Correspondance À Divers ★★★
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ALEXIS DE TOCQUEVILLE ŒUVRES COMPLÈTES TOME XVII CORRESPONDANCE À DIVERS ★★★ LE PRÉSENT VOLUME A ÉTÉ ÉTABLI SOUS LA DIRECTION DE FRANÇOISE MÉLONIO PAR FRANÇOISE MÉLONIO ET ANNE VIBERT ET SOUMIS POUR CONTRÔLE ET APPROBATION À GUY BERGER, JEAN-CLAUDE CASANOVA ET BERNARD DEGOUT GALLIMARD CORRESPONDANCE À DIVERS XVII A A A œuvres, papiers et correspondances d’alexis de tocqueville Cette édition est dirigée par la Commission nationale pour la publication des œuvres d’Alexis de Tocqueville. Jean-Claude CASANOVA, président Seymour DRESCHER Ran HALÉVI Michael HERETH David LEE Françoise MÉLONIO, secrétaire scientifique Eduardo NOLLA James SCHLEIFER Stéphanie de TOCQUEVILLE Madame la Présidente de la Bibliothèque nationale de France Madame la Directrice des Archives de France Monsieur le Directeur des Archives diplomatiques Monsieur le Président du CNRS ALEXIS DE TOCQUEVILLE ŒUVRES COMPLÈTES TOME XVII CORRESPONDANCE À DIVERS A A A LE PRÉSENT VOLUME A ÉTÉ ÉTABLI SOUS LA DIRECTION DE FRANÇOISE MÉLONIO PAR FRANÇOISE MÉLONIO ET ANNE VIBERT ET SOUMIS POUR CONTRÔLE ET APPROBATION À GUY BERGER, JEAN-CLAUDE CASANOVA ET BERNARD DEGOUT GALLIMARD © Éditions Gallimard, 2021. sigles et abréviations AT Archives Tocqueville. DA Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, dans Œuvres, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 1992. Édition Beaumont Œuvres complètes d’Alexis de Tocqueville, publiées par Madame de Tocqueville, éd. Gustave de Beaumont, 9 vol., Paris, 1864-1866. Édition « Quarto » Tocqueville, Lettres choisies. Souvenirs, Gallimard, « Quarto », 2003. OC Œuvres, Papiers et Correspondances d’Alexis de Tocqueville, Gallimard, 1951. le renoncement à la vie publique et le retour à l’écriture : vers l’ancien régime et la révolution (janvier 1852 – juin 1856) introduction Au lendemain du coup d’État s’ouvre une période difficile pour Tocqueville. Il est très vite libéré, le 4 décembre, en même temps que la plupart des autres députés, également arrêtés pour s’être opposés au coup d’État (on trouvera ici sa lettre au préfet de police Maupas dans laquelle il refuse sa mise en liberté anticipée et demande à être traité comme ses collègues). Mais il se retrouve témoin impuissant des violences du nouveau pouvoir : arrestations, proscriptions, sur- veillance policière et restriction de toutes les libertés le plongent dans la tristesse, le découragement, voire la mélancolie. Dans les lettres qu’il envoie régulièrement à Lamoricière, désormais proscrit et exilé en Belgique, il commente la situation politique, il guette les fautes du président et les réactions de l’opinion publique, y cherchant la preuve qu’elle « n’est pas encore tout à fait morte » et espérant, sans vraiment y croire, que le régime ne durera pas. Mais il doit faire le constat amer que ni les décrets de proscription, ni la confiscation des biens de la maison d’Orléans, ni le décret sur l’obligation du serment de fidélité au chef de l’État ne font réagir l’opinion au-delà de Paris. Les provinces restent favorables à Louis-Napoléon Bonaparte. Pour Rémusat, également proscrit et en exil à Londres, il brosse en mars le tableau d’un pays où les paysans se satisfont du nouvel ordre des choses et où la bourgeoisie, quoique mécontente, reste inerte. Chez elle comme dans l’ancienne noblesse, la peur des socialistes l’em- porte sur celle du gouvernement. La France est lasse « de la liberté, de la publicité, des droits politiques » ; « rien ne remue plus ». Si Tocqueville se montre favorable à la réconciliation des Bourbons et des Orléans, c’est qu’il la croit utile au rétablissement, à terme, de la liberté constitutionnelle. Sa lucidité lui fait bien percevoir les faiblesses du nouveau régime et ses points de vulnérabilité : l’ab- sence de soutien dans les classes éclairées de la société, la nécessité de prendre appui sur l’armée, qui conduira le nouveau César « à la chute ou à la guerre », et surtout le maintien du suffrage universel introduction 12 pour l’élection du Corps législatif, « la portion la plus défectueuse du nouvel ordre de choses », car les députés sont, pour l’heure, tel « un prince du sang, auquel on fait nettoyer les pots de chambre » (à Lamoricière, 6 avril 1852). Mais pour le moment, « le système réussit », et, comme il l’écrit le 18 avril à Lanjuinais, parti en voyage en Italie, la seule marche à suivre « est de rester absolument étranger à la politique et de cher- cher ailleurs un aliment à l’activité de notre esprit ». Non seulement il n’est pas question pour lui de participer aux élections du Corps législatif, contrairement à son frère Édouard, mais il démissionne de la présidence du conseil général de la Manche, à laquelle il a été réélu le 25 mars, et ne se présentera pas aux élections cantonales des 31 juillet et 1er août. Face au dégoût que lui inspire le nouveau régime, il a très vite — quinze jours après le 2 Décembre — cherché dans un projet de livre sur l’Empire cet aliment intellectuel dont il a besoin et qui seul peut lui faire oublier la politique. Il cesse de lire les journaux, fuit même les salons et vit entre son domicile et la Bibliothèque nationale. En juin il quitte Paris pour Tocqueville afin de trouver la sérénité nécessaire au travail intellectuel. De juillet à septembre, il rédige deux chapitres sur la fin du Directoire et le coup d’État du 18 Brumaire, parties d’un futur livre dont le projet n’est pas encore très clairement dessiné dans son esprit. Mais l’écriture de l’histoire ne suffit pas à alléger le « poids des tristes pensées ». Il compte sur ses amis pour en partager le fardeau, et le sortir de l’isolement et du silence : « D’où peut venir main- tenant le son qui nous éveille ? » écrit-il à Freslon le 28 juin. Et il poursuit : « Je fais moi-même comme tout le monde, je sommeille. Je me permets seulement de rêver ; encore est-ce au temps passé plutôt qu’au présent. Dans le présent, je ne m’intéresse qu’à mes amis. » Revient plusieurs fois dans les lettres de cet été 1852 la comparaison avec les Juifs du Moyen Âge qui « se sentaient étrangers partout, quelque part qu’ils allassent, sectateurs obstinés d’une religion à laquelle on ne croyait plus et espérant encore dans un Messie que personne autour d’eux n’attendait » et que leur isolement « ren- dait plus chers les uns aux autres » (16 juin 1852). Ces amis qui lui sont chers, dont il demande des nouvelles et dont il attend les visites, ce sont ici, outre Beaumont et Corcelle, Lanjuinais, Rivet, Vivien, Dufaure et Freslon. Tous ont refusé de faire allégeance au nouveau régime et se retrouvent, de fait, éloignés de la politique. Lanjuinais voyage ; Dufaure et Freslon vont reprendre leur métier d’avocat ; Rivet, suspendu de son poste de conseiller d’État depuis le 2 Décembre, devient président du conseil d’administration de la Compagnie du chemin de fer de l’Ouest ; Vivien a démissionné du Conseil d’État et finit par toucher une indemnité qui lui permet de ne pas tomber dans la gêne. Quand il ne reçoit pas ses amis en le renoncement à la vie publique 13 Normandie ou, à partir de juin 1853, à Saint-Cyr-lès-Tours, quand il ne les voit pas à Paris, Tocqueville converse avec eux par lettres et demande aux uns des nouvelles des autres quand elles tardent à lui parvenir. C’est qu’il a besoin de partager les pensées qui l’oppressent et que « leur amitié à tous est le meilleur bien qu’[il] ai[t] trouvé dans la vie publique » (13 janvier 1854). * Le retour à Paris en octobre 1852 va permettre à Tocqueville de retrouver le cercle de ses amis. Mais il tombe d’abord grave- ment malade : atteint d’une pleurésie, il doit rester alité jusqu’en décembre et la convalescence est lente. Marie est également souf- frante et ce n’est qu’à partir de mars que Tocqueville évoque dans ses lettres le rétablissement de leur santé. Il se remet alors au travail, s’intéressant désormais à l’Ancien Régime, et fréquente assidûment les archives de l’Hôtel de Ville et la Bibliothèque nationale. C’est aussi en mars qu’il fait le projet d’aller passer l’été et l’hiver dans la vallée de la Loire pour améliorer sa santé et celle de sa femme. Il s’en ouvre à Beaumont qui part pour lui en quête d’une maison. Ce sera la villa Les Trésorières à Saint-Cyr-lès-Tours, où il s’installe le 1er juin 1853 et où il demeurera jusqu’en mai 1854, avant son départ pour l’Allemagne. S’ouvre alors pour lui une période qu’il qualifie lui-même à plusieurs reprises de « vie de bénédictin », « vie mono- tone, mais fort studieuse et très douce » (2 juillet 1853), qu’il partage entre les archives départementales de Tours, où il se rend chaque jour pour dépouiller les dossiers de l’ancienne généralité, assisté par l’archiviste Charles de Grandmaison, les lectures pour compléter ses recherches et l’étude de l’allemand, dans la perspective du voyage qu’il projette. Au fur et à mesure qu’il progresse dans sa connais- sance de l’organisation administrative de l’Ancien Régime et qu’il y découvre « que la Révolution a été bien loin de faire tout le bien et tout le mal qu’on dit et qu’elle a encore plus remué la société qu’elle ne l’a changée », son projet d’ouvrage s’élargit et se précise tout à la fois, prenant suffisamment corps pour que les attaques de la mélancolie se raréfient.