MéMOIRES PARTAGéES Genève à la rencontre des suisses

Joëlle Kuntz Alan Humerose

1 MéMOIRES PARTAGéES Genève à la rencontre des suisses

Textes Joëlle Kuntz

Photographies Alan Humerose

2 3 La genèse du projet

Ivan Pictet Dum nobilitas florem adultae virginis Ptolomaeo enim rege foederato nobis et socio ob aerarii etiam se pluris esse quam collegam putet, quod ille vos Président de la diuturnum absentia pauperis erubesce- nostri angustias iusso sineuid? qui se etiam nunc sub- Arat, nequam esse simularit. Piso autem alio quodam Fondation pour Genève ret patrisntis Nebridius contractis un- sidiis patrimonii aut amicorum liberalitate sustentant, modo gloriatur se brevi tempore perfecisse, ne Gabinius dique Superatis Tauri montis verticibus hos perire patiemur? An, si qui frui publico non potuit per unus omnium nequissimus existimaretur. Itaque verae qui ad solis ortum sublimius attolluntur, hostem, hic tegitur ipsa lege censoria; quem is frui non amicitiae difficillime reperiuntur in iis qui in honoribus Cilicia spatiis porrigitur late distentis dives bonis omni- sinit, qui est, etiamsi non appellatur, hostis, huic ferri reque publica versantur; ubi enim istum invenias qui ho- bus terra, eiusque lateri dextro adnexa Isauria, pari sorte auxilium non oportet? Retinete igitur in provincia diu- norem amici anteponat suo? Quid? Haec ut omittam, uberi palmite viget et frugibus minutis, quam mediam tius eum, qui de sociis cum hostibus, de civibulla culpa quam graves, quam difficiles plerisque videntur calami- navigabile flumen Calycadnus interscindit. proscribi ideoque hausto veneno voluntaria morte deleto tatum societates! Ad quas non est facile inventu qnius et tributaria facta est et velut hostiles eius exuviae clas- recte.s ambitioso editos apparatu. ampensem aruspicem dedit, in negotio eius nullo sacra- si inpositae in urbem advectae sunt per Catonem, nunc mento constrictus. Quam ob rem circumspecta cautela repetetur ordo gesto Raptim igitur properantes ut motus sui rumores cele- observatum est deinceps et cum edita montium petere ritate nimia praevenirent, vigore corporum ac levitate coeperint grassatores, loci iniquitati milites cedunt. ubi Quid? qui se etiam nunc subsidiis patrimonii aut amico- confisi per flexuosas semitas ad summitates collium tar- autem in planitie potuerint reperiri, quod contingit ad- rum liberalitate sustentant, hos perire patiemur? An, si dius evadebant. et cum superatis sidue, nec exsertare lacertos nec crispare permissi tela, qui frui publico non potuit per hostem, hic tegitur ipsa quae vehunt bina vel terna, pecudum. lege censoria; quem is frui non sinit, qui est, etiamsi non Ivan Pictet appellatur, hostis, huic ferri auxilium non oportet? Re- ritu inertium trucidantur. Nec piget dicere avide magis tinete igitur in provincia diutius eum, qui de sociis cum hanc insulam populum Romanum invasisse quam iuste. hostibus, de civibus cum sociis faciat pactiones, qui hoc

4 5 Une manière de dire merci 67 jours pour comprendre la Suisse

Pierre Maudet S’il a fallu 80 jours à Philéas Fogg pour A une collègue zougoise qui m’a demandé à quoi servait Parfait exemple d’une bonne collaboration entre le Conseiller d’Etat de la République faire le tour du monde, il en aura fallu 67 véritablement ce bus et si quelque chose ne se cachait pas secteur public et le secteur privé, le bus de la Fondation et Canton de Genève à la Fondation pour Genève pour faire le là derrière. La fameuse locution grecque Timeo Danaos pour Genève a permis montrer ce que notre canton avait tour de la Suisse. et dona ferentes (Je crains les Grecs et les cadeaux qu’ils de meilleur. Soit ce qu’il a accompli jusqu’à maintenant amènent) m’était venue à l’esprit. Ceci m’amena à dire mais surtout tout le potentiel qu’il a encore à offrir. Sillonnant ainsi les 25 autres cantons, prenant le temps que ce bus était un cadeau des «Grecs de la Suisse». Un d’une halte dans 45 villes de Suisse et du Liechtenstein, cadeau véritable et sincère qui a contribué à mieux faire Rome protestante, ville internationale, capitale de montrant à nos compatriotes que Genève n’est pas connaître notre canton, d’abord au-delà de la Versoix l’horlogerie mais avant tout canton suisse. Genève vous seulement le canton le plus occidental de Suisse. mais surtout au-delà de la Sarine. souhaite la bienvenue dans son histoire mais avant tout dans son futur. Puissions-nous encore longtemps pour- Au-delà de la géographie, l’identité genevoise est d’abord Fort de l’accueil enthousiaste reçu et de mes expériences suivre et intensifier la symbiose avec la Confédération. tributaire de son histoire. C’est la somme d’individus aux lors de mes présences, mais également du retour de appartenances les plus diverses, qu’ils soient d’origine mes collègues d’autres cantons, je peux affirmer que ce Vive la Fondation, vive Genève et vive la Suisse ! suisse ou étrangère. Et c’est un peu sa marque de projet s’est transformé en un véritable succès. A l’inverse fabrique, que celle de la diversité et de l’ouverture. Car du cheval de Troie qui ne sema que ruines et désolations, le canton a la capacité d’intégrer tout le monde et de le bus de la Fondation pour Genève n’a laissé que bons Pierre Maudet créer ainsi une identité positive plutôt que d’ériger une souvenirs derrière lui. Et peut-être l’idée que Les Genevois appartenance contre une autre. C’est, me semble-t-il, le sont généreux. secret même… d’une confédération!

6 7 Titre à créer pour ce message

Sami kANAAN Une manifestation, un événement, une tées à des problématiques souvent semblables. Les villes- une population bâloise curieuse de découvrir une Genève Conseiller administratif en charge commémoration est éphémère. Quoique… centre notamment, qui ne bénéficient ni des moyens quelle ne soupçonnait parfois pas, tant les clichés et les de la culture et du sport Sa préparation comme ses retombées lais- financiers ou légaux, ni du poids politique des cantons rumeurs peuvent être prégnants. sent de jolies traces, marquent les esprits et qui, pourtant, offrent des services et des prestations à et lui donne son sens, autant, souvent, que l’ensemble d’une région. Parmi celles-ci, il y a celles avec De telles rencontres sont précieuses et je suis reconnais- le jour J. lesquelles Genève, pour des raisons historiques, d’affini- sant à la Fondation pour Genève de nous avoir permis, à tés culturelles ou… de raison, a toujours dialogué. nous les Genevoises et les Genevois, de partir ainsi sur les Dans le cadre des festivités pour marquer le Bicente- routes de notre pays. A Joëlle Kuntz également qui, par naire de l’entrée de Genève dans la Confédération, les Celles avec qui elle partage des situations similaires. Je ses écrits mettant en perspectives les liens de notre ville concerts, spectacles, expositions, fêtes, publications, pense bien entendu à Bâle. Bâle est, comme Genève, une avec chacune des 45 cités visitées, nous permet de décou- etc. qui ont animé notre ville ont été nombreux, variés ville traversée par un fleuve, entourée de frontières proches. vrir des faits, des anecdotes, des récits qui éclairent d’une et nous ont permis de (re)découvrir tout un pan de notre C’est un centre culturel important et, historiquement, une belle manière l’histoire de notre pays. histoire commune. Des ouvrages en gardent la mémoire. ville qui a également vu naître des courants de pensée, de grandes idées. Et c’est, pour moi, la ville de mes origines La Fondation pour Genève a construit un projet afin maternelles. Sami Kanaan de provoquer des rencontres entre les Genevoises, les Genevois et les citoyennes et citoyens de 45 autres Le 28 avril dernier, je me suis donc rendu à Bâle dans villes suisses. Heureuse initiative, tant je pense que nous le bus habillé par Zep, en compagnie de la délégation devons nouer un véritable dialogue avec les autres genevoise partie à la rencontre de ses homologues bâlois. agglomérations suisses. Les villes suisses sont confron- Sur la Barfüsserplatz, les échanges ont été nourris avec

8 9 Titre à créer pour ce message

Joëlle Kuntz Genève est dans la Confédération depuis Dans chacune des quarante-deux villes suisses où l’expo- Au croisement de pistes historiques qui n’ont pas voca- écrivain 1815 mais elle est dans l’espace suisse sition itinérante genevoise a posé son bus, une empreinte, tion à se rencontrer, comme l’invention du goudron par depuis si longtemps qu’elle y a tissé une un témoignage, un vestige évoquent quelque affaire un médecin de Brigue et la modernisation de l’armée grande variété de liens. Les plus impor- avec Genève. Ce peut être un épisode insigne de l’histoire fédérale par le Genevois Dufour, survient une attache tants, avec Berne, Fribourg, Zurich, Bâle, politique ou religieuse, un personnage, une institution, inattendue: elle provoque l’émotion d’une découverte, par exemple, figurent dans les livres d’histoire, montrés une légende, un lieu. Quand rien n’existe, même ce rien la surprise d’un cousinage oublié. Genève, ville suisse, a pour preuves de l’helvétisme genevois. Les plus ténus veut dire quelque chose: un refus, peut-être. partie liée aux autres villes suisses. restent sous forme de trace dans les archives, gardées par la sainte confrérie des bibliothécaires. Je suis partie Les textes réunis dans ces pages résultent d’un volonta- Tous les faits rapportés sont vrais. Leur interprétation, à leur recherche, avec la méthode du champignoneur: risme assumé: dire une Genève suisse et en multiplier les leur mise en relation sont personnelles. Que serait l’his- observation du terrain, reconnaissance du contexte, indices tout au long du périple qui a mené ses représen- toire sans sa part de littérature ? recoupement, formulation d’hypothèse et vérification. tants à la rencontre des autres Suisses, sous le prétexte Il y a toujours un champignon quelque part, il suffit d’un anniversaire patriotique. d’ouvrir l’oeil. Joëlle Kuntz C’est aussi un jeu, avec l’histoire, avec la forme et les mots qui ajoutent aux faits du passé la dose d’imagi- naire apte à leur rendre la saveur d’un présent.

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alan humerose Je pratique la photographie comme on pies, l’architecture de la salle, les vagues des fauteuils, les Un accompagnement correspondant bien au triple sens de Photographe ouvre une fenêtre, pour changer l’air et la dos et les profils des spectateurs. On voit toute la pièce, on la définition du mot : accompagner comme se joindre à la lumière à l’intérieur de la pièce et offrir sur voit tout de la pièce où se joue un monde. compagnie du bus pendant toute la pérégrination, comme l’extérieur un autre panorama, moins en- y ajouter une attraction, un événement et enfin comme combré de croisillons, de reflets ou de ri- Ainsi lorsque la Fondation pour Genève m’a demandé de jouer avec les personnes concernées sur le thème principal: deaux, mais toujours cadré. concevoir un projet photographique pour son expédition-ex- Genève à la rencontre des Suisses. position à travers toute la Suisse, j’ai immédiatement pensé Je ne suis donc ni reporter ni archiviste et la photographie ne à cela, à cet univers théâtral, à la salle et au spectacle. In- L’idée de créer une sorte de théâtre sur la place d’accueil des me sert pas pour témoigner du monde mais pour en tirer des venter à chaque étape des photographies, selon un concept villes visitées où se réinterprèteraient des épisodes de l’His- scènes qui lui échappe. À documenter le réel je préfère en uti- et un dispositif répondant à la fois aux thématiques de ces toire suisse, ou simplement des anecdotes plus générales liser quelques éléments, m’en amuser en les disposant sous rencontres et aux exigences d’une iconographie originale, et contemporaines, s’est ainsi imposée. La salle de théâtre une lumière choisie et construite afin d’élaborer des images inédite, sur quelques aspects de la Suisse et de son histoire. serait la ville, les décors quelques choses du folklore, les ac- non pas de la réalité, mais plutôt de ce qu'elle pourrait être. Des photographies qui rempliraient ainsi le double rôle de teurs les personnalités du jour et la pièce un scénario que souvenirs de l’expédition et de visions spécifiques du pays. j’aurais préparé en fonction des lieux. Et puis, j’aime le théâtre, la comédie. Mais davantage pour le jeu des comédiens et des lumières dans lesquelles corps Il s’agira donc de réaliser des scènes, des véritables ta- Question décor il me devait d’être rapide, économe et ef- et décors évoluent que pour les histoires racontées. Les lu- bleaux vivant qui accompagneraient cette manifestation, ficace. Je n’aurais pas le temps chaque jour ni d’ailleurs mières font de la scène un tableau superbe de couleurs posé qui s’inscriraient dans son élan et poursuivrait la tournée partout la place adéquate pour installer quelque chose de au milieu de la salle. Et tout le reste se transforme en une de manière amusée et bien différente d’une simple docu- compliqué, sans compter les affres de la météo dont il fal- pénombre où se dessinent encore, dans des tonalités assou- mentation. lait se moquer. Alors un studio mobile de photographe en

12 13 plein air fera l’affaire: un fond devant lequel évoluent des fi- moins un respect militaire qu’un hommage ému aux ori- Voilà la scénographie dans laquelle évoluent les comédiens encore et encore, et j’en passe. Mais ces mises en scènes gurants et une batterie de flashes pour illuminer tout cela. gines, ils me permettent ce condensé de couleur vives au de cinq minutes selon un protocole immuable: des représen- et en lumière créèrent aussi une réelle bonne humeur, avec milieu de l’image, au cœur de la cité. tants de la ville escale, de Genève et de la Fondation pour la complicité réjouie de tous et du public qu’il a bien fallu Cette idée de fond photo que je voulais lumineux et en lien Genève interprètent sans aucun accessoires une saynète que également diriger dans les quelque minutes imparties juste avec le folklore, je l’ai trouvé dans les drapeaux, dans ce qui A chaque étape, les acteurs du jour représentent donc de- j’ai préparée et composée dans un esprit de bouffon du roi, avant les cérémonies d’ouverture de l’exposition. est a proprement parlé les couleurs de la ville. Les drapeaux vant le drapeau de Genève flanqué de celui de la ville d’ac- où le cocasse, l’espièglerie et le sérieux se réunissent dans qui flottent sur les places et le long des avenues des cités cueil une scène choisie en lien avec les textes de Mme Joelle l’évocation d’un épisode. en rappellent moins toute leur histoire qu'ils ne font res- Kuntz ou avec quelques spécificités locales et intemporel- Alan Humerose plendir les couleurs des légendes, de la première victoire, les. Le mot clé de l’opération, rencontre, édifie la base des Ainsi cela s’est fait et chaque matin nous dressions le dis- celle d’une cité gagnée sur la forêt, celle d’une structure scénarios de ces divertissement visuels : rencontre festive, positif sur les places et aux alentours immédiats du bus. sociale gagnée sur les ténèbres et ses monstres sauvages. sportive, scolaire, amoureuse, gastronomique, profes- C’était une attraction et souvent déjà avant même la prise De là sans doute la forte et fréquente présence d’animaux sionnelle, occasionnelle, amicale, guerrière, diplomatique, de vues : avait-on jamais vu, par pluie battante ou sous un et des bois sur les bannières des villes suisses. historique, protocolaire, politique, musicale, folklorique, soleil radieux, une charmante jeune femme, mon assistante, commerciale et autres. repasser consciencieusement des drapeaux? Symboles et pures couleurs venus du fond des épopées, ces drapeaux illumineront le centre du tableau comme ils Tout autour de cette scène puissamment éclairée, la ville Bien sûr il y eut des surprises, tel emplacement imposant donnent de l’éclat à l’enseigne d’un nom, d’une fondation, avec son architecture identitaire et dans des teintes légè- une soudaine réinterprétation du scénario envisagé, un petit d’une communauté. L’héraldique des villes les annonce et rement moins contrastées, moins saturées, sera reconnais- crachin tenace et continu refroidissant un brin les acteurs, les signe de loin, marquent les rencontres et les alliances. sable, situable. des contraintes de temps chronométré apportant un stress De surcroît très graphiques et sensibles au vent, inspirant explosif, des impatiences devant la prise de vues à rejouer

14 15 genève, 18 avril 2015, l’expédition s’en va à la rencontre des Suisses

16 17 –––––– Soyons francs: Berne et Genève par exemple la «dispute» publique, où ne Depuis 1848, Genève et Berne n’ont ont une grande histoire en commun, mais peuvent être invoquées que les Ecritures – sola plus ensemble que des affaires administra- sacrément orageuse. Rejoignons-la au XVIe scriptura. Comme le clergé, occupé à perpé- tives. Egalisées et sécurisées sous le cha- siècle. En 1524, Guillaume Farel, un intellec- tuer la tradition, ne les connaît plus, il est peau de la Confédération, elles partagent le A vec tuel français issu du mouvement réformateur vite hors jeu. statut de capitales de canton mais aussi une

Berne de Meaux, est expulsé de Bâle à la demande responsabilité plus haute qu’elles: celle de ca- d’Erasme, qui supporte mal son dogmatisme A la première de ces disputes, en pitale fédérale pour Berne et de cité interna- évangélique et sa violence. Il le surnomme mars 1534, il est écrasé. Farel s’empare alors tionale pour Genève. L’une et l’autre fonction Phallicus (le libidineux). de l’auditoire des Cordeliers. Aux protestations appellent un principe de solidarité: Genève des magistrats, les ambassadeurs de Berne ne saurait être internationale sans Berne, et Berne, passée en 1528 à la doctrine répondent qu’«ils ne veulent ni ne peuvent Berne ne saurait être capitale fédérale sans de Zwingli, l’embauche pour aller prêcher ôter au peuple ce que Dieu lui a donné». La Genève. dans les mandements francophones annexés deuxième dispute, celle de Rive, en juin 1535, d’Aigle, d’Ollon, de Bex, des Ormonts. De là, se déroule sans contradicteurs: les autorités Leur co-dépendance ne se proclame solidement protégé par Pierre Giraud, son religieuses ont décliné l’invitation. pas, ou rarement. Une clause de discrétion Une ancien élève à Meaux devenu chancelier à semble même l’envelopper, comme si un Berne, il entreprend un ministère itinérant C’est donc un Farel triomphant qui soupçon de favoritisme risquait de menacer connivence vers Neuchâtel, qu’il amène à la Réforme en monte à la chaire de la cathédrale au mois la bonne marche du ménage helvétique. 1530, puis Genève, où il arrive en 1532 comme d’août. Son prêche fini, l’autel et les images L’archiviste de Genève invité en 1959 à stratégique «envoyé de Jésus-Christ». sont détruits. Le 27, la messe est interdite. résumer les relations entre les deux villes pour En mai 1536, la Réforme est officiellement les besoins du Conseil d’Etat consacre trois Genève ne saurait être La ville est à feu et à sang, déchirée adoptée. Voici Genève gagnée à la cause pages à leurs affaires militaires sous l’Ancien par les luttes religieuses qui ont commencé protestante, qui est surtout la cause poli- Régime. Puis il s’arrête avec ce commentaire: dans l’Eglise et par les luttes politiques entre tique bernoise. Une cause durable, éprouvée «Aux XIXe et au XXe siècles, les relations entre “internationale sans les partisans des Confédérés (Eidguenots) par le temps même si, sous l’influence de les deux cantons, très amicales, ne présen- et ceux de la Savoie (Mammelus). L’évêque, Calvin, Farel a fini par s’opposer au système tent rien qui mérite d’être relevé.» Pierre de la Baume, est absent. Farel, agent ecclésiastique zwinglien, jusqu’à dénoncer Berne, et Berne ne et propagandiste de Berne, a les circons- le «césaro-papisme» bernois. Berne est aux tances pour lui. Fragilisée par les coups de côtés de Genève, quoique mollement, en 1589 main de la Savoie, Genève dépend en effet quand la Savoie attaque la ville. Berne l’est du soutien des forces bernoises, qui en font encore en 1602, quand elle recommence, saurait être capitale payer le prix fort, en monnaie et en pouvoir. lors de l’épisode de «l’Escalade». Elles imposent la présence de Farel à un cler- gé qui n’en veut pas, menaçant de rompre A la fin de l’Ancien Régime, aristocra- fédérale sans Genève. l’alliance si la ville ne s’acquitte pas de sa tes bernois et patriciens genevois sont main dette de 9000 écus et si, en même temps, dans la main pour combattre les menées des une église n’est pas mise à disposition de révolutionnaires, lesquels, d’une ville à l’autre, Farel pour y prêcher. Berne compte sur Farel, sympathisent. Les conflits socio-politiques encourage et appuie ses initiatives. Il invente sont tranchés par l’occupation française. ”18 19 à BERNE, le bonjour de la capitale

20 21 berne

22 23 –––––– quand il se joint en 1819 à la fonda- de la fréquentation de Baudrand, La pratique des armes, l’œil, le sens tion de l’école militaire centrale qui va faire qu’il a connu à Metz et suivi à Corfou en 1813, de l’espace, la connaissance du sol: Dufour de le haut lieu de la défense helvétique, le Dufour a ramené une vision ambitieuse du fait de Thoune une école totale: «Celui qui fait Genevois Guillaume-Henri Dufour a 32 ans. métier: «Nous devons recueillir avec em- campagne, après s’être meublé l’esprit et la A vec C’est un bonapartiste qui a été formé au pressement et nous approcher toutes les mémoire par l’étude des faits et des sciences génie civil et militaire dans les meilleures découvertes qui tendent à perfectionner militaires, profite de tout ce qu’il voit; rien n’est écoles de France, à Paris et à Metz. Officier l’art militaire», dit-il. Devant des officiers perdu pour lui; sa curiosité sans cesse excitée Th oune du génie dans le service actif français, il est suisses jalousement identifiés à leur arme, il trouve toujours de quoi se satisfaire; il ren- passé maître dans l’art des fortifications, insiste sur ce qu’enseignent les batailles en contre mille occasions d’appliquer sa théorie; appris au contact du formidable Baudrand, terme de coordination: «Ce qui fait la force ses connaissances s’étendent, ses idées futur maréchal d’Empire. d’une armée, c’est la coopération active et s’éclaircissent; il devient enfin habile parce désintéressée de tous les membres qui la qu’à une sainte théorie il a le bonheur d’allier La chute de Napoléon a interrompu composent.» Il organise, pour en faire la dé- une pratique éclairée. Il faut l’une et l’autre sa carrière française et l’a ramené à Genève, monstration, des manœuvres qui réunissent pour faire un militaire accompli.» Des pratiques qui vient d’être rattachée à la Suisse. La les différents corps sur la place du Freyenhof. foi qu’il a mise dans les idées nouvelles, il La sainte théorie et le bonheur d’une MILITAIREs en fait bénéficier cette Confédération que A l’école de Thoune, dont il est pratique éclairée ont valu à Guillaume-Henri les Puissances ont arrondie et reconnue instructeur en chef puis directeur de 1831 à Dufour, nommé général en 1847, de venues de en droit. Un soldat de Napoléon éprouvé 1834, le Genevois ajoute à la technique mili- gagner la guerre du Sonderbund. Il est resté dans les situations militaires périlleuses taire l’esprit géographique de son temps: la à l’état-major général jusqu’en 1867. France de l’Empire est bien placé pour juger des sensibilité au territoire. Au XIXe siècle, celui-ci Sous son mandat, une caserne pour 1166 lacunes intellectuelles des officiers suisses a pris une importance politique qu’il n’avait hommes, dont 140 officiers, s’est élevée sur dont il prend la charge. A Thoune, il se pose jamais eue: les frontières, mesurables avec le Freyenhof, ainsi qu’une nouvelle ligne de en pédagogue et rédige pour les futurs précision, peuvent être représentées sur des tir pour l’artillerie. Thoune devenait une vraie professionnels de la défense nationale cartes facilement accessibles. Dufour fait une place d’armes. A travers le Genevois Dufour, un Cours de tactique, un Mémorial pour carte pour la Suisse, dessinant la forme du sol c’est à la France et à ses maréchaux les travaux de guerre et un exposé sur et de l’espace à défendre. Les deux dernières d’Empire qu’elle le devait. la Fortification permanente. Il introduit semaines de son cours sont occupées par des son cours par une injonction: puisse-t-il «voyages de reconnaissance» destinés à fa- éveiller chez «ses jeunes camarades» le miliariser les officiers du génie avec le terrain. désir «d’étendre leurs connaissances et de «Les jeunes officiers apprennent ainsi à bien se livrer à des études plus profondes». Leur connaître leur pays, à débrouiller le chaos dévouement, dit-il, «pour être utile à la apparent de ses montagnes gigantesques.» patrie, doit être éclairé. Dans une armée comme la nôtre, un officier sans instruction ne rendra jamais que de faibles services, l’expérience ne pouvant, chez lui, suppléer au défaut de théorie».

L’apprentissage du salut militaire

24 25 L’heure et l’or s’honorent –––––– Genève et Bienne communiquent mécanique. En 1878, Jean Aegler a fondé aegler est resté le seul fournisseur de à l’aide de calibres, d’échappements à ancre une manufacture qui a fait sa gloire grâce à Wilsdorf, sous différentes appellations jusqu’à ou à recul, de spirales, de roues, d’aiguilles, ses mouvements miniaturisés pour montres son rachat par Rolex en 2004. Le génie de mouvements, d’ébauches, de mobiles, de dames. Exportant en Grande-Bretagne, mécanique biennois et le génie commercial A vec de pignons, de ressorts, tout un vocabulaire Aegler a rencontré là-bas un certain Hans genevois ne se sont plus quittés. Ce qu’il faut cabalistique parlé entre horlogers et parfois Wilsdorf, qui est devenu son agent. au luxe de Genève, Bienne peut le produire. Bienne avec leurs clients quand ils sont méritants. Associés, les métallurgistes jurassiens et les Il n’y a pas deux villes plus utiles l’une On disait que les Suisses faisaient orfèvres genevois ont fait cette horlogerie à l’autre. de bonnes montres mais ne savaient pas les suisse qui a conquis le marché. En 1896, vendre. Wilsdorf, lui, a su. Il a crée à Londres le journal illustré de l’exposition nationale genève, d’abord, a eu l’or, parce en 1908 la marque Rolex, un nom facile à réunissait déjà la «pléiade d’artistes» de qu’elle avait les foires, au XIVe siècle. En prononcer et à écrire dans toutes les langues. Genève et «les hommes énergiques et 1554, elle a eu Thomas Bayard, orfèvre En 1912, il a demandé à Aegler de lui fabriquer doués de l’esprit d’organisation» du bassin et «orologeur» protestant français qui fit six chronomètres à porter au poignet. Du industriel bernois, «des mécaniciens émérites Une ALLIANCE des boîtes de montres avec l’or que Calvin jamais vu, ou presque. Quand il les a reçus, auxquels on doit la création d’établissements interdisait aux croix, calices et autres deux ans et demi plus tard, il en fait certifier considérables ne craignant pas la comparaison DU GÉNIE ornements idolâtres. un par l’observatoire de contrôle des horloges avec ceux du même genre dont les de marine, à Kew. Résultat: la petite montre Américains s’enorgueillissent à juste titre». TECHNIQUE puis Charles Cousin est venu, et de marque Rolex a égalé les meilleurs d’autres encore et à eux tous, ils ont formé chronomètres de l’Amirauté anglaise. d’un lac à l’autre, Genève et Bienne ET DU GÉNIE en 1601 la première corporation des horlogers Wilsdorf a fait en sorte que cela se sache. partagent la science et l’art de la montre, pour protéger leur métier et leur production. l’objet universel qu’ils ont su faire le plus cher COMMERCIAL «Tout horloger, disait le règlement, doit en 1919, Londres taxant lourdement ou le meilleur marché, le plus exceptionnel ou assurer que tout aille par bon ordre à les importations horlogères, Wilsdorf est venu le plus interchangeable, et qui a mis la Suisse l’honneur de Dieu, au bien et profit de la ville s’installer à Genève où brillaient quelques au milieu du monde. et la conservation dudit état d’horloger.» grandes marques. Il a développé à la fois la La Fabrique a prospéré. Une garantie de recherche et la publicité. Quand ses ateliers qualité, le poinçon de Genève, l’a positionnée ont inventé la montre étanche, l’Oyster, il l’a dans le haut de gamme de la production exposée en vitrine dans des aquariums horlogère. La Rome protestante est devenue puis l’a mise au poignet d’une championne la Rome du luxe. Elle a débordé sur le pays de natation pour traverser la Manche. de Vaud et le long du Jura. Une sensation.

elle a pris pied à Bienne en 1842. Elle s’y est développée rapidement: les 150 ouvriers horlogers de 1846 sont devenus 1500 en 1873, chez 75 fabricants. Venant du Jura, parlant français, excellant dans le travail des métaux, ils ont imposé leur génie

26 27 –––––– Il y a une inégalité dans cette courbe de l’Aar et ses ponts. Olten, pour eux, oltenois de l’histoire nationale. A plus de trois relation-là, de Genève et d’Olten, une sorte n’est pas une ville, c’est un concept: la Suisse cents, les délégués politiques qui associent leur d’injustice géographique: pour les habitants en délibération. destin en février 1894 dans le nouveau «parti d’Olten, Genève, 160 km à l’Ouest est une radical démocratique» ne tiennent pas tous A vec ville, avec un lac, un jet d’eau, un palais des Un concept né du chemin de fer, au buffet, mais on imagine les arrivées et les

O lten nations, une barbe sur le menton de Calvin, quand le Central-Suisse a posé là, en 1856, le départs, les commentaires en aparté. Ils sont etcetera; tandis que pour les habitants de kilomètre zéro du réseau national en forma- LE pouvoir, dans les grands conseils, dans les Genève, Olten est une gare, avec un buffet, tion. Olten allait bientôt se trouver au croise- conseils municipaux. Ils sont en train de s’or- situé entre les quais 4 et 7, où l’on arrive ment de la ligne Genève-Saint-Gall avec la ganiser pour ne pas le perdre. Le président de à 11 heures pour une réunion avec les ligne Bâle-Chiasso, les deux lignes ferroviaires séance se nomme Friedrich Göttisheim. collègues de Bâle, Zurich, Berne, Coire et porteuses de la politique et de la culture asso- et d’où l’on repart à 17 heures avec ciative, multiforme et souvent anonyme de la Le 7 avril 1895, des élèves anglais des une résolution dans la poche, votée à Suisse moderne. pensionnats privés ayant introduit le football la majorité. dans l’éducation des garçons, le buffet d’Olten il n’y a pas de nom reconnaissable, baptise – à la bière probablement – la création au buffet olten ayant la propriété d’être situé hormis par les spécialistes, dans le groupe de l’Association suisse de football. au coeur du réseau ferroviaire suisse, à une de passionnés de la montagne qui fonde au de la gare distance matériellement égale et morale- buffet de la gare, en 1863, le Club alpin suisse, Il y a des noms pour la réunion du ment supportable des principaux centres sur le modèle des clubs anglais, (fermé aux «Comité d’Olten» qui déclenche la grève narcissiques du fédéralisme suisse, Genève femmes). On sait seulement qu’un certain générale de 1918. On le sait car ils finissent en la fréquente patriotiquement. Guillaume-Henri Dufour est membre de la prison: Robert Grimm, Fritz Platten, Friedrich section genevoise, créée deux ans plus tard. Pas Schneider. Il y en a aussi pour le «Groupe Les Oltenois ne connaissent pas les davantage de noms retenus par l’histoire dans d’Olten» qui conteste en 1971 le conservatisme Genevois. Ils les voient passer, anonymes, le cercle des militants syndicaux qui créent au de la Société suisse des écrivains. On le sait par les fenêtres des trains, les confondant même endroit, en 1873, la Fédération ouvrière, puisqu’il fallait que ça se sache: , peut-être avec des Lausannois, si semblables puis, en 1880, la dissolvent, toujours au buffet Friedrich Dürrenmatt, Nicolas Bouvier. derrière les vitres bien propres des CFF. Peu de la gare d’Olten, pour faire à sa place l’Union importe d’ailleurs, il suffit qu’il y ait assez syndicale suisse. mais ce n’est pas typique du réunio- de Romands, depuis assez longtemps, aux nisme au buffet de la gare d’Olten, démocra- réunions d’Olten, pour que perdure l’idéal aucun document, dans aucune archive tique à l’extrême, digne d’une statue au agglomérateur de la cité soleuroise. aisément disponible, ne montre les factures de «participant inconnu» que Genève pourrait consommation ou la liste des boissons. Ils man- financer en remerciement du droit d’y avoir Les Genevois ne connaissent pas quent à la perception physique des moments sa place depuis deux cents ans. davantage les Oltenois, sauf le personnel du buffet de la gare. Entre deux trains,occupés à l’affaire qui les amène, inquiets de la longueur des discours qui menace l’horaire de la journée, ils n’ont pas d’yeux pour les hommes et les femmes du lieu, pour la Tu lis quoi, toi?

28 29 –––––– entre Genève et Soleure, il y a la Le massacre des huguenots français, Soleure se verraient obligées d’envoyer des France comme puissance, comme protectrice, à la Saint-Barthélémy, en 1572, met fin aux troupes protéger Genève. Mais l’ambassadeur comme médiatrice, attentive à préserver un pourparlers: les Genevois ne peuvent plus a son mot à dire sur la situation. Il se trouve espace pacifié entre elle et l’Empire romain espérer s’entendre avec les catholiques, et donc placé en position de décideur sur les A vec germanique. Son ambassadeur se fixe à d’autant moins que des catholiques suisses affaires genevoises et suisses.Soleure, quant Soleure dès 1530. La ville est restée catholique ont participé aux crimes de Paris. à elle, acquiert dans la Confédération un rôle

oleure malgré sa proximité avec Berne et le succès politique auquel son catholicisme ne la

S populaire des prédicateurs réformés. Elle est de leur côté, les cantons catholiques prédestinait pas. Elle se met à même de bien située pour être le centre du jeu diplo- s’activent avec la Savoie, à laquelle ils promet- porter des jugements et d’entreprendre des matique entre le roi et les Confédérés, liés tent leur aide si elle prend Genève, ou Vaud, actions qui transcendent les adhésions reli- par la «paix perpétuelle» de 1516 et l’alliance ou les deux. Une alliance est même jurée à gieuses, rôle qui conforte celui que la France de 1521. L’ambassadeur de France, le «bassi- Turin en 1578, après qu’une pluie de cadeaux prétend jouer. dor» comme disent les Soleurois, devient le et magnificences savoyardes soit tombée personnage important de la ville, pourvoyeur sur les landsgemeinde de Suisse centrale. Le traité de Soleure est renforcé en d’emplois, organisateur de fêtes, dispensateur Soleure n’est pas de cette partie. Peut-être 1584 par l’apport de Zurich, qui signe un Une PAIX de largesses, prince influent auprès de tous parce qu’une opinion protestante y subsiste, accord de combourgeoisie avec Genève, forte les cantons, quelle que soit leur religion: peu ou parce le «bassidor» se montre convain- pour deux siècles de la protection des deux PERPETUELLE importe leur Dieu, pourvu qu’ils soient unis, cant. Celui-ci s’inquiète en effet de l’alliance plus puissants cantons suisses. le plus unis possible. C’est la tâche de de Turin: elle est une menace de guerre sur l’ambassadeur de maximaliser la cohérence l’espace helvétique. Berne, pour sa part, la La France d’après 1789 n’a pas de de l’ensemble helvétique. juge déloyale puisque les cantons catholiques visées différentes pour la Suisse que la France renoncent à la reconnaissance de ses nou- d’avant: la paix confédérale avant tout. Genève, devenu protestante en 1536, velles possessions vaudoises. Seule la méthode change: Genève est est alors dans une proximité périlleuse avec annexée et Soleure occupée, avec le reste du la Savoie, qui ambitionne de s’en emparer. La après la tentative de Jacques de pays. Les deux villes ne pourro nt plus rien cité de Calvin n’a de traité de combourgeoisie Savoie de mettre la main sur Genève, en 1578, l’une pour l’autre. qu’avec Berne, protection qu’elle souhaite l’alarme est au plus haut. Soleure se joint alors renforcer en demandant formellement en 1571 à Berne et à la France de Henri III pour signer, à être admise dans l’alliance confédérale. La le 8 mai 1579, un traité «perpétuel» pour la France appuie de tout son poids cette revendi- protectionde Genève. C’est un texte majeur cation. Les cinq cantons catholiques de Suisse dans l’histoire des deux villes. centrale, Uri, Schwytz, Unterwald, Lucerne et Zoug, s’y opposent farouchement. Ils envoient genève est intégrée avec Vaud dans des délégations à Soleure et Fribourg, plutôt la paix perpétuelle qui avait été conclue en favorables, pour les dissuader d’accueillir l’héré- 1516 entre François 1er et les cantons suisses; tique Genève, «peuple infâme et sans Dieu». les citoyens genevois sont placés sur le même pied que les sujets du roi en France; Henri III s’engage à mettre à disposition un contingent de 1500 hommes aussi souvent que Berne et Tournage de la séquence du film «Genève à la rencontre des Suisses»

30 31 Que du bonheur ! –––––– genève et le Jura sont nés ensemble, en 1930, un article publié dans voise réclamait «de la mesure», du en faux jumeaux, de l’effondrement de les Cahiers romands, sous la signature du «dialogue», de la «bonne foi». Le Journal l’Empire napoléonien auquel ils étaient journaliste genevois Edmond Maître, exaltait de Genève avait cessé de voir dans les annexés. Ils n’en ont pas conçu un fort esprit la «race latine» dont le Jura aurait formé Jurassiens des catholiques. Ils étaient A vec de famille. Non, ils ont gardé leurs distances. la «Marche du Nord» face au germanisme. devenus, pour autant qu’ils sachent se tenir, Au Congrès de Vienne, en 1815, quand se Cette prose au ton maurassien, rêve de des Suisses dignes d’un Etat cantonal. redessinaient les frontières européennes, le poètes voyant le Jura comme la «troisième Genevois Charles Pictet de Rochemont île française», «l’île romande», n’a pas fait Le journal attendait que Berne soutenait l’idée que la France prenne l’Ajoie – école au bout du lac et le courant de droite reconnût le fait. Quand ce fut le cas, après D elémont il disait «le Porrentruy» – et cède en échange de la cause jurassienne a rejoint après la tout le processus de négociations, de crises, le Pays de Gex à Genève, qui cherchait à guerre les réseaux de la Ligue vaudoise. de votations controversées qui aboutit au s’agrandir. La France hésita puis se refusa à référendum national sur la création du 23e «livrer les catholiques gessiens» à la citadelle a Genève, c’est l’Association des canton, le Conseil d’Etat genevois sortit de protestante, comme disait Talleyrand. Quand amis du Jura, formée en 1961 autour du pro- sa réserve habituelle et proclama in cor- elle «livra» les catholiques du Jura à la Berne fesseur Aldo Dami, un spécialiste des minori- pore, quelques jours avant le vote, son plein réformée, ce fut à la condition qu’ils puis- tés européennes, qui a eu le plus d’influence soutien au nouveau venu. Il était fier du bon Un air sent garder leur foi. Ils la gardèrent et, de ce comme groupe de pression. Elle a bénéficié fonctionnement des institutions suisses. fait, ne devinrent jamais de vrais Bernois. Et du soutien du Courrier, qui poursuivait sur Le 24 septembre 1978, la participation de famille c’était avec Berne que Genève était amie. sa lancée. Entretemps, l’attitude méprisante genevoise au vote (37,28 %) était un peu du gouvernement bernois envers les Juras- plus faible que la moyenne suisse mais La Question jurassienne a donc siens francophones avait rallié beaucoup de Genève était le deuxième canton le plus commencé à Vienne. Elle a fait halte à sympathies en faveur d’un nouveau canton. enthousiaste après le Tessin: il était pour Genève dans les années 1910. Des intellec- Les Jurassiens eux-mêmes, nombreux dans le Jura à 91,7 %. tuels dans la mouvance de Gonzague de la place, popularisaient leurs arguments. En Reynold et Robert de Traz y fondèrent un décembre 1962, le Rassemblement jurassien Mouvement national jurassien qui s’inscrivit fondait à Genève l’Association des Juras- comme la section jurassienne de la Nouvelle siens de l’extérieur, l’une des 22 sections société helvétique. Elitaire, il ne dura pas. cantonales qu’il mettait sur pied dans le En 1916, une Association des patriotes juras- pays pour faire avancer son projet. siens prit la relève. Elle organisa en 1917 une conférence en ville où était revendiqué le Les premières manifestations de droit des Jurassiens de fonder leur canton. force des groupes indépendandistes des La polémique commença aussitôt, le Jour- années septante déplurent aux Genevois nal de Genève dénonçant les autonomistes par leur forme mais pas sur le fond. Comme comme cléricaux tandis que Le Courrier, ailleurs en Suisse, la crainte de la violence l’organe du parti catholique, prenait et du désordre inspirait la condamnation leur défense. de «l’extrémisme» mais en même temps, la condamnation de l’intransigeance ber- noise.A travers ses journaux, l’opinion gene-

32 33 delémont

34 35 –––––– La religion, la spiritualité, habitent les Entre temps, l’anti-pape savoyard quand un marchand hollandais veut deux cités: le concile, puis Erasme et Oeco- a fait de François de Metz un anti-cardinal. acquérir ce trésor, le Conseil bâlois, sous lampade à Bâle, l’évêque, la Réforme et Calvin Voilà Genève avec un évêque issu d’une l’impulsion du maire Wettstein, l’achète pour à Genève. Là prennent souche des visions de insurrection populiste au sein de l’Eglise, 9000 écus d’Empire et le confie à l’Universi- A vec Bâle l’existence et du monde partagées par leur avec un anti-pape dans le voisinage et une té où se développe à partir de ce moment la ampleur et leur radicalité. Une connivence peinture qui bouleverse l’ordre hiérarchique connaissance critique des œuvres. d’ambition accouche à l’aube de la Renais- de la commande puisque c’est l’artiste Witz sance de deux villes fondatrices dans la pen- qui décide seul et sans instruction de sa L’érudition artistique bâloise re- sée, dans l’art et dans la politique. manière de peindre: il posera son Saint tombe sur Genève en 1901: le conservateur Pierre devant le paysage réel de la rade des Beaux-Arts de la cité rhénane, Daniel Le concile de Bâle en est l’origine. genevoise, une première. Burckhardt-Werthemann, annonce cette C’est une assemblée nombreuse (plusieurs année-là la redécouverte des morceaux épars dizaines de milliers de personnes à certains ce n’est pas sous Calvin mais sous du retable de Konrad Witz et leur authen- moments), longue (de 1431 à 1449), titrée Farel que le retable est lacéré par la foule tification. L’archéologue genevoisJ acques (cardinaux, évêques, princes, ducs, barons iconoclaste de la Réforme genevoise en Mayor a en effet trouvé dans le sous-sol A Bâle où ont afflué tant Une pêche et chevaliers), et lettrée (des centaines de 1536. Ce Farel dont Erasme a réussi à se de l’Université deux grands panneaux d’un copistes, graveurs, illustrateurs). Elle a pour débarrasser à Bâle parce qu’il manquait du retable exécuté en 1444 et signé Magister “ miraculeuse but de rétablir le dialogue dans la chrétienté sens de la mesure et qu’Oecolampade, le Conradus Sapientis de Basilea. Burckhardt les de talents et d’artistes sur catholique déchirée par la dissidence réformateur, a vainement tenté de modé- a examinés à la bougie. Il leur a trouvé une hussite de Bohême. rer. Ce qui reste du retable est caché par parenté avec deux autres tableaux, Sainte un cœur charitable et disparaît pour quatre Catherine et Sainte Marie-Madeleine, décou- les basques des célébrités elle finit par un conflit de légitimité: siècles et demi de la conscience européenne. verts à Strasbourg, et La rencontre d’Anne et posant son autorité comme supérieure à de Joachim, acquis par une collectionneuse celle du pape de Rome, le concile démet a Bâle où ont afflué tant de talents de Bâle. Mais que signifie Sapientis? Le Sage? conciliaires, quelque chose Eugène IV et élit à sa place Amédée VIII, et d’artistes sur les basques des célébrités Burckhardt a consulté une liste d’artistes comte de Savoie, intronisé sous le nom de conciliaires, quelque chose s’est enclenché: bâlois établis par un érudit. Il y a trouvé le Félix V en 1440. Amédée possède le comté de un goût pour l’écrit, pour l’image, pour l’art. nom de Konrad Witz de Rotweil. Witz veut Genève, mais sans Genève, qui appartient Les imprimeurs se font collectionneurs. Les aussi dire sage, malin. Konrad «Sapientis», s’est enclenché: un goût à l’évêque, François de Metz à l’époque. collections se transmettent de pères en le malin, qui a donné à Genève son premier fils. Dans le bahut de Basile Amerbach, le miroir, sous l’œil bienveillant du Christ. Ce dernier a fait le voyage de Bâle. premier des collectionneurs bâlois, il y a par pour l’écrit, pour l’image, Il y a découvert l’auteur d’une peinture qui exemple, en 1586, 104 dessins de Holbein et l’a séduit, Konrad Witz, un artiste allemand de Dürer, l’Eloge de la folie, d’Erasme, illustré établi dans la ville depuis le début du par Holbein, une cinquantaine des plus pour l’art. concile. Il lui confie l’exécution d’une œuvre beaux tableaux de cet artiste dont le Erasme pour la cathédrale, le retable de Saint écrivant et Le Christ mort, trois milliers Pierre, terminé et signé en 1444. d’estampes, 1866 dessins de maîtres suisses ou allemands et maintes curiosités antiques provenant de fouilles archéologiques. ”36 37 bâle, Excellente partie. Bonnes équipes. Suspense!

38 39 –––––– chaque garde-frontière de Genève, Liestal est à la défense civile de L’école genevoise prospérait lorsque chaque fonctionnaire civil occupé à la la Suisse ce que Thoune est à sa défense s’y est mêlée une tâche imprévue et contro- a l surveillance et la taxation des marchandises militaire: une école où s’apprend tout ce qui versée: le 2 février 1932, le Conseil fédéral traversant la frontière a une relation touche à la frontière, le licite et l’illicite, ce appelait les recrues de l’école de gardes- A vec personnelle avec Liestal: c’est là, dans cette qui se déclare et ce qui ne se déclare pas, le frontière à seconder la police lors d’une petite ville adossée aux derniers contreforts droit de passer et les astuces du passage en manifestation contre la Conférence du désar- L iest du Jura, qu’il ou elle a passé un ou deux ans contrebande. ment de la Société des Nations. Pire, en de sa jeunesse à acquérir ses connaissances novembre de la même année, le Conseil professionnelles, dans le centre de formation La frontière de Genève avec la France est fédéral donnait mandat aux gardes-frontière aux métiers de la douane. L’école, qui longue de 100 km. Elle remplit l’espace géogra- de se joindre à l’opération militaire contre appartient à l’administration fédérale, y est phique et mental des Genevois, serrés au une manifestation de gauche qui se solda installée depuis 1933. C’est maintenant un fond d’une cuvette délimitée par les trois mon- par neuf morts et 60 blessés. Après cela, établissement moderne, aéré, confortable, tagnes françaises du Jura, du Salève et des les uniformes n’étaient plus bien vus à voué à l’étude mais aussi à l’exercice du Voirons. Garder cette frontière a longtemps été Genève. L’administration fédérale des a l’école corps car pour garder la frontière, il faut l’affaire des ingénieurs en fortifications.A vec la douanes chercha un autre lieu pour son aussi un bon mollet. modernité, l’industrialisation et le commerce école. Ce fut Liestal. DE LA libéralisé, c’est devenu une ingénierie écono- six cents personnes travaillent à mique et sociale subtile, alliant la force et la FRONTIÈRE Genève à la garde et l’administration de la compétence administrative. frontière, le deuxième plus fort contingent de Suisse après Bâle. Trois générations de il donna toute satisfaction et en fonctionnaires en douane ont la ville de 1927, une première école centralisée de tous Liestal dans leur biographie personnelle. les arrondissements de douane fut créée Certains y ont eux-mêmes été instructeurs, dans la caserne de Plainpalais, à Genève. Elle la règle étant que les plus expérimentés ambitionnait de «faire de jeunes gens des consacrent du temps à la formation des gardes-frontière susceptibles de satisfaire plus jeunes. toutes les exigences du service sous l’angle de la présentation, des connaissances et éga- peu connue, peu visible, cette lement du physique». Y étaient enseignés la relation de Genève et de Liestal est loin législation douanière, la technologie des mar- d’être banale. Elle est au cœur de ce qui chandises et les dispositions du droit national fait un Etat: un territoire physique, une et international. S’y ajoutait l’apprentissage population et une organisation politico- du maniement des armes. administrative. Le territoire est «gardé», la population et ses activités extérieures sont «encadrées» par des règlements et taxes qu’il s’agit d’appliquer.

LIESTAL – «Vos papiers, s’il vous plaît»

40 41 –––––– dans l’après-midi du 11 août 1712, une Les Genevois sont parmi les premiers non grata. Il revient en Suisse, erre de refuge sonnerie de trompette résonne dans la ville à répondre. Ils sont sur le champ de bataille en refuge. En 1746, il est arrêté à Neuchâtel sur

a u d’Aarau: la paix est signée entre les représen- avec 300 hommes, aux côtés de Neuchâtelois ordre de Genève et de Berne et transféré à la

r tants des cantons de Zurich et Berne d’un et de Vaudois, dont Abraham Davel. forteresse d’Aarburg. Berne le garde prisonnier A vec côté, Lucerne, Uri, Schwytz, Unterwald et Le général Tscharner juge que c’est «une jusqu’à quelque mois de sa mort, en 1765. a Zoug de l’autre. Elle instaure la parité confes- troupe bien réglée, qui ne ressemble pas à la A sionnelle entre catholiques et réformés dans milice, et que si l’armée était toute composée de sa prison argovienne, le Genevois, la Confédération, mettant fin du point de vue de troupes comme celle-ci, il n’y aurait pas qui a mis au point un thermomètre, s’occupe du droit aux innombrables vexations que les tant d’embarras à la commander». de mesures barométriques. Sans pouvoir me- deux religions s’infligeaient sur le territoire. surer les hauteurs et les distances, il dessine La paix d’Aarau doit un peu à Genève. elle contribue à renverser le sort des un panorama des Alpes, qu’il fait graver sur armes, au prix de dix tués et sept blessés - cuivre. Il voit et mesure le monde nouveau en elle clôt une guerre courte, printemps peu en comparaison des pertes dans le camp train de remplacer l’ancien. Moins de qua- et été de 1712, féroce, la plus meurtrière des catholique. La chronique garde une lettre rante ans après sa mort, l’Argovie sa geôlière guerres de religions qui ont eu lieu en Suisse. reçue par J.-J. Trembley, le secrétaire à la est libérée du joug bernois par la révolution POUR LA PAIX Elle a opposé à Villmergen des cantons ca- justice de Genève, dans laquelle un notable française. La faute à Rousseau. tholiques et les deux cantons protestants les présent à la bataille écrit: «Nos Allemands ont RELIGIEUSE plus puissants pour le contrôle du Toggenbourg. combattu avec beaucoup de fermeté, ceux du Genève, liée à Berne et à Zurich par un traité pays de Vaud bien, ceux de Neuchâtel passa- HELVÉTIQUE de combourgeoisie y a pris sa part, assumant, blement et ceux de Genève en lions. On leur pour l’unique fois sous l’Ancien Régime, le doit la gloire entière de la journée ou peu s’en devoir de solidarité militaire attaché à cette faut.» Berne manifeste sa reconnaissance. alliance.Les armées qui se jettent dans Trembley lui-même rapporte: «On ne peut l’affrontement sont chauffées à blanc. Les rien ajouter aux honneurs et caresses qu’on cantons réformés, d’abord, l’emportent, fait à nos soldats, on ne parle que de ceux de prennent l’abbaye de Saint-Gall, puis Baden, Genève que LLEE de Berne regardent depuis et proposent une modalité de paix que les cette guerre comme leurs meilleurs alliés.» catholiques refusent avec une passion alimentée par des prophéties apocalyptiques. L’alliance joue dans les deux sens. D’oligarchie à aristocratie, on s’entend à en juillet, les catholiques lancent merveille. Genève poursuit un opposant, 9000 hommes sur les Bernois, anéantissent Jacques-Bathélémy Micheli du Crest, coupable leur commandement et les forcent à reculer. des répandre des idées contraires à celles du C’est presque la débandade lorsque le vieux Conseil des Deux-Cents, justement en matière Samuel Frisching, président du conseil de de défense et de fortifications. Il est obligé de guerre bernois, ressaisit les troupes par un s’enfuir, comme Rousseau sept ans plus tôt. appel ardent. En 1735, Il est condamné à mort par contu- mace. Il va en France où, répandant les décou- vertes des Lumières, il est également persona aarau – Prendre toute la mesure de la Suisse pour un nouveau panorama

42 43 La Diète, les eaux, le train –––––– baden, pour Genève, fut un espoir, ces divergences confessionnelles genève mena sa vie autrement. Elle celui d’accéder à la Diète fédérale, qui y étaient atténuées par les intérêts stratégiques. fut réunie à la Suisse en 1815 parce qu’il n’y siégeait le plus souvent, pour y défendre En 1572, Soleure, Berne et Fribourg mettaient à avait plus de Diète à Baden pour tergiverser. directement son indépendance et ses besoins l’agenda de Baden une discussion sur la situa- Elle mena une révolution en 1846 pour se A vec

den a den de sécurité. Ville d’eau, de repos, ville sujette tion géopolitique de Genève qu’ils joindre à la guerre contre les cantons ca-

B mais sage où se tenaient les comptes des décrivaient comme «la clé et le boulevard de tholiques qui l’avaient si longtemps tenue à Confédérés sur leurs baillages communs, la Confédération». «Si l’on devait laisser pas- l’écart. Ensuite, elle n’eut plus rien à deman- Baden ferait-elle une place à la cité du Rhône ser une occasion favorable, raisonnaient-ils, der à Baden, qui fut bien aise de n’avoir plus en quête d’assurances? Hélas! l’ennemi héréditaire de la Confédération en à réfléchir à son cas.T ous les dossiers avaient serait fortifié et le terrain perdu ne pourrait été remis à Berne, capitale fédérale. protégée par Berne grâce à un traité plus être regagné. Maintenant, au contraire, de combourgeoisie passé en 1526, Genève il serait possible sans frais, ni peine, ni travail, mais les espoirs ne meurent jamais. souhaitait élargir et diversifier ses appuis en de contribuer à l’honneur et à la prospérité En 1847, quand fut inauguré le Spanische passant une alliance avec l’ensemble des de la Confédération…» Hélas! Brötli Bahn, la première ligne de chemin de Confédérés, comme celle dont jouissaient les fer suisse qui permettait de livrer les petits Un rêve villes de Mulhouse et de Rottweil. Elle adres- Les cantons réformés, accessibles à pains de Baden en une demi-heure aux Zuri- sa une demande en ce sens à la Diète en ces vues, étaient quatre. Les cantons catholi- chois, Genève fit de grands plans de dévelop- longtemps 1557. Celle-ci répondit qu’en effet, en cas de ques étaient cinq. Les petits cantons mixtes pement, rêva de trains, de bateaux et d’auto- danger la menaçant et menaçant toute la étaient divisés. Soleure et Fribourg, catholi- mobiles, se mit dans l’acier, la mécanique et déçu Confédération, «il serait fort utile de compter ques, partageaient les buts stratégiques de la chimie, courant, comme Baden, après sa Genève parmi les siens». Par ces mots, les Berne et Zurich. La Diète ne décida donc pas. modernité. cantons évoquaient un avantage éventuel, Genève dut se contenter d’alliances sépa- rien de plus. Mais rien de moins. rées, fragiles, dépendantes des circonstances régionales et internationales. Jamais elle ne La «question genevoise» ne quitta fut invitée aux délibérations de Baden, tout plus Baden. De la moitié du XVIe siècle jusqu’à au plus put-elle y porter ses doléances. Jamais la moitié du XVIIe, elle ne disparut plus de elle ne fut mêlée à l’élite politique et sociale l’ordre du jour de la Diète. Alignés sur de la Suisse qui échangeait là les informations Lucerne, les cantons les plus déterminés de officielles et officieuses. la Contre-Réforme catholique ne voyaient pas d’inconvénient à laisser la Savoie s’emparer de Genève pour la rendre au Saint-Siège. Au contraire, les cantons réformés étaient pressés d’abriter la ville sous l’alliance fédérale.

44 45 –––––– Lucerne partage avec Genève le pable de se définir lui-même. Mais c’est le L’année 1855 couronne la renommée souvenir, souvenir privilège d’être la ville la plus citée dans les genre d’homme qu’on est obligé d’aimer.» de Calame et de ses lacs des Quatre- sondages mondiaux sur la connaissance de la Cantons: le tableau qui figure à l’Exposition Suisse. Le lac des Quatre-Cantons, le Pilate, gœthe avait dit, devant Lucerne: «il universelle des Beaux-Arts de Paris est acheté A vec le Righi côtoient le Palais des Nations et le jet n’y a point de langage pour rendre de pareils par l’Empereur Napoléon III pour la somme d’eau dans la représentation internationale du objets». Calame en a trouvé un. Ses lacs record de 15000 francs-or. pays. Cette complicité de réputation se doit des Quatre-Cantons sont devenus l’idiome ucerne

L à un peintre genevois, Alexandre Calame, le pictural des classes aisées du continent. Elles c’est l’époque où la haute société génie de l’émotion sublime devant le paysage en passaient commande auprès de l’artiste, russe se prend d’amour pour l’alpe suisse. suisse. Il a peint, pour le cœur, les yeux et boutiquier prudent qui inscrivait scrupuleu- L’impératrice Mère de Russie commande une les salons de la haute société du XIXe siècle, sement les désirs, les prix, les destinataires et «réminiscence du lac des 4 Cantons, côté le mariage de la montagne et de l’eau, la les dates de livraison. du Grütli, soleil couchant, arbres». En 1960, verticale et l’horizontale romantiques qui un certain Lepechkine de Moscou désire une allaient faire de Lucerne la première attraction dans le catalogue de sa production réplique du tableau acheté par l’Empereur, touristique du pays. tenu année après année, il consigne la vente, avec «pour le 1er plan, le lac agité & quelques LA FABRIQUE en 1849, d’«un tableau représentant une vue rochers». Il y aura «un bateau au premier elève de François Diday, Calame du lac des Quatre-Cantons, effet du soir, plan et un autre au deuxième». Le roi DU SUBLIME a ajouté à la peinture de paysages de son acquis par Mr. Wischer Passavant de Bâle au du Wurtemberg aura aussi son Lac, vu des temps une radicalité dans les lignes, les prix de 9000 fr.» C’est le premier. Le deu- hauteurs de Brunnen, pour 10 000 fr. couleurs, les détails qui a réorienté le regard xième, la même année, va au consul général porté sur la réalité naturelle suisse, l’a drama- de Bavière à Hambourg, Mr. Hildebrandt. Calame meurt en 1864, à Menton, tisée, intensifiée jusqu’à en faire un objet de Une réplique, l’année suivante, est promise après une pénible maladie de poitrine. Dans méditation. pour 2000 fr., à un certain John Mottu de son catalogue, la dernière note concerne Milan. Celui-ci ne réclamant pas le tableau, il encore Lucerne. C’est une commande venue Le calviniste en lui n’a rien négligé va pour 2500 fr. à un acheteur de Francfort. de Milan d’un grand tableau de 1 m sur pour aller chercher Dieu dans les orages ou 1,4 m, représentant les «hautes Alpes, les matins calmes des contrées lucernoises: a partir de 1851, les Lacs des Quatre- Pilate ou Righi, effet du soir. Si le Pilate est «Je me surprends à me demander s’il est Cantons augmentent de taille et de prix. Un exécuté, ce sera au prix de f.8000 et si le donné à l’homme de sonder ces beautés duplicata est vendu 5000 fr. à Mr. De Wries, Righi est choisi, ce sera au prix de f.7000.» mystérieuses», disait-il. Inventeur du paysage courtier de commerce à Amsterdam. Le Duc pur, sans anecdote, presque sans personnage de Mecklembourg en acquiert un grand car «ils rapetissent la nature», Calame a avec «soleil couchant intense sur les Alpes; ébranlé l’Europe cultivée. Les jeunes peintres un lac profond & des arbres», pour 5000 fr. russes Ivan Chichkine, Alexei Bogolioubov, Le même va pour 6000 fr. à un consul Arséni Mechtcherski, Lev Jemtchoujnikov ont du roi de Suède et sa copie pour 7500 fr. fréquenté son atelier. Il a ému Tolstoï, qui lui à un certain «Tornshend?». avait rendu visite: «Son talent ne s’appuie pas sur une grande intelligence, ou bien c’est le premier qui écrase la seconde: il est inca-

46 47 –––––– Entre Genève et Sarnen, une forme de Le thème est assez bien tourné et a la Diète, les premiers délégués prodige s’est produit. Il faut s’imaginer Genève convainquant pour que Aegidius Tschudi en genevois disent «le bonheur de pouvoir devenant suisse, en 1815: la cité protestante ne écrive une synthèse en 1550, doublée d’une maintenant appeler leur patrie cette Suisse parle pas un mot d’allemand, ses habitants, chronologie. Une histoire suisse prend nais- qui est l’antique séjour de la liberté et de A vec plus tournés vers la France, n’ont presque sance sous sa plume, avec des dates, des l’indépendance». Merci Sarnen. Le canton aucune idée de la géographie du pays auquel noms et un enchaînement rationalisé des d’Obwald n’a pas applaudi à l’adhésion ils adhèrent. Les communes savoyardes qui épisodes, vite transformés en faits. Sur la de Genève à la Confédération, en 1815. Il Sa rnen ont été rattachées à la ville pour arrondir le base de ce Chronicon Helveticum, Jean de appartenait sous l’Ancien Régime à la ligue territoire genevois sont catholiques et encore Müller compose dès 1780 son Histoire de la des cantons opposés à tout rapprochement plus étrangères au présent et au passé de Confédération au Moyen Age, une peinture avec la ville de Calvin. Mais il lui a fourni, écrit leur nouvelle patrie. Avec toute cette masse colorée du récit national qui s’inscrit comme à l’encre sympathique dans un livre enveloppé A la Diète, les premiers d’ignorance et de différence, il va falloir faire une quasi vérité au cœur de l’identité suisse. dans du parchemin blanc, l’argument un canton suisse. Il ne manque plus que Heinrich Zschokke principal de son helvétisation. par la magie pour l’adapter comme histoire pour tous “ C’est là que Sarnen entre en scène. dans les années 1820. Elle est prête quand les délégués genevois disent La ville possède un livre recouvert de parchemin Genevois ont à se faire Suisses. d’un récit blanc qui contient le premier récit légendaire enveloppé relatif à la fondation de la Confédération. du Livre blanc de Sarnen à sa trans- «le bonheur de pouvoir Ce Livre blanc de Sarnen, rédigé anonymement position dans L’Histoire suisse de Zschokke, dans un vers 1470 à partir de la tradition orale, raconte trois siècles et demi ont passé, au cours des- l’histoire de Guillaume Tell, la révolte des trois quels s’est modelée, sur fond de légende, une maintenant appeler parchemin cantons primitifs contre les Habsbourg, la représentation idéalisée de la Suisse assez destruction des châteaux, le serment d’alliance séduisante ou enchanteresse pour capter le blanc et le sacrifice d’Arnold Winkelried à la bataille cœur momentanément déraciné de la Répu- leur patrie cette Suisse de Sempach pour assurer la victoire des blique de Genève. La ville de Rousseau achète Confédérés contre le duc Léopold d’Autriche. les Alpes, la nature, le paysan libre, le fort On y lit les épisodes de la résistance des berger et la tendre bergère. qui est l’antique séjour paysans contre les baillis autrichiens, coupables ici de violer une épouse, là de s’emparer elle se lie au Suisse parfait du mythe, d’une maison, là encore d’autres abus de avec sa droiture spirituelle, sa simplicité de pouvoir intolérables. mœurs, son dévouement à la chose publique, de la liberté et de son esprit d’indépendance. Puisque Genève Ce premier manuscrit cohérent d’élé- devient suisse, que l’union soit sainte et le ments épars est repris en version imprimée en conjoint couronné. l’indépendance» 1507 dans la chronique de Petermann Etterlin, une célébration du paysan «pieux et honnête» justifié à combattre la tyrannie dépravée de la noblesse habsbourgeoise. La scène de la pomme y fait sa première apparition. ”48 49 à sarnen, Rejouer la légende à l’infini, une arbalète, une pomme, une tête

50 51 –––––– Le 25 novembre 1847, à la fin de la Leur désaccord s’est manifesté dès après 1848, des intérêts communs guerre du Sonderbund, une haute déléga- la fin des guerres de Bourgogne. Après la ba- commencent à l’emporter. On échange des tion de Nidwald vient annoncer la capitula- taille de Nancy, en 1477, des soldats nidwald- compagnies militaires. On se rend visite avec

a ns tion du canton au général Dufour, à l’hôtel iens mécontents du partage du butin ont des bouquets et des drapeaux, on envoie ses A vec t Schweizerhof, à Lucerne. Elle demande que participé avec des Uranais et des Schwytzois enfants les uns chez les autres pour ap- S la garantie de la religion et tous les anciens à l’équipée de «La folle vie» qui visait à récu- prendre la langue. Mais on surveille, comme droits et libertés des Nidwaldiens soient pérer la rançon promise aux Confédérés par ce landammann de Nidwald, Robert Durrer, mentionnés dans l’acte de reddition. Dufour Genève, alliée du duc de Savoie et, par lui, qui a mis son fils à l’Ecole des Beaux Arts à refuse: «Cette méfiance est une offense pour de la Bourgogne. Les insurgés ont été stoppés Genève, en 1884. Il a appris, par la logeuse moi et pour toute la Suisse. Jamais nous n’en à mais des otages genevois ont du jeune homme, que celui-ci sortait tous voulions à votre religion, ni à vos droits et été emmenés en Suisse centrale jusqu’à ce les soirs jusqu’à 11 heures et n’allait pas au lit libertés. Non, cette demande de votre part que soient payés les 24’000 florins dus. avant minuit, qu’il séchait ses cours de fran- nous blesse et ne peut être accordée.». Le Les Nidwaldiens ont reçu deux florins chacun çais payés d’avance 50 centimes de l’heure, Les mêmes CLÉS landammann Zelger rétorque que les délé- comme dédommagement et une part des qu’il portait tous les jours son costume neuf gués nidwaldiens n’ont pas, quant à eux, la quatre mille litres de vin mis à disposition et même qu’il avait fait une tache. C’en est mais pas les moindre méfiance à l’égard de la Confédé- des mécontents. trop, écrit le père. Pas du tout, répond le fils ration. Mais le peuple, explique-t-il, est très qui, s’appuyant sur son professeur, Barthé- mêmes portes irritable sur la question de la religion, comme Les choses ne se sont pas arrangées lemy Menn, dénonce les mensonges de la il l’a démontré dans les guerres depuis les avec la Réforme. En 1574, Nidwald s’est logeuse et obtient de déménager. temps les plus anciens. C’est pourquoi cette prévalu d’une lettre du pape Grégoire XIII garantie est demandée, non pas comme pour justifier son refus d’accepter Genève entre 1892 et 1926, près de 180 jeunes condition de la capitulation mais pour parmi les Confédérés, malgré l’accord de filles de Genève vont apprendre l’allemand à rappel de la proclamation de la Diète du Fribourg et de Soleure, pourtant catholi- l’Institut Santa Clara de Stans. On s’habitue 20 novembre, qui qualifie «notre religion et ques. Deux siècles et demi plus tard, son avis les uns aux autres. En 1894, à l’oral de géogra- notre liberté de sacrées». n’a pas changé: en 1814, le Conseil d’Etat phie de l’examen d’école de recrues, le futur de Nidwald donnait pour instruction à son pasteur Ferdinand Zumbühl reçoit la meilleure Le général hoche la tête en signe landamann de «ne pas prêter la main à note parce qu’il sait où est Carouge. d’accord. Il prend sur lui de faire figurer cette la présence de plus de 19 cantons dans la phrase tranquillisante au préambule de la Confédération». Au moment où la Diète des capitulation. Dufour vainqueur respecte le cantons acceptait Genève, le landamann de vaincu. Nidwald lui en est reconnaissant. Le Stans en était absent. Nidwald n’est donc jour de sa mort, le gouvernement de Stans pas mentionné dans la charte d’adhésion rappelle avec toute la sincérité nécessaire de Genève à la Confédération. l’amour qu’il porte au Genevois. L’épisode est bienvenu dans une relation plutôt tiède entre les deux cantons. Ils ont beau porter tous deux les clés de Saint Pierre sur leurs armoi- ries, leur interprétation du message biblique n’est guère concordante. Winkelried, Acte II, Scène 3

52 53 –––––– au XIVe siècle, Genève est un centre Il y en aurait bien d’autres: la En 1876, une grève éclate sur le de foires internationales. Uri administre la Compagnie des chemins de fer du Gothard, chantier de Goeschenen. La milice est appelée. passerelle construite au-dessus de la gorge fondée en 1871 avec les capitaux suisses, Reçue à coup de cailloux, elle tire. Quatre des Schoellenen pour le trafic des marchan- allemands et italiens réunis par Alfred morts. Un commissaire fédéral est nommé A vec dises à travers le Gothard. Uranais et Gene- Escher, pressée de rentabiliser ses actions et pour ouvrir une enquête. Son rapport n’ab- vois font leur apprentissage commercial au cherchant toujours à négocier à la baisse les sout pas Favre, qui se défend avec énergie, même moment de l’histoire. Ils sont de la suppléments d’infrastructures nécessaires, soupçonnant la malveillance des ingénieurs de

Altdorf Altdorf même école. Uri a maintenant les Nouvelles y compris pour la sécurité; ses ingénieurs, la Compagnie du Gothard. Celle-ci, en effet, transversales alpines. Genève l’Organisation toujours à contester ses choix, dans l’empêchant de procéder à la maçonnerie mondiale du commerce. Une culture les lie: l’espoir de le remplacer; le milieu technique du tunnel qu’il juge indispensable, cherche le celle de l’échange des biens. Une histoire zurichois, qui a l’oreille de l’administration conflit. LeG enevois en réfère au Conseil fédéral, les lie: avoir eu à défendre les conditions fédérale et en profite pour discréditer les sans obtenir gain de cause. Le 1er août 1879, économiques et politiques de l’échange, manières de faire du Genevois; la petite au milieu du tunnel, son cœur s’arrête. Il meurt les routes et les taxes. société rurale de Goeschenen, qui spécule parmi les ouvriers. Il a 53 ans. Il venait pourtant honteusement sur les besoins des ouvriers; de recevoir une lettre du ministre allemand des Une idée un homme les lie: Louis Favre, le la roche enfin, son imprévisibilité, sa transports propre à le consoler: «Nous voici constructeur genevois du premier tunnel résistance, les infiltrations d’eau. donc une étape en avant dans votre grande du commerce ferroviaire sous le Gothard. Son entreprise est entreprise dans laquelle jusqu’ici votre génie a une épopée industrielle dramatique qui met Favre ouvre les deux chantiers de été, à la lettre, la clé de voûte.» en scène la compétition sauvage, le génie Goeschenen et d’Airolo en octobre 1872. Il a technique, le courage, l’endurance, l’avarice, 46 ans. Il a engagé un autre Genevois, Daniel L’ouvrage est terminé avec deux ans la brutalité, le mensonge, la jalousie, tous les Colladon, l’inventeur de compresseurs à de retard, au prix de la vie de 177 ouvriers, vices et vertus d’une époque de conquête grande vitesse et à injection d’eau pulvérisée victimes d’accidents, et de 500 à 800 autres, des Alpes. Favre a obtenu l’adjudication des qui ont fait miracle au percement du Mont- atteints par l’anémie des mineurs, une ma- travaux par un pari certainement présomp- Cenis, dirigé par lui. Les ouvriers, des Italiens, ladie due aux émanations de gaz dégagées tueux: il terminerait le tunnel en huit ans, un sont entre 2000 et 4000. Leurs conditions de par la dynamite. L’entreprise de Favre sera an de moins que son principal concurrent, et vie et de travail sont précaires. Favre a fait liquidée et ses héritiers longtemps poursuivis à un coût inférieur de 12 millions de francs. construire des bâtiments pour en abriter pour dettes par la Compagnie du Gothard. Tout retard serait imputé à ses frais. Le temps près d’un millier mais c’est insuffisant, Entre Uri et Genève: un lien qui est toute serait donc son principal ennemi. surtout à Goeschenen où nombre d’entre l’histoire du XIXe siècle, le progrès et la misère, eux s’entassent chez l’habitant à des prix dans cet ordre. exorbitants et sans hygiène. Dans le tunnel même, l’air est raréfié ou empesté de fumées mortelles. La dynamite et les éboulements multiplient les accidents.

En route pour le Gothard avec tout ce qui roule, camion, voiture, motos

54 55 –––––– schwytz, qui ne voulait pas de une hypothèse historiographique Les Schwytzois étaient connus dans Genève dans l’alliance confédérale, a fini forte explique l’extension du terme «switz» la cité pour leur participation à l’expédition par lui donner son nom de famille. C’est au à l’ensemble des confédérés par la position de «la Folle vie», en 1477, au cours de laquelle moins un retournement. Genève est «suisse» dominante des Schwytzois dans la région ils avaient tenté de faire irruption manu A vec à cause des Schwyzois, catapultés comme des Waldstätten. La victoire de Morgarten, militari avec des Uranais pour récupérer une ses ancêtres en 1815 par la Sainte-Alliance en 1315, aurait établi leur réputation rançon promise – et non payée - par Genève de l’Autriche, de la Russie et de la Prusse, en Allemagne du Sud et favorisé chez les au moment des guerres de Bourgogne.

c h wytz soucieuse de consolider le bastion helvétique Allemands une perception de tous les Ils étaient décrits comme demi sauvages,

S contre la France en lui adjoignant la ville Confédérés comme «Switzer» ou ivres et brutaux. Pas de quoi désirer porter de Calvin. «Switenses». Plus tard, la forme diphton- leur nom. guée du moyen haut allemand tournera a en croire les étymologistes, vers l’an «Schwitz» en «Schweiz», mais en 1482, mais le temps passant, le roman- mil, nos ancêtres les Schwytzois s’appelaient Nicolas de Flue est encore appelé «Bruoder tisme national ayant fait son tri dans le «Suittes». Une légende persistante jusqu’au Claus aus Switz». bric-à-brac de l’histoire, les Schwytzois XVIe siècle les a tenus pour les descendants étaient devenus pour les Genevois les fiers Parce que “nos de Suédois et des Frisons établis du temps pendant longtemps, les Confédérés et dignes compatriotes dont le nom, porté des Romains sous la conduite d’un chef eux-mêmes se désignaient comme membres sur un passeport, allait pouvoir éclairer ancêtres, les nommé «Suito». Deux documents schwytzois d’une communauté politique, «lobliche le destin. de 1520 et 1531 attestent que l’ascendance Eidgenossenschaft» plutôt que par une Schwytzois” suédoise était encore à cette époque la appellation ethno-géographique. Il y allait conception officielle des autorités cantonales. du principe d’autonomie de chacune des A en croire les Les termes de «cives de Suittes» ou «cives parties. Le terme de «Suisse» ne s’est de villa Svites» («cives» signifie bourgeois) généralisé qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles, sous apparaissent au XIIe siècle à l’occasion d’un l’influence des écrits unificateurs des histo- “ conflit de frontière avec l’abbaye d’Einsiedeln. riens et savants. Encore fut-il contesté par étymologistes, vers Au siècle suivant, une communauté de vallée, un Johann Jakob Leu dans son dictionnaire «universitas vallis Switz», est mentionnée, historique de 1760 comme porteur d’une l’an mil, nos ancêtres dominée par de puissantes familles, les confusion entre «l’ancien pays» helvétique Stauffacher, Hunno, Ab Yberg. Elle est dotée et le «nouveau», la Confédération. Au XVIe d’un sceau et, dès le XIVe siècle, d’une siècle à Genève, le parti qui cherchait à les Schwytzois organisation politique, la landsgemeinde. rapprocher la République de Berne et de Fribourg pour combattre les ambitions savoyardes était appelé «Eidguenots», un s’appelaient «Suittes». terme dérivé de Eidgenossen, les Confédérés.

”56 57 schwytz, Là, les Suisses sont d’accord

58 59 –––––– brunnen est la ville d’un pacte. La sécurité collective, après la La Suisse adhère à la Société des Genève aussi. C’est le fil qui associe leurs catastrophe humaine de la Première guerre Nations, contre l’avis des signataires du deux noms dans l’album national, à sept mondiale, prend cette fois une dimension Pacte de Brunnen. Le conseiller fédéral siècles de distance. En 1315, à Brunnen, au planétaire mais l’esprit des signataires n’est Giuseppe Motta préside la séance d’inaugu- A vec bord de leur lac commun, les gens de Uri, pas foncièrement différent de ce qu’il était ration, à Genève, en novembre 1920. Schwyz et Unterwald renouvellent par à Brunnen: il s’agit de faire respecter la Le Tessinois natif d’Airolo, à l’orée des écrit, dans un allemand compréhensible par justice, sur la base du droit et par une vallées du Gothard qui mènent sur Venise tous, leur volonté de s’assurer mutuellement diplomatie délibérative et ouverte: et Rome, prend la mesure contemporaine

Brunnen «contre la rigueur et la dureté de l’époque»: de la sécurité collective: elle ne peut plus «pour que nous puissions mieux rester en paix «Les hautes parties contractantes, être qu’universelle. On voit alors le monde et en grâce, et mieux protéger nos corps et dit le préambule du Pacte, «Considérant différemment selon qu’on est au Nord ou nos biens, nous nous sommes engagés et liés que pour développer la coopération entre au Sud du Gothard, mais c’est quand même ensemble pour toujours et à perpétuité par les nations et pour leur garantir la paix et le monde qu’on voit, qu’il s’agisse de s’en serments et promesses; c’est-à-dire que nous la sûreté, «Il importe d’accepter certaines tenir à l’écart ou de prétendre l’organiser. avons promis et juré de nous porter aide et obligations de ne pas recourir à la guerre, POUR LA secours, à nos frais, dans le pays comme au «D’entretenir au grand jour des relations a Brunnen comme à Genève, de dehors, contre tous ceux et contre tout indivi- internationales fondées sur la justice siècles en siècles, on discute de comment sécurité du qui commettraient ou s’apprêteraient et l’honneur, «D’observer rigoureusement faire pour être libre et en paix. Les désaccords à commettre envers nous ou envers l’un lesprescriptions du droit international, sont tenaces. La discussion continue. collective de nous une agression ou une injustice envers reconnues désormais comme règle de nos personnes ou nos biens…». conduite effective des gouvernements, «De faire régner la justice et de respecter Ce pacte de sécurité collective scrupuleusement toutes les obligations reprend les termes de celui de 1291 mais en les des traités dans les rapports mutuels des simplifiant de façon à lui assurer une meilleure peuples organisés, «Adoptent le présent audience auprès des populations concernées. pacte qui institue la Société des Nations…». La bataille de Morgarten a eu lieu vingt-trois jours plus tôt et les communautés paysannes Les 26 articles détaillent ensuite du Gothard, victorieuses des chevaliers les obligations des membres, le 16e s’arrê- autrichiens de Léopold de Habsbourg, tiennent tant spécifiquement aux aspects de police à consolider leur solidarité. contre les contrevenants: si un membre de la Société recourt à la guerre, contrairement à en 1920, Genève, au bord d’un autre ses engagements, «il est ipso facto considé- lac, devient la gardienne du pacte de la ré comme ayant commis un acte de guerre Société des Nations, signé à Paris l’année contre tous les autres membres de la Socié- précédente entre les vainqueurs des empires té». Suivent toutes les mesures d’entraide allemand, autrichien et ottoman. mutuelle qu’ils sont autorisés à adopter.

Les hautes parties contractantes » du Pacte, encore et toujours

60 61 –––––– une prairie, au dessus du lac des Quatre Cantons. Avec rien. De l’herbe. De l’air. Un paysage. Une prairie avec seulement une idée: la promesse de l’unité confédérale.

c’est là qu’on se rencontre en tant que Suisses. Qu’on célèbre les succès, chacun dans sa langue, en s’arrangeant pour se comprendre. Qu’on magnifie l’entente et la cohabitation réussies. Qu’on s’inquiète avec prudence des risques encourus par les changements du monde.

c’est là qu’on vient se persuader de Au Grütli l’impératif de continuer, de s’améliorer, de Tous se renforcer. sur la prairie nue du Grütli, on ensemble entend les kyrie d’une nation fière de son passé, de son présent et peut-être de son avenir si l’intelligence collective ne lui fait pas défaut.

La statue suisse de la liberté est un carré d’herbe pentu et banal dont seul le nom et la légende font la force. Le Grütli.

Vite, à la prairie!

62 63 –––––– La Suisse n’a pas de matières Zoug, le coût de l’écolage pour les enfants L’helvétisation de l’homme genevois premières mais elle a Zoug et Genève, des expatriés, la présence d’un opéra à moins par l’électro-ménager zougois prend plus cathédrales mondiales du négoce des de 45 minutes, et bien sûr, c’est le plus de temps, encore que le défroissage à la «commodities». Pétrole, gaz, charbon, important, l’effet productif de l’agglutine- vapeur popularisé par Martina Hingis, la ou g A vec électricité, métaux, minerais, céréales, sucre, ment sur moins de dix kilomètres carrés de supersportive du nettoyage, ait accéléré Z café, huiles, soja s’achètent, se vendent et concurrents et néanmoins amis, programmés le mouvement. Depuis sa première centrifu- se transportent sur toute la planète par les pour la réussite personnelle et collective du geuse de lavage «Rigi», en 1913, la Zinguerie bons soins de dix mille agents enfermés négoce international. de Zoug produit de la fierté nationale, dans les bureaux anonymes de trois quartiers une denrée dont Genève, canton récent et de deux petites villes d’un pays minuscule genève et Zoug se fréquentent excentré, a besoin à haute dose. qui n’a même pas d’accès à la mer. peu comme cantons suisses, sauf dans les conférences et commissions où s’articulent genève et Zoug parlent la même les modalités des rivalités confédérales sur langue, une version de l’anglonomic enrichie l’impôt, les subventions aux paysans ou d’un vocabulaire spécialisé pour traders l’apprentissage du français à l’école primaire. PAR Le pétrole occupés à faire circuler les liquides et les Mais comme cantons de l’économie monde, solides d’un endroit à l’autre de la planète ils s’observent et collaborent, ne serait-ce et la machine dans les conditions optimum de sécurité que pour défendre leurs conditions-cadres. et de rentabilité. Générant comme plateformes de négoce à laver quelque 3,6% du produit intérieur brut suisse, cette population, regroupée dans et près de la moitié de sa croissance, ils quelques quatre cents sociétés autour de plaident ensemble pour la sauvegarde des Genève et une centaine autour de Zoug, circonstances et dispositions à l’origine de consomme une grande quantité de ban- leur prospérité. Leur commune méthode est quiers, d’assureurs et de surveillants en tous la discrétion. On en dira donc pas plus. genres - surveillance de la production, des cargaisons, des crédits, des risques de corrup- Zoug a pour Genève une autre tion et si possible, tout au long de la chaîne, attraction, sa zinguerie, la joie des ménages des pratiques sociales car un accident de depuis cent ans: ses machines à laver, à réputation est très vite arrivé. Au surplus elle sécher, à repasser, à défroisser, à cuire, ont s’entoure, cette population, d’un personnel fait des Genevoises des femmes suisses par hautement qualifié en fiscalité, capable excellence, ménagères tip-top au point de d’anticiper l’avantage comparatif d’un vue propreté, économie et hygiène. point d’impôt en plus ou en moins dans une pesée globale d’intérêt où entrent la stabilité politique helvétique par rapport à l’instabilité ailleurs, le taux de change du franc, les prévisions sur le dollar et le rouble, les fluc- tuations du prix des loyers sur Genève et sur Entre marchands, sur scène et en coulisses

64 65 –––––– en septembre 1968, les Genevois Au siècle d’avant, en 1848, Rapperswil dix ans plus tard, en 1891, Genève Le cirque découvraient sous le chapiteau du cirque avait donné naissance à un homme qui allait votait encore à 87,4% en faveur du droit Knie un rhinocéros blanc femelle nommée soulever des passions politiques à Genève: d’initiative constitutionnelle, réforme que les Zeila, la première de son espèce à faire Théodore Curti, le théoricien, le promoteur et Suisses n’acceptaient qu’à 60,3% au niveau A vec un tour de piste devant les enfants ébahis l’historien des droits populaires en Suisse. Il fédéral. et leurs parents troublés. Zeila devint était catholique, comme on l’est à Rapperswil, célèbre dans les préaux d’école. mais d’une obédience libérale, tolérante, et malgré son engagement à gauche totalement opposée au dogme de l’infaillibilité pour l’amélioration de la condition popu- en 1972, Fredy Knie junior fit plus du pape introduit 1870 par Pie IX. Il était laire, les libertés syndicales et les assurances fort encore: Zeila accomplit son tour de à l’aise dans la Confédération nouvelle à sociales centralisées, Curti était le chouchou piste montée par une tigresse nommée India. laquelle il trouvait toutefois un défaut du Journal de Genève, qui ne manquait jamais Les Knie, ces années-là, multipliaient les grave: le manque de représentativité de ses de donner un écho de ses positions dans les performances avec les animaux. Tigres institutions législatives. Comme catholique débats du Conseil national. A sa mort, en et éléphants dansaient sous la baguette de minoritaire, il ressentait péniblement la décembre 1914, le journal conservateur rendit Fredy, les écoliers ne désiraient rien d’autre domination radicale protestante qu’il s’em- un hommage appuyé au «libéral d’une haute qu’aller les voir au zoo ambulant du cirque. ploya sa vie durant à contrebalancer par le culture intellectuelle et morale» qui avait Rapp erswil-Jon a On leur expliquait que l’hiver, les animaux référendum et le droit d’initiative. cherché à «faire triompher les principes «dormaient à Rapperswil». Rapperswil, Knie, libéraux et démocratiques». «Ses livres et ses le zoo: ces mots-là ont accompagné les dans la Genève radicale régentée discours resteront, et le noble idéal qu’il a enfances genevoises. Les premiers singes, par la forte personnalité de James Fazy, constamment proposé à ses lecteurs comme les premières girafes, les premiers lions leur l’opposition était particulièrement intéressée à ses auditeurs fera vivre son nom dans la sont venus d’un lieu magique – une forêt par les idées de Curti. Les droits populaires mémoire des générations nouvelles.» Des rêves peut-être? – qu’on disait s’appeler Rapperswil. ouvraient en effet une perspective de rééqui- d’enfants C’était avant la fusion avec Jona. Chaque librage des pouvoirs. Après un tir de barrage automne, on formait le projet d’aller voir. acharné mais vain du parti radical, le réfé- et des rêves Parfois, on le réalisait. Il y a 317 km entre rendum facultatif fut adopté le 25 mai 1879 en Genève et Rapperswil. votation populaire par une très forte majorité. d’adultes Le dernier carré de résistance du radicalisme plus tard, les Genevois ont connu avait eu beau dire que les droits populaires une autre espèce tout aussi intéressante n’étaient qu’une «fée Carabosse», un «sem- vivant à Rapperswil-Jona: les Lakers, des blant de démocratie», un «sabot au progrès», hockeyeurs de ligue A capables de battre ceux-ci avaient atteint le cœur des Genevois. Genève-Servette à l’insu de leur plein gré. Servette a beau les devancer d’un rang, parfois deux, dans le classement, les Lakers restent une menace permanente sur la place des Servettiens dans la hiérarchie du hockey suisse.

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–––––– a part la décision zurichoise de Au XVIIIe siècle, la solidarité dans la foi En collectionneur méthodique, Swissair d’abandonner Cointrin comme deu- se transposa dans une solidarité intellectuelle. Bodmer s’était donné une logique de xième aéroport suisse dans les années 1990, Tandis que les oligarchies des deux cantons se classement des œuvres: selon leur temps, on ne connaît pas de gestes inamicaux entre soutenaient mutuellement contre les menées Homère, la Bible, Dante, Shakespeare et A vec Zurich et Genève. Les deux villes ont eu, au révolutionnaires des bourgeois à la conquête Goethe comme représentants de l’antiquité e uric h XV siècle, des relations commerciales profi- de leurs droits, savants, philosophes et artistes païenne, de l’antiquité chrétienne, du Moyen

Z tables à travers le plateau suisse. L’espoir de collaboraient dans la renaissance des savoirs. Age, de la Renaissance et des Temps moder- poursuivre leurs bonnes affaires a incité Zurich Les naturalistes genevois Horace-Bénédict de nes. Puis selon les lieux de la civilisation à intercéder en faveur de Genève auprès du Saussure et Charles Bonnet correspondaient humaine, la foi, le pouvoir, l’art et le savoir. roi Louis XI quand celui-ci décida d’ériger Lyon avec le zurichois Gaspar Lavater, l’inventeur de Avec cette grille d’ordonnancement de ses en place de foire concurrente. Sans succès, la physiognomonie. C’est sur ce plan des idées recherches et de ses achats, il a constitué ce Genève déclina. et des arts que Genève a gardé, avec les tré- qui est devenu la plus grande bibliothèque sors de la Biblioteca bodmeriana de la littéra- privée du monde. ensuite, leurs relations sont devenues ture mondiale, la plus belle trace de l’influence spirituelles. La Réforme de Zurich était-elle de Zurich. Martin Bodmer, son fondateur, est en 1939, Martin Bodmer a demandé Une compatible avec celle de Genève ou al- né en 1899 à Zurich au sein d’une dynastie à rejoindre le Comité international de la Croix- laient-elles s’opposer l’une à l’autre? En mai d’industriels d’origine piémontaise protestante. Rouge à Genève. Il a imaginé le «Service de complicité 1549, Jean Calvin se rendit à Zurich pour une Lecteur assidu, collectionneur de manuscrits, il secours intellectuel», grâce auquel un million discussion avec Heinrich Bullinger, le succes- a formé dès sa jeunesse le projet emprunté à et demi de livres ont été envoyés aux pri- d’esprit seur de Zwingli. Les deux pasteurs avaient Goethe de réunir une bibliothèque des monu- sonniers. La guerre finie, devenu vice-président entretenu une correspondance de deux ments littéraires mondiaux. du CICR, le Zurichois a déménagé à Genève, années pour cerner leurs points d’accords avec toute sa collection. Elle est désormais et de désaccord. Ils étaient prêts pour un Il ne la voyait pas comme le joyau de la ville, le support d’une ambition compromis sur les plus importants points de «une collection de chefs-d’œuvre» mais mondialiste à laquelle le génie humaniste doctrine, comme par exemple sur la nature comme «une collection qui soit elle-même de Zurich a offert un chef-d’œuvre. de la présence du Christ dans la Cène. Ce un chef-d’œuvre». Dans la continuation fut le Consensus tigurinus, (le consensus de de l’universalisme qui avait caractérisé Zurich), qui fonda l’unité du protestantisme les Lumières tant à Zurich qu’à Genève, suisse, loin du luthéranisme allemand. il envisageait la littérature comme une «Weltliteratur», c’est-à-dire, selon ses mots, dès lors, une solidarité religieuse «toutes les créations de l’esprit humain pour orienta leurs rapports politiques et culturels. autant qu’elle se soient manifestées par Zurich soutint chaque démarche de Genève l’écrit et qu’elles aient joué un rôle crucial pour adhérer aux Ligues suisses, en 1603- sur le lieu et l’époque de leur apparition». 1605, puis en 1690-1702. En vain. Elle envoya des renforts quand le duc de Savoie ou le roi de France tentèrent de s’emparer de Genève. Zurich en demanda à Genève pour sa guerre contre Schwytz, en 1656. Pas de tarmac unique

68 69 zurich

70 71 –––––– Winterthour a contribué au meilleur La manifestation terminée, le Ge- en mars 1945, il est aux côtés de Genève: son industrie textile au XVIIIe nève prend sa place dans l’horaire régulier de Burkhardt pour rencontrer le haut siècle, son tourisme au XIXe et son œuvre de la CGN. Le 10 septembre 1898, à 13h40, il commandant allemand Kaltenbrunner et lui humanitaire au XXe. Trois noms marquent s’apprête à quitter le quai du Mont-Blanc, la demander de permettre au CICR de visiter les A vec le commun des deux villes. cloche sonne, quand une passagère accourt camps de concentration, de nourrir et faire encore, suivie de sa dame de compagnie. libérer les déportés. Décision est alors prise de c’est d’abord, en 1720, le marchand Elle monte à bord et s’écroule. Une fine lame ravitailler plusieurs camps de concentration de toile de Winterthour Jacob Biedermann, de poignard vient de lui traverser le cœur. avec des colonnes de camions venus qui vient s’installer à Genève pour devenir C’est Sissi, l’impératrice d’Autriche, tuée par de Suisse. Un certain nombre de femmes le fournisseur principal de coton des fabri- le geste diabolique de Luigi Lucheni. En 1934, françaises détenues à Ravensbrück sont ques d’indiennes de la ville. Son neveu et Sulzer installe un moteur diesel-électrique sur délivrées. Fin avril 1945, Hans Bachmann h ur W intert fils adoptif,J acques, joue un rôle de pointe le Genève, un exploit technique commenté négocie directement avec Kaltenbrunner dans la révolte anti-patricienne des arti- dans le monde scientifique. Désaffecté en les mesures pratiques d’évacuation de sans et industriels genevois, encouragée par 1974, le bateau est sauvé de la casse par déportés et la présence de délégués du CICR Rousseau. L’échec de la révolution, en 1782, une association qui le transforme en buvette dans certains camps de concentration. l’oblige à s’enfuir à Bruxelles avec ses parte- et centre de réinsertion sociale et profes- Hans Bachmann devient membre à part naires économiques. Il fonde là-bas la Société sionnelle. Il est aujourd’hui à louer pour des entière du Comité en 1958. Il y reste jusqu’en Trois maritime suisse, financée par des commer- mariages ou des divorces joyeux. 1976. Il en assume la vice-présidence durant çants en textile et des financiers de Genève. quatre ans. Rentré à Winterthour en 1947, personnages Elle devient rapidement l’une des plus grosses c’est enfin Hans Bachmann, l’avocat où il est devenu conseiller municipal, il est compagnies de commerce avec l’Inde, avant de Winterthour qui choisit en 1942 de venir comme un pont entre sa ville et Genève. de qualité que la guerre maritime franco-anglaise ne seconder Jakob Burkhardt, le président du provoque son effondrement. Biedermann Comité international de la Croix-Rouge. perd sa fortune vers la fin de la période na- Il s’y rend célèbre par son génie de l’organisa- poléonienne, non sans avoir laissé un fils qui tion. Il joue son rôle dans la Fondation la recommencera, marié à une Du Pont, dans pour les transports de la Croix-Rouge, dont l’Etat américain du Delaware, sur une ferme les bateaux assurent le ravitaillement d’une baptisée New-Winterthour. partie de l’Europe pendant la guerre. Il brave les blocus, les problèmes d’achats, c’est ensuite l’entreprise Sulzer Frères, de douane, de devises, négocie sans cesse qui livre le troisième bateau-salon à deux avec les belligérants. ponts sur le Léman, le Genève, commandé par la Compagnie générale de navigation pour transporter les visiteurs de l’Exposition natio- nale de 1896. Le vapeur de grande taille – 1200 passagers – est à la pointe de la technologie et de l’esthétique, le joyau du programme idéolo- gique «patrie et technique» fixé pour l’Expo.

L’étoffe des bonnes relations

72 73 On se croise, un peu serré, dans les couloirs fédéraux. On se parle –––––– en mai 1920, le canton de Schaffhouse malfaisant ‘était mieux mort que vivant’.» Il est vendu à Genève sous le label «Vitale a refusé l’adhésion de la Suisse à la Société des Heinrich Bullinger, à Zurich, plaidait pour Vert», une marque à succès parmi les choix Nations à 60%: 4362 voix pour, 6559 contre. que si mort il devait y avoir, elle ne soit pas offerts par les Services industriels. L’usine En mars 1986, il a refusé l’entrée de la Suisse infligée par le bûcher. Servet est mort le 27 schaffhousoise elle-même est au bénéfice A vec à l’ONU à 78,2%. En mars 2002, il a renouvelé octobre 1553, sur le bûcher. d’un certificat de qualité «Naturemade Star» son refus de l’ONU, quoique de façon moins qui comprend des régulations sur les escaliers cinglante, à 54,6%. Il faut donc se rendre à Les soucis d’aujourd’hui sont moins à poissons, le volume d’eau traité, la quantité

l’évidence: sur la politique étrangère de la cruels. Converties à l’écologie, Schaffhouse de CO2 produite, etc. Du maxi propre garanti. Suisse, Genève et Schaffhouse ne sont pas et Genève se consultent régulièrement sur d’accord. Sur les autres politiques en revanche, ce qu’il convient de faire avec la perdrix grise. c’est qu’il y a une tradition dans la les deux villes ont des affinités. Cette espèce nicheuse typique des cam- ville rhénane. En 1954, elle avait voté pour

h ouse c ha ff pagnes cultivées est menacée en raison de l’initiative populaire qui visait à interdire un S en matière religieuse, par exemple. l’intensification de l’agriculture. Il n’en barrage et une usine hydraulique au fil de Au milieu du XVIe siècle, les deux villes reste que quelques individus, sur les 10’000 l’eau à Rheinau, dans le canton de Zurich. protestantes, encerclées par des Etats recensés avant 1950. La Champagne gene- Il ne fallait pas toucher au Rhin. Genève, catholiques conquérants – la Savoie autour voise et le Klettgau schaffhousois ont pris au contraire, préconisait de l’exploiter le plus de Genève et l’Empereur à Constance, avec les choses en main, mais trop tard, la perdrix possible, elle avait voté contre l’initiative ses troupes – avaient renforcé leurs précau- grise d’origine a complètement disparu à 73,2%. Un courant tions contre les étrangers, tenus pour de Schaffhouse et presque de Genève. Il a suspects. L’intolérance et la peur régnaient. fallu songer à des lâchers d’élevages. Pour alternatif leur laisser une chance, les deux cantons leur A Genève, où il avait de nombreux ont ménagé des habitats revalorisés, riches adversaires désireux de se débarrasser de lui, en nourriture, sur plusieurs kilomètres carrés. Calvin était aux prises en 1553 avec le pro- Les résultats sont encourageants. Les auto- blème que lui posait Michel Servet. Ce méde- rités compétentes affirment qu’en définitive, cin espagnol s’était réfugié dans la ville afin c’est notre société qui décidera si la perdrix d’échapper à l’Inquisition qui le poursuivait grise aura sa place dans nos régions pour son refus de reconnaître la doctrine de cultivées. Nos deux villes s’emploient à lui la trinité et de la divinité de Jésus. Qui était- faire sa place. il? Un hérétique? Un agent de l’opposition? Que faire de lui? Comme c’était l’habitude toujours en communion lorsqu’il entre réformés, l’Eglise genevoise demanda s’agit de combattre les nuisances, Schaf- leur avis aux pasteurs de Bâle, Schaffhouse fhouse et Genève se sont associées depuis et Zurich. La chronique schaffhousoise établie 2005 pour la promotion de l’électricité propre. au XIXe siècle dit: «Genève a demandé un La centrale hydraulique de Schaffhouse, sur le avis d’expert aux villes protestantes sur Rhin, s’est engagée à livrer à Genève jusqu’à Servet et son enseignement. Schaffhouse 20 millions de kilowattheure d’un courant s’est adressée au pasteur Zimprecht Vogt certifié «clean solution», c’est-à-dire produit pour donner l’avis qu’un homme aussi dans les meilleures conditions écologiques.

74 75 –––––– en 1852, le conseiller d’Etat thurgo- 1864 au matin, ils sont montés dans un train participait à la garde des ministres français, vien Johann Konrad Kern est envoyé pour spécial. Le soldat Gaspar Brugger, natif de russe, américain, britannique et chinois. trois mois à Genève comme Commissaire Weinfelden, raconte qu’ils ont passé la nuit Toute une expérience! Et pour la conférence de la jeune Confédération. Il a pour mission à Bienne, une ville qu’ils ont trouvé gentille. sur la Palestine, en 1983, c’est un bataillon A vec d’enquêter sur les mouvements et activités Ils sont arrivés à Genève le lendemain à 14 blindé thurgovien qui a assuré la sécurité politiques des révolutionnaires étrangers heures. La gare était pleine de monde. Ils ont de l’aéroport de Cointrin. venus se réfugier en Suisse, seul Etat euro- trouvé la caserne sale et mal tenue. Il leur

uenfeld péen qui a réussi quatre ans plus tôt à abolir a fallu faire de l’ordre. La nourriture ne leur A Genève, la Thurgovie joue les sentinelles.

a l’Ancien Régime. Les monarchies voisines était pas familière mais ils l’ont supportée, voient la Confédération comme un foyer de malgré l’absence de jus de pomme. Les lits

F r subversion et exigent de Berne l’expulsion aussi étaient sales. de tous les réfugiés. Le Conseil fédéral résiste mais ordonne aux cantons de contrôler le Le lendemain, ils ont pu se prome- nombre et l’identité des étrangers. Genève ner dans les rues, où il y avait beaucoup de nie la présence de réfugiés français sur son choses à voir et des bistrots partout. Ils ont sol. Kern est là pour vérifier. Il en trouve et beaucoup dépensé, trop à l’avis du soldat oblige le gouvernement genevois à se Brugger. Côté service, ce n’était pas difficile. le gendarme conformer aux instructions fédérales. Ils étaient postés en surveillance, sans plus. Ils ont trouvé les Genevois sympathiques et de la Plus tard, en automne 1864, une bien disposés à leur égard. «Les Genevois ont Confédération troupe confédérée est dépêchée à Genève du sang suisse» assure le soldat reporter. Le pour maintenir l’ordre public, troublé par une bataillon est resté trois semaines. Il a quitté violente dispute électorale entre les radicaux Genève sous escorte des Bernois, et avec et les indépendants (futur parti libéral). Une des bouteilles de vin. Disant adieu à la «belle élection mouvementée a eu lieu le 21 août ville», il l’a exhortée à rester attachée à la pour le Conseil d’Etat. Un banquier s’est patrie et à lui offrir son aide à son tour, présenté sur la liste indépendante, contre le quand elle en aurait besoin. radical Fazy. Il l’a emporté par 300 voix. Les radicaux, maîtres de l’appareil d’Etat, ont Caspar Brugger était de retour chez refusé d’entériner le résultat. Les indépendants lui à Noël, avec un cadeau sensationnel ont appelé aux armes, les radicaux ont tiré pour les siens: une photo de lui prise chez un dans la foule, il y a eu trois morts et huit bles- photographe, avec Genève en arrière-fond. sés. La Confédération a été appelée à l’aide. Il n’y avait pas encore de photographe professionnel à Frauenfeld. La Thurgovie a mis à disposition le bataillon 14. Ses soldats ont été appelés à se La troupe thurgovienne est revenue rendre équipés et armés sur la place de l’ar- à Genève près d’un siècle plus tard, en 1954, senal de Frauenfeld. Le président du gouver- pour la protection des délégations à la nement les a assermentés et le 3 décembre Conférence sur l’Indochine. Le régiment 31 Ouvrir l’œil, en toute occasion

76 77 –––––– jusqu’en 1980, il existait à Kreuzlin- à la fois une histoire de la science, une histoire a Kreuzlingen, Ludwig Binswanger gen une clinique psychiatrique célèbre fondée de la mélancolie et une histoire des mélancoli- distinguait la guérison (Heilen) et le salut en 1857 par Ludwig Binswanger sur les terres ques depuis Homère jusqu’à Baudelaire et (Heile), la thérapie et les soins de l’âme d’une abbaye sécularisée. Dénommée Kafka en passant par Rousseau. (Seelsorge). Aby Warburg, l’historien de l’art A vec Bellevue, elle avait accueilli au tournant du qu’il soignait pour schizophrénie, a quitté XXe siècle des patients comme Bertha au croisement de la psychiatrie et de sa clinique le 12 août 1924, trois ans après Pappenheim (la Anna O. des Etudes sur la littérature, le «vécu mélancolique» appro- son arrivée. Il venait d’y tenir, pour éprouver l’hystérie de Freud), l’historien d’art Aby ché par Starobinski dans les pas de l’école de sa guérison, une conférence sur le rituel du Warburg, le danseur russe Nijinski ou encore Kreuzlingen allait donner corps à Genève à serpent des Indiens du Nouveau Mexique le peintre Ernst Kirchner. une œuvre critique magistrale. «Les maladies auquel il avait assisté vingt-six ans aupara- humaines ne sont pas pures espèces naturel- vant. Il était sûr que la preuve de son retour Ludwig Binswanger (1881-1966), le les, écrivait Starobinski dans sa thèse, publiée à la santé serait sa capacité de renouer avec g en Kreuzlin petit-fils du fondateur, avait inventé, dans la sous le manteau en 1960. Le patient subit son son travail scientifique. Il réussit. Binswanger foulée de Heidegger et de la phénoménologie mal, mais il le construit aussi, ou le reçoit de l’avait-il guéri ou sauvé? de Husserl, l’«analyse existentielle» (Dasein- son milieu; le médecin observe le mal comme sanalyse), une curiosité qui faisait accourir à un phénomène biologique mais, l’isolant, le ce sont les hautes questions que Kreuzlingen l’élite de la psychiatrie. Il s’agis- nommant, il en fait un être de raison et il partagent Kreuzlingen et Genève, par philo- sait de reconnaître les façons qu’a l’homme y exprime un moment particulier de cette sophes interposés. Le bâtiment de la clinique malade de se rapporter au monde et aux aventure collective qu’est la science. Du côté Bellevue a été démoli en 1990. Mais son nom un «vécu autres. Contrairement à l’idée répandue du malade, comme du côté du médecin, la reste en tête de la présentation historique qu’il en était éloigné ou séparé, Binswanger maladie est un fait de culture, et change officielle de la commune de Kreuzlingen. mélancolique» voyait dans son aliénation une tentative, la avec les conditions culturelles.». seule peut-être, d’habiter le monde. Il fallait donc porter une attention toute particulière Avec le temps, le médecin Starobinsky au vécu des patients, les suivre et les écouter s’est éclipsé devant l’essayiste, le littérateur, avant de prétendre les soigner. le philosophe. Dans son dernier livre, L’Encre de la mélancolie, publié en 2012, il soumet Vers 1958, vivait à Genève un jeune l’art à l’examen de la «bile noire», de «l’eau universitaire, Jean Starobinski, médecin inter- sombre» qui se mue en matériau d’écriture. niste en même temps que maître assistant «Ecrire, dit-il, c’est former sur la page blanche de littérature française. Occupé à produire un des signes qui sont de l’espoir assombri, c’est doctorat de médecine, il avait noté que dans monnayer l’absence d’avenir en une multipli- toutes les histoires de malades disponibles dans cité de vocables distincts, c’est transformer la littérature médicale, il manquait toujours l’impossibilité de vivre en possibilité de dire.» quelqu’un: le malade lui-même, sa présence vi- vante, sa façon de vivre sa maladie. L’approche nouvelle du groupe de Kreuzlingen était donc pour lui. Il écrivit sa thèse sur l’histoire des traitements de la mélancolie, qui devenait tout kreuzlingen – L’expédition, prise dans le cortège de la Fête des Nations, rösti et nasi goreng mélangés

78 79 –––––– saint-Gall, pour les Genevois, c’est a ses portes, la Réforme saint-gal- gée au lieu de sa sépulture. Elle était devenue «l’autre bout» de la Suisse, la clé orientale loise trouve l’empire de Charles Quint, celle monastère quand la cour et les riches avaient de la géographie nationale apprise à l’école de Genève la France de François 1er. Vadian, commencé à payer là le prix de leurs pêchés. a ll primaire. Ils s’y rendent tels des arpenteurs, ancien recteur de l’université de Vienne, voit A vec pour mesurer le territoire dont ils sont, depuis l’entreprise d’un point de vue éthique et L’histoire de l’abbaye de Saint-Gall deux cents ans, les usagers. Séparées par moral. Il pense à l’échelle locale, écrit peu, et commençait. Elle serait grandiose. Des moines t-G quatre heures de train à moyenne vitesse et en allemand seulement. Calvin, théologien irlandais y viendraient, «pleins de zèle et de S par 348 km d’autoroute, les deux villes scellent politique, la voit à l’échelle internationale culture, de musique, de peinture et de litté- de chaque côté l’espace nain de la Confédéra- et l’illustre par un flux continu d’écrits en rature établissant des lexiques germains-cel- tion. Courte objectivement, la distance qui les français et en latin. Il invente un nouveau tiques-latins pour toucher les reines et convertir sépare est longue en réalité. type humain, «le réformé», dans une nouvelle les rois, des guides de Rome, ruine par ruine, civilisation. Genève a un projet, dit l’historien maison par maison, des jardins de plantes pour envoyer une délégation irlandais Alester McGrath. Saint-Gall n’en a rendant la vie […] des moulins, des piscines, genevoise de huit tireurs au grand tir fédéral pas. N’en a plus, faut-il préciser. Car il y eut à des hospices, des basses cours, des ateliers de prévu au mois de juillet 1838, les sociétés des Saint-Gall une «civilisation». copistes allant à toute allure et bien, splendide- Un poÈte Exercices de l’Arquebuse, de la Carabine et de ment, orthodoxement, pour l’émerveillement la Navigation, ne parviennent pas à réunir la on y pénètre avec Charles-Albert des empereurs et des rois». passeur somme nécessaire. Elles doivent demander Cingria, un Genevois poète, vagabond, une subvention de 1300 florins au Conseil conteur, un érudit musicien par qui l’on au VIIIe siècle, les moines de Saint- de civilisation d’Etat, qui la leur accorde. Il faut deux jours entend les kyrie et alléluia des moines celtes Gall seraient le centre de la lyrique occiden- à cette époque pour parcourir la Suisse échoués là il y a quinze siècles. Ils étaient par- tale: «C’est par eux, écrit Ekkehard V dans d’Ouest en Est. Pour un maigre deuxième tis d’Irlande, avec Colomban. Avaient traver- sa chronique, que l’Eglise est remplie de prix et quatre coupes, les tireurs genevois sé la Bourgogne. S’étaient retrouvés à Arbon, tressaillement et d’éclat: et non seulement consacrent une semaine à leur voyage à sur le lac de Constance, puis à Bregenz, où en Allemagne mais positivement d’une mer Saint-Gall. Le patriotisme a son prix. subsistaient les vestiges d’un christianisme à l’autre, et que le monde entier, jusqu’à ses abandonné. Ils avaient cassé les idoles confins, retentit de leurs hymnes, de leurs Genève et Saint-Gall ont des points devant une foule pétrifiée puis s’étaient mis séquences, de leurs tropes et leurs litanies, communs, la dimension, la situation fronta- à cultiver, à pêcher, à prêcher. Menacés, ils de chants de toutes sortes et de mélodies lière, la vocation commerciale. Elles ont été s’étaient enfuis en Italie. L’un d’entre eux, dont ils sont les auteurs.» toutes deux des seigneuries ecclésiastiques, Gallus, immobilisé par la fièvre, était resté sur Genève avec son évêque, Saint-Gall avec place, avec quelques disciples. Les Genevois vont voir à Saint-Gall son abbé, subordonnées à l’empereur et au les prodiges d’enluminures des manuscrits gar- pape. Leurs bourgeois s’en sont également on lui avait trouvé un ermitage dans dés dans la bibliothèque baroque de l’abbaye. affranchis, choisissant la Réforme contre leur la forêt qu’il avait négocié avec un ours: un Ils croisent en chemin les Saint-Gallois qui se prince: à Genève, avec Calvin, à Saint-Gall, pain pour l’ours contre un tronc que la bête hâtent vers Genève pour le Salon de l’auto. avec Vadian (1483-1551), deux théologiens mettrait au feu pour cuire les poissons. Ils hors norme que l’histoire a laissés en amis avaient vécu dans une aisance toute pasto- mais pas en complices. rale jusque vers 646, date approximative de la mort de Gallus. Une chapelle avait été éri- Genève-Saint-Gall, 350 km. On va, on vient, on se dit bonjour, au revoir et à bientôt

80 81 –––––– herisau a accueilli Henry Dunant il commença à écrire ses mémoires. toujours tenues en suspicion mais on s’y est u à Heiden quand Genève n’a plus voulu de Une jeune amie du lieu, Suzanna Sonderegger, habitué. Appenzell Rhodes-Extérieures et

a lui. Quand il était ruiné, sali par sa faillite lui offrit de créer une section locale de la Genève ne conservent que des traces, mais économique, maudit par ses créanciers, Croix-Rouge. Un journaliste de Saint-Gall combien significatives, de la dispute: Heiden A vec elle l’a requinqué, lui a donné une nouvelle l’interviewa longuement pour un article qui a le musée Henry Dunant; Genève le musée vie. Son nom, sous la protection de Heiden, parut dans un journal allemand et fit le tour de la Croix-Rouge. est redevenu un grand nom. Il y a 356 km du monde. Des amitiés oubliées lui revinrent. Heris entre Genève et Herisau, un peu plus jusqu’à Le Conseil fédéral lui donna un prix, le pape La petite commune sur le lac de Heiden. C’était la distance nécessaire pour Léon XIII lui signifia sa reconnaissance, la Constance et la grande sur le lac Léman ont séparer deux anciens complices genevois tsarine russe lui octroya une pension. cependant trouvé une entente historique le qui en étaient venu à se haïr: Henry Dunant, Son ami de Stuttgart, devenu professeur, 1er janvier 2000, lorsque Jakob Kellenberger, le prophète, l’inventeur de la Croix-Rouge, publia un livre sur la naissance de la Croix- né en 1944 dans ce même hôpital de Heiden Herisau a accueilli Henry le propagandiste humanitaire, et Gustave Rouge dans lequel il insista sur son rôle de où Dunant avait vécu, est devenu le président Moynier, l’administrateur, l’organisateur fondateur. La bible des origines, Un Souvenir du Comité international de la Croix-Rouge. pragmatique du mouvement. Dunant le de Solférino, fut traduit en allemand. La Ce n’était pas écrit. Kellenberger n’a pas “ fou, Moynier le sage. Genève a gardé le pacifiste autrichienne Bertha von Stuttner grandi dans la dévotion de Dunant. Son Dunant à Heiden quand UnE DETTE sage, qui a bâti la maison Croix-Rouge; vint le voir et participa à sa promotion. enfance à Heiden n’était qu’une enfance. POUR LE Appenzell Rhodes-Extérieures a pris le fou, Le réfugié de Heiden redevenait Henry Mais il s’est laissé faire quand les circons- Genève n’a plus voulu de lui. avec son messianisme. Dunant. Il recommençait à se battre, contre tances l’ont choisi pour présider à la perpé- le militarisme, pour les droits des femmes, tuation de l’idée humanitaire. génie dunant avait découvert Heiden par pour la formation des infirmières, la création Quand il était ruiné, sali un ami de Stuttgart, en 1881. Il traînait alors d’une bibliothèque mondiale, d’un Etat disgracié une vie austère et solitaire, hanté par ses pour Israël… malheurs genevois et inconsolable de la perte de son ancienne gloire. Il aima l’endroit, non en 1901, il recevait à Heiden un avis par sa faillite économique, pour les cures de petit-lait qui l’avaient rendu du Comité du parlement norvégien qui lui célèbre, mais pour l’amitié que lui démontrè- attribuait le prix Nobel, en même temps rent la famille Stähelin à l’hôtel Paradies, puis qu’au pacifiste français Frédéric Passy. maudit par ses créanciers, le docteur Hermann Altherr, à l’hôpital, puis Gustave Moynier et le Comité international d’autres, émus par ce personnage bouillant de la Croix-Rouge avaient aussi été candidats de ressentiments et d’ardeur. Il aima Heiden au prix cette année-là. elle l’a requinqué, lui a parce que la vue sur le lac de Constance lui rappelait le lac Léman, son passé, à l’autre Dunant mourut en 1910, deux mois bout de la Suisse. Le courage lui revenait. après Gustave Moynier. Les deux hommes ne donné une nouvelle vie. se réconcilièrent jamais. Le temps a effacé leur querelle de caractère et de conduite: même s’il est recommandé de savoir tenir un budget, il n’est plus honteux de faire faillite; quant aux visions d’avant-garde, elles sont ”82 83 à herisau, Un brancard pour la Croix-Rouge

84 85 –––––– ce n’est pas la première fois que 1603, trois grands notables appenzellois, Ulrich pour son importance historique, porte les Genève et Appenzell se donnent rendez-vous, Näff,J ean Heimen et Sebastien Thoring, sont signatures et les sceaux des deux demi- malgré les kilomètres géographiques et venus participer à la médiation internationale cantons d’Appenzell. culturels qui semblent les séparer. En 1515, qui allait libérer Genève de l’emprise du duc

A vec après la bataille de Marignan, les délégués de Savoie. L’année précédente, par une nuit en 1604, une députation genevoise des Suisses, parmi lesquels ceux d’Appenzell noire de décembre, le duc avait en effet tenté formée de Jean Sarasin et de Daniel Roset tout juste admis dans la Confédération, et un assaut surprise contre la ville, en violation s’est rendue dans les cantons médiateurs, les ambassadeurs de François 1er, se sont ren- de tous ses engagements diplomatiques. et tout spécialement en Appenzell, pour contrés à Genève, sous la médiation du duc Comme dans les meilleurs scénarios de conju- renouveler ses remerciements. Plus tard, en de Savoie, oncle du roi, pour signer la paix. ration, une heureuse fortune avait permis aux 1673, comme le Duc de Savoie violait encore enzell A pp Le 7 novembre, ils sont tombés d’accord sur Genevois de déjouer l’attaque et de repousser une fois la paix qu’il avait signée, les deux le texte d’un traité. Celui-ci n’a cependant les commandos savoyards. Mais l’opération Appenzell se sont joints aux autres mé- pas été ratifié par tous les cantons. Il a fallu avait été si odieuse, et si menaçante pour le diateurs pour le rappeler à l’ordre. Les op- négocier un an encore pour que les Treize trône de France que le roi, Henri IV, mobilisa positions religieuses étaient une chose, les Cantons se mettent d’accord et signent à tous les concours pour imposer une paix au intérêts diplomatiques une autre. Fribourg, en novembre 1516, la «paix perpé- duc de Savoie. Appenzell en était. Des tuelle» avec la France. Après la chute de Napoléon, ce canton avait été accueilli par Appenzell Rhodes-Extérieures n’a pas désaccords plus tard, les passions religieuses ont les Confédérés en 1513 à condition de rester pris part au premier vote de la Diète froissé l’entente. En 1571, deux ambassadeurs neutre dans les conflits qui n’intéressaient sur le rattachement de Genève à la patriotiques genevois se sont arrêtés à Appenzell dans pas l’ensemble du corps helvétique. Il était Confédération, comme le souhaitaient les l’espoir d’un appui pour l’entrée de Genève donc bien placé pour offrir, avec Soleure, Puissances victorieuses. Il a dit oui au dans la Confédération. Ils ont été reçus avec Bâle, Schaffhouse etG laris, une médiation deuxième, mais selon son habitude, toutes les politesses mais sans obtenir de crédible entre Genève et la Savoie. Mais «ad referendum». Depuis, les deux cantons réponse. Appenzell a souhaité consulter les entre temps, en 1597, il s’était séparé en deux entretiennent leurs désaccords dans la autres Confédérés. Ceux-ci n’ayant pas de demi-cantons, l’un catholique et l’autre plus grande confraternité patriotique. vues très franches sur le sujet, il a noyé le protestant. Comme chacun d’eux restait lié poisson. En réalité, il n’était pas très chaud à aux engagements antérieurs communs, ce l’idée de laisser une nouvelle ville protestante n’est pas une délégation appenzelloise qui s’introduire dans le système fédéral. Quand fut présente à Genève mais deux. Genève a obtenu l’alliance de Berne et de Zurich, il n’a pas cessé de protester contre ce tous ces messieurs diplomates sé- qu’il voyait comme une intrusion de Genève journèrent dans la ville jusqu’à la signature, par la bande, qui faisait de la Suisse le centre en juillet 1603, du Traité de Saint Julien qui de la Réforme. assurait l’indépendance politique de Genève et le droit de libre circulation des Genevois en Ce n’est pas que l’Appenzell Savoie. Ils furent chaudement complimentés. catholique se désintéressait totalement de L’exemplaire original du Traité, pieusement Genève protestante, non, au contraire: en déposé aux archives de Genève et vénéré Cette musique-là, unique, qui adoucit les liens

86 87 –––––– genève et le Liechtenstein ont eu situation et finirent par décider, en décembre Le paysage international était en effet deux moments ensemble: le premier, en 1920, 1920, par 28 voix contre une, celle de la complètement changé. La décolonisation quand la ville siège de la Société des Nations a Suisse, qu’il n’était pas admissible comme avait donné naissance à de nombreux «petits»

duz assisté, impuissante, à l’échec de la demande membre à part entière. Le rapport de la Etats, voire «micro Etats» qui collaboraient A vec d’adhésion de Vaduz au Pacte; le deuxième, Commission qui aboutissait à cette conclu- normalement avec les grands. Ceux-ci d’ail-

Va en 1990, quand elle enfin a pu applaudir à la sion relevait «la superficie très faible de son leurs recherchaient leur voix à l’Assemblée participation pleine et entière de la Princi- territoire » (157 km2), «le chiffre restreint de générale. C’est ainsi que les Etats-Unis pauté aux organisations spécialisées d’une sa population» (11’000 âmes en 1920), et s’engagèrent pour l’adhésion pleine et entière ONU dont elle était devenue le 160e membre, «l’impossibilité où il se trouverait de s’acquit- de la Principauté à l’ONU. Il fallut que le Prince (devançant la Suisse de douze ans). ter de toutes les obligations internationales convainque son peuple, réticent. En septembre qui lui incomberaient selon les stipulations 1990, le Landtag se prononçait unanimement dans la Genève de la SdN, pendant du Pacte». en faveur de l’adhésion. les années 1920, le Liechtenstein fut un cas d’école. Un «Etat nain» pouvait-il raisonna- La Suisse s’offrit alors à représenter pour Genève, dont l’objectif est blement devenir membre d’une organisation Vaduz à la Société des Nations afin qu’un d’universaliser sa représentation, c’était COMPLICITé vouée au maintien de la paix? Vaduz pen- Etat souverain comme le Liechtenstein ne une victoire. Et d’autant plus grande que la sait que oui. Comme la Principauté avait demeurât pas détaché du monde en train Principauté s’est d’emblée placée parmi les DES PETITS été reconnue par les Puissances au Traité de de s’organiser. Le principe en fut accepté. En membres les plus actifs sur tous les thèmes Saint-Germain, en 1919, la Diète de Vaduz même temps, une discussion débutait sur importants: les droits de l’homme et la présenta donc sa candidature. L’article 2 la question générale de la place des «petits sécurité humaine. Le Liechtenstein est parmi du Pacte de la Société des Nations stipulait Etats» dans la SdN, discussion reportée de les plus forts contributeurs par habitant aux que tout Etat «qui se gouverne librement» commissions en commissions jusqu’à son budgets du Haut Commissariat pour les pouvait adhérer, «pourvu qu’il donne des enterrement bureaucratique vers 1922. Elle réfugiés et de la Croix-Rouge internationale. garanties effectives de son intention sincère reprit, intacte, dans le cadre de l’ONU, après d’observer ses engagements internationaux la Seconde guerre mondiale. Et toujours entre Genève, petit canton de Suisse, et qu’il accepte le règlement établi par la sans solution. La Suisse représentait tou- et Vaduz petit Etat de l’ONU, une complicité Société en ce qui concerne ses forces et ses jours les intérêts de la Principauté dans la historique s’est tissée, celle des petits par la armements, militaires, navals et aériens». politique extérieure, mais n’étant elle-même taille qui ont à être grands par leurs œuvres. L’admission devait être acceptée par deux pas membre de l’ONU, sa propre marge de tiers des Etats membres. manœuvre en tant que représentante s’en trouvait réduite. En novembre 1970, le prince Le Liechtenstein n’avait plus d’armée se plaignit du manque d’indépendance de depuis 1866 et, craignant de redevenir un l’Etat liechtensteinois. champ de bataille, ne désirait pas en créer une. Il souhaitait rester neutre. Jouait aussi contre lui le fait qu’ayant présenté sa can- didature par l’entremise de la Suisse, son état de dépendance était prouvé. Les Etats membres n’en examinèrent pas moins sa Voisins indispensables en pleine manifestation de leur séculaire amitié

88 89 –––––– Le premier bâtiment construit pour Un motif de prudence avait profilé tableau idyllique de la journée de 11 heures: la Société des Nations à Genève fut celui du Glaris à l’avant-garde de la législation du «On remarque avec plaisir que la hâte que Bureau international du travail. «Une chose travail: l’’éclairage rudimentaire des fabriques mettaient les ouvriers à se rendre à leurs repas

a ris prend existence qui n’avait jamais existé, une textiles, le coton facilement inflammable et et à en revenir a cessé, que la préparation des A vec maison où des peuples fraternisent enfin par la fréquence du foehn dans la vallée de la repas peut se faire en toute tranquillité et que le seul geste qui les rend égaux et fraternel: le Linth mettaient gravement en danger la sé- l’alimentation est meilleure. Très souvent, on Gl travail», fut-il dit le jour de son inauguration, curité publique. Suivant l’avis de la commis- voit des ouvriers, une fois terminé leur repas, en 1926. Devant l’édifice, maintenant dévolu sion sur l’assurance incendie, le landamann s’occuper à fendre du bois dans le jardinet à l’Organisation mondiale du commerce, on du canton ordonna en 1824 la fermeture des attenant à la maison, en un mot, se donner pense à Glaris et à son rôle précurseur dans filatures à partir de 20 heures l’hiver et de 21 plus de mouvement en pleine liberté. Ce fait a la législation du travail. heures l’été. Le travail de nuit se trouvait ainsi amélioré la santé des ouvriers. Au point de vue de facto supprimé. intellectuel aussi, la réduction de la durée du c’est le canton de Glaris qui, le travail a produit d’excellents effets. L’ouvrier premier, a introduit la journée normale de L’ordonnance fut strictement res- (…) peut plus facilement entretenir des travail de 13 heures, dès 1848. Lui encore qui pectée pendant une quinzaine d’années, puis relations avec ses semblables. L’esprit est plus POUR l’a ramenée à 11 heures, en 1872, puis qui a les infractions se multiplièrent. Les fabricants vif que jadis (…) les enfants fréquentent bataillé pour que la Suisse se dote d’une loi obtinrent des exceptions à la règle. Cette davantage les écoles complémentaires et Le bonheur fédérale sur les fabriques, en 1877, la première tolérance réactualisa la question du travail les écoles du soir (…) La vie de famille y a du genre dans le monde. La Suisse a repris le de nuit. Habituée à son interdiction, la popu- gagné également (…)». au travail flambeau de Glaris pour que les autres Etats lation en demanda le maintien. Elle obtint en européens adoptent à leur tour des normes 1848, par le plébiscite de la Landsgemeinde, En 1919, quand est fondée l’Organisa- sociales égalisant les conditions économiques la première loi ouvrière de l’époque. Celle-ci tion internationale du travail, la Suisse participe de la compétition industrielle. réglementait très précisément le temps de ardemment à son projet d’élaboration travail des ouvriers, enfants et adultes. Elle ne normative. Mais le textile suisse est en crise. La cause n’a été entendue qu’après concernait toutefois que les filatures. Cette Les Glaronnais sont allés fonder New Glarus la catastrophe de la Première guerre mon- restriction donna lieu à un nouveau mouve- dans le Wisconsin américain. Ceux qui sont diale. Il est alors devenu évident que la paix ment revendicatif, qui aboutit en 1856 à la restés ont voté contre l’adhésion de la Suisse nationale et internationale passait par le généralisation de la loi à tous les établisse- à la Société des Nations. respect des travailleurs et l’amélioration gé- ments industriels, puis en 1858 à l’interdiction nérale de leur condition. Des normes devaient du travail le dimanche et progressivement, être établies, mettant tout le monde sur le au raccourcissement de la journée de travail, même pied. L’Organisation internationale du 12 heures en 1864, 11 heures en 1872. Travail fut incluse dans le Traité de Versailles de 1919 qui créait la Société des Nations. Les fabricants, durant tout ce temps, s’étaient inquiétés des coûts entrainés par ces contraintes légales et de l’affaiblissement de leur position face à la concurrence. En 1874, la Commission du commerce de Glaris balaya toutes ces objections en dressant un glaris – Landsgemeinde d’un jour !

90 91 –––––– Deux grandes personnalités de Coire, une cinquantaine de garçons re- la paix en danger. «La possibilité de jeter les à cent-cinquante ans de distance, ont étendu cevaient à Haldenstein un enseignement bases d’une association susceptible d’assurer leurs bienfaits sur Genève: un éducateur, des langues, français, allemand, italien, de la paix des peuples ne se représentera pas de Martin Planta, au milieu du XVIIIe siècle, et l’histoire et de la géographie, des mathéma- sitôt, dit-il au Conseil des Etats pour justi- oire A vec un conseiller fédéral, Félix Calonder, au début tiques, de la logique, de la musique et de la fier sa réflexion. Et cette possibilité, nous la C du XXe. danse. Les exercices du corps et les travaux devons à l’extrême difficulté des temps.» Ca- manuels complétaient une pédagogie nourrie londer fut assez convaincant pour amollir les genève honore par le nom d’une de l’idéal républicain, dont le but était de oppositions de droite comme de gauche et avenue la mémoire de Charles Pictet de préparer les jeunes gens aux hautes carrières obtenir en novembre 1919 l’accord des deux Rochemont, l’homme qui a négocié des auxquelles ils étaient destinés. Le séminaire chambres sur son interprétation de la neu- conditions du rattachement de la République forma d’ailleurs la plupart des cadres de la tralité. La promesse, même incertaine, d’une à la Confédération lors du Congrès de Vienne, République helvétique, dont le vaudois Fré- paix internationale fondée sur le droit, et le il y a deux cents ans. Elle célèbre ses talents déric-César de La Harpe, futur précepteur du rôle de gardiennes que pourraient y jouer Ge- diplomatiques, son ouverture de caractère qui tsar Alexandre de Russie puis l’allié de Bona- nève et la Suisse avaient libéré chez lui l’ima- le rendait aimable aux cours européennes, sa parte dans les affaires suisses. gination juridique. Le peuple lui donna raison Un éducateur, facilité d’expression dans les langues les plus en votant pour l’adhésion l’année suivante. importantes, sa perspicacité dans l’analyse L’habile formulation de la neutralité un diplomate, des situations. suisse que l’ancien élève de Martin Planta genève lui doit la position de ville avait obtenue du Congrès de Vienne en 1815 internationale que lui avait enviée Bruxelles un président or tout cela, et plus encore, Pictet fut soumise un siècle plus tard à sa première jusqu’au dernier moment. de Rochemont le doit à la formation reçue grande épreuve juridique: allait-elle per- depuis l’âge de 13 ans au séminaire fondé en mettre à la Confédération d’adhérer à la So- 1761 à Haldenstein, près de Coire, par Martin ciété des Nations, l’organisation de sécurité Planta, pasteur touche-à-tout, physicien, internationale inventée en 1919 par les vain- inventeur d’un bateau à vapeur, pédagogue queurs de la Première guerre mondiale avec surtout, fortement influenc par Rousseau. le projet de l’installer à Genève? La neutralité Planta avait ouvert son établissement avec le était-elle compatible avec l’engagement que soutien des hommes éclairés de son entou- prenaient les nations de combattre ensemble rage, Ulysse de Salis-Marschlins, la Société les agresseurs et autres fauteurs de guerre? helvétique de Schinznach et même la Diète des Grisons, qui en avaient vite propagé la Ce fut le Grison Félix Calonder, réputation. Les parents Pictet, hostiles au professeur de droit avant d’être conseiller bannissement de Rousseau par l’oligarchie fédéral, qui trouva la solution: la neutralité, genevoise et à l’interdiction de ses livres expliqua-t-il, peut être «absolue» ou «diffé- politiques, L’Emile et Du Contrat social, brûlés renciée». En temps de guerre, elle doit être sur la place publique, s’étaient fait un point absolue; en temps de paix, elle peut être d’honneur de confier leur deuxième fils pen- différenciée, c’est-à-dire que la Suisse peut dant sept ans à Martin Planta, pour qu’il re- s’associer aux sanctions économiques que les çoive auprès de lui une éducation d’avant-garde. nations prendraient contre celle qui mettrait A qui le puck ?

92 93 94 95 –––––– L’église catholique de Poschiavo est tants, dont plusieurs centaines furent mas- au congrès de Vienne, en 1815, le val placée sous le patronage de saint Victor, sacrés. Un nom est resté: “sacro macello”, la Poschiavo a connu comme Genève le sort

vo comme le fut à Genève un prieuré conven- sacrée boucherie en italien. d’un territoire incertain: au sein de la Suisse tuel détruit en 1534. Les deux villes ont ainsi voulue par les Puissances, mais dans un A vec communié dans la vénération des martyrs genève, alarmée, suivait de près les cadre géographique étroit. Il était question légendaires de la légion thébaine massacrée événements et faisait dire des prières. Zurich, d’agrandir Genève avec le Pays de Gex et une sur ordre de l’Empereur Dioclétien au IIIe qui se sentait également menacée, deman- partie de la Haute-Savoie. Il était également siècle à Agaune (Saint-Maurice) parce qu’elle da à Genève de préparer des troupes pour question de revendiquer la Valteline, annexée C’est ainsi que Genève et refusait de tuer des chrétiens. Saint Maurice envoyer des secours en Suisse orientale. Mais par Napoléon en 1797. Mais les Confédérés ne et ses compagnons, saint Victor, saint c’est la France qui bouta les Habsbourg hors se sont pas acharnés: ni les protestants gene- Posc h i a Ours, les chefs de l’héroïque légion, ont été de la Valteline. La situation des protestants vois ni ceux des Grisons, ni les autres n’étaient “ l’objet dès le haut moyen-âge d’un culte de Poschiavo s’améliora en 1642, quand un enthousiastes à l’idée d’accueillir de nouvelles Poschiavo sont restées des fervent sur tout l’espace occidental, et suisse arbitrage des Ligues imposa la cohabitation populations catholiques. La chronique helvé- en particulier. Il en reste à Genève le nom des religions. Catholiques et protestants sont tique considère souvent le Congrès de Vienne zones frontière, très française d’une rue et à Poschiavo le nom d’une église. restés à se partager les âmes et les meubles comme une occasion perdue pour ces deux SOUS Petites traces d’une foi populaire qui a avec une générosité oscillant avec les cir- extrémités de la Suisse. répandu pendant mille ans ses légendes, constances. Les réformés, ne possédant pas Le regard ses miracles, ses reliques, ses chants, ses les terres, se spécialisaient dans les profes- c’est ainsi que Genève et Poschiavo et très italienne par leur oeuvres d’art et sa poésie. sions intellectuelles ou de service. Ils avaient sont restées des zones frontière, très française sévère fondé une imprimerie, Landolfi, la première et et très italienne par leur environnement éco- La Réforme a mis fin au culte des longtemps la seule des Grisons, qui répandit nomique, social et culturel, très suisses par leur environnement économique, de Dieu saints. Genève s’est engouffrée dans la des écrits religieux, puis les Lumières, dans ferme attachement à l’organisation politique foi selon Calvin. Poschiavo s’est partagé. toute la région. Des étudiants allaient se fédérale. L’une et l’autre pratiquent avec leur Les Ligues grisonnes avaient aboli le pou- former à l’Académie de Genève. arrière-pays naturel les arrangements que leur social et culturel, très suisses voir absolu de l’évêque, étendu le droit des dicte leur intérêt, sachant d’expérience combi- communes et, une à une, elles avaient passé Mais le temps était passé où la ville ner plusieurs appartenances. à la Réforme selon la doctrine de Zwingli. de Calvin était consultée par les réformés par leur ferme attachement Les réfugiés protestants italiens jouissaient grisons, comme en 1577 à propos d’une auprès d’elles d’une protection particulière. controverse sur la discipline: certaines Eglises Leur prédication amena à la formation des Grisons étaient d’avis qu’il fallait enregis- à l’organisation politique d’une communauté protestante dans le val trer par écrit tout ce qui se passait en Poschiavo dès 1550 mais bientôt, celle-ci dut leur sein, d’autres pensaient que seul le plus fuir les persécutions. En 1621, les Habsbou- important suffisait. Genève avait donné rg, qui cherchaient à reprendre la Valteline raison aux secondes. fédérale. conquise en 1512 par les Ligues, avaient en effet pénétré dans le territoire grison où ils excitaient les rivalités religieuses. La Valteline, restée catholique par refus du pouvoir des Ligues, joua les Habsbourg contre les protes- ”96 97 poschiavo, Dis, c’est encore loin?

98 99 –––––– Lugano et Genève sont sur la route Le Tessin n’a pas voté pour la consti- Les architectes tessinois ont posé Plans en main, nez en l’air, ici on rebâtit le monde de Casanova. A Genève, le Vénitien rencontre tution fédérale de 1848 qui le privait des leurs marques dans cette entreprise. Le Voltaire, séduit quelques jeunes filles de revenus des droits de douanes, mais il a moderniste luganais Alberto Camenzind a la bonne société et enterre sa liaison avec voté à 84,8% en faveur de l’adhésion de la conçu avec deux confrères italien et français A vec Henriette, venue de Provence lui signifier Suisse à la Société des Nations, en mai 1920. le nouveau bâtiment du Bureau International no ga son désir de trouver un mari de confiance. Il Il avait entendu et accepté les arguments du Travail, construit entre 1965 et 1972.

u reste trois mois à Lugano en 1769 pour faire de Giuseppe Motta, son conseiller fédéral L’édifice affirme courageusement, avec ses L imprimer hors censure chez Agnelli les deux depuis 1911 et, cette année-là, président de onze étages de bureaux au garde-à-vous volumes de son histoire de Venise. la Confédération pour la deuxième fois: «Je au-dessus la colonnade de rez-de-chaussée, sais, avait dit le démocrate-chrétien, il faut son double rôle d’atelier de recherche et de Les deux villes sont aussi sur la route un peu d’idéalisme pour croire en l’avenir de centre de négociation. de Chateaubriand, qui compare Lugano aux la Société des Nations. Mais dans le monde, Açores en se demandant si c’est vraiment là quelle grande œuvre a pris forme sans la foi La même interprétation radicale de qu’il veut rester: «Mourir ici, finir ici, n’est-ce ? La foi, justement, c’est ce qui déplace les la fonctionnalité a inspiré le Tessinois dans pas ce que je veux, ce que je cherche? Je n’en montagnes. Je suis idéaliste, je le dis ouver- la conception du Centre international de AU FIL Des sais rien.» A Genève, l’écrivain est un habitué. tement, je le dis partout(…) je suis idéaliste conférence, inauguré en 1975. Tandis qu’au Il y séjourne en 1805, en 1831 et 1832. Il aime parce que je crois en Dieu, en l’Homme et contraire Ugo Bruno, auteur de l’église ronde amours «une cité libre inspirée du christianisme». Pas en la patrie.». de la Trinité, s’est laissé porter par le symbo- au point de vouloir y mourir. Il demande, pour lisme et Mario Botta, pour le siège genevois et des idéaux sa tombe, une vue sur la mer. motta a succédé au Grison Félix de la banque Lambert et le musée de la Calonder à la tête du Département politique. Fondation Bodmer, par cette poésie de la Se trouver dans le carnet de voyage Il lui revenait de mener le débat public qui pierre et des formes qui s’échappe de toutes de célébrités des XVIIIe et XIXe siècle est l’indice devait aboutir à la première consultation du ses constructions. Genève et Lugano se d’un commencement: Lugano et Genève vont peuple sur une importante question de poli- parlent à travers eux. jouer la carte du tourisme de la renommée. tique étrangère, l’adhésion de la Suisse à une Elles vont mettre leur lac, leurs bateaux à va- organisation internationale. Il y a mis tous ses peur, leurs montagnes et leurs collines idylliques talents d’orateur et, portant ses plus grands sur la carte des plaisirs et ce faisant, avec le efforts sur les catholiques conservateurs, il défilé des hôtes venus d’ailleurs, regarder le l’a emporté. Le 15 novembre 1920, il ouvrait monde avec naturel et familiarité. Lorsqu’en à Genève la première session de l’Assemblée 1863, les peintres luganais Giacomo Donati et de la Société des Nations par un discours en- Joseph Benzoni représentent Le Christ Sau- flammé qui lui vaudrait l’amitié de tous ceux veur dans l’église orthodoxe russe de Genève, qui, comme lui, rêvaient d’un avenir de paix. ils participent d’une société cosmopolite pour Le fils d’un aubergiste deA irolo détenteur laquelle la Suisse est une halte obligée. du quasi monopole du voiturage au col du Gothard méritait bien de l’ancienne ville des foires en passe de redevenir un centre inter- national d’échange.

100 101 lugano

102 103 –––––– en 2000, l’UNESCO a inscrit au développe par lui-même ses propres poten- s’appuyant sur les promesses d’une patrimoine mondial de l’humanité les trois tialités. L’institut portant son nom allait for- éducation généralisée et d’une coopération châteaux de Castelgrande, Montebello et mer des éducateurs et donner naissance en culturelle telle que la préconisait la SdN, les Sasso Corbaro, ainsi que la muraille qui 1925 au Bureau international de l’éducation, Européens cherchaient surtout à sensibiliser A vec ceinture la ville. Oeuvre des Lombards sur un dont Jean Piaget serait le directeur pendant les peuples au respect des œuvres produites site imprenable entre des voies de commu- quarante ans. au cours des âges. Contre le nationalisme qui nication Est-Ouest et Nord-Sud exploitées réduisait l’histoire de l’art à l’exaltation du depuis les Romains, cet ensemble de fortifi- parallèlement, la Société des Nations génie propre d’une nation, ils fondaient cations est considéré comme un témoignage créait en 1922 à Genève une «Commission l’obligation morale de respecter le patrimoine unique d’évolution de l’art militaire depuis le internationale de coopération intellectuelle» de l’ennemi en temps de guerre sur l’idée

Bellinzone Moyen-Âge jusqu’au seizième siècle, quand (CICI), formée de 12 à 19 personnalités, sous que les peuples n’étaient pas les propriétaires Bellinzone est devenue confédérée. C’est la présidence de Henri Bergson. Elle visait à mais les dépositaires d’un héritage commun, aujourd’hui un haut lieu du tourisme de la promouvoir les échanges d’idées entre les que les chef-d’œuvre étaient le produit Suisse italienne. nations et susciter parmi elles la formation des échanges fécondés aux carrefours des d’un esprit international pour consolider cultures. marchant entre les châteaux, on l’action de la SdN en faveur de la paix. Les pour Des pense à la guerre entre les Suisses, Uri, plus grands savants et philosophes en firent La convention de 1972 sur la pro- Schwytz, Unterwald, et les ducs de Milan. On partie: Einstein, Marie Curie, Thomas Mann, tection du patrimoine mondial, a généralisé châteaux ressent par la puissance de la construction Gilbert Murray, Paul Valéry, formant de l’idée pour le temps de la paix, quand la l’importance des enjeux qui les divisaient. On vastes réseaux internationaux d’experts et de menace n’est plus la guerre mais l’industriali- universels est confondu de savoir que «l’humanité», par professionnels de la science, des arts et de la sation et l’urbanisation: elle a fait de chacun sa représentation dans l’UNESCO, voit ici sa culture. Elle fut avec le Bureau international de nous des citoyens du monde, en charge propriété collective. Ce ne sont plus des châ- de l’éducation l’ancêtre direct de l’UNESCO. du maintien de près d’un millier d’œuvres teaux suisses mais des châteaux universels, et de sites répertoriées dans plus de 150 à l’égal des temples d’Abu Simbel ou de la En 1954, l’Unesco adoptait une Etats. Elle a fait de Bellinzone un témoignage Grande muraille de Chine. Cet élargissement convention sur la protection des biens culturels de l’histoire universelle. Genève s’en réjouit en de la perspective culturelle doit un peu à Ge- en cas de conflits armés. C’était l’aboutisse- toute complicité. nève. L’UNESCO, fondée à Paris en 1946, s’est ment de démarches des sociétés savantes qui en effet bâtie sur des concepts élaborés à avaient imaginé bien avant la Première guerre Genève à l’époque de la Société des Nations. mondiale une Croix-Rouge pour les grandes œuvres de l’humanité. Dans les années 1920, L’idée de l’éducation comme fac- le peintre théosophe russe Nicolas Roerich teur de paix était alors promue par Edouard avait élaboré un Pacte qui devait protéger par Claparède et son Institut Rousseau, créé en une bannière les «monuments de l’Esprit». 1912. Rousseau avait été le premier à donner Adopté par les Etats américains en 1935, le de la valeur à l’enfant: il ne s’agissait plus de «Pacte Roerich» fut refusé par les Européens, le corriger et le battre pour qu’il devienne préoccupés en priorité d’empêcher la guerre. l’adulte désiré mais de l’accompagner en respectant le temps de l’enfance pour qu’il Même couleur de maillot pour les deux équipes : qui passe à qui?

104 105 –––––– genève et Brigue ont le même fleuve. l’armée. Le Dr Goudron est mort à Genève c’est aussi en clients que les Gene- Le Rhône entre en ville à Brigue, il sort de mais c’est Brigue qui lui a fait une statue vois fortunés ont connu César Ritz, le na- Suisse à Genève. Tout laisse croire qu’il y aura en 1938. tif de Niederwald qui fit ses premiers mois bientôt une autoroute Genève-Brigue. d’hôtelier à L’Auberge des Trois Couronnes et A vec Les affaires routières ont toujours de la Poste de Brigue. Il inventait une forme Brigue, depuis longtemps l’attend, dominé les relations entre Brigue et Genève. d’hôtellerie de luxe que Genève adopta pour Bri g ue elle qui a donné naissance au plus illustre des Au XVIIe siècle le fondateur de la dynastie accueillir les riches touristes anglais, puis les techniciens de la route, Ernest Guglielminetti, Stockalper, Gaspard, avait développé le sommités politiques de la Société des Nations. en 1862. Ce médecin, spécialiste du poumon, premier transit postal régulier entre Genève Entrepreneur de la mobilité comme l’avait été avait inventé un appareil respiratoire pour et Milan par le Simplon, en reconnaissance Stockalper bien avant lui, Ritz avait concentré alpinistes, pompiers ou plongeurs. Il avait de quoi il avait reçu des privilèges pour le tous ses efforts sur le moment de la halte au séjourné à Java et Sumatra avant de se retrou- transport de marchandises. Cette première palace, sur la qualité des heures passées chez ver à Monaco, star dans sa branche. L’ennemi entreprise capitaliste valaisanne détenait lui par la haute société voyageuse en quête du poumon étant la poussière, notamment l’ensemble des moyens de transport, de connaissances, de connivences, attirée par celle que les premières automobiles soulevaient engageait les muletiers, faisait entretenir une sociabilité cosmopolite. Des routes, sur leur passage, le prince Albert demanda à les routes et construire les dépôts. Guglielminetti s’il pouvait faire quelque chose. L’hôtel 1ère classe deviendrait son des hôtels Le médecin pensa à un hôpital d’Indonésie où a la fin du XIXe, le banquier genevois centre de ralliement. Tout serait fait dans l’ar- le plancher en bois était recouvert de goudron. Edouard Hentsch organisait le premier plan chitecture, la décoration, le confort, la cuisine, et des trains Il eut l’idée d’appliquer le procédé à Monaco. financier destiné à fournir les moyens néces- l’hygiène, le service, pour que l’étape égale en En 1902 la route principale fut recouverte de saires au percement du tunnel du Simplon. A splendeur le paysage ou la ville visités. goudron. Les poumons monégasques s’en la tête de la «Banque nouvelle des chemins trouvèrent beaucoup mieux et le Brigois fut de fer suisses», créée dans la dépendance du depuis le milieu du XIXe siècle, tous promu ami du transport propre sous le titre Comptoir d’escompte de Paris dont il prési- les jours à midi, partait de Genève une dili- de Dr Goudron. Sa nouvelle invention fit son dait le conseil d’administration, il avait levé gence à destination de Milan par le Simplon. chemin. Elle complétait celle de l’Ecossais 96 millions de francs et intéressé l’Italie, long- Elle s’arrêtait à Brigue. Elle avait fait rêver un John McAdam qui avait conçu une méthode temps hésitante. L’opération s’écroula ce- gamin conchin nommé César Ritz. résistante de pavement, le macadam, en lui pendant en 1889 avec la faillite du Comptoir conférant de l’étanchéité. d’escompte dans le scandale du krach du cuivre et du canal de Panama. Brigue atten- a l’initiative du Touring club suisse, dit dix ans avant d’apercevoir le début du la route Genève-Lausanne fut goudronnée. tunnel auquel Genève fournit beaucoup de La même année, le congrès international de passagers mais plus de capitaux. la Ligue des associations touristiques, réunie à Genève, adopta le procédé et le répandit dans le monde entier. Le général Dufour félicita personnellement Guglielminetti pour son apport au transport routier, en particulier pour les avantages qu’en retirait Sport et salon au palace

106 107 –––––– sion et Genève ont partagé le son ordre de marche par un baron autrichien. il l’est depuis que les paysans de moment de l’histoire qui a précédé leur Les dix-neuf cantons n’avaient d’intérêt ni Saxon en ont fait leur gagne-pain à partir rattachement à la Confédération: les deux pour l’une ni pour l’autre. Les deux villes sont de 1900; depuis qu’ils se sont révoltés, en villes ont été françaises. Genève comme devenues suisses avec une forme de regret. Les 1953, contre les importations étrangères bon A vec S ion préfecture d’un «Département du Léman», médisants prétendent que cela se voit parfois marché; depuis qu’ils ont forcé l’industrie de 1798 à 1814; Sion de 1802 à 1810 comme dans leurs comportements. de l’aluminium à s’en aller parce qu’elle capitale d’une «République du Simplon» dont envoyait ses fumées nocives sur les arbres. Bonaparte se disait l’«Auguste Restaurateur Le Valais a beaucoup donné à Il est définitivement valaisan depuis que le de l’Indépendance», puis, de 1810 à 1814, d’un Genève: des caractères, comme Micheline canton a proclamé sa royauté en soutenant «Département du Simplon», directement Calmy-Rey et tous ceux dont on explique la conversion des pommiers et autres poiriers rattaché à la France. La guillotine valaisanne la ténacité par leur naissance valaisanne; en abricotiers. a été construite par un architecte genevois, le chalet, comme idylle de vacances ou qui avait déjà fait celle de Genève. échappatoire de la ville; la raclette, la Petite genève, elle, faut-il s’en étonner, Une Arvine et l’Humagne; le safran; l’électricité commercialise le noyau (pas forcément a la chute de Napoléon, les deux propre avant même qu’on eût déclaré les valaisan d’ailleurs, Chine et Turquie sont sur nostalgie villes ont également été occupées par autres sales. Mais son principal cadeau le marché): deux ou trois laboratoires de les Autrichiens, libérateurs toutefois plus c’est l’abricot. Quand il arrive, fin juin, sur produits cosmétiques fabriquent des crèmes d’indépen- empressés à Sion qu’à Genève puisqu’ils les marchés genevois, c’est tout le soleil de à l’huile d’abricot, bonnes pour l’épiderme, souhaitaient – mais en vain – enrôler des la haute vallée du Rhône qui se déverse sur remplies de vitamines et d’anti-oxydants. Les dance soldats valaisans pour la reconquête de la la table des ménages. L’été est là, soyeux, publicités en parlent avec lyrisme, comme si Lombardie restée en mains françaises. moelleux, juteux. Une promesse réalisée. elles vendaient la caresse d’un soleil couchant fullerain sur des peaux éternellement jeunes Les hostilités terminées, les deux on connaissait l’abricotier à Genève de la féminité urbaine. villes ont été devant la même question: depuis le début du XIXe siècle. Le catalogue quoi après la France? Toutes deux avaient des arbres fruitiers du jardin botanique, le même désir: l’indépendance, dans une établi par son fondateur Augustin Pyrame de alliance avec la Confédération. Le Valais, Candolle, en répertorie neuf variétés en 1820. comme Genève, aspirait au retour à l’ordre Mais tout le génie agricole de la ville n’a pas ancien, à la différence que les Bas-Valaisans réussi à adapter la culture de l’abricot à son entendaient ne plus jamais redevenir les climat, décidément morose, ni assez froid, ni sujets de ceux du haut. assez chaud. Le fruit a besoin de contraste, de la glace et du feu: il est valaisan. Il l’est Les Puissances victorieuses, Allemagne, depuis 1875 lorsque Joseph Sablier a importé Autriche, Russie, Angleterre, voyaient les choses de Lyon une variété toute blonde avec des autrement. Elles ont agrandi la Confédération taches de rousseur qui avait été créée en au Valais et à Genève pour renforcer sa 1838 par l’abbé Luizet. fonction de bastion contre la France. Genève a pu négocier parce qu’elle avait des liens avec les cours européennes. Sion s’est vu signifier Scène de la controverse viticole avant le choix de l’apéro

108 109 –––––– Le lien entre Genève et Montreux dans la pierre et écrit aussitôt un après la littérature, c’est la beauté s’appelle Julie, une native de Clarens empê- long poème sur l’oppression et la liberté, Le intrinsèque du site, l’agrément de la villégia- trée dans une histoire amoureuse sans espoir prisonnier de Chillon. Succès instantané. ture et la quiétude d’une Suisse neutre qui avec un certain Saint-Preux. Sans elle, l’intel- prennent le relais. Il y a Chaplin, Simenon, A vec ligentsia et la noblesse cultivée du XIXe siècle désormais, ce n’est plus seulement Graham Green, Nabokov, des hommes et aurait manqué la beauté aphrodisiaque de Rousseau et Julie qui attirent à Montreux, des femmes qui, comme la Julie de Rousseau l’endroit. Tandis que Julie a mis Montreux sur mais aussi Byron et Bonivard. En 1861, Victor courent après la solitude solitaire pour éviter la carte de la littérature mondiale, puis du Hugo est à Chillon, dans la cellule de Boni- la solitude dans la foule. Genève, à partir de tourisme qu’elle a entraîné. vard: «Je suis resté longtemps comme rivé ce moment-là, commence à rouspéter contre

M ontreux moi-même à ce pilier autour duquel ce libre- Julie. Les nuitées à Montreux sont des nuitées cette Nouvelle Héloïse, née de penseur a tourné pendant six ans comme perdues à Genève. Mais heureusement, la l’imagination effervescente du Genevois une bête fauve. Il ne pouvait se coucher- sur surface intellectuelle de Rousseau est assez Rousseau, a connu un succès immédiat dans le roc- qu’à grand peine et sans pouvoir vaste pour deux villes. toute l’Europe. Le roman et ses personnages allonger ses membres… Pour tout horizon, il portent les questionnements et aspirations avait la hideuse muraille de roc vif opposée si Montreux a pris La Nouvelle Julie, de l’époque, dans le cadre sublime au mur qui trempe dans le lac. Voilà dans Héloïse, l’homme et la femme devant du paysage lémanique. On veut donc voir quelles cages on mettait la pensée en 1530.» l’amour, Genève prend Du Contrat social, Nouvelle Clarens, Montreux, Vevey, Villeneuve, Quelques années plus tôt, en 1857, Leon Tols- la politique, la gouvernance, les institutions Meillerie, le décor du drame. toï est à Clarens, «dans ce même village où international, l’Humanité. A chacune son Héloïse a demeuré la Julie de Rousseau, écrit-il. J’ai Rousseau. c’est d’abord l’Anglais Byron. Il est lu tout Rousseau, je l’adorais.» Il ajoute dans à Genève en été 1816, en même temps que son journal: «Allai à Chillon.» Une rumeur Mary et Percy Shelley. Tous trois s’imprè- russe veut que Gogol ait aussi apposé son gnent de la ville de naissance de Rousseau, nom sur la pierre de Chillon, à l’occasion de dont ils cherchent les traces. Ils lisent La son séjour à Vevey, en 1836, mais où? En 1845, Nouvelle Héloïse. Ils viennent au bout du Flaubert ne l’a pas trouvé. Il a vu celui de lac se mettre dans les pas de Julie et Saint- Byron, de Hugo et de G. Sand. Preux. Byron est en train d’écrire le troisième chant du Pélerinage du chevalier Harold. Il Le défilé des auteurs russes, français, est accessible aux cogitations rousseauistes anglais sur les rives vaudoises établit une sur la solitude bienfaisante, la foule abrutis- réputation dont Montreux s’empare avec la sante et l’humanité à servir. Tandis qu’il se fièvre des découvreurs d’or. Des pensions se fond dans le paysage physique et mental de construisent, puis des hôtels, puis des pa- Julie, un monument le saisit: la forteresse laces. Des listes d’étrangers illustres ayant de Chillon et son histoire. Il s’informe sur séjourné ou séjournant dans la place sont François Bonivard, le défenseur de l’indé- distribuées dans toutes les capitales, entrai- pendance genevoise, embastillé par le duc nant ce mouvement d’agrégation de la haute de Savoie quand celui-ci dominait encore le société internationale si typique de la créa- Léman. Il visite son cachot, grave son nom tion des grandes marques touristiques. Clap, swing and songs

110 111 Moitié-moitié histoire et avenir –––––– avant d’être compatriotes, nous berthelier y fut accueilli à nouveau Fribourg resta ferme aux côtés des g fûmes combourgeois: nous nous accordions en 1517. Il s’était enfui avec l’aide d’un groupe patriotes genevois, malgré la mauvaise réciproquement des privilèges: droit de cité, de marchands fribourgeois après avoir porté humeur de Berne, de Zurich et de la Diète protection militaire et judiciaire, accès au secours au citoyen Pécolat, injustement torturé suisse. Sa résolution ne suffit pas à empêcher A vec marché. Nous étions très importants l’un pour complot contre l’évêque. Logé et soigné à l’invasion de Genève par l’armée ducale, ni la our pour l’autre. Nous le fûmes quinze ans, de l’hôpital de Fribourg, il convainquit l’hospitalier, réunion sous la terreur d’un nouveau Conseil 1519 à 1534. Genève, en ce temps-là, était la Frédérique Marty, des avantages que les deux général qui dénonça l’alliance. Berthelier proie d’une crise intérieure. La Savoie, affai- villes retireraient d’une alliance de combour- fut arrêté et pendu, au grand scandale des

F ri b blie par les guerres de Bourgogne, cherchait geoisie, notamment par la suppression des Fribourgeois. à en prendre le contrôle. Elle avait assuré un péages. L’offre devint rapidement l’objet de siècle de paix et de prospérité à la ville mais discussions publiques à Fribourg, où l’unanimi- ce n’est qu’en 1526, le duc éloigné souhaitait maintenant en faire sa capitale. té fut bientôt faite en faveur du projet. Marty de Genève par ses affaires héréditaires avec Les Genevois étaient divisés quant à vint en ambassadeur à Genève défendre la France et le nouvel évêque affaibli, que la l’attitude à adopter. la cause de Berthelier. Il proféra quelques combourgeoisie de Genève et de Fribourg menaces polies. On le remercia, on lui envoya entra dans les faits, additionnée de celle de Une en 1506, le duc Charles III avait de la malvoisie, mais on ne lui donna pas de Berne, qui avait changé de camp. Fribourg demandé à Genève ses canons pour les réponse. On arrêta de nouveau Pécolat, qui se maintint fidèlement aux côtés de Genève combour- employer contre les Valaisans. Quelques se tailla la langue pour ne pas avoir à dire des pendant les neuf ans de conflit civil et mili- citoyens s’y étaient opposés, parmi lesquels mensonges sous la torture. On coupa en taire qui aboutirent à l’échec définitif du parti geoisie Pierre Levrier et Philibert Berthelier. Le duc morceaux quelques autres citoyens accusés savoyard, avec la Réforme. Sur la messe, les avait menacés de mort. Ils s’étaient d’avoir cherché à empoisonner l’évêque. Une cependant, l’amitié entre les deux villes se brisée réfugiés à Fribourg, qui leur avait octroyé la centaine de patriotes s’enfuirent à Fribourg, rompit durablement. bourgeoisie moyennant un florin d’or annuel. qui les dota à leur tour de la bourgeoisie. «C’est ainsi, dit la chronique fribourgeoise, En 1847, à la fin de la guerre du que commença à se former, par ce noyau La question de la combourgeoisie fit Sonderbund, ce fut un Genevois protestant d’hommes proscrits, la résistance concertée, l’objet d’un accord de principe de Fribourg, et radical, le général Dufour, qui réclama soutenue et digne, qui fit avorter tous les conditionné à l’approbation d’une majorité la capitulation de Fribourg, le bastion projets de la Savoie sur leur patrie.» Munis de Genevois. Ceux-ci terminèrent par un oui catholique. de la bourgeoisie fribourgeoise, ils étaient la tumultueuse séance du Conseil général du rentrés à Genève, où Levrier avait été aussitôt 22 décembre 1518. La guerre civile genevoise arrêté. Fribourg avait protesté et obtenu la entre le parti suisse,les «Eidguenots», et le libération de «son» combourgeois. parti savoyard, les «Mammelus», repartit de plus belle. Le duc et ses gens tentèrent de L’intérêt de Fribourg pour les bloquer la ratification de l’alliance, achetant patriotes genevois tenait à son commerce l’opposition des notables bernois, dénonçant avec les négociants de la place, hostiles pour partout son illégalité. En vain. Le Conseil gé- beaucoup aux menées de la Savoie. néral genevois la confirma en février 1519.

112 113 –––––– bulle a helvétisé Genève. C’est par c’est en effet un pâtre monumental Le «gruérisme» de l’intelligentsia la Gruyère que la République, essentielle- de quatre mètres de haut vêtu du «bredzon» genevoise ne s’est pas éteint après la ment urbaine, tournée vers la France et le fribourgeois qui accueille les visiteurs. Le clôture de l’exposition nationale. John Bovy monde, a attrapé la connaissance et le goût journal officiel de l’exposition le présente ruiné, son gendre Emile Balland, industriel de A vec de la campagne suisse après avoir rejoint la comme un «Génie suisse, d’une inspiration l’horlogerie comme lui, a repris le château Bulle Confédération. L’armailli gruérien a fourni élevée». Il porte un flambeau tout pareil à de Gruyères pour en perpétuer la réputation. au cosmopolitisme genevois une dimension celui de la statue de la Liberté à New York, Lorsque le site a été repris par le canton de régionale et suisse, avec l’esthétique et la mais «imité des vieux pots-à-feu dont le Fribourg, en 1938, pour en faire un musée, mythologie paysanne qui lui étaient jusque musée des armures possède cinq exemplai- c’est encore un Genevois, Henri Naef, là étrangères. res assez curieux», dit le journal. La nuit, le descendant d’une autre famille de néo- pâtre gruérien, chantre de la liberté primitive, châtelains en Gruyère, qui en est devenu le en 1849, quand la recherche du projette «des flots de lumière électrique» sur conservateur. Il a poursuivi l’œuvre entreprise. pittoresque s’est emparée de la culture le monde du progrès et de la modernité. Aujourd’hui encore, le château figure très citadine, l’industriel genevois d’horlogerie Ainsi se veut la Genève fin de siècle: la haut sur l’agenda culturel des Genevois. Jean-François Bovy acquiert le château de Gruyère plus l’électricité. Il n’y a plus d’armaillis «là-haut» ni de bœuf La Gruyère Gruyères laissé vacant et promis à la géant sur la place de Bulle, mais il reste démolition. Avec son jeune frère Daniel, dans le “Village suisse” censé les albums de famille et le goût de la crème plus ancien élève d’Ingres, il le transforme en un représenter la réconciliation du passé et du de Gruyère. monument des arts et artisanat comme il futur, le Chalet de Montbovon joue les stars: l’électricité s’en crée ailleurs en Europe en réaction à construit en 1668 en Gruyère, il a été l’industrialisation: retour à «l’authentique», transporté à Genève, admiré par la foule aux «métiers», aux «matières», au mobilier puis racheté à la fin de l’exposition par la d’origine, aux coutumes populaires. Fondation Gustave Revilliod qui l’a installé Ainsi repensé et décoré par toute une colonie dans le parc de l’Ariana où il trône encore d’artistes dont, parmi d’autres, Jean-Baptiste aujourd’hui, à côté du Palais des Nations. Corot, Barthélemy Menn, Henri Baron ou L’ONU peut bien avoir pour mission de François Furet, le château médiéval de changer le monde pour y faire régner la paix, Gruyères devient un objet touristique de elle a interdiction d’attenter à ce vestige de renommée internationale, sur fond sonore la pastorale gruérienne de Genève. du Ranz des vaches. Il promeut un modèle d’identité qui rassemble modernité écono- Le bœuf géant de Bulle, exhibé pen- mique et tradition, un mélange dont Genève dant quatre mois en 1896 dans le parc fait l’un des grands motifs de l’exposition de plaisance de l’exposition par le boucher nationale de 1896, autour de la figure Enkerli, a fini, lui, à l’abattoir. On en tira de l’armailli. paraît-il plus de mille kilos de viande. De cette bonne viande fribourgeoise qui fournis- sait Genève en protéines et en images: bœuf suisse, lait suisse, fromage suisse. Le «nous» national passe toujours par l’estomac. Le marché de la double-crème où le bœuf est roi

114 115 –––––– entre Genève et La Chaux-de-Fonds, depuis l’article caustique sur Genève La chronique neuchâteloise recense c’est le temps qui compte. Les deux villes publié en 1757 dans L’Encyclopédie sous la si- soixante-cinq artisans genevois venus s’ins- travaillent au comptage des heures, des gnature de D’Alembert mais inspiré par lui, le taller à La Chaux-de-Fonds entre 1775 et minutes et des secondes pour les milliers de philosophe n’était plus en cour dans la cité de 1800. Les déçus de Choiseul étaient-ils parmi A vec

onds millions d’individus confiants depuis deux Calvin. Prenant ses distances, il s’était installé eux? Il ne reste pas de trace pour le prouver, siècles en l’exactitude mécanique qu’elles à Ferney, dans le pays de Gex voisin, sur un sinon ce nom de rue, «Versoix». Qui, sinon les ont chacune élaborée, reproduite et perfec- domaine qu’il avait fait prospérer, y compris participants à l’aventure horlogère de Vol- tionnée. Avec l’horlogerie, «l’homme protes- en développant une manufacture horlogère taire et du duc de Choiseul, aurait transposé tant», le réfugié de l’après Saint-Barthélémy, concurrente. Il avait embauché des artisans ce nom de la rive lémanique à la montagne a trouvé dans les petites cités de Suisse genevois «natifs», des immigrants de se- neuchâteloise? Qui, sinon des artisans romande le moyen de gagner son honneur conde génération victimes de ségrégation genevois non reconnus dans leurs droits

F ux-de- et son pain. Genève et La Chaux-de-Fonds professionnelle au sein de la Fabrique horlo- de citoyens mais interdits d’exercer leur art partagent ce passé. gère genevoise. Tout à son désir de rabaisser ailleurs qu’à Genève, aurait assez chéri les prétentions de Genève, il avait suggéré l’espoir de «Versoix» pour en emporter le il existe à La Chaux-de-Fonds une au duc de Choiseul, ministre de Louis XV, de souvenir à la Chaux-de-Fonds? «rue du Versoix». Elle abrite un café-restau- fonder à Versoix une «manufacture royale Cha rant, une boulangerie-pâtisserie, une librai- d’horlogerie», avec un port pour exporter la rie, un centre de formation d’horlogerie et marchandise en contournant Genève. La le siège du POP, le parti communiste suisse. «La» Versoix, c’est aussi le nom de la rivière Ce projet prit forme à partir de qui sépare le canton de Genève du canton 1766 à l’occasion d’une crise politique dans la de Vaud. Elle a donné son nom à la ville de République qui aboutit à un blocus commer- Versoix, sise à l’endroit où la courte rivière cial par la France et, en 1770, au départ pour L’aventure venue du Jura se jette dans le lac Léman. Versoix de quelques 350 horlogers genevois. Versoix, jusqu’en 1814 appartenait au Pays Les travaux d’installation à peine commencés horlogère de Gex français. Elle a été cédée à Genève cependant, Choiseul tomba en disgrâce, le port au Congrès de Vienne, il y a deux cent ans, et la manufacture furent abandonnés. Des de Voltaire afin qu’il y ait une continuité terrestre de dix artisans revinrent à Genève, penauds, d’autres kilomètres entre Genève et Vaud et qu’ainsi s’embauchèrent chez Voltaire à Ferney, d’autres le territoire de la Confédération soit d’un dans les montagnes neuchâteloises. Des natifs seul tenant. Les Puissances victorieuses genevois les y avaient précédés, objets de de Napoléon Bonaparte avaient le souci de fortes pressions de la République pour les supprimer toute capacité de nuisance obliger à revenir sous peine de se voir retirer de la France à l’égard de la nouvelle Suisse. leurs maigres droits. Or, ils se trouvaient bien Genève, d’ailleurs, avait des souvenirs à dans ces montagnes où la liberté d’établisse- ce sujet, qui remontaient à Voltaire. ment et de travail était absolue.

A l’établi

116 117 –––––– Le 13 novembre 1856, le Genevois sait? Le 27 décembre, l’Assemblée fédérale Ceux-ci sont transférés en France pour y Guillaume-Henri Dufour, délégué d’urgence décide la mobilisation et renomme Dufour être relâchés. Une conférence internationale à Paris par le Conseil fédéral pour résoudre général à 130 voix sur 140. Les cantons sont met fin à la souveraineté prussienne «l’affaire de Neuchâtel», est assis en face de unanimes à vouloir courir à la défense de sur Neuchâtel. A Genève, James Fazy A vec Louis-Napoléon Bonaparte, son ancien élève la République neuchâteloise. Près de trente s’insurge: «Je repousse cette conférence à l’école militaire de Thoune. En septembre, milles hommes sont dépêchés sur le Rhin et parce qu’elle n’a pas le droit de se mêler de des monarchistes neuchâtelois fidèles au le reste de l’armée, 158'000 hommes en tout, notre affaire, parce que nous ne voulons roi de Prusse, formellement souverain de est mise de piquet. En cas d’invasion, Dufour pas passer sous les fourches caudines de Neuchâtel, ont en effet tenté un coup d’Etat prévoit d’inonder la région de Bâle avec les l’Europe monarchique.» pour soustraire le canton au régime républi- eaux de la Wieser. Les banquiers genevois neuc h âtel cain et confédéral installé depuis 1848. Les et suisses de Paris font savoir qu’ils trouve- des Neuchâtelois partagent son Neuchâtelois les ont arrêtés et emprisonnés. ront de l’argent pour la défense du pays. La point de vue. La Suisse, disent-ils pour s’en Genève de James Fazy lance des emprunts prendre aux vues modératrices de Konrad ils demandent, avec le soutien de la pour faire face aux dépenses militaires. Celle Kern, a été «kernisée». Sans doute, mais Suisse entière, et des Genevois en particu- du poète Henri-Frédéric Amiel entonne son la Prusse renonce bel et bien à ses droits Je repousse cette conférence lier, que la Prusse renonce définitivement à fameux «Roulez tambours, pour couvrir la historiques sur Neuchâtel et Guillaume-Henri Pour une ses droits sur Neuchâtel. La Prusse exige, en frontière». L’exaltation est générale. Dufour peut rendre son habit de général. affaire préalable à toute discussion, que les insurgés On a appris plus tard que le ministre “parce qu’elle n’a pas le soient libérés et les poursuites contre eux trop peut-être. L’affaire de Neuchâ- prussien des finances avait refusé au roi les abandonnées. Le Conseil fédéral voit cette tel est devenue une affaire européenne et fonds nécessaires à une guerre. d’honneur exigence comme une ingérence dans les af- toutes les chancelleries s’en mêlent. A Berne, droit de se mêler de notre et de droit faires internes de la Confédération et refuse. commence alors à souffler un esprit de L’Empereur des Français ayant fait connaître modération. Le Conseil fédéral envoie à Paris son désir de s’entremettre, Dufour lui indique le Thurgovien Konrad Kern, qui fut un ami les conditions de la Suisse: il ne saurait être d’école de Louis-Napoléon du temps où celui- affaire, parce que nous ne question de libérer les prisonniers tant que ci était réfugié en Thurgovie. Ils se parlent en des assurances ne sont pas données en fa- dialecte thurgovien, que l’Empereur n’a pas veur de l’indépendance complète du canton oublié. Kern a des instructions moins strictes voulons pas passer sous les de Neuchâtel. Dufour a pour instruction de que n’en avait Dufour. ne pas négocier ce point. Or Louis-Napoléon pose le problème dans l’autre sens: pas de il fait confiance à la capacité de fourches caudines de l’Europe garantie d’indépendance pour Neuchâtel l’Empereur d’intercéder auprès du roi de tant que les insurgés ne sont pas libérés. Prusse et d’obtenir l’indépendance de Neuchâtel en échange de la relaxe des pri- monarchique. La mission Dufour échoue. L’ancienne sonniers. Il sait transmettre cette confiance amitié qui lie le Genevois et l’Empereur n’est au Conseil fédéral et aux Chambres, lesquel- d’aucun bénéfice. La Prusse menace la Suisse les votent le 15 janvier 1857, à 97 oui contre d’une expédition militaire pour récupérer 4 non, la «mise à néant» de la procédure Neuchâtel. C’est peut-être un bluff mais qui contre les rebelles royalistes neuchâtelois. ”118 119 Une affaire à Neuchâtel

120 121 –––––– Yverdon et Genève se sont ren- 1841), son filsA lphonse-Pyrame (1806-1893) éducation pour l’autonomie en lieu et place contrées une première fois du temps de la et son petit-fils Casimir (1836-1918), qui a du dressage. «Rousseau est celui qui brisa Sapaudia, vers 443. Il y a si longtemps qu’elles donné à la science des plantes trois savants […] les chaînes de l’esprit, rendit l’enfant à peuvent se pardonner de l’avoir oublié. La de renommée internationale? Yverdon n’était lui-même et l’éducation à l’enfant et à la A vec Sapaudia était le carré de terres que les plus sur leur chemin. nature humaine», disait Pestalozzi, en adap- Romains avaient attribué aux Burgondes tant pour la première fois cette pensée au après les avoir quasi anéantis du côté de Les deux villes s’étaient pourtant cadre collectif de l’école. la Gaule belgique. Genève allobroge et retrouvées au temps des Lumières. Elles yverdon Yverdon helvète (Eburodunum) en faisaient comptaient chacune des esprits ouverts on vint de toute l’Europe à partie, avec Nyon et Avenches au centre. à la modernité. Le Genevois Jean-Jacques Yverdon pour voir Pestalozzi et s’inspirer Elles avaient de quoi causer. Rousseau était l’un d’eux, le banquier yver- de ses conseils. «L’éducation» devenait une donnois Daniël Roguin aussi. Ils s’étaient préoccupation politique et sociale. L’œuvre puis elles se sont perdues de vue. connus à Paris, dans le cercle des encyclopé- de Pestalozzi offrit une expérience sur Les Romains sont partis en laissant quelques distes. Lorsque, banni de Genève et chassé laquelle se greffèrent les connaissances meubles, la Sapaudia est devenue la Savoie, de France, Rousseau chercha un refuge, il le nouvelles, issues notamment de la psycho- la botanique avec Yverdon, la Burgondie est devenue la découvrit à Yverdon, chez Roguin. «Je me logie. Le veine qui inspirait Pestalozzi inspira Bourgogne, avec Genève. Il y a eu des guer- trouvais si bien du séjour d’Yverdon, que je un Edouard Claparède, fondateur à Genève, et l’éducation res, des aménagements forcés de territoires, pris la résolution d’y rester», écrit-il dans Les en 1912, de l’institut Rousseau, puis du Bureau Yverdon a tourné bernoise, Genève pas. Elles Confessions. Le bailli bernois le protégea mais international d’éducation dont Jean Piaget des enfants ont eu quelques contacts quand, entre cités Berne émit un acte d’expulsion pour ne pas fut le directeur pendant quarante ans. protestantes, il a fallu se répartir les réfugiés contredire Genève. Entre Genève et Yverdon, la vision de l’enfant huguenots qui affluaient de France et d’Italie. fut un lien. Mais sans plus. Il y a encore eu ce Pyrame un seul mois de 1762 avec Rousseau de Candolle, fils d’un réfugié de Fréjus établi dans ses murs laisse des traces dans une ville: depuis, Yverdon et Genève ne se à Genève dans la manufacture du drap, qui le cadeau de son portrait et de dix volumes sont plus quittées. Il y a eu les chemins de fer emmena son affaire à Yverdon en 1616, de ses œuvres, trésor de la bibliothèque qui les ont mises à moins d’une heure l’une à laquelle il ajouta la Société helvetiale d’Yverdon, mais plus encore, une connivence de l’autre, puis la machine à écrire Hermès, caldoresque, une imprimerie, la première d’idées. Le philosophe que la révolution fran- puis tout ce qu’il y a à se dire quand on est dans la ville, avec l’autorisation de Leurs çaise allait hisser au rôle d’idole justifierait devenu si proche. Excellences de Berne. par là-même la libération du pays de Vaud de la tutelle bernoise. celle-ci ne survécut pas plus de dix ans à sa mauvaise gestion et la médiocre en 1803, quand le canton de Vaud fit qualité de sa production. Il en est resté une don à Yverdon du château de l’ancien bailli Histoire des plantes en trois volumes, cause bernois pour y loger Henri Pestalozzi et son de la ruine de l’imprimeur, achevée par institut d’éducation, ce fut comme un retour d’autres en 1650. Est-elle à l’origine de la de Rousseau: le célèbre pédagogue zurichois dynastie genevoise des Candolle botanistes appliquait auprès des enfants ce que le du siècle suivant, Augustin-Pyrame (1778- Genevois avait préconisé dans L’Emile, une Monstres s’échappant de la Maison de l’Ailleurs

122 123 –––––– inutile de présenter Genève à Lau- genève et Lausanne ont aussi par- Lausanne et Genève partagent sanne, les deux villes se connaissent et parfois tagé un moment de Voltaire. Le philosophe enfin, à partir de 1815 et surtout de 1848, se fréquentent. Leur tropisme diverge mais est arrivé en 1754 à Genève où il a acheté Les la Confédération, pour laquelle elles s’inves- elles ont des relations. Par exemple, elles ont Délices. Il y fait donner des pièces de théâtre, tissent comme rivales dans le concours du A vec

a nne partagé les ducs de Savoie, en amis ou en à l’indignation du Consistoire des pasteurs. mérite fédéral. Genève deviendra capitale ennemis selon les moments, et les situations. Il trouve moins de complications à Lausanne politique internationale avec la Société des Une grande affaire commune, de toutes où il acquiert en 1757 une propriété qu’il Nations, Lausanne capitale olympique. us façons. Elles ont ensuite partagé Guillaume adapte pour le théâtre. Son public est en- Lausanne accueille toujours les arts, l’édition, a Farel, le réformateur. Elles ont toutes deux thousiaste. «Il y a ici autant d’esprit et de goût le théâtre, mieux que Genève, excellant dans l commencé par l’insulter parce qu’il atten- qu’en aucun lieu du monde, écrit-il. On y la banque et le négoce. tait à l’autorité de leur évêque et de leur duc, respire les plaisirs honnêtes et les douceurs personnages trop peu aimés cependant pour de la société; on ne se scandalise point.» en 2001, quelques esprits novateurs pouvoir résister aux séductions des idées La haute bourgeoisie lausannoise, privée par émettent l’hypothèse que Genève et nouvelles. Surtout lorsque celles-ci favorisaient Berne de toute fonction administrative et Lausanne rassemblent plus d’intérêts en des arrière-pensées géopolitiques. politique, s’est en effet tournée vers les arts et commun que de différences identitaires. les lettres, leur créant un milieu accueillant. Ils lancent une initiative pour la fusion des en flagrant Les deux villes ont failli partager la Voltaire s’y trouve à son aise, avant que deux cantons. C’est non à près de 80% de tutelle de Berne, mais là, l’histoire les a divisées: Rousseau ne vienne le narguer en installant chaque côté. Depuis, Genève et Lausanne désir de rap- Lausanne a été prise tandis que Genève, grâce dans le triangle Lausanne-Clarens-Meillerie la collaborent par maints concordats et à la France, a échappé. Calvin, le Genevois très prude et très morale intrigue amoureuse programmes coopératifs. Elles se consultent, prochement d’adoption, a joué pour Berne: la Réforme de La Nouvelle Héloïse, succès mondial. parfois s’écoutent. La Genève qui se montre d’abord, même contre la liberté. Il a dominé à Lausanne en cette année 2015 est en avec Farel et Viret la fameuse dispute théo- Les deux villes partagent diversement flagrant désir d’être entendue, comprise et logique de Lausanne fomentée par Berne en le goût de Napoléon. En 1798, Genève a été plus, si affinité. octobre 1536 pour justifier l’imposition manu annexée à la France, comme chef-lieu d’un militari de la nouvelle foi sur tout le Pays de «Département français du Léman» tandis que Vaud. Il en a résulté la création à Lausanne Lausanne est devenue capitale d’un canton d’une faculté et d’un collège protestants suisse également «du Léman». Genève a célèbres, supplanté par l’Académie de Calvin perdu son indépendance, Lausanne s’est vu lorsque professeurs et étudiants se sont offrir la sienne par Bonaparte. Le Napoléon réfugiés à Genève suite au harcèlement de qui organise la Suisse occupée est vomi à Berne sur des questions disciplinaires. Genève; il est célébré à Lausanne. En janvier 1815, après la chute de l’empereur, quelques soldats de la garnison vaudoise dépêchée pour sécuriser Genève crient «Vive Napoléon» devant des Genevois éberlués. L’incident fait l’objet d’excuses circonstanciées de la part des officiers vaudois.

Le rêve olympique à la portée de tous

124 125 genève, 27 juin 2015 : xxxx kilomètres plus loin, tous ses messages d’amitié déposés dans 42 villes qui l’ont accueillie et fêtée, l’expédition genevoise est de retour

126 127 Index des villes

Liestal - p. 20 Aarau - p. 20 Baden - p. 20 Lucerne - p. 20 Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent.

Genève - p. 20 Berne - p. 20 Thoune - p. 20 Bienne - p. 20 Sarnen - p. 20 Stans - p. 20 Altdorf - p. 20 Schwytz - p. 20 Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent.

Olten - p. 20 Soleure - p. 20 Delémont - p. 20 Bâle - p. 20 Brunnen - p. 20 Grütli - p. 20 Zoug - p. 20 Rapperswil-Jona - p. 20 Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent.

128 129 Zurich - p. 20 Winterthur - p. 20 Schaffhouse - p. 20 Frauenfeld - p. 20 Lugano - p. 20 Bellinzone - p. 20 Brigue - p. 20 Sion - p. 20 Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent.

Kreuzlingen- p. 20 St-Gall - p. 20 Herisau - p. 20 Appenzell - p. 20 Montreux - p. 20 Fribourg - p. 20 Bulle - p. 20 La Chaux-de-Fonds - p. 20 Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent.

Vaduz - p. 20 Glaris - p. 20 Coire - p. 20 Poschiavo - p. 20 Neuchâtel - p. 20 Yverdon - p. 20 Lausanne - p. 20 Genève - p. 20 Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem Haec igitur Epicuri non probo, inquam. De cete vellem equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, equidem aut ipse doctrinis fuisset instructior est enim, quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis quod tibi ita videri necesse est, non satis politus iis artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent. artibus, quas qui tenent.

130 131 Remerciements Merci aux parrains

J’ai la plus vive reconnaissance à l’égard des archivistes de l’Etat Mes remerciement vont aussi naturellement à toutes les Confédération suisse de Genève, notamment Pierre Flückiger et Jacques Barrelet; des personnalités qui se sont prêter à ce jeu avec un enthousiasme aussi République et canton de Genève conservateurs des archives municipales et cantonales des villes réel que leur surprise à devoir ainsi mimer des scènes surprenantes Ville de Genève traversées, particulièrement du Valais, avec Mme Myriam Evequoz; qui leur échappaient à bien des égards. Sous tous les climats ils ont Association des communes genevoises de Nidwald, avec M. Emil Weber et ses collaborateurs/trices; été des acteurs d’un moment bien patients sans jamais rechigner, Association GE200.ch de Winterthour, avec Mme Marlis Betschart; de Lausanne, malgré les impératifs horaires du protocole, à refaire, comme Office des Nations Unies avec Jean-Luc Vermeil; ou de Bulle, avec Mme Danielle Buyssens. au cinéma, les même gestes pour les quelques prises multiples (Perception Change Project) Tous m’ont apporté non seulement des informations indispensables et identiques. Association des Amis de la Fondation pour Genève mais aussi des idées et parfois de piquantes anecdotes. Fondation de bienfaisance Pictet Merci également à toute l’équipe technique de l’expédition- Fondation Hans Wilsdorf Je dois aussi ma reconnaissance à mes relecteurs attentifs et exposition. Toutes et tous à un moment donné ont participé aux Fondation pour Genève, grâce notamment aux soutiens de patients , Ariel Herbez, Dan Gallin et Catherine Charbon. préparatifs des prises de vues: doublure lumière, aides musclées, Richemont International, Procter & Gamble, Caterpillar, JT International, Leurs avis et leurs conseils m’ont évité des égarements. portes parapluie, maintenance du dispositif par grand vent, Litasco, Bunge, Firmenich organisation dans le rassemblement des personnes à photographier, Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève Les encouragements et la bonne humeur de l’équipe de la fournisseur de courant électrique et aussi, à quelques occasions, Fédération des Entreprises Romandes Fondation pour Genève ont créé pour moi une atmosphère de figurants sur la photographie originale. Genève Aéroport travail des plus stimulantes. Je dois ainsi à Tatjana Darany, Genève Tourisme Luzius Wasescha, Ivan Pictet et leurs collaborateurs des moments Genève Place Financière de joie dans le sacrifice au travail. Joëlle Kuntz, Alan Humerose OPAGE La Loterie romande Je tiens à remercier vivement la direction de la Fondation pour Palexpo Genève Genève pour m’avoir permis de réaliser dans des conditions optimales, Services Industriels de Genève confortables et sympathiques toutes ces photographies avec une TPG - Transports Publics Genevois liberté totale et sans aucun compromis par rapport à mon projet Université de Genève initiale esquissé. Un telle confiance de travail dans la création Prestations d’entreprises en nature par Caran d’Ache et Genève d’images au jour le jour avec tant de scénarios et de peesonnes est à saluer avec force.

132 133 sources

Aarau Bellizone Brunnen Glaris Montreux Saint-Gall Thoune Note sur les relations entre Genève et l’Argovie par Le Bureau international de l’éducation (BIE) in Pacte fédéral, https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/ Dominique Grobéty, La Suisse aux origines du droit ou- Mikhail Chichkine, Dans les pas de Byron et Tolstoï, Note sur les relations entre Genève et Saint-Gall par Jean-Jacques Langendorf, Dufour, Editions René W. Zurbuchen, des Archives cantonales de Genève, 1974 Documents diplomatiques suisses (Dodis) n° R11088 conseil-federal/histoire-du-conseil-federal/pacte- vrier, Juris Druck+Verlag, Zurich, 1979 Du lac Léman à l’Oberland bernois, Editions Noir les archives cantonales (GE), 2011 Cockelberghs, 1987 Journal de Genève, 30 juillet 1912, pour le 200e Le rôle de Jean Piaget in Dodis n°3161, du 10.10.1949 federal-1er-aout-1291.html Herisau sur Blanc, 2014. 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