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A Paideia La compréhension de ce que représentent les langues dans l'œuvre de Lucien de Samosate s'entend d'autant plus en relation avec la recherche de la définition de ce qu'est cette dimension de la culture, et la culture elle-même, à l'époque de Lucien, et de la manière dont elle est représentée dans son euvre. 11 faut sans cesse intégrer cette dimension culturelle dans le contexte plus vaste de l'hellénisme, ce que nous ferons et que nous expliciterons ici, comme y invite le constat de Saïd 1989. "Dans les trente dernières années, l'intérêt accru des historiens pour les phénomènes d'ac~ulturation~~et la multiplication des contacts entre les hellénistes et les spécialistes des civilisations du Proche-Orient ancien ont modifié, souvent de manière radicale, la problématique de l'hellénisme et de son antonyme, la barbarie.'y626 "' Cf.Desideri 2003, passim. 626 Saïd 1989, introduction des Actes de Strasbourg, 3. 1.Le mot Tla~S~iaest un nom verbal se rattachant à maLSEUGI ("élever, former, éduquer"), qui est lui même un verbe dérivé du substantif ma'iq. Ainsi le champ sémantique auquel se rattache le substantif abstrait na~Sela s'éloigne-t-il de la notion d'enfant, d'enfance ou de petit esclave. On se tourne davantage vers le sens de "culture", et pour le verbe ~~LSE~Won pourra traduire par "donner une culture" (ion-att.), d'où oi n~ma~S~upÉvo~,participe parfait substantivé et employé sous la forme d'un pluriel collectif, "les gens cultivés, qui possèdent une éducation accomplie"; à-.rralS~uro~est formé sur l'adjectif verbal, au sens de "sans éducation" (att.); na~S~lasignifie proprement "éducation, formation, culture" (ion.att.) , mais peut se dire du fait de nourrir un enfant (Æsch. Sept, 18). L'idée de l'enfance et de ce qu'elle implique n'est d'ailleurs pas étrangère à Lucien. Il l'évoque dans ses rapports avec le langage aussi bien sur le plan du mythe, pour l'enfance des dieux et des héros, que dans l'évocation, en particulier de l'éducation. L'enfant dans l'œuvre de Lucien conduit d'ailleurs à poser des questions clés en terme de sociolinguistiquea7. Au sens de culture, selon Jaeger, le mot s'oppose à ~ÉXV~~'~.Mais ce dernier se fonde sur une analyse de la maLSE la suivant exclusivement ou presque le modèle platonicien qu'il ne dépasse pas. Il s'en tient à la culture de l'époque dite classique. Implicitement, le message est clair : après le moment classique de la culture, il n'y a plus de culture. C'est une sorte de fin de l'Histoire culturelle indépassable. Toute la culture grecque postérieure, dans cette logique, ne pourra être que la même culture que celle des V,W,III" S. a.C. Lapaideia est pour Jaeger une formation donnée à la fois par la cité et par un enseignement formel qui est lui-même en harmonie avec ce qu'enseigne la cité de façon informelle : on imagine un philosophe grec expliquant l'idée d'harmonie à ses disciples devant un temple qui est lui-même une incarnation de cette idée. On pourrait résumer ainsi la paideia (et particulièrement dans l'optique de Jaeger) : nous ne pouvons former (au sens de concevoir) que les idées par lesq~iellesnous avons étéformés (au sens de modeler) ... et inversement6". D'autres noms d'action existent dans ce contexte de classicisme : ~~~SEUQL~, "éducation, fait d'instruire", nalSeuya, nom neutre, où le suffixe présente un sens d'état, désigne "la matière enseignée" (Platon, Xénophon, Aristote), ou "celui qui est formé". Le nom d'agent est ma~S~ur+jqque l'on trouve chez Platon630. 627 Auger 1995,229-240 . 628 Jaeger 1989,517 sqq. 59 Il n'est donc pas étonnant que pour le sens de "culture, civilisation" le relais ait été pris (vraisemblablement au XIX' S.) par un dérivé de politis (rroXCrqq, masc.), '~ToXLTL~~~OS.Le terme a en fait hérité des valeurs d'emploi de pardeia et cumule les deux sens de "civilisation" et de "culture". On peut le considérer comme une re-création, par emprunt sémantique. 630Chantraine1968, 848-850. 249 En outre, d'après LSJ, Lucien est le seul à utiliser le mot dans un sens collectif en Am.6, au sens de 'bjeunesse"631.Les amours est à cet égard un ouvrage particulier, car il présente le terme dans une acception singulière. Il se trouve également être un opuscule dont l'authenticité est discutée. Chambry 1933 le signale dès sa traduction du titre : "Le plus grand nombre des commentateurs s'accorde à douter que ce traité soit de Lucien. Le style dont il est écrit paraît, en effet, très éloigné de notre auteur ; on y remarque une affectation sophistique dans le langage et dans les pensées, une foule de locutions extraordinaires, de termes recherchés, de métaphores outrées et de mauvais goût.. ." (Belin de Ball~).~' Rappelons la situation. Dans Les Amours le personnage de Lykinos joue un rôle non négligeable. Ce masque auto-fictionnel apostrophe d'emblée un certain Théomnestos, sorte de Don Juan qui collectionnerait les amours, pour ainsi dire un spécialiste ès amours. Lykinos lui demande de le délasser en l'entretenant de quelques récits amoureux, afin de lui faire oublier les autres entretiens qu'il a et qui concernent sa vie professionnelle. Alors que Lycinos a demandé à Théomnestos de faire le récit de son "périple amoureuxy'[3], le dialogue va retourner la situation. L'auteur va mettre son double en mesure de narrer un périple amoureux et Théomnestos va devenir auditeur 14; 51. La question posée par Théornnestos et qui va retourner les rôles est de savoir qui on juge les meilleurs, ceux qui aiment les garçons ou ceux qui se contentent des femmes. A cette question Lykinos répond par un récit enchâssé dans le dialogue, débutant en [6], et qui le met en scène dans un départ de voyage avec deux tenants de l'un et l'autre amour, Chariclès qui aime les femmes, et Callicratidas, qui préfère les jeunes garçons. Le thème du voyage se retrouve ici à l'instar des Histoires vraies. Le cheminement, périple au sens étymologique du terme, va permettre la découverte et l'analyse des types d'amours, renvoyant au titre de l'op~sc~le~~~. C'est alors précisément en [6] que Lucien-Lykinos utilise le mot nu~8~iadans une acception intéressante. Lykinos narrant son départ pour l'Italie évoque un entourage qui exprime son regret de le voir partir. Cet entourage est précisément désigné dans la proposition : ~~KoXO~~~EL62 na~6 ~ias X~rrapfis 6xXos "unefoule tenace de jeunes gens [mJ]acconzpagnait". Chambry 1933 traduit l'expression avec le sens "classique" de na~6~ia: c'j'étaisescorté d'une foule de gens attachés à la science". Cette traduction plaque sur le personnage de Lycinos l'image de l'intellectuel qui se fait fort de séduire par le brillant de son intelligence et sa culture. En réalité, Lycinos, se sentant placé en concurrence, répond sur le même mode que Théomnestos. Or ce dernier, depuis le début de leur conversation, n'a de cesse de vanter qu'il traîne tous les cœurs après soi: "Je ne sais quel channe langoureux réside dans mes yeux et ravit à soi tolite espèce de beauté, sans pouvoir jamais se rassasier."634 Lykinos doit donc démontrer que lui aussi est séduisant. Le mot est donné avec comme deuxième sens : "youth, childhood", avec la précision " 2 . in collect. sense,body of youtlzs, rra~6~iasX~rrapfis GxXos, Luc.Am.6 ." 63'Chambry, 1933, 405, n.323. 633Ace titre, Les Amours, que l'on classera comme récit de voyage, pourrait aussi bien se concevoir comme roman, au même titre que les Histoires véritables éditées et traduites par Pierre Grirnal (Grirnal 1958, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade), lequel inclut également dans son ouvrage, par exemple, Les aventures de Chérém et de Callirlzoé de Chariton dYAphrodise,ou la Vie d'Apollonios de Tyane de Philostrate. 634 Les amours, 2. 250 Le scripteur de l'opuscule fait ainsi dériver le sens du mot maiS~iapar une métonymie (la jeunesse, c'est -de- la culture) qui démultiplie son sens dans le contexte. Il souligne ainsi le sens du mot (qui est un hapax de sens en cette acception) et l'importance que ce sens a pu prendre pour une couche de la société au moment de l'éciiture du texte; et cela même si cette écriture succède de peu à l'époque de la vie de Lucien. Mais l'enseignement principal que l'on peut tirer de ce passage est que l'évolution du sens du mot, qui aboutira en partie à l'emprunt sémantique évoqué plus haut, est lancée.