« Indie way of life »

Une musique indépendante Entre institutionnalisation et contre-culture

Agathe MICHEL

Mémoire de 4e année Séminaire : La Fabrique culturelle

Sous la direction de : Claire TOUPIN-GUYOT

2015-2016 Remerciements

Je tiens à remercier tout particulièrement Claire Toupin-Guyot pour ses conseils, son soutien et ses remarques toujours pertinentes concernant mon travail, tout au long de l’année.

Je remercie également toute l’équipe de la Fabrique culturelle, et particulièrement Alice Le Diouron et Grégoire Bienvenu, pour cette entraide et soutien qui a rendu mon travail parfois plus facile.

Merci enfin à ma famille, Baptiste Quéré, Clément Lemennicier mais aussi à Eléonore James, Ghislain Fracapane, Aline Yvain, Antoine Le Masson, Frédéric Morel, François Floret et tout ceux qui m’ont éclairée ou soutenue pendant la réalisation de ce mémoire.

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Résumé

Ce mémoire a pour objectif de retracer les évolutions de la musique indie, des années 1980 jusqu’à aujourd’hui, et de définir ce qu’elle est finalement devenue. Il fait part de l’ambiguïté du terme « indie », entre ce qu’il renferme aujourd’hui et ce qu’il signifiait à l’origine. Ce mémoire met ainsi en évidence l’émergence d’une contre-culture en véritable phénomène de mode et traduit de fait les limites de ce courant, construit originellement contre les industries commerciales. L’un des principaux enjeux de ce travail est de rendre compte de l’évolution de l’indie, au regard de la numérisation de la musique et du développement des nouveaux moyens de production, diffusion, communication que représente Internet. Il se base également sur l’exemple français en terme d’institutionnalisation des pratiques musicales et de l’indépendance des artistes vis-à-vis des dispositifs d’aide, de soutien mais également des normes qu’ils imposent.

This master thesis aims at relating the indie music evolutions, from the 1980’s to nowadays, and to define what indie music eventually became. It introduces the ambiguity of the term « indie », from what it is supposed to mean today and what it referred to at the beginning. It underlines the emergence of a sub-culture as a real fashionable phenomenon and thereby expresses the limits of such a movement, originally created against commercial industries. One of the main stakes of this work is to report the evolution of the indie movement in view of the music digitalisation and development of new ways of production, diffusion and communication thanks to Internet. This master thesis is also based on the French example of the music institutionalisation and the artists’ independence with regard to these support measures, but also to these implicit standards imposed.

Mots-clés : Musique indie, Indie way of life, new wave, pop, rock, punk, contre-culture, musiques actuelles, politiques culturelles, labels, majors, streaming, vinyle, industrie du disque, mainstream.

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Sommaire

REMERCIEMENTS ...... 2 RESUME ...... 3 SOMMAIRE ...... 4 TABLE DES SIGLES ...... 5 TABLE DES ILLUSTRATIONS ...... 6 INTRODUCTION ...... 8 PARTIE 1. L’INDIE MUSIC : ENTRE CULTURE DE MASSE ET INDEPENDANCE ...... 15

CHAPITRE 1. LE DEVELOPPEMENT DE LA SOCIETE DE CONSOMMATION ET L’AVENEMENT D’UNE MUSIQUE INDEPENDANTE . 15 CHAPITRE 2. LES COURANTS FEDERATEURS DE LA MUSIQUE INDIE ET LEUR INFLUENCE ACTUELLE SUR L’ESTHETIQUE D’UNE MUSIQUE INDEPENDANTE ...... 29 PARTIE 2. INDIE, INDUSTRIE ET INSTITUTIONS : ENTRE CONFLITS ET COMPROMIS ...... 43

CHAPITRE 1. LA DICHOTOMIE DE L’INDUSTRIE MUSICALE ENTRE MAJORS ET INDEPENDANTS ...... 43 CHAPITRE 2. L’ENCADREMENT INSTITUTIONNEL AUJOURD’HUI EN DES MUSIQUES ACTUELLES ...... 57 PARTIE 3. LA MUSIQUE INDIE AUJOURD’HUI : ENTRE SACRALITE DES VALEURS ET RECUPERATIONS ... 71

CHAPITRE 1. L’INDIE, UN ART DE VIVRE ? ...... 71 CHAPITRE 2. L’INDIE DEVENU GENRE : LA FIN D’UNE CONTRE CULTURE ? ...... 83 CONCLUSION ...... 97 ANNEXES ...... 101 SOURCES ...... 104 BIBLIOGRAPHIE ...... 112 INDEX ...... 114 TABLE DES MATIERES ...... 117

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Table des sigles

Adami : Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes

CD : Compact Disc

CNV : Centre National de la chanson, des Variétés et du jazz

Calif : Club Actif des Labels Indépendants Français

Crédoc : Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie

DGMIC : Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles

DIY : Do It Yourself

EMI : Electric and Musical Industry

EP : Extended Play

Fair : Fond d’Action et d’Initiative Rock

Fedelima : Fédération des Lieux de Musiques Actuelles

Felin : Fédération Nationale des Labels Indépendants

IMM : Institut des Métiers de la Musique

Irma : centre d’Information et de Ressources pour les Musiques Actuelles

LP : Long Play

MaMA : Marché des Musiques Actuelles

NME : New Musical Express

P2P : Peer-to-peer

Sacem : Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique

Solima : Schéma d'Orientation pour le développement des LIeux de Musiques Actuelles

Spedidam : Société de Perception et de Distribution des Droits des Artistes-Interprètes

SNEP : Syndicat National de l’Edition Phonographique

UPFI : Union des Producteurs Phonographiques Français Indépendants

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Table des illustrations

Figure 1 : Extrait de la bande dessinée Indie de David Snug………………………….…..p. 7 Source : SNUG (David), Indie, 19 juillet 2015. (consulté le 5 mai 2016)

Figure 2 : Schéma de la filière du disque…………………………………………….…………… p. 43 Source : CURIEN (Nicolas) et MOREAU (François), L’industrie du disque, , La Découverte, 2006, p. 6.

Figure 3 : Gain d'un artiste selon les différents supports d'écoute……………………p. 50 Source : « Radio-CD-Streaming : combien gagnent les artistes ? », Adami [en ligne]. (consulté le 12 avril)

Figure 4 : post Facebook issu du mur de Mac Demarco, 7 juillet 2015……………..p. 52 Source : Facebook de Mac Demarco : , consulté le 6 avril 2016.

Figure 5 : Extrait de la bande dessinée Gimme de Half Bob……….…….p. 75 Source : blog des Inrocks , consulté le 12 avril 2016.

Figure 6 : Visuels de Mha (2014), par Claude Autret………………………………………..p. 76 Source : Bandcamp de Mha , consulté le 20 avril 2016.

Figure 7 : Visuels de Fine Time (1989)………………………………………………………………p. 78 Source : < http://bit.ly/1TpYUWV>, consulté le 13 avril 2016.

Figure 8 : Visuels de Complètement Fou (2014)………………………………………………..p. 85 Source : site web de Recreation Center, label de Yelle , consulté le 26 avril 2016.

Figure 9 : Logo Yelle décliné en écussons…………………………………………………………p. 85 Source : site web de Recreation Center, label de Yelle , consulté le 26 avril 2016.

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Introduction

Dans une bande dessinée, David Snug ironise sur la pertinence d’un concept dérivé de nombreux courants alternatifs : l’indie. Sur la scène musicale, cette notion occupe aujourd’hui une place notoire. L'utilisation du terme « indépendance », et de son raccourci anglophone « indie »1, n'est pas anodine, puisqu'elle marque, par sa construction étymologique négative, une opposition idéologique ferme au fonctionnement de l'industrie du disque traditionnelle. La labellisation « indie » d'un courant musical renvoie ainsi à une véritable volonté de se distinguer des majors de l'industrie. Les leaders du marché ont en effet pour objectif la production musicale dans sa définition économique, c’est-à-dire la recherche du profit, avant même le propos artistique. La musique indie a ainsi permis l’émergence d’une industrie parallèle dont le leitmotiv serait la « music first »2. De nombreux labels indépendants ont donc vu le jour à l’orée des années 1980, proposant un nouveau modèle dans l’industrie de la musique au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, puis en France. L’indie connaît depuis le début des années 2000 un regain d’intérêt et s’impose comme une véritable tendance dans le monde culturel occidental. Il caractérise d’ailleurs de plus en plus un genre musical à part entière. Si le terme « indie », dans les années 1980, qualifiait ainsi un nouveau modèle de production musicale, il désigne désormais communément des franges indépendantes de la musique rock, pop, et autres genres musicaux qui en découlent.

L’indépendance dans la musique semble dès lors être une notion polysémique, qui dépendrait finalement des acceptions de chacun. Cette indépendance musicale peut être comparée à l’ambivalence de la « distinction entre cinéma d’auteur et cinéma commercial »3. Historiquement, cette définition semblerait correspondre à l’indépendance dans la production des , en marge de l’industrie musicale traditionnelle et de l’emprise des majors sur le processus de création. Pour certains, l’indépendance d’un groupe s’arrête à partir du moment où, même s’il est produit par un label indépendant, il est distribué par une major4. En outre, pour les mouvements musicaux qui sont à la marge des courants principaux, l’indépendance

10 Page précédente : extraits de la bande dessinée SNUG (David), Indie, 19 juillet 2015. (consulté le 5 mai 2016) « Indie » : raccourci de l’anglais independent. 2Slogan du label indépendant français et européen Because Music. Traduction : La musique d’abord. 3POTTIER (Jean-Marie), : 1979-1997, Le Mot et le Reste, Marseille, 2015, p. 24. 4Entretien avec Frédéric Morel, co-directeur du disquaire Blindspot, le 23 janvier. 8 peut être vue comme un moyen de distanciation par rapport aux modes et tendances musicales, et des styles qui dictent le marché de la musique. Enfin, l’indépendance dans la musique peut également simplement renvoyer à l'idée de liberté dans le processus de création, exempt des exigences potentielles du marché, du public et des majors.

Néanmoins il apparaît aujourd’hui une tendance à l’assimilation des termes « indie » et « indépendant » à un genre musical à part entière, faisant ainsi évoluer de manière significative leur sens par rapport à leur utilisation initiale : « Today, the words ‘indie’ and ‘independence’ are commonly taken only to be connotative of a musical style, yet during an earlier punk/post-punk period they were used to denote a specific economic separateness from the major labels »1. Si l’indie est principalement utilisé pour désigner les genres proches du rock et de la pop, dans leur dimension d’indépendance face aux majors, il peut également être utilisé pour qualifier les pendants indépendants des autres genres musicaux, de telle sorte que l'on entend parfois parler de rap indie. L’objet de ce mémoire s’articule uniquement autour de la définition la plus commune de l’indie, soit dans son acception liée aux musiques rock et pop.

Toutefois, ce genre musical « indie » n'est pas toujours utilisé de la même manière. En effet, certains groupes se définissent comme indie, par simplicité : « on se dit ‘‘indie’’ comme ça, ça met tout le monde d’accord »2. D’autres utilisent cette appellation en complément d’un autre genre musical, comme avec la définition indie-pop ou bien indie-rock. L’indie peut être une étiquette qui permet à chacun de s’identifier comme il le souhaite. Dans un aspect comparatif avec d’autres genres musicaux antérieurs à l’indie, de nouvelles définitions peuvent apparaître, comme celle d’une musique blanche et relativement jeune qui est intervenue à une époque ou la musique pop puisait ses influences dans les musiques noires-américaines :

« Ce mécanisme s’est enrayé avec l’apparition de la musique indé, comme The Smiths. Les groupes se sont davantage penchés sur le rock historique, et c’est devenu une tradition blanche. Les groupes de rock indé actuels ne regardent plus vraiment du côté du hip-hop et du R’n’B moderne. Alors que dans les années 1960 et 1970, le rock britannique était intimement lié à la musique noire. »3

Quoi qu’il en soit, le terme « indie » reste intimement lié à la notion d’indépendance,

1DALE (Pete), « It was easy, it was cheap, so what ? Reconsidering the DIY principle of punk and indie music », Popular Music History, vol. 3, n°2, 2008, p. 171-193. Traduction : Aujourd’hui les mots ‘indie’ et ‘indépendance’ sont communément utilisés pour désigner un style musical, pourtant une première période punk/post-punk ils étaient utilisés pour indiquer une séparation économique spécifique des majors ». 2Entretien avec les Slow Sliders, groupe indie, le 29 mars 2016. 3Simon Reynolds interviewé dans SOURDES (Lucile), « Pourquoi la musique n’invente plus rien : rencontre avec Simon Reynolds », Le Nouvel Observateur, 5 avril 2013. (consulté le 28 avril 2016) 9 car il traduit une indépendance de fait des groupes labellisés comme tels. L’indie peut ainsi se définir comme « un genre perpétuellement ambigu, partagé entre la marge et les dernières tendances, défini aussi bien en tant qu’économie branlante qu’esthétique »1. En faisant partie de la musique indépendante, l’indie désigne alors un courant musical à part entière, aux esthétiques dérivant du rock.

Il en résulte néanmoins une certaine ambiguïté quant à la définition du terme « indie », notamment au regard de la contre-culture à laquelle il renvoie. Certains médias se sont intéressés à sa définition actuelle et ont mis en évidence certaines dérives de l’idéologie initiale basée sur la notion d’indépendance des majors. En effet, des groupes actuels tels que ou encore les définis comme indie, sont critiqués pour cette définition du fait de la récupération commerciale dont ils font l’objet : « Arctic Monkeys are still called an indie band, but the closest thing their new record sounds like somewhere between Black Sabbath and Dr Dre. Where’s the indie in that? »2. L’ambivalence de ce terme s’est développée avec la résurgence du genre dans les années 2000 et semble être un élément important dans la compréhension du courant musical qu’il définit.

L’indie way of life correspond au titre de l’ouvrage sorti en 2015 par les Editions de Juillet pour fêter les vingt-cinq années du festival de la Route du Rock. Il retrace l’histoire du festival malouin qui affiche clairement la volonté de mettre à l’honneur la musique indépendante dans sa programmation. Le festival s’est construit depuis la fin des années 1980 autour de l’association Rock Tympans, avec en maître mot l’exigence de la programmation proposée aux festivaliers, caractérisé par son indie way of life, il représente le plus vieux festival indie en France. Guidée par les exigences d'une programmation invoquant « l'absence de compromis », la politique du festival a ainsi permis à ses organisateurs de fédérer un public autour de leur projet initial3. En développant cette philosophie indie, soit en refusant de se soumettre à l'industrie de la musique et à ses modes, la Route du Rock maintient le cap des découvertes musicales, produites à petite échelle et de manière indépendante. L'expression indie way of life traduit en effet une véritable éthique : si son centre de gravité reste la musique

1DELCOURT (Maxime), « Concrètement, ça veut dire quoi l’«indie-rock» aujourd’hui ? », Brain Magazine, 9 mars 2016. (consulté le 27 avril 2016) 2TRENDELL (Andrew), « Peace claims that Arctic Monkeys aren’t indie anymore », Gigwise, 12 juin 2014. (consulté le 30 avril 2016) Traduction : Arctic Monkeys est tujours appelé groupe indie, mais la chose la plus proche de leur nouvel enregistrement sonne comme quelque chose entre Black Sabbath et Dr. Dre. Où est l’indie là-dedans ? 3Entretien avec François Floret, directeur du festival La Route du Rock, le 18 janvier 2016. 10 indie, musiciens et non musiciens partagent de plus en plus des modes de vie tels que le végétarisme, le retour au vintage et la consommation locale. Par le canal de la musique, l'indie se présente ainsi, par définition, comme une contre-culture à la société de consommation, en intégrant depuis le début des années 2000 différents domaines du quotidien.

Avec le développement de cette nouvelle industrie, une certaine institutionnalisation s’est mise en place, notamment en France, du fait de l’exception culturelle dont elle se réclame et des politiques culturelles entreprises dans le domaine des musiques actuelles. Ce terme de musiques actuelles en France est utilisé par les pouvoirs publics pour définir la musique de la fin du XXe et du début du XXIe siècle. Il caractérise à la fois la musique ayant trait au jazz, la musique traditionnelle, les musiques populaires, la chanson, ainsi que les musiques amplifiées qui correspondent elles-mêmes à un « ensemble de musiques et de pratiques sociales qui utilisent l’électricité et l’amplification sonore comme éléments majeurs, entre autres, des créations musicales et des modes de vie »1. La musique indie fait donc partie de ce que les Directions Régionales des Affaires Culturelles (Drac) ont appelé les musiques amplifiées. Si les genres pop et rock étaient plutôt exclus de l’horizon culturel français des Trente Glorieuses, les années 1980 ont vu se mettre en place une série de politiques culturelles pour accompagner ce secteur. Le ministère de la Culture témoigne ainsi d’une volonté d’intégrer et de promouvoir ces musiques au même titre que les musiques dites savantes :

« D’avoir été longtemps négligées par les pouvoirs publics, et par conséquent abandonnées aux seules lois du marché, ces musiques tirent une histoire administrative commune qui justifie que pour un temps encore elles reçoivent un traitement administratif commun, différencié de celui que reçoivent les musiques protégées depuis longtemps par le Prince ou par la République. »2

Ces politiques ont indéniablement permis aux musiques actuelles et plus précisément à la musique indie de se développer en France. Il est cependant pertinent de mettre en relation l’idéologie indie basée sur l’indépendance de la musique et de la création musicale avec les cadres imposés par les institutions publiques en matière de musiques actuelles. Cette approche permet de mieux comprendre les critiques liées à l’utilisation du terme « indie » pour une musique qui peut sembler institutionnalisée. Si ce mémoire se base, dans une approche historique, sur la musique indie des Etats-Unis et de Grande-Bretagne, qui sont les pays de

1TOUCHE (Marc), Connaissance de l'environnement sonore urbain, l'exemple des lieux de répétition. Faiseurs de bruits ? Faiseurs de sons ? Question de point de vue, Criv-CNRS, Sretie, 1994, p. 31. 2BERTHOD (Michel), WEBER (Anna), Rapport sur le soutien de l’Etat aux musiques dites actuelles, ministère de la Culture et de la Communication, Inspection générale de l’administration des affaires culturelles, juin 2006, p. 6. 11 naissance du mouvement, il se concentre principalement sur l’institutionnalisation française du genre. La France, par son exception culturelle et son intérêt apporté aux musiques actuelles, offre en effet un cadre institutionnel singulier à la musique indie. Pour témoigner de cette évolution institutionnelle, l’exemple français semblait donc tout à fait pertinent.

L’enjeu de ce mémoire est ainsi d’appréhender la musique indie, dans son acception liée aux mouvements rock et pop, au prisme d’une approche historique. C’est pourquoi il s’agira de se baser sur une analyse du courant musical à partir de la fin des années 1960 jusqu’à nos jours. L’historicité du style musical développé semble être une grille de lecture pertinente pour comprendre ce qu’est devenue aujourd’hui la musique indie et les modes de vie qui y sont associés. Différentes périodes peuvent être mises en évidence. Les prémices du genre peuvent être datés à partir de 1965, avec le mouvement punk et son opposition au monopole des majors sur l’industrie musicale, et plus généralement à la société de consommation développée durant les Trente Glorieuses. D'autre part, la fin des années 1970 marque l'avènement de la musique indie, avec notamment la sortie de l’ Unknown Pleasures (1979) de Joy Division qui consacre le genre new-wave comme un des courants principaux de la musique indie. Cette période a été marquée par la multiplication des labels et structures liées au marché de la musique indépendante. Enfin, les années 1990 illustrent une période de creux, caractérisée par une mise en difficulté par le marché, des structures indépendantes faisant vivre l'économie musicale parallèle des artistes indie. C’est ainsi qu’en 1991 et 1992, deux enseignes décisives pour la musique indie, les labels britanniques Rough Trade et Factory ont fermés leurs portes. Néanmoins, le début des années 2000 se caractérise par un regain d'intérêt pour la musique indie, avec le retour de différents éléments significatifs de cette culture. En 2003, les White Stripes remettent à l’honneur le vinyle, support historique de la musique indie, oublié depuis la fin des années 1980. Après neuf années de fermeture, le label Rough Trade rouvre ses portes en 2000, et de nombreux festivals mettent à l'honneur la musique indie, à l'instar de Rock en Seine, créé à Saint-Cloud en 2003, du Pitchfork Music Festival de Chicago créé en 2005, ou encore de The End of the Road en Angleterre créé en 2006. En France, de nombreux festivals indie ont émergé ces dernières années, traduisant le regain d’intérêt pour ce genre musical. Depuis 2011, le Pitchfork Music Festival organise ainsi une édition à la Villette de Paris. De même, le This Is Not A Love Song de Nîmes et Cabourg Mon Amour ont vu le jour en 2012. Le constat de ce regain d’intérêt pour la musique indie, que ce soit par les artistes, par la presse spécialisée ou par la multiplication des structures dédiées à cette mouvance musicale, permet

12 d’articuler ce travail autour de ce qu’est devenue la musique indépendante aujourd’hui. Il s’agit ainsi de se demander : comment la musique indie peut-elle aujourd’hui être définie au regard de l’évolution de l’industrie musicale, entre contre-culture et institutionnalisation ?

Plusieurs ouvrages rédigés en français ont servi de référence tout au long de la rédaction de ce mémoire dans l’appréhension historique du mouvement indie. Ce sujet n’est cependant pas ou peu traité par des travaux universitaires : la grille d’analyse scientifique s’est donc construite autour d’ouvrages traitant de grands concepts pouvant être assimilés à la musique indie. Cette série d'ouvrages a permis d'apporter un aspect théorique multidimensionnel à ce travail, tant au niveau sociologique qu'aux niveaux historique et économique sur l'évolution du mouvement indie et de ses acteurs. D'autre part, la presse spécialisée française et anglo-saxonne est venue en appui à l'analyse de l'actualisation du courant indie, interrogeant également les évolutions du mouvement en confrontant les enjeux actuels de la musique indie et ses débuts. La numérisation des informations et Internet ont également permis d’avoir accès à des articles et interviews d’archive témoignant de l’historicité du courant indie, des valeurs qui le définissaient à ses débuts ainsi que des évolutions qui l’ont marqué. En outre, dans la compréhension du marché du disque et plus généralement de l’industrie musicale, les rapports publics et les études des différents acteurs publics et privés la caractérisant ont joué un rôle fondamental dans l’étude des enjeux de la musique indépendante à ses débuts. Ils ont par ailleurs permis de mieux appréhender les évolutions du marché du disque, des supports musicaux et de la digitalisation de l’industrie musicale Il s'est également avéré essentiel d'intégrer, par une série d'entretiens, des témoignages d'acteurs de la scène indie pour en éclairer les différents aspects et y apporter une valeur plus subjective. Enfin, l’écoute des groupes phares mais aussi de formations moins connues, historiques ou actuelles de la scène indie m’ont permis d’appréhender la question du genre indie, dans son esthétique même.

Ce sujet, de par son étendue et la rareté des travaux universitaires lui étant consacrés, ne saurait, dans cette forme, fournir une étude exhaustive de l'évolution de la musique indie depuis ses débuts. La question des genres musicaux que questionne cette catégorie, au-delà du style musical appelé « indie », n’offre qu’une étude partielle et peu approfondie des spécificités du courant. De plus, le choix de la musique indie dans son acception commune rock et pop met de côté tout un pan de la musique indépendante associé aux genres de la musique électronique, techno, mais aussi du rap, du hip hop etc. La thématique des mouvements rocks

13 alternatifs en marge, voire en opposition à la musique indie, est également convoquée, mais pourrait faire l’objet d’une étude à part entière. Ce travail d’initiation à la recherche, sur un délai relativement court, demeure ainsi un modeste approfondissement des enjeux soulevés par l’étude de la musique indie. Les entretiens se sont déroulés avec des acteurs issus essentiellement de la scène indie rennaise, par facilité du réseau en main. Leur analyse reste donc ouverte aux critiques. Il aurait en effet été pertinent de les multiplier, de diversifier les acteurs interrogés et de récolter les ressentis liés aux évolutions de la musique indie dans d’autres réseaux que celui-ci. Néanmoins, la principale difficulté rencontrée dans la réalisation d'un tel travail a résidé dans la rareté des ouvrages spécialisés dans la musiques indie. L’institutionnalisation assez récente de ce sujet n’a pas encore permis une recherche en profondeur sur la question du genre indie et de la contre-culture qui y est associée.

Ce mémoire a ainsi pout but d’aborder la question de la musique indie dans son évolution historique sous un angle artistique et économique, dans la définition de la contre- culture qu’elle sous-tend et dans son acception actuelle. Il se base sur l’analyse historique du courant indie en étudiant les sources du mouvement et la construction de l’idéologie, de l’esthétique indie face à la société de consommation des Trente Glorieuses (I). Après l’analyse des figures majeures de la musique indie, et des sensibilités qu’elles ont portées, l’étude des acteurs de la musique indie permettra une meilleure compréhension des spécificités de cet indie way of life et des ambiguïtés liées au développement, voire à la démocratisation du courant (II). Enfin, une tentative de bilan sur la situation actuelle de la musique indie et du mouvement culturel qui lui est associé sera entreprise, en interrogeant les évolutions de ses spécificités et des limites propres au phénomène d’un contre-courant devenu mode (III).

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PARTIE 1. L’indie music : entre culture de masse et indépendance

Chapitre 1. Le développement de la société de consommation et l’avènement d’une musique indépendante

Les Trente Glorieuses ont marqué la société occidentale par le développement de nouvelles logiques de consommation qui se sont imagées, dans le domaine culturel, par la création de véritables industries. Des contre-courants musicaux se sont élevés en opposition à la massification de la consommation de biens culturels et ont ainsi conduit à la création du mouvement indie.

I. Culture de masse et monopole culturel

a) Uniformisation des biens culturels

La deuxième moitié du XXe siècle a été marquée par de larges transformations sur le plan culturel au niveau international. La mondialisation économique qui s’est opérée dans l’immédiate après-guerre s’est accompagnée d’une mondialisation culturelle, entrainant d’importantes mutations sur l’offre musicale. Avec l’émergence des nouveaux médias tels que la télévision et la radio, présents à la fin des années 1960 dans quasiment tous les ménages français – fin 1968, 87% des ménages français possèdent un poste radio et 61,9% une télévision1 – la communication autour des genres musicaux s’est trouvée facilitée, et a donné un aspect mondial aux productions musicales. « Le film, la radio, les magazines forment un système. Chaque secteur est uniformisé et tous le sont les uns par rapport aux autres »2. On a vu apparaître une offre musicale standardisée dans les pays occidentaux, avec les mêmes styles

1 BLANC (Robert), BOUTONNAT (Jacqueline), DESROSIERES (Alain), DURIF (Pierre), GOMBERT (Monique), KOEPP (Paul), LAFOREST (Pierre), SALMONA (Jean), VERRIERE (Louis), VILLENEUVE (André), Economie et statistique, n°3, Rapport de l’INSEE, Juillet-Août 1969, p. 66. 2 ADORNO (Theodor), W. & HORKHEIMER (Max), La Dialectique de la Raison, Gallimard, Paris, 1989 (1947), p. 129. 15 musicaux représentés. « On assiste alors à la commercialisation transnationale d’un genre ou d’un artiste, soit une forme d’uniformisation culturelle »1. Ce nouvel enjeu de la mondialisation culturelle a engendré une propagation de certains genres musicaux, provoquant la mise en exergue d’un monopole culturel de certains genres et artistes, surreprésentés à travers le monde.

La société des loisirs développée durant les Trente Glorieuses a permis le développement des industries culturelles dont l’émergence a été amorcée dès le début du siècle. Le domaine de la musique s’est vu profondément bouleversé par le développement de l’industrie du disque, entrainant une production à l’échelle industrielle des nouvelles sorties musicales, permettant ainsi une large diffusion à travers le monde, d’artistes qui deviendront mondialement connus. La standardisation des biens s’applique ainsi aux industries culturelles : « Le fait qu’elle [l’industrie culturelle, ndlr.] s’adresse à des millions de personnes impose des méthodes de reproduction, qui, à leur tour, fournissent en tout lieu des biens standardisés pour satisfaire aux nombreuses demandes identiques »2.

Pour Theodor W. Adorno, il est évident que l’émergence des industries culturelles a conduit à une uniformisation des biens culturels : « Though all industrial mass production necessarily eventuates in standardization »3 .

A la fin des années 1960, on assiste à une véritable « Beatlemania », le groupe de Liverpool a ainsi vendu plus d’un milliard de disques4 au cours de leur carrière. Cette nouvelle société de consommation de masse a mis en avant une certaine culture : celle du star-system, des hits parades et des charts à l’échelle mondiale. Simon Frith va jusqu’à parler de « musique de masse », avec la réappropriation de l’idéologie rock par l’industrie musicale : « les valeurs fondatrices du rock sont inversées une par une par sa routinisation industrielle et les transformations techniques »5. Le rock’n’roll devient alors une « conscience internationale »6, rassemblant à travers le monde une jeunesse désireuse de profiter de l’adolescence.

1 LEBRUN (Barbara), « Majors et labels indépendants », dans Vingtième siècle - Revue d’Histoire, n° 92, 2006, p. 36. 2 ADORNO (Theodor W.), HORKHEIMER (Max), La Dialectique de la Raison, Gallimard, Paris, 1989 (1947), p. 130. 3 ADORNO (Theodor W.), « On popular music », Studies in Philosophy and Social Sciences, New York Institute of Social Research, 1941, p. 17-48. 4 WHITE (Dave), « The End and Beyond », About, 17 octobre 2015. (consulté le 6 avril 2016) 5 FRITH (Simon), « Souvenirs, Souvenirs », in MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, Paris, 1991, p. 260. 6 YONNET (Paul), Jeux, modes et masses, Gallimard, Paris, 1986, p. 189. 16

b) Marchandisation de la musique : une nouvelle logique commerciale

La mondialisation culturelle et l’émergence des industries culturelles ont eu pour effet une marchandisation de la musique, en y incorporant les principes économiques classiques : recherche d’économies d’échelle, intégration verticale dans la production, concentration1 avec peu à peu un monopole exercé par quelques majors. Dans les années 1980 et 1990, 6 majors se partageaient les 90 % du marché de l’industrie du disque2 : Bertelsmann Music Group (BMG – Allemagne), Electric and Musical Industries (EMI – Grande-Bretagne), PolyGram/Philips (Pays- Bas), Sony (Japon), Time/Warner (États-Unis) et Universal (États-Unis). Il est possible de déduire du travail de Walter Benjamin sur la reproductibilité technique du disque3 et la perte de l’aura de l’œuvre reproduite que le disque des Trente Glorieuses n’est devenu qu’un produit de consommation comme un autre : « Les majors coordonnent donc toute la chaîne de production de la musique, de l’enregistrement du disque à sa diffusion puis à sa vente, évitant les intermédiaires et maximisant les profits selon un principe de synergie entre différents secteurs »4.

La société du loisir se développe et la musique devient un produit de consommation courant : « La musique populaire des années 50 était un produit parmi d’autres, destiné au marché en pleine expansion des teenagers, et ni les producteurs, ni les consommateurs ne s’étaient formalisés qu’elle fasse l’objet d’un échange marchand »5. Les habitudes de consommation des français évoluent, la musique prend une place de plus en plus significative dans leurs vies quotidiennes. En 1981, 81% des français écoutent de la musique contre 66% en 1973, et 10% ont assisté à un concert de jazz ou rock contre 6% en 19736. Des habitudes consuméristes se mettent alors en place7 et le disque représente désormais un véritable enjeu pour les industries culturelles. L’industrie de la musique, qui constitue un oligopole à franges, a su s’en saisir. Cette structure de marché est caractérisée, dans l’industrie musicale, par

11 FARCHY (Joëlle), « Promouvoir la diversité culturelle », Questions de communication, 2008 n°13, p. 173. 2 LEFEUVRE (Gildas), Le Producteur de disques, Dixit, Paris, 1998, p. 70. 3 WALTER (Benjamin), L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique, Allia, Paris, 2005 (1936), 79 p. 4 LEBRUN (Barbara), « Majors et labels indépendants », dans Vingtième siècle - Revue d’Histoire, n° 92, 2006, p. 34. 5 CHASTAGNER (Claude), De la Culture rock, Presse Universitaire de France, Paris, 2011, p. 148. 6 DONNAT (Olivier), Pratiques culturelles, 1973-2008, Dynamiques générationnelles et pesanteurs sociales, 2011, rapport public publié par ministère de la culture. p. 3. 7 « Consommer le dernier cri, la dernière nouveauté, selon l’impératif soigneusement entretenu par toutes les forces de persuasion médiatiques et gouvernementales, constitue la clé de la liberté, un signe d’indépendance de goût et de caractère. Le taux de consommation (le fameux « panier de la ménagère ») est toujours cité comme indicateur du « moral des ménages ». » CHASTAGNER (Claude), De la Culture rock, Presse Universitaire de France, Paris, 2011, p. 150. 17 quelques majors qui se partagent une grande part du marché et de nombreux petits labels qui se situent dans une situation proche de la concurrence pure et parfaite. Certaines entreprises spécialisées dans l’électronique ont diversifié leurs activités et se sont intéressées à la production musicale. Philips et Sony sont ainsi devenues deux maisons de disques respectivement en 1962 et 1929 et font partie en 1970 des principaux acteurs de l’industrie du disque. Au-delà de la recherche d’économie d’échelle, l’intérêt pour les majors de contrôler l’industrie du disque et notamment la distribution des disques est de pouvoir imposer leurs tarifs, limiter les coûts de transactions et ainsi constituer des barrières à l’entrée du marché du disque, afin de limiter la concurrence des plus petites structures1.

c) « People who put music first » ou l’émergence des labels indépendants

En opposition à l’industrie musicale alors en place, dirigée par quelques grandes entreprises, une petite frange de labels indépendants s’est créée dans les années 1970 avec une « politique de « résistance » aux majors »2. Une idéologie s’attache ainsi à la création de ces nouvelles petites structures : celle de la musique avant tout. Le groupe de punk, originaire d’Irlande du Nord, Stiff Little Fingers rend ainsi hommage à son label Rough Trade dans le morceau « People who put music first » sorti sur l’album Inflammable Material (1979). Rough Trade compte parmi les labels indépendants les plus connus. Après une fermeture entre 1991 et 2000, le label britannique continue ses activités, comptant actuellement 20 artistes3.

Animés par la tradition marxiste, la pensée soixante-huitarde, et la théorie de Theodor W. Adorno selon laquelle le développement capitaliste de l’industrie du disque entrainerait une perte de valeur dans les produits culturels proposés au plus grand nombre, les labels indépendants ont la volonté de se démarquer par l’idéologie mise en place. Les labels tels que Rough Trade ou l’équivalent français Bondage créé en 1982, affichent des principes intrinsèques à leur organisation : confiance dans les relations avec les artistes signés, gestion démocratisée avec des salaires fixes pour les salariés du label4. Selon David Hesmondhalgh,

1 CURIEN (Nicolas) et MOREAU (François), « L’industrie du disque à l’heure de la convergence telecoms/media/internet », dans GREFFE (Xavier), Création et diversité au miroir des industries culturelles, Ministère de la culture – DEPS « Questions de culture », 2006, p. 76. 2 LEBRUN (Barbara), « Majors et labels indépendants », dans Vingtième siècle - Revue d’Histoire, n° 92, 2006, p. 36. 3 « Artists », Rough Trade Record [en ligne]. (consulté le 9 avril 2016) 4 LEBRUN (Barbara), « Majors et labels indépendants », dans Vingtième siècle - Revue d’Histoire, n° 92, 2006, p. 39. 18 professeur à l’Université de Leeds et et de Pennsylvanie et spécialiste des industries créatives, la réussite commerciale de Rough Trade montre qu’un modèle alternatif au modèle capitaliste peut être efficace dans la production musicale1. La passion pour la musique rassemble les initiateurs de ces labels indépendants et reste encore aujourd’hui le maître mot: « C’est idiot, mais le plus important [c’est]: le plaisir, l’amour de la musique »2.

Parmi les plus grands noms de labels indépendants, on a pu compter aux Etats Unis : Midnight, Epitaph, SST ; en Grande-Bretagne : Rough Trade, Factory et 4AD et enfin en France : Bondage, Closer, Gognaf Mouvement, Boucheries Production et Danceteria. Les labels français se sont partagés, dans les années 1980, la scène punk alors en vogue produisant ainsi les Bérurier Noir, la Mano Negra, Ludwig von88, Parabellum ou les Wampas. Bondage, dont le nom fait référence à la pratique sadomasochiste, associée au mouvement punk par l’esthétique de l’habillage, s’est inspiré de l’idéologie prônée par Rough Trade. Lorsque le label est apparu, la scène française punk-rock était très riche et peu de débouchés s’offraient aux groupes :

« Notre envie était de faire exister les groupes de manière autonome, de proposer un système sans concession suffisamment solide et efficace pour éviter le circuit normalisé, là où le rock français s’était déjà engouffré et cassé les dents une première fois. »3 II. Le mouvement punk, vecteur de distorsion des courants

a) Un contre-courant au « rockism » et une recherche d’authenticité

Dans les années 1960-70, les termes rock et pop sont récupérés par l’industrie musicale et la grande distribution, nouvellement créées. Ces termes, indissociés en France jusque dans le milieu des années 1970, désignent la musique commerciale alors en vogue. Le « rock », dans son acception plus globale devient « le terme générique de la musique populaire américaine et britannique, puis occidentale »4. Les termes de « pop » et « » deviennent péjoratifs au cours des années 1960, ramenant ce genre musical unique à une

1 HESMONDHALG (David), « Flexibility, Post-Fordism and the Music Industries », Media, Culture and Society, n°18, 1996, p. 469-488, p. 477. 2 Tripalium dans l’interview réalisée par DI CRISTO (Sylvain), « [Disquaire Day] Comment monter son label en 2016 ? », Trax, 23 mars 2016. < http://bit.ly/1pLUYZo> (consulté le 25 mars 2016) 3 Marsu dans l’interview réalisée par TELLIER (Emmanuel), « Bondage Records – Les joies du bondage », Les Inrockuptibles, n°207, 14 juillet 1999, pages non référencées. 4 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 2316. 19 création artistique facile et édulcorée, sans recherches, et construite avec, pour unique objectif : la recherche de profits.

C’est dans cette logique de fervente critique du star-system et des teen idols1, apparus à la fin des années 1960, que le mouvement punk se développe. Le terme anglo-saxon « punk » désigne un vaurien, un voyou2. A partir de 1965, il est utilisé pour désigner le nouveau mouvement culturel en marge, dont le courant musical punk-rock3 est associé. Par cette nouvelle forme de rock amateur, principalement adolescent et en opposition à la logique consumériste de la création commerciale de la rock music4, le punk-rock cherche un retour à l’authenticité de la musique, dans sa structure et dans ses valeurs. Ses auteurs rebelles créent ainsi un nouveau style musical hors-genre, en provoquant les codes esthétiques établis.

Cette réappropriation du rock et de la pop a pour effet la réinvention des codes musicaux : « Le mouvement punk, anti-pop par essence, provoquera paradoxalement une renaissance du genre : en réhabilitant la chanson de trois minutes et en revenant à une exigence d’efficacité immédiate »5. Le mouvement punk, par sa musique et son retour à l’authenticité, permet une régénération des genres pop et rock, laissant place à de nouvelles définitions de ces termes grâce à de nouvelles esthétiques, qui seront classées par la suite sous l’étiquette « indie ».

L’année 1976 marque l’avènement du punk, avec la première édition du journal éponyme à New York, imposant Lou Reed du Velvet Underground en couverture. Cette même année marque le début de The Clash qui deviendra l’un des groupes phares du mouvement punk. Dans sa critique du rock alors en vogue, le mouvement punk affirme son éloignement du rock’n’roll en se définissant en totale opposition au genre. Le groupe Subway Sect prône cette vision de manière catégorique dans son morceau « We oppose all Rock’n’roll »6 de la face B « Different Story » sorti en 1978 chez Rough Trade.

Le néologisme « rockism » est apparu en 1981 avec le chanteur et guitariste Pete Wylie. Il a utilisé cette notion lors du lancement de sa campagne « Race against Rockism » par

1 Traduction : idoles des jeunes. 2 Définition du Larousse en ligne. (consulté le 13 mars 2016). 3 Ce terme est apparu pour la première fois dans le Chicago Tribune du 22 mars 1970, par Ed Sanders, ancien leader de The fugs, décrivant sa musique comme « punk-rock – redneck sentimentality » (« punk-rock – sentimentalité de plouc ». 4 Terme anglo-saxon pour ce qu’on appelle communément en France le rock. 5 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, 3392 p. 6 Traduction : on s’oppose à tout le rock’n’roll. 20 laquelle il faisait valoir son ardente critique du genre musical « rock », largement commercialisé et dénué de sa valeur artistique par les clichés qui le définissaient. Ce terme est réapparu dans les années 2000, lors d’un nouvel essor du rock, et critiquant alors le caractère élitiste des amateurs de rock.

« A rockist isn't just someone who loves rock 'n' roll, who goes on and on about Bruce Springsteen, who champions ragged-voiced singer-songwriters no one has ever heard of. A rockist is someone who reduces rock 'n'roll to a caricature, then uses that caricature as a weapon. Rockism means idolizing the authentic old legend (or underground hero) while mocking the latest pop star; lionizing punk while barely tolerating ; loving the live show and hating the music video; extolling the growling performer while hating the lip-syncher. »1

Cette définition du terme « rockism » offre un nouvel angle et une acception plus générale du terme, en le retournant contre sa définition originale. Si Pete Wylie voulait, par sa campagne critiquer les dérives du rock’n’roll des années 1960 et 1970, par cette définition, le journaliste et critique musical américain Kelefa Sanneh remet en cause l’héritage punk en l’associant d’emblée au rockisme.

b) Intellect punk et refus d’un art de masse

En 1970, on assiste à une re-concentration de l’industrie de la musique. Quatre majors sont à la tête de la vente des disques aux Etats unis : Columbia, Warner Brothers, Capital et Motown. Ces entreprises commencent même à entrer en concurrence avec les majors européennes, sur le marché européen2. Cette structure de marché laisse peu de place aux petites structures, à leur volonté de promouvoir une scène marginale, et de fait la création artistique des artistes qui ne suivent pas les codes imposés par les majors se trouve oppressée. On assiste, durant cette période, à une massification de la consommation musicale. Les années 1970 représentent un fort développement des pratiques culturelles. Par exemple entre 1973 et

1 SANNEH (Kelefa), « The Rap against rockism », New York Times, 31 octobre 2004. (consulté le 10 mars 2016). Traduction : « Un rockiste n’est pas seulement quelqu’un qui aime le rock’n’roll, qui ne parle que de Bruce Springsteen, qui défend corps et âme des artistes dont personne n’a jamais entendu parler. Un rockiste est quelqu’un qui réduit le rock’n’roll à une caricature, qui utilise ensuite cette caricature comme une arme. Le rockisme correspond à l’idéalisation de la vielle légende authentique (ou du héro undergroud) tout en se moquant de la dernière pop star ; célébrant le punk tout en tolérant à peine le disco ; prônant les concerts de musique et détestant les clips vidéos ; ventant l’interprète tout en haïssant le chanteur en play-back. » 2 LEBRUN (Barbara), « Majors et labels indépendants », dans Vingtième siècle - Revue d’Histoire, n° 92, 2006, p. 36. 21

1981, le pourcentage de français qui écoutent de la musique, quotidiennement ou presque, double pour l’ensemble de la population, passant de 9 à 19%1.

Le mouvement punk intervient en contre-courant de cette massification de la culture et puise ses racines dans différents mouvements idéologiques et artistiques, précurseurs dans le refus de l’ordre établi. Si on peut construire un parallèle entre le mouvement punk et le Dadaïsme, les artistes tels que Little Richard, Jerry Lee Lewis, ou bien Edgar Varèse peuvent être comparés, dans une forme musicale au travail de Marcel Duchamp sur la déconstruction de l’œuvre d’art et de la remise en cause des conventions. L’esthétique du punk-rock s’est construite sur la mise en valeur de bruits réels2 qui ont été conceptualisés dans le champ musical à travers l’œuvre de Varèse. Il s’intéressait particulièrement au travail du son et non de la note, aux différents timbres qui peuvent exister dans la musique. Il affirmait ainsi : « le matériau brut de la musique est le son »3. Dans la considération populaire du mouvement punk, on peut reconnaître Jerry Lee Lewis ou Little Richard en précurseurs, tant leurs créations artistiques ont la volonté de découdre la musique gospel de l’Eglise noire pour en extraire la rythmique et la fougue, afin de proposer une musique et une danse s’approchant de la transe et à l’effet cathartique.

Dans cet objectif de commercialisation de la musique, de réponse à la demande, dans les années 1970 le public devient maître dans la création artistique. Au même sens que Bertolt Brecht, dans les années 1930, s’est trouvé contraint par son producteur de satisfaire la demande du public, l’industrialisation de la culture atteint ici les acteurs de la scène musicale. Le mouvement punk et notamment Bob Last4 du label Fast Product, se réfère à Bertolt Brecht dans sa critique négative de la culture de masse. Bob Last se base également sur les travaux de Walter Benjamin à propos de la reproductibilité de l’œuvre d’art, de la perte de l’aura d’une œuvre lorsqu’elle est distribuée dans de grandes quantités, pour légitimer le mouvement punk et son motto « DIY »5.

c) « Walk on the wild side » : de la création de l’esthétique punk à sa marginalisation

1 Annexe 1 : Chiffres sur l’évolution de l’écoute musicale. 2 Terme employé dans la sphère médicale pour déterminer les premiers symptômes, les premières douleurs perçues par les patients atteint de surdité. 3 GUILLOT (Mathieu), « Musique », Etudes n°403, septembre 2005, p. 247. 4 POTTIER (Jean-Marie), Indie Pop : 1979-1997, Le Mot et le Reste, Marseille, 2015, p. 19. 5 Traduction : fais-le toi-même. 22

Le Velvet Underground est né en 1967 avec la sortie de leur album The Velvet Underground and Nico et figure parmi les plus grands groupes de l’histoire du rock contemporain. Dans une période où la mouvance hippy fait rage, le Velvet incarné par Lou Reed, John Cale et l’ancienne mannequin Nico a apporté un regard neuf sur le rock, constituant ainsi les prémices du mouvement punk. Accompagné d’Andy Warhol et baignant dans le cercle de la Factory1 à New York, le Velvet Underground mêle jazz, folk et rock’n’roll, grâce à de nouvelles sonorités. A travers des textes relevant de la poésie contemporaine, Lou Reed traite la laideur de la vie urbaine et les vies marginales que le rock traditionnel laisse de côté au profit de sujets plus légers. C’est ainsi que Lou Reed fait l’éloge dans « Walk on the wild side » de la vie au Max’s Kansas City2 de Union Square, lieu qui rassemble les personnalités alors en marge de la société de consommation, traitant librement et avec poésie du transsexualisme et d’homosexualité :

« Holly came from Miami F. L. A. Hitch-hiked her way across the U. S. A. Plucked her eyebrows on the way Shaved her leg and then he was a she She says, hey babe, take a walk on the wild side Said, hey honey, take a walk on the wild side »

Dans cette volonté de donner au rock une identité plus marquée, le Velvet Underground utilise un son bon marché, sorti tout droit du garage et d’un matériel à bas prix : « L’esthétique punk appliquée au rock est née »3. Dans son titre « Heroin »4, le Velvet met en place de nouvelles techniques musicales et utilise notamment le larcen, son crissant ici produit à l’aide d’un archet sur les cordes de guitares. En 1980, plus d’une décennie après la fin du Velvet, le NME en parlera comme « le premier groupe d’avant-garde, et le plus grand »5. Cette sonorité est devenue par la suite un élément principal de l’esthétique du punk-rock. La pratique musicale adolescente se base alors sur une simplicité de la rythmique et des mélodies utilisées. Ne pas savoir jouer d’un instrument ne constitue plus un obstacle à la constitution d’un groupe de punk-rock. Malcom MacLaren, manager des Sex Pistols allait encore plus loin en affirmant que, pour lui, le groupe devait se dissoudre, car il était devenu « un excellent groupe de

1 La Factory était l’atelier d’Andy Warhol et un lieu de culture new-yorkais. 2 Max’s Kansas City : bar-restaurant organisant des concerts à New York à la fin des années 1970 où se retrouvaient les artistes et penseurs en marge de la société américaine de l’époque. 3 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 2161. 4 Sortie sur The Velvet Underground and Nico en 1967. 5 POTTIER (Jean-Marie), Indie Pop : 1979-1997, Le Mot et le Reste, Marseille, 2015, p. 16. 23

Rock’n’roll »1. L’enregistrement du punk-rock se fait en opposition des enregistrements studio du rock des années 1970 : simplicité et efficacité sont les maître-mots. L’enregistrement punk se veut spontané et rapide, au contraire des albums rock de cette même période pour lesquels les passages en studio pouvaient durer jusqu’à plusieurs mois.

Le sommet du mouvement punk est daté des années 1974 et 1975, grâce à l’explosion de Patti Smith à l’échelle internationale avec son titre « Gloria ». Patti Smith, dont l’œuvre mêle poésie, dessin et rock est aujourd’hui considérée comme la marraine du mouvement punk.

Au fil des ans le mouvement punk s’extrémise, avec une identité visuelle qui se met en place. McLaren et sa compagne Vivienne Westwood commercialisent à partir du milieu des années 1970 des vêtements à l‘effigie du « No future » des Sex Pistols, à l’esthétique violente rappelant les accessoires propres aux pratiques sadomasochistes : utilisation de latex, cuir, mais aussi vêtements troués, cloués etc. A la suite de plusieurs violences publiques, notamment lors d’une émission télévisée où les membres des Sex Pistols insultent ouvertement le présentateur Bill Grundy2, le scandale punk atteint le grand public. La marginalisation du mouvement se traduit en 1976 par l’annulation de la tournée « Anarchy Tour » rassemblant les Sex Pistols, The Clash, les Damned et les Heartbreakers. Ce style extrême est accompagné lors des concerts par le pogo, danse violente qui consiste à sauter les uns contre les autres, ou encore par le crachat entre les musiciens et le public3.

Au-delà d’une esthétique qui se veut violente tant sur le plan musical que visuel, le mouvement punk marque un tournant décisif dans l’acception du terme « rock » qui est à cette période récupérée par l’industrie de masse. Une ramification des genres associés au rock se met alors en place. Ces genres tels que la new wave ou l’indie rock marqueront le mouvement musical appelé communément aujourd’hui « indie ».

III. Les années 2000 et le retour de l’indie

a) Décennie 90 et essoufflement du rock

1 POTTIER (Jean-Marie), Indie Pop : 1979-1997, Le Mot et le Reste, Marseille, 2015, p. 16. 2 BROWN (Jonathan), « Never mind four-letter words... here's the Sex Pistols: when television met punk rock », The Independent, 1 décembre 2006. 3 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 2163. 24

Les années 1990 ont été accompagnées d’un renouvellement des genres musicaux alors en vogue. A partir du début des années 1980, les instruments électroniques font leur apparition et participent à l’avènement de la musique électronique et du rap dans les années 1990 : le rock et la pop sont alors relégués au second rang des musiques enregistrées.

La décennie 1990 marque une profonde crise dans le rock : « Le rock est peu à peu remplacé par une musique pop de plus en plus électronique1 ». On assiste à l’émergence de nouveaux genres tels que la house, la techno, le clubbing. De plus, si les revendications sociales pouvaient passer par le rock dans les années 1960 et 1970, la décennie 90 voit le rap comme purgatoire social : « Le hip-hop devient la musique emblématique de la génération suivante »2. Le rock s’est fait récupérer à la fin des années 1980 par des genres kitsch3 comme le heavy metal des Guns and Roses, et est alors associé à un certain mauvais goût. Le rock est renvoyé à un style passé qui ne fait plus écho pour la jeunesse des années 1990. Le mouvement hip hop se saisit des revendications portées par le mouvement punk dans les années 1970, notamment dans la critique des techniques d’enregistrement sophistiquées, avec cette fois l’utilisation du ghetto-blaster et la revendication d’une musique venant directement de la rue4.

Au début des années 1990, la scène indie subit également une forte critique quant à son esthétique et son idéologie poussée à son paroxysme, la rendant alors vulnérable et risible comme le montre cette satire publiée en 1990 dans le NME :

« The indie scene […] is dead. It is lifeless. It has ceased to be. […] The « indie » scene has become a mockery of itself, a genre gutted by blinkered fanzines, useless flexis and a depressingly lengthy stream of pisspoor bedsit bands who couldn’t see past their own bigotry and precious record collections5. »

La décennie 1990 voit également se développer un nouveau support d’écoute : le compact disc. Moins cher à produire et plus simple d’utilisation, le CD révolutionne l’industrie du disque. La concentration des majors de ces années 1980 et 1990 ne laisse que peu de place

1 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 2319. 2 LLEDO (Eugène), « Rock et séduction », dans MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, Paris, 1991, p. 126. 3 Terme qui est associé à un genre artistique outrancier et fantaisiste, qui fait généralement référence à une « basse culture », à une mauvaise qualité de création artistique. 4 HENNION (Antoine), « De la scène au trottoir », dans La Passion musicale : une sociologie de la médiation, Métailié, Paris, 1993, p. 333. 5 WILLIAMS (Simon), « Beyond the Pale », New Musical Express, 10 février 1990, p. 36. Traduction : « La scène indie […] est morte. Sans vie. Elle a cessé d’être. […] La scène « indie » est devenue une parodie d’elle-même, un genre vidé de sa substance par des fanzines aveuglés, des disques inutiles et d’un interminable flot déprimant de groupes merdiques, enfermés dans leur chambre de bonne, incapables d’aller au-delà de leur propre hypocrisie et de leur précieuse collection de disque ». 25 aux labels indépendants qui subissent la pression de l’oligopole. Les multinationales s’emparent de cette révolution technique pour ressortir sous le format CD des succès mondiaux du rock inondant alors le marché du disque de groupes tels que U2, Nirvana ou le retour d’AC/DC. Les acteurs indépendants se trouvent alors soumis à de nouvelles conditions de marché et peuvent difficilement sortir de nouveaux groupes indépendants : on assiste à un étouffement du genre rock. Les labels indépendants précédemment cités fermeront tous au début des années 1990, seulement quelques labels faussement indépendants car financés par les majors subsistent1. Rough Trade et Factory ont fermé respectivement en 1991 et 1992 et Bondage a subsisté jusque 1994, date à laquelle l’équipe restante a fini par vendre ses parts à différentes compagnies2.

Malgré une décennie compliquée pour les labels indépendants, quelques grands succès indépendants tels que REM, Nirvana ou Radiohead ont marqué les années 1990 et rendent la distinction entre rock indépendant et rock traditionnel convaincante.

b) L’artiste indie comme « passeur créant des liens »3

Au début des années 2000, et après une décennie consacrée essentiellement au rap, hip hop et à la musique électronique, le rock revient avec force sur la scène musicale, préparant ainsi une nouvelle génération de baby-rockeurs.

Les premiers groupes du retour de l’indie s’appellent les Strokes, les White Stripes, les Kills ou encore et émergent à la fin des années 1990. Ce retour fulgurant du rock voit une nouvelle génération s’intéresser aux artistes emblématiques des années 1970-80 tels que Jimmy Hendrix, The Doors, Bob Dylan, Joy Division aujourd’hui mythifiés. Le mouvement marginalisé dans les années 1990 et relégué au second rang des musiques actuelles devient alors un véritable phénomène de mode, qui sera présent dans tous les magazines musicaux grand public.

Une certaine partie du rock des années 2000 est même qualifié de « phénomène consensuel et familial »4, ce qui le distingue profondément du rock des années 1970. C’est ainsi

1 POTTIER (Jean-Marie), Indie Pop : 1979-1997, Le Mot et le Reste, Marseille, 2015, p. 42. 2 LEBRUN (Barbara), « Majors et labels indépendants », dans Vingtième siècle - Revue d’Histoire, n° 92, 2006, p. 36. 3 Expression utilisée par Brian Eno, producteur britannique pour décrire les musiciens indies dans KELLY (Kevin), « Gossip is Philosophy », Wired, 1 mai 1995, pages non référencées. 4 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 2320. 26 que la nouvelle scène rock française se crée, en référence aux succès indépendants britannique et américain des Strokes ou des Kills. Entre 2004 et 2008 on voit apparaître une scène rock parisienne lycéenne, représentée par les Naast, BB Brunes ou encore les Plastiscines. Ils ont comme références des groupes tels que le Velvet Underground, les Ramones, Bob Dylan mais restent relativement loin de l’idéologie indie tant leur musique a été rapidement récupérée par les majors et les industries telles que la Nouvelle Star ou la publicité.

La nouvelle scène indie des Strokes, des Arctic Monkeys et plus récemment celle de Kurt Vile, Hinds, Girl Band, Viet Cong montre l’importance des influences historiques dans le renouvellement des esthétiques musicales. On assiste à des cycles d’influences musicales, imprégnant les nouvelles générations de sonorités et identités qui revivent et évoluent ainsi avec chaque nouveau groupe. Cette nouvelle scène fait ainsi le lien entre des groupes d’horizons différents :

« Ce que j’aime dans notre musique, c’est qu’elle crée des ponts entre nous et pas mal de groupes qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. On peut faire le lien entre Yo La Tengo et Tortoise, entre Yo La Tengo et Johnny Cash. En revanche, entre Tortoise et Johnny Cash c’est plus délicat… à moins de passer par nous »1

Grâce aux évolutions technologiques, la nouvelle génération de rockeurs est très renseignée sur l’histoire des mouvements rocks et s’impose comme spécialiste du genre. Le panel d’influences que lui offre internet est constructeur de l’esthétique musicale actuelle : « L’idée de l’artiste qui s’isole des influences et qui crée à partir de rien, c’est un mythe »2. Le label Tripalium met en évidence cette distinction par rapport aux années 1990 :

« [Avoir] la mise à disposition d’un back catalogue infini sur le Web et donc l’influence permanente du passé sur les producteurs mais aussi leur transformation en historiens… Tout ça change radicalement la donne pour ce qui concerne la direction artistique et la recherche de nouveaux producteurs, mais aussi le positionnement sur un style particulier. »3

c) Retour en force des labels indépendants : l’exemple de Born Bad Records

1 Georgia Hubley de Yo la Tengo dans l’article de DUPUY (Gilles), « I Can Hear the Heart Beating as One », Les Inrockuptibles, 22 avril 1997, pages non référencées. 2 DI CRISTO (Sylvain), « [Disquaire Day] Comment monter son label en 2016 ? », Trax, 23 mars 2016. < http://bit.ly/1pLUYZo> (consulté le 25 mars 2016) 3 Idem. 27

Dans ce même esprit de renouveau de la scène rock, l’idéologie indie a été remise au goût du jour avec l’apparition de nouveaux labels indépendants. Certaines structures emblématiques des années 1980 ont rouvert leurs portes, comme Rough Trade qui a repris ses activités en 2000 après 9 années d’arrêt. D’autres se sont montées de toute pièce courant 2000, c’est l’exemple du label français Born Bad Records, caractéristique de la scène indie française.

Avec l’émergence d’internet et les nouvelles techniques numériques, les coûts fixes liés à l’enregistrement et à la promotion de disques ont été diminués, limitant alors la pression des majors quant à l’entrée de nouvelles structures sur le marché du disque1. En 2004, les indépendants représentent ainsi 24% du marché mondial2 contre environ 10% dans les années 19903. Le marché du disque constitue aujourd’hui un oligopole à frange concurrentielle.

Born Bad Records est né en 2006 à l’initiative de Jean-Baptiste Guillot qui est aujourd’hui encore le seul salarié du label. Il a été monté en parallèle du disquaire indépendant Born Bad qui a ouvert ses portes en 1998 dans le 11e arrondissement parisien. Ancien salarié du groupe EMI, Jean-Baptiste Guillot pensait à ses débuts, que Born Bad Records ne durerait que quelques années, du fait notamment d’une industrie du disque en crise. Cela fait aujourd’hui 10 ans que le label fonctionne, avec une dizaine de sorties par an, et l’unique manager du label se voit encore travailler une dizaine d’années sur ce même schéma4. Le label est considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands labels de production de disques indépendants français. Le secret de sa réussite se trouve également dans la réédition d’albums plus anciens. Surnommé « l’archéologue du rock français », Jean-Baptiste Guillot réédite des œuvres du rock français sur un spectre d’une quarantaine d’années et surprend les usagers du label avec l’ « exhumation »5 de genres et artistes de niches peu ou plus présents dans les bacs : « Ces rééditions explorent aussi bien les années 50, 60, 70 ou 80 et ont pour but de faire valoir

1 BOURREAU (Marc), LABARTHE-PIOL (Benjamin), « Crise des ventes de disques et téléchargements sur les réseaux peer-to-peer, Le cas du marché français », Réseaux, n°139, mai 2005, p. 136. 2 CURIEN (Nicolas) et MOREAU (François), « L’industrie du disque à l’heure de la convergence telecoms/media/internet », dans GREFFE (Xavier), Création et diversité au miroir des industries culturelles, Ministère de la culture – DEPS « Questions de culture », 2006, p. 75. 3 LEBRUN (Barbara), « Majors et labels indépendants », dans Vingtième siècle - Revue d’Histoire, n° 92, 2006, p. 39. 4 TOFFOLET (Adrien), « Born Bad Records : histoire d’un label engagé ! », Stereolux [en ligne], association SONGO. (consulté le 11 avril 2016) 5 Terme employé par Jean-Baptiste GUILLOT dans l’interview de TOFFOLET (Adrien), « Born Bad Records : histoire d’un label engagé ! », Site du Stereolux, < http://bit.ly/20uOD13> (consulté le 11 avril 2016) 28 la créativité d’artistes français trop en avance sur leur époque1 ». Le label compte aujourd’hui 29 groupes à son actif. On retrouve parmi eux : Forever Pavot, Cheveu ou encore Frustration, représentants respectifs des scènes françaises de la pop psychédélique, garage et post-punk.

Born Bad Records fait partie de cette nouvelle génération de labels indépendants ayant la volonté de promouvoir une scène musicale qui n’a pas sa place sur les catalogues des majors. Dans une industrie du disque qui souffre en partie de l’émergence d’une musique numérique, il reste une frange de labels à promouvoir le support physique de disques indépendants : vivre une passion sans recherche d’économies d’échelle. Même si Born Bad réussit à avoir un chiffre d’affaire assez important, Jean-Baptiste Guillot ne peut se retirer qu’un salaire de la valeur d’un SMIC pour assurer la pérennité de sa structure2. Si le label a aujourd’hui une résonnance à l’internationale, avec des groupes qui tournent dans le monde entier, tout se joue à Romainville, au domicile de Jean-Baptiste Guillot qui n’est entouré ni de secrétaire, ni de stagiaire, mais seulement de son ordinateur et d’un téléphone3. Chapitre 2. Les courants fédérateurs de la musique indie et leur influence actuelle sur l’esthétique d’une musique indépendante

L’avènement de la musique indie dans les années 1980 a été marqué par différentes influences, notamment rock, pop et new wave. Ces influences devenues courants musicaux ont été fondatrices de l’esthétique indie et ont participé à la diversité artistique de ce mouvement.

I. L’indie rock : un anti star system

a) Les années 1980 : création des Indie Charts et avènement de l’indie rock

L’année 1980 marque la création des charts indépendants au Royaume-Uni. Sur le même principe que les charts traditionnels, Ian McNay a créé les UK Independent Charts afin de

1 « A propos du label », Born Bad Records [en ligne], TEAMS, 2006. (consulté le 11 avril 2016) 2 TOFFOLET (Adrien), « Born Bad Records : histoire d’un label engagé ! », Stereolux [en ligne], association SONGO. (consulté le 11 avril 2016) 33 BORN BAD RECORDS dans LE BEFORE du GRAND JOURNAL sur CANAL+, 5 janvier 2015. (2:56) , consulté le 10 mars 2016. 29 permettre un listing des meilleures ventes dans la musique indépendante. Il compare à cette période les majors à des dinosaures qui fonctionnent par inertie et ne correspondent plus aux attentes de la jeunesse1. Jusqu’alors, bien que la musique indépendante au Royaume-Uni se soit développée, les artistes des labels indie de la fin des années 1970 n’accédaient qu’aux dernières places des charts traditionnels. Le poids des majors et des stars rock et pop de l’époque ne laissaient que peu de place aux indépendants. Le premier classement est apparu en janvier 1980 sur l’hebdomadaire Record Week. Les différents hit-parades ont ainsi en numéro un les plus grands noms de l’indie rock : Joy Division, New Order, The Smiths, Nick Cave and the Bad Seeds, Depeche Mode, The Pixies, and the Sugarcubes2.

C’est grâce au développement des labels indépendants qui ont été particulièrement virulents en Grande-Bretagne avec Rough Trade, Factory, 4AD ; aux Etats-Unis avec SST, Epitaph ; en France avec Gougnaf Mouvement, Boucherie Production, Bondage, que la musique indie s’est développée. Le fleurissement de ces labels influents sur la scène internationale ont permis de porter des groupes en haut des charts.

L’émergence d’un nouveau modèle indépendant, reprenant les codes de l’industrie traditionnelle, aura permis une remise en cause du star-system développé par Hollywood dans la période d’après-guerre, dans lequel les icônes rock et pop se sont engouffrées : « Les stars du rock et de la pop se sont installés sans complexe dans le monde de la consommation »3.

Après une période de déclin pour le rock indépendant dans les années 1990, les UK Indie Charts ont été relancés en 2009 par la compagnie officielle des charts britanniques en modifiant les critères d’indépendance ne portant dorénavant plus sur la distribution, mais seulement sur la production4.

b) « Le rock naît indépendant »

1 POTTIER (Jean-Marie), Indie Pop : 1979-1997, Le Mot et le Reste, Marseille, 2015, p. 21. 2 Page web : « Single Indie Hits, Cherry Red Records », Wayback Machine [en ligne]. (consulté le 12 mars 2016) 3 CHASTAGNER (Claude), De la Culture rock, Presse Universitaire de France, Paris, 2011, p. 147. 4 DURR (Leanne), « Official Charts Company Re-Launch UK's Independent Charts », Glasswerk, 15 juin 2009. (consulté le 10 avril 2016) 30

Michka Assayas, considéré comme « l’encyclopédiste en chef du rock et de la musique pop en France »1, débute sa définition du rock indépendant dans le Nouveau Dictionnaire du rock, avec « Le rock naît indépendant ». Il retrace dans ses premières lignes les débuts du rock’n’roll en montrant qu’avant l’avènement du star-system2, les premiers enregistrements d’Elvis Presley étaient produits par une petite maison de disque indépendante qui est rapidement devenue CBS, l’une des plus grandes majors de l’histoire de l’industrie musicale. Les premières structures indépendantes des labels sont apparues dans les années 1960, à la même période que le développement du star-system : « Graduellement, un star-system s'est établi, surtout après la deuxième guerre mondiale lorsque l'industrie de la musique country a commencé́ à « emballer » ses chanteurs en fonction de leur jeunesse et de leur sex-appeal »3.

Ce star-system a engendré de larges mutations au sein de l’industrie musicale, notamment dans la structure de marché : « Le star-system a permis une certaine stabilité́, nécessaire dans un marché́ croissant où il fallait prévoir un chiffre de ventes »4 ; mais également dans les habitudes de consommation : « alors qu’auparavant, consommer était une activité onéreuse, le rock’n’roll et la pop rendaient possible une consommation ludique, variée et fréquente, synonyme de plaisirs et de satisfaction renouvelés »5.

David Buxton parle d’un déclin du star-system dans les années 1980, période qui correspond à l’avènement de la musique indépendante, avec la création de nombreux labels. La musique indie, portée d’abord par le rock nait à la fin des années 1970 pour contrer le star- system prôné par l’industrie musicale alors en place : « La culture rock a remis en question l’hédonisme consumériste et la jouissance béate (ou en tout cas, l’aspiration à cette jouissance) des années précédentes »6. Par cette « culture rock » David Buxton fait référence à l’avènement du courant punk, prémices de l’indie rock, qui s’est développé en opposition du rock’n’roll de l’immédiate après-guerre.

c) Radiohead ou Sonic Youth : les groupes mythiques de l’indie rock

1 4ème de couverture de ASSAYAS (Michka), In a lonely place – Ecrits rock, Le mot et le reste, Marseille, février 2013, 336 p. 2 « Star-system : consiste à d’efforcer de concentrer la demande sur quelques stars afin d’accroître les économies d’échelle », CURIEN (Nicolas) et MOREAU (François), « L’industrie du disque à l’heure de la convergence telecoms/media/internet », dans GREFFE (Xavier), Création et diversité au miroir des industries culturelles, Ministère de la culture – DEPS « Questions de culture », 2006, p. 78. 3 BUXTON (David), Le rock, star-system et société de consommation, La pensée sauvage, Grenoble, 1985, p. 20. 4 BUXTON (David), Le rock, star-system et société de consommation, La pensée sauvage, Grenoble, 1985, p. 28. 5 CHASTAGNER (Claude), De la Culture rock, Presse Universitaire de France, Paris, 2011, p. 148. 6 BUXTON (David), Le rock, star-system et société de consommation, La pensée sauvage, Grenoble, 1985, p. 153. 31

Après avoir sondé une cinquantaine de personnes quant au nom du groupe d’indie rock le plus mythique, deux noms sont apparus majoritairement1 : Sonic Youth et Radiohead semblent ainsi incarner les groupes phares du rock indie.

Sonic Youth est un groupe qui a été créé en 1981, aux influences multiples et est d’ailleurs qualifié par Michka Assayas de « groupe de rock et de musique inclassable américain »2. Si le groupe est issu de la scène punk-rock, il a puisé ses références tout aussi bien dans le grunge, le rock psychédélique que la no wave. Ce groupe aux influences multiples et à l’esthétique particulière a servi de référence par la suite pour des groupes tels que Nirvana, ou plus récemment Blonde Redhead et The Notwist3. Dans cette idée de mêler les genres, le nom « Sonic Youth » est issu d’un mélange entre le nom du groupe de punk-rock Sonic’s Rendez- vous4, et du dj jamaïcain Big Youth issu de la scène reggae. A partir de leur premier EP sorti en 1982 sur le micro-label américain Neutral, le groupe a opéré un mélange des genres musicaux et artistiques et ce, jusqu’en 2011. Ce groupe a créé une esthétique avant-gardiste5 dans le milieu du rock, jouant sur les sonorités et instruments employés pour faire de leurs concerts de véritables shows. Le groupe a participé à l’élaboration de la philosophie de vie indie en refusant la logique commerciale dans leur musique : sortie d’albums pirates, pas ou peu de succès commerciaux, petits budgets, techniques d’enregistrements limitées. Le groupe a intégré dans son œuvre le concours de l’art contemporain : quasiment chaque nouvel album reprenait en couverture une œuvre contemporaine de Gerhard Richter, Raymond Pettibon, Mike Kelley ou encore Richard Prince6. A travers son œuvre, Sonic Youth, guidé par Thurston Moore a défendu une fervente critique de l’Amérique bien-pensante de Reagan : « Toute la signification de l’Amérique est morte. Reagan parle de la paix ultime, mais l’image que l’on a de son discours est celle d’un champignon atomique »7. Sonic Youth a porté le rock comme mouvement artistique et intellectuel à part entière.

1 Annexe 2 : Résultats du sondage à la question suivante : « Spontanément, pour toi quel est le groupe de rock indie le plus mythique? » (mars 2016). Ce sondage a récupéré 58 réponses en ayant été diffusé sur Facebook. Les informations concernant les sondés n’ont pas été récoltées, ce sondage n’a donc pas d’objectif scientifique mais seulement une visée indicative. 2 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 2582. 3 ROBITAILLE (Mathieu), « – Close to the glass », Le Canal Auditif, 3 mars 2014. (consulté le 16 avril 2016) 4 Groupe fondé dans les années 1970 par Fred Smith, qui deviendra par la suite le mari de Patti Smith. 5 BONNIOL (Marie-Pierre), « Sonic Youth, du style au geste ou la prétention esthétique d’un groupe de rock », dans Volume !, janvier 2002, p. 61-79. 6 Respectivement pour les albums : Daydream Nation (1988), Goo (1990), Dirty (1992), Sonic Nurse (2004). 7 Propos de Thurston Moore, dans ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 2584. 32

Radiohead est un groupe britannique, formé en 1985, il s’est distingué en 1992 sur la scène indie, avec « Creep » qui lancera une carrière internationale. C’est à cette période que le groupe signe avec EMI-Parlophone. « Creep » sera comparé par la suite à « Smell like a teen spirit » de Nirvana. Le succès de Radiohead a été croissant et plutôt médiatique grâce à une nouvelle esthétique envoûtante, et jamais vue dans le registre indie. Le lyrisme mis en avant par le groupe est notamment dû à la voix particulière de Thom Yorke et aux arrangements oscillants entre lenteur et puissance, qui ont façonné le genre indie. Radiohead est le groupe qui a marqué l’histoire du rock des années 1990, avec Nirvana. Si le groupe se tourne dans les années 2000 vers des sonorités plus électroniques, Radiohead rassemble encore aujourd’hui un public amateur d’indie rock assez vaste1. En 2007, le groupe a sorti l’album In Rainbows, sur leur propre label, le public pouvant l’acquérir pour la somme de leur choix sur internet. Renouant avec les valeurs de la musique indépendante, il est possible d’émettre une limite quant à la définition d’indépendance de ce groupe qui a été signé chez EMI à ses débuts, et qui demande aujourd’hui des cachets avoisinant les 500 000€2. Radiohead est ainsi entré dans la logique commerciale de l’industrie de la musique, au même titre que les artistes commerciaux promus par les majors. S’ils ont façonné la musique indie, leur définition en tant que groupe indépendant peut aujourd’hui être remise en cause.

II. La new wave : un antidote au « Valium musical »3 de la fin des années 1970

a) L’esthétique new wave : à la rencontre des genres

L’apparition de la new wave correspond à une révolution esthétique dans le monde du rock, à la fin des années 1970. Ce courant musical s’est calqué sur la « nouvelle vague » française des années 1950, mouvement cinématographique qui avait pour caractéristique de représenter l’instantané de cette époque : « le terme appuie l’idée d’un renouvellement

1 Leur page Facebook compte quasiment 12 millions de likes. (consulté le 16 avril 2016) 2 DETROYAT (Olivia), « Festivals : les cachets des artistes orientés à la hausse », Le Figaro, 13 juillet 2011. (consulté le 6 avril 2016) 3 Expression utilisée par Michka Assayas en 1981 dans une critique élogieuse d’Unknown Pleasures, pour définir la médiocrité de la scène musicale de l’époque. ASSAYAS (Michka), « Unknown Pleasures, Closer », Rock & Folk, n°170, mars 1981. 33 artistique qui passe par la création d’œuvres fortes prenant le contre-pied des habitudes garantes d’un succès respectueux des traditions »1. Ce mouvement musical se poste en rejet profond des styles associés au rock qui sont alors en place : rejet profond du folk, du kitsch du heavy metal, du rock commercial. Dans l’affirmation de l’esthétique new wave, les influences sont nombreuses et rassemblent des groupes aux sonorités très différentes : le ska de Madness, le rock psychédélique de The Teardrop Explodes, la touche de folk-rock de Simple Minds, la néo soul de Dexys Midnight Runners. Gilles Guillaume fait ainsi part de cet héritage multiple dans L’esthétique new wave : « Il sera intéressant d’analyser l’idée d’une new wave dualiste, partagée entre l’absorption des signes musicaux spécifiques à cette période, et la farouche volonté des groupes qui la composent à donner un nouveau sens individuel au rock »2.

L’esthétique new wave s’est construite sur les cendres du punk-rock, l’héritage du krautrock3 allemand et les succès de , ainsi que sur le succès pop-rock de David Bowie. La new wave s’est emparée des codes classiques du rock et y a intégré des sonorités des différents genres présents pour définir une nouvelle esthétique. L’arrivée des synthétiseurs a été un élément important pour ce courant qui s’en est largement emparé.

« Cette étiquette a commencé à être utilisée en 1976-1977 pour rendre compte d’un nouvel état d’esprit moderne et iconoclaste né avec le punk-rock. Elle a ensuite servi à désigner de manière brumeuse divers genres musicaux apparus après cette révolution. »4

On parlera par exemple en France du terme cold wave associé au mouvement de la new wave, « musique qui avec ou sans synthétiseur, évoquent des climats glaçants et désolés avec un chanteur suscitant le malaise par des intonations maussades ou détachées »5, qui a été défini en Grande-Bretagne par le terme de « rock gothique ».

Au début des années 1980, l’avènement de la musique et du rock dit indépendant va englober le terme de new wave dont l’esthétique s’est plus ou moins dissoute. On peut prendre l’exemple de New Order qui a succédé à Joy Division, emblématique de la new wave, qui est défini comme groupe post-punk, new wave, rock alternatif ou enocre indie.

1 GILLES (Guillaume), L'esthétique New wave, Camion Blanc, Nancy, 2006, p. 19. 2 GILLES (Guillaume), L'esthétique New wave, Camion Blanc, Nancy, 2006, p. 10. 3 Genre musical proche du rock progressif et expérimental. Il est apparu en Allemagne de l’est à la fin des années 1960 et est caractérisé par une rythmique très répétitive. L’un des groupes phares de ce mouvement est le groupe allemand Can. 4 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 1859. 5 Idem. 34

b) L’exemple des Buzzcocks : le premier groupe de pop moderne

Buzzcocks est né en 1976 à Manchester et va contribuer à l’émergence de la musique indépendante, grâce à la mise en évidence d’une nouvelle esthétique. Le groupe porté par Pete Shelley et Devoto veut se démarquer de la scène existante et s’est fait séduire par le punk-rock des Sex Pistols. Dans le titre « Boredom » sorti sur leur premier EP Spiral Scratch (1979), Devoto scande sa volonté de se distinguer d’une scène musicale déjà existante : « You know the scene, very humdrum… »1. Buzzcocks constitue le premier groupe punk à Manchester à la fin des années 1970, et Spiral Scratch marque la première autoproduction2 de l’histoire du punk-rock britannique. Sorti sur le label londonien New Hormones en 4000 exemplaires, et distribué par le groupe lui même, il remportera un écrasant succès : les quatre mancuniens l’auront écoulé en une semaine.

Les influences qui marqueront leurs débuts et notamment le chant de Pete Shelley naviguent entre David Bowie, Lou Reed, T. Rex, , Can et Kraftwerk, rassemblant ainsi les différentes icônes des scènes indépendantes pop, rock et électroniques. Ils donneront leur premier concert en 1976, en première partie des Sex Pistols à Manchester et enchaîneront ensuite avec un concert à Londres pour une soirée dont l’affiche est partagée entre les Sex Pistols et The Clash. Le groupe fait alors partie intégrante de la scène punk-rock britannique.

Si la rythmique et les riffs de guitares se rapprochent de l’esthétique punk chez les Buzzcocks, ils inventent un nouveau genre grâce à des mélodies et harmonies tirant sur la pop qui « rappellent les Beatles »3. Sur « Everybody’s Happy Nowadays » (1979) les lignes de voix de Pete Shelley font penser aux mélodies simples et entrainantes des Beach Boys de la fin des années 60.

En marge de l’aspect d’opposition propre à l’idéologie punk4, le groupe se distingue par la sensibilité des paroles et des sujets traités dans ses morceaux. Pete Shelley raconte à travers ses paroles la douceur des histoires amoureuses adolescentes5, en s’identifiant

1 « Tu sais que la scène est vraiment bof-bof ». 2 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 355. 3 Idem. 4 « An' I hate modern music, Disco boogie pop, They go on an' on an' on an' on an' on, How I wish they would stop », paroles de Sixteen, sur Another Music in a Different Kitchen (1978). Traduction : « Et je haie la musique moderne, Disco Boogie Pop, Ils chantent encore et encore et encore, A quel point j’aimerais qu’ils s’arrêtent ». 5 « You spurn my natural emotions, You make me feel I'm dirt, And I'm hurt, And if I start a commotion, I run the risk of losing you », paroles de Ever Fall in Love, sur Love Bites (1978). Traduction : Tu rejettes mes émotions 35 personnellement aux récits avec humour et dérision. En 1982, le journaliste Richard Cook fait ainsi part de la modernité des Buzzcocks dans un article qui leur est dédié dans le NME : « Buzzcocks must take their place in history as a starting gun. They were the first modern pop group – the first to charge a molten punky noise with a fountainhead of true romance and bring it to the ears of a multitude »1.

La fin de l’année 1979 marque un tournant décisif pour le groupe, après les premières tournées et les premiers succès, Pete Shelley traverse une période de dépression, pendant laquelle il s’est mis à consommer des stupéfiants. Le LSD façonnera le disque A different Kind of Tension opérant alors un changement de cap dans l’esthétique du groupe. Si les morceaux tels que « You don’t love me » ou « Hollow inside » se rapprochent des codes de la pop par les sujets évoqués, ils transmettent également quelque chose de lugubre et désespéré. Cet album bien plus sombre marque une évolution vers un genre qui sera indéniablement repris par Ian Curtis dans Joy Division mais dont l’influence jouera également sur des groupes plus pop tels que les Smiths. A la frontière du punk-rock et de la pop, les Buzzcocks constitueront l’un de groupes phares de la tendance new wave.

Si le groupe a connu plusieurs rebondissements dans son histoire2, ce sont les premières années de son existence qui marqueront la scène indépendante, notamment sur le plan esthétique. Le LSD aura eu raison de la légèreté des premiers EP et laissera place à un son lourd qui sera la principale caractéristique de Joy Division. Les deux groupes sont partis en tournée à la suite de la sortie de A Different Kind of Tension (1979), et la première partie assurée par la bande de Ian Curtis volera la vedette aux Buzzcocks, qui, fatigués de ces deux années de tournées, s’enfoncent dans une lourde dépression et devront attendre 14 ans avant de ressortir un disque.

c) Unknown pleasures ou le pessimisme d’une génération abusée

Joy Division a indéniablement incarné le groupe phare de l’esthétique new wave avec leur album Unknown Pleasures sorti en 1979 chez Factory, label et club fondé en 1978. Le naturelles, Tu me fais sentir misérable, Et je suis blessé, Et si je commence une révolte, Je prends le risque de te perdre ». 1 COOK (Richard), « Buzzcocks : looking back », The New Musical Express, 26 juin 1982. Traduction : « Les Buzzcocks ont donné le signal du départ. Ils resteront comme le premier groupe pop moderne – les premiers à avoir balancé dans le gros son du punk une bonne dose de romantisme pour le faire découvrir au plus grand nombre ». 2 Toujours actif, le groupe a sorti plusieurs albums à partir de 1993. 36 groupe est né en 1976 dans la banlieue de Manchester, avec les influences post-punk du Velvet Underground, des Stooges, ou du groupe de krautrock1 allemand Can.

Joy Division a été largement marqué par les Trente Glorieuses en Grande-Bretagne, période empreinte de la déshumanisation des villes et de l’apparition des cités dortoirs : « la ville apparaît aussi sous la forme des quartiers populaires des cités industrielles, où l’architecture se fonde sur la répétition et la laideur2 ». La morosité de cette période, due au chômage et à un avenir compromis pour la jeunesse a été l’un des sujets principaux traités par Ian Curtis chanteur emblématique de Joy Division.

Joy Division a été le premier groupe aux influences punk-rock à en sortir un son lourd, à faire ressentir la pesanteur de la société sur une génération devenue pessimiste qui s’est vue de fait, incarnée par le groupe. C’est ce que traduisent les propos d’Ian Curtis dans cette interview publiée par le magazine spécialisé britannique The Quietus :

« Tout le monde vit dans un monde à soi. Quand j’avais quinze ans à l’école, on se disait avec mes copains : bon, dès qu‘on a fini on va a à Londres et on fait quelque chose que personne n’a jamais fait. Après j’ai travaillé en usine, et j’étais content parce que je pouvais avoir la tête ailleurs toute la journée. Tout ce que j’avais à faire, c’était pousser ce chariot avec ces machins en coton dedans. Mais je n’avais pas à réfléchir. Je pouvais penser à ce que j’allais faire à la fin de la semaine, comment j’irais dépenser mon argent, quel disque j’allais m’acheter… On peut vivre dans un monde à soi. »3

Comme l’a expliqué Simon Frith, cette musique n’avait pas pour but de « commenter la vie des gens mais leurs échappatoires »4. A l’esthétique lourde de sens, Joy Division se fait porte-parole d’une génération abusée, mettant en musique le mal-être d’une jeunesse qui ne trouve pas sa place dans la société post-industrielle de la fin des années 1970. Il s’agit d’un rock pesant, à la rythmique simple et répétitive, au chant déprimé qui « évoque la morne ambiance d’une Angleterre nordique post-industrielle, nue et condamnée, avec ses murs de fabriques lézardés, ses corons aux façades effritées »5. Dès sa sortie en 1979, Unknown Pleasures a suscité l’intérêt, tellement il était unique en son genre. Le son et l’atmosphère ont été repris

1 Genre musical caractéristique d’un rock progressif et répétitif aux influences électroniques, apparu initialement à la fin des années 1960 en Allemagne de l’est, dont le groupe phare fut Kraftwerk. 2 NEVEU (Erik), « Won’t get fooled again? Pop musique et idéologie de la génération abusée », in MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, 1991, p. 43. 3 RAMBALI (Paul), « From The Archives: Joy Division In Their Own Words », The Quietus, 9 janvier 2012. (consulté le 5 avril 2016) 4 NEVEU (Erik), « Won’t get fooled again? Pop musique et idéologie de la génération abusée », in MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, 1991, p. 47. 5 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 1308. 37 dès sa sortie par les jeunes groupes mancuniens, propageant alors l’esthétique new wave. Cette même année le groupe est parti en tournée en première partie des Buzzcocks, s’affirmant alors sur la scène internationale.

Si les paroles chantées par Ian Curtis semblaient appeler à l’aide : « I’ve been waiting for a guide to come and take me by the hand »1, le chanteur n’a pas survécu au succès du groupe. En 1980, à la veille d’une tournée aux Etats-Unis, Ian Curtis s’est suicidé, marquant la fin de Joy Division et médiatisant par la même occasion leur musique. Barney Albrecht, Peter Hook, et Steve Morris, les trois derniers membres de Joy Division ont formé quelques mois plus tard New Order, groupe qui influencera de manière significative le rock et la pop des années 1980. Au-delà de l’esthétique lourde de Joy Division, New Order a inclus dans sa musique la dimension électronique propre à la décennie 80, grâce à l’utilisation de synthétiseurs et marquant ainsi un tournant dans le style de la new wave.

Si Joy Division n’a été actif que cinq années, on retrouve aujourd’hui encore son empreinte dans les groupes actuels. Il constitue la principale influence du groupe islandais Fufanu, qui entame depuis un an une carrière à l’international. La voix du chanteur Hrafnkell Kaktus Einarsson rappelle sans équivoque celle de Ian Curtis2 comme le précise Norman Fleischer, journaliste chez Nothing But Hope and Passion, dans sa critique du passage de Fufanu au festival Eurosonic en 2015 : « The lead singer of Icelandic psychedelic rock outfit FUFANU unleashes its inner Ian Curtis from the moment his band members starts playing »3.

III. L’indie pop et la question de la musique populaire

a) Une hétérogénéité des groupes pop face aux succès de Top of the Pops

1 Paroles issues du morceau Disorder – Still (1980), album posthume du groupe. Traduction « J’ai attendu qu’un guide vienne et me prenne par la main ». 2 SMARI (Maxime), SUGURÐARSON (Brynjar), BERG (Hilmir), Fufanu – Circus Life, 22 septembre 2014, (07:07). (consulté le 5 avril 2016) 3 FLEISCHER (Norman), HELBIG (Robert), « The 9 Most Memorable Performances from Eurosonic Noorderslag 2015 », Nothing But Hope and Passion, 19 janvier 2015. (consulté le 5 avril 2016) Traduction : « Le chanteur principal du groupe islandais de rock psychédélique Fufanu déchaine son Ian Curtis intérieur au moment-même où les musiciens de son groupe commencent à jouer ». 38

Le terme « pop » correspond à l’abréviation anglo-saxonne de popular music, qui désigne donc un type de musique accessible à tous. Ce terme en France, diverge de sa signification anglaise : là où au Royaume-Uni on parle de musique pop pour parler de Beyoncé, Frank Sinatra ou encore Adèle, on parlera de « variété » en France. Si en France, « pop » a été utilisé pour désigner un genre musical, confondant rock et pop « de la fin des années 60 au milieu des années 1970 »1, les deux termes ont fondamentalement été opposés au Royaume- Uni. L’esthétique pop que nous connaissons aujourd’hui est apparue dans les années 1960, puisant ses références dans les musiques traditionnelles européennes et dans les rythmiques noires-américaines et associant au genre le format court du single. La musique populaire a largement été institutionnalisée par les majors de l’industrie qui en ont constitué un genre à part entière.

Après l’avènement du mouvement punk dans les années 1970, il y a eu un regain d’intérêt pour la musique pop comme genre non commercial. Le punk a en quelque sorte réhabilité le style pop chez les artistes plus marginaux, par un retour dans le punk-rock aux structures musicales simples. A la fin des années 1980, période marquée par l’avènement de la new wave et de la musique indépendante, l’héritage punk a permis une réappropriation du format court par une nouvelle scène pop. Le rock des années 1970 ayant promu des morceaux longs, de plusieurs minutes, avait relégué la pop aux succès commerciaux tels que Abba, Eurythmics ou Elton John. Dans cette même optique d’indépendance face aux majors, développée dans les années 1980 par le mouvement rock, la pop s’est emparée de l’héritage punk pour promouvoir un genre à la fois populaire et indépendant. La pop devenue indépendante ne s’est pas retrouvée dans les charts de Top of the Pops qui avaient pour but de promouvoir les succès commerciaux, grand public. Cette hétérogénéité des groupes pop face aux charts de Top of the Pops a ainsi engendré la création en 1980 des charts indépendants par Ian McNaye : permettant aux artistes indépendants pop, rock et new wave d’être représentés dans des charts.

b) Fin des 1980’s : renaissance de l’esthétique pop sous une éthique indie

1 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 2067. 39

Le mouvement indie pop s’est développé avec l’émergence de labels tels que Creation en 1983 et Sarah Records en 1988, incarnant à la fin des années 1980 les succès du genre. Les magazines tels que le NME ou Les Inrockuptibles en France, créé en 1986, prendront largement la défense de ce nouveau genre, le portant ainsi au devant de la scène1.

Dans ce courant indie, la pop se distingue de la new wave par son esthétique et ce qu’elle cherche à transmettre. L’indie pop préfère les mélodies intimistes, les rythmiques douces et entrainantes, les refrains simples et accessibles à la noirceur déprimée de la new wave. Les guitares sont réintroduites dans les groupes de pop tels que The Smiths, là où la new wave a préféré les sons électroniques de la fin des années 1980. La musique populaire des années 1960 et 1970 se voulait plutôt consensuelle et divertissante. L’indie pop des années 1980 a cependant marqué un tournant en adoptant le caractère contestataire du rock caractérisé par « le refus de concession »2.

On peut noter dans l’esthétique de l’indie pop des années 1980 l’importance de l’influence du psychédélisme des années 1960-70. L’indie pop, s’est caractérisée par un mouvement essentiellement britannique dans les années 1990 : « La patrie des Beatles se voudra la terre d’élection d’un rock mélodieux et racé, baptisé cette fois britpop, reposant en réalité sur une grande vague de nostalgie, dont Oasis, Blur et l’excellent Supergrass ont été les apports les plus marquants »3.

Avec la volonté d’un back to basics4 dans le rock britannique, la britpop fait valoir l’héritage des Beatles, des Kinks ou encore des Who et abandonne l’influence des groupes américains tels que le Velvet Underground, ayant véritablement marqué l’indie rock. La britpop, de production indépendante, a cependant été rattrapée par l’industrie traditionnelle, du fait qu’elle soit notamment distribuée par les majors. Oasis a ainsi été distribué dans les années 1990 par Sony.

c) The Smiths : la figure de l’indie Pop

1 GUIBERT (Gérôme), Analyse d’un courant musical : l’Indie-Pop, Maîtrise de Sociologie sous la direction de Joëlle DENIOT, Université de Nantes, 1996, p. 53. 2 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 2067. 3 Idem. 4 Traduction : retour aux sources. 40

Le groupe The Smiths est né en 1982 dans la ville sinistrée de Manchester. Les quatre musiciens issus du prolétariat mancunien se sont rassemblés autour de Morissey et , les deux figures emblématiques du groupe. Jouer et monter un groupe a été pour eux l’occasion de sortir de la morosité et de faire porter la voix de cette Angleterre prolétaire, laissée pour compte de la désindustrialisation massive des années 1980.

Morrissey, chanteur charismatique des Smiths a été influencé dès son plus jeune âge par les succès de Top of the Pops, et des stars de la chanson britannique. Johnny Marr venant lui de la scène punk était guidé par les influences de groupes tels que the Buzzcocks. Ils avaient en commun un goût pour les Marvelettes, groupe vocal féminin américain, qui leur valu leur première collaboration1. A la limite des genres, le concours de ces diverses influences valut aux Smiths, la définition d’un nouveau genre : ancré dans le rock indépendant, aux sonorités pop, on les qualifia d’indie pop. Ils se distinguaient par leurs mélodies, leur poésie, leur volonté de s’opposer au rock traditionnel :

« Chaussé de lunettes à la monture « sécurité sociale », une prothèse auditive à l’oreille et des fleurs dans la poche arrière de son jean : autant de détails par lesquels il [, ndlr] entend marquer son opposition aux codes « agressifs et machistes » du rituel du rock. »2

Cette attitude aura permis au groupe de se faire repérer par Rough Trade, chez qui les premiers singles seront sortis en 1983. Grâce à ces premiers succès, leur premier album sans titre datant de 1984 s’est élevé au n°2 des charts britanniques : « c’est le début d’une révolution qui verra le rock dit « alternatif » avoir bientôt autant de succès, sinon plus que celui réputé grand public » 3.

Le succès des Smiths aura permis à la scène pop de retrouver une crédibilité artistique et aura ancré cette nouvelle esthétique dans les références artistiques des groupes des années 1990. Leur album The Queen is dead, sorti en 1986 marque l’apogée du groupe et constitue l’un des albums phare pour une nouvelle génération de groupes pop incarnés par Blur, Oasis, ou encore Placebo.

Au delà de leur créativité artistique, les Smiths ont marqué les mémoires par leur engagement politique contre la politique Thatcher des années 1980. Avec le collectif Red Wedge, constitué par trois musiciens folks britanniques, les Smiths participent aux concerts

1 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 2568. 2 Idem. 3 Ibid. 41 visant à mobiliser la jeunesse, à l’inciter à voter pour le parti travailliste et à « chasser les conservateurs du pouvoir »1. La pop dans sa conception « indie » se veut alors politique et se distingue en cela des groupes pop traditionnels consensuels, dont la visée est la recherche de profit pour les majors.

La musique indépendante est née d’une volonté pour certains acteurs de la scène musicale de s’émanciper des nouveaux réseaux musicaux apportés par la révolution culturelle des Trente Glorieuses. L’avènement de la société de consommation et des industries culturelles a permis la prise de conscience de la création musicale en tant que telle, indépendante des enjeux économiques alors mis en avant par ces nouvelles logiques commerciales. Au-delà des systèmes indépendants de création et de production musicale, des idéologies liées à de nouveaux genres musicaux ont émergé, marquant durablement les esthétiques musicales. Les enjeux de la musique indépendante des années 1980, et les genres musicaux qui en ont découlé se retrouvent aujourd’hui encore dans l’idéologie et l’esthétique des courants actuels. Ils se heurtent néanmoins aux différents cadres imposés par les institutions publiques et privées de l’industrie musicale.

1 HAYNES (Matt), Are you scared to get happy ?, Bristol, 1985. 42

PARTIE 2. Indie, industrie et institutions : entre conflits et compromis

Chapitre 1. La dichotomie de l’industrie musicale entre majors et indépendants

L’industrie musicale est marquée par deux entités distinctes : les majors, leaders du marché et les indépendants. Les acteurs indépendants sont les piliers d’une industrie parallèle qui promeut des artistes et compositions originales. Il est nécessaire d’appréhender les différents enjeux de cette distinction, afin de comprendre l’idéologie attachée à la production indie.

I. Les différents acteurs accompagnant les artistes dans le processus de création

a) Les producteurs, les distributeurs, les labels et les diffuseurs indépendants

Il existe différents chaînons au sein de la filière industrielle du disque, qui permettent aux artistes de proposer leur musique à l’écoute : création artistique, industrialisation , promotion et commercialisation1.

Figure 2 : Schéma de la filière du disque (Curien, Moreau)

1 CURIEN (Nicolas) et MOREAU (François), L’industrie du disque, Paris, La Découverte, 2006, p. 5. 43

Ces quatre étapes définissant l’industrie traditionnelle du disque ont été investies par des acteurs indépendants développant un secteur de niche, déserté par les majors. Du label (souvent producteur) au distributeur (disquaire), des structures indépendantes ont été créées pour assurer les étapes de la promotion et de la commercialisation :

« Puisque les majors n’approvisionnaient les grands disquaires qu’en larges quantités de pop-rock, elles délaissaient les quelques artistes marginaux qu’elles avaient pu produire, et ceux-ci intéressaient la clientèle spécialisée des petits disquaires. Tout un secteur de la distribution s’investit dans cette niche parallèle, rachetant en gros les artistes négligés par les majors et les revendant par lots aux petits disquaires. »1

Les producteurs se chargent de financer l’enregistrement du disque, les labels jouent ainsi le rôle de producteurs dans la musique indépendante. En outre, les labels sont aidés des attachés de presse et des radios indépendantes pour assurer la promotion du groupe. Le distributeur achète le disque fini, et le place ensuite chez les disquaires indépendants. La distribution est assurée en grande majorité par les majors, même pour les labels indépendants2. En 2014, les grossistes et grandes surfaces spécialisées possèdent 67,7%3 des parts de marché de la distribution physique. En France en 2004 la distribution indépendante ne représente que 7% de l’ensemble de la distribution française4, les majors profitent ainsi même des succès des indépendants.

Toutes ses structures intègrent le processus de commercialisation du disque par une contractualisation avec les artistes. La musique indépendante s’est donc calquée sur le fonctionnement traditionnel de l’industrie du disque, avec la rédaction de contrats entre les parties : « A travers le travail de la rock critique et des organisateurs de spectacle, le rock s’est aussi doté d’un corps de professionnels de célébrants, de chroniqueurs »5. La contractualisation est finalement également un moyen pour l’artiste d’être reconnu en tant que tel par les institutions du milieu musical. Même si elle peut être vue comme un asservissement de l’artiste au système mercantile de la musique, elle représente finalement une aspiration d’une majorité des groupes ayant pour objectif un succès public : « Lutter contre, échapper aux classification

1 LEBRUN (Barbara), « Majors et labels indépendants », dans Vingtième siècle - Revue d’Histoire, n° 92, 2006, p. 39. 2 Entretien avec Frédéric Morel, co-directeur du disquaire Blindspot, le 23 janvier. 3 LEBLANC (Guillaume) (Dir.), L’économie de la production musicale – Edition 2015, Syndicat National de l’Edition Phonographique, juin 2015, p. 67. 4 LEBRUN (Barbara), « Majors et labels indépendants », dans Vingtième siècle - Revue d’Histoire, n° 92, 2006, p. 77. 5 NEVEU (Erik), « Won’t get fooled again? Pop musique et idéologie de la génération abusée », in MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, 1991, p. 62. 44 stylistiques et se faire reconnaître par des formes de contractualisations »1. Chacun de ces acteurs est nécessaire à l’émergence d’un groupe et à son succès. Ils constituent le cœur de l’industrie musicale indépendante et travaillent à la réussite des artistes qu’ils ont décidé de suivre : « Le terme d’aliénation aux industries culturelles doit être remis en cause, la création se fait automatiquement avec les différents acteurs de l’industrie. Sans eux l’existence même du groupe sur la scène internationale n’est pas possible »2.

b) Le réseau des disquaires indépendants et leur promotion à l’échelle locale

Les disquaires indépendants correspondent au dernier échelon assurant la promotion des groupes indépendants. Ils représentent le dernier contact entre l’acheteur et le disque. Après de nombreuses fermetures à partir des années 1980 dues à la distribution des disques en grandes surfaces et à la consommation musicale de masse, on voit quelques nouveaux disquaires ouvrir leurs portes, mettant à l’honneur le vinyle indépendant3 : « Les mélomanes pouvaient compter sur 3 000 disquaires au début des années 1980, et sur moins de 200 dans les années 2000 »4. La crise du disque des années 2000 et la numérisation de la musique a eu un effet catastrophique pour les disquaires indépendants, les grands distributeurs se sont alors imposés. Le centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles (Irma) recense aujourd’hui 180 disquaires5 indépendants, dont 45 disquaires parisiens qui ont participé au Disquaire Day le 16 avril dernier6.

Les disquaires indépendants représentent un véritable « média » dans la promotion des groupes et albums. Ils proposent une analyse de leurs produits, des préconisations et recommandations quant aux choix musicaux des clients et se distinguent ainsi des linéaires de disques proposés dans les supermarchés comme le précise le producteur Bertrand Burgalat : « La spécificité d’un disquaire "indépendant" c’est sa subjectivité. Les disques et les musiques

1 TASSIN (Damien), Rock et production de soi : une sociologie de l’ordinaire des groupes et des musiciens, Paris, l’Harmattan, 2004, « Tour », Birds in Row [en ligne]. (consulté le 26 avril 2016) 2 BECKER Howard S., Les mondes de l’art, Flammarion, 1988 (1982), p. 3 Mr B., « Blindspot : disquaires par accident », Alter1fo, 24 novembre 2014. (consulté le 17 avril 2016) 4 BIGEAY (Romain), « Disquaire Day : la renaissance des disquaires indépendants ? », Irma, 4 avril 2012. < http://bit.ly/1p8TeZa> (consulté le 17 avril 2016) 5 Carte des disquaires indépendants français disponible à l’adresse : . 6 J. Caroline « Disquaire Day 2016 : liste des disquaires parisiens participants », Sortir à Paris, 22 mars 2016. (consulté le 17 avril 2016) 45 qu’il présente sont ceux qu’il aime et c’est généralement pour ça qu’on vient le voir »1. L’échange entre disquaire et public est primordial, si le disquaire est de bons conseils quant aux achats de ses clients, eux-mêmes souvent spécialistes peuvent faire valoir leur opinion quant à telle ou telle sortie, qui n’est pas encore disponible en magasin.

Depuis 2011, le Disquaire Day s’est implanté en France, offrant la possibilité aux disquaires indépendants de proposer au public un catalogue en avant-première, et mettant à l’honneur les productions musicales méconnues. Importé des Etats-Unis ce concept a pour but de « créer du lien entre artistes, labels et distributeurs, en mettant au cœur de l’événement les disquaires indépendants »2. En France, le Disquaire Day est organisé par le Club Actif des Labels Indépendants Français (Calif) depuis désormais 6 années et cherche à faire valoir au grand public le travail des disquaires et des artistes indépendants. Le Disquaire Day est l’occasion pour les labels de sortir des éditions limitées et pour les disquaires de mettre en rayon des disques rares.

c) Les festivals et leur visibilité à l’échelle internationale

Les festivals constituent une des étapes primordiales pour les artistes, celle d’entrer en contact direct avec le public, de proposer leur musique live, de proposer une prestation de leurs œuvres en direct. Le concert correspond à l’ultime étape de la fidélisation d’un public. S’il permet à l’artiste d’entrer en contact avec son public c’est également l’occasion pour lui de rencontrer les professionnels de la musique, de développer ainsi son réseau.

Les festivals se sont largement développés dans les années 1990, dans une optique de professionnalisation du spectacle vivant, proposant ainsi une contre-expertise de la loi de Baumol qui décrivait le milieu du spectacle comme archaïque et non rentable, et de fait ingérable sans subventions3 : « Rabaisser le spectacle à un secteur archaïque est plutôt un constat d’impuissance, une solution de facilité permettant de développer un modèle

1 BIGEAY (Romain), « Disquaire Day : la renaissance des disquaires indépendants ? », Irma, 4 avril 2012. (consulté le 17 avril 2016) 2 BIGEAY (Romain), « Disquaire Day : la renaissance des disquaires indépendants ? », Irma, 4 avril 2012. < http://bit.ly/1p8TeZa> (consulté le 17 avril 2016) 3 BAUMOL W. et BOWEN W., Performing Arts : The Economic Dilemma : a study of problems common to theater, opera, music et dance, M.I.T Press, New-York, 1966. 582 p. 46

économique banal »1. La mise en application d’outils de gestion2 au profit de la création artistique a permis l’établissement d’une véritable industrie culturelle au sein des musiques actuelles.

Cette professionnalisation a permis au réseau de professionnels de l’industrie de la musique de se retrouver au cours de ces évènements. Il existe des festivals tels que Eurosonic Noorderslag au Pays-Bas ou encore le plus récent Marché des Musiques Actuelles (MaMA) à Paris qui ont pour but de rassembler les professionnels de la musique indépendante afin de permettre aux artistes encore méconnus de se représenter sur des jauges réduites. Les show- cases ont lieu devant un public composé essentiellement de professionnels et font suite à de nombreuses séries de conférences sur le thème de l’industrie des musiques actuelles. Chaque année, Eurosonic rassemble jusqu’à 3900 professionnels, représentant notamment plus de 400 festivals internationaux3. Le MaMA parisien, a pour même but que Eurosonic, de promouvoir une scène émergente, et faciliter l’accès des nouveaux artistes au réseau.

De même la fédération De Concert ! des festivals indépendants internationaux s’est créée en 2008, afin de défendre un ensemble de valeurs communes telles que le fait de : promouvoir une programmation indépendante et audacieuse, favoriser la création artistique, respecter l’environnement dans la mise en place de l’événement etc. La fédération regroupe aujourd’hui une trentaine de festivals membres européens et canadiens. Le festival indie historique français4, La Route du Rock en fait notamment partie. L’internationalisation des festivals indépendants permet une professionnalisation à l’échelle mondiale des artistes indépendants.

II. La musique indépendante face au nouvel enjeu des NTIC

a) Les enjeux du peer to peer : des nouvelles plateformes de découvertes

1 DUPUIS (Xavier) dir., Économie et Culture : de l’ère de la subvention au nouveau libéralisme, volume 4 de la Quatrième conférence internationale sur l’économie de la culture (Avignon 12-14 mai 1986), La Documentation française, Paris, 1990, p. 31. 2 VALERO (Vanessa), « Le festival de rock : entre passion et désenchantement… », Volume !, janvier 2002. P.113- 123. 3 Page « About » du site d’Eurosonic Noorderslag. (consulté le 18 avril 2016) 4 VALERO (Vanessa), « Le festival de rock : entre passion et désenchantement… », Volume !, janvier 2002. P.113- 123. 47

L’industrie de la musique a connu d’importantes mutations à la fin des années 1990 et au des années 2000, notamment avec l’apparition de nouvelles technologies. A partir de 1998, le réseau internet haut-débit s’est déployé à travers les Etats-Unis offrant alors de nouvelles possibilités à l’écoute musicale. Cette même année voit apparaître le site mp3.com, proposant aux artistes méconnus la mise en ligne de leur musique, afin de la faire connaître au grand public. De cette première plateforme a dérivé le site mymp3.com qui permettait aux internautes de stocker leurs fichiers mp3 dont ils possédaient normalement les formats physiques. Les fichiers déposés devenaient alors immédiatement téléchargeables par l’ensemble des utilisateurs. Le premier site de téléchargement est ainsi né. Ce site a compté jusqu’à un million d’utilisateurs en 2001, année de sa fermeture1. La numérisation des fichiers musicaux a mis en évidence un nouvel enjeu quant à la définition du bien culturel : « Un fichier numérique musical possède en effet désormais les deux caractéristiques d’un bien collectif au sens de Samuelson2 : la non-rivalité et la non-excluabilité »3. Bien qu’illégaux, les fichiers sont désormais accessibles à tous via les nouvelles plateformes et ces numérisations.

En 1999 est né Napster, logiciel développé par un étudiant américain de 19 ans, qui avait pour but de connecter les ordinateurs des utilisateurs, afin de pouvoir échanger directement des fichiers MP3. Un pic d’utilisation a atteint les 1,57 millions d’utilisateurs en février 2001, juste avant sa fermeture suite à la plainte de la Recording Industry Association of America, implorant le copyright. Le réseau Peer-to-Peer (P2P) a néanmoins continué d’exister grâce à une nouvelle génération de structures : « ne reposant plus sur une redirection des flux vers les disques durs via des réseaux centraux, mais sur une mise en relation décentralisée des internautes les uns avec les autres »4. Le piratage, qui passait avant par la copie de disques, ou de cassettes audio5 prend alors une autre forme, celle d’un transfert dématérialisé de fichiers, par des réseaux « difficiles à repérer… et donc à faire fermer »6.

1 CURIEN (Nicolas) et MOREAU (François), L’industrie du disque, Paris, La Découverte, 2006, p. 59. 2 Paul Samuelson, économiste ayant défini les biens collectifs : biens consommables ou utilisables par tous et non- concurrentiels. 3 Idem. 4 Ibid. 5 Une campagne « Home Taping is killing music » (la copie maison de cassettes audio tue la musique) a été mis en place dans les années 1980 par la Britih Ponographic Industry pour lutter contre le piratage des cassettes audio. 6 CURIEN (Nicolas) et MOREAU (François), L’industrie du disque, Paris, La Découverte, 2006, p. 61. 48

Si l’apparition du P2P a participé à la crise du disque des années 20001, ce nouvel accès à la musique a également participé à la mise à disposition d’un large panel d’artistes et albums à l’écoute de tous, permettant alors aux groupes, notamment indépendants, de gagner en réputation. D’après une étude menée en 2004 auprès de 2700 musiciens américains, 21% d’entre eux déclarent que le réseau P2P a augmenté leurs ventes de disques contre seulement 5% qui affirment le contraire2. La dématérialisation de la musique a eu pour effet une démocratisation maximale de la musique, en la proposant à tous gratuitement via les réseaux P2P. Il est cependant important d’émettre une réserve quant à l’effet maximal de cette démocratisation : l’accès à internet est certes généralisé mais toujours inégal3.

b) Les plateformes de streaming et la question des droits d’auteur

Grâce au site dj.com, datant de 1996, le streaming4 s’est développé à travers différentes plateformes, prenant la forme de webradios ou de sites d’écoute en ligne. Les plateformes sont aujourd’hui très diversifiées et jouent le rôle de plateformes de découvertes : Spotify, Deezer, Youtube, Bandcamp, Soundcloud, Last FM, Discogs.

Le streaming joue un rôle important aujourd’hui dans la découverte des groupes, et dans leur notoriété. Ces sites de streaming constituent une banque de fichiers musicaux facilement accessibles, qui enregistrent les préférences des consommateurs et qui peuvent ainsi, grâce à des algorithmes, proposer des choix similaires. Une étude menée par le Pôle de coopération des acteurs pour les musiques actuelles en Pays de la Loire (le Pôle) sur des jeunes entre 12 et 19 ans montrent que les habitudes de consommation en musique de cette tranche d’âge reposent essentiellement sur une écoute sur la téléphonie mobile, et le premier site de streaming utilisé est Youtube : 98% des jeunes interrogés disent l’utiliser souvent5.

1 BOURREAU (Marc) et LABARTHE-PIOL (Benjamin), « Le peer to peer et la crise de l’industrie du disque », dans Réseaux, n° 125, 2004, p.17-55. 2 CURIEN (Nicolas) et MOREAU (François), L’industrie du disque, Paris, La Découverte, 2006, p. 63. 3 « Utilisateurs Internet (pour 100 personnes) », La Banque Mondiale [en ligne], Word Bank Group. (consulté le 12 avril 2016) 4 Définition streaming : principe qui permet de lire un fichier audio ou vidéo sans le télécharger au préalable. Grâce au flux continu caractéristique de ce principe, l’internaute peut écouter ou regarder le fichier en direct, sans avoir à attendre que l’intégralité du fichier ai été diffusé. 55 HANNECART (Hélène) (dir.), CRUSSON (Nicolas), FOURRAGE (Hélène), Rapports des jeunes à la musique à l’ère numérique, synthèse de l’enquête menée en Pays de la Loire, Le Pôle de coopération des acteurs pour les musiques actuelles en Pays de la Loire, mars 2015, p. 13-14. 49

Si en France les revenus du streaming représentent 55% des revenus numériques, et 16% des ventes de musiques enregistrées1, le streaming, notamment vidéo constitue « un manque à gagner pour les professionnels du disques » qui demandent à Audrey Azoulay, ministre de la Culture, de mettre en place des « relations plus équitables avec les plateformes »2. En effet, un artiste en France gagne 0,0001 € par stream selon une étude publiée par l’Adami3. A l’échelle mondiale il est question de 1 ou 2 centimes par stream4.

Figure 3 : Gain d'un artiste selon les différents supports d'écoute

Plus les intermédiaires sont nombreux entre la vente ou l’écoute du titre et l’artiste, plus les droits inhérents aux plateformes de streaming sont divisés. L’infographie du data- journaliste David McCandless met en évidence les différences de revenu entre un artiste signé, encadré par un label et un artiste autoproduit. En moyenne un artiste sans label gagne trois fois plus par stream écouté qu’un artiste signé5.

Le streaming et notamment le site bandcamp.com (nouvelle génération en quelque sorte du Myspace des années 2000), permet aux artistes indépendants de déposer directement leur musique à l’écoute des auditeurs, proposant également la possibilité d’acheter l’album. Bien qu’il demande une commission pour chaque transition, le site permet aux artistes une

1 LEBLANC (Guillaume) (Dir.), L’économie de la production musicale – Edition 2015, Syndicat National de l’Edition Phonographique, juin 2015, p. 11. 2 CUNY (Delphine), « Retour du vinyle : l’étrange exception qui dure », Le Nouvel Observateur, 08 mars 2016. (consulté le 7 avril 2016) 3 « Midem/Adami : pour un meilleur partage de la valeur pour la musique en ligne », Irma [en ligne], 1 février 2013. (consulté le 7 avril 2016) 4 DREDGE (Stuart), « How much do musicians really make from Spotify, iTunes and YouTube? », The Guardian, 3 avril 2015. (consulté le 6 avril 2016) 5 MCCANDLESS (David), « How much do music artists earn online ? », Information is beautiful, avril 2015. (consulté le 15 avril 2016) 50 plateforme en lien direct avec l’auditeur, limitant ainsi les intermédiaires et assurant un revenu par stream plus important.

c) Les réseaux sociaux : un nouveau rapport au public pour les artistes

Les réseaux sociaux ont révolutionné le rapport entre artiste et public. Si le contact se faisait auparavant seulement pendant les concerts, il se poursuit aujourd’hui sur la toile grâce au lien direct que proposent les réseaux sociaux. Comme le faisait Myspace dans les années 2000, Facebook, Twitter et Instagram permettent aux artistes de fédérer une communauté autour de leur musique. Dans le domaine plutôt modeste de la musique indépendante, les musiciens sont en charge de leur page Facebook : les informations sont désormais directes entre les membres des groupes et les auditeurs.

Les réseaux sociaux sont d’ailleurs la première vitrine des groupes d’aujourd’hui. Avant même l’enregistrement d’un titre, la construction d’un site web, les pages Facebook et les comptes Twitter sont créés. Ils permettent aux artistes de se faire connaître, d’échanger sur leur musique par les plateformes de messagerie, et de mettre au courant les auditeurs des dernières nouvelles concernant le groupe. Le rapport entre public et label en est également modifié comme le précise Jean-Baptiste Guillot de Born Bad Records : « Et puis, ça me permet d'être dans la réalité, d'avoir un échange, souvent des mecs m'envoient des mails pour me dire "merci d'avoir fait ça" »1.

Concernant les artistes indépendants, c’est par Facebook que la communication des tournées et des différentes dates de concerts passe le plus, la création d’« évènements » remplace même parfois les listings de dates de concerts des traditionnels sites web. Le marketing 2.0 des groupes s’opère désormais par les réseaux sociaux : « Plus besoin de promouvoir sa musique à la télévision ou sur des 4x3 dans le métro, les réseaux sociaux s’en chargent »2. En dehors de toute stratégie, les réseaux sociaux permettent aux artistes de mettre en place une promotion DIY de leur projet musical grâce à un « marketing individualisé

1 Jean-Baptiste GUILLOT, gérant de Born Bad Records, dans TOFFOLET (Adrien), « Born Bad Records : histoire d’un label engagé ! », Site du Stereolux, < http://bit.ly/20uOD13> (consulté le 11 avril 2016) 2 ATLAN (Michael), « Peut-on enfin devenir une star de la musique sans maison de disques? », Slate, le 8 juin 2013. < http://www.slate.fr/story/72743/musique-maison-disques-internet> (consulté le 6 avril 2016) 51

et [des] échanges communautaires entre internautes pouvant assurer une promotion plus ciblée et plus efficace »1.

C’est ainsi que Mac Demarco, considéré comme artiste reconnu de la scène indépendante, signé chez le label indie Captured Tracks, à la suite de la sortie d’un album instrumental, a convié l’ensemble de sa communauté Facebook (représentant plus de 360000 auditeurs) à un barbecue chez lui à Brooklyn en juillet dernier2.

Figure 4 : post Facebook issu du mur de Mac Demarco, datant du 7 juillet 2015.

III. Le retour du vinyle et ses effets sur la distribution indépendante

a) Le vinyle : le support historique de la musique indépendante

Historiquement, le vinyle a été le média vecteur de la musique indépendante. Les premiers labels sont apparus dans cette démarche de démocratisation de la musique et ont utilisé le disque comme moyen de permettre à de jeunes groupes de se faire connaître. Le vinyle incarne l’idéologie indie par son histoire et par sa production :

1 CURIEN (Nicolas) et MOREAU (François), « L’industrie du disque à l’heure de la convergence telecoms/media/internet », dans GREFFE (Xavier), Création et diversité au miroir des industries culturelles, Ministère de la culture – DEPS « Questions de culture », 2006, p. 74. 2 FALL (Azzedine), « Mac DeMarco met en ligne un album instrumental gratuit (et organise un barbecue) », les Inrockuptibles, 8 juillet 2015. (consulté le 6 avril 2016) 52

« Une démarche artisanale qui était aussi une marque d’indépendance vis-à-vis des multinationales — lesquelles avaient, dans les années 1980, imposé le CD au grand public, recyclant ainsi à moindre coût leurs anciens catalogues déjà largement rentabilisés. »1

Face aux différentes crises des supports d’écoute qui se sont succédés à la fin du XXe siècle, le vinyle est resté présent sur le marché notamment grâce aux labels indépendants. Ces structures telles que Rough Trade, ou Mass Production à Rennes spécialisée dans le punk depuis 1996, n’ont jamais cessé de sortir des albums en vinyles2. Ce support est associé à l’authenticité de la musique indépendante, tant dans la qualité du son qu’il propose que par l’objet lui-même. Le disque vinyle nécessite un soin particulier quant à l’écoute de la musique, il faut le retourner, en prendre soin pour ne pas gâcher la qualité du son, et les morceaux sont difficilement dissociables les uns des autres. L’écoute est différente entre une playlist MP3 générée aléatoirement où l’auditeur se laisse porter par les algorithmes de YouTube et un vinyle qui constitue une œuvre musicale dans son ensemble, avec une articulation choisie entre les morceaux.

b) La mise à l’épreuve du vinyle face aux différents supports

Si le disque vinyle que nous connaissons aujourd’hui a subi plusieurs évolutions au cours du XXe siècle, il est resté l’unique support d’enregistrement et d’écoute jusque dans les années 1980. A partir de cette période, les nouvelles technologies ont permis le développement de nouveaux supports d’écoute, qui se sont succédés, modifiant ainsi le marché du disque.

La première crise du disque est survenue à la fin des années 1970, après plusieurs décennies de croissance du marché du disque, le marché est arrivé à saturation et les premières baisses de ventes ont été enregistrées dans le courant de l’année 1978-19793. Cette crise est notamment due à l’émergence de nouvelles formes de loisirs comme la télévision et les jeux vidéos. A cela s’ajoute l’émergence de la cassette audio, et celle du baladeur

1 TANDY (Eric), « Brève histoire d’une récupération », Le monde diplomatique n°742, Janvier 2016, p. 18. 2 Propos recueillis lors de la table ronde autours du pressage vinyle du « Spring Rec » au Jardin Moderne à Rennes, le 19 avril 2015. 3 FRITH (Simon), « Souvenirs, Souvenirs », in MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, Paris, 1991, p. 253. 53

« walkman » sorti par Sony en 1979. Cette nouvelle forme d’écoute, plus compacte et facile à manier a annoncé le déclin du microsillon qui a été remplacé dans les années 1980 par le CD.

Les années 2000 ont marqué une nouvelle crise des supports d’écoute, avec l’apparition sur le marché du format dématérialisé et du développement du numérique1. Le CD qui était alors le support de référence traverse à son tour une crise. Selon le modèle du cycle de vie des supports d’écoute développé par Bourreau et Labarthe-Piol2, le début des années 2000 correspond à la période de maturité du CD et donc à la fin de son cycle de vie. Cela s’est ainsi traduit par une baisse considérable des ventes de CD à partir de 20003.

Malgré les différentes crises qu’il a traversées, le vinyle n’a jamais disparu et revient aujourd’hui avec force sur le marché de la musique. Il représente aujourd’hui une part significative des ventes chez les disquaires : 70% chez Ground Zero et 50% chez Souffle Continu, deux disquaires indépendants parisiens4. Le CD étant voué à disparaître, au profit du streaming, les ventes physiques de musique indépendante se basent aujourd’hui sur le vinyle, en y incorporant généralement des codes de téléchargement pour un format mp3, mêlant ainsi l’objet de collection et la modernité. Des entreprises se penchent même aujourd’hui sur la modernisation de l’immortel microsillon, afin de réduire les coûts et temps de production, ainsi que pour limiter les nombreux déchets, mauvais pour l’environnement. C’est la volonté de Rebeat, qui souhaite proposer une nouvelle technique de presse, non plus au diamant, mais en impression 3D au laser5.

c) Le marché du vinyle aujourd’hui

Bien que le format numérique occupe aujourd’hui une place de plus en plus importante dans les ventes sur le marché du disque au niveau mondial (+6,9% en 2014 par

1 CURIEN (Nicolas) et MOREAU (François), « L’industrie du disque à l’heure de la convergence telecoms/media/internet », dans GREFFE (Xavier), Création et diversité au miroir des industries culturelles, Ministère de la culture – DEPS « Questions de culture », 2006, p. 74. 2 BOURREAU (Marc), LABARTHE-PIOL (Benjamin), « Crise des ventes de disques et téléchargements sur les réseaux peer-to-peer, Le cas du marché français », Réseaux, n°139, mai 2005, p. 120. 3 Idem. 4 BIGEAY (Romain), « Disquaire Day : la renaissance des disquaires indépendants ? », Irma [en ligne], 4 avril 2012. (consulté le 17 avril 2016) 5 GIOVANETTI (Saveria), « A vos platines, le vinyle HD débarque ! », Le Nouvel Observateur, 24 mars 2016. (consulté le 17 avril 2016) 54 rapport à 2013) comme à l’échelle française (+6% en 2014 par rapport à 20131), le vinyle a connu un regain d’intérêt dans la dernière décennie. De nombreux articles de presse font état de cet étrange engouement pour la galette noire, qui a connu un attrait nouveau depuis la sortie en 2003, en vinyle de Elephant, dernier album des White Stripes. C’est surtout ces 5 dernières années que les ventes de vinyles se sont développées : en France, les ventes ont doublé en 3 ans et au Royaume-Uni elles ont quasiment été multipliées par trois2. Les ventes de vinyles en Grande Bretagne ont atteint leur plus haut niveau depuis vingt-et-un ans, avec plus de deux millions d’albums vendus, en France le nombre d’unités vendues s’élève à plus de 7500003. La hausse de vente des microsillons se mesure à contre-courant de la baisse des ventes physiques généralisée dans le monde entier4.

Ce revival du disque vinyle peut s’expliquer par plusieurs critères. Dans l’ère de la numérisation et de la dématérialisation de la musique, le vinyle marque un retour à l’objet, artistique par son artwork5 et par la musique qu’il contient, à la valeur parfois sentimentale du collectionneur qui y est attaché. Le vinyle représente une esthétique perdue avec la musique digitale, au-delà de toute représentation physique, dans la qualité du son. Les mélomanes du XXIe siècle sont à la recherche d’une qualité de son oubliée, le son analogue propre aux vinyles et aux productions musicales d’avant 1990, remplacé par le son compressé du mp36.

Si les ventes de vinyles sont en hausse dans le monde entier, le marché ne représente cependant qu’une partie substantielle de l’industrie du disque. En France, le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) parle même de marché « anecdotique » : les ventes de vinyles en France ne représentaient en 2015 que 2,3% des ventes physiques des majors7. Le vinyle, historiquement l’allié de la musique indépendante, s’est vu récupéré par les majors qui le vendent aujourd’hui comme un produit de luxe, une dizaine d’euros en moyenne plus cher que chez les indépendants : « Les majors affichent le vinyle comme un produit culturel de luxe,

1 Chiffres issus de LEBLANC (Guillaume) (Dir.), L’économie de la production musicale – Edition 2015, Syndicat National de l’Edition Phonographique, juin 2015, 98 p. 2 Annexe 3 : Evolution de la vente des vinyles ces trois dernières années. 3 CUNY (Delphine), « Retour du vinyle : l’étrange exception qui dure », Le Nouvel Observateur, 08 mars 2016. (consulté le 7 avril 2016) 4 LEBLANC (Guillaume) (Dir.), L’économie de la production musicale – Edition 2015, Syndicat National de l’Edition Phonographique, juin 2015, p. 23. 5 Terme anglo-saxon utilisé communément pour parler des pochettes d’albums, de leur dimension artistique, encore plus développée grâce format vinyle. 6 MP3 : format d’écoute qui permet de compresser le fichier afin d’utiliser le moins de données pour restituer l’audio. 7 Bilan 2015 du marché de la musique enregistrée, Syndicat National de l’Edition Phonographique, Dossier de presse du 8 mars 2016, p. 1. 55 ce qui a le double avantage d’être rentable à peu de frais et de leur redonner une image à la fois artistique et dans le coup, comme les indépendants…» 1.

La récupération par les majors de ce support met en péril la production indépendante, alors obligée d’attendre des délais bien plus longs qu’il y a quelques années pour le pressage de ses sorties. Les rééditions des grands classiques tels que Jimi Hendrix, ou bien Bob Marley, en séries importantes sont prioritaires à l’usine de pressage devant les petites séries de moins de 300 exemplaires des groupes et labels indépendants : « Auparavant, nous recevions nos disques au bout d’un mois ; maintenant, il faut parfois attendre un trimestre. Il arrive que des groupes partent en tournée sans avoir reçu les albums qu’ils espéraient vendre après leurs concerts »2.

La concurrence devient étouffante pour les indépendants du fait de l’engouement des majors pour ce support mais également du fait que le matériel et les usines de pressage se font rares aujourd’hui. Les presses et les graveuses aujourd’hui utilisées sont les mêmes qu’il y a 40 ans, et il n’y a plus aucun fabriquant de ce matériel sur ce marché de niche qui reste peu rentable3. L’usine allemande Optimal, qui est aujourd’hui le leader européen, ne compte que 33 presses. Les tirages moins importants en quantité (en moyenne 500 exemplaires) qu’il y a 40 ans nécessitent plus de temps de préparation, du fait du recalibrage à chaque nouvel album à presser4. Enfin, la qualité des vinyles d’aujourd’hui peut être amoindries du fait des processus de production peu ou mal respectés dans la précipitation de la réalisation des commandes : certains produits nécessaires au bon déroulement de la presse ont été interdits par l’Union Européenne dans les 15 dernières années, et certains des fabriquant ne prennent pas le temps d’écouter le test-pressing5 qui constitue une étape nécessaire à la qualité du disque6.

En somme, si le disque vinyle revient dans les habitudes de consommation des amateurs de musiques, l’offre en production de ce dernier ne satisfait pas nécessairement les besoins des labels et maisons de disques. Souffrant d’un retard technique important, il est possible de se demander quel est l’avenir réservé au microsillon pour les décennies à venir.

1 TANDY (Eric), « Brève histoire d’une récupération », Le monde diplomatique, n°742, Janvier 2016, p. 18. 2 Idem. 3 MICLET (Brice), « Retour en grâce du vinyle ? Pas si vite », Le Nouvel Observateur, 11 août 2014. (consulté le 11 avril 2016) 4 Idem. 5 Test-pressing : correspond à l’écoute d’un premier essai de master (laques), pour définir si oui ou non les moules qui en seront déduit seront de bonne qualité pour la presse des albums. 6 MICLET (Brice), « Retour en grâce du vinyle ? Pas si vite », Le Nouvel Observateur, 11 août 2014. (consulté le 11 avril 2016) 56

Chapitre 2. L’encadrement institutionnel aujourd’hui en France des musiques actuelles

Au-delà de la création d’une industrie à part entière, le développement de la contre- culture indie s’est accompagnée d’une certaine institutionnalisation. C’est notamment le cas en France, du fait de la mise en place de politiques culturelles de soutien envers les musiques actuelles.

I. Les processus d’accompagnement à la création musicale

a) Le rôle des lieux de musiques actuelles, des Smac et de leurs réseaux dans l’accompagnement des groupes

Les Scènes de Musiques Actuelles (Smac) sont apparues en 1998 grâce à la circulaire du 18 août, émanant du ministère de la Culture et de la Communication. Cette circulaire concernait alors plus d’une centaine de lieux consacrés à la diffusion des musiques actuelles, l’accompagnement des groupes, l’aide à la création et au développement artistique de groupes amateurs ou professionnels. La labélisation de ces lieux en « Smac » a constitué un tournant décisif dans les politiques culturelles en matière de musique : une véritable reconnaissance de la part des pouvoirs publics, de l’importance des musiques actuelles dans le spectacle vivant s’est instituée.

« Les musiques actuelles constituent dans notre pays un espace de création ouvert à un large public, notamment aux jeunes. Leur reconnaissance pleine et entière s'impose aujourd'hui comme une nécessité, et c'est à ce titre qu'elles constituent désormais un axe prioritaire de la politique culturelle. »1

Le label Smac peut être attribué à différents lieux sur un même territoire, selon la densité de population, des complémentarités des projets portés par les lieux, et de la dynamique territoriale en termes de musiques actuelles. Par exemple à Rennes l’Association des Transmusicales – Ubu (Smac), l’Antipode MJC (Smac) et le Jardin Moderne ont été labélisés

1 Ministère de la Culture et de la Communication, 1998. Circulaire du 18 août 1998 sur les SMAC (scènes de musiques actuelles), p. 1. 57 sous un même statut SMAC du bassin rennais en juillet 20151. Ce statut est renouvelable tous les trois ans, tant que le cahier des charges précis imposé par le ministère de la Culture soit respecté. Ce cahier des charges comprend les points suivants :

« diffusion professionnelle […] de créations originales, diffusion de l’ensemble des esthétiques musicales, projet intergénérationnel, projet de territoire déterminé, mise en œuvre de politiques culturelles nationales, accompagnement des pratiques, médiation, etc. »2

Ce dispositif, faisant partie de l’exception française en matière de Culture, permet aux jeunes artistes de répéter, de se produire et de se professionnaliser. Ces structures d’accompagnement offrent également un volet ressources concernant les musiques actuelles. Des centres ressources y sont créés et des formations proposées : elles offrent un conseil concernant la professionnalisation des corps de métier tels que musicien, booker, manager. Ces lieux ont pour objectif d’irriguer le territoire français des politiques culturelles en matière de musiques actuelles. Ils doivent suivre une démarche de concertation territoriale définie par le Schéma d'Orientation pour le développement des LIeux de Musiques Actuelles (Solima).

Ces Smac s’organisent en réseaux nationaux avec la Fédération des Lieux de Musiques Actuelles (Fedelima) qui rassemble, en 2013, 144 lieux de musiques actuelles partout en France3, et en réseaux régionaux (ex : réseau Après-Mai en Bretagne qui compte 15 lieux bretons consacrés aux musiques actuelles).

En parallèle de ces lieux institutionnalisés depuis la fin des années 1990, les cafés- concerts constituent un enjeu primordial dans le développement des groupes de musiques. Ils offrent la possibilité aux jeunes artistes de se produire devant une jauge réduite, de perfectionner leur jeu et de se former à la prestation scénique. Une grande majorité des groupes indépendants y font leurs débuts. Ces lieux de musiques actuelles se sont également rassemblés en collectif avec notamment la Fédération Nationale des cafés-cultures qui rassemblent 213 cafés-concerts en France et organisent chaque année le festival Culture Bar- Bars, proposant l’accompagnement financier de groupes. En 2015, c’est le groupe d’indie Bantam Lyons qui a été sélectionné pour assurer neuf concerts dans des cafés-cultures du

1 « SMAC bassin rennais », Antipode MJC [en ligne], 22 juillet 2015. (consulté le 19 avril 2016) 2 « Labellisation « Scène de Musiques Actuelles » (SMAC) pour le Silex à Auxerre », Ministère de la Culture et de la Communication [en ligne], 11 octobre 2013. (consulté le 6 avril 2016) 3 « Panorama en chiffres clés : année 2013 », Fedelima [en ligne], 2014. (consulté le 6 avril 2016) 58 réseau en question1. Les cafés-cultures sont en voie d’institutionnalisation avec la création le 16 avril 2015 d’un Groupement d’Intérêt Public Cafés Cultures, approuvé par le ministère des Finances et des Comptes Publics2.

b) Les festivals français comme tremplins professionnalisants

Depuis leur développement dans les années 1990 et 2000, les festivals sont particulièrement nombreux en France, le Centre National de la chanson, des Variétés et du jazz (CNV), la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) et l’Irma ont comptabilisé 1612 festivals en France en 20143. L’étude portée par ces trois organismes montre que les festivals sont à la fois un moteur du dynamisme territorial et un moteur pour le spectacle vivant. La Bretagne, terre de festivals, constitue une région particulière pour les musiques actuelles : en 2014, 62% des recettes de billetteries des festivals français sont issus d’un évènement breton4.

Une grande majorité de ces festivals ont pour but de promouvoir en partie une scène locale. C’est pourquoi ce réseau de festivals constitue un enjeu primordial dans le développement des groupes : il leur permet de se produire devant un public averti, à une échelle plus large que celle des cafés-concerts. Afin de promouvoir cette scène locale, de nombreux festivals organisent des tremplins, en mettant ainsi en avant des groupes « découvertes », leur permettant de jouer sur des scènes et devant des auditoires qui ne leur seraient pas accessibles, à cette étape de leur professionnalisation.

C’est ainsi que le Printemps de Bourges, les Vieilles Charrues et les Transmusicales, trois des grands festivals français, proposent aux jeunes artistes des tremplins professionnalisants avec respectivement Les Inouïs, le Label Charrue (anciennement Jeunes Charrues) et la tournée des Trans. Dans le cadre des Inouïs, le processus de sélection se fait grâce à un appel à candidatures plusieurs mois avant le festival par antenne régionale, une sélection régionale sur écoute, puis des auditions régionales au niveau de chaque antenne qui mènera plusieurs groupes de chaque région à être sélectionné au niveau national pour enfin se produire au

1 « Le groupe Bantam Lyons coup de Cœur Bar-Bars 2015 », Presse Océan, 21 décembre 2015. (consulté le 19 avril 2016) 2 « LA CRÉATION DU GIP CAFÉS-CULTURES », Le Pôle [en ligne]. (consulté le 6 avril 2016) 3 « La France et la richesse de ses festivals de musiques actuelles », Irma [en ligne], 22 juillet 2015. (consulté le 19 avril 2016) 4 Idem. 59 festival de Bourges – Crédit Mutuel en avril. Le label Charrues et la Tournée des Trans ont un fonctionnement similaire, différent de celui des Inouïs, avec un choix ad hoc des groupes participant aux tremplins. Les groupes sont nécessairement issus de formations du grand ouest. Ils bénéficient d’un accompagnement en amont grâce à des résidences artistiques et des conseils quant à leurs prestations scéniques : « L’objectif est de préparer l’accès à la scène d’un point de vue technique (balance, réglage technique, agencement du set) et artistique, avec l’aide d’un professionnel »1. A la suite de cet accompagnement ils bénéficient d’une tournée organisée par le tremplin sur des scènes du grand ouest : « Les trois groupes effectuent une tournée régionale dans les Scènes de Musiques Actuelles bretonnes afin de rôder leur set, préparer au mieux la venue sur le festival et aller à la rencontre des publics et des professionnels »2.

Ces tremplins permettent aux jeunes groupes d’obtenir les clés pour se professionnaliser et se faire connaître dans le milieu des musiques actuelles. Le groupe de pop/electronica indie Fragments a ainsi bénéficié du tremplin des Inouïs et de l’accompagnement des Trans en 2014, puis du label Charrues en 2015.

D’autres tremplins sont également proposés par des entreprises ayant de près ou de loin un rapport avec la musique. C’est le cas notamment des Inrocks Lab, organisé par le mensuel musical Les Inrockuptibles, ainsi que du Ricard S.A. Live Music qui a pour but « d'offrir au public de grands concerts gratuits et de soutenir l'essor d'artistes en développement »3.

c) Les collectivités territoriales et entreprises culturelles publiques accompagnatrices

Il existe différents échelons d’accompagnement des projets musicaux dépendants d’institutions publiques : l'échelon départemental, régional, mais aussi national et international.

Certaines structures territoriales ont pour but de mettre en place un accompagnement en lien direct avec les musiciens. C’est le cas notamment d’Itinéraire Bis, dépendante du Conseil Départemental des Côtes d’Armor qui répond aux missions suivantes: l’aide à la création

1 « Label Charrues », Les Vieilles Charrues [en ligne]. (consulté le 19 avril 2016) 2 Idem. 3 « A propos », Ricard S. A. Live Music [en ligne]. (consulté le 19 avril 2016) 60 artistique, la diffusion culturelle, l’action de démocratisation culturelle, l’ingénierie culturelle sur l’accompagnement des projets de territoire, la mise à disposition d’un centre de documentation et de ressources pour les acteurs culturels et artistiques1. En proposant un soutien financier à la création et une mise à disposition de résidences, la structure soutient le développement des carrières des jeunes artistes. Itinéraire Bis a ainsi mis en place le dispositif Partis pour un tour afin de « permettre l’émergence de projets de qualité dans le domaine des musiques actuelles et leur accompagnement dans des conditions professionnelles »2. En s’associant à d’autres structures telles que les Smac de la région, cette structure départementale Itinéraire Bis s'insère dans le dispositif du triple accompagnement, qui s'adresse aux groupes de musiques actuelles. Les groupes en question voient ainsi leurs financements doublés par la région Bretagne. Ce dispositif mis en place par la région a pour but d’encourager la mise en réseau et la collaboration des structures de production, d’améliorer les conditions de production, d’accompagnement et de diffusion des projets artistiques, de permettre une meilleure inscription des équipes artistiques dans les territoires, de favoriser l’émergence d’un nouveau réseau de structures, d’inciter à l’élaboration de conventions de partenariats entre les structures productrices et les équipes artistiques3. Le groupe phare d’indie pop rennais Mha, a ainsi bénéficié de ce triple accompagnement (Itinéraire Bis, Echonova – Smac de Saint-Avé, Antipode MJC – Smac de Rennes).

Au niveau régional, c’est la Direction Régionale des Arts et de la Culture qui possède la compétence liée aux musiques actuelles. Elle ne permet pas d’accompagnement direct auprès des artistes mais permet une gestion décentralisée de la volonté étatique en matière de Culture, par le financement de structures telles que Spectacle Vivant en Bretagne (SVB) ou le Pôle en Pays de Loire (Pôle de coopération pour les musiques actuelles). Si SVB constitue un Etablissement Public de Coopération Culturelle créé directement par le ministère de la Culture et par la région Bretagne, le Pôle a le statut d’association et est mandaté par l’Etat pour fédérer 120 structures dédiées aux musiques actuelles dans les Pays de Loire. Ces structures ont pour rôle l’accompagnement et l’aide à la création/diffusion des structures dédiées aux musiques actuelles et au spectacle vivant.

1 « L’association », Itinéraire Bis [en ligne]. (consulté le 19 avril 2016) 2 « Partis pour un tour », Itinéraire Bis [en ligne]. (consulté le 19 avril 2016) 3 « Structures de production et de diffusion », Région Bretagne [en ligne]. (consulté le 19 avril 2016) 61

A l’échelle internationale, les Alliances françaises (associations privées reconnues d’utilité publique) et l’Institut français (Etablissement Public à Caractère Industriel et Commercial) ont en charge le rayonnement culturel français à l’étranger, le Bureau Export est lui spécialisé dans la promotion de la musique française à l’étranger. En termes de musiques actuelles ce sont ces deux dernières structures qui sont les plus actives à l’étranger. L’institut français doté d’un budget de 39,5 millions d’euros en 20141 « apporte son soutien à la circulation des artistes français en musiques actuelles et jazz »2, il s’intéresse essentiellement aux artistes émergents. L’Institut français a ainsi permis aux groupes Manceau, Clarens, Juvéniles et de se produire en Asie lors du French Miracle Tour en mai 2015. Le Bureau Export a quant à lui pour mission d’ « accompagner la filière musicale française dans le développement de ses artistes à l’international, dans le domaine des musiques actuelles et des musiques classiques »3. L’accompagnement pourvu par le Bureau Export permet :

« de démultiplier les efforts et les compétences des professionnels entourant les artistes ‘made in France’ à l’international, un effet-levier sur les investissements de la filière à l’international, d’augmenter ainsi la visibilité et le rayonnement des artistes ‘made in France’ dans le monde. »4

Les artistes accompagnés par le Bureau Export ont une renommée nationale déjà bien établie. Cette structure ne se situe pas tant dans la démarche du dénicheur de talents, que dans la volonté d’élever des artistes nationaux au rang international. Le succès à la vente fait partie des critères pour être accompagné par le Bureau Export. C’est ainsi que les artistes suivants ont bénéficié d’une aide financière : Christine and the Queens, Louane, , The Dø., Chinese Man.

II. France et Union Européenne, quels soutiens à l’industrie musicale ?

a) Les politiques culturelles dans le domaine des musiques actuelles

1 Soit une baisse de 2,5 millions d’euros, donc 6% par rapport au budget de 2013. Leur budget est pourvu à 70% par des subventions d’Etat. ALLAIN (Luc), « DIPLOMATIE CULTURELLE - Alliance Française et Institut Français : qui est qui ? », Le Petit Journal, 11 février 2015. (consulté le 6 avril 2016) 2 « Musiques actuelles et jazz », Institut Français [en ligne]. (consulté le 6 avril 2016) 3 Site web du Bureau Export. (consulté le 6 avril 2016) 4 Idem. 62

En matière de politiques culturelles appliquées aux musiques actuelles, le gouvernement français a mis en place depuis les années 1980 différents outils afin de faire valoir cet enjeu culturel comme une des spécificités françaises. La notion d’Etat culturel a intégré le milieu des musiques actuelles avec la mise en place de structures telles que le Centre National des Variétés, de la Chanson et du Jazz, qui grâce à une taxation sur les spectacles de musiques permet un soutien financier aux organisateurs de concert. La définition de cet Etat culturel français dans le domaine des musiques actuelles, s’est fait par un approfondissement de la législation française en terme de protection des artistes. Afin de compléter les droits d’auteur qui sont gérés par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), les droits voisins ont été institués en 1989. Au delà des droits d’auteur, ces droits protègent les artistes et musiciens interprètes, ils sont gérés par la société civile de gestion collective pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) et la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (Spedidam).

Concernant précisément les musiques actuelles, plusieurs instances ont été mises en place afin d’accompagner la création artistique à un niveau national. L’Irma est une association de loi 1901 qui est conventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication depuis 1986. Elle a pour but de recenser tous les acteurs du domaine des musiques actuelles, elle joue le rôle de conseil, de formation, d’information. Elle a modifié son organisation en supprimant ses centres dédiés à l’information des styles spécifiques tels que le rock, le jazz, les musiques du monde et traditionnelles pour se spécialiser et se concentrer sur des services transversaux tels que l’édition, la formation, les ressources. Cette mutation des priorités est liée à une demande du ministère, à la suite d’affaiblissements budgétaires de l’association1. En 2011, le Conseil Supérieur pour les Musiques Actuelles (CSMA), qui était force de proposition en termes de politiques culturelles dans le domaine des musiques actuelles a été supprimé. Cet outil de co- construction des politiques culturelles concernant les musiques actuelles avait été créé en 2006, suite à un processus de concertation et de réflexion de trois années entre les différentes structures nationales dédiées aux musiques actuelles « Pour une politique nationale et territoriale des musiques actuelles »2. La dissolution de cet outil marque un certain désengagement de l’Etat dans ce domaine, qui s’est également traduit par une baisse substantielle des fonds alloués aux festivals de musique et aux structures dédiées aux musiques

1 GIRARD (Geneviève), «L’Irma se positionne pour l’avenir et entérine l’arrêt de ses missions esthétiques », Irma [en ligne], 23 avril 2014. (consulté le 21 avril 2016) 2 Après l’annonce de la dissolution du Conseil supérieur des Musiques Actuelles, Fédérations nationales et des réseaux territoriaux de musiques actuelles, communiqué du 8 novembre 2011. 63 actuelles. Itinéraire Bis a subi en 2016 une coupe budgétaire drastique de la part du Conseil Départemental des Côtes d’Armor qui lui retire 1,7 millions d’euros, soit 88% de son budget de fonctionnement. La structure doit ainsi licencier 19 salariés, et se voit dans l’obligation de cesser son activité1. Pour protester contre cette décision, le collectif Côtes d’Art-Mort s’est créé et mobilisé à plusieurs reprises2.

Le rock est un genre musical qui a été institutionnalisé en France dans les années 1980 notamment avec la politique de Jack Lang, qui a permis la création de la fête de la Musique (1982), la création du label Smac (1989) : « Dans le cas français le rock voit d’ailleurs cette institutionnalisation renforcée par la lente mais réelle reconnaissance que lui accordent les pouvoirs publics, même s’il s’agit d’y voir autant un outil anti-délinquance ou un exutoire qu’un art »3. Philippe Teillet parle même de la véritable mise en place d’une « politique du rock », en 1981, puis en 1988 avec notamment la distinction entre une politique de soutien aux pratiques musicales des jeunes, et les politiques de soutien à la création4.

A un niveau européen, les musiques actuelles ainsi que l’ensemble du domaine culturel, bénéficient de programmes tels que Europe Creative, ayant pour but de « renforcer la diversité culturelle et artistique européenne et la compétitivité des secteurs concernés »5. Ce programme vise notamment à la mise en place d’une meilleure coopération artistique à l’échelle européenne, afin de former les artistes à une échelle internationale. Il doit permettre en outre une plus grande circulation des outils et œuvres artistiques. De même l’Union Européenne a créé les European Border Breakers Awards, prix qui a pour but de récompenser les musiciens européens qui ont réussi à diffuser leur premier album à l’échelle européenne. Ce dispositif, financé par Europe Creative, vise « à souligner l'immense diversité culturelle et linguistique de l'Europe à travers la musique populaire »6 et marque une volonté européenne d’investir dans le patrimoine culturel européen à travers les musiques actuelles.

1 « Côtes-d'Armor. « Le Département se substituera à Itinéraire Bis », Ouest France, 14 mars 2016. (consulté le 6 avril 2016) 2 Le collectif créé en février 2016, suite à l’annonce de la cessation d’activité prochaine d’Itinéraire Bis compte plus de 2500 likes sur sa page Facebook. (consulté le 21 avril 2016) 3 NEVEU (Erik), « Won’t get fooled again? Pop musique et idéologie de la génération abusée », in MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, 1991, p. 62. 4 TEILLET (Philippe), « Une politique culturelle du rock ? », in MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, 1991, p. 225. 5 Site web de Europe Creative. (consulté le 8 avril 2016) 6 Page web « Infos », European Border Breakers Awards [en ligne]. (consulté le 16 avril 2016) 64

b) Les politiques de soutien aux acteurs indépendants

Plusieurs politiques de soutien aux acteurs indépendants ont vu le jour en France. Toujours dans cette optique de mise en valeur des musiques actuelles, propre aux mandats de Jack Lang au ministère de la Culture et de la Communication, le Fond d’Action et d’Initiative Rock (Fair) a été créé en 1989. Le Fair se définit comme : « premier dispositif de soutien au démarrage de carrière et de professionnalisation en musiques actuelles ». Il correspond à un dispositif de soutien direct aux groupes émergents. Chaque année une quinzaine d’artistes bénéficie d’un suivi par le Fair, dans cet objectif de professionnalisation. Il travaille sur cinq volets différents avec les artistes nominés : une aide financière, une aide à la diffusion, un conseil juridique et managérial, un soutien en termes de communication pour le groupe et enfin des propositions de formations professionnelles et artistiques1. Ce dispositif financé par les principaux acteurs publics des musiques actuelles (Adami, CNV, Sacem, ministère de la Culture etc.) et par deux partenaires privés (Fnac et Ricard S.A. Live Music) permet en 2016 aux artistes indie Kid Wise, Flavien Berger ou Samba de la Muerte de profiter du dispositif.

Dans le contexte de crise de l’industrie du disque, la Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles du ministère de la Culture et de la Communication (DGMIC) a mis en place entre 2012 et 2014 trois plans pour soutenir les acteurs indépendants. Le premier consiste en un sauvetage financier du label et distributeur français indépendant Discograph, qui voit sa créance réduite à 40%, grâce à une enveloppe de 48000 euros2. Le deuxième plan mis en place en 2013 a permis à 39 labels indépendants de bénéficier d’une aide en trésorerie d’en moyenne 8134 euros. Ce plan a cependant été perçu comme largement insuffisant par l’Union des producteurs français indépendants (UPFI) qui a publié en février 2014 un plan d’urgence en faveur des labels indépendants3, décriant la situation précaire de ces structures et préconisant la mise à disposition d’une enveloppe de 10 millions d’euros. Suite à ces revendications, le nouveau plan en date de 2014 s’est orienté essentiellement vers un financement aidant à l’adaptation à l’environnement numérique et se concentre donc sur les innovations liées à la digitalisation des activités. Ce dernier plan avait pour but d’aider les labels non plus par un soutien à la production mais par des investissements structurels liés à la modernisation des

1 « Présentation », Fair [en ligne]. (consulté le 21 avril 2016) 2 « UN NOUVEAU PLAN POUR LA MUSIQUE ENREGISTRÉE : De l’urgence à la mutation », Irma [en ligne], 6 octobre 2014. (consulté le 2 avril 2016) 3Un plan d’urgence en faveur des labels indépendants en 2014, rapport public, auteur non mentionné, 2 février 2014, 13 p. 65 entreprises1. Cette politique ne s’est pas constituée uniquement d’un soutien en trésorerie ; elle s'adjoint un rôle de conseil assuré par l’Irma, l’année suivante. Les pouvoirs publics entendent ainsi se positionner non plus uniquement en re-distributeurs mais également en agent de conseil et d’orientation.

c) Le rôle grandissant du mécénat privé dans l’industrie de la musique

La crise de l’Etat culturel français et les coupes budgétaires observées notamment dans la redistribution des subventions aux festivals français ont mené les différentes structures dédiées aux musiques actuelles à recourir aux mécénats et aux investisseurs privés. De nombreux festivals ont été supprimés les années passées du fait de manque de financements; Le Monde en répertorie en centaine pour l’année 2015 seulement2.

Déjà en 2002, le magazine spécialisé Volume ! faisait écho de la situation du festival de musiques indépendantes La Route du Rock qui se tournait peu à peu vers des partenaires privés, du fait de baisses consécutives des subventions3. Cette situation, qui était exceptionnelle il y a une vingtaine d’années devient aujourd’hui la norme. L’Irma préconise en 2011 dans un dossier consacré au financement des festivals, de se tourner vers les financeurs privés4. Si à la fin des années 1990 la Route du Rock avait comme partenaire la marque de cigarette Les Ailes Bleues, on retrouve aujourd’hui dans une grande majorité de festivals de grands groupes commerciaux. Le Printemps de Bourges est renommé depuis 2011 Printemps de Bourges – Crédit Mutuel et compte aujourd’hui trois scènes partenaires : Pression Live (Kronembourg), Ricard S.A. Music Live, Le Berry. La Green Room financée par Heineken est également uns scène électro incontournable du festival à tête chercheuse des Transmusicales depuis 2010.

Des initiatives émergent pour développer les actions de mécénats privées. C’est le cas pour le fonds de dotation qui a été créé par le Pôle, afin de soutenir ces initiatives privées dans la finance des entreprises culturelles en Pays de Loire. Le festival Les 3 éléphants et l’école de

1« UN NOUVEAU PLAN POUR LA MUSIQUE ENREGISTRÉE : De l’urgence à la mutation », Irma [en ligne], 6 octobre 2014. (consulté le 2 avril 2016) 2 « Une « cartocrise » des festivals annulés », Le Monde, 15 mars 2015. (consulté le 2 avril 2016) 3 VALERO Vanessa, « Le festival de rock : entre passion et désenchantement… », Volume !, janvier 2002, p. 113- 123. 4 Financement des festivals, Irma, octobre 2011, p.11. 66 commerce nantaise Audencia group sont cosignataires de ce fonds de dotation dédié aux initiatives musicales et ont été rejoints en 2016 par trois autres entreprises. Cet outil a pour but de faciliter le mécénat ou par les entreprises qui souhaitent investir dans des projets créatifs de la région, et faire le lien entre ces structures privées et les associations en demande de financements1.

L’enjeu est de taille pour les entreprises qui deviennent mécènes d’évènements culturels. Cela leur permet de développer leur image aux côtés de projets artistiques de manière qualificative, de plus cela leur permet un ancrage territorial fort. La promotion des événement musicaux permet aux mécènes privés de mettre en place une stratégie de brand content, stratégie managériale qui a pour but de greffer le logo, ou le nom de la marque à tous les supports de communication du festival.

L’enjeu du sponsoring pour un festival est de savoir maintenir son indépendance artistique tout en valorisant les partenaires financiers. Cet enjeu est défini par Xavier Dupuis de la manière suivante :

« Prospection pour un multifinancement qui ne doit négliger aucune opportunité, adoption d’un réel comportement d’employeur (surtout en matière d’embauche), reconnaissance du caractère fondamental d’une politique de vente […] sont autant d’éléments indispensables, sont autant d’actions qui réclament les efforts de chacun sans que pour autant ils viennent, inéluctablement, remettre en cause la dynamique artistique. » 2

Cette indépendance peut ainsi être remise en cause par des acteurs de la scène indépendante, pour des festivals tels que Rock en Seine qui comptent en moyenne 40000 festivaliers par jour et a pour le moment seize partenaires privés, et six mécènes3 : « Rock En Seine, c'est la foire à la saucisse, tu ne comprends pas où t'es. Tu as Renault qui a un stand, ça n'a aucun sens. Mais ça en dit long sur l'ambition du festival, qui est de faire de l'argent, clairement ! »4.

1 « Mécènes pour la musique : un fonds de dotation en Pays de Loire », Irma [en ligne], 22 octobre 2014. (consulté le 3 avril 2016) 2 DUPUIS (Xavier) dir., Économie et Culture : de l’ère de la subvention au nouveau libéralisme, volume 4 de la Quatrième conférence internationale sur l’économie de la culture (Avignon 12-14 mai 1986), La Documentation française, Paris, 1990, p. 35 3 Rock en Seine. (2016). Partenaires. (consulté le 21 avril 2016) 4 Jean-Baptiste GUILLOT, fondateur de Born Bad Records dans l’article TOFFOLET (Adrien), « Born Bad Records : histoire d’un label engagé ! », Site du Stereolux, < http://bit.ly/20uOD13> (consulté le 11 avril 2016) 67

III. L’indépendance des artistes vis à vis de cet encadrement

a) Un moyen de s’émanciper et de se professionnaliser

L’exception culturelle française en termes de musiques actuelles et les différents processus d’accompagnement offrent aux artistes et acteurs indépendants un véritable cadre de progression et de professionnalisation.

Bien que les subventions aujourd’hui ont tendance à diminuer pour les festivals français1, elles leur ont permis de se construire et de se développer dans les années 1990 et au début des années 2000. C’est grâce aux subventions des collectivités territoriales que le festival de musiques indépendantes de la Route du Rock s’est construit une renommée à l’international :

« Il [François Floret, directeur de la Route du Rock, ndlr.] précise qu’elles jouent un rôle indéniable dans l’expansion de la Route du Rock. En 1996, les subventions publiques représentaient près de 6 % du budget global. Ce taux est passé à plus de 15 % en 1998 pour ensuite globalement se stabiliser aux alentours de 20 %. »2

Les subventions allouées aux musiques actuelles et les différents processus d’accompagnement ont permis une certaine reconnaissance de la part des pouvoirs publics de l’enjeu qu'elles représentent : « les subventions de fonctionnement ont été finalement considérées comme un signe tangible de reconnaissance et de valeur accordée par les autorités publiques à ces musiques, à ces artistes et à leurs publics »3. La professionnalisation du personnel encadrant la création artistique, notamment grâce à l’augmentation des subventions allouées aux Smac ces dernières années (entre 2010 et 2012, les subventions du ministère de la Culture et de la Communication ont augmenté de 10%4) a permis un meilleur encadrement des jeunes groupes émergents. C’est grâce à ces différentes aides et conseils que des artistes tels que Mha, Mermonte, Bumpkin Island, ont pu émerger en tant que groupes professionnels

1Financement des festivals, Irma, octobre 2011, p. 5. 2VALERO (Vanessa), « Le festival de rock : entre passion et désenchantement… », Volume !, janvier 2002. P.113- 123. 3TEILLET (Philippe), Le « secteur » des musiques actuelles : de l’innovation à la normalisation… et retour ?, Journée d’étude du master Direction d’équipements et de projets dans le secteur des musiques actuelles, Université d’Angers – CUFCO, 10 octobre 2006, p. 5. 4« SMAC : quels équilibres budgétaires pour les lieux de petite et de moyenne jauges ? », Irma [en ligne], 16 avril 2014. (consulté le 23 avril 2016) 68 phares de la scène indie rennaise1. Le territoire français a été couvert de structures dédiées aux musiques actuelles, qu’il s’agisse de Smac ou de festivals, permettant l’émergence d’une diversité culturelle. Cette stratégie de marketing territorial axé sur la culture a entrainé la professionnalisation des artistes indépendants dans toute la France2. Cette professionnalisation est également due au régime spécifique français de l’intermittence, qui permet aux artistes dépendant de ce régime d’être assurés d’un salaire mensuel régulier.

b) Un carcan imposé aux créations musicales

La mise à disposition de tels outils pour la création artistique et le développement des projets musicaux entraîne une certaine dépendance au sentier3. Il devient de plus en plus difficile d’exister sans ces structures. Des codes implicites sont imposés aux artistes par ces différents accompagnements, il faut ainsi présenter un projet qui plaise aux institutions culturelles en question, afin d’être retenu pour l’accompagnement proposé. Ce carcan peut ainsi limiter la création artistique dans le sens où les structures préfèrent certains projets à d’autres. Les groupes qui ne sont pas conformes, concernant le genre musical, la musicalité des compositions, l’apparence et le jeu scénique, se trouvent alors marginalisés et en définitive exclus de ce processus de professionnalisation. Dès lors que des codes tacites, intrinsèques aux dispositifs d’aide aux groupes de musiques actuelles, sont reconnus, qu’en est-il de l’indépendance présumée des groupes définis comme indie : « De multiples micro décisions (qu’il n’est pas possible de restituer ici) ont concouru progressivement à orienter dans le sens de la normalisation un « secteur » pourtant attaché à marquer sa différence »4.

De plus des systèmes d’encadrement tels que le régime d’intermittence, qui constitue un enjeu primordial pour les artistes indépendants peut également conduire à une certaine aliénation. Ce système demande aux artistes de travailler 507 heures ou l’équivalent de 43 cachets dans les 319 derniers jours pour pouvoir bénéficier pendant une année du régime, et des indemnités versées par l’assurance chômage lors des périodes non travaillées. Il s’agit donc

1 Ces trois groupes ont participé à de nombreuses résidences à l’Antipode, l’Ubu, le Jardin Moderne, les 3 scènes labellisées Smac. 2 CHAPUIS (Théo), « Docu : France 4 fait son tour de France de la scène indé », Konbini, avril 2014. (consulté le 23 avril 2016) 3 TEILLET (Philippe), Le « secteur » des musiques actuelles : de l’innovation à la normalisation… et retour ?, Journée d’étude du master Direction d’équipements et de projets dans le secteur des musiques actuelles, Université d’Angers – CUFCO, 10 octobre 2006, p. 4. 4 Idem. 69 pour les artistes d’entrer dans la « course aux cachets »1, trouver et accepter le plus grand nombre de dates payées légalement en cachets. Or, ces cachets que seules des structures d'envergure telles que les grands festivals et les Smac peuvent proposer ne sont pas accessibles à tous les groupes et à tous les genres musicaux, au sein même de l’indie rock et de l'indie pop. De fait, les groupes qui ne peuvent prétendre à de telles structures évoluent grâce aux cafés- concerts. Le système les garde néanmoins dans une certaine précarité. D’autres groupes ou artistes préfèrent se plier aux conditions artistiques implicitement imposées par les modes musicales pour pouvoir continuer à jouer et bénéficier du régime plus confortable de l’intermittence.

Certains artistes issus de la scène indie ont un discours critique sur cet encadrement, dont ils sont cependant bénéficiaires bien qu'ils ne souhaitent pas nécessairement se professionnaliser2.

« A l’instabilité de l’objet musical, l’artiste contemporain oppose une réponse ambiguë. Il a massivement recours à l’institution, pour faire tenir son objet, tout en la dénigrant, pour la faire s’effacer devant cet objet qu’elle soutient. (...) Le musicien doit asservir un réseau diversifié d’intermédiaires circonspects, pour qu’enfin soit produite, posée devant nous, la musique. »3

Les cadres imposés par l’industrie musicale aux acteurs indépendants remettent en cause la liberté de création et l’ « art pour l’art » originellement développé par ce courant artistique. La musique indie caractérisée par la taille modeste des projets qui la constituent se voit contrainte par les réalités économiques de l’industrie musicale et par l’intervention des institutions publiques dans la création artistique. Cette indépendance peut ainsi être remise en cause et nous amène à nous interroger sur ce que représente réellement la musique « indie » aujourd’hui.

1Entretien avec Eléonore James, musicienne dans les groupes rennais Mha, Mermonte et Bumpkin Island, le 29 mars 2016. 2 Atlantic TV,Bantam Lyons. Pop noire nantaise aux Trans de Rennes, novembre 2014, 4:02. (consulté le 23 avril 2016) 3 HENNION (Antoine), La Passion musicale : une sociologie de la médiation, Métailié, Paris, 1993, 407 p. 70

PARTIE 3. La musique indie aujourd’hui : entre sacralité des valeurs et récupérations Chapitre 1. L’indie, un art de vivre ?

L’indie constitue un mouvement qui se distingue au-delà de sa dimension musicale. Le terme indie way of life est effectivement utilisé pour désigner une certaine idéologie de vie associée au mouvement indie. Différents éléments en sont caractéristiques, et sont prônés aujourd’hui comme mode à part entière.

I. « Do It Yourself » : la leitimotiv du mouvement indie

a) La musique « home made » et l’affranchissement économique vis-à- vis de l’industrie musicale

La logique « Do It Youself » (DIY), initialement propre au mouvement punk, est devenue un élément intrinsèque à la culture indie, principalement en matière de techniques d’enregistrement. Le développement de ces techniques dans les années 2000 ont généré l'apparition de nombreux studios home made1. Cette décennie s’est donc accompagnée d’un nouvel essor de la musique DIY. L’arrivée du numérique a ainsi permis une baisse des coûts de production concernant les techniques d’enregistrement2. Le matériel, une fois acheté, exige en effet moins de frais de fonctionnement que le matériel analogique qui nécessitait des bandes sons pour chaque prise. Ces nouvelles techniques DIY permettent aux artistes de sortir leurs albums sans avoir besoin de passer par l’industrie traditionnelle. Grâce aux nouvelles techniques d’enregistrement et à internet, ils peuvent ainsi enregistrer, mixer, presser les disques, les sortir en CD directement avec les usines spécialisées ou en numérique, faire leur promotion via internet et distribuer directement leurs albums en ligne ou en concert.

Cette logique DIY peut permettre à l’artiste de gérer lui-même sa carrière, en montant sa propre entreprise. Selon une étude menée par l’Institut des Métiers de la Musique (IMM) sur

1 Traduction : fait maison. 2 LABARTHE-PIOL (Benjamin), « Crise des ventes de disques et téléchargements sur les réseaux peer-to-peer, Le cas du marché français », Réseaux, n°139, mai 2005, p. 136. 71 le DIY dans la musique, deux tiers des interrogés via le formulaire en ligne, estiment qu’un artiste peut sans aucun doute créer son entreprise et gérer sa carrière1.

Si cette logique DIY est un moyen pour l’artiste indépendant de s’affranchir des logiques de rentabilité du marché du disque, c’est par ailleurs un moyen d’être le seul acteur de son art, de concevoir, de créer et de penser la musique du début à la fin, sans être tenu de faire des compromis quant au mixage de l’album ou à la pochette du disque. Le DIY constitue une sorte d’empowerment2 pour l’artiste indépendant, il le rend maître dans le processus de création: aucune pression extérieure ne s'exerce sur lui. Dès lors, un tel processus permet, de manière effective, qu’« un individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer sa capacité d’action, de s’émanciper »3.

b) Le crowdfunding : une idéologie qui colle à la philosophie indie

Le crowdfunding4, qui s’est largement développé ces 5 dernières années à travers différents types de plateformes (les montants récoltés en France ont été multipliés par 10 entre 2011 et 20135), a pris de plus en plus d’ampleur dans le financement participatif de projets liés à la musique. En effet, la musique représente 10% des projets financés par crowdfunding dans le monde, et c’est en millions d’euros que se comptent les fonds soulevés en France pour des projets musicaux6.

Dans la logique DIY d’autoproduction et d’indépendance vis-à-vis de l’industrie de la musique traditionnelle, le crowdfunding constitue un outil représentatif de la philosophie indie. Par le biais de plateformes telles que Ulule, KissKissBankBank ou encore Kick Starter, des artistes, labels ou festivals peuvent lancer un appel à dons sur internet afin de remplir un objectif financier fixé au préalable. Les donateurs, en fonction du montant qu’ils sont prêts à

1 « Synthèse de l'Enquête DIY », IMM [en ligne], 13 mars 2014. (consulté le 23 avril 2016) 2HEIN (Fabien), « Le DIY comme dynamique contre-culturelle ? L’exemple de la scène punk rock », dans Volume !, septembre 2012, p.105-126. 3BACQUE (Marie-Hélène), « Empowerment et politiques urbaines aux Etats-Unis », Géographie, Économie, Société, vol. 8, n° 1, 2006, p. 107-124. 4Terme que nous emploierons pour désigner l’équivalent français « financement participatif ». 5« Baromètre 2013 du crowdfunding en France », Finance participative [en ligne], Financement Participatif France. (consulté le 12 avril 2016) 6MILLIARD (Mathias), « LA MUSIQUE FAIT SON CROWDFUNDING - Emporté par la foule... », Irma [en ligne], 4 mars 2014. (consulté le 12 avril 2016) 72 fournir, peuvent bénéficier de contreparties (merchandising1, albums, places de concerts). Ce processus, qui nécessite l’établissement d’un budget précis, permet ainsi de produire un nouvel album, financer un poste de dépense d’un festival, organiser une date de concert ou encore renouveler un stock de merchandising à la suite d’une sortie. Pour atteindre la somme fixée, les artistes peuvent dès lors, grâce à Internet, toucher un large public : famille, amis, fans, mais aussi professionnels de la musique.

Cette pratique, fruit de l'insuffisance des financements traditionnels2 permet à l’artiste de rassembler son public autour d’une idée, de rendre le public acteur et financeur d’un projet qui lui tient à cœur. L’artiste qui se veut indépendant peut ainsi se reposer sur la communauté qu’il fédère pour réaliser ses projets. C’est par exemple le cas du groupe quimpérois Corbeaux qui, au terme d’un financement participatif d’un mois et demi, a réussi à récolter 6026 € sur leur plateforme croafunding.lol, développée par Joris Saïdani, le batteur du groupe :

« Sans vous, nous ne sommes pas grand chose, et nous avons pu constater un engouement et un réel soutien du public à l'égard de notre groupe. Cela nous touche profondément et nous conforte dans le fait que cette solution de financement participatif est sans doute la plus adaptée à notre projet à l'heure actuelle […]. L'idée est de défendre un système de fonctionnement basé sur une forme d'économie solidaire où artistes et public sont en lien direct et où les 2 parties s'y retrouvent. » 3

c) Le booking : loin de la rentabilité économique, l’expérience humaine avant tout

Le booking représente une activité essentielle au développement des artistes, et ce toutes catégories confondues. Il s’agit d’organiser des tournées de concerts pour un panel d’artistes, leur trouver des dates et lieux où jouer, et en assurer la production : s’occuper, en somme, de la logistique et de l’administratif. L’enjeu pour une agence de booking est de placer ses artistes sur un segment du marché de la musique qui leur est favorable, afin qu’ils puissent gagner en notoriété et s’affirmer sur une scène particulière. Lorsqu’un artiste contracte avec un booker, il lui donne l’exclusivité sur l’organisation de ses concerts, en dehors de ceux que le groupe organise lui-même.

1Terme anglo-saxon, qui correspond dans la musique à tous les produits dérivés de la musique : t-shirts, badges, sac, affiches etc. 2MILLIARD (Mathias), « LA MUSIQUE FAIT SON CROWDFUNDING - Emporté par la foule... », Irma [en ligne], 4 mars 2014. (consulté le 12 avril 2016) 3« Corbeaux : financement du nouvel album », Corbeaux [en ligne], Association Corbeaux Rock, février 2016. (consulté le 6 avril 2016) 73

Il existe des sociétés de production qui correspondent à une activité de booking à grande échelle et plus largement au développement des carrières d’artistes de la grande distribution, à l’image de Live Nation, présent dans le monde entier, qui produit entre autres Beyoncé, Elton John, Mika. Dans le milieu indie, de nombreuses petites structures ont vu le jour pour soutenir la scène indépendante. L’idée pour les bookers indépendants est de promouvoir un artiste ou un groupe qui leur est cher par son esthétique musicale, avant toute autre chose. Toujours dans le désir de se distinguer de l’industrie de la musique traditionnelle, ces agences de booking se sont souvent créées du fait d’un manque de structures capables de faire tourner les artistes en question. Elles font souvent référence à d’autres structures, dont l’activité de booking n’est que secondaire. C’est l’exemple de La Route du Rock Booking qui correspond à la division booking du festival breton portant le même nom1. De même, le petit label parisien Le Turc Mécanique exerce également cette activité afin de faire tourner ses groupes. Charles Crost, unique gérant du label, se charge non seulement de sortir les disques des artistes qu’il signe sur son label, mais également de les accompagner dans leur développement, par l’organisation de tournées mais aussi par une activité de management au quotidien : « Je suis presque comme un membre du groupe, je rentre dans la boucle sur un peu tous les sujets »2.

Cette activité est nécessaire pour le développement des groupes indépendants : on y retrouve en effet la philosophie indie qui consiste à placer la musique avant les finances, comme le témoigne Flo Felix, booker chez Zoobook : « Mon salaire n'est jamais acquis. Quand tu prends un groupe en booking rien ne garantit que ça marche et que ça rapporte des sous. Après, on s'autorise encore des coups de cœur sinon on devient des marchands de tapis »3.

Pour ces structures de petite envergure loin de la recherche du profit, l’aspect humain et la culture DIY restent le mot d’ordre. Pour le Turc Mécanique, comme pour la Route du Rock, les concerts sont parfois organisés dans des bars-PMU, dans des petits cafés concerts, où la proximité entre public et artiste fait vivre à chacun une expérience singulière, et où les artistes se forgent leur expérience.

II. Les effets de mode associés à cette mouvance indie

1« La Route du Rock Booking », La Route du rock [en ligne], 2DURAND (Adrien), « ALORS COMME ÇA, ON VEUT SE LANCER DANS LE BOOKING ? », Noisey, 10 mars 2016. < http://bit.ly/20xCkkr > (consulté le 12 avril 2016) 3 Idem. 74

a) Le végétarisme et la conscience écologique : une nouvelle éthique indie

Les liens entre musique et végétarisme ne sont pas récents. Des groupes tels que les Beatles ont ouvertement affiché leur affiliation au mouvement de protection des animaux et de modification des habitudes alimentaires, notamment lors de leur rapprochement avec la culture hindoue à la fin des années 1960. Les années 1970 et le mouvement hippie ont été fondateurs dans la mouvance végétarienne au sein de la musique.

Des groupes majeurs de la scène indie des années 1980 tels que the Smiths, avec le chanteur Morrissey, puis Fugazi dans les années 1990 ont porté haut et fort leur appartenance au mouvement végétarien. Cette mouvance réapparaît depuis une dizaine d’année, dans le même temps que le développement de la musique indépendante.

Figure 5: Extrait de la bande dessinée Gimme Indie Rock de Half Bob (issu du bloc des Inrocks : http://bit.ly/21pVv09)

Il est possible de distinguer différents mouvements au sein des « veggie friendly »1 : d'une part, le végétarisme, qui prône la non-consommation de viande animale (ni viande, ni poisson) ; d'autre part, le végétalisme, qui exclut la consommation de produits d'origine animale (pas de produits laitiers, œufs, etc.) ; enfin, le veganisme, qui correspond au « mode de vie qui cherche à exclure, autant qu'il est possible et réalisable, toute forme d'exploitation et de

1Traduction : sensible à la cause végétarienne 75 cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s'habiller, ou pour tout autre but »1. Ces différents mouvements sont représentés dans les évènements organisés pour faire porter la voix de ce qui défendent cette éthique, comme la Veggie Pride qui se tient place à Paris depuis 2001, ou le Paris Vegan Day depuis 2010. On retrouve ainsi la nourriture végétarienne ou végétalienne sur une grande majorité des festivals indépendants, grâce à la mode des food trucks2, proposant généralement des repas à base de produits locaux. A la mouvance végétarienne s’ajoute ces dernières années la tendance de la consommation locale, biologique, respectueuse de l’environnement. Selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), la consommation de viande a diminué de 15 % entre 2003 et 20103.

Différentes webradios proposent des playlists de groupes indie se revendiquant végétariens, telles que I heart, ou la Vegan Freek Radio allemande. Le groupe d’indie pop rennais Mha a explicitement montré son attachement à la mouvance végétarienne, notamment avec la pochette de leur premier EP traitant de l’ambiguïté du rapport entre homme et animal.

Figure 6 : Pochette de l’EP éponyme de Mha (2014), par Claude Autret

b) Retour vers le futur : entre vintage et avant-gardisme esthétique

Les festivals de pop et rock indépendants sont représentatifs de cette tendance au renouveau des modes anciennes, notamment d'un point de vue esthétique et vestimentaire.

1KRALAND (Stanislas), « 5 dilemmes végétariens auxquels on ne pense pas quand on arrête la viande », le Huffington Post, 12 octobre 2013. (consulté le 7 avril 2016) 2Traduction : camions-restaurants. 3FUSCO (Elena), « Qu’est-ce qui pousse les Français à devenir végétariens? », Les Inrockuptibles, 13 juin 2014. (consulté le 25 avril 2016) 76

Chaque année, les fanzines présents sur les festivals comme la Route du Rock photographient et répertorient les tenues les plus extravagantes. Les festivals à l'image de Coachella, en Californie, où toutes les stars se retrouvent, sont l'occasion de mettre en avant les dernières tendances. Un véritable « style festival » est promu par les grandes enseignes du prêt-à-porter comme Zara, H&M, Asos, rappelant les codes des anciens courants de mode depuis les années 1960 et 1970.

Le retour du vinyle peut être mis en exergue avec ce retour aux esthétiques et apparences des années 1960-1990. Une culture vintage s’est largement développée ces dernières années, observable notamment par la multiplication de friperies et magasins de seconde main. Le critique musical Simon Reynolds parle de « Rétromania » dans son ouvrage du même titre pour parler des décennies 2000 et 2010, qui reprennent les codes musicaux et vestimentaires des mouvements de la fin du XXe siècle1 : « "L’ère du Re-" semble en effet traversée par une pop culture qui désormais se nourrit d’elle-même : réédition, reformation, redécouverte… » 2.

Le développement d’Internet a permis, comme pour la musique, d’avoir accès à des archives concernant les modes des décennies précédentes, ouvrant aux nouvelles générations une infinité de possibilités pour créer de nouvelles esthétiques. Internet a engendré une forme de retour aux sources, remettant ainsi au goût du jour les modes des parents ou grands- parents. En cette période de crise, le vintage permet de se vêtir à moindres frais, mais peut également se faire comprendre comme le renouveau d’une esthétique représentative de jours meilleurs, avec l’idée du « c’était mieux avant ». De nombreux site de vente de vêtements en ligne ont vu le jour avec la description « indie clothing »3 : l’assimilation vintage/indie est aisée.

Des anciennes marques françaises telles que le Coq Sportif ou K-Way, qui ont vu leurs ventes largement chuter dans les années 1990 du fait de la concurrence internationale, reviennent aujourd’hui sur le devant de la scène avec de nouveaux modèles. La relance de K- Way, il y a 3 ans, fondée sur le marketing et l'authenticité du produit proposé, a permis à la marque de mettre en vente des coupe-vent à un prix nettement supérieur à celui d'il y a 40 ans. En 1966, le modèle junior coûtait par exemple 15 francs, contre 49 euros aujourd'hui : sans tenir compte de l'inflation liée au changement de monnaie, le produit coûte ainsi deux fois et

1DESCHAMPS (Stéphane), « Simon Reynolds : analyse de la “Rétromania” », Les Inrockuptibles, 4 mars 2012. (consulté le 25 avril 2016) 2BIGEAY (Romain), « Disquaire Day : la renaissance des disquaires indépendants ? », site web de l’Irma, 4 avril 2012. < http://bit.ly/1p8TeZa> (consulté le 17 avril 2016) 3Traduction : vêtements indie. 77 demie plus cher1. Même si la tendance vintage s'inscrit dans une certaine éthique (de consommation, de recyclage et de renouveau d'une esthétique passée), elle est largement exploitée par les industries classiques, qui en profitent pour ressortir d'anciens modèles des années 1980-1990, remis au goût du jour.

c) Sex, drugs, and indie ?

Comme cela a pu être vu précédemment, il y a une tendance historique à rapprocher rock/pop indépendants et drogues. Nombreux sont en effet les groupes ayant eu recours aux drogues dures dans les années 1970 : Ian Cutis de Joy Division n'y a d'ailleurs pas survécu. En 1987 l’Angleterre connaît un second Summer of Love2 au cours duquel les différentes drogues ravivent les acteurs de la scène indie.

New Order illustre bien cette tendance : après plusieurs albums mitigés, le groupe a sorti deux singles, « Fine Time » et « World in Motion » dont le dernier deviendra la chanson officielle de l’équipe d’Angleterre pour la Coupe du monde de football de 1990. La pochette est largement révélatrice du phénomène, et il en va de même pour le refrain de « Word in motion », qui scande « E for England», sous-entendu « E for ecstasy ».

Figure 7: Pochette du single Fine Time (1989) de New Order. Ces thèmes sont aujourd'hui largement repris, notamment par des groupes comme The Dø, formation indie pop, qui titre une de ses chansons « Despair, Hangover and Ecstasy ». La drogue semble ainsi être un sujet inhérent aux modes de vie associés à la musique indie : « Il est indéniable que la pop a chanté les vertus de drogues comme mode d’accès permanent à un

1Tout compte fait, Le retour du vintage, émission n°20, France 2, 20 février 2016, 49:00. (consulté le 13 avril) 2Expression caractéristique de l’Eté de l’Amour de 1967 en Californie, événement caractéristique de l’ampleur du mouvement hippie. 78 imaginaire libre et créateur »1. De nombreux contrôles ont lieu dans les festivals actuels pour éviter que les festivaliers ne se mettent en danger. Un contrôle à l'entrée a ainsi été mis en place lors de l'édition 2015 du festival belge de Dour, conséquence du décès d'un festivalier en 20142.

Il en va de même pour la thématique de la sexualité, largement exploitée par la musique indie depuis ses débuts. Le punk a réhabilité les outrages en tout genre, avec le nom de groupes (ex : Sex Pistols) ou encore les accoutrements mis en évidence et l’esthétique vestimentaire sadomasochiste développée par Vivienne Westwood : « Séduction, sensualité, érotisme, sexe voire pornographie, sont des thèmes omniprésents dans le rock d’hier et d’aujourd’hui »3. Spotify a répertorié les morceaux traitant de près ou de loin avec la sexualité et il est apparu que la majeure partie d’entre eux émanaient de groupes issus de la scène indie4. En définitive, il semblerait que la maxime « Sex, Drugs and Rock’n’roll »5, soit tout aussi valable pour la musique indie.

III. La marginalisation des genres face au mouvement indie actuel

a) La musique en France, une professionnalisation inévitable

Les politiques culturelles françaises dédiées aux musiques actuelles ont eu tendance à développer et institutionnaliser les pratiques culturelles autour des musiques indépendantes. L'institutionnalisation a généré une forme de professionnalisation systématique de la scène indépendante. En effet, si les groupes de la scène indie des années 1980 et 1990 avaient, pour certains, du mal à se démarquer (c'est le cas par exemple du groupe Stone Roses, qui ne s'est fait connaître qu'à la fin des années 1980), aujourd'hui, « un groupe qui démarre en France est

1NEVEU (Erik), « Won’t get fooled again? Pop musique et idéologie de la génération abusée », in MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, 1991, p. 48. 2LEPRON (Louis), « Au festival de Dour, 100% de saisies de drogue lors d’un contrôle de police », Konbini, juillet 2015. (consulté le 25 avril 2016) 3LLEDO (Eugène), « Rock et séduction », dans MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, Paris, 1991, p. 127. 4GRIFFIN (Andrew), « Valentine’s Day 2015: from The xx to Coldplay, Spotify’s most popular sex songs », The Independent,13 février 2015. < http://ind.pn/1MSZVKj> (consulté le 25 avril 2016) 5Traduction : Sexe, drogues et rock’n’roll. 79 tout de suite considéré comme professionnel »1. Les années 1990 marquent la fin des pratiques amateurs et forcent les acteurs de la musique indépendante à entrer dans la logique des industries culturelles, mettant un terme, en quelques sortes, à l'idéalisme attaché aux pratiques amateurs :

« La fin de la possibilité d’une expansion de manière « amateur » s’inscrit dans une certaine logique, une logique totale qui englobe l’ensemble de la société, de ses normes, de ses codes et de ses valeurs. Face aux changements de la société, l’idéalisme originel a dû faire preuve de pragmatisme. Il s’est heurté à une nouvelle réalité. La société a évolué et, avec elle, les modes de vie, d’organisation, de socialisation, et ce, dans différentes directions. »2

Les codes utilisés dans cette professionnalisation des acteurs de la scène indépendante sont issus de l’industrie musicale traditionnelle. On assiste, avec cette professionnalisation, à l’émergence des pratiques managériales au sein du milieu indépendant de la musique. Dès le mouvement punk, l’autonomie dans la production musicale a entraîné les acteurs à se positionner comme des entrepreneurs. Dès lors, une forme d’« entreprenariat punk »3 se met en place, avec l’émergence des labels, managers et festivals de punk-rock. Le punk a ouvert la voie à la professionnalisation des musiciens indépendants, en reprenant les codes classiques de l’industrie, et a ainsi réussi à créer une industrie de niche, qui a par la suite inspiré la musique indie. Les charts indie mis en place par Ian MacKaye correspondent par exemple au pendant indépendant des charts traditionnels, et au fonctionnement de l’émission Top of the Pops. Pour Eve Chiapello, l’enjeu entre management et artistes a une résonance particulière en France, où les techniques de management sont associées à la bourgeoisie et au capitalisme, contre qui la « critique artiste » est fervente depuis le second tiers du XIXe siècle4. Les liens entre pratique gestionnaire et artistes semblent ainsi poser problème principalement en France : « C'est un problème franco-français ce truc de professionnalisation»5. La France a en effet toujours préféré jusqu’ici une gestion publique de la culture à une gestion privée.

b) Un underground musical français : à la marge de la marge

1DURAND (Adrien), « ALORS COMME ÇA, ON VEUT SE LANCER DANS LE BOOKING ? », Noisey, 10 mars 2016. < http://bit.ly/20xCkkr > (consulté le 12 avril 2016) 2 VALERO (Vanessa), « Le festival de rock : entre passion et désenchantement… », Volume !, janvier 2002. P.113- 123. 3 Idem. 4 CHIAPELLO (Eve), Artistes versus managers, le management culturel face à la critique artiste, Paris, Métailié, 1998, p. 260. 5Exploration dans l’interview réalisée par DI CRISTO (Sylvain), « [Disquaire Day] Comment monter son label en 2016 ? », Trax, 23 mars 2016. < http://bit.ly/1pLUYZo> (consulté le 25 mars 2016) 80

Nombreux sont les groupes en France qui se distinguent néanmoins de cette mouvance indie, qui ne correspond pas à leurs yeux à un idéal d’indépendance. Si on reprend l’exemple du mouvement punk comme point de départ du développement de l’idéologie indie, il est possible de mettre en évidence un deuxième courant musical qui répond à la logique d’indépendance mais dans une toute autre mesure. Le mouvement hardcore et plus précisément le mouvement straight edge qui est apparu en réaction au mode de vie punk donne un tout autre aperçu de ce qui peut être considéré comme musique indépendante. Le mouvement straight edge est apparu dans les années 1980, en réaction au courant punk dans ses excès liés à la maxime plutôt représentative du mouvement « Sex, Drugs and Rock’n’roll ». Cette mouvance associée à la scène punk/hardcore promeut un mode de vie sain qui prohibe alcool, drogues, ou encore rapports sexuels dénués de sentiments. A cela s’ajoute généralement une forte communauté végétarienne, voire vegan, et une scène musicale hardcore prolifique. Ce mode de vie et cette scène musicale s’inscrit en opposition à la mouvance indie actuelle qui s’est construite sur un héritage punk, et à la récupération des esthétiques et idéologies associées à ces mouvements. Les Sex Pistols ont ainsi par exemple, et en l'espace d'un semestre (d'octobre 1976 à mars 1977), signé chez EMI, A&M, puis Virgin1. L’underground musical identifié à ce mouvement peut être représenté par le groupe Birds In Row. Ce groupe défini comme blues/hardcore a joué environ 500 dates de concerts2 depuis leurs débuts en 2009, à travers le monde (Japon, Cuba, Etats-Unis, Europe de l’Est), et ce généralement dans des café-concerts. Il s’oppose aux codes de l’industrie musicale et à ses récupérations des scènes indépendantes. Ces musiciens s’affranchissent des codes de l’industrie culturelle propre à notre société qui est alors « perçue comme un espace de convention, d’injustice, de conformisme »3.

D’autres acteurs refusent le fonctionnement de l’industrie indie qui s’est peu à peu mise en place, remettant en cause les éléments fondateurs de cette culture indie. C’est le cas par exemple pour le collectif parisien de djs Exploration, producteurs et artistes qui réfutent l’importance du label aujourd’hui, ainsi que le support vinyle dans la musique indépendante pour prôner une approche de commercialisation directe de l’artiste :

« Oubliez le vinyle, c’est le poison de la musique indépendante. Au lieu de mettre 1 300€ dans un disque, mettez-le dans un beau clip et de la com. Pariez sur le

1 HEIN (Fabien), « Le DIY comme dynamique contre-culturelle ? L’exemple de la scène punk rock », dans Volume !, septembre 2012, p.105-126. 2« Tour », Birds in Row [en ligne]. (consulté le 26 avril 2016) 3 TASSIN (Damien), Rock et production de soi : une sociologie de l’ordinaire des groupes et des musiciens, Paris, l’Harmattan, 2004, 300 p. 81

développement d’artistes. Le concept même du label est obsolète, les gens ne se préoccupent plus (même dans l’underground) de cet intermédiaire entre l’artiste et le public. »1

Pour ce collectif, mieux vaut développer directement l’artiste que la structure qui le supporte. Il est également primordial de changer le mode de gestion des labels qui ne se concentrent que sur la musique, mais qui devraient plutôt s’intéresser à de nouveaux modes de promotion de leurs artistes, tels que l’organisation de soirées. Il critique l’ensemble de ce mode de fonctionnement qui constitue aujourd’hui le socle de la musique indépendante tous genres confondus, tout en en faisant partie : « Mais faites ce que je dis, pas ce que je fais ! On a un label classique, on fait des vinyles… C’est absurde, mais c’est fun »2.

Ces acteurs de la scène indépendante, qui se distinguent de la scène indie, se trouvent donc dans la position du « refus du refus »3 , mis en évidence par Bourdieu, dans l’acception de la culture de masse par les artistes. Ils réfutent la normalisation de ce qu’est devenue la musique indépendante sous l’étiquette indie, et la marchandisation qui en découle, ainsi que l’aspect contre-culturel de l’organisation de la musique indie qui se calque finalement aux normes en place.

c) La musique pour la musique, en dehors de toute logique commerciale

Une frange de musiciens se distingue néanmoins par sa volonté de ne pas faire de la musique une profession : c'est la pratique de la musique pour ce qu'elle est et pour le bien-être qu'elle procure qui prime. En outre, de nombreux groupes rock et pop qui peuvent être considérés comme indépendants par leur structure, leur manière de faire et leur éthique de groupes se distinguent du mouvement indie, par la radicalité de leurs idées. Ils remettent en cause l’utilisation même du terme « indie » car ne se retrouvent pas dans la logique commerciale que sous-entend aujourd’hui ce terme. Si le terme « indie » peut aussi parfois être associé à des genres tels que le rap ou l’électro, une grande partie des groupes indépendants issus de ces classifications se distinguent du genre indie par la volonté de mettre de côté la logique commerciale de leur musique, de ne pas être dans la recherche de profit à court ou long

1 Exploration dans l’interview réalisée par DI CRISTO (Sylvain), « [Disquaire Day] Comment monter son label en 2016 ? », Trax, 23 mars 2016. < http://bit.ly/1pLUYZo> (consulté le 25 mars 2016) 2 Exploration dans l’interview réalisée par DI CRISTO (Sylvain), « [Disquaire Day] Comment monter son label en 2016 ? », Trax, 23 mars 2016. < http://bit.ly/1pLUYZo> (consulté le 25 mars 2016) 3 BOURDIEU (Pierre), La Distinction. Critique sociale du jugement, Les éditions de Minuit, Paris, 1979, p. 33. 82 terme, ou encore de pas adhérer au principe de l’intermittence.

De nombreux artistes préfèrent conserver leur emploi afin d’être détachés de la contrainte financière liée au succès du groupe, et de pouvoir exercer leur musique en toute indépendance1. C’est le cas de Ghislain Fracapane, musicien à l’origine du projet musical pop Mermonte, rassemblant 12 musiciens rennais sur scène. Pour lui, la clé afin de garder son indépendance dans ce qu’il aime créer, c’est de s’assurer un travail à côté de sa musique : il écrit par exemple des morceaux pour des musiques de publicités et différencie clairement ces deux activités de musicien. Il s’agit donc ici pour l’artiste d’être libre dans sa création artistique, sans être opprimé dans son acte de création par les normes de l’industrie musicale, qu’elle soit traditionnelle ou indépendante. Cet engagement, à la marge de toute velléité politique, correspond à la vision de l’art hors-prix, qui peut être perçu comme un « déni idéaliste des réalités économiques et de l’argent »2. L’indie peut apparaître ainsi comme un genre ayant mis de côté ses revendications de départ, chères au mouvement punk. Dès lors que l’artiste réussit grâce à sa musique, il est perçu comme appartenant au système. Il est alors possible de questionner la pertinence même de la notion d’indépendance dans le prisme de la professionnalisation du musicien. L’indie n’apparaît donc plus comme étant porteuse de la musique indépendante par définition :

« Les purs et durs de la révolte rock brandissent aujourd’hui le punk, le grunge, la musique industrielle, le hip hop ou la mouvement riot grrrl pour démontrer qu’il existe encore aujourd’hui un rock libre et virulent, capable de dépasser les limites de la représentation pour exercer une influence effective sur le social. A leurs yeux l’utilisation du rock comme argument de vente par la publicité n’est qu’un phénomène marginal, qui ne concerne pas les musiques les plus rageuses, les plus engagées »3. Chapitre 2. L’indie devenu genre : la fin d’une contre-culture ?

Aujourd’hui le terme indie est utilisé communément pour désigner un genre musical. Parallèlement, on voit une marginalisation de certains artistes indépendants qui remettent en cause l’héritage indie, et revendique une création musicale en dehors de toute norme. Il est

1 SERVIER (Marie-berthe), « Pertinence et culture rock : les musiques nouvelles » in MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, Paris, 1991, p. 177. 2 CHIAPELLO Eve, Artistes versus managers, le management culturel face à la critique artiste, Paris, Métailié, 1998 3 CHASTAGNER (Claude), De la Culture rock, Presse Universitaire de France, Paris, 2011, p. 156. 83 ainsi possible de mettre en évidence une certaine dénaturation de l’idéologie propre au mouvement indie.

I. L’instrumentalisation du marketing et mise à l’épreuve des valeurs indie

a) Yelle : une artiste indie par nature, un pur fruit du marketing

Yelle est un groupe originaire de Saint-Brieuc en Bretagne, dont les créateurs sont Julie Budet « Yelle » et son compagnon Jean-François Perrier alias « Grand Marnier ». Repéré grâce à sa montée sur les réseaux sociaux tels que MySpace au milieu des années 2000 avec notamment le titre « Je veux te voir »1, le groupe a rapidement connu la notoriété en France mais également à l’étranger. Si les premières sorties physiques du groupe se sont faites grâce à des majors tels que EMI, le groupe a, dès 2007, signé chez le label indépendant Source etc. pour la sortie de l’album Pop Up.

Il existe une dichotomie dans la définition du genre de ce groupe, si à l’étranger, où le groupe connaît un important succès, Yelle est considérée comme un groupe d’indie house/electro-pop, en France cette étiquette indie n’est pas associée au groupe. Ce projet musical est qualifié de libre et subversif, mais n’est pourtant pas considéré comme indépendant. C’est sûrement le caractère marketté du groupe qui l’éloigne de cette définition : « Le projet de Yelle a été, depuis ses débuts il y a près de dix ans, celui de réussir cet exploit rare en France : mêler très intimement entertainment total et intelligence, pop culture et subversion »2. Pourtant Yelle se situe dans un processus de production en autogestion avec la création de leur propre label Recreation Center, chez qui a notamment signé le groupe de post- rock Totorro. Si Yelle a été approchée par des grands noms de l’industrie américaine musicale américaine comme le producteur pop Dr. Luke, fondateur du label Kemosabe3, le groupe a toujours su garder son indépendance dans la création :

« Dr. Luke n’était pas là pour nous diriger. Il adore ce que l’on fait, il voulait nous proposer son savoir-faire, celui des gens avec qui il travaille. […] Yelle a été un petit

1 Ecrit en réaction au morceau « Girlfriend » jugé machiste du groupe TTC. Yelle fait dans ce morceau une fervente critique du chanteur Cuizinier et de son rapport misogyne à la femme. 2BURGEL (Thomas), « Yelle, entre pop culture et subversion », Les Inrockuptibles, 15 octobre 2014. (consulté le 27 avril 2016) 3 Il a notamment travaillé avec Katy Perry, Britney Spears, et Miley Cyrus. 84

plaisir pour lui. Il nous laissait faire comme on voulait, aucune pression de notre part parce que nous n’attendions initialement rien de lui. »1

Figure 8 : Visuels de Complètement Fou (2014) Figure 9 : Logo Yelle décliné en écussons

Ce groupe à l’image bien particulière, aux visuels ultra-pop, a créé une atmosphère autour du projet musical qui rappelle les codes pop des artistes français tels que Lio ou Richard Gotainer. Cette esthétique est entièrement réalisée par le « Yelle crew », en indépendance totale des labels ou maisons de disques :

« Nous voulions prendre les devants sur notre production, qu'il s'agisse d'enregistrement, de mixage de chansons, de photos, de clips, de merchandising. Nous avons le savoir faire pour tout ça, pour gérer tout ça. Inutile de déléguer ce que t'as envie de faire si tu sais le faire, c'est hyper plaisant de bosser pour ton crew ! »2

b) L’indie : une esthétique en vogue dans la logique libérale

Les années 2000 ont marqué un retour à l’esthétique indie, tant sur le plan musical que sur les modes associées au genre. L’avant-gardisme associé au mouvement s’est rapidement trouvé rattrapé par l’industrie musicale traditionnelle. On assiste donc à un effet de mode insufflé par le mouvement indie qui se voit développé par la logique libérale : « l’essence de la mode réside en ce que, à chaque fois une fraction seulement du groupe a pratiqué, l’ensemble

1 Julie Budet interviewée dans BURGEL (Thomas), « Yelle, entre pop culture et subversion », Les Inrockuptibles, 15 octobre 2014. (consulté le 27 avril 2016) 2 Entretien avec Jean-François Perrier, co-fondateur du groupe Yelle, le 7 avril. 85 ne faisant que chercher à la rejoindre. Aussitôt qu’elle a pleinement pénétré (…), elle n’est plus qualifiée de mode »1.

L’indie a donc intégré le cycle des modes qui vont et qui viennent, dénaturant l’essence et les particularités de chaque mouvement. Les spécificités du mouvement indie tant sur l’aspect musical que sur les modes de vie deviennent aujourd’hui une norme, et dans le sens inverse, les normes du système musical traditionnel se glissent dans le mode de vie indie. L’avant-gardisme de l’indie est finalement rejoint par l’effet de mode : « chacun s’efforce d’avoir un truc, un chic, une manière et, la mode aidant, les réputations se font et se défont »2. Les tentations particularistes de la musique indie des années 2000 émanent elles-mêmes d’un retour sur ce qui a été fait précédemment, et participent ainsi aux cycles de mode. L’Histoire musicale se réécrit avec de nouvelles influences.

Les modes associées au rock ont historiquement été reprises par l’industrie avec la culture kitsch, mais encore le sponsoring et le mécénat qui s’emparent des évènements culturels afin de suivre leur stratégie de communication et de benchmarking :

« De fait, les exemples ne manquent pas pour qui veut prouver la « récupération » de l’esprit rock par le monde marchand, depuis l’exploitation de l’engouement adolescent pour le rock’n’roll, dont profitèrent les organisateurs de concerts, les fabricants de vêtements et de gadgets tout autant que les maisons de disques, jusqu’à l’intrusion à la plus grande échelle de multinationales n’ayant aucun rapport avec la musique (fabricants de bières, de voiture, de matériel électronique) sous forme de sponsoring ou de parrainage, ce qui ne semble guère avoir gêné les fans, bien moins en tout cas que la critique universitaire. »3

Aujourd’hui, la culture indie a trouvé sa place dans une grande partie des cultures occidentales. L’émergence des café-concerts, des friperies, des restaurants vegan et des food trucks dans les quartiers les plus branchés de Paris, New York, Londres ou Berlin4 l'atteste. La mode est au végétarisme, au style rock et aux t-shirts de groupes et particulièrement à ceux de Joy Division. Le merchandising de Unknown Pleasures s’est largement répandu ces dernières années, le t-shirt de Joy Division a ainsi été vendu dans des magasins de prêt-à-porter de

1 SIMMEL (Georg), « La mode » in La tragédie de la culture et autres essais, Petite Bibliothèque Rivages, Paris, 1988, p.99. 2 PROUDHON (Pierre-Joseph), Système des contradictions économiques, Paris Rivière, Paris, 1967, p.271 3CHASTAGNER (Claude), De la Culture rock, Presse Universitaire de France, Paris, 2011, p. 157. 4 DEVILLE (Chris), « Deconstructing : The O.C. And Indie Rock Gentrification », Stereogum, 5 août 2013. (consulté le 6 avril 2016) 86 grande distribution, tels que Urban Outifitters, et ceux qui le portent ne sont pas forcément très connaisseurs de leur musique1.

La conception de la musique indépendante évolue et met de côté certains points importants de l’idéologie indie, tels que le support vinyle ou l’importance des labels qui sont perçus comme une perte d’argent par des labels tels qu’Exploration2. La distinction entre artistes indépendants et commerciaux n’a plus forcément de sens pour certains, comme c’est le cas pour Jean-François Perrier de Yelle :

« Pour moi "indie" ne veut rien dire, tout comme "mainstream". On peut éventuellement y associer une quantité d'argent, mais il y a des contre-exemples. Because est un label indépendant, mais qui génère également beaucoup d'argent. J'ai toujours été contre cette classification, il y a de bons artistes mainstream, de bons artistes indépendants, ça n'existe pas pour moi ces deux camps. »3

c) « Mainstreamisation » de l’indie et récupération par la logique commerciale

« Mainstream » est un terme anglo-saxon pour désigner le courant dominant à un moment donné. Dans la musique, il sert généralement à définir la musique alors en vogue, qui est largement commercialisée et accessible à tous. De nombreux genres musicaux ont été commercialisés par l’industrie de la musique alors qu’ils n’avaient à l'origine, pas vocation à l’être : « Le be-bop en son temps, le punk récemment ont tous, eux aussi, d’abord fui la grande scène autant que les médias – avant de s’en emparer ou de périr »4. Dans les cycles des modes musicales, ce qui est avant-gardiste, « in », se fait rapidement rattraper par l’industrie, les signes subversifs propres aux contre-cultures se font récupérer pour être transposés à la culture de masse5.

La logique même de l’industrie musicale s’articule autour de cette récupération, les labels jouent le rôle de tête chercheuse dans les musiques nouvelles, et les majors se chargent de développer les carrières des artistes et établir la musique qui est dite commerciale sur le

1 SAINT-GUILY (Sylla), « Des T-shirts de branleurs », Vice, 1 juin 2012. (consulté le 27 avril 2016) 2 DI CRISTO (Sylvain), « [Disquaire Day] Comment monter son label en 2016 ? », Trax, 23 mars 2016. < http://bit.ly/1pLUYZo> (consulté le 25 mars 2016) 3 Entretien avec Jean-François Perrier, co-fondateur du groupe Yelle, le 7 avril. 4 HENNION (Antoine), La Passion musicale : une sociologie de la médiation, Métailié, Paris, 1993, p. 334. 5 HEBDIGE (Dick), Subculture : The meaning of style, Routledge, London, 1979, 208 p. 87 marché : « La trajectoire usuelle d’un artiste est ainsi de débuter avec un label indépendant, puis de signer avec une major s’il rencontre le succès »1. C'est ainsi que les Arctic Monkeys ou Franz Ferdinand, artistes phares de la scène indie des années 2000, ont aujourd'hui signé chez Domino, l’un des plus gros labels indépendants au monde « où leur mode de production n’a plus rien d’alambiqué et de DIY »2. De façon analogue, MGMT et , très reconnus de la scène indie dans la décennie écoulée, sont signé chez Sony pour l’un et distribué par Universal pour l’autre. Cette récupération par l’industrie traditionnelle remet en question la pertinence de nommer un genre « indie », quand seule une esthétique musicale devient caractéristique de l’éthique indie. L’indépendance de la musique dite indie est donc à nuancer, dès lors que l’industrie en récupère les codes et les artistes.

Enfin, dans le même sens que la pensée de Simon Williams du NME, qui écrivait en 1990 que la musique indie ne devenait qu’une parodie d’elle-même, aujourd’hui une certaine critique s’abat sur les codes indie :

« L’indie véhicule des codes tout aussi stéréotypés – la moue un peu blasée, les rengaines désinvoltes, les mélodies entre candeur et légèreté, le look élaboré et tout autre signe de branchitude visible chaque année à Primavera et à La Route du Rock – et que ses figures de proue n’ont plus forcément l’apanage de l’innovation. »3

Les codes vestimentaires et les modes de vie associés à l’indie exacerbent la contre- culture en étant récupérés par les industries de consommation de masse, servant ainsi le système capitaliste, contre qui, le mouvement indie s’était élevé à l’origine :

« La critique artiste aurait provoqué une réaction du système capitaliste qui, pour la désamorcer, en aurait récupéré les éléments rhétoriques et les idéaux fondamentaux et les aurait intégrés aussi bien dans le vocabulaire du marketing et de la publicité que dans les principes du management moderne, donnant ainsi naissance au ‘’nouvel esprit du capitalisme’’. »4 II. Chez les disquaires, le melting pot des bacs « indie »

1 CURIEN (Nicolas) et MOREAU (François), « L’industrie du disque à l’heure de la convergence telecoms/media/internet », dans GREFFE (Xavier), Création et diversité au miroir des industries culturelles, Ministère de la culture – DEPS « Questions de culture », 2006, p. 73-104. 2 DELCOURT (Maxime), « Concrètement, ça veut dire quoi l’«indie-rock» aujourd’hui ? », Brain Magazine, 9 mars 2016. (consulté le 27 avril 2016) 3 Idem. 4 CHASTAGNER (Claude), De la Culture rock, Presse Universitaire de France, Paris, 2011, p. 158. 88

a) Une esthétique qui prend le pas sur l’origine indie

Avec le renouveau de l’indie dans les années 2000, il semble que l’esprit indie se soit effacé au profit d’un genre stéréotypé. L’indie est devenu genre, il est aujourd’hui associé à une esthétique musicale qui s’inspire des sonorités new wave, pop et rock des années 1980. On peut retrouver sur Spotify des playlists titrées « Indie pour vos humeurs sombres », faisant référence à cet héritage new wave, mais qui ne correspondent en rien à des groupes indies1. De même, aujourd’hui, on peut trouver chez les disquaires des sélections indies constituées des derniers disques de groupes aux esthétiques et influences pourtant très diverses. La classification indie semble finalement assez floue : « ça n’explique pas vraiment comment à l’heure actuelle, dans les bacs à disquaires, le terme «indie» peut renvoyer aussi bien à Florence + The Machine, Blur et Coldplay qu’à Mac Demarco, The Notwist, St. Vincent et Ty Segall »2. Si à la fin des années 1980 il fallait chercher dans les bacs des disquaires pour trouver les dernières sorties ‘indies’, des bacs ont rapidement été institués rassemblant toutes ces nouvelles sorties : « Autrefois il fallait, chez le disquaire, piocher un peu dans tous les bacs pour découvrir le disturbateur de génie, aujourd’hui le bon disquaire a son bac « musiques nouvelles » »3.

A l’origine le terme « indie » renvoyait à la manière de produire et diffuser un album : « l’indie symbolisait sa place [à l’artiste, ndlr.] dans les charts indépendants. C’était avant tout une question de distribution plutôt que de genre »4. Aujourd’hui, quand on parle d’indie, on associe facilement au groupe en question les guitares, synthétiseurs et mélodies aux aspects harmonieux et plutôt consensuels des groupes tels que Kurt Vile, Mac Demarco ou encore à une échelle plus locale, les Slow Sliders, ou les Bantam Lyons. L’avènement de l’indie en tant que genre s’est développé avec le retour de l’esthétique indie au début des années 2000 avec des groupes tels que les Strokes ou les Libertines avec leurs guitares rocks, chants mélodiques et effets en tous genres. Ils ont repris l’énergie, l’esprit et l’attitude des groupes indépendants des années 1980, les ont portés aux devants de la scène musicale, et ont ainsi insufflé un renouveau de la scène indie.

1 ROGERS (Jude), BROMWICH (Katheryn), BROWN (Rivkah), « Sound, style or spirit – what does indie mean today? », The Guardian, 27 septembre 2015. (consulté le 4 février 2016) 2 DELCOURT (Maxime), « Concrètement, ça veut dire quoi l’«indie-rock» aujourd’hui ? », Brain Magazine, 9 mars 2016. (consulté le 27 avril 2016) 3 SERVIER (Marie-berthe), « Pertinence et culture rock : les musiques nouvelles » in MIGNON (Patrick), HENNION (Antoine) (dir.), Rock, de l’histoire au mythe, Anthropos, Paris, 1991, p. 177. 4 James Endeacot, fondateur de Rough Trade, dans BARROT (Guillaume), « L’esprit “indie” : contre-culture d’actualité ou vestige du passé ? », Les Inrockuptibles, 4 octobre 2015. (consulté le 5 octobre 2015) 89

Des groupes majeurs de la scène indie mondiale entrent dans des processus de commercialisation qui sont en opposition complète avec l’idée de départ de la musique indie qui avait pour but de se démarquer de l'industrie traditionnelle musicale et de la consommation de masse. C’est le cas par exemple du groupe Grizzly Bear, qui a cédé les droits d’un de leurs morceaux pour la réalisation d’une publicité Volkswagen en 20101. La récupération commerciale exercée par le marché sur les artistes indépendants semble dénaturer l’indie, devenu genre musical sans véritable volonté de se démarquer de l’industrie traditionnelle.

b) Développement d’une industrie de l‘indie : exemple de PIAS et de Because Music

Pias et Because Music font partie des principaux labels indépendants français et sont caractéristiques de la commercialisation du genre indie et de l’émergence d’une industrie propre à la musique indie. Pias et Because Music ont été créés respectivement en France en 1994 et en 2006.

Si Because Music constituait l’un des acteurs majeurs des labels français indépendants, Pias qui a fait l’acquisition en juin 2015 de Harmonia Mundi, se poste en leader dans le marché des musiques indépendantes en Europe : « En grossissant, PIAS s’assure aussi une meilleure respectabilité dans les négociations, souvent âpres, sur la rémunération des artistes avec les géants de la musique en ligne que sont Apple et Youtube, mais aussi Spotify ou Deezer »2. Le mariage de ces deux maisons traduit un amour commun pour la musique, le slogan d’Harmonia Mundi titre « La musique d’abord » tandis que celui de Pias titre « Music First ». Il est néanmoins intéressant de considérer cette acquisition à travers le prisme de la stratégie de développement de Pias. Ainsi Kenny Gates, fondateur de Pias, est désireux de mettre en place un « marketing intelligent », afin de grossir les recettes du label, il souhaite ainsi que « la valeur ajoutée de cette union permette d’obtenir un résultat supérieur et qu’un plus un fassent trois »3. La recherche de profit est ici largement assumée, et Kenny Gates parle même de « plan

1 ABEBE (Nitsuh), « The decade in indie », Pitchfork, 25 février 2010. (consulté le 12 octobre 2015) 2 BEUVE-MERY (Alain), « Les labels de musique Harmonia Mundi et PIAS finalisent leur mariage », Le Monde, 28 septembre 2015. (consulté le 28 avril 2016) 3 Kenny Gates dans BEUVE-MERY (Alain), « Les labels de musique Harmonia Mundi et PIAS finalisent leur mariage », Le Monde, 28 septembre 2015. (consulté le 28 avril 2016) 90 capitalistique »1, qui semble tout à fait en contradiction avec les valeurs promues à la base par les labels indépendants.

Because Music qui vient de fêter ses dix ans d’existence a participé à la propulsion d’une scène indie française à l’échelle internationale avec des groupes tels que Justice ou Christine and the Queens, mais joue également le rôle de label pour des artistes commerciaux tels que Major Lazer qui ont participé notamment aux NRJ Music Awards en 2015. La dichotomie entre les artistes indépendants et commerciaux représentés par le label pose la question de la ligne directrice artistique de Because. Le label a été créé en complément du groupe Because qui est présent sur les cinq branches d’activités nécessaires à l’accompagnement des artistes : production, édition musicale, tournées/festival, management, régie de salles de concert/restaurants. Because met en évidence l’émergence d’une industrie de l’indie, avec le développement de son activité sur le secteur entier des musiques indépendantes :

« Le groupe Because se positionne clairement en Europe comme un des leaders indépendants dans le secteur de la musique, et un des rares à pouvoir offrir toute la palette des services dont un artiste a besoin pour le succès de sa carrière. »2 III. La pluralité du genre indie : source de création artistique innovante et hors-normes

a) La décennie 2010 en France : nouveau berceau du shoegaze

Le retour de l’indie a permis à des genres alors oubliés de se réaffirmer sur la scène française et internationale. C’est le cas notamment du shoegaze qui a fait son retour en grandes pompes en France après la reformation des groupes tels que Slowdive, My Bloody Valentine, ou Ride, qui se sont produits dans les festivals français à la fin des années 2000. Le shoegaze est un genre apparu en 1985, identifiant un nouveau courant noisy, bruyant, où guitares et pédales à effets sont caractéristiques d’un son saturé, mais pas nécessairement violent. Le shoegaze se définit par cette lourdeur de son à laquelle s’ajoute des mélodies bien identifiables, l’effet fuzz de saturation, qui est particulier à cette scène shoegaze est utilisé pour

1 Kenny Gates dans BEUVE-MERY (Alain), « Les labels de musique Harmonia Mundi et PIAS finalisent leur mariage », Le Monde, 28 septembre 2015. (consulté le 28 avril 2016) 2 « Home », Because Group [en ligne]. (consulté le 28 avril 2016) 91 créer une nappe musicale sur lesquelles viennent se déposer les voix souvent douces et mélodieuses. Le terme « shoegaze » renvoie expressément à l’attitude des musiciens sur scène lors de l’émergence du courant dans les années 1980 :

« La tendance de leurs guitaristes (trop absorbés, peut-être par leurs pédales d’effets) à sembler fixer le bout de leurs chaussures a également inspiré à la presse britannique le terme de shoegazers pour désigner ce type de groupes. »1

Ce renouveau du courant et du genre met à l’honneur le travail du son, qui semble être l’enjeu principal pour les groupes actuels gravitant autour de la scène shoegaze. On peut compter parmi eux Jessica 93, Maria False ou les Dead Mantra. Si la scène actuelle semble se distancier de la dream pop des Cocteau Twins ou de Mazzy Stars, c’est pour réinventer le genre shoegaze dans une optique plus sombre, aux influences post-punk et cold-wave : « C’est plus une recherche sonique, une quête du mur de son, qui importe »2. Le genre shoegaze évolue ainsi en intégrant sous cette étiquette des groupes qui n’ont pas nécessairement de liens directs avec le genre historique mais qui se rapprochent de la démarche de recherche des sonorités utilisées. De cette nouvelle scène émane la volonté de réinventer le genre en y apportant sa pierre. C’est ainsi que le collectif Nothing s’est rassemblé, comptant une trentaine de groupes et formations gravitant autour du shoegaze : « Ce qui importe c’est le son. Ce qui nous fédère c’est la volonté d’en avoir un »3. Ce collectif renoue ainsi avec la tradition indie du DIY, car il permet à ces musiciens de s’entraider sur la recherche de son, de matériel pour faciliter leurs créations artistiques. Le collectif est désireux de sortir des codes du shoegaze des années 1980 en le faisant évoluer à travers de nouvelles sonorités : « Le problème c’est que le shoegaze est un genre tellement codifié, et dont les codes n’ont que rarement été redéfinis qu’il est très facile de se vautrer dans le mimétisme »4. Afin de promouvoir ce renouveau de la scène, le collectif publie des playlists rassemblant les dernières sorties de ses membres, organise des soirées et promeut les actualités des groupes qui le composent.

b) Indie : une étiquette élitaire de tous les possibles

1 ASSAYAS (Michka), Le Nouveau Dictionnaire du Rock, Robert Laffont, Paris, 2014, p. 1888. 2 Charles Crost, fondateur du label le Turc Mécanique, interviewé dans RIDEL (Xavier), « La France, nouvelle patrie du shoegaze ? », Les Inrockuptibles, 01 mars 2016. (consulté le 29 avril 2016) 3 « A propos », page Facebook de Nøthing Collective. (consulté le 29 avril 2016) 4 Nothing Collective, interviewé dans RIDEL (Xavier), « La France, nouvelle patrie du shoegaze ? », Les Inrockuptibles, 01 mars 2016. (consulté le 29 avril 2016) 92

Comme vu précédemment, l’indie est un genre qui peut sembler perdre de son sens aujourd’hui, il reste néanmoins caractéristique d’une philosophie qui a toujours pour but d’inspirer les artistes, hors des sentiers battus. Cette musique peut ne pas sembler accessible à tous, car les codes esthétiques y sont très présents, et souvent marginaux : les effets, la violence des guitares ne font pas partie des codes de la musique populaire. Elle a par conséquent été parfois jugée élitiste, c’est le cas notamment au début des années 2000, par les financeurs publics du festival La Route du Rock qui souhaitaient que le festival programme des groupes plus accessibles au grand public :

« Parfois on s’est permis de leur dire que sur la programmation…sans aller jusqu’à des têtes d’affiches…mettre des locomotives. C’est vrai qu’au départ, c’est un festival qui donne sa chance aux jeunes, mais bon. (…) On a eu l’impression ces dernières années que les organisateurs cherchaient à se faire plaisir à eux, mais il faut peut- être aussi faire plaisir au public. (…) Et il y a beaucoup de festivals. Et si on s’aperçoit que le public baisse, on repensera à la subvention… ».1

Au même sens qu’Antoine Vittez souhaitait un « théâtre élitaire pour tous », la direction de la Route du Rock met avant tout la priorité sur l’excellence de la programmation. Si Eve Chiapello parle d’ « art élitiste » pour définir le « refus chez les artistes de l’ « art de masse », l’ « art commercial », grossier, facile, manquant de distinction »2, la Route du Rock, la musique indie s’apparentent respectivement à un festival et à un genre élitaire dans le sens où ils ont été créés pour proposer une nouvelle forme de représentation artistique en rupture avec les horizons d’attente antérieurs. C’est un souhait qui est porté haut et fort par la direction de la Route du Rock : « Nous continuerons de proposer des choses différentes, des choses qui s’écartent des sentiers battus du rock pur et dur et de la pop cérébrale. La Route du Rock ne deviendra pas un festival de hipsters3 »4. L’indie est finalement un genre qui permet de creuser les influences du passé, pour en sortir un genre nouveau fort de son histoire d’indépendance : « nombreux sont les groupes à pisser sur les frontières, à ne pas céder à la rétromania, à purger le genre de son suivisme aveugle et à innover »5.

1 Mme Giraud-Petit, Direction des Affaires Culturelles de Saint-Malo, interviewée dans VALERO Vanessa, « Le festival de rock : entre passion et désenchantement… », Volume !, janvier 2002, p. 113-123. 2 CHIAPELLO Eve, Artistes versus managers, le management culturel face à la critique artiste, Paris, Métailié, 1998, p. 237. 3 Hipsters : jeunes gens branchés qui portent beaucoup d’attention dans leur apparence, et qui promeuvent un mode de vie décalé, souvent à tort, simplement pour se donner un style. 4 François Floret, directeur de la Route du Rock, interviewé dans « Route du Rock, Pointue et surprenante », Le Télégramme, le 01 mars 2016. , consulté le 9 mars 2016. 5 DELCOURT (Maxime), « Concrètement, ça veut dire quoi l’«indie-rock» aujourd’hui ? », Brain Magazine, 9 mars 2016. (consulté le 27 avril 2016) 93

Enfin, avec le développement d’une industrie indie, de nombreux labels ont vu le jour, se spécialisant chacun dans un genre, ou ayant à cœur de produire des groupes à l’esthétique similaire. Cette résurgence de l’indie a permis la création d’une identité musicale plurielle derrière une étiquette façonnant plus un mouvement global qu’une réelle définition sonore de ce qu’est la musique indie aujourd’hui. L’indie rassemble des genres variés oscillant entre le rock, la pop, les influences new-wave qu’on peut retrouver à travers les différents groupes de shoegaze. La classification des genres est aujourd’hui un vaste terrain ou chaque esthétique peut se décliner en d’innombrables genres et sous-genres, s’entrecoupant eux-mêmes aisément en fonction des groupes qu’ils définissent :

« Il est essentiel de préciser qu’il n’existe pas qu’un seul «indie-rock» : il y a autant de place pour les harmonies bizarres d’Animal Collective et l’efficacité pop de The Coral qu’il y en a pour les guitares cristallines de Diiv ou la fougue toujours aussi juvénile de . »1

c) Indie way of life, une philosphie qui perdure

Comme cela a été mentionné précédemment, au-delà de l’esthétique que propose l’indie, cette mouvance traduit plus généralement une philosophie de vie et une manière de voir la musique. Il est possible de mettre en évidence la fonction identitaire de la musique, et notamment celle des contre-cultures : « Les comportements qui tournent en dérision les normes sociales conventionnelles sont très admirés »2. Une communauté indie s’est créée autour de l’identité musicale plurielle promue par le genre, elle mélange musiciens et non musiciens autour de cet amour pour la musique. Le public mélomane qui soutient de manière fervente la scène indie, fait partie intégrante de cette mouvance et promeut au même titre que les musiciens et acteurs de la scène indépendante cette philosophie de vie indie. Le terme de passion musicale3 fait sens ici et se retrouve dans le discours de François Floret, directeur du festival de la Route du Rock : « Artistes, organisateurs, public, nous savons ce que nous faisons ensemble et que notre belle anomalie est sans doute aussi une philosophie de vie »4. Le public

1 DELCOURT (Maxime), « Concrètement, ça veut dire quoi l’«indie-rock» aujourd’hui ? », Brain Magazine, 9 mars 2016. (consulté le 27 avril 2016) 2 BECKER (Howard S.), Outsiders, Métailié, Paris, 1968 (1963), p.110-111. 3 HENNION (Antoine), La Passion musicale : une sociologie de la médiation, Métailié, Paris, 1993, 407 p. 4 FLORET (François), Postface de : RICHARD (Philippe),La Route du Rock, The indie way of life, Les éditions de Juillet, Paris, 2015, p. 205. 94 constitue ainsi un acteur majeur de la scène indie, qui continue à la promouvoir près de quarante ans après sa création :

« Les amateurs avertis connaissent les conventions du genre. Cela les sépare du reste du public. Les artistes cherchent prioritairement à les toucher car ils sont capables de comprendre la portée de leurs œuvres. Ce public appartient au monde de l’art et participe à la coopération qui le constitue. »1

L’indie way of life est ainsi porté par une communauté qui en partage les codes et qui va même jusqu’à les revendiquer à travers son style vestimentaire ou sa manière de vivre, « le mot d’ordre n’est peut-être plus «Do it yourself», mais l’indie way of life est toujours promu par une bande de musiciens qui ressemble à tout le monde et à personne en même temps »2.

Les nouvelles technologies et les modes de vies actuels ont trouvé une certaine résonnance dans la mouvance indie des années 1980. L’esprit indie s’est traduit depuis le début des années 2000 sous de nouvelles formes, tant dans la production musicale que dans l’éthique et dans les modes de vie associés au mouvement :

« Je pense que le mot “indie” a encore tout son sens. En tant qu’artiste et avec les logiciels et produits disponibles aujourd’hui, chacun peut produire et créer de la musique avec son ordinateur, dessiner ses pochettes, les sortir et souhaiter le meilleur. C’est ça le véritable esprit indie. Si vous êtes prêt à faire preuve de patience et à construire progressivement votre public, vous pouvez rester indépendant. Si vous êtes là pour faire d’énormes quantités de fric, vous serez probablement déçu. »3

On retrouve dans des groupes actuels, les mêmes énergies, les mêmes revendications que dans certaines formations des années 1980. L’amalgame, consistant à dire que ces deux périodes se ressemblent au niveau du climat économique et social, que les groupes musicaux puisent dans les mêmes inspirations que ceux des années 1980, se fait parfois. Toujours est-il que l’indie connaît un nouvel essor depuis les années 2000 et que les groupes actuels, tels que Sleaford Mods, sont comparés aux créateurs du mouvement :

« Le duo de Nottingham n’a peut-être pas l’étoffe des Buzzcocks, l’ampleur de Gang Of Four, le culte de la mesure dans l’excès de Josef K. ; ses gimmicks de prolo et de vaurien à l’hygiène douteuse résisteront peut-être mal au passage du temps ; toutefois, ce concentré d’indie-rock millésimé des années 2010 a l’énorme intelligence

1 BECKER (Howard S.), Les mondes de l’art, Flammarion, Paris, 1988 (1982), 382 p. 2 DELCOURT (Maxime), « Concrètement, ça veut dire quoi l’«indie-rock» aujourd’hui ? », Brain Magazine, 9 mars 2016. (consulté le 27 avril 2016) 3 BARROT (Guillaume), « L’esprit “indie” : contre-culture d’actualité ou vestige du passé ? », Les Inrockuptibles, 4 octobre 2015. (consulté le 5 octobre 2015) 95

de ne pas tourner en rond, de tenir les rênes de son univers et d’assumer son héritage avec panache. »1

1 DELCOURT (Maxime), « Concrètement, ça veut dire quoi l’«indie-rock» aujourd’hui ? », Brain Magazine, 9 mars 2016. (consulté le 27 avril 2016) 96

Conclusion

Depuis la fin des années 1970, la définition de la musique indie a subi des évolutions, notamment du fait des mutations de l’industrie de la musique mais aussi du développement du courant en genre à part entière. S’inspirant, à la fin des années 1980, des revendications du mouvement punk, la musique indie a développé au fil des décennies sa propre identité musicale, définissant même des codes et normes auxquels les groupes actuels indie font référence. De fait, l’héritage de la musique indie permet une réinvention permanente du genre, avec la mise au goût du jour de courants musicaux passés. Dans les années 1980, la mouvance indie s’est démarquée, notamment au niveau financier : elle a su se doter de structures indépendantes, proposant alors une alternative économique à l’industrie musicale traditionnelle. Entre 1978 et 1989, des structures telles que Rough Trade, Factory ou Bondage ont été créées, imposant dès lors à l'ensemble du paysage culturel une forte volonté de se démarquer. La notoriété croissante de ces structures a ainsi conduit les majors à s’intéresser à cette industrie de niche. Le processus de récupération par l’industrie traditionnelle s’est en effet amorcé dans les années 1980, avec la création de filiales spécialisées dans les musiques émergentes dans les grandes structures telles que EMI ou Universal Cette forme de récupération a généré une minimisation substantielle de l'idéologie attachée à la musique indie, alors sous-représentée durant la décennie 1990. Les différentes crises liées à l’industrie du disque ont joué un rôle important dans l’évolution du genre indie. La crise du vinyle, qui représente le support historique de la musique indie, a ainsi largement entaché le rôle des labels indépendants. L’apparition du CD dans les années 1980 a, en effet, participé à la fermeture d’une large partie de la frange concurrentielle que représentaient les labels indépendants face au majors. Les années 1990 ont ainsi préféré la musique électronique et les genres issus du rap et du hip hop à la musique indie. Avec le retour du vinyle, mais également grâce aux nouveaux enjeux de la musique digitale, la musique indie connaît un nouvel essor en ce début de siècle. Le début des années 2000 a ainsi vu réapparaître des structures majeures de la culture indie telle que Rough Trade. En outre, la culture indie s’est développée dans son acception la plus large. Les modes de vie et esthétiques qui constituaient la culture indie des années 1980 ont été remis au goût du jour et sont aujourd’hui partie intégrante des pratiques

97 quotidiennes d’une certaine partie de la population. Les festivals, vêtements et habitudes de consommation, qui pouvaient être propres aux musiciens et au public de la musique indie à ses débuts, sont aujourd’hui organisés et portés par les défenseurs de l’éthique de « la musique avant tout ». Le bilan de l’évolution de la musique indie est cependant mitigé. Du point de vue de la visibilité et du développement du courant indie, c’est un large succès. Cependant, en matière de diffusion des valeurs de la musique indépendante, ce succès peut être remis en cause. La démocratisation de la musique indie, et son développement en un genre à part entière qui promeut une certaine esthétique en dehors de la logique d’indépendance vis-à-vis des majors, a pour tendance de décrédibiliser les groupes qu’on appelle aujourd’hui indie. Cette popularisation de la musique indie et sa récupération par l’industrie traditionnelle ont conduit une frange des groupes indépendants à prendre de la distance avec ce terme. En conséquence, différents courants de la musique indépendante se construisent en opposition à ce que la musique indie reflète.

La crise des supports d’écoute, notamment la crise du CD avec le développement d’Internet a permis un renouveau de la musique indie. La création des nouveaux moyens de production digitaux ainsi que la capacité de la toile à fédérer un large public permettent aux artistes de créer, mais aussi gérer leurs carrières en toute indépendance. Ces nouvelles technologies représentent ainsi un enjeu considérable pour la musique indie. Elles lui offrent un tout nouveau terrain de développement, sans avoir à se plier aux conditions de marché imposées par les majors. La structuration de la musique indie semble avoir été un réel succès depuis son retour dans les années 2000, dans la mesure où de nombreuses entreprises culturelles ont vu le jour, favorisant son développement. Il est cependant important d’émettre une limite à cet épanouissement. Aussi, la démocratisation accrue de cette industrie de niche subit-elle, en définitive, une forme de récupération commerciale. Les grandes enseignes de la consommation de masse se sont emparées des esthétiques promues par la contre-culture indie pour les transformer en véritables produits marchands. Le marketing et l’influence des majors dans la commercialisation des albums indépendants ont eu pour effet une perte de l’essence même du mouvement. L’indie se trouve aujourd’hui en partie représentée par des artistes qui font désormais partie de l’industrie musicale traditionnelle. La question que soulève ce mémoire aurait ainsi pu être : la musique indie est-elle toujours indépendante ?

La dichotomie entre l’industrie de la musique traditionnelle portée par les majors et les structures indépendantes est à souligner du point de vue des valeurs ou des objectifs promus

98 par chacune d’entre elles. Il est cependant pertinent de la nuancer du fait d’une certaine interdépendance nécessaire au fonctionnement de l’industrie globale de la musique. Les labels indépendants jouent le rôle de têtes chercheuses pour les majors, et l’industrie traditionnelle permet à certains artistes indie d’être promus à l’échelle internationale, notamment grâce aux réseaux de distribution assurés par les majors. Une vision manichéenne du fonctionnement de l’industrie de la musique qui définirait les majors comme simples entreprises manipulatrices, portées essentiellement sur le profit, serait ainsi tronquée.

L’analyse des politiques françaises d’accompagnement dans la création a permis de mettre en évidence l’émergence de la musique indie comme genre démocratisé et de fait, institutionnalisé. La volonté de l’Etat français de promouvoir les musiques actuelles constitue un véritable soutien pour les acteurs indépendants ; elle impose néanmoins des codes et normes implicites dans le processus de création. Qu’il s’agisse d’aides au financement pour les festivals de musiques indépendantes ou d’aide à la création à destination des groupes, le système français a tendance à imposer un carcan artistique, auxquels les acteurs indépendants doivent répondre, sans quoi ils ne peuvent prétendre aux aides en question. Aussi bénéfique soit-il, le système français d’accompagnement à la création et à la promotion des musiques actuelles génère des blocages institutionnels pour une certaine frange de musiciens. En officialisant une esthétique particulière, il promeut un certain style, plutôt consensuel, et laisse de côté une partie des artistes indépendants. En outre, les évolutions des politiques culturelles en matière de musiques actuelles entraînent de large mutations, notamment dans le financement des festivals. Des festivals dits indépendants se tournent aujourd’hui vers le mécénat privé et le sponsoring pour mener à bien leurs projets. Il s’agit ainsi finalement de passer d’une dépendance économique à une autre, afin de promouvoir une musique indépendante.

En définitive, la musique indie reflète aujourd’hui différentes idées : celle d’une idéologie propre à la musique post punk des années 1980, mais également celle d’un genre à part entière qui s’est développé depuis une quinzaine d’années. Elle traduit à la fois un mouvement historique et un renouveau du genre. La modernité d’Internet a apporté au mouvement une renaissance de l’esthétique indie par la modernisation des outils de production, les nouveaux modes de financement et de communication. Devenu indie way of life, ce renouveau du mouvement a permis l'émergence d'une véritable communauté, tant réelle que virtuelle. On retrouve ainsi cette philosophie indie en festival, dans les salles de concerts, mais également dans les bars, les clubs et les boutiques vintage. Il serait pertinent

99 d’approfondir d’un point de vue sociologique et historique les raisons de ce retour à l’idéologie indie. D’un point de vue économique, il est évident que le phénomène de mode associé à cette contre-culture représente un levier d’investissement. Ce retour si imposant aux codes indie et les raisons du développement de cette contre-culture en véritable effet de mode restent néanmoins à explorer. Il serait en effet intéressant de se pencher sur le processus de transformation de cette culture originellement alternative et underground en une véritable tendance, partagée par une large partie de la population. Quoi qu’il advienne de cette récupération commerciale, et même si la musique tend parfois à s’égarer, l’indie restera toujours la traduction d’un mouvement à vocation indépendante, fort de son histoire.

100

Annexes

Annexe 1 : Chiffres sur l’évolution de l’écoute musicale

Source: DONNAT (Olivier), Pratiques culturelles, 1973-2008, Dynamiques générationnelles et pesanteurs sociales, 2011, 36 p.

ECOUTENT DE LA MUSIQUE TOUS LES JOURS OU PRESQUE (hors radio), 1973-2008

Sur 100 Français de 15 ans et plus 1973 1981 1988 1997 2008

ENSEMBLE 9 19 21 27 34

Hommes 10 20 23 28 36

Femmes 8 18 20 26 33

15-24 ans 19 44 49 59 70

25-39 ans 10 22 26 38 49

40-59 ans 7 9 12 16 25

60 ans et plus 1 4 5 5 11

Agriculteurs 4 8 8 8 11

Patrons industrie, commerce 13 18 23 27 39

Cadres sup. et prof.libérales 20 33 34 43 48

Cadres moyens 17 30 30 37 48

Employés 11 25 29 35 41

Ouvriers qualifiés 8 23 22 30 39

Ouvriers non qualifiés 12 20 25 37 45

Retraités 2 5 9 7 14

Autres 14 16 22 43 37

Communes rurales 4 10 13 21 27

Moins de 20 000 habitants 8 16 20 24 33

20 000 à 100 000 habitants 9 19 22 32 35

Plus de 100 000 habitants 11 22 23 28 38

Banlieue parisienne 14 27 33 29 38

Paris intra muros 19 33 36 40 44

101

Annexe 2 : Résultats du sondage à la question suivante : « Spontanément, pour toi quel est le groupe de rock indie le plus mythique? » (Mars 2016)

Résultat du sondage

Yeah Yeah Yeahs Weezer The War on drugs The Velvet Underground The Smiths The Jon Spencer Blues Explosion The Clash Brian Jonestown Massacre Stone Roses Sonic Youth Radiohead Queen of the stone age Pixies Pink Floyd Phoenix Pavement Nirvana New Order Mano Negra Joy Division Fuzz Fugazi Foals Bob Marley Blur Arctic Monkeys

0 2 4 6 8 10 12

102

Annexe 3 : Evolution de la vente des vinyles ces trois dernières années

Source : CUNY (Delphine), « Retour du vinyle : l’étrange exception qui dure », Le Nouvel Observateur, 08 mars 2016. (consulté le 26 avril).

Vente de vinyles au Royaume-Uni, 2015, British Phonographic Industry

Tweet du SNEP sur les ventes de vinyles en France

103

Sources Sources imprimées Mémoires

JUMEL (Fred), Scènes de musiques actuelles et amplifiées : entre institutionnalisation et professionnalisation, quelle place pour le militantisme ?, DESS Université d’Angers, 2003, 145 p. Circulaire

Ministère de la Culture et de la Communication, 1998. Circulaire du 18 août 1998 sur les SMAC (scènes de musiques actuelles). Ouvrages

ASSAYAS (Michka), In a lonely place – Ecrits rock, Le mot et le reste, Marseille, février 2013, 336 p.

BROWN (Jonathan), « Never mind four-letter words... here's the Sex Pistols: when television met punk rock », The Independent, 1 décembre 2006.

BUXTON (David), Le rock, star-system et société de consommation, La pensée sauvage, Grenoble, 1985, 188 p.

COOK (Richard), « Buzzcocks : looking back », The New Musical Express, 26 juin 1982.

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Index

4AD, 19, 30 Creation, 40 A different Kind of Tension, 36 Création, 31, 112 Adami, 5, 6, 50, 63, 65, 110 crowdfunding, 72, 109 Alliances françaises, 62 CSMA, 63 Animal Collective, 94 Curtis (Ian), 36, 37, 38, 39 Antipode, 110 Danceteria, 19 Antipode (l'), 58, 61, 69 De Concert !, 47 Arctic Monkeys, 10, 27, 88, 109 Dead Mantra, 92 Bandcamp, 6, 49 Deezer, 49, 90 Bantam Lyons, 59, 70, 89, 106, 109 Demarco (Mac), 6, 52, 89 Beatles (The), 36, 40, 41, 75 Devoto, 35 Because, 87, 90, 91, 109 Diiv, 94 Berger (Flavien), 65 Discogs, 49 Bérurier Noir, 19 disquaire, 28, 44, 46, 89, 111 Beyoncé, 39, 74 Disquaire Day, 19, 27, 45, 46, 54, 77, 80, 82, 87, 107 Birds In Row, 81 DIY, 5, 23, 51, 71, 72, 74, 81, 88, 92, 104, 105, 110 Blonde Redhead, 32 Dø (The), 62 Blur, 41, 42, 89, 108 Echonova, 61 Bondage, 18, 19, 26, 30 Elephant, 55 booking, 73, 74 EMI, 5, 17, 28, 33, 81, 84 Born Bad Records, 109 Epitaph, 19, 30 Boucheries Production, 19 Europe Creative, 64, 110 Bowie (David), 35 European Border Breakers Awards, 64, 109 Bowie (David), 34 Eurosonic, 39, 47 britpop, 40, 41 Exploration, 80, 81, 82, 87 Bumpkin Island, 68, 70, 111 Facebook, 6, 32, 33, 51, 52, 64, 92, 109 Bureau Export, 62, 109, 110 Factory, 19, 23, 26, 30, 37, 107 Buzzcocks, 35, 36, 37, 38, 41, 104 Fair, 5, 65, 110 Cabourg Mon Amour, 12 Fedelima, 5, 58, 110 cafés-concerts, 58, 59, 70 Florence + The Machine, 89 Calif, 5, 46 Floret (François), 2, 68, 93, 94 Can, 27, 34, 35, 37, 105 Fracapane (Ghislain), 2, 83, 111 Captured Tracks, 52 François Floret, 111 CBS, 31 Franz Ferdinand, 88 CD, 5, 6, 26, 53, 54, 71, 110 Fufanu, 38, 39, 106 Chiapello (Eve), 80, 93 Fugazi, 75 Chinese Man, 62 Gognaf Mouvement, 19 Christine and the Queens, 62, 91 Grizzly Bear, 90 Clarens, 62 Harmonia Mundi, 90, 91, 107 Clash, 20, 24, 35 heavy metal, 25, 34 Closer, 19, 34, 105 Hendrix (Jimi), 27, 56 CNV, 5, 59, 65 In Rainbows, 33 Coachella, 77 indie way of life, 10, 14, 71, 94, 95, 99, 104 Cocteau Twins, 92 Inflammable Material, 18 Coldplay, 79, 89, 108 Inrocks Lab, 60 cold-wave, 92 Instagram, 51 Complètement Fou, 6 Institut des Métiers de la Musique, 5, 71 Coral (The), 94 Institut français, 62, 110 114 intermittence, 69, 83 Neutral, 32 Irma, 5, 45, 46, 50, 54, 59, 63, 65, 66, 67, 68, 72, 73, New Musical Express, 5, 36, 104 77, 106, 107, 108, 110 New Order, 30, 35, 38, 78 Itinéraire Bis, 60, 61, 64, 109, 110 new wave, 3, 30, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 89, 104 Jessica 93, 92 Nirvana, 26, 32, 33 Joy Division, 12, 27, 30, 35, 36, 37, 38, 78, 86, 108 NME, 5, 25, 36, 40, 88, Voir New Musical Express Justice, 91 no wave, 32 Juvéniles, 62 Nothing, 39, 92 Kemosabe, 84 Notwist, 32, 89, 108 Kid Wise, 65 NRJ Music Awards, 91 Kinks, 41 Oasis, 41, 42 KissKissBankBank, 72 Optimal, 56 Kraftwerk, 34, 35, 37 P2P, 5, 48, 49 Kurt Vile, 27, 89 Parabellum, 19 La Route du Rock, 47, 66, 74, 88, 93, 94, 104, 111 Paris Vegan Day, 76 labels, 3, 16, 17, 18, 19, 21, 26, 28, 29, 30, 31, 40, 43, Perrier (Jean-François), 84, 85, 87, 111 44, 46, 52, 53, 56, 57, 65, 72, 80, 82, 85, 87, 90, Philips, 17, 18 91, 94, 106, 107, 112 Pias, 90 Lang (Jack), 64, 65 Pitchfork, 12, 90, 107 Last FM, 49 Placebo, 42 Les Inrockuptibles, 19, 27, 40, 60, 76, 77, 84, 85, 89, Pôle (Le), 49, 59, 61, 66, 106, 109 92, 95, 105, 107, 108 pop, 3, 19, 20, 21, 25, 29, 30, 31, 34, 35, 36, 38, 39, Libertines (The), 89 40, 41, 42, 44, 60, 61, 70, 76, 77, 78, 82, 83, 84, Louane, 62 85, 89, 92, 93, 94, 107 LSD, 36, 37 post-punk, 29, 35, 37, 92 Ludwig von88, 19 Printemps de Bourges (Le), 59, 66 Mac DeMarco, 108 punk-rock, 19, 20, 22, 24, 32, 34, 35, 36, 37, 39, 80 Mainstream, 87 Radiohead, 10, 26, 32, 33, 117 Major Lazer, 91 Recording Industry Association of America, 48 majors, 3, 8, 9, 17, 18, 21, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 33, Recreation Center, 6, 84 39, 40, 41, 42, 43, 44, 55, 56, 84, 87, 88 Red Wedge, 42 MaMA, 5, 47, 106 Reed (Lou), 20, 23, 35 Manceau, 62 Reynolds (Simon), 77, 107, 109 Manchester, 35, 37, 41 Ricard S.A. Live Music, 60, 65 Mano Negra, 19 Ride, 91 Maria False, 92 Rock En Seine, 67 Mazzy Stars, 92 rock’n’roll, 16, 20, 21, 23, 31, 32, 79, 86 McCay (Ian), 80 Rough Trade, 18, 19, 21, 26, 28, 30, 42, 53, 89, 109 merchandising, 73, 85, 86 Route du Rock (La), 10, 66, 68, 74, 77, 93, 94 Mermonte, 68, 70, 83, 111 Roxy Music, 35 MGMT, 88 Sacem, 5, 59, 63, 65 Mha, 6, 61, 68, 70, 76, 111 Samba de la Muerte, 65 Midnight, 19, 34 Sarah Records, 40 Moore (Thurston), 33 Sex Pistols, 24, 35, 79, 81, 104 Morrissey, 41, 75 shoegaze, 91, 92, 94, 108 mp3, 48, 54, 55 Sleaford Mods, 95 musiques actuelles, 3, 27, 45, 47, 49, 57, 58, 59, 60, Slow Sliders, 111 61, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 69, 79, 104, 106, 110 Slow Sliders (The), 89 My Bloody Valentine, 91 Slowdive, 91 Myspace, 50, 51, 84 Smac, 57, 58, 61, 64, 68, 69, 70 Napster, 48 Smiths (The), 30, 36, 40, 41, 42, 75

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Sonic Youth, 32, 105 This Is Not A Love Song, 12 Sony, 17, 18, 41, 53, 88 Top of the Pops, 39, 40, 41, 80 Soundcloud, 49 Totorro, 84 Spedidam, 5 Transmusicales (Les), 58, 59, 66 Spiral Scratch, 35 Turc Mécanique (Le), 74, 92 sponsoring, 67, 86 Twitter, 51 Spotify, 49, 50, 79, 89, 90, 107, 108 UK Indie Charts, 31 SST, 19 Universal, 17, 88 star-system, 16, 20, 30, 31, 32, 104 Unknown Pleasures, 12, 34, 37, 38, 86, 105 Stiff Little Fingers, 18 UPFI, 5 Stone Roses, 79 vegan, 76 Stooges, 37 Velvet Underground, 20, 23, 27, 37, 41 straight edge, 81 Vieilles Charrues, 110 streaming, 3, 49, 50, 54 Vieilles Charrues (Les), 59, 60 Strokes (The), 26, 27, 89 vinyle, 3, 45, 50, 52, 53, 54, 55, 56, 77, 81, 87, 103, Stromae, 62 107, 108 Summer of Love, 78 Wampas, 19 Supergrass, 41 Westwood (Vivienne), 79 T. Rex, 35 White Stripes (The), 12, 26, 55 Tame Impala, 88 Who, 41 Teardrop Explodes (The), 34 Yelle, 6, 84, 85, 87, 107, 111 The Dø, 78 Yorke (Thom), 33 The Queen is dead, 42 Youtube, 49, 90 The Quietus, 37 Yuksek, 62

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Table des matières

REMERCIEMENTS ...... 2 RESUME ...... 3 SOMMAIRE ...... 4 TABLE DES SIGLES ...... 5 TABLE DES ILLUSTRATIONS ...... 6 INTRODUCTION ...... 8 PARTIE 1. L’INDIE MUSIC : ENTRE CULTURE DE MASSE ET INDEPENDANCE ...... 15

CHAPITRE 1. LE DEVELOPPEMENT DE LA SOCIETE DE CONSOMMATION ET L’AVENEMENT D’UNE MUSIQUE INDEPENDANTE ...... 15 I. Culture de masse et monopole culturel ...... 15 a) Uniformisation des biens culturels ...... 15 b) Marchandisation de la musique : une nouvelle logique commerciale ...... 17 c) « People who put music first » ou l’émergence des labels indépendants ...... 18 II. Le mouvement punk, vecteur de distorsion des courants ...... 19 a) Un contre-courant au « rockism » et une recherche d’authenticité ...... 19 b) Intellect punk et refus d’un art de masse ...... 21 c) « Walk on the wild side » : de la création de l’esthétique punk à sa marginalisation ...... 22 III. Les années 2000 et le retour de l’indie ...... 24 a) Décennie 90 et essoufflement du rock ...... 24 b) L’artiste indie comme « passeur créant des liens » ...... 26 c) Retour en force des labels indépendants : l’exemple de Born Bad Record ...... 27 CHAPITRE 2. LES COURANTS FEDERATEURS DE LA MUSIQUE INDIE ET LEUR INFLUENCE ACTUELLE SUR L’ESTHETIQUE D’UNE MUSIQUE INDEPENDANTE 29 I. L’indie rock : un anti star system ...... 29 a) Les années 1980 : création des Indie Charts et avènement de l’indie rock ...... 29 b) « Le rock naît indépendant » ...... 30 c) Radiohead ou Sonic Youth : les groupes mythiques de l’indie Rock ...... 31 II. La new wave : un antidote au « Valium musical » de la fin des années 1970 ...... 33 a) L’esthétique new wave : à la rencontre des genres ...... 33 b) L’exemple des Buzzcocks : le premier groupe de pop moderne ...... 35 c) Unknown pleasures ou le pessimisme d’une génération abusée ...... 36 III. L’indie Pop et la question de la musique populaire ...... 38 a) Une hétérogénéité des groupes pop face aux succès de Top of the Pops ...... 38 b) Fin des 1980’s : renaissance de l’esthétique pop sous une éthique indie ...... 39 c) The Smiths : la figure de l’indie Pop ...... 40 PARTIE 2. INDIE, INDUSTRIE ET INSTITUTIONS : ENTRE CONFLITS ET COMPROMIS ...... 43

CHAPITRE 1. LA DICHOTOMIE DE L’INDUSTRIE MUSICALE ENTRE MAJORS ET INDEPENDANTS ...... 43 I. Les différents acteurs accompagnant les artistes dans le processus de création ...... 43 a) Les producteurs, les distributeurs, les labels et les diffuseurs indépendants ...... 43 b) Le réseau des disquaires indépendants et leur promotion à l’échelle locale ...... 45 c) Les festivals et leur visibilité à l’échelle internationale ...... 46 II. La musique indépendante face au nouvel enjeu des NTIC ...... 47 a) Les enjeux du peer to peer : des nouvelles plateformes de découvertes ...... 47 b) Les plateformes de streaming et la question des droits d’auteur ...... 49 c) Les réseaux sociaux : un nouveau rapport au public pour les artistes ...... 51 III. Le retour du vinyle et ses effets sur la distribution indépendante ...... 52 a) Le vinyle : le support historique de la musique indépendante ...... 52

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b) La mise à l’épreuve du vinyle face aux différents supports ...... 53 c) Le marché du vinyle aujourd’hui ...... 54 CHAPITRE 2. L’ENCADREMENT INSTITUTIONNEL AUJOURD’HUI EN FRANCE DES MUSIQUES ACTUELLES ...... 57 I. Les processus d’accompagnement à la création musicale ...... 57 a) Le rôle des lieux de musiques actuelles, des Smac et de leurs réseaux dans l’accompagnement des groupes ..... 57 b) Les festivals français comme tremplins professionnalisants ...... 59 c) Les collectivités territoriales et entreprises culturelles publiques accompagnatrices ...... 60 II. France et Union Européenne, quels soutiens à l’industrie musicale ? ...... 62 a) Les politiques culturelles dans le domaine des musiques actuelles ...... 62 b) Les politiques de soutien aux acteurs indépendants ...... 65 c) Le rôle grandissant du mécénat privé dans l’industrie de la musique ...... 66 III. L’indépendance des artistes vis à vis de cet encadrement ...... 68 a) Un moyen de s’émanciper et de se professionnaliser ...... 68 b) Un carcan imposé aux créations musicales ...... 69 PARTIE 3. LA MUSIQUE INDIE AUJOURD’HUI : ENTRE SACRALITE DES VALEURS ET RECUPERATIONS ...... 71

CHAPITRE 1. L’INDIE, UN ART DE VIVRE ? ...... 71 I. « Do It Yourself » : la leitimotiv du mouvement indie ...... 71 a) La musique « home made » et l’affranchissement économique vis-à-vis de l’industrie musicale ...... 71 b) Le crowdfunding : une idéologie qui colle à la philosophie indie ...... 72 c) Le booking : loin de la rentabilité économique, l’expérience humaine avant tout ...... 73 II. Les effets de mode associés à cette mouvance indie ...... 74 a) Le végétarisme et la conscience écologique : une nouvelle éthique indie ...... 75 b) Retour vers le futur : entre vintage et avant-gardisme esthétique ...... 76 c) Sex, drugs, and indie ? ...... 78 III. La marginalisation des genres face au mouvement indie actuel ...... 79 a) La musique en France, une professionnalisation inévitable ...... 79 b) Un underground musical français : à la marge de la marge ...... 80 c) La musique pour la musique, en dehors de toute logique commerciale ...... 82 CHAPITRE 2. L’INDIE DEVENU GENRE : LA FIN D’UNE CONTRE CULTURE ? ...... 83 I. L’instrumentalisation du marketing et mise à l’épreuve des valeurs indie ...... 84 a) Yelle : une artiste indie par nature, un pur fruit du marketing ...... 84 b) L’indie : une esthétique en vogue dans la logique libérale ...... 85 c) « Mainstreamisation » de l’indie et récupération par la logique commerciale ...... 87 II. Chez les disquaires, le melting pot des bacs « indie » ...... 88 a) Une esthétique qui prend le pas sur l’origine indie ...... 89 b) Développement d’une industrie de l‘indie : exemple de PIAS et de Because Music ...... 90 III. La pluralité du genre indie : source de création artistique innovante et hors-normes ...... 91 a) La décennie 2010 en France : nouveau berceau du shoegaze ...... 91 b) Indie : une étiquette élitaire de tous les possibles ...... 92 c) Indie way of life, une philosphie qui perdure ...... 94 CONCLUSION ...... 97 ANNEXES ...... 101 SOURCES ...... 104 BIBLIOGRAPHIE ...... 112 INDEX ...... 114 TABLE DES MATIERES ...... 117

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