Louis XIV tient les Sceaux devant les conseillers d'Etat et les maîtres des requêtes, en 1672. C GIRAUDON

CHRONIQUE DU RÈGNE DE LOUIS XIV DU MÊME AUTEUR :

Un Révolutionnaire ordinaire. Benoît Lacombe, négociant, 1759-1819. Avant-propos d'Emmanuel Le Roy Ladurie, Champ Vallon, 1986. Le Roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Payot, 1993. L'Affirmation de l'Etat absolu. 1515-1652. Histoire de la France. Hachette Supérieur, Carré Histoire, 1993; deuxième édition, revue et augmentée, 1994; troisième édition, 1995. Absolutisme et Lumières. 1652-1783. Histoire de la France, Hachette Supérieur. Carré Histoire, 1993; cinquième édition, 1996. Chronique de la France moderne. Le XVIe siècle, Sedes, 1995. Chronique de la France moderne. De la Ligue à la Fronde, Sedes, 1995.

Participation à des publications collectives :

L'Etat baroque 1610-1652. Regards sur la pensée politique de la France du premier XVIIe siècle. Textes réunis par Henry Méchoulan, Vrin, 1985. Les Aventures de Jean Conan, Avanturio ar citoien Jean Conan, Skol Vreizh, Morlaix, 1990. Coordination du numéro spécial de la Revue de Synthèse, « De l'État. Fondations juridiques, outils symboliques », n° 3-4, 1991. Images de femmes. Sous la direction de Georges Duby et Michelle Perrot, Plon, 1992. Versailles au siècle de Louis XIV, Textuel/Réunion des Musées Nationaux, Paris, 1993. L'Etat Classique, 1652-1715. Regards sur la pensée politique de la France du second XVII' siècle. Textes réunis par Joël Cornette et Henry Méchoulan, Vrin, 1996. La France de la Monarchie absolue, 1610-1715, éditions du Seuil, l'Histoire, 1997. CHRONIQUE DU RÈGNE DE LOUIS XIV

par Joël CORNETTE

- SEDES La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans le but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa le' de l'Article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que DANGER ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et suivants du Code pénal.

@ 1997, Editions SEDES ISBN 2-7181-9011-6 LEMOÎOm TUE LE LIVRE SOMMAIRE Introduction 5

1653 9 Richelieu et Mazarin, à l'origine de l'absolutisme « louisquatorzien » 10 « Toute la France est mazarine »? 12 Fouquet, Colbert 13 L'aurore du roi soleil : le Ballet de la nuit 14 La condamnation de cinq propositions contenues dans l'Augustinus 16 La fin des frondes provinciales 17 Le prince de Condé et les Espagnols envahissent la Picardie 18 La tontine royale 18 Le système « fisco-financier » est restauré 19 La première des trois guerres anglo-hollandaises 20 Les « samedis de Sapho » Cyrus, archétype du roman précieux 21

1654 23 La sacre de Louis XIV à Reims 24 Prise de Stenay : le « sacre militaire » du roi 25 Une éclipse du soleil : la fin du monde en 1656? 25 Nicolas Fouquet, l'homme des financiers 27

1655 31 Une journée du roi, en 1655 32 Crise avec le parlement de Paris 33 Le roi à la guerre 34 Traité entre la France et la République anglaise de Cromwell 35 Début de la « guerre du Nord » (1655-1660) 36

165 6 39 Les Provinciales : un des plus grands succès de librairie de l'Ancien Régime 40 « Miracle de la sainte épine », à Port-Royal de Paris 41 Création de l'hôpital général, à Paris 42 Valenciennes : défaite, crise financière, préparation de la paix 44 Christine de Suède dresse un portrait du roi, alors âgé de dix-huit ans 45

1657 47 Une messe baroque 48 Traité franco-anglais de Paris 48 La mort prématurée de l'empereur Ferdinand III. Louis XIV empereur? 48 L'échec du siège de Cambrai, au mois de mai, a aggravé les difficultés financières ...... 49 La campagne militaire du roi (juillet-août) : Montmédy, Saint-Venant ...... 49 1658 55 Le jour du vendredi saint, un sermon critique du père Joseph Morlaye, capucin, devant le roi 57 Victoire dite des dunes 58 Capitulation de Dunkerque 58 Troubles et révoltes : en Sologne, en Normandie, à Marseille, à Verdun 58 Un des plus grands succès diplomatiques de Mazarin : la constitution d'une ligue du Rhin, autour de la France 60 L' « empire maritime » de Nicolas Fouquet 61

1659 65 Paix avec l'Espagne : le traité des Pyrénées 66 Colbert contre Fouquet 67

1660 69 Le voyage du roi en Provence 70 La punition de Marseille 70 Mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse, fille de Philippe IV et d'Elisabeth de France 71 Fin de la « guerre du Nord » : la paix d'Oliva est signée entre la Suède, la Pologne, le Danemark, le Brandebourg 71 Fastueuse entrée royale à Paris 72

1661 77 La mort de Mazarin 79 Mazarin : la plus importante fortune de l'Ancien Régime 80 Le royaume et le roi, au début du règne personnel : le témoignage de l'ambassadeur de Venise, Alvise Grimani 83 Le 10 mars, le roi annonce sa décision de gouverner sans « principal ministre » 84 L'affaire du formulaire : la relance de l'affaire janséniste 86 La fête de Vaux 86 L'arrestation de Nicolas Fouquet, à Nantes 87 Colbert est le maître des finances 88 Jean-Baptiste Colbert : les voies de la réussite dans la France du XVIIe siècle 88 Guerre de préséance et « colère » du roi : l'incident de Londres 91 Une chambre de justice, contre Nicolas Fouquet 92 1662 ici « La famine de l'avènement » (1661-1662) 102 Guerre de préséance : l'audience des excuses de l'Espagne 105 La première grande fête du règne personnel : le grand carrousel à Paris, place des Tuileries .. 105 Le roi soleil 106 La révolte des Lustucru 106 Conflit avec Rome 107

1663 109 Colbert renforce le pouvoir des intendants : la monarchie enquêtrice 110 De la « petite académie M à la manufacture des Gobelins : la création d'un « département ministériel de la gloire » ...... 114 1664 117 Colbert, surintendant des bâtiments du roi : l'architecture au service de la gloire du prince.. 118 À Versailles, la fête dite des Plaisirs de l'île enchantée est donnée devant six cents courtisans.... 119 Port-Royal 122 L'abbé de Rancé, réformateur de la Trappe 122 La création des compagnies commerciales 125 Création d'un conseil de commerce 127 La menace turque dans l'empire 128 Mécénat et propagande : 38 écrivains sont officiellement pensionnés par le pouvoir royal .... 128

1665 131 Les grands jours d'Auvergne sont tenus à Clermont 133 Colbert reçoit la commission de contrôleur général des finances 133

1666 143 Préparatifs militaires 144

1667 149 Le lieutenant général de police 149 Renforcement du contrôle de l'imprimé 151 La guerre des tarifs 151 « Réduire tout son royaume sous une mesme loi » : Louis XIV, nouveau Justinien 151 Le « Code Louis » 153 La guerre de dévolution : 1667-1668 155 La campagne du roi, dans les Flandres 155 Le roi de guerre 156 Le témoignage d'un défenseur lillois : Pierre-Ignace Chavatte, sayetteur, milicien et « Français malgré lui » 157 La réfutation d'un juriste, au service de l'empereur 158 L'intégration des villes conquises dans le royaume : liberté ou contrainte? 161 La création de la collection des plans en relief, sur la proposition de Louvois 162 interdit 166

1668 167 Louvois est nommé secrétaire d'Etat à la guerre : la poursuite de l'étatisation de l'armée 167 La conquête éclair de la Franche Comté 168 Le 2 mai, la paix d'Aix La Chapelle met fin à la guerre de dévolution 168 « Le grand divertissement royal », dans les jardins de Versailles : le roi glorifié en Apollon .... 168 La recherche des « usurpateurs de la noblesse » 170 La « paix clémentine » : fin (provisoire) des poursuites contre les jansénistes 172

1669 179 L'accroissement des pouvoirs de Colbert, la « royalisation » de la marine 180 L'ordonnance des eaux et forêts 181 Grand édit colbertien sur la qualité des draps et des toiles 181 La prise de Candie par les Turcs 182

1670 : 185 Les adieux du roi à la scène 186 Les Invalides , 187 Les inspecteurs des manufactures voient leur rôle précisé 189 Le traité de Douvres, entre la France et l'Angleterre 189 Révolte populaire en Vivarais 189 La « grande ordonnance » pour la réformation de la justice 190 De l'ordonnance à son application concrète : le cas breton 191

1671 197 Aristote contre Descartes 197 Les préparatifs de la guerre contre les Provinces-Unies 199 Le chantier de Versailles 203 Le grand appartement : un traité de bon gouvernement en images; l'image du roi parfait ...... 203

1672 207 La grande inflexion du règne : l'agression contre la Hollande 208 Pourquoi la guerre? 209 Une « guerre éclair » 212 Du châtiment de Dieu à la résistance armée d'une nation 215 La guerre devient une guerre européenne 216 La guerre de Hollande : un événement-rupture du règne 217 Le Mercule Galant: un indicateur de la mode courtisane 219

1673 223 Le « pré carré » 224 Le conflit de la régale 225 L'abaissement du parlement 225 La grande ordonnance sur le commerce 226 Siège et prise de Maastricht (30 juin) par les Français, en présence du roi, qui commande les attaques 226 Un changement dans la pratique de la guerre : la « guerre de cabinet » 229

1674 231 Les difficultés financières sont accrues par le coût et l'ampleur des dépenses militaires : le développement des « affaires extraordinaires » 232 La sanglante victoire de Sénef 233 Les divertissements de Versailles 234 La conspiration du chevalier de Rohan 235 Le début des académies provinciales : la fondation de l'académie de Soissons témoigne du ralliement des élites provinciales à la culture de l'Etat absolu 236 La Querelle des anciens et des modernes 236 Corneille, analyste de l'Etat absolu 237

1675 243 La guerre en hiver 243 La mort de Turenne, à Salsbach 244 Des funérailles baroques 245 « Les peuples plaintifs... » 246 La révolte du papier timbré, ou des « Torreben », en Bretagne (printemps, été 1675) ...... 247 La fin du « beau XVIIe siècle » breton 250 Réorganisation des carrières à l'armée : l'ordre du tableau 251 L'armée royale s'est-elle démocratisée au temps de Louis XIV? ...... 252 1676 255 La guerre navale : victoires françaises en Méditerranée 256 Le roi à la tête des armées : la campagne de Flandre 256 Madame de Maintenon 257 La Querelle des anciens et des modernes 257

1677 259 « Vive le Roi et Monsieur, qui a gagné la bataille! » 260 L'absolutisme comme bonne affaire : l'alliance d'intérêt entre les élites provinciales et le roi 260

1678 263 Le siège et la prise de Gand 264 Mons : le dernier combat 264 La fin de la guerre de Hollande : les traités de Nimègue avec la Hollande (13 août) et l'Espagne (17 septembre) 264 Une victoire en trompe-l'œil : la fin des « années Colbert » 265 La « ceinture de fer » 266 La cour, « la plus belle comédie du monde » 268 Versailles, « architecture parlante » de l'Etat absolu 271

1679 279 L'affaire des poisons (1679-1682) 280 Reprise de la persécution contre Port-Royal 281 La disgrâce de Pomponne et la rivalité des clans Le Tellier et Colbert 282 Le début de la politique des réunions 283

1680 287 La grande ordonnance sur les gabelles 288 Madame de Fontanges, Madame de Montespan, Madame de Maintenon 289 La poursuite de la politique des réunions 289 Théâtre et propagande politique : le collège de Clermont (à Paris) et les collèges jésuites (dans les villes de province) 291

1681 295 Début des « dragonnades », contre les protestants du Poitou 296 La ferme générale 297 Ordonnance de la marine marchande 297 La réunion de Strasbourg à la France 298

1682 301 Exaltation du pouvoir royal et du gallicanisme : déclaration des quatre articles, par l'assemblée du clergé 302 La fin des sorcières 303 Le roi à Versailles 304

1683 309 Le budget de 1683 310 Le roi en Franche-Comté et en Alsace ...... 310 La mort de la reine 311 Madame de Maintenon 311 La mort de Colbert 314 Le « clan Louvois » 314 La fin des « années Colbert » : l'exemple du Languedoc 315 Depuis le mois de juillet, Vienne est assiégée par 200000 Turcs commandés par le grand vizir Kara Moustapha 316

1684 319 Le bombardement de Gênes 320 La trêve de Ratisbonne 321

1685 323 Jacques II, roi d'Angleterre : un souverain catholique 323 Préparé par Colbert, le « Code noir » est publié en mars 1685 324 L'affaire du Palatinat 324 Les travaux du détournement de l'Eure 325 L'édit de Fontainebleau. Un événement-rupture du règne : la révocation de l'édit de Nantes 326 Le roi cavalier : l'échec de la statue du Bernin; le développement des statues provinciales 337

1686 341 La place des Victoires 342 La formation de la ligue d'Augsbourg 342 Un duel de magnificence 343 Saint-Cyr 343 La « grande opération » 344 La mort du grand Condé 345 Un exemple de refuge protestant : Francfort-sur-le-Main 346

1687 351 Le conseil du roi 351 L'ennui à la cour 352 Un témoignage des oppositions sociales : marchands et ouvriers lyonnais 352 La misère du peuple dans le Maine : l'opinion des commissaires du roi 353 La Querelle des anciens et des modernes 356

1688 357 En Angleterre : le divorce entre le pays et le roi 358 La guerre préventive 359 Le siège de Philippsbourg : le baptême du feu du grand dauphin 359 Réformes de Louvois concernant l'armée 360 En Angleterre, « the Glorious Révolution » 361 Le sac du Palatinat 361

1689 .... 365 L'Angleterre : un modèle de monarchie tempérée 367 L'expédition d'Irlande 367 Achèvement du sac du Palatinat : une destruction « programmée » 368 Le « grand tournant » : l'Europe coalisée contre Louis XIV. La « guerre de Guillaume III », dite aussi guerre « de la ligue d'Augsbourg », commence ...... 370 Une « guerre totale », sur terre et sur mer : le début de la « seconde guerre de Cent Ans », entre la France et l'Angleterre 371 Les échecs militaires 373 Grandes difficultés financières, liées au coût de la guerre 373 Fénelon, précepteur du duc de Bourgogne 374

1690 379 1690 est une année fraîche et humide, la première d'une série, qui ne cessera qu'à partir des années 1720 380 Fleurus 380 Béveziers 380 La Boyne 381 Staffarde 381 Un portrait du roi en 1690, par Ezéchiel Spanheim, représentant du Brandebourg en France 382

1691 385 Siège de Mons, présidé par le roi 386 De l'événement à sa représentation : le roi tyran 386 La mort de Louvois et la seconde « prise de pouvoir » de Louis XIV : les « trois âges de la formation de l'Etat moderne » Qean-Christian Petitfils) 387 Au conseil d'en haut, le duc de Beauvillier, aristocrate pieux et réformateur, partagé entre le monde des courtisans et la vie dévote 388 Le corps des ingénieurs du roi est réorganisé et centralisé autour de la personne du roi 390

1692 393 Une année froide et humide 394 La Hougue : les Anglo-hollandais imposent leur suprématie navale 395 La guerre de course s'intensifie 396 Namur : le dernier siège présidé par le roi 397

1693 401 « Un soleil affaibli et presque éteint » : une année de nouveau humide, catastrophique pour les récoltes 402 Dernière campagne militaire du roi, présent à la tête de ses troupes, en Flandre 403 Deux épisodes de la course royale : le convoi de Smyrne, l'expédition au Spitzberg 403 Le débat de la guerre maritime : stratégie directe ou stratégie périphérique ? 404 Neerwinden 405 Disette à Paris 405

1694 407 La plus dramatique crise de subsistances du siècle (1692-1694) 408 La crise aiguise la réflexion critique de nombre de contemporains 411 Un outil de l'essor commercial des îles britanniques : la création de la banque d'Angleterre 413

1695 415 Une révolution fiscale? Une déclaration royale institue une « capitation générale annuelle dans le royaume », pour tenter de répondre aux difficultés financières ...... 416 1696 419 Deux indices d'une mutation dans la définition des élites à la fin du règne de Louis XIV 420

1697 423 Le questionnaire pour l'instruction du duc de Bourgogne : mesure de l'Etat, richesse de la nation 424 La prise de Carthagène : la flibuste, au service du roi de France 426 La fin de la guerre de la ligue d'Augsbourg : traités et paix de Ryswick 427 L'importance de l'acquisition d'une partie de Saint-Domingue : le commerce avec les « isles » 428

1698 433 Le camp de Compiègne 434 Thé, café, chocolat : la cour, maîtresse de la mode et du goût 435 Les activités maritimes des « messieurs de Saint-Malo », en temps de paix et en temps de guerre : le commerce et la guerre de course 436

1699 439

1700 443 Toutes les cours européennes sont suspendues au problème de la succession d'Espagne 444 Un conseil du roi décisif : la guerre inévitable 444 Début de la grande guerre du Nord (1700-1721) 446 Le conseil de commerce ou l'ébauche d'une opinion économique : la mer et le commerce peuvent-ils être source d'honneur et de considération ? 446

1701 451 La politique belliqueuse de Louis XIV contraste avec ses manifestations conciliatrices des années 1699-1700 452 La grande alliance de La Haye : le début de la guerre de succession d'Espagne 452 Difficultés financières : la première tentative de billets de monnaie 452 La chambre du roi, pivot du château de Versailles 453 La « petite académie » (voir 1663) devient l'Académie des inscriptions et des médailles 454

1702 459 Le développement de la milice royale (à la suite de l'ordonnance du 26 janvier 1701) ...... 459 Les Camisards 461

1703 465 La guerre des Camisards 466

1704 469 Louis XIV soutient les révoltés hongrois 470 Victoire des troupes de Malborough et du prince Eugêne sur les troupes françaises et bavaroises à Hoechstaedt (ou Blenheim) 471 L'Etat royal doit faire face à d'inextricables problèmes financiers ...... 472 La guerre des Camisards ...... 472 1705 475 Joseph Ier de Habsbourg 476 Le coût de la guerre 476 Versailles « ne ressemble plus du tout à une cour » 476

1706 479 Difficultés financières 479 Ramillies 480 Turin 480 Les Camisards 480

1707 483 Dernière émotion populaire du Grand Siècle : la révolte des « Tards Avisés », dans le Quercy 484 Dysenterie mortelle en Anjou 484 « Extravagantes » créations d'offices 484 Vauban, Boisguilbert : l'économie politique face à l'absolutisme 486 Vauban reconstitue le budget d'un ouvrier agricole (manouvrier) 487 La taille arbitraire, obstacle à la consommation 489 Le jansénisme, matrice de l'économie politique 490

170 8 491 Les « années funestes » 492 La détresse financière 493 Clans et cabales à Versailles 494

170 9 497 Le « grand hiver » 498 La « cherté universelle du blé H, vue depuis la cour à Versailles : le témoignage du marquis de Sourches 502 Un bilan ? 503 Les conditions de la paix 503 Un événement important dans l'histoire du sentiment « national » : envoyé aux gouverneurs et aux évêques, un appel de Louis XIV est lu dans toutes les paroisses 504 « La mauvaise disposition des esprits de tous les peuples » 507 Comment faire face aux difficultés financières ? 508 Malplaquet 509 La fin de Port-Royal 509

1710 513 Le roi, maître et ordonnateur des préséances 514 Louis XIV partagé entre la guerre et la paix 515 Déclaration royale portant sur la création du dixième, un nouvel impôt destiné à répondre aux besoins financiers 515 Ecrasement des Camisards, commandés par Abraham Mazel 516 Retournement militaire en Espagne 517 En Angleterre, montée du pacifisme...... 517 La mémoire de l'Etat ...... 517 1711 519 Mort du grand Dauphin, ou Monseigneur, le fils de Louis XIV : le duc de Bourgogne devient le souverain virtuel 520 En Angleterre, le parti de la paix l'emporte 521

1712 523 Utrecht 524 La place de l'économie dans les négociations : Nicolas Mesnager 524 Mort de la duchesse, puis du duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV 525 Lettre (anonyme) de Saint-Simon au roi 526 Les défaites continuent 529 Un tournant décisif : victoire de Villars, à Denain, sur l'Autriche 529 La guerre en Flandre : le témoignage d'un curé de campagne 530 Un ancêtre de l'E.N.A. ? Une académie pour former des diplomates 530

1713 533 Unigenitus 533 L'Etat royal est, toujours, à bout de ressources financières 534

1714 537 La fin de la guerre de succession d'Espagne : paix signée à Rastadt avec les Habsbourg puis l'empire 538 Principales dispositions des traités 538 Le renforcement de la puissance économique et maritime de l'Angleterre 538 La leçon des traités 539 Bilan d'un « siècle de fer » : évaluation des soldats morts pendant les principaux conflits du XVIIe siècle 540 Le testament de Louis XIV 543

1715 545 Un persan à Versailles 546 Les derniers mois du roi 548 La mise en place de la Régence 551

Index des noms ...... 555

Index des lieux ...... 571 INTRODUCTION

Louis XIV est alors âgé de quatorze ans. Inauguré par le règne de Louis XII en 1498, ce troisième volet d'une chronique de la France moderne débute en 1653, au lendemain des « guerres domestiques » de la Fronde. Il présente soixan- te trois des soixante douze années du plus imposant règne de l'histoire de France. Un règne long et controversé. Rarement, en effet, système de pouvoir et de domination aura exercé, dès sa naissance, autant de fascination ou/et de répul- sion. Emmanuel Le Roy Ladurie a rappelé la généalogie des deux légendes, rose ou noire qui, depuis trois cents ans, poursuivent celui qui fut appelé, après la paix de Nimègue, Louis le Grand : « Bossuet, Molière, Racine, La Bruyère approuvent tout, et même n'importe quoi » Face à ces louanges, quelques voix courageuses se font entendre, notamment dans les dernières décennies du règne : Vauban, Fénelon, Beauvillier, Saint-Simon, Boisguilbert, Jurieu. On peut observer le même désaccord à propos des images du souverain : à l'Alexandre triomphant du début des années 1660, au roi Apollon des jardins de Versailles, aux ors et aux miroirs de la galerie des Glaces répondaient, à la fin du règne, sous la plume des pamphlétaires de Hollande et d'ailleurs, le tyran Nabuchodonosor et les cloaques de la Bastille, lieu opaque et secret de la raison d'Etat. Est-ce un hasard, si l'année même de la mort du vieux roi paraissait, à Amsterdam, LInquisition Française ou l'histoire de la Bastille de Constantin de Renneville, qui donne forme et force à l'imaginaire de l'espace symbole de l'arbi- traire et de la tyrannie ? Il est vrai que les contrastes assez violents qui opposent les « années Colbert », plutôt heureuses (1661-1683), à la morose fin de règne, autorisent de multiples approches et interprétations. D'autant que jamais un roi n'a suscité, dès son vivant, un tel flot de panégyriques ou de critiques. C'est par dizaines de milliers, par exemple, que se comptent les éloges (ils attendent leur historien) prononcés à la gloire du Roi Soleil par les parlements, les cours souveraines, les bureaux des finances, les présidiaux, les élections, les conseils de ville de toutes les provinces... Paraissant confirmer ces diversités et ces difficultés d'approche et de jugement, les historiens, eux-mêmes, tel Daniel Dessert, ont opposé un système « apparent » et un système « réel ». Or, en partie occulté par des archives trompeuses, ce système « réel », système fisco-financier, fut peut-être l'un des moteurs les plus puissants de la réussite de la monarchie « louisquatorzienne », car il a permis d'impliquer

1. Emmanuel Le Roy Ladurie, L'Ancien Régime, 1610-1770, Paris, Hachette, 1991, p. 226. directement les classes dirigeantes dans le fonctionnement même de l'État royal, par la médiation du « doux maniement des finances », comme l'écrivait Cardin le Bret en 1632 dans La Souveraineté du roi2. Dans le Languedoc, par exemple, on a bien mis en lumière cette « joyeuse col- laboration » qui unissait les élites de la province et le roi, en particulier dans les années 1670 3 Cette heureuse entente s'explique à la fois par la moindre pression de la charge militaire (la France est en paix jusqu'en 1672), le développement économique stimulé par Colbert, la nature de la redistribution de l'impôt : en comparant, grâce aux archives du diocèse de Toulouse et aux minutes des États de la province, les flux du prélèvement en 1647 et 1677, nous savons que les classes dirigeantes du Languedoc récupéraient 29,6 % des recettes de la taille en 1647, 36,4 % en 1677. Le canal du Midi, dit « des deux mers », énorme entre- prise conçue par Pierre-Paul Riquet (1604-1680), le « Moïse du Languedoc », comme il s'intitulait lui-même, a, lui aussi, joué un rôle important dans cette fructueuse collaboration financière entre la province méridionale et Paris. En voici un témoignage éloquent : l'ouvrage traversait les terres de Pierre-Louis Reich de Pennautier, très influent trésorier de la Bourse des États du Languedoc, rece- veur général du clergé de France ; la plus grosse fortune de Toulouse et l'un des principaux financiers de l'entreprise. En récompense de ses services, ce dernier reçut, en 1685, un droit de péage d'une pite (un quart de denier) et demie sur chaque quintal de marchandise, faisant ainsi coïncider l'intérêt de l'État et son intérêt très particulier. La clé de la réussite de l'« État Louis XIV » tient peut-être à cette intimité financière nouée entre les élites locales et les hommes du roi, dans un jeu complexe de rapports de force et d'intérêt.

Le découpage de cette chronique respecte strictement la chronologie. Chaque année débute par une séquence consacrée aux événements, de toute nature : évé- nements institutionnels, militaires, économiques, démographiques... Ensuite, des gros plans thématiques, nourris par les travaux des historiens, permettent d'éclai- rer ou d'approfondir faits, personnages, débats. Clôturant chaque séquence, un tableau présente quelques-unes des œuvres, célèbres ou non, créées ou publiées cette année-là. Régulièrement, des mises au point permettent d'analyser ou de résumer thèses et interprétations en présence, à l'occasion d'un événement (la

2. Daniel Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand Siècle, Paris, Fayard, 1984. Dans La Royale. Vaisseaux et marins du Roi-Soleil (Paris, Fayard, 1996), Daniel Dessert démonte le même phénomène, appliqué à la marine : en montrant les implications du milieu fiscofinancier dans la construction de « La Royale », il révèle que l'instrument destiné en théorie à imposer sur les océans la toute puissance du roi de guerre fut administré, avant tout, comme un objet économique soumis à des critères de rentabilité. Ce sont ces exigences qui expliquent au début des années 1690 le passage de la guerre d'escadre à la guerre de course : il s'agit là de la traduction du primat financier sur le stratégique, la soumission de l'impératif poli- tique à l'impératif gestionnaire, qui a accompagné la marine tout au long de sa genèse. 3. William Beik, Absolutism and Society in Seventeenth-century France. State Power and Provincial Aristocraty in Languedoc, Cambridge, 1985, p. 279. Voir en particulier le chapitre XII, « Collaborating with the King : positive results and fulfilled ambitions ». révocation de l'édit de Nantes, par exemple) ou du rôle joué par un Mazarin ou un Colbert. Dans chaque rubrique, une large place a été consacrée aux voix des contemporains, afin de multiplier témoignages, points de vue, rumeurs et humeurs, même si ces dernières doivent être manipulées avec la plus extrême pré- caution (Saint-Simon, notamment). Dans toutes ces rubriques, Versailles bénéficie d'une attention particulière, car le château tend à devenir, au cœur du règne personnel, le centre officiel de la vie cul- turelle, artistique, mondaine, autour d'un roi incarnation vivante de l'unité du royaume. Sans doute, Versailles n'explique pas tout : en marge de la rigidité com- passée voulue par le maître impérieux des comportements, on ne saurait oublier la fécondité de nombre de créateurs qui ne doivent rien ni à Louis XIV, ni à Colbert, ordonnateur d'une propagande royale sans équivalent dans l'histoire de la monar- chie. Il suffit de nommer ici La Rochefoucauld (Maximes), Pascal (Les Provinciales, les Pensées), Tallemant des Réaux (Historiettes), Madame de La Fayette (La Princesse de Clèves), le cardinal de Retz (Mémoires), Madame de Sévigné (Lettres), La Fontaine (Contes, Fables). Tous ont écrit loin des servilités de la cour, dans la pénombre, l'émigration intérieure et la vie privée, à proximité de ce que le Roi Soleil a le plus haï : Port-Royal pour les uns, Nicolas Fouquet pour les autres. Protecteur attentionné de nombre de créateurs, animés par l'aiguillon de la liberté, le surintendant des finances Nicolas Fouquet a tenté de réunir autour de lui, à la fin des années 1650, par des liens tenant autant à la protection qu'à l'af- fection, tous les talents mûris depuis la Régence d'Anne d'Autriche, afin de for- mer, à Vaux et à Saint-Mandé, une « académie française » complète : architectes et jardiniers, peintres et sculpteurs, tapissiers et passementiers, instrumentistes et chanteurs, comédiens et poètes. Avec le consentement de Louis XIV, Fouquet aurait pu donner à son règne un tour modéré, tempéré, animé par une académie encyclopédique, digne de la Renaissance italienne ou de celle des Valois. Nous savons qu'il n'en fut pas ainsi : l'arrestation du surintendant, le 5 septembre 1661, provoqua un brutal changement de cap de la politique culturelle de l'État royal. Désormais, pour un grand nombre de Français lettrés, l'étatisation forcée de l'expression créatrice mise au service de la machine à gloire de la monarchie « louisquatorzienne » entraîna l'intériorisation de cette « faille moderne », déjà pressentie pendant les troubles de religion par le Montaigne des Essais, puis repri- se et amplifiée par les pieux solitaires de Port-Royal. Cette faille oppose la vie pri- vée, le for intérieur des sujets du roi (à l'exemple de Madame de Sévigné écrivant à sa fille Madame de Grignan) et leur appartenance captive et servile à la vie commune du royaume, qui se cristallise sur la scène éclatante et impérieuse du théâtre de Versailles : « l'empire du roi, contracté dans l'État tout puissant, s'est coupé du règne des coeurs » 4.

4. Marc Fumaroli, Le Poète et le Roi. Jean de La Fontaine en son siècle, Paris, éditions du Fallois, 1997. Il n'en demeure pas moins que le processus de centralisation royale de la créa- tion, mais aussi des normes du goût et des conduites a justifié, aux yeux de Voltaire, l'appellation de « Siècle de Louis XIV » (1756), après la Grèce au siècle de Philippe et d'Alexandre, après Rome sous le règne d'Auguste, après l'Italie à l'époque des Médicis. De ces quatre siècles, explique le philosophe-historien des Lumières, « le quatrième est peut-être celui qui approche le plus de la perfection. Enrichi des découvertes des trois autres, il a plus fait en certains genres que les trois ensemble. Tous les arts, à la vérité, n'ont point été poussés plus loin que sous les Médicis, sous les Auguste et les Alexandre; mais la raison humaine en général s'est perfectionnée. La saine philosophie n'a été connue que dans ce temps ; et il est vrai de dire qu'à commencer depuis les dernières années du cardi- nal de Richelieu jusqu'à celles qui ont suivi la mort de Louis XIV, il s'est fait dans nos arts, dans nos esprits, dans nos mœurs, comme dans notre gouvernement, une révolution générale qui doit servir de marque éternelle à la véritable gloire de notre patrie ».

Bien évidemment, les approches ici proposées ne peuvent prétendre à une quelconque exhaustivité. Tels les morceaux d'un puzzle, cette chronique voudrait simplement apporter au lecteur quelques-uns des principaux éléments du très épais « dossier Louis XIV ». Ce dossier pourra être complété et approfondi à l'ai- de des notes et des références qui accompagnent les études utilisées. La forme éclatée de l'ensemble a pour but de permettre à chacun de construire, à son tour, sa propre esquisse ou figure du roi et du règne. Avec la couleur qu'il entend lui donner. Car nul ne saurait prétendre dessiner du « Siècle de Louis XIV » une image certaine et définitive. CHRONOLOGIE

♦ 3 février. Entrée de Mazarin à Paris. * 8 février. Nicolas Fouquet est nommé surintendant des finances.

* 23 février. Le roi, alors âgé de quinze ans, danse le Ballet royal de la Nuit?. * 13 mars. Jean-Baptiste Lully est nommé « compositeur de la musique ins- trumentale » du roi. Il prend la tête des Vingt-quatre violons du roi. • 27 mars. Pour apaiser les rancunes du roi, le prévôt des marchands et les échevins commandent, pour l'hôtel de ville, une « statue de marbre de cet augus- te monarque habillé en César victorieux avec un manteau à la romaine, en pied, tenant le sceptre avec lequel il montre avoir réduit la mutinerie, foulant aux pieds une figure représentant la rébellion, de grandeur convenable et au naturel d'un fort jeune homme, renfrogné du visage, armé d'un corselet et d'un javelot, et un cimier en tête ». Le jeune roi, debout, en costume antique, met le pied sur la tête d'un guerrier gisant à terre; il a l'attitude théâtrale d'un saint Michel terrassant le démon. Louis XIV, lors d'un festin solennel qui lui fut offert par le corps de ville, en janvier 1687, trouva bon qu'on ôtat ce monument. Il fut remplacé, le 14 juillet 1689, par une statue de bronze de Coysevox représentant le roi debout, en costume de guerrier antique, avec perruque. Un bas relief, aussi en bronze, représentait une composition allégorique, La Religion triomphant de l'hérésie, sur la face du piédestal, qui remplaçait ainsi, dans la conjoncture de l'après révo- cation de l'édit de Nantes, les frondeurs par les protestants. * Mai. Déclaration royale contre les duels. A cette occasion, paraît un Recueil des divers édicts du Roy et autres pièces touchant les duels et rencontres (Paris, 1653). * 31 mai. Condamnation, par le pape, de cinq propositions contenues dans Y Augustinus. ♦ 4 juillet. Pour effacer le souvenir de la journée sanglante de l'année précéden- te (le « massacre de l'hôtel de ville »), Louis XIV et la cour, après une messe à Notre-Dame, assistent à une représentation du Cid, dans la grande salle de l'hôtel de ville. Puis le roi inaugure, dans la cour du bâtiment, la statue de Gilles

1. Pour une approche détaillée des événements de la période "mazarine", souvent délaissée par les his- toriens, l'analyse la plus précise (malgré un parti pris systématique en faveur du cardinal) demeure celle d'Adolphe Chéruel, Histoire de France sous le ministère de Mazarin, Paris, Hachette, 3 vol, 1882. On pourra recourir, aussi, aux études de Madeleine Laurain-Portemer, Etudes mazarines, Paris, 1981. Sur les problèmes diplomatiques, voir, du même auteur, « Questions européennes et diplomatie mazarine », XVIIe siècle, n° 166, janvier-mars 1990, p. 17-50. On consultera, aussi, la biographie de Pierre Goubert, Mazarin, Paris, Fayard, 1990, et le Fouquet de Daniel Dessert (Paris, Fayard, 1987). 2. Philippe Beaussant, Lully ou le musicien du Soleil, Paris, Gallimard, 1992, p. 108-109. Voir p. 112- 115, la liste des rôles joués par Louis XIV dans les 25 ballets auquels il participa, entre 1651 et 1670. CHRONOLOGIE

Guérin (1608-1670), le montrant en guerrier romain « foulant aux pieds une figu- re représentant la rébellion ». Dans la soirée, un grand feu d'artifice est tiré place -de Grève. # 30 septembre. Après un siège de vingt-cinq jours, Rocroi se rend aux Espagnols commandés par le prince de Condé. Mais ce dernier échoue devant Arras délivré par Turenne. # Ni)vembré. Création d'une tontine royale. # Cette année-là. -* ,La restauration du système k< fisco-financier », une des principales ciblés des frondeurs. **■ A Parlïs,, ,-;Oeorges et Madeleine de Scudéry organisent, dans leur hôtel particutier, des réunions hebdomadaires : les « samedis de Sapho » deviennent bientôt la référence de comportement et de goût dans les milieux precieux dé, la cour et de la ,vîlle. Dans le courant de 1 été le prince de Condé et les Espagnols envahis- sent l'a Picardie.

Le 3 février, accompagné du roi, Mazarin entre à Paris, par la porte Saint- Denis. Cette entrée ne fut accompagnée, semble-t-il, ni par un enthousiasme ni par une réprobation de la foule. Par l'indifférence, plutôt : « ce triomphe, quelque éclatant qu'il fut, ne laissa pas d'être mêlé de quelque mortification. On n'entendit aucun cri de joie; et jusqu'au Louvre, où le cardinal alla descendre, un profond et morne silence l'accompagna toujours » 3. Sa position de principal ministre est confirmée : désormais, Mazarin conservera, jusqu'à sa mort, en mars 1661, la prépondérance au conseil d'En Haut.

RICHELIEU ET MAZARIN, À L'ORIGINE DE L'ABSOLUTISME « LOUISQUATORZIEN » L'originalité du ministériat, qui singularise l'histoire de l'Etat royal entre 1624 et 1661 (Richelieu et Mazarin), a souvent été soulignée, en particulier par Richard Bonney 4. Ce dernier a mis en valeur le rôle décisif joué, pendant cette période, par le conseil du roi, qui a considérablement élargi le domaine concerné par les « affaires d'Etat » (ce fut une des causes de la Fronde) : « cela signifiait, nécessairement, un abaissement du statut des cours souveraines (parlement), dont les activités étaient de plus en plus restreintes au domaine du droit privé (jus pri- vatum). Le conseil du roi s'est efforcé de limiter la juridiction des cours aux affaires contentieuses où les intérêts de la couronne n'étaient pas engagés. Cette croissance

3. Henri Philippe de Limiers, Histoire du règne de Louis XIV, Amsterdam, 1718, III, p. 167. 4. Richard Bonney, Political Change in France under Richelieu and Mazarin, 1624-1661, Oxford 1978 (voir, en particulier, le chapitre 1 de la première partie, consacré au gouvernement central). du gouvernement par conseils impliquait un développement du droit public (jus publicum) » Cardin le Bret (De la souveraineté du roi, 1632) fut, d'une certaine manière, le théoricien de cette affirmation du gouvernement par conseil : la France, indique Richard Bonney, jouissait d'une constitution coutumière, inter- prétée par le roi, « loi vivante » (Cardin le Bret), mise en pratique par le conseil du roi et, sur le terrain, gérée par les intendants, commissaires du souverain 5. En effet, instruments flexibles de l'Etat absolu, les intendants, qui avaient cris- tallisé une part du mécontentement des magistrats du parlement de Paris lors des événements de 1648, sont rétablis, cette année là, presque partout. A la fois juges et administrateurs (administration et justice sont alors virtuellement synonymes), pourvus d'une commission scellée du grand sceau du roi, qui leur confère un pouvoir supérieur à celui des officiers du lieu, ils prennent le titre de « Commissaires départis pour l'exécution des ordres du roi ». Rappelons, aussi, que contrairement aux autres institutions de la France du XVIIe siècle (cours sou- veraines et inférieures, gouverneurs, Etats provinciaux), le pouvoir des intendants ne pouvait menacer la couronne, car si leurs sentences équivalaient à celles des cours souveraines, elles pouvaient être annulées par le conseil du roi, et lui seul. En effet, lors des poursuites criminelles, l'intendant était le président d'un tribu- nal spécial qui, sur ordre du gouvernement central, prononçait des sentences défi- nitives, non soumises à l'appel au parlement. La commission était le fondement

5. « Il n'y a point de doute que les Roy s peuvent user de leur puissance, et changer les loix et les ordon- nances anciennes de leurs Etats. Ce qui ne s'entend pas seulement des loix générales, mais aussi des loix muni- cipales et des coustumes particulières des provinces ; car ils peuvent aussi les changer, quand la necessité et la justice le désirent [...]. Ils doivent néantmoins procéder en cela avec de la retenue, pource qu'il n'y a rien dont les peuples soient plus jaloux, que de leurs anciennes coustumes. Il n'appartient aussi qu'aux Princes d'expli- quer le sens des loix, et de leur donner telle interprétation qu'ils veulent, lorsqu'il arrive des differends sur la signification des termes [...]. Si l'on demande si le Roy peut faire et publier des changemens de loix et d'ordon- nances de sa seule authorité, sans l'advis de son Conseil, ny de ses cours souveraines. A quoy l'on respond, que cela ne reçoit point de doute, pource que le Roy est seul souverain dans son royaume, et la souveraineté n'est non plus divisible que le poinct en la géométrie ». Cardin Le Bret, De la souveraineté du Roi, Paris, 1632,1, 9, « Qu'il n'appartient qu'au Roy de faire des loix dans le royaume, de les changer et les interpréter », p. 33-34. Cardin le Bret (1557-1655) synthétise bien le croisement et les interactions permanentes entre la théorie (son traité De la Souveraineté du Roi, 1632) et la pratique, à l'exemple des chevauchées qu'il commanda, en Lorraine, dans le cadre de sa mission au parlement mis en place à Metz, une mission qui annonce la politique des « réunions » menée au temps de Louis XIV. Par son travail de légiste et son action sur le terrain, le juriste et le praticien du droit illustre bien les deux faces, indissociables, de l'Etat royal. Cardin le Bret fut d'abord, en effet, un praticien de l'autorité souveraine, prototype du « commissaire départi ». Sa longue carrière - il mourut à 97 ans - est représentative de celle d'un serviteur entièrement dévoué à la cause de l'Etat royal : avocat géné- ral de la cour des aides puis au Parlement de Paris, de 1604 à 1619, il mena l'accusation contre la maréchale d'Ancre, favorite de Marie de Médicis (Léonora Galigaï) et il décida de la confiscation de ses biens et de ceux de son mari, Concini, au profit de la couronne. En 1624-1625, Cardin le Bret fut nommé intendant à Châlons et à Metz « pour informer des usurpations du duc de Lorraine ». Lors de cette commission, il invoqua le principe de l 'inaliénabilité du domaine royal. En 1625, il fut envoyé comme commissaire aux Etats de Bretagne. Les Etats refusaient alors de délibérer sur la question du vote des subsides avant que leurs privilèges ne soient confirmés. Le Bret condamna cette attitude : « c'est capituler, traiter d'égal avec le roi » déclara-t-il à cette occasion, car il considérait les privilèges comme tenus « de la pure et grande libéralité de nos rois ». Vers 1630, Le Bret était pleinement convaincu que les cours souveraines devaient se plier à la volonté du Conseil d'en Haut. Deux ans plus tard, il était fait premier président du parlement de Metz. De 1630 à 1655, date de sa mort, Le Bret siègea au conseil du roi dont il devint le doyen. Il fut aussi juge au procès de Marillac (1632) et du marquis de Cinq Mars (1642), des opposants à Richelieu. de leur pouvoir dans les provinces : contrairement aux édits créant les offices, elle leur accordait un pouvoir à la fois absolu et temporaire, révocable, à tous moments, par la seule volonté du souverain 6, L'absolutisme « louisquatorzien » ne peut se comprendre sans ce rappel de l'importance du « gouvernement par conseil » (du roi à l'intendant), théorisé par Cardin le Bret et mis en pratique par Richelieu puis Mazarin.

« TOUTE LA FRANCE EST MAZARINE » ? La Porte, valet de chambre du roi, décrit dans son Journal, l'attitude des cour- tisans et des grands, après le retour du cardinal-ministre : Je vis une multitude de gens de qualité faire des bassesses si honteuses que je n'aurais pas voulu être ce qu'ils étaient à condition d'en faire autant. Tout le monde disait tout haut à la reine que toute la France était mazarine, et qu'il n'y avait personne qui ne tînt à grande gloire de l'être. J'étais dans la chambre de la reine, lorsque Son Eminence y entra [il s'agit du 3 février]; j'y vis parmi tant de gens qui s'etouffaient à qui se jetterait à ses pied le premier, j'y vis dis- je, un religieux qui se prosterna devant lui avec tant d'humilité que je crus qu'il ne s'en relèverait point 7. De multiples signes témoignent de ce renversement de fidélité. Ainsi cette lettre du duc de Lesdiguières, gouverneur du Dauphiné et parent du cardinal de Retz. Il écrit au cardinal, le 1er janvier 1653 : Quoique je croie que Votre Eminence est assez persuadée de la passion que j'ai pour le service de Leurs Majestés et pour le vôtre en particulier, j'ai cru néan- moins que je vous en devais renouveler les assurances sur le sujet de la détention de M. le cardinal de Retz, et vous envoie ce gentilhomme exprès, suppliant très humblement Votre Eminence de croire, Monseigneur, qu'il n'y a personne en France qui ne soit plus attaché que moi aux intérêts du roi et à ceux de Votre Eminence, et qu'il n'y a rien que je ne fasse pour lui en donner des preuves, quand il lui plaira me faire la faveur de m'ordonner quelque chose 8. Il convient de nuancer ce retournement apparent de situation : Pierre Goubert fait remarquer que : la victoire ne fut pas aisée; les parlements, surtout à Paris, manifestèrent encore leurs prétentions, une partie des nobles, notamment des gentilshommes de provin- ce, continua à se concerter, à former des assemblées et des ligues - on a même pu parler d'une « troisième Fronde » -, rappelons aussi que quelques villes encore

6. Pour une analyse précise des intendants au temps de Richelieu et de Mazarin, on se reportera, aussi, aux analyses de Richard Bonney (op. cit) qui a suivi les 128 intendants commis par Richelieu et Mazarin : il propose une étude précise de leur origine sociale, de leur formation, de leur attitude politique avant, pen- dant et après la Fronde. Sur l'activité des intendants durant le règne personnel de Louis XIV, en particulier, pendant la décennie 1680, voir l'étude d'Anette Smedley-Weill, Les intendants de Louis XIV, Paris, Fayard, 1995. Cette étude contient aussi une très utile prosopographie des intendants nommés pendant le règne de Louis XIV. 7. La Porte, Mémoires, ed. Michaud et Poujoulat, Paris, 1839, p. 52. 8. Lettre citée par Adolphe Chéruel, op. cit., II, p. 48. agitées durent être châtiées et que les campagnes, comme la Sologne, remuèrent de nouveau. Il faudrait, enfin, parvenir à saisir le rôle de l'insidieux et puissant parti dévot, regroupé partiellement derrière le cardinal de Retz et ses fidèles, les curés parisiens, les groupes jansénistes, et la Compagnie du Saint-Sacrement9. Pour faciliter le consensus, les premiers gestes du cardinal ministre visent à l'apaisement : il autorise le retour de conseillers au parlement qui avaient été exi- lés et il reçoit, avec amabilité, les magistrats : « presque tous les membres du par- lement, qui avaient mis sa tête à prix, et qui avoient vendu ses meubles à l'encan pour payer les assassins, vinrent le complimenter les uns après les autres, et furent d'autant plus humiliés, qu'il les reçut avec affabilité » (Voltaire) 1°. Un de ses pre- miers soins fut, aussi, de faire payer les rentes de l'hôtel de ville dont nous avons vu qu'elles furent un des moteurs les plus puissants des événements, à Paris. Pour le remercier, la ville offre au ministre un banquet, le 29 mars. Ce jour là, Mazarin fut acclamé par la foule, massée place de Grève : il se montra plusieurs fois aux fenêtres de l'hôtel de ville et il jeta de l'argent au peuple ".

FOUQUET, COLBERT. A la suite de la mort subite du surintendant La Vieuville, le 2 janvier, le 8 février, Nicolas Fouquet, procureur général du parlement de Paris (depuis 1650), est nommé surintendant des finances, avec le titre de ministre d'Etat 12. Il partage cette charge avec le comte Abel Servien, qui fut le représentant apprécié de la France, au cours des négociations de Munster. Tous deux disposent d'une responsabilité très étendue, puisqu'ils ne rendent « raison ailleurs qu'à la propre personne de Sa Majesté ». Mais il s'agit de deux personnalités très dissemblables, en âge et en tempérament, qui ne vont pas s'entendre : « le cardinal applique la vieille recette politique, diviser pour régner » (Daniel Dessert) ,3. Dans les Défenses qu'il fit publier, en 1665, Nicolas Fouquet explique : Dans cette première année, M. Servien, par ordre de M. le cardinal, agissait seul, réglait les affaires de toute nature. Je lui disais bien ma pensée; mais il en usait comme il lui plaisait, ne faisait à mon égard autre chose que m'envoyer les expéditions qu'il avait signées, pour y mettre mon nom, suivant les ordres que j'en avais reçus de M. le cardinal, qui ne s'adressait alors qu'au sieur

9. Pierre Goubert, Mazarin, Paris, Fayard, 1990, p. 370. 10. Voltaire, Histoire du Parlement, chap. LVII. Dans Oeuvres complétés, 1829, tome XXII, p. 274-275. 11. L'apaisement des rentiers fut de courte durée, comme en témoigne la lettre écrite à Mazarin par l'abbé Fouquet, le 11 septembre : « on fait ici force cabales pour les rentes de l'hôtel de ville; on distribue des libelles, on vole, et même hier au soir (10 septembre), on tira des coups de pistolet dans des carrosses sans demander la bourse. Je puis assurer Votre Eminence que je ne manque pas ici d'occupation ». Adolphe Chéruel, Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet, surintendant des finances, d'après ses lettres et des pièces inédites, Paris, 1862,1, p. 257. 12. Il s'agit, pour Mazarin, de récompenser une fidélité : Nicolas Fouquet a soutenu le cardinal pendant son exil et il a joué un rôle important pour assurer le ralliement du parlement à la cause royale. 13. Daniel Dessert, Fouquet, Paris, Fayard, 1987, p. 91. Servien, mon ancien, d'une grande réputation pour la variété et l'importance des emplois par où il avoit déjà passé 14. Les collaborateurs principaux de Mazarin sont, alors, Michel le Tellier, Abel Servien, les Fouquet (Nicolas et son frère, abbé 15), Hugues de Lionne et Jean- Baptiste Colbert. Ce dernier occupe une position apparemment moins élevée, mais son zèle pour augmenter la fortune du cardinal-ministre ne tarde pas à lui assurer un crédit particulier. Colbert dirige, en effet, les affaires domestiques de Mazarin et il lui avait demandé, dans une lettre datée du 18 novembre 1652, une confiance absolue dans cette fonction : Si j'ai toutes les qualités nécessaires pour la servir [Votre Eminence], comme le choix de Votre Eminence a fait de moi doit le faire croire, la créance et la confiance qu'elle doit avoir en moi ne doit être ni partagée, ni disputée, ni contestée par aucune personne. Je n'envie à personne son emploi et ne me pique de me bien acquitter du mien. Ces grands esprits, qui embrassent toutes choses, sont rares. Pour moi, je m'avoue des médiocres, qui ne s'estiment capables que d'une nature d'affaires, mais qui, dans l'application tout entière et la passion pour s'en bien acquitter, ne peuvent souffrir de traverses qui tou- chent à l'honneur et qui sont fort délicates sur cette matière.

L'AURORE DU ROI SOLEIL : LE BALLET DE LA NUIT une des manifestations la plus pure du Baroque dans la culture française du XVIIe siècle Philippe Beaussant Le 23 février, le roi danse le Ballet royal de la nuit., un ballet à forte significa- tion politique, dans le contexte de la fin de la Fronde 16.

14. Adolphe Chéruel, Mémoires [...], op. cit., 1, p. 263. 15. Ce dernier est plus particulièrement chargé de la surveillance de Paris (notamment, la recherche des auteurs et colporteurs de libelles). Sa position de confident auprès de Richelieu rappelle celle du père Joseph auprès de Richelieu (Adolphe Chéruel, Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet, surinten- dant des finances, d'après ses lettres et des pièces inédites, Paris, 1862,1, p. 239). L'abbé Fouquet rédigea, pour Mazarin, un mémoire lui indiquant les trois principaux problèmes que devait résoudre le ministre au lendemain de la Fronde : « le premier regarde le parlement qui se vante d'éclater, si la chambre de justice n'est révoquée, pour la révocation de laquelle le premier président a écrit en cour, à ce qu'ils disent. Ils se promettent d'y faire joindre tous les autres parlements et espèrent être protégés par les mécontents qui ne sont pas en petit nombre. Le second regarde l'état de la religion qui commence à se brouiller ouvertement, chacun prenant parti, et cela de la même manière que les choses se passèrent en France, lorsque l'hérésie de Calvin fut condamnée; à quoi il serait très à propos de remédier [...]. Le troisième concerne l'état du peuple que l'on suscite par toutes sortes de voies en semant dans les esprits de très pemicieuses opinions sur la conduite des affaires, sur l'éloignement du roi, sur son éducation et sa manière de vie particulière. Il arrive ici tous les jours des gens de M. le Prince, surtout depuis que M. le prince de Conti et madame de Longueville ont liberté d'y envoyer qui bon leur semble » (op. cit., p. 240, 241). 16. La place particulière que nous avons tenu à accorder au ballet dans cette chronique s'explique par son importance dans la culture du XVIIe siècle : avec la pratique des armes et l'équitation, elle est l'une des trois principales occupations des nobles. Sur ce sujet, voir les études de Margaret Mac Gowan, L'art du ballet de cour en France. 1581-1643, Paris, 1978; de Marie-Françoise Christout, Le Ballet de cour de Louis XIV, 1643- 1672, Paris, 1967; de Philippe Beaussant, Lully ou le musicien du Soleil, Paris, Gallimard, 1992. Cette dernière étude consacre un chapitre particulier au Ballet royal de la nuit. « Il faut faire un effort et nous convaincre que DOCUMENT B. N. <9 COLLECTION VIOLLET

Ce ballet, écrit par Isaac de Benserade (Lully a sans doute collaboré), compor- tait quatre veilles, qui suivaient le déroulement de la nuit. La mise en scène était somptueuse, soulignée par la disparition progressive de la lumière et son retour (allusion transparente aux événements). La Nuit et les Heures ouvrent la première veille sur le ton allégorique. La mythologie intervient, ensuite, avec Protée qui pousse ses troupeaux dans sa grotte marine, et s'amuse à se métamorphoser en diverses formes, avant de donner ses ordres aux Néréides. Viennent ensuite des

vraiment, pour un gentilhomme de ce temps, savoir danser était aussi nécessaire que savoir lire ; et bien danser avait autant de prix que bien parler, au siècle de la rhétorique et de l'éloquence. Parler, danser : deux manières d'être en société, dans un temps où la vie sociale était la seule vie concevable » (Philippe Beaussant, op. cit, p. 81). En 1668, l'abbé de Pure évoque ainsi les enjeux du bal : « il ne s'agit que de soy-mesme; vous parois- sez tel que vous estes, et tous vos pas et toutes vos actions sont tributaires aux yeux des Spectateurs, et leur exposent et le bien et le mal dont l'Art et la Nature ont favorisé ou disgracié vostre personne. Ainsi le Bal méri- te bien quelque sorte de soins, et qu'un galant homme s'applique à se bien tirer d'un pas si dangereux ». Abbé Michel de Pure, Idée des spectacles anciens et nouveaux, Paris, 1668, p. 117-118. chasseurs, que la nuit appelle au repos. Au son des cors les accompagne le tumul- te des valets et des chiens. Des bergers et des bergères leur succèdent dans un concert de flûtes et de musettes. Dans l'obscurité qui tombe, des bandits détrous- sent un mercier, tandis que des galants et des coquettes s'apprêtent pour quelque fête. Des multiples scènes se succèdent ainsi (le ballet comporte quarante-cinq entrées), avant l'apparition de l'Aurore, suivie du Soleil levant. Le ballet associe sans cesse les éléments fondamentaux, le feu, l'air, l'eau et la terre, avec les tempéraments : le colérique, le sanguin, le flegmatique. Cette alliance des tempéraments et des éléments est une référence à la théorie antique, qui présentait l'univers comme une totalité, où tout se trouvait en correspondan- ce : les saisons, les âges de la vie, les vents, les qualités fondamentales (le chaud, le froid, l'humide, le sec), les états des corps (liquide, solide), les humeurs et les tempéraments, tous dépendant des signes du zodiaque. Dans le rôle final, le roi, après avoir tenu d'autres rôles (l'un d'eux le montra coiffé d'une chouette, avec au dos des ailes de papillon), figure le Soleil, à la fonction ordonnatrice, maître de l'harmonie cosmique, brillant de l'or irradiant son masque et son costume 17.

LA CONDAMNATION DE CINQ PROPOSITIONS CONTENUES DANS L'AUGUSTINUS Portant essentiellement sur la grâce, elles avaient été présentées, en juillet 1649, lors d'une assemblée de la Sorbonne, par Nicolas Cornet, ex-jésuite et syndic de la Sorbonne 18. Ainsi détachées de leurs contexte, ces cinq propositions apparaissaient contraires à la foi catholique. Ce qui est moins sûr, c'est que des affirmations aussi tranchées aient traduit exactement le sens d'un texte somme toute assez ambigu. Elles furent, ensuite, envoyées à Rome pour être examinées par le pape qui dicta, lui même, le texte de la bulle de condamnation (31 mai). La première proposition : Quelques commandemens de Dieu sont impossibles à des justes qui désirent et qui tâchent de les garder, selon les forces qu'ils ont alors, et ils n'ont point de grâce par laquelle ils leur soit rendu possibles, est téméraire, impie, blasphématoire, frappée d'anathème et hérétique.

17. Philippe Beaussant voit, dans toute cette série de transformations, l'essence même du baroque, dont le ballet, jusqu'à Versailles, est la manifestation la plus spectaculaire : « oui, c'est l'une des manifestations les plus pures du Baroque dans la culture française du XVIIe siècle. Le ballet est l'antithèse de la tragédie classique, le refuge du Baroque français larvé. Tous les thèmes du Ballet de le nuit concourent à nous convaincre que le ballet tout entier a pour sujet, à travers la nuit, la multiplicité du monde, son pouvoir de changer, sa capacité de métamorphose [...]. Or cela conceme toute l'évolution du style de Lully; ce que la tragédie lyrique qu'il créera en 1673 aura conservé du ballet de cour constituera précisément la part irréduc- tiblement baroque de cet art en marche vers une certaine forme de classicisme » (op. cit, p. 94). Analyse d'après Jean-Pierre Néraudau, L'Olympe du Roi-Soleil, Paris, Les Belles Lettres, 1986, p. 120-121, 125. Le père Marin Mersenne, dans l' Harmonie universelle (1636), voyait dans la danse une imitation du mouve- ment des astres organisé par Dieu, « le plus grand maître de ballet » (ibid., p. 126). Dans son ouvrage éru- dit Des ballets anciens et modernes (Paris, 1682), Claude-François Ménestrier accorde une grande place à ce Ballet de la nuit, qu'il considère comme « inimitable » : « je ne sçay si jamais nôtre Théâtre représentera rien d'aussi accompli en matière de Ballet ». 18. Nicolas Cornet avait présenté sept propositions, dont les cinq premières furent finalement retenues. La seconde : Dans l'état de la nature corrompue on ne résiste jamais à la grâce intérieure, est hérétique. La troisième : Pour mériter et démériter dans l'état de la nature corrompue, on n'a pas besoin d'une liberté exempte de la nécessité d'agir, mais il suffit d'avoir une liberté exempte de contrainte, est hérétique. La quatrième : Les Demi-Pélagiens admettaient la nécessité d'une grâce inté- rieure et prévenante pour chaque action en particulier, même pour le commen- cement de la foi, et ils étaient hérétiques en ce qu 'ils prétendaient que cette grâce était de telle nature que la volonté de l'homme avait le pouvoir d'y résister ou d'obéir, est fausse et hérétique. La cinquième : C'est une erreur des Demi-Pélagiens de dire que Jésus-Christ soit mort ou qu'il ait répandu son sang pour tous les hommes sans exception, est fausse, téméraire, scandaleuse; et si on l'entend en ce sens que Jésus-Christ soit mort pour le salut seulement des prédestinés, elle est impie, blasphématoi- re, injurieuse, dérogeante à la bonté de Dieu, et hérétique. Le 4 juillet 1653, le roi donne des lettres patentes pour faire recevoir la bulle d'Innocent X dans tout le royaume. Une assemblée du clergé demande à tous les évêques de la recevoir, ce qui fut fait, malgré .quelques résistances gallicanes 19.

LA FIN DES FRONDES PROVINCIALES

Les partisans du prince de Condé tenaient toujours Bordeaux et une partie de la Guyenne. Le marquis de Pompadour, lieutenant général dans le Limousin, commande les troupes royales. Sarlat est prise le 23 mars. Bordeaux est assiégée par les troupes du roi, alors que l'Ormée est divisée entre les jusqu'auboutistes et les partisans d'une négociation. Le pouvoir royal joue l'indulgence : une amnistie générale est proclamée pour tous ceux qui voudraient abandonner le parti du prince de Condé. Le 8 juin, Bellegarde est prise par les troupes royales : cette prise marque la fin de la Fronde en Bourgogne. En Guyenne, Libourne est prise par les troupes royales, le 17 juillet; le siège se resserre autour de Bordeaux, bientôt affectée par une disette, aggravée par l'afflux de paysans et de vignerons venus se réfugier dans la ville. Des habitants, de plus en plus nombreux (en particulier les marchands, qui multiplient les réunions à la Bourse) réclament la paix. Des membres du présidial demandent au prince de Conti (le frère de Condé) d'accepter les conditions proposées par Mazarin ; « ormistes » et partisans d'une négociation s'opposent de plus en plus violemment. Finalement, l'amnistie générale est acceptée par une assemblée tenue à la bourse le 27 juillet. Le 3 août, les ducs de Vendôme et de Candale, commandant les armées du roi, entrent dans la ville soumise. La reddition de Bordeaux est suivie d'une pacification rapide de toute la Guyenne : le 13 août, la capitulation, sans combat, de Villeneuve-sur-Lot, marque la fin du dernier bastion condéen en Guyenne.

19. Sur ce sujet, voir Paule Jansen, Le et le mouvement janséniste français, 1653- 1659, Paris, 1967. LE PRINCE DE CONDÉ ET LES ESPAGNOLS ENVAHISSENT LA PICARDIE Le prince de Condé, passé au service de l'Espagne à la fin de la Fronde, et les Espagnols, envahissent la Picardie : Roye est prise au début du mois d'août (puis reprise par les Français). Le 30 septembre, après un siège de vingt-cinq jours, Rocroi se rend aux Espagnols commandés par Condé. Mais ce dernier échoue devant Arras délivrée par Turenne. Le roi a fait une courte apparition, au début puis à la fin de la campagne militaire. Désormais, il sera présent à l'armée, prati- quement chaque année, jusqu'en 1693 (voir à cette date). Au parlement de Paris, à la fin du mois de décembre, le souverain, en person- ne, renouvelle la condamnation de mort : contre Messire Louis de Bourbon, prince de Condé, atteint et convaincu des crimes de Leze Majesté et de Félonie, déchu du nom de Bourbon, de la qualité de Premier prince du Sang, et de toutes les prérogatives dues à sa naissance.

LA TONTINE ROYALE 20 En novembre, une tontine royale est créée 21 : il s'agit d'un nouveau mode de rentes viagères proposées aux particuliers. Chaque part, ou action de la tontine, coûte 300 livres. Un système complexe partage le fonds (20 500000 livres) en dix « classes » (suivant l'âge de l'acheteur de la rente) : l'intérêt n'était d'abord que de 15 livres et augmentait, ensuite, par le décès des actionnaires de la classe à laquel- le on appartenait 22. L'édit de création expliquait ainsi le système : les places dont chacune des dix classes de la dite société se trouvera remplie, demeureront éteintes par la mort des acquéreurs, et les intérêts d'icelles appar- tiendront aux cointéressés survivants en même classe par droit d'accroissement, et seront divisés à leur profit d'année en année à proportion des places qu'ils auront; de sorte que toutes les années, les dits revenus augmenteront et pour- ront, par succession de temps des dites places ainsi réduites, produire un exces- sif revenu pour une somme si modique, que de 300 livres payées une fois seulement. Le pouvoir royal justifiait cette création par les difficultés du temps, par son inca- pacité, aussi, à payer les rentes assignées sur l'hôtel de ville : Les guerres tant domestiques qu'étrangères de ce royaume nous ayant obligé à de si grandes et excessives dépenses, que non seulement nous avons été contraints pour les soutenir, outre la recette de nos revenus ordinaires, d'avoir recours à des moyens extraordinaires, mais encore de reculer le paiement des arrérages des rentes constituées en divers temps sur l'hôtel de notre bonne ville de Paris, contre l'intention que nous avons de faire payer ponctuellement les dits

20. Développement d'après A. N. AD + 318 : dossier sur la création de la société de la tontine royale. 21. Le nom de « tontine » vient de Laurent Tonti, qui proposa ce nouveau mode de rentes. Tonti fut nommé contrôleur général à vie, avec 12500 livres d'appointements pour la première année. 22. Les dix classes étaient les suivantes : de 1 à 7 ans, de 7 à 14 ans, de 14 à 21 ans, de 21 à 28 ans, de 28 à 35 ans, de 35 à 42 ans, de 42 à 49 ans, de 49 à 56 ans, de 56 à 63 ans, plus de 63 ans. arrerages de rentes, même d'en racheter le principal si l'état de nos affaires le pouvait permettre 23.

LE SYSTÈME « FISCO-FINANCIER » EST RESTAURÉ Un dernier signe, et non des moindres, de la réussite de la restauration maza- rine, est, peut-être, une lettre datée de décembre 1653, signée des deux surinten- dants aux finances, Servien et Fouquet. Si cette lettre témoigne de la restauration du crédit de l'Etat et de la confiance retrouvée, elle témoigne, aussi, de la nécessi- té d'un recours accru aux « affaires extraordinaires » (ici les prêts) : plus que jamais l'Etat royal dépend de ses bailleurs de fonds, c'est à dire des groupes diri- geants, véritables détenteurs des cordons de la bourse. Mis à mal pendant la Fronde, le système « fisco-financier » se trouve inévitablement reconstitué. Lorsque l'argent n'est pas prêt, le crédit ne nous manque pas, et nous trouvons maintenant beaucoup de gens qui nous fournissent librement leur argent sur notre simple parole [...]. C'est ce qui nous a donné moyen d'exécuter jusqu'ici à point nommé tout ce qui nous a été ordonné, dont peut-être son Eminence sera étonnée, quand elle verra l'état au vrai de tout ce que nous avons fait payer comptant depuis que nous sommes dans la charge 24. Dans ses Défenses, publiées en 1665, Nicolas Fouquet explique, plus claire- ment encore : ces deux années [1653-1654], on ne manqua pas d'argent; les gens d'affaires payaient ponctuellement et faisaient volontiers des prêts et des avances. D'autres particuliers mêmes, en leur donnant des fonds à 15 pour 100 d'intérêt, ou avec des billets de remboursement de vieilles dettes au lieu d'intérêts, fournissaient des sommes considérables. La raison de cette facilité provenait du rabais des mon- naies, les pistoles ayant été réduites de douze livres à dix, l'argent blanc à propor- tion, et la réduction ne s'en faisant que peu à peu en divers termes, de trois mois en trois mois ; tous ceux qui voulaient éviter la perte apportaient leur argent avant le terme ou le prêtaient aux traitants de leur connaissance. Ainsi tout le monde avait alors du crédit. Cela dura dix-huit mois et plus, à cause de quelque prolonga- tion du dernier terme. On atteignit par ce moyen la fin de septembre 1654. Cette facilité fit consommer par avance le fonds des deux années suivantes, 1655 et 1656, et toutes les affaires dont on avait pu s'aviser. Son Eminence fit payer beau- coup d'assignations des années précédentes, qui n'avaient pu être acquittées depuis les désordres de 1649 25.

23. A. N. AD + 318, fol 23. 24. Cité par Adolphe Chéruel, La France sous le ministère de Mazarin, II, p. 115. 25. Cité par Adolphe Chéruel, Mémoires [...], op. cit., I, p. 265, 266. Il convient toutefois de pondérer l'optimisme de Fouquet : Chéruel précise qu'en 1653, les finances, « bien loin d'avoir été dans un état prospère, comme le prétend Fouquet, étaient si misérables que, dans les besoins les plus pressants, on ne pouvait trouver à l'épargne la somme de cent mille livres. Il fallait, pour se la procurer, engager les pierre- ries du cardinal et emprunter à des partisans, qui s'indemnisaient ensuite largement aux dépens du trésor public » (ibid., 1, p. 272). 1652-1654

LA PREMIÈRE DES TROIS GUERRES ANGLO-HOLLANDAISES Cette guerre est une conséquence directe de l'Acte de navigation voté par le Parlement anglais en 1651. Cet acte de navigation était très défavorable aux inté- rêts du commerce hollandais : il s'agissait de réserver à la flotte anglaise tout ce qui était nécessaire à l'Angleterre. Cromwell exigea, en même temps, le salut du pavillon anglais par les navires hollandais. Equivalent maritime de « l'ordre mince » pour les combats terrestres, la technique de bataille navale en ligne, menée par des flottes parfaitement coordonnées, fut pratiquée à partir de la pre- mière guerre anglo-hollandaise 26. La guerre maritime (six grandes batailles navales en deux ans) fut doublée par une violente campagne de pamphlets dans les deux camps. En 1653, les Hollandais remontèrent la Tamise et pillèrent les entrepôts situés dans la banlieue de Londres. La guerre se solda par l'échec final de la Hollande : son effort maritime s'était tourné vers le commerce et non vers l'armement de guerre; elle était, par ailleurs, divisée intérieurement entre le parti des Etats, favorable à la paix, et le parti oran- giste, défenseur d'une politique belliqueuse. La bourgeoisie hollandaise, pour réta- blir la paix, n'hésita pas à reconnaître l'Acte de navigation, d'autant que les Anglais tendaient, au fil des batailles navales, à dominer la flotte hollandaise. En juillet 1653, Tromp est tué à la bataille navale de Schiveningen. Ruyter lui succè- de à la tête de la flotte hollandaise. - ŒUVRES D Corneille, Pertharite, roi des Lombards. La pièce, représentée à Paris en 1652, n'a obtenu aucun succès. Corneille quit- te Paris et le théâtre. Il se retire à Rouen, où il restera sept ans. Il entreprend la traduction en vers de l' Imitation de Jésus-Christ (voir année 1654). Il ne sortira de sa retraite qu'en 1659, avec Oedipe. E Molière, L'Etourdi. « Molière partit avec sa troupe, qui eut bien de l'applaudissement en passant à Lyon, en 1653, où il donna au public L'Etourdi, la première de ses pièces, qui eut autant de succès qu'il en pouvait espérer » 27 D Paul Pellisson Fontanier, Histoire de l'Académie française jusqu'en 1652. Cette Histoire fut complétée et continuée par Pierre Joseph Thoulier d'Olivet (1682-1768) et publiée en 1752. La partie due à Pellisson se termine en 1652.

26. Pour la technique de la bataille navale en ligne, les navires se présentaient à la file, en suivant le sillage du navire-amiral; l'ennemi en face faisait de même : le combat consistait essentiellement en une longue canonnade. Le premier vaisseau de ligne, un navire muni d'artillerie sur ses deux bords, fut le « Sovereign of the Sea », sous Charles Ier, réalisé à la fin des années 1630. Voir Brian Lavery, « The Revolutions in naval tactics, 1588-1653 », dans Martine Acerra, José Merino, Jean Meyer, Les marines de guerre européennes, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, 1985. Actes d'un colloque tenu en septembre 1984. 27. Grimarest, La Vie de M. de Molière, Paris, 1705. L'auteur rapporte, sous la forme de lettres, adressées à l'un des ses parents, M. de Faure-Fondamente, « tout ce qu'il a pu savoir de l'Académie ». L'ouvrage com- porte des notices sur les académiciens décédés et un catalogue des œuvres des membres encore vivants. D Jean Desmarets de Saint-Sorlin, Les Promenades de Richelieu ou les vertus chrétiennes. D Antoine Godeau, Histoire de l'Eglise jusqu'à la fin du VIlle siècle. D Hilaire Pader, La peinture parlante, Toulouse. D Pièces représentées au théâtre de l'hôtel de Bourgogne, à Paris, cette année là : - Boisrobert, La Belle plaideuse, comédie. - Philippe Quinault, Les rivales, comédie. - Magnon, Jeanne de Naples, tragédie. - Tristan l'Hermite, Le Parasite, comédie. - Cyrano de Bergerac, La Mort d'Agrippine, tragédie. - Boisrobert, Cassandre, tragi-comédie. - Du Ryer, Anaxandre, tragi-comédie. - Montauban, La Charmes de Félécie, pastorale 28. o Mademoiselle de Scudéry, Artamène ou Le Grand Cyrus.

LES « SAMEDIS DE SAPHO » CYRUS, ARCHÉTYPE DU ROMAN PRÉCIEUX Mademoiselle de Scudéry, qu'on appella bientôt « Sapho » (c'est le nom qu'elle se donne dans le Grand Cyrus - voir année 1654 -) était une des plus illustres « précieuses ». Ses samedis, de 1653 à 1661, au plus tard, étaient célèbres 29 : elle recevait, dans sa maison, rue de Beauce, dans la paroisse Saint-Nicolas-des-Champs, quelques-uns des beaux esprits de la cour et de la ville (Conrart, Pellisson, Chapelain). Les Samedis de mademoiselle de Scudéry ont tenu une place notable dans la vie littéraire du siècle : « ils ont donné le ton. Les autres salons se réglèrent sur leur exemple. Les madrigaux, les impromptus, les métamorphoses devinrent les jeux de la société polie. Lhistoire des idées et celle des mœurs sont incompréhen- sibles si l'on ne tient pas compte de ces réunions, qui se tinrent, pendant un petit nombre d'années, entre un petit nombre de personnes » (Antoine Adam) 3°. Elle entreprit, avec son frère Georges, une série de romans dont les sujets sont empruntés à l'histoire. Cyrus, qui obtint un succès particulier, apparaît comme

28. D'après S. Wilma Deierkauf-Holsboer, Le Théâtre de l'hôtel de Bourgogne, II Le Théâtre de la troupe royale, 1635-1680. Documents inédits, Paris, Nizet, 1970, p. 75. L'hôtel de Bourgogne, principal théâtre de la capitale, était situé dans la quartier des halles, à l'angle de la rue Mauconseil et de la rue Neuve-Saint-François. 29. Dès 1657, les samedis se raréfièrent. « 1661 fut le désastre, la chute du Surintendant, l'arrestation de Pellisson. Il n'y eut plus de samedis, à supposer qu'ils eussent duré jusque-là » (Antoine Adam, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, Paris, Domat, 1954, II, p. 39). 30. Ibid, p. 39. l'archétype du roman précieux et du roman à clé 31 : à travers les aventures inter- minables, en dix tomes, de Cyrus, le roi des Perses, déguisé sous le nom d'Artamène, épris de Mandane (Madame de Longueville), fille du roi des Mèdes, et qui poursuit sa belle au milieu de rivalités, de duels et de batailles, les lecteurs ont reconnu les avatars du prince de Condé (on y trouve même une description précise de la bataille de Rocroi). Le Cyrus fut, pour toute une génération, le manuel du parfait amour galant et courtisan : il expliquait comment écrire une lettre d'aveu, comment écrire une lettre de rupture, de pardon. Les héros agissent, mais surtout, parlent : de la guerre, de l'amitié, de l'amour, des belles lettres. Ces longues conversations firent l'objet de recueils à part, et ils devinrent une manière de manuel de la bonne société. Plus tard, Boileau critiqua ces romans (non seulement Le Grand Cyrus, mais aussi Clélie - voir à l'année 1654 -), dénonçant « leur peu de solidité, leur affete- rie pretieuse de langage, leurs conversations vagues et frivoles, les portraits avanta- geux faits à chaque bout de champ de personnes de très médiocre beauté, et quelquefois mesme laides par excès, et tout ce long Verbiage d'Amour qui n'a point de fin » (Boileau, Dialogue des Héros de romans).

31. Des clés manuscrites circulèrent, permettant aux lecteurs d identifier les personnages. « Vous ne sauriez croire combien les dames sont aises d'estre dans ses romans [Cyrus, en 1653, mais aussi Clélie, en 1654], ou, pour mieux dire, qu'on y voye leurs portraits; car il n'y faut chercher que le caractère des per- sonnes, leurs actions n'y sont point du tout ». Tallemant des Réaux, Historiettes, ed. Antoine Adam, Paris, bibliothèque de la Pléiade, 1960, II, p. 689 (« Scudéry et sa sœur »). 1654

CHRONOLOGIE

♦ 21 et 22 février. Célébration du mariage entre Armand de Bourbon, prince de Conti (le frère du prince de Condé), amnistié après la chute de Bordeaux, et une nièce de Mazarin, Anne-Marie Martinozzi. Le prince de Conti espère ainsi obtenir, pleinement, la grâce et la faveur du roi. ♦ Mars. Mécontentement des rentiers de l'hôtel de ville. Il s'assemblent pour exiger le paiement ponctuel de leurs rentes. Un arrêt du conseil d'Etat, daté du 9 mars, fait deffenses aux porteurs de rentes et autres de s'assembler ny de s 'attrouper, à peine de punition » 1. ♦ Mars. Mazarin rassemble au Louvre trente-huit évêques et archevêques pour examiner YAugustinus. ♦ 28 mars. Lit de justice : le roi condamne le prince de Condé à la peine de mort pour crime de haute trahison. ♦ Avril. Le traité de Westminster marque la fin de la première guerre anglo- hollandaise. Les Hollandais acceptent de saluer le pavillon anglais. Olivier Cromwell recherche l'alliance de la Suède et le droit de libre passage dans le Sund. C'est un échec. . 7 juin. Sacre de Louis XIV, à Reims. . 6 août. Prise de Stenay : le « sacre militaire » du roi. . 8 août. Le cardinal de Retz parvient à s'échapper du château de Nantes, où il était enfermé. Cette évasion fut suivie de quelques mouvements d'opposition, en particulier à Paris : assemblées au parlement, placards affichés, libelles publiés, potences où Mazarin est pendu en effigie, manifestations des rentiers, sermons anti mazarins dans certaines églises de la capitale 2. Les succès mili- taires remportés par les troupes royales (en particulier, la victoire d'Arras, le 25 août) contribuèrent à calmer les esprits, d'autant que le cardinal de Retz quitta la France pour se placer, à Rome, sous la protection du pape. . 12 août. Une éclipse du soleil : la fin du monde en 1656 ? . 25 août. Jour de la saint Louis, fête royale, Arras, assiégée par le prince de Condé, est délivrée par Turenne. Le Roy qui étoit à portée avec la cour arriva après l'action 1; et quoiqu'il n'aît pas encore seize ans, il fut sept ou huit heures à cheval pour visiter les

1. A. N. AD + 319, pièce 39. 2. Sur ce sujet, voir Richard M. Golden, The Godly Rebellion. Parisian Curés and the religious Fronde, 1652-1654, Chapel Hill, 1981. L'auteur a, sans doute, exagéré, l'importance de cette « Fronde ecclésiastique ». 3. Le roi voulait participer à l'action, mais sa mère et Mazarin refusèrent de le voir exposé au combat. CHRONOLOGIE

LE SACRE DE LOUIS XIV À REIMS Louis XIV modifie l'usage qui voulait qu'après le sacre, le roi se rende à Corbeny (dans l'Aisne actuelle, près de Craonne), pour prier près du tombeau de Saint Marcoul qui lui conférait un pouvoir thaumaturgique (« le roi te touche, Dieu te guérit >>). Mazarin ne voulait pas que le roi s'aventurât hors de Reims (le bourg de Corbeny avait été ravagé par les guerres) : on fit donc venir, en l'abbaye saint Rémi, dans la ville même, la châsse de saint Marcoul. Deux jours après la sacre, le souverain toucha de nombreux malades. Plus tard, Louis XV et Louis XVI imitèrent Louis XIV : le premier toucher des écrouelles eut toujours lieu après le sacre, à Reims. Comme ses prédécesseurs, Louis XIV procéda, régulièrement, au toucher des écrouelles, en particulier lors des quatre grandes fêtes du calendrier liturgique : Pâques, Pentecôte, Toussaint, Noël; parfois aussi, au jour de l'an, lors de la Chandeleur, de La Trinité, de l'Assomption 5. 4. Qumcy, op. cit., I, p. 188. 5. Sur ce sujet, Marc Bloch, Les rois thaumaturges, Paris, Gallimard, 1983 [1924]. PRISE DE STENAY : LE « SACRE MILITAIRE » DU ROI Le roi participe à l'action. Certains contemporains ont noté la coïncidence entre la campagne militaire, le sacre et la présence du souverain à la guerre : Henri Philippe de Limiers, un des premiers historiens du règne, précise que « la cour était encore à Reims lorsqu'on résolut d'assiéger Stenay; et comme si le jeune monarque eût reçut une nouvelle force avec l'onction sacrée, il voulut aller lui-même au siège pour en hâter les opérations » 6. Cette prise de Stenay était d'autant plus importante qu'il s'agissait d'une place appartenant au prince de Condé. C'est là, en effet, qu'en 1650, la duchesse de Longueville, Turenne, Bouteville et les autres chefs du parti des princes se rassemblèrent pour concentrer leurs troupes; c'était là, aussi, qu'ils traitèrent avec les Espagnols. Prendre Stenay revêtait, on le voit, un sens politique particulièrement fort : il s'agissait de mani- fester, spectaculairement, la victoire définitive du roi sur les frondeurs. La cour s'installe à Sedan, d'où le roi alla souvent à la tranchée, « chose qui encouragea tellement les troupes qu'elles y firent des merveilles » (marquis de Quincy) 7. Dans son Histoire des rois de France, Michel de Marolles évoque le siège de Stenay : un soldat dont la main venait d'être arrachée par un boulet de canon « la ramassa généreusement et la vint présenter au Roi, lui disant qu'il se tenait glorieux de l'avoir perdue à son service ». Et l'auteur ajoute que cet exemple de mutilation était assez emblématique pour « être consigné dans l'Histoire » 8.

UNE ÉCLIPSE DU SOLEIL : LA FIN DU MONDE EN 1656 ?

Le 12 août, une éclipse solaire impressionne les contemporains (en France et dans plusieurs pays européens). Annoncée par plusieurs textes prophétiques, elle provoque une vague d'inquiétude et de publications pour interpréter l'événement : un phénomène naturel ? 9 Un avertissement maléfique ? Un signe de la colère de Dieu ? Une annonce du Jugement dernier ? Cette année-là fut publié, parmi bien d'autres, un opuscule intitulé Prédiction et sentimens du sieur Andreas, Astrologue et mathématicien à Padoue sur l'année 1654 et 1656. On pouvait y lire : Le 12 aoust 1654, à neuf heures du matin ou environ, il y aura une si épouven- table obscurité, que l'on ne pourra voir sans chandelle trois heures durant. D'autant qu'il se remarque que la queue du Dragon se joindra avec l'Estoille

6. Henri Philippe de Limiers, op. cit., IV, p. 1-2. 7. Marquis de Quincy, Histoire militaire du règne de Louis le Grand [...] Paris, 1726, I, p. 183. Le jeune Sébastien le Prêtre de Vauban participa à ce siège. Il fut blessé lors des premières attaques. 8. Michel de Marolles, Histoire des rois de France, 1663, p. 433. 9. Du côté des astronomes qui expliquent le phénomène scientifiquement, on relève les noms de Gassendi, de Frénicle de Bessy, de Pierre Petit qui occupe la fonction d'ingénieur des fortifications. Plusieurs auteurs prennent soin, conformément à la tradition, de bien distinguer de toutes les autres l'éclipsé décrite par les Evangiles dans la récit de la Crucifixion. de Saturne, laquelle conjonction n'a point esté veue depuis que le Ciel et la Terre sont creez, que l'année que le Monde perist par le deluge. Telle obscurité sera aussi veue en tous les endroits du Monde, sa signification ou pronostique d'icelle se rapporte à ce point : Que si Dieu ne fait paroistre alors le dernier jour du Jugement epouventable, qu'il ne tardera plus gueres à venir, et tout au plus tard, deux ans après. Et comme le premier Monde est pery par eau en l'an 1556 de sa création, il tient pour asseuré que ce siècle et en 1656, doit finir, auquel on ne peut aucun autre signe remarquer : ce qui donne une certaine indiction ou pronostique, que dans la seconde année après la dite obscurité, toutes choses seront renversées et iront à rebours. Toutes les puissances seront presque anéanties, en sorte que toute authorité et supériorité seront rejettées par les subjets; les dissentions, guerres, querelles et divisions s'eschauferont et s'enflammeront; en sorte que tout Empire Chrestien sera en danger de périr, et de tomber entre les mains du Turc et Infidelle, qui destrui- ront et deshonoreront toute la Chrestienté, jusques à ce que Dieu, pour le salut abbregera les jours de désolation, envoyant son Fils avec puissance et grande gloire, pour juger les vivans et les morts.

Loret, dans sa Muze historique, le 15 août, raconte que le jour de l'éclipsé : L'allarme fut tout-à-fait chaude Parmy la nation badaude Où les pronostics d'Andreas Cauzèrent bien des embarras.

Le livre de raison d'un gentilhomme huguenot de Castres, Jean de Bouffart- Madiane, décrit ainsi les effets du phénomène sur la population : le 12 aoust, matin, pendant qu'on estoit au presche, advint une eclipse de soleil fort petite, contre les prognostications des astrologues qui la faisoient fort gran- de, avec des présages funestes de ses effects, en telle sorte qu'on n'a jamais attendu une eclipse avec plus de consternation et d'effroy de la plus part du monde qui s'enfermoit dans les maisons avec feux et parfums. Pour faire paroistre comme nous [les Réformés] debvions estre exempts de craintes soubs la protection de Dieu, je montai à cheval pendant l'eclipse 10. Elisabeth Labrousse a consacré une étude à cet événement et à son interpréta- tion. Elle souligne que la décennie 1650-1660 marque un tournant : les jeux ne sont pas encore faits, ni la victoire de l'héliocentrisme acquise, et l'on compte parmi les partisans de l'astrologie bon nombre d'hommes, assez âgés il est vrai, dont l'orthodoxie, et même la piété, sont au-dessus de tout soupçon [...]. Il est patent que l'opinion en France fut vulnérable [...]. La crédulité est de tous les temps, mais il faut évidemment rappeler combien les Frondes récentes et les souffrances populaires terribles qu'elles avaient entraînées avaient pu sensibiliser certaines couches de l'opinion à ces vaticinations apoca- lyptiques 11.

10. Bulletin de la société de l'histoire du Protestantisme français, LVI (1907), p. 42-43. 11. Elisabeth Labrousse, L'Entrée de Saturne au Lion. L'Eclipse de soleil du 12 août 1654, Martinus Nijhoff, La Haye, 1974, p. 22-23. NICOLAS FOUQUET, L'HOMME DES FINANCIERS

En décembre 1654, le sieur cardinal me prit en particulier, et me dit que Servien ne répondait nullement à son attente en cette charge, me demanda si je la pouvais exercer seul, et me conjura de l'assister et lui dire mon avis, et qu'il ne me dissimulait pas qu'il croyait tout perdu, ne voyant aucun fonds certain de deux ans et peu de personnes en pouvoir et en volonté de prêter sur des fonds éloignés ; que les moyens extraordinaires étaient pour la plupart épuisés et les succès trop incertains pour y faire quelque fondement, et qu'ayant à prendre des mesures pour de grands desseins de guerre qu'il méditait au prin- temps, c'était une chose cruelle de n'avoir devant soi aucun fonds assuré, et n'en avoit aucun pour l'avenir. Je lui remis l'esprit, lui disant que je ne jugeais pas les choses si désespérées ni la subsistance de l'Etat impossible. (Nicolas Fouquet, Defenses [...!) 12. Le 24 décembre, un règlement précise le partage des compétences entre Nicolas Fouquet et Abel Servien, aux finances : responsable des dépenses, Servien devient l'ordonnateur des fonds et il délivre les ordonnances du roi, expédiées par les secrétaires d'Etat ; responsable des recettes, Fouquet se charge du recouvrement des sommes qui alimentent l'Epargne et qui serviront à honorer les paiements réalisés par Servien. En particulier, il est conduit à examiner toutes les proposi- tions de nouvelles « affaires extraordinaires », soumises aussi bien par les finan- ciers que les donneurs d'avis : « il pourvoiera au recouvrement des fonds et des sommes de deniers qui devront être portées à l'épargne, et, à cet effet, ledit sieur Fouquet fera compter les fermiers et traitants, leur allouant en dépense tout ce qu'ils auront payé en vertu des quittances et billets de l'épargne, expédiés à leur décharge sur les ordres desdits sieurs surintendants. Il arrêtera aussi tous les trai- tés, prêts et avances, examinera les propositions de toutes les affaires qui se pré- senteront, fera que les édits, déclarations, arrêts nécessaires soient dressés, et en fera poursuivre l'enregistrement partout où besoin sera ». Dans sa tâche, Nicolas Fouquet s'appuie sur son office de procureur général du parlement de Paris, qui facilite l'enregistrement des édits financiers devant les juridictions compétentes. A partir de cette date, pour faire face aux besoins dévorants de l'Etat royal 13, Nicolas Fouquet fait de plus en plus appel aux « affaires extraordinaires » (créations d'offices, droits nouveaux, augmentation de revenus casuels, émissions de rentes, prêts) et donc aux financiers, en particulier au plus important d'entre eux, à cette époque, Barthélemy Hervart, par ailleurs banquier personnel de Mazarin 14. Les

12. Cité par Adolphe Chéruel, Mémoires [...], op. cit., I, p. 268. 13. Fouquet précise que Mazarin lui envoya « l'état général des sommes dont il voulait que je fisse le fonds en argent comptant par chacun mois, pour la guerre, les vaisseaux, les galères, l'artillerie, les fortifi- cations, et un autre pour toucher pareillement en argent comptant d'autres sommes par mois pour les dépenses des ambassadeurs, pensions étrangères, ligues des Suisses, jeux et divertissements du roi, ballets, comédies, deuil de la cour, renouvellement des meubles, vaisselle et choses semblables » (Fouquet, Défenses, cité par Adolphe Chéruel, op. cit., I, p. 271). 14. Barthélemy Hervart (1607-1676), qui passa bientôt dans le camp de Colbert, contre Fouquet, parti- cipa à neuf affaires extraordinaires entre 1646 et 1658. Sur les financiers au temps de Fouquet et de Colbert, consulter la prosopographie établie par Daniel Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand études de Julian Dent ont montré que Nicolas Fouquet disposait de la plus grosse clientèle financière de Paris : 116 clients, contre 114 pour Mazarin, 69 pour Nicolas Monnerot, 56 pour François Jacquier, 44 pour Colbert, 17 pour Servien, 15 pour Gourville 15. Le surintendant a expliqué, clairement, ses méthodes : il fallait ne manquer jamais de parole pour quelque intérêt que ce fût, mais rame- ner les personnes à la raison par la douceur et de leur consentement ; ne menacer jamais de banqueroute et ne parler de celle de 1648 qu'en cas de besoin, et pour la détester comme la cause des désordres de l'Etat, afin qu'il ne pût tomber en la pensée qu'on fût capable d'en faire une seconde; ne toucher jamais aux rentes ni aux gages et n'en pas laisser prendre le soupçon, afin que la tranquillité et l'affec- tion, qui sont une autre source de crédit, ne fussent jamais altérées; ne point tant parler de taxes sur les gens d'affaires, les flatter et, au lieu de leur disputer des intérêts et profits illégitimes, leur faire des gratifications et indemnités de bonne foi quand ils avaient secouru à propos, et que le principal secret, en un mot, était de leur donner à gagner, étant la seule raison qui fait que l'on veut bien courir quelque risque; mais surtout de s'établir la réputation d'une sûreté de parole si inviolable, qu'on ne croit pas même courir aucun danger 16. Daniel Dessert indique que si Fouquet devient l'homme des financiers - ce qui est le lot de tout responsable des finances de l'Ancien Régime -, il fait porter habilement le poids fiscal du financement de la guerre sur les plus aisés des Français; ceux qui participent aux affaires extraordinaires n'appartiennent pas aux 80 ou 85 % de paysans, plus ou moins misérables, qui composent le royaume, mais au monde de la bonne bourgeoisie, de la robe, de l'office, de la noblesse parlementaire ou d'épée, qui concentrent entre leurs mains la majeure partie des espèces métal- liques du pays. Contrairement à ce que l'on peut penser, c'est finalement une élite qui fait tourner la machine de guerre. (Daniel Dessert) l7. Cet appel à l'élite est d'autant plus nécessaire que, dans de nombreuses pro": vinces, en particulier dans la France du Nord, la conjoncture économique s'est retournée : baisse des profits, baisse des prix et donc, moindre rentabilité de l'impôt.

Siècle, Paris, Fayard, 1984, p. 517-703. Fouquet utilise, en particulier, le concours de financiers provinciaux, tels Pierre-Louis Reich de Pennautier et François le Secq, trésoriers de la Bourse du Languedoc, Bernin et du Vau, receveurs généraux des finances, à Tours, Gruin, receveur général des finances à Châlons, les munitionnaires Jacquiers, Arnaud de la Marche, en Guyenne. Tous ces éléments (et beaucoup d'autres) dans Germain Martin, L'Histoire du crédit en France sous le règne de Louis XIV, I, Le crédit public, Paris, 1913, p. 50. Pour un portrait précis d'un financier provincial, en relation avec Fouquet, Pierre-Louis Reich de Pennautier, voir la thèse de Claude Michaud, L'Eglise et l'argent sous l'Ancien Régime. Les receveurs généraux du clergé de France aux XVIe-XVIIe siècles, Paris, Fayard, 1991, en particulier le chapitre XIV, « Un Languedocien, receveur général du clergé de France ». 15. Julian Dent, « The rôle of Clientels in the Financial Elite of France under Cardinal Mazarin », French Government and Society, 1500-1800. Essays in Memory of Alfred Cobden, ed. John Bosher, Londres, 1973. Du même, voir aussi, Crisis in France : Crown, Financiers and Society in Seventeenth- Century France, Londres, 1973. 16. Nicolas Fouquet, Défenses, cité par Adolphe Chéruel, Mémoires [...], op. cit., p. 268-269. 17. Daniel Dessert, Fouquet, op. cit., p. 106. Jean-Marc Moriceau a, ainsi, mis en valeur le « grand malaise des fermiers » à partir de la Fronde, un grand malaise qui se poursuivra jusqu'aux années 1740 : la prospérité des fermiers reposait sur une conjoncture générale propice dans laquelle la climatologie, la paix, la hausse des prix agricoles jouaient en faveur des producteurs. Tous ces indicateurs passent au rouge de 1650 à 1740. Quelle que soit la position que l'on adopte à propos des caractères de la longue crise du XVIIe siècle, les observateurs s'accordent pour souligner la profondeur de la dépression économique qui s'installa alors dans les campagnes du nord-ouest de l'Europe, et frappe celle du Bassin parisien en particulier Il. Dans d'autres provinces, la chronologie du retournement de la conjoncture est dif- férente : pour la Bretagne, voir l'année 1675; pour le Languedoc, voir l'année 1683. ŒUVRES E Le 14 avril, dans le ballet Les Noces de Pelée et de Thétis, le roi a ouvert le spectacle dans le rôle d'Apollon, le dieu du soleil. Il prononce, à cette occasion, sur la scène, un discours versifié (Benserade en est l'auteur), au messa- ge transparent : J'ai vaincu ce Python qui désolait le monde, Ce terrible serpent que l'Enfer et la Fronde D'un venin dangereux avaient assaisonné : La Révolte, en un mot, ne me saurait plus nuire; Et j'ai mieux aimé la détruire Que de courir après Daphné 19. A propos de cette « comédie italienne entremeslée d'un ballet sur le mesme sujet » (les décorations et les machines sont de Torelli, la musique - perdue - de Caproli), Philippe Beaussant souligne qu'il s'agit d'un « premier essai de fusion entre le ballet de cour à la française et l'opéra à l'italienne, et par consé- quent le plus lointain ancêtre de ce qui deviendra la Tragédie lyrique » 20. D Quinault, Renaud et Armide. D Cyrano de Bergerac, Le Pédant joué. D Georges de Scudéry, Alaric ou Rome vaincue, poème héroïque dédié à la séré- nissime Reyne de Suède. Je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre, Qui sur le Capitole osa porter la guerre Et qui fut renverser, par l'effort de ses mains, Le Throsne des Cesars, et l'orgueil des Romains, L'Invincible Alaric, ce Guerrier héroïque, Qui s'esloignant du Nord, et de la mer Baltique, Fit trembler l'Apennin, au bruit de ses exploits [...]

18. Jean-Marc Moriceau, Les Fermiers de l'Ile-de-France, XV"-XV/ll" siècle, Paris, Fayard, 1994, chap. XV, « Le grand malaise des fermiers (1650-1740) », p. 515-556. Pour une confirmation graphique de ce phénomène voir Moriceau, op. cit., p. 523; Micheline Baulant et Jean Meuvret, Prix des céréales extraits de la mercuriale de Paris (1520-1698), t. II, 1621-1698, Paris, 1960; Micheline Baulant, « Le prix des grains à Paris de 1431 à 1788 », Annales ESC, 1968, p. 537-540. 19. Cité par Jean-Pierre Neraudau, op. cit., p. 130. 20. Philippe Beaussant, Lully ou le musicien du Soleil, op. cit., p. 142. D Pascal, Traité du triangle arithmétique, avec quelques autres petits traités sur la même matière. Dans ce traité, Pascal pose les bases du calcul des probabilités 21. D Les Heures du chrestien, divisées en trois journées, la Pénitence, la Grace et la Gloire, où sont compris tous les offices, avec plusieurs prières, avis, réflexions et méditations tirées des sainctes Ecritures et des Peres de l'Eglise; par le sieur Magnon, historiographe de Sa Majesté. D Pierre Corneille, livre III de l' Imitation de Jésus-Christ. C'est à Rouen, où il s'était retiré après l'échec de Pertharite (voir année 1653), que Corneille travailla à cette traduction en vers, à laquelle il joignit des para- phrases (il s'agit, sans doute, de la partie la plus intéressante de l'ouvrage). Il avait été poussé à ce travail à la fois par sa grande dévotion et par des amis jésuites. Cette publication remporta un très grand succès ainsi que l'attestent les multiples éditions qui se succédèrent dès la parution. D Pierre François de La Varenne, Le Pastissier françois. Ce livre, qui bénéficia de nombreuses éditions, consacre quelques innovations en matière de cuisine : le feuilletage, la pâte à choux cuite au four, frite ou pochée, le début de l'utilisation de l'air pour faire monter les blancs d'œufs et la crème fraiche. Pierre François de la Varenne est aussi l'auteur du Cuisinier françois : une place importante y est consacrée aux légumes, avec de nom- breuses recettes pour « les accomoder avec honneur et contentement ». □ Jean Desmarets de Saint-Sorlin, Clovis ou la France chrétienne, poème héroi"que. On verra par tout l'Univers Ce Prince répandre sa gloire Ce que Clovis est dans ces vers Louis le fera dans l'Histoire. (texte inscrit sur l'étendard que tient un ange musicien au dessus de la tête du souverain figuré sur le frontispice de la première édition). Cette publication peut faire figure de premier épisode de la Querelle des Anciens et des Modernes, qui se déroule tout au long du règne de Louis XIV : Desmarets de Saint-Sorlin a choisi comme héros, en effet, non pas un illustre ancien, mais un moderne et il s'est inspiré non pas de la mythologie mais du christianisme. Clovis chante « les origines de la monarchie chrétienne » et il veut démontrer « l'incomparable poésie du christianisme ». Dans les années suivantes, il a défendu son œuvre, avec acharnement (voir années 1670, 1673). D Mademoiselle de Scudéry, Clélie, histoire romaine. Dix volumes de Clélie paraissent, jusqu'en 1660. Les premiers tomes portent la signature de son frère, Georges de Scudéry, mais bien vite, la véritable origine de l'œuvre fut connue, et l'auteur dut mettre son propre nom. Dans cette œuvre de plus de 7000 pages, emblématique - comme le Grand Cyrus (voir 1653) - des milieux précieux, Madeleine de Scudéry dresse la fameuse Carte du tendre, le mode d'emploi de la séduction à l'usage des précieuses.

21. On se reportera à l'édition du traité dans les Œuvres complètes de Pascal, texte établi par Jean Mesnard, Paris, Desclée de Brouwer, 1970, t. II, p. 1166-1 287. CHRONOLOGIE

♦ 7 janvier. Mort du pape Innocent X : après quatre vingt jours de conclave, soutenu par l'Espagne, le cardinal Fabio Chigi est élu pape, sous le nom d'Alexandre VII. ♦ Mars-avril. Crise avec le parlement de Paris. . Avril. Le jeune Bossuet critique la guerre (il est alors à Metz, territoire névralgique de la puissance militaire française) : Vous dirai-je ici, Chrétiens, combien est effroyable en une pauvre maison une garnison de soldats? [...] Hélas, nos campagnes désertes, et nos bourgs misérablement désolés, nous disent assez que c'est cette seule terreur qui a dissipé deçà et delà tous les habitants [il s'agit de la Fronde] [...]. La pau- vreté est terrible, puisque la guerre, monstre du genre humain, le monstre le plus cruel que l'enfer ait jamais vomi pour la ruine des hommes, n'a presque rien de plus effroyable que cette désolation, cette indigence, cette pauvreté qu'elle entraîne nécessairement avec elle 1. ♦ Mai. Sébastien le Prestre (Vauban) devient ingénieur du roi. ♦ 14 juillet. Le roi participe à la campagne militaire. ♦ Août. Nouvelles victoires de Turenne : prise de la place de Condé, puis de Saint-Guillain. ♦ Été. L'abbé Louis Fouquet est à Rome, où il cherche, pour son frère Nicolas, des oeuvres d'art à acheter pour ses résidences de Vaux, de Belle-Isle et de Saint-Mandé. Nicolas Poussin est mis à contribution. ♦ 3 novembre. Traité de Westminster, signé entre la France et la république anglaise de Cromwell. ♦ Décembre. Michel le Tellier obtient pour son troisième fils, François Michel Le Tellier (le futur marquis de Louvois), alors âgé de quatorze ans, la survivance de sa charge de secrétaire d'Etat à la guerre. ♦ Cette année-là. Vincent de Paul entreprend la réorganisation de l'Hôtel Dieu; la Salpêtrière, qui était, au temps de Louis XIII, une annexe de l'Arsenal, est désormais consacrée au logement des enfants et des femmes malades. La Lorraine, qui été ravagée par les armées française, suédoise, impéria- le, espagnole en 1653 et 1654, a perdu 60 % de sa population. .. Prise de la Jamaïque à l'Espagne par l'Angleterre, qui renforce ainsi ses positions économiques en Amérique. -> Début de la « guerre du Nord » (1655-1660).

1. Bossuet, Panégyrique de saint François de Paule, avril 1655. UNE JOURNÉE DU ROI, EN 1655, d'après le témoignage de son valet de chambre, Marie du Bois

Pour n'avoir que dix-sept ans, et quelques mois, je le trouvai si accompli que j'en fus comblé de joie. J'observai tout le changement dès mon premier tour de garde, et je veux mettre ici comment il employait la journée. Sitôt qu'il s'éveillait, il récitait l'office du Saint-Esprit, et son chapelet. Cela fait, son précepteur [Hardouin de Beaumont de Péréfixe] entrait et le faisait étudier, c'est-à-dire dans la Sainte Ecriture ou dans l'Histoire de France. Cela fait, il sortait du lit. Alors, nous entrions, les deux (valets) du jour seulement et l'huissier ordinaire. Sortant du lit, il se mettait sur sa chaise percée dans sa même chambre de l'alcôve où il couchait; il y demeurait une demi-heure, plus ou moins. Après, il entrait dans sa grande chambre, où d'ordinaire il y avait des princes et des grands seigneurs qui l'attendaient pour être à son lever. Il était en robe de chambre, et allait droit à eux, leur parlait si familièrement, les uns après les autres, qu'il les ravissait. Après, il se mettait dans sa chaise et se lavait les mains, la bouche et le visage. Après s'être essuyé, il détachait son bonnet, qui était lié autour de sa tête à cause de ses cheveux qui étaient des- sous. Il priait Dieu dans sa ruelle de lit, avec ses aumôniers, tout le monde à genoux, et nul n'eut osé d'être debout, ni de causer, ni de faire aucun bruit : l'huissier de la chambre les eut mis dehors. La prière du roi finie, il se mettait dans sa chaise. On le peignait et lui donnait un petit habit, les chausses de petite sergette et la camisole de Hollande. Et il passait dans un grand cabinet, qui est derrière son antichambre, où il faisait ses exercices : il voltigeait, mais d'un légèreté admirable, et faisait mettre son che- val au plus haut point et allait là-dessus comme un oiseau et ne faisait pas plus de bruit, tombant sur la selle, que si l'on y eût posé un oreiller; après, il faisait des armes et de la pique. Et il repassait dans sa chambre de l'alcôve, où il dan- sait, et rentrait dans sa grande chambre, où il changeait d'habits et déjeunait. Après, il sortait de sa chambre, faisant toujours chaque jour le signe de la croix. Il montait chez M. le cardinal de Mazarin, qui était son premier ministre d'Etat et qui logeait au-dessus de sa chambre; et il se mettait en particulier, où il faisait chaque jour entrer un secrétaire d'Etat, qui faisait ses rapports, sur les- quels, et d'autres affaires plus secrètes, le roi s'instruisait de ses affaires d'Etat, le temps d'une heure ou une heure et demie Cela fait, le roi descendait et allait donner le bonjour à la reine, et de là s'en allait en Bourbon [un hôtel près du Vieux Louvre] monter à cheval, jusqu'à ce que la reine sa mère y vint à la messe, où il assistait. La messe dite, il la reconduisait chez elle avec beaucoup de déférence et de respect. Le roi remontait dans sa chambre et changeait d'habits, pour aller à la chasse, ou pour demeurer sur les lieux. S'il allait à la chasse, c'était un habit assez ordinaire. Mais s'il demeurait, c'était un habit modeste et un peu mieux, avec peu de cérémonie et nulle afféterie. Il était fort aisé à parer; il se parait de lui-même, sa personne était si merveilleuse- ment bien faite qu'il ne se peut dire de mieux. Etait-il habillé, il allait dîner, sou- vent avec la reine. Si l'après-diner, il avait quelques audiences d'ambassadeurs, il leur donnait audience si attentivement qu'il ne se pouvait pas davantage. Et, leurs discours finis, il les entretenait, un petit quart d'heure, fort familièrement, de choses qui regardaient l'affection de leurs maîtres ou de leurs pays, des alliances et des amitiés qu'il y avait eues de longtemps, des maisons et des royaumes [...]. Sur la fin de l'après diner, le roi va aux Cours [une promenade au bord de la Seine], où il se fait voir et parle en passant aux honnêtes gens de condition, soit aux hommes, soit aux femmes. Le Cours fini, il entre au conseil, s'il est jour pour cela. Souvent, il y a comédie de pièce sérieuse. La comédie finie, où tout ce qu'il y a de beau paraît et qui reçoivent tous quelques civilités du roi. Leurs Majestés s'en vont souper. A l'issue duquel le roi danse; les petits violons s'y trouvent; les filles de la reine et quelques autres s'y trouvent aussi. Cela fait, on joue aux petits jeux, comme aux romans; l'on s'assied en rond; l'un commence un sujet de roman et suit jusqu'à ce qu'il soit dans quelque embarras; cela étant, celui qui est proche prend la parole et suit de même; ainsi, de l'un à l'autre, les aventures s'en trouvent, où il y en a quelquefois de bien plaisantes. Minuit étant proche, le roi donne le bonsoir à la reine, et entre dans sa chambre, et prie Dieu, et se déshabille devant tous ceux qui s'y trouvent, et s'entretient avec eux de la jolie manière. Après, il donne le bonsoir et se retire dans sa chambre de l'alcôve, où il se couche. Il s'assied, en y entrant, sur sa chaise percée, où ses plus familiers l'entretiennent, comme MM. les premiers gentilshommes et quelques autres qui ont le pouvoir d'y entrer 2.

CRISE AVEC LE PARLEMENT DE PARIS Le 20 mars, afin de soutenir « les grandes et excessives dépenses de la guerre », le roi tient un lit de justice pour faire enregistrer dix-sept édits financiers, qui éta- blissaient de nouveaux impôts. Il s'agit, en particulier, d'une taxe sur le papier tim- bré pour les actes notariés et de créations d'offices, notamment celle de quarante-six charges de secrétaires du roi. Le lendemain, des membres des chambres des enquêtes demandèrent la réunion des chambres, et l'examen des édits enregistrés en présence du roi. C'était contrevenir à la déclaration royale du 22 octobre 1652, qui avait interdit au parlement de s'occuper d'affaires d'Etat et de l'administration des finances; une telle attitude rappelait les débuts de la fronde parlementaire de 1648, d'autant que l'avocat général Bignon s'était élevé contre l'édit du timbre, en des termes qui rappelaient les harangues d'Omer Talon : il déclara, en effet : que celui qui avait osé donné l'avis de mettre la main dans le sanctuaire de la justice, en voulant imposer un droit honteux et inouï sur les actes les plus légi- times et les plus nécessaires à la sûreté publique, était digne du dernier suppli- ce; mais enfin que la France espérait que Sa Majesté, à l'exemple de son aïeul, ce grand et incomparable monarque Henri IV, prendrait un jour elle-même le soin de ses affaires et apporterait un tempérament si doux et si convenable aux maux de son Etat, que son nom et son règne en seraient à jamais en vénération très-particulière dans toute l'étendue de son empire 3.

2. Moi, Marie Dubois, gentilhomme vendômois valet de chambre de Louis XIV. Présenté par François Lebrun, Rennes, Apogée, 1994, p. 110-112. 3. Cité par Adolphe Chéruel, Mémoires [...], op. cit., 1, p. 302. Guy Patin témoigne de la réaction du conseil royal : cela a irrité le conseil, et défenses là-dessus leur ont été envoyées de ne pas s'assembler davantage. Et, de peur que le roi ne fût pas obéi, il a pris lui-même la peine d'aller au palais bien accompagné, où, de sa propre bouche, sans autre cérémonie » 4. Effectivement, le 13 avril, en habit de chasse, selon plusieurs témoins (il por- tait un justaucorps rouge, un chapeau gris, de grosses bottes) 5, le souverain, alors âgé de dix-sept ans, revient au Parlement pour imposer l'enregistrement des édits contestés par les juges. Chacun sait combien vos assemblées ont excité de troubles dans mon Etat, et combien de dangereux effets elles ont produit. J'ai appris que vous prétendiez encore les continuer, sous prétexte de délibérer sur les édits qui ont été lus et publiés en ma présence. Je suis venu ici exprès pour vous en défendre la conti- nuation [il montre du doigt les magistrats des enquêtes], et à vous, monsieur le premier président [il montre du doigt Pomponne de Bellièvre], de les souffrir ni de les accorder, quelque instance qu'en puissent faire les Enquêtes 6. Après cette harangue, qui produisit un grand effet sur les magistrats, sans un mot, le roi retourna au Louvre, puis à Vincennes où Mazarin l'attendait. Le lendemain, le premier président, Pomponne de Bellièvre, alla faire part à Mazarin de son étonnement devant cette réaction royale; le 21 avril, le parlement, toutes chambres réunies, prit la décision de nouvelles remontrances; le roi les reje- ta. La crise s'acheva par un recul du pouvoir royal : les édits sur le papier timbré et les actes de baptême furent retirés. Finalement, l'agitation du parlement cessa, d'autant qu'à la mort de Bellièvre, Nicolas Fouquet, doublement intéressé à l'apai- sement des magistrats (comme surintendant et procureur général), contribua, en 1658, à la nomination d'un nouveau président docile : Guillaume de Lamoignon, qui œuvra à la soumission des « bonnets carrés ».

LE ROI À LA GUERRE Le 14 juillet, Landrecies est prise par l'armée royale commandée par Turenne. Il s'agit d'une place importante pour la protection des Pays-Bas espagnols. Comme l'année précédente, le roi participe à la campagne militaire, en parcou- rant, avec les troupes, des territoires appartenant aux Pays-Bas espagnols : Le roi est infatigable; il a marché toute la journée avec l'armée et, en arrivant ici [à Marolles], il est allé voir toutes les gardes avancées du corps que M. le maréchal de la Ferté commande, c'est-à-dire près d'Avesnes. Il vient de retour- ner, et, ce que j'admire, il n'est pas las, après être resté quinze heures à cheval » (lettre de Mazarin du 31 juillet); « rien ne contribue plus fortement, au bien des affaires du roi, dans la conjoncture présente, que d'être en person-

4. Correspondance de Guy Patin, Paris, 1901, lettre du 21 avril 1655, p. 161. 5. Suivant le témoignage de Montglat dans ses Mémoires. Montglat était maître de la garde-robe du roi. 6. Cité par Adolphe Chéruel, Mémoires [...], op. cit., I, p. 304-305. ne dans le pays ennemi; et pour moi je crois que Dieu permettra que nous ayons quelque succès considérable, afin de rendre, par ce moyen, plus prompte la conclusion de la paix, sachant bien que les coeurs du roi et de la reine y sont portés (lettre du 13 août) 7.

TRAITÉ ENTRE LA FRANCE ET LA RÉPUBLIQUE ANGLAISE DE CROMWELL Le 3 novembre est signé le traité de Westminster. Les négociations ont été longues et difficiles (Cromwell a écouté les propositions des Espagnols qui ont sollicité, eux aussi, l'aide de l'Angleterre contre la France). Le traité règle les diffi- cultés pendantes entre les deux pays. Il comprend vingt-huit articles publics et un article secret. Les parties contractantes se promettent paix, amitié et liberté de commerce, dans tous les ports, havres et villes des deux Etats. Elles s'engagent à ne plus assister les Etats ennemis ni les sujets rebelles. Les signataires s'engagent aussi à fermer leurs ports à tous les pirates. L'article secret était relatif aux réfugiés que la France et l'Angleterre devaient expulser de leur territoire : l'Angleterre s'en- gageait à expulser, en particulier, les fidèles de Condé (Marsin, Lenet, Pierre de Cugnac.).

LE CARDINAL MAZARIN (1602-1661) PAR NANTEUIL. B.N. @ COL. VIOLLET

7. Voir l'édition des Lettres du cardinal Mazarin, d'Avenel, Paris, 1843, t. VII. Le traité de Westminster permit à Mazarin de diriger toutes les forces du royau- me contre l'Espagne et de précipiter, ainsi, les négociations en vue de la paix. Les critiques ne manquèrent pas à la cour, contre ce traité, jugé contre nature, en particulier par les dévots : « ce dessein parut odieux à tous les gens de bien, et on ne manqua pas de blâmer le ministre de cet avantage qu'il donnait aux anciens ennemis de la France, à un hérétique, à un usurpateur » (Madame de Motteville).

DÉBUT DE LA « GUERRE DU NORD » (1655-1660) Profitant de la révolte des Cosaques et de leur appel aux Russes et aux Turcs, les voisins de la Pologne envahissent le territoire du royaume, par le Nord (Suédois) et par l'Est (Russes). Charles-Gustave de Suède, cousin du roi de Pologne Jean-Casimir, s'empare de Varsovie et de Cracovie, tandis qu'une partie de la noblesse polonaise se rallie à lui. Bientôt, Hongrois et Brandebourgeois interviennent à leur tour dans le conflit (le roi de Suède a obtenu le concours de Frédéric-Guillaume de Brandebourg, duc de Prusse, qui cherche à obtenir l'indé- pendance de ce duché, vassal de la Pologne). Les ambassadeurs français, d'Avaugour, et de Lumbres, se sont efforcés, en vain, de restaurer la paix entre la Suède et la Pologne, toutes deux amies de la France. La France reste l'alliée de la Suède, mais elle ne peut se désintéresser du sort de la Pologne. ŒUVRES E Le jeune roi a dansé le Ballet des plaisirs. Et cette année là aussi, l'on parla fort, écrit Guy Patin, « de l'amour du roi vers la nièce de son Eminence, la Mancini [Olympe Mancini], et qu'il la veut épouser ». Dans le Ballet des plaisirs, Louis XIV interprète le Génie de la danse : il fait son entrée seul, bientôt suivi par Monsieur, son frère, et quelques gentils- hommes, qui représentent les courtisans. Etrange mascarade que de mimer ce que l'on est en train de devenir dans la vie, mais révélatrice des intentions politiques du divertissement. La Danse, incarnée par le roi, organise la structure sociale autour de lui, et fait du ballet un acte politique [...]. Le ballet redessinait donc le réel. La danse et la musique étaient complétées par des vers qui, lus en scène, ou chantés, ou simplement inscrits dans le livret que les spectateurs avaient en mains, élucidaient le sens caché des figures représentées. De 1651 à 1669, le plus prestigieux faiseur de ces poésies adaptées à l'instant qui passe fut Isaac de Benserade. Lorsque ses œuvres furent publiées, le roi lui rendit un vibrant hommage : « la manière dont il confondait, dans les vers qu'il faisait pour les ballets au commence- ment de notre règne, le caractère des personnes qui dansaient avec le caractère des personnages qu'ils représentaient était une espèce de secret personnel qu'il n'avait imité de personne, et que personne n'imitera peut être jamais de lui. (Jean-Pierre Néraudau) g.

8. Privilège du Roi à l'édition de 1697. Cité par Jean-Pierre Neraudau, op. cit., p. 122. D Charles de Beys, Le Triomphe de l'Amour. Cette pastorale constitue la première ébauche d'opéra français. Elle sera suivie, en 1659, par La Pastorale, de Pierre Perrin et du compositeur Robert Cambert. D Le peintre italien Romanelli, qui a déjà réalisé en 1645-1647, les peintures de la galerie de l'hôtel Mazarin (Bibliothèque Nationale aujourd'hui), est de nouveau appelé à Paris pour décorer et peindre (entre 1655 et 1657) l'appartement d'été d'Anne d'Autriche au Louvre (conservé) où des allégories vantent les vertus de la régente et les mérites de la politique de Mazarin. D Pierre Bourdin (1595-1653), L'Architecture militaire, où l'art de fortifier les places régulières et irrégulières. Il s'agit d'un traité posthume, qui synthétise les principaux acquis de la « révo- lution militaire » en matière de fortifications : une particulière attention est portée à la terminologie, aux formulations géométriques, à la comparaison entre les méthodes française, italienne et hollandaise de fortification. Bourdin fait une analogie entre les ordres de l'architecture et les « ordres » de fortifica- tion (français, italien, hollandais). Ce traité exerça une grande influence sur Vauban 9. D Bossuet, Réfutation du catéchisme du ministre protestant Paul Ferry. Il s'agit de la première publication de Bossuet. Il soutient une thèse qu'il déve- loppera toute sa vie : le concile de Trente (1545-1563) n'a pas rompu avec la tradition de l'Église, ce sont les protestants qui ont varié. E Claude Lancelot, Nouvelle méthode pour apprendre facilement la langue grecque. Cette Méthode, comme la Nouvelle méthode pour apprendre la langue latine (1644), du même auteur, est un témoignage précieux sur les manières nova- trices d'enseigner dans les « Petites Ecoles » de Port-Royal (1645-1660). Les manuels qu'on utilisait jusqu'alors énonçaient les règles de grammaire en les appuyant sur des exemples; or, non seulement l'exemple, mais souvent la règle elle-même étaient formulés dans la langue à enseigner et parfois de telle manière qu'elle s'illustrait elle-même en constituant par son énoncé, un exemple de ce qu'elle prescrivait. Si bien que l'apprentissage se faisait à l'inté- rieur de la langue enseignée et par une manifestation de la règle à l'intérieur de l'exemple. Les vers latins de Despautère, manuel des collégiens pendant plu- sieurs siècles, étaient l'illustration la plus célèbre de cette technique 10. Lancelot distingue la langue d'apprentissage de la langue et la langue apprise. La langue d'apprentissage sera la plus familière, la plus naturelle à l'élève; la

9. Sur ce sujet, Martha D. Pollak, Military Architecture, cartography and the Représentation of the Early Modern European City. Chicago, The Newberry Library, 1992; Geoffrey Parker, La révolution mili- taire. La guerre et l'essor de l'Occident, 1500-1800, Paris, Gallimard, 1993 (1988). 10. Jean Despautère, grammairien, est né vers 1460, dans le Brabant, mort en 1520 à Comines. Il fut professeur à Louvain, à Bar-le-Duc; il a laissé des Commentarii grammatici, Paris, 1537, in fol., qui com- prennent des Rudiments, une Grammaire, une Syntaxe, une Prosodie, un Traité des figures et des tropes. La grammaire de Despautère, souvent obscure, entièrement en latin, fut le manuel utilisé dans toutes les écoles de France. Molière s'en est moqué dans La Comtesse d'Escarhagnas. Michel de Marolles évoque ainsi dans ses Mémoires (Paris, 1656), son apprentissage des règles de la langue : « la Grammaire n'a pas toujours pour les enfants tous les charmes qui se pourroient imaginer. Il fallut néanmoins s'y résoudre, et apprendre par coeur les règles barbares du Despautère ». langue apprise sera celle dont il faut acquérir les éléments et les principes. Pour une raison simple : l'ordre qui veut qu'on aille de ce qui est plus aisé vers ce qui l'est moins. Puisque le seul sens commun nous apprend qu'il faut toujours commencer par les choses les plus faciles et ce que nous savons déjà doit nous servir comme d'une lumière pour éclairer ce que nous ne savons pas, il est visible que nous nous devons servir de notre langue maternelle comme d'un moyen pour entrer dans les langues qui nous sont étrangères et inconnues. Que si cela est vrai à l'égard des personnes âgées et judicieuses et qu'il n'y a point d'homme d'esprit qui ne crût qu'on se moquât de lui si on lui proposait une grammaire en vers espagnols pour lui faire apprendre l'espagnol, combien cela est-il plus vrai à l'égard des enfants à qui les choses les plus claires paraissent obscures à cause de la faiblesse de leur esprit et de leur âge. (Lancelot, Grammaire latine, 1644, préface). Cette idée, nouvelle à l'époque, d'apprendre le latin, le grec et d'une façon générale les langues étrangères à partir du français (ou de la langue maternelle de l'élève), a eu des effets culturels considérables : le recul du latin comme langue de communication, la disparition du plurilinguisme, une conscience plus aiguë des nationalités linguistiques et des distances qui les séparent, un certain repli des cultures sur elles-mêmes, une certaine fixation de chaque langue sur son vocabulaire et sa syntaxe propres, tout cela a, dans cette réforme du XVIIe siècle, sinon son origine, du moins puisé un de ses éléments déterminants ".

11. Analyse d'après Michel Foucault, introduction à la réédition de la Grammaire générale et raison- née de Arnauld et Lancelot, Paris, republications Paulet, 1969, p. V-VII. CHRONOLOGIE

* 23 janvier. Parution de la première Provinciale. ♦ 19 février. Le roi danse le Ballet de la Galanterie du temps, premier ballet attribué entièrement à Lully. « Ici, l'italianisme s'étend partout : il recouvre le chant, la danse, le thème, la manière, le ton [...]. Tout dans ce ballet paraît fait pour le roi et pour lui seul. Qui est Louis? Un garçon de dix-sept ans, amoureux d'une Italienne. Qu'aime-t-il? Danser. Que joue-t-il? De la guitare » (Philippe Beaussant) '. . 24 mars. « Miracle de la Sainte Epine », à Port-Royal de Paris. * Mars. Cavalcade et course de bagues dans le jardin du Palais Royal. Le roi participe au jeu. La devise qui se lisait sur l'écu du premier groupe de cava- liers, celui du roi, était Ne piu ne par (« il n'en est pas de plus grand ni de pareil »), qui annonce le Nec pluribus impar, qui deviendra la devise du roi. ♦ 27 avril. Création de l'hôpital général, à Paris. Le libertinage des mendians est venu jusqu'à l'excès, par un malheureux abandon à toutes sortes de crimes, qui attirent la malédiction de Dieu sur les Etats, quand ils sont impunis, l'expérience ayant fait connoitre aux per- sonnes qui se sont occupées de ces charitables emplois que plusieurs d'entre eux de l'un et de l'autre sexe habitent ensemble sans mariage, beau- coup de leurs enfans sont sans baptème, et ils vivent presque dans l'igno- rance de la religion, le mépris des sacremens et dans l'habitude continuelle de toutes sortes de vices (préambule de l'édit). . Juillet. Echec du siège de Valenciennes. La défaite aggrave la crise finan- cière. • Juillet. Edit portant attribution du titre de noble aux échevins, aux procu- reurs du roi, aux greffiers et aux receveurs de la ville de Paris. * 8 au 17 juillet. Hugues de Lionne est envoyé en Espagne pour négocier en vue de paix. De nouvelles négociations ont lieu (toujours au Buen Retiro) du 4 au 21 septembre. Dans la conversation, Hugues de Lionne a évoqué la possibilité d'un mariage entre l'infante et Louis XIV. Mais le cas du prince de Condé fait échouer les discussions. * 8 septembre. Entrée solennelle de Christine de Suède à Paris (elle avait abdi- qué en 1654). Le roi la rencontre, quelques jours plus tard, le 15 septembre, à Chantilly.

1. Philippe Beaussant, Lully ou le musicien du Soleil, op. cit, p. 148. CHRONOLOGIE

♦ Septembre. La victoire de Turenne à La Capelle (prise) compense l'échec de Valenciennes (en juin). Comme l'année précédente, le roi s'est avancé, avec l'armée, sur le territoire espagnol. ♦ 15 septembre. Désignation de Mehmet Kôpriilu Pacha comme grand vizir (1656-1661). Le changement s'accompagne d'un redressement politique et militaire de l'Empire ottoman, qui reprend une politique extérieure active, en particulier contre Venise puis contre les Habsbourg. * Décembre. Déclaration contre les usurpateurs de noblesse. • Cette année-là. -► Le jeune Jean Racine est élève des Petites Ecoles, à Port-Royal (1655- 1658). Ses professeurs sont Antoine Le Maître, Claude Lancelot, Pierre Nicole, Jean Hamon. Il est aussi en contact avec Arnauld d'Andilly. L'éducation à Port-Royal lui permet d'acquérir une connaissance approfondie du latin et du grec, que prouvent ses traductions de Tacite, de Quintilien, ses annotations de Plutarque, etc. Il reçoit aussi une solide formation religieuse, dont témoignent, en particulier, ses traductions de passages de Flavius Joseph et Philon d'Alexandrie relatifs au Esséniens, et les réflexions personnelles qu'il y note, de textes se rapportant à saint Polycarpe et de saint Polycarpe lui-même, de passages d'Eusèbe et de saint Irénée. .. Le Nîmois Jean Hindret introduit en France la technique de la bonnete- rie au métier (il a dérobé le secret de fabrication en Angleterre) ; il obtient un privilège exclusif, qui sera confirmé par le parlement en 1659. Il installe à Neuilly, au château de Madrid, une manufacture de bas utilisant la maille mécanique. En 1697, le métier d'Hindret est répandu dans une vingtaine de villes, dont Avignon, Lyon, Nîmes, Toulouse. ,

LES PROVINCIALES : UN DES PLUS GRANDS SUCCÈS DE LIBRAIRIE DE L'ANCIEN RÉGIME

Entre le 23 janvier 1656 et le 24 mars 1657 paraissent 18 Provinciales. L'auteur, anonyme [pseudonyme : Louis de Montalte], des Lettres écrites à un Provincial, est Blaise Pascal. Défendant les jansénistes, il dénonce la « morale relâ- chée » des casuistes de la Compagnie de Jésus (Lettres écrites à un provincial par l'un de ses amis sur le sujet des disputes présentes de la Sorbonne). Les Provinciales n'eurent, sans doute, pas vu le jour si un prêtre de Saint- Sulpice, M. Picoté, n'avait refusé, le 31 janvier 1655, l absolution au duc de Liancourt, coupable, selon lui, de faire élever sa petite fille à Port-Royal et d 'hé- berger dans son hôtel un janséniste notoire. A cette provocation, avivée par toute une campagne de libelles diffamatoires, Arnauld répondit, le 24 février 1655, par sa Lettre d'un docteur de Sorbonne à une personne de condition, à laquelle riposta le R. P. Annat, s'attirant, de la sorte, une réplique, le 10 juillet, du même Arnauld, sa Seconde Lettre à un Duc et Pair. Attaqué, en particulier par Chamillard, défen- du par Nicole, déféré le 9 novembre 1655 en Sorbonne, l'écrit y fit l'objet de longues discussions. Les discussions portaient sur deux questions : l'une de fait (Arnauld avait-il été téméraire en écrivant dans sa Seconde Lettre que les Cinq propositions ne se trouvaient pas dans l'Augustinus?), l'autre de droit (Arnauld était-il hérétique en écrivant que saint Pierre était un juste à qui la Grâce avait manqué?). Malgré l'attitude conciliante d'Arnauld, la Faculté de théologie vota, le 14 janvier 1656, la condamnation sur la question de fait. Sentant qu'il allait être également condamné sur la question de droit, Arnauld appela Pascal à l'aide. La réponse de Pascal fut, le 23 janvier, la Première Provinciale. Nicole évoque le succès de la première Provinciale, en insistant sur sa force persuasive (elle fut tirée, vraisemblablement, à deux mille exemplaires) : Elle fut lue par les savants et par les ignorants. Elle produisit dans l'esprit de tous l'effet qu'on attendait. Elle eut encore un autre effet qu'on n'avait point pensé. Elle fit connaître combien le genre d'écrit de Montalte [pseudonyme de Pascal] était propre pour appliquer le monde à cette dispute. On vit qu'il forçait en quelque sorte les plus insensibles et les plus indifférents à s'y intéresser, qu'il les remuait, qu'il les gagnait par le plaisir, et que, sans avoir pour fin de leur donner un vain divertissement, il les conduisait agréablement à la connais- sance de la vérité » 2. Quelques mois avant sa mort, dans des propos rapportés par Marguerite Périer, Pascal s'expliquait sur le style qu'il avait adopté. Et il définissait en même temps son « public » : Si j'avais écrit d'un style dogmatique, il n'y aurait eu que les savants qui l'au- raient lu, et ceux-là n'en avaient pas besoin, en sachant autant que moi là-des- sus; ainsi j'ai cru qu'il fallait écrire d'une manière propre à faire lire mes lettres par les femmes et les gens du monde, afin qu'ils connussent le danger de toutes ces maximes et de toutes ces propositions qui se répandaient alors par- tout, et auxquelles on se faisait facilement persuader 3. Les Provinciales furent l'un des plus grands succès de librairie de l'Ancien Régime : certaines furent tirées à dix mille exemplaires et vendues deux sols six deniers ou même distribuées gratuitement. Renonçant à publier une Dix-neuviè- me Provinciale, dont il avait commencé le projet, Pascal abandonna cette cam- pagne, dès mars 1657, mais il laissa réunir les dix-huit opuscules en un volume, qui ne tarda pas être réédité et traduit en langues étrangères.

« MIRACLE DE LA SAINTE EPINE », À PORT-ROYAL DE PARIS Le 24 mars, Marguerite Périer, la nièce de Pascal, guérit miraculeusement. La nouvelle du miracle se répand à Paris où beaucoup y virent un jugement de Dieu en faveur de Port-Royal. La cour elle-même, impressionnée, autorise, le 23 avril, Arnauld d'Andilly à revenir vivre dans le petit logement qu'il occupait auprès de 2. Préface à la quatrième édition de la traduction latine, rédigée en 1660. 3. On pourra consulter, par exemple, l'édition des Provinciales, présentée par Louis Cognet (Garnier, 1965), et l'édition des Oeuvres complètes de Pascal, entreprise par Jean Mesnard (éd. Desclée de Brouwer). Port-Royal des Champs. Bientôt, des grands seigneurs et de grandes dames se rendent à Port-Royal : Henriette de France, le prince de Conti, le Prince Palatin, M. de Nemours. Pascal se sent fortifié dans sa poursuite contre la casuistique jésuite et il fait paraître, sur l'homicide, une septième Lettre, qui fut particulièrement admirée : le roi se la fit lire, Mazarin également et Boileau devait l'estimer la plus belle des Provinciales. En novembre-décembre, Pascal effectue son premier séjour à Port-Royal-des- Champs.

CRÉATION DE L'HÔPITAL GÉNÉRAL, À PARIS La Pitié, la Salpêtrière, Bicêtre et la Savonnerie sont choisis pour loger les mendiants déclarés indésirables dans la capitale. Ledit précise que sont concernés par la mesure les pauvres : de tous sexes, lieux et âges, de quelque qualité et naissance, et en quelque état qu'ils puissent être, valides ou invalides, malades ou convalescents, curables ou incurables (art. XI). Ledit de création (27 avril) attribue au dérèglement des mœurs les progrès du paupérisme et de la mendicité : le mal s'étant encore accru par la licence publique [...] le libertinage des men- diants est venu jusqu'à l'excès, par un malheureux abandon à toutes sortes de crimes, qui attirent la malédiction de Dieu sur les Etats, quand ils sont impunis, l'expérience ayant fait connaître aux personnes qui se sont occupées de ces chari- tables emplois, que plusieurs d'entre eux, de l'un et l'autre sexe, habitent ensemble sans mariage, que beaucoup de leurs enfants sont sans baptême et qu'ils vivent presque tous dans l'ignorance de la religion et le mépris des sacrements 4. Une commission de laïcs, parmi lesquels figure le premier président du parle- ment de Paris, Pomponne de Bellièvre, eut la haute direction de l'Hôpital général. Ladoption de cette mesure suscita des résistances et des polémiques : dans son Discours sur l'établissement de l'Hôpital général (1657), Godeau, évêque de Vence, écrit : des gens raisonnables condamnent l'entreprise comme cruelle, indiscrète et impossible en son exécution [...] croyant que c'est violer toutes les lois de l'hu- manité que d'enfermer les hommes [...] ôtant la liberté d'aller où l'on veut, fai- sant travailler par force ceux que l'on renferme, et traitant en esclaves ceux qui sont nés libres par leur naissance et ont été délivrés par l'Evangile. Deux jeunes Hollandais séjournant à Paris, en 1657 et 1658, témoignent, non sans exagération, des transformations provoquées par la création de l Hôpital général :

4. Sur ce sujet, voir le tome II de cette chronique, De La Ligue a la l'ronde, Fans, îyyj, p. 144-14/ (« Le problème de la pauvreté au début du XVIIe siècle »). C'est une merveille qu'on ne voye à présent pas un mendiant dans Paris qui en fourmilloit autrefois [...]. Le ge [août 1657], passants le Pont Neuf, nous vismes le lieutenant civil avec une demy douzaine de conseillers suivis de plus de cin- quantes personnes, tant exempts que sergents et archers, tous armés de cara- bines qui demandoient à un chascun qui portoit l'espée, sa condition, sa demeure et ce qu'il faisoit; s'il n'en pouvoit pas rendre bon compte, on luy ostoit aussi tost l'espée, et s'il faisoit difficulté de la donner, on le menoit en prison. Nous vismes ainsi traiter trois ou quatre personnes qui estoient fort les- tement adjustées, et qui avoient la plume sur le chapeau. Cet examen et visite se fait pour chasser tous les vagabonds et filoux de cette ville ; et si on en vient à bout comme l'on a fait des gueux et des pauvres, dont ne voit pas un seul dans les rues, ce sera l'une des cinq merveilles de ce règne, qui sont : la défen- se des duels, de telle sorte que personne n'ose plus se battre; le désarmement des laquais, dont il n'y a pas un qui ose porter l'épée; le renfermement des pauvres, dont il n'y a pas un qui mendie; la poursuite des prostituées, qu'on envoie pour peupler les Canadas, et à présent la recherche des vagabonds et des filous, si au moins on peut leur donner la chasse 5. Pourtant cet espace d'enfermement, « instance de l'ordre, de l'ordre monar- chique et bourgeois qui s'organise en France en cette même époque » (Michel Foucault), ne fut jamais l'immense prison que l'on a parfois décrite 6. En 1663, par exemple, au lendemain d'une dramatique crise de subsistances, un décompte précis de sa population donne un chiffre de 6171 personnes, dont 3 000 valides, 1300 vieillards et infirmes, 1 300 enfants, 250 ménages et 200 femmes ou nourrices.

5. Journal d'un voyage à Paris en 1657-1658, publié par A. P. Faugère, Paris, 1862, p. 133, 214. Il s'agit de deux jeunes voyageurs, deux frères de bonne famille, les de Villiers. venus des Provinces-Unies. Leur séjour à Paris dure deux ans et il donne lieu à de multiples notations du plus grand intérêt, en particulier sur la vie quotidienne dans la capitale, comme en témoigne, par exemple, cette description du marché de la friperie : « le 1er de mars, nous vismes la Fripperie, qui est aupres des Halles. C'est une grande galerie, sou- tenue de piliers de pierre de taille, sous laquelle logent tous les revendeurs de vieilles nippes; ce qui est fort commode pour cette sorte de gens qui veulent estre braves gens sans qu'il leur en couste beaucoup. Il y a deux fois la sepmaine marché public, à sçavoir le mercredy et le samedy; c'est alors que tous ces frippiers, parmi lesquels il y a apparemment bon nombre de juifs, estaient leurs marchandises. A toute heure qu'on y passe, on est ennuyé de leurs cris continuels, d'un bon manteau de campagne! d'un beau justaucorps ! et du détail qu'ils font de leurs marchandises, en tirant le monde pour entrer dans leurs boutiques, surtout s'il a esté en quelqu'une, ou qu'en passant il leve les yeux vers leurs enseignes, car on croit que c'est un homme qui cherche et chacun veut lui vendre. On ne sçauroit croire la prodigieuse quantité d'habits et de meubles qu'ils ont : on y en voit de fort beaux, mais il est dangereux d'en acheter, si l'on ne s'y connoit bien, de peur d'estre trompé, car ils ont une merveileuse adresse à regratter et rapiecer ce qui est vieux en façon qu'il paroist neuf » (op. cit., p. 80-81). 6. Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique, Paris, 1972. En particulier, I, 2, « Le grand renfermement ». Souvent contestées par les historiens, essentiellement pour cause de systématisme, les ana- lyses de Michel Foucault demeurent, néanmoins, une référence pour penser ce sujet : « la pratique de l'in- ternement désigne une nouvelle réaction à la misère, un nouveau pathétique, plus largement un autre rapport de l'homme à ce qu'il peut y avoir d'inhumain dans son existence. Le pauvre, le misérable, l'hom- me qui ne peut répondre de sa propre existence, a pris au cours du XVIe siècle une figure que le Moyen Age n'aurait pas reconnue. La Renaissance a dépouillé la misère de sa positivité mystique. Et ceci par un double mouvement de pensée qui ôte à la Pauvreté son sens absolu et à la Charité la valeur qu'elle détient de cette Pauvreté secourue [...]. La misère n'est plus prise dans une dialectique de l'humiliation et de la gloire, mais dans un rapport du désordre à l'ordre qui l'enferme dans la culpabilité », op. cit., p. 67, 70 Un édit de juin 1662 décida, à l'imitation de l'hôpital général parisien, qu'il serait établi un hôpital dans chaque ville et chaque bourg du royaume pour les pauvres malades, les mendiants et les orphelins, tous lesquels pauvres y seront instruits à la piété et religion chrétienne, et aux métiers dont ils pourront se rendre capables, sans qu'il leur soit permis de va- guer, ni sous quelque prétexte que ce soit d'aller de ville en ville, ni de venir en notre bonne ville de Paris, et que les habitans des villes et gros bourgs y soient contraints par toutes voies dues et raisonnables. Mais comme souvent en cette France d'Ancien Régime, il y eut loin entre la décision de l'édit et la réalité du « grand renfermement ».

CHÂTEAU DE BICESTRE, UN DES ESPACES DU « GRAND RENFERMEMENT » (0 COL. BULLOZ

VALENCIENNES : DÉFAITE, CRISE FINANCIÈRE, PRÉPARATION DE LA PAIX Au mois de juin, Valenciennes est assiégée par les troupes françaises : « voici une des plus fortes entreprises que nous ayons faites depuis la guerre. Nous atta- quons la plus grande ville des Pays-Bas, où sont les magasins d'Espagne » (Bussy- Rabutin, lettre à Madame de Sévigné). Dans la nuit du 15 au 16 juillet, le prince de Condé attaque les troupes assiégeantes. L'infanterie est battue, et Turenne fut incapable de secourir l'armée défaite. Cet échec français provoque la rupture des négociations entamées entre la France et l'Espagne. La défaite de Valenciennes a aggravé le malaise financier : l 'Etat royal doit faire face à de grandes difficultés de trésorerie; les armées ne sont pratiquement plus payées, ou avec retard. Fouquet doit faire flèche de tout bois, imposant même un prêt aux membres du conseil royal et aux financiers 7. Ces difficultés incitent à précipiter les premières négociations de paix entre la France et l'Espagne : Hugues de Lionne, à Madrid, fait des propositions, en vue du maria- ge du roi avec l'infante Marie-Thérèse.

CHRISTINE DE SUÈDE DRESSE UN PORTRAIT DU ROI, ALORS ÂGÉ DE DIX-HUIT ANS Dans une lettre écrite au cardinal Azzolino, elle évoque ainsi le jeune roi : Il est d'un tempérament sanguin et mélancolique et donne aussi beaucoup de marques d'une prudence qui excède son âge, pieux, juste, généreux, bon, constant. On remarque en lui un désir extraordinaire de la vertu et une timidité de manquer. Il parle peu mais bien, dissimule ses passions avec une mer- veilleuse adresse, quoique je sois d'opinion qu'il ne les aura jamais fort vio- lentes et que par conséquent, il aura peu de peine à les châtier. Il est civil et courtois au delà de ce que l'on peut imaginer. Je crois qu'il sera vaillant et même qu'il l'est déjà et ce sera assurement un grand prince s'il s'applique jamais aux affaires. Jusques à présent, il s'occupe de ses beaux habits, de ses chevaux, de la chasse et de la danse, et réussit merveilleusement les exercices du corps. Il est grand, bien fait et est beau, mais il l'est beaucoup moins qu'on ne le dépeint. Il ressemble beaucoup à une personne que vous connaissez, excepté qu'il est plus blanc, plus rouge et plus gras. Il a les yeux plus petits et plus doux, mais peu animé du feu 8 ŒUVRES D Thomas Corneille, Les Illustres Ennemis. E Thomas Corneille, Timocrate. Cette première tragédie, du frère de Pierre Corneille, jouée en décembre, au théâtre du Marais, obtient un très grand succès. E Pierre Corneille, édition complète des quatre livres de l'Imitation de Jésus- Christ, « traduite et paraphrasée en vers ». D Michel de Pure, La Précieuse ou le Mystère des ruelles. D Jean Chapelain, La Pucelle, ou la France délivrée, poème héroïque de Jean Chapelain. Chapelain mit trente ans à composer ce poème en douze chants. La Pucelle est restée célèbre non tant à cause de sa valeur que des commen- taires ironiques qui suivirent sa publication : en particulier, Racine et Boileau (Satires) tournèrent en ridicule ce poème, bourré de symboles et d'artifices. La Pucelle est encore une œuvre bien galante, Et je ne sais pourquoi je baîlle en la lisant (Boileau).

7. Daniel Dessert, Fouquet, op. cit., p. 110. 8. Cité par le Comte F. U. Wrangel, Première visite de Christine de Suède il la cour de France, 1656, Paris, Firmin-Didot, 1930, p. 234-235. o Quinault, La mort de Cyrus. E Charles-Antoine Dufresnoy, L'art de Peinture. La peinture et la poésie sont deux sœurs qui se ressemblent si fort en toutes choses qu'elles se prêtent alternativement l'une à l'autre leur nom. On appelle la première poésie muette, et l'autre une peinture parlante 9. D Pierre Néron, Estienne Girard, Les Edits et Ordonnances des tres-chrestiens Roys François Ier, Henry II, François II, Charles IX, Henri III, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, sur le fait de la justice et abreviation des procez, avec annotations, apostilles et conférences sur chacun article. E Godeau, Tableaux de la pénitence. D Molière, Le Dépit amoureux. E Théophraste Renaudot [posthume], Recueil genéral [...] des questions traitées es conferences du bureau d'adresse. Il s'agit d'un résumé, en six volumes, des conférences hebdomadaires que Théophraste Renaudot organisa, chez lui, rue de la Calandre, à Paris, tous les lundis, de 1633 à 1642 : en tout, près de 500 sujets ont été abordés. 10 D A Port-Royal, les solitaires (Arnauld d'Andilly, Lemaître de Sacy, Nicole, Lancelot), s'occupent à traduire l'Ecriture Sainte et les pères de l'Eglise. D En Espagne, Velasquez peint Les Ménines. Ce tableau énigmatique a été soumis à de multiples interprétations, du témoi- gnage de la vie de cour dans l'Espagne de Philippe IV, à une allégorie de la création artistique. Jonathan Brown, spécialiste de la peinture espagnole du « Siècle d'Or », a mis en valeur la nouveauté de cette représentation : l'époque antérieure, en effet, ne fournit pas de représentation picturale d'un roi vivant, en compagnie d'un peintre à l'ouvrage. Il insiste, aussi, sur la nécessité de replacer Les Ménines dans le cadre spécifique du baroque de l'illusion : il s'agissait, pour Velasquez, de rendre aussi réelle que possible sur la toile la présence du roi et de la reine. Le peintre tenait à marquer que Philippe IV et son épouse se trouvaient dans le même espace que lui, mais l'étiquette lui in- terdisait de les faire figurer à ses côtés. Le tableau est en même temps un manifeste en faveur du statut de la peinture et du peintre : si l'on admet l'illu- sion de cette présence, écrit Jonathan Brown [celle du roi et de la reine], alors « la peinture se voyait créditée d'une caractéristique qu'elle revendiquait tradi- tionnellement : le pouvoir de conférer l'immortalité. La perpétuelle réincarna- tion de Philippe et de Marianne leur octroie une existence sur laquelle le temps n'a pas de prise. Plus important en ce qui touche les intentions de Vélasquez, les souverains en deviennent d'éternels témoins d'un art que leur présence cer- tifie digne des rois » 11.

9. Cité par Nathalie Heinich, Du peintre à l'artiste. Artisans et Académiciens à l'Age classique, Paris, Editions de Minuit, 1993, p. 141. 10. Marie-Rose Carré, Le Bourgeois parisien de 1640, peint par lui-même, Paris, Nizet, 1994. 11. Jonathan Brown, Images et idées dans la peinture espagnole du XVIIe siècle. Traduit de l'anglais par Alix Girod, Gérard Monfort Editeur. Paris, 1993 [Princeton University Press, 1978], p. 129. Sur ce même problème de reconnaissance sociale des peintres en France (dont témoigne la création, en 1648, de l'académie de sculpture et de peinture), voir l'analyse de Nathalie Heinich, Du peintre ii l'artiste, op. cit. 1657

CHRONOLOGIE

• 23 mars. Traité franco-anglais de Paris. * 1er avril. Mort de l'empereur Ferdinand 111. Louis XIV pourrait-il devenir empereur? Nicolas Fouquet envisage de nouveaux emprunts, pour acheter les voix des électeurs. • Mai. Echec du siège de Cambrai. Cet échec accroît les difficultés finan- cières. ♦ Juillet. La flotte vénitienne est battue par la flotte de Mehmet KopfÜlü, qui reprend les îles de Limnos et Tenedos. . Juillet-août. La campagne militaire du roi : Montmédy, Saint-Venant. * 6 septembre. Les Provinciales de Pascal sont mises à l'index.

Le 5 janvier, le roi assiste à la messe dans l'église des jésuites de la rue Saint Antoine, à Paris 2.

1. Journal d'un voyage à Paris en 1657-1658, op. cit. Voir, en particulier, à partir de la p. 321. 2. Sur cette église, qui est un peu la « vitrine » des jésuites en France, voir l'analyse très détaillée de Louis Blond, La maison professe des jésuites à Paris au XVIIe siècle, 1580-1762, Paris, éditions francis- caines, 1957. De la fin Ce livre est consacré à Louis XIV, et plus àde la Fronde des Lumières CHROME particulièrement "à ce que les historiens appellent, communément, le « règne per- DU REGNE DE sonnel », entre 1661 et 1715. LOUIS XIV Des faits, des documents, des interpré- tations: telle est la matière de cette chro- nique. Pour faciliter l'accès aux informations, un découpage strictement chronologique ordonne les divers angles d'approche et points de vue. Chaque année débute par une brève séquence consacrée à la présentation des événements, de toute nature. Ensuite, de Joël CORNETTE gros plans thématiques, nourris par les tra- SEDES vaux des historiens, éclairent ou appro- fondissent conjonctures, personnages, débats. Un tableau présente les œuvres principales créées ou publiées au cours de chaque année. Régulièrement, des mises au point permettent d'analyser ou de résumer thèses et interprétations en présence, à l'oc- casion d'un événement (la Révocation de l'édit de Nantes, par exemple) ou du rôle joué par un Mazarin ou un Colbert. Dans chaque rubrique, une large place est consacrée aux voix et aux écritures des contempo- rains, afin de multiplier témoignages, rumeurs et humeurs, même si ces dernières doivent être manipulées avec la plus extrême précaution. Comprendre le fonctionnement et l'évolution de l'absolutisme « louis- quatorzien » : il s'agit là du sujet central de cette série de séquences consacrées au règne le plus long, le plus connu, mais aussi, paradoxa- lement, l'un des plus énigmatiques de l'histoire de France.

Ancien élève de l'Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, membre des comités de rédaction de la Revue de Synthèse et de L'Histoire, Joël Cornette est professeur d'histoire moderne à l'Université Paris-VIII- Vincennes-Saint-Denis. Il a publié, notamment, Le Roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Paris, Payot, 1993.

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