiquentlesfonctionsderoietpère,présententdesaffinitésfonction nelles,mêmesi,surleplanmorphologique,l’unestexcludelasociétédeZeusetl’autre s’ytrouveintégré. —AudelàdelapolémiqueentredieuxinégauxquirythmesouventlesrelationsentreZeus et Poséidon, les deux Cronides agissent également de concert, qui du foudre, qui du trident,commedesdieuxéquivalentsetcomplémentaires,etsedémarquentdeleurfrère Hadès,lequelestnettementinférieur. Danslamesureoùcesdissonancesconcernentprincipalementlesrapportsrespectifs deZeusetdePoséidonàlasouverainetédivine,ilasembléopportund’étudierlesmythes procheorientauxayantinfluencélesreprésentationsgrecquesdelaroyauté: —Un modèle de souveraineté par exclusion est attesté dans plusieurs textes orientaux, commel’ Enumaeliš ,le Chantde [Kumarbi ],lathéogoniedeDunnuoulerécitdePhilonde Byblos.Cecanevasmythique,quifaitsesuccéderplusieursgénérationsdedieuxjusqu’àla prisedepouvoirdéfinitived’undieudel’Orage,aclairementinspiréleschémadirecteur dela Théogonie d’Hésiodeet,plusfondamentalement,toutelathéologiegrecqued’époque archaïque. —Un modèle de souveraineté par coexistence apparaît dans le riche corpus des textes mythologiques d’Ougarit. Ce second schéma fait de Ba‘al le roi des dieux, mais subordonnelasphèredecompétencedudieudel’Orageàcelled’El,roietpèredetous lesdieuxetleshommes,quiinstituesonfilsBa‘alsurletrônedesdieux,etlégitimeles roishumains.Àcausedessimilaritésstructurellesetidéologiquesentrelasociétéd’Ouga ritetlespalaismycénienscontinentaux,ainsiquedescontactsavérésentrecesdeuxcivili sations,ilestfortprobablequeceschémaaiteuprisesurlaconceptionmycéniennedes royautésdivineethumaine. L’importancedePoséidondanslareligionmycéniennedePylosetsesrapportsprobables avecle wanax permettentlarestitutionàl’ÂgeduBronzed’unereprésentationdelasouve rainetéoùPoséidonetZeus—etnonPoséidonseul,commeamèneraitàleconclureune projectionabusivedesreprésentationsarchaïquessurlesépoquesantérieures—occupent tousdeuxuneplacebienprécisedanslareligiongrecquepalatiale.Résidantaucentrede l’univers,Poséidonseraitundieuancien,pèreetroideshommesetdesdieux,causeultime depaternitéetdesouverainetéchezleshommesetlesdieux,quiferaitdesonfilsZeus, dieudel’Orage,lesouveraindivin,detellesortequelasphèred’actiondeZeusseraitinclu POSÉIDONARCHAÏQUE 219 sedanscelledePoséidon.Parlasuite,lanécessiténouvelled’unesouverainetéuniquede Zeusdanslareligiond’époquearchaïqueauraitamenél’intégrationdumodèlederoyauté parexclusionenlieuetplacedelaroyautéparcoexistence.Ceremodelageadonnélieuaux diversesdiscordancesmythologiquessurlesrapportsentrePoséidonetZeus. Schématiquement,latransformationdupersonnagedePoséidon,aboutissantàson intégrationdanslasociétédeZeus,serésumeraitenquatreétapes: —Cronos,divinitéchtoniennedumêmeacabitquePoséidon,héritedelafiguredepèreet roioriginel.ÀladifférencedePoséidon,iln’estpasprésentaumonde,ninefaitl’objet d’unculte:Cronosestuniquementcrééafind’êtrevaincuparZeusetenferméauTartare pourleprixdelacastrationdesonpèreOuranosetdel’avalementdesesenfants,dela mêmemanièrequeKumarbi,castrateurdudieuduCielAnuetavaleurdesesenfants,est défait par le dieu de l’Orage dans la mythologie hittitohourrite. Ce dédoublement de PoséidonenlapersonnedeCronospermetàlafoisàZeusdechassersonprédécesseur enusurpantsesfonctionsdepèreetroidesdieuxetdeshommes,toutenconservant danssoncénaclelapuissancedivinedePoséidon,amputéedecestitres. —PuisqueCronosestdésormaislepèredetouslesdieuxetleshommes,Poséidonnaîtrade Cronos. De la sorte, ce dieu appartient à la génération des dieux en exercice, dans un schémad’oppositionàlagénérationprécédente.Quiplusest,lanaissancedePoséidonle metsurlemêmepiedqueZeus;entermesgrecs,lesdeuxfilsnésdumêmepèresont ὁότιοι. —Parl’entremisedelarégurgitationforcéedeCronos,l’ordredenaissancedesesenfants estinversé:decadet,Zeusdevientl’aîné.CettesecondenaissancefrustrePoséidonde toutascendantsurZeus:pardroitd’aînesse,Zeusdominelégitimementsonfrèreetne serajamaisplus ὁότιοςaveclui. —Enfin,lepartage(δασ ός)dumondeaccompliaprèsladépositiondeCronosseréfèreà uneconceptiontripartitedel’universprobablementhéritéedel’époquemycénienne,qui trouveaussiunéchodanslagéographiemythiqued’Ougarit.ZeusetPoséidon,enfrères ennemis,sevoientattribuerlecieletlamer,commeBa‘aletsonadversaireYamdansles mythesougaritiques:telleseraitl’originedesfonctionsmarinesdePoséidon,ainsiquede sonrapportantithétiqueàZeus,quisedéclinesurunmodederévoltes,querellesetjalou sies. L’ancienne fonction royale de Poséidon, qui l’apparentait à El, se métamorphose ainsiensimpleaspirationàlaroyauté,àl’imagedeYam.Enfin,danscetteperspectivede latripartition,HadèsestadjointàZeusetPoséidonpourrégnersurlemondedesmorts: cettepâledivinitén’a,eneffet,quepeuderaisond’êtreunCronide,sinonàcausedecette conceptiongéographiqueparticulière,afind’êtrelependantd’unMôtougaritique.Dela sorte,lestroisfilsdeCronosacquièrentchacununeportionéquivalentedel’univers,en tantquedieux ἰσόοροι;parcontre,leurpositiondanslahiérarchiedesτια ίnepeutêtre interchangeable. AinsiledéclassementdurègneanciendePoséidondanslesconceptionsreligieusesetlitté rairesdel’époquearchaïqueserésumeenunerecompositionfamiliale:depère,Poséidon devientlefrèrepuînédeZeusetpeutmêmeenarriver—ironiedel’histoirereligieuse!— àinvoquerΖε ῦπ άτερ266 .Lethèmemythiqueduδασ όςtransformeradéfinitivementune relationbinaireentrePoséidonetZeusenunsystèmeternaire,lequelmetenjeulestrois CronidesZeus,PoséidonetHadès. L’ancienneconditiondePoséidonalaissé,danslescultesetlespanthéonsciviques, destracesplusvisiblesquedanslalittérature.Çàetlà,desmythesdisantlapaternitéetla royautédePoséidonfurentprogressivementmodifiéspourexprimerladéchéancedePo séidonfaceàZeus,toutenréaffirmantsaprésenceaucœurdelareligiongrecque:Athènes etlesmythesdesonacropoleserévèlentêtreuneexcellenteillustrationdecephénomène. 266 Cf.p.ex.Homère, Il. ,VII,v.445447; Od. ,ΧΙΙΙ,v.125130. POSÉIDONARCHAÏQUE 220

CHAPITRE II . LePoséidonathénien: Histoired’unpèreévincé

Introduction Aprèsl’étudedelapolémiquequiopposePoséidonetZeusdanslalittératurearchaïqueau sujetdelasouveraineté,etaprèsunessaidereconstitutionduprocessuscomplexemenant delareligiondupalaismycénienàcelledelacité,nousavonschoisilesmythesd’Athènes —ou,plusprécisément,desonacropole—pourillustrerl’intégration,dansuncadrecivi que—s’organisantenuntriplehorizondecentre,périphérieetconfins—,deschémas mythiqueshéritésd’unetraditiontrèsancienne,laquellemetenscènelapaternitéetlasou verainetédudieuPoséidon.Àl’imagedelalittératurearchaïque,nombredemythescivi quesaffirment,auI er millénaire,l’exclusionetl’absencedePoséidon,commepourmieux justifiersaprésenceaumondeetsonimportancedansleculte. Prendrelacitéd’Athénapourexemplen’estniunedémarcheoriginale,niungage d’universalité.Alorsqu’ellen’estenrienleparangondelacitégrecque,Athènesdoitàses richesses documentaires exceptionnelles —tant littéraires qu’iconographiques— d’avoir focalisél’attentiondessavantsmodernes,souvent au détriment des autres systèmes reli gieuxetpolitiquesdeGrècecontinentaleetinsulaire.Gardantàl’espritlecaractèreunique ducasd’étudequenouschoisissonsparcommoditéheuristique,nousauronsdoncàcœur d’ouvrirlesperspectivesd’analyseaurestedumondegrec,aumoinscontinental.D’ailleurs, mêmesinotrerechercheresteracentréesurl’acropoleathénienne,nousdevrons,pourles besoinsdeladémonstration,explorerd’autresrégionsgrecques,tellesl’Arcadie,laBéotie, laThessalieetl’Argolide. L’objectifdecechapitreseradetenterunelecturediachroniquedesdeuxlégendes civiques,centréessurl’acropoleathénienne,quesontladisputeprimordialedePoséidonet Athénapourlapossessiondel’Attique,etlanaissanced’Érichthonios.Àcettefin,nous prendronsappuisurquatreélémentsparaissantconstitutifsd’unmytheoriginel,enretra çantleurévolutionetleurinteractionaucoursdutemps,d’unpointdevuelogique.Cette notiond’unétatprimitifdumythe,commelerecoursàdesélémentsdecomparaisonetde réflexionpuisésailleursdanslamythologiedeGrècecontinentale,procèdentdumêmepré supposéquenousavonsadoptépourl’étudeglobaledesauteursarchaïques,depuisl’épo pée homérique jusqu’aux poètes lyriques: certaines conceptions religieuses littéralement panhelléniquesformentunensemblecohérentetpartagé,quis’estélaboréaudépartd’élé mentsindoeuropéens,mêlésd’influencesprocheorientalesetenracinésdansunsubstrat «égéen»;cefondscommunadonnélieuàunesynthèse originale dans la religion des palaismycéniens,avantdeconnaîtredenouvellestransformationsdurantlesÂgesobscurs etlorsdelamiseenplacedela«sociétédeZeus»àl’époquearchaïque.Ilparaîtdonc POSÉIDONARCHAÏQUE 221 opportun, pour l’étude des conceptions religieuses archaïques, d’établir et d’exploiter un stemmamythorum ,àl’instardesoutilsemployésparlesspécialistesdel’ecdotique. Lanécessitédeprocéderd’abordàlareconstitutiondumythearchétypal—partagé danstoutlemondegreccontinental—,avantd’expliquerlesdéveloppementsparticuliersà lacitéd’Athènes,imposeunplanendeuxtemps: —Les analogies entre des récits d’engendrements chevalins par Poséidon attestés en Arcadie, en Béotie, en Thessalie et en Corinthie, permettront de déterminer quatre élémentsfondateursd’unmytheprimitif:laprésencedePoséidoncommegéniteur,les relationsdudieuavecuneparèdrechtonienne,lejaillissementd’unesourceetlanaissance d’unchevalmâle.Ensuite,nousobserveronslesmodificationssubiesparcemythedans lacitéd’Athènesmême:àl’intérieurdesmurs,aveclemythed’Halirrhothios,auSudde l’Acropole;enpériphérie,aveclescultesetlemythedeColone,àlalimiteNorddela cité; dans les confins, avec la tradition éleusinienne de Cercyôn et Hippothoôn, à l’extrêmeOccidentdelacité,tardivementannexéàAthènes.Enfin,noustenteronsde retrouver,danslemythedelanaissanced’Érichthonios,desvestigesdumytheprimitif centrésurPoséidon,encommentantsuccessivementchacundesquatreélémentsmythi quesidentifiés;cefaisant,noussouligneronslesaffinitésd’Érichthonios–Érechthéeavec lesautresfilsdePoséidonquesontAr(é)ion,SkyphiosetPégase,ainsiqu’Halirrhothioset Hippothoôn,etindiqueronsdansquellemesurelemythedeladisputeentreAthénaet Poséidonconservelesouvenirdelavolontéd’exclusiondePoséidondanslemythedela naissanced’Érichthonios. —Unefoisarrivéàcestade,nousinverseronsladémarche,enrestituantsurl’Acropolele mythe originel de la naissance d’un enfant–cheval, afin de mettre en évidence les in flexionsquiysontapportéesetd’évaluerleurportée,enrapportaveclamiseenplacede l’idéologieciviqueathénienne:end’autrestermes,nousretraceronsl’émergenceetl’évo lutiond’unmythepolitiquesoustendantuneidéologiecivique.Cetessaidereconstitu tionsuivralestrajectoirescroiséesdestroisprotagonistesdesmythesacropolitains:de père originel d’Érichthonios, Poséidon devient le meurtrier d’Érechthée dans le mythe, toutendemeurantétroitementimbriquéàcehérosdanslecultedePoséidon Ἐρεχθεύς; poursapart,laviergeAthénadevientlamère légitimed’Érichthonios,ensesubstituantà la parèdre primitive de Poséidon; quant à Érichthonios–Érechthée, il sert de point de contactentrelesgrandesdivinitésdel’Acropole,etoscilleentrelechevaldePoséidonet leserpentd’Athéna.Enoutre,nousverronslaplaceetlesfonctionsqu’occupentdansce nouvel ensemble les personnages secondaires comme Agraulos–Aglauros, Cécrops et Héphaistos. Cetaperçudenotretravailrévèled’oresetdéjàque,malgréunpointdedéparttrès différentdel’analysedelalittératuregrecquearchaïqueetdelacomparaisonaveclemonde religieuxdespalaismycéniensoudessociétésprocheorientales,l’étudedesmythesciviques d’AthènesmettrarapidementledieuPoséidonenrelationaveclesqualitésessentiellesde paternitéetderoyauté:autantl’imageprimitivedecettepersonnedivinesemblecohérente, autantsondéveloppementultérieurvarieenfonctiondelaportéeetdelafonctiondeses supports mythiques —d’un côté, la littérature archaïque, à vocation panhellénique; de l’autre,lespanthéonsciviques,pardéfinitionpluscirconscrits.L’heureuxrecoupementde cestémoignagessidifférents,datantdel’époquearchaïque,tenddoncàassurerdavantage lareconstitutiondelapersonnalitédePoséidonàl’époquemycénienne,quel’étatdenos sourcesrendinévitablementhypothétiqueetlimitée. POSÉIDONARCHAÏQUE 222 Érichthonios,filsdePoséidon? Quelleacropolegrecqueestmieuxconnuequecelled’Athènes?Quelmytheciviqueest plus célèbre que la naissance d’Érichthonios? Au vu de l’abondante bibliographie qui entourelacitéd’Athéna,ilsembleillusoired’apporterquelqueélémentneufaudossier,etil estplusvainencoredetenterunesynthèsedetouteslesthéoriesconcernantlesmythesou lescultesacropolitains267 .Malgrécesdifficultés,nousproposonsderelirelesmythesliésà l’acropoleathéniennedansuneperspectivediachronique.Pourcefaire,nousrecourronsau comparatismeavecladocumentationreligieuseissued’autresrégionsgrecquesetétudie ronslestransformationsquel’idéologieathénienneamanifestementimposéesauxmythes del’Acropole.Àterme,malgréleslacunesdenotredocumentation,nousespérons,telun archéologue,mettreaujourdesstratesanciennesetdesétatsplusrécents,afind’êtreen mesured’établirunechronologierelative,sansprétendreproposer,àcestade,aucunechro nologieabsolue. Lematérielsurlequelnoustravaillonsn’estpasmonolithique:lesdonnéesprovien nentàlafoisdelalittérature,del’épigraphieetdel’iconographie;quelquesélémentsappa raissentdèsl’épopéehomérique,tandisqued’autresnesontpasantérieursàl’époquehellé nistique.Deplus,cematérieln’estpasexhaustif: certains témoignages, qui présentaient probablementdesversionsdivergentesdumythe,sontirrémédiablementperdus.Aufildes siècles,àlasuitedetransformationsparfoisdifficilesàcerner,s’estainsiconstituéunétat relativementaboutidumythedelanaissanced’Érichthonios268 . Héphaistos,dieu–forgerondélaisséparlabelleAphrodite,estprisd’unviolentdésir pourAthéna.Ladéessetoujoursvierge,peuenclineàcéderauxavancesdesondemifrère, sedébatets’enfuit.Héphaistoslapoursuit,maisneparvientpasàl’atteindredufaitdesa claudication:lasemencedudieutombesoitsurlajambed’Athénaqui,prisededégoût, l’essuieaumoyend’unflocondelaine,soitdirectementsurlesol.Danslesdeuxcas,le spermed’HéphaistostombésurlaTerreproduitÉrichthonios—dontlenommême,selon lessourcesantiques,indiquebiensadoubleorigine:lesol( χθών),ainsiqueladispute( ἔρις ) ouleflocondelaine( ἔριον ),quiontconduitàsanaissance. Enlaprésenceduroi–serpentCécrops,Terreremetl’enfantàAthéna,quilerecueille etsouhaitel’éleveràl’insudesautresdieuxpourlerendreimmortel:ladéesseviergeplace Érichthoniosdansunpanier,qu’elleconfieauxtroisCécropidesenleurinterdisantdel’ou vrir.Pandrososobéitàladéesse,tandisqu’Aglauros—éventuellementsuivieparHersé— ouvrelacorbeilleettrouveunoudeuxserpentsencompagniedel’enfant269 .Lanourrice fautive est tantôt poursuivie par ce(s) serpent(s),tantôtrenduefolleparAthéna:ellese 267 Pour un aperçu éclairé de l’efflorescence des mythes autour de l’Acropole, cf. R.PARKER , «The MythsofEarlyAthens»,dansJ.BREMMER (éd.), InterpretationsofGreekMythology ,Londres,1990 2,p.187214. OnciteraégalementlesanalysestrèspénétrantesdeJ.M.HALL , EthnicIdentityinGreekAntiquity ,Cambridge, 1997,p.5156,ainsiquelesremarquesdeJ.MYLONOPOULOS , Πελοπόννησος οἰκητήριον Ποσειδῶνος .Heilig tümerundKultedesPoseidonaufderPeloponnes ( Kernos ,Suppl.13),Liège,2003,p.409411. 268 Lerécitlepluscirconstanciésetrouvechezleps.Apollodore, Bibl. ,III,14,67;lesdifférentesvarian tesdecemytheontnotammentétérecenséesparP.BRULÉ ,Lafilled’Athènes.LareligiondesfillesàAthènesà l’époqueclassique.Mythes,cultesetsociété ( CRHA ,76),Paris,1987,p.1315,1819,28,4557,6879etL.GOUR MELEN ,Kékrops,leRoi–Serpent.Imaginaireathénien,représentationsdel’humainetdel’animalitéenGrèceancienne ( CÉA , 129),Paris,2004,p.198207. 269 Les sources plus récentes décrivent parfois Érichthonios comme un serpent, ou comme un être composite,mihommemiserpent,àlamanièredeCécrops.Desurcroît,Érichthoniosentretientdeslienstrès étroitsaveclesserpents,toutparticulièrementavecl’ οἰκουρὸς ὄφις ,quiprotègel’Acropoleetlesanctuaire d’Athéna.Cf.P.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.2325,etL.GOURMELEN , op.cit. [n.268],p.128et329349. POSÉIDONARCHAÏQUE 223 donnelamort,ensejetantduhautdel’Acropole,oubiendanslamer.Érichthonios,quant àlui,estélevéparAthénaensonsanctuaire.AprèsavoirchasséAmphictyon,ildevientroi d’Athènes,installele xoanon d’AthénaetinstituelesPanathénées;àsamort,ilseraenterré danslesanctuaired’Athéna270 . D’unequerelledivineàl’autre:laissonsdecôtélesconflitsgalantsd’Héphaistoset Athénapourmentionnerunautremythefondamentald’Athènes, qui met cette fois aux priseslamêmeAthénaetPoséidon,envuedelapossessiondel’Attique.Poséidon,lepre miervenu,fitjaillirunesourcesalée,ouencorecréauncheval,afinderevendiquerleterri toire;Athéna,pourtantarrivéeensecondlieu,fitnaîtreunolivier,etsevitreconnaîtredes droits exclusifs sur la région de la future Athènes271 . Pris à la lettre, ce mythe suggère l’antérioritédePoséidonparrapportàAthénaàl’Acropole.Et,àyregarderdeplusprès,il sembleégalementquelemythed’Érichthonioslaisseuneplaceprimordialeetinattendueà Poséidon—refletàpeineatténuédel’anciennetéetdel’importancedecedieudansla religionhellénique. Dèslors,lapremièrepartiedecechapitreviseàsoulignerlapermanence,dansles mythesathéniens,d’élémentsanciens,liésaudieuPoséidon:selonunschémaattestédans plusieursrégionsgrecques,lePoséidonathénienestfondamentalementliéaucheval,aux sources,ainsiqu’àuneparèdrechtonienne.Afinde mettre en perspective ces analogies, noussuivronsdeuxdirectionsdifférentesetcomplémentaires:d’unepart,nousexamine ronslesmythes,disséminésenGrècecontinentale,quirelatentlahiérogamieprimitivede Poséidon et de sa parèdre chtonienne; d’autre part, nous étudierons en profondeur les mythesd’Athènesmême,enrelevantlesattestationséparsesd’unetelleunionoriginelle; finalement,nousrelironslanaissanced’Érichthoniosàlalumièredestraditionsmythiques relativesàPoséidon.

—POSÉIDON HIPPIOSETSAPARÈDRECHTONIENNE Voicibientôtsoixanteans,avantmêmeledéchiffrementdulinéaireB,F.Schachermeyr signaitunouvrageremarquableconsacréàPoséidon272 .Danscettebrillantesynthèse,le savantautrichiensoulignelesparticularitésessentiellesdecedieuchtonienparexcellence, quiarborevolontiersunaspectchevalin(PoséidonἽππιος )273 ,entretientdesrelationstrès étroitesavecleseauxsouterrainesetlessources,joueunrôlemajeurdanslafertilitédela terre, et ne deviendra dieu marin qu’à une époque relativement récente. Ses recherches mettent également en évidence un canevas mythicoreligieux fort ancien: dans diverses régionsdumondegreccontinental,trèssouventàproximitéd’unesourceoud’unfleuve, PoséidonHippioss’unitàunedéesseetdonnenaissanceàunenfant–cheval.

270 Surl’identitéprofonded’ÉrichthoniosavecÉrechthée—autreroifondateurdelacitéd’Athènes—, cf. infra ,p.241242. 271 Cf.e.a.ps.Apollodore, Bibl. ,III,14,1.L’attestationlaplusanciennedecemytheetdes αρτύρια produitsparlesdivinités,setrouvechezHérodote,VIII,55;lepériégètePolémond’Ilion( FHG ,t.III, s.u. «PolemoIliensis»,fr.11)évoque,sanslesdétailler,lesσύβολαlaissésparPoséidonetAthénaàAthènes; Pausaniasverraencorelesvestiges(I,26,5;27,2)etlesreprésentations(I,24,3;5)decettequerelleau II es. apr.J.C. 272 F.SCHACHERMEYR , PoseidonunddieEntstehungdesgriechischenGötterglaubens ,Munich,1950. 273 PourladiffusiondecetaspectimportantdePoséidondansl’iconographiedu VI eau IV es.,enparticu lieràAthènes,cf.ÉléonoreNADAL ,«PoséidonHippios,leschevauxetlescavaliersàtraverslacéramique», dansArmelleGARDEISEN (éd.), Leséquidésdanslemondeméditerranéenantique.ActesduColloqueorganiséparl’École françaised’Athènes,leCentreCamilleJullian,etl’UMR5140duCNRS.Athènes,26–28Novembre2003 , Athènes, 2005,p.111135. POSÉIDONARCHAÏQUE 224

LaparèdredePoséidon,“Épouxde Dā”,estleplusnaturellementDéméter,la“Mère Dā ”274 , mais peut également prendre les traits de n’importe quelle déesse chtonienne; quantàl’enfant,ilesttoujoursunétalon,dotéd’uneforceprodigieuseetdel’immortalité. Afin d’illustrer ce mythème, nous étudierons successivement le cas de trois chevaux mythiques,immortels,filsdePoséidon:Arion,SkyphiosetPégase. A.Arion,chevald’ArcadieetdeBéotie L’Arcadieestdepuisfortlongtempsconsidéréecommeunconservatoireprivilégié desantiquestraditionsgrecques:cetteopinionsevérifieparticulièrementdanssescantons septentrionaux(Azanie)etoccidentaux,quipassentpourlesplusprimitifsdelarégion275 . Or,lesmythesdedeuxcitésd’Arcadieoccidentale—ThelpousaetPhigalie—relatent,à quelquesdétailsprès,deuxhiérogamiesprimitives fort semblables, qui mettent en scène PoséidonetDéméter. ÀThelpousa,alorsqueDéméterestàlarecherchedesafille,Poséidonlapoursuitde sesassiduités;pourluiéchapper,ladéessesetransformeenjumentetsecamoufleaumi lieud’untroupeaudecavalesappartenantàOncos,maisledieuluimêmeprendlestraits d’unétalonets’unitàDéméter;decetteunionnaissentunefille,dontlenomn’estpas révélé aux noninitiés, ainsi que le cheval Arion (Ἀρίων )276 . Les épiclèses cultuelles de Déméteràcetendroit,Érinye( Ἐρινύς)etLousia( Λουσία),sontmisesenrapportavecce récitétiologique:Déméterauraitnourriduressentiment(ἐρινύειν )enverssonvioleur,puis, apaisée,seseraitlavée( λούεσθαι )danslefleuveLadon,toutproche277 .Àlasuitedecette aventure,Poséidonaurait,poursapart,étéappeléHippios( Ἵππιος )pourlapremièrefois enArcadie278 . ÀPhigalie,unegrotte,entouréed’unboissacréetsituéeàproximitéd’unesource,est consacréeàDéméterMélaina.Lemythequiestattachéàcesanctuaireestentouspoints semblableàceluideThelpousa,maisl’enfantissudel’unionentreDéméteretPoséidonest ladivinitéDespoina:pointdefils–chevalàPhigalie.L’épiclèse«Noire»( Μέλαινα )serait dueauxhabitsdedeuildontladéessesevêtitaprèsladisparitiondesafille279 —dontelle cherchaitlatrace,rappelonsle,quandellefutsurpriseparPoséidon.L’anciennestatuede cultedeladéesseavaitunetêteetunecrinièredecheval,etportaitdesreprésentationsde

274 Cf. supra ,p.1112. 275 Cf.MadeleineJOST , Sanctuairesetcultesd’Arcadie ( ÉtudesPéloponnésiennes ,9),Athènes,1985,p.2527. 276 Cetanimalsenommeparfois Ἀρείωνdanslessourceslittéraires,etmêmeἘρίωνaureversdesmon naiesdeThelpousa.IlsembleraitquelemotἈρῑων<*Ἀρῑ ων (cf.myc.ariwo) soitundérivéhypocoristique construitsurunnomàpréfixe*ἀρι,marquantlaforceetlasupériorité:cf. C.J.RUIJGH ,«Lesnomsen won (āwon, īwon), uonengrecalphabétiqueetenmycénien», Minos ,9,1968,p.144,148.Onpeutimaginerla mêmeconstructionàpartirdupréfixe augmentatif*ἐρι,indiquantégalementlaforce,pourjustifierlenom Ἐρῑων < *Ἐρῑων.Latroisièmeforme,Ἀρείων,auraitvuleῑse modifier en ει, diphtongue ,peutêtrepar étymologiepopulairesousl’influenced ’ἀρείων «meilleur,plusvaleureux»,servantdecomparatifà ἀγαθός(cf. infra ,n.295).Lenomdenotrechevalcomporteraitdonclepréfixe“Très”,ou“Fort”:ilestdifficilede restituerl’adjectifsousjacent!Songeonsnéanmoinsàunautrepersonnage,quiadeforteschancesd’êtrelui mêmeunrejetondePoséidon:l’Athénien Ἐριχθόνιος, “Trèschtonien”.Sonfrère Ἀρίων/Ἐρίων portaitilun nomsimilaire? 277 Sur ce bain purificateur, cf. R.GINOUVÈS , Balaneutikè. Recherches sur le bain dans l’Antiquité grecque (BÉFAR ,200),Paris,1962,p.290. 278 Pausanias,VIII,25,410. 279 Nous avons ici un fidèle reflet de la Déméter κυανόπεπλος mentionnée dans l’ Hymne homérique à Déméter ,I,v.319,360,374,442. POSÉIDONARCHAÏQUE 225 serpentsetd’autresbêtessauvagessurlatête;elletenaitundauphindansunemainetune colombedansl’autre280 . La Béotie offre certains points communs avec l’Arcadie en ce qui concerne les mythes liés à Poséidon281 ; ainsi, une scholieà l’ Iliade rapportetelle que Poséidon s’est éprisd’Érinyeets’unitàellesouslaformed’uncheval,prèsdelafontaineTilphousaen Béotie.DeleursamoursseraitnélechevalAréion( Ἀρείων )282 .D’autrestextesrelatantla naissanceduchevalAr(é)ion—quienattribuentla paternité à Poséidonet la maternité tantôtàDéméter,tantôtàÉrinye,tantôtàuneHarpyie— ne désignentpas clairement l’ArcadieoulaBéotie283 .Entoutétatdecause,ilestprobablequelaBéotieetl’Arcadie partagenticiunfondsreligieuxcommun284 . Decesmythesarcadiensetbéotiens,l’onretiendradonclethériomorphismedePo séidon,soncaractèrechtonien,enrapportaveclaféconditéetlafertilité,ainsiquesonlien avecl’eauetlessources.DerrièrelePoséidonHippiosdeThelpousa,PhigalieetTilphousa, l’onretrouveainsilesprincipalescaractéristiquesdéjàrelevéesparF.Schachermeyr285 . LaparèdrefémininedePoséidon,quisenommeDéméteràl’époquedePausanias, présentequantàelleunepluralitémanifeste.ÀThelpousa,derrièrelesdeuxDéméter286 , une strate ancienne du mythe, également attestée à Tilphousa, met en scène la divinité mycénienneÉrinye287 .Parailleurs,selonunfragmentd’AntimaquecitéparPausanias288 ,la mèred’ArionneseraitautrequeGaia.PourcequiestdelaDéméterMélainadePhigalie,le PériégètelivreunoracledelaPythieoùladéesseestnommée«Déôunieaucheval»( ἱππο λεχὴς ῃώ )289 .Quelquesoitsonnom—Déméter,Érinye,Harpyie,GaiaouDéô—,la partenairedePoséidonHippiosestdoncunedivinitéchtonienne,quiestenrapportétroit aveclaféconditédusol.Cettedéessen’estpasforcémentellemêmethériomorphe,quand bienmêmeDéméterestréputées’êtretransforméeenjumentàThelpousaetquelastatue dePhigalieprésentaitunetêtedecheval290 . 280 Pausanias,VIII,42,113. 281 Cf. ibid. ,p.282et304305. 282 ScholieAà Il. ,XXIII,v.346a= Thébaïde ,fr.8,I(Bernabé).Cf.e.a.A.SCHACHTER , CultsofBoiotia. 1.Acheloosto ( BICS , Suppl. 38.1), Londres, 1981, p.164, s.u. «Demeter (Thelphousa)»; 2.Heraklesto Poseidon ( BICS ,Suppl.38.2),Londres,1986,p.222224, s.u. «Poseidon(Thelphousa)». 283 MadeleineJOST , op.cit. [n.275],p.304.Cf.,p.ex.,ps.Apollodore, Bibl. ,III,6,8(éd.R.WAGNER , BT , Stuttgart,1965 2): Ἄδραστον δὲ όνον ἵππος διέσωσεν Ἀρείων· τοῦτον ἐκ Ποσειδῶνος ἐγέννησε ηήτηρ εἰκασθεῖσα Ἐρινύι κατὰ τὴν συνουσίαν «SeulAdrastefutsauvéparsonchevalAréion:celuici,Déméter l’engendradePoséidon,aprèsavoirprislestraitsd’uneÉrinyeàcausedeleurunion». 284 Encesens,cf.e.a.F.SCHACHERMEYR , op.cit. ,[n.272],p.4041,etMadeleineJOST , op.cit. [n.275], p.304305. 285 Cf.MadeleineJOST , op.cit. [n.275],p.284287. 286 Lapremière,DéméterÉrinye,estellemêmenéedurapprochementdedeuxdivinitésoriginellement distinctes,DéméteretÉrinye;laseconde,DéméterLousia,auraitétéajoutéeparlasuite,peutêtrelorsdela fusion entre Déméter et Érinye, afin de souligner l’ambivalence de la déesse par l’emploi d’épiclèses antinomiques—l’unemarquantlacolère,l’autrel’apaisement( ibid. ,p.302311). 287 Ibid. ,p.303309.Érinye(erinu)apparaîtàtroisreprisessurlestablettes mycéniennesde Cnossos (KNFp (1) 1+31,l.8;V52, lat.inf. ; Fp <390>,l.1),tandisque«Déméter»n’estjamaismentionnéedansla documentationmycénienne. 288 Pausanias,VIII,25,9=AntimaquedeColophon,fr.32(Wyss). 289 Ilfautpréférercettetraductionà«quiaenfantéuncheval»,puisquecetémoignageneparaîtpasassez ancienpourqu’onyrechercheuneallusionàunenfant–chevalenfantéparDéméterMélainaàPhigalie,par analogieàArion,filsdel’ÉrinyedeThelpousa,etdontlesouvenirseseraitperdu:cf.MadeleineJOST , op.cit. [n.275],p.313,n.2. 290 Onretrouvecettemêmecaractéristiquechezd’autresparèdresdePoséidonHippios,commeMéduse (têteoucorpsdecheval:cf. infra ,n.305)ouencoreMélanippe,la“Cavalenoire”quidonnenaissanceaux POSÉIDONARCHAÏQUE 226

Selontouteévidence,lafillequinaîtdeDéméter,àThelpousacommeàPhigalie, rentredansunautreschéma:ilfautlamettreenrapportaveclemotifbienconnudelafille néedeDéméter;enArcadie,lepèredecettedéesseestsouventPoséidon291 . Enfin,lemytherapportequePoséidonoffritlechevalAréionàKopreus,roid’Ha liarte.CeluicienfitcadeauauThébainHéraclès,quis’enservitpouraffronterCycnos,fils d’Arès,danslesanctuaired’Apollonpagaséen,enThessalie292 .Héraclèsdonnaàsontour AréionàAdraste,roid’Argos,àquicechevalsauvalavie,lorsdelaretraitequisuivitl’ex péditiondesSeptcontreThèbes293 .Chevaldenaissancedivine294 et, dès lors, immortel, Aréionn’adecessedemontrersabravoure,faisantainsihonneuràsonnom,«Plusvaleu reux»( Ἀρείων )295 . B.Skyphios,chevaldeThessalieetd’Attique DeuxtraditionsrelativesàlanaissanceduchevalSkyphiosprésententdesaffinités aveclemythearcadobéotiend’Ar(é)ion.Leurattestationtardive,dansdessourcesisolées, inviteàlesconsidéreravecprudence,mais,entoutétatdecause,cestraditionstémoignent deladiffusionduschémadenaissancechevalinequenousavonsrencontréenArcadieet enBéotie. SelonunscholiastedePindare,PoséidonPétraios(Πετραῖος ),enl’honneurduquel sontcélébrésles Petraia enThessalie296 ,doitpeutêtresonnomaumythesuivant:endor mi,Poséidonauraitéjaculésurunepierre;Terre( Γῆ)auraitrecueillisasemenceetaurait donnénaissanceaupremiercheval,qu’onappelaSkyphios297 .Uneautreversiondecette histoireindiquequePoséidonfrappadesontridentunlieunomméPétraet,delasorte,fit naîtrelechevalSkyphios298 .Ànouveau,Poséidons’unitàlaterre—fûtceparl’intermé diaired’unepierre—etdonnenaissanceàunenfant–cheval. IlestintéressantdenoterquelecommentairedeTzétzèsàl’ Alexandra deLycophron relateexactementlemêmemythe,maisensitueledéroulementàAthènes,plusprécisé mentàColone;lechevalquienestnésenommeSkyphios( Σκύφιος ),aussiappeléSkeirô nitês ( Σκειρωνίτης )299 .Fautilpréciserquecebourgdel’Attiqueestdénommé Κολ ωνὸς Ἵππιο ς,quePausaniasyaencorevudeuxautels,l’unconsacréàPoséidonHippios,l’autre àAthénaHippia,etqu’onytrouvaitjadisunboisconsacréàPoséidonetuntemple300 ? héroséponymesBoiotosetAiolos(cf. RE ,t.XV/1,col.418421, s.u. «Melanippe,1»),dontlenommême trahitl’aspectchevalinoriginel. 291 OnretrouvelemêmemytheàLycosoura:cf.MadeleineJOST , op.cit. [n.275],p.309. 292 LascholieAà Il. ,XXIII,v.346a(= Thébaïde ,fr.8,I[Bernabé])situepourtantlecombatàproximité deTrézène. 293 ScholiesAetTà Il. ,XXIII,v.346aet347(= Thébaïde ,fr.8[Bernabé]);Eustathios, Comm.adIl. , XXIII,v.344.Pourlecombatd’HéraclèscontreCycnos,cf.égalementps.Hésiode, Boucl. ,enpart.v.118 121,ainsiqueT.GANTZ , MythesdelaGrècearchaïque (trad.DanièleAUGER &BernadetteLECLERCQ NEVEU ), Paris,2004,p.744748. 294 Cf.e.a. Il. ,XXIII,v.346347. 295 Cf.scholieAà Il. ,XXIII,v.346a(= Thébaïde ,fr.8,I[Bernabé]);Eustathios, Comm.adIl. ,XXIII, v.344.Surl’étymologievéritabledecenom,cf.toutefois supra ,n.276. 296 Cf.Pindare, Pyth. , IV, v. 138; Bacchylide, Épin. , XIV, v.10. Sur le nom Πετραῖος , principalement attestéenThessalie,cf.L.ROBERT , Hellenica.Recueild’épigraphie,denumismatiqueetd’antiquitésgrecques ,t.I,Paris, 1940,p.121126. 297 ScholieàPindare, Pyth. ,IV,v.246a. 298 Cf. RE ,s.2,t.III/1,col.688, s.u. «Σκύφιος ». 299 ScholieàLycophron, Alex. ,v.766. 300 Pausanias,I,30,4.L’archégètedulieu,lehéroséponymeΚολων ός,passepouruncavalier(cf.Sopho cle, ŒdipeàColone ,v.5861,65),etPoséidonestcenséyavoirinventélemorsetlarame,dontilauraitfait POSÉIDONARCHAÏQUE 227 C.Pégase,chevaldeCorinthe Resteàétudierunefigureimportanteetuniqueparmilesdescendantschevalinsde Poséidon:lechevalailéPégase.SelonHésiode301 ,cetanimalestnéenmêmetempsque Chrysaôr,ducoudeMéduse,violéeparPoséidonetdécapitée par Persée302 . Les points communsaveclesmythesquenousavonspassésenrevuejusqu’àprésentsontindénia bles:l’épithèteutiliséeparHésiodepourdésigner Poséidon ( κυανοχαίτης , «à la crinière bleusombre»),s’appliquaitàAriondansunversdela Thébaïde citéparPausanias303 etévo quel’aspectchevalindudieu304 ;l’iconographiereprésenteparfoisMéduseavecuncorps ouunetêtedecheval305 —commelaDéméterdePhigalie—etcettehéroïnenecachepas sanaturechtonienne;enfin,nousretrouvonsbeletbienunenfant–chevalissudecette union.Toutefois,lemythedePégaseoffredenouveauxéléments:lechevalestailé;qui plusest,ilaunfrèreenlapersonnedugrandChrysaôr;Pégaseseradomptéetmontépar Bellérophon; ensemble, ils affronteront la Chimère; Pégase finira par désarçonner son cavalieretintégrerlademeuredeZeus,avecmissiondeporterletonnerreetlefoudrepour lecompteduroidesdieux. DansledroitfildesétudesdeL.Malten,F.Schachermeyrs’estpenchésurlespro blèmesqueposentcesdéveloppementssupplémentairesdumythedePégase306 .Lesdeux savants soulignent qu’un certain nombre de protagonistes du mythe appartiennent à la sphèreanatolienneetsontenrelationavecle«Zeus»deCarieetdeLycie—divinitéqui rassemble des caractéristiques proprement anatoliennes, sémitiques et indoeuropéennes relativesauxdieuxduCieletdel’Orage. Bellérophonincarneletypedu«chevaliererrant»,chassédesapatrie(l’Argolideou laCorinthieenl’occurrence)etaccueillienpayslycien,oùilépouselafilled’unroi.Pégase, pour sa part, se présente à la fois comme un cheval–foudre307 , de couleur blanche, au

cadeauàlacitéd’Athènes—«dond’unegrandedivinité»(δ ῶροντο ῦεγ άλουδα ίονος),«suprêmeorgueil» (α ὔχηα έγιστον), «bon pour les chevaux, les poulains, la mer» (ε ὔιππον, ε ὔπωλον, ε ὐθάλασσον)— ( ibid. , v.707719). 301 Théogonie ,v.274286. 302 HésiodeprécisequelanaissancedePégaseeutlieu «au bord des eaux d’Océan» ( Ὠκεανοῦ περὶ πηγάς),pourjustifierlenom Πήγασος parétymologiepopulaire.Cependant,toutreliecechevalprodigieuxà Corinthe, en particulier son dressage par les soins de Bellérophon, à proximité de la source Peirênê (cf. Pindare, Ol. ,XIII,v.6392). 303 Pausanias, VIII, 25, 8 = Thébaïde ,fr.7(Bernabé).Lamêmeépithètes’appliqueégalement à Arion, «grandchevalàlacrinièrebleusombre»,chezleps.Hésiode, Boucl. ,v.120. 304 Dansl’ Iliade ,cetteépithète—parfoissouslaforme κυανοχαῖτα —désigneàcinqreprisesPoséidon (XIII,v.563;XIV,v.390;XV,v.174,201;XX,v.144)et,uneautrefois,Boréemétamorphoséencheval (XX,v.224);dansl’ Odyssée ,lestroisattestationsconcernentPoséidon(III,v.6;IX,v.528,536).L’épithète κυανοχαῖτα s’appliqueàHadèsdansl’ HymnehomériqueàDéméter ,I,v.347,maisdésignePoséidondansl’ Hymne homériqueàPoséidon ,v.6. 305 Cf. LIMC ,t.IV, s.u. «Gorgo,Gorgones»,n os 285,290,344(corpsdecheval);n os 319,320,327(tête decheval). 306 F. SCHACHERMEYR , op. cit. , [n.272], p.174188; cf. également la synthèse d’É.WILL , Korinthiaka. Recherchessurl’histoireetlacivilisationdeCorinthedesoriginesauxguerresmédiques ,Paris,1955,p.145168. 307 F. Schachermeyrrelèvel’associationentrelechevaletlafoudrecommeuntraitindoeuropéen(cf. ibid. ,p.106,117),etcommeunecaractéristiqueconstitutiveduZeusdeCarieetdeLycie( ibid. ,p.180).En outre,M.Hutteramontréenquellemesurelechevalgrec Πήγασος estunavatardudieudel’Oragelouvite Pih aššašši̮ —lesdeuxnomsproviennent,endernièreanalyse,dulouvite* pih a/i̮ «brillance;pouvoir,splen deur;foudre»—intégréparHésiodedanslagestelyciennedeBellérophon:cf.M.HUTTER ,«Derluwische Wettergott pih aššašši̮ unddergriechischePegasos»,dansM.OFISCH &Chr.ZINKO (éd.), Studiaonomasticaet indogermanica.FestschriftfürFritzLochnervonHüttenbachzum65.Geburtstag ,Graz,1995,p.7997. POSÉIDONARCHAÏQUE 228 serviceduZeusanatolien,etcommeunchevalissuduPoséidongrec,decouleurnoire,lié aumondechtonien:l’onaaffaireàunensemblecomposite,quiréunitdesconceptions provenantdugolfeSaroniqueetd’AsieMineure.Danscetamalgame,lenomdePégase,la paired’ailesdontilestpourvu,ainsiquelecombatcontreChimère,apparaissentnettement commedesélémentsorientauxquis’intègrentdanslapersonnalitéduZeussudanatolien. Enfin,Chrysaôr,«Épéed’or»,évoquesanscontestelafoudreets’inscrittoutàfaitdansle paysagecarien.Ainsi,lesjumeauxPégaseetChrysaôrreprésententdeuxaspectscomplé mentairesdupouvoirdeZeus:tousdeuxpersonnifientlafoudre. Sommetoute,lesdifférentesstratesdumythedePégaseapparaissentdistinctement: lecanevasforméparPoséidonHippios,ladéessechtonienneetl’enfant–chevalestenrichi delagestedeBellérophon,ainsiquedepersonnagesgravitantautourdeZeus.Delasorte, l’étalonissudePoséidonpeutprendrenomPégaseetdevenirl’animalimmorteld’unZeus anatolien. QuantàBellérophon,sonassociationavecPégasen’estpasforcémentprimitive308 : tousdeuxeurentcertainementàcombattreséparémentundragon,voirelaChimèreelle même,commelemontrentlessourceslittéraireseticonographiques309 .Leurréunionaura, dureste,uneconséquenceimportante:lechevaldivindevra,d’unemanièreoud’uneautre, sedébarrasserdesoncavaliermortelaumomentd’accéderàl’Olympe.

—POSÉIDONSURL ’ACROPOLED ’A THÈNES L’étudedesmythesliésauchevalquinaîtdePoséidondansdiversesrégionsdeGrècecon tinentalefournitdesparallèlesintéressantspourétudierlerôlequ’apujouerPoséidondans lesmythesathéniens.Desurcroît,lacomparaisonentrelesdifférentsrécitsdelanaissance d’unenfant–chevalconfirmenotrepostulatdedépart: un mythe évolue, se transforme, s’adapte,secontreditparfois.TémoinlemythedePégase,quitransformelechevalenani malailéetladéessechtonienneenmortelle.Témoinlesmortelsquiattellerontouchevau cheront, contre nature, des animaux divins et immortels: Kopreus, Héraclès et Adraste pourArion;BellérophonpourPégase. Apriori ,latraditionmythiqueathénienneest,plusquetouteautreencore,susceptible d’avoirconnudesmétamorphoses:c’estque,contrairementàl’Arcadie,Athènesseveut unecitépolicée:d’unepart,onn’yadmetpoint—ousipeu—lethériomorphisme,qui attesteunreculdel’humanitéetdelacivilisation,unretourverslasauvagerieetl’animalité; d’autrepart,onn’yhésitepasàtransformerlesmythespourlesplieraucanevascivique. Ainsi,dansuncascommedansl’autre,lemythesertillepolitique. Gardantàl’espritcettevolontépolitiqueagissanteetcontraignante,nouscommen ceronsparétudierlesvariationssurlethèmedelanaissanced’unenfant–chevalenAttique, avant de nous interroger sur l’opportunité de postuler pareille naissance originelle sur l’Acropolemême. A.VestigesdenaissanceschevalinesenAttique Quoiqu’elle se montre plutôt rétive aux conceptions thériomorphiques, l’Attique n’estpasentièrementexemptedesouvenirsd’untempsoùhommesetanimauxnesedis 308 Contra ,É.WILL ( op.cit. [n.306],p.155168)postulel’identitéoriginelledeChrysaôretdeBellérophon, entantquedieudelafoudre,etdéfendl’associationprimitivedeChrysaôr–BellérophonetPégaseàCorinthe. 309 Homère, Il. ,VI,v.179183[BellérophonestseulcontreChimère]; Hésiode, Théog ., v. 325 [Pégase joue le rôle essentiel dans la victoire sur Chimère]. L’iconographie montre également Pégase seul face à Chimère( LIMC ,t.III, s.u. «Chimaira»,n os 54,89,103113;t.VII, s.u. «Pegasos»,n o89)et,plusrarement, BellérophonaffrontantChimèresansPégase( LIMC ,t.VII, s.u. «Pegasos»,n os 228231). POSÉIDONARCHAÏQUE 229 tinguaientpasencoreclairement:quel’onsonge,parexemple,auxjeunesfillesqui«font l’ourse»pourArtémisàBrauron310 .Lesmythesrelatifsàunenfant–chevalnédesembras sementsd’undieu–chevalavecunedéessechtonienneappartiennentaumêmesubstrat,et transparaissentçàetlàdansquelquesmythesetcultesd’Athènesetdesesenvirons. 1.HalirrhothiosetHippothoôn Enville,surleflancSuddel’Acropole,unmythefortintéressantestattachéàune sourcequiseraenclosedansl’Asclépiéion:àcetendroit,Halirrhothios,filsdePoséidonet d’uneNymphe,auraitviolentéAlcippê,filled’Arès311 .Arès,foudecolère,tualemalotru prèsdelasourcemême,etfutparlasuitejugépourmeurtresurl’Aréopage,inaugurantles procèspourcrimedesang312 .Enpassantoutrelecaractèreéminemmentétiologiquedece récitquifondelesystèmejudiciaireathénien,l’onretiendraquelquestraitspropresauxmy thesdePoséidon:laproximitéd’unesource,l’accouplementdePoséidonavecunedivinité chtonienneetlesaffinitésd’Halirrhothiosaveclecheval,quesuggèrelenomdesavictime (Ἀλκίππη ,“Puissantecavale”).Deplus,lenommêmedufilsdePoséidonévoquelescom pétences«marines»dudieu( Ἁλιρρόθιος,“Quibatdesesflots”ou “Quiestbattuparles flots”). Quittons Athènes pour Éleusis: l’on y trouvera l’ hêrôon d’Hippothoôn, l’éponyme d’unedesdixtribusclisthéniennes313 .Derrièrelehéros«politique»,l’onreconnaîtsans peineuntrèsancienfondsreligieux:ilsuffit,pourcefaire,deconstaterqu’àl’instardes hérosCécropsetÉrechthéepourlestribusCécropideetÉrechthéide,sonculten’estpas desserviparunmembredelatributiréausort,maispardescitoyensissud’un genos ancien et—mieuxencore—n’appartenantpasforcémentàlatribuHippothoôntide314 .Lemythe rapportequecehérosestnédePoséidonetAlopê,filledeCercyôn:àl’insudesonpère,la jeunefilleexposal’enfant,quifutnourriparunejument.Cercyônfutmalgrétoutinformé decettenaissancehonteuse,etfitpérirsafille;parlasuite,ThéséetuaCercyônetmitfin auxviolencesdecehérosàl’égarddesétrangers.Poséidonauraitchangélecorpsd’Alopê enfontaine,etl’onobservaitletombeaudecettehéroïnedansleterritoiredel’Attique,sur larouted’ÉleusisàMégare,aulieumêmeoùCercyônaffrontaitlesétrangersdepassage315 . De plus, selon plusieurs sources, Cercyôn serait luimême fils de Poséidon316 . Ce Cercyônpourraitbienêtred’originearcadienne317 ,etl’ontrouveeffectivementàTégéeune tribuHippothoitis,dontl’éponymeHippothousestfilsdeCercyôn318 . Puisque l’histoire de Cercyôn nous ramène en Arcadie, il vaut la peine d’y suivre maintenantlestracesdesonfilsHippothous319 : celuici dérive en droite ligne d’Arkas,

310 Cf.e.a.P.BRULÉ , op.cit. [n.268],ch.II,p.177283. 311 Cf.e.a.Pausanias,I,21,4;ps.Apollodore, Bibl. ,III,14,2. 312 Cf.e.a.Euripide, Électre ,v.12581262; FGrH III,323a(Hellanicos),F1;328(Philochore),F3. 313 Cf.Pausanias,I,38,4. 314 Cf.EmilyKEARNS , TheHeroesofAttica ( BICS ,Suppl.57),Londres,1989,p.8485. 315 Hygin, Fables ,CLXXXVII;Pausanias,I,39,3. 316 Pausanias,I,14,3= TrGF I,2(Choirilos),F1;scholieàEuripide, Phéniciennes ,v.150=Antimaquede Colophon,fr.17(Wyss);AuluGelle, N.A. ,XV,21. 317 ScholieàAristophane, Nuées ,v.508a=Callimaque,fr.294(Pfeiffer);Plutarque, ViedeThésée ,11,1. 318 Pausanias,VIII,53,6. 319 Lehérosathéniens’appelaittantôt Ἱπποθόων, tantôt Ἱπποθῶν; le roi arcadien, Ἱππόθους. La parenté desnomsestflagrante;lelienavecCercyônetPoséidonl’esttoutautant.L’onsoulignera,enoutre,quetous deuxsontéponymesdetribus,lepremieràAthènes,lesecondàTégée. POSÉIDONARCHAÏQUE 230 héroséponymedesArcadiens320 ;aprèsqu’Agapénôr,roidesArcadiens,n’estpasrevenu delaguerredeTroie,Hippothousmontasurletrône,déplaçalesiègedelaroyautéde TégéeàTrapézonteetparticipaàlachassecontrelesanglierdeCalydon321 .Sonfils,Aipy tos,violal’ ἄβατον ducélèbretempledePoséidonHippiosàMantinée,futaveugléparun jetd’eausalée( κῦα )etsuccomba322 . Après cedétourobligéparl’Arcadie, ilesttempsdenousrappelerquenoussommes partisd’Éleusis:devantlespropyléesdufameuxsanctuairesetrouveuntemple d’Artémis ΠροπυλαίαetdePoséidon Πατήρ323 . RelevonscetteépiclèseintéressantedePoséidon,le «Père»,etnotonsqueleprêtred’Hippothoônsemble,parailleurs,liéàlacélébrationdes mystèreséleusiniens324 . Singulières coïncidences! Audelà des spécificités des mythes arcadien et attique, nousrelevons,departetd’autre,laprésenced’unesource:àlafontaineAlopêcorrespond, eneffet,l’eausalinejaillissantdansletempledeMantinée.Enoutre,lenomchevalin Ἱππο θόων,“Chevalrapide”,ainsiquelajumentquiallaitalenourrisson325 ,sontdes témoignages clairsdel’antiquethériomorphismed’Hippothoôn,etdel’existenced’unenfant–chevalà Éleusis.Enfinetsurtout,lepersonnagedeCercyônetsesrapportsavecledieuPoséidon doiventretenirnotreattention. 2.Cercyôn,CychreusetCécrops Commelemontrelemythearcadien,Cercyônappartientàunelignéeroyale—sans, pourautant,exercerlaroyautéentantquetelle—;àÉleusis,cehérosexerceégalement surlesétrangersetsursaproprefilleunesouverainetéqui,àdéfautd’êtrejuste,n’ende meurepasmoinsincontestéejusqu’àl’interventiondeThésée326 .Autraversdesaléasdu mythe,Cercyônapparaîtdèslorscommeunroiantiqued’Éleusis.Deplus,étanttantôtle fils,tantôtlebeaupèredePoséidon,Cercyônentretientaveccedieuunerelationcomple xe,quisedéploieautourdelapaternitédel’enfant–cheval:lerécitéleusinienreconnaîtPo séidoncommepèred’Hippothoôn,tandisquelemythearcadienattribuecerôleàCercyôn. LefoisonnementdedonnéesapparemmentcontradictoiresquientourentPoséidon, CercyônetHippothoôntrouveunéchobienvenuenlapersonneénigmatiquedeCychreus, autre fils de Poséidon327 , qui régna jadis sur l’île voisine de Salamine. Ce roi élevait le Κυχρείδης ὄφις, un«serpentfilsdeCychreus»quifutchassédeSalamineetrecueillipar

320 Hippothous est fils deCercyôn, fils d’Agamédès, fils de Stymphélos, fils d’Élatos, fils d’Arcas: sur cettelignéeroyale,etlesaléasdelasuccessionautrône,cf.Pausanias,VIII,4,1–5,4. 321 Cf.Hygin, Fables ,CLXXIII;Pausanias,VIII,5,4;45,67. 322 Pausanias,VIII,5,5;10,34. 323 Pausanias,I,38,6. 324 Cf.EmilyKEARNS , op.cit. [n.314],p.173; IG IIIII 2,1672,l.290291(347–346av.J.C.).L’iconogra phiemontreclairementquelehérosHippothoônestintégréaucercledelaDéméteréleusinienneetdeTri ptolème:cf. LIMC ,t.V, s.u. «Hippothoon»,n os 917. 325 L’allaitementd’Hippothoônparunejumentapparaîtégalementdansl’iconographie:cf. LIMC ,t.V, s.u. «Hippothoon»,n os 14.Cettescèneestégalementattestéedanscertainesversionsdumythethessaliende NéléeetPélias,filsdePoséidonetTyrô:surcemythe,cf.e.a.T.GANTZ , op.cit. [n.293],p.306309. 326 Hygin( Fables ,CLXXXVII)précisequeCercyônétaiteffectivementunroi,cequin’étonneguère,au vu de l’ascendance prestigieuse de ce héros. À l’instar de Scirôn, Cercyôn ne fut transformé en brigand malfaisant qu’après sa rencontre —tardive— avec Thésée,afin derehausser la geste dufutur souverain d’Athènes.D’ailleurs,lemêmeHyginindiquequ’aprèsavoirtuéCercyôn,ThéséeinstallaHippothoônsurle trônedesesancêtres:bonsangnesauraitmentir! 327 Cf. Diodore de Sicile, IV, 72; ps.Apollodore, Bibl. , III, 12, 7; scholies à Lycophron, Alexandra , v.110,175,451. POSÉIDONARCHAÏQUE 231

DéméteràÉleusis328 .OutredesliensmythiquesintéressantsentreSalamineetÉleusis,ce courtrécitrecèleunschémasimilaireàceuxquiapparaissentdansl’histoiredeCercyôn:la paternitédePoséidon,laroyautéprimordialeetl’existenced’unenfant–animalmontrentla parentéentrelesdeuxmythes.Cen’estpastout. ÀlasuitedesbrillantesanalysesproposéesparC.Calame329 ,l’ons’avisera,eneffet, queSalamineetÉleusissetrouventàl’extrémitédedeuxaxesimportants,quiconvergent versl’acropoleathénienne,enpassantrespectivementparlePhalèreetleSciron.Cesdeux pivotsdelatopographiereligieused’Athènessontpolarisésparlacomplémentaritéfonc tionnelled’AthénaSkirasetdePoséidon330 ,quiviseàlaproductiond’unenourriturevégé tariennecivilisée,enunschémaoùladéessereprésentelesprogrèstechniquesetlacivilisa tion,tandisqueledieuincarnelesforcesprimitivesdesentraillesdelaterreet,dèslors,fait montre de fonctions génésiques indéniables331 . Or, les deux souverains de Salamine et d’Éleusiscorrespondentassezexactementausouverainorigineld’Athènes,quirésidesur l’Acropole:leroi–serpentCécrops.Defait,commeCychreus,Cécropsesthybride—mi hommemiserpent—,n’apasdedescendanceetadopteunserpent332 ;enoutre,Cercyôn etCécropspartagentprobablementunnomconstruitsurlaracinede κέρκος «queue»333 . Auvudurôledegéniteurqu’occupePoséidonsurlesaxessalaminienetéleusinien, ainsiquedel’étroiterelationqu’entretiennentcedieuetAthénaPoliadeauseindu«Vieux Temple»,puisdel’Érechthéion334 ,nouspouvonsnousinterrogersurl’opportunitéderes tituersurl’AcropoleunPoséidonauxprérogativespaternellesplusaffirmées.Noussom mesd’autantplusencouragédanscettevoieparlaconstatationd’undéséquilibreflagrant entre éléments «salaminiens» et «éleusiniens» dans les mythes de l’Acropole: seraitil

328 Strabon,IX,1,9=Hésiode,fr.226(Merkelbach&West).Lesauteurscitésàlanoteprécédentesou tiennent,parcontre,queCychreusatuéunserpentmonstrueuxquiravageaitl’îledeSalamine:entoutétatde cause, il importe de noter les affinités de Cychreus avec les ophidiens, qui fondent l’identité de ce roi salaminien. 329 C.CALAME , Théséeetl’imaginaireathénien.LégendeetculteenGrèceantique ,Lausanne,1996 2,p.337355.Cf. également F.DE POLIGNAC , «Divinités régionales et divinités communautaires dans les cités archaïques», dansVincianePIRENNE DELFORGE (éd.), LesPanthéonsdescités.Desoriginesàla Périégèse dePausanias.Actesdu Colloqueorganiséàl’UniversitédeLiègedu15au17mai1997(2 epartie) ( Kernos ,Suppl.8),Liège,1998,p.2833. 330 PouruneétudepointuedelacollaborationfructueuseentrePoséidonetAthénalorsdel’apprivoise mentduchevaloudelanavigationenpleinemer,cf.M.DETIENNE &J.P.VERNANT , op.cit. [n.13],p.178 243,enpart.p.193202et223229.Surl’interactionentreDéméteretAthénaautourdelaproductionagri cole,cf. ibid. ,p.169171. 331 Outrel’épiclèsedudieuàÉleusis( Πατήρ),déjàmentionnée,etl’appellation Φυτάλιος quereçoitle dieu à Athènes (cf. IG IIIII 2, 5051), rappelons que Poséidon passe fréquemment pour le père des rois CercyônetEumolpeàÉleusis,CychreusàSalamine,ainsiquedumonstre,devinouhérosScirôn/Sciros, personnagequi,parsaprésencesimultanéeàSalamine,auPhalèreetauSciron,soustendtoutelastructure dégagéeparC.Calame. 332 SurlessimilitudesprofondesentrelespersonnagesdeCécropsetCychreus,cf.L.GOURMELEN , op. cit. [n.268],p.401403; surl’adoptiond’Érichthonios par Cécrops, cf. infra , p.246248; sur l’assimilation d’Érichthoniosàl’ οἰκουρὸςὄφις ,cf. supra ,n.269. 333 Lenom Κερκυώνestformédelaracine*κερκetd’unsuffixe* ον(cf.C.J.RUIJGH , loc.cit. [n.276], p.153),tandisque Κέκροψ provient peutêtre de *Κέρκοψ, composé sur la même racine avec l’élément *οπ (cf.L.GOURMELEN , op.cit. [n.268],p.359362).Entoutétatdecause,etentenantcomptedunom Κυχρεύς, nous constatons une troublante similitude de sonorités entre le nom des trois souverains primordiaux:àdéfautdeprovenird’uneracinecommune,ilss’inscriventdoncparfaitementdansleschéma triangulairedeC.Calame,aumoyend’unebelleallitération. 334 Surcesdeuxédifices,cf.B.HOLTZMANN , L’Acropoled’Athènes.Monuments,cultesethistoiredusanctuaire d’AthénaPolias ( Antiqua ,7),Paris,2003,p.7581et163175. POSÉIDONARCHAÏQUE 232 possiblederetrouveràAthènesunenfant–chevalauxcôtésdel’enfant–serpent,etdese souvenirqu’àÉleusis,CercyôndisputaitàPoséidonlapaternitéd’Hippothoôn? Enfin,nousavonsdéjàparléduΚολ ωνὸς Ἵππιο ς,situé extramuros ,àproximitéde l’Académie,oùlescholiasteàLycophronsituelanaissancedeSkyphiosouSkeirônitês,fils dePoséidonetdeTerre335 .CesanctuairedePoséidonHippiosetAthénaHippia,sisen deçàduCéphisesurlaroutedeThèbes,occupeunepositionidentiqueauSciron,quel’on rencontresurlavoiesacréeavantdetraversercemêmeCéphise.L’endroitquivitleThé bainŒdipefoulerpourlapremièrefoislesoldel’Attiqueprésenteaussitouteslescaracté ristiquesdessanctuairesextraurbainsduScironetduPhalère,àcommencerparl’asso ciationintimedePoséidonetAthénaauxlimitesduterritoire336 .Pourcetteraison,nous pouvonslerelieràl’Acropoleparunaxemythique,sinoncultuel,etrapprocherlenomdu cheval Σκειρωνίτης dunom Σκείρων —variantefautive,maisrépandue,pour Σκῑρων. Voilà quiinviteégalementà envisagerlapossibilitéd’uneconceptionchevalinesurl’Acropole.

Fig.1:SchématisationdesrapportsmythiquesetcultuelsentreAthènes, lessanctuairesextraurbainsetlesconfinsduterritoire

B.Unehiérogamieprimitivesurl’Acropole? Ilsemblebienquel’histoiredel’enfant–chevalnesoitpasdutoutinconnueàAthè nes:dansdenombreuxrécitsdemeurentdesvestiges,parfoisfortaltérésetréinterprétés, d’unPoséidonpaternel,liéauxsources,d’apparencechevaline.Voicilemomentdemonter ànouveausurl’Acropole,etderelirelesdeuxmythesprimitifsd’Athènes—àsavoirle conflitquiopposaPoséidonàAthénaetlanaissancedel’enfantÉrichthonios. EnexaminantcestextesenregarddesschémasmythiquesassociésàPoséidon,nous retrouveronsaucœurd’Athèneslesquatreélémentsfondamentauxdelagestedivine:la puissancesexuelledePoséidon,sonaccouplementavecuneparèdrechtonienne,l’appari tiond’unesourceetl’engendrementd’uncheval.

335 Cf. supra ,p.226. 336 Cf. supra ,n.329. POSÉIDONARCHAÏQUE 233

1.Dieugéniteur Le mythe, ainsi que ses représentations iconographiques, attribuent deux pères à l’enfantdel’Acropole.Divingéniteur,Héphaistossecontentedeproduirelasemencequi généreraÉrichthonios;unefoiscettetâcheaccomplie, l’Illustre Boiteux se fait extrême mentdiscretdanslesritesacropolitains337 ,quandilnefaitpaspreuve,surlesreprésenta tionsimagées,d’undésintérêtmanifesteenverssaprogéniture.Aucontraire,lorsqueTerre remetl’enfantàAthéna,Cécropslaissetransparaîtreunsentimentdesurpriseémerveillée, et arbore volontiers un rameau d’olivier, à l’instar des pères athéniens lorsque naît un garçon338 .Entreledieu–forgeronetleroi–serpent,lesrôlesserépartissentcommesuit:le premierestlepèrenatureld’Érichthonios,tandisquelesecondestsonpèreadoptif. PuisquecettedialectiqueentreHéphaistosetCécropsselaisseaisémentexpliquerau regard de l’idéologie d’Athènes et de l’évolution ultérieure du mythe339 , nous pouvons dégagerlemythèmedelaconceptiond’Érichthoniosdesoncontextepolitique:lesperme d’undieugéniteurtombeparterreetGêengendreunecréature.Cesdeuxélémentsévo quentclairementlanaissanceduchevalSkyphios:ilsuffitquelasemencedudieurencon trelaterrepourquelerejetondivinvoielejour.Enl’occurrence,ilestvraisemblablequele dieu Poséidon, présent à dateancienne dans lemythe d’Érichthonios, fut remplacé par Héphaistos,pourdesraisonsqu’ilfaudradéterminer. Deplus,leconcoursorigineldePoséidonetCécropsàlanaissanced’Érichthonios renverraitauxtraditionséleusiniennesetarcadiennes,oùPoséidonetCercyônrevendiquent chacunlapaternitéduhérosHippothoôn.Cettecoïncidencenousinviteàpoursuivrela lecturedumythed’Érichthoniosàlalumièredesrécitsdenaissanceschevalines,etàcher cherenpremierlieulaparèdrenaturelledePoséidon. 2.Mèrechtonienne SiÉrichthoniostrouvedeuxpèresenlapersonned’Héphaistos et de Cécrops, le mytheluiattribueégalementdeuxmères. Entantqueparadigmeducitoyenathénien,Érichthoniossedoit,eneffet,deréser veruneplaceimportanteàAthénadanssagénéalogie.Toutefois,forceestdeconstaterque lalégitimitématernelledeladéesseviergeserésumeàavoirsuscitéledésird’Héphaistos —envertudequoi,ellereçoitÉrichthoniosdesmains deTerre, comme le Cataloguedes vaisseaux le suggère déjà340 et comme les artistes athéniens le figurent à l’envi. Comme Cécrops,Athénan’estniplusnimoinsqu’unemèreadoptive. Lavéritablemèred’ÉrichthoniosestlaTerreou,plusexactement,laterredel’Acro pole.Àl’imagedesmythesrelatifsàPoséidon,noussommesicienprésenced’unedéesse chtonienneépichorique.Or,cettemèreoriginelle—dontlestextesnenousparlentguère, etquel’artreprésentegénéralementsouslaformestéréotypéed’unefemmeen anodos 341 —, s’incarnedemanièreinattenduedansd’autresprotagonistesdelanaissanced’Érichthonios: lesprincessesCécropides. 337 LePériégèteavudansl’Érechthéionunauteld’Héphaistos,qu’ilciteentroisièmelieudanssonénu mération,aprèsl’auteldePoséidonetÉrechthée,aprèsmêmel’autelduhérosBoutês(Pausanias,I,26,5).Le grandsanctuaired’Héphaistossesituecependantencontrebasdel’Acropole,surleΚολ ωνὸς Ἀγοραῖος,non loinduCéramique,oùofficientlesartisansqueledieupatronneavecAthéna( ibid. ,I,14,6). 338 Surlecontrasteentrel’attituded’HéphaistosetcelledeCécropsdansl’iconographie,cf.P.BRULÉ , op. cit. [n.268],p.4950;L.GOURMELEN , op.cit. [n.268],p.198207. 339 Pourunexposéplusdétaillé,cf. infra ,p.239251. 340 Homère, Il. ,II,v.546551. 341 Cf.e.a.P.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.53.Pourlesreprésentationsdelanaissanced’Érichthonios,cf. LIMC ,t.IV, Addenda , s.u. «Erechtheus»,n os 128. POSÉIDONARCHAÏQUE 234

D’unepart,lesnomsdestroisfillesdeCécrops,telsquelesconservelatraditionlitté raire —Ἄγλαυρος, «Eau brillante», Πάνδροσος , «Touterosée», et Ἕρση, «Rosée»— évoquentl’eaufécondanteets’inscrivent,sansdoute,dansledroitfildel’élémentliquide maternel indoeuropéen (* dā) —précurseur de la déesse Déméter 342 : par une voie détournée,noustrouvonsainsiuneattestationdeladivinitématernelledel’Acropole343 . Toutefois,uneautrefigurepersonnifiedavantageencorel’élémentféminin«perma nent»del’Acropole:lepersonnaged’Agraulos–Aglauros344 est,toutàlafois,mèredes Cécropides,d’Alcippê345 etdeCéryx346 .Cetteentitématernellelocalefuttrèscertainement lapremièremèred’Érichthonios347 ,etcorrespondentouspointsàlaparèdrehabituellede Poséidon,laquelleestenmêmetempsmèreetdéessedulieu,fortementancréedansle paysage,liéeàunegrotteet/ouunesourcequisymbolise(nt)sesattachesaveclemonde chtonien. Précisément,lesanctuaired’Agraulos–Aglaurossesituedansunegrottecreuséedans le versant oriental de l’Acropole348 , et l’un des noms de l’héroïne, “Celle qui réside au champ”,rappellesanaturechtonienne.Quantàlasecondeappellation,“Eaubrillante”,elle conviendrait parfaitement pour une héroïne liée aux sources349 . De fait, les sources ne manquentpasauxabordsdel’Acropole. 3.Sources Dans un premier temps, nous évoquerons trois sources situées en contrebas de l’Acropole,quisedistinguentsoitparunenaissancechevaline,soitparleursliensavecle mythe d’Érichthonios. Ensuite, nous gravirons le rocher et étudierons la «mer» que Poséidonafaitsourdresurl’Acropolepourrevendiquerlapossessiondelacitéd’Athènes. 342 Cette analyse, basée sur l’étymologie indoeuropéenne des théonymes ηήτηρ et Ποσειδῶν, fut proposée par M.JANDA , Eleusis. Das indogermanische Erbe der Mysterien ( IBS , 96), Innsbruck, 2000, en part. p.294etn.645. 343 Cf.égalementP.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.3941.LesavantfrançaisnotequelesCécropides,toutes trois porteusesderosée,représententnonpasunedivinitéfécondée(déessepassivedelafertilitéetdela fécondité),maisuneentitéfécondante(principemasculinactif),euégardàlapolysémiedestermes δρόσος et ἕρση (sg.«rosée;humeurmâle»;pl.«jeunesanimaux,petitsàélever»).Ilrelèvedèslorsunparadoxe:les princesses Cécropides seraient investies d’un pouvoirfécondantmasculin.CequeM.Jandanousapprend aujourd’huidel’étymologieindoeuropéennedeDéméteretPoséidonpermetdesurmontercetteaporie:la “MèreEau”incarnel’eaufécondante(e.a.pluieetrosée),tandisquesonparèdre,“Épouxdel’eau”,libèreles eauxsouterraines,quifécondentégalementlaterre.LaprésencedesCécropidesdansunrôlefécondantpeut doncs’expliquerparcethéritageindoeuropéen:ellesoccupentbeletbienlerôleféminin. 344 Àcesujet,cf.lesanalysesdeP.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.2829.Silestémoignagesépigraphiques, unanimes—enl’étatactueldenosconnaissances—, mentionnent uniquement Aglauros, les témoignages littérairesattestentaussil’existenced’uneformeAgraulos,avecmétathèsedesliquides.AgraulosetAglauros sont,enfait,lesdeuxfacescomplémentairesd’unmêmepersonnageféminin:lapremièreincarnedavantage lamère,dontlamortassurelarédemptiondelacité,tandisquelasecondesymboliselavierge,chargée d’éleverlejeuneÉrichthonios. 345 Ils’agit,danscecas,d’AgraulosfilledeCécrops,unieaudieuArès:cf. FGrH III,323a(Hellanicos), F1;ps.Apollodore, Bibl. ,III,14,2. 346 SelonlesCéryceseuxmêmes,leurancêtreéponymeseraitfilsd’Hermèsetd’Aglauros—ellemême étantfilledeCécrops—:cf.Pausanias,I,38,3.D’autressourcesattribuentlamaternitédeCéryxàPandro sos(cf.e.a. FGrH III,324[Androtion],F1;cf.égalementP.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.154,n.256)ouàHer sé(cf. IG XIV,1389,I,l.3033). 347 Enanalysantlemythed’Érichthonios,P.BRULÉ ( op.cit. [n.268],p.41)proposed’ailleursde«nerete nirquedeuxprotagonistesoriginelsdelaprocréation:unfluidemâle(…)etunematricefécondée,Agrau los». 348 Cf.G.S.DONTAS ,«TheTrueAglaurion», Hesperia ,52,1983,p.4863etpl.1315. 349 Cf.e.a.K.JEPPESEN ,«WhereWastheSocalledErechtheion?», AJA ,83,1979,p.391392. POSÉIDONARCHAÏQUE 235

À la fontaine du flanc Sud, Halirrhothios, fils de Poséidon, viola Alcippê, fille d’Agraulos350 : l’on peut sans peine supposer queces deux héros ne sont que de pâles refletsdeleursparents,etquel’onretrouveicilatraced’uneunionprimitiveentrePoséi donetAgraulos. Del’autrecôtédurocher,àl’angleNordOuest,unautreendroitconviendraitsans douteàunehiérogamieprimitive:lasourcepérenne Ἐπεδώ,la«Constante»351 ,connue depuis le Néolithique et aménagée durant le second quart du Ves. sous la forme de la fontaineClepsydre( κρήνη Κλεψύδρα )352 .Àproximitéimmédiatedelasource,Créuse,fille d’Érechthée,seseraitunieàApollon353 .Decetteliaison—oudeceviol,selonlesau teurs—estnéIon,enfantillégitimequiseraexposéparsamère,danslesHautesRoches, maissauvédelamortparsonpèredivin;àl’âgeadulte,Ion,reconnuparsamère,aurapart aupouvoirlégitimedesdescendantsd’Érechthée354 .Cetancragedumythed’Ionprèsdela source Empedô est intéressant, car le traitementdel’histoired’IonparEuripideestune adaptationdumythed’Érichthonios355 .Parconséquent,leschéma«dieugéniteur–mère chtonienne–filsetsource»apuégalementêtreattachéàcettepartiedel’Acropole. Undernierpointd’eau,égalementsituésurleversantNorddel’Acropole,doitrete nir notre attention. D’antiquité vénérable, il servit de fontaine à l’époque mycénienne (XIII es.), et se vit adjoindre des escaliers, afin de faciliter la descente depuis le haut du rocher.Cedispositifdurapeu:aprèsunetrentained’années,unéboulementlerenditinuti lisable356 .Toutefois,cepassagesouterrainnetombapasdansl’oubli.Unnouvelescalierfut aménagéau XII es.,quipermettaitd’accéderauflancNorddel’Acropole:l’antiqueaccèsest empruntéparlesjeunesArrhéphores,quandellesdescendentnuitammentduplateaupour emporterdesobjetsmystérieuxversunsanctuairesituéaupieddurocher,encommémora tiondelanaissanced’Érichthonios357 . Cetendroitestdoncmarquéd’unefonctionsacrée,enlienavecÉrichthonios,etl’on a déjà proposé d’y retrouver la source que Poséidon aurait offerte aux concitoyens de Cécrops358 .Voilàentoutcasundonquieûtétéfortapprécié:laprésencedesources, 350 Cf. supra ,p.229etn.345. 351 Cf.Hésychios, s.u. «Κλεψύδρα». 352 Cf.B.HOLTZMANN , op.cit. [n.334],p.201. 353 Cf.e.a.Pausanias,I,28,4. 354 C’estlàl’argumentdelatragédied’Euripide, Ion ,jouéeen418. 355 Cf.e.a.NicoleLORAUX , Lesenfantsd’Athéna.Idéesathéniennessurlacitoyennetéetladivisiondessexes ,Paris, 1990 2,p.197253,enpart.p.207209. 356 Platon( Critias ,112c–d)évoqueprobablementcettesourcedansladescriptionqu’ildonnedel’antique citéd’Athènesdanslemythedel’Atlantide,aprèsavoirindiquéquelaclassedesguerriershabitaitjadissurla partieNorddel’Acropole(éd.A.RIVAUD , CUF ,Paris,1925): κρήνη δ’ ἦν ία κατὰ τὸν τῆς νῦν Ἀκροπόλεως τόπον,ἧςἀποσβεσθείσηςὑπὸτῶνσεισῶντὰνῦννάαταικρὰκύκλῳκαταλέλειπται,τοῖςδὲτότεπᾶσινπαρεῖ χενἄφθονονῥεῦα,εὐκρὰςοὖσαπρὸςχειῶνάτεκαὶθέρος «ilyavaitunefontainedanslarégiondel’actuelle Acropole,dontnedemeurentaujourd’huiquedemincesruisseletsalentour,dufaitqu’elles’esttarieàlasuite detremblementsdeterre,mais,auxhommesdejadis,ellefournissaituneeauabondante,quiétaitdetempé ratureégaleenhiveretenété».Pourl’étudearchéologique,cf.O.BRONEER ,«AMycenaeanFountainonthe AthenianAcropolis», Hesperia ,8,1939, p.317433etpl.XIXIII. 357 Pausanias(I,27,3)évoquecette«descentesouterrained’originenaturelle»( κάθοδος ὑπόγαιος αὐτο άτη ).Cf.e.a.W.BURKERT ,«LemythedesCécropidesetlesArrhéphories.Duriteinitiatiqueàlafêtedes Panathénées»,dans Sauvagesorigines.MythesetritessacrificielsenGrèceancienne (trad.DominiqueLENFANT ),Paris, 1998,p.7274;VincianePIRENNE DELFORGE , L’Aphroditegrecque.Contributionàl’étudedesescultesetdesaper sonnalitédanslepanthéonarchaïqueetclassique ( Kernos ,Suppl.4),Athènes&Liège,1994,p.5658. 358 Cf.K.JEPPESEN , loc.cit. [n.349],p.381394,enpart.p.390392;M.NYMAN ,«APreMarineVestige of θάλασσα:AnEtymologicalProposal», Arctos ,14,1980,p.6267. POSÉIDONARCHAÏQUE 236 accessiblesdepuislehautduplateaua,detouttemps,étévitale:l’accèsàl’eaudesource étaitindispensablepourl’Acropolefaisantofficedesanctuaire;ill’étaitencoredavantage, lorsquel’éminencerocheuse,entoutouenpartie,servitdecitadelle. Parcontre,leplateauenluimêmeestdépourvude toute source ou cavité, à une exceptionprès:lasourcesaléequefitjaillirPoséidon avantmême l’arrivéed’Athéna,comme l’expliquelemythedeladisputedivine.Onretrouveégalementlatracedutridentquiaura serviàcetteoccasion359 .Sila«mer»dePoséidonévoquelejaillissementsalindutemple dePoséidonHippiosà Mantinée360 ,letridentfait partiedesattributshabituelsdu dieu sourcier361 :voici,sommetoute,levieuxthèmedePoséidonfaisantjaillirunesourcesoit enpersonne,soitparl’intermédiaired’uncheval362 .Celavadesoi,maisl’onauraittortde s’arrêterlà. Defait,lesmarquesdetridentlespluscélèbresdel’Acropolenesontpasassociéesà la«mer»provoquéeparPoséidon,maissetrouventsousleporcheNorddel’Érechthéion et sont précisément mises en relation avec la mort du héros Érechthée; de même, la «mer»dePoséidonestdite ἐρεχθηὶςθάλασσα 363 ,quandbienmêmeÉrechthéenedevrait pasencoreêtrenélorsdeladisputeprimitiveentrePoséidonetAthéna.Onlevoit,ilyalà unenchevêtrementbienpluscomplexequenelelaissecroirelanetteséparationentreles deuxmythesfondateurs.Laissonspourl’heureceproblèmedecôté,maisnotonsquePo séidon entretient d’étroites relations avec Érechthée —autrement dit, avec Érichtho nios364 —etqueledieu,aumoyendesontrident,produitunesourcesalée—àmoins qu’ilnes’agissed’uncheval,commel’affirmeuneautreversiondumythe? 4.Cheval UnevariantedurécitdelaquerelleentrePoséidonetAthénaest,eneffet,attestée chezcertainséruditslatinsdes IV eet Ves.apr.J.C.,quicommententlesœuvresdeVirgile etdeStace365 :faceàMinerveetàsonolivier,Neptuneauraitproduitriendemoinsqu’un cheval,enlieuetplaced’uneeausaumâtre.Évincé malgré tout, le dieu aurait inondé la plained’Athènes:voilàquijustifiela«mer»366 .Quantauchevaldel’Acropole,quiserait égalementlepremierdesarace,Serviusluiprête plusieurs noms: outre Scythius et Ario —oùl’onreconnaîtrasanstropdepeinelesnomsdesfameuxfilsdePoséidon Σκύφιος et Ἀρίων—, une troisième appellation est suggérée, que les copistes déclinent allégrement

359 Pausanias(I,26,5)déclare,eneffet,qu’auniveaudel’Érechthéion,l’ontrouvedel’eaudemerdans unpuits( ὕδωρ … θαλάσσιον ἐν φρέατι ),ainsiqu’uneformedetridentdanslerocher(τριαίνης … ἐν τῇ πέτρᾳ σχῆα ):ceseraientlàlestémoignages( αρτύρια )laissésparPoséidonlorsdeladisputepourlepays. 360 Pausaniasluimême(VIII,10,4)avaitdéjàfaitlerapprochemententrela«vaguemarine»( θαλάσ σης…κῦα)deMantinéeetcelled’Athènes. 361 Cf.p.ex.Hygin, Fables ,CLXIX(mythedelasourceAmymoné,àLerne). 362 On citera, pour mémoire, les sources ouvertes par l’action de Pégase, telles l’Hippocrène ( Ἵππου κρήνη )surl’HéliconetàTrézène(cf. RE ,t.VIII/2,col.18531857, s.u. «Hippokrene,1;2»),ainsiquela Peirênê( Πειρήνη) àCorinthe(cf. RE ,t.XIX/1,col.108113, s.u. «Peirene,3»). 363 Ps.Apollodore, Bibl. ,III,14,1. 364 Cf. supra ,n.270. 365 Servius, Comm.à Virgile, Géorg. ,I,v.12;LactancePlacide, Comm.à Stace, Thébaïde ,VII,v.184185; XII,v.632634;MythographesduVatican,I,2;II,142(Kulcsár);III,5,4(Bode). 366 Cf.e.a.Stace, Thébaïde ,VII,v.184185(etlecommentaire adloc. );ps.Apollodore, Bibl. ,III,14,1. PoséidonauraiteulamêmeréactionàArgos,aprèssonévictionfaceàHéra(cf.Pausanias,II,22,4).On noteraquelerécitd’Hygin( Fables ,CLXIV)mentionneuniquementl’olivierdeMinerve,sanspréciserquelfut ledondeNeptune;parcontre,lefabulistelatinfaitbienétatdel’inondationprovoquéeparlacolèredudieu delamer. POSÉIDONARCHAÏQUE 237

(Siro , Syro ,Cyro ,Sciro , Schiro , Tiro , Phiro )367 . N’estil pas tentant de songer à Σκειρωνίτης , chevaldeColone,et,endernièreanalyse,auhéros Σκίρων ?Encecas,onpréféreralaleçon Scironem auxconjecturesproposéesparleséditeurs:nousvoicidenouveaudansletriangle dessinéparAthènes,ÉleusisetSalamine. Lespoèteslatinsdu Ier s.av.J.C.semblentégalementsouscrireaumythed’unenais sancechevalinesurl’Acropole.D’unepart,dansleprologuedes Géorgiques ,Virgileévoque lecheval( equus )produitparNeptuneetl’olivier( olea )offertparMinerve,enfaisantimplici tementréférenceauconflitpourlapossessiond’Athènes368 ;d’autrepart,l’unedes Méta morphoses d’Ovide relate explicitement cette même dispute primordiale, en attribuant à Neptunelaproductiond’unanimalsauvage( ferus )etàMinervecelledel’olivier( oliua )369 . Certes,cettetraditionpourraitrésulterd’uneconfusionentrelemythedelacréation duchevalparPoséidonetlesvelléitésdecemêmedieupourlapossessiond’Athènes.Du reste,onrelèveraçàetlàlestracesd’uneréinterprétationtardive:ilestcurieuxqueleche valapparaisseprèsdurivageplutôtquesurl’Acropole370 ,etcetanimalestuncadeauinat tendudelapartdu deuspelagi 371 .Toutefois,cecin’empêchepasdepenserquecemythème existaitàdateancienne,mêmes’ilnetrouveaucunéchodanslalittératuregrecque:témoin lechevalquiestoccasionnellementassociéàPoséidonsurlesfigurationsduconflitpourla possessiond’Athènes—enplusdela«mer»,régulièrementdésignéeparundauphin372 . OutrelecadeaualternatifdePoséidonenvued’obtenirlamainmisesurAthènes,il nousfautremarquerlesrapportsprivilégiésquelehérosÉrichthoniosentretientavecle cheval373 :ceroiserait,eneffet,lepremierhommeàavoirattelédeschevauxàunchar374 . Enintervenantdemanièredécisivedansladomesticationdel’équidéàAthènes,Érichtho niosparticipedoncàpartségalesdelapuissancedivinedePoséidonetd’Athéna375 .Cette tradition, attestée dès l’époque hellénistique, sera fort répandue à l’époque impériale; cependant,ilnefaitaucundoutequelesliensentreÉrichthoniosetlechevalsontbienplus anciens,auvudutémoignagequ’HomèreapportesurleroitroyenÉrichthonios376 .

367 Cf. Seruii Grammatici Commentarii , t.III/1 (éd. G.THILO ), Hildesheim, 1961 2, p.133; Mythographi VaticaniIetII (éd.P.KULCSÁR ),Turnhout,1987,p.205. 368 Virgile, Géorg. ,I,v.1214et1819.Cetteinterprétation,déjàproposéeparServiusetleServiusauctus (adloc. ),permetd’expliquerl’expression prima…telluspercussa (v.1213) :laterred’Athènesfutfrappéeune premièrefoisparPoséidonpourdonnernaissanceaucheval,etunesecondefoisparAthénaafindeproduire l’olivier. 369 Ovide, Métam. ,VI,v.7082.Surlerapportétroitentrecepassageetleprologuedes Géorgiques ,etpour lesraisonsderetenirlaleçon ferum plutôtque fretum,cf.notrenotedelectureintitulée«Unchevalsurl’Acro pole?(Virgile, Géorg. ,I,v.1214;Ovide, Métam. ,VI,v.7577)», LÉC ,75,2007,p.461465. 370 Servius, Comm.à Virgile, Géorg. ,I,v.12;MythographesduVatican,I,2;II,142(Kulcsár);III,5,4 (Bode). 371 Ovide, Métam. , VI, v.75; ce poète connaît néanmoins la polyvalencede Neptune, en particulier sa capacitéàsetransformerenétalon( Métam .,VI,v.115120). 372 Cf. LIMC ,t.VII, s.u. «Poseidon»,n os 241243( IV es.av.J.C.). 373 Cf.e.a.P.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.27,ainsiqueL.GOURMELEN , op.cit. [n.268],p.240241. 374 Cf.e.a. FGrH II,239(MarbredeParos),A,§10;ps.Ératosthène, Catast. ,13;Hygin, Astron. ,II,13, 12;Virgile, Géorg. ,III,v.113114(etServiusauctus, adloc. );Germanicus, Phénomènesd’Aratos ,v.157159; Plinel’Ancien, H.N. ,VII,§202. 375 Cf.M.DETIENNE &J.P.VERNANT , op.cit. [n.13],p.189202. 376 Cf.Homère, Il. ,XX,v.219230:Érichthonios,filsdeDardanosetpèredeTrôs,possèdetroismille cavales,quifurentfécondéesparBorée,lequelpritpourl’occasionl’apparenced’unétalonàlacrinièrenoire (ἵππος κυανοχαίτης )etengendradouzepouliches.CedétourparlaTroadenousramènebienviteenGrèce continentale,àlafoisparl’homonymieentrelesroisdeTroieetd’Athènes,parl’emploidel’épithète κυανο χαίτης —généralementréservéeàPoséidonet,àunereprise,àsonfilsArion(cf. supra ,n.303et304)—,et POSÉIDONARCHAÏQUE 238

AveclechevalcrééparPoséidonfaceàl’olivierd’Athénaetl’inventionducharetde l’attelage par Érichthonios, nous trouvons donc exprimés dans les Géorgiques de Virgile deux récits importants concernant le cheval et l’Acropole377 . Ne les dédaignons pas en tirantargumentdeleurattestationrécente:peus’enfallut,eneffet,quela«mer»dePoséi donnefûtpasmentionnéedanslatraditionlittéraireavantle II es.apr.J.C.—n’étaitleté moignagepresquefortuitd’Hérodote378 .Enconséquence,ilnousparaîttrèsprobableque lelienentreÉrichthonios,l’apparitionduchevaletlacréationducharaitexistédelongue datedanslatraditionathénienne. Prenonsen pour unique preuve le mythe d’Hippomenês, dernier souverain d’Athènes:aprèsavoirsurprissafilleLeimônêengalantecompagnie,ceroiindignedétela l’undeschevauxdesonchar,l’enfermadansuneécurieavecsafille,etleremplaçaauhar nais par l’amant malchanceux. Les amoureux périrent —la première, d’être dévorée ou violéeparl’étalon;lesecondd’avoirétéassimiléàunebêtedetrait—etleroiperditson trône. À l’examen de ce mythe, M.V.García Quintela a parfaitement montré combien l’acted’Hippomenêsestunealtérationdusacrificeéquin,destinéàexalterlapuissancedu roidanslesculturesindoeuropéennes,etpostulelasurvivance,àAthènes,d’unetradition héritéedel’idéologieroyaleindoeuropéenne,laquelleassocieétroitementlesouverain,le chevaletl’attelage379 .LesrapprochementsquenossourceseffectuententreÉrichthonios et l’équidé permettent d’affiner ce modèle: le premier roi d’Athènes, fondateur de la dynastiedesÉrechthéides,trouvesonantithèselaplusaboutiechezHippomenês,dernier roidelacité,issudeladynastiedesMédontides.Delanaissanced’Érichthoniosàladesti tutiond’Hippomenês,lasymboliquen’endemeurepasmoins:lesouverainestunétalon, quidoitlavieetletrôneàPoséidon,etlesperdàcausedeson ὕβρις 380 . Voilàpourquoi,envertudesparallélismesmythiquesquenousavonsrelevésàl’inté rieurdutriangleforméparl’Acropole,SalamineetÉleusis,noussuggéronsqu’avantd’être adoptéparCécropsetdesetransformeren οἰκουρὸς ὄφις —àl’imagedeCychreusélevant son Κυχρείδης ὄφις —, Érichthonios a pu être —comme Hippothoôn— un enfant– chevalvouéàlaroyauté.

par le fait que le même Borée est également le ravisseur d’Oreithyia, fille d’Érechthée —l’ alter ego de l’Érichthoniosathénien—(cf.e.a.T.GANTZ , op.cit. [n.293],p.425426). 377 Virgile, Géorg. ,I,v.1214;III,v.113114. 378 Cf. supra ,n.271. 379 M.V.GARCÍA QUINTELA , «Le dernier roi d’Athènes: entre le mythe et le rite», Kernos , 10, 1997, p.135151. 380 Lecrimeparexcellencedeceroidevenutyranestsoitleviold’unejeunefille,soitlerefusdelaissersa proprefillesemarier:l’uneetl’autrethématiquepeuventselireentreleslignesdumythed’Hippomenêset Leimônê,etrenvoientégalementauxhistoiresd’HalirrhothiosetAlcippê,ainsiquedeCercyônetAlopê:cf. ibid .,p.144etn.21. POSÉIDONARCHAÏQUE 239 Duchevalauserpent,dePoséidonàAthéna: Ιtinérairesd’unenfantdel’Acropole Dans la partie précédente, nous avons tenté une étude diachronique des mythes liés à l’Acropole,enmettantaujourlesvestigesdelahiérogamiedePoséidonavecuneparèdre chtonienne.Envertudecesanalyses,nouspouvonsreconstituerladynamiqueinternequi soustendl’évolutiondumythedelanaissanced’Érichthonios,delamanièresuivante: Surl’acropoled’Athènes,Poséidons’unit,souslestraitsd’unétalon,àAgraulos—la déessechtoniennedulieu—:delasorte,ildonnenaissanceàunenfantdivinnommé Érichthonioset,enmêmetemps,faitjaillirunesource.Issud’unpuissantdieu–cheval, Érichthonios est naturellement un magnifique poulain. Cependant, une Vierge par vientsurl’Acropole:Athéna,pleined’intelligence,souhaitefonderunecité.Lanou vellevenuequerellePoséidonetmetencauselalégitimitédesaprésencesurl’Acro pole;elleveutégalementrecueillirensonseinl’enfantautochtone,pourenfairele premierroidelacitéquiporteraunnomdivin,Athènes.Ainsisoitil:Agraulosperd lamaternitéd’ÉrichthoniosauprofitdeTerre,laquelles’empressed’offrirl’enfantdi vinàladéessepoliade.Deuxcomplicesd’Athénaentérinentcetteadoption:ledieu Héphaistos,quipassedésormaispourlegéniteurdel’enfant,etleroiCécrops,vérita blefilsdelaTerreetmaîtredeslieux,quiapportesacautionmoraleàl’événement. Ultime inflexion au récit originel: de cheval, Érichthonios devient serpent, pour mieuxaffirmerencoresesorigineschtoniennesetsesaffinitésnouvellesavecAthéna. Noussouhaitonsàprésentexaminerlesmodalitésetlesmotifsdelatransformation dumythedelanaissanced’Érichthonios:d’unepart, nous étudierons en quelle mesure l’intégrationdenouveauxmythèmes—telslemeurtred’Érechthée,lamortd’Agraulosou encorelaprésenced’HéphaistosetdeCécrops—apoureffetdemettrelesanciensprota gonistesàl’arrièrescènedumythe,sanspourautantlesexcluredescultesdel’Acropole; d’autre part, nous soulignerons les raisons pour lesquelles Érichthonios se rapproche d’Athéna en s’éloignant de Poséidon. Ainsi définie, cette démarche s’inscrit tout autant dansuneperspectived’histoirereligieusequed’histoirepolitique:lesmodificationsappor téesaumytheanciennouspermettront,eneffet,demieuxpercevoirleslignesdefaîtede l’idéologieciviqueathénienne. TirailléentrePoséidonetAthéna,leplandenotrerecherchesuivraauplusprèsles traces d’Érichthonios: nous étudierons successivement les relations qui l’unissent à son père naturel d’une part, à sa mère adoptive d’autre part, avant de nous pencher sur la personnalitédecetenfantmêmequifédèretouslesacteursdelareligiondel’Acropole.

—POSÉIDON ,PÈRENATURELD ’É RICHTHONIOS Entre le divin géniteur et son fils se maintiennent d’étroites relations, même après qu’Athénas’estoctroyélamaternitésymboliquedunourrisson:cesrapportss’expriment principalementenunculteacropolitainimportant,quepartagentPoséidonetÉrechthée. Nousévoqueronsenpremierlieucesdonnéesrituelles,avantdenouspenchersurl’identité indéniabled’ÉrechthéeetÉrichthonios,toutenmettantl’accentsurlesspécificitésdeces deuxpersonnages.Enfin,nousanalyseronsleprocessusqui,enfaisantdePoséidonl’assas sindesonfilsÉrechthée,paraîtdénieràcedieutouteinterventionpositivedansl’appari tiondelacitéd’Athéna. POSÉIDONARCHAÏQUE 240 A.LecultecommundePoséidonetÉrechthée D’aprèslerécitexploitéparEuripidedanslatragédie Érechthée 381 , l’association de Poséidon et Érechthée remonte à l’époque de la guerre contre Éleusis: Érechthée, roi d’Athènes,parvient,auprixdusacrificed’unedesesfilles,àdéfaire—etmêmeàtuer— Eumolpos,roid’ÉleusisetfilsdePoséidon.Decolère,ledieutueÉrechthée,puisprovo queuntremblementdeterre. Deusexmachina ,Athénaintervientàlafindelapièce,metfin audérèglementetannoncenotammentqu’uneenceinte( σηκός)seraélevéepourÉrechthée auseindelacitéetqu’ensouvenirdesonmeurtrier,Érechthéeserainvoquésouslenom d’«auguste Poséidon» ( σενὸς Ποσειδῶν)quandlescitoyensluiferontdessacrificesde bœufs382 .Lapremièrepartiedelaprescriptiondeladéessefaitnaturellementallusionàla constructiondel’Érechthéion,contemporainedel’exécutiondelapièced’Euripide383 ;la seconde met en lumière le rapprochement entre les figures de Poséidon et Érechthée. Athénapoursuitsondiscoursetinstitueriendemoinsquesonpropreculte,dontlaprêtri serevientàPraxithéa,veuveduroiÉrechthée384 .Biensûr,cettenouvelleinjonctioncom plètelapremière,puisquelenouvelÉrechthéion—demêmequele«VieuxTemple»— réunitlescultesdePoséidonetAthéna385 .Surtout,plusfondamentalement,ledénouement de cette tragédie montre dans quelle mesure Érechthée est le vrai fondateur de la cité d’Athènes:eneffet,desonvivant,leroiavaitdéjàdonnéàsessujetslenomd’Athéna386 ; àsamort,lescultesciviquesessentielssontcréés—ceuxdePoséidon Ἐρεχθεύςetd’Athé na Πολιάς. LecultedePoséidon Ἐρεχθεύςet,plusencore,la natureexactedesrapportsqu’en tretiennentledieuetlehérossurl’Acropoleontsuscitél’intérêtdebiendessavants387 .En lamatière,ilapparaîtpréférabledeparlerd’uneassociation —plutôtqued’uneéventuelle fusion— entre PoséidonetÉrechthée 388 :tousdeuxpartagentlemêmetemple,lemême autel,lemêmeprêtre.Ils’agitbiend’une«communautécultuelle»389 .

381 Cf. Euripide . Tome VIII. 2 e partie. Fragments. Bellérophon–Protésilas (éd. et trad. F. JOUAN & H. VAN LOOY ), CUF ,Paris,2000,p.95132. 382 Euripide, Érechthée ,fr.22(Jouan&vanLooy),v.9094. 383 UneindicationdePlutarquesuggèrequelatragédie Érechthée futjouéeen423ou422;toutefois,des argumentsmétriquespeuventreculerquelquepeucettedatationetlasituervers416:cf. op.cit. [n.381],p.98 99.Quantàlaconstructiondel’Érechthéion,ellefutprobablemententaméepeuaprèslaPaixdeNicias(421), interrompue brusquement par l’expédition de Sicile (415–142) et totalement achevée en 408/407: cf. B.HOLTZMANN , op.cit. [n.334],p.166167. 384 Euripide, Érechthée ,fr.22(Jouan&vanLooy),v.9597. 385 Danscesdeuxédifices,la cella orientaleestconsacréeàAthéna,tandisquelagrande cella occidentale, séparéeentroissalles,estdédiéeauxculteschtoniens,enparticulierceluidePoséidon:cf.MichelleLACORE , «EuripideetlecultedePoséidonÉrechthée», RÉA ,85,1983,p.222227;B.HOLTZMANN ,op.cit. [n.334], p.7581et163175. 386 Cf.Hérodote,VIII,44;ensouvenirdecegeste,lespoètesnommentparfoislesAthéniens«Érecht héides»(cf.e.a.Pindare, Isthm. ,II,v.1920;Sophocle, Ajax ,v.202;Euripide, Médée ,v.824;Hipp.,v.151; Héraclès ,v.1166; Suppl.,v.387,681,702; Ion ,v.24; Phén.,v.852;Aristophane, Cavaliers ,v.1015,1030—cf. égalementPindare, Pyth. ,VII,v.10: Ἐρεχθέος ἀστοί,«concitoyensd’Érechthée»);le MarbredeParos ( FGrH II,239,A10)attribuecettedénominationàÉrichthonios,quiinstituaaussilesPanathénées.Onprêteparfois l’originedecenouveaunomàAthénaellemême(ps.Apollodore, Bibl. ,III,14,1;Hygin, Fables ,CLXIV,3), voireàl’ensembledupeupledesfutursAthéniens(Lycurgue, ContreLéocrate ,26). 387 Cf.p.ex.UtaKRON , DiezehnattischenPhylenheroen.Geschichte,Mythos,KultundDarstellungen (MDAI[A] , 5),Berlin,1976,p.4852;MichelleLACORE , loc.cit. [n.385],p.215234. 388 Cf.e.a.SoniaDARTHOU ,«Retouràlaterre:findelaGested’Érechthée», Kernos ,18,2005,p.7982. 389 Cf. RE ,t.VI/1, s.u. «Erechtheus,1»,col.408,citéparMichelleLACORE , loc.cit. [n.385],p.222. POSÉIDONARCHAÏQUE 241

D’une part, la similitude entre les plans de l’Érechthéion et du «VieuxTemple» laissepenserqu’onobservaunestrictecontinuitédescultesaumomentduchangementde temple et que, par voie de conséquence, l’unionde Poséidon et Érechthée remonte au moins au VI es.Dèslors,l’auteldePoséidon—oùlesAthéniens sacrifient également à Érechthée,envertud’unoracle—setrouvaitprobablementdéjààl’intérieurdu«Vieux Temple». D’autrepart,leprêtrequidessertcedoubleculteestissudu genos desÉtéoboutades: ceuxci prétendent descendre du héros Boutês, qui recevait également un culte dans l’Érechthéion390 .Defait,sedémarquantdel’étiologieproposéepar Euripide et voulant justifierlamainmisedesÉtéoboutadessurlesculteslesplusimportantsdel’Acropole,le pseudoApollodoreassurequ’àlamortdePandion,Érechthéehéritadutitreroyal,tandis quesonfrèreBoutêsreçutlaprêtrised’AthénaetcelledePoséidonÉrichthonios( sic )391 . Fortàpropos,ce lapsuscalami nousinviteàposersansattendrelaquestiondel’iden titéoriginelledesdeuxroisfondateursd’Athènes,ÉrechthéeetÉrichthonios. B.Érechthée,ouÉrichthonios? Eninvoquantàlafoisdesargumentsd’ordrelinguistiqueetmythologique,lesMo dernespostulentgénéralementqu’ÉrechthéeetÉrichthoniossontlesdeuxfacettescom plémentairesd’unemêmepersonnalitéhéroïque392 .Eneffet,ilparaîttentantderetrouver dans Ἐριχθόνιος le préfixeaugmentatif *ἐρι, et d’admettre que la formeἘρεχθεύςestun abrégement hypocoristique du premier nom393 , de sorte que l’un et l’autre personnage peuventêtreconsidéréscommedeshéros “Trèschtoniens”. Par surcroît, lesAncienseux mêmessemblentconfondrelagestedecesdeuxroisathéniens:tousdeuxsontnésdela terreathénienne,tousdeuxépousentunecertainePraxithéa,tousdeuxmeurentsurl’Acro pole,ysontenterrésetyreçoiventdeshonneurshéroïques394 .Effectivement,lescoïnci dencessonttellesqu’ilfaut,ànotreavis,admettresansaucundoutequ’Érichthonioset Érechthéeformentuneindissociableentitéhéroïque,auseindelaquellechacundesdeux composants exerce une fonction qui s’est dessinée au fil du temps: lepremierestun enfant–roi,auxfonctionsagonistiquesetsacerdotales;lesecondestunroiadulte,auxpré rogativespolitiquesetmilitaires395 .Érichthoniosnaîtdelaterre,surl’Acropole;Érechthée meurt,enfoncédanslaterre,toujourssurl’Acropole. 390 Pausanias(I,26,5)avulesautelsdePoséidonetdeBoutês,ainsiqueceluid’Héphaistos,àl’intérieur del’Érechthéion.L’existenced’unsiègeenmarbreréservéauprêtredeBoutês( IG IIIII 2,5166)prouveque ceculteexistaitdéjàau IV es.av.J.C. 391 Ps.Apollodore, Bibl. ,III,15,1,oùlaleçon Ἐριχθονίου ,donnéeparl’ensembledesmanuscrits,aété corrigéed’autoritéen ἘρεχθέωςparC.G.HEYNE . 392 Cf. e. a. W.BURKERT , loc. cit. [n.357], p.9396; Uta KRON , op. cit. [n.387], p.3739; Michelle LACORE , loc.cit. [n.385],p.231232;P.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.1518. 393 L’alternancedesvoyelles εet ιdanslesformes Ἐρεχθεύς et Ἐριχθεύς (cf. FGrH II,239[Marbrede Paros],A,§1215 )estattestéepourd’autresnomscomposésàpartird’unpremiertermeenι.Parailleurs,la forme régulière (Ποσειδῶν) Ἐρεχθεύς pourrait s’expliquer par un rapprochement secondaire (étymologie populaire) avec le verbe ἐρέχθω «briser, déchirer», quiévoquelesséismesetlesbouleversementschtoniens courammentprovoquésparPoséidon Γ αιήοχος ou Ἐν(ν)οσίγαιος. Les linguistes suggèrentégalementqueles noms Ἐριχθόνιος et Ἐρεχθεύς pourraient être l’arrangement par étymologie populaire d’un nom pré hellénique. C f.e.a. DÉLG ,t.II,p.372, s.u. «Ἐριχθόνιος »;J.L.PERPILLOU , Lessubstantifsgrecsen εύς( Étu desetcommentaires ,80),Paris,1973,p.176,§196. 394 Cf. RE ,t.VI/1, s.u. «Erechtheus,1»,col.405410; s.u. «Erichthonios,2»,col.440446. 395 Delasorte,ÉrichthoniosetÉrechthée,associésàCécrops,ontpuformerunschématrifonctionnel, en assumant respectivement les fonctions sacerdotale, guerrière et royale: cf. W.T.MAGRATH , «The AthenianKingListandIndoEuropeanTrifunctionality», JIES ,3,1975,p.173194. POSÉIDONARCHAÏQUE 242

Surlabasedecetteéquationetdel’étymologiegrecquedesnomsÉrichthonioset Érechthée, certains savants ont montré que le dieu Poséidon et le héros Érichthonios– Érechthée,réunisdansleculteathénien,proviennent du même substrat chtonien396 : en particulier, les épithètes épiques de Poséidon, qui apparaissent fréquemment en emploi absolu,—comme Ἐν(ν)οσίγαιος, Ἐνοσίχθων ou Γ αιήοχος—évoquentcertainementle nom Ἐριχθόνιος. Toutefois, la démonstrationpècheparexcèslorsquel’onrestitueune divinitéchtonienneunique,dontl’unedesépiclèsesfonctionnelles—Ἐριχθόνιος, abrégé en Ἐρεχθεύς—seraitdevenuunehypostaseindépendanteenterre d’Athènes. Imaginer Érechthée comme l’avatar athénien d’un Poséidon primitif, qui deviendrait finalement l’adversairemorteldudieu,appauvritconsidérablementlesdonnéesquelivrentlemytheet lecultedePoséidonἘρεχθεύς:audelàduconflitentreledieuetlehéros,quis’inscrit dans le cadre des guerres éleusiniennes, ilnefautpasperdredevuequ’ÉrechthéeetPoséi donnes’excluentpasmutuellementdel’Acropole.Bienaucontraire,ilsycohabitent,tout enayantuneplaceetunefonctionbienprécisesdanslesmythesathéniens.Voilàpourquoi ilnoussembleplusopportundemettrel’accent,avecSoniaDarthou 397 ,surlacomplémen taritédePoséidonetÉrechthée,quifondentensemblelacitéd’Athènesetl’autochtonie desAthéniens. Étantdonnél’absencededoublonentrePoséidonetÉrechthée,malgréleursimilarité remarquable,commentnepassongeràunpèreetsonfils,toutàlafoisdifférentsetétran gementressemblants?Derrièrelacollaborationdudieuetduhérosauxoriginesdelacité, nousretrouvons,enfait,lafiliationoriginelledePoséidonetÉrichthonios.Cependant,il fautrendrecomptedesinflexionsqueconnaîtcemythème,etparticulièrementdel’ani mositéquePoséidondéveloppeàl’égarddesonfilsÉrichthonios–Érechthée:mêmesila mortd’Érechthéeestfondatrice,ellen’endemeurepasmoinsuncrime;mêmesilegeste dePoséidonfaitdeluil’exactcorrespondantd’Athénarecueillantl’enfantÉrichthoniosdes mainsdeTerre,ledieun’enestpasmoinsunmeurtrier—delapireespèce,encore:un infanticide. C.Poséidon:unpèreassassin Malgrésonancienneté,ledieuPoséidondoitcéderlaplaceàAthéna:voilàceque nousenseignelemythedelaquerelledivine.Ilenvademêmepourlemythedelanaissan ced’Érichthonios:autochtonieoblige,cetenfantdoitavanttoutavoirlaTerrepourgéni trice,etAthénapourmèreadoptive:lerôledupèredevientdèslorsaccessoire—voire incompatibleaveclanouvellefonctiondévolueàl’enfantdivin.Poséidons’effacedonc. Lesreliquesdelanaissanced’Érichthoniossurl’Acropolenedisparaissentpaspour autant:àdéfautdedonnerencorelejouràunenfant–cheval,Poséidonfaittoujoursjaillir unesourcesurl’Acropole.Simplement,d’autresattributsdePoséidon,identifiécommele dieudelamer,s’ajoutentàcesynopsis:ilatoujourspourarmeletrident,dontilsesert, commeàLerne398 ,pourfairesourdrel’eau,maisilproduitdésormaisdel’eausalée.Cette nouvellenaturemarineôtetoutl’intérêtduprésentquePoséidonoffresurl’Acropolepour revendiquerlarégiond’Athènes:àlaplaced’unesourcevivifiante,quiseraitfortutileàcet endroit,ledieun’offrequedel’eausaumâtreetmortifère.Cecadeauempoisonnéfaitpâle figureàcôtédel’olivierd’Athénaet,naturellement,ladéesseemportetouslessuffrages.À l’annoncedesonéviction,Poséidoninondelaplained’Athènes399 :pareilrazdemarée,qui 396 Cf.e.a.MichelleLACORE , loc.cit. [n.385],p.227230. 397 Loc.cit. [n.388],p.6983. 398 Cf.e.a.Hygin, Fables ,CLXIX. 399 Cf.e.a.Hygin, Fables ,CLXIV;Stace, Thébaïde ,VII,v.184185(etlecommentairedeLactancePlacide POSÉIDONARCHAÏQUE 243 entraîne forcément mort et désolation, fait également partie de la nouvelle personnalité marinedudieu.Finalement,laguerreentreÉleusisetAthènes,quiprolongeleconflitentre PoséidonetAthéna,sesoldeparlamortd’Eumolpos,delamaind’Érechthée.Furieuxde cetaffront,PoséidonvengelamortdesonfilsencachantÉrechthéeauseindelaterre. Entroquantleseauxdoucespourleseauxsalées,Poséidondevientdoncundieufort inquiétant,àl’humeurviolente.Legéniteursetransformeenmeurtrier:dèslors,plutôtque dedonnerlavieàÉrichthonios,ildonnelamortàÉrechthée.Pourcefaire,ilutiliseles mêmes ustensiles que jadis: le trident, dont les marques restent visibles dans le porche Norddel’Érechthéion,oùsetrouvel’ hêrôon del’ancienroi400 ,etlasource,désormaissalée, quianom ἐρεχθηὶςθάλασσα.Nousnedoutonsguère,eneffet,quela«mer»dePoséidon aitmisuntermeàlavieduroiÉrechthée401 :enlamatière,onpeutallégueraumoinsdeux parallèleséclairants402 . LepremierrécitsedérouleàMantinée,enArcadie:leroiAipytos,filsd’Hippothous et petitfils de Cercyôn, faitfidel’interdictiondepénétrerdanslesanctuaire de Poséidon Hippios. Son ὕβρις estimmédiatementsanctionnée:Aipytosestaveuglépardel’eausalée etmeurtunpeuplustard.Or,parsonpèreHippothous—quiressembleàs’yméprendreà l’Hippothôond’Éleusis—,AipytosappartientàunelignéeroyaleissuedePoséidon.Com mepourÉrechthéesurl’Acropole,Poséidon,parl’entremised’unesourcesalée,metfinà lavied’undesesrejetons,quiexercelafonctionroyaleenoutrepassantsesdroits. LasecondehistoireconcerneunautrefilsdePoséidon,néaupieddel’Acropole:un certain «Flot marin»403 , Halirrhothios, meurt prématurément pour avoir violé Alcippê, filled’Arèsetd’Agraulos.Puisquelesmythesd’Halirrhothiosetd’Érichthoniossemblent brodéssurunmêmecanevas,ilestprobablequ’àl’origine, Halirrhothios mourait égale mentàcausedesonὕβρις,parl’actiondelasourcesaléedontilportelenom:nédePoséi don,lehérosmouraitdelamaindesonpère.Plustard,ArèsremplaçaPoséidonentant qu’épouxd’Agraulos,pèred’Alcippêetmeurtrierd’Halirrhothios:ledieumarinconserva uniquementlapaternitéduhérosindélicatetintentaenvainunprocèsàArès,instituant parlamêmeoccasionletribunaldel’Aréopage.Cetteanalysetrouveunappuidansune version alternative du mythe d’Halirrhothios, où ce personnage tente d’abattre l’olivier offert par Athéna sur l’Acropole et meurt, frappé par sa propre hache404 . Derechef, la démesuredufilsdePoséidoncausesaperte;enoutre,larelationconflictuelleentrece hérosetl’olivierd’Athénaévoquesansambageslaquerelleprimordialepourlapossession

adloc. );ps.Apollodore, Bibl. ,III,14,1(où,curieusement,Poséidoninondelaplained’Éleusis).Lorsqu’Héra obtintderégnersurArgos,Poséidonprovoquaégalementunrazdemarée,cequijustifiesonépiclèseΠροσ κλύστιος: cf.Pausanias,II,22,4. 400 Undispositifarchitecturalremarquablelaissaitapparent,dansletoitetledallageduporcheNordde l’Érechthéion,l’endroitoùletridentdePoséidon(Euripide, Érechthée ,fr.22[Jouan&vanLooy],v.5960; Ion ,v.281282)oulefoudredeZeus(Hygin, Fables ,XLVI)avaitfrappéÉrechthée:cf.B.HOLTZMANN , op. cit. [n.334],p.164,171173etfig.160. 401 Legouffre( χάσα χθονός)quiabsorbeÉrechthéeàlasuiteducoupdetridentdePoséidon(Euripide, Ion ,v.281282)pourraitêtreidentifiéàl’ ἐρεχθηὶς θάλασσα ,pourjustifierlenomdecettesourcesalée:ence sens,cf.e.a.K.JEPPESEN , loc.cit. [n.349],p.382384. 402 Pourlesdeuxrécitsquisuivent,etpourlesliensqu’ilsentretiennentaveclemythed’Érichthonios,cf. supra ,enpart.p.229230. 403 Le Lexicon dePhotiosetlaSouda, s.u. «Ἁλιρρόθιον»,donnentprécisémentladéfinition«κῦα θαλάσ σης »;cettemêmeexpressionestutiliséetextuellementparPausanias(VIII,10,4)pourdésignerla«vague marine»quePoséidonaproduitedanssontempledeMantinéeetsurl’Acropoled’Athènes . 404 Cf.e.a.lesscholiesàAristophane( Nuées ,v.1005)etàAristide( Panath.,107,16),ainsiqueServius auctus, Comm.à Virgile, Géorg. ,I,v.18. POSÉIDONARCHAÏQUE 244 del’Acropole:commeÉrichthonios –Érechthée,Halirrhothiosémaneeffectivementdela sourcedePoséidon,etpériraparelle. En conclusion, il appert que l’acquisition par Poséidon de traits salins et marins entraîne automatiquement l’exclusion de l’ancien dieu géniteur au profit d’Athéna. La dichotomieesttrèsclaire,eneffet,entrel’actiondeladéesse,quiportelavie—témoin l’oliviercrééparellesurl’Acropole—,etcelledudieu,quiprovoquelamort.Cetteanti thèsetropnetteentrecesdeuxdivinitésparticipecertainementdumouvementderéélabo rationdesmythes,quiviseàjustifierlaplacequ’Athénaoccupeindûmentaupanthéonde lacité.L’histoiredelaquerelleprimitiveneditpasautrechose,dureste,puisqu’ilaurafallu uneinterventiondéloyaledeCécropspourassurerlavictoired’Athéna.

—ATHÉNA ,MÈREADOPTIVED ’É RICHTHONIOS Cettedeuxièmepartieseraconsacréeàunemodesteétudedel’élémentfémininetdela maternitésurl’Acropole:nousverronstoutd’aborddequellemanièreAthénasuccèdeà Agraulos en tant que mère d’Érichthonios et mesurerons immédiatement quels sont les enjeuxdel’adoptiond’ÉrichthoniosparAthénadanslecadredel’idéologieathénienne.En dernierlieu,nousprésenteronssuccinctementHéphaistosetCécrops,lesdeuxpartenaires masculinsd’Athéna,afind’expliquerleurrôledans la maternité de la déesse et, partant, danslepaysagepolitiquedel’Acropole. A.D’AgraulosàAthéna L’associationmasculinedePoséidonetÉrichthonios–Érechthéetrouvesurl’Acropoleun exactéquivalentféminin:lecoupleforméparGêetAgraulos–Aglauros.Departetd’autre, undieuestflanquéd’unhéros,ettousdeuxformentunensemblecohérent,quitrouvesa placedanslesritesetdansleursrécitsétiologiques405 .Quiplusest,lehérosrevêtchaque foisunedoubleforme,quiépousesesdifférentesfonctions:ainsiÉrechthéeestleroiadul te,tandisqu’Érichthoniosestl’enfantnédeTerre;Agraulosestmère,tandisqu’Aglauros estvierge406 .Enfin,lamortduhérosfaitsensdanslesdeuxcas:lesdisparitionsviolentes d’Érechthéeetd’Aglaurosserventd’étiologiedesritesimportants. Pourleurpart,PoséidonetÉrichthonios–Érechthée occupentdesfonctionsdiffé rentes et complémentaires. Ainsi, Poséidon donne probablement naissance à l’enfant Érichthonios,maisfinirapartuerleroiÉrechthée.Ceschémaprouvebienquenousavons affaireàdeuxentitésdistinctes,quineseconfondentpas:Poséidonjouelerôledupère, dominant,quidonnelavieetlamort;Érichthonios–Érechthéeestlefilsmortel,quipro cèdedupèreetluiestsoumisentouspoints.Aucontraire,GêetAgraulos,entantqu’in carnationsdel’élémentchtonien,n’entrentpasréellementenconcurrencedanslemytheni danslerite:toutauplus,AgraulosestelleunavatardeGê—moinsuniverselle,elleserait

405 À dessein, nous passons sous silence les rites qui concernent spécifiquement Gê et Agraulos, en particuliertousceuxquionttraitàl’initiationéphébique:leuranalysedépasseraitlargementlecadredela présenteétude.Il nous suffiraderappelericiqueleséphèbescommencentleurservicedanslePrytanée, prêtent serment dans le sanctuaire d’Agraulos et achèvent leur service par un sacrifice àAthéna Poliade, PandrososetCourotrophe:cf.e.a.Chr.PÉLÉKIDIS , Histoiredel’éphébieattiquedesoriginesà31avantJésusChrist (ÉfA.Travauxetmémoires ,13),Paris,1962,p.217219et256.Cettepériodeessentielledelaviedesjeunesgens est placée sous le patronage de la divinité Κουροτρόφος, qu’il faut sans doute identifier à Gê, la mère d’Érichthonioset,partant,detouslescitoyensathéniens; contra ,cf.VincianePIRENNE DELFORGE ,«Quiest laKourotropheathénienne?»,dansVéroniqueDASEN (éd.), Naissanceetpetiteenfancedansl’Antiquité.Actesdu colloquedeFribourg,28novembre–1 er décembre2001 (OBO ,203),Fribourg,2004,p.171185. 406 Pourcetteanalyse,cf.P.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.2829. POSÉIDONARCHAÏQUE 245 uneportiondeTerrecorrespondantauterritoired’Athènes;parailleurs,elleestmortelle, cequiestparticulièrementbienvenupourlesdéveloppementsultérieursdumythe. Selonlemythelepluspopulaire,Agraulosperdsonantiquenaturematernelle,de vient la vierge Aglauros et reçoit —pour sa perte— l’enfant Érichthonios des mains d’Athéna,aveclaconsigneexpressedenepasouvrirlacistequicontientÉrichthonios. Naturellement,Aglaurosouvrelerécipient,tandisquesasœurPandrososobéitscrupuleu sementàAthéna.Ladéessepunitalorslanourricefautive,soitenlafaisantpoursuivrepar unserpent,soitenluiinsufflantlafolie.Lerésultatestidentique:lajeunefillesesuicideen sejetantdanslevide,tantôtaubasdel’Acropole,tantôtdanslamer407 . Voilà pourquoi le sanctuaire d’Agraulos–Aglauros se trouve au flanc oriental de l’Acropole, tandis que celui de Pandrosos est situé sur le plateau, non loin du temple d’Athéna Poliade. Voilà qui consacre également l’apparition d’un troisième couple sur l’Acropole, composé d’Athéna, divinité poliade, et de l’héroïne Pandrosos. Ce nouveau couple féminin se substitue à l’ancien, sans parvenir pourtant à l’éliminer entièrement: certes,Agraulosmeurt,mais,parsamortmême,fondeleritedesPlyntéries,quelesAthé niensdoiventaccomplirchaqueannéepourlaverlafautedonts’estchargéeAthénaenéli minant celle qui fut sa première prêtresse408 ; certes, Agraulos est reléguée au pied de l’Acropole,maissonsanctuaireseradésormaislecœurdelacité409 etcettehéroïnefondela viedecitoyenenprésidantausermentdeséphèbes.L’onvoitdonccommentGêetAgrau losconserventuneimportancecapitaledanslecadredecertainsrites,mêmeceuxquitou chentàlaviecivique.Ainsi,AthénaPoliaden’aurapasentièrementremportésoncombat: pourcetteraison,àcôtédel’AthénaPandrosos,ilexisteaussiuneAthénaAglauros410 et lesfemmesathéniennesjurentaunomd’Agraulos—plusrarementparPandrosos411 . Néanmoins,Agraulosairrémédiablementperdulafonctiondemèred’Érichthonios: ellen’enestplusquel’indignenourrice,souslenomd’Aglauros.Dorénavant,Gêserala mèrebiologiquedel’enfant.Encoresamaternitén’estellequ’unaccident,consécutifàla maladressed’Héphaistosetàlarésistanced’Athéna.Dèslors,entoutejusticeetsansexpri merlemoindremécontentement,laTerreremettralenourrissonàAthéna. B.Lanaissanced’Érichthonios,fondementdel’idéologieathénienne EnÉrichthonios,ancêtrepolitiquecommun,sereconnaissenttouslesvraisAthéniensqui, parlaconceptionpeubanaledecetenfant–roi,peuventseprévaloird’unedoublequalité: lanaissanceautochtoneetlepatronaged’Athéna. 407 Pourunrelevédes testimonia etdesdifférentesversions,cf.P.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.28.Originelle ment,cemytheopposaitsansaucundoute,lesréactionsopposéesd’AglaurosetdePandrososfaceauxordres d’Athéna;lepersonnaged’Hersés’estensuiteajoutéàcettedyade:cf.ID.,«Arithmologieetpolythéisme.En lisantL.Gerschel»,dans Lesgrandesfiguresreligieuses.Fonctionnementpratiqueetsymboliquedansl’Antiquité.Besançon 25–26avril1984 ,Paris,1986,p.3547. 408 Cf.enpart.P.BRULÉ ,op.cit. [n.268],p.107108. 409 Quel’onsongeseulementàladescriptiondel’enceintesacrée( ἱερὸν τέενος )d’Agraulos etdeses abordschezPausanias(I,18, 23):lePériégète, après avoir relaté l’ αἴτιον del’ouverturedelacisteetdu suicideduhautdel’Acropoleetrappeléunépisodedesguerresmédiquesliéàcettefacedurocher,poursuit sonrécitendéclarantque«toutprès(πλ ήσιον )ilyalePrytanée,danslequelsontécriteslesloisdeSolon,et oùsetrouventlesstatuesdesdéessesEirênêetHestia(…)».Cetteproximitégéographiqueentrelesanctuaire d’AgraulosetlePrytanée,véritablecentredelacité,esttoutàfaitremarquable.Pourlasituationdusanctuaire d’Agraulos–Aglauros,cf.G.S.DONTAS ,loc.cit. [n.348],p.4863etpl.1315;pourlalocalisationprobable duPrytanée,cf.G.C.R.SCHMALZ ,«TheAthenianPrytaneionDiscovered?», Hesperia ,75,2006,p.3381. 410 FGrH III, 332 (Bion de Proconnèse) F1; scholie à Aristophane ( Lysistrata , v.439); Souda , s.u. «Ἄγλαυρος ». 411 Aristophane, Thesm.,v.533etscholie adloc. ;FGrH III,332(BiondeProconnèse)F1. POSÉIDONARCHAÏQUE 246

Lapremièreparticularitédelanaissanced’Érichthoniosestdeproclamerl’autochto niedesAthéniens.Vertuadmirable,etabsolumentpolitiques’ilenest,puisqu’ellepermet dedistinguerlescitoyensd’Athènesparmil’ensembledesGrecs412 :detouslespeuplesde laGrèce,ilssedéfinissent,eneffet,commelespluslégitimes,enracinésqu’ilssontàleur terre ancestrale. D’ailleurs, les orateurs ne se privent pas de le rappeler, lorsqu’ils sont chargésdeprononcerlediscourshonorantlescitoyenstombéspourleurmèrepatrie( ἐπι τάφιος ):l’autochtonieestletraitdistinctifdesAthéniens—c’estlàunponcifconvenude leurexerciceépidictique.ParÉrichthonios,donc,lesAthénienssontlesfilsdeleurTerre. LasecondecaractéristiquedesAthéniensestdeporterlenomdeleurdivinitépoliade —lefaitestassezuniquepourêtresignificatif413 .Enoutre,lepatronaged’Athénavade pairaveclafaveurdetouslesdieux,quiimpliqueellemêmeunecertaineidéeduprogrèset delacivilisation:nonseulementlesAthénienssontissusdelaTerre,maisencore,ilsn’ont jamaisrégresséversl’animalité,àl’inversedetantd’autrespeuplesgrecs414 .ParÉrichtho nios,encore,touslescitoyensathénienssontaussi les enfants d’Athéna, de cette Pallas toujoursVierge415 . Pourcesdeuxraisons,ilétaitindispensablequ’Érichthonioseûtdeuxmères;parun soucidesymétrie,ilfallaitégalementqu’ileûtdeuxnouveauxpères. C.HéphaistosetCécrops:descomparsesdeladéessepoliade EnlieuetplacedePoséidon,lapenséepolitiqueathénienneintroduitdeuxpèresdesubsti tution,quiviennentopportunémentsoutenirlanouvellematernitéd’Athéna:lepremier, Héphaistos, enseigne que l’on peut naître simultanément de la Terre et d’un couple de dieux;lesecond,Cécrops,apporteàAthénaunindispensableappuichtonien. Lacontributiond’Héphaistosàlanaissanced’Érichthoniosselimitevisiblementàla production de la divine semence: l’iconographie athénienne montre l’attitude passive et apathiquedecepèrederemplacementlorsquelaTerretransmetÉrichthoniosàAthéna.À l’inverse, Cécrops accueille avec beaucoup de bienveillance la naissance du jeune roi, et apparaîtsouslestraitsd’unpèreadoptif416 . Enfin,sanssurprise,HéphaistosetCécropssonttousdeuxhonorésdansl’Érech théion,àproximitédesvestigesdelaquerelledivineetdescultesdePoséidon Ἐρεχθεύςet Athéna Πολιάς:lepremieryaunautel,lesecondsontombeau417 . 1.Héphaistos Toutindiquequ’Héphaistosestunepiècerapportée dans l’histoire de la naissance d’Érichthonios418 :ensusd’unevolontépolitiqued’intégrerl’artisanataucœurdelavie 412 Surl’autochtonieathénienne,sesconditionsetsesconséquences,onliranotammentNicoleLORAUX , op.cit. [n.355],enpart.p.3573,ainsiquelestimulantessaideM.DETIENNE , Commentêtreautochtone.Dupur AthénienauFrançaisraciné ,Paris,2003,enpart.p.1759. 413 Cf.e.a.NicoleLORAUX ,op.cit. [n.412],p.5765et119153. 414 Surcepoint,cf.L.GOURMELEN , op.cit. [n.268],p.209289,enpart.p.285289. 415 Surl’épithète Πάλλας commesynonymedelavirginitéd’AthénachezlesTragiques,cf.NicoleLO RAUX ,op.cit. [n.355],p.147152. 416 SurcetteoppositionentreHéphaistosetCécrops,cf.P.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.4950;L.GOURME LEN , op.cit. [n.268],p.198207. 417 Cf.B.HOLTZMANN , op.cit. [n.334],p.164165. 418 Outrel’interventionminimalistedudieulorsdelaconceptiond’Érichthoniosetsafonctionsubalterne danslescultesacropolitains,ilfautnoterquelesreprésentationsimagéesdelapoursuited’AthénaparHé phaistosnesontpasspécifiquementattiques(cf.P.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.1819):lesaffinitésentrelafille néedesonseulpèreetlefilsnédesaseulemère,notammentautourdel’habiletétechnique,appartiennentau fondsmythiquepanhellénique(pourlesdéveloppementsathéniensdecethème,cf.e.a.NicoleLORAUX op. POSÉIDONARCHAÏQUE 247 religieuseathénienne419 ,sonimmixtionsurl’Acropolevisecertainementàoffrirunmodèle àlanaissanceinouïedupremiercitoyend’Athènes,puisqueledieu–forgeronprovientàla foisd’uneunionsexuéeentredeuxdivinitésetdelaprocréationparthénogénétiqued’une déesse420 . Selonlatraditionhomériqued’uncôté,HéphaistosestfilsdeZeusetd’Héra,etfut jetéaubasdel’Olympesoitparsonpère,quiauraitpeuappréciél’interventiond’Héphais toslorsd’uncontentieuxavecHéra,soitparsamère,fâchéedufaitqu’ilétaitboiteux421 ; Hésiode,parcontre,indiquequeledieufutengendréparHéraindépendammentdeson époux,«sansqu’ellesefûtuniedansl’amour»( οὐ φιλότητι ιγεῖσα ),furieuseetdéfiante enversceluiquiavaitengendréseulAthéna422 .Cedernierschémaauraleplusdesuccès dans la mythologie grecque423 et en évoque un autre, bien moins répandu, qui fait de Typhonl’instrumentdelavengeanced’Hérafaceàl’indélicatessedesonépoux—luiaussi, Héral’engendresanss’uniràZeus,avecl’assistanceactivedeTerre( Γ αῖα)424 .Or,onlesait, TyphonestgénéralementconsidérécommeunenfantdeTerre,népourvengerlesTitans déchusduciel425 :Héraapparaîtdèslorsdansunepositiontelluriquelorsqu’elleengendre seuleHéphaistosouTyphon426 . Sicesdeuxversionsdelanaissanced’Héphaistossontclairementdistinctesdansla traditionlittéraire,iln’envapasdemêmepoursonrejeton,quiestenmêmetempslefils deTerreetlefruitdudésircharneld’HéphaistosenversAthéna:enÉrichthonios,lesdeux récitssontamalgamés.Exempleparfaitd’unenaissancesexuéedoublantunengendrement par la Terre, l’Illustre Boiteux permet de rattacherAthénaaumythed’Érichthonios:en tantqu’objetdudésird’HéphaistosaumomentoùceluicifécondeGêparinadvertance,la déessedevient defacto lamèreadoptivedunourrisson. 2.Cécrops Pour sa part, à l’instar des êtres primordiaux, Cécrops est né de la seule Terre (γηγενής)427 ;sanaturehybride—mihommemiserpent—témoignedesonattachement aumondechtonien.Entantqu’authentiquefilsdelaTerre,Cécropsrègneentoutelégiti

cit. [n.412], p.134141). Par surcroît, le jeu de mots fort prisé qui explique le nom Érichthonios par l’interventiond’unequerelle( ἔρις )etdelaterre( χθών)aumomentdelaconceptiondel’enfantacertainement contribuéàrestituerunedisputeentreHéphaistosetAthénaàl’originedelanaissanced’Érichthonios. 419 Surl’intégrationprogressivedesartisansdanslacitéd’Athènesau VI es.et,encorollaire,lamontéeen importanced’Héphaistosdanslescultesetmythesciviques,cf.MiriamVALDÉS GUÍA ,«Cultesetespacesdes artisansàAthènesausixièmesiècleavantJésusChrist»,dansV.I.ANASTASIADIS &P.N.DOUKELLIS (éd.), Esclavageantiqueetdiscriminationssocioculturelles.ActesduXXVIII eColloqueInternationalduGroupementinternational derecherchesurl’esclavageantique(Mytilène,5–7décembre2003) ,Berne&FrancfortsurMain,2005,p.107130. 420 Surlaconceptionetlanaissanced’Héphaistos,cf.MarieDELCOURT , Héphaistosoulalégendedumagicien , Paris,1982 2,p.3133. 421 Cf.e.a.Homère, Il. ,I,v.571594(jetéparZeussurl’îledeLemnos);XVIII,v.393405(jetéparHéra danslamer); Od. ,VIII,v.306312(nédedeuxparents). 422 Hésiode, Théog. ,v.924929. 423 Cf.e.a.ps.Apollodore( Bibl. ,III,3,5),quiévoquelaversiondivergented’Homère. 424 HymnehomériqueàApollon ,I,v.305355. 425 Hésiode ,Théog. ,v.820835.Surcemonstre,cf.e.a.F.VIAN , LaguerredesGéants (Étudesetcommentaires , 11),Paris,1952,p.1216. 426 Ceconstatinviteànepascorrigerl’indicationissuedePindare( fr. 253 [Snell & Maehler ])etdela Danaïde ( fr. 2 [Bernabé] ),quiprécisequ’ÉrichthoniosetHéphaistosontsurgidelaTerre:cettedoubleascen danceterriennejustifiel’autochtoniedesAthéniens(cf.Harpocration, s.u. «αὐτόχθονες »). 427 Surladistinctionentreles αὐτόχθονες etles γηγενεῖς,cf.L.GOURMELEN , op.cit. [n.268],p.2428. POSÉIDONARCHAÏQUE 248 mitésurunerégion( χώρα )quiportesonnom( Κεκροπία)et,àtroisreprises,semettraau serviced’Athénaetdel’idéologieathénienne. Tout d’abord, par sa nature composite, Cécrops dépasse les clivages entre dieux, hommesetanimaux,etpeut,decefait,guiderharmonieusementlespasdesessujetsvers l’humanité,enévitantàlafoislaconfusionaveclemondedesdieuxetlereculversl’anima lité,etenpréparantainsil’avènementd’Athéna428 .Parlasuite,quandPoséidonetAthéna s’affrontentpourlapossessiondelafutureAthènes,Cécropsestnécessairementimpliqué danslaquerellequiapourobjetsaCécropia:parsonaction—dejugepartial429 ,deté moinparjure430 oudesimplespectateur431 —,ilattestelesdroitsd’Athénasurlepays,met délibérémentfinàl’existencedesa χώρα etautoriselepassageàla πόλις ,sousl’égidedela déesse432 .Enfin,lorsdelanaissanced’Érichthonios,Cécropsapporteunelégitimitéchto nienneaunouveauné—lequeln’estpasunpur γηγενής,étantdonnésaconceptionen partiesexuée—etluireconnaîtlestatutdefondateurdelacitéd’Athènes433 . Toute l’action de Cécrops est orientée vers l’émergence de la cité d’Athéna: en demeurantunpersonnageprépolitique,leroi–serpentseportegarantdelalégitimitédela déessedanslesmythesdel’Acropoleetdesprétentionsathéniennesàl’autochtonie.Àcet égard,laprésencesurl’Acropoled’unêtrechtoniendévouéàladéessepoliadeaupointde parlerauméprisdelafoijuréeparachèvelemythefondateur:TerreetHéphaistosseront lesparentsnaturelsd’Érichthonios,AthénaetCécropssesparentsadoptifs.

—ENTREPÈREETMÈRE :LE FILS De Poséidon à Athéna, les mythes originels de l’Acropole connaissent de nombreuses modifications:aunombredecellesci,nousdevonssansdoutecompterenpremierlieules métamorphosesanimalesquiconcernentdeuxpersonnagescentraux,CécropsetÉrichtho niosluimême.Nonobstantcestransformations,Érichthoniosdemeurelepointdecontact entreAthénaetPoséidon,lelienultimeentrelesdeuxdivinitésd’Athènes:dansunsecond temps,nousmontreronspourquelleraisonÉrichthoniosestl’élémentdepermanencesur l’Acropole. A.Métamorphosesanimalessurl’Acropole Assurément,lesmodificationslesplusvisiblesdumytheprimitifsetrouventchezÉrich thonios:conformémentauxvaleursquecepersonnageincarnedèsqu’ilentredanslegiron d’Athéna,leprincedel’Acropoleabandonneenpartiesonaspectchevalin,pourrevêtirles traitsd’unautreanimalchtonien,leserpent.Afindecomprendrelesenjeuxetlesmodalités decettetransformation,ilestindispensabled’étudierlapositionprééminenteduserpent surl’AcropoleetsesrapportsavecladéesseAthéna,avantdes’intéresserplusparticuliè rementàCécropset,enfin,àÉrichthoniosluimême.

428 Cf. supra ,n.414. 429 Xénophon, Mémorables ,III,5,10;Callimaque, Iambes ,II,v.4951. 430 Callimaque, Hécalê ,col.II,v.811;ps.Apollodore, Bibl. ,III,14,1. 431 Ilestmalaiséd’interpréterlafonctiondeCécropssurlesreprésentationsfiguréesdelaquerelle;àtout lemoinsenestillespectateurattentif:L.GOURMELEN , op.cit. [n.268],p.188197. 432 Cf. ibid. ,p.176197. 433 Cf. ibid. ,p.198207. POSÉIDONARCHAÏQUE 249

1.Athénaetlesserpents Aveclacélèbrechouette,lesserpentstiennentuneplacedechoixauprèsd’Athéna, singulièrementsurl’Acropole434 .Defait,l’imaginairegrecreconnaîtauserpentde nom breusesqualités,parmilesquellescellesd’êtrenédelaterre( γηγενής)etd’incarnerlapro tectiondivinedufoyer (οἰκουρός)435 :auxcôtésd’Athéna,cetanimalremplitdoncladou blefonctiond’affirmerl’autochtoniedesAthéniensetd’assurerlaprotectiondeleurcité436 . Pour cette raison, CécropsetÉrichthoniosaffichenttousdeuxleursrelationsavecleser pent.Toutefois,seullesecond,entantquefilsadoptifdeladéessepoliadeetancêtrepoli tiquedetouslesAthéniens,peutréellements’arrogerletitredeSerpentdel’Acropole:en effet,lesophidiensserventvéritablementdemédiateursentreAthénaetÉrichthonios. Engaged’autochtonie,AthénaauraitdonnéàÉrichthoniosuneamuletteenorcon tenantdeuxgouttesdusangdelaGorgone437 —divinitéchtoniennequi,telleAgraulos,est l’épouselégitimedePoséidon.Àlasuited’Ion,filsdeCréuseetd’Apollon,lesjeunesAthé niensportentencollierouenbraceletunbijouserpentiformeenor,quirappellelaprésen cedeserpentsauprèsd’Érichthoniosetperpétuelesouvenirdececadeauorigineld’Athé na438 .Cettecoutumeancestraleévoquedoncclairementles aspirations autochtones des citoyensathénienset,enplusdesafonctionapotropaïque,leserpentfaiticifigured’ emblè med’autochtonie 439 . Protecteurdelacitadelleetdusanctuaired’Athéna,l’ οἰκουρὸς ὄφιςvitsurl’Acropole, oùilestnourridegâteauxaumiel 440 . Cetanimalsacrésymboliselaprésencedeladéesse Athéna:pourcetteraison,ladisparitionduserpentdel’Acropolelorsdelasecondeguerre médiquepersuadalesAthéniensdefuirleurcité,puisqu’Athénaellemêmel’avaitdéser tée441 .Seloncertainsauteurs,ceserpenttutélaireneseraitautrequ’Érichthonios,toujours vivant,résidantàjamaissurl’Acropoleetassurant,avecAthéna,laprotectiondelacité442 : effectivement,cereptilefaitsongerauserpentquisetrouvaitenfermédanslacisteavec Érichthonios443 . Endéfinitive,ilparaîtfortprobablequ’ÉrichthoniosetCécropssoientdevenusdes serpentsàdesfinspolitiques.Pasn’importequelsserpents,encore:lesAthéniensrécla 434 Cf.LilianeBODSON ,«Natureetfonctionsdesserpentsd’Athéna»,dansMarieMadeleineMACTOUX etÉvelyneGENY (éd.), MélangesPierreLévêque.4.Religion ( CRHA ,96),Paris,1990,p.4562. 435 Entantqu’êtrenédelaterre,leserpentestàlafoisassociéauxforcesdelamortetdelavie,estam biguetincertain,incarneparexcellencelesacré;commesymboledecroissanceetdeprospérité,ilestlaforce bénéfiqueassociéeauxfoyers,enlienavecZeus Μειλίχιος, Κτήσιος ou Φίλιος .Cetanimaljoueégalementun rôletrèsimportantdanslathérapeutiqueetlamantique.Cf.LilianeBODSON , Ἱερὰ ζῷα.Contributionàl’étudede laplacedel’animaldanslareligiongrecqueancienne ( MCL ,s.2,t.63,fasc.2),Bruxelles,1978,p.6892. 436 Cf.L.GOURMELEN , op.cit. [n.268],p.329349. 437 Euripide, Ion ,v.9991017. 438 Ibid. ,v.2126;14271431. 439 ÀproposdecetusageathénienetdutraitementqueluiréserveEuripide,cf.L.GOURMELEN , op.cit. [n.268],p.329341. 440 Cf.e.a.Aristophane, Lysistrata ,v.758759etscholieau v.759;Hésychios, s.u. «Οἰκουρὸν ὄφιν » et «ράκαυλος»; Photios, Lexicon , s.u. «Οἰκουρὸν ὄφιν »(= FGrH II,81[Phylarque]F72);Soudaet Etymologi cumMagnum , s.u. «ράκαυλος »;Eustathios, Comm. àHomère, Od. ,I,v.357;Philostratel’Ancien, Images ,II, 17,6. 441 Cf.Hérodote,VIII,41;Plutarque, ViedeThémistocle ,10,12. 442 VraiÉrichthonios,ceserpentestreprésentésurlastatuechryséléphantinedePhidias,prèsdelalance, àl’intérieurdubouclier:cf.Pausanias,I,24,7;Hygin, Astron. ,II,13,1. 443 Lessourcesévoquenttantôtunseulserpent,tantôtdeuxserpentsauprèsd’Érichthonios;curieuse ment,cettemêmeincertitudeprévautàproposdel’οἰκουρὸς ὄφις.Surcepoint,cf.e.a.L.GOURMELEN , op. cit. [n.268],p.342,n.41;surleserpentprotecteurdel’Acropole,cf. ibid. ,p.342347. POSÉIDONARCHAÏQUE 250 mentdesanimauxcivilisés,sansaspectsnégatifsniambiguïtédangereuseàleurégard444 . Gardiendel’Acropole,leserpentserévéleraredoutablepourlesseulsennemisdesAthé nienset—celavasansdire—pourlesadversairesdeladéesse. 2.Cécrops L’ophiomorphismedeCécropsapparaîtcommeletraitpremierdesapersonnalité: c’estlàlerefletdesonoriginechtonienneetl’expressiondelaprotectionquelehérosexer cesurlafuturecitédesAthéniens. Cependant —nous le rappelions à l’instant— le ser pent de l’Acropole estmisenrapportavecAthénaetÉrichthonios,lescréateursmythiques delacitéd’Athènes,etnonpasavecCécrops,leroiprimordial. Dans cette optique, la nature hybride de Cécrops fut certainement imposée par l’idéologiedominantàAthènes:l’autochtonieoriginelledescitoyens.Roiprimordial,seul vrai γηγενής,pèreadoptifd’unÉrichthoniosàlafoisissud’uneunionsexuéeetduseinde Terre,Cécropslégitimeparsanaturecompositemêmelafiliationd’AthénaetÉrichtho nios.Maisétaitcelàsonapparenceoriginelle?Ilsemblequ’onpuisseendouter:lacigale, autreanimalconsidérécomme γηγενής445 ,aservid’anciensymboled’autochtoniepourles Athéniens et l’est demeurée chez les Ioniens, qui clament leur origine chtonienne en portantunecigaled’ordanslescheveux( τεττιγοφορία);deplus,lenommêmedeCécrops (Κέκροψ )—dérivantprobablementde* Κέρκοψ ,avecmétathèse—évoqueuneespècede cigale nommée κερκώπη, etderrièrel’assimilationd’Érichthoniosauserpent se dessinent desrapportsétroitsaveclacigale446 .Aucommencement,Cécropsauraitfortbienpuêtre unecigale,insectenédeTerre,toutcommelesMyrmidonsétaientleshommes–fourmis d’Égine;toutefois,lafigured’Érichthoniosacontraintl’ancienroi–cigaleàdevenir,pourla plusgrandegloired’Athéna,unroi–serpent. 3.Érichthonios Àl’instardeCécrops—qui,decigale,seferaitserpent—,lechevalÉrichthoniosse seraitil transformé en reptile pour les besoins de la cause? Avant toute chose, il faut remarquerquecessupposéesmétamorphosesnesontpastoujourssansconséquences:si, dans le cas de Cécrops, une telle transformation n’implique pas grand bouleversement —carserpentetcigalesontpareillement γηγενεῖς—,ilenvatoutautrementpourÉrich thonios.Defait,commelemontrentlesmythesd’Arion,SkyphiosetPégase,lechevaln’est pasnédelaseuleTerre,maisd’unedéessechtoniennefécondéeparundieu–cheval447 :on estfortloindesproductionsparthénogénétiquesd’uneTerreprimordiale,quineconnaîtni limites,niépoux.Lasubstitutionduserpentauchevalentraîne,dèslors,unemodification dustatutdel’enfantdivin,quiajouteàsonstatutchtonienl’antiquitévénérable,lapuissan ceredoutableet—rançondelagloire—labivalenceconstitutivedesfilsdeTerre.Autre bénéficedel’opération:lerôledupères’efface,puisquelamèresesuffitàellemême; PoséidonetsaparèdrechtoniennecèdentlaplaceàlaseuleTerre.Érichthoniosdevient doncl’ οἰκουρὸςὄφις ,emblèmed’autochtonieetprotecteurdelacitéd’Athènes. Toutefois,lemytheentreencontradictionavecluimême:leserpentfiniraparêtrele fruit d’une union sexuée, opérée par l’intermédiaire de Terre, pour qu’Héphaistos et, surtout,AthénapuissentfaireleurentréedanslagénéalogiedesAthéniens.Cécropslui même est également transformé en serpent, à seule fin d’ajouter quelque légitimité à 444 Àproposdel’occultation,chezCécrops,detouslestraitssombresetviolentsqu’impliquentnécessai rementlanaissancechtonienneetl’ophiomorphisme,cf. ibid. ,enpart.p.401405. 445 Enoutre,lacigaleestétroitementassociéeàlamusique:cf.LilianeBODSON , op.cit. [n.435],p.1620. 446 Cf.P.BRULÉ , op.cit. [n.268],p.2527;L.GOURMELEN , op.cit. [n.268],p.351366. 447 Cf. supra ,p.225228. POSÉIDONARCHAÏQUE 251

Érichthonios–serpentetd’apporterlesoutiend’unauthentique γηγενήςàunenfantquine l’estpasvraiment. B.Permanencedel’enfantdivin Àpremièrevue,lamétamorphosed’Érichthoniosenserpentaccentuedavantagelarivalité entrePoséidonetAthéna,quiapparutlorsdelaquerellepourlapossessionduterritoire athénien et fut déjà exacerbée par le meurtre d’Érechthée à l’issue de la guerre contre Éleusis. Eneffet,lamortd’Agraulos–Aglauros,devenuepourlesbesoinsdumytheunenour ricepeuméritante,estattribuéeparfoisàAthéna,parfoisauserpentlovéàl’intérieurdela ciste, c’estàdire à Érichthonios luimême. Ainsi —ironie du sort!— l’enfant, fraîche mentpromuserpentd’Athéna,assassinesapropremère.Ceparricidefaitéchoàl’infanti cidecommisparPoséidonsurÉrechthée:pareillesuccessiondemeurtresdéchirelafamille primitivedel’Acropole,etsembleexcluredéfinitivementPoséidondesapaternitélégitime pourleposerenantifondateurdelacité.Parcontraste,Athénaseretrouveraitseuleaux originesmythiquesd’Athènes,enadoptant,avecl’aided’HéphaistosetdeCécrops,leser pentpoliadeengendréparlaTerre. Néanmoins,cetteimpressions’estompevite,sil’onprendlapeined’examinerplus minutieusement les données religieuses athéniennes. De fait, par sa transformation ophidienne,Érichthoniosdevientleparèdred’AthénaPoliade,maisn’enrestepasmoins associéintimementàsonpèredanslecultedePoséidon Ἐρεχθεύς:ledédoublementdu hérosoriginelpermetainsidecréeruntraitd’unioninfrangibleentrePoséidonetAthéna. Paradoxalement,lanaissanced’Érichthoniosetlamortd’Érechthéeengagent,àpartséga les,cesdeuxdivinitésaucœurdelapenséepolitiqueathénienne:enengloutissantÉrech théedanslesprofondeursdusol,Poséidonachèvesimplementleprocessusentamélors qu’AthénareçutÉrichthoniosdesmainsdeTerre,etconsacredéfinitivementl’autochtonie desAthéniens448 . Enfantdivin,fondateuretprotecteurdelacité,Érichthonios–Érechthéeestdoncle pointdecontactentresonpèrebiologiqueetsamèreadoptive449 .Ensomme,aprèsleur affrontementenrivauxirréductibles,lorsd’unequerellequifitdate,PoséidonetAthéna finissentparcohabitersurl’Acropole,defaçonpacifiqueetcomplémentaire,grâceàleur enfant commun. À cet égard, le nom «Érechthéion», couramment utilisé de nos jours pourdésignerl’édificeuniquequi,àlasuitedu«VieuxTemple»,associaleculted’Athéna PoliadeetlesriteschtoniensliésàPoséidon,nenousparaîtpasusurpé.

448 Cf.SoniaDARTHOU , loc.cit. [n.388],p.6983. 449 Audemeurant,ilfautrappelerquelesmythesrelatifsàladomesticationetàl’attelageduchevalfont égalementd’ÉrichthonioslepointdecontactprivilégiéentrePoséidonetAthéna:cf. supra ,p.237. POSÉIDONARCHAÏQUE 252 Synthèseetconclusion L’étudedesmythesdel’Acropolefutmenéeenvaseclos,sansfaireappel apriori auxdon néesmycéniennesouprocheorientales,oumêmeàlapersonnalitéduPoséidonlittéraire. Cettedémarcheapermisd’aboutiràunrésultatcohérent,uniquementélaboréaudépartde mythesattestésenGrècecontinentaleauI er millénaire,etjugéscomparablesàceuxd’Athè nes.Toutefois,lemodèled’évolutionauquelnousaboutissons ainsi présente degrandes similitudesavecletémoignagedelalittératurearchaïque:auniveaulocalcommeauniveau panhellénique,Poséidonestrégulièrementécartédesesanciennesfonctionsdepèreetroi, maiscontinued’êtrehonorédanslescultesetlesritesgrecs. Enconformitéaveclaméthodeadoptéedanscechapitre,nousprésenteronsd’abord lesrésultatsdelalecturediachroniquedumythedelanaissanced’Érichthonios,àlalumière dumythedeladisputeentrePoséidonetAthéna:nousdéfinironslescaractéristiquesd’un mytheoriginelrelatantlanaissanced’unchevaldufaitdePoséidon,ettenteronsdemon trer les grandes lignes de la métamorphose aboutissant à l’adoption d’Érichthonios par Athéna.Ensuite,dansuneperspectiveplusgénéraleetenrapportaveclechapitreprécé dent,nouscompareronsl’évolutiondesrapportsentrePoséidonetZeus—depuislareli gion mycénienne jusqu’à la religion archaïque— à la transformation des rapports entre Poséidon,ÉrichthoniosetAthénadanslesmythesdel’Acropole.Enfin,nousinsisterons surl’originalitédelarelationentrePoséidonetlecheval—plutôtqueletaureau—,au regard des données religieuses palatiales du ProcheOrient, et esquisserons les contours d’unhéritageindoeuropéenpourcePoséidonHippios;noussouligneronslacoexistence, danslareligiongrecquearchaïque,duchevaletdutaureaupourincarnerlapuissancedu dieuPoséidon,nonseulementensesfonctionsderoietpère,maisaussicommesourcier. 1.–Lalecturediachroniquedesdeuxmythesdel’Acropoleapermisdemettreau jourlesvestigesd’unmythepanhelléniqueprimitif,etd’oserlareconstitutiondesonévolu tionetdesatransformationenuneidéologieciviqueathénienne. Endépitdemodificationsimportantes,lesprincipauxélémentsconstitutifsd’unrécit ancien,construitautourdudieuPoséidon,apparaissenttoujoursclairementdanslesmythes del’Acropole,demêmequ’enArcadie,enBéotie,enThessalieetàCorinthe:undieugéni teurprocréeavecuneparèdrechtonienneunhérosparticulièrementliéaucheval,destinéà régner;enmêmetemps,ledieufaitsourdredel’eausalée.Lesanalogiesquenousavons relevéesdanslesrécitsmythiquesnousinvitentàidentifiercedieu–pèrecommeétantPo séidon,etàcherchersouslestraitsd’Érichthonios–Érechthéeunancienhéros–cheval. LadiffusiondumythedanstouteslesrégionsdeGrècecontinentalelaissesubodorer sonappartenanceàunfondscommunpanhellénique,quiseraitantérieurauxdéveloppe mentssociopolitiquesdel’époquearchaïque—cetarchétypeévoluantdifféremmentselon lesrégions,enlaissantpartoutdesvestigesidentifiables.Lesliensentrecemythechevalin etlasouverainetéhumainesontparticulièrementapparentsdanslecasd’Hippothoôn,fils dePoséidonetpetitfilsdeCercyônàÉleusis,oufilsdeCercyônetpèred’AipytosenAr cadie:ladescendanceroyaledePoséidonestfortementliéeaucheval,parlesfaitsmythi quesetparsonnommême.Surl’Acropole,lafiliationprésuméed’Érichthonios–Érechthée àPoséidonetlesrapportsdupremiersouverainathénienaveclechevaltrouventunécho bienvenudanslemythed’Hippomenês,ledernierroid’Athènes. Lafamilledemythesquenousavonsexploitéemontreunecertaineambivalencede Poséidon.Defait,cedieuestnonseulementsusceptibled’engendrerdeschevauxcomme Ar(é)ion,SkyphiosetPégase,oudecréerdesroiscommeHippothoônouÉrichthonios, maisaussidemettreàmortoudedestituerlesprincesetlessouverainsdesalignée:telest POSÉIDONARCHAÏQUE 253 lecasd’AipytosàMantinée,d’Halirrhothios,Érechthéeet—sansdoute—Hippomenêsà Athènes.LeculteacropolitaindePoséidon Ἐρεχθε ύςetlatraditionmythiquequiyestliée sontunebonneillustrationdecedoublepouvoirdudieuàl’égardduhérossonfils:àla foisbienveillantetmalveillant,Poséidondonnelaviecommelamort,etilinstituelesrois commeillesdéfait.Or,cetantagonismedudieuetduhérosdanslemythe,assortid’une symbioserituelleentrecedieuetcehérosdansleculte,estprécisémentunprincipefonda mentaldelareligionhellénique,quiestégalementàl’œuvredansl’épopéehomérique450 :si ladictiondel’ Iliade montreuneconvergencethématiqueetformelleentreledieuApollon etlehérosAchille—laquellerecouvreenfaitdesaffinitésfonctionnellesetmorphologi quesentrecesdeuxentitésdanslareligiongrecque—,Apollonn’enestpasmoinslemeur trierdePatrocle—lesubstitutd’Achilleaucombat—etd’Achilleluimême,parHectoret Pârisinterposés;bienplus,cettemêmeconvergenceetcemêmemeurtreseretrouventà Delphes,oùApollon,dieudusanctuaire,exécutePyrrhos—filsd’Achilleethérosdela cité— dans le mythe, pour coexister avec lui dans le culte; cette même ambivalence d’Apollons’exprimeenverslespoètes,queledieuinspireouannihileàsongré,ainsiquele démontrentlesexemplesd’Archiloqueoud’Ésopehéroïsés.Parconséquent,lasimilarité entrecesdeuxschémasestdenatureàétablir,danslecasdePoséidon Ἐρεχθε ύς,lesaffini tésfonctionnellesetmorphologiquesentreledieuPoséidonetlehérosÉrechthée,etàjus tifierl’identificationdePoséidoncommeétantledieuquifaitroiÉrichthonios–Érechthée etqui,endernièreanalyse,luidonnenaissance. Danslecadreciviqueathénien,lemytheoriginelaévolué,s’estétoffé:l’aspectche valins’estétiolé,lasourceestsalée,lefilsestmort.Nousavonstentédemettreenlumière lesmodalitésdelatransformationdumytheprimitifenuneidéologiecivique.D’abord,le suicideoulemeurtred’Agraulos–Aglauros—laquelleest la parèdre idéale d’un Poséidon chtonien—permetdefairenaîtreÉrichthoniosdelaTerre( Γῆ)même,quiconfielenour rissonàAthéna:decettemanière,lesAthéniens,descendantsd’Érichthonios,peuventàla foisserevendiquerautochtonesetenfantsd’Athéna.Ensuite,l’apparitiondudieuHéphais tos et du héros Cécrops danslesmythesdel’Acropole,enguisedepèresdesubstitution pourÉrichthonios,effacelapaternitédePoséidonetappuielamaternitéd’Athéna.Enfin, lamétamorphosed’Érichthoniosenserpentprotecteurdel’Acropoleetdelacitéconfirme lanaturechtonienneduhéros,toutenl’écartantdesonpèrenaturelpourlerapprocherde samèreadoptive:enquelquesorte,leserpentdeSalamineremplacelechevald’Éleusis, aprèsqu’AthénaacontestélesdroitsdePoséidonsurl’Acropole. Toutcomptefait,lesdeuxmythesfondateursdelacitéd’Athènes,quirelatentladis puteprimordialeetlanaissanced’Érichthonios,contentdequellemanièreundieupuissant —maîtredeschevauxetdessources,soutiendelaroyautéetdel’aristocratiehéritéedes palaismycéniens—cèdelerelaisàunedéessedésireusedefonderunecité.Surl’Acropole, l’enfant Érichthonios fait office de pivot entre Poséidon et Athéna, sans que la déesse poliadepuissechassercomplètementsonillustreprédécesseur. Oseraton suggérer de lire, en raccourci, cette histoire religieuse et politique de l’Acropoleàtraversl’iconographieathénienne?Lespeinturessurvasesmontrent,eneffet, laprédominancedePoséidoncommeÉbranleurdusol et Maître des chevaux au VI es., tandisquecesaspectss’effacentau Ves.devantlesfonctionsmaritimesdudieu451 :l’éloi gnementd’avecÉrichthonios—etlerapprochementavecThésée,nouvelhérosnational 450 Surcepointetpourlesexemplesquisuivent,cf.G.NAGY , op.cit. [n.68],enpart.ch.4,§35,p.85 88;ch.7,§14,p.153156;ch.8,§15,p.179181;ch.18,§8,p.354. 451 Cf.ÉléonoreNADAL ,«Delacavalerieàlaflotteathéniennes:l’iconographieattiquedePoséidonet l’histoired’Athènes», Pallas ,75,2007,p.151171. POSÉIDONARCHAÏQUE 254 d’Athènes—iraientdoncdepairavecl’atténuationdel’aspectchevalindePoséidonet l’affirmationdesonappartenanceaumondemarin.Quantauxplusanciennesmonnaies attiques,dites Wappenmünzen ( c.550–515),ellesdonnentàvoirdenombreusesreprésenta tionschevalines;lespiècesplusrécentesdecemonnayagearborentfréquemmentle gorgo neion , symbole de la déesse chtonienne, qu’Athéna s’appropriera comme épisème vers 550452 ,alorsquelachouettenedeviendral’uniquetypemonétaireciviquequedurantle dernier quart du VI es. 453 : ne seraitil pas tentant de retrouver derrière ces symboles successifslestroisgrandesdivinitésdel’AcropolequesontPoséidon,AgraulosetAthéna? 2.–Sommetoute,lapolémiqueathénienneentrePoséidonetAthéna—quiaboutit àl’évictiondupremiervenutoutenjustifiantsaprésencedanslescultesdel’Acropole— esttrèssemblableàl’évolutionsupposéedesrapportsentrePoséidonetZeusdepuislareli giondupalaismycénienjusqu’àcelledessociétésarchaïques.Nonseulementsurlefond, puisquelamiseàl’écartdePoséidonserévèle,departetd’autre,indispensablepourfonder lessociétésdivinesethumainessurdenouvellesvaleurssocialesetmorales,lesquellessont portéesparuneidéologiereligieusesedémarquantexplicitementdecroyancesanciennes, maisaussisurlaforme,car,danslesdeuxcas,cetterelégationdudieuadoptelemêmemé canismederévisiondesesrelationsparentales,etentraînesaredéfinitionendieudelaMer. Enpremierlieu,lapaternitéoriginelledePoséidonestniée:danslesystèmereligieux archaïque,Poséidonperdsaplacedeprobablepèredesdieux—commesonhomologue ElàOugarit—,pourdevenirl’undesCronides,frèrecadetdeZeus;danslesmythesathé niens,HéphaistosetCécropsacquièrentl’anciennepaternitédePoséidonsurÉrichthonios pourmieuxaffirmerlamaternitéd’AthénasurcepremierAthénien.Cedénidelapaternité dePoséidonapourdirecteconséquenced’anéantirlalégitimitédudieuàexerceretàdélé guerlasouveraineté,chezlesdieuxcommechezleshommes:danslalittératurearchaïque, Zeusestl’uniquesouveraindesdieux,quicréeetjugelessouverainshumains,tandisque dans les mythes acropolitains d’Athènes, Érichthonios–Érechthée tire désormais de sa filiationàladéesseciviqueAthénasafonctiondepremierroidesAthéniens. Cettedoublepertedelapaternitéetdelasouverainetéinduitunepositioninférieure dePoséidondanslanouvellesociétédivineainsicréée:inférioritéparrapportàZeusdans lalittératurearchaïque,inférioritéparrapportàAthénadanslesmythesdel’Acropole.Que ladéesseAthénaparticipepleinementàl’ordredeZeusnepeutfairededoute:cette«fille d’unpèrepuissant»( ὀβριοπάτρη ),issuedeMêtis,apart,commeZeus,auxdeuxqualités héroïquesdeforceetdeprudence—cequienfaitlameilleureadjuvantedesonpère,etla divinitéprotectriceparexcellencedeshérosgrecs.LasubordinationdePoséidonàZeuset Athénapeutdoncsecomprendrecommeunvéritablebasculementdepuisla«sociétéde Poséidon»versla«sociétédeZeus». Àcetégard,ilesttrèssignificatifquelesconflitsmythiquesprovoquantcettesubor dinationouenrésultantmettentenévidencelanouvelleidentitémarinedePoséidon:dans laquerelleavecZeusauchantXVdel’ Iliade ,laportion( οῖρα )dudieuestexplicitement limitéeàlamergrisâtre(πολι ὴἅλς),alorsqueladisputeavecAthénaproduitune«mer» (θαλάσσα uel sim. ) sur l’Acropole, voire s’achève par un razdemarée sur l’Attique. La présentation, dans les deux cas, de Poséidon en tant que dieu de la mer pourrait bien correspondreàlaredéfinitiondesapuissancedivineaprèslapertedesonstatutdepèreet 452 Cf.MoniqueHALM TISSERANT , «Le gorgonéion, emblème d’Athéna. Introduction du motif sur le bouclieretl’égide», RA ,1986,p.245278. 453 Sur ces premières monnaies attiques, cf. Chr.FLAMENT , Le monnayage en argent d’Athènes de l’époque archaïqueàl’époquehellénistique(c.550–c.40av.J.C.) (Étudesnumismatiques ,1),LouvainlaNeuve,2007,p.943. POSÉIDONARCHAÏQUE 255 roi:enlieuetplaced’El,Poséidonendosseraitles fonctions et l’aspect du marin Yam, l’adversairedeBa‘alpourlasouverainetédivineàOugarit—quifutégalementcombattu par la Vierge ‘Anat454 . Les correspondances entreBa‘al et Zeus, ainsi qu’entre ‘Anat et Athéna, paraissent assez perceptibles pour corroborer cette hypothèse d’évolution de la religiongrecque,impliquantlaprojectionsurledieuPoséidond’unschémamythiquebien connu à Ougarit et sans doute restituable dans la mythologie mycénienne, qui relate le combatvictorieuxdudieudel’OrageetdesaparèdrecontreledieudelaMer. Entrela«sociétédePoséidon»etla«sociétédeZeus»,lesrapportsentrelesdieux Poséidon, Zeus et Athéna connaissent ainsi une réorganisation prenant comme pivot le personnagedeZeusetlesvaleursqu’ilincarne.Toutefois,l’existencemêmed’uneimpor tantedivinitécommePoséidonn’estjamaiscompromise.Biensûr,seulZeusprésidedésor maislepanthéongrec,seuleAthénadonnesonnomàAthènes;toutefois,toutfrustréde souverainetéetspoliédel’Attiquequ’ilest,Poséidondemeurevivantetprésent,enexer çantsonindispensablepuissancedivinedanslesconceptionsreligieusesdelalittératurear chaïque,ainsiquedanslescultesdel’Acropole. 3.–Lesmythesdel’AcropolemettentenjeulafigurechevalinedePoséidoncomme dieusouverainetpèreduroihumainÉrichthonios.Cetteassociationdelaroyautéauche valn’estpasdirectementattestéedanslemondemycénien,etnetrouveaucunéquivalent auProcheOrient:àOugarit,enparticulier,lasouverainetéetlapaternitéd’Els’expriment danssonépiclèse«Taureau»( tṟ ),etilestvraisemblablequelePoséidonmycénien,comme sesprolongementsauI er millénaire,aitportéletitreΤα ύρεος455 .L’importanceducheval dansl’exercicedesfonctionsroyalesdePoséidonpeutdoncdifficilements’expliquerparla religionpalatialeentantquetelle.Or,latradition indoeuropéenne notamment attestée danslesritesdel’ octoberequus àRome,del’ aśvamedha dansl’Indevédiqueetdel’intronisa tionroyaleceltique,quiconsisteàsacrifiersolennellementunétalonpourmagnifierlapuis sanceroyaleetassurerlapérennitédeladynastie—etquitrouveunpendantparfaitdans lemytheduroiHippomenêsàAthènes—révèlel’importancedel’identificationduroiau chevaldansuneperspectiveindoeuropéenne456 .Danscetteperspective,àAthènesenpar ticulier,lelienentrePoséidonetlechevalpourraitêtredirectementliéauxfonctionsroya lesdudieu. Lasouverainetéd’unPoséidonéquinàAthènesconnaîtunparallèledanslacitéarca diennedeMantinée,où—unefoisn’estpascoutume—Poséidonestledieuprincipaldu panthéon,enlieuetplacedeZeus457 .LalégendeépichoriquedelanaissancedePoséidon estexactementsemblableaurécithésiodiquedelanaissancedeZeus:aprèsavoiraccouché dePoséidon,Rhéacachasonfilsdansunebergerie,àproximitédelasourceArnê;pour éviterqueCronos,àsonhabitudemaldisposéenverssaprogéniture,n’engloutîtvorace mentsonfils,Rhéaluifitcroirequ’elleavaitdonnélavieàunpoulainetleluifitmanger —demêmequ’àlanaissancedeZeus,elleluidonneraitàavalerunepierreenveloppéede langes458 .UnpeuplusprèsdelavilledeMantinéesetrouveunemontagnenomméeAlê 454 Quoiquececombatnesoitpasdétaillédanslesmythesougaritiquesconservés,uneallusionexplicite setrouveen KTU 1.3,col.III,l.3839. 455 Cf. supra ,p.211. 456 Cf.enpart.M.V.GARCÍA QUINTELA , loc.cit. [n.379],p.135151,ainsique supra ,p.238. 457 Cf.MadeleineJOST , op.cit. [n.275],p.288292. 458 Pausanias,VIII,8,2.LethèmedelanaissancedeZeusestbienplusrépanduqueceluidelanaissance dePoséidon:laversion«canonique»enestdonnéeparHésiode, Théog. ,v.453506.L’onretrouvetoutefois enBéotiedessimilitudesaveccettelégendedelanaissancedePoséidon:cf.MadeleineJOST , op.cit. [n.275], p.281282. POSÉIDONARCHAÏQUE 256 siond’aprèsl’errance( ἄλη )deRhéaavantl’enfantement459 ;àsonsommet,unboisconsa créàDéméter;àsonpied,unsanctuairedePoséidon Hippios particulièrement illustre, puisqu’ilauraitétébâtinaguèreparAgamèdeetTrophonios460 .Cetendroitvitunesource saléeprovoquerl’aveuglementetlamortduroiAipytos,filsd’Hippothous,filsdeCercyôn —lignéeroyaleissuedePoséidonluimême—,coupabled’avoirbravél’interditde l’ἄβα τον 461 .Outrel’associationentrelessanctuairesdePoséidonetDéméter,oulesouvenirde la présence de Rhéa à la source Arnê comme sur la montagne Alêsion, les mythes mantinéensoffrentdeuxpistesderéflexionintéressantnotrepropos.D’unepart,dansla perspectivedelapenséearchaïque,lapréservationdePoséidonfaceàlamenaced’englou tissement par Cronos fait de ce dieu l’aîné des Cronides, et le légitime détenteur de la souverainetéenlieuetplacedesoncadetZeus;sonapparencechevalineetsonépiclèse Hippiossontdoncexplicitementrapportéesàlaroyautédivine.D’autrepart,d’aprèsnotre analyse,lemythed’Aipytosseraitcomparableàcelui d’Érichthonios–Érechthée: roi des dieux,PoséidonHippiossesitueaussiàlasourceetautermedelaroyautédeshommes, quecedieucréeparl’entremised’unchevaletàlaquelleilmetfinaumoyend’unjaillisse mentsalin. LesliensdePoséidonaveclechevaletavecletaureauenrapportavecl’exercicedela royauté résulteraient donc d’un amalgame entre deux traditions distinctes: la première, d’origineindoeuropéenne,faitduchevall’animalroyalparexcellence,susceptibled’incar nerlesouverainluimême;laseconde,attestéeauProcheOrient,présentelesdieuxsouve rainssousdestraitstaurins.Ilestvraisemblable,quoiqu’indémontrable,quelePoséidon mycénien,commele wanax —sonlieutenantsurterre—,réalisaientdéjàcettesynthèse,en arborantaussibienl’aspectbovind’unElquelesaffinitéséquinesduroiindoeuropéen. Demanièreremarquable,lesfiguresduchevaletdutaureauconvergentégalement dansPoséidonensonantiquequalitédedieudeseauxdoucesd’originesouterraine.D’une part,lessourcessontfréquemmentproduitesparPoséidonluimêmesouslestraitsd’un cheval,ouparunchevalissudePoséidon—telPégase—:outrelessourcessaléesde Mantinéeetdel’Acropole,cettethématiqueestnotammentattestéeenBéotieetenArgo lide462 .Prèsd’Argos,àDinê( ίνη ,le«Tourbillon»)—sourced’eaudoucejaillissantdela mer,quipassepourlarésurgenced’eauxdepluietombéesdanslaplainedésertiqueappelée Argos,situéeàproximitédeMantinée—,lesArgienssacrifiaientjadisdeschevauxharna chésàPoséidon,parimmersiondanslasource463 .Parailleurs,lestaureauxapparaissent aussienassociationavecl’eaudouce,etplusparticulièrementaveclesfleuves:cesderniers sonthabituellementreprésentéssousuneimagetaurine464 . 459 Ontrouveraunthèmesimilairedel’errancedeladéesseavantl’accouchementdanslestribulationsde Létôavantlanaissanced’Apollon:cf. HymnehomériqueàApollon ,I,v.3090. 460 Pausanias,VIII,10,12.Cf.égalementMadeleineJOST , op.cit. [n.275],p.132134,136. 461 Pausanias,VIII,5,5;10,34.Cf. supra ,p.229et243. 462 Cf. supra ,n.362. 463 Pausanias,VIII,7,12.CettesourcesembleassociéeaulieuditGénésionouGénéthlion,oùPoséidon reçoitvraisemblablementl’épiclèse Γ ενέσιος ou Γ ενέθλιος :cf. infra ,p.279.Surlessacrificeschevalins,cf.e.a. Stella GEORGOUDI ,«Sacrificeetmiseàmort:aperçussurlestatutduchevaldanslespratiquesrituelles grecques»,dansArmelleGARDEISEN (éd.), op.cit. [n.273],p.137142. 464 Cf.e.a. LIMC ,t.I, s.u. «Acheloos», passim;t.IV, s.u. «Fluvii», passim .LefleuvetroyenScamandre, «mugissantcommeuntaureau»(ευκὼς ἠΰτε ταῦρος )(Homère, Il. ,XXI,v.237),reçoitdessacrificesde taureauxetvoitdeschevauxvivantsprécipitésdanssestourbillons( ibid. ,v.130132);quantàOcéanosau profondcourant( βαθυρρείτης Ὠκεανός),dontlaforcen’égalepascelledeZeus,alorsque«deluidécoulent pourtant tous les fleuves, et toute mer, et toutes les sources, et de profonds puits» ( ibid ., v.196197 [éd. M.L.WEST , BT ,Munich&Leipzig,2000]: ἐξοὗπερπάντεςποταοὶκαὶπᾶσαθάλασσα | καὶπᾶσαικρῆναικαὶ POSÉIDONARCHAÏQUE 257

Unlienlogiqueréunitsourcesetfleuves,autourdesthématiquesdel’eaudouceetde lafertilité:chaquesourceest,ensoi,unedivinitéunique,représentéeparuneNaïade;de même,chaquefleuveestundieuparticulier—Hésiodeencomptetroismille,filsd’Océa nosetdeTéthys465 ,et«ilestdifficile,pourunmortel,dedirelenomdetousceuxci»466 . Detouteévidence,fleuvesetsourcesapparaissentcommedesdivinitésexistantparelles mêmes,fortementancréesdanslepaysage;Poséidon,entantquedieudel’élémentliquide souterrain,serviraitdedénominateurcommunàcesdivinitésmultiples,sousl’aspectd’un cheval quand il s’agit de faire jaillir l’eau depuis les profondeurs de la terre (Poséidon Ἵππιος ),souslestraitsd’untaureauquandilfautreprésenterlavigueuretl’impétuositédes grandsfleuves(Poséidon Ταύρεος ). EnlapersonnedivinedePoséidonserejoignentdonclapuissanceduchevaletcelle dutaureau,nonseulementpourexercerlaroyautéparmilesdieuxetdonnerlavieoula mortauxroishumains,maisaussipourgarantirlafertilitéuniverselle,parl’intermédiaire dessourcesetdesfleuvesquepatronneledieu.

φρείατα ακρὰ νάουσιν),ilestluimêmequalifiéde ταυρόκρανος (Euripide, Oreste ,v.13761379).Laprécipita tiondechevauxdanslestourbillons( ἐνδ ίνῃσι)duScamandreévoque,biensûr,lessacrificespourPoséidonà lasourceDinê,tandisqueledieu–FleuveOcéanosprésenteplusieurssimilitudesavecPoséidon(cf. supra , p.211,et infra ,p.276). 465 Hésiode, Théog. ,v.337345et367370.ParmilesOcéanidesellesmêmes,uncertainnombrepeuvent êtremisesenrapportavecdessourcesoudescoursd’eau:cf.J.RUDHARDT , Lethèmedel’eauprimordialedansla mythologiegrecque ( TSSH ,12),Berne,1971,p.69. 466 Ibid. ,v.369. CONCLUSIONSGÉNÉRALES 258

CONCLUSIONSGÉNÉRALES

Exposédesrésultats Ensuivantl’ordonnancedesdeuxsectionsconstitutivesdecetouvrage,noussouhaitons reprendre successivement les traits définissant le dieu Poséidon à l’époque mycénienne, puisàl’époquearchaïque.Iln’aurapaséchappéaulecteurquelesrubriquescommodes définiesparlestitresrespectifsdesditessectionsnesontpasaussiexhaustivesquenous l’aurionssouhaité:le«Poséidonmycénien»serésumepratiquemmentàl’imagedonnépar lestablettespyliennesdel’interventiondudieudansunsystèmeéconomiquepalatial,tandis qu’à l’inverse, le «Poséidon archaïque» consiste en une sélection raisonnée de données issuesdelalittératurearchaïqueetdusystèmereligieuxdel’acropoled’Athènes. Dèslors,noussouhaitons,avanttoutechose,justifierlapertinencedechacunedeces étiquettesenmontrantd’unepartlareprésentativitédel’échantillonpylienparrapportàla religiondespalaismycénienscontinentaux,d’autrepartlacohérenceetlacomplémentarité delalittératurearchaïqueetdelareligionciviqueathénienne.Suivront,departetd’autre,la présentationdesrésultatsdenotrerecherche,ainsiqu’uneprésentationsynthétiqueargu mentée.Nousespérons,aufinal,avoirmisenévidencecertainesmétamorphosesetperma nencesobservablesdanslafiguredudieuPoséidon depuis l’époque mycénienne jusqu’à l’époquearchaïque.

—POSÉIDONMYCÉNIEN Dansunpremiertemps,nousmontronsdansquellemesurel’étudeparticulièredela société et de la religionde Pylos peut êtrevalablement étendue à l’ensemble des palais mycéniensdeGrècecontinentale:cechoix,imposéparl’étatdeladocumentation,s’avère pertinentauregarddel’identitéstructurelleetculturelledessociétésgrecquesauII emillé naire.Ensuite,nousprésentonslesdonnéesreligieusesdePylos,tellesqu’ellesapparaissent àtraversleprismedestablettesenlinéaireB.Enfin,nousproposonsunesynthèsesurle rôledePoséidondansl’idéologiesocialedupalaismycéniencontinental,ennousappuyant enpartiesurunecomparaisonaveclareligiondupalaisd’Ougarit. A.Pylos,fidèleillustrationducontinentgrecmycénien? LechoixdupalaismycéniendePylospourétudierlapersonnalitédePoséidonau II emillénaires’imposedeluimême:effectivement,cedieuapparaîtuniquementdansles CONCLUSIONSGÉNÉRALES 259 tablettespyliennes—exceptionfaitededeuxdocumentscnossiens,l’unétanttoutàfait isoléetl’autretrèslacunaire1.Pourautant,pouvonsnousextrairedelasituationpropreà PylosunefidèleimagedePoséidonàl’ÂgeduBronze,telqu’ilauraitétéhonorédanstous lespalaismycéniens,aumoinssurlecontinent? D’emblée,cetterestrictionàlaGrècecontinentaleexclutlaCrètedenotrechamp d’étude.MêmesilesitedeCnossoset—dansunemoindremesure—celuidelaCanée offrentuneimportantedocumentationenlinéaireBetprésententdesressemblancespro fondesaveclespalaismycéniensducontinent,l’établissement mycénien en Crète, fondé surlabased’anciennesstructurespalatialesminoennes,impliquenécessairementnonseule mentleremploi,dansl’établissementdelanouvellesociétémycénienne,dematérieletde techniquesanciens,maissurtoutl’absorptiond’uneidéologiesocialeetd’unereligionpro prementminoennes.L’étudedeladocumentationdeCnossos—compliquéeparl’absence decontemporanéitéentrelesdifférentsdépôtsdetablettes,ainsiqueparl’étatfragmentaire ouisolédenombreuxtextes—révèleainsil’importancedesfonds«crétois»etminoen danslareligionmycéniennedeCnossos2.Ilestdoncnaturelquelareligionpalatialedela Crètesoitrelativementdistinctedecelleducontinent. Qu’enestil,alors,dessitesdeMycènesetTirynthe,enArgolide,oudeThèbes,en Béotie?Lesquelquestablettesargiennesnousrenseignentprincipalementsurlesusagesen vigueur pour les inventaires, le rationnement, l’imposition et le cadastre, qui paraissent comparables aux procédures pyliennes. Quantaux tablettes béotiennes, malgré l’impres sionnantaccroissementdeleur corpus dansladernièredécennieetl’interprétationaudacieu sequienfutproposée,ellesn’apportentendéfinitivequepeud’informationsurlareligion mycénienne,sinonsousunjourstrictementéconomique;denouveau,lefonctionnement del’administrationthébaine,vuparletruchementdestablettes,nediffèrepasfondamenta lementdePylos. Surlecontinentgrec,seulle corpus pylienestsuffisammentabondantetcompletpour autoriserlamiseensériededocuments,lavérificationdeconstantesetl’établissementde faitscertainsouhautementprobables,principalementenmatièred’économieetd’organisa tioncadastrale,maisaussi,plusincidemment,encequiconcernelasociétéetlareligion. Or,lesdocumentsd’ArgolideetdeThèbess’accordentaveclesmodèleséconomiqueset sociaux inférés des tablettes pyliennes: dans tous les sites mycéniens se retrouvent un fonctionnement similaire de l’économie et de la taxation, des analogies cadastrales, une même hiérarchie sociale. Ces témoignages textuels convergents confirment les identités structurellesnotammentobservablesdansl’architecturemêmedesdifférentspalais,dans leshabitudesd’inhumationdesdéfunts,ainsiquedanslesprocéduresd’archivagetempo rairesurdestablettesenargilecrue.Évidemment,unecertainediversitérégionaleapparaît, maiscellecin’estpasdenatureàremettreenquestionl’idéed’unevéritableκοιν ήmyc é nienne, au moins sur le continent. Il est vraisemblable que cette communaut é socio économique partage lesm êmesvaleurs sociales,port ées par une id éologieunique,expri méesdansdesmythescomparablesd ’unsite àl ’autreetcristallis éesdansuneseulereligion palatiale. Cette hypothèse de travail accrédite le choix des tablettes en linéaireB de Pylos commematériaudebaseenvued’étudierlastructure,l’idéologieetlareligiondespalais

1 KNV52,l.2;X5560,l.1. 2 Cf.e.a.JoannGULIZIO ,«MycenaeanReligionatKnossos»,dansAnnaSACCONI etal. (éd.), Collo quium Romanum. Atti del XII Colloquio Internazionaledi Micenologia.Roma,20–25febbraio2006 , Pise & Rome, 2008,t.I( Pasiphae ,1,2007),p.351358. CONCLUSIONSGÉNÉRALES 260 mycénienssituéssurlecontinent.Dèslors,l’importancequerevêtlafiguredePoséidonà Pylos,enrapportavecle wanax etsituéeaufondementmêmedelastructurepalatiale,peut sansdouteêtretenuecommeuntraitconstitutifdelareligion«mycénienne».Lapuissance anciennequ’incarneultérieurementPoséidondanslepaysagereligieuxdel’Argolideetdela Béotie—commeenAttique—3,laprésencedudieuaucentredetroisdesplusanciennes amphictioniespéloponnésiennes4,ainsiquesafonctionclefdansladéfinitiondel’identité ionienneàl’époquehistorique5,justifient aposteriori l’idéedelaprimautédePoséidondans lareligionpanmycénienne. B.Acquisdel’étudedocumentaire Danscequisuit,nousprésenteronssuccinctementlesdocumentsexaminésdansla premièresectiondenotreouvrage,enlesclassantdésormaisenfonctiondeleurapportàla compréhensiondustatutetdesfonctionsdudieuPoséidondansleroyaumemycéniende Pylos.Parordrecroissantd’intérêtpournotrepropos,nousaborderonsenpremierlieule rationnement alimentaire d’orge et de figues (Fn187), ainsi que les offrandes d’huile parfumée(PYFr),endeuxièmelieulesprocessionsamenantdesvasesenoretdes“por teurs”àplusieurssanctuairespyliens(Tn316)etentroisièmelieulesdocumentscadastraux pyliens(PYE),avecuneinsistanceparticulièrepourlasériePYEs,ledossierduscribe24 (PYEr,Un718,Wa731)etceluiduscribe6(Un853,6,443). 1.–Lestablettesconsignantleversementd’orgeetdefigues,oud’huileparfumée, ontuneportéelimitéedupointdevuedel’histoirereligieuse.Cesdocumentsapportent principalementdesinformationsponctuellessurlesdesservantsetlessanctuairesdesdiffé rentesdivinités,maispeuventégalementnousrenseigner sur les différentes célébrations religieusesnécessitantlafournituredeteloutelproduit. LatabletteFn187attesteque,pouruneoccasioninconnue,lesanctuairedePoséi don(Ποσιδ άhιον)etlesprêtresquiysontattachés(*Ποσιδαhιῆες)reçoiventdesquantités relativementmodestesd’orgeetdefiguespourlepremier,d’orgepourlesseconds.Cette mêmetabletteenregistreégalementdeslivraisonsd’orgeetdefiguesà Pakijana età up οιο Πότνια,tandisquetroisdestinatairesdeFn187apparaissentégalementenUn219,oùdes aromates—souventénigmatiques—sontlivrésàdeshumainsouàdesdieux,telsArté mis,Potnia,Hé[ra]etHermès.Detelsdocuments—isolés—nepeuventapporterdeplus amplesinformationssurl’occasionetlebutdeceslivraisons,etnepermettentd’induire aucunliencertainentrelesdifférentsbénéficiairesmentionnéssurlamêmetablette,sice n’estleconstatqu’unmêmescribefutchargédesuperviser les distributions destinées à toutescesentités,individuellesoucollectives,humainesoudivines. Ledossierunpeupluscomplexedeslivraisonsd’huileparfumée(PYFr)permet,au moyend’unemiseensériedesdocuments,deconnaîtrecertainesfêtespyliennes,ainsique l’identitédespersonnesetdesdieuxs’ytrouvanthonorés;deplus,cestablettesdonnent unprécieuxaperçuducalendrierpylien.Lorsdumois Pakijanios ,Poséidonreçoitunefai blequantitéd’huile(Fr1224);cettelivraisonpourraitcorrespondreàlafêtedes Pakijania , quisontlogiquementcélébrésdanslecourantdumêmemois,etnécessitentunequantité 3 Cf. supra , Sectionseconde ,ch.II; infra ,p.278279. 4 Cf.J.MYLONOPOULOS ,«VonHelikenachTainaronundvonKalaureianachSamikon.Amphiktyo nischeHeiligtümerdesPoseidonaufderPeloponnes»,dansK.F REITAG ,P.FUNKE &M.HAAKE (éd.), Kult – Politik – Ethnos. Überregionale Heiligtümer im Spannungsfeld von Kult und Politik. Kolloquium, Münster, 23.24. November 2001 ( Historia Einzelschriften , 189), Stuttgart, 2006, p. 121155 ≈ ID., Πελοπόννησος οἰκητήριον Ποσειδῶνος .HeiligtümerundKultedesPoseidonaufderPeloponnes ( Kernos ,Suppl.13),Liège,2003,p.424435. 5 Cf.e.a.J.M.HALL , EthnicIdentityinGreekAntiquity ,Cambridge,1997,p.5156. CONCLUSIONSGÉNÉRALES 261 d’huilequarantefoissupérieureàl’offrandepourPoséidon(Fr1216).Ledieuestaussiho noréd’un“lectisterne”(Fr343),dontnousignoronstout,sinonqu’unecérémoniehomo nyme se déroule à Pakijana (Fr1217). Lors des «fêtes du roi» ( Wanassa ), Poséidon (Fr1219)reçoituntiersd’huileenmoinsquePotnia(Fr1235,l.2),troisfoismoinsquele probablerituelappeléporowito(Fr1221),etplusdedouzefoismoinsquele wanax lui même (Fr1235, l.1; 1227; 1215). Aucun versement d’huile à Poséidon n’est conservé pourcequiconcerneles Dipsia —durantlesquelsauraientlieudeuxporowito,ainsique desoffrandesau wanax etàPotnia—,nipourles Xenwia . DanslestablettesdelasériePYFrouenFn187,lesrationsetoffrandesdestinéesà Poséidon,àsonsanctuaireouàsesprêtresnesedistinguentpasdesquantitésréservéesà d’autresdivinités,voireàdesmortels.Ceconstatrendd’embléeabsurdetoutetentativede hiérarchisationdesdieux—oumêmedeshommes—surl’uniquebasedecesdonnées chiffrées,d’autantplusquecestextesnesontquepartiellementconservésetnecouvrent detoutefaçonqu’unepartiedel’année.Enfait,denombreuxparamètres—tellemoment, lapériodicité,lelieuouencorelemotifdelalivraison—devaientdéterminerlaqualitéetla quantitédesdenréesverséesparlepalaisauxdiversdestinataires;or,lamajorité,sinonla totalité,decesparamètresnoussontfréquemmentinconnus.Celaétant,lestablettesdera tionsetd’offrandespeuventindiquerlesrapportsqueledieuPoséidoncultiveaveccertains lieux,dieuxethommes:Poséidonesthonorélorsdumois Pakijanios —peutêtrelorsdes Pakijania —,tandisqueledistrictéponymede Pakijana accueilleun“lectisterne”semblable —sinonidentique—àceluidePoséidonetsuitdepeulesanctuairedePoséidondansla liste de Fn187; Potniaet le wanax sontliésàPoséidonlorsdes Wanassa , mais seraient honoréssansluilorsdes Dipsia;parailleurs,Potnia«de upo »,quiapparaîtaussienFn187, estliéeàlacampagnede Pakijana (Fr1236). 2.–LatabletteTn316contient,poursapart,deprécieusesetuniquesinformations surunecérémonieparticulièredelaviereligieusepylienne.L’importancedecettetablette est,toutefois,àlahauteurdesdifficultésd’analyseetd’interprétationqu’ellesuscite,àcause del’histoiremouvementéedesarédaction,del’organisation et la syntaxecomplexes du texte,etdel’isolementcompletdecetypededocumentdansl’horizonmycénien. Selontoutevraisemblance,Tn316décritunepratiquerégulièredanslareligionpy lienne,plutôtqu’unecérémonieexceptionnellesuscitée par la menace de l’effondrement imminentdelasociétépalatiale.D’aprèsl’intituléaugénitif,noustenonspourplausibleque cettecélébrationsenommeporowito,etqu’ellejoueunrôlesimilaireauxporowito attestéslorsdes Wanassa etdesDipsia ,toutenrevêtantunetoutautreampleur:lacérémo niedeTn316n’estplussubordonnéeàuneautrefêtereligieuse,maisconstitueensoiune fêteindépendante,quiexerceauregarddel’annéereligieusetoutentièreunefonctionana logueàcellequelesporowitoexercentparrapportaux Wanassa etaux Dipsia . QuatreparagraphesdécriventlescérémoniesaccompliesparPylosendiverslieux, lesquelless’accompagnentd’offrandesdevasesenoretd’humainsappelés*φορῆνες,desti néesàdifférentesdivinités:lepremierparagraphe,aurecto,concernelelieu Pakijana etles dieuxPotnia, Manasa ,Posidahéia,Trishêrôset Dopota;auverso,ledeuxièmeparagraphe concernelesanctuairedePoséidon;letroisième,lessanctuairesde Pere82 ,d’Iphémédéiaet deDiwia,ainsiquelesdieux Pere82 ,Iphémédéia,DiwiaetHermès;lequatrième,lesanc tuairedeZeus,ainsiquelesdieuxZeus,Héraet Dirimijo filsdeZeus.Cettedispositionen paragraphescorrespondsansdouteàdescélébrationssetenantdansdesendroitsdiffé rents, mais peut également faire référence à desmomentsdistinctsouàdesprocessions physiquementséparées.Laformuleintroductiveestpartoutidentique,saufdanslecasdu deuxième paragraphe, où le scribe ajoute une proposition verbale, omet de préciser un théonymeavantl’énoncédesoffrandesetajoutetroismotsdevenusabsconsàlafindu CONCLUSIONSGÉNÉRALES 262 paragraphe.Ilestdifficilededéterminersicettedifférenced’énoncétrahitréellementune différencefactuelle,ousilescribe,reprenantsontravailauversodelatablette,visiblement aprèsuncertainintervalle,alégèrementmodifiélelibellénormal,avantdereveniràlafor mulationusuelledurecto.Quoiqu’ilensoit,nousestimons,pournotrepart,quelecalice d’oretlesdeuxfemmesenvoyésausanctuairedePoséidonsontdestinésaudieuluimême etquelestroismotsfinalssontdesprécisionsapportéestardivementsurlesdeux*φορῆνες. L’absencedetouttexteparallèlelimitederecheflapossibilitéd’établird’autoritéune hiérarchieentrelesdieuxauvudelaqualitéetdelaquantitédescadeauxetdes*φορῆνες. Parcontre,l’analysedudocumentrévèled’intéressantsrapprochements,soitinternesaux paragraphes—parexemple,danslecasdeZeus,Héraet Dirimijo filsdeZeus—,soitex ternes—pourZeusetDiwia;pourPoséidon,Potnia,Posidahéia, Pere82 etIphémédéia. Enoutre,l’étudepaléographiquedelatablette—laquelleconsidèrel’ordrederédac tiondesfacesinscrites,lestracesde rasurae ,laprésenced’espacesblancsetdedeuxparagra phesréglés,maisdemeurésvides,aurectocommeauverso,ainsiqueleschangementsfor mulaires,mêmeminimes,apportésdanslepremierparagrapheécritauverso—laisseen tendrequ’encommençantàinscrireleversodelatablette,lescribeaenvisagéuninstantde récrirelatotalitédudocument,enl’organisantdifféremment,avantdeseraviseretd’archi verlatabletteenl’étataprèslarédactionduparagrapheconsacréausanctuairedeZeus6. Decefait,noussuggéronsquelesmentionslocativesdurecto—Pak ιᾶνσι—etdu verso—Ποσιδα hίοι, Pere82ίοι, Ἰφεεδεια<ίοι>, ιyαίοι et ίyοι —nesontpasforcé mentsurlemêmepied,maispourraients’appliqueràdesréalitésdeportéesdifférentes:au recto,lapremièrementionseréfèreàl’undesseizedistrictsofficielsduroyaumedePylos, connupoursoncaractère«sacré»etparticulièrementcontrôléparlepalaisroyal,comme l’atteste notamment l’important dossier cadastral intitulé Pakijania; par contre, les cinq mentionsduversodésignentdesendroitsbeaucouppluscirconscrits,consacrésauxdivini téséponymes,pouvantéventuellementsesituerdansledistrict«sacré»de Pakijana .Cette hypothèserendcomptedesparticularitésderédactiondelatablette,évitedeconsidérer Pakijana commeunemétonymiepour«sanctuairedePotnia»(† Ποτνιαῖον ),justifielesaffi nitésentredesdivinitésmentionnéesdansdifférentsparagraphesdelatablette—dontles cultessesitueraienttousà Pakijana —,etconfirmeraitlesliensplausiblesentrePoséidonet ledistrictde Pakijana d’unepart,entrePoséidonetladéessePotniad’autrepart. 3.–Les dossiers les plus complexes et les plus riches d’enseignement qu’a livrés l’épigraphiepylienneconcernentdeprèsoudeloinlecadastredesterres.Defait,laconser vationdedocumentsasseznombreuxet—leplussouvent—completsautorisefréquem mentlerecoupementd’informationsetnousdonneunaperçufiabledudécoupaged’une partieduterritoirepylienenparcellesauxstatutsvariés,plusoumoinsgrandes,imposables ouexonéréesdecharges,quedétiennentoulouentdiverses personnes. Malgré plusieurs zones d’ombre, ces documents se révèlent extrêmement précieux pour comprendre et apprécierlesrelationsdesMycéniensàleurterre.Lesdeuxseulsdossierscadastrauxàcom porterégalementunvoletd’impositionmontrent,enoutre,l’implicationessentielleetuni quedudieuPoséidondanslesquestionsfoncières.Enfin,ledossierduscribe6,vraisem blablementconnexeaudossiercadastral«sarapeda»duscribe24,montrel’implication dePoséidondanslesbanquetssacrés,quitendàconfirmerlaprééminencedudieudansla religionpalatialepylienne. 6 E.L.BENNETT Jr,«puro vacant (PYTn316.710,v.1316)»,dansE.RISCH &H.MÜHLESTEIN (éd.), Colloquium Mycenaeum. Actes du sixième Colloque International sur les textes mycéniens et égéens tenu à Chaumont sur Neuchâteldu7au13septembre1975 ,Neuchâtel&Genève,1979,p.221234. CONCLUSIONSGÉNÉRALES 263

Alorsquesonmauvaisétatdeconservationrendpeuintelligiblelatablettecadastrale Eq36, un fragment quasijointif au texte révèle l’existence d’un «esclave de Poséidon» (Ποσειδ άhωνοςδ όhελος).Cetémoignagerejoindraitopportunémentceluidugrandcadastre de(s) Pakijan ia (PYEb,Eo;Ep,En;Ed),siPoséidonesteffectivementledieuhonoréà Pakijana etquelaquarantained’«esclavesdeladivinité»(θε hοῖοδόhελοι uel δόhελαι)men tionnésdanscetextesontégalement,endéfinitive,desesclavesdePoséidon.Siellessont acceptées,cesinformationsponctuellesplaidentenfaveurd’unepuissanceappréciablede PoséidonàPylos,aumoinsenmatièreéconomique. LedossierPYEs,rédigéparlesscribes11et1,enregistred’unepartlesparcelles détenuesparquatorzetenanciers—ramenésàtreize—,pourunesuperficiede c.18ha (Es650)etdéfinitd’autrepartl’impôt( δοσός)engrain,calculéauproratadelasuperficie occupéeparchaqueindividu.Unepartiedecetimpôtestpayableannuellementàundesti natairenonnommé,quiestsansdoutelepalaisdePylos(Es644);uneautrepartieestdes tinéeàPoséidon,auxλυκτῆρες (?),à Wedan eusetàDiwieus,selonunefréquencenonpré cisée,quipourraitêtrebisannuelle(Es646 etalia ).Dansunetelleconfiguration,Poséidon toucherait50%del’impôt,lepalais c. 38,1%etchacundestroispercepteurssecondaires c. 4,0%.Cettesituationreflètel’intérêtqueledieuetlepalaisretirentdel’impôtsurla terre, tandis que les trois allocations de c. 4,0% peuvent correspondre au bénéfice d’un affermagedelaperceptiondel’impôt:lecollègedesλυκτ ῆρες (?)seraitpeutêtreenrelation directeavecPoséidon; Wedan eusetDiwieus,aveclepalais. Ledossierduscribe24comprendaussiunextraitcadastral(Er880,312)etunrelevé d’imposition(Un718).Lesterrainsconcernés,d’unesuperficietotalesupérieureà112ha, seraient—d’aprèsnotre suggestion—appelés*τε ένε hα σαλ(λ)α(ι)πεδα «apanages pala tiaux(?)».Cesparcellessontrépartiesentrecinqpersonnesoucollectivités:Hekhel(l)awôn disposede c. 62ha;le άναξetleδ ᾶος—représentépartroisτελεστα ί—bénéficientcha cunde c.20ha;leλα αγ έταςdétient c.7ha;Wroikiônoccupeunκ άαςde c.4ha.L’impôt (δοσ ός)—fixéencéréales,vin,bétail,produitsdel’élevageetsirupeux—estcalculéen exacteproportiondelasuperficiedétenueparchaquetenancier,saufpourHekhel(l)awôn, lequelestexemptéd’impôtpourunepartiedesonterrainmesurantc. 28ou29ha,recon nuecomme ἄκτιτον,etpourlesouverainpylien( άναξ),lequelesttotalementexonéré.Le collègedes ὀίδε(ρ)ταιestchargédecollectercetimpôt,quiestentièrementdestinéaudieu Poséidon;toutefois,l’exemptiondontbénéficieleτέενοςdusouverainpourraitcompen serl’absencedetoutimpôtpalatialsurles«apanagespalatiaux(?)».Lacomparaisonavecle dossierPYEsn’exclutpasqueceδοσ όςsoitprélevéselonunrythmebisannuel. Lesdossiersdesscribes6et24présententplusieursressemblancesétroites,aupoint quel’onpeutconsidérerqu’aumoinsdeuxdestroistablettesduscribe6(Un853,6)com plètentdirectementledossiercadastral«sarapeda»duscribe24. LedocumentUn853enregistreleversementparHekhel(l)awônde rekono (?),delaine ettextiles,d’onguent,debétail,decéréalesetdevin,àdestinationdePoséidon.L’entête decettetabletteestanalogueàceluideUn718,n’étaitleprobablemotifdelacontribution, indiquécommeerạ []̣ ●,plutôtquecommedosomo(δοσ ός):noussuggéronslarestaura tionetlalectureera[no]( ἔρα[νος]),etconsidéronscettecontributiondeHekhel(l)awôn commeunecontributionaubanquetsacrédonnélorsdesacrificesoffertsàPoséidonet Pere82 ,qu’enregistreUn6.PuisquelaquotepartdeHekhel(l)awôn(Un853)semblecou vrirlamoitiédesfournituresdubanquet(Un6),lacomparaisonavecl’impôtverséenpro portionidentiqueparHekhel(l)awôn(Un718)s’impose,d’autantplusquetouscestextes mentionnentexplicitementPoséidoncommebénéficiaireoucommedivinitémiseàl’hon neur.NousproposonsdoncquelestroisautrescontribuablesdeUn718devaientégale mentverserun ἔρα[νος]envuedubanquetdeUn6,àlahauteurdeleurparticipationau CONCLUSIONSGÉNÉRALES 264

δοσ ός.Dansl’hypothèseoùces ἔρα[νοι]seraientuneformed’impositionsupplémentaire pourlesterrainsducadastrePYEr,leurperceptionquadriennales’accorderaitaumieux aveclesproportionsinféréesdudossierPYEs. LebanquetsacrédeUn6pourraitsedéroulerdansledistrictde Pakijana ,puisquele versodelatablettementionneuneprêtresseetun(e)“porteclef”,qu’unelacunerendano nymes,maisquipourraientêtreÉrithaetKarpathia,titulairesdecesfonctionssacerdotales à Pakijana ;cettepossibilitétrouveunargumentsupplémentairedansledernierdocument rédigéparlescribe6(Un443),quinommeunecertaineKarpathia.Lestablettesduscribe6 accréditentl’idéequecefonctionnaireest,dansle prolongement du scribe24, spécialisé danslesaffairesdePoséidontouchantaux*τε ένε hασαλ(λ)α(ι)πεδα;leursdossiersrespec tifspourraientaussiêtreliésaudistrictde Pakijana ,silebanquetdeUn6esteffectivement encadré par la prêtresse Éritha et la “porteclef” Karpathia, lesquelles officient dans ce district«sacré». C.Poséidonmycénien,Elougaritique:tentativedesynthèse LestablettespyliennesrévèlentplusieurscaractéristiquesimportantesdePoséidonau II emillénaire,quisontprobablementcommunes,dumoinsenpartie,àtouslespalaisde Grècecontinentale:Poséidonestenrelationétroiteavecledistrict«sacré»de Pakijana , dontilsembleêtrelagrandedivinité;cettepositionimpliqueunrôledepremierplandans lareligionmycénienne,quiestconfirméparlesrapportsdudieuaveclesouverainetla structurepalatialecommetelle,ainsiqueparsaproximitéavecladéessePotnia.Toutefois, laperspectivenécessairementlimitéedesbordereauxd’archivesquesont—deprèsoude loin—lestablettesenlinéaireB,imposeàtoutquiveutmieuxconnaîtrel’idéologiesociale etlareligiond’unpalaismycénienauBronzeRécentderecouriràdescomparaisonsdû mentargumentéesetmisesenperspectiveavecdesmodèlesdesociétéspalatialescontem porains,maisextérieursaumondegreccontinental.Àcetégard,lareligionougaritiqueest apparuecommeuneexcellentebasedetravail,nonseulementàcausedessimilaritésstruc turellesetdescontactsavérésentrelemondesyropalestienetlaGrècemycénienne,mais aussiàcausedel’abondanceetlarichessedestextesmythologiquesetreligieuxd’Ougarit. 1.–Indéniablement,PoséidondisposeàPylosd’unsanctuairetrèsimportant,ainsi qued’unpersonnelnombreuxetvarié:cedieudoitnécessairementtenirunepositionéle véeauseindupanthéonetdel’Étatpyliens.LesliensentrePoséidonetlecanton«sacré» de Pakijana sontrécurrentsdansnotredocumentation: —LestablettesFn187etTn316fontvoisiner,commesurunpiedd’égalité,lesnomsdu sanctuairedePoséidonetdudistrictde Pakijana . —Poséidonreçoitunefaibleoffranded’huileparfuméeàlasaugeetàl’ ἕρτιςlorsdumois Pakijanios (Fr1224),peutêtreenrelationaveclacélébrationdes Pakijania (Fr1216). —Le dieu participe àunrituel de “lectisterne” (Fr343),similaire—sinon identique— à celuiqui,parailleurs,estaccomplià Pakijana (Fr1217). —Lebanquetsacrédonnéenl’honneurdePoséidon—auquelestdestinél’ ἔρα[νος]deHe khel(l)awôn(Un853)etquisedéroulelorsdessacrificesàPoséidonet Pere82 (Un6)—, nécessitel’envoidetissustepa àuneprêtresseetun(e)“porteclef”,quipourraientêtreles dénomméesÉrithaetKarpathia,enchargeà Pakijana ,d’autantplusqu’uneKarpathiaest mentionnéedansuneautretablettedumêmescribe6(Un443).Sitelestlecas,toutle dossierduscribe24—composéducadastredes*τεένε hασαλ(λ)α(ι)πεδα(PYEr)etd’un δοσ ός destiné à Poséidon (Un718, Wa731)—, à cause de sa parenté avec l’ ἔρα[νος] (Un853)etlebanquet(Un6)dudossierduscribe6,seraitégalementrelatifà Pakijana . —L’interprétationquenousdonnonsdelacompositionconfuseetdelastructurefinalede Tn316situedanslecantonde Pakijana touteslesdivinitésmentionnéesaurectocomme auversodelatablette—àsavoirPotnia, Manasa ,Posidahéia,Trishêrôs, Dopota ,{Poséi CONCLUSIONSGÉNÉRALES 265

don}, Pere82 ,Iphémédéia,Diwia, Hermès, Zeus, Héra et Dirimijo fils de Zeus—, ainsi quelessanctuairesdePoséidon, Pere82 ,,DiwiaetZeus.Parmicesdieux, Poséidonjouitdel’insignehonneurderecevoiruncaliceenor—commePotniaet Dopo ta —,ainsiquedeux*φορ ῆνεςdesexeféminin. Cesindicationsconstituentunfaisceaudeconvergencesplutôtqu’unepreuveirréfutable; néanmoins,ilparaîtvraisemblablequePoséidonsoitlegranddieude Pakijana ,voiredu royaumepyliendanssonensemble.Danscettehypothèse,l’éventuelimpôt(δοσ ός)perçu surlabaseducadastrede(s) Pakijania seraitréservé,entoutouenmajeurepartie,audieu Poséidonet,éventuellement,ausouveraindePylos —commelesontd’ailleurslesdeux seuls δοσοίfonciersquenousconnaissions—; les dizaines d’«esclaves de la divinité» enregistrésdanscecadastreseraientalorsdesesclavesdePoséidon,tandisquelaprêtresse Érithaetla“porteclef”Karpathia—personnalitésdetoutpremierplandanscedistrict «sacré»—seraientparticulièrementattachéesaucultedePoséidon7. Poséidonentretientégalementdesrapportsplusoumoinsexplicitesavecdifférentes divinités:ilestliéparlenomàPosidahéia,parlemytheàIphémédéia,parleculteà Pere82 . LedieumontreégalementdesaffinitésavecPotnia,déesseprésentedanstouslessitesmy céniens, dont l’unicité ou la pluralité reste une question ouverte. Si l’étymologie indo européennedePoséidoncomme«Maître ou Épouxde Dā »(*Π ότει ᾶς>*Ποτειδ άσων > Ποσειδ άhων) est avérée, alors le théonyme Πότνια «Maîtresse» pourrait constituer la contrepartiefémininedutitredePoséidon. SiPoséidonesteffectivementlegranddieude Pakijana ,ilestremarquablequePotnia soitégalementhonoréedanscecanton(Tn316),commePotniade upo esthonoréedansla campagnede Pakijana (Fr1236);latabletteFn187pourraitégalementinduireuneproxi mitégéographiqueentrelesentréesΠοσιδαhίονδε (l.2), Pak ιάναν δε (l.4), up οιο Ποτν ίᾳ (l.8)etΠοσιδα hιε ῦσι(l.18).Parailleurs,latabletteTn316situeladéessePosidahéiadansle mêmeparagraphequePotnia(§1),tandisqueledieuouladéesse Pere82 etladéesseIphé médéiadisposentchacundeleurpropresanctuaire,groupésenunmêmeparagraphe(§3); sinotreanalyseestexacte,cesdeuxensemblessesitueraientdanslecantonde Pakijana , commelessanctuairesdePoséidon(§2)etdeZeus(§4).Enfin,lessacrificesconjointsà Poséidonet Pere82 (Un6)justifientunbanquetsacré,etdesfournituresàuneprêtresseet un(e)“porteclef”,quiseraientalorsÉrithaetKarpathia,dignitairesreligieusesducanton «sacré»de Pakijana . Lesoinquelesscribes1,11et24ontapportéàlaconfectiondesdossierscadastraux PYEsetEr,etausuividuprélèvementdesδοσο ίfoncierscorrespondants,ainsiquela conservationdel’ensembledecesdocumentsdanslessallesd’archivesdupalaisdePylos, montrentsuffisammentlesintérêtsconvergentsdudieuPoséidonetdusouverainhumain danslagestiondecesdomainesfonciers.Quelepalaisperçoivedirectementunδοσ όςsur undomaineprincipalementimposéparPoséidon(Es644)ouquelesouverainluimême bénéficied’uneexonérationpourunterrainsituédansundomaineexclusivementimposé parledieu(Un718),l’organisationdesterresdétenuesparPoséidon,peutêtreàtitrede ἱερ ὰχ ώρα,intéresseleshautessphèresdel’Étatpylien;lemêmephénomènes’observerait égalementdanslecasducadastrede(s) Pakijania ,rédigéparlesscribes1et41,sicedossier avaitégalementdonnélieuàlaperceptiond’unδοσ όςdestinéàPoséidon.

7 Cesdesservantesfémininesconnaîtraientdesépigonesdans lareligionduI er millénaire, puisqu’une jeunefilleassurenormalementlaprêtriseduculteamphictioniquedePoséidonàCalaurie,etquedesfemmes peuventêtrechargéesdescultesdePoséidonEmpyliosàThèbesetdePoséidonDômatitêsàSparte:cf.e.a. J.MYLONOPOULOS , op.cit. [n.4],p.295296,298299. CONCLUSIONSGÉNÉRALES 266

LerapportentrePoséidonetlerois’exprimeparailleurs dans l’organisation d’un banquetsacréenl’honneurdePoséidon,superviséparlescribe6(Un853,6),danslame sureoùlesbanquetsjouentsansdouteunrôleextrêmementimportantdanslacohésionde lasociétépylienneet,plusgénéralement,sontlelieuoùs’affirmel’idéologiepalatialemycé nienne8.Ledoubletémoignagedesδοσο ίfonciersetdubanquetsacréindiqueunerela tionprivilégiée,voireexclusive,entrePoséidonetle wanax pylien—laquelleparticiperait del’interdépendancenécessaireentrelareligionetlastructuresocialedupalaismycénien9. LelienpossibleentrecebanquetdonnépourPoséidonenUn6etlecanton«sacré» de Pakijana ,demêmequelerôleprobable—ànotresens—dePoséidoncommegrand dieude Pakijana etduroyaumedePylos,invitentàconsidérerlatabletteUn2commeun témoignage indirect de l’importante fonction de Poséidon dans la revendication de la royautéhumainemycénienne. PYUn2(pièced’archives8)—Scribe:stylet2,main1 .1 pakijasi,mujomeno,epi,wanakate, .2 apieke,opitekeeu .3 HORD 16T4CYP +PA T 1V3 OV 5 .4 FAR 1T2OLIV 3T2 *132S 2 ME S1 .5 NI 1BOS 1OVIS m26 OVIS f6CAP m2CAP f2 .6 SUS +SI 1 ̣ SUS f6 VIN 20S1 *1462

Pak ιᾶνσι,υιο ένῳἐπὶαν άκτει ἀφι hέχει ὀπιτεχε hεύς· ΚΡΙΘΑ16T4, ΚΥΠΑΙΡΟΣ +PA T 1V3, (κύπαιρος) V5, ΜΕΛΕΥΡΟΝ 1T2, ΕΛΑΙ FΑ 3T2, *132 S 2, έ(λι) (?) S1, νι(κ ύλεον) 1, Γ FΟΥΣ m 1, Ο FΙΕΣ m 26, ΟFΙΕΣ f6, ΑΙΓΕΣ m2, ΑΙΓΕΣ f2, ΣΥΣ +σί(αλος)1 ,̣ ΣΥΕΣ f6, FΟΙΝΟΣ 20S1, FΕhΑΝΟΙ2.

1 1 «À Pakijana ,pourl’initiationdu wanax ,le“préposéauxinstruments”détient:16unités /3d’ ORGE , /8 d’unitéde SOUCHET ro(nd), 5/72 d’unitéde(souchetcomestible),1unité 1/6de FARINE ,3unités 1/6 2 1 d’ OLIVES , /3d’unité du LIQUIDE *132, /3d’unitédemi(el) (?) , 1unité de fi(gues), 1TAUREAU , 1 26BÉLIERS ,6BREBIS ,2BOUCS ,2CHÈVRES ,1PORC gr(as),6TRUIES ,20unités /3de VIN ,2VÊTE MENTS .» Ce document prévoit l’organisation d’un banquet à Pakijana , probablement à l’occasion d’uneinitiationroyale—sansquel’onpuissesavoirexactementsicetteinitiationestuni queoupériodique,nisilesouverainenestl’objetoulesujet.Quoiqu’ilensoit,cettecéré monierevêtsansdouteunegrandeimportancedanslaviesocialeduroyaume,commele laisseentendrelatenued’unbanquet.Celienentrelesouverainetledistrict«sacré»de Pakijana cachesansdouteunliendirectentrele wanax etPoséidon,siceluiciesteffective mentlegranddieudel’endroit. Les«fêtesduroi»(Wanassa )sontprobablementunsecondmomentimportantdans l’affirmationdel’idéologieroyalemycénienne:àl’instardesdieuxPotnia(Fr1235)etPo séidon(Fr1219),lesouverain(Fr1235,1227,1215)reçoitdel’huileparfuméelorsdecette fête;unecérémonienomméeθορνο hελκτ ήριονouθ ορνο hεχτ ήριον—quimetsansdoute enscèneletrôneroyal—,ainsiqu’unporowito,ontégalementlieudurantlafêtedes

8 Cf.enpart.LisaMariaBENDALL ,«FitForaKing?Hierarchy,Exclusion,AspirationandDesirein theSocialStructureofMycenaeanBanqueting»,dansP.HALSTEAD &J.C.BARRETT (éd.), Food,Cuisineand SocietyinPrehistoricGreece ( SSAA ,5),Oxford,2004,p.105135. 9 Surcetteinterdépendance,cf.e.a.RobinHÄGG ,«StateandReligioninMycenaeanGreece»,dans R.LAFFINEUR &W.D.NIEMEIER (éd.), Politeia.SocietyandStateintheAegeanBronzeAge.Proceedingsofthe5 th In ternationalAegeanConference.UniversityofHeidelberg,ArchäologischesInstitut.10–13April1994 ( Aegaeum ,12),Liège &Austin,1995,t.II,p.387391;EftychiaSTAVRIANOPOULOU ,«DieVerflechtungdesPolitischenmitdem ReligiösenimmykenischenPylos», ibid. ,t.II,p.423433. CONCLUSIONSGÉNÉRALES 267

Wanassa .Ilestremarquablequel’huileréservéeau wanax (plus de 100 mesures) soit en quantitébeaucoupplusimportantequel’huiledestinéeauxdeuxcérémonies(4et24mesu res),etmêmeauxdivinitésPotnia(12mesures)etPoséidon(8mesures):ceconstatdé montrequelesouverainoccupeuneplacecentraledurantcescélébrations,aumoinspour cequiconcernelesoffrandesd’huile.Parailleurs,laprésencedePotniaetPoséidonlorsde cettefêtepourraitsejustifierparunlienavecledistrict«sacré»de Pakijana . Lorsdes Wanassa ,Poséidonn’apasl’exclusivitédesrapportsavecle wanax .Toutau contraire,Potniareçoitdavantaged’huilequeledieu,etestmêmementionnéesurlamême tablettequele wanax (Fr1235),oùtousdeuxsevoientoffrirdel’huileparfuméeàlasauge. Lorsdelafêtedes Dispsia ,quidonnelieuàdeuxrituelsdeporowito,Potniaestégale mentmiseàl’honneur,commele wanax ,alorsqu’ànotreconnaissance,Poséidonn’yreçoit aucuneoffranded’huile.Enfin,enUn219,le* anax etPotnia,mentionnésàlasuiteparmi d’autresdieuxethumains,reçoiventdesaromates,sansquenousconnaissionslaraisonde cettelivraison. Detouscesrenseignementsépars,partiels—dufaitdesaléasdeconservation—et partiaux —du fait de leur origine exclusivement palatiale—, nous pouvons établir des conclusionsplusoumoinssûres,ainsiquedesconjecturesraisonnables.Ainsi,Poséidon estassurémentl’undesdieuxpylienslesplusimportants,sinonleplusimportant.Unique divinitéconcernéeparlagestionfoncièreetlaperceptiondesδοσο ίet ἔρα[νοι]afférents, etseuldieuexplicitementmentionnéenrapportavecunbanquet,Poséidonjoueunrôle primordialdansl’organisationagraireetsocialeduroyaumedePylos.Cettefonctionserait hautementcompatibleavecunetutelledudieusurlesystèmepalatialmycénien.Comme Potnia et la majorité —voire la totalité— des dieux connus à Pylos, Poséidon est en rapportétroitavecledistrict«sacré»de Pakijana ,dontilpourraitêtrelaprincipaledivinité, maîtredes«esclavesdudieu»del’endroit,représentéparlaprêtresseÉrithaetla“porte clef”Karpathia.Dansledistrictde Pakijana sedérouleuneinitiationduroi,quelesdieux dulieu—enparticulierPoséidonetPotnia—parrainentprobablementàcetteoccasion; enoutre,PotniaetPoséidonsont,commele wanax ,honoréslorsdes Wanassa ,alorsqu’à plusieurs reprises, Potnia montre des relations privilégiées avec le souverain pylien. Il apparaîtprobablequePoséidonetPotniaexercentunpatronagesurleroidePylos,peut êtreàdesdegrésdivers:d’unepart,uneanalogienaturelleexisteentrelechefdupanthéon etlesouverainenexercice;d’autrepart,desliensmaternelsentreunegrandedéesseetle roihumainsontattestésdansplusieurssystèmesreligieux,notammentauProcheOrient. Ceconstatnepeutniexclure,nidémontrerquePotniasoitlaparèdredePoséidon,même silesétymologiesanaloguesdecesdeuxthéonymes—“Maîtrede Dā ”et“Maîtresse”— sontunargumentencesens,etquelesdeuxcérémoniesde“lectisterne”—l’uneconcerne Poséidon,l’autrealieuà Pakijana —pourraient,lecaséchéant,êtrealléguéesenfaveurde cettehypothèse,àlaconditiond’yvoirdesrituelshiérogamiques. Endéfinitive,lesfonctionsduroiàPylos—et,afortiori ,l’idéologieroyalemycénien ne—demeurentdifficilesàpercevoirparl’intermédiairedessourcesgrecquesdisponibles etexploitables10 .Danscecontexte,ilestutileetnécessairederecourirauxcomparaisons 10 Pourautant,lestentativesne manquent pas:cf.e.a.P.CARLIER , LaroyautéenGrèceavantAlexandre (Étudesettravaux ,6),Strasbourg,1984,p.1134;T.G.PALAIMA ,«TheNatureoftheMycenaean Wanax : NonIndoEuropeanOriginsandPriestlyFunctions»,dansP.REHAK (éd.), TheRoleoftheRulerinthePrehisto ricAegean.ProceedingsofaPanelDiscussionPresentedattheAnnualMeetingoftheArchaeologicalInstituteofAmerica.New Orleans,Louisiana.28December1992.WithAdditions ( Aegaeum ,11),Liège&Austin,1995,p.119139etpl.XLI XLII; Ione MYLONAS SHEAR , KingshipintheMycenaeanWorldandItsReflectionsintheOralTradition ( Prehistoric Monographs , 13), Philadelphie, 2004; J.MARAN & Eftychia STAVRIANOPOULOU , «Πότνιος Ἀνήρ — CONCLUSIONSGÉNÉRALES 268 aveclespalaisprocheorientauxafindedéterminerlapositionqu’occupePoséidondansle panthéonetdanslasociétédePylos,etdetouslespalaismycéniensducontinent. 2.–L’origineprocheorientaledupalaismycéniencommemodèlesocioéconomique etarchitecturalnefaitguèrededoute,etilestégalementassuréquelaroyautémycénienne, ainsiquel’idéologiejustifiantlesystèmepalatial,proviennentduProcheOriententransi tantprobablementparlaCrèteminoenne.Laproximitéstructurelleetlesrelationsattestées entrelespalaisdeGrècecontinentaleetdelacôte syropalestienne invitent fortement à comparercesdeuxsociétésdupointdevuedel’idéologiesocialeetdelareligionpalatiale, afindecomblerleslacunesévidentesdenotredocumentationenlinéaireB. Strictement contemporains et comparables en superficie, les royaumes de Pylos et d’Ougaritsontunebelleillustrationdel’efflorescence,auxdeuxextrémitésdelaMéditerra néeorientale,d’unmêmetypedesociétépalatiale,fondésurlesmêmesschémassociauxet économiques,nécessairementadaptésauxcontrainteslocalesetàunenvironnementgéo graphiqueparticulier.Cesdeuxsociétésanaloguesontsansdoute,audelàdesparticularités régionales,développédeuxidéologiessocialescomparables,enparticulierpourjustifierla positionprivilégiéedesélitesetdusouverainenleursein.Lebienfondédecettehypothèse detravailestdémontréparlacomparaisonentreles rp’um honorésdanslareligionougari tiqueetlecultecorrespondantdanslespalaismycéniens,lequelaboutira,aprèsdiversenri chissementsetévolutions,àlavénérationdeshérosdanslemondegrecàl’époquearchaï que.Ces rp’um ougaritiquesetleurshomologuesmycénienssontperçuscommelesancêtres del’élitepalatialeenplace,bénéficiantd’uncultefunérairedifférentdeceluiducommun desmortels—etnéanmoinsdistinctducultedivinàproprementparler—,censésproté gerlasociétépalatialeetsadynastie,etenassurerlapérennité. L’existence,danscesdeuxsociétés,d’untelcultedesancêtresvisantàlégitimerle rôleetlapositiondel’élitepalatialerendtrèsplausiblelaconvergencedesidéologiesroyales despalaismycéniensetougaritique.Cesidéologiess’exprimentengrandepartieparl’inter médiairedelareligionpratiquéeauseindespalais,etsereflètentdanslestextesreligieuxet mythologiques:laconservationdecetypededocumentsàOugaritpermetd’établirlesba sesdelareligionpalatialeougaritique,laquellesera,àsontour,susceptibled’aideràlacom préhensiondusystèmereligieuxmycénien. Lesmythesougaritiques —aupremierrangdesquelsle Mythedesdieuxgracieux etle CycledeBa‘al —fontétatdelapaternitéprimordialedu«Taureau»( tṟ )Elsurtouslesdieux etleshommes,laquelleconfère defacto àcettedivinitélasouverainetéuniverselle.Eldélè guetoutefoiscepouvoirsouverainparmilesdieuxetleshommes.Aprèsdescombatsini tiatiquescontreledieudelaMerYametlaMortdesséchanteMôt,ledieudel’OrageBa‘al peutrevendiquerletrôneetlepalaisattestantsaroyautédivine,auseind’ununiverstou jourscentrésurledieuEl.Quelquedieuinférieur,tel‘Athtar,peutégalementdétenirune souverainetélimitéeavecl’aveud’El.Chezleshommes,enfin,desroismythiquesreçoivent d’El,grâceàl’intercessiondeBa‘al,lalégitimiténécessairepouroccuperletrônehumainet fonderunedynastie,commelerévèlentle CycledeKeret etla Légended’Aqhat .Untelmodèle deroyautédivine,composédeplusieursniveauxdifférentsetinclusifs,définitlesouverain humaindansunrapportsimultanéauxdieuxEletBa‘al,dontl’ententeetlacollaboration garantissentlastabilitéetlaprospéritédel’Étatougaritiqueetdesondirigeant.Cettecon ceptiondelasouverainetéhiérarchiséesouslaformedesphèresdecompétenceconcentri Reflections on the Ideology of Mycenaean Kingship», dansEvaALRAM STERN &G.NIGHTINGALE (éd.), Keimelion:ElitenbildungundelitärerKonsumvondermykenischenPalastzeitbiszurhomerischenEpoche.Aktendesinter nationalenKongressesvom3.bis5.Februar2005inSalzburg (PHKD ,350; VmykK ,27),Vienne,2007,p.285298. CONCLUSIONSGÉNÉRALES 269 ques reflète sans doute la structure d’une société palatiale comme Ougarit, au sein de laquellelesouverainsetrouve,enmaîtreabsolu,aucentred’unesériedecerclesélitairesde plusenplusrestreints,alorsmêmequ’auniveausuprarégional,sonpetitroyaumes’inscrit dansunordrepolitiquesupérieur,oùcemêmesouverain,perçucommeunroiteletvassal, doitprêterallégeanceauxgrandespuissancesdumoment. L’organisationinterneetlesrelationsexternesd’unroyaumemycéniencommePylos présententdeprofondesressemblancesaveccellesd’Ougarit;surtout,lesvestigesdelare ligionpalatialeattestésàl’époquemycénienne,ainsiquesesrésidusréinterprétésàl’époque archaïque,rendenttrèsvraisemblablel’existenceàl’époquemycénienned’uneidéologiede lasouverainetépalatiale,expriméedanslareligion,quisoitcomparableàcelled’Ougarit. PourrétablirleportraitdudieuPoséidonàl’époquemycénienne,ilestdèslorsop portund’exploitersesanalogiesavecEl:commeEl,Poséidonestl’ancêtredivindelignées royalesnombreuses,telslesNéléidesàPylos;commeEl,Poséidonpourraitêtrelegéniteur desdieux—sil’ontireargumentdelaproximitéchtonienneentreCronosetPoséidon,de l’absencequasitotaledeCronosdanslescultesgrecsetdel’identificationpossibledeCro nosetPoséidoncommelesdeuxversantsd’unemêmepuissancedivineintégréedansl’or dredeZeus—;commeEl,Poséidonrésideraitaucentredel’univers,oùseréunissentles racines et les extrémités de toutes les composantes du monde et où prend sa source l’Océanpériphérique;commeEl,enfin,Poséidonseraitle«Taurin»(Ταύρεος )parexcel lence,mêmesiunhéritageindoeuropéenassociantlechevalausouverainpourraitégale ments’incarner,dèslapériodemycénienne,danslanaturechevalinedudieu( Ἵππιος ).La concordancedesattributsetfonctionsd’EletdePoséidon,conjuguéeauxliensprivilégiés entreledieuPoséidon,le wanax pylienetlastructurepalatialeenellemême—qu’attestent lestablettesenlinéaireB—,inviteàconsidérerquelePoséidonmycénienestlependant grecd’El,dieuroietpèreparessence,quifaitetdéfaitlesroisdesdieuxcommelesroisdes hommes. Mêmesi,d’aprèsletémoignagedestablettes,lesfonctionsdeZeusdanslareligion mycéniennesontbeaucoupmoinsclairesquecellesdePoséidon,l’attestationdesonculte enCrèteetsurlecontinent,sonassociationexpliciteàHéra, Dirimijo ,DiwiaetDionysos, l’existenced’unsanctuairerelativementimportantàPylos—probablementàPakijana —, combinéesàsapositioncentraledanslesystèmereligieuxdel’époquearchaïque,démon trentl’indéniablepoidsdecedieudanslareligiongrecque,dèsleII emillénaire.Lapertinen cedumodèleougaritiquepourmettreenperspectivelafiguredePoséidon,etlesanalogies évidentesentreleBa‘alSaponetleZeusOlympien,invitentàrestituerpourleZeusmycé niendesattributionscomparablesàcellesduBa‘alougaritique:l’exerciceparledieude l’Orage d’une royauté sur les dieux, subordonnée au consentement d’El à Ougarit, de PoséidonàPylos,etsonsoutiendirectàlaroyautéhumaine,toujoursencollaborationavec Eld’unepart,Poséidondel’autre. Enconclusion,departetd’autredelaMéditerranéeorientale,enleurspalaisrespec tifs,le mlk d’Ougaritetle wanax dePylossedéfinissentchacuncommeunfilsd’Eloude Poséidon, héritier de la fonction royale par lagrâce de cette généalogie divine. Dans la mesureoùleurpouvoirtemporelprocèdedirectementdelasouverainetéd’EletPoséidon surl’univers,deBa‘aletZeussurlesdieux,lesroishumainsinvoquentconjointementleur géniteuretleurprotecteurpourassurerlapermanencedelastructurepalatialeetdeleur positionausommetdecettesociété,ainsiquelaperpétuationdeladynastieenplace.Ce canevas commun, indissociable de l’idéologie religieuse palatiale, implique dans les deux cultureslaconceptiond’unmondedesdieuxstructuréexactementcommelasociétédes hommes,endifférentsniveauxdepouvoirhiérachisés;cependant,pareilschéman’exclut CONCLUSIONSGÉNÉRALES 270 aucunementdesdéveloppementsépichoriquesparticuliers, telle l’association probable de Poséidonauxchevaux,dansledroitfildel’idéologieroyaleindoeuropéenne.

—POSÉIDONARCHAÏQUE Aucontrairedesdocumentsmycéniens,lessourcesintéressantl’histoiredelareligion archaïquesontabondantesetdiversifiées.Dèslors,lepremiertravailconsistaàclasserces sourcesenensemblescohérentset—vul’impossibilitédetraitertoutescesinformations danslecadreduprésentouvrage—,àenextrairedesdossiersquinoussemblèrentàlafois relativementexhaustifsetreprésentatifsdutotal.Ilconvientdoncdejustifierd’abordles deuxanglesd’approchequenousadoptons,enétudiantd’unepartlareligionglobalement communeaumondegrec,laquelleestvéhiculéeparlalittératurearchaïque,etd’autrepart lareligionproprementcivique,dontAthènesprocureunexemplecommodeetaisément exploitablegrâceàl’abondancedocumentaire.Cettedoubledémarcheaboutitàdesrésul tatsanaloguesetconvergents,lesquelspermettrontunedéfinitionprécisedela«sociétéde Zeus»danslareligionarchaïque.Enfin,lacomparaisondesdonnéesarchaïquesavecla religionmycénienneetlesmythesprocheorientauxamènenaturellementàmodéliserles transformationsapportéesàl’ancienne«sociétédePoséidon»,enanalysantlesnouvelles relationsentreZeus,PoséidonetCronos. A.Religionpanhelléniqueetreligioncivique Lesdeuxchapitrescomposantlasecondepartiedecetouvrageoffrentdeuxpoints devuedistinctssurlesréalitésreligieusesdumondegreccontinentalàl’époquearchaïque. D’unepart,lalittératurearchaïque—vouéeàdevenirrapidementuniverselle,àdéfautde l’êtred’emblée—donneunevisionglobaledesconceptionsreligieusesquisoustendentles sociétésarchaïques;d’autrepart,l’analysed’unpanthéonlocaltelceluid’Athènesconstitue uneapprochecomplémentaire,plussensibleauxparticularitésépichoriquesetauximpéra tifsidéologiquesdécoulantdelanaissanced’unecité.Cesdeuxpointsdevue,quoiquedia métralementopposés,permettentcependantd’établirdesconstantesobservablesdansles conceptionssocialesetreligieuses,singulièrementdanslerôlequejouePoséidonauseinde cesdeuxtypesdepanthéons,àlafoisdifférentsetanalogues. Avantsonextraordinairediffusiondansl’ensembledumondegrec,latraditionépi quedontHomèresefaitl’admirableinterprètetrouvesesracinesenIonie,oùs’estélaboré unfondsmythiqueassezcohérent,forgéaudépartdecertainsélémentshéritésdelaGrèce mycénienneetd’autrestraitsimputablesauxnouveautésdesÂgesobscursetdel’époque archaïque,repensédansunmilieuasianiqueparticulier.Demême,avantdedevenirlecredo cosmogoniquegrec,la Théogonie d’Hésiodeexprimed’abordlareprésentationdumondeet desdieuxdansunmilieuéolien,lequelestaussifortementliéàl’AsieMineureet,detoute évidence,semontreperméableauxmythesetfiguresprovenantduProcheOrientettransi tantparl’Anatoliejusqu’enGrèce. Aucœurdumondegrecarchaïque,lesanciennestraditionsreligieusesrégionaleset locales,d’originesdiverses,continuentdoncd’existerenétantintégréesdansdessystèmes nouveaux.Delamêmemanière,l’idéologiereligieusequisoustendlecadresociopolitique d’unecitédonnéeprésenteàlafoisdesaspectspartagésavecl’ensembleoulamajoritédes autrescitésetstructuressociales,ainsiquedestraitsépichoriquesabsolumentsinguliers. Chaquepanthéonciviquedel’époquearchaïqueconstituedonclasynthèseoriginaledethé matiqueslocalesetdeconceptscommunsetapporte,parconséquent,unéclairagesensible mentdifférentdeceluidelalittératurearchaïque:lepointdevuen’estplusuniversel,mais strictementlimitédansl’espace,etl’accentestdavantagemissurlesstructurespolitiqueset CONCLUSIONSGÉNÉRALES 271 surl’idéologiesocialedel’endroit.Danscetteperspective,l’étudedelareligionciviquevise àcompléteretàcorroborerletémoignagedelalittératurearchaïque. Lecasd’étuderetenuparnous—lareligiondel’acropoled’Athènes—sejustifieà lafoisparl’abondantedocumentationdisponibleetleslimitesspatialesétroitesdusujet.Ce choix pratique a permis d’illustrer aisément l’intégration dans un panthéon civique d’un fondsancienprovenantdelareligionpalatialemycénienne—lesrapportsentreledieuPo séidonetleroihumain—,modifiéenfonctiondelanouvelleidéologiesocialeenvigueurà l’époquearchaïqueetdespréoccupationspropresàlacitéd’Athènes. Sommetoute,lesdeuxanglesd’approchedelafiguredePoséidonàl’époquearchaï queaboutissentàunmêmeconstat:tantauniveau panhellénique qu’au niveau local, le dieuestassociéàunmêmehéritagemycénien,centrésurlapaternitéetlaroyauté.Même si,icietlà,cethéritageesttraitédifféremmentpourrépondreàdesattentesparticulières,la correspondancedesévolutionsdudieuauniveaulocal,régionaloupanhelléniquedémon trel’utilitéderecoupercespointsdevuecomplémentairespourmieuxcomprendrelareli giongrecquearchaïquedanssonensembleetrestituerplussûrementlePoséidonmycénien. B.Acquisdel’étudedocumentaire Conformémentànotreprojet,lapersonnalitéduPoséidonarchaïquefutétudiéeàla foissousl’aspectdelalittératurearchaïque—depuis Homère jusqu’aux Lyriques—, et danslaperspectivedupanthéonciviqued’Athènes.Nous présentons successivement les résultatsdecesdeuxdémarches,quiaboutissentàladéfinitioncommuned’undieuantique etpuissant,infériorisédanslanouvelle«sociétédeZeus». 1.–Laculturesocialepartagéedanstoutelalittératurearchaïqueestplacéesousle patronageexclusifdeZeus:l’Olympiensesitueaufaîtedelasociétédesdieux,commeau sommetd’unepyramide,etsertdésormaisd’uniquemodèleauxsouverainshumains.Père etroidesdieuxetdeshommes,Zeusexerceunrapportpaternelsurcesroismortels,aux quelsilconfielesceptreetles θέιστες ,symbolesroyauxetinstrumentsd’autorité. Enretraçantl’accessiondudieudel’Orageautrônedivin,la Théogonie souligneles valeursintrinsèquesduroiidéaletparadigmatiquequ’estZeusàl’époquearchaïque: —Ceroiprésented’abordunesynthèseharmonieusedesdeuxqualitéshéroïques:lapuis sancephysique(β ίη,κρ άτος)etlaprudence( ῆτις).Cesqualitéssontextrêmementcodi fiées:dansl’épopéehomérique,laforced’unAchilleetlesrusesd’unUlysses’opposent traditionnellement;détenueauplushautdegré,chacunedecesqualités—quel’épopée présentecommeincompatibles—estunmodèled’excellencehéroïque,quipeutservirde schémadirecteuràlacompositiond’unpoèmetoutentier—l’ Iliade pourlaforce,l’ Odys sée pourlesruses. —Ensusdecesdeuxvertushéroïques,Zeusincarnel’équilibresocial,lequelserésumeenla notiond’équité(θέις).Étantàlafoisleplusfortetleplusrusé,Zeusétablitsonpouvoir éternelsurlesdieuxetleshommesenrespectant,dansunsoucid’équitéjamaisdémenti, laplacequechacunoccupedansl’ordresocial.Cetteéquitéfondatricedelasociétéde Zeussemanifesteaussibiendanslarépartitionoriginelledesτια ίentrelesdieuxolym piens,danslepartaged’unbutinentrelesguerriersdel’ Iliade oudansl’exercicedelajusti ceparunβασιλε ύς. HésiodeprésentecestroisqualitésroyalesdeZeusdansla Théogonie ,tantôtenseréfé rantàdesactionsparticulièresduCronide—ladéfaitedeCronosetlatitanomachie,la querelleavecProméthée—,tantôtenrecourantàlamétaphoredesvertuspersonnifiéeset alliéesàZeusparuneententeouunmariage—KratosetBia,Mêtis,Thémis.Encontre pieddecetexposédidactique,les TravauxetJours étalentlesrécriminationslégitimescontre des βασιλῆεςhumainsdépourvusdesqualitésdivines—surtoutdelatroisième—,etl’ Ilia CONCLUSIONSGÉNÉRALES 272 de contelesconflitsengendrésparleméprisdesvertusdeZeus.Danstouslescas,l’ensei gnementestidentique:Zeusfaitrégnerunordreparfaitparmilesdieux,quelesdirigeants humains,dansleurimperfectionconstitutive,doiventtenterdereproduire. LesfruitsdelasociétédeZeussontpersonnifiésparlessixfillesdeThémis.Lestrois Saisons(Ὧραι)commandentetrécompensentlerespectdel’ordredeZeusdanslessocié téshumainesstructuréesparlaBonneOrganisation(Ε ὐνο ίη),laPaix(Ε ἰρήνη)etlaJustice ( ίκη);lanégationdelasouverainetédeZeuséquivautàl’absencedesesfilles,etentraîne inéluctablementchaos,mortetdésolation.Pourleurpart,lestroisMoirescontrôlentledes tinuniversel,ainsiquelesdestinéespersonnellesdeshommesetdesdieux,quis’inscrivent dansunordreuniqueetseconfondentaveclavolontédeZeus(ι ὸςβουλ ή).SiunHésiode exposelagénéalogiedesfillesdeZeusd’unpointdevueabstraitetidéalisé,Pindaremon treralesSaisonsconcrètementàl’œuvredanslessociétés aristocratiques dirigées par un tyranéclairé. Danscescirconstances,l’affrontemententreZeusetPoséidonestinéluctable,quoi querégléd’avance.Lemodèlebicéphaleenvigueurdanslareligionpalatialed’Ougaritet —peutêtre—danslessociétésmycéniennesestincompatibleaveclesréalitésnouvelles: Poséidonperdsapaternitéetsaroyautéuniversellespourintégrerlagénérationdesdieux olympiensetêtresoumis,commetousleshommesetlesdieux,àlasouverainetédeZeus. Danslesystèmedevaleursdel’époquearchaïque,Poséidonestinférieurentouspointsà Zeus:plusfaiblequesonfrère,ledieun’indiqueaucunepropensionauxroueries;surtout, sonmoded’agirestfréquemmentplusprochedel’ ὕβριςquedelaθ έις.Cetteinférioritéde Poséidon,établiepourpartieenfonctiondesnouveauxcritèressociaux,impliquenécessai rementlaprimogénituredeZeus:l’argument,imparable,règleleconflitsymptomatiquedu chantXVdel’ Iliade .Néanmoins,plusieursvestigesdel’anciennetédePoséidonparrapport àZeus,etdel’équivalencedeleurspuissancesdivines,demeurentvisiblesdanslalittérature archaïque. 2.–ÀAthènesalieuunautreconflitdivin,quioppose Poséidon et Athéna. Son enjeuestnonseulementlapossessiondel’Attique—explicitementrevendiquée—,mais aussi—implicitement—l’ascendancesurÉrichthonios,premierroidesAthéniens. Tellequenouslarestituons,l’élaborationprogressivedumythedelanaissanced’Éri chthonioscorrespondaudénidelapaternitédePoséidonsurunroihumainmythique, aboutissantàlarevendicationd’unematernitésymboliqued’Athénasurceroietsurtous lesAthéniens.LesprétentionsdesAthéniensàl’autochtonieetl’affirmationdeleurfiliation àAthénavontdepairaveclareconnaissance,danslemytheetleculte,delaplaceimpor tantequ’occupeladéessesurl’Acropole;l’introductiondeCécropsetHéphaistosdansla tramemythiquepeutégalements’expliquerparlesréalitéssocialesetreligieusesd’Athènes. Parcontre,l’exclusiondePoséidonnepeutêtreimputableauxseulesréalitésathéniennes, maisprésentedesanalogiesremarquablesaveclamiseeninférioritédePoséidonparrap portàZeusdanslareligiongrecquearchaïque:danslesdeuxcas,ledieuperdsesfonctions paternelles,sontitreroyaletsacapacitéàcréerlesrois;danslesdeuxcas,ilprendlestraits d’undieuviolent,répriméparledroitetconfinédanssondomainemarin.

SociétédePoséidon (antérieure) Sociétéd’Athéna (ultérieure) Poséidonpèred’Érichthonios Athénamèreadoptived’Érichthonios PoséidoncréateurduroiÉrichthonios PoséidonassassinduroiÉrechthée Érichthonios–cheval Érichthonios–serpent Sourced’eauvive Sourced’eausaumâtreetrazdemarée Poséidondieudesprofondeursterrestres Poséidondieudesétenduesmarines CONCLUSIONSGÉNÉRALES 273

MêmesiladisputeentrePoséidonetAthénaàAthèness’ancreprofondémentdanslestra ditionslocalesetsejustifieenfonctiondel’idéologieciviqueathénienne,leschémamême delaquerelleentrelesdivinités,ainsiquelescausesetlesmoyensinvoquéspourévincer Poséidon,dépassentlecadreathénienets’inscriventdansuncontextebeaucouppluslarge. Leconflitentredeuxdieuxpourlamainmisesurunecitéestnotammentattestédans larégiondugolfeSaronique,àÉgine,Corinthe,TrézèneetArgos11 .Cederniercasestpar ticulièrementintéressant,puisquel’évictiondePoséidonparHérasuscitelacolèredudieu et l’inondation de la plaine argienne,et justifie son culte ultérieur sous l’épiclèse Προσ κλ ύστιος,selonunschémaidentiqueàceluid’Athènes.Touteslesquerelles,commecelle d’Athènes,sedéroulentlorsque«lesdieuxdécidèrentdes’emparerdecités,danslesquelles chacun obtiendrait des honneurs (τια ί) particuliers»12 : ce temps mythique primordial évoquelepartagedesτια ίopéréparZeusàl’issuedelatitanomachie.Plusprécisément encore,lamiseàl’écartdePoséidondanslesmythesciviquescorrespondexactementau secondδασός,évoquéauchantXVdel’ Iliade ,quiscindelemondeentrelestroisCronides etattribuedésormaisàPoséidonledomainemarinetunepositioninférieureàsonfrère Zeusdanslasociétédivinenouvellementinaugurée.Àjamais ἰσόορος—nonplus ὁό τιος—parrapportàsonaîné,Poséidonestundieudéclassédansla«sociétédeZeus». Lesdisputesdivinesd’Athènes,d’Argosetd’ailleursnedisentriend’autre. C.PoséidonetZeusarchaïques:enguisedeconclusion Miroiretmodèledessociétéshumaines,lasociétédesdieuxdel’époquearchaïquese présentecommeunrepèredevaleurssocialescentrésurZeusseul.Parconséquent,dansla religionarchaïque,ledieuPoséidondoitêtreexclu,d’unemanièreoud’uneautre,desapo sitioncentraledechefdupanthéonetdel’univers,qu’induisentsesfonctionsanciennesde paternitéetdesouveraineté. L’héritagereligieuxdespalaismycéniens—restituableàl’aidedestablettesenlinéai reB,delacomparaisonaveclareligionpalatialed’Ougaritetdel’étudedesvestigesmycé niensdanslescultesetlesmythesduI er millénaire—faisaitprobablementdePoséidonet Zeusdeuxdivinitésconcernéesparlaroyautéhumaine,àdesniveauxdivers:lepremier, pèreetroiuniversel,règnesurl’ensembledumondeetfaitofficederéférenceultimepour lesroishumains,tandisquelesecond,filsdupremieretroidesdieux,estpourleshommes lemodèleparexcellenced’unroidéléguéparlesouverainuniversel.Àl’époquearchaïque, cesdeuxpuissancesdivinescontinuentd’exister,mais les rapports qu’elles entretiennent entreellessontprofondémenttransformés,afind’êtrecompatiblesaveclesnouveauxsys tèmessociaux. Selontouteévidence,lenouveauvisageetlesattributionsinéditesdePoséidondans lareligionarchaïqueprocèdentdirectementdedeuxinflexionsimportantesàlapréhistoire mythiquedupanthéonenexercice: —L’épisode de la titanomachie primordiale atteste la préexistence d’une société divine exactementantithétiqueàcelledeZeus.LesTitansetleurroiCronos,quiprésententde fortesressemblancesfonctionnellesetformellesaveclepuissantÉbranleurdusol,incar nentunmonded’ ὕβριςentouspointscontraireàlasociétéactuelledeZeus,laquelleest régléeparlaθέις.

11 Cf.e.a.Polémond’Ilion( FHG ,t.III, s.u.«PolemoIliensis»,fr.11);Plutarque, Œuvresmorales ,IX, 741a( Proposdetable ,IX,6,1);Pausanias,II,1,6;15,5;22,4;30,6. 12 Ps.Apollodore, Bibl. ,III,14,1(éd.R.WAGNER , BT ,Stuttgart,1965 2):(…) ἔδοξε τοῖς θεοῖς πόλεις καταλαβέσθαι,ἐναἷςἔελλονἔχειντιὰςἰδίαςἕκαστος . CONCLUSIONSGÉNÉRALES 274

—L’instaurationd’unsecondδασ όςenguisedepivotentrelatitanomachieetl’inaugura tiondela«sociétédeZeus»faitcontrepiedaupremierpartage,forcémentiniqueetvio lent,opéréparlepremierroiCronos.LejustepartagedeZeuscréeunenouvellegéogra phiemythique,quiscindelemondeendomainespatronnésparlestroisfilsdeCronos; ce moment fondateur identifie irrévocablement Poséidon à un dieu marin et l’installe dansunepositiond’inférioritéconsentieetassuméevisàvisdeZeus,sonaîné. Unetellerecréationdelapréhistoiremythiquepermetdeconserverlesouvenirderéalités religieusesanciennes,toutensurmontantlescontradictionsquecellescisuscitentdansla viesocialeetreligieusecontemporaine.Plutôtqu’uneopération exnihilo ,cetaménagement mythiques’apparenteàl’assimilation,danslatramereligieusegrecque,deschémasattestés auProcheOrient.Noussuggéronsd’identifierdeuxcanevasmythiquesd’origineétrangère, quicorrespondraientàcesdeuxépisodesremarquablesdupassémythique: —Lasuccessiondesgénérationsdivinesestattestédansplusieursculturesprocheorientales ettrouvesonexpressionlaplusaboutiedansle Chantde [Kumarbi ]hittitohourrite:ledieu duCielestémasculéparundieurusé,quiseraluimêmedétrônéparledieudel’Orage. CeschémaavisiblementservidemodèleàlalignéeforméeparOuranos,CronosetZeus dansla Théogonie hésiodiqueetjustifiel’oppositionviolenteentrelesdeuxgénérationsdes TitansetdesOlympiens,enpréliminaireàl’avènementdeZeus. —LeconflitrituelentreledieudelaMeretledieudel’Orage,quimèneinévitablementàla soumission du premier dieu au second, est également une constante mythique proche orientale,notammentexpriméedanslalutteférocequeselivrentBa‘aletYamàOugarit, pourl’obtentiondelasouverainetédivine.Cettelutteapuœuvrerenfaveurdel’identifi cationdePoséidonavecledomainemarin,acquiselorsdusecond δασός, dans la mesure oùcetépisodemythiquesignifiel’assujetissementdePoséidonàZeus,malgrélespréten tionsdusecondàunecertaineformedesouveraineté,mêmelimitée. Cesdeuxempruntsmythiquesconstituentunetransformationfondamentaledel’histoireet delaphysionomiedelasociétédesdieuxrégnants:ilsconditionnentla«sociétédeZeus». SurlemodèleduKumarbihittitohourriteapparaîtledieuruséCronos,quisesubsti tueàPoséidoncommepèreetpremierroidesdieuxetdeshommes,etsertderepoussoirà l’ordredeZeus;commeKumarbipèredudieudel’Orage,etDaganpèredeBa‘al,Cronos pourraitdevoirsonascendancesurZeusàsesrapportsaveclegrain13 .Cetteusurpationde paternitéaundoubleeffet:Zeusaleloisird’excluresonnouveaupèreCronosducercle desdieuxtoujoursvivants,pourlechasserdumonde,l’enfermerauTartareetaccaparersa souverainetélégitime;Poséidon,poursapart,demeuredanslasociétédesOlympiens,spo liédesesqualitésprimitivesdepèreetroi,maistoujoursprésentaumonde. Àtraversl’angledevuedelarécente«sociétédeZeus»,lamêmepuissancemascu lineetchtonienneestainsiséparéeenplusieursentités,distinguéesparleurincorporation danslepanthéonouleurexclusiondumonde:CronosetlesTitanssontenferméshorsdu monde,lesHécatonchiresetlesCyclopessesituentàsesmarges,Poséidondemeureenson cœur. Toutes ces divinités occupent les mêmes fonctions chtoniennes, agissent avec la même ὕβρις,ontlemêmeaspectmonstrueux.Laproximitéentretouscesêtresparessence étrangersàZeusestunindiceprobantenfaveurd’uneunicitéoriginelle:leurfractionne mentetlerejetd’unepartied’entreeuxhorsdumonde—symboliséparl’enfermementde CronosauTartare—apoureffetescomptéd’expurgerPoséidondesestraitsanciens,in compatiblesaveclaroyautédeZeus.Hormisl’ ὕβρις—laquelleexisteseulementparoppo sitiondualeaveclaθ έις propreàZeus—,cestraitsserésumentaunombrededeux:la

13 Cf.M.L.WEST , Hesiod.Theogony ,Oxford,1971 2,p.204205. CONCLUSIONSGÉNÉRALES 275 paternitéetlaroyautéoriginelle,dontCronos,telunboucémissairedel’antique«société dePoséidon»,sechargepourmieuxêtreexpulsédumonde. LedéclassementdePoséidons’exprimeparsafiliationàCronosetsaqualitédecadet deZeus:malgréunepaternitéconservéesurdenombreusesdynastieshéroïqueshumaines, lesnouveauxrapportsfamiliauxentrelesdésormaisCronidesfontdePoséidonlebenjamin àjamaisexcludel’héritagedelasouverainetépaternelle.Larépartitiondecethéritage,à l’heuredusecondδασ ός,estàcetégardunivoque:bienquePoséidonaitmaintenantpart àlameretsoitainsidotéd’uneportionéquivalenteaucieldeZeusetauxenfersd’Hadès (ἰσόορος),ceconfinementmarin—perçudansuneperspectiveprocheorientale—enté rineprécisémentl’inférioritédurécentdieudelaMerparrapportaudieudel’Orageetson exclusionradicaledel’honneurroyal:jamaisplusPoséidonnepourraseprétendreégalà Zeusenhonneur(ὁότιος). CONCLUSIONSGÉNÉRALES 276 Perspectivesderecherche Lesdonnéesreligieusesetsocialesgrecques,d’ordinairefortrétivesaucomparatismeindo européen,sontlefruitdeplusieurssynthèsesetmétamorphosessuccessives:àpeinefut elleassociéeauxréalitésépichoriques«égéennes»,l’idéologieindoeuropéennefutenserrée danslecorsetcontraignantd’unsystèmepalatialprocheoriental,auxpropresvaleurssocia lesetreligieuses.Lachutedespalaisetl’inventiondenouvellesformesdeviesociale,qui aboutiraàl’émergencedescitésàl’époquearchaïque,sontl’occasiondenouveauxboule versementsetrevirementsdanslastructurereligieuse. Danscetteoptique,leprésentouvrageouvrelavoieàtroisrecherchesdistinctes,qui serontprésentéesenrespectantleuragencementchronologique:lapremièreconcernela préhistoirehellénique,ladeuxièmel’ÂgeduBronzeRécent,latroisièmeleI er millénaire. 1.–LamiseenperspectivedesrôlesspécifiquesendossésparPoséidonetZeusdans lareligionpalatialemycénienne,envertudescorrespondancesaveclathéologiedu«Dieu» Eletdudieudel’OrageBa‘alàOugarit,estuneétapepréliminaireindispensableàl’analyse del’incorporationdel’héritageindoeuropéendanslemondegrec,etpermet—àcequ’il noussemble—d’étudiersurdemeilleuresbaseslapréhistoirereligieusehellénique,anté rieureauBronzeRécent.DéfinirlesmodificationspotentiellessubiesparPoséidonetZeus afindeseconformeraucanevasreligieuxprocheoriental—parexemplelerapportétroit avecleTaureaupourlepremier,avecl’Oragepourlesecond—baliseainsileparcourssi nueuxcommunàtouteslesdivinitésintégréesdansunsystèmepolythéiste,etpluspropre encoreauxdieuxincarnantl’ordresocial. Demêmequel’étymologieetlaphraséologieduthéonymeZeusévoqueleciellumi neuxetlapaternité(*di eu̯ p̯ ∂ter «ôCielPère»,cf.skt dyáuh pitáṛ ,gr. Ζεῦπάτερ, lat. Iuppiter ), maisquesesfonctionsauxépoquesarchaïqueet—probablement—mycéniennedoivent énormémentàl’immixtiondudieudel’Orageprocheorientaldanslessystèmespolitiques et religieux de la Grèce, les étymologies séduisantes faisant de Poséidon (* potei̯ dās «ô Épouxde Dā »)etDéméter(* dāmātēr«Dā Mère»)uncoupleprimordialliéàl’eauvive14 mettentseulementenlumièreuneinfimepartiedelanaturedecesdivinitésauI er millé naire. Cetteétymologieindoeuropéennedesthéonymes ηήτηρ et Ποσειδῶν évoque le caractère primordial de l’eaudanslescosmogoniesgrecques15 etrappellequeleseauxsou terraines,lessourcesetlesfleuvessontunepartconstitutivedelapersonnalitédePoséi don.Danscettedoubleperspective,unparallèleétonnants’établitentrelecoupleformé parPoséidonetDéméter—quireprésententleseauxfécondantlemonde—etlecouple primordiald’OcéanosetTéthys—quiincarnentleseauxvives,profondesettourbillon nantes—:OcéanosetTéthyssont,d’aprèsHomère,lesgéniteursdesdieuxetdetoutesles choses16 ;aprèslacréationdumonde,cesdeuxdivinitésseretirentauxconfins,sousla formed’ungrandfleuvecirculairerefluantsurluimême( ἀψόρροος )etentourantl’orbedu 14 Cf. supra ,p.1112etn.2. 15 Cf.J.RUDHARDT, Lethèmedel’eauprimordialedanslamythologiegrecque ( TSSH ,12),Berne,1971. 16 EnIl. ,XIV,v.200201[ ≈v.301302](éd.M.L.WEST , BT ,Munich&Leipzig,2000),Héradéclare: εἶιγὰρὀψοένηπολυφόρβουπείραταγαίης, | Ὠκεανόντε,θεῶνγένεσιν,καὶητέραΤηθύν «jem’envais,en effet,voirlesconfinsdelaterretrèsnourricière,Océan,principegénérateurdesdieux,etTéthys,leurmère»; parailleurs,Hypnos,s’ilrefused’affronterZeus,consentiraitcependantàendormirn’importelequeldesau tresdieuximmortels,ycompris«lesflotsdufleuveOcéan,quisetrouvepourtantêtreleprincipegénérateur detoutesleschoses»,[…] ποταοῖο ῥέεθρα | Ὠκεανοῦ, ὅς περ γένεσις πάντεσσι τέτυκται ( ibid. ,v.245246). Cf.J.RUDHARDT , op.cit. [n.15],p.3538. CONCLUSIONSGÉNÉRALES 277 monde,maiscontinuentd’interveniractivementàl’intérieurdumonde,parl’intermédiaire deleursenfants,fleuvesetsources17 .Laconvergenced’OcéanosetPoséidonencetteEau divine,souterraine,capabledeproduire exnihilo l’ensembledesvivants—dieux,hommes etanimaux—,s’accordeaveclafonctionpaternelleuniverselled’ElàOugaritetjustifiela positionanalogued’EletdePoséidondanslesreligionspalatialesdel’ÂgeduBronze. Maîtredel’eau,Poséidonprésenteégalementdesaffinitésétroitesavecle“Descen dantdeseaux”indoeuropéen,attestédanslesanskritApām ̣̣Nápāt,l’iranien ApamNa pāt̨ ,̰ l’irlandais Nechtan etlelatin Neptūnus 18 .Êtreaquatique,détenteurd’unepuissanceignée,le “Descendantdeseaux”faitofficedemaîtredejusticeetdevérité—parl’ordalieetladivi nation—etprésenteunaspectroyal;danslemondegrec,ilcorrespondraitauxdifférents Vieuxdelamer19 .LarencontreentrePoséidonetlesVieuxdelamerautourdelafigure du“Descendantdeseaux”,lepartagedestâchesentrecesdivinitésgrecquesetleurassocia tionrécenteàlamer—commedanslecasdeNeptune—20 invitentàpoursuivreleurétu decommune,ensoulignantanalogiesetdisparités.Enparticulier,leliendu“Descendant deseaux”àlafonctionroyale—lequellienn’estpassansévoquerles«deuxmaîtresde

Dānu » ( dā nunaspátī ) que sont les dieux souverains Varun ạ et Mitra, ainsi que les deux Aśvins21 —posedesquestionscapitales:quelsrapportsle“Maîtredel’eau”grec(* potei̯ dās , Ποσειδ άhων) entretenaitil avec la souveraineté indoeuropéenne avant de devenir le souveraind’unpanthéonpalatial,fortementinspiréd’expériencesorientales?quelstraitsde cette souveraineté primitive sont conservés, en relation avec Poséidon, dans la royauté mycénienneetdanslesroyautésultérieures?L’ampleurdelatâcheestàpeineesquissée. Unélémentderéponseàcedébatcomplexeestl’associationdePoséidonaucheval. Danslamesureoùilcaractérisetoutautantledieusourcier,maîtredel’eausouterraine,et ledieuroi,créateurdusouverainhumain,cetanimalattestelasurvie,danslapenséegrec que,derapportsentrelafonctionroyaleetlepouvoiraquatique,enlapersonnedivinede PoséidonHippios.Lesmythesd’ÉrichthoniosetHippomenêsàAthènes,d’Hippothoônet AipytosàMantinéeimpliquentl’interventiond’unchevalouunesourceenrapportavecla royautéhumaine.Or,lerôleduchevaldansl’idéologieroyaleindoeuropéenneestnotam mentindiquéparlesritesdel’ aśvamedha indien,del’ octoberequus romainetdel’intronisation duroiceltique.Uneétudeplusapprofondiedevraitpermettred’établirsicetriplelienentre lecheval,lessourcesetleroiestuntraitoriginaldel’idéologiesocialegrecqueoupartagé avecd’autresculturesindoeuropéennes. Delasorte,lespistesderechercheconcernantlecomparatismeindoeuropéenper mettrontdeprogressersurdesterrainsquenousavonsvolontairementlaissésenfrichelors del’ Introductiongénérale ,fauted’unebasedetravailetd’outilsadéquats. 2.–LacomparaisonapprofondieentrelesdifférentessociétéspalatialesduBronze Récent,plusparticulièremententrelepalaisd’Ougaritetlespalaismycéniens,constitueà nosyeuxundeuxièmeaxederecherchesprometteur. 17 Homère, Il. ,XXI,195197;Hésiode, Théog. ,v.337370.Cf.J.RUDHARDT , op.cit. [n.15],p.6680. 18 Cf.G.DUMÉZIL , Mytheetépopée.III.Histoiresromaines ,Paris,1978 2,p.1989;J.PUHVEL ,«AquamEx stinguere », JIES ,1,1973,p.379386;C.S.LITTLETON ,«PoseidonasaReflexoftheIndoEuropean‘Source ofWaters’God», JIES ,1,1973,p.423440. 19 D.BRIQUEL ,«VieuxdelamergrecsetDescendantdeseauxindoeuropéen»,dansR.BLOCH etal. , D’HéraklèsàPoséidon.Mythologieetprotohistoire ( CRHP ,s.III,14),Genève&Paris,1985,p.141158. 20 Cf.p.ex.R.BLOCH ,«QuelquesremarquessurPoséidon,NeptuneetNethuns»,dansR.BLOCH etal. , op.cit. [n.19],p.125139. 21 Cf. Cf. M.JANDA , Eleusis.DasindogermanischeErbederMysterien(IBS , 96), Innsbruck, 2000, en part. p.254258et292296,ainsiqueG.DUMÉZIL , LesdieuxsouverainsdesIndoEuropéens ,Paris,1977,p.5585. CONCLUSIONSGÉNÉRALES 278

LesanalogiesdéjàattestéesentrelespalaisduProcheOrientetceuxdelaMéditerra néeorientale,encequiconcernelefonctionnementéconomiqueetlastructuresociale,in vitentàpoursuivrel’étudecomparativedecessociétéscontemporainesetcorrélées.Outre lesconvergenceséconomiquesetsociales,cetteétudedoitviseràéclairerréciproquement lesidéologiespalatialesprésentesdanschacunedecessociétés,enaccordantuneattention particulièreàlajustificationmythiqueetcultuelledelapositionetdesfonctionsduroiet desélites. Cegrandchantier—ouvertavecl’étudecomparative des rp’um ougaritiques et de leurshomologuesmycéniens,etaveclasuggestiond’éclairerlecoupleforméparPoséidon etZeusdanslemondegrecàl’aidedelathéologiedeEletBa‘alàOugarit—adéjàréservé etréserveraencore,àn’enpasdouter,plusieursbellestrouvailles,notammentencequi concernelesdifférentesdivinitésdupanthéon,lesrituelsetlesmythespropresaumonde palatial,ainsiquelesproductionslittérairesdel’ÂgeduBronze. 3.–Enfin,ladéfinitionlaplusexactepossibledesfonctionsduPoséidonmycénien etdel’évolutiondudieudanslessociétésarchaïquesestleprérequisobligéàl’étudedeses cultesauI er millénaire,lesquelsconnaissentàlafoisunecontinuitéaveclareligionpalatiale duII emillénaireetdeprofondestransformationssurvenuesdurantl’époquearchaïque. ÀAthènesmême—dontlepanthéonciviqueapourtantservid’illustrationànotre thèse—,lamatièren’estpasépuisée:audelàdesmythesdel’Acropole,ilfautrelirela structurationprogressivedetoutel’Attiqueenunmêmeensemblepolitiqueàlalumièrede l’établissementdecultescommunsàPoséidonetAthéna,auSciron,àColone,ainsiqu’au capSounion.Pluslargement,lecultepanioniendePoséidonHéliconiosaucapMycale,le sanctuairefédéralbéotiendePoséidonàOnchestos,ainsiquelepatronagedudieusurtrois amphictionies du Péloponnèse originellement définies comme nondoriennes —Hélicé, SamiconetCalaurie—,amènentàs’interrogersurlerôlesouveraintoujoursreconnuau PoséidonduI er millénairedansladéfinitiondesociétésétrangèresàl’invasiondorienne. DiversesfêtesdePoséidon,attestéesdansdenombreusesrégionsgrecquesetsou ventliéesausolsticed’hiver,mettentenévidencel’actionbénéfiquedePoséidonsurlafer tilitédusoletlaféconditédesfemmes,enlienavecdesépiclèsestellesΦυτ άλιος( uelsim. ) «Quifaitcroître»,Γεν έθλιος«Quiprésideàlanaissance»,Γεν έσιος«Protecteurdelafa mille»,ousimplementΠατ ήρ«Père»22 .Cetapanage,liéàlafiguretaurinedudieuetàson actionsur l’eau 23 ,dérivesansdoutedesattributspaternelsdudieuauII emillénaire. Toutefois,lapermanencedesfonctionspaternellesetroyalespropresauPoséidon mycénienn’estnullepartaussiévidentequ’enArgolide,oùellenenécessitepratiquemment aucuneautredémonstrationquel’exposéordonnédesfaits24 . Legrandensembleforméparlaplaineetlapéninsuleargiennes,bordéparCorinthe auNordetparMantinéeàl’Ouest,connutunflorissantpassémycénien,commeledémon trentlespalaisdeMycènesetTirynthedanslaplaine,etlesanctuairedeMéthana—peut êtreconsacréàPoséidon—àl’extrémitédelapéninsule.

22 Cf.N.ROBERTSON ,«Poseidon’sFestivalattheWinterSolstice», CQ ,n.s.,34,1984,p.116. 23 Cf.p.ex.lascholieàApolloniosdeRhodes,II,v.34,a(éd.C.WENDEL ,Berlin,1974 3)[ausujetdu syntagme Ποσειδάωνι Γ ενεθλίῳ ]:(…) Γ ενέθλιονδὲεἶπεναὐτὸνδιὰτὸδεσπόζειντοῦὑγροῦκαὶπάσηςτροφῆς καὶ γενέσεως αἴτιον εἶναι, καθὸ τὸ ὕδωρ πάντων γεννητικόν«(…)enoutre,ill’appela“Celuiquiprésideàla naissance”àcausedufaitqu’ilestlemaîtredel’élémenthumide,etestresponsabledetoutecroissanceet génération,envertudufaitquel’eauestcapabledegénérertoutesleschoses». 24 Pourunedéfinitionplusdétailléedesdonnéesargiennesévoquéescidessous,cf.J.MYLONOPOULOS , op.cit. [n.4],p.4996. CONCLUSIONSGÉNÉRALES 279

Àl’époquearchaïque,l’amphictioniedeCalaurieassurel’importancedudieuPoséi dondanstoutel’Argolide;quiplusest,cetterégionesttraverséepardeuxaxesmajeurs, attestantdelapérennitédesfonctionsmycéniennesdudieu. UnpremieraxerelielacitéarcadiennedeMantinée,siseauxconfinsoccidentauxde laplaineargienne,jusqu’aulieuditGénésion,entraversantArgosetlemaraisdeLerne: cetaxesuitletrajetdeseauxengloutiesdanslaplaineArgos,prochedeMantinée,pour resurgirdanslegolfeargolique,enunesourceappeléeDinê.ÀMantinée,l’extrémitéOuest decetaxe,sesituelegrandtempledePoséidonHippios,associéauxmythesdel’enfante mentdudieuparRhéasouslaformed’uncheval,etdelamiseàmortduroiAipytospar unesourcesaléedansl’enceintesacréedutemple25 .Aucentre,ArgosetLernesontles domaines respectivement attribués à Héra et Poséidonàl’issuedeleurdisputeprimitive pourlapossessiondel’Argolideetl’inondationdelaplaineargienne26 ;lesdeuxsitessont égalementliésparlesmythesdel’unionentrelaDanaïdeAmymonéetledieuPoséidon,et dujaillissementdelasourceAmymoné27 .Àl’Est,auGénésion,lesArgiensprécipitaient jadisdeschevauxtoutharnachésdanslasourcejaillissantdelamer,enl’honneurdePo séidon.Sommetoute,cetaxeprésentetouslesélémentsattestésplusoumoinsclairement danslesmythesdel’acropoled’Athènes—Poséidonchevalin,maîtredessources,pèredes rois—,quisontdisposésautrementdansl’espaceargien. LesecondaxerelieCorintheàTrézène,entraversanttoutelapéninsuleargienne:à l’extrémitéoccidentale,Poséidons’estaccoupléàMéduse(Μ έδουσα)pourdonnernaissan ceàPégaseetChrysaôr,etlenommêmedesaparèdreévoquelesqualitéssouverainesd’un dieuquimériteparailleursletitreΕὐρυέδων«Quirègneauloin»28 ;àl’extrémitéorien tale,Poséidonesthonoréd’unculteimportant,sousl’épiclèseΦυτ άλιος.Danscesdeux cités,Poséidonestréputés’êtrequerelléavecuneautredivinité:àCorinthe,ledieuconser vel’Isthme,tandisqu’Hélioss’arrogel’Acrocorinthe;àTrézène,Poséidonobtiendraitde posséderlacitéencommunavecAthéna.Derechefs’expriment les mêmes schémas de paternitéqu’àAthènesouArgos:s’étonneraton,dèslors,decequePoséidonsoitouver tementsouveraindanscesdeuxcités,enarborantlesépiclèses ἌναξàCorinthe,Βασιλε ύςà Trézène?

25 Cf. supra ,p.229230et255256. 26 SurladichotomieentreHéraetPoséidonàArgos,cf.p.ex.P.SAUZEAU , Lespartagesd’Argos.Surlespas desDanaïdes ,Paris,2005. 27 Cesmythesoccupentuneplacecentraledansl’horizonciviqued’Argos,ets’attachentparticulièrement aunymphéedel’agora:cf.P.MARCHETTI &K.KOLOKOTSAS , Lenymphéedel’agorad’Argos.Fouille,étudearchi tecturaleethistorique (Étudespéloponnésiennes ,11),Athènes,1995,enpart.ch.4,p.233248. 28 Cf.e.a.Pindare, Ol. ,VIII,v.31. BIBLIOGRAPHIE 280

BIBLIOGRAPHIE

1. ABRÉVIATIONS —Éditionsdetablettesmycéniennes KH E.HALLAGER ,MariaVLASAKIS &BirgittaP.HALLAGER ,«NewLinearBTablets fromKhania», Kadmos ,31,1992,p.7581 KN J.CHADWICK et al. , Corpusof Mycenaean Inscriptions fromKnossos ( Incunabula Graeca , 88),Rome&Cambridge etal. ,1986 –1998 MY J.L.MELENA &J.P.OLIVIER , TITHEMY.TheTabletsandNodulesinLinearBfrom Tiryns,ThebesandMycenae ( Minos ,Suppl.12),Salamanque,1991 PY E.L.BENNETT Jr & J.P.OLIVIER , ThePylosTabletsTranscribed.PartI:Textsand Notes (IncunabulaGraeca ,51),Rome,1973; PartII:Hands,Concordances,Indices (Incu nabulaGraeca ,59),Rome,1976 TH V.L.ARAVANTINOS , L.GODART & Anna SACCONI , Thèbes.FouillesdelaCadmée. III.Corpusdesdocumentsd’archivesenlinéaireBdeThèbes(1–433) ( BibliotecadiPasiphae , 3),Pise&Rome,2002 TI J.L.MELENA &J.P.OLIVIER , TITHEMY (op.cit. ) —Éditionsdetablettesprocheorientales CTH E.LAROCHE , Cataloguedestexteshittites ( Étudesetcommentaires ,75),Paris,1971 KBo KeilschrifttexteausBoghazköi,Leipzig&Berlin,1919 – KUB KeilschrifturkundenausBoghazköi ,Berlin,1921 – KTU M.DIETRICH , O.LORETZ & J.SANMARTÍN , The Cuneiform Alphabetic Texts from Ugarit,RasIbnHaniandOtherPlaces(KTU:Second,EnlargedEdition) ( ALASP , 8), Münster,1995 —Éditionsdetexteslittérairesgrecs BO ScriptorumClassicorumBibliothecaOxoniensis BT BibliothecaScriptorumGraecorumetRomanorumTeubneriana CUF CollectiondesUniversitésdeFrance LCL TheLoebClassicalLibrary —Éditionsdefragmentslittérairesgrecs FGrH II Die Fragmente der griechischen Historiker (éd. F.JACOBY ), Zweiter Teil. Zeitgeschichte, Berlin,1926 FGrH III Die Fragmente der griechischen Historiker (éd. F.JACOBY ), Dritter Teil. Geschichte von StädtenundVölkern(HororaphieundEthnographie) ,Leyde,1950 BIBLIOGRAPHIE 281

FHG FragmentaHistoricorumGraecorum (éd.C .&Th.MÜLLER ),Paris, 1849–1885 —Éditionsdetextesépigraphiquesgrecs IG InscriptionesGraecae ,Berlin,1873– —Dictionnairesetencyclopédies CHD TheHittiteDictionaryoftheOrientalInstituteoftheUniversityofChicago ,Chicago,1989– DDD DictionaryofDeitiesandDemonsintheBible(DDD) ,Leydeetal. ,1999 2 DÉLG P.CHANTRAINE , Dictionnaireétymologiquedelalanguegrecque.Histoiredesmots , Paris, 1968–1980 DÉCLG A.J.VAN WINDEKENS , Dictionnaire étymologique complémentaire de la langue grecque. Nouvellescontributionsàl’interprétationhistoriqueetcomparéeduvocabulaire ,Louvain,1986 DMic F.AURA JORRO , Diccionariomicénico ,Madrid,1985–1993 DUL G.DEL OLMO LETE &J.SANMARTÍN , ADictionaryoftheUgariticLanguageintheAl phabeticTradition (trad.W.G.E.WATSON )( HdO ,s.1,67),Leyde&Boston,2003 LfgrE LexikondesfrühgriechischenEpos ,Göttingen,1979– LIMC LexiconIconographicumMythologiaeClassicae ,Zürich,1981–1999 RE PaulysRealencyclopädiederclassischenAltertumswissenschaft , Stuttgart & Munich, 1893– 1980 —Collections ALASP AbhandlungenzurLiteraturAltSyrienPalästinasundMesopotamiens BCILL Bibliothèquedescahiersdel’InstitutdelinguistiquedeLouvain BÉFAR BibliothèquedesÉcolesfrançaisesd’AthènesetdeRome CÉA Collectiond’étudesanciennes CÉC Collectiond’étudesclassiques CQ TheClassicalQuarterly CRHA Centrederecherchesd’histoireancienne CRHP Centrederecherchesd’histoireetdephilologie ÉPRO Étudespréliminairesauxreligionsorientalesdansl’Empireromain HdO HandbuchderOrientalistik IBS InnsbruckerBeiträgezurSprachwissenschaft LAMA CentrederecherchescomparativessurleslanguesdelaMéditerranéeancienne MCL AcadémieroyaledeBelgique.Mémoiresdelaclassedeslettres MDAI(A) MitteilungendesDeutschenarchäologischenInstituts.AthenischeAbteilung MykSt MykenischeStudien OBO OrbisBiblicusetOrientalis PFLN PublicationsdelaFacultédeslettres,artsetscienceshumainesdeNice PHKD ÖsterreichischeAkademiederWissenschaften.PhilosophischhistorischeKlasse.Denkschriften POLO ProcheOrientetlittératureougaritique RRR Recherchessurlesrhétoriquesreligieuses SAACT StatesArchivesofAssyriaCuneiformTexts SSAA SheffieldStudiesinAegeanArchaeology TSSH TravauxpubliéssouslesauspicesdelaSociétésuissedesscienceshumaines VmykK VeröffentlichungendermykenischenKommission —Périodiques AC L’Antiquitéclassique ACD ActaClassicaUniversitatisScientiarumDebreceniensis AIPhO Annuairedel’Institutdephilologieetd’histoireorientalesetslaves AJA AmericanJournalofArchaeology BIBLIOGRAPHIE 282

AJPh AmericanJournalofPhilology BCH Bulletindecorrespondancehellénique BICS BulletinoftheInstituteofClassicalStudiesoftheUniversityofLondon CFC Cuadernosdefilologíaclásica.Estudiosgriegoseindoeuropeos CW ClassicalWorld DHA Dialoguesd’histoireancienne GRBS Greek,RomanandByzantineStudies HSCP HarvardStudiesinClassicalPhilology IF IndogermanischeForschungen JEOL JaarberichtvanhetVooraziatischEgyptischGenootschapExOrienteLux JHC JournalofHigherCriticism JHS JournalofHellenicStudies JIES TheJournalofIndoEuropeanStudies JNSL JournalofNorthwestSemiticlanguages LÉC Lesétudesclassiques MARI Mari.Annalesderecherchesinterdisciplinaires MB Lemuséebelge MH MuseumHelveticum MSS MünchenerStudienzurSprachwissenschaft OAth OpusculaAtheniensia ORom OpusculaRomana PP LaParoladelPassato RA Revuearchéologique RAL Rendicontidellaclassediscienzemorali,storicheefilologichedell’AccademiadeiLincei RÉA Revuedesétudesanciennes RÉG Revuedesétudesgrecques RHA Revuehittiteetasianique RPh Revuedephilologie,delittératureetd’histoireanciennes SMEA Studimiceneiedegeoanatolici TPhS TransactionsofthePhilologicalSociety UF UgaritForschungen ŽA Živaantika ZPE ZeitschriftfürPapyrologieundEpigraphik

2. SOURCESANTIQUES —Sourcesmycéniennes KHGq 5 KN Am (2) 819; Ap 618+623+633+5533+5922; As <4493>; As (1) 608[+]625+5870+5942; As (2) 1516; 1517; 1519+ fr. ; B798; 822; B(1) 988+7601+III6+5761+7040; C394; 954+<1632>+5016; 5730; C(2) 913; D411+511; Dk (1) 920+7294+7330; 931+7293; 1049; Dl (1) 930+7284+7290+7333+8002;933+968+975;943;946 +fr. ;950;7147+7851; 7503+7638+7847; 7771; 7905+9328; 9716+9762+9775+fr. ; Dp 997+7206; 7742; Dv 1272+5411; 1503+7183; 5278+5338+8557; 7176+8236+8281; 8562+8776; E842; 846; 849; 1569+7349+7843+8004; E(1) 288; F(1) 51; F(2) 841+867; Fp <390>; Fp (1) 1+31; 5; 48; Fs 8; G820+ fr.; Ga 953[+]955; Ga (1) 674; 7594; Ga (3) 456; Gg (1) 704;

Gg (2) 713+994; Gg (3) 705; 717; 5185; K(1) 875; Le 5629+5867+8446+8522+8559+ fr. [+]8512; M719; Nc 4484[+]4488+ fr.; Uc 160; V52+52 bis +8285; X444; <1027>; 5560;5970;7828;9434;9669;9711; Xd 97+284 MYAu 658; Ge 603+fr. ; X508 BIBLIOGRAPHIE 283

PYAe 110;303; An 18;35;192;519;607;610;656;724;830;959;1281; Aq 218; Cc 665; Cn 3; 40; 45; 131; 254;418; 600; 643; 655;925; 1287; Ea 59; 102+107; 814; Eb 149[+]940;156[+]157;173;297;338;339[+]409;364[+]366;369;377;416;496;566; 747;818;839;842;846;892;895[+]906;1176;1347; Ed 317;411; En 74;467;609; 659; Eo 160; 211; 224; 247; 268; 269; 276; 278; 281; 351; 371[+]1160; 444; 471[+]855; Ep 301;539;613[+]1131;704; Eq 36[+]887+1451+1452+ fr. ;146;213; Er 312;880; Es 644–649;650+ fr. ;651;652[+]1453;653;703;726–729; Fn 50;187;867; 970; Fr 343; 1194; 1202; 1204–1207; 1209[+]1211; 1215–1236; 1239; 1240; 1242; 1245;1246;1251;1255;1338; Jn 310;431;750; Jo 438; Mb 1366;1406; Mn 1411; Na 406; 520; 537; 856; 926; 1041; 1179; 1357; On 300; Pa 398; 889[+]1002; Qa 1292;1299; Tn 316; Ua 1413;Un 2;6+1189+1250+ fr. ;47;219;249;267;443[+]998; 592;718;853+971[+]869[+]870[+]876[+]878[+]1513+fr. ;1177+ fr.;1193;1322; Vn 10; 20;48;851; Wa 731; Xa 1419; Xn 1439 TH Av 100; Fq 126; 130; 169; 213; 214; 229; 254[+]255; 257; 304; 331; 339; Ft 140; Gp 109 ;313; Of 25–28;31;34–36; X105 TI Ef 2;3; Uh 12 —Sourcesprocheorientales CTH 342;344;345 KBo 1,28;6,29; KUB 1,1; KBo 3,6+ KUB 19,70 KTU 1.1–6;1.10;1.12–19;1.23;1.39;1.87;1.96;1.102;1.109;1.123;1.162 —Sourceslittérairesgrecquesetlatines a)Auteursettextes [Aeschyli ]Prometheus (éd.M.L.WEST ), BT ,Stuttgart,1992 AntimachiColophoniiReliquiae (éd.B.WYSS ),Berlin,1974 2 Apollodorus . TheLibrary (trad.J.G.FRAZER ), LCL ,Londres&Cambridge(Mass.),t.I,1967 5;t.II, 1963 4 Aristophane. TomeI.LesAcharnaniens—LesCavaliers—LesNuées (éd. V.COULON ; trad. H.VAN DAELE ), CUF ,Paris,1972 10 Aristophane. TomeIII.LesOiseaux—Lysistrata (éd.V.COULON ;trad.H.VAN DAELE ), CUF ,Paris, 1958 5 Aristophane. TomeIV.LesThesmophories—LesGrenouilles (éd. V.COULON ; trad. H.VAN DAELE ), CUF ,Paris,1973 7 Bacchylide . Dithyrambes — Épinicies — Fragments (éd. J.IRIGOIN ; trad. Jacqueline DUCHEMIN & L.BARDOLLET ), CUF ,Paris,1993 Callimachus.VolumenI.Fragmenta (éd.R.PFEIFFER ),Oxford,1965 2 Callimachus.VolumenII.HymnietEpigrammata (éd.R.PFEIFFER ),Oxford,1965 2 PseudoEratosthenisCatasterismi (éd.A.OLIVIERI ), BT ,Leipzig,1897 Euripide . TomeI.LeCyclope—Alceste—Médée—LesHéraclides (éd. et trad. L. MÉRIDIER ), CUF , Paris,1956 4 Euripide . TomeII.Hippolyte —Andromaque —Hécube(éd.ettrad.L.MÉRIDIER ), CUF ,Paris,1960 3 Euripide . TomeIII.Héraclès —LesSuppliantes —Ion (éd.ettrad.L.PARMENTIER &H.GRÉGOIRE ), CUF ,Paris,1959 Euripide . TomeIV.LesTroyennes —IphigénieenTauride —Électre (éd.ettrad.L.PARMENTIER ), CUF , Paris,1968 Euripide . Tome V. Hélène — Les Phéniciennes (éd. et trad. H. GRÉGOIRE & L.MÉRIDIER ; coll. F.CHAPOUTHIER ), CUF ,Paris,1950 Euripide . TomeVI 1.Oreste (éd.ettrad.F.CHAPOUTHIER &L.MÉRIDIER ), CUF ,Paris,1959 Euripide . TomeVIII.2 epartie.Fragments.Bellérophon–Protésilas (éd.ettrad.F.JOUAN &H. VAN LOOY ), CUF ,Paris,2000 AuluGelle.Nuitsattiques.TomeIII.LivresXIXV(éd.ettrad.R.MARACHE ), CUF ,2002 2 BIBLIOGRAPHIE 284

Germanicus.LesPhénomènesd’Aratos (éd.ettrad.A.LEBŒUFFLE ), CUF ,Paris,1975 Hérodote . Histoires.LivreII.Euterpe (éd.ettrad.Ph.E.LEGRAND ), CUF ,Paris,1963 Hérodote . Histoires.LivreVIII.Uranie (éd.ettrad.Ph.E.LEGRAND ), CUF ,Paris,1953 Hesiod.Theogony (éd.M.L.WEST ),Oxford,1971 2 Hesiod.Works&Days (éd.M.L.WEST ),Oxford,1980 2 Hésiode . Théogonie—LesTravauxetlesJours—LeBouclier (éd.ettrad.P.MAZON ), CUF ,Paris,2002 17 FragmentaHesiodea (éd.R.MERKELBACH &M.L.WEST ),Oxford,1967 Homerus.Ilias.VolumenPrius.RhapsodiaeIXII (éd.M.L.WEST ), BT ,Munich&Leipzig,1998 Homerus.Ilias.VolumenAlterum.RhapsodiaeXIIIXXIV (éd. M.L.WEST ), BT , Munich & Leipzig, 2000 Homerus.Odyssea.VolumenPrius. (éd.M.L.LUDWICH ), BT ,Stuttgart&Leipzig,1998 2 Homerus.Odyssea.VolumenAlterum. (éd.M.L.LUDWICH ), BT ,Stuttgart&Leipzig,1998 2 Homère . Hymnes (éd.ettrad.J.HUMBERT ), CUF ,Paris,1936 Hygin.L’Astronomie (éd.ettrad.A.LEBŒUFFLE ), CUF ,Paris,1983 Hygin . Fables (éd.ettrad.J.Y.BORIAUD ), CUF ,Paris,1997 Lycurgue . ContreLéocrate.Fragments (éd.ettrad.F.DURRBACH ), CUF ,Paris,1932 PremierMythographeduVatican (éd.N.ZORZETTI ;trad.J.BERLIOZ ), CUF ,Paris,1995 MythographiVaticaniIetII (éd.P.KULCSÁR ),Turnhout,1987 ScriptoresRerumMythicarumLatiniTresRomaeNuperReperti (éd.G.H.BODE ),Hildesheim,1968 P.OuidiNasonisMetamorphoses (éd.R.J.TARRANT ), BO ,Oxford,2004 Pausanias . Description de la Grèce. Introduction générale. Livre I. L’Attique (éd. M.CASEVITZ ; trad. J.POUILLOUX ;comm.F.CHAMOUX ), CUF ,Paris,1992 Pausanias . DescriptiondelaGrèce.LivreVII.L’Achaïe (éd.M.CASEVITZ ;trad.etcomm.Y.LAFOND ), CUF ,Paris,2000 Pausanias . DescriptiondelaGrèce.LivreVIII.L’Arcadie (éd.M.CASEVITZ ;trad.etcomm.Madeleine JOST ;coll.J.MARCADÉ ), CUF ,Paris,1998 Pausanias . DescriptionofGreece.I.BooksIandII (trad.W.H.S.JONES ), LCL ,Londres&Cambridge (Mass.),1918 Pausanias . DescriptionofGreece.II.BooksIII–V (trad. W. H. S. JONES & H.A.ORMEROD ), LCL , Londres&Cambridge(Mass.),1966 4 Pausanias . DescriptionofGreece.IV.BooksVIII(XXII)–X (trad.W.H.S.JONES ), LCL ,Londres& Cambridge(Mass.),1935 Philostratus . Imagines —Callistratus . Descriptions (trad.A.FAIRBANKS ), LCL ,Londres&Cambridge (Mass.),1960 3 PindariCarminacumFragmentis.ParsI.Epinicia (éd.B.SNELL &H.MAEHLER ), BT ,Leipzig,1971 5 PindariCarminacumFragmentis.ParsII.Fragmenta.Indices (éd.H.MAEHLER ), BT ,Leipzig,1989 Platon. Œuvrescomplètes.TomeX.Timée—Critias (éd.ettrad.A.RIVAUD ), CUF ,Paris,1925 Plinel’Ancien.Histoirenaturelle.LivreVII (éd.,trad.etcomm.R.SCHILLING ), CUF ,Paris,2003 2 Plutarch’sMoralia.IX.697c–771e (trad.E.L.MINAR ,F.H.SANDBACH &W.C.HELMBOLD ), LCL ,Londres&Cambridge(Mass.),1969 2 Plutarque. Vies.TomeI.Thésée–Romulus—Lycurgue–Numa (éd.ettrad.R.FLACELIÈRE ,É.CHAMBRY &M.JUNEAUX ), CUF ,Paris,1957 Plutarque. Vies.TomeII.Solon–Publicola—Thémistocle–Camille (éd.ettrad.R.FLACELIÈRE ,É.CHAM BRY &M.JUNEAUX ), CUF ,Paris,1961 PoetarumEpicorumGraecorumTestimoniaetFragmenta.ParsI (éd.A.BERNABÉ ), BT ,Leipzig,1987 Sophocle . TomeI.LesTrachiniennes—Antigone (éd.A.DAIN ettrad.P.MAZON ), CUF ,Paris,1967 3 Sophocle . TomeII.Ajax—ŒdipeRoi—Électre (éd.A.DAIN ettrad.P.MAZON ), CUF ,Paris,1972 4 Sophocle. TomeIII.Philoctète—ŒdipeàColone (éd.A.DAIN ettrad.P.MAZON ), CUF ,Paris,1960 TragicorumGraecorumFragmenta.1.DidascaliaeTragicae.CatalogiTragicorumetTragœdiarum.Testimoniaet FragmentaTragicorumMinorum (éd.B.SNELL ),Göttingen,1986 2 Virgile.Géorgiques (éd.E. DE SAINT DENIS ), CUF ,Paris,1974 6 BIBLIOGRAPHIE 285

Xenophon . Memorabilia (éd.C.HUDE ), BT ,Stuttgart,1969 2 b)Commentateursetscholiastes ScholiainApolloniumRhodiumVetera (éd.C.WENDEL ),Berlin,1974 3 Aristides (éd.W.DINDORF ),Hildesheim,1964 2,vol.III ScholiaGraecainAristophanem (éd.F.DÜBNER ),Paris,1842 ScholiainEuripidem (éd.E.SCHWARTZ ),Berlin,1966 2 EustathiiArchiepiscopiThessalonicensisCommentariiadHomeriIliadem ,Hildesheim&NewYork,1970 2 EustathiiArchiepiscopiThessalonicensisCommentariiadHomeriOdysseam ,Hildesheim&NewYork,1970 2 ScholiaGraecainHomeriIliadem ( ScholiaVetera )(éd.H.ERBSE ),Berlin,t.V,1977 LycophronisAlexandra.Vol.II.Scholiacontinens (éd.E.SCHEER ),Berlin,1958 2 ScholiaVeterainPindariCarmina.Vol.II.ScholiainPythionicas (éd.A.B.DRACHMANN ), BT ,Stuttgart &Leipzig,1997 2 Lactantii Placidi in Statii Thebaida Commentum. VolumenI. Anonymi in Statii Achilleida Commentum. Fulgentii ut Fingitur Planciadis super Thebaiden Commentariolum (éd. R.DALE SWEENEY ), BT , Stuttgart&Leipzig,1997 SeruiiGrammaticiquiFerunturinVergiliiBucolicaetGeorgicaCommentarii (éd. G.THILO ), Hildesheim, 1961 2 c)Lexicographes Etymologicummagnum (éd.T.GAISFORD ),Amsterdam,1967 2 HesychiiAlexandriniLexicon (éd.J.ALBERTUM &M.SCHMIDT ),Amsterdam,1965 2 LexicographiGraeci.Vol.I.SuidaeLexicon (éd.A.ADLER ), BT ,Stuttgart,1967 21971 2 PhotiiPatriarchaeLexicon (éd.S.A.NABER ),Amsterdam,1965 2 —Sourceshistoriquesgrecquesfragmentaires FGrH II,81(Phylarque) FGrH II,239(MarbredeParos) FGrH III,323a(Hellanicos) FGrH III,324(Androtion) FGrH III,328(Philochore) FGrH III,332(BiondeProconnèse) FGrH III,790(PhilondeByblos) FHG ,t.III, s.u.«PolemoIliensis» —Sourcesépigraphiquesgrecques IG IIIII 2,1672;5051;5166 IG V,2,3;343 IG XIV,1389

3. TRAVAUXMODERNES W.ALLAN ,«DivineJusticeandCosmicOrderinEarlyGreekEpic», JHS ,126,2006,p.135 Eva ALRAM STERN & G.NIGHTINGALE (éd.), Keimelion : Elitenbildung und elitärer Konsum von der mykenischenPalastzeitbiszurhomerischenEpoche.AktendesinternationalenKongressesvom3.bis5. Februar2005inSalzburg ( PHKD ,350; VmykK ,27),Vienne,2007 DeborahANDERSON ,«MycenaeanVesselTerms:EvaluatingtheIEEvidence», Minos ,n.s.,29 30,19941995,p.295322 EvaANDERSSON &MarieLouiseB.NOSCH ,«WithaLittleHelpfrommyFriends:Investigating Mycenaean Textiles with Help from Scandinavian Experimental Archaeology», dans KarenP.FOSTER &R.LAFFINEUR (éd.), Metron.MeasuringtheAegeanBronzeAge.Proceedingsof the 9 th International Aegean Conference. New Haven, Yale University, 18–21April 2002 ( Aegaeum , 24),Liège&Austin,2003,p.197205etpl.XLV BIBLIOGRAPHIE 286

V.L.ARAVANTINOS , L.GODART & Anna SACCONI , Thèbes.FouillesdelaCadmée.I.Lestablettesen linéaireBdela Odos Pelopidou .Éditionetcommentaire ( BibliotecadiPasiphae , 1), Pise& Rome, 2001 Attiememoriedel1 oCongressoInternazionaledimicenologia.Roma27settembre–3ottobre1967 ( Incunabula Graeca ,25),Rome,1968 A.I. BAUMGARTEN , The Phoenician History ofPhiloofByblos.ACommentary ( ÉPRO , 89), Leyde, 1981 LilyY.BECK &C.W.BECK ,«wirizaWoolonLinearBTabletsofPerfumeIngredients», AJA , 82,1978,p.213215 G.BECKMAN ,«ElkurnišaandAšertu(1.55)»,dansW.W.HALLO (éd.), op.cit. ,p.149 LisaMariaBENDALL ,«ATimeforOfferings:DedicationsofPerfumedOilatPylianFestivals», Minos ,n.s.,3334,19981999,p.19 EAD .,«EconomicsofPotniaintheLinearBTablets»,dansR.LAFFINEUR &R.HÄGG (éd.), op. cit. ,p.445452 EAD ., «Fit For a King? Hierarchy, Exclusion, Aspiration and Desire in the Social Structure of MycenaeanBanqueting»,dansP.HALSTEAD &J.C.BARRETT (éd.), op.cit. ,p.105135 EAD .,EconomicsofReligionintheMycenaeanWorld.ResourcesDedicatedtoReligionintheMycenaeanPalace Economy ( OxfordUniversitySchoolofArchaeology ,67),Oxford,2007 EAD .,«HowMuchMakesaFeast?AmountsofBanquetingFoodstuffsintheLinearBRecordsof Pylos»,dansAnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit. ,t.I( Pasiphae ,1,2007),p.77101 J.BENNET ,«“Collectors”or“Owners”?AnExaminationoftheirPossibleFunctionswithinthe PalatialEconomyofLMIIICrete»,dansJ.P.OLIVIER (éd.), op.cit. ,p.65101 E.L.BENNETT Jr, TheOliveOilTabletsofPylos.TextsofInscriptionsFound,1955 ( Minos , Suppl. 2), Salamanque,1958 ID.,«TextualNotes:PYAn607», Minos ,n.s.,7,1961,p.513etpl.I ID. (éd.), MycenaeanStudies.ProceedingsoftheThirdInternationalColloquiumforMycenaeanStudiesHeldat “Wingspread”,4–8September1961 ,Madison,1964 ID., «puro vacant (PY Tn 316.710, v.1316)», dans E.RISCH & H.MÜHLESTEIN (éd.), op.cit. , p.221234 ID.,«ASelectionofPylosTabletTexts»,dansJ.P.OLIVIER (éd.), op.cit. ,p.103127 ID.,«Junctions,Restorations,andReconstructionsinPylianandRelatedTexts», Minos ,n.s.,3132, 19961997,p.135143etpl.II E.L.BENNETT etal. ,«436raccordsetquasiraccordsdefragmentsinéditsdans KT 5», Minos ,n.s., 24,1989,p.199242 R.BLOCH ,«QuelquesremarquessurPoséidon,NeptuneetNethuns»,dansR.BLOCH etal. , op.cit. , p.125139 R.BLOCH etal. , D’HéraklèsàPoséidon.Mythologieetprotohistoire ( CRHP , s.III, 14), Genève & Paris, 1985 Liliane BODSON , Ἱερὰ ζῷα.Contributionàl’étudedelaplacedel’animaldanslareligiongrecqueancienne (MCL ,s.2,t.63,fasc.2),Bruxelles,1978 EAD .,«Natureetfonctionsdesserpentsd’Athéna»,dansMarieMadeleineMACTOUX etÉvelyne GENY (éd.), MélangesPierreLévêque.4.Religion ( CRHA ,96),Paris,1990,p.4562 CécileBOËLLE ,«potinija:unitéoupluralité?»,dansR.LAFFINEUR &R.HÄGG (éd.), op.cit. , p.403410 EAD ., potinija. L’élément féminin dans la religion mycénienne (d’après les archives en linéaire B) ( Études anciennes ,26),Nancy,2004 P.BORDREUIL & D.PARDEE , Manuel d’ougaritique , Paris, 2004, t.I ( Grammaire. FacSimilés ); t.II (Choixdetextes.Glossaire ) M.BRIAND ,«Grecκ άπρος:du“(porc)vorace”au“sanglier”»,dansSylvieMELLET (éd.), op.cit. , p.91115 D.BRIQUEL ,«VieuxdelamergrecsetDescendantdeseauxindoeuropéen»,dansR.BLOCH et al. , op.cit. ,p.141158 BIBLIOGRAPHIE 287

O.BRONEER ,«AMycenaeanFountainontheAthenianAcropolis», Hesperia ,8,1939, p.317433 etpl.XIXIII P.BRULÉ ,«Arithmologieetpolythéisme.EnlisantL.Gerschel»,dans Lesgrandesfiguresreligieuses. Fonctionnementpratiqueetsymboliquedansl’Antiquité.Besançon25–26avril1984 ,Paris,1986,p.35 47 ID., Lafilled’Athènes.LareligiondesfillesàAthènesàl’époqueclassique.Mythes,cultesetsociété ( CRHA ,76), Paris,1987 R.J.BUCK ,«MycenaeanHumanSacrifice», Minos ,n.s.,24,1989,p.131137 W.BURKERT , «Le mythe des Cécropides et les Arrhéphories. Du rite initiatique à la fête des Panathénées»,dans Sauvagesorigines.MythesetritessacrificielsenGrèceancienne (trad.Dominique LENFANT ),Paris,1998,p.71111 ID., GreekReligion . ArchaicandClassical (trad.J.RAFFAN ),Oxford&Cambridge(Mass.),1985 ID., TheOrientalizingRevolution.NearEasternInfluenceonGreekCultureintheEarlyArchaicAge (trad. M.E.PINDER &W.BURKERT ),Cambridge(Mass.)&Londres,1995² C.CALAME , Théséeetl’imaginaireathénien.LégendeetculteenGrèceantique ,Lausanne,1996 2 A.CAQUOT &M.SZNYCER , UgariticReligion ( IconographyofReligions ,XV,8),Leyde,1980 A.CAQUOT , M.SZNYCER & AndréeHERDNER , Textesougaritiques.TomeI.Mythesetlégendes , Paris, 1974 P.CARLIER , LaroyautéenGrèceavantAlexandre ( Étudesettravaux ,6),Strasbourg,1984 ID.,«Àproposdes tereta »,dansP.H.ILIEVSKI &LjiljianaCREPAJAC (éd.), op.cit. ,p.6573 ID.,«Lescollecteurssontilsdesfermiers?»,dansJ.P.OLIVIER (éd.), op.cit. ,p.159166 A.CARNOY ,«LenomdePoséidon», MB ,28,1924,p.175180 ID.,«Lesnomsdesdieuxetdeshérosd’Homère», LÉC ,22,1954,p.337350 M.CARPENTER ,«kitimena andkekemena atPylos», Minos ,n.s.,18,1983,p.8188 O.CARRUBA (éd.), StudiaMediterraneaPieroMeriggidicata ,Pavie,1979 J.CHADWICK ,«TheGroup sw inMycenaean», Minos ,n.s.,9,1968,p.6265 ID.,«WhoWasekera 2wo?»,dansJ.BINGEN ,G.CAMBIER &G.NACHTERGAEL (éd.), Lemonde grec. Pensée — littérature — histoire — documents. Hommages à Claire Préaux (ULB. Faculté de philosophieetlettres ,52),Bruxelles,1975,p.450453 ID., TheMycenaeanWorld ,Cambridge etal. ,1976 2 ID.,«TheSemanticHistoryofGreek ἐσχ άρα»,dansAnnemarieETTER (éd.), ooperosi.Festschrift fürErnstRischzum75.Geburtstag ,Berlin&NewYork,1986,p.515523 IleanaCHIRASSI [COLOMBO ],«Poseidaon–EnesidaonnelPantheonmiceneo»,dans Attiememorie (op.cit. ),t.II, p.945991 EAD .,«NotesulpantheonmiceneoinCreta:riconsiderandolaKNV52»,dansΠεπραγ ένατο ῦ Γ´ιεθνο ῦςΚρητολογικο ῦΣυνεδρ ίου(Ρέθυ νον,18–23Σεπτεβρ ίου1971),Athènes,1973, t.I,p.376402 Matilde CIVITILLO , «Il sillabogramma *19 . Status quaestionis e proposte di lettura», dans Anna SACCONI etal. (éd.), op.cit. ,t.I( Pasiphae ,1,2007),p.131149 R.J.CLIFFORD ,«CosmogoniesintheUgariticTextsandintheBible», Orientalia ,n.s.,53,1984, p.183201 D.J.CONACHER , Aeschylus’ PrometheusBound .ALiteraryCommentary ,Toronto,1980 Soteroula CONSTANTINIDOU , «Xenia and Lekhestroterion : Two Mycenaean Festivals», ωδ ώνη. Φιλολογ ία,18(2),1989,p.926 A.B.COOK , Zeus.AStudyinAncientReligion.I.ZeusGodoftheBrightSky ,NewYork,1964 2 SoniaDARTHOU ,«Retouràlaterre:findelaGested’Érechthée», Kernos ,18,2005,p.7982 SigridDEGER JALKOTZY , eqeta.ZurRolledesGefolgschaftswesensinderSozialstrukturmykenischerReiche (MykSt ,6),Vienne,1978 EAD .,«TheWomenofPYAn607», Minos ,n.s.,13,1972,p.137160 BIBLIOGRAPHIE 288

Sigrid DEGER JALKOTZY , S.HILLER & O.PANAGL (éd.), Floreant Studia Mycenaea. Akten des X. InternationalenMykenologischenColloquiumsinSalzburgvom1.–5.mai1995 ( PHKD ,274; VmykK , 18),Vienne,1999 MarieDELCOURT , Héphaistosoulalégendedumagicien ,Paris,1982 2 M.DEL FREO ,«Osservazionisumiceneo komaweteja », Minos ,n.s.,3132,19961997,p.145158 etpl.III ID.,«Mic. kerenaineinuovitestiinlineareBdiTebe»,dansV.LA ROSA ,D.PALERMO &Lucia VAGNETTI (éd.), Ἐπὶ π όντον πλαζ όενοι. SimposioitalianodiStudiegeidedicatoaLuigiBernabò BreaeGiovanniPuglieseCarratelli.Roma18–20febbraio1998 ,Rome,[1999],p.299304 ID.,«Mycénien puterija etlecouple kitimena / kekemena », RPh ,s.3,75,2001,p.2744 ID.,«PropostadiriclassificazionedelletavolettePYMb1406ePYXa1438», RAL ,s.9,13,2002, p.171176 ID.,«LatabletteAn724dePylos», Minos ,n.s.,3738,20022003,p.143171 ID.,«L’expression kakonawijo delatabletteJn829dePylos»,dansR.LAFFINEUR &E.GRECO (éd.), Emporia.AegeansintheCentralandEasternMediterranean.Proceedingsofthe10 th International AegeanConference.Athens,ItalianSchoolofArchaeology,14–18April2004 ( Aegaeum ,25),Liège& Austin,2005,t.II,p.793803 ID., IcensimentiditerrenineitestiinlineareB( BibliotecadiPasiphae ,5),Pise&Rome,2005 E.DEMIRO ,L.GODART &AnnaSACCONI (éd.), AttiememoriedelsecondoCongressoInternazionaledi micenologia.Roma—Napoli,14–20ottobre1991 ( IncunabulaGraeca ,98),Rome,1996 L.DEROY &MoniqueGÉRARD ,LecadastremycéniendePylos ( IncunabulaGraeca ,10),Rome,1965 M.DETIENNE ,LesmaîtresdevéritédanslaGrècearchaïque ,Paris,1981 2 ID., Commentêtreautochtone.DupurAthénienauFrançaisraciné ,Paris,2003 M.DETIENNE &J.P.VERNANT , Lesrusesdel’intelligence.LamètisdesGrecs ,Paris,1974 G.S.DONTAS ,«TheTrueAglaurion», Hesperia ,52,1983,p.4863etpl.1315 Ch.DOYEN , «Un cheval sur l’Acropole? (Virgile, Géorg. , I, v.1214; Ovide, Métam. , VI, v.75 77)», LÉC,75,2007,p.461465 J.DRIESSEN , «“Collector’s Items”. Observations sur l’élite mycénienne de Cnossos», dans J.P.OLIVIER (éd.), op.cit. ,p.197214 ID.,«ChronologyoftheLinearBTexts»,dansY.DUHOUX &AnnaMORPURGODAVIES (éd.), op. cit. ,p.6979 Jacqueline DUCHEMIN , Prométhée. Histoire du mythe, de ses origines orientales à ses ncarnations modernes (Collectiond’Étudesmythologiques ),Paris,1974 EAD .(†), Mythesgrecsetsourcesorientales ,Paris,1995 R.DUEV ,«ZeusandDionysusintheLightofLinearBRecords»,dansAnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit.,t.I( Pasiphae ,1,2007),p.223230 Y.DUHOUX ,«Legroupelexicaldeδ ίδωιenmycénien», Minos ,n.s.,9,1968,p.81108 ID.,«Lesmesuresmycéniennesdesurface», Kadmos ,13,1974,p.2738 ID.,«IdéogrammestextilesdulinéaireB:* 146 ,* 160 ,* 165 et* 166 », Minos ,n.s.,15,1974,p.116 132etpl.III ID., Aspectsduvocabulaireéconomiquemycénien(cadastre—artisanat—fiscalité) ,Amsterdam,1976 ID.,«Lessyllabogrammes 34 et 35 dulinéaireB»,dansA.HEUBECK &G.NEUMANN (éd.), op.cit. , p.112125 ID.,«LelinéaireA:problèmesdedéchiffrement»,dansY.DUHOUX etal. , ProblemsinDecipherment (BCILL ,49),LouvainlaNeuve,1989,p.59119 ID.,«Auxsourcesdubestiairegrec:leszoonymesmycéniens»,dansSylvieMELLET (éd.), op.cit. , p.173202 ID., «Dieux ou humains? Qui sont maka , oporei et kowa dans les tablettes linéaireB de Thè bes?», Minos ,n.s.,3738,20022003,p.173253 ID.,«LalanguedulinéaireAestelleanatolienne?»,dansM.MAZOYER &O.CASABONNE , Anti quusOriens.MélangesoffertsauProfesseurRenéLebrun ,vol.I,Paris,2004,p.207228 BIBLIOGRAPHIE 289

ID.,«LesnouvellestablettesenlinéaireBdeThèbesetlareligiongrecque», AC ,74,2005,p.119 ID., «Adieu au maka cnossien. Une nouvelle lecture en KN F51 et ses conséquences pour les tabletteslinéaireBdeThèbes», Kadmos ,45,2006,p.119 ID., «La soidisant “triade divine” des tablettes linéaireB de la rue Pélopidou (Thèbes)», dans M.R.CATAUDELLA ,A.GRECO &G.MARIOTTA (éd.), GliStoricielaLineareBcinquant’anni dopo.AttidelConvegnoInternazionale.Firenze24–25novembre2003 ,Padoue,2006,p.6582 ID., «Animaux ou humains? Réflexions sur les tablettes Aravantinos de Thèbes», dans Anna SACCONI etal. (éd.), op.cit.,t.I( Pasiphae ,1,2007),p.231250 ID., «Mycenaean Anthology», dans Y.DUHOUX & Anna MORPURGO DAVIES (éd.), op. cit. , p.243393 Y.DUHOUX &AnnaMORPURGODAVIES (éd.), ACompaniontoLinearB.MycenaeanGreekTextsand theirWorld.Volume1( BCILL ,120),LouvainlaNeuve,2008 G.DUMÉZIL , Lareligionromainearchaïque.AvecunappendicesurlareligiondesÉtrusques ,Paris,1974 2 ID.,LesdieuxsouverainsdesIndoEuropéens ,Paris,1977 ID., Mytheetépopée.III.Histoiresromaines ,Paris,1978 2 G.[E.]DUNKEL ,«Mycenaean kekemena ,kitimena », Minos ,n.s.,17,1981,p.1829 ID.,«Mycenaean akera 2teand Ekera 2wo »,dansM.FRITZ &SusanneZEILFELDER (éd.), Novalis Indogermanica.FestschriftfürGünterNeumannzum80.Geburtstag (GrazervergleichendeArbeiten ,17), Graz,2002,p.8593 R.DUNKLE ,«Nestor,Odysseusandthe mêtis–biê Antithesis:TheFuneralGames, Iliad 23», CW , 81,19871988,p.117 J.M.DURAND ,«Lemythologèmeducombatentreledieudel’OrageetlaMerenMésopotamie», MARI ,7,1993,p.4161 V.DU SABLON , Lesystèmeconceptueldel’ordredumondedanslapenséegrecqueàl’époquearchaïque. Τι ή, ο ῖρα , κόσος , θέις et δίκη chez Homère et Hésiode (thèse de doctorat), LouvainlaNeuve, 2008 R.DUSSAUD ,«Lesantécédentsorientauxàla Théogonie d’Hésiode», AIPhO ,9,1949( Παγκάρπεια . MélangesHenriGrégoire ,vol.1),p.227231 H.VAN EFFENTERRE ,«Téménos», RÉG ,80,1967,p.1726 ID.,«Un lawagétas oublié»,dans Attiememorie ( op.cit. ),t.II,p.588593 ID.,«Laos,laoietlawagetas», Kadmos ,16,1977,p.3655 Pia DE FIDIO , I dosmoi piliiaPoseidon.Unaterrasacradietàmicenea ( IncunabulaGraeca , 65), Rome, 1977 EAD ., «Fiscalità, redistribuzione, equivalenze: per una discussione sull’economia micenea», SMEA ,23,1982,p.83136 EAD ., «Palais et communautés de village dans le royaume mycénien de Pylos», dans P.H.ILIEVSKI &LjiljianaCREPAJAC (éd.), op.cit. ,enpart.p.142147 EAD .,«Lepoidsmycéniendelalaine»,dansSigridDEGER JALKOTZY ,S.HILLER &O.PANAGL (éd.), op.cit. ,t.I,p.195204 EAD ., «Miceneo kitita e metakitita», dans Anna SACCONI etal. (éd.), op.cit. , t. I ( Pasiphae , 1, 2007),p.159177 EAD ., «Mycenaean History», dans Y.DUHOUX & Anna MORPURGO DAVIES (éd.), op. cit. , p.81114 R.J.FIRTH , «Reconsidering Alum on the Linear B Tablets», dans Carole GILLIS & Marie LouiseB.NOSCH (éd.), AncientTextiles.Production,CraftandSociety.ProceedingsoftheFirstInter nationalConferenceonAncientTextiles,HeldatLund,Sweden,andCopenhagen,Denmark,onMarch 19–23,2003 ,Oxford,2007,p.130138 Chr.FLAMENT , Lemonnayageenargentd’Athènesdel’époquearchaïqueàl’époquehellénistique(c.550–c.40 av.J.C.) (Étudesnumismatiques ,1),LouvainlaNeuve,2007 E.O.FORRER ,«EineGeschichtedesGötterkönigstumsausdemHattiReiche», AIPhO ,4,1936 (MélangesFranzCumont ),vol.2,p.688713 B.R.FOSTER ,«EpicofCreation(1.111)»,dansW.W.HALLO (éd.), op.cit. ,p.390402 BIBLIOGRAPHIE 290

EllenD.FOSTER ,«AnAdministrativeDepartmentatKnossosConcernedwithPerfumeryandOf ferings», Minos ,n.s.,16,1977,p.1951 A.FURUMARK , «The LinearATablets from Hagia Triada. Structure and Fonction», ORom , 11, 1976,p.121 ID.,«AegeanSociety», OAth ,12,1978,p.1117 M.F.GALIANO ,«Quelquesobservationssurlesnomsmycénienseneu», Minos ,n.s.,12,1972, p.207260 W.R.GALLAGHER ,«AReconsiderationof ono inMycenaeanGreek», Minos ,n.s.,23,1988,p.85 106 T.GANTZ , Mythes de la Grèce archaïque (trad. Danièle AUGER & Bernadette LECLERCQ NEVEU ), Paris,2004 M.V.GARCÍA QUINTELA ,«Ledernierroid’Athènes:entrelemytheetlerite», Kernos ,10,1997, p.135151 J.L.GARCÍA RAMÓN ,«SobrelatablillaPYTn316yelpretendidopresenteradical ijeto »,dans E.DEMIRO ,L.GODART &AnnaSACCONI (éd.), op.cit. ,t.I, p.261268 ArmelleGARDEISEN (éd.), Leséquidésdanslemondeméditerranéenantique.ActesduColloqueorganisépar l’École française d’Athènes, le Centre Camille Jullian, et l’UMR 5140 du CNRS. Athènes, 26–28 Novembre2003 ,Athènes,2005 V.I.GEORGIEV , «Rhadamanthys, Sarpedon und Minos», dans O.CARRUBA (éd.), op. cit. , t.I, p.199203 StellaGEORGOUDI ,«Sacrificeetmiseàmort:aperçussurlestatutduchevaldanslespratiques rituellesgrecques»,dansArmelleGARDEISEN (éd.), op.cit. ,p.137142 Monique GÉRARD ROUSSEAU , Les mentionsreligieuses dans les tablettesmycéniennes ( Incunabula Graeca , 29),Rome,1968 EAD .,«LessacrificesàPylos», SMEA ,13,1971,p.139146 J.C.L.GIBSON ,«TheTheologyoftheUgariticBaalCycle», Orientalia ,n.s.,53,1984,p.202219 R.GINOUVÈS , Balaneutikè.Recherchessurlebaindansl’Antiquitégrecque( BÉFAR ,200),Paris,1962 L.GODART ,«Valeurdesidéogrammes OVIS m, OVIS f, CAP m, CAP f, SUS m, SUS f, BOS m, BOS fdansles tablettesdeCnossosetdePylos»,Κρητικ ὰΧρονικ ά,23,1971,p.8994 ID.,«Lescollecteursdanslemondeégéen»,dansJ.P.OLIVIER (éd.), op.cit. ,p.257283 L.GODART etal. ,«175raccordsdefragmentsdanslestablettesdeKnossos», Minos ,n.s.,2728, 19921993,p.59 L.GOURMELEN ,Kékrops,leRoi–Serpent.Imaginaireathénien,représentationsdel’humainetdel’animalitéen Grèceancienne ( CÉA ,129),Paris,2004 Joann GULIZIO ,«Hermesand emaa2: The Continuity of his Cult fromthe Bronze Age to the HistoricalPeriod», ŽA ,50,2000,p.105116 EAD .,«MycenaeanReligionatKnossos»,dansAnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit. ,t.I( Pasiphae ,1, 2007),p.351358 H.G.GÜTERBOCK , Kumarbi.MythenvomchurritischenKronosausdenhethitischenFragmentenzusammen gestellt,übersetztunderklärt ,Zurich&NewYork,1946 Robin HÄGG , «State and Religion in Mycenaean Greece», dans R.LAFFINEUR & W.D. NIE MEIER (éd.), op.cit. ,t.II,p.387391 I.HAJNAL , StudienzummykenischenKasussystem ( UntersuchungenzurindogermanischenSprachundKultur wissenschaft ,n.s.,7),Berlin&NewYork,1995 ID.,«Mykenisch ijeto , ijero undVerwandtes»,dansE.DEMIRO ,L.GODART &AnnaSACCONI (éd.), op.cit. ,t.I,p.269288 J.M.HALL , EthnicIdentityinGreekAntiquity ,Cambridge,1997 E.HALLAGER ,MariaVLASAKIS &BirgittaP.HALLAGER ,«NewLinearBTabletsfromKhania», Kadmos ,31,1992,p.7581 W.W.HALLO (éd.), The Context of Scripture. VolumeI. Canonical Compositions from the Biblical World , Leydeetal. ,1997 ID.,«TheTheogonyofDunnu(1.112)»,dansW.W.HALLO (éd.), op.cit. ,p.402404 BIBLIOGRAPHIE 291

MoniqueHALM TISSERANT , «Le gorgonéion, emblème d’Athéna. Introduction du motif sur le bouclieretl’égide», RA ,1986,p.245278 P.HALSTEAD &J.C.BARRETT (éd.), Food,CuisineandSocietyinPrehistoricGreece ( SSAA ,5),Oxford, 2004 T.L.HETTEMA ,«“ThatItBeRepeated”.ANarrativeAnalysisofKTU 1.23», JEOL ,31,1989 1990,p.7794 A.HEUBECK , KleineSchriftenzurgriechischenSpracheundLiteratur ( ErlangerForschungen ,s.A,33),Erlan gen,1984 ID.,«ZudenpylischenEsTafeln», DieSprache ,4,1958,p.8095 ID., «Myk. a3kipata „Ziegenhirt“. Vermutungen zu griechischen Wortbildungen mit α ἰγ(ι) und ἴψασθαι»,IF ,68,1963,p.1321 ID.,«Myk. worokijonejokama », ŽA ,15,19651966,p.267270= KleineSchriften ,p.431434 ID.,«Myk. kekemeno », ŽA ,17,1967,p.1721= KleineSchriften ,p.444448 ID.,«ZueinigenProblemenderpylischenTafelAn607», Minos ,n.s.,19,1985,p.6190 A.HEUBECK & G.NEUMANN (éd.), Res Mycenaeae. Akten des VII. Internationalen Mykenologischen ColloquiumsinNürnbergvom6.–10.April1981 ,Göttingen,1983 B.HOLTZMANN , L’Acropoled’Athènes.Monuments,cultesethistoiredusanctuaired’AthénaPolias ( Antiqua , 7),Paris,2003 M.HUTTER ,«DerluwischeWettergott pih aššašši̮ unddergriechischePegasos»,dansM.OFISCH & Chr.ZINKO (éd.), Studiaonomasticaetindogermanica.FestschriftfürFritzLochnervonHüttenbach zum65.Geburtstag ,Graz,1995,p.7997 P.H.ILIEVSKI , «The Recipient of the Es Tablets», dans L.R.PALMER & J.CHADWICK (éd.), ProceedingsoftheCambridgeColloquiumonMycenaeanStudies ,Cambridge,1966,p.238244 ID., «tiriseroe and some other Mycenaean Names with Augmentative Prefixes», dans T.G. PALAIMA etal. (éd.), StudiaMycenaea(1988) ( ŽAMonographies ,7),Skopje,1989,p.6779 P.H.ILIEVSKI & Ljiljiana CREPAJAC (éd.), Tractata Mycenaea. Proceedings of the Eighth International ColloquiumonMycenaeanStudies,HeldinOhrid,15–20September1985 ,Skopje,1987 M.JANDA , Eleusis.DasindogermanischeErbederMysterien ( IBS ,96),Innsbruck,2000 Joanna JANIK , TermsoftheSemanticSphereof δίκη and θέις intheEarlyGreekEpic(PolishAcademyof ArtsandSciences.StudiesoftheCommissiononClassicalPhilology ,30),Cracovie,2003 K.JEPPESEN ,«WhereWastheSocalledErechtheion?», AJA ,83,1979,p.391392 MadeleineJOST , Sanctuairesetcultesd’Arcadie ( ÉtudesPéloponnésiennes ,9),Athènes,1985 EmilyKEARNS , TheHeroesofAttica ( BICS ,Suppl.57),Londres,1989 J.T.KILLEN ,«TheKnossosLc[Cloth]Tablets», BICS ,13,1966,p.105109 ID.,«AProblemintheKnossosLc (1) [Cloth]Tablets», Hermathena ,118,1974,p.8290 ID.,«LinearB akoraja/jo »,dansAnnaMORPURGODAVIES &W.MEID (éd.), StudiesinGreek, Italic, and IndoEuropean Linguistics Offered to Leonard R.Palmer (IBS , 16), Innsbruck, 1976, p.116125 ID.,«TheKnossosLd (1) Tablets»,dansE.RISCH &H.MÜHLESTEIN (éd.), op.cit. ,p.151181 ID.,«MycenaeanPossessiveAdjectivesin ejo », TPhS ,n.s.,29,1983,p.6699 ID., «Piety Begins at Home: PlaceNames on Knossos Records of Religious Offerings», dans P.H.ILIEVSKI &LjiljianaCREPAJAC (éd.), op.cit. ,p.163177 ID., «New Readings and Interpretations in the Pylos Tablets», dans Sigrid DEGER JALKOTZY , S.HILLER &O.PANAGL (éd.), op.cit. ,t.II,p.343344 ID.,«SomeObservationsontheNewThebesTablets», BICS ,43,1999,p.217219 ID.,«ReligionatPylos:theEvidenceoftheFnTablets»,dansR.LAFFINEUR &R.HÄGG (éd.), op. cit. ,p.439440 ID.,«ANoteonPylosTabletUn1482», Minos ,n.s.,3536,20002001,p.385389 ID.,«SomeThoughtson tarasija »,dansSofiaVOUTSAKI &J.T.KILLEN (éd.), op.cit. ,p.161180 ID.,«SomeFurtherThoughtson“Collectors”»,dansR.LAFFINEUR &W.D.NIEMEIER (éd.), op. cit. ,t.I,p.213226 BIBLIOGRAPHIE 292

ID., «Wheat, Barley, Flour, Olives and Figs on LinearB Tablets», dans P.HALSTEAD & J.C.BARRETT (éd.), op.cit. ,p.155173 G.H.KNUTZEN ,«PYTn316,Recto4: matẹ ṇ ẹ sạ ,nicht manạ sạ », Kadmos ,34,1995,p.5362 ID.,«Matensa‚Suchende‛dermykenischeNamederspäterenDemeter», ZPE ,120,1998,p.3944 Uta KRON , Die zehn attischen Phylenheroen. Geschichte, Mythos, Kult und Darstellungen (MDAI[A] , 5), Berlin,1976 MichelleLACORE ,«EuripideetlecultedePoséidonÉrechthée», RÉA ,85,1983,p.222227 R.LAFFINEUR &W.D.NIEMEIER (éd.), Politeia.SocietyandStateintheAegeanBronzeAge.Proceedings ofthe5 th InternationalAegeanConference.UniversityofHeidelberg,ArchäologischesInstitut.10–13April 1994 ( Aegaeum ,12),Liège&Austin,1995 R.LAFFINEUR &R.HÄGG (éd.), Potnia.DeitiesandReligionintheAegeanBronzeAge.Proceedingsofthe 8th InternationalAegeanConference.Göteborg,GöteborgUniversity,12–15April2000 ( Aegaeum , 22), Liège&Austin,2001 W.G. LAMBERT & R.WALCOT , «A New Babylonian Theogony and Hesiod», Kadmos , 4, 1965 1966,p.6472 MabelLANG ,«EsProportions»,dansE.L.BENNETT Jr(éd.), op.cit. ,p.3751 E.LAROCHE , «Textes mythologiques hittites en transcription. Deuxième partie. Mythologie d’origineétrangère», RHA ,26,1968,p.3947 R.LEBRUN ,«L’identitédesTroyens»,dansL.ISEBAERT &R.LEBRUN (éd.), QuaestionesHomericae. ActaColloquiiNamurcensishabitidiebus7–9mensisSeptembrisanni1995 ( CÉC , 9), Louvain & Namur,1998,p.149161 H.LEJDEGÅRD ,«TheFunctionandSocialPositionoftheMycenaean qasireu», Minos ,n.s.,31 32,19961997,p.371378 M.LEJEUNE , Mémoiresdephilologiemycénienne.Premièresérie(1955–1957) , Paris, 1958; Deuxièmesérie (1958–1963)(IncunabulaGraeca ,42),Rome,1971; Troisièmesérie(1964–1968) (IncunabulaGrae ca ,43),Rome,1972; Quatrièmesérie(1969–1996) (IncunabulaGraeca ,99),Rome,1997 ID.,«Nouvellesremarquessurl’identificationdessignessyllabiquesrares»(1957),dansMémoiresI , p.203217 ID.,«Textesmycéniensrelatifsauxesclaves», Historia ,8,1959,p.129144= MémoiresII ,p.6381. ID.,«Prêtresetprêtressesdanslesdocumentsmycéniens»,dansHommagesàGeorgesDumézil ( Coll. Latomus ,45),Bruxelles,1960,p.129139= MémoiresII ,p.8393 ID.,«Étudesdephilologiemycénienne.V.Lesuffixeτερο»,RÉA ,64,1962,p.519= Mémoires II ,p.267283 ID.,«Notesmycéniennes»,PP ,17,1963,p.401420= MémoiresII ,p.357375 ID.,«Sur quelques termesdu vocabulaire économiquemycénien», dans E.L.BENNETT Jr (éd.), op.cit. ,p.77109= MémoiresII ,p.285312 ID.,«Étudesdephilologiemycénienne.VI.LescirconscriptionsadministrativesdePylos», RÉA , 67,1965,p.524= MémoiresIII ,p.113133 ID.,«Le damos danslasociétémycénienne», RÉG ,78,1965,p.122= MémoiresIII ,p.135154 ID.,«Peutonlire au pour 85 ?», SMEA ,1,1966,p.928=MémoiresIII ,p.179199 ID., «LessyllabogrammesBetleurtranslitération», Minos ,n.s.,11,1970,p.7396= MémoiresIV , p.2552 ID.,«Lenomgrecdelalaine»,dansMélangesdelinguistiqueetdephilologiegrecquesoffertsàPierreChan traine ( Étudesetcommentaires ,79),Paris,1972,p.93104=MémoiresIV ,p.5366 ID.,«Ledossier sarapeda duscribe24dePylos», Minos ,n.s.,14,1973,p.6076= Mémoires IV , p.6785 ID.,«οσ όςet ἀπύδοσις», MH ,32,1975,p.111= MémoiresIV ,p.101113 ID.,«Surl’intitulédelatablettepylienneEn609», RPh ,s.3,48,1975,p.247266= MémoiresIV , p.153174 ID.,«EnmargedestablettesdeTirynthe», RPh ,s. 3,50, 1977,p. 193197 =Mémoires IV ,p.189195 ID.,«AnalysedudossierpylienEa», Minos ,n.s.,15,1974,p.81115=MémoiresIV ,p.115151 BIBLIOGRAPHIE 293

ID.,«ῶ,“maison”», SMEA ,17,1977,p.7984= MémoiresIV ,p.175182 A.LEUKART ,«Götter,FesteundGefäße.Mykenisch eus und ēwios:StruktureneinesWortfeldes undseinWeiterlebenimspäterenGriechisch»,dansA.HEUBECK &G.NEUMANN (éd.), op. cit. ,p.234252 ID.,«Lessignes *76(ra 2,«rja») et *68(ro 2,«rjo») etlenomdugrandprêtredePoséidon(sinondu roi)àPylos»,dansJ.P.OLIVIER (éd.), op.cit. ,p.387405 C.E.L’H EUREUX , RankamongtheCanaaniteGods:El,Ba‘al,andtheRepha’im ,Missoula,1979 MargaretaLINDGREN , ThePeopleofPylos.ProsopographicalandMethodologicalStudiesinthePylosArchives , Uppsala,1973 EAD .,«TheInterpretationofPersonalDesignationsinLinearB:MethodologicalProblems»,dans E.RISCH &H.MÜHLESTEIN (éd.), op.cit. ,p.8186 C.S. LITTLETON ,«The“KingshipinHeaven”Theme»,dansJ.PUHVEL (éd.), MythandLawamong theIndoEuropeans.StudiesinIndoEuropeanComparativeMythology ,Berkeley etal. ,1970,p.83121 ID., «Poseidon as a Reflex of the IndoEuropean ‘Source of Waters’ God», JIES , 1, 1973, p.423440 NicoleLORAUX , Lesenfantsd’Athéna.Idéesathéniennessurlacitoyennetéetladivisiondessexes ,Paris,1990 2 Susan LUPACK , «Deities and Religious Personnel as Collectors», dans M.PERNA (éd.), op. cit. , p.89108 EAD .,«TheNortheastBuildingofPylosandAn1281»,dansAnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit. ,t.II (Pasiphae ,2,2008),p.467484 W.T.MAGRATH ,«TheAthenianKingListandIndoEuropeanTrifunctionality», JIES ,3,1975, p.173194 JacquelineMANESSY GUITTON ,«Temenos», IF ,71,1966,p.1438 J.MARAN &EftychiaSTAVRIANOPOULOU , «ΠότνιοςἈνήρ—ReflectionsontheIdeologyofMy cenaeanKingship», dansEvaALRAM STERN &G.NIGHTINGALE (éd.), op.cit. ,p.285298 P.MARCHETTI &K.KOLOKOTSAS , Lenymphéedel’agorad’Argos.Fouille,étudearchitecturaleethistorique (Étudespéloponnésiennes ,11),Athènes,1995 B.MARGALIT ,«TheLegendofKeret»,dansW.G.E.WATSON &N.WYATT (éd.), op.cit. ,p.203 233 O.MASSON , «À propos de deux formules redoublées au locatif. Mycénien weteiwetei “chaque année”,chypriote amatiamati “chaquejour”», ŽA ,15,19651966,p.257266 T.MEISSNER ,«TwoMycenaeanProblems»,dansJ.H.W.PENNEY (éd.), IndoEuropeanPerspectives. StudiesinHonourofAnnaMorpurgoDavies ,Oxford,2004,p.258265 J.L.MELENA ,«CorianderontheCnossosTablets», Minos ,n.s.,15,1974,p.133163 ID.,«244JoinsandQuasiJoinsofFragmentsintheLinearBTabletsfromPylos», Minos ,n.s.,27 28,19921993,p.307324 ID.,«133JoinsandQuasiJoinsofFragmentsintheLinearBTabletsfromPylos», Minos ,n.s.,29 30,19941995,p.271288 ID.,«24JoinsandQuasiJoinsofFragmentsintheLinearBTabletsfromPylos», Minos ,n.s.,35 36,20002001,p.357369 ID.,«63JoinsandQuasiJoinsofFragmentsintheLinearBTabletsfromPylos», Minos ,n.s.,35 36,20002001,p.371384 SylvieMELLET (éd.), Leszoonymes.ActesduColloqueInternationaltenuàNiceles23,24et25janvier1997 (PFLN ,n.s.,38; LAMA ,14),Nice,1997 P.MERLO &P.XELLA ,«DaErwinRohdeaiRapiumaugaritici:antecedentivicinoorientalidegli eroigreci?»,dansS.RIBICHINI ,MariaROCCHI &P.XELLA (éd.), Laquestionedelleinfluenze vicinoorientalisullareligionegreca.Statodeglistudieprospettivedellaricerca.AttidelColloquioInterna zionale.Roma,20–22maggio1999,Rome,2001,p.281297 Celestina MILANI , «Contributo allo studio delle tavolette Fr di Pilo», dans E.DEMIRO , L.GODART &AnnaSACCONI (éd.), op.cit. ,t.I,p.351360 R.MONDI ,«TheAscensionofZeusandtheCompositionofHesiod’s Theogony », GRBS,25,1984, p.325344 BIBLIOGRAPHIE 294

A.MOREAU , c.r. de AeschyliTragoediaecumIncertiPoetaePrometheo (éd. M.L. WEST ), BT , Stuttgart, 19982, RPh ,s.3,74,2000,p.316320 H.MÜHLESTEIN ,«ipemedejaetIphimédéia»,dansE.RISCH &H.MÜHLESTEIN (éd.), op.cit. , p.235237 IoneMYLONAS SHEAR , KingshipintheMycenaeanWorldanditsReflectionsintheOralTradition ( Prehistoric Monographs ,13),Philadelphie,2004 J.MYLONOPOULOS , Πελοπόννησος οἰκητήριον Ποσειδῶνος .HeiligtümerundKultedesPoseidonaufder Peloponnes ( Kernos ,Suppl.13),Liège,2003 ID.,«VonHelikenachTainaronundvonKalaureianachSamikon.AmphiktyonischeHeiligtümer desPoseidonaufderPeloponnes»,dansK.F REITAG ,P.FUNKE &M.HAAKE (éd.), Kult– Politik – Ethnos. Überregionale Heiligtümer im Spannungsfeld von Kult und Politik. Kolloquium, Münster,23.24.November2001 ( HistoriaEinzelschriften ,189),Stuttgart,2006,p.121155 Éléonore NADAL ,«Poséidon Hippios, les chevaux etles cavaliersàtravers la céramique», dans ArmelleGARDEISEN (éd.), op.cit. ,p.111135 EAD ., «De la cavalerie à la flotte athéniennes: l’iconographie attique de Poséidon et l’histoire d’Athènes», Pallas ,75,2007,p.151171 G.NAGY , LemeilleurdesAchéens.Lafabriqueduhérosdanslapoésiegrecquearchaïque (trad.JeannieCAR LIER &NicoleLORAUX ),Paris,1994 ID., Pindar’sHomer.TheLyricPossessionofanEpicPast ,Baltimore&Londres,1990 ID.,«AMycenaeanReflexinHomer:Φορ ῆναι», Minos ,n.s.,2930,19941995,p.171175 ID., Lapoésieenacte.Homèreetautreschants (trad.J.BOUTTARFIGUE ),Paris,2000 ID., Homer’sTextandLanguage ,Urbana(Ill.),2004 G.NEUMANN ,«ipemedeja ,einemykenischeGöttin», MSS ,46,1985,p.165171 G.NIGHTINGALE ,«Akosota andtheEconomyofPylos»,dansAnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit. , t.II( Pasiphae ,2,2008),p.569586 Stavroula NIKOLOUDIS , «The Role of the rawaketa . Insights from PY Un 718», dans Anna SACCONI etal. (éd.), op.cit. ,t.II( Pasiphae ,2,2008),p.587594 MarieLouise B.NOSCH , «Schafherden unter dem Namenspatronat von Potnia und Hermes in Knossos»,dansF.BLAKOLMER (éd.), ÖsterreichischeForschungenzurÄgäischenBronzezeit1998. AktenderTagungamInstitutfürKlassischeArchäologiederUniversitätWien.2.–3.Mai1998 ( Wiener ForschungenzurArchäologie ,3),Vienne,2000,p.211215 EAD .,«AcquisitionandDistribution: tarasija intheMycenaeanTextileIndustry»,dansCarole GILLIS ,ChristinaRISBERG &BirgittaSJÖBERG (éd.), TradeandProductioninPremonetaryGreece. AcquisitionandDistributionofRawMaterialsandFinishedProducts.Proceedingsofthe6 th International Workshop,Athens1996 ,Jonsered,2000,p.4361 EAD .,«TheGeographyofTalasiaObligation», AegeanArchaeology ,4,19972000,p.2744 EAD .,«MoreThoughtsontheMycenaeantarasijaSystem»,dansM.PERNA (éd.), op.cit. ,p.161 182 MarieLouiseB.NOSCH &M.PERNA ,«ClothintheCult»,dansR.LAFFINEUR &R.HÄGG (éd.), op.cit. ,p.471477 M.NYMAN , «A PreMarine Vestige of θάλασσα: An Etymological Proposal», Arctos , 14, 1980, p.5178 J.P.OLIVIER ,«Étuded’unnomdemétiermycénien: dipteraporo », AC ,28,1959,p.165185 ID., Àproposd’une“liste”dedesservantsdesanctuairedanslesdocumentsenlinéaireBdePylos ,Bruxelles,1960 ID.,«Desextraitsdecontratsdevented’esclavesdanslestablettesdeKnossos», Minos ,n.s.,2022, 1987,p.479498 ID., «El Comercio micénico desde la documentación epigráfica», Minos , n.s., 3132, 19961997, p.287291 ID., «Les “collecteurs”: leur distribution spatiale et temporelle», dans Sofia VOUTSAKI & J.T.KILLEN (éd.), op.cit. ,p.139160 J.P.OLIVIER (éd.), Mykenaïka. Actes du IX eColloque International sur les textes mycéniens et égéens (Athènes,2–6octobre1990) ( BCH ,Suppl.25),Athènes,1992 BIBLIOGRAPHIE 295

J.P.OLIVIER etal. , IndexgénérauxdulinéaireB (IncunabulaGraeca ,52),Rome,1973 T.G.PALAIMA , TheScribesofPylos ( IncunabulaGraeca ,87),Rome,1988 ID.,«TheNatureoftheMycenaean Wanax :NonIndoEuropeanOriginsandPriestlyFunctions», dansP.REHAK (éd.), TheRoleoftheRulerinthePrehistoricAegean.ProceedingsofaPanelDiscussion PresentedattheAnnualMeetingoftheArchaeologicalInstituteofAmerica.NewOrleans,Louisiana.28 December1992.WithAdditions ( Aegaeum , 11), Liège & Austin, 1995, p. 119139 et pl.XLI XLII ID.,«TheLastDaysofthePylosPolity»,dansR.LAFFINEUR &W.D.NIEMEIER (éd.), op.cit. , t.II,p.623633etpl.LXXIV ID.,«porena:AMycenaeanReflexinHomer?AnIEFigureinMycenaean?», Minos ,n.s.,3132, 19961997,p.302312 ID., «Die LinearB Texte und der Ursprung der hellenischen Religion: diwonuso » (en anglais), dansN.DIMOUDIS &A.KYRIATSOULIS (éd.), DieGeschichtederhellenischenSpracheundSchrift. Vom2.zum1.Jahrtausendv.Chr.:BruchoderKontinuität?03.–06.Okt.1996.Ohlstadt(Oberbayern –Deutschland) ,Weilheim,1998,p.205224 ID.,«Specialvs.NormalMycenaean.Hand24andWritingintheServiceoftheKing?», Minos , n.s.,3334,19981999,p.216 ID.,«“Kn02—Tn316”»,dansSigridDEGER JALKOTZY ,S.HILLER &O.PANAGL (éd.), op.cit. , t.II,p.437461 ID.,«SacrificialFeastingintheLinearBDocuments», Hesperia ,73,2004,p.217246 L.R.PALMER , TheInterpretationofMycenaeanGreekTexts ,Oxford,1969 2 RuthPALMER , WineintheMycenaeanPalaceEconomy ( Aegaeum ,10),Liège&Austin,1994 EAD .,«WheatandBarleyinMycenaeanSociety.15YearsLater»,dansAnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit. ,t.II( Pasiphae ,2,2008),p.621639 O.PANAGL ,«EineWortstellungsoppositionimMykenischen(kotonakitimena::kekemenakoto na)», ACD ,9,1973,p.314 ID., «Herold, Sänger oder Kultfunktionär? Rolle und Bedeutung von karuke in mykenischer Zeit»,dansEvaALRAM STERN &G.NIGHTINGALE (éd.), op.cit. ,p.311316 D.PARDEE ,«TheBa‘luMyth(1.86)»,dansW.W.HALLO (éd.), op.cit. ,p.241274 ID.,«DawnandDusk(1.87)»,dansW.W.HALLO (éd.), op.cit. ,p.274283 ID.,«TheKirtaEpic(1.102)»,dansW.W.HALLO (éd.), op.cit. ,p.333343 ID.,«The’AqhatuLegend(1.103)»,dansW.W.HALLO (éd.), op.cit. ,p.343356 R.PARKER ,«TheMythsofEarlyAthens»,dansJ.BREMMER (éd.), InterpretationsofGreekMythology , Londres,1990 2,p.187214 A.S.PEASE ,«TheSonofNeptune», HSCP ,54,1943,p.6982 Chr.PÉLÉKIDIS , Histoiredel’éphébieattiquedesoriginesà31avantJésusChrist ( ÉfA.Travauxetmémoires , 13),Paris,1962 Ch.PENGLASE , GreekMythesandMesopotamia.ParallelsandInfluenceintheHomericHymnsandHesiod , Londres&NewYork,1994 M.PERNA , Recherchessurlafiscalitémycénienne ( Étudesanciennes ,28),Nancy,2004 ID.,«L’alundanslesdocumentsenlinéaireB»,dansPh.BORGARD ,J.P.BRUN &M.PICON (éd.), L’alun de Méditerranée. Colloque International. Naples, 4–5–6juin 2003. Lipari, 7–8juin 2003 (CollectionduCentreJeanBérard ,23),Naples&AixenProvence,2005,p.3942 ID.(éd.), FiscalityinMycenaeanandNearEasternArchives.ProceedingsoftheConferenceHeldatSoprintenden zaArchivisticaperlaCampania,Naples,21–23October2004 ( Studiegeievicinorientali , 3), Naples, 2006 J.L.PERPILLOU ,«Observationssurlegrecmycénien», RPh ,s.3,42,1968,p.248261 ID., Lessubstantifsgrecsen εύς( Étudesetcommentaires ,80),Paris,1973 ID.,«Offrandesmycéniennes», RPh ,s.3,80,2006,p.127133 D.L.PETERSEN &M.WOODWARD ,«NorthwestSemiticReligion:AStudyofRelationalStructu res» UF ,9,1977,p.233248 BIBLIOGRAPHIE 296

V.P.PETRAKIS ,«tonoeketerijo Reconsidered», Minos ,n.s.,3738,20022003,p.293316,372 VincianePIRENNE DELFORGE , L’Aphroditegrecque.Contributionàl’étudedesescultesetdesapersonnalité danslepanthéonarchaïqueetclassique ( Kernos ,Suppl.4),Athènes&Liège,1994 EAD ., «Qui est la Kourotrophe athénienne?», dans Véronique DASEN (éd.), Naissance et petite enfancedansl’Antiquité.ActesducolloquedeFribourg,28novembre–1 er décembre2001 (OBO ,203), Fribourg,2004,p.171185 F.DE POLIGNAC , «Divinités régionales et divinités communautaires dans les cités archaïques», dansVincianePIRENNE DELFORGE (éd.), LesPanthéonsdescités.Desoriginesàla Périégèse de Pausanias.ActesduColloqueorganiséàl’UniversitédeLiègedu15au17mai1997(2 epartie) ( Kernos , Suppl.8),Liège,1998,p.2833 PaolaPONTANI ,«Noteall’iscrizionediPiloEr312:poteretripartito?», Aevum ,72,1998,p.3751 M.H.POPE , ElintheUgariticTexts ,Leyde,1955 ID.,«TheStatusofElatUgarit», UF ,19,1987,p.219230 J.PUHVEL ,«AquamExstinguere », JIES ,1,1973,p.379386 AdrianaQUATTORDIO[MORESCHINI ],«Undocumentodicaratterecultuale.PYAn607», PP ,47, 1992,p.99114 Aicha RAHMOUNI , DivineEpithetsintheUgariticAlphabeticTexts (trad.J.N.FORD ) ( HdO , s.1, 93), Leyde&Boston,2008 J.RAISON &M.POPE , IndexdulinéaireA( IncunabulaGraeca ,41),Rome,1971 EID ., CorpustransnumérédulinéaireA( BCILL ,74),LouvainlaNeuve,1994 2 E.RISCH , KleineSchriftenzumsiebzigstenGeburtstag ,Berlin&NewYork,1981 ID.,«Mykenisch seremokaraoi oder seremokaraore », SMEA ,1,1966,p.5366= KleineSchriften ,p.459 472 ID., «La formation du mot potinijawejo », Minos , n.s., 12, 1972, p.294300 = Kleine Schriften , p.510516 ID., «Probleme bei der Schreibung von Hiat und Kompositionsfuge im Mykenischen», dans A.HEUBECK &G.NEUMANN (éd.), op.cit. ,p.374390 E.RISCH &H.MÜHLESTEIN (éd.), ColloquiumMycenaeum.ActesdusixièmeColloqueInternationalsurles textesmycéniensetégéenstenuàChaumontsurNeuchâteldu7au13septembre1975 ,Neuchâtel&Ge nève,1979 L.ROBERT , Hellenica.Recueild’épigraphie,denumismatiqueetd’antiquitésgrecques ,t.I,Paris,1940 N.ROBERTSON ,«Poseidon’sFestivalattheWinterSolstice»,CQ ,n.s.,34,1984,p.116 Maria ROCCHI , «Osservazioni a proposito di ipemedeja», dans E.DEMIRO , L.GODART & AnnaSACCONI (éd.), op.cit. ,t.II,p.863864 FrançoiseROUGEMONT ,«SomeThoughtsontheIdentificationofthe“Collectors”intheLinearB Tablets»,dansSofiaVOUTSAKI &J.T.KILLEN (éd.), op.cit. ,p.129138 EAD .,«LesnomsdesdieuxdanslestablettesinscritesenlinéaireB»,dansNicoleBELAYCHE et al. (éd.), Nommerlesdieux.Théonymes,épithètes,épiclèsesdansl’Antiquité ( RRR , 5), Turnhout & Rennes,2005,p.325388 HedwigeROUILLARD BONRAISIN , «L’énigme des refā’îm bibliques résolue grâce aux rapa’ūma d’Ougarit?»,dansJ.M.MICHAUD (éd.), LaBibleetl’héritaged’Ougarit ( POLO ,1),Sherbrooke, 2005,p.145182 J.RUDHARDT , Lethèmedel’eauprimordialedanslamythologiegrecque ( TSSH ,12),Berne,1971 ID., ThémisetlesHôrai.Recherchesurlesdivinitésgrecquesdelajusticeetdelapaix ( Recherchesetrencontres , 14),Genève,1999 C.J.RUIJGH , Étudessurlagrammaireetlevocabulairedugrecmycénien ,Amsterdam,1967 ID., ScriptaMinoraadLinguamGraecamPertinentia ,Amsterdam,t.I,1991;t.II,1996 ID.,«SurlenomdePoséidonetsurlesnomsenᾱον,ῑον», RÉG ,80,1967,p.616= Scripta Minora ,t.I,p.229239 ID., «L’origine du signe *41 ( si ) de l’écriture linéaireB», Kadmos , 9, 1970, p.172173 = Scripta Minora ,t.I,p.106107 BIBLIOGRAPHIE 297

ID.,«InterprétationhypothétiquedelatabletteVa15dePylos», ŽA ,31,1981,p.4762= Scripta Minora ,t.II,p.318 ID.,«Lesyllabogramme *34/35 dulinéaireB:valeurpossible ru 2=lu »,dansO.CARRUBA (éd.), op.cit. ,t.II,p.555572= ScriptaMinora ,t.I,p.173190 ID.,«Àproposdemyc. potinijawejo », SMEA ,4,1967,p.4052= ScriptaMinora ,t.I,p.89101 ID.,«Lesnomsen won(āwon, īwon), uonengrecalphabétiqueetenmycénien», Minos ,9,1968, p.109155= ScriptaMinora ,t.I,p.240286 ID., «La “déesse mère” dans les textes mycéniens», dans E.DEMIRO , L.GODART & Anna SACCONI (éd.), op.cit. ,t.I,p.453457 ID.,«TheSocialStatusofPersonsIndicatedbyPossessiveAdjectivesin ejo ,withSomeLinguistic Observations», Minos ,n.s.,3334,19981999,p.251272 M.S.RUIPÉREZ ,«TheMycenaeanNameofDionysos»,dansA.HEUBECK &G.NEUMANN (éd.), op. cit. , p.408412 = Opuscula Selecta. Ausgewählte Arbeiten zur griechischen und indogermanischen Sprachwissenschaft ( IBS ,58),Innsbruck,1989,p.293297 ID.,«Àproposde tosojo dePYEr312»,dansJ.P.OLIVIER (éd.), op.cit. ,p.563567 ID., «Mycenaean wewesijo , Alphabetical Greek ε ἰρεσι ώνη and Τειρεσ ίας», dans Sigrid DEGER JALKOTZY ,S.HILLER &O.PANAGL (éd.), op.cit. ,t.II,p.537542 AnnaSACCONI ,«LatavolettadiPiloTn316:unaregistrazionedicarattereeccezionale?», Minos , n.s.,2022,1987,p.551555 EAD ., «Le tavolette Fr dello Scriba 2 e la preparazione degli oli profumati a Pilo», Kadmos , 35, 1996,p.2338 Anna SACCONI et al. (éd.), Colloquium Romanum. Atti del XII Colloquio Internazionale di Micenologia. Roma,20–25febbraio2006 ,Pise&Rome,2008 P.SAUZEAU , Lespartagesd’Argos.SurlespasdesDanaïdes ,Paris,2005 F.SCHACHERMEYR , PoseidonunddieEntstehungdesgriechischenGötterglaubens ,Munich,1950 A.SCHACHTER , CultsofBoiotia.1.AcheloostoHera ; 2.HeraklestoPoseidon ; 3.PotniatoZeus.Cultsof DeitiesUnspecifiedbyName ; 4.IndexofInscriptions (BICS ,Suppl.38),Londres,19811994 ÉvelyneSCHEID TISSINIER ,«Laosetdèmos,lepeupledel’épopée», AC ,71,2002,p.126 D.SCHILARDI ,«ThePrehistoricCultofPoseidoninthePeloponnese:theCaseofPylos,Helike andMethana»,dansDoraKATSONOPOULOU ,St.SOTER &D.SCHILARDI (éd.), HelikeII. AncientHelikeandAigialeia.ProceedingsoftheSecondInternationalConference.Aigion,1–3December 1995 ,Athènes,1998,p.267281 G.C.R.SCHMALZ ,«TheAthenianPrytaneionDiscovered?», Hesperia ,75,2006,p.3381 Ch.SEGAL , « Divine Justice in the Odyssey : Poseidon, Cyclops, and Helios », AJPh , 113, 1992, p.489518 B.SERGENT ,«Héortologiedumois Plowistos dePylos», DHA ,16,1990,p.175217 CynthiaW.SHELMERDINE , ThePerfumeIndustryofMycenaeanPylos ,Göteborg,1985 M.S.SMITH , The Ugaritic Baal Cycle. Volume I. Introduction with Text, Translation and Commentary ofKTU1.11.2( SupplementstoVetusTestamentum ,55),Leydeetal. ,1994 F.SOLMSEN (†),«TheTwoNearEasternSourcesofHesiod», Hermes ,117,1989,p.413422 EftychiaSTAVRIANOPOULOU ,«DieVerflechtungdesPolitischenmitdemReligiösenimmykeni schenPylos»,dansR.LAFFINEUR &W.D.NIEMEIER (éd.), op.cit. ,t.II,p.423433 E.SUÁREZDELA TORRE ,«Observacionesacercadelλαγετ άςpindárico», CFC ,13,1977,p.269 280 R.A.SUCHARSKI ,«komaweteja», Eos ,81,1993,p.177181 R. A.SUCHARSKI & K.T.WITCZAK , «upojopotinija and the Cult of Baetyls», ŽA , 46, 1996, p.512 Ph.TALON , Enūmaeliš.TheStandardBabylonianCreationMyth ( SAACT ,4),Helsinki,2005 CatherineTRÜMPY ,«NochmalszudenmykenischenFrTäfelchen.DieZeitangabeninnerhalbder pylischenÖlrationenserie», SMEA ,27,1989,p.191234 BIBLIOGRAPHIE 298

EAD .,«Potniadanslestablettesmycéniennes:quelquesproblèmesd’interprétation»,dansR.LAF FINEUR &R.HÄGG (éd.), op.cit. ,p.411421 EAD ., UntersuchungenzudenaltgriechischenMonatsnamenundMonatsfolgen ,Heidelberg,1997 A.UCHITEL ,«AssignmentofPersonneltoCulticHouseholdsinMycenaeanGreeceandtheHittite Empire(PYTn316andKBoXVI.65)», Kadmos ,44,2005,p.5159 A.UCHITEL &MargalitFINKELBERG ,«SomePossibleIdentificationsintheHeadingsoftheLi nearAArchives», SMEA ,36,1995,p.2936 Miriam VALDÉS GUÍA , «Cultes et espaces des artisans à Athènes au sixième siècle avant Jésus Christ»,dansV.I.ANASTASIADIS &P.N.DOUKELLIS (éd.), Esclavageantiqueetdiscriminations socioculturelles.ActesduXXVIII eColloqueInternationalduGroupementinternationalderecherchesur l’esclavageantique(Mytilène,5–7décembre2003) ,Berne&FrancfortsurMain,2005,p.107130 A.VANEL , L’iconographie du dieu de l’orage dans le ProcheOrient ancien jusqu’au VII esiècle avant J.C. (CahiersdelaRevueBiblique ,3),Paris,1965 M.VENTRIS &J.CHADWICK , DocumentsinMycenaeanGreek ,Cambridge,1973 2 F.VIAN , LaguerredesGéants (Étudesetcommentaires ,11),Paris,1952 SofiaVOUTSAKI &J.T.KILLEN (éd.), EconomyandPoliticsintheMycenaeanPalaceStates.Proceedingsofa ConferenceHeldon1–3July1999intheFacultyofClassics,Cambridge ( CambridgePhilologicalSociety , Suppl.27),Cambridge,2001 P.WALCOT , HesiodandtheNearEast ,Cardiff,1966 P.WATHELET , DictionnairedesTroyensdel’Iliade ( BibliothèquedelaFacultédephilosophieetlettresdel’ULg. DocumentaetInstrumenta ,1),Liège,1988 ID., LesTroyensdel’Iliade.Mytheethistoire ( BibliothèquedelaFacultédephilosophieetlettresdel’ULg ,252), Liège,1989 W.G.E.WATSON ,«UgariticPoetry»,dansW.G.E.WATSON &N.WYATT (éd.), op.cit. ,p.178 181 W.G.E.WATSON &N.WYATT (éd.), HandbookofUgariticStudies(HdO ,s.1,39),Leydeetal. ,1999 J.WEILHARTNER , «Überlegungen zu dem mykenischen Begriff porowitojo auf PY Tn 316», Kadmos ,41,2002,p.155161 ID., «Kultische Festbankette im mykenischen Pylos», dans Beatrix ASAMER etal. (éd.), Temenos. FestgabefürFlorensFeltenundStefanHiller ,Vienne,2002,p.4552,pl.78 ID., Mykenische Opfergaben nach Aussage der Linear BTexte ( PHKD , 330; VmykK , 22; MykSt , 18), Vienne,2005 ID., «Die Tierbezeichnungen auf den neuen Linear BTexten aus Theben», dans Eva ALRAM STERN &G.NIGHTINGALE (éd.), op.cit. ,p.343344 ID., «Zu den Opfertieren innerhalb der Linear BTexte: mögliche Hinweise für Brand und Schlachtopfer»,dansAnnaSACCONI etal. (éd.), op.cit. ,t.II(Pasiphae ,2,2008),p.807824 M.L.WEST , Hesiod.Theogony ,Oxford,1971 2 ID., Hesiod.Works&Days ,Oxford,1980 2 ID., StudiesinAeschylus ( BeiträgezurAltertumskunde ,1),Stuttgart,1990 ID.,TheEastFaceofHelicon.WestAsiaticElementsinGreekPoetryandMyth ,Oxford,1997 S.A.WIGGINS ,«TheWeatherunderBaal.MeteorologyinKTU1.1–6», UF ,32,2000,p.577598 É.WILL , Korinthiaka.Recherchessurl’histoireetlacivilisationdeCorinthedesoriginesauxguerresmédiques , Paris,1955 A.WILLI , «doraqepereporenaqeake: An IndoEuropean Figure in Mycenaean?», Minos , n.s., 2930,19941995,p.177185 K.T.WITCZAK ,«Quaestiones Mycenaeae. I. Przedgrecka bogini mapạ sạ a homerycka Μ άρπησ σα», Meander ,46,1991,p.263267 ID.,«FurtherontheMycenaeanGoddess mapạ sạ (PYTn316.4r)», Kadmos ,35,1996,p.175176 N.WYATT , «Le centre dumonde dans les littératuresd’Ougarit et d’Israël», JNSL , 21/2, 1995, p.123142 BIBLIOGRAPHIE 299

ID.,«Understanding Polytheism: Structure and Dynamic in a West SemiticPantheon», JHC , 5, 1998,p.2463 ID.,«TheReligionofUgarit:AnOverview»,dansW.G.E.WATSON &N.WYATT (éd.), op.cit. , p.529585 ID.,«TheReligiousRoleoftheKinginUgarit», UF ,37,2005,p.695727 W.F.WYATT Jr,«TheMycenaeanIdeogram120 GRANUM », Kadmos ,7,1968,p.100 ID.,«RemarksonProfessorLang’sPaper“EsProportions”»,dansE.L.BENNETT Jr(éd.), op.cit. , p.5355 ID.,«HomericandMycenaeanλα ός», Minos ,n.s.,2930,19941995,p.159170 P.XELLA , IlmitodiŠh reŠlm.Saggiosullamitologiaugariticạ ( Studisemitici ,44),Rome,1973 ID., «Les pouvoirs du dieu ‘At tar:̱ Morphologie d’un dieu du panthéon ugaritique», dans N.WYATT ,W.G.E.WATSON ,andJ.B.LLOYD (éd.), Ugarit,Religion,andCulture.Proceedings oftheInternationalColloquiumonUgarit,Religion,andCulture.Edinburgh,July1994.EssaysinHo nourofJohnC.L.Gibson ,Münster,1996,p.381404 INDICES 300

INDICES

Indexlocorum

— TABLETTESMYCÉNIENNES

KH (LaCanée) Fr1217 ...... 24 Fr1218 ...... 31 Gq5 ...... 56,n.215 Fr1219 ...... 26 KN (Cnossos) Fr1220 ...... 28 Fr1221 ...... 31 Fp (1) 1 ,l.2 ...... 56,n.212 Fr1222 ...... 26 Gg (2) 713 ...... 51,n.171 Fr1223 ...... 41,n.104 Nc4484 ...... 96,n.362 Fr1224 ...... 21 V52 ...... 13 Fr1225 ...... 23 Xd97 ...... 56,n.214 Fr1227 ...... 26 TH (Thèbes) Fr1228 ...... 26 Fr1230 ...... 32,n.67 Of25 ...... 49 Fr1231 ...... 28 Of35 ...... 49 Fr1232 ...... 28 MY (Mycènes) Fr1235 ...... 26 Fr1236 ...... 22 Au658 ,l.4...... 135,n.559 Fr1240 ...... 29 PY (Pylos) Fr1245 ...... 29 Fr1251 ...... 26 Eq36 ...... 58 Fr1338 ...... 28 Eq146 ...... 58–59 Mb1366 ...... 56,n.210 Er312 ...... 107 Mb1406 ...... 101,n.385 Er880 ...... 106–107 Tn316 ...... 36–37 Es644 ...... 136 Ua1413 ...... 79–80 Es645–649,651–653,703, Un2 ...... 266 726–729 ...... 139 Un6 ...... 72–73 Es646 ...... 137 Un219 ...... 68 Es649 ,l.1 ...... 138,n.565 Un443 ...... 77 Es650 ...... 131–132 Un718 ...... 97–98 Fn187 ...... 66 Un853 ...... 81–82 Fr343 ...... 23 Un1322 ...... 75,n.293 Fr1215 ...... 30 Wa731 ...... 106 Fr1216 ...... 21 Xn1439 ...... 73 INDICES 301

— TEXTESLITTÉRAIRES

Homère Théog. ,v.924926...... 169 Théog. ,v.965966...... 181,n.104 Il. ,VIII,v.27...... 175 Théog. ,v.[10211022]..... 181,n.104 Il. ,VIII,v.208211...... 187 Trav. ,v.910...... 180 Il. ,XII,v.313314...... 115 Trav. ,v.105...... 172 Il. ,XIII,v.345346...... 188 Trav. ,v.667660...... 185 Il. ,XIII,v.354355...... 188 fr.343,v.68...... 186,n.129 Il. ,XIV,v.200201...... 276,n.16 fr.343,v.1315 ...... 173,n.46 Il. ,XIV,v.245246...... 276,n.16 Il. ,XV,v.173183...... 189 Eschyle Il. ,XV,v.184199...... 189–190 Prom.ench. ,v.514520...... 182–183 Il. ,XV,v.200211...... 190 Prom.ench. ,v.550552...... 172 Od. ,VI,v.293...... 115,n.463 Prom.ench. ,v.906...... 172 Od. ,XI,v.130134...... 76 Od. ,XI,v.305306...... 54,n.191 Pindare Hymneshomériques Ol. ,XIII,v.610...... 184 Isth. ,VIII,v.26a35a...... 186 HymneàApollon ,I, Hymn. ,I=fr.30,v.17...... 183 v.335336...... 211,n.250 Platon Hésiode Critias ,112c–d ...... 235,n.356 Théog. ,v.2728...... 181 Théog. ,v.38...... 181 ApolloniosdeRhodes Théog. ,v.383388...... 174 ScholieàII,v.34...... 278,n.12 Théog. ,v.390396...... 176–177 Théog. ,v.402403...... 176–177 Ps.Apollodore Théog. ,v.613...... 172 Théog. ,v.886900...... 169 Bibl. ,III,6,8 ...... 225,n.283 Théog. ,v.901906...... 177 Bibl. ,III,14,1...... 273,n.12 Indexnominumetrerum [Cet index estencoursdecomposition.]