Introduction Générale
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INTRODUCTION GÉNÉRALE L’Inspection générale des finances s’est progressivement mise en place par des textes étalés de 1800 à 1831. En 1800, le Premier consul affirme le principe du contrôle sur place et crée les vérificateurs généraux du Trésor1. Remplacés l’année suivante par des inspecteurs généraux du Trésor, plus nombreux (15)2 et aux attributions élargies, ils sont dotés par arrêté du 1er décembre 1808 du ministre des Finances, le comte Mollien, d’attri butions permanentes de surveillance et d’enquête, et d’une organisation en véritable corps3. Appelés en 1815 inspecteurs des Finances, ils sont, sous la Restauration, chargés par le comte Corvetto, en 1816, du contrôle sur tous les comptables publics. Son succes seur Villèle, en 1824 et 1825, leur confie en outre l’inspection des contributions directes et indirectes, puis le nouveau ministre des Finances de LouisPhilippe, le baron Louis, en 1831, celle des douanes et de l’enregistrement. Dès lors et jusqu’à nos jours, tous les services financiers, comptables et fiscaux sont contrôlés par l’Inspection qui reçoit par ordonnances les missions qui sont encore les siennes aujourd’hui. L’ordonnance du 10 mars 1831, rédigée à la demande du baron Louis, déclare solennellement : « L’administration se compose de deux parties très distinctes : l’action et la surveillance. Celleci éclaire la marche de la première et a pour but d’en assurer la régularité. L’action est confiée par le Ministre à des directeurs ou chefs de division. Quant à la surveillance, elle est nécessairement et principalement exercée par le corps de l’Inspection ». Éclairer et surveiller, telles sont donc les bases du métier d’inspecteur, qui demeurent encore aujourd’hui, même si des textes nombreux ont modifié le statut et le recrutement des membres de l’Inspection, et surtout élargi sans cesse leurs champs d’investigation, notamment auprès des autres ministères, parallèlement à l’intervention croissante de la puissance publique dans le domaine financier et économique. Partout où les intérêts du Trésor sont en cause, partout l’Inspection est appelée à vérifier et à suggérer les mesures à prendre pour en améliorer le fonctionnement. Mais ce que le baron Louis n’avait pas prévu et même écarté et que nos travaux4, ainsi que ceux d’E. Chadeau ou de C. Charle pour le XIXe siècle, montrent, c’est qu’à partir de la IIIe République et plus encore depuis 1918, les inspecteurs des Finances ont, dans leur très grande majorité, préféré « l’action » à la « surveillance ». Si l’Inspection continue de 1. Arrêté du 1er pluviôse an VIII (21 janvier 1800) du ministre Gaudin. Leur titre et leurs attributions sont fixés par l’arrêté du 22 ventôse an VIII (13 mars 1800). 2. Arrêté du 9 fructidor an X (6 septembre 1801). 3. On comprend que le premier centenaire de l’IGF ait été célébré en 1908. La même année, le ministre impose une comptabilité en partie double qui mettra longtemps à se mettre en place. 4. Ce livre reprend, actualise et surtout complète une partie de nos travaux déjà publiés, objet de notre thèse Entre l’État et l’entreprise : les Inspecteurs des Finances d’une guerre à l’autre, Recrutement, carrières et filières d’accès à la direction des Finances publiques et privées, thèse sur travaux de doctorat d’histoire, sous la direction d’Alain Plessis, soutenue à l’Université ParisXNanterre en novembre 2001, 3 vol. Cf. aussi E. Chadeau, Les Inspecteurs des Finances au XIXe siècle (1850-1914). Profil social et …/… 2 Les inspecteurs des Finances 1918-1946 faire son métier aujourd’hui, voilà longtemps que la grande majorité des inspecteurs font leur carrière, pour reprendre l’expression de l’un d’eux5. Ils constituent en effet, depuis la fin du XIXe et plus encore depuis la Première Guerre mondiale, un vivier dans lequel le ministre des Finances, les institutions ou entreprises qui en dépendent, directement ou non, mais aussi les autres ministères et le secteur privé ont abondamment puisé leurs dirigeants, les écartant plus ou moins longtemps, ou définitivement, de leurs missions traditionnelles de vérification et d’enquête. I. « UN CORPS qui SE proJETTE partout » C’est au cours de la période 19181946 que ce petit groupe de 355 hauts fonction naires du ministère des Finances, ayant en commun la réussite au concours d’entrée à l’Inspection générale des finances, a établi une position hégémonique sur la Direction des finances publiques et privées6. Leur déploiement s’est en effet fortement accéléré entre les deux guerres, pour se renforcer encore sous Vichy, puis sous les Trente Glorieuses comme le montre le tableau cidessous7. Tableau 1 Répartitions des inspecteurs des Finances actifs par datea Année 1900 1940 1946 Cadresb 85 94 95 (– 34) Détachés, disponibles hors cadres 38 72 81 (+ 34) Démissionnaires 32 74 71 a. Dans la suite de l’ouvrage, les chiffres des actifs pourront être légèrement différents. Nous avons, en effet, contrairement au Service, retenu les actifs selon l’âge, moins de 65 ans, et non selon le statut de retraité, trop fluctuant au fil du temps pour établir une comparaison rigoureuse année par année ; b. Les chiffres entre parenthèses sont ceux des chargés de mission dans les cabinets ou administrations, qui sont pourtant théoriquement dans les cadres. Ces chiffres sont éloquents. Les cabinets ministériels, les administrations centrales et les entreprises publiques ou semipubliques, exigeant détachement ou disponibilité d’une part, le secteur privé, conduisant à la démission (ou à la retraite différée après 1955) d’autre part, ont recruté deux fois plus d’inspecteurs en 1940 qu’en 1900, ne laissant aux missions traditionnelles qu’un tiers des effectifs au lieu de la moitié (et en 1942, le quart seulement). …/… rôle économique, Paris, Economica, 1986, III184 p., préface de J.M. Roche ; C. Charle, Les Élites de la République, 1880-1900, Paris, Fayard, 1987, 556 p ; « Naissance d’un grand corps : l’inspection des Finances à la fin du XIXe siècle », Actes de la recherche en sciences sociales, no 42, avril 1982, p. 318. 5. R. Guyot, article nécrologique sur E. Péricaud et M. Birot, La Gazette de l’Inspection, avril 1943. Expression utilisée aussi par Carmoy (1930), entretien enregistré avec l’auteur en 1987. 6. Soit le nombre d’inspecteurs des Finances des promotions 1878 à 1939 ayant réussi le deuxième examen. Le nombre total de reçus définitivement au deuxième concours de 1878 à 1946 est de 413 individus. 7. C’est le seul tableau fourni par le Service, portant en 1900, 1940 et 1977 sur 40 promotions, qui autorise des comparaisons valables. Ceux de l’année 1946 proviennent d’un courrier du Service de mars 1946 pour les cadres et détachés ou en disponibilité et de notre base pour les démissionnaires, et portent également sur 40 promotions. Introduction générale 3 En 1913, le secrétaire général et quatre autres directeurs du ministère des Finances sur dix sont issus de l’Inspection. Quatre banques de dépôt8 et quatre institutions financières liées à l’outremer9 ont parmi leurs dirigeants des inspecteurs des Finances. Trente ans plus tard, en 1942, au secrétariat d’État aux Finances (qui comprend les Affaires économiques), 8 directeurs sur 13 et les deux secrétaires généraux sont inspec teurs des Finances, sans oublier le ministre luimême et l’étatmajor de son cabinet. Cette expansion touche alors aussi les autres ministères et leurs cabinets. Dans les milieux bancaires, des inspecteurs des Finances dirigent, en tant que président ou directeurs géné raux, les six établissements de crédit10, les plus grandes banques d’affaires11, les grandes banques coloniales et les institutions financières semipubliques ou publiques12. Les écrits publiés à l’époque par des inspecteurs des Finances témoignent de cette expansion spectaculaire hors de l’Inspection. En 1908, dans son livre commémorant le premier centenaire de l’Inspection, Lasteyrie (1902)13 ne consacre qu’une seule page, sur quatrevingtneuf, aux inspecteurs des Finances n’exerçant pas leur fonction de vérifi cation, enquête ou mission provisoire14. En 1931, pour l’autre centenaire15, le rappel des activités hors des cadres de l’Inspection occupe cinq pages sur cinquante, soit dix fois plus. Caillaux (1888) écrit dans ses Mémoires, à la fin des années trente : « Il [le grand corps] a pris aujourd’hui une telle importance, il est appelé à remplir tant et de si diverses missions qu’il est devenu véritablement une pièce essentielle de l’État. À telle enseigne qu’il m’arrive de craindre pour lui16 ». Le chef du Service Drouineau (1901), en juin 1941, dans un article intitulé « La crise de l’Inspection », constate à regret : « Vue du dehors, l’Inspection est un organisme tentaculaire dont les membres se projettent partout. Vue du dedans, l’Inspection est un squelette […] Autrefois, l’Inspection était pour presque tous une carrière que l’on parcourait depuis l’admis sion jusqu’à la retraite. Aujourd’hui, l’Inspection est, pour la plupart des jeunes, un tremplin d’où ils s’élanceront vers d’autres postes. Autrefois, la qualification d’Inspecteur des finances était l’intitulé d’une fonction. Aujourd’hui, elle est un titre employé à se faire ouvrir toutes les portes17 ». 8. La Société générale, le CIC, la BNC et la BUP. 9. La Banque de l’Indochine, la Banque de l’Algérie, le Crédit foncier égyptien, la Compagnie du canal de Suez. 10. La Société générale, le Crédit Lyonnais, le CNEP, la BNCI, le CIC et le CCF. 11. Paribas, le Crédit du Nord, la Banque des Pays du Nord ou l’Union européenne et financière, la Banque Worms, Lazard frères. 12. La Banque de France, la Caisse des dépôts, le Crédit foncier, le Crédit national.