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THESE

Pour l’obtention du grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE POITIERS

U.F.R Sciences Fondamentales et Appliquées (Diplôme National – Arrêté du 25 avril 2002) Ecole Doctorale : Sciences pour l’Environnements Gay Lussac Secteur de Recherche : Terre Solide et Enveloppes Superficielles Discipline : Paléontologie des Vertébrés

Présentée par Soizic LE FUR

Les faunes mammaliennes du Miocène supérieur du Tchad : structure des communautés et implications paléoenvironnementales

Sous la direction de Patrick VIGNAUD, Professeur Emmanuel FARA, Maître de Conférences

Thèse soutenue publiquement le 4 décembre 2009 Devant la Commission d’Examen

Membres du Jury

Z. ALEMSEGED PhD, Chair and Curator, California Academy of Sciences Rapporteur

L.J. FLYNN PhD, Assistant Director, Harvard University Rapporteur

M. BRUNET Professeur, Université de Poitiers & Collège de France Examinateur/Président

E. FARA Maître de Conférences, Université de Bourgogne Examinateur

J.-J. JAEGER Professeur, Université de Poitiers Examinateur

H.T. MACKAYE Maître de Conférences, Université de N’Djamena Examinateur

P. VIGNAUD Professeur, Université de Poitiers Examinateur

Remerciements

Ces trois années de thèses ont été l’occasion pour moi de côtoyer et d’apprécier un certain nombre de personnes, appartenant au monde de la recherche ou autre. Je tiens à présent à leur exprimer toute ma gratitude pour leur contribution, de près ou de loin, à ce travail de recherche, par leurs conseils avisés mais également par leur soutien inconditionnel. C’est ainsi que je me lance dans l’exercice périlleux des remerciements que je ferai concis, mais je l’espère sans oubli.

Je commencerai tout naturellement par remercier mes directeurs de thèse, Patrick Vignaud et Emmanuel Fara, sans qui bien sûr je n’en serais pas là aujourd’hui. La complémentarité de leurs domaines de compétences a été une vraie richesse pour mon apprentissage. Merci pour toute l’aide que vous m’avez apporté, vos conseils précieux, votre soutien moral, et pour votre grande disponibilité, malgré des emplois du temps outrageusement chargés.

Je remercie également Michel Brunet et Jean-Jacques Jaeger pour m’avoir accueilli au sein de l’iPHEP. En particulier, Michel Brunet pour avoir contribué à proposer ce sujet de thèse. J’espère finalement avoir répondu à vos attentes et surtout en avoir suscité de nouvelles.

Je tiens également à remercier les autres membres du jury, mes rapporteurs, Lawrence Flynn et Zeresenay Alemseged, ainsi que Hassan Taïsso Mackaye, d’avoir bien voulu consacrer de leur temps à évaluer mon travail de recherche.

J’ai passé trois années extrêmement enrichissantes au sein de l’iPHEP, sur le plan professionnel mais également sur le plan humain, et c’est à vous tous que je le dois : Ghislaine Florent, Carine Noël, Franck Guy, Cécile Blondel, Mathieu Schuster, Olga Otero, Géraldine Garcia, Jean-Renaud Boisserie, Stéphane Ducrocq, Xavier Valentin, Olivier Chavasseau, Sabine Riffaut, Mouloud Benammi, Louis de Bonis, Vincent Lazzari et Amal Le Beurre.

i J’adresse également mes remerciements à Anne Brunellière, pour sa remarquable efficacité dans la recherche d’articles et sa grande gentillesse, ainsi qu’Audrey pour sa bonne humeur et sa disponibilité.

Je ne saurai oublier les « extérieurs », anciens pictaves et/ou collaborateurs, justifiant ainsi leurs visites (trop peu fréquentes) au laboratoire : Stéphane Peigné, avec qui j’ai pu effectuer mes tous premiers pas dans la recherche ; mais également Fabrice Lihoreau, Gildas Merceron et Doris Barboni. Les discussions que j’ai pu avoir avec chacun, touchant de près ou de loin à mes recherches, ont été très enrichissantes à chaque fois.

Ces trois années n’auraient pas été les mêmes sans la présence de mes collègues (et amis) thésards et post-docs : Aurélie, Camille, Pauline, Diogo, Thibaut, Diana, Guillaume, Antoine, Alice, Renaud, Faysal et j’ajouterai à cette liste Sohee et Golpar, presque du labo maintenant… Ainsi que Le P’tit Cabaret qui a su accueillir nos soirées quelque peu arrosées. Je remercie également mes collègues du CIES, entre autres : Marc, Fred, Marie, Julien, Alice, Adeline, Romain, Cyrille, avec lesquels j’ai passé des soirées très « animées » et pu partager des expériences CIES I-NOU-BLI-ABLES !

Je terminerais en remerciant ma famille (toujours présente et chaleureuse, merci pour les A/R Poitiers-Bretagne et pour votre soutien), et mes potes !! Alain, Nat, Marie, Seb, Floue, Arnaud, Fanny, Guillaume, Claire, Emeline, Eric, Mily (psst, thanks pour les cours anti-stress sur la fin), Cédrikus, P-Y, Laure, Oliv, Erel, Elod, Yo, Bertrand et Rachelle.

Enfin, merci au capo du 4x4 (que je n’aurai malheureusement pas eu le plaisir de rencontrer) qui a permis de révéler toute la diversité faunique du secteur de TM, véritable point de départ de mon sujet de thèse.

ii TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE : JEUX DE DONNEES ET METHODOLOGIE 9

Chapitre 1 : Terminologie de la paléoécologie 11

Chapitre 2 : Les faunes fossiles du Mio-Pliocène d’Afrique 15 I- Assemblages mio-pliocènes du Tchad 15 I.1- Secteur fossilifère de Toros-Menalla (TM) 15 I.1.1- Quel est l’effectif minimal à considérer pour qu’un échantillon devienne représentatif de l’assemblage fossile dont il est issu ? 18 I.1.2- La constitution de répliques permet-elle d’obtenir un échantillon plus représentatif de l’assemblage fossile dont il est issu ? 25 I.2- Secteurs pliocènes du désert du Djourab : Koro Toro, Kollé et Kossom Bougoudi 29 II- Assemblages africains du Miocène supérieur-Pliocène basal 31 III- Construction des jeux de données 37

Chapitre 3 : Base de données modernes 41 I- Définition des environnements africains modernes 41 I.1- Classification des environnements africains modernes 41 I.1.1- Selon le type d’habitats 41 I.1.2- Selon l’agencement des habitats 43 I.2- Quel lien entre facteurs climatiques et formations végétales ? 44 II- Jeux de données 45

Chapitre 4 : Techniques d’analyses 49 I- Codage des données 49 I.1- Structure taxinomique, diversité écologique et taxinomique 49 I.1.1- Structure taxinomique 49 I.1.2- Composition taxinomique 53 I.1.3- Diversité écologique 54 I.1.4- Diversité taxinomique 61 I.2- Transformation et standardisation des données 62 II- Techniques d’analyses multivariées 65 II.1- Techniques de classification 66 II.2- Méthodes d’ordination 69 II.3- Analyses discriminantes 72 III- Indices de similitude 74 IV- Tests statistiques 76

iii DEUXIEME PARTIE : LA FAUNE MAMMALIENNE DE TOROS- MENALLA ET SES IMPLICATIONS PALEOENVIRONNEMENTALES 75

Chapitre 1 : Structuration faunique des assemblages fossiles de TM 81 I- Contexte taphonomique : des assemblages représentatifs de leur communauté(s) d’origine ? 81 I.1- Processus taphonomiques identifiés à TM 81 I.2- Biais taphonomiques associés aux assemblages de TM 91 II- Toros-Menalla : un ensemble faunique homogène ? 94 II.1- Structures écologiques des assemblages de TM 94 II.2- Structures taxinomiques des assemblages de TM 97 II.3- Compositions taxinomiques des assemblages de TM 98 II.4- Diversités taxinomiques des assemblages de TM 98 III- Toros-Menalla : deux structures fauniques distinctes 116 III.1- Réel signal écologique ou biais taphonomique ? 116 III.2- Comment s’organisent ces deux ensembles dans le temps et l’espace ? 121 IV- Conclusion 123

Chapitre 2 : Le(s) paléoenvironnement(s) de TM 127 I- Comment la structure faunique permet-elle de discriminer les environnements africains modernes ? 127 I.1- Conséquence de l’exclusion des petites espèces dans la résolution du modèle nul 127 I.2- Identification des habitats présents dans un environnement 129 I.2.1- Apports des diversités écologique et taxinomique 129 I.2.1.1- Densité du couvert arboré 129 I.2.1.2- Présence d’habitats édaphiques 140 I.2.2- Apports de la structure taxinomique 142 I.2.3- Apports de la composition taxinomique 145 I.3- Structuration de l’environnement 147 I.3.1- Diversité d’habitats 147 I.3.2- Agencement des habitats dans l’espace 149 II- Quel signal paléoenvironnemental la faune fossile de Toros-Menalla a-t-elle enregistré ? 150 II.1- Singularité des assemblages fossiles par rapport aux faunes modernes : quelle(s) origine(s) ? 152 II.1.1- Des environnements sans équivalent moderne ? 152 II.1.2- Un biais méthodologique ? 153 II.1.3- Un biais taphonomique ? 154 II.2- Quel environnement pour les faunes de TM ? 160 II.2.1- Densité du couvert végétal 160 II.2.2- Structure de l’environnement 160 III- Conclusion 170

iv TROISIEME PARTIE : TOROS-MENALLA EN AFRIQUE AU SUPERIEUR- BASAL : SIMILARITES FAUNIQUES ET PALEOENVIRONNEMENTALES AVEC LES AUTRES GISEMENTS FOSSILIFERES 173

I- Diversité des paléoenvironnements en Afrique au Miocène supérieur-Pliocène basal 175 I.1- Identification des biais associés aux assemblages fossiles africains 175 I.1.1- Une sous-représentation des petites espèces ? 175 I.1.2- Un mélange de communautés ? 175 I.1.3- Profil écologique des assemblages fossiles 177 I.2- Densité du couvert végétal 184 I.3- Structure de l’environnement 193 I.4- Bilan : quels étaient les environnements présents en Afrique au Miocène supérieur-Pliocène basal ? 195 II- Provinces mammaliennes représentées en Afrique au Miocène supérieur- Pliocène basal 199 II.1- Quelles sont les limites de telles inférences ? 199 II.2- Quelles étaient les provinces mammaliennes représentées en Afrique au Miocène supérieur-Pliocène basal ? 201 III- Particularités environnementales et taxinomiques des sites à hominidés anciens 212 III.1- Quel habitat les hominidés anciens occupaient-ils ? 212 III.2- Quels sont les taxons clés associés aux hominidés anciens ? 213

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 217

Références Bibliographiques 225

Annexes 251

v

INTRODUCTION

1 CONTEXTE

Les mécanismes de l’évolution sont principalement régis par l’interaction entre les caractéristiques intrinsèques des taxons (propriétés héritées telles que la structure de population, le système de fertilisation, le spectre écologique, etc.) et les facteurs environnementaux, biotiques (interaction avec les autres êtres vivants, végétaux ou animaux) et abiotiques (température, précipitations, etc.) (Todd, 1999; Vrba, 1999). L’impact des variations environnementales sur l’évolution des espèces apparaît cependant complexe. En effet, si certains auteurs ont déjà mis en évidence l’existence d’une corrélation entre des phases majeures de renouvellements fauniques et des modifications environnementales (e.g. Vrba, 1995; Bobé et Behrensmeyer, 2004) d’autres ont constaté qu’il pouvait exister un certain décalage temporel entre les perturbations environnementales et les changements fauniques. Enfin, certains renouvellements fauniques ont été enregistrés malgré l’absence de modifications environnementales (Behrensmeyer et al., 1997; Behrensmeyer, 2006). Dans la réflexion menée sur les modalités avec lesquelles les variations environnementales peuvent influencer l’évolution des êtres vivants, deux principales hypothèses s’affrontent. Les renouvellements fauniques s’opèreraient en réponse 1) à des variations environnementales plus ou moins brutales et unidirectionnelles (turnover pulse (Vrba, 1980a) et directional change (Vrba et al., 1989) ; 2) à une augmentation de la fréquence et de l’amplitude des variations climatiques, induisant des perturbations environnementales dans le temps et/ou l’espace (variability selection, (Potts, 1996; 1998).

La théorie de l’East Side Story s’est inscrite dans ce contexte pour expliquer l’émergence des hominidés (Kortlandt, 1972; Coppens, 1994). Ce paleoscénario suggérait que la réactivation tectonique du Rift Est Africain vers 8 Ma était à l’origine de l’ouverture des milieux en Afrique de l’Est, favorisant ainsi l’émergence des hominidés dans cette partie de l’Afrique. D’abord ébranlée par la découverte, à l’ouest du rift, d’un australopithèque daté autour de 3,5 Ma, Australopithecus bahrelghazali (Brunet et al., 1995), cette théorie a définitivement rejoint le domaine de l’histoire des sciences avec la mise au jour, en 2001, de Sahelanthropus tchadensis dans le désert du Djourab (Tchad) (Brunet et al., 2002). Daté à 7 Ma (Vignaud et al., 2002; Lebatard et al., 2008), « Toumaï » représente aujourd’hui le plus vieux représentant des hominidés. Parallèlement à cette découverte, Ardipithecus kadabba (Haile-Selassie, 2001)

2 et Orrorin tugenensis (Senut et al., 2001), deux hominidés datés respectivement à 5,77-5,54 (WoldeGabriel et al., 2001) et 6 Ma (Sawada et al., 2002), ont été mis au jour en Afrique de l’Est. Ces découvertes ont réaffirmé notre origine africaine en reculant l’émergence des hominidés au Miocène supérieur et ont relancé les recherches concernant l’impact de l’environnement sur cette émergence.

Le Miocène supérieur représente une période de grands bouleversements, à la fois climatiques, environnementaux et fauniques. En effet, l’expansion de la calotte antarctique entre 11 et 9 Ma a provoqué un refroidissement global dont le paroxysme est atteint à la fin du Miocène (Kennett, 1995). Parallèlement à cette baisse de température, on assiste, sur les continents, à l’émergence des plantes en C4 (Quade et al., 1989; Cerling et al., 1993; Molnar et al., 1993; Quade et Cerling, 1995), d’abord enregistrées dans les basses latitudes vers 7-8 Ma, puis dans les latitudes moyennes vers 5 Ma (Cerling et al., 1997; Ségalen et al., 2007). L’apparition de ces graminées est traditionnellement interprétée comme témoignant de l’ouverture des milieux. D’un point de vue faunique, le Miocène supérieur représente une période transitoire entre les faunes archaïques du Miocène moyen (e.g. Creodonta, Anthracotheriidae, Chalicotheriidae) et les faunes d’aspect moderne (e.g. Hippopotaminae, , Giraffinae, nombreuses tribus de Bovidae) (Hill, 1995; Leakey et al., 1996).

C’est dans ce contexte de forte instabilité climatique et de renouvellement faunique qu’émergent les hominidés. Une meilleure compréhension de leur émergence et de leur évolution passe nécessairement par la reconstitution de leur environnement, et en particulier de leur habitat. C’est l’un des objectifs de ce travail de thèse. Plus précisément nous allons : 1) caractériser les particularités environnementales associées aux hominidés anciens : Sahelanthropus tchadensis, Orrorin tugenensis et Ardipithecus kadabba ; 2) déterminer les éventuelles espèces, ou plus généralement les taxons de mammifères, systématiquement associés aux hominidés anciens.

3 DEMARCHE

Que sait-on de l’habitat des hominidés anciens ? L’appréciation de l’habitat d’une espèce fossile requière la détermination de ses caractéristiques écologiques, principalement de son mode de locomotion et de son régime alimentaire. Le mode de locomotion est accessible par l’approche « écomorphologique » (e.g. (Vrba, 1980b; Ciochon, 1993; Kappelman et al., 1997) tandis que la détermination du régime alimentaire d’une espèce se base généralement sur la morphologie dentaires et des structures osseuses impliquées dans la manducation (e.g. Spencer, 1997), ainsi que sur l’étude des usures dentaires (Walker et al., 1978; Solounias et Dawson-Saunders, 1988; Solounias et al., 1988) et des isotopes stables du carbone contenus dans l’émail des dents de grands mammifères (Kingston et al., 1994; Quade et Cerling, 1995; Cerling et al., 1997). L’anatomie post-crânienne d’O. tugenensis et d’A. kadabba a ainsi révélé des adaptations aux modes bipèdes et arboricoles (Senut et al., 2001; Pickford et al., 2002; Haile- Selassie et al., 2009). La morphologie dentaire de ce dernier suggère un régime alimentaire principalement constitué de feuilles et de fruits (Haile-Selassie et al., 2009). Chez Sahelanthropus, les micro-usures ne sont pas observables car les dents ont subi un polissage éolien important. En revanche, des analyses isotopiques sont en cours et apporteront bientôt des précisions sur le régime alimentaire de cette espèce (Brunet comm. pers.). L’anatomie crânienne de cet hominidé supporte par ailleurs un mode bipède (Brunet et al., 2002; Brunet et al., 2005). Ces informations ne suffisent pas à déterminer précisément l’habitat des premiers hominidés. La rareté des leurs restes fossiles est une entrave à la reconstitution de leur habitat, en limitant la diversité des techniques applicables à ces fossiles. Il est donc impératif de compléter ces éléments par l’apport de techniques s’appuyant sur d’autres proxys, qui permettent cette fois de reconstituer le contexte environnemental d’une espèce, c’est-à-dire l’ensemble des habitats disponibles.

Méthodologie Plusieurs approches existent pour déterminer les paléoenvironnements. Il est possible de réaliser des inférences paléoenvironnementales à partir des restes fossilisés de végétaux (pollens, phytolithes, écorce, feuilles, fruits, etc.) (e.g. Deschamps et Maes, 1987; Retallack, 1992; Alexandre et al., 1997; Bonnefille et al., 2004; Jacobs et Herendeen, 2004) et de l’étude des sédiments. Par exemple, l’analyse isotopique des paléosols permet d’estimer la nature du

4 couvert végétal (isotopes du 13C : plantes monocotyledones ou dicotyledones) et certaines conditions climatiques locales (isotopes de 18O : température, précipitations et taux d’évaporation) (e.g. Cerling et al., 2003). Il existe également une autre technique, qui s’appuie sur l’ensemble des restes animaux représentés dans un gisement et consiste à comparer la structure faunique de l’assemblage fossile à celles de faunes modernes (e.g. Van Couvering et Van Couvering, 1976; Andrews et al., 1979; Rose, 1981; Geraads et Coppens, 1995; Gagnon, 1997; Reed, 1997; Bobé et Eck, 2001; Bobé et al., 2002; Kovarovic et al., 2002; Alemseged, 2003; Suwa et al., 2003).

Dans ce travail de thèse, la technique privilégiée sera celle de l’étude de la structure faunique d‘assemblages fossiles et modernes. La structure d’une faune comprend plusieurs composantes: diversité, structure et composition taxinomiques, et diversité écologique. Leur analyse permet d’appréhender des questions d’ordre paléoenvironnemental et paléobiogéographique. Les assemblages de mammifères ont été choisis en raison du nombre important de restes fossiles appartenant à ce groupe dans les gisements ayant livré des hominidés. Par ailleurs, en tant qu’espèces terrestres sensu lato (i.e. excluant les formes marines et volantes), les mammifères présentent une grande diversité d’habitats, ce qui leur confère un intérêt particulier dans le cadre de reconstitutions paléoenvironnementales.

La majeure partie de ce travail (Parties I et II) consistera à évaluer le degré d’altération subit entre la faune d’origine et l’échantillon fossile. En effet, l’un des problèmes majeurs rencontrés en paléoécologie, lorsque l’on désire comparer un assemblage fossile à d’autres assemblages fossiles ou modernes, est celui de l’altération du signal enregistré dans l’échantillon fossile par rapport à la faune d’origine. Les biais occasionnés par les processus d’altération réduisent la comparabilité des assemblages fauniques, ce qui nuit aux interprétations paléoenvironnementales et paléobiogéographiques. Ces altérations se produisent au cours de la formation d’un assemblage fossile, principalement lors de la constitution de la thanatocénose – passage d’une communauté vivante à une accumulation de restes squelettiques – et de la collecte des ossements fossiles – passage de l’assemblage fossile à l’échantillon fossile (Etter, 1999; Western et Behrensmeyer, 2009). Une étude paléoécologique doit donc, en toute rigueur, être précédée d’une étude relative au problème de représentativité de l’échantillon fossile collecté sur le terrain par rapport à la faune d’origine.

5 L’objectif de la première partie de ce mémoire est de sélectionner les assemblages fossiles, les faunes modernes et les méthodes d’analyse qui seront utilisés ensuite pour réaliser des inférences paléoécologiques (Parties II et III). Dans un premier chapitre, les termes couramment employés en paléoécologie sont définis. Dans le second chapitre, nous nous intéressons à plusieurs sites fossilifères mio- pliocènes et discutons de leur représentativité. Le troisième chapitre présente les faunes modernes qui servent de modèle nul dans le cadre des reconstitutions paléoenvironnementales. Un jeu de données de taille importante, constitué de l’ensemble de ces assemblages fauniques, modernes et fossiles, est ainsi obtenu. Le quatrième chapitre a pour objet de présenter et de justifier le choix des outils multivariées qui permettent d’analyser un tel jeu de données.

La seconde partie est consacrée aux assemblages de Toros-Menalla, le secteur ayant livré les spécimens de Sahelanthropus tchadensis. Cette aire fossilifère réuni un nombre important de localités où affleure l’unité stratigraphique dans laquelle cet hominidé a été découvert. Dans un premier chapitre, l’homogénéité faunique des échantillons fossiles issus de ces localités est testée. Au préalable, plusieurs techniques permettant d’appréhender la représentativité des assemblages fossiles par rapport à la communauté qui lui a donné naissance sont appliquées et discutées. Dans un second chapitre, la pertinence de l’utilisation de la structure faunique dans le cadre de reconstitutions environnementales est évaluée. Une technique innovante permettant de réduire l’impact des biais taphonomiques lors de la comparaison entre assemblages fossiles et actuels est également proposée. Une reconstitution des paléoenvironnements enregistrés par les assemblages de Toros-Menalla peut alors être proposée. Ce travail constitue la première étude quantitative portant sur la faune de mammifères de l’ensemble du secteur de Toros-Menalla.

L’objet de la dernière partie de ce mémoire s’attache à définir plus précisément les conditions de l’émergence et de l’évolution des hominidés. Ainsi, deux paramètres doivent être considérés : environnemental et zoogéographique. Tout d’abord, les paléoenvironnements de sites mio-pliocènes africains sont reconstitués. Le signal est extrait par comparaison de ces assemblages à des faunes modernes. Une fois le cadre paléoenvironnemental défini, les relations zoogéographiques peuvent être déterminées. Finalement, les particularités environnementales relevées dans les sites à

6 hominidés anciens sont discutées et une liste de taxons associés à ces hominidés est établie. Pout toute recherche future « du plus ancien » de nos représentants, ce dernier point représente un enjeu crucial.

7

8 Première partie

JEUX DE DONNEES ET METHODOLOGIE

Afin de clarifier les propos de cette étude, il est nécessaire, dans un premier chapitre, de définir certains termes utilisés en paléoécologie, soit parce qu’ils sont peu fréquemment employés, soit en raison de significations variables selon l’auteur ou selon le contexte dans lequel ils sont utilisés. Le second chapitre présente les faunes fossiles choisies pour répondre à la problématique. Une attention particulière est portée aux assemblages de Toros-Menalla. Les échantillons issus des 387 localités constituant ce secteur fossilifère ont été soumis à une batterie de tests, à l’issu desquels seuls les échantillons les plus représentatifs des assemblages fossiles dont ils proviennent ont été retenus. Ensuite, pour l’ensemble des assemblages fossiles africains participant à cette étude, le degré de complétude dans l’identification taxinomique, variable d’un échantillon à l’autre et d’un taxon à l’autre, a nécessité de construire différents jeux de données, chacun destiné à appréhender les différentes composantes de la structure faunique. Le chapitre suivant porte sur les faunes modernes qui ont servi de modèle nul dans le cadre des reconstitutions paléoenvironnementales des assemblages fossiles. Enfin, le dernier chapitre présente les différentes composantes de la structure faunique : la composition taxinomique (taxons représentés dans la faune), la structure taxinomique (distribution des taxons), la structure, ou diversité, écologique (proportion de catégories écologiques) et la diversité taxinomique (ici assimilée à la richesse taxinomique). Ces données ne fournissent pas la même information et ne sont pas limitées par les mêmes facteurs. Leur intérêt est donc dépendant de la question à laquelle on souhaite répondre, qu’elle soit d’ordre environnemental ou zoogéographique. Ces données ont été traitées à l’aide d’analyses multivariées combinées à des indices de similitude, choisis selon la nature des données à analyser. Ces techniques permettent de visualiser les relations de proximités fauniques existant entre les assemblages à travers des graphiques qui résument, en deux ou trois dimensions, la variation observée au sein du jeu de données.

9

10 Chapitre 1

Terminologie de la paléoécologie

Ernst Haeckel (1866) définit l’écologie comme la science qui étudie les interactions entre les êtres vivants et leur environnement, c’est-à-dire les conditions physico-chimiques du milieu associé à l’organisme ainsi que les autres êtres vivants présents dans ce milieu. Cette définition reste valable aujourd’hui encore, mais doit être considérée à toutes les échelles du vivant, de la cellule à la biosphère. L’unité de base utilisée en paléoécologie est l’organisme, à partir duquel on peut étudier les niveaux d’organisation supérieurs (communauté, écosystème,…). Un avatar inclut tous les individus d’une même espèce vivant au même endroit (Damuth, 1985). L’ensemble des avatars présents en un lieu donné forme une communauté biologique (ou biocénose) (Olson, 1980; Southwood, 1987), à laquelle sont associées des conditions physico-chimiques définissant un biotope, le tout formant un écosystème. Ces définitions ne prennent pas en compte la dynamique des systèmes naturels, dans lesquels les assemblages d’organismes sont en perpétuel changement (Parker, 2002). Afin d’apporter une dimension temporelle à ces notions, Bennington et Bambach (1996) ont défini une communauté locale comme l’ensemble des populations qui coexistent et interagissent directement dans l’espace et le temps. Une communauté correspond alors à l’agrégation dans le temps et l’espace de communautés locales suffisamment similaires entre elles de sorte qu’elles ne puissent être statistiquement discriminées. Cette définition permet d’inclure les variations locales pouvant se produire dans la répartition des espèces, telles les variations saisonnières ou annuelles. A l’échelle régionale, on parlera de métacommunauté pour définir un ensemble de communautés ayant une composition taxinomique similaire (nombreuses espèces partagées) et vivant dans des environnements comparables (Jackson et al., 1996), et qui de surcroît sont liées par la dispersion d’espèces potentiellement en interaction (Gilpin et Hanski, 1991; Wilson, 1992; Leibold et al., 2004). Le terme de faune désigne quant à lui un ensemble d’espèces animales présentes dans une même région et/ou à une même période. Ce terme n’implique pas forcément la présence d’interaction entre espèces et donc n’est pas toujours équivalent à une communauté ou une métacommunauté.

11 La paléoécologie (Clements, 1916) étudie les interactions entre les organismes passés et leur environnement. Elle s’inspire de notions appliquées en écologie et utilise des outils similaires. Cependant, si l’écologie s’intéresse à des communautés ou des métacommunautés, la paléoécologie n’a accès qu’à des assemblages fossiles. La définition d’un assemblage fossile est variable selon l’aire fossilifère considérée. Dans l’Erg du Djourab, la MPFT a mis au jour 4 secteurs, ou aires, fossilifères. Un secteur représente un ensemble d’affleurements synchrones, que l’on désignera individuellement comme un site ou une localité fossilifère, matérialisés par des surfaces continues délimitées par des dunes. A chaque localité correspond un assemblage fossile. En revanche, dans les autres zones fossilifères d’Afrique, un assemblage englobera l’ensemble des fossiles présents sur plusieurs localités mais provenant de la même unité stratigraphique. Selon les gisements, cette unité se réfèrera à une formation dans son ensemble, à un membre de cette formation ou à un horizon stratigraphique. De cet assemblage est extrait un échantillon fossile, c’est-à-dire l’ensemble des restes fossiles présents dans les collections. Le passage d’une communauté vivante à un assemblage fossile s’accompagne d’une importante perte d’information, liée à une préservation incomplète ou à une destruction des restes, à la représentation inégale des espèces dans la thanathocénose, etc. (Shotwell, 1955; Kidwell et Flessa, 1995; Bennington et Bambach, 1996). Par ailleurs, un assemblage fossile peut se constituer sur plusieurs années, voire plusieurs milliers d’années. On parle alors de condensation temporelle. Ce phénomène résulte de taux de sédimentation et d’enfouissement lents par rapport au renouvellement des populations, et/ou de processus physiques (érosion à l’échelle décimétrique et remaniement de matériel ancien avec du plus récent) et biotiques (remaniement des restes par des organismes fouisseurs) (Kidwell et Flessa, 1995). Si l’échelle temporelle de condensation est courte, ou si l’environnement est resté stable pendant l’accumulation des restes, l’assemblage fossile se sera constitué à partir d’une même communauté ; on parlera alors de paléocommunauté. Pour une durée plus longue, en cas de modifications environnementales et taxinomiques impliquant la présence de différentes communautés, mais suffisamment restreintes pour considérer ces communautés comme similaires, on pourra parler de paléométacommunauté. Les modifications dans le temps enregistrées par cet assemblage sont équivalentes à des variations à l’échelle régionale dans une métacommunauté. Ce type d’assemblage fourni une vision générale de l’organisation des systèmes vivants, en moyennant les fluctuations locales de distribution des espèces et d’habitats intervenus au cours du temps (Warme et al., 1976; Staff et Powell, 1988). Le terme de paléométacommunauté peut également être appliqué à des assemblages regroupant

12 plusieurs communautés contemporaines dont les restes ont été transportés au même lieu de dépôt, si ces communautés montrent un degré de similarité aussi important que dans une métacommunauté, c’est-à-dire que le transport des restes s’est fait sur des distances relativement courtes. La limite entre une paléocommunauté et une paléométacommunauté reste vague et n’est pas quantifiable. L’utilisation de l’un de ces termes dépend avant tout de l’échelle d’observation et se fait donc dans un cadre spatial-temporel défini. Enfin, il peut arriver que l’on retrouve, dans le même assemblage fossile, des espèces non contemporaines (Kidwell et Bosence, 1991; Bennington et Bambach, 1996). Ce type de situation n’a pas d’équivalent en écologie et sera difficilement comparable à des systèmes naturels modernes. Dans la suite de cette étude, on emploiera le terme de paléocommunauté ou de paléométacommunauté selon les caractéristiques de l’assemblage fossile concerné.

Un environnement (ou milieu) est défini par les facteurs biotiques et abiotiques qui agissent sur un organisme, une population ou une communauté biologique, et influencent leur survie et leur développement. Les facteurs biotiques incluent les organismes eux-mêmes, leur nourriture, et leurs interactions. Les facteurs abiotiques incluent des éléments tels que l’ensoleillement, le sol, l’air, l’eau, le climat et la pollution (The American Heritage® Science Dictionary, 2005). Un habitat correspond à une aire ou un environnement naturel dans lequel vit un organisme ou une population (The American Heritage® Science Dictionary, 2005). Il est constitué de facteurs physiques tels que le sol, l’humidité, l’intervalle de variation des températures, et la disponibilité en lumière, ainsi que de facteurs biotiques tels que la disponibilité en nourriture et la présence de prédateurs. La différence entre un habitat et un environnement sera surtout une question d’échelle. On associera une espèce à un habitat, tandis qu’un environnement sera constitué de plusieurs habitats et abritera une communauté. Enfin, un biotope est identifié comme une aire de taille restreinte ou bien définie, uniforme dans les conditions environnementales et la distribution des êtres vivants. Un habitat, ou un environnement homogène, peuvent donc être considérés comme des biotopes. Compte tenu de l’usage que l’on souhaite en faire dans cette étude, le terme d’environnement, ou de milieu, sera restreint aux facteurs abiotiques et aux organismes végétaux uniquement. La composante animale sera exclue de cette définition. La notion de paysage désignera la composante végétale de cet environnement. Au sein de cet environnement, selon son homogénéité, on pourra définir un ou plusieurs habitats ou biotopes. Chaque habitat sera associé à une formation végétale particulière (cf. chapitre 3).

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14 Chapitre 2

Les faunes fossiles du Mio-Pliocène d’Afrique

I- Assemblages mio-pliocènes du Tchad

Les quatre secteurs mio-pliocènes du Tchad sont situés au nord-est de l’actuel lac Tchad, au niveau du sous-bassin nord du lac méga-Tchad actuellement occupé par le désert du Djourab (Fig. 1.1). Depuis 1994 et à raison de plusieurs missions par an, près de 500 localités ont été découvertes et plus de 14000 restes de vertébrés fossiles ont été collectés par la MPFT (Mission Paléoanthropologique Franco-Tchadienne). La MPFT a défini un site fossilifère comme une étendue délimitée par des dunes de sable, zones où les fossiles n’affleurent plus. La taille d’échantillon et le nombre de taxons identifiés varient d’un site à l’autre, le nombre de spécimens pouvant aller de 1 à plusieurs centaines sur chaque localité. Une grande majorité des échantillons n’est donc pas ou peu informative car ils ont livré trop peu de spécimens ou ces spécimens sont trop abîmés pour permettre des identifications taxinomiques exploitables. Pour cette raison, l’inclusion de l’ensemble des sites aux analyses ne ferait qu’ajouter du bruit aux résultats et risquerait de brouiller les éventuels signaux écologiques et taxinomiques. Il est donc indispensable, avant d’entamer une quelconque étude paléoécologique, de tester la qualité d’échantillonnage de chaque site et subséquemment la représentativité de ces échantillons fossiles par rapport à l’assemblage dont ils ont été extraits afin de retenir ceux qui sont le plus représentatifs.

I.1- Secteur fossilifère de Toros-Menalla (TM)

L’ensemble du secteur de TM est constitué par la même succession de 3 faciès, témoins d’une transgression du lac Tchad (Schuster, 2002; Vignaud et al., 2002). A la base, des grès peu cimentés et structurés par des grands litages obliques correspondent à un ancien système de dunes éoliennes ayant enregistré la direction dominante des paléovents au Miocène supérieur (vers l’ouest). Ce niveau a livré quelques fossiles et des traces de racines localisées vers le sommet de la coupe. Ces grès sont surmontés par un faciès éolo-lacustre constitué par l’alternance, sous forme de lambeaux interstratifiés, de grès et de diatomites. Les grès sont

15 moyennement à fortement cimentés et montrent des petits litages obliques multidirectionnels et une densité importante de conduits racinaires. Cette alternance correspondrait à des variations latérales de faciès ou à une succession de périodes humides et de périodes sèches. Elle marque la transition vers une phase lacustre franche pendant laquelle se sont déposées des diatomites en majorité, ainsi que des pélites. C’est le faciès médian, transitionnel, qui nous intéresse plus particulièrement puisqu’il a livré la majorité des fossiles de vertébrés de TM. Il a été nommé Anthracotheriid Unit (AU, dans (Vignaud et al., 2002) en raison du nombre important de restes d’anthracothères qu’il a livré. Etant biochronologiquement homogène (Vignaud et al., 2002; Le Fur et al., 2009), on considérera que la condensation temporelle est réduite. Elle ne peut excéder une période de 0,36 millions d’années, l’intervalle de confiance associé à l’âge de cette unité obtenu par radiochronologie (Lebatard et al., 2008).

Figure 1.1 – Carte de l’Afrique montrant la localisation des gisements fossilifères étudiés dans ce travail.

16 Toros-Menalla est le secteur qui a livré le plus de restes de vertébrés au Tchad (plus de 10000) répartis sur les 387 localités référencées à ce jour. Un effort a été fait pour que chacune bénéficie de l’échantillonnage le plus exhaustif possible, bien que certains sites aient fait l’objet d’une attention particulière. L’ensemble des restes de mammifères identifiables taxonomiquement et anatomiquement a été collecté. Seuls certains restes, de taille trop imposante, ont été laissés sur le terrain, ainsi que les côtes et vertèbres en raison d’un potentiel diagnosique limité. L’étude du matériel provenant des points de tamisage est en cours de réalisation. La faune micromammalienne est par conséquent absente ou très peu représentée dans une grande majorité des échantillons fossiles. Les autres groupes de vertébrés (poissons osseux, tortues, lézards, serpents et crocodiles) ont fait l’objet d’un échantillonnage moins régulier et moins préférentiel. Les mammifères représentent ainsi plus de 90% des restes de vertébrés sur l’ensemble du secteur. Malgré le caractère exhaustif de cette collecte, des différences d’échantillonnage demeurent entre les localités, en raison de facteurs physiques - une superficie totale d’environ 3000 km² à prospecter, des conditions de terrain rendant parfois difficile l’échantillonnage, le mouvement des dunes qui alternativement recouvrent et découvrent les surfaces fossilifères, etc. – et anthropiques – des personnes différentes d’une mission à l’autre, un plus grand intérêt pour certains sites parce qu’ils sont très riches ou ont déjà livré des taxons particuliers. Certains sites ont ainsi été plus échantillonnés, d’autres ont pu subir un échantillonnage préférentiel de certains taxons selon les personnes présentes dans l’équipe. Ces variations constituent une première source d’erreur dans l’échantillon fossile et elle n’est malheureusement pas quantifiable.

L’erreur d’échantillonnage constitue un deuxième problème et correspond à la variation aléatoire des paramètres d’une population (diversité, abondance des taxons, etc.) lorsqu’ils sont estimés à partir d’un échantillon de la population et non directement mesurés (Sarndal et al., 1992; Moore et al., 2007). Deux techniques permettent de limiter cette source d’erreur : augmenter l’effectif en récoltant un grand nombre de spécimens (Brinkman, 1990; Bennington et Rutherford, 1999; Lyman, 2008) et effectuer un certain nombre de répliques pour constituer l’échantillon (Clark et al., 1967; Bennington et Rutherford, 1999; Bennington, 2003). Chacune des 387 localités de Toros-Menalla a été considérée vis-à-vis de ces deux paramètres, taille d’échantillon et nombre de répliques, afin de sélectionner celles où l’erreur d’échantillonnage est la plus faible.

17 I.1.1- Quel est l’effectif minimal à considérer pour qu’un échantillon devienne représentatif de l’assemblage fossile dont il est issu ?

En considérant les probabilités de préservation et de découverte égales entre les taxons fossiles, l’erreur d’échantillonnage diminue lorsque la taille de l’échantillon augmente (Brinkman, 1990; Bennington et Rutherford, 1999; Lyman, 2008). Certains auteurs ont tenté d’établir le nombre de spécimens ou le poids de sédiment à partir duquel l’erreur d’échantillonnage devient négligeable. Par exemple, Wolff (1975) a mis en place un protocole d’échantillonnage permettant d’estimer la taille « idéale » d’un échantillon. A partir d’une faune californienne du Pléistocène récent répartie sur 7 localités, il a collecté plusieurs échantillons de sédiments de même poids. Au sein d’une localité, il a cumulé les restes trouvés dans chaque échantillon et a noté le poids de sédiments à partir duquel l’échantillon devenait représentatif. Il a jugé de cette représentativité en comparant la diversité et le taux proie/prédateur de ces faunes à ceux de communautés modernes. Selon ses résultats, pour obtenir l’ensemble des taxons d’une faune de mammifères, il faut échantillonner 5 000 à 10 000 kg de sédiments, contenant 15 000 à 30 000 restes de vertébrés identifiables (éléments squelettiques et taxons), dont 12 000 à 25 000 sont des mammifères. Les abondances relatives des taxons les plus communs sont estimées à partir de 500 spécimens identifiables. Dans une autre étude, Buzas (1990) conclut que, pour une faune fossile de micro-organismes, il faut un minimum de 300 individus pour enregistrer, avec un seuil d’erreur de 5%, la présence d’une espèce qui représente au moins 1% de l’assemblage. Bulinski (2007) évalue à 20 le nombre minimum d’individus nécessaire pour estimer la régularité PIE1 d’une communauté. Ces valeurs sont applicables aux assemblages fossiles à partir desquels elles ont été estimées mais ne sont pas transposables à d’autres assemblages car elles dépendent des caractéristiques intrinsèques de ces derniers : structure faunique de la communauté d’origine, mode de fossilisation et d’accumulation, techniques d’excavation, etc. Par exemple, l’établissement de la liste faunique complète d’un faune parfaitement irrégulière (i.e. dominée par une espèce tandis que les autres sont représentées par un seul individu) nécessitera de collecter plus de spécimens que celle d’une faune parfaitement régulière (i.e. chaque espèce a la même abondance).

1 Probability of Interspecific Encounter (Hurlbert, 1971): probabilité de tirer deux individus d’une communauté provenant de deux espèces différentes.

18 La taille « idéale » de l’échantillon dépendra donc de l’assemblage considéré mais également du type de données analysées et des questions auxquelles on souhaite répondre (Frontier, 1983; Legendre et Legendre, 1998). Par exemple, l’estimation des abondances relatives des taxons d’un assemblage nécessite un effort d’échantillonnage plus important que celui nécessaire pour acquérir la liste de l’ensemble, ou presque, des taxons présents dans l’assemblage.

Les données d’incidences correspondent à la présence/absence des taxons dans un assemblage. Au cours de l’échantillonnage, le nombre de taxons identifiés augmente avec le nombre de spécimens collectés jusqu’à atteindre un seuil à partir duquel on ne récolte plus ou très rarement de spécimens appartenant à une espèce encore non représentée dans l’échantillon. On considère alors que l’ensemble ou la grande majorité des taxons présents dans l’assemblage fossile a été découvert. Pour TM, si l’on considère tous les sites ayant livré au moins deux spécimens, il existe une corrélation élevée et significative entre le nombre de spécimens collectés et le nombre de taxons identifiés (corrélation de Spearman : r = 0,819 ; p < 0,05 ; N = 314) au niveau taxinomique le plus élevé (incluant des ordres et familles de mammifères). Au fur et à mesure que l’on exclut du calcul les sites avec les effectifs les plus faibles, cette corrélation reste élevée et significative puis chute brutalement à 0,244 (p > 0,05 ; N = 13) à partir d’une taille minimale d’échantillon de 120 spécimens (Fig. 1.2a). Ceci suggère qu’à partir de 120 spécimens échantillonnés, l’assemblage fossile ne fournit plus ou très peu de nouveaux taxons. Ceci a également été testé aux niveaux taxinomiques inférieurs. Pour chaque taxon, on utilise le degré d’identification le plus précis, en supprimant les redondances entre niveaux taxinomiques au sein d’un même assemblage. Par exemple si, dans un même assemblage, on a identifié de l’Equidae indet. et de l’Hipparion sp., seuls les spécimens d’Hipparion sp. seront retenus. Un site n’ayant livré que de l’Equidae indet., en revanche, verra tous ses spécimens conservés. Le nombre de taxons identifiés et surtout leur abondance dépendent de la qualité de préservation des fossiles et de la nature des éléments squelettiques préservés. Ainsi, un site pour lequel l’identification n’est pas allée au-delà du Bovidae indet. aura généralement plus de spécimens de bovidés mais moins de taxons qu’un site où plusieurs taxons de bovidés ont été reconnus car les caractères diagnosiques se raréfient lorsque l’on descend l’échelle taxinomique. Les caractéristiques taphonomiques pouvant être variables d’un site à l’autre, il est peu prudent d’utiliser ce « niveau taxinomique » pour tester la corrélation entre le nombre de spécimens et le nombre de taxons. Néanmoins, la richesse taxinomique, à ce niveau, subit moins de dommages que l’effectif

19 total. On a donc calculé la corrélation entre le nombre de spécimens comptabilisés au plus haut niveau taxinomique et le nombre maximal de taxons identifiés dans l’assemblage. Le résultat est très similaire au précédent (Fig. 1.2b), avec une chute de la corrélation vers 110 spécimens.

Figure 1.2 – Evolution de la corrélation de Spearman (rouge et bleu) entre le nombre de spécimens et le nombre de taxons dans les assemblages de TM. Le nombre de sites (en noir) inclus dans le calcul de la corrélation diminue lorsque l’on augmente la taille minimale d’échantillon requise pour participer au calcul. (a) Le nombre de taxons et le nombre de spécimens sont calculés au niveau taxinomique le plus haut, incluant des ordres et des familles de mammifères (les artiodactyles et les périssodactyles sont portés au niveau familial, les autres taxons au niveau ordinal). (b) Le nombre de spécimens est calculé au plus haut niveau taxinomique (comme en a.) tandis que tous les taxons identifiés dans l’assemblage, quel que soit leur niveau systématique, participent à l’estimation du nombre de taxons représentés dans l’assemblage (en évitant les redondances). A partir de 120 spécimens échantillonnés, l’assemblage fossile ne fournit plus ou très peu de nouveaux taxons.

20 L’effectif minimal permettant d’obtenir une estimation non biaisée des abondances relatives des taxons d’un assemblage fossile est logiquement plus important que celui nécessaire pour accéder au catalogue des taxons les plus représentés. La probabilité d’échantillonner une proportion pi de chaque espèce i après avoir collecté N spécimens (somme des pi) obéit à la loi de distribution multinomiale (Bhattachacharyya et Johnson, 1977; Patterson et Fishbein, 1989). Cette loi permet de calculer la probabilité que les abondances relatives de l’échantillon soient similaires à celles de l’assemblage fossile avec un certain degré de confiance et pour une taille d’échantillon donnée (Moore et al., 2007). Ainsi il faudrait au moins 534 spécimens pour que les abondances des taxons aient 95% de chances d’être représentatives de celles de l’assemblage fossile, avec une erreur de ±5% (Moore et al., 2007). Ce nombre est une estimation statistique et ne fait que donner un ordre de grandeur de la taille d’échantillon requise, qui varie selon les conditions taphonomiques et d’échantillonnage. Selon ce critère, seuls deux sites (TM266 et TM9) fournissent des abondances relatives représentatives de l’assemblage dont ils sont issus, avec respectivement 1155 et 595 spécimens. Ce type de données est donc rarement utilisable sur des échantillons fossiles. Il est possible de contourner ce problème en utilisant non plus les abondances elles mêmes mais leur forme non- paramétrique. L’application de l’ordre d’abondance n’est significative que s’il y a d’importantes différences entre les abondances des taxons, c’est-à-dire si l’ordre des taxons se stabilise rapidement au fur et à mesure de l’inclusion de nouveaux spécimens (Jamniczky et al., 2003). Jamniczky et collaborateurs (Jamniczky et al., 2003) ont établi un protocole permettant d’estimer, pour un échantillon fossile, l’effectif à partir duquel les ordres d’abondances sont représentatifs de ceux de l’assemblage fossile. A partir d’un échantillon de sédiment, ils ont généré des sous-échantillons de poids identique qu’ils ont cumulés afin d’observer la variation de l’ordre d’abondance des taxons. L’échantillon cumulé est considéré comme étant représentatif lorsque les ordres d’abondance des taxons les plus communs se sont stabilisés. Une analyse similaire a été conduite sur TM266, le site ayant livré le plus de restes sur TM. Les taxons représentant au moins 1% de l’échantillon seront ici considérés comme communs. Cette analyse consiste à créer artificiellement des sous-échantillons de TM266 avec des effectifs allant de 20 à 1140 spécimens, avec une incrémentation de 20. Pour un effectif donné, on créé 100 répliques de TM266 en tirant les spécimens aléatoirement et sans remise, puis on calcule la moyenne des ordres d’abondances des taxons sur l’ensemble de ces répliques. On obtient ainsi, pour chaque taxon, une courbe de la variation de son rang moyen associé à un intervalle de confiance, en fonction de la taille de l’échantillon (Fig. 1.3).

21 Quelque soit la taille d’échantillon, les Bovidae sont toujours dominants. Pour les 5 autres taxons, les courbes se stabilisent autour de 100 spécimens échantillonnés.

Figure 1.3 – Variation de l’ordre d’abondance des taxons les plus communs à TM266 (abondance relative ≥ 1%) en fonction du nombre de spécimens échantillonnés. Pour chaque effectif, les moyennes et intervalles de confiances à 95% sont calculés à partir de 100 répliques. Les ordres d’abondance se stabilisent à partir de 100 spécimens échantillonnés.

22 Ce seuil est valable pour TM266 et pour les assemblages de régularité similaire. En effet, si par exemple les différences d’effectif entre les taxons sont très importantes, ce qui sous- entend une faible régularité de la faune, leur ordre va se stabiliser rapidement. Afin de prendre en compte la différence de régularité entre les assemblages de TM, cette procédure a été appliquée aux échantillons ayant livré plus de 100 spécimens, que l’on suppose représentatifs de l’ensemble des régularités présentes sur le secteur (Fig. 1.4). Les 5 taxons les plus communs (les 6 premiers si l’on ne tient pas compte de TM115, TM9 et TM215) atteignent une stabilité dès 150 spécimens échantillonnés. Ces taxons représentent en général au moins 2 % des spécimens dans l’échantillon. Pour le secteur de TM, un effectif de 150 spécimens apparaît donc suffisant pour estimer l’ordre d’abondance des taxons représentant au moins 2% de l’échantillon.

Figure 1.4 – Effectif (en nombre de spécimens) à partir duquel l’ordre d’abondance moyen des taxons les plus communs (≥ 1 %) dans l’échantillon se stabilise. Ce rang a été calculé selon la même procédure que pour les analyses de la figure 3. Seules les localités ayant livré plus de 100 spécimens au plus haut niveau taxinomique ont été incluses (15 localités). Le rang des 5 taxons les plus communs se stabilise à partir de 150 spécimens échantillonnés.

Un autre protocole de ré-échantillonnage a été mis en place afin de confirmer ou non ce résultat. Les spécimens de TM266 ont été ré-échantillonnés avec remise selon différents

23 effectifs allant de 10 à 610 avec une incrémentation de 10. Pour chaque effectif on effectue 10 répliques ce qui permet d’obtenir 10 « vecteurs taxons » composés par leur abondance relative. On calcule ensuite la corrélation de Spearman entre ces vecteurs pour une même taille d’échantillon afin de mesurer la similarité qu’il existe entre les rangs d’abondance des taxons d’une réplique à l’autre. L’ensemble des corrélations obtenues à un niveau d’échantillonnage est résumée sous forme de boîte (Fig. 1.5). Par rapport à la technique inspirée par Jamniczky et al. (2003), celle-ci permet d’inclure tous les taxons de l’assemblage. Environ 200 spécimens sont nécessaires pour obtenir des corrélations élevées et considérer les ordres d’abondance stables d’un échantillon à l’autre. Cette technique a été testée sur TM9 et fournit un résultat similaire.

Figure 1.5 – Evolution de la corrélation de Spearman calculée entre les « vecteurs taxons » obtenus pour chaque niveau d’échantillonnage. Un « vecteur taxon » représente l’abondance relative des taxons après avoir échantillonné aléatoirement un certain nombre de spécimens de TM266. Chaque boîte (médiane flanquée de ses 25e et 75e percentiles) décrit la variation des corrélations calculées entre 10 répliques de « vecteur taxon ».

L’ensemble de ces analyses confirme l’importance du type de données dans la taille minimale d’échantillon requise pour qu’elles soient représentatives de l’assemblage fossile. Elles ont également permis d’estimer des valeurs seuils applicables aux assemblages de TM pour

24 chaque type de données. Par la suite, selon les données utilisées, les localités incluses aux analyses ne seront donc pas nécessairement les mêmes.

I.1.2- La constitution de répliques permet-elle d’obtenir un échantillon plus représentatif de l’assemblage fossile dont il est issu ?

La quantité importante de fossiles collectés sur le secteur de TM est le fruit de nombreuses campagnes de fouilles qui se sont échelonnées sur une dizaine d’années. Il est possible que d’une mission à l’autre, les taxons récoltés ainsi que leur abondance fluctuent. En particulier, le nombre de spécimens échantillonnés à chaque mission est très variable, en raison essentiellement de différences d’effort d’échantillonnage et d’accessibilité d’une année sur l’autre. En écologie, McIntosh (1985) définit la constance comme le pourcentage d’échantillons d’une communauté qui contiennent une espèce particulière. Bennington et

Bambach (1996) se sont inspirés de cette notion pour créer le coefficient de constance (Cc) d’un échantillon fossile, qui offre une mesure de l’homogénéité de la distribution des espèces sur un ensemble de sous-échantillons. Cet indice permet de déterminer de manière statistique si ces sous-échantillons sont significativement suffisamment similaires pour avoir été tirés de la même paléocommunauté. Pour chaque localité de TM, cette technique a été appliquée sur les sous-échantillons obtenus à l’issue de l’ensemble des missions de terrain effectuées. L’influence des espèces les plus abondantes est prépondérante du fait de la pondération de chacune par rapport à son abondance relative dans le site lors du calcul de cet indice. Il atteint une valeur maximale de 1 lorsque les répliques sont parfaitement identiques. Néanmoins, afin d’associer une valeur statistique à ce coefficient, une procédure de ré-échantillonnage avec remise a été effectuée : les sous-échantillons d’une localité ont été regroupés afin de générer une distribution d’abondance des espèces. Ces dernières ont ensuite été ré-échantillonnées aléatoirement pour créer de nouveaux sous-échantillons, en même nombre et de la même taille que les sous-échantillons d’origine, pour ainsi permettre le calcul d’un nouveau Cc. Après 1000 itérations, on obtient une distribution du coefficient de constance que l’on s’attendrait à trouver si les sous-échantillons provenaient de la même distribution. Si le Cc calculé pour la localité entre dans la gamme de variation de ces coefficients (avec un seuil de 5%) ou a une valeur plus élevée, on considère que les sous-échantillons sont suffisamment similaires pour avoir été tirés de la même distribution d’abondance. Seuls les coefficients des sites avec un effectif total minimum de 10 spécimens et ayant fait l’objet d’au moins deux missions ont été calculés. Parmi ces 107 sites, 24 ont des sous-échantillons trop différents

25 pour provenir statistiquement de la même paléocommunauté. Ce résultat est indépendant des différences d’effectif existant entre les sous-échantillons de l’assemblage.

Si l’on suit le raisonnement de Bennington et Bambach (1996), ces disparités résulteraient de l’échantillonnage de différentes paléocommunautés d’une mission à l’autre. Cependant, le calcul de la valeur statistique de l’indice de constance ne prend pas en compte les variations locales concernant les espèces représentées et leur abondance, pouvant se produire à l’échelle d’une communauté et que l’on nomme patchiness écologique. Ce patchiness résulte de l’agrégation non aléatoire des organismes dans un habitat (Hairston, 1959; Buzas, 1968; Buzas et Gibson, 1990; Springer et Miller, 1990), eux-mêmes spatialement distribués de manière non aléatoire, sous forme de gradient environnemental, de mosaïque, etc (Bennington et Rutherford, 1999). Le patchiness écologique caractérise pratiquement tous les environnements, selon un degré plus ou moins important. Par ailleurs, lorsque l’on étudie des assemblages fossiles, il faut également considérer le patchiness taphonomique qui correspond à une variation des processus taphonomiques à l’échelle de l’assemblage. Il résulte de l’agrégation non aléatoire des organismes dans un assemblage d’ossements ou de restes fossiles, induites par des perturbations taphonomiques, elles mêmes distribuées de manière inégale (Bennington et Bambach, 1996). Sans une étude taphonomique approfondie des restes récoltés à chaque mission, la présence d’un tel patchiness est difficile à mettre en évidence. Ces deux formes de patchiness induisent des variations dans le temps et l’espace de la répartition des organismes. En effet, les patchs d’organismes peuvent changer de position au cours du temps (Kidwell et Bosence, 1991), sous l’influence de modifications climatiques cycliques, du mouvement des frontières écotonales ou de la variation biogéographique de la distribution des espèces (Behrensmeyer, 1982; Behrensmeyer, 1993; Cutler et al., 1999; Behrensmeyer et al., 2007). Ces variations peuvent également être à l’origine de modifications des facteurs taphonomiques. La dimension temporelle est fondamentale lorsque l’on étudie des assemblages paléontologiques car un assemblage fossile peut provenir de plusieurs communautés successives dans le temps (Kidwell et Flessa, 1995). L’ensemble formera une métacommunauté si aucun changement majeur n’est intervenu dans l’abondance et la représentation des taxons des communautés. Ainsi, il est possible que, d’une mission à l’autre, différentes lentilles de sédiment aient été échantillonnées, facilité par le fait que les dunes en mouvement découvrent de nouvelles surfaces et en recouvre d’autres, et que l’érosion éolienne décape progressivement l’Unité à Anthracothères. L’absence de diachronisme entre les espèces est en faveur de l’hypothèse selon laquelle les différentes

26 missions ont permis de rendre compte de la variation locale, écologique et/ou taphonomique, représentée dans certaines localités, et non du fait que différentes paléocommunautés avaient été échantillonnées. En général, la condensation temporelle des restes fossiles permet d’atténuer ces variations locales en homogénéisant la faune (Miller, 1988; Kidwell et Bosence, 1991; Bennington et Bambach, 1996; Kowalewski, 1996; Kowalewski et al., 1998), pour fournir une image globale de la métacommunauté. La durée de condensation temporelle la plus couramment enregistrée est un millier voire plusieurs dizaines de milliers d’années (Kidwell et Flessa, 1995). Le transport produit le même effet sur le patchiness (Cummins et al., 1986) en accumulant en un même lieu des organismes provenant de patchs distants spatialement. Il doit cependant être limité pour ne pas inclure des restes provenant de communautés distinctes. La présence de transport sera discutée plus loin dans ce travail. Celle d’une condensation temporelle peut-être envisagée. La datation radiochronologique de l’Unité à Anthracothères permet d’estimer à moins de 0,36 millions d’années le temps de dépôt de cette unité (Lebatard et al., 2008), ce qui limite la durée d’accumulation des communautés. Même si ces mécanismes sont intervenus, ils n’ont pas été suffisants pour faire disparaître les effets de ces patchiness. Selon leur échelle d’intervention, transport et condensation temporelle ne sont parfois pas suffisants pour homogénéiser les faunes de manière à compenser les variations locales d’une communauté (Bennington et Rutherford, 1999; Bennington, 2003). A défaut, ces différences pourraient provenir d’un troisième type de patchiness : le patchiness de collecte. Ce dernier résulte de différences d’échantillonnage entre missions pour un même site. L’existence d’un tel patchiness a déjà été signalée dans ce chapitre et provient du fait que équipes de fouilles et efforts d’échantillonnage sont variables d’une mission à l’autre. L’impact de la composition du groupe de fouilleurs n’est pas quantifiable. En revanche, celui de l’effort d’échantillonnage doit être limité compte tenu de l’absence de corrélation entre la variabilité du modèle de distribution des taxons entre les missions et celle de la taille des sous-échantillons.

L’une des techniques pour contourner ces éventuelles sources de variation locale est d’effectuer des répliques d’échantillons. En écologie, la réplication est essentielle dans le prélèvement de populations naturelles (Krebs, 1989; Hayek et Buzas, 1997). Elle permet d’associer des barres d’erreurs aux abondances des taxons ou de tout autre paramètre. En paléontologie également, si l’on veut comparer des paléocommunautés locales, il est préférable d’utiliser plusieurs répliques d’un même échantillon fossile plutôt qu’un seul

27 échantillon totalisant le même nombre de spécimens. Ceci augmente la précision et la fiabilité d’une comparaison en diminuant le biais de l’échantillon statistique et en limitant le patchiness (Clark et al., 1967; Bennington et Rutherford, 1999; Bennington, 2003). Pour constituer des répliques d’un échantillon fossile, il faut que le même groupe de personnes collecte les fossiles avec un effort d’échantillonnage identique ou prélever un poids constant de sédiments, sur des aires distribuées aléatoirement sur la surface d’échantillonnage. Un échantillonnage est aléatoire lorsque chaque spécimen a une chance égale d’être collecté (Etter, 1999). Ceci est rarement possible en paléontologie (Bennington et Rutherford, 1999; Etter, 1999). Au contraire, l’échantillonnage est systématique bien que limité aux pièces diagnosiques, comme à TM, ou bien régulier (à intervalles réguliers le long de transects), ou stratifié (zone divisée en compartiments dans lesquels sont collectées aléatoirement des unités d’échantillonnage) ou encore préférentiel (unités d’échantillonnage sélectionnées subjectivement) (Etter, 1999). A TM, les sous-échantillons obtenus à chaque mission ne constituent pas des répliques de l’assemblage fossile au sens strict mais seulement des pseudo-répliques : chaque campagne de fouille correspond à un échantillonnage préférentiel de certains restes (diagnosiques) sur l’ensemble du site, avec un effort d’échantillonnage et un groupe de personne variables. Ainsi, ces pseudo-répliques peuvent pallier le patchiness de collecte et en partie seulement les patchiness taphonomique et écologique car la surface échantillonnée varie au cours du temps en raison du mouvement des dunes et de l’érosion éolienne. Le fait qu’un échantillon fossile ait été constitué au cours de plusieurs missions représente donc un critère important dans le choix d’une localité sur TM. Des études ont montré que trois répliques étaient suffisantes pour estimer la distribution des espèces de populations actuelles (Green, 1979b) ou l’abondance relative de micro-invertébrés fossiles (Bennington et Rutherford, 1999). Cette valeur pourrait donc constituer un critère dans le choix des localités à étudier.

Par ailleurs, la présence de plusieurs missions sur une même localité pourrait permettre de tester la complétude de l’échantillon. Fara et al. (2005) ont déjà constaté, sur les secteurs pliocènes du Tchad (KB, KT, KL), que les taxons principaux d’un site sont généralement échantillonnés à partir de trois missions. Malheureusement, ce critère ne fonctionne pas systématiquement pour TM. Par exemple, à TM266, la première des six missions a livré tous les taxons, tandis qu’à TM90, tous les taxons ont été échantillonnés à partir de la cinquième mission sur un total de sept missions.

28 En résumé, plusieurs critères peuvent être combinés afin de sélectionner les échantillons les plus représentatifs de leur assemblage fossile d’origine : - la taille d’échantillon : pour accéder aux données d’incidence, il faut un minimum de 100 spécimens. Seuls 15 sites ont livré plus de 100 spécimens sur TM. La perte d’information sur l’ensemble du secteur est très importante. De plus, deux des trois sites à hominidés ne font pas partie de cet ensemble bien qu’ils constituent un des éléments centraux de notre étude. Une valeur seuil de 30 spécimens a donc été choisie afin d’inclure un maximum de sites, dont ceux à hominidés, tout en considérant l’importance des biais d’échantillonnage pour les sites les plus pauvres. Pour les données d’ordre d’abondance des taxons, seuls les sites ayant livré un minimum de 150 spécimens ont été conservés. Enfin, seules les abondances relatives de TM266 et TM9 ont été étudiées car ils ont livré plus de 534 spécimens ; - le nombre de taxons : ce paramètre est fortement corrélé au nombre de spécimens. Malgré cela, certains assemblages ayant livré plus de 30 spécimens au niveau Fam/Ordr ont un nombre total de taxons restreint. Ce paramètre ne dépend pas que de l’effort d’échantillonnage mais également de l’état de préservation des fossiles et donc de l’histoire taphonomique du site. On ne considèrera donc de manière arbitraire que les sites ayant livré au moins 5 taxons au niveau taxinomique le plus élevé et pour lesquels au moins un genre a été identifié ; - le nombre de missions : certains sites n’ayant fait l’objet que de deux missions ont livré une richesse taxinomique et un effectif non négligeables. Afin de ne pas se priver de l’information que portent ces assemblages, et malgré la recommandation à 3 missions, la valeur seuil de deux missions a été choisie. De plus, une mission dans la base de données correspond aux fouilles effectuées la même année. Certaines années, plusieurs missions se sont succédées ce qui sous-estime le nombre réel de mission pour certaines localités. Certains de ces critères ne sont pas objectifs mais ils tiennent compte d’une observation attentive de la base de données. La combinaison de ces trois critères permet de retenir 45 sites qui permettront de répondre aux objectifs de l’étude.

I.2- Secteurs pliocènes du désert du Djourab : Koro Toro, Kollé et Kossom Bougoudi

A 700 km au nord-est de N’Djamena, la MPFT a mis au jour 3 secteurs fossilifères : Kossom Bougoudi (KB), Kollé (KL) et Koro Toro (KT). Une datation radiochronologique au 10Be de ces secteurs est venue confirmer et préciser les âges déjà estimés par biochronologie. Ainsi, les âges de KB, KL et KT sont estimés respectivement à 5,26 ± 0,29 Ma (Brunet et al., 2000;

29 Lebatard et al., 2008), 3,96 ± 0,48 Ma (Brunet et al., 1998; Lebatard et al., 2008) et 3,58 ±0,27 (Brunet et al., 1995; Brunet et al., 1997; Lebatard et al., 2008). Dans le cadre de notre étude, seul le secteur de KB sera intéressant compte tenu de son âge Mio-Pliocène.

La topographie assez plane du désert du Djourab laisse sporadiquement émerger des buttes témoins de la série stratigraphique de cette aire fossilifère, au faciès continental. La base est composée d’une succession de grès fluvio-lacustres, généralement peu consolidés et entrecoupés de passées argileuses et diatomitiques. Ces niveaux sont surmontés par des diatomites, elles-mêmes coiffées de pélites. Cet ensemble est recouvert par un niveau gréseux qui repose en contact érosif sur les argiles (Brunet et al., 2000; Schuster, 2002). Les faciès gréseux seraient le résultat d’une succession d’écoulements éphémères à forte charge sédimentaire, de type « crues », creusant des chenaux sur une vaste plaine alluviale. Ces phases d’inondation alternent avec de longues périodes d’exondation, d’échelle pluriannuelle, comme en témoignent les fentes de dessiccation, la forte densité de conduits racinaires et la présence de bioturbations (Brunet et al., 1997; Brunet et al., 2000; Duringer et al., 2000a; Duringer et al., 2000b; Schuster et al., 2000). Les diatomites marquent l’installation d’un épisode lacustre, de faible profondeur et d’étendue limitée. L’extension et l’approfondissement de ce lac conduit ensuite au dépôt des pélites (Schuster et al., 2000). Ces séquences « grès-diatomites-pélites » s’inscrivent dans un contexte régional de fluctuations climatiques de type semi-aride à humide, où cours d’eau éphémères et lacs francs alternent (Brunet et al., 1997; Duringer et al., 2000b; Schuster et al., 2000).

L’essentiel de la faune de vertébrés est concentrée dans les niveaux gréseux inférieur et supérieur. Compte tenu de l’absence de différence dans le degré évolutif des taxons provenant de ces deux niveaux, les fossiles ont été regroupés au sein d’un même échantillon (Brunet et al., 2000). Ils ont été collectés en surface ou in situ. Le caractère anguleux des grains, l’absence de stratification oblique ainsi que la fréquence des restes de vertébrés encore en connexion et l’absence d’os roulés témoignent d’un milieu de sédimentation calme, avec un transport limité des restes squelettiques (Brunet et al., 1997). Les faunes et les analyses isotopiques révèlent la présence de paysages mosaïques, allant des forêts galeries aux savanes arborées à très ouvertes et parsemées d’espaces de prairies humides (Brunet et al., 2000; Zazzo et al., 2000). Les indices sédimentologiques soulignent la présence de conditions aquatiques pérennes, confirmée par la présence d’oiseaux aquatiques

30 et les nombreux restes de poissons, crocodiles, tortues aquatiques, hippopotames (Brunet et al., 2000).

Par rapport à TM, ce secteur a livré moins de restes de vertébrés (1320 spécimens) et moins de localités ont également été découvertes (30). Ce secteur a déjà fait l’objet d’une étude paléoécologique dans laquelle la qualité d’échantillonnage et la représentativité des assemblages ont été testées (Fara et al., 2005). Pour leur étude, Fara et al. (2005) ont retenu les sites ayant fait l’objet d’au moins 3 campagnes de fouilles et ayant livré un minimum de 10 spécimens. Ce sont ces mêmes localités qui seront utilisées dans les analyses qui suivront (Annexe 1). Au sein de ce secteur, les localités montrent une certaine hétérogénéité dans leur structure faunique et écologique, qui résulterait du caractère mosaïque de l’environnement. Bien que ce secteur représente une entité homogène d’un point de vue écologique, par rapport aux autres secteurs pliocènes du Tchad (Fara et al., 2005), seul l’assemblage le plus échantillonné (KB03) sera utilisé pour représenter la structure écologique de cette zone. En effet, l’utilisation de valeurs médianes, calculées sur les 3 assemblages de KB, pour estimer les abondances relatives des catégories écologiques n’est pas significative et ne permet pas de rendre compte du patchiness écologique des environnements associés.

II- Assemblages africains du Miocène supérieur-Pliocène basal

En Afrique, le registre fossile datant de la fin du Miocène supérieur ou proche de la limite Mio-Pliocène est relativement pauvre. A ce jour, en plus de Toros-Menalla, une dizaine de secteurs ont été découverts, parmi lesquels deux ont livré des restes d’hominidés. La plupart de ces assemblages ont fait l’objet d’études approfondies en raison d’un intérêt particulier porté à cette période, témoin de modifications fauniques et climatiques (Cerling et al., 1993; Leakey et al., 1996; Cerling et al., 1997; Hill, 1999; Franz-Odendaal et al., 2002; Kingston et al., 2002; Winkler, 2002), mais également de l’émergence des hominidés. Seuls les 12 assemblages les plus riches et résultant de plusieurs campagnes de fouilles ont été retenus pour les analyses qui suivront (Tabl. 1.1, Fig. 1.1).

Formation de Nawata Située dans le secteur de Lothagam, à l’ouest du lac Turkana (nord Kenya), cette formation appartient à un important complexe fossilifère qui s’étage du Miocène moyen au Pléistocène.

31 Découverte dans les années 30, cette aire fossilifère est, depuis les années 80, étudiée par l’équipe du Kenya National Museum’s Turkana Basin Palaeontology Project. La datation radiochronologique a été possible grâce à l’intercalation de matériel volcanique qui a permis de positionner la formation de Nawata entre 7,44 et 5 Ma. Cette formation se divise en deux niveaux, séparés par un tuff volcanique daté à 6,54 Ma (McDougal et Feibel, 2003). Les sédiments, sous forme de grès alternés avec des mudstones, se sont déposés dans un important système fluviatile accompagné de marécages et de plaines d’inondation (Feibel, 2003). La faune et les paléosols enregistrent une augmentation de l’aridité vers 6,7 Ma. De zones boisées fermées et luxuriants associés à des marécages dans la formation de Nawata inférieure, on passe à un environnement plus ouvert de savane sèche à buissons épineux et de forêts galeries en bordure de rivières (Leakey et Harris, 2003; Wynn, 2003). L’étude des paléosols a révélé la présence de saisons sèches annuelles ou bi-annuelles prononcées (Wynn, 2003). Les analyses isotopiques sur l’émail dentaire des grands mammifères suggèrent l’importante proportion d’habitats mixtes à composante herbeuse significative (bois herbeux),

la présence d’habitats de purs C3 (forêt riveraine) et l’absence de purs C4 (prairie), bien que

certains taxons soient des mangeurs en C4 (e.g. Eurygnathohippus, , ) (Cerling et al., 2003).

Tableau 1.1 – Liste des assemblages africains du Miocène supérieur étudiés dans ce travail. Les âges sont estimés par radiochronologie (r) et par biochronologie (b). Les secteurs ayant livré des restes d’hominidés sont signalés par un astérisque (*). Membre ou Mise à Formation Abréviation Secteur Pays Age (Ma) jour niveau globale supérieur Nsup 5-6,54r Nawata Lothagam Kenya (McDougal et Feibel, 2003) 2003 inférieur Ninf 6,54-7,44r speckled tuff Lemudong'o Lem Narok Kenya 6,084 ± 0,018r (Ambrose et al., 2003) 2007 grès inférieur Kossom- Désert du (Brunet et al., 2000; KB Tchad ~5,3b, r 2000 Bougoudi Djourab Lebatard et al., 2008) Ouganda- Nkondo Nko Kaiso-Nkondo 5-6b (Pickford et al., 1993) 1994 RDC Aouache Adu Asa* Asa Koma Asa Ethiopie 5,54-5,77r (WoldeGabriel et al., 2001) 2009 Moyen PPM PPM Afrique Varswater Langebaanweg ~5b (Hendey, 1981) 1981 QQM QSM du Sud Vallée de Manonga Ibole Man Tanzanie ~5-5,5b (Harrison, 1997) 1997 Manonga Bassin de (Bernor et al., 2008; Sahabi U1 Sah Libye ca 6,5b 2008 Syrte Sanders, 2008) supérieur 6-8b (Whybrow et Hill, 1999) Baynunah Bay Abu Dhabi Arabie 1999 inférieur ~6,5b (Bibi et al., 2006) Kapcheberek Lukeino* Kapsomin Luk Tugen Hills Kenya 5,7-6r (Sawada et al., 2002) 2001 Kapgoywa

32 Formation de Nkondo Les campagnes de fouilles conduites par l’Uganda Palaeontology Expedition (1986-1992), à proximité du lac Albert (frontière entre l’Ouganda et la République Démocratique du Congo), ont permis d’extraire de nouveaux fossiles de la région de Kaiso-Nkondo. La succession stratigraphique s’échelonne du Miocène supérieur au Pléistocène. En particulier, la formation de Nkondo, datée biochronologiquement à 5-6 Ma, a révélé des dépôts lacustres d’argiles et de silts correspondant à un lac d’environ 100m de profondeur (Pickford et al., 1993). La faune et la flore témoignent de la présence de forêts semi-décidues denses et humides, mais également d’habitats plus ouverts tels que des savanes boisées ou herbeuses à arbustes, et de la végétation marécageuse au niveau des rivières (Pickford et Senut, 1994).

Formation de Baynunah Cette formation se situe dans les Emirats Arabes Unis d’Abu Dhabi. Des fouilles ont été conduites depuis les années 70, puis ont été tout récemment reprises par Hill et Bibi. Les sédiments, des grès à grains fins intercalés avec des mudstones et des limestones peu épais (Whybrow et al., 1999), se sont déposés dans un système fluviatile en tresse peu profond. Les crues devaient être brèves mais de forte énergie pour permettre un transport et une érosion importants des sédiments (Friend, 1999). Sous un climat saisonnier et chaud (Kingston et Hill, 1999), l’environnement était composé de forêts riveraines et d’habitats progressivement plus ouverts avec l’éloignement de la rivière, allant de bois herbeux à des prairies boisées.

Formation de Sahabi Découverte dans les années 20 par Desio et Petrocchi, cette formation, localisée dans le bassin de Syrte (nord Libye), a été fouillé pendant les années 80 par l’International Sahabi Research Project (ISRP), puis depuis 2005 par l’East Libya Neogene Research Project (ELNRP). Elle s’intègre à un ensemble allant du Miocène moyen au Pliocène moyen. Il existe un important diachronisme entre les membres de la formation de Sahabi (Cooke, 1987; Boaz, 2008), mais la liste faunique utilisée dans cette étude provient exclusivement du membre U1 daté autour de 7 Ma (Boaz, 2008). Ce membre correspond à des dépôts de chenaux littoraux, constitués de grès avec des lentilles d’argiles (de Heinzelin et El-Arnauti, 1987; Muftah et al., 2008). Malgré un climat sec et chaud, avec des fluctuations saisonnières marquées et une longue saison sèche, la grande quantité d’eau disponible sous forme de rivières et de lagunes a permis le développement d’une faune variée et de biotopes diversifiés : des paysages ouverts

33 de savanes boisées et de prairies semi-désertiques, voire des déserts, ainsi que des milieux plus denses de forêt galerie (Dechant Boaz, 1987; Deschamps et Maes, 1987; Agusti, 2008; Boaz, 2008).

Formation de Lemudong’o Dans le sud du Kenya, à 100 km à l’ouest de Nairobi, affleurent des sédiments s’étalant du Miocène supérieur au Pléistocène supérieur. Le potentiel paléontologique de cette aire a été reconnu depuis 1974 (Bower et al., 1977). A partir de 1994, les recherches ont été approfondies, jusqu’à la découverte de la localité de Lemudong’o, très riche en restes de vertébrés. Les fossiles proviennent principalement d’un niveau de mudstone (le speckled tuff), daté radiochronologiquement à 6,084 ±0,018 Ma (Ambrose et al., 2003; Ambrose et al., 2007b). Cependant, ceux provenant d’un niveau gréseux inférieur, d’âge similaire, ont également été considérés pour certaines analyses. Les restes squelettiques se sont déposés dans la zone marginale d’un lac peu profond et fréquemment inondée (Ambrose et al., 2003; Ambrose et al., 2007a). La faune atteste la présence de milieux forestiers ou des bois avec une canopée dense en bordure de lac, ainsi que de bois herbeux. Des zones plus ouvertes de savane arborée devaient être présentes aux alentours (Ambrose et al., 2007a). La faune aquatique est restreinte à des crocodiles et des hippopotames, certainement en raison de la faible dimension des lacs, au caractère éphémère (Ambrose et al., 2007a).

Formation d’Adu Asa La moyenne vallée de l’Aouache, où affleure cette formation, se situe dans la région des Afars (Ethiopie). Les premières missions géologiques dans cette zone remontent aux années 30, mais c’est seulement en 1974 que les premiers fossiles sont mis au jour (Taieb, 1974). Les missions initiées en 1981 par le Middle Awash Paleoanthropological Research Project ont permis de collecter à ce jour plus de 10000 fossiles, dont les restes d’un hominidé ancien, Ardipithecus kadabba (Haile-Selassie, 2001). Dans cette zone affleurent des dépôts fluviatiles et lacustres intercalés avec des horizons d’origine volcanique, allant du Miocène supérieur au Pléistocène. Au sein de la formation d’Adu Asa, les dépôts fluviatile du membre Asa Koma, daté radiochronologiquement entre 5,54-5,77 Ma, ont livré une riche faune de vertébrés (WoldeGabriel et al., 2001). Les analyses isotopiques et fauniques indiquent la présence d’habitats de forêts ou de bois denses riverains, ainsi que des habitats de prairies humides installées sur des plaines

34 d’inondation (WoldeGabriel et al., 2001; Haile-Selassie et al., 2004; Su et al., 2009). Les habitats de savanes arides devaient représenter une faible part du paysage (Su et al., 2009).

Formation de Varswater Cette formation affleure dans l’aire de Langebaanweg, dans la Province du Cap en Afrique du Sud. D’abord exploitée en tant que gisement de phosphate, son intérêt paléontologique n’a été révélé qu’en 1958 avec la découverte de restes de vertébrés fossiles (Singer et Hooijer, 1958). Les deux principaux niveaux fossilifères, PPM (Pelletal Phosphate Member) et QSM (Quartzose Sand Member) montrent des différences fauniques que certains interprètent comme une différence temporelle où PPM serait plus jeune (e.g. Matthews, 2006; Werdelin, 2006), d’autres comme résultant d’une différence taphonomique (e.g. Sanders, 2007). En raison de sa proximité avec la mer, la succession sédimentaire a été considérablement influencée par les fluctuations du niveau marin (Hendey, 1981). QSM représente un complexe estuarien avec des plaines d’inondation, des marécages et des faciès de replats de marrée. PPM est constitué de dépôts fluviatiles et de phosphates marins littoraux. Pour ces deux membres, on suppose des milieux forestiers et boisés, avec un développement accru des prairies dans la partie supérieure de PPM, associé à l’apparition de fynbos2, une végétation peu favorable à l’implantation des grands mammifères (Hendey, 1981). Cet environnement se serait installé sous un régime de pluies saisonnières et parfois des sécheresses importantes avec des températures de type tempéré. Selon les études isotopiques (Franz-Odendaal et al., 2002), il n’y a vraisemblablement pas ou très peu de plantes en C4 à cette époque dans cette région, les prairies étant occupées par des graminoïdes de type C3 (Merceron et Ungar, 2005; Ungar et al., 2007). PPM est divisé en deux niveaux, 3aS et 3aN, séparés par 0,5 Ma. Le niveau le plus jeune, PPM.3aN correspondrait à un environnement plus ouvert que PPM.3aS (Ungar et al., 2007).

Formation de Manonga Située dans le nord de la Tanzanie, cette formation a été découverte en 1929 (Stockley, 1930; Grace et Stockley, 1931), puis les explorations ont été reprises en 1990 par la Wembere- Manonga Paleontological Expedition (WMPE). Cette formation se divise en 3 membres qui recouvrent une période de 1,5 Ma. Le membre inférieur (Ibole) est daté biochronologiquement à ~5-5,5 Ma (Harrison et Baker, 1997) et sera seul inclus dans cette

2 Végétation sclérophylle caractéristique du sud de l’Afrique du Sud.

35 étude. Ce membre correspond à un environnement de dépôts lacustres. Les argiles du lac laissent la place à des paléosols témoignant de courtes phases d’assèchement du lac, présentes surtout dans la partie supérieure du membre associé à un climat saisonnier (Verniers, 1997). La faune aquatique suggère un lac peu profond et bien oxygéné (Harrison, 1997d) La faune provient d’habitats variés formés de broussailles et de bois denses, avec des zones plus ouvertes en faible proportion (Harrison, 1997d).

Formation de Lukeino Située dans les Tugen Hills, à l’ouest du lac Baringo (Kenya), cette formation est ceinturée entre deux niveaux volcaniques : la Trachyte de Kabarnet et les basaltes de la formation de Kaparaina, radiochronologiquement datés à 6,2 ± 0,19 Ma et 5,65 ± 0,07 Ma respectivement (Sawada et al., 2002). Ces sédiments fluviatiles et lacustres ont notamment livré les restes d’un hominidé ancien, Orrorin tugenensis (Senut et al., 2001). La faune indique la présence d’habitats boisés et forestiers en bordure de lacs et rivière, et de paysages plus ouverts à proximité (Pickford et Senut, 2001; Winkler, 2002).

La plupart des listes fauniques provenant de ces sites ont été récemment mises à jour, soit à travers un volume qui traite l’ensemble de la faune, soit par le biais de plusieurs articles portant sur un groupe en particulier. Ces mises à jour sont fondamentales pour la comparaison de faunes fossiles car elles évitent la présence d’espèces synonymes entre différents sites. Ce type d’erreur diminue la valeur de similarité entre les sites concernés. Malgré ces mises à jour, il convient de traiter ces listes fauniques de manière à limiter les biais d’identification taxinomique liés à une mauvaise préservation des restes ou à un manque de consensus concernant certains taxons.

Afin de rendre les assemblages plus comparables, les signes d’incertitude ou de nomenclature ouverte (« ? », « cf. » et « aff. ») portant sur les taxons de rang générique ou spécifique n’ont pas été pris en compte. Les deux premiers sont appliqués lorsque qu’il y a un doute sur l’appartenance du matériel au taxon correspondant, généralement à cause d’une mauvaise préservation ou d’un matériel trop pauvre pour ôter ce doute. Si ces deux taxons sont présents dans le même assemblage, on prend le risque de compter deux fois le même taxon en conservant ce préfixe, un biais qui n’est pas négligeable lorsque l’on étudie la structure écologique des assemblages. Dans le cas où ces deux taxons ont été identifiés dans deux faunes différentes, la conservation du « cf. » ne ferait que diminuer la similitude entre les

36 deux faunes. Le symbole « aff. » devant un nom d’espèce exprime la forte ressemblance avec cette espèce tout en conservant suffisamment de différences pour ne pas être attribuée à celle- ci. Ceci traduit une forte proximité morphologique et certainement un lien de parenté fort entre les deux taxons, suggérant une connexion entre les deux faunes, effective lors de la formation des assemblages ou très récemment rompue. Il faut garder également à l’esprit que ces faunes ne sont pas parfaitement contemporaines et que, par conséquent, les différences observées entre les taxons peuvent résulter simplement d’une variation temporelle. Il est donc important de faire intervenir ce lien dans l’évaluation de la similitude entre deux faunes.

III- Construction des jeux de données

Les structures taxinomiques et écologiques des assemblages fossiles ont été établies à partir de matrices taxons/sites. D’un taxon à l’autre et d’un site à l’autre, la résolution de l’identification taxinomique est variable (niveau ordinal à spécifique). Par exemple, certains sites de TM ont livré des restes d’Hipparion, tandis d’autre ont livré des Equidae restés au stade indéterminé. Potentiellement, ces derniers représentent également le genre Hipparion. Ainsi, afin d’intégrer un maximum d’information tout en conservant une certaine homogénéité au sein des données, plusieurs matrices ont été construites. Pour chacune d’entre elle, les taxons ont été rapportés à un niveau d’identification qui est équivalent, d’un groupe à l’autre, selon la somme de caractères nécessaires pour les identifier. La difficulté d’identification d’une famille de Carnivora sera donc comparable à celle d’une tribu de Bovidae. Chaque niveau d’équivalence inclura ainsi des taxons équivalents d’un point de vue diagnosique et seront donc qualifiés de niveaux d’inclusion taxinomique. Dans cette étude, 5 niveaux d’inclusion taxinomique ont été considérés et testés sur le matériel provenant des 45 assemblages sélectionnés de TM (Tab. 1.2). Le niveau Fam/Ordr correspond ici au plus haut niveau d’inclusion taxinomique, c’est-à- dire le niveau de résolution systématique le plus grossier, et inclut des familles et des ordres de mammifères. Pour l’ensemble des sites de TM, il totalise 6000 spécimens répartis entre 12 taxons. En augmentant la résolution d’identification taxinomique de certains taxons, on obtient le niveau Trib/Fam, qui inclut uniquement des familles, des sous-familles ou des tribus de mammifères. Ce niveau apporte de la précision dans l’identification des taxons dont le nombre total a plus que doublé, passant de 12 à 30 (Fig. 1.6). En revanche, le nombre total

37 Tableau 1.2 – Composition taxinomique des niveaux d’inclusion taxinomique construits pour les assemblages de TM. Pour chaque niveau, le nombre total de taxons (T) et de spécimens (S) sont précisés. Le niveau Maxi n’est pas représenté car il inclut potentiellement l’ensemble des taxons cités dans ce tableau.

Fam/Ordr Trib/Fam Gen Esp Anthracotheriidae Anthracotheriidae Libycosaurus Libycosaurus petrochii Bovidae Aepycerotini Aepyceros Alcelaphini Bovini Antilopini Gazella Hippotragini Saheloryx Saheloryx solidus Tchadotragus Tchadotragus sudrei Reduncini Carnivora Amphicyonidae Hyaenidae Chasmaporthetes Chasmaporthetes australis Hyaenictitherium Hyaenictitherium minimum

Felidae Felis Dinofelis Machairodus Machairodus kabir Herpestidae Galerella Galerella sanguinea Herpestes Mustelidae Djourabus Djourabus dabba Sivaonyx Sivaonyx beyi

Howellictis Howellictis valantini Viverridae Sahelictis Sahelictis korei

Canidae Vulpes Vulpes riffautae Equidae Equidae Hipparion Hipparion abudhabiense Giraffidae Giraffinae Bohlinia Bohlinia adoumi Giraffa Giraffa jumae Sivatheriinae Sivatherium Sivatherium hendeyi Hippopotamidae Hippopotamidae Hexaprotodon Hexaprotodon garyam Lagomorpha Leporidae Serengetilagus Serengetilagus tchadensis Primates Cercopithecidae Hominidae Sahelanthropus Sahelanthropus tchadensis Gomphotheriidae Anancus Anancus kenyensis Elephantidae Loxodonta Primelephas Primelephas korotorensis Stegodibelodon Stegodibelodon schneideri Stegotetrabelodon syrticus Rodentia Hystricidae Hystrix Sciuridae Xerus Muridae Arvicanthis Suidae Nyanzachoerus Nyanzachoerus syrticus Tubulidentata Tubulidentata Orycteropus Orycteropus abundulafus S = 6000 S = 2977 S =887 S = 554 T= 12 T= 30 T= 36 T= 25

38 de spécimens a diminué de moitié (de 6000 à 2977) et les échantillons ne sont plus arrangés dans le même ordre selon leur effectif. Cependant, ils conservent un arrangement similaire puisque la corrélation entre les effectifs des échantillons aux niveaux Fam/Ordr et Trib/Fam est élevée (corrélation de Spearman : r = 0,831 ; p < 0,05 ; N = 45), avec une variation moyenne du classement de l’échantillon selon son effectif de 4 rangs. L’ordre d’abondance totale des taxons considérés au niveau Fam/Ordr mais incluant uniquement les spécimens comptabilisés au niveau Trib/Fam a peu changé (corrélation de Spearman : r = 0,921 ; p < 0,05 ; N = 45), avec une différence maximale de deux rangs d’un niveau à l’autre. Néanmoins, certains taxons ont perdu un nombre important de spécimens en passant au niveau Trib/Fam. C’est le cas des Bovidae qui perdent 83% de leur effectif, suivi par les Proboscidea et les Carnivora dont respectivement 45% et 42% de leurs spécimens sont exclus. L’ordre d’abondance de ces taxons diminue, au profit de ceux dont le niveau taxinomique n'a pas changé (Anthracotheriidae, Hippopotamidae, Equidae et Giraffidae). La différence dans le pourcentage de matériel exclu d’un groupe de mammifère à l’autre est liée à un nombre variable de pièces diagnosiques selon le groupe. Par exemple, chez les Bovidae, peu d’éléments post-crâniens permettent une identification des spécimens au-delà du niveau familial. Ce matériel représente les 2/3 de l’ensemble des Bovidae au niveau Fam/Ordr mais ne représente plus que 3% au niveau Trib/Fam.

Figure 1.6 – Nombre total de spécimens et de taxons représentés sur l’ensemble des sites de TM aux différents niveaux d’inclusion taxinomique.

39 Le niveau Gen ne comporte que des taxons identifiés au moins au niveau générique. Le niveau Esp correspond au niveau spécifique. Il a subit une perte importante de taxons par rapport au niveau Gen pour des effectifs similaires (Fig. 1.6). Sur l’ensemble de ces jeux de données basés sur la hiérarchie linnéenne, le niveau Gen est celui qui permet d’obtenir le plus de taxons (Fig. 1.6). Il est d’autant plus intéressant qu’il préserve une intégrité taxinomique. Enfin, le niveau Maxi inclut tous les spécimens d’un site, quelque soit le niveau taxinomique atteint, mais en supprimant les redondances. Par exemple, si les taxons Hipparion sp. et Equidae indet. sont présents dans un même site, les Equidae indet. seront exclus de la matrice pour ce site car ils sont potentiellement redondants avec les Hipparion sp.. Ce niveau permet de maximiser le nombre de taxons tout en conservant un nombre important de spécimens (Fig. 1.6).

Les jeux de données des autres assemblages fossiles ont été construits sur le même principe que pour TM, sauf pour le niveau Gen/Trib qui apporte finalement peu d’information. L’annexe 1 présente les différents taxons retenus à chaque niveau taxinomique pour l’ensemble des sites fossiles considérés dans cette étude, c’est-à-dire ceux de TM mais également les sites pliocènes du Tchad et les assemblages africains contemporains à TM.

40 Chapitre 3

Base de données modernes

I- Définition des environnements africains modernes

I.1- Classification des environnements africains modernes

I.1.1- Selon le type d’habitats

Une formation végétale est un ensemble de végétaux définissant un habitat (Vesey- FidzGerald, 1963) et peut-être caractérisée selon deux modes de classification. L’approche physionomique se base sur la structure de la végétation, c’est-à-dire la hauteur et le recouvrement au sol des différentes couches, les formes de croissance dominantes (arbres, arbustes, herbes, etc.) et la périodicité végétative (degré de changement saisonnier). L’approche phytosociologique reconnaît les différents types de végétation en fonction de leur composition spécifique (White, 1986; Eiten, 1992). Ces deux aspects de la végétation ne sont pas contraints par les mêmes facteurs. Le premier est sous l’influence majeure de facteurs climatiques (précipitations, températures, taux d’humidité, ensoleillement, etc.), géologiques (nature du sol et du sous-sol) et topographiques (altitude), tandis que les espèces rencontrées résultent essentiellement de facteurs évolutifs et historiques (dispersion et migration d’espèces) (Shorrocks, 2007). Dans le cadre de reconstitutions paléoenvironnementales, la physionomie de la végétation présente un intérêt particulier car elle est applicable à tout type de végétation dans le monde, quelle que soit leur composition floristique (Eiten, 1992). D’après le principe d’actualisme, on suppose qu’elle peut également s’appliquer à des environnements passés. Par ailleurs, elle permet de rendre compte, selon la précision atteinte, de facteurs environnementaux tels que précipitations, température et composition des sols (Shorrocks, 2007). Plusieurs auteurs se sont employés à définir les différents types actuels de végétation rencontrés en Afrique selon cette approche (voir (Lawesson, 1994 pour une revue). Parmi eux, White (1983, 1986) a fourni une classification encore couramment utilisée aujourd’hui car elle représente un bon compromis entre la nécessité de rendre compte de la variété des

41 habitats représentés en Afrique et celle de regrouper ces formations en grands ensembles homogènes. Sa classification se base sur 17 catégories de végétation dont la définition repose sur l’étude des grandes formations régionales d’Afrique. Malgré les définitions précises qu’il a fournies, il est souvent difficile de classer les parcs nationaux africains dans ces catégories à partir de la littérature. L’environnement associé à ces parcs naturels est généralement constitué d’un mélange d’habitats dont les proportions et l’arrangement ne sont pas toujours précisés. Les auteurs décrivent généralement la végétation du parc de manière phytosociologique sans détailler sa physionomie. Lorsqu’ils abordent la physionomie de la végétation, ils emploient souvent les termes très généraux et rarement définis de woodland et de savannah, qualifiés de treed, grassed, scrubed, etc. La classification de White (1986) a donc été simplifiée : certaines catégories ont été regroupées car difficiles à distinguer dans la littérature, d’autres ont été supprimées car représentées en très faible proportion dans la nature ou recouvrant en partie certaines catégories (Tabl. 1.3). En particulier, les formations de transition d’importance locale ont été omises car la présence de ce type de végétation implique généralement celle des deux types de végétation à proximité.

Tableau 1.3 – Classification physionomique des grands types de formations végétales rencontrées en Afrique, simplifiée par rapport à celle proposée par White (1986).

Formations Définition de la structure Recouvrement Hauteur des végétales physionomique des cimes cimes

Forêts Peuplement continu ou ouvert d’arbres. > 40 % > 8 m Formations Peuplement fermé de buissons (plante de port > 40 % 3-7m buissonnantes intermédiaire entre un arbuste et un arbre). Formations Peuplement ouvert ou fermé d’arbustes. variable 10 cm – 2 m arbustives Couvert de graminées et autres herbes, et de Formations plantes ligneuses (arbres, buissons, 10 - 40 % - herbeuses boisées arbustes,…) éparses ou regroupés. Formations Couvert de graminées (dominantes) et autres < 10% - herbeuses herbes. Déserts Couvert végétal clairsemé. - -

Formations Peuplement varié d’affinité aquatique, d’eau variable variable édaphiques douce ou saumâtre.

42 I.1.2- Selon l’agencement des habitats

La structure d’un environnement correspond à l’agencement dans l’espace des différents habitats qui le composent : forment-ils un continuum dans l’espace ou sont-ils imbriqués les uns dans les autres sous forme de patchs ? L’agencement en mosaïque des habitats résulte principalement de facteurs édaphiques (nature du sol, présence d’eaux souterraines) et de la géométrie des lacs et des rivières (Reed et Rector, 2007). Les sources d’eau pérennes contraignent l’implantation de certains types de végétation. Par exemple, quel que soit l’habitat dominant d’un milieu, les rivières sont généralement bordées par des forêts ou par des prairies édaphiques pour celles qui subissent des crues répétées fertilisant les sols (Reed et Rector, 2007). Dans la partie éthiopienne de la vallée du rift, certains lacs (e.g. Chamo et Abaya) fournissent une quantité d’eau souterraine telle qu’ils peuvent entretenir une végétation plus luxuriante que ce que la nature du sol et les conditions climatiques ne le permettraient (Reed et Rector, 2007). Un exemple moderne d’environnement mosaïque est celui que l’on rencontre dans le Delta de l’Okavango (Botswana). Malgré une topographie plane et une homogénéité dans la nature des sols, on observe des variations importantes de végétation sur de courtes distances (Ramberg et al., 2006). Les modifications de circulation des cours d’eau et les inondations sont les facteurs prépondérants intervenant dans la structuration de cet environnement. La migration des cours d’eau sculpte dans le paysage des îlots de hauteur variable, généralement initiés par des termitières. Ces différences de topographie (2 mètres au maximum) induisent des différences dans la fréquence et la durée des périodes d’inondation et contraignent le type de végétation pouvant s’y implanter. Dans les environnements où les systèmes fluviatiles et lacustres sont moins complexes, on rencontre généralement une organisation des habitats selon une modification progressive de la densité du couvert arboré et de la hauteur des couches de végétation. Il est courant d’observer en bordure de lac ou de rivière une forêt associée à des clairières, qui laissent place en s’éloignant à des savanes arbustives, puis à des savanes herbacées. Ce type de structure, que l’on qualifiera de graduelle, s’observe également en présence de variation d’altitude, à l’origine de fluctuations des conditions de précipitation et de température. Une telle structure est présente sur le Mont Kenya où l’on assiste à un étagement de la végétation le long de ces pentes. Les herbes et buissons sont remplacés par un environnement plus forestier à partir de 1740 m. Vers 3100m, la hauteur des strates de végétation se réduit et la

43 forêt laisse progressivement place à une lande qui devient de plus en plus clairsemée et rocailleuse avec l’altitude (Moreau, 1944a, 1944b).

L’arrangement des habitats d’un environnement n’est généralement pas précisé dans la littérature car il reste difficile à appréhender. Les types graduels et mosaïques représentent des cas idéaux, que l’on rencontre finalement peu dans la nature. La structure d’un environnement étant le résultat de plusieurs facteurs (nature du sol, disponibilité en eaux de surface et souterraine, altitude) et de leur distribution, on rencontrera généralement un mélange de ces deux types de structure ou un motif qui s’approche de l’une ou l’autre. Enfin, ce concept structural dépend de l’échelle spatiale considérée. A l’échelle locale, la plupart des savanes africaines sont mosaïques car la variabilité locale est importante (Shorrocks, 2007). A l’inverse, dans un environnement mosaïque peuvent être observées des zones de structure graduelle, centrée autour d’un îlot de végétation.

I-2. Quel lien entre facteurs climatiques et formations végétales ?

Le type de végétation représenté dans un milieu relève de la conjonction de facteurs climatiques (précipitations, températures, taux d’humidité, ensoleillement, saisonnalité), topographiques, géologiques (sols, drainage dans le sous-sol), biologiques (homme et espèces herbivores) et historiques (Vesey-FidzGerald, 1963; Shorrocks, 2007). Certains facteurs ont néanmoins une importance prépondérante sur le type de végétation implanté dans une région. Il existe ainsi une forte corrélation entre précipitations et végétation : les forêts occupent des territoires où les précipitations sont élevées (>1270 mm), tandis que les formations de plantes à Acacia sont associées à des faibles précipitations (76 mm). Les zones boisées et les prairies arborées abondent dans les zones de précipitations intermédiaires (Vesey-FidzGerald, 1963). Il existe également une bonne corrélation entre le type de sols et certains assemblages d’espèces végétales (Vesey-FidzGerald, 1963). La reconstitution d’un environnement ne permet pas toujours d’appréhender les conditions climatiques (essentiellement précipitations et température) associées. Certaines formations végétales peuvent être apparues sous l’effet de conditions climatiques favorables. Mais elles peuvent avoir été maintenues par la suite par d’autres facteurs tels que des facteurs édaphiques, des feux récurrents ou du surpâturage. C’est généralement le cas des savanes secondaires, maintenues en raison de facteurs qui ne permettent pas l’implantation d’espèces ligneuses et favorisent la prolifération des graminées (White, 1986; Delvingt et al., 1990).

44

II. Jeux de données

Pour les faunes modernes, deux types de données ont été exploités et comparés aux assemblages fossiles dans le cadre de reconstitutions paléoenvironnementales : la liste des espèces de mammifères associées à leurs caractéristiques écologiques et l’abondance des grands mammifères. Les listes fauniques doivent inclure des faunes peu perturbées par l’action anthropique et en nombre suffisant pour rendre compte de la diversité d’habitats rencontrés sur ce continent. L’action humaine a perturbé un grand nombre d’écosystèmes et peu de peuplements naturels subsistent. Cependant, sur le continent africain, ces zones se trouvent essentiellement dans la région méditerranéenne et la zone de transition Méditerranée- Sahara. Ailleurs subsistent suffisamment de peuplements pour que la végétation primitive se régénère (White, 1986). Par ailleurs, afin d’obtenir une image complète de la faune présente dans un secteur et qui tienne compte des variations locales dans la distribution des taxons, seules les listes fauniques établies au cours de plusieurs campagnes de recensement (la même année ou sur plusieurs années, à des saisons différentes) ont été incluses, à quelques exceptions près. La sélection des faunes selon ces critères a en plus été contrainte par la disponibilité des données dans la littérature. Si de nombreux travaux s’intéressent à des espèces de zones protégées d’Afrique, peu d’études concernent l’ensemble de la faune mammalienne présente dans ces environnements. Lorsque c’est le cas, la liste fournie n’inclut que les taxons les plus communs ou les plus grands, par choix ou à cause de recensements peu poussés. De plus, la composante micro-mammalienne est rarement étudiée de manière exhaustive. En général, les espèces les plus petites sont plus difficiles à recenser et font défaut dans les listes fauniques. Finalement, un total de 29 listes fauniques modernes a été constitué, considérées comme complètes, c’est-à-dire incluant l’ensemble, ou presque, des espèces de mammifères du secteur. Par ailleurs, dans le cadre de reconstructions paléoenvironnementales, il est indispensable que faunes modernes et fossiles soient comparables. Les faunes fossiles présentent des biais qu’il faut absolument prendre en compte lors de comparaisons quantitatives pour ne pas aboutir à des conclusions erronées. Le biais le plus fréquemment rencontré dans les échantillons fossiles et surtout le plus facile à identifier est celui de la sous-représentation des petites espèces (Soligo et Andrews, 2005), résultat de manques de préservation (Shotwell, 1955) ou de récolte (Soligo et Andrews, 2005). Afin de rendre plus comparables les données modernes

45 et passées, il est d’usage d’exclure cette composante altérée ou manquante des faunes actuelles (Reed, 1997, 1998; Kovarovic et al., 2002; Reed et Rector, 2007). Deux jeux de données volontairement appauvris en certaines gammes de taille ont été construits, l’un excluant les micromammifères (<1kg), l’autre l’ensemble des petits mammifères (<10kg). Ces ajustements permettent en outre d’ajouter des faunes modernes pour lesquelles cette composante est manquante ou mal estimée, ce qui augmente la diversité des environnements représentés dans le jeu de données. L’ensemble de ces 54 faunes modernes figure dans l’annexe 2, ainsi que l’environnement auquel elles sont associées, caractérisé par les habitats qui le composent et leur structure. Leur répartition géographique est présentée sur la figure 1.7. Pour certains parcs (Sérengeti, Transvaal, Rukwa, Virunga), il existe une liste faunique par type d’habitat. Dans les analyses, ces listes ont été traitées soit séparément soit de manière groupée.

L’étude de l’abondance des grands mammifères se limite aux herbivores de grande taille car 1) leur distribution fait souvent l’objet de travaux scientifique et est donc facilement disponible dans la littérature ; et 2) les abondances de ces espèces sont généralement de bons indicateurs paléoenvironnementaux car elles dépendent directement de la disponibilité en végétaux qu’ils consomment. L’estimation de l’abondance d’une espèce se fait par différentes techniques de recensement. Pour les grands mammifères, il s’agit souvent de comptages aériens ou terrestres en voiture ou à pieds, organisés le long de transects. Selon ce mode de recensement, mais également selon les caractéristiques écologiques de l’espèce, la résolution dans l’estimation de l’abondance d’une espèce sera variable. En effet, la densité de population de l’espèce, son degré de sociabilité, son habitat (fermé ou ouvert) ou la répartition de ses pics d’activité (diurne, nocturne, crépusculaire) vont influencer cette précision. Les faunes modernes choisies pour étudier l’abondance des grands mammifères ont été recensées sur plusieurs années et sont qualifiées, selon les auteurs, de représentatives et fiables.

D’une liste faunique à l’autre, il existe des disparités dans la dénomination des espèces selon les auteurs qui ont traité les données. Des taxons considérés comme des espèces différentes par certains auteurs (e.g. Papio ursinus et Papio cynocephalus) sont assimilés à des sous- espèces appartenant à une même espèce par d’autres (P. cyn. ursinus et P. cyn. cynocephalus). Ces disparités traduisent la forte similarité morphologique existant entre ces taxons, que l’on distingue grâce à des caractères physiques plutôt qu’anatomiques, tels que la couleur de la robe. En général, ces taxons représentent des populations de la même espèce, distribuées dans

46 des zones géographiques différentes. Sur du matériel fossile, ces taxons auraient certainement été regroupés au sein de la même espèce. Ainsi l’attribution d’un taxon au niveau spécifique ou sous-spécifique ne suit aucune classification systématique particulière. Tout taxon ayant été considéré comme sous-espèce dans au moins une des listes fauniques sera laissé tel quel pour l’ensemble du jeu de données et classé au sein de l’espèce à laquelle cette sous-espèce est rapportée. Dans l’exemple des espèces du genre Papio, on considèrera les formes ursinus et cynocephalus comme une seule et même espèce. Le but ici est d’homogénéiser l’ensemble des listes fauniques et de les rendre plus comparables à des assemblages fossiles en réduisant le nombre d’espèces identiques anatomiquement.

Figure 1.7 – Carte d’Afrique montrant la répartition des faunes modernes.

Les espèces domestiquées ou introduites par l’homme ont été exclues des listes fauniques modernes (Bos taurus, Capra hircus, Equus caballus, Felis catus, Canis familiaris, etc). De

47 même pour les chiroptères et les mammifères marins. Les premiers parce qu’ils sont rarement répertoriés dans les faunes modernes et surtout très mal représentés à l’état fossile en raison de leurs os très fragiles et de leur mode de vie (Andrews et al., 1979). Les seconds n’apportent aucune information sur les environnements terrestres et sont donc inutiles dans le cadre d’une telle comparaison. Chaque espèce est associée à ses caractéristiques écologiques : masse corporelle, régime alimentaire et mode de locomotion. La liste de ces espèces figure en annexe 3.

48 Chapitre 4

Techniques d’analyses

L’ensemble des analyses exploratoires et statistiques de ce travail ont été réalisées sous les logiciels PAST 1.89 (Hammer et al., 2001) et STATISTICA (7.1).

I- Codage des données

I.1- Structure taxinomique, diversité écologique et taxinomique

I.1.1- Structure taxinomique

La distribution des abondances relatives des taxons dans un assemblage fossile ou une faune vivante définit leur structure taxinomique .Ce type de données a souvent été utilisée dans le cadre d’études paléoécologiques (e.g. Shotwell, 1955, 1958; Clark et al., 1967; Wolff, 1975; Greenacre et Vrba, 1984; Shipman et Harris, 1988; de Bonis et al., 1992; Reed, 1998; de Bonis et al., 1999; Alemseged, 2003; Hernandez Fernandez et Pelaez-Campomanes, 2003; Bobé et Behrensmeyer, 2004; Behrensmeyer et Barry, 2005; Hernandez Fernandez et Vrba, 2005; Bobé, 2006; Koufos, 2006; Campisano et Feibel, 2007; Koufos et de Bonis, 2008). Ce paramètre est plus sensible aux fluctuations climatiques et environnementales que ne le sont les évènements de spéciation ou d’extinction (Bobé et al., 2002; Alemseged, 2003). Les abondances relatives sont donc de meilleurs indicateurs des changements fauniques ou de paléoenvironnements que les données d’incidences, à condition qu’elles soient précisément estimées (Bobé et Eck, 2001; Bobé et al., 2002; Alemseged, 2003; Eck, 2007). Le profil d’abondance d’une espèce est d’autant plus caractéristique de son environnement lorsque celle-ci occupe une niche écologique restreinte, car il dépend en grande partie de la distribution de la végétation qui forme la base de l’alimentation de l’espèce (de Ruiter et al., 2008), les autres facteurs intervenant étant liés au mode de vie de l’espèce (e.g. solitaire ou grégaire). Avec des faunes modernes, les abondances relatives de certains taxons ont déjà permis de faire la distinction entre des environnements ouverts de type savane et des environnements fermés et humides (Shipman et Harris, 1988; de Ruiter et al., 2008). Selon le

49 principe d’uniformité taxinomique, les préférences écologiques des grands groupes de mammifères actuels peuvent être transférées à leurs proches parents du même clade (Vrba, 1975; Vrba, 1980b; Greenacre et Vrba, 1984; Shipman et Harris, 1988; Dodd et Stanton, 1990; Harris, 1991; Bobé et Eck, 2001). Seules les abondances des échantillons tchadiens des secteurs TM, KB, KT et KL, ainsi que celles des grands mammifères de faunes modernes sont disponibles. Les structures taxinomiques des échantillons de TM ont d’abord été comparées les unes aux autres afin de tester l’homogénéité taxinomique de ce secteur. Puis elles ont été confrontées à celles des faunes modernes d’une part, et des autres secteurs du désert du Djourab d’autre part, dans le but d’apporter des informations paléoenvironnementales et de rendre compte de l’évolution du pattern d’abondance des grands groupes de mammifères du Miocène supérieur au Pliocène.

Malgré l’intérêt majeur de la distribution des taxons dans le cadre d’études paléoécologiques, elles sont souvent peu fiables car facilement altérées par des processus post-mortem (Badgley, 1986). L’estimation des abondances relatives des taxons d’un échantillon fossile est biaisée par des facteurs taphonomiques et de collecte. Au Tchad et dans les autres assemblages fossiles pour lesquels les données d’abondance sont disponibles (formations de Nawata et de Manonga), la collecte systématique des restes de mammifères et les précautions prises lors du choix de sites limitent l’intervention des biais de collecte dans l’estimation de ces abondances, au moins pour les grands mammifères. Les restes de petits mammifères, plus fragiles et plus difficilement repérables, sont généralement collectés en plus petit nombre. Ainsi, les abondances relatives des taxons présents dans un échantillon fossile reflètent certainement celles de l’assemblage fossile correspondant, elles mêmes contraintes par le mode de formation du gisement. En effet, pour que les abondances relatives d’un assemblage fossile traduisent celles de la faune d’origine, il faut que chaque espèce ait participé à la thanatocénose dans des proportions égales à celles de la faune d’origine et qu’un nombre semblable d’os provenant de chaque spécimen ait été préservé. Cette situation idéale a peu de chances de se produire, sauf dans un assemblage formé suite à un évènement catastrophique et immédiatement enfouis pour être fossilisé. Plusieurs techniques ont donc été proposées afin d’estimer au mieux ces abondances. L’emploi de l’une ou l’autre dépend tout naturellement des caractéristiques taphonomiques de l’assemblage fossile, et en particulier de son mode de formation (Badgley, 1986). Parmi les indices disponibles dans la littérature, deux sont couramment employés : le nombre de spécimens identifiés (NSPI) et le nombre minimum

50 d’individus (NMI). Le NSPI comptabilise chaque spécimen de l’assemblage, c’est-à-dire chaque élément squelettique collecté, comme un individu, qu’il corresponde à un ensemble d’os encore en connexion ou a un reste isolé, fragmenté ou non. On prend ainsi le risque d’inclure des fragments provenant du même individu voire du même os (Badgley, 1986). Pour certains, ce biais est limité car la probabilité que le même individu soit comptabilisé plusieurs fois est égale pour l’ensemble des taxons (Damuth, 1982). En réalité, cette probabilité diffère d’un taxon à l’autre. Certaines espèces, aux os fragiles (e.g. lagomorphes, colobes), auront tendance à livrer plus ou moins d’os, d’autres sont identifiables à partir d’un plus grand nombre d’éléments squelettiques (Behrensmeyer, 1975; Behrensmeyer et Dechant Boaz, 1980). Il est possible d’équilibrer cette probabilité en se basant sur des éléments retrouvés en nombre égal dans l’ensemble des taxons, portant le même potentiel diagnosique et fragmentés de la même manière d’une espèce à l’autre (Bakker, 1980). Par exemple, Alemseged (2003) n’utilise que les dents, chevilles osseuses, mandibules et parties crâniennes, supposées avoir un comportement taphonomique similaire. Les prémolaires et molaires se conservent bien mais la formule dentaire des mammifères varie d’un groupe à l’autre. Les mandibules se préservent moins bien que les dents mais montrent néanmoins une densité importante, ce qui augmente leur probabilité de préservation (Gifford, 1981; Shipman, 1981; Andrews et Armour-Chelu, 1998). Elles sont par ailleurs facilement identifiables lorsque des dents sont encore présentes. Le NSPI implique que chaque individu soit représenté par un seul spécimen dans l’assemblage. Son emploi est donc recommandé pour des assemblages dont les squelettes ont subi une désarticulation importante et dont les os ont été éparpillés et triés. Ce type de perturbation se produit notamment sous l’influence de régimes fluviatiles (Badgley, 1986). Dans le cas contraire, lorsque les carcasses se sont déposées dans un milieu calme et n’ont pas ou peu subi de transport, le NMI est plus approprié car il permet de pallier le biais de redondance des individus propre au NSPI (Shotwell, 1955; 1958). Il correspond au nombre minimum d’individus nécessaire pour fournir l’ensemble des os représentés dans l’échantillon. Pour chaque taxon, il est obtenu à partir d’un examen minutieux du matériel sur la base de critères tels que la taille ou l’âge des individus. Ce type d’examen est difficile à accomplir sur des échantillons de grande taille, pour lesquels le NMI se calcule plutôt à partir de l’élément squelettique le plus abondant dans l’échantillon et ne pouvant appartenir au même individu. Cet indice a tendance à surestimer les abondances des taxons les moins représentés par rapport à ceux qui ont livré de nombreux restes, à moins d’estimer l’ensemble des taxons de l’assemblage à partir de l’élément squelettique le plus commun. Par ailleurs, le NMI suppose que l’élément le plus fréquent soit proportionnel au nombre original d’individus

51 pour toutes les espèces (Damuth, 1982), ce qui n’est pas assuré. Enfin, le biais le plus important du NMI par rapport au NSPI est la baisse de la taille de l’échantillon étudié, impliquant une erreur statistique plus importante (Holtzman, 1979). Le mode d’accumulation des restes fossiles de Toros-Menalla n’est pour le moment pas connu dans le détail mais l’état général de préservation des fossiles apporte des indices. Peu de squelettes sont en connexion, la plupart des restes sont isolés voire fragmentés. Ceci ne correspond pas à un environnement de dépôt calme et invite à l’utilisation du NSPI pour estimer les abondances relatives des taxons. Le NISP a été calculé sur l’ensemble des spécimens et également à partir des restes mandibulaires uniquement. Ce type d’éléments a déjà permis d’estimer l’abondance relative des taxons provenant du site TM266 (Le Fur et al., 2009) et a été appliqué à l’ensemble des assemblages de ce secteur. Fragments de mandibules, hémi-mandibules et mandibules complètes ont été comptabilisées de manière indifférenciée. Ce comptage ne tient également pas compte de l’âge des individus ni de leur sexe. On suppose ces paramètres relativement constants d’un taxon à l’autre. Dans le cas où un taxon présent dans un site n’est représenté par aucune mandibule, une abondance de 1 individu a été attribuée à ce taxon. Ce chiffre permet de conserver le taxon dans l’échantillon tout en rendant compte de sa probable rareté.

Enfin, après avoir limité l’influence des processus taphonomiques et de collecte dans l’estimation des abondances relatives des taxons, il demeure un biais analytique lié au niveau taxinomique auquel ces abondances sont estimées. Plus on descend dans la classification, plus la perte d’effectif est importante. Cette perte est inégale d’un taxon à l’autre du fait d’un potentiel diagnosique variable. Les abondances des taxons subissent donc des perturbations trop importantes pour être significatives et comparables d’un taxon à l’autre et d’un site à l’autre. Il est préférable de n’utiliser les abondances relatives des taxons qu’à haut niveau taxinomique, en supposant que les espèces qui appartiennent au même taxon partagent certaines caractéristiques de leurs préférences environnementales. Cette précaution s’applique également aux ordres d’abondances de ces taxons. Les comparaisons des structures taxinomiques ont été effectuées au niveau d’inclusion le plus élevé de cette étude (Fam/Ordr). Le niveau Trib/Fam apporterait de nouveaux taxons et enrichirait les comparaisons. Cependant, le passage du niveau Fam/Ordr au niveau Trib/Fam produit une importante perte d’effectif, tel qu’on l’observe à TM (Fig. 1.6), et hétérogène d’un groupe à l’autre. Seuls les abondances des sites les plus échantillonnées de TM (TM266 et TM9) ont été considérées à ce niveau et comparées à celles des faunes modernes. En particulier les tribus de bovidés

52 s’avèrent très informatives d’un point de vue paléoenvironnemental (Greenacre et Vrba, 1984; Alemseged, 2003; Bobé et Behrensmeyer, 2004; Hernandez Fernandez et Vrba, 2005; Bobé, 2006; Campisano et Feibel, 2007).

I.1.2- Composition taxinomique

La structure d’une faune peut également être caractérisée par sa composition taxinomique, définie par les données d’incidences des taxons. Chaque taxon est alors codé par le chiffre « 1 » lorsqu’il est présent dans un faune, et par « 0 » lorsqu’il en est absent. Ce mode de codage est couramment employé dans les analyses fauniques, en particulier pour mettre en évidence des changements fauniques au cours du temps et/ou des variations paléobiogéographiques (e.g. Bobé, 2006; Maridet et al., 2007; Werdelin, 2008). Ces données sont plus facilement accessibles dans la littérature et sur le terrain, étant moins sensible aux biais présents dans les échantillons fossiles. En revanche, contrairement aux données d’abondances, ce type de codage donne un poids égal aux espèces, quelle que soit leur représentation dans l’échantillon.

La composition taxinomique des faunes fossiles ou modernes a été considérée à plusieurs niveaux d’inclusion taxinomique. Pour tester l’homogénéité du secteur de TM, ses relations paléobiogéographiques avec les sites contemporains d’Afrique ou les changements taxinomiques intervenus au Tchad au cours du Miocène supérieur-Pliocène, il est important de maximiser la précision de l’identification taxinomique afin de déceler les différences éventuelles entre les assemblages, tout en préservant un nombre conséquent de taxons pour que ces différences ne soient pas liées à des problèmes d’identification. Il est également nécessaire de conserver une cohésion taxinomique entre les assemblages comparés. Le niveau Maxi, bien que rassemblant le plus de taxons, n’est donc pas approprié car, d’un assemblage à l’autre, les niveaux taxinomiques représentés varient. Par exemple, la présence initiale d’Hipparion dans deux sites constitue un élément de similitude. Si dans l’un de ces sites, les spécimens d’Hipparion n’avaient pu être identifiés qu’au niveau familial (Equidae), ces deux taxons seraient considérés comme étant différents et contribueraient à diminuer la similarité de ces assemblages. Pour le secteur de TM, le niveau Gen préserve une intégrité taxinomique et rassemble un nombre plus important de taxons que le niveau Esp (Fig. 1.6). Il sera donc privilégié. Néanmoins, afin de tester l’impact du choix du niveau d’inclusion taxinomique dans les comparaisons, ces dernières ont également été effectuées au niveau spécifique (Esp),

53 ainsi qu’aux niveaux supérieurs (Gen/Trib et Trib/Fam). On s’attend à ce que les différences entre les assemblages soient accentuées au niveau spécifique, mais soient atténuées avec les niveaux taxinomiques supérieurs. La comparaison des compositions taxinomiques d’assemblages fossiles du Mio-Pliocène avec des listes fauniques modernes au niveau générique est dénuée de sens car la plupart des genres fossiles ont depuis disparu. A un plus haut degré taxinomique, cela n’apporterait aucune information paléoenvironnementale.

I.1.3- Diversité écologique

La diversité, ou structure, écologique d’une faune est construite à partir de la combinaison de plusieurs variables écologiques (ou écovariables), elles-mêmes divisées en catégories. Chaque espèce est au préalable caractérisée par un ensemble de catégories écologiques, fournissant ainsi une définition de sa niche écologique, plus ou moins précise selon les variables incluses (régime alimentaire, mode de locomotion, etc.). La structure écologique est déterminée par l’ensemble des niches écologiques représentées dans la faune et correspond à la distribution des catégories (en nombre de taxons) de chaque écovariable. Cette méthode a été développée par Fleming (1973) à partir de communautés modernes, pour lesquelles il a codé les espèces selon leur masse corporelle, leurs préférences alimentaires et leur mode de locomotion. Il a ainsi pu mettre en évidence une variation de la diversité écologique des communautés de mammifères en fonction de la latitude, en Amérique du Nord et en Amérique Centrale. Andrews et al. (1979) ont ensuite appliqué cette technique en paléoécologie, partant du constat que deux environnements de structure physionomique identique mais provenant de continents différents (Afrique et Asie) abritaient des faunes de structure écologique similaire. Cette similitude résulte du phénomène de convergence écologique, suggérant qu’un même rôle fonctionnel peut être assuré par deux espèces différentes dans deux environnements de structure similaire (Cody et Mooney, 1978; Crowder, 1980; Samuels et Drake, 1997). Ces espèces sont écologiquement équivalentes. L’existence de tels analogues avaient déjà été observée dans la structure trophique de communautés de mammifères (Harrison, 1962; Dubost, 1968; Keast, 1972; Bourlière, 1973; Wilson, 1973; Eisenberg et McKay, 1974; Brown, 1975). Par exemple, les espèces de grands herbivores du début du Miocène tels que le gomphothère, l’anthracothère et le chalicothère ont été remplacés par d’autres herbivores tels que le rhinocéros, l’éléphant et l’hippopotame au cours du Miocène (Van Couvering et Van Couvering, 1976), sans que la structure

54 trophique ait véritablement été modifiée. Ainsi, la structure écologique ne dépend pas des espèces présentes dans la communauté mais de la structure de l’environnement associé qui met à disposition les niches écologiques, elle-même contrôlée par des facteurs climatiques (e.g. Holdridge, 1967; Rosenzweig, 1968). Deux faunes occupant des milieux de structure similaire ont donc une structure écologique proche (Artemiou, 1983). Ce constat est d’importance en paléoécologie puisque, si l’on adopte le principe de l’actualisme, une faune fossile dont la structure écologique est similaire à celle d’une faune moderne doit correspondre à un environnement analogue à celui de la faune moderne. De fait, la structure écologique a souvent été utilisée pour reconstruire les environnements passés (Andrews et al., 1979; Andrews et Nesbit Evans, 1979; Andrews, 1980; Van Couvering, 1980; Nesbit Evans et al., 1981; Artemiou, 1983; Legendre, 1991; Damuth, 1992; Andrews, 1996; Gagnon, 1997; Reed, 1997; Rodriguez, 2001; Kovarovic et al., 2002; Pazonyi, 2004; Rodriguez, 2004; Fara et al., 2005; Mendoza et al., 2005).

Trois écovariables sont couramment employées car elles portent un important signal environnemental : la masse corporelle, le mode de locomotion et le régime alimentaire (Andrews et al., 1979; Artemiou, 1983; Damuth, 1992; Gagnon, 1997; Reed, 1997; Rodriguez, 2001; Kovarovic et al., 2002; Pazonyi, 2004; Fara et al., 2005; Mendoza et al., 2005). En particulier, les deux dernières variables ont déjà démontré leur caractère discriminant. Pour ce qui est de la masse corporelle, les avis sont plus partagés. La taille des individus joue un rôle important dans la détermination de l’architecture et de la physiologie de leur organisme (Schmidt-Nielsen, 1975; Western, 1979; Alexander et al., 1981), de la stratégie adaptative et l’écologie d’une espèce (Hutchinson et MacArthur, 1959; McNab, 1971; Fleagle, 1978; Damuth, 1981b; Damuth, 1981a; Janis, 1986; Robinson et Redford, 1986), et de l’organisation des communautés (densité de population, relations de prédation, etc.) (Jarman, 1974; Clutton-Brock et al., 1977; Eisenberg, 1981; Janis, 1982). La distribution de la masse corporelle dans une communauté est donc influencée par des interactions interspécifiques (taille et disponibilité des proies, compétition, …) (Reynolds, 2007), mais également par des facteurs externes à la communauté tels que la température et la saisonnalité (Reynolds, 2007) ou l’aire de répartition de cette communauté (MacArthur et Wilson, 1967; Van Valen, 1973; Diamond, 1975; Flessa, 1975). Elle doit donc porter un signal environnemental. Ainsi, la masse corporelle, estimateur de la taille corporelle (Gingerich et al., 1982), s’est déjà révélée informative dans le cadre d’études portant sur l’évolution des communautés ou l’interprétation de climats et environnements anciens (e.g. Van Couvering,

55 1980; Janis, 1982; Legendre, 1986, , 1987; Van Valkenburgh, 1988), bien que Rodríguez et al. (2004) ne retrouvent pas de relation directe entre la distribution de la masse et les types d’environnements. Ils en concluent que la masse corporelle n’est pas un bon indice pour reconstruire les conditions environnementales passées. Ces mêmes écovariables ont été utilisées dans le cadre de ce travail, afin de décrire la structure écologique des faunes modernes et fossiles. Le pouvoir discriminant de la masse corporelle a ainsi pu être testé et discuté.

Tableau 1.4 – Catégories écologiques et leurs abréviations pour chaque variable écologique (d’après Reed, 1997; Kovarovic et al., 2002). Voir le texte pour une définition plus détaillée des catégories. Masse corporelle Préférences alimentaires Mode de locomotion 0-0.5 kg A Graminivore Hg 0.5-1 kg B Folivore Hb Terrestre T 1-10 kg C Mangeur mixte BG Semi-arboricole T-Ar 10-45 kg D Frugivore Fr Arboricole Ar 45-90 kg E Carnivore Ca Fouisseur Fo 90-180 kg F Insectivore I Semi-aquatique Aq 180-360 kg G Omnivore O > 360 kg H

Chacune de ces écovariables a été divisée en plusieurs catégories (Tabl. 1.4). Elles sont suffisamment larges pour être attribuées à du matériel fossile, tout en préservant la précision nécessaire afin de caractériser la structure écologique des différents assemblages. L’attribution de ces catégories aux espèces fossiles est basée sur des études isotopiques, écomorphologiques et de micro-usures dentaires. Le cas idéal, et rare, est de pouvoir confronter les résultats parfois contradictoires de ces 3 types d’analyses. Par exemple, Harris et Cerling (2002) ont trouvé un régime à dominance C4 pour Kolpochoerus (Suidae du Pliocène), pourtant interprété comme folivore occupant un environnement fermé selon sa morphologie dentaire (Harris, 1983) et post-crânienne (Bishop et Hill, 1999). Si la valeur en 13 δ C n’est pas mal interprétée (erreur statistique car faible effectif, intégration de plantes C4 autres que des graminées telles que des bulbes), ces analyses suggèrent que le régime de type

C4 chez ce genre est apparu avant que les changements morphologiques ne s’opèrent (Harris et Cerling, 2002) et qu’il devrait être associé à un régime de type graminivore. Notons que ce mode d’alimentation n’est pas incompatible avec un environnement relativement fermé. Lorsque ces données ne sont pas disponibles, les résultats peuvent provenir de taxons également présents dans un autre site fossile et pour lequel ce type d’analyse a été effectué. Là encore des précautions doivent être prises. Par exemple, contrairement aux autres ongulés du

56 Pliocène inférieur, ceux de Langebaanweg sont pour la majorité des mangeurs de C3 (Franz- Odendaal et al., 2002). Enfin, le dernier recours est l’utilisation du plus proche parent moderne comme référence dans l’estimation des caractéristiques écologiques d’une espèce fossile. Cette analogie a déjà été appliquée à des plantes (e.g. Chaney, 1924) et des invertébrés fossiles (e.g. Smith, 1919; Duhram, 1950). Elle doit cependant être employée avec précautions car plus l’espèce fossile est ancienne, plus il est risqué de rapprocher ses caractéristiques écologiques à celles d’une espèce moderne (Shotwell, 1955; Solounias et Dawson-Saunders, 1988). En particulier, pour les mammifères, (Shotwell, 1955) considère qu’il n’est pas raisonnable d’appliquer ce principe à des espèces plus vieilles que l’Oligocène, période où l’essentiel des familles actuelles de mammifères se mettent en place. Les exemples démontrant les limites de cette hypothèse sont multiples. En particulier, le Miocène supérieur voit l’apparition à l’échelle globale des plantes en C4 (Cerling et al., 1993). Ce changement a du s’accompagner d’une modification des préférences alimentaires de certains taxons. C’est ce que les analyses isotopiques soulignent pour certains taxons (Ceratotherium, Nyanzachoerus) entre les membres inférieur et supérieur de la formation de Nawata (Cerling et al., 2003). Les préférences alimentaires ont été classées parmi 7 catégories (Tabl. 1.4). Une espèce considérée comme « mangeur-mixte » doit montrer des traces de consommation d’herbes et de feuilles dans des proportions équivalentes. Chez les espèces actuelles, on distingue deux types de mangeurs-mixtes : ceux qui mangent indifféremment feuilles et herbes toute l’année, et ceux qui alterne de manière saisonnière entre régimes folivore et herbivore selon les ressources disponibles (Solounias et Semprebon, 2002). La distinction entre ces deux variantes étant difficile à mettre en évidence chez les espèces fossiles, elle a été ignorée. Les catégories de régime alimentaire utilisées dans cette étude ne permettent pas de décrire de manière exhaustive l’ensemble du spectre alimentaire observé chez les espèces actuelles. Certaines préférences alimentaires ont donc été classées dans la catégorie qui faisait appel au même type de ressource. En plus des espèces folivores, la catégorie herbivore-folivore englobe les espèces mangeuses d’écorce car ces deux types d’alimentation nécessitent la présence d’arbre ou d’arbustes. Noix, graines et gommes sont incluses dans le régime frugivore tandis que les bulbes et racines sont assimilés à un régime herbivore-graminivore. Les espèces piscivores ont été intégrées au régime carnivore et le régime insectivore a été élargi à l’ensemble des invertébrés. Enfin, les omnivores rassemblent les espèces qui comprennent, dans leurs préférences alimentaires, au moins 3 des 6 catégories de régime alimentaire définies dans ce travail. Pour les espèces actuelles, le régime alimentaire est

57 parfois difficile à catégoriser. Par exemple, faut-il placer une espèce qui, sur une année, mange en moyenne 70% de fruits et 30% de feuilles dans la catégorie frugivore, ou la considérer comme une espèce frugivore-folivore ? En général, ce type d’espèce se nourrit principalement de fruits, mais en cas de pénurie, elle est capable de subvenir à ses besoins en se nourrissant de feuilles. Afin de voir si ce type de classification a un impact sur la discrimination des différents types d’habitats, deux jeux de données ont été construits. Dans le premier, seule l’alimentation dominante a été prise en compte (type 1) tandis que dans le second, l’espèce sera considérée pour les 2/3 comme frugivore et pour 1/3 folivore (type 2). Les modes de locomotion sont de 5 types (Tabl. 1.4). Les espèces fouisseuses se réfèrent aux espèces qui creusent ou modifient des terriers et/ou se servent de leurs membres pour rechercher de la nourriture dans le sol. Les espèces classées dans la catégorie aquatique ont un mode de vie semi-aquatique ou amphibie. Les semi-arboricoles passent la majeure partie de leur temps au sol mais trouvent refuge dans les arbres, notamment pour nicher. Le temps passé dans les arbres dépend de la disponibilité en espèces ligneuses, certaines espèces pourraient même s’en passer (e.g. certains hyracoïdes et babouins). En revanche, une espèce arboricole ne peut survivre sans la présence d’arbres. Certaines peuvent descendre au sol pour y chercher de la nourriture ou passer à un autre arbre, mais la plupart des déplacements se fait dans la canopée où elles passent la majeure partie de leur temps. La gamme de masse représentée par les mammifères a été subdivisée en 8 intervalles (Tabl. 1.4). Certains auteurs (e.g. Rodríguez et al., 2004) utilisent des catégories de taille différentes pour les carnivores et les mammifères non carnivores, sur l’hypothèse que les pressions sélectives qui déterminent la taille corporelle opèrent différemment pour les prédateurs et les proies. Cette remarque n’a pas été prise en compte dans ce travail car une importante variation dans la gamme de taille est représentée chez les carnivores des différents jeux de données, recouvrant la quasi-totalité de celle des herbivores, sans aller dans le gigantisme. Lorsqu’une espèce est attribuée à deux catégories écologiques, un facteur 0,5 pondère chacune de ces catégories. Une exception a été faite pour les espèces semi-arboricoles car la présence d’une espèce arboricole et celle d’une espèce semi-arboricole n’impliquent pas les mêmes contraintes environnementales.

Cette méthode présente l’avantage de pouvoir s’affranchir d’identifications taxinomiques précises, d’où son qualificatif anglo-saxon de taxon-free. Cette liberté n’est que partielle puisque pour assigner les taxons aux catégories écologiques, il faut qu’ils soient suffisamment

58 bien identifiés pour éviter le mélange d’espèces d’écologie différente. Le second avantage de cette technique est son intemporalité car elle est basée sur des principes écologiques généraux, applicables à des faunes passées et indépendants de leur composition taxinomique (Andrews et al., 1979; Reed, 1997). Ainsi, une faune fossile peut être comparée à une faune moderne ou à une autre faune fossile, contemporaine ou non. Enfin, se basant sur les données d’incidence des taxons, elle est peu sensible aux altérations subies par l’échantillon fossile. Cela suppose donc que chaque espèce contribue de manière égale à la diversité écologique, sans tenir compte de son abondance. Cette hypothèse n’est pas gênante compte tenu du fait que l’abondance d’une espèce et l’extension de son habitat ne sont pas forcément corrélées. La limite à cette méthode survient lorsque l’on compare des assemblages fossiles ayant subi une condensation temporelle et des communautés modernes échantillonnées sur quelques années.

En complément des trois variables écologiques présentées ci-dessus, certains auteurs utilisent une variable taxinomique qui consiste à dénombrer les taxons rencontrés dans les grands ordres et familles de mammifères (Gagnon et Reed, 1997; Fara et al., 2005; Kostopoulos, 2009). Ce type de données permet de rendre compte de variations taxinomiques temporelles ou spatiales et semble porter un signal environnemental, au moins pour certains groupes. Gagnon et Reed (1997) ont constaté une différence de diversité taxinomique chez les rongeurs, les primates, les ongulés et les carnivores entre les habitats de forêts et les milieux boisés et arbustifs : les deux premiers groupes sont plus diversifiés dans les forêts, les deux derniers dans les milieux plus ouverts. L’utilisation de cette variable écologique comme indicateur paléoenvironnemental repose principalement sur deux hypothèses. 1) La richesse taxinomique d’un habitat est proportionnelle à son extension. 2) Les préférences d’habitats des espèces classées au sein d’un taxon (genre, famille, etc.) sont homogènes. Cependant, plus le taxon est diversifié, moins cette hypothèse n’a de chances d’être respectée. Par exemple, il existe une forte diversité d’habitats chez les bovidés, depuis les milieux à couvert arboré ou arbustif assez dense (e.g. céphalophes) aux grandes plaines pauvres en arbres (e.g. Reduncini). La richesse taxinomique de Bovidae ne permet certainement pas de faire des inférences paléoenvironnementales. En revanche, le niveau tribal de ce groupe est plus significatif, les préférences écologiques des espèces au sein d’une tribu de bovidés étant généralement plus circonscrites (Alemseged, 2003). La pertinence de la richesse spécifique de chaque taxon dans la discrimination des environnements sera donc testée sur les faunes modernes, à deux niveaux d’inclusion taxinomique : Fam/Ord et Trib/Fam. Néanmoins, la comparaison des compositions taxinomiques de faunes fossiles et modernes fait face à un

59 autre problème : plus les assemblages fossiles seront vieux, plus le nombre de taxons éteints ou pas encore apparus sera important. Ce biais est ici limité à haut niveau taxinomique (Fam/Ordr) car la plupart des grands groupes de mammifères représentés aujourd’hui en Afrique étaient déjà présents au Miocène supérieur. Depuis, seuls deux groupes (anthracothères et chalicothères) se sont éteints et un (Tayassuidae) n’est plus représenté en Afrique. Pour le niveau Trib/Fam, cette comparaison est plus délicate. Sur l’ensemble des taxons présents dans les faunes modernes, seuls 7 ne sont pas représentés dans les faunes fossiles étudiées. Ils correspondent généralement à des formes de petite taille (e.g. Anumaloridae, Pedetidae). En revanche, 13 groupes présents dans le registre fossile se sont éteints depuis (e.g. amphicyonidés, procyonidés, la plupart des sous-familles de suidés et des familles de proboscidiens et de giraffidés). Certains auteurs (Reed et Rector, 2007) préconisent de ne conserver que les taxons communs aux jeux de données modernes et fossiles. Cependant, l’exclusion de ces taxons représente non seulement une perte d’information mais modifie la structure des communautés. Par exemple, la diversité des suinés au Miocène supérieur-Pliocène inférieur était moins importante qu’aujourd’hui en Afrique car ce groupe allait subir une radiation adaptative tandis que les autres sous-familles (e.g. Tetraconodontinae et Kubanochoerinae) allaient s’éteindre. Dans ce cas, soit on comptabilise les espèces de l’ensemble des suidés fossiles au sein du taxon « Suinae », sous couvert de caractéristiques écologiques similaires, soit on ne tient compte que des espèces appartenant réellement aux suinés et on calcule les richesses spécifiques relatives des taxons après avoir exclu les taxons fossiles du jeu de données. Le premier cas de figure est très subjectif et revient à considérer ce groupe au niveau Fam/Ordr. Le second cas sera donc privilégié bien que la diversité des suinés dans les faunes fossiles soit influencée par celle des autres sous-familles de suidés et même par la diversité globale de la communauté. En effet, l’impact des espèces aujourd’hui disparues, dans les communautés fossiles ne pourra jamais être mesuré à partir d’études basées sur des faunes modernes (Ambrose et al., 2007a). Ainsi, le pouvoir discriminant des données actuelles a été testé en excluant les taxons absents des faunes fossiles. Puis la validité de comparaisons taxinomiques fossiles et modernes a été discutée au regard des résultats.

Les abondances des catégories écologiques nécessitent de maximiser le nombre de taxons sauf qu’aucune homogénéité taxinomique n’est requise. Le niveau Maxi est donc le plus approprié pour comparer les structures écologiques des assemblages fossiles et modernes. Le but ici sera de tester l’homogénéité paléoenvironnementale de TM et de reconstruire les

60 environnements des assemblages fossiles de cette étude, afin de mettre en évidence les variations environnementales spatiales et temporelles. Notons que pour l’étude intra-TM, la comparaison de la structure taxinomique entre les 45 échantillons fossiles doit se faire sur les données d’ordre d’abondances qui fournissent une estimation moins biaisée de la distribution des catégories au sein des assemblages fossiles que les abondances elles-mêmes. En effet, certaines localités n’ont potentiellement pas livré tous les taxons de l’assemblage fossile. Compte tenu du signal environnemental porté par les catégories écologiques, on s’attend à retrouver des résultats congruents entre diversité écologique et structure taxinomique.

I.1.4- Diversité taxinomique

L’étude de la diversité taxinomique est un autre aspect de la structure d’une communauté. Ce paramètre fait appel à deux notions : la richesse taxinomique et la régularité. La première correspond au nombre de taxons identifiés. La deuxième est relative à la distribution des abondances au sein de ces taxons. Dans une faune parfaitement régulière, tous les taxons sont représentés par un nombre identique d’individus. A l’inverse, une faune irrégulière se caractérise par des espèces représentées par de rares individus, sauf une ou deux espèces qui domineront les autres en termes d’abondance. La valeur de la diversité est surtout influencée par celle de la régularité : un indice de diversité élevé correspond généralement à une régularité élevée mais peut être associé à une richesse taxinomique variable selon l’intensité de la régularité (Andrews, 1995). De plus, sur ces deux paramètres, la richesse taxinomique est particulièrement informative dans le cadre de ce travail. Le nombre d’espèces rencontrées dans une faune de mammifères dépend de plusieurs facteurs : la latitude (diversité plus importante dans les zones tropicales que dans les régions tempérées) (Simpson, 1964; Delany, 1972; Fleming, 1973; Wilson, 1974; McCoy et Connor, 1980), la surface de terre disponible (Flessa, 1975; Eisenberg, 1981), l’altitude, la topographie et la proximité à l’océan (Schall et Pianka, 1978). Cependant, Andrews (1995) affirme que la richesse taxinomique est directement déterminée par les conditions environnementales : le nombre d’espèces diminue avec la complexité de l’environnement, car l’abondance des niches est plus faible. Ce dernier constat a donc été testé sur les faunes modernes puis appliqué aux assemblages fossiles.

Pour les faunes fossiles d’Afrique incluses dans cette étude, en dehors de TM, le nombre minimal de taxons identifiés dans les échantillons fossiles doit fournir une assez bonne

61 estimation de la richesse taxinomique des assemblages dont ils sont extraits car ils ont été choisies dans ce sens. En revanche, parmi les assemblages fossiles de TM retenus, certains fournissent une richesse taxinomique potentiellement sous-estimée, en raison d’un plus faible nombre de spécimens collectés. La technique de raréfaction (Sanders, 1968; Hurlbert, 1971; Heck et al., 1975) permet de comparer ces assemblages malgré ce biais. Elle consiste à accumuler des spécimens tirés aléatoirement de l’assemblage, sans remise, et à dénombrer la richesse taxinomique au fur et à mesure de l’augmentation de la taille de l’échantillon. Cette procédure est répétée un certain nombre de fois afin de calculer une valeur moyenne du nombre de taxons et son intervalle de confiance. La technique de raréfaction permet ainsi d’estimer le nombre d’espèces attendues dans l’assemblage si un nombre plus réduit de spécimens avait été découvert (Magurran, 2003) et de comparer la richesse taxinomique d’assemblages rapportés au même effectif. L’utilisation de cette technique nécessite que les échantillons raréfiés soient représentatifs de l’échantillon d’origine (Jamniczky et al., 2003) et implique donc que l’effectif auquel l’ensemble des assemblages a été rapporté (effectif de raréfaction) ne soit pas trop faible. Pour l’étude intra-TM impliquant l’ensemble des sites du secteur, les richesses taxinomiques ont été comparées après avoir raréfié individuellement chaque échantillon sous le logiciel PAST 1.89 (Hammer et al., 2001). Ce dernier n’effectue pas de procédure de ré-échantillonnage mais utilise un algorithme plus direct développé par Krebs (1989), qui aboutit au même résultat. Les niveaux Maxi et Fam/Ordr ont été testés, le premier fournissant une meilleure estimation de la richesse taxinomique et le second permettant d’augmenter le nombre de sites étudiés.

Le tableau 1.5 synthétise, pour chaque aspect de la structure d’une faune, les relations entre les niveaux d’inclusion taxinomique employés, les assemblages comparés et la question abordée.

I.2- Transformation et standardisation des données

Les techniques multivariées ont tendance à être influencées par les objets ou les variables qui ont le poids le plus important, c’est-à-dire ceux qui sont le plus représentés dans l’échantillon. Il est donc parfois nécessaire de standardiser et/ou transformer les données (Legendre et Legendre, 1998). Lorsque les variables (taxons, catégories écologiques) ou les objets (assemblages fauniques) d’un jeu de données montrent d’importantes différences d’effectif, leur

62

Question homogénéité taxinomique homogénéité taxinomique paléoenvironnement homogénéité taxinomique paléobiogéographie homogénéité paléoenvironnement variations homogénéité taxinomique paléoenvironnement → de TM → → de TM → → environnementale de TM → → paléoenvironnementales → de TM →

actuels - Intra-TM - Intra-TM - Intra-TM - Intra-TM - TM vs actuel - TM vs actuels - TM vs fossiles - TM vs fossiles la comparaison la comparaison - TM + fossiles vs Faunes incluses dans

utilisés selon le type de données et question abordée Spe Gen Maxi Maxi Trib/Fam Trib/Fam Fam/Ordr Fam/Ordr Niveau de taxonomic inclusivness Abondance des Abondance des Type de données Nombre de taxons Abondance et ordre Incidences des taxons catégories écologiques d’abondance des taxons

Diversité Structure Structure taxinomique taxinomique taxinomique taxinomique Composition Composition Tableau 1.5 – Résumé des niveaux d’inclusion taxinomique Tableau 1.5 – Résumé des niveaux d’inclusion

63 standardisation permet de rendre ces objets plus comparables en les rapportant à une même échelle. C’est par exemple le cas lorsque deux variables sont exprimées dans deux unités d’amplitude différente. Pour des données d’abondance de taxons et de catégories écologiques, les différences de taille d’échantillon ou de richesse taxinomique peuvent interférer dans les résultats des analyses multivariées. Afin de prendre en compte ces disparités, il est possible d’appliquer une double standardisation (two-way standardisation). Dans un premier temps, l’abondance de chaque taxon (ou catégorie écologique) est divisée par sa valeur maximale sur l’ensemble du jeu de données. Chacun aura ainsi une abondance comprise entre 0 et 1 ce qui les rend plus comparables. Puis on divise l’abondance des taxons (ou catégories écologiques) au sein de chaque site par l’effectif total de cette localité, afin de rendre cette fois les sites plus comparables. Par cette double standardisation, la structure taxinomique (ou écologique) qui caractérise chaque assemblage est perdue. Par exemple, les assemblages de TM ont tous livré une importante faune de Bovidae et beaucoup moins de Primates. Cette différence d’abondance a une signification écologique et biologique, elle est liée aux habitats représentés, aux interactions qui ont lieu au sein de la communauté de mammifères, au mode de vie des espèces de ces groupes, etc. Dans le cadre d’interprétations paléoécologiques, il n’est pas judicieux de faire disparaître ce type d’information et la double standardisation n’a donc pas été retenue pour cette étude. Néanmoins, afin de compenser les différences d’effectif entre les assemblages, les abondances ont été standardisées par rapport à l’effectif total de chaque localité, pour obtenir des abondances relatives (Clifford et Stephenson, 1975). Les ordres d’abondance des taxons ont également besoin d’être standardisés pour compenser les différences de richesse taxinomique entre les sites. Au sein d’une même localité, l’ordre d’abondance de chaque taxon a été divisé par la valeur du rang le plus élevé rencontré dans cet assemblage. Les taxons les plus rares ou absents prennent la valeur maximale de 1. Dans ce cas, ce sont ces mêmes taxons qui interviendront le plus dans les analyses multivariées. Pour inverser cette tendance, il suffit de soustraire chaque valeur à 1. Cette standardisation ne permet pas complètement de résoudre les différences de richesse taxinomique. En effet, une espèce classée en deuxième position dans deux sites aura un meilleur classement dans l’échantillon le plus riche. Ceci s’inverse pour des espèces de bas rang. Pour tester l’importance de ce biais éventuel, le calcul de l’ordre d’abondance a également été réalisé en ne conservant que les taxons les plus abondants.

Dans un espace multivarié, la transformation préalable des données permet de changer la position relative des points afin de faire ressortir des signaux ténus ou de cacher un motif

64 indésirable. La transformation pondère les données de sorte qu’elles contribuent de manière plus égale aux analyses. Dans le cas d’abondances de taxons, elle augmente le poids des espèces rares et diminue celui des espèces communes. Elle est conseillée pour les abondances de taxons lorsque certains sont très communs dans l’assemblage. En règle générale, lorsque le taxon le plus commun est 10 fois plus abondant que le deuxième taxon le plus commun, il est nécessaire de transformer les données (Krebs, 1989). Ce cas est rare dans les données dont on dispose, si bien que la transformation des abondances n’est pas nécessaire. Le même constat est applicable aux abondances des catégories écologiques.

Les espèces rares dans un assemblage fossile ou une faune moderne sont informatives d’un point de vue écologique voire taxinomique car elles peuvent être caractéristiques de certains assemblages (Etter, 1999). Par exemple, lors de la comparaison d’assemblages fossiles, la proportion de singletons (espèces rencontrées dans un seul échantillon fossile) dans un assemblage témoigne de son degré d’endémicité. Cependant, une quantité importante d’espèces rares dans un jeu de données, conduisant à une matrice avec beaucoup de valeurs nulles, a tendance à obscurcir le signal que l’on souhaite étudier lorsqu’on utilise des techniques multivariées, en créant de nombreux outliers (Gauch, 1982), c’est-à-dire des points très isolés dans les espaces multivariés. Il est donc parfois nécessaire de les supprimer des analyses taxinomiques. De plus, les singletons ne permettent pas de rapprocher les localités et diminue les valeurs de similarité calculées entre ces dernières. Dans un assemblage fossile, ces taxons peuvent correspondre à des individus peu nombreux ou bien allochtones et qui étaient présents de manière fortuite ou ont été transportés jusqu’au site. S’ils sont représentés par plusieurs individus, ils appartenaient probablement à la communauté d’origine mais avaient une faible densité de population ou une plus faible probabilité de préservation, en raison d’une petite taille (Shotwell, 1955). Ils peuvent également provenir d’une faune particulière, différente de toutes les autres. Les singletons ont donc été exclus des analyses taxinomiques comparatives de cette étude. De la même manière, certaines localités on parfois été exclues en raison d’une position trop isolée, avec certains types de données ou à certains niveaux d’inclusion taxinomique. Dans ce cas, les sites exclus seront signalés.

II- Techniques d’analyses multivariées

65 Ce type de procédure permet de traiter des jeux de données de taille importante. Le principe est de réduire le nombre de variables afin de résumer sous forme graphique la variation observée au sein d’un jeu de données et d’observer les rapports de similarité existant entre les objets. Un objet correspond ici à une localité, fossile ou actuelle, et une variable à un taxon ou une catégorie écologique. Ces techniques sont exploratoires et permettent de révéler le contenu des données mais n’ont pas de valeur statistique. Il en existe de deux sortes : les méthodes de classifications et les méthodes d’ordination. Ces deux techniques n’utilisent pas les mêmes algorithmes et ne fournissent donc pas nécessairement des résultats identiques. Le but des techniques de classification est de placer des objets similaires dans des groupes individualisés et interprétables, tandis que les techniques d’ordination visent à séparer les objets selon des directions de variation majeures, tels qu’un gradient environnemental, une variation morphologique, etc.. Techniques de classification et d’ordination doivent être utilisées en complément car les premières permettent de mettre en évidence des relations précises des objets deux à deux, tandis que les secondes prennent en compte la variabilité globale de la matrice de similarité et fournissent des tendances générales (Legendre et Legendre, 1998). Il est donc nécessaire d’appliquer ces deux types de méthodes et d’en comparer les résultats. Parmi le large choix de techniques multivariées disponibles dans la littérature, certaines sont plus adaptées aux données dont on dispose et aux questions auxquelles on souhaite répondre ici. Les analyses de classifications sont plus adaptées aux données discrètes, bien qu’elles soient généralement employées pour mettre en évidence une variation continue (morphologique, gradient environnemental). Ce type d’analyse révèle les variations extrêmes au sein des données mais reste flou quant aux positions intermédiaires, positions que les techniques d’ordination permettent d’interpréter (Gotelli et Ellison, 2004). Ces deux types de techniques sont robustes à la non-normalité des données (Legendre et Legendre, 1998). Cependant, les structures écologiques ressortent mieux quand les données ne présentent pas une forte asymétrie. Il est donc recommandé de tester au moins la normalité des variables (Legendre et Legendre, 1998).

II.1- Techniques de classification

Les techniques de classifications recherchent les discontinuités au sein des données et construisent des dendrogrammes dans lesquels les objets sont reliés par des branches plus ou moins longues selon leur similarité et forment des groupes d’objets similaires.

66 Il existe deux principales dichotomies au sein des techniques de classifications. Certaines procédures sont agglomératives, c’est-à-dire que les objets sont regroupés et forment des ensembles de plus en plus grands jusqu’à n’en obtenir qu’un seul. A l’inverse, les procédures divisives réunissent les objets dans un seul groupe à partir duquel des sous-ensembles vont être formés, de plus en plus petits, jusqu’à ce que chaque objet forme son propre groupe. Cette procédure nécessite de rentrer à priori le nombre d’ensembles que l’on souhaite constituer. La deuxième dichotomie se fait entre méthodes hiérarchiques et non-hiérarchiques. Dans la première, les objets des groupes de rang inférieur appartiennent à des ensembles plus grands et de rang supérieur. Cela revient à emboîter une succession de pools d’objets similaires. La seconde consiste à former des groupes homogènes disjoints, connus à priori, et dans lesquels les objets ont plus d’affinité entre eux qu’avec les objets des autres ensembles formés.

La plupart des études paléoécologiques utilise des techniques agglomératives et hiérarchiques car les techniques divisives et/ou non-hiérarchique nécessitent déjà d’avoir certaines informations relatives aux données. Parmi ces techniques, celles des classifications moyennes se sont révélées être très efficaces. Elles effectuent un regroupement des objets ou ensembles d’objets les plus similaires. Après chaque rapprochement effectué, la similarité de chaque objet ou groupe d’objets avec le nouvel ensemble formé est recalculée, soit en effectuant la moyenne arithmétique des valeurs, soit en calculant le centroïde des points correspondant à ces valeurs dans un espace multidimentionnel (moyenne des coordonnées des objets dans l’espace). L’utilisation du centroïde a pour inconvénient majeur d’engendrer des réversions dans les dendrogrammes, c’est-à-dire qu’on peut obtenir un nœud dont la similarité est plus forte que celle du nœud formé précédemment, induisant un recoupement des branches.

Lorsque l’on agglomère deux groupes d’objets, une différence importante dans la taille de ces groupes peut introduire des distorsions dans les résultats (Legendre et Legendre, 1998). Dans ce cas, il est possible de pondérer chaque ensemble selon le nombre d’objets qui le constituent afin qu’ils aient le même poids : moins le groupe aura d’objets, plus le poids donné à chacun sera important. Cette pondération revient à diviser la similarité moyenne entre objets d’un groupe par le nombre d’objets qu’il contient. Par exemple, si l’on veut agglomérer un groupe de deux objets avec un troisième, on doit diviser par deux la similarité moyenne entre ce dernier et le groupe. La pondération augmente la séparation des principaux groupes ce qui donne plus de contraste à la classification. Cependant, elle est utile lorsque l’on sait a priori

67 qu’il existe des groupes d’objets de taille différente dans les données or cette information n’est pas disponibles pour nos données. En revanche, il est préconisé de ne pas pondérer les données lorsque l’échantillonnage a été systématique ou aléatoire.

La technique de classification moyenne qui ne pondère pas les données et calcule la similarité à partir d’une moyenne arithmétique est l’UPGMA (Unweighted Pair-Group Method using Arithmetic average, (Sneath et Sokal, 1973). Cette technique est adaptée aux études de communautés biologiques (Krebs, 1989) car elle occasionne peu de distorsions par rapport à la matrice de similarités initiale et donne plus de contraste à la classification (Legendre et Legendre, 1998). Elle a été privilégiée dans le cadre de ce travail.

La technique du minimum de variance de Ward (1963) apparaît également intéressante. Ici aussi la moyenne est recalculée à chaque pas de l’analyse mais la manière de créer les groupes est différente. Deux ensembles d’objets seront regroupés si l’ensemble des objets qui les constituent minimisent la variance du groupe (= somme des carrés des distances entre tous les points et le centroïde du groupe). Les nouveaux ensembles à se former sont donc ceux qui, en intégrant un objet ou un groupe d’objet, ont la variance la plus petite par rapport à d’autres combinaisons. A chaque pas, on calcule l’erreur statistique pour toutes les paires possibles et on garde celle qui a la plus petite valeur statistique. Cette méthode a tendance à former des groupes relativement homogènes en termes de nombre d’objets s’ils sont équitablement distribués dans l’espace Euclidien (Legendre et Legendre, 1998). Cette technique viendra compléter les résultats obtenus avec l’UPGMA. Elle fonctionne avec la distance Euclidienne. Son intérêt et ses limites seront discutés plus loin dans cette partie (III- Indices de similitude).

Afin d’évaluer la fiabilité des associations formées par le dendrogramme, deux techniques ont été utilisées. La première consiste à calculer la corrélation cophénétique (Cc) associée au dendrogramme. Les valeurs de similarités observées entre les objets sur le dendrogramme permettent de former une matrice cophénétique. Puis on calcule la corrélation entre cette matrice et la matrice de similarité originale qui a servi à construire le dendrogramme. Une forte corrélation cophénétique indique une faible distorsion des données dans le dendrogramme et donc que celui-ci représente de manière fiable les similarités présentes dans le jeu de données. La deuxième technique consiste à mesurer la robustesse des nœuds du dendrogramme par le biais d’une procédure d’amorçage (bootstrapping), qui consiste à ré- échantillonner le jeu de données avec replacement des objets tirés aléatoirement. Si une

68 association présente une valeur d’amorçage élevée, cela signifie qu’elle a été retrouvée dans un grand nombre de répliques et donc que l’ajout ou la suppression de certaines variables ne perturbe pas la formation de cette association. Sur les dendrogrammes, seules les valeurs supérieures à 10 ont été figurées.

Les analyses de classification ont été appliquées sur les abondances (ou leur rang) de taxons ou de catégories écologiques, ainsi que sur les données d’occurrences de taxons (mode Q), afin de mettre en évidence les associations entre les localités, fossiles ou actuelles. Elles permettent également de classer les taxons eux-mêmes (mode R) en fonction de leur occurrence ou de leur abondance dans les localités, ce qui permet de révéler d’éventuelles associations entre taxons. Si les techniques de classification sont efficaces et visuelles, elles ne permettent pas à elles seules de comprendre la structure rencontrée au sein d’un jeu de données. Elles présentent l’inconvénient de former des groupes et une hiérarchie entre objets même si ces groupes n’existent pas naturellement (Shi, 1993) et ne permettent pas de comprendre la base sur laquelle les objets se regroupent. Par ailleurs, l’ordre dans lequel les objets sont disposés dans la matrice de similarité peut être important s’il existe au sein du jeu de données des redondances. Un site qui a la même valeur de similarité avec deux autres sites sera associé avec le premier site rencontré dans la matrice. Ces résultats doivent donc être complétés par les techniques d’ordination afin de vérifier si effectivement il existe des hétérogénéités au sein des données et quelles sont les variables permettant d’expliquer ces hétérogénéités et de structurer les données.

II.2- Méthodes d’ordination

La technique d’ordination est analogue à une classification non hiérarchique car elle ne permet pas d’identifier les relations hiérarchiques entre les objets (Gotelli et Ellison, 2004). A partir de l’ensemble des variables initiales, l’algorithme construit de nouvelles variables qui caractérisent mieux la variation globale des données et le long desquelles les objets sont ordonnés. Si les localités ne sont pas un mélange aléatoire de taxons mais montrent des associations liées par exemple à l’environnement, la préservation, ou à l’âge, on peut réduire le nombre de variables à un nombre interprétable d’axes. Dans la plupart des cas, seuls quelques gradients environnementaux (1 à 4) semblent déterminer la distribution des espèces (Gauch, 1982). Ce type de technique permet donc de réduire les dimensions des données pour

69 obtenir ces gradients et étudier avec plus de faciliter les relations entre objets (Etter, 1999). Trois techniques d’ordination ont été appliquées aux données fossiles et actuelles.

L’analyse des correspondances (AC) (Fisher, 1940; Benzécri et al., 1973) produit des nouvelles variables, non corrélées et représentées graphiquement par des axes. Ces axes maximisent la séparation des objets ainsi que l’association, ou correspondance, entre objets et variables. Les premiers axes représentent les directions majeures de variation et résument le mieux les données. En écologie, un axe correspond généralement un gradient environnemental. Ce type de représentation donne également l’opportunité de faire apparaître objets et variables sur le même graphique. Les variables sont pondérées selon leur proportion dans chaque objet. Celles d’abondance nulle ou faible contribuent donc moins à l’analyse. En générale, cette technique est appliquée à des données de dimension homogène et surtout sans valeur négative. Elle préserve la distance de Chi2 entre les données et fourni des résultats optimaux lorsqu’elle est appliquée avec cet indice de similarité (Legendre et Legendre, 1998).

La qualité d’une analyse des correspondances est jugée selon les valeurs d’inertie exprimées par ces axes, c’est-à-dire la proportion de variation que portent ces axes. En réalité, il n’existe pas de valeur seuil qui permette de choisir le nombre d’axes à étudier ni les valeurs d’inertie à considérer. Freudenthal et al. (2009) ont testé différents jeux de données créés aléatoirement afin d’établir ces valeurs, qui varient selon certaines caractéristiques du jeu de données. La taille de la matrice, sa forme, la proportion de valeurs nulles et la nature des données (abondances ou incidences) influencent les valeurs d’inertie des axes. Ils estiment que pour une matrice de taille moyenne (500 à 1000 cellules), une AC sera considérée comme acceptable à partir de 25% de la variance exprimée sur le premier axe ou 35% sur les deux premiers axes. Pour des jeux de données plus petits, il faut 40% et 60% de variance respectivement, tandis que pour des jeux de données plus importants, les résultats seront jugés satisfaisants à partir de 20% pour le premier axe et 30% pour les deux premiers axes. Compte tenu des faibles valeurs de ces axes, les très grandes matrices impliquent l’analyse d’un grand nombre d’axes. On considérera que les résultats sont interprétables à partir de 70% de variance exprimée par les 4 premiers axes. Ces valeurs diminuent lorsque la matrice se rapproche d’une forme carrée. En revanche, elles augmentent lorsque la matrice montre une forte proportion de valeurs nulles ou lorsqu’on traite des données d’occurrences et non d’abondances de taxons. Pour chaque AC, taille de la matrice, proportion des valeurs nulles et inertie des axes seront fournis afin d’évaluer la fiabilité de l’analyse. Une matrice de taille

70 AxB sera constituée de A observations (assemblages) et B variables (taxons ou catégories écologiques).

L’analyse des correspondances est très utilisée en écologie et en paléoécologie (Digby et Kempton, 1987; Legendre et Legendre, 1998). Par rapport à l’analyse en composantes principales (ACP, Hotelling, 1933), une autre technique d’ordination souvent utilisée, l’AC présente une plus forte résistance au bruit aléatoire, à l’hétérogénéité des données (outliers, nombreuses valeurs nulles), à la non-linéarité (Shi, 1993; Legendre et Legendre, 1998), et peut donc traiter les données discrètes (Greenacre et Vrba, 1984). La disposition des données le long des axes peut parfois montrer un effet d’arc, récurrent dans la plupart des méthodes d’ordination. Ce biais intervient généralement lorsqu’on utilise des distances non métriques ou semi-métriques (Legendre et Legendre, 1998) ou lorsque les variables ont une distribution unimodale le long des axes (Podani et Miklós, 2002). Dans les cas où cet effet d’arc a été observé, une analyse des correspondances detrended (ACD, (Gauch, 1982) a été appliquée.

L’analyse des correspondances est une technique paramétrique qui est optimisée lorsqu’on applique aux données la distance de Chi2. Bien que la distance de Chi2 soit en mesure de traiter les données d’occurrences (Shi, 1993), il est préférable de les étudier avec une technique non paramétrique, la non-metric multidimentional scaling (NMDS, Shepard, 1962). Les différents objets ne sont pas placés dans l’espace d’ordination selon leur valeur de similarité comme dans l’AC mais selon le rang des ces similarités. La NMDS procède de la manière suivante. Les valeurs de similarité sont ordonnées, puis les objets sont placés aléatoirement dans un espace d’ordination de faible dimension (généralement deux ou trois). La distance Euclidienne qui sépare ces objets dans l’espace est calculée, ce qui fourni de nouvelles valeurs de similarité entre les objets. Ces valeurs sont confrontées aux valeurs initiales de similarité. Une régression entre ces deux jeux de données produit une valeur de variance résiduelle que l’on appelle stress. On réitère cette opération de manière à obtenir la valeur de stress la plus petite possible, attestant que les rangs des similarités obtenues par le graphique correspondent le plus au rang des similarités initiales. Les axes ne cherchent pas à maximiser la variation entre les données mais sont construits arbitrairement, puis testés. Il existe donc un nombre infini de solutions. Le stress n’a pas valeur de statistique mais permet d’évaluer la qualité de représentation des données sur le graphique. Il varie de 0 (ajustement parfait) à 1 (pas d’ajustement). En général, on considère qu’un stress supérieur à 0,2 n’est pas acceptable et que la représentation est robuste pour un stress inférieur à 0,1. En plus de

71 résister à l’hétérogénéité et à la non-linéarité des données, cette technique, par l’utilisation de valeurs ordonnées en substitutions aux distances réelles, présente l’avantage de pouvoir être appliquée avec tout type de mesures de distance et d’éviter l’effet d’arc (Shi, 1993). En contre partie, les données ont tendance à moins se disperser sur le graphique. Cette méthode est fréquemment rencontrée dans les analyses paléoécologiques et paléobiologiques (e.g. Fara et al., 2005; Werdelin, 2008).

L’ensemble des données ont été traitées par analyse des correspondances. La NMDS a en plus été appliquée aux données d’incidences des taxons.

II.3- Analyses discriminantes

Ce type de techniques fonctionne différemment des techniques classiques d’ordination. Une analyse des correspondances permet de représenter des objets dans un espace multidimensionnel selon la distance de Chi2. Les axes vont chercher à maximiser la variance au sein des données. Dans une analyse discriminante, les observations doivent avoir été au préalable regroupées dans des ensembles connus. L’analyse va élaborer des fonctions discriminantes, combinaisons linéaires des variables initiales, qui permettent de maximiser la différence entre les groupes et minimiser la variance intra-groupes. Ces fonctions permettent de construire des axes canoniques le long desquels les observations sont positionnées. Il est donc possible de comprendre quelles sont les variables impliquées dans les différences observées entre les groupes. Ensuite, on peut ajouter de nouvelles observations aux graphiques sans qu’elles ne participent à la discrimination, afin de savoir de quel(s) groupe(s) elles se rapprochent le plus. L’analyse discriminante produira autant de fonctions discriminantes que la valeur minimale entre le nombre de groupe et le nombre de variables moins un.

Pour appliquer ce type d’analyse, les données doivent respecter certaines hypothèses de départ. Les données doivent avoir une distribution multivariée normale (multinormale) et des variances homogènes (homoscédasticité). Une distribution multinormale est l’équivalent de la distribution normale pour une variable et est définie par un vecteur moyen et une matrice de covariance. Il existe de nombreux tests permettant de tester cette hypothèse de multinormalité mais aucun d’entre eux n’est pris en charge par les logiciels statistiques et ils donnent généralement des résultats contradictoires (Legendre et Legendre, 1998). Une solution pour

72 tester la multinormalité est de tester la normalité de chacune des variables. Si l’une d’elle est anormalement distribuée, la distribution ne peut être multinormale. Par contre, même si toutes les variables sont normales, il est toujours possible que l’ensemble du jeu de données ne soit pas multinormal (Looney, 1995). Une violation de ces deux hypothèses n’est toutefois pas rédhibitoire car l’analyse discriminante est robuste face à des données qui dévient de la normalité ou qui montrent une hétérogénéité des variances. Les tests de significativité statistique restent assez fiables (Legendre et Legendre, 1998). En revanche, il est indispensable de respecter les deux hypothèses suivantes. Variances et moyennes des variables au sein de chaque groupe ne doivent pas être corrélées. Si une forte dispersion est associée à une moyenne élevée, la valeur de cette moyenne sera peu fiable. Ceci nuit à la validité des tests de significativité de l’analyse. Cette hypothèse a été testée par le calcul de la corrélation de Pearson (paramétrique) ou de Spearman (non paramétrique) selon les résultats de normalité des variables. En cas de non respect de cette hypothèse, il faut supprimer les points apparaissant comme aberrants dans les données. Enfin, les variables ne doivent pas être redondantes. Ce biais est pris en charge par le logiciel STATISTICA (7.1) puisqu’il calcule à chaque étape de l’analyse la corrélation R² de chaque variable avec l’ensemble des autres variables. Il fourni une valeur de tolérance (1-R²) qui exprime la part de variance propre à la variable. Cette valeur tend vers 0 lorsque la variable est corrélée aux autres. Pour veiller à ne pas inclure une variable redondante avec les autres variables dans le modèle de discrimination, la valeur seuil minimale de tolérance de 0,01 a été appliquée, ce qui permet d’exclure du modèle les variables redondantes d’au moins 99% avec les autres variables.

Les faunes modernes ont été classées dans différents groupes en fonction de leur environnement et traitées par analyses discriminantes. Les abondances relatives plutôt que les abondances brutes ont été privilégiées dans ces analyses pour exclure les variations d’abondances liées aux différences de diversité d’une faune à l’autre. La probabilité de classification à priori a été égalisée pour tous les groupes d’habitats car il n’y a pas de raison de les pondérer selon le nombre d’observations de chacun, ce chiffre n’étant pas représentatif des proportions de ces habitats en Afrique ou dans le passé.

L’interprétation d’un modèle discriminant passe par l’examen de plusieurs valeurs. Le pouvoir discriminant du modèle proposé est exprimé par la valeur du lambda de Wilk. Elle

73 varie entre 0 (pouvoir discriminant parfait) et 1 (aucun pouvoir discriminant). On considère que le pouvoir discriminant du modèle est bon lorsqu’elle est significative (p < 0,05). L’étude conjointe des coefficients standardisés (centré-réduits) des fonctions discriminantes et des coefficients de la structure factorielle permet d’interpréter la nature de la discrimination. Les premiers reflètent la contribution de chaque variable aux fonctions discriminantes. Plus le coefficient standardisé est fort, plus la contribution de la variable à la discrimination entre les groupes est élevée. Les seconds correspondent aux corrélations entre les variables et les fonctions discriminantes. Ces coefficients sont équivalents aux poids factoriels dans les analyses d’ordination et donnent un « sens » aux fonctions discriminantes. Pour chaque modèle, seule la variable avec le coefficient le plus élevé et celles dont la valeur n’excède pas les 20% de différence avec cette dernière seront considérées comme discriminantes.

Il suffit ensuite d’ajouter les assemblages fossiles sur les graphiques sans qu’ils ne participent à la discrimination des données, dans le but de rapprocher ces faunes fossiles à des environnements modernes connus.

III- Indices de similitude

Les coefficients de distance ou de similarité sont des indices permettant de mesurer la ressemblance entre deux faunes. Elles sont identiques pour une distance nulle ou une valeur de similarité maximale. Ces deux types d’indices sont généralement complémentaires. On choisi d’appliquer un indice de similitude selon la nature des données et le type de technique multivariée appliquée.

Il existe en écologie ce qu’on appelle le problème du double-zéro ou de la double absence (cf. Legendre et Legendre, 1998). En effet, si la présence d’une même espèce dans deux faunes constitue un élément de similitude, son absence ne peut être considérée comme un critère de ressemblance. L’absence de cette espèce est peut-être liée à des facteurs différents dans les deux faunes. De plus, en paléontologie, l’absence d’un taxon n’est pas nécessairement effective et peut résulter d’un biais de préservation ou de collecte, même si le choix des sites tend à limiter ce biais. Les coefficients dits asymétriques tiennent compte de ce problème en traitant les double-zéro à part, pour des données d’abondances ou d’incidences.

74 L’ensemble des indices de similitude utilisés pour les données d’occurrences sont asymétriques. Ces données sont régulièrement traitées à l’aide de l’indice de Simpson (1943) (e.g. Flynn, 1986; Bernor et Pavlakis, 1987; Bernor et Rook, 2008). Cet indice est très employé en paléontologie car il est adapté à des jeux de données fragmentaires. Ce coefficient est robuste aux différences de taille entre paires d’échantillons car son calcul est basé sur le nombre de taxons commun aux deux faunes et le plus petit nombre de taxons entre ces faunes. Ainsi, il considère deux assemblages parfaitement identiques lorsque l’un est un sous- ensemble de l’autre (Hammer et al., 2001). Cette similarité sera la même quelque soit le nombre de taxons rencontrés dans le site le plus riche. Le jeu de données étudié a été sélectionné de manière à minimiser ce biais. L’indice de Jaccard (1900; 1901; 1908) prend en compte cette différence de richesse taxinomique car il compare le nombre de taxons partagés au nombre total de taxons rencontré dans les deux sites réunis. Ce coefficient doit donc être appliqué sur des assemblages dont les absences sont réelles et non artéfactuelles. En complément de ces indices, il existe des indices probabilistes, et notamment celui de Raup-Crick (Raup et Crick, 1979). La similarité initiale entre deux faunes correspond à leur nombre de taxons communs. L’algorithme construit une distribution de cette similarité par permutations des cellules (le nombre d’occurrences total de chaque taxon est préservé, seule la richesse taxinomique des sites varie) un certain nombre de fois (ici 200), sous l’hypothèse Ho qu’il n’y a pas d’association entre les faunes et donc que les espèces sont distribuées aléatoirement. La valeur de la similarité de Raup-Crick correspond à la probabilité que la similarité initiale soit supérieure à la distribution des similarités calculées. Par ce calcul, les taxons les plus communs ont plus de poids que les taxons les plus rares. Ces trois indices varient de 0 à 1 (faunes identiques). Celui de Raup-Crick a été privilégié et confronté aux indices de Simpson et de Jaccard, dans le but de confirmer ou non les résultats. Ces trois indices de diversité ont été appliqués avec des analyses d’UPGMA et de NMDS.

Les abondances ou ordres d’abondance des taxons et des catégories écologiques nécessitent également l’emploi d’un coefficient asymétrique. La similarité de Bray-Curtis – ou distance de Steinhaus (Bray et Curtis, 1957) – est recommandée pour les données d’abondance des taxons (Gower et Legendre, 1986) et s’applique avec les abondances absolues. Elle donne un même poids aux variables quel que soit leur effectif. Cependant, elle est semi-métrique, c’est- à-dire qu’elle peut fournir des valeurs de similarités négatives si les sites présentent

75 d’importantes différences d’effectif. Cette mesure a été appliquée sur les abondances absolues des catégories écologiques et sur les ordres d’abondance non standardisés mais inversés, de manière à ce que les taxons les mieux classés soient assignés à des valeurs plus fortes, la plus importante (i.e. le nombre de taxons) étant attribuée au taxon le mieux classé. La distance d’Hellinger (Rao, 1995), contrairement à celle de Steinhaus, privilégie la différence entre les valeurs élevées par rapport aux différences entre valeurs d’effectif réduit. En d’autres termes, les espèces les plus communes contribuent plus aux analyses. Elle est métrique (i.e. toujours positive), elle suit la loi de l’inégalité triangulaire (les distances mesurées entre les faunes sont respectées dans l’espace multivarié) et une valeur nulle correspond à des faunes parfaitement identiques. Cependant, elle n’est pas asymétrique et inclut la double absence dans le calcul de similarité. Les échantillons ont néanmoins été choisis et codés de manière à être les plus représentatifs possibles de leur faune d’origine. Ces deux mesures complémentaires ont été appliquées avec la technique d’UPGMA. L’application d’une AC est préconisée avec la distance de Chi2 (Legendre et Legendre, 1998). Cette mesure possède les mêmes propriétés que la distance d’Hellinger.

Pour les données d’abondances ou d’incidences, la technique de Ward a été employée avec la distance Euclidienne. Cette mesure n’est pas asymétrique et risque d’effectuer des rapprochements erronés entre assemblages où de nombreuses données manquent. Elle n’est donc pas adaptée aux données avec des fortes proportions de valeurs nulles. De plus, l’utilisation de la distance Euclidienne aura tendance à fournir des valeurs de similarité plus élevées. Néanmoins, les échantillons ont été choisis et codés de manière à être les plus représentatifs possibles de leur faune d’origine. Il est donc intéressant de comparer ces résultats à ceux obtenus avec des indices asymétriques. Des résultats congruents permettraient de renforcer ceux obtenus avec les indices asymétriques.

IV- Tests statistiques

Plusieurs tests statistiques ont été effectués dans ce travail pour répondre à diverses questions. Les tests de Shapiro-Wilk (Shapiro et Wilk, 1965) et de Brown et Forsythe (Brown et Forsythe, 1974) ont servi à évaluer la normalité et l’homoscédasticité (écart à la médiane) des données. Le test de Brown et Forsythe est assez robuste, malgré les restrictions formulées par Glass et Hopkins (1996). Ces derniers signalent que ce test repose déjà sur l’hypothèse d’une

76 homogénéité des variances, et qu’il est de ce fait difficile d’évaluer la robustesse des résultats en cas d’hétérogénéité significative. Les méthodes utilisées dans ce travail étant relativement peu sensibles à la violation de ces hypothèses, les doutes formulés sur leur robustesse ne sont pas gênants.

Le test t de Student a servi à préciser si deux échantillons indépendants provenaient de la même distribution. Ce test compare les moyennes des données brutes des deux groupes, il est donc applicable sur des données distribuées normalement. Le test U de Mann-Whitney (Wilcoxon, 1945; Mann et Whitney, 1947) est une alternative non paramétrique au test t. Dans ce cas, ce sont les sommes des rangs des observations qui sont comparées, ces rangs étant attribués sur l’ensemble des deux échantillons. Ce test est robuste face aux petits échantillons car il considère les ex-æquo comme deux rangs distincts et calcule ainsi des probabilités exactes. En contre partie, cette modification conduit souvent à une légère sous- estimation de la significativité statistique du test (Siegel, 1956). Le test de Kolmogorov Smirnov, également non paramétrique, étudie non seulement la valeur moyenne des rangs des groupes mais également la forme de la distribution de la variable dans chaque groupe (dispersion, asymétrie, …). Ces tests seront généralement associés à une représentation graphique sous forme de boîte à moustache. Ces boîtes permettent de représenter la médiane des données associée aux 25e et 75e percentiles. Les moustaches correspondent au rang de variation des données excluant les valeurs atypiques. Ces valeurs sont définies comme étant supérieures à 1,5 fois la longueur de la boîte à partir de l’une de ces extrémités.

Le test de Mantel (1967) permet de comparer deux matrices de même taille. Il calcule une corrélation R après avoir standardisé chaque matrice (centrée-réduites). Le logiciel associe à cette valeur la probabilité obtenue après un test de permutation (5000 répliques).

Le test de Kruskal Wallis est une alternative non paramétrique à l’ANOVA. Il permet de tester la différence entre au moins 3 groupes. L’hypothèse nulle est la suivante : les groupes sont issus de la même distribution ou ont des médianes identiques. Si la valeur de p est significative, il existe une différence. Ce test réalise une analyse de la variance des rangs (et non de la moyenne) des données de chaque groupe et pour chaque variable. Ce test est applicable sur des variables continues et avec une échelle ordinale.

77 Pour l’ensemble de ces tests, une valeur seuil de significativité de 0,05 a été utilisée : une probabilité supérieure à cette valeur permet d’accepter l’hypothèse nulle. Cette valeur est couramment utilisée bien que par rapport à un seuil de 0,01 elle favorise les erreurs de type 1 (on rejette Ho alors qu’elle est vraie).

78

Deuxième Partie

LA FAUNE MAMMALIENNE DE TOROS-MENALLA ET

SES IMPLICATIONS PALEOENVIRONNEMENTALES

Cette partie est focalisée sur le secteur de Toros-Menalla. Les localités identifiées dans cette zone ont été associées au même secteur fossilifère sur la base de l’affleurement de l’unité stratigraphique qui a livré Sahelanthropus tchadensis : l’Unité à Anthracothères. Cette dernière présente une homogénéité biochronologique certaine (Vignaud et al., 2002) qui ne garanti cependant pas l’appartenance des faunes à l’origine de chaque assemblage à la même paléocommunauté. Dans le premier chapitre, l’homogénéité faunique du secteur de Toros-Menalla a été testée. Les assemblages de TM ont été comparés, sur la base de leurs caractéristiques taphonomiques d’abord, puis de leur structure faunique, afin de savoir dans quelle mesure il était possible de regrouper les échantillons de l’ensemble de ce secteur au sein d’un même assemblage. Cette étude est importante puisqu’elle va conditionner les suivantes, pour lesquelles le matériel de TM sera impliqué.

Le second chapitre se propose ensuite d’identifier le(s) contexte(s) paléoenvironnemental(aux) associé(s) aux assemblages fossiles de TM. Dans ce but, une comparaison avec des faunes modernes d’Afrique est entreprise. Au préalable, il était nécessaire de tester le pouvoir discriminant des différents aspects de la structure faunique dans la reconstitution des environnements passés.

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80 Chapitre 1

Structuration faunique des assemblages fossiles de TM

I- Contexte taphonomique : des assemblages représentatifs de leur communauté(s) d’origine ?

La principale difficulté rencontrée en paléoécologie est la question de la représentativité des échantillons fossiles par rapport à leur(s) communauté(s) d’origine. Depuis la mort des organismes jusqu’à la collecte de leurs restes fossiles, les os et la structure initiale de la communauté sont susceptibles d’être altérés par différents processus qui biaisent la représentation des espèces et leur abondance relative (Voorhies, 1969; Dodson, 1973; Behrensmeyer, 1975; Behrensmeyer et Hill, 1980; Shipman, 1981). Ces biais conduisent à des reconstructions paléoenvironnementales erronées (Foote, 1992; Andrews, 1996; Robb, 2002; Andrews, 2006) et faussent les rapprochements effectués lors de la comparaison d’un assemblage fossile à d’autres assemblages, fossiles ou modernes. Ainsi, une accumulation d’os formée sous l’action d’un carnivore terrestre, montrera par exemple une surestimation des espèces terrestres par rapport aux espèces aquatiques ou arboricoles (Kidwell et Flessa, 1995). Il est donc primordial d’identifier les biais présents dans un échantillon fossile afin de les supprimer ou au moins de les compenser. Ces biais apparaissent du moment de l’accumulation de l’assemblage à partir d’une communauté vivante, jusqu’à la collecte des fossiles pour constituer un échantillon provenant de cet assemblage (Artemiou, 1983). Les localités de TM incluses à cette étude ont été sélectionnées de manière à minimiser les biais intervenant lors de la collecte. La suite de cette partie a pour but d’identifier les biais taphonomiques présents dans les assemblages de TM et les mécanismes qui en sont à l’origine.

I.1- Processus taphonomiques identifiés à TM

Le tableau 2.1 présente les processus taphonomiques les plus couramment impliqués dans l’altération de la structure d’une communauté, intervenant avant ou après l’enfouissement des

81 os. Les principaux biais rencontrés dans un assemblage fossile et provoquant l’altération de la structure de la communauté initiale sont le mélange de plusieurs communautés et le tri des éléments squelettiques ou des taxons.

Tableau 2.1 – Principaux processus d’altération intervenant lors de la formation d’un assemblage fossile. Certains de ces processus sont probablement intervenus dans la formation des assemblages fossiles étudiés dans ce travail mais leur détermination nécessite de connaître le contexte taphonomique de ces gisements.

Processus Agents Altérations ● météorisation ensoleillement, taux d’humidité, altération physique et/ou chimique des os température, chimie du sol, précipitations

● piétinement grands mammifères fragmentation des os

● prédation et charognage carnivores, rapaces, rongeurs . abrasion des os (stries de griffes et de dents) . dissolution partielle (suite à l’ingestion) . destruction des os

● transport des os ou des . vent, cours d’eau (transport . désarticulation des carcasses carcasses, pré- ou post- avant dépôt ou après érosion du . éparpillement, fragmentation et tri des restes dépôt lit de la rivière) squelettiques . êtres vivants (prédateurs, . mélange d’espèces d’âge différent ou de animaux fouisseurs) communautés géographiquement distinctes

● taux d’enfouissement lent . faible taux de sédimentation accumulation de restes d’âges différents . érosion intense

● contraintes tectoniques activité tectonique déformation plastique ou cassante des os

● percolation d’eaux fissuration ou porosité des dissolution des os souterraines roches

● racines de végétaux dans végétaux destruction des os le sous-sol

82 Le mélange de faunes résulte généralement du transport des restes provenant de communautés alentours ou d’une condensation temporelle par remaniement de restes anciens ou accumulation des os sur une longe période pendant laquelle vont se succéder plusieurs communautés. Avant l’enfouissement, l’accumulation des restes dans une même aire qui formera ensuite le gisement fossilifère a pu se faire de manière quasi instantanée suite à un évènement catastrophique (mortalité de masse liée à une crue, une famine,…), ou sur plusieurs années pendant lesquelles les individus sont morts de cause naturelle, de maladie ou par prédation (accumulation attritionnelle) (Damuth, 1982). La distinction entre ces deux modes d’accumulation passe par une étude de la structure démographique de l’assemblage. En général, un assemblage attritionnel est dominé par les individus les plus faibles, c'est-à- dire des juvéniles et des vieux adultes, tandis qu’un assemblage formé suite à un évènement catastrophique présente une plus grande diversité d’âges. Cependant cela nécessite de connaître l’âge de chaque spécimen constituant l’assemblage et aucune étude de ce type n’a été conduite sur les assemblages de TM. Le niveau de météorisation peut apporter des éléments de réponse car il témoigne du temps de résidence des os à l’air libre (Behrensmeyer, 1978). L’étude taphonomique portant sur les restes fossiles eux-mêmes est en cours de réalisation et permettra d’apporter des informations à ce sujet. Notons qu’une accumulation attritionnelle ne conduira pas forcément au mélange de plusieurs communautés si la même communauté perdure pendant la durée d’accumulation. Le remaniement de restes provenant d’anciennes communautés est généralement détecté par la présence de taxons diachrones. Aucun diachronisme n’est enregistré sur les sites de TM privilégiés dans cette étude. Enfin, on évalue la présence de transport par la confrontation de plusieurs indices. Sur la zone d’affleurement, le relevé de l’orientation de chaque fossile dans l’espace permet de savoir si les os se sont déposés sous l’influence d’un courant, suggérant la présence d’un transport fluviatile. Un seul site de l’aire fossilifère de TM présente ce type d’arrangement, associé à des structures chenalisantes et sur une étendue limitée. Aucun élément ne permet ici d’affirmer que les assemblages se soient mis en place sous l’action d’un agent fluviatile de haute énergie, bien que la présence d’un réseau fluviatile soit établie (Vignaud et al., 2002). L’état de préservation des os constitue un autre indicateur de transport. Le degré de désarticulation des squelettes et le niveau d’altération des os (abrasion, fragmentation, polissage, etc.) peuvent attester la présence de transport éolien ou fluviatile, et la distance sur laquelle ils ont été transportés. Des stries laissées par des dents ou des traces de digestion révèlent l’action d’un prédateur. Cependant, proie et prédateur appartiennent généralement à la même communauté et donc le transport ne s’effectue pas en dehors de l’environnement

83 présent sur l’aire de répartition de cette faune. Dans ce cas également, seule l’étude taphonomique des restes squelettiques permettra de conclure.

Le tri des éléments squelettiques ou des taxons d’une communauté lors de la formation de l’assemblage fossile résulte principalement du transport des os ou des carcasses, et/ou de la préservation différentielle de certains restes squelettiques selon leurs particularités physico- chimiques (Donovan, 1991; Lyman, 1994), ou de certains taxons selon leurs caractéristiques écologiques. La présence d’une sélection des taxons en fonction de leurs caractéristiques écologiques est difficile à mettre en évidence. En revanche, celle des éléments squelettiques peut être identifiée par l’étude de leur distribution au sein d’un assemblage. Parmi les caractéristiques d’un élément squelettique (forme, taille, densité, minéralisation), la densité est le principal paramètre à dicter son comportement face aux processus physico-chimiques et biologiques (Brain, 1967; 1969; Voorhies, 1969; Behrensmeyer, 1975; Boaz et Behrensmeyer, 1976; Binford et Bertram, 1977; Lyman, 1984; 1994; Morlan, 1994; Lam et al., 1998; Moore et Norman, 2009), en particulier sa robustesse face aux agents destructeurs (Morlan, 1994) et son potentiel de mobilisation. Plus un os sera dense, plus il sera résistant à la détérioration (Lyman, 1985), sauf dans certaines conditions environnementales particulières où la tendance est inversée (Conard et al., 2008). En outre, plus il sera dense, moins il aura tendance à être sélectionné et transporté par un carnivore (Brain, 1967; 1969; Binford et Bertram, 1977; Colinvaux et De Oliveira, 2001) ou fluviatilement mobilisé (Voorhies, 1969; Behrensmeyer, 1975; Boaz et Behrensmeyer, 1976; Alemseged, 2003). De nombreuses équipes ont de ce fait cherché à mesurer la densité des os de mammifères (e.g. Lyman, 1984; 1985; Fish et Stein, 1991; Kreutzer, 1992; Lyman et al., 1992; Morlan, 1994; Lam et al., 1998; Pavao et Stahl, 1999; Stahl, 1999; Pickering et Carlson, 2002; Ioannidou, 2003; Lam et al., 2003; Carlson et Pickering, 2004; Symmons, 2004; Izeta, 2005; Novecosky et Popkin, 2005; Symmons, 2005) mais les résultats varient d’une étude à l’autre, en raison de l’utilisation de procédés distincts pour estimer la densité, d’approximations différentes de la forme de l’os, de disparités inter- ou intra-taxinomiques telles que l’âge (Izeta, 2005), le sexe ou le comportement de l’, et d’hétérogénéités intra-os (Morlan, 1994). Lyman (1984) utilise le procédé de « densitométrie par photons » pour mesurer la densité structurale osseuse. Cette technique reste peu précise car elle approxime la forme de l’os à un rectangle équivalent à la longueur et la largeur maximales de l’os, une valeur ensuite injectée dans le calcul de la densité. Pour pallier à ce biais, Lam et al. (1998; 1999) ont recours à la « tomographie estimée » afin d’évaluer les formes externes et internes des os. Ceci augmente

84 la précision de la mesure et permet d’obtenir une mesure plus précise pour les os à cavité médullaire comme les diaphyses des os longs (Lam et al., 2003). Dans le cadre de ce travail, seuls les résultats obtenus par « tomographie estimée » ont été considérés, et en particulier ceux de Lam et al (1999) et de Novecosky et Popkin (2005). Les mesures effectuées sur des grands canidés (Novecosky et Popkin, 2005) ont été utilisées pour estimer la densité des os de carnivores tandis que celles obtenues pour des chevaux (Equus sp.) et des rennes (Rangifer tarandus) actuels (Lam et al., 1999) ont permis d’estimer les densités chez les Equidae et les Giraffidae respectivement. Enfin la densité des os des taxons restant (Hippopotamidae, Anthracotheriidae, Bovidae, Proboscidea, Suidae) a été estimée à partir des mesures relevées sur des gnous actuels (Connochaetes taurinus) (Lam et al., 1999). Les os de lagomorphes, rongeurs, oryctéropes et primates n’ont pas été inclus à cette analyse car aucune mesure effectuée par « tomographie estimée » n’était disponible. En outre, ces taxons ne représentent qu’une très faible proportion des spécimens retrouvés sur l’ensemble des sites ; leur exclusion ne perturbera pas les résultats.

Figure 2.1 – Proportions des éléments squelettiques classés selon leur densité dans les assemblages de TM. Les dents ont été traitées à part.

Pour l’ensemble des sites, toutes les classes de densité sont représentées et dans des proportions variables, avec toutefois une dominance des éléments de densité 0,7 à 0,8 et des dents, pour l’ensemble des assemblages (Fig. 2.1). Aucun échantillon ne montre de corrélation entre la densité des éléments squelettiques et leur abondance relative (corrélations de Spearman non significatives, allant de -0,21 à 0,18). En d’autres termes, aucun site n’a enregistré de gradient d’abondance croissante allant des éléments les plus denses vers les moins denses ou inversement. Ceci se vérifie lorsqu’on réalise une analyse des correspondances sur les abondances des éléments squelettiques classés selon leur densité (Fig. 2.2). Les 3 premiers axes n’expriment que 22% de variance cumulée, équitablement répartie entre ces dimensions, ce qui souligne une relative homogénéité au sein de ces données. De plus, il n’y a aucune corrélation entre les coordonnées des ordres de densité sur les 3 axes et leur rang (Fig. 2.2), indiquant qu’aucun ne montre un arrangement de ces variables selon une

85 densité croissante. Ces résultats confortent ceux de la figure 2.1, même si la forte proportion de valeurs nulles (74%) les a certainement influencés. L’ensemble de ces éléments atteste l’absence ou l’action limitée de processus agissant selon la densité de l’os dans la formation des assemblages fossiles, tels qu’un tri par transport fluviatile, la sélection des os par des carnivores ou la destruction préférentielle par des agents physico-chimiques (Grayson, 1989; Klein, 1989; Lyman, 1993; Lyman, 1994; Morlan, 1994; Lupo, 1995; Lam et al., 1998).

Figure 2.2 – Analyse des correspondances effectuée sur les abondances des ordres de densité, standardisés en mode two-way3. Certains sites (TM178, TM204, TM244, TM247, TM299) ont été exclus car trop isolés dans l’espace multivarié. Les assemblages (a) et les ordres de densité (b) ont été tracés séparément pour plus de clarté. Matrice 40x61, VN (proportion de valeurs nulles dans la matrice) = 72%. Les valeurs du coefficient de corrélation de Spearman entre les coordonnées des ordres de densité sur les trois premiers axes d’ordination et leur rang de densité sont très faibles (0,080 ; 0,076 ; 0,090 respectivement) et non significatives.

La densité n’est cependant pas le seul paramètre à intervenir dans le comportement des os face aux processus taphonomiques (Donovan, 1991; Lyman, 1994), en particulier face au

3 Standardisation selon la valeur maximale pour chaque ordre de densité et l’effectif total de chaque échantillon (cf. Part.I Chap.4).

86 transport fluviatile des restes. Voorhies (1969) et Behrensmeyer (1975) ont mis en place des protocoles expérimentaux permettant de tester le comportement hydraulique des os, contraint par la forme et la densité de l’os. Ils ont ainsi regroupé les éléments squelettiques dans 5 groupes selon leur susceptibilité au transport fluviatile : - groupe I (côtes, vertèbres, sacrum, sésamoïdes et patella) : os rapidement transportés par flottation ou saltation ; - groupe I/II (scapula, ulna, phalange, astragale, calcanéum, carpes et autres tarse) : comportement intermédiaire entre les os des groupes I et II ; - groupe II (fémur, tibia, humérus, radius, métapodes, pelvis) : os transportés sous régime de haute énergie, généralement par traction ; - groupe II/III (hémi-mandibules) : comportement intermédiaire entre les os des groupes II et III ; - groupe III (crânes, mandibules, dents, chevilles osseuses) : os les plus difficiles à transporter, mis en mouvement sous régime de très haute énergie. Les os restants (épiphyses, diaphyses, fibula, maxilaires) n’ont pas été testés. Du groupe I au groupe III, la susceptibilité des os au transport diminue. La proportion de ces groupes dans un assemblage fossile permet de détecter la présence de transport fluviatile (Behrensmeyer, 1975). L’abondance de chacun de ces groupes a été estimée pour les 45 assemblages de TM (Fig. 2.3a). Très peu d’éléments du groupe I (très facilement mobilisés) sont représentés dans les assemblages fossiles mais ceci résulte d’un biais de récolte car les côtes et vertèbres de mammifères ont été laissées sur le terrain en raison d’un potentiel diagnosique et d’un intérêt limités. Les éléments des groupes I/II et III dominent les assemblages. Si l’on sépare les éléments squelettiques en 2 ensembles, l’un regroupant les éléments facilement transportables (I + I/II), l’autre les éléments difficilement transportables (III + II/III), les sites se répartissent entre des assemblages dominés par les premiers éléments (I + I/II max = 85%) et des assemblages dominés par les seconds (III + II/III max = 85%) (Fig. 2.3b). Cette répartition n’est pas liée à l’effectif des sites car la corrélation entre la proportion des éléments du premier groupe (I + I/II) et l’effectif des sites est très faible (corrélation de Spearman : r = -0,0002 ; p > 0,05 ; N = 45) (Fig. 2.3b-c).

En théorie, des assemblages largement dominés par des éléments facilement mobilisés correspondent à des zones d’accumulation de matériel charrié fluviatilement. Selon la distance parcourue par les os, le matériel peut devenir allochtone par rapport à l’environnement et se mélanger à d’autres faunes. A l’inverse, des assemblages dominés par

87 des éléments peu transportables correspondent à des zones où une partie du matériel a été mobilisée ailleurs ne laissant sur place que les éléments les moins susceptibles au transport, donc autochtones. Concernant les assemblages de TM, il est possible d’envisager que les sites situés aux extrémités de ce graphique (Fig. 2.3b) sont moins représentatifs de leur communauté d’origine. Ceux constitués par une forte proportion d’éléments mobilisables ont pu être enrichis par mélanges de faunes et/ou appauvris par rapport à la communauté dont ils ont été extraits car seule une partie de la faune a été prélevée et certains restes ont pu être détruits lors du transport. Les assemblages localisés à l’autre extrémité ont pu être appauvris par le départ d’une partie des éléments squelettiques. Les échantillons situés dans la partie centrale de ce diagramme (Fig. 2.3b) auraient donc une plus forte probabilité d’être représentatifs de leur communauté d’origine, correspondant à du matériel autochtone et n’ayant subit ni appauvrissement ni enrichissement en matériel, ou d’importance limitée. Il est difficile de déterminer précisément les limites de ces trois signatures taphonomiques sur le graphique (Fig. 2.3b) car il faudrait pouvoir estimer les valeurs seuils des abondances relatives des éléments squelettiques à partir desquelles les assemblages sont représentatifs. Dans un assemblage complet, on s’attend à voir dominer les éléments du groupe I + I/II par rapport à ceux du groupe III + II/III car ils sont, pour la plupart, représentés en plus grand nombre dans un squelette (vertèbres, côtes, basipodes et phalanges). Cependant, la fragmentation des os peut modifier cette tendance. Plusieurs paramètres entrent en jeu et agissent dans des directions antagonistes : les os qui résistent mieux à la destruction seront mieux représentés car ils ont moins de chances de disparaître. En revanche, la fragmentation augmente la représentation d’un os mais ces fragments sont également plus facilement détruits car ils sont moins résistants qu’un os complet. En l’absence de ce paramètre, il est nécessaire de confronter cette hypothèse à d’autres résultats.

Les Hippopotamidae et Anthracotheriidae sont 2 familles de mammifères abondantes sur le secteur de TM. Les genres monospécifiques représentés à TM, respectivement Hexaprotodon et Libycosaurus, sont semi-aquatiques et leur comportement post-mortem est donc intimement lié au milieu aquatique. Ces formes ont une plus forte probabilité de fossilisation et, selon le type de milieu aquatique, ont également plus de chances d’être transportées que des mammifères terrestres de taille comparable. L’observation des restes de ces deux groupes a permis de mettre en évidence une préservation généralement moins bonne des Hippopotamidae par rapport aux Anthracotheriidae à TM. Les premiers sont rarement trouvés en connexion et souvent désarticulés, fragmentés et abîmés, tandis que les seconds affichent

88 peu de traces d’érosion aquatique ou éolienne et certains individus ont été trouvés en association anatomique et complets (Boisserie, 2002). Ceci pourrait suggérer que les Hexaprotodon occupaient préférentiellement les milieux fluviatiles tandis que les Libycosaurus étaient plutôt inféodés aux milieux péri-lacustres où les forces hydrauliques sont généralement moins importantes et donc moins destructrices (Boisserie, 2002). La thèse d’une préférence pour les milieux fluviatiles chez les Hexaprotodon est étayée par l’étude des fluctuations de l’abondance de ce taxon à travers les différents niveaux fossilifères de Lothagam. Les Hexaprotodon sont très abondants dans formation de Nawata, associée à des dépôts fluviatiles, puis se raréfient dans la base de la formation de Nachukui, à dominance lacustre. Le membre Kayumung enregistre ensuite un retour à des conditions fluviatiles mais les Hexaprotodon restent assez peu abondants, peut-être en raison d’un changement du régime fluviatile (Weston, 2003). Par ailleurs, les analyses en δ18O effectuées sur les hippopotames du membre inférieur de la formation de Nawata leur confèrent une signature différente de celle des lacs d’Afrique de l’Est, suggérant un habitat riverain plutôt que périlacustre pour ces animaux (Cerling et al., 2003). Si l’on compare les abondances relatives de ces deux groupes de mammifères (Fig. 2.3c), on constate que les sites avec une large dominance en éléments facilement transportables sont, pour la plupart, également très riches en hippopotames et pauvres en anthracothères. Les assemblages montrant les plus importantes proportions en anthracothères sont, au contraire, dominés par des éléments à faible potentiel de mobilisation. Enfin, dans les localités situées dans la partie centrale du graphique, ces deux taxons sont moins bien représentés. Ceci confirmerait l’hypothèse selon laquelle les sites riches en éléments transportables sont issus d’un transport fluviatile. La forte proportion en hippopotamidé enregistrée dans ces sites résulte en réalité d’une abondance moindre des autres taxons : en valeur brute, ces sites n’ont pas livré plus de restes d’hippopotames que les autres (Fig. 2.3d). Le fait qu’ils vivent dans le milieu fluviatile, vecteur du transport des restes, leur procure une plus forte probabilité d’être intégrés à cette mobilisation. Au contraire, les assemblages appauvris en éléments plus facilement transportables se seraient formés en milieu lacustre ou périlacustre. Les assemblages considérés comme étant représentatifs, situés dans la partie centrale du graphique, ont des abondances en hippopotames et en anthracothères similaires aux autres sites (Fig. 2.3d) mais leur abondance relative est réduite en raison d’un grand nombre de restes provenant d’autres groupes de mammifères. Ils ne sont donc pas particulièrement appauvris en espèces semi-aquatiques mais enrichis en formes terrestres ou plutôt, les autres sites sont appauvris en espèces terrestres.

89 Un élément vient renforcer cette hypothèse. Les taxons les plus rares sur TM (Primates, Tubulidentata, Rodentia et Lagomorpha) sont globalement rencontrés dans les assemblages situés au centre du graphique (Fig. 2.3e), c’est-à-dire ceux qui n’auraient subi aucune perturbation. Un biais de collecte seul ne peut expliquer la position de ces taxons. En effet, le biais en défaveur des petites espèces, lié à un tamisage limité à certains sites seulement, affecte principalement les rongeurs et lagomorphes. De plus, ce n’est pas un biais lié à un échantillonnage moindre car ces taxons sont absents de certains sites pourtant riches en spécimens de mammifères. Il s’agirait donc plutôt d’un biais de préservation. Les squelettes de ces taxons sont facilement transportables car légers et relativement de petite taille. Cependant, lors du transport, ils ont une forte probabilité d’être détruits en raison de leur fragilité, contrairement à la plupart des espèces représentées dans les autres groupes de mammifères de TM (artiodactyles, périssodactyles, proboscidiens et certains carnivores). L’absence de ces espèces dans les sites situés aux extrémités du graphique conforte l’idée que certains assemblages résultent d’un transport fluviatile (riches en éléments facilement transportables) et d’autres en soient le résidu (pauvres en éléments facilement transportables). Notons par ailleurs que sur TM, Primates, Tubulidentata, Rodentia et Lagomorpha réunissent des espèces occupant des habitats très différents, il est donc peu probable que ce biais soit associé à une préservation réduite de certains habitats.

Si certains de ces assemblages ont subi un tri sous l’action de régimes fluviatiles, que révèle alors l’abondance des vertébrés aquatiques ? Les crocodiles sont présents dans des assemblages qui se disposent tout le long du graphique et leur abondance ne permet pas de faire la différence entre les 3 signatures taphonomiques mises en évidence (Fig. 2.3f). En revanche, à l’exception d’un site, les poissons sont absents des sites potentiellement issus d’un transport fluviatile. L’étude (en cours) des restes d’actinoptérygiens du site TM266 a révélé que seuls les éléments les plus robustes avaient été préservés. Cette remarque concerne les os collectés en surface mais également ceux qui ont été collectés in situ, ce qui indique que l’assemblage a souffert d’une destruction des éléments fragiles avant leur dépôt, impliquant un certain niveau d’énergie de l’environnement aquatique (Smith et al., 1988) mais suffisamment faible pour ne pas polir la surface des os (Otero comm. pers.). Ce résultat est en accord avec les interprétations faites sur les profils taphonomiques des sites. Dans les localités potentiellement issues d’un transport fluviatile, les éléments les plus fragiles de ce groupe ont pu être mobilisés mais détruits par les forces hydrauliques. Dans les assemblages correspondant au résidu d’un éventuel transport, ne subsistent que les éléments les plus

90 robustes, les autres ayant été charriés ailleurs. Notons que les abondances des actinoptérygiens au sein de chaque assemblage ne sont pas représentatives de ce qui a été réellement récolté car, pour la plupart, un même numéro d’inventaire, comptabilisé comme un seul spécimen, correspond en réalité à un lot de spécimens (Otero et Vignaud, comm. pers.).

L’ensemble de ces résultats atteste la présence de tri dans certains assemblages, vraisemblablement effectué sous l’action de forces hydrauliques ayant provoqué le transport et la destruction d’une partie des pièces squelettiques. Ceci n’exclut pas l’intervention d’autres agents de transport tels que les prédateurs, ni celle d’agents destructeurs pouvant induire un tri du matériel selon la robustesse des os. L’action de ces processus reste toutefois limitée car des éléments squelettiques de chaque groupe, excepté ceux du groupe I, ont été retrouvés sur chaque assemblage, et il n’existe pas de corrélation entre l’ordre de densité des éléments squelettiques et leur abondance dans les assemblages. Ces conclusions devront être complétées par une observation exhaustive des restes fossiles.

I.2- Biais taphonomiques associés aux assemblages de TM

Malgré l’action limitée de ces processus, il est nécessaire d’évaluer la nature et l’étendue du ou des biais qu’ils ont causé dans le but d’évaluer le niveau de préservation de la structure des communautés. L’estimation de ces biais passe le plus souvent par une comparaison entre assemblages fossiles et faunes modernes, en se basant sur le principe d’actualisme.

Dans les communautés modernes, il existe une relation de proportionnalité entre le nombre de prédateurs (carnivores sensu lato) et de proies (herbivores sensu lato) (Arnold, 1972; Schoener, 1989). Le calcul de ce ratio dans un assemblage fossile permettrait de savoir s’il est biaisé par rapport à ce paramètre. Cependant, il n’existe pas de consensus autour de la valeur de ce taux ni de sa constance car il semble notamment influencé par la diversité de la faune (Cohen, 1977; Jeffries et Lawton, 1984; Schoenly et al., 1991; Van Valkenburgh et Janis, 1993). Une telle relation entre proies et prédateurs repose sur l’existence de régularités énergétiques et métaboliques au sein des communautés de mammifères. Ce concept a permis à Damuth (1982) d’établir une relation entre la taille des espèces et leur abondance relative dans la communauté. Ainsi, connaissant le poids d’une espèce, il est possible d’évaluer son abondance relative et donc de mesurer la déviation de l’assemblage fossile par rapport à la communauté d’origine. Cette technique semble fonctionner et présente l’avantage de

91 s’affranchir de déterminations taxinomiques précises. Néanmoins, elle nécessite un temps d’acquisition des données important. Sur le même principe écologique, Soligo et Andrews (2005) ont développé une approche présentant les mêmes avantages mais plus simple à exécuter. La compilation de 61 faunes modernes provenant des différentes régions du monde et représentant l’essentiel des environnements terrestres a permis d’évaluer le rang de variation écologique naturel des communautés actuelles. Les mammifères ont été classés dans des groupes fonctionnels, ou guildes, définis par la combinaison des catégories de 2 écovariables couramment utilisées dans l’analyse des structures fauniques : la masse corporelle (< 1 kg, 1-10 kg, 10-45 kg, 45-180 kg, > 180 kg) et le régime alimentaire (consommateur primaire ou secondaire). Les médianes et extrema des valeurs obtenues ont été reportés sur la figure 2.4 et comparés à celles de TM.

a. 0,8 b. 0,8

0,7 0,7

0,6 0,6

0,5 0,5

0,4 0,4

0,3 0,3

0,2 0,2

0,1 0,1

0,0 0,0 AP AS BP BS CP CSDPDSEPES AP AS BP BS CP CS DP DS EP ES

Figure 2.4 – Variation naturelle de l’abondance des guildes écologiques définies par Soligo et Andrews (2005) à partir d’une compilation de 61 faunes modernes (boîtes blanches : médiane associée à ses 25e et 75e percentiles, étendue et extrema). En gris figurent les proportions de ces guildes dans les 45 assemblages de TM, considérés individuellement (a) ou compilés à l’échelle du secteur (b, médianes, 25e et 75e percentiles et extrema). Les échantillons d’effectif supérieur à 150 spécimens ont été repérés en rouge. A : <1 kg ; B : 1-10 kg ; C : 10-45 kg ; D : 45-180 kg ; E : > 180 kg ; P : consommateurs primaires ; S : consommateurs secondaires.

Les abondances relatives des mammifères de petite et moyenne taille (1-45 kg) de TM entrent dans le domaine de variation des faunes modernes (Fig. 2.4b). Cependant, la médiane de l’abondance des petits mammifères est largement inférieure à celle des faunes modernes. Les assemblages de TM sont également appauvris en micromammifères (< 1 kg). Les médianes

92 de ces guildes sont nulles et seulement deux sites (TM55 et TM32) ont une abondance en micromammifères consommateurs primaires (AP) comparable à celle des faunes modernes (Fig. 2.4a). Les assemblages de ce secteur sont en revanche enrichis en consommateurs primaires de grande taille (> 45 kg). Soligo et Andrews (2005) considèrent que la déviation des assemblages fossiles par rapport aux faunes modernes correspond généralement à un biais car le modèle actuel repose sur des principes biologiques que l’on suppose avoir toujours existé dans le passé. Cet appauvrissement en petites espèces pourrait résulter de facteurs variés intervenus lors de l’échantillonnage ou de l’accumulation des restes squelettiques. C’est un biais couramment rencontré dans les assemblages de restes squelettiques actuels (Behrensmeyer et Dechant Boaz, 1980; Boaz, 1982; Sept, 1994; Kidwell et Flessa, 1995). Par exemple, Kidwell et Flessa (1995) ont observé l’évolution des os provenant de 6 habitats du bassin d’Amboseli sur plusieurs années et comparé la structure de l’assemblage squelettique avec celle de la communauté à partir de laquelle il a été formé. L’ordre d’abondance des espèces était en accord avec leur abondance relative dans la communauté et leur taux de renouvellement. Cependant, certaines gammes de taille avaient subi des pertes importantes. 95 à 100% des grands mammifères herbivores et carnivores (> 15 kg) étaient représentés dans l’assemblage, contre 60% des petits herbivores et 21 % des petits carnivores (1-15 kg). Parmi les ongulés, les grands herbivores (> 200 kg) avaient livré un nombre de restes plus important que celui attendu, à l’inverse des petits herbivores (< 100 kg). Une visibilité moindre des petits os ainsi qu’un enfouissement rapide par piétinement ou par l’action du vent sont des explications possibles permettant d’obtenir un tel schéma (Behrensmeyer et Dechant Boaz, 1980; Western, 1980). Cependant, ces facteurs favorisent également la préservation des os en les protégeant des agents de détérioration de surface (e.g. météorisation). La sous- représentation des petites espèces, en particulier des micromammifères, est pourtant un biais fréquemment observé dans le registre fossile (Dodson, 1973; Damuth, 1982; Andrews et Nesbit Evans, 1983; Fernandez-Jalvo, 1995; 1996; Soligo et Andrews, 2005). Ce biais pourrait provenir d’un faible taux de préservation des espèces de petite taille. Les plus petits mammifères ont généralement des éléments squelettiques moins denses (Conard et al., 2008) et plus fragiles que les grands mammifères. Ils sont donc plus facilement transportés (Fernandez-Jalvo et al., 1998) ou détruits par piétinement ou météorisation (Lyman, 1984; Staff et al., 1985; Kidwell et Flessa, 1995). Par leur taille, ils sont également plus affectés par la prédation (carnivores et charognards) (Hill et Behrensmeyer, 1984; Kidwell et Flessa, 1995) : leurs os sont systématiquement fragmentés lors de la mastication et on les retrouve partiellement dissous, entiers ou fragmentés, dans les pellets et fèces de rapaces et de

93 carnivores. Sur TM, la présence d’un tri par transport et/ou destruction différentielle a été mise en évidence dans certains sites et a pu causer la destruction des petits os. Néanmoins, certains sites supposés ne pas avoir subi de tels processus montrent également une importante sous-représentation des petites espèces (Fig. 2.3g). Un biais d’échantillonnage pourrait alors avoir causé une telle représentation des petites espèces. La collecte de surface tend à favoriser la découverte des grands mammifères et biaise celle des plus petits car ils sont moins visibles et donc moins systématiquement récoltées (Wolff, 1975; Soligo et Andrews, 2005). Les fossiles de petite taille sont également plus facilement transportés par le vent puis recouverts de débris (Wolff, 1975). Par ailleurs, sur le secteur de TM, les sites n’ont pas tous fait l’objet d’un tamisage des sédiments.

Un biais d’échantillonnage et/ou de préservation sont probablement responsables de la sous- représentation des petites espèces à TM. Ces mécanismes ont cependant pu amplifier un signal écologique correspondant à des faunes peu diversifiées en petits mammifères et/ou riches en grands mammifères. S‘il est généralement possible d’identifier les principaux processus taphonomiques impliqués dans la formation des assemblages fossiles ou du moins les biais qui en découlent, il est plus difficile d’évaluer quantitativement l’étendue de leur action et d’en contrôler les effets sur la représentation des espèces et leur abondance (Damuth, 1982; Soligo, 2002; Soligo et Andrews, 2005). Quelque soient le ou les facteurs de sous-représentation des petites espèces, ils affectent la grande majorité des assemblages du secteur à un degré plus ou moins fort. Ce biais n’est donc pas gênant pour une comparaison intra-sectorielle (Behrensmeyer et Hook, 1992; Bobé et al., 2002) mais devra être pris en compte lors de la comparaison de la structure faunique des assemblages de TM avec celles des faunes modernes et autres assemblages fossiles. Le fait que l’ensemble de ces assemblages dévie de manière similaire par rapport aux faunes modernes n’implique pas que les assemblages ont été soumis à des processus taphonomiques identiques (Soligo et Andrews, 2005). Ce n’est d’ailleurs pas ce que montre la distribution des éléments squelettiques.

II- Toros-Menalla : un ensemble faunique homogène ?

II.1- Structures écologiques des assemblages de TM

94 Quelque soit la technique ou la mesure de similarité employées, les analyses de classement portées sur les 11 assemblages les plus échantillonnés de TM (effectif > 150 spécimens) permettent de former deux grands ensembles (Fig. 2.5). Le premier réunit les localités TM9, TM115, TM242 et TM275. Ce pool est fortement soutenu par les analyses d’amorçage avec des pourcentages allant de 84% à 100%. Dans l’espace multivarié de l’analyse des correspondances, ces 4 localités forment également un ensemble distinct, isolé le long du premier axe et en position centrale sur les deuxième et troisième dimensions (Fig. 2.6). Les autres sites forment un second ensemble. Ils sont plus dispersés dans l’espace d’ordination et sont réunis par des valeurs de similarité et d’amorçages plus faibles sur les arbres obtenus avec la distance Euclidienne et celle d’Hellinger. Avec la similarité de Bray-Curtis, ce groupe est éclaté. En particulier, TM266 se retrouve isolé des autres localités. Cet échantillon renferme la plus importante diversité écologique du secteur (18 catégories écologiques représentées sur les 19 définies sur l’ensemble sectoriel), suivi par TM112 et TM90. Cette diversité est associée à une proportion plus importante de catégories rares, c’est-à-dire retrouvées dans peu d’assemblages et en faible effectif au sein d’un échantillon. La similarité de Bray-Curtis donne un poids identique aux catégories rares et communes, ce qui explique la position isolée de ces sites dans le dendrogramme. Parmi elles, A (masse < 500 g) et T/Ar (semi-arboricoles) sont très rares et ont un poids important sur les axes d’ordination. Elles doivent être en partie responsables de la dispersion importante des assemblages de ce second groupe. Cependant, leur exclusion ne modifie pas la variation enregistrée au sein de cet ensemble (Fig. 2.7). Dans la suite de cette étude, les sites appartenant au premier groupe seront qualifiés de sites « à affinité TM9 » et symbolisés en vert, tandis que les localités « à affinité TM266 », en rouge, feront référence aux sites du second groupe, TM9 et TM266 étant les deux assemblages les plus échantillonnés sur l’ensemble du secteur.

Lorsque l’on inclut toutes les localités de TM, les analyses multivariées permettent à nouveau de discriminer deux sous-ensembles, similaires à ceux précédemment mis en évidence (Fig. 2.8-2.9). A nouveau, les sites à affinité TM266 se dispersent dans l’espace multivarié (Fig. 2.9) et adoptent une position périphérique au groupe à affinité TM9 sur les dendrogrammes (Fig. 2.8). Certains de ces assemblages (TM55, TM32, TM68 et TM247) se placent au sein du groupe à affinité TM9 sur les arbres. TM247 est néanmoins situé au sein du nuage de points à affinité TM266 dans l’espace multivarié. TM55, TM32 et TM68 sont isolé de l’ensemble des sites le long du deuxième axe en raison de proportions plus importantes en gammes de masses B et/ou C, mais ne sont pas réunis avec les sites à affinité TM9. La migration de ces 4

95 localités dans les dendrogrammes témoigne de la variabilité de la diversité écologique entre les assemblages à affinité TM266 et met en évidence les limites de la technique de classification.

Deux types de structures écologiques sont ainsi représentés sur TM. L’ensemble de ces assemblages présente des espèces de masse supérieure à 10kg, carnivores ou herbivores (graminivore, folivore ou mangeurs mixtes) et terrestres ou aquatiques (Fig. 2.10). Les sites à affinité TM9 ont, de manière significative, une proportion plus importante en très grandes espèces (> 360 kg) et en espèces de masse comprise entre 90 et 180 kg (Fig. 2.10a). Ils sont également plus riches en espèces graminivores (Fig. 2.10b).

Figure 2.10 – Abondances relatives des catégories écologiques au sein des deux groupes de site identifiés (« à affinité TM266 » en rouge et « à affinité TM9 » en vert), calculées sur les 11 localités les plus échantillonnées. Les catégories pour lesquelles une différence significative (p < 0,05) a été trouvée par les tests U de Mann-Whitney et Kolmogorov-Smirnov sont signalées par un astérisque.

Les assemblages à affinité TM266 montrent une quantité plus importante en espèces de taille moyenne (10-45 kg) et se distinguent surtout par une plus forte diversité écologique. En plus des catégories déjà citées, ces localités ont livré des formes de petite taille (< 10 kg), insectivores, frugivores ou omnivores, et fouisseuses ou semi-arboricoles (Fig. 2.10). C’est principalement la distribution de ces catégories qui permet de séparer les assemblages en deux ensembles dans l’espace multivarié. Cependant, ces types écologiques sont assez peu fréquemment rencontrés à TM et ne sont pas uniformément distribués au sein des assemblages à affinité TM266 Cette hétérogénéité s’exprime par la forte dispersion observée

96 au sein de ce groupe sur l’ensemble des analyses. Les trois sites à hominidés du secteur de TM sont classés parmi ce groupe hétérogène et de diversité écologique élevée.

II.2- Structures taxinomiques des assemblages de TM

Analyses multivariées des structures taxinomiques des assemblages fossiles

Analyse des 11 sites les plus échantillonnés – Les analyses de classement effectuées sur les ordres d’abondances des taxons au niveau Fam/Ordr (Fig. 2.11) fournissent des résultats assez différents de ceux obtenus avec leur structure écologique. Les deux groupes écologiquement discriminés sont présents avec la distance d’Hellinger (Fig. 2.11a), bien que peu individualisés, mais sont éclatés et mélangés avec la distance Euclidienne et la similarité de Bray-Curtis (Fig. 2.11b-c). La première analyse est associée à une forte valeur de corrélation cophénétique (0,908) et fournirait donc un modèle plus fiable, malgré des nœuds peu robustes. Le premier axe de l’analyse des correspondances tend également à séparer les deux ensembles (Fig. 2.12), bien que cette distinction ne soit pas aussi nette qu’avec la structure écologique (Fig. 2.7). Vers les valeurs positives de l’axe, on retrouve 3 des sites à affinité TM9 (TM9, TM242, TM115), caractérisés par un bon classement des giraffidés, hippopotamidés et proboscidiens. La plupart des sites à affinité TM266 ainsi que TM275 sont disposés au centre du graphique. TM215 est isolé en raison d’une forte proportion en tubulidentés et en lagomorphes. TM112 et TM266 sont tirés vers ce pôle par des proportions importantes de l’un ou l’autre de ces taxons. La proximité de TM254 avec les sites à affinité TM9 s’explique par l’absence de rongeurs, primates, tubulidentés et lagomorphes dans cet assemblage. Les carnivores ont un poids non négligeable sur cet axe et présentent une proportion plus importante dans les sites situés au niveau des valeurs négatives de l’axe, à affinité TM266. La deuxième dimension est dominée par l’abondance en primates et TM266 est ici celui qui en possède le plus. Enfin, l’axe 3 oppose des sites riches en anthracothères (valeurs négatives) à des sites riches en équidés (valeurs positives). La plupart des sites à affinité TM9 (excepté TM242) apparaissent relativement pauvres en anthracothères.

Analyse des 45 sites du secteur – L’intégration de l’ensemble des sites apporte des résultats comparables. Sur les arbres de classification (Fig. 2.13), les deux groupes sont plutôt éclatés. Dans l’espace multivarié, les assemblages ont tendance à se disposer de part et d’autre d’une diagonale passant par le coin supérieur-gauche du graphique (Fig. 2.14). Certains sites à

97 affinité TM266 se positionnent au sein de l’ensemble à affinité TM9 : TM297, TM278, TM160, TM68 et TM254. Les 4 premiers ont des effectifs assez réduits (30, 31, 34 et 44 respectivement) et les ordres d’abondance ont moins de chances d’être représentatifs à un niveau d’échantillonnage si faible, sauf pour les taxons qui dominent largement. On note toutefois que, selon leur structure écologique, TM68 et TM160 ont une attribution douteuse au groupe à affinité TM266. L’introduction de sites d’effectif réduit apporte certainement du bruit à cette distinction par rapport à celle enregistrée par les 11 sites les plus échantillonnés, tel que l’attestent les valeurs de robustesse. En effet, les arbres présentent des nœuds moins robustes et des valeurs de similarité plus faibles, et les pourcentages d’inertie sur les deux premiers axes de l’analyse des correspondances sont réduits (22,5% et 15,6%) par rapport à ce qu’on attend pour une matrice de cette dimension (proche de 500 cellules) (Freudenthal et al., 2009).

Sur les analyses des correspondances précédentes, effectuées sur les deux jeux de données (tous les sites ou les sites les plus échantillonnés), les 3 axes d’ordination sont dominés par les taxons les moins fréquents sur TM (Rodentia, Tubulidentata, Primates et Lagomorpha), c’est- à-dire que la position des sites dans l’espace multivarié est essentiellement dictée par la distribution de ces taxons (Fig. 2.12 et 2.14). Leur exclusion des analyses multivariées provoque le mélange des localités des deux ensembles sur les graphiques (Fig. 2.15-2.16). Il apparaît donc que le schéma de répartition des taxons les plus communs soit peu impliqué dans la séparation des assemblages en deux groupes distincts selon leur structure taxinomique. Cependant, si l’on exclut ces mêmes taxons et que l’on analyse la structure écologique des assemblages, on retrouve un résultat similaire à celui obtenu avec l’ensemble des taxons (Fig. 2.17), avec toutefois 4 sites (TM55, TM160, TM247 et TM337) ayant migré dans le nuage de points des assemblages à affinité TM9. La différence observée entre les résultats obtenus avec et sans les taxons rares sur la structure taxinomique provient en fait essentiellement de la standardisation appliquée à cette mesure. Pour deux échantillons de diversité différente, le taxon le plus abondant se verra attribuer une valeur plus importante dans l’échantillon de diversité élevée. Les taxons considérés comme rares au niveau Fam/Ordr sont présents dans moins de 18% des sites sur l’ensemble du secteur, contre 64% au moins pour les autres taxons. Le fait de ne conserver que des taxons de fréquence élevée réduit les différences de diversité entre les assemblages et rend plus comparables les ordres d’abondance de leurs taxons.

98

Profil d’abondance des taxons dans les assemblages de TM

Le profil d’ordre d’abondance des taxons au niveau Fam/Ordr pour les 11 assemblages les plus échantillonnés permet de visualiser les différences entre les deux groupes de localités (Fig. 2.18).

Figure 2.18 – Ordres d’abondance des taxons, au niveau Fam/Ordr, dans les deux ensembles de sites (« à affinité TM9 » en vert, « à affinité TM266 » en rouge), estimés à partir du nombre de spécimens identifiés (NSPI) dans les 11 sites les plus échantillonnés.

Les Bovidae dominent la majorité des assemblages, quelque soit leur affinité. En revanche, les Hippopotamidae ont un meilleur classement dans les sites à affinité TM9, tandis que les Anthracotheriidae sont mieux classés dans ceux à affinité TM266. Les tests U de Mann-Whitney et de Kolmogorov-Smirnov ont révélé que ces différences étaient significatives (p < 0,05). Ainsi que l’analyse des correspondances l’a suggéré, les sites à affinité TM266 apparaissent relativement plus riches en carnivores, tandis que les sites à affinité TM9 sont plus riches en giraffidés. Aucune différence n’est en revanche observable dans l’ordre d’abondance des proboscidiens (Fig. 2.18). Les taxons peu fréquents du secteur (Tubulidentata, Primates, Rodentia, Lagomorpha) sont absents des échantillons à affinité TM9 et présents dans les autres sites mais non uniformément distribués. Le test U de Mann- Whitney révèle une différence significative entre l’ordre d’abondance des tubulidentés de ces

99 deux groupes, non détectée avec le test de Kolmogorov-Smirnov. Contrairement à ce que l’on a pu observer avec l’analyse des correspondances, ces tendances restent vraies si l’on exclut les taxons rares dans le calcul de l’ordre d’abondance des taxons (Fig. 2.19a-b). Ce résultat provient certainement du fait que l’on utilise les médianes calculées au sein de chaque groupe d’assemblage pour comparer les ordres d’abondances des taxons.

Figure 2.19 – Ordres d’abondances des taxons, au niveau Fam/Ordr, dans les deux ensembles de sites (« à affinité TM9 » en vert, « à affinité TM266 » en rouge). (a) Les abondances sont estimés à partir du NSPI et n’incluent que celles des 11 sites les plus échantillonnés. (b) Les abondances sont estimées à partir du NSPI, en excluant les taxons peu fréquents sur TM (Lagomorpha, Rodentia, Tubulidentata et Primates), et ne se basent que sur celles des sites les plus échantillonnés. (c) Les abondances sont estimées à partir du NSPI et se basent sur l’ensemble des localités de TM. (d) Les abondances sont estimées à partir des éléments mandibulaires dénombrés dans les 11 sites les plus échantillonnés.

Robustesse de la différence de structure taxinomique observée entre les deux ensembles de sites

Pour les deux types d’échantillons, les valeurs médianes sont associées à des intervalles de taille relativement importante, ce qui ne permet pas d’observer la différence d’abondance, si elle existe, des taxons communs entre les assemblages (carnivores, suidés, équidés…). L’inclusion de l’ensemble des sites de ce secteur dans l’analyse accroît cette variation et plus aucune différence de distribution des taxons n’est alors observable (Fig. 2.19a,c). Même si, pour la plupart des taxons, la position relative des médianes est conservée, les intervalles de variation ont considérablement augmenté pour les deux ensembles de sites. Ces écarts peuvent relever de biais analytiques. En effet, les ordres d’abondance ont été attribués à partir des abondances des spécimens comptabilisées sur le NSPI (Nombre de Spécimens Identifiés),

100 une mesure influencée par les conditions taphonomiques de l’assemblage. Si ces conditions varient d’un assemblage à l’autre, le NSPI calculé pour les taxons n’est plus comparable entre les assemblages. Afin de tester ce biais, ces abondances ont été confrontées à celles obtenues après comptage des éléments mandibulaires uniquement. La corrélation moyenne entre les abondances estimées par NSPI et par comptage des éléments mandibulaires, calculée sur l’ensemble des sites par le coefficient de Spearman, est élevée (0,89), avec des valeurs toutes significatives qui s’échelonnent de 0,61 à 0,99. Ces fortes corrélations indiquent que le NSPI est une mesure adaptée à l’estimation de l’abondance des taxons pour les assemblages de TM, ainsi que le contexte taphonomique général du secteur le laissait suggérer (cf. Part. I Chap. 4). Les analyses multivariées réalisées sur ces données ont produit des résultats très similaires à ceux obtenus avec le NSPI et n’ont donc pas été figurées. En revanche, les médianes et les intervalles de variation des ordres d’abondances obtenus par cette mesure tendent à atténuer les disparités observées avec le NSPI (Fig. 2.19a,d). En particulier, les différences dans le classement des Anthracotheriidae ou des Hippopotamidae sont moins marquées et perdent leur significativité statistique entre les deux groupes de sites. La seule différence significative reste celle des Tubulidentata. L’écart de médiane du rang des carnivores entre les deux ensembles est plus important, mais aucune différence significative ne peut néanmoins être mise en évidence. Les estimations des ordres d’abondance obtenues à partir du comptage des éléments mandibulaires impliquent de modérer les différences proposées entre les deux types d’assemblage sur leur profil de distribution des taxons. Cependant, cet outil n’a pas permis de réduire les intervalles de variation élevés, associés aux valeurs médianes de ces ordres d’abondances. Si elles ne résultent pas d’un problème de mesure d’abondance, ces variations pourraient être causées par le fait que l’on emploie les ordres d’abondances et non les abondances relatives elles-mêmes. Jamniczky (2003) précise que ce type de mesure est approprié lorsque les taxons montrent d’importants écarts numériques. Si ce n’est pas le cas pour les taxons communs, une faible variation d’abondance peut induire une variation non négligeable dans le classement de ce taxon dans un assemblage. Cependant, l’étude des abondances relatives des taxons, et non de leur rang, dans les deux sites les plus échantillonnés de TM (TM266 et TM9), pour lesquels on estime une assez bonne représentation des proportions des taxons, fournit un motif similaire à celui décrit pour les 11 échantillons avec l’ordre d’abondance (Fig. 2.20a). Les valeurs médianes et les intervalles de variation ont été estimés sur l’ensemble des missions effectuées sur chaque localité (4 missions sur TM9 et 6 sur TM266).

101 TM266 est plus riche en Bovidae, en particulier en Hippotragini et Reduncini (Fig. 2.20b), et en Anthracotheriidae, tandis que TM9 est dominé par les Hippopotamidae. Les tests U de Mann-Whitney et de Kolmogorov-Smirnov ont estimé que ces différences étaient significatives (p < 0.05), sauf pour les proportions en Reduncini et en Hippotragini. Une différence significative a également été mesurée entre les abondances relatives en Hyaenidae, plus nombreux sur TM266.

Figure 2.20 – Abondances relatives des taxons aux niveaux Fam/Ordr (a) et Trib/Fam (b) dans les échantillons de TM9 et de TM266, estimées à partir des différentes missions effectuées sur chaque localité : 4 pour TM9, 6 pour TM266.

102 Finalement, la variabilité observée au sein de chaque ensemble de site dans le profil d’abondance des taxons au niveau Fam/Ordr n’est pas imputable à un biais analytique et doit résulter d’une réelle hétérogénéité au sein de chacun de ces groupes. De ce fait, les différences observées pour les Anthracotheriidae, les Hippopotamidae et les Tubulidentata sont fondées, tandis que celles relatives aux Carnivora et aux Giraffidae doivent être considérées avec précautions. Enfin, les proportions en proboscidiens, équidés et suidés apparaissent similaires entre les deux types d’assemblages (Fig. 2.18).

Conformément à nos attentes, l’analyse des structures écologique et taxinomique fournissent des résultats assez similaires. Cependant, le signal est moins fort et surtout moins contrasté avec la structure taxinomique. Ces deux proxi ne portent probablement pas le même signal environnemental, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas contraints par les mêmes facteurs environnementaux. Cette différence peut également résulter du fait que les structures écologique et taxinomique ont été définies à des niveaux d’inclusion taxinomique distincts et à partir de données différentes. En effet, l’estimation des ordres d’abondance des taxons est certainement plus biaisée que celle des incidences des taxons.

II.3- Compositions taxinomiques des assemblages de TM

Niveau Tribus/Familles

Au niveau Trib/Fam, parmi les sites les plus échantillonnés, seul l’indice de Jaccard permet de retrouver les groupes écologiquement discriminés (Fig. 2.21). Cependant, les sites à affinité TM9 sont reliés par un nœud peu robuste, ce qui rejoint les résultats des dendrogrammes obtenus avec les autres indices, pour lesquels le groupe à affinité TM9 est scindé en deux sous-ensembles (TM9 et TM242, TM115 et TM275) dispersés au sein du groupe à affinité TM266 (Fig. 2.21). Ce résultat n’est pas surprenant pour les indices de Simpson et de Raup-Crick puisqu’ils se basent uniquement sur le nombre de taxons communs aux deux localités (pondéré par l’effectif du site le plus petit pour Simpson). A ce niveau taxinomique, si l’on exclut les singletons, l’ensemble des taxons représentés sur les sites à affinité TM9 sont également présents dans les assemblages à affinité TM266. Le premier groupe pourrait donc constituer un sous ensemble du second. Cependant, ces assemblages montrent suffisamment de différences par rapport aux sites à affinité TM266 pour en être séparés sur les graphiques d’ordination (NMDS et analyse des correspondances) (Fig. 2.22-

103 2.23). Les NMDS sont associées à des valeurs de stress raisonnables (entre 0,1 et 0,2), sauf avec la similarité de Simpson (>0,2), ce qui garantit une assez bonne robustesse des résultats. En revanche, l’inertie exprimée par les deux premiers dimensions de l’analyse des correspondances est faible (24,9% et 16,8%) compte tenu de la taille de la matrice (264 cellules).

Sur les dendrogrammes obtenus sur l’ensemble du secteur, les sites des deux groupes sont mélangés (Fig. 2.24). Le grand nombre de valeurs nulles, ou très faibles, aux nœuds témoigne de l’instabilité de cette structure. La NMDS appliquée avec la mesure de Raup-Crick fait également ressortir ce schéma (Fig. 2.25b). En revanche, sur les graphiques obtenus avec la similarité de Jaccard et l’AC, les assemblages à affinité TM9 tendent à se regrouper (Fig. 2.25a-2.26). Ces résultats sont néanmoins assez peu robustes car la NMDS est associée à un stress supérieur à 0,2 et les valeurs d’inertie des axes sont faibles (21,5% pour les deux premiers axes). Certains sites à affinité TM266 pénètrent dans ce nuage de points, notamment TM68, TM276, TM278 et TM247. Les sites les plus échantillonnés pris au niveau Trib/Fam portent un signal en accord avec ce que les structures taxinomiques et écologiques ont révélé, toutefois plus discret. L’atténuation de ce signal peut résulter de la forte proportion de valeurs nulles (52%) dans la matrice de données au niveau Trib/Fam, après avoir exclu les singletons. Avec 73% de valeurs nulles, l’introduction de l’ensemble des sites du secteur amplifie ce bruit. Par ailleurs, le niveau Trib/Fam a tendance à homogénéiser la structure des assemblages car, à ce niveau, chaque taxon contient des espèces possédant parfois des caractéristiques écologiques différentes.

Niveau Générique

Les 4 arbres obtenus au niveau générique (Gen) par les analyses d’UPGMA et la technique de Ward fournissent chacun un arrangement différent des 11 sites les plus échantillonnés (Fig. 2.27). Cette instabilité, ajoutée à des valeurs de robustesse des nœuds relativement faibles pour la plupart, témoignent de l‘absence d’une structuration des faunes de TM en fonction de leur composition taxinomique au niveau générique. Les analyses d’ordination tendent à confirmer ce résultat, bien qu’une certaine séparation apparaisse entre les sites des deux groupes avec la similarité de Jaccard et l’AC (Fig. 2.28-2.29). Malgré l’utilisation d’un bas niveau taxinomique, les taxons représentés sur l’ensemble du groupe à affinité TM9, hors

104 singletons, sont également présents dans certains sites à affinité TM266, ce qui a pour effet, avec Raup-Crick et Simpson, de rapprocher les sites à affinité TM9 des autres assemblages. A l’échelle du secteur, 4 sites (TM274, TM68, TM297 et TM39) ont été exclus car ils ne comportent qu’un seul taxon identifié au niveau générique. Les sites des deux groupes sont mélangés sur les dendrogrammes et les graphiques de NMDS (Fig. 2.30-2.31). Les valeurs élevées de stress (> 0,2) et le nombre important de valeurs nulles calculées aux nœuds confirment l’absence d’une organisation particulière entre les assemblages selon leur composition taxinomique. Seul le premier axe de l’AC tend à séparer les sites des deux ensembles, avec néanmoins un recouvrement important et une faible part de la variation exprimée par cette dimension (Fig. 2.32). De même qu’au niveau Trib/Fam, l’ajout de l’ensemble des sites apporte du bruit car 77% des valeurs de la matrice sont nulles.

Les données Gen et Trib/Fam ne fournissent pas les mêmes résultats. Nous avons vu que le niveau Trib/Fam détectait un signal similaire à celui des données écologiques. D’autre part, certaines des analyses appliquées au niveau générique portent un signal également similaire. Le problème se situe donc très probablement au niveau des données génériques. Le nombre global de taxons est plus élevé au niveau Gen qu’au niveau Trib/Fam. Cette tendance est inversée lorsque l’on comptabilise la richesse taxinomique au sein de chaque site en ne conservant que les taxons participant aux analyses, c’est-à-dire en excluant les singletons (Fig. 2.33). Du niveau Trib/Fam au niveau Gen, la perte d’information est donc importante.

Figure 2.33 –Richesses taxinomiques des sites de TM aux niveaux Trib/Fam et Gen, les singletons étant exclus.

En effet, à l’échelle du secteur, sur les 28 taxons, hors singletons, présents au niveau Trib/Fam, 10 ne sont pas représentés au niveau générique car l’identification n’a pu se faire au-delà du niveau Trib/Fam (Bovini, Reduncini, Alcelaphini, Tubulidentata, Deinotheriinae,

105 Cercopitheciidae, Viverridae, Herpestidae, Hystricidae et Sciuridae). Par ailleurs, la plupart des Tribus et Familles ne sont représentées ici que par un seul genre et donc le passage au niveau générique n’augmente pas la diversité. De plus, le niveau générique requiert un degré d’identification plus poussé, obtenu grâce à des caractères diagnosiques plus ténus et moins fréquemment observés. De ce fait, certains taxons présents au niveau Trib/Fam ne sont plus représentés au sein d’un même site lorsque l’on passe au niveau générique car ils n’ont pas été identifiés. Par exemple, sur les 42 sites qui ont livré des Hippopotamidae, seuls 29 contiennent des restes permettant d’identifier avec certitude le genre Hexaprotodon. De même, les Orycteropodidae passent de 7 occurrences à une seule au niveau générique. Cette baisse de fréquence de certains taxons sur l’ensemble des sites conduit à former des singletons qui sont exclus des analyses. Au niveau Gen, plus du tiers des taxons sont des singletons, et plus de la moitié si l’on ne tient compte que des sites les plus échantillonnés. Certains taxons qui permettaient de rapprocher les sites au niveau Trib/Fam ne sont plus présents, ce qui contribue à réduire la similarité entre les assemblages. Les perturbations occasionnées par l’utilisation du niveau générique pour comparer les compositions taxinomiques des assemblages de TM sont amplifiées avec le niveau spécifique. Ces données n’ont donc pas été traitées dans cette partie.

Compte tenu du bruit important que les sites les moins échantillonnés apportent aux résultats, les analyses en mode R4 effectuées sur les 11 sites les plus échantillonnés apparaissent plus fiables que celles incluant l’ensemble des localités du secteur. Cependant, la restriction à 11 sites peut fournir des associations erronées. Les deux types de données ont été comparés (Fig. 2.34). Au niveau Trib/Fam, seule l’analyse d’UPGMA associée à l’indice de Jaccard a été reportée car elle fournit une corrélation cophénétique élevée avec les 11 sites et a déjà permis de distinguer les deux ensembles de sites en mode Q5. La technique de Ward apporte une plus forte corrélation mais les valeurs de robustesse des nœuds sont biaisées car la similarité entre les sites est amplifiée par les doubles absences. Elle fournit par ailleurs, une topologie assez similaire à celle à l’analyse d’UPGMA. Dans cet arbre (Fig. 2.34a), seules deux associations sont bien soutenues (nœuds > 50%) : Herpestidae / Muridae / Aepycerotini et Giraffinae / Sivatheriinae. La première n’est présente que dans deux échantillons (TM266 et TM90) ce qui laisse un doute sur la validité de cette association. La seconde apparaît plus robuste car

4 Classement des taxons selon leur distribution dans les assemblages. 5 Classement des assemblages selon la distribution des taxons ou des catégories écologiques au sein des assemblages

106 elle est présente dans 4 assemblages. Les Elephantidae et Hystricidae sont regroupés dans 48% des répliques mais cette association disparait si l’on prend l’ensemble des sites du secteur, alors que les deux autres sont préservées (Fig. 2.34b). Ce dendrogramme révèle une association à Hyaenidae / Gomphotheriidae / Reduncini / Equidae / Anthracotheriidae / Hippotragini / Hippopotamidae, présente avec le premier arbre mais moins bien soutenue. Cette analyse permet également d’introduire 4 nouveaux taxons : deux Primates (Hominidae et Cercopithecidae) et deux Proboscidea (Deinotheriidae et Stegodontidae). Les primates sont associés aux sciuridés mais avec une faible valeur de similarité et des nœuds peu robustes. Les deux proboscidiens sont isolés et placés à la base de l’arbre.

Figure 2.34 – Dendrogrammes en mode R, obtenus par UPGMA avec le coefficient de Jaccard sur les incidences des taxons, au niveau Trib/Fam, dans les 11 sites les plus échantillonnés du secteur de TM (a, matrice 11x24, VN = 52%) et sur l’ensemble du secteur (b, matrice 45x28, VN = 73%.).

La confrontation des dendrogrammes en modes Q et R permet de visualiser le lien entre les rapprochements effectués entre les sites et les associations de taxons. Certains taxons sont ubiquistes et fréquents sur l’ensemble du secteur (Fig. 2.35) : Hyaenidae, Reduncini, Hippotragini, Anthacotheriidae, Hippopotamidae, Equidae et Gomphotheridae. L’association Giraffinae / Sivatherinae apparaît également ubiquiste mais elle est moins fréquente, tout comme les Tetraconodontinae, Hystricidae, Elephantidae et Felidae. D’autres taxons ont été retrouvés uniquement dans les sites à affinité TM266 : Bovini, Tubulidentata, Antilopini et Mustelidae. Même si leur abondance au sein de ces échantillons est assez faible, leur nombre

107 d’occurrences est relativement élevé et suggère qu’ils sont caractéristiques des assemblages à affinité TM266. D’autres taxons ont également été retrouvés dans ces assemblages uniquement (Herpestidae, Aepycerotini, Muridae, Lagomorpha, Sciuridae, Viverridae, Alcelaphini) mais avec une fréquence plus faible. On ne peut donc exclure le fait qu’ils soient aussi présents dans les assemblages à affinité TM9. Si l’on considère l’ensemble des localités, certains taxons (Bovini Antilopini, Mustelidae et Alcelaphini) perdent leur statut exclusif, tandis que des nouveaux taxons relativement rares (Hominidae et Cercopithecidae) s’ajoutent à cette liste (Annexe 4). L’inclusion de l’ensemble des sites permet également de suggérer que les Stegodontidae sont exclusivement retrouvés dans les sites à affinité TM9, tandis que les Deinotheriidae sont ubiquistes mais peu fréquents.

Figure 2.35 – Confrontation des dendrogrammes en modes Q et R, obtenus par UPGMA avec le coefficient de Jaccard sur les incidences des taxons, au niveau Trib/Fam, dans les 11 sites les plus échantillonnés de TM. Les cases grisées indiquent les occurrences des taxons. Les encadrés ne correspondent pas toujours aux clades formés dans l’arbre de classification mais regroupent des taxons ayant une distribution similaire à travers les deux groupes de localités.

108 Au niveau générique, 3 associations de taxons montrent des valeurs de robustesse supérieures à 50% (Fig. 2.36a) : Hyaenictitherium / Gazella, Giraffa / Sivatherium, Anancus / Libycosaurus / Hexaprotodon. On peut éventuellement considérer Tchadotragus / Hipparion (32%). Ces deux dernières associations sont significatives étant donné leur fréquence dans le secteur. Si l’on inclut tous les sites, Hyaenictitherium est cette fois associé à Sahelanthropus à 27% (Fig. 2.36b). On retrouve un ensemble formé par des taxons relativement fréquents : Anancus / Libycosaurus / Hexaprotodon / Hipparion / Tchadotragus / Nyanzachoerus. La combinaison des modes Q et R à ce niveau révèle que ce groupe est commun aux deux types d’assemblages, tout comme Giraffa, Sivatherium et Saheloryx mais avec une fréquence moins élevée (Fig. 2.37). Les genres Howellictis, Hyaenictitherium et Machairodus seraient spécifiques aux assemblages à affinité TM266, et ceci reste vrai lorsque l’on ajoute l’ensemble des localités (Annexe 4).

Figure 2.36 – Dendrogrammes en mode R, obtenus par UPGMA avec le coefficient de Jaccard sur les incidences des taxons, au niveau Gen, dans les 11 sites les plus échantillonnés de TM (a, matrice 11x15, VN = 53%) et sur l’ensemble du secteur (b, matrice 41x22, VN = 77%).

Il est désormais possible de dresser les profils taxinomiques de chaque ensemble de sites, sans considérer les singletons étant donné leur caractère exceptionnel (Tabl. 2.2). Certains taxons sont très communs (e.g. Hexaprotodon, Libycosaurus, etc.). Ils sont très probablement présents dans tous les assemblages et leur absence de certains échantillons

109 relèverait plutôt d’un biais de récolte ou d’identification, notamment dans les sites les moins échantillonnés.

Figure 2.37 – Confrontation des dendrogrammes en modes Q et R, obtenus par UPGMA avec le coefficient de Jaccard sur les incidences des taxons, au niveau Gen, dans les 11 sites les plus échantillonnés. Les cases grisées indiquent les occurrences des taxons. Les encadrés ne correspondent pas toujours aux clades formés dans l’arbre de classification mais regroupent des taxons ayant une distribution similaire à travers les deux groupes de localités. Les taxons grisés correspondent aux associations significatives repérées à l’aide des valeurs de robustesse et préservées lors de l’inclusion de tous les assemblages (Fig. 2.36).

D’autres taxons ont été retrouvés dans les deux types d’assemblages mais sont représentés par un nombre plus restreint d’occurrences (communs et rares) et généralement par quelques individus par échantillon (e.g. Nyanzachoerus, Giraffa, Chasmaporthetes, etc.). Il est possible que ces taxons soient représentés sur l’ensemble du secteur mais qu’ils soient rares dans les assemblages fossiles et aient donc moins de chances d’être collectés. Cette rareté pourrait résulter d’un potentiel de préservation limité en raison d’un squelette fragile (cas des petites espèces notamment) ou d’un mode de vie particulier (un habitat peu favorable à la

110 fossilisation, une densité de population réduite,…). Cependant, tous les taxons considérés ont un poids estimé supérieur à 10kg, ce qui exclut le biais de préservation lié à la taille. Parmi les carnivores, les loutres aquatiques modernes d’Afrique sont généralement solitaires (Kingdon, 1997), suggérant que Sivaonyx l’était également. Les grandes hyènes telles que Crocuta vivent en clans pouvant atteindre 80 individus, mais les Hyaenna forment des groupes restreints à quelques adultes et leurs jeunes (Kingdon, 1997). Un tel mode de vie pourrait être attribué à Chasmaporthetes, une hyène de taille imposante que l’on suppose plus adaptée aux milieux ouverts (de Bonis et al., 2007).

Tableau 2.2 – Profils taxinomiques des deux ensembles de localités identifiés à TM. Au niveau Trib/Fam, les taxons très communs sont présents dans plus de 50% des assemblages et les taxons rares dans moins de 10%. Au niveau Gen, la limite inférieure de la gamme « très commun » passe à 30%.

Très Communs Rares Communs Rares communs Sahelanthropus Machairodus Nyanzachoerus Arvicanthis Hexaprotodon Chasmaporthetes Howellictis Gazella Aepycerotini aff. Libycosaurus Alcelaphini Hyaenictitherium Saheloryx Herpestidae TM266 Reduncini Loxodonta Orycteropus Giraffa Viverridae Tchadotragus Primelephas Serengetilagus Sivatherium Cercopithecidae Hipparion Stegoterabelodon Sivaonyx Hystricidae Anancus Deinotheriidae Bovini Sciuridae aff. - Stegodon TM9

Les Hippotragini actuels sont généralement grégaires, formant des groupes de taille variable pouvant aller jusqu’à 75 individus. Les espèces du genre Oryx sont adaptées à des conditions arides tandis que celles du genre Hippotragus sont plus dépendantes de la proximité de points d’eau (Kingdon, 1997). Une ségrégation écologique similaire pourrait être envisagée pour les deux genres d’hippotragini de TM (Saheloryx et Tchadotragus), et la différence d’abondance résulterait d’une plus faible probabilité de fossilisation pour le genre adapté aux milieux arides, mais aucun élément ne permet de le montrer. Les espèces de Nyanzachoerus sont supposées préférer les habitats plutôt fermés, à l’image de celui des Potamochoerus actuels (Harris et White, 1979; Bishop et Hill, 1999; Jacques, 2007). Ce dernier vit en petits groupes

111 voire en couples (Kingdon, 1997). Les Deinotheriidae sont également associés à des habitats fermés (Cerling et al., 1999; Jacques, 2007), tel que celui associé aujourd’hui à la forme de forêt de l’espèce Loxodonta africana. Cette sous-espèce vit en groupes de moins de 10 individus (Kingdon, 1997). Les équivalents modernes des autres taxons (Giraffa, Sivatherium, Gazella, Bovini, Alcelaphini et Elephantidae) sont grégaires mais forment des clans de taille variable (Kingdon, 1997). Plusieurs espèces de proboscidiens sont représentées à TM. La cooccurrence du genre Anancus avec une espèce d’Elephantidae témoigne probablement de l’existence d’une différence écologique entre les gomphothères et les éléphantidés, peut-être une disparité dans le degré de sociabilité de ces espèces compte tenu de la prépondérance du genre Anancus à TM. Toutes ces interprétations ne sont que des spéculations basées sur le principe d’uniformitarisme taxinomique et demandent à être étayées. Une solution alternative à celle-ci serait de considérer que ces taxons sont réellement absents de certains assemblages, témoignant ainsi de variations environnementales au sein de chaque groupe de sites. En particulier, Giraffa, Sivatherium, Deinotheriidae et Nyanzachoerus sont généralement associés à des habitats fermés (Hamilton, 1973; Harris, 1991; Jacques, 2007) et sont d’ailleurs souvent rencontrés dans les mêmes assemblages sur TM. L’une de ces interprétations (réelle absence ou biais) ou la combinaison des deux doit permettre d’expliquer la moindre fréquence de ces taxons à travers le secteur de TM. Les taxons restants sont exclusivement retrouvés sur les localités à affinité TM266, à l’exception du genre Stegodon qui semble caractéristique des assemblages à affinité TM9. Parmi ces taxons, 4 sont fréquemment rencontrés et constituent certainement une particularité de ces assemblages. Notons que Howellictis, Serengetilagus et Orycteropus sont des espèces fouisseuses, ou du moins devaient se servir de leurs griffes pour déterrer de la nourriture ou modifier des terriers préexistants (Lehmann et al., 2006; Lopez-Martinez et al., 2007; de Bonis et al., 2009). Hyaenictitherium ne semble pas avoir été un coureur efficace et serait plutôt associé à un habitat relativement fermé, se limitant à quelques incursions en milieu ouvert (de Bonis et al., 2005). D’autres taxons sont associés aux assemblages à affinité TM266 mais leur rareté apporte un doute sur cette exclusivité. Certains sont de petite taille (Arvicanthis, Herpestidae, Viverridae et Sciuridae) et un biais de préservation lié à la fragilité de leurs restes ou un biais de récolte sont envisageables. Dans les analyses en mode R (Fig. 2.36), Machairodus est associé à des taxons partagés par les deux ensembles mais rares (Loxodonta et Stegotetrabelodon). Ces associations sont peu robustes (29% et 25% pour chaque association) et peu significatives car elles ne correspondent chacune qu’à une seule co-occurrence sur l’ensemble du jeu de données (e.g. Fig. 2.37 pour l’association

112 Machairodus-Loxodonta). Cercopithecidae et Hominidae sont associés au niveau Trib/Fam (Fig. 2.34b) mais correspondent également à une seule co-occurrence. Sahelanthropus est en revanche associé à Hyaenictitherium au niveau générique (Fig. 2.36), un taxon exclusif aux sites à affinité TM266 et avec lequel il partage deux occurrences sur trois. Cette association parait valable car seuls 3 autres taxons (Libycosaurus, Hexaprotodon et Tchadotragus), plus fréquents, partagent ce nombre d’occurrences avec Sahelanthropus. A ce stade, aucun élément ne permet de savoir si les taxons peu fréquemment rencontrés dans les sites à affinité TM266 (e.g. Sahelanthropus, Machairodus, etc.) sont propres aux assemblages à affinité TM266 ou à l’ensemble du secteur. Cependant, on pourra considérer, en raison d’un plus fort potentiel de préservation et de découverte, que ceux de masse supérieure à 10 kg sont caractéristiques des assemblages à affinité TM266, à l’exception des cercopithécidés, qui présentent généralement un squelette fragile. Ces taxons ne sont pas distribués de manière uniforme entre les assemblages à affinité TM266 et confèrent à ce groupe une hétérogénéité plus importante que celle de l’ensemble à affinité TM9, en réduisant les valeurs de similarités calculées entre les sites. Au niveau générique, 55% des taxons présents à TM266 sont représentés par moins de 3 occurrences, contre 39% pour TM9.

II.4- Diversités taxinomiques des assemblages de TM

Figure 2.38 – Richesse taxinomique maximale (calculée au niveau Maxi) des assemblages des deux ensembles de sites. Les tests U de Mann-Whitney (p = 0,2680) et de Kolmogorov-Smirnov (p > 0,1) ne décèlent pas de différence significative entre les richesses taxinomiques de ces deux groupes.

113 La richesse taxinomique des assemblages de TM – mesurée au niveau Maxi – varie de 5 à 32 taxons identifiés. Les tests statistiques ne décèlent aucune différence entre les richesses des deux ensembles de sites (Fig. 2.38). Cependant, la richesse taxinomique peut être fortement influencée par la taille des échantillons, en particulier pour les assemblages ayant livré moins de spécimens. Il est donc impératif, pour comparer leur richesse taxinomique, de raréfier les échantillons jusqu’à la plus petite taille d’échantillon (effectif de raréfaction) incluse dans la comparaison. A l’aide de cette technique, les richesses taxinomiques de TM266 et TM9 ont été comparées à tous les niveaux d’inclusion taxinomique (Fig. 2.39).

Figure 2.39 – Richesse taxinomique des échantillons de TM9 et TM266 à différents niveaux d’inclusion taxinomique, calculées après raréfaction de TM266 selon l’effectif de TM9 (chiffre entre parenthèses).

TM9 est systématiquement plus pauvre que TM266. On s’attend donc à retrouver une telle différence pour les deux ensembles de sites mis en évidence. Seules les 11 localités les plus échantillonnées ont été raréfiées car l’inclusion des autres sites implique d’utiliser un effectif de raréfaction de 7 spécimens pour chaque site, valeur la plus faible rencontrée dans les assemblages de TM à ce niveau d’inclusion taxinomique. Au niveau Maxi, l’effectif minimal pour ces 11 localités est de 43 spécimens. Deux profils de diversité sont identifiables (Fig. 2.40a-b). TM266, TM215, TM112, TM90 et TM275 sont des assemblages de richesse taxinomique élevée, tandis que TM9, TM242, TM115, TM254 et TM256 sont plus pauvres. TM267 a un profil intermédiaire. Si l’on passe au niveau Fam/Ordr, cette distinction est toujours possible avec une position plus intermédiaire pour TM275 (Fig. 2.40c-d). Il est donc possible d’étudier les profils de diversité de l’ensemble des sites au niveau Fam/Ordr, ce qui permet d’obtenir un effectif minimal de 30 spécimens. Les courbes obtenues ne se séparent pas en deux grands ensembles mais tous les intermédiaires sont représentés (Fig. 2.41). Il ne

114 semble donc pas exister de structuration des sites de TM en fonction de leur profil de diversité. Par ailleurs, les sites des deux ensembles sont mélangés sur ce graphique. Aucune différence statistique n’est mise en évidence entre les 2 ensembles. La différence de diversité écologique mesurée entre les deux ensembles de sites ne semble donc pas résulter d’une disparité dans la richesse taxinomique de ces assemblages.

Figure 2.40 – Courbes de raréfaction des assemblages les plus échantillonnés de TM (a et c) et richesse taxinomique médiane de ces assemblages obtenue pour l’effectif de raréfaction (b et d). (a- b) Raréfactions effectuées au niveau Maxi, pour un effectif de 43 spécimens. Les tests U de Mann- Whitney (p = 0,194) et de Kolmogorov-Smirnov (p > 0,1) ne révèlent pas de différence significative entre les richesses taxinomiques des deux ensembles de sites précédemment identifiés (symbolisés en vert et rouge). (c-d) Raréfactions effectuées au niveau Fam/Ordr, pour un effectif de 154 spécimens. A nouveau, les tests U de Mann-Whitney (p = 0,230) et de Kolmogorov-Smirnov (p > 0,1) ne permettent pas de déceler de différence entre les valeurs estimées pour les deux ensembles de sites.

115

Figure 2.41 – Courbes de raréfaction des 45 assemblages de TM au niveau Fam/Ordr, pour un effectif échantillonné de 30 spécimens. Les tests U de Mann- Whitney (p = 0,865) et de Kolmogorov-Smirnov (p > 0,1) ne décèlent aucune différence significative entre les deux groupes de sites.

III- Toros-Menalla : deux structures fauniques distinctes

III.1- Réel signal écologique ou biais taphonomique ?

La comparaison des structures fauniques des assemblages de TM laisse apparaître deux types de faunes, clairement discriminées selon leur diversité écologique et, dans une moindre mesure, selon les structure et composition taxinomiques. Ces différences s’expriment notamment par l’absence, dans les assemblages à affinité TM9, de taxons ou de catégories écologiques rares à TM, tant par leur fréquence sur le secteur que par leur abondance dans les assemblages. C’est le cas des Rodentia, Lagomorpha, Primates et Tubulidentata, ainsi que des modes fouisseurs et semi-arboricoles, des régimes frugivores, insectivores et omnivores et des petites espèces (< 10 kg). Sur les 25 occurrences que totalisent les taxons rares sur l’ensemble du secteur, 64% ont été livrés par des échantillons d’effectif supérieur à 150 spécimens. Leur présence apparaît fortement influencée par la taille de l’échantillon. Cependant, certains sites à affinité TM9 ont un effectif important et, à l’inverse, des sites à affinité TM266 de taille réduite ont livré certains de ces taxons. Les deux types d’assemblage ne montrent d’ailleurs pas de différence significative d’effectif (Fig. 2.42). En outre, sur les 66 occurrences de

116 catégories écologiques qualifiées de rares, 79% ont été retrouvées dans les sites d’effectif inférieur à 150 spécimens. Enfin, si l’on descend dans l’échelle taxinomique, certains taxons absents des sites à affinité TM9, tels que Hyaenictitherium ou Howellictis, sont assez bien représentés dans les sites à affinité TM266. Il apparaît donc qu’un biais de récolte ne soit pas à l’origine de la différentiation des assemblages de TM en deux sous-ensembles distincts.

Figure 2.42 – Comparaison des effectifs des échantillons des deux ensembles de sites. Les tests U de Mann-Whitney (p = 0,280) et de Kolmogorov-Smirnov (p > 0,1) n’ont révélé aucune différence significative.

Un biais de préservation pourrait, en revanche, être à l’origine de la faible diversité écologique rencontrée dans les sites à affinité TM9. Ces derniers n’ont livré aucune espèce de masse inférieure à 10kg, une gamme qui inclut de nombreuses espèces arboricoles, fouisseuses, insectivores, frugivores ou omnivores. Les espèces de cette taille ont une probabilité de préservation plus faible que les grandes espèces en raison de leur squelette plus fragile et d’une plus forte pression de prédation (Hill et Behrensmeyer, 1984; Lyman, 1984; Staff et al., 1985; Kidwell et Flessa, 1995). Des processus de tri, effectués par transport et/ou destruction préférentielle, sont intervenus lors de la formation de certains assemblages de TM et pourraient avoir détruit les restes des petites espèces. La figure 2.43 représente les assemblages ordonnés tels qu’ils l’étaient sur la figure 2.3, selon une proportion décroissante en éléments facilement mobilisables. Contrairement à ce que l’on s’attendrait à observer dans le cas de l’intervention d’un biais de préservation dans la discrimination des deux ensembles, chacun de ces groupes réunit des assemblages portant les

117 3 signatures taphonomiques identifiées : certains sont considérés comme plus représentatifs (partie médiane du graphique) et d’autres sont supposés avoir subi un tri des éléments squelettiques (extrémités du graphique).

Figure 2.43 – Les assemblages de TM sont ordonnés de la même manière que dans la figure 2.3b, selon une proportion décroissante en éléments squelettiques du groupe I + I/II défini par Voorhies (1969) et Behrensmeyer (1975) (éléments plus facilement mobilisables). Leur appartenance à l’un des groupes de localités identifiés sur TM est symbolisée par une couleur verte pour les sites à affinité TM9 (ceux en vert foncés ont livré plus de 150 spécimens) et orange pour ceux à affinité TM266 (les sites en rouge ont livré plus de 150 spécimens).

Il est peu probable que des processus taphonomiques différents aient pu générer des assemblages fossiles similaires à partir de communautés différentes, sauf dans le cas où une grande partie des espèces, exceptées les quelques espèces majeures, aient été éliminées (Bennington et Bambach, 1996), ce qui ne semble pas être le cas ici étant donné les richesses taxinomique et écologique enregistrées dans certains sites. Cela signifie donc que les petites espèces ne sont pas responsables à elles seules de la discrimination des deux groupes. Une analyse des correspondances a été effectuée sur les assemblages les plus échantillonnés de TM après avoir exclu les petites espèces (<10kg) (Fig. 2.44) et livre des résultats identiques à ceux obtenus avec l’ensemble des espèces (Fig. 2.6). Par ailleurs, certaines espèces, pourtant de plus grande taille, sont absentes des sites à affinité TM9 et contribuent à la forte diversité écologique rencontrée dans les autres localités. C’est le cas par exemple de l’oryctérope, une espèce fouisseuse et insectivore (Lehmann et al., 2006), d’Howellictis (omnivore et peut-être fouisseur) (de Bonis et al., 2009), d’Hystricidae, d’Aepycerotini, de Hyaenictitheriumi et de Machairodus. Certains de ces taxons sont en outre assez bien représentés à travers les sites à affinité TM266. La même analyse réalisée sur l’ensemble des sites du secteur apporte des résultats similaires, excepté pour 5 sites (TM32, TM55, TM68, TM160 et TM337) qui se retrouvent au sein du nuage de points formé par les assemblages à affinité TM9 (Fig. 2.44). Les 3 premiers sites adoptaient déjà une position singulière dans les analyses portant sur l’ensemble des espèces (Fig. 2.9). TM160 et TM337 ont respectivement perdu un Arvicanthis

118 et un Gerbillinae, deux formes fouisseuses, herbivore-frugivore pour la première et omnivore pour la seconde. Ces deux taxons étaient vraisemblablement seuls responsables du rapprochement de ces sites aux localités à affinité TM266. Notons que l’exclusion des petites espèces réduit la dispersion observée au sein de l’ensemble à affinité TM266, un résultat attendu étant donné que l’on a supprimé une partie des taxons classés dans les catégories responsables de cette hétérogénéité. Nous ne sommes donc pas en présence d’un même milieu où certains sites auraient été appauvris, par mobilisation ou destruction d’une partie du matériel.

Figure 2.44 – Analyse des correspondances effectuées sur les abondances relatives des catégories écologiques (a, 11 sites les plus échantillonnés, matrice 11x16, VN = 20%) et selon le rang de ces catégories (b, tous les sites du secteur, matrice 45x16, VN = 31%) dans les assemblages de TM, après avoir exclu les taxons de masse inférieure à 10kg.

Un dernier cas de figure peut être envisagé. Les sites à affinité TM266 présentent deux prédateurs absents des autres localités et qui auraient pu intervenir dans l’accumulation des espèces caractéristiques de ce type d’assemblage. Machairodus est un prédateur de très grande taille qui devait probablement chasser des proies très supérieures à son poids telles que des anthracothères (Peigné et al., 2005). Cependant, son implication dans l’accumulation des taxons propres aux assemblages à affinité TM266 est douteuse compte tenu de sa rareté (seulement 2 occurrences). De la taille d’un chacal (autour de 10kg), Hyaenictitherium n’est pas considéré comme un prédateur efficace. Les chacals actuels ont un régime opportuniste, profitant des charognes abandonnées par les félins. Il est difficile de croire qu’un tel prédateur

119 soit responsable de l’accumulation de la plupart des espèces exclusivement rencontrées dans les assemblages à affinité TM266.

Finalement, il semblerait que, malgré l’intervention de processus taphonomiques et probablement de biais de collecte, le secteur de Toros-Menalla se scinde en deux ensembles distincts, témoins d’une différence écologique et taxinomique entre deux faunes fossiles ayant existé autour de 7 Ma (Fig. 2.45).

Figure 2.45 – Disparités observées entre les assemblages des deux sous-ensembles identifiés sur le secteur de TM. Les sites les plus échantillonnés (> 150 spécimens) sont signalés en gras ; (*) sites à hominidés ; (+) catégories et taxons significativement plus abondants dans l’un des deux groupes ; la taille de police des taxons partagés par les deux ensembles est fonction de leur fréquence sur le secteur.

Ces faunes ont une base commune, constituée par des grandes espèces, carnivores ou herbivores, terrestres ou aquatique. Une partie de ces sites, à affinité TM266, se distingue par une diversité écologique plus importante comprenant des espèces de petite taille, semi-arboricoles ou fouisseuses, frugivores, omnivores ou insectivores. Par rapport aux sites à affinité TM9, ils sont plus riches en formes de taille moyenne (10-45kg) et appauvris en espèces de grande (90-180kg)

120 et très grande taille (>360kg), ainsi qu’en graminivores. D’un point de vue taxinomique, cet ensemble de sites est plus riche en Anthracotheriidae et en Carnivora et voit la présence de quelques genres exclusifs, dont Orycteropus, Hyaenictitherium, Howellictis, Serengetilagus, Sahelanthropus et Machairodus, ainsi que des Aepycerotini et des Hystricidae. La présence de ces taxons et catégories écologiques, généralement peu fréquents au sein de ce sous-ensemble, donne une hétérogénéité importante à ce groupe. Les sites à affinité TM9 sont caractérisés par une forte proportion en Hippopotamidae et en Giraffidae et la présence de Stegodon. Certains sites à affinité TM266 montrent un comportement variable dans les analyses et se retrouvent à plusieurs reprises dans le nuage de points constitué par les assemblages à affinité TM9 (TM32, TM55, TM68, TM160, TM247, TM278, TM337). A l’exception de TM32, l’effectif réduit de ces sites est certainement la cause principale de ces migrations. En effet, elles apparaissent généralement dans les analyses pour lesquelles les données ont été appauvries par rapport à celles utilisées pour définir la structure écologique, avec laquelle la discrimination est la plus nette. Une même explication peut être appliquée à TM32 car, malgré un effectif élevé (92 spécimens au niveau Fam/Ordr), plus de 80% sont des Bovidae indéterminés. Par prudence, TM32, TM55 et TM68 seront exclus des analyses à venir en raison d’une structure écologique singulière, avec une proportion plus importantes en espèces des gammes B (500g) et/ou C (1- 10kg).

III.2- Comment s’organisent ces deux ensembles dans le temps et l’espace ?

Ces deux types d’assemblages pourraient être issus de faunes contemporaines. Soulignons, encore une fois, qu’au degré de résolution disponible, aucun mélange biochronologique n’a été détecté sur l’ensemble des faunes constituant les deux sous ensembles. Les sites appartenant aux deux ensembles sont mélangés géographiquement (Fig. 2.46). Deux solutions sont envisageables pour expliquer le mélange spatial de ces assemblages pourtant écologiquement différents. Dans le cas d’un transport fluviatile des restes, ceux de la faune à affinité TM266 auraient été charriés vers l’environnement occupé par la faune à affinité TM9 car l’inverse aurait produit des assemblages homogènes. Ce schéma est difficile à imaginer. Les catégories écologiques non représentées dans la faune à affinité TM9 sont généralement associées à des petites espèces, difficilement préservées en présence de forces hydrauliques. Il faut donc considérer la solution alternative dans laquelle le secteur de TM était occupé par un paysage abritant la faune à affinité TM9 et parsemé de patchs de végétation habités par les espèces rencontrées exclusivement dans les assemblages à affinité TM266. Cette

121 hypothèse permettrait d’expliquer l’hétérogénéité rencontrée dans l’ensemble à affinité TM266 dans lequel chaque assemblage correspondrait à un îlot de végétation particulier. Ces îlots devaient alors être bordés par des environnements aquatiques particuliers, abritant les anthracothères. Cette hypothèse implique que les restes squelettiques aient été très peu transportés, en particulier pour les assemblages à affinité TM9. L’état de préservation des restes fossiles (importante désarticulation) et la répartition des éléments squelettiques ne sont pas en faveur d’une telle interprétation, à moins de considérer l’intervention d’autres mécanismes permettant de dégrader les carcasses sur place, tels que le piétinement par des grands mammifères, la météorisation ou le ressac en bordure de lac.

Figure 2.46 – Distribution géographique des localités de TM.

Une alternance dans le temps des deux types de faunes est également envisageable et doit être considéré à différentes fréquences. On peut imaginer une alternance suivant celle des saisons annuelles. Cela impliquerait la migration des espèces exclusives aux sites à affinité TM266 en dehors de la zone de dépôt pendant une période non favorable à leur mode de vie. Les équivalents modernes de la plupart des espèces exclusives à l’ensemble à affinité TM266 ne sont pas des formes migratrices. D’autre part, cela nécessiterait un taux de sédimentation rapide pour piéger les cadavres déposés à chaque saison et une mortalité importante pour

122 former des assemblages fossiles d’une telle ampleur. Une catastrophe de type « crue » pourrait avoir eu un tel effet mais seule l’étude taphonomique détaillée des restes squelettiques et de l’encaissant sédimentaire permettra de connaître le mode de formation des assemblages de TM. A une fréquence plus faible, les deux faunes ont pu alterner dans le temps, sans nécessiter des changements environnementaux significatifs. Le secteur de TM aurait enregistré la migration de l’écotone qui séparait les environnements abritant ces deux faunes. Ces environnements seraient donc contemporains mais alterneraient dans le temps en un lieu donné. On aurait alors non plus le transport des restes d’un environnement vers l’autre mais un mouvement de leur frontière. Une telle alternance est en accord avec la sédimentologie du secteur de TM. En effet, l’Unité à Anthracothères a enregistré une alternance entre grès, argiles et diatomites, peut-être à mettre en corrélation avec l’oscillation du niveau du lac, et donc avec des périodes plus humides et plus sèches : un niveau élevé lors du dépôt des diatomites, bas lors du dépôt des grès (Schuster, 2002; Schuster et al., 2006). Cette variation sédimentologique ne correspond pas à un gradient de profondeur enregistré sur l’ensemble du secteur car on retrouve cette succession à un même endroit. Par ailleurs, ce site a livré des meules à champignons construites par des termites. La préservation de telles structures implique une dessiccation brutale des meules, rapidement suivie d’une silicification du matériel pour être préservées (Duringer et al., 2006), ce qui viendrait conforter la présence de variations dans le taux d’humidité ambiant. On ne connaît pas la résolution temporelle de cette alternance mais elle est peut-être à mettre en parallèle avec la migration d’un écotone en fonction des variations climatiques.

Enfin, la succession de deux faunes dans le temps n’est pas à exclure. Il y aurait eu un changement environnemental important associé à l’extinction ou l’apparition de certaines espèces. Cependant, les sites à affinité TM9 n’étant pas caractérisés par une faible richesse taxinomique, on aurait du trouver plus d’espèces exclusives à ces sites. Or, seuls 4 taxons, dont 3 singletons, sont propres à ces assemblages : Stegodon, Amphycionidae, Djourabus et Bohlinia.

IV- Conclusion

123 Le secteur de Toros-Menalla peut être séparé en deux sous-ensembles de structure faunique différente, représentés par les sites TM9 et TM266. Ces assemblages proviendraient de faunes contemporaines occupant deux environnements voisins, ou d’une même faune et restitueraient alors le patchiness de l’environnement qui l’abrite. Quelque soit l’arrangement de ces faunes, les hominidés ne sont retrouvés que dans un seul type d’assemblages, associés à des espèces fouisseuses (Orycteropus, Serengetilagus, Howellictis, Hystricidae) et peut-être des formes semi-arboricoles telles que des colobes et des petits carnivores (Felidae et Herpestidae), témoignant de la présence d’arbres et de zones non affectées par des périodes de crues. Ces gisements ont également livré les genres Hyaenictitherium et Machairodus, deux formes auxquelles on attribue une préférence pour un habitat relativement fermé (de Bonis et al., 2005, Peigné comm. pers.), ainsi que des Aepycerotini dont les représentants actuels occupent les zones d’interface entre bois denses et prairies (Kingdon, 1997). Enfin ces hominidés doivent être associés à un environnement aquatique particulier, plus favorable à la prolifération des anthracothères qu’à celle des hippopotames. Le chapitre suivant permettra de préciser les contextes environnementaux des deux types d’assemblages.

Pour les études qui vont suivre, plusieurs jeux de données ont été construits et correspondent à différents niveaux d’agrégation. A l’échelle de la localité, on a considéré chacune comme un assemblage indépendant. En raison des biais que l’effort d’échantillonnage peut introduire, seuls les 11 sites les plus échantillonnés ont été intégrés aux comparaisons. A l’échelle du secteur, il est possible de former des assemblages composites, correspondant à la réunion de plusieurs localités. Le niveau sectoriel regroupe tous les sites de l’aire fossilifère, considérée alors comme une seule et même entité. Le niveau intra-sectoriel sépare ces sites en deux sous- ensembles tels qu’ils ont été identifiés dans cette étude. Ces regroupements permettent de prendre en compte les variabilités écologiques, taphonomiques et de collecte observées entre les assemblages. Chacun des deux sous groupes a été formé sur la base des 11 sites les plus échantillonnés d’une part et sur celle de l’ensemble des localités du secteur d’autre part. Pour les assemblages composites, la composition taxinomique a été définie à partir de la réunion des taxons de chaque localité au sein d’une même liste faunique. Ceci permet d’augmenter la richesse taxinomique des faunes aux différents niveaux d’inclusion taxinomique considérés dans le cadre des comparaisons avec les assemblages fossiles. Ce type d’assemblage est généralement plus comparable aux autres échantillons fossiles d’Afrique car leur liste faunique provient souvent de la compilation de plusieurs localités, voire de plusieurs niveaux stratigraphiques. Notons que la composition taxinomique à

124 l’échelle du secteur sera peu différente de celle obtenue à partir des assemblages à affinité TM266 car seuls 4 taxons ont été ajoutés (Stegodon, Amphicyonidae, Bohlinia adoumi et Djourabus dabba). D’un point de vue écologique, ce regroupement ne peut être effectué car on prend le risque de réunir des espèces qui ne se côtoyaient pas et donc de définir une structure écologique biaisée et sans équivalent moderne. Par exemple, au moins 7 espèces de proboscidiens sont représentées à TM (Mackaye, 2001; Mackaye et al., 2008). Cependant, on n’en rencontre jamais plus de 3 dans le même assemblage. Les diversités écologiques et taxinomiques sont donc définies par la médiane des abondances ou ordres d’abondances des catégories écologiques et des taxons sur l’ensemble des localités réunies.

125

126 Chapitre 2

Le(s) paléoenvironnement(s) de TM

I- Comment la structure faunique permet-elle de discriminer les environnements africains modernes ?

Avant de confronter la structure des assemblages de TM à celle de faunes modernes, il est nécessaire de définir les caractéristiques structurales significatives de ces faunes dans le cadre de reconstitutions paléoenvironnementales ainsi que le degré de résolution qu’elles permettent d’atteindre. De nombreuses études ont déjà testé le pouvoir discriminant de certaines catégories écologiques ou taxinomiques pour les assemblages mammaliens (Andrews et al., 1979; Artemiou, 1983; Legendre, 1986 ; Damuth, 1992; Gagnon, 1997; Reed, 1997; Rodriguez, 2001; Kovarovic et al., 2002; Alemseged, 2003; Pazonyi, 2004; Fara et al., 2005; Mendoza et al., 2005). Si la plupart de ces travaux visent à identifier les habitats qui constituaient l’environnement passé, peu ont en revanche cherché à comprendre la manière dont ils étaient agencés dans l’espace. Le but ici est de tester l’existence de liens entre différentes variables mesurées sur la faune (distribution des régimes alimentaires, modes de locomotion et masses corporelles, incidence et abondance des taxons, richesse taxinomique) et certaines caractéristiques d’un environnement (ouverture du milieu, type et diversité des habitats, proximité d’une formation édaphique, structuration de l’environnement).

I.1- Conséquence de l’exclusion des petites espèces dans la résolution du modèle nul

Dans le but de rendre plus comparables les données modernes et fossiles, et d’accroître la diversité des environnements représentés dans l’échantillon actuel, deux jeux de données excluant les micromammifères et les petites espèces (< 10 kg) ont été construits. Lorsqu’ils sont autochtones ou transportés sur de faibles distances, les restes de petits mammifères sont de bons révélateurs du contexte paléoenvironnemental (Wolff, 1981) car la plupart occupent des habitats très spécifiques (Coe, 1972; Delany, 1986; Avery, 1990; Wesselman, 1995; Winkler, 2002; Lyons, 2003; Smoke et Stahl, 2004). L’exclusion de cette gamme de taille

127 risque donc de provoquer une perte de résolution dans la discrimination des environnements modernes (Soligo, 2002). Kovarovic et al. (2002) ont ainsi constaté que la suppression des micromammifères (<1kg) provoquait une légère réduction de la variance exprimée par les deux premières composantes principales de l’analyse réalisée sur des faunes modernes, mais que la distribution des faunes selon leur structure écologique restait inchangée. En revanche, Reed et Rector (2007) ont observé un pouvoir discriminant des faunes modernes décroissant avec l’exclusion des petites espèces (< 500 g puis < 4kg) et seuls les environnements les plus extrêmes devenaient alors identifiables. La suppression des micromammifères du jeu de données réduit certainement la résolution d’une étude paléoécologique. Néanmoins, elle accroît la comparabilité des données modernes et fossiles. La macrofaune a par ailleurs déjà montré sont utilité dans ce type d’étude e.g. Vrba, 1995; Reed, 1998; Bobé et al., 2002). Afin de tester l’impact de l’exclusion des micromammifères (< 1 kg) et surtout des petites espèces (< 10 kg) sur la discrimination des environnements africains modernes étudiés dans ce travail, des jeux de données appauvris ont été comparés au jeu de données complet. Ce test consiste à mesurer la fluctuation des similarités calculées entre chaque paire de faunes associée à l’exclusion des micromammifères (< 1 kg) ou des petits mammifères (< 10 kg). Ces similitudes sont évaluées avec la distance de Chi2, puis les trois matrices de distance sont comparées à l’aide d’un test de Mantel. Cette procédure a été effectuée pour les quatre variables écologiques et taxinomiques : le mode de locomotion, les préférences alimentaires, la masse corporelle, et la fréquence des taxons au niveau Fam/Ordr (Tabl. 2.3). Les corrélations obtenues sont dans l’ensemble élevées, les plus basses étant observées entre le jeu de données complet et celui excluant les petites espèces (< 10 kg). Parmi toutes les variables écologiques, la masse offre les valeurs de corrélation les plus faibles. Ces résultats suggèrent que l’exclusion des petites espèces perturbe peu les relations de similarité existant entre les faunes modernes. Les espèces de cette gamme de taille étant par ailleurs généralement mal représentées dans les assemblages fossiles, et en particulier à TM, notre étude s’appuiera sur deux jeux de données appauvris. Dans le premier, seuls les micromammifères ont été exclus des faunes modernes, et il permet donc une bonne ségrégation des environnements modernes. Le deuxième exclut les petits mammifères (masse corporelle inférieure à 10 kg), si bien qu’il se rapproche davantage des faunes fossiles mais son pouvoir discriminant est plus faible.

Un test identique a été effectué sur les deux modes d’attribution du régime alimentaire des espèces, défini selon la ressource dominante qui compose leur alimentation (type 1) ou

128 pondéré en fonction des principales composantes de leur spectre alimentaire (type 2). Ces deux modes fournissent des corrélations très élevées entre les distances qui séparent les faunes, lorsque l’on exclut les micromammifères (test de Mantel : R = 0,943 ; p = 0) ou l’ensemble des petits mammifères (test de Mantel : R = 0, 917 ; p = 0). L’attribution de type 1 a été privilégiée car c’est généralement celle que le matériel fossile permet de détecter.

Tableau 2.3 – Tests de Mantel réalisés sur les matrices de distances (Chi2) calculées entre les faunes modernes pour chaque éco-variable. Trois jeux de données ont été construits : le premier inclut l’ensemble des taxons d’une faune, les deux autres excluent les espèces en fonction de leur masse corporelle. Au sein de chaque table de corrélations, les valeurs du triangle inférieur gauche (sous la diagonale de « 1 ») correspondent aux corrélations R entre les matrices, celles du triangle supérieur droit correspondent aux probabilités que les deux matrices ne soient pas corrélées, calculées par un test de permutation.

Tous taxons Taxons > 1 kg Taxons > 10 kg Régime alimentaire Tous taxons 1 0 0 Taxons > 1kg 0,855 1 0 (type 1) Taxons > 10kg 0,705 0,867 1 Régime alimentaire Tous taxons 1 0 0 Taxons > 1kg 0,834 1 0 (type 2) Taxons > 10kg 0,715 0,868 1 Masse Tous taxons 1 0 0 Taxons > 1kg 0,782 1 0 corporelle Taxons > 10kg 0,576 0,819 1 Mode de Tous taxons 1 0 0 Taxons > 1kg 0,955 1 0 locomotion Taxons > 10kg 0,802 0,865 1 Fréquence des Tous taxons 1 0 0 Taxons > 1kg 0,854 1 0 taxons (Fam/Ordr) Taxons > 10kg 0,649 0,856 1

I.2- Identification des habitats présents dans un environnement

I.2.1- Apports des diversités écologique et taxinomique

I.2.1.1- Densité du couvert arboré

Les environnements africains modernes échantillonnés ont été classés selon le degré d’ouverture de leur couvert végétal, c’est-à-dire leur densité en arbres. Trois catégories ont été définies. Les milieux ouverts regroupent les formations herbeuses, boisées ou non, tandis que les milieux fermés représentent les zones forestières. Entre ces deux pôles se situent les

129 milieux homogènes de densité boisée modérée, représentés par les formations arbustives ou buissonneuses, pouvant être associées à des formations herbeuses. Les environnements constitués par la juxtaposition d’habitats ouverts et de milieux forestiers, ne pouvant être classés dans une seule catégorie, ont donc été exclus de cette analyse, ainsi que les formations édaphiques et désertiques ; les premières en raison de l’absence d’association entre le caractère édaphique d’une formation végétale et la densité en arbre, les secondes parce qu’elles représentent un environnement extrême qui risquerait de réduire le pouvoir discriminant de l’analyse si on les classait au sein des environnements ouverts. Le jeu de données comprend ainsi 34 faunes : 10 d’environnements ouverts, 10 de milieux fermés et 14 occupant un paysage d’ouverture modérée (Annexe 2).

Tableau 2.4 – Comparaison de la richesse taxinomique des 3 types d’environnements définis selon leur degré d’ouverture, pour les deux jeux de données (>1kg et >10kg). Un test t de Student a été appliqué car les données ont une distribution normale. La partie inférieure donne la valeur du t, la partie supérieur celle de la probabilité associée. Cependant, ce test étant sensible aux faibles effectifs, un test non paramétrique (U de Mann-Whitney) a également été utilisé et il fournit des résultats identiques.

moyenne O F OF O 35,7 - 0,4298 0,5532 >1kg F 30,4 -0,8078 - 0,1549 OF 39,8 -0,6021 -1,4729 - O 26,1 - 0,0243 0,5315 >10kg F 15,6 -2,4588 - 0,0035 OF 29,1 -0,6357 -3,2721 -

Le nombre d’espèces présentes dans une communauté est un facteur important en paléoécologie car il accroit l’efficacité de la discrimination entre les habitats (Artemiou, 1983). Cependant, les tests statistiques effectués sur l’échantillon de faunes modernes choisi pour cette étude, montrent que la richesse spécifique d’une faune est indépendante du degré d’ouverture de son environnement, et ce quel que soit le jeu de données utilisé (>1kg ou >10kg) (Tabl. 2.4). La seule différence significative est enregistrée entre les environnements fermés et intermédiaires avec le jeu de données >10kg. Ainsi, pour que les écarts de richesse taxinomique n’interfèrent pas dans les résultats des analyses discriminantes, il sera préférable d’utiliser les abondances relatives des catégories écologiques ou taxinomiques.

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Respect des hypothèses de l’analyse discriminante

Pour les 4 variables écologiques et taxinomiques considérées (mode de locomotion, préférences alimentaires, masse corporelle et diversité des taxons), la normalité des données, l’homogénéité des variances ainsi que la corrélation entre les moyennes et les variances au sein de chaque variable ont été testés avant d’appliquer les analyses discriminantes. Parmi les variables écologiques, seules 5 catégories ont une distribution qui dévie de la normalité, mais pour 4 d’entre elles, cette déviation est mineure (associée à une probabilité comprise entre 0,05 et 0,01) (Annexe 5, Tabl. 1). Le mode arboricole est en revanche loin de la normalité dans les milieux ouverts (p < 0,01). La transformation de ces données par différentes techniques (logarithme, racine carrée et cubique, logarithme carré) ne modifie pas ces résultats (non figuré). La correction de ce jeu de données nécessite donc d’exclure les variables de distribution non normale. Cependant, le mode arboricole est potentiellement une catégorie informative dans la discrimination des environnements (Reed, 1997). Dans la mesure où la plupart des catégories écologiques dévient peu de la normalité et que l’analyse discriminante est robuste à ce type de biais (Legendre et Legendre, 1998), l’ensemble de ces catégories pourra être utilisé dans l’analyse discriminante, sans transformation de leurs abondances relatives. La plupart des taxons considérés au niveau Fam/Ordr dévie fortement de la normalité (de nombreuses valeurs associées à une probabilité p < 0,01) (Annexe 5, Tabl. 1). Après transformation de ces données, les distributions dévient davantage de la normalité (non figuré). Ce résultat provient du nombre limité d’espèces représentées dans la plupart des taxons puisque seuls les plus diversifiés (bovidés, primates, rongeurs et carnivores) ont une distribution normale dans tous les groupes. Ce problème ne peut donc être résolu par la transformation des données. Malgré le non respect de l’hypothèse de normalité de la plupart des taxons, les analyses discriminantes seront effectuées à partir de la diversité de l’ensemble des taxons considérés au niveau Fam/Ordr. Cependant, afin de tester le biais que représente la forte déviation de normalité de ces groupes, les analyses seront également limitées aux 4 taxons les plus diversifiés (bovidés, primates, rongeurs et carnivores). Pour l’ensemble des variables, le jeu de données >10kg apporte des résultats globalement similaires et sera traité de la même manière (Annexe 5, Tabl. 2). Les tests d’homoscédasticité révèlent que la plupart des catégories écologiques et taxinomiques ont des variances homogènes entre les groupes (Annexe 5, Tabl. 3). L’analyse discriminante étant robuste au non respect de cette hypothèse, ajouté au fait que peu de ces

131 catégories sont associées à des probabilités très significatives (p < 0,01), l’ensemble des catégories sera conservé pour les analyses. Enfin, pour les deux jeux de données, les moyennes des catégories écologiques ou taxinomiques ont tendance à être fortement corrélées à leur variance dans chaque type d’environnement (Annexe 5, Tabl. 4). Ceci témoigne de l’hétérogénéité importante présente au sein de chaque groupe. La violation de cette hypothèse rend les valeurs statistiques peu fiables mais n’empêche pas de construire un modèle discriminant.

Une discrimination évidente entre formations fermées et milieux plus ouverts

Chaque variable écologique ou taxinomique permet clairement de séparer les milieux fermés des milieux plus ouverts (Fig. 2.47 à 2.50), la masse corporelle le faisant dans une moindre mesure (Fig. 2.49). Cette discrimination est plus nette lorsque seuls les micromammifères sont exclus de l’analyse : les valeurs du lambda de Wilk sont plus faibles et le reclassement de ces faunes est meilleur (Tabl. 2.5 à 2.8); seule la forêt ombrophile de montagne du Parc des Virunga (ViFm) est reclassée parmi les milieux ouverts avec la masse corporelle (Tabl. 2.7). Les espèces ayant une masse comprise entre 1 et 10 kg apportent donc une contribution non négligeable à la discrimination des environnements considérés dans cette étude. Cependant, même si la ségrégation entre milieux fermés et environnements plus ouverts est moins marquée lorsque l’on exclut les espèces de masse inférieure à 10 kg, elle reste toujours possible et avec un niveau de confiance qui demeure relativement élevé compte tenu du faible recouvrement des deux types de milieux sur les graphiques.

Les catégories écologiques permettant de discriminer les milieux fermés des habitats plus ouverts sont assez similaires entre les deux jeux de données (>1kg et >10kg). Les proportions des espèces frugivores et graminivores ont une forte contribution dans cette discrimination (Tabl. 2.5). Les premières sont abondantes dans les milieux fermés, tandis que les secondes le sont dans les environnements plus ouverts (Tabl. 2.5, Fig. 2.47). Si l’on exclut les espèces de masse inférieure à 10 kg, cette discrimination repose essentiellement sur la proportion en espèces graminivores. En effet, plus de la moitié des espèces frugivores africaines supérieures à 1 kg pèse moins de 10 kg. Selon le mode de locomotion, cette discrimination se fait en fonction des proportions en espèces arboricoles (Tabl. 2.6), les environnements fermés montrant une part plus importante de ce type de locomotion (Tabl. 2.6, Fig. 2.48). Ce résultat s’applique également à

132 l’analyse excluant les petits mammifères : les modes arboricoles et semi-arboricoles portent tous deux un fort pouvoir discriminant (Tabl. 2.6) et sont plus abondamment retrouvés dans les milieux fermés (Tabl. 2.6, Fig. 2.48). Ce résultat est assez surprenant pour les espèces semi-arboricoles définies ici comme des espèces passant le plus clair de leur temps au sol et utilisant généralement les arbres comme abris (cf. Part. I Chap. 4). On s’attendrait plutôt à trouver ce type d’espèces dans des environnements un peu plus ouverts de type arbustif. La discrimination selon les catégories de masse est essentiellement basée sur la proportion en espèces de classe F (90-180 kg), retrouvées en plus grandes proportions dans les environnements ouverts et intermédiaires (Tabl. 2.7, Fig. 2.49). Enfin, au niveau Fam/Ordr, la forte proportion d’espèces de primates dans la faune permet de distinguer les milieux fermés des autres environnements. Si l’on exclut les petites espèces, cette discrimination se fonde sur la proportion en espèces de primates et de carnivores (Tabl. 2.8): les premiers prospèrent dans les milieux fermés, les seconds dans les milieux plus ouverts (Tabl. 2.8, Fig. 2.50). Selon ce jeu de données, très peu de carnivores de plus de 10 kg sont effectivement enregistré dans les environnements forestiers. Les analyses portant uniquement sur les 4 taxons les plus diversifiés, pour lesquels il n’y a pas de corrélation entre moyennes et variances (bovidés, rongeurs, primates et carnivores), donnent des résultats très similaires de la disposition des faunes dans l’espace canonique et les réussites de classement (Tabl. 2.9, Fig. 2.51). Dans les modèles discriminants obtenus pour les deux jeux de données (>1kg et >10kg), les primates constituent le taxon dominant dans la discrimination des environnements le long du premier axe. Ce taxon est associé aux carnivores dans le premier jeu de données (>1kg) et aux bovidés dans le second (>10kg). Primates et bovidés sont plus diversifiés dans les forêts, tandis que les carnivores sont plus riches dans les environnements plus ouverts (Tabl. 2.9, Fig. 2.51). Les discriminations obtenues à partir des analyses effectuées sur la diversité des 4 taxons les plus riches (bovidés, rongeurs, primates et carnivores) sont intéressantes dans le cadre de comparaisons avec les faunes fossiles, car elles se basent sur des groupes généralement bien représentés dans le registre fossile, surtout pour les carnivores et les bovidés. Les modèles obtenus seront donc privilégiés par rapport aux modèles discriminants basés sur l’ensemble des taxons. Ainsi, seules les proportions de quelques catégories (Ar, T-Ar, F, Fr, Hg, Pri, Car) permettent de discriminer clairement les formations fermées des milieux plus ouverts. Pourtant, les tests U de Mann-Whitney indiquent que ces deux ensembles de milieux sont statistiquement différents selon l’abondance relative de la plupart des catégories écologiques et taxinomiques, et cela pour les deux jeux de données (Tabl. 2.10). Parmi ces catégories, on

133 retrouve celles qui participent le plus aux modèles discriminants (Ar, T-Ar, F, Fr, Hg, Pri, Car), ainsi que des catégories moins impliquées dans la discrimination des environnements. Pour ces dernières, la différence observée entre les deux groupes n’est pas suffisamment significative pour qu’elles y contribuent de manière substantielle.

Certains environnements ont été mal reclassés par les analyses discriminantes. Avec le jeu de données >1kg, les catégories de masse reclassent la forêt ombrophile de montagne du Parc des Virunga (ViFm) parmi les milieux ouverts (Tabl. 2.7). La faune présente une faible diversité en espèces de petite taille, qui pourrait résulter d’un problème d’échantillonnage. Il s’est fait à pied mais sans piégeage pour les petits animaux (Delvingt et al., 1990). Dans le jeu de données >10kg, les catégories de masse et de régime alimentaire placent la forêt de Kibale et la forêt ombrophile de montagne du Parc des Virunga (Kib, ViFm) parmi les environnements intermédiaires ou ouverts (Tabl. 2.5-2.7). Par rapport aux autres environnements forestiers, tous deux montrent une forte proportion en espèces carnivores ou graminivores et en espèces des gammes de taille F (90-180 kg) et H (> 360 kg), contre une faible abondance de frugivores. La présence de marécages et de prairies à faible densité d’arbres à Kibale (Struhsaker, 1997) et celle de savane dans le Parc de Virunga, à proximité de la forêt (Delvingt et al., 1990), peuvent expliquer la plus grande diversité en espèces graminivores ou carnivores dans ces faunes. Les forêts de Taï et d’Ituri (Taï, Itu) sont mal reclassées avec les catégories de locomotion (Tabl. 2.6). La forêt d’Ituri ne présente pas de formes arboricoles, tandis que la faune de Taï allie une faible proportion de modes arboricoles et semi-arboricoles. Ces deux faunes ont par ailleurs une forte diversité d’espèces terrestres. La forêt de Taï est bordée par un habitat altéré par l’homme, riche en graminées et favorable aux herbivores terrestres dont certains ont pu faire des incursions dans la forêt (Bousquet, 1977). Ces différences ne sont toutefois pas significatives puisque ces deux faunes sont situées en position intermédiaire entre les deux nuages de points sur le graphique, et non au sein des faunes des milieux plus ouverts (Fig. 2.48).

Ces résultats suggèrent que les environnements de forêts denses sont facilement identifiables à partir de la faune qu’ils abritent, en raison d’une signature écologique très particulière. Si l’on reporte sur ces graphiques, sans qu’elles n’y participent, les faunes associées à des environnements hétérogènes comptant une composante forestière dans des proportions variées, certaines ont tendance à davantage se rapprocher des milieux fermés (Fig. 2.52). Ces dernières présentent en fait une importante proportion de forêts denses primaires, disposées

134 au sein d’un gradient (Kahuzi-Biega, Mont Kenya, Usambara, Jebel Mara, Batéké, Marahoué) ou sous forme de patchs (Azagny, Comoé). Dans les autres environnements, la composante forestière est mineure (Pendjari, W, Mikumi, Serengeti, Hluhluwe-Umfolozi), sous forme de relique (Rukwa) ou modifiée par les exploitations, la déforestation et les incendies (Transvaal). Ainsi, la composante forestière reste identifiable au sein d’un environnement hétérogène. Andrews (2006) a illustré ce fait à partir de faunes modernes provenant de divers environnements qu’il a appauvries par exclusion de certaines espèces (sélectionnées selon leur masse corporelle ou non) et mélangées. Il a constaté que ni l’appauvrissement d’une faune de forêt, aussi drastique soit il (jusqu’à 75%), ni le mélange avec des espèces provenant d’autres milieux, ne permettaient d’effacer cette signature.

Figure 2.52 – Analyses discriminantes effectuées sur les faunes modernes (définies selon la densité de leur couvert arboré) à partir des variables écologiques et taxinomiques. Les environnements constitués par plusieurs types de formations (croix rouges) ont été reportés sans qu’ils ne participent aux analyses. Seules les données n’excluant que les micromammifères ont été figurées mais l’autre jeu de données (>10kg) donne des résultats similaires. La diversité des taxons a été calculée à partir des 4 groupes les plus diversifiés dans les faunes modernes (Carnivora, Bovidae, Primates et Rodentia).

135 Discrimination des environnements autres que les forêts

La discrimination entre milieux ouverts et milieux intermédiaires est beaucoup moins marquée que celle avec les milieux forestiers. Sur l’ensemble des variables, 70 à 93% des faunes associées à un milieu ouvert ou intermédiaire sont bien reclassées (Tabl. 2.5 à 2.9). En général, les environnements intermédiaires sont reclassés au sein de milieux ouverts et inversement. D’un jeu de données à l’autre et pour les mêmes variables, les faunes mal classées sont globalement récurrentes, avec toutefois des réussites de classement des faunes de milieu intermédiaire plus faibles si l’on exclut les petites espèces (1-10 kg). En revanche, les faunes mal classées diffèrent d’une variable à l’autre, surtout pour les environnements d’ouverture modérée. L’important recouvrement observé entre les nuages de points de ces deux types de milieux reflète la continuité qui existe depuis une formation herbeuse à une formation buissonnante et dense, passant par tous les intermédiaires de densité de couvert arboré. Le classement des environnements dans les catégories « ouvert » et « intermédiaire » n’est donc pas approprié.

Afin de permettre une discrimination au sein de ces milieux, il est nécessaire de les placer dans des catégories plus précises et plus circonscrites. Les environnements ont été classés selon la présence de 3 types de formations, définies par White (1986) : arbustive, herbeuse boisée et herbeuse. Les types buissonnants seront ici assimilés aux types arbustifs car il n’a pas été possible de les différencier sur les graphiques. Pour appliquer une analyse discriminante sur ces groupes, on ne peut utiliser que des faunes associées à un seul de ces 3 types de formations, ce qui réduit la taille des échantillons. Plus le jeu de données est petit, moins il a de chances de respecter les hypothèses de départ de l’analyse discriminante, ce qui risque d’altérer la significativité des résultats et la validité du modèle discriminant. Il est donc préférable de positionner les environnements dans des graphiques à deux variables, ce qui permet également d’intégrer des environnements constitués par plusieurs types de formations végétales. Le jeu de données est ainsi constitué de 24 faunes, dont 15 sont exclusivement associées à l’une des 3 formations végétales définies et 9 sont associées à un environnement mixte, qui mélange 2 de ces 3 formations. Une analyse discriminante a toutefois été conduite sur ces 3 types de formations dans le but d’évaluer les catégories – ou combinaisons de catégories – les plus discriminantes, ainsi que leur polarité. Six catégories et combinaisons de catégories se sont révélées être plus discriminantes, avec les deux jeux de données : folivore (Hb), graminivore (Hg), masse de

136 90-180 kg (F), masses de 10-45 kg et 90-180 kg (D+F), modes aquatiques et fouisseurs (Aq+Fo), Carnivora (Car). Selon ces analyses, les formations herbeuses seraient plus riches en espèces graminivores, tandis que les formations herbeuses boisées auraient une plus forte diversité en espèces des gammes D et F. On trouverait moins d’espèces de catégorie F, de formes aquatiques ou fouisseuses et de Carnivora dans les formations arbustives. Ces dernières montrent en revanche une proportion plus importante en folivores, et cette proportion décroît avec l’ouverture du milieu. Il s’agit désormais de tester le degré de discrimination de ces catégories. La proportion en espèces folivores est la seule qui permette de discriminer les 3 types de formations selon un gradient d’ouverture du milieu. Elle a donc été utilisée en association avec les 5 autres catégories ou combinaisons de catégories, afin d’isoler chacune de ces 3 formations.

La position relative des faunes modernes est très similaire d’un jeu de données à l’autre, avec toutefois un léger recouvrement entre les formations arbustives et herbeuses boisées pour certaines catégories (Fig. 53). Seuls les graphiques correspondant au jeu de données le plus complet (>1kg) seront commentés. Afin de mettre en évidence la répartition de chaque formation végétale, les points correspondants ont été reliés. Ces limites ne déterminent à priori pas le rang de variation naturelle de la structure des faunes associées à chaque formation car l’échantillon, de taille réduite par rapport au jeu initial de données initial, n’est pas exhaustif. La dispersion des faunes correspondant aux 3 types d’environnements est assez variable. Les formations herbeuses et herbeuses boisées montrent une dispersion plus faible que les formations arbustives. Ceci peut être la conséquence des différences de taille d’échantillon (la dispersion a plus de chance d’être importante avec un effectif élevé), mais pourrait également mettre en évidence une plus forte variabilité dans la structure des formations arbustives. Dans cette forte dispersion, les faunes des landes du parc du Serengeti (SerH) et de la forêt tropical du Transvaal (TraF) ont des positions extrêmes (Fig. 53). La première présente des proportions en espèces graminivores ou folivores plus importantes que dans les autres formations de ce type, et une proportion plus faible en formes semi-aquatiques ou fouisseuses et en Carnivora. Cette lande est située au sommet des montagnes, au dessus de la forêt et abritant des animaux graminivores de forêts, ce qui lui donne un cachet particulier (Swynnerton, 1958). La forêt tropicale du Transvaal étend le nuage de points des formations arbustives vers celui des formations herbeuses boisées. Cette forêt a été modifiée par les exploitations, la déforestation et les feux, laissant apparaître des zones plus ouvertes de

137 grassveld6 ou de thornsveld7 (Rautenbach, 1978). Sans ces deux environnements, la dispersion des faunes de milieux arbustifs est réduite. Sur l’ensemble des graphiques, la position des environnements mixtes est cohérente avec celle des 3 formations, c’est-à-dire qu’ils se placent à proximité des nuages de points des formations concernées lorsqu’elles sont proches, ou à proximité de l’une d’entre elles. Le Parc d’Amboseli, constitué de formations arbustives et herbeuses, se place au sein des formations arbustives, bien que la plaine occupe une part importante de la surface du parc. Les environnements composés de formations herbeuses, dont certaines sont arborées, se positionnent assez bien entre ces deux composantes, ou au moins à proximité de l’une d’entre elles. Enfin, les environnements caractérisés par un mélange de formations arbustives et herbeuses boisées ont une dispersion assez importante. Sur l’ensemble des graphiques, la faune associée à la zone boisée du Parc du Serengeti (SerB) adopte une position intermédiaire entre les deux formations. Celle de la Boucle de Baoulé (Bao) a généralement une position similaire avec une tendance à se rapprocher davantage des formations herbeuses boisées, certainement en raison d’une composante arbustive plus réduite – celle-ci est restreinte à une galerie forestière en bordure de rivière (Bousquet, 1992). Au contraire, les faunes de Dande (Dan) et surtout de Tarangiré (Tar) montrent une affinité plus forte avec les formations arbustives. Pour Dande, il semblerait que la composante arbustive soit prédominante sur l’ensemble du territoire (Gaidet et al., 2003). Le Parc de Tarangiré offre une grande variété d’habitats mais reste dominé par des zones boisées de densité variée à Acacia et Commiphora, associées à quelques aires plus ouvertes (prairies herbeuses et plaines alluviales) (Lamprey, 1962). La faune de la plaine de Kafue occupant les zones arborées en périphérie de la plaine d’inondation (KaGW) a une structure écologique particulière. Par rapport aux autres faunes issues du même type de milieu, elle est pauvre en espèces folivores, ce qui la rapproche parfois des formations herbeuses, voire l’exclut de l’ensemble des faunes modernes. Cette zone a pu être « contaminée » au moment du recensement par des espèces exploitant la plaine d’inondation. La faune occupant les savanes boisées du Sud Transvaal (TraW) a la signature d’un environnement intégrant des formations herbeuses et herbeuses boisées, proche de celle du Parc de Chobe. La position des faunes associées à ces environnements mixtes suggère que l’espace défini par chaque formation reflète assez bien le domaine de variation naturelle qui leur est associé, malgré le caractère non exhaustif de l’échantillon. Ces formations peuvent être

6 Steppes d’Afrique du Sud constituées principalement de graminées. 7 Steppes d’Afrique du Sud constituées de graminées et d’arbustes épineux.

138 discriminées à l’aide de 6 catégories ou combinaisons de catégories (folivore, graminivore, 90-180kg, 10-45kg/90-180kg et aquatique/fouisseur). Dans une étude similaire, Reed (1997) a utilisé la diversité de trois autres catégories (arboricole, frugivore et consommateur d’herbes fraîches) pour séparer les environnements, classés selon la densité du couvert arboré. L’alimentation constituée d’herbe fraîche est un type de régime graminivore et n’a pas été considérée à part dans la présente étude car elle est difficile à identifier sur du matériel fossile. En revanche, il est possible de tester la pertinence des deux autres catégories avec le jeu de données employé ici. D’après les résultats de Reed (1997), on devrait retrouver une proportion croissante en espèces frugivores et arboricoles en allant des formations herbeuses vers les milieux arbustifs. Au contraire, avec le jeu de données excluant les micromammifères, les faunes ne se disposent pas selon un motif particulier, principalement à cause de l’absence d’espèces arboricoles dans la moitié des assemblages (Fig. 2.54a). La diversité des espèces frugivores, en revanche, fournit un modèle qui se rapproche de celui de Reed (1997), sauf pour 3 faunes (ViS, Bir et SerH), dont la proportion en frugivores est aberrante. La singularité de la faune des landes du parc du Serengeti (SerH) a déjà été évoquée. En revanche, les faunes du Birao et des Virunga (Bir et ViS) n’adoptaient pas une disposition particulière dans les graphiques précédents. La forte proportion en espèces frugivores pourrait résulter de la présence d’une ébauche de forêt galerie dans la partie sud du Parc de Birao (Félix, 1953), et de bosquets sclérophylles associés aux formations herbeuses du Parc des Virunga (Delvingt et al., 1990). Une disparité dans le classement des faunes ne semble pas être la cause d’un tel résultat. Il s’agirait plutôt de règles d’attribution différentes du mode arboricole aux espèces. En effet, l’ensemble des espèces arboricoles sensu lato (arboricoles + semi-arboricoles) livre un schéma comparable à celui que Reed (1997) obtient, sans tenir compte des 3 faunes déjà défaillantes (Fig. 2.54b). L’exclusion de l’ensemble des petites espèces provoque une raréfaction du mode arboricole, qui n’est plus présent que dans 5 faunes (Fig. 2.54c). En revanche, si l’on considère les espèces arboricoles sensu lato, on obtient une disposition proche de celle observée avec le jeu de données >1kg (Fig. 2.54d). Les types frugivores et arboricoles sensu lato sont donc de bons indicateurs environnementaux. Cependant, ces catégories tendent à être relativement rares dans les échantillons fossiles, contrairement aux catégories telles que les régimes graminivores ou folivores et les gammes de taille importante. Les formes arboricoles sont rarement préservées, tandis que le régime frugivore est difficile à reconnaître par la morphologie dentaire des fossiles et il est souvent attribué par analogie avec les représentants actuels des taxons.

139 Les modèles discriminants proposés par ces catégories écologiques et taxinomiques (folivore, graminivore, 90-180kg, 10-45kg/90-180kg et aquatique/fouisseur) sont limités à des environnements ne comprenant que deux types de formations. Est-il possible, à partir de ces catégories, d’identifier ceux présentant une diversité plus importante ? Les faunes associées à des environnements constitués par un minimum de 3 types de formations végétales, incluant une composante forestière, se positionnent dans le domaine de variation des formations arbustives voire herbeuses boisées, à l’exception de deux (Fig. 2.55). En effet, les parcs de la Pendjari et du W sont associés aux formations herbeuses sur les graphiques. Ils présentent un développement plus important des formations herbeuses que de la composante forestière, ce qui leur confère des proportions plus faibles en espèces folivores. Au contraire, les autres environnements montrent en général une composante herbeuse absente ou réduite, et/ou une composante forestière très représentée. La seule faune associée à un environnement mixte mais qui n’inclut pas de zone forestière est celle des plaines de Kafue. Comme on pourrait s’y attendre, elle se rapproche des formations herbeuses, en particulier des composantes boisées (KaGW) et herbeuses (KaF) de son environnement (Fig. 2.55). Dans le cadre de reconstructions paléoenvironnementales, seuls les milieux les plus ouverts, dominés par des formations herbeuses, boisées ou non, pourront être clairement identifiés. En revanche, si une faune se positionne sur ces graphiques dans le domaine de variation des formations arbustives, il sera difficile de savoir si elle est issue d’un paysage constitué de formations arbustives, d’un mélange de formations arbustives et herbeuses boisées, ou d’un environnement très diversifié composé de plusieurs formations. Andrews (2006) fait le même constat à partir du ré-échantillonnage de ses faunes. Par ailleurs, si l’on exclut les petites espèces (< 10 kg), la distinction entre les formations arbustives et les formations herbeuses boisées devient moins nette. L’une des issues à ce problème serait de pouvoir estimer la diversité des habitats à partir de la structure faunique. Nous verrons ultérieurement si la structure faunique permet effectivement d’aboutir à un tel résultat et dans quelle mesure.

I.2.1.2- Présence d’habitats édaphiques

Les habitats édaphiques (marécages, plaines d’inondation,..) n’ont pas été inclus dans les analyses précédentes. Ce type de milieu ne peut pas être classé selon la densité du couvert arboré car il est peuplé de végétaux de hauteur variable (herbes de prairies, roseaux, papyrus, palétuviers, etc.). Les habitats édaphiques sont forcément associés à des points d’eaux mais la présence de ces derniers n’implique pas nécessairement celle de milieux édaphiques associés.

140 Nous souhaitons voir s’il est possible d’identifier la présence de tels milieux dans un environnement à partir de la structure faunique qui lui est associée. Les environnements modernes ont été divisés en deux groupes, selon la présence ou non de formations édaphiques. Les tests U de Mann-Whitney effectués entre ces deux groupes sur les abondances relatives de chaque catégorie (écologique ou taxinomique) révèlent que seules les fréquences en espèces d’Hippopotamidae et de Giraffidae permettent d’identifier la présence de zones édaphiques dans un environnement (non figuré). Cependant, le fait d’utiliser les abondances relatives peut être problématique car la proportion des espèces adaptées à ce type de milieux diminue lorsque la diversité des habitats augmente au sein d’un environnement. Ces tests ont donc été réalisés sur les abondances brutes des catégories et produisent un nombre plus important de catégories prédictives. Lorsque l’on n’exclut que les micromammifères, les zones édaphiques sont plus riches en espèces semi-aquatiques, graminivores ou appartenant aux gammes de masse corporelle E (90-180 kg), G (180-360 kg) ou H (>360 kg) (Fig. 2.56).

Figure 2.56 – Diversité des catégories écologiques et taxinomiques pour lesquelles une différence significative (testée par un test U de Mann-Whitney) est calculée entre les environnements avec et sans formation édaphique, en n’excluant que les micromammifères (gauche) et l’ensemble des petits mammifères (droite). Les boites représentent la médiane des valeurs flanquée des 25e et 75e percentiles. Pour les abréviations des catégories écologiques, voir le tableau 1.4.

Sur cette figure, la disposition des boîtes (qui représentent 50% des données de part et d’autre de la médiane) montre que les recouvrements entre les deux types de milieux sont réduits, surtout pour les catégories de masse. Cependant, ce recouvrement devient très important lorsque l’on tient compte de toute l’étendue des données, et il deviendra alors difficile de conclure quant aux affinités d’un assemblage fossile avec l’un ou l’autre de ces

141 environnements. Par ailleurs, les Hippopotamidae, Giraffidae et Equidae ont des abondances significativement différentes en présence ou non de formations édaphiques. En réalité, ces taxons fluctuent entre 0 et 1 espèce, ce qui n’est pas significatif. La présence d’hippopotames est généralement associée aux formations édaphiques (sauf ici pour la réserve faunique de Tarangire), mais on en retrouve également dans les environnements où ce type de formation est absent (présents dans 20 des 38 faunes non associées à des formations édaphiques). Seule l’absence de cette espèce apparaît finalement significative. Les Equidae et Giraffidae sont plus fréquemment associés aux milieux édaphiques qu’aux environnements sans ce type d’habitat, mais ne présentent pas de réel pouvoir discriminant dans ce contexte. L’exclusion des petites espèces (<10kg) ne modifie pas ces résultats (Fig. 2.56). En plus des catégories et taxons déjà impliqués, la diversité en espèces terrestres et celle des Bovidae deviennent alors significatives dans l’identification d’habitats édaphiques et présentent un recouvrement également significatif.

Malgré des différences significatives pour certaines catégories, il apparaît difficile d’utiliser ce type de modèle pour déterminer si une faune était associée à des formations édaphiques ou non. D’autre part, ces résultats suggèrent que, si la présence d’hippopotames implique celle d’un point d’eau, elle ne témoigne pas systématiquement de la présence de formations édaphiques (plaine d’inondation, marécage, etc.) associée à ces milieux aquatiques.

I.2.2- Apports de la structure taxinomique

L’abondance d’un taxon dans une communauté peut être exprimée selon deux modes : la biomasse (quantité de matière organique en kg par unité de surface) et la densité (nombre d’individus par km²). Plusieurs facteurs influencent la biomasse des mammifères dans un environnement. Sous les tropiques, celle des grands mammifères tend à être élevée dans les habitats ouverts et peu boisés, et diminue lorsque le couvert forestier devient continu (Eisenberg et McKay, 1974; Eisenberg et Seidensticker, 1976). Dans les milieux ouverts, les biomasses des plantes et des herbivores en Afrique sont positivement corrélées avec les précipitations (Coe et al., 1976; Coe, 1980). Cette donnée apparaît donc informative dans le cadre de reconstitutions environnementales. Cependant, elle est difficile à obtenir sur du matériel fossile car elle nécessite de connaître de manière précise le poids des espèces fossiles et, surtout, les erreurs d’estimation de l’abondance des taxons sont amplifiées si on les

142 pondère par le poids corporel de chacun. Il est donc préférable d’utiliser le nombre d’individus des taxons. Ce type de données a d’ailleurs déjà montré son intérêt dans le cadre de reconstitutions paléoenvironnementales. En particulier, les Bovidae portent un signal paléoenvironnemental marqué (Greenacre et Vrba, 1984; Shipman et Harris, 1988; Alemseged, 2003; Sandrock et al., 2007). Par exemple, Greenacre et Vrba (1984) ont constaté que les proportions des tribus ou des genres de Bovidae variaient selon la proportion des couverts herbeux et arborés dans le paysage, quel que soit les conditions de précipitations ou l’altitude.

Un indice d’ouverture du milieu

Shipman et Harris (1988) ont constaté que le rapport entre l’abondance de la tribu des Reduncini et de celle des Alcelaphini permettait d’estimer la proportion entre les zones boisés (woodland) et les milieux plus ouverts (bush et open country) dans un paysage. La relation est la suivante :

reduncini * 100 r/a = reduncini + alcelaphini

Si ce rapport est supérieur à 20, on estime que le paysage est dominé par les zones boisées ; s’il est inférieur ce sont les aires ouvertes qui prédominent. Nous avons vérifié cette prédiction auprès des faunes modernes échantillonnées dans cette étude pour lesquelles ces paramètres étaient disponibles et bien estimés. Les prédictions faites par le taux reduncini/alcelaphini reflètent assez bien la réalité (Tabl. 2.11). Cet indice permet d’identifier les environnements très ouverts ou très peu boisés par rapport aux milieux plus densément arborés. Deux faunes indiquent une dominance de l’un ou l’autre selon la période de recensement. Le Parc National de Tarangire a subi des recensements pendant la saison sèche et la saison humide. Le premier indique un environnement dominé par des milieux ouverts, tandis que le second traduit la prépondérance de formations plus denses. Pendant la saison sèche, ce parc voit sa population en Alcelaphini augmenter, avec en particulier l’arrivée de Connochaetes taurinus en grand nombre, un alcelaphini fortement dépendant de la proximité de milieux aquatiques. En fait, le Parc de Tarangire sert de refuge aux ongulés des steppes Masaï pendant la saison sèche car il dispose de points d’eau permanents (Lamprey, 1962). Cette variation du rapport r/a en fonction des saisons n’est pas contraignante dans le cas d’une application à des assemblages fossiles car ces derniers correspondent rarement à

143 l’enregistrement de la faune présente lors d’une seule saison. Pour la faune du lac Manyara, l’interprétation est différente. Le recensement de la faune s’est fait sur 9 années, entre 1959 et 1984. Entre les recensements effectués en 1976 et en 1981, la faune passe d’une signature « fermée » à une signature « ouverte ». En réalité, durant les années 70, ce Parc a été affecté par des changements environnementaux majeurs voyant l’ouverture du milieu par conversion des zones boisées en prairies, en raison des inondations, de la forte consommation de feuilles par les mammifères, des fluctuations climatiques, de l’érosion des sédiments et du changement du niveau du lac (un haut niveau réduit l’étendue des prairies) (Mwalyosi, 1977). Ce dernier exemple traduit la sensibilité de l’indice r/a dans la détermination de l’abondance du couvert arboré d’un environnement. Cet indice est d’autant plus intéressant qu’il est facilement applicable aux assemblages fossiles car les deux groupes de bovidés impliqués couvrent des gammes de taille assez similaires et sont identifiables à partir d’éléments squelettiques similaires (chevilles osseuses et restes dentaires principalement). On peut donc supposer qu’ils ont été affectés par les mêmes types de biais de préservation et de récolte.

Tableau 2.11 – Végétation dominante effective de l’environnement et prédite selon le taux réduncini/alcelaphini dans la faune associée. O : environnement ouvert ; B : environnement boisé.

Prédiction selon le taux Parc Végétation dominante r/a Virunga savane herbeuse O Serengeti plaine ouverte ou légèrement boisée O Nairobi prairie ouverte O Okavango mosaïque de bois, fourrés et savane boisée B Zakouma savanes arbustives et arborées B Dinder savanes de buissons épineux au nord, bois au sud B Ogooué-Maritime forêt humide tropicale B Arli savane arborée B Katavi bois de Miombo et forêts sèches B Rwenzori mosaïque de prairies, prairies à arbustes, bois et forêts B Nakuru Fourrés et bois peu denses B savane arbustive et arborée parsemée de bois peu Pendjari B denses O (saison sèche) Tarangire bois B (saison humide) Manyara marécages, bois, prairies et forêts O/B ?

144 L’abondance des tribus de Bovidae comme indice environnemental

Alemseged (2003) a compilé l’abondance des genres et tribus de Bovidae de 29 faunes africaines modernes, provenant d’environnements variés. L’analyse des correspondances portée sur les proportions des tribus de Bovidae lui a permis de discriminer 3 types d’environnements : 1) les environnements secs et ouverts (e.g. Kalahari, Serengeti) sont favorables au développement des Alcelaphini et des Antilopini ; 2) les Tragelaphini, les Bovini et les Aepycerotini sont associés à des environnements boisés (e.g. Timbavati, Kruger, Manyara, Mkuzi) ; 3) les Cephalophini, les Reduncini et les Hippotragini fréquentent préférentiellement les milieux humides (e.g. Arli, Comoe, W, Kafue, Penjari). Ces résultats sont cohérents avec ceux apportés par les précédentes études du même type (Greenacre et Vrba, 1984; Shipman et Harris, 1988). Cette même analyse sera utilisée dans le cadre de ce travail afin de voir comment les assemblages de TM se positionnent. En revanche, malgré un pouvoir de résolution plus important, l’analyse portant sur les abondances des genres de Bovidae n’a pu être appliquée avec les assemblages de TM car ces derniers possèdent trop peu de genres en commun avec les faunes modernes et l’identification des Bovidés au niveau générique est en cours dans certaines tribus.

I.2.3- Apports de la composition taxinomique

L’étude de l’incidence des taxons dans les faunes modernes a été effectuée au niveau Trib/Fam. En effet, à un degré taxinomique plus élevé (Fam/Ordr), les faunes sont trop homogènes pour permettre la distinction des environnements. Au contraire, le niveau générique possède probablement un pouvoir discriminant plus important mais devient difficilement comparable aux assemblages de TM par manque de taxons en commun. Cette analyse est limitée aux environnements composés par deux types de formations au maximum, afin de faire ressortir plus facilement, s’il existe, l’organisation des environnements modernes en fonction des taxons qu’ils abritent.

Sur le dendrogramme de la figure 2.57, les milieux forestiers se distinguent nettement des environnements plus ouverts, par la présence exclusive de 3 taxons (Loridae, Pongidae et Tragulidae) et l’absence ou la faible fréquence d’un nombre important de taxons : Antilopini, Hippotragini, Alcelaphini, Aepycerotini et Reduncini pour les bovidés, Hyaenidae et Canidae pour les carnivores, ainsi que les Pedetidae, Leporidae, Tubulidentata, Equidae, Giraffidae,

145

Figure 2.57 – Dendrogrammes issus d’analyses UPGMA effectuées sur les données d’incidences des taxons (présence en gris) au niveau Trib/Fam dans les faunes modernes, à partir de l’indice de Raup-Crick. Les micromammifères ont été exclus. Cc : corrélation cophénétique du dendrogramme.

Rhinocerotidae et Hippopotamidae. Les milieux intermédiaires et ouverts ne sont pas séparés sur ce graphique car ils ont un grand nombre de taxons en commun. Leur classement selon les

146 types de formations rencontrées (arbustive, herbeuse,…) ne permet pas non plus de faire ressortir un modèle. Cependant, les rapprochements effectués dans cet arbre sont au premier ordre influencés par des similarités écologiques et non par des facteurs historiques car les faunes ne sont pas classées selon leur proximité géographique (Fig. 2.57).

Ces données seront comparées aux données fossiles dans le but d’identifier la présence de formations forestières, en complément des analyses discriminantes. Reed et Rector (2007) préconisent l’exclusion des ordres peu représentés dans les faunes fossiles (Tubulidentata, Rodentia, Lagomorpha, Pholidota, Hyracoidea, Insectivora) afin de rendre les faunes modernes plus comparables à celles-ci. Néanmoins, l’exclusion des micromammifères, puis de l’ensemble des petits mammifères (< 10 kg), permet d’écarter une partie de ces taxons. Il ne demeure alors que les pholidotes et les tubulidentés, deux groupes qui par ailleurs sont représentés dans le registre fossile. L’analyse d’UPGMA appliquée avec la similarité de Raup-Crick sur les faunes modernes, sans les petites espèces, donne un résultat similaire dans la classification des environnements à celui obtenu avec l’analyse n’excluant que les micromammifères (Fig. 2.57), et il n’a pas été figuré ici.

I.3- Structuration de l’environnement

I.3.1- Diversité d’habitats

Les faunes incluses dans l’étude occupent des superficies différentes. Cependant, ce paramètre n’intervient pas dans leur richesse taxinomique car il n’y a pas de corrélation entre la surface des parcs nationaux et le nombre d’espèces qu’ils abritent (corrélation de Spearman : r = 0,3017; p < 0,05 ; N = 35). D’autres facteurs (environnementaux et historiques) seraient plus importants que la surface dans la détermination de la richesse en espèces (Rodríguez et al., 2004).

Les écologistes ont déjà mis en évidence l’existence d’une corrélation entre la richesse taxinomique d’une faune et l’hétérogénéité de l’environnement qu’elle occupe (voir discussion dans (Krebs, 1978). En effet, la diversité des espèces animales représentées dans un environnement est en premier lieu dictée par la productivité primaire et par la stabilité de l’environnement, puis par la structure de la végétation (notamment la hauteur du feuillage) et la diversité des habitats (Pianka, 1966, 1978; Greenacre et Vrba, 1984; Simberloff et Dayan,

147 1991; Tokeshi, 1993; Tilman, 1999; Waide et al., 1999; Colinvaux et De Oliveira, 2001; Ricklefs, 2004; Bonyongo et Harris, 2007). Ainsi, la richesse taxinomique d’un groupe d’espèces a tendance à augmenter avec la complexité structurale du milieu (e.g. MacArthur et al., 1966; Pianka, 1966; Buzas, 1972; Brown, 1975), qui met à disposition des espèces un plus grand nombre de niches écologiques. Ce constat a été testé sur les faunes échantillonnées dans cette étude, divisées en deux groupes selon la diversité de l’environnement qui leur est associé. Un environnement homogène ne sera constitué que par un seul type de formations ou dominé par celui-ci (les formations en bordure de rivière, d’extension restreinte, ne seront pas considérées), tandis qu’un environnement hétérogène, ou mixte, inclura au moins deux de ces formations, représentées dans des proportions non négligeables (au moins 25%).

Les richesses spécifiques des faunes mixtes et homogènes ont été confrontées à l’aide des tests U de Mann-Whitney et t de Student, selon la normalité des données (Tabl. 2.12). Les deux types structuraux présentent des richesses taxinomiques significativement différentes, que l’on exclut ou non les petites espèces (1-10 kg) : les faunes de milieux homogènes sont plus pauvres que celles associées à une forte diversité d’habitats, un résultat en accord avec les précédentes études écologiques. Ce test a été effectué au niveau spécifique. Cependant, compte tenu des problèmes d’identification taxinomique inhérents aux assemblages fossiles, ce test a également été réalisé sur les faunes modernes au niveau générique et fournit des résultats identiques (Tab. 2.12).

Tableau 2.12 – Comparaison de la richesse taxinomique entre les environnements mixtes et les environnements homogènes, effectuée à l’aide des tests U de Mann-Whitney et t de Student selon la normalité des données.

>1kg >10kg

mixte homogène mixte homogène Valeur centrale 48 (méd) 26 (méd) 33,3 (moy) 16,9 (moy) Au niveau U Mann-Whitney t de Student spécifique Test de comparaison U=98,5 p= 0,000001 t=-6,38 p= 0,000001 différence significative différence significative Valeurs centrale 38,6 (moy) 21,9 (moy) 27,2 (moy) 14,5 (moy) Au niveau t de Student t de Student générique Test de comparaison t=-5,84 p= 0,000001 t=-6,17 p= 0,000001 différence significative différence significative

148 En outre, si les environnements homogènes et hétérogènes se distinguent par la richesse taxinomique de leurs faunes, ils se distinguent également par le nombre de catégories écologiques représentées dans leurs faunes. Cette différence est significative pour les types de régime alimentaire (U de Mann-Whitney : p = 0,0281) et les modes de locomotion (U de Mann-Whitney : p = 0,0281), ainsi que pour le nombre totale de catégories écologiques représentées, incluant les variables de masse corporelle, régime alimentaire et mode de locomotion (U de Mann-Whitney : p = 0,0008). De manière générale, les environnements mixtes abritent une plus grande diversité écologique que les environnements homogènes. On obtient les mêmes résultats lorsque l’ensemble des petits mammifères est exclu.

Les variables écologiques et taxinomiques ont été testées vis-à-vis de la diversité de l’environnement mais aucune ne permet de distinguer les faunes des milieux hétérogènes de celles des milieux homogènes.

I.3.2- Agencement des habitats dans l’espace

Parmi les environnements hétérogènes, les habitats sont principalement agencés selon deux modes, graduel ou sous forme d’une mosaïque d’habitats. Aucune étude paléoécologique n’est parvenue à relier la structuration d’un environnement avec celle de la faune correspondante, écologique ou taxinomique. On s’attend pourtant à observer des différences entre ces deux types de structure. Par exemple, la structure en mosaïque a tendance à multiplier les zones écotonales, ce qui devrait accroître la richesse taxinomique de la faune en augmentant la diversité des niches disponibles. On peut également s’attendre à ce que les milieux mosaïques abritent moins d’espèces spécialisées que les environnements de type graduel car chaque habitat a une étendue plus restreinte que dans un milieu graduel, il est donc plus difficile pour une espèce adaptée à un type d’habitat particulier de survivre dans un environnement où son habitat est morcelé. La présence de zones écotonales favorise les espèces qui exploitent plusieurs types d’habitats (Ramberg et al., 2006).

Les environnements mixtes ont été classés dans les types « mosaïque » ou « graduel ». Parmi les 30 faunes associées à un environnement mixte, 9 ont été exclues car l’agencement de leurs habitats ne rentrait dans aucune des catégories définies ici. Les faunes restantes se séparent entre les milieux mosaïques (6) ou à structure graduelle (15). Les tests U de Mann-Whitney ou t de Student n’ont révélé aucune différence significative entre ces deux types selon les

149 abondances relatives des catégories écologiques ou la richesse taxinomique (non figuré). Les abondances absolues des taxons plutôt que leurs abondances relatives ont été comparées mais aucun de montre une différence significative entre les deux types d’environnement.

Ces résultats indiqueraient que la structuration d’un environnement n’influence pas celle de la faune mammalienne qu’il abrite. Cependant, il est possible que la structure faunique, telle qu’elle a été définie dans cette étude, ne soit pas en mesure de différencier ces deux types d‘environnements. Une catégorisation plus précise des variables écologiques est peut-être envisageable, mais serait plus difficilement applicable à des assemblages fossiles. Ce résultat peut par ailleurs provenir du fait que la taille de chaque habitat n’a pas été prise en compte. En effet, la notion de mosaïque et de gradient dépend avant tout de l’échelle à laquelle on observe l’environnement. Une structure mosaïque à grande échelle, dans laquelle chaque habitat est représenté sous forme de patchs de grande étendue, peut fournir aux espèces spécialisées une étendue suffisamment importante à leur survie.

II- Quel signal paléoenvironnemental la faune fossile de Toros-Menalla a-t-elle enregistré ?

Dans un premier temps, une analyse des correspondances a été effectuée sur la structure écologique des faunes modernes, dans laquelle les sites fossiles de TM ont été ajoutés sans qu’ils ne participent aux calculs des composantes (Fig. 2.58-2.59). Cette analyse permet de rendre compte de la singularité des assemblages de TM par rapport aux faunes africaines modernes : sur les 3 dimensions du graphique, les assemblages fossiles sont en dehors du nuage de points formé par les faunes modernes. Ce résultat est obtenu lorsque l’on exclut uniquement les micromammifères (Fig. 2.58) et il persiste surtout le long du second axe lorsque l’on supprime l’ensemble des petits mammifères (< 10 kg) (Fig. 2.59). Le premier axe de ces analyses est dominé par les abondances en espèces frugivores et arboricoles, des types très peu représentés dans les assemblages de TM. En revanche, ces derniers ont des proportions en espèces aquatiques élevées, similaires pour certains d’entre eux à celles que l’on peut trouver actuellement dans les environnements marécageux de la plaine de Kafue ou des Parcs du Serengeti et des Virunga. Enfin, sur le troisième axe, les fortes proportions en espèces de très grande taille (> 360 kg) et en espèces folivores, associées à une abondance réduite en formes insectivores ou fouisseuses, expliquent l’exclusion des assemblages fossiles

150 du nuage de points formé par les faunes modernes. Dans ces conditions, il est primordial de comprendre la ou les raisons de cette disparité avant de commencer l’étude paléoenvironnementale.

Figure 2.58 – Analyse des correspondances effectuée sur les structures écologiques (mode de locomotion, masse corporelle et régime alimentaire, en vert) des faunes africaines modernes (bleu). Les assemblages de TM (rouge) ont été ajoutés à ces graphiques sans qu’ils ne participent au calcul des dimensions de cette analyse. Les micromammifères (< 1 kg) ont été exclus.

Figure 2.59 – Analyse des correspondances effectuée sur les structures écologiques (mode de locomotion, masse corporelle et régime alimentaire) des faunes africaines modernes (bleu). Les assemblages de TM (rouge) ont été ajoutés à ces graphiques sans qu’ils ne participent au calcul des dimensions de cette analyse. Les petits mammifères (< 10 kg) ont été exclus.

151 II.1- Singularité des assemblages fossiles par rapport aux faunes modernes : quelle(s) origine(s) ?

II.1.1- Des environnements sans équivalent moderne ?

La singularité des assemblages fauniques de TM pourrait s’expliquer par l’absence d’équivalent dans les faunes africaines modernes. Des conditions atmosphériques ou climatiques différentes de ce que l’on rencontre actuellement en Afrique pourraient être responsables de telles disparités. Par exemple, une pression élevée en CO2 atmosphérique favorise une plus forte productivité végétale (Janis et al., 2002) et permet donc à l’environnement de supporter une plus forte pression de la part des espèces herbivores sensu lato. Une saisonnalité caractérisée par de longues saisons des pluies permet d’augmenter la production des feuilles et de diminuer celle des fruits (Foley, 1987), favorisant ainsi le développement des espèces folivores au dépens des frugivores. En outre, dans des environnements fluctuants, les individus de grande taille sont avantagés car ils ont une dépense énergétique par unité de masse réduite par rapport aux plus petits (Rodríguez et al., 2004). Certaines de ces éventualités seront discutées plus loin (Part. III). Certains auteurs (e.g. Kingston et Harrison, 2007) proposent ainsi de comparer les faunes africaines passées aux faunes asiatiques modernes plutôt qu’aux faunes actuellement représentées en Afrique, en raison d’une plus forte proportion en espèces folivores dans les premières, comparable à ce que l’on peut observer dans les assemblages fossiles africains.

Cependant, ce constat n’est pas restreint à cette période ni au continent africain. D’autres études du même type, comparant les structures fauniques d’assemblages fossiles et modernes, et portant sur des faunes africaines plus récentes (Soligo et Andrews, 2005; Su et Harrison, 2007) ou sur des faunes européennes (Artemiou, 1983; Rodríguez et al., 2004; Koufos, 2006) aboutissent à un résultat identique : les assemblages fossiles n’entrent pas dans le domaine de variation des faunes modernes auxquelles ils sont comparés. Dans une autre étude (Rodriguez, 2001), la compilation de 93 faunes locales modernes provenant d’Afrique, des Amériques et d’Eurasie ne permet toujours pas de fournir un analogue aux 6 faunes espagnoles pléistocènes prises en compte. Le caractère récurant de ce résultat indiquerait que les structures fauniques fossiles ne trouvent pas d’équivalent dans les environnements modernes. On ne peut en effet pas écarter la possibilité que les environnements passés diffèrent des actuels dans la structure de leur

152 communauté végétale et animale (Andrews et Humphrey, 1999). Les faunes actuelles sont, par exemple, appauvries en très grands mammifères par rapport aux faunes passées (Artemiou, 1983; Rodríguez et al., 2004). La diversité globale des grands mammifères augmente du début du Cénozoïque au Pliocène (Alroy, 1999), période qui voit prospérer une forte diversité de « mammifères géants » (une douzaine de genres de proboscidiens, rhinocéros, girafes, hippopotames, paresseux, etc.) (Bakker, 1980). Les environnements associés à ces faunes devaient certainement avoir une forte productivité végétale afin de supporter une telle biomasse (Artemiou, 1983). A l’inverse, les primates et autres formes arboricoles sont généralement peu fréquents dans les assemblages fossiles (Clark et al., 1967). Cette rareté ne résulte pas nécessairement d’un biais de préservation lié à la fragilité du squelette de ces individus, car certains gisements pauvres en primates ont par ailleurs livré des insectivores et des rongeurs en abondance (Shotwell, 1955).

Une telle hypothèse reste donc plausible mais il faudrait remettre en question l’utilisation du principe d’actualisme dans le cadre d’études paléoécologiques sur les mammifères. Soligo et Andrews (2005) suggèrent au contraire que, dans la plupart des cas, l’absence de similarité entre faunes modernes et fossiles résulterait plus vraisemblablement de biais, taphonomiques et/ou méthodologiques, que d’une réelle différence liée à l’absence d’analogue moderne. Les assemblages fossiles ne fournissent en effet qu’une image partielle de la ou des communautés dont ils sont issus.

II.1.2- Un biais méthodologique ?

La détermination des structures écologiques des faunes fossiles et modernes ne se fait pas selon les mêmes procédés. Les espèces actuelles sont assignées aux différentes catégories écologiques sur la base d’observations de leur comportement dans la nature ou en élevage, ce qui fourni une information précise de la diversité de leur spectre écologique. Au contraire, le régime alimentaire et le mode de locomotion des taxons fossiles sont déterminés, dans le meilleur des cas, à partir d’analyses isotopiques ou d’usures dentaires, d’études écomorphologiques ou anatomiques. Cependant, ces techniques ne permettent pas d’aboutir à la précision atteinte avec les espèces modernes. Certaines catégories sont parfois difficiles à identifier car non associées à une signature chimique ou un type morphologique particulier (e.g. omnivore, semi-arboricole). D’autres, impliquant au contraire la présence de traits remarquables, sont faciles à identifier mais ne représentent pas nécessairement le mode

153 écologique dominant de l’espèce. C’est le cas par exemple des singes semi-arboricoles qui requièrent des adaptations à l’arboricolie et sont susceptibles d’être associés à ce mode à partir de leur morphologie. La seule manière de pallier ce biais serait d’utiliser les mêmes techniques que l’on applique aux espèces fossiles (usures dentaires, analyses isotopiques, morphologie) pour déterminer les caractéristiques écologiques des espèces modernes (Su et Harrison, 2007).

II.1.3- Un biais taphonomique ?

Un assemblage fossile peut correspondre au mélange de plusieurs communautés, par condensation des os sur plusieurs années ou par transport des restes squelettiques. D’autre part, les communautés concernées ne sont généralement pas représentées dans leur totalité en raison de biais de préservations des restes squelettiques. Le pouvoir d’identification des espèces est contraint pas la qualité de préservation des éléments squelettiques et de la valeur diagnostique de ces derniers. Par ailleurs, le processus de fossilisation est un phénomène rare qui n’affecte pas nécessairement toutes les espèces. Selon leur milieu de vie ou leurs caractéristiques biologiques, certaines espèces ont plus de chances d’être fossilisées. - Milieu de vie : certaines conditions climatiques ou environnementales sont plus favorables à la fossilisation des êtres vivants. Les environnements marins ou aquatiques sont par exemple mieux représentés que les milieux terrestres (Hill, 1987). En domaine continental, les os se préservent plus longtemps sous des conditions tempérées ou subarctiques (Andrews et Cook, 1985). L’intensité de la météorisation, un processus fréquemment impliqué dans la détérioration des os, dépend surtout de l'exposition au soleil, du taux d'humidité, du pH du sol, et du taux de variation de ces paramètres. Elle est plus lente avec une faible exposition au soleil, une humidité importante ou un pH basique (Tappen, 1994), et dans les environnements stables permettant de réduire les fluctuations de ces paramètres (Behrensmeyer, 1978). L’intervention de la météorisation est donc plus limitée dans les forêts denses humides, les marécages ou les zones densément boisées que dans les savanes sèches. La fréquence d’évènements catastrophiques tels que les crues et les sécheresses, ainsi que le régime de sédimentation / érosion, sont également des facteurs déterminants dans la mise en place d’un assemblage fossile, et peuvent varier selon le contexte environnemental. - Caractéristiques biologiques / écologiques : les espèces associées à un mode de vie solitaire ou avec un temps de génération lent ont une plus faible probabilité d’être fossilisées

154 car elles sont représentées par un nombre plus restreint d’individus (Kidwell et Flessa, 1995; Vermeij et Herbert, 2004). En outre, les petites espèces peuvent avoir une plus faible probabilité de préservation et de récolte en raison de restes plus fragiles et moins visibles. Une sous-représentation des espèces de cette gamme de taille pourrait avoir un impact sur la représentation des catégories des deux autres écovariables (régime alimentaire et mode de locomotion) car de nombreuses espèces frugivores, insectivores, fouisseuses ou arboricoles sont comprises entre 1 et 10 kg. Le fait que les assemblages de TM se rapprochent d’avantage des faunes modernes si l’on exclut les petites espèces (< 10 kg) est un argument en faveur d’une telle hypothèse (Fig.2.59).

Afin de tester l’impact des biais qui affectent potentiellement les assemblages fossiles (préservation d’une partie de la faune, mélange de faunes et degré d’identification réduit) sur la détermination de la structure écologique de la faune dont ils sont issus, des simulations ont été conduites à partir de faunes modernes. Les faunes de cette étude, pour lesquelles les micromammifères ont été au préalable exclus, ont été soumises à des ré-échantillonnages aléatoires et appauvries selon deux modes. 1) Une partie des espèces (1/3 ou 2/3), choisies aléatoirement, a été exclue ou 2) les taxons ont été associés à une probabilité d’échantillonnage selon leur gamme de masse corporelle de manière à échantillonner préférentiellement les grandes espèces. Pour cela, trois jeux de probabilité ont été construits, conduisant à un appauvrissement de plus en plus drastique des petites espèces par rapport aux formes les plus grandes. Un appauvrissement modéré des petites espèces a été effectué en échantillonnant de manière systématique les taxons de masse supérieure à 360kg puis en assignant une probabilité d’échantillonnage qui décroit de manière linéaire vers les petites espèces (décrémentation de 0,1), la gamme de masse C (1-10kg) se trouvant associée à une probabilité de 0,5 (Fig. 2.60). L’appauvrissement moyen a consisté à échantillonner toutes les espèces de masse supérieure à 180kg, puis à réduire de manière sigmoïdale la probabilité d’échantillonnage pour les espèces plus petites, jusqu’à atteindre une valeur de 0,2 pour les espèces de la gamme C (Fig. 2.60). Enfin, l’appauvrissement élevé des petites espèces est similaire au précédent mais des probabilités plus faibles sont associées aux petites espèces (0,1 pour la gamme C) (Fig. 2.60). Les faunes ont ensuite été mélangées aléatoirement, par groupes de deux ou trois, et préalablement appauvries ou non. Enfin, l’impact de la résolution de l’identification des taxons a été testé en comparant les structures écologiques définies aux niveaux spécifique et générique.

155

Figure 2.60 – Probabilités d’échantillonnage affectées aux espèces selon leur masse corporelle (cf. Tabl. 1.4 pour les abréviations). Les trois jeux de probabilité utilisés varient dans le degré d’appauvrissement des petites espèces par rapport aux plus grandes (de faible à fort).

La figure 2.61 présente la richesse taxinomique de chaque jeu de données, construits selon des modes d’appauvrissement et de mélange variables aux niveaux spécifique et générique. Quel que soit le niveau taxinomique considéré, un appauvrissement modéré des faunes en petites espèces est comparable, en nombre de taxons exclus, à l’exclusion aléatoire du 1/3 de la faune. Les deux autres jeux de probabilité (appauvrissements moyen et drastique) conduisent à exclure environ les 2/3 des espèces. Dans ce contexte, les assemblages de TM sont comparables à l’exclusion des 2/3 des taxons. Seul le niveau générique permet d’obtenir, par mélange de deux faunes, une richesse comparable à celles des échantillons de TM. Il apparait que ces assemblages fossiles sont trop pauvres pour correspondre à un mélange de trois faunes ou plus, à moins d’appauvrir de manière encore plus drastique les communautés d’origine. Seul le site TM266 pourrait correspondre à un mélange de 2 ou 3 faunes dont les 2/3 des taxons ont été exclus, ou à des faunes peu appauvries (seul 1/3 des taxons exclus).

Les faunes volontairement appauvries et mélangées ont été replacées dans l’analyse des correspondances effectuée sur la structure écologique des faunes modernes, mais sans qu’elles ne participent aux analyses. Seuls les premier et troisième axes ont été représentés car aucune perturbation n’est observable le long du second axe, après dégradation et/ou mélange de faunes. L’appauvrissement aléatoire des faunes n’engendre aucune altération de

156 leur structure écologique, quel que soit le nombre de taxons échantillonnés (Fig. 2.62). En revanche, la contre-sélection des petites espèces produit un décalage des faunes appauvries vers les assemblages fossiles, d’autant plus important que l’appauvrissement en petites espèces s’intensifie (Fig. 2.62). Le fait d’utiliser le niveau générique n’accentue pas ce signal (Fig. 2.62) et le mélange des faunes produit un résultat similaire (Fig. 2.63).

Figure 2.61 – Richesses taxinomiques médianes et leur intervalle de variation, calculés pour chaque jeu de données, construits selon différents modes d’appauvrissement et de mélange des faunes, aux niveaux spécifique et générique. Les richesses taxinomiques des assemblages de TM ont été reportées. Les micromammifères ont été exclus des assemblages. Appauvrissements : exclusion aléatoire d’un tiers (1/3) ou des deux tiers (2/3) des espèces ; exclusion préférentielle des petites espèces, de faible degré (fai), moyen (moy) ou important (for) ; na : non appauvri.

L’appauvrissement de plus en plus drastique des faunes modernes en petites espèces provoque une baisse de la proportion des espèces de petite et moyenne taille (< 45 kg), contre une augmentation de l’abondance relative des espèces pesant plus de 45 kg (Fig. 2.64). Cet appauvrissement s’accompagne de celui en espèces omnivores, en Carnivora et en Primates. Dans des proportions moindres, les richesses en formes fouisseuses, arboricoles ou semi- terrestres et en insectivores diminuent également. Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les formes arboricoles et fouisseuses sont très peu affectées par des appauvrissements liés au facteur taille. Ceci suggère que la distribution de ces catégories dans des assemblages fossiles ayant subi ce type d’appauvrissement doit être représentative de ce qu’elle était dans la communauté d’origine, sauf si d’autres facteurs biaisant sont intervenus dans la représentation des espèces de l’assemblage. Les frugivores ne suivent pas une diminution progressive mais, entre les faunes non appauvries et celles qui ont été le plus appauvries, la

157 baisse est significative. Au contraire, les faunes se retrouvent très enrichies en formes graminivores ou terrestres et en Bovidae. La forte représentation d’espèces graminivores ou terrestres par rapport aux faunes modernes a déjà été observées dans certains assemblages cénozoïques d’Afrique (Kovarovic et al., 2002; Sandrock et al., 2007; Su et Harrison, 2007). La proportion des autres espèces herbivores (folivores et mangeurs mixtes) n’augmente que légèrement.

Figure 2.64 – Evolution de la proportion moyenne de chaque catégorie écologique ou taxinomique des faunes modernes selon l’appauvrissement en petites espèces qu’elles subissent.

Il apparaît ainsi que la singularité de la structure écologique des assemblages de TM par rapport aux faunes modernes ne résulte pas de l’appauvrissement aléatoire de la faune d’origine, aussi drastique qu’il soit, ni du mélange de plusieurs communautés ou de la perte de résolution dans l’identification des taxons. En revanche, une préservation préférentielle des

158 espèces de grande taille aux dépens de celle des plus petites permettrait à elle seule d’expliquer une telle déviation des assemblages de TM par rapport aux faunes modernes. La sous-représentation des petites espèces sur TM résulte certainement d’un biais de récolte (collecte de surface et produit du tamisage en cours d’étude) et probablement d’un défaut de préservation pré- ou post-fossilisation de ces espèces. Dans ce contexte, il est nécessaire de baser les comparaisons des assemblages de TM avec les faunes modernes sur des jeux de données n’impliquant que des espèces de taille moyenne à grande (> 10 kg), malgré un pouvoir discriminant plus faible de ce type de données dans les faunes modernes. En outre, seuls les assemblages les plus échantillonnés seront utilisés car ils se rapprochent plus des faunes modernes, la plupart des autres sites apparaissant davantage biaisés. Parmi les sites les plus échantillonnés, ceux à affinité TM266 sont plus proches des faunes modernes que ceux à affinité TM9, excepté TM90 qui se place parmi les sites du second groupe lorsque l’on exclut les petits mammifères (< 10 kg). Les assemblages médians (médiane des valeurs de plusieurs échantillons) fournissent également une structure assez comparable à des structures modernes (Fig. 2.58-2.59). Cependant, pour chacun des deux groupes de localités (aff. TM266 et aff. TM9), la structure estimée à partir de la médiane des 11 sites les plus échantillonnés apparaît moins biaisée que celle estimée à partir de l’ensemble du secteur, surtout pour les sites à affinité TM266 qui ont une plus forte hétérogénéité (Fig. 2.58-2.59). La structure prise sur la globalité du secteur est proche des celle des sites à affinité TM266 si l’on se base uniquement sur les sites les plus échantillonnés, mais des sites à affinité TM9 si l’on utilise toutes les localités du secteur (Fig. 2.58-2.59). Dans le premier cas (basé sur les sites les plus échantillonnés), les assemblages à affinité TM266 sont plus nombreux, dans le second (basé sur les 45 sites du secteur) la tendance s’inverse, ce qui explique la migration de cet assemblage médian vers les sites à affinité TM9. Ce type d’assemblage ne sera donc d’aucune utilité par la suite car il inclus trop d’échantillons biaisés. Ainsi, seuls les sites les plus échantillonnés et les assemblages médians de chaque groupe de localité formés à partir de ces échantillons (TM9-11 et TM266-11) seront comparés avec les faunes modernes.

Parmi les 3 hypothèses évoquées pour expliquer l’isolement de la structure écologique des assemblages de TM par rapport à celle des faunes modernes, celle d’un biais taphonomique et/ou de collecte semble être la plus probable. L’isolement plus prononcé des assemblages à affinité TM9 témoignerait d’un appauvrissement encore plus drastique que pour les assemblages à affinité TM266, non atteint par les ré-échantillonnages effectués sur les faunes

159 modernes. Les résultats du chapitre précédent ont montré que la différence observée entre ces deux ensembles de sites persistait malgré l’exclusion des petites espèces (< 10 kg). Il faudrait alors considérer que la très faible représentation en espèces de taille moyenne (10-45 kg) dans les assemblages à affinité TM9 résulte d’un biais de préservation et soit également impliquée dans cette différence, à moins d’envisager qu’aucun équivalent à ces assemblages n’existe aujourd'hui en Afrique. Dans ce dernier cas, la reconstruction du paléoenvironnement associé aux assemblages à affinité TM9 parait difficile. La présence d’un biais associé à la méthodologie employée pour analyser ces faunes est probable mais il doit certainement être limité. En effet, l’étude des structures écologiques et taxinomiques s’est déjà révélée pertinente dans le cadre de reconstruction paléoenvironnementale (Andrews et al., 1979; Andrews et Nesbit Evans, 1979; Andrews, 1980; Van Couvering, 1980; Nesbit Evans et al., 1981; Artemiou, 1983; Legendre, 1991; Damuth, 1992; Andrews, 1996; Gagnon, 1997; Reed, 1997; Rodriguez, 2001; Kovarovic et al., 2002; Pazonyi, 2004; Rodriguez, 2004; Fara et al., 2005; Mendoza et al., 2005). Par ailleurs, dans le cas des assemblages de TM, certaines catégories écologiques faisant défaut (e.g. modes arboricole, régime insectivore) sont relativement faciles à identifier sur du matériel fossile. Leur absence ne résulte donc pas d’un problème d’attribution des taxons aux catégories écologiques.

II.2- Quel environnement pour les faunes de TM ?

II.2.1- Densité du couvert végétal

Structure écologique

Le long du premier axe canonique, qui permet de discriminer les environnements fermés des autres milieux, les assemblages de TM se positionnent au niveau des formations ouvertes et intermédiaires (Fig. 2.65). Les sites à affinité TM9 sont exclus de l’ensemble des faunes modernes avec le régime alimentaire et la masse corporelle. L’ouverture relative des environnements associés aux assemblages de TM est attestée par des fortes proportions en espèces graminivores et de grande taille (90-180 kg), et une très faible abondance en formes arboricoles ou semi-arboricoles ainsi que de primates. Aucun des assemblages de TM ne correspond à un environnement forestier ou dans lequel une composante forestière serait

160 représentée, à moins qu’elle ne soit mineure dans le paysage, réduite à des patchs ou en bordure de cours d’eau sous forme de galerie forestière.

Figure 2.65 – Analyses discriminantes effectuées sur les faunes modernes classées selon l’ouverture de leur environnement (vert : fermé, marron : intermédiaire, jaune : ouvert). Les assemblages de TM les plus échantillonnés ont été ajoutés sans qu’ils ne participent au modèle discriminant. Les petites espèces (< 10 kg) ont été exclues des assemblages fauniques. L’analyse portant sur la diversité taxinomique n’a été effectuée que sur les abondances relatives calculées entre les Bovidae, les Primates, les Carnivora et les Rodentia.

Les assemblages fossiles ont été replacés sur les graphiques obtenus à partir des catégories écologiques ou taxinomiques qui permettaient le mieux de discriminer les différents types de formations. Ceux à affinité TM266 ont une proportion en espèces folivores comparable à celles des faunes de milieux arbustifs ou herbeux boisés (Fig. 2.66). Cette affinité peut être considérée comme fiable étant donné la fluctuation limitée de la proportion de ce type de régime alimentaire lors de l’appauvrissement des faunes (Fig. 2.64). Les proportions en espèces aquatiques ou fouisseuses et en Carnivora confirment ce résultat (Fig. 2.66). Leur

161 abondance en grandes espèces (90-180 kg) les place parmi les formations herbeuses boisées (Fig. 2.66), tandis que cette même proportion, ajoutée à celle des espèces de taille moyenne (10-45 kg), les placent dans les formations arbustives (Fig. 2.66). En moyenne, ils montrent une plus forte diversité en espèces graminivores que les faunes modernes, mais TM90 a une valeur similaire à une faune de formation herbeuse, et TM266 et TM112 ont des proportions de formations arbustives et/ou herbeuses boisées (Fig. 2.66). Les résultats précédents ont montré que l’appauvrissement des faunes modernes selon une probabilité d’échantillonnage décroissante vers les petites espèces provoquait une surestimation des grandes espèces et des formes graminivores. L’absence d’un tel appauvrissement permettrait de décaler les 4 autres sites à affinité TM266 (TM254, TM256, TM267 et TM215) vers les formations herbeuses, voire vers les milieux plus fermés (Fig. 2.66). De même, la proportion en espèces de grande taille (90-180 kg) est potentiellement plus faible, ce qui décalerait ces assemblages vers les formations arbustives (Fig. 2.66). Ce type d’appauvrissement ne modifierait à priori pas la position de ces assemblages selon les catégories « folivore » et « 10-45 kg + 90-180 kg » (Fig. 2.66) car la réduction de la proportion en grandes espèces (90-180 kg) serait compensée par un enrichissement en espèces de taille moyenne (10-45 kg). Ces prédictions ont été testées en effectuant des appauvrissements élevés des petites espèces sur les faunes modernes concernées (classées comme formations herbeuses, herbeuses boisées ou arbustives), comme cela avait été fait pour l’ensemble des faunes. Dix répliques de chacune de ces faunes ont été réalisées et replacées selon ces mêmes catégories écologiques et taxinomiques (Fig. 2.67). Pour chaque type de formation ré-échantillonnée, seule l’ellipse définie par l’intervalle de confiance à 95% centré autour de la moyenne des valeurs a été représentée. Ce nouveau jeu de données reproduit un appauvrissement similaire à ce que les assemblages de TM ont pu subir, il n’est donc pas nécessaire d’exclure les petites espèces (1- 10 kg) de ces analyses. Seuls les micromammifères ont été retirés. Ces simulations fournissent des nuages de points plus étendus pour chacune des formations végétales que ceux définis par les faunes non appauvries, ainsi qu’un recouvrement plus important entre les formations herbeuses boisées et les milieux arbustifs (Fig. 2.67). Ceci témoigne à nouveau de la difficulté à distinguer ces deux types d’environnements à l’état fossile, un résultat qu’Andrews (2006) a pu constater lorsqu’il a appauvri et mélangé ces types de milieux. Les formations herbeuses en revanche demeurent identifiables et conservent leur signature particulière. Après simulation sur les faunes modernes, les assemblages à affinité TM266 se retrouvent dans le domaine de variation des formations arbustives ou herbeuses boisées, sauf selon leur proportion en espèces de taille

162 moyenne (10-45 kg) qui les exclut des faunes modernes (Fig. 2.67). D’autres facteurs biaisant, non pris en compte dans ces simulations, sont probablement intervenus dans l’altération de la structure écologique de ces assemblages (e.g. intervention de prédateurs dans la constitution des assemblages d’ossements). Les assemblages à affinité TM266 auraient donc enregistré un environnement composé de formations arbustives et/ou herbeuses boisées. En revanche, les formations herbeuses devaient être absentes ou d’extension réduite compte tenu des faibles proportions en formes graminivores et en espèces de grande taille (90-180 kg) que ces assemblages ont livrés.

Les assemblages à affinité TM9 sont plus riches en espèces graminivores ou de grande taille (90-180 kg) que les faunes modernes lorsque celles-ci ne sont pas appauvries et que seules les espèces de masse supérieure à 10 kg ont été exclues (Fig. 2.66). Si l’on appauvrit les faunes modernes, la structure écologique de ces assemblages devient plus comparable à celles de faunes modernes (Fig. 2.67). Leurs richesses en Carnivora et en espèces aquatiques ou fouisseuses, lorsqu’elles sont combinées à leur proportion en formes folivores, placent ces assemblages au niveau des formations arbustives et herbeuses boisées, à proximité des sites à affinité TM266. Les assemblages à affinité TM9 présentent néanmoins des plus fortes proportions en formes graminivores et en grandes espèces (90-180 kg), laissant supposer un degré d’ouverture plus important de l’environnement qui leur est associé. Cependant, ces assemblages demeurent dans le domaine de variation des formations arbustives selon leur pourcentage en graminivores, et celui des formations herbeuses boisées selon leur proportion en grandes espèces (90-180 kg). Enfin, leur proportion en espèces de moyenne (10-45 kg) et de grande (90-180 kg) taille réunies les rapproche également des formations herbeuses, tout en restant à proximité des limites définies par les formations plus fermées. Deux hypothèses sont alors envisageables. 1) Les assemblages à affinité TM9 seraient associés à un environnement constitué de formations arbustives et de formations herbeuses boisées, ces dernières pouvant laisser place à des zones non boisées. 2) Les fortes proportions en graminivores et en grandes espèces (90-180 kg) enregistrées par ces assemblages seraient le résultat d’un appauvrissement en petites espèces plus intense que celui affecté aux faunes modernes dans la simulation. Ces assemblages correspondraient alors à un environnement similaire à celui associé aux assemblages à affinité TM266. Dans ce cas, la différence observée entre ces deux types d’assemblages serait principalement taphonomique. Ce raisonnement va à l’encontre des résultats obtenus dans le chapitre précédent. Sinon, il

163 faudrait envisager l’intervention de mécanismes qui auraient préférentiellement détruits les petites et moyennes espèces, sans pour autant constituer des assemblages avec des profils de distribution des éléments squelettiques similaires, et néanmoins distincts de ceux des assemblages à affinité TM266. Une étude taphonomique approfondie de ces deux types d’assemblage s’avère indispensable pour déceler les mécanismes ayant pu conduire à de tels appauvrissement en petites espèces et permettant d’expliquer les différences observées entre les profils taphonomiques des assemblages à affinité TM9, définis selon l’abondance des restes squelettiques.

Structure taxinomique

Sur l’ensemble du secteur de TM, les 2/3 des localités ont livré des restes de Reduncini. Parmi elles, seules 3 ont livré des restes d’Alcelaphini : TM74, TM90 et TM112. Leurs assemblages ont un rapport r/a largement supérieur à 20 (71%, 94% et 96% respectivement). L’ensemble de ces localités atteste de la prédominance des milieux boisés dans les paléoenvironnements correspondants, quel que soit le groupe de localités considéré (à affinité TM9 ou TM266). Ce résultat est en accord avec ce que montre la structure écologique.

L’analyse des correspondances effectuée sur les abondances des tribus de bovidés dans des faunes modernes et sur laquelle les assemblages de TM ont été replacés, suggère une forte affinité de ces derniers avec les environnements humides (Fig. 2.68). Alemseged (2003) classe parmi ces environnements ceux possédant un système fluviatile développé, qui fourni toute l’année des points d’eau aux espèces qui en sont fortement dépendantes, sans pour autant être associé à des zones édaphiques telles que marécages ou plaines d’inondations. Ce résultat concorde avec la forte proportion en anthracothères et en hippopotames rencontrés dans les assemblages de TM. Les environnements regroupés dans cette catégorie présentent, par ailleurs, une densité boisée variable.

Composition taxinomique

Les assemblages les plus échantillonnés de TM ont été inclus à une analyse de classement (UPGMA avec Raup-Crick) avec les faunes modernes selon leur composition taxinomique au niveau Trib/Gen. L’analyse effectuée en conservant l’ensemble des taxons représentés à ce niveau et pesant plus de 1 kg isole les assemblages fossiles des faunes modernes, en raison

164 d’un nombre trop important de taxons non représentés aujourd’hui (Amphicyonidae, Anthracotheriidae, Sivatheriinae, Deinotheridae, Gomphotheridae, Hominidae anciens). Ce résultat n’a pas été figuré. L’exclusion de ces taxons place les assemblages fossiles au sein des environnements d’ouverture modérée à importante, mais ils restent cependant regroupés et isolés des autres faunes au sein de cet ensemble (Fig. 2.69a). L’exclusion des espèces de masse inférieure à 10 kg ne modifie pas ce résultat (Fig. 2.69b).

Figure 2.68 – Analyse des correspondances effectuée sur les abondances des tribus de bovidés dans des parcs nationaux africains (d’après Alemseged 2003). Les assemblages de TM ont été ajoutés sans qu’ils ne participent à l’analyse. Ils se placent clairement parmi les environnements humides par des proportions en Reduncini et surtout en Hippotragini élevées.

Ces analyses confortent donc l’absence de composante forestière significative dans les environnements enregistrés par les assemblages de TM. Elles traduisent également une plus forte similarité entre les localités à affinité TM266 et TM9 qu’avec les faunes modernes, malgré l’exclusion des groupes exclusivement fossiles et celle des petites espèces (< 10 kg). Cet isolement pourrait résulter du caractère incomplet de ces échantillons. En effet, lorsque l’on utilise le coefficient de Simpson, un indice adapté aux jeux de données incomplets (Hammer et al., 2001), pour évaluer la similarité entre les assemblages fauniques, et que l’on exclut les petits mammifères (< 10 kg), le secteur de TM est éclaté et certaines localités se rapprochent de faunes modernes (TM256, TM267, TM115 et TM275) (Fig. 2.70). Cependant,

165 les autres assemblages de TM demeurent isolés et plutôt regroupés. Par ailleurs, si l’on inclut toutes les faunes modernes dans ce dendrogramme, les sites de TM se retrouvent à nouveau isolés, tout en conservant une similarité plus élevée avec les environnements modernes d’ouverture modérée ou importante (Fig. 2.71). Les valeurs de robustesse des noeuds de ces arbres n’ont pas été reportées pour une meilleure lisibilité, mais elles sont pratiquement toutes nulles, sauf pour les nœuds terminaux. Les localités de TM présentent donc des tribus et familles de mammifères rencontrées surtout, voire exclusivement, dans les environnements d’ouverture modérée à importante (e. g. Hippopotamidae, Equidae, Giraffidae, Reduncini, Hippotragini, Antilopini), constituant par ailleurs une combinaison unique, comparable à aucune faune moderne.

Figure 2.70 – Dendrogramme issu d’une analyse UPGMA appliquée avec la similarité de Simpson sur les faunes modernes (classées selon le degré d’ouverture de leur milieu) et les assemblages de TM. Les petites espèces (< 10 kg) ont été exclues.

II.2.2- Structure de l’environnement

La richesse taxinomique de chaque ensemble de sites identifié à TM a été comparée à celles des environnements homogènes et hétérogènes, afin d’évaluer la diversité des habitats

166 rencontrés dans ces assemblages fossiles. Si l’on exclut les petites espèces (< 10 kg), les deux ensembles se positionnent au même niveau que les environnements homogènes (Fig. 2.72a). Seul TM266 présente une richesse taxinomique comparable à celle d’environnements mixtes. L’utilisation du niveau générique pour les faunes modernes ne modifie pas ce résultat (Fig. 2.72a). Cependant, les biais taphonomiques et/ou de récolte vraisemblablement présents dans ces assemblages sous-estiment la richesse taxinomique d’origine. Celle des faunes modernes a donc été calculée suite à un appauvrissement drastique en espèces de petite taille (Fig. 2.72b). Les assemblages à affinité TM9 présentent des richesses taxinomiques plus similaires à celles de faunes d’environnements homogènes mais sont également proches des valeurs des faunes d’environnements mixtes. Ceux à affinité TM266 se retrouvent avec des richesses cette fois-ci comparables aux environnements plus hétérogènes, caractérisés par au moins deux types de formations végétales distinctes.

Figure 2.71 – Dendrogramme issu d’une analyse UPGMA appliquée avec la similarité de Simpson sur les faunes modernes (classées selon le degré d’ouverture de leur milieu (O, OF, F) ou présentant au moins 3 types de formations (M)) et les assemblages de TM. Les petites espèces (< 10 kg) ont été exclues.

167 Concernant la diversité des variables écologiques, en particulier celles du mode de locomotion et du régime alimentaire, les deux types d’assemblages fossiles présentent des affinités différentes avec les faunes modernes classées selon leur diversité d’habitats et pour lesquelles les petites mammifères (> 10 kg) ont été exclus : les assemblages à affinité TM9 se rapprochent des faunes homogènes et présentent même des valeurs plus basses que la plupart d’entre elles, tandis que les assemblages à affinité TM266 sont comparables aux environnements hétérogènes (Fig. 2.73). L’appauvrissement des faunes modernes permet clairement de confirmer ces tendances (Fig. 2.74).

Figure 2.72 – Richesses taxinomiques des deux ensembles de sites de TM (à affinité TM9 et TM266) comparées à celles des faunes modernes classées selon leur diversité d’habitats : environnements homogènes (H) ou mixtes (M). (a) Les petites espèces (< 10 kg) ont été exclues de l’ensemble des faunes modernes et fossiles et les richesses ont été calculées, pour les faunes modernes, aux niveaux spécifique et générique. (b) Les faunes modernes ont été appauvries selon une sélection préférentielle importante des grandes espèces, puis les richesses taxinomiques ont été calculées sans tenir compte des micromammifères. Les boites représentent les valeurs médianes associées aux 25e et 75e percentiles.

Ce résultat permet de supposer que formations arbustives ET formations herbeuses boisées étaient présentes dans les environnements associés aux assemblages à affinité TM266. En revanche, les assemblages à affinité TM9 sont associés à des paléoenvironnements plus homogènes, probablement constitués de formations herbeuses boisées, dont la densité en

168 couvert arboré devait varier. Cependant, il n’est toujours pas possible d’exclure le fait que les assemblages à affinité TM9 soient potentiellement issus d’un appauvrissement plus intense en petites espèces que les assemblages à affinité TM266, conduisant ainsi à des richesses taxinomiques et écologiques plus réduites.

Figure 2.73 – Diversités des variables écologiques au sein des assemblages de TM divisés selon les deux ensembles identifiés, comparées à celles des faunes modernes classées selon la diversité d’habitats de l’environnement qu’elles occupent : environnements homogènes (H) ou mixtes (M). Les petits mammifères (< 10 kg) ont été exclus. Seuls le mode de locomotion et le régime alimentaire présentaient une différence significative entre les deux types d’environnements modernes. La diversité écologique totale réunit en revanche la diversité des trois variables écologique (masse corporelle, mode de locomotion et régime alimentaire). Les boites représentent les valeurs médianes associées aux 25e et 75e percentiles.

169

Figure 2.74 – Diversités des variables écologiques au sein des assemblages de TM divisés selon les deux ensembles identifiés, comparées à celles des faunes modernes classées selon la diversité d’habitats de l’environnement qu’elles occupent (mixte ou homogène) et préalablement appauvries selon la masse corporelle des espèces. Seuls les micromammifères ont ensuite été exclus. Les boites représentent les valeurs médianes associées aux 25e et 75e percentiles.

III- Conclusion

Les analyses effectuées sur les communautés modernes ont révélé que les environnements forestiers sont facilement identifiables à partir de la structure écologique de la faune qu’ils abritent et des familles et tribus de mammifères représentées. Ces assemblages fauniques présentent en effet une signature particulière, préservée même lorsqu’une partie seulement de la faune est conservée ou quand la composante forestière n’est pas dominante dans le paysage. A l’opposé de cet environnement le long d’un gradient d’ouverture du milieu, les formations herbeuses sont elles aussi assez facilement reconnaissables à partir de la structure faunique. Cette dernière est principalement caractérisée par une forte diversité en espèces graminivores et de grande taille. Entre ces deux extrêmes se trouvent une multitude d’environnements, identifiés sous les termes de formations arbustives, buissonnantes, ou herbeuses boisées. Ces environnements sont plus difficiles à discriminer en raison de la continuité qu’ils présentent dans la densité et la hauteur du couvert arboré ainsi que de l’enchevêtrement fréquent de ces différents types d’habitats.

170 La comparaison de ces faunes modernes aux assemblages de TM a permis de suggérer, malgré une sous-représentation évidente des espèces de petite taille, la dominance de formations arbustives/buissonnantes et de formations herbeuses boisées sur le secteur de TM. Les environnements enregistrés par les deux ensembles de sites précédemment identifiés présentent une certaine variation. Celui enregistré par les assemblages à affinité TM9 serait dominé par des formations herbeuses boisées de densité en arbres variable, tandis que l’environnement associé aux assemblages fauniques à affinité TM266 est plus diversifié et serait probablement un peu plus fermé, dominé par les formations de type arbustif ou buissonnant, associées à des formations herbeuses boisées. Cette étude quantitative et exhaustive des assemblages de TM permet de confirmer en partie la reconstitution paléoenvironnementale proposée pour le site TM266 par Le Fur et al. (2009). L’importante étendue des prairies suggérée dans cette étude doit cependant être revue avec modération. Cette hypothèse reposait principalement sur la proportion du nombre d’individus représentés par les espèces préférant les milieux ouverts. Cependant, il avait également été précisé que la déduction de l’extension d’un type de milieu à partir de l’abondance des espèces qui l’occupaient pouvait être risquée. Par ailleurs, cette hypothèse repose sur des préférences d’habitats attribuées aux espèces sur la base d’analogies avec leurs plus proches représentants modernes. La reconstitution obtenue dans la présente étude est par ailleurs parfaitement en accord avec les analyses isotopiques effectuées sur les grands mammifères herbivores de TM266 (Jacques, 2007). Ce site a enregistré une très grande diversité d’habitats, dominés par des formes transitoires, c’est-à-dire des milieux d’humidité modérée et où les plantes en C3 et en

C4 sont représentées dans des proportions sensiblement identiques. Cette diversité d’habitats est accrue par la présence, toutefois limitée, d’habitats plus extrêmes tels que des forêts humides riches en plantes C3 et abritant notamment des suidés, ou des prairies plus arides à graminées où vivent équidés et Anancus. L’extension limitée de ces deux types de formations est confirmée ici par une signature absente ou très ténue enregistrée dans la structure faunique des assemblages de TM. L’association de boules de bousiers fossiles avec celle de nids de Macrotermitinae, des termites champignonistes, confirme la proximité de savanes arborées (Duringer et al., 2007).

Certaines caractéristiques restent toutefois à être déterminées. Aucun signal concernant l’agencement des habitats n’a pu être extrait des faunes modernes. Si la forte diversité d’habitats est avérée dans les assemblages abritant les sites à hominidés, aucun élément ne

171 permet ici d’énoncer une hypothèse quant à leur agencement. L’hypothèse du caractère mosaïque de l’environnement enregistré par TM266, formulée à plusieurs reprises (Vignaud et al., 2002; Le Fur et al., 2009), repose essentiellement sur l’absence de transport, ou dans des proportions limitées, des éléments squelettiques de cet assemblage (Le Fur et al., 2009). Ce même argument sera repris dans ce travail, compte tenu des résultats obtenus sur l’étude de la répartition des restes squelettiques des assemblages de TM (Part. II, Chap. 1) et à défaut d’autres éléments probants. Le réseau aquatique apparaît bien développé, comme l’attestent les abondances en Hippopotamidae et en Anthracotheriidae, aux meurs amphibies (Boisserie et al., 2005; Lihoreau et al., 2006; Jacques, 2007), et la présence de plusieurs espèces de loutres (Peigné et al., 2008). L’avifaune montre également une forte affinité pour les milieux aquatiques, comptant notamment une espèce de cygne et un grébifoulque, deux espèces adaptées aux milieux d’eaux douces (Louchart et al., 2005a; Louchart et al., 2005b). Cependant, l’étude de la structure faunique ne permet pas de préciser si des formations édaphiques (marécages, plaines d’inondation, etc.) sont associées à ces zones aquatiques et de quelle nature elles sont. L’étude de l’ichthyofaune de TM266 suggère la présence d’environnements aquatiques variés, comme en témoignent sa diversité dans le nombre d’espèces identifiées et leurs préférences écologiques (Otero et al., sous presse). Des milieux aquatiques largement ouverts (Lates, Hydrocynus), des mares (certaines espèces de claridés) et des zones marécageuses (Polypterus, Gymnarchus) devaient certainement être représentés. Ces diversité serait liée à la présence d’un paléolac et/ou d’une rivière développée, sur une plaine sujette à des inondations laissant ensuite place à des mares reliques (Otero et al., sous presse).

172

Troisième Partie

TOROS-MENALLA EN AFRIQUE AU MIOCENE SUPERIEUR-PLIOCENE BASAL : SIMILARITES FAUNIQUES ET PALEOENVIRONNEMENTALES AVEC LES AUTRES GISEMENTS FOSSILIFERES

Plusieurs questions sont abordées dans cette dernière partie : Quels étaient les paléoenvironnements représentés en Afrique au Miocène supérieur-Pliocène basal ? La réponse à cette question permettra de définir le canevas paléoenvironnemental à l’échelle continentale nécessaire à l’interprétation des relations zoogéographiques existant entre les faunes africaines à cette époque. En effet, le contexte environnemental constitue une contrainte à la dispersion des espèces. Quelles étaient les relations zoogéographiques entre les différentes zones représentées par ces assemblages fossiles ? En particulier, on souhaite savoir si la structure faunique permet de mettre en évidence l’existence d’une province tchado-libyenne au Miocène supérieur. Des indices fauniques et morphologiques suggèrent en effet que le Tchad et la Libye appartenaient à une même province biogéographique à cette époque. Ces deux zones ont livré la même espèce d’anthracothère, Libycosaurus petrochii qui, par son mode de vie amphibie supposé, implique la présence d’une connexion par voie fluviatile entre ces deux zones (Lihoreau et al., 2006). De même, les ichthyofaunes de ces deux régions présentent de nombreux traits en commun (Otero et al., 2009). D’autre part, des traces de paléo-systèmes de drainages, dont l’activité pourrait remonter au-delà du Miocène supérieur, ont été cartographiées par imagerie satellite radar, photos aériennes et sur le terrain à partir d’investigations sédimentologiques (Griffin, 2002; Drake et al., 2008; Paillou et al., 2009). L’un de ces systèmes pourrait avoir servi de voie d’échange faunique entre le bassin de Syrthe et le bassin tchadien (Lihoreau et al., 2006; Otero et al., 2009). Cette hypothèse sera testée à partir des faunes mammaliennes de ces deux zones fossilifères. L’ensemble des analyses précédentes permettra de répondre à l’objectif initial de cette étude : existe-t-il des particularités taxinomiques et environnementales dans les assemblages ayant livré les premiers hominidés (Sahelanthropus tchadensis, Orrorin tugenensis et Ardipithecus kadabba) ?

173

174 I- Diversité des paléoenvironnements en Afrique au Miocène supérieur-Pliocène inférieur

I.1- Identification des biais associés aux assemblages fossiles africains

I.1.1- Une sous-représentation des petites espèces ?

Les assemblages fossiles africains ont été replacés le long des axes 1 et 3 de l’analyse des correspondances effectuée sur la structure écologique des faunes modernes, sans qu’ils ne participent au calcul des correspondances (Fig. 3.1). La position relative des assemblages fossiles, par rapport à celle des faunes modernes non appauvries (Fig. 3.1a) et appauvries en petites espèces selon différentes intensités (Fig. 2.60 & 3.1b-d), permet d’évaluer la présence et l’intensité d’un biais de préservation et/ou de récolte des petites espèces dans ces assemblages (cf. Part. II Chap. 2). Seul l’échantillon de Lemudong’o a une structure écologique comparable à celle des faunes modernes (Fig. 3.1a). Les autres assemblages ont une position externe au nuage de points formé par les faunes modernes. QSM (Langebaanweg) a une structure comparable à des faunes qui auraient subi un appauvrissement léger en petites espèces (Fig. 3.1b). Les assemblages de Nawata, Lukeino, Asa Koma et PPM se placent au niveau des faunes appauvries selon une intensité moyenne en petites espèces (Fig. 3.1c), tandis que ceux de KB, Baynunah, Sahabi et Manonga se positionnent au niveau des faunes ayant subi un appauvrissement plus intense en petites espèces (Fig. 3.1d). Enfin, aucun des appauvrissements pratiqués sur les faunes modernes ne permet d’aboutir à la structure de l’assemblage de Nkondo, qui se place à proximité de celui qui représente les sites à affinité TM9. Ces estimations ne sont pas statistiques et demeurent également dépendantes de la structure écologique de la communauté d’origine. Elles ne constituent que des hypothèses concernant l’intensité la plus probable d’un biais lié au facteur taille des espèces, présent dans ces assemblages fossiles.

I.1.2- Un mélange de communautés ?

Compte tenu de ces résultats, la richesse taxinomique de chaque assemblage fossile va permettre d’évaluer s’ils sont issus du mélange de plusieurs communautés. Les assemblages de Nawata, Asa Koma, Lukeino et PPM auraient été moyennement appauvris en petites

175 espèces et ont pourtant livré les plus importantes richesses taxinomiques du jeu de données fossiles. De telles richesses taxinomiques ne sont atteignables que si l’on considère la présence d’un mélange de plusieurs communautés (Fig. 3.2). La richesse taxinomique élevée de l’assemblage de Sahabi, malgré le degré d’appauvrissement en petites espèces qu’il semble avoir subi, suggère qu’il provient également du mélange de plusieurs communautés (Fig. 3.2). KB et Baynunah ont livré moins d’espèces que Sahabi mais se rapprochent plus de richesses taxinomiques comparables à un mélange de deux communautés (Fig.3.2). La faune à l’origine de Nkondo aurait été très appauvrie et cet assemblage a pourtant livré un nombre élevé d’espèces, ce qui suggère très fortement la présence de plusieurs communautés réunies au sein de cet assemblage. Finalement, seuls les assemblages de Manonga, Lemudong’o et QSM seraient très probablement issus d’une seule communauté (Fig. 3.2).

Figure 3.2 – Richesses spécifiques médianes et leur intervalle de variation, calculés pour chaque jeu de données modernes. Ces derniers sont construits selon différents modes d’appauvrissement et de mélange de faunes. Les richesses taxinomiques des assemblages fossiles ont été reportées. Les couleurs des assemblages fossiles correspondent au type d’appauvrissement le plus vraisemblable qu’ils ont subi, évalué selon les analyses des correspondances de la figure 3.1. Par exemple, l’assemblage de QSM aurait subi un appauvrissement faible en petites espèces et sa richesse taxinomique sera donc comparée à celles des faunes modernes ayant subi un appauvrissement similaire (violet). Le but est d’évaluer la présence de mélanges de communautés dans les assemblages fossiles. Les micromammifères ont été exclus des assemblages modernes et fossiles. Pour les abréviations, voir la figure 2.61.

176 Il n’est pas possible, à la lueur de ces résultats, d’identifier le ou les facteurs responsables de tels mélanges. Ces derniers ont pu se produire par condensation temporelle (liée à des processus taphonomiques ou des biais grossiers de collecte) et/ou par condensation spatiale des restes squelettiques au moment de la formation de l’assemblage. Un mélange temporel des restes a dû se produire pour certains assemblages en raison de biais de collecte. En effet, la plupart d’entre eux, excepté Lemudong’o, ont été constitués à partir de récoltes effectuées sur différentes localités. Malgré les corrélations stratigraphiques effectuées au préalable, il est possible que ces localités n’aient pas enregistré des faunes strictement contemporaines. Par ailleurs, certains assemblages regroupent des fossiles extraits de différents membres d’une même formation, tels Baynunah (Whybrow et al., 1999) et Lukeino (Pickford et Senut, 2001). La présence de remaniement de niveaux plus anciens lors du dépôt des sédiments a été identifiée dans certains membres fossilifères. En particulier, il est possible que du matériel provenant de la partie inférieure de la formation de Nawata ait été remanié lors du dépôt de la partie supérieure de cette formation (Feibel, 2003). De même, Hendey (1981) signale la possibilité d’un mélange de faune au sein des dépôts fluviatiles de PPM, lié à un remaniement de restes provenant de l’amont de la rivière ou de restes plus anciens extraits par érosion des dépôts de la QSM. La présence de transport pré-dépositionnel à Sahabi dans le membre U1 a par ailleurs déjà été suggérée (Dechant Boaz, 1987). Enfin, l’apparent mélange de communautés dans l’assemblage de KB (représenté par KB03) pourrait résulter du regroupement des restes provenant des deux niveaux gréseux, malgré le degré évolutif similaire des faunes issues de chacun de ces niveaux (Brunet et al., 2000).

Si ce type de mélange est présent, la structure écologique demeure comparable à des structures de faunes modernes car le mélange de plusieurs communautés n’aboutit pas à une structure écologique aberrante mais ne fait que moyenner plusieurs structures écologiques (cf. Part. II, Chap. 2, II.1.3). Ceci reste vrai si ces communautés ont subi des biais taphonomiques similaires, c’est-à-dire qu’une proportion identique de chacune est incluse dans l’assemblage. La reconstitution de l’environnement à partir d’un tel assemblage restituera l’ensemble des habitats dominants.

I.1.3- Profil écologique des assemblages fossiles

La figure 3.3 permet de visualiser dans le détail, pour chaque variable écologique ou taxinomique, les particularités des assemblages fossiles par rapport aux faunes actuelles. Le

177 chapitre précédent a montré que, dans une faune, un appauvrissement en petites espèces engendre une réduction des proportions en espèces de masse inférieure à 45 kg, en Carnivora et en omnivores. Au contraire, les proportions en espèces de grande taille (> 90 kg), en graminivores, en formes terrestres et en Bovidae augmentent. Ce sont donc surtout ces variables qui vont davantage nous intéresser pour confirmer ou préciser les tendances observées sur les précédentes analyses des correspondances. La proportion en très grandes espèces (> 360 kg) sera également commentée du fait d’une distribution particulière à travers les assemblages fossiles. Tous les assemblages, sauf Lemudong’o et QSM, présentent une proportion en très grandes espèces (> 360 kg) largement supérieure à ce que l’on peut observer actuellement en Afrique (Fig. 3.3). Ces fortes proportions ne résultent pas directement d’une sous- représentation des petites et moyennes espèces (1-45 kg) car elles correspondent à des abondances absolues également très élevées. En moyenne, les parcs nationaux africains comptent 3 espèces de très grande masse corporelle (> 360 kg) et certains en abritent jusqu’à 7 (faunes du Transvaal et de la réserve de Hluhluwe-Umfolozi). Or la plupart des assemblages fossiles étudiés ici présentent plus de 7 espèces de cette gamme de masse corporelle. Le maximum est atteint avec l’assemblage de Nkondo pour lequel 14 de ces espèces ont été identifiées, dont 4 de proboscidiens, 3 d’hippopotames, 2 formes de rhinocéros et une de chalicothère. Viennent ensuite les assemblages de Nawata, Asa Koma et Lukeino qui ont livré entre 10 et 12 espèces de cette catégorie de masse, notamment plusieurs espèces de proboscidiens et de rhinocéros, de l’ursidé, une forme de bovini, une espèce de girafe et un hippopotame. La diversité globale de la mégafaune au Miocène supérieur est incontestablement plus importante que la diversité actuellement rencontrée en Afrique. En effet, en plus des grandes espèces encore représentées aujourd’hui (rhinocéros, éléphants, girafes, hippopotames), cette période comptait des formes de grande taille aujourd’hui éteintes (sivathère, chalicothère, gomphothère, deinothère, stégotétrabelodon, etc.) ou disparues d’Afrique (ursidé). La cohabitation de si nombreuses grandes espèces impliquerait que les environnements du Miocène supérieur aient pu produire une biomasse végétale permettant de subvenir aux besoins alimentaires de ces grands herbivores. Cependant, si cette forte diversité est indéniable, toutes ces espèces ne cohabitaient pas forcément au même endroit ou à la même période. Rappelons que certains assemblages, et notamment ceux présentant une diversité élevée en très grandes espèces (Nawata, Asa Koma, Nkondo, Lukeino), sont très probablement issus du mélange de plusieurs communautés, pouvant expliquer une telle profusion en très grandes espèces. Le fait que le matériel de plusieurs

178 localités et/ou plusieurs niveaux fossilifères soit réuni au sein d’un même assemblage fossile a dû être un facteur aggravant dans l’abondance apparente en très grandes espèces. Par exemple, si l’on considère l’ensemble des localités du secteur de TM, pas moins de 13 espèces de très grande taille ont été identifiées, dont 7 proboscidiens. Or on ne retrouve jamais plus de 7 de ces espèces dans la même localité sur ce secteur. Pour certaines localités (KB, Sahabi, Baynunah, Nawata), on constate également une forte diversité en grandes espèces (90-180 kg). Cependant, la présence d’un mélange de communautés peut expliquer de telles abondances. Si l’on considère cette richesse en très grande espèces comme réelle, on ne peut comparer les structures écologiques ni les richesses taxinomiques des assemblages fossiles avec celles des faunes modernes, et les hypothèses sur les biais (appauvrissement et mélange) subis par les assemblages fossiles deviennent alors caduques. La proportion dans cette gamme de masse corporelle contribue de manière significative à la disposition des faunes le long du troisième axe de l’analyse des correspondances (Fig. 3.1). Cependant, si l’on supprime les espèces de cette gamme faunes modernes et fossiles et que l’on effectue une nouvelle analyse des correspondances, la répartition des assemblages fossiles par rapport aux faunes modernes reste similaire, sauf pour Nkondo qui se rapproche davantage des faunes modernes (Fig. 3.4). Cette forte diversité en très grandes espèces n’est donc pas à elle seule responsable de la répartition des assemblages fossiles. De même, les hypothèses concernant la présence de mélanges de communautés dans certains assemblages demeurent vraies (Fig. 3.5). Seules les diversités de KB et de Baynunah se rapprochent de celles des faunes appauvries et issues d’une même communauté, mais elles demeurent comparables à des assemblages issus du mélange de deux communautés. De plus, Nkondo voit sa richesse taxinomique significativement réduite. Pour des appauvrissements faibles à moyens, sa richesse correspond à celle d’une faune issue d’une même communauté (Fig. 3.5), mais un appauvrissement plus intense le rapproche d’un assemblage issu de plusieurs communautés.

Le régime omnivore a des proportions sous-estimées dans la plupart des assemblages fossiles (sauf à Lemudong’o et PPM) par rapport aux faunes modernes (Fig. 3.3). Pour certains assemblages, cette catégorie est sous-estimée alors que leur proportion en petites (1-10 kg) et moyennes (10-45 kg) espèces n’apparaissent pas biaisées ou dévient très peu des faunes modernes (Nawata, Lukeino, Asa Koma, QSM). Ceci laisse à penser que ces faibles proportions résultent en partie d’un défaut d’attribution du type omnivore aux espèces fossiles, qui vient s’ajouter, pour certains assemblages (e.g. Baynunah, Sahabi, Nkondo, KB),

179 à une faible préservation de ces espèces en raison de leur petite taille (généralement 1 à 45 kg). En effet, ce type de régime alimentaire est assez rarement attribué aux espèces fossiles car il correspond à une morphologie dentaire relativement peu spécialisée. L’attribution des taxons aux catégories écologiques doit certainement participer aux fortes proportions en espèce terrestres. En effet, Lemudong’o mis à part, l’ensemble des assemblages fossiles présentent une proportion en espèces terrestres élevée, largement supérieure à la moyenne des faunes modernes (Fig. 3.3). Le mode terrestre est souvent attribué par défaut lorsqu’aucun autre mode n’a pu être détecté à partir de la morphologie de l’animal ou de l’écologie de son équivalent moderne. Par exemple, le mode fouisseur inclut des espèces modernes qui se servent de leurs membres pour chercher de la nourriture, ou de formes qui occupent des terriers déjà construits. Ces espèces ne présentent pas toujours les caractéristiques morphologiques (notamment des griffes développées et une ceinture scapulaire robuste) associées au mode fouisseur et elles risquent donc d’être assignées au mode terrestre.

Figure 3.4 – Analyse des correspondances effectuée sur la structure écologique (mode de locomotion, masse corporelle et régime alimentaire) des faunes modernes (en noir). Les assemblages fossiles africains ont été ajoutés à ce graphique (en rouge) sans qu’ils ne participent à la construction des axes des correspondances. Les micromammifères ainsi que les très grandes espèces (> 360 kg) ont été exclus des faunes modernes et fossiles. La position relative des assemblages fossiles a peu changé par rapport à leur position sur le graphique

180 incluant les très grandes espèces (Fig. 3.1), sauf Nkondo qui se rapproche davantage des faunes modernes. Ainsi, il apparaît que les proportions en espèces terrestres, de régime omnivore ou de très grande taille (> 360 kg), ne résultent pas nécessairement du seul fait d’un appauvrissement en petites espèces. Leur proportion dans les différents assemblages fossiles ne sont donc ici pas fiables pour exprimer le biais subi par ces assemblages et ne seront pas prises en compte par la suite.

Figure 3.5 – Richesses spécifiques médianes et leur intervalle de variation, calculés pour chaque jeu de données modernes. Ces derniers ont été construits selon différents modes d’appauvrissement et de mélange de faunes. Les richesses taxinomiques des assemblages fossiles ont été reportées. Les couleurs des assemblages fossiles correspondent au type d’appauvrissement le plus vraisemblable qu’ils ont subi, évalué selon les analyses des correspondances de la figure 3.1. Les micromammifères ainsi que les très grandes espèces (> 360 kg) ont été exclus.

Les proportions des catégories écologiques représentées dans l’assemblage de Lemudong’o se trouvent dans le domaine de variation des faunes modernes et suggèrent ainsi l’absence, ou l’étendue limitée, d’un biais dans la représentation des petites espèces (Fig. 3.3). Seule la proportion en Rodentia dévie de manière importante de celles des faunes modernes. Cependant, cette forte proportion ne représente que 4 espèces, une valeur également retrouvée dans d’autres assemblages est-africains (e.g. Asa Koma) et comparable à ce que l’on peut rencontrer dans les faunes modernes. Pour constituer cet assemblage, les restes provenant des deux niveaux fossilifères consécutifs (mudstone du speckled tuff et sandstone) ont été réunis,

181 ainsi que les os de provenance inconnue entre les deux niveaux, afin d’obtenir une liste faunique plus comparable à celles établies pour les autres sites fossiles dans le cadre des comparaisons de compositions taxinomiques. Ces deux niveaux se seraient accumulés sous l’action de deux types d’agents : oiseaux de proie et probablement carnivores de petite et moyenne taille pour le speckled tuff, favorisant la préservation des petites espèces ; dépôt dans un environnement de plus haute énergie de type plage pour le sandstone, favorisant la préservation des grandes espèces (Ambrose et al., 2007a). Cependant, ce mélange n’aura vraisemblablement pas de conséquence sur la reconstitution environnementale du site car la liste faunique constituée uniquement à partir du speckled tuff présente des proportions de chaque catégorie très similaires à celles que l’on obtient si l’on prend la liste globale (non figuré). Les fossiles de cet assemblage se sont accumulés en marge d’un lac peu profond et peu fréquemment inondé (Ambrose et al., 2007a). Ils n’auraient pas subi de transport préalable et auraient été rapidement enfouis dans les sédiments (Ambrose et al., 2007a). La reconstitution paléoenvironnementale déduite de cet assemblage faunique doit donc être fidèle à ce qu’était le paysage au Miocène supérieur à Lemudong’o.

Les proportions des catégories écologiques des assemblages de Nawata, Lukeino et Asa Koma sont contenues dans les intervalles de confiance définis par les faunes modernes (Fig. 3.3). Seul l’assemblage du membre inférieur de la formation de Nawata présente certaines proportions en dehors de cet intervalle, notamment une plus forte proportion en grandes espèces (90-180 kg) et une plus faible abondance en petites espèces (1-10 kg). Pour l’ensemble de ces faunes, la proportion en petites espèces (1-10 kg) est néanmoins proche de la limite inférieure de l’intervalle de confiance défini par les faunes modernes. Ceci confirme la présence d’un biais de préservation et/ou de récolte des petites espèces, qui aurait surtout affecté celles comprises entre 1 et 10 kg.

En dehors d’une faible proportion en espèces semi-arboricoles, la faune associée au membre Pelletal Phosphorite (PPM) de la formation de Varswater apparaît peu biaisée, mais semble toutefois plus altérée que celle du membre Quartzite Sand (QSM) de la même formation (Fig. 3.3). La représentativité de l’assemblage de PPM n’est pas garantie, en raison de la présence potentielle de matériel remanié au sein de cette unité stratigraphique, tandis que celui de QSM représenterait des dépôts autochtones (Hendey, 1981; Matthews et al., 2007). Tous deux présentent par ailleurs une forte diversité en Carnivora, que ce soit en proportion ou en valeur

182 absolue, avec des valeurs supérieures à la moyenne mais néanmoins contenues dans l’intervalle de confiance défini par les faunes modernes (Fig. 3.3).

Sahabi et Baynunah présentent des proportions assez similaires dans l’ensemble des catégories, hormis pour les Carnivora qui sont beaucoup plus diversifiés à Sahabi (Fig. 3.3), avec au moins 4 espèces de Hyaenidae et 5 espèces de Felidae. Par ailleurs, Sahabi n’a livré aucune forme fouisseuse, ni de rongeur de plus de 1 kg, bien que des petits rongeurs aient été identifiés dans ce site (Munthe, 1987; Agusti, 2008). Ces deux assemblages ont une distribution des masses corporelles différente des faunes modernes et sont, apparemment, appauvris en petites et moyennes espèces (< 45 kg) et enrichis en grandes (90-180 kg) et très grandes espèces (> 360 kg). Cependant, cette différence dans la répartition des masses corporelles ne semble pas affecter la proportion des autres catégories, en particulier en formes graminivores et en Bovidae. Ce même constat peut être fait pour Nkondo, appauvri en petites et moyennes espèces (< 45 kg) et enrichi en grandes espèces (180-360 kg) (Fig. 3.3). Par ailleurs, cet assemblage adopte une position très isolée dans l’analyse des correspondances, en raison d’une forte proportion en très grandes espèces (> 360 kg). Cependant, si l’on exclut de l’analyse les espèces de cette gamme de masse, Nkondo reste éloigné des faunes modernes (Fig. 3.4). KB est appauvri en petites et moyennes espèces (> 45 kg) et enrichi en grandes espèces (90-180 kg) et en Bovidae (Fig. 3.3). Il présente néanmoins une proportion en espèces graminivores comparable à ce que l’on peut rencontrer dans certaines faunes modernes. Malgré des proportions de masses corporelles différentes des faunes modernes, les proportions des autres catégories écologiques et taxinomiques de ces quatre assemblages fossiles apparaissent peu différentes de celles des faunes modernes. Ces assemblages seront donc comparés aux faunes modernes appauvries de manière drastique en petites espèces, mais leur position sur les graphiques pour lesquels les faunes ont subi des appauvrissements moindre sera également considérée.

Manonga, en revanche, apparaît biaisé pour de nombreuses catégories. En particulier, cet assemblage a des proportions en petites et moyennes espèces (< 45 kg) très largement inférieures à celles des faunes modernes, et a, en contrepartie, des proportions en grandes espèces (> 90 kg) plus importantes (Fig. 3.3). Il est également plus riche en graminivores et en Bovidae. Cet assemblage possède un profil similaire à celui exprimé par les assemblages à

183 affinité TM9, avec néanmoins une proportion plus réduite en folivores, et une plus grande richesse en grandes espèces (180-360 kg) et en Rodentia (Thryonomys).

I.2- Densité du couvert végétal

Figure 3.6 – Analyses discriminantes effectuées sur les faunes modernes classées selon le degré d’ouverture de leur environnement (vert : fermé, marron : intermédiaire, jaune : ouvert). Les assemblages fossiles africains ont été ajoutés sans qu’ils ne participent au modèle discriminant. Les petites espèces (< 10 kg) ont été exclues des assemblages fauniques. L’analyse portant sur la diversité taxinomique n’a été effectuée que sur les abondances relatives calculées entre les Bovidae, les Primates, les Carnivora et les Rodentia.

Afin de tester la présence d’habitats forestiers – les assemblages fossiles ont été replacés sur les graphiques obtenus à partir des analyses discriminantes des environnements modernes classés selon leur degré d’ouverture, à partir des structures écologiques et taxinomiques des

184 faunes (cf. Part. II Chap. 2). Les petites espèces (< 10 kg) ont été exclues de ces analyses afin de limiter le biais associé à certains assemblages (Fig. 3.6). Avec le régime alimentaire et le mode de locomotion, le site de Lemudong’o se place parmi les faunes de milieux fermés tandis que les autres assemblages se positionnent au niveau des environnements plus ouverts (Fig. 3.6). Manonga est même exclu des faunes modernes en raison d’une importante proportion en formes graminivores, semblable à celle de l’assemblage représentant les sites à affinité TM9. La diversité des familles et ordres de mammifères les plus diversifiés (Bovidae, Rodentia, Carnivora et Primates) fournit des résultats un peu différents (Fig. 3.6) : le membre supérieur de la formation de Nawata ainsi que Asa Koma se positionnent au sein des environnements fermés, très certainement en raison de leur forte proportion en Primates. Le membre inférieur de Nawata et Nkondo adoptent une position intermédiaire entre les environnements fermés et les milieux plus ouverts si bien qu’il n’est pas possible de leur attribuer une affinité particulière. Lemudong’o se place parmi les milieux plus ouverts mais demeure proche des environnements fermés. Les assemblages restant sont plus similaires aux formations d’ouverture modérée à importante. Enfin, avec la masse corporelle, la plupart des assemblages fossiles se disposent en dehors du nuage de points formé par les faunes modernes (Fig. 3.6). Cette disposition résulte du fait que les trois gammes de masse corporelle intervenant dans le modèle discriminant sont également celles qui présentent les proportions les plus déviantes par rapport à celles des faunes modernes (Fig. 3.3). Cette variable écologique est également celle qui permet le moins de discriminer les faunes modernes classées selon le degré d’ouverture de leur milieu. Seuls 3 assemblages (QSM, PPM et Asa Koma) se positionnent au niveau des faunes modernes, les deux premiers étant plutôt associés aux environnements ouverts, et Asa Koma aux formations d’ouverture intermédiaire. Si l’on ne considère que le premier axe, qui permet de discriminer les environnements fermés, Lukeino et Nkondo seraient associés à un milieu fermé, les autres assemblages à des environnements très ouverts. Parmi les 4 variables considérées ici, le mode de locomotion et le régime alimentaire fournissent des résultats congruents, tandis que la diversité des familles et ordres de mammifères et la masse corporelle apportent des modèles divergents. La masse corporelle est ici peu fiable, car certaines catégories incluses dans le modèle discriminant (> 360 kg, voire 90-180 kg) ont des proportions aberrantes par rapport aux faunes modernes (Fig. 3.3). En revanche, la diversité au niveau Fam/Ordr suggère que certains assemblages (Nawata, Asa Koma, Nkondo) présente une composante forestière qui n’est peut-être pas négligeable.

185 L’analyse d’UPGMA (avec l’indice de Raup-Crick) effectuée sur les occurrences des taxons au niveau Trib/Fam des faunes modernes et fossiles apporte un résultat en accord avec ce que suggèrent le mode de locomotion et le régime alimentaire, sauf pour Lemudong’o (Fig. 3.7). Cette analyse montre en effet qu’aucun des assemblages fossiles considérés dans cette étude ne correspond à un environnement fermé de type forestier. La position de Lemudong’o dans les graphiques provient probablement de la présence d’une composante forestière importante dans l’environnement associé à cette faune.

Figure 3.7 – UPGMA appliquée avec la similarité de Raup-Crick sur les incidences des taxons au niveau Trib/Fam dans les faunes modernes (classées selon le degré d’ouverture de leur milieu) et les assemblages fossiles africains. Les petits mammifères (< 10 kg) ont été exclus des assemblages fossiles et modernes. O : milieu ouvert ; F : milieu fermé ; OF : milieu d’ouverture modérée.

Dans le but d’identifier les formations végétales présentes dans les paléoenvironnements associés aux assemblages fossiles – ces derniers ont été replacés dans les graphiques obtenus à partir des catégories écologiques ou taxinomiques qui permettaient de mieux discriminer les environnements d’ouverture modérée ou importante (cf. Part. II Chap.2). Selon leur degré d’appauvrissement en petites espèces, les assemblages fossiles ont été comparés à des faunes modernes ayant subi un appauvrissement similaire (Fig. 3.8 à 3.11).

186 L’abondance en espèces folivores, en formes aquatiques ou fouisseuses, et en moyennes (10- 45 kg) et grandes (90-180 kg) espèces dans l’assemblage de Lemudong’o le rapproche de celles des formations arbustives (Fig. 3.8). Cependant, il présente une forte proportion en Carnivora et en espèces de grande taille (90-180 kg), qui rappellent celles que l’on peut rencontrer dans les formations herbeuses, boisées ou non (Fig. 3.8). En valeur absolue, cette gamme de taille ne représente que 2,5 espèces, c’est-à-dire qu’elle possède une espèce de cette taille (Lokotunjailurus emageritus) et trois espèces dont la masse est estimée à environ 180 kg. De manière générale, les formations forestières présentent une faible abondance en espèces de cette gamme de taille (en moyenne 0,5 espèce, contre une moyenne de 2 dans les formations plus ouvertes). Enfin, cet assemblage montre très peu de graminivores puisque aucunes des faunes modernes n’atteint une telle proportion (Fig. 3.8). A nouveau, une abondance comparable en graminivores est présente dans les environnements forestiers. Cet assemblage doit donc être associé à un environnement constitué de formations arbustives et d’habitats forestiers. Il est par ailleurs riche en formes semi-arboricoles ou frugivores, ce qui confirme la présence et la grande abondance d’espèces ligneuses (Fig. 3.3). Cette interprétation est en accord avec les résultats obtenus à partir de l’examen de la structure taxinomique de cet assemblage et avec ceux de l’étude écomorphologique effectuée sur les phalanges et les astragales de Bovidae provenant des deux niveaux fossilifères de cette formation (Ambrose et al., 2007a). Elle a révélé la présence d’habitats relativement fermés, plus fermés qu’à Nawata (membre supérieur) et Manonga, et vraisemblablement plus proches de ceux de Langebaanweg (Ambrose et al., 2007a). Par ailleurs, des restes du micocoulier Celtis zenkeri, un arbre de grande taille présent dans les bois denses d’Afrique tropicale, ont été retrouvés dans ce site (Polhill, 1966; Ambrose et al., 2003). Les formations ouvertes de type herbeux étaient absentes ou très réduites. Bernor (2007) interprète la présence des équidés, représentés par quelques restes fragmentaires, comme la conséquence d’un transport fluviatile à partir de milieux ouverts éloignés.

De part sa proportion en espèces folivores, l’assemblage du membre QSM de la formation de Varswater se place au niveau des formations herbeuses boisées (Fig. 3.9). Cependant, ses faibles proportions en espèces aquatiques et fouisseuses réunies, en moyennes (10-45 kg) et en grandes (90-180 kg) espèces, le rapprochent des formations arbustives. Il ne montre, par ailleurs, aucune affinité avec les formations herbeuses. Si on le compare à des faunes davantage appauvries (appauvrissement moyen en petites espèces), ses proportions en espèces graminivores et en grandes espèces (90-180 kg) sont inférieures à celles des faunes modernes

187 de cette analyse, tandis que les autres catégories écologiques permettent de le rapprocher des formations arbustives (Fig. 3.10). Enfin, si on le place sur les graphiques où les faunes modernes n’ont subi aucun appauvrissement, il se rapproche des formations herbeuses boisées ou de milieux constitués par ce type de formation en association avec des formations herbeuses ou arbustives (Fig. 3.8). Sa proportion en espèces aquatiques ou fouisseuses est comparable à celle de certaines formations arbustives. Notons par ailleurs que, quel que soit le type d’appauvrissement subi par les faunes modernes, aucune ne permet d’aboutir à une proportion en Carnivora aussi élevée que celle rencontrée à QSM. Cet assemblage paraît ainsi traduire un environnement dominé par des formations herbeuses boisées, avec des zones plus denses pouvant former des formations arbustives. Cet environnement semble également plus ouvert qu’à Lemudong’o.

L’environnement enregistré par le membre PPM de la formation de Varswater est proche des formations arbustives et herbeuses boisées selon la plupart des catégories écologiques (Fig. 3.10). Sa forte proportion en espèces de taille moyenne (10-45 kg) lui donne un caractère plus ouvert mais elle reste comparable à des proportions rencontrées dans les formations herbeuses boisées. Tout comme QSM, cet assemblage a livré un nombre important de Carnivora (18) (Fig. 3.3). Cependant, cette forte diversité est dominée par des espèces de plus de 10 kg (15 espèces). Une telle abondance est comparable à ce que l’on rencontre dans certaines faunes modernes : celles de la partie boisée du Parc du Serengeti, de savane boisée du Transvaal ou de Birao, de Chobe (surtout des bois avec des zones plus denses en arbustes et quelques prairies arides) ou de Mikumi (divers types de prairies ainsi que des zones boisées de densité variable). Ces milieux correspondent à des formations herbeuses boisées associées à des zones plus ouvertes de formations herbeuses. L’assemblage issu des niveaux de PPM serait donc associé à un environnement composé principalement de formations herbeuses boisées, moins dense que celles associées à QSM et/ou associées à des formations herbeuses. Les précédentes études (Hendey, 1981; Franz-Odendaal et al., 2002; Ungar et al., 2007) ont effectivement révélé la présence de milieux forestiers et boisés dans les environnements associés aux assemblages fossiles des deux membres de la formation de Varswater. PPM a toutefois enregistré un degré d’ouverture plus important et voit l’implantation d’espèces végétales de milieux ouverts, de fynbos et de nombreuses herbes et laiches (Scott, 1995). Les dents de certains ongulés de cet assemblage (e.g. sivathères et équidés) portent des marques de stress alimentaire, suggérant l’extension des zone ouvertes de prairie aux dépens des zones plus boisées lors de périodes de sécheresse plus intenses au cours du cycle saisonnier (Franz-

188 Odendaal et al., 2003; Franz-Odendaal et al., 2004). Malgré un degré d’ouverture vraisemblablement plus important, PPM présente une proportion d’espèces folivores plus importante que QSM. Cette abondance résulterait d’une hausse de la mortalité des espèces folivores en raison de la réduction de leur habitat lors des périodes de sécheresse (Hendey, 1981).

Asa Koma se positionne au sein ou à proximité des faunes associées aux formations arbustives mais reste toujours proche des formations herbeuses boisées (Fig. 3.10). Sa proportion en espèces de taille moyenne (10-45 kg) le décale vers les habitats plus ouverts et l’exclut même des faunes modernes. Cependant, si l’on compare cet assemblage avec des faunes moins appauvries (faible appauvrissement en petites espèces), il se place systématiquement au sein des formations arbustives, quel que soit la catégorie considérée (Fig. 3.9). La présence et l’étendue d’un tel milieu sont confortées par l’abondance des restes de Colobinae sur ce site et la dominance, en nombre de spécimens, du genre Tragelaphus parmi les Bovidae (WoldeGabriel et al., 1994), une forme inféodée aux milieux boisés (Kingdon, 1997). Les analyses isotopiques ont également révélé la présence de milieux arbustifs, mais suggèrent en outre celle de prairies humides (WoldeGabriel et al., 2001; Haile- Selassie et al., 2004; Su et al., 2009). L’étendue de ces prairies devait certainement être limitée compte tenu des présents résultats qui suggèrent une large dominance des formations arbustives. Ceci permettrait peut-être d’expliquer la position de cet assemblage parmi les environnements forestiers sur le graphique de l’analyse discriminante effectuée à partir de la diversité taxinomique des faunes modernes (Fig. 3.6). Il semblerait par ailleurs que cet assemblage ait été moins appauvri que ce que les analyses des correspondances suggéraient (Fig. 3.1). Néanmoins, sa richesse taxinomique reste comparable, avec une plus forte probabilité, à des assemblages issus du mélange de plusieurs communautés (Fig. 3.2).

La proportion en moyennes (10-45 kg) et grandes (90-180 kg) espèces retrouvées à Lukeino le place parmi les formations arbustives, tandis que ses proportions en folivores et en formes aquatiques ou fouisseuses réunies lui confèrent également des affinités avec les formations herbeuses boisées (Fig. 3.10). Par ses faibles proportions en formes graminivores et en grandes espèces, cet assemblage est exclu des faunes modernes de cette étude. Tout comme Asa Koma, l’appauvrissement subi par cet assemblage semble moindre par rapport à ce que les analyses des correspondances ont permis d’estimer, mais sa richesse taxinomique demeure celle d’un assemblage issu du mélange de 2 communautés (Fig. 3.2). Si l’on compare cet

189 assemblage à des faunes faiblement appauvries en petites espèces, on constate qu’il se place systématiquement au sein des formations arbustives, tout en se rapprochant des formations herbeuses boisées par ses proportions en formes graminivores, folivores ou en espèces aquatiques ou fouisseuses (Fig. 3.9). De même que PPM et QSM, cet assemblage montre une proportion en Carnivora supérieure à celle des faunes modernes. Il a livré 17 espèces de Carnivora, dont 10 sont de masse supérieure à 10 kg, une abondance couramment rencontrée dans les faunes modernes. Cette faune était associée à des formations arbustives dominantes, pouvant être associées à des formations herbeuses boisées. Cette reconstruction s’accorde avec celles effectuées précédemment et avec le fait que de nombreux restes de Colobinae ont été retrouvés (Pickford et Senut, 2001; Winkler, 2002).

Les deux membres de la formation de Nawata sont voisins sur les graphiques (Fig. 3.10). Ils partagent certaines caractéristiques avec les formations arbustives (% aquatiques + fouisseurs, % folivores, % Carnivora) et avec les formations herbeuses boisées (% Carnivora, % 10-45 kg + 90-180 kg et % 90-180 kg). La principale différence entre ces deux assemblages concerne la proportion en moyennes (10-45 kg) et grandes (90-180 kg) espèces dont la proportion au sein de Nawata inférieur ne correspond à aucune faune représentée sur ces graphiques. Cette proportion ne résulte pas d’un appauvrissement extrême par rapport au membre supérieur car même ce type d’appauvrissement ne permet pas d’atteindre une telle proportion dans ces gammes de taille (Fig. 3.11). Ces assemblages doivent correspondre à un environnement qui mêle formations arbustives et herbeuses boisées. Aucun élément ne permet ici d’attester la présence de milieux ouverts constitués de formations herbeuses. Cette reconstruction n’est pas tout à fait en accord avec les résultats des études précédentes portant sur les paléoenvironnements de cette formation. Les études isotopiques effectuées sur les paléosols suggèrent une mosaïque d’habitats avec des parties en plantes en C3 uniquement (forêts riveraines) et d’autres où se côtoient plantes en C3 et en C4 (bois herbeux) (Cerling et al., 2003). En particulier, la base du membre inférieur de la formation de Nawata a enregistré des savanes boisées et luxuriantes, assimilables à ce que l’on nomme ici formations arbustives, associée à des zones marécageuses. Vers 6,7 Ma, une ouverture du milieu se serait produite, accompagnée d’une aridification du climat et conduisant à la formation de savanes sèches à buissons épineux associée à des forêts galeries en bordure de chenaux éphémères, ainsi qu’à des prairies toutefois d’étendue limitée dans le temps et l’espace. Cette situation aurait perduré jusqu’à 5 Ma (Leakey et Harris, 2003; Wynn, 2003). Cette modification de l’environnement autour de 6,7 Ma se traduit sur la faune par des valeurs plus fortes en δ13C

190 mesurées dans l’émail dentaire des grands herbivores (Cerling et al., 2003). De plus, du membre inférieur au membre supérieur, les proportions en Bovidae et en Equidae augmentent, en particulier celles des Alcelaphini et des Reduncini, tandis que celles des Suidae et des Cercopithecidae, ainsi que des Aepycerotini et des Boselaphini diminuent (Leakey et Harris, 2003). Cette modification environnementale ne peut être mise en évidence par l’étude de la structure faunique de ces assemblages car leurs profils écologiques et taxinomiques (Fig. 3.2) sont très similaires. Cela vient du fait que le changement est intervenu pendant le dépôt du membre inférieur tandis que l’assemblage a été extrait sur l’ensemble de ce membre, enregistrant ainsi des espèces provenant de ces deux environnements. Par ailleurs, il se pourrait que des restes provenant du membre inférieur aient été intégrés au membre supérieur par remaniement lors du dépôt de ce dernier (Feibel, 2003). Ces deux phénomènes ont homogénéisé les faunes qui devaient être plus distinctes initialement.

La forte proportion en grandes espèces représentée à KB suggère que la/les faunes d’origine ont été davantage appauvries, tandis que sa faible proportion en graminivores suggère le contraire (Fig. 3.11). Selon les graphiques pour lesquels KB est compris dans les domaines définis par les faunes modernes, cet assemblage présente plus d’affinité avec les formations arbustives ou herbeuses boisées. Si on le compare avec des faunes moins appauvries (appauvrissement moyen en petites espèces), on constate qu’il se place à proximité des assemblages de Nawata (Fig. 3.10). KB doit représenter un environnement similaire à ceux enregistrés par ces assemblages, comprenant des formations arbustives et des formations herbeuses boisées. Compte tenu de sa faible proportion en espèces graminivores, les habitats ouverts de type prairie, proposés dans les reconstructions précédentes basées sur la composition faunique (Brunet et al., 2000) et les analyses isotopiques (Zazzo et al., 2000), devaient être d’étendue limitée. Par ailleurs, la variation du signal enregistré par cet échantillon, d’affinité variable selon les catégories écologiques et taxinomiques utilisées, doit probablement résulter du mélange potentiel de communautés provenant d’environnements distincts.

Les assemblages de Baynunah et de Sahabi sont proches sur les graphiques, sauf pour leur proportion en Carnivora, qui est plus importante dans le site de Sahabi (Fig. 3.11). Tout comme KB, ces assemblages présentent de très faibles proportions en formes graminivores. Selon les autres catégories, ces assemblages se placent dans une zone où se superposent les trois types de formations représentées ici, sauf d’après leur proportion en grandes espèces

191 (90-180 kg) qui les exclut des formations arbustives. La présence de formations herbeuses est envisageable mais celles-ci devaient être d’étendue limitée compte tenu de leur faible proportion en graminivores. Ces assemblages correspondent probablement à des environnements constitués de formations arbustives et de formations herbeuses boisées, avec quelques étendues non boisées. Cette reconstruction est en accord avec les études précédentes, basées sur les restes de végétaux fossiles, les taxons représentés dans les assemblages et des analyses isotopiques effectuées sur les paléosols et l’émail dentaire des grands mammifères de Baynunah (Dechant Boaz, 1987; Deschamps et Maes, 1987; Kingston, 1999; Kingston et Hill, 1999; Agusti, 2008; Boaz, 2008). Dechant Boaz (1987) suggère que les espèces de milieux ouverts de la faune de Sahabi sont sous-représentées, en raison du transport fluviatile et du tri qu’elles auraient subi depuis leur milieu de vie jusqu’à la zone de dépôt. Ceci expliquerait l’affinité des cet assemblage avec les formations herbeuses.

Quatre assemblages se trouvent relativement enrichis en Carnivora (Sahabi, Lukeino, PPM et QSM), atteignant des proportions non rencontrées dans les faunes modernes (Fig. 3.8 à 3.11). En valeur absolue cependant, ces abondances sont comparables à celles que l’on peut trouver dans certaines faunes modernes. De plus, les petits carnivores (< 15 kg) sont, à tailles égales, quantitativement moins intégrés à un assemblage de restes squelettiques que les petits herbivores (Kidwell et Flessa, 1995). Ces assemblages ont donc subi l’intervention d’un facteur favorisant la préservation des Carnivora par rapport aux autres groupes considérés ici. L’effet lié à un mélange de plusieurs communautés n’est pas nécessairement en cause car QSM, supposé provenir d’une même communauté, présente cette forte diversité en Carnivora. Des « pièges » à carnivores étaient peut-être localement présents et auraient contribué à augmenter la diversité de la faune en carnivores. Des exemples célèbres de ce type de pièges se trouvent en Californie (Rancho La Brea) et en Espagne (Batallones), pour lesquels la nature du substrat (bitume, boue « collante ») tient un rôle impotant. L’emnourbement d’un seul animal aurait suffi à attirer les carnivores alentours, inversant ainsi, localement, le ratio entre le nombre de carnivores et le nombre d’herbivores (Stock et Harris, 1992; Morales, 2004). Ce type d’hypothèse est cependant difficilement envisageable pour les assemblages présents compte tenu de la nature fluviatile et/ou lacustre de leurs sédiments associés.

Nkondo se place au sein des espaces définis par les formations herbeuses boisées et les formations arbustives (Fig. 3.11). Cet assemblage présente néanmoins une faible proportion en grandes espèces (90-180 kg) qui l’exclut des faunes représentées sur ces graphiques. Il ne

192 présente aucune espèce de gamme de masse mais deux espèces de masse estimée autour de 180 kg (Eurygnathohippus sitifense et Nyanzachoerus syrticus). Une telle abondance est plutôt caractéristique de zones forestières, en accord avec le placement de cet assemblage à proximité de ce type de formation selon l’analyse discriminante effectuée à partir de la diversité taxinomique des faunes (Fig. 3.6). La position de cet assemblage sur ces graphiques suggère l’absence de formations herbeuses, mais ne permet pas de conclure sur la présence exclusive ou l’association de formations herbeuses boisées et de formations arbustives. Cependant, les précédentes études de la flore et la faune ont suggéré la présence de forêts semi-décidues denses et humides, mais également d’habitats plus ouverts tels que des savanes boisées ou herbeuses à arbustes, et de la végétation marécageuse au niveau des rivières (Pickford et Senut, 1994).

L’assemblage de Manonga se positionne systématiquement au niveau des formations herbeuses et généralement au niveau des formations herbeuses boisées. Cet assemblage correspond, sans conteste, à un environnement plus ouvert que ceux associés aux autres assemblages fossiles de cette étude. Ce résultat est confirmé par le fait que les Bovidae soient dominés par les Alcelaphini, des formes de milieux ouverts (Kingdon, 1997), tandis que les Reduncini, les Hippotragini et les Tragelaphini, inféodés à des milieux humides et/ou boisés (Kingdon, 1997), sont plus rares Cet environnement devait correspondre à des formations herbeuses présentant certaines zones boisées, et être probablement plus ouvert que ce que Harrison (1997d) a proposé.

La position des assemblages de TM ne peut être comparée graphiquement qu’à celles des assemblages supposés avoir subi une intensité similaire d’appauvrissement en petites espèces (i.e. KB, Sahabi, Baynunah, Manonga et Nkondo). Sur ces graphiques, affTM266 ne se rapproche d’aucun assemblage fossile en particulier, bien que sa proportion en espèces folivores soit proche de celle que l’on trouve à Nkondo, tandis que son pourcentage en Carnivora est similaire à ceux de Manonga et de Baynunah.

I.3- Structure de l’environnement

Afin de déterminer la diversité des habitats présents dans les paléoenvironnements associés aux assemblages fossiles, les richesses taxinomiques et écologiques de ces assemblages peuvent être comparées à celles rencontrées dans des environnements modernes mixtes ou

193 homogènes. Malheureusement, il n’est pas possible de comparer la richesse d’un assemblage constitué à partir de plusieurs communautés à celle d’une faune moderne car cet assemblage a été enrichi. Par ailleurs, le mélange de plusieurs faunes modernes, qui permettrait de rendre plus comparables les jeux de données fossiles et modernes, ne sera plus en mesure de faire la différence entre des environnements mixtes et des milieux homogènes car ces deux types de structure seraient mélangées au sein d’un même assemblage dans le cas d’un tirage aléatoire. Un contrôle sur ce paramètre, pour lequel on ne mélangerait que des environnements de structure similaire, ne permettrait pas de retranscrire tous les cas possibles de mélange qui peuvent avoir lieu lors de la formation d’un assemblage fossile. Ainsi, seuls les assemblages que l’on suppose issus d’une même communauté (Manonga, Lemudong’o et QSM) ont été étudiés dans ce contexte. Les richesses taxinomique et écologique de Lemudong’o ont été comparées à celles des faunes modernes. En revanche, celles de QSM et de Manonga ont été comparées à celles de faunes modernes ayant subi un appauvrissement équivalent, c’est-à-dire des faunes légèrement appauvries en petites espèces pour QSM et très appauvries pour Manonga. La richesse taxinomique enregistrée par les assemblages de Manonga et de QSM suggère que les environnements qui leur étaient associés étaient diversifiés, c’est-à-dire qu’ils comptaient au moins deux types de formations végétales telles qu’elles ont été définies dans cette étude (Fig. 3.12a). Celui associé à Lemudong’o devait être plus homogène. Les richesses écologiques, c’est-à-dire le nombre total de catégories écologiques représentées dans l’assemblage, ne permettent ni de confirmer ni d’infirmer ce résultat (Fig. 3.12b). Manonga et QSM se placent au niveau des valeurs moyennes des faunes homogènes mais sont également inclus dans l’intervalle de variation des faunes d’environnements homogènes. Si l’on tient compte des richesses taxinomiques, on peut supposer que Manonga était associé à un environnement constitué de formations herbeuses principalement mais présentait également des zones boisées. L’environnement de QSM devait être constitué de zones herbeuses boisées, associées à des formations arbustives. Enfin, Lemudong’o devait être principalement formé par des milieux arbustifs de forte densité, mais non équivalentes à des forêts denses. Notons par ailleurs que les autres assemblages fossiles, non figurés sur ces graphiques, se placent tous au niveau ou au dessus des intervalles de variation définis par les environnements mixtes, ce qui appuie l’hypothèse d’un mélange de communautés pour ces assemblages.

194

Figure 3.12 – Richesse spécifique (a) et richesse écologique totale (b) des faunes modernes appauvries selon différents degrés en petites espèces. La richesse écologique est définie par le nombre total de catégories locomotrices, alimentaires et de masse corporelle que compte une faune. Seules les échantillons fossiles pour lesquels un mélange de plusieurs communautés est peu probable ont été comparés à ces faunes. Il faut comparer chaque assemblage fossile aux valeurs rencontrées dans les faunes modernes soumises à un degré d’appauvrissement similaire. Par exemple, l’assemblage de Manonga est supposé avoir subi un important appauvrissement en petites espèces et doit donc être comparé aux faunes ayant subi ce type d’appauvrissement (en bleu).

I.4- Bilan : quels étaient les environnements présents en Afrique au Miocène supérieur- Pliocène basal ?

Les reconstitutions paléoenvironnementales effectuées dans cette étude et identifiés à l’aide de la structure écologique des assemblages sont consignées dans le tableau 3.1. Différents degrés d’ouverture ont été enregistrés. Ces résultats ont été confrontés aux proportions en espèces frugivores et en formes arboricoles et semi-arboricoles représentées dans ces assemblages, afin de conforter ou non les hypothèses précédentes. Trop peu d’assemblages (Lemudong’o, Nkondo, Lukeino et Asa Koma) ont livré des formes arboricoles pour utiliser ce paramètre. Ces analyses ont été effectuées en conservant l’ensemble des taxons de taille supérieure à 10 kg afin de limiter les différences taphonomiques entre les assemblages. Ces

195 derniers se disposent selon ce qui semble être un gradient d’ouverture relative du milieu (Fig. 3.13). Ce graphique confirme le caractère plus fermé du paléoenvironnement associé à Lémudong’o par rapport aux autres assemblages fossiles. En allant vers les environnements plus ouverts, on trouve ensuite les assemblages d’Asa Koma, de Nawata et de Lukeino, qui contiennent environ 11% d’espèces arboricoles sensu lato et autour de 7% de formes frugivores. Viennent ensuite les faunes de QSM, de Sahabi, de Baynunah et de Nkondo. QSM se distingue des 3 autres assemblages par une plus forte proportion en espèces frugivores mais ne correspond pas nécessairement à un environnement plus fermé que celui associé aux 3 autres assemblages fossiles. Néanmoins, comme l’analyse précédente l’a montré, il apparaît plus fermé que l’environnement associé à l’assemblage de PPM. Enfin, Manonga et KB, qui n’ont livré aucune espèce semi-arboricole ou frugivore, correspondent ici aux environnements les plus ouverts. Cette image est en accord avec les résultats précédents pour Manonga. En revanche, KB n’apparaissait pas aussi ouvert selon l’analyse précédente, portant sur d’autres catégories écologiques et taxinomiques. Le biais de sous-représentation des petites espèces dans cet échantillon a pu contribuer à exclure de l’assemblage ou de l’échantillon les quelques espèces arboricoles sensu lato et frugivores de la faune d’origine.

Tableau 3.1 – Reconstitutions environnementales associées aux assemblages africains du Miocène supérieur, obtenues à partir de l’analyse de leur structure faunique. La colonne de couleur représente le degré d’ouverture relative du milieu estimé à partir de la proportion en espèces frugivores et en formes arboricoles sensu lato (Fig. 94). Excepté pour KB, les reconstructions effectuées des environnements à partir de la structure faunique des assemblages s’accordent assez bien avec le degré d’ouverture estimé de ces environnements selon leurs proportions en formes frugivores et arboricoles.

Assemblages Environnement supposé selon la structure faunique fossile Lemudong’o f. arbustives de forte densité Asa Koma f. arbustives dominantes Nawata sup. f. arbustives et f. herbeuses boisées Nawata inf. f. arbustives et f. herbeuses boisées Lukeino f. arbustives dominantes et f. herbeuses boisées f. herbeuses boisées denses à certains endroits, pouvant constituer des f. QSM arbustives Baynunah f. arbustives et f. herbeuses boisées, des étendues non boisées réduites Sahabi f. arbustives et f. herbeuses boisées, peut-être des étendues non boisées Nkondo f. arbustives pouvant être denses et f. herbeuses boisées f. herbeuses boisées peu denses à certains endroits, pouvant former des f. PPM herbeuses KB f. arbustives et f. herbeuses boisées Manonga f. herbeuses associées à des zones boisées abréviations : f. = formations

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Figure 3.13 – Pourcentages en espèces arboricoles sensu lato (arboricoles et semi-arboricoles) et en frugivores dans les assemblages fossiles africains de cette étude. Les petits mammifères (< 10 kg) ont été exclus. Les assemblages fossiles semblent se disposer selon un gradient d’ouverture du milieu, des environnements les plus fermés (Lemudong’o) aux plus ouverts (Manonga).

L’ensemble des environnements reconstitués ici présente une forte affinité avec les formations arbustives et/ou les formations herbeuses boisées, Manonga le montrant dans une moindre mesure. Cette caractéristique est également associée aux assemblages de TM. Ce résultat tient essentiellement dans la forte proportion en espèces folivores de ces assemblages, un régime qui est actuellement peu représenté dans les formations herbeuses. La similitude observée entre ces assemblages doit témoigner de l’influence, sur les environnements africains au Miocène supérieur, de conditions climatiques présentes à l’échelle continentale qui se seraient surimposées aux conditions locales. Cerling et al. (1993) ont mis en évidence une chute de la pression de CO2 atmosphérique entre 7 et 5 Ma, mesurée à l’échelle globale et qui aurait favorisé le développement des plantes en C4 (Cerling et al., 1993; Sage, 1999). Si cette chute a été brutale, les modifications environnementales qui en découlent se sont faites plus progressivement. En effet, une étude isotopique plus exhaustive des carbonates pédogéniques et biogéniques réalisée sur des sites africains a révélé que l’apparition des plantes en C4 n’avait pas été simultanée sur l’ensemble du continent africain et que leur expansion ne s’était pas faite immédiatement (Cerling et al., 1997; Ségalen et al., 2007). Elles ne seraient devenues dominantes dans les écosystèmes africains qu’à partir du Pliocène supérieur (Cerling et al., 1997; Ségalen et al., 2007). Ainsi, les conditions atmosphériques qui

197 ont précédé cette perturbation étaient plus favorables à l’implantation de plantes en C3, dont la plupart peuplent les milieux boisés. Ce type de végétation aurait perduré au Miocène supérieur puis auraient progressivement décliné pour laisser place à des milieux plus ouvert. Ceci expliquerait le degré d’ouverture plus important mesuré à Manonga, compte tenu de son âge (5,5-5 Ma). Les assemblages de Varswater, datés autour de 5 Ma, devraient également montrer cette tendance à l’ouverture du milieu. La structure faunique de PPM témoigne effectivement d’une telle tendance. Les analyses isotopiques effectuées sur les paléosols et l’émail dentaire des mammifères de cet assemblage ont pourtant révélé une prépondérance des plantes en C3. En réalité, ce membre correspond à la mise en place du régime climatique saisonnier et de type méditerranéen régnant actuellement en Afrique du Sud. Ce climat ne permettrait pas l’implantation de plantes en C4. Le peuplement des prairies en espèces herbeuses serait donc assuré par des graminoïdes de type C3 (Franz-Odendaal et al., 2002; Merceron et Ungar, 2005). Ce scénario permettrait également d’expliquer les fortes abondance en très grandes espèces retrouvées dans les sites africains car une teneur élevée de

CO2 atmosphérique est propice à la production d’une forte biomasse (Janis et al., 2002), qui aurait fourni à cette mégafaune la nourriture nécessaire à sa survie. A une échelle plus locale, le régime de saisonnalité a également pu influer sur la proportion en espèces folivores. Des études portées sur des restes fossiles de végétaux provenant des Tugen Hills (Jacobs, 1999; 2002) ont permis de retracer l’évolution de la longueur des saisons sèches au cours du Miocène dans cette région : une saison courte (0-4 mois) est enregistrée vers 12,8 Ma, puis elle devient plus importante (3-7 mois) vers 9 Ma et à nouveau diminue (0-4 mois) vers 5,5 Ma. Ce paramètre influe sur la productivité en feuilles des plantes en favorisant, lors de longues saisons sèches, le développement des feuilles aux dépens des fruits. Enfin, on peut également envisager un biais de préservation des milieux ouverts par rapport aux milieux plus fermés. En effet, ce type d’environnement est associé à des conditions d’ensoleillement, d’humidité et de pH du sol telles qu’elles contribuent à détériorer plus rapidement les restes squelettiques (Tappen, 1994).

198 II- Provinces mammaliennes représentées en Afrique au Miocène supérieur- Pliocène basal

II.1- Quelles sont les limites de telles inférences ?

La similarité taxinomique observée entre deux faunes modernes dépend principalement 1) de facteurs géographiques, distribués dans l’espace (distance physique) et le temps (évolution des contraintes de dispersion déterminant les échanges migratoires possibles et les évolutions endémiques) ; 2) de l’environnement associé à chacune (Reed et Lockwood, 2001; Haile- Selassie et al., 2004; Rodriguez, 2004; Potts, 2007). Dans cette étude, nous cherchons à mieux comprendre les relations zoogéographiques qui existaient entre les faunes du Miocène supérieur d’Afrique afin d’établir les voies de migration qui devaient exister à l’époque. Lorsque l’on souhaite étudier les relations zoogéographiques entre des faunes passées à partir d’assemblages fossiles, d’autres facteurs viennent influencer les similarités mesurées entre ces faunes : - le facteurs temps : les assemblages ne sont généralement pas parfaitement contemporains (Haile-Selassie et al., 2004; Behrensmeyer et al., 2007); - le facteur taphonomique : certaines espèces peuvent ne pas avoir été fossilisées et des phénomènes de condensation temporelle peuvent se produire (Haile-Selassie et al., 2004; Rodriguez, 2004; Behrensmeyer et al., 2007) ; - le facteur taxinomique : risques de biais taxinomiques alpha (attribution de spécimens appartenant à la même espèces à deux espèces différentes) (Rodriguez, 2004), absence d’homogénéité dans la résolution d’identification des taxons ; - le facteur méthodologique : variation des modes et des efforts d’échantillonnage, ainsi que de l’échelle de constitution d’un assemblage fossile (regroupement des restes de plusieurs localités, de plusieurs niveaux stratigraphiques, etc.).

Les biais méthodologiques ont été limités lors du choix des secteurs fossilifères : tous les échantillons fossiles ont fait l’objet de nombreuses campagnes de fouilles et la plupart correspond au regroupement du matériel issu de plusieurs localités. En revanche, les techniques de récolte diffèrent, se faisant généralement en surface (e.g. TM, KB, Sahabi, Langebaanweg) ou le long d’affleurements sur falaise (e.g. Lukeino, Asa Koma, Lemudong’o). La principale conséquence de la collecte de surface est qu’elle tend à favoriser

199 la découverte des restes de grande taille (Soligo et Andrews, 2005). Les analyses ont donc été effectuées en excluant les micromammifères (< 1 kg) puis les petits mammifères (1-10 kg). L’impact du mélange de plusieurs niveaux stratigraphique sera discuté lors des analyses. Le facteur taphonomique est difficile à maîtriser. Certains sites (e.g. Langebaanweg, KB, Lukeino) souffrent vraisemblablement d’une condensation temporelle. Ceci sera pris en compte lors des interprétations. Pour ce qui est des autres biais, seul celui de sous- représentation des petites espèces sera atténué par l’exclusion des micromammifères et de l’ensemble des petites espèces des analyses. Le biais alpha est limité compte tenu des récentes mises à jour taxinomiques effectuées pour la plupart des assemblages fauniques. Quant au problème lié aux différences de niveaux d’identification des taxons, il sera testé en effectuant les analyses à 3 niveaux d’inclusion taxinomique : spécifique, générique et Trib/Fam. Le niveau spécifique est naturellement mieux adapté aux analyses zoogéographiques mais il est également biaisé par l’absence d’identification de nombreux taxons à ce niveau. Le niveau générique souffre moins des problèmes d’identification des restes fossiles et apparaît donc plus adapté que le niveau spécifique pour évaluer les relations de similarités. Enfin, le niveau Trib/Fam doit réduire de manière drastique ces biais mais tend également à homogénéiser les faunes et à brouiller le signal. Les études environnementales précédentes ont révélé l’absence d’environnements extrêmes de type désertique ou forestier. Les milieux identifiés sont généralement constitués de formations arbustives et/ou herbeuses boisées. Ces milieux se placent sur un gradient globale d’ouverture du paysage, dont les extrémités sont occupées par les assemblages de Lemudong’o et de Manonga. Cette différence sera considérée lors de l’étude des relations de similarité entre les faunes mais ne devrait pas constituer un biais majeur. Enfin, le facteur temps est probablement celui qui pose le plus de problèmes dans cette comparaison. En effet, certains assemblages sont potentiellement séparés par 2 millions d’années d’évolution. L’impact de cette variation sera discuté lors des analyses. La figure 3.14 permet de définir le cadre temporel et environnemental dans lequel les relations zoogéographiques entre les faunes fossiles vont être analysées.

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Figure 3.14 – Répartition temporelle des sites fossiles africains étudiés dans ce travail, associés au degré d’ouverture estimé de leur milieu. Les sites ayant livré des hominidés ont été repérés.

II.2- Quelles étaient les provinces mammaliennes représentées en Afrique au Miocène supérieur-Pliocène basal ?

Seuls les résultats obtenus avec l’indice de Raup-Crick (UPGMA et NMDS) et la distance de Chi2 (analyse des correspondances) ont été figurés car les autres indices (Jaccard, Simpson) livraient les mêmes tendances. De même, les analyses effectuées sur les assemblages pour lesquels les petites espèces (< 10 kg) avaient été exclues ont apporté des résultats très similaires à ceux n’excluant que les micromammifères et n’ont donc pas été figurés. Pour chaque analyse, les singletons ont été exclus. Un ensemble de singleton est défini pour chaque jeu de données et peut varier d’une matrice à l’autre selon les assemblages participant aux analyses et les regroupements de sites effectués.

Les analyses d’UPGMA ont, dans un premier temps, été effectuées sur l’ensemble des assemblages fossiles de cette étude. Les deux niveaux fossilifères du membre de PPM (3aS et 3aN), séparés par 0,5 Ma (Hendey, 1981), ont ainsi été considérés individuellement. Deux assemblages ont été constitués pour représenter Lemudong’o : l’un extrait uniquement du niveau de mudstones (speckled tuff), l’autre incluant également les restes du niveau fossilifère sous-jacent (sandstones), ainsi que les quelques taxons de provenance indéterminée entre ces

201 deux niveaux. Ces niveaux sont datés entre 6,084 et 6,087 Ma (Ambrose et al., 2003; Ambrose et Deino, 2007). Enfin, les 11 sites de TM et les 3 assemblages de KB les plus échantillonnés ont également été traités individuellement. Sur toutes les analyses, quelque soit le niveau d’inclusion taxinomique utilisé, les assemblages extraits des deux niveaux de PPM se réunissent et présentent une similarité presque parfaite (non figuré). Ce résultat est également vrai pour les assemblages de Lemudong’o (non figuré). Pour ce dernier site, ce résultat était cependant attendu car les deux assemblages considérés ne sont pas exclusifs, l’un (speckled tuff) constituant un sous- ensemble du second. Ces résultats permettent de légitimer le fait que l’on regroupe, au sein d’un même assemblage, les taxons des deux niveaux de PPM d’une part, et ceux de Lemudong’o d’autre part. Les analyses d’UPGMA effectuées sur les assemblages fossiles permettent de révéler l’homogénéité taxinomique relative existant au sein de chaque secteur tchadien (TM et KB), à chaque niveau d’inclusion taxinomique (Fig. 3.15a). Pour TM, cette homogénéité est préservée si l’on exclut l’ensemble des taxons représentés uniquement dans ce secteur (singletons à l’échelle du secteur par rapport aux autres assemblages d’Afrique), aux niveaux génériques et spécifiques. En revanche, au niveau Trib/Fam, TM112 et TM275 sont associés aux assemblages de Manonga et de Sahabi respectivement, l’ensemble étant rapproché aux autres assemblages de TM (Fig. 3.15b). Seuls 8 taxons ont été identifiés à ce niveau sur TM275 et tous sont également présents à Sahabi. Compte tenu de ces résultats, il est possible de construire une même liste faunique regroupant les taxons de l’ensemble de ces sites et représentant TM dans les analyses qui vont suivre. Ce regroupement se fait en dépit de la différence mise en évidence entre les deux ensembles de sites (affTM266 et affTM9) sur ce secteur. Néanmoins, les sites à affinité TM9 considérés n’apportent que deux taxons supplémentaires (Amphycionidae et Bohlinia adoumi) à la liste faunique fondée uniquement sur les assemblages à affinité TM266. Si l’on exclut les taxons « endémiques » à KB, ce secteur reste homogène aux niveaux générique et Trib/Fam (Fig. 3.15b). En revanche, au niveau spécifique, KB07 a été exclu car il ne comportait plus aucun taxon identifié à ce niveau, tandis que KB04 est associé à des assemblages est-africains. A ce stade, il n’a livré que 2 espèces (Anancus kenyensis et Stegodon kaisensis stade Nkondo). La première est présente dans de nombreux sites tandis que la seconde n’a été identifiée qu’à Nkondo. Etant donné le nombre réduit de taxons observés à KB04 et KB07, on peut également regrouper les assemblages de ce secteur pour former une seule liste faunique.

202 Ces regroupements permettent de rendre plus comparables les assemblages fossiles dans le cadre d’analyses zoogéographiques. En effet, la plupart représentent déjà des listes constituées à partir de plusieurs localités et/ou niveaux fossilifères, ce qui a probablement contribué à enrichir ces sites en taxons. L’analyse multivariée aura tendance à isoler les assemblages les plus pauvres, malgré l’utilisation d’indices de similitude appropriés (e.g. Simpson).

Au niveau spécifique – l’analyse d’UPGMA effectuée sur les assemblages fossiles permet de définir 3 grands ensembles (Fig. 3.16). Les sites est-africains (Asa Koma, Lukeino, Manonga, Nkondo, Lemudongo, Nawata supérieur et inférieur) constituent un premier ensemble, tandis qu’un second réunit les assemblages tchadiens (KB et TM) et nord-africains (Sahabi et Baynunah). Sur ce graphique, l’assemblage de TM est plus similaire à celui de KB, l’ensemble étant relié aux faunes nord-africaines avec une robustesse de 26% (Fig. 3.16). Les deux premiers axes de l’analyse des correspondances permettent de constater que la similarité mesurée entre ces deux paires de sites résulte en réalité de celle qu’il existe entre TM et les faunes nord-africaines, en particulier avec Sahabi (Fig. 3.18). En effet, le secteur de TM partage 5 espèces avec Baynunah et/ou Sahabi (Stegotetrabelodon syrticus, Amphimachairodus kabir, Libycosaurus petrochii, Nyanzachoerus syrticus, Hipparion abudhabiense) tandis que KB n’en partage aucune (Fig. 3.19). Excepté N. syrticus, que l’on retrouve également en Afrique de l’Est, ces espèces n’ont été jusqu’alors identifiées que dans ces assemblages. KB quant à lui partage trois espèces avec TM (Giraffa jumae, Anancus kenyensis, Orycteropus abundulafus), la dernière ayant été uniquement identifiée dans ces sites. Les deux autres espèces de KB (Diceros bicornis et Stegodon kaisensis stade Nkondo) sont également présentes à Nkondo (Fig. 3.19). Les sites d’Afrique de l’Est sont caractérisés par la présence exclusive d’un grand nombre d’espèces, et notamment par celle de Deinotherium bozasi, Kobus porrecticornis et Eurygnathohippus turkanense, que l’on retrouve dans la plupart de ces assemblages (Fig. 3.19). Cet ensemble de sites se scinde en deux, tant sur les dendrogrammes que sur les graphiques d’ordination (Fig. 3.16 à 3.18) : Nawata, Asa Koma et Lemudong’o d’un côté, Lukeino, Manonga et Nkondo de l’autre. Les premiers sont caractérisés notamment par la présence de Cainochoerus africanus, Aepyceros premelampus, Lokotunjailurus emageritus et Eurygnathohippus feibeli (Fig. 3.19). Les seconds sont associés à une autre espèce d’Eurygnathohippus (H. sitifense) et à Torolutra ougandensis (Fig. 3.19). Au sein de ce sous-

203 ensemble, Nkondo apparaît parfois plus éloigné et se rapproche, selon certaines dimensions des analyses d’ordination (Fig. 3.17 et 3.18), de TM. Enfin, quelque soient les analyses effectuées, les assemblages de Langebaanweg (QSM et PPM) sont réunis et isolés des autres sites (Fig. 3.16 à 3.18), ne présentant qu’une très faible similarité (~0,06) avec ces derniers (Fig. 3.18). Ils sont notamment caractérisés par la présence d’autres espèces d’Eurygnathohippus et d’Anancus (E. baardi et A. capensis) ainsi qu’une espèce d’oryctérope (Orycteropus afer) (Fig. 3.19). Il apparaît donc que les rapprochements effectués selon le niveau spécifique soient basés, au premier ordre, sur la proximité géographique des sites. Au sein des assemblages est- africains, la nature des deux ensembles formés suggère une distinction d’ordre environnemental, Lukeino, Manonga et Nkondo étant associés à des environnements présentant un degré d’ouverture plus important (Fig. 3.14).

Au niveau générique – l’arrangement des assemblages est similaire à celui que propose le niveau spécifique sur le dendrogramme, sauf pour les sites est-africains (Fig. 3.20a). On retrouve le groupe formé par les faunes nord-africaines et tchadiennes, subdivisé de la même manière. Ce rapprochement repose, encore une fois, sur la très forte similarité mesurée entre les assemblages de TM et de Sahabi (indice de Raup-Crick : 0,99). Cette association est caractérisée par le partage de plusieurs genres : Chasmaporthetes, Amphimachairodus, Hexaprotodon, Hipparion, Gazella et Libycosaurus (Fig. 3.23). Néanmoins, à l’exception de ce dernier genre, ces taxons ne sont pas exclusifs aux deux assemblages. Certains sont également connus en Afrique du Sud (Chasmaporthetes australis, Gazella et Hipparion) et en Afrique de l’Est (Hexaprotodon, Amphimachairodus). Les sites est-africains sont répartis au sein de deux ensembles, distincts de ceux qui avaient été formés au niveau spécifique et excluant la faune de Nkondo. Les assemblages provenant des formations de Nawata et de Manonga se regroupent, tandis que Lukeino, Asa Koma et Lemudong’o forment un second ensemble (Fig. 3.20a). Sur les graphiques d’ordination, ces sous-ensembles sont également identifiables mais, contrairement à ce que montre le dendrogramme, ils restent relativement proches l’un de l’autre (Fig. 3.21-3.22). En particulier, l’assemblage d’Asa Koma adopte une position intermédiaire entre les deux sous- groupes. Sur l’ensemble des graphiques, Nkondo est isolé des autres sites est-africains. Il présente une plus forte proximité avec les assemblages tchadiens (Fig. 3.20a), en particulier avec le secteur de KB (indice de Raup-Crick : 0,80). Ces deux sites sont les seuls à avoir livré des restes de Stegodon.

204 Lors du passage du niveau spécifique au niveau générique, on s’attendrait à observer des relations de similarités semblables, avec une plus forte homogénéité entre les assemblages au niveau générique. Au contraire, les sites est-africains semblent former une entité plus hétérogène au niveau générique et ne se regroupent pas selon les mêmes sous-ensembles qu’au niveau spécifique. Cette différence peut provenir du fait que le niveau générique n’implique pas uniquement le regroupement d’espèces au sein du même genre mais permet l’introduction de nouveaux taxons dans certains échantillons, dont l’identification ne va pas au-delà du niveau générique. Afin de tester ce biais, une analyse de classification (UPGMA, Raup-Crick) a été appliquée au niveau générique mais n’incluant que les taxons identifiés au niveau spécifique. Le dendrogramme obtenu (Fig. 3.20b) est très similaire au précédent (Fig. 3.20a). En particulier, dans ces deux dendrogrammes, les sites est-africains se scindent de manière identique en deux sous-ensembles et laissent à part l’assemblage de Nkondo. Cependant ces deux sous-ensembles se regroupent, comme c’est le cas au niveau spécifique (Fig. 3.16). Le niveau générique documente vraisemblablement ici un autre niveau d’organisation au sein des assemblages est-africains (2 groupes de sites + Nkondo), tandis que l’ajout de nouveaux taxons aurait provoqué l’éclatement de ce groupe et l’exclusion de Nkondo. Ce raisonnement va à l’encontre de toute logique : comment des assemblages fossiles montrant une certaine similarité au niveau spécifique peuvent devenir plus différents lorsqu’ils sont considérés au niveau générique, sans introduire de nouveaux taxons ? En d’autres termes, comment est-il possible, à partir de données identiques mais considérées à des niveaux taxinomiques différents (spécifique et générique), d’accroître la différence entre des assemblages ? Si l’on regarde les valeurs de robustesse associées à chaque regroupement de sites, on constate que seules deux paires de sites sont robustes (> 50%) : Asa Koma et Lemudong’o, ainsi que les deux assemblages de Nawata (Fig. 3.16-3.20). Les affinités de Lukeino et de Manonga au sein des sites est-africains sont donc variables et leur position dans le dendrogramme relativement volatile au niveau spécifique. Ainsi, pour les assemblages est- africains, la nomenclature obtenue au niveau générique, lorsque l’on n’inclut que les taxons identifiés au niveau spécifique (Fig. 3.20b), est plus similaire à celle que l’on obtient si l’on fait l’analyse sur les espèces elles-mêmes (Fig. 3.16) que si l’on inclut l’ensemble des taxons identifiés au niveau générique (Fig. 3.20a). L’ajout de taxons non identifiés au niveau spécifique dans l’analyse qui traite les données génériques modifie donc les relations de similarités existant entre les assemblages fossiles. Compte tenu des biais potentiels d’identification liés au niveau spécifique, ajouté au fait que le niveau générique, voire le niveau familial, sont en mesure de retranscrire les relations zoogéographiques existant entre

205 différentes faunes de vertébrés, au moins à une échelle régionale (Redman, 2009 ), les résultats obtenus au niveau générique seront considérés comme plus robustes. Notons néanmoins que le niveau générique a tendance à homogénéiser les assemblages fossiles. Il devient plus difficile de caractériser chaque ensemble de sites par une association de taxons (Fig. 3.23).

Au niveau Trib/Fam – les assemblages se séparent en deux ensembles, peu soutenus sur le dendrogramme (25%, Fig. 3.24a), mais également dissociés le long des premiers axes des graphiques d’ordination (Fig 3.25-3.26). Dans l’un d’eux, on retrouve une partie des sites africains déjà associés au niveau générique (Lemudong’o, Asa Koma et Lukeino), ici rapprochés des sites sud-africains. Dans le second ensemble, Sahabi se rapproche davantage des faunes de Nawata sur le dendrogramme mais demeure proche de Baynunah selon les analyses d’ordination (Fig. 3.25-3.26). Seule l’analyse des correspondances permet de retrouver la proximité mise en évidence au niveau générique entre les assemblages de Nawata et de Manonga (Fig. 3.25). Nkondo et KB montrent une forte similarité, quelle que soit la méthode utilisée (Fig 3.24a à 3.26). TM se place au sein de ce second ensemble mais l’indice de Raup-Crick tend à l’isoler des autres sites (Fig. 3.24a-3.26). L’ajout de certains taxons, non identifiés au niveau générique, n’est pas seul responsable de la séparation des données en deux groupes de sites puisque l’on retrouve cette même ségrégation lorsque l’on refait l’analyse en n’incluant que les taxons identifiés au niveau générique, chacun étant même associé à des valeurs plus élevées de robustesse. Seul l’arrangement des assemblages au sein de chaque groupe varie (Fig. 3.24b). Le fait que les assemblages sud-africains se regroupent avec une partie des faunes d’Afrique de l’Est, alors qu’ils demeuraient isolés des autres assemblages aux niveaux taxinomiques inférieurs (Fig. 3.16 à 3.22) révèle un autre niveau d’organisation entre ces faunes. Le niveau Trib/Fam permet peut-être de mettre en évidence les relations passées qui existaient entre ces deux régions. L’interruption de ces connexions aurait ensuite favorisé les phénomènes de spéciation. Si l’on replace ce raisonnement dans le cadre temporel (Fig. 3.14), le plus jeune âge des assemblages de Langebaanweg par rapport aux sites est-africains suggère que des échanges fauniques étaient possibles entre ces deux régions il y a au moins 6 Ma. Compte tenu de l’homogénéisation des faunes que provoque l’utilisation du niveau Trib/Fam, aucun motif de distribution des taxons n’est assignable aux deux groupes de sites mis en évidence, si ce n’est la présence exclusive de Canidae et de Procaviidae dans

206 l’ensemble comprenant les sites de Langebaanweg. L’analyse d’UPGMA est d’ailleurs associée à une faible valeur de corrélation cophénétique (0,558), indiquant les multiples possibilités d’agencement de ces taxons au sein de chaque ensemble de sites.

La synthèse de ces trois niveaux d’inclusion taxinomique permet de tirer plusieurs conclusions : 1) Quel que soit le niveau taxinomique considéré, les assemblages appartenant à la même formation (membres de Varswater ou de Nawata) ou au même bassin (TM et KB) se regroupent selon leur composition taxinomique, TM et KB le faisant dans une moindre mesure au niveau Trib/Fam (Fig. 3.24). Ces similarités peuvent résulter de plusieurs facteurs, et notamment de biais taphonomiques et/ou méthodologiques. En effet, la présence de remaniement de matériel ancien au sein du membre supérieur de la formation de Nawata lors de son dépôt est fortement suspectée (Feibel, 2003) ce qui aurait contribué à accroître le nombre de taxons communs aux deux membres de cette formation. Pour la formation de Varswater, certains auteurs suggèrent que les différences fauniques et sédimentologiques observées entre les membres QSM et PPM proviennent d’une différence taphonomique plutôt que temporelle car les deux membres seraient en réalité partiellement contemporains (Sanders, 2007). De telles hypothèses ne sont pas envisageables pour le bassin tchadien compte tenu de la différence de degré évolutif exhibé par les taxons de ces deux faunes (Brunet et al., 2000; Vignaud et al., 2002), chacune étant associée à une signature taxinomique propre. Un biais lié aux méthodes d’investigations a cependant pu se produire. Chacune de ces zones est fouillée par une équipe de chercheur qui effectue les identifications des taxons pour l’ensemble du matériel collecté dans la zone. Ce contexte favorise l’identification des mêmes espèces à travers plusieurs niveaux successifs de la même zone fossilifère. Cependant, si l’on considère l’absence ou l’impact limité de ces types de biais, les résultats précédents suggèrent que l’histoire évolutive d’une zone géographique laisse une empreinte sur la faune locale pendant une période de temps assez longue (~2 Ma au moins), cette période étant probablement dépendante de la stabilité des conditions environnementales et climatiques locales. Une analyse similaire portée sur des assemblages plio-pleistocènes africains permet de faire le même constat (Su et Harrison, 2007). McKee (1999) a suggéré que, étant d’abord dictée par des contraintes intrinsèques (génétique, développement, comportement), la survie d’une espèce est ensuite davantage sensible aux conditions environnementales locales (climat, végétation, faune, géologie, etc.) que globales. Ceci

207 conforterait l’idée qu’il n’est pas déraisonnable d’entreprendre la comparaison d’assemblages fossiles qui ne sont pas parfaitement contemporains.

2) Les assemblages de l’Afrique de l’est se scindent en deux ensembles distincts – Lemudongo-Asa Koma-Lukeino et Nawata-Manonga – desquels Nkondo est exclu. Seuls ceux formés aux niveaux génériques et Trib/Fam ont été jugés robustes. L’étude des systèmes hydrologiques associés à Manonga et à Nawata peut apporter des éléments sur la proximité de ces deux assemblages fossiles. Les caractéristiques géomorphologiques et paléontologiques du site de Manonga ont révélé qu’une connexion devait fonctionner au Néogène, au moins par intermittence, entre le bassin de Manonga et les provinces hydrologiques de la côte est et du système nilotique (Harrison, 1997b). En particulier, les deux espèces d’Alestes (A. dentex et A. nurse), un genre par ailleurs absent des rivières situées plus à l’Est, ne sont connues que dans le Nil et ses systèmes affiliés. De même, certains taxons de la faune ichthyologique de Lothagam (Sindacharax deserti, Semlikiichthys rhachirhinchus et Tetraodon sp.) sont nouveaux par rapport au bassin du Turkana et sont également connus dans le Mio-Pliocene d'Egypte et/ou les dépôts du Rift Occidental du RDC/Ouganda (Stewart, 2003). Les taxons partagés par ces deux assemblages pourraient donc provenir d’échanges fauniques effectués chacun avec une zone nilotique située plus au Nord. La faune fossile de Nkondo ne présente pas un cachet typiquement est-africain et se trouve donc exclu de ces faunes sur les graphiques. Sa flore est également différente de celle de l’Afrique de l’Est (Pickford et Senut, 1994). Ces deux zones seraient en fait séparées par une ceinture forestière qui constituerait une barrière écologique pour de nombreuses espèces (Pickford et Senut, 1994). Les deux taxons que partage Nkondo avec les autres faunes est- africaines et de manière exclusive sont d’ailleurs des primates (Parapapio et Paracolobus). Selon Pickord et Senut (1994), la faune de Nkondo serait issue de la province congolaise par migrations est-ouest, puis se serait différenciée pour atteindre un certain degré d’endémicité. Cependant, cet assemblage n’a livré que 24% d’espèces et 5% de genres endémiques par rapport aux autres faunes considérées dans cette étude. En effet, Nkondo partage des taxons avec de nombreux autres assemblages fossiles. Il est souvent rapproché de KB dans les analyses. Cette forte similarité repose principalement sur le partage de deux espèces peu ou pas rencontrées dans les autres assemblages fossiles (Stegodon kaisensis stade Nkondo et Diceros bicornis).

208 3) Aux niveaux spécifiques et génériques, les assemblages de Langebaanweg se regroupent et sont isolés des autres assemblages africains. Seul le niveau Trib/Fam permet de rapprocher ces assemblages de faunes est-africaines. Malgré la possibilité de connexion plus ancienne qu’il a pu y avoir entre l’Afrique du Sud et l’Afrique de l’Est, la faune de Langebaanweg apparaît taxonomiquement relativement isolée des autres faunes de cette époque (~5 Ma). Hendey (1974) suggère d’ailleurs que le Cape SW au Miocène supérieur était isolé par une barrière d'aridité ou de semi-aridité. Cependant, si l’on calcule le taux d’endémicité de ces assemblages réunis (QSM et PPM) par rapport aux autres faunes de cette étude, on constate que 50% de ses espèces sont endémiques et seulement 15% de ses genres. En réalité, les faibles valeurs de similarité calculées entre les assemblages sud-africains et les autres faunes fossiles résultent du fait qu’il partage des taxons avec la plupart de ces assemblages, mais que ces taxons partagés diffèrent d’un assemblage à l’autre. Ce constat a également été fait à partir d’une étude similaire restreinte aux Carnivora (Werdelin, 2008).

4) Outre sa proximité faunique avec la faune de KB, TM montre également une forte affinité avec l’assemblage de Sahabi, et ce à tous les niveaux d’inclusion taxinomique. Ce résultat conforte l’hypothèse selon laquelle ces deux assemblages feraient partie d’une province tchado-libyenne au Miocène supérieur (Lihoreau et al 2006, Otero et al 2009, Werdelin 2008). Le tableau 3.2 présente la liste faunique de chacune de ces aires fossilifères et permet de rendre compte du degré de similitude de ces faunes. TM et Sahabi partagent de manière indéniable 4 espèces et potentiellement 8 autres si l’on prend en compte les taxons qui n’ont pas été identifiés au niveau spécifique. Cependant la validité de l’existence d’une telle province est altérée par les différences taxinomiques entre ces deux assemblages. En particulier, chacun a livré une espèce d’Hexaprotodon (H. garyam et H. sahabiensis) et une espèce de Hyaenictitherium (H. namaquensis et H. minimum) (Tabl. 3.2). Le fait que deux espèces différentes d’Hippopotamidae aient été découvertes entre ces deux sites va, en outre, à l’encontre d’une connexion par voie fluviale. Le laps de temps (500000 ans) qui semble séparer la mise en place de ces deux assemblages (Fig. 3.14) pourrait expliquer de telles différences. Boaz (2008) suggère ainsi que la faune de TM serait plus récente que celle de Sahabi utilisée dans cette étude, en raison de la présence de nombreux spécimens d’Anancus à TM et à U2, un niveau situé au dessus du niveau U1 qui a livré l’assemblage utilisé dans cette étude pour Sahabi. Cependant, la congruence entre les datations biochronologiques (Vignaud et al., 2002) et radiochronologiques (Lebatard et al., 2008) de TM donne à l’estimation de son

209 âge une certaine robustesse, tandis que celui de Sahabi a été estimé par biochronologie (Bernor et al., 2008; Sanders, 2008). Dans le cas d’une différence temporelle, il faudrait plutôt envisager de reculer l’âge de Sahabi au-delà de 7 Ma. Une différence environnementale pourrait également expliquer l’absence de certains taxons, présents à TM, de l’assemblage de Sahabi, et inversement. L’environnement associé à Sahabi présenterait un degré d’ouverture plus important que celui de TM. Ainsi, il est possible que l’environnement de Sahabi n’était pas favorable à l’implantation de formes de milieux boisés telles que G. jumae ou Herpestes. A l’inverse, Sahabi a livré deux espèces de Cremohipparion et une espèce de Ceratotherium, des formes de milieux ouverts que l’on verrait plus difficilement s’implanter à TM. On peut également envisager que la zone de connexion entre ces deux zones ne permettait pas le passage de tous les taxons et était relativement filtrante. Une barrière écologique est envisageable bien que la distribution des taxons dans les deux assemblages ne permette pas de préciser la nature de ce filtre. Enfin, l’absence de certaines espèces pourrait provenir d’un biais de collecte du fait de la rareté de leurs restes (e.g. Bohlinia adoumi, Loxodonta, Aepyceros, Deinotheriidae). L’ensemble de ces alternatives a pu contribuer aux différences taxinomiques observées entre TM et Sahabi mais ne remettent pas fondamentalement en cause l’existence de liens privilégiés entre ces deux zones au Miocène supérieur. Quel était alors le degré d’isolement de cette province ? TM et Sahabi partagent certaines espèces avec les sites est-africains mais la plupart ont une extension géographique et/ou temporelle importante (e.g. G. jumae et A. kenyenesis, N. syrticus) et ne permettent pas d’attester la présence d’une quelconque connexion entre ces deux provinces. D’ailleurs, la présence de deux lignées d’Hippopotamidae distinctes à TM et à Lothagam (Boisserie, 2005) est un élément en défaveur de ce type de connexion, ou du moins traduit la discontinuité du réseau hydrographique entre ces deux zones. L’ensemble TM-Sahabi partage en revanche certaines espèces avec les sites sud-africains (e.g. S. hendeyi, K. subdolus, C. australis, H. namaquensis et A. africanum) qui témoigneraient de possibilités d’échanges fauniques entre ces deux zones au Miocène supérieur. Sahabi montre par ailleurs une forte affinité avec le site de Baynunah, avec lequel il partage certaines espèces (Tabl. 3.2). Le fait que l’on retrouve une partie de ces taxons à TM suggère que Sahabi faisait la jonction entre ces deux zones. Dans ce cas, on devrait s’attendre à ce que

210 Tableau 3.2 – Comparaison des listes fauniques des assemblages de TM et de Sahabi. En grisé figurent les espèces partagées ou potentiellement partagées entre les deux assemblages. L’astérisque précise les taxons également retrouvés à Baynunah, le niveau d’identification étant celui qui précède l’astérisque.

Trib/Fam Identification maximale Sahabi TM Anthracotheriidae Libycosaurus petrochii Tetraconodontinae Nyanzachoerus syrticus* mêmes espèces Elephantidae Stegotetrabelodon syrticus* Felidae Amphimachairodus* kabir Cercopithecidae Cercopithecidae indet.* Felidae Dinofelis sp. Antilopini Gazella* sp. Equidae Hipparion sp. Hipparion abudhabiense* Mustelidae Mustelidae* indet. Howellictis valantini potentiellement mêmes Torolutra sp. espèces Sivaonyx beyi Hyaenidae* Chasmaporthetes sp. Chasmaporthetes australis Alcelaphini Damalacra sp. Alcelaphini indet. Reduncini Kobus subdolus Reduncini indet. Hyaenidae Hyaenictitherium namaquensis Hyaenictitherium minimum mêmes genres mais Hippopotamidae Hexaprotodon sahabiensis Hexaprotodon garyam espèces différentes Viverridae Viverra howelli Sahelictis korei Gomphotheriidae cyrenaicus Anancus kenyensis même tribus ou familles Hippotragini Hippotragus sp. Tchadotragus sudrei mais genres différents Saheloryx solidus Felidae Paramachairodus orientalis Tetraconodontinae Nyanzachoerus devauxi Antilopini Dytikodorcas libycus* Equidae Cremohipparion matthewi Cremohipparion nikosi Sivalhippus sp. Hyaenidae Percrocuta senyureki Adcrocuta eximia Ursidae Agriotherium africanum Indarctos atticus Neotragini Raphicerus sp. Palaeotraginae Samotherium sp. taxons potentiellement Boselaphini Miotragocerus cyrenaicus* exclusifs à chaque Rhinocerotidae* Ceratotherium neumayeri assemblage Elephantidae Loxodonta sp. Herpestidae Herpestes sp. Aepycerotini Aepyceros sp. Giraffinae Giraffa jumae Bohlinia adoumi Bovini Bovini indet. Hominidae Sahelanthropus tchadensis Hystricidae Hystrix sp. Tubulidentata Orycteropus abundulafus Deinotheriidae Deinotheriidae indet.* Sivatheriinae Sivatherium hendeyi

211 l’espèce d’Hipparion de Sahabi corresponde à H. abudhabiense, et on devrait également retrouver des restes de Deinotheriidae à Sahabi.

III- Particularités environnementales et taxinomiques des sites à hominidés anciens

III.1- Quel habitat les hominidés anciens occupaient-ils ?

Pour estimer l’habitat qu’occupait une espèce fossile, il est d’usage de déterminer ses caractéristiques écologiques. A ce jour, nous disposons de peu d’éléments sur les préférences écologiques des hominidés anciens (Orrorin tugenensis, Ardipithecus kadabba et Sahelanthropus tchadensis). Tous trois présentent des caractères crâniens et/ou post-crâniens liés à une forme de bipédie terrestre (Haile-Selassie, 2001; Senut et al., 2001; Brunet et al., 2002; Pickford et al., 2002; Brunet et al., 2005; Haile-Selassie et WoldeGabriel, 2009). Certains caractères post-crâniens chez O. tugenensis et A. kadabba traduisent également une adaptation à un mode de vie arboricole (Stern, 2000; Senut et al., 2001; Pickford et al., 2002). Ce mode de locomotion n’a pu être mis en évidence chez S. tchadensis. La bipédie est traditionnellement associée à un milieu ouvert car susceptible de procurer certains avantages sur les quadrupèdes, notamment une réduction des dépenses énergétiques (Rodman et McHenry, 1980; Sockol et al., 2007) et une baisse de la surface corporelle à l’insolation (Wheeler, 1991a, 1991b). Cependant, le fait qu’A. ramidus et O. tugenensis aient conservé une adaptation à un mode de vie arboricole suggère qu’ils sont restés dépendants de la présence de milieux boisés. Concernant le régime alimentaire de ces hominidés, aucune étude isotopique ou de micro-usure dentaire n’a été réalisée sur leurs restes dentaires. L’usure observée sur les dents d’A. kadabba suggère un régime constitué de feuilles et de fruits (Haile-Selassie et WoldeGabriel, 2009), et donc une préférence pour les milieux boisés. La forme très bunodonte à couronne basse des dents de S. tchadensis suggère que les feuilles ne faisaient pas partie de son alimentation mais qu’il devait très probablement intégrer des fruits dans son alimentation et, comme l’atteste l’épaisseur de son émail, devait déjà consommer des aliments plus coriaces tels que des tubercules (Guy, comm. pers.). Ce type d’alimentation n’apparaît pas dépendant d’un habitat particulier.

212 Les caractéristiques écologiques d’O. tugenensis et A. kadabba semble attester une préférence pour des milieux boisés, tandis qu’aucun élément ne permet pour l’instant d’estimer précisément l’habitat de S. tchadensis, si ce n’est qu’il ne dépendait pas de la présence de feuilles. Les environnements associés aux assemblages d’Asa Koma et Lukeino sont principalement constitués de formations arbustives, à laquelle s’ajoute une composante herbeuse boisée à Lukeino. A TM, la structure faunique a permis de mettre en évidence un environnement probablement un peu plus ouvert, constitué de formations arbustives et d’une composante significative de formations herbeuses boisées. Le dénominateur commun à ces environnements est la présence de formations arbustives. A supposer que ces trois hominidés présentaient des caractéristiques écologiques et des préférences d’habitats similaires, on peut suggérer que la présence de formations arbustives constituait un élément indispensable à celle des hominidés anciens et devait constituer l’une des composantes de son habitat, servant probablement d’abris et de source de nourriture (Wrangham, 2005). Par ailleurs, ces derniers ne semblaient pas apprécier les grandes étendues plus ouvertes de type prairies herbacées.

III.2- Quels sont les taxons clés associés aux hominidés anciens ?

Pour quelles raisons peut-on supposer que certains taxons pourraient être associés de manière systématique aux hominidés anciens ? Deux principaux facteurs sont responsables de l’association fréquente de deux taxons dans un environnement. Un facteur direct est la présence d’interaction entre ces deux espèces (commensalisme, prédation, symbiose, etc.). Les oryctéropes sont par exemple dépendants de la présence de termites ou de fourmis, qui constituent l’élément principal de leur alimentation (Kingdon, 1997). De manière plus indirecte, les deux espèces peuvent avoir des préférences d’habitats similaires. C’est par exemple le cas de nombreux colobes qui occupent des habitats forestiers. Si les hominidés anciens apparaissent dépendants de la présence d’un milieu boisé de type arbustif il serait logique de les trouver associés à des espèces également dépendantes de ce type de milieu. Ce raisonnement est bien sur limité par la valence écologique des espèces et doit être également considéré à un niveau taxinomique supérieur. Dans ce sens, certains auteurs ont déjà constaté l’existence de corrélation entre certains groupes taxinomiques ou écologiques et la présence ou l’abondance de certains hominidés. Par exemple, la présence d’hominidés dans un assemblage fossile est souvent associée à une forte proportion de restes de cercopithèques (e.g. (Leakey et al., 1996; Harrison, 1997a), bien que quelques rares sites ayant pourtant livré de nombreux

213 cercopithèques n’ont pas livré d’hominidé (e.g. Menacer, Szalay et Delson, 1979; Thomas et Petter, 1986). Folinsbee et Brooks (2007) ont étudié l’histoire évolutive des hominoïdes du début du Miocène au Pliocène, incluant celle des genres Homo et Australopithecus. Ils constatent que l’évolution de leur distribution, ponctuée par des évènements migratoires entre l’Afrique, l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord et initiés par des changements climatiques, est similaire à celle des proboscidiens et des hyénidés. DeRuiter et al. (2008) ont également mis en évidence une corrélation positive entre le profil d’abondances des Australopithecus robustus et celui des espèces de milieux boisés, tandis que la corrélation est négative avec les espèces de milieux ouverts.

Une analyse en mode R a été effectuée au niveau Trib/Fam afin de déterminer les taxons associés aux hominidés inclus dans cette étude : Orrorin tugenensis (Lukeino), Ardipithecus kadabba (Asa Koma) et Sahelanthropus tchadensis (TM). Sur le dendrogramme obtenu (Fig. 3.27), Les Hominidae anciens se trouvent associés à un groupe de taxons constitué d’Amphicyonidae, de Deinotheriidae et d’Aepycerotini. Cependant, la robustesse de cette association est faible (2%) et la corrélation cophénétique associée à cet arbre est relativement faible. Si l’on regarde plus attentivement les valeurs de similarité (Raup-Crick) calculées entre les Hominidae et les autres taxons de cette étude, ce taxon montre effectivement des similarités élevées avec la répartition des Amphicyonidae (0,87), des Deinotheriidae (0,95) et des Aepycerotini (0,91). Cependant, il présente également une forte similarité avec 3 autres taxons : Tubulidentata (0,89), Hystricidae (0,9) et Giraffinae (0,96). Ces taxons sont retrouvés dans les 3 sites à hominidés (Asa Koma, Lukeino et TM), sauf les Amphicyonidae dont aucun reste n’a été identifié à Asa Koma. Ainsi, les assemblages à hominidés ont en commun la présence de Deinotheriidae, Aepycerotini, Tubulidentata, Hystricidae et Giraffinae, des taxons qui par ailleurs sont peu fréquemment rencontrés dans les autres assemblages. L’association des hominidés anciens avec les Amphicyonidae est à considérer avec précautions car ce taxon n’a pas été retrouvé à Asa Koma et, sur TM, il provient d’un site à affinité TM9. Aux niveaux taxinomiques inférieurs, ces co-occurrences correspondent parfois à celle d’un même genre voire d’une même espèce. - L’espèce Aepyceros premelampus a été identifiée à Asa Koma. Ce genre est également présent dans les deux autres sites mais l’espèce n’a pu être déterminée. - L’espèce Deinotherium bozasi a été reconnue à Asa Koma et Lukeino. A TM, l’identification n’est restée qu’au stade familial. Cependant, une nouvelle espèce de

214 Deinotherium a été identifiée à TM88, un site qui n’a pas participé à l’analyse mais qui appartient néanmoins à l’Unité à Anthracothères. - Plusieurs formes d’Hystricidae ont été identifiés à Asa Koma, et notamment le genre Hystrix. Lukeino et TM ont également livré des restes d’Hystrix dont l’espèce n’a pas été identifiée. - Giraffa jumae est présente à Lukeino et à TM. Ce genre est également représenté à Asa Koma sans que l’espèce n’ait été déterminée.

Compte tenu des résultats précédents sur le degré d’isolement présumé entre l’Afrique de l’Est et la province tchado-libyenne au Miocène supérieur, il est difficile de considérer que les hominidés anciens puissent être associés aux mêmes espèces clés. En revanche, les résultats présents suggèrent qu’il existe une association plus fréquente entre les hominidés anciens et certains genres de mammifères. La présence de Giraffa, Hystrix, Deinotherium, Aepyceros et Orycteropus dans une même faune pourrait donc constituer une combinaison clé de taxons indiquant la présence potentielle d’hominidés anciens. Aucun de ces taxons n’a été identifié à Sahabi, malgré le lien privilégié qui semblait exister entre le bassin de Syrte et le Tchad au Miocène supérieur. Les raisons invoquées pour expliquer les différences entre ces deux assemblages sont d’ordre temporel et/ou environnemental. Ces taxons sont-ils associés à un environnement particulier ? L’ensemble de ces genres, excepté Deinotherium, sont encore présents en Afrique. On peut donc inférer leurs préférences d’habitats à partir de celui de leurs représentants modernes. Les oryctéropes fréquentent des milieux variés allant de bois ouverts à des prairies constituées d’herbes et de buissons. Leur présence est en fait dépendante de celle de fourmis et/ou de termites durant toute l’année ; ils évitent donc les zones fréquemment inondées et les déserts (Kingdon, 1997). Les Hystrix modernes occupent également des milieux variés, allant de paysages rocailleux de montagne aux savanes boisées en bordure de forêt (Kingdon, 1997). Les Aepyceros sont des formes de zones écotonales situées entre les prairies qu’ils occupent pendant les saisons humides, et les milieux boisés relativement denses à acacias qu’ils fréquentent aux saisons sèches (Kingdon, 1997). La girafe actuelle occupe des environnements dans lesquels on trouve des arbustes de taille moyenne à grande (de type Acacia et Commiphora) relativement dispersés dans le paysage (Kingdon, 1997). Enfin, on prête une préférence pour les milieux boisés à Deinotherium (Cerling et al., 1999). Les préférences d’habitats de ces genres ont en commun la présence de milieux boisés ou arbustifs de densité modérée. La co-occurrence de ces taxons avec celle des hominidés reposerait donc sur la présence de ce type de formations. Ceci est en désaccord

215 avec la précédente conclusion selon laquelle les formations arbustives étendues représentent l’élément indispensable à la présence des hominidés dans un environnement. Soit ce raisonnement est erroné et il faut alors considérer que la composante herbeuse boisée, restreinte à Asa Koma, plus étendue à Lukeino et surtout à TM, constitue en fait l’élément indispensable à la présence de ces hominidés, soit il faut voir d’autres caractéristiques communes à ces taxons permettant d’expliquer leur co-occurrence. Tant par la large gamme de taille qu’elles représentent (de l’hystrix au déinothère) que par la diversité de leur régime alimentaire (folivore, mangeur-mixte, herbivore avec tubercules, insectivore), ces taxons présentent des caractéristiques écologiques variées. S’ils sont tous terrestres, deux d’entre eux (Hystrix et Orycteropus) ont également la capacité de creuser des terriers. Les caractéristiques communes à ces taxons permettant d’expliquer leur co-occurrence doivent être plus ténues ou reposer sur des interactions indirectes plus complexes.

216

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

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218 Les assemblages de mammifères fossiles de Toros-Menalla (Miocène supérieur, Tchad) représentent des données précieuses en paléontologie car il s’agit de l’unique site d’âge Miocène supérieur en Afrique de l’Ouest, mais aussi parce qu’il à livré Sahelanthropus tchadensis, le plus ancien hominidé connu à ce jour. Outre ces caractères exceptionnels, un nombre important de restes de mammifères (plus de 10000) et de localités ont été identifiés dans cette aire fossilifère, constituant ainsi un formidable « terrain de jeu » pour tester des techniques visant à améliorer les interprétations paléoécologiques. Ce travail est inédit car il présente des méthodes innovantes permettant de limiter les biais dans le cadre d’inférences paléoécologiques mais aussi parce qu’il apporte de nouvelles données sur la reconstitution des paléoenvironnements associés aux assemblages fossiles de TM.

Apports méthodologiques

L’analyse du pouvoir discriminant de la structure faunique entre différents environnements actuels a montré que seuls les environnements situés aux extrémités d’un gradient de densité du couvert arboré (e.g. forêt, désert et prairies) sont clairement identifiables. Des améliorations doivent être apportées à cette technique afin d’affiner les inférences paléoenvironnementales effectuées à partir de la structure faunique. Ainsi, la considération de facteurs autres que la nature de la végétation (e.g. altitude, saisonnalité, nature et structure des environnements aquatiques) peut être envisagée et leur impact sur la structure faunique testé. Par ailleurs, l’ajout de nouvelles faunes, provenant d’autres continents, permettrait probablement d’élargir le domaine de variation des structures fauniques modernes et d’accroître les chances de retrouver un analogue moderne aux assemblages fossiles étudiés. Par exemple, il a déjà été suggéré que les faunes asiatiques représentaient de meilleurs analogues pour les assemblages fossiles africains que les faunes africaines modernes (Kingston et Harrison 2007). Enfin, le mode de classement des environnements joue certainement un rôle important dans le brouillage du signal environnemental. Les environnements « intermédiaires » sont généralement qualifiés de « savanes », un terme générique qui englobe une grande diversité de milieux représentant un continuum dans la densité et la hauteur du couvert arboré. Leur classement au sein de catégories discrètes est donc difficile et nécessairement subjectif. Cette

219 difficulté est accrue lorsque ces attributions s’effectuent à partir de données issues de la littérature, qui sont hétérogènes dans la précision et dans la signification des termes employés pour décrire les formations végétales. Une amélioration significative à cette technique consisterait à repenser le mode de classification des environnements modernes. Ceci serait possible à partir de l’étude d’images satellites des environnements africains, qui permettraient de quantifier certaines particularités de l’environnement, par exemple la densité du couvert arboré, et fournirait une caractérisation objective et homogène des environnements. Cette approche permettrait par ailleurs de définir plus précisément la structure des environnements, c’est-à-dire leur nature mosaïque ou graduelle, notamment.

Dans le cadre des comparaisons entres assemblages fossiles et modernes, une nouvelle technique a été proposée dans le but de rendre les faunes modernes plus comparables aux assemblages fossiles. En effet, l’exclusion des micromammifères ou de l’ensemble des petits mammifères (< 10 kg) des assemblages modernes et fossiles ne suffit pas toujours à les rendre comparables. La déviation générale des faunes fossiles par rapport aux assemblages modernes a ainsi pu être modélisée à partir d’un appauvrissement selon un facteur taille. Ceci a permis d’apporter de nouveaux éléments concernant le degré de représentativité et la présence potentielle de condensation faunique dans les assemblages africains du Miocène supérieur. L’approche menée ici rappelle l’importance du pré-requis indispensable que constituent les analyses taphonomiques dans l’interprétation des données paléoécologiques. Elle représente une étude préliminaire et demande à être approfondie à plusieurs niveaux : En effet, seuls trois jeux de probabilité de préservation ont été affectées aux espèces selon leur gamme de masse corporelle. Cependant ces probabilités n’ont pas permis d’atteindre le degré d’appauvrissement supposé pour certains assemblages fossiles (notamment Nkondo et aff. TM9). Pour de futures études, la diversification des profils de probabilité est envisagée afin d’accroître le degré d’appauvrissement des faunes modernes. Il serait également souhaité de pouvoir extraire ces probabilités à partir d’études reposant sur des thanatocénoses actuelles (e.g. Kidwell et Flessa, 1995). L’appauvrissement mené ici s’est intéressé aux biais liés au facteur taille des individus, ce qui ne représente qu’un aspect des biais taphonomiques pouvant intervenir dans un assemblage fossile. Des modélisations similaires pourraient être réalisées en attribuant aux espèces des probabilités de préservation dépendantes d’autres facteurs, par exemple de leur habitat ou encore de leur position dans la chaîne trophique.

220 Apports sur la compréhension des faunes fossiles de TM

Les nombreuses localités identifiées dans le secteur de TM ont pu être séparées en deux grands ensembles : - Le premier réuni des assemblages de structure écologique et taxinomique assez homogènes, associés à une faible diversité écologique et taxinomique. - Le second ensemble inclut notamment les sites à hominidés et réuni des assemblages qui présentent un spectre écologique plus étendu et une plus grande richesse taxinomique. Ce deuxième ensemble montre également une plus forte hétérogénéité entre les assemblages.

Il est très probable que les différences enregistrées entre ces deux grands ensembles soient le résultat d’un défaut de préservation des petites espèces dans les assemblages du premier groupe. Même si cette disparité taphonomique ne témoigne pas nécessairement d’une différence environnementale, elle suggère en revanche l’intervention de processus variés dans la formation de chacun de ces types d’assemblages. Le profil d’abondance des fossiles d’hippopotames et d’anthracothères suggère éventuellement des environnements de dépôt différents. Cette hypothèse pourrait être validée par une meilleure caractérisation de la structure faunique associée aux habitats aquatiques. Il est également possible que la faible diversité écologique et taxinomique associée aux assemblages du premier groupe résulte d’un fort degré d’appauvrissement des faunes. Cette étude ne permet pas d’établir une corrélation significative entre ces deux éléments, mais la constitution d‘un plus grand nombre de jeux de probabilité à affecter aux espèces permettra peut-être d’en extraire une.

Malgré l’hétérogénéité enregistrée dans le secteur de Toros-Menalla, les assemblages conservent un signal taxinomique particulier par rapport aux autres assemblages africains contemporains. Ils présentent une plus forte similarité taxinomique avec l’assemblage faunique de Sahabi, en accord avec l’hypothèse de l’existence d’une province zoogéographique tchado-libyenne au Miocène supérieur. Les différences taxinomiques observées entre ces deux faunes indiqueraient néanmoins la présence d’un décalage temporel et/ou d’un filtre écologique contraignant la dispersion des espèces.

221 TM a été positionné dans un contexte zoogéographique et doit également être replacé dans un cadre temporel afin d’appréhender les modifications environnementales et fauniques qui ont eu lieu dans cette partie de l’Afrique après 7 Ma. Pour ce faire, les assemblages de ce secteur pourront être confrontés à ceux des trois secteurs pliocènes du Djourab, s’échelonnant depuis 5,26 Ma pour Kossom-Bougoudi (Brunet et al., 2000 ; Lebatard et al., 2008) à 3,5Ma pour Koro-Toro (Brunet et al., 1995 ; Brunet et al., 1997 ;Lebatard et al., 2008). En particulier, il sera intéressant de comparer les environnements des sites à hominidés (TM et KT) entre eux, mais aussi avec d’autres secteurs n’ayant pas livré de spécimens d’hominidés (KB et KL).

Apport sur l’environnement des premiers hominidés

L’objectif initial de cette étude était d’extraire les particularités environnementales des sites à hominidés, comprenant la nature des habitats représentés et les taxons qui leur sont associés.

Les reconstitutions paléoenvironnementales effectuées à partir des assemblages à hominidés (TM, Lukeino et Asa Koma) indiquent vraisemblablement que la présence d’une composante arbustive est importante pour leur développement. Cependant, ce type de formation est également présent ailleurs en Afrique à cette époque, dans des sites ou les hominidés sont absents. Des reconstitutions paléoenvironnementales plus précises sont ici nécessaires pour affiner ces résultats et comprendre si la présence de milieux boisés constitue une part de l’habitat des hominidés indispensable à leur survie. L’avantage sélectif que présente la bipédie dans un tel environnement pourra être envisagé à partir d’études morpho- fonctionnelles. Notons par ailleurs que l’environnement associé à S. tchadensis apparaît un peu plus ouvert que celui des deux hominidés éthiopiens. Les études isotopiques permettront bientôt de préciser les préférences écologiques de cette espèce afin de voir si cette différence paléoenvironnementale se traduit également par une différence écologique, sous-entendant ainsi une différence d’habitat.

Concernant les taxons régulièrement associés à ces trois espèces d’hominidés, cinq genres ont été identifiés : Giraffa, Orycteropus, Deinotherium, Aepyceros et Hystrix. Les interactions qui lient ces taxons n’ont pu être déterminées.

222 Ce travail de thèse à non seulement participé à accroître la connaissance autour des hominidés anciens mais à également permis de soulever un nombre d’écueils majeurs dans l’utilisation de la structure faunique pour reconstituer les paléoenvironnements. Ici, quelques pistes ont été testées, d’autres proposées et ce mémoire ouvre pleinement le champ à des recherches postdoctorales fructueuses.

223

224 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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250

ANNEXES

251

252 Annexe 1 – Listes des mammifères identifiés dans les assemblages fossiles africains du Miocène supérieur-Pliocène basal. Les micromammifères (< 1 kg) sont exclus de ces listes.

Tableau 1 – Espèces de mammifères identifiées dans les assemblages fossiles africains du Miocène supérieur-Pliocène basal.

Asa Koma Lukeino Nawata inf. Nawata sup. Lemudong'o Nkondo Manonga Baynunah Sahabi QSM PPM KB03 KB04 KB07 ANTHRACOTHARIIDAE Libycosaurus petrochii LibPe - BOVIDAE Aepyceros premelampus AepPr - - - - Damalacra acalla DamAc - - Damalacra neanica DamNe - Dytikodorcas libycus DytLi - - Gazella lydekkeri GazLy - Gazella vanhoepeni GazVa - Kobus ammolophi KobAm - - - Kobus korotorensis KobKo - - Kobus laticornis KobLa - Kobus porrecticornis KobPo - - - - - Kobus subdolus KobSu - - Menelikia leakeyi MenLe - - Miotragocerus acrae MioAc - - Miotragocerus cyrenaicus MioCy - - - - Pachyportax latidens PacLa - Prostrepsiceros vinayaki ProVi - Raphicerus paralius RapPa - - Simatherium demissum SimDe - - - Tchadotragus fanonei TchFa - - Tragelaphus kyaloae TraKy - Tragelaphus moroitu TraMo - Tragelaphus spekei TraSp - Tragoportax abyssinicus TraAb - Ugandax gautieri UgaGa - Zephyreduncinus oundagaisus ZepOu - CAMELIDAE Paracamelus gigas ParGi - CARNIVORA Adcrocuta eximia AdcEx - Agriotherium aecuatorialis AgrAe - Agriotherium africanum AgrAf - - Amebelodon cyrenaicus AmeCy - Amphimachairodus kabir AmpKa - Canis brevirostris CanBr - Chasmaporthetes australis ChaAu - - Dinofelis diastemata DinDi - - - Ekorus ekakeran EkoEka - Erokomelllivora lothagamensis EroLo - Eucyon intrepidus EucIn - - Felis issiodorensis FelIs - - Hyaenictis hendeyi HyaHe - - Hyaenictis wehaietu HyaWe -

253 Hyaenictitherium namaquensis HyaNa - - Hyaenictitherium parvum HyaPa - - Ichneumia albicauda IchAl - Ictitherium ebu IctEb - Ikelohyaena abronia IkeAb - - Indarctos atticus IndAt - Lokotunjailurus emageritus LokEm - - - Megantereon obscura MegOb - - Megaviverra leakeyi MegLe - - - - Mellivora benfieldi MelBe - - Metailurus major MetMa - Paramachairodus orientalis ParOr - Percrocuta senyureki PerSe - Plesiogulo botori PleBo - - Plesiogulo monspessulanus PleMo - - Plesiogulo praecocidens PlePr - - Sivaonyx africanus SivAf - Sivaonyx ekecaman SivEk - - Sivaonyx hendeyi SivHe - Sivaonyx soriae SivSo - Torolutra ougandensis TorOu - - Vishnuonyx angololensis VisAn - Viverra howelli VivHo - CHALICOTHERIIDAE Ancylotherium cheboitense AncCh - EQUIDAE Cremohipparion matthewi CreMa - Cremohipparion nikosi CreNi - Eurygnathohippus baardi EurBa - - Eurygnathohippus feibeli EurFe - - - - Eurygnathohippus sitifense EurSi - - - Eurygnathohippus turkanense EurTu - - - - - Hipparion abudhabiense HipAb - Hipparion namaquense HipNa - Hippotherium primigenium HipPr - GIRAFFIDAE Giraffa jumae GirJu - - Palaeotragus germaini PalGe - - - Saotherium mingoz SaoMi - - - Sivatherium hendeyi SvtHe - - HIPPOPOTAMIDAE Archaeopotamus harvardi ArcHa - - - Archaeopotamus lothagamensis ArcLo - - Hexaprotodon imagunculus HexIm - Hexaprotodon sahabiensis HexSa - Hippopotamus kaisensis HipKa - HYRACOIDEA Dendrohyrax samueli DenSa - Dendrohyrax validus DenVa - Procavia antiqua ProAn - - PHOLIDOTA Manis gigantea ManGi - PRIMATES Ardipithecus kadabba ArdKa - Orrorin tugenensis OrrTu - Paracolobus enkorikae ParEn - Parapapio lothagamensis ParLo - - Pliopapio alemui PliAl - PROBOSCIDEA Anancus capensis AnaCa - - Anancus kenyensis AnaKe ------Anancus osiris AnaOs - Deinotherium bozasi DeiBo - - - - nawatensis EleNa - Loxodonta cookei LoxCo - - -

254 Mammuthus subplanifrons MamSu - - - Primelephas gomphotheroides PriGo - - - Primelephas korotorensis PriKo - Primelephas saitunensis PriSa - Stegodon kaisensis stade Nkondo SteKaN - - Stegotetrabelodon orbus StetOr - - - Stegotetrabelodon syrticus StetSy - - RHINOCEROTIDAE Brachypotherium lewisi BraLe - - Ceratotherium neumayeri CerNe - Ceratotherium praecox CerPr ------Diceros bicornis DicBi - - - RODENTIA Atherurus garbo AthGa - Thryonomys asakomae ThrAs - SUIDAE Cainochoerus africanus CaiAf - - Kolpochoerus deheinzelini KolDe - - - Kuseracolobus aramisi KusAr - Nyanzachoerus australis NyaAu - Nyanzachoerus devauxi NyaDe - - - - Nyanzachoerus jaegeri NyaJa - - Nyanzachoerus kanamensis NyaKa - - - - Nyanzachoerus syrticus NyaSy ------Nyanzachoerus waylandi NyaWa - Propotamochoerus hysudricus ProHy - TAYASSUIDAE Pecarichoerus africanus PecAf - TUBULIDENTATA Leptorycteropus guilielmi LepGu - Orycteropus abundulafus OryAb - Orycteropus afer OryAf - - Orycteropus djourabensis OryDj - - -

Tableau 2 – Genres de mammifères identifiés dans les assemblages fossiles africains du Miocène supérieur-Pliocène basal.

Asa Koma Lukeino Nawata inf. Nawata sup. Lemudong'o Nkondo Manonga Baynunah Sahabi QSM PPM KB03 KB04 KB07 ANTHRACOTHERIIDAE Libycosaurus Liby - BOVIDAE Aepyceros Aepy ------Cephalophus Ceph - Damalacra Damlc ------Dytikodorcas Dyti - - Gazella Gaze ------Hippotragus Hipptr - - - Kobus Kobu ------Madoqua Mado - - - - Menelikia Mene - - Miotragocerus Miot ------Pachyportax Pach - Praedamalis Prae - - - Prostrepsiceros Pros - Raphicerus Raph ------Saotherium Saot - - - Simatherium Sima - - - Tchadotragus Tcha - - 255 Tragelaphus Tragl ------Tragoportax Trago - - - Ugandax Ugan - - Zephyreduncinus Zeph - CAMELIDAE Paracamelus Parca - CARNIVORA Adcrocuta Adcr - Agriotherium Agri - - - - Amphicyon Amphc - Amphimachairodus Amphm - - - - - Canis Cani - Chasmaporthetes Chas - - - Dinofelis Dino ------Ekorus Ekor - Enhydriodon Enhy - Erokomelllivora Erok - Eucyon Eucy - - Felis Feli - - - Genetta Gene ------Herpestes Herp - - - - Homotherium Homo - - - Hyaenictis Hyaecti ------Hyaenictitherium Hyaetm - - - - - Ichneumia Ichn - - Ictitherium Icti - Ikelohyaena Ikel - - Indarctos Inda - Leptailurus Lepta - Lokotunjailurus Loko - - - Lycyaena Lycy - Megantereon Megan - - Megaviverra Megav - - - - Mellivora Mell - - Metailurus Meta - - - - Nandinia Nand - Paramachairodus Param - Percrocuta Perc - Plesiogulo Ples ------Pseudocivetta Pseu - - Simocyon Simo - Sivaonyx Sivao - - - - - Torolutra Toro - - Vishnuonyx Vish - Viverra Vive - Vulpes Vulp - CHALICOTHERIIDAE Ancylotherium Ancy - EQUIDAE Cremohipparion Crem - Eurygnathohippus Eury ------Hipparion Hippa ------Hippotherium Hippth - Sivalhippus Sival - GIRAFFIDAE Bramatherium Bram - Giraffa Gira - - - - - Palaeotragus Pala - - - - - Samotherium Samo - Sivatherium Sivat - - - - HIPPOPOTAMIDAE Archaeopotamus Arch - - - - Hexaprotodon Hexa - -

256 Hippopotamus Hippop - - HYRACOIDEA Dendrohyrax Dend - - Procavia Proc - - - LAGOMORPHA Alilepus Alil - - Pronalagus Pron - - PHOLIDOTA Manis Phat - PRIMATES Ardipithecus Ardi - Orrorin Orro - Paracolobus Parco - - Parapapio Parap - - - Pliopapio Plio - PROBOSCIDEA Amebelodon Ameb - Anancus Anan ------Deinotherium Dein - - - - Elephas Elep - Loxodonta Loxo - - - Mammuthus Mamm - - - - Primelephas Prim ------Stegodon Stegd - - - - Stegotetrabelodon Stegt ------RHINOCEROTIDAE Brachypotherium Brac - - Ceratotherium Cera ------Diceros Dice - - - - - RODENTIA Atherurus Athe - - Hystrix Hyst - - - - - Thryonomys Thry - - - - Xenohystrix Xeno - - SUIDAE Cainochoerus Cain - - Kolpochoerus Kolp - - - Kubanochoerus Kuba - Kuseracolobus Kuse - Nyanzachoerus Nyan ------Potamochoerus Pota - - Propotamochoerus Prop - TAYASSUIDAE Pecarichoerus Peca - TUBULIDENTATA Leptorycteropus Lepto - Orycteropus Oryc ------

257

Tableau 3 – Tribus et Familles de mammifères identifiés dans les assemblages fossiles africains du Miocène supérieur-Pliocène basal.

Asa Koma Lukeino Nawata inf. Nawata sup. Lemudong'o Nkondo Manonga Baynunah Sahabi QSM PPM KB03 KB04 KB07 ANTHRACOTHERIIDAE Anthracotheriidae Anth - BOVIDAE Aepycerotini Aepy ------Alcelaphini Alce ------Antilopini Anti ------Boselaphini Bose ------Bovini Bovi ------Cephalophini Ceph - Hippotragini Hipptr ------Neotragini Neot ------Ovibovini Ovib - - Reduncini Redu ------Tragelaphini Trag ------CAMELIDAE Camelidae Came - CARNIVORA Amphicyonidae Amph - - - Canidae Cani - - - Felidae Feli ------Hyaenidae Hyae ------Mustelidae Must ------Procyonidae Procy - Ursidae Ursi - - - - Viverridae Vive ------CHALICOTHERIIDAE Chalichotheriidae Chal - - EQUIDAE Equidae Equi ------GIRAFFIDAE Giraffinae Gira - - - - - Palaeotraginae Pala ------Sivatheriinae Siva ------HIPPOPOTAMIDAE Hippopotamidae Hippop ------HYRACOIDEA Procaviidae Proca - - - - - LAGOMORPHA Leporidae Lepo - - - - PHOLIDOTA Pholidota Phol - PRIMATES Cercopithecidae Cerc ------Hominidae Homi - - PROBOSCIDEA Deinotheriidae Dein - - - - - Elephantidae Elep ------Gomphotheriidae Gomp ------Stegodontidae Steg - - - - RHINOCEROTIDAE Rhinocerotidae Rhin ------RODENTIA Hystricidae Hyst ------Thryonomyidae Thry - - - - - SUIDAE Doliochoerinae Doli - Kubanochoerinae Kuba - Suinae Suin ------Tetraconodontinae Tetr ------TUBULIDENTATA Tubulidentata Tubu ------258 Annexe 2 – Faunes modernes employées dans la comparaison avec les assemblages fossiles et leur classification selon les caractéristiques de l’environnement auquel elles sont associées.

Pays Statut Statut Faune Faune Végétation Végétation Références Références Abréviation Abréviation Densité boisée Superficie (km²) Diversité d'habitat d'habitat Diversité Formations végétales végétales Formations Formations édaphiques édaphiques Formations Agencement des habitats Agencement

Amboseli Amb PN Kenya 392 plaines herbeuses, bois de (Behrensmeyer et al., 1979) ++ BH M √ densité variée, buissons épineux Arli Arl PN Burkina 1000 savane arborée et boisée, (Green, 1979; Bousquet, + SH M Faso herbeuse en bordure de rivière 1984)

Azagny Aza PN Côte 194 mosaïque de marais, savanes (Roth et al., 1979) FM M P √ Ivoire sèches et îlots forestiers Boucle de Bao PN Mali 3500 savane arborée, galerie (Bousquet, 1992) ++ BS H Baoulé forestière riveraine Plateaux de Bat PN Gabon 2049 forêts denses, savanes (Callaque, 2005; Maisels, Mf M G Batéké arbustives ou herbacées 2005) Birao Bir PN RCA 22000 savane coupée de galeries (Félix, 1953) + S M √ forestières et de zones inondées Campo Ma'an Cam PN Cameroun 7 700 forêt dense humide (Matthews et Matthews, +++ H 2006) Chobe River Cho PN Botswana 10360 bois peu denses, prairies sèches, (Sheppe et Haas, 1976) + SH M G √ plaines d'inondation Comoé Com PN Côte 11500 mosaïque de savanes boisées et (Geerling et Bokdam, Mf M P d'Ivoire de forêts denses 1973; Fisher et al., 2002) Dande Dan - Zimbabwe 2044 mosaïque de savanes boisées (Gaidet et al., 2003) ++ BS M P Hluhluwe- Hlu RF Afrique S 960 mosaïque de savanes arborées, (Bourquin et al., 1971) Mf M P Umfolozi de bois, de fourrés et de forêts denses humides Irangi Ira - RDC NA forêt dense humide (Rahm, 1966) +++ H Ituri Itu RF RDC 63000 forêt dense humide (Curry-Lindahl, 1956) +++ H Jebel Marra Jeb - Soudan 1500 forêt dense, prairies, zones (Happold, 1966; Happold, Mf M G rocailleuses 1969) Kafue Kaf PN Zambie 22400 (Sheppe et Osborne, 1971) + M M G √ KaF plaine d'inondation H H √ KaGW prairies parsemées d'arbres et ++ BS M G d'arbustes, bois ouverts, fourrés Kahuzi-Biega Kah RF Congo 600 marais, savanes arborées, forêt (Rahm et Christiaensen, Mf M G √ de montagne 1963; Inogwabini et al., 2000) Katavi Kat PN Tanzanie 4471 bois de Miombo, forêts sèches, (Caro, 1999a; 1999b; 2002; ++ B M G √ plaine d'inondation Fitzherbert et al., 2006) Kgalagadi Kga PN Botswana 40000 savane boisée (Wallgren et al., 2008) + S H Kibale Kib RF Ouganda 560 forêt dense humide (Isabirye-Basuta et M P Kasenene, 1987; Weisenseel et al., 1993; Hoffmann, 1997; Struhsaker, 1997) Kilimandjaro Kil RF Tanzanie 1753 forêt de montagne, landes (Child, 1965; Røhr et ++ B M G Killingtveit, 2003) Marahoué Mar PN Côte 1000 forêt dense humide, savane (Bousquet, 1992; Mf M Ivoire herbeuse, arbustive ou arborée Schulenberg et al., 1999) 259 Mikumi Mik PN Tanzanie 3230 prairies, bois de densité variée, (Newmark et al., 1996; Mf M G forêt humide de montagne Riley et Riley, 2005; Stanley et al., 2007) Mt Kenya MtK PN Kenya 715 forêt dense humide, landes, (Moreau, 1944a, 1944b) Mf M G priaries Lac Nakuru Nak PN Kenya 170 formations arbustives peu (Kutilek, 1974; Schwan, ++ B M √ denses et marécages 1986) Pendjari Pen PN Bénin 2755 savane arbustive et arborée, (Bousquet, 1992; Sinsin et Mf M forêts claires al., 2002) Rukwa Ruk RF Tanzanie 10000 marais et plaine d'inondation, (Vesey-FidzGerald, 1964) Mf M G √ Valley zones boisées et forestières, prairies sur les sommets Serengeti Ser PN Tanzanie 5180 (Swynnerton, 1958; Mf M G √ Anderson et Talbot, 1965) SerB savane arborée et arbustive ++ BS M SerF forêt humide, clairières ++ B H herbeuses SerH bruyère ++ B H SerP plaine, arbustes clairsemés + H H SerS marécages E H √ Sérédou Srd - Guinée NA forêt dense humide (Roche, 1971) +++ H Forest Taï Taï PN Côte 3300 forêt dense humide (Bousquet, 1977; Roth et +++ H d'Ivoire al., 1979) Tana River Tan ZC Kenya 120000 formations arbustives, plaine (Andrews et al., 1975) ++ B M P √ d'inondation Tarangire Tar RF Tanzanie 2600 bois de densité variée (Lamprey, 1962) ++ BS M √ Transvaal Tra - Afrique S 262499 (Rautenbach, 1978) Mf M TraA savane à Acacia + S H TraF forêt humide ++ B H TraG prairies d'altitude + H H TraW savane ouverte, patchs de zones ++ BS M boisées Uluguru Ulu RF Tanzanie 300 forêt dense humide (Allen et Loveridge, 1927; +++ H Mountains Rodgers et Homewood, 1982; Burgess et Clarke, 2000) Usambara Usa PN Tanzanie 2000 forêt dense humide, bois (Allen et Loveridge, 1927; Mf M G Mountains ouverts, prairies, marécages Moreau, 1935; Rodgers et Homewood, 1982; Njunwa et al., 1989; Burgess et Clarke, 2000) Virunga Vir PN RDC 8 000 (Delvingt et al., 1990) Mf M G √ ViFg forêt dense humide +++ H ViFm forêt dense humide +++ H ViFp forêt dense humide +++ H ViM végétation herbacée aquatique E H √ et marécageuse d'eau douce ViS savanes herbeuses + H H ViSc bosquets sclérophylles D H W W PN Bénin 10290 savanes arbustives et arborées, (Poché, 1976; Bousquet, Mf M G forêts claires 1992) Zakouma Zak PN Tchad 3195 savanes arbustives et arborées (Dejace et al., 2000; + S H Granjon et al., 2004; Arranz et al., 2007) Densité boisée : des milieux les plus fermés (+++) au plus ouverts (+) ; Formations végétales (selon la terminologie décrite dans le tableau 4): B (formations arbustives ou buissonnantes), D (déserts), E (formations édaphiques), H (formations herbeuses), M (mélange de plusieurs formations), Mf (mélange de plusieurs formations incluant des forêts), S (formations herbeuses boisées) ; Diversité d’habitats : environnement homogène (H) ou mixte (M) ; Agencement des habitats : sous forme graduelle (G) ou de mosaïque (P) ; Formations édaphiques : lorsqu’elles sont présentes (√).

260 Annexe 3 – Listes des espèces de mammifères présentes dans les faunes modernes étudiées dans ce travail. Les micromammifères (< 1 kg) ont été exclus.

Amb Arl Aza Bao Bat Bir Cam Cho Com Dan Hlu Ira Itu Jeb KaF Kaf KaGW Kah Kat Kga Kib Kil Mar Mik MtK Nak Pen Carnivora Canidae Canis adustus ------Canis mesomelas ------Canis aureus - - - - Lycaon pictus ------Otocyon megalotis - - - - Vulpes chama - Vulpes pallida - - Mustelidae Mellivora capensis ------Lutra maculicollis ------Aonyx capensis ------Aonyx congica - - - - - Viverridae Genetta victoriae - - Genetta angolensis - - Genetta genetta ------Genetta servalina ------Genetta tigrina ------Osbornictis piscivora - Nandinia binotata ------Civettictis civetta ------Herpestidae Atilax paludinosus ------Bdeogale nigripes - - Bdeogale crassicauda - Crossarchus alexandri - - Crossarchus obscurus - - - - - Herpestes ichneumon ------Herpestes naso - - Ichneumia albicauda ------Mungos mungo ------Mungos gambianus - - Paracynictis selousi - Rhynchogale melleri - - 261 Hyaenidae Crocuta crocuta ------Hyaena hyaena - - - - Hyaena brunnea - - - Proteles cristata ------Felidae Panthera leo ------Panthera pardus ------Acinonyx jubatus ------Felis sylvestris ------Felis serval ------Felis caracal ------Felis nigripes Profelis aurata ------Hippopotamidae Hippopotamus amphibus ------Hippopotamus liberiensis - Suidae Potamochoerus porcus ------Potamochoerus larvatus - - Phacochoerus aethiopicus ------Phacochoerus africanus - - - Hylochoerus meinertzhageni ------Tragulidae Hyemoschus aquaticus ------Giraffidae Giraffa camelopardalis ------Okapia johnstoni - Camelidae Camelus dromedarius - Bovidae Cephalophini Cephalophus rufilatus ------Cephalophus monticola ------Cephalophus dorsalis ------Cephalophus callipygus - - - - - Cephalophus leucogaster - - - - Cephalophus nigrifrons ------Cephalophus silvicultor ------Cephalophus natalensis - - - Cephalophus ogilbyi - - - Cephalophus niger - - - Cephalophus spadix - - Cephalophus zebra Cephalophus coerulus - - - Cephalophus jentinki - Cephalophus harveyi - 262 Sylvicapra grimmia ------Neotragini Neotragus batesi - - - Neotragus moschatus - - - - Neotragus pygmaeus - - - Raphicerus maelanotis - Raphicerus campestris ------Raphicerus sharpei - - - - - Ourebia ourebi ------Oreotragus oreotragus ------Madoqua kirkii - - - - - Tragelaphini Tragelaphus scriptus ------Tragelaphus spekei ------Tragelaphus strepsiceros ------Tragelaphus euryceros ------Tragelaphus oryx ------Taurotragus derbianus - Tragelaphus imberbis - - Tragelaphus angasii - Hippotragini Hippotragus equinus ------Hippotragus niger ------Oryx gazella - - - - - Oryx beisa Reduncini Kobus ellipsiprymnus ------Kobus kob - - - - - Kobus leche - - - Kobus vardoni - - - - Redunca redunca ------Redunca arundinum ------Redunca fulvorufula - - - Peleini Pelea capreolus Alcelaphini Damaliscus lunatus - - - - - Damaliscus dorcas - Alcelaphus buselaphus ------Connochaetes taurinus ------Connochaetes gnou Aepycerotini Aepyceros melampus ------Bovini Syncerus caffer ------Syncerus caffer nanus - - - - - 263 Antilopini Gazella rufifrons ------Gazella granti - - - Antidorcas marsupialis - Litocranius walleri - Equidae Equus burchellii ------Rhinocerotidae Diceros bicornis ------Ceratotherium simum - Pholidota Manis tetradactyla - - - - - Manis tricuspis ------Manis temmincki - - - - - Manis gigantea ------Tubulidentata Orycteropus afer ------Loxodonta africana ------Hyracoidea Procaviidae Dendrohyrax arboreus ------Dendrohyrax validus Dendrohyrax dorsalis ------Heterohyrax brucei - - - Heterohyrax syriacus Procavia capensis ------Procavia johnstoni hopsi - Procavia terricola Primata Loridae Perodicticus potto ------Galaggonidae Otolemur crassicaudatus ------Cercopithecinae Papio cynocephalus ------Papio sphinx - - Cercocebus torquatus - - - - Cercocebus galeritus - - Cercocebus albigena - - - - Cercocebus agilis - Miopithecus talapoin - Miopithecus ogouensis - Erythrocebus patas ------Cercopithecus cephus ------Cercopithecus nictitans ------Cercopithecus neglectus - - Cercopithecus lhoesti - - Cercopithecus hamlyni - - Cercopithecus diana - - - 264 Cercopithecus mona ------Cercopithecus aethiops ------Colobinae Colobus polykomos ------Colobus guereza - - - - - Colobus badius - - - - Colobus satanus - Colobus verus - - Procolobus rufomitratus - Pongidae Gorilla gorilla - - - - Pan troglodytes ------Pan paniscus - Rodentia Pedetidae Pedetes capensis ------Hystricidae Hystrix cristata ------Hystrix africaeaustralis ------Atherurus africanus ------Thryonomyidae Thryonomys gregorianus - - - - Thryonomys swinderrianus ------Anomaluridae Anomalurus peli - Cricetidae Cricetomys emini - Cricetomys gambianus ------Lagomorpha Leporidae Lepus capensis ------Lepus saxatilis ------Pronolagus randensis Pronolagus rupestris Pronolagus crassicaudatus - Poelagus marjorita -

265 (suite faunes)

Ruk Ser SerB SerF SerH SerP SerS Srd Taï Tan Tar Tra TraA TraF TraG TraW Ulu Usa ViFg ViFm ViFp ViM Vir ViS ViSc W Zak Carnivora Canidae Canis adustus ------Canis mesomelas ------Canis aureus - - - - Lycaon pictus ------Otocyon megalotis ------Vulpes chama - - - - Vulpes pallida - Mustelidae Mellivora capensis ------Lutra maculicollis ------Aonyx capensis ------Aonyx congica Viverridae Genetta victoriae Genetta angolensis Genetta genetta ------Genetta servalina - - - Genetta tigrina ------Osbornictis piscivora Nandinia binotata ------Civettictis civetta ------Herpestidae Atilax paludinosus ------Bdeogale nigripes Bdeogale crassicauda - - Crossarchus alexandri - - - Crossarchus obscurus - Herpestes ichneumon ------Herpestes naso Ichneumia albicauda ------Mungos mungo ------Mungos gambianus Paracynictis selousi - - - Rhynchogale melleri - - - Hyaenidae Crocuta crocuta ------Hyaena hyaena - - - - -

266 Hyaena brunnea - - - - - Proteles cristata ------Felidae Panthera leo ------Panthera pardus ------Acinonyx jubatus ------Felis sylvestris ------Felis serval ------Felis caracal ------Felis nigripes - - Profelis aurata - - - - Hippopotamidae Hippopotamus amphibus ------Hippopotamus liberiensis - Suidae Potamochoerus porcus ------Potamochoerus larvatus - Phacochoerus aethiopicus ------Phacochoerus africanus - Hylochoerus meinertzhageni ------Tragulidae Hyemoschus aquaticus - - - - - Giraffidae Giraffa camelopardalis ------Okapia johnstoni - - Camelidae Camelus dromedarius Bovidae Cephalophini Cephalophus rufilatus - - Cephalophus monticola ------Cephalophus dorsalis - - - - - Cephalophus callipygus - - - Cephalophus leucogaster Cephalophus nigrifrons - - - - Cephalophus silvicultor - - - - Cephalophus natalensis ------Cephalophus ogilbyi - Cephalophus niger - - Cephalophus spadix - - - Cephalophus zebra - Cephalophus coerulus Cephalophus jentinki - Cephalophus harveyi Sylvicapra grimmia ------Neotragini Neotragus batesi 267 Neotragus moschatus - - - - Neotragus pygmaeus - - Raphicerus maelanotis Raphicerus campestris ------Raphicerus sharpei - - - Ourebia ourebi ------Oreotragus oreotragus ------Madoqua kirkii - - - - - Tragelaphini Tragelaphus scriptus ------Tragelaphus spekei ------Tragelaphus strepsiceros ------Tragelaphus euryceros - - - - Tragelaphus oryx ------Taurotragus derbianus Tragelaphus imberbis - - Tragelaphus angasii - - Hippotragini Hippotragus equinus ------Hippotragus niger - - - Oryx gazella ------Oryx beisa - Reduncini Kobus ellipsiprymnus ------Kobus kob - - - - Kobus leche Kobus vardoni - Redunca redunca ------Redunca arundinum - - - - Redunca fulvorufula ------Peleini Pelea capreolus - - - - Alcelaphini Damaliscus lunatus ------Damaliscus dorcas - - - Alcelaphus buselaphus ------Connochaetes taurinus ------Connochaetes gnou - - - Aepycerotini Aepyceros melampus ------Bovini Syncerus caffer ------Syncerus caffer nanus - Antilopini Gazella rufifrons ------Gazella granti - - - - - 268 Antidorcas marsupialis - - - - Litocranius walleri - - Equidae Equus burchellii ------Rhinocerotidae Diceros bicornis ------Ceratotherium simum - - Pholidota Manis tetradactyla - - - - Manis tricuspis - - - - - Manis temmincki ------Manis gigantea - - Tubulidentata Orycteropus afer ------Loxodonta africana ------Hyracoidea Procaviidae Dendrohyrax arboreus - - - Dendrohyrax validus - Dendrohyrax dorsalis Heterohyrax brucei - - - - - Heterohyrax syriacus - - Procavia capensis ------Procavia johnstoni hopsi Procavia terricola - - Primata Loridae Perodicticus potto - - - - Galaggonidae Otolemur crassicaudatus ------Cercopithecinae Papio cynocephalus ------Papio sphinx Cercocebus torquatus - - Cercocebus galeritus - Cercocebus albigena Cercocebus agilis Miopithecus talapoin Miopithecus ogouensis Erythrocebus patas - - - - Cercopithecus cephus - - - - - Cercopithecus nictitans ------Cercopithecus neglectus Cercopithecus lhoesti - - Cercopithecus hamlyni Cercopithecus diana - - Cercopithecus mona - - Cercopithecus aethiops ------269 Colobinae Colobus polykomos ------Colobus guereza - - - - - Colobus badius ------Colobus satanus Colobus verus - Procolobus rufomitratus Pongidae Gorilla gorilla - - Pan troglodytes - - - - Pan paniscus Rodentia Pedetidae Pedetes capensis ------Hystricidae Hystrix cristata ------Hystrix africaeaustralis ------Atherurus africanus - - - - Thryonomyidae Thryonomys gregorianus - - Thryonomys swinderrianus ------Anomaluridae Anomalurus peli - Cricetidae Cricetomys emini - Cricetomys gambianus ------Lagomorpha Leporidae Lepus capensis ------Lepus saxatilis ------Pronolagus randensis - - - - Pronolagus rupestris - - Pronolagus crassicaudatus - - Poelagus marjorita

270 Annexe 4 - Listes des taxons de mammifères identifiés sur le secteur de Toros-Menalla. 271 Tableau 1 - Liste des genres de mammifères. échantillons à affinité TM9 échantillons à affinité TM266 TM7 TM9 TM17 TM39 TM43 TM60 TM74 TM76 TM115 TM171 TM172 TM177 TM178 TM209 TM242 TM244 TM263 TM271 TM274 TM275 TM279 TM289 TM293 TM299 TM301 TM360 TM32 TM55 TM68 TM90 TM112 TM160 TM204 TM215 TM219 TM247 TM254 TM256 TM266 TM267 TM276 TM278 TM292 TM297 TM337 Anthracotheriidae Libycosaurus Liby ------Bovidae Aepyceros Aepy - Gazella Gazel ------Saheloryx Sahelo ------Tchadotragus Tcha ------Carnivora Chasmaporthetes Chas - - - Dinofelis Dino - Djourabus Djou - Felis Felis - Galerella Galer - Herpestes Herp - Howellictis Howe - - - - - Hyaenictitherium Hyaect ------Machairodus Mach - - Sahelictis korei SahKo - Sivaonyx Sivao ------Vulpes Vulp - Equuidae Hipparion Hippa ------Giraffidae Bohlinia Bohl - Giraffa Giraf ------Sivatherium Sivat ------Hippopotamidae Hexaprotodon Hexa ------Lagomorpha Serengetilagus Seren - - - - - Primates Sahelanthropus Sahelt - - - Proboscidea Anancus Anan ------Deinotherium Dein - Loxodonta Loxo - - - Primelephas Prim - - Stegodibelodon Stgdi - Stegodon Stgdo - - - Stegotetrabelodon Stgt - - Rodentia Arvicanthis Arvic - - Hystrix Hystr - Xerus Xeru - Suidae Nyanzachoerus Nyan ------Tubulidentata Orycteropus Oryct - 272 Tableau 2 - Liste des tribus et familles de mammifères. échantillons à affinité TM9 échantillons à affinité TM266 TM7 TM9 TM17 TM39 TM43 TM60 TM74 TM76 TM115 TM171 TM172 TM177 TM178 TM209 TM242 TM244 TM263 TM271 TM274 TM275 TM279 TM289 TM293 TM299 TM301 TM360 TM32 TM55 TM68 TM90 TM112 TM160 TM204 TM215 TM219 TM247 TM254 TM256 TM266 TM267 TM276 TM278 TM292 TM297 TM337 Anthracotheriidae Anthracotheriidae Anth ------Bovidae Aepycerotinae Aep - - Alcelaphini Alc - - - Antilopini Anti ------Bovini Bov ------Hippotragini Hipt ------Reduncini Red ------Carnivora Amphicyonidae Amp - Canidae Can - Felidae Fel ------Herpestidae Her - - Hyaenidae Hya ------Mustelidae Mus ------Viverridae Viv - - Equuidae Equidae Equ ------Giraffidae Giraffinae Gir ------Sivatheriinae Siv ------Hippopotamidae Hippopotamidae Hipp ------Lagomorpha Lagomorpha Lag - - - - - Primates Cercopithecidae Cer - - Hominidae Hom - - - Proboscidea Deinotheriidae Dei - - - Elephantidae Ele ------Gomphotheriidae Gom ------Stegodontidae Ste - - - Rodentia Hystricidae Hys - - Muridae Mur - - - - Sciuridae Sci - - Suidae Tetraconodontinae Tet ------Tubulidentata Tubulidentara Tub ------Annexe 5 – Respect des hypothèses de l’analyse discriminante

Tableau 1 – Tests de normalité (Shapiro-Wilk) de la distribution des catégories écologiques et taxinomiques au sein de chaque type d’environnement défini selon leur degré d’ouverture. Les micromammifères (< 1 kg) ont été exclus. Les distributions anormales sont repérées en gras.

fermé ouvert intermédiaire W p W p W p BG 0,955 0,7219 0,963 0,8171 0,959 0,7111 Ca 0,950 0,6679 0,919 0,3495 0,883 0,0659 Fr 0,953 0,6991 0,873 0,1085 0,964 0,7860 Régime alimentaire Hb 0,955 0,7241 0,901 0,2242 0,975 0,9341 Hg 0,905 0,2489 0,955 0,7276 0,915 0,1834 I 0,903 0,2375 0,917 0,3310 0,940 0,4247 O 0,883 0,1422 0,924 0,3901 0,965 0,8095 C 0,918 0,3366 0,944 0,5936 0,963 0,7656 D 0,952 0,6950 0,893 0,1817 0,972 0,9047 E 0,864 0,0848 0,932 0,4670 0,963 0,7790 Masse corporelle F 0,804 0,0162 0,940 0,5552 0,973 0,9154 G 0,918 0,3382 0,870 0,1010 0,944 0,4659 H 0,912 0,2918 0,977 0,9443 0,960 0,7220 Aq 0,830 0,0338 0,886 0,1511 0,884 0,0652 Ar 0,929 0,4338 0,622 0,0001 0,872 0,0453 Mode de locomotion Fo 0,947 0,6330 0,965 0,8453 0,963 0,7723 T 0,972 0,9063 0,791 0,0114 0,913 0,1718 T-Ar 0,918 0,3387 0,941 0,5651 0,966 0,8120 Bov 0,966 0,8546 0,960 0,7880 0,983 0,9884 Car 0,953 0,7075 0,934 0,4698 0,927 0,2780 Equ - - 0,725 0,0018 0,808 0,0063 Gir 0,535 <0,0001 0,644 0,0002 0,852 0,0234 Hip 0,515 <0,0001 0,914 0,3063 0,787 0,0034 Hyr 0,904 0,2446 0,798 0,0135 0,844 0,0182 Lag - - 0,867 0,0924 0,826 0,0106 Diversité taxinomique Pho 0,791 0,0114 0,738 0,0026 0,754 0,0014 au niveau Fam/Ordr Pri 0,934 0,4918 0,859 0,0742 0,961 0,7439 Pro 0,926 0,4114 0,803 0,0158 0,923 0,2412 Rhi - - 0,535 <0,0001 0,822 0,0094 Rod 0,847 0,0541 0,913 0,3047 0,882 0,0619 Sui 0,916 0,3256 0,961 0,7985 0,857 0,0280 Tra 0,807 0,0176 - - - - Tub 0,366 <0,0001 0,932 0,4700 0,865 0,0357

273

Tableau 2 – Tests de normalité (Shapiro-Wilk) de la distribution des catégories écologiques et taxinomiques au sein de chaque type d’environnement, défini selon leur degré d’ouverture. Les petits mammifères (< 10 kg) ont été exclus. Les distributions anormales sont repérées en gras.

>10kg fermé ouvert intermédiaire W p W p W p BG 0,934 0,4934 0,976 0,9411 0,981 0,9806 Ca 0,991 0,9980 0,856 0,0686 0,971 0,8837 Fr 0,888 0,1601 0,909 0,2746 0,952 0,5927 Régime alimentaire Hb 0,980 0,9658 0,898 0,2097 0,947 0,5146 Hg 0,942 0,5783 0,918 0,3371 0,955 0,6406 I 0,743 0,0029 0,941 0,5695 0,900 0,1124 O 0,988 0,9931 0,953 0,7060 0,920 0,2203 D 0,922 0,3721 0,958 0,7631 0,836 0,0145 E 0,645 0,0002 0,935 0,5018 0,858 0,0286 Masse corporelle F 0,875 0,1157 0,867 0,0917 0,954 0,6194 G 0,920 0,3568 0,909 0,2737 0,927 0,2788 H 0,945 0,6116 0,914 0,3097 0,949 0,5456 Aq 0,911 0,2899 0,919 0,3461 0,811 0,0068 Ar 0,861 0,0790 0,366 <0,0001 0,626 0,0001 Mode de locomotion Fo 0,853 0,0636 0,939 0,5456 0,969 0,8664 T 0,919 0,3500 0,889 0,1632 0,933 0,3345 T-Ar 0,908 0,2707 0,931 0,4590 0,991 0,9998 Bov 0,970 0,8916 0,929 0,4333 0,947 0,5162 Car 0,919 0,3462 0,976 0,9383 0,977 0,9506 Equ - - 0,723 0,0017 0,844 0,0183 Gir 0,539 <0,0001 0,631 0,0001 0,837 0,0146 Hip 0,515 <0,0001 0,907 0,2612 0,787 0,0035 Pho 0,676 0,0005 0,749 0,0034 0,767 0,0020 Diversité taxinomique Pri 0,943 0,5847 0,848 0,0549 0,942 0,4423 au niveau Fam/Ordr Pro 0,923 0,3822 0,813 0,0208 0,939 0,4075 Rhi - - 0,529 <0,0001 0,859 0,0298 Rod 0,515 <0,0001 0,846 0,0520 0,893 0,0904 Sui 0,951 0,6798 0,979 0,9601 0,894 0,0930 Tra 0,619 0,0001 - - - - Tub 0,366 <0,0001 0,882 0,1380 0,858 0,0288

274

Tableau 3 – Test d’homogénéité des variances (Brown-Forsythe) entre les 3 types d’environnements définis selon leur degré d’ouverture, pour chaque catégorie écologique ou taxinomique. Les jeux de données utilisés excluent les micromammifères ou les petits mammifères. Le non respect de l’homoscédasticité est signalé par des valeurs en gras.

Catégories >1kg >10kg F p F p BG 0,437 0,6501 0,363 0,6982 Ca 1,423 0,2563 3,632 0,0383 Fr 8,268 0,0013 7,595 0,0021 Régime alimentaire Hb 0,401 0,6728 1,380 0,2666 Hg 0,118 0,8894 1,031 0,3684 I 0,606 0,5519 0,101 0,9041 O 3,981 0,0289 4,759 0,0158 C 0,256 0,7756 - - D 0,536 0,5903 1,003 0,3785 E 0,307 0,7379 0,007 0,9934 Masse corporelle F 0,329 0,7219 1,448 0,2506 G 0,583 0,5644 3,707 0,0360 H 0,760 0,4764 0,320 0,7287 Aq 3,185 0,0552 4,894 0,0142 Ar 4,581 0,0181 6,237 0,0053 Mode de locomotion Fo 1,401 0,2616 0,267 0,7677 T 2,062 0,1443 0,813 0,4526 T-Ar 0,656 0,5260 5,753 0,0075 Bov 1,046 0,3633 1,246 0,3017 Car 1,309 0,2846 0,614 0,5477 Equ 2,992 0,0649 3,257 0,0520 Gir 0,412 0,6656 0,395 0,6767 Hip 2,628 0,0882 1,118 0,3399 Hyr 1,095 0,3470 - - Lag 4,545 0,0186 - - Diversité taxinomique Pho 1,389 0,2644 0,182 0,8343 au niveau Fam/Ordr Pri 0,065 0,9373 3,173 0,0558 Pro 0,298 0,7445 1,061 0,3584 Rhi 6,816 0,0035 7,621 0,0020 Rod 0,437 0,6502 1,181 0,3205 Sui 1,490 0,2411 4,932 0,0138 Tra 24,978 <0,0001 5,571 0,0086 Tub 4,296 0,0226 3,073 0,0606

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Tableau 4 – Tests des corrélations (Spearman) entre les moyennes et les variances des 3 types d’environnements définis selon leur degré d’ouverture, pour chaque catégorie écologique et taxinomique. Seules les valeurs signalées en gras sont significatives.

>1kg >10kg F 0,96 0,93 Régime alimentaire O 0,57 0,64 OF 0,43 0,28 F 0,60 1,00 Masse corporelle O 0,94 0,70 OF 0,60 0,90 F 0,90 1,00 Mode de locomotion O 0,80 0,90 OF 1,00 0,90 Diversité taxinomique F 0,99 0,94 O 0,96 0,92 au niveau Fam/Ordr OF 0,97 0,95

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