Recherche-action participative et dynamisme des agriculteurs face aux changements climatiques: cas de la Région (Est de )

Par : Holy RAHARINJANAHARY, Nosy ALIZANY, Jeannin RANAIVONASY, Jean Chrysostôme RAKOTONDRAVELO, Rivo RABARIJOHN, Lilia RABEHARISOA, Mamy RAMPARANY, Anne-Marie TIANI

Publication scientifique sur la « Recherche-Action Participative »

2010

Numéro de projet du CRDI : 104.143

Titre de projet du CRDI : Vulnérabilité et adaptation des systèmes agraires aux changements climatiques à Madagascar

Pays : Madagascar

Nom et adresse de l’institution de recherche : Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques (ESSA) Département : AGRICULTURE BP : 175 ANTANANARIVO 101 – MADAGASCAR Téléphone : +261 20 24 161 03 E-mail : [email protected] Site web : www.acca.laboradioisotopes.com

Nom et coordonnées des membres de l’équipe de recherche : Holy RAHARINJANAHARY : [email protected] Nosy ALIZANY : [email protected] Jeannin RANAIVONASY : [email protected] Jean Chrysostôme RAKOTONDRAVELO : [email protected] Rivo RABARIJOHN : [email protected] Lilia RABEHARISOA : [email protected] Mamy RAMPARANY : [email protected] Anne-Marie TIANI : [email protected]

Ce rapport est présenté tel qu’il a été reçu du bénéficiaire de la subvention accordée pour le projet. Il n’a pas fait l’objet d’un examen par les pairs ni d’autres formes de révision.

Le présent document est utilisé avec la permission du Professeur Lilia RABEHARISOA, Chef du projet ACCA MADAGASCAR.

Copyright : 2010, Professeur Lilia RABEHARISOA

Abrégé : Afin de mieux connaître et de réduire la vulnérabilité des systèmes agraires malgaches face au changement climatique, l’équipe du Projet Adaptation au Changement Climatique en Afrique (ACCA) de Madagascar a adopté la méthode de la Recherche Action Participative (RAP). En quelques mots, la RAP est un processus dans lequel les membres d’une communauté ou d’un groupe ayant un problème commun se mettent ensemble (a) pour réfléchir sur la stratégie à adopter afin de résoudre le problème et (b) pour mettre en œuvre cette stratégie. C’est un processus itératif et cyclique de réflexion, d’action, de suivi-évaluation et de réajustement. La RAP commence toujours par un diagnostic participatif du problème à la suite duquel les membres du groupe définissent une vision partagée décrivant la situation à atteindre. Ils planifient ensuite les stratégies et actions à entreprendre pour atteindre cette situation « idéale » et se donnent la main dans leur réalisation. A l’issue de chaque action, le groupe se concerte pour évaluer son avancement, en tire des leçons et re-planifie une nouvelle action. Dans la Région d’Analanjirofo, le Projet a menée la RAP avec un groupe d’agriculteurs issus de cinq villages de la Commune rurale d’ et d’Ambodimanga II. Se trouvant sur la côte nord est de la Grande Ile, cette Région à climat tropicale humide est propice aux cultures de rente, en particulier le giroflier et le litchi, qui comptent parmi les premières sources de devises de Madagascar. Les résultats de l’application de la RAP a permis de révéler que des changements effectifs des différents paramètres climatiques sont vécus par ces agriculteurs, en particuliers le régime des cyclones qui devient de plus en plus fréquent et à la fois plus intense depuis l’année 1986. Ces aléas climatiques ont des impacts significatifs sur les systèmes agraires, les rendant plus vulnérables, notamment les plantations de girofliers qui sont totalement effeuillées et détruites pour ne retrouver une bonne production qu’après trois à cinq ans. Ainsi, cette culture qui constituait jadis la principale source de revenu des paysans de la Région régresse fortement. La méthode a également permis d’associer les agriculteurs dans la recherche de solutions, dans leur mis en œuvre et dans le suivi évaluation, ce qui est probablement à l’origine de leur dynamisme dans ce processus. Ce dernier est en cours mais les premiers résultats sont prometteurs dans une optique d’adaptation aux changements climatiques.

Mots-clés : Changement climatique, Recherche Action Participative (RAP), vulnérabilité, adaptation, culture de rente.

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VULNERABILITE ET ADAPTATION DES SYSTEMES AGRAIRES AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES A MADAGASCAR

RRECHERCHE AACTION PPARTICIPATIVE ET DYNAMISME DES AGRICULTEURS MALGACHES FACE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES :: CAS DE LA RREGION D’’AANALANJIROFO (COTE EST DE MADAGASCAR)

:J.C. Madagascar RAKOTONDRAVELO/ACCA

Photo Holy RAHARINJANAHARY, Lilia RABEHARISOA, Nosy ALIZANY, Jeannin RANAIVONASY , Jean-Chrysostôme RAKOTONDRAVELO, Rivo RABARIJOHN, Mamy RAMPARANY et Anne-Marie TIANI

Juillet 2010

www.acca.laboradioisotopes.com Recherche action participative et dynamisme des agriculteurs malgaches face aux changements climatiques: cas de la Région d’Analanjirofo (côte est de Madagascar) ______RESUME Afin de mieux connaître et de réduire la vulnérabilité des systèmes agraires malgaches face au changement climatique, l’équipe du Projet Adaptation au Changement Climatique en Afrique (ACCA) de Madagascar a adopté la méthode de la Recherche Action Participative (RAP). En quelques mots, la RAP est un processus dans lequel les membres d’une communauté ou d’un groupe ayant un problème commun se mettent ensemble (a) pour réfléchir sur la stratégie à adopter afin de résoudre le problème et (b) pour mettre en œuvre cette stratégie. C’est un processus itératif et cyclique de réflexion, d’action, de suivi-évaluation et de réajustement. La RAP commence toujours par un diagnostic participatif du problème à la suite duquel les membres du groupe définissent une vision partagée décrivant la situation à atteindre. Ils planifient ensuite les stratégies et actions à entreprendre pour atteindre cette situation « idéale » et se donnent la main dans leur réalisation. A l’issue de chaque action, le groupe se concerte pour évaluer son avancement, en tire des leçons et re-planifie une nouvelle action. Dans la Région d’Analanjirofo, le Projet a menée la RAP avec un groupe d’agriculteurs issus de cinq villages de la Commune rurale d’Ampasina Maningory et d’Ambodimanga II. Se trouvant sur la côte nord est de la Grande Ile, cette Région à climat tropicale humide est propice aux cultures de rente, en particulier le giroflier et le litchi, qui comptent parmi les premières sources de devises de Madagascar. Les résultats de l’application de la RAP a permis de révéler que des changements effectifs des différents paramètres climatiques sont vécus par ces agriculteurs, en particuliers le régime des cyclones qui devient de plus en plus fréquent et à la fois plus intense depuis l’année 1986. Ces aléas climatiques ont des impacts significatifs sur les systèmes agraires, les rendant plus vulnérables, notamment les plantations de girofliers qui sont totalement effeuillées et détruites pour ne retrouver une bonne production qu’après trois à cinq ans. Ainsi, cette culture qui constituait jadis la principale source de revenu des paysans de la Région régresse fortement. La méthode a également permis d’associer les agriculteurs dans la recherche de solutions, dans leur mis en œuvre et dans le suivi évaluation, ce qui est probablement à l’origine de leur dynamisme dans ce processus. Ce dernier est en cours mais les premiers résultats sont prometteurs dans une optique d’adaptation aux changements climatiques.

Mots-clés : Changement climatique, Recherche Action Participative (RAP), vulnérabilité, adaptation, culture de rente.

ABSTRACT To better understand and reduce the vulnerability of agrarian systems to climate change in Madagascar, the Project Team Climate Change Adaptation in Africa (CCAA) of Madagascar has adopted the method of Participatory Action Research (PAR). Briefly, PAR is a process in which members of a community or a group having a common problem to get together (a) to reflect on the strategy to solve the problem and (b) to set implement this strategy. It is an iterative and cyclical process of reflection, action, monitoring-evaluation and readjustment. PAR begins with a participatory diagnosis of the problem after which the group members define a shared vision, describing the situation to achieve. They plan strategies and actions to achieve this "ideal situation" and help each other in achieving them. After each action, the group consults in order to evaluate progress, to draw lessons and to re-plan a new action.

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In the Analanjirofo Region, the Project has conducted PAR with a group of farmers from five villages in the rural commune of Ampasina Maningory and Ambodimanga II. Located on the northeast coast of the Island, this region has a tropical humid climate conducive to cash crops, particularly cloves and litchi, which are among the largest sources of foreign currency of Madagascar.

The results of the PAR implementation has revealed that effective changes of various climatic parameters are experienced by those farmers, in particular the cyclones becoming more frequent and more intense since 1986. These climatic conditions have significant impacts on agrarian systems, making them more vulnerable. Clove trees are totally leafless and destroyed and didn’t have good harvest after three to five years. Consequently, this culture that has constituted the main source of income for farmers in the region decline significantly.

PAR methodology was also used to involve farmers in finding solutions in their implementation and monitoring and evaluation, which is probably the source of dynamism in this process. The process is ongoing but early results are promising for adapting to climate change.

Keywords : Climate Change, Participatory Action Research (PAR), vulnerability, adaptation, cash crop.

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SOMMAIRE

Résumé...... 4

Abstract ...... 4

Sommaire ...... 6

Liste des tableaux ...... 7

Liste des figures ...... 7

A – Introduction ...... 8

B – Le contexte du Projet ...... 9

C – La Région d’Analanjirofo ...... 10

D – Les quetsions de recherche ...... 12

E - L’expérience de la conduite de la RAP au niveau du groupe de réflexion d’Analanjirofo ...... 13

E.1 – Premier cycle de la RAP ...... 13

E.1.1 - La construction du partenariat au niveau local ...... 13

E.1.2 - Le diagnostic participatif ...... 14

E.1.3 - La mobilisation des partenaires au niveau régional ...... 17

E.1.4 - Le « visionning » ...... 18

E.1.5 - La planification participative ...... 19

E.1.6 - La mise en œuvre des actions planifiées ...... 21

E.1.7 - Le suivi–évaluation participatif ...... 23

E.2 - Deuxième cycle de RAP ...... 26

E.2.1 - La Re-planification ...... 26

E.2.2 - La mise en œuvre des actions re-planifiées ...... 26

E.2.3 - Suivi-évaluation participatif ...... 27

F - Leçons apprises et futures directions ...... 30

G - Prochaines étapes : Les perceptions et opportunités pour l’adaptation aux changements climatiques à l’échelle régionale ...... 31

H - Références bibliographiques ...... 32

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Estimation de l’impact des perturbations climatiques sur les principales spéculations du District de Fenoarivo Atsinanana entre 1998 et 2005………………………………………………….….10 Tableau 2 : Composition du groupe de réflexion local des Communes rurales d’Ampasina Maningory et d’Ambodimanga II……………………………………………………………………………………………………...11 Tableau 3 : Perceptions du groupe de réflexion sur l’évolution du régime des cyclones………………..…13 Tableau 4: Modifications de la pluviosité après 2000 dans la région d’Analanjirofo …………………………13

Tableau 5 : Perceptions sur les risques climatiques, leurs impacts et les pratiques d’adaptation déjà adoptées………………………………………………………………………………………………………………………..15 Tableau 6 : Plan d’actions du groupe de réflexion d’Analanjirofo…………………………………………………….18 Tableau 7 : Les indicateurs de suivi du changement et les repères du progrès…………………………………22

Tableau 8 : Résultats de la formation……………………………………………………………………………………………….24

Tableau 9. Evolution des indicateurs du SEP entre octobre 2009 et avril 2010…………………………………26 Tableau 10 : Evolution des spéculations adoptées par les membres de l’association……………………….27

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Les régions d’action du Projet ACCA Madagascar et leurs caractéristiques agroclimatiques.8

Figure 2 : Transect de la zone d’intervention……………………………………………………………………………………...9 Figure 3 : Evolution des indicateurs du SEP entre octobre 2009 et avril 2010…………………….…………….27

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A – INTRODUCTION

Les changements climatiques (CC) constituent l’une des préoccupations majeures au niveau mondial et représentent particulièrement un nouveau défi pour l’Afrique. L’agriculture fait partie des secteurs les plus exposés aux changements climatiques en Afrique (IPCC, 2007). Dans le cas de Madagascar, une île de 596.000 km2 située à 300 km du sud-est de l’Afrique, l’agriculture demeure fortement tributaire des conditions climatiques à cause de la prédominance de l’agriculture pluviale, la faible mécanisation et la faible maîtrise des ressources hydriques. Dès lors, elle constitue l’un des secteurs les plus fortement exposés au changement climatique global qui est en train d’introduire de nouveaux contextes dont les manifestations et les impacts sont variables d’une région à l’autre. Or, l’agriculture fait vivre plus de 75% de la population, avec une prééminence de la petite paysannerie, la superficie moyenne des exploitations étant de 0,87 hectare (MAEP, 2004). Environ la moitié de la superficie du territoire est cultivable, seul un peu plus de 5% sont actuellement cultivés. Les deux tiers des ménages ruraux sont au stade de la subsistance et les récoltes sont généralement faibles. Le riz est la principale culture, comptant pour 70% de la production agricole et les cultures d’exportation incluent la vanille, le café et le girofle. L’élevage est très répandu et 60% des ménages ruraux en dépendent pour leurs revenus. Enfin, la pêche et l’aquaculture sont devenues d’importants sous-secteurs de l’économie malgache. Malgré l’importance de l’agriculture dans l’économie nationale et les politiques de libéralisation économique et de stabilisation macro-économique, la performance du secteur agricole n’est pas à la hauteur de son potentiel : la moyenne annuelle du taux de croissance du PIB allouée à l’agriculture était de 1,9% par an dans les années 1990 et a légèrement augmenté à 2,6% par an durant la période 2003-2006. (Banque Mondiale, 2008) Dans le document stratégique national pour la période 2007-2012 (Madagascar Action Plan), le gouvernement a lancé une révolution verte et durable basée sur l’intensification (amélioration de la productivité), l’extension (augmentation des surfaces cultivées) et la fourniture et assistance en semences et engrais. Cette révolution verte et durable a pour objectifs d’assurer la sécurité alimentaire d’une part et de dégager des surplus exportables d’autre part. Toutefois, certains chercheurs se posent des questions quant à la pertinence de cette révolution verte : «… l'intensification agricole…dans le cadre d'une économie de marché représente-t-il un choix pertinent pour un pays qui dispose d'une agriculture familiale paysanne majoritaire dont le problème est plus de diversifier les activités et les productions pour répartir les risques, que d'investir dans la recherche de rendements maximaux sur des spéculations limitées ? » (Rakoto Ramiarantsoa, 2008) Les CC risquent d’ajouter de nouveaux défis dans cette agriculture encore en difficulté et dans une optique d’appui aux agriculteurs malgaches dans l’adaptation aux CC, le Projet « Vulnérabilité et Adaptation aux Changements Climatiques des Systèmes Agraires à Madagascar », dans le cadre du programme « Adaptation aux changements climatiques en Afrique (ACCA)» a conduit des activités de Recherche Action Participative (RAP) au niveau de quatre Régions. Le présent article présente les

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Recherche action participative et dynamisme des agriculteurs malgaches face aux changements climatiques: cas de la Région d’Analanjirofo (côte est de Madagascar) ______résultats de ces activités de RAP dans l’une des régions d’action, en l’occurrence celle d’Analanjirofo (Est de Madagascar). A partir de l’expérience de cette région, nous essaierons de montrer comment la méthodologie de la RAP peut aider à stimuler la réflexion collective, la définition et la mise en œuvre de stratégies d’adaptation, face aux incertitudes prononcées qu’engendre le changement climatique. Les premières sections décrivent le contexte dans lequel le Projet ACCA Madagascar intervient ainsi que les questions de recherche qui nous ont guidées durant la conduite de la RAP. Ensuite, la méthodologie de la RAP et ses résultats sont développés avant de conclure avec les leçons apprises et les prochaines étapes.

B – LE CONTEXTE DU PROJET

A Madagascar, en général les risques climatiques majeurs sont (a) la diminution du total pluviométrique constatée presque dans toutes les régions de l’île ; (b) le raccourcissement de la saison des pluies se traduisant par un retard de l’arrivée des premières pluies, une concentration des précipitations en deux mois (janvier et février) et une fin précoce de la saison des pluies ; (c) l’augmentation de la fréquence et de la durée des séquences sèches de une à deux semaine en pleine saison de pluies ; et (d) l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des cyclones notamment dans les régions nord est du pays.

L’élaboration du Plan d’Action National pour l’Adaptation aux Changements Climatiques (PANA) a permis au pays de se pencher sur sa vulnérabilité face au changement climatique. Ainsi, les analyses des paramètres climatiques pour les cent prochaines années montrent une augmentation de l’ordre de 2.5°C à 3°C, avec une réduction des précipitations moyennes annuelles pendant les saisons sèches, et une augmentation intense pendant la saison des pluies. Dans le cadre du PANA, des mesures d’adaptation ont été identifiées mais leur mise en œuvre est limitée par l’insuffisance des moyens humains, techniques et financiers. C’est dans ce contexte que l’Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques et le Laboratoire des Radio-Isotopes de l’Université d’Antananarivo en collaboration avec l’Institut de Recherche pour le Développement ont entrepris un projet de recherche dont l’objectif principal est de mieux connaître ainsi que de réduire la vulnérabilité des systèmes agraires à Madagascar au changement climatique. Quatre objectifs spécifiques ont été fixés : (i) mieux connaître la vulnérabilité aux changements climatiques des systèmes agraires malgaches, (ii) catalyser la réflexion et le dialogue entre les chercheurs et les acteurs de l’adaptation aux changements climatiques à différents niveaux, (iii) diffuser les résultats pour un meilleur partage des connaissances relatives à la vulnérabilité des systèmes agraires aux changements climatiques et (iv) renforcer les capacités nationales en matière d’adaptation aux changements climatiques. Le projet intervient dans quatre régions de Madagascar qui illustrent la diversité des contextes agro-climatiques du pays.

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Figure 1 : Les régions d’action du Projet ACCA Madagascar et leurs caractéristiques agroclimatiques

(Source : Projet ACCA Madagascar)

En vue d’atteindre ses objectifs, le Projet ACCA Madagascar a adopté une démarche participative. Au niveau local, le groupe des agriculteurs - au centre du système agraire, objet de recherche- constitue le principal partenaire limitrophe 1 du Projet (Ndiaye et al, 2005). Dans cette approche méthodologique, le Projet ne joue qu’un rôle de facilitateur, initiant et catalysant la réflexion entre les partenaires limitrophes pour la recherche et la mise en œuvre collective des actions d’adaptation au changement climatique.

C – LA REGION D’ANALANJIROFO

La région d’Analanjirofo, dans le Nord Est du pays, se caractérise par un climat chaud et humide. Les pluies sont réparties entre 180 et 300 jours par an : les mois de février et mars sont les plus pluvieux et ceux d’octobre et novembre sont les plus secs. De 1995 à 2007, les précipitations annuelles ont varié de 2500mm à 4800mm. La température moyenne annuelle est de 24°C environ : les plus fortes chaleurs sont enregistrées de décembre à février et les moins fortes en juillet. (Soamazava, 2008)

1 Personnes, groupes ou organisations avec lesquels les responsables d’un programme ont des contacts directs pour susciter le changement et avec lequel on peut s’attendre à ce que le programme exerce une influence

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Au niveau de la Région d’Analanjirofo, le Projet intervient dans le District de Fenoarivo Atsinanana et particulièrement dans la zone autour de la réserve spéciale de Tampolo comprenant six (06) Fokontany 2 inclus dans 02 Communes rurales (Communes rurales d’Ampasina Maningory et d’Ambodimanga II). Ces Fokontany ont été sélectionnés suivant un transect comprenant la plupart des topos séquences que l’on peut rencontrer dans la côte nord est de l’Ile depuis le littoral (Fokontany de Rantolava) jusqu’au "tanety" de la première falaise (Fokontany de Mahavanona) en passant par les plaines côtières et les bas fonds (Fokontany d’Andapa II et d’Antetezampafana), sans oublier les terres alluviales bordant les cours d’eau (Fokontany de Marofinaritra). Figure 2 : Transect de la zone d’intervention

Source : Soamazava, 2008

Sur le plan socio-économique, la population de la zone est composée en majorité du groupe ethnique Betsimisaraka auquel s’ajoutent des Antefasy et Antesaka. L’économie de la zone repose essentiellement sur l’agriculture : les cultures de rente (pérennes) sont dominées par le giroflier et le litchi ; les cultures vivrières incluent le riz (pluvial et irrigué), le manioc et le maïs mais l’autosuffisance alimentaire est loin d’être atteinte. D’autres activités comme le petit élevage, la pêche, la distillation de l’essence de girofle et la production du vin de canne appelé localement "betsabetsa" procurent une rentrée d’argent supplémentaire. (Soamazava, 2008). En termes de risques climatiques, la région constitue l’une des plus exposées aux cyclones tropicaux. Selon la Direction Générale de la Météorologie, le nombre de cyclones de catégorie 4-5 qui se sont formés dans le Sud-ouest de l’Océan Indien s’est fortement accru, en passant de 23 pendant la période 1975 -1989 à 50 pour la période 1990-2004 et le pourcentage du nombre total des cyclones formés entre ces deux périodes est passé de 18 à 34%. Les projections de changement

2 Le ««fokontany»» est la plus petite unité administrative à Madagascar

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établis montrent pour la région une hausse de 0,021°C/an pour la température maximale journalière et de 0,05°C/an pour la température minimale journalière (Rabefitia et al., 2008). A titre illustratif, le cyclone de 2008 a provoqué des dégâts estimés à environ USD 360 millions affectant principalement les Régions d’Analanjirofo et d’Atsinanana (Banque Mondiale, 2008). Sur le plan agricole, selon la Direction Régionale du Développement Rural, les impacts des perturbations climatiques sur les principales spéculations dans le District de Fenoarivo Atsinanana sont importants car elles peuvent entraîner une réduction de moitié du rendement. Il apparaît ainsi que les problèmes liés aux changements climatiques viennent s’ajouter aux difficultés Champ de girofliers ravagé par le cyclone Ivan (17 février 2008) des producteurs à atteindre un rendement dans le district de Fenoarivo Atsinanana – Photo : Nosy ALIZANY acceptable.

Tableau 1: Estimation de l’impact des perturbations climatiques sur les principales spéculations du District de Fenoarivo Atsinanana entre 1998 et 2005 Spéculation Pas d’inondation, pas de cyclone Passage cyclonique, inondation ou sécheresse prolongée Rendement Ecart-type Rendement Ecart-type moyen (t/ha) moyen (t/ha) Riz irrigué 2,350 0,149 1,340 1,240 Riz pluvial 1,375 0,125 0,850 0,060 Manioc 10,000 0,000 8,600 1,960 Maïs 1,000 0,000 0,760 0,080 Banane 27,500 2,500 12,800 3,180 Girofle 0,420 0,280 0,270 0,370 Litchi 16,000 0,400 7,200 1,940 Source: Direction Régionale du Développement Rural d’Analanjirofo

D – LES QUETSIONS DE RECHERCHE

Les questions de recherche qui ont servi de fil conducteur durant la conduite de la RAP sont les suivantes :

- Comment les producteurs perçoivent les risques climatiques et leurs impacts sur le système agraire? Quelles sont les pratiques qu’ils ont adoptées pour y faire face et quelles sont leur efficacité et leurs limites?

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- Dans ce contexte, comment les producteurs conçoivent leur futur et ensemble (les producteurs et le Projet ACCA) que peut-on faire pour atteindre cet objectif?

E - L’EXPERIENCE DE LA CONDUITE DE LA RAP AU NIVEAU DU GROUPE DE REFLEXION D’ANALANJIROFO

E.1 – PREMIER CYCLE DE LA RAP

E.1.1 - LA CONSTRUCTION DU PARTENARIAT AU NIVEAU LOCAL

Dès le début de ses interventions, après avoir fait une prospection et une étude du contexte dans la Région d’Analanjirofo, le Projet ACCA Madagascar a facilité la mise en place d’un groupe de réflexion local dans les Communes rurales d’Ampasina Maningory et d’Ambodimanga II. L’objectif était de promouvoir la participation effective des différents acteurs dans les échanges d’idées et d’expériences dans l’identification des Réunion du groupe de réflexion d’Analanjirofo avec l’équipe du Projet ACCA Madagascar – Photo Nathalie BEAULIEU pratiques anti-risques face aux changements climatiques. Le choix des membres des groupes de réflexion a été fait de manière à ce que les différents intérêts et spécificités (la typologie d’acteurs et le genre) soient représentés autant que possible. Ainsi, ce groupe est composé d’une vingtaine de membres, comprenant des hommes et des femmes représentant les différents types d’exploitant agricole existant dans la localité ainsi que des personnes ressources susceptibles d’influencer les autres membres de leur communauté tels que les Chefs de Fokontany et le « Tangalamena » qui représentent respectivement au niveau local l ’autorité administrative et l’autorité traditionnelle.

Tableau 2 : Composition du groupe de réflexion local des Communes rurales d’Ampasina Maningory et d’Ambodimanga II Composition Effectif Proportion hommes/femmes 4 femmes et 22 hommes Nombre de présidents d’association 10 Nombre de représentants des autorités administratives 8 locales et communales) Nombre d’autorités traditionnelles 1 Simples citoyens 3 (Source : Rapport technique ACCA Madagascar, décembre 2008)

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E.1.2 - LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF

Le diagnostic participatif a été réalisé durant le premier atelier local de concertation mené par le groupe de réflexion avec l’appui du Projet. Ce diagnostic a porté essentiellement sur trois points à savoir (a) les perceptions des agriculteurs des Un membre du groupe manifestations des changements de réflexion rapportant les résultats des travaux climatiques dans leur Région, (b) de groupe lors de les conséquences de ces l’atelier de diagnostic participatif. Le changements sur le système document affiché s’intitule : « La agraire et (c) les différentes perception paysanne des formes d’adaptation progressive changements climatiques » – Photo déjà entreprises par les J.C. RAKOTONDRAVELO agriculteurs. Cet atelier local a été également une opportunité de partage d’informations : l’équipe du Projet a exposé de façon très simple la perception des scientifiques du changement climatique en comparant l’effet de serre à un « bain de vapeur », pratique bien connue dans la médecine traditionnelle malagasy. A l’issue de cet atelier, certains membres du groupe de réflexion ont déjà proposé la formulation de stratégie d’adaptation aux changements climatiques comme ordre du jour de la prochaine rencontre.

Les changements/risques climatiques perçus et vécus à l’échelle locale

Les agriculteurs ont l’expérience de la variabilité, c’est-à-dire les fluctuations extrêmes des conditions climatiques qui sont régies par une certaine récurrence cyclique. Ainsi, les années d’intempéries occasionnelles (trop ou pas assez de pluies, inondations, sécheresse, etc…), font partie des facteurs qui rythment les cycles de production agricoles du paysan malagasy. Or, aujourd’hui, en plus de ces fluctuations « habituelles », de véritables changements sont également perçus et vécus par les paysans. Perturbations du régime pluviométrique

Les agriculteurs ont rapporté deux tendances principales des précipitations au cours de ces dernières années, en l’occurrence une diminution du total pluviométrique annuel et des changements notables au niveau de la répartition des pluies au cours de l’année. Les données météorologiques disponibles (principalement celles collectées par le Service de la Météorologie Nationale) attestent une diminution des pluies de saison sèche (mai - juin); cette diminution a aussi été rapportée par les paysans au cours des ateliers locaux de concertation.

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Changements perçus sur le régime des cyclones

Les agriculteurs d’Analanjirofo sont bien placés pour évoquer les risques liés aux cyclones, cette région étant l’une des plus exposées aux cyclones à Madagascar. Les constatations par les paysans sur les cyclones portent sur l’intensité et la fréquence des cyclones, l’intensité et la durée des rafales de vents, l’importance des pluies. Ainsi, les cyclones étaient rares et les plus intenses d’entre eux ne frappaient la région qu’à un certain intervalle espacé dans le temps. Ceux qui ont le plus marqué la région, par leur importance, sont devenus des repères qui sont évoqués, non seulement pour l’agriculture, mais dans tous les aspects de la vie socio-économique des communautés rurales. On note ainsi qu’Honorine en 1986 et Bonita en 1996 sont devenus des repères chronologiques pour la mémoire collective. Cet intervalle décennal est d’ailleurs celui qui est perçu comme la fréquence des cyclones violents. Les constatations rejoignent les observations du service de la Météorologie Nationale qui rapportent les augmentations notables du nombre des cyclones et du nombre des cyclones de plus forte intensité (tableau 2).

Tableau 3 : Perceptions du groupe de réflexion sur l’évolution du régime des cyclones Cyclone 1986 Fréquence des grands cyclones 1/ 10 ans Presque 1/an Caractéristiques Pluies abondantes Vents violents Durée 1 à 2h 1 jour voire plus (Source: Atelier local de réflexion, juillet 2008)

Impacts des aléas climatiques et des changements du climat sur les systèmes agraires

Impact du changement du régime pluviométrique

Les paysans doivent faire face à de nouvelles contraintes liées aux changements du régime pluviométrique et de la disponibilité des ressources hydriques (tableau 4). D’après les paysans de la région Analanjirofo, la productivité des systèmes agraires, notamment les systèmes vivriers (riziculture pluviale, culture du maïs, du manioc, etc.), est devenue très aléatoire.

Tableau 4: Modifications de la pluviosité après 2000 dans la région d’Analanjirofo Précipitation Avant 2000 Après 2000 Quantité satisfaisante En diminution Répartition satisfaisante Mauvaise Arrivée des premières pluies Prévisible (mi-octobre) Imprévisible (Source : Atelier local de réflexion, juillet 2008)

Impact du changement du régime des cyclones

Les exemples les plus illustratifs des risques représentés par les cyclones sont ceux constatés par les paysans de la région d’Analanjirofo. Les girofliers sont totalement effeuillés, ont des branches

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Recherche action participative et dynamisme des agriculteurs malgaches face aux changements climatiques: cas de la Région d’Analanjirofo (côte est de Madagascar) ______cassées, et périssent, ou mettent trois à cinq ans pour retrouver une bonne production. Sur les zones montagneuses à partir de la première falaise surplombant les plaines côtières, le relief accidenté les protège.

Pour les arbres fruitiers, en particulier le litchi et l’arbre à pain, les dégâts concernent surtout les jeunes pieds qui sont arrachés à cause du volume trop important de leurs parties aériennes et de leur enracinement encore faible. Les vieux pieds, quant à eux, n’ont que des branches cassées. En ce qui concerne les autres cultures de rente, les caféiers sont rarement cassés ou déracinés car ils présentent des tiges souples. De fait, ils perdent seulement une partie de leurs grains qui sont encore verts en saison cyclonique. Pour les vanilliers et les poivriers, les dégâts viennent essentiellement des branches d’arbres d’ombrage ou de tuteurs qui tombent sur les lianes. Les paysans de la Région d’Analanjirofo perçoivent une fréquence accrue des cyclones, ainsi qu’une intensification des vents qu’ils amènent. Pour eux, cette intensification nuit surtout au giroflier, étant donné qu’elle ne permet pas une période suffisante pour les plants de se régénérer des dégâts ; en effet, il faut compter au moins trois ans pour que la productivité revienne à un niveau satisfaisant. Les autres cultures arborées, comme les litchis sont moins affectés, car plus résistants ou mettant moins de temps à revenir à leur productivité initiale. Les risques pour la culture du riz demeurent également les mêmes, car les cyclones n’auront affecté que la saison, et non celles qui suivent.

Des exemples de pratiques d’adaptation à l’échelle des exploitations et des terroirs

Au cours des enquêtes menées auprès des acteurs locaux, le Projet a pu découvrir diverses pratiques en réponse aux aléas rencontrés pendant les années extrêmes. Avec la récurrence des aléas auxquels elles sont censées répondre, ces pratiques tendent à se généraliser d’une année à l’autre, et deviennent ainsi des pratiques d’adaptation aux changements du climat. Adaptation aux perturbations du régime pluviométrique

En réponse aux perturbations des régimes des pluies, la principale pratique rencontrée dans l’Analanjirofo est celle du réajustement du calendrier cultural. Cette adaptation se traduit par l’avancement ou le retardement des travaux, ainsi que le raccourcissement du temps consacré à chaque étape de la production. Adaptation à la sécheresse et au déficit hydrique

Certains paysans ont opté pour des variétés à cycle court afin d’éviter les poches de sécheresse ainsi que les risques d’inondation liés aux cyclones. Adaptation à la multiplication et l’intensification des cyclones

Pour s’adapter aux cyclones, les paysans étêtent régulièrement les girofliers pour diminuer la portance des parties aériennes; les feuilles ainsi récoltées sont distillées pour extraire de l’huile essentielle. Cependant, compte tenu des risques accrus, de plus en plus de paysans préfèrent changer de filière. Le poivrier et le vanillier, qui résistent mieux aux cyclones, intéressent de plus en plus d’agriculteurs. Ils font également un tri des espèces de tuteurs, en adoptant les espèces

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Jatropha curcas ("valavelona") et Pachyra aquatica ("pisitasy hazo") qui sont considérées bien adaptées aux cyclones. Les perceptions les membres du groupe de réflexion sur les risques climatiques et leurs impacts sur le système agraire ainsi que les pratiques d’adaptation déjà adoptées peuvent être résumées comme suit.

Tableau 5 : Perceptions sur les risques climatiques, leurs impacts et les pratiques d’adaptation déjà adoptées Perceptions des risques Perceptions des impacts Pratiques anti-risques déjà adoptées climatiques Diminution du total Diminution du rendement Réajustement du calendrier cultural (avancement ou pluviométrique annuel et des de la riziculture pluviale retardement des travaux, raccourcissement du temps changements notables au consacré à chaque étape de la production). niveau de la répartition des pluies au cours de l’année Apparition de séquences Baisse du rendement de Adoption de variétés à cycle court afin d’éviter les sèches dans un climat la riziculture (liée aux poches de sécheresse ainsi que les risques d’inondation normalement humide séquences sèches) liés aux cyclones. Augmentation de l’intensité et Destruction des cultures - Etêtage régulier des girofliers pour diminuer la portance de la fréquence des cyclones pérennes, en particulier des parties aériennes (les feuilles récoltées sont distillées giroflier et litchi pour extraire de l’huile essentielle) Baisse du rendement de - Orientation vers d’autres filières plus résistantes aux la riziculture (lié à cyclones comme le poivrier et le vanillier (pour certains l’inondation paysans) - Tri des espèces de tuteurs considérées mieux adaptées aux cyclones. Augmentation de la Apparition de nouvelles température maladies animales (Source : Atelier de diagnostic participatif, Tampolo, juillet 2008)

E.1.3 - LA MOBILISATION DES PARTENAIRES AU NIVEAU REGIONAL

Dans une optique de mobilisation des partenaires au niveau régional, les résultats du niveau local y ont été restitués. Un des objectifs principal au niveau régional était de susciter leur appui vis- à-vis du niveau local et d’insérer les préoccupations des communautés dans les plans régionaux de développement. Malheureusement, la réaction inverse a été constatée: les acteurs régionaux ont plutôt pris cette opportunité pour exprimer leurs propres besoins. D’ailleurs, malgré les efforts mis en œuvre pour mettre à disposition des acteurs régionaux les informations disponibles issues du niveau local, très peu de dynamisme a émergé. En conséquence, l’équipe du Projet a décidé de concentrer les réflexions et les actions au niveau local.

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E.1.4 - LE « VISIONNING »

Avant de réfléchir sur les actions ou stratégies d’adaptations aux changements climatiques, les membres du groupe de réflexion ont été invités à définir une vision partagée de leur futur dans le contexte du changement climatique (Earl et al., 1971). L’approche utilisée par l’équipe du Projet ACCA Madagascar pour la facilitation de cette étape de la RAP consistait à:

 Partir des conséquences néfastes des changements climatiques observés par les membres du groupe de réflexion durant le diagnostic participatif ;  Demander aux membres du groupe de réflexion de décrire la situation si ces conséquences négatives sont solutionnées ;  Synthétiser les situations « idéales » décrites par tous les participants en une seule vision ;  Réfléchir sur les pistes d’actions pouvant conduire à l’atteinte de la vision, une fois que celle-ci est définie. A la fin de la rencontre, le groupe de réflexion a été subdivisé en quatre (4) sous groupes qui ont été formés en tenant compte de la facilité de regroupement des membres afin qu’ils puissent continuer les réflexions dans leurs villages respectifs. Un leader a été élu pour animer chaque sous – groupe. Pour chaque piste d’action définie de façon commune comme étape conduisant à l’atteinte de la vision, trois questions ont été posées:

 Quels sont les problèmes qui entraveraient la mise en œuvre de l’action?  Quelles solutions proposer pour résoudre ces problèmes?  Quelles démarche et stratégie suggérer pour concrétiser ces solutions? Cette réflexion en sous-groupe visait à faciliter la planification des actions participatives et des visites ont été organisées par l’équipe du Projet pour entretenir le dynamisme des membres du groupe (leur demander où en sont leurs réflexions, quels sont les éventuels blocages, etc.)

Les stratégies développées pour réduire la vulnérabilité aux risques climatiques

La réunion organisée pour définir la vision des agriculteurs a été située dans un cadre général. La vision ayant ainsi émergé a été très large. Elle s’énonce comme suit: « Nous sommes riches parce que nous maîtrisons la riziculture (rendement augmenté), nous améliorons notre système d’élevage bovin (alimentation, races, habitat et santé) et nous développons des cultures de rente plus résistantes au cyclone, sans toutefois délaisser complètement les cultures des girofliers et des litchis».

Les membres du groupe de réflexion ont identifié les problèmes et les stratégies à mettre en œuvre pour atteindre cette vision et de façon générale, trois filières d’importance majeure dans le contexte régional ont été identifiées par les groupes de réflexion dans leurs pratiques d’adaptation face au changement climatique : la riziculture, l’élevage bovin et les cultures de rente. Etant donné que la culture de giroflier constitue un pivot dans l’économie des ménages ruraux dans la Région

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Recherche action participative et dynamisme des agriculteurs malgaches face aux changements climatiques: cas de la Région d’Analanjirofo (côte est de Madagascar) ______d’Analanjirofo, et compte tenu de la tendance dégressive de la production et du rendement de cette culture suite à l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des cyclones, les agriculteurs ont décidé de s’ouvrir à d’autres spéculations moins sensibles aux cyclones comme le poivrier, le vanillier, le caféier ainsi que les cultures maraîchères. Toutefois, ils sont conscients que même s’ils gagnent de l’argent dans les cultures de rentes, ils n’atteindraient jamais leur vision tant qu’ils n’arrivent pas à assurer leur sécurité alimentaire. Ainsi, parallèlement au développement de spéculations moins sensibles aux cyclones, ils comptent améliorer la production rizicole en optant pour des variétés à cycle court afin d’éviter les poches de sécheresse ainsi que les risques d’inondation liés aux cyclones. Enfin, dans cette Région de Madagascar, on observe une intégration de l’élevage bovin dans la riziculture. En effet, les zébus sont souvent utilisés pour les travaux de mise en boue des rizières en plus du fumier qu’ils procurent. Par conséquent, les membres du groupe de réflexion d’Ampasina Maningory/Ambodimanga II ont également décidé d’améliorer l’élevage bovin qui est par ailleurs victime d’une nouvelle maladie attribuée selon les éleveurs à l’augmentation de la température.

E.1.5 - LA PLANIFICATION PARTICIPATIVE

La planification des pistes d’actions d’adaptation aux changements climatiques s’est basée sur la vision partagée et les résultats des réflexions émanant des quatre sous groupes. Les démarches et stratégies proposées dans la phase de « visioning » ont été revues pour identifier celles qui, d’une part, ont un lien direct avec les changements climatiques et, d’autre part, celles qui sont réalisables à court terme et moyennant un petit budget. En effet, lors de la réunion visioning , les actions identifiées touchaient différents domaines dont certains ne présentaient aucun lien direct et évident avec les risques climatiques ou dépassaient tout simplement les compétences des membres du groupe de réflexion et celles du Projet ACCA Madagascar. Pour faciliter la réflexion, le groupe a été subdivisé en sous-groupe traitant chacun une piste d’action qui a été par la suite déclinée en activités et tâches pour lesquelles les participants ont identifié (a) les ressources– financières, matérielles, humaines ou autres nécessaires à la mise en œuvre, (b) les partenaires potentiels, (c) les personnes responsables et (d) le chronogramme de réalisation. En d’autres termes, ils ont développé un plan d’action qui est résumé dans le Séance de t ravail de groupe facilité e par des ingénieurs du Projet ACCA tableau en infra. Madagascar lors de la réunion de planification participative Photo : Lilia RABEHARISOA

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Durant la réunion de planification participative, un film sur les pratiques anti-risques et d’adaptations aux changements climatiques déjà entreprises par les agriculteurs dans les quatre Région d’intervention du Projet ACCA Madagascar a été projeté. Ce film documentaire qui est une production interne du Projet inclut des entretiens avec des agriculteurs membres du groupe de réflexion d’Ampasina Maningory / Ambodimanga II. Sa projection revêt des objectifs multiples : restitution, reconnaissance, sensibilisation et motivation.

Tableau 6 : Plan d’actions du groupe de réflexion d’Analanjirofo Stratégies/Actions Activités Période AMELIORATION DE LA RIZICULTURE IRRIGUEE Intensification et Amélioration en termes de fertilisation, de maîtrise d'eau, de sarclage Juillet 09 amélioration de la Août 09 culture de la variété X Repiquage (avancement de la date de repiquage par rapport à la période 265 habituelle) Demande de conseils/renseignements sur les techniques culturales à Juillet et Août Expérimentation/adop adopter et conduite des transactions auprès d’un paysan leader qui a déjà 09 tion de la variété à 105 adopté cette variété à 105 jours jours Mise en pratique des techniques culturales préconisées Mise en place de parcelles de démonstration au niveau de chaque village Juillet-Août 09 Sensibilisation des Organisation d'une réunion villageoise et visite au niveau des parcelles de Octobre 09 villageois riz sous la direction du chef Fokontany Réunion des paysans ayant installé des parcelles de démonstration AMELIORATION DE L’ELEVAGE BOVIN Sensibilisation au niveau de chaque village (en utilisant des affiches) Mise en place d'un Assemblée générale des éleveurs en vue de la mise en place du groupement d'éleveurs groupement Juillet 09 Contact du technicien à Fenoarivo Atsinanana par des représentants du Contact du vétérinaire groupement / technicien Formation par les techniciens (sur les nouvelles maladies; la protection Août 09 des animaux; mise en place d'une règle de conduite) DEVELOPPEMENT DE CULTURES DE RENTE RESISTANTES AUX CYCLONES (Vanillier, poivrier, piment, légumes)

Sensibilisation des villageois pour qu'ils adhèrent aux associations Juillet 09 Création d'une association légale au Première réunion pour la mise en place du Bureau niveau de chaque Deuxième réunion pour finaliser les détails Commune Démarches administratives en vue de la légalisation de l'association Août 09 Contact du/des technicien(s) Appel à un/des Démarches pour identifier les localités pour l'installation des sites technicien(s) pour "vitrines" former les membres Démarches pour identifier la salle de formation de l'association Formation par les techniciens Septembre 09

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Stratégies/Actions Activités Période Projection du film réalisé par ACCA sur l'adaptation des paysans dans les Juillet 09 4 Régions d'intervention Sensibilisation suivie d'application Mise en place de paysans pilotes par spéculation Septembre 09 Organisation de visites d'échanges au niveau des sites vitrines Janv-10

Mise en place de Recherche de matériels pépinières Recherche de semences Septembre 09 individuelles (avec un système de prime) Préparation de la pépinière, semis, entretien et sarclage Source : Atelier de planification participative, juillet 2009

En résumé, trois stratégies ont été retenues avec des actions communes:

 le renforcement du capital social à travers la création d’une association pour l’adaptation collective au changement climatique ;  le renforcement des capacités à travers les formations aux innovations agricoles et pastorales pouvant accroître la résilience face au changement climatique ;  la recherche expérimentale sur les variétés de produits agricoles supposés résister aux effets du changement climatique, par la création des champs vitrines ou par l’expérimentation individuelle.

E.1.6 - LA MISE EN ŒUVRE DES ACTIONS PLANIFIEES

Il importe de mentionner que d’une manière générale, la majorité des actions a été mise en œuvre par les membres du groupe de réflexion eux-mêmes. Le Projet a seulement joué un rôle d’accompagnateur et a assuré en particulier l’appui à la recherche de partenaires et à la formulation des termes de référence du prestataire de formation. Concernant la première phase de mise en œuvre des actions planifiées c’est-à-dire la période entre la planification participative et le premier suivi-évaluation (juillet à octobre 2009), le groupe a démarré toutes les actions:

Démarrage de la création d’association

Une assemblée générale constitutive a été organisée en juillet 2009 : l’association a été dénommée “ V.T.M.F.A (Vondron’ny Tantsaha Miatrika ny Fiovaovan’ny toetr’andro eto Analanjirofo ) ou Association des agriculteurs/paysans face aux changements climatiques dans la Région d’Analanjirofo”. Si au départ, les membres du groupe de réflexion ont envisagé deux associations (d’une part les agriculteurs et d’autre part les éleveurs), leurs concertations ont finalement abouti à la décision de ne créer qu’une seule association mais avec deux volets : le premier concerne l’agriculture et le second l’élevage. Les membres du Bureau ont également été élus (10 membres dont une femme) mais parallèlement aux procédures de formalisation, l’assemblée a convenu de continuer les activités déjà prévues.

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Sensibilisations villageoises

Des projections vidéo ont été réalisées par les membres du groupe de réflexion au niveau de 10 villages afin de sensibiliser la communauté sur les questions d’adaptation aux changements climatiques. Le support utilisé a été un film intitulé « A la recherche de pratiques d’adaptation des systèmes agraires malgaches aux risques climatiques » produit par le Projet ACCA. Environ 500 individus ont assisté à ces séances de Séance de projection vidéo dans le village de Vohibao, Commune projections/sensibilisations. Ampasina Maningory – Photo : Mamy RAMPARANY

Essais de deux variétés de riz à cycle court

Concernant l’amélioration de la riziculture irriguée, l’objectif est d’assurer la sécurité alimentaire afin de ne pas affecter le revenu issu de la culture de rente dans l’alimentation. Outre l’amélioration des techniques culturales, des membres de l’association ont procédé à des essais variétaux de X265 (14 membres) et d’une variété à 105jours (5 membres dont un est le paysan-pilote ont essayé cette variété). Du fait de leur cycle court, ces variétés permettraient (a) de Félix LEVOAVY, le paysan pilote pour la variété de riz à 105j devant sa contourner les sécheresses à la fin de contre parcelle de démonstration en floraison – Photo : Nosy ALIZANY saison et (b) de réaliser deux campagnes par an tout en contournant la saison cyclonique Avant le premier suivi-évaluation participatif, le riz n’a pas encore été récolté mais les paysans expérimentateurs ont discuté du comportement des deux variétés mises en expérimentation.

Démarches pour identifier le prestataire de formation

Immédiatement après la planification participative, des représentants du groupe de réflexion et le facilitateur local du Projet ACCA Madagascar ont contacté des organismes d’appui susceptibles de réaliser le renforcement de capacités dans les domaines d’action identifiés. Les termes de référence ont été affichés au niveau régional.

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E.1.7 - LE SUIVI –EVALUATION PARTICIPATIF

Après trois mois de mise en œuvre des actions identifiées, le groupe a réalisé sa première réunion de suivi-évaluation participatif (SEP) sous la facilitation de l’équipe du Projet. Deux aspects ont été analysés par le groupe : l’état d’avancement dans la réalisation des activités planifiées et l’état d’avancement dans l’atteinte de la vision. Concernant le premier, les activités planifiées ont été passées en revue et commentées afin d’en tirer les leçons sur les échecs et la réussite. Etant donné que des essais individuels de variété de riz à cycle court figuraient parmi les activités planifiées, la réunion de suivi-évaluation participatif était une occasion pour les membres du groupe de discuter des observations qu’ils ont faites dans leurs parcelles respectives. Quant à l’état d’avancement dans l’atteinte de la vision, la première réunion de suivi- évaluation participatif a commencé avec la définition des indicateurs qui permettent de suivre et d’apprécier l’avancement du groupe dans l’atteinte de la « situation idéale ». La définition d’indicateurs n’était pas sans difficultés mais a finalement été atteinte à travers un exercice participatif durant lequel les participants ont été invités à donner leurs points de vue sur le thème de réflexion. Pour chaque domaine d’action, deux à trois aspects clés ont été retenus et suivis pour permettre au Projet ACCA et au groupe de réflexion de voir si la situation évolue dans la bonne direction. Pour chaque aspect, des indicateurs ont été identifiés et pour faciliter le suivi, différents niveaux ont été établis (tableau 7).

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Tableau 7 : Les indicateurs de suivi du changement et les repères du progrès Indicateurs de changement Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Niveau 4 retenus

Consolidation du capital social Recueil des adhésions Dossier constitué Dépôt du dossier Légalisation 1 : Création d’association Existence d’objectif(s)

Consolidation du capital social Rencontres formelles et Bureau mis en place. Bureau fonctionnel. Gouvernance exemplaire : 2 : Fonctionnement interne de ou informelles des l’association membres du groupe Rencontres formelles Rencontres régulières. - mécanismes fonctionnels de gestion des conflits, de transparence et Existence d’un programme de Assiduité des membres Existence d’équité, travail de règlement intérieur - niveau d’exécution des décisions, leadership, etc. Mise en œuvre d’activités Règlement intérieur respecté - atteinte des objectifs à 50% réflexions sur les échecs et les lacunes communes (paiement du droit d’adhésion, - - les membres se distinguent des non paiement des cotisations, membres

motivation des membres, - association autonome solidarité des membres)

Consolidation du capital social Le groupe reçoit les Le groupe mène des réflexions, Le groupe a mis sur pied un Le groupe va chercher les informations et 3 : Efficacité de l’association informations sur le reçoivent et diffusent des système de production et de connaissances chez des partenaires et par rapport à l’adaptation au changement climatique informations sur le changement diffusion des informations vers prennent des décisions pour des actions changement climatique climatique l’extérieur du groupe collectives

Sont consultés pour les stratégies en matière d’adaptation au changement climatique.

Ont un programme d’action établi

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Indicateurs de changement Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Niveau 4 retenus

Renforcement de capacités Formation effectuée. Rapport entre nombre de formés Impacts sur le rendement ou Effets d’entraînement (évolution positive techniques 1: formation aux et nombre de gens qui ont mis en avec les membres de la communauté) innovations agricoles Nombre de personnes pratique la formation Acquisition de capacités résistantes aux aléas formées, équité genre d’adaptation aux CC/aléas Besoins nouveaux en formation climatiques dans la formation Type de pratiques adoptées par climatiques rapport aux pratiques dispensées Impact sur la production Application des innovations lors des formations Amélioration de la production Impacts sur les revenus Maîtrise des techniques acquises lors des formations

ouverture d’esprit / esprit d’innovation

application de techniques améliorées)

Renforcement de capacités Mise en place de sites Qualité des sites vitrines : Visites formelles et informelles Visite des non membres de l’association. techniques 2 : Recherche vitrine ou de paysans effectuées par des membres de expérimentale, analyse des pilotes - proximité des sites modèles l’association Changements de pratiques induits par les résultats et généralisation impliquant moins de dépenses visites ; Nombre de paysans pour les visites - les responsables des sites pilotes ou de sites vitrine Réflexion formelle de l’association autour vitrines sont capables des résultats de l’expérimentation et par spéculation et par d’écouter les autres (réceptifs) dissémination des leçons. "fokontany" et de les conseiller

Source : Atelier de suivi-évaluation participatif, octobre 2009

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E.2 - DEUXIEME CYCLE DE RAP

E.2.1 - LA RE-PLANIFICATION

A l’issue du suivi-évaluation participatif, les activités qui n’ont pas encore été réalisées ou qui ont connu des débuts timides ont été re-planifiées. C’est ainsi que les démarches pour la formation ont été planifiées, de même que celles relatives à la formalisation de l’association (rédaction du statut et du règlement interne). En ce qui concerne les sites vitrines, le groupe a décidé que leur mise en place ne sera effective qu’une fois les formations sur les cultures de rente plus résistantes au cyclone terminées.

E.2.2 - LA MISE EN ŒUVRE DES ACTIONS RE -PLANIFIEES

Par rapport au renforcement de capacités, les membres de l’association ont bénéficié d’une formation sur les cultures maraîchères, sur les cultures de rente et sur l’amélioration de la conduite d’élevage en novembre 2009. Les taux de participation aux formations théoriques et pratiques sont respectivement de 63,7% et 49,2% mais il semblerait que l’élevage bovin et la culture maraîchère sont les filières qui ont le plus motivé les membres de l’association (tableau 8). Tableau 8 : Résultats de la formation Filière Nombre de pré- Nombre de participants Superficie inscrits Théorie Pratique (Ares) Maraichère 21 13 (61,9%) 03 (14,2%) 02 Elevage bovin 22 22 (100%) 22 (100%) Café 26 05 (19,2%) 05 (19,2%) 5,5 Vanille 04 (15,3%) 04 (15,3%) 1,5 69 44 (63,7%) 34 (49,2%) Source : Rapport de formation, décembre 2009

Quant à la recherche expérimentale, elle concerne à la fois les cultures maraîchères, les cultures de rente et la riziculture. Pour les deux premières, les sites vitrines ont été mis en place : un (01) pour les cultures maraîchères, un (01) pour le vanillier et un (01) pour le caféier.

Pour les cultures maraichères, 05 planches de courgettes de 1,20m x 2m, 05 planches de concombre de 1,20m x 2m ont été installées et certains membres ont déjà commercialisé leurs produits au niveau du chef lieu de District. Le semis du chou de Chine (une variété de brède) et des tomates est également programmé. Pour le vanillier, 27 pieds sur 51 tuteurs prévus ont été plantés à titre de démonstration (normalement, il faudrait attendre 09 mois après la plantation du tuteur pour planter le vanillier). Ainsi, les arbres d’ombrage ne seront efficaces qu’en septembre 2010. Quant au caféier, 212 plants ont été repiqués, 614 attendent le repiquage qui est prévu pour le mois de juillet 2010.

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E.2.3 - SUIVI -EVALUATION PARTICIPATIF

Par rapport aux trois piliers autour desquels la RAP s’est articulée, la situation au mois d’avril 2010 montre que l’efficacité dans l’adaptation aux CC s’opère progressivement.

Dans le cadre du renforcement du capital social, l’association VTMFA a réélu un nouveau bureau en janvier 2010 et a obtenu un récépissé communal le 02 avril 2010. L’association compte officiellement 37 membres (les membres de l’association ont décidé de ne pas appliquer de droit d’adhésion car ils sont encore en phase de recrutement pour augmenter leur force). Le SEP revêt une importance particulière car le plan d’actions élaboré lors des réunions de SEP constitue à ce jour le programme de travail de l’association. Cette dernière a également profité de la réunion SEP pour valider le règlement intérieur et le statut d’une part et pour collecter les cotisations d’autre part. Selon les membres de l’association, le fait d’avoir réalisé les différentes activités témoigne de la motivation des membres.

En termes de renforcement de capacités, les membres de l’association ont apprécié la formation qu’ils ont reçue. Toutefois, en dehors de la culture de riz et du concombre dont les produits ont été vendus sur le marché du District, il est encore trop tôt pour évaluer les impacts de la formation sur le rendement ou sur les revenus. Enfin, concernant la recherche expérimentale, d’une manière générale et selon l’avis des agriculteurs, les résultats de ces premières expérimentations ne sont point décevant. Pour la variété X265, sur les quatorze (14) agriculteurs, 09 affirment une augmentation de la production tandis que 05 affirment une stagnation, aucun n’a évoqué une baisse de production. A titre d’exemple, SAMSON, un paysan venant de Tanambao Tampolo mentionne dans sa fiche technique avoir obtenu 192 kg de paddy avec 2kg de semence si auparavant il obtenait 140 kg de paddy avec la même quantité de semence. De même pour la variété 105 jours, en plus du paysan leader, MARISOA Paulette de Rantolava a enregistré une augmentation de 40% de sa production, allant de 56 Kg à 80 Kg de paddy. Dans l’ensemble et selon toujours les paysans, les raisons invoquées pour ces résultats jugés positifs sont :

 le respect des techniques culturales : éviter le retard de repiquage, pratiquer le repiquage en ligne, sarcler deux fois au lieu d’une. Ce point révèle en effet l’utilité de tenir une fiche technique simplifiée adaptée au format des paysans.  une meilleure productivité des semences expérimentées par rapport à celles utilisées auparavant. Cependant, parmi ceux qui ont enregistré une augmentation de la production, deux paysans ont effectué un apport d’engrais dans leur expérimentation.

Par ailleurs, l’effet d’entraînement au niveau de la communauté a été identifié comme un indicateur pour suivre le changement. Selon les participants, 11 membres de l’association ont été approchés par les membres de la communauté qui ont demandé des semences de variétés de riz à cycle court. Quatre (4) nouveaux membres qui, ont intégré l’association après l’expérimentation des variétés de riz à cycle court, envisagent également de tester la variété X265 pour la prochaine campagne rizicole.

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Tableau 9. Evolution des indicateurs du SEP entre octobre 2009 et avril 2010 Critères Consolidation du capital social Renforcement de capacités techniques

Indicateurs Suivi de la procédure de Fonctionnement interne de l’association Efficacité de l’association par Acquisition et mise en Recherche expérimentale, création et de légalisation de rapport à l’adaptation au pratique des connaissances analyse et généralisation l’association changement climatique innovantes

SEP 1 : Situation Niveau 1 :L’idée de la Niveau 2: Le bureau de VTMFA ou Niveau 2 : Les ateliers de Niveau 0 : Programme de Niveau 1 : Installation des en octobre création a été émise le 31 Association des paysans faisant face aux réflexion locaux ont été une formation élaboré ; appel sites vitrines pour les 2009 juillet 2009 avec 35 changements climatiques a été élu le 31 opportunité pour partager des public aux formateurs cultures de rente : vanille, personnes. Les adhésions se juillet 2009 et des réunions sont connaissances sur le lancé ; des prestataires poivre et café sont ensuite faites convoquées par le représentant régional changement climatique sélectionnés. progressivement et l’association compte 69 Les informations ont été membres. véhiculées à travers des brochures en version malgache ;

SEP 2 : Situation Niveau 4 : L’association Niveau 3 : A la suite de la réunion de Niveau 3 : Les membres du Niveau 1 : 48 membres de Niveau 4 : Les résultats ont en avril 2010 VTMFA a obtenu un récépissé janvier 2010, le bureau a commencé à groupe réfléchissent l'association ont bénéficié été analysés ; Quelques-uns communal le 02 avril 2010 fonctionner. L’association a profité de la régulièrement ensemble sur des formations sur la mettent en pratique dans réunion SEP pour valider le règlement les stratégies d’adaptation au culture du caféier, vanillier, leurs propres parcelles. intérieur et le statut. changement climatique. poivrier, la culture Certains ont déjà vendu les maraichère et produits maraichers qu'ils Les membres se sont acquittés de leurs l’amélioration de l'élevage ont récoltés. cotisations. bovin

Les différentes activités planifiées ont été réalisées

Source : SEP octobre 2009 et avril 2010

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Schématiquement, cette évolution peut être présentée comme suit :

Figure 3 : Evolution des indicateurs du SEP entre octobre 2009 et avril 2010

La deuxième réunion de SEP a été une occasion pour évaluer l’évolution des spéculations des 32 membres de l’association présents à la réunion, en prenant comme point de départ la formation de novembre 2009. Il faut toutefois noter que certaines activités comme les cultures maraîchères (et notamment les brèdes) n’ont pas encore commencé à cause de la saison. Ce tableau ne serait donc totalement pertinent qu’au bout d’un cycle entier. Par ailleurs, on remarque que malgré la sensibilité du giroflier aux cyclones, certains participants ont réalisé une extension de leur culture de giroflier et l’expliquent par la campagne intensive menée par la Région pour restaurer l’appellation Analanjirofo qui signifie littéralement « dans la forêt de girofliers ». Cela démontre la nécessité d’influencer les décideurs régionaux pour une meilleure adaptation aux changements climatiques.

Tableau 10 : Evolution des spéculations adoptées par les membres de l’association Spéculation Avant la formation Après la formation A planté, N’a pas planté, Entretien des Pas d’entretien Héritage Extension élevé ou élevé ou existants sans acheté acheté extension

Giroflier 24 19 1 12 0 12 Litchi 25 28 2 21 0 15 Poivrier 3 5 25 1 0 2 Vanillier 0 12 20 8 0 3 Caféier 6 11 15 17 0 4 Cultures maraîchères 0 14 16 7

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Recherche action participative et dynamisme des agriculteurs malgaches face aux changements climatiques: cas de la Région d’Analanjirofo (côte est de Madagascar) ______Spéculation Avant la formation Après la formation A planté, N’a pas planté, Entretien des Pas d’entretien Héritage Extension élevé ou élevé ou existants sans acheté acheté extension

Riziculture : Variétés traditionnelles 32 32

X265 14 17 Variété à 105 jours 3 7 Elevage bovin : Possession de bœufs 2 13 17 Habitat amélioré 0 1 (construction d’étable) Alimentation améliorée 2 9 Santé améliorée 18 15 Race améliorée 7 1 (Source : Réunion de suivi-évaluation participatif, avril 2010)

F - LEÇONS APPRISES ET FUTURES DIRECTIONS

Pour la riziculture, respectivement 9 sur 14 agriculteurs et 1 sur 4 agriculteurs ayant procédé à des essais de la variété X265 et de la variété à 105 jours ont rapporté une augmentation de leur production en comparaison aux anciennes variétés. Pour les cultures de rente, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions concernant les effets des actions mises en œuvre sur la vulnérabilité des populations. Il faudrait attendre que les cultures entrent en production pour constater si elles ont pu réellement réduire la vulnérabilité des ménages aux cyclones. Quant à l’élevage bovin, suite à la formation dont les membres de l’association ont bénéficié concernant la conduite d’élevage, une personne a amélioré l’habitat en construisant une étable et sept (7) ont amélioré l’alimentation du bétail.

Il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’efficacité des actions identifiées dans la réduction de la vulnérabilité aux changements climatiques mais le dynamisme des agriculteurs membres de l’Association VTMFA et les premiers résultats notamment en matière de riz à cycle court vont dans ce sens. Il est important de noter que la RAP a permis aux paysans membres du groupe de réflexion de prendre conscience des enjeux du changement climatique et d’initier des réflexions sur les actions à mener afin de s’adapter aux effets du changement climatique.

La réussite de la RAP repose essentiellement sur plusieurs facteurs. En premier lieu, le thème « changements climatiques» a été décisif puisque le sujet constitue une problématique commune qui menace directement les moyens de subsistance des agriculteurs. Les membres du groupe ont donc adhéré volontairement aux réflexions. En analysant les différentes étapes de la RAP, les points suivants sont également déterminants :

 la confiance entre les partenaires, confiance établie grâce à l’honnêteté du langage : dès le départ, aucune promesse de financement d’activité n’a été faite mais le Projet a proposé son assistance dans la facilitation des réflexions et dans la recherche de partenaires pouvant aider les communautés locales dans les actions d’adaptation aux changements climatiques.

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Recherche action participative et dynamisme des agriculteurs malgaches face aux changements climatiques: cas de la Région d’Analanjirofo (côte est de Madagascar) ______Cette confiance s’est également construite au fur et à mesure des échanges continus entre le représentant régional du Projet qui est basé au niveau de Tampolo-même et les membres du groupe de réflexion.  les outils utilisés : durant la planification participative, la projection du film dans lequel figurent des membres du groupe a stimulé davantage leur motivation car ils se sont sentis valorisés puisque les pratiques d’adaptation au cyclone qu’ils ont initiées sont reconnues et représentent une base de départ pour les discussions au sein du groupe.

Bien que la RAP ait pu générer un dynamisme au sein du groupe de réflexion d’Analanjirofo dans la recherche de solutions d’adaptation aux changements climatiques, nos observations ont permis de conclure que certaines étapes pourraient être allégées ou combinées à d’autres. Ainsi, la réunion portant sur la conceptualisation du changement (visioning) pourrait se combiner avec la planification participative afin d’éviter la démotivation des agriculteurs qui réclament souvent des actions concrètes.

G - PROCHAINES ETAPES : LES PERCEPTIONS ET OPPORTUNITES POUR L’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES A L’ECHELLE REGIONALE

D’une région à l’autre de Madagascar, diverses priorités sont définies par les acteurs œuvrant pour la planification, l’appui et la mise en œuvre des activités de développement, en fonction des réalités, potentialités et contraintes humaines et physiques régionales. Ces priorités ont été évoquées dans les documents-cadres du développement (les plans de développement régional, les plans communaux du développement), au cours de diverses concertations et réflexion entre les acteurs. Au cours de la concertation régionale dans l’Analanjirofo, l’équipe du projet a stimulé la réflexion entre ces acteurs pour cerner leurs perceptions sur les changements climatiques, ainsi que les opportunités existantes pour l’adaptation aux changements climatiques dans chaque région. Ainsi, les acteurs régionaux ont évalué ensemble les risques climatiques qui pèsent sur les filières porteuses et prioritaires choisies comme moteur du développement rural de la Région. Les risques pour l’agriculture dans la région face au changement climatique on été résumés mais on note que le riz pluvial est jugé comme le secteur le plus sensible suivi par les cultures de rente en particulier le girofle et le litchi. En revanche, l'élevage porcin et l’élevage laitier sont les filières les moins sensibles, si l’on ne tient pas compte de la sensibilité des filières qui assure l'alimentation du bétail. Pour mieux adapter les systèmes agraires dans la Région d'Analanjirofo aux conséquences des changements climatiques, les acteurs régionaux comptent sur l'existence de différents projets d'appui au développement agricole (Projet de Promotion des Revenus Ruraux et ses partenaires, CARE International, Catholic Relief Services/ODDIT), l’existence d'Institution Financière Mutualiste et la volonté régionale de prioriser l'amélioration de la production agricole. Les acteurs régionaux ont émis des besoins pour mieux aider les agriculteurs à s'adapter. Les besoins formulés étant des connaissances sur l'évolution du climat local et régional, de la vulnérabilité et des solutions d'adaptations possibles et des prévisions météorologiques saisonnières fiables pour la région. Les autres besoins se réfèrent à des préoccupations financières, les besoins définis étant les suivants : un appui financier aux Institutions Financières Mutualistes pour la mise en place d'un système d'assurance agricole, et une évaluation financière des conséquences des risques climatiques et de la mise en œuvre des solutions d'adaptation (fonds d'adaptation et de redressement).

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Recherche action participative et dynamisme des agriculteurs malgaches face aux changements climatiques: cas de la Région d’Analanjirofo (côte est de Madagascar) ______H - REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1. Banque Mondiale, Rapport N° 44743-MG, 31 juillet 2008 2. Earl S., Carden F et Smutylo M. 1971 : La cartographie des incidences : intégrer l’apprentissage et la réflexion dans les programmes de développement. Centre de recherches pour le développement international 2002, 143p

3. Intergovernmental Panel on Climate Change : Climate Change : synthesis report, 2007

4. Ndiaye A.A., Barreto T. , Souaré A., Mbao N., Touré O.T. 2005 : L’évaluation des progrès vers le changement : Guide pratique FRAOW/WARF N°5 Dakar, ISSN 0851-6898, 109p

5. Rabefitia Z., Randriamarolaza L.Y.A., Rakotondrafara M-L, Tadross M., Ki YiP Z. 2008 : Le changement climatique à Madagascar, Direction Générale de la Météorologie, 32p

6. Rakoto Ramiarantsoa H., « Madagascar au XXIe siècle : la politique de sa géographie », EchoGéo [En ligne], Numéro 7 | 2008

7. Randevoson N. M. 2009 : Les systèmes agro forestiers face aux aléas climatiques – cas de la Région Analanjirofo . Mémoire de fin d’études, département AGRICULTURE/ESSA, 115p

8. Rapport technique N°1 Projet ACCA, 2007

9. Rapport technique N°2 Projet ACCA MDG, 2008 a 10. Rapport technique N°3 Projet ACCA MDG 2008b 11. Rapport technique N°4 Projet ACCA MDG 2009a

12. Rapport technique N°5 Projet ACCA MDG 2009b

13. Rapport de formation du Centre Saint Benoît, décembre 2009

14. Soamazava S.E. , 2008 : Etude des séries évolutives des systèmes agraires en relation avec les changements climatiques – cas du District de Fenoarivo Atsinanana / Région Analanjirofo », Mémoire de fin d’études, département AGRICULTURE/ESSA, 10

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