Récits D'une Tante. Mémoires De La Comtesse De Boigne Née D'osmond
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RECITS D'UNE TANTE MÉMOIRES G()MTE8HE DE BOIGINË NÉE D'OSMOND PUBLIÉS d'après I.E MANUSCRIT ORIGINAL Par m. Charles NICOULLAUD IV 1831-1866 FRAGMENTS Portrait en héliogravure V A ]^ I LIBRAIRIE PLON PLON-NOURRIT et C-, IMPRIMEURS-ÉDITEURS 8, RUE GARANCIÈRE 6° I 908 LIBRARY UNIVERSITY OF CALIFORNIA RIVERSIDE Digitized by the Internet Archive in 2009 witii funding from University of Ottawa Iittp://www.arcliive.org/details/recitsdunetante04boig MEMOIRES COMTESSE DE BOIGNE DU MÊME AUTEUR, A LA MÊME LIBRAIRIE Récits d'une tante. — Mémoires de la comtesse de Boigne, née d'Osmond (1781-1866), publiés d'après le manuscrit original par M. Charles Nicoull.\ud. Tome I (1781-1814). 12' édit. Un volume in-8° avec un portrait en héliogravure 7 fr. 50 Tome II (1815-1819). II* édit. Un volume in-8* avec un portrait en héliogravure et fac-similés d'autographe. 7 fr. 50 Tome III (1820- 1830). 14' édit. Un volume in-S". 7 fr. 50 LA cx).\\ri;ssi': de boigne en 1864. Plon-Nouml & ; Tï) ff ;B RECITS D'UNE TANTE MÉMOIRES DE LA COMTESSE DE BOIGNE NÉE D'OSMOND PUBLIÉS d'après le MANUSCRIT ORIGINAL Par m. Charles NICOULLAUD IV I83I-I866 FRAGMENTS Portrait en héliogravure Huitième édition PARIS LIBRAIRIE PLON PLON-NOURRIT et O", IMPRIMEURS-ÉDITEURS 8, RUE GARANCIÈRK 6* I 908 ^7 T»ns droits de reproduction et de traductiou réserrés pour tous pays. Publish«d 24 April 1908. Privilège of copyright in the United States reserved under the Act approved March 2^ 1905 by Plou-Nourrit et G''. MÉMOIRES DE LA COMTESSE DE BOIGNE EXPEDITION DE MADAME LA DUCHESSE DE BERRY 1832 Mme la duchesse de Berry. — Projet de conduire M. le duc de Bordeaux à l'Hôtel de ville en juillet 1830. — A Trianon. — Le voyage de Cherbourg. — Saint-Hélens. — Lullworth — Mme la duchesse de Berry se sépare de la famille royale. — Séjour à Bath. — Visite à Naples. — Le Carlo Alberto. — L'opposition du faubourg Saint-Germain. — Sac de Saint-Germam-I'Auxer- rois et de l'Archevêché. — Attitude de l'opposition carliste. — Les nouveaux parvenus. Châtenay, septembre 1840. Si les romans historiques sont encore à la mode dans quelques siècles, un nouveau Walter Scott trouvera difficilement un sujet plus poétique que celui de lexpé- dition de Mme la duchesse de Berry en France pendant les années 1832 et 1833. IV. I 2 MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE Lorsque le temps aura permis de voiler la fatale et ridicule catastrophe fournie par l'inexorable histoire, on s'exaltera volontiers sur une princesse, une mère, bra- vant toutes les fatigues, tous les périls, tous les dangers, pour venir réclamer l'héritage de son fils proscrit et déjà orphelin par un crime. Voilà de ces positions éternellement destinées à intéresser le cœur et l'imagination. Et j'ai toujours été surprise que l'action de Mme la duchesse de Berry n'ait pas excité plus d'enthousiasme parmi ses parti- sans. Cela s'explique sans doute par l'extrême mansué- tude du nouveau gouvernement. Dans un temps où le bien-être matériel tient une si grande place, et où l'égoïsme personnel se dissimule sous les formes d'une tendresse illimitée pour les petits enfants, on veut bien déverser l'injure sur le pouvoir qui protège; mais on redoute, en l'attaquant ouverte- ment, d'aventurer sa propre tranquillité. L'opposition de nos ancêtres se manifestait d'autre sorte. Ils donnaient de grands coups de lance et ver- saient du sang; nos contemporains ne se battent qu'en paroles et ne répandent que de la boue. Ce métier est trop peu attrayant, trop peu honorable, pour se pro- longer. Cette opposition, honteuse et tracassière, s'éteindra prochainement, on le doit espérer, dans son propre venin. En attendant que les aventures de Mme la duchesse de Berry soient devenues le domaine de l'histoire et du roman, elles restent dans celui de la chronique. C'est à ce titre que je prétends raconter ce que j'en ai aperçu, du point de vue où j'étais placée, MADAME LA DUCHESSE DE BERRY 3 Je ne pense pas m'écarter en cela du parti que j'ai ci-devant annoncé de ne rien écrire de confidentiel (i). Cet épisode est tout à fait en dehors de la conduite des affaires à l'intérieur, et ne peut donner lieu à aucune révélation indiscrète. Mme la duchesse de Berry a de l'esprit naturel, le goût, l'instinct des arts et l'intelligence de la vie élé- gante. Elle porte habituellement de la bonté, de la facilité dans son commerce, mais trop souvent aussi la maussaderie d'une personne gâtée, d'une enfant mal élevée. Comprenant mal les exigences de son haut rang, elle n'avait jamais songé combien c'est un métier sérieux d'être princesse au dix-neuvième siècle; et elle ne pré- tendait y puiser que de l'amusement et des plaisirs. Les gens de son intimité savaient sa conduite assez désordonnée, mais, soit qu'on fût porté à l'indulgence envers elle, par l'injuste réprobation qu'inspiraient les vertus un peu austères de Mme la Dauphine, soit que le secret fût passablement gardé, on n'en glosait guère et Mme la duchesse de Berry était très populaire. Il se disait bien, à l'oreille, qu'une certaine attaque de goutte, suivie d'une réclusion de plusieurs semaines à Rosny, avait eu pour motif la naissance d'un enfant à cacher; mais en général on croyait ces rapports calomnieux, et, pour mon compte, j'y étais complète- ment incrédule. Mme la duchesse de Berry s'est toujours montrée fort courageuse. Elle aimait et recherchait le danger, (i) Voir t. III, p. 317. 4 MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE souvent jusqu'à la témérité; s'aventurait à nager dans la mer, lorsque la vague était assez grosse pour effrayer les matelots eux-mêmes; préférait monter les chevaux les plus fougueux, passer par les chemins les plus dif- ficiles, affronter enfin tous les obstacles qui, ordinaire- ment, font reculer les femmes. Aussi incliné-je à croire — et on me l'a affirmé, — que le vendredi 30 juillet 1830, elle eut la pensée d'enlever son fils de Saint-Cloud, et de l'apporter, dans ses bras, à l'Hôtel de ville de Paris, pour le con- fier à la protection de l'assemblée tumultueuse qui s'était arrogé le droit de parler au nom de la ville et même du pays. Ce coup de tête aurait certainement beaucoup embarrassé les factieux, et il est impossible de dire aujourd'hui quel eût été le résultat d'une semblable marque de confiance donnée à la population. Mais le roi Charles X et M. le Dauphin en eurent quelque soupçon, et firent garder à vue la mère et l'enfant. J'ai déjà raconté comment, trois jours plus tard, d'autres personnes songèrent à remettre M. le duc de Bordeaux aux mains de M. le duc d'Orléans, lieute- nant général du royaume, et comment cette proposition fut accueillie à Rambouillet (i). Mme la duchesse de Berry s'y opposa avec empor- tement, car cette fois elle ne devait jouer aucun rôle personnel, mais s'éloigner avec le reste de la famille. Cela n'entrait plus dans ses projets. (i) Voir t. III, p. 432. A TRIANON J'ai aussi déjà dit (i) sa folle satisfaction des ordon- nances et son puéril entrain de cette bataille des trois journées où la monarchie était en jeu. Lorsque le sort en eut fatalement décidé, la Princesse ajouta à ces erreurs de jugement des actions niaisement ridicules. Vêtue d'un costume masculin, et armée d'un pis- tolet, qu'elle tirait à tout instant, elle prétendait se montrer aux troupes dans cet équipage. C'est pendant la courte halte de Trianon qu'elle accomplit cette mas- carade. J'ai entendu raconter au duc de Maillé, premier gen- tilhomme de la chambre, que, dans cette bagarre de Trianon, il se trouvait seul auprès du Roi, dans une pièce où Charles X s'était réfugié. Le vieux monarque, très accablé, occupait un fau- teuil sur le dossier duquel M. de Maillé s'appuyait. La porte s'ouvrit avec fracas, Mme la duchesse de Berry s'élança dans la chambre, en faisant ses évolutions belliqueuses, et tira son pistolet chargé à poudre. Cette apparition ne dura qu'un éclair, mais frappa de stupéfaction les deux vieillards. Après un moment de silence le Roi, se retournant vers M. de Maillé, lui dit piteusement : « Comment la trouves-tu, Maillé? — A... bo... mi... na... ble, Sire, » répondit le duc, d'un ton tout aussi lamentable; la force de la vérité l'emportant en cet instant sur les habitudes delà cour- tisanerie. Le pauvre Roi plia les épaules. Le duc de Maillé racontait cette scène, dont le (i) Voir t. III, p. 372. 6 MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE cadre était si déplorable, de la façon la plus amusante. J'ignore quelles influences firent reprendre à Mme la duchesse de Berry le costume de son sexe ; mais elle ne conserva pas longuement celui dont le Roi et M. de Maillé se tenaient pour si mal édifiés. Ceux qui accompagnaient la famille royale, dans cette incroyable retraite vers Cherbourg, remarquèrent la faveur dont M. de Rosambo (i) jouissait, auprès de la Princesse. Mais les circonstances semblaient pouvoir excuser les privautés accordées à une personne com- dévouée quoique, cependant, l'étiquette fût plètement ; seule, dans ces jours néfastes, à conserver ses droits. Et, puisque j'ai occasion de parler de ce triste voyage, je veux consigner ici une petite anecdote, qui est à ma connaissance spéciale, dans le seul intérêt de montrer à quel point cette étiquette enveloppait de ses petitesses nos pauvres princes.