À La Recherche De La Continuité Territoriale Entre Londres Et Le
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183 DuNight-Ferry à Eurostar:à la recherchede la continuitéterritoriale entreLondres et le continent FromNight Ferry to Eurostar: ln searchof the territorialcontinuity betweenLondon and thecontinent Etienne AUPHAN Université de Nancy 2 UFR des Sciences Historiques et Géographiques BP 3397 - 54015 - NANCY - France Résumé : La liaison entre Londres et le continent a fait l'objet, depuis le siècle dernier, et surtout depuis 25 ans, d'une recherche toujours plus poussée de formules se rapprochant de la continuité territoriale . Pour le transport des personnes, se sont ainsi notamment succédés la formule des gares maritimes et des trains-ferries traduisant le triomphe chi couple train-bateau, les car-ferries, consacrant le règne de l'automobile , les aéroglisseurs exprimant l'exigence de vitesse, et enfin le tunnel ferroviaire qui assure une continuité territoriale presque parfaite, mais paradoxalement au profit du rail, instaurant ainsi de nouveaux rapports intermodaux, aux conséquences sans doute encore mal mesurées sur le fonctionnement de l'espace littoral et w système de transport en ·général. Mots-clés France - Royaume-Uni - Tunnel sous la Manche - Transports intermodaux - Continuité territoriale Abstract : The aim of linking London to the continent has, since the last century and above during the last 25 years , been the object of a search for ever more advanced methods getting ever closer to a land link. For the transport of people, a number of methods have succeeded each other : ferry ports and rail-ferries reflected the triumph of the train-boat partnership, the car-ferries manifested the era of the car, hovercraft expressed the need for speed and, finally, the rail tunnel which assures an almost perfect territorial link. But, paradoxically . this favours rail links, thus instigating new intermodal relations which will doubtless have consequences as yet poor evaluated on the functioning of the littoral zone and transport systems in general. Keywords : France - United Kingdom - Channel rail-tunnel - lntermodal transport - Territorial continuity La césure intracontinentale que constitue la traversée du détroit du Pas de Calais ou de la mer du Nord entre Londres et le continent a vu se succéder toute une série de formules plurimodales jusqu'à l'ouverture du tunnel sous la Manche qui s'avère la forme la plus achevée de l'intermodalité en vue de se rapprocher toujours davantage de la continuité territoriale. Ce sont les Anglais qui ont très tôt assuré la mise en place de services maritimes réguliers entre l'Angleterre et le continent. Dès le xv • siècle, le port de Douvres est décrété par le roi d'Angleterre Edouard III tête de ligne exclusive à travers le Pas de Calais. I - L'ÈRE DU MONOPOLE : LE TRIOMPHE DU COUPLE TRAIN-BATEAU L'arrivée des chemins de fer dans les ports ne modifiera pas cette situation, tout au moins au début. C'est en 1851, à l'occasion de l'Exposition internationale de Londres, qu'un service régulier de paquebots est mis en place entre Dieppe et Newhaven par les Chemins de fer britanniques. En 1876, suite à une décision commune de 1863, les Chemins de fer de Paris à Rouen et au Havre et le London Brighton Railway créent des services maritimes franco-britanniques en correspondance avec les trains desservant les deux ports, depuis 1848 pour Dieppe, 1849 pour Newhaven. Toutefois, les navires français n'apparaîtront qu'en 1884. Le trafic, quoique modeste à cette époque, se développe rapidement : 58 500 voyageurs en 1876, 13 520 en 1878, 270 000 en 1900. Au cours de cette période de monopole du chemin de fer, l' intermodalité prendra deux formes différentes : la gare maritime, et le train-ferry. · A - La mise en correspondance à la gare maritime En 1882, le South Eastern & Chatham Railway prend en mains la liaison Calais-Douvres grâce à ses paquebots: 1'/nvicta, puis le Victoria, suivi de l'Empress. Ce n'est qu'en 1890 que les chemins de fer Cahiers Nantais n° 47-48 184 français entrent en lice sur le détroit sous la forme d'une convention passée entre la Compagnie du Nord et le South Eastern & Chatham Railway mettant en place des services train-bateau entre Boulogne et Calais d'une part, Douvres et Folkestone d'autre part. Ne possédant pas encore de navires, le Nord se fera prêter l'lnvicta et le Victoria par le SE & CR jusqu'à ce qu'il lance ses propres paquebots , le Nord et le Pas-de-Calais en 1898. En 1923, ils furent remplacés par deux autres navires datant de 1905 et 1907, rachetés aux Anglais. D'autres accords seront d'ailleurs signés entre le Nord et le LMS pour un service de nuit avec transbordement à Dunkerque et à Tilbury. Mais progressivement , les compagnies de chemin de fer entreprennent une collaboration de plus en plus étroite dans le domaine maritime. Elle les incite à créer une sorte de continuité de relation par la mise en place de liaisons directes fictives dont la continuité était exprimée par une dénomination et des conditions d'accès communes, ainsi que par un matériel aussi proche que possible de part et d'autre du détroit. C'est ainsi que la "Flèche d'Or" (Golden Arrow) fut créée le 11 septembre 1926 sous la forme d'un train entièrement Pullman. Sans aucun arrêt entre Paris et Calais, il effectuait la liaison Paris-Londres, en milieu de journée, en quelque sept heures, dont trois bonnes heures pour le trajet continental français . Ce train faisait fonction de train-paquebot (boat train) selon le schéma classique alors en vigueur de l'association train-navire dans les gares maritimes . Mais en raison de la différence de capacité entre les navires et les trains, le bateau effectuant la traversée au titre de la Flèche d'Or nourrissait également d'autres relations ferroviaires internationales de haut niveau. C'est ainsi que deux autres boat trains circulaient en batterie dans des sillons voisins entre Londres et Douvres. De même, à Calais-Maritime, le bateau se prolongeait non seulement dans la Flèche d'Or française à destination de Paris, mais dans un second train vers Paris, non Pullman celui-là, et dans d'autres relations au long cours au moyen de voitures-lits directes : - vers San Remo par Marseille et Vintimille (Calais-Méditerranée-Express) - vers Bucarest par Paris et Vienne (Orient-Express) - vers Istanbul par Paris, Venise et Belgrade (Simplon-Orient-Express) - vers Berlin par Bruxelles et Cologne (Calais-Bruxelles-Pullman Express). Jusqu'à la dernière guerre, il y eut même en saison un train Pullman de jour reliant Londres à Vichy. Dans ce dispositif, le noeud principal est constitué par la gare maritime qui met en correspondance directe , quai à quai, le bateau et le train. Celle de Folkestone, dont le port fonctionne depuis 1848, a été mise en service en 1876, dans des conditions topographiques d'ailleurs difficiles, puisque la présence de la falaise impose à l'embranchement ferroviaire une rampe de 33 pour mille. D'autres sont construites à Douvres, à Calais et à Boulogne . En Belgique, c'est dans le port d'Ostende qu'est édifiée une gare maritime monumentale, en bordure même de la ville, contrairement à celle de Calais. Elle était destinée à assurer la correspondance fer mer avec les trains desservant l'Allemagne et les pays rhénans. C'est ainsi que I' Ostende-Cologne Pullman-Express a été mis en service en 1929 et fonctionna jusqu'à la guerre . Il assurait la liaison Londres-Cologne en quelque dix heures . Aux Pays-Bas, c'est dans l'avant-port de Rotterdam, à la tête de l'embouchure du bras principal du Rhin que fut aménagé un véritable terminal maritimo-ferroviaire, à Hoek van Holland , à 28 km de Rotterdam . Tête de ligne maritime à destination d'Harwich, ce terminal a été de tous temps alimenté par des trains au long cours à destination et en provenance de l'Europe septentrionale et orientale. Plus récemment, Hoek van Holland est devenue une plage périurbaine très fréquentée, ainsi qu'une zone résidentielle, ce qui a motivé un véritable service de banlieue en plus de ce service international. En 1931 et 1933, le Chemin de fer du Nord lança deux navires tout à fait modernes pour l'époque, le Côte d'Azur et le Côte d'Argent construits aux Forges et Chantiers de la Méditerranée au Havre. Ils assurèrent des traversées conjointement avec le Maid of Kent et avec le Canterbury. De ce moment date donc véritablement l'exploitation en commun des services maritimes du détroit par les chemins de fer français et britanniques . Toutefois, la grande crise économique de 1929 finira par se traduire dans la fréquentation de ces trains réservés à une clientèle fortunée ; le caractère de train de luxe s'amenuisa et des regroupements de rames "hauts de gamme" furent opérés. B - La continuité territoriale : le train-ferry A la suite des opérations militaires de transbordement qui eurent lieu de part et d'autre de la Manche lors de la Grande Guerre, un service de ferry-boat pour les marchandises fut mis en place dès 1923 Cahiers Nantais n° 47-48 185 entre Harwich et Zeebrugge. La traversée, longue de 135 km, durait environ 6 h 30. Mais pour les voyageurs, s'il est vrai que c'est en général dès le début du siècle que furent mis en service des navires transbordeurs pour assurer des relations directes par wagons-lits au-dessus des bras de mer de l'Europe, il n'en fut pas de même sur le Pas de Calais en raison de la spécificité technique du réseau ferré britannique. Ce n'est qu'en 1932 que la Compagnie Internationale des Wagons-Lits fut chargée de construire un matériel spécial de wagons-lits apte à circuler sur les réseaux britannique et français, différents par leur gabarit.