culture rec h e r c&h e n°95 ma r s -avril 2003

S O M M A I R E

Actualité de la recherche 2 Dossier : L’historien, la culture et les institutions ■ Les politiques du patrimoine : une histoire à écrire, par Philippe Poirrier et Loïc Vadelorge 4 ■ Les archives orales du Comité d’histoire, par Geneviève Gentil 5 ■ Le Comité d’histoire du ministère de la culture par Augustin Girard 6 ■ L’h i s t o i r e administrat i v e, une discipline à part entière, par Marc Olivier Baruch 8 ■ Institutionnalisation et patrimonialisation des « objets qui comptent », par Dominique Poulot 10 Calendrier 11 À lire 12 AC T UA L I T É D E L A R E C H E R C H E

Num é r i s a t i on des doc u me n ts patrimon ia u x des collectivités territorial e s : un exemple en Pica rd i e e plan de numérisation des documents patrimoniaux de la DRAC Picardie a L dé b uté en 1998 par le traitement de pho- totypes des services de l’inventaire et de l’ar- ch é o l o gie. Depuis, plusieurs milliers de docu- ments ont été mis en ligne sur le réseau du ministère de la culture 1. Dès l’année suivante, et dans le cadre de ce Plan en élévation de même plan national, les services patrimo- la façade du théâtre, niaux des collectivités territoriales – archives Logis du Roi, Amiens dé p a r tementales, bibliothèques, etc. – ont pu (projet non réalisé). Aquarelle couleur, 1774. p a rticiper aux appels à projets ; le ministère Fonds des plans de la culture finance (par l’intermédiaire de d’intendance de Picardie. la DRAC) l’intégralité des projets retenus c o n c e rnant des fonds documentaires appar- tenant à l’État et, jusqu’à hauteur de 50 % , les projets pour des fonds appartenant au ser- vice terr i t o r i a l . la Somme2 et 800 clichés en instance de char- la technologie) ont également permis d’en- Rappelons que l’objectif du plan est de mettre gement. Le développement des modes de gager la numérisation des listes de recense- des documents dont les supports de conser- recherche en ligne permettant d’effectuer une ment de population, des tables décennales et vation sont très variés (phototypes, micro- recherche plus précise est à l’étude. de collections de plaques de verre. f o rmes, cartes et plans, plaques de ve rr e , Par mi les fonds déjà en ligne, citons les plans ca r tes postales, etc.) à la disposition du publi c , d’intendance de Picardie (collection de 800 Frédéric Nowi c k i Drac Picardie / service de l’Inventaire en réseau local dans un premier temps (bases dessins d’architectes et d’échantillons tex- [email protected] e de données du service territorial), puis par tiles du X V I I I s.), le fonds des architectes Sophie Olive l ’ i n t e rmédiaire du site web de la collectiv i t é D e l e f o rtrie (collection de 192 plans et des- Archives départementales de la Somme de rattachement. sins du X I Xe s.), la collection de 600 plans [email protected] À ce jour, les archives de la Somme dispo- d’école et de mairies du département (des- 1.http://www.culture.fr/documentation/memoire/ sent de près de 12 000 images dont 1 200 cli- sins dressés par les instituteurs en 1878). pres.htm chés numérisés dans le cadre de ces projets, Les financements accordés par le ministère 2.http://www.cg80.fr/culture/archive/htm/ c o n s u l t a bles sur le site du conseil général de de la culture (mission de la recherche et de pc221_new.asp

Ar chives en lign e : Les dossiers parus dans le site du Centr e historique Culture et recherche des archives nat io na l e s (janvier 2000-février 2003)

e site web du Centre histo- ● La recherche audiovisuelle, n° 76 rique des archives nationales ● Culture et société de l’information, n° 77 L (CHAN) s’enrichit de trois ● Les archives, n° 78 n o u veaux instruments de re- ● Patrimoine culturel européen, n° 79-80 cherche. Dans la rubrique «Quoi ● Culture et infographie, n° 81 de neuf ? » sont accessibles : ● Les monuments historiques, n° 82 – A r c h ives Napoléon. État som- ● Internet culturel : normes et usages, n° 83 maire (400 AP 1 à 220) : deuxième ● Architecture, travail et société, n° 84 édition électronique, la première Ces trois instruments de recherche ● La recherche archéologique, n° 85-86 version parue en mars 2002 aya n t électroniques sont les premiers du ● L’ethnologie, n° 87 été entièrement révisée ; CHAN issus de conversion ou de ● L’Europe et la société de l’information, n° 88 – État sommaire des fonds d’ar- saisie directe en XML conformé - ● La photographie, n° 89 c h ives priv é e s : séries 317 AP à ment à la DTD EAD (version 1.0). ● La danse, n° 90 500 AP (première édition sous la Il s’agit donc de prototypes. Les ● Musique et son : les enjeux de l’ère numérique, n° 91-92 forme électronique) ; éditions présentées sont au forma t – Fonds de l’Amicale nationale HTML produit à partir du XML ● Le patrimoi n e numérisé scien tifique et culturel européen, n° 93 des déportés et familles de dispa- par programme XSL-T. Les deux ● Histoire des sciences et des techniques, n° 94 rus de Mauthausen et de ses de r niers instruments de recherche Kommandos (88AJ) : inve n t a i r e sont pourvus d’index. Une liste des dossiers plus anciens ainsi qu’une version PDF an a l ytique des archives historiques (imprimable) des numéros parus depuis septembre 1997 sont et de la collection des photogr a- F. Cl a va u d accessibles sur le site du ministère de la culture : http://www.culture.gouv.fr/culture/doc/index.html phies SS (première édition sous la http://www.archivesnationales. forme électronique). culture.gouv.fr/chan

2 CULTURE ET RECHERCHE n°95 • mars -avril 2003 Actualité de l’internet culture l

Une nouvelle collection électronique : «Célébrations nationales »

Une nouvelle collection, consacrée aux 2003, Victor Hugo en 2002, Co m m u n i c a t i o n commémorations retenues par le Haut André Malraux en 2001, les dans le cadre Comité des célébrations nationales, a été associations en 2001, An d r é d’une collection mise en ligne sur le serveur du ministère Le Nôtre en 2000, Ar i s t i d e éditée par la de la Culture et de la Communication. Ca vaillé-Coll en 1999… direction de Elle rassemble des publications originales l’ a d m i n i s t r a t i o n ac c e s s i b les à tous, écrites par des Musée imaginaire de l’histoire générale (mission de la spécialistes, sur les personnalités dont on nationale, regard sur notre passé, recherche et de célèbre l’œuvre ainsi que sur des célébration de la mémoire collective… ces la technologie) et la direction des archives événements qui ont marqué notre histoire : volumes, très largement illustrés et de (délégation aux célébrations le compositeur Marc-Antoine Charpe n t i e r comprenant de nombreux documents na t i o n a l e s ) . en 2004, la vente de la Louisiane aux d’ a r c h i ves, associent plusieurs services du États-Unis en 2003, Prosper Mérimée en ministère de la Culture et de la http://www.celebrations.culture.fr

Un trophée décerné au ministère de la Culture et de la Commun ic a t io n

En novembre dernier, lors de l’édition conservée au musée du 2002 du festival audiovisuel international Louvre. Près d’un siècle plus des audiovisuels de musées tard, les fouilles conduites (F@imp/ICOM/AVICOM), le Web’Art par le département des de bronze a été décerné au site internet antiquités égyptiennes du « De Saqqara au musée du Louvre : le musée du Louvre permettent mastaba d’Akhethétep ». Ce site produit de mieux connaître le par la mission de la recherche et de la monument funéraire dédié technologie sous la direction scientifique au dignitaire Akhethétep. La de Christiane Ziegler, responsable du visite en ligne propose des département des antiquités égyptiennes images de synthèse de du musée du Louvre, est consacré à la l’architecture du mastaba, le présentation d’un tombeau égyptien panoramique de la chapelle (mastaba), dont la chapelle au décor avec son décor sculpté, une traduction http://www.saqqara.culture.gouv.fr sculpté, extraite de son monument interactive des hiéroglyphes, des Collection « Grands sites archéologiques » : d’origine en 1903, est actuellement photographies et schémas. http://www.culture.gouv.fr/culture/arcnat/fr/

E u ro p e : 6e P C R D, les points de contact nationaux

Le ministère de la culture accompagne re s p o ns a b l e ; le dialogue scie nc e - s o c i é t é l iaison avec le ministère délégué à la le travail mené da ns le cadre du et la partic i p a t ion des femmes da ns la re c he rc he et aux nouvelles techno l o g ies et 6e p ro g ra m me cadre de re c he rc he et s c ie nc e. Une série d’appels à pro p o s i t io n la Commission euro p é e n ne. d é v e l o p p e me nt de la Commu na u t é s e ra lancée en 2003. e u ro p é e n ne sur deux pro g ra m me s, et Toutes les informations concernant ces programmes sont accessibles sur le site officiel des points de p a r t icipe aux groupes théma t i q u e s Pour ces prog ra m me s , la res p o n sabilité du contact nationaux français : na t io naux qui les pilotent . po i n t de contact nat io n al (PCN) a été http://eurosfaire.prd.fr – « I nt é g rer et re n fo rcer l’espace euro p é e n confiée conjointe me n t au CNRS et à l’EHESS. de la re c he rc he », priorité thématique 7 : Contact : Anne-Françoise Duval, Sylvie d’Archaimbault, « C i t o y e ns et go u v e r na nce da ns une Les missio ns du point de contact sont les François Chambelin société de la Conna i s s a nc e ». Les pre m ie r s s u i v a nt e s : Point de contact national/Société de la connaissance appels à pro p o s i t io ns ont été publiés le – sens i b i l i s a t ion de la commu na u t é CNRS/EHESS 1 7 d é c e m b re 2002. s c ie ntifique et diffusion de l’info r ma t io n 27, rue Paul-Bert 94204 Ivry-sur-Seine cedex – « S t r uc t u rer l’espace européen de la relative à la priorité 7 et au pro g ra m me Tél. : +33 1 49 60 49 13 re c he rc he », pro g ra m me 2.4 : « S c ie nce et « S c ie nce et société » ; Fax : +33 1 49 60 41 17 s o c i é t é ». Ce pro g ra m me compre nd tro i s – conseil, orie nt a t ion et appui aux Mél : [email protected] a xe s : une politique scie ntifique plus mo nt a ges de projets da ns ce do ma i ne ; Voir aussi le site de la Communauté européenne dédié p ro c he des citoyens ; une re c he rc he – suivi de la mise en œuvre de la prio r i t é 7 à la recherche et au développement : s c ie ntifique et technologique plus et du pro g ra m me « S c ie nce et société » en http://www.cordis.lu/fr/home.html

CULTURE ET RECHERCHE n°95 • mars-avril 2003 3 AC T UA L I T É D E L A R E C H E R C H E L’historien, la culture et les institutions Les politiques du patrimoine : une histoire à écrire

e Comité d’histoire du ministère de la culture a mis en place, depuis l’année universitaire 1999-2000, un gro u p e de travail consacré à « l’histoire des politiques du patri- L m o i ne 1 ». Cette initiative, coordonnée par Christian Pattyn, Loïc Vadelorge, Philippe Poirrier et Augustin Girard, est soutenue par l’université de Bourgo gne et l’université de Ver s a i l l e s - Saint-Quentin. Pour la période récente, l’histoire des politiques publiques du patri- moine reste à écrire. Les travaux de Françoise Bercé, Dominique Poulot et Jean-Michel Leniaud sur la Révolution française et le XIXe s. ont ouvert la voie 2. Lors de la première séance de travail du groupe, en janv i e r 2000, Pascal Ory avait souligné combien l’histoire des politiques françaises du patrimoine était le secteur le moins traité de l’historiographie des politiques culturelles.

Il n’est pas indifférent de signaler que la perspective pluridisci- plinaire a été validée dès le départ pour ce projet collectif. L’a n c r a g e institutionnel divers des intervenants – historiens, sociolog u e s , politistes et historiens d’art – témoigne de ce souci, toujours à l’in- térieur d’une perspective historienne. Les réunions se déroulent à la Maison des sciences de l’Homme de sous la forme de quatre journées d’études annuelles, ouve rtes aux enseignants, aux chercheurs, jeunes ou confi rmés, mais aussi à des profes- sionnels du patrimoine spécialement invités. Le groupe de travail a notamment recueilli le témoignage précieux de l’ethnologue Isac Chiva, dont le rôle a été essentiel dans l’invention de la notion de « patrimoine ethnolog i q u e » et sa prise en compte par le minis- tère de la culture à la fin des années 70. Les journées comportent de trois à quatre communications suivi e s d’un débat. Ainsi organisé, ce groupe de travail sur les politiques du patrimoine a pris la suite logique et toute naturelle d’un groupe précédent qui s’était penché pendant trois années sur l’histoire des politiques culturelles des collectivités locales 3. De cette façon, le no u v eau groupe qui s’attache à la question patrimoniale a conservé une attention soutenue aux relations entre les politiques initiées Paris, le Palais Royal : vue des arcades. par l’État et celles des collectivités territoriales. même de « patrimoine », abordée à travers de vives controverses Des Trente Glorieuses à l’émoi patrimonial (J.-Y. Andrieux, Y. Lamy et Ph. Poirrier). La mutation, souvent brutale, des paysages ruraux et urbains depuis • Histoire politique ensuite, qui marque le second XXe s. du double la Seconde Guerre mondiale a engendré, après maintes péripéties, sceau de la fin du cycle des guerres et des conséquences cultu- la redécouverte d’un patrimoine dont les limites ne cesseront de relles de la décolonisation. S’effacent alors les dépenses patrimo- s’étendre de la fin des Trente Glorieuses jusqu’au début des niales liées aux dommages des deux guerres mondiales (D. Vol d m a n , an n é e s 90. Cette évolution récente, qui mobilise depuis deux décen- P. Pusateri et Y. Harlaut), tandis que les ethnologues et les archéo- nies d’assez nombreux acteurs de la vie culturelle (scientifiques, logues français se redéploient avec vigueur sur le territoire métro- techniques, administratifs et politiques) s’inscrit dans une his- politain (Ph. Soulier, F.Weber, D.Fabre et M. Rautenberg). toire complexe que ce groupe de travail a l’ambition de comprendre. • Histoire économique enfin, qui redessine les paysages ru r a u x • Histoire juridique de moyenne durée tout d’abord, s’étendant de dans une mutation extraordinaire, sous les effets de la « politique la loi fondatrice de 1913 à nos jours, en passant par les lois du a gricole commune » (PAC) et d’une nouvelle décentralisation régime de Vichy (É. Campbell, C. Poulain, S. Corcy-Debray). Le industrielle (A. Ruget et O. Debary). L’émergence d’un véritable moment Malraux a fait l’objet d’une séance spécifique consacrée « émoi patrimonial», révélé en 1980, témoigne à la fois d’un cra- à l’étude des secteurs sauvegardés en 1962 (X. Laurent), de la créa- quement social et d’un désir de prise en charge de sa mémoire tion de l’Inventaire en 1964 (I. Balsamo), et de la protection des par la société française. édifices de Le Corbusier (G. Monnier). L’histoire des trente der- nières années, animée par une meilleure institutionnalisation (poli- De l’État aux collectivités territoriales tique de redistribution des crédits sous Duhamel, création de la Les premiers résultats acquis par ce groupe de travail ont confirm é direction du patrimoine en 1978, Année du patrimoine en 1980), le rôle initiateur de l’État dans la mise en œuvre d’une politique retrace un élargissement progressif et très significatif de la notion p u blique du patrimoine ; mais il a rappelé des initiatives locales

4 CULTURE ET RECHERCHE n°95 • mars -avril 2003 DO S S I E R so u v ent anciennes (L. Vad e l o r ge, C. Giraud-Labalte et N. Ma t h i a n ) . ment du territoire et aux politiques de développement local. Cette La création de la notion de « patrimoine national » pendant la c o n figuration est renforcée parce qu’on passe progr e s s ive m e n t Ré v olution française, l’invention du « monument historique » sous d’un État-tutélaire, fort sélectif dans ses soutiens et garant exclu- la Monarchie de Juillet, les Lois républicaines de 1887 et surtout sif d’une vision nationale, à un État-partenaire qui encourage et de 1913 confèrent au patrimoine une place centrale dans la construc - institutionnalise peu à peu les formes du partenariat. tion de l’État-nation (A. Auduc, F.Bercé et M.-C. Genêt-Delacroix). Un ouvrage collectif, qui reprendra les interventions présentées On ne s’est pas étonné, dès lors, que les collectivités locales aient et discutées lors des journées d’étude du groupe, sera publié cou- longtemps considéré que le patrimoine relevait essentiellement rant 2003 sous le titre Histoire des politiques du patrimoine. Ce de la compétence de l’État central. Mais les associations locales volume, ainsi que l’édition de la thèse de Xavier Laurent sur La – et parfois nationales – ont également joué un rôle important dans politique du patrimoine monumental d’André Malraux à Michel la sensibilisation de l’opinion publique, et comme interface avec G u y, témoignent de l’intérêt porté par le Comité d’histoire du les pouvoirs publics (H. Glévarec). ministère de la culture à la compréhension historique des poli- Le système centralisé et normatif, issu d’une conception unitaire tiques publiques du patrimoine. du patrimoine, est remis en cause au cours des années 70. Il est Philippe Poi r r i e r contesté à l’heure de l’affi rmation de « mémoires singulières » Maître de conférences à l’Université de Bourgogne, au sein d’une « société plurielle », qui témoigne à la fois de la membre du Comité d’histoire mutation de la République vers la démocratie locale, de l’évolu- Loïc Vad e l o rg e tion des États dans la constitution de l’Union européenne et de la Maître de conférences au Centre d’histoire d ive r s i fication ethnique, culturelle et sociale de la société fran- culturelle des sociétés contemporaines de çaise (J.-M. Leniaud). Cette évolution, qui marque les modalités l’Université de Versailles-Saint-Quentin et les critères de protection du patrimoine, est portée par de nou- veaux « mé d i a t e u r s », essentiellement les collectivités terri t o r i a l e s 1. Ce groupe de travail a été mis en place grâce à la convention de et les associations. Dès la fin des années 70, l’État accompagne valorisation de la recherche qui lie le ministère de la Culture et de l ’ é l a rgissement du champ patrimonial, qui voit progr e s s ive m e n t la Communication (mission de la recherche et de la technologie) à l ’ a ffi rmation des lectures ethnologiques. Po u rtant à l’aube du la Fondation de la Maison des sciences de l’Homme. X XIe s., le patrimoine – comme l’ensemble des secteurs cultu- 2. Voir les premières synthèses : Françoise Bercé, Des Monuments r e l s – est encore peu touché par les lois de décentralisation des historiques au Patrimoine du XVIIIe siècle à nos jours. Paris: Flammarion, années 80. 2000; Jean-Michel Leniaud, Les archipels du passé. Le patrimoine et son Les collectivités locales – surtout les municipalités – mènent depuis histoire. Paris : Fayard, 2002; et Dominique Poulot, Patrimoine et musées. L’institution de la culture. Paris: Hachette, 2001. ces années 80 de véritables politiques culturelles. Devenues les 3. Trois ouvrages, publiés à La Documentation française, sont issus des premiers financeurs des politiques publiques de la culture, elles travaux de ce groupe de travail :Vincent Dubois (dir.), Politiques locales et se sont dotées de compétences reconnues, liées notamment à une enjeux culturels (1998), Philippe Poirrier et Jean-Pierre Rioux (dir.), professionnalisation accrue des acteurs locaux. La protection et Affaires culturelles et territoires (2000) et Philippe Poirrier (dir.), la valorisation du patrimoine participent désormais à l’aménage- Les collectivités locales et la culture (2001).

Les archives orales du Comité d’histoire

n un demi-siècle, l’histoire du temps présent est deve- de dépôt2 et ont permis la rédaction d’un ouvrage publié à La nue une discipline reconnue en France. Or l’histoire Documentation française sous le titre Le bonheur d’entrep re n d r e : du temps présent – « l’histoire immédiate », même – les administra t e u rs de la France d’outre-mer et la création du E s’écrit alors que témoins et acteurs sont encore vivants. ministère des Affaires culturelles par Marie-Ange Rauch. Informé C’est ce qui conduit l’historien des politiques culturelles à recueillir, de ce travail, le Centre des archives de la France d’outre-mer a en complément des archives écrites, le témoignage des hommes souhaité réaliser une exposition qui mette en scène à la fois la par- et des femmes qui ont agi sur chacun des secteurs de la vie cul- tie africaine de la mission de la dernière génération des adminis- turelle. Constitutifs de l’histoire du temps présent, ces témoignages trateurs de la FOM et leur action au ministère de la culture autour sont couramment appelés « archives orales ». d’André Malraux : lancement des maisons de la culture, création L’administration française s’intéresse depuis peu, mais très vive- de l’Inventaire général de la France, établissement des premières ment, à cette nouvelle méthode pour retrouver ses sources et consti- directions régionales des affaires culturelles, création d’une direc- tuer son histoire. Ainsi, des comités d’histoire se sont créés dans tion de l’administration générale et d’une inspection générale de un certain nombre de ministères, notamment au ministère des l’administration. Finances. Très rapidement, le Comité d’histoire du ministère de la culture et des institutions culturelles, créé en mars 1993, a ins- Un deuxième chantier a permis de recueillir les témoignages d’une crit dans ses priorités le recueil des témoignages de personnalités dizaine de jeunes chercheurs qui ont été les « pi o n n i e r s » des com- ayant œuvré au ministère de la culture. Il s’est inspiré de la méthode missions régionales de l’Inventaire dès 1964. L’ exploitation his- de recueil d’archives orales qui a été théorisée par Florence torienne de ces témoignages est en cours en vue d’une journ é e Descamps, normalienne agrégée, maître de conférences à l’École d’étude organisée en 2003 à la BNF sur le thème « André Malraux pratique des hautes études et ancienne secrétaire générale du Comité et l’Inventaire général de la France ». Un chartiste 3 et une docto- pour l’histoire économique et financière de la France. L’ouvrage1 rante en sociologie4 ont déjà nourri leur thèse de ces entretiens, la qu’elle a publié sur le sujet fait autorité. plupart des témoins ayant donné l’autorisation d’accès immédiat à ces archives orales. Le premier chantier a concerné le rôle novateur que les anciens L’écoute des interviews est émouvante, car on y retrouve l’esprit administrateurs de la France d’outre-mer ont joué lors de la créa- militant et passionné qui a animé les premiers acteurs de cette tion du ministère des Affaires culturelles : treize entretiens d’an- « folle aven t u r e ». André Chastel en était l’avoc a t : pour lui comme ciens de la France d’outre-mer et dix entretiens d’administrateurs pour André Malraux, l’Inventaire devait être un instrument de ayant collaboré avec eux ont été réalisés. connaissance démocratique, à la disposition de tous, et pas seule- Mis en mémoire sur cédérom, ils ont fait l’objet de conventions ment des chercheurs.

CULTURE ET RECHERCHE n°95 • mars-avril 2003 5 D O S S I E R

Isabelle Balsamo5, conserva t e u r ont déjà été ainsi entendus pour de général du patrimoine, rappelle longs entretiens (entre 6 heures et comment l’Inventaire incarn a i t 1 2 heures). La plupart ont donné pour A. Chastel une certaine idée l’autorisation d’écoute immédiate, de la nation et dans l’esprit de ce qui enrichit considérablement les A. Malraux, une certaine idée de t r avaux des historiens français ou la France. Les propos des inter- étrangers sur cette période. viewés font revivre cette période. En 2003, une convention conclue Un troisième chantier d’archive s avec l’École pratique des hautes orales, un peu différent dans sa études va permettre d’élargir à méthode, a porté sur l’histoire de d’autres périodes le recueil d’archives la direction de l’architecture. Il a orales. Il est ainsi projeté de recueillir été mené par Éric Lengereau, le témoignage des ministres encore architecte DPLG, docteur en his- vi vants, des principaux directeurs de toire de l’art. Il a interro gé les cin- l’administration centrale et des pré- quante hauts fonctionnaires qui ont sidents des grands établ i s s e m e n t s exercé les principales responsa- pu b lics. Au fur et à mesure que le bilités dans ce domaine de 1958 financement sera rendu disponible , à 1981. A u p a r avant, le doctorant on élargira la campagne d’archives avait procédé à une large consul- orales à des personnalités ay a n t tation des archives écrites pour pré- Visuel réalisé pour l’exposition « Malraux, l’Afrique, la culture » exercé, à des niveaux moins élevé s parer les intervi e ws. Le résultat est (déc. 1998-fév.1999), au Centre des archives d’outre-mer (Aix-en-Provence). de l’administration, des responsa- un ouvrage6 qui vient de recevoir, bilités souvent aussi décisives . en novembre 2002, le Prix national d’histoire de l’architecture. Geneviève Gentil Pour les années 1981-1988 – ministères Lang et Léotard –, le Se c r é t a i r e générale du Comité d’histoire Comité d’histoire a recueilli le témoignage des administrateurs qui du ministère de la culture étaient en poste – aux Finances comme à la Culture – au moment 1. Florence Descamps, L’historien, l’archiviste et le magnétophone : où le budget du ministère de la culture a doublé (1981), fait sans de la constitution de la source orale à son exploitation. Paris : Comité pour précédent dans l’histoire de la politique publique de la culture et l’histoire économique et financière de la France, 2001. 824p. dans l’histoire administrative tout court. L’action et la politique du 2. À terme, ces disques seront déposés aux Archives nationales. ministère de la culture en ont été considérablement transformées 3. La thèse du chartiste Xavier Laurent, La politique du patrimoine et élargies. Ces entretiens renouvellent en profondeur la vision que d’André Malraux à Michel Guy (1959-1974), sera publiée prochainement les universitaires ou journalistes de cette époque avaient retenue. par le Comité d’histoire du ministère de la culture. Aussi, sans attendre les trente ans de rigueur, les ministres de 4. Alexandra Hodges, thèse en cours sous la direction de J.-L. Fabiani, l’époque ont accepté d’ouvrir dès maintenant leurs archives aux Cultures locales, patrimoine national : le savant, le politique, le citoyen et chercheurs. Le Comité s’est lancé dans une confrontation assez l’Inventaire général. 5. Isabelle Balsamo, «André Chastel et l’aventure de l’Inventaire », in : inhabituelle entre archives écrites et archives orales sur une période André Malraux, ministre. Les Affaires culturelles au temps d’André éloignée de seulement vingt ans. Malraux, 1959-1969. Comité d’histoire du ministère de la culture. Paris : L’audition de témoins qui étaient fort jeunes quand ils ont pris les La Documentation française, 1996, p.95 à 105. commandes et qui se souviennent donc encore parfaitement des 6. L’État et l’architecture 1958-1981, une politique publique ?, par enjeux, des stratégies et des difficultés de mise en œuvre, se révèle Éric Lengereau. Comité d’histoire du ministère de la culture. Paris : une expérience passionnante et prometteuse. Une douzaine de témoins Éditions Picard, 2001. 560 p.

e Comité d’histoire du ministère Il facilite l’accès des do c t o ra nts aux de la culture et des inst i t u t io n s Le Comité d’histoire archives et aux fonds documentaires. L c u l t u relles fête cette année son Depuis sa création, il a coordonné une d i x i è me anniversaire. Il est né de la du ministère de la culture v i ng t a i ne de public a t io ns, désorma i s co n v ic t i on qu’une admi n i s t ra t i on se doi t pr é s e n tes sur le site Inte r n et du minis- de réfléchir sur elle-même, sur son tère. Les travaux sont axés principale- passé, et à cette fin de s’ouvrir au me nt sur l’histoire de la création du mon de de la rec he rc h e historique. Cette ministère puis de son évolution admi- ex ige nce implique une compositio n n i s t ra t i v e, la na i s s a nce de politiques équilibrée du comité; selon l’arrêté fon - c u l t u relles ex p l ic i t e s, tant au niveau dateur du 11 mars 1993, elle est tri- l o c a l 1 qu’au niveau nat io n al, l’actio n p a r t i t e : dix me m b res sont des fo nc- fon dat r i ce des ministres André Mal ra u x , tio n na i r es du ministère en exerc ic e , dix Jacques Duhamel, Mic hel Guy et Ja c k a u t res me m b res sont d’anc ie ns fo nc- Lang. t io n na i res du ministère, et enfin dix Le programme pour l’année 2003 s’ar- mem b r es sont des historien s, cherc he u r s ticule autour de plusieurs projets. ou universitaires. • Un programme sur la spécificité des Le comité fonc t io n n e à travers des groupes de travail où se ret ro u - ac t io n s entr eprises par le secrétaire d’État Mich el Guy (1974-19 7 6 ) : vent membres du comité, chercheurs extérieurs et témoins de tel à partir d’archives écrites, audiovisuelles et à partir d’entretiens ou tel moment de la vie du ministère. Il exerce un tutorat auprès avec des acteurs témoins de cette période, une journée d’étude d’étudiants, de plus en plus nombreux, qui souhaitent travailler publique sera suivie d’une publication. sur l’histoire des politiques et des inst i t u t io n s culturelles publiques. • Le lance me n t d’un projet à moyen terme sur les concl u s io n s qui

6 CULTURE ET RECHERCHE n°95 • mars-avril 2003 pe u v e n t être tirées du prem i er demi-siècle d’exi s t e n ce d’une poli- u n i v e r s i t a i res de Fra nc e, et celle de Xa v ier Laure nt sur La poli- tique publique sur la culture orig i na l e, telle qu’elle a pu être tique du patrimoine monumental d’André Malraux à Michel Guy, inventée puis peu à peu élargie par la V e République. en coédition avec l’École des Chartes. • Un programme sur les politiques culturelles en France de 1981 à 1988 : dans le cadre de ce programme, deux journées d’étude Augustin Girar d ont déjà été organisées, sur le doublement du budget du minis- Pr é s i den t du Comité d’histoire du ministère de la culture tère de la culture en 1981 et sur l’histoire de la loi sur le prix Comité d’histoire du ministère de la culture unique du livre. D’autres sont prévues sur le lance me n t des grand s 2, rue Jean-Lantier travaux, le développement des industries culturelles, l’amorce de 75001 Paris la décent ra l i s a t ion et la mise en place de la déconc e nt ra t io n , Tél. : 01 40 15 79 16 l ’ é l a rg i s s e me nt des public s, le développeme nt des conventio n s Mél: [email protected] interministérielles, la politique du patrimoine, etc. http://www.culture.fr/culture/comite-histoire.htm • Une campagne d’archives orales : la préparation de ces entre- tiens requiert une plongée systématique dans les archives écrites 1. Voir notamment: Ph. Poirrier et J.-P. Rioux dir., Affaires culturelles et déposées aux Archives na t io na l e s. Elle appelle de no m b re u s e s territoires. Paris: La Documentation française, 2001; et aussi : dérogations de consultation où la collaboration entre la mission J.-L. Bodiguel, L’implantation du ministère de la culture en région. Paris : La Documentation française, 2001. des archives du ministère, le Cent re int e r m i n i s t é r iel de F o nt a i nebleau, les personnels scie ntifiques des Archives na t io- nales et le Comité d’histoire est d’une rare productivité. Plus de Fixées par l’arrêté du 11 mars 1993, les missions du Comité d’histoire sont cinquante dérogations ont été accordées. les suivan t e s : • rassembler et faire connaître les travaux sur l’histoire du ministère chargé • Une collaboration aux activités de recherche des directions du des affaires culturelles et des institutions qui sont placées sous sa tutelle; mi n i s t è r e, comme l’orga n i s a t i on d’une journée d’étude sur « An dré • susciter des recherches, des études, des travaux bibli o graphiques et des Malraux et la création de l’inventaire général » avec la direction guides de sources, les publier et assurer leur promotion auprès du publi c ; de l’arch i t e c t u r e et du patrimoi n e (sous-direc t i on de l’inventa i re ) . • organiser des séminaires, des colloques et toutes autres manifestations dans • Un contact permane n t est re c he rché avec les autres comités ce domaine; d’histoire, en particulier le comité d’histoire des villes nouvelles, • promouvoir la coordination des effo r ts des institutions et personnes qui celui des ministères chargés de la jeunesse et des sports, et ef fectuent des études et des recherches dans ce domaine; celui du ministère chargé de l’équipement. • favoriser le rassemblement et la conservation des documents et des • Deux nouvelles public a t io ns sont en cours d’élabora t io n : la matériaux utiles à cette histoire; thèse de Pascale Goestschel sur La décentralisation théâtrale en • conseiller le ministre et les directeurs sur toute question ressortissant à l’histoire du ministère. France de la libération à la fin des années 1970 , avec les Presses

Les politiques culturelles en France Par Philippe Poi r r i e r , maître de conférences en histoi r e contemporaine à l’université de Bourgo g n e . Pr é f ace de Jacques Rigaud, conseiller d’État honorai r e, membre du Comité d’histoi r e du ministère de la culture.

Cet ouvrage présente les t exte de loi relatif à a vec notamment le décret de création de t extes fondamentaux de la l’affiliation des artistes du la direction de l’arc h i t e c t u re et du politique culture l l e spectacle à la Sécurité patrimoine (1998), des ex t raits du f ra n ç a i s e : textes législatifs sociale (1961)… d i s c o u rs de Jacques Chirac sur les et réglementaire s, discours La période 1969-1981 (« Le enseignements artistiques comme enjeu of f i c i e l s, écrits de dé v eloppement culturel ») de démocra t i e, celui de Lionel Jospin sur responsables de l’action comporte notamment un les arc h i ve s. p u b l i q u e, ex t raits des article de Jacques Chaban- Cet ouvra g e, apparemment documentaire, principaux rapports aya n t Delmas sur la place central e ne permet pas seulement des plongées valeur stra t é g i q u e. de la culture dans la r é t ro s p e c t i ves toujours utiles, mais of f re Une cinquantaine de tex t e s « no u v elle société » ; une surtout un vivier de réflexions capables concerne la période 1789- le t t r e de Georges Pom p i d o u d ’ é c l a i rer les enjeux qui s’imposent 1 9 5 8 : rapport et décret de à Michelet sur le pro j e t a u j o u rd’hui à quiconque ve u t Gambetta créant un B e a u b o u rg ; les discours appréhender le modèle français de m i n i s t è re des Arts (1881) ; s t ratégiques des ministre s politique culture l l e. rapport de 1936 de Joanny Berlioz Jacques Duhamel, Michel Guy et d evant la chambre des députés afin de Jean-Philippe Lecat. G. Ge n t i l « populariser la culture » ; article de En 1981, « l ’ i m p é ratif culture l » est G e o rges Huisman, directeur des Beaux- illustré par des discours de Fra n ç o i s Ouvrage publié avec la collaboration du Arts en 1937, sur les nouveaux ra p p o r t s M i t t e r rand, Jack Lang, François Léotard Comité d’histoire du ministère de la culture e n t re l’art et l’État, etc. ou Philippe de Villiers. La citation d’une Paris : La Documentation française, 2002. L’auteur s’attache ensuite aux tex t e s dizaine de lois (prix du livre, dro i t s Collection « Retour aux textes ». fo n d a t e u rs de la période ouverte en 1959 vo i s i n s, patrimoine monumental…) 637 p., 50 Û. par la création d’un ministère des témoigne de l’activité législative intense A f fa i res culture l l e s : ex t raits du IVe, du de la période. 1. Vocable fameux employé par J. Rigaud Ve et du VIe P l a n ; discours d’A n d r é Enfin, l’actualité est placée « sous le dans un rapport commandé par le ministre M a l raux, Gaëtan Picon, Pierre Moinot ; signe de la “re fo n d a t i o n1” 1 9 9 3 - 2 0 0 2 » , Ph. Douste-Blazy.

CULTURE ET RECHERCHE n°95 • mars-avril 2003 7 D O S S I E R L’histoire administrative, une discipline à part entière

côté de ses implications, nombreuses et bien connues, commandement, tout en prenant soin – c’est d’histoire qu’il s’agit en matière de conservation et de restauration du patri- – de bien distinguer ce que chaque période apporte en termes de moine, la politique de recherche menée par le minis- c o n t exte. Prenons l’exemple d’une histoire du ministère de À tère de la Culture et de la Communication en liaison l’Intérieur et des préfets, qui reste à écrire. Il est clair qu’on ne avec le CNRS comporte un tout autre axe, susceptible d’intéres- pourrait le faire qu’en distinguant des moments tels que l’affaire ser le ministère moins par le domaine propre de son action que Dr e yfus, la Première Guerre mondiale, l’entre-deux-guerres, Vic h y, par sa structure même. la Quatrième et la Cinquième République enfin. Au sein de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP ; voir enca- Pour autant, ces césures de l’histoire politique n’impriment pas dré), ont été entreprises depuis six ans des recherches en matière nécessairement leur marque au niveau des pratiques administra- d’histoire de l’État, relatives à l’administration entre 1940 et 1944. ti ves, qu’il est indispensable de prendre en compte pour comprendre Non encore explorée à l’époque, ou seulement à partir des sou- le fonctionnement de la machine étatique, et notamment son auto- venirs de quelques témoins, la question se posait en effet d’exa- nomie par rapport au politique. Leur analyse, en moyenne durée, miner la manière dont les élites administratives formées par la met en évidence la richesse de la boîte à outils dont dispose le fonc- République firent face à la double exceptionnalité de la période : tionnaire dans le cadre de son activité professionnelle. L’étude de d’une part celle liée à l’occupation par son vainqueur de la plus Vic h y, comme celle de l’épuration (qui a fait l’objet d’un travai l grande part d’un pays vaincu, et d’autre part celle du brutal chan- collectif que nous venons de diriger), confir ment ainsi, par exem p l e , gement de régime que réalisa l’État français, dirigé par le maré- les marges de manœuvre dont disposent les directions gestionnaires chal Pétain. Il s’agissait moins d’adopter une posture morale de de personnel pour fac i l i t e r , ou au contraire freiner, la mise en œuvre condamnation que de tenter de comprendre pourquoi et comment de textes ou de décisions individuelles visant à exclure de la fonc- la fonction publique servit un régime dont la politique pourr a i t tion publique tel ou tel fonctionnaire ou groupe de fonctionnaires. être, très brièvement, schématisée par la collaboration d’un côté, Cette histoire politique de l’administration se donne pour ambition la disparition des valeurs républicaines de l’autre. Cette étude, cen- de rendre à l’action administrative toute son épaisseur. Elle est en trée autour de services administratifs aussi influents dans l’État cela utile à l’État lui-même, qui a tout à gagner à prendre en compte que le ministère de l’Intérieur, le secrétariat général du gouve r- les acquis de sa propre expérience, comme suffirait à le montrer nement ou la direction du budget, fut poursuivie par l’analy s e l’ e xemple de l’histoire, chaotique, de la réforme de l’État tout au d’une institution emblématique du rôle nouveau dévolu aux élites long du X X e siècle. Mais elle est aussi indispensable pour sort i r techniques auxquelles l’État français entendait donner toute leur l’État de l’ombre, et des fantasmes que celle-ci génère. Poser que place, l’École polytechnique. l’histoire de l’administration est par nature de l’ordre du politique, Mais, clairement, pour comprendre une période aussi exception- c’est certes rappeler le rôle de la volonté en politique, mais c’est nelle, l’étude de l’ordinaire administratif s’imposait. Ce fut l’ob- aussi s’attacher à mieux comprendre les rapports de la fonction jet d’un long travail de recherche, qui prit la forme d’un séminaire pu b lique avec la société. C’est enfin s’interro ger sur la question or ganisé à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) des va l e u r s : face à un conflit entre légitimités concurrentes, de conduit par Vincent Duclert, professeur agrégé, et l’auteur de cet quels outils dispose le fonctionnaire pour guider son action ? La article. Sous le titre générique « Servir l’État » ce travail, entamé ré f l e xion doit alors porter non seulement sur le cadre juridique de à la mi-1998 et qui s’achève en ces premiers mois de 2003, fut l’action administrative, c’est-à-dire sur le rapport du fonctionnaire ma r qué par la publication de deux ouvrages collectifs, l’un consa- au droit et à la loi, mais aussi aborder la question du droit naturel. cré à l’histoire de l’administration sous la Troisième République1, Dans des contextes certes exceptionnels, le directeur chargé de l’autre au cas particulier des rapports entre justice et politique en mettre en œuvre, sous Vi c hy, le statut des juifs ou le lieutenant- moyenne durée2. Dans l’un comme dans l’autre cas, il s’agissait colonel placé, pendant la guerre d’Algérie, face à la question de la d ’ examiner le comportement d’un certain nombre de corps de to r ture devaient mobiliser les ressources de leur conscience per- fonctionnaires – parmi lesquels on citera, pêle-mêle, préfets, poli- sonnelle et professionnelle pour décider de l’attitude à adopter. ciers et officiers, mais aussi instituteurs et archivistes, et bien sûr On le voit, l’histoire de l’État apparaît comme une discipline char- les magistrats – pour, là encore, comprendre les modalités de leur nière, susceptible de faire appel aux acquis de nombreuses autres inscription dans l’État républicain. L’interrogation que nous nous sciences sociales, à commencer par la science politique, la socio- posions – qu’on pourrait résumer ainsi : pourquoi, et dans quelle logie et le droit. Elle incite également à multiplier les approches, mesure, un fonctionnaire obéit-il aux injonctions du pouvoir poli- non seulement par des monographies sur des institutions encore tique? – conduisait à approcher l’histoire de l’administration par très peu étudiées, mais aussi dans une optique comparatiste, qui une réflexion sur la légitimité. s’attacherait à mettre en perspective les réponses apportées, dans Il convient, pour apporter des éléments de réponse à une telle ques- di f férents pays, à des questions similaires. C’est ainsi par exem p l e tion, dont on conçoit ce qu’elle a de fondamental pour le bon fonc- que, prenant la suite du séminaire « S e rvir l’État » évoqué plus tionnement du service de l’État, de se déprendre de deux concep- haut, un nouveau travail de réflexion collective va se mettre en tions opposées, mais qui aboutissent l’une et l’autre à nier dans place autour de la question des administrations en régime non plu- les faits la part proprement politique de l’action administrative . raliste, à partir notamment des cas du fascisme, de Vic h y, du nazisme La première, qui fut longtemps dominante dans les études menées et du stalinisme. Il s’agit là encore de participer au dével o p p e m e n t par les institutions d’État sur leur propre histoire, consiste à prendre d’une histoire politique de l’État et de ses administrations, domaine au pied de la lettre le discours sur l’intérêt général porté par l’ad- auquel le ministère de la Culture et de la Communication, chargé ministration, et à ne voir en celle-ci qu’un relais, quasi transpa- de la conduite de la politique archivistique nationale, ne peut res- rent, entre les gouvernants, qui font la loi, et les gouvernés, aux- ter étranger. quels elle s’applique. La seconde, en revanche, pose que l’appareil Ma r c Olivier Baruch d’État est oppresseur par essence, de sorte que l’administration, Admi n i s t r ateur civil qui en est le bras armé, participe de cette oppression. Entre cette In stitut d’histoire du temps présent/ C N R S légende dorée et cette légende noire, il nous est apparu qu’il exis- ba r uc h @ i ht p . c n r s. f r tait un espace, étrangement laissé en friche par l’histoire contem- 1. Marc Olivier Baruch et Vincent Duclert (dir.), Se r viteurs de l’État : une histoire poraine (à l’opposé de l’histoire moderne ou de l’histoire médié- politique de l’administration française, 1875-1945. Par i s : La Découverte, 2000. va l e ) : celui d’une histoire politique de l’administration, qui 2. Marc Olivier Baruch et Vincent Duclert (dir.), Justice, politique et Républi q u e , s’intéresserait à la machinerie de l’État plus qu’à son poste de de l’affaire Dreyfus à la guerre d’Algérie. Br u x e l l e s : Complexe, 2002.

8 CULTURE ET RECHERCHE n°95 • mars -avril 2003 L’Institut d’histoire du temps présent (IHTP)

L’I n stitut d’histoire du temps présent cu l t u r elles des années 1960-70. un millier de périodiques morts (datant (C N R S /UPR 301), a été fon dé en 1978 et • Les transformations de la France et des des années 30 et 40) et vivants (revues in auguré en 1980. Héritier d’une histoire sociétés européennes. Ce deuxième axe françaises et étrangères d’histoire, de qui remo n te aux lendema i n s de la Seconde regroupe des recherches sur l’histoire de sociologie, de science politique, Gu e r r e mond ia l e , il s’inscrit surtout dan s le l’État et des administrations, l’histoire et la d’anthropologie…) et de nombreux petits ren ouveau, depuis une vingt a i n e d’années, sociologie du droit et de la justice, fonds d’archives privées sur la Seconde de l’histoire conte m p o ra i n e. l’histoire des intellectuels, l’étude des Guerre mondiale, la guerre d’Algérie, les L’h i s t o i r e de la Fran ce et de l’Europe au entreprises publiques et privées, ou encore années 60. XX e s. constitue le cadre général de ses l’histoire des médias (cinéma, télévision). L’ambition de l’IHTP est d’être un lieu tr avaux, dan s une perspective à la foi s • Épistémologie de l’histoire du temps d’innovation historiographique et co m p a r atiste et inte r na t io na l e . Il a par présent. Cette réflexion transversale porte d’échanges, où se rencontrent ailleurs une ambition plus large qui est sur l’historiographie contemporaine et universitaires, chercheurs et étudiants de d’ a p p r ofon dir la réflexi on sur l’épistémologie de l’histoire du temps tous pays et de toutes disciplines, mais l’ h i s t o r io g ra p h i e du passé proc h e. Les présent, ses sources et ses méthodes aussi un public plus large de témoins et rec he rc h es collectives ou indi v i due l l e s (le témoignage oral, la « mémoire d’acteurs de ce siècle. s’ o rg a n i s e n t autour de deux gran ds axes collective », l’image comme écriture de th é m atiques et d’un axe épistémol o g i q u e . l’histoire, la demande sociale et • L’événement dans le siècle. Ce prem i er axe l’expertise). Institut d’histoire du temps présent reg r oupe des travaux sur des phénom è n es et L’IHTP possède une bibliothèque ouverte au ENS de Cachan des événeme n ts rema rq u ables du siècle public, spécialisée principalement sur 61, avenue du Président-Wilson éc o u l é : le naz i s m e et la Seconde Guerre l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et 94235 Cachan cedex mond ia l e , le système soviétique, les conflits sur la période postérieure à 1945. Elle co l o n i aux et post-coloniaux, les mut a t io n s comprend environ 25000 ouvrages; http://www.ihtp.cnrs.fr

Le Centre des arc h i ves contemporaines

Le Cent re des archives cont e m p o ra i ne s les arc h i v e s. Ay a nt rassemblé en 30 ans d é p a r t e me nts), d’établisseme nts public s ( C AC) a été mis en place par les Arc h i v e s près de 200 kilomètres linéaires de ( O p é ra na t io nal de Pa r i s, Cons e r v a t o i re na t io nales pour perme t t re l’améliora t io n doc u me nt s , il s’effo rce depuis quelques na t io nal supérieur de mu s i q u e, Cent re de la collecte des archives ministérielles et années d’en accentuer la mise à na t io nal de la cinéma t o g ra p h ie, mu s é e d é g a ger une solution appropriée face à la d i s p o s i t ion du public. d ’ O r s a y, École na t io nale supérie u re des arts s u r p ro duc t ion cro i s s a nte des papie r s d é c o ra t i f s, École nat io n ale supérie u re de s a dm i n i s t ra t i f s. Ouvert en 1969 da ns les Les fo nds d’archives conservés prov ie n ne n t b e a u x - a r t s, Conseil nat io n al supérie u r anc ie n s bâtime nts de l’état-major de l’Otan des org a nes cent raux de l’État sauf ceux d’arts dra ma t i q u e s, Réunion des mu s é e s à Font a i nebleau, il a bénéficié, en 1978, d é p e nda nt de la Défens e, des Affa i re s na t io naux…) et même d’associat io n s d’un bâtime nt neuf d’une capacité de ét ra ng è r es et des Fina nc e s. Très variés exe r ç a nt une mission de service public. 80 kilomètres linéaires auquel a été da ns leur cont e nu, ils illustre nt tous les a j o u t é e, en 1984, une de u x i è me unité aspects de l’int e r v e nt ion de l’État da ns la Chacun des verseme nts est décrit da ns un ide ntique enc o re mieux adaptée à la s e c o nde partie du X Xe s. sur le plan r é p e r t o i re consultable da ns la salle de c o ns e r v a t ion des nouveaux supports de p o l i t i q u e, écono m i q u e, social, culturel et l e c t u re du cent re mais aussi au CARAN l ’ i n fo r ma t io n . t e c h n i q u e. Aux do s s iers papier s’ajoutent (c e nt r e d’accueil et de re c he rc he de s des doc u me n ts graphiques (affic he s, A rchives na t io nales). L’ e nsemble est Le CAC accueille les archives d’int é r ê t p l a ns), des collectio ns pho t o g raphiques et, s y nthétisé da ns un état des versement s pe r ma ne n t des admi n i s t ra t io n s cent ra l e s de plus en plus, des enreg i s t re me nt s pr é s e nt a n t, par service d’orig i ne, la de l’État. Il s’appuie sur un réseau de s o no re s, des do c u me nts aud iovisuels ou totalité des doc u me n ts disponibles. Une re p r é s e nt a nts des Archives nat io na l e s des archives électro n i q u e s. Tous ces base de données do c u me nt a i res (Priam 3) i nstallés auprès des princ i p a u x do c u me nts pre n ne nt, pour la pério de p e r met un accès mu l t ic r i t è res à la d é p a r t e me nts ministérie l s. Ces ante n ne s p o s t é r ie u re à 1958, la suite des série s globalité des fo nds cons e r v é s. Cet p e r ma ne nt e s, baptisées missio ns de s disponibles au Cent re historique de s ins t r u me n t de rec he rc h e sera très A rchives na t io na l e s, ont pour rôle A rchives nat io na l e s . Cette coupure pro c h a i ne me n t disponible sur le site du d ’ e nt retenir les re l a t io ns avec les servic e s ch ro n ologique est cependa nt largeme n t m i n i s t è re de la culture et sur celui du pro d ucteurs d’archives publiques, de les t h é o r i q u e, les opérat io n s de collecte ayant ce nt r e. a ider à organiser le cycle de vie de s fait parvenir à Font a i nebleau de très do s s iers qu’ils produ i s e n t, de viser leurs no m b reux éléme nts ant é r ieurs à cette Christine Pétillat é l i m i na t io ns, de sélectio n ner et de tra i t e r da t e. C o nservateur général chargée du CAC des do c u me nts d’intérêt perma ne nt avant leur tra nsfert à Font a i nebleau. Le CAC Le ministère de la culture est doté de p u i s C AC r é c e p t io n ne les verseme nts préparés, en 1986 d’une mission des Arc h i v e s 2, a s s u re la cons e r v a t ion ma t é r ielle et les na t io na l e s. Son fo nd s, actuelleme nt 77300 Fontainebleau é v e ntuels ret ra i t e me nt s , gère leur 1 0 k i l o m è t res linéaire s, est composé de M é l : cac. fo n t a i n e b l e a u @ c u l t u r e. g o u v. f r c o m mu n ic a t ion confor m é me n t aux règles do s s iers émana n t de ses services cent ra u x de commu n icabilité définies par la loi sur ( c a b i net, ins p e c t ion générale de htt p : / / w w w. a rc h i v e s na t io na l e s . les doc u me n ts adm i n i s t ratifs et celle sur l ’ a dm i n i s t ra t ion, dire c t io ns et c u l t u re.go u v. f r / c a c / f r /

CULTURE ET RECHERCHE n°95 • mars -avril 2003 9 D O S S I E R Institutionnalisation et patrimonialisation des « objets qui comptent »

l peut paraître singulier de plaider aujour- d’hui pour une histoire de l’institution de la culture quand le constat général est celui d’un affa i blissement du « p r ogramme ins- I 1 t i t u t i o n n e l » de démocratisation et d’intégr a t i on , ainsi que le récent colloque « Le(s) publ i c ( s ) » du département des études et de la prospective du ministère de la culture l’a encore montré. En réalité, c’est au moment où l’on sort de l’art i fi- cialisme social que l’histoire de l’institution- nalisation acquiert un intérêt central. Tel est p a rticulièrement le cas des processus de patri- monialisation, qui jouent un grand rôle dans la c o n s t ruction de la légitimité au moment où une l a rge disponibilité culturelle semble caractériser les sociétés contemporaines 2. Le Lahic a choisi de s’inscrire dans ce champ de recherches par le biais d’une histoire des « a m i s » de ces « o b j e t s qui comptent », spécifiquement dans le domaine a r c h é o l og i q u e . Groupe scolaire en visite au musée de Bibracte. Une histoire des objets qui comptent Un tel projet n’a pour ambition ni de sonder l’opacité des objets, ou à leur avocat, au profit de l’identité d’un peuple ou d’une cité, dans une démarche herméneutique, ni d’établir, de manière posi- en constitue l’une des figures privi l é g i é e s 6. Les détails à saisir, ou t ive, leur intérêt artistique, documentaire, illustratif ou sava n t . au contraire les parties à négliger, répondent à divers genres d’ins- L’étude des pièces doit répondre aux trois principes de percepti- cription du notoire, de l’utile, du pertinent ou de l’insignifiant. Tel bilité, de spécificité et de singularité propres à la sociologie de la est le cas du travail de recenser et de mettre à jour des corp u s , réception telle que Jean-Claude Passeron l’a explicitée 3. Chacun exemple de stratégie d’accumulation d’objets et d’images qui nour- des « objets qui comptent » est donc identifié à travers guides, rit interr ogations sur les stades de l’histoire et spéculations sur récits de voyage, correspondances, journaux, catalogues, en fonc- leurs répertoires, mais aussi affirmations moralisatrices et décli- tion des reproductions qui circulent, de l’importance des évoca- naisons de hiérarchies. Par tout, ces entreprises d’écriture des choses tions ou des citations dont il est le prétexte ou le principe. Ensuite confèrent à leurs scribes un statut privilégié, dans la perspective il faut rapporter les inventions de patrimoines à des milieux et à d’un « art de faire », entre expérience et interprétation. des gisements, selon différentes échelles 4, pour éclairer les rela- tions entre socialisation des objets, position dans le champ érudit Politique des patrimoines et artistique, présentation de soi et apostolat patrimonial. En effe t , Quelques-unes des figures de la patrimonialisation sont passées à des morales individuelles et des éthiques collectives s’élaborent l’état de stéréotypes – comme l’antiquaire et sa ruine, le conser- ou se reconfigurent à l’endroit de legs plus ou moins revendiqués vateur et son musée, le folkloriste et son terrain – pour avoir incarné et de « trouvailles » plus ou moins imaginaires. de manière privilégiée des résonances particulières entre esthé- Dans les termes de A. Appadurai, on assiste à des « tournois de tique et politique. Les histoires de vies ou les romans familiaux valeurs » qui mettent en jeu des processus complexes d’assigna- of frent alors la possibilité d’articuler la singularité d’engag e m e n t s tion et d’appropriation 5. Ainsi l’émulation savante et la riva l i t é particuliers et le partage de valeurs collectives. Car l’archéologie pour la jouissance des choses s’exacerbent l’une l’autre. est une pratique culturelle large qui touche non seulement les L’assimilation de l’« am i » de tels ou tels objets à leur porte - p a r o l e amateurs mais tous les consommateurs de l’imaginaire qui lui est

Le Laboratoire d’anthrop o l o gie et d’histoire de l’institution de la culture (Lahic)

Le prog ra m m e de rec he rc h e du Lahic d’ a rc h i v e ? de la politique publique de ant h ro p o l o g u e s , sociol o g u e s , et spécial i s t e s (UMR 2558 CNRS/ministère de la culture) l’ a rc h é o l o g i e et des passion s suscitées par de la langue et de la littérat u r e. porte sur la man i è r e don t les sociétés cette discipline? de la promo t i on culturel l e Voir l’article de Daniel Fabre, directeur du Lahic, met t e n t à part des œuvres , objets, lieu x , des langues et des littérat u r es minor i t a i re s ? dans Culture et recherche n° 87. ins t i t u t io n s, prat i q u e s , pour les inst i t u e r de la figu r e publique de l’écrivain? de la Voir aussi la présentation des programmes, co m m e étant « la culture », un doma i n e rec o n na i s s a n ce d’arts sans artistes?… Les rencontres, séminaires sur le site du laboratoire : pa r t ic u l i er don t il faut ensuite organiser le doma i n es particu l i ers de l’art, de htt p / / w w w. c u l t u r e.go u v .fr/mpe (rubrique Lahic) pa r t a g e et la ges t i on. Cette réflexi on vise l’ a rc h i t e c t u r e, de la littérat u r e peuvent être ai n si à théoriser, et don c à mieu x co ns i dérés comme les secteurs où le Lahic co m p re n dre, les question ne me n ts qui mou v e me n t européen d’inst i t u t i on de la 65, rue de Richelieu éme r gen t des pratiques quot id ie n n es du cu l t u r e s’est manifesté le plus tôt; d’où 75002 Paris mi n i s t è r e de la culture. Qu’en est-il l’ a l l ia n ce des disciplines effectuée au sein Tél. : 01 40 15 82 67 au j o u rd ’ h ui de la monu me nt a l i t é ? du désir du Lahic qui associe des historien s à des Mél : [email protected]

10 CULTURE ET RECHERCHE n°95 • mars -avril 2003 lié. Elle entretient des liens complexes avec le commerce d’objets actuels sur la figure polémique de l’amateur ou sur les manières bon marché, de plus ou moins «bon goût », aux franges du popu- d’habiter le patrimoine s’inscrivent dans de telles interrogations 8. laire et du pittoresque 7. Enfin, faire le tour du propriétaire est devenu au cours du siècle Dominique Poulot d e rnier un acte politique et cataloguer les objets nationaux une Université Paris 1 et Lahic a ffi rmation de civisme. Aux yeux des communautés imag i n é e s (membre du Comité d’histoire) (Benedict Anderson), la plupart des objets « qui comptent » sont pa r tie prenante de « l’ e s p r i t », des « fo n d e m e n t s », de « l’ h i s t o i r e » 1. F. Dubet, Le déclin de l’institution. Paris : Le Seuil, 2002. d’une collectivité particulière. Par là même ces objets ne peuvent 2. Je me permets de renvoyer à un premier essai : Patrimoine et musées : l’institution de la culture. Paris : Hachette, 2002. plus être la propriété de personnes isolées : comme disait Victor 3. Notamment dans les chapitres IX et XII du Raisonnement sociologique. Hugo, leur beauté est à tout le monde. Une certaine dévaluation Paris : Nathan, 1992. des capacités et des dispositions individuelles à l’expérience his- 4. Cf. J. Revel Ressources narratives et connaissance historique, Enquête, 1, torique accompagne-t-elle l’élaboration d’un mouvement collec- 1995, p.43-70. tif dédié au « patrimoine » et à l’histoire nationale? Ce pourrait 5. A.Appadurai ed., The social life of things, Commodities in cultural être le prix à payer pour voir recomposer privacy et espace public perspective. Cambridge : Cambridge University Press, 1986. quand l’ancien régime des objets de mémoire et de leurs civilités 6. M. Tamen, Friends of interpretable objects. Cambridge : Harvard University Press, 2001. s’efface au profit de l’administration des nouvelles icônes collec- 7. R. Hill, Cockney connoisseurship: Keats and the Grecian Urn. Things, 6, ti ves. Pour autant, l’institution progre s s i ve d’un académisme de la 1997. c o n s e rvation-restauration est-elle ex c l u s ive de reconfi g u r a t i o n s 8. Cf. le colloque Vivere nel tempo, à l’initiative de D. Fabre, à l’université des intimités sociales avec tels ou tels objets de culture? Les débats de Rome I, 2001.

C A L E N D R I E R

Les grottes ornées en France : Du folklore à l’ethnologie : institutions, Fax : +33 5 96 63 74 11 un patrimoine à gérer musées, idées en France et en Europe Mél : [email protected] Journées d’étude, 7 et 8 mars 2003, de 1936 à 1945 Sur la Toile : http://www.icmah.com Toulouse et Tarascon-sur-Ariège 19-21 mars 2003, Paris Journées organisées par la MSHS et Renseignements : Illegal Archaeology l’université de Toulouse, le CNRS, MNATP/Centre d’ethnologie française, Colloque international sur le trafic illicite la DRAC Midi-Pyrénées 6, av. du Mahatma-Gandhi des antiquités Renseignements : 75116 Paris 23-25 mai 2003, Berlin Tél. : 05 34 40 00 43 Christelle Brillault ICOM Europe et Staatliche Museen zu Tél. : 01 44 17 60 68 Berlin La peinture murale au début du XX e s. Renseignements : en France : 1920-1940 Gestion, traitement et recherche de l’image Mél : [email protected] XIe séminaire international d’art mural par le contenu ou [email protected] 19-21 mars 2003, 31 mars 2003, Paris Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne) Renseignements : L’archéologie dans les villes : Renseignements : CID – 36bis, rue Ballu histoire et réalités urbaines de Centre international d’art mural 75009 Paris la Haute-Normandie et du Québec Abbaye de Saint-Savin Tél. : 01 42 85 04 75 3-6 juin 2003, Rouen 86310 Saint-Savin Mél : [email protected] Colloque franco-québécois Tél. : 05 49 48 66 22 Sur la Toile : http://www.le-cid.org Renseignements : Fax : 05 49 48 89 03 DRAC Haute-Normandie Mél : [email protected] Archéométrie 2003 Service régional de l’archéologie Sur la Toile : http://www.artmural.org 16-19 avril, Bordeaux 12, rue Ursin-Scheid Renseignements : 76140 Petit-Quevilly Monuments, accueil et projet Centre de recherche Laurence Ciezar-Epailly de développement : les nouveaux enjeux en physique appliquée à l’archéologie Tél. : +33 (0)2 32 81 99 00 20 et 21 mars 2003 Maison de l’Archéologie Fax : +33 (0)2 32 81 99 06 Château de Kerjean Esplanade des Antilles 29440 Saint-Vougeay 33607 Pessac Cedex Le musée de sciences : Renseignements : Fax : 05 57 12 45 50 dialogues franco-allemands Tél. : 02 98 69 93 69 Mél : gmpca2003@montaigne. 1res rencontres de professionnels Fax : 02 98 29 50 17 u-bordeaux.fr de musées de sciences Mél : châ[email protected] Sur la Toile : http://www.gmpca2003. 27-28 juin 2003 montaigne.u-bordeaux.fr/index.html Munich, Deutsches Museum Museum and the Web À l’initiative du Haut Conseil culturel 19-22 mars 2003 Musées et métissage franco-allemand et du ministère délégué à Charlotte, Caroline du Nord, USA 19-23 mai 2003 la recherche et aux nouvelles technologies Renseignement : Fort-de-France (Martinique) Renseignements : Adam’s Mark Charlotte Renseignements : Lyne-Rose Beuze OCIM 555, South McDowell Street Conseil régional de la Martinique, 36, rue Chabot-Charny Charlotte, North Carolina Service des Musées 21000 Dijon 28204 USA Congrès ICMAH Tél. : +33 (0)3 80 58 98 50 Tél. : +1 704 372 41 00 10 boulevard du Général-de-Gaulle Fax : +33 (0)3 80 58 98 58 Fax : +1 704 348 46 46 97200 Fort - d e - F rance, Martinique, An t i l l e s Mél : [email protected] Sur la Toile : http://www.archimuse.com Tél. : +33 5 96 63 85 55 Sur la Toile : http://www.ocim.fr

CULTURE ET RECHERCHE n°95 • mars -avril 2003 11 À L I R E

Archéologie

Campements mésolithiques en Bresse jurassienne. Choisey et Ruffey-sur-Seille Frédéric Séara, Sylvain Rotillon, Christophe Cupillard dir. Documents d’archéologie française n° 92 Paris : MSH, 2002. 344 p. 42 ?

Productions agricoles, stockage et finage en Montagne Noire médiévale. Lampiste, Le grenier castral de Durfort (Tarn) années 1930. In : Marie-Pierre Ruas La conservation Documents d’archéologie française n° 93 du patrimoine technique Paris : MSH, 2002. et industriel 231 p. 39 ?

Espaces monastiques ruraux en Rhône-Alpes Jean-François Raynaud dir. Documents d’archéologie en Rhône-Alpes Bibliothèque Musées et en Auvergne n° 23 Lyon : ALPARA, 2002. Musée du Louvre, département ? Bi bl i o graphie de la presse française 208 p. 30 politique et d’information générale des des peintures, catalogue. Diffusion : origines à 1944. 64 – Pyrénées-Atlantiques Écoles espagnole et portugaise ALPARA Patrice Caillot Véronique Gerard Powell, 25, rue Roger-Radisson Paris : Bibliothèque nationale de France, Claudie Ressort et al. 69005 Lyon Paris : RMN, 2002. 2002. ? 152 p. 25 ? 443 p. 75 Architecture Musique Architecture, construction, urbanisme. Conservation- 600 ouvrages de référence restauration Regards sur l’opéra-comique. Agnès Rosolen, Juliette Jestaz et al. Trois siècles de vie théâtrale Coll. Sources et répertoires La conservation du patrimoine technique Raphaëlle Legrand, Nicole Wild Paris : Monum, Éditions du patrimoine, et industriel Coll. Sciences de la musique 2002 Actes du colloque national organisé par le Paris : CNRS éditions, 2002. 159 p. 17 ? Centre historique minier de Lewarde 290 p. 25 ? les 6, 7 et 8 mars 2002 Lewarde : éd. du Centre historique minier, Récit et représentation musicale Art 2002. 159 p. 21,80 ? Textes réunis et présentés par Diffusion : Danielle Cohen-Lévinas Revue Pratiques, réflexions sur l’art e Centre historique minier Paris : L’Harmattan, 2002. n° 13, automne 2002. 14 Fosse Delloye – BP 39 455 p. 36,60 ? La revue Pratiques, propose un recueil de 59287 Lewarde documents destinés à mettre en évidence Tél. : 03 27 95 82 82 Le compositeur trouvère. les enjeux des pratiques artistiques Site sur la Toile : Écrits et entretiens (1982-2002) contemporaines, que ces enjeux relèvent http://www.chm-lewarde.com/ Michaël Lévinas plus particulièrement du domaine du Paris : L’Harmattan, 2002. concept, de la forme plastique ou de la 428 p. 34 ? monstration. Économie de la culture Diffusion : École des beaux-arts de Rennes Les tarifs de la culture Patrimoine 34, rue Hoche Sous la direction de François Rouet 35000 Rennes Coll. Questions de culture Quimperlé et son canton. Bretagne Tél. : 02 99 28 55 78 Paris : La Documentation française, Christel Douard et al. Fax : 02 99 28 58 24 ministère de la Culture et de la Coll. Image du patrimoine Mél : [email protected] Communication, 2002. Rennes : Inventaire général, éditions Sur la Toile : http://www.erba-rennes.fr 383 p. 20 ? Apogée, 2002. 88 p. 18 ?

D i recteur de la publ i c a t i o n : Guillaume Cerr u t i Sur Internet Chef de la mission de la rec h e rc h e • la mission de la recherche et de la technologie et de la technologi e :Jea n - P i e r re Dalbéra. Ré d a c t i o n :Dominique Jou rd y , do m i n i q u e. j o u rd y @ c u l t u r e.go u v. f r http://www.culture.fr/culture/mrt.htm Mi n i s t è r e de la Culture et de la Commu n i c a t i o n • le réseau de la recherche Mission de la re c h e rche et de la technolog i e (rapports des conseils, personnels, moyens, 3 , rue de Va l o i s , 75042 - Paris Ce d ex 01. T é l . : 01 40 15 80 45 - Mél : [email protected] actualité, avis de vacances et de concours, N° de commission paritaire : 0603 B 05120 programmes de numérisation, rapports de recherche, etc.) C o n c e p t i o n - r é a l i s a t i o n : Sophie Moulay http://www.culture.fr/culture/mrt/mrt.htm Imprimeur : Maulde et Renou ISSN : 0765-5991

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