Marthe Keller Une Carrière Atypique Menée Avec L’Âme D’Une Grande Actrice Pierre Ranger
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Document généré le 28 sept. 2021 02:45 Séquences La revue de cinéma Marthe Keller Une carrière atypique menée avec l’âme d’une grande actrice Pierre Ranger Numéro 240, novembre–décembre 2005 URI : https://id.erudit.org/iderudit/47848ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) La revue Séquences Inc. ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Ranger, P. (2005). Marthe Keller : une carrière atypique menée avec l’âme d’une grande actrice. Séquences, (240), 30–31. Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 2005 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ ^ ENTREVUES I KELLER MARTHE KELLER UNE CARRIÈRE ATYPIQUE MENÉE AVEC L'ÂME D'UNE GRANDE ACTRICE Depuis 40 ans, Marthe Keller mène une carrière des plus enviées, tournant dans plusieurs langues avec les plus grands réalisateurs et comédiens, à la fois au théâtre, à la télévision et au cinéma. On lui doit entre autres ses prestations inoubliables dans Toute une vie de Claude Lelouch, Marathon Man de John Schlesinger, Femmes de personne de Christopher Frank, Les Yeux noirs de Nikita Mikhalkov et Mon amie Max de Michel Brault. Elle discute des moments clés de sa carrière dans cette entrevue exclusive qu'elle a accordée à Séquences. Pierre Ranger lle a des pommettes saillantes, des À nouveau de passage au FFM l'automne pas. « Même si j'ai mené une carrière yeux couleur noisette, une voix dernier, l'actrice suisse est venue en internationale, je n'ai jamais rien calculé E rauque et chaleureuse et un accent compagnie du réalisateur Laurent Nègre à propos de mon parcours professionnel. à faire craquer. Assise confortablement et du producteur Dan Wechsler y J'ai toujours fait ce que j'avais envie de au Salon des Arts du Hyatt Regency, présenter Fragile, un drame poignant faire. Je choisis par instinct. J'ai refusé Marthe Keller, aujourd'hui à 60 ans, est qui traite des relations tendues entre un des choses, il y a des rôles qui me sont toujours aussi resplendissante. C'est la frère et une sœur confrontés l'un à passés sous le nez, mais je n'ai jamais eu quatrième fois qu'elle vient à Montréal. l'autre à la suite de la mort brutale de de regrets. » leur mère. Marthe Keller y interprète le Née à Bâle, en Suisse, en 1945, Marthe rôle de la mère atteinte de la maladie Keller n'est pas attirée par le métier de d'alzheimer qui décide un soir de mettre comédienne au cours de sa jeunesse. un terme à sa vie, voulant ainsi épar «Je rêvais plutôt de devenir une dan gner à ses enfants le spectacle de sa seuse de ballet», avoue-t-elle. C'est un déchéance. «Je trouve que c'est intéressant accident de ski à l'âge de 16 ans qui la de parler de cette maladie par le biais force à se réorienter. Elle étudie le d'une famille éclatée dont le frère et la théâtre pendant trois ans à l'école sœur n'arrivent plus à se correspondre. Stanislavsky de Munich avant de joindre Et même si mon rôle est plutôt secondaire, la troupe de théâtre Schiller à Berlin et j'avais envie de le faire parce que c'est de faire ses débuts à la télévision un beau sujet et un très beau film », allemande. Après son premier film, raconte celle qui a toutefois hésité Funeral in Berlin de Guy Hamilton en avant d'entreprendre le tournage puis 1966, elle s'installe à Paris et joue dans qu'elle venait de perdre sa meilleure Le Diable par la queue en 1969 et, un amie, affligée de cette même maladie. an plus tard, dans Les Caprices de « Ce long métrage représente aussi pour Marie, des comédies légères réalisées Marthe Keller, de passage au FFM l'automne dernier. moi une façon de faire le relais avec les par Philippe de Broca, son premier jeunes réalisateurs et producteurs, afin À sa première visite, en 1984, elle amour, avec qui elle a un fils, Alexandre. de les aider à créer leur œuvre. » accompagnait Jean-Louis Trintignant et « Les films de Philippe étaient géniaux, le film Femmes de personne de Fait étonnant, Fragile est le premier raconte-t-elle. C'était un choc culturel Christopher Frank dans le cadre du film suisse dans lequel tourne Marthe pour moi, je venais de l'Allemagne de Festival des films du monde. Puis, elle y Keller. « Il n'y a pas beaucoup de cinéma l'Est où j'avais travaillé comme une folle et est revenue pour deux tournages : en Suisse, souligne-t-elle. On m'a proposé là, j'arrivais pour jouer dans Le Diable Lapse of Memory de Patrick DeWolf en des trucs quelquefois mais j'ai refusé par la queue avec Yves Montand, Jean 1992 et Mon amie Max de Michel parce que ce n'était pas terrible. » De sa Rochefort et Jean-Piere Marielle et on Brault en 1994 dans lequel elle partage filmographie et de sa carrière atypiques rigolait. Je ne pensais pas qu'on pouvait l'écran avec Geneviève Bujold. De ces — la célèbre actrice a joué en allemand, à la fois rigoler et travailler. » expériences, Marthe Keller garde d'ex en français, en italien, en russe et en cellents souvenirs. «J'adore cette ville. J'y Toute une vie de Claude Lelouch, anglais, tant au cinéma qu'au théâtre et suis restée assez longtemps pour ces qu'elle tourne en 1974, reste à ce jour à la télévision, pendant plus de 40 ans tournages, alors je connais bien. J'ai l'un des films les plus importants de sa et a récemment fait la mise en scène vécu de bons moments et les gens sont carrière. « Lelouch était très enthousiaste d'opéras —, Marthe Keller ne se formalise d'une grande gentillesse. » et tellement amoureux de la caméra, SÉQUENCES 240 V NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2005 KELLER I ENTREVUES Une scène du film Fragile de Laurent Nègre. c'était contagieux. On a fait le tour du Dans les années 80, Marthe Keller tourne Elle a entrepris récemment la mise en monde avec ce film et il a beaucoup constamment à la télévision et peu au scène d'opéras, dirigeant entre autres le marché en Amérique. C'est d'ailleurs ce grand écran. Elle décroche toutefois Dialogue des Carmélites de Francis qui m'a aidée à travailler là-bas. » Très deux rôles importants au cinéma dans Poulenc, qui a obtenu en France le vite, l'actrice acquiert une renommée d'excellents films : Femmes de personne Grand Prix de la Critique en 1999, et internationale qui l'entraîne à Hollywood. de Christopher Frank, qui semble redonner Don Giovanni de Mozart au Metropolitan De 1976 à 1980, elle joue aux côtés de un second souffle à sa carrière, et Les Opera de New York en 2003 qui a été Dustin Hoffman dans Marathon Man de Yeux noirs de Nikita Mikhalkov avec salué par la critique. «Vous savez, ce John Schlesinger, Robert Shaw et Bruce Marcello Mastroianni. Viennent ensuite travail de mise en scène d'opéras est Dern dans Black Sunday de John au cours des années 90 des rôles fascinant mais aussi très exigeant. Il Frankenheimer, Al Pacino dans Bobby secondaires dans K d'Alexandre Arcady, nécessite plusieurs mois de préparation. Deerfield de Sydney Pollack, William Elles de Luis Galvào Teles et L'École de Et cela m'a fait voir toute la solitude Holden dans Fedora de Billy Wilder, et la chair de Benoît Jacquot. qu'un metteur en scène doit affronter. » George C. Scott et Marlon Brando dans The Formula de John G. Avildsen. Son plus grand rôle en carrière? Celui qu'elle a tenu en 2002 Alors qu'on croyait sa carrière américaine dans le téléfilm Par amour d'Alain Tasma, récompensé aux festivals promise à un brillant avenir, Marthe de Biarritz et de Ludion, dans lequel elle incarne une mère qui Keller quitte abruptement les États-Unis est emprisonnée pour un meurtre commis par son fils. pour aller s'établir en Europe. «J'ai vécu pendant sept ans avec Al Pacino. C'était Son plus grand rôle en carrière? Celui Marthe Keller vit aujourd'hui à New une belle idylle mais cela s'est terminé. qu'elle a tenu en 2002 dans le téléfilm York et à Paris. Même si son métier la Je n'en pouvais plus, j'ai tout arrêté. J'ai Par amour d'Alain Tasma, récompensé passionne toujours, elle avoue prendre quitté le pays et je suis rentrée en aux festivals de Biarritz et de Luchon, le temps avant de choisir ses projets. France. » Elle dira très peu de cette rela dans lequel elle incarne une mère qui «J'ai un rapport très bizarre avec le tion avec Pacino, sinon qu'ils sont est emprisonnée pour un meurtre commis cinéma aujourd'hui. J'aime à la folie ou aujourd'hui de bons amis. par son fils. «C'était extraordinaire, ce je déteste. Mais chose certaine, j'ai film. Tout en délicatesse, sans apitoie toujours la soif de ce métier. Quand un On lui propose en France d'être de la ment ni cynisme.