Livraisons de l'histoire de l'architecture

15 | 2008 Chambres de commerces

Jean-Michel Leniaud (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/lha/154 DOI : 10.4000/lha.154 ISSN : 1960-5994

Éditeur Association Livraisons d’histoire de l’architecture - LHA

Édition imprimée Date de publication : 10 juin 2008 ISSN : 1627-4970

Référence électronique Jean-Michel Leniaud (dir.), Livraisons de l'histoire de l'architecture, 15 | 2008, « Chambres de commerces » [En ligne], mis en ligne le 23 avril 2014, consulté le 18 juillet 2020. URL : http:// journals.openedition.org/lha/154 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lha.154

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SOMMAIRE

Noir sur blanc Jean-Michel Leniaud

Les hôtels consulaires des années 1930, reflet architectural de l’économie locale Marie-Hélène Chazelle

Une Renaissance de pierre entre Rhône et Saône : le palais du commerce de (1856-1860) Philippe Dufieux

De la critique du projet architectural à sa réalisation : le palais de la bourse de Marseille et le conseil des bâtiments civils Marie-Agnès Gilot

La chambre de commerce de Cambrai, vitrine de la reconstruction réussie d’une ville du Nord fr Anne Lefebvre et Mathilde Méreau

Un palais néo-régionaliste pour une grande institution : la construction de la nouvelle bourse de commerce de par Louis-Marie Cordonnier (1906-1920) Olivier Liardet

Otello Zavaroni : la chambre de commerce et d’industrie du Havre, 1947-1957, une variante dans la reconstruction « Perret » Raphaëlle Saint-Pierre

L’architecte et le livre. La bibliothèque d’Antoine-Marie Chenavard (1787-1883) Philippe Dufieux

Statistique des cathédrales classées (1838 - 2008) Julien Lacaze

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Noir sur blanc

Jean-Michel Leniaud

1 L’architecte Pierre Bénouville (1852-1889), collaborateur de l’Encyclopédie d’architecture, architecte des édifices diocésains et architecte des monuments historique, bref un parfait disciple de Viollet-le-Duc, est l’auteur d’une notice sur le mot « bourse » dans l’ Encyclopédie de l’architecture et des la construction (vol. 2) que Pierre Planat publie à la librairie de la construction moderne entre 1888 et 1892. Après avoir tenté l’histoire de ce type de construction depuis l’Antiquité, puis évoqué les meilleurs constructions de son temps (Marseille, Lyon, Le Havre) et répandu quelques pleurs sur la transformation à Paris de la halle au blé en bourse de commerce — « On ne voit pas clairement que, pour construire de nouveaux édifices, on soit obligé de détruire ou de mutiler ceux élevés par nos pères qui n’étaient pas, après tout, plus maladroits que nous. » — il conclut ainsi son texte : « Quel que puisse être le programme détaillé des services d’une bourse moderne, le point principal sera toujours, comme nous le disions au début de cette courte notice, une grande salle rectangulaire. » Cette expression « grande salle » faire évidemment penser aux diverses propositions que Viollet-le-Duc présente pour couvrir ce type de surface, toutes plus révolutionnaires les unes que les autres, mais aussi à celles qu’au début du XXe siècle, Anatole de Baudot proposait de construire en ciment armé. Et c’est bien ainsi que l’entend Bénouville : la suite de son propos ne concerne pas autre chose que le mode de couvrement de la salle : Il y a là matière à toutes les dispositions imaginables de charpentes en fer et, sans doute, verrons-nous encore d’élégantes solutions du problème toujours nouveau : couvrir avec légèreté une grande surface ; peut-être même, lorsque l’engouement pour le fer sera calmé, reviendra-t-on à l’emploi des légères charpentes de bois, voie dans laquelle le dernier mot non plus n’a pas encore , croyons-nous, été dit.

2 En matière de programme, Julien Guadet est un peu plus disert (Éléments et théorie de l’architecture, 1901-1904, t. III, p. 38 et suiv.), indiquant qu’on a parfois joint à une Bourse des services relevant de la chambre de commerce ou du tribunal de commerce. Mais il est dubitatif là-dessus : « Cela peut-être, bien qu’il y ait plutôt des raisons contraires. Mais ce sont là des conditions de programmes qui n’ont rien d’obligatoire : il ne faudrait donc pas vous figurer que ces services fussent des dépendances indispensables d’une Bourse. » Mais il n’en dit pas plus et, pour le reste, renvoie aux

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considérations très générales qu’il a écrit au sujet des établissement bancaires et administratifs.

3 Au reste, ni Planat ni Guadet ne fournissent aucune information sur ce que devrait être une chambre de commerce. Et si on excepte la monographie qu’en 1864, René Dardel a publié en format in-folio sur le « palais du commerce » de Lyon, ouvrage qui comporte quarante-huit planches sans le moindre commentaire, on est réduit au constat que la bibliographie qui concerne le sujet dont ces quinzième livraisons traitent se réduit à peu de chose. Avec cinq monographies concernant Lyon, Marseille, Cambrai, Lille et Le Havre ainsi qu’un article sur les constructions édifiées au cours des années 1930, elles ouvrent en pionnier une voie qui n’a guère été défrichée jusqu’à présent mais on est certain qu’elles feront de nombreux émules dans les années qui viennent.

4 En varia, Philippe Dufieux, à qui l’on doit le rassemblement des contributions qui composent le présent volume, apporte un éclairage complémentaire à la thématique ouverte en 2001 par les Études et rencontres de l’École des chartes sur les livres et les bibliothèques d’architecture en analysant la bibliothèque d’Antoine-Marie Chenavard, architecte et dessinateur lyonnais. Enfin, Julien Lacaze fait le point sur un sujet obscur et confus : les vagues de classement parmi les monuments historiques dont les cathédrales ont fait l’objet à partir de 1840. Ce type de mesures n’allait pas de soit à l’époque concordataire et ne fut conduit à son terme qu’en 1906.

5 Un dernier point en post scriptum, qui vient faire suite aux treizièmes Livraisons consacrées aux établissements d’enseignement supérieur. On savait déjà que les bâtiments construits par Nénot non loin du muséum d’histoire naturelle et affectés actuellement à Paris V allaient faire l’objet d’une modernisation ravageuse. On apprend aujourd’hui que la rénovation de la Sorbonne pour cause de « mise en sécurité » va produire – à moins que les services du Patrimoine ne parviennent à s’opposer –— des effets dévastateurs : suppression des grands châssis (d’origine) de fenêtre côté rue Saint-Jacques, destruction des magasins métalliques de la bibliothèque et des passerelles extérieures, vandalisation probable, à l’occasion de l’éviscération de plusieurs corps de bâtiment, du mobilier d’origine (meubles de bibliothèque, notamment), percement de portes dans les façade rue Saint-Jacques et rue Cujas… Si la Sorbonne s’avance vers le troisième millénaire en reniant son patrimoine, elle n’ira pas loin.

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Les hôtels consulaires des années 1930, reflet architectural de l’économie locale Consular offices in the 1930s: architectural reflection of local economies Konsularische Gebäude aus den dreiβiger Jahren, ein architektonisches Spiegelbild der lokalen Wirtschaft

Marie-Hélène Chazelle

1 Les premières chambres de commerce apparaissent en France dès le début du XVIIIe siècle, essentiellement dans les villes portuaires, mais la majorité d’entre elles a été fondée au cours du XIXe siècle. La loi du 9 avril 1898 leur confère de vastes attributions en matière économique et leur attribue en particulier le statut d’établissement public. Les chambres de commerce forment, au sein de leur circonscription, un véritable « parlement économique », prenant une part active au développement commercial et industriel des départements et s’exprimant au nom des entreprises en défendant leurs intérêts auprès des pouvoirs publics. Dans la région Rhône-Alpes, la plupart des chambres se sont dotées d’un hôtel spécifique pour abriter leurs services. Deux d’entre elles – les chambres de commerce de Grenoble et de Roanne – font construire un hôtel au tournant du XXe siècle. Les autres, plus nombreuses, s’engagent dans cette démarche dans les années 1920-1930, période au cours de laquelle le volume d’activité des chambres de commerce augmente considérablement avec pour conséquence immédiate l’installation de services toujours plus nombreux dans des locaux mieux adaptés. Paradoxalement, alors que ces institutions commerciales se développent, on remarque que ce nouveau type de programme ne suscite pas un grand intérêt dans l’enseignement de l’architecture. Ainsi, Julien Guadet ne lui accorde-t-il que quelques lignes dans ses leçons, le considérant comme un simple service annexe d’une bourse de commerce1. En réalité, l’analyse des besoins de ces établissements alors en pleine expansion, les modalités de mise en œuvre des projets comme le rôle des différents acteurs se révèlent tout à fait déterminants dans l’élaboration des programmes, les questions stylistiques et l’iconographie associée à ce type d’équipement.

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Les modalités de la construction d’un hôtel consulaire

2 Lorsqu’une chambre de commerce décide de faire construire son hôtel, elle doit suivre un certain nombre de règles imposées par son statut et obtenir au préalable une autorisation de bâtir auprès de son administration de tutelle, c’est-à-dire, le ministère du commerce et de l’industrie. La plupart des chambres de commerce désignent parmi leurs membres une commission chargée d’étudier les différentes solutions qui s’offrent à l’organisme et d’effectuer toutes les démarches nécessaires. Dès 1920, la chambre de commerce de Valence et de la Drôme, la première dans cette région à faire bâtir son hôtel après la guerre, décide d’acquérir l’immeuble Clerc dans lequel elle était installée depuis sa fondation en 1879, afin d’y reconstruire un hôtel qui puisse accueillir ses services, ainsi que ceux de divers groupements professionnels ayant leurs sièges à Valence (ill. 1).

Ill. 1 : La façade principale de l’hôtel de la chambre de commerce de Valence (Drôme)

Cl. M.-H. Chazelle

3 Une commission, composée du banquier Auguste Giraud et de l’entrepreneur en travaux publics Émile Lioret, par ailleurs secrétaire général de la Chambre de commerce, est immédiatement nommée pour étudier les modalités du projet. Émile Lioret suit l’ensemble du chantier et effectue de nombreux déplacements pour s’inspirer des aménagements et des dispositions mis en œuvre dans d’autres hôtels consulaires en construction2. Des commissions similaires sont formées lors de la construction des hôtels de Bourg-en-Bresse, Villefranche-sur-Saône et Vienne. Il faut souligner l’engagement souvent décisif des présidents des chambres de commerce notamment dans l’obtention de l’autorisation délivrée par le ministre.

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Un processus administratif complexe

4 Pour obtenir la déclaration d’utilité publique, les chambres de commerce doivent soumettre leur projet au ministère du commerce et de l’industrie. En règle générale, ce dernier transmet les plans et devis au conseil général des bâtiments civils qui examine, en ce qui le concerne, la partie technique et demande fréquemment à l’organisme consulaire de revoir ou de modifier son projet. Ainsi, lors de la séance du 11 juillet 1935, le conseil des bâtiments civils retourne le projet de l’hôtel de Vienne accompagné d’observations avant de donner finalement son aval le 12 décembre suivant3. Les chambres consulaires doivent par ailleurs faire étudier et approuver le montage financier par le ministre pour obtenir un décret d’autorisation d’emprunt ; ce type de financement s’appuyant en grande partie sur des emprunts contractés auprès du Crédit foncier ou de la caisse d’épargne locale. La chambre de commerce de Bourg complète par exemple ses deux principaux emprunts par une campagne de demande de prêts organisée auprès des industriels ou des sociétés du département4. Les chambres de commerce investissent également le fonds de réserve qu’elles ont constitué au cours de la Première Guerre, au moment où celles-ci étaient habilitées à émettre du papier- monnaie. Il arrive enfin que l’État complète le financement de l’hôtel en accordant une subvention exceptionnelle. C’est le cas pour celui de Vienne pour lequel l’État contribue à hauteur d’un million de francs pour aider l’établissement à faire face à la majoration des prix de la construction entraînée par les évènements sociaux de l’année 19365. Une fois ces formalités administratives remplies, le décret d’autorisation est prononcé par le ministre du commerce et publié au Journal officiel6. Les travaux peuvent alors commencer.

Le mode de recrutement de l’architecte

5 Les chambres de commerce organisent le plus souvent un concours d’idées pour choisir le projet le plus adapté à leurs besoins et désigner, aux termes de cette consultation, l’architecte chargé de la direction des travaux. Dans la région Rhône-Alpes, seules les chambres de Valence et d’Annecy se sont distinguées en confiant directement leur projet à des architectes locaux. En 1920, la chambre de Valence choisit ainsi Émile Matras qui a tout juste le temps d’établir les premiers plans avant de disparaître au cours de l’année 1921 ; son associé et successeur, Louis Bozon7 reprend le chantier et l’achève peu après. En 1928, les chambres de commerce de Chambéry et de Bourg-en- Bresse organisent un concours, celle de Villefranche-sur-Saône en 1931 et de celle de Vienne en 1933. Ces concours sont restreints aux architectes du département de la chambre et des départements limitrophes. Comme de coutume, l’identité des concurrents est dissimulée et les projets se différencient par des devises ou des épigraphes afin de garantir l’impartialité du jury.

6 Les jurys de ces concours sont généralement composés d’architectes représentants leurs sociétés professionnelles régionales et nationales, ainsi que du président de la chambre de commerce. Ils comportent, le plus souvent, un seul degré ; il n’est que la chambre de Vienne pour procéder à un concours à deux degrés afin de départager les projets concurrents8. Ces concours ont visiblement suscité une vive émulation auprès des architectes : pas moins de treize propositions sont adressées lors du concours

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organisé en 1928 à Bourg-en-Bresse et vingt-huit dossiers sont envoyés à Vienne en 1934.

7 La figure de l’architecte Pierre Verrier9 se détache nettement parmi celles des architectes des chambres de commerce de la région Rhône-Alpes. Associé à Antonin Chomel, il construit le port aérien de Lyon-Bron pour le compte de la chambre de commerce de Lyon. En 1928, Chomel et Verrier sont désignés lauréats du concours organisé pour l’hôtel de la chambre de Bourg-en-Bresse et trois ans plus tard, en 1931, ils sont également retenus pour la construction de la chambre de Villefranche-sur- Saône. Fort de cette réputation et en sa qualité de président de la Société académique d’architecture de Lyon, Verrier est contacté en décembre 1932 par la chambre de commerce de Vienne pour fixer les conditions du concours qu’elle souhaite organiser en vue de la construction de son propre hôtel, concours dont il préside le jury aux côtés de Tony Garnier. La qualité de leurs travaux à Bourg comme à Villefranche-sur-Saône est saluée par Albert Laprade en 1936 dans L’Architecture, qui rend hommage à la simplicité des solutions proposées au regard d’un programme dont la principale difficulté réside dans le fait qu’il n’est pas précisément fixé.

Organiser les services d’une chambre de commerce : vers l’élaboration d’un programme-type

8 L’élaboration d’un programme pour un hôtel consulaire prend en compte les différents services d’une chambre de commerce. Ainsi, à Valence, le rez-de-chaussée se compose d’un vaste hall éclairé par des verrières sur lequel ouvre la loge du concierge. Un escalier monumental, à double révolution, orné d’une rampe en fer forgé conduit au premier étage10. À ce niveau, prennent place la salle de réception donnant sur la façade principale de l’hôtel, le cabinet du président, précédé d’un salon d’attente ainsi qu’une salle de commissions tandis qu’au deuxième étage, se situe une vaste salle pour les délibérations qui peut être divisée au moyen de cloisons mobiles11. Le programme de l’hôtel de Bourg comporte au rez-de-chaussée un vaste hall dans lequel est installée une exposition permanente de produits régionaux dans des vitrines conçues afin de mettre en valeur l’ébénisterie bressane (ill. 2).

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Ill. 2 : Le hall de l’hôtel de la chambre de commerce de Bourg-en-Bresse (Ain) en 1933

Carte postale Cl. M.-H. Chazelle

9 Au premier étage, sont distribués respectivement le bureau du président, la salle des séances et le cabinet du secrétaire. L’appartement de celui-ci se situe au deuxième étage, de même que la bibliothèque12. Cette dernière pièce avait été omise lors de l’élaboration du programme de Valence, alors que l’une des fonctions des chambres de commerce est de collecter de la documentation économique pour la mettre à la disposition des professionnels. À Villefranche-sur-Saône, Chomel et Verrier reprennent les mêmes dispositions qu’à Bourg en ne prévoyant cependant qu’une vaste salle de conférences au premier étage13. Les chambres de commerce, par l’intermédiaire des commissions qu’elles nomment pour suivre la réalisation de leur projet, s’intéressent aux hôtels déjà construits dans les autres villes de la région. Jean Benoît14 et Jean Bonnat, maîtres d’œuvre de l’hôtel consulaire de Vienne tirent ainsi visiblement parti des exemples de Bourg-en-Bresse et de Villefranche-sur-Saône en proposant une distribution intérieure particulièrement équilibrée. À Vienne, les services extérieurs à la Chambre de commerce, ainsi que la loge du concierge, sont placés au rez-de- chaussée, dans le soubassement. Au rez-de-chaussée surélevé, qui forme l’étage principal, sont disposés les services de la chambre de commerce : une vaste salle des délibérations dont l’entrée monumentale ouvre sur une salle semi-circulaire ainsi qu’un vaste hall-musée commercial. À l’étage supérieur, se trouvent les services accessibles au personnel de la chambre : l’appartement du secrétaire administratif, la bibliothèque, les archives, ainsi que deux salles de réunions. Ses services sont distribués autour d’une galerie périphérique ouverte sur trois côtés du hall15.

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La présence de services extérieurs

10 Intégrer des services étrangers à ceux de l’établissement consulaire dans un même bâtiment constitue pour les architectes une contrainte majeure. Là réside certainement l’une des spécificités du programme d’une chambre de commerce. En effet, celles-ci abritent dans leurs hôtels des groupements professionnels auxquels elles louent des salles pour l’organisation de réunions. Cette singularité figure d’ailleurs dans tous les programmes des concours. À Valence, les dirigeants de l’institution souhaitaient que l’hôtel devienne « la maison des commerçants et des industriels puisque […] les membres des chambres de commerce sont les représentants accrédités du commerce et de l’industrie »16. C’est la raison pour laquelle l’hôtel comprend non seulement une bourse de commerce mais aussi un bureau de poste derrière le grand escalier, un local pour la caisse des allocations familiales et, au deuxième étage, des salles pour la chambre des notaires et la chambre départementale d’agriculture. À Bourg, l’hôtel abrite aussi la banque populaire de l’Ain, le syndicat d’initiative, l’union commerciale et industrielle ainsi que le crédit immobilier populaire de l’Ain17. À Vienne enfin, le président souhaitait faire du nouveau siège de la chambre de Vienne un « foyer économique », c’est-à-dire un immeuble aménagé de telle sorte que les organisations syndicales du commerce et de l’industrie et les associations d’intérêt général puissent y trouver place, soit pour leurs services permanents, soit pour leurs réunions18 ; en deux mots, réunir en un seul édifice tout ce qui, dans la région, a trait au commerce et à l’industrie.

11 Les programmes des hôtels consulaires de cette période présentent de nombreuses similitudes avec ceux des hôtels de caisses d’épargne. Pour autant, l’élaboration de plans-types s’est visiblement révélée impossible dans la mesure où les services extérieurs hébergés au sein de l’hôtel varient considérablement d’une ville à l’autre. De plus, les palais consulaires sont des bâtiments à utilisation discontinue, comportant de nombreux services et des salles destinées à recevoir un très grand nombre de personnes, mais pour quelques heures seulement par mois. Les architectes doivent ainsi concevoir des espaces suffisamment grands sans pour autant s’en tenir à de simples « volumes construits » et en gardant toujours à l’esprit la modularité des espaces.

Les styles privilégiés : de l’Art déco au néo- régionalisme

12 Entre 1920 et 1940, cinq villes de la région Rhône-Alpes se dotent d’un hôtel consulaire dont le style architectural varie considérablement d’une ville à une autre. À Annecy, l’hôtel construit en 1928 par Camille Blanchard19 affecte une facture assez classique avec une rotonde d’angle qui n’est pas sans rappeler la physionomie des hôtels de caisses d’épargne conçus sous la IIIe République. Le palais consulaire de Valence associe quant à lui des références variées : une ordonnance classique (colonnes cannelées aux angles du bâtiment, soubassement couvert d’un parement à bossage) qui s’accorde avec des éléments relevant du langage moderne (ferronneries des balcons, mouvement ondulé des bandeaux et des moulures). L’architecte mélange ici subtilement les lignes verticales aux courbes horizontales, visiblement soucieux de produire un édifice dont le style ménage une transition entre l’Art nouveau et ses motifs galbés et les formes

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géométriques de l’Art déco. La façade porte les armoiries des villes de Valence, Nyons, Die, Montélimar et Romans.

13 À Bourg, les dirigeants souhaitaient que l’hôtel soit un « monument public, d’un caractère esthétique et utilitaire, digne de représenter le commerce et l’industrie ». Pour composer leur façade, Chomel et Verrier mettent l’accent sur le passé architectural de la cité et leur projet fut préféré à d’autres dont le caractère avait été jugé trop « palatial » par les membres du jury20. C’est un bâtiment de tradition régionaliste, inspiré par l’architecture bressane et ses toits en tuiles plates, qui allie néanmoins quelques éléments Art déco (panneaux sculptés et bandeau surmontant les baies du premier étage), tout en privilégiant les matériaux régionaux à l’image de la pierre robuste de Villereversure qui est employée en revêtement sur les murs de la façade. À l’intérieur du bâtiment, le hall et ses colonnes sont revêtus du même matériau sous la forme de pierre polie. Comme à Valence, on retrouve sur la façade les armes sculptées des principales villes du département de l’Ain.

14 À Villefranche-sur-Saône, Chomel et Verrier conçoivent un hôtel beaucoup plus simple, respectant ainsi la volonté du maître d’ouvrage de posséder un édifice public aux lignes modernes dans lequel circulent l’air et la lumière selon une distribution intérieure claire. Les architectes dessinent un immeuble composé de deux édifices accolés : le bâtiment postérieur s’élève ainsi sur quatre niveaux alors que le bâtiment antérieur possède un étage en moins. Ces deux structures sont couvertes en toitures terrasses. La façade principale porte au centre un bow-window précédé d’un perron semi-circulaire couvert par une marquise (ill. 3).

Ill. 3: La façade principale de l’hôtel de la chambre de commerce de Villefranche-sur-Saône (Rhône)

Cl. M.-H. Chazelle

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15 La physionomie générale de l’édifice, basée sur une recherche de fonctionnalité, avec de nombreuses baies larges et des corniches aux lignes nettes, n’est pas sans rappeler l’art de Tony Garnier, dont on retrouve ici l’influence manifeste de l’hôtel de ville de Boulogne-Billancourt (1934). Les matériaux régionaux sont aussi mis en œuvre puisque le soubassement extérieur en granit provient d’une carrière locale21.

Ill. 4: La façade donnant sur le quai du Rhône de l’hôtel de la chambre de commerce de Vienne (Isère)

Cl. M.-H. Chazelle

16 À Vienne enfin, les architectes lauréats ne manqueront pas de s’inspirer du passé gallo- romain de la cité en composant un édifice qui combine habilement des éléments architecturaux antiques et modernes (ill. 4), usant de formes et de volumes simples en harmonie avec le paysage du quai, tout en évitant d’imposer une silhouette trop imposante. Bonnat et Benoît optent pour un plan massé autour d’un hall central, à la manière des temples romains et dessinent quatre façades différentes : la façade principale sur le Rhône, avec sa colonnade ordonnancée, affirme la situation prépondérante de la salle des délibérations, la façade d’entrée avec un perron monumental qui conduit à un vestibule et au hall, une façade avec loggia pour l’entrée spéciale de l’étage de soubassement et enfin une façade latérale qui suit l’ordonnance générale en éclairant les principaux services à chaque étage22. Le décor de ces nouveaux palais consulaires doivent véhiculer une image conjuguant gloire passée à l’histoire locale, aux productions régionales et à la modernité économique.

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Le décor et l’aménagement des chambres de commerce

17 Au début du XXe siècle, l’heure n’est visiblement plus aux dépenses somptuaires et les hôtels consulaires construits dans l’entre-deux-guerres se gardent d’afficher une trop grande richesse décorative même si ceux-ci arborent un vocabulaire décoratif aux thèmes récurrents. Ainsi, la figure de Mercure revient-elle à l’envi, de même que dans tous les édifices abritant une activité liée à l’économie. Le masque du dieu du commerce, entouré de ses ailes, traité dans un style hiératique, est ainsi placé au-dessus de l’entrée de la chambre de commerce de Chambéry construite entre 1931 et 1932 par Charles Luciani. À Villefranche-sur-Saône, le ferronnier d’art Charles Piguet réalise un caducée en fer forgé entouré des ailes de Mercure, placé au-dessus de la marquise de l’entrée. On retrouve le même motif dans le hall de la chambre de Bourg sous la forme d’une mosaïque de pavement entourée des mots « Commerce » et « Industrie ».

18 L’économie locale est aussi largement mise en avant dans les décors des nouvelles chambres de commerce. À Bourg-en-Bresse, les façades sont ornées de trois panneaux sculptés par Mlle Couibes, représentant l’élevage dans la Bresse, la culture viticole dans le Bugey et l’industrie hydroélectrique dans la région de Bellegarde23. À Villefranche- sur-Saône, de part et d’autre du perron, deux bas-reliefs en fonte recouverts de cadmium sont réalisés par le dinandier Claudius Linossier24, l’un représente Dionysos, symbole de la production viticole de la région du Beaujolais, l’autre illustre la déesse ouvrière Athéna, transformant les rayons solaires en coton et symbolise la seconde activité de cette région productrice de tissus et de soie (ill. 5).

Ill. 5: Claudius Linossier, Athéna, transformant les rayons solaires en coton

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Bas-relief décorant la façade principale de l’hôtel de la chambre de commerce de Villefranche-sur- Saône (Rhône)

Cl. M.-H. Chazelle

19 À Vienne, les administrateurs de la chambre souhaitaient mettre l’accent sur le passé historique de la région, sur fond d’ouverture au tourisme. Un décor dans le hall avait été prévu dès la conception du bâtiment, mais celui-ci ne fut réalisé qu’en 1952. Il s’agit d’une fresque conçue par Joannès Bruyas d’après un projet de Jacques Ravel, qui illustre le passé de l’ancienne province du Dauphiné.

20 L’hôtel consulaire de Valence présente des décors qui ne font pas directement référence à l’économie régionale bien qu’ils aient été réalisés par des artistes valentinois. De vastes vitraux stylisés ornent la salle de réception du premier étage et sont l’œuvre du maître verrier Georges Thomas tandis que Gaston Dintrat (1885-1964) est l’auteur d’un bas-relief représentant La Femme-oiseau. Le peintre Louis Ageron (1865-1935) signe encore une fresque représentant les montagnes de Combe-Laval dans la salle des délibérations.

21 Les chambres de commerce font également appel à des maisons locales pour l’aménagement intérieur de leurs hôtels. Ainsi, la fabrique de Louis Rochegude à Valence, par ailleurs membre de la chambre de commerce, réalise-t-elle les meubles des différentes salles de l’hôtel valentinois. À Bourg et à Villefranche-sur-Saône, c’est la maison lyonnaise Chaleyssin qui se voit confier la décoration et l’ébénisterie, cette dernière entreprise collaborant régulièrement avec Chomel et Verrier.

22 La construction des hôtels consulaires constitue un moment décisif dans l’histoire des chambres de commerce en France dont les nouveaux palais matérialisent les ambitions contemporaines à travers un programme qui doit répondre autant à des questions fonctionnelles que de représentation. En cela, le cahier des charges d’une chambre de commerce n’est pas sans lien avec celui d’autres organismes comme les banques ou les caisses d’épargne, même si le programme des hôtels consulaires se révèle en réalité plus complexe dans la mesure où celui-ci doit tenir compte de la présence de services extérieurs et que l’édifice doit être capable d’évoluer en fonction de besoins nouveaux. Véritables vitrines des économies locales, les hôtels consulaires forment autant de variations sur le génie des provinces, à l’image des pavillons régionaux figurant aux expositions universelles, dans des postulats conjuguant à la fois régionalisme et modernisme, patrimoine et développement touristique.

NOTES

1. . Julien Guadet, Éléments et théorie de l’architecture, Paris, 1901, t. II, p. 597. 2. . « Compte rendu de l’inauguration de l’hôtel de la chambre de commerce » Bull. de la chambre de commerce de Valence et de la Drôme, 1927, n° 3, p. 59-76. 3. . Bull. mensuel de la chambre de commerce de Vienne, 1936, t. 30, séance du 8 janvier 1936, p. 18. 4. . Sandra Benisz, L’Historique de la chambre de commerce et d’industrie de l’Ain, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine sous la dir. de Jean-Luc Mayaud, Lyon 2, 1997, p. 38-39.

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5. . Arch. dép. de l’Isère, 180 M 7, compte des recettes et des dépenses de la chambre de commerce de Vienne, exercice 1938. 6. . Bull. de la chambre de commerce de Valence et de la Drôme, 1922, n° 4, séance du 18 juillet 1922, p. 99. 7. . Louis Bozon (1878-1965), architecte diplômé par le Gouvernement en 1905, s’associe à son retour à Valence à Émile Matras, auquel il succède à la mort de celui-ci en 1921. Il est l’auteur en 1925 du magasin « Aux Dames de France » à Valence et achève en 1927 l’hôtel de la chambre de commerce de Valence. De 1926 à 1957, il est également architecte de la Banque de France, attaché à la succursale de Valence. 8. . « Concours pour la construction d’un nouvel hôtel destiné à recevoir les services de la chambre de commerce », Bull. mensuel de la chambre de commerce de Vienne, 1933, t. 28, p. 583-589. 9. . Pierre Verrier (1885-1968), architecte diplômé par le Gouvernement en 1919, il est associé à Antonin Chomel de 1920 à 1940. 10. . Les balcons et la rampe en fer forgé de l’escalier d’honneur sont l’œuvre du ferronnier lyonnais Louis Jacquillard. 11. . Arch. dép. de la Drôme, ETP 8, lettre du président de la chambre de commerce de Valence au président de la chambre de commerce de Vienne, 30 septembre 1929. 12. . Albert Laprade, « Les chambres de commerce de Bourg et de Villefranche-sur-Saône, par MM. Chomel et Verrier, architectes », L’Architecture, 1936, p. 113-120. 13. . « Concours pour la construction d’un nouvel hôtel destiné à recevoir les services de la chambre de commerce », Bull. mensuel de la chambre de commerce de Villefranche-en-Beaujolais, 1931, séance du 8 juillet 1931, p. 96. 14. . Jean Benoît (1900-1976), architecte diplômé par le Gouvernement en 1927, ouvre un cabinet à Grenoble en 1929. Il est associé à Jean Bonnat jusqu’en 1939. 15. . « Notice de MM. Bonnat et Benoît », Bull. mensuel de la chambre de commerce de Vienne, 1934, p. 266-270. 16. . Bull. de la chambre de commerce de Valence et de la Drôme, 1929, séance du 10 juillet 1929. 17. . Inauguration de l’hôtel de l’hôtel de la chambre de commerce, 4 et 5 juin 1934, 1935, p. 10. 18. . Bull. mensuel de la chambre de commerce de Vienne, 1929, séance du 6 février 1929, p. 83. 19. . Camille Blanchard (1891-1977), architecte diplômé par le gouvernement en 1920, se voit confier en 1927 un vaste projet urbain par la municipalité d’Annecy. En 1929, la chambre de commerce d’Annecy lui commande la construction de son hôtel. 20. . Claude Vigoureux, Chambre de commerce et d’industrie de l’Ain, un siècle de passion et d’action, Bourg-en-Bresse, 2000, p. 13. 21. . Inauguration du nouvel hôtel de la chambre de commerce de Villefranche-sur-Saône, 2 juillet 1935, imprimerie L. Deschizzaux, Villefranche-sur-Saône, 31 p. 22. . « Notice de MM. Bonnat et Benoît », op. cit., p. 266-267. 23. . Albert Laprade, op. cit. p. 120 24. . Claudius Linossier (1893-1953), maître dinandier, il s’initie à la technique du métal à Paris auprès de Jean Dunand. De retour à Lyon, il commence une œuvre qui lui vaut un grand prix à l’Exposition internationale de 1937. Il appartient au groupe « Les artisans français contemporains ».

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RÉSUMÉS

Les chambres de commerce apparaissent en France dès le début du XVIIIe siècle et ont été fondées en grand nombre au cours du XIXe siècle. Après la première guerre mondiale, au cours de laquelle elles jouent un rôle économique majeur, nombre d’entre elles décident d’édifier un hôtel qui puisse accueillir leurs services alors en plein développement. Plusieurs chambres de commerce de la région Rhône-Alpes s’engagent dans cette démarche dès les années 1920. L’occasion leur est alors donnée de s’installer durablement au sein de la ville. Elles commandent aux architectes chargés de ces travaux, des bâtiments qui devaient matérialiser dans la pierre leur fonction de « parlement économique régional ». Les maîtres d’œuvre, le plus souvent recrutés sur concours, conçoivent des immeubles vastes et lumineux, pouvant accueillir les services consulaires et des services extérieurs, toujours soucieux de traduire architecturalement les idées de modernité et d’innovation associées aux activités de ces organismes, tout en préservant l’identité régionale de chacune d’entre elles.

Although the establishment of the first Chambers of Commerce in France dates back to the early eighteenth century, most of them were founded during the nineteenth century. In the aftermath of the First World War, during which Chambers of Commerce played a pivotal economic role, many opted for the construction of facilities specifically designed to house growing services. In the Rhône-Alpes region (south-eastern France), many Chambers of Commerce initiated construction projects in the 1920s. This was a major opportunity for them to settle in the heart of cities. Architects were appointed through competitions to design buildings that would embody the part of “regional economic parliament” these institutions used to play. Many proposed bright and spacious edifices to house both consular and external services. These architects sought to reflect through design and decors the notions of modernity and innovation linked with the Chambers of Commerce’s activities. They also tried to preserve the specificities of each institution through the inclusion of ornamentations depicting the local economy.

Die ersten Handelskammer erschienen schon im frühen 18.Jahrhundert, die meisten wurden aber im Laufe des 19.Jahrhundert gegründet. Sie spielten während des ersten Weltkrieges eine derartig wichtige Rolle in der Wirtschaft, dass man kurz nachher beschloss, Gebäude zu erstellen, um ihre wachsenden Vewaltungsdienste zu beherbergen. Dazu entschieden sich mehrere Handelskammern der Region Rhône-Alpes schon in den zwanziger Jahren und siedelten sich in den Stadtmitten an. Die Aufgabe der damit beauftragten Architekten war, aus Stein die Macht des lokalen Wirtschaftsparlaments auszudrücken. Die Baumeister, meistens per Wettbewerb ausgesucht, erstellten geräumige und helle Gebäude, um die konsularischen sowie andere Dienste aufzunehmen. Man bemühte sich, durch die Bauformen die modernen und innovativen Tätigkeiten der Anstalt auszudrücken sowie deren regionalen Charakter zu erhalten.

AUTEUR

MARIE-HÉLÈNE CHAZELLE Marie-Hélène Chazelle est diplômée en histoire et en histoire de l’art. Elle a soutenu en 2002 un DEA à l’université Lyon 2 sous la direction de François Fossier, consacré à l’architecture des édifices bancaires à Lyon. Depuis 2002, elle prépare sous la direction de Jean-Michel Leniaud une thèse de doctorat à l’École pratique des hautes études, ayant pour titre « L’architecture des établissements financiers à Lyon et sa région entre 1850 et 1935 ». Dans Livraisons d’histoire de

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l’architecture, elle a publié un article sur son travail de maîtrise, « La restauration de la salle de la Diana à Montbrison au XIXe siècle (1862-1866) » (LHA, 2002, n° 3) et « Conserver les archives bancaires : le cas des sociétés de crédit, d’une banque d’affaires et de la Banque de France (1875-1935) » (LHA, 2005, n° 10). Elle a également publié en 2004 « L’architecture bancaire entre 1850 et 1930, étude comparative entre Lyon et Paris » dans les actes du colloque Genève-Lyon- Paris, relations artistiques, réseaux, influences, voyages et « La construction du siège social du Crédit lyonnais à Lyon (1880-1935) » dans Histoire de l’art, 2005, n° 57. En 2006, elle a participé à une journée d’études consacrée aux sources historiques de l’Épargne où elle a présenté une communication intitulée « Les sources sur les hôtels des caisses d’épargne » (actes à paraître). Adresse électronique : [email protected]

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Une Renaissance de pierre entre Rhône et Saône : le palais du commerce de Lyon (1856-1860) A Renaissance stone architecture between the Rhône and the Saône rivers: the palace of Commerce in Lyon (1856-1860) Das architektonisches Symbol des Wiederauflebens zwischen Rhône und Saône : der Handelspalast in Lyon

Philippe Dufieux

Romains, qui avez embelli la Gaule de tant de monuments, dont les seules ruines paraissent encore des merveilles ! La barbarie outrageait votre mémoire en élevant des édifices gothiques […]. Apaisez vous, mânes augustes, ces imposantes ruines, ces superbes vestiges de votre puissance, seront désormais respectés et vont être religieusement imités. Philibert de l’Orme […] arrête les progrès de la barbarie et régénère en France la belle architecture en la modelant sur les ruines de vos palais que le temps peine à détruire1.

1 Créée en 1702 puis dissoute par décret du 27 septembre 1791, la chambre de commerce de Lyon est réorganisée par arrêté du 24 décembre 1802 et n’eut jamais d’édifice approprié avant son installation au nouveau palais du commerce en 1861. Il en va de même du tribunal de commerce et du conseil des prud’hommes, créés respectivement en 1791 et en 1803. Alors que l’Hôtel-Dieu conserve invariablement sa fonction hospitalière à l’époque contemporaine, l’hôtel de ville de Lyon et l’ancien palais des Dames de Saint-Pierre, c’est-à-dire le palais des beaux-arts, accueillent continuellement, au cours des XIXe et XX e siècles, institutions, administrations et écoles. C’est ainsi que la chambre de commerce siège un temps à l’hôtel de ville avant

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d’installer ses services au palais des beaux-arts le 24 décembre 1802. Il faudra attendre près de soixante ans pour qu’elle se dote d’un palais consulaire élevé sur les plans de René Dardel (1796-1871).

2 Point d’orgue des vastes transformations urbaines du Second Empire, symbole de la prospérité économique et financière de la cité rhodanienne, nulle construction n’est peut-être plus à même d’incarner la renaissance que connut la ville de Lyon au XIXe siècle que son palais du commerce, construit de 1856 à 1860. Figure majeure de ce nouvel âge d’or architectural aux côtés de Pierre Bossan (1814-1888) et d’Antoine-Marie Chenavard (1787-1883), la personnalité de René Dardel demeure aujourd’hui encore largement méconnue malgré l’ampleur de ses travaux et sa renommée contemporaine. Ce constat s’applique certes à de nombreux architectes dont les chefs-d’œuvre semblent devoir occulter durablement l’ensemble de leurs productions2. Quel rôle joue le nouveau palais du commerce dans l’émergence d’un goût néo-renaissance qui s’impose dans la seconde moitié du XIXe siècle comme le véritable style civil lyonnais ? Quelle place occupe le palais Dardel dans la diffusion de l’architecture du XVIe siècle en France à l’époque contemporaine sur fond de spéculations historiques et archéologiques ?

Une carrière au service de la ville de Lyon

3 Élève du lycée impérial de Lyon (1805-1813), un temps attaché à l’architecte de la ville Louis-Cécile Flachéron (1772-1835), puis élève de Joseph-Pascal Gay (1775-1832) à l’École des beaux-arts de Lyon, Dardel est engagé en avril 1814, c’est-à-dire au retour de l’Empereur de l’Île d’Elbe, comme officier d’ordonnance sous les ordres du général Mouton-Duvernet, commandant de la place de Lyon. Le jeune bonapartiste vécut le désastre de 1815 et reprit ses études d’architecture la même année à Paris dans l’atelier de Jean-Nicolas Huyot (1780-1840), remplacé peu après par Charles Percier (1764-1838), avant d’intégrer la section architecture de l’École des beaux-arts de Paris. De retour à Lyon en 1822, il accompagne trois ans plus tard son confrère Claude Bonnefond (1796-1860) en Italie et rencontre à Rome Félix Duban (1798-1870) et Théodore Caruelle d’Aligny (1798-1871) avec lesquels il se lie bientôt. Selon Léon Charvet, le jeune architecte séjourne de nombreux mois en Italie, se rend à Naples, visite Paestum et Pompéi puis voyage en Sicile avant de revenir en France par Venise, Milan et Turin. Dardel fit moisson de croquis et de relevés au cours de ce séjour qui s’achève en 1827. C’est de Rome qu’il participe deux ans plus tôt au concours ouvert en vue de la restauration du Grand théâtre de Lyon dont la reconstruction fut, en définitive, confiée à Chenavard. En 1828, il participe également au concours pour la construction du nouveau palais de justice de Lyon qui sera élevé sur les plans de Pierre-Louis Baltard (1764-1846) entre 1835 et 1847. Vouant depuis la chute de l’Empire une véritable haine aux Bourbons, Dardel prend une part active à la révolution de 1830 dont les événements précipitent la chute du général Paultre de La Mothe, gouverneur de Lyon. Le 3 août 1830, le drapeau tricolore est hissé à l’hôtel de ville, Gabriel Prunelle (1777-1853) devient maire de Lyon et le 1er juin 1831, Dardel est nommé architecte en chef en remplacement de Flachéron. Il cumule également les fonctions de voyer. Cette année-là, qui vit la première révolte des ouvriers-canuts, l’architecte s’illustre encore mais cette fois-ci comme un zélé partisan de l’ordre.

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4 Avant la mise en œuvre d’une véritable politique édilitaire qui, localement, n’interviendra pas avant les années 1840, Dardel s’occupe de travaux secondaires : construction de corps de garde et de fontaines publiques, aménagement de bâtiments et travaux de restauration dont celle du palais des beaux-arts et du commerce. Depuis le début du XIXe siècle, le palais Saint-Pierre est transformé en une véritable cité administrative rassemblant le musée des beaux-arts (1803), l’École des beaux-arts (1807), l’université, la chambre de commerce, la Bourse ainsi que les galeries de minéralogie et de zoologie, sans oublier l’académie de Lyon et le musée des moulages « une espèce d’omnibus contenant des services commerciaux, scientifiques, industriels et artistiques » (Charvet)3. Dardel s’occupe en particulier de l’installation de la bibliothèque spéciale des sciences et des arts (1833), avant d’engager, entre 1840 et 1846, la restauration générale du vaste quadrilatère dont les ailes sont continuellement réaménagées dans la première moitié du siècle.

5 Parmi ses nombreux travaux édilitaires, il faut mentionner la construction du marché de la Martinière (1837), pour lequel l’architecte conçoit deux temples à colonnes doriques dans lesquels le souvenir de Paestum reste présent, l’Entrepôt des liquides de (1841) ou encore le réaménagement du Grand théâtre de Lyon (1842). Loin de s’enfermer dans la culture néoclassique, qu’il adapte avec élégance aux constructions publiques, Dardel s’intéresse très tôt à l’architecture de la Renaissance et la fontaine de la place Saint-Jean (1844) témoigne de la liberté avec laquelle l’architecte compose un monument original en s’inspirant d’un répertoire de formes dont certains détails renvoient aux décors des maisons du quartier Saint-Jean. Dardel transpose en particulier le motif supérieur du puits longtemps attribué à Delorme (Lyon, maison du Chamarier) pour composer le dais qui couronne le groupe en bronze représentant le Baptême du Christ par Jean-Marie Bonnassieux (1810-1892)4. Charvet rappelle à ce sujet combien le goût de son maître le portait vers l’architecture française et italienne des XVIe et XVII e siècles, admirant notamment l’art de Michel-Ange, et combien Dardel puisait dans ces modèles une inspiration féconde, ambitionnant d’harmoniser le maniérisme romain et la rigueur des ordonnances de Lescot ou de Delorme. D’ailleurs, dès la fin des années 1830, l’architecte entreprend la restauration de l’hôtel de ville de Lyon (1646-1658, Simon Maupin), du portique de la façade principale (1837) comme du beffroi (1853), mais ce dernier chantier ne sera véritablement achevé qu’entre 1854 et 1866 par son successeur Tony Desjardins (1814-1882). Aux côtés de ces chantiers, Dardel s’illustre également comme l’un des acteurs majeurs des profondes transformations qui ne devaient pas tarder à bouleverser la physionomie urbaine de la ville.

Une mutation urbaine spectaculaire

6 Au cours du XIXe siècle, le paysage urbain de Lyon se métamorphose sous l’action conjuguée du développement de l’industrie et des affaires, du progrès économique et commercial auxquels la révolution des chemins de fer apporte son bras puissant. Longtemps resserrée dans les limites de la presqu’île, la ville s’étend progressivement au sud, au nord ainsi qu’au-delà du Rhône en direction de la plaine des Brotteaux, tandis que les faubourgs de la Croix-Rousse, de la Guillotière et de Vaise acquièrent leur physionomie industrielle et manufacturière. Avant les transformations des années 1840, le centre de Lyon conserve longtemps une physionomie héritée de l’Ancien régime notamment entre les Terreaux et Bellecour, un vaste quartier que le futur

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préfet de Lyon, Claude-Marius Vaïsse (1799-1864), décrit en 1853 comme « un amas ruineux de maisons d’une très grande hauteur, sans goût et sans ornement, s’élevant dans un labyrinthe de rues obscures, tortueuses, humides, privées d’air et de soleil, une ville mal bâtie, d’un abord difficile et disgracieux, inondée fréquemment »5. Malgré des améliorations ponctuelles, les circulations restent problématiques et l’hygiène des rues comme celle des immeubles est absolument déplorable. Nombreux sont les contemporains à décrire le centre de Lyon comme un corps frappé de dépérissement. Il faudra attendre le mandat du maire Jean-François Terme (1840-1847) pour que la municipalité s’engage dans une véritable politique urbaine au moyen d’un plan général dressé par Dardel en 1848. Le voyer de la ville arrête un ambitieux programme de travaux comprenant à la fois la démolition de toutes les constructions établies en bordure des fleuves, l’ouverture et le prolongement de nombreuses rues, la construction de trottoirs et la réfection des chaussées comme l’installation de l’éclairage public au gaz. Mais en l’absence d’une législation adaptée, l’action des communes est longtemps réduite à des améliorations par voie d’alignement qui produisent des effets limités. C’est néanmoins dans ce cadre juridique que se réalise en 1846 la « rectification » et le prolongement de la rue Centrale () qui, au moyen de démolitions ciblées, permet de relier le quartier des Terreaux à la , en ouvrant une voie de circulation majeure dans le sens nord-sud, s’achevant à quelques îlots de la .

7 Dix ans plus tard, la loi sur les agglomérations du 24 mars 1852 permet à Lyon d’absorber ses faubourgs et en mars 1853, l’administration de la ville est confiée au préfet Vaïsse. Aux moyens humains et financiers s’ajoutent de nouvelles dispositions juridiques comme le décret du 25 mars 1852 qui consacre l’expropriation à grande échelle pour cause d’utilité publique. En décembre 1853, Vaïsse fait connaître les grandes lignes de son programme : « Travailler à régénérer notre vieille cité, ouvrir partout à la circulation des voies plus larges, donner aux communications des facilités, une célérité si essentielle au mouvement des affaires […] élargir, améliorer, embellir »6. Les démolitions préalables à la percée de la rue Impériale qui doit relier, côté Rhône, la place de la Comédie à la place Bellecour, commencent l’année suivante. Le 10 décembre 1853, deux tracés pour l’ouverture de la nouvelle voie sont présentés à l’Empereur. Le projet retenu comprend notamment l’établissement d’un palais du commerce face à l’église Saint-Bonaventure aux Cordeliers et la création d’une vaste place à la hauteur de l’Hôtel-Dieu. Les travaux sont promptement menés puisque la rue Impériale est ouverte en 1857 tandis que la rue de l’Impératrice (Édouard-Herriot), qui relie la à la place Bellecour, est achevée quatre ans plus tard7. Si le voyer prit une part majeure dans l’étude des projets urbains, son Plan général de la ville de Lyon dressé en novembre 1853 ne devait pourtant pas remporter l’assentiment du préfet qui n’a jamais caché sa préférence pour les ingénieurs. La mise en œuvre des grands travaux du Second Empire sera dévolue à des sociétés privées, en l’occurrence la société de la rue Impériale, ainsi qu’aux architectes Amédée Savoye (1804-1878) et Benoit Poncet (1806-1882)8 qui seront les maîtres d’œuvres de ces vastes entreprises. Le 23 mai 1853, Vaïsse demande à Dardel d’étudier un projet de palais du commerce devant comprendre une Bourse, un tribunal de commerce, le conseil des prud’hommes et enfin la condition des soies qui devait être primitivement intégrée au nouvel édifice. Alors que le projet est sur le point d’entrer dans une phase de réalisation, voici que Dardel démissionne et demande à faire valoir ses droits à la retraite à la suite d’un différent avec Vaïsse qui avait dessaisi l’architecte de sa fonction de voyer en chef pour la confier

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à l’ingénieur Joseph-Gustave Bonnet (1810-1875). Malgré l’insistance du préfet, Dardel refuse de reprendre ses fonctions d’architecte de la ville et fait nommer, sur sa proposition, Tony Desjardins qui entre en fonction au 1er juillet 1854. Soucieux de conserver la déférence de son précieux collaborateur, un mois plus tard, Vaïsse nomme Dardel architecte en chef du palais du commerce9. Léon Charvet, biographe de l’architecte et éminent érudit, sera son second.

Le nouveau palais du commerce

8 Le calendrier du chantier ne doit connaître aucun retard et deux années seulement séparent la présentation du programme de Vaïsse en décembre 1853 des premiers travaux de fondation du palais qui interviennent en juin 185510. Dardel met au point les plans de l’édifice entre juillet 1854 et février 1855, ses projets sont adoptés par la chambre de commerce en janvier 1855 ainsi que par la commission municipale le mois suivant. Dans la séance du 27 février 1854, la chambre de commerce avait déjà approuvé le principe de la réunion de différents services en un seul et même bâtiment11. En effet, la réunion des administrations municipales et préfectorales à l’hôtel de ville de Lyon sous l’égide de Vaïsse impliquait nécessairement le transfert des locaux jusqu’alors affectés au tribunal de commerce ainsi qu’au conseil des prud’hommes dans le palais communal. La pose de la première pierre a lieu le 15 mars 1856 et le palais est inauguré par l’Empereur et l’Impératrice le 25 août 1860. Un an plus tard, le tribunal de commerce, le conseil des prud’hommes, de même que les agents de change prennent possession des lieux. Les services de la chambre de commerce ne s’installeront qu’en août 1862. Si le tracé de la rue Impériale est arrêté très tôt, l’emplacement du futur palais fait l’objet de nombreuses discussions et semble avoir suscité une certaine émulation parmi les architectes lyonnais associés à la construction du nouvel axe urbain. Tous ou presque s’accordent à placer l’édifice à la hauteur de la place des Cordeliers, soit au premier tiers nord de la rue. L’emplacement choisi forme un vaste quadrilatère de 64 x 58 m. et offre une façade urbaine privilégiée sur la place des Cordeliers en ménageant une place publique au nord. Le choix de ne pas construire la façade principale sur la rue Impériale a été délibérément privilégié afin de permettre l’ouverture de magasins en rez-de-chaussée et ce parti se révélera en réalité une contrainte majeure dans la distribution des fonctions. L’édifice emblématique du Second Empire à Lyon se voit donc mis au service de la rue et de sa prospérité commerciale. Comment articuler la salle de la bourse et les cours intérieures dans le quadrilatère tout en assurant un éclairage suffisant notamment aux bureaux et aux pièces qui ouvrent sur l’intérieur du bâtiment ? L’idée d’une vaste cour intérieure semble avoir déplu à Vaïsse qui invite son architecte à offrir à la salle de la bourse un développement plus important. C’est ce qu’il advint dans la dernière proposition de Dardel qui, en définitive, oriente la salle de la Bourse dans le sens de la longueur de l’édifice, parallèlement à la rue Impériale. Cette disposition conduit l’architecte à aménager deux cours très étroites qui permettent néanmoins d’éclairer les ailes latérales et les emplacements commerciaux du rez-de-chaussée de manière satisfaisante. La salle de la Bourse est ainsi précédée au sud, d’un grand vestibule et au nord, du salon des agents de change. Sur les façades latérales, s’ouvrent respectivement quatorze magasins orientés perpendiculairement à la salle de la Bourse. À l’étage, prennent place le tribunal de commerce, le conseil des prud’hommes ainsi que le salon de la chambre de commerce et différents dégagements. Au deuxième étage enfin, se

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situent le musée d’art et d’industrie et le greffe du tribunal de commerce. Les galeries longitudinales de la salle de la Bourse assurent en réalité les communications entre les massifs nord et sud du palais dont les fonctions ont été rigoureusement distinguées. Dardel place les escaliers monumentaux dans les pavillons d’angle sur la façade principale, c’est-à-dire au nord, tandis qu’au sud, des escaliers de service et des bureaux sont aménagés. Ce sont précisément les contraintes de circulation à l’intérieur de l’édifice qui ont invité l’architecte à dessiner deux escaliers latéraux de part et d’autre du grand vestibule, escaliers auxquels Dardel donne une ampleur majestueuse conformément à leur fonction de représentation. Il s’en expliquera à Vaïsse en janvier 1858 : Sans prétendre discuter davantage au sujet de la longueur des escaliers de la Bourse, je crois devoir vous signaler la largeur des deux nouveaux escaliers de l’Hôtel-de-Ville de Paris qui conduisent à la grande galerie des fêtes. Ces escaliers sont absolument dans le même cas que les nôtres ; ils sont en regard et symétriques sur un même vestibule ; ils ont trois mètres de largeur entre les pilastres et les colonnes en saillie […] vous pouvez donc vous faire une idée exacte de l’effet que nous produirons12.

9 Dardel élabore un plan d’une rigoureuse régularité, partant d’un module de 4,5 m de côté qu’il décline invariablement selon une méthode qui rappelle immanquablement les leçons de composition de Jean-Nicolas-Louis Durand. La culture archéologique de l’architecte devait se révéler précieuse pour la conception du vaste palais qui doit matérialiser la renaissance économique et culturelle de la ville (ill. 1).

Ill. 1 : Lyon, palais du commerce et de l’industrie, façade principale

Cl. Dufieux

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Une construction synthétique

10 Dans son courrier en date du 23 mai 1853, Vaïsse expose à Dardel le programme du futur palais et lui fait connaître ses préférences : « Je ne voudrais pas d’architecture grecque ; elle me paraît peu en rapport avec le caractère de l’esprit général de la Ville de Lyon et je ne trouve pas que l’essai qui en a été fait pour le palais de justice soit d’un effet suffisamment encourageant. J’aimerais mieux quelque chose qui fût en harmonie avec l’hôtel-de-ville ou le palais des arts, qui me semblent représenter assez bien le caractère général de l’architecture lyonnaise13. » Dans ces conditions, la marge d’appréciation du conseil des bâtiments civils est très relative, ce que ne manque pas de souligner Duban, « La condition imposée par cet article supprime tout examen de principe par le Conseil sur la manière dont M. Dardel se propose de mettre en œuvre les formes désignées par l’administration » – avant d’ajouter : « Si la richesse de l’ornementation peut paraître excessive à première vue, peut-être doit-on considérer que cet édifice est destiné à l’industrie lyonnaise, industrie de luxe et d’élégance14. » Duban émet des réserves sur l’éclairage de la salle de la Bourse qu’il juge insuffisant et se demande s’il ne serait pas préférable d’envisager une couverture métallique et des ouvertures zénithales. De même, la répétition de baies en plein cintre du corps central aux pavillons d’angles sur les façades principales lui paraît peu adaptée en termes de fonctions, ces ouvertures n’ouvrant que sur des dépendances et des couloirs. Enfin, Duban attire l’attention de Dardel sur les magasins du rez-de-chaussée, qui ne doivent en aucune façon enlaidir l’édifice. Ces quelques remarques mises à part, c’est un jugement très élogieux que Duban porte sur le projet de son confrère et ami. Il faut dire que l’architecte lyonnais étudiera attentivement son projet dans un exercice archéologique savant, soucieux d’inscrire son chef-d’œuvre dans l’histoire de la ville mais plus encore de faire du palais du commerce le monument emblématique d’une nouvelle Renaissance lyonnaise qui s’affirme comme la digne héritière de l’humanisme qui s’épanouit sur les bords de Saône au XVIe siècle.

11 C’est au plan d’Ancy-le-Franc (achevé en 1550) et à travers le chef-d’œuvre de Serlio, à celui de la villa de Poggioreale (Giuliano da Majano, à partir de 1487), résidence de Charles VIII lors de la conquête de Naples (1495) et véritable modèle pour les architectes français du XVIe siècle, que Dardel se réfère pour composer un plan-masse ponctué de pavillons d’angle peu saillants auxquels répond, aux ailes nord et sud, un pavillon central. L’architecte distingue nettement le traitement des élévations des pavillons et des ailes latérales des façades principales. De toute évidence, Dardel reproduit le dessin de la travée rythmique du premier étage de l’aile Lescot, construite au Louvre à la demande de François Ier à partir de 1546, pour dessiner les deux premiers niveaux des pavillons d’angle dans une alternance de frontons cintrés et triangulaires. Les façades latérales de l’hôtel de ville de Lyon serviront de modèle aux longues ailes du palais, sur la rue Impériale et la rue de la Bourse, auxquelles il emprunte notamment le motif de termes. De l’avis de Charvet, ces ailes forment la partie la plus faible du palais : « Il y a [...] une gêne et un manque d’unité désagréables d’aspect. Ces hautes et maigres arcades, entre lesquelles il n’a pu placer des pilastres, l’ont conduit à supprimer aussi les pilastres dans les étages supérieurs15. » L’architecte cherchera précisément à corriger cette impression en relevant les éléments de décor, en particulier dans le traitement des fenêtres hautes dont le modèle semble s’inspirer d’Anet, mais également par la sculpture d’allégories liées au commerce et à l’économie au fronton des fenêtres

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du premier étage. À celles-ci, devaient s’ajouter des médaillons de Lyonnais illustres que l’architecte souhaitait voir figurer au droit des piles du rez-de-chaussée, toujours sur le modèle des façades de l’hôtel-de-ville de Lyon, mais Vaïsse s’opposa formellement à cette dernière idée. Alors que la façade nord ne s’élève que de deux niveaux, sa pendante au sud, qui en compte trois, demanda visiblement des soins attentifs pour agencer une masse composée de trois pavillons d’égale largeur et d’égale hauteur tout en relevant la partie centrale. Les galeries en plein cintre du château de Madrid, construit dans le Bois de Boulogne à partir de 1527 sur l’ordre de François Ier par Girolamo della Robbia et dont certaines parties ont été attribuées à Delorme, semblent avoir dicté le dessin de ces dernières façades, le vestibule ouvert côté sud abonde notamment en ce sens. L’allusion à l’entrée triomphale du Castel Nuovo de Naples (1452-1466) comme aux avant-corps de l’aile Lescot et du château d’Anet est manifeste dans la façon de dédoubler les colonnes latérales du pavillon central. L’ascendance de Delorme se traduit également dans les colonnes baguées du rez-de- chaussée ainsi que celles du premier étage. Le décor de l’extrado des arcs se fait incidemment l’écho des ornements feuillagés que Delorme reproduit sur les façades d’Anet comme celle des Tuileries tandis que le visiteur est accueilli aux entrées du palais par des nymphes dont l’ascendance bellifontaine renvoie de toute évidence aux figures de Goujon à la fontaine des Innocents à Paris (1547). Craignant visiblement que la façade sud ne manque de relief, Dardel prend soin de reculer les travées du dernier étage, de part et d’autre du pavillon central afin de détacher le massif mis alors en relief par les ombres portées des pavillons. Il en va de même de la façade nord dont l’aile centrale sera privée d’un étage supplémentaire afin d’accuser plus encore l’articulation des parties. L’architecte joue habilement sur le contraste entre des pavillons et des élévations latérales minérales et les façades principales traitées à la manière de galeries largement ouvertes comme si les ordonnances françaises venaient épouser une construction antérieure dont les plans auraient été conçus par un architecte italien dans le sillage de Charles VIII, de Louis XII ou encore de François Ier, de retour des guerres d’Italie. Ce collage à la fois brutal et subtil a valeur de véritable métaphore d’autant qu’aux toitures brisées initialement prévues, Dardel préférera un dessin aigu afin d’accentuer un caractère « première Renaissance » dans une allusion à peine voilée à Fontainebleau ou encore à Écouen. Certains éléments du riche décor intérieur serviront cette dernière idée, comme en témoignent en particulier les balustrades à enroulements des escaliers et ceux de la salle de la bourse dont le modèle appartient au corps d’entrée d’Anet. Hormis les peintures de certains plafonds, réalisées par Alexandre Denuelle (1818-1879) et Jean-Baptiste Beuchot (1821- ?) dans un style néo-renaissance, Dardel veillera à conserver aux vestibules, aux galeries couvertes ainsi qu’aux montées d’escaliers un caractère strictement minéral, soignant attentivement la stéréotomie. L’ensemble du programme décoratif accuse une ascendance néo-dix-septième siècle relevée très ponctuellement par des motifs de cuirs et des figures issues de l’imaginaire du XVIe siècle (ill. 2).

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Ill. 2 : Lyon, palais du commerce et de l’industrie, escalier oriental, détail du dernier palier

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Ill. 3 : Lyon, palais du commerce et de l’industrie, la salle de la corbeille

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12 La grande salle de la bourse (ill. 3) fera l’objet de tous les soins de l’architecte, recevant un important décor sculpté dont le chef-d’œuvre demeure l’horloge de Jean-Marie Bonnassieux (1810-1892) placée au premier étage côté sud dans la salle de la corbeille (1863). Si la tentation de composer une variation sur le modèle d’Anet a certainement traversé l’esprit de Dardel, on observe que celui-ci se garde de toute interprétation littérale des modèles de la Renaissance italienne et française, cherchant à produire un édifice synthétique, un rêve de pierre dans lequel les spéculations sur la gloire passée de la ville pourront désormais s’incarner et alors même que le XVIe siècle lyonnais n’avait pas laissé d’édifice majeur dans la première capitale de la Renaissance française.

13 Le nouveau palais du commerce doit être rapproché de la bourse de Marseille, élevée par Pascal Coste et dont Dardel suit la construction16, mais également des travaux de Visconti et de Lefuel au Louvre (1853-1857) et cette remarque s’applique en particulier aux pavillons de la cour Napoléon, avec leurs colonnes détachées et leurs frontons à cariatides, qui semblent avoir inspiré l’entrée nord du palais du commerce de Lyon (ill. 4).

Ill. 4 : Lyon, palais du commerce et de l’industrie, entrée place de la Bourse (détail)

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14 Comment ne pas évoquer également le nouvel Hôtel-de-Ville de Paris, incendié par la Commune en 1870 et dont la façade principale, élevée par Dominique de Cortone (à partir de 1532) a été reconstruite à l’identique entre 1872 et 1882 en style néo- Renaissance par Théodore Ballu (1817-1885) et Édouard Deperthes (1833-1898)17, tant et si bien que le lanternon qui ponctue la façade du palais du commerce de Lyon sur la place des Cordeliers accentue de fait sa parenté avec les maisons communales du XVIe siècle. Ce dernier détail mérite d’être souligné puisque la ville se voit précisément privée de ses libertés locales sous le Second Empire et que le représentant de l’État

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réside à l’hôtel de ville qu’il fait restaurer avec faste. Alors que les ordonnances classiques du chef-d’œuvre de Simon Maupin serviront le pouvoir impérial, comment ne pas voir dans l’architecture du palais du commerce de Lyon la volonté de rendre symboliquement aux édiles leurs libertés municipales en renvoyant à un XVIe siècle qui s’impose dans l’inconscient collectif lyonnais comme l’âge d’or de la ville, sur fond de prospérité économique et d’indépendance culturelle. En 1868, soit huit ans après son inauguration, Dardel fait paraître une monographie du palais du commerce accompagnée d’un descriptif historique sommaire et cette entreprise mobilisera de nombreux dessinateurs et graveurs dont Félix Barqui, Monvenoux, François Dubouchet, Rodolphe Pfnor et Louis Sauvageot pour ne citer qu’eux. Aux côtés des monographies des châteaux de Fontainebleau (1863) et d’Anet (1867) publiées par Pfnor et dont les feuilles de titre des livraisons enserrent les liasses de l’agence Dardel aux Archives municipales de Lyon18, voici que le palais du commerce se voit consacré comme un jalon majeur de l’architecture française. Alors que localement, l’art du XVIe siècle s’impose bientôt comme le véritable style lyonnais, au lendemain des événements de 1870 et en ces temps d’incertitude politique, la Renaissance française est mise à l’honneur à des fins de cohésion du corps social ; en témoigne en particulier l’architecture de la nouvelle préfecture du Rhône (1883-1890) construite par Antoine Louvier (1818-1892) dans le quartier des Brotteaux à Lyon.

L’« invention » de la Renaissance française

15 Dans le dernier quart du XIXe siècle, l’architecture et les arts décoratifs de la Renaissance font l’objet d’un véritable engouement de la part des contemporains, « L’histoire de la Renaissance en France a été, jusque dans la seconde moitié de ce siècle, écrite de la façon la plus fantaisiste », écrivait Marius Vachon en 1887, avant d’ajouter que toutes les grandes œuvres de l’art français du XVIe siècle ont été trop longtemps attribuées à des artistes italiens19. La même année, Louis Courajod inaugure son cours consacré à l’histoire de la sculpture française du Moyen Âge et de la Renaissance à l’École du Louvre en défendant l’idée de Renaissance française face à l’hégémonie artistique italienne. Quelques années plus tôt, Adolphe Berty avait ouvert la voie à cette redécouverte en publiant en 1860 Les Grands architectes de la Renaissance20 puis, peu après, La Renaissance monumentale en France21. Après le temps retrouvé des cathédrales, l’heure est en effet à l’instrumentalisation de l’art du XVIe siècle à des fins de construction de l’identité nationale. Telle est le sens de la démonstration de Pfnor, opposant le goût de Catherine de Médicis à celui de Diane de Poitiers et consacrant Anet comme le jalon fondateur de l’architecture moderne française, « Anet est une production purement française. Là, point d’alliage étrangers »22, même si Delorme œuvra indifféremment pour les partis français et italien notamment pour Catherine de Médicis. On observe à ce sujet que Dardel se gardera de toutes références aux Tuileries. En tout état de cause, c’est à Delorme que revient l’honneur de refonder l’architecture française et sa ville natale ne manquera pas de s’en enorgueillir au cours du XIXe siècle. Dès 1808, l’architecte Louis Flachéron lui rend hommage dans un éloge historique qui sera couronné par l’académie de Lyon en 181423. En 1846, la société des amis des arts met au concours un médaillon représentant les portraits de Delorme aux côtés de ceux de Coustou, Stella et Audran24. La société académique d’architecture de Lyon, fondée en 1830, ouvre à deux reprises, un concours pour un monument dédié à sa figure tutélaire, respectivement en 1856 (Fontaine avec monument à la gloire de Philibert Delorme) ainsi

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qu’en 1876, ce dernier monument devait être projeté face au portail Renaissance de l’église Saint-Nizier, longtemps attribué à l’architecte lyonnais. Dans les années 1880, les travaux se multiplient. Léon Charvet publie le premier chapitre d’une monographie restée inachevée sur Delorme avant de s’intéresser à l’œuvre qu’il a réalisée à l’abbaye de Saint-Denis25. Au lendemain de la chute du Second Empire, Delorme se retrouve sous les feux de l’actualité en raison de la démolition projetée du Palais des Tuileries, incendié en 1870, destruction qui soulève alors toutes les inquiétudes. C’est ainsi qu’en 1877, la société académique d’architecture de Lyon s’associe à la pétition ouverte par la société centrale des architectes en vue de la conservation de ces précieuses ruines. « Anéantir ce qui reste d’un monument remarquable sans chercher par tous les moyens à en faire la restauration […] serait un véritable acte de vandalisme que rien ne pourrait justifier », écrivait son président Louis Bresson avant d’ajouter : Pour nous, Lyonnais, cette perte serait plus regrettable encore, et ce n’est qu’avec douleur que nous nous abandonnons à la pensée de voir compromise et vouée à la destruction la production la plus correcte de l’un de nos compatriotes. Philibert Delorme, devenu par le talent une de nos gloires nationales, était enfant de Lyon, et c’est en invoquant ce titre auprès de vous que nous espérons bien vous gagnez à la cause que nous soutenons26.

16 Au même moment, l’architecte Gaspard André fait figurer Delorme au panthéon artistique de la fontaine des arts élevée place des Jacobins à Lyon (1877-1886) aux côtés de Coustou, Audran et Flandrin et le monument sera précisément conçu comme un hommage en l’honneur de l’architecte lyonnais, avec ses colonnes baguées, ses cuirs stylisés, ses cartouches à l’antique et ses griffons, sans oublier sa tourelle à colonnettes qui renvoie au campanile de la chapelle d’Anet. Tenant de la main gauche le plan des Tuileries tandis que de l’autre, Delorme désigne le pavillon central du même palais, l’architecte paraît conspuer avec amertume une postérité qui vient de lui ravir un nouveau chef-d’œuvre, tombé sous le coup des démolisseurs en 1883. Le seul fait que Sébastien Charléty, dans son Histoire de Lyon parue en 1903 27, dénie à Delorme la paternité, pourtant remise en cause depuis longtemps, du portail de l’église Saint- Nizier agace la susceptibilité de certains architectes lyonnais si l’on en juge par la réaction de Joseph Berger qui demande à l’historien de s’expliquer preuves à l’appui28. En réalité, Delorme revêt une place majeure aux côtés de l’ornemaniste Bernard Salomon dans l’entreprise consciencieusement élaborée dans la seconde moitié du XIXe siècle par nombre de contemporains comme Charvet, Natalis Rondot ou encore Léopold Niepce tendant à construire le mythe d’une Renaissance lyonnaise29. Alors que Fontainebleau demeure le symbole de la Renaissance italienne en France, Anet devient sous la plume d’Henri du Cleuziou le symbole de l’unité nationale, « Diane au château d’Anet se confia au génie des enfants de la patrie, au lyonnais Philibert Delorme, à Jean Goujon de Paris, à Cousin de Sens, à Germain Pilon du Mans, à Palissy de Saintes. Française, elle voulut une œuvre française30. » À l’idée d’une Renaissance italienne en France et celle d’une Renaissance française s’ajoute désormais celle d’une Renaissance lyonnaise dont le palais du commerce devient le monument emblématique en s’imposant comme un moment d’équilibre entre les cultures italienne et française. Cette construction savante se réalise certes en l’absence d’un édifice majeur dans lequel de telles spéculations auraient pu s’incarner, tant et si bien que la Renaissance à Lyon demeure un rêve de papier, à l’image des projections de Serlio ; un rêve qui ne s’est jamais traduit dans la pierre à l’exception de la galerie Bullioud de Delorme (1536), œuvre modeste à dire vrai au regard des commandes princières et royales des années 1540-1450. Dès lors, le palais Dardel devient, par métaphore, le monument

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« refondateur » de la première capitale de la Renaissance en France, véritable parangon manquant d’un XVIe siècle idéalisé qui fera le lien entre la gloire passée de la ville et ses aspirations contemporaines, entre la Renaissance et le siècle de l’industrie, deux âges d’or portés par d’ambitieuses entreprises de change et de banque, d’industrie et de commerce, dans lesquelles semble résider le génie propre de Lyon.

NOTES

1. 1. Louis Flachéron, Éloge historique de Philibert de l’Orme, architecte lyonnais, Lyon, Barret, 1814, p. 18. 2. 2. Les principales sources imprimées concernant le palais du commerce de Lyon sont les suivantes : Françoise Allain, Le Palais du commerce de Lyon, mémoire de maîtrise d'histoire de l'art sous la direction de Daniel Ternois, université Lyon 2, 1985, 3 vol ; Léon Charvet, « René Dardel (1796-1871) », Annales de la Société académique d’architecture de Lyon, t. III, 1871-1872, Lyon, Louis Perrin, 1873, p. 1-115 ; René Dardel, Monographie du palais du commerce élevé à Lyon sous l’administration de M. Vaïsse […], Paris, Morel, 1868, 38 p., 48 pl.; Jean-Baptiste Monfalcon, Histoire monumentale de la ville de Lyon, Paris, Didot, 1866, t. IV, p. 40-44. 3. 3. Léon Charvet, « René Dardel (1796-1871) », Annales de la Société académique d’architecture de Lyon, op. cit., p. 35. 4. 4. Plus que la galerie Bullioud de Delorme (1536), ce dernier motif connaîtra une longue postérité à Lyon et sera souvent détourné au XIXe siècle pour servir de dais aux statues religieuses placées aux angles des immeubles. Il en va de même de la Jeanne d’Arc de Paul-Émile Millefaut à l’immeuble du Nouvelliste de Lyon, construit par Malaval (1894-1898). Philippe Dufieux, « Presse, politique et architecture. L’hôtel du Nouvelliste de Lyon ou la visibilité urbaine d’un journal de combat », Gryphe, n° 16, mai 2007, p.1-9. 5. 5. [Claude-Marius Vaïsse], Rapport de monsieur le conseiller d’État chargé de l’administration du Rhône à la commission municipale sur le projet de rue impériale […], 27 décembre 1853, Lyon, 1853, p. 9. 6. 6. Claude-Marius Vaïsse, Dix années de l’administration du département du Rhône 1852-1862, Paris, Laine et Haverd, 1862, p. 12. 7. 7. Catherine Arlaud et Dominique Bertin (dir.), De la rue impériale à la rue de la République. Archéologie, création et rénovation urbaines, Archives municipales, 1991, 150 p. 8. 8. Nizier du Puitspelu, [Clair Tisseur], Benoit Poncet et sa part dans les grands travaux publics de Lyon, Lyon, Pitrat, 1882, 79 p. 9. 9. Léon Charvet, « René Dardel (1796-1871) », Annales de la Société académique d’architecture de Lyon, op. cit., p. 86-87. 10. 10. L’avant-programme est approuvé le 17 janvier 1854 par le préfet du Rhône. Si l’État participe aux dépenses induites par le percement de la rue Impériale, en revanche, Vaïsse n’obtient aucun subside de l’État ni du département pour le nouveau palais dont la construction reste à la charge de la Ville et de la chambre de commerce, soit une dépense de quatre millions de francs, valeur du terrain non comprise. Du montage financier résulte une situation complexe : la Ville de Lyon est propriétaire de

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l’immeuble tandis que la chambre de commerce en a la jouissance. L’auteur remercie Hélène Chivaley, responsable des archives de la C.C.I. de Lyon. 11. 11. Arch. de la chambre de commerce et d’industrie de Lyon, compte rendu de la séance du 27 février 1854. 12. 12. Arch. mun. Lyon, 467 Wp 12, lettre de René Dardel à Claude-Marius Vaïsse, 4 janvier 1858. 13. 13. Arch. mun. Lyon, 467 Wp 12, lettre de Claude-Marius Vaïsse à René Dardel, 23 mai 1853. 14. 14. Arch. nat., F21 1861, conseil général des bâtiments civils, rapport de Félix Duban, 5 mai 1855. 15. 15. Léon Charvet, « René Dardel (1796-1871) », Annales de la Société académique d’architecture de Lyon, op. cit., p. 93. 16. 16. Arch. mun. Lyon, 467 Wp 1, lettre de Pascal Coste à René Dardel, 12 septembre 1858. 17. 17. Marius Vachon, Le Nouvel Hôtel-de-Ville de Paris 1872-1900, Paris, Édition du Conseil municipal,1900, IV, 322 p. 18. 18. Arch. mun. Lyon, 467 Wp 12. 19. 19. Marius Vachon, Philibert de l’Orme, Paris, J. Rouam ; Londres, Gilbert Wood & Co, p. 3. 20. 20. Adolphe Berty, Les Grands architectes de la Renaissance : P. Lescot, Ph. De l’Orme, J. Goujon, J. Bullant, les du Cerceau, les Metezeau, les Chambiges, d’après de nombreux documents inédits des bibliothèques et des archives, Paris, Aubry, 1860, XII-172 p. 21. 21. Adolphe Berty, La Renaissance monumentale en France, Paris, 1864, 2 vol. 22. 22. Rodolphe Pfnor, Monographie du château d’Anet construit par Philibert Delorme en MDXLVIII, Paris, chez l’auteur, 1867, [avant-propos]. 23. 23. Louis Flachéron, Éloge historique de Philibert de l’Orme, architecte lyonnais, Lyon, Barret, 1814, 32 p. 24. 24. Revue du Lyonnais, t. XXIV, 1846, p. 100. 25. 25. Léon Charvet, Biographie d'architectes. Philibert de l'Orme à Saint-Denis, Paris, 1891, 64 p. 26. 26. Louis Bresson, « Pétition pour la conservation du Palais des Tuileries », 5 avril 1877, Annales de la Société académique d’architecture de Lyon, t. VI, Lyon, Waltener et Cie, 1877-1880, p. 145-148. 27. 27. Sébastien Charléty, Histoire de Lyon depuis les origines jusqu’à nos jours, Lyon, A. Rey, 310 p. 28. 28. Joseph Berger, « Rapport sur l’histoire de Lyon depuis ses origines jusqu’à nos jours publiée par Sébastien Charléty », Annales de la Société académique d’architecture de Lyon, t. XIV, 1903-1904, Lyon, Waltener et Cie, 1905, p. 39-41. 29. 29. Philippe Dufieux, « Des chambres de merveilles à l’université, genèse de l’histoire de l’art moderne à Lyon (1800-1914) », dans Bicentenaire de la Société historique, archéologique et littéraire de Lyon, 28-29 septembre 2007, [actes du colloque à paraître en 2008 sous la direction de Jean-Pierre Gutton]. 30. 30. Henri du Cleuziou, « Étude sur la Renaissance française à l’époque de Henri II », dans Rodolphe Pfnor, Monographie du château d’Anet […], op. cit., p. 43.

RÉSUMÉS

Point d’orgue des transformations urbaines du Second Empire, symbole de la prospérité économique et financière de la cité rhodanienne, nulle construction n’est peut-être plus à même d’incarner la renaissance que connut la ville de Lyon au XIXe siècle que son palais du commerce,

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construit par René Dardel (1796-1871) de 1856 à 1860. Produit d’une construction archéologique savante, le nouveau palais du commerce jouera localement un rôle majeur dans l’émergence d’un goût néo-renaissance qui s’impose dans la seconde moitié du XIXe siècle comme le véritable style civil lyonnais. Alors que le XVIe siècle n’avait pas laissé d’édifices majeurs dans la première capitale de l’humanisme en France, le nouveau palais du commerce devient dès lors le symbole de la renaissance économique et culturelle de la ville, sur fond de spéculations portant sur son âge d’or mythique.

As an acme of urban development during the Second Empire, as a symbol of economic and financial prosperity of the Rhone city, none but the palace of Commerce erected by René Dardel (1796-1871) from 1856 to 1860 may better embody the rebirth of the city of Lyon in the nineteenth century. As a result of an archeological and scholar design, the new palace of Commerce played locally a major part in initiating a Neo-Renaissance taste that would stand out as the true city style of Lyon in the second half of the nineteenth century. As no major building had been left of the sixteenth century in the first capital of humanism in France, the new palace thus was turned into the symbol of economical and cultural rebirth of the town while conjectures about its mythical golden age were debated.

Höhepunkt der urbanen Umwandlung im 2. Kaiserreich, ebenso wie Symbol für den wirtschaftlichen Wohlstand der Rhône-Stadt kann kein anderer Bau von dem Wiederaufleben der Stadt Lyon im 19.Jahrhundert besser zeugen, als der vom Architekten René Dardel (1796-1871) gebaute Handelspalast. Die von einer historischen Kennerschaft zeugenden Formen des neuen Handelskammergebäudes übten einen wesentlichen Einfluss aus auf die Neigung für den Neo- Renaissancestil, der sich in der zweiten Mitte des 19. Jahrhunderts als ausgeprägter Stil der Lyoner Zivilbauten durchsetzte. Da in der ersten Hauptstadt des Humanismus kein Gebäude aus dem 16. Jahrhundert erhalten war, wurde der Handelspalast sinnbildlich für die wirtschaftliche und kulturelle Renaissance der Stadt vor dem Hintergrund der Spekulationen über deren mythisches goldenes Zeitalter

AUTEUR

PHILIPPE DUFIEUX Philippe Dufieux est docteur de l’École pratique des hautes études (section des sciences historiques et philologiques), diplômé d’histoire, d’histoire de l’art et de sciences politiques. Il a été directeur de projets au sein de la direction de l’aménagement urbain de la Ville de Lyon. Depuis 2003, il est chargé de mission auprès du conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement du Rhône. Vice-président de la Société historique, archéologique et littéraire de Lyon, Philippe Dufieux a été chargé de cours à l’université Lyon 2. Il s’est illustré par de nombreux travaux sur l’art à Lyon aux XIXe et XXe siècles, dont Le Mythe de la primatie des Gaules. Pierre Bossan (1815-1888) et l’architecture religieuse en Lyonnais au XIXe siècle aux Presses universitaires de Lyon (2004), Le Rêve de la maison. Cités-jardins, lotissements et habitat durable dans le Rhône (en collaboration), paru aux Éditions du CAUE du Rhône (2007) et Sculpteurs et architectes à Lyon (1910-1960) de Tony Garnier à Louis Bertola aux Éditions Mémoire active (2007). Il a participé à de nombreux colloques internationaux dont Lyon-Genève-Paris (2002), Henri Focillon (2004), Les Orientalismes en architecture (2006), Villes et religions dans l’Europe moderne et contemporaine (2006), La Colline de Chaillot et ses palais (2006) et Le Livre et l’architecte (2008). Il prépare actuellement une étude sur les élèves de Tony Garnier et l’École régionale d’architecture de Lyon ainsi qu’une monographie sur l’architecte Antoine-Marie Chenavard (1797-1883). Adresse électronique : [email protected]

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De la critique du projet architectural à sa réalisation : le palais de la bourse de Marseille et le conseil des bâtiments civils From the critique of a building project to completion: the Marseilles Stock Exchange and the Conseil des bâtiments civils Von der Kritik des architektonischen Projekts zu dessen Verwirklichung : der Einfluss des Rates für zivile Gebäude auf den Marseiller Börsenpalastbau

Marie-Agnès Gilot

1 La construction du palais de la bourse par l’architecte marseillais Pascal-Xavier Coste (1787-1879) inaugure une politique monumentale sans précédent au début du Second Empire à Marseille et met un terme aux nombreux projets qui ont jalonné la première moitié du XIXe siècle. Dès la Monarchie de Juillet, architectes, ingénieurs et pouvoirs publics ont tenté de définir ensemble la place d’une telle institution au cœur d’une ville portée par l’essor commercial et maritime, mais également par le désir d’offrir à ses habitants les signes tangibles d’une profonde rénovation urbaine ; la nouvelle bourse étant appelée à devenir le symbole éminent de cette prospérité économique face à ses rivales européennes1. La chambre de commerce de Marseille s’inquiète très tôt du caractère incommode et provisoire de ses installations, devenues, au début du siècle, véritablement indignes de son activité2. La réflexion est conduite sur fond de crise économique, dans un contexte qui oppose les intérêts de la chambre aux priorités fixées par la municipalité, la difficulté consistant à réunir les ressources financières pour ériger le monument et d’arrêter son emplacement dans la ville3. Les choix politiques locaux s’inscrivent toutefois dans le vaste mouvement contemporain d’équipements publics et la finalisation du projet architectural dépend essentiellement du ministère de tutelle, en l’occurrence le ministère de l’agriculture et du commerce. La critique du projet du palais de la bourse nous intéresse donc plus particulièrement ici puisque son évolution porte l’empreinte du conseil général des bâtiments civils, un

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service majeur dans l’histoire institutionnelle de l’architecture au XIXe siècle, dont la compétence exclusive s’étend sur l’ensemble du processus de construction des édifices publics, qu’il s’agisse de l’élaboration du projet, de sa justification, des techniques, de sa mise en œuvre ou encore de son coût4. Son action se fonde sur la compétence des inspecteurs généraux, rapporteurs des dossiers examinés. Aucune modification du projet approuvé n’est en principe tolérée sans être de nouveau soumise au Conseil, seul juge préalable de l’approbation ministérielle.

1842-1846. Examen des premiers projets

La bourse de Marseille ne peut pas être déguisée sous l’enveloppe d’une habitation privée

2 En 1842, la chambre de commerce de Marseille lance un concours national pour la construction d’une bourse, d’après un programme arrêté le 30 mars 1841. L’inspecteur général Augustin-Nicolas Caristie (1781-1862) est chargé d’examiner, parmi les vingt- quatre présentés, les trois projets qu’elle a retenus5. Pour avoir examiné nombre de ses projets monumentaux, Caristie connaît bien la cité phocéenne6. Dans son rapport présenté le 25 avril 1842, il critique essentiellement le fait que le Conseil n’a pas été préalablement consulté sur le programme, qu’il juge imprécis en termes d’implantation, de superficie, de distribution et de budget ; autant de handicaps pour les participants au concours, que seuls les architectes locaux peuvent, selon lui, contourner. La vocation de contrôle du Conseil est en effet assortie d’une mission pédagogique tendant à l’élaboration de nouveaux programmes, en laissant aux administrations provinciales la liberté de le consulter préalablement sur ces derniers, liberté qui trouve ici un ton d’injonction : Il est regrettable que le Conseil n’ait pas été consulté sur le programme pour le concours d’une bourse à Marseille, parce qu’il est à craindre que, faute d’indications suffisantes, les projets produits n’aient été rédigés, sous le rapport des convenances, plutôt de sentiment que sur des données précises7.

3 La seule indication claire du programme, souligne le rapporteur, concerne les dimensions de la corbeille « qui devra pouvoir contenir trois mille personnes à l’aise, et avoir par conséquent, au moins une superficie de 2000 m2 carrés » mais il estime qu’« une surface de 1 200 à 1 500 m2 semblerait devoir largement suffire ». L’un des candidats s’est d’ailleurs sensiblement écarté du programme en adoptant l’idée d’une cour à ciel ouvert. Caristie ne retient aucun des projets. Selon lui, l’édifice doit être « précédé d’une place qui est indispensablement nécessaire » et il convient effectivement d’examiner si « en raison de l’aménité du climat de Marseille et de la moindre dépense qui en résulterait, un préau, ou cour entourée de larges ou de doubles portiques, pourrait suffire à ce service ». Il suggère surtout l’organisation d’un nouveau concours sur la base d’un programme qui soit en mesure de chiffrer la dépense et de préciser clairement l’emplacement du bâtiment dans la ville. Le Conseil désigne de son côté le lauréat8 mais il impose des modifications importantes : » L’édifice doit se distinguer des habitations privées par un caractère de solidité, un style plus ferme et être convenablement approprié à sa destination9. » Le projet est ajourné pour des raisons financières.

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4 En février 1845, Caristie rapporte au Conseil un nouveau projet10. À cette date, la chambre de commerce a adopté « à l’unanimité, l’emplacement compris entre la place royale et les rues de la Cannebière, Saint Féréol et Pavillon »11. Selon le rapport, le programme « semble avoir été fait non pour le projet mais sur le projet ». Les critiques émises à propos de cette étude, dont le devis s’élève à deux millions cinq cent mille francs, abordent des notions aussi importantes que l’isolement de l’édifice, sa caractérisation, les distributions, l’importance de la superficie et de l’échelle par rapport au tissu urbain existant : Ce qui est regrettable selon moi, c’est que la chambre de commerce n’ait pas persévéré dans l’idée exprimée par l’ancien programme, d’isoler complètement l’édifice et de n’y enfermer que ce qui est nécessaire au service de la Bourse ainsi qu’au tribunal de commerce et à ses dépendances.

5 L’édifice occupe seulement une partie de l’îlot, une galerie vitrée devant le séparer des voies publiques et des constructions particulières voisines. Au rez-de-chaussée, il n’est prévu aucun espace privilégié pour les transactions des négociants et les élévations s’inspirent du caractère des habitations voisines : Si une disposition semblable pouvait être adoptée pour une ville peu importante, elle ne me semble pas pouvoir être admise pour une ville de commerce telle que Marseille ; la bourse de Marseille ne peut pas être déguisée sous l’enveloppe d’une habitation privée ; cet édifice doit s’accuser convenablement et se montrer nettement à tous.

6 Tel quel, le projet n’est pas approuvé mais son examen a le mérite de remettre la question à l’étude12.

1847-1851. Les projets de l’architecte marseillais Pascal-Xavier Coste. Le temps de la maturité

7 En septembre 1846, Coste est chargé par la chambre d’une nouvelle étude13. Le programme, le devis et le choix de l’emplacement « situé dans le plus beau quartier de la ville » n’ont pas changé mais la superficie est sensiblement augmentée14, tandis que le commanditaire a pris la décision d’acquérir toutes les propriétés nécessaires à une construction isolée dont la façade principale devra donner sur la place royale. Les rapports au conseil des bâtiments civils et les mémoires publiées par Coste15 témoignent des relations qui s’établissent alors entre l’administration centrale et les protagonistes marseillais. Ancien élève de l’École impériale des beaux-arts16, Coste connaît bien les architectes parisiens qu’il rencontre à titre professionnel, mais aussi amical, lors de séjours prolongés dans la capitale : il suit assidûment l’évolution des nouvelles constructions, parcourt les expositions, présente lui-même au milieu savant ses dessins rapportés de ses missions en Égypte et en Perse, prépare soigneusement enfin leur publication17. Sa nomination comme membre correspondant de l’Académie des beaux-arts de l’Institut, le 26 juin 1854, vient consacrer la notoriété de cet artiste curieux de tout18. Caristie, « [s]on ancien ami », devenu vice-président du Conseil en avril 1846, a été rapporteur de tous ses projets marseillais de 1842 à 184519. Jointe au rapport d’Achille Leclère (1785 - 1853) en séance du 24 mars 1847, une note ministérielle, anticipant sur le coût des expropriations à venir, réclame un examen d’autant plus attentif du devis que les ressources de la chambre de commerce sont

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insuffisantes et nécessiteront un emprunt considérable20. Coste séjourne plus d’un mois à Paris pour défendre son projet devant le Conseil et procéder aux rectificatifs : Arrivé à Paris le 28 avril […] je me suis empressé de faire mes visites à M. Caristie, architecte, président du Conseil des bâtiments civils, et à M. Achille Leclerc, architecte, rapporteur sur le projet de la Bourse […] Après, je me suis occupé à faire sur ce projet les modifications demandées et à le remettre, le 31 mai, rectifié, audit Conseil21.

8 Avec Coste, la réflexion sur le programme parvient à maturité, l’élaboration des plans, des volumes, la définition des systèmes de construction satisfaisant pleinement l’administration qui entame avec l’architecte un dialogue fructueux. L’architecte conçoit un édifice au plan basilical, isolé des constructions avoisinantes, complété de portiques extérieurs latéraux. Coste a prévu tous les locaux nécessaires aux différents services, des latrines à la grande salle de réception de l’étage, ouvrant sur la façade. Au centre, la salle de bourse se divise en deux parties, la première est couverte, la seconde forme une cour ornée d’une fontaine et entourée de galeries de circulation. Leclère approuve cette disposition comme « une condition qui [lui] semble imposée pour une ville située dans un pays où la chaleur est souvent très forte ». Il préconise toutefois la suppression des galeries latérales extérieures « qui privent les bureaux des entresols d’air et de lumière », la superficie recouvrée devant servir à poser une grille de protection sur les côtés de l’édifice et à accroître l’espace intérieur de la corbeille. Le Conseil recommande enfin de « donner une disposition monumentale en ce qui concerne l’escalier principal et toute la facilité nécessaire quant aux escaliers de service »22. L’élévation, en parfaite adéquation avec la structure interne, s’organise sur quatre niveaux, dont deux d’entresols. Elle est marquée par la superposition des ordres, l’étage noble des avant-corps latéraux, aux colonnes jumelées, empruntant au répertoire ornemental de la Renaissance le motif de la serlienne (ill. 1).

Ill. 1: Pascal-Xavier Coste, élévation de la façade principale et coupe transversale du projet de bourse à Marseille, juin 1847

Arch. nat., F21 1878 Repr. Arch. nat.

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9 À l’intérieur, les deux niveaux d’arcades de la corbeille répondent à l’ordonnance de cette façade. La hauteur des entresols s’avère toutefois insuffisante et le Conseil suggère d’accentuer les arcades du rez-de-chaussée et de remplacer celles du premier étage par des croisées, remarques qui contiennent en germe l’élévation de la façade dans sa version définitive. La référence à la Renaissance constitue pour Coste un véritable plaidoyer : Aujourd’hui, on veut créer une architecture nationale, et les idées se tournent involontairement vers le passé, dans l’histoire des monuments […] si un choix était à faire entre les divers genres d’architecture, le style Renaissance me paraîtrait le plus sympathique à nos mœurs et à notre caractère national23.

10 Après avoir construit des édifices religieux majeurs à Marseille, dans lesquels il revisite l’art roman et les débuts de la Renaissance24, l’architecte se montre très attentif au projet de la cathédrale de Marseille que Léon Vaudoyer (1803 - 1872) se voit confier dès 1845, dans un contexte marqué par une importante controverse entre les zélateurs d’un art gothique national et les adeptes d’une démarche historiciste sur fond d’évolution des styles et de notion de « progrès continu »25. Ce dernier postulat remporte de fait l’adhésion du vice-président du conseil des bâtiments civils26. Le 29 juillet 1847, le ministère de l’agriculture et du commerce approuve définitivement le projet et le mode de financement de la construction par la chambre du commerce mais, reconsidérant les risques financiers liés à l’expropriation, celle-ci renonce à construire le palais de la Bourse « sur l’île de maisons entre la Cannebière, la rue Pavillon, la place Royale et la rue Saint Ferreol »27. En décembre 1849, la chambre de commerce demande à l’architecte de dresser un nouveau projet « sur l’emplacement des maisons entre la rue Pavé-d’Amour et la rue des Templiers avec façade sur la Canebière et la Place Royale »28, c’est-à-dire en face, dans la vieille ville, en bordure nord de la Canebière (ill. 2).

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Ill. 2: Pascal-Xavier Coste, plan général des abords du projet de Bourse pour Marseille, avant-projet, mars 1851

Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, 1 Fi 3004 Cl. Arch. dép. 13

11 Le conseil des bâtiments civils est saisi de l’avant-projet le 26 juin 185129. Coste est à Paris depuis un mois déjà, rejoint deux jours avant la séance par Fabricius Paranque, président de la chambre de commerce, déterminé à faire aboutir l’affaire qui a pris un caractère d’urgence. L’exécution du palais de la bourse donnerait en effet du travail aux ouvriers durement frappés par la crise économique. Dans ses grandes lignes, le projet, évalué à deux millions de francs30, reprend celui de 1847, « Les communications sont faciles et la circulation est complète et au surplus ce mérite avait déjà été remarqué dans le projet examiné en 1847 et se retrouve ici et même avec des modifications avantageuses »31. Coste a finalement opté pour une salle de bourse unique, couverte d’une charpente en fer et d’une toiture en zinc. L’édifice est bordé de rues de quinze mètres de large, répondant ainsi au vœu du Conseil qui préconise l’isolement. En façade, une rangée d’arcades reçoit une imposante colonnade corinthienne, formant avec elle l’avant-corps central (ill. 3).

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Ill. 3: Pascal-Xavier Coste, élévation de la façade principale de la bourse de Marseille, avant-projet, mars 1851

Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, 1 Fi 3005 Cl. Arch. dép. 13

12 N’apportant par ailleurs que des corrections mineures, le Conseil s’attache principalement à corriger cette élévation : Les arcades du rez-de-chaussée paraissent petites comparativement au grand ordre supérieur du milieu de la façade les croisées du premier étage sont aussi trop grandes […] une bourse pour la ville de Marseille est un monument d’une très grande importance et qui doit se distinguer de toutes manières sur les autres édifices32.

13 Un différend oppose encore le conseil municipal à la chambre de commerce. Le premier a voté six cent mille francs pour la réalisation du projet « dans l’idée principalement d’apporter des améliorations dans ce quartier de l’ancienne ville »33. Il souhaite par conséquent que l’édifice, prévu pour être élevé en bordure de la Canebière, puisse être construit en retrait de cette voie afin de ne pas interrompre la circulation de la rue des Fabres et d’établir une place en avant de la bourse. L’administration, sensible à ces arguments qui touchent à l’aménagement urbain et ses embellissements, y est plutôt favorable : D’ailleurs cette place peut servir de promenade à ceux qui arrivent à la bourse avant son ouverture, elle pourrait être plantée avec des bancs et être ornée de fontaines. Elle peut donc être considérée comme étant d’un véritable avantage pour le monument, servir à son utilité, à son aspect et à son agrément34.

14 Mais la chambre, redoutant des conséquences financières désastreuses, ne peut que contester cette modification. Au terme de la discussion avec l’architecte présent à Paris afin « de faire accélérer l’approbation du projet de Bourse par le ministre »35, celle-ci est enterrinée le 13 décembre 1851. Pourtant, comme l’exprime clairement à l’époque

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le rapporteur : » le quartier placé derrière la Bourse reste sans amélioration »36 et cette situation ne sera pas sans conséquence sur l’avenir de l’urbanisme marseillais37.

1854-1860. De la réalisation à l’inauguration par l’Empereur

15 L’adjudication étant repoussée jusqu’au 25 juillet 1853, les travaux ne commencent qu’en janvier 1854, dans une période marquée par l’envolée des prix pendant les inondations et les épisodes cholériques de 1854 et 1855, suivie d’une confiance raffermie en politique et dans les affaires, qui relance l’activité du bâtiment. Les adjudicataires doivent assumer les conséquences financières de « Matériaux dont le choix, la quantité et les dimensions n’offraient rien d’identique avec ceux qui avaient été employés jusqu’alors »38. Le choix de ces matériaux est effectivement primordial et, en matière de construction, Coste se place dans le sillage des grands chantiers parisiens : Pour un monument tel que la Bourse, il faut que la grande construction soit employée, telle qu’elle a été étudiée sur les anciens, recommandée dans les ouvrages qui font autorité et pratiquée chez les modernes dans les grands travaux ; telle qu’on la pratique, par exemple pour l’achèvement du Louvre, en voie d’exécution39.

16 La pierre de taille est donc de rigueur, extraite des meilleures carrières des Bouches- du-Rhône. Pour la base générale de l’édifice ainsi que pour le mur de grille, les perrons, les seuils et le dallage des galeries, il opte pour la pierre de Cassis « qui n’a peut-être pas son équivalent dans toute la France, et qui joint à une sévère beauté d’aspect tous les caractères désirables de dureté et d’imperméabilité ». La pierre de Calissanne, « d’un grain fin, serré, homogène, d’une grande consistance, et qui prend avec le temps une belle teinte dorée » est choisie pour composer le rez-de-chaussée des façades secondaires et l’ensemble de la façade principale, jusqu’à son couronnement car « cette pierre se prête admirablement à la sculpture ». Par la dégradation de ton qui l’accorde avec la précédente, la pierre de Beaucaire aurait dû s’intégrer harmonieusement dans l’élévation, mais elle est remplacée par la pierre de Fontvieille. Il réserve aussi ce matériau au premier niveau des murs de galeries et à refends de la grande salle de la corbeille et l’associe pour les parties hautes à la pierre d’Arles, non la plus commune, « à grains très gros et à contexture lache ; mais la qualité dure, dite rateau, dont le grain est très fin et convient très bien aux détails d’ornementation qu’elle doit recevoir »40. L’édifice est, rappelons-le, le premier des grands chantiers marseillais du Second Empire, auquel le Prince-Président s’intéresse personnellement et dont il pose la première pierre le 26 septembre 185241. Pour mener à bien sa mission, Coste multiplie les séjours à Paris où, en octobre 1854, il a une nouvelle fois « visité la Bourse dans tous ses détails »42. En juin 1858, il rencontre René Dardel (1796-1871), l’architecte de la nouvelle bourse de Lyon43, dont il se vante de dépasser en superficie la corbeille44. Pour couvrir cette fameuse corbeille, « naturellement […] considérée par l’architecte comme la partie capitale de son œuvre »45, et réaliser les planchers, Coste s’entretient avec les membres du conseil des bâtiments civils sur les choix techniques qui reposent sur la mise en œuvre du fer : Il a été en définitive préféré pour la Bourse, avec l’intention, le moment venu, de mettre en œuvre cette partie du travail, d’étudier à fond, avant de se décider, les

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divers systèmes mis en avant, soit théoriquement, soit par l’expérience déjà faite dans diverses applications46.

17 Les charpentes métalliques, l’application des globes ou pots creux à l’art de bâtir les planchers, les nouveaux systèmes de couvrement ont pris une place grandissante sur les chantiers parisiens et font l’objet de brevets et de notices d’industriels dès les années 1830, comme autant de moyens de réduire les risques d’incendie et les manutentions de matériaux lourds. L’emploi du cuivre ou du zinc, encore expérimental et coûteux, jusque là réservé aux constructions monumentales, tend à se généraliser. La technique consiste à réaliser des ardoises métalliques, d’après la forme de la tuile antique, posées à recouvrement, les unes sur les autres, avec rebords saillants et couvre-joints47. Le Conseil, à l’affût de tout procédé susceptible de faire progresser l’art de bâtir, charge ses inspecteurs généraux de se rendre dans les ateliers et de rédiger des rapports. Charles Gourlier (1786-1857), rapporteur au Conseil depuis 1819, et Caristie ont été tous les deux inspecteurs des travaux de la Bourse de Paris sous la Restauration48. C’est alors le premier exemple d’édifice public où sont mis en œuvre des pots creux fixés par le plâtre sur une armature métallique et où Gourlier est chargé de superviser l’installation d’un système de chauffage avec calorifère49.

18 Pour son projet, Coste s’en remet à la compétence de « quelques ingénieurs ou industriels de Paris […] parvenus à des résultats pratiques très satisfaisants »50, notamment « MM. Grouvelle et Duvoir » pour le chauffage. En juin 1857, il se rend aussi aux ateliers de serrurerie Roussel, aux Batignoles, « pour voir l’exécution de la charpente en fer forgée pour le palais de commerce »51. En même temps, il s’engage auprès des statuaires grands prix de Rome et des ornemanistes parisiens52, appelés à intervenir sur le palais, autre signe tangible des relations privilégiées avec l’élite parisienne et de l’attention que le pouvoir central accorde à son édification. Un ultime changement de parti donne à la façade son allure définitive (ill. 4).

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Ill. 4: Pascal-Xavier Coste, vue perspective de la Bourse de Marseille sur la Canebière

Planche gravée, publiée dans Pascal-Xavier Coste, Palais de la Bourse de Marseille, Typographie Marius Olive, 1874, pl. 1 Cl. Marie-Agnès Gilot

19 En janvier 1853, la chambre de commerce a jugé préférable de supprimer les fenêtres qui devaient ouvrir sur les murs en arrière-corps et de leur substituer un ensemble statuaire, plus conforme au « caractère monumental qu’elle doit offrir dans sa partie la mieux exposée »53.

20 D’une monumentalité toute romaine affirmant la puissance du bâtiment, la façade de Coste s’inspire de toute évidence de l’architecture civile de la Renaissance, selon la formule de Bramante : le rez-de-chaussée en bossage, un avant-corps à refends percé de cinq arcades ornées de cartouches et de proues de navire, et l’étage noble avec un ordre, une longue colonnade corinthienne formant galerie ouverte à la hauteur de la salle de réception, complétée aux angles, sur les instances du Conseil, par de forts pilastres-antes. En arrière-plan, un long bas-relief illustre « Marseille assise au centre, accueillant les peuples et leurs produits de la Méditerranée et de l’Océan »54. L’édifice est couronné d’un attique divisé en panneaux pour lesquels les choix iconographiques se fixent sur les plus célèbres explorateurs, répondant aux statues des navigateurs phocéens, Euthymènes et Pythéas, placés dans les grandes niches latérales du premier étage, au-dessus des génies du commerce et de la navigation, placés au rez-de-chaussée.

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Ill. 5: Pascal-Xavier Coste, vue de la grande salle ou corbeille de la bourse

Planche gravée, publiée dans Pascal-Xavier Coste, Palais de la Bourse de Marseille, Typographie Marius Olive, 1874, pl. 6 Cl. Marie-Agnès Gilot

21 En réponse à ce discours, les dix bas-reliefs allégoriques des voussures de la corbeille (ill. 5) représentent « les principaux faits légendaires, religieux, politiques, commerciaux, guerriers, diplomatiques, dans lesquels l’histoire de Marseille vient glorieusement se résumer »55 tandis que Le Mariage de Gyptis et Protis orne la grande salle de réception. La fierté des origines grecques et la glorification du commerce marseillais se mêlent subtilement « aux idées saint-simoniennes de rencontre des civilisations »56, chères au Second Empire.

22 Le 10 septembre 1860, Napoléon III inaugure le palais de la bourse : » Je regrette que votre monument ne soit pas à Paris » confie-t-il alors à Coste57, tandis que ce dernier rend hommage aux « artistes qui ont l’habitude de bien interpréter la pensée de l’architecte et d’observer le caractère de la destination du monument »58. Une réalisation provinciale à l’envergure nationale, dont la conception doit nécessairement passer sous les fourches caudines du conseil des bâtiments civils : en critiquant, en corrigeant ou en amenant un projet à sa maturité, celui-ci exerce alors un réel pouvoir sur la création architecturale. Mais, au-delà du contrôle purement centralisateur et de l’intervention politique nécessaire au financement59, le dialogue, le transfert des compétences, les mêmes conceptions et affinités artistiques entre l’architecte marseillais et ses confrères parisiens ont largement contribué à son accomplissement, digne du rang d’une « ville de commerce telle que Marseille ».

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NOTES

1. 1. Denise Jasmin, La Ville, l’Administration et l’Architecte, Commande publique et architecture à Marseille, 1830-1870, thèse de doctorat nouveau régime, université de Provence, 1991, 3 vol. 2. 2. Denise Jasmin, « Architecture et urbanisme », Marseille XIXe. Rêves et triomphes, musées de Marseille-Réunion des musées nationaux, 1992, p. 127-154. 3. 3. Denise Jasmin, « Pascal Coste, Architecte et urbaniste », Pascal Coste ou l’architecture cosmopolite, dans Daniel Armogathe et Sylviane Leprun (dir.), Paris, L’Harmattan, 1990, p. 76. 4. 4. Charles Gourlier, Notice historique sur le service des travaux des bâtiments civils à Paris et dans les départements, depuis la création de ce service en l’an IV (1795) jusqu’en 1848, Paris, 1848, p. 20. 5. 5. Arch. nat., F21 1847, Bouches-Du-Rhône. Projet de bourse. Marseille, rapport de Caristie au Conseil, 25 avril 1842. 6. 6. Marie-Agnès Gilot, Augustin-Nicolas Caristie (1781-1862), culture architecturale et carrière administrative d’un grand prix de Rome, thèse de doctorat sous la direction de Luce Barlangue, université Toulouse-Le Mirail, 2007, 3 vol. De 1831 à 1846, il inspecte le quart sud-est de la France. En 1837, il est en mission à Marseille dont il supervise le plan d’alignement. 7. 7. Arch. nat., F21 1847, rapport du 25 avril 1842. 8. 8. Antoine-Xavier-Robert Penchaud (1804-1860), fils de Michel-Robert Penchaud (1772-1833) et élève de Debret, entré en 2e classe à l’École des beaux-arts de Paris en 1829. 9. 9. Arch. nat., F21 1847, avis du Conseil, avril 1842. 10. 10. L’auteur est l’architecte marseillais Anthelme Bernex (1777-1848). 11. 11. Arch. nat., F21 1847, rapport de Caristie au Conseil, séance du 5 février 1845. 12. 12. Arch. nat., F21 1847, lettre du ministre de l’agriculture et du commerce au ministre des travaux publics, 24 février 1847. Le Conseil rejette le projet en séance du 5 janvier 1846. 13. 13. Vincent Barral, son élève, lui est associé pour ce premier projet. 14. 14. La superficie du projet de Bernex couvrait 3150 m2, celle du projet de Coste doit couvrir 3500 m2. 15. 15. Pascal-Xavier Coste, Mémoires d’un artiste. Notes et souvenirs de voyages, Marseille, 1878, 2 vol. 16. 16. Élève de Michel-Robert Penchaud, architecte de la ville de Marseille et du département des Bouches-du-Rhône, il y est admis en 1814. 17. 17. Pascal-Xavier Coste, Architecture arabe ou Monuments du Kaire, mesurés et dessinés, de 1818 à 1826, Paris, Firmin-Didot, 1837-1839, 69 pl. ; Monuments modernes de la Perse mesurés, dessinés et décrits par Pascal Coste, Paris, A. Morel, 1867, IV-60 p. et 71 pl. 18. 18. Daniel Armogathe et Sylviane Leprun (dir.), « Les mille et une figures d’un architecte marseillais », dans Pascal Coste ou l’architecture cosmopolite, op. cit., p. 5-10. 19. 19. Arch. nat., F21 1847. Ses nouvelles responsabilités imposant une nouvelle répartition des circonscriptions provinciales, Caristie laisse le quart Sud-Est à Achille Leclère. Coste, nommé architecte en chef des travaux publics de la ville en novembre 1844, démissionne en août 1845. Il est remplacé par Barral, mais conserve la rédaction de tous les projets et travaux d’art. 20. 20. Ibid., rapport de Leclère au Conseil, le 24 mars 1847. 21. 21. Pascal-Xavier Coste, Mémoires d’un artiste […], op. cit., p. 468. 22. 22. Arch. nat., F21 1847, avis du conseil des bâtiments civils, le 3 juin 1847. 23. 23. Pascal-Xavier Coste, « Y a-t-il possibilité de créer une architecture nationale en France », Mémoires de l’académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille, 1846-1847, Marseille, 1848, p. 227. 24. 24. Barry Bergdoll, « Passé national et passé régional dans l’architecture religieuse marseillaise. Pascal Coste et Léon Vaudoyer », Pascal Coste ou l’architecture cosmopolite, op. cit., p.

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82-95. À Marseille, Coste élève les églises Saint-Lazare (1833-1839 ; 1841-1863), Saint-Joseph (1833-1860), Saint-Barnabé (1845-1846), Notre-Dame-du-Mont-Carmel de Mazargues (1847 -1849). Dans son sillage, les architectes Sixte Rey (1821-1906) et Henri Espérandieu (1829-1874) poursuivent la réflexion autour de l’art roman-byzantin. Denise Jasmin, « L’architecture romane du XIXe siècle à Marseille », L’Invention de l’art roman au XIXe siècle. L’époque romane vue par le XIXe siècle, actes du colloque tenu à Issoire en 1995, Revue d’Auvergne, 1999, n° 4, p. 175-179. 25. 25. Barry Bergdoll, « L’architecture religieuse au XIX e siècle », Marseille au XIXe. Rêves et triomphes, op. cit., p. 184-211. 26. 26. Marie-Agnès Gilot, « Caristie et sa vision de l’art national », Augustin-Nicolas Caristie (1781-1862), culture architecturale […], op. cit., p. 388-396. 27. 27. Pascal-Xavier Coste, Mémoires […], op. cit., p. 486. 28. 28. Ibid., p. 490. 29. 29. Arch. nat., F21 1847, rapport de Leclère au Conseil, le 26 juin 1851. 30. 30. Cinq millions de frs sont prévus, dont trois applicables à l’expropriation des maisons situées sur l’emplacement du nouvel édifice, et deux aux frais de construction. 31. 31. Arch. nat., F21 1847, rapport du 26 juin 1851. 32. 32. Ibid. 33. 33. Ibid, rapport de Leclère au Conseil, le 11 décembre 1851. 34. 34. Ibid. 35. 35. Pascal-Xavier Coste, Mémoires […], op. cit., p. 496. 36. 36. Ibid. 37. 37. Denise Jasmin, « Pascal Coste, Architecte et urbaniste », Pascal Coste ou l’architecture cosmopolite, op. cit., p. 76-79. 38. 38. Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, 13. 8M 72. Construction de la nouvelle Bourse. Observations de l’entrepreneur Rabattu fils aîné adressées à la chambre de commerce, Marseille, le 19 janvier 1860. 39. 39. Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, 8M 72. Coste. Construction d’une bourse. Système de construction [1851]. 40. 40. Ibid. 41. 41. André Conquet, Napoléon III et les chambres de commerce, Assemblée des chambres françaises de commerce et d’Industrie, Paris, 1990, 142 p. 42. 42. Pascal-Xavier Coste, Mémoires […], op. cit., p. 523. 43. 43. Construite à partir de 1855 et inaugurée le 25 août 1860 par Napoléon III. 44. 44. Pascal-Xavier Coste, Palais de la Bourse de Marseille, typographie Marius Olive, 1874, p. 19 : « La salle principale de cette Bourse, y compris les galeries où se traitent toutes les affaires commerciales, a une superficie de 1 120 mètres (celle de Paris 1020 mètres et celle de la Bourse de Lyon n’a que 776 mètres) ». 45. 45. Ibid., p. 23. 46. 46. Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, 8M 72. Coste. Construction d’une bourse. Système de construction. 47. 47. Arch. nat., F13 956, Bâtiments civils. Objets généraux. Inventions et découvertes : produits nouveaux, modes de constructions, etc. 1828-1841. Rapport de Léon-Marie-Dieudonné Biet (1785-1857) au Conseil, le 15 avril 1834. 48. 48. Arch. nat., F21 931, États de service du personnel. Caristie est premier inspecteur du 17 juin 1823 au 30 novembre 1826 et Charles Gourlier, est inspecteur adjoint de 1821 à 1826. 49. 49. Charles Gourlier, Jean-Marie-Dieudonné Biet, Edme-Jean-Louis Grillon et Jean-Jacques Tardieu, Choix d’édifices publics projetés et construits en France depuis le commencement du XIXe siècle, t. 1, 1825 à 1836, p. 17. Il s’agit d’un appareil de chauffage par la vapeur « disposé d’après les indications de MM. D’Arcet, Gay-Lussac et Thénard, membres de l’académie des sciences ». 50. 50. Arch. dép. 13. 8M 72. Coste. Construction d’une bourse. Exposé du projet.

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51. 51. Pascal-Xavier Coste, Mémoires […], op. cit., p. 537. 52. 52. Statuaires : François-Ambroise-Germain Gilbert (1816-1891), élève de Cortot, Jean- Baptiste-Claude-Eugène Guillaume (1822-1905), élève de Pradier, grand prix en 1845, Auguste- Louis-Marie Ottin (1811-1890), grand prix en 1836 et Armand Toussaint (1806-1862), 2e grand prix en 1832, élèves de David d’Angers. Ornemanistes : Thiebaud, Corbel et Cottebrune, Baleitz et Armand. 53. 53. Arch. dép. 13. 8M 72. Lettre de Jean-Baptiste Pastré, président de la chambre de commerce au préfet, le 4 janvier 1853. 54. 54. Pascal-Xavier Coste, Palais de la Bourse […], op. cit., p. 21. 55. 55. Ibid., p. 25. 56. 56. Denise Jasmin, « Architecture et urbanisme », Marseille XIXe […], op. cit., p. 142. 57. 57. Pascal-Xavier Coste, Mémoires […], op. cit., p. 550. 58. 58. Pascal-Xavier Coste, Palais de la Bourse […], op. cit., p. 26. 59. 59. Trois emprunts successifs sont nécessaires à son achèvement : 2 000 000 frs accordés le 15 septembre 1851, 1 200 000 frs le 19 mai 1854, enfin 800 000 francs le 21 juillet 1860, grâce à la loi sur les emprunts à long terme de 1860.

RÉSUMÉS

La construction du palais de la bourse (1852-1860) par l’architecte marseillais Pascal-Xavier Coste (1787-1879) inaugure une politique monumentale sans précédent au début du Second Empire à Marseille. Elle vient mettre un terme à une série de projets successifs : dès la Monarchie de Juillet, architectes, ingénieurs et pouvoirs publics ont tenté de définir ensemble la place d’une telle institution au cœur d’une ville portée par l’essor commercial et maritime, mais aussi par le désir d’offrir à ses habitants les signes indiscutables d’une évolution urbaine en marche. Les décisions locales s’inscrivent toutefois dans le mouvement plus vaste de la commande publique et l’aboutissement du projet architectural dépend essentiellement du ministère de tutelle, en l’occurrence le ministère de l’agriculture et du commerce. La critique du projet du palais de la bourse apparaît donc essentielle puisque son évolution porte l’empreinte du conseil général des bâtiments civils, un service majeur dans l’histoire institutionnelle de l’architecture au XIXe siècle : en corrigeant et en amenant le projet à sa maturité, qu’il s’agisse de son adéquation au programme, de sa justification, des techniques de sa mise en œuvre ou de son coût, il exerce un véritable pouvoir sur la création architecturale.

With the erection of the Stock Exchange (1852-1860) by the local architect Pascal-Xavier Coste (1787 - 1879), an unprecedented construction policy started at the beginning of the Second Empire in Marseilles. It ended discussions on successive projects: since the July Monarchy, architects, engineers and authorities had tried to figure out the place of such an institution in the heart of the growing commercial and harbour city; they also wanted to give positive signs of the urban growth in progress to the inhabitants. These local decisions were part of a greater policy on state commission though, and it rested essentially upon the ministry in charge – in this case the Ministry of Agriculture and Trade – whether a building project would be achieved or not. Therefore the critique of the stock exchange-building project turns to be essential since its evolution is telling about the conseil general des bâtiments civils, as a major service in the nineteenth century institutional architectural history: whether it would put forwards corrections

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and bring the project to maturity, whether it would deal with the appropriateness to the program, with justification, with building techniques or cost, it did have a true power over architectural creation.

Der Bau des Börsenpalastes (1852 - 1860) vom Marseiller Architekten Pascal-Xavier Coste (1787 - 1879) setzte am Anfang des 2. Kaiserreichs in Marseille eine noch nie dagewesene Baupolitik in Gang. Schon während der Julimonarchie waren mehrere aufeinanderfolgende Projekte entstanden, die aufgegeben wurden : Architekten, Ingenieure und Behörden hatten schon gemeinsam bestimmt, dass der Platz für eine solche Institution im Herzen der Stadt gelegen sein solle. Die Stadt, die damals von maritimem und geschäftlichem Aufschwung getragen war, wünschte ihren Bewohnern ein unbestreibares Zeichen der in Gang gesetzten Entwicklung vor Augen zu führen. Die lokalen Entscheidungen waren aber auf die allgemeine Politik der öffentlichen Aufträge angewiesen, so dass der Erfolg eines Bauprojekts von den Aufsichtsbehörden abhängig war, beziehungsweise von den Ministerien für Landwirtschaft und Handel. Anhand der Entwicklung der Kritik des Projekts des Börsenpalastes lässt sich aber der Einfluss des Rates für zivile Gebäude erkennen und dessen unverkennbare Rolle in der institutionellen Geschichte der Architektur im 19.Jahrhundert. So übte der Rat einen unmittelbaren Einfluss auf die architektonische Schöpfung aus, indem er das Projekt korrigierte und zur Reife brachte, dessen Berechtigung und Anpassung ans Programm abwog und schließlich die technischen Aufwendungen und die Kosten überprüfte.

AUTEUR

MARIE-AGNÈS GILOT Marie-Agnès Gilot a enseigné jusqu’en 2005 l’histoire de l’art (XIXe-XXe siècles) à Marseille. En mai 2007, elle a soutenu une thèse d’histoire de l’art sous la direction de Luce Barlangue à l’université de Toulouse-Le Mirail, intitulée Augustin-Nicolas Caristie (1781-1862), culture architecturale et carrière administrative d’un Grand Prix de Rome, à la publication de laquelle elle travaille actuellement. Conférencière dans le cadre des visites guidées de la préfecture des Bouches-du-Rhône pour les Journées du Patrimoine depuis 1995, membre du conseil d’administration de l’E.S.SO.R. (équipe scientifique de soutien à la recherche, histoire des arts méditerranéens, 1760-1914), elle est l’auteur de trois articles : « Augustin-Nicolas Caristie, un grand prix de Rome au service des Monuments historiques », Bulletin de l’E.S.SO.R. (n° 1, mai 1997) ; » Le choix significatif de la restauration du château d’Anet », Bulletin de l’E.S.SO.R. La restauration du patrimoine au XIXe siècle (n° 9, mai 2001) et enfin « Monuments expiatoires sous la Restauration : les chapelles d’Auray, le mausolée de Cadoudal en Morbihan et le martyrium d’Orange en Vaucluse » (à paraître fin 2007 dans le même bulletin). Suite à une conférence en avril 2003 donnée aux membres de la société d’études d’Avallon, elle a publié « Augustin-Nicolas Caristie (1781-1862). Culture architecturale et carrière d’un Grand Prix de Rome », Bulletin de la Société d’Études d’Avallon (82 e volume, 2004). Elle est l’auteur de deux articles à paraître prochainement, « Le catalogue de vente de la bibliothèque de l’architecte Augustin-Nicolas Caristie » dans Olga Medvedkova (dir.), Bibliothèques d’architecture. Questions de sources et de méthodes (INHA, Éditions Alain Baudry, Paris, 2008), ainsi que « L’appropriation de l’hôtel de préfecture de Nevers (Nièvre) 1823-1829. Une affaire d’État » dans le numéro 9 de la revue du conseil général de la Nièvre Regards sur la Nièvre, l’expression des jeunes chercheurs. Adresse électronique : [email protected]

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La chambre de commerce de Cambrai, vitrine de la reconstruction réussie d’une ville du Nord fr The Chamber of Commerce and Industry in Cambrai: an example of a successful Reconstruction in a Northern city Die Industrie- und Handelskammer von Cambrai, Spiegelbild des Wiederaufbaus einer Stadt Nordfrankreichs

Anne Lefebvre et Mathilde Méreau

1 Après le rétablissement des chambres de commerce par l’arrêté du 3 nivôse an XI (24 décembre 1802), celle de Lille recommença à fonctionner le 14 février 1803. Sa circonscription s’étendait à l’origine aux arrondissements de Lille, , Cambrai, Valenciennes et Avesnes mais assez rapidement, de nouvelles chambres s’en détachèrent : Valenciennes en 1836, puis Roubaix et Tourcoing en 1872, Cambrai en 1880 et, enfin, en 1887, Armentières et Avesnes. Entre temps, les intérêts économiques du Cambrésis avaient été défendus au sein d’une chambre consultative des arts et manufactures, créée le 19 mars 1848, organisme plus au fait des problèmes locaux, dont les membres se réunissaient à l’hôtel de ville. Le 2 avril 1880, un décret créa la chambre de commerce de Cambrai et les séances continuèrent à se tenir à l’hôtel de ville pendant près de vingt ans. En 1889, le siège fut transféré dans les locaux de la Société des docks et entrepôts, à proximité du port intérieur de Cantimpré, sur l’Escaut, le temps de l’édification d’un hôtel consulaire adossé à des hangars publics1. C’était un bâtiment en briques s’apparentant plus à un bâtiment industriel ou à une gare qu’à un bâtiment civil institutionnel ; il fut détruit lors des bombardements de 1918.

2 Le Nord fut un des théâtres d’opération les plus importants de la première guerre mondiale. Les attaques allemandes ou alliées furent nombreuses et laissèrent des

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champs de ruines. Le 26 août 1914, les Allemands entrent dans Cambrai. En novembre 1917, le front se déplace d’ vers Cambrai où se déroule la première bataille de chars de l’histoire pour percer la ligne Hindenburg et traverser l’Escaut. Le 7 septembre 1918, la population est évacuée vers Valenciennes et la Belgique, laissant le champ libre aux armées rivales. La ville est alors pillée et incendiée lors de la retraite allemande et une grande partie de l’histoire de la cité disparaît dans les flammes. La ville est libérée par les Canadiens le 9 octobre 1918. Du Cambrai médiéval et moderne, ne subsistent que de rares vestiges, à la périphérie ; 20 % des immeubles sont à reconstruire et la Grand- Place n’est plus qu’un lieu de désolation2. À la fin de la guerre, la chambre de commerce se trouve sans siège. Elle est accueillie dans les bureaux de la Sucrerie centrale de Cambrai, 15 rue du Louvre à Paris, puis, retourne à Cambrai où l’attend une tâche immense. Son siège migre du 6 place de la Porte Notre-Dame, chez l’un de ses membres, au 10 rue Saint-Géry, dans un immeuble loué et aménagé pour plusieurs années. Se pose alors la question de la reconstruction d’un hôtel consulaire, sur l’ancien emplacement, à l’extérieur de la ville ou au contraire en centre-ville. Cette dernière solution est retenue en 1922 considérant qu’il était opportun de profiter de la Reconstruction pour ériger le nouvel immeuble au cœur de l’agglomération renaissante3.

Le plan de reconstruction et sa place dans l’urbanisme de Cambrai

3 L’ampleur des destructions entraîne, au lendemain de la guerre, de nombreuses réflexions qui aboutissent au vote de la loi Cornudet en avril 1919, imposant, entre autres, des normes de voiries et d’hygiène modernes4. Le futur architecte de la chambre, Pierre Leprince-Ringuet (1874-1954)5 s’était intéressé dès 1917 à la question de la reconstruction en participant notamment à une exposition visant à l’établissement de modèles types d’habitations et de fermes pour les régions dévastées, organisée par la société des architectes diplômés par le Gouvernement6. À partir de 1915, architectes et urbanistes commencent à penser à l’après-guerre ainsi qu’aux moyens nécessaires à mettre en œuvre en vue d’une reconstruction rapide7. Leurs réflexions aboutissent à l’idée alors largement partagée par les contemporains qu’il ne faut pas dénaturer une ville détruite, mais la reconstruire dans l’esprit de ce qui existait pour ne pas perturber davantage les habitants encore traumatisés par le conflit mondial. La ville nouvelle ne devait pas faire oublier l’ancienne, chacun devant pouvoir y retrouver des repères.

4 L’année 1919 marque un tournant dans la carrière de Leprince-Ringuet puisqu’il participe avec deux de ses confrères, Germain Debré (1890-1948) et Jacques Debat- Ponsan (1882-1942), au concours du plan d’agrandissement et d’embellissement de la ville dont ils sortent lauréats avec le projet « Martin-Martine »8. Tous trois étaient passés par l’École des beaux-arts, dans l’atelier de Victor Laloux. Pour le concours de Cambrai, ils dressent un projet moderne9 qui séduit le jury par son rationalisme et son esthétique néo-régionaliste. Dans les années 1920, Jacques Debat-Ponsan s’occupera en particulier de la reconstruction de la Picardie, région limitrophe, où nombre de bâtiments portent sa marque10. Les années d’entre-deux-guerres sont donc pour Pierre Leprince-Ringuet les plus fécondes, au cours desquelles il démontre son talent à Paris et dans le département du Nord, aussi bien dans le domaine de l’architecture civile que

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religieuse ou funéraire. Son sens du travail et de la perfection l’amène à collaborer avec des artistes locaux ou de renom, toujours avec une grande estime réciproque doublée d’une profonde reconnaissance dont la chambre de commerce de Cambrai est le témoin privilégié. C’est précisément dans un souci de respecter l’esprit de la ville et ses apports historiques que Leprince-Ringuet travaille à ce dernier projet, « une construction qui est réellement l’œuvre de l’architecte exprime son esprit en même temps que l’esprit de l’époque »11. Le projet « Martin-Martine » prend le parti de remodeler le centre-ville autour de l’hôtel de ville en regroupant les services liés à la vie administrative : tribunal, chambre de commerce, poste, perception, sur une nouvelle place à l’arrière de la Grand-Place, et de concentrer l’activité commerciale sur la Grand-Place et dans les rues adjacentes. De nouvelles voies à percer sont ainsi projetées avec des perspectives rectilignes dégageant les grands monuments. Le cahier des charges stipule en outre que l’hôtel de ville doit être reconstruit dans le style du XVIIIe siècle et les maisons de la place en style flamand. Ce choix prévaudra pour la construction du nouvel hôtel consulaire. Ce projet de reconstruction et d’embellissement, élaboré par une commission extra communale composée d’architectes, d’ingénieurs, d’entrepreneurs, d’élus locaux et d’artistes est approuvé par le conseil municipal le 27 mars 1920.

5 La mise en place des opérations de reconstruction prit du temps car ce choix d’urbanisme nécessitait de nombreuses expropriations que seul l’État était habilité à mener à bien en rachetant les dommages de guerre. Le 28 mars 1922, une convention signée entre Garin, maire de la ville, et l’État, permet désormais à la commune de se substituer à lui pour l’utilisation des dommages de guerre. Ces problèmes juridiques retardèrent la reconstruction qui ne démarra qu’en 1923 et fut considérée achevée à l’inauguration de l’hôtel de ville en 193212.

La mise en place de la nouvelle chambre de commerce

6 Dès la décision de la reconstruction en centre-ville prise13, la chambre de commerce vend l’ancien hôtel consulaire, cherche à acheter des dommages de guerre en centre- ville et confie à l’architecte Ernest Herscher (1870-1939)14 une étude préliminaire, estimée à deux millions de francs15. L’architecte présente deux projets sommaires sur une surface de 2000 m², situant le nouvel édifice sur la place à l’arrière de l’hôtel de ville tandis que les membres du bureau de la chambre auraient souhaité une vitrine sur la place d’Armes16. Cette solution est abandonnée en novembre 192217 et, en compensation, la municipalité consent alors à céder gratuitement une partie du terrain à condition que la chambre accueille dans ses locaux un bureau des P.T.T. En conséquence, le choix du projet est réduit à 1 200 m² : 874 m² à acquérir et 330 m² à fournir par la ville. Le terrain dévolu a la forme d’un T sur le côté nord de la nouvelle place dénommée alors place administrative. À l’origine, la façade principale d’une longueur de 20 mètres est prévue dans l’axe de l’hôtel de ville. La parcelle était profonde de 30 mètres, les deux branches du T aboutissant pour la partie de gauche, large de 12 mètres, rue de Nice, et sur la partie droite, d’une largeur de 19 mètres 50, rue d’Alger. 53 mètres séparaient les deux rues sur lesquelles les façades du bureau des Postes et de la salle de conférence, allaient se constuire18. Il est également spécifié que les futurs immeubles à proximité de la chambre de commerce doivent être frappés d’une servitude d’élévation par rapport à la façade de l’hôtel consulaire pour réaliser un ensemble harmonieux.

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7 L’année suivante, le projet prend corps avec la définition des surfaces et une esquisse de budget. Pierre Leprince-Ringuet apparaît dans le procès-verbal de la réunion du bureau du 22 mars 1923 où il est qualifié, avec Ernest Herscher, « d’architecte[s] de la chambre de commerce »19. Son rôle dans la définition du plan d’aménagement de la ville, suite au concours de 1919, fut probablement la raison de sa collaboration avec Herscher, à moins que des liens personnels n’aient pu les unir. Lors de cette réunion extraordinaire, le conseil d’administration choisit entre plusieurs dessins de la façade soumis par les architectes. Il retient « un projet s’inspirant du style flamand, de ligne sobre, à réaliser en matériaux choisis décoratifs »20. Ce nouvel ensemble urbain aura donc une unité de style : un néo-régionalisme teinté d’Art Déco avec des façades de briques et ciment pierré rythmées par des grands pignons. Les travaux sont évalués à 1 700 000 francs doivent être couverts par les dommages de guerre s’élevant à deux millions.

L’évolution des projets de 1924 à 1930

8 Le permis de construire est déposé au début de l’année 1924. Les architectes proposent plans, coupes et élévations datés de janvier, février et mars 192421. Le dessin de l’élévation de la façade principale n’est pas conservé mais a été reproduit dans la revue L’Architecture en 1932 (ill. 1)22.

Ill. 1 : E. Herscher et P. Leprince-Ringuet, élévation principale de la Chambre, Cambrai, janvier 1924

L’Architecture, vol.XLV, n°3, 15 mars 1932, p. 76 Cl. C.C.I. de Cambrai

9 Toutefois, les plans de distribution définitifs des trois corps de bâtiments ne sont approuvés qu’en 192823. Le projet a peu évolué dans son organisation interne entre les

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plans de 1924 et ceux effectivement mis à exécution. Aujourd’hui encore, les trois bâtiments formant les trois branches du T prennent jour sur une même cour intérieure d’une surface de 82 m² (ill. 2).

Ill. 2 : E. Herscher et P. Leprince-Ringuet, plan du rez-de-chaussée de la Chambre, Cambrai, s.d. [1924]

Pierre Leprince-Ringuet, Travaux d’architecture, Strasbourg, s.d. [vers 1934], p. 39 Cl. Olivier Liardet

10 Le bâtiment principal comprend au rez-de-chaussée un grand hall, la loge du concierge et au premier étage des salles de réunion dont la grande salle des séances ainsi que le bureau du Président. Enfin, au second étage, se situe l’appartement du secrétaire archiviste. Dans le plan de 1924, un ascenseur était prévu à côté de l’escalier d’honneur aboutissant dans un vestibule sur lequel donnaient un vestiaire et une salle de commission. Cet ascenseur disparaît dans la version définitive fusionnant avec le vestibule et le vestiaire pour former un vestibule plus grand et la salle des commissions accueille en même temps sur le mur opposé aux fenêtres une bibliothèque sur deux niveaux avec galerie et escalier.

11 La façade est de rythme ternaire pour la partie centrale, surmontée d’un grand pignon (ill. 3).

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Ill. 3 : Façade principale de la Chambre photographiée en avril 2005

Cl. Olivier Liardet

12 La symétrie n’est assurée qu’au troisième niveau dans les travées latérales doubles où se répondent deux baies s’ouvrant sur un balcon en corbeille et surmontées d’un fronton triangulaire. La verticalité de la travée de gauche est accentuée au premier étage par un bow-window qui éclaire le bureau du président. Au rez-de-chaussée, on accède à l’intérieur par un porche percé de trois arcades. Dans le premier projet, les fenêtres du rez-de-chaussée étaient cintrées, alors que, dans la réalisation définitive, elles ont pris un aspect plus caractéristique de l’Art Déco. Au rez-de-chaussée du bâtiment rue de Nice, une salle de spectacle était envisagée sans communication directe avec le bâtiment de la chambre. Les étages supérieurs étaient cependant intégrés aux espaces de la chambre avec à l’origine, au premier étage la bibliothèque, les archives et le secrétariat, au second, un grand appartement et au troisième, des chambres de service donnant sur la rue et une grande terrasse à l’arrière. La comparaison de l’élévation de 1924 avec l’actuelle permet d’avancer l’hypothèse d’une première façade d’inspiration plus néo-régionaliste par Herscher, composée de cinq travées s’élevant sur deux niveaux plus un niveau de combles avec lucarnes et fronton décoré. Par son style, ce projet était plus proche de la façade principale par son parement de brique, le dessin des ferroneries, des menuiseries et des baies. La façade actuelle n’était pas construite en 1930 et sa réalisation s’éloigne considérablement du parti initial. L’élévation est réduite de moitié probablement pour des raisons de coût, le programme ne comprenant plus qu’une grande salle de conférences avec ses annexes sur la rue, le tout sur deux niveaux. La façade couverte d’un enduit blanc cassé est bien plus sobre, les lignes sont géométriques. Les trois travées centrales rythmées par des pilastres, sont surmontées d’un auvent en béton qui abrite l’entrée et casse la verticalité. Cette dernière version semble plus convenir au style de Leprince-Ringuet et

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s’apparente à ses constructions contemporaines comme la maison des élèves de l’École centrale24.

13 Le troisième bâtiment, situé rue d’Alger, était destiné à recevoir une succursale de 5e classe des P.T.T. et le logement de son receveur (ill. 4).

Ill. 4 : Façade latérale de la poste rue d’Alger

Pierre Leprince-Ringuet, Travaux d’architecture, Strasbourg, s.d. [vers 1934], p. 41

Cl. Olivier Liardet

14 Elle est créée par arrêté ministériel du 14 août 1923, les plans sont datés de novembre 192425. Bien que contemporain, le parti était très différent de la façade sur la rue de Nice, celle-ci étant plus proche des considérations Art Déco. La façade d’origine a été fortement modifiée probablement après la fermeture de la Poste en 1952, tant dans les percements que dans le traitement des matériaux, tout en conservant son allure générale. À l’origine, le rez-de-chaussée était en ciment pierré et l’étage en briques. La façade portait des inscriptions indiquant la destination du bâtiment dans l’entablement surmontant la partie centrale, aujourd’hui disparues. L’élément décoratif était constitué par un écusson aux armes de la ville, axant la façade, au-dessus de la porte d’entrée. Ce bureau des P.T.T. fut ouvert dès le 2 juillet 1928 alors que le reste des bâtiments n’était pas encore terminé26.

Le décor de la chambre de commerce de Cambrai

15 L’article de la revue l’Architecture paru en 1932 apporte de nombreux renseignements sur la structure et les matériaux du décor conservés jusqu’à nos jours27. L’animation de la façade est constituée par le décor sculpté. Une grande sculpture en méplat sur le

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pignon représente un écusson aux armes de la ville, œuvre du parisien Louis Binet (ill. 5).

Ill. 5 : Détail du pignon de la façade principale de la Chambre avec les sculptures de Marcel Gaumont et l’écusson de Louis Binet, juin 2005

Cl. Anne Lefebvre

16 Au deuxième niveau, les grandes figures en méplat, La Fortune, Le Commerce et L’Abondance sont de Marcel Gaumont (1886-1967) 28, et les autres parties ornementales de Louis Binet et du Cambrésien Louis Georges. Les ferronneries des garde-corps des fenêtres du premier étage, soulignant la grande salle des séances, ainsi que les grilles fermant les trois arcades du rez-de-chaussée, sont l’œuvre d’un autre artiste Cambrésien, Jean Dubois. On peut remarquer quelques différences entre le projet de 1924 et la réalisation, notamment dans la pente de la toiture où l’on avait prévu des lucarnes à fronton curviligne, remplacées par de simples lucarnes sur le versant. À l’intérieur, le hall, grand espace libre à l’origine, est coupé en son centre par deux colonnes revêtues de mosaïques beiges et dorées qui soutiennent la poutraison maîtresse ; les murs sont plaqués de marbre beige de Lapp jusqu’à hauteur des portes. Le dallage du sol forme un grand motif octogonal central, mélange de marbre, de grès cérame et de granit. L’escalier d’honneur s’ouvre au fond du hall. La rampe, beau travail de ferronnerie de Jean Dubois, est composée de panneaux réguliers dans lesquels alternent nuages et rayons de soleil stylisés, séparés par des montants entre lesquels s’inscrit le caducée entrelacé de serpents, attribut du commerce. À mi-hauteur, un grand vitrail à deux travées représente, dans une perspective volontairement conventionnelle, tous les grands monuments du Cambrai historique ; en avant-plan, les portes de la ville et la maison espagnole ; alignés au centre de la composition, les trois clochers, Saint Géry, Saint Martin et la cathédrale. Les différents plans sont très

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imbriqués, les toitures jouant un rôle de liaison. À l’arrière-plan, les usines et leurs cheminées se fondent dans les champs où l’on voit le soleil se coucher à gauche et se lever à droite. L’ensemble est traité en camaïeu. Les blancs sont obtenus par la variété des qualités de verre : dépolis, striés, cannelés, martelés avec des effets de gravures obtenus à l’acide et au jet de sable. Les blancs sont soutenus par des aplats d’un noir vert. Les bordures et les guirlandes sont dans un ton jaune paille. Les verres industriels sont dépolis à l’acide fluorhydrique permettant de créer un dessin ou de contraster et de donner des effets différents. Ce procédé, originalité du maître-verrier Auguste Labouret (1871-1964)29 à Cambrai, n’a pas eu de suite à cause de la difficulté de mise en œuvre du polissage à l’acide.

17 La galerie du premier étage, vaste palier, dessert face à l’escalier, la grande salle des séances et à l’extrémité sur la gauche, une salle de réunion (à l’origine grand vestiaire) donnant accès à la salle des commissions-bibliothèque. Deux verrières éclairent cette galerie, prenant le jour sur les cours intérieures, se répondant face à face. Elles ont pour programme le modernisme citadin et rural. À droite, ce sont de hautes cheminées d’usines, dont les fumées se fondent aux nuages. Les toits coniques des malteries s’entrecroisent avec d’autres silhouettes de réservoirs et de bâtiments industriels. À gauche, des éléments de matériel empruntés aux sucreries encadrent un paysage où canaux, ponts et voies ferrées se superposent à un premier plan de meules et d’instruments agricoles (ill. 6).

Ill. 6 : Galerie du 1er étage, vitrail de gauche par Auguste Labouret figurant des éléments de matériel de sucreries encadrant un paysage de canaux, ponts et voies ferrées et au premier plan de meules et d’instruments agricoles, septembre 2007

Cl. Olivier Liardet

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18 Le cartouche central lie la feuille de betterave à l’épi de blé. Avec le vitrail de l’escalier, cet ensemble de trois verrières est un remarquable exemple de l’œuvre de Labouret30. La grande salle des séances ouvre par cinq baies sur la place (ill. 7).

Ill. 7 : Salle des séances, vue générale vers la cheminée surmontée d’un panneau de Gustave Jaulmes et montrant le mobilier dessiné par Leprince-Ringuet, septembre 2007

Cl. Olivier Liardet

19 Les murs sont couverts de lambris, formés de compartiments réguliers peints d’un ton gris vert, et les poutres du plafond sont apparentes. Sur le mur du fond, à gauche, surmontant une imposante cheminée de marbre, Gustave Jaulmes (1873-1959)31 a peint un vieux tisserand installé à son métier, entouré des attributs du commerce et de l’industrie, sur un fond d’or. Lui faisant face, une grande carte du Cambrésis a été exécutée par Émile Flamant (1896-1975)32 sur un carton de Leprince-Ringuet. Au-dessus d’une vue panoramique de Cambrai, toutes les localités de l’arrondissement sont représentées avec les bâtiments qui symbolisent l’activité économique (cheminée de manufacture, moulin, brasseries, métiers à dentelles), leurs églises et leurs blasons. Une grande table en fer à cheval et les fauteuils assortis meublent cette pièce. Le bureau du président, qui a conservé son mobilier d’origine, communique avec la salle des séances. Dans la bibliothèque, ancienne salle des commissions, un grand meuble en chêne clair garnit entièrement le plus long côté de la pièce. À l’extrémité, un escalier en colimaçon donne accès à la galerie supérieure, conçue pour le passage d’une personne. Une cheminée en marbre occupe le mur du fond. Le mobilier et les luminaires, dessinés en grande partie par Pierre Leprince-Ringuet, sont restés en place33.

Entre néo-régionalisme et Art Déco

20 Le style de la chambre de commerce répond à la figure imposée par le conseil d’administration, c’est-à-dire le style flamand. Mais un tel parti se révèle contradictoire

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si l’on tient compte que le style flamand s’entend par son opulence, tant par la ligne, courbes et contre-courbes, que par le vocabulaire architectural (baies à meneaux, pignons à redents, lucarnes) et les effets décoratifs, notamment dans les jeux de mise en œuvre de la brique et dans les décors sculptés. On sent à Cambrai une certaine retenue des architectes qui s’inscrivent dans la veine néo-régionaliste, illustrée magnifiquement à la chambre de commerce de Lille de Louis-Marie Cordonnier (1854-1940). Les lignes de l’hôtel consulaire de Cambrai se révèlent sensiblement plus tempérées que celles que Jacques Alleman (1882-1945) applique à la reconstruction de Béthune34 où celui-ci franchit les limites du style néo-régionaliste dans sa version Art Déco privilégiant des formes géométriques. À Cambrai, l’interprétation du style flamand reste modérée même si, localement, le néo-régionalisme perdure tardivement35. Elle se lit certes sur le bâtiment, mais se révèle surtout dans l’ensemble urbain que la chambre de commerce forme en harmonie avec les autres bâtiments de la place. Refusant un caractère ostentatoire, l’institution porte les espoirs du renouveau économique du Cambrésis en reflètant l’état d’esprit d’hommes pragmatiques qui souhaitaient un bâtiment essentiellement fonctionnel, au delà des seules exigences esthétiques. Au cours de l’inauguration, le 16 juin 1930, présidée par le ministre du commerce et de l’industrie, Flandrin, la réalisation fut saluée par un concert de louanges adressées aux architectes comme aux artistes présents36. Vitrine du commerce et de l’industrie cambrésienne, la nouvelle chambre de commerce constitue aujourd’hui un témoignage majeur de l’architecture publique de la première reconstruction dans le Nord, qui vient d’être consacré par le label » patrimoine du XXe siècle » attribué par le ministère de la culture et de la communication.

NOTES

1. 1. Sur l’histoire de la création de la chambre de commerce de Cambrai, voir C comme centenaire. Histoires d’entreprises centenaires de la région Nord-Pas-de-Calais, Lille, 1992, 169 p 2. 2. Robert Vandenbussche, « Cambrai dans les drames nationaux, 1914-1918 », dans Louis Trénard (dir.), Histoire de Cambrai, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1982, p. 259-270. 3. 3. Cambrai, archives de la chambre de commerce et d’industrie (abrégé en Arch. de la CCI), procès-verbal de séance du 15 avril 1922. 4. 4. Loi du 14 mars 1919 sur les plans d’aménagement, d’embellissement et d’extension des villes de plus de 10 000 habitants. 5. 5. Grand prix de Rome en 1904, il était également centralien et ses réalisations témoignent d’une alliance de la raison et de la technique, de l’art et du fonctionnel. À Paris, il construit pour les étudiants des résidences ancrées dans l’esprit des années 1930 : maisons des élèves de l’École centrale et de l’École des mines. Villas en bord de mer ou à la campagne lui sont également commandées tout comme, fruit de sa riche collaboration avec le sculpteur Marcel Gaumont (1888-1962), de nombreux monuments aux morts. Une part importante de sa carrière se déroule à Cambrai et dans le Cambrésis. Voir Pierre Leprince-Ringuet, Travaux d’architecture, Strasbourg, Edari, s.d. [vers 1934] ; Mathilde Méreau, Pierre Leprince-Ringuet (1874-1954), formation et carrière, mémoire de master 1, sous la direction de Barthélémy Jobert et Simon Texier, Université Paris

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IV-Sorbonne, juin 2007 ; et du même auteur, Pierre Leprince-Ringuet (1874-1954), architecte, mémoire de master 2, sous la direction de Barthélémy Jobert, université Paris IV-Sorbonne, [en cours]. 6. 6. Pierre Leprince-Ringuet, « Fermes de moyenne culture », dans Fermes et habitations rurales. Projets primés au concours ouverts entre les architectes français, troisième région : Meuse-Vosges, Meurthe et Moselle, Alsace, Paris, 1917, 3 vol., 100 pl. 7. 7. Reconstructions en Picardie après 1918, cat. exp., Archives départementales de l’Aisne et al., Paris, Réunion des musées nationaux, 2000, 311 p. 8. 8. Du nom des deux jacquemarts du carillon de l’hôtel de ville commémorant l’exploit de deux géants, forgerons de leur métier qui, vers 1370, se trouvaient au nombre des bourgeois partis combattre le seigneur de Thun-Lévêque, accusé de rançonner et de désoler le Cambrésis. Il convient de dire ici que les archives municipales de Cambrai sont inaccessibles dans leur grande majorité notamment pour les travaux d’urbanisme et d’architecture à l’exception de certains plans issus des permis de construire. Celles de la Chambre de commerce ne sont pas classées, seuls sont disponibles certains registres de procès-verbaux de l’assemblée générale et du bureau. 9. 9. Paris, Institut français d’architecture. 013 Ifa 110/2, « Projet de voirie nouvelle pour la ville de Cambrai », devis descriptif du projet non signé, s.d. 10. 10. Direction régionale des affaires culturelles Picardie, Architectures de la Reconstruction dans l’Est de la Somme, Lyon, Éditions Lieux Dits, 2006, 64 p. 11. 11. Pierre Leprince-Ringuet, Travaux d’architecture, Strasbourg, Éditions Edari, s.d. [vers 1934], 90 p. 12. 12. Jean-François Machon, Reconstruction et urbanisme à Cambrai dans l’entre-deux guerres, D.E.A. histoire et civilisation, sous la direction de Bernard Ménager, université de Lille III, 1994, 313 p. 13. 13. Cambrai, arch. de la CCI, procès-verbal de séance du 15 avril 1922. 14. 14. Architecte à Paris, membre de la société des architectes diplômés par le gouvernement et ancien de l’atelier de Chancel et Jean-Louis Pascal à l’École des beaux-arts, promotion de 1891, diplômé le 17 juin 1898. Son intervention à la Chambre est probablement le fruit d’une entremise de son frère, René Herscher, blanchisseur à Cambrai, membre du conseil municipal et de la chambre de commerce et président du comité d’arrondissement de reconstitution industrielle. 15. 15. Cambrai, arch. de la CCI, procès-verbal de séance du 29 mai 1922. 16. 16. Cambrai, arch. de la CCI, procès-verbal de séance du 3 juillet 1922. 17. 17. Cambrai, arch. de la CCI, procès-verbal de séance du 7 novembre 1922. 18. 18. Cambrai, arch. de la CCI, procès-verbal de la réunion extraordinaire du 22 mars 1923. 19. 19. Ibid. 20. 20. Ibid. 21. 21. Seuls les plans ont pu être retrouvés aux archives municipales, les pièces écrites demeurent à ce jour introuvables. 22. 22. Félix Ollivier, « La chambre de commerce de Cambrai », L’Architecture, vol. XLV, n° 3, 15 mars 1932, p. 76. 23. 23. Cambrai, arch. de la CCI, procès-verbal de séance du 27 mai 1928. Les plans non annexés au procès-verbal n’ont pas été retrouvés. 24. 24. Maison des élèves de l’École centrale, 30 boulevard Diderot, Paris (11e). 25. 25. Lille, arch. dép. du Nord, O121/709, arch. mun. de Cambrai, élévation de la façade rue d’Alger. 26. 26. Le Cambrésis renaît de ses cendres, Cambrai, 1930, p. 154-156. 27. 27. Félix Ollivier, « La chambre de commerce de Cambrai », L’Architecture, vol. XLV, n° 3, 15 mars 1932, p. 73-84. 28. 28. Maryvonne Lencot, Redécouverte de l’œuvre sculptée de Marcel Gaumont (1880-1962), mémoire de maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de Bruno Foucart, université

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Paris IV-Sorbonne, 1988. Grand prix de Rome de sculpture en 1908, Gaumont est membre de l’Institut à partir de 1945. 29. 28. Ginette Day, « Un artiste picard de renommée internationale : Auguste Labouret (1871-1954), maître-verrier, maître mosaïste », Hirson, musée centre de documentation Alfred Desmasures, 1995, non paginé. 30. 30. Inscription au titre des monuments historiques de la cage d’escalier, de la rampe d’escalier et de l’ensemble des vitraux par arrêté préfectoral du 30 janvier 2006. 31. 31. Grand Prix de Rome, il a décoré le théâtre de Carcassonne, le grand foyer du palais de Chaillot et celui du bureau du travail international à Genève. 32. 32. Peintre fresquiste, il a décoré la salle des mariages de l’hôtel de ville de Cambrai et peint de grands décors religieux dans les églises de la reconstruction du Cambrésis. 33. 33. À l’exception des grands lustres de la salle des séances qui se trouvent à la mairie d’Iwuy (Nord). 34. 34. Émilie Piquavet, La Reconstruction de Béthune après la première guerre mondiale, maîtrise d’histoire, sous la direction d’Eric Buissière, université d’Artois, 1997-1998, 340 p. 35. 35. Sur l’histoire du mouvement néo-régionaliste voir Benoît Mihail, Une Flandre à la française, l’identité régionale à l’épreuve du modèle républicain, Paris, Éditions Labor, 2006, 422 p. 36. 36. « Compte-rendu de la cérémonie du cinquantenaire de la fondation de la chambre de commerce de Cambrai et de l’inauguration de son hôtel, place de la République à Cambrai », Bulletin mensuel de la chambre de commerce de Cambrai, 15 juin 1930, p. 15.

RÉSUMÉS

Les destructions de la Grande Guerre laissent la ville de Cambrai en ruines. En 1919, Pierre Leprince-Ringuet, Jacques Debat-Ponsan et Germain Debré remportent le concours pour le plan d’agrandissement et d’embellissement de Cambrai. Architecte de la reconstruction, Pierre Leprince-Ringuet veillera à conserver l’esprit de la ville ancienne, refondant les artères et créant de nouveaux espaces urbains en utilisant la tradition architecturale flamande. Avec René Herscher, il réalise la nouvelle chambre de commerce située sur une place à l’arrière de l’hôtel de ville. Le programme intègre en outre un bureau de poste et une salle de conférences. La complexité du règlement des dommages de guerre retarde le démarrage des travaux jusqu’en 1923. Les architectes font appel à des artistes renommés, Marcel Gaumont pour la sculpture et Auguste Labouret pour les vitraux et ces interventions contribueront fortement à imprimer un caractère Art Déco mais également néo-régionaliste au palais consulaire cambrésien inauguré en 1930.

Destruction caused by the Great War had left the city of Cambrai in ruins. In 1919, Pierre Leprince-Ringuet, Jacques Debat-Ponsan and Germain Debré won the competition for the plan for the extension and improvements of Cambrai. As architect of the Reconstruction, Pierre Leprince- Ringuet saw to it that the spirit of the old city was preserved: he built the roads on new foundations and created new urban spaces while using Flemish architectural tradition. In collaboration with René Herscher, he achieved the new Chamber of Commerce located on a place behind the town hall. The program also included a post office and a lecture room. The

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construction work was delayed to 1923, owing to the complex settlement of war damages. The architects called on some well-known artists such as Marcel Gaumont for sculpture and Auguste Labouret for stained-glass windows: these works will definitely give an Art Deco but also Neo- Regionalism character to the consular palace of Cambrai inaugurated in 1930.

Nach den Zerstörungen des ersten Weltkrieges lag die Stadt Cambrai in Trümmern. 1919 gewannen Pierre Leprince-Ringuet, Jacques Debat-Ponsan und Germain Debré den Wettbewerb für die Planung der Erweiterung und der Verschönerung Cambrais. Pierre Leprince-Ringuet, Architekt des Wiederaufbaus, sorgte dafür, den Geist der früheren Stadt zu bewahren, indem er Straßen neu fasste und neue Stadträume schuf, die die flämische architektonische Tradition übernahmen. Gemeinsam mit René Herscher erstellte er die neue Handelskammer auf einem Platz hinter dem Rathaus. Das Programm beinhaltete auβerdem ein Postamt und einen Konferenzraum. Die Umständlichkeit der Regelung von Kriegsschäden verzögerte das Starten der Bauarbeiten bis 1923. Die Architekten beriefen dazu renommierte Künstler, den Bildhauer Marcel Gaumont und den Glasmaler Auguste Labouret. Deren Beiträge verliehen dem konsularischen Palast von Calais, 1930 eingeweiht, ein starkes Art-Deco-Gepräge, ebenso einen neoregionalistischen Charakter.

AUTEUR

ANNE LEFEBVRE ET MATHILDE MÉREAU Anne Lefebvre est titulaire d’une licence d’histoire de l’art et d’une licence d’histoire et de géographie (Lille 3). Elle est chargée d’études documentaires à la DRAC Nord/Pas-de-Calais et s’occupe de la protection des monuments historiques depuis 1978. Membre de la commission supérieure des monuments historiques, section patrimoine industriel, scientifique et technique (jusqu’en 2007), membre de la commission historique du Nord et de la commission départementale d’histoire et d’archéologie du Pas-de-Calais, elle a notamment publié un article consacré à « La chapelle Sainte-Thérèse et de la Sainte-Face à Hem » dans le Bulletin de la commission historique du Nord (t. XLIX, 1999) et a participé à la rédaction des Itinéraires du patrimoine sur le patrimoine minier : Le Bassin minier entre Scarpe et Escaut et De Lens à Auchel (Itinéraire n° 89 et 90, Lille, 1995) et Roubaix, une ville née de l’Industrie (Itinéraire n° 205, Lille, 2000). Anne Lefebvre vient de rédiger les notices sur les jardins du Nord/Pas-de-Calais pour Le Guide des Jardins de France, dirigé par Michel Racine aux Éditions Ulmer publié en 2007 et des notices sur l’architecture roubaisienne à paraître prochainement dans le guide Monum consacré à la ville de Roubaix. Adresse électronique : [email protected] Mathilde Méreau est licenciée d’histoire de l’art (Lille 3, 2006). Après avoir travaillé sur la formation et la carrière de l’architecte Pierre Leprince-Ringuet pour son mémoire de master 1, soutenu en juin 2007, sous la direction de Barthélemy Jobert et de Simon Texier (Paris IV- Sorbonne), elle poursuit ses recherches en s’intéressant aux réalisations parisiennes de Pierre Leprince-Ringuet et son travail autour de la reconstruction de Cambrai pour son mémoire de master 2. Adresse électronique : [email protected]

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Un palais néo-régionaliste pour une grande institution : la construction de la nouvelle bourse de commerce de Lille par Louis-Marie Cordonnier (1906-1920) A Neo-Regionalist palace for a great institution. The erection of the new Lille Stock Exchange by Louis-Marie Cordonnier (1906-1920) Ein neoregionalistischer Palast für eine groβe Institution. Die neue Handelsbörse von Lille, Bau des Architekten Louis-Marie Cordonnier (1906-1920)

Olivier Liardet

1 Si le nom de l’architecte Louis-Marie Cordonnier (1854-1940) demeure indissociablement lié à Lille et au Nord de la France, sa région natale, sa renommée contemporaine a largement dépassé les frontières nationales grâce à ses projets lauréats pour le palais de la bourse d’Amsterdam (1884, réalisé par Hendrik Berlage), la façade de la cathédrale de Milan (1887) ou encore le palais de la Paix de La Haye voulu par Andrew Carnegie (1905-1913). Bien qu’il eût été dépourvu des lauriers du grand prix de Rome, son élection à l’Institut en 1911, de même que sa dernière œuvre, la basilique Sainte-Thérèse de Lisieux, achevée par son fils, viennent consacrer l’un des architectes français les plus célèbres du début du XXe siècle. Pour autant, la carrière et l’œuvre de Cordonnier demeurent encore peu connus et ce constat relève du paradoxe si l’on tient compte qu’à la différence de nombre de ses confrères, son fonds d’agence couvrant une large part de son activité est aujourd’hui en grande partie conservé dans les archives publiques1. Ainsi, à l’exception notable de ses hôtels de ville, qui ont fait l’objet d’une étude ces dernières années et dans une moindre mesure de l’Opéra de Lille, l’ensemble de ses travaux reste à redécouvrir et cette remarque s’applique en particulier à son édifice lillois le plus emblématique, point d’orgue de toutes les spéculations historiques et urbaines : la nouvelle Bourse de Commerce qui, sous sa

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veste néo-régionaliste, marque l’entrée de la capitale du Nord dans la modernité et souligne son rôle dans l’économie nationale comme dans le renouveau des zones dévastées par les combats de la Grande Guerre.

L’institution consulaire

2 La première manifestation d’une représentation commerciale auprès de l’État remonte à Henri IV qui crée le 13 avril 1601 une commission de seize membres pour étudier les moyens de nature à restaurer le commerce du royaume. Cette représentation perdure par intermittence jusqu’en 1661, date de création d’un conseil du commerce refondé par arrêt du Conseil d’État du 29 juin 1700. L’importante réforme de 1722 transforme le Conseil en bureau du commerce qui perdure jusqu’à sa suppression le 27 septembre 1791. Cependant, la représentation commerciale auprès de certaines municipalités existait antérieurement à celle placée auprès du gouvernement. Si la plus ancienne chambre de commerce est celle de Marseille créée le 5 août 1599, la première création flamande, Dunkerque, ne date que de février 1700. Au regard des services essentiels rendus au commerce par les institutions consulaires, le gouvernement royal décide la création de chambres de commerce dans un certain nombre de villes dont Lille, par arrêt du Conseil d’État du 30 août 1701, afin d’informer le Conseil du commerce de tous les besoins généraux du commerce de leur ville et de la région qu’elles représentaient. La création de la Chambre de Lille n’intervient toutefois que le 31 juillet 1714 par arrêt du Conseil d’État avec installation effective le 1er avril 17152. Elle est la conséquence du retour de la Flandre française et de sa capitale au royaume de France après la Paix d’Utrecht (1713) marquant la fin de la Guerre de Succession d’Espagne et de l’occupation hollandaise. À la Révolution, les chambres de commerce sont supprimées en même temps que le bureau du commerce, mais la nécessité de leur action amène leur rétablissement le 3 nivôse an XI (24 décembre 1802) dans vingt-deux villes dont Dunkerque et Lille, sous l’autorité d’un conseil général du commerce établi auprès du ministre de l’Intérieur. Celle de Lille est installée le 14 février 1803 avec comme circonscription les arrondissements de Lille, Douai, Cambrai, Valenciennes et Avesnes- sur-Helpe. Son étendue ne cesse de se réduire au cours du XIXe siècle par la création d’autres chambres : Valenciennes (1836), Roubaix et Tourcoing (1872), Douai (1872), Cambrai (1880), Armentières et Avesnes-sur-Helpe (1887). À partir de 1887, la Chambre de Lille ne couvre plus que huit cantons lillois. Enfin en 1966, les Chambres de Lille, Roubaix et Tourcoing décident de fusionner afin de donner une plus grande efficacité à leur action. La grande réforme du 9 avril 1898 marque un tournant dans le rôle des chambres de commerce qui sont déclarées établissement publics avec extension de leurs attributions et la possibilité de contracter des emprunts pour concourir aux dépenses de construction de bourses ou de palais consulaires et de participer aux frais d’exploitation des établissements qu’elles sont autorisées à fonder tels qu’écoles et musées commerciaux, magasins, entrepôts, etc. L’emploi du produit de centimes additionnels à la patente leur permet de gager les emprunts et de couvrir ces dépenses.

La Vieille Bourse

3 La construction de la Vieille Bourse de Lille était destinée à donner un abri aux marchands qui se réunissaient auparavant autour de la fontaine au change3. Autorisés

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par lettres patentes de Philippe IV, roi d’Espagne, en date du 7 juin 1651, les travaux se déroulent en 1662-1663. Le bâtiment se compose d’une cour intérieure bordée de galeries servant aux marchands, le tout étant entouré de maisons particulières au nombre de vingt-quatre dont les terrains avaient été vendus par le Magistrat qui ne s’était réservé que le sol de la cour avec les quatre entrées, les tourelles du toit et les balcons des deux entrées principales. Les propriétaires des maisons devaient se conformer au dessin donné par Julien Destrez, fabricant de meubles, maître-arpenteur, maître des œuvres de la ville de 1642 à 1677 et construire les maisons à leur frais. Les nombreuses études réalisées sur l’édifice depuis le XIXe siècle ont montré la place majeure de cet édifice dans l’architecture lilloise et flamande, en particulier les implications urbanistiques de l’édifice sur l’espace de la ville. Relevons simplement que la Vieille Bourse de Lille constitue à la fois un exemple-type de l’architecture maniériste septentrionale à la décoration foisonnante d’inspiration flamande et un modèle à suivre, bientôt contrecarré par l’annexion française et l’acclimatation d’une architecture plus sobre, empreinte de rigueur et soucieuse de composition plus que de décoration. La dégradation de l’édifice semble avoir commencé dès le XVIIIe siècle et la Vieille Bourse devint rapidement trop exiguë pour recevoir les nombreux négociants et courtiers venant y traiter leurs affaires. C’est ainsi que ces derniers prirent l’habitude de se réunir dans les cafés situés autour de la Grand’Place.

Une Chambre itinérante au XIXe siècle : vers un bâtiment consulaire spécifique

4 En 1802, la Chambre rentre en possession de l’ancienne Bourse de Lille dite Vieille Bourse et obtient l’évacuation du local par les boutiques indûment installées. Peu après, elle fait démolir la partie supérieure du campanile devenue trop vétuste. Dès 1809, la Chambre envisage des travaux de rénovation qui ne seront pas toujours suivis d’exécution4. En 1812, les façades sont partiellement restaurées et deux portes en fer exécutées. La destruction de l’ensemble du campanile est envisagée en 1828 sur la demande de deux propriétaires dont les locaux se trouvaient sous celui-ci : acceptée par l’architecte de la ville, elle est en définitive refusée par la municipalité. À partir de l’ordonnance royale du 16 juin 1832, lorsqu’une chambre de commerce et une Bourse existent dans la même ville, la Bourse devient la propriété de la Chambre, l’entretien et la conservation du bâtiment étant alors partagés avec la municipalité. Pendant tout le XIXe siècle, la Chambre et la Ville font ainsi réaliser des travaux de restauration et commandent des projets de réutilisation de l’ancien édifice afin de lui rendre son lustre et de l’adapter aux nouvelles tâches consulaires. En 1842, l’architecte de la ville, Charles Benvignat (1805-1877), rétablit deux des portes de la Vieille Bourse5. En 1844, les enseignes sont rabaissées au-dessous du niveau du premier étage et Benvignat dresse un devis pour la reconstitution du campanile sur des fonds municipaux. Les travaux sont achevés en 1845 par l’entrepreneur Frémÿ. Les façades sont restaurées à la même époque et les sculptures sont rétablies dans un état originel par la création ou le remodelage d’éléments décoratifs (guirlandes, cartouches, etc)6.

5 À l’avènement du Second Empire, la Chambre prend la décision d’élever une statue de Napoléon Ier en costume de sacre afin de rappeler l’importance des décisions prises par l’empereur en faveur du développement des industries lainière et sucrière si importantes dans la région. Le monument est exécuté en bronze par Henri Lemaire

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(1798-1880) et placé sur un piédestal dessiné par Benvignat. L’inauguration eut lieu le 3 décembre 18547. Dès 1853, les membres de la Chambre décident de constituer un panthéon dans l’idée d’honorer les figures qui ont contribué à la richesse et à la prospérité de l’industrie nationale. Cette décoration prend place dans les galeries intérieures sous la forme de panneaux décorés en pierre blanche soutenant de grandes plaques de marbre noir portant des inscriptions (actes rappelant les institutions les plus importantes pour le commerce et l’industrie et les œuvres des grands savants et inventeurs dont les travaux ont permis le développement de l’industrie et du commerce) surmontés des bustes en bronze et des emblèmes allégoriques correspondants8. En 1860, les façades extérieures et intérieures sont restaurées avec soin. Quatre ans plus tard, la Chambre émet l’idée de couvrir la cour de la Vieille Bourse, mais les difficultés résultant de la situation de l’immeuble dévolu à vingt- quatre propriétaires font abandonner le projet qui est repris en 1882 et de nouveau abandonné pour raisons financières. Depuis sa création, la Chambre de Lille siège dans une salle de l’Hôtel de Ville9. Elle y demeure jusqu’en août 186810, puis s’installe jusqu’au 1er octobre 1898 dans un local situé au-dessus de la salle des Pas-Perdus de la nouvelle gare.

6 En 1894, la Chambre charge une commission de trouver un immeuble destiné à réunir ses services et le musée commercial. C’est l’occasion pour les membres de l’assemblée consulaire de faire valoir leur vision de l’institution : « M. Darnel [Léonard Darnel, imprimeur et membre de la Chambre] est d’avis qu’il conviendrait que la chambre de commerce ait une situation plus indépendante et qu’on devrait dès maintenant se préoccuper d’un nouveau local. Il propose en conséquence de nommer une commission pour étudier les voies et moyens »11. Une commission spéciale est nommée peu après afin de réfléchir à la question d’une nouvelle installation12. Plusieurs solutions sont alors envisagées notamment l’occupation de l’ancien Mont-de-Piété dévolu au musée commercial, rue du Lombard, et surtout l’expropriation complète de la Vieille Bourse, rétablie dans un état primitif par la suppression des magasins, le couvrement de la cour et l’installation des bureaux commerciaux au rez-de-chaussée et au premier étage tandis que la Chambre et le musée occuperaient l’étage supérieur13. Le projet proposé par l’adjoint au maire, Émile Gavelle14, aurait dû être supporté financièrement par la ville moyennant un loyer sur quarante années de la Chambre, et fut abandonné en raison de l’importance de la dépense15. En 1904, l’idée d’un transfert dans le marché Saint-Nicolas situé derrière la Grand-Garde est évoquée et rapidement adoptée. Cet emplacement était un des plus intéressants puisqu’il permettait un vis-à-vis avec la Vieille Bourse. Le projet suspendu puis repris fut définitivement abandonné en octobre 190516 car il aurait entraîné la démolition de la façade de la Grand-Garde (construite en 1717) à laquelle se refusait la Ville en raison de son caractère historique.

Une visibilité urbaine exceptionnelle

7 À partir de 1904, la nouvelle municipalité, dirigée par l’industriel du textile Charles Delesalle, s’engage dans une active politique de redressement financier et de grands travaux d’urbanisme17. En 1905, la Ville vote l’ouverture d’un boulevard reliant Lille à Roubaix et Tourcoing, accessible à l’automobile et au tramway dont le départ se situe sur la place du Théâtre, édifice construit par Michel Lequeux à la fin du XVIIIe siècle et détruit par un incendie en avril 1903. Les travaux d’urbanisme s’achèvent en 1908 (ill. 1).

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Ill. 1 : Émile Dubuisson, plan des projets d’aménagement du quartier du théâtre avec l’arrivé du Grand Boulevard en 1908

Planche gravée, Bulletin de la Commission historique du département du Nord, t. 27, 1908, p. 291.

8 La municipalité propose donc un emplacement à l’entrée de ce grand boulevard dont la construction est imminente18. La configuration future de cet espace urbain se met alors en place par le déplacement du futur théâtre à reconstruire à l’entrée de la nouvelle voie, avec une façade tournée vers la Vieille Bourse et la Grand’Place. Par concours, la construction du nouveau théâtre sera confiée à l’architecte Cordonnier en 190719 qui choisira un style néo-gabriel répondant au programme académique d’une salle de spectacle. En 1905, la Chambre nomme en son sein une commission spéciale chargée de rechercher un local suffisamment spacieux pour permettre un regroupement de tous les services et de locaux commerciaux destinés à la location. Un comité d’études se forme parmi les négociants et les courtiers intéressés et offre sa collaboration à la Chambre. Le projet est également soutenu par l’administration préfectorale qui y voit un outil de promotion du commerce régional : « La création d’une nouvelle bourse de commerce est depuis longtemps et très instamment réclamée par les commerçants de la région et la presse s’est maintes fois fait l’écho des doléances des intéressés. Il faut reconnaître que ces doléances sont justifiées et que l’installation d’une bourse nouvelle, capable de répondre à toutes les exigences modernes, est de nature à accroître l’importance du centre commercial lillois, pour en faire un centre régional de premier ordre »20. La commission de la Chambre examine la proposition municipale le 12 janvier 1906 et charge Cordonnier d’établir des avant-projets en ce sens21. La collaboration entre l’architecte et la Chambre ne date pas du projet de nouvelle bourse, puisque dès 1897, dans le contexte de recherche d’un nouveau local, Cordonnier avait été invité à dresser les plans d’un édifice à construire rue de la chambre des comptes dans lequel la Chambre s’installa l’année suivante22. C’est également à lui que la Chambre s’adressa en 1904 pour élaborer des plans en vue du transfert des services consulaires dans le

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marché Saint-Nicolas23. Cordonnier faisait donc figure d’architecte officiel de la Chambre de commerce bien avant le projet de la bourse.

9 Dans la séance du 16 février 1906, nous apprenons qu’un projet réduit aurait été un temps préféré, mais le président de la Chambre précise que « [d]eux mois environ sont encore nécessaires pour que l’on puisse établir nettement des propositions et se prononcer »24. À partir de cette date, les procès-verbaux de la Chambre indiquent laconiquement que « [l]a partie des procès-verbaux concernant cette question [la construction d’une nouvelle Bourse de Commerce] sera publiée séparément »25, ce qui ne semble avoir jamais été le cas. Il faut désormais suivre le développement de l’histoire aux Archives départementales et dans l’Historique de la Chambre publié en 1921. Ce dernier nous apprend notamment que la municipalité s’était engagée à faire les démarches nécessaires pour une acquisition à l’amiable des immeubles à détruire pour la construction, mais que la Chambre s’inquiétait des voies et moyens selon l’expression consacrée. Malgré la proposition de la Ville, des expropriations n’étaient pas à exclure et un emprunt devenait de toute façon indispensable pour solder les travaux26. La Ville se proposait ainsi de contribuer à hauteur de 20 % de la dépense totale sans pour autant dépasser la somme de 500 000 frs et elle chargea M. Duvilla, déjà négociateur pour le compte du département dans les expropriations du nouveau boulevard, d’obtenir des promesses de vente amiables. En trois mois, il obtint l’accord de 16 des 21 propriétaires pour une somme de 1 850 000 frs27. Le 16 mars 1906, les travaux de la commission spéciale et les avant-projets préparés par Cordonnier furent examinés par la Chambre (ill. 2)28.

Ill. 2 : L.-M. Cordonnier, « Projet B’ (avec café). (2e Rez-de-chaussée). Bourse », s.d. [mars 1906 ?]

Encre et crayon sur calque, Arch. départ. du Nord, 136J222/7 Cl. Olivier Liardet

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10 Elle « adopta le principe de l’érection d’une nouvelle Bourse sur l’emplacement convenu »29. Il s’agissait désormais pour la Ville de réaliser les acquisitions avant l’expiration des délais des promesses de vente afin de concrétiser l’amélioration du centre ville : « Tous les avantages de l’opération nous paraissent indiscutables. Nous acquérons à des prix raisonnables des terrains situés en plein cœur de la Ville. Nous amorçons l’entrée du boulevard de Roubaix-Tourcoing et commençons un assainissement que nous espérons poursuivre. Enfin, nous dotons la Ville d’un beau monument dont la nécessité s’impose30. » Après acquisition, la municipalité devait rétrocéder les terrains à la Chambre à charge pour elle d’entreprendre seule l’édification du nouveau bâtiment. Trois jours plus tard, un plan parcellaire est dressé et le préfet signe un arrêté autorisant l’enquête publique pour l’acquisition des terrains, close le 20 avril suivant par l’avis favorable du maire. L’emplacement choisi se révéla assez incommode malgré une situation exceptionnelle au débouché du nouveau boulevard au centre de la ville. Il s’agit en effet d’un large pentagone irrégulier d’immeubles anciens possédant de nombreuses caves qui, pour certaines d’entre elles, s’étendent sous la voirie communale (ill. 3)31.

Ill. 3 : Émile Dubuisson, vue de l’îlot démoli pour faire place à la nouvelle Bourse, état en 1908

Photographie, Bulletin de la commission historique du département du Nord, t. 27, 1908, p. 294.

11 Dès lors, la construction sur un tel emplacement constitue-t-elle un véritable défi que l’architecte de la nouvelle Chambre, nommé officiellement le 4 mai 1906, va précisément s’employer de relever32.

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Le premier projet de Cordonnier

12 Le fonds d’agence de l’architecte conserve de nombreuses esquisses préparatoires pour l’édifice lillois, mais il est assez difficile de déterminer leur correspondance avec les premiers projets de 1906 comme à celui adopté en 1909 (ill. 4a à f).

Ill. 4a à f : L.-M. Cordonnier, esquisses préparatoires pour le projet de nouvelle Bourse montrant les variations proposées sur ce thème, s.d. [1906-1909]

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Crayons, encre et lavis sur calque, Arch. départ. du Nord, 136J222/2 Cl. Olivier Liardet

13 À l’exception d’une seule élévation, aucun de ces dessins n’est daté33. Les partis déclinés présentent de nombreuses similitudes et constituent autant de variations sur le thème du grand corps de bâtiment de division ternaire couvert d’une imposante toiture d’ardoises. Les parties latérales encadrent une partie centrale bien marquée, soit par

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une séparation de type fenêtre encadrée par des colonnes et balcon ou bow-window, soit par un avant-corps surmonté d’un grand fronton. Une première série d’esquisses (la plus importante) peut être isolée en raison de l’absence du beffroi ou bien de son rajout évident en complément d’un dessin préalable. Les unes s’inspirent très fortement de la Renaissance, avec la présence de fenêtres à croisées et de tourelles en encorbellement dans les angles de la construction, les autres se rapprochent plus volontiers des modèles maniéristes ou des premières tentatives du baroque flamand. En tout état de cause, toutes ces propositions revendiquent leur allégeance aux grandes constructions publiques de la seconde moitié du XVIe siècle à la fin du XVIIe siècle des anciens Pays-Bas, arborant des façades mêlant la brique rouge et la pierre.

14 Le premier projet daté de Cordonnier, produit le 13 juillet 190634, présente déjà les grandes caractéristiques des propositions successives, c’est-à-dire une grande salle centrale distribuant l’ensemble des services répartis autour d’elle, créant de nombreux espaces tampons découlant de la forme de la parcelle mais sur un terrain réduit. Le centre de la façade s’ouvre par trois porches et devait être surmonté par un clocheton ouvragé, des tours d’angle venant fermer la composition (ill. 5).

Ill. 5 : L.-M. Cordonnier, « Département du Nord. Ville de Lille. Projet de Bourse de Commerce. Façade principale », Lille, le 13 juillet 1906

Encre sur calque, Arch. départ. du Nord, 136J222/7 Cl. Olivier Liardet

15 Cordonnier opte ainsi pour une façade néo-Renaissance flamande très inspirée par les travaux des architectes belges et hollandais tels Henri Beyaert (1823-1894) ou P.-J. Cuypers (1827-1921). L’Opéra, de même que la bourse, sont invités à magnifier l’entrée du nouveau boulevard dont les travaux sont alors en cours d’exécution. Le 6 octobre suivant, le projet annexait des parcelles adjacentes rendant plus cohérentes les façades du 13 juillet avec les nouveaux plans35. Le devis s’élève à 1 282 625 frs, somme à laquelle s’ajoutent les 1 895 000 frs nécessaires à l’acquisition des terrains36. La Ville de Lille

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ayant voté 500 000 frs de subvention, il s’agit donc pour la Chambre de trouver pas moins de 2 700 000 frs par voie d’emprunt. Le projet est soumis à l’examen du conseil général des bâtiments civils sur le rapport rédigé par Louis Sortais le 11 octobre 190637. Mais de quel projet s’agissait-il, celui du 13 juillet ou celui du 6 octobre ? Peut-être les deux projets ont-ils été présentés simultanément afin d’offrir une vision complète de l’ensemble du bâtiment. Le rapporteur ne dissimule pas son admiration pour le grand architecte septentrional : « Les façades sont prévues en pierre et briques ; avec leurs campaniles, leurs clochetons et pinacles, leurs hautes toitures propres aux villes du Nord, elles donnent bien l’idée du style brillant et mouvementé habituel à l’architecte ; c’est peut être un peu hôtel de ville ; mais l’ensemble est séduisant, gai et coloré », avant de conclure très favorablement, « en résumé, les dessins qui nous sont soumis nous paraissent très achevés, bien présentés, et répondent très probablement à tous les desiderata de la chambre de commerce qui les présente comme siens. D’autre part, le talent reconnu de l’auteur par les belles constructions qu’il a édifiées ou projetées nous sont un sûr garant de l’intérêt que présentera sa nouvelle œuvre ». Une seule critique est émise par le Conseil : « Considérant que les dispositions générales du parti exprimé par les nouveaux plans sus-visés sont satisfaisantes ; qu’il convient de regretter toutefois que l’architecte n’ait pas saisi l’occasion qu’il avait de composer une grande salle intérieure qui eût pu être très belle et monumentale au lieu que celle qu’il a indiquée manque d’étude et de liaison avec l’ensemble38. » Le devis est définitivement approuvé le 25 octobre suivant.

16 Les décrets présidentiels des 19 décembre 1906 et 17 janvier 1907 autorisent respectivement la Ville à exproprier et contracter un emprunt de 500 000 frs et la Chambre à emprunter 2 678 125 frs39. Afin de se prémunir contre des imprévus possibles, une convention entre les parties est signée le 15 février 1907 et approuvée par décret le 27 avril. Les expropriations peuvent alors commencer et le 3 mai 2007 le tribunal civil de 1ère instance de l’arrondissement de Lille prononce l’expropriation définitive des immeubles à l’amiable et du 21 au 27 février 1908 les cas litigieux sont réglés40. Les travaux de démolition sont adjugés le 1er juillet 1908 et ceux-ci sont presque achevés à la fin de 1908.

Le projet définitif

17 Le projet présenté au conseil général des bâtiments civils était probablement destiné à donner des gages à toutes les parties de l’avancement effectif du projet, mais visiblement, il ne s’agissait pas d’une proposition réalisable en l’état. Cordonnier et deux membres de la commission de la Chambre, Edmond Faucheur et Georges Masquelier, visitent à partir de décembre 1906 les bourses de Londres et de Liverpool. En juillet 1908, Alfred Descamps, membre et futur président de la Chambre, qui prit également une part active dans l’élaboration des projets depuis 1906, les accompagne pour visiter les bourses de Brême, Hambourg et Amsterdam41. Ces édifices isolés montraient combien le terrain dévolu à la construction lilloise était incapable de recevoir un monument digne de l’institution consulaire et la commission proposa en conséquence à la Chambre l’agrandissement jusqu’à la rue de la Grande-Chaussée pour aboutir au développement présenté par la première élévation de Cordonnier. Une seconde convention intervint donc entre la Ville et la Chambre le 10 décembre 1908 afin de régler ce problème42. Lors de la transmission de la deuxième demande

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d’emprunt, le président de la Chambre indique le 27 janvier 1909 les raisons de ce nouveau développement : « Comme vous l’avez apprécié vous-même, le projet primitif de la nouvelle Bourse, dont la façade principale s’arrêtant brusquement place du Théâtre, se trouvait imparfait et il apparaissait à tous nécessaire de prolonger le monument jusqu’à la rue de la Grande-Chaussée. La chambre de commerce et la Ville de Lille se sont mises d’accord pour parfaire l’œuvre entreprise : ce prolongement devant permettre, en outre, de donner plus d’ampleur aux services intérieurs et d’y ajouter le service du conseil des prud’hommes »43. En effet, la loi du 28 mars 1907 avait augmenté considérablement le nombre des juges et des justiciables de cette instance judiciaire et la Ville devait trouver des locaux pour les accueillir convenablement. La Ville s’engage ainsi à fournir 350 000 frs pour les acquisitions des nouvelles parcelles et la Chambre contracte un nouvel emprunt de 1 330 000 frs44.

18 Les plans et devis des constructions complémentaires dans lesquels le beffroi apparaissait clairement désormais sont examinés en 1909 par le conseil général des bâtiments civils. Le 17 juin 1909, Alexandre Marcel relève devant le Conseil l’insuffisance des informations envoyées par Cordonnier et le Conseil réclame au ministre de l’Intérieur les premiers plans portant le timbre d’approbation du Conseil afin de comparer les deux projets45. Marcel présente son rapport le 29 juillet. Malgré d’évidentes lacunes dans le dossier (absence de plan du 1er étage et de coupe et même d’élévation), le rapporteur ne tarit pas d’éloges : « En résumé, les projets qui nous sont soumis répondant vraisemblablement à tous les desiderata de la chambre de commerce qui les présente, le talent universellement [barré !] reconnu de l’auteur du Projet étant un sûr garant de la parfaite tenue de sa nouvelle œuvre46. » Le Conseil adopte le projet dans sa séance du 7 octobre 1909 en attirant néanmoins l’attention de l’architecte sur le « manque de concordance entre les plans et les façades qui sont restées ce qu’elles étaient dans le projet primitif »47.

19 Les façades devaient encore évoluer considérablement et la deuxième série d’esquisses, de même que trois projets plus aboutis conservés dans le fonds de l’agence, nous permettent de suivre la pensée de l’architecte. L’ensemble s’inspire largement du XVIIe siècle lillois pour les façades, en particulier du Rang du Beauregard (îlot de maisons régulières), situé immédiatement en vis-à-vis dont la reconstruction et le nouvel alignement dû à Simon Vollant dataient de 1687 et qui selon Paul Parent « symbolise […] l’union du style Louis XIV et des pratiques locales les plus invétérées »48. La Bourse de Cordonnier se pose ainsi en variation sur le thème de l’architecture publique de cette construction civile, laissant les éléments décoratifs supportant les balcons et ornant les linteaux du 2e étage et ceux du beffroi dialoguer avec les sculptures de Julien Destrez à la Vieille Bourse. Cette dernière vient en contrepoint marquer l’apogée de la « Renaissance flamande » alors que le Rang du Beauregard marque la première étape d’assimilation de l’architecture française dans le respect de la tradition locale qui entre en résonance avec la propre démarche de Cordonnier qui insuffle une rigueur toute académique à la nouvelle architecture flamande. Les trois grands projets conservés dans le fonds d’agence présentent tous la même disposition pour la façade principale en vue frontale : le beffroi à droite, avec à gauche le départ de la rue de la Grande- Chaussée et à droite celui du Grand-Boulevard et la partie arrière de l’Opéra. La physionomie générale de l’édifice, le nombre et les divisions des niveaux, le décor sculpté et ses différents éléments constitutifs tels que le porche central à trois arches, le beffroi d’angle et le campanile, ne varient pas d’un projet à l’autre. Si le premier des

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projets présentait encore des éléments renvoyant à la Renaissance flamande, les deux autres se rattachent délibérément à cette nouvelle architecture régionale présentant notamment dans la partie d’habitation des trumeaux faisant office de pilastres sur trois niveaux.

20 Dans ce deuxième projet, l’ampleur de la construction aurait permis le développement d’activités susceptibles de rentabiliser l’opération. Une brasserie, un restaurant ainsi que des magasins divers et surtout près de 150 bureaux étaient prévus. Même si certains de ces éléments étaient déjà présents dans le premier projet comme le précise le préfet du Nord en réponse aux critiques du Conseil d’État qui voyait dans l’acquisition des nouvelles parcelles une opération purement financière, leur multiplication profitait de l’agrandissement de la façade principale et du développement de la toiture d’un niveau supplémentaire (ill. 6).

Ill.6 : L.-M. Cordonnier, « Ville de Lille. Projet de Bourse de Commerce. Plan du second rez-de- chaussée », Lille, février 1909

Arch. départ. du Nord, 136J222/7 Cl. Olivier Liardet

21 Le sous-sol se répartissait entre les services de la Chambre (chauffage, incendie, etc), de la brasserie et d’un restaurant (caves et cuisines). Au rez-de-chaussée, deux entrées permettaient d’accéder à la grande salle de la brasserie située sous la salle des pas- perdus, tandis que la façade sur le nouveau boulevard accueillait un café-restaurant. De part et d’autre du grand perron d’accès de la façade principale s’ouvraient des guichets de la Banque de France et des Postes. L’arrière de l’édifice abritait sur deux niveaux (rez-de-chaussée et entresol) le conseil des prud’hommes. C’est à l’entresol que se situait l’accès principal aux espaces de la Chambre proprement dits, en particulier la salle des pas-perdus avec ses dégagements latéraux. À partir des niveaux suivants (1er

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au 5e étages), il ne s’agissait plus que d’accueillir des bureaux et quelques espaces de représentation placés en façade principale, à savoir l’escalier d’honneur, un vestibule desservant le cabinet du président, la salle de commissions et la salle des séances dont les plafonds à voussures occupent un niveau complet (2e étage). Avec la salle des pas- perdus, ces espaces de réception sont les seuls à présenter des décors sculptés ou peints et un mobilier conçu spécialement à leur destination. Les bureaux sont desservis essentiellement par deux grands escaliers, l’un situé dans l’angle de la salle des pas- perdus dans l’axe du beffroi et l’autre au début de la rue de la Clef permettant un accès séparé pour les bureaux destinés à être loués. D’après plusieurs témoignages contemporains, la combinaison de ces plans intérieurs doit beaucoup à la collaboration de l’architecte avec Alfred Descamps qui visait la rentabilisation maximale de l’espace49. Finalement, l’idée de la brasserie et du café-restaurant ne résista pas à la guerre et le bureau de poste s’installa sur la façade latérale dans un espace beaucoup plus vaste50. D’ailleurs, la Chambre utilisa immédiatement l’ensemble de son nouvel hôtel consulaire en raison du développement de ses activités de soutien à l’industrie au cours de la première guerre mondiale et de son rôle majeur dans la Reconstruction51.

22 Les nouveaux travaux sont déclarés d’utilité publique le 2 juillet 1909. Si la première brique est posée le 22 septembre 1909, la première pierre de la tour du nouvel édifice ne l’est que le 15 avril 1910 seulement par le président de la Chambre en présence de Cordonnier52. Quelques photographies du chantier nous permettent d’en saisir les grandes étapes. Alors que le soubassement et les niveaux bas de l’édifice sont déjà réalisés, une grande structure métallique supportant une grue prend place à l’intérieur de l’édifice à l’emplacement de la future salle des pas perdus afin de hisser les blocs et poutrelles métalliques de construction dans les futurs étages et les combles (ill. 7).

Ill. 7 : Vue du chantier de la nouvelle Bourse arrivé au niveau des toitures de l’Opéra avant 1914

Photographie conservée dans le fonds Cordonnier, Arch. départ. du Nord, 136J65 Cl. Olivier Liardet

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23 Lorsque la Grande Guerre éclate, le gros-œuvre est à peu près terminé, le conseil des prud’hommes est déjà installé dans ses bureaux tandis que l’aménagement intérieur devait être achevé pour la fin de l’année 1914. L’occupation allemande interrompt le chantier au profit de l’achèvement de l’Opéra qui sera inauguré par l’occupant. En 1915, les locaux sont mis à la disposition du comité d’alimentation hispano-américaine tandis que l’espace de la brasserie sert d’entrepôt aux décors de l’Opéra. En avril 1916, l’hôtel de ville est détruit par un incendie et les édiles émettent l’idée d’utiliser la nouvelle Bourse pour installer les services municipaux : « Le Maire trouvait […] que le monument, avec ses dispositions intérieures, se prêterait facilement à une adaptation en hôtel de ville. Il faisait appel aux sentiments de bons lillois qui animent les membres de la Chambre pour accueillir favorablement sa demande et venir en aide à la Ville dans la situation difficile où l’avait placée le désastreux incendie »53. Le rapport de Georges Masquelier confirme aux membres du conseil de la Chambre l’impossibilité d’une cession eu égard aux sacrifices consentis pour cette construction et aux bienfaits attendus pour l’industrie régionale54. Un dernier emprunt de 5 000 000 frs, autorisé par décret du 29 mai 1920, est encore nécessaire pour achever la construction55. L’interruption du chantier pendant la guerre, de même que l’inflation consécutive à celle-ci et les réclamations des entrepreneurs à partir de 1919, devaient engendrer une sérieuse dérive financière.

Un manifeste néo-régionaliste

24 Même si des exemples d’édifices d’inspiration flamande voient le jour dès le Second Empire, succédant aux expériences « régionalistes » néo-médiévales et néo-gothiques en particulier56, Louis-Marie Cordonnier est considéré comme le premier architecte néo-régionaliste septentrional ou tout au moins celui par lequel le néo-flamand acquiert ses véritables lettres de noblesse57. Sa première œuvre d’importance, l’hôtel de ville de Loos-lez-Lille, conçu à partir de 1883 témoigne déjà d’une approche originale de la tradition architecturale flamande dans une interprétation néo-Renaissance remise au goût du jour à la même époque par les architectes belges et hollandais58. Alors que la Belgique apparaît comme le véritable conservatoire du passé architectural flamand, la France tentera de « nationaliser » le régionalisme septentrional en l’associant de fait au mouvement initié depuis une génération visant à redécouvrir l’architecture de la Renaissance française. Mais dans le cas présent, la Renaissance flamande est comprise comme une période plus large allant pratiquement jusqu’à l’annexion française qui apporte à Lille les formules d’un classicisme jusqu’alors inconnu localement. Ainsi Louis-Charles Boileau découvre-t-il les maisons anciennes du Vieux-Lille conçues « dans ce même esprit de la Renaissance flamande, Henri IV et Louis XIII, un peu chargé de bossages, de cartouches, de gaines et de frontons circulaires interrompus, contournés de toutes sortes de façon, mais en somme ingénieux. Les architectes modernes y peuvent trouver nombre d’idées originales »59. À travers une construction archéologique savante, Cordonnier développe une architecture d’inspiration régionaliste dont les sources se veulent purement françaises, en accord avec les besoins de la vie moderne, réunissant la tradition décorative flamande et la rigueur architecturale française issue de la tradition académique : « Considérant avec juste raison que le climat, les habitudes et les matériaux de la région du Nord ne sont pas les mêmes qu’à Paris et ailleurs, il a voulu donner une couleur locale à ses conceptions en

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faisant revivre les traditions de l’architecture des Flandres, tout en tenant compte des idées modernes. Il a démontré ainsi par ses œuvres que l’on pouvait produire des effets nouveaux avec des éléments anciens et en donnant une physionomie spéciale à ses constructions il a prouvé qu’en province l’on pouvait ériger des constructions intéressantes et artistiques très différentes de celles de Paris60. »

25 Dans ce contexte, le beffroi participe activement à la valorisation de la tradition locale en devenant un élément obligé dans les constructions d’hôtels de ville, à l’image de ceux construits par Cordonnier à La Madeleine près de Lille ou encore à Dunkerque. La Bourse de Lille revendique à son tour cette filiation « municipale » et le rapporteur au conseil général des bâtiments civils ne manquera pas de le souligner (ill. 7). Face à la Vieille Bourse et au Rang du Beauregard, le beffroi de 76 mètres de hauteur devient le symbole même de la puissance consulaire et par là-même la construction la plus haute de Lille. D’ailleurs, la démolition du Rang du Beauregard et des îlots parallèles a été envisagée un temps par le plan d’urbanisme « Lille Cœur des Flandres » conçu par Jacques Gréber (1882-1962) et Louis-Stanislas Cordonnier (1884-1960), fils de Louis- Marie, lauréat du concours de 1920 pour le plan d’aménagement, d’embellissement et d’extension de la ville exigé par la loi Cornudet du 14 mars 191961. Dans ce grand projet urbain, la nouvelle Bourse devait tenir un rôle éminent puisque la démolition du Rang du Beauregard dégageait complètement sa façade principale avec le beffroi depuis la Grand’Place par la création d’une place ornée d’une fontaine monumentale lointain rappel de l’ancienne fontaine aux changes démolie pour la construction de la Vieille Bourse. L’institution consulaire se plaçait ainsi comme une concurrente de l’institution municipale par cette position privilégiée. On comprend dans ses conditions que la municipalité ait chargé un autre architecte de réaliser un plan d’urbanisme moins destructeur pour la ville ancienne et moins coûteux. Émile Dubuisson (1873-1947) s’attacha surtout au développement d’un pôle municipal autour du nouvel hôtel de ville au sein du quartier Saint-Sauveur « régénéré ». L’édifice fut construit à partir de 1924 et l’architecte l’adossa à un beffroi en béton armé de plus de 100 mètres de hauteur qui détrônait la tour consulaire quelques années seulement après son achèvement62.

26 Fortune critique

27 La nouvelle Bourse de Lille fut unanimement saluée par les contemporains tout autant que le regroupement des services consulaires : « On comprend que la modeste galerie de la vieille Bourse ne lui suffisait plus et qu’elle l’abandonne sans regrets. Les agents de change et le public seront désormais plus à l’aise et pourront, en outre, profiter de tous les avantages que leur offrent les installations de la belle œuvre de Louis Cordonnier. Aussi le transfert de la Bourse des valeurs dans le nouvel édifice a-t-il été bien accueilli par tous et notre population se félicite hautement de voir désormais, réunies dans un même local, les différentes « Bourses » de notre ville63. » Si les services s’installèrent dans la nouvelle Bourse dès avant la fin de l’année 1920, il n’y eut pourtant pas d’inauguration officielle immédiate malgré les efforts déployés par les membres de la Chambre pour intéresser les autorités de tutelle à leur installation, sans succès : « La visite de M. Isaac, ministre du commerce, a marqué cette prise de possession, et un banquet intime [et non pas officiel], dans la somptueuse salle des fêtes de la chambre de commerce, en a souligné l’importance »64. Le président de la Chambre profita cependant de cette occasion pour prononcer un discours de légitimation de l’action consulaire et de rappeler les raisons de la nouvelle construction : « Devant l’insuffisance de l’ancienne Bourse, joyau de notre cité, construite en 1651 pour les

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marchands, mais devenue beaucoup trop exiguë en raison du développement industriel et commercial de notre région, notre Compagnie s’est vue obligée en 1906 de décider la construction d’une nouvelle Bourse. Elle a voulu que le monument projeté devienne le centre des affaires, que les assises commerciales puissent s’y tenir régulièrement, que les étrangers y trouvent toutes les facilités pour leurs transactions et qu’un grand nombre de bureaux particuliers soient mis à la disposition du commerce et de l’industrie. Elle a voulu aussi que ce monument du travail, tout en restant sobre, pratique et moderne, fût digne de notre Ville et elle en a confié l’érection à son éminent concitoyen, Louis Cordonnier, membre de l’Institut. Je suis heureux de rendre ici un public hommage à son talent et de lui dire avec tous ses admirateurs combien son œuvre est appréciée. Le but poursuivi est atteint et si les travaux, malheureusement interrompus par la Guerre et si difficilement poussés depuis la cessation des hostilités, n’ont pas encore permis d’organiser tous les services, le monument est d’ores et déjà devenu une véritable ruche, dont l’emblème se trouve sur ses murs et dans laquelle la chambre de commerce avait à juste titre sa place marquée65. »

28 Cordonnier, grand gagnant de l’aventure lilloise, récoltait une fois encore tous les suffrages. Sa nouvelle Bourse de Lille, véritable plaidoyer en faveur de l’industrie et du commerce régionaux, devenait le témoin privilégié d’un régionalisme triomphant et de l’« âme flamande », un monument par lequel la Renaissance septentrionale s’unissait à la Renaissance Française dans une même ambition : « Lorsqu’on la compare à la bourse de commerce de Paris, l’avantage est à la nôtre, et la Bourse parisienne paraît triste, en dépit d’une colonnade circulaire qui n’arrive pas à lui enlever son aspect morose. Tandis qu’à Lille, les colonnes de porphyre qui séparent la rotonde du porche ou des salles annexes, les revêtements de marbre du sol, les belles mosaïques de quelques parties planes des murailles et qui sont dues au peintre d’Espouy, et surtout la lumière dorée qui tombe de la coupole, donnent à cette immense salle de la Bourse quelque chose d’unique, une somptuosité sereine et resplendissante66. »

NOTES

1. 1. Le fonds Cordonnier est conservé aux Archives départementales du Nord sous la cote 136 J. Les principales références bibliographiques sont les suivantes : Aude Cordonnier, Louis-Marie Cordonnier : ses hôtels de ville avant 1914, mémoire de maîtrise d’histoire, université Lille 3, Villeneuve d’Ascq, 1980, 3 vol., 353 p. ; Théâtre et architecture : Louis-Marie Cordonnier (1854-1940) architecte, cat. exp., Lille, Opéra-École d’architecture, 1985, 100 p. ; Odile Lesaffre, « Louis-Marie Cordonnier et l’architecture du Nord de la France », Les Pays-Bas français, t. 23, 1998, p. 45-64 ; AKL, t. 21, 1999, p.195-196. 2. 2. Sur l’histoire des institutions consulaires et de la Chambre de Lille, voir Historique de la chambre de commerce de Lille 1714-1918, Lille, 1921, 146 p. (abrégé désormais en Historique) et Jean- Pierre Debourse (dir.), C comme « Centenaires ». Histoire d’entreprises centenaires de la région Nord – Pas de Calais, Lille, 1992, p. 47-49. Les archives de la chambre de commerce ne sont pas classées et demeurent inaccessibles, mais les procès-verbaux ont été imprimés depuis 1832. Les Archives départementales du Nord conservent un certain nombre de documents dans la série O

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concernant l’ancienne et la nouvelle bourse (O357/1381 à 1401, 1809-1914) ainsi que dans le fonds Cordonnier (136J45, 65, 124, 220 à 226, soit près de 1000 dessins, quelques photographies du chantier et de la maquette ainsi que des copies de devis). 3. 3. L. Quarré-Reybourdon, « La « Bourse » de Lille », Réunion des sociétés des beaux-arts des départements, Paris, 1892, p. 312-345 ; Paul Parent, L’Architecture civile à Lille au XVIIe siècle, Lille, 1925, p. 115-137 ; P. Piétresson de Saint-Aubin, « La Bourse de Lille », Congrès archéologique de France, CXXe session, 1962, Flandres, Paris, 1962, p. 193-197 ; Jacqueline Dion, « Reconnaître et comprendre les sculptures de la Vieille Bourse de Lille », Revue du Nord, t. LXXI, n° 281, avril-juin 1989, p. 363-375 ; Christiane Lesage, « La Vieille Bourse de Lille. Nouveaux regards. Nouvelles approches », Commission historique du Nord. Bulletin, t. XLIX, 1996-1997, Lille, 1999, p. 97-126. 4. 4. Arch. départ. du Nord, O357/1381 et 1383, projet d’horloge à la base de la tour par l’architecte B.-J. Dewarlez-Lepers en 1808-1809 et réfection partielle de la décoration intérieure en 1840. 5. 5. Arch. départ. du Nord, O357/1384, travaux adjugés le 29 mars 1842 à Dubrulle, maître- menuisier à Lille, et réglés le 22 décembre 1842. 6. 6. Arch. départ. du Nord, O357/1386 et 1387. 7. 7. Statue aujourd’hui déposée au palais des beaux-arts de Lille. 8. 8. Les derniers éléments de la décoration seront installés de 1886 à 1896. 9. 9. A.C.C.L., t. 7, 1863-68, p. 197-198. 10. 10. À l’exception de quelques années notamment pendant les travaux d’extension de l’hôtel de ville dans les locaux du Palais Rihour sur les plans de Benvignat. De 1845 à 1847, la chambre de commerce loue un local à la chambre des notaires au 11 rue des Fossés, puis de 1847 à 1850, elle tient ses séances dans la salle des délibérations du tribunal de commerce au palais de justice. À partir de 1868, la chambre s’installe dans un local aménagé spécialement par la compagnie des chemins de fer du Nord au-dessus de la salle des pas-perdus de la gare de Lille nouvellement agrandie. Marie-Josèphe Lussien-Maisonneuve, « Du débarcadère à la gare : l’exemple de Lille. Mises au point et réflexions », Revue du Nord, t. LXII, n° 245, avril-juin 1980, p. 459-473. Voir A.C.C.L., t. 7, 1863-68, p. 147-149, séance du 19 juillet 1864. 11. 11. A.C.C.L., t. 29, 1894, p. 325, séance du 21 septembre. 12. 12. A.C.C.L., t. 29, 1894, p. 345, séance du 5 octobre. 13. 13. A.C.C.L., t. 31, 1896, p. 458-59, séance du 28 décembre, p. 462-64, séance du 22 décembre. 14. 14. Ancien élève du peintre Léon Bonnat à Paris. 15. 15. A.C.C.L., t. 31, 1896, p. 643, séance du 13 novembre. 16. 16. A.C.C.L., t. 40, 1905, p. 388-89, séance du 15 septembre, p. 390 et 397-399, séance du 22 septembre, p. 455-457, séance du 20 octobre. 17. 17. Bernard Ménager, « Les affrontements politiques et sociaux (1851-1914) », dans Louis Trénard et Yves-Marie Hilaire (dir.), Histoire de Lille, t. 4, « Du XIXe siècle au seuil du XXIe siècle », Paris, 1999, p. 79-80. 18. 18. A.C.C.L., t. 40, 1905, p. 456, séance du 20 octobre. 19. 19. En plus des ouvrages sur Cordonnier, voir Jeanne Bossuyt, L’Opéra de Lille, Itinéraire du patrimoine, n° 148, Paris, 1997, non paginé [16 p.]. 20. 20. Arch. départ. du Nord, O357/1391, minute de lettre du préfet du Nord au ministre de l’intérieur, 19 juillet 1906. 21. 21. Historique, p. 119. 22. 22. A.C.C.L., t. 32, 1897, p. 214, séance du 16 avril. 23. 23. A.C.C.L., t. 39, 1904, p. 40, séance du 29 janvier. 24. 24. A.C.C.L., t. 41, 1906, p. 74, séance du 16 février. 25. 25. A.C.C.L., t. 41, 1906, p. 260, séance du 18 mai.

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26. 26. La nouvelle loi de 1898 donnant le statut d’établissement public aux Chambres leur offre la possibilité de contracter des emprunts notamment pour la construction d’un édifice destiné à abriter leurs services. 27. 27. Arch. départ. du Nord, O357/1392, extrait du registre des délibérations du conseil municipal, séance du 23 mars 1906. 28. 28. Deux plans désignés comme « Projet B’ » font peut-être partie de cette phase d’avant- projets (Arch. départ. du Nord 136 J 222/7). 29. 29. Historique, p. 119-120. 30. 30. Arch. départ. du Nord, O357/1392, extrait du registre des délibérations du conseil municipal, séance du 23 mars 1906. 31. 31. Émile Dubuisson, Vues du quartier démoli pour la construction de la bourse de commerce et du nouveau théâtre à Lille, Lille, 1908, 29 p. (extrait du Bulletin de la commission historique du département du Nord, t. 27, p. 289-315). 32. 32. Historique, p. 120. 33. 33. Arch. départ. du Nord, 136J222/1 et 2, esquisses au lavis sur calque. 34. 34. Arch. départ. du Nord, 136J222/7, cinq plans, une élévation, et O357/1397, deux plans (tirages). 35. 35. Arch. départ. du Nord, 136J222/7, plan général du rez-de-chaussée et quatre plans partiels de la partie supplémentaire. 36. 36. Arch. départ. du Nord, 136J124, plusieurs devis partiels et récapitulatifs. 37. 37. Arch. nat., F21 6520, dossier complet comportant les différents rapports et minutes des procès-verbaux de 1906 et 1909. 38. 38. Arch. nat., F21 6520, avis du conseil général des bâtiments civils, 11 octobre 1906 (à la suite du rapport de Sortais). Remarque faite par Julien Guadet et Victor Laloux. 39. 39. Arch. départ. du Nord, O3571391 et O357/1394. 40. 40. Arch. départ. du Nord, O357/1397, notice explicative du service des expropriations, 4 février 1909. Les acquisitions et expropriations coûtèrent finalement 1 772 500 frs ; Historique, p. 121-122. 41. 41. Historique, p. 122. 42. 42. Arch. départ. du Nord, O357/1397, copie de la convention. 43. 43. Arch. départ. du Nord, O357/1400, lettre du président de la Chambre au préfet du Nord, 27 janvier 1909. 44. 44. Il en faudra encore deux autres pour parvenir à l’achèvement du bâtiment : 3 500 000 frs (décret du 12 avril 1913), 5 000 000 frs (décret du 29 mai 1920). 45. 45. Arch. nat., F21 6520, minute du procès-verbal du 17 juin 1909. 46. 46. Arch. nat., F21 6520, rapport d’A. Marcel du 24 juillet 1909. 47. 47. Arch. nat., F21 6520, minute du procès-verbal du 7 octobre 1909. 48. 48. Paul Parent, L’Architecture civile à Lille au XVIIe siècle, Lille, 1925, p. 184. 49. 49. A.C.C.L., t. 47, 1912, p. 88, séance du 9 février ; Historique, p. 126. 50. 50. Dès 1911, la Chambre se met en rapport avec l’administration des postes pour le financement de ce nouveau bureau ; voir A.C.C.L., t. 47, 1912, p. 28, séance du 19 janvier, p. 88-89, séance du 9 février. 51. 51. En 1950, une aile fut ajoutée au début de la rue Grande-Chaussée : ces aménagements vinrent compléter l’offre de bureaux ; la salle des pas-perdus s’agrandit d’une annexe à gauche à l’intérieur d’un pâté de maisons et reçut une peinture représentant l’inauguration du port de Lille en 1951. Une salle de réunion fut aménagée à l’emplacement prévu pour la brasserie en 1975. 52. 52. Historique, p.125. 53. 53. Edmond Faucheur, Lille et la chambre de commerce pendant la Guerre 1914-1918, Lille, 1922, regroupant les A.C.C.L. des années concernées, t. 51, 1916, p. 19-20.

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54. 54. Ibid., p. 22-29. 55. 55. A.C.C.L., t. 55, 1920, p. 299-300, annexe C à la séance du 4 juin. 56. 56. Voir Frédéric Vienne, « Charles Leroy (1816-1879), l’homme qui a planté le drapeau du gothique dans le département du Nord », dans F. Vienne (dir.), Notre-Dame de la Treille. Du rêve à la réalité. Histoire de la cathédrale de Lille, Marseille, 2002, p. 140-167. 57. 57. Sur le mouvement néo-régionaliste, voir Jean-Claude Vigato, L’Architecture régionaliste. France 1890-1950, Paris, 1994, 390 p. ; pour la Flandre, se reporter en particulier à Benoît Mihail, Une Flandre à la française. L’identité régionale à l’épreuve du modèle républicain, Saintes (Belgique), 2006, 422 p. 58. 58. François Loyer, « Ornement et caractère », dans Le Siècle de l’éclectisme. Lille 1830-1930, Paris-Bruxelles, 1979, p. 65-104, voir en particulier p. 90 et suivantes. Voir également Anne Van Loo, « Belgique : contre la « francisation » de la culture », dans François Loyer et Bernard Toulier (dir.), Le Régionalisme, architecture et identité, Paris, 2001, p. 126-133. 59. 59. L.-C. Boileau, dans L’Architecture et la construction dans le Nord, t. VI, 1897, p. 69-70 (cité par B. Mihail). 60. 60. « Fête lilloise en l’honneur de M. Louis Cordonnier », dans L’Architecture et la Construction dans le Nord, t. XVI, 1906, p. 94 (cité par B. Mihail). 61. 61. Voir Claude Fouret et Michel Vangheluwe, L’Aventure des villes. Les villes du Nord de la France de 1850 à 1950, Lille, Arch. départ. du Nord, 1997, p.99-107 et Marie-Josèphe Lussien-Maisonneuve, dans Histoire de Lille, t. 4, Paris, 1999, p. 205-209. Le projet est publié dans Le Grand Hebdomadaire illustré de la région Nord de la France, 3e année, n° 6, 6 février 1921, p. 41-43 et L’Architecture, vol. XXXIV, 1921, p. 3-6, pl. XIII-XIV. 62. 62. Jean-Étienne Grislain, « L’hôtel de ville de Lille un palais pour le peuple », Les Cahiers de la recherche architecturale, n° 24/25, 1er et 2e trimestres 1989, p. 55-64. 63. 63. Le Grand Hebdomadaire […], 2e année, n° 51, 19 décembre 1920, p. 402 64. 64. Le Grand Hebdomadaire […], 2e année, n° 50, 12 décembre 1920, p. 394. 65. 65. A.C.C.L., t. 55, 1920, p. 690-691, allocution du président de la Chambre au dîner offert au ministre du commerce et de l’Industrie le 4 décembre. La venue dans le Nord du président de la République, Alexandre Millerand, le 16 mai 1921, fut l’occasion de lui présenter l’édifice pendant une trentaine de minutes, mais le cabinet présidentiel tint bon sur le fait que cette visite ne devait pas être considérée comme une inauguration officielle (voir les pourparlers et discours dans A.C.C.L., t. 56, 1921, p. 10-11, 253, 273, 317, 336-343). 66. 66. Le Grand Hebdomadaire […], 2e année, n° 50, 12 décembre 1920, p. 395.

RÉSUMÉS

Au cours du XIXe siècle, le développement de l’institution consulaire à Lille amène la conception d’un édifice spécifique destiné à abriter des services toujours plus nombreux. La construction de cette nouvelle bourse de commerce intervient après une longue errance et de multiples projets d’installation. C’est à l’architecte septentrional Louis-Marie Cordonnier (1854-1940), déjà célèbre et reconnu, que les travaux sont confiés en 1906. Ils sont l’occasion de mettre à profit les expériences urbaines que sont l’ouverture du boulevard reliant Lille à Roubaix et Tourcoing et la reconstruction de l’opéra (confiée elle aussi à Cordonnier). Ce dernier réalise pour la chambre de commerce un véritable monument à la gloire de l’industrie régionale et de l’architecture de

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tradition flamande, devenant, lors de son inauguration en 1920, un signal urbain puissant dans une ville en quête de renouvellement.

The development of the consular institution in Lille throughout the nineteenth century led to the project of facilities specially designed to house expanding services. The erection of this new Stock Exchange followed a long wandering time and several housing projects. The already known and acknowledged Northern architect Louis-Marie Cordonnier (1854-1840) was entrusted with the construction work in 1906. He was thus given the opportunity to turn to good account urban experimentations such as the laying of the boulevard from Lille to Roubaix and Tourcoing and the reconstruction of the opera house (also appointed to Cordonnier). The latter achieved a true monument dedicated to the glory of local industry and Flemish architectural tradition for the Chamber of Commerce: at the opening time in 1920 it became a striking urban signal in a city in pursuit of renewal.

Im Laufe des 19.Jahrhunderts machte die Entwicklung der konsularischen Institution in Lille die Gestaltung eines spezifischen Gebäudes für die Unterbringung der stetig wachsenden Verwaltungsdienste notwendig. Der Bau dieser neuen Handelsbörse kam nach mehreren wechselhaften Errichtungsprojekten zustande. Damit beauftragt wurde 1906 der aus Nordfrankreich stammende Architekt Louis-Marie Cordonnier, (1854-1940) der schon berühmt und anerkannt war. Aus diesem Anlass wurden urbane Experimente versucht, so zum Beispiel die Eröffnung einer Verbindungsstraße zwischen Lille, Roubaix und Tourcoing, und der Wiederaufbau der Oper, auch von Cordonnier gebaut. Für die Handelskammer errichtete der Architekt ein Gebäude zu wahrhaftem Ruhm und Ehre der regionalen Industrie und der Architektur flämischer Tradition. 1920 eingeweiht stand es sofort als starkes Zeichen für den Erneuerungswillen der Stadt.

AUTEUR

OLIVIER LIARDET Olivier Liardet est chargé d’études documentaires à la conservation régionale des monuments historiques du Nord-Pas-de-Calais depuis septembre 2004 et, à ce titre, chargé de la protection au titre des monuments historiques. Ses publications portent en particulier sur les travaux de l’architecte Charles-Auguste Questel (1807-1888) : « La restauration de la chapelle royale de Versailles 1873-1878. Charles-Auguste Questel et les pratiques restauratrices à la fin du XIXe siècle », Versalia, n° 6, 2003 ; « La reconstruction de la Galerie dorée de la Banque de France par Charles Questel (1865-1875) », dans Place des Victoires. Histoire, architecture, société, Paris, 2003 ; « L’église Saint-Paul de Nîmes. Charles-Auguste Questel et le processus créatif en architecte. 1835-1849 », dans L’Architecture religieuse au XIXe siècle entre éclectisme et rationalisme, Paris, PUPS, 2006. Ses intérêts portent sur l’architecture publique du XIXe siècle : « La cour des Comptes », dans La Place Vendôme. Art, pouvoir et fortune, Paris, 2002 ; « Le ministère de la guerre. Des bureaux de la Guerre à l’îlot Saint-Germain », Livraisons d’histoire de l’architecture (n° 8, 2004). Il s’est également intéressé à la création architecturale à Nîmes et dans le Gard dans la première moitié du XIXe siècle : « Charles-Étienne Durand (1762-1840) à Nîmes ou le rêve de la ville néo-classique à l’aube du XIXe siècle », dans Autour de la ville de Napoléon. Colloque de la Roche-sur-Yon, Rennes, PUR, 2006. Depuis 1999, il participe à l’élaboration de notices biographiques d’architectes et d’ingénieurs français du XIXe siècle pour l’Allgemeines Künstlerlexikon. Adresse électronique : [email protected]

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Otello Zavaroni : la chambre de commerce et d’industrie du Havre, 1947-1957, une variante dans la reconstruction « Perret » Otello Zavaroni: the Chamber of Commerce and Industry in Le Havre (1947-1957) as a variant within Perret’s Reconstruction Otello Zavaroni : die Industrie- und Handelskammer in Le Havre (1947-1957), eine Variante in Perrets Wiederaufbau

Raphaëlle Saint-Pierre

1 La figure et l’œuvre d’Auguste Perret ont fait l’objet de nombreux travaux depuis le début des années 1980 en France, en Allemagne comme dans les pays anglo-saxons. Ces recherches ont largement contribué à la redécouverte de l’un des pères fondateurs de l’architecture moderne1 et de son chef-d’œuvre longtemps occulté : Le Havre. Des premières études à l’inscription en 2005 du centre reconstruit du Havre sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, la reconnaissance de ce jalon majeur de la Reconstruction en France est aujourd’hui acquise. Cependant, il semble que les bâtiments réalisés au Havre en dehors de l’atelier Perret restent encore méconnus et cette remarque s’applique notamment à la chambre de commerce dont la reconstruction devait incarner la renaissance économique de la cité au lendemain de la seconde guerre mondiale. Quelle importance revêt la construction d’un nouveau palais consulaire dans une ville où l’essentiel de l’activité est centré sur la mer et l’économie qui en dépend : l’importation et l’exportation de marchandises, la pêche, le transport et l’industrie ?

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La reconstruction du Havre par Auguste Perret

2 En septembre 1944, les bombardements alliés entraînent la mort de cinq mille Havrais, détruisent douze mille cinq cents immeubles et jettent à la rue quatre-vingt mille personnes. Dès le printemps 1945, le ministre de la Reconstruction, Raoul Dautry, confie cette formidable « table rase » à l’un des pionniers de l’architecture moderne, Auguste Perret, alors âgé de soixante et onze ans. La construction d’une ville entièrement en béton armé constitue pour Perret l’aboutissement de nombreuses années d’expérimentation de ce matériau. Autour de lui, pas moins de dix-huit architectes (Pierre-Édouard Lambert, André Le Donné, Jacques Poirrier, Jacques Tournant, etc.), pour la plupart ses élèves, forment l’atelier de reconstruction du Havre. S’y joignent des architectes havrais, ainsi que des grands noms de l’architecture, français et étrangers.

3 Au Havre, Auguste Perret applique à une vaste échelle sa doctrine du classicisme structurel2 qui établit une correspondance étroite entre la structure en béton armé et le langage classique. Cette esthétique affirme l’ossature comme fondement de l’expression architecturale. Ses racines remontent aux rationalistes, tels Jean-Nicolas- Louis Durand ou Eugène Viollet-le-Duc, doublé d’un vocabulaire architectural fondé sur l’exploitation rationnelle des potentialités du béton armé : structure apparente, parement en béton et toit-terrasse. Cette homogénéité théorique se révèlera essentielle dans renaissance économique de la ville3.

4 Le plan d’urbanisme adopté rassemble les différentes propositions issues d’un concours interne de l’équipe. Aération et ensoleillement sont les maîtres mots des nouveaux immeubles. Toutes les dimensions des bâtiments comme celles des îlots suivent une trame orthogonale unique de six mètres vingt-quatre. En respectant en partie les anciens tracés, l’architecte et son atelier ont su éviter l’éclatement du tissu urbain et rééquilibrer la densité de la population en alternant tours et barres. La composition est marquée par un classicisme hautement affirmé : ampleur des espaces, emphase des axes qui relient places et monuments, ordonnance théâtrale des édifices publics. Le raffinement de l’architecture de Perret se lit jusque dans la légèreté des colonnades et la subtilité des teintes du béton, blanc, jaune et rose.

Les étapes du chantier

5 La chambre de commerce et d’industrie demeure intimement liée à l’histoire commerciale du Havre, port et lieu d’échanges de marchandises mais également place financière de première importance pendant près d’un siècle, précisément jusqu’en 1939. La Bourse, dont l’imposant palais est construit en 1880 par Louis Lemaître, jouait avant-guerre un rôle international dans l’établissement des prix du coton, du café, des épices et des bois exotiques. Après les destructions de la guerre, c’est l’ensemble du secteur de la Bourse du Havre qu’il faut désormais entièrement repenser4. L’une des premières constructions provisoires est précisément celle de la bourse du commerce5, même si dans le procès-verbal de la réunion du 12 septembre 1947 tenue entre Barhmann, l’urbaniste du ministère de la reconstruction et de l’urbanisme responsable de la région havraise, et des collaborateurs d’Auguste Perret, il est spécifié : « L’axe de

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la Bourse doit rester tout à fait secondaire et ne pas être accusé par des bâtiments trop hauts pour ne pas nuire à l’ensemble de la place de l’hôtel de ville6. »

6 Dès 1947, la chambre de commerce du Havre appelle en concours tous les architectes établis dans la ville7. Les projets sont soumis à un jury réunissant autour de Meunier, président de la chambre de commerce, de Voisin, maire du Havre, et d’Auguste Perret, plusieurs architectes et membres de la chambre de commerce. Le projet des Havrais Jean Louvet et René Déchenaud, dont l’architecture suit les directives de Perret et emploie son vocabulaire du classicisme structurel, est retenu dans un premier temps. Peu après, l’architecte parisien et directeur d’atelier à l’École des beaux-arts, Otello Zavaroni, un esthète passionné par l’Antiquité, est nommé architecte en chef du bâtiment. Jean Louvet et René Déchenaud en deviennent les architectes d’opération. Zavaroni est l’auteur, entre autres, de la reconstruction de l’église Saint-Martin (Foucarmont, Haute-Normandie, 1959-1961) ou du foyer des retraités Louise-Voelckel (Bonneuil-sur-Marne, 1977). Zavaroni est assisté par un ingénieur-conseil en béton armé, M. Barets. L’entreprise-pilote du gros œuvre et des fondations est le groupe havrais Thireau-Morel, très impliqué dans la reconstruction de la ville. La période de conception s’étend de 1947 à 1953. En mai 1953, un dessin de Zavaroni représentant la future Bourse est présenté à la foire exposition du Havre, sur le stand de la chambre de commerce et le chantier reçoit la visite de nombreux techniciens français. Son déroulement est pourtant ponctué de plusieurs conflits survenus entre le président de la chambre de commerce et Zavaroni. Le président exprime tout d’abord sa peur devant les balcons asymétriques de la façade sud mais grâce à la ténacité de l’architecte, ils ne seront pas modifiés. En revanche, le litige survenu à propos de l’entrée d’honneur au sud, face au bassin, a des répercussions sur l’allure du bâtiment. Le président estimant ses dimensions trop grandes, il décide d’interrompre les travaux pour obliger Zavaroni à dessiner une nouvelle entrée, plus discrète et sans rampe d’accès. Le chantier s’étend de 1953 à 19578 et l’inauguration a lieu le 22 juillet 19579.

Le bassin du commerce

7 Située sur l’îlot V32, place Jules Ferry et quai Georges V, la Bourse est dressée un peu plus au sud que la précédente. Elle domine majestueusement le plan d’eau du bassin du commerce qui, en plein centre de la ville, symbolise la vocation maritime du Havre. En face d’elle, s’élance la passerelle construite à la fin des années 1960, recréant ainsi l’ensemble urbain détruit. Uniquement réservée aux piétons, cette passerelle relie le quartier d’affaires à l’ancien quartier des marins. C’est un axe essentiel, tant pour les résidents du quartier un peu isolé de Saint-François qui veulent rejoindre le centre- ville, que pour les travailleurs du port autonome en relation avec la bourse-chambre de commerce. En 1945, puis en 1950, des habitants et des commerçants réclament le comblement du bassin du commerce, l’un des plus anciens du Havre (il date du début du XIXe siècle), qui appartient au port autonome du Havre, afin de rétablir une liaison entre les différents quartiers de la ville qu’il sépare. Il est cependant conservé afin de maintenir l’identité maritime de la cité havraise. L’ancien pont, qui avait survécu aux bombardements mais qui était devenu dangereux, est détruit en 1963. La municipalité désire accentuer l’image dynamique nouvelle du bassin, réservé à la navigation de plaisance. L’architecte choisi, Guillaume Gillet, souligne le caractère maritime du site en évoquant avec le haut mât de la passerelle, les voiliers et les vaisseaux qui y

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mouillaient autrefois. La volonté de donner à la passerelle un aspect architectural, sinon sculptural, adapté au site préside à sa conception. Elle scande avec légèreté la vaste perspective du bassin du commerce. Sa blancheur et son dynamisme asymétrique s’accordent parfaitement avec la maison de la culture dessinée par l’architecte brésilien d’Oscar Niemeyer. Tout le complexe urbanisé10 – immeubles d’habitation et commerces – qui jouxte la chambre de commerce est également conçu par l’équipe d’Otello Zavaroni (Raymond Audigier, Jean Louvet, René Déchenaud, Leroy, A. Rémy, Pierre Groéné) : il comprend les îlots V31b, V32a, V32b et V34.

Luxe et harmonie

8 Otello Zavaroni transforme sensiblement le premier projet en le simplifiant. Les proportions, les volumes et le parti sont à peu près les mêmes, mais l’esthétique est différente avec une nette atténuation du néoclassicisme. Sans se démarquer complètement du style Perret grâce à sa colonnade, la chambre de commerce du Havre est plus proche de l’esprit des années 1950 avec ses claustras plus modernistes que ceux de Perret ou son brise-soleil latéral. Joseph Abram analyse ainsi la différence de relecture du classicisme proposée par l’équipe d’Auguste Perret d’une part et celle d’Otello Zavaroni d’autre part : Mais alors que l’école Perret cherche à approfondir l’approche du langage classique par un travail sur le détail et l’ornement, les architectes du palais de la Bourse préfèrent s’en tenir à une géométrisation stricte des éléments, sans allusion décorative. Ils débouchent ainsi sur une monumentalité efficace, rationnelle mais rhétorique11.

9 Étendue sur quatre-vingt-cinq mètres de long et trente-cinq mètres de large, la chambre de commerce est constituée d’une trame en béton armé régulière. Seize piliers colossaux formant péristyle sur les façades avant et arrière portent la toiture-terrasse et définissent l’ordre primaire (ill. 1).

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Ill. 1 : La façade de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Havre sur le Bassin du Commerce, (septembre 2007)

Cl. Raphaëlle Saint-Pierre

10 Ils enveloppent un bâtiment de deux étages reposant directement sur un socle, dont les nervures verticales définissent l’ordre secondaire. Sous la toiture, un étage vitré évoque clairement un attique. La structure du bâtiment étant dissociée de ses façades élevées en retrait, les ouvertures sont traitées avec plus de liberté. Ainsi, selon la destination des espaces et l’orientation, des claustras, des paralumes, des fenêtres à encadrement ou des baies vitrées animent les façades (ill. 2).

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Ill. 2 : Les claustras de la façade sur le Bassin du Commerce, (septembre 2007)

Cl. Raphaëlle Saint-Pierre

11 Un brise-soleil, des balcons en biais, et les menuiseries complètent le décor. Les piliers étaient revêtus à l’origine de plaques de granit de Suède adouci, d’un gris bleu aux reflets changeants. Deux entrées desservent le bâtiment. Du côté du bassin du commerce, quelques marches mènent à l’entrée d’honneur. Sur la place Jules Ferry12, l’entrée des usagers est précédée d’un perron monumental. Elle donne accès au vestibule d’honneur situé dans l’est du bâtiment et d’où le grand escalier monte jusqu’au deuxième étage (ill. 3).

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Ill. 3 : Le grand escalier dans le vestibule d’honneur, (septembre 2007)

Cl. Raphaëlle Saint-Pierre

12 Cet escalier est composé d’un double jeu de volées en X, aux marches de marbre noir et encadré par des balustrades de bronze portant des plaques de verre. Des escaliers secondaires ont été disposés à chaque extrémité de l’édifice ainsi que des ascenseurs.

13 Dans le programme, il est précisé que les installations de la chambre de commerce et celles de la Bourse doivent être nettement distinguées13. La division de ces deux éléments s’effectue par niveau : les services de la Bourse occupent tout le rez-de- chaussée surélevé et ceux de la chambre de commerce, les premier et deuxième étages. Au rez-de-chaussée, tous les services sont attenants à la salle des pas-perdus qui représente le centre même des affaires, de sorte que l’on puisse accéder aux deux salles de call, consacrées au coton et au café, ainsi qu’à la salle de lecture et de correspondance. Des cabines téléphoniques sont disposées dans l’enceinte même de la salle des pas-perdus. Les locaux de la chambre de commerce sont répartis au sud sur deux étages : bureaux du président, du secrétaire général et des vice-présidents, secrétariat, comptabilité, archives. Des logements sont prévus au troisième étage ainsi que dans une partie du soubassement. Ce bâtiment possède également de nombreux locaux d’apparat : la salle des fêtes et la bibliothèque au deuxième étage sud, un petit musée colonial au deuxième étage nord, la salle de conférences au deuxième étage angle nord-ouest, les salles de séances et de commissions. À l’intérieur, l’ossature de béton armé est conservée apparente pour les plafonds et les poteaux, bruts de décoffrage. Le sol est revêtu de dalles de comblanchien et les murs de travertin.

14 La vaste salle des pas-perdus mesure quarante mètres sur quinze et possède une hauteur sous plafond de douze mètres. Son volume correspond aux trois niveaux des étages. Elle est entièrement vitrée du côté de la façade nord – les seize baies vitrées sont constituées chacune d’une dalle de verre carrée de trois mètres quatre-vingt-dix – mais également sur ses faces intérieures puisqu’elle n’est séparée du reste du bâtiment que par des parois de glaces et des claustras de béton doré. Une fresque monumentale,

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longue de soixante mètres, est consacrée aux activités industrielles, commerciales et portuaires du Havre. Le plafond en béton précontraint à ossature apparente est soutenu par des poutres jumelées d’une portée de quatorze mètres entre lesquelles s’insèrent les dispositifs d’éclairage. Une discrète polychromie complète la décoration du bâtiment.

Un ultime plaidoyer du style Beaux-Arts ?

15 La nouvelle chambre de commerce du Havre fera l’objet d’un important programme de décoration faisant appel à des figures renommées de l’École des beaux-arts de Paris dans l’idée d’une véritable synthèse des arts plastiques. Dès les premiers projets, les créations de trois artistes sont intégrées à son architecture14. Nicolas Untersteller (1900-1967), membre de l’Institut, professeur de fresque à l’École des beaux-arts de Paris dont il devient le directeur de 1948 à 1967, s’est notamment illustré aux églises du Saint-Esprit (1927-1933) et de Saint-Pierre de Chaillot (1933-1938) à Paris mais également par des vitraux au ciment à l’église Sainte-Thérèse de Metz (1937-1954) – chef-d’œuvre en béton armé conçu par l’architecte Roger-Henri Expert (1882-1955). Dans la salle des pas-perdus de la Bourse, il réalise une fresque très colorée, visible depuis l’extérieur du bâtiment qui symbolise l’activité du port du Havre : la navigation, les industries, l’importation de produits exotiques (ill. 4).

Ill. 4 : Fresque de Nicolas Untersteller, salle des Pas Perdus de la Bourse, (septembre 2007)

Cl. Raphaëlle Saint-Pierre

16 À huit mètres au-dessus du sol, elle s’étend sur trente-deux mètres de large pour quatre mètres de haut. Henri Lagriffoul (1907-1981), grand prix de Rome, est l’auteur des sculptures en haut-relief en travertin du petit hall d’entrée ouest. Elles ont pour thème les activités navales et portuaires comme la construction des bateaux, la pêche ou les périls de la mer (aujourd’hui déplacées). Paul Lemagny, membre de l’Institut et Grand Prix de Rome, dessine pour la salle des fêtes une immense fresque sur stuc de quarante-

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cinq mètres traitant de la vie de la faune marine qui s’étend sur toute la longueur du mur face au bassin du commerce (ill. 5).

Ill. 5 : Fresque de Paul Lemagny, salle des Fêtes de la Chambre de Commerce, (septembre 2007)

Cl. Raphaëlle Saint-Pierre

17 Elle a été réalisée grâce à la technique de la gravure sur pierre encrée (des traits noirs sur un fond blanc). Elle représente un paysage sous-marin fantastique peuplé de sirènes et de monstres dont les lignes dynamiques sont caractéristiques des illustrations et du graphisme des années 1950.

18 La salle des fêtes et le bureau du vice-président sont revêtus de palissandre. La décoration acajou du bureau du président est complétée par le mobilier de Jean Royère15 : fauteuils, tables, lustre et canapé. Un panneau de laque noir et or figurant un port entouré d’une multitude de bateaux, trône au-dessus du canapé. C’est une œuvre de Bernard Dunand16, fils du célèbre décorateur et créateur de laques Jean Dunand. En 1968, des chaises de Royère avec ornements en bronze doré sont ajoutées, auxquelles s’ajoutent en 1971, une nouvelle commande de huit lustres en fer forgé doré et leurs cent soixante abat-jour correspondants. Spécialiste des programmes luxueux de cette envergure, Jean Royère, l’un des décorateurs les plus célèbres des années 195017, s’appliquera à dessiner pour la Chambre de Commerce du Havre, un mobilier Consulat afin de rappeler la création de la Bourse en 1802.

19 Le bâtiment est protégé depuis 1995 dans le cadre d’une Z.P.P.A.U.P. (zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager). Afin de s’agrandir, les services de la chambre de commerce et d’industrie ont intégré un nouvel édifice situé sur le bassin Vauban. La Bourse a, quant à elle, été rachetée en 2005, l’année de l’inscription du centre-ville reconstruit du Havre au patrimoine mondial, par le groupe Partouche pour y implanter un ensemble comportant un casino, un hôtel et un restaurant. Une concertation avec les nouveaux propriétaires a alors été engagée par la Ville et Docomomo France pour la bonne conservation de l’architecture et des éléments

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de décoration, notamment les fresques. Parmi les modifications notables, on remarque en particulier le doublement de la salle des pas-perdus par la création d’un plancher à mi-hauteur et la pose d’un faux-plafond ainsi que le cloisonnement de la salle des fêtes. Cette nouvelle destination rejoint un ancien projet d’aménagement de la place Gambetta, située à l’extrémité du bassin du commerce. En effet, en 1966-1967, Guillaume Gillet avait proposé d’y construire des commerces, un parking souterrain ainsi qu’un bâtiment circulaire accueillant tout à la fois un théâtre, un centre culturel, un casino municipal et un bowling. Mais seuls un théâtre et une maison de la culture y seront construits par Oscar Niemeyer entre 1978 et 1982.

20 L’inscription du centre reconstruit du Havre sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, en juillet 2005 constitue un premier pas vers la reconnaissance de l’architecture française des années 1950, pourtant riche en innovations mais encore largement décriée par les contemporains. L’intérêt patrimonial du centre-ville du Havre réside bien sûr dans son intérêt historique mais également esthétique et technique. Il répond ainsi aux trois critères édictés par l’Unesco : un « ensemble architectural illustrant une période significative de l’histoire humaine », un « témoignage d’un échange d’influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l’architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de paysages » et enfin considérer cet ensemble comme un « chef-d’œuvre du génie créateur humain ». Le Havre rejoint ainsi Brasilia d’Oscar Niemeyer et de Lucio Costa, inscrite au Patrimoine Mondial dès 1987 et attend la désignation prochaine de Chandigarh de Le Corbusier. Alors que les voyageurs ne découvrent plus la France depuis Le Havre, ce classement devrait amener de nouveaux flux touristiques vers une cité longtemps mal-aimée, tandis que les Havrais, encore partagés entre rejet et fierté, commencent à se réapproprier le chef d’œuvre de Perret.

NOTES

1. 1. Voir en particulier Joseph Abram, Jean-Louis Cohen et Guy Lambert, Encyclopédie Perret, Paris, Monum/Le Moniteur/IFA, 2002, 446 p., Perret et la poétique du béton, exposition de l’IFA et de la ville du Havre, 2002, Joseph Abram, Guy Lambert, Christophe Laurent, Auguste Perret : Anthologie des écrits, conférences et entretiens, Paris, Le Moniteur, 2006, 480 p. 2. 2. Joseph Abram, Perret et l'école du classicisme structurel, EAN/SRA, 1985, 2 t., 315-136 p. ; L’Équipe Perret au Havre. Utopie et compromis d’une reconstruction, Paris, Bureau de la recherche architecturale, 1989, 268 p. 3. 3. Joseph Abram, Sylvie Barot, Élizabeth Chauvin, Les Bâtisseurs, l’album de la reconstruction du Havre, Le Havre, Éditions Point de vues, musée Malraux, 2002, 132 p. 4. 4. « L’ancienne Bourse sera rasée », Le Havre Libre, 5 juin 1947, p. 1 ; « La reconstruction du palais de la bourse », La Revue de la Porte Océane no 27, juillet 1947 ; « Fin de la destruction », Le Havre Libre, 1er juillet 1949, p. 3. 5. 5. « La bourse de commerce provisoire », Le Havre Libre, 30 décembre 1944, p. 1.

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6. 6. Arch. mun. de la ville du Havre ; fonds contemporain, demande de permis de construire PC 201/1953, PC 555/55 ; dossier documentaire 30/6.1. 7. 7. Arch. de la C.C.I. du Havre, 1997-3-3. 8. 8. Archives de la chambre de commerce et d’industrie du Havre, 1997-3-5. 9. 9. « La Bourse sort de terre », Le Havre Libre, 11 février 1955, p. 4 ; « La nouvelle Bourse », Escale, revue du personnel du port autonome du Havre no 36, mars 1956, p. 8 ; « Voici le vrai et définitif visage du quartier de la Bourse », Le Havre, 7 juin 1956 ; « La bourse de commerce serait inaugurée l’automne prochain », Le Havre Libre, 21 mai 1957, p. 3. 10. 10. « Remembrement et reconstruction des immeubles entourant la Bourse », Le Havre Libre, 6 décembre 1954, p. 3. 11. 11. Joseph Abram, Le Havre, la ville reconstruite par Auguste Perret, dossier UNESCO, 5 août 2003. 12. 12. « Le jardin de la Bourse », Le Havre, 17 juin 1959 ; « La place de la Bourse », Le Havre, 23 juillet 1959. 13. 13. Archives de la chambre de commerce et d’industrie du Havre, 1997-3-6. 14. 14. « Les travaux de décoration de la Bourse avancent rapidement », Le Havre, 20-21 juillet 1957. 15. 15. Archives du musée des arts décoratifs, fonds Jean Royère R.1650. 16. 16. Archives de la chambre de commerce et d’industrie du Havre, 1997-3-7. 17. 17. Pierre-Emmanuel Martin-Vivier, Jean Royère, Paris, Norma, 2001, 320 p.

RÉSUMÉS

La chambre de commerce et d’industrie du Havre est achevée en 1957. Elle succède à la bourse, détruite par les bombardements de septembre 1944, avec une grande partie de la ville. Élevé à l’intérieur du périmètre du centre reconstruit, qui a été inscrit en 2005 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, ce bâtiment monumental dresse son ordonnance majestueuse face au bassin du Commerce. L’architecte, Otello Zavaroni, professeur à l’École des beaux-arts de Paris, n’appartient pas à l’atelier de reconstruction de la ville, piloté par Auguste Perret et ses disciples. Bien qu’elle manifeste une réappropriation du langage classique, la conception de la chambre de commerce et d’industrie se distingue nettement du classicisme structurel de Perret déployé dans l’ensemble du centre-ville. L’intervention de décorateurs, à l’image de celle du fresquiste Nicolas Untersteller, et du décorateur Jean Royère, s’accorde avec l’atmosphère luxueuse du lieu. Sa reconversion récente en casino soulève la question de la protection de ce type d’édifices des années 1950, devenus difficiles à utiliser dans leur destination originelle.

The Chamber of Commerce and Industry in Le Havre was achieved in 1957. It took the place of the Stock Exchange destroyed by September 1944 bombardment along with a big part of the city. It is located within the rebuilt centre which was listed as a World Heritage site in 2005. This monumental building made of reinforced concrete, with colossal pillars, stands in front of the dock of Commerce. The architect Otello Zavaroni was also a teacher at the Ecole des Beaux-Arts in Paris. But he was not a member of the Reconstruction workshop of the city ran by Auguste

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Perret and his disciples. Though the architecture of the Chamber of Commerce shows Classical language, it is more geometric than the Structural Classicism of the Le Havre buildings by Perret. The collaboration with artists such as the fresco painter Nicolas Untersteller and the decorator Jean Royère matches the luxurious atmosphere of this place. The building has been converted into a casino lately: this raises the issue of the preservation of this kind of 1950 buildings whose original purpose is hard to maintain now.

Der Bau der Industrie- und Handelskammer von Le Havre wurde 1957 beendet. Das neue Gebäude trat an die Stelle der Börse, die im September 1944 mit einem weitgehenden Teil der Stadt zerbombt wurde. In dem Areal der wiederaufgebauten Stadtmitte errichtet, welche im Jahr 2005 von der UNESCO in die Liste des Welterbes aufgenommen wurde, erhebt sich dieses prächtige, monumental gegliederte Gebäude gegenüber dem Bassin du Commerce (Hafenbecken). Der Architekt Otello Zavaroni, Lehrer an der Pariser École des beaux-arts, gehörte nicht dem von Auguste Perret und seinen Schülern geleiteten Büro für Wiederaufbau der Stadt an. Obwohl die Bauart der Industrie- und Handelskammer die klassische Bausprache übernimmt, unterscheidet sie sich augenscheinlich von dem strukturellen Klassizismus, den Perret in der ganzen Stadtmitte anwendet. Die Beteiligung von Dekorateuren wie Jean Royère oder dem Freskenmaler Nicolas Untersteller unterstreicht die luxuriöse Atmosphäre des Ortes. Die neueste Umgestaltung der Handelskammer in ein Casino wirft die Frage nach dem Schutz solcher Gebäude aus den fünfziger Jahren, die in ihrer originellen Bestimmung nicht mehr verwendbar sind, auf.

AUTEUR

RAPHAËLLE SAINT-PIERRE Raphaëlle Saint-Pierre a soutenu un DEA d’histoire de l’architecture, Les Villas des années 50 en France, à Paris I en 2002. Elle a été chargée, en 2003-2004, d’une mission avec Docomomo France sur la reconstruction du Havre en vue de son inscription sur la liste du patrimoine mondial. Elle est l’auteur d’ouvrages : Villas 50 en France (Paris, Éditions Norma, 2005), Trésors des châteaux de France (Paris, Éditions Molière, 2007) et d’articles, en particulier « Les maisons de Georges Adilon », Architectures à vivre no 38, septembre 2007, « Les maisons de Claude Parent », Architectures à vivre no 31, août 2006, « Porte Océane, Das Stadttor von Le Havre », Bauwelt no 45, novembre 2005, « Le Havre : quand le béton devient patrimoine », L’Histoire no 303, novembre 2005 ou encore « Auguste Perret au patrimoine de l’humanité », La Règle du Jeu no 28, mai 2005. Adresse électronique : [email protected]

Livraisons de l'histoire de l'architecture, 15 | 2008 95

L’architecte et le livre. La bibliothèque d’Antoine-Marie Chenavard (1787-1883) The architect and the book. About Antoine-Marie Chenavard‘s collection of books (1787-1883) Architekten und Bücher : Antoine-Marie Chenavards Bibliothek

Philippe Dufieux

1 Longtemps parent pauvre des travaux scientifiques, l’étude du livre et des bibliothèques d’architecture connaît un intérêt renouvelé depuis plusieurs années, en témoignent les journées d’études qui se sont tenues en 2000 et 2001 au Collège de France sous la direction de Jean-Michel Leniaud et de Béatrice Bouvier1. Pour autant, à l’exception notable de la bibliothèque d’Augustin-Nicolas Caristie2, de Jean-Baptiste Lassus3 et de celle de Viollet-le-Duc 4, la connaissance des bibliothèques d’architectes demeure encore largement lacunaire pour le XIXe siècle, alors que celles-ci apportent des éléments majeurs à la compréhension d’une personnalité, autant peut-être que l’étude de son œuvre construit. À l’époque moderne et contemporaine, l’architecte vit en communion savante avec le livre, objet de formation, d’étude et de délectation et cette remarque s’applique plus particulièrement au XIXe siècle qui voit l’industrialisation de l’édition, véritable âge d’or de la presse architecturale5. La figure et l’œuvre d’Antoine-Marie Chenavard demeurent encore largement méconnus malgré les nombreux travaux qui ont jalonné ces vingt dernières années (ill. 1)6.

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Ill. 1 : Jean-Dominique Ingres, Portrait d’Antoine-Marie Chenavard, Rome, 1818

Gravé par Dubouchet, publié dans Vue d’Italie, de Sicile et d’Istrie, Lyon, Louis Perrin, 1861, pl. I. [original conservé au musée Ingres à Montauban].

2 Fervent zélateur du néo-classicisme dans la première moitié du XIXe siècle à Lyon7, esthète possédant un sens inné des mythes qu’il se serait employé à faire revivre dans son œuvre construit mais plus encore dans son œuvre littéraire selon Clair Tisseur8, ses biographes n’eurent de cesse de le dépeindre en nouvel Orphée, initiant ses semblables aux mystères et aux beautés de l’Antiquité. L’allégeance passionnée de Chenavard à la culture classique ne doit pas faire oublier que l’architecte s’est également distingué comme l’une des figures majeures du gothique troubadour en France à travers la reconstruction de la cathédrale de Belley (1836-1840), premier essai de cathédrale idéale avant les vastes chantiers archéologiques de Lassus et de Viollet-le-Duc. Alors que Chenavard a patiemment orchestré sa postérité au cours de sa très longue carrière, il semble au demeurant que sa bibliothèque, ou plutôt l’état « choisi » qui nous est parvenu, participe de la même entreprise. La principale source relative à la bibliothèque d’Antoine-Marie Chenavard est le catalogue de la vente qui eut lieu le 20 mai 1890 à Lyon, soit sept ans après sa mort9 ; aucun inventaire après décès ne nous est parvenu et son testament (17 février 1882)10 ne fait mention que de quelques dons d’ouvrages et de pièces graphiques. Ce catalogue, établi à la hâte par les soins du libraire Louis Brun, comprend à la fois les ouvrages de sa bibliothèque mais également son fonds d’agence, sa collection de dessins et de gravures ainsi que son médaillier, composé de 630 pièces. Aucune division thématique du catalogue, les titres, les dossiers ou les gravures étant simplement classés selon un ordre alphabétique très aléatoire, par auteur, par lieu d’intervention pour ce qui touche aux pièces professionnelles ou encore selon la nature du document. De tous ces livres dispersés, il ne subsiste pratiquement rien ; seuls trois ouvrages ont été retrouvés dans les fonds de la

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bibliothèque municipale de Lyon dont une traduction de Vitruve de 154711, ultimes reliquats de la dispersion aux enchères12. Les rares dessins qui réapparaissent sur le marché de l’art ou au hasard des ventes publiques, comme les ouvrages de l’architecte portent le même cachet formé d’un cartouche romain avec la mention CHENAVARD ARCH. Une telle étude n’est pas sans écueils en raison notamment du caractère succinct des descriptions fournies par les notices et cette remarque s’applique tout particulièrement aux dossiers relatifs à l’activité professionnelle de l’architecte qui peuvent comprendre des gravures et des dessins dont la présence est parfois mentionnée et il en va de même des photographies, des cartes et des plans. Sans préjuger des titres que l’architecte a pu soustraire, ni des ouvrages que ses héritiers ont conservé et moins encore des dons manuels, l’étude d’un catalogue de près de cinq cent titres nous paraît de nature à apporter des éléments significatifs à la connaissance de la culture de Chenavard. Dans quelle mesure sa bibliothèque reflète-t-elle l’évolution de ses goûts, de sa carrière professionnelle ? Quelles relations s’établissent entre ses lectures, son œuvre construit tout autant que son œuvre littéraire ? Ces dernières questions invitent à apprécier l’homme et l’œuvre à travers le domaine du livre, objet de savantes spéculations poétiques et intellectuelles.

3 Le médaillier mis à part, le catalogue de la vente de la bibliothèque de l’architecte compte 704 entrées auxquelles s’ajoutent trois numéros bis, soit un total de 707 entrées. 466 sont relatives à des imprimés (65,91 %) dont les propres ouvrages de Chenavard (22 entrées) ainsi que les périodiques (17 entrées), 107 entrées concernent des pièces et des dossiers professionnels (15,13 %), 120 touchent à la gravure et au dessin (16,97 %), 12 à la photographie (1,70 %) et 2 enfin à des manuscrits (0,28 %)13. Dans le dessein d’affiner cette analyse, nous avons fait le choix d’une étude ne prenant compte dans un premier temps, ni les œuvres de l’architecte, ni les périodiques, détaillés plus loin et en mettant de côté 26 entrées correspondant à des ouvrages, des notices, des brochures ou encore des tirés à part non identifiés ou renseignés. Ainsi, un catalogue a été établi à partir de 401 entrées, en tenant compte que 65 d’entre-elles comportent plus d’un titre, c’est donc à partir d’un ensemble de 466 titres d’imprimés que cette étude statistique a été menée. Il s’agit d’une bibliothèque importante certes mais dont le nombre de titres demeure inférieur à celle de Lassus qui comportait 771 numéros, sans parler de celle de Viollet-le-Duc qui atteignait 2 242 numéros. La consultation du catalogue de la Bibliothèque nationale de France s’est avérée nécessaire afin de renseigner un certain nombre d’ouvrages comportant une description incomplète ou inexacte pour ce qui touche aux lieux et aux dates d’édition14, même si, en dépit de nos recherches, 18 titres n’ont pu être datés ; pour 12 autres, le lieu de publication demeure inconnu. Les lieux d’édition sont néanmoins très bien renseignés à plus de 97 %, les dates de parution le sont dans les mêmes proportions, soit 96 %.

4 L’étude thématique comme celle menée par date de parution révèlent une bibliothèque de référence plus que d’actualité. Ainsi, sur 466 titres, 32,4 % touchent à l’archéologie et près de 31 % à la littérature, 12 % seulement concernent l’architecture moderne et contemporaine et 10,72 % ont attrait à l’histoire. Le volet juridique et technique est peu important avec 3,64 % alors que la numismatique et la sigillographie, domaines prisés par l’architecte, représentent 4,30 %. La religion et les ouvrages de morale ne forment que 2,14 %, les titres relatifs à la peinture, moins de 1 %. À titre de comparaison, les ouvrages portant sur les beaux-arts représentent près du tiers de la bibliothèque de Viollet-le-Duc, soit 35,23 %, ceux relatifs à l’histoire 21,63 %, la littérature 19,7 % et la

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religion 7,44 %. Si l’on s’en tient aux seules dates de parution, on relève que les ouvrages publiés sous l’Ancien Régime représentent plus de 33 % des titres de la bibliothèque de Chenavard, dans le détail : 21 titres du XVIe siècle (4,5 %), 48 titres publiés au XVIIe siècle (10,3 %) et enfin 86 titres publiés au XVIIIe siècle (18,45 %). Ces dernières données ne surprennent pas si l’on tient compte que l’architecte se forme dans les années 1810-1820, à une époque où l’enseignement comme la culture livresque des architectes sont encore largement dominés par les publications du siècle précédent. Les années 1800-1810 et 1810-1820 sont assez stables avec respectivement 4,72 % et 4,29 % des titres alors que les ouvrages publiés entre 1820 et 1830 représentent un peu plus de 10 % de l’ensemble de la bibliothèque de Chenavard (47 titres). Cette décennie correspond précisément à l’une des périodes les plus fécondes de l’activité professionnelle de l’architecte au cours de laquelle il mène notamment le chantier du Grand théâtre de Lyon et multiple les chantiers de restauration dans le Rhône ainsi qu’en Saône-et-Loire. Par la suite, les ouvrages publiés dans les années 1830-1840 ne représentent que 6,22 % tandis que les années 1840-1850, 1850-1860 et 1860-1870 sont constantes avec un peu moins de 10 %. Sans surprise, la géographie des lieux d’édition met en relief la prédominance de Paris avec 244 titres, soit 50, 21 % alors que les ouvrages édités à Lyon représentent 22,53 %, soit 105 titres. Les 31 titres édités dans le reste de France, qui représentent 6,65 %, proviennent d’Autun, d’Orange, de Nîmes ou encore de Grenoble et sont en règle générale relatifs à des travaux d’archéologie locale. Les titres édités en Italie sont assez nombreux et représentent près de 9 % de l’ensemble dont 5,57 % pour Rome ; les autres centres étant principalement Venise et Naples, la première se distinguant en particulier pour ses éditions d’architecture au XVIe siècle, foyer majeur alors en Europe en ce domaine avec Lyon. Enfin, il faut relever l’importance des Flandres et des Pays-Bas, des pays germaniques et de Londres dans la géographie des lieux d’édition des ouvrages composant la bibliothèque de l’architecte, respectivement 4,72 % (22 titres) et 1,07 % (5 titres) pour chacun de ces deux derniers centres de production.

Un florilège de la culture classique

5 Avec respectivement 150 et 144 titres, l’archéologie et la littérature dominent très largement la bibliothèque de l’architecte. Si l’on tient compte des ouvrages touchant à l’architecture moderne et contemporaine, ce ne sont pas moins de 206 titres qui relèvent des beaux-arts. Dans le détail, on distingue 37 titres relatifs à l’archéologie romaine, 54 relevant de l’archéologie grecque et 13 ouvrages de généralités parmi lesquels figurent notamment la première traduction française de l’Histoire de l’art chez les anciens de Winckelmann (1789) et le Cours d’archéologie de Raoul-Rochette (1828). Chenavard fera moisson de guides de visites et de travaux contemporains lors de ses deux séjours en Italie, le premier réalisé dans les années 1816-1818, même si les dates divergent selon ses biographes, l’autre à son retour d’Orient en janvier 1844. S’il ne fait aucun doute que l’architecte a emporté dans ses bagages l’édition de 1724 du Voyage d’Italie, de Dalmatie, de Grèce et du Levant de Spon qu’il possédait, à l’image de ses célèbres prédécesseurs Cochin et Soufflot au XVIIIe siècle, nombre d’ouvrages notamment des XVIIe et XVIII e siècle ont visiblement été acquis en Italie. Ainsi, ne compte-t-on pas moins de douze éditions du XVIIe siècle en matière d’archéologie gréco-romaine parmi lesquelles, aux côtés de premières éditions de Félibien et de Desgodets (Les Édifices antiques de Rome,1682), figurent notamment l’ouvrage célèbre de Pietro Bartoli

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Admiranda romanarum antiquitatum (1693), dont il recopia de nombreuses planches dans un recueil dessins conservé aujourd’hui à la Bibliothèque municipale de Lyon15, et du même auteur, Gli antichiti sepolcri (1697), ainsi que sa monographie sur la colonne trajanne, dont l’architecte s’inspirera pour dessiner en 1814 le piédestal de son projet de statue équestre dédiée à Louis XIV et destinée à remplacer celle détruite en 1789 place Bellecour. Ce précieux recueil demeure le témoin privilégié des années de formation de Chenavard, dessinant et copiant d’après Winckelmann ou Hancarville sans parler des nombreuses figures issues de la collection d’antiques du cabinet Hamilton. À ces ouvrages, s’ajoutent encore le Bosio sur la Rome souterraine (Roma Sotteranea) publié en 1632, l’étude sur les antiquités de Syracuse de Mirabella publié à Naples en 1613 ainsi que l’une des premières publications en langue française sur les antiquités d’Athènes, celle de La Guilletière, dans sa première édition parue en 1675. On relève certes un guide de la collection Campana mais curieusement aucune brochure sur les musées capitolins et moins encore sur le musée Pio-Clementino alors que l’architecte conserve sa vie durant son bon d’entrée aux musées pontificaux, signé par Canova (12 avril 1817)16. Si l’ouvrage de Cochin et de Bellicard sur les antiquités d’Herculanum (1754) figure en bonne place, l’essentiel des titres possédés par Chenavard en matière d’archéologie romaine est formé d’ouvrages contemporains parmi lesquels on relève en particulier l’étude topographique de la Rome impériale de l’architecte Luigi Canina publié en 1831, dernière étude qu’il faut rapprocher du plan du Lyon souterrain [Lyon antique], vaste entreprise à laquelle Chenavard s’attèle à la fin des années 1820 en collaboration avec l’archéologue François Artaud. Les études de Vaudoyer sur le théâtre de Marcellus (1812), celles de Caristie sur le forum romain (1821) et les monuments antiques d’Orange sans oublier celles de Blouet sur les thermes de Caracalla (1828), toutes possédées par Chenavard, ne sont pas moins importantes dans la maturation des vues cavalières que l’architecte lyonnais dresse entre 1844 et 1850 à partir de la reconstitution du plan de Lugdunum. Nombre de projections géométrales, celles de Blouet en particulier, annoncent en termes de rendu les planches gravées que Chenavard publiera chez Boitel en 1850 sous le titre Lyon antique restauré17 (ill. 2).

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Ill. 2 : « Vue géométrale prise sur une ligne AB parallèle au cours du Rhône », (détail)

Publié dans Lyon antique restauré d’après les recherches et documents de F. M. Artaud, [illustré par] Antoine-Marie Chenavard, Lyon, Boitel, 1850, 21 p., pl. II.

6 La bibliothèque de l’architecte compte encore quatorze titres consacrés aux antiquités lyonnaises : Spon, Delorme, Colonia pour les anciens, Clerjon, Chorier, Boissieu, Commarmond et Artaud, pour les contemporains. C’est assurément trop peu en matière d’historiographie locale et de toute évidence, sa bibliothèque devait également comporter des œuvres de Champier, Saint-Aubin, Chappuzeau, Ménestrier, Pernetti, Delandine ou encore des travaux contemporains de Martin-Daussigny, Monfalcon, Cochard, Allmer, Dissard sans parler de Steyert. Quand on songe aux métaphores archéologiques savantes que Chenavard construit patiemment au cours de sa carrière, il ne fait aucun doute que localement, la question « romaine » lui était tout à fait familière ne serait-ce que pour dresser la topographie du Lyon antique. D’ailleurs, on observe qu’un seul ouvrage d’Artaud est mentionné, il s’agit du Discours sur les médailles d’Auguste et de Tibère18 ; le célèbre Lyon souterrain19 n’y figure même pas. Autant dire que cet « état » de la bibliothèque de l’architecte que constitue le catalogue de sa vente, comporte de nombreuses lacunes même s’il faut reconnaître que Chenavard entretient une relation essentiellement poétique avec l’Antiquité classique et cette démarche s’applique à sa ville natale comme à la Grèce.

« Rien ne paraît aussi nouveau que l’antique »20

7 Chenavard n’a jamais fait mystère de son inclination pour la culture grecque comme la prédominance d’ouvrages consacrés à l’archéologie hellénique dans sa bibliothèque le suggère incidemment. C’est lors de son premier séjour en Italie, voyage qui le mène jusqu’en Sicile, que le jeune homme découvre l’architecture grecque même si la visite des sites archéologiques le confirme très tôt dans le sentiment que celle-ci a été

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complètement dénaturée par Rome, le jugement sans appel porté sur les temples de Paestum en témoigne notamment21. Il est vrai qu’au fil des années, le sentiment de l’architecte envers l’héritage artistique italien est de plus en plus mitigé, suspecté d’éloigner les contemporains de la recherche d’un ordre classique éternel. Il semble qu’en matière d’archéologie grecque, Chenavard ait cherché à posséder la bibliothèque la plus exhaustive même si les travaux en langue étrangère sont peu nombreux à l’exception notable de l’ouvrage célèbre de Chandler, Revett et Pars (Ionian antiquities) auquel il convient d’ajouter les traductions françaises de Stuart et Revett (Les Antiquités d’Athènes), de Christopher Wordsworth (La Grèce pittoresque) ainsi que Les Ruines de Palmyre de James Dawkins. Chenavard ne lisait visiblement pas le grec puisque sa bibliothèque ne compte qu’un seul ouvrage écrit dans la langue d’Homère et encore s’agit-il d’une traduction de Pausanias avec le texte grec en regard22. On comprend dans ces conditions que l’épigraphie soit peu représentée dans sa bibliothèque et cette remarque s’applique également à l’archéologie romaine alors qu’en revanche, l’architecte se passionne pour la numismatique. Cassas, Forbin, Choiseul-Gouffier, Hittorff, Blouet, Beulé, Aligny, Lucas, About, Nolau, Le Bas, Pouqueville et Raoul- Rochette, pour ne citer qu’eux, composent cet essai de bibliothèque idéale dédiée aux antiquités grecques. À ces auteurs, il convient d’ajouter les ouvrages dévolus par Chenavard à son gendre Antonin Louvier par testament, c’est-à-dire le Voyage pittoresque ou Description des royaumes de Naples et de Sicile de l’abbé de Saint-Non, un exemplaire des Monuments de Nîmes de Clérisseau ainsi que deux exemplaires de ses propres œuvres, Les Poètes et Fontaines23.

8 Dès les années 1820, la question « grecque » devient obsessionnelle pour Chenavard et plus encore à son retour d’Orient en 1844 au point d’orienter l’essentiel de ses travaux d’architecture comme sa production littéraire. Quelle que soit la vérité archéologique d’un tel postulat, l’architecte n’aura de cesse de vouloir démontrer la préexistence d’une fondation grecque à Lyon, antérieure donc à la fondation romaine de Munatius Plancus (43 A.C.), se faisant en cela l’écho de multiples spéculations qui animent dès le XVIe siècle les amateurs et les archéologues lyonnais. Cette problématique prend chez Chenavard la dimension d’un jeu savant sur les ordres, distinguant systématiquement le dorique sans base du corinthien dans de multiples projets à l’image de l’hémicycle conçu en 1825 en vue de l’érection de la nouvelle statue de Louis XIV sur la place Bellecour. Le Grand Théâtre de Lyon, vaste entreprise menée de 1826 à 1832 avec Jean Pollet, se prêtera également à de telles spéculations si l’on en juge par son vestibule intérieur formé d’un ordre monumental de colonnes doriques cannelées, sans bases. Son plan en demi-cercle suggère incidemment l’idée que, sous sa veste « romaine », la nouvelle construction s’élèverait en réalité sur les vestiges d’un théâtre grec, ultime métaphore d’une fondation orientale mythique. Son projet de palais de Justice, étudié au début des années 1830 en réponse à celui de Baltard, s’inscrira à son tour dans cette recherche de primitivisme hellénique qui devait profondément marquer Chenavard au point de minimiser ses propres origines « nordiques » ou plutôt « gallicanes » dans le dessein de se projeter en nouveau Callicratès. La littérature joue un rôle majeur dans ces spéculations archéologiques passionnées et l’on observe précisément que ce dernier domaine affiche un nombre de titres équivalant à l’archéologie. La littérature antique représente à elle seule près de la moitié des 144 titres de cette catégorie. Si l’on s’en tient au seul voyage de 1843-1844, réalisé avec ses confères Étienne Rey et Jean-Michel Dalgabio, c’est une Grèce assurément plus littéraire que véritablement archéologique que les voyageurs s’emploient à retrouver au cours de leurs pérégrinations, d’autant

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que les visites des sites se révèlent extrêmement décevantes, comme si en définitive, le voyage en Grèce se résumait à la seule vue du Parthénon, « merveille de l’art » (Chenavard), dont des mains barbares auraient défiguré la physionomie originelle (ill. 3).

Ill. 3 : Antoine-Marie Chenavard, « Athènes, vue du temple de Minerve prise des Prolylées », 1843

Gravée par Dubouchet, publiée dans Voyage en Grèce et dans le Levant en MDCCCXLIII et MDCCCXLIV, illustré par l’auteur […], Lyon, Louis Perrin, 1858, pl. III.

9 Aux côtés des études touchant à l’archéologie romaine et grecque, s’ajoute également une section consacrée à l’art oriental qui représente 15 titres de sa bibliothèque. On relève les ouvrages fondateurs de l’égyptologie française qu’il s’agisse du Voyage dans la Haute et Basse Égypte (1802) de Vivant Denon, De l’architecture égyptienne de Quatremère de Quincy (1803), de la Description de l’Égypte édité par Panckoucke (1820) en 11 volumes ou encore des publications un peu plus tardives de François-Christian Gau sur les antiquités nubiennes (1822), de Charles Blanc (Voyage en Haute Égypte) publié en 1876, jusqu’au Journal d’un touriste d’Émile Guimet, paru en 1867. Cet intérêt pour les antiquités orientales dépasse de fait la seule vallée du Nil pour aborder le Moyen- Orient, les mondes perses, assyriens et byzantins. On relève à ce sujet l’ouvrage d’André Couchaud (Choix d’églises byzantines en Grèce, 1842), ancien élève de Chenavard qui accueillera son maître à Athènes lors de son voyage en Orient. Les guides de voyage, mêlant comme souvent littérature et archéologie, complètent cette section thématique même si les ouvrages de Sonnini de Manoncourt et celui d’Auguste Mariette n’y figurent pas.

La culture classique à l’épreuve de l’archéologie médiévale

10 C’est véritablement en matière d’archéologie médiévale que la bibliothèque de Chenavard se révèle la plus énigmatique. En effet, on ne compte que six titres touchant à ce sujet et encore s’agit-il essentiellement d’ouvrages de généralités parmi lesquels Le Moyen Âge pittoresque de Chapuy, Le Bâton pastoral de Barraud et Martin, deux livres

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consacrés au musée des monuments français dont un guide rédigé par Alexandre Lenoir, une description de la cathédrale de Strasbourg parue en 1743 et l’ouvrage sur les églises circulaires d’Angleterre de Charles Lucas (1871). Rien de plus. Encore faut-il rappeler que Chenavard appartient au néo-gothique « troubadour », non à la génération de Lassus et de Viollet-le-Duc qui érigèrent le gothique du XIIIe siècle en art national à l’appui d’une lecture rationnelle de la construction médiévale. Toujours est- il qu’à partir de 1826, Chenavard conduit d’importants travaux dont la restauration de la cathédrale de Châlons-sur-Saône (Saône-et-Loire, 1826-1827), la restauration et l’agrandissement de la cathédrale de Belley (1836-1840) sans oublier celle de la cathédrale de Viviers (Ardèche, 1839). Alors que les architectes formés dans la lignée de Boulée et de Ledoux ne rêvent que de monuments « euclidiens » d’un classicisme rigoureux, dans les premières décennies du XIXe siècle, nombre d’architectes durent en réalité se former eux-mêmes à l’art médiéval sans avoir à leur disposition les contributions littéraires et archéologiques qu’allaient bientôt offrir les années 1840-1850. Si Chenavard réalise quelques travaux néo-classiques à son retour de Rome en 1818, le Grand théâtre de Lyon mis à part, l’essentiel de l’activité des années 1820-1830 touche précisément à des chantiers de restauration monumentale sans parler de la reconversion de l’ancien couvent des Jacobins de Lyon en hôtel de préfecture. En 1831, à l’occasion de son discours de réception à l’Académie royale de Lyon, l’architecte condamnera sans appel l’engouement contemporain pour l’archéologie médiévale24. Une telle position de principe ne supporte visiblement aucune nuance et l’architecte ne se doute visiblement à cette date pas qu’il devra bientôt « composer » avec l’architecture médiévale. Cette déclaration intervient, il est vrai, près d’une dizaine d’années avant les grands débats qui devaient opposer les gothiques et les classiques. À Belley, l’architecte inaugurera l’ère des grands vaisseaux néo-gothiques en appliquant à la construction médiévale une rigueur volumétrique toute classique dans ses assises et ses appareils de pierres, ces masses stéréotomiques qui le fascineront quelques années plus tard devant les remparts de l’acropole d’Athènes. Jean-Michel Leniaud n’a-t-il pas parlé du « cubisme » de la cathédrale de Belley comme pour relever la distance qui, indéniablement, sépare Chenavard d’un Viollet-le-Duc25 ? Dès lors, reconstituer la bibliothèque de l’architecte-restaurateur se révèle un exercice périlleux et il n’est pas certain que l’architecte ait possédé les grandes entreprises éditoriales contemporaines initiées par les zélateurs du néo- gothique. Rappelons brièvement que les années 1840 sont foisonnantes en publications sur la question qu’il s’agisse d’ouvrages généraux, de traités à destination des architectes comme des ecclésiastiques (Montault, Bourassé, Schmit, Peyré et Desjardins, Rituel de Belley…), de véritables « encyclopédies » à l’image des Voyages dans l’ancienne France de Taylor et Nodier, des ouvrages et dictionnaires d’Arcisse de Caumont sans parler des œuvres de Lassus et de Viollet-le-Duc. Il en est de même en matière de revues dont les plus célèbres sont les Annales archéologiques, le Bulletin monumental ou encore la Revue archéologique. Or, ces périodiques ne figurent pas non plus dans le catalogue de la vente de la bibliothèque de Chenavard, pas même la Revue générale de l’architecture et des travaux publics de César Daly. Ces dernières remarques abondent dans l’idée que Chenavard se serait dessaisi d’une partie de sa bibliothèque, vraisemblablement en faveur d’Antonin Louvier, à moins que celui-ci n’ait fait moisson d’ouvrages avant la vente. Louvier succède à son beau-père comme professeur à l’École des beaux-arts de Lyon (1861-1890) et mène une brillante carrière comme architecte du département du Rhône entre 1850 et 1881. Son nom reste associé à la construction de

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grands équipements publics à Lyon dont la prison Saint-Paul à Perrache (Lyon, 1860), l’asile d’aliénés de Bron (Rhône, 1869-1878) et surtout la préfecture du Rhône (Lyon, 1884-1891), chef-d’œuvre de l’architecte. Mais Louvier s’est également distingué en matière de restauration monumentale, exerçant son talent fécond sur une dizaine d’églises dans le Rhône, jusqu’à la restauration de la manécanterie de la cathédrale Saint-Jean à Lyon en 1876. « Rien ne paraît aussi nouveau que l’antique […] », écrivait Chenavard en épilogue de son discours de réception à l’Académie de Lyon en 1831. Cette proximité avec l’histoire aurait vraisemblablement dû se traduire d’un point de vue bibliographique. Or, sur la cinquantaine d’ouvrages indexée sous cette rubrique, une dizaine seulement touche à l’histoire antique. Dans sa construction poétique de l’Antiquité, la littérature et le mythe revêtent en réalité une importance majeure. En matière de littérature contemporaine, la bibliothèque de Chenavard est encore, sous bien des aspects, celle de l’honnête homme du XVIIIe siècle dans laquelle Rousseau, Voltaire, Mirabeau, Malherbes côtoient Molière, Boileau, Corneille et Racine. Parmi les écrivains lyonnais, figurent en particulier Soulary, Yémeniz, Tisseur, Ozanam, de Laprade, Raverat, Saint-Olive ou encore l’abbé Jolibois. Pour autant, à l’exception notable de Chateaubriand, de Milton et d’Ossian, Chenavard fait montre d’une profonde indifférence au romantisme et Madame de Staël, Vigny, Lamartine, Hugo pas plus que Bernardin de Saint-Pierre, Nerval, Constant ou Scott et Byron n’ont droit de cité au panthéon classique de l’architecte.

11 Avec 56 titres, l’architecture occupe bien évidemment une place de choix dans la bibliothèque de Chenavard bien que ce domaine soit sensiblement moins représenté que l’archéologie et la littérature. La bibliothèque renferme nombre de traités d’architecture parmi les plus célèbres : Palladio, Serlio et Vignole dans des éditions vénitiennes du XVIe siècle, Perrault, Vitruve, Philibert de l’Orme, Rondelet, Bullet, Desargues mais assez curieusement Laugier et Le Muet ne sont pas mentionnés. De Fréart de Chambray, seul son traité sur la peinture figure dans le catalogue alors qu’on eût attendu son Parallèle de l’architecture antique et de la moderne publié en 1640 ou encore sa traduction française des Quatre livres de l’architecture de Palladio (1650). L’absence des grands traités et ouvrages de Jean-Nicolas-Louis Durand, son Recueil et parallèle des édifices de tout genre (1801) ou encore son Précis des leçons d’architecture (1809), ne s’explique pas quand on songe à l’immense influence que celui-ci exerce sur ses contemporains au début du XIXe siècle. À peine relève-t-on son Essai sur l’histoire générale de l’architecture publié avec Jacques-Guillaume Legrand. Il en va de même des travaux de Quatremère de Quincy dont seul l’ouvrage sur les antiquités égyptiennes est mentionné alors que Chenavard ne cesse de s’identifier à cette figure majeure à mesure des années. Paradoxalement, les grandes entreprises éditoriales de Percier et Fontaine figurent toutes alors que l’ouvrage de Letarouilly (Édifices de Rome moderne) est absent. Nulle mention non plus des traités de Léonce Reynaud, d’Adolphe Lance et moins encore du Dictionnaire et des Entretiens sur l’architecture de Viollet-le-Duc. L’architecture contemporaine forme un volet important de cette rubrique et les ouvrages traitant des salles de spectacle sont abondants, qu’il s’agisse de Patte (Essai sur l’architecture théâtrale, 1782), de Victor Louis (Salle de spectacle de la ville de Bordeaux, 1782), d’Alexis Donnet (Architectonographie des théâtres de Paris, 1821) ou encore de titres touchant au théâtre de Vicence de Palladio. Ce sujet tient une place éminente dans la pensée de Chenavard, soucieux d’inscrire le Grand théâtre de Lyon dans la filiation des siècles et par là-même d’assurer sa propre postérité. Précisément, quelques années avant sa mort, l’architecte reviendra sur la question des théâtres antiques à travers une étude

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dont le manuscrit ne fut publié que partiellement par son auteur en 188026. Aux côtés des théâtres d’Athènes, de Rome, de Taormine, d’Herculanum, de Vérone et d’Orange, figurent également ceux de Lyon et de Vienne. Loin d’être un simple lieu de divertissement, les théâtres sont indissociablement liés à la vie civique des cités, « On y offrait au peuple le tableau de sa propre histoire », écrit-il27. Pour l’architecte, la taille des théâtres permet certes d’apprécier l’importance des villes et de leur population, mais plus encore leur degré de civilisation et par là même la grandeur des nations. Renouer avec Lugdunum et ses monuments emblématiques à travers ses propres travaux acquiert chez Chenavard la dimension d’un rêve orphique dont l’architecte est l’augure inspiré. Dès lors, le Grand Théâtre devient-il, par métaphore, le monument refondateur, rétablissant Lyon dans la filiation des siècles. De nombreux dictionnaires et biographies d’architectes sont encore mentionnés parmi lesquelles figurent des œuvres de Félibien, Pingeron, Charvet, Gastelier et Fléchet. Pour autant, on observe que les monographies d’édifices, genre très prisé au XIXe siècle, sont extrêmement rares. Enfin, la bibliothèque de Chenavard est peu fournie en livres sur la peinture, on relève trois traités ainsi que l’ouvrage de Delaborde sur Ingres. Avec douze titres, la gravure est mieux représentée notamment avec Piranèse et Danguin mais également Goltzius dont il possédait trois éditions du XVIe siècle. La présence de Flaxman ne surprend pas puisque Chenavard s’inspirera largement de ses célèbres gravures pour dessiner les planches de ses Compositions historiques, publiées en 186228. La première relation du voyage en Grèce et dans le Levant qui paraît en 184629 ouvrira la voie à de nombreuses entreprises éditoriales dont une deuxième puis une troisième édition de la même relation respectivement en 184930 et en 1858, la dernière enrichie de nombreuses gravures31. Dans les années qui suivent, Chenavard multiplie les publications : Lyon antique restauré (1850)32, Tombeaux (1851) 33, Vue d’Italie, de Sicile et d’Istrie (1861)34, Compositions historiques esquisses (1862) et son supplément qui paraît en 186335, Fontaines (1864), Sujets tirés des poèmes d’Ossian (1868)36, Les Poètes (1874)37 et enfin son étude sur les théâtres antiques en 1880 qui a valeur de véritable testament. En 1860, à soixante- dix-sept ans, Chenavard fera graver son œuvre construit et projeté, un Recueil de compositions38 dans lequel les traditions antiques et médiévales dialoguent entre-elles comme le suggère incidemment la présence des cathédrales de Belley et de Châlons- sur-Saône aux côtés du Grand Théâtre de Lyon et de son projet pour Fourvière au frontispice de l’ouvrage (ill. 4). C’est précisément à travers le livre que Chenavard construit sa postérité dès les années 1840, s’offrant par-là même une seconde carrière, celle d’un poète, d’un littérateur et d’un dessinateur.

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Ill. 4 : Recueil des compositions exécutées ou projetées sur les dessins de A.-M. Chenavard,

architecte Lyon, L. Perrin, 1860, 26 p., 54 pl., [frontispice gravé par Dubouchet].

ANNEXES

Tableau 1 – Composition de la bibliothèque de Chenavard d’après le catalogue de la vente de 1890

Composition de la bibliothèque Nombre d’entrées %

Imprimés1 466 65,91

Pièces professionnelles2 107 15,13

Gravures et dessins3 120 16,97

Photographies4 12 1,70

Manuscrits5 2 0,28

Total catalogue 707 (704 + 3 n° bis) 99,99

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dont ouvrages de Chenavard (22 entrées) et périodiques (17 entrées) comprenant des pièces manuscrites et des dessins hors pièces professionnelles pièces isolées, albums ou recueils comprenant des photographies hors pièces professionnelles Tableau 2 – Étude thématique portant sur 466 titres de la bibliothèque de Chenavard

Thèmes Nombre de titres %

Archéologie 151 32,4

Littérature 144 30,9

Architecture 56 12,01

Histoire 50 10,72

Numismatique et sigillographie 20 4,3

Technique et juridique 17 3,64

Gravure 12 2,57

Religion et morale 10 2,14

Peinture 4 0,85

Divers 2 0,42

Total 466 99,95

Tableau 3 – Étude par date de parution portant sur 466 titres de la bibliothèque de Chenavard

Date de parution Nombre de titres %

XVIe 21 4,5

XVIIe 48 10,3

XVIIIe 86 18,45

1800-1809 22 4,72

1810-1819 20 4,29

1820-1829 47 10,08

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1830-1839 29 6,22

1840-1849 44 9,44

1850-1859 43 9,22

1860-1869 46 9,87

1870-1879 32 6,86

1880-1889 10 2,14

Sans date et non renseigné 18 3,86

Total 466 99,95

Tableau 4 - Étude par lieu d’édition portant sur 466 titres de la bibliothèque de Chenavard

Lieu d’édition Nombre de titres %

Paris 234 50,21

Lyon 105 22,53

Rome 26 5,57

France (hors Paris et Lyon) 31 6,65

Italie (hors Rome) 15 3,21

Flandres et Pays-Bas 22 4,72

Londres 5 1,07

Allemagne 5 1,07

Divers 9 1,93

Lieu d’édition multiple 2 0,42

s.l. et non renseigné 12 2,57

Total 466 99,95

Tableau 5 – Composition du médaillier de Chenavard

Nombre d’unités %

Antiquité 378* 59,99

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XVIe-XVIIe siècles 4 0,64

XVIIIe-XIXe siècles 241 38,25

Médaillons contemporains 2 0,32

Époque inconnue 5 0,79

Total 630 99,99

* dont 292 (Empire romain), 67 (Grande Grèce), 3 (Moyen-Orient) et 16 empreintes de camées antiques.

NOTES

1. . Jean-Michel Leniaud et Béatrice Bouvier (sous la direction de), Le Livre d’architecture XVe-XXe siècle. Édition, représentations et bibliothèques, Journées internationales d’études, 8-9 novembre 2001, Collège de France / ministère de la culture et de la communication, Paris, École des chartes, 2002, 335 p. et sous la direction des mêmes auteurs, Les Périodiques d’architecture XVIIIe-XXe siècle. Recherche d’une méthode critique d’analyse, journée d’étude du 2 juin 2000, Collège de France / ministère de la culture et de la communication, Paris, École des chartes, 2001, 326 p. 2. 2. Marie-Agnès Gilot, « Le catalogue de vente de la bibliothèque d’Augustin-Nicolas Caristie », dans Olga Medvekova (dir.), Bibliothèques d’architecture. Questions de sources et de méthodes, Paris, INHA, Éditions Alain Baudry [à paraître en 2008]. 3. . Jean-Michel Leniaud, Jean-Baptiste Lassus (1807-1857) ou le temps retrouvé des cathédrales, Paris, arts et métiers graphiques, 1980, 296 p. 4. . Laurent Baridon, L’Imaginaire scientifique de Viollet-le-Duc, Paris, L’Harmattan, 1996, 293 p. 5. . Voir à ce sujet Marc Saboya, Presse et architecture au XIXe siècle. César Daly et la revue générale de l’architecture et des travaux publics, Paris, Picard, 1991, 335 p. ou encore Béatrice Bouvier, L’Édition d’architecture au XIXe siècle à Paris : la presse architecturale et les maisons Bance et Morel, Genève, Droz, 2002, 608 p.-58 pl. 6. . Les principales sources biographiques sur A.-M. Chenavard sont les suivantes : Marius Audin et Eugène Vial, Dictionnaire des artistes et ouvriers d'art du Lyonnais, Paris, bibliothèque d'art et d'archéologie, 1918, t. I, p. 180-181 ; Adolphe Coquet, « Notice historique sur la vie et les œuvres d’Antoine-Marie Chenavard architecte […] », Annales de la société académique d'architecture de Lyon, t. VIII, [1883-1886], 1887, p. 1-17 ; Gaga Elpiniki, Voyage en Grèce et dans le Levant d’Antoine-Marie Chenavard, DEA, histoire de l’art, université Lumière Lyon 2, 1993, 1 vol.; Élisabeth Hardouin- Fugier, « Le Recueil des lettres de A.-M. Chenavard, architecte (1787-1883) à la bibliothèque municipale de Lyon », Gazette des Beaux-Arts, février 1985, p. 61-74 et du même auteur, « Ingres et Antoine-Marie Chenavard, architecte (1787-1883) », Bulletin du musée Ingres, Montauban, n° 49, décembre 1982, p. 59-69 ; Jean-Claude Mossière, Lyon et l'hellénisme dans la première moitié du XIXe siècle, thèse de doctorat, université Lumière Lyon 2, 1995, 2 vol. ; Bruno Mottin, Les Monuments funéraires d’Antoine-Marie Chenavard 1787-1883, maîtrise, histoire de l’art, université Lumière Lyon 2, 1981, 2 vol.; J. Roidot, « Étude sur les œuvres et les travaux de M. Chenavard, architecte lyonnais », Revue du Lyonnais, 2e série, t. XXIV, 1862, p. 396-437 ; Clair Tisseur, Antoine Chenavard, Lyon, Georg, 1887, 38 p. 7. . Philippe Dufieux, Le Mythe de la primatie des Gaules. Pierre Bossan (1814-1888) et l’architecture religieuse en Lyonnais au XIXe siècle, Presses universitaires de Lyon, 2004, 311 p.

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8. . Clair Tisseur, « Antoine Chenavard », discours de réception à l’académie des sciences, belles- lettres et arts de Lyon, 21 juin 1887, Lyon, Henri Georg, 1887, p. 1. 9. . Catalogue des bibliothèques de feu M. A.-M. Chenavard de feu M. Rivière architecte et de M. Vaganay, antiquaire à Lyon, plus le médailler de M. Chenavard, Lyon, vente aux enchères publiques, hôtel des ventes, 20 mai 1890, Lyon, librairie Louis Brun, 1890, 120 p., p. 1-68 et p. 117-120. 10. . Arch. dép. Rhône, 3E non coté, archives de maître Mestrallet, testament d’A.-M. Chenavard, 17 février 1882. Pièce aimablement communiquée par Anne-Marie Delattre. 11. . Bibl. mun. Lyon, SJ AK 450/32, Architecture ou Art de bien bâtir, mis de latin en Françoys par Ian Martin, secrétaire de Monseigneur le cardinal de Lenoncourt, Paris, Jacques Gazeau, 1547, 156-44 p. 12. . Deux autres titres ont été retrouvés dans le fonds Chomarat de la bibliothèque municipale de Lyon, il s’agit de la Dissertation sur l’emplacement du Temple d’Auguste au confluent du Rhône et de la Saône de Martin-Daussigny parue chez Boitel en 1848 (Chomarat 4278) et du même auteur, sa Notice sur la découverte des restes de l’Autel d’Auguste à Lyon publiée chez Vingtrinier en 1863 (Chomarat 4279). L’auteur remercie Michel Chomarat d’avoir attiré son attention sur ces références. 13. . Tableau 1 - Composition de la bibliothèque de Chenavard d’après le catalogue de la vente de 1890. 14. . Bibliothèque nationale de France, BN-OPALE PLUS (http:/www.bnf.fr). 15. . Bibl. mun. Lyon, Ms 6189. 16. . Bibl. mun. Lyon, Ms PA 327. 17. . Lyon antique restauré d’après les recherches et documents de F. M. Artaud, [illustré par] Antoine- Marie Chenavard, Lyon, Boitel, 1850, 21 p., 5 pl. 18. . François Artaud, Discours sur les médailles d’Auguste et de Tibère, au revers de l’autel de Lyon, suivi d’un mémoire sur les recherches d’une statue équestre, faites dans le mois de novembre 1809, vers l’emplacement de l’ancien temple d’Auguste, Lyon, Lambert Gentot, 1818, 39-8 p. 19. Lyon souterrain ou observations archéologiques et géologiques faites dans cette ville depuis 1794 jusqu’en 1836 par Joseph-François Artaud, Lyon, 1846, 259 p. 20. . Antoine Chenavard, Sur le goût dans les arts, discours prononcé à l’académie royale de Lyon le 14 juillet 1831, Lyon, 1831, 24 p. 21. . Relation du voyage fait en 1843-1844 en Grèce et dans le Levant par A.-M. Chenavard, architecte et E. Rey et J.-M. Dalgabio, Lyon, Boitel, 1846, 173 p. 22. . Description de la Grèce de Pausanias, tard. par Clavier, avec texte en grec en regard, Paris, 1814, 6 vol. 23. . À ces ouvrages, s’ajoute encore un dessin original de la clef de l’arc de Titus à Rome et deux dessins relatifs à la frise du « frontispice de Néron » à Rome (temple de Sérapis). 24. . Antoine Chenavard, Sur le goût dans les arts, op. cit., p. 15. 25. . Jean-Michel Leniaud, « Du néo-classique au béton », dans Ces églises du dix-neuvième siècle (en collaboration), Amiens, Encrage, 1993, p. 46. 26. . Antoine-Marie Chenavard, Théâtres antiques. Leur grandeur comparée, Lyon, Mougin-Rusand, 1880, 6 p., 1 pl. 27. . Ibid., p. 4. 28. . Antoine-Marie Chenavard, Compositions historiques. Esquisses : sujets grecs et romains dessinés, gravé par Dubouchet et Séon, Lyon, Perrin, 1862, XL pl. 29. . Relation du voyage fait en 1843-1844 en Grèce et dans le Levant, par Antoine-Marie Chenavard et Étienne Rey, illustré par J.-M. Dalgabio, Lyon, Léonard Boitel, 1846, 173 p. 30. . Voyage en Grèce et dans le Levant : 1843-1844, par Antoine-Marie Chenavard, Étienne Rey et J.-M. Dalgabio, gravé par Jean-François Dubouchet et Antoine Louvier, Lyon, Léonard Boitel, 1849, 372 p., 12 pl., 1 carte h. t.

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31. . Voyage en Grèce et dans le Levant en MDCCCXLIII et MDCCCXLIV, par Antoine-Marie Chenavard, illustré par l’auteur et Perres, Jean-François Dubouchet, Dechaud, Ruissel, Couchaud, Étienne Rey, Musson, Fugère, J. Séon, Lyon, Louis Perrin, 1858, 25 p., 79 pl. 32. . Lyon antique restauré d’après les recherches et documents de F. M. Artaud, op. cit., p. 6. 33. . Antoine-Marie Chenavard, Tombeaux, Lyon, 1851, 2 vol. 34. . Vue d’Italie, de Sicile et d’Istrie, Lyon, Louis Perrin, 1861, XII pl. 35. . Supplément aux compositions historiques. Les Poètes, esquisses, par A.-M. Chenavard, Lyon, Louis Perrin, 1863, 20 ff. et pl. 36. . Sujets tirés des poèmes d’Ossian, gravé par Dubouchet et Séon, Lyon, Louis Perrin, 1868, 10 p. 37. . Antoine-Marie Chenavard, Les Poètes, gravé par Dubouchet et Séon, Lyon, Perrin, 1874, 17 pl. 38. . Recueil des compositions exécutées ou projetées sur les dessins de A.-M. Chenavard, architecte, Lyon, L. Perrin, 1860, 26 p., 54 pl.

RÉSUMÉS

À l’exception notable de la bibliothèque d’Augustin-Nicolas Caristie, de Jean-Baptiste Lassus et de celle de Viollet-le-Duc, la connaissance des bibliothèques d’architectes demeure encore largement lacunaire pour le XIXe siècle, alors que celles-ci apportent des éléments majeurs à la compréhension d’une personnalité, autant peut-être que l’étude de son œuvre construit comme en témoigne en particulier l’étude du catalogue de la vente de la bibliothèque de l’architecte Antoine-Marie Chenavard. Fervent zélateur du néo-classicisme dans la région lyonnaise, figure majeure du gothique troubadour en France, Chenavard s’est également fait connaître par ses nombreuses publications. Dans quelle mesure sa bibliothèque reflète-t-elle l’évolution de ses goûts, de sa carrière professionnelle ? Quelles relations s’établissent entre ses lectures, son œuvre construit tout autant que son œuvre littéraire ? Ces dernières questions invitent à apprécier l’homme et l’œuvre à travers le domaine du livre, objet de savantes spéculations poétiques et intellectuelles.

Apart from the remarkable collections of Augustin-Nicolas Caristie, of Jean-Baptiste Lassus and of Viollet-le-Duc, the architects’ libraries remain widely unknown as for the nineteenth century. Though, they give major facts and help understanding one personality, probably as much as the study of buildings does. So does the study of the catalogue on the architect Antoine-Marie Chenavard’s collection of books. Chenavard is well-known as an ardent champion of Neo- Classicism in the area of Lyon, as a great figure of the “troubadour” Gothic style, but also by numerous publications. How far does his library reflect the changing tastes, the evolution of his professional career? What kind of relationships between his readings and his architectural as literary works? To ask these last questions means to reconsider the man and his works through the theme of book, as an object of scholar speculations of a poetical and an intellectual kind.

Das Wissen über die Architektenbibliotheken im 19.Jahrhundert bleibt noch weitgehend lückenhaft, mit aufsehenerrengender Ausnahme derer von Augustin Nicolas Caristie, Jean- Baptiste Lassus und Viollet-le-Duc. Sie erweisen sich doch als eine vielleicht ebenso bedeutsame Quellenart zum Verständnis einer Persönlichkeit wie die Studie des gebauten Werkes. Ein überzeugendes Beispiel dafür bietet der Einblick in den Verkaufskatalog der Bibliothek des Architekten Antoine-Marie Chenavard (1787-1883). Eifriger Anhänger des Neoklassizismus in der

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Lyoner Gegend und Hauptvertreter des gotischen Troubadourstils wurde Chenavard auch durch mehrere Publikationen bekannt. Inwiefern spiegelt seine Bibliothek die Entwicklung seines Geschmacks oder seiner Laufbahn wider ? Welche Zusammenhänge bestehen zwischen seinen Lektüren, seinem gebauten Werk und seinen Schriften ? So bieten solche gelehrten poetischen und intellektuellen Betrachtungen über die Bücher Anlass, Mann und Werk genauer einzuschätzen.

AUTEUR

PHILIPPE DUFIEUX Philippe Dufieux est docteur de l’École pratique des hautes études (section des sciences historiques et philologiques), diplômé d’histoire, d’histoire de l’art et de sciences politiques. Il a été directeur de projets au sein de la direction de l’aménagement urbain de la Ville de Lyon. Depuis 2003, il est chargé de mission auprès du conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement du Rhône. Vice-président de la Société historique, archéologique et littéraire de Lyon, Philippe Dufieux a été chargé de cours à l’université Lyon 2. Il s’est illustré par de nombreux travaux sur l’art à Lyon aux XIXe et XXe siècles, dont Le Mythe de la primatie des Gaules. Pierre Bossan (1815-1888) et l’architecture religieuse en Lyonnais au XIXe siècle aux Presses universitaires de Lyon (2004), Le Rêve de la maison. Cités-jardins, lotissements et habitat durable dans le Rhône (en collaboration), paru aux Éditions du CAUE du Rhône (2007) et Sculpteurs et architectes à Lyon (1910-1960) de Tony Garnier à Louis Bertola aux Éditions Mémoire active (2007). Il a participé à de nombreux colloques internationaux dont Lyon-Genève-Paris (2002), Henri Focillon (2004), Les Orientalismes en architecture (2006), Villes et religions dans l’Europe moderne et contemporaine (2006), La Colline de Chaillot et ses palais (2006) et Le Livre et l’architecte (2008). Il prépare actuellement une étude sur les élèves de Tony Garnier et l’École régionale d’architecture de Lyon ainsi qu’une monographie sur l’architecte Antoine-Marie Chenavard (1797-1883). Adresse électronique : [email protected]

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Statistique des cathédrales classées (1838 - 2008) A statistic on listed cathedrals: 1838-2008 Statistik über die Eintragung der Kathedralen in die Liste der Schutzdenkmäler Frankreichs zwischen 1838 und 2008

Julien Lacaze

1 Nous nous intéressons dans ces statistiques aux cathédrales classées parmi les monuments historiques qui appartiennent ou ont appartenu à l’État. Elles ont été quatre-vingt-huit et sont aujourd’hui quatre-vingt-six à la suite du transfert des cathédrales d’Annecy et d’Ajaccio à la commune et à la collectivité territoriale de Corse.

La procédure de classement

2 Les classements étaient, à l’origine, décidés par la commission des monuments historiques. Ils avaient lieu au moment de l’élaboration ou de la révision de « listes » spécifiques. Un classement pouvait aussi intervenir isolément, sur rapport d’un membre de la Commission. Dans ce cas, les recueils de monuments n’avaient qu’une valeur récapitulative.

3 Les listes n’étaient pas ratifiées par le ministre. Elles étaient ainsi présentées au parlement sous la propre responsabilité de la Commission1. Cependant, à diverses époques (de septembre 1839 à octobre 1848 et après décembre 1860)2, le ministre présidait formellement la commission des monuments historiques ce qui suffisait à lui faire endosser la responsabilité des classements. Rien ne l’empêchait, au demeurant, de prendre lui-même une protection par arrêté3.

4 La subvention d’un monument non protégé équivalait, en outre, à un classement qui désignait, à l’origine, les édifices dignes des crédits du ministère. La date de protection est alors plus celle de la ratification obligatoire de la subvention par le ministre que celle de son chiffrage en Commission.

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5 Les classements étaient, enfin, en principe, portés à la connaissance des préfets accompagnés de circulaires qui précisaient leur régime. Ces documents étaient finalement transcrits par eux au recueil des actes administratifs du département dont les communes étaient destinataires.

Un classement progressif

6 Aucune subvention des Monuments historiques ne pouvait être accordée aux édifices diocésains, un budget spécial leur étant ouvert au ministère des cultes4. Contrairement aux églises, qui dépendaient des communes, les cathédrales échappaient également à la tutelle des Monuments historiques résultant de la subordination des collectivités locales à l’État. L’avertissement suivant figurait ainsi à la suite de la première liste imprimée en 1838 : « On s’étonnera peut-être de ne pas voir figurer dans cette liste la plupart de nos cathédrales que leurs nobles proportions et leur architecture placent cependant parmi les monuments du premier ordre ; mais il faut se rappeler que, depuis plusieurs années, l’entretien de ces édifices appartenant au ministère des cultes, la Commission n’avait point à s’en occuper5. »

7 Ce paragraphe sera repris, en substance, en tête du recueil de 1840 : « La commission n’a point porté [sur la liste] les cathédrales et autres édifices diocésains, qui, pour la plupart cependant, se distinguent par la noblesse de leur architecture. Par une bizarrerie qu’on a peine à s’expliquer, et qui souvent a excité de vives réclamations, l’entretien de ces édifices appartient à un autre département6. »

8 La puissance du ministère des cultes empêchant tout changement dans la tutelle des édifices diocésains, leur protection nécessitait un assouplissement du régime des classements. Celui-ci interviendra en 1841. Sujet sensible, cette protection sera affirmée par une circulaire ministérielle du 1er octobre 1841 créant des listes provisoires. Mais les principales cathédrales sont finalement intégrées à une « liste des monuments historiques » publiée en 1843.

9 Les nouveaux classements, très majoritairement proposés par les correspondants du ministère et par les préfets, ont été rapidement critiqués7. En effet, ils étaient rarement accompagnés des pièces graphiques permettant à la Commission de les valider. En l’attente de justificatifs, ces monuments ont été classés « provisoirement »8. La liste ayant été révisée en 18539, la protection de près de la moitié d’entre eux sera finalement confirmée. C’est le cas de la grande majorité des cathédrales. Au demeurant, leur classement était peu contestable car décidé par la Commission elle-même sans recours aux administrations déconcentrées10.

10 À partir de la loi du 30 mars 1887 sur les monuments historiques, les classements ne peuvent résulter que d’un arrêté du ministre ou d’un décret pris en Conseil d’État11. Sauf exception, les listes n’ont alors qu’une valeur récapitulative. Nous indiquons ainsi systématiquement dans le tableau la date de l’acte de classement. Ceux pris après 1905, qui forment la seconde vague de protection, permettaient de continuer, au titre des monuments historiques, des crédits accordés par les Cultes avant la séparation des Églises et de l’État.

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Un classement en trompe-l’œil

11 Le régime du classement des édifices diocésains doit être rappelé12. À l’origine, seuls les édifices soumis à la tutelle du ministre en charge des monuments historiques, et donc potentiellement destinataires de ses subventions, étaient classés. Les listes de 1838 et de 1840 intéressent ainsi des édifices « pour lesquels des secours ont été demandées ». Les monuments des collectivités subordonnées à l’État (communes, départements, établissements publics) étaient donc, en principe, seuls protégés13. Les églises, dont la propriété communale est affirmée en 180914, étaient les premières concernées. Les cathédrales, sorties du giron des départements en 181715 pour rejoindre, dans celui de l’État, un ministère chargé des cultes, échappaient en revanche à ce système.

12 Les édifices diocésains figureront sur les listes après qu’une circulaire du 19 février 1841 eut posé que « le classement sur la liste de la commission constate seulement qu’un édifice est intéressant par son architecture ». Le lien – déjà distendu – entre classement et subventions pouvait alors être totalement rompu et un monument non » subventionnable » prétendre au classement. Une circulaire ministérielle du 1er octobre 1841 range ainsi, « pour mémoire », les cathédrales sur des listes provisoires de monuments classés. Celles-ci préfigurent la « liste des monuments historiques » de 1843 où les édifices diocésains apparaissent pour la première fois : « Ce catalogue a pour but de signaler à l’intérêt des administrations locales et de tous les amis des arts les monuments les plus remarquables du pays ; c’est pourquoi l’on y voit figurer des cathédrales et même quelques édifices appartenant à des particuliers16. »

13 Le classement acquiert ainsi une double portée : il est purement indicatif pour les édifices échappant à la tutelle des Monuments historiques (immeubles privés ou affectés à d’autres administrations d’État), mais demeure contraignant et subventionné pour ceux qui lui sont soumis. La loi du 30 mars 1887 sur les monuments historiques mettra fin à cette hétérogénéité de régime. Les cathédrales échappèrent pourtant toujours aux Monuments historiques car le service des travaux diocésains maintint ses prérogatives au ministère des cultes. La pratique allait alors à l’encontre de la loi. Ce service était, il est vrai, largement composé de fonctionnaires de l’administration des monuments historiques... C’est seulement après la séparation des Églises et de l’État, qui permit l’affectation des cathédrales aux Beaux-arts17, que les classements de 1843 devinrent contraignants. Mais les Monuments historiques tiraient alors plus leur pouvoir de leur qualité d’affectataire que de la loi de 1887 ou, plus tard, de celle de 1913. Les cathédrales ont donc, paradoxalement, toujours été réfractaires au droit du patrimoine.

14 Des enseignements en termes d’histoire du goût ou de politique des classements pourraient être tirés de ce travail que l’on rapprochera notamment de l’ouvrage systématique publié à partir de 1905 par la commission des monuments historiques et intitulé Les Cathédrales de la France18.

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ANNEXES

Liste Liste Nom des Liste du 10 Liste Liste Liste du Base cathédrales, Liste Liste Liste du 31 Liste Liste janv. 1933 Actes portant Liste du 24 18 Mérimée ville et de de mars avec date de classement de de de de de janv. avril département de 1843 1887 classement avec date de 1838 1840 1853 1862 1875 1889 1900 1910 1914 de situation (J.O.) classement (J.O.) (J.O.)

Église Église F0 CE Église F0 Cathédrale Saint- F0 F0 CE CE CE Saint- F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint Caprais Ca- Saint-Ca- D0 CE CE CE CE CE PA00084035 Ca- p. 57 d’Agen (Lot-et- prais prais p. p. prais p. 36 p. 115 p. 30 p. 42 p. 44 p. 50 (listes 1862 Garonne) p. 6 1529 3587 (02/01/1907) p. 26 et 1914) (1) p. 62

F0 F0 Cathédrale F0 CE CE CE F0 d’Aire-sur- Arrêté du 9 D0 p. p. 53 PA00083917 l’Adour août 1906 p. 44 (Landes) 3585 (09/08/1906) (09/08/1906)

Église Église F0 CE Saint- Église F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE Saint- F0 F0 F0 F0 F0 F0 Sau- Saint- D0 CE CE CE CE CE Saint Sauveur Sau- PA00080981 veur Sau-veur p. p. p. 35 d’Aix (Bouches- veur p. 9 p. 102 p. 21 p. 31 p. 33 p. 12 1526 3578 (listes 1840 du-Rhône) p. 4 p. 17 (liste 1840) p. 40 et 1914) (1)

F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 Arrêté du 30 D0 d’Ajaccio p. 41 PA00099058 octobre 1906 p. (Corse) (6) p. 22 3581 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 CE F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00095453 Sainte Cécile p. p. p. 81 d’Albi (Tarn) p. 81 p. 65 p. 128 p. 39 p. 53 p. 56 p. 86 (listes 1862 1532 3594 (liste 1862) et 1914)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Notre-Dame D0 CE CE CE CE CE CE PA00116046 p. 80 d’Amiens p. p. p. 80 p. 64 p. 128 p. 39 p. 53 p. 56 p. 85 (listes 1862 (Somme) 1531 3594 (liste 1862) et 1914)

Livraisons de l'histoire de l'architecture, 15 | 2008 117

F0 Cathédrale CE F0 F0 F0 CE CE CE Saint-Maurice F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE PA00108866 d’Angers p. p. p. 57 (Maine-et- p. 37 p. 115 p. 30 p. 42 p. 44 p. 51 (listes 1862 1529 3587 (liste 1862) Loire) et 1914)

F0 CE F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 (2) église F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint-Pierre D0 CE CE CE CE CE CE PA00104203 Saint- p. 38 d’Angoulême p. p. p. 18 Pierre p. 12 p. 104 p. 22 p. 33 p. 34 p. 16 (listes 1840 (Charente) 1526 3579 (liste 1840) et 1914) p. 42

F0 F0 Cathédrale F0 CE CE CE F0 d’Annecy Arrêté du 30 D0 p. 74 PA00118342 p. (Haute-Savoie) octobre 1906 p. 73 (5) 3592 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 Arrêté du 30 D0 d’ (Pas- p. 67 PA00107964 octobre 1906 p. de-Calais) p. 65 3590 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 F0 F0 F0 F0 AF A3 A3 A3 A3

F0 CE F0 p. 110 p. 26 p.1528 p. 38 p. 39 F0 CE CE Cathédrale F0 F0 F0 Arrêté du 30 D0 CE D0 PA00094702 Sainte-Marie ver- ver- ver- ver- ver- p. 49 octobre 1906 p. d’Auch (Gers) p. 51 p. 25 rières rières rières rières rières p. 35 (liste 1862 et 3583 (liste 1862) et et et et et 30/10/1906) chœur chœur chœur chœur chœur

F0 Cathédrale CE F0 F0 F0 CE CE CE Saint-Lazare F0 (2) F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00113073 d’Autun p. p. p. 72 (Saône-et- p. 31 p. 75 p. 123 p. 35 p. 48 p. 50 p. 71 (listes 1840 1530 3591 (liste 1840) Loire) et 1914)

Eglise F0 Cathédrale CE F0 F0 F0 CE Notre- CE CE Notre-Dame- F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE Dame les PA00081814 les-Doms p. p. p. 82 d’Avignon Doms p. 82 p. 66 p. 129 p. 40 p. 54 p. 56 p. 88 (listes 1840 1532 3595 (liste 1840) (Vaucluse) p. 34 et 1914)

F0 D0 Cathédrale Notre-Dame de Arrêté du 17 PA00105849

Basse-Terre juin 1975 (17/06/1975 (Guadeloupe) 19/05/2006)

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F0 CE Cathédrale F0 F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Notre-Dame de D0 CE CE CE CE CE CE PA00111042 p. p. p. 36 Bayeux p. 41 p. 11 p. 103 p. 21 p. 32 p. 33 p. 13 (listes 1862 1526 3579 (liste 1862) (Calvados) et 1914)

F0 Cathédrale CE F0 F0 F0 CE CE CE Notre-Dame de F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE PA00084329 Bayonne p. p. p. 69 (Basses- p. 50 p. 121 p. 34 p. 47 p. 50 p. 68 (listes 1862 1530 3590 (liste 1862) Pyrénées) et 1914)

F0 CE Église F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint- D0 CE CE CE CE CE CE PA00114502 Saint-Pierre de Pierre p. p. p. 66 Beauvais (Oise) p. 69 p. 47 p. 119 p. 33 p. 45 p. 48 p. 62 (listes 1840 1530 3589 (liste 1840) p. 29 et 1914)

F0 F0 F0 CE CE CE F0 F0 D0 D0 Cathédrale de F0 AF p. p. 29 PA00116300 Belley (Ain) p. 35 p. 1 3576 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 Cathédrale CE F0 F0 F0 CE CE CE Saint-Jean et F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00101462 Saint - Etienne p. p. p. 44 de Besançon p. 47 p. 19 p. 107 p. 25 p. 35 p. 37 p. 27 (liste 1875 et 1527 3582 (liste 1875) (Doubs) 1914)

F0 F0 Cathédrale F0 CE CE CE F0 F0 D0 D0 Saint-Louis de Arrêté du 9 F0 AF p. p. 54 PA00098336 Blois (Loir-et- août 1906 p. 58 p. 47 Cher) 3585 (09/08/1906) (09/08/1906)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint-André de D0 CE CE CE CE CE CE PA00083160 p. 49 Bordeaux p. p. p. 51 p. 26 p. 110 p. 27 p. 38 p. 40 p. 35 (listes 1862 (Gironde) 1528 3583 (liste 1862) et 1914)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint-Étienne D0 CE CE CE CE CE CE PA00096656 p. 40 de Bourges p. p. p. 44 p. 14 p. 104 p. 23 p. 33 p. 35 p. 19 (listes 1862 (Cher) 1526 3580 (liste 1862) et 1914)

F0 CE F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00094997 Saint-Étienne p. p. p. 56 de Cahors (Lot) p. 61 p. 35 p. 114 p. 30 p. 42 p. 44 p. 49 (listes 1862 1529 3586 (liste 1862) et 1914)

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F0 F0 F0 CE CE CE F0 Cathédrale de Arrêté du 9 D0 p. p. 65 PA00107395 Cambrai (Nord) août 1906 p. 61 3589 (09/08/1906) (09/08/1906)

Cathédrale F0 F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 Saint-Michel de Arrêté du 12 D0 CE CE Carcassonne p. p. 34 PA00102584 juillet 1886 p. 31 p. 32 p. 10 3578 (Aude) (12/07/1886) (12/07/1886)

F0 CE Église F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint-Étienne Saint- D0 CE CE CE CE CE PA00078610 p. 59 de Châlons Etienne p. p. p. 40 p. 116 p. 31 p. 43 p. 45 p. 54 (listes 1862 (Marne) 1529 3587 (liste 1862) p. 65 et 1914)

F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale de F0 Arrêté du 9 D0 Chambéry p. 74 PA00118223 août 1906 p. (Savoie) p. 73 3592 (09/08/1906) (09/08/1906)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Notre-Dame de D0 CE CE CE CE CE CE PA00096993 p. 46 Chartres (Eure- p. p. p. 49 p. 22 p. 108 p. 26 p. 36 p. 38 p. 30 (listes 1862 et-Loir) 1527 3582 (liste 1840) et 1914)

F0 Cathédrale CE F0 F0 F0 CE CE CE Notre-Dame de F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00091979 Clermont- p. p. p. 68 Ferrant (Puy De p. 71 p. 49 p. 121 p. 34 p. 47 p. 49 p. 66 (listes 1862 1530 3590 (liste 1862) Dôme) et 1914)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Notre Dame de D0 CE CE CE CE CE CE PA00110375 p. 58 Coutances p. p. p. 64 p. 39 p. 116. p. 31 p. 43 p. 45 p. 53 (listes 1862 (Manche) 1529 3587 (liste 1862) et 1914)

F0 F0 Cathédrale F0 CE CE CE F0 Saint-Jérôme de Arrêté du 30 D0 p. p. 32 PA00080378 Digne (Basses- octobre 1906 p. 4 Alpes) 3577 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 CE F0 CE Cathédrale F0 F0 CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 PA00112253 Saint-Bénigne D0 CE CE CE CE CE p. 41

de Dijon. (Côte p. p. (listes 1846, p. 16 p. 105 p. 24 p. 34 p. 36 p. 22 (liste 1840 et D’or) 1527 3581 1862 et 1862) 1914)

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F0 CE F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE PA00099400 Notre-Dame p. p. p. 45 d’Évreux (Eure) p. 21 p. 107 p. 25 p. 36 p. 38 p. 29 (listes 1862 1527 3582 (liste 1862) et 1914)

F0 CE Église F0 F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 Cathédrale de de D0 CE CE CE CE CE PA00081606 p. 82 Fréjus (Var) Fréjus p. p. p. 66 p. 129 p. 39 p. 53 p. 56 p. 88 (listes 1862 1532 3595 (liste 1862) p. 81 et 1914)

F0 F0 F0 CE CE Église CE Cathédrale de F0 Arrêté du 9 D0 Gap (Hautes- de Gap p. 32 PA00080566 août 1906 p. Alpes) p. 5 p. 37 3577 (09/08/1906) (09/08/1906)

F0 CE F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00117178 Notre-Dame de p. p. p. 53 Grenoble (Isère) p. 58 p. 31 p. 112 p. 28 p. 40 p. 42 p. 42 (listes 1862 1528 3585 (liste 1862) et 1914)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint-Mammès D0 CE CE CE CE CE CE PA00079088 p. 60 à Langres p. p. p. 65 p. 41 p. 117 p. 32 p. 44 p. 46 p. 56 (listes 1862 (Haute-Marne) 1529 3588 (liste 1862) et 1914)

F0 F0 Cathédrale de F0 CE CE CE F0 La Rochelle Arrêté du 30 D0 p. p. 39 PA00104876 (Charente- octobre 1906 p. 18 Inférieure) 3580 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 CE Église F0 Cathédrale de F0 CE CE Église de F0 F0 F0 la Trinité de de la D0 CE CE PA00109523 la Trinité p. 61 Laval Trinité p. p. 44 p. 46 p. 57 (listes 1840 (Mayenne) p. 28 3588 (liste 1840) p. 66 et 1914)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint-Étienne D0 CE CE CE CE CE PA00100333 p. 84 de Limoges p. p. p. 69 p. 130 p. 40 p. 55 p. 58 p. 92 (listes 1862 (Haute-Vienne) 1532 3596 (liste 1862) et 1914)

F0 F0 F0 CE CE CE F0 Cathédrale de Arrêté du 9 D0 p. p. 83 PA00110153 Luçon (Vendée) août 1906 p. 90 3595 (09/08/1906) (09/08/1906)

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F0 CE Église F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint- D0 CE CE CE CE CE PA00117785 Saint-Jean de Jean p. p. p. 84 Lyon (Rhône) p. 53 p. 123 p. 35 p. 48 p. 50 p. 70 (listes 1862 1530 3591 (liste 1869) p. 72 et 1914)

F0 CE F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00109800 Saint-Julien du p. p. p. 74 Mans (Sarthe) p. 75 p. 55 p. 124 p. 36 p. 49 p. 51 p. 72 (listes 1862 1530 3591 (liste 1862) et 1914)

Cathédrale de F0 F0 F0 CE CE CE F0 Marseille Arrêté du 9 D0 p. p. 36 PA00081326 (Bouches-du- août 1906 p. 13 3579 Rhône) (09/08/1906) (09/08/1906)

F0 Cathédrale CE Ancienne F0 F0 F0 CE CE CE Saint-Étienne F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 cathé. de D0 CE CE CE CE CE CE PA00087087 de Meaux Meaux p. p. p. 77 (Seine-et- p. 78 p. 60 p. 126 p. 37 p. 50 p. 53 p. 77 (listes 1840 1531 3593 (liste 1840) Marne) p. 32 et 1914)

F0 AF F0 F0 A3 A3 F0 CE Ancienne F0 Cathédrale de p. F0 CE CE F0 F0 F0 F0 p. 42 p. 44 F0 Notre-Dame et Arrêté du 9 cathé. de D0 CE CE CE 1529 D0 p. 57 PA00103856 Saint-Privat de août 1906 Mende clo- clo- p. p. 62 p. 37 p. 115 p. 30 clo- p. 51 (liste 1840 et Mende (Lozère) cher cher 3587 (09/08/1906) p. 26 cher (09/08/1906) N.O. N.O. N.O.

(4) F0 ] CE

F0 F0 F0 Cathédrale de Liste du 16 D0 CE CE p. 64 PA00106817 [ (3) Metz. (Moselle) février 1930 p. 68 p. 44 p. 118 (liste de (J.O. du 16/02/1930) 16/02/1930)

F0 F0 Cathédrale de F0 CE CE CE F0 Montauban Arrêté du 9 D0 p. p. 81 PA00095799 (Tarn-et- août 1906 p. 87 Garonne) 3595 (09/08/1906) (09/08/1906)

F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale de F0 F0 D0 D0 Arrêté du 9 F0 Montpellier AF p. 50 PA00103522 août 1906 p. (Hérault) p. 55 p. 39 3584 (09/08/1906) (09/08/1906)

F0 F0 F0 A3 A3 CE Cathédrale Église F0 F0 F0 CE D0 CE F0 F0 F0 Notre-Dame de Notre- p. 100 p. 19 CE CE CE PA00093188 Moulins Dame p. p. p. 31 vi- vi- p. 30 p. 30 p. 3 (listes 1875 1525 3577 (liste 1875) (Allier) p. 36 traux traux et 1914)

Livraisons de l'histoire de l'architecture, 15 | 2008 122

F0 F0 Cathédrale F0 CE CE D0 Saint-Pierre de Arrêté du 30 p. 74 PA00118283 Moutiers octobre 1906 p. (Savoie) 3592 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 F0 Cathédrale de F0 CE CE CE F0 Nancy Arrêté du 9 D0 p. p. 61 PA00106102 (Meurthe-et- août 1906 p. 58 Moselle) 3588 (09/08/1906) (09/08/1906)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint-Pierre de D0 CE CE CE CE CE CE PA00108654 p. 55 Nantes (Loire- p. p. p. 60 p. 34 p. 114 p. 29 p. 41 p. 43 p. 48 (listes 1862 Inférieure) 1528 3586 (liste 1862) et 1914)

F0 CE F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00112936 Saint-Cyr de p. p. p. 65 Nevers (Nièvre) p. 68 p. 45 p. 119 p. 33 p. 45 p. 47 p. 59 (listes 1862 1529 3589 (liste 1862) et 1914)

F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale de F0 Arrêté du 9 D0 Nice (Alpes- p. 32 PA00080779 août 1906 p. Maritimes) p. 5 3577 (09/08/1906) (09/08/1906)

F0 F0 F0 CE A3 A3 F0 Cathédrale F0 CE CE F0 Notre-Dame-et Arrêté du 9 p. 24 p. 26 D0 p. 48 PA00103092 Saint-Castor de août 1906 p. fa- fa- p. 33 (liste 1875 et Nîmes (Gard) 3583 (09/08/1906) çade çade 09/08/1906)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Sainte-Croix D0 CE CE CE CE CE CE PA00098836 p. 56 d’Orléans p. p. p. 61 p. 34 p. 114 p. 30 p. 41 p. 43 p. 48 (listes 1862 (Loiret) 1529 3586 (liste 1862) et 1914)

F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale de F0 Arrêté du 9 D0 Pamiers p. 33 PA00093896 août 1906 p. (Ariège) p. 7 3578 (09/08/1906) (09/08/1906)

F0 CE F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00086250 Notre-Dame de p. p. p. 75 Paris (Seine) p. 76 p. 55 p. 124 p. 36 p. 49 p. 52 p. 74 (listes 1862 1531 3592 (liste 1862) et 1914)

Livraisons de l'histoire de l'architecture, 15 | 2008 123

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint-Front de D0 CE CE CE CE CE CE PA00082725 p. 44 Périgueux p. p. p. 46 p. 19 p. 107 p. 24 p. 35 p. 37 p. 26 (listes 1840 (Dordogne) 1527 3582 (liste 1840) et 1914)

F0 F0 Cathédrale de F0 CE CE CE F0 Perpignan Arrêté du 9 D0 p. p. 69 PA00104067 (Pyrénées- août 1906 p. 69 Orientales) 3591 (09/08/1906) (09/08/1906)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 Saint-Pierre de D0 CE CE CE PA00105586 p. 84 Poitiers p. p. p. 40 p. 54 p. 57 p. 91 (listes 1875 (Vienne) 1532 3595 (liste 1875) et 1914)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Notre-Dame du D0 CE CE CE CE CE CE PA00092743 p. 55 Puy (Haute- p. p. p. 59 p. 33 p. 113 p. 29 p. 41 p. 42 p. 45 (listes 1862 Loire) 1528 3586 (liste 1862) et 1914)

F0 F0 CE CE Cathédrale F0 F0 CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint-Corentin D0 CE CE CE CE CE CE p. 75 PA00090326

de Quimper p. p. p. 49 p. 23 p. 109 p. 26 p. 37 p. 39 p. 32 (28/03/ (listes 1862 (Finistère) 1527 3583 1837) et 1914)

F0 CE F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00078776 Notre-Dame de p. p. p. 59 Reims (Marne) p. 65 p. 40 p. 116 p. 31 p. 43 p. 45 p. 55 (listes 1862 1529 3588 (liste 1862) et 1914)

F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale de F0 Arrêté du 30 D0 Rennes (Ille-et- p. 51 PA00090675 octobre 1906 p. Vilaine) p. 39 3584 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Notre-Dame de D0 CE CE CE CE CE CE PA00094108 p. 35 Rodez p. p. p. 39 p. 8 p. 102 p. 21 p. 31 p. 32 p. 11 (listes 1862 (Aveyron) 1526 3578 (liste 1875) et 1914)

F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Notre-Dame de D0 CE CE CE CE CE CE p. p. p. 79 Rouen (Seine- p. 77 p. 57 p. 125 p. 38 p. 52 p. 55 p. 82 Inférieure) 1531 3593 (liste 1862)

Livraisons de l'histoire de l'architecture, 15 | 2008 124

F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale de F0 Arrêté du 30 D0 Saint-Brieuc p. 43 PA00089582 octobre 1906 p. (Cotes-du-Nord) p. 24 3581 (20/10/1906) (30/10/1906)

F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale de F0 Arrêté du 30 D0 Saint-Claude p. 53 PA00102013 octobre 1906 p. (Jura) p. 43 3585 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 Cathédrale D0 Saint-Denis de Arrêté du 13 PA00105812 Saint-Denis (La octobre 1975 Réunion) (13/10/1975)

F0 F0 Cathédrale F0 F0 CE CE D0 CE F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE Saint-Dié de Arrêté du 12 F0 AF p. p. p. 85 PA00107275 Saint-Dié juillet 1886 p. 83 p. 55 p. 58 p. 93 (Vosges) 1532 3596 (12/07/1886) (12/07/1886)

F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale de F0 Arrêté du 30 D0 Saint-Flour p. 38 PA00093609 octobre 1906 p. (Cantal) p. 16 3579 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 F0 Cathédrale de F0 CE CE CE F0 Saint-Jean-de- Arrêté du 30 D0 p. p. 74 PA00118296 Maurienne octobre 1906 p. 73 (Savoie) 3592 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 CE F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00110943 Notre-Dame de p. p. p. 67 Séez (Orne) p. 70 p. 48 p. 120 p. 34 p. 46 p. 49 p. 64 (listes 1875 1530 3590 (liste 1875) et 1914)

F0 CE F0 F0 F0 CE Église de CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE Sens PA00113853 Saint-Étienne p. p. p. 86 de Sens (Yonne) p 84 p. 71 p. 131 p. 41 p. 55 p. 58 p. 95 (listes 1840 p. 36 1532 3596 (liste 1840) et 1914)

Église

Saint- F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE Gervais F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint-Gervais et D0 CE CE CE CE CE PA00115941 et p. 31 Saint-Protais de p. p. Saint- p. 2 p. 99 p. 19 p. 29 p. 29 p. 2 (listes 1862 Soissons (Aisne) 1525 3577 (liste 1840) Protais et 1914)

p. 36

Livraisons de l'histoire de l'architecture, 15 | 2008 125

F0 CE ] (4) Cathédrale de F0 F0 F0 Liste du 16 D0 CE CE PA00085015 Strasbourg [ (3) p. 70 février 1930 (Bas-Rhin) p. 73 p. 51 p. 122 (liste 1862 et (liste 1862) 16/02/1930)

F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale de F0 Arrêté du 30 D0 Tarbes (Hautes- p. 69 PA00095426 octobre 1906 p. Pyrénées) p. 69 3591 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 Cathédrale F0 F0 CE D0 D0 F0 F0 F0 CE CE CE Saint-Etienne F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE église église PA00094498 de Toulouse p. p. p. 49 (Haute- métro. métro. p. 109 p. 26 p. 37 p. 39 p. 34 (listes 1862 1528 3583 (liste 1862) Garonne) p. 51 p. 25 et 1914)

F0 CE F0 Cathédrale F0 F0 CE CE CE F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 Saint-Gatien de D0 CE CE CE CE CE CE PA00098135 p. 52 Tours (Indre-et- p. p. p. 57 p. 29 p. 111 p. 28 p. 40 p. 41 p. 41 (listes 1862 Loire) 1528 3585 (liste 1862) et 1914)

F0 CE F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00078250 Saint-Pierre de p. p. p. 34 Troyes (Aube) p. 38 p. 6 p. 101 p. 21 p. 31 p. 32 p. 9 (listes 1862 1526 3578 (liste 1862) et 1914)

F0 CE F0 F0 F0 CE CE CE Cathédrale F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00099912 Notre-Dame de p. p. p. 33 Tulle (Corrèze) p. 44 p. 15 p. 105 p. 23 p. 34 p. 35 p. 21 (listes 1862 1527 3580 (liste 1862) et 1914)

F0 Cathédrale CE F0 F0 F0 CE CE CE Saint- F0 F0 F0 F0 F0 F0 F0 D0 CE CE CE CE CE CE PA00117085 Apollinaire de p. p. p. 45 Valence p. 47 p. 20 p. 107 p. 25 p. 36 p. 37 p. 28 (listes 1862 1527 3582 (1869) (Drôme) et 1914)

F0 F0 Cathédrale F0 CE CE CE F0 Saint-Pierre de Arrêté du 30 D0 p. p. 64 PA00091772 Vannes octobre 1906 p. 59 (Morbihan) 3589 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 F0 F0 CE CE CE F0 Cathédrale de Arrêté du 30 D0 p. p. 62 PA00106656 Verdun (Meuse) octobre 1906 p. 58 3588 (30/10/1906) (30/10/1906)

Livraisons de l'histoire de l'architecture, 15 | 2008 126

F0 F0 Cathédrale F0 CE CE CE F0 Saint-Louis de Arrêté du 30 D0 p. p. 78 PA00087667 Versailles octobre 1906 p. 80 (Seine-et-Oise) 3594 (30/10/1906) (30/10/1906)

F0 F0 F0 F0 F0 AF A3 A3 A3 CE Cathédrale F0 Église F0 CE CE Église de F0 F0 Saint-Vincent Arrêté du 9 de D0 p. 100 p.1526 p. 30 p. 30 D0 p. 33 Viviers PA00116856 de Viviers août 1906 Viviers p. p. 5 clo- clo- clo- clo- p. 5 (liste 1840 et p. 16 p. 51 3577 (09/08/1906) (Ardèche) cher cher cher cher 09/08/1906)

Nouveaux classements : 0 2(2) 41 12 0 1 2 2 0 33 0 0 2

F0 D0

Déclas- sements : 00 0420100000 0

F0 AF

86(4) 87 STATISTIQUE : Classements cumulés : 0 2 43 51 49 48(3) 49 51 51 84 84 -1(5) -1

F0 F0 D0 + CE = 85 = 86

Origine des 33 protections en 0 2 35 11 0 1 2 2 0 -2(5)(6) 0 0 2 vigueur :

F0 0 % 2,3 % 40,7 % 12,8 % 0 % 1,2 % 2,3 % 2,3 % 0 % = 31 0 % 0 % 2,3 D0 la plus récente 36,1 %

Légende Les numéros de page reproduits sont ceux des recueils ou des Journaux officiels comprenant les listes. Les classements de meubles (tableaux, tapisseries…) ou d’immeubles par destination (retables, stalles, gisants...) ont été exclus : les classements d’immeubles par nature (édifices, parties d’édifices, vitraux…) sont seuls reproduits. La liste du 10 janvier 1933, puis la base « Mérimée » du ministère de la culture, attribuent une date aux classements qu’elles recensent. Ces indications sont reproduites telles quelles entre parenthèses.

F0 D0 Classement en totalité et sans ambiguïté de rédaction. Les cathédrales possiblement classées comme « église » sont mentionnées, mais n’ont pas été incluses dans la statistique.

F0 CE Reprise par une liste d’un classement antérieur.

F0 A3 Classement partiel non inclus dans la statistique.

F0 AF Déclassement total ou partiel. [ ] Suspension des effets du classement (pour les cathédrales de Metz et Strasbourg).

Livraisons de l'histoire de l'architecture, 15 | 2008 127

: Période de classement sans ambiguïté. Dans le cas contraire, les mentions du recueil sont reproduites sur fond blanc et non comptabilisées. En revanche, une case vide, mais colorée, indique une omission et non un déclassement. Les monuments entrent alors dans la statistique. Notes 1. Les cathédrales d’Agen et d’Aix sont peut-être désignées en tant qu’« églises ». Le commentaire de la liste de 1838 exclut cependant en principe expressément cette catégorie de monuments. 2. Ces classements sont aberrants car le préambule de la liste de 1840 précise que les cathédrales n’y « figurent pas, attendu que leur entretien est attribué au ministère des cultes ». 3. Après la perte de l’Alsace et de la Lorraine en 1871, les cathédrales de Strasbourg et de Metz disparaissent des listes. 4. Suite à la réintégration de l’Alsace et de la Lorraine en 1918, les cathédrales de Strasbourg et de Metz sont à nouveau comptabilisées. Leur classement est confirmé par une liste publiée au Journal officiel du 16 février 1930 (p. 1707-1709) prise en application d’une loi du 20 mars 1929 (Journal officiel du 22 mars 1929, p. 3338). 5. La cathédrale d’Annecy a été remise par l’État à la commune éponyme en 1915 (décision confirmée en 1988). Cette mesure n’affecte pas son classement. 6. La cathédrale d’Ajaccio a été remise par l’État à la collectivité territoriale de Corse en 2002. Cette mesure n’affecte pas son classement. Graphiques Cette courbe montre une succession d’états des classements arrêtés à la date de chaque liste. Celles-ci comprennent de nouvelles et d’anciennes protections mais déclassent certains monuments. Seules les cathédrales dépendant du domaine de l’État et situées en territoire français sont comptabilisées. Les chiffres sont ceux de l’avant-dernière ligne du tableau. Ceux concernant les nouveaux classements et les déclassements sont aux lignes qui précèdent. Ce graphique décrit l’origine des classements aujourd’hui en vigueur. Lorsqu’une cathédrale a été classée à deux reprises, après une période de déclassement, on ne tient compte que de la seconde protection. Seules les cathédrales dépendant actuellement du domaine de l’État sont comptabilisées. Les chiffres sont ceux de la dernière ligne du tableau.

NOTES

1. « La Commission des monuments historiques est dans l’usage d’exposer, à la fin de la session des chambres, […] une liste des édifices remarquables dont elle a reconnu l’antiquité et le mérite architectural […]. Elle a pensé que la forme d’un rapport adressé par elle à Votre Excellence, était la plus convenable pour ne pas donner à ses paroles un caractère officiel dont vous ne voudriez peut-être pas accepter la responsabilité ». Rapport du directeur des beaux-arts au ministre de l’intérieur en date du 28 mai 1840 portant la mention « approuvé » en marge. Médiathèque de l’arch. et du pat., 80/10/2.

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2. Organisations successives de la commission des monuments historiques : arrêté du ministre de l’intérieur du 29 septembre 1837 ; arrêté du ministre de l’intérieur de septembre 1839 ; arrêté du président du conseil des ministres du 29 octobre 1838, décret du président de la république du 16 janvier 1852 ; décret impérial du 15 décembre 1860 ; décret impérial du 6 août 1863 ; arrêté du ministre de l’instruction publique du 9 novembre 1871 ; décret du président de la république du 27 mars 1879, Médiathèque de l’arch. et du pat., 80/2/2. 3. La salle du jeu de paume à Versailles fut ainsi classée le 22 mars 1848 par Alexandre Ledru- Rollin, alors ministre de l’intérieur. Médiathèque de l’arch. et du pat., 4° DOC 456 bis MSS. 4. En juin 1837, le rapporteur de la commission des finances à la Chambre avait précisé que : « Les cathédrales conservées appartiennent à l’État, et qu’étant entretenues sur un crédit ouvert au ministère des cultes, elles ne doivent recevoir aucune allocation sur [le] chapitre [des monuments historiques] », Rapport fait au nom de la sous-commission chargée de l’examen du budget du ministère de l’intérieur pour l’exercice 1838 par le député Dumon, Le Moniteur universel, n° 157 du 6 juin 1837, IIe supplément, p. 1431. 5. Ministre de l’Intérieur / Commission des monuments historiques, rapport au ministre, Imprimerie royale, juin 1838, p. 8, Arch. nat., F21 1832 ; Bibl. nat. de France, 4Lc18-66. 6. Prosper Mérimée, Monuments Historiques / Rapport au ministère de l’Intérieur, Imprimerie royale, 1840, p. 8 et 13, Médiathèque de l’arch. et du pat., 4° 1483. 7. La Commission se reprocha d’avoir « admis sans contrôle les listes fournies par les correspondants », Procès-verbaux de la commission des monuments historiques, séance du 5 mai 1843, p. 413-414, Médiathèque de l’arch. et du pat., 80/15/4. Françoise Bercé, Les premiers travaux de la commission des monuments historiques, éd. Picard, 1979, p. 257 8. Un article intitulé « Les listes de monuments historiques ou la naissance des classements (1838-1887) », traitant notamment de cette question, est à paraître. 9. Liste des monuments historiques, Imprimerie impériale, août 1853, Arch. nat., F19 4537, doc. n° 241 et Médiathèque de l’arch. et du pat., 80/1/22 (dossier « projet de décret 1887 »). 10. Voir article précité. Si certaines cathédrales sont présentes dès la circulaire du 1 er octobre 1841, c’est-à-dire avant l’intervention des correspondants (celle de Tulle ou d’Avignon), elles apparaissent également au stade de la liste de 1843 sans figurer parmi leurs adjonctions (cathédrales de Metz et de Saint-Dié par exemple). 11. Article 2 de la loi du 30 mars 1887 pour la conservation des monuments et objets d’art ayant un intérêt historique et artistique, Journal officiel du 31 mars 1887, p. 1521. 12. Julien Lacaze, « La protection des cathédrales en tant que monuments historiques », Revue historique de droit français et étranger, Dalloz, octobre - décembre 2006, p. 569-612. 13. Sur ces questions, voir Julien Lacaze, Validité et opposabilité des classements au titre des monuments historiques. La protection juridique du Domaine de Versailles de l’origine à nos jours, thèse droit, université Paris X, 2 juillet 2004, 1re partie. 14. Décret du 30 décembre 1809 concernant les fabriques, Bulletin des lois, IVe série, bull. n° 303, n° 5777, p. 69- 92. 15. Article 52 de la loi sur les finances du 25 mars 1817, Bulletin des lois, VIIe série, bull. n° 145, n° 1879, p. 217-271. Nous nous attribuons, à tort, la découverte de cette date dans l’article cité plus haut. Voir ainsi Jean-Michel Leniaud, « La cathédrale dans la France du XIXe siècle : monument concordataire », 2003, article reproduit dans La révolution des signes, éd. du cerf, 2007, p. 136. 16. Prosper Mérimée, Rapport au ministère de l’Intérieur approuvé par la commission des monuments historiques le 24 novembre 1842 (p. 1-23), suivi des circulaires du ministère de l’intérieur du 19 février, du 1er octobre 1841, du 16 décembre 1842 (p. 25-32) et d’une « liste des monuments historiques » (titre courant, p. 35-84), 1843, p. 33, Bibl. nat. de France, 4-Ljl-19 (1843 A) ; Arch. nat., F19 4537, doc. n° 326 et Médiathèque de l’arch. et du pat., 80/1/17.

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17. Décret du 17 avril 1906 relatif à la liquidation de l’administration des cultes, Journal officiel du 18 avril 1906, p. 2584 et décret du 4 juillet 1912 affectant au service des beaux-arts des anciennes églises métropolitaines et cathédrales, Journal officiel du 17 août 1912, p. 7489-7490. 18. Archives de la commission des monuments historiques, Les Cathédrales de la France publiées sous le patronage de l’administration des beaux-arts par les soins d’Anatole de Baudot, inspecteur général des édifices diocésains et d’Anatole Perrault-Dabot, inspecteur général adjoint des monuments historiques, éd. Henri Laurens et Charles Schmid, par fascicules [1905-1907], 2 vol. in fol., Médiathèque de l’arch. et du pat., F° J 46.

RÉSUMÉS

Cet article présente une statistique des cathédrales classées depuis la création de l’administration des monuments historiques. Il a été inspiré par la découverte d’une liste de protection inédite de 1843 où les principaux édifices diocésains apparaissent pour la première fois. La portée de ce recueil, étayé par une autre liste inédite de 1853, est analysée : les classements, à l’origine purement indicatifs, ne deviennent contraignants qu’après l’adoption de la loi du 30 mars 1887 sur les monuments historiques. Une pratique administrative les fit pourtant échapper à cette administration jusqu’à la séparation des Églises et de l’État, qui permit l’affectation des édifices diocésains aux beaux-arts et fut à l’origine d’une seconde vague de classements.

This article shows a statistic on cathedrals which have been listed as monuments historiques since the creation of the French department responsible for historic monuments. It was inspired by the discovery of an 1843 unpublished heritage protection list mentioning the main diocésains buildings for the first time. The impact of this list, supported by another 1853 unpublished list, is analyzed: the classifications, originally strictly indicative, became restricting only after the law of March 30th, 1887, concerning the monuments historiques was passed. Though, owing to an administrative practice these monuments were kept out of the reach of the department till the separation of the Church and the State; from then on, the diocésains buildings were assigned to the beaux-arts service and it brought about a second wave of classifications.

Dieser Beitrag behandelt eine Statistik über die Denkmalschutzstellung der Kathedralen seit der Einrichtung der Commission des Monuments historiques. Er stützt sich auf die Analyse noch unveröffentlicher Quellen : eine Denkmalschutzliste von 1843, in welche die hauptsächlichen diözesanen Bauten zum ersten Male eingetragen wurden und eine zweite von 1853. Erst nach der Genehmigung des Gesetzes vom 30. März 1887 über die historischen Denkmäler wurde deren Kategorisierung eine verpflichtende Schutzaufgabe zugewiesen. Anlässlich des Gesetzes zur Trennung von Kirche und Staat wurden die diözesanen Bauten dem Ministère des Beaux-arts unterstellt, was zu einer zweiten Welle von Kategorisierungsarbeiten führte.

AUTEUR

JULIEN LACAZE Julien Lacaze, né en 1976, docteur en droit (2004), avocat omis du tableau. Sa thèse, Validité et opposabilité des classements au titre des monuments historiques, La protection juridique du

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domaine de Versailles de l’origine à nos jour, a été soutenue sous la direction du professeur Géraud de la Pradelle à l’université de Paris X. Il est l’auteur d’articles relatifs à l’histoire des protections de Versailles et des cathédrales : « La destruction de la grotte de la Ménagerie de Versailles / Un imbroglio administratif au début du XXe siècle », Versalia n° 8, mars 2005, p. 94-111 ; « La destruction de la porte du Valjoyeux ou les débuts patrimoniaux du Grand Parc du château de Versailles », Revue de l’histoire de Versailles et des Yvelines, t. 88, 2005, p. 37-52 ; « La protection des cathédrales comme monuments historiques », Revue historique de droit français et étranger (Dalloz), octobre - décembre 2006, p. 569-612. Il est actuellement chargé de cours au master de droit des biens culturels de l’Université d’Avignon et chargé de travaux dirigés en histoire du droit à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

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