Filmer Le Misanthrope À La Comédie-Française I
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE 1 FILMER LE MISANTHROPE À LA COMÉDIE-FRANÇAISE I. MOLIÈRE À L’ÉCRAN : UNE AUTRE SCÈNE POUR LA COMÉDIE p.3 II. CLÉMENT HERVIEU-LÉGER : « LES SPECTATEURS VONT PASSER PAR LE REGARD DE DON KENT » p.6 2 III. LE DÉFI DU DIRECT : PRÉPARATION PRÉCISE ET LIBERTÉ D’IMPROVISATION p.11 IV. MOLIÈRE DANS L’ŒIL DES RÉALISATEURS p.14 DOSSIER PÉDAGOGIQUE FILMER LE MISANTHROPE À LA COMÉDIE-FRANÇAISE I. MOLIÈRE À L’ÉCRAN : UNE AUTRE SCÈNE POUR LA COMÉDIE olière est sans doute, des auteurs français, celui dont la vie et l’œuvre ont inspiré le plus de films. Ses pièces ont fourni au cinéma un répertoire comique largement connu du grand public et ce patrimoine classique s’est vu, du cinéma des premiers temps au cinéma contemporain, perpétuellement revisité, réinventé, modernisé. Qu’elles inspirent des démarches auteuristes où le comique se teinte de noirceur, ou qu’elles fassent triompher la bouffonnerie dans les grandes comédies populaires, les pièces de Molière ont réussi à conquérir cette autre scène qu’est l’écran pour offrir au théâtre un nouvel espace où le comique puisse continuer ses métamorphoses. Italo Calvino disait des œuvres classiques qu’elles « n’avaient jamais fini de dire ce qu’elles avaient à nous dire » : la rencontre, par-delà les siècles, de Molière et de cet art résolument moderne qu’est le cinéma est encore la preuve de l’actualité toujours vivante du grand auteur classique. Molière, personnage de cinéma La vie de Molière, si romanesque dans sa trajectoire et si mystérieuse par les défauts de sa chronologie, offre au cinéma l’occasion de mêler le biographique au romanesque, tout en jouant de la mise en abyme (Molière ayant été lui-même acteur). C’est Léonce Perret qui consacre au dramaturge ce que nous appellerions aujourd’hui son premier « biopic » avec Molière en 1910, sur un scénario de Louis Feuillade et d’Abel Gance. Le film brosse, en une série de courts tableaux, l’ascension de l’auteur, de sa rencontre avec Scaramouche à la quatrième 3 représentation fatale du Malade imaginaire. Jacques de Féraudy livre lui aussi en 1922 un Molière, sa vie, son œuvre, avec les Sociétaires de la Comédie- Française pour le tricentenaire de la naissance de l’auteur. Mais c’est indéniablement l’œuvre magistrale d’Ariane Mnouchkine (Molière, 1978) qui offre au dramaturge le grand film biographique qui lui fallait. Cette immense fresque dont la mise en scène fait l’éloge conjugué d’un théâtre et d’un cinéma épris de liberté, suit Molière (Philippe Caubère) de la naissance de sa vocation jusqu’à sa mort, tout en peignant crûment la France rurale et troublée de la Fronde, puis les fastes de Versailles. Malgré l’accueil d’abord défavorable, le Molière (BAC203) DVD disponible chez Bel Air film est un chef-d’œuvre désormais incontesté. Classiques : belairclassiques.com Plus récemment, le personnage Molière a pu apparaître chez Gérard Corbiau par exemple, dans le film qu’il consacre à Louis XIV (Le roi danse, 2000) et qui traite en arrière-plan de la rivalité entre Molière et Lully. Ou encore en 2007 dans Molière, ou le comédien malgré lui de Laurent Tirard avec Romain Duris, qui offre une compilation de scènes, de personnages et de bons mots moliéresques. Cette comédie populaire oublie volontairement la vérité biographique pour ne prétendre qu’au rire, et l’histrionisme de l’acteur principal l’emporte sur le reste. Du film d’art à l’adaptation sulfureuse : Molière revisité par le cinéma Dès sa naissance, le cinéma, dont les origines sont foraines, s’est rapproché du théâtre pour se doter d’une légitimité culturelle. Il a pour cette raison naturellement puisé dans le répertoire moliéresque. Coquelin Aîné joue ainsi quelques scènes des Précieuses ridicules pour le Phono-Cinéma-Théâtre présenté lors de l’Exposition universelle de 1900. Georges Méliès réalise en 1908 une adaptation de L’Avare, dont il ne reste malheureusement qu’un fragment. La firme Pathé s’associe en 1908 avec la société Le Film d’Art qui fera jouer en 1910 les Comédiens- Français dans Les Précieuses ridicules (Georges Berr, Béatrix Dussane) et L’Avare (Théophile Barral). Pathé s’associe également avec la Société Cinématographique des Auteurs et Gens de Lettres (SCAGL) dirigée par Albert Capellani qui produira un Dom Juan en 1908 et un Tartuffe en 1910. DOSSIER PÉDAGOGIQUE FILMER LE MISANTHROPE À LA COMÉDIE-FRANÇAISE Plus tard, Léonce Perret permettra à nouveau au cinéma de filmer les Comédiens-Français jouant Molière, cette fois dans l’enceinte même de la Salle Richelieu en captant quelques scènes des Précieuses ridicules pour son film Une soirée à la Comédie-Française (1935). En 1926, le réalisateur allemand Friedrich Wilhelm Murnau réalise une étonnante version muette du Tartuffe de Molière. Avec l’inquiétant Emil Jannings dans le rôle-titre, Herr Tartüff opère une transfiguration fascinante du théâtre en cinéma. Le film expressionniste transforme le théâtre de l’hypocrisie en affrontement lumineux : Orgon est « victime d’une ombre » qu’il s’agit de dissiper (Jacques Rancière) pour délivrer le cinéma de ses propres forces obscures. Dans les années 1960, l’ORTF encourage la réalisation d’un certain nombre de téléfilms adaptés des pièces de Molière : Le Bourgeois gentilhomme de Pierre Badel (1968) avec Michel Serrault, Le Malade imaginaire de Claude Santelli (1971) où Michel Bouquet endosse un de ses rôles favoris, celui d’Argan, L’École des femmes de Raymond Rouleau (1973), d’après la mise en scène de la Comédie-Française où la très jeune Isabelle Adjani avait ému dans le rôle d’Agnès face à Bernard Blier en Arnolphe. De cette production comique se détache le Dom Juan de Marcel Bluwal (1965) avec Michel Piccoli et Claude Brasseur. Ce téléfilm, tourné en décors naturels (Saline d’Arc-et- Senans de Ledoux) est le chef-d’œuvre du réalisateur : il livre au grand public une version tragique et épurée de la pièce qui devient la chronique précipitée d’un 4 Une soirée à la Comédie-Française, Léonce Perret, 1935 © Coll. Comédie-Française châtiment annoncé dès l’ouverture. Dans les années 1980, les pièces de Molière vont connaître un très grand succès populaire au cinéma grâce à une série de films au comique bouffon, portés par le jeu volontairement outré de leur acteur principal. Louis de Funès triomphe ainsi en Harpagon dans L’Avare qu’il coréalise avec Jean ANNE-DOMINIQUE TOUSSAINT PRÉSENTE Girault en 1979. Roger Coggio réalise et produit une série de films avec FABRICE LAMBERT Michel Galabru Les Fourberies de Scapin (1980), Le Bourgeois gentilhomme LUCHINI WILSON (1982), Monsieur de Pourceaugnac réalisé par Michel Mitrani (1985). Réalisé lui aussi pour le cinéma, Le Tartuffe de Gérard Depardieu (1984), se distingue par sa noirceur et l’austérité d’une mise en scène qui reprend celle de Jacques Lassalle pour le T.N.S. Le Dom Juan de Jacques Weber témoigne de la même volonté de mettre le théâtre de Molière au service d’un projet personnel d’acteur. À côté de ces tentatives, George Dandin de Roger Planchon 1988 (avec Claude Brasseur) propose une vision libre et auteuriste de la farce. ALCESTE Molière aujourd’hui encore inspire un certain nombre de téléfilms (L’Avare, à bicyclette UN FILM DE de Christian de Chalonge avec Michel Serrault en 2006) ou de films portés PHILIPPE LE GUAY AVEC MAYA SANSA CAMILLE JAPY GED MARLON STEPHAN WOJTOWICZ ET JOSIANE STOLÉRU par des vedettes (comme le montre le succès récent d’Alceste à bicyclette de PHILIPPE DU JANERAND ANNIE MERCIER CHRISTINE MURILLO D’APRÈS UNE IDÉE ORIGINALE DE FABRICE LUCHINI ET PHILIPPE LE GUAY SCÉNARIO, ADAPTATION ET DIALOGUES PHILIPPE LE GUAY MUSIQUE ORIGINALE JORGE ARRIAGADA IMAGE JEAN-CLAUDE LARRIEU (AFC) MONTAGE MONICA COLEMAN DÉCORS FRANÇOISE DUPERTUIS (ADC) COSTUMES ELISABETH TAVERNIER SON LAURENT POIRIER (AFSI) VINCENT GUILLON MIXAGE EMMANUEL CROSET DIRECTION DE PRODUCTION JEAN-JACQUES ALBERT 1ER ASSISTANT HUBERT ENGAMMARE COPRODUCTEUR ROMAIN LE GRAND UNE COPRODUCTION LES FILMS DES TOURNELLES PATHÉ APPALOOSA DÉVELOPPEMENT FRANCE 2 CINÉMA EN ASSOCIATION AVEC SOFICINEMA 8 ET SOFICINEMA 9 AVEC LA PARTICIPATION DE FRANCE TÉLÉVISIONS CANAL+ CINÉ+ AVEC LE SOUTIEN DU DÉPARTEMENT DE LA CHARENTE-MARITIME ET DE LA RÉGION POITOU-CHARENTES EN PARTENARIAT AVEC LE CNC Philippe Le Guay en 2013 avec Fabrice Luchini). PRODUIT PAR ANNE-DOMINIQUE TOUSSAINT RÉALISÉ PAR PHILIPPE LE GUAY WWW.PATHEFILMS.COM ©Les Films des Tournelles En partenariat avec Arte, la Comédie-Française propose régulièrement à un réalisateur d’adapter librement une des pièces de la saison tout en en gardant la distribution : Vincent Macaigne a pu ainsi proposer une version très surprenante et débridée de Dom Juan en mai 2016 (Dom Juan et Sganarelle), prouvant encore une fois, s’il en était besoin, que le grand auteur classique reste notre contemporain. Loïc Corbéry dans Dom Juan et Sganarelle de Vincent Macaigne (2016) DOSSIER PÉDAGOGIQUE FILMER LE MISANTHROPE À LA COMÉDIE-FRANÇAISE Les captations au service de la mémoire et de la diffusion du théâtre de Molière Les mises en scène des pièces de Molière ont fait l’objet de nombreuses captations dont la réalisation est le fruit d’un travail désormais réfléchi, qui semble beaucoup moins mécanique et rigide que par le passé du fait de l’entente et de la collaboration préalable entre le metteur en scène et le réalisateur. En témoignent les réussites que sont L’École des femmes (mise en scène de Didier Bezace) filmée par Don Kent dans la Cour d’honneur du Palais des papes à Avignon en 2001 ou encore Le Bourgeois gentilhomme de Benjamin Lazar en 2005 filmé par Martin Faudreau. Celle que l’on surnomme « la Maison de Molière » se devait non seulement de conserver la mémoire des mises en scènes du dramaturge en les filmant mais également de contribuer par là à la diffusion de ses pièces : la Comédie- Française a ainsi initié un cycle de captations des mises en scène des pièces de Molière jouées dans la Salle Richelieu ou au Théâtre du Vieux-Colombier (La Collection Molière réunit ces films en un coffret de 17 DVD).