Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi n°19 Septembre 2011

Les Huileries du Congo Belge

Le grand "trek" de Rainieri Chez les bashi Sommaire Editorial Mémoires du Congo Pour rappel, c’est à la suite de propos dé- et du Ruanda-Urundi nigrants et blessants que notre association Périodique n° 19 - Sept 2011 “Mémoires du Congo” a vu le jour il y a près de dix ans. Si nous avons, entre temps, com- Editorial 2 mencé à construire un outil de référence 3 par le biais de l’acquisition de témoignages Trois siècles chez les Bashi 4 et la réalisation de documentaires, nous ne Il était une fois au Ruanda 5 sommes pas encore au bout de nos peines. Les huileries du Congo Belge 6-9 D’autant plus qu’il y a des sujets non encore Le grand trek de Rainieri 10-11 abordés dont l’un doit être dédié à tous les Le petit Congolais 12 nôtres qui ont été molestés, agressés, mar- Un accouchement ... 14-15 tyrisés et même occis ! Si nous ne faisons Une totale intégration 15 Photo : N. Evrard ce travail, pénible il faut en convenir, le La campagne d'Abyssinie 16-17 ous prenons régulièrement temps effacera tous ces souvenirs atroces. L’indépendance a été donnée dans une Médiathèque 20-21 connaissance d’exigences de précipitation inconcevable qui a engendré Bon à savoir 21 groupuscules allochtones dont tous ces événements tragiques tant pour Livres à lire 21 l’activité n’est plus ponctuelle. les Congolais que pour les nôtres. Idée 22-23 DesN mouvements associatifs, épaulés bien Entendre revendiquer des excuses nous 24 souvent par des activistes belges, réclament à nos instances gouvernementales des re- devient insupportable, raison pour laquelle Photo de couverture (Parcs) : Thierry Bodson Masques de couverture : Musée de Tervuren, connaissances, si pas des excuses officielles, notre travail de collecte de témoignages In "Songye". Photos R. Asselberghs. pour des faits déformés par nos médias doit continuer afin de laisser une trace aux dont la connaissance du passé laisse de générations futures à travers l’information plus en plus souvent bien à désirer. que nous transmettons actuellement aux étudiants des départements d’Histoire des Pour être informé rapidement Facultés de Philosophie et Lettres de nos de toutes nos activités ! Tout récemment, nous avons été stupéfaits de voir un article consacré à un politicien de universités. Laisser la place aux journalistes Pour recevoir un rappel de nos la première heure congolaise accompagné et autres écrivains non informés serait une projections à Tervuren ! d’un dessin réalisé par une de nos têtes erreur irrémédiable. blondes glorifiant l’individu en question. Nous conjurons donc nos compatriotes, Pour être tenu au courant de blessés dans leur chair et dans leur esprit, notre actualité ! Les réactions à entreprendre vis-à-vis de ces à témoigner afin qu’une amnésie totale faits n’incombent pas à notre association n’occulte tous les méfaits de cette période Pour épargner des frais de trouble des années 60. poste inutiles ! et nous laissons ce soin aux prérogatives des historiens et à toute autre organisation dont c’est le but. ■ Paul Vannès, Administrateur délégué Communiquez-nous votre adresse email ! Envoyez-nous rapidement Brève un mail à l’adresse [email protected] Le Serengeti est sauvé ! Déjà merci ! 'est avec joie et soulagement Ainsi, l'une des plus importantes migrations que nous avons appris que le annuelles au monde de quelque un mil- Gouvernement tanzanien avait lion et demi de gnous, zèbres et antilopes abandonné son projet de tracer pourra se perpétuer selon une tradition uneC voie express à travers le paradis ter- ancestrale dans ce site du patrimoine mon- Cotisations restre du Serengeti. dial de l'Unesco, ceci pour le plus grand bonheur des amoureux de la nature. L'Asbl “Mémoires du Congo” a be- soin de votre générosité pour pour- suivre ses activités. Nous remercions nos membres qui, chaque année, nous apportent un appui financier par le règlement de leur cotisation. Pour cette année 2011, nous nous permettons de rappeler à chacun d'entre vous le paiement de la co- tisation annuelle, ce que, nous l'es- pérons, vous ferez volontiers. Soyez en tous remerciés d'avance.

2 Hommage Activités Programme des projections Le Dr Denis Mukwege du 2ème semestre 2011 Mardi 11/10 10h00 : René Cauwe, apôtre de la paix “Administrateur de Territoire à Idiofa” 11h00 : “Nos belles années à Stanleyville” "Nous ne pouvons rester silencieux devant une injustice un film de Guido Bosteels 14h00 : Courts métrages : si grave. Détruire les femmes, c'est détruire la vie" “La visite de Léopold III à Stanleyville” (extrait de A. Huet) e Docteur Mukwege Il a reçu au mois de mai “Pays de Cham”, un film de Winand gynécologue-obsté- 2011 le prix International Naiken tricien récompensé Roi Baudouin pour le Déve- “Mangbetu”, un film de Gérard De Boe pour son action en loppement 2010-2011 pour faveurL des femmes violées son travail et les soins médi- Mardi 8/11 au Congo, travaille à l’hôpital caux apportés aux femmes 10h00 : Lilian Nielsen de Panzi dans la banlieue de dont les violences sexuelles “les Danois au Congo” Bukavu. subies ont entraîné des lé- 11h00 : Marc Parent. Fils d’un pasteur protestant, sions génitales extrême- “L’œuvre de Marcel Parent, médecin au après ses études de méde- ment graves. Katanga” 14h00 : “Congo na bisso” cine au Burundi il débute En onze ans, plus de trente un film de Sven Tuytens comme médecin à l’hôpital mille de ces victimes ont de Lemera. En 1996, l’entiè- bénéficié de ses soins. Mardi 10/05 reté du personnel médical 10h15 : André Schmitz, agronome et tous les malades furent Le Président de la Fonda- 11h30 : Xavier Grandjean, massacrés. Il fut un des seuls tion Roi Baudouin a dit de Administrateur de Territoire rescapés. lui qu’il était un des plus 14h30 : Histoire de la Fomulac par Il fonde ensuite l’hôpital de Panzi, en 1998, grands humanitaires du continent et que son Mme Closset-Laduron, les Dr Michaux, où il offre des soins gratuits complets aux travail était une source d’espoir et d’inspira- Pieters, Goethals et Legrand victimes de toute la région. Le traitement tion pour les populations africaines. Mardi 13/12 comporte une prise en charge psychologi- 10h00 : Oscar Libotte que, médicale et sociale afin de les aider à Notre Roi, lors de son discours du 21 juillet, Haut fonctionnaire à l’OTRACO surmonter les traumatismes auxquels ces a redit l’émotion qu’il avait ressentie en lui 11h00 : Comtesse Apraxine nombreuses victimes doivent faire face après remettant ce prix. “De la Crimée au Katanga” leur agression. 14h00 : “Leo ya sika” par le cinéclub Pour éviter les longs trajets à ces malades Déjà récompensé en France par une men- amateur de Léopoldville trop faibles pour se déplacer, il crée des tion spéciale des droits de l’homme, il reçoit “OTRACO” régie de M Grombeer équipes mobiles comprenant entre autre un prix des Nations Unies ainsi que le prix des médecins, des chirurgiens, des psycho- Olof Palme. Accueil dès 9H30. logues, des infirmières.Très impliqué dans En 2009, les insignes de la Légion d’Honneur Interruption de 12 à 14h00 : moambe à la cafétéria du Musée. la formation de son personnel dans la lutte lui sont octroyés et il est cité les deux années Prix: 20 euros. (Moambe: 17 euros + pour le respect des victimes, il sait gagner la suivantes pour le Nobel de la Paix. participation à la location de la salle : confiance de ces dernières par sa délicatesse 3 euros) et son exceptionnelle compétence. ■ Nicole Evrard Votre paiement sur notre compte : 363-0026918-89 (ou IBAN : BE45 3630 Lorsque j’étais enfant, Etait justement celle d’un monde 0269 1889 – BIC : BBRUBEBB) fait office Mon père avait un gros livre du siècle dernier extrêmement vaste, de réservation. Il doit nous parvenir au qui s’intitulait Majestueux, où la nature règne sur l’homme plus tard cinq jours ouvrables avant le A la recherche des sources du Nil. Et où l’homme fait lui aussi partie de la nature. jour de la projection. C’était un livre avec des gravures sur cuivre. Je dirai en substance ceci : Attention : au-delà des 60 premiers ins- Ils ne s’agissaient pas de fables Le paysage en Afrique évoque des idées crits, la moambe ne sera pas garantie. mais de texte scientifiques accompagnés d’infini; Pour les personnes ne prenant pas la d’illustrations En Europe, il reconduit au fini. moambe: participation à la location de Reproduisant des paysages africains. Il en résulte des effets psychologiquement la salle à payer sur place: 4 euros. Ces gravures représentaient toujours l’Afrique Remarquables, dans la mesure où l’Afrique Le café à l’accueil est actuellement dis- Horizontalement. Car l’Afrique est un inspire tribué par le propriétaire de la salle et continent Un mystérieux sentiment de révérence, doit être payé sur place. Aux lignes horizontales, les montagnes Sentiment dont la nature s’apparente peut- Y sont toujours tabulaires. Les plaines être Si des personnes non-membres sont invi- s’étalent Au religieux. On se sent petit tées, il nous serait agréable d’en connaître D’un point à l’autre de l’horizon et les ciels Face à quelque chose d’indiciblement les coordonnées. Nous vous en remer- Y sont immenses. Sous ces ciels grandiose. cions d’avance. S’étendent de vastes étendues d’eau et de terres, Alberto Moravia [email protected] Semées de minuscules silhouettes humaines. dans “Quelques Afriques” www.memoiresucongo.org L’idée que je m’étais faite de l’Afrique 02 649 98 48

3 Témoignage Trois siècles chez les bashi Lorsqu’au début des années cinquante j’arrivai à Bukavu, je fus étonné ou même du bétail, il me fut ainsi d”entendre certains Européens, ainsi que des Congolais étrangers possible de reconstituer, avec une précision malgré tout relative, à cette ville, parler de la population locale avec beaucoup de mépris. les grands faits d’une histoire Pour eux, il s’agissait surtout de paysans peu évolués, vivant sur leurs qui remontait à un minimum de collines et uniquement préoccupés par leurs cultures et leurs vaches. trois siècles. Restait à recouper mes sources et Ces habitants du Kivu, disaient-ils, portaient le nom de banyabongo vérifier mon travail. Ce que je fis, grâce à la complicité du Mwami orsqu’au début des an- fectivement mal connue alors dont les plus dominantes étaient Pierre Ndatabaye de Ngweshe, de nées cinquante j’arrivai qu’elle avait cependant déjà fait les Bashi de Kabare et ceux de sa grand’mère, la Mwamikazi Eli- à Bukavu, je fus étonné l’objet d’une monographie du Ngweshe. Au cours des siècles, sabeth Mwakamarungu, épouse d”entendre certains Euro- R.P.Colle, revue et complétée par les familles descendantes d’une du Mwami Ruhongeka († 1913), Lpéens, ainsi que des Congolais Mgr Cleire. même souche originale s’étaient et du régent Lwanwa Abraham. étrangers à cette ville, parler de la J’entrevoyais là un monde qui me scindées à la suite d’une querelle En leur compagnie ainsi qu’avec population locale avec beaucoup paraissait d’une richesse culturelle de succession. d’autres notables indigènes, de mépris. intéressante et je demandai au Ces deux branches s’étaient donc j’écoutai des mélopées des der- Et ils faisaient le rapprochement frère Albert de m’aider à mieux trouvées en concurrence et leurs niers gardiens des légendes en- avec le terme kiswahili bongo qui faire connaître les Bashi en me rivalités avaient souvent dégénéré core en vie, en me faisant traduire signifie mensonge ou menteur. traduisant en français les précieux en luttes armées. J’essayai donc et préciser certains points qui documents dont il disposait. Ce d’objectiver les récits de chacune demandaient des confirmations Voilà qui expliquait le peu de qu’il fit avec joie bien que sa lan- d’elles à propos de palabres ou ou des compléments d’informa- considération qu’on pouvait avoir gue maternelle fut le flamand. de combats dont l’objet était la tion. pour des gens qui se qualifiaient Dans une documentation assez possession de pâturages ou le D’autre part, les Bashi ayant été eux-mêmes de menteurs! disparate en raison des diverses vol de bestiaux. J’essayai d’appro- souvent en relations – et sur- Cette explication me parut un peu sources auxquelles le frère Albert cher la vérité en faisant la part de tout en conflit ouvert – avec le sommaire pour ne pas dire humi- avait eu recours, j’essayai de met- l’imagination et du chauvinisme Rwanda voisin, j’envoyai mes liante à l’égard des populations tre de l’ordre puis de procéder à bien naturel des opposants et en textes à l’anthropologue belge locales. J’en parlai au R.P. Defour, une critique historique en com- analysant les faits réels. Maquet qui travaillait à Astrida et de la mission des Pères Blancs à parant les textes entre eux. A travers les chansons de geste de pouvait éventuellement comparer Bukavu, qui me mit en relation Je fus aidé en cela par l’existence chaque famille importante, à tra- les échos de certains événements avec un frère de sa congréga- de plusieurs branches internes vers les généalogies des hommes à ses propres recherches histori- tion qui, me dit-il, entretenait des ques sur place. contacts étroits avec les habitants Il me confirma que la version que du lieu. j’avais établie semblait correcte En fait, le frère Albert était l’arti- et pouvait être mise en relation san-à-tout-faire de la mission et avec certains faits de l’histoire travaillait avec des menuisiers rwandaise. et maçons locaux. Il connaissait Je pouvais dès lors considérer effectivement très bien leur lan- mon travail comme assez satis- gue : le mashi parlé par ceux faisant pour l’envoyer au Musée qu’il appelait les Bashi. Il m’apprit Royal de l’Afrique centrale à Ter- que ceux-ci constituaient une vuren qui le fit paraître en 1960 importante ethnie qui s’étendait dans sa collection des Archives depuis le lac Kivu jusqu’aux limi- d’ethnographie sous le titre “Trois tes orientales du Maniema. siècles chez les Bashi”. Il m’apprit également que la Plus tard, le même texte fut réé- connaissance qu’il avait des Bashi dité par La Presse Congolaise à allait au delà même de la langue Bukavu, complété cette fois par puisque, patiemment, il avait enre- des éléments de codification des gistré (sur un vieux enregistreur à coutumes foncières du Bushi par fil) les chants et récits (nkwakwa) A. Ouchinsky et par des planches de conteurs locaux, de gardiens d’armes, outils et instruments de des légendes ainsi que de divers musique shi, parues dans la revue bami (notables locaux) de cette Kongo-Overzee en 1958. ethnie importante qui comptait environ 600.000 âmes. ■ Paul Masson Journaliste Ces récits historiques étaient la Prochain article: quelques précisions sur mémoire orale de ce peuple. Ils l’arrivée des Bashi au Kivu et sur leur étaient psalmodiés au son du histoire qui remonte à trente générations dont douze peuvent être considérées lulanga ou cithare locale. Il me comme mythiques. dit aussi que l’ethnie shi était ef-

Guerriers bashi en armes 4 Appel Il était une fois au Ruanda C’était il y a bien longtemps. En 1954. Un jeune abbé liégeois, Joseph Fraipont, envoyé en mission au Ruanda, s’aperçut, en parcourant les mille collines du pays, que les jeunes handicapés menaient une vie misérable. Car, pour leurs familles, ils représentaient une malédiction. Il fallait les cacher au regard de tous ...

eurs grands yeux tristes L’abbé Fraipont repose au cœur le frappèrent en plein de Gatagara et les enfants fleu- cœur et il décida de s’en rissent sa tombe. occuper. C’est ainsi que Lnaquit le Home de la Vierge des Serez-vous de ceux qui les en- Pauvres à Gatagara. couragent à devenir des adultes actifs et heureux ? Désormais, ce sont plus de mille jeunes, polios, aveugles, sourds, Le compte des AMIS de paralytiques, qui sont accueillis, GATAGARA est le : soignés, enseignés et formés à un 000-0358844-41. métier, qui peuplent cette colline de l’espoir et d’autres collines ■ Marie-Madeleine Arnold encore. Je les vus : ils rient, ils dansent, ils chantent. Leur « Pa- dri » leur a offert la joie de vivre, donné un avenir.

5 Héritages Les Huileries du Congo Belge En 1911, naissance d’une industrie célèbre Les Huileries du Congo Belge

“Créer, c’est aussi donner une forme au destin ” Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe

Port HCB Léopoldville. Les capacités de stockage de l’huile. es prospections du pro- études qui lui sont demandées : La mise en valeur des palmeraies tes sur régime. En conséquence, fesseur Laurent et de celle rationnelle de l’exploitation subspontanées s’avère difficile et les HCB vendent des installations l’ingénieur agronome des palmeraies subspontanées coûteuse à cause de la pauvreté aux autres sociétés de plantations de Briey dans les palme- et de la plantation de palmiers du matériel végétal, de la densité qui obtiennent de cette façon la Lraies subspontanées de l’intérieur sélectionnés ; celle des métho- des palmiers d’âges différents et faculté d’utiliser ses infrastructu- du Congo ont été déterminantes des d’extraction de l’huile et du des charges élevées d’entretien. res de transport et de stockage, dans le choix des responsables traitement des palmistes ; celle Le passage par des plantations ce qui contribue à la mise en de la colonie à fin de rentabiliser des méthodes appropriées de de graines d’élite s’impose rapi- place d’une véritable économie celles-ci. Encore fallait-il trouver transport et de stockage et celle dement et les pratiques agrono- basée sur l’élaéiculture. des industriels désireux de ten- relative aux marchés et aux dé- miques s’inspireront de celles Sont exploités par les HCB à ter l’aventure et suffisamment bouchés industriels. réalisées à Sumatra par l’ingé- l’époque : 20 petites huileries puissants pour travailler quel- nieur agronome belge Hallet. mécaniques, une flottille de 35 ques années sans rémunération. Dès 1911, l’agent général anglais Il faudra une dizaine d’années bateaux et de 78 allèges d’un ton- en Afrique, Sydney Edkins ac- avant qu’on puisse constater un nage de 7.300 tonnes, 60 wagons Le ministre Renkin trouvera cet compagne un premier convoi de premier exercice au bilan positif, citernes de 20 à 30 tonnes de industriel en Angleterre et le sup- matériel et ouvre officiellement avec une production de 6.000 capacité, des installations de stoc- port d’Emile Vandervelde lui sera les postes de Leverville, d’Elisa- tonnes d’huile et de 2.000 tonnes kage à Léopoldville et à Matadi. acquis quand ce dernier consta- betha, de Flandria, de Brabanta d’amandes palmistes, produc- tera que le fabricant de savon et d’Alberta où sera créée en tion qui passera à 18.000 tonnes Elles possèdent également à Léo- anglais faisait preuve, dans son 1916, sous la direction du R.P. d’huile et 10.000 tonnes d’aman- poldville leur propre chantier na- pays, d’un immense sens social Dereume, une première école des palmistes vers 1930. Pendant val avec un dock flottant et des en développant des oeuvres au pour former le personnel. Dès toute cette période, les techni- ateliers modernes. Les achats de profit de son personnel et en 1912, l’industriel peut offrir au ques d’extraction et d’usinage matériel en Belgique entre 1911 faisant aussi participer celui-ci roi Albert I un coffret en ivoi- vont s’améliorer constamment et 1928 par les HCB ont atteint la aux bénéfices de l’entreprise. re contenant le premier savon pour passer de 13 à 20% d’extrac- somme de 48.801.095 Fr. réalisé avec l’huile produite au tion d’huile sur régime et de 5 à Mais les dépenses d’ordre social Une convention en 24 articles, Congo. 10% d’extraction de noix palmis- que la compagnie va consentir très exigeante d’un côté et très avantageuse de l’autre, sera pas- sée entre l’industriel et le Minis- tère des colonies. L’acte constitutif de la société paraît au Moniteur belge en juin 1911. La durée pré- vue et prolongeable est de 30 ans et l’industriel apporte, prati- quement seul, un capital de 30 millions de francs.

Une large concession sera obte- nue à Léopoldville où un port sera créé. On peut presque af- firmer que le développement urbain de Léopoldville com- mence avec celui de la conces- sion HCB. La tâche de la compagnie est cel- le d’un pionnier dans les quatre Une des premières usines des HCB à Lusanga 6 une maternité avec clinique et LEVER était désireux et surtout découverte faite par l’INEAC école de sages femmes, des la- capable d’insuffler beaucoup que le Tenera est le résultat du boratoires d’analyses médica- plus de fonds au Congo que cela croisement Dura x Pisifera, va les, des puits d’eau potable, des n’était justifié par les meilleurs reposer le problème technique logements en briques pour les bilans prévus. de l’extraction de l’huile et des travailleurs et leur famille et, avec En ce sens, les HCB ont été pro- noix palmistes dont le matériel l’aide des missions qu’elle sub- videntiels pour la réussite des d’usinage avait été prévu pour ventionne, cinq écoles primaires “demandes” faites à la colonie les Dura plus rustiques. et professionnelles (techniques) dans l’effort de guerre qui va être scolarisant plus de 1.500 enfants. exigé bientôt. Entre 1952 et 1955, les HCB, la En 1930, le capital utilisé à cette Dès 1933, les HCB seront les plus SACCB et Congopalm créeront fin atteindra 3.045.000 livres ster- importants clients de l’INEAC en une usine pilote à Mongana, afin ling de l’époque. ce qui concerne l’achat de graines d’étudier, dans le détail, techni- d’élite et une nouvelle plantation quement, scientifiquement et En 1932, 1933 et 1934, la dégrin- va être programmée avec celles- économiquement toutes les golade des prix de l’huile de pal- ci, à Yaligimba, dans le cercle de opérations de l’usinage. Il en ré- me et des palmistes atteint des Bumba. Entre 1939 et 1945, avec sultera un énorme rapport tech- William H. Lever, First Viscount Leverhulme pourcentages sans précédent. Ils l’effort de guerre, les plantations nique de plusieurs centaines de repartent cependant à la hausse d’Elaéis s’étendent considérable- pages qui va changer complète- et réaliser en brousse où rien jusqu’en 1937 avant de baisser à ment, 44 entreprises s’intéressent ment la conception des huileries n’existait, vont immobiliser un nouveau. à l’exploitation industrielle du d’extraction pour arriver au type capital énorme pour l’époque : Toute autre compagnie que les palmier à huile et le Congo de- d’usine industrielle actuelle. des hôpitaux, un lazaret pour HCB aurait dû fermer ses portes vient le deuxième producteur En 1945, une nouvelle maladie trypanosomés, 17 dispensaires, mais il est clair que le groupe mondial d’huile de palme. La mortelle du palmier est observée

Le Duc de Brabant, bateau mixte, passagers, marchandises, de la flotte HCB

L’usine de Leverville 7 dans la plantation de Brabanta Dans l’entre deux guerres, la une de techniciens A2 et une prend le nom de PLC (Planta- et déterminée comme étant une durée des concessions des HCB autre d’assistants agricoles A2, tions Lever Congo) et le nouvel fusariose (wilt) par le professeur avait été étendue à 90 ans, c’est- pour former les cadres congolais État bénéficie des parts de capi- Wardlaw de l’université de Man- à-dire jusqu’en 2001. Après la de ses plantations. tal qui avaient été dévolues à la chester. Les HCB créent aussitôt seconde guerre mondiale, la La compagnie possède égale- Colonie. dans cette plantation un dépar- compagnie crée encore deux ment deux grands élevages bo- Le groupe était égale- tement de recherche pour l’élaéi- plantations mixtes de cacaoyers vins, un au Kwilu pour le secteur ment présent au Congo dans culture, lequel sera transféré à et d’hévéas à Gwaka près de sud et l’autre en Ubangi pour le la MARSAVCO, la SEDEC et la Yaligimba en 1950. la Mongala et à Mokaria sur la secteur nord. Le but de ces éle- SEDEC Motors. Il participait éga- délimitation entre les provinces vages est de pourvoir en viande lement au capital d’autres com- Ce département de recherche Orientale et de l’Equateur. les plantations de ces deux sec- pagnies. qui emploie une dizaine de cher- teurs. cheurs, étudiera particulièrement Une plantation de théiers est En 1958, le siège social des HCB ■ André-Bernard Ergo l’agronomie, la phytopathologie, créée peu avant l’indépendance est transféré de Bruxelles à Léo- Texte et photos tirés de : l’écologie et l’amélioration généti- à Mweso au Kivu. Elle crée égale- poldville et en 1960, au moment Histoire de l’Elaéiculture au Congo Belge (inédit) que du palmier à huile. Un labo- ment une école de comptabilité, de l’indépendance, la compagnie ratoire très bien équipé permettra de réaliser sur place les analyses foliaires de la compagnie et les analyses de sols ainsi que toutes les analyses nécessaires à la dé- termination des lignées d’élite et des lignées résistantes au wilt.

Les travaux de recherche dé- boucheront sur deux thèses de doctorat. Après la création de l’Université de Lovanium, cer- tains travaux scientifiques y se- ront réalisés au moyen de radioï- sotopes. Les besoins en engrais des plantations d’âges différents y sont également déterminés. Les chercheurs des HCB ont des réunions régulières avec ceux de la division du palmier à huile de l’INEAC et des contacts perma- nents avec les autres stations de recherche du groupe au Nigeria et en Asie. L’usine pilote HCB-SACCB-Congopalm à Mongana

Port HCB Léopoldville. Les capacités de stockage de l’huile 8 TYPES DE FRUIT TU NE SAIS RIEN

1. Nigrescens Rubro-nigrescens Rutilo-nigrescens La mangue, l’as-tu goûtée, vert mûr mûr La mangue à la chaire dure Où les dents de devant Se plantent avec volupté ?

La banane, petite et tendre, Dont l’ivoire cède sous la lèvre La banane, l’as-tu goûtée, Qui cède sous la lèvre ?

L’orange, l’as-tu bue, l’orange, Sans lui ôter sa peau d’or, La fraîcheur liquide de l’orange 2. Virescens 3. Albescens Qui mouille jusqu’au gosier ? vert mûr vert mûr Déjà tu sais quelque chose, Si tu as goûté tout cela Mais tu ne sais presque rien Si tu ne sais pas encore,

Si tu ne sais pas l’ivresse Que donne le vin de palme Dont la source aérienne Coule au sommet du palmier !

Olivier de Bouveignes “Chansons d’Ebène en Langue Les fruits de palmier d’Ivoire” André-Bernard Ergo, dans la fruits : la nigrescens, la plus vivipare, ou un autre palmier photo de couverture probable- courante aux fruits bruns à dont les folioles restent soudées ment prise à la station de recher- maturité ; la virescens (photo comme des feuilles de bana- che de Yaligimba, nous montre de couverture) plus rare ; et l’al- niers, l’Elaeis idolatrica, rare et des régimes à fruits virescens. bescens, quasi introuvable. palmier sacré dans certaines Le régime vert au centre n’est tribus pas encore mûr, alors que ceux L’auteur raconte qu’il existe des Pour ce grand spécialiste, l’Elaeis de deux côtés sont entrain de variétés beaucoup plus rares en- est une plante étonnante de la- mûrir. core, par exemple les palmiers à quelle on pourrait parler … des La planche du livre de Hartley plusieurs têtes comme un chan- heures ! Et n’oublions pas, pour (The Oil Palm 1967) nous fait delier, ou encore des palmiers terminer, le plat succulent fait de découvrir trois variétés de pal- qui donnent des petits palmiers ces fruits, symbole de la cuisine miers quant à la couleur des à la place des régimes, l’Elaeis africaine, la moambe.

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les accidents géographiques, les possibilités de pâturages et les Le grand trek de 1911 abreuvoirs, la présence de glos- sine, etc. Des reconnaissances préliminai- Bernardo Rainieri res, souvent à grandes distances, devaient orienter la marche. Né à Vall’Alto (Bergamo) en 1881, et émigré très jeune en Afrique Pour surmonter les difficultés australe en 1903, Bernardo Rainieri travailla successivement au inhérentes au terrain, Rainieri Transvaal, en Rhodésie puis au Congo jusqu’à sa mort à Lubudi en dut faire preuve de pas mal 1937. Il exerça les activités les plus variées dans les domaines de la de sagacité, d’une patience et d’une ténacité à toute épreuve. construction avant de se lancer dans l’agriculture et l’élevage où il fut Mais l’énorme étendue d’un un des premiers à réussir l’acclimatation du gros bétail au Katanga pays hostile et pratiquement in- connu n’était pas le seul obstacle e 1903 à 1909, il fut Il n’y avait guère à l’époque de De nombreuses rivières devaient à vaincre. En plus de la tsé-tsé, les surtout occupé dans routes en Rhodésie du Nord, pas être traversées, dont certaines très fauves menaçaient sans cesse le la construction ferro- plus qu’au Katanga. Les rares importantes comme le Lualaba. cheptel et l’attaquèrent souvent. viaire où, notamment, pistes qui existaient alors ne Tout le long de la route, il était in- Il fallait, chaque nuit, protéger ilD participa à celle du célèbre pouvaient être, pour Rainieri, que dispensable de trouver des vivres les troupeaux par des kraals pont sur le Zambèze aux Victo- d’un faible secours. L’itinéraire pour les pasteurs indigènes qui ou des lignes de feux. Mais ces ria Falls. à suivre devait, avant tout, tenir escortaient le convoi. moyens de fortune ne s’avéraient Au cours des travaux, un outil compte des besoins des troupeaux pas toujours efficaces. Il y eut des précieux était tombé dans la gor- en marche. Rainieri partit de Livingstone en pertes sensibles et des paniques ge au pied des chutes à quelque Il fallait à chaque étape assurer 1911 avec un millier de tètes de qui éparpillaient le bétail au loin 110 mètres en contrebas, par bon- au bétail de bons pâturages et de bétail. dans la brousse … heur sur une berge du fleuve. Les l’eau pure indispensable Le péril le plus grave fut constitué falaises abruptes qui bordaient à sa subsistance. par l’hostilité farouche des indi- le site en rendaient l’accès aussi gènes. Les Basuta et les Katete difficile que dangereux. Seul Rai- se montraient particulièrement nieri osa s’y risquer. Il devait en agressifs. Vint même un jour où ramener, outre l’outil perdu, la le convoi se vit arrêté et encerclé réputation d’un homme hors du par des guerriers en armes. commun et … une récompense Rainieri n’avait à leur opposer d’une guinée. que son cran et sa diplomatie, également remarquables. Arrivé au Katanga en 1909, il Il connaissait heureusement tous entre au service de la Pastorale, les dialectes indigènes. société chargée de l’installation Il palabra avec éloquence. Mais de ranches d’élevages bovins sur ce ne fut toutefois qu’après les hauts plateaux des Biano. Ne plusieurs jours de débats mou- disposant que d’un cheptel très vementés qu’il parvint à se insuffisant, cet organisme décide, concilier les bonnes grâces des sans attendre l’arrivée du rail, de naturels qui le laissèrent enfin faire venir un troupeau important reprendre sa marche. de Rhodésie. Lentement, le trek poursuivait sa Dans son livre : “L’Elevage au route par monts et vallées, au Katanga”, Roger d’Hendecourt travers des savanes et des décrit en ces termes l’exploit qu’à plaines… Il s’arrêtait parfois cette occasion devait réaliser ce- plusieurs jours dans un site lui qui deviendrait l’homme du choisi pour laisser souffler grand trek de 1911 : quelque peu les gens et les bêtes. Les mois succédaient “Rainieri, que l’on chargea d’en- aux mois. Enfin, Rainieri vit treprendre cette longue et difficile apparaître la frontière mission, était un jeune Italien. congolaise. Il l’aborda à Brave homme au cœur d’or, vif Sakabinda où une quaran- comme la poudre et très actif, il taine rudimentaire avait été était tenace autant qu’audacieux. établie à son intention. C’était, entre mille, l’homme qu’il Photo prise vers 1916 Bernardo Rainieri et son épouse et le jeune lion Ensuite, par les hauts plateaux fallait pour mener à bien pareille à Katentania sur les plateaux des Biano de la rive gauche du Lualaba, entreprise, hérissée de difficultés il se dirigea vers Musonoie où redoutables et présentant de réels Il importait au surplus d’éviter Il se dirigeait la plupart du temps il parvint onze mois après son dangers. les régions, parfois étendues, où à la boussole, suivant un par- départ de Livingstone. sévissait la tsé-tsé. cours sinueux conditionné par Le fleuve fut alors traversé à la

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nage à Lualaba-Kraal et le trek Dès que la CIMENKAT est en suivit la crête de partage des eaux mesure de se passer de ses ser- entre le Lualaba et son affluent, vices, il revient à l’agriculture et la Muvumaie, dont il contourna à l’élevage : une ferme à Lubudi les sources. et un ranch sur les hauts pla- teaux pour lequel il obtient une Rainieri parvint enfin à Katenta- concession de 3.640 hectares à nia où les 860 bêtes que compor- la Mulonga. taient encore son troupeau furent réunies au cheptel déjà rassem- L’élevage de la Mulonga prospéra blé à ce poste. Cette mémorable ainsi que ses activités annexes. expédition avait duré près d’un En fin 1930, il possédait déjà un an. Peu d’hommes auraient été troupeau de 300 bêtes bien ac- capables de la mener à bien !” climatées. Survint alors la grande crise et ses Après avoir travaillé au Katanga effets dévastateurs sur tous les à la construction de routes, il re- secteurs d’activité économique. vient à Katentania où, des années Pour maintenir et développer son durant, il poursuit ses activités. ranch de la Mulonga, il lui fallut Régulièrement, il est envoyé en une aide. Rhodésie pour y acheter du bé- tail sélectionné qu’il ramène et La Compagnie des Elevages de acclimate au Katanga. Lubudi fut constituée le 1er juin 1932. Le Comité Spécial sous- C’est à Katentania qu’en 1914, il crivait à son capital avec divers décida d’élever quatre lionceaux groupes : la S.E.C., la Cimenkat, que ses ouvriers avaient trouvés la Trabeka, la Sermikat. près de la source de la Ditando. Le cheptel de la société était de Le lion et la lionne qui étaient re- 1.377 têtes en décembre 1932 et Itinéraire du Grand Trek de venus à leur gîte le soir et avaient en atteignait 1.400 en 1935. Bernardo Rainieri en 1911 suivi la piste des hommes, firent A sa mort en 1937, il possédait un siège en règle de la maison ou 1.500 bêtes, toutes d’excellente En janvier 1910, la décision de la Musofi d’où il gagne la mine d’or Rainieri s’était barricadé. La nuit qualité. Pastorale d’importer de Rhodésie de Ruwe par la crête de partage des se passa à échanger coups de feu un important troupeau d’élevage eaux Congo/Zambèze et les plateaux ans attendre l’arrivée du rail à Elisa- de la Manika. et rugissement mais, à l’aube, les Dans mon enfance à Lubudi, j’ai bethville, s’explique par la nécessité Poursuivant alors en direction de fauves s’éloignèrent et ne revin- eu le privilège de connaître cet de pourvoir à l’alimentation d’une Kambove, Wangermée est édifiant rent plus. extraordinaire pionnier. population en brutale expansion. quant à la situation sanitaire de Dans son livre, Les Animaux de C’est dans la ferme entièrement L’urgence et, peut-être aussi, le coût l’époque : Chasse au Congo Belge, Edmond bâtie de ses mains que j’ai pu voir du transport ferroviaire sont loin “Le passage du Lualaba me remit en Leplae raconte que les petits fu- ses fours à chaux et admirer sa d’être seuls en cause dans le choix présence d’un ennemi oublié depuis rent élevés au biberon, puis aux forge à l’atelier où il fabriquait et d’un acheminement par voie terrestre longtemps, la mouche ‘tsé-tsé’ incon- pâtées de farine avec un peu de entretenait son matériel. plutôt que par chemin de fer. nue sur la rive gauche du Lualaba viande. On leur donnait de temps Extrêmement difficile à organise (le depuis Musofi et qui apparaît aussi en temps à ronger un os ou une Bien plus tard à Kolwezi, recher- CFK n’était encore qu’un projet), le tôt qu’on débarque sur la rive droite. transport ferroviaire n’aurait, au mieux, Quelle est la cause de cette réparti- pièce de peau ou de viande non chant les traces de son passage, amené le troupeau qu’à Elisabethville tion ? Personne ne pourrait le dire et saignante. j’ai parcouru la vieille piste de … à près de 300 km des Biano. c’est for regrettable car si on pouvait Sakabinda qui, par les plateaux la connaître, peut-être en saurait-on Deux lionceaux, un mâle nommé de la Manika et Musonoie, me- Or, et on l’oublie généralement, cet tirer parti pour se débarrasser de la César et une femelle survécurent nait au gué de Lualaba-Kraal alors espace était, à l’époque, encore infesté terrible engeance qui infecte tout le et atteignirent toute leur taille, en disparu sous les eaux du lac de des terribles « tsé-tsé » morsitans vec- pays depuis la rive droite du Lualaba restant cependant fort obéissants, Nzilo. Avec un ami, dans un pe- trice de trypanosomiase animale. jusqu’au Luapula et bien au-delà.” patients et doux. Ces deux beaux tit avion, nous avons survolé les On savait par contre que, dans les spécimens étaient destinés au pentes abruptes qui montaient régions situées à l’ouest de la Kafue et S’explique dès lors l’itinéraire occiden- Zoo d’Anvers mais la guerre et aux Biano. du Haut Lualaba, existaient des zones tal suivi par Rainieri et son entrée au exemptes de ce fléau. En témoigne, Katanga par Sakabinda et les hauts la crainte d’un accident les firent dans les royaumes lunda du Katanga plateaux de la Manika. vendre, fin 1916, au jardin zoolo- Sur les rives droites de la Mu- et chez les Lozi du Haut Zambèze, gique de Pretoria. vumaie, se distinguaient encore l’existence, au XIXe siècle, de nom- Au début des années soixante, les Lorsqu’en 1924, il quitte les des sillons érosifs, traces laissées breux petits élevages bovins. plaines de la rive droite du Lualaba services officiels avec le titre par le passage de son troupeau hébergeaient encore de nombreuses d’agronome de première classe, quelque cinquante années aupa- Dans son livre Grands Lacs Africains antilopes et il était toujours possible Rainieri s’établit à Lubudi où il ravant… et Katanga, le Gouverneur Wanger- d’y observer des tsé-tsé. dirige une entreprise destinée à mée y décrit son arrivée en 1906. Le fournir du calcaire aux Cimen- voyage, par piste caravanière à partir Avec la destruction du gibier après teries de Lubudi qui y débutent ■ André Vleurinck du terminus ferroviaire de Bro ken 1962, les antilopes disparurent … et, Hill, l’amène au poste frontière de avec elles, les dernières glossines. leurs activités.

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Sans titre-1 1 2/05/11 15:10:20 Récit Un accouchement à l’ère néolithique (suite) Retour à Nzambi

la longue, la vie dans Une fois de plus, cette expédi- comment allait l’accouchée, je Le village éclatait dans son envi- notre exploitation tion s’avérait semée d’embuches. vis que les contractions avaient ronnement néolithique, tous les forestière sur le Yuki Les deux hommes avaient fort à repris. A l’examen, je sentis une tamtams entraient en action, un devenait un peu mo- faire pour écarter les branches autre petite tête. Ne connais- grand feu était allumé au milieu Anotone (voir : “Un accouchement basses, mais le plus pénible était sant pas le terme “jumeaux” en du village, les mains tambou- à l’ère néolithique” dans notre de devoir franchir les immen- langue indigène, je rappelai la rinaient sur les peaux de bête bulletin n° 17). Depuis le som- ses troncs d’arbres tombés, une femme âgée qui avait assisté à tendues, produisant un vacarme met de notre colline nous avions vraie besogne d’alpiniste. Et le l’accouchement et lui fis com- assourdissant. Le rythme excitait une belle vue sur la rivière et vélo, il fallait le passer d’une prendre à quoi on pouvait s’at- les corps nus qui formaient un les îles, mais fatalement, aussi main à l’autre. Schmitz avait rai- tendre. Elle se mit à battre des cercle autour du feu. Des ca- enchanteresse fût-elle, cette vue son, ce vélo ne me permettait deux mains ses seins aplatis en lebasses de vin de palme pas- était toujours la même. pas d’avancer plus vite. Dans criant “mapassa, mapassa, ma- saient d’une main à l’autre et cette obscurité, le marais n’avait passa!” et l’éclairage, fait de tiges j’étais obligé d’en boire ma part. Un soir, nous avions été invités vraiment pas l’air accueillant. enflammées, fut rapidement re- Excités comme ils étaient, ils chez le chef-forestier, M. Schmitz. Nous pateaugeâmes jusqu’aux mis en place. auraient bien déversé ce vin par Vers la fin de notre visite, l’on hanches dans les eaux glauques, dessus ma tête. Le glissement vint frapper à la porte. Nous en- parsemées d’herbes flottantes. Sans doute le premier enfant des pieds soulevait la poussière tendîmes qu’une conversation Je tenais ma trousse médicale, avait-il facilité le passage, car le rouge qui collait aux peaux moi- en lingala s’engageait entre no- tandis que les Noirs portaient le second atterrit sans difficultés. tes de transpiration. tre hôte et deux hommes : vélo au-dessus de la tête. Mais alors ! Ce n’est pas à l’Ins- – C’est toi qu’on cherche, me titut de Médecine tropicale que Ensuite, le géniteur des jumeaux cria M. Schmitz. Après avoir monté la berge de j’avais été préparé à la compli- fut montré en spectacle : il de- – Ce n’est pas vrai, j’espère, réagit l’autre coté, il fallait vite gratter cation qui allait suivre. En effet, vait exhiber ses parties génitales ma femme, qui avait déjà deviné les sangsues noires qui s’étaient on avait beau asperger le bébé en dansant à l’intérieur et en de- que c’étaient une fois encore des accrochées à nos jambes. Il de- tant et plus, il ne respirait tou- hors du cercle. émissaires du minuscule village vait être près de minuit quand jours pas. Je restai un moment Yuki Basendji qui venaient de- nous arrivâmes au village. indécis. La femme âgée se mit J’avais espéré pouvoir m’éclipser mander mon aide pour un ac- Devant chaque hutte des feux à gémir et je m’inquiétai de la après avoir bu le vin de palme couchement problématique. avaient été allumés et, tels des réaction éventuelle de la foule mais cela n’était pas du goût des fantômes nus, les villageois cir- en cas d’issue fatale. Mais du citoyens de Yuki Basendji. J’étais Ce n’était pas la première fois, en culaient d’un coin à l’autre. même coup, une idée folle me poussé dans le cercle des dan- effet, et cela arrivait chaque fois vint à l’esprit : la pompe à vélo, la seurs et j’étais bien obligé de me à la nuit tombée. Et oui, c’était Je savais déjà ce qui m’attendait : pompe à vélo ! Je me précipitai soumettre au rythme excitant. La bien cela, une fois de plus. la parturiente serait assise en- vers le vélo, saisis la pompe et la jeune fille devant moi s’était en- – Ne ferais-tu pas mieux d’atten- tre les jambes de sa mère ou de démontai en vitesse. Je dévissai duite d’huile de palme, de sorte dre demain matin ? demanda sa tante, devant un trou creusé la membrane et la remontai à que mes mains n’avaient pas ma femme. dans le sol, garni de quelques l’envers, ce qui me fit disposer prise sur ses hanches lisses. Je décidai malgré tout de ne feuilles fraîchement cueillies. d’une pompe aspirante au lieu pas perdre de temps et de Amené devant la femme gémis- d’une pompe à compression. Bientôt mes vêtements me col- suivre ces hommes jusqu’au sante, je mis mon espoir dans le J’introduisis le tuyau dans la pe- laient à la peau. Mais j’étais de dit village, distant de 12 ki- forceps pour mener l’opération tite gorge et parvins ainsi à aspi- plus en plus pressé de dispa- lomètres. Mais je ne m’atten- à bonne fin, mais il y avait une rer les glaires qui obstruaient les raître car les femmes devinrent dais pas à vivre encore une suite bien imprévue. voies respiratoires du nouveau- insistantes et provocantes. fois un moment exceptionnel. né. Dès le troisième mouvement Les couples disparaissant pro- – Le chemin d’exploitation qui Une fois de plus, le problème de la pompe, un cri salvateur se gressivement dans les huttes, je mène au marais est parsemé provenait de l’étroitesse du bas- fit entendre. Aucune polyphonie parvins enfin à entamer mon d’arbres renversés. Ce n’est pas sin, ce qui aurait normalement céleste n’aurait pu m’être plus voyage de retour. Il était bien avec ton vélo que tu pourras justifié une césarienne. Dès le agréable à l’oreille. trois heures de la nuit. progresser plus vite, m’avertit moment où le bébé fit son ap- M. Schmitz. parition, les femmes du village Mais le spectacle qui s’ensuivit, Incapable de traverser les troncs repoussèrent les hommes et se aucune plume civilisée n’aurait d’arbres renversés avec le vélo, Je me munis rapidement de ma mirent à l’asperger d’eau fraîche, été capable de le décrire. C’est j’étais obligé de le laisser au bord trousse médicale et, malgré tout, dont je pris également une large comme si d’emblée tous les an- du marais. Nos travailleurs se- du vélo de service. part. En me retournant pour voir cêtres de la tribu avaient resurgi. raient chargés d’aller le chercher.

14 Récit Récit Une totale intégration Comme un poisson dans l’eau ! Un homme content, sans histoire, Il nous a été dit que juste avant loin de sa civilisation, sans soucis d’être fusillé, il a demandé à ses C’est en 1961, que nous avons de métro, de patron grincheux, tourmenteurs de prendre la pa- entendu parler de lui pour la toute d’impôts à payer, de factures à role. Cela lui a été refusé et il a été première fois, quoique, jamais, honorer, sans aucune ambition... immédiatement exécuté. nous n’ayons eu le plaisir de le un homme heureux. A mi-chemin, je sursautai en rencontrer. Les rebelles mulelistes savaient voyant subitement un homme C’était un homme encore jeune, Les Révérends Pères de la mission que si cet homme, aimé et res- s’enfuir à la lumière de ma lam- probablement un peu plus de la ainsi que les Révérendes Sœurs, pecté de la population, avait pu pe de poche. trentaine à l’époque, peut être qui connaissaient bien et parcou- prendre la parole en dialecte de nationalité belge, car il por- raient régulièrement la région, ngandu, il aurait pu en quelques Enfin rentré, il me fallut une tait un nom à consonance néer- n’en parlaient jamais, ne faisaient mots provoquer un mouvement douche abondante pour me landophone, Bogart ou van den même jamais allusion à sa pré- de foule que les nouveaux maîtres défaire de tous ces parfums de Bogaert, mais nous ne pouvons sence. On peut supposer que pour n’auraient pas été certains de pou- transpiration, fumée et malafu. le certifier. eux, il était une brebis égarée. voir maîtriser. Le lendemain, je racontai mes Il s’était installé en brousse, dans Il vivait comme un simple villa- aventures à mon infirmier. un village à 70 ou 80 kilomètres de geois, un de plus dans cette petite Pourquoi un jeune homme a-t-il – Ah oui, dit-il, dans des cas pa- Yahuma, sur la route d’Opala. collectivité à laquelle il s’était tota- laissé sa famille, ses amis, son reils, ils rendent l’un des deux à Il y avait construit sa hutte, bien lement intégré, parlant la langue, village, ses habitudes ? Nzambi (dieu). entretenue, entourée d’une clô- se pliant aux us et coutumes, se Quel tourment a pu pousser un – Tu m’expliques cela ? ture soignée, une parcelle nette, soignant à l’aide de la pharmaco- jeune de vingt ans à ainsi tout – Une femme n’a que deux balayée tous les jours, quelques pée traditionnelle. abandonner et s’exiler volontaire- seins, ce qui suffit tout juste caféiers, des bananiers doux, des ment au centre de l’Afrique ? pour un enfant. Par conséquent, papayers et quelques légumes. Et le soir, il se joignait aux hommes ils décident de rendre un enfant Il ne se livrait à aucune activité du clan, un parmi les autres, sous Il est venu en Afrique, il y a vécu à Nzambi. agricole ou commerciale, il était la barza collective pour y discuter, heureux et est resté en Afrique. – Mais comment pratiquent-ils ? seulement là, vivant au milieu échanger les potins de la vie du Quels souvenirs a-t-il laissés ? – Ils placent les jumeaux en des villageois, des Ngandu, inté- village. Aucun à ma connaissance; si, peut plein soleil jusqu’à ce que l’un gré, accepté comme un des leurs, Un homme heureux, qui avait fait être quelques enfants métissés des deux soit mort. Ils laissent sans complexe, heureux de sa vie un choix. qui sont actuellement des adul- le choix à Nzambi. Mais le plus simple et près de la nature. tes vieillissants et qui, même s’ils souvent, il est aussi trop tard Il était venu de nulle part étaient retrouvés n’auraient rien pour le second bébé. Le matin, à la pointe du jour, il Il y est retourné à nous dire. sortait de sa case, pieds nus, en En effet, lorsque, quelques se- pagne, sa machette sur l’épaule Mais le drame n’était pas loin. Nous pouvons seulement nous maines plus tard, j’étais de nou- droite, sa besace à son côté et souvenir vaguement de lui et nous veau de passage à Yuki Basendji allait, comme les autres hommes Un jour d’août 1964, une horde rappeler sa mémoire. et demandai des nouvelles des du village, vers la rivière pour y armée d’hommes se référant à jumeaux, tous firent semblant faire sa toilette. Pierre Mulele, et qui prétendaient Encore un secret de l’Afrique. de rien. Personne n’était au cou- Puis, tranquillement, il faisait un imposer un ordre nouveau, ont rant de jumeaux… tour dans la forêt, relevant quel- investi la région. ques pièges, pêchant quelques Ils ont semé la terreur dans ce ■ Antonio, 03.06.2011 Et quant à cet homme qui se poissons naïfs, et rentrait dans sa paisible village et ont arrêté et déplaçait tout seul en forêt au parcelle avec une calebasse de vin malmené ce pauvre homme qui milieu de la nuit ? de palme tout frais. n’avait strictement rien à se re- – Cela doit être un de ces relé- Il y retrouvait sa ou ses compagnes procher. gués qui s’est échappé d’un des qui avaient été dans le champs fa- Après plusieurs jours de calvaire, villages autour d’Oshwe, croyait milial récolter quelques tubercules c’est devant le bureau du Territoire mon infirmier. de manioc, des bananes plan- de Yahuma, qu’en compagnie tains, une poignée de légumes d’une poignée de notables congo- Encore un de ces mystères locaux, peut être capturer une lais, devant la population médusée d’Afrique … tortue égarée ou tué un serpent qu’il a été passé par les armes. pas assez rapide, et qui s’activaient Que pouvait-on lui reprocher ? à faire bouillir la du repas Il n’avait aucune autorité dans le ■ Cyriel Van Meel journalier. cadre de l’administration, n’était Parfois, il prenait son arc et son pas militaire, n’était pas policier, carquois et avait peut être la chan- ni riche commerçant, ni juge, ni ce d’embrocher un cercopithèque chef de Groupement, ni même pas assez prudent avec une des notable, il n’était rien, rien, sauf... flèches qu’il taillait lui-même. qu’il avait la peau blanche.

15 Histoire Un remarquable anniversaire La campagne d'Abyssinie On le sait trop peu – ou on ne le sait pas du tout – la seule bataille gagnée par les Belges pendant la guerre 40-45 l’a été par des coloniaux et des troupes congolaises. Il y a 70 ans, ces troupes belgo-congolaises, dont la devise était “Comme il se doit”, remportèrent les victoires d’Asosa, de Gambela et de Saio en Abyssinie ! rois bataillons de la Force publique, avec 309 Européens et 5.200 Congolais, face aux for- Tces de l’, obtinrent, au cours de cette campagne victorieuse, la reddition de neuf généraux et de 15.000 hommes. Si l’on compare les forces en présence, la perfor- mance est remarquable. Le livre de notre ami Philippe Brousmiche, “Bortaï” qui vient d’être réédité, arrive à point nommé pour rappeler à nos compatriotes, non seulement le courage et l’endurance de nos troupes d’Outre-mer, mais aussi combien l’esprit de corps qui En vue de Melut

Buta en 1943, au bord de la Rubi. Réunion chez l'adjudant Philippe Brousmiche avec ses anciens mitrailleurs de la Campagne d'Abyssinie de 1941 dont les sergents Bobozo, Babulu, Laboda et Penzekola. 16 Histoire

existait entre officiers et soldats, les a conduits à cette brillante victoire. Car il faut se souvenir que, indépendamment des dé- plorables événements de 1960 et des exactions actuelles, de 1885 à 1959, la Force publique fut une remarquable phalange, disciplinée ainsi qu’une réelle école de formation. A son actif également, la victoire de Tabora dans l’Est Africain lors de la 1ère guerre mondiale. D’ailleurs, la récente exposition En vue de Melut Traversée de la Sobat qui lui a été consacrée l’a bien souligné. La presse belge fera-t-elle écho au témoignage de Philippe Brous- miche avec le respect qu’il mérite? Déjà, Christian Laporte, dans “La libre Belgique” y a consacré un article intelligent et bien docu- menté. A son tour, “Mémoires du Congo” tient à souligner avec ad- miration cet épisode notoire de notre Histoire.

■ Marie-Madeleine Arnold Le ravitaillement des barges soudanaises “Bortaï”de Philippe Brousmiche aux Ed. L’Harmattan. Réédition. En vente à “Mémoires du Congo”. Voir aussi le site : www.bortai.eu

Halte sur la Jabus, près d'Asala Mitrailleuse anti-aérienne

Chez les Chilouks Vers Malakal : halte d'eau 17 Récit

qu’admettre la nécessité de faire disparaître Kayeba. Le plus âgé Les salines de ces conseillers, après avoir rap- pelé la décision des ancêtres lors de la découverte du kaolin, suggéra même qu’il fallait aussi sacrifier du Haut Katanga Mpanga, l’épouse, et Katwebe, le fils de l’inventeur. Moins connue que celle du cuivre, l’histoire de ces salines ne manque Approuvé par les notables, cette pro- pas d’intérêt. L’importance des rôles économique et politique qu’elles position fut refusée par Mpwibwe ont joués dans le monde de l’Afrique pré-industrielle le démontre que révoltait l’idée du meurtre de sa fille et de sont petit-fils. abondamment. Demeuré seul avec le chef, le vieux 'est au recueil de récits Dans son étude “Salines et Sali- Les anciens ne racontaient-ils pas conseiller, qui était également le légendaires que nous niers du Haut-Katanga” (Bull. n°11, qu’un chef avait fait tuer l’inven- sorcier de la communauté, invo- devons de connaître CEPSI 1950), F.Grévisse relate com- teur, tant pour éviter que celui-ci ne qua alors les ancêtres : « Mânes leur histoire. Bien avant ment, en 1935, un vieux narrateur le supplantât que pour se concilier protecteurs de notre groupe … laC dernière guerre mondiale, des lui conta l’histoire de la saline de les faveurs des forces spirituelles qui guidez-nous ! » Interrogés, tout au responsables de l’époque coloniale Ketshila et sa découverte par un avaient guidé ses pas vers cette terre long d’une ténébreuse cérémonie, s’efforçaient, déjà, de recueillir les chasseur. blanche dont l’usage est si agréable quant au sort à réserver à Kaye- souvenirs des détenteurs d’un passé aux êtres de l’au-delà ! Neveu de ba, les ancêtres acquiescèrent à la menacé d’oubli. En témoignent les “A l’origine, cette plaine où pous- Musompo, il lui paraissait cepen- condamnation et firent de même études du Commissaire de District sent les herbes salines appartenait à dant n’avoir rien à craindre. Il lui pour Mpanga et Katwebe. F. Grévisse, publiées dans les Bul- Mpwibwe, chef Kaonde dont le clan suffirait de présenter l’évènement de letins du CEPSI et qui se réfèrent vivait sur la rive sud du marais, à façon à ce que son beau-père n’en Quant Kayeba vint annoncer au aux travaux de chercheurs dont le proximité des collines Kabidingo conçoive aucune rancune… chef qu’il comptait se rendre à Mu- professeur Maurice Robert, M.M. ou Kikolwezi dont il exploitait la sompo pour porter à son oncle un Marchal, Van Malderen, Modave, le malachite. Ravi à la nouvelle du succès de la peu de viande séchée, Mpwibwe R.P. Bourdonnec, Melland, Kerten Ses plus proches voisins étaient chasse, Mpwibwe, accompagné de et ses notables comprirent qu’il et d’autres encore. d’autres Bakaonde du clan de porteurs, se hâta vers le marais. voulait, surtout, l’informer de sa Musompo dont un neveu, Kayeba, Comme, en chemin, il complimen- découverte. Les sources de ces salines sont mul- avait épousé une fille de Mpwibwe, tait l’habileté de son chasseur, celui- Il ne faisait aucun doute que Mu- tiples et d’aspects divers. Mpanga qui lui avait donné un ci se décida à parler : « Chef, dit-il, sompo allait exiger le partage et que Liées aux fractures tectoniques à fils, Katwebe. je suis content de te dire qu’il m’a ses prétentions recevraient l’appui l’origine des grands “Rifts” d’Afrique Kayeba était un chasseur. Un jour aussi été permis de surprendre un de Mushima, le grand chef des Ba- orientale et du “Graben” du Kamo- qu’il poursuivait un éland blessé, secret de la nature. Je crois avoir kaonde. londo, elles se situent sur les zones ses traces le menèrent vers la gran- compris comment nous pourrons La cause était entendue ! fissurées où elles se présentent, soit de plaine où il retrouva l’animal fabriquer du sel en quantité et je Tôt le lendemain, Kayeba, accom- sous forme d’infiltrations diffuses gisant au milieu des cendres d’un suis heureux de savoir que le père pagné de Mpanga qui portait Ka- dans des plaines marécageuses récent feu de brousse. Les poils de la de ma femme pourra s’enorgueillir twebe partirent. Ils n’allèrent pas comme dans la dépression du bête, notamment au niveau du mu- de ma découverte ». loin : capturés et amenés à l’endroit Katebe-Kazembe, soit sous forme seau, étaient givrés d’une substance Mpwibwe, paralysé par l’étonne- où avait été trouvé l’éland, ils fu- de sources hydrothermales comme blanchâtre qu’il eut la curiosité de ment et l’émotion, était incapable rent abattus et enterrés dans une à Nguba, Mwashia ou tout au long porter à sa bouche. Elle avait le goût de parler. Arrivé près de l’éland, fosse commune. de la Kafila. La plus importante, la du sel, ce produit précieux que nul revoyant, par-dessus la plaine, Au village où la gêne, le remord et plus spectaculaire aussi avec ses encore n’était parvenu à isoler. les collines d’où ses mineurs ex- la peur se lisaient sur les visages, vastes étendues couvertes de sel trayaient la malachite, il se de- seul le vieux sorcier restait serein. en saison sèche, est sans conteste Examinant alors le sol des alen- mandait si l’épopée de ses fondeurs “Il nous a fallu, expliquait-il, poser Mwashia. tours, il remarqua que les gout- de cuivre n’allait pas finir dans ce un acte qui fait souffrir les vivants C’est pourtant sur l’histoire de la telettes de rosée qui recouvraient les marais par le fait de ce fils de Mu- mais qu’apprécient les morts. Nous plus occidentale de ces sources, cendres, en s’évaporant à la cha- sompo. Bouleversé à l’idée qu’un n’avons fait qu’appliquer la cou- les discrets suintements salins de leur du soleil, laissaient en surface autre que lui avait découvert une tume des anciens et c’est elle qui a Ketshila dans la dépression du Ka- une poudre cristalline semblable à nouvelle source de richesse, il lui tué. Soyons contents, nos morts ont tebe, aujourd’hui disparus sous les celle qui lustrait le poil du gibier. vint à l’idée de se débarrasser de observé notre volonté de suivre la eaux du lac de retenue de Nzilo, Ayant saisi que la combustion des son gendre … tradition. Ne craignez pas la ven- que je propose de nous pencher. herbes salines laissait le sel dans Rentré au village où Kayeba avait geance de nos malheureuses victi- Jadis, sur de larges espaces de la cendre où l’avait dissoute la ro- reçu un accueil triomphal pour sa mes : leurs mânes ont rejoint ceux cette expansion marécageuse du sée et que l’évaporation de celle-ci chasse, Mpwibwe réalisa l’orgueil et de nos anciens. Elles savent qu’el- Lualaba, poussaient des herbes abandonnait en surface une fine le profit qu’un autre que lui-même les ont été sacrifiées au seul intérêt adaptées aux conditions d’un sol couche de sel, il eut ainsi l’insigne allait peut-être tirer de la décou- supérieur du clan. Demain, nous fortement minéralisé. honneur de concevoir le processus verte du sel. Kayeba, le lendemain, procéderons aux purifications ri- très simple qui allait enrichir bon en faisant bouillir et évaporer une tuelles et nous verserons du pombe Les Bakaonde de la région savaient nombre de générations. eau où avait baigné des cendres et, sur leur tombe. Nous obtiendrons que la cuisson de ces herbes don- Rentrant au village avec la queue ainsi démontré, publiquement, que leur pardon et jouirons de leur nait aux aliments un goût salé. de l’éland qu’il devait offrir au le résidu de l’opération était du sel, protection”. Néanmoins, c’est à un des leurs chef, il résolut de ne présenter la confirma ses craintes. que la légende attribue la com- nouvelle de sa découverte qu’avec Ses notables, discrètement réunis Les esprits apaisés, Mpwibwe s’en préhension du phénomène et la prudence. Les récits relatifs à pour les assurer de son désir de fut, avec une délégation, annoncer révélation des profits que pour- la découverte du kaolin “pem- réserver à son seul clan le béné- à Musompo la mort de son neveu et rait procurer son exploitation. be” lui revenaient en mémoire. fice de la découverte, ne purent sa famille “dévorés par des fauves”.

18 Récit

Néanmoins, lorsque peu après, de sel de la taille approximative A la tête d’une puissante armée, Impressionné par l’armée de Ki- la vérité finit par apparaître, Mu- d’un melon. Asséché puis débar- investi du titre de “Kazembe” nyanta, Mwine-Panda, une autre sompo ne manqua pas de récla- rassé de son enveloppe d’argile, le (gouverneur ou vice-roi), Mutanda personnalité du clan des Bakosa mer, outre une indemnité pour le bloc était présenté à la vente dans commence par soumettre les chefs qui s’est imposée aux multiples pe- meurtre de son neveu, la propriété un emballage de feuilles. lunda du clan des Bakosa émigrés tits chefs du Lualaba, se soumet à au moins partielle des terres qui au Lubudi. Rallié, plus par intimi- son tour. Ces derniers comptent, promettaient tant de richesse. L’exploitation de la saline devait dation que par la force des armes, outre des Basanga lubaïsés pos- Soutenu par Mushima, il reçut en entraîner d’autres drames. le premier de ceux-ci, Kinyanta, sesseurs de mines de cuivre, des outre l’appui de voisins d’ethnies Vers le milieu du XVIIe siècle, petit-fils de Lyulu, le frère cadet Bakaondés qui exploitent la saline diverses. lorsque Muteba, deuxième Mwata de la reine Lueji, est un personnage de Ketshila. Mpwibwe qui avait, de son côté, Yamvo, entreprend l’organisation de lignage royal. L’existence de cette saline, source obtenu d’autres soutiens, refusait du futur empire lunda, il doit Devenu le Kilolo (lieutenant) de de richesse dont ils n’avaient pas de céder. Le conflit paraissait inévi- d’abord regrouper les multiples Mutanda, il se voit confier la pour- connaissance, remplit d’aise les table ! Plutôt que de s’exposer aux chefferies dispersées lors de la pri- suite des opérations en direction nouveaux maitres lunda. dangers d’une guerre et sachant se de pouvoir d’Ilunga Tshibinda, des mines de cuivre. que les motivations de leurs alliés l’époux luba de la reine Lueji. Mutanda Yembe-Yembe lui-même, Soucieux de conforter sa position à reposaient essentiellement sur le Inaugurant ensuite une politique longtemps attardé sur la Mukulweji, la cour de Musumba où le Mwata désir de participer au partage du d’expansion vers l’Est, il envoie son revient s’installer dans le village de Yamvo Mukanzu a succédé à Mu- gâteau, les deux protagonistes se oncle, Mutanda Yembe-Yembe, à la Kazembe Mutanda qu’il s’est bâti teba, Kinyanta décide d’envoyer à résolurent à négocier un compro- conquête du “pays des forgerons”, aux sources de la Lukoshi. D’où le son souverain les plus appréciables mis. Mpwibwe consentait à payer d’où proviennent les célèbres croi- nom de Kazembe wa Lukoshi que produits de sa nouvelle province : quinze esclaves et à abandonner à settes de cuivre. lui conservera l’histoire. croisettes et bijoux en cuivre, ivoi- Musompo un morceau du marais. re, coquillages … et blocs du sel Mais il exigeait et obtint le main- de Ketshila. Mais, en route, le sel tien de cérémonies expiatoires en est intercepté par le Kazembe de mémoire de Kayeba, Mpanga et Lukoshi, Mutanda Yembe-Yembe, Katwebe. qui entend réserver à son seul usage la précieuse denrée. Chaque année, en août, des of- frandes étaient déposées au pied Lorsqu’il l’apprend, Kinyanta en ap- de l’arbre sacré qui abritait leur porte lui-même au Mwata Yambo tombe et leur assistance était im- qui, l’ayant beaucoup appréciée, plorée contre les pluies précoces qui s’irrite du comportement de son contrarient le séchage des herbes et Kazembe et le lui fait savoir. Pour se inondent la plaine. venger Mutanda s’emparera de Ki- Ce cérémonial, qui rappelait les nyanta à son retour et le fera noyer droits de propriété qu’à l’origine dans la Mukulweji. Ce crime lui Mpwibwe possédait sur l’ensemble vaudra d’être destitué et contraint des plaines, déplaisait à Musompo. à l’exil chez Lewanika, le roi lunda Aussi tenta-t-il de l’éluder. L’année des Lozi du Zambèze. où il s’y risqua, des pluies diluvien- nes inondèrent la région et la ré- Devenu Kazembe du nouveau do- colte fut perdue … maine, le fils de Kinyante, Ngan- Bien des années plus tard, Kazem- ga Bilona ne demeurera guère à be, le gouverneur du pays devenu Ketshila. Désireux de poursuivre une province du lointain Empire l’extension de l’empire, avec l’ac- Lunda, devait connaître les mêmes cord du Mwata Yambo, il confie la déboires lorsqu’il se permit d’oublier province à un certain Kisenda qui les invocations rituelles au génial devient ainsi le Kazembe du Lua- inventeur de Ketshila.. laba. Franchissant le fleuve, Nganga Les cérémonies annuelles se pour- Bilonda entreprend la conquête de suivirent donc tant que dura l’ex- ce qui deviendra le royaume des ploitation du site. » grands Kazembe du Luapula.

Les herbes salées étaient récol- En 1954, les eaux du lac de retenue tées chaque année, fin août, dé- de Nzilo recouvrirent les plaines but septembre. Séchées au soleil, aux herbes salées et la tombe de elles étaient ensuite brûlées. Leurs Kayeba, Mpanga et Katwebe dispa- cendres étaient alors placées dans rut dans l’immensité du Katebe. de grands paniers aux parois col- matées à l’argile, récipients rem- Ne nous reste que leur souvenir, plis d’eau où elles étaient laissées mais il appartient à l’histoire. à macérer. Lorsque les eaux étaient suffisamment imprégnées de sel, la solution ainsi obtenue était ver- ■ André Vleurinck sée dans des pots en argile posés sur de petits foyers permanents. Régulièrement renouvelée au fur et à mesure de son évaporation, la solution constamment enrichie finissait par se réduire à un dépôt

19 Médiathèque

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20 Médiathèque Bon à savoir

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21 Lire

“L’esprit souffle au pays L’Afrique de Sarkozy, des grands lacs” un déni d’histoire Le Souverain Jean-Pierre Chrétien Les bonnes nouvelles en provenance de l’Est Editions Karthala, Un Journal indépendant du Congo et de ses deux voisins ne sont pas collection “Disputatio” à Bukavu si fréquentes : nous ne pouvons manquer d’en parler dans nos pages. Une part de notre Parmi les phrases ou âme flotte encore sur les terres et sur les les mots malheureux du eaux de ce « grand et beau pays » et nous Président français, il y eut, nous réjouissons de tout ce qui y survient dans le discours qu’il pro- d’encourageant. C’est ainsi que nous avons nonça le 26 juillet 2007 à appris, dans la Libre Belgique du 30 juin, Dakar, à propos de la rencontre des cultures que de jeunes intellectuels s’y mobilisent et devant un public de notables et d’univer- pour animer et stimuler un mouvement lit- sitaires africains, cette perle rare : au sujet téraire prometteur. de l’Afrique noire, il parla de “continent sans histoire”… Récemment, un colloque de deux jours a Aujourd’hui, dans la nouvelle collection réuni à Bujumbura une soixantaine de roman- “Disputatio”, sous la direction de Jean-Pierre ciers, poètes, conteurs, nouvellistes, organisé Chrétien, les Editions Karthala publient un par l’association Sembura. Dans ces régions intéressant ouvrage rédigé par cinq universi- où les librairies sont pratiquement inexistan- taires africains et français. Ils y développent le tes, un telle initiative mérite d’être connue concept de la place de l’Afrique dans l’histoire et encouragée. Au cœur de cette nouvelle universelle. On y trouvera aussi, en entier, le moisson de jeunes talents, nous en citerons discours du Président français. trois parmi les plus représentatifs. Ces réponses pondérées et bien documentées à un réel déni d’histoire, si elles concernent Solange Lusiku dirige “Le Souverain”, La Burundaise Marie-Louise Sibaruzi, auteure principalement la France et ses anciennes journal de Bukavu bien connue là-bas pour ses pièces de théâ- colonies, ne peuvent que nous interpeller et nous informer intelligemment au sujet d’une Une réunion organisée en mai dernier à tre et de feuilletons radiophoniques, comme Woluwe-St-Pierre en l’honneur de l’édi- l’écrivain et journaliste rwandais Roland Ru- controverse qui n’a pas fini d’alimenter des teur responsable d’un (du) journal de gero ou le poète congolais Fiston Mwanza discussions passionnées sur ce continent d’où Mujila, auteur du “Requiem pour une ville a émergé l’Homo sapiens… Bukavu, nous a donné l’opportunité de parler avec Solange Lusiku, une jeune morte”, sont des figures marquantes de ce re- ■ Marie-Madeleine Arnold nouveau intellectuel de la région des Grands femme, dynamique et enthousiaste. Lacs. Le journal qu’elle dirige, “Le Souverain”, KILONDA Haches dont le but affiché est la promotion de la Bukavu, autrefois, avait été qualifiée d’ “Athè- Songye et voisins nes de l’Afrique” par un journaliste belge de démocratie avec la femme, est une belle passage. Et voici que sur ses rives naît un par Luc Lefèbvre & publication, illustrée en couleurs, et dont chant nouveau… Danny De Waele, les articles, intelligents et courageux, ft 20,5 x 20,5, sur pa- font preuve d’une réelle indépendance Et que cela nous fait chaud au cœur de voir pier couché épais, d’esprit. refleurir les Lettres au pays des collines et http://ethnotribalart.com Des titres comme “Faut-il abolir la dot ?” des volcans ! Cet album sans prétention, mais parfaite- ou “Le Congo malade de sa justice”, ou ment présenté, nous offre à voir les plus ■ Marie-Madeleine Arnold encore “Le Congo est-il indépendant ?”, beaux et les plus rares exemplaires de sont éloquents à ce propos. (voir le très bon article de Camille de Marcilly haches Songye et quelques autres pièces Nous sommes heureux de constater dans LLB) de haut intérêt. Bien que, à l’origine, ce type de haches servait que la relève est bien là et que – pour dans les combats rapprochés, celles qui sont pasticher ce que chantait Jean Ferrat – la réunies dans ces pages sont des haches de femme est l’avenir du Congo. Mais la prestige et d’apparat. Et ce sont évidemment rédaction, égalitaire, compte autant de Appel à nos lecteurs !! celles-là qui intéressent nombre de nos lec- collaborateurs masculins que féminins. teurs, et tous les passionnés d’art tribal afri- Forte, combative, lucide, la femme Nous avons grand besoin cain. Elles proviennent du Maniema, du KasaÏ congolaise, telle Solange Lusiku, ne d'enrichir notre photothèque et du Nord Katanga, dans la province actuelle craint pas de prendre des initiatives pour l'illustration des articles qui du Lomami. L’auteur/éditeur de cet ouvrage, utiles et de les mener à bien. paraissent dans chaque numéro constatant que la documentation à leur sujet Cela, d’ailleurs, peut se constater dans de MEMOIRES DU CONGO. était rare et dispersée, est allé rechercher des bien des domaines. informations et des illustrations parmi des Ce sera donc avec plaisir que notre re- collections prestigieuses, pour leur qualité, vue échangera des informations et main- Si vous disposez de bons leur originalité ou leur singularité. tiendra le contact avec “Le Souverain”. documents et de bonnes photos, Un vrai régal pour ceux qui découvrent ces Nos deux publications s’en enrichiront merci de prendre contact avec pièces superbes mais plaisir inégalé pour ceux mutuellement. Marie de Schlippe qui s’y intéressent depuis « kala-kala ». ■ Marie-Madeleine Arnold 02 640 41 66 Un conseil : rendez-vous sur le site indiqué [email protected] ci-dessus. Adresse de Solange Lusiku : [email protected] ■ Marie-Madeleine Arnold

22 Lire Idée

Quarante-cinq ans Le Blanc à Lunettes ue diriez-vous d’une “Fancy- au Kivu Georges Simenon, Fair” des Anciens d’Afrique ? qui Xavier Dierckx, réédition chez accueillerait non seulement nos Clepsydre, Beersel, Gallimard – Folio, Q membres, avec leurs amis, mais 1997, 360 pages. 1998, encore tous ceux qui gardent au cœur première édition 1938. une étoile d’or sur fond bleu. Le texte a été conçu à partir des notes de Xavier En 1932, Simenon fait un Dierckx, par le père jésuite long voyage en Afrique, Chacun d’eux apporterait, s’il le veut, des Luc Croegaert, jésuite, collèges de Bukavu et via Imperial Airways, avec objets, des souvenirs, des tableaux, des d’Usumbura, et historien de l’Afrique. destination Juba, d'où il livres, des films et des photos, des bilokos gagne Aba et descend vers Matadi. de là-bas, non pour les vendre – sauf s’il L’intérêt du livre, c’est la description de la vie le souhaite – mais pour les “donner à d’un colon, planteur, et important homme De son vol il retient le "chic" anglais (tenue voir”, en parler, évoquer… d’affaires, arrivé au Congo via la guerre de de soirée aux escales), par rapport à la tenue 1914 (comme Pierre Ryckmans) et qui a vestimentaire belge… Des stands de fleurs, de fruits, de plats choisi le Kivu comme terre d’élection. Il retire de son voyage quelques romans, dont tropicaux, de l’artisanat, pourraient offrir Qu’on rêve d’aller voir… le "Blanc à Lunettes". aux “chalands” l’occasion de réveiller dé- Ce colon est arrivé avec de gros moyens licieusement les émotions, les sensations financiers et, dès les années '20, construit un C’est le récit de la vie dans une plantation d des temps révolus. château «les orchidées rouges», visité par les ans la région d’Aba, et principalement les «grands» (toute la famille royale) de Belgique relations humaines. Nous lançons l’idée, car les années passent et internationaux, pour lesquels le Kivu était Dont le passage, suite à l'atterrissage forcé d’un et emportent avec elles les “riches heures” le paradis du Congo. avion privé anglais, et un couple d’aristocrates d’autrefois, mais, pour la transformer Xavier Dierckx a dû tout quitter en 1960, ne qui vient troubler la vie et les sentiments – et en réalité, il faut des bonnes volontés, sauvant que quelques affaires. beaucoup plus - du planteur. beaucoup ! Dites-nous si elle vous plaît, Donc pas le fameux piano du croiseur si vous voulez participer et comment. "Königsberg" détruit à Dar-Es-Salam en 1915, Le plaisir du livre c’est l’opposition du style de et qui a été sauvé et amené au Kivu dès les vie coloniale "anglais" et "franco-belge". années '20. Et l’intérêt c’est une vue de l’orientation du On vous attend ! Un grand de MdC, Roger G., a visité après nord–est du Congo vers Juba : transport, 1960 le château abandonné, et avant son postes, sans doute même, "esprit" … ■ Marie-Madeleine Arnold pillage final par l’ONU. Roger en a ramené les photos des décors en ■ José Rhodius Delft avant qu’on ne les pille. La moitié du livre a pour objet des notes encyclopédiques sur tous les noms propres “Tous les blancs ont une montre, de lieux (Kivu et Congo) ou de personnes qui mais ils n'ont jamais le temps” sont cités dans le texte de Xavier Dierckx. Dicton africain Bref, fort intéressant pour les ignorants (dont je suis) de la vie du Kivu et très agréable à Q lire, parce bien structuré par les soins de Luc Croegaert. Le côté négatif : il faut une bonne “Il n'y a que la mémoire connaissance de la géographie du Kivu pour qui soit belle. le reste n'est que s’y retrouver. de la poussière et du vent” ■ José Rhodius Jean-Michel GUENISSIA

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23 MÉMOIRES DU CONGO Echos de “MdC” et du Ruanda-Urundi Asbl epuis le début de Lilian Nielsen, historienne da- l’année, nous avons noise, nous explique que depuis Périodique n° 19 pu encore engranger 1870 jusqu'en 1960, 365 Danois Septembre 2011 les nombreux témoi- ont oeuvré au sein de la Colonie. gnagesD suivants : Léopold II a été un grand recru- Editeur responsable : P. Vannès André Vleurinck concernant la teur dans le cadre de l'armée Equipe de rédaction : Marie-Madeleine Arnold, Diane Clavareau, création d’Elisabethville dès 1908 (force publique) mais aussi de la Marie de Schlippe, André de Maere, André Vleurinck et l’action énergique entreprise navigation de ces grands techni- Contact : [email protected] par Wangermée pour imposer le ciens de la mer et des armées qui, Maquette et mise en page : New Look Communication drapeau belge et assurer défini- politiquement, ne présentaient tivement la frontière belge face aucun danger de mainmise à la Rhodésie. politique sur le Congo Belge, étant issus d'un petit pays Conseil d’administration Président : Paul Frix Martial Xhygnesse, agent tech- pacifique. Vice-Président : Guido Bosteels nique dans le groupe Unilever, Administrateur-délégué : Paul Vannès se trouve par le plus pur des ha- En prévision des commémo- Trésorier : Guy Lambrette sards en charge de la division rations des indépendances Secrétaire : Nadine Evrard "agence de voyage " du groupe, du Rwanda et du Burundi Administrateurs : puis passe dans le giron d'Amiza qui auront lieu l’an prochain, Roger Gilson, Pierre Wustefeld, avant de créer sa propre agence Julien Nyssens, ancien Admi- Ernest Christiane, Guy Dierckens, de voyage. Cela lui permet d'or- nistrateur Territorial au Rwan- Patricia Van Schuylenbergh ganiser de nombreux voyages da, nous a narré l’organisation Bernard de Gerlache de Gomery touristiques principalement dans administrative du Rwanda et André Taymans le Kivu et dans le Nord-Est de la nous a expliqué les relations colonie en général. entre Tutsis et Hutus ainsi que Siège social la politique adoptée par nos avenue de l’Hippodrome, 50 André Schorochoff, dans le ca- autorités durant le protectorat B-1050 Bruxelles dre des Russes au Congo nous confié à la Belgique par la Société explique la saga familiale depuis des Nations en premier lieu et, Siège administratif son grand père, gouverneur des ensuite, par l’ONU. Av. de l'Hippodrome, 50 – B 1050 Bruxelles régions de l'Asie Centrale (Ka- Tél. 00 32 (0)2 649 98 48 Numéro d’entreprise : 478.435.078 zakhstan, Ouzbékistan, Tadjikis- Et enfin, en ces derniers jours de Site public : www.memoiresducongo.org tan, Kirghizie, Turkménistan) qu'il Juillet, une Convention entre le Site administratif : www.smdc.be a conquises pour le compte du Musée Royal d’Afrique centrale Compte bancaire : ING 310-1773520-58 Tsar de toutes les Russies. Lors de (M.R.A.C.) et notre association BIC : BBRUBEBB – IBAN : BE95 3101 7735 2058 la révolution de 1917, durant cinq a été signée. Cette convention ans, lui et sa famille errent dans le fixe les conditions d’utilisation Secrétariat nouvel empire des bolcheviques des témoignages recueillis. Nous Secrétaire : Georgette Cornelis avant de se retrouver à Bruxelles avons profité de cette rencontre Assistante : Andrée Willems via la Finlande. Le père fait des avec Monsieur Guido Gryseels, études de géomètre colonial puis directeur du MRAC, pour lui re- fait carrière au Congo. mettre les dossiers concernant Cotisations 2011 les cent premiers témoignages Membre adhérent : 25 € Notre membre, Ernest Christiane enregistrés. Cotisation de soutien : 50 € Cotisation d’Honneur : 100 € nous fait découvrir l’influence Cotisation à vie : 1.000 € du Grand Orient de Belgique (G.O.B.) au Congo. Une pre- Pour virement depuis l’étranger, veuillez donner à mière partie nous explique la votre banquier les informations suivantes : philosophie et les règles de la BIC : BBRUBEBB - IBAN : BE95 3101 7735 2058 franc-maçonnerie en général. Les N’oubliez pas la mention “Cotisation 2011”. Pour les dames, nous demandons, lors des versements, de bien choses ainsi mises au point, nous vouloir utiliser le même nom que celui sous lequel elles se sont écoutons l'histoire de la présence inscrites comme membres. des francs-maçons dès 1870 dans notre colonie. A noter que leur faible nombre, mais encore plus Changement d’adresse : si vous changez d’adresse, n’oubliez leur grande dispersion, n'a pas pas de nous communiquer vos nouvelles coordonnées. Cela nous permettra de rester en contact et évitera au secrétariat permis, avant 1946, de fonder d’effectuer des recherches. réellement des loges qui doivent réunir sept maîtres pour pouvoir officiellement exister… Fichiers d’adresse : si vous connaissez des personnes susceptibles de devenir membres de MDC, communiquez leur notre adresse ou mieux encore transmettez-nous leurs coordonnées afin que nous puissions leur envoyer notre documentation.

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