*Titre : *Journal de l'année (Paris. 1967)

*Titre : *Journal de l'année

*Éditeur : *Larousse (Paris)

*Date d'édition : *1967-2004

*Type : *texte,publication en série imprimée

*Langue : * Français

*Format : *application/pdf

*Identifiant : * ark:/12148/cb34382722t/date

*Identifiant : *ISSN 04494733

*Source : *Larousse, 2012-129536

*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34382722t

*Provenance : *bnf.fr

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Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 1997 ; sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL.

Cette édition numérique a été spécialement recomposée par les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la

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JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

2

CHRONOLOGIE

Janvier

1

Arabie saoudite Intérim du pouvoir.

Un décret royal confie l’intérim du pouvoir au prince Abdallah, demi-frère du roi Fahd, durant la convalescence de celui-ci, vic- time d’une embolie cérébrale. Le roi Fahd reprend ses activités le 22 février.

2

France

Rapport sur l’ARC.

Le quotidien Libération révèle que le rap- port de la Cour des comptes consacré à l’Association pour la recherche sur le can- cer (ARC) a été transmis au parquet de Pa- ris. Ce rapport confirme les investigations menées en 1990 par l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et indique qu’en 1993 27,2 % seulement des sommes collectées par l’association ont été affectées

à la recherche proprement dite. La Cour des comptes met également en avant des surfacturations pour les achats de papier et des anomalies dans les dépenses de per- sonnel. Un conseil d’administration extra- ordinaire de l’ARC décide, le 3, de confier momentanément la gestion de l’association à un comité de « sages », tandis que le pré- sident, Jacques Crozemarie, gravement mis en cause, est placé en position d’attente. Ce dernier conteste d’abord les conclusions de la Cour des comptes, puis menace de sabor- der l’ARC, et démissionne enfin le 18 après qu’une information a été transmise au pro- cureur général près la cour d’appel de Paris selon laquelle il aurait perçu, entre 1990 et 1993, de 600 à 700 000 F d’honoraires d’une société liée aux prestations de services ré- tribuées par l’ARC. (U chrono. 25/01)

5

Algérie

Nouveau gouvernement.

Le Premier ministre Ahmed Ouyahia, dési- gné par le président Liamine Zeroual après les élections de novembre 1995, consti- tue son cabinet. Il s’agit d’une équipe de « techniciens », sans figures politiques de premier plan, mais où l’on trouve trois re- présentants de l’opposition modérée, dont deux membres du parti islamiste Hamas. Mahfoud Nahnah, leader du Hamas, avait obtenu 25 % des voix aux élections de no- vembre. (U chrono. 11/02)

Japon Démission du Premier ministre.

Arrivé au pouvoir en juin 1994, le pre- mier chef de gouvernement socialiste de l’histoire japonaise, Tomiichi Murayama, 71 ans, annonce sa volonté de démission- downloadModeText.vue.download 4 sur 602

CHRONOLOGIE

3 ner. À la tête d’une coalition rassemblant le Parti socialiste, le Parti libéral-démocrate (PLD), précédemment au pouvoir, et la petite formation centriste, le Parti pionnier, M. Murayama avait toujours été considéré comme un simple chef de transition. L’arri- vée dans la coalition en décembre 1995 du Nouveau Parti du Progrès et de son chef, le dynamique Ichirô Ozawa, avait fragilisé encore un peu plus la position du Premier ministre. Celui-ci est remplacé à son poste dès le 8 par le président du PLD, Ryutaro Hashimoto. Âgé de cinquante-huit ans, ancien ministre du Commerce internatio- nal et de l’Industrie, vice-Premier ministre depuis septembre 1995, M. Hashimoto passe pour un homme énergique, aux opi- nions nationalistes bien arrêtées. Lors de son investiture, le 11, il réaffirme sa volonté de maintenir coûte que coûte l’alliance avec les États-Unis. (U chrono. 27/09)

Russie

Limogeage du ministre des Affaires

étrangères.

Chef de la diplomatie russe depuis 1990, Andreï Kozyrev, quarante-quatre ans, quitte le gouvernement. Violemment criti- qué pour ses positions jugées pro-occiden- tales, notamment par le leader communiste Guennadi Ziouganov, il est remplacé à son poste par un représentant de l’ancienne ad- ministration soviétique, Evgueni Primakov, soixante-cinq ans, qui dirigeait les services d’espionnage depuis 1991. Spécialiste du Moyen-Orient, M. Primakov est un oppo- sant résolu aux projets d’association entre l’OTAN et les pays d’Europe centrale et orientale.

7

Guatemala Élections présidentielles. Candidat de la « droite progressiste » du parti pour l’Avancement national, Alvaro Arzu remporte le scrutin au second tour avec un peu plus de 52 % des suffrages ex- primés. Il bat Alfonso Portillo, candidat du Front républicain guatémaltèque, forma- tion populiste dirigée par le général Efrain Rios Montt, jugé responsable des massacres commis par l’armée dans le cadre de sa lutte contre la guérilla au cours des années 80. L’élection a été marquée par des violences meurtrières et par une forte abstention. Le nouvel élu s’engage à lutter contre la cor- ruption et à favoriser le développement des PME.

8

Espagne

Dissolution des Cortes.

Felipe Gonzalez dissout le Parlement un an et demi avant la fin normale de la lé- gislature. Le chef du gouvernement a été conduit à prendre cette décision pour deux raisons principales : le retrait, à l’automne 1995, du soutien des nationalistes catalans, qui privait l’équipe au pouvoir de toute ma- jorité absolue à la chambre ; l’accumulation des scandales politico-financiers et, notam- ment, l’affaire du GAL, ce groupe formé illégalement au cours des années 80 pour lutter contre le terrorisme basque. Dans ces conditions, le Parti socialiste (PSOE) n’aborde pas le scrutin, fixé au 3 mars, en position de favori face au Parti popu- laire (conservateur) de José Maria Aznar, placé nettement en tête dans les sondages. (U chrono. 3/03)

France

Dépôt de bilan d’InfoMatin.

Le quotidien, dont la vente s’était stabi- lisée autour de 70 000 exemplaires (au lieu de 130 000 nécessaires), dépose son bilan. Créé en janvier 1994, ce journal a voulu imposer un concept d’informa- tion rapide et concise à destination des jeunes cadres citadins pressés. L’homme d’affaires et ancien collaborateur de Fran- çois Mitterrand, André Rousselet, qui y avait investi près de 150 millions de downloadModeText.vue.download 5 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

4 francs, avait souhaité imposer à l’équipe rédactionnelle un plan de rigueur. Celle- ci l’avait refusé, ce qui a poussé M. Rous- selet à passer la main.

France

Mort de François Mitterrand.

L’ancien président de la République est mort chez lui à Paris, avenue Frédéric-Le Play, à l’âge de soixante-dix-neuf ans, des suites d’un cancer de la prostate. François Mitterrand est inhumé religieusement à Jarnac le 11 janvier. On remarque à ses ob- sèques la présence, aux côtés de sa famille officielle, de sa compagne et de la fille na- turelle qu’il a eue avec celle-ci, Mazarine. Au même moment, un hommage natio- nal et international est rendu à Paris en la cathédrale Notre-Dame, en présence du président Jacques Chirac et de nombreux dirigeants étrangers, parmi lesquels Hel- mut Kohl (qui pleurera pendant l’office). Juan Carlos, roi d’Espagne, John Major, Boris Eltsine, et Fidel Cas- tro. Une double polémique suit le dérou- lement de ces manifestations. La première a trait au caractère ouvertement religieux des obsèques. Fallait-il, s’interrogent cer- tains laïques, que l’hommage national au président défunt ait nécessairement lieu dans une église ? La seconde concerne les informations sur l’état de santé de M. Mit- terrand tout au long de ses deux mandats. On apprend ainsi qu’il se savait atteint d’un cancer dès le début de son premier septennat. A-t-il délibérément trompé les Français en faisant publier des bulletins de santé qui omettaient de dire l’essen- tiel ? Les partisans du défunt font remar- quer que son état de santé n’a pas empêché M. Mitterrand d’exercer pleinement ses fonctions pendant ses quatorze années de pouvoir.

Né le 26 octobre 1916 à Jarnac, en Cha- rente, au sein d’une famille bourgeoise, cinquième de huit enfants, François Mit- terrand suit des études de droit à Paris. Mobilisé pendant la Seconde Guerre mon- diale, il est fait prisonnier en 1940. Il par- vient à s’échapper, revient en France et oc- cupe au sein de l’administration de Vichy un poste de responsable auprès des orga- nismes d’aide aux prisonniers de guerre. Il rejoint parallèlement la Résistance en 1943 et prend vite la tête du principal mouvement de prisonniers ; à ce titre, il devient secrétaire général aux prisonniers de guerre dans le Gouvernement provi- soire après la libération de Paris. Il est élu député de la Nièvre en 1946, puis assume des fonctions ministérielles dans les gou- vernements Ramadier, Schuman, Pleven, Queuille, Edgar Faure, Mendès France (ministre de l’Intérieur) et Guy Mollet. Il quitte le gouvernement après le retour au pouvoir du général de Gaulle, dont il devient un opposant farouche. Il parvient à le mettre en ballottage aux élections pré- sidentielles de décembre 1965. Il oeuvre ensuite au rapprochement entre la gauche non communiste et le PC. Après avoir pris le contrôle de la SFIO et l’avoir transfor- mée en Parti socialiste en 1971, il signe le programme commun de gouvernement avec les communistes en 1972, échoue de peu aux élections présidentielles de 1974 contre Valéry Giscard d’Estaing, qu’il bat, sept ans plus tard, le 10 mai 1981. Il est réélu en 1988. (U chrono. 18/01)

9

Proche-Orient

Conférence de Paris.

La conférence ministérielle pour l’assistance économique aux Palestiniens réunit à Paris les représentants de 40 pays, de l’Autorité palestinienne, de 6 organisations interna- tionales et de 4 institutions arabes de finan- cement. En présence de Yasser Arafat, la conférence décide d’accorder 500 millions de dollars d’aide en 1996 pour le dévelop- pement des territoires palestiniens. Cette décision constitue un clair encouragement au processus de paix au Proche-Orient, downloadModeText.vue.download 6 sur 602

CHRONOLOGIE

5

à dix jours des élections palestiniennes.

(U chrono. 20/01)

Russie

Raid tchétchène au Daghestan. Un commando de rebelles s’empare d’une centaine d’otages dans la bourgade de Per- vomaïskaïa, située à quelques kilomètres de la frontière entre le Daghestan et la Tchét- chénie. Le 15, l’armée russe entame une vaste opération contre le commando. Mal- gré de très importants moyens, les forces de Moscou peinent à réduire définitivement leurs adversaires tchétchènes, dont une partie aurait réussi à s’échapper en empor- tant des otages. Le 16, un autre commando indépendantiste s’empare d’un ferry russe croisant dans le Bosphore et réclame l’arrêt de l’offensive contre Pervomaïskaïa. On note un fort courant de sympathie en Tur- quie en faveur des preneurs d’otages tchét- chènes. (U chrono. 31/03)

Turquie

Tractations gouvernementales.

Son parti (Refah) étant arrivé en tête des élections de décembre 1995 avec 21,3 % des voix, l’islamiste Necmettin Erbakan est dé- signé par le chef de l’État, Süleyman Demi- rel, pour former le nouveau gouvernement. Trois des quatre autres partis représentés au Parlement ont fait savoir qu’ils refusaient d’avance toute idée d’alliance avec le Refah. Seul le parti de la Renaissance (conserva- teur) de Mesut Yilmaz n’a pas fermé la porte à une telle possibilité. (U chrono. 2/02)

10

France

Appel dans l’affaire Botton.

Dans le cadre de la procédure opposant l’homme d’affaires Pierre Botton à son beau-père, l’ancien maire de Lyon Michel Noir, la cour d’appel de cette ville confirme les peines prononcées à l’encontre des prin- cipaux prévenus. M. Botton, poursuivi pour abus de biens sociaux, est condamné à 5 ans de prison, dont 18 mois avec sursis, et 2 millions de francs d’amende. M. Noir et Michel Mouillot, maire de Cannes, se voient infliger 18 mois de prison avec sur- sis, 200 000 F d’amende et confirmation de leur inéligibilité pour 5 ans. Les deux hommes politiques se pourvoient aussitôt en cassation. Patrick Poivre d’Arvor, à qui l’on reprochait également d’avoir bénéficié des largesses de M. Botton, reçoit aussi une peine de prison avec sursis et une amende. La direction de TF1 décide d’écarter de l’écran M. Poivre d’Arvor pendant quelques semaines.

11

France

Trêve en Corse.

Au milieu de la forêt corse et de quelque 600 militants cagoulés, vêtus de treillis et portant armes de poing et grenades, le FLNC-canal historique tient une confé- rence de presse pour annoncer une trêve conditionnelle de trois mois. En échange, l’organisation nationaliste réclame la recon- naissance du « peuple corse » (qui a été pourtant jugée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel), un système éducatif adapté, un statut fiscal spécifique et la dissolution des conseils généraux des deux départements corses, les nationalistes représentant environ 25 % du corps élec- toral mais 10 à 15 % seulement des élus aux assemblées. Cette annonce constitue également une démonstration de force à l’égard des autres organisations nationa- listes armées, le FLNC-canal habituel et Resistenza. Le 13, le ministre de l’Intérieur Jean-Louis Debré se rend sur l’île en décla- rant vouloir écouter tout le monde. Cer- tains estiment qu’il a surtout entendu les représentants d’A Cuncolta naziunalista, vitrine légale du FLNC-canal historique, au détriment des autres organisations natio- nalistes (qui accusent le Canal historique et A Cuncolta de vouloir partager le pouvoir downloadModeText.vue.download 7 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

6 avec le RPR) et des partis politiques tra- ditionnels. Par ailleurs, policiers, juges et agents de perception ont le sentiment que leur revendication de pouvoir accomplir normalement leur mission n’a pas été prise en compte par le ministre. Pierre Pasquini, ministre des Anciens Combattants et élu de Haute-Corse, fait publiquement état de son désaccord avec son collègue de l’Inté- rieur, à qui il reproche de ne pas s’appuyer suffisamment sur l’Assemblée territoriale. (U chrono. 16/02)

Italie

Démission du gouvernement Dini. À la tête du gouvernement depuis janvier 1995, Lamberto Dini présente sa démis- sion. Ancien no 2 de la Banque d’Italie, puis ministre du Trésor de Silvio Berlusconi, il succède à celui-ci. Il surprend alors le pays par son opiniâtreté et son savoir-faire poli- tique, réussissant à faire passer une réforme radicale du système des retraites et impo- sant une forte rigueur budgétaire, sans pour autant limiter les interventions de l’État en faveur du Sud et des familles défavorisées. En butte à l’hostilité de son prédécesseur, qui n’a cessé de lui réclamer des élections anticipées avant de revenir au pouvoir, il quitte son poste en laissant le pays avec une bonne croissance économique (3 %) et un meilleur équilibre des comptes publics. (U chrono. 16/02)

14

Portugal

Élections présidentielles.

Le socialiste Jorge Sampaio succède au so- cialiste Mario Soares comme président de la République portugaise. Il l’emporte avec 53,83 % des voix contre son adversaire libé- ral (centre droit), l’ancien Premier ministre Anibal Cavaco Silva. Âgé de cinquante-six ans, ancien maire de Lisbonne, M. Sampaio est classé à la gauche du Parti socialiste. Il avait d’ailleurs bénéficié du désistement du candidat communiste et du candidat de l’extrême gauche. Aussitôt élu, M. Sampaio indique qu’il est « raisonnablement opti- miste » quant à la possibilité pour le pays de participer à la monnaie unique européenne et que la nation consentira « tous les efforts nécessaires pour y parvenir ».

15

France

Anti-IVG condamnés.

Le tribunal correctionnel de Valenciennes condamne à de la prison ferme plusieurs membres d’un commando anti-avortement qui avaient mené une action à l’Hôtel-Dieu de Paris en octobre 1995. Parmi les accusés, le directeur adjoint de l’établissement qui a reçu une condamnation de 18 mois, dont 9 ferme, mais sans interdiction profession- nelle, contrairement à ce qu’avait réclamé le procureur. Grèce

Départ de Papandréou.

Gravement malade depuis plusieurs mois, Andréas Papandréou, soixante-seize ans, décide de quitter son poste de Premier ministre et de leader du Parti socialiste (Pasok). Il est remplacé par Costas Simitis, cinquante-neuf ans. Européen convaincu, M. Simitis représente l’aile réformatrice du Pasok ; partisan d’une politique de rigueur et d’assainissement financiers, il s’était plu- sieurs fois opposé aux pratiques populistes et clientélistes des gouvernements précé- dents. (U chrono. 23/06)

16

Inde

Scandale politico-financier.

Des instructions sont ouvertes contre plu- sieurs personnalités politiques de premier plan compromises dans de vastes affaires de pots-de-vin. Cet énorme scandale, appelé downloadModeText.vue.download 8 sur 602

CHRONOLOGIE

7

« l’affaire Hawala », finit par éclabousser le Premier ministre lui-même, Narasimha Rao, mis en cause par le principal corrup- teur, l’industriel S.K. Jain.

Sierra Leone

Coup d’État.

Le chef de la junte militaire au pouvoir, le capitaine Valentine Strasser, est destitué pour être remplacé par son adjoint, le gé- néral Julius Maada Bio. Les adversaires du capitaine Strasser accusent celui-ci d’avoir voulu empêcher la tenue des élections pré- vues pour la fin février. Le capitaine Stras- ser était en place depuis avril 1992, à la tête de ce pays de 4,5 millions d’habitants rava- gé par la guerre civile que mènent les re- belles du Front révolutionnaire uni (RUF). La nouvelle équipe au pouvoir affirme vou- loir maintenir les élections à la date prévue. (U chrono. 26/02)

17 États-Unis Terroriste condamné.

Jugé responsable de l’attentat contre le World Trade Center de New York en février 1993, le cheikh égyptien Omar Abdel Rah- man est condamné à la prison à vie par le tribunal de cette ville.

France

Retour partiel dans l’OTAN.

Après avoir décidé, en décembre 1995, de participer à nouveau au comité militaire de l’OTAN (où se réunissent les chefs d’état- major), le gouvernement français accepte de discuter de l’armement nucléaire au sein de cette organisation dominée par les Américains. Les proches de Jacques Chirac expliquent que cette décision, qui semble rompre avec la politique d’éloignement de l’OTAN décidée en 1966 par le général de Gaulle, correspond, en réalité, à une volon- té de donner à cette alliance militaire un pôle européen. Dans un premier temps, les dirigeants français avaient souhaité consti- tuer ce pôle européen de défense dans le cadre de l’Union de l’Europe occidentale (UEO), où ne siègent pas les Américains, mais, constatant que leurs partenaires ne voulaient pas envisager les choses en de- hors de l’OTAN, force a été de s’adapter. (U chrono. 3/06)

18

France

Hector Bianciotti élu à l’Académie française.

D’origine argentine, âgé de soixante-cinq ans, l’écrivain est élu au fauteuil d’André Frossard, mort en février 1995. En 1977, il reçoit le prix Médicis étranger pour le Traité des saisons, puis rédige directement en français à partir des années 80 et ren- contre le grand public avec Ce que la nuit raconte au jour (1992) et le Pas si lent de l’amour (1995).

France

Plan Juppé sur les banlieues.

Le Premier ministre Alain Juppé présente son plan en faveur des banlieues : instaura- tion d’une trentaine de « zones franches », dans lesquelles les entreprises seront inci- tées à s’installer et à créer des emplois au moyen de fortes exonérations fiscales. Cette politique s’inspire des enterprise zones créées au début des années 80 par le gouvernement Thatcher, puis progressive- ment abandonnées, faute de résultats. Le 28 mars, 38 « zones franches urbaines » sont officiellement retenues : 11 en région parisienne (Mantes-la-Jolie, Sarcelles, Les Mureaux, Meaux, Creil, Grigny, Bondy, Clichy-sous-Bois, Montereau, Champigny, Chennevières), 12 dans le Nord (Amiens, Lille, Roubaix, Calais, Charleville, Saint- Quentin) et l’Est (Belfort, Metz, Mul- house, Reims, Saint-Dizier, Strasbourg), 7 dans le Sud (Bordeaux, La Seyne, Mar- seille, Montpellier, Nice, Nîmes, Valence) et 8 dans le reste de la France (Bourges, downloadModeText.vue.download 9 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

8

Chenôve, Cherbourg, Dreux, Le Havre, Le Mans, Saint-Étienne, Vaulx-en-Velin).

France

Saisie du livre du docteur Gubler.

Suite à la demande présentée par la famille du président défunt, le livre du Dr Claude Gubler, médecin personnel de François Mitterrand, est interdit de diffusion. Sous peine d’astreinte, les éditions Plon sont obligées de retirer de la circulation l’ou- vrage, intitulé le Grand Secret, dans lequel le médecin indique que M. Mitterrand était atteint dès 1981 de ce cancer de la prostate qui devait l’emporter quinze ans plus tard. La publication de ces révélations soulève plusieurs problèmes : celui de la santé des gouvernants et du moyen de la contrôler tout en respectant le droit à l’intimité de chaque malade, fût-il dirigeant d’une na- tion ; celui du secret médical, au-delà même de la mort du patient, et, enfin, celui de la liberté d’édition face à la censure. Les juges ont estimé que « la mort ne fait pas tomber la vie privée dans le domaine public », ce que contestent l’éditeur et le Dr Gubler, qui font appel.

20

Proche-Orient Premières élections palestiniennes.

Malgré les appels au boycottage lancés par le FDPLP (Front démocratique pour la libération de la Palestine), le FPLP (Front populaire) et le mouvement islamiste Ha- mas, Yasser Arafat est triomphalement élu premier président de l’exécutif de l’Auto- rité palestinienne avec 88,1 % des voix. La participation du million d’électeurs inscrits est supérieure à 80 %. Par ailleurs, aux élections législatives couplées, sur 88 élus, 65 appartiennent au parti de M. Ara- fat, le Fatah. En Israël, le Premier ministre

Shimon Peres se félicite de ces résultats.

(U chrono. 25/02)

21

Bosnie

Découverte de charniers.

Les enquêteurs américains confirment la découverte de charniers humains dans la région de Srebrenica. Environ 7 000 Mu- sulmans auraient été exécutés en juillet 1995 par des éléments des forces bosno- serbes commandées par le général Ratko Mladic. Le 12 février, deux officiers supé- rieurs de l’armée bosno-serbe suspectés de crimes de guerre et arrêtés quelques jours auparavant par les Musulmans sont défé- rés au Tribunal pénal international sur les crimes commis en ex-Yougoslavie (PPI), basé à La Haye. L’un d’entre eux, le général Djordje Djukic, sera finalement inculpé début mars de « crime contre l’humanité » et de « violation des droits et coutumes de la guerre ».

Cameroun

Progression de l’opposition.

Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) du prési- dent Paul Biya remporte environ 55 % des sièges lors des premières élections munici- pales pluralistes tenues dans le pays. L’op- position enregistre cependant des progrès malgré les obstacles administratifs que lui a tendus le pouvoir.

22

France Recul sur la Sécurité sociale.

Le secrétaire d’État à la Santé et à la Sécu- rité sociale, Hervé Gaymard, indique que le gouvernement abandonne le projet d’impo- sition des allocations familiales (qui aurait favorisé de fait les hauts revenus). Après downloadModeText.vue.download 10 sur 602

CHRONOLOGIE

9 l’ajournement de la réforme des régimes spéciaux de retraite, le report de la presta- tion d’autonomie pour les personnes âgées et l’allégement des pénalités financières infligées aux médecins libéraux qui ne res- pecteront pas les plafonds de dépense, cette nouvelle reculade vide un peu plus de son contenu la réforme de la Sécurité sociale, telle que le gouvernement l’envisageait en 1995 avant les grandes grèves de l’automne.

23

Allemagne

Accord social.

Alors que la croissance économique marque nettement le pas (1,9 % en 1995 contre 2,9 % en 1994), gouvernement, patronat et syndicats s’entendent sur un « pacte pour l’emploi et la compétitivité de l’Allemagne ». Avec l’objectif de diminuer de moitié en cinq ans le nombre des chô- meurs, ce pacte prévoit une série de me- sures en faveur de l’emploi (augmentation des places d’apprentissage, aides renforcées à la création d’entreprise), en échange d’une flexibilité accrue des salaires et des horaires de travail, et d’une réduction progressive des charges sociales. Une fois de plus, le système de concertation à l’allemande dé- montre son efficacité. (U chrono. 20/05)

Grande-Bretagne

Initiative britannique en Ulster.

Le Premier ministre britannique John Ma- jor propose la tenue d’élections en Ulster afin de désigner les représentants au forum sur les négociations de paix. Cette proposi- tion, qui satisfait les protestants unionistes (majoritaires en Irlande du Nord), mécon- tente en revanche les catholiques comme le gouvernement de Dublin. Le Premier ministre irlandais, John Bruton, estime que M. Major enterre ainsi les perspectives de paix par crainte de perdre la majorité aux Communes à Londres, où les voix des dé- putés unionistes lui sont indispensables.

(U chrono. 9/02)

24

France

Candidature d’Alain Madelin.

Le député-maire de Redon (Ille-et-Vi- laine) et ancien ministre des Finances du premier gouvernement Juppé présente sa candidature à la direction de l’UDF, en remplacement de Valéry Giscard d’Estaing. Cette candidature gêne la stratégie de Fran- çois Léotard, qui oppose son libéralisme « social » à l’« ultra-libéralisme » de son concurrent. (U chrono. 31/03)

France

Plan Juppé (suite).

Deux ordonnances mettent en pratique ce qui reste du plan présenté par Alain Juppé à l’automne 1995 en vue de réformer la Sécu- rité sociale. Il s’agit d’une part de l’entrée en vigueur de la cotisation pour le rembour- sement de la dette sociale (RDS), au taux de 0,5 %, et portant sur l’ensemble des reve- nus, y compris les gains au jeu. La seconde ordonnance concerne la fixation des hono- raires médicaux et les sanctions à prendre contre les praticiens qui ne respecteraient pas les objectifs de dépense médicale.

Pologne

Démission du Premier ministre.

En place depuis février 1995, le Premier ministre social-démocrate (ex-commu- niste) Jozef Oleksy est contraint à la démis- sion après avoir été accusé par les services du ministère de l’Intérieur d’espionnage au profit de l’URSS puis de la Russie. M. Olek- sy proteste de son innocence et accuse sans le nommer Lech Walesa d’être à l’ori- gine de la rumeur. Trois jours plus tard, il est élu à la présidence du Parti social- démocrate, en remplacement d’Alexandre Kwasniewski, élu à la présidence de la République en novembre 1995. Le 1er fé- downloadModeText.vue.download 11 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

10 vrier, le social-démocrate Wlodzimierz Cimoszewicz est désigné pour former le nouveau gouvernement. Âgé de quarante- cinq ans, docteur en droit international, M. Cimoszewicz jouit d’une bonne image. En tant que ministre de la Justice, il a cher- ché à lutter contre la corruption et n’a pas hésité à mettre en prison le policier cou- pable de l’assassinat du père Popieluszko. Il constitue une nouvelle coalition avec le Parti paysan. (U chrono. 23/04)

25

Bahreïn

Raidissement du pouvoir.

Après plusieurs semaines de crise et de ma- nifestations, le gouvernement de l’émir al- Khalifa multiplie arrestations et démons- trations de fermeté. L’agitation, sensible dans les quartiers chiites pauvres, traduit l’exaspération de l’opposition face au pou- voir, accusé de ne pas respecter ses pro- messes d’ouverture et de dialogue faites en août 1995. Le gouvernement accuse l’Iran d’attiser les braises.

France

Nouveau président pour l’ARC.

Après la démission de son très contesté pré- sident, Jacques Crozemarie, l’Association pour la recherche sur le cancer se dote d’un nouveau dirigeant en la personne de Mi- chel Lucas, soixante-sept ans. Ancien ins- pecteur général des Affaires sociales (Igas), M. Lucas avait été chargé en 1991 d’une mission d’enquête sur l’association. Il avait alors rédigé une note dans laquelle il faisait état de « véritables irrégularités » dans la gestion d’une « part importante des fonds à la discrétion du président ». Désormais à la tête de l’ARC, M. Lucas souhaite revoir les contrats de sous-traitance passés par son prédécesseur, et, plus largement, rétablir la confiance perdue auprès des donateurs.

(U chrono. 26/06)

France Rythmes scolaires.

Guy Drut, ministre de la Jeunesse et des Sports, annonce que de nouveaux rythmes scolaires vont être testés dans 200 villes : apprentissages scolaires le matin, activi- tés sportives et culturelles l’après-midi. L’aménagement du temps scolaire peut impliquer également un redécoupage de la semaine : semaine de quatre jours, de cinq jours pleins ou semaines alternées de cinq jours pleins et de quatre jours pleins et deux demi-journées. Demeure cependant la question du financement de ces nouveaux horaires, dont on estime le coût à environ 1 500 F par an et par élève concerné.

Russie

Entrée au Conseil de l’Europe.

Malgré la guerre en Tchétchénie et son cor- tège de violences, notamment à l’encontre des populations civiles, la Russie est ad- mise au sein de l’Assemblée parlementaire européenne. Elle devra à ce titre ratifier la Convention européenne des droits de l’homme. Les élus ont donné suite aux pres- sions de leurs gouvernements respectifs, qui tenaient tous à arrimer encore un peu plus la Russie à la démocratie, quelle que soit la situation réelle dans le pays.

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États-Unis

Mme Clinton au tribunal.

Hillary Clinton, épouse du président, est auditionnée devant un tribunal de Washington dans le cadre de l’affaire Whitewater, du nom d’un projet immo- bilier – qui s’est avéré désastreux – dans lequel les époux Clinton avaient investi de l’argent au cours des années 80. Avocate d’affaires à l’époque, Mme Clinton est soup- downloadModeText.vue.download 12 sur 602

CHRONOLOGIE

11

çonnée d’avoir aidé le directeur d’une caisse d’épargne qui avait illégalement utilisé des dépôts de sa caisse pour tenter de renflouer le projet Whitewater. France

Virage européen de Philippe Séguin.

Dans un discours prononcé à Aix-la-Cha- pelle, le président de l’Assemblée natio- nale se présente comme un proeuropéen convaincu et estime « urgente » une « ini- tiative politique » propre à donner un « socle » social à l’Union européenne, trop axée, selon lui, sur l’économie et la finance. Ce virage permet à M. Séguin d’apparaître comme un recours crédible pour le poste de Premier ministre.

Inde/Pakistan Incidents au Cachemire.

De graves incidents opposent les forces ar- mées indiennes et pakistanaises sur la fron- tière, au Cachemire. Ces violences inter- viennent alors que des rumeurs insistantes font état de tests nucléaires imminents en Inde.

Niger

Putsch militaire.

Le chef d’état-major de l’armée nigérienne, le colonel Ibrahim Barré Maïnassara, ren- verse le régime du président élu en 1993, Mahamane Ousmane, à la suite d’un coup d’État ayant fait cinq morts et une dizaine de blessés. La situation politique du pays s’était fragilisée depuis qu’un conflit oppo- sait le président Ousmane et son Premier ministre, Hama Amadou, nommé à son poste à la suite d’une élection législative anticipée qui avait privé le président de sa majorité au Parlement. Le 12 février, le président et le Premier ministre déposés acceptent officiellement leur destitution par l’armée, motivée selon eux par les « dif- ficultés d’application » de la Constitution.

(U chrono. 7/07)

28

France Congrès de Radical.

Jean-Michel Baylet est élu président du deuxième parti de la gauche non commu- niste, que rejoint Bernard Kouchner. Celui- ci en devient bientôt le porte-parole. Tennis

Internationaux d’Australie.

En l’absence de Steffi Graf, l’Américaine naturalisée Monica Seles remporte le titre féminin, tandis que l’Allemand Boris Bec- ker gagne le titre masculin.

29

Canada

Nouveau Premier ministre au Québec.

Deux jours après avoir remplacé Jacques Parizeau à la direction du Parti québé- cois, Lucien Bouchard lui succède comme Premier ministre du Québec. Âgé de cin- quante-sept ans, ancien ambassadeur du Canada à Paris, M. Bouchard est un par- tisan résolu de l’indépendance du Québec, qu’il estime inéluctable après le résultat très serré (49,4 % de « oui ») du dernier référendum sur la question, en octobre 1995.

France

Arrêt des essais nucléaires.

Deux jours après le sixième tir nucléaire, Jacques Chirac annonce la fin de la cam- pagne d’expérimentations dans le Pacifique et la fin définitive des essais nucléaires fran- çais (210 au total, dont 12 tirs de sécurité, étalés sur trente-six années : 31 pendant la présidence De Gaulle, 23 sous Pompidou, 62 sous Giscard d’Estaing, 88 sous Mit- downloadModeText.vue.download 13 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

12 terrand et 6 sous Chirac). Le gouvernement va devoir s’attacher à la reconversion des sites polynésiens de Mururoa, Fangataufa et Hao. (U chrono. 22/02)

France

Inondations dans l’Hérault.

De fortes pluies entraînent de nombreuses inondations dans le département et causent la mort de plusieurs personnes. Toute la région autour de Béziers est menacée par les eaux. France

Mini-plan de relance.

En concertation avec l’Allemagne, le gou- vernement adopte un plan – modeste – de relance de l’économie, dont les effets, chiffrés à 3 milliards de francs, devraient se faire sentir en 1997. Ce plan porte sur la baisse de 1 % du taux du livret A afin de diriger une partie de l’épargne vers la consommation et l’immobilier, une aide supplémentaire à l’investissement des en- treprises, des incitations fiscales au crédit à la consommation et une amélioration de l’aide au logement.

Italie

Incendie de La Fenice.

L’Opéra de Venise, chef-d’oeuvre de l’archi- tecture du XVIIIe siècle et haut lieu de l’art lyrique, est réduit en cendres à la suite d’un incendie accidentel. Les autorités prennent aussitôt la décision de le reconstruire.

Médecine Avancée sur le sida.

On annonce un net progrès dans le traite- ment de la maladie grâce à l’association de trois médicaments différents. Cette « tri- thérapie » permettrait d’obtenir l’élimina- tion de presque toutes les particules virales dans le sang des personnes infectées.

31

Sri Lanka Attentat meurtrier à Colombo.

On déplore plus de 50 morts et de 1 000 blessés à la suite d’un attentat au ca- mion piégé perpétré en plein centre de la capitale. Les soupçons se portent immédia- tement sur les séparatistes tamouls.

Tadjikistan

Flambée de violence.

Des combats meurtriers opposent à nou- veau les forces gouvernementales du pré- sident prorusse Imamoli Rakhmonov et les rebelles islamistes. Ces combats inter- viennent alors que s’enlisent les négocia- tions entre le pouvoir et les rebelles et que l’on déplore l’assassinat du grand mufti Fathulloh Charifzode. Moscou souhaite cependant une réconciliation intertadjike afin de pouvoir disposer d’une base arrière pour mieux soutenir le gouvernement afghan Rabbani-Massoud contre l’offensive des islamistes. downloadModeText.vue.download 14 sur 602

CHRONOLOGIE

13

Février

1

États-Unis/Colombie Sanction américaine.

Bill Clinton raye la Colombie de la liste des pays jugés coopératifs avec les États- Unis dans la lutte contre le trafic de drogue.

Cette décision a pour effet de couper la Co- lombie de plusieurs sources de financement international. (U chrono. 14/02)

Turquie

Renonciation de Tansu Ciller.

Après l’échec d’une première tentative menée par l’islamiste Necmettin Erbakan, Tansu Ciller, Premier ministre sortant, renonce à son tour à former le gouverne- ment. Elle n’a pu s’entendre avec l’autre lea- der conservateur, Mesut Yilmaz, du parti de la Mère patrie. (U chrono. 28/02)

2

France

Report de réformes judiciaires.

Le garde des Sceaux, Jacques Toubon, an- nonce que le Parlement ne sera saisi qu’en 1997 du projet de réforme de la cour d’as- sises. Ce projet prévoit l’instauration d’une procédure d’appel en matière criminelle. En première instance, les affaires seraient jugées par un tribunal permanent compo- sé de trois magistrats professionnels et de deux « citoyens-jurés », dont le mode de dé- signation n’est pas encore précisé. En appel, l’affaire serait jugée par une cour d’assises traditionnelle, avec trois juges et neuf jurés. Les associations de magistrats approuvent l’instauration de l’appel, mais pas la compo- sition du tribunal de première instance. Le 6, la majorité et le gouvernement renoncent par ailleurs à réformer la législation en ma- tière d’abus de biens sociaux. L’idée initiale était de réduire le délai de prescription en ce domaine à six ans, ce qui aurait eu pour conséquence d’« enterrer » de nombreuses affaires. La majorité n’a pas voulu prendre le risque d’apparaître comme désireuse d’amnistier les abus patronaux. Enfin, le 8, les députés renoncent à adopter une législa- tion antisectes. Suite à l’émotion provoquée par la tuerie, en décembre 1995, perpé- trée au sein de la secte du Temple solaire, un rapport avait été commandé au député UDF Alain Gest. Celui-ci a finalement conclu que la législation existante était suf- fisante et qu’il convenait de s’en tenir là, sauf à prendre le risque d’aller à l’encontre du principe constitutionnel de la liberté des croyances et des cultes.

Spectacle

Mort de Gene Kelly.

Le danseur, chanteur et comédien améri- cain meurt à Los Angeles à l’âge de quatre- vingt-trois ans. Né en 1912, il s’impose d’abord comme danseur de claquettes puis se dirige vers le cinéma, où il tourne avec des maîtres comme Vincente Minnelli ou Stanley Donen. Il joue aux côtés de Fred Astaire et de Frank Sinatra, et effectue une prestation impérissable de grâce et d’hu- mour dans Chantons sous la pluie, en 1952. downloadModeText.vue.download 15 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

14

3

France

Jean Miot à la tête de l’AFP.

Président de la Fédération nationale de la presse française, président du Syndicat de la presse parisienne et président du conseil de surveillance de la société de gestion du Figaro, Jean Miot a été nommé pour trois ans président de l’Agence France-Presse, en remplacement de Lionel Fleury. Sa tâche s’avère difficile alors que l’AFP, troisième agence de presse mondiale, doit s’adapter à un univers professionnel et technolo- gique nouveau où dominent les entreprises anglo-saxonnes.

Guinée

Tentative de putsch.

Mécontents de leur solde, quelques cen- taines de militaires provoquent des vio- lences dans la capitale, Conakry, et récla- ment le départ du ministre de la Défense. Après deux jours de combats qui font une quarantaine de morts, le président Lansana Conté, au pouvoir depuis 1983, parvient à maîtriser la situation en promettant une augmentation des soldes et la démission du ministre incriminé. L’autorité du chef de l’État semble cependant ébranlée par l’opération.

4

Afghanistan

Violence et ingérences.

Alors que de nouveaux bombardements s’abattent sur Kaboul et que le pont aérien alimentaire de la Croix-Rouge est forcé de s’interrompre, le pouvoir, représenté par le président Burhanuddin Rabbani et le com- mandant Ahmed Shah Massoud, accuse ses adversaires, les étudiants religieux talibans, d’être soutenus par le Pakistan et l’Ouzbé- kistan. (U chrono. 13/05)

6

Espagne

Assassinats par l’ETA.

Un avocat socialiste, candidat aux élections, ami personnel du chef du gouvernement Felipe Gonzalez, est abattu à San Sebastian par l’ETA, l’organisation séparatiste basque. Huit jours plus tard, l’ancien président du Conseil constitutionnel est exécuté à son tour dans une rue de Madrid. Ces assas- sinats interviennent alors qu’un ancien ministre de l’Intérieur socialiste est inculpé depuis la fin janvier dans le cadre de l’affaire de GAL, ces commandos anti-ETA créés en marge de la loi au cours des années 80. Le 19 février, près d’un million de personnes défilent dans Madrid pour s’opposer au ter- rorisme de l’organisation basque. France

Pollution et mortalité.

Créée par Jean Tibéri en 1995, la com- mission municipale sur la qualité de l’air à Paris rend son premier rapport. Les experts y expliquent qu’« il existe bien un lien entre l’exposition à certaines pollutions et l’augmentation des risques de mortalité et de morbidité. » Publiée le même jour, une étude du Réseau national de santé publique indique également que « la mortalité car- dio-vasculaire prématurée attribuée à la pollution atmosphérique urbaine de type acido-particulaire varie entre 30 à 50 décès par an à Lyon et 260 à 350 décès à Paris ». Le maire de Paris s’engage alors à augmen- ter les crédits d’Airparif, l’organisme chargé de mesurer la pollution atmosphérique, et à engager des études sur le développement des transports en commun non polluants. Les organisations écologiques estiment que downloadModeText.vue.download 16 sur 602

CHRONOLOGIE

15 ces engagements demeurent trop timides.

(U chrono. 3/04)

7

France

Bull se retire de la micro-informatique.

En cédant sa filiale Zenith Data System au constructeur américain Packard Bell, Bull abandonne à l’hégémonie d’outre- Atlantique le secteur de la micro pour se concentrer exclusivement sur les grands systèmes et les systèmes ouverts. Soucieux d’apparaître comme le leader européen du domaine, Bull veut ouvrir son capital à un quatrième actionnaire de référence (après NEC, Motorola et France Télécom), euro- péen si possible.

Haïti

Transition démocratique.

Conformément à ses engagements envers les autorités américaines, le président sor- tant, Jean-Bertrand Aristide, passe le pou- voir à son successeur élu, René Préval, cinquante-trois ans, agronome et militant progressiste. Celui-ci aura fort à faire dans un pays virtuellement ruiné et toujours me- nacé par un éventuel retour à l’action des tueurs macoutes. M. Préval choisit l’écono- miste Rony Smarth, cinquante-cinq ans, comme Premier ministre.

8

France

Carburant végétal.

Alors que l’opinion s’inquiète de plus en plus des effets de la pollution automobile sur l’air ambiant, le Premier ministre Alain Juppé décide que d’ici l’an 2000 les fabri- cants français de carburant devront inté- grer dans leur production des composants d’origine végétale, essentiellement à partir du colza. Si les céréaliers se félicitent de cette décision, les services de Bercy – qui craignent toute forme de détaxe du carbu- rant – et le lobby pétrolier s’y opposent.

Lituanie

Démission à Vilnius.

Compromis dans un scandale bancaire, le Premier ministre, Adolfas Slezevicius, en poste depuis 1993, démissionne à la suite d’une motion de défiance au Parlement. La motion avait été présentée par le prési- dent de la République. Algirdas Brazaus- kas, malgré leur appartenance commune au parti démocratique du Travail (PDLT, ex-communiste). Cette démission risque de relancer l’instabilité politique caractéris- tique des premières années d’indépendance du pays.

Tadjikistan

Remaniement ministériel.

Alors que de violents combats opposent les troupes du gouvernement néocommuniste et les oppositions islamiste et démocra- tique, le Premier ministre Djemchat Kari- mov est remplacé par Iakhio Azimov, à la demande des militaires. Le 27, un cessez- le-feu de trois mois est prononcé.

9

Grande-Bretagne Attentat de l’IRA à Londres.

L’Armée républicaine irlandaise (IRA) re- vendique aussitôt l’attentat à la voiture pié- gée qui a fait deux morts et une centaine de blessés à Londres. Cet attentat met fin au cessez-le-feu décrété par l’IRA en août 1994. Gerry Adams, président du Sinn Féin, la branche politique de l’IRA, estime que le processus de paix en Ulster est « mort », mais souhaite une relance du processus sur des bases nouvelles. (U chrono. 30/05) downloadModeText.vue.download 17 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

16

11

Algérie

Reprise des violences.

Deux attentats à la voiture piégée font 18 morts et une centaine de blessés à Al- ger. L’une des deux bombes visait la Mai- son de la presse, confirmant le fait que les journalistes constituent une des cibles pri- vilégiées des islamistes. Cette reprise de la violence fait suite à l’absence d’ouverture politique du pouvoir envers les factions les plus modérées du Front islamique du salut. (U chrono. 27/03)

Côte d’Ivoire

Élections dans le calme.

Aux élections municipales, le Parti démo- cratique de Côte d’Ivoire (PDCI) du pré- sident Henri Konan Bédié confirme ses positions dans les grandes villes, tandis que l’opposition de gauche et du centre rem- porte quelques succès dans l’Ouest et le Nord.

12

Eurotunnel

Deux mandataires pour 65 milliards.

Afin de répartir le plus équitablement pos- sible entre actionnaires et banquiers les 65 milliards de francs de dettes accumulés par la société concessionnaire du tunnel sous la Manche, le tribunal de commerce de Paris nomme deux arbitres : Robert Badinter, ancien garde des Sceaux, ancien président du Conseil constitutionnel, et lord John Wakeham, ancien ministre de Margaret Thatcher. (U chrono. 7/10)

France

L’épiscopat pour le préservatif.

La commission sociale de l’épiscopat fran- çais admet, pour la première fois, que la menace du sida justifie le recours au pré- servatif. Même si l’Église préfère de beau- coup la fidélité ou l’abstinence comme méthodes pour se protéger, force est pour elle de reconnaître qu’à défaut le préser- vatif demeure le seul moyen d’éviter une conduite suicidaire ou criminelle. Le Vati- can et l’épiscopat français tentent ensuite de minimiser la portée de ce texte, mais l’es- sentiel demeure : l’Église de France a défini une morale d’urgence.

France

Victoires de la musique.

La onzième édition de ce palmarès récom- pense Véronique Sanson, Céline Dion, Maxime Le Forestier et le groupe les Inno- cents. Certains dysfonctionnements – et notamment le fait que des membres du jury soient également producteurs de vedettes en compétition – imposent des change- ments dans l’organisation de ces Victoires pour qu’elles puissent être comparables à leurs équivalents anglo-saxons.

13

Chine

Tension entre Pékin et Taïpeh.

L’armée taïwanaise est placée en état d’alerte, après l’annonce de la mobilisa- tion de 150 000 soldats de Pékin en face de ses côtes. Ce regain de tension inter- vient à quelques semaines de la première élection présidentielle sur l’île de Taïwan. (U chrono. 23/03)

14

Colombie

Le président en accusation.

Devant le Parlement, le procureur général de Colombie accuse le chef de l’État, Er- nesto Samper, d’avoir bénéficié de l’argent du cartel de la drogue pour le financement de sa campagne électorale en 1994. M. Sam- per réfute ces accusations, et son entourage downloadModeText.vue.download 18 sur 602

CHRONOLOGIE

17 affirme qu’elles proviennent des milieux conservateurs, opposés à la politique so- ciale du président. (U chrono. 16/04)

15

Bangladesh

Scrutin largement boycotté.

À peine 15 % des électeurs participent aux élections législatives, marquées par ailleurs par des violences meurtrières. L’opposition, unifiée pour la circonstance (ligue Awami, Jatiya et fondamentalistes musulmans du Jammaat Islami), avait qualifié ce scrutin de « farce ». Constatant l’abstention massive du peuple, le Premier ministre en place, Mme Khaleda Zia, annonce le 27 la tenue prochaine de nouvelles élections organi- sées sous l’égide d’un gouvernement pro- visoire « neutre », où elle ne siégera pas. Le 30 mars, Habibur Rahman est nommé Premier ministre, avec la mission d’orga- niser le scrutin dans un délai de 3 mois. (U chrono. 12/06)

Russie

Candidatures.

Le président en place, Boris Eltsine, et le chef du Parti communiste, Guennadi Ziouganov, ont annoncé leur candidature à l’élection présidentielle du 16 juin. Le même jour, M. Eltsine limoge le directeur de la seconde chaîne de télévision russe, jugé trop peu docile. (U chrono. 16/06)

16

France

Assassinats entre nationalistes corses.

Jules Massa, militant du FLNC-canal his- torique et garde du corps de François San- toni, leader d’A Cuncolta naziunalista, est abattu devant une école maternelle. On remarque que Massa a été tué un an jour pour jour après l’assassinat de Jean-Pierre

Leca, militant du Mouvement pour l’auto- détermination (MPA), organisation rivale d’A Cuncolta. Deux jours plus tard, Charles Andréani, proche du MPA, est abattu à son tour à Porto-Vecchio. (U chrono. 11/03)

Italie

Dissolution du Parlement.

Après l’échec de la tentative menée par Antonio Maccanico, un « technicien, grand commis de l’État », proche de la Démocratie chrétienne, de former un nouveau gouver- nement pour succéder à celui de Lamberto Dini, le président de la République, Oscar Luigi Scalfaro, dissout le Parlement. Les trois principaux partis de la péninsule – Al- liance nationale, Forza Italia (droite) et PDS (gauche) – s’étaient d’abord mis d’accord pour former une coalition le temps de faire adopter une révision de la Constitution (fédéralisme et système semi-présidentiel à la française), mais l’intransigeance de Gian- franco Fini, leader de l’Alliance nationale, a fait capoter le projet et a rendu inéluctables les élections anticipées. (U chrono. 21/04)

Mexique

Accord au Chiapas.

Le gouvernement et l’Armée zapatiste de li- bération nationale (EZLN) signent un pre- mier accord reconnaissant un début d’auto- nomie en faveur des populations indiennes. Consultée, la population a approuvé cet accord qui, cependant, n’aborde pas la question cruciale de la réforme agraire. (U chrono. 28/07)

17

Bosnie

Sommet de crise.

Alors que les incidents se multiplient entre les trois communautés et que les Bosno- Serbes s’insurgent de voir certains d’entre eux suspectés ou inculpés de crimes de guerre, les dirigeants croate (Franjo Tud- jman), musulman (Alija Izetbegovic) et downloadModeText.vue.download 19 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

18 serbe (Slobodan Milosevic) se rencontrent à Rome à l’instigation du médiateur améri- cain Richard Holbrooke. Les trois respon- sables conviennent de relancer le processus de paix tel qu’il a été défini à Dayton (États- Unis), en novembre 1995, et de régler les principaux points de friction locaux, no- tamment à Sarajevo et à Mostar.

États-Unis Succès conservateur aux primaires.

L’ultra-conservateur et nationaliste Pat Bu- chanan l’emporte aux élections primaires du Parti républicain dans le New Hamp- shire. Il devance le favori, Bob Dole, chef de la majorité sénatoriale.

France Mort d’Hervé Bazin.

Le romancier, président de l’académie Concourt, meurt chez lui à Angers à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Hervé Bazin s’était fait connaître du grand public dès 1948 avec Vipère au poing, bientôt suivi de la Mort du petit cheval.

19

France

Réforme de la Constitution.

Réunis en Congrès à Versailles, députés et sénateurs adoptent une réforme de la Constitution ayant trait au financement de la Sécurité sociale. Désormais, le Parlement devrait être davantage associé à l’élabora- tion du financement de la Sécurité sociale, selon des modalités proches de celles uti- lisées pour l’adoption de la loi de finances annuelle (budget de l’État). La CFDT et une partie de FO sont favorables à cette réforme mais pas Marc Blondel ni la CGT, qui dénoncent l’« étatisation » de la sécu et la dépossession des syndicats de leurs res- ponsabilités en ce domaine. La révision est adoptée par 681 voix contre 188, la gauche ayant voté contre.

Rwanda

Crimes contre l’humanité. Le procureur malgache du Tribunal inter- national pour le Rwanda (TPR) installé à Kigali inculpe de crimes contre l’humanité deux anciens responsables hutus détenus en Zambie. Cette inculpation intervient alors que le Zaïre cherche à expulser de son territoire des milliers de réfugiés rwandais, qui refusent leur rapatriement.

20

Irak

Retour des gendres du président.

Réfugiés en Jordanie depuis août 1995, les deux gendres du président Saddam Hus- sein, les généraux Kamel Hassan et Kamel Saddam, rentrent au pays. On s’étonne de ce retour alors que nul n’ignore la cruauté du dirigeant irakien envers tous ceux, et surtout ses proches, qui s’opposent à son régime. Trois jours après, la télévision ira- kienne annonce la mort des deux hommes quelques heures après avoir fait état de leur divorce d’avec les deux filles du président. On apprend également que le père des deux généraux abattus et leur plus jeune frère avaient été également tués.

21

France

Privatisation de Thomson.

Le gouvernement décide la privatisation du groupe Thomson (75 milliards de francs de CA), spécialisé pour une moitié dans l’élec- tronique militaire et civile et pour l’autre dans l’électroménager grand public. Sou- cieux à la fois de diminuer l’endettement du groupe et de faire de Thomson un nou- veau pôle du secteur de défense français, downloadModeText.vue.download 20 sur 602

CHRONOLOGIE

19 les pouvoirs publics demandent également au P-DG du groupe depuis 1982, Alain Gomez, de céder la place à Marcel Roulet. (U chrono. 16/10)

22

France Vers l’armée de métier.

À la télévision, le président Jacques Chirac annonce un plan de six ans pour rénover complètement les forces armées. Compte tenu du changement profond de l’environ- nement international, la mission des armées françaises doit évoluer vers un concept de « forces projetables » – aéroportées et aéro- maritimes – sur l’ensemble de la planète, soit dans un cadre national, soit dans un cadre international, européen ou atlan- tique. Le budget de la défense est appelé à diminuer comme le nombre de régiments et de soldats, tandis que arsenaux et indus- tries de défense doivent se réorganiser et se regrouper. Enfin, l’armée doit évoluer vers une complète professionnalisation, ce qui implique à terme la fin de la conscription et du service militaire. Le chef de l’État se refuse à chiffrer dans l’immédiat le montant des économies à réaliser et le nombre d’em- plois en jeu, mais certains estiment à plus de 50 000 le nombre des postes menacés dans les industries d’armement. La classe politique demeure relativement muette face à ce vaste programme de réforme militaire : hormis le Parti communiste, les amis de Jean-Pierre Chevènement et le Front national, aucun parti ne condamne formellement l’abandon de la conscription. La veille du discours présidentiel, de vastes restructurations dans l’industrie de défense avaient été annoncées : d’une part, dans le domaine aéronautique, il a été décidé un rapprochement entre Aerospatiale et Das- sault (avec un CA consolidé de 60 milliards de francs) ; d’autre part, dans le domaine de l’électronique, est prévue la constitution d’un vaste pôle autour de Thomson, dont la privatisation devrait intervenir rapidement.

Russie

Soutien du FMI.

Malgré l’instabilité politique et économique du pays, le Fonds monétaire international octroie à la Russie un prêt de 50 milliards de francs, le deuxième en importance accordé par cette institution depuis celui qu’elle avait consenti en février 1995 au Mexique, lors de sa crise financière. Cette décision constitue clairement un appui manifeste au candidat Eltsine à quatre mois des élections présidentielles.

23 Macédoine Remaniement gouvernemental à Skopje.

Le Parti libéral, qui participait à la coalition gouvernementale depuis 1994, est évincé du pouvoir à la suite de dissensions avec l’Alliance sociale-démocrate (SDSM) du Premier ministre Branko Crvenkovski, qui détient 60 des 120 sièges du Parlement.

Russie

Crise dans l’Église orthodoxe.

Le patriarche de l’orthodoxie russe, Alexis II, exprime publiquement son oppo- sition envers Bartholomée Ier, patriarche de Constantinople et chef spirituel de toute l’orthodoxie mondiale (200 millions de fidèles). Le prétexte de la brouille est la volonté de Bartholomée de placer l’Église d’Estonie sous sa juridiction, mais le véri- table enjeu du conflit est la direction de l’ensemble des Églises orthodoxes à travers le monde (Grèce, Serbie, Ukraine, Amé- rique du Nord). downloadModeText.vue.download 21 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

20

25

Guinée Équatoriale Teodoro Obian Nguema réélu.

Le président sortant est reconduit avec 99 % des suffrages exprimés, alors que les princi- paux candidats de l’opposition s’étaient reti- rés pour protester contre les conditions du scrutin.

Israël

Attentats islamistes.

Deux attentats, l’un à Jérusalem, l’autre au sud du pays, tuent 27 personnes et en blessent 85 autres. Ils sont aussitôt reven- diqués par les islamistes intégristes du Hamas, qui visent ainsi clairement à tor- piller le processus de paix en cours. Yasser Arafat, président de l’Autorité palestinienne « condamne totalement » ces attentats meurtriers avant de décréter hors la loi tous les groupes armés dans l’ensemble des territoires palestiniens. Le 3 mars, un com- mando suicide attaque un autobus à Jérusa- lem, provoquant la mort de 19 personnes. Lorsqu’il se rend sur place, le Premier ministre Shimon Peres est hué par la foule. (U chrono. 13/03)

26

France

Réforme dans la grande distribution.

Soucieux de réduire le pouvoir des grandes surfaces, accusées de fausser le système des prix, le gouvernement présente un projet de loi rééquilibrant la concurrence au détri- ment des hypermarchés. Le texte s’attaque aux prix cassés, en interdisant les ventes à perte, qui permettent aux grands maga- sins de séduire le client en consentant des baisses extrêmes sur quelques produits afin de mieux faire passer des prix plus élevés sur la majorité des autres produits. Le pro- jet permet également aux fournisseurs de refuser de vendre si les hypers proposent des prix trop bas. Enfin, il est prévu pour les agriculteurs la possibilité de constituer des ententes afin de peser plus lourd lors des négociations avec les distributeurs. Le 28 avril, Jean-Pierre Raffarin, ministre du Commerce et de l’Artisanat, propose un nouveau texte, qui limite cette fois l’urba- nisme commercial. Le projet fait passer de 1 000 mètres carrés à 300 le seuil à partir duquel une procédure d’autorisation pré- alable est nécessaire pour l’installation de tout nouveau commerce de grande sur- face. Le projet de loi vise aussi à limiter le nombre des élus au sein des commissions délivrant les autorisations aux nouvelles grandes surfaces, afin de limiter les risques de corruption ou, plus simplement, la ten- tation d’accepter toutes les demandes au nom de la création d’emplois nouveaux.

Maroc/UE

Accord de coopération.

Le Maroc et l’Union européenne signent un accord de coopération prévoyant la libéra- tion des échanges de produits industriels sur les douze années à venir, l’ouverture de négociations agricoles en l’an 2000, un dia- logue politique régulier et une aide massive de 5 millions d’écus.

Sierra Leone

Élections sanglantes. Des éléments de l’armée et des rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) tentent par la violence d’entraver le premier tour des élections présidentielles et législatives, les premières depuis 1967 à se dérouler de façon libre. Le chef de la junte au pou- voir maintient cependant le déroulement du scrutin. À l’issue du deuxième tour, le 17 mars, Ahmad Tejan Kabbah, soixante- quatre ans, diplomate et chef du SLPP, est élu avec 60 % des voix. Les militaires annoncent qu’ils quitteront le pouvoir le 31 mars.

Zaïre

Remaniement ministériel.

Le Premier ministre Kengo Wa Dondo remanie son gouvernement, qui ne com- downloadModeText.vue.download 22 sur 602

CHRONOLOGIE

21 prend plus aucun membre de l’opposition menée par Étienne Tshisekedi.

27

France

Écoutes téléphoniques.

La Cour de cassation annule les écoutes téléphoniques initiées par la police en février 1995 dans le cadre de l’affaire du docteur Jean-Pierre Maréchal. Celui-ci est le beau-père du juge Éric Halphen, qui en- quêtait alors sur des affaires de financement politique occulte en région parisienne. La police avait voulu piéger le docteur, qui, selon les dires d’un élu des Hauts-de-Seine, Didier Schuller – en fuite depuis –, aurait accepté d’influer sur son gendre en échange de un million de francs. La Cour rappelle que les policiers ne sont pas habilités à monter des écoutes téléphoniques, celles-ci restant sous la responsabilité exclusive des juges d’instruction.

28

Turquie

Coalition laïque de centre droit. Tansu Ciller et Mesut Yilmaz sont finale- ment parvenus à se mettre d’accord sur une rotation à la tête du cabinet. M. Yilmaz, qua- rante-huit ans, prend la tête de la coalition pour un an et devrait ensuite être remplacé par Mme Ciller. De nombreux observateurs s’accordent pour penser que l’armée a fait pression sur les deux rivaux de la droite turque pour les forcer à s’allier afin de faire barrage aux islamistes. (U chrono. 25/05)

29

États-Unis

La télévision sous surveillance.

Les principaux dirigeants de la télévision passent un accord avec Bill Clinton afin de limiter l’accès des jeunes aux programmes comportant de la violence ou du sexe. Le dispositif prévoit une classification systé- matique et un encodage des programmes qui devrait permettre aux familles munies d’une « puce filtrante » de les bloquer à l’avance afin d’en interdire la vision à leurs enfants. Cette nouvelle procédure risque de s’avérer fort onéreuse ; elle suppose des centaines d’heures quotidiennes de codage préalable ; elle privera par ailleurs les chaînes de rentrées publicitaires, les an- nonceurs boudant des programmes dont ils sauront d’emblée qu’ils seront censurés par de nombreuses familles.

Tunisie

Raidissement du pouvoir.

Président du Mouvement des démocrates socialistes (MDS), le principal parti d’op- position, Mohamed Mohada est condamné à onze ans de prison pour ses liens suppo- sés avec la Libye. Ce verdict très lourd est interprété comme un avertissement délivré à l’ensemble des partis politiques. downloadModeText.vue.download 23 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

22

Mars

1

Angola Union nationale. À l’issue d’un sommet organisé à Libreville par le président gabonais Omar Bongo, le président de l’Angola, Eduardo Dos Santos, et le chef de l’UNITA, Jonas Savimbi, an- noncent la formation dans les mois à venir d’un gouvernement d’union nationale.

Asie/Europe

Sommet de Bangkok.

Le sommet euro-asiatique réunit les Quinze de l’UE plus la Commission et dix pays asiatiques. Les participants décident de créer un « partenariat » entre les deux continents et d’engager un dialogue fondé sur le « respect mutuel » (ce qui permet d’éviter d’évoquer la question délicate des droits de l’homme). Ils se retrouveront en 1998 à Londres.

2

Australie Victoire des conservateurs.

Avec 90 sièges sur 148, contre 47 pour leurs rivaux travaillistes, les conservateurs rem- portent largement les élections après treize années passées dans l’opposition. John Howard succède à Paul Keating au poste de Premier ministre. Ce dernier annonce qu’il abandonne également la direction du Parti travailliste. John Howard s’est fait connaître grâce à sa réputation d’intégrité ; son programme porte essentiellement sur une action en faveur des PME et sur une limitation du pouvoir des syndicats.

3

Cinéma 21e Nuit des césars.

La Haine de Mathieu Kassovitz reçoit le césar du meilleur film français, Claude Sautet celui du meilleur réalisateur pour Nelly et M. Ar- naud. Isabelle Huppert et Michel Serrault sont désignés comme meilleurs acteurs.

Espagne

Courte victoire des conservateurs.

Avec 38,85 % des voix et 156 sièges (sur un total de 350), le Parti populaire (PP, conser- vateur) de José Maria Aznar remporte les élections législatives. Il va diriger le pays à la place du Parti socialiste, au pouvoir de- puis 1982, crédité de 37,48 % des suffrages et de 141 sièges. Cette courte victoire prive les conservateurs d’une majorité abso- lue et les oblige à constituer une coalition avec les petits partis nationalistes, catalans, basques et canarien. Âgé de quarante-trois ans, M. Aznar est inspecteur des finances ; petit-fils d’un ambassadeur de Franco, il a succédé en 1989 à Manuel Fraga Iribarne à la tête de l’Alliance populaire, qu’il a trans- formée en une formation plus moderne, le PP. (U chrono. 4/05)

France

Marc Blondel réélu.

Le secrétaire général de Force ouvrière est réélu à son poste par 85 % des voix. Son adversaire, Jacques Mairé, ne parvient à imposer aucun de ses partisans au sein downloadModeText.vue.download 24 sur 602

CHRONOLOGIE

23 de la commission exécutive de la centrale syndicale.

Littérature

Mort de Marguerite Duras.

L’écrivain meurt à Paris à l’âge de quatre-vingt- un ans. Née en Indochine le 4 avril 1914, elle s’installe à Paris en 1932 et publie, douze ans plus tard, son premier roman, les Impudents. Sympathisante communiste, elle participe à la Résistance, où elle fait la connaissance de François Mitterrand. En 1950 paraît son premier roman majeur, Un barrage contre le Pacifique, et impose son style très particulier, fait d’émotions et de répétitions. Elle écrit éga- lement pour le théâtre (Des journées entières dans les arbres) et réalise plusieurs films, dont India Song en 1975. En 1984, elle obtient le prix Goncourt pour l’Amant, qui connaît un succès mondial. Elle laisse une oeuvre de plus de 70 livres.

6

États-Unis/Cuba

Embargo renforcé contre Cuba.

En représailles contre la destruction par la chasse cubaine, le 24 février, de deux avi- ons civils affrétés par des anticastristes, Washington renforce l’embargo contre Cuba, en dissuadant notamment tout in- vestissement étranger dans l’île. Canadiens (premiers partenaires commerciaux de La Havane) et Européens protestent contre ce diktat américain et soulignent que la déci- sion intervient à quelques mois des élec- tions présidentielles, alors que le candidat Clinton a besoin du vote des Américains d’origine cubaine. (U chrono. 16/07)

Russie

Offensive tchétchène.

Afin de desserrer l’étau autour du village de Sernovodsk, les indépendantistes lancent une opération de diversion contre la capitale, Grozny. Ils parviennent à s’emparer de plu- sieurs quartiers de la ville. Les semaines qui suivent sont marquées par une suite d’offen- sives et de contre-offensives. Les troupes russes bombardent plusieurs villages, jusqu’à en raser certains complètement, et poussent à l’exode des milliers de civils. (U chrono. 31/03)

7

Autriche

Nouveau gouvernement.

Près de trois mois après les élections légis- latives de décembre 1995, les partis social- démocrate (SPÖ) et conservateur (ÖVP) s’entendent pour la reconduction de leur coalition gouvernementale. Celle-ci sera à nouveau dirigée par le chancelier sor- tant, Franz Vranitzky (cinquante-neuf ans, en poste depuis dix ans), assisté du même vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères, le leader conservateur Wol- fgang Schüssel, cinquante ans. Malgré la défaite de son parti en décembre (28,3 % des voix contre 38,1 % aux sociaux-démo- crates). M. Schüssel a réussi à imposer à M. Vranitzky l’adoption d’un programme d’économies budgétaires beaucoup plus drastique que ne le souhaitait ce dernier. (U chrono. 13/10)

Suisse

Fusion dans la pharmacie.

Sandoz et Ciba-Ceigy annoncent la signa- ture d’un accord de fusion, qui repré- sente la plus grande opération de ce type jamais réalisée dans l’industrie. Le nouvel ensemble, qui aura pour nom Novartis, regroupera 143 000 salariés, pour un CA global de 110 milliards de francs.

8

Iran

Élections à l’Assemblée consultative islamiste. Les ultra-conservateurs de l’Association du clergé combattant (ACC) l’emportent assez downloadModeText.vue.download 25 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

24 largement sur les « modernistes » des Servi- teurs de la reconstruction, proches du chef de l’État, Ali Akbar Hachemi Rafsandjani. Toutefois, les observateurs estiment que cette majorité religieuse et conservatrice ne devrait pas remettre en cause les dé- buts de « dialogue critique » instauré avec l’Occident.

Turquie Un écrivain condamné.

Yachar Kemal, le célèbre romancier turc d’origine kurde, âgé de soixante-treize ans, est condamné à vingt mois de prison avec sursis à la suite d’un article publié dans un ouvrage collectif intitulé la Liberté d’opinion et la Turquie.

10

Andes

Système d’intégration.

Les cinq pays du Pacte andin (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela) lancent le système andin d’intégration (SAI), inspiré par l’Union européenne. Il est prévu des consultations régulières au niveau des chefs d’État et des ministres des Affaires étrangères, et l’institution d’un se- crétariat général permanent. On espère que ce SAI permettra de sortir le Pacte andin de sa torpeur.

11

France

Violences en Corse. En quatre jours, trois assassinats (dont un contre un militant nationaliste d’A Cun- colta), une tentative d’assassinat (contre un militant nationaliste de l’ANC) et le mitraillage du domicile parisien d’un jour- naliste du quotidien Libération, chargé de l’actualité corse, viennent rappeler que la violence n’a pas quitté l’île de Beauté mal- gré l’appel à la trêve lancé en janvier par le FLNC-canal historique. (U chrono. 16/04)

13

Cinéma

Mort de Krzysztof Kieslowski.

Le réalisateur polonais meurt à cinquante- cinq ans à Varsovie. Ses principales oeuvres sont le Décalogue (1987-1989), réflexion sur le mal et peinture impitoyable de la société polonaise inspirée par les dix com- mandements, et la trilogie Trois Couleurs : Bleu, Blanc et Rouge (1992-1994).

France

Henri Emmanuelli condamné.

Le député des Landes, ancien trésorier puis premier secrétaire du PS, est condamné en appel par la cour de Rennes à 18 mois de prison avec sursis, 30 000 F d’amende et deux ans de privation des droits civiques. Cette condamnation intervient dans le cadre de l’affaire Urba, une officine qui servait de « pompe à finances » pour le PS. L’ensemble des dirigeants socialistes, mais aussi certains membres de la majorité cri- tiquent ce jugement, faisant observer que M. Emmanuelli n’a jamais été soupçonné d’enrichissement personnel. Ce dernier se pourvoit en cassation.

Grande-Bretagne Carnage dans une école écossaise.

Près d’Édimbourg, un forcené, ancien res- ponsable scout, tue seize petits enfants et leur institutrice avant de se donner la mort.

Indonésie

Émeutes en Papouasie.

Des milliers de manifestants s’opposent durement aux forces armées dans la ville minière de Timika, située dans la partie indonésienne de la Nouvelle-Guinée. Les manifestants papous reprochent à la com- pagnie minière américaine qui exploite les gisements de minéraux précieux de la downloadModeText.vue.download 26 sur 602

CHRONOLOGIE

25 région de ne pas rétrocéder une part équi- table des profits à la population locale ; celle-ci s’inquiète, par ailleurs, des dégâts écologiques causés par les compagnies forestières.

Proche-Orient

Sommet antiterroriste.

Les dirigeants des principaux pays occiden- taux et des pays de la région se réunissent à Charm el-Cheikh, en Égypte, pour relan- cer le processus de paix au Proche-Orient après les attentats en Israël et à quelques semaines des élections dans ce pays. Au- cune décision concrète n’est prise ; seule est réaffirmée la volonté de combattre, à un niveau international, le terrorisme isla- miste. La droite israélienne critique verte- ment cette conférence, qu’elle juge comme une ingérence dans la vie politique du pays. (U chrono. 29/05)

15

Allemagne

Brouille avec Téhéran.

Premier partenaire commercial de l’Iran, Bonn lance cependant un mandat d’arrêt international contre le ministre des Ren- seignements du gouvernement de Téhé- ran, accusé d’être l’instigateur d’un attentat contre des opposants kurdes à Berlin, en 1992.

France

Incarcération de Christian Proust.

Président du conseil général du Territoire de Belfort et proche de l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, M. Proust est mis en examen et incarcéré pour avoir dé- bloqué des aides départementales en faveur de l’entreprise d’informatique Gigastore, soupçonnée d’être une « coquille vide » et une « pompe à subventions ». Appuyé par M. Chevènement, M. Proust proclame qu’il n’a agi qu’en vue de créer des emplois et que les autorités administratives compétentes avaient préalablement donné leur aval à l’entreprise, spécialisée dans la fabrique de disques durs informatiques de haute capacité. Libéré au bout de quinze jours, M. Proust décide de diffuser les premières pages de son dossier d’instruction sur In- ternet, afin de démontrer son innocence. Les magistrats protestent contre le procédé.

Grande-Bretagne/UE

La crise de la vache folle.

Le ministre de la Santé britannique révèle qu’une étude menée sur dix personnes at- teintes du syndrome de Creutzfeldt-Jakob avait établi un « lien possible » entre cette maladie et l’encéphalopathie spongiforme bovine, dite « maladie de la vache folle ». Le problème serait venu de farines alimen- taires à base animale fournies au bétail. Par mesure d’économie, elles auraient été insuf- fisamment chauffées, ce qui les aurait ren- dues nocives. L’insuffisance des contrôles vétérinaires dans les abattoirs britanniques, consécutive aux mesures de déréglementa- tion prises par le gouvernement de Marga- ret Thatcher, est également mise en cause. Dans les jours qui suivent, 23 pays, dont la France, suspendent leurs importations de viande britannique. Le 25, le comité vétérinaire permanent de l’UE estime à son tour qu’un risque de transmission de cette maladie animale à l’homme n’est pas exclu. Malgré les protestations de Londres, la Commission de Bruxelles confirme l’inter- diction faite à la Grande-Bretagne d’expor- ter vers l’UE comme vers les pays tiers de la viande de boeuf et des produits dérivés. La consommation s’effondre dans tous les pays européens. Le 1er avril, les autorités britanniques sont contraintes d’annoncer qu’elles vont procéder à l’abattage et à la destruction de plus de 4 millions de bovins âgés de plus de 30 mois. Londres exige que l’UE prenne en charge 80 % du coût de cette opération. L’embargo est maintenu. Le 16 avril, le gouvernement de M. Major présente des mesures d’abattage très en retrait par rapport aux engagements pris à Bruxelles et déclare qu’il va engager une ac- tion en justice devant la Cour européenne downloadModeText.vue.download 27 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

26 contre l’embargo imposé aux exportations de boeuf britanniques.

Suède

Nouveau Premier ministre.

Göran Persson, quarante-sept ans, succède à Ingvar Carlsson. Il était jusque-là ministre des Finances dans le gouvernement de celui- ci. Désigné par la direction du Parti social- démocrate, M. Persson incarne une poli- tique d’austérité qu’il a réussi à imposer dans le pays, et ce malgré l’opposition d’une partie des sociaux-démocrates, la persistance d’un fort courant « eurosceptique » ainsi que d’un taux de chômage élevé (12,8 %).

16

Comores

Nouveau président élu.

Six mois après la tentative de putsch per- pétrée par le mercenaire Bob Denard, Mohamed Taki Abdoulrahim remporte les élections présidentielles au deuxième tour, avec 64 % des voix. Âgé de soixante ans, ingénieur des Ponts et Chaussées, M. Ab- doulrahim est un chaud partisan des rela- tions étroites de l’archipel avec la France.

17

Cinéma

Mort de René Clément.

Le réalisateur français meurt à Monte-Car- lo à l’âge de quatre-vingt-deux ans. Consi- déré comme un « maître-artisan » du sep- tième art, davantage attaché au travail bien l’ait qu’à la définition d’une forme propre, il demeure dans la mémoire du public avec la Bataille du rail (1945), Jeux interdits (1951) et Paris brûle-t-il ? (1966).

Pays-Bas

Fin de Fokker.

Le célèbre avionneur néerlandais est mis en faillite, laissant au chômage près de 5 000 salariés. La fin de l’entreprise, créée en 1919, semblait inéluctable depuis que le géant allemand Daimler-Benz, rentré en 1993 dans le capital à hauteur de 40 %, avait annoncé son retrait.

Sierra Leone

Élections présidentielles.

Mohamed Taki Abdoukarim est élu chef de l’État avec 64,29 % des voix. Il succède à une junte militaire au pouvoir depuis 1992 et alors que doivent s’engager des négocia- tions entre la guérilla et l’armée pour tenter de mettre un terme à la guerre civile enta- mée en 1991.

18

Bénin

Retour de Mathieu Kérékou.

L’ancien dictateur marxisant qui avait diri- gé le pays de 1972 à 1991 remporte les élec- tions présidentielles avec 54 % des voix. Il bat le président Nicéphore Soglo, pourtant crédité d’un bilan positif, tant sur le plan de l’établissement de la démocratie que sur celui de l’économie. Mais plusieurs mala- dresses politiques et des soupçons de cor- ruption pesant sur l’entourage de M. Soglo ont joué en faveur de son concurrent. De nombreux observateurs restent sceptiques quant à la conversion de M. Kérékou à la démocratie.

20

France Violence à l’école.

François Bayrou, ministre de l’Éducation nationale, présente son plan de préven- tion de la violence à l’école. Ce plan, qui downloadModeText.vue.download 28 sur 602

CHRONOLOGIE

27 comporte 17 mesures, s’organise autour de 3 axes : l’encadrement (formations spé- cialisées pour les enseignants et agents travaillant dans des quartiers sensibles, ex- tension des systèmes d’assurance, création de postes supplémentaires de surveillants, etc.) ; les élèves et les parents (mise en place de médiateurs, meilleure information, lutte contre l’absentéisme) ; les établissements (filtrage des entrées, instauration d’une contravention pour intrusion, limitation de la taille des établissements, etc.).

21

Albanie/Grèce Rapprochement.

Alors que depuis plusieurs années les deux pays s’opposaient durement sur la question des minorités grecques en Albanie et sur la présence des travailleurs albanais en Grèce, les deux pays signent un accord « d’amitié et de coopération ».

22

France

Évacuation d’immigrés africains.

Trois cents immigrés africains « sans pa- piers » sont évacués par la police de l’église Saint-Ambroise, dans le XIe arrondisse- ment de Paris. Ils occupaient ce lieu de culte depuis cinq jours. Ils avaient reçu la visite et l’appui moral de l’archevêque de Paris, Jean-Marie Lustiger, qui avait cepen- dant indiqué que l’occupation ne pourrait pas durer « indéfiniment ». Les immigrés se réfugient ensuite dans un gymnase du quartier, d’où ils sont à nouveau chassés le 25. Auparavant, ils avaient reçu la visite de l’abbé Pierre. (U chrono. 23/08)

23

Taïwan

Élections présidentielles.

Alors que la marine de Pékin croise dans le détroit de Taïwan pour des manoeuvres d’intimidation et que plusieurs navires de guerre américains ont été dépêchés vers l’île, le chef de l’État sortant Lee Teng-hui, soixante-treize ans, leader du Kuomin- tang, est élu avec 54 % des suffrages (pour un taux de participation de 76 %) à l’issue de la première élection présidentielle dans l’histoire de la Chine nationaliste. Partisan d’une négociation pragmatique avec Pékin, M. Lee l’emporte sur des candidats favo- rables soit à la déclaration d’indépendance définitive, soit au rapprochement immédiat avec le continent. Fort de ce résultat, il va pouvoir asseoir sa légitimité auprès de la communauté internationale. 24

Allemagne

Redressement des libéraux.

Alliés aux chrétiens-démocrates au sein de la coalition gouvernementale, mais en nette perte de vitesse depuis plusieurs années, les libéraux du FDP, dirigés par le ministre des Affaires étrangères Klaus Kinkel, regagnent du terrain lors de trois scrutins régionaux. Le vote marque également un recul du SPD, handicapé par ses problèmes de leadership.

26

France

Changement à la tête de l’Express.

Denis Jeambar remplace Christine Ockrent à la direction de la rédaction de l’Express. Âgé de quarante-huit ans, il a fait sa carrière au Point avant de devenir directeur général de l’antenne à Europe 1 en 1995. Christian downloadModeText.vue.download 29 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

28

Brégou, P-DG de CEP Communication, propriétaire du titre, souhaite un magazine « plus visuel, plus jeune et plus convivial ».

27

Algérie

Rapt de moines français.

Sept moines français, vivant dans le monas- tère isolé de Tibehirine, à quelques kilo- mètres de Médéa, sont enlevés. Ce rapt est revendiqué un mois plus tard par le Groupe islamique armé (GIA), qui propose la res- titution des religieux contre la libération de plusieurs de ses militants incarcérés en France. (U chrono. 21/05)

29

France Fusillade à Roubaix.

Trois délinquants sont tués et deux policiers blessés lors d’une fusillade dans le quartier populaire de l’Alma, à Roubaix. Les per- sonnes abattues appartiennent au milieu intermédiaire entre le grand banditisme et la mouvance islamiste.

Russie

Rapprochement inter-républiques.

Les chefs d’État de Russie, de Biélorussie, du Kazakhstan et du Kirghizistan signent à Moscou un accord de rapprochement. Cette ébauche de marché commun entre les quatre anciennes républiques sovié- tiques, même si elle est censée s’opérer dans le respect « de la souveraineté et de l’indé- pendance de chacun », ne manque pas de susciter chez certains, notamment en Bié- lorussie, la crainte de l’impérialisme russe. Quelque 30 000 personnes ont ainsi défilé à Minsk pour protester contre la politique de rapprochement avec Moscou prônée par le président Alexandre Loukachenko.

UE

Sommet de Turin.

Les dirigeants des 15 pays membres de l’Union européenne ouvrent la conférence intergouvernementale (CIG) pour la révi- sion du traité de Maastricht. Les débats portent essentiellement sur le volant social du dossier. Entre la Grande-Bretagne, qui ne veut pas en entendre parler, et les pays nordiques, qui souhaitent qu’un chapitre entier soit consacré à l’emploi, une voie moyenne est trouvée : c’est le « mémoran- dum social » du gouvernement français qui servira de base aux travaux de la CIG. Par ailleurs, les Quinze ont réaffirmé que le dossier de la « vache folle » était bien une affaire européenne devant être traitée au niveau communautaire.

31

France

François Léotard à la tête de l’UDF.

Soutenu par François Bayrou, leader de Force démocrate, François Léotard, pré- sident du Parti républicain, est élu dès le premier tour président de l’UDF, en rem- placement de Valéry Giscard d’Estaing. Il l’emporte sur Alain Madelin et sur André Rossinot, député-maire de Nancy et prési- dent du Parti radical. Russie

Cessez-le-feu.

Boris Eltsine ordonne un cessez-le-feu à ses troupes basées en Tchétchénie et annonce la tenue d’élections libres dans cette répu- blique d’ici l’été. Les combats reprennent cependant dans les jours qui suivent, d’au- tant plus que les commandants du corps expéditionnaire russe manifestent une downloadModeText.vue.download 30 sur 602

CHRONOLOGIE

29 opposition à peine voilée au plan Eltsine.

(U chrono. 22/04)

Météo : l’Hiver

Décembre 1995.

Les températures sont supérieures aux normales dans la moitié sud, mais inférieures dans la moitié nord. Le mercure descend à – 16,1 °C à Bessans [73], – 11,4 °C à Chamonix, mais seulement 0,7 °C à Ouessant, 1,6 °C à Nice et 3,1 °C à Bastia.

Les précipitations s’échelonnent de 20 mm au Puy à 780 à Castanet-le-Haut [34]. La neige n’a une cer- taine importance qu’au-dessus de 1 500/1 700 m et tombe surtout en 3e décade. Des pluies ver- glaçantes perturbent le trafic dans le Nord-Est et l’Est, les 8, 12 et 30 décembre (aéroport de Stras- bourg fermé).

La durée d’insolation, déficitaire, est comprise entre 18 heures à Mâcon et 114 à Marignane.

Janvier.

Une fréquence exceptionnelle de régimes per- turbés d’origine méridionale (17 jours pour une normale de 6) et l’absence de régimes d’ouest se traduisent par :

– une extrême douceur dans la moitié sud (l’excé- dent atteint 5,1 °C à Chamonix et à Bourg-Saint- Maurice), mais des températures déficitaires du Nord à l’Alsace ;

– une grande fréquence du foehn dans les hautes vallées savoyardes (15 jours ; ancien record 10 jours) et de l’autan dans la région toulousaine (22 jours) ; – des précipitations violemment contrastées. Les cumuls sont impressionnants dans les régions méditerranéennes : 1 075 mm (record depuis un siècle), dont 723 du 20 au 29 au mont Aigoual, 1 028 à Cassagnas [48], 978 à Mayres [07], 942 à Loubaresse [07], 843 à Castanet-le-Haut [34], 645 à Caussols [06] et 470 à Quenza [20] ; sur la côte même, on recueille 350 mm au cap Camarat (an- cien record : 239), 314 à Cannes (ancien record : 242) et 224 à Nice. Ailleurs en France, les préci- pitations mensuelles sont particulièrement défi- cientes (moins de 10 mm en Alsace, dans le nord de la Lorraine, et en haute Tarentaise). La neige tombe avec abondance au-dessus de 1 500/1 700 m dans les Alpes du Sud, les Pyrénées-Orientales et les Cévennes (2,67 m au mont Aigoual), mais elle downloadModeText.vue.download 31 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

30 est très rare sur les autres massifs. Des pluies ver- glaçantes sont observées dans le Nord-Est.

Dans le Sud-Ouest et les régions méditerra- néennes, les gelées sont quasi inexistantes et les températures diurnes, souvent printanières (à Biarritz, 21 jours avec plus de 15 °C : maximum de 20,5 °C à Socoa). En revanche, on note jusqu’à – 10,4 °C à Charleville, – 9,2 °C au Touquet, – 8,9 °C à Luxeuil, – 8,4 °C à Reims, – 7,9 °C à Rouen et – 5,9 °C à Paris.

Le soleil ne brille que 26 heures à Strasbourg (23 jours sans aucun rayon) et à Dijon. À Mon- télimar et à Nîmes, avec respectivement 41 et 56 heures, les records de faible insolation sont battus. Les vents, peu fréquents dans le Nord-Est, atteignent les 22-23 des pointes de 198 km/h au puy de Dôme.

Février.

Mois assez froid, particulièrement du 4 au 6 et du 19 au 23. Le déficit thermique varie de – 0,2 °C à la pointe du Raz à – 1,9 °C à Saint-Quentin. Le mer- cure s’abaisse jusqu’à – 23 °C à Bessans, – 20 °C à Hauteville [01] et à Marcenat [15], – 17,7 °C à Villard-de-Lans, – 17,6 °C à Chamonix, – 15 °C à Fontainebleau, – 13,5 °C à Troyes, – 12,8 °C à Charleville, – 12,5 °C à Romorantin, – 12,1 °C à Épinal, mais seulement ù 0,2 °C à Ouessant, 2,1 °C à Bastia et 2,5 °C à Nice. Quant aux maximums, ils grimpent jusqu’à 15,3 °C à Grenoble, 17,4 °C à Perpignan, 17,6 °C à Bordeaux, 18,1 °C au Luc [83] et 18,3 °C à Calvi. Les précipitations sont comprises entre 11 mm à Pomègues [13] et 480 au mont Aigoual ; en Corse, Ghisoni reçoit plus de 400 mm. Principales pé- riodes perturbées : les 1er et 2, surtout sur l’est de la Corse (248 mm au col de Larone) avec inondations et éboulements ; les 6 et 7, violente tempête dans l’Ouest et le Sud-Ouest (2 morts), neige en de nom- breuses régions ; du 24 au 27, fortes pluies dans le Nord-Ouest (inondations dans le Calvados, le Maine-et-Loire et l’Ille-et-Vilaine) et dans le Midi (170 mm à Béziers et 208 au mont Aigoual), et le 26 en Corse (124 à Ghisoni). Les cumuls de neige sont les plus importants de l’hiver (106 cm sur 150 à Chamonix, 180 sur 400 à La Plagne, 219 sur 481 à l’Alpe-d’Huez et... 449 sur 1 041 au mont Aigoual – ces deux valeurs sont des records absolus pour l’observatoire cévenol dont les terrasses croulent sous une couche de 2,60 m !)

Le soleil brille plus de 100 heures des Pyrénées aux Alpes du Sud et en Corse, mais il est plutôt rare du Centre aux Ardennes (29 heures à Avord). Les anémomètres indiquent des rafales de 209 km/h au mont Aigoual le 8, 191 à Florange le 22, 187 au puy de Dôme le 18, 180 à la pointe du Raz le 7 et 176 au cap Ferret le 7. downloadModeText.vue.download 32 sur 602

CHRONOLOGIE

31

Avril

1

France

G7 sur l’emploi.

Réunis à l’initiative de Jacques Chirac, les ministres du Travail et certains ministres de l’Économie des 7 pays les plus industria- lisés du monde se retrouvent à Lille pour débattre des meilleurs moyens de relancer l’emploi, alors que l’on ne compte pas moins de 30 millions de chômeurs dans l’ensemble de ces pays. Le président français propose une « troisième voie » entre le libéralisme anglo-saxon et l’économie sociale de mar- ché à l’allemande. Le consensus s’opère sur la nécessité à la fois d’accroître la flexi- bilité du marché du travail, d’améliorer la formation de base et de développer des programmes d’investissements créateurs d’emplois.

2 Télévision Alliance CLT/Bertelsmann.

La Compagnie luxembourgeoise de télé- vision (CLT) et l’Allemand Bertelsmann s’allient pour devenir ensemble le premier groupe audiovisuel d’Europe, réalisant un CA consolidé de 20,7 milliards de francs. Les deux groupes, qui, depuis plusieurs mois, se disputaient devant les tribunaux le contrôle de RTL-télévision, la première chaîne privée allemande, ont préféré s’asso- cier pour aborder en position de force l’ère numérique. En comprimant les messages audiovisuels, la technique du numérique permet de multiplier par huit la capacité de diffusion d’un même canal, et donc de diminuer considérablement les coûts de diffusion. L’enjeu principal passe donc du contrôle des canaux de diffusion à celui de la production des programmes. D’où les nouvelles synergies qui défraient la chro- nique du monde audiovisuel. Dans les jours qui suivent le rapprochement CLT/Bertels- mann, l’entrepreneur belge Albert Frère renforce sa participation dans le holding Audiofina, qui contrôle la CLT. Ce faisant, il marginalise au sein d’Audiofina Havas, à qui il reprochait d’avoir amorcé début mars, via Canal +, un rapprochement avec Bertelsmann et avec le magnat australien Rupert Murdoch en vue de constituer un « bouquet » numérique en Allemagne.

3

États-Unis

Arrestation d’« Unabomber ».

Le maniaque qui envoyait des colis piégés responsables de la mort de 3 personnes et des blessures de 43 autres est arrêté. Il s’agit de Theodore Kacynski, cinquante-trois ans, ancien brillant assistant de mathématiques à l’université, vivant en ermite depuis les années 70 dans une cabane perdue au fond des forêts du Montana. Il était devenu cé- lèbre après la publication à l’automne 1995 sous le pseudonyme d’« Unabomber » dans de grands journaux américains d’un mani- feste écolo-délirant prônant « une révolu- tion contre la société industrielle ». Recon- downloadModeText.vue.download 33 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997 32 naissant sa prose habituelle, son frère l’avait dénoncé à la police.

France

Projet de loi sur l’air.

Corinne Lepage, ministre de l’Environne- ment, présente un projet de loi sur la qua- lité de l’air. L’article premier du projet sti- pule : « Chacun a droit à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. » Le dispositif prin- cipal du texte consiste à rendre obligatoire la surveillance de la qualité de l’air grâce à un financement par une taxe sur les pro- duits pétroliers. La constitution de zones réservées aux véhicules non polluants sera favorisée. En juin, Mme Lepage reçoit une rallonge budgétaire de 200 millions qui devrait lui permettre de mettre en place le réseau national de surveillance de l’air. Le 14, l’Assemblée nationale adopte un amen- dement prévoyant la gratuité des transports en commun dans les villes en cas de dépas- sement des seuils de pollution.

4

États-Unis Mort du secrétaire d’État au Commerce.

Ron Brown, cinquante-quatre ans, se tue dans un accident d’avion au-dessus de la Croatie. Il se rendait dans la région avec plusieurs hommes d’affaires américains pour envisager sur place les opérations de reconstruction.

France/Liban

Jacques Chirac à Beyrouth.

Le président français effectue la première visite d’un chef d’État étranger au Liban depuis la fin de la guerre civile en 1991. Il plaide pour l’indépendance de ce pays et déclare qu’il souhaite le départ des troupes syriennes une fois la paix instaurée au Proche-Orient. Malgré ces prises de posi- tion, la minorité chrétienne critique la ve- nue de M. Chirac qu’elle considère comme une caution apportée à l’occupation sy- rienne. Après le Liban, M. Chirac se rend en Égypte, où il plaide pour la relance d’une « politique arabe » de la France, mais dans le cadre de l’Europe. Ukraine Autonomie pour la Crimée.

Le Parlement de Kiev adopte la constitu- tion de la république autonome de Crimée (largement peuplée de Russes), mais refuse de reconnaître la « citoyenneté intérieure » et les symboles de souveraineté (drapeau) de la presqu’île.

6

Turquie Offensive contre le PKK.

L’armée turque lance une vaste offensive dans le Sud-Est anatolien contre les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdis- tan (PKK). Au moins une centaine de com- battants kurdes sont abattus.

8

Liberia

Reprise de la guerre civile.

Des milliers de civils fuient la capitale, Monrovia, alors que s’affrontent combat- tants de l’ethnie krahn et forces gouver- nementales sous le commandement de Charles Taylor et d’Alhadji Kromah. Les forces de l’Ecomog, la force ouest-africaine d’interposition, restent délibérément en dehors des combats. Le 19, un cessez-le-feu est conclu et les forces viennent s’interposer entre les deux camps.

Macédoine

Normalisation avec Belgrade.

La république fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et la Macédoine se reconnaissent mutuellement. Athènes, qui n’accepte pas que la république de Skopje se downloadModeText.vue.download 34 sur 602

CHRONOLOGIE

33 donne le nom de Macédoine, qui est aussi celui d’une des provinces septentrionales de la Grèce, accepte mal cette normalisa- tion diplomatique.

Sri Lanka État d’urgence. La présidente Chandrika Kumaratunga dé- crète l’état d’urgence sur l’ensemble du pays, en invoquant les attaques terroristes que les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) pourraient lancer en vue de pertur- ber les élections locales, prévues fin juin.

10

Chine/France

Li Peng à Paris.

Le Premier ministre chinois effectue une vi- site officielle de trois jours en France. Alors que de nombreuses associations dénoncent la situation des prisonniers politiques en Chine, Li Peng a refusé d’avance que la ques- tion des droits de l’homme soit d’une façon ou d’une autre abordée. La France, dont le rôle vis-à-vis de la Chine peut bénéficier du refroidissement des relations de celle-ci avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, voudrait faire participer Pékin aux grandes conférences internationales, notamment sur la question du désarmement. Le diri- geant chinois demeure réticent et préfère se concentrer sur les échanges économiques. Le voyage se conclut sur la signature de plusieurs gros contrats (dont la livraison de 33 Airbus), pour un montant total de 33 milliards de francs, et sur une invitation officielle en Chine faite à Jacques Chirac.

11

Corée du Sud Élections délicates.

À la suite d’une campagne agitée marquée par la mort d’un jeune étudiant contesta- taire et par de nombreuses révélations sur la corruption du pouvoir, et alors qu’on note un regain de tension avec le voisin du nord, le parti du président Kim Young-sam, le NKP, perd la majorité absolue à l’Assem- blée nationale. En réalité, le NKP, qui bais- sait dans l’opinion depuis plusieurs mois, a limité ses pertes ; il a dramatisé l’état de tension avec la Corée du Nord, ce qui lui a permis de jouer sur le réflexe de sécurité et de légitimité des électeurs.

France

Mort de Marcel Bleustein-Blanchet.

Le pionnier de la publicité en France meurt à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. En 1926, il fonde à vingt ans l’agence de publicité Publicis. Trois ans plus tard, il a l’idée, tout à fait nouvelle à l’époque, d’utiliser la radio comme support publicitaire. Il fonde en 1935 sa propre radio, « Radio Cité », et impose un ton radicalement novateur. Il fait ensuite une guerre brillante comme aviateur puis comme résistant. À la Libé- ration, il développe ses affaires et com- mence à conseiller de nombreux hommes politiques : il initiera même le général de Gaulle au maniement de la communication à la télévision. Il réussira parfaitement à organiser sa succession chez Publicis, tout en continuant à pratiquer un rôle de conseil avisé pour son agence. Il était le père de l’es- sayiste Élisabeth Badinter.

12

France

Rapport Fauroux.

Installée par le Premier ministre Alain Jup- pé et présidée par Roger Fauroux, ancien P-DG de Saint-Gobain et ancien ministre du Travail du gouvernement Rocard, la commission chargée de réfléchir sur la ré- forme du système éducatif rend son avant- projet de rapport. Les principales proposi- tions du document sont : aménagement des rythmes scolaires (travail le matin, sport l’après-midi) à l’école primaire ; limita- downloadModeText.vue.download 35 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

34 tion du nombre des professeurs par classe en 6e et 5e ; possibilité pour les collèges et lycées de modifier 20 % des programmes et horaires nationaux ; multiplication des conseillers d’orientation dans les lycées ; renforcement de l’autonomie des univer- sités ; mise à niveau systématique des étu- diants débutants ; instauration du principe de l’alternance entre études et apprentissage en entreprise.

Quelque peu dépossédé de son rôle par cette commission, François Bayrou, ministre de l’Éducation nationale, prend aussitôt ses distances par rapport à ce document de tra- vail, qui dit peut-être un peu crûment une vérité désagréable à entendre : sauf à être largement réformée, l’école ne remplit plus que très imparfaitement son rôle d’intégra- tion sociale.

Israël/Liban

Échanges de roquettes.

Armée israélienne et militants libanais du parti islamiste Hezbollah échangent des tirs de roquette par-dessus la frontière. Au bout de quelques jours, Jérusalem lance une opération de grande envergure appelée « Raisins de la colère ». Les chefs des diplomaties française et américaine, MM. Hervé de Charette et Warren Christo- pher, rivalisent auprès des capitales concer- nées pour imposer leur médiation. Le 18, la chasse israélienne bombarde le village de Cana, faisant 94 morts et une centaine de blessés dans la population civile. Il appa- raît clairement que, à quelques semaines des élections israéliennes, Shimon Peres a voulu frapper fort, au risque de tuer des civils, afin de rassurer son opinion publique traumatisée par les attentats islamistes. Le 27, un cessez-le-feu intervient entre Israël et le Liban. Avec les États-Unis et la Syrie, la France fait partie d’un « groupe de sur- veillance » chargé de veiller à l’application de ce cessez-le-feu. (U chrono. 7/05)

16

France

Violences en Corse.

Un militant sympathisant d’A Cuncolta na- ziunalista, la vitrine légale du FLNC-canal historique, et un policier du RAID sont tués lors d’une fusillade dans les rues d’Ajaccio. Les dirigeants d’A Cuncolta contestent leur lien avec le militant abattu et affirment leur attachement au processus de paix ouvert en janvier.

Colombie

Guérilla meurtrière.

Plus de 30 soldats sont tués dans le sud du pays lors d’une embuscade tendue par des guérilleros des Forces armées révolution- naires de Colombie (FARC, marxistes). Celles-ci sont également soupçonnées d’avoir organisé, au début du mois, l’enlè- vement du jeune frère du secrétaire de l’Organisation des États américains (OEA). Le chef de l’État, Ernesto Samper, lui-même paralysé par une campagne d’accusations lui reprochant d’avoir bénéficié de l’argent de la drogue, réitère sa volonté de mainte- nir l’état d’urgence en vigueur dans le pays depuis novembre 1995.

17

Brésil

Massacre de paysans.

Vingt-trois personnes sont abattues à la mi- trailleuse par la police alors qu’elles parti- cipaient, dans l’État du Para, en Amazonie, à une manifestation de paysans sans terre. Le président Fernando Henrique Cardoso n’hésite pas à mettre en cause les forces de police et affirme que les responsables seront jugés. downloadModeText.vue.download 36 sur 602

CHRONOLOGIE

35

18

Égypte

Touristes assassinés.

Dix-sept touristes grecs et leur accompa- gnateur égyptien sont assassinés dans le hall d’un hôtel du Caire. Ce massacre est aussi- tôt attribué aux commandos islamistes, qui avaient depuis trois ans limité leurs actions contre les étrangers. Le tourisme représente la première source de devises du pays.

France

L’abbé Pierre et le négationnisme.

Roger Garaudy, dont le dernier ouvrage, les Mythes fondateurs de la politique israé- lienne, a fait l’objet d’une plainte pour néga- tionnisme de la part du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), révèle qu’il a reçu l’appui de l’abbé Pierre, à qui il est uni par une très ancienne amitié. Interrogé, l’abbé confirme et, s’il ne nie pas le désastre, estime que l’on a « exa- géré » après la guerre les chiffres de l’exter- mination des Juifs. L’émotion est intense et, le 1er mai, la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) exclut l’abbé de ses rangs. Le 23 juillet l’abbé Pierre retire publi- quement ses propos sur l’ouvrage de Roger Garaudy auquel il maintient cependant sa confiance. (U chrono. 22/07)

19

France

Concentration bancaire.

Le Crédit agricole prend le contrôle de la banque d’affaires Indosuez. Cette diversifi- cation des activités de la « banque verte » représente un grand changement dans le fonctionnement de celle-ci et, à plus long terme, préfigure une recomposition inévi- table du secteur bancaire français.

Russie

G7 nucléaire.

Les dirigeants des 7 pays les plus indus- trialisés du monde, plus la Russie, se réu- nissent à Moscou pour un sommet consa- cré aux problèmes de la sécurité nucléaire. L’essentiel des débats porte sur les risques que font courir au monde 26 réacteurs nucléaires soviétiques (en Russie, en Bulga- rie, en Ukraine, notamment) ainsi que de nombreux stocks de matière radioactive. Sans doute pour ne pas gêner le candidat Eltsine à quelques semaines des élections, aucune mesure réellement contraignante n’est envisagée. Seule décision notable : l’engagement russe à signer avant fin sep- tembre le traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

21

France

Mort de Robert Hersant.

Fondateur du plus important groupe de presse français. Robert Hersant meurt à l’âge de soixante-seize ans. Après une jeu- nesse marquée par une collaboration active pendant l’Occupation, il démarre en 1949 la constitution de son empire avec la créa- tion de l’Auto-Journal puis de l’Oise-Ma- tin. Il multiplie ensuite les créations ou les reprises de titres, que ce soit dans la presse spécialisée (Paris-Turf) ou dans la presse locale et régionale (France-Antilles, Paris-Normandie). En 1975, c’est le cou- ronnement de carrière pour celui qu’on surnomme le « papivore », quand il devient propriétaire du Figaro, qu’il prolonge avec la création du Figaro Magazine et de Ma- dame Figaro. À partir de la seconde moitié des années 80, le groupe Hersant s’endette (jusqu’à hauteur de 4 milliards de francs en 1995). Une tentative malheureuse dans la télévision (prise de participation de la Cinq entre 1987 et 1990) fragilise encore un peu plus le groupe, dont on se demande ce qu’il va devenir après la mort de son fondateur. downloadModeText.vue.download 37 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

36

Parallèlement, Robert Hersant, une fois levée l’indignité nationale qui lui avait été infligée à la Libération, a mené une carrière politique, avec des mandats électifs dans l’Oise (d’abord, dans les années 50, sur une liste de centre gauche conduite par Pierre Mendès France et François Mitterrand, puis, dans les années 80, à droite, apparenté UDF) et comme député européen.

Italie

Victoire du centre gauche.

Menée par l’économiste Romano Prodi, la coalition de centre gauche, l’Olivier (consti- tuée des anciens communistes du PDS, des Verts, des chrétiens-démocrates de gauche du PPI ainsi que du Renouveau italien, le nouveau parti constitué par Lamberto Dini), remporte les élections avec 43,3 % des suffrages et 284 sièges à la Chambre des députés (sur un total de 360). Elle bat la coalition de droite (Forza Italia, Alliance nationale), créditée de 43,6 % des voix, mais de 246 sièges seulement à la Chambre. Avec 21,1 % des voix, le PDS est le premier parti d’Italie, devant Forza Italia (20,6 %), l’Alliance nationale (15,4 %) et la Ligue du Nord (10,4 %). Pour obtenir la majorité ab- solue, l’Olivier sera obligé de composer avec l’extrême gauche de Refondation commu- niste, forte de 35 députés. (U chrono. 17/05)

22

Paraguay

Menace de putsch.

Le général Lino Oviedo, commandant en chef de l’armée de terre et héros du coup d’État contre le dictateur Stroessner en 1989, menace de mettre en action ses troupes contre le gouvernement. Le conflit est né entre lui et le président élu, un civil, Juan Carlos Wasmosy, alors qu’ils s’oppo- saient pour la présidence du parti au pou- voir, le Colorado. Dans un premier temps, le président Wasmosy semble reculer en proposant au général le poste de ministre de la Défense, à la condition que celui-ci abandonne l’uniforme. Puis, trois jours plus lard, fort du soutien de plusieurs diri- geants étrangers et d’une partie de l’opinion nationale, il revient sur ses promesses. En fin de compte, le général Oviedo quitte l’ar- mée pour se consacrer à l’action politique.

Russie

Mort du leader tchétchène.

Repéré par un satellite alors qu’il télépho- nait sur son portable, Djokhar Doudaev est tué par un missile russe. Ancien et premier général tchétchène de l’armée soviétique, marié à une Russe, il avait pris la tête du mouvement indépendantiste en 1991. Il est remplacé par Zelimkhan Iandarbiev, qua- rante-quatre ans, considéré comme plus extrémiste que le leader défunt.

23

France

Pas de nouvelle législation sur l’immigration. Le Premier ministre, Alain Juppé, annonce que le gouvernement n’a pas l’intention de proposer de nouvelles lois en matière d’im- migration. La question s’était posée après la présentation par le député RPR des Alpes- Maritimes Suzanne Sauvaigo d’un rap- port préconisant des mesures radicales en matière de lutte contre l’immigration clan- destine (limitation dans l’accès aux soins médicaux, à la scolarisation des enfants, prise systématique des empreintes digi- tales, expulsion des mineurs, allongement à 45 jours de la rétention administrative des clandestins arrêtés sans papiers, etc.). De nombreuses voix, à gauche mais aussi dans la majorité, s’étaient fait entendre pour protester contre ces menaces sur les droits de l’homme.

Pologne Réhabilitation.

Ancien Premier ministre en 1995, contraint à la démission en janvier 1996 à la suite d’une accusation d’espionnage au profit de downloadModeText.vue.download 38 sur 602 CHRONOLOGIE

37 l’URSS puis de la Russie, le social-démo- crate (ex-communiste) Josef Oleksy est réhabilité par la justice.

24

Japon

Procès de la secte Aum.

Sous forte protection policière, le procès de Shoko Asahara, gourou de la secte Aum, s’ouvre à Tokyo. Cette secte est accusée d’avoir organisé en mars 1995 dans le métro de Tokyo un attentat au gaz mortel qui avait coûté la vie à 11 personnes et déclenché une vague de panique dans tout le pays. Ce procès est suivi avec passion par l’opinion japonaise, mais il s’enlise rapidement dans d’obscures procédures. Le mystère demeure sur les motifs de l’attentat comme sur les carences de la police au moment des faits.

26

Proche-Orient

Modération palestinienne.

Le Parlement de l’OLP (Organisation de li- bération de la Palestine) décide à une forte majorité d’éliminer de sa charte fondatrice les articles qui nient l’existence de l’État juif. Yasser Arafat donne ainsi un sérieux coup de pouce à Shimon Peres, artisan du processus de paix, à un mois des élections israéliennes.

Soudan

Sanctions internationales.

Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte des sanctions contre le Soudan en vue d’obtenir l’extradition de militants islamistes soup- çonnés de participation à une tentative d’assassinat contre le président égyptien Hosni Moubarak en juin 1995. Les sanc- tions demeurent modérées, car, en dehors des États-Unis, les membres du Conseil n’étaient pas favorables à l’instauration d’un embargo aérien.

28 France

Dissensions à France Télévision.

Après les révélations par la presse de contrats mirobolants accordés par son président, Jean-Pierre Elkabbach, à cer- tains animateurs, France Télévision met fin au contrat passé avec Jean-Luc Delarue pour l’élaboration de programmes nou- veaux. Celui-ci contre-attaque en assignant France 2 et France 3 en justice. Le malaise était né à la suite de la publication, fin 1995, du rapport d’Alain Griotteray, député UDF du Val-de-Marne et collaborateur du Fi- garo Magazine, qui indiquait que France 2 avait garanti à l’avance plus de 600 millions de chiffres d’affaires à un certain nombre d’animateurs vedettes, comme Jean-Luc Delarue, Nagui, Arthur ou Mireille Dumas. Le problème a été rendu plus aigu par le fait que ces animateurs sont devenus également les producteurs de leurs émissions, ce qui leur a permis d’augmenter considérable- ment leurs bénéfices. La mise à jour de ces contrats hors norme provoque bientôt un profond malaise au sein de France Télévi- sion, où les syndicats s’insurgent contre le manque de transparence de la direction. Le directeur général de France 3, Xavier Gou- you-Beauchamps, fait savoir qu’il n’avait pas été informé de la signature de ces contrats, qui, pourtant, l’engageaient indi- rectement. Philippe Douste-Blazy, ministre de la Culture, en charge de la communi- cation, fait savoir qu’il souhaite modifier le cahier des charges de France Télévision et en renforcer le contrôle par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Après avoir sacrifié ses deux principaux collabo- rateurs, Patrick Clément et Louis Bériot, M. Elkabbach finit par présenter sa démis- sion le 31 mai, expliquant qu’il avait été pris dans une contradiction, celle de respecter la mission de service public et celle de faire downloadModeText.vue.download 39 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

38 de l’audience, comme TF1. Il est remplacé par M. Gouyou-Beauchamps, cinquante- neuf ans, énarque et ancien porte-parole du président Valéry Giscard d’Estaing.

France Plan drastique à Air France Europe.

Quelques jours après avoir annoncé un net redressement des comptes à Air France pour 1995, Christian Blanc, le président de la compagnie aérienne, annonce un plan drastique pour sauver Air France Europe

(anciennement Air Inter). Le déficit d’ex- ploitation de la compagnie s’élevant à près de 500 millions de francs en 1995, M. Blanc propose de fermer les lignes déficitaires, de diversifier les offres commerciales et de li- miter les rémunérations du personnel navi- gant, en particulier des pilotes, supérieures de 91 % en moyenne à celles de leurs homo- logues de la Lufthansa. Les syndicats refu- sant énergiquement ces solutions, M. Blanc menace de supprimer purement et simple- ment la compagnie. (U chrono. 4/07) downloadModeText.vue.download 40 sur 602

CHRONOLOGIE

39

Mai

3

France

Réduction du temps de travail.

Le patronat de la métallurgie (UIMM) et les deux syndicats CGC et FO signent un accord sur l’aménagement du temps de travail dans la branche : annualisation (39 heures en moyenne sur l’année, mais avec des pointes, en cas de besoin, jusqu’à un maximum de 46 heures) et réduction (1 à 6 jours de repos supplémentaires en fonction du nombre de semaines au cours desquelles l’horaire a varié). Les autres syn- dicats, et notamment la CFDT, fer de lance de la négociation sur la réduction du temps de travail, estiment que cet accord privilé- gie la flexibilité par rapport à une véritable diminution des heures travaillées.

4

Espagne

Nouveau gouvernement Aznar.

Après deux mois de tractations avec les for- mations régionalistes basques, catalanes et canariennes, José Maria Aznar dispose en- fin d’une majorité au Parlement. Avec seu- lement 16 députés et moins de 5 % des voix, le dirigeant catalan Jordi Pujol, un temps allié à Felipe Gonzalez, a pu imposer ses conditions à la nouvelle équipe, pourtant moins encline que les socialistes à com- prendre les revendications d’autonomie des formations régionalistes. M. Aznar forme alors un gouvernement restreint de 14 mi- nistres où l’on retrouve tous les « ténors » du Parti populaire, dont Abel Matutes aux Af- faires étrangères. Dans les jours qui suivent, M. Aznar annonce qu’il va engager une po- litique d’austérité afin de répondre aux cri- tères d’adhésion à la monnaie unique euro- péenne. Il prévoit d’importantes réductions de dépenses publiques et la suppression de postes de fonctionnaires.

6

Guatemala

Accord guérilla-gouvernement.

La guérilla et le gouvernement concluent un accord portant sur la réforme agraire (répartition des terres au profit des tra- vailleurs agricoles et aide à l’accès au cré- dit bancaire), l’éducation et la santé. Signé en présence de Rigoberta Manchu, prix Nobel de la paix 1992, cet accord est pré- senté comme l’amorce d’un processus de paix « désormais irréversible ». Sévissant depuis trente-six ans, la guerre civile gua- témaltèque a fait plus de 100 000 morts. (U chrono. 11/11)

7

Allemagne

Manifestations antinucléaires.

Des militants écologistes tentent de couper la route en Allemagne du Nord à un convoi de déchets nucléaires qui reviennent de France après avoir été traités à l’usine de La Hague. Des milliers de policiers sont downloadModeText.vue.download 41 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

40 mobilisés et procèdent à des dizaines d’interpellations. Inde

Défaite du parti du Congrès.

Au pouvoir durant quarante-quatre des qua- rante-neuf ans de l’indépendance indienne, le parti du Congrès ne dispose plus, après les élections législatives, que de 130 sièges au Parlement sur un total de 545. Le grand vainqueur de la consultation est le parti na- tionaliste Bharatiya Janata Party (BJP), qui a obtenu 160 sièges de député. L’idéologie du BJP consiste en une volonté de rabais- ser l’influence des musulmans (11,5 % de la population) et de rompre avec la laïcité issue de la colonisation britannique. Le BJP propose également d’abandonner définiti- vement la tradition du « socialisme bureau- cratique » de l’ère Nehru, mais, faute d’avoir la majorité à lui tout seul, se voit contraint de tenir un discours centriste, assez proche de celui de l’équipe sortante. Le 16, Atal Behari Vajpayee, une des figures domi- nantes du BJP, devient Premier ministre à la place de Narasimha Rao, en place depuis 1991. Âgé de soixante-neuf ans, M. Vaj- payee est un brahmane modéré, souvent en retrait par rapport aux engagements très marqués du président du BJP, L. K. Advani. Il forme un gouvernement composite avec des représentants des fractions « dures » et modérées du mouvement nationaliste. (U chrono. 28/05)

Israël/Liban

Reprise des combats.

Alors qu’une enquête de l’ONU accuse l’armée israélienne d’avoir délibérément bombardé le 18 avril le village de Cana, au Liban sud, tuant de nombreux civils, les hostilités reprennent entre soldats juifs et militants islamistes libanais du Hezbollah. Le 16, Français et Américains s’entendent pour présider à tour de rôle le « groupe de surveillance » chargé de veiller au maintien de la paix dans la zone.

8

Afrique du Sud

Nouvelle constitution.

Après deux ans de négociations, la plupart des forces politiques du pays adoptent au Parlement la première constitution démo- cratique de l’histoire de l’Union. La clause du « power sharing » (partage du pouvoir) entre Blancs et Noirs est abandonnée. Le président élu n’aura pas de Premier mi- nistre, mais sera assisté par un vice-prési- dent et des ministres qu’il choisira parmi les députés. Ces derniers seront élus à la proportionnelle, comme les membres du Conseil des provinces (sénat). En dehors du petit African Christian Democratic Party (ADCP), qui estimait que le texte ne garantissait pas assez les valeurs religieuses et familiales, seul l’Inkhata, la formation bantoue de Mangosuthu Buthelezi, a refusé d’accepter ce texte, jugé éminemment dé- mocratique. Deux jours plus tard, le Parti national (NP), la formation de l’ex-prési- dent Frederik De Klerk, annonce qu’il va se retirer à la fin du mois de juin de la coalition gouvernementale formée en 1994 par Nel- son Mandela. Ayant contribué à faire adop- ter dans sa version définitive la nouvelle règle du jeu constitutionnelle, M. De Klerk estime que, désormais, son rôle politique se situe dans l’opposition. (U chrono. 21/08)

Football PSG champion d’Europe.

En battant 1 à 0 les Autrichiens du Rapid de Vienne, les Parisiens remportent la Coupe des vainqueurs de coupe et deviennent le downloadModeText.vue.download 42 sur 602

CHRONOLOGIE

41 deuxième club français, après Marseille, à gagner un titre européen.

France

Mandat d’arrêt international contre Serge

Dassault.

La justice belge lance un mandat d’arrêt international contre Serge Dassault, patron du groupe aéronautique qui porte son nom. L’accusation vise les agissements de la filiale Dassault-Électronique, qui aurait versé une commission occulte de plus de 10 millions de francs à certains responsables politiques belges en vue de l’obtention du marché de l’équipement électronique des avions F-16 américains achetés par Bruxelles. Déjà en 1995, une perquisition avait été conduite au siège bruxellois de Dassault, précédant de deux jours le suicide d’un général très lié aux milieux aéronautiques français. Le lan- cement de ce mandat empêche M. Dassault de quitter le territoire français.

9

Ouganda

Élection du président sortant.

Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, remporte les premières élections présiden- tielles au suffrage universel organisées en Ouganda. Obtenant 74,2 % des suffrages exprimés, il bat son principal concurrent, Paul Ssenogerere, crédité de 23,7 % des voix. M. Museveni a dominé partout dans le pays, sauf dans le Nord où l’opposition demeure majoritaire. Les observateurs étrangers estiment que la fraude a joué sur 10 à 15 % du scrutin et craignent que l’ave- nir ne repose largement sur le « despotisme éclairé » du président. Celui-ci déclare en effet que le pays ne sera mûr pour le plu- ralisme intégral que d’ici une « quinzaine d’années ».

10

France

La grâce pour Omar Raddad.

Jacques Chirac gracie en partie le jardi- nier marocain condamné à dix-huit ans de réclusion pour le meurtre en 1991 de son employeur, Mme Ghislaine Marchal. La peine du Marocain est réduite de cinq ans, ce qui devrait lui permettre de quitter la prison en 1998. Le procès de Raddad avait fait grand bruit car les preuves de sa culpa- bilité n’étaient pas toutes incontestables. M. Chirac a pris sa décision à la suite du voyage officiel du roi Hassan II en France.

12

Italie

Création d’un « gouvernement du Nord ».

Après avoir institué un Parlement, Umber- to Bossi, chef de la Ligue du Nord, installe un « gouvernement du Nord » chargé de préparer l’autonomie des provinces sep- tentrionales de l’Italie, soit dans le cadre du fédéralisme, soit dans celui de la sécession. Lors des élections législatives du 21 avril, le mouvement de M. Bossi a recueilli près de 30 % des suffrages dans certaines par- ties du Nord et 10,4 % au niveau national. (U chrono. 15/09)

Niger

Nouvelle constitution.

Par référendum (marqué par une forte abs- tention, supérieure à 65 % des inscrits), la nouvelle constitution instituant un régime présidentiel est approuvée par 90 % des vo- tants. Ce scrutin intervient six jours après la signature d’un accord entre le Niger et le FMI prévoyant un programme d’ajus- downloadModeText.vue.download 43 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

42 tement structurel appuyé par une aide de 90 millions de dollars.

13

Afghanistan

Alliance gouvernement-intégristes.

Face à l’offensive des talibans, étudiants islamiques ultra-traditionalistes, le régime modéré du président Burhanuddin Rab- bani et du ministre tadjike de la Défense Ahmed Shah Massoud conclut une alliance avec son adversaire d’hier, Gulbuddin Hek- matyar, chef du parti islamique intégriste Hezb-e-Islami, formation jadis soutenue par le Pakistan, qui joue désormais la carte des talibans. Ces derniers sont de l’ethnie pashtoune, majoritaire dans le pays et for- tement implantée chez le voisin pakista- nais. (U chrono. 26/09)

France

Privatisation partielle de Renault.

Le ministère des Finances annonce son intention de céder 6 des 53 % du capital de la société que l’État détient, faisant ainsi basculer sa participation à un niveau mino- ritaire. Les acquéreurs de ces 6 % seront choisis par l’État afin de former le Groupe des actionnaires stables. EDF, les AGF et la Bayerische Bank figurent parmi les pressentis.

14 Allemagne

Limitation du droit d’asile.

La Cour constitutionnelle de Karlsruhe confirme la validité de la loi votée en juin 1993 qui limitait fortement le droit d’asile (refus pour toute personne provenant d’un pays tiers considéré comme démocratique, nécessité pour le demandeur d’apporter la preuve qu’il a été persécuté dans son pays).

Le nombre des demandeurs d’asile est ainsi passé de 438 000 en 1992 à 128 000 en 1995.

15

Bosnie

Destitution du Premier ministre bosno-serbe. Radovan Karadzic, président des Serbes de Bosnie, inculpé par le tribunal interna- tional de La Haye de « crime de guerre », limoge son Premier ministre, Rajko Kasa- gic, jugé trop proche des Occidentaux. Toutefois, devant l’hostilité des Américains et des Européens à son endroit, M. Kara- dzic délègue une partie de ses pouvoirs à Mme Biljana Plavsic, ardent défenseur elle aussi du « nettoyage ethnique ». Pour répondre d’avance aux pressions des Occi- dentaux, qui souhaitent le départ complet de M. Karadzic, les partisans de celui-ci menacent d’organiser un référendum dans la partie bosno-serbe pour confirmer l’atta- chement du peuple à la direction de leur président en exercice. (U chrono. 25/06)

États-Unis

Affrontement commercial avec la Chine.

Pour protester contre la pratique massive – estimée à deux milliards de dollars par an – de contrefaçon de produits américains en Chine (notamment en matière informa- tique et audiovisuelle). Washington menace de faire passer à 100 % les droits de douane sur un certain nombre d’importations chinoises. Les autorités de Pékin sont mises en demeure de prendre des mesures éner- giques contre leurs industries de contrefa- çon avant le 17 juin. Celles-ci ripostent aus- sitôt en prévoyant la taxation de nombreux produits américains. (U chrono. 17/06) downloadModeText.vue.download 44 sur 602

CHRONOLOGIE 43

16

Italie

Nouveau gouvernement.

Le président Oscar Luigi Scalfaro charge Romano Prodi, cinquante-six ans, de for- mer le 55e gouvernement italien de l’après- guerre. M. Prodi constitue une équipe de 20 ministres, dont 10 sont issus du PDS (ex-communiste). On y retrouve égale- ment deux anciens présidents du Conseil, Lamberto Dini, auparavant ministre de Silvio Berlusconi, aux Affaires étrangères, et Carlos Azeglio Ciampi, aux Finances, ainsi que le fameux juge Antonio Di Pietro, aux Travaux publics. La vice-présidence du Conseil échoit au ministre de la Culture, no 2 du PDS et de la coalition victorieuse, l’Olivier, Walter Veltroni. Comme l’écrit le Monde, ce gouvernement constitue la réconciliation de Don Camillo et de Pep- pone, puisqu’on y retrouve d’anciens com- munistes et d’anciens membres de la Dé- mocratie chrétienne.

18

Centrafrique

Mutinerie.

Le président Ange-Félix Patassé demande l’aide de la France à la suite d’une nouvelle mutinerie au sein de l’armée. Les militaires mutins réclament que les engagements pris en avril – à savoir le paiement des arriérés de leurs soldes – soient respectés. Les militaires français se déploient dans la capitale, Bangui, livrée au pillage et veillent au rapatriement des étrangers. Ils mènent également les négociations avec les rebelles. Ceux-ci expriment leur colère contre le pouvoir en place, jugé particu- lièrement corrompu. M. Patassé propose alors la constitution d’un « gouvernement de large ouverture » et la réunion d’« états généraux de l’armée ». Le 27, les soldats re- belles acceptent de rentrer dans le rang. Le 6 juin, Jean-Paul Ngoupandé, ambassadeur

à Paris, est nommé Premier ministre. La promotion de M. Ngoupandé, jugé compé- tent et intègre, est chaudement saluée dans la capitale française. (U chrono. 16/11) Turquie Attentat contre le président.

Süleyman Demirel, président de la Turquie, sort indemne d’un attentat. Un islamiste a tiré sur lui, sans l’atteindre, afin de protester contre la récente signature d’un accord de coopération israélo-turc.

20

Allemagne

Grève dans les services publics.

Afin de protester contre le gel de leurs salaires, les employés des services publics cessent le travail. Lors des manifestations dans la rue, plusieurs brandissent des dra- peaux français pour évoquer les grandes grèves contre le plan Juppé, à l’automne 1995. La menace d’un mouvement à la française pousse les autorités à négocier, et, le 13 juin, un accord est trouvé avec les syndicats : 2,3 % de hausse sont accordés pour la période 1996-1997. Cependant, le 15, 350 000 personnes défilent à Bonn pour protester contre les projets de coupes bud- gétaires du chancelier Helmut Kohl.

Chine

Répression au Tibet.

Les autorités chinoises annoncent la fer- meture de l’un des plus grands monastères du Tibet, celui de Ganden, situé près de la capitale, Lhassa. Cette mesure est prise dans le cadre de l’intensification de la ré- pression menée à l’encontre des indépen- dantistes et des partisans du dalaï-lama. Début juin, Pékin admet détenir le jeune Gendhun Choekyi Nyima, que les autori- tés religieuses tibétaines avaient désigné comme réincarnation du panchen-lama. À sept ans, l’enfant est ainsi « le plus jeune pri- sonnier de conscience du monde », ainsi que downloadModeText.vue.download 45 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

44 l’avaient désigné 200 parlementaires fran- çais volontaires pour le parrainer.

Irak

Levée partielle de l’embargo. Le président Saddam Hussein s’étant en- gagé à respecter toutes les visites de ses installations militaires suspectes par des observateurs internationaux, les autorités américaines autorisent l’Irak à vendre une partie de son pétrole et à utiliser l’argent de ces ventes pour l’achat de vivres et de médi- caments. Bill Clinton présente cette déci- sion comme une victoire américaine ; elle contribuera, en tout état de cause, à faire baisser le prix du pétrole, qui avait tendance à grimper au cours des mois précédents.

Italie

Arrestation d’un parrain de la Mafia.

Giovanni Brusca, chef de la Mafia depuis l’arrestation de Toto Riina en 1993, est interpellé à son tour. Individu particulière- ment violent, il est soupçonné d’avoir per- sonnellement mis à feu la bombe qui avait tué le juge Falcone en mai 1992.

Pérou

Rigueur budgétaire.

Afin d’obtenir du Fonds monétaire interna- tional (FMI) un rééchelonnement de sa dette extérieure, qui se monte à 23,5 milliards de dollars, le président Alberto Fujimori dé- cide de mettre en oeuvre un programme de réduction des dépenses publiques ainsi que de nouvelles privatisations. Cette rigueur budgétaire intervient alors que la récession s’installe peu à peu dans le pays. Courant avril, le Premier ministre, Dante Cordova, et plusieurs autres membres du gouverne- ment hostiles au tour de vis économique et social avaient été écartés du pouvoir par le président Fujimori.

21

Algérie

Assassinat des moines français.

Enlevés le 27 mars dans leur monastère de Tibehirine proche de Médéa, les sept moines français sont égorgés par leurs geô- liers, membres de la fraction la plus dure du Groupe islamique armé (GIA). Dans son communiqué annonçant la mort des reli- gieux, le GIA fait état de tractations man- quées avec les autorités françaises, ce que nient énergiquement ces dernières. Une messe à la mémoire des suppliciés est dite à Alger en présence du Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia. L’assassinat des moines provoque des dissensions au sein des différentes composantes du GIA. Dja- mel Zitouni, responsable du meurtre, est ouvertement remis en cause par ses pairs. El Ansar, le bulletin de ses partisans à l’étranger, se saborde pour protester contre ses agissements. À la mi-juillet, Zitouni, accusé de trahison, est évincé de la direc- tion de son groupe et, à la fin du mois, on annonce sa mort au cours d’un règlement de comptes entre islamistes. Zitouni avait participé au meurtre de plusieurs Fran- çais en Algérie et organisé l’opération ratée contre l’Airbus d’Air France en décembre 1994. Toutefois, sa disparition ne devrait pas faire cesser l’activité des militants les plus radicaux du GIA, qui, en réalité, repro- chaient davantage à Zitouni son double jeu avec la police que son extrémisme sangui- naire. (U chrono. 1/08)

Cinéma

Palmarès du 49e Festival de Cannes.

La palme d’or est attribuée au film anglais de Mike Leigh Secrets and Lies (Secrets et mensonges). Âgé de cinquante-trois ans, Mike Leigh fait partie de cette génération de cinéastes britanniques attachés à la cri- tique sociale et formés par le travail pour la télévision. Le grand prix du jury du Fes- tival va à Breaking the Waves du Danois Lars von Trier. La Britannique Brenda Blethyn, le Français Daniel Auteuil et le downloadModeText.vue.download 46 sur 602

CHRONOLOGIE

45 jeune trisomique belge Pascal Duquenne sont désignés meilleurs acteurs féminin et masculins. Le prix de la mise en scène et le prix du meilleur scénario vont respective- ment à Fargo de l’Américain Joel Coen et à Un héros très discret du Français Jacques Audiard.

Érythrée/Yémen

Accord territorial.

Sous l’égide de la France, les représentants de l’Érythrée et du Yémen signent un ac- cord de principe prévoyant de soumettre à un tribunal international ad hoc le diffé- rend territorial les opposant. Le litige, qui avait provoqué quelques brefs accrochages armés, porte sur les 16 îles non habitées d’un archipel en mer Rouge.

25

Bulgarie

Retour du roi au pays.

Cinquante ans après son départ pour l’exil à l’âge de neuf ans, le roi Siméon II effec- tue un retour triomphal au pays. Près d’un demi-million de personnes l’accueillent à Sofia avant qu’il soit reçu par le président Jeliou Jelev. Malgré la liesse populaire, les sondages indiquent que la majorité des Bulgares ne souhaitent pas un retour à la monarchie, même dans un cadre constitu- tionnel à l’occidentale tel que le prône l’ex- roi Siméon.

Turquie

Éclatement de la coalition.

Onze semaines seulement après sa forma- tion, la coalition gouvernementale entre les deux partis conservateurs éclate sur l’initia- tive de Tansu Ciller, leader du parti de la Juste Voie (DYP). Mme Ciller reproche à son rival du parti de la Mère patrie (ANAP), Mesut Yilmaz, « d’être incapable de légiférer et d’offrir au pays et à la population les ser- vices qu’ils attendent ». (U chrono. 8/07)

26

Albanie

Élections législatives contestées.

Le Parti démocratique du président Sali Berisha (en poste depuis 1992) remporte les élections législatives avec 67,8 % des voix, devançant le Parti socialiste (ex-com- muniste), crédité d’environ 23 % des voix. Les autorités font état d’une participation de 80 % des 2,2 millions d’électeurs ins- crits. Les six partis d’opposition, dont le PS, s’étaient retirés au dernier moment de la consultation, estimant que la fraude serait généralisée. Les observateurs inter- nationaux confirment que de nombreuses irrégularités ont été commises, notamment dans le nord du pays. Une timide manifes- tation du PS et de ses alliés centristes, réu- nissant tout au plus 300 personnes à Tirana, la capitale, est violemment réprimée par la police. Au second tour, le 2 juin, le Parti démocratique remporte au final 95 sièges sur les 115 en jeu.

27

Russie

Cessez-le-feu en Tchétchénie.

À quinze jours du premier tour des élec- tions présidentielles, Boris Eltsine signe au Kremlin avec le chef des insurges tchét- chènes, Zelimkhan Iandarbiev, un ces- sez-le-feu censé rentrer en application le 1er juin. Le lendemain, le président russe se rend en personne à Grozny pour expliquer aux troupes russes, dont les chefs sont plus que réticents, le sens de ce virage politico- militaire. Il n’échappe pas aux observateurs que ce revirement de M. Eltsine a de forts relents électoraux, alors que la population russe exprime de plus en plus nettement downloadModeText.vue.download 47 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

46 son exaspération vis-à-vis d’une guerre qui dure depuis dix-sept mois et qui a coûté la vie à plus de 10 000 jeunes soldats. Le 9 juin, soit une semaine avant le premier tour des élections présidentielles, M. Elt- sine signe un accord de paix en Tchétché- nie. Cet accord ajoute aux clauses militaires – désengagement réciproque et échange de prisonniers – la promesse par Mos- cou qu’aucune élection en Tchétchénie ne pourra être organisée avant le retrait com- plet des troupes russes. Ce point capital est considéré comme une victoire pour les indépendantistes. (U chrono. 3/07)

Ukraine

Limogeage du Premier ministre.

Yevhan Martchouk est démis de son poste de chef du gouvernement par le président Leonid Koutchma, qui le remplace par Pavel Lazarenko. Cette éviction met fin à une rivalité de pouvoir au sein de l’exécutif ukrainien, alors que le président Koutchma a engagé par ailleurs un bras de fer avec le Parlement (dominé par les communistes et les agrariens) sur l’adoption d’une nou- velle constitution. Le président reprochait à son Premier ministre de ne pas le soutenir dans ce conflit avec le législatif et de ne pas aller assez vite dans le processus de privati- sation de l’économie. Devant la menace du président Koutchma de recourir à un réfé- rendum, le Parlement adopte finalement la réforme constitutionnelle qui renforce le pouvoir exécutif et pérennise le principe de la propriété privée.

28

États-Unis

Revers pour Bill Clinton.

Trois anciens associés de M. Clinton sont reconnus coupables de fraude dans l’affaire Whitewater, du nom du projet immobi- lier tombé en faillite frauduleuse dans les années 80 et dans lequel les époux Clin- ton avaient investi de l’argent. Ce verdict constitue un revers pour le président sor- tant à cinq mois du scrutin présidentiel.

France

Alain Juppé sur le front corse.

Après que Raymond Barre a déclaré que « si les Corses veulent leur indépendance, qu’ils la prennent » et que les juges d’instruction opérant dans l’île se sont publiquement émus d’être dessaisis de leurs dossiers les plus sensibles, le Premier ministre présente à l’Assemblée la politique du gouvernement dans le dossier corse. Cette politique tient en deux notions : fermeté et développe- ment économique. La fermeté signifie que le Premier ministre a rompu avec la pra- tique de son ministre de l’Intérieur, Jean- Louis Debré, qui privilégiait le dialogue avec les nationalistes, et notamment ceux proches du FLNC-canal historique, au dé- triment des élus des partis traditionnels. Le développement économique, c’est essentiel- lement l’établissement d’une zone franche, propre à favoriser l’implantation d’activités et d’entreprises. Le 6 juin, le FLNC-canal historique maintient jusqu’en octobre la trêve instituée en janvier. (U chrono. 5/10)

France

Suppression annoncée du service militaire.

Jacques Chirac annonce la fin du service militaire obligatoire (pour les garçons nés après le 1er janvier 1979) et la mise en place progressive d’un « rendez-vous citoyen » de quelques jours, pendant lequel jeunes gens (puis jeunes filles à partir de 2002) subiront différents tests d’aptitude et sui- vront quelques cours d’instruction civique de base. La gauche condamne par principe cet abandon de la conscription et quelques voix se font entendre à l’UDF pour regret- ter le service traditionnel, jugé nécessaire pour lutter contre la « fracture sociale ».

Inde

Crise gouvernementale.

Treize jours après sa formation officielle, le gouvernement nationaliste d’Atal Beha- ri Vajpayee est contraint à la démission. downloadModeText.vue.download 48 sur 602

CHRONOLOGIE

47

Formé essentiellement autour du BJP, ce gouvernement n’a pu trouver, notamment auprès des formations régionalistes, les appuis nécessaires pour disposer d’une ma- jorité au Parlement. Dewe Gowda est alors appelé pour le remplacer, à la tête d’une coalition, jugée hétéroclite, de 14 partis de gauche (dont les deux partis communistes indiens) et de centre gauche. La tâche pa- raît rude pour M. Gowda, âgé de soixante- trois ans, dépourvu de charisme et de noto- riété nationale (Premier ministre d’un État méridional, il ne parle même pas le hindi, la langue majoritaire dans l’Union). Il par- vient cependant à dégager une majorité au Parlement, grâce à l’appui du parti du Congrès, la formation au pouvoir jusqu’aux dernières élections, et forme son gouverne- ment le 2 juin. Un réformateur est nommé au ministère des Finances. Il s’agit de Pa- laniappan Chidambaram, déjà membre de l’équipe de Narasimha Rao, le Premier ministre au pouvoir de 1991 à 1996, dont il partageait les options en matière de libé- ralisme économique. Le 17 juin, M. Gowda présente un programme d’austérité éco- nomique et financière qui reçoit l’aval du patronat indien.

29

Israël

Victoire de la droite aux élections. Benyamin Netanyahou l’emporte par 50,4 % des voix contre 49,6 % à Shimon Peres à l’élection au poste de Premier mi- nistre. Aux élections législatives, les tra- vaillistes (gauche) perdent 10 sièges et le Likoud (droite) 8, mais ce dernier, allié aux petits partis religieux (qui gagnent 7 sièges) et au parti des immigrants russes, domine la nouvelle coalition de gouvernement. Âgé de quarante-six ans, M. Netanyahou, que ses partisans surnomment « Bibi », a vécu une partie de sa vie aux États-Unis et bénéficie de la double nationalité. Artisan du renouveau du Likoud, c’est un parti- san résolu du « Grand Israël », déterminé

à revoir à la base, sinon les principes, du moins l’organisation du processus de paix dessiné à Oslo en 1993. M. Netanyahou a axé toute sa campagne sur le slogan « la paix dans la sécurité », signifiant par là qu’il acceptait le principe d’une paix avec les Arabes, mais à condition de réunir toutes les conditions de sécurité pour Israël. Il re- fuse donc le schéma dit « de la paix contre les terres » (pour les Arabes) et refuse d’arrêter l’implantation des colonies juives dans les territoires arabes de Cisjordanie. Washington comme les capitales arabes et européennes s’inquiètent de la défaite de Shimon Peres, artisan du processus de paix d’Oslo. (U chrono. 18/06)

30

Grande-Bretagne

Élections en Ulster.

Les électeurs d’Irlande du Nord désignent leurs délégués au Forum de 110 membres qui, eux-mêmes, désigneront les négocia- teurs aux pourparlers de paix. On enre- gistre dans les deux communautés un glissement du centre vers les mouvements nationalistes plus radicaux. Chez les ca- tholiques, le Sinn Féin, branche politique de l’IRA, enregistre, avec 15,5 % des voix, son meilleur score depuis quinze ans. Chez les protestants (60 % de la population), le Democratic Unionist Party (DUP) du révérend Ian Paisley fait presque jeu égal avec son rival modéré, l’Ulster Unionist Party (UUP). Malgré ces résultats, Londres continue d’exclure l’IRA des négociations prévues pour le 10 juin, alors que l’IRA persiste à rejeter toute idée de nouveau ces- sez-le-feu. Le 16 juin, un attentat, attribué à l’IRA, fait plus de 200 blessés à Manchester. (U chrono. 29/07) Venezuela Ex-président condamné.

Destitué en 1993 sous l’accusation d’avoir utilisé illégalement des fonds publics, l’ancien président Carlos Andrés Perez est downloadModeText.vue.download 49 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

48 condamné à vingt-six mois de détention. M. Perez s’estime victime d’une machina- tion menée par l’actuel président, Rafael Caldera.

31

France

Bernard Tapie condamné pour son yacht.

Le député et homme d’affaires est condamné à dix-huit mois d’emprisonnement dont six fermes pour fraude fiscale dans l’affaire de son ancien yacht le Phocea. Les magis- trats reprochent à M. Tapie d’avoir uti- lisé presque exclusivement à titre privé ce navire présenté comme un instrument de relations publiques. Ils lui reprochent éga- lement d’avoir reporté les pertes liées à l’ex- ploitation du yacht sur ses autres sociétés et d’avoir contracté un emprunt de 80 mil- lions de francs gagé sur le bateau pour fi- nancer son propre train de vie, qualifié de « pharaonique ». M. Tapie fait appel.

République tchèque

Courte victoire du centre droit.

La coalition menée par le Premier ministre sortant, Vaclav Klaus, et regroupant le Parti démocrate civique (ODS), l’Alliance démo- cratique civique (ODA) et les chrétiens- démocrates du KDU-CSL manque de peu la majorité au Parlement. Ce résultat déce- vant est dû à la nette progression du Parti social-démocrate (gauche non commu- niste), qui, avec plus de 26 % des suffrages, talonne l’ODS du Premier ministre. Il fau- dra attendre le 26 juillet pour que le gou- vernement, toujours mené par M. Klaus, obtienne la confiance au Parlement. downloadModeText.vue.download 50 sur 602 CHRONOLOGIE

49

Juin

1

Bulgarie

Jeliou Jelev désavoué par les siens.

Le président en exercice depuis 1992, Jeliou Jelev, militant obstiné contre l’ancien ré- gime communiste, est battu aux primaires de son parti, l’Union des forces démocra- tiques (UFD), pour la prochaine élection présidentielle prévue à l’automne. Le can- didat désigné est un jeune juriste de qua- rante-quatre ans, Petar Stoïanov. M. Jelev paie la cohabitation avec les communistes depuis le scrutin de 1994. Les électeurs ont cru davantage en un plus jeune pour faire barrage aux partisans de l’ancien régime. (U chrono. 3/11)

2

Russie

Défaite d’un réformiste.

Anatoli Sobtchak, maire sortant de Saint- Pétersbourg et allié réformiste de Boris Eltsine, est battu aux élections muni- cipales. Cette défaite est considérée comme un sérieux avertissement pour le président-candidat.

3

États-Unis Europe

Défense autonome.

Américains et Européens s’entendent sur le principe d’une réforme de l’OTAN permet- tant une « identité européenne de défense » au sein de l’organisation militaire atlan- tique. L’accord devrait déboucher à terme sur la création de forces intervenant, au cas par cas, pour des opérations humanitaires ou de maintien de la paix, avec des moyens de l’OTAN mais sans participation améri- caine. Cela va dans le sens de ce que souhaite publiquement la France, justifiant ainsi son rapprochement avec un organisme que le général de Gaulle avait quitté avec fracas en 1966. Il reste cependant à convaincre les militaires américains, toujours réticents à voir se déployer des moyens de l’OTAN en dehors de leur contrôle.

4

France

Échec d’Ariane 5.

Pour son premier tir de qualification, le lanceur lourd Ariane 5 explose quarante secondes après son lancement. Malgré cet échec, le programme d’Ariane 5, consi- déré comme un « enjeu majeur pour l’Eu- rope », n’est pas remis en cause. Démarré en 1985, ce programme, financé à 46,2 % par la France, 22 % par l’Allemagne, 15 % par l’Italie et le reste par d’autres pays euro- péens, a déjà coûté 38 milliards de francs. Une défaillance du système informatique serait à l’origine de l’accident. Le prochain lancement est repoussé au printemps 1997. downloadModeText.vue.download 51 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

50

France

Perquisition à l’office HLM de Paris.

Le juge d’instruction de Créteil Éric Hal- phen perquisitionne au siège de l’office HLM de Paris, géré depuis 1977 par Jean Tiberi, maire de Paris depuis 1995. Cette perquisition intervient après que l’ancien directeur adjoint de l’office, François Cio- lina, a décrit le système de fraudes établi pour les passations de marchés en vue de financer le RPR. M. Ciolina a également mis en cause la famille Tiberi, qui aurait bénéficié d’appartements HLM somptueu- sement aménagés, alors même que les en- fants Tiberi sont par ailleurs propriétaires. Le maire de Paris dément toutes ces accusa- tions. (U chrono. 27/06)

8

États-Unis Incendies racistes.

Devant leur multiplication, le président Bill Clinton dénonce les incendies volontaires commis à l’encontre d’églises noires dans les États du sud du pays. Depuis le début de 1995, on déplore plus d’une trentaine de forfaits de ce type.

France

Expulsion de Basques.

Le gouvernement français remet aux au- torités espagnoles six des dix militants basques qui avaient occupé pendant cinq jours la cathédrale de Bayonne. Pour pro- tester contre ces expulsions, de violentes manifestations ont lieu le 7 dans cette ville.

9

Burundi Échec des pourparlers de paix.

Engagées en Tanzanie, les discussions entre les deux principales formations politiques burundaises – l’Unité pour le progrès na- tional (Uprona, majoritairement tutsi) et le Front pour la démocratie au Burundi (Fro- bedu, principalement hutu) – aboutissent à un échec. On estime à plus de 1 000 morts par semaine le nombre des victimes des affrontements interethniques dans le pays. La France avait précédemment décidé de retirer ses coopérants. (U chrono. 25/07)

Tennis

Evgueni Kafelnikov et Steffi Graf vainqueurs à Roland-Garros.

Le Russe et l’Allemande remportent les Internationaux sur terre battue, lui pour la première fois en battant l’Allemand Mi- chael Stich, elle pour la cinquième fois en l’emportant sur l’Espagnole Arantxa San- chez. Chez les juniors, la Française Amélie Mauresmo gagne le titre féminin.

10

France

Plan à la SNCF.

Le gouvernement présente un plan de sau- vetage de la SNCF fondé sur la division de l’entreprise en deux entités, l’une chargée des infrastructures et l’autre de l’exploita- tion des trains. La première touchera les subventions de l’État et les droits de péage versés par la seconde, qui, elle, vivra de l’exploitation commerciale du transport ferroviaire. Ce plan convient aux syndicats dans la mesure où il abandonne l’idée d’une remise en cause des régimes de retraite particuliers de la SNCF et où il renonce à gager la dette de la société sur ses actifs et ses filiales, ce qui aurait pu faire craindre une privatisation rampante. Toutefois, il ne résout pas à la base la question de l’endette- ment de la société. downloadModeText.vue.download 52 sur 602

CHRONOLOGIE

51

11

France

Nouvelle loi sur le temps de travail.

Adoptée à l’initiative de Gilles de Robien, député maire UDF d’Amiens, la nouvelle loi tente de combiner le maintien des emplois et la réduction du temps de travail. Son dispositif principal consiste à accorder des allégements de charges sociales (jusqu’à 50 %) aux entreprises qui embauchent ou évitent des licenciements économiques grâce à des réductions du temps de travail.

12

Bangladesh

Victoire de l’opposition.

La ligue Hawami de Mme Hasina Wajed, dans l’opposition depuis 1975, remporte les élections législatives, au détriment du Parti national du Bangladesh (BNP), la forma- tion de l’ancien Premier ministre, la bégum Khaleda Zia. Marquées par quelques vio- lences, mais surtout par une participation électorale record, ces élections enregistrent également le recul sensible des islamistes du Jamaat Islami, qui passent de vingt sièges à deux. Le 23, Mme Wajed est nom- mée Premier ministre.

France

Nouvelle donne syndicale.

FO est exclue de la répartition des prési- dences de la Sécurité sociale. Par accord entre patronat et plusieurs syndicats, la nouvelle répartition est la suivante : les al- locations familiales reviennent à la CFTC, l’assurance maladie à la CFDT, l’assurance vieillesse à la CGC et les organismes cen- traux au CNPF. Le 16, Jean-Marie Spaeth de la CFDT succède à Jean-Claude Mal- let de FO à la tête de la Caisse nationale d’assurance maladie. Marc Blondel réclame alors la présidence de l’Unedic pour FO.

(U chrono. 1/10)

13

Bosnie

Conférence internationale.

Six mois après la signature des accords de Dayton, les représentants de 45 pays et de 15 organisations internationales se réu- nissent pour faire le point sur l’avancement du processus de paix en Bosnie. Ils exigent le maintien à la date prévue des élections, c’est-à-dire avant la mi-septembre. Ils ob- tiennent également que les ex-belligérants signent un accord sur le contrôle des arme- ments. (U chrono. 14/09)

France

Pas de nouvelle législation en matière d’immigration.

Alors que se multiplient des grèves de la faim de parents étrangers d’enfants nés français, le gouvernement indique qu’il n’entend pas modifier les lois Pasqua sur l’immigration. Alain Juppé ne voulait pas entrer dans une surenchère répressive, telle que pouvaient la souhaiter certains députés de la majorité, effrayés par les progrès dans leurs circonscriptions des idées du Front national.

Russie

Attentat dans le métro de Moscou.

Une bombe placée dans une rame de métro fait quatre morts et douze blessés graves. Réformistes et communistes s’accusent mutuellement d’être à l’origine de ce forfait. Certains estiment que l’attentat pourrait être lié à la campagne pour les élections municipales dans la capitale. downloadModeText.vue.download 53 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997 52

15

Jazz

Mort d’Ella Fitzgerald.

La grande chanteuse de jazz meurt à soixante-dix-neuf ans à son domicile de Beverly Hills (Californie). En soixante ans de carrière, elle a chanté avec les plus grands, de Louis Armstrong à Duke El- lington, et enregistré plus de 250 disques. Reine du scat – chant saccadé entre syl- labes et onomatopées permettant à l’artiste de se mesurer à l’instrument –, douée d’un organe exceptionnel dans les écarts comme dans la tessiture, elle est saluée par le prési- dent Clinton comme « la voix phénoménale [qui] restera proche du coeur des Américains pour des générations à venir ».

16

Roumanie

Progression de l’opposition.

Aux élections municipales, la formation du président Ion Iliescu, le Parti de la démocratie sociale de Roumanie (PDSR), essuie de sérieux revers dans les grandes villes du pays, au profit de la Convention démocratique de Roumanie (CDR) d’Emil Constantinescu et de l’Union sociale dé- mocratique de Petre Roman. À Bucarest, l’ancien champion de tennis Ilie Nastase, proche du président Iliescu, est nette- ment battu par le candidat de l’opposition. (U chrono. 17/11)

Russie

Boris Eltsine en tête des élections présidentielles.

Le président sortant obtient 35,02 % des suffrages contre 31,95 % pour son concur- rent principal, le communiste Guen- nadi Ziouganov. Le nationaliste modéré Alexandre Lebed, héros de la guerre d’Afghanistan, est crédité de 14,75 % des voix. L’ultranationaliste Vladimir Jirinov- ski ne recueille que 5,84 % des suffrages. Les observateurs internationaux estiment que le scrutin s’est déroulé dans des condi- tions globalement satisfaisantes. Dans les jours qui suivent, Boris Eltsine reçoit officiellement le général Lebed et lui pro- pose, en échange de son désistement pour le deuxième tour, le poste de secrétaire du Conseil de sécurité russe. Le général accepte mais exige en plus, et obtient, le limogeage du ministre de la Défense, Pavel Gratchev, jugé corrompu et responsable du désastre tchétchène. Deux jours plus tard, deux autres « durs » du régime, les généraux Alexandre Korjakov et Mikhaïl Barsoukov, sont démis à leur tour de leurs fonctions. La veille, ils avaient ordonné l’arrestation de deux responsables réfor- mistes de la campagne de Boris Eltsine, ce que beaucoup considèrent comme l’amorce d’une tentative de coup d’État. Alors que beaucoup s’interrogent sur le véritable état de santé de M. Eltsine, le général Lebed multiplie les déclarations contre la corruption, les dangers de l’occi- dentalisation de la société russe et souligne l’importance de son propre rôle. Il indique à ce sujet : « La formule “on t’utilise et on te jette” ne s’appliquera pas à moi. »

(U chrono. 3/07)

17

Chine/États-Unis

Compromis commercial.

Après d’âpres négociations, Américains et Chinois parviennent à un compro- mis sur la question de la protection des droits d’auteur en matière de CD, de CD- Rom, de cassettes vidéo et de logiciels informatiques. Washington reprochait à Pékin de laisser se développer sur le ter- ritoire chinois une véritable industrie de contrefaçon en ce domaine. Les autorités chinoises se sont engagées à fermer toutes les usines pirates et les Américains ont downloadModeText.vue.download 54 sur 602

CHRONOLOGIE

53 renoncé à leur menace de taxation à 100 % des importations en provenance de Chine.

France/États-Unis

Coopération nucléaire.

En prévision de l’interdiction des essais nucléaires, Paris et Washington passent un accord d’information mutuelle sur les données obtenues lors de tests en labo- ratoire. Cette coopération nucléaire, qui existe entre les deux pays depuis 1972, portera plus particulièrement sur le bom- bardement des particules par des rayons laser. Les scientifiques et les militaires des deux côtés de l’Atlantique restent ce- pendant discrets sur cette coopération, les lasers de simulation pouvant, selon certains experts, servir à l’élaboration de nouvelles générations d’armes nucléaires. (U chrono. 15/08)

18

France

Avant-projet de réforme de l’Université.

À la suite d’une série de consultation des états généraux de l’enseignement supérieur, François Bayrou, ministre de l’Éducation, présente son avant-projet de réforme de l’Université. Celle-ci devrait entrer en appli- cation pour l’année scolaire 1997-1998. Elle s’articule autour de six axes : redéfinition du statut de l’étudiant (qui pourrait être soit une amélioration du statut existant, soit une refonte complète avec attribution d’une allocation individuelle unique sur critères sociaux) ; renforcement des procédures d’orientation (notamment au cours du pre- mier semestre universitaire) ; réforme des premiers cycles (en vue de remédier au fort taux d’échec) ; création d’une nouvelle filière technologique ; réforme du recrute- ment des enseignants ; et renforcement de l’autonomie des universités.

Israël

Nouveau gouvernement.

Le Premier ministre élu Benyamin Neta- nyahou présente son nouveau gouverne- ment. On y retrouve des représentants des sept des huit partis de la coalition au pouvoir : Likoud (droite), Tsomet (extrême droite), Guescher (centre droit), Parti na- tional religieux (ultraorthodoxe), Shass (ul- traorthodoxe), Yisraël Be Alya (immigrants russes) et Troisième Voie (défenseurs du Golan). On note la présence dans ce gou- vernement de David Lévy (Guescher) au poste de ministre des Affaires étrangères et l’absence de l’ultranationaliste Ariel Sha- ron, qui refuse dans un premier temps les offres de M. Netanyahou, pour les accepter quelques jours plus tard au poste haute- ment sensible de ministre des Infrastruc- tures nationales, c’est-à-dire, en clair, des installations de colonies juives dans les ter- ritoires palestiniens.

Lettonie

Réélection de Guntis Ulmanis.

Le président de la République sortant est réélu pour trois ans par le Parlement. Âgé de cinquante-six ans, il bat ses trois concur- rents, dont l’ancien chef du Parti commu- niste. M. Ulmanis est partisan d’une amé- lioration des relations avec le voisin russe.

21

Allemagne

Voyage de Jean-Paul II.

Le souverain pontife se rend pour la troi- sième fois en voyage officiel en Allemagne, pays qui compte environ 24 millions de ca- tholiques. Des manifestations hostiles ont lieu à cette occasion, ce qui n’empêche pas downloadModeText.vue.download 55 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

54 le pape de mettre en garde le pays contre les « dérives libérales ».

22

France

Réforme de l’UDF.

L’Union pour la démocratie française, diri- gée par François Léotard, demeure une « fé- dération de partis ». Elle a compétence pour l’élaboration des programmes électoraux, l’investiture des candidats et les négocia- tions avec les autres formations politiques. La réforme prévoit une élection du prési- dent de l’UDF tous les deux ans par les ad- hérents et l’organisation de primaires pour dégager le candidat aux présidentielles.

Proche-Orient

Sommet arabe. Les représentants de 21 pays arabes se réu- nissent au Caire sous la présidence du pré- sident égyptien Hosni Moubarak. Ce som- met est destiné à répondre au durcissement de la politique israélienne depuis la victoire de Benyamin Netanyahou aux élections. Les responsables arabes s’accordent, sans fermer les portes de la négociation, pour indiquer fermement au nouveau gouver- nement juif que toute dérogation aux prin- cipes fondamentaux définis à Oslo en 1993 risquait de remettre en cause le processus de paix. Cet avertissement somme toute modéré marque la victoire de la diplomatie égyptienne par rapport à la position beau- coup plus radicale de la Syrie.

23

Grèce

Mort d’Andréas Papandréou.

L’ancien Premier ministre meurt d’une crise cardiaque à l’âge de soixante-dix-sept ans. Fils de Georges Papandréou, ancien chef du gouvernement lui-même (en 1944 et de 1963 à 1965), Andréas commence sa carrière en militant contre la dictature de Metaxas puis s’exile aux États-Unis où il enseigne l’économie politique et où il sera doyen de la faculté de Berkeley. Il entre en 1964 dans le gouvernement de son père, puis doit quitter à nouveau le pays après le putsch des colonels en 1967. Il fonde alors le Mouvement panhellénique de libé- ration nationale (PAK) qui deviendra le Parti socialiste (PASOK). Il revient triom- phalement en Grèce en 1974 et accède au pouvoir en 1981. Il développe alors un dis- cours antiaméricain tout en restant dans l’OTAN. La multiplication de scandales financiers et sa liaison ostentatoire avec une jeune hôtesse de l’air contribuent à sa défaite électorale face aux conservateurs en 1989. Il gagne à nouveau les élections en 1993, mais, usé par la maladie, doit laisser les rênes du gouvernement à Costas Simitis en janvier 1996, tout en gardant la direction du PASOK. Ses funérailles sont suivies par des centaines de milliers de Grecs.

24

Bosnie

Élections annoncées.

Le président de l’Organisation pour la sé- curité et la coopération en Europe (OSCE), organisme chargé de veiller à l’application des accords de Dayton sur la paix en Bos- nie, annonce que les élections auront lieu dans ce pays le 14 septembre. Il déclare éga- lement que des mesures doivent être prises contre les criminels de guerre, en premier lieu contre le président de la République bosno-serbe de Pale, Radovan Karadzic, inculpé par le tribunal international de La Haye. Au même moment, les autorités de Belgrade réclament elles aussi le départ de Karadzic. Le 30, celui-ci consent à transfé- rer tous ses pouvoirs à sa vice-présidente, Mme Biljana Plavsic, tout en restant en fonc- downloadModeText.vue.download 56 sur 602

CHRONOLOGIE

55 tions jusqu’aux élections de septembre.

(U chrono. 11/07)

25

États-Unis

Attentat antiaméricain en Arabie saoudite.

19 militaires américains sont tués et 64 autres blessés grièvement dans un attentat à la bombe commis près d’une base militaire sur le golfe Persique. Déjà en novembre 1995, un attentat du même type avait occa- sionné la mort de 5 militaires américains basés à Riyad. Les autorités de Washington rappellent que le principe d’une forte pré- sence militaire dans le Golfe est « un prin- cipe fondamental de la politique étrangère des États-Unis ». Bill Clinton indique pour sa part qu’il entend « focaliser l’énergie du G7 », qui s’ouvre le 27 à Lyon, sur la lutte contre le terrorisme. (U chrono. 27/06)

Maroc

Fuite des enfants du général Oufkir.

La fille, le fils et une cousine du général Oufkir parviennent à s’échapper de leur ré- sidence surveillée et à gagner la France. Ces personnes restaient sous la surveillance du gouvernement chérifien depuis le putsch manqué en 1972 du général, alors ministre de l’Intérieur. Cette fuite arrange d’une cer- taine façon les autorités marocaines, dont l’image était ternie par cette rancune tenace du roi Hassan II contre des innocents, alors que le pays tente de se faire admettre par la Communauté européenne.

Mexique

Réveil des guérillas.

Alors que l’armée se mobilise contre les rebelles de l’Armée révolutionnaire du peuple (EPR), qui a provoqué des troubles dans l’État du Guerrero, au sud de Mexico, sur le Pacifique, près de 3 000 délégués du monde entier (dont 400 Français, parmi lesquels Danielle Mitterrand) assistent à la Rencontre intercontinentale contre le néo- libéralisme et pour l’humanité organisée au Chiapas par l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN).

26

Birmanie

Durcissement du régime.

Malgré les rafles opérées par la police dans les milieux d’opposition, plus de 10 000 personnes se pressent devant la de- meure de Mme Aung San Suu Kyi, prix No- bel de la paix. Celle-ci proclame sa volonté de continuer son action et affirme que les 240 députés de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) élus en 1990 demeurent en poste quelles que soient les mesures d’emprisonnement ou d’éloignement prises à leur encontre. Début juin, la junte au pouvoir (Slorc) prend des mesures sévères pour museler les militants d’opposition et la presse. En dépit de ces mesures, des milliers de personnes continuent d’affluer devant la maison de Mme Kyi. (U chrono. 26/07)

France

Jacques Crozemarie en garde à vue.

L’ancien président de l’Association pour la recherche sur le cancer (ARC) est placé en garde à vue pour abus de confiance, faux et usage de faux, et surfacturation. Concrè- tement, il est reproché à M. Crozemarie d’avoir touché des salaires d’une société en cheville directe avec des entreprises titu- laires de budgets au sein de l’ARC.

27

France Couac entre police et justice.

Les policiers, sur instruction du directeur de la police judiciaire parisienne, Olivier Foll, refusent par deux fois d’assister le juge Éric Halphen dans son enquête sur le dos- sier de l’office HLM de Paris. Une première downloadModeText.vue.download 57 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

56 fois, ils refusent de l’accompagner lors de sa perquisition au domicile du maire de Paris, Jean Tiberi ; ils omettent ensuite de procéder aux vérifications d’une lettre anonyme contenant des allégations sur le garde des Sceaux, Jacques Toubon, accusé sans preuve d’avoir touché des salaires sans contreparties de la part d’une entreprise de la région parisienne. Les trois organisations de magistrats (Syndicat de la magistrature, gauche, Association professionnelle des magistrats, droite et Union syndicale des magistrats, centre) s’insurgent contre cette attitude des policiers, qui sont, de par la loi, des officiers de police judiciaire, sou- mis à ce titre à l’autorité des juges dans le cadre des enquêtes officiellement ouvertes. À l’occasion de cette perquisition, le juge Halphen découvre que l’épouse du maire de Paris, Xavière Tiberi, a reçu 200 000 F du conseil général (RPR) de l’Essonne pour la rédaction d’un rapport de 36 pages (sans bibliographie, ni mention de sources ou d’experts consultés) sur les questions de « la francophonie et de la coopération avec les communes de l’Essonne ». Le 29, Gabriel Bestard, procureur de la République de Paris, classe sans suite l’affaire de l’apparte- ment de Dominique Tiberi, le fils du maire de Paris, à qui l’on reprochait d’avoir fait installer à grands frais un appartement du parc HLM de la Ville, alors que le jeune homme disposait déjà d’un appartement personnel. (U chrono. 21/10)

G7

Ouverture du sommet de Lyon.

Les sept pays les plus industrialisés du monde (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon), plus la Russie en invitée, se retrouvent au- tour du thème « Réussir la mondialisation au bénéfice de tous ». Sont également pré- sents : Jacques Santer, président de la Com- mission européenne, Boutros Boutros- Ghali, secrétaire général de l’ONU, Michel Camdessus, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), James Wol- fensohn, président de la Banque mondiale, et Renato Ruggiero, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Sur l’insistance des Américains, les débats sont d’abord largement axés autour du terrorisme international. Si les partici- pants s’accordent pour renforcer leur coo- pération contre le terrorisme (une réunion du G7 au niveau des ministres est program- mée sur ce thème à Paris le 30 juillet), Euro- péens et Canadiens s’opposent aux mesures de rétorsion américaines envers les entre- prises commerçant avec Cuba ou l’Iran. En matière économique, les Sept, malgré l’op- position britannique, ont accepté que soit inscrite à l’ordre du jour de l’OMC la ques- tion des « normes sociales » (travail des en- fants, protection sociale) dans le commerce international ; en matière internationale, ils ont exprimé leur volonté que les pro- cessus de paix soient maintenus coûte que coûte au Proche-Orient comme en Bosnie. (U chrono. 30/07)

30

Football

L’Allemagne championne d’Europe.

En battant à Wembley (Londres) la Répu- blique tchèque par 2 à 1, l’Allemagne rem- porte pour la troisième fois de son histoire le titre de champion d’Europe. La France et l’Angleterre (pays organisateur) sont arrivées en demi-finales et n’ont été battues qu’après l’épreuve des tirs au but.

Islande Nouveau président élu.

Olar Ragnar Grimsson, cinquante-trois ans, candidat de la gauche, est élu président de la République islandaise. Il succède à Vigdis Finnbogadottir, restée seize ans au pouvoir.

Mongolie Victoire des partis démocratiques.

À la surprise générale, lors des deuxièmes élections libres dans l’histoire du pays, les communistes du Parti révolutionnaire du downloadModeText.vue.download 58 sur 602 CHRONOLOGIE

57 peuple mongol, au pouvoir depuis 1921, sont battus par la coalition des partis démo- cratiques. Ceux-ci obtiennent plus de 65 % des voix et 50 sièges sur 76 au Parlement d’Oulan-Bator. Le 19 juillet, un démocrate, M. Enkhsaikhan, est désigné comme Pre- mier ministre de cette nation de 2,3 mil- lions d’habitants.

République dominicaine

Élection présidentielle.

Alors que le vieux (quatre-vingt-neuf ans) caudillo conservateur, Joaquin Balaguer, avait accepté d’écourter son septième man- dat présidentiel, entaché de fraudes électo- rales, les élections se déroulent sous haute surveillance militaire et policière. Le can- didat de centre droit Leonel Fernandez est élu au second tour, grâce à l’appui du prési- dent sortant. Âgé de quarante-quatre ans, M. Fernandez a mené une campagne à la limite du racisme contre son concurrent, le Noir social-démocrate José Francisco Peña Gomer. Sa formation, le parti de la Libé- ration dominicaine n’ayant pas obtenu de majorité au Parlement, M. Fernandez devra compter sur l’appui durable des amis de M. Balaguer.

Météo : le Printemps

Mars.

Le temps est froid du 1er au 7, du 11 au 13 et du 27 au 31, doux le reste du mois. On enregistre jusqu’à – 17 °C à Névache [05], – 14,9 °C à Cha- monix, – 13,9 °C à Villard-de-Lans, – 10,3 °C à Luxeuil, – 9,6 °C à Mulhouse, – 9,5 °C à Épinal, – 8,4 °C à Charleville, – 8,2 °C à Belfort, – 7,9 °C à Nancy, – 7,8 °C à Nevers et – 7,6 °C à Reims, mais seulement 2,2 °C à Ouessant, 3,2 °C à Toulon et 4,5 °C au cap Camarat. Dans le Sud-Ouest et le Val-de-Loire, il fait très doux les 22-23 : 24,2 °C à La Rochelle, 24,5 °C à Blois, 24,6 °C à Brive, 24,7 °C à Angers, 24,9 °C à Gourdon, 25,4 °C à Pau et 26,7 °C à Biarritz.

Les précipitations sont excédentaires sur le Lan- guedoc et la Corse centrale et orientale (410 mm au col de Larone, dont 244 du 14 au 16) ; ailleurs, elles sont déficitaires, n’atteignant même pas 10 mm de la Beauce à la Haute-Saône (2,2 à Langres) et dans la haute vallée de la Durance (3,4 à Embrun). Les 3-4, il neige à basse altitude en Corse (30 cm vers 1 000 m) ; les 7-8, une couche de 5 à 10 cm recouvre le centre de la Bretagne ; les 14-15, les pluies sont abondantes sur la vallée du Rhône et la Corse (le 15, 209 mm au col de Méla). En mon- tagne, les chutes de neige sont peu importantes, sauf sur les Cévennes (162 cm au mont Aigoual).

La durée d’insolation se situe entre 95 heures à Valognes et 222 à Embrun. Le mistral et la tramon- tane soufflent en tempête durant les deux premiers jours : 151 km/h au mont Aigoual, 137 au cap Béar, 122 à Leucate et 115 à Orange.

Avril.

Sauf en Corse, les précipitations sont déficitaires. Elles ne dépassent 100 mm que sur les Pyrénées, le sud du Massif central (148 au mont Aigoual) et le centre de la Corse ; elles sont inférieures à 10 mm sur le Bassin parisien, le Nord et la Lorraine (5 à Reims et au Touquet, 3 à Lille, 2 à Dunkerque et à Valenciennes).

Du 1er octobre au 30 avril, la moitié nord subit un important déficit pluviométrique ; celui-ci est de 319 mm à Belfort, 305 à Brest, 250 à Abbeville, 234 à Langres, 230 à Saint-Quentin, 224 à Besançon, 218 à Caen, 204 à Nancy, 203 à Paris et 192 à Lille. En revanche, dans les régions méditerranéennes, les pluies sont excédentaires de 103 mm à Toulon, 173 à Bastia, 188 à Perpignan, 234 à Nîmes, 241 à Montpellier et... 1 666 au mont Aigoual !

Jusqu’au 8, un flux continental détermine une am- biance froide ; le mercure descend jusqu’à – 9,8 °C à Val-d’Isère, – 9,7 °C au mont Aigoual, – 9,2 °C à Montgenèvre, – 9 °C au Grand-Bornand, – 6,5 °C à Hauteville [01], – 5,7 °C à Luxeuil, – 5,6 °C à Poitiers, – 5,5 °C à Épinal et à Reims, – 5,4 °C à Brive et à Mont-de-Marsan, – 5,1 °C à Nancy et à Aurillac, – 4,8 °C à Vichy, – 3,8 °C à Saint-Étienne, – 2,6 °C à Aix-en-Provence, – 1,9 °C à Lyon, – 0,5 °C à Biarritz, – 0,4 °C à Paris et... 6,3 °C à Nice. En début de 3e décade, la chaleur gagne l’est du pays : maximums de 25,2 °C à Paris et 27,7 °C à Strasbourg.

C’est à Saint-Brieuc que le soleil est le plus rare (134 heures) et à Poitiers, le plus généreux (232 heures).

Les vents soufflent jusqu’à 176 km/h au mont Ai- goual et au puy de Dôme, 140 au cap Béar, 130 au Puy, 115 à Hyères et 108 à Perpignan et à Sète. downloadModeText.vue.download 59 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

58

Mai.

Mois frais et arrosé dans la moitié nord, assez chaud et plus sec dans la moitié sud. Au cours de la première décade, des gelées sous abri sont encore présentes : – 5,2 °C à Ceillac [05], – 4,7 °C à Val- d’Isère, – 3,5 °C à Charleville, – 1,5 °C à Chamo- nix, – 1,2 °C à Nancy, – 1 °C à Reims, – 0,8 °C à Luxeuil, – 0,7 °C à Romorantin, – 0,1 °C à Chartres et 0 °C à Cherbourg. Le 10, les maximums sont bas à Lyon (10,6 °C) et à Saint-Étienne (8,9 °C).

Durant les deux derniers jours, l’ambiance de- vient estivale : 26,2 °C à Lille, 29 °C à Nantes et à Rennes, 29,4 °C à Saint-Brieuc, 29,6 °C à Paris, 30,1 °C à Clermont-Ferrand, Strasbourg et Angers et 36,2 °C à Dax.

Les précipitations, assez souvent orageuses, dé- passent 200 mm dans le sud des Vosges (270 au ballon d’Alsace), le Jura, les Bauges, le Vercors, Belledonne (311 à Fond-de-France), le Mor- van, les monts du Cantal, ainsi qu’à Yssingeaux (232 mm) ; elles sont inférieures à 10 mm en Camargue (3,4 mm à Arles), à Toulon (7,4) et à Saint-Raphaël (9,8). Il neige les 2 et 3 au-dessus de 1 000 m et le 20 au-dessus de 1 600/1 800 m. Le 24, un orage déverse sur Yssingeaux 132 mm dont 45 en 40 minutes, provoquant la mort d’une personne et d’importants dégâts.

Le soleil, peu généreux, ne brille plus de 200 heures qu’au sud d’une ligne Arcachon-Briançon. En rafales, le vent atteint 155 km/h à L’Île-Rousse le 27, 148 au cap Corse le 27, 133 au cap Béar le 12, 122 à Carteret le 18, 112 à La Hève le 18, et 101 à Lyon le 18. downloadModeText.vue.download 60 sur 602

CHRONOLOGIE

59

Juillet

1

France

Attentat à la voiture piégée dans le centre de Bastia.

En plein après-midi et en centre-ville, une bombe placée dans un véhicule garé devant une société de gardiennage, dont les diri- geants sont connus pour leurs liens avec les mouvements nationalistes, tue un militant d’A Cuncolta, vitrine légale du FLNC-canal historique, et blesse grièvement Charles Pieri, un des chefs de cette organisation. La bombe blesse également plusieurs pas- sants. C’est la première fois en Corse que les règlements de compte entre nationalistes s’opèrent ainsi, au mépris de la sécurité des personnes innocentes.

3

France

Interdiction de l’amiante.

Jacques Barrot, ministre du Travail et des Affaires sociales, annonce l’interdic- tion totale et définitive de l’amiante sur le territoire français à partir du 1er janvier 1997. La France est ainsi le huitième pays européen à interdire l’utilisation de ce matériau d’isolation dont l’effet cancéri- gène est désormais certain. Le 14, Jacques Chirac déclare que l’université de Jussieu, largement traitée à l’amiante, devrait être fermée au plus vite afin que l’on procède à son « déflocage », c’est-à-dire à l’élimi- nation de cet isolant toxique. Il s’agit d’un gigantesque chantier portant sur 240 000 m 2.

Russie

Boris Eltsine réélu à la présidence.

Le président sortant est réélu avec 53,7 % des voix contre 40,4 % à son adversaire, le communiste Guennadi Ziouganov (5,9 % des suffrages exprimés l’ayant été contre les deux candidats en présence, le Code élec- toral russe permettant ce choix). M. Eltsine l’emporte confortablement après une cam- pagne pour le moins ambiguë, pendant la- quelle il a monopolisé les médias et cherché à plaire à la fois aux électeurs proches des communistes et aux libéraux séduits par les idées de Grigori Iavlinski (crédité de 7,5 % des suffrages au premier tour). Les rumeurs sur l’état de santé du président redoublent d’intensité et attisent les luttes de clan au Kremlin. Ces luttes opposent les partisans du Premier ministre Viktor Tchernomyr- dine à ceux d’Alexandre Lebed et du libéral Anatoli Tchoubaïs. Le 9 juillet, les hostilités reprennent en Tchétchénie et les militaires russes reçoivent l’ordre d’arrêter le chef in- dépendantiste Zelimkhan Iandarbiev, qui avait pourtant signé un cessez-le-feu avec Boris Eltsine quelques jours avant le pre- mier tour des élections. Le général Lebed, partisan de la paix, estime cependant que cette reprise des combats est « appropriée ». Le 15, M. Eltsine nomme Anatoli Tchou- baïs à la tête de l’administration présiden- tielle et, le 17, le général Igor Rodionaov, downloadModeText.vue.download 61 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

60 un proche d’Alexandre Lebed, ministre de la Défense. (U chrono. 6/08)

4

France

Fusion d’Air France et de l’ex-Air Inter.

Christian Blanc, président du groupe Air France, annonce sa volonté de « rassem- bler » les deux entreprises au sein d’une même structure en avril 1997. En mai, M. Blanc avait présenté un plan de sau- vetage d’Air France Europe (ex-Air Inter, 10 700 salariés), passant par des fermetures de lignes, des baisses de salaires et des ré- ductions d’effectifs. Confrontée à la concur- rence nouvelle sur les lignes intérieures, la compagnie devait obligatoirement subir une cure d’austérité. Face au refus des syndicats d’accepter ce plan, M. Blanc a tranché. FO et le syndicat des stewards et hôtesses font savoir qu’ils acceptent le plan Blanc, qui passera par des suppressions d’emplois et des suppressions d’avantages, à condition qu’il soit négocié. Un autre obstacle à la fusion peut venir de la Com- mission européenne à Bruxelles, qui verrait d’un mauvais oeil le redressement délicat d’Air France mis en péril par l’absorption d’un « canard boiteux » comme l’ex-Air Inter.

France

Incarcération de Loïk Le Floch-Prigent.

Sur décision du juge Eva Joly, M. Le Floch- Prigent, P-DG de la SNCF, est mis en exa- men et incarcéré pour « abus de biens so- ciaux » et « recel d’abus de confiance » en sa qualité d’ancien P-DG d’Elf. La magis- trate estime que les 787 millions de francs prêtés par le groupe Elf entre 1988 et 1993 au groupe textile Bidermann l’avaient été dans des conditions suspectes. Le 19, M. Le Floch-Prigent démissionne de son poste à la tête de la SNCF. Il est remplacé par Louis Gallois, patron d’Aerospatiale.

7

Équateur

Élection d’un président populiste.

Abdala Bucaram succède au président Sixto Duran à la tête de l’État équatorien. Avec 54,3 % des voix, il l’emporte sur l’avo- cat Jaime Nebot, du Parti social-chrétien (droite). L’élection de cet ancien athlète de haut niveau, connu pour son caractère fan- tasque et son franc-parler, inquiète les mi- lieux d’affaires, qui redoutent ses promesses de la campagne, alors que le sous-emploi réel touche plus de 40 % de la population.

8

Niger

Élections présidentielles contestées.

Avec 52 % des voix, le président sortant, le général Ibrahim Barré Maïnassara, est déclaré vainqueur dès le premier tour des élections présidentielles organisées dans des conditions matérielles et politiques contestables. Il l’emporte sur le dernier pré- sident élu, Mahamane Ousmane, et sur le président de l’Assemblée nationale, Maha- madou Issoufou, tous deux chassés de leur poste à la suite du putsch du 27 janvier. Les autorités américaines accusent le nouveau chef de l’État d’avoir « abandonné la voie vers la démocratie. »

Turquie

Gouvernement islamiste.

Dirigée par Necmettin Erbakan, soixante- huit ans, chef du parti islamiste de la Pros- périté (Refah), la coalition gouvernemen- tale, qui réunit cette formation et le parti de la Juste Voie (DYP) de Mme Tansu Ciller obtient la majorité au Parlement. L’émotion est grande dans le pays, encore largement downloadModeText.vue.download 62 sur 602 CHRONOLOGIE

61 marqué par la politique laïciste de Mustafa Kemal. Dans l’immédiat, le programme du parti islamiste demeure celui d’une forma- tion conservatrice, comparable à celui des coalitions précédentes. Mme Ciller, qui oc- cupe le poste de ministre des Affaires étran- gères, a obtenu également le poste de Pre- mier ministre dans un délai de deux ans.

9

France

Incarcération d’Alain Carignon.

Le président du conseil général de l’Isère, ancien ministre et ancien maire de Gre- noble, est condamné par la cour d’appel de Lyon à cinq ans de prison, dont quatre ferme, 400 000 F d’amende et cinq ans d’inéligibilité. Pour les juges, M. Carignon a bel et bien monnayé l’attribution du service de l’eau de Grenoble à une filiale de la Lyon- naise des eaux contre des avantages maté- riels évalués à près de 20 millions de francs. Selon la cour, il se serait ainsi rendu cou- pable de « l’acte le plus grave qui puisse être reproché à un élu ». M. Carignon se pour- voit en cassation et refuse de se démettre de son mandat de président du conseil général de l’Isère tant que le tribunal suprême ne se sera pas prononcé sur son cas. Ses anciens amis politiques sont fort embarrassés par cette attitude qui menace de paralyser la vie du département.

11

Bosnie

Karadzic et Mladic hors la loi.

Le tribunal pénal international de La Haye lance deux mandats d’arrêt internationaux pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre contre Radovan Karadzic, président de la République bosno-serbe de Pale, et Ratko Mladic, chef militaire. Tou- tefois, l’IFOR (la force internationale basée en Bosnie depuis 1995) n’a pas reçu de mandat pour appréhender ces personnes. Le tribunal met en cause le président de la République de Serbie, Slobodan Milo- sevic, pour sa participation à l’élaboration, au début des années 90, du plan de net- toyage ethnique de la Bosnie. Le tribunal examine également l’affaire des tueries de Srebrenica, où, en juillet 1995, au moins 3 000 Musulmans auraient été massacrés de sang-froid par les soldats serbes du géné- ral Mladic. La passivité de la Forpronu est dénoncée et particulièrement l’attitude du général français Bernard Janvier : afin de récupérer les Casques bleus français pris en otage par les Bosno-Serbes, ce dernier aurait promis au général Mladic de ne pas donner l’ordre à l’aviation occidentale d’in- tervenir sur Srebrenica, condamnant ainsi à une mort certaine des centaines, voire des milliers de prisonniers musulmans. Le 19 juillet, le négociateur américain Richard Holbrooke obtient de Radovan Karadzic qu’il renonce « immédiatement et pour tou- jours » à toute activité politique, s’abstenant définitivement d’apparaître en public et dans les médias.

Tchad

Idriss Déby élu président.

Au pouvoir depuis décembre 1990, le géné- ral Idriss Déby est proclamé élu à la suite du premier scrutin présidentiel de l’his- toire du pays. Il l’emporte au second tour avec 69,09 % des suffrages exprimés contre 30,91 % pour son concurrent, le général sudiste Abdelkader Wadal Kamougué. L’op- position dénonce des irrégularités impor- tantes dans le déroulement de cette élection organisée avec un important soutien de la France. Malgré ces critiques, le président élu peut se targuer d’un bilan économique et social satisfaisant, appuyé sur le dévelop- pement des industries pétrolières. downloadModeText.vue.download 63 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

62

12

Grande-Bretagne

Tension en Ulster.

Les traditionnelles marches orangistes, célébrant la victoire des protestants sur les catholiques en 1690, dégénèrent en émeutes. Un manifestant est tué lors des affrontements avec la police. La presse ir- landaise titre alors sur « la mort de la paix » en Ulster. 16

États-Unis

Report de l’embargo contre Cuba.

Tenant compte de l’irritation des autori- tés et des hommes d’affaires canadiens et européens, Washington repousse de six mois l’application de la loi Helms-Burton, qui permet de poursuivre aux États-Unis des sociétés étrangères en affaire avec des sociétés cubaines qui utilisent des biens américains expropriés. Toutefois, d’autres mesures contenues dans la loi Helms-Bur- ton et ayant également pour effet de pénali- ser les sociétés commerçant avec Cuba sont maintenues.

France

Rapport sur les déchets nucléaires.

La commission dirigée par Michel Turpin, des Charbonnages de France, et chargée par le gouvernement d’évaluer la situa- tion du Centre de stockage des déchets de l’usine de La Hague rend son rapport. Il s’agit d’améliorer la protection de plus de 500 000 m3 de déchets. Ceux-ci devraient être recouverts d’un tumulus étanche des- tiné à les protéger pendant une période de surveillance supérieure à trois siècles. Ce rapport, qui a l’aval du gouvernement, indique que, malgré dix-huit incidents re- censés, le Centre de stockage de la Manche ne représente pas actuellement de risques significatifs pour l’environnement. Cepen- dant, ses recommandations pour le long terme contredisent la position observée jusqu’alors par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Les élus écologistes de Basse-Normandie estiment pour leur part que les mesures de protection envisagées représentent un pari sur l’avenir « comme dans les affaires de l’amiante ou de la vache folle ».

Jordanie

Troubles et manifestations.

Une partie de la population, exaspérée par l’augmentation des prix des denrées de base et de plus en plus dubitative quant à la politique des autorités vis-à-vis d’Is- raël, manifeste à grand bruit, notamment dans la ville de Karak, au centre-ouest du pays. Plusieurs centaines d’arrestations sont opérées. Le souverain hachémite, Hussein, accuse l’Irak d’être derrière cette agitation.

17

Égypte Coup d’arrêt à l’excision.

Un décret ministériel interdit la pratique de l’excision des petites filles et des femmes dans l’enceinte de tous les hôpitaux et dis- pensaires publics. Le texte qualifie cette coutume de « néfaste, non musulmane ni égyptienne ».

États-Unis

Explosion en vol d’un Boeing 747.

Un Boeing de la TWA assurant la liaison New York-Paris explose peu après le décol- lage au large de Long Island. Aucun des 212 passagers (parmi lesquels le guitariste français Marcel Dadi) et des 17 membres d’équipage ne survit à la catastrophe. Les autorités américaines se livrent à de longues et difficiles recherches, mais demeurent incapables, même après plusieurs semaines downloadModeText.vue.download 64 sur 602

CHRONOLOGIE

63 d’enquête, de trancher entre l’hypothèse de l’accident et celle de l’attentat terroriste.

France

Le Conseil constitutionnel et le terrorisme.

Élaborée à la suite de la vague d’attentats de l’été 1995, la loi sur le terrorisme adoptée le 19 juin par le Parlement est partiellement censurée par le Conseil constitutionnel. Celui-ci annule l’article qui associait à la complicité de terrorisme l’assistance appor- tée au séjour en France aux étrangers en situation irrégulière ; il censure également la disposition qui autorisait, en la matière, les perquisitions de nuit entre 21 heures et 6 heures du matin. Cependant, le Conseil, prenant en compte « la gravité toute par- ticulière » des affaires liées au terrorisme, valide l’article énonçant une restriction de l’immunité familiale, qui ne s’applique plus aux frères et soeurs ni aux concubins des personnes soupçonnées.

Europe/Russie

Accord spatial.

Le consortium européen Arianespace, le constructeur français Aerospatiale et l’Agence spatiale russe signent un accord pour la mise en orbite par les Russes de petits satellites européens. Le futur lanceur européen Ariane 5 étant mal adapté à la mise en orbite basse et moyenne de charges inférieures à trois tonnes, les Européens achètent les lancements de 20 à 25 Soyouz depuis les bases russes de Plessetsk et de Baïkonour pour un montant total de 3,5 milliards de francs.

19

France

Arrestation du maire de Cannes.

Michel Mouillot, maire (UDF-PR) de Cannes, est placé en garde à vue après l’in- terpellation à Londres d’un homme venu retirer en son nom une mallette d’argent remise par le gérant d’un casino cannois.

Cette somme (3 millions de francs) devait servir à payer M. Mouillot pour son auto- risation d’exploiter des machines à sous. Ce dernier, qui ne nie pas les faits, affirme que le pot-de-vin devait servir à financer le Parti républicain. M. Mouillot avait déjà été condamné en 1994 à quinze mois de prison avec sursis dans le cadre de l’affaire Pierre Botton.

20

Espagne

Attentat anti-touristes.

35 personnes, des touristes britanniques pour la plupart, sont blessées légèrement dans un aéroport de Catalogne à la suite d’un attentat à la bombe revendiqué par l’ETA. Dans les jours qui ont précédé, plu- sieurs autres explosions ont eu lieu dans plusieurs hôtels et sites fréquentés par les touristes. L’organisation basque cherche à déstabiliser le gouvernement de Madrid en s’attaquant à la première industrie du pays (10 % du PIB).

France Arrestation du no 3 de l’ETA.

Julian Achurra Egurrola, dit « Pototo », di- rigeant de l’organisation séparatiste basque, est arrêté avec sa compagne en France, près de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques. Six autres militants basques sont arrêtés le même jour dans la région parisienne, ce qui fait dire à José Maria Aznar, chef du gouvernement espagnol : « C’est un grand jour pour la lutte antiterroriste. » Le 3, des jeunes manifestants saccagent le centre de Bayonne aux cris de « Vive ETA militaire ».

Jeux Olympiques

Ouverture.

Le président américain Bill Clinton déclare ouverts à Atlanta (Géorgie) les XXIIIes jeux Olympiques d’été, auxquels participent 10 700 concurrents venus de 197 pays. Le boxeur Muhammad Ali, médaille d’or de la downloadModeText.vue.download 65 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

64 catégorie mi-lourds en 1960, a embrasé la vasque olympique. (U chrono. 27/07 et 4/08)

21

Cyclisme

Victoire de Bjarne Riis dans le 83e Tour de France.

Le Danois l’emporte devant l’Allemand Jan Ullrich et le Français Richard Virenque.

Après ses cinq succès dans l’épreuve, l’Espa- gnol Miguel Indurain semble envisager la fin de sa carrière.

25

Burundi

Coup d’État à Bujumbura.

Le président en exercice, le Hutu Sylvestre Ntibantunganya, est renversé par un putsch mené par le major Pierre Buyoya, un Tut- si qui avait déjà pris le pouvoir dans des conditions similaires en 1987 pour y rester jusqu’en 1993. M. Buyoya justifie son ac- tion en évoquant le « sauvetage d’un peuple en détresse ». Il promet de procéder à la constitution d’un « gouvernement de large union nationale » et nomme, le 31 juillet, un Hutu modéré, Pascal-Firmin Ndimira, militant de l’Unité pour le progrès national (Uprono, majoritairement tutsie). Le même jour, les pays voisins du Burundi décident de sanctionner ce pays en adoptant des me- sures d’isolement économique. Le 24 août, le Rwanda se joint au front du blocus contre le Burundi. Les combats avec les rebelles hutus redoublent d’intensité autour de la capitale, Bujumbura.

Grande-Bretagne

Choix militaire européen.

La Grande-Bretagne choisit d’équiper sa défense avec un missile de croisière conçu, à partir du programme franco-allemand Apache, par British Aerospace Dynamics, groupe issu de la fusion des divisions spé- cialisées de British Aerospace et du fran- çais Matra. C’est là un choix en faveur de l’intégration européenne, tant sur le plan militaire que sur les plans politique et in- dustriel. Le président de Matra, Jean-Luc Lagardère, se félicite de cette décision et es- père ainsi, en liaison avec British Aerospace et l’allemand DASA, prendre le contrôle de Thomson-CSF.

26

Argentine

Limogeage du ministre de l’Économie.

Considéré comme le « père du miracle argentin », le ministre de l’Économie Do- mingo Cavallo est renvoyé par le président Carlos Menem. Son successeur, Roque Fer- nandez, déclare aussitôt qu’il poursuivra la politique de rigueur de son prédécesseur et veillera au maintien de la parité actuelle du peso par rapport au dollar. Ce départ inter- vient alors que la récession s’abat sur le pays et que les élections locales sont marquées par des échecs sévères pour le parti du pré- sident Menem. Ce dernier reprochait éga- lement à M. Cavallo de jouer un jeu trop personnel en vue des prochaines élections présidentielles. Le 8 août, une grève géné- rale paralyse partiellement l’économie du pays.

Birmanie Nettoyage ethnique.

On apprend la mort de plus d’une cen- taine de personnes appartenant à la mino- rité karen et regroupées dans les camps de concentration ouverts par l’armée dans l’État kayah, dans l’est du pays. Depuis plu- sieurs mois, les militaires de Rangoon ont chassé de leurs villages plus de 70 000 Ka- rens et établi la loi martiale dans la région. downloadModeText.vue.download 66 sur 602

CHRONOLOGIE

65

France

Non-lieu pour un promoteur.

Mis en examen depuis 1993, Christian Pel- lerin, puissant promoteur immobilier, bé- néficie d’un non-lieu dans l’affaire de la tour BP de la Défense. Ce dossier complexe, où se côtoyaient banquiers, promoteurs et an- ciens policiers, avait été marqué par la mort suspecte de cinq personnes.

27

États-Unis

Attentat à Atlanta.

Une bombe placée dans un sac explose lors d’un concert de rock organisé dans un parc, en marge des jeux Olympiques. On déplore deux morts et une centaine de blessés. Le Comité olympique annonce que les Jeux continuent malgré tout. Dans un premier temps, un ancien policier, d’abord présenté comme un héros, est soupçonné par la police et la presse, mais, au bout de quelques jours, cette piste est pratiquement abandonnée. Les investigations de la police semblent s’orienter vers les milieux de l’ex- trême droite américaine, sans négliger pour autant l’hypothèse islamiste.

Indonésie

Émeutes et répression.

Des affrontements violents dans les rues de Jakarta opposent forces armées et police aux partisans de Megawati Sukarnoputri, fille du défunt président Sukarno, le « père de l’indépendance ». Les troubles ont com- mencé quand les partisans du régime du président Suharto, au pouvoir depuis 1966, ont évincé Mme Sukarnoputri de la direc- tion du Parti démocrate indonésien (PDI). La répression est sévère et les arrestations nombreuses. M. Suharto n’entend pas libé- raliser son régime et n’acceptera pour les élections législatives de mai 1997 que trois partis d’opposition. Limogée de son parti,

Mme Sukarnoputri n’est pas autorisée à constituer sa propre formation.

Turquie

Fin de la grève dans les prisons.

Après que douze d’entre eux sont morts des suites de leur grève de la faim, les pri- sonniers politiques d’extrême gauche ob- tiennent satisfaction. Ils réclamaient une amélioration des conditions très dures de leur détention. Le Premier ministre lui- même, l’islamiste Necmettin Erbakan, avait mené la négociation. Les autorités turques ont senti qu’il leur fallait faire un geste, ne serait-ce que par rapport à l’Union euro- péenne, qui juge sévèrement l’état des droits de l’homme en Turquie.

29

Chine

Dernier essai nucléaire.

La Chine procède à son quarante-cin- quième et dernier essai nucléaire (contre 1 030 pour les États-Unis et 210 pour la France) et déclare s’engager « solennelle- ment à respecter un moratoire des essais nucléaires à partir du 30 juillet 1996 ».

Grande-Bretagne

Timides progrès en Ulster.

Le forum pour la paix, présidé par l’ancien sénateur américain George Mitchell et réu- nissant les principaux partis d’Irlande du Nord à l’exception du Sinn Féin, aboutit à un premier accord sur les règles de procé- dure. L’accord se limite à un ordre du jour sur les différents sujets à débattre : relations entre les deux Irlandes, relations avec la Grande-Bretagne, relations entre 1Ulster et le Royaume-Uni. La question explosive du désarmement des groupes paramilitaires est renvoyée à la fin des pourparlers. downloadModeText.vue.download 67 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

66

Proche-Orient

Protestation des Palestiniens.

Afin de s’opposer à la décision du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou d’encourager les colonisations juives en Cisjordanie et alors que la municipalité de Jérusalem entreprend de démolir des logements arabes dans la partie est de la ville, Yasser Arafat appelle les Palestiniens à venir prier nombreux sur l’esplanade des Mosquées. Étroitement canalisée par la police israélienne, la manifestation est un échec, réunissant 20 000 personnes au lieu des 100 000 attendues.

30

G7

Réunion sur le terrorisme.

Programmée lors du G7 des chefs d’État à Lyon en juin, et au lendemain du drame du vol 800 de la TWA et de l’attentat d’Atlanta, la réunion G7 sur le terrorisme regroupe seize ministres compétents des 7 pays et de la Russie. Les principales mesures adoptées concernent l’amélioration de la coopéra- tion internationale au jour le jour, l’évolu- tion coordonnée des législations nationales tournant autour du terrorisme, le dévelop- pement de normes pour le marquage des explosifs et l’accélération de la recherche en matière de détection des explosifs. L’applica- tion de ces mesures posera de délicats pro- blèmes, économiques (comme le renché- rissement du coût des transports aériens du fait du renforcement des contrôles) ou poli- tiques (comme le contrôle de la vente des armes à feu, notamment aux États-Unis).

31

États-Unis

Limitation de l’aide sociale.

Bill Clinton annonce qu’il va signer la pro- position de loi présentée par la majorité républicaine visant à réformer dans un sens restrictif le système de l’aide sociale aux États-Unis. Le dispositif principal de la réforme consiste à transférer de l’État fédé- ral aux États la gestion des programmes so- ciaux. Ceux-ci seront largement autonomes pour gérer ces programmes comme ils l’en- tendent. D’une façon générale, personne ne pourra bénéficier des aides sociales plus de cinq ans au cours de son existence et tous les bénéficiaires seront incités à accomplir des tâches communautaires en échange de leurs allocations. Même s’ils admettent que le système du « welfare » (bien-être) poussait trop de gens à s’installer dans la position d’assistés, bien des démocrates acceptent difficilement de voir ainsi remis en cause un système lancé il y a plus de soixante ans par F. D. Roosevelt. downloadModeText.vue.download 68 sur 602

CHRONOLOGIE

67

Août

1

Algérie

Assassinat de l’évêque d’Oran.

Mgr Pierre Claverie est tué par l’explosion d’une bombe près de son domicile à l’évê- ché d’Oran. Né à Alger en 1938, Mgr Clave- rie avait soutenu la lutte des Algériens pour leur indépendance ; il était très opposé au mouvement islamiste et désapprouvait les contacts entre le FIS et les mouvements po- litiques démocratiques. Ses obsèques sont suivies par plusieurs milliers d’Algériens musulmans.

France

Skinheads profanateurs.

Quatre skinheads proches des milieux d’extrême droite, et notamment du Parti nationaliste français et européen (PNFE), reconnaissent être les auteurs de la profa- nation, en mai 1990, du cimetière juif de Carpentras. Trois d’entre eux sont mis en examen pour « violation de sépulture » et « injures par emblèmes envers un groupe de personnes en raison de leur race, origine ou religion ».

Italie Verdict contesté envers un ex-capitaine SS.

Erich Priebke, quatre-vingt-trois ans, res- ponsable du massacre des Fosses adréa- tines en 1944 (335 otages fusillés), est jugé coupable par le tribunal militaire de Rome, mais avec des circonstances atté- nuantes. En conséquence, il peut être aus- sitôt libéré. Le verdict provoque une vague d’indignation dans la péninsule et Prie- bke est maintenu en prison, le temps que l’extradition réclamée à son encontre par l’Allemagne soit examinée par les autori- tés judiciaires italiennes. Le 15 octobre, le jugement est annulé par la Cour de cassa- tion italienne.

Somalie

Mort du général Aïdid.

Le chef de guerre le plus puissant de Soma- lie, le général Mohamed Farah Aïdid, meurt des blessures qu’il a reçues au cours d’un combat avec les troupes d’un de ses rivaux, le général Ali Mahdi, pour le contrôle d’un quartier de Mogadiscio. Âgé de soixante- six ans, le général Aïdid s’était illustré lors de la guerre contre l’Éthiopie en 1977. Il avait largement contribué à la chute du gé- néral Syad Barre en 1991 puis s’était opposé à la présence des Casques bleus en Somalie au cours de l’année 1995. Il est remplacé par son fils Hussein Farah Aïdid à la tête de son clan. Les combats reprennent bientôt entre factions rivales.

2

France

Mort de Michel Debré.

L’ancien Premier ministre du général de Gaulle meurt à quatre-vingt-quatre ans à Amboise, ville dont il fut longtemps le maire. Ancien résistant, sénateur d’Indre- et-Loir, principal rédacteur de la Consti- tution de 1958, il est Premier ministre de 1959 à 1962, puis ministre de l’Économie, des Affaires étrangères et ministre de la Dé- downloadModeText.vue.download 69 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

68 fense de 1966 à 1973. Député de la Réunion à partir de 1963, il est candidat aux élec- tions présidentielles de 1981, où il recueille moins de 2 % des suffrages. La classe poli- tique est quasiment unanime pour saluer son sens du devoir et sa passion du service de l’État.

4

Jeux Olympiques

Clôture.

Les XXIIIes JO d’été se terminent après que Juan Antonio Samaranch, président du Comité international olympique (CIO), a réclamé une minute de silence à la mé- moire des victimes de l’attentat du 27 juil- let. Sur les 197 nations représentées, 79 se partagent les 842 médailles distribuées lors des épreuves. Avec 37 médailles, dont 15 d’or, la France se classe 5e au palmarès final, derrière les États-Unis (101 médailles, dont 44 d’or), la Russie (63, dont 26), l’Allemagne (65, dont 20) et la Chine (50, dont 16). C’est là son meilleur résultat d’ensemble depuis les Jeux de 1900. On note tout particuliè- rement les performances de Marie-José Pérec, qui réussit le doublé 200 m et 400 m, de Jean Galfione, médaille d’or à la perche, de la cycliste Jeannie Longo, médaille d’or sur route et d’argent au contre-la-montre, et des équipes de judo, de cyclisme, d’es- crime, d’aviron et de canoë-kayak. Les autres grands triomphateurs des Jeux sont les athlètes américains Michael Johnson (doublé 200 m et 400 m avec record du monde sur le 200 m) et Carl Lewis (neu- vième titre – sur le saut en longueur – en 4 olympiades), le rameur britannique Steve Redgrave (4 titres en 4 olympiades), les nageurs russes Alexandre Popov (100 et 50 m nage libre) et Denis Pankratov (100 et 200 m papillon), la coureuse de demi- fond russe Svetlana Masterkova (800 et 1 500 m) et la gymnaste ukrainienne Lilia Popkopayeva (concours général et sol). Si les Américains continuent de dominer le sport mondial, on note cependant une uni- versalisation de la pratique sportive de haut niveau. Ainsi, 11 pays ont remporté leur premier titre à Atlanta : Arménie, Biélo- russie, Burundi, Costa Rica, Croatie, Équa- teur, Hongkong, Kazakhstan, République tchèque, Slovaquie et Ukraine. Le continent africain continue à s’illustrer dans le palma- rès, tandis que l’on a assisté à une contre- performance sans précédent de la Grande- Bretagne (15 médailles, dont une seule d’or), résultat probable d’une politique de privatisation des institutions sportives qui a cassé les structures olympiques natio- nales. D’un point de vue pratique, ces jeux d’Atlanta n’ont pas donné toute satisfaction. L’organisation a été défaillante comme le système informatique. Le souci constant de rentabilité a perturbé la bonne marche des événements. Une réforme des Jeux semble indispensable.

5

Cambodge

Défections chez les Khmers rouges.

On annonce la mort de Pol Pot (de son vrai nom Saloth Sar), soixante-huit ans, des suites du paludisme. Beaucoup doutent de la véracité de cette nouvelle qui marque- rait la disparition du responsable principal d’une des plus grandes tragédies de l’après- guerre. Selon les estimations, de un à deux millions de Cambodgiens (sur une popula- tion totale de 7 millions) auraient péri dans l’application du programme politique de Pol Pot au cours des années 70. Le 8, Ieng Sary, l’ancien no 2 des Khmers rouges et beau-frère de Pol Pot, annonce qu’il quitte le mouvement de guérilla communiste. Il est suivi par deux généraux et environ un millier de leurs maquisards. Tous déclarent se rallier à Hun Sen, le leader du Parti du peuple cambodgien, l’un des deux Pre- miers ministres, avec le prince Norodom downloadModeText.vue.download 70 sur 602

CHRONOLOGIE

69

Ranariddh, qui dirigent le gouvernement à Phnom Penh.

7

Croatie/Serbie

Rencontre au sommet.

Les présidents croate et serbe, Franjo Tudj- man et Slobodan Milosevic, se rencontrent près d’Athènes, sous l’égide du Premier mi- nistre grec, Costas Simitis. Les deux diri- geants décident de rétablir prochainement les relations diplomatiques entre leurs États (ce qui sera chose faite le 23 août), même si tous les différends demeurant entre eux ne sont pas réglés. Les principaux points de friction concernent les questions territo- riales (en Dalmatie, notamment). L’accord sur la Slavonie orientale est en principe entériné, celle-ci devant revenir sous admi- nistration croate.

Espace

Hypothèse martienne.

Daniel Goldin, président de la Nasa, an- nonce que des chercheurs américains ont découvert des traces de micro-organismes qui auraient vécu sur Mars il y a environ trois milliards d’années. Ces micro-orga- nismes, proches des bactéries terriennes, ont été étudiés sur une météorite d’origine martienne localisée en Antarctique en 1984. Les chercheurs ont la prudence de souligner que leur découverte ne constitue pas une certitude. Cependant, Bill Clinton lui-même fait état de cette découverte vir- tuelle, estimant sans doute qu’elle est sus- ceptible de remobiliser le public américain pour un nouveau grand projet spatial.

Espagne

Catastrophe dans un camping.

Au moins 70 personnes sont emportées par la brusque crue d’un torrent passant à proximité d’un camping d’Aragon. Aussitôt, une polémique se développe sur les procé- dures d’autorisation pour l’installation des campings en Espagne. Plusieurs incidents s’étaient produits dans le passé sur le site, mais la municipalité avait quand même autorisé le camping à un endroit que beau- coup savaient dangereux.

Russie

Offensive des indépendantistes en Tchétchénie.

Alors que les rumeurs sur le mauvais état de santé de Boris Eltsine se font de plus en plus insistantes, les indépendantistes tchét- chènes reprennent le contrôle de plusieurs quartiers de la capitale, Grozny, et infligent de lourdes pertes aux troupes russes. Le 10 août, M. Eltsine, qui n’a fait qu’une courte apparition pour la cérémonie de son investiture, charge Alexandre Lebed, secré- taire du Conseil de sécurité russe, du dos- sier tchétchène. 8

France

Poursuites engagée au Lyonnais.

Jean Arthuis, ministre de l’Économie et des Finances, annonce qu’il a saisi le garde des Sceaux afin qu’il engage des poursuites contre les anciens dirigeants du Crédit Lyonnais « pour défaut de contrôle de ses filiales ». Cette démarche sans précédent en France vise à faire apparaître la pleine responsabilité de l’état-major de Jean-Yves Haberer, l’ancien président de la banque, dans une déroute financière dont on estime qu’elle devrait coûter 50 milliards de francs aux contribuables. Certains observent que cette démarche peut également contribuer à déstabiliser Jean-Claude Trichet, gouver- neur de la Banque de France, qui était, au moment des faits, directeur du Trésor, et donc responsable, à ce titre, du contrôle de la gestion de la banque publique. Or, chacun sait qu’un conflit latent oppose le gouverneur de la banque centrale, statutai- downloadModeText.vue.download 71 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

70 rement indépendante, et le gouvernement sur la politique de la monnaie et des taux.

9

Allemagne

Inculpation du patron de Thyssen.

Dicter Vogel, président du directoire de Thyssen, le géant industriel de la Ruhr, est inculpé d’escroquerie. Il est soupçon- né d’avoir détourné près de 250 millions de francs au détriment de la Treuhand, l’organisme chargé des privatisations dans l’ex-RDA.

11

Chypre

Tensions intercommunautaires.

Des affrontements ont lieu sur la « ligne verte » qui sépare depuis 1974 le sud de l’île, habité par les Chypriotes d’origine grecque, du Nord, occupé par l’armée turque. Un jeune chypriote grec qui avait franchi la ligne est lynché par la popula- tion turque. Dans les jours qui suivent, un autre Chypriote grec est tué par un policier chypriote turc. Des reproches sont adressés aux Casques bleus de l’ONU pour n’être pas intervenus assez énergiquement lors de ces violences.

Russie

Processus de paix en Tchétchénie.

Chargé la veille du dossier tchétchène par le président Boris Eltsine, et alors que la débâcle des troupes russes à Grozny est patente, Alexandre Lebed rencontre le chef d’état-major des indépendantistes. Un nou- veau cessez-le-feu est alors décidé, mais il est aussitôt violé à la suite d’un changement d’attitude du côté russe. Cette volte-face témoigne de la confusion régnant tant à Moscou que sur le terrain au sein de la di- rection russe, où de nombreux chefs de file craignent de voir le général Lebed marquer trop de points. La tension apparaît au grand jour à l’occasion de la présentation du nou- veau gouvernement, le 16, par le Premier ministre, Viktor Tchernomyrdine. L’équipe gouvernementale s’ouvre à de nouveaux ministres libéraux, confirmant ainsi l’orien- tation globale de la politique du Kremlin. Toutefois, le général Lebed réclame publi- quement le départ du ministre de l’Inté- rieur, jugé par lui responsable de la faillite des forces russes à Grozny. Il n’obtient pas gain de cause, et Boris Eltsine l’enjoint de « rétablir l’ordre » sans délai dans la capitale tchétchène. Dans les jours qui suivent, il parvient cependant à faire annuler l’ultima- tum du président. (U chrono. 30/08)

14

États-Unis

Bob Dole investi par les républicains.

Réunie à San Diego, Californie, la conven- tion républicaine investit Bob Dole comme candidat aux élections présidentielles de novembre. Âgé de soixante-treize ans, hé- ros de la Seconde Guerre mondiale, ancien sénateur du Kansas, plusieurs fois candi- dat à l’investiture de son parti, M. Dole apparaît comme un centriste au sein d’un parti républicain largement dominé par les ultraconservateurs et les fondamentalistes religieux. Ses positions en matière diplo- matique ou en matière d’avortement ne diffèrent pas sensiblement de celles de Bill Clinton ; en revanche, elles sont en déca- lage par rapport à la plate-forme officielle du parti, nettement plus orientée vers le conservatisme. M. Dole choisit comme colistier, candidat à la vice-présidence, Jack Kemp. Âgé de soixante et un ans, ancien champion de football américain, ancien secrétaire d’État au logement de l’adminis- tration Bush, M. Kemp est un représentant du « conservatisme social », partisan des baisses d’impôt mais aussi du maintien des programmes d’aide aux minorités défavori- sées. La popularité nationale de M. Kemp downloadModeText.vue.download 72 sur 602

CHRONOLOGIE

71 devrait aider M. Dole, dont le grand âge est un handicap face aux tout juste cinquante ans de M. Clinton.

15

Belgique

Scandale pédophile.

Deux adolescentes sont retrouvées séques- trées mais vivantes à Marcinelle, dans la région de Charleroi, au domicile d’un élec- tricien de trente-neuf ans, Marc Dutroux. Les cadavres de deux autres jeunes filles, enlevées en juin 1995, sont alors exhumés dans le jardin de Dutroux. C’est le début d’un énorme scandale quand on s’aper- çoit, d’une part, que Dutroux avait déjà été condamné à treize ans de prison en 1989 pour abus sexuels sur des adolescentes et libéré au bout de trois ans, et que, d’autre part, les parents des deux victimes retrou- vées à Marcinelle, mécontents d’un manque d’efficacité des magistrats chargés de l’en- quête sur la disparition des jeunes filles, avaient porté plainte contre l’État belge, plainte classée sans suite. L’arrestation de plusieurs complices, dont un ancien agent immobilier et une ancienne avocate, laisse croire à l’existence d’un véritable réseau pé- dophile. Alors que les funérailles des deux victimes retrouvées dans une des maisons de Dutroux donnent lieu à une intense émotion nationale, la presse belge fustige l’incompétence de la police. Le bourg- mestre d’une commune de la banlieue de Bruxelles assigne l’État en justice pour « dé- faut d’assistance et de précautions » dans les récents enlèvements. (U chrono. 20/10)

Inde

Veto nucléaire.

Faisant partie des huit États dans le monde ayant la capacité atomique, l’Inde se sin- gularise en rejetant officiellement le traité d’interdiction des essais nucléaires. Elle considère que ce traité est discriminatoire, dans la mesure où il entérine la position dominante des grandes puissances qui ont déjà procédé à des dizaines ou à des centaines d’essais et qui disposeront des moyens hautement sophistiqués de conti- nuer, voire d’innover technologiquement, avec les systèmes d’expériences par simula- tion. Par ailleurs, l’Inde se méfie de ses deux voisins, la Chine et le Pakistan, qui dis- posent également de la capacité atomique. (U chrono. 24/09)

17

Espace

Une Française dans l’espace.

En compagnie de deux coéquipiers russes, Claudie André-Deshays décolle de la base de Baïkonour, dans le Kazakhstan. Les trois cosmonautes doivent rejoindre la station russe Mir, où les attendent deux Russes et une Américaine. Médecin de formation, Mme André-Deshays se livre à plusieurs ex- périences ayant trait à la physiologie en ape- santeur avant de rentrer sur terre le 2 août, au terme d’un voyage de 14 jours. Saluant la réussite de cette expérience, M. Fran- çois Fillon, ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l’Espace, estime « dépassés » les courts séjours dans l’espace et annonce qu’un Français passera quatre mois à bord de la station Mir en 1999.

20

Corée du Sud Émeutes d’étudiants.

La police antiémeutes prend d’assaut le campus universitaire de Séoul où plus de 3 000 étudiants s’étaient retranchés depuis huit jours. Les étudiants réclamaient la réu- nification des deux Corées et le retrait des troupes américaines du pays. downloadModeText.vue.download 73 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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Afrique du Sud

Le « repentir » de Frederik De Klerk.

Au nom du Parti national (NP), au pouvoir de 1948 à 1994, l’ancien président De Klerk a exprimé devant la commission Vérité et Réconciliation présidée par l’archevêque Desmond Tutu son « repentir » et reconnu les « nombreuses erreurs du passé » com- mises en application du régime de l’apar- theid. M. De Klerk a conclu son interven- tion en disant : « Il nous faut accepter de pardonner et d’être pardonné. »

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France

Vers la rupture de la trêve en Corse.

François Santoni, dirigeant d’A Cuncolta naziunalista, vitrine légale du FLNC-canal historique, annonce que le FLNC n’a plus l’intention d’observer la trêve de la violence qu’il observait depuis le mois de janvier. M. Santoni reproche à Alain Juppé de faire preuve d’un « racisme primaire » à l’égard des Corses. Lors de son voyage dans l’île de Beauté à la mi-juillet, le Premier ministre avait déclaré : « Ceux qui ont franchi depuis trop longtemps la frontière de la légalité se- ront poursuivis sans défaillance et traduits devant la justice. » Il avait annoncé égale- ment la création d’une zone franche sur l’île, avec de larges exonérations de l’impôt sur les sociétés et de la taxe profession- nelle pour toutes les entreprises nouvelles, pour une enveloppe globale de 600 mil- lions de francs par an pendant cinq ans. (U chrono. 29/08)

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États-Unis

Bill Clinton contre la cigarette.

À la veille de la convention démocrate, Bill Clinton prend diverses mesures visant à limiter la consommation de cigarettes chez les mineurs (interdiction à la vente, limitation des distributeurs automatiques, limitation de la publicité, financement de campagnes antitabac par les compagnies de tabac, etc.). Cet ensemble de mesures contribue à préciser l’image que veut don- ner de lui le candidat Clinton : un démo- crate modéré, parfois conservateur sur tout ce qui touche les valeurs familiales.

France

Évacuation des « sans papiers ».

Après cinq mois d’errance à travers dif- férents bâtiments publics parisiens, les 300 Africains sans papiers réfugiés dans l’église Saint-Bernard (XVIIIe arrondis- sement) sont évacués par la police, qui défonce la porte avec une hache. Les dix grévistes de la faim sont transportés dans des hôpitaux militaires et les hommes céli- bataires conduits au centre de rétention de Vincennes. L’affaire avait occupé la une de tous les médias en France et plusieurs télévisions étrangères avaient dépêché des équipes sur place. L’issue paraissait cepen- dant prévisible. Depuis le départ, Jean- Louis Debré, le ministre de l’Intérieur, avait prôné la fermeté. Il ne souhaitait pas suivre les recommandations présentées par l’équipe des médiateurs, dirigés par l’ancien ambassadeur Stéphane Hessel, qui suggéraient une étude compréhensive au cas par cas. Au sein même de la majorité, le président du groupe UDF à l’Assemblée nationale, Gilles de Robien, avait réclamé l’instauration d’un dialogue avec les Afri- cains et une amélioration à apporter aux « incohérences juridiques » de la loi Pas- qua, notamment en ce qui concerne la si- tuation des parents étrangers d’enfants nés en France. La veille, l’avis du Conseil d’État récusant l’existence d’un « droit à la régula- downloadModeText.vue.download 74 sur 602

CHRONOLOGIE

73 risation » et reconnaissant que les Africains de Saint-Bernard ne pouvaient se prévaloir d’un « droit au séjour », laissait préjuger de la suite des événements. Plusieurs manifes- tations de soutien aux sans-papiers ont lieu à Paris et un sondage réalisé par le Monde et RTL indique que 46 % des Français interro- gés ont de la sympathie pour les grévistes de Saint-Bernard contre 36 % qui éprouvent de l’hostilité. Dans les jours qui suivent, 88 sans-papiers sont expulsés. Plusieurs pays africains font savoir qu’ils sont mécontents de la façon dont l’affaire a été traitée.

26

Corée du Sud

Condamnation de deux anciens présidents.

Les deux anciens chefs de l’État Chun Too-wan et Roh Tae-woo sont condam- nés respectivement à la peine de mort et à vingt-deux ans de prison pour partici- pation au massacre d’opposants en 1980 et pour corruption massive. Neuf présidents de conglomérats économico-financiers (chaebols) sont également condamnés à la prison. Ce procès permet au président en exercice, Kim Young-sam, d’asseoir sa ré- putation d’intégrité et, le cas échéant, de se rapprocher du clan conservateur en exer- çant son droit de grâce.

France

Démission de Bernard Tapie.

Alors que le film de Claude Lelouch Hommes, femmes : mode d’emploi, où il tient un des rôles principaux, sort sur les écrans, Bernard Tapie annonce qu’il va démission- ner de son mandat de député (Radical) de Gardanne, Bouches-du-Rhône. Il estime qu’il ne veut plus pratiquer le « mélange des genres » entre politique et spectacle. Il conserve cependant son mandat de député européen, l’Assemblée de Strasbourg ayant toujours refusé de procéder à la levée de son immunité parlementaire. (U chrono. 20/10)

27

Enfance

Congrès mondial sur la pédophilie.

Le premier congrès mondial sur l’exploi- tation sexuelle des enfants s’ouvre à Stoc- kholm, alors que l’opinion européenne a été émue par l’affaire du pédophile belge Marc Dutroux. Plus de mille délégués du monde entier veulent mettre sur pied une meilleure coordination internationale pour lutter contre le fléau.

Slovaquie

Remaniement ministériel. Le Premier ministre Vladimir Meciar, lea- der du Mouvement pour une Slovaquie démocratique (HZDS), change les titulaires des trois postes clés des Affaires étrangères, de l’Économie et de l’Intérieur. Ce rema- niement a pour but de restaurer l’image de la Slovaquie, qui ne figure plus dans la liste des pays d’Europe centrale susceptibles d’adhérer en priorité à l’OTAN et, à terme, à l’Union européenne.

28

Grande-Bretagne Divorce de Charles et de lady Di.

Le prince héritier et son épouse mettent fin à quinze années de mariage. Lady Diana, qui cesse de faire partie de la famille royale, obtient un chèque de séparation estimé à quinze millions de francs et une pension annuelle de l’ordre de neuf millions.

Roumanie Candidature de Ion Iliescu.

Le président sortant, en poste depuis 1990 (réélu en 1992), annonce officiellement devant sa formation, le parti de la Démo- downloadModeText.vue.download 75 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

74 cratie sociale de Roumanie (PDSR), sa candidature aux élections présidentielles de novembre. Populaire dans les cam- pagnes, M. Iliescu, âgé de soixante-six ans, doit désormais compter avec la montée en puissance des leaders de l’opposition que sont Emil Constantinescu, président de la Convention démocratique, et de l’ancien Premier ministre Petre Roman. Dans les jours qui suivent, le PDSR rompt avec les représentants du parti nationaliste PUNR, qui participaient au gouvernement depuis 1994. (U chrono. 3/11)

29

États-Unis

Bill Clinton investi par le parti démocrate.

Le président sortant et son vice-président. Al Gore, sont à nouveau investis comme candidats à l’élection présidentielle de no- vembre lors de la convention des démo- crates à Chicago. Les priorités du candidat sont la réduction du déficit budgétaire, le maintien d’un filet de protection sociale et un effort particulier pour l’éducation.

France

Interpellations en Corse.

Huit indépendantistes proches du FLNC- canal historique sont interpellés en Corse par la police. Cette série d’arrestations est destinée à confirmer la détermination du gouvernement, quelle que soit l’ampleur des menaces proférées par les organisations nationalistes. Dans les jours qui suivent, les plastiquages nocturnes de bâtiments publics se multiplient dans l’île.

31

Pologne

Libéralisation de l’avortement.

Le Parlement, dominé par la gauche post- communiste, vote un amendement as- souplissant fortement la législation très restrictive sur l’avortement adoptée en 1993. L’IVG sera désormais possible jusqu’à la douzième semaine de grossesse, en cas de « difficultés matérielles ou personnelles » de la mère. Le pape Jean-Paul II proteste aussitôt contre cette libéralisation. downloadModeText.vue.download 76 sur 602

CHRONOLOGIE

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Septembre

2

Serbie

Accord au Kosovo.

Le président serbe Slobodan Milosevic et le leader des Albanais du Kosovo (région intégrée à la république de Serbie mais ma- joritairement peuplée d’Albanais), Ibrahim Rugova, signent un accord rouvrant l’accès à l’enseignement public aux élèves et aux enseignants de souche albanaise. Les Amé- ricains avaient fait de la normalisation au Kosovo une des conditions du plein réta- blissement de leurs relations avec Belgrade. 3

États-Unis/Irak

Bras de fer au Kurdistan.

Alors que les troupes de Bagdad, alliées aux combattants kurdes du Parti démocratique du Kurdistan (PDK de Massoud Barzani), ont repris la ville d’Erbil à l’Union patrio- tique du Kurdistan (UPK de Djalal Tala- bani), la marine américaine croisant dans le Golfe envoie 27 missiles de croisière sur le sol irakien. Ce tir d’avertissement est destiné à rappeler à Saddam Hussein que la zone kurde au nord de l’Irak demeure zone d’exclusion aérienne sous protection internationale. Bill Clinton indique égale- ment que l’accord « pétrole contre vivres » conclu en mai avec l’Irak, et qui levait partiellement l’embargo pesant contre ce pays, était suspendu sine die. La France et d’autres pays européens marquent leurs réticences face à cette politique américaine, jugée dangereuse et opportuniste à deux mois des élections présidentielles ; ils font remarquer, par ailleurs, que la zone d’exclu- sion est aérienne et non terrestre, et que, d’autre part, ce sont les Kurdes eux-mêmes qui se sont déchirés, avant qu’une partie d’entre eux ne fasse appel aux forces de Bag- dad. De fait, Saddam Hussein semble sortir vainqueur de l’épreuve, puisqu’il a réussi à se réimplanter dans le nord du pays (le 9, ses troupes et celles du PDK prennent le contrôle de la ville de Souleimanieh) sans que la communauté internationale ne se mobilise contre lui.

4

France

Baisse des impôts.

Alain Juppé annonce une baisse de l’impôt sur le revenu de 25 milliards de francs pour 1997 et prévoit un recul de 75 milliards de la pression fiscale sur cinq ans. Cette baisse est obtenue par une diminution du barème, de 5 à 8 % selon les tranches, et par un relèvement du seuil d’imposition, ce qui dispensera de l’impôt un plus grand nombre de ménages (un ménage sur deux ne relevant déjà pas de l’IRPP). L’opposition fait remarquer que cette baisse de 25 mil- liards en 1997 sera loin de compenser les 58 milliards (en année pleine) consécutifs à la hausse de deux points de la TVA déci- dée en 1995 et que cette diminution de la pression fiscale ne concernera qu’un mé- nage sur deux (les plus fortunés, ceux qui s’acquittent de l’IRPP), alors que la hausse downloadModeText.vue.download 77 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

76 de la TVA est supportée par tout le monde.

(U chrono. 18/09)

Israël

Rencontre Arafat/Netanyahou.

Soumis à d’intenses pressions, de la part des Américains comme du chef de l’État hé- breu Ezer Weizmann, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou accepte de rencontrer Yasser Arafat, président de l’Autorité palestinienne. La rencontre per- met aux deux dirigeants de faire étalage de leurs divergences et de se serrer brièvement la main pour les photographes. La semaine suivante, M. Netanyahou se rend aux États- Unis. Face à Bill Clinton, il refuse de chan- ger sa position d’intransigeance vis-à-vis des Palestiniens. (U chrono. 25/09)

5

France

Projet de réforme électorale.

Le Premier ministre Alain Juppé propose aux responsables de la majorité d’intro- duire une dose de proportionnelle dans le mode d’élection – majoritaire uninominal à deux tours – des députés. Il s’agirait d’ins- taurer un mode de scrutin proportionnel pour les quatorze départements les plus peuplés regroupant le tiers des députés à l’Assemblée nationale. Devant l’hostilité de l’UDF, qui refuse que l’on « change la règle du jeu » à moins de deux ans des élections, M. Juppé renonce vite à son idée.

Madagascar

Destitution du président.

La Haute Cour constitutionnelle confirme la destitution du président élu depuis 1973, Albert Zafy. Celle-ci avait été préalable- ment votée par l’Assemblée nationale le 26 juillet. Il est reproché à M. Zafy d’avoir violé la Constitution en retardant la mise en application de plusieurs lois, notamment sur la décentralisation, et en ne mettant pas en place, comme cela était prévu, un pouvoir judiciaire indépendant. Le Premier ministre, Albert Ratsirahonana, assure l’intérim jusqu’aux élections présidentielles anticipées, prévues pour le 3 novembre.

Russie

Annonce de la maladie du président.

Boris Eltsine déclare qu’il souffre d’une ma- ladie du coeur et qu’il devra être opéré pro- chainement. Aussitôt, les luttes pour le pou- voir se déchaînent au Kremlin. Alexandre Lebed réclame alors que le président confie ses pouvoirs pendant son opération au Premier ministre, Viktor Tchernomyr- dine. M. Eltsine est bientôt hospitalisé, et les médecins se perdent en conjectures sur l’état exact de son mal et sur la possibilité ou non de l’opérer. Venu spécialement des États-Unis pour consultation, le célèbre cardiologue Michael DeBakey tranche en faveur de l’opération, qui, finalement, est programmée pour novembre.

6

Cyclisme Record de l’heure.

À Manchester, le Britannique Chris Board- man pulvérise le record de l’heure en par- courant 56,374 km, soit 1,083 km de mieux que le précédent record, détenu par le Suisse Tony Rominger.

7

Allemagne

Manifestations contre les « coupes sociales ». Après le défilé « historique » du 15 juin à Berlin, la confédération syndicale DGB mobilise encore plus de 200 000 personnes à travers le pays pour s’opposer aux « paquets d’économies » budgétaires que doit adopter le Parlement. Ces mesures consistent en un abaissement du montant des indemnités en cas d’arrêt maladie, en un relèvement de downloadModeText.vue.download 78 sur 602

CHRONOLOGIE 77 l’âge de la retraite de soixante à soixante- trois ans et en une plus grande souplesse dans le droit de licenciement pour les PME. Malgré cette mobilisation syndicale, le plan d’austérité est adopté le 13.

8

Belgique

Arrestation d’un ancien ministre.

Alain Van der Biest, ministre du gouverne- ment régional wallon de 1990 à 1993, est arrêté dans le cadre de l’affaire de l’assas- sinat en juillet 1991 d’André Cools, ancien vice-Premier ministre et ancien président du Parti socialiste belge. M. van der Biest, qui nie tout, est soupçonné d’avoir ordon- né la mort de M. Cools après que celui-ci a menacé de tout révéler sur la corruption qui, selon lui, régnait dans la ville de Liège. Dès 1992, le nom de M. van der Biest avait circulé chez les fonctionnaires chargés de l’enquête, mais la hiérarchie administra- tive et policière avait, peut-être pour des raisons politiques, abandonné cette piste. L’émotion est grande en Belgique quand ce nouveau scandale éclate, alors que l’on découvre juste les cadavres de deux vic- times supplémentaires du pédophile Marc Dutroux. Le 10, le roi Albert II, bousculant une tradition bien établie de non-interven- tion du souverain dans les affaires de justice et de police, exige publiquement que toute la lumière soit faite dans les affaires Cools et Dutroux.

10

Colombie

Démission du vice-président.

Le vice-président Humberto de la Calle réclamait la démission du chef de l’État, Er- nesto Samper. Il estimait que les accusations persistantes pesant contre celui-ci (avoir fait financer sa campagne électorale par les barons de la drogue) l’empêchaient de mener à bien sa tâche, notamment pour ce qui est de la lutte contre la soudaine recru- descence de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Au terme d’un bras de fer politique d’une se- maine, M. Samper obtient le départ de son vice-président. Deux semaines plus tard, alors que M. Samper s’apprêtait à s’envoler pour New York où il devait prononcer un discours à l’ONU, on découvre de l’héroïne cachée dans l’avion. La presse fait état d’un complot pour déstabiliser davantage le président.

Nucléaire

Adoption du traité d’interdiction.

L’Assemblée générale de l’ONU approuve une résolution adoptant le traité d’interdic- tion totale des essais nucléaires. Cependant, l’Inde, qui fait partie des États possédant la capacité nucléaire, indique qu’elle refuse de signer ce texte qui entérine, selon elle, la prééminence des grandes puissances. New Delhi exerce ainsi un droit de veto, car sans sa signature le traité ne peut être considéré comme validé.

12

France

Projet de renforcement de la législation antiraciste.

Deux semaines après que Jean-Marie Le Pen a déclaré « Oui, je crois à l’inégalité des races, oui, bien sûr, c’est évident, toute l’histoire le démontre », Jacques Toubon, garde des Sceaux, veut renforcer la légis- lation antiraciste. Estimant que la loi de 1972, qui exige que les propos incriminés visent un groupe déterminé (ce que M. Le Pen se garde de faire), ne lui permet pas de poursuivre le président du Front national, le ministre veut saisir le Parlement d’un texte « tendant à mieux réprimer l’expres- sion et la propagation d’idées xénophobes, qui pourraient directement ou indirectement downloadModeText.vue.download 79 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

78 provoquer la discrimination et la violence ». Plusieurs spécialistes du droit, à droite comme à gauche, mettent en garde contre les « dangers d’une loi d’exception », même si elle est animée d’une volonté sincère de lutter contre le racisme. Le 19, Alain Juppé déclare publiquement que M. Le Pen est « raciste, antisémite et xénophobe ». 14

Bosnie

Élections générales.

Sous la surveillance des 52 000 mili- taires de la force internationale IFOR et de 1 000 observateurs internationaux, les 3 millions d’électeurs bosniaques désignent leurs représentants aux nouvelles institu- tions communes aux trois communautés – croate, musulmane et serbe – prévues par les accords de Dayton-Paris de 1995. Ces institutions sont à trois étages : deux Par- lements « communautaires » (croato-mu- sulman et serbe) élus au suffrage universel, un Parlement fédéral (avec une Chambre des représentants – 2/3 croato-musulmane et 1/3 serbe – élue au suffrage universel, et une Chambre des peuples de 15 délé- gués – 5 Croates, 5 Musulmans et 5 Serbes – désignée par les Parlements communau- taires), et une présidence tripartite, dont les 3 membres sont chacun élus par sa com- munauté respective. Le scrutin confirme, dans chaque communauté, l’avance des partis nationalistes (HDZ croate, SDA musulman et SDS serbe) sur les formations plus attachées au multiethnisme. Au niveau de la présidence, le Musulman Alija Izetbe- govic, soixante et onze ans, recueille le plus de voix ; c’est donc lui qui inaugurera la pré- sidence tournante. Le Serbe Momcilo Kra- jisnik, cinquante-deux ans, lui succédera au bout de deux ans, puis laissera son fauteuil au Croate Kresimir Zubak, quarante-neuf ans. Même si la régularité globale du scru- tin n’est pas remise en cause, on déplore de nombreuses fraudes au niveau local. Par ailleurs, on note que la grande majorité des Bosniaques déplacés n’ont pas osé se rendre sur le lieu de leur ancien domicile pour y voter, comme la possibilité leur en était offerte. Ainsi, ces élections semblent bien entériner la partition de la Bosnie-He- rzégovine en trois zones distinctes et ethni- quement homogènes.

France

Priorité à la qualité de vie.

Près de 15 000 Alsaciens défilent pour s’op- poser à l’implantation près de Strasbourg du transporteur de fret aérien express américain DHL. Ils craignent que cette implantation ne provoque une recrudes- cence considérable du bruit dans la région. Malgré la promesse de créations d’emplois, les Alsaciens ont préféré privilégier leur tranquillité, et DHL décide de s’installer ailleurs.

15

Algérie

Conférence de l’entente nationale.

Réunis à l’initiative du président Liamine Zeroual, 38 partis et organisations poli- tiques, favorables au pouvoir ou de l’oppo- sition (à l’exclusion des islamistes radicaux ; le Front des forces socialistes [FFS, kabyle] de Hocine Aït Ahmed et le Rassemble- ment pour la culture et la démocratie [RCD] de Saïd Sadi ayant décliné l’invita- tion), s’entendent pour rejeter la violence et confirmer leur « adhésion au pluralisme politique » et leur « respect de la Consti- tution ». M. Zeroual s’engage à organiser des élections législatives dans le premier semestre 1997 ainsi qu’un référendum sur la réforme de la Constitution avant la fin de 1996.

Italie

Demi-échec pour Umberto Bossi.

Le leader de la Ligue du Nord ne parvient pas à mobiliser le million et demi de per- sonnes qu’il avait annoncées à Venise au downloadModeText.vue.download 80 sur 602

CHRONOLOGIE

79 terme de ses trois jours de marche à travers l’Italie septentrionale. Ils ne sont que 20 à 30 000 environ à assister à la proclamation « officielle » de la Padanie, république sou- veraine des provinces du Nord, de Turin à Venise. Le chef de l’État italien, Oscar Luigi Scalfaro, avait eu beau menacer M. Bossi de poursuites judiciaires pour menées sécessionnistes, cela n’a pas suffi à dissua- der le bouillant politicien. En revanche, la modestie de la foule qui l’attendait à Venise, comparée aux 150 000 personnes mobi- lisées à Milan par l’Alliance nationale du postfasciste Gianfranco Fini pour s’opposer au projet de la Ligue du Nord, a nettement refroidi les ardeurs de M. Bossi. Liban

Élections sous influence.

Débutées à la mi-août, les élections législa- tives, étalées sur cinq semaines, s’achèvent sur le succès des candidats prosyriens, qui sont plus d’une centaine à être élus sur un total de 128. Toutefois, malgré les modalités du scrutin, qui privilégiaient les candidats favorables à l’alliance avec la Syrie, les élec- teurs ont exprimé une certaine liberté grâce au panachage, qui leur a permis de n’élire complètement aucune des listes parrainées par l’État et par Damas, même dans le nord du pays et dans la Bekaa, fiefs de la présence syrienne.

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Suisse

Lumière sur l’or nazi.

Le gouvernement fédéral décide d’obliger les banques suisses à lever le secret ban- caire sur les fonds ayant appartenu à « des personnes qui ont été victimes du régime national-socialiste, des membres du Parti national-socialiste, au IIIe Reich, à ses insti- tutions ou à ses représentants ». Cette déci- sion intervient après une forte pression du Congrès juif mondial qui faisait suite à des révélations britanniques selon lesquelles 90 % du « trésor de guerre » nazi (évalué

à 20 milliards de francs français au cours de 1996) étaient réfugiés dans les coffres des banques suisses. Dès le début de 1997, une commission d’experts sera habilitée à faire toute la lumière sur cette affaire et à consulter dans les banques toutes les pièces nécessaires.

18

France

Déficit conforme à Maastricht.

Le projet de loi de finances pour 1997 pré- voit un déficit de 283,7 milliards de francs, soit 4,3 milliards de moins qu’en 1996. Ce résultat, modeste, permet cependant à la France de correspondre à l’un des critères posés par le traité de Maastricht qui pos- tule des déficits publics inférieurs à 3 % du PIB pour pouvoir adhérer à la monnaie unique. Il est obtenu par une compression des dépenses (diminution des crédits des ministères, baisse des aides à l’emploi, sup- pression de 5 600 postes de fonctionnaires, diminution de la charge de la dette grâce à la baisse enregistrée des taux d’intérêt) et par quelques hausses de recettes (compte tenu de la baisse de 25 milliards de l’impôt sur le revenu), comme le transfert de 1,3 point de la cotisation maladie des salariés en 1 point supplémentaire de CSG ou la hausse des droits sur le tabac et l’alcool, et la hausse de la taxe intérieure sur les produits pétro- liers. Cependant, pour arriver au niveau de Maastricht, il aura fallu également que l’État bénéficie d’un versement exception- nel de France Télécom de 37,5 milliards.

France

Maurice Papon renvoyé en cour d’assises.

Estimant que M. Papon, secrétaire géné- ral de la préfecture de Bordeaux de 1942 à 1944, « avait acquis la conviction que l’arres- tation, la séquestration et la déportation vers l’Est [des Juifs] les conduisaient inéluctable- ment à la mort », la chambre d’accusation de la cour d’appel de Bordeaux décide de renvoyer celui-ci en cour d’assises pour downloadModeText.vue.download 81 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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« crimes contre l’humanité ». Âgé de quatre- vingt-six ans, M. Papon avait poursuivi depuis la Libération une brillante carrière de haut fonctionnaire (préfet de police de Paris de 1958 au début des années 60), jus- tifiée, à l’époque, par son activité parallèle de résistant durant l’Occupation. Or, l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux précise : « Il ne ressort de l’instruction aucune certitude quant à l’appartenance de Maurice Papon à la Résistance. »

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Grande-Bretagne

Suspension du plan d’abattage bovin.

Faisant état d’une récente étude scientifique minimisant les risques de contagion par la maladie de la « vache folle » (faible conta- mination des veaux de mères infectées, reflux constaté de l’épidémie), le gouver- nement britannique annonce qu’il suspend unilatéralement le plan d’abattage sélec- tif de 147 000 bovins qu’il s’était engagé à mettre en oeuvre lors du sommet européen de Florence en juin.

Turquie/UE

Rejet à Strasbourg.

Le Parlement européen de Strasbourg décide de geler une partie de l’aide com- munautaire à la Turquie prévue pour 1997 au titre des mesures devant accompagner l’ouverture du marché turc aux produits de l’UE. Ce revirement des députés euro- péens s’explique par la situation des droits de l’homme en Turquie, l’affaire chypriote et le problème kurde.

Vatican

Jean-Paul II en France.

Le souverain pontife entame son cinquième voyage officiel en France. Il est accueilli par Jacques Chirac, qui le salue au nom de « la France républicaine et laïque ». Ce voyage papal provoque des polémiques de deux ordres : d’une part, le fait que les dépenses importantes liées à cette visite soient en grande partie financées par des fonds pu- blics, ce qui semble contraire au principe de séparation de l’Église et de l’État ; d’autre part, l’organisation de ce voyage autour du 1 500e anniversaire du baptême de Clovis, événement présenté par certains comme fondateur de l’histoire de la France, liant ainsi le destin du pays à la religion chré- tienne. Habilement, Jean-Paul II s’emploie à rassurer l’opinion française. Il déclare que les divorcés et remariés continuent d’appar- tenir à l’Église catholique ou que face au phénomène de l’exclusion « de nouvelles formes de solidarité sont à mettre en place » ; il indique, par ailleurs, que le baptême de Clovis n’est pas l’acte de naissance du pays de France. Ces différentes déclarations per- mettent de faire retomber les passions.

20

Estonie Président réélu.

Le président sortant Lennart Meri est réé- lu pour cinq ans par le collège des grands électeurs. Âgé de soixante-huit ans, de ten- dance libérale, M. Meri entend faire de son pays de 1,5 million d’habitants « un pays européen comme les autres ». Pakistan

Nouveau deuil dans la famille Bhutto.

Murtaza Bhutto, frère du Premier ministre Benazir Bhutto, est tué par la police lors d’un contrôle de voiture à Karachi. Mur- taza Bhutto n’avait jamais pardonné aux militaires la pendaison de son père en 1979 et avait vécu en exil jusqu’en 1993. Rentré au pays, il s’était brouillé avec sa soeur, qu’il jugeait traître à la mémoire de leur père, et avait créé un parti de tendance populiste et aux actions parfois violentes. Son enterre- ment donne lieu à des affrontements meur- triers entre ses partisans et la police. Ces violences interviennent alors que le pays est secoué depuis quelques semaines par des downloadModeText.vue.download 82 sur 602

CHRONOLOGIE

81 heurts sanglants entre partis musulmans chiites et sunnites. (U chrono. 27/10)

21

Thaïlande

Démission du Premier ministre.

Au pouvoir depuis les élections de l’été 1995 à la tête d’une coalition de sept par- tis, Banharn Silpa-archa démissionne de son poste. Cette crise politique est une nouvelle preuve du mauvais fonctionne- ment du régime parlementaire instauré à la suite des émeutes de 1992. Une tradition de clientélisme ajoutée à un système élec- toral favorisant l’émiettement des partis fait que le système politique thaïlandais fonc- tionne mal. Quelques jours plus tard, le Premier ministre démissionnaire dissout la Chambre et convoque des élections pour le 17 novembre. (U chrono. 17/11)

UE

Cap sur l’euro.

Réunis à Dublin, les dirigeants des quinze membres de l’Union européenne s’ac- cordent sur la définition d’un Pacte de sta- bilité budgétaire, voulu par l’Allemagne. Ce pacte aura pour objet de garantir la continuité de la discipline budgétaire pour les pays qui auront adhéré à la monnaie unique européenne. Le sommet jette égale- ment les bases d’un « SME bis », organisant les futures relations entre les pays membres de l’euro (premier cercle) et les autres (deu- xième cercle).

22

Arménie

Réélection du président.

Déjà élu en 1992, lors de la proclamation de l’indépendance du pays, Levon Ter- Petrossian, cinquante et un ans, est réélu avec 51,7 % des suffrages, contre 41, 3 % à son principal concurrent, l’ancien Premier ministre Vazguen Manoukian. Alors que la campagne électorale avait été marquée par une disproportion flagrante des moyens en faveur du candidat officiel, la proclama- tion des résultats provoque une profonde indignation dans une partie de l’opinion. Les observateurs internationaux font état d’irrégularités « sérieuses » lors du scrutin, mais « qui ne constituent pas une tentative systématique de porter atteinte à l’expres- sion de la volonté du peuple ». Le 25, après l’annonce officielle des résultats, des affron- tements sérieux opposent des dizaines de milliers de partisans du candidat de l’opposition aux forces de l’ordre. Au bout de quelques heures, les chars entrent dans la capitale. Trois jours plus tard, le calme revient dans les rues et M. Manoukian est en fuite.

Grèce

Les socialistes vainqueurs des élections.

Conduits par le Premier ministre Costas Simitis, les socialistes du Pasok remportent les élections législatives avec 42 % des suf- frages (162 sièges sur 300), contre 39 % aux conservateurs (108 sièges). Les autres partis de gauche, dont le Parti commu- niste, totalisent 19 % des voix et 30 sièges. La performance du Pasok est d’autant plus remarquable que le discours électoral de M. Simitis, proeuropéen et sans conces- sion, tranchait avec les envolées populistes de son prédécesseur, le défunt Andréas Papandréou.

23

France Nouveau plan de redressement de la Sécurité sociale.

Afin de limiter le déficit de la Sécurité so- ciale à 29,7 milliards de francs pour 1997, Jacques Barrot, ministre du Travail et des Affaires sociales, présente un plan de redressement consistant en une augmen- downloadModeText.vue.download 83 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

82 tation des prix du tabac et de l’alcool (de l’ordre de 6 %), des mesures d’économie (généralisation du carnet de santé, contrôle accru des arrêts de travail et des transports en ambulance, mesures en faveur de l’utili- sation des médicaments génériques, moins onéreux) et un élargissement de l’assiette de la CSG.

25

Israël

Affrontements israélo-palestiniens.

À la suite de l’ouverture par les Israéliens d’un tunnel passant sous la ville arabe de Jé- rusalem à proximité du site sacré de l’espla- nade des Mosquées, des affrontements vio- lents opposent Palestiniens et forces armées juives. Alors que Yasser Arafat évoque un « crime contre les sentiments musulmans », les troubles s’étendent à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. Au bout de trois jours d’émeute, pendant lesquels on voit la police palestinienne prendre fait et cause pour les manifestants, on déplore 76 morts, dont 14 militaires israéliens. Craignant de voir définitivement compromis le processus de paix instauré à Oslo en 1993, Bill Clinton convie le 1er octobre à Washington Y. Ara- fat, Benyamin Netanyahou et le roi Hussein de Jordanie (le président égyptien Hosni Moubarak ayant décliné l’invitation du pré- sident américain). Même si les dirigeants israélien et palestinien s’affichent l’un à côté de l’autre après un long tête-à-tête, rien de concret ne sort de cette rencontre, sinon un engagement de continuer à négocier sur place à la frontière israélo-palestinienne. M. Netanyahou refuse de faire fermer le tunnel contesté, mais, pour Bill Clinton, l’essentiel était que le processus de paix ne soit pas encore enterré, à un mois des élec- tions présidentielles aux États-Unis.

26

Argentine

Grève générale.

Une grève générale de trente-six heures et une manifestation de 70 000 personnes marquent la rupture entre les syndicats péronistes (essentiellement la CGT) et le président Carlos Menem. Élu en 1989 sur la base du programme populiste du Mouve- ment justicialiste, ce dernier s’est progres- sivement converti à une politique libérale de rigueur. Le point de rupture a été atteint quand le président a souhaité assouplir les lois protectrices du travail et réformer le système de couverture sociale, jusque-là géré par les syndicats.

27

Afghanistan

Les talibans à Kaboul.

Les étudiants islamiques rentrent dans la capitale après avoir vaincu les forces gouvernementales du président Burha- nuddin Rabbani, de son Premier ministre Gulbuddin Hekmatyar et du ministre de la Défense Ahmed Shah Massoud. Aussitôt en place, les talibans imposent la loi isla- mique (interdiction de la télévision, sépa- ration totale des sexes, voilage intégral des femmes, obligation pour les hommes de se laisser pousser la barbe, application stricte de la charia ou code coranique). Ils s’empa- rent également du dernier président com- muniste, Mohammed Najibullah, réfugié depuis 1992 dans un bâtiment dépendant de l’ONU, et le pendent à un réverbère. Soutenus par le Pakistan, qui espère grâce à eux disposer d’une base arrière et d’un accès privilégié aux champs pétrolifères d’Asie centrale, les talibans sont de l’ethnie pashtoune, majoritaire dans le pays. Ils pro- clament leur revanche contre les Tadjiks, downloadModeText.vue.download 84 sur 602

CHRONOLOGIE

83 menés jusque-là par le commandant Mas- soud. (U chrono. 8/10) Espagne

Budget de rigueur.

José Maria Aznar, le nouveau chef du gou- vernement, fait adopter en conseil des ministres son premier projet de budget. Il s’agit d’un budget de rigueur, avec l’objec- tif de ramener à 3 % le déficit des finances publiques afin de remplir les conditions posées par le traité de Maastricht pour adhérer à la monnaie unique européenne. L’équipe conservatrice au pouvoir espère atteindre son objectif grâce à l’argent des privatisations et grâce à un important pro- gramme d’économies (diminution de 20 % des investissements publics et blocage des salaires dans la fonction publique).

Japon

Dissolution de la Chambre.

Le Premier ministre Ryutaro Hashimoto prononce la dissolution de la Chambre des députés et convoque les élections pour le 20 octobre. Ayant réglé le problème des bases américaines dans l’île d’Okinawa (la population locale souhaitant leur départ et le gouvernement ne voulant pas rompre avec Washington sur ce point, un compro- mis a été trouvé avec les autorités de l’île) et enregistrant une nette reprise écono- mique, le chef du gouvernement a senti le moment opportun pour tenter de redon- ner à son parti, le PLD (Parti libéral-dé- mocrate, conservateur), la prééminence qu’il avait perdu en 1993 après trente-sept ans de pouvoir. Le principal adversaire de M. Hashimoto semble devoir être le Nou- veau Parti du progrès (NPP-Shinshinto). [chrono. 20/10]

30

France

Projet de loi sur l’exclusion.

Présenté par Jacques Barrot, ministre du Travail et des Affaires sociales, et Xavier Emmanuelli, secrétaire d’État à l’Action humanitaire d’urgence, le projet gouver- nemental contre l’exclusion prévoit la créa- tion de 300 000 emplois en cinq ans par les collectivités locales. Cette création devrait passer par la transformation du revenu mi- nimum d’insertion (RMI) en emplois dans le secteur public, financés par un redéploie- ment des aides à l’emploi. Ce qui fait dire à certains que l’on finance les plus pauvres avec l’argent des pauvres. Le texte prévoit également la création d’un Observatoire permanent de la pauvreté, un accroisse- ment du rôle des préfets dans l’attribution de logements aux plus démunis et une lutte accrue contre la recrudescence de la tuberculose.

Météo : l’Été

Juin 1996.

Le déficit pluviométrique s’aggrave dans la moitié nord ; en effet, les précipitations mensuelles sont inférieures à 20 mm dans un grand quart nord- ouest (1,8 mm à l’île d’Yeu, 2,4 au Mans et 2,8 à Alençon) ; elles ne dépassent 100 mm que dans les Pyrénées centrales, le Jura, le Vivarais et, par endroits, dans les Alpes (212 mm à St-Pierre-de- Chartreuse). On signale de gros orages les 2 et 3 dans le Sud-Est et la Corse (112 mm à St-Jean- du-Gard), le soir du 8 en Alsace (26 mm en 1 h 30 à Strasbourg) ainsi que le 12 (25 mm en 1 h à Colmar), les 20 et 21 sur les Alpes, l’Ardèche et la Drôme (109 mm à Divajeu), le 21 dans le Pays basque et le Cantal (35 mm en 1 h à Marce- nat [15]), le 22 à Nogaro [32] avec une tornade. Les 22 et 23, la neige tombe jusqu’à 1 500 m dans les Alpes et même jusqu’à 1 200 m dans le Puy- de-Dôme ! Les températures moyennes sont très excédentaires, mais les contrastes sont vifs entre les périodes chaudes (du 4 au 20 et les 27-28) et les downloadModeText.vue.download 85 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

84 périodes fraîches (du 1er au 3 et du 21 au 26). Les thermomètres grimpent jusqu’à 35,8 °C à Mont- pellier, 34,1 °C à Paris et 24 °C à Bréhat. Les mini- mums s’abaissent à 3,7 °C à Charleville, 3,6 °C et – 1,2 °C à Montgenèvre.

La durée d’insolation, excédentaire, dépasse 300 heures dans le Midi méditerranéen (355 à Car- pentras), sur les côtes charentaise et vendéenne, et même à Bréhat.

Le 22, le vent atteint 173 km/h au cap Corse, 148 à L’Île-Rousse et 130 à Hyères.

Juillet 1996.

La 1re décade est très médiocre et fraîche. Les préci- pitations sont abondantes du 4 au 8 dans le Centre- Est et les Alpes : le 7, 168 mm à Autrans [38], 146 à Alex [74], 142 à St-Pierre-de-Chartreuse [38] ; le 8, il neige au-dessus de 1 500/1 700 m, une étape du Tour de France est raccourcie par la suppres- sion de l’ascension des cols de l’Iseran et du Gali- bier, et, dans les Pyrénées, le col du Tourmalet est impraticable. Les températures maximales sont bien basses : 13 °C à Clermont-Ferrand et – 9,3 °C à l’aiguille du Midi ! Quant aux minimums, ils s’abaissent à 6,7 °C à Lille et – 13,5 °C à l’aiguille du Midi.

Du 12 au 22, le temps est généralement agréable et chaud, mais des orages locaux éclatent le 15 sur le Diois et le Dévoluy (64 mm à Lus-la-Croix-Haute), les 20 et 21 en Corse. À partir du 23, la situation se dégrade. Les 24 et 25, à la suite de pluies dépassant 100 mm, des inondations provoquent d’importants dégâts dans la vallée de Chamonix et la région de Bourg-St-Maurice ; le 26, Pau reçoit 79 mm, dont 51 en 2 h 30 ; le 27, il tombe 157 mm à Brommat [12], 129 à Castanet-le-Haut [34], 84 aux Ternes [15], 75 à Albi, 67, dont 56 en 1 h à Carcassonne ; le 28, 25 mm en 30 min à Strasbourg.

Les précipitations mensuelles sont inférieures à 20 mm sur les côtes de Corse (0,1 au cap Pertusato) et, par endroits, sur les côtes provençales, en Bre- tagne et en Normandie (6 mm au cap de La Hève et 7 à Caen) ; elles dépassent 200 mm sur le haut Jura, les monts d’Auvergne (211 au Lioran) et les Alpes du Nord (287 mm à St-Pierre-de-Chartreuse). Les températures maximales de juillet atteignent 39,5 °C à Ponte-Leccia [20] et 23,4 °C à L’Île-d’Yeu. La durée d’insolation dépasse 300 heures dans les régions méditerranéennes (376 à Figari), mais n’at- teint que 191 heures à Brest. Le vent souffle avec violence les 7 et 8 autour de la Méditerranée.

Août 1996. downloadModeText.vue.download 86 sur 602

CHRONOLOGIE

85

C’est un mois un peu plus chaud que d’habitude dans la moitié nord, un peu plus frais dans la moi- tié sud. Nulle part, le thermomètre n’atteint 35 °C ; les maximums sont de 34,6 °C à Carpentras, 33,8 °C à Alès, 33,5 °C à Corte, 33 °C à Montéli- mar, 32,9 °C à Angers, 32,4 °C à Toulouse, 32,1 °C à Tours, 32 °C à Lyon, 31,6 °C à La Rochelle, 31,2 °C à Dijon, 30,9 °C à Strasbourg et à Biarritz, 30,5 °C à Paris, 30,2 °C à Nancy, 29,4 °C à Nice, 29,1 °C à Cherbourg, 28,4 °C à Limoges, 27,2 °C à Brest, 26,8 °C à Briançon, 24,4 °C à Ouessant et 22,5 °C à l’île de Batz.

Les précipitations les plus faibles sont relevées en Corse (2,4 mm à Solenzara) et dans le Val de Loire (8,4 à Angers) ; elles dépassent 200 mm dans les Préalpes du Nord (289 à Thônes), le Beaufortin et localement dans le Vallespir (359 au Tech [66]) et au nord de Marseille (235 à Mimet). Principaux

événements pluvio-orageux : le 5, 42 mm à Orange (avec grêle) ; le 6, 64 mm à Thônes ; le 7, 130 mm au Portillon [31] ; le 9, 48 mm à Lézignan (avec grêle et rafales de 119 km/h) ; le 10, tornade à Lespignan [34] avec rafales de plus de 180 km/h, 82 mm à Hauteville [01] et 45 mm en 1 h à Nîmes ; le 21, 83 mm, dont 75 en 1 h, à Aubigny-sur-Nère [18] et 19,6 mm en une demi-heure à Nice ; le 26, entre Aix et Marseille [140 mm, dont 80 en 1 h à Mimet, et 114, dont 62 en 1 h, à Septèmes-les- Vallons ; les 28 et 29 dans le Nord (à Dunkerque, 115 mm, dont 80 le 29, et rafales de 104 km/h).

Le soleil brille plus de 300 heures sur la Région PACA et en Corse (maximum 351 à Figari) mais seulement 121 heures au Touquet.

Le mois est peu venté ; toutefois, on enregistre 19 jours avec vents forts à Leucate [11] et au cap Béar [66]. downloadModeText.vue.download 87 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

86

Octobre

1

France Nicole Notat à la tête de l’Unedic.

La secrétaire générale de la CFDT est élue à la présidence du régime d’assurance chô- mage avec trente-huit voix (CNPF, CGPME, CFDT, CFTC, CGC) sur cinquante-huit.

Elle l’emporte sur Marc Blondel, secrétaire général de FO, dont la centrale échoue ainsi à une deuxième présidence, après celle de la Cnam, en juillet.

France/Italie

Querelle sur l’euro.

Jacques Chirac met en cause la politique monétaire du gouvernement italien et la « dévaluation compétitive » de la lire, qui favorise indûment selon lui les exporta- tions transalpines. Le président français dé- clare ainsi qu’« il est tout à fait évident que l’évolution de la lire italienne est tout à fait incompatible [...] avec un Marché commun européen ». Prononcées à la veille du som- met franco-italien de Naples, ces paroles provoquent une vive émotion à Rome. Tou- tefois, l’incident est clos lors de l’arrivée du président français en Italie.

Nigeria

Timide démocratisation.

Le chef de l’État, le général Sani Abacha, annonce un début de démocratisation de la vie politique et confirme son intention de rétablir un régime civil le 1er octobre 1998. Cinq partis politiques sont autori- sés (mais le principal parti d’opposition demeure interdit) et six nouveaux États sont créés dans la fédération. Les autorités de Lagos cherchent ainsi à rétablir l’image du régime, sérieusement ternie depuis la pendaison en 1995 de l’écrivain Ken Saro-Wiwa.

2

Canada

Mort de Robert Bourassa.

L’ancien Premier ministre du Québec meurt à soixante-trois ans des suites d’un cancer qui l’avait éloigné du pouvoir en janvier 1994. À la tête du Parti libéral, il avait dirigé le gouvernement de la Belle Province de 1970 à 1976 puis à nouveau en 1985.

France

Soutien mitigé

à Alain Juppé.

Desservi par des sondages défavorables (moins de 25 % d’opinion positives en sa faveur), le Premier ministre recueille un vote de confiance sans chaleur à l’Assem- blée nationale de la part des différentes composantes de la majorité. Gilles de Robien, le président du groupe UDF, lui déclare ainsi : « Permettez-moi de vous dire, monsieur le Premier ministre, que fort de la confiance massive que nous allons vous accorder, il vous appartiendra, avec votre downloadModeText.vue.download 88 sur 602 CHRONOLOGIE

87 gouvernement, d’obtenir aussi la confiance des Français. »

3

Littérature Prix Nobel pour Wyslawa Szymborska.

Âgée de soixante-treize ans, la poétesse po- lonaise, connue surtout dans son pays, mais auprès d’un large public, publie en général des oeuvres courtes, simples, sans parti- cularismes nationaux et universellement compréhensibles.

4

Grande-Bretagne

Recentrage des travaillistes.

Réuni à Blackpool, le Parti travailliste en- térine la transformation effectuée depuis deux ans par son nouveau leader, Tony Blair. Celui-ci, âgé de quarante-trois ans, est parvenu à recentrer la ligne du Labour, à distendre ses liens avec les syndicats, sans rompre complètement pour autant avec la gauche du parti. Attaché à l’Europe, s’expri- mant bien en français, M. Blair est davan- tage un social-démocrate qu’un travailliste traditionnel.

5

France

Attentat contre la mairie de Bordeaux.

Une bombe endommage une partie des lo- caux de la mairie de Bordeaux, ville dont le maire est le Premier ministre Alain Juppé. Dans les heures qui suivent, l’attentat est revendiqué par le FLNC-canal historique, branche armée et clandestine d’A Cuncolta naziunalista, dirigée par François Santoni. M. Juppé déclare vouloir « combattre le ter- rorisme sous toutes ses formes » et annonce un renforcement des mesures de sur- veillance à Bordeaux, Lyon et Marseille.

UE

Sommet de Dublin. Réunis dans la capitale irlandaise, les diri- geants des Quinze ont réaffirmé leur volon- té de mener à terme avant juin 1997 leurs travaux sur le réforme de l’Union euro- péenne. Ces travaux concernent d’une part les problèmes de justice, de police et d’im- migration, d’autre part l’harmonisation des politiques extérieures et de défense, et, enfin, la réorganisation des structures communautaires, compte tenu de l’élargis- sement passé et à venir de l’Union.

6

Turquie

Voyage du Premier ministre en Libye.

Le Premier ministre islamiste de Turquie, Necmettin Erbakan, effectue un voyage en Libye, ce qui ne manque pas de provoquer des remous au sein de la coalition gouver- nementale. Malgré cette visite à risque, le leader libyen, Mouammar Kadhafi, critique la politique turque vis-à-vis d’Israël et vis- à-vis des Kurdes. Pour sa part, Washing- ton reproche amèrement à M. Erbakan ce déplacement dans un pays jugé comme un des principaux soutiens du terrorisme in- ternational. Toutefois, le 16, une motion de censure contre le gouvernement est repous- sée au Parlement turc par 275 voix contre 256.

7

France

Non-lieu partiel pour Gérard Longuet.

L’ancien président du PR et ancien ministre bénéficie d’un non-lieu pour l’infraction de recel d’abus de bien sociaux pour laquelle il avait mis en examen en 1994. En revanche, downloadModeText.vue.download 89 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

88 il est renvoyé devant le tribunal correction- nel de Paris pour recel d’abus de crédit dans l’affaire de sa villa de Saint-Tropez, dans la mesure où il n’avait commencé à payer ses factures pour la construction de celle-ci qu’à la suite d’un contrôle fiscal effectué au siège de l’entreprise de bâtiment de son dé- partement chargée des travaux. M. Longuet estime que cette décision de justice « établit clairement [son] innocence ».

France/Grande-Bretagne

Accord sur Eurotunnel.

Le concessionnaire franco-britannique du tunnel sous la Manche présente le plan de restructuration de sa dette, qui s’élève à 70 milliards de francs. Les 225 banques créancières vont abandonner environ 20 milliards de francs d’intérêt et vont prendre 45 % du capital d’Eurotunnel en convertissant une partie de la dette en actions. Les 750 000 actionnaires (dont 615 000 particuliers français) échappent ainsi à la faillite mais verront leurs titres coter 10,40 F, contre 22,50 F lors de la der- nière augmentation de capital.

Vatican

Jean-Paul II opéré.

Le souverain pontife est opéré d’une « in- flammation récurrente de l’appendice », au dire des médecins, qui veulent ainsi mettre fin aux rumeurs de cancer des intestins. Certains spécialistes s’étonnent qu’il ait fal- lu, pour une simple inflammation, opérer un homme fatigué, âgé de soixante-seize ans et atteint de la maladie de Parkinson. Dans les jours qui suivent, le pape se remet bien de l’intervention chirurgicale.

8

Afghanistan Contre-offensive des partisans du commandant Massoud.

Depuis leur région du Nord-Est, les com- battants restés fidèles au président Burha- nuddin Rabbani et au commandant Ah- med Shah Massoud attaquent dans la vallée du Salang, qui commande l’accès au nord du pays. Ils bénéficient de l’appui logistique des troupes ouzbeks du général Rachid Dostom, qui, à la suite d’un nouveau ren- versement d’alliance, s’est rapproché de ses anciens adversaires du gouvernement légal. Dans les jours qui suivent, Washington, qui jusque-là ne s’opposait pas au régime des talibans, prend ses distances par rapport à celui-ci, « condamnant » les excès dans l’application de son programme fondamen- taliste, notamment en ce qui concerne les femmes, quasiment exclues de toute vie sociale. 9

Sciences

Nobel de physique et de chimie.

Le prix Nobel de physique est décerné aux Américains David Lee, Robert Richardson et Douglas Osheroff pour leur découverte de la superfluidité de l’hélium 3 liquide. Celui de chimie va au Britannique Harold Kroto et aux Américains Robert Curl et Richard Smalley pour leurs travaux sur les fullerènes (des molécules de carbone) ouvrant des perspectives nouvelles à la re- cherche et à l’industrie.

10

France

Robert Hue et Georges Marchais mis en examen.

L’ancien et l’actuel dirigeant du Parti com- muniste français sont mis en examen pour « recel de trafic d’influence ». L’affaire concerne la Sicopar, bureau d’études proche du PC, filiale du Gifco (Groupement d’inté- rêts économiques pour l’équipement et la fourniture des collectivités). La Sicopar au- rait reçu, entre 1984 et 1994, plus de 15 mil- downloadModeText.vue.download 90 sur 602

CHRONOLOGIE

89 lions de francs de la Compagnie générale des eaux, en échange de travaux d’équipe- ment dans les municipalités contrôlées par le PC. Celui-ci rejette ces accusations avec « indignation ».

11

Paix

Prix Nobel pour l’évêque et l’ambassadeur itinérant de Timor.

Mgr Carlos Felipe Ximenes Belo, évêque de Dili, capitale du Timor-Oriental, et José Ramos-Horta, ambassadeur itinérant de la cause de l’indépendance du territoire, reçoivent conjointement le prix Nobel de la paix. Cette distinction récompense leur combat en faveur de la population de cette ancienne colonie portugaise en butte à la répression de l’Indonésie, qui exerce depuis 1975 la souveraineté sur cette région. De religion catholique, les Timorais ont engagé depuis vingt ans contre les forces de Jakarta une guérilla qui aurait coûté la vie au quart environ de la population.

12

Nouvelle-Zélande

Absence de majorité.

Aux élections législatives, le Parti national (conservateur) au pouvoir obtient 44 sièges sur un total de 120, contre 37 à son rival travailliste. Déjà en 1993, aucune majo- rité n’était sortie des urnes. Cependant, les conservateurs pensent pouvoir à nouveau constituer une coalition autour d’eux, avec les ultralibéraux de l’ACT (Association des consommateurs et des payeurs d’impôts) et les nationalistes de New Zealand First.

13

Automobile Damon Hill champion du monde.

Le Britannique remporte son premier titre de champion du monde de F1 devant le Canadien Jacques Villeneuve et l’Allemand Michael Schumacher.

Autriche

Succès de l’extrême droite.

Aux premières élections européennes orga- nisées dans le pays, l’extrême droite natio- naliste de Jörg Haider (FPOe) remporte un net succès en obtenant 27,6 %, des voix, soit 6 points de mieux qu’aux législatives de décembre 1995. Cette poussée s’effec- tue au détriment des sociaux-démocrates (SPOe) du chancelier Franz Vranitzky, qui, avec 29,1 % des suffrages, enregistrent un recul de 8,8 %. Les conservateurs de l’Oe- VP (alliés aux sociaux-démocrates dans la coalition au pouvoir) réalisent un bon score avec 29,6 % des voix. Ce net recul des sociaux-démocrates s’explique moins par l’euroscepticisme de l’opinion (au total, les partis favorables à l’Europe totalisent 60 % des voix), que par une crainte des électeurs face à la politique de rigueur du gouverne- ment et face aux conséquences de l’ouver- ture à l’Est.

Irak

Contre-offensive au Kurdistan.

Les militants de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK, dirigée par Djalal Tala- bani) reprennent la ville de Souleimaniyé, occupée depuis septembre par les forces du Parti démocratique du Kurdistan (PDK, dirigé par Massoud Barzani). Le gouverne- ment de Bagdad, qui soutient le PDK, dé- clare que l’UPK est soutenu par l’Iran. Dans les jours qui suivent, Robert Pelletreau, sous-secrétaire d’État américain pour le Moyen-Orient, réunit en Turquie les deux leaders kurdes irakiens pour tenter de les downloadModeText.vue.download 91 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

90 rapprocher, mais sa mission de conciliation n’aboutit pas.

14

Belgique

Dessaisissement d’un juge.

La Cour de cassation retire le dossier de l’affaire Dutroux sur les enlèvements d’enfants au juge d’instruction Jean-Marc Connerotte, au motif que celui-ci avait assisté à un dîner organisé par une associa- tion de défense des victimes des criminels pédophiles et que, de ce fait, il ne pouvait plus être considéré comme impartial dans le dossier. Même si, d’un point de vue ju- ridique, la décision de la Cour s’explique aisément, l’opinion belge en est indignée, d’autant que le juge Connerotte avait déjà été dessaisi d’un dossier explosif, alors qu’en 1994 il instruisait l’affaire de l’assassinat du ministre André Cools. (U chrono. 20/10)

16

France

Thomson racheté par Matra.

Le gouvernement désigne Matra-Hachette (53 milliards de francs de CA, 44 000 sa- lariés), le groupe dirigé par Jean-Luc La- gardère, comme repreneur de Thomson (96 000 salariés, au total). Ce choix doit être validé dans les deux mois par la Commis- sion de privatisation. Le schéma envisagé est le suivant : le secteur militaire de Thom- son (électronique de défense, satellites et missiles, 35,5 milliards de CA ; 2,3 milliards de dettes) est intégré à Matra au sein d’une société baptisée Matra-Thomson, tandis que les activités d’électronique grand pu- blic de Thomson Multimédia (téléviseurs, notamment ; 36,5 milliards de CA, 14 mil- liards de dettes) sont cédées pour un franc symbolique au groupe sud-coréen Daewoo (Matra y conservant cependant 15 % des parts). Le gouvernement a finalement don- né la préférence à Matra sur l’offre présentée par Alcatel Alsthom par souci de « logique industrielle et militaire ». Matra présente l’avantage de maîtriser l’ensemble des tech- nologies liées à la défense moderne. Sa fusion avec Thomson en ferait le deuxième groupe au monde dans le domaine, derrière l’Américain Lockheed Martin Loral. Dans les jours qui suivent, des critiques s’élèvent, dans l’opposition et dans certains milieux d’affaires, contre cette fusion. Le manque de transparence de la décision est mis en cause, comme sa logique même. C’est sur- tout la cession de Thomson Multimédia qui pose problème. Beaucoup craignent une menace sérieuse sur les emplois, même si Kim Woo Choong, le président de Daewoo, s’est engagé à créer 3 000 nouveaux postes de travail en France. Le 29 octobre, Alain Prestat, P-DG de Thomson Multimédia, déclare que sa société devrait être « mécani- quement rentable » à partir de 1998, compte tenu de l’évolution favorable du marché, des efforts de restructuration consentis au cours des dernières années et de la récupé- ration de brevets hautement rentables. Le même jour, le Premier ministre, Alain Jup- pé, annonce qu’un débat au Parlement sera organisé sur « tous les aspects financiers, industriels et sociaux du dossier ».

17

France

Grève dans la fonction publique.

Le mouvement n’est suivi en moyenne que par 35 % des effectifs contre près de 60 % le 10 octobre 1995. En revanche, les manifes- tations sont tout aussi imposantes, tant en province que dans la capitale. Dans le cor- tège parisien, Nicole Notat, secrétaire géné- rale de la CFDT, se fait huer et agresser par des militants d’extrême gauche, mais aussi par des membres de la CGT et même de la CFDT. Le relatif échec du mouvement s’ex- plique en partie par la démarche préven- tive du gouvernement, qui avait pris soin downloadModeText.vue.download 92 sur 602

CHRONOLOGIE

91 d’annoncer que les salaires dans la fonction publique ne seraient plus gelés en 1997 et 1998 et qu’une négociation devait s’ouvrir en décembre.

Russie

Limogeage d’Alexandre Lebed.

Alors que les manoeuvres de couloir se multiplient autour de la succession éven- tuelle de Boris Eltsine, un nouveau conflit oppose le ministre de l’Intérieur, Anatoli Koulikov, au secrétaire général du Conseil de sécurité de Russie, Alexandre Lebed. Le premier accuse le second de fomenter un coup d’État et donne pour preuve de ses dires le projet de création d’une « légion » de 50 000 hommes. M. Lebed réfute point par point les accusations dont il est l’objet et rappelle que ce projet de création d’une force spéciale datait déjà de plusieurs se- maines, était connu de tous et n’émanait pas de lui. Le lendemain, M. Eltsine apparaît à la télévision, visiblement épuisé, pour signer en direct l’acte de démission d’Alexandre Lebed, accusé d’être incapable de travailler en équipe. Quelques heures auparavant, le Premier ministre, Viktor Tchernomyrdine, avait pris fait et cause pour le ministre de l’Intérieur et dénoncé, à propos de son rival, « l’irresponsabilité et l’incompétence d’un bonapartisme mal dégrossi ». Depuis ses succès aux élections présidentielles et dans le processus de paix en Tchétchénie, le général Lebed avait vu croître parallèle- ment sa popularité dans l’opinion et l’hosti- lité à son endroit des autres prétendants à la succession de M. Eltsine.

19

Zaïre

Violences dans l’est du pays.

Des dizaines de milliers de réfugiés hutus, de nationalité rwandaise ou burundaise, fuient les camps situés à la frontière est du Zaïre pour s’enfoncer plus avant dans le pays, alors que des combats opposent des bandes armées de Banyamulenges (Tutsis installés au Zaïre depuis deux siècles) à l’ar- mée zaïroise. Les forces de Kinshasa, mal équipées et non payées depuis plusieurs mois, résistent faiblement aux assauts tutsis et dénoncent l’appui apporté aux Banya- mulenges par Kigali et Bujumbura, où gou- vernent les Tutsis. Le 24, le gouvernement zaïrois annonce qu’il va porter plainte de- vant le Conseil de sécurité de l’ONU contre « l’attaque » menée par le Rwanda et le Bu- rundi au Nord et au Sud-Kivu. Alors que des centaines de milliers de réfugiés hutus errent sur les routes, privés de tout secours humanitaire, et que le président du Zaïre, Sese Seko Mobutu, lutte en Suisse contre un cancer de la prostate, l’opinion publique internationale commence seulement à prendre conscience du problème. Face à un Zaïre affaibli, les Tutsis chercheraient à constituer, à cheval sur les trois pays voi- sins, une nation tutsie homogène. Ils met- traient ainsi en cause, pour la première fois depuis la période des indépendances, les frontières établies au cours des années 60, ce qui pourrait constituer un précédent lourd de menaces pour l’ensemble du conti- nent noir.

20

Belgique

Succès de la « marche blanche ».

Plus de 250 000 personnes défilent dans les rues de Bruxelles pour exprimer leur sou- tien aux victimes des criminels pédophiles. Cette « marche blanche », ainsi nommée par allusion à l’innocence des enfants et aux milliers de ballons blancs arborés par les manifestants, constitue le plus gros rassem- blement populaire dans la capitale belge de- puis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Recevant les familles des victimes, le Pre- mier ministre Jean-Luc Dehaene promet une rapide réforme du système judiciaire et un abandon du système des promotions downloadModeText.vue.download 93 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

92 dans la justice liées à l’appartenance poli- tique des magistrats.

Finlande

Succès des eurosceptiques.

Les centristes, les ex-communistes et les Verts totalisent 43 % des voix aux élec- tions européennes, révélant ainsi l’existence dans le pays d’un fort courant réticent à l’unification européenne. Promoteur d’une politique d’austérité destinée à assainir les finances publiques, le Premier ministre Paavo Lipponen a dû admettre qu’il lui faudrait à l’avenir « mieux expliquer le bien- fondé » de sa politique.

France

Barrage au Front national.

Le candidat communiste Roger Meï l’em- porte à la législative partielle de Gardanne (Bouches-du-Rhône) contre le candidat du Front national. Cette élection organisée après la démission de Bernard Tapie avait pris valeur de test national : au premier tour, on avait noté que les candidats hostiles à la logique du traité de Maastricht avaient totalisé plus de 70 % des voix. Pour le se- cond tour, on attendait le résultat du duel gauche/extrême droite, alors que la droite n’avait pas donné de consigne de vote, même si plusieurs de ses leaders avaient laissé entendre qu’ils préféraient même un communiste à un représentant du parti de Jean-Marie Le Pen.

Japon

Victoire du Parti libéral-démocrate (PLD, conservateur).

Au pouvoir de 1955 à 1993, le parti du Pre- mier ministre sortant, Ryutaro Hashimoto, remporte les élections législatives avec 239 sièges de députés (contre 211 dans la chambre précédente). Il lui manque cepen- dant 12 sièges pour obtenir la majorité. À l’exception des communistes (qui passent de 15 à 26 députés), tous les autres partis, et singulièrement les socialistes (sociaux- démocrates), sont en recul. La principale formation d’opposition, le Nouveau Parti du Progrès (NPP, centre droit) d’Ichiro Ozawa, enregistre également un tassement, passant de 160 à 155 sièges. Malgré l’appa- rence d’immobilisme que peut donner la vie politique nipponne, les observateurs soulignent que 40 % des élus sont nés après la guerre et que le système des partis ne cesse de se renouveler.

Lituanie

Victoire de la droite.

L’Union patriotique, le parti de Vytautas Landsbergis, premier président de la Litua- nie indépendante de 1990 à 1992, l’emporte avec 29 % des voix contre les ex-commu- nistes du Parti démocrate du travail, crédi- tés de 11 % des suffrages seulement. Cette victoire de l’Union patriotique, qui devrait former une coalition gouvernementale avec les chrétiens-démocrates, inquiète les Russes. Ceux-ci reprochent à M. Landsber- gis, qui affirme pourtant avoir évolué sur ce point, de pratiquer un « anti-russisme » obsessionnel.

Nicaragua

Victoire de la droite à l’élection présidentielle. Arnoldo Alemán est élu à la présidence avec 49,34 % des voix. Il devance son adversaire sandiniste (gauche), Daniel Ortega, crédité de 38 % des suffrages. Candidat de l’Al- liance libérale, âgé de 50 ans, M. Aleman est le fils d’un ancien ministre de la dictature Somoza. M. Ortega, qui dirigea le pays de 1979 à 1990, conteste la victoire de M. Ale- man qu’il juge entachée de graves fraudes. L’Organisation des États américains (OEA) et l’ancien président américain Jimmy Car- ter estiment que le déroulement du scrutin a été globalement satisfaisant.

21

France Opposition justice/police.

La cour d’appel de Paris retire pour six mois son habilitation d’officier de police downloadModeText.vue.download 94 sur 602

CHRONOLOGIE

93 judiciaire à Olivier Foll, directeur de la PJ parisienne. Le 27 juin, juste avant que le juge Éric Halphen entame une perquisition au domicile de Jean Tiberi, maire (RPR) de Paris, M. Foll avait ordonné aux policiers de ne pas assister le magistrat. La cour es- time que l’ordre de M. Foll n’avait « aucune justification légale ». Ce dernier, qui reçoit l’appui du syndicat des commissaires de police, est maintenu en fonctions par le mi- nistre de l’Intérieur, Jean-Louis Debré. Cet épisode juridique relance la traditionnelle opposition justice/police.

France

Chute de la confiance.

Dans le sondage d’opinion réalisé par l’IFOP, Alain Juppé ne recueille plus que 21 % d’opinions favorables contre 69 % de mauvaises opinions (ce qui représente le plus mauvais score jamais réalisé par un Premier ministre de la Ve République). Jacques Chirac passe à 28 % de bonnes opi- nions et 61 % de mauvaises.

22

France/Israël

Incidents lors du voyage de Jacques Chirac.

Alors qu’il se promène dans la vieille ville arabe de Jérusalem avec l’intention de visi- ter les Lieux saints des trois cultes, Jacques Chirac, importuné par l’omniprésence des soldats israéliens, provoque un incident en s’en prenant au responsable de la sécurité et en déclarant : « C’est une situation inaccep- table. C’est une attitude qui explique bien des choses. » Une protestation officielle est en- suite présentée par les autorités françaises. Le Premier ministre Benyamin Netanya- hou présente alors ses excuses et l’incident est clos. L’affaire a éclaté dans un contexte bien particulier : M. Chirac souhaitait à la fois montrer qu’il entendait bien défendre une nouvelle « politique arabe » de la France (au cours de ce voyage au Proche- Orient, il sera reçu avec éclat par Hafez El Assad de Syrie, par le roi Hussein de Jor- danie et par Yasser Arafat) et imposer une présence de l’Europe dans le processus de paix dans la région. À cet égard, Israéliens comme Américains refusent sans nuance les offres européennes. Les dirigeants de l’UE – même si certains ne se privent pas de critiquer les initiatives de M. Chirac – font remarquer que ce sont eux qui versent, et de loin, le plus d’argent pour l’aide aux Palestiniens. Le 28, Miguel Angel Morati- nos, ambassadeur d’Espagne à Tel-Aviv, est désigné par les ministres des Affaires étrangères des Quinze comme émissaire de l’Union européenne au Proche-Orient.

23

Norvège

Démission du Premier ministre.

À la surprise générale et après dix ans au pouvoir, Mme Gro Harlem Brundtland, cin- quante-sept ans, annonce qu’elle quitte son poste. Elle est remplacée par son dauphin désigné, membre comme elle du Parti tra- vailliste, Thorbjörn Jagland, quarante-cinq ans.

Vatican

Réhabilitation de Charles Darwin.

Jean-Paul II déclare que la théorie de l’évo- lution formulée au XIXe siècle par le natu- raliste britannique constituait « plus qu’une hypothèse ». Le souverain pontife a cepen- dant tenu à rappeler un « point essentiel » : « Si le corps humain tient son origine de la matière vivante qui lui préexiste, l’âme spi- rituelle est immédiatement créée par Dieu. » En 1992, Jean-Paul II avait déjà réhabilité l’astronome Galilée. downloadModeText.vue.download 95 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

94

24

Birmanie

Durcissement de la junte.

La junte militaire au pouvoir depuis 1988 interdit à nouveau à Mme Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, de quitter son domicile. Depuis plusieurs jours, les militaires barraient l’accès à la maison de Mme Aung, afin d’empêcher celle-ci d’y tenir ses réunions politiques. Le 22, le Parlement européen avait voté une résolution récla- mant l’embargo total contre la Birmanie. En Asie, les Philippines annoncent qu’un délai de deux ou trois ans leur semble nécessaire avant l’intégration de Rangoon au sein de l’Association des nations du Sud-Est asia- tique (Asean).

Grande-Bretagne Nouveaux indices sur la « vache folle ».

La revue britannique Nature publie les résultats d’une étude menée par le profes- seur John Collinge, de l’Imperial College School of Medicine de Londres, et qui ap- porte de nouveaux et forts arguments en faveur de la transmission de la maladie de la « vache folle » des bovins à l’homme. Ces conclusions inquiétantes ont été rendues possibles grâce à l’identification de la « si- gnature biologique » des protéines prions pathologiques à l’origine de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

26

Cyclisme

Jeannie Longo recordwoman de l’heure.

À trente-huit ans, après avoir remporté une médaille d’or aux derniers jeux Olympiques et un titre mondial, la championne française améliore à nouveau le record du monde de l’heure en franchissant 48,159 km.

27

Malte

Victoire des travaillistes.

Le Parti travailliste remporte les élections législatives au détriment du Parti nationa- liste du Premier ministre sortant, Edward Fenech-Adami. Dans l’opposition depuis 1980, les travaillistes ont axé leur campagne sur la défiance vis-à-vis de l’Europe et sur l’arrêt de la coopération avec l’OTAN.

Pakistan

Violentes manifestations.

Le Jamaat-e-Islami, parti fondamenta- liste musulman, organise des manifesta- tions dans plusieurs villes du pays, afin de protester contre la politique du Premier ministre, Benazir Bhutto, jugée corrom- pue et mauvaise gestionnaire. Celle-ci est affaiblie par son conflit politique avec le chef de l’État, Farouk Leghari, qui entend exercer toutes ses prérogatives, et par la situation économique. Le Fonds monétaire international (FMI) a imposé à Islamabad une politique d’austérité très impopulaire. Malgré cette accumulation de problèmes, Mme Bhutto assure qu’elle ne démissionnera pas. (U chrono. 4/11)

28

France

Affirmations contestées de François Santoni. Le dirigeant d’A Cuncolta naziunalista af- firme dans un entretien à l’Est républicain que de nombreux contacts ont eu lieu entre les nationalistes corses et des membres des cabinets du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur, Jean-Louis Debré. M. Santoni ajoute que « les menaces éma- nant du FLNC [ne sont pas] des coups de downloadModeText.vue.download 96 sur 602

CHRONOLOGIE

95 bluff ». Aussitôt, Matignon « dément caté- goriquement les allégations mensongères du terroriste François Santoni ». Le lendemain, deux conseillers du ministre de l’Intérieur, Daniel Léandri et Étienne Bisch, nommés du temps de Charles Pasqua, sont déchar- gés du dossier corse.

30

Chine

Condamnation d’un dissident.

Ancien dirigeant des étudiants de la place Tian’anmen en 1989, Wang Dan est condamné à onze ans de prison pour « conspiration visant à subvenir le gouver- nement ». Cette lourde sentence intervient malgré la mobilisation internationale qui s’était opérée en faveur du militant chinois.

France

Révélations sur Charles Hernu.

L’Express révèle que Charles Hernu, ancien ministre socialiste de la Défense de 1981 à 1985, décédé en 1990, aurait été un « agent de l’Est » de 1953 à 1963. S’appuyant sur des documents en provenance de Roumanie, les journalistes de l’hebdomadaire affir- ment que M. Hernu aurait, contre rétribu- tion, rédigé des notes de synthèse politique à l’intention des services secrets bulgares puis roumains. Après 1963, il n’y a plus de traces permettant de prouver que cette col- laboration a continué. Les services secrets français auraient eu connaissance des faits et des documents à l’automne 1992 et en auraient alors informé le président de la République d’alors, François Mitterrand. Celui-ci aurait classé le tout comme secret d’État. Interrogé à la radio, Jacques Four- net, le directeur de la direction de la sur- veillance du territoire (DST) à l’époque, confirme qu’il a bien présenté des docu- ments concernant Charles Hernu au prési- dent Mitterrand, mais qu’il n’avait pas été en mesure de savoir s’ils étaient « vrais ou faux ».

31

Cinéma

Décès de Marcel Carné.

Le réalisateur français, chef de file du « réa- lisme poétique », auteur, entre autres, de Drôle de drame (1937), d’Hôtel du Nord, de Quai des brumes (1938), des Visiteurs du soir (1942) et des Enfants du paradis (1944), meurt à Paris à l’âge de quatre-vingt-dix ans. downloadModeText.vue.download 97 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

96

Novembre

3

Bulgarie

Victoire de la droite modérée.

Petar Stoïanov, candidat de l’Union des forces démocratiques (UDF, centre droit), est élu président de la République avec 60 % des voix. Il l’emporte largement sur son concurrent du Parti socialiste bulgare (PSB, ex-communiste), Ivan Marazov. Âgé de quarante-quatre ans, avocat de profession, M. Stoïanov avait reçu l’appui de l’ex-roi de Bulgarie, Siméon II. Dans les jours qui suivent, le Premier ministre, Jean Videnov, est en butte à de sévères critiques au sein même de son parti, le PSB, où plusieurs res- ponsables craignent de perdre leur majorité à l’Assemblée lors des prochaines élections législatives de 1998.

République centrafricaine Mort de Jean Bédel Bokassa.

L’ancien chef de l’État de Centrafrique meurt chez lui, à Bangui, à l’âge de soixante-quinze ans. Ancien capitaine de l’armée française, il fut d’abord chef d’état-major du premier président de la République centrafricaine indépendante, David Dacko. Il renverse celui-ci et prend le pouvoir en décembre 1965. Il se fait sacrer empereur en 1977 avant de se faire renverser deux ans plus tard par l’armée française, qui rétablit l’ancien président Dacko. M. Bokassa se venge en dévoi- lant les cadeaux de diamants qu’il aurait faits au président français Valéry Giscard d’Estaing. Ces révélations contribuent à l’échec de ce dernier à l’élection présiden- tielle de 1981. Réfugié en France, M. Bo- kassa retourne finalement dans son pays en 1986. Il y est jugé pour corruption et cannibalisme et condamné à mort, avant d’être gracié puis relâché en 1993.

Roumanie

Percée du centre.

La Convention démocratique de Roumanie (CDR, chrétiens-démocrates et libéraux) d’Emil Constantinescu et l’Union sociale- démocrate (USD) de Petre Roman rem- portent respectivement 30,07 % et 13,06 % des suffrages aux élections législatives, contre 23,08 % au parti de la Démocra- tie sociale de Roumanie (PDSR, ex-com- muniste), favorable au président sortant Ion Iliescu. Les partis ultranationalistes et extrémistes enregistrent, par ailleurs, un recul. Le même jour a lieu le premier tour de l’élection présidentielle : M. Iliescu arrive en tête avec 32 % des voix, devant M. Constantinescu (28,21 %) et M. Roman (20,54 %). Dès le 7, MM. Constantinescu et Roman concluent un accord politique, le second se retirant au profit du premier. (U chrono. 17/11)

Yougoslavie

Victoire des partisans de Slobodan Milosevic. Le Parti socialiste serbe (SPS) remporte les élections à la chambre basse du Parlement fédéral de Yougoslavie, entité regroupant la république de Serbie et celle du Monténé- gro. Le véritable enjeu de cette élection est l’avenir politique de M. Milosevic. Officiel- lement, celui-ci est président de la Serbie et, du fait de la Constitution de cette répu- blique, il n’aura pas le droit de se présen- ter pour un troisième mandat à la fin de 1997. L’obtention d’une majorité favorable au Parlement de la Fédération permettrait à terme à M. Milosevic d’en devenir le pré- sident et d’y transférer la réalité du pouvoir, downloadModeText.vue.download 98 sur 602

CHRONOLOGIE

97 jusque-là exercé au niveau de la république de Serbie. (U chrono. 17/11)

4

France

Report de la réforme de la SNCF.

Le projet visant à séparer au sein de la so- ciété nationale les installations ferroviaires de l’exploitation du réseau est repoussé sine die. Le gouvernement reconnaît qu’il n’a pu encore définir les mécanismes de finance- ment du futur établissement public, Réseau ferré national (RFN). Il s’agit, notamment, des sommes affectées au comblement du déficit structurel de l’activité de construc- tion et d’entretien des voies ferrées (environ 12 milliards de francs annuels).

Pakistan

Limogeage du Premier ministre.

Benazir Bhutto est démise de ses fonctions par le président du Pakistan Farouk Ahmed Leghari, qui dissout également l’Assemblée nationale. Meraj Khaled, membre du parti du Peuple pakistanais (PPP), le mouve- ment de Mme Bhutto, est nommé Premier ministre par intérim jusqu’aux prochaines élections, prévues pour le mois de février 1997. Mme Bhutto était accusée par l’opposi- tion de « corruption, népotisme et violations répétées de la loi ». La rumeur publique in- criminait particulièrement son époux, Asif Zardari, surnommé « Monsieur 10 % », du fait de sa tendance supposée à intervenir lors de la passation des contrats d’équipe- ment public. Les membres de son propre parti reprochaient également à Mme Bhutto de ne pas avoir mis en oeuvre les principes de son programme, notamment en matière de planning familial, par peur d’affronter les autorités religieuses islamistes, et d’avoir laissé les services secrets de l’armée agir librement en Afghanistan.

5

France

Critiques de Charles Pasqua.

L’ancien ministre de l’Intérieur, cofondateur du RPR, se livre à une violente critique de l’action du Premier ministre Alain Juppé. Il proclame que « la société française est à la veille de la révolte ». Il reproche à M. Juppé sa gestion du dossier corse et évoque une « déconfiture » du pouvoir. Toujours réti- cent face à la logique européenne contenue dans le traité de Maastricht (« Le pied ne rentre pas dans la chaussure », déclare-t-il à ce sujet), il qualifie le Premier ministre d’« excellent directeur de cabinet de Jacques Chirac », signifiant par là qu’il n’aurait pas les qualités requises pour être un chef de gouvernement.

Espagne

Felipe Gonzalez « blanchi ».

Le Tribunal suprême espagnol décide de ne pas citer à comparaître l’ancien chef de gouvernement socialiste dans l’affaire dite des GAL, ces commandos antisépara- tistes basques responsables de l’assassinat d’une vingtaine de personnes au cours des années 80. De récents sondages d’opinion indiquent que M. Gonzalez est redevenu, depuis sa défaite électorale du printemps, l’homme politique le plus populaire du pays.

États-Unis

Victoire de Bill Clinton.

Le président américain sortant est réé- lu avec 50 % des voix, contre 41 % à son concurrent républicain, Bob Dole, et 9 % à l’indépendant Ross Perot. La participation s’élève à 49 % des électeurs inscrits, soit le taux le plus bas depuis 1924. Au Congrès, la majorité reste acquise à l’opposition, soit 54 républicains au Sénat (contre 45 démo- downloadModeText.vue.download 99 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

98 crates) et 223 républicains à la Chambre des représentants (contre 203 démocrates). Les électeurs américains ont voulu ainsi pour- suivre la formule qu’ils avaient choisie en 1994, avec un président et un Parlement de tendances opposées. Ce choix indique également le degré de confiance relative de l’opinion face au président : celui-ci a été reconduit dans ses fonctions grâce à un bi- lan économique et social satisfaisant (crois- sance soutenue de l’économie, faible taux de chômage), et grâce au « recentrage » très net de son programme politique. À la suite de sa défaite électorale de novembre 1994, M. Clinton a su « droitiser » son discours (défense des valeurs familiales, remise en cause du système d’aide sociale, accent mis sur l’ordre et la sécurité, abandon de ses projets de généralisation de la couverture médicale), tout en se présentant comme le défenseur des principaux acquis sociaux et législatifs (maintien des prestations sociales de base, projet d’amélioration du système scolaire, droit à l’avortement). Le résultat des élections en Californie est, à cet égard, significatif : les électeurs se sont pronon- cés majoritairement en faveur du candidat démocrate tout en approuvant, par réfé- rendum, la remise en cause de l’« affirma- tive action », cette procédure, instituée au cours des années 60 par les démocrates, autorisant des discriminations positives dans le domaine du travail et de l’éducation pour favoriser les représentants des mino- rités, noires en particulier. Par ailleurs, la reconduction d’une majorité républicaine au Congrès devrait maintenir le président sous pression, alors que son intégrité per- sonnelle est mise en cause dans plusieurs affaires en cours (opération immobilière douteuse menée avec son épouse en Ar- kansas dans les années 80, accusations de harcèlement sexuel, de mise en fiches par le FBI de personnalités républicaines, de licenciement abusif d’une partie du per- sonnel de la Maison-Blanche chargé des voyages officiels afin de placer des amis politiques).

Russie

Opération à coeur ouvert de Boris Eltsine.

Après avoir transféré ses pouvoirs au Pre- mier ministre Viktor Tchernomyrdine, le président russe subit un quintuple pontage coronarien. L’opération est pratiquée par une équipe de médecins russes. L’éminent spécialiste américain Michael DeBakey as- siste à l’intervention dans une pièce voisine par le biais d’un système vidéo. L’objectif de l’opération consiste à obtenir une revas- cularisation le plus complète possible du muscle cardiaque endommagé par les excès de cholestérol dans le sang du patient. Par ailleurs, les médecins russes ont renoncé à traiter le rétrécissement de la valvule aor- tique du président par la pose d’une pro- thèse, ainsi que l’avait proposé l’équipe du professeur français Alain Carpentier. Le président russe semble avoir bien supporté l’opération, et, moins de vingt-trois heures après les avoir transférés, il récupère l’en- semble de ses pouvoirs auprès du Premier ministre. Au moment même où l’opéra- tion se déroule, des millions de personnes défilent dans plusieurs villes du pays pour réclamer le paiement de leurs salaires, blo- qués souvent depuis plusieurs mois.

6

Aéronautique

Succès pour Airbus.

Le consortium européen (dont le français Aerospatiale, avec 37,9 % des parts) rem- porte le plus gros contrat de l’histoire de l’aéronautique civile : la compagnie amé- ricaine USAir lui commande 400 appareils (120 commandes fermes et 280 options) pour un montant de plus de 60 milliards de francs. Le contrat porte sur des avions à couloir unique A 319, A 320 et A 321, de downloadModeText.vue.download 100 sur 602

CHRONOLOGIE

99

130 à 185 places pour un rayon d’action de plus de 5 000 kilomètres.

8

Chine

Condamnation pour corruption.

Zhou Beifang, fils d’un des plus anciens grands industriels du pays et ami person- nel de Deng Xiaoping, est « condamné à mort avec sursis » pour corruption. C’est la première fois depuis la Révolution cultu- relle qu’un « petit prince », c’est-à-dire un enfant de dignitaire, est ainsi lourdement condamné. Ce verdict marque une étape nouvelle dans les luttes de pouvoir entre clans, alors que se rapproche le décès du vieux leader Deng Xiaoping.

Turquie

Démission du ministre de l’Intérieur.

Mehmet Agar est contraint de quitter son poste après la révélation de liens existant entre la police, la mafia et les milieux poli- tiques. Ces liens sont apparus à la suite d’un accident de la circulation : dans la voiture accidentée, appartenant à un député, se trouvaient également un membre impor- tant de la police et un truand proche des milieux d’extrême droite. Le vice-Premier ministre, Tansu Ciller, membre comme le ministre démissionnaire du parti de la Juste Voie (DYP), elle-même en butte à des accu- sations de corruption, tente de faire croire que le départ de son collègue est dû à des raisons de santé, mais la presse n’est pas dupe.

9

Algérie

Lancement d’un « appel à la paix ».

Une trentaine de personnalités, parmi les- quelles Hocine Aït Ahmed, président du Front des forces socialistes (FFS), l’ancien président Ahmed Ben Bella et le leader du courant rénovateur au sein du FLN, Mou- loud Hamrouche, lancent un « appel à la paix », qui reçoit deux jours plus tard l’ap- pui officiel de l’ex-Front islamique du salut (FIS).

Bosnie

Limogeage du général Ratko Mladic.

La présidente de la République serbe de Bosnie, Biljana Plavsic, démet le général Mladic de ses fonctions à la tête des forces armées bosno-serbes. Inculpé de « géno- cide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre » par le Tribunal pénal international de La Haye, le général Mladic représente désormais un poids pour le dirigeant serbe Slobodan Milosevic, soucieux de rétablir la respectabilité internationale des Serbes, à Belgrade comme à Pale (capitale de la République serbe de Bosnie). Après la ré- sistance d’une partie de l’état-major, qui fait planer une menace de guerre civile, le géné- ral Mladic finit par présenter sa démission le 28.

France

Magasin pour clientèle à bas revenus.

Le groupe britannique Thorn ouvre à Bobi- gny (Seine-Saint-Denis) son premier ma- gasin à l’enseigne de Crazy George’s (« Chez Georges le Fou »), dont la particularité est de vendre, en location avec option d’achat, des meubles et du matériel électroménager, pour une mise initiale très basse, mais avec un prix final de l’ordre du double du prix normal. Cette technique de vente, fondée sur un crédit long à la consommation, vise une clientèle peu fortunée pour ses besoins en biens d’équipement de base. Dès son ouverture, le magasin est suspendu par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui lui impose de revoir sa publicité et l’information de ses clients. Ainsi, une machine à laver, dont le coût réel est de 3 000 F, est « vendue » pour downloadModeText.vue.download 101 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

100 une mise initiale de 69 F et 36 mensualités de 182,70 F, soit un coût total de 6 646 F.

France

Présentation du programme du PS.

Le Parti socialiste définit son projet éco- nomique comme une « véritable alterna- tive », marqué à la fois par une « action forte de l’État » et un « réalisme de gauche ». Les principales mesures proposées sont : hausse « sensible » du pouvoir d’achat, prio- rité donnée à l’investissement public, rem- placement des cotisations sociales salariées par une CSG élargie, déductible du revenu imposable, réforme du système fiscal dans le sens d’un alourdissement de la taxation des hauts revenus et du patrimoine, horaire légal du travail ramené à trente-cinq heures hebdomadaires et création en deux ans de 700 000 emplois pour les jeunes (moitié par les collectivités publiques, moitié par les entreprises, pour un coût total estimé à 65 milliards de francs). 10

Lituanie

Victoire de la droite.

L’Union de la patrie (droite) de l’ancien président Vytautas Landsbergis remporte 70 des 141 sièges de la Chambre des dépu- tés. Ce succès marque le retour au premier plan de M. Landsbergis, premier chef de la Lituanie indépendante en 1990, puis battu par les ex-communistes en 1992. Entre- tenant de bonnes relations personnelles avec Boris Eltsine, M. Landsbergis est un farouche partisan de l’adhésion de son pays à l’OTAN, seul moyen à ses yeux d’éviter au pays la « finlandisation », c’est-à-dire son contrôle de fait par les Russes.

Slovénie Victoire du parti au pouvoir.

Avec 27,1 % des suffrages exprimés, le Parti démocrate libéral (centre gauche) du Pre- mier ministre Janez Drovsek l’emporte sur la coalition de droite, Printemps slovène.

11

Guatemala

Annonce d’un accord de paix.

Sous l’impulsion du nouveau président élu, Alvaro Arzu, gouvernement et gué- rilla annoncent qu’ils vont signer un accord de paix définitive le 29 décembre. Engagés depuis plusieurs mois dans des négociations, les parties en cause ont fini par s’entendre sur la délicate question de la réinsertion des combattants rebelles. L’ac- cord en vue devrait mettre fin à une guerre civile de trente-six ans qui a fait au moins 100 000 morts et des dizaines de milliers de disparus. Reste à convaincre une partie de l’establishment politico-financier dont les intérêts sont liés au climat d’insécurité et de corruption causé par la violence.

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Aéronautique

Collision près de New Delhi.

350 personnes périssent dans la collision en plein ciel entre un Boeing saoudien et un Ilyouchine kazakh. C’est une des catas- trophes aériennes les plus graves de ces dernières années. La vétusté de l’équipe- ment au sol est incriminée : les indications des contrôleurs du ciel étaient données en pied alors que l’altimètre de l’avion kazakh était réglé sur le système métrique, le vieux radar de l’aéroport de New Delhi n’étant pas en mesure de corriger rapidement l’erreur. Toutefois, le directoire général de l’aviation civile met hors de cause le travail de la tour de contrôle, celle-ci ayant pré- venu les pilotes et ceux-ci ayant répondu qu’ils avaient pris connaissance du mes- sage. Le manque de professionnalisme des downloadModeText.vue.download 102 sur 602

CHRONOLOGIE

101 nouvelles compagnies d’Asie centrale est également mis en cause.

France

Fusion entre AXA et l’UAP.

Claude Bébéar et Jacques Friedmann, respectivement présidents d’AXA et de l’UAP, annoncent la fusion de leurs deux compagnies d’assurance, la plus impor- tante jamais réalisée sur le marché finan- cier français. Avec près de 380 milliards de dollars (environ 2 000 milliards de francs) d’actifs gérés, le nouvel ensemble devient le no 1 de l’assurance mondiale, devant les japonais Nippon Life et Zenkyoren. Cette opération marque le succès de la stratégie de M. Bébéar, parti d’une petite compa- gnie mutuelle de province pour arriver à la direction d’un groupe international, ne réalisant plus qu’un tiers de ses activités en France. Selon les spécialistes, cette fusion bouleverse le paysage financier français, en privilégiant le rôle des compagnies d’assurance par rapport à celui, plus tra- ditionnel, des banques. Le 26, Karl Van Miert, commissaire européen à la concur- rence, demande à Jean Arthuis, ministre français de l’Économie et des Finances, de lui fournir toutes les précisions sur la recapitalisation (11 milliards de francs) de Thomson, préalable à sa privatisation. Le commissaire veut s’assurer qu’il ne s’agira pas là d’une pure et simple subvention de l’État français, ce qui constituerait une en- torse au droit de la concurrence.

France Le Goncourt à une débutante.

Le prix Goncourt va à Pascale Roze, trente- cinq ans, pour son premier roman, le Chasseur zéro, l’histoire mêlée d’un marin français tué dans le Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale et d’un aviateur- kamikaze japonais. Le prix Renaudot est attribué à Boris Schreiber, soixante-treize ans, pour Un silence d’environ une demi- heure, une autobiographie romancée.

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France

Condamnation de chanteurs.

Kool Shen et Joey Starr, les deux chanteurs du groupe de rap NTM (Nique Ta Mère), sont condamnés par le tribunal correction- nel de Toulon à six mois de prison, dont trois ferme, et une interdiction de chan- ter en public pendant six mois. Les deux artistes étaient poursuivis pour « outrages par paroles à l’égard de l’autorité publique ». Il leur était reproché de s’en être pris ver- balement, lors d’un concert à La Seyne-sur- Mer, en juin 1995, aux policiers présents dans la salle. Ce jugement, prononcé par un magistrat ancien fonctionnaire de police, suscite une forte émotion. C’est la première fois depuis très longtemps que des artistes sont condamnés pour l’exercice de leur art (même si les faits incriminés ne visent pas directement le texte d’une chanson). Le garde des Sceaux, Jacques Toubon, qui demande au parquet de faire appel contre le jugement, et le ministre de la Culture, Philippe Douste-Blazy, expriment leur em- barras et rappellent leur attachement à la liberté d’expression, tout en reconnaissant aux policiers le droit d’être défendus contre toute forme d’agression, même verbale.

Italie

Démission d’Antonio Di Pietro.

L’ancien magistrat, chef de file de l’opéra- tion anticorruption Mani pulite (« mains propres »), démissionne du poste de mi- nistre des Travaux publics qu’il occupait dans le gouvernement de centre gauche de Romano Prodi, afin de protester contre les accusations prononcées contre lui. Il aurait été mis en cause au cours d’une conversa- tion téléphonique, interceptée par la police, menée par un banquier, lui-même impli- qué dans un scandale de corruption autour des chemins de fer italiens. À la suite de downloadModeText.vue.download 103 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

102 ces révélations, on apprenait que M. Di Pietro venait de faire l’objet d’une enquête préliminaire du parquet de Brescia pour « corruption » et « concussion ». Plusieurs fois attaqué pour ses méthodes d’investiga- tion très offensives, M. Di Pietro avait été blanchi de toutes les accusations pesant contre lui en mars. Dans un premier temps, M. Prodi demande au gouvernement de ne pas accepter la démission du ministre des Transports, qui a pourtant qualifié sa déci- sion d’« irrévocable ».

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Zaïre

Reflux des réfugiés hutus.

Des centaines de milliers de réfugiés hutus rwandais quittent le camp de Mugunga, au nord de la province zaïroise du Kivu, près de la frontière avec le Rwanda, après que celui-ci a été investi par les rebelles tutsis. Une grande partie d’entre eux retournent au Rwanda, qu’ils avaient quitté en 1994, après le génocide contre les Tutsis et les Hutus modérés. Ce reflux s’explique par la victoire des Tutsis dans la région. Face à l’offensive victorieuse de leurs adversaires (Tutsis du Rwanda et du Zaïre), les rebelles armés hutus, souvent impliqués dans le génocide de 1994, ont fui pour se réfugier dans la forêt. Ils ont laissé ainsi les civils, qui ont alors estimé qu’il leur valait mieux ren- trer au pays, car ils étaient désormais bien séparés des activistes et donc considérés, a priori, comme innocents des massacres d’il y a deux ans. De fait, les premiers réfugiés qui rentrent sont accueillis par les autori- tés rwandaises avec des mots de bienvenue. Toutefois, il reste encore au Zaïre plusieurs centaines de milliers d’autres réfugiés er- rant sur les routes et que les organisations internationales tentent de repérer et de dé- nombrer par avion. Ces vastes mouvements de population changent complètement la donne, et notamment en ce qui concerne l’intervention humanitaire internatio- nale, lancée à l’initiative de la France, et à laquelle, après bien des réserves, les États- Unis avaient fini par accepter de participer, le 13. La constitution de cette force interna- tionale à but humanitaire avait donné lieu à de nombreuses controverses : le Rwanda ne voulait en aucun cas de présence mili- taire française sur son territoire, la France étant jugée à Kigali comme ayant appuyé par le passé le gouvernement génocidaire hutu. Pour sa part, Laurent-Désiré Kabila, leader des rebelles tutsis du Zaïre (Alliance pour la libération du Congo-Zaïre), s’oppo- sait à la venue de cette force, estimant que la France cherchait à travers elle à venir en aide au régime du président Mobutu. Constatant que les combats entre armée zaïroise et Tutsis continuent et qu’au moins 500 000 réfugiés errent encore à travers le Kivu, Jacques Chirac juge que, malgré la désertion des camps, « la situation est loin d’être stabilisée » ; à l’inverse, les Américains freinent de plus en plus la constitution de la force internationale. Toute cette affaire semble marquer un recul de l’influence française dans la région au profit des États- Unis, qui se seraient appuyés sur le Rwanda et l’Ouganda.

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République centrafricaine

Nouveaux troubles à Bangui.

L’armée française se déploie à nouveau dans la capitale centrafricaine après que plu- sieurs unités se sont encore une fois soule- vées. Au printemps, ces unités s’étaient déjà rebellées pour réclamer le paiement de leur solde, et il avait fallu attendre la nomination d’un nouveau Premier ministre, Jean-Paul Ngoupandé, pour que le calme revienne. Le président Ange-Félix Patassé semble avoir mal accepté de partager ses pouvoirs avec ce dernier, tandis que le malaise continue à se développer avec l’armée, dont plusieurs éléments restent fidèles à l’ancien président André Kolingba, qui appartient comme downloadModeText.vue.download 104 sur 602

CHRONOLOGIE

103 eux à l’ethnie yakoma. Les troubles se pour- suivent dans les semaines qui suivent.

Russie Attentat au Daghestan.

Une bombe, placée dans un immeuble habi- té par des militaires russes et leurs familles, tue au moins cinquante personnes dans la ville portuaire de Kaspiisk, au Daghestan, république frontalière avec la Tchétchénie. Les autorités s’inquiètent d’une contagion possible du conflit tchétchène. Une autre hypothèse est avancée : l’attentat serait peut-être l’oeuvre de la mafia, qui voyait ses trafics très intenses avec la Tchétchénie contrecarrés par les garde-frontières russes, qu’elle aurait voulu ainsi impressionner.

17

Roumanie

Défaite de Ion Iliescu.

Au second tour de l’élection présidentielle, le chrétien-démocrate Emil Constanti- nescu l’emporte sur le président sortant Iliescu, soutenu par les ex-communistes. Âgé de cinquante-sept ans, universitaire, docteur en géologie, M. Constantinescu s’est toujours maintenu en marge du régime de Nicolas Ceausescu. Largement battu par M. Iliescu aux élections de 1992, il a réussi à s’imposer dans l’opinion et à gom- mer l’idée qu’il n’était qu’un simple pion au service de l’ex-roi Michel Ier. Il a bénéficié entre les deux tours du désistement du can- didat arrivé en troisième place, Petre Ro- man, leader de l’Union sociale-démocrate (USD). Le 19, Victor Ciorbea, quarante- deux ans, membre, comme le président, de la Convention démocratique de Roumanie (CDR), est nommé au poste de Premier ministre.

Thaïlande Victoire du général Chaovalith.

Avec 125 élus, sur un total de 393, le New Aspiration Party (NAP) de Chaovalith

Yongchaiyuth arrive en tête des formations politiques aux élections législatives. À la tête d’une coalition de cinq partis, le géné- ral est désigné le 25 au poste de Premier ministre. Resté à l’écart du coup d’État mili- taire de 1991 et de la répression sanglante de 1992, il a su tisser les réseaux d’influence nécessaires à la conquête du pouvoir, sans échapper complètement aux reproches de clientélisme et d’achats de voix. Son princi- pal défi consistera à relancer une économie très dynamique mais quelque peu essouf- flée depuis plus de un an.

Serbie

Revers pour Slobodan Milosevic.

Aux élections municipales, le Parti socia- liste serbe (SPS, ex-communiste) du prési- dent Milosevic perd la plupart des grandes villes du pays, dont Belgrade, au profit de la coalition de l’opposition. Les autorités, qui ne s’attendaient pas à cette défaite deux se- maines après leur succès aux élections pour le Parlement fédéral, réagissent en annulant les résultats du scrutin dans de nombreux bureaux de vote de la capitale. Le 25, une manifestation de protestation contre ce que Vuk Draskovic, leader du Mouvement serbe de renouveau (SPO). qualifie de « ter- rorisme d’État » réunit 100 000 personnes à Belgrade. La coalition des trois partis d’op- position décide de boycotter le troisième tour que veulent organiser les autorités. D’autres manifestations se succèdent dans les jours suivants.

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France/Grande-Bretagne

Incendie dans le tunnel sous la Manche.

Une navette transportant 29 camions et leurs 31 passagers, plus 3 membres d’équi- page, s’enflamme alors qu’elle est déjà enga- gée dans le tunnel. On ne déplore aucun blessé grave. L’émotion est tout de suite forte en Grande-Bretagne, où l’on s’inquiète de ce qui aurait pu se passer s’il s’était agi d’un transport de voyageurs. Par ailleurs, downloadModeText.vue.download 105 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

104 l’analyse des conditions de l’accident dé- montre, d’une part, que le feu a été plus intense qu’on a bien voulu le dire, puisqu’il a fait fondre les caissons de ciment du tun- nel et que, d’autre part, les systèmes d’alerte n’ont pas bien fonctionné (le camion qui a provoqué l’incendie était déjà en flammes avant que la navette ne se soit engagée sous terre). En tout état de cause, le trafic ne peut reprendre dans les jours qui suivent comme cela avait d’abord était annoncé. Le titre Eurotunnel perd 10 % de sa valeur dans la semaine, et il se confirme que l’inci- dent risque fort de rendre plus difficile la restructuration financière de la compagnie.

20

France

Apaisement en Guyane.

François Bayrou, ministre de l’Éducation, donne satisfaction aux lycéens guyanais, qui s’étaient mis en grève et avaient provo- qué des troubles depuis plusieurs semaines pour protester contre le manque de cré- dits alloués à l’éducation. Le ministre, qui était venu spécialement avec son collègue de l’Outre-mer, Jean-Jacques de Peretti, a promis la création d’un rectorat en Guyane, l’ouverture d’une centaine de classes sup- plémentaires pour permettre le rattrapage scolaire de 3 000 jeunes jusque-là non sco- larisés et des mesures de soutien spécifiques à l’enseignement secondaire et supérieur.

21

France

La parité du franc en question.

Dans l’Express, Valéry Giscard d’Estaing se prononce en faveur d’un décrochage du franc par rapport au Mark, dans la limite des marges fixées par le système monétaire européen (SME). L’ancien président de la République estime que ce qu’il n’ose appe- ler une « dévaluation » est nécessaire parce qu’il juge la monnaie nationale nettement surévaluée, ce qui, selon lui, est à l’origine de la mauvaise situation de l’économie et de l’emploi dans le pays. Il souhaiterait que l’Allemagne baisse également sa monnaie par rapport au dollar, l’objectif final étant d’obtenir un euro le moins surévalué pos- sible par rapport à la devise américaine. Aussitôt, Jean Arthuis, ministre des Fi- nances, critique la position de M. Giscard d’Estaing et déclare : « Les bonnes parités monétaires sont celles qui nous donnent les taux d’intérêt les plus faibles. Quand le franc se déprécie, les taux d’intérêt aug- mentent. » À la suite de ces déclarations, le conseil monétaire de la Banque de France se divise, certains de ses membres, comme Jean-Pierre Gérard, approuvant les propos de M. Giscard d’Estaing et estimant qu’il convient d’avoir au plus vite « une explica- tion franche » avec l’Allemagne. 22

France

Condamnation d’un membre d’une secte.

Jean-Jacques Mazier, ancien président de l’Église de scientologie de Lyon, est condamné à dix-huit mois de prison ferme. Le tribunal correctionnel de la ville a établi un « lien de causalité directe » entre le sui- cide d’un adepte et le « comportement fau- tif » de M. Mazier, qui avait poussé l’adepte à s’endetter pour suivre les enseignements de la secte, le conduisant ainsi au désespoir et à la mort.

23

Comores Catastrophe aérienne après un détournement.

120 personnes sont tuées lors de l’amer- rissage forcé d’un Boeing 767 d’Ethiopian downloadModeText.vue.download 106 sur 602

CHRONOLOGIE

105

Airlines détourné par 3 pirates éthiopiens montés à Addis-Abeba. 55 autres, dont deux Français, survivent et sont tirées de l’eau par des habitants et des touristes de la Grande Comore. Les pirates auraient voulu attirer l’attention internationale sur les violations des droits de l’homme dans leur pays.

France

Malraux au Panthéon.

Les cendres de l’écrivain sont amenées au Panthéon ; elles y reposeront auprès de celles de Jean Moulin, René Cassin et Jean Monnet. Pendant la cérémonie, Jacques Chirac déclare qu’André Malraux incarnait « le gaullisme tel que le voulait le général : ni de droite, ni de gauche, mais de France ».

Russie

Retrait total des troupes russes de

Tchétchénie. Boris Eltsine prend un décret ordonnant le retrait des troupes russes de la république caucasienne alors que le Premier ministre, Viktor Tchernomyrdine, signe un accord avec le chef du gouvernement provisoire tchétchène, Aslan Maskhadov. Selon ce texte, chargé de normaliser la situation d’ici aux prochaines élections organisées dans la république en janvier 1997, l’aéroport de Grozny doit être rouvert à l’aviation civile, et les autorités tchétchènes s’engagent à « garantir la sécurité » de l’oléoduc trans- portant le pétrole de la région.

Soudan

Interdiction d’accès aux États-Unis.

Les officiels soudanais sont interdits d’entrée sur le territoire américain, leur pays étant considéré comme faisant partie de ceux qui soutiennent le terrorisme international.

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Biélorussie

Victoire pour Alexandre Loukachenko.

70,5 % des électeurs approuvent le projet de prolonger le mandat du président (élu en 1994) jusqu’en 2001 ainsi que son pro- jet constitutionnel consistant à scinder le Parlement en deux chambres, dont l’une, la Chambre haute, verra ses membres désignés par les autorités régionales, elles-mêmes nommées par le chef de l’État. (Quelques années auparavant, M. Loukachenko avait déclaré : « L’État créé par Hitler correspond à notre conception de ce que doit être une république de type présidentiel. ») En re- vanche, les propositions présentées par les députés (suppression du poste de président, abolition de la peine de mort) ne reçoivent que moins de 8 % d’approbation. Fort de ces résultats, M. Loukachenko, contre qui les députés avaient présenté une requête en destitution, conseille à ces derniers d’arrêter de « lui mettre des bâtons dans les roues ». Le président de l’Assemblée (Soviet suprême), Semion Charetski, dénonce « la farce qui s’est déroulée sous le nom de référendum » et appelle l’Europe « à ne pas laisser la dicta- ture s’installer en Biélorussie ».

France

Échec du Front national à Dreux.

Invalidé depuis son élection en 1995, le maire sortant, le député RPR d’Eure-et-Loir Gérard Hamel, l’emporte au second tour, avec 60,6 % des voix, contre la représen- tante du FN, Marie-France Stirbois. M. Ha- mel a bénéficié du retrait entre les deux tours du candidat socialiste, qui n’avait pas appelé formellement à voter pour lui mais qui n’avait pas non plus dissuadé ses élec- teurs de le faire.

France

Référendum antimendicité à Nice.

Le maire de la ville, Jacques Peyrat, ancien membre du Front national passé au RPR, organise un référendum sur le maintien de son arrêté interdisant la mendicité dans le downloadModeText.vue.download 107 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

106 centre-ville de mai à septembre. Il obtient un vote positif de 66,3 %, mais avec un taux d’abstention de 77,3 %. M. Peyrat fait observer que, portant sur des questions de transports urbains, des référendums lo- caux organisés à Caen et à Mantes-la-Jolie avaient été marqués par des taux d’absten- tion similaires.

UE

La lire revient dans le SME.

La devise italienne revient dans le système monétaire européen après une parenthèse de quatre ans. Le taux pivot, adopté à la suite d’âpres négociations, est de 990 lires pour 1 Mark (il était tombé à 1 275 au dé- but de 1995). Ce retour marque la fin de la « dévaluation compétitive » de la monnaie transalpine, qui avait durement touché les économies voisines, notamment française, en abaissant le prix des exportations de la péninsule. En octobre, Jacques Chirac avait déclenché une polémique sur ce point avec le gouvernement italien. Hans Tietmeyer, président de la Bundesbank, tient cepen- dant à préciser que : « Cela ne préjuge d’au- cune manière de la réponse qui sera donnée à une éventuelle demande italienne de joindre la monnaie unique dès janvier 1999. »

27

France Maintien du mouvement de grève des camionneurs.

Depuis dix jours, les routiers salariés bloquent avec leurs camions de nombreuses routes à travers le pays et interdisent l’accès aux raffineries de pétrole, paralysant pro- gressivement l’ensemble de l’activité natio- nale. À dix-neuf mois de la libéralisation complète du marché des transports rou- tiers, ils s’inquiètent d’une tendance au dur- cissement continu des conditions de travail (les conventions collectives en Europe pré- voyant des horaires hebdomadaires allant de 41 heures en Allemagne à 70 heures en

Espagne). Ils réclament à leurs employeurs des améliorations en matière d’âge de la retraite, de durée du travail, de rémunéra- tions et de circulation des poids lourds le dimanche. Inquiet des conséquences du conflit, le gouvernement intervient dans la négociation entre syndicats et patronat, et nomme Robert Cros comme médiateur. Ce dernier parvient, le 26, à faire accepter un compromis portant sur une diminution modeste de la durée hebdomadaire du tra- vail et, surtout, sur le principe d’un départ en retraite à cinquante-cinq ans. Malgré ces succès, les syndicats décident de poursuivre leur mouvement. Après l’intervention du ministre des Transports, Bernard Pons, patronat et syndicats s’entendent sur un compromis : les augmentations de salaire demandées ne seront pas accordées, mais l’ensemble des heures de travail (notam- ment la présence passive des chauffeurs pendant le déchargement des camions) sera rémunéré. Le 30, la quasi-totalité des barrages est levée.

28

Algérie

Référendum constitutionnel : 85,8 % de

« oui ».

Une forte majorité des 16,5 millions d’électeurs – à l’exception de la Kabylie – approuvent le projet de révision constitu- tionnelle présenté par le président Liamine Zeroual. Le taux de participation se monte à 79,8 %. Les changements concernent, d’une part, l’officialisation de l’islam comme religion d’État, mais assortie de l’interdic- tion pour les partis de se constituer sur une base religieuse, et, d’autre part, le net renforcement des pouvoirs présidentiels au détriment du Parlement. Limité à deux mandats, le chef de l’État aura la possibilité de légiférer par ordonnances quand le Par- lement ne sera pas en session ; par ailleurs, le Parlement ne pourra adopter une loi que si la nouvelle Chambre haute la vote à une majorité des trois quarts. Or la réforme downloadModeText.vue.download 108 sur 602

CHRONOLOGIE

107 proposée prévoit que le tiers des membres de cette Chambre haute sera nommé par le président, ce qui donne clairement à celui- ci un droit de veto sur toutes les proposi- tions de loi émanant du Parlement. L’oppo- sition avait appelé au vote négatif ou au boycott de la consultation. Le Front de libé- ration nationale (FLN) s’était divisé entre la direction, favorable au « oui », et la frange réformatrice, menée par l’ancien Premier ministre Mouloud Hamrouche, opposée au projet du général Zeroual. Après la pro- clamation des résultats de la consultation, l’opposition dénonce la « manipulation » de ceux-ci, et, singulièrement, le gonflement du taux de participation. downloadModeText.vue.download 109 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

108

Décembre

1

Moldavie

Victoire du candidat de centre gauche.

Petru Lucinschi, cinquante-six ans, l’em- porte avec 53,14 % des voix sur le prési- dent sortant Mircea Snegur. Ancien com- muniste lui-même et soutenu par le Parti communiste, M. Lucinschi est favorable à un rapprochement avec la Russie, ce qui ne manque pas de satisfaire les 1,5 mil- lion de russophones concentrés à l’est de la république, en Transnistrie. Ces derniers avaient fait sécession en 1992, se séparant ainsi de la majorité roumanophone. Suisse

Référendum négatif.

Par 67 % des voix, les électeurs rejettent un projet d’assouplissement de la législa- tion du travail, pourtant approuvé par le Parlement. Les autorités de Berne avaient tenté de mettre sur pied un compromis en prévoyant des compensations salariales au travail de nuit ou du dimanche, mais les parlementaires avaient refusé ces compen- sations, les jugeant préjudiciables à la ren- tabilité des entreprises. À une majorité de 53,6 %, les électeurs suisses rejettent égale- ment un projet, présenté par la droite natio- naliste (Union démocratique du centre, de Christoph Blocher), de nouvelle réduction du droit d’asile, et auquel s’étaient opposés les Églises comme la plupart des partis et des organisations professionnelles.

Tennis

Victoire de la France en Coupe Davis.

Par 3 victoires à 2 contre la Suède, la France gagne sa 8e Coupe depuis la création de l’épreuve. Sous le capitanat de Yannick Noah, l’équipe était constituée d’Arnaud Boetsch et Cédric Pioline en simple et de Guy Forget et Guillaume Raoux en double.

La précédente victoire – contre les États- Unis – remontait à 1991.

3

France

Attentat dans le RER à Paris.

Une bonbonne de gaz remplie d’explosif éclate dans une rame du RER B à la station Port-Royal, tuant 2 personnes et en bles- sant plus de 90 autres, dont 2 décéderont au cours des jours suivants. Le plan de sécurité « Vigipirate » est aussitôt remis en vigueur, et plusieurs centaines de policiers et de mi- litaires sont à nouveau spécialement mobi- lisés, tant à Paris que dans plusieurs grandes villes de province. Les soupçons portent sur les réseaux islamistes liés au GIA algérien. Outre le recours à la méthode de la bon- bonne de gaz, plusieurs indices politiques font pencher les enquêteurs vers la piste is- lamiste : le durcissement des affrontements en Algérie même, chaque jour un peu plus sanglants, l’accueil réservé par Paris à Mah- foud Nahnah, chef de file des islamistes modérés algériens rivaux du FIS et l’appui apporté par l’Union européenne au régime de Liamine Zeroual, chef de l’État algérien. En 1995, 8 personnes avaient été tuées et 151 blessées lors de 8 attentats perpétrés par ces réseaux islamistes entre les mois de juillet et novembre.

France Décès de Georges Duby.

Le grand historien du Moyen Âge meurt chez lui à Aix-en-Provence à l’âge de soixante-dix-sept ans. Ses maîtres livres ont pour titres le Temps des cathédrales, le Dimanche de Bouvines et Guillaume le Maréchal. downloadModeText.vue.download 110 sur 602

CHRONOLOGIE

109

4

France

Suspension de la privatisation de Thomson.

Prenant acte de l’avis défavorable de la Commission de privatisation, émis le 2 dé- cembre, le gouvernement suspend la ces- sion de Thomson au groupe Lagardère et à Daewoo. Créée en 1993 par le gouverne- ment Balladur, cette commission, présidée par le conseiller d’État Pierre Laurent, est une autorité indépendante, qui avait déjà refusé la vente du capital de Radio-Monte- Carlo, jugeant les offres trop basses. Dans son avis publié au Journal officiel, la Com- mission estime que le projet présenté par Alcatel Alsthom était cohérent et qu’il avait l’avantage de proposer une reprise globale de Thomson. La Commission juge égale- ment valable le projet de Lagardère mais émet des réserves sur le rôle de Daewoo Electronics et déclare qu’à cet égard « il n’est pas évident qu’à moyen terme le bilan indus- triel soit réellement positif, dans la mesure où la cession de Thomson Multimédia emporte- rait renonciation à un acquis technologique de premier plan ». Les syndicats des salariés de Thomson expriment leur satisfaction, tandis que la direction de Daewoo évoque un « racisme économique » des autorités françaises.

5 France

Xavière Tiberi mise en examen.

L’épouse du maire de Paris est mise en exa- men pour « recel de détournement de fonds publics et recel d’abus de confiance ». Il lui est reproché d’avoir reçu 200 000 F du conseil général de l’Essonne pour un rapport sur la francophonie et les communes de ce dépar- tement, dont l’intérêt paraît nul (36 pages rédigées à la hâte). Le président, RPR, du conseil général de l’Essonne, Xavier Du- goin, est lui-même mis en examen pour « détournement de fonds publics et abus de confiance ». Le lendemain, Louise-Yvonne Casetta, qui occupait les fonctions offi- cieuses de trésorière du RPR, est à son tour mise en examen pour « recel d’abus de biens sociaux ». Il lui est reproché d’avoir préle- vé des pots-de-vin pour le parti auprès de chefs d’entreprise qui souhaitaient avoir ac- cès aux marchés publics de la Ville de Paris. L’affaire avait débuté après les aveux passés en juin par un de ces entrepreneurs – Jean- Claude Pittau –, qui avait avoué au juge avoir versé des commissions à Mme Casetta afin d’obtenir des marchés. Mme Casetta nie énergiquement.

France/Afrique

Fin du sommet de Ouagadougou.

Réunis pour le XIXe sommet franco-afri- cain, les dirigeants de la France et de 46 pays du continent africain réclament dans un communiqué final le déploiement d’une force internationale au Kivu, à la frontière entre le Zaïre et le Rwanda, afin de « porter assistance à ceux qui en ont besoin ». Les au- torités de Kigali ont cependant réitéré leur hostilité à la mobilisation de cette force. Par ailleurs, le sommet s’est inquiété du déve- loppement de la crise en République cen- trafricaine. Le président burkinabé Biaise Compaoré a été chargé, avec ses pairs du , du Tchad et du Mali, de mener une opération de médiation à Bangui.

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Ghana

Jerry Rawlings réélu dès le premier tour.

Au pouvoir depuis quinze ans, le président sortant l’emporte facilement avec 57,2 % des voix contre 39,9 % à John Kufuor, son princiapl concurrent. Il doit ce succès à un bilan économique favorable et aussi à la division de l’opposition. Aux élections lé- gislatives qui se déroulent le même jour, le parti du président, le Congrès national dé- downloadModeText.vue.download 111 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

110 mocratique, dispose de 130 des 195 sièges à pourvoir.

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Serbie

Épreuve de force.

Alors que les manifestations de masse pour protester contre l’attitude du pouvoir se succèdent, la Cour suprême de Serbie confirme l’annulation des élections munici- pales à Belgrade, favorables à l’opposition. Trois semaines auparavant, le tribunal de première instance avait annulé la moitié des 60 sièges (sur un total de 110) qu’avaient remportés la coalition des partis d’oppo- sition. Vuk Draskovic, l’un des leaders de cette opposition, a déclaré avoir « l’ambition de continuer les manifestations avec encore plus de résolution » et a comparé le prési- dent Slobodan Milosevic au dictateur rou- main Nicolae Ceausescu. Le 10 décembre, Bill Clinton déclare : « Nos sympathies vont toujours à un peuple libre qui se bat pour exprimer sa liberté et veut voir respectée l’intégrité des élections. » Le 15 décembre, les manifestants remportent une première victoire quand le tribunal de Nis, la deu- xième ville du pays, leur donne raison en enjoignant la commission électorale de revoir l’attribution de 26 des 70 sièges que compte le conseil municipal de cette ville. Aux élections de novembre, l’opposition avait remporté une nette victoire à Nis, que le parti au pouvoir, le Parti socialiste (SPS, ex-communiste), avait fait annuler avant d’organiser un « troisième tour », boycotté par les électeurs.

République centrafricaine Trêve entre le gouvernement et les militaires mutins.

Les présidents Omar Bongo, du Gabon, Biaise Compaoré, du Burkina Faso, Idriss Déby, du Tchad, et Alpha Oumar Konaré, du Mali, annoncent une trêve entre gouver- nement et soldats mutins. Les présidents africains ont préalablement organisé des consultations avec les rebelles, le Premier ministre Jean-Paul Ngoupandé, les anciens présidents David Dacko et André Koling- ba, considérés comme proches des mutins, l’ambassade de France et les militaires fran- çais. La trêve de deux semaines devrait être garantie par un comité de suivi internatio- nal, tandis que les arriérés des soldes des militaires devraient leur être versés. Cepen- dant, les insurgés continuent de réclamer la démission du président en exercice, Ange- Félix Patassé.

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Irak

Levée partielle de l’embargo.

Le secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, autorise la mise en appli- cation de la résolution 986, dite « pétrole contre nourriture », permettant à Bagdad de vendre environ 500 000 barils de brut par jour pour subvenir aux besoins en vivres et en médicaments de la population. Selon les estimations, cette levée partielle de l’embargo ne devrait permettre de cou- vrir qu’un quart des besoins du pays. Votée en avril 1995, la résolution 986, vivement soutenue par la diplomatie française, avait vu sa mise en application retardée suite aux réticences de Bagdad à se soumettre aux contrôles internationaux sur l’utilisation des revenus de la vente de son pétrole.

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France

Menace des nationalistes corses.

Le FLNC-Canal historique menace de développer la lutte contre les forces de l’ordre installées dans l’île, de déstabiliser leurs familles, de poursuivre les élus locaux hostiles aux nationalistes et de lancer des « actions en France ». Le lendemain, lors downloadModeText.vue.download 112 sur 602

CHRONOLOGIE

111 de son intervention à la télévision, Jacques Chirac déclare, à propos de la Corse, qu’il « déplore » qu’on ait négocié avec les natio- nalistes, confirmant ainsi son appui à la po- litique de fermeté d’Alain Juppé. Il ajoute : « Nous n’aurons aucune défaillance dans la poursuite des attentats ». Le 16, François Santoni, leader d’A Cuncolta Naziunalista, vitrine légale du FLNC-Canal historique, se constitue prisonnier après la mise en examen de sa compagne, l’avocate Marie- Hélène Mattei. Celle-ci avait été dénoncée comme partie prenante dans une tentative de rackett menée au début du mois contre les dirigeants du golf de Sperone, près de Bonifacio. Cette double arrestation semble marquer un coup d’arrêt à la stratégie offen- sive du mouvement nationaliste corse.

Information

Accord États-Unis/UE.

À la première conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Européens et Américains s’en- tendent sur la libéralisation du marché des technologies de l’information : selon leur accord, les barrières douanières seront abo- lies avant l’an 2000 sur les ordinateurs, les équipements de télécommunications, les circuits intégrés, les semi-conducteurs, les condensateurs et les photocopieurs digi- taux. L’accord exclut cependant les câbles et les fibres optiques, à la demande des Amé- ricains, et les CD et cassettes audio-vidéo, à la demande des Français.

Tadjikistan

Cessez-le-feu.

Un protocole de cessez-le-feu est signé entre le président tadjik Imomali Rakhmo- nov et le chef de l’opposition islamique Ab- dallah Nouri. Ce résultat a été obtenu grâce à la médiation de l’ONU et du président afghan renversé par les talibans, Burhanud- din Rabbani.

12

Irak

Attentat contre le fils de Saddam Hussein.

Oudaï Saddam Hussein, âgé de trente-trois ans, est légèrement blessé dans un attentat, alors qu’il circulait en voiture dans Bag- dad. La nouvelle est aussitôt annoncée à la télévision irakienne, ce qui ne manque pas d’étonner les commentateurs. L’attentat est revendiqué peu après par le parti chiite d’opposition Al-Daawa al Islamiya, qui re- proche au fils du chef de l’État de « semer terreur et corruption ».

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ONU

Kofi Annan secrétaire général des Nations unies.

Une fois levé le veto de la France, le Gha- néen Kofi Annan est nommé à la tête de l’ONU par le Conseil de sécurité. Âgé de cinquante-huit ans, spécialiste des relations internationales, M. Annan a fait la plus grande partie de sa carrière aux Nations unies, où il occupait depuis 1993 la fonc- tion de secrétaire général adjoint chargé du maintien de la paix. Anglophone, M. An- nan s’exprime relativement bien en français. Sa nomination met un terme à une querelle franco-américaine dans laquelle Paris a eu nettement le dessous. L’administration américaine s’opposait catégoriquement à ce que le secrétaire général sortant, l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali, soit élu pour un second mandat. Elle lui reprochait son atti- tude pendant la crise somalienne et, plus largement, une indépendance marquée par rapport aux souhaits de Washington. Au contraire, Paris soutenait M. Boutros-Gha- li, qu’une vieille connivence rapprochait des vues françaises. Face à la détermination downloadModeText.vue.download 113 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

112 américaine, et malgré son pouvoir de veto, la France s’est finalement inclinée.

Proche-Orient

Encouragement à la colonisation de la

Cisjordanie.

Le gouvernement de Benyamin Netanya- hou rétablit les avantages fiscaux que le gouvernement travailliste précédent avait supprimés en faveur des entreprises et ci- toyens juifs s’installant dans les territoires occupés de Cisjordanie. Aussitôt, les res- ponsables palestiniens déclarent que « cette décision constitue un appel direct à la vio- lence et une déclaration de guerre contre le peuple palestinien ».

UE

Accord sur la monnaie unique.

Réunis à Dublin, les Quinze s’accordent sur un « pacte de stabilité et de croissance », destiné à poser les règles budgétaires que les pays de la zone euro devront observer après l’entrée en vigueur de la monnaie unique en janvier 1999. La logique de ce pacte est l’obtention d’un quasi-équilibre budgétaire à moyen terme et, dans le court terme, du maintien rigoureux d’un déficit inférieur à 3 % du PIB. Si la norme n’est pas respectée, le pays contrevenant s’expose à de lourdes sanctions. Les Allemands souhaitaient que l’application de ces sanctions soit automa- tique, sauf circonstances exceptionnelles, définies par une baisse d’activité supérieure à 2 % en un an. Les autres pays ont fina- lement obtenu que le seuil de ces circons- tances exceptionnelles soit porté à 1,5 %, qu’il y ait concertation politique entre 0,75 %, et 1,5 %, et application automatique des sanctions au-dessous de 0,75 %. Cet arrangement permet de confirmer la date de naissance de la monnaie commune à la date prévue, alors que, depuis plusieurs semaines, certains craignaient un report à une date ultérieure.

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Aéronautique

Fusion McDonnell-Douglas-Boeing.

Les deux constructeurs américains fu- sionnent pour mettre sur pied le plus grand groupe aérospatial du monde : 200 000 sa- lariés, des usines réparties dans 26 pays, un CA de 48 milliards de dollars et plus de 70 % du marché mondial des avions civils. Cette opération constitue une réponse à l’implantation d’Airbus aux États-Unis, après que celui-ci a vendu au transporteur USAir 400 appareils, dont 120 commandes fermes. Le consortium européen va devoir accélérer sa transformation juridique en société anonyme et, sans doute, orienter une partie de ses capacités vers la construc- tion militaire.

Somalie

Reprise des combats autour de Mogadiscio. De violents affrontements opposent autour de la capitale les différentes factions armées qui se combattent dans le pays depuis 1992. Ces nouveaux combats font défini- tivement voler en éclats l’accord de paix conclu en octobre, à Nairobi, entre les chefs de guerre.

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France

Rejet du plafonnement de l’ISF.

Après un mois d’hésitation, les députés de la majorité rejettent l’amendement séna- torial qui avait pour objet de minimiser l’impôt sur la fortune pesant sur environ un millier de patrimoines supérieurs à 15 millions de francs. Jacques Chirac s’était exprimé en faveur d’un tel allégement, ce qui avait encouragé les membres de droite de la haute assemblée ; mais Alain Juppé craignait qu’une mesure aussi symbolique ait des répercussions politiques très défa- vorables, d’autant que les partisans de Phi- lippe Séguin, tenants d’une ligne « sociale » downloadModeText.vue.download 114 sur 602

CHRONOLOGIE

113 au sein de la majorité, avaient fait connaître leur forte opposition à ce cadeau fiscal en faveur des grandes fortunes.

Pérou

Prise d’otages par des guérilleros.

Plus de 450 personnes, qui assistaient à une réception à la résidence de l’ambassadeur du Japon à Lima, sont prises en otages par un commando du Mouvement révolution- naire Tupac Amaru (MRTA). Les rebelles réclament la libération de leurs 500 mili- tants détenus dans les prisons péruviennes (notamment celle de leur chef historique, Victor Polay Campos), ainsi que le chan- gement de la politique économique néoli- bérale menée par les autorités ; ils veulent, en outre, négocier directement avec le chef de l’État, Alberto Fujimori. Apparu au dé- but des années 80, dans la mouvance gué- variste, le MRTA, qui a toujours observé une conduite moins violente que le Sen- tier lumineux, semblait en perte de vitesse. M. Fujimori se targue d’avoir à la fois réduit le terrorisme dans le pays et remis l’écono- mie sur des rails en réduisant l’hyperinfla- tion de 7 000 % à 12 % par an. Toutefois, cette politique de rigueur a son prix : un Péruvien sur deux vit au-dessous du seuil de pauvreté. Face à cette massive prise d’otages, le président se retrouve face à deux logiques contradictoires : celle de la ferme- té, conseillée par les États-Unis, et celle de la négociation, souhaitée par le Japon, dont de nombreux ressortissants figurent parmi les personnes retenues. Progressivement, les guérilleros libèrent un certain nombre de personnes pour n’en garder plus, au bout de quatorze jours, que près de 80, dont le frère de M. Fujimori.

18

France

René Monory pour la défense du franc fort.

Une polémique oppose une nouvelle fois, au sein de la majorité, partisans et adver- saires de la politique du franc fort. Le pro- blème réapparaît à l’occasion de l’arrivée à échéance du mandat de deux des membres du conseil de la politique monétaire de la Banque de France. Le président du Sénat, M. Monory, ne parvient pas à s’entendre avec les présidents de l’Assemblée nationale et du Conseil économique sur les noms des candidats à présenter à Jacques Chirac, car ceux-ci ne souhaitaient pas retenir des per- sonnalités connues pour leur opposition à la logique de Maastricht. M. Monory dé- clare publiquement qu’il convient de « pré- server l’orthodoxie de la Banque de France ».

Liban

Réveil des tensions.

Un minibus de l’armée syrienne est mitrail- lé en zone chrétienne. Dans les jours qui suivent, la police procède à des dizaines d’interpellations, notamment dans les mi- lieux de l’opposition chrétienne, ce qui pro- voque des protestations tant des autorités religieuses que des organisations de défense des droits de l’homme. Le gouvernement accuse Israël d’encourager en sous-main les groupes chrétiens afin de réveiller la ten- sion dans la région ; toutefois, il n’apporte pas de preuves tangibles à ces accusations.

19 Italie

Mort de Marcello Mastroianni.

L’acteur italien meurt à son domicile pari- sien d’un cancer du pancréas à l’âge de soixante-douze ans. L’émotion est grande en France comme en Italie, où l’on appré- ciait la classe et l’humour de cet interprète inoubliable de Fellini. De son abondante filmographie, on retiendra surtout La Dolce Vita, Huit et demi, Ginger et Fred, de Fellini, la Nuit, de Michelangelo Antonioni, Une downloadModeText.vue.download 115 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

114 journée particulière, d’Ettore Scola, ou les Yeux noirs, de Nikita Mikhalkov.

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Bulgarie

Démission du Premier ministre.

Jan Videnov, au pouvoir depuis les élec- tions législatives de 1994 et la victoire du Parti socialiste bulgare (PSB, ex-commu- niste), quitte son poste en affirmant son intention de ne pas briguer d’autres fonc- tions ni au sein du gouvernement ni au sein de son parti. Sa popularité était tom- bée en chute libre avec l’aggravation de la situation sociale dans le pays. La victoire, en novembre, du centriste Pétar Stoianov à l’élection présidentielle avait définitivement fragilisé sa position.

Chine

Coup d’arrêt à la démocratie à Hongkong.

À quelque six mois du retour de la colo- nie britannique dans l’ensemble chinois, le gouvernement de Pékin confirme son intention de dissoudre l’Assemblée légis- lative de Hongkong et de la remplacer par un Conseil législatif provisoire où ne figu- reraient que des personnalités agréées par le gouvernement central. Le gouverneur britannique encore en place, Chris Patten, menace de porter l’affaire devant la Cour internationale de justice.

24 France

Arrêt de la centrale nucléaire Superphénix.

Le réacteur à neutrons rapides de Creys- Malville (Isère) a été mis hors fonctionne- ment en vue d’une transformation progres- sive en incinérateur de déchets radioactifs. Cette opération marque l’échec définitif d’un projet scientifique ambitieux qui avait pour but, à la fin des années 70, de fournir

à la France « une réserve d’énergie compa- rable à celle de l’Arabie Saoudite ». En réali- té, après avoir été violemment contesté par les groupes écologistes, le surgénérateur a connu de nombreuses années de dysfonc- tionnement et coûté, en fin de compte, plus de 60 milliards de francs. D’emblée, cer- tains spécialistes doutent que Superphénix puisse réellement servir d’instrument de gestion des déchets nucléaires et estiment que ce nouveau projet ne sert qu’à masquer l’ampleur de l’erreur initiale.

Serbie

Manifestation et contre-manifestation à

Belgrade.

Après avoir appelé ses partisans à contre- manifester dans les rues de Belgrade, le pré- sident Slobodan Milosevic doit reconnaître son échec : le défilé réuni en sa faveur est deux fois moins important que celui qui regroupe au même moment ses adversaires. Envoyé quatre jours plus tôt en mission à Belgrade par l’Organisation pour la sécu- rité et la coopération en Europe (OSCE), l’ancien chef du gouvernement espagnol Felipe Gonzalez déclare, après avoir ren- contré les différents protagonistes de la crise serbe, qu’il a constaté l’existence d’une « machination légale » contre l’opposition. Le 25, le ministre de l’Intérieur interdit tout rassemblement « de nature à perturber la circulation », ce qui n’empêche pas des di- zaines de milliers d’opposants de défiler le lendemain. La police se fait de plus en plus pressante, alors qu’on apprend le décès d’un manifestant blessé deux jours auparavant lors des heurts avec les forces de l’ordre. Bonn, Paris et Washington multiplient les mises en garde à l’encontre de M. Milo- sevic, ce qui pousse Moscou à dénoncer l’aide occidentale aux manifestants. Le 29, l’Église orthodoxe et une partie de l’armée s’engagent en faveur des manifestants. Zaïre

Maintien du Premier ministre.

Une semaine après son retour au pays, le président Mobutu Sese Seko confirme Léon Kengo wa Dondo au poste de Pre- downloadModeText.vue.download 116 sur 602

CHRONOLOGIE

115 mier ministre. En revanche, le gouverne- ment est profondément remanié, la plupart des ministres sortants étant remplacés et plusieurs membres de l’opposition y faisant leur entrée. On remarque toutefois que les deux opposants les plus en vue, Étienne Tshisekedi et Frédéric Kibassa Maliba, ne font pas partie de la nouvelle coalition. Sur le front du Kivu, l’armée zaïroise semble reprendre l’initiative, même si les forces rebelles de Laurent Kabila parviennent à contenir la contre-offensive gouvernemen- tale devant Goma.

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Algérie

Succession d’attentats meurtriers.

Trois jours après l’explosion d’une bombe dans le centre d’Alger, un attentat à la voi- ture piégée tue au moins 10 personnes dans un quartier populaire du sud de la capitale. Cette recrudescence de la violence semble bien démentir les propos optimistes du Premier ministre Ahmed Ouyahia, qui avait déclaré quelques jours auparavant : « Le terrorisme vit ses derniers soubresauts, démentiels, certes, mais bien finaux. » Le 29, ce sont 28 civils qui sont égorgés dans un village à 120 km au sud d’Alger.

Corée du Sud

Grève générale.

À la suite de l’adoption d’une loi durcissant nettement le Code du travail (facilitation des procédures de licenciement, limitation du pluralisme syndical et du droit de grève, obligation de disponibilité constante pour les salariés avec pour seule limite un plafond de 56 heures hebdomadaires réparties sur un mois), les salariés sud-coréens déclenchent une grève générale pour la première fois dans l’histoire du pays. Plusieurs manifesta- tions et heurts avec la police ont lieu dans les jours suivants. De leur côté, étudiants et députés de l’opposition protestent contre le renforcement des pouvoirs spéciaux du gou- vernement, adopté aussi à la suite du vote des députés du parti pour la Corée nouvelle, la formation du président Kim Young-sam.

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France

Retrait de la surveillance du Nord irakien.

Paris annonce que les avions français ne participeront plus à la surveillance aé- rienne des régions kurdes au nord de l’Irak. Les autorités françaises estiment que le vo- let humanitaire de cette opération n’a plus cours, et elles n’entendent pas participer à ce qu’elles jugent comme un affrontement diplomatique américano-irakien. En tout état de cause, cette décision constitue une nouvelle détérioration des relations entre Paris et Washington.

Indonésie

Violences ethnico-religieuses.

Quatre personnes sont tuées alors que quatre églises et plusieurs bâtiments sont incendiés lors d’affrontements entre des jeunes musulmans et des commerçants chrétiens d’origine chinoise à Tasikmalaya (Java). Ce sont les troisièmes incidents de ce type depuis le mois de juillet, qui opposent des musulmans pauvres – que certains voient manipulés par le Parti com- muniste interdit – et la prospère minorité chrétienne d’origine chinoise (5 % de la population totale du pays).

Russie

Création d’un nouveau parti politique.

Évincé du pouvoir en octobre, Alexandre Lebed crée le Parti populaire républicain de Russie, qu’il présente comme celui de « la troisième voie », entre communisme et démocratie libérale, et s’adressant à « tous ceux pour qui le mot Russie veut dire quelque chose et qui veulent créer un État de droit ». downloadModeText.vue.download 117 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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Guatemala

Signature officielle de l’accord de paix.

Le président Alvaro Arzu et les chefs de la guérilla signent un « accord pour une paix sûre et durable » qui met fin à trente-six ans de guerre civile. L’armée va perdre ses pou- voirs spéciaux de police et démobiliser ses troupes supplétives, tandis que les Indiens (60 % de la population) verront reconnaître leurs coutumes et leurs droits sur les terres.

Madagascar

Courte victoire de Didier Ratsiraka.

En tête à l’issue du premier tour de l’élec- tion présidentielle du 3 novembre, l’an- cien président de 1975 à 1993 l’emporte avec quelques dizaines de milliers de voix d’avance sur le président sortant, Albert Zafy, démis de ses fonctions par le Parle- ment, en septembre, pour violation de la Constitution. La campagne électorale a été marquée par un violent duel entre les deux candidats : M. Ratsiraka reprochait à M. Zafy son mauvais bilan économique et social, tandis que M. Zafy mettait en garde les électeurs contre le comportement « dic- tatorial » de son adversaire et ses promesses démagogiques de « paradis socialiste ». Âgé de soixante-deux ans, M. Ratsiraka, qui ne cache pas son admiration pour Mao et Fi- del Castro, a déclaré : « Il n’y a aucune honte à être marxiste, mais aucun de mes actes ne permet de dire que je l’ai été. » En août 1991, il avait ordonné à la troupe de tirer sur la foule qui manifestait contre son pouvoir. Depuis quelques années, la situation dans l’île s’est dégradée et l’on enregistre un re- tour de la peste.

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Inde

Attentat meurtrier contre un train de voyageurs.

Au moins une soixantaine de personnes sont tuées par l’explosion d’une bombe pla- cée dans un train qui circulait dans l’État d’Assam (nord-est du pays). Les autorités soupçonnent les indépendantistes Bodos – du nom du principal groupe ethnique de l’État – d’être à l’origine de ce carnage. Depuis trois ans, plus de 5 000 personnes ont trouvé la mort au cours de violences ethnico-politiques en Assam.

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Europe

Température polaire.

Une des plus fortes vagues de froid depuis l’hiver 1979 frappe l’Europe. Depuis son commencement, le 24, plus de 160 per- sonnes ont péri (sans tenir compte des accidents de la route dus au verglas), dont une quinzaine en France, principalement des sans domicile fixe, qui n’ont pas pu ou pas voulu trouver refuge dans les différents centres d’accueil. À l’aérodrome de Guéret- Montluçon (Limousin), on enregistre la température record de – 17,3 °C.

Météo : l’Automne

Septembre 1996.

Mois exceptionnellement frais, souvent sec, sauf en Corse et une partie de la Provence. Le déficit thermique, faible en Bretagne, dépasse 3 °C dans le sud de l’Alsace. On note des gelées sous abri en plaine le 8 à Luxeuil, à Vichy et à Nevers, le 14 à Romorantin, le 17 à Épinal et à Charleville. Voici quelques minimums mensuels : – 5,3 °C à Saugues [43], – 3,1 °C à Val-d’Isère, 5,3 °C à Lyon, 6,9 °C à Paris, 10,8 °C à Bréhal, 12 °C à Toulon et à Bastia, downloadModeText.vue.download 118 sur 602

CHRONOLOGIE

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13,1 °C à Nice et 15 °C au cap Pertusato. De leur côté, les maximums sont compris entre 19,7 °C à Dunkerque et 30,5 °C à Pau.

Durant la première quinzaine, un flux anticyclo- nique de nord-est nous vaut un temps sec et frais ; seuls le Sud-Est et la Corse sont arrosés en début de mois (127 à Barjols et 115 au Luc le 3). Les cumuls mensuels varient de 4 mm à Stenay [55] à 320 à Grimaud et 394 à Évisa. De nombreuses stations méditerranéennes battent leurs records de pluie de septembre.

Le soleil ne brille que durant 150 heures dans les Ardennes et le sud de l’Alsace, mais 253 heures à cannes et 254 à Carpentras. Signalons que, le 5, une avalanche tue 4 chasseurs alpins à la Petite Ciamarella, en haute Maurienne.

Octobre 1996.

Les précipitations sont généralement déficitaires, sauf autour de la Méditerranée : elles sont infé- rieures à 20 mm par endroits dans le Bas-Rhin, le centre du Bassin aquitain et la région d’Angers (14 mm) ; elles dépassent 250 mm sur le sud du Massif central (403 mm à Fraisse-sur-Agout [34]) et le sud-est de la Corse (358 à Quenza).

Les températures sont proches des normales. Les minimums absolus s’abaissent à – 7,4 °C à Val- d’Isère, – l,6 °C à Charleville et à Dijon, mais seu- lement 8,6 °C à Belle-Île, 10,6 °C à Nice, 10,9 °C à Toulon, 12 °C à Porquerolles et 13,7 °C au cap Corse. Quant aux maximums, ils ne dépassent pas 17,4 °C à Ouessant, mais grimpent à 24,9 C à Au- rillac et 30,6 °C à Biarritz.

Le soleil est présent moins de 100 heures du Nivernais à la Lorraine (87 à Metz), mais 192 à Saint-Auban-sur-Durance. Le vent souffle jusqu’à 180 km/h au puy de Dôme le 13, 162 à Barfleur le 28, 144 au cap Corse le 2 et au Castellet le 19, 140 au cap Béar le 7, 115 à Paris le 29 et 104 à Lille et à Saint-Quentin le 29.

Novembre 1996.

Intempéries et arrivée précoce de l’hiver sont les traits dominants de ce mois. Durant la première quinzaine, la douceur est encore présente (le mer- cure monte jusqu’à 24,4 °C à Calvi, 23,2 °C au Luc [83], 22,6 °C à Montpellier, 21,2 °C à Clermont- Ferrand, 21,1 °C à Grenoble et 20,5 °C à Biarritz). Au début de la deuxième décade, d’abondantes précipitations dues à un violent flux de sud af- fectent les Alpes du Sud et les régions s’étendant des Cévennes à la Lorraine ; du 10 au 13, on re- cueille souvent plus de 100 mm ; l’épicentre se si- tue sur l’Ardèche avec 710 mm à Mayres (dont 256 downloadModeText.vue.download 119 sur 602

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118 le 11 et 291 le 12), 672 à Barnas, 367 à Mazan-l’Ab- baye. Des inondations se produisent en Moselle, dans l’Ardèche, la Drôme, la Haute-Loire (200 per- sonnes sont évacuées près du Puy, la Loire) et dans la banlieue sud-ouest de Lyon ; des glissements de terrain et des coulées de boue à Gray [70], en Maurienne et à Saint-Étienne-en-Dévoluy [05] ; il neige au-dessus de 1 500/1 600 m.

La seconde quinzaine est hivernale ; la neige tombe en abondance sur tous les massifs, ce qui ne s’était pas produit depuis bien longtemps en novembre ; elle atteint parfois les plaines (20 cm à Besançon le 18). Plusieurs stations de sports d’hiver ouvrent avec plus de 15 jours d’avance ; la circulation est souvent perturbée comme dans la nuit du 18 au 19 en Lorraine et en Franche-Comté ; le 20, une avalanche coupe la route de Saint-Paul-sur-Ubaye [04] ; le 30, une coulée coupe la route du Lautaret, alors qu’une autre touche un immeuble de la sta- tion du Mottaret [73].

C’est le mois de novembre le plus arrosé depuis au moins quarante ans, parfois depuis plus d’un siècle, dans le Nord, le Nord-Est, le Centre-Est et le Sud-Ouest. À Saint-Genis-Laval [69], c’est le mois de novembre le plus pluvieux depuis la création de l’observatoire en 1881 (233 mm ; ancien record : 171 en 1926). Les cumuls mensuels dépassent 400 mm sur les Vosges (417 au ballon d’Alsace), le Jura (481 à Lalleyriat), les monts d’Auvergne (500 près de Mandailles) et, localement, les Préalpes (463 à Saint-Pierre-d’Entremont), mais la palme revient au Vivarais, avec 883 mm à Mayres (ancien record : 708 en novembre 1982), 843 à Barnas, 797 à Mazan et 735 à Loubaresse. De nombreux records de précipitations en 24 heures sont bat- tus le 12. En montagne, les cumuls de neige sont également remarquables : à Bourg-Saint-Maurice (865 m), 211 cm (ancien record de novembre : 129).

La durée d’insolation, déficitaire, n’est que de 19 heures à Saint-Dizier, 20 à Charleville et 23 à Épinal ; elle dépasse 100 heures dans le Midi méditerranéen.

Les vents sont souvent violents ; le 11, les plus fortes rafales atteignent 202 km/h au mont Ai- goual. L’année 1996 se termine avec une vague de froid sur toute l’Europe durant la dernière décade de décembre. downloadModeText.vue.download 120 sur 602

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MONDE downloadModeText.vue.download 121 sur 602

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120 LA COHABITATION DES CONTRAIRES

En 1996, l’actualité internationale a semblé obéir à une logique perverse. Douze mois durant, le monde a balancé entre la loi du plus fort et le concert des nations.

Terrorisme

L’année s’est achevée comme elle avait dé- buté : par une prise d’otages. Le 9 janvier, des rebelles tchétchènes, encerclés par l’armée russe dans la ville de Kizliar, au Daghestan, s’emparent d’un hôpital, où ils font prisonniers quelque 2 000 civils. Le commando réussit à s’enfuir. Mais les pertes sont lourdes : des dizaines d’otages ont été tués. Le 17 décembre, les guéril- leros péruviens du mouvement Tupac Amaru s’infiltrent dans l’ambassade du Japon à Lima. Ils prennent 400 personnes en otages.

Mois après mois, le terrorisme fait couler le sang un peu partout. À Madrid, des Basques assassinent l’ancien prési- dent du Conseil constitutionnel. À Co- lombo, un séparatiste tamoul tue 72 pas- sants après avoir fait sauter un camion de dynamite. Aux jeux Olympiques d’Atlan- ta, l’explosion d’une bombe fait 2 morts.

Rien de neuf sur les fronts de l’actua- lité. Les zones les plus dangereuses sont toujours les mêmes.

Il y a d’abord le Proche-Orient. Les Palestiniens qui n’acceptent pas la paix conclue par Yasser Arafat multiplient les attentats contre Israël. Entre février et mars, trois opérations suicide des mou- vements islamistes, Hamas et Djihad isla- mique, font 61 morts. L’Iran, parrain du Djihad, pousse les chiites du Hezbollah à tirer, depuis leurs repaires du Sud-Liban, sur les villes israéliennes de l’autre côté de la frontière.

Shimon Peres, qui est en pleine cam- pagne pour se faire élire Premier ministre six mois après l’assassinat d’Yitzhak Ra- bin par un extrémiste juif, doit absolu- ment reprendre l’initiative. Face à Benya- min Netanyahou, qui promet de revenir sur les accords d’Oslo pour mieux assurer la sécurité d’Israël, Peres veut prouver sa fermeté en ordonnant « Raisins de la colère » : des représailles au Liban. Le remède est pire que le mal : le 18 avril, l’artillerie israélienne bombarde un camp de l’ONU, à Cana, où des civils libanais se sont réfugiés. Il y a 104 morts. Tsahal doit arrêter « Raisins de la colère ».

Le 29 mai, Peres perd les élections. Les adversaires, palestiniens et israéliens, des accords d’Oslo ont gagné : nouveau Premier ministre, Benyamin Netanyahou suspend le processus de paix. Ce virage ne rétablit pas le calme. Le 25 septembre, la décision d’achever de percer un tun- nel dans la vieille ville de Jérusalem dé- clenche un soulèvement palestinien sans précédent depuis l’Intifada. Résultat : 84 morts, dont 15 Israéliens.

L’Algérie est un autre abcès. Mal- gré l’élection présidentielle de décembre 1995, qui a été un succès personnel pour le chef de l’État, Liamine Zeroual, jusqu’alors sans légitimité populaire, et malgré le résultat à la soviétique (85 % de « oui ») du référendum constitution- nel du 28 novembre 1996, la guerre civile continue. Toujours plus cruelle. Les isla- mistes, à qui l’armée a infligé de lourdes pertes, se rabattent sur une stratégie indi- downloadModeText.vue.download 122 sur 602

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121 recte. Convaincus que, sans l’aide finan- cière de Paris et son appui diplomatique, le régime d’Alger tomberait, les GIA dé- cident de concentrer leurs coups sur la France. Le 27 mars, un commando enlève 7 moines trappistes qui vivaient dans le monastère de Tibéhirine, près de Médéa. Deux mois plus tard, l’« émir » Djemal Zitouni les fait décapiter. En août, c’est au tour de Mgr Claverie : il est assassiné devant la porte de son évêché d’Oran. Le 3 décembre, comme pendant la série d’at- tentats de l’été 1995, une bombe explose à la station du RER Port-Royal. Quatre passagers sont tués.

L’Afghanistan fait aussi reparler de lui. Depuis le départ de l’Armée rouge, en 1989, aucune des factions qui se dispu- taient le pouvoir n’avait réussi à l’empor- ter. Mais, le 27 août, les talibans créent la surprise en prenant le contrôle de Kaboul. Ces extrémistes musulmans sont soutenus par le Pakistan et par les États- Unis. Repliés dans leurs fiefs, les chefs de guerre Massoud, Dostom et Hekmatyar ne s’avouent pas vaincus. Le « grand jeu » continue.

En octobre, l’Afrique centrale re- tombe dans le cauchemar. Jamais guérie des métastases laissées par le génocide du Rwanda, en 1994, toute la zone des « grands lacs » retourne à l’horreur. Sou- tenus par les Tutsis, au pouvoir à Kigali, les Banyamulenges des provinces orien- tales du Zaïre arrachent le contrôle du Kivu à l’armée en déroute de Kinshasa. Encadrés par des miliciens responsables du génocide, les Hutus, qui s’étaient réfu- giés au Zaïre après les massacres de 1994, sont contraints à un deuxième exode.

Les Occidentaux s’inquiètent. Les ethnies nilotiques, qui contrôlent le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda, ne cherchent-elles pas à créer un « Tutsi- downloadModeText.vue.download 123 sur 602

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122 land » ? En bousculant les frontières de la colonisation, ce projet risque de déstabi- liser l’ensemble du continent noir.

La France réclame l’envoi d’une force multinationale pour secourir les réfugiés. Mais Paris est soupçonné d’avoir pour objectif le maintien au pouvoir du maré- chal-président Mobutu. Finalement, le retour soudain au Rwanda des réfugiés hutus rend inutile cette action militaire.

Embellies ?

Heureux contraste : dans l’ex-Yougos- lavie, les armes se sont tues. En Bosnie, l’application de la « paix de Dayton » se poursuit sans accroc dramatique. Le 14 septembre, des élections législatives et présidentielle peuvent effectivement avoir lieu. Mais, en Serbie, Slobodan Milosevic, l’homme qui fut le princi- pal responsable de l’explosion du conflit yougoslave en 1991, lutte pour sa survie politique. En décembre, il a annulé le scrutin municipal que son Parti socialiste avait perdu. Indignés, les électeurs sont descendus dans la rue. Chaque jour, des centaines de milliers de personnes mani- festent à Belgrade et en province. Com- bien de temps Milosevic tiendra-t-il ?

L’agitation chronique de la planète ne représente qu’une partie de la réalité. Il y a aussi des efforts pour organiser la stabilité.

Lee Teng-hui, à Taïwan, fait de son mieux pour rassurer Pékin. Les pays de l’ASEAN se gardent d’irriter leur for- midable voisin, tandis que le Japon se montre encore plus déterminé à rester sous le parapluie nucléaire des États-Unis.

Chez eux, les Russes espèrent s’enga- ger sur le chemin de l’apaisement. Le

3 juillet, la réélection de Boris Eltsine à la présidence, face au candidat du PC, écarte la menace d’un retour au commu- nisme. Cette analyse est confirmée, en novembre, par le succès de l’opération cardiaque d’Eltsine.

Optimisme également dans les rangs des Quinze. Après la grande peur de la « vache folle » et les querelles sur la confé- rence intergouvernementale qui doit pré- parer l’élargissement vers l’Est, l’année s’est bien terminée. Grâce au compromis franco-allemand sur le pacte de stabi- lité, officialisé à Dublin, le 14 décembre, la monnaie unique a toutes chances de devenir réalité.

À tout cela s’ajoutent les progrès de la réforme de l’OTAN. Prête à s’ouvrir à l’Europe centrale (Pologne, Hongrie, Ré- publique tchèque), l’Alliance atlantique a pris soin, tout au long de 1996, de calmer Moscou en négociant une association avec la Russie.

En Asie, la Chine se montre moins aimable. Elle veut imposer sa volonté de puissance régionale. En mars, Pékin n’hé- site pas à faire tirer des missiles au large de Taïwan pour dissuader les électeurs de l’île de reconduire le président Lee Teng-hui, trop imprévisible. Tout fiers de leur nouvelle démocratie, les Taïwanais donnent 54 % des suffrages à Lee.

Superpuissance unique depuis la chute de l’URSS, les États-Unis entendent, eux, se faire obéir du monde entier. Mais, contrairement à la Chine totalitaire, la démocratie américaine ne peut viser que l’« hégémonie de velours ».

Réélu en novembre pour son second et dernier mandat, Bill Clinton va pou- voir exploiter une liberté de manoeuvre désormais totale. Contre les autres downloadModeText.vue.download 124 sur 602

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123 membres du Conseil de sécurité, il refuse à Boutros Boutros-Ghali un second man- dat comme secrétaire général de l’ONU et le fait remplacer par le Ghanéen Kofi Annan.

C’est Washington qui a empêché la mise sur pied d’une force d’intervention au Zaïre. Ce sont encore les États-Unis qui ont opposé leur veto à la nomination d’un amiral français à la tête de la région sud de l’OTAN.

Il n’y a que la France pour contester cet alignement sur la Maison-Blanche. Courant de Varsovie à Tokyo et d’Afrique en Syrie, Jacques Chirac n’a cessé de ré- clamer, pour l’Europe, des parts de mar- ché en Asie et le coparrainage du pro- cessus de paix au Proche-Orient. Même l’incident spectaculaire qui, en octobre, à Jérusalem, l’oppose aux services de sécu- rité israéliens ne le décourage pas.

Ce refus de la pensée unique des Anglo-Saxons, c’est l’« exception fran- çaise ». Disant très haut ce que ses par- tenaires pensent tout bas, Jacques Chirac assume le rôle de l’imprécateur.

CHARLES LAMBROSCHINI

Rédacteur en chef au Figaro downloadModeText.vue.download 125 sur 602

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ÉTATSUNIS

La campagne présidentielle, qui a per- mis le renouvellement du mandat de Bill Clinton, a marqué l’année 1996. Du point de vue intérieur, elle a paradoxa- lement adouci l’affrontement entre le président et le Congrès. Malgré des résul- tats moins spectaculaires qu’en 1995, la politique extérieure des États-Unis n’en continue pas moins à affirmer la domina- tion américaine dans le monde.

Une campagne sur fond de redressement économique

Rarement la conjoncture économique américaine aura paru, à court terme, aus- si favorable. La croissance se maintient sans que l’inflation n’en modifie les effets positifs. Du coup, les statistiques donnent l’impression d’un redressement de la situation des catégories les plus défavo- risées, apparemment plus favorable aux Noirs qu’aux Hispaniques. Mais la multi- plication d’incendies d’églises noires dans les États du Sud (en juin, on en compte une trentaine depuis le début de l’an- née 1995) rappelle que les problèmes de cohabitation raciale constituent encore une véritable bombe à retardement pour la société américaine. Aucun des indica- teurs, si volontiers sollicités en période électorale, n’est en mesure de fournir les preuves de l’existence d’une tendance au redressement longue et profonde, d’au- tant plus qu’à la veille de l’élection la fia- bilité des statistiques gouvernementales est fortement mise en cause.

M. Clinton bénéficie néanmoins d’un climat économique exceptionnellement favorable, du soutien d’une partie impor- tante des milieux d’affaires et de la sym- pathie de la grande presse, avec laquelle les républicains connaissent toujours de fortes difficultés. Après les oppositions brutales entre le Congrès et le président sur le budget de la Défense et les dossiers sociaux, suivies du blocage des institu- tions (mise au chômage technique d’une partie de l’Administration fédérale faute d’un accord sur le budget et l’aide so- ciale), l’année 1995 s’est achevée dans un climat de tension. Au fur et à mesure de l’avancement de la campagne, la majorité républicaine du Congrès juge préférable de modérer l’agressivité de ses critiques. Les compromis législatifs se multiplient alors, chaque camp désirant séduire l’électorat du centre plutôt que de l’offus- quer par un radicalisme intempestif.

La préoccupation dominante des Américains reste le crime. En adoptant une posture musclée sur ce dossier, le président coupe l’herbe sous le pied de ses adversaires conservateurs et rallie à lui la majorité de l’opinion, qui espère voir se confirmer la baisse des crimes enregistrée durant l’année. Les activités dangereuses de sectes extrémistes, consti- tuées en milices plus ou moins armées, incitent en effet l’État fédéral à la vigi- lance. Cependant, les efforts pour réduire les entreprises terroristes achoppent sur les principes contradictoires de la société américaine oscillant, comme toujours, entre la répression et la préoccupation obsessionnelle de la préservation des droits de l’individu-citoyen.

Accusé de laxisme en matière de ré- pression de l’usage de la drogue, le pré- sident Clinton réplique en développant une campagne contre la consommation downloadModeText.vue.download 126 sur 602

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125 de tabac. Il concentre aussi ses efforts sur le soutien à la jeunesse du pays, crée une bourse fédérale pour les étudiants qui prolongent leurs études universitaires et peut se prévaloir de l’action de son épouse, Hillary Clinton, la « First Lady », en faveur de l’enfance. Soucieux de s’éri- ger en protecteur des plus défavorisés, tout en rejetant un interventionnisme excessif de l’État, M. Clinton réussit à gérer au mieux de ses intérêts de candi- dat-président la question sociale. À la fin du mois de juillet, le projet de loi du Sé- nat sur la réforme de l’aide sociale reçoit l’approbation du président, qui s’engage dans la voie d’une réforme du Welfare State tel que les États-Unis le connaissent depuis Lyndon Johnson et Franklin Roo- sevelt : sur six ans, le budget fédéral de l’aide sociale sera amputé de 55 milliards de dollars, l’assistance financière aux dé- munis sera limitée dans le temps, et les États bénéficieront d’une grande latitude de gestion de leur budget social.

En dépit de l’opposition du courant conservateur populiste incarné par Pat Bu- chanan, Robert Dole n’a pas de difficultés excessives à l’emporter sur ses concurrents pour l’investiture du Parti républicain. Son manque de charisme est en partie com- pensé par le choix de son colistier : Jack Kemp, un républicain « atypique » qui bénéficie d’une bonne popularité. Mais la montée, au sein du Parti républicain, d’un nouveau conservatisme très sectaire, sur lequel M. Dole n’a manifestement pas de prise, ne peut qu’inquiéter une partie de l’électorat modéré.

D’un côté comme de l’autre, il s’agit de rallier la classe moyenne toujours nos- talgique de la prospérité d’antan. La pro- messe d’allégements fiscaux ne suffit pas

à la convaincre. D’autant que Robert Dole se trouve, dans ce domaine, défié par le radicalisme de Ross Perot, lequel, en août, s’engage dans la campagne présidentielle à la tête de son parti de la Réforme, sans parvenir à y faire une percée comparable à celle de 1992.

C’est avec une habileté remarquable que Bill Clinton échappe à toutes les embûches. S’il embarrasse le président (en mai, trois des anciens associés de M. Clinton sont reconnus coupables de fraude, dans le cadre d’un investissement immobilier malheureux auquel avait par- ticipé le président, à l’époque gouverneur de l’Arkansas), le scandale Whitewater ne débouche finalement sur rien. En juin, une affaire de fiches sur les responsables républicains que, par erreur, le FBI a communiquées à la Maison-Blanche ne réussit pas davantage à déstabiliser le pré- sident, pas plus que la démission (pour une affaire de moeurs) de son conseiller, Dick Morris, ne freine sa marche vers l’investiture démocrate. Le résultat des élections (environ 50 % des voix pour Bill Clinton) assure une position confor- table au président, mais ne modifie pas la donne fondamentale de la politique amé- ricaine : un président démocrate face à un Congrès républicain. En effet, le Grand Old Party profite du scrutin pour renfor- cer sa position au Sénat et maintenir la majorité dont il dispose à la Chambre des représentants.

Les orientations de la politique étrangère

L’utilisation par M. Clinton de la politique étrangère à des fins électorales montre cette année ses limites. Le soutien à Gerry downloadModeText.vue.download 127 sur 602

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Adams, président du mouvement répu- blicain d’Irlande du Nord Sinn Féin, et le voyage triomphal du président américain en Irlande au mois de décembre 1995 ont sans doute rallié la communauté irlandaise américaine à la candidature démocrate, mais ils n’ont pas permis à la paix de pro- gresser. L’enlisement du processus de paix au Moyen-Orient laisse le même goût amer à la communauté juive des États-Unis. Ainsi, si elle est plus active que durant les deux premières années du mandat de Bill Clinton, l’Administration renonce aux initiatives spectaculaires et trouve ainsi l’équilibre exigé par les citoyens des États- Unis, qui, tout en donnant la priorité aux problèmes intérieurs, n’entendent pas pour autant renoncer à l’exercice de la prépondé- rance américaine dans les grandes affaires mondiales. En témoigne, en fin d’année, la virulente campagne contre la réélection au secrétariat général des Nations unies de Boutros Boutros-Ghali, accusé par les États-Unis de porter la responsabilité des échecs de l’organisation en Somalie et en Bosnie. L’opposition brutale et sectaire du républicain Jessie Helms, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, permet en même temps au président de se donner une image de dirigeant ouvert à la négociation internationale. Mais, cela n’empêche pas l’État fédéral de réduire for- tement ses dépenses extérieures en com- primant ses représentations diplomatiques, ses aides aux pays étrangers et sa contribu- tion (dont il s’acquitte, au demeurant, fort mal) au budget général des Nations unies.

L’Europe et l’OTAN

L’émergence de l’Union européenne, issue du traité de Maastricht (1992), rendait nécessaire la révision de l’accord conclu peu de temps auparavant (juin 1990) entre la Communauté et les États- Unis. Signé à Madrid, en décembre 1995, le nouvel agenda transatlantique a pour but de redéfinir les domaines de coopé- ration entre les États-Unis et l’UE. Ce document – jugé majeur pour l’avenir des relations euro-américaines – ne suscite pourtant que peu d’intérêt. Il est consi- déré par les Américains, sceptiques et prudents, comme un jalon sur une route longue et sinueuse, où tout dépend de la future évolution politique de l’Union européenne. Cette approche lente et mesurée caractérise également la posi- tion des États-Unis dans le processus de transformation de l’Alliance atlantique. Tout en proclamant que l’OTAN est plus indispensable que jamais, l’Administra- tion américaine rencontre aujourd’hui de nombreuses difficultés pour en faire une démonstration pleinement convaincante. Trois problèmes dominent l’année. En Bosnie, l’annonce par les États-Unis de leur retrait en fin d’année place l’OTAN dans une situation délicate, et ce d’autant plus que l’Administration américaine attend les élections de novembre pour décider de la suite à donner au mandat de l’IFOR (), initia- lement fixé pour une seule année. La par- ticipation française à l’OTAN dépendant encore d’une redéfinition des missions de l’Alliance ainsi que d’une transfor- mation des chaînes de commandement permettant aux Européens d’employer les moyens de l’organisation sans participa- tion directe des États-Unis, les tensions restent vives entre partisans et opposants à l’européanisation de l’OTAN. La créa- tion d’un commandement en chef ad- downloadModeText.vue.download 128 sur 602

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127 joint, l’attribution des commandements régionaux qui reviendraient à des officiers européens font l’objet d’âpres tractations. Enfin, reste la question de l’élargissement de l’Alliance atlantique aux pays de l’Est européen. Les États-Unis s’y sont officiel- lement engagés, mais les difficultés sont encore nombreuses. La clé de la question réside évidemment dans l’évolution des relations avec la Russie.

Relations avec la Russie et la Chine

En Russie, la réélection de Boris Eltsine, le déclin des ultranationalistes et des com- munistes confortent l’analyse de Stobe Talbott, secrétaire d’État adjoint spéciale- ment chargé des relations avec la Russie. La montée de Viktor Tchernomyrdine ne peut que satisfaire la Maison-Blanche, qui a institutionnalisé les entretiens entre le Premier ministre russe et le vice-président Al Gore. Reste que la personnalité va- cillante de Boris Eltsine laisse entrevoir un avenir convulsif et des rivalités de palais parmi lesquelles l’Administration améri- caine aura bien du mal à dégager des ten- dances claires pour des options définies. Le suivi au jour le jour de la scène russe constitue pour l’instant l’essentiel de l’atti- tude des Américains, qui maintiennent cependant quelques objectifs à long terme. De tous, le premier est de « faire de la Rus- sie un État inoffensif ». Le 1er juin 1996, sous l’oeil attentif du secrétaire américain à la Défense William Perry, qui, depuis deux ans, avait multiplié les voyages sur place, la dernière charge nucléaire stratégique quitte l’Ukraine.

La diminution du potentiel militaire russe pourrait faire de la Chine, dans un avenir plus ou moins proche, le dernier opposant sérieux à la domination mili- taire des États-Unis. Pour l’instant, les relations sino-américaines continuent d’être caractérisées par une extrême am- bivalence, accentuée par les intérêts éco- nomiques mutuels des deux pays et leurs valeurs culturelles très différentes. Sur la scène mondiale, la Chine ne cesse de dé- noncer l’« ingérence de la superpuissance hégémonique » et elle s’efforce de démon- trer que c’est elle, et non les États-Unis, qui définira les règles de la sécurité dans l’Extrême-Orient de l’après guerre froide. En mars, l’élection présidentielle qui a lieu à Taïwan est source d’une telle ten- sion que les États-Unis dépêchent d’im- portantes forces navales au large de l’île nationaliste qu’inquiètent les démonstra- tions militaires de Pékin.

Le Moyen-Orient

L’assassinat d’Yitzhak Rabin puis l’élec- tion du chef du Likoud, Benyamin Neta- nyahou, ont constitué autant de coups durs pour la diplomatie américaine sans, cependant, que l’intensification de la coopération militaire avec Israël en soit affectée, entre autres dans le domaine très avancé des programmes antimissile. Bien que la rencontre de Washington entre Yasser Arafat et M. Netanyahou, hâtivement improvisée en octobre 1996, n’apporte qu’un remède fragile au ralen- tissement du processus de paix, les États- Unis démontrent une fois de plus à quel point leur responsabilité est engagée dans les succès comme dans les échecs diplo- matiques de la région. L’Amérique rappelle cependant qu’elle sait toujours se servir de ses armes quand downloadModeText.vue.download 129 sur 602

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128 elle juge ses intérêts menacés. L’Irak de Saddam Hussein, déterminé à contrer l’action des États-Unis, passe par des phases d’apaisement et d’embrasement. Après avoir accepté, après de longs atermoiements, de lever partiellement l’embargo sur les livraisons de pétrole irakien, les États-Unis prennent prétexte des actions militaires de l’Irak au Kurdis- tan pour déclencher, en septembre 1996, des bombardements, puis pour étendre la zone d’exclusion aérienne et décider la suspension des mesures d’allégement qu’ils viennent de concéder. De tous les dossiers du Moyen-Orient, le plus brûlant reste celui de l’Iran, avec lequel les États- Unis ne sont jamais parvenus à trouver les voies d’un rapprochement depuis la révolution islamiste de 1979. L’Iran défie les intérêts des Américains et de leurs alliés dans la région, économiquement, politiquement et militairement, en soute- nant de nombreux mouvements hostiles aux Occidentaux, mais aussi en déve- loppant une stratégie défensive contre la présence militaire américaine dans la région. En outre, l’Iran est toujours soup- çonné d’être tenté par l’option nucléaire. L’amendement D’Amato-Kennedy, qui prévoit des sanctions économiques pour les sociétés non américaines investis- sant en Iran, constitue aujourd’hui une arme économique acceptée par la Mai- son-Blanche, mais à l’égard de laquelle les Européens – l’Allemagne en tête, et la France en soutien proche – entendent ne pas se plier. Enfin, l’Iran dispose d’une capacité d’influence suffisante pour atti- rer certains États et favoriser le déve- loppement de politiques divergentes de celle des États-Unis. C’est d’abord avec les Européens que le problème se pose.

C’est ensuite avec la Russie et la Chine, pour qui l’Iran constitue un client dans le domaine du nucléaire, des satellites, et donc des lanceurs (lesquels peuvent, à la limite, constituer des missiles balistiques à finalité militaire). Il n’est pas jusqu’aux relations avec la Turquie, signataire cette année d’un accord de livraison de gaz ira- nien ayant fortement irrité Washington, qui ne soient affectées par cette discorde.

S’agissant des États du Golfe, l’instabi- lité politique croissante a de quoi inquié- ter Washington : coup d’État au Qatar, troubles à Bahreïn, succession délicate en Arabie Saoudite, et un sentiment d’insé- curité générale, confirmé en juin par un nouvel attentat contre des forces améri- caines ayant provoqué, près de Dharan (Arabie Saoudite), la mort de 19 soldats. Faute de parvenir à imposer des solutions politiques et une certaine libéralisation des régimes de la région, les États-Unis renforcent leur dispositif militaire, pro- voquant une rancoeur accrue à l’égard de ce qui est souvent perçu comme une ingérence. Fin juillet, les troupes sta- tionnées en Arabie saoudite sont placées en état d’alerte maximale pour prévenir d’éventuels attentats.

Ce climat pousse l’Administration américaine à mettre l’accent sur la lutte contre le terrorisme, notamment lors du sommet du G7, à Lyon. L’explosion, en juillet, du Boeing de la TWA New York- Paris ravive cette inquiétude et projette une ombre menaçante sur les jeux Olym- piques d’Atlanta. Inévitablement, c’est immédiatement en termes de terrorisme que les médias interprètent un attentat, somme toute mineur, qui ensanglante les Jeux. Pourtant, aussi bien pour la catastrophe aérienne que pour l’explo- downloadModeText.vue.download 130 sur 602

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129 sion d’Atlanta, l’enquête se dirige vers des pistes (accident, acte isolé) de plus en plus éloignées de la théorie terroriste.

La défense

Le veto de l’Inde à la signature du traité d’interdiction complète des essais nu- cléaires (CTBT, pour Comprehensive Test Ban Treaty) marque une forte pause dans le processus relancé par la fin de la guerre froide. Le Sénat manifeste une telle oppo- sition à l’égard des protocoles de vérifica- tion du traité sur les armes chimiques que le gouvernement doit renoncer à présenter ce dernier pour ratification. D’autres initiatives, comme l’interdic- tion des mines terrestres antipersonnel, sont momentanément déboutées. Seul le traité START 2 (signé par la Russie et les États-Unis en 1993) est finalement ratifié par le Sénat. Le souffle des initiatives de 1992 semble donc coupé, à moins que la réélection de Bill Clinton ne lui donne une assise suffisante pour relancer les processus de négociation. Grâce à un budget de la défense maintenu à près de 260 milliards de dollars, les États-Unis conservent un haut niveau de recherche militaire, notamment pour le dévelop- pement des systèmes de communication et de commandement, la modernisation des forces réduites et les armes à longue portée guidées avec précision. Le grand débat sur la défense antimissile du ter- ritoire national, relancé en 1995 par les républicains, s’enlise cependant lui aussi. L’Administration s’oppose en douceur à des investissements prématurés sur des défenses stratégiques qui pourraient n’avoir jamais d’utilité ni d’efficacité. En revanche, elle maintient le cap sur le développement de systèmes antimissile destinés à la protection des zones où au- raient lieu des opérations extérieures du type guerre du Golfe. Encore a-t-il fallu faire accepter par les Russes le principe de la compatibilité de ces systèmes avec le traité sur les missiles antibalistiques (ABM, pour Anti-Balistic Missile). En septembre, au terme de pointilleuses discussions, un accord de clarification est signé par les deux États de manière à établir par des critères techniques (portée 3 500 km, vitesse 5 km/s) la distinction entre missiles stratégiques et missiles tactiques. Pour le reste, républicains et démocrates poursuivent leur querelle sur la nature et l’imminence de la menace de missiles balistiques contre le territoire des États-Unis. La CIA est récemment attaquée pour avoir présenté des rapports incomplets et excessivement optimistes. Ces critiques accentuent le malaise du monde du renseignement américain, qui ne parvient pas à définir ses nouvelles missions et à se réorganiser efficacement, en dépit de l’action du nouveau direc- teur de la CIA, John Deutch, proche du président Clinton. D’où la multiplication des bavures et des frictions, y compris avec des alliés comme la France dans le domaine vague et dérapant du « rensei- gnement économique ».

FRANÇOIS GÉRÉ U Chrono. : 17/01, 26/01, 17/02, 29/02, 31/03, 15/05, 28/05, 8/06, 17/06, 16/07, 17/07, 27/07, 31/07, 23/08, 29/08, 3/09. downloadModeText.vue.download 131 sur 602

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CANADA

L’année 1996 s’inscrit dans la foulée des résultats du référendum québécois du 30 octobre 1995 : c’est à une querelle venimeuse que se sont livrés le gouver- nement fédéral et celui du Québec. La question de la langue au sein de la Belle Province, les compressions budgétaires et les manoeuvres préélectorales fédérales ont contribué à tendre le climat sociopo- litique de l’année.

Un désaccord croissant avec Washington

Bien qu’en septembre le gouvernement ca- nadien applaudisse aux bombardements américains en Irak, les relations entre Ot- tawa et Washington se sont dégradées à la suite de l’adoption par le Congrès améri- cain, en mars, de la loi Helms-Burton, qui permet aux États-Unis de sanctionner les compagnies non américaines qui inves- tissent à Cuba. Le ministre des Affaires étrangères canadien, Lloyd Axworthy, ne cède pas face aux pressions américaines et fait voter, en septembre, une loi qui permet à Ottawa de prendre des mesures de rétorsion. M. Axworthy critique éga- lement les prétentions de Washington à régenter le fonctionnement de l’ONU.

Rigueurs budgétaires

Les politiques de limitation des dépenses se poursuivent aussi bien à Ottawa que dans les provinces. En Ontario, le gou- vernement conservateur du Premier mi- nistre Mike Harris poursuit sa politique drastique de compression budgétaire en supprimant environ 20 % des effectifs de la fonction publique (13 000 suppres- sions d’emploi) et en sabrant dans les programmes sociaux. Le Québec s’en- gage, en mars, dans un programme de compression budgétaire radical, visant à équilibrer le budget en quatre ans. Les économies annoncées par le gouverne- ment fédéral suscitent un émoi certain dans l’opinion publique, qui lui reproche d’oublier ses promesses électorales. En 1993, le Parti libéral avait promis la sup- pression ou la modification de la taxe de vente fédérale, la TPS (taxe sur les pro- duits et les services), Sheila Copps, actuel vice-Premier ministre, s’étant alors enga- gée à démissionner en cas de non-respect de cet engagement. Le vote du budget 1997 démontrant que le dossier de la TPS ne serait jamais ouvert, S. Copps est contrainte de démissionner en mai. Le ministre des Finances, Paul Martin, re- connaît alors que cette promesse avait été « une erreur ». Cependant, l’opposition ne parvient pas à profiter de ces événe- ments. Le Parti conservateur, écrasé lors des élections fédérales de 1993, plafonne à 12 % des intentions de vote. Le Parti réformiste, avec qui les conservateurs ont caressé un temps un projet d’alliance électorale, s’est radicalisé sur des posi- tions très conservatrices (opposition à l’avortement. abolition des programmes sociaux, déclarations racistes, rejet des homosexuels). Cela a érodé son capi- tal de sympathie, acquis sur des thèmes comme la réduction des impôts, les créa- tions d’emploi, la réduction des déficits et la moralisation de la vie publique, et l’a fait passer de 17 à 12 % des intentions de vote. De fait, à l’exception du Québec, le Parti libéral se retrouve sans adversaire dangereux pour les élections législatives downloadModeText.vue.download 132 sur 602

MONDE

131 anticipées, que la rumeur annonce pour le printemps 1997.

Scandale dans l’armée

L’armée canadienne est à nouveau ébran- lée par les révélations sur le comporte- ment d’un régiment d’élite ayant partici- pé à l’intervention de l’ONU en Somalie en 1993. La divulgation de documents prouvant des pratiques dégradantes de « bizutage » et des violences racistes à l’encontre de nombreux Somaliens avait déjà entraîné la dissolution d’un autre régiment en janvier 1995. Les plus hauts gradés sont cette année mis en cause. Le général Jean Boyle, chef d’état-major, est accusé d’avoir falsifié des documents pour cacher les mauvais traitements que l’armée canadienne a infligés aux Soma- liens. De nombreux généraux et colonels seraient impliqués dans ce scandale. Le soutien apporté par le gouvernement fédéral au général J. Boyle rend l’affaire plus politique et écorne encore davantage l’image des dirigeants du pays.

Vers la sécession du Québec : le « plan B »

Tendues tout au long de l’année, les rela- tions entre Ottawa et Québec, où Lucien Bouchard remplace Jacques Parizeau à la tête du gouvernement, sont marquées par les suites du référendum de 1995, qui a vu une très courte majorité refuser l’indépendance de la Belle Province. Le Premier ministre fédéral Jean Chrétien affirme, en avril, ne pouvoir engager le processus de réforme de la Constitution, à laquelle il s’était pourtant engagé pen- dant la campagne référendaire. Ottawa privilégie une stratégie d’affrontement juridique. En 1995, M. Chrétien affir- mait que l’issue du scrutin serait « irré- versible », légitimant ainsi le verdict des urnes. Mais la légalité d’un troisième référendum québécois sur la souverai- neté est désormais remise en cause. En cas d’indépendance, disent en substance M. Chrétien, Allan Rock, le ministre de la Justice, et Stéphane Dion, le ministre des Affaires intergouvernementales, le ter- ritoire du Québec devrait être découpé. Enfin, le gouvernement fédéral déclare, en mai, que le reste du Canada devrait donner son aval à un projet de sécession du Québec. Il soutient l’avocat Guy Ber- trand, qui conteste devant les tribunaux la légitimité d’une sécession unilatérale du Québec, puis saisit directement la Cour suprême à propos de la légalité de la démarche indépendantiste du gou- vernement québécois. Cette démarche d’affrontement est aussi bien condamnée par le Parti québécois (PQ, au pouvoir) que par le Parti libéral du Québec (PLQ, opposition). Le gouvernement québécois réagit en faisant voter par l’Assemblée, fin mai, une résolution de principe qui affirme le droit du Québec à déclarer sa souveraineté sans l’assentiment d’Ot- tawa ; un geste approuvé, d’après un son- dage, par 67,7 % des Québécois.

Ce durcissement de ton s’exprime de plusieurs façons. En juin, le ministre fédéral des Ressources humaines, Doug Young, soutenu par Jean Chrétien, a cri- tiqué un député du Bloc québécois d’ori- gine chilienne, arguant qu’il était scanda- leux que des immigrés, accueillis par le Canada, veuillent ensuite le « détruire » et qu’ils devraient quitter le pays. L’annonce, en juin et juillet, d’une forte hausse du downloadModeText.vue.download 133 sur 602

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132 taux de chômage au Québec, lequel atteint alors plus de 12 %, donne lieu à des analyses contradictoires. Ottawa y voit la conséquence des incertitudes po- litiques sur l’avenir du Québec. La Belle Province refuse cette explication et cite le cas de Terre-Neuve, où le chômage est monté au-dessus de 20 %. Enfin, la stra- tégie du gouvernement fédéral donne lieu à des échanges acrimonieux entre M. Chrétien et Daniel Johnson, le chef du PLQ, qui sont pourtant des alliés objec- tifs. M. Johnson affirme, en septembre, qu’« aucun chef ou parti [sous-entendu, le Parti libéral du Canada et J. Chrétien] ne peut se réclamer de [son] appui ». Des craquements se font également entendre à Ottawa, parmi les fédéralistes franco- phones du gouvernement, qui rappellent à M. Chrétien ses promesses de réforme de la Constitution fédérale.

Les passions linguistiques refont surface

Au Québec, dans ce climat de relations tendues avec Ottawa et de manoeuvres en vue d’un probable troisième référen- dum, le débat linguistique refait surface. De nombreuses associations de défense des droits des anglophones, débordant les instances traditionnelles, réclament le retour au bilinguisme total dans la langue d’affichage et la suppression de l’obligation faite aux immigrants non anglophones d’envoyer leurs enfants à l’école francophone. Ces revendications nouvelles constituent un durcissement de la part de ces nouveaux porte-parole de la communauté anglophone. La loi actuelle sur l’affichage, la loi 86, votée par les libéraux en juin 1993, était une tenta- tive pour trouver un modus vivendi entre les revendications de toutes les com- munautés. Elle prévoyait que l’affichage commercial bilingue était possible, avec prédominance du français.

Pressé d’un côté par les revendi- cations anglophones, de l’autre par les ultras francophones, qui prônent le réta- blissement de l’interdiction de tout affi- chage bilingue, le gouvernement du Pre- mier ministre, Lucien Bouchard, obtient difficilement, lors du congrès du Parti québécois de ce printemps, un moratoire de un an sur toute révision parlemen- taire de la loi 86 : le 1er mai, seuls 55 % des délégués votent en faveur de la ligne du gouvernement. L’attitude conciliante de M. Bouchard est fortement malmenée par le caractère passionnel du débat, par les interventions des nationalistes franco- phones et par la menace des mouvements anglophones d’aller plaider la cause de leur minorité auprès des Américains. Howard Galganov, président du Que- bec Political Action Committee, menace d’aller demander aux financiers de Wall Street de ne plus investir au Québec si la loi 86 n’est pas amendée immédiatement. Menace a priori d’autant plus sérieuse que la crise économique semble devoir per- durer au Québec, où les investissements des entreprises sont en chute, et que les campagnes des Amérindiens contre les projets hydroélectriques québécois ont toujours rencontré un grand succès au- près du public américain. En septembre, l’activiste met ses menaces à exécution, soutenu implicitement par M. Chrétien, mais il se heurte à un mur d’indifférence : un seul parlementaire américain le reçoit, pour lui rappeler que les affaires inté- rieures canadiennes ne dépendent pas de downloadModeText.vue.download 134 sur 602

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Washington ; à Wall Street, aucun inves- tisseur ne se déplace pour l’entendre. Les

élites américaines ont ainsi rappelé de façon on ne peut plus claire que la ques- tion québécoise reste entre les mains des

Canadiens. U Chrono. : 29/01, 2/10.

FRÉDÉRIC LASSERRE downloadModeText.vue.download 135 sur 602

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MEXIQUE, AMÉRIQUE CENTRALE ET CARAÏBES

Après les graves difficultés écono- miques provoquées par la crise mexicaine, l’Amérique centrale connaît une année un peu plus stable. La loi Helms-Burton complique encore les rela- tions de Cuba avec le grand voisin améri- cain, tandis que, de manière chaotique, le modèle démocratique et libéral tend à se consolider dans le reste de la région.

Mexique

Après avoir subi en 1995 la pire des réces- sions connues par le pays depuis soixante ans, l’économie montre des signes de récupération. Le PIB augmente de 3 % au premier semestre, la balance com- merciale est positive, les exportations en direction de l’Amérique latine (notam- ment du Chili et de la Colombie) aug- mentent considérablement, l’inflation (18,5 %) se réduit de moitié par rapport à 1995. Au début de février, alors que l’on disait le parti moribond, le Parti révolu- tionnaire institutionnel (PRI) remporte, aux dépens du Parti d’action nationale (PAN, opposition conservatrice), des élections triomphales en Basse-Califor- nie, récoltant 12 sièges parlementaires sur 15 et s’assurant de 4 municipalités sur 5. Fin mars, le gouvernement annonce une série de mesures pour faire face à la croissance de la criminalité – en 1995, le nombre des délits a augmenté de 35 % ; parmi celles-ci, les plus significatives sont le recours aux écoutes téléphoniques, les dépositions de témoins anonymes, l’abaissement à seize ans de l’âge de la res- ponsabilité pénale et la justice rendue par des magistrats masqués, un expédient mis en pratique en Colombie, puis éten- du au Pérou.

Fin juin, un nouveau groupe armé apparaît dans l’État de Guerrero. Une centaine d’individus masqués qui se pré- sentent comme des dirigeants de l’Armée populaire révolutionnaire (EPR) commé- morent le premier anniversaire de l’assas- sinat de paysans par la police du Guer- rero, près du hameau de Aguas Blancas, à 40 km d’Acapulco ; le groupe disparaît après avoir lu une « déclaration de Aguas Blancas » dans laquelle il annonce son intention de mener la lutte armée contre « un gouvernement anti-populaire qui dé- fend les intérêts des financiers étrangers et des affairistes nationaux ». Les forces de l’ordre envoyées sur les lieux rentrent bredouilles, la région étant plongée dans le chaos provoqué par l’ouragan Boris. Ce nouveau groupe armé est accueilli par un désaveu général, y compris des zapatistes qui veillent à marquer leurs distances à son égard. La démonstration de l’EPR, survenue deux jours avant la présenta- tion par le sous-commandant Marcos (dirigeant du mouvement zapatiste) d’un forum public pour la réforme de l’État au Chiapas, place effectivement les zapa- tistes et leurs alliés dans une situation embarrassante. Une saisie effectuée dans une cache d’armes, en juillet, permettrait d’établir un lien entre l’EPR et une orga- nisation armée surgie dans les années 60, le PROCUP-PLD (Parti ouvrier clandes- tin union du peuple-Parti des pauvres), dont le principal dirigeant est emprison- né depuis 1990. À la veille du message à la nation du président Ernesto Zedillo, dans downloadModeText.vue.download 136 sur 602

MONDE

135 la nuit du 28 au 29 août, l’EPR lance une série de sept opérations dans quatre États (Oaxaca, Guerrero, Mexico, Michoacán), faisant 13 morts et 30 blessés. L’armée – selon certaines sources, 10 000 soldats – se déploie dans la Sierra Madre du Sud, zone d’accès difficile où les trafiquants de drogue se sont installés et où se pratique sur une vaste échelle la culture de la mari- juana et du pavot. Dans le même temps, l’AZLN (Armée zapatiste de libération nationale), qui a organisé du 27 juillet au 3 août une « Rencontre interconti- nentale contre le néolibéralisme et pour l’humanité », décide de suspendre ses négociations avec le gouvernement. Fin septembre, les autorités municipales de l’État de Chihuahua annoncent l’appari- tion d’un nouveau groupe armé, l’Armée populaire Villista (pour Pancho Villa). D’autres mouvements de guérilla sont signalés dans les États de Puebla, Hidalgo et Vera Cruz.

U Chrono. : 16/02, 25/06.

Costa Rica

La désillusion de l’opinion publique à l’égard de la vie politique s’aggrave au Costa Rica, où la protestation contre les mesures d’austérité du président José- Maria Figueres est particulièrement virulente dans la fonction publique : 50 000 enseignants font grève pendant un mois, affrontant même la police fin juillet et, en août, une manifestation réu- nissant plus de 100 000 fonctionnaires est sévèrement réprimée à San José. La situa- tion économique du premier semestre se présente mal : des inondations entraînent la perte de 15 à 20 % de la récolte de ba- nanes, le taux de croissance est en baisse et le déficit budgétaire passerait de 0,5 % à 2 %.

Guatemala : la fin de la guerre civile

L’année s’annonce incertaine, le 7 janvier, lorsque Alvaro Arzú, un homme d’af- faires candidat du parti conservateur, le Parti pour l’avancement national (PAN), gagne, grâce au vote des citadins, le se- cond tour des élections présidentielles contre Alfonso Portillo, soutenu par l’ancien dictateur, le général Ríos Montt, chef du Front républicain guatémaltèque (FRG). Le pourcentage d’abstention élevé (plus de 60 %) est attribué au manque de crédibilité des partis. La guerre de gué- rilla menée par l’URNG (Union révolu- tionnaire nationale guatémaltèque, qui regroupe les quatre organisations de la guérilla) continue, le calendrier de paix semblant retardé d’un an. La coalition de gauche, partisane d’une intégration de l’URNG à la vie politique légale, n’ob- tient d’ailleurs que 6 sièges au Parlement (7,7 % des voix).

Mais, en février, le chef de l’État (il a échappé à un attentat au début du mois) se rend secrètement à Mexico afin de rencontrer les dirigeants de l’URNG, et, pour la première fois depuis la naissance de la guérilla, en 1960, trente-six ans après le début d’une guerre qui a fait près de 100 000 morts, un accord de paix est en vue. Le 20 mars, l’URNG annonce la suspension des opérations militaires of- fensives, et des négociations s’organisent à Mexico sous l’égide des Nations unies, essentiellement sur le lotissement de 500 000 paysans sans terre et l’épuration de la police et de l’armée, au pouvoir de- downloadModeText.vue.download 137 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

136 puis trente ans. Un premier accord, signé le 6 mai, porte sur la terre, l’éducation et la santé. Un nouveau cadastre devra être établi, ainsi qu’un impôt, visant l’oli- garchie foncière, sur les terres en friche. Reste à régler l’épuration de l’armée et les réformes constitutionnelles. Le 19 sep- tembre, le second volet de ce traité est ratifié par les deux parties. Il implique la réorganisation de la police, la réduction d’un tiers des effectifs militaires, la réduc- tion du budget de la défense, la limitation de la possession d’armes, le contrôle des activités des entreprises de sécurité pri- vées et la limitation de la juridiction des cours de justice militaires. L’URNG an- nonce son intention de former un parti politique. Peu de temps après la signature de l’accord, le président Arzú procède à une purge au sein des hauts commande- ments de l’armée, des douanes et de la po- lice, accusés de complicité dans des actes de contrebande et de corruption.

U Chrono. : 7/01, 6/05, 11/11.

Salvador

Quatre années après la fin d’une guerre civile qui fit 75 000 morts, le Salvador tente d’attirer les investisseurs étrangers. Le Salvador est le pays le plus industria- lisé et le plus dynamique d’Amérique cen- trale, il a connu l’an dernier un taux de croissance de 6 %, maîtrisé son inflation, il ignore presque le déficit budgétaire et a réduit son appareil d’État (15 000 fonc- tionnaires sur 95 000 licenciés depuis août 1995) comme le lui recommandait le FMI. C’est donc en toute logique que les capitaux étrangers, notamment taïwa- nais, nord-américains et sud-coréens, s’y installent, essentiellement dans les zones franches (maquiladoras). Mais ce développement connaît des limites, dues à une insécurité supérieure à celle de la Colombie et au désarroi d’une popula- tion marquée par les années de guerre. Si le taux de chômage officiel est de 12 %, il serait de 40 % pour les syndicats. Héri- tage de la guerre civile, la culture de la violence est solidement ancrée. Comme au Mexique, et pour les mêmes raisons, les lois pénales sont modifiées afin de combattre la délinquance.

Le 8 septembre, le président du parti ARENA (Alliance républicaine natio- naliste), Juan José Domenech, accusé de corruption, de trafic de voitures et de blanchiment de narcodollars, est contraint de démissionner. La princi- pale force d’opposition au Parlement, le FMLN (front Farabundo Marti de libé- ration nationale), scindée en deux cou- rants, social-démocrate et « orthodoxe », réclame une réforme électorale pour limiter la fraude. Les 27 et 28 juillet 1996, à l’initiative du FMLN, se tient, dans la capitale salvadorienne, le Foro de São Paulo, qui rassemble la plupart des com- posantes de la gauche latino-américaine.

Nicaragua

Alors que la situation économique reste satisfaisante, la vie politique est dominée par la préparation des élections présiden- tielles du 20 octobre. Malgré la présence de vingt-trois candidats, on assiste à une polarisation de l’électorat sur Arnoldo Alemán Lacayo, candidat du parti libé- ral, et sur le représentant du Front san- diniste, l’ancien président Daniel Or- tega Saavedra (au pouvoir entre 1979 et 1990), qui tente de faire oublier son downloadModeText.vue.download 138 sur 602

MONDE

137 passé de marxiste-léniniste en se ralliant aux consignes du FMI et en cherchant à plaire à la hiérarchie catholique. Frôlant les 50 % des voix, A. Alemán est élu dès le premier tour, la Constitution voulant que le président puisse être élu avec au moins 45 % des voix à ce stade du processus électoral. D. Ortega et le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) contestent la régularité du scrutin et lancent une campagne pour son annulation, mais les engagements du nouveau président (il prendra ses fonctions en janvier 1997) laissent peu de chances aux sandinistes de trouver un soutien suffisant dans la population : A. Alemán a en effet promis, aux coopératives et aux paysans bénéfi- ciaires de la réforme agraire sandiniste, des actes de propriété définitifs, tout en faisant appel à la communauté interna- tionale pour aider le Nicaragua à indem- niser les propriétaires expropriés.

U Chrono. : 20/10.

Honduras

L’année est marquée par une partie de bras de fer entre le pouvoir civil et l’ar- mée, qui tente, sinon de se maintenir au pouvoir, du moins de conserver ses pré- bendes (telles que l’administration des télécommunications) et d’obtenir l’assu- rance de ne pas être inquiétée pour les violations aux droits de l’homme com- mises dans les années 80. Contre le der- nier commandant militaire des forces armées, le général Mario Hung Pacheco, qui veut imposer le choix du ministre de la Défense, le président Carlos Roberto Reina fait connaître son propre choix, le

15 février. Le général doit s’incliner.

Par ailleurs, un scandale révèle les liens qui se sont tissés entre les cercles politiques et les milieux des trafiquants de drogue, le Honduras étant devenu un lieu de transit de la cocaïne et de la marijuana en provenance de Colombie et en direction du marché nord-américain. L’industrie d’assemblage à destination du marché nord-américain connaît un déve- loppement rapide, mais les conditions de travail des 75 000 personnes employées par les 156 entreprises du secteur sont dénoncées par la confédération interna- tionale des syndicats libres.

Les relations avec le Nicaragua sont très tendues. Objet du litige, la question de la limite des eaux territoriales et des territoires de pêche provoque au moins un affrontement armé (mai), faisant craindre l’imminence d’un conflit.

Panamá

Les incursions de guérilleros colom- biens servent de prétexte au parti gou- vernemental (PRD, Parti révolutionnaire démocratique) pour proposer la consti- tution d’un corps militaire d’élite chargé de veiller au respect des frontières. Ce projet suscite des protestations au sein de la classe politique, qui craint le retour au pouvoir des hommes qui le détenaient pendant les vingt et un ans de la dictature militaire.

Au Panamá, l’essentiel de la vie poli- tique reste commandé par la question du maintien de la présence américaine après le 31 décembre 1999. En juillet, un scan- dale éclabousse la campagne électorale du président Ernesto Pérez Balladares (1994), accusé d’avoir été financé par l’ar- downloadModeText.vue.download 139 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

138 gent des narcotrafiquants, dont les acti- vités se sont développées dans le pays au cours des deux dernières années.

Cuba

La récupération économique se poursuit (au premier semestre, le taux de crois- sance est de 9,6 %), mais ne s’accom- pagne pas d’une amélioration sensible des conditions de vie de la majorité des Cubains. Alors que l’embargo nord-amé- ricain suscite des critiques internationales bénéficiant au régime castriste, les forces aériennes cubaines abattent, le 24 février, deux avions civils affrétés par une orga- nisation d’exilés cubains, Hermanos al Rescate (« frères à la rescousse »). Peu après cet événement, Bill Clinton finit par signer, en mars, la loi Helms-Burton, qui renforce l’embargo contre Cuba. De nombreux pays, l’Union européenne, le Canada et même le Vatican (Jean-Paul II reçoit Fidel Castro à Rome en novembre) s’élèvent alors contre l’attitude américaine vis-à-vis de La Havane.

Haïti

La présidence de René Préval, élu en 1995, s’annonce difficile, alors que la retraite politique de Jean-Bertrand Aris- tide est interprétée comme la défaite des plus pauvres. Dans une société où la violence n’a pas été jugulée par le retour aux normes constitutionnelles, l’impré- paration des nouvelles forces de police souligne le chaos social. Le 19 août, une attaque contre des bâtiments publics de Port-au-Prince, suivie quelques jours plus tard par des assassinats politiques, permet aux États-Unis de renforcer leur présence militaire. Leur tutelle s’alourdit dans un pays ruiné dont le gouvernement ne semble disposer d’aucune marge de manoeuvre.

République dominicaine

À la suite d’accusations de fraudes électo- rales, qui avaient mis le pays au bord de la guerre civile en 1994, le président Joaquín Balaguer est contraint d’écourter son sep- tième mandat et de ne pas se représenter. Mais, à la veille de son 89e anniversaire, le dictateur ne cède pas la place aisément ; dans les derniers mois de sa présidence, il place à la tête de la police le général Enrique Pérez y Pérez, responsable de la répression qui fit des milliers de morts dans les années 70, et confie la direction de l’armée à un de ses inconditionnels, le général Yvan Hernández Oleaga. Il peut, en outre, compter sur l’appui du second personnage d’influence dans le pays, le cardinal archevêque de Santo Domingo, Mgr Nicolás López Rodríguez, qui s’en prend au « Réseau citadin d’observateurs électoraux », créé afin d’éviter les fraudes qui se produisirent lors des élections de 1994.

Au premier tour, le candidat du PRD (Parti révolutionnaire dominicain) José Francisco Peña Gómez, vice-président de l’Internationale socialiste, mène par 45,84 % des voix contre 38,85 % au can- didat du PLD (Parti de la libération do- minicaine), Leonel Fernández, un avocat mulâtre de quarante-trois ans qui a passé son enfance à New York. Ce résultat en- traîne une alliance contre nature entre J. Balaguer (il abandonne le candidat de son propre parti, le parti de la Réforme, l’homme d’affaires Jacinto Peynado), avec son rival de toujours, Juan Bosch, diri- downloadModeText.vue.download 140 sur 602

MONDE

139 geant du PLD, qui se réclamait naguère du marxisme. Contre J. F. Peña Gómez, qui est noir, et que ses adversaires prétendent né en Haïti, se déclenche une campagne raciste. Des rafles contre des Haïtiens en situation irrégulière provoquent quelques tensions diplomatiques. Aussitôt la vic- toire acquise, le 30 juin, avec plus de 51 % des voix, L. Fernández annonce son in- tention de faire appel à des hommes de tous les partis. Il est vrai qu’il ne possède aucune majorité au congrès (57 sièges au PRD contre 12 au PLD). La passation de pouvoir a lieu le 16 août. Fernández doit compter, pour diriger le pays, avec le par- ti de la Réforme de J. Balaguer, auquel il a dû donner des assurances.

MARIE-DANIELLE DEMÉLAS-BOHY downloadModeText.vue.download 141 sur 602

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AMÉRIQUE DU SUD

Coup d’État manqué au Paraguay, élec- tions présidentielles en Équateur, manifestations de la misère au Venezuela, réussite économique du Chili qui ouvre au Mercosur la voie des échanges avec l’Asie : l’Amérique du Sud s’avance vers le XXIe siècle en ordre dispersé, mais toujours hantée par les questions de la démocratisation, de la libéralisation de l’économie et de la pauvreté.

Argentine

En avril, un scandale révèle que l’Argen- tine a vendu des armes à l’Équateur, en conflit contre le Pérou en 1995, et qu’elle avait précédemment vendu des armes à la Croatie. Le ministre de la Défense refuse cependant de démissionner, en arguant que, si le ministre responsable devait démissionner chaque fois que son admi- nistration commet un délit, il ne resterait pas un seul ministre en place. En juillet, le président Carlos Saul Menem obtient la démission de Domingo Felipe Cavallo, ministre de l’Économie depuis cinq ans et demi, auteur de la convertibilité du peso en dollar, du retour à la stabilité et du ralentissement de l’inflation. M. Ca- vallo était en conflit avec les députés du Parti justicialiste (perroniste, au pouvoir) qu’il accusait de corruption, mais aussi avec les syndicats, qui lui reprochaient ses mesures économiques. Il est remplacé par Roque Fernandez, ancien président de la banque centrale, qui ne change pas de politique, mais annonce de nouvelles mesures impopulaires : augmentation des impôts, réduction des dépenses, etc.

Le 8 août, une grève générale d’une journée, déclenchée à l’appel des trois principales confédérations syndicales argentines, est très suivie à Buenos Aires et dans les grandes villes de l’intérieur. Il s’agit de la quatrième et plus impor- tante grève depuis la venue au pouvoir de C. Menem, en 1989. La démission forcée de M. Cavallo, « l’homme du FMI », a transformé C. Menem en unique respon- sable de la politique économique contes- tée par les grévistes : le chômage touche 17,1 % de la population active et dépasse- rait 20 % dans l’agglomération de Buenos Aires. Les allocations chômage n’existant pratiquement pas, la pauvreté s’étend. Les systèmes d’enseignement et de santé se dégradent, et le budget militaire est réduit. Dans ce pays jusqu’alors à l’abri de l’insécurité, la criminalité prend des pro- portions inquiétantes.

La baisse de la production industrielle se poursuit au début de l’année. En 1996, la croissance ne devrait pas dépasser 2 %, les exportations reprennent sans être suivies ni par les investissements ni par la consommation. De fortes polémiques se déchaînent autour de la dernière tranche de privatisations, difficilement acceptées par le Congrès (aéroports, cen- trales nucléaires, et le coûteux barrage de Yacyreta).

En octobre, une fraude douanière est révélée au public. Elle porte sur l’importation de 10 milliards de dollars de marchandises distribuées dans le cir- cuit économique normal (équivalant à 3 milliards de pertes pour le fisc, soit la moitié du déficit budgétaire). Début oc- tobre, le président Menem, reconnaissant l’existence d’une « mafia » dans le pays, downloadModeText.vue.download 142 sur 602

MONDE

141 annonce la fusion de l’administration des douanes avec celle des impôts. U Chrono. : 26/07, 26/09.

Bolivie

La contestation sociale se poursuit contre un gouvernement que la mort acciden- telle de Max Fernandez, dirigeant de la UCS (Unité civique solidarité) et asses- seur du président Gonzalo Sanchez de Lozada (élu en 1993), a privé d’un utile soutien. Les paysans du Chapare accusent la police d’agir dans leur région comme une force d’occupation et refusent la des- truction des plantations de coca, si on ne leur propose pas de cultures de rem- placement. Par ailleurs, en juillet, une grève générale est organisée contre les nouvelles caisses de retraite, conçues sur le modèle chilien et contrôlées par des intérêts chiliens. D’autres mouvements sociaux se développent : chez le person- nel de la Lloyd, l’ancienne compagnie aérienne nationale désormais propriété du groupe brésilien Vasp, ainsi que chez les employés des chemins de fer, passés au groupe chilien Cruz Blanca. La Cen- trale ouvrière bolivienne (COB) réclame la fixation du salaire minimum à 123 dol- lars (contre 46 dollars jusqu’alors).

Alors que l’opinion publique accepte mal la présence croissante d’intérêts chiliens dans le pays, les relations diplo- matiques reprennent entre les présidents des deux pays, la Bolivie étant toujours préoccupée d’obtenir un accès à la mer.

Brésil

Le plan réal, lancé lorsque l’actuel prési- dent, Fernando Henrique Cardoso, était ministre des Finances, a porté l’infla- tion de 900 % à 20 % en 1995. Mais les taux d’intérêt élevés limitent les inves- tissements des firmes brésiliennes ; la croissance ralentit, les licenciements se multiplient, ce qui amène les syndicats à appeler à une grève générale, relati- vement peu suivie, le 21 juin. Pour la première fois depuis dix ans, la balance commerciale est déficitaire, le réal fort ré- duisant les exportations. Le déficit public augmente (4,2 % du PIB). Alors que la ré- duction des déficits passe par la maîtrise de la fraude, un nouveau scandale met en cause la banque centrale en février. Le processus de privatisation des entre- prises brésiliennes, commencé en 1991, se poursuit à un rythme moins soutenu.

Le gouvernement, dépourvu de majo- rité parlementaire, est contraint de négo- cier avec chacun, au coup par coup. Les élections municipales d’octobre voient un recul des partis conservateurs qui profite au parti des Travailleurs (PT). En avril, la répression d’une manifestation du MST (Mouvement des sans-terre), à Eldo- rado dos Carajas, tue une vingtaine de personnes. Un ministère de la Réforme agraire, confié à un ancien communiste, est alors créé. Mais, les effets de cette décision se faisant attendre, les occupa- tions de terres par les militants du MST reprennent en septembre.

U Chrono. : 17/04.

Chili

L’excellente santé de l’économie chilienne se confirme. Les taux d’investissement national approchent ceux des « tigres » asiatiques (28,1 % du PIB en moyenne, entre 1990 et 1995). Les investissements downloadModeText.vue.download 143 sur 602

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étrangers se maintiennent, principale- ment dans le secteur minier, le Canada occupant une part croissante, suivi de l’Afrique du Sud. L’ambition chilienne de s’intégrer à l’ALENA (Accord de libre- échange nord-américain) n’aboutissant pas, le Chili intègre le Mercosur (Mar- ché commun du cône sud), en juin. Au sein du Mercosur, le Chili, qui représente 8,6 % des investissements étrangers réa- lisés en Argentine (presque à égalité avec l’Allemagne) et qui y exporte plus de capitaux que de marchandises, obtient de pouvoir commercer librement avec d’autres partenaires, en maintenant ses droits de douane à 11 %, ainsi qu’un délai de dix-huit ans pour supprimer les protections douanières de ses céréaliers. Par ailleurs, la communauté des Indiens Mapuches (près de 7 % de la population) annonce son intention de constituer un parti politique pour obtenir le rétablis- sement de ses droits historiques sur cer- taines régions.

Colombie Alors que le président Ernesto Samper se maintient à la tête du pays, en dépit de l’excommunication fulminée contre lui par les États-Unis, le contrôle d’une partie croissante du territoire national semble échapper au gouvernement. Le 28 août, les FARC (Forces armées révo- lutionnaires de Colombie) et l’ELN (Ar- mée nationale de libération) lancent une offensive générale qui se traduit, dans la moitié des départements colombiens, par 26 attaques simultanées contre des unités mal préparées de la police et de l’armée ; une soixantaine de soldats et de policiers sont tués. Le 30 août, les forces de sécu- rité désamorcent 8 mines à 100 mètres du palais gouvernemental. Cette offensive de la guérilla coïncide avec les protestations des producteurs et cueilleurs de coca de la zone de Caqueta, dont les planta- tions sont traitées à l’herbicide par voie aérienne. Le 1er septembre, les FARC at- taquent la base militaire de Las Delicias, tuent 27 soldats et font 60 prisonniers (toujours retenus en otages à la mi-oc- tobre), la guérilla exigeant du gouverne- ment la démilitarisation d’une partie du département de Caqueta, en contrepartie de leur libération. À la fin de l’année, les actions des guérilleros se font presque quotidiennes.

La possibilité d’une paix durable semble peu probable, les trafics en tous genres dont bénéficient les groupes de lutte armée (drogue, enlèvements, extor- sions) ne les incitant guère à déposer les armes.

U Chrono. : 14/2, 16/04, 10/09.

Équateur

Les élections générales de 1996 s’annon- çaient difficiles, les bons résultats écono- miques du pays ayant été minés par les graves crises politiques et institution- nelles de 1995, auxquelles s’ajoutaient les effets déplorables de la guerre contre le Pérou. Elles sont finalement riches en rebondissements. Pour la première fois, les candidats pouvaient se présenter sans l’investiture d’un parti. Ainsi, un journa- liste de télévision, Freddy Ehlers, annon- çant sa candidature dès février, apparaît comme un outsider d’autant plus impor- tant qu’il gagne des voix dans la sierra et obtient le soutien des organisations indi- gènes (CONAIE, Confédération des na- downloadModeText.vue.download 144 sur 602

MONDE

143 tions indigènes de l’Équateur). Mais, un mois plus tard, F. Ehlers perd ses soutiens après avoir choisi une vice-présidente is- sue de la droite Opus Dei, à laquelle l’opi- nion associe le vice-président en fuite, Al- berto Dahik. Le 7 juillet, Abdala Bucaram est élu président. Surnommé El Loco, du PRE (Parti roldosiste équatorien, du nom du président Jaime Roldos, au pouvoir de 1979 à 1981), candidat malheureux aux élections de 1988 et de 1992. Il a mené une campagne extravagante dans ses ma- nifestations populaires, mais s’est appuyé sur les fondements les plus anciens et les plus solides de la vie politique du pays, à savoir l’alliance entre la côte et la sierra. A. Bucaram doit sa victoire à ses alliances avec la sierra, ses rivaux n’ayant pas su élargir leur « terrain » de prédilection, la sierra pour Freddy Ehlers, la côte pour Jaime Nebot, du Parti social-chrétien. Le candidat vainqueur présente son élection comme une défaite de l’oligarchie et pro- met de « gouverner pour les pauvres » ; il prend pour vice-présidente une femme (c’est une grande première en Équateur), Rosalia Arteaga.

À peine au pouvoir, M. Bucaram dé- clare l’état d’urgence, et place les douanes et la police sous le contrôle de l’armée. Il fait appel à des assesseurs étrangers – des Chiliens pour l’organisation de caisses de retraite et des Argentins – pour mar- quer l’orientation néolibérale de ses pro- jets politiques et il manifeste un certain attrait pour l’exercice du pouvoir à la manière d’Alberto Fujimori (président du Pérou). Malgré la guerre récente, les rela- tions entre A. Bucaram et le président du Pérou s’amorcent sous de bons auspices.

U Chrono. : 7/07.

Paraguay

La vie politique de 1996 est marquée par des querelles internes au parti gouver- nemental, le parti Colorado (« rouge », libéral), divisé en trois fractions, dont les péripéties traduisent les difficultés pro- voquées par le retour au pouvoir d’un gouvernement civil après l’interminable dictature d’Alfredo Stroessner, renversé en 1989.

Fin mars, une journée de grève géné- rale paralyse le pays. Les grévistes récla- ment une augmentation salariale de 31 %, une réforme agraire, le maintien de la sécurité sociale, la fin des privati- sations et exigent des sanctions contre la corruption des instances gouverne- mentales. Le jour de la grève générale, le ministre de l’Agriculture présente sa démission. Le président Juan Carlos Wasmosy ne dispose alors que du sou- tien du Parti libéral radical authentique (PLRA), de Domingo Laino. C’est alors que le commandant des forces armées, le général Lino Oviedo, met à profit cette faiblesse pour exiger de M. Wasmosy la suspension des élections internes au parti Colorado (le général craint qu’une faction rivale de la sienne ne l’emporte), ce que le président refuse en invitant L. Oviedo à démissionner. Dans la nuit du 22 au 23 avril, le général se rebelle. Pendant trois jours, ce petit homme vif et nerveux de cinquante-trois ans, qui avait été l’exécutant du coup d’État ayant mis fin à la dictature de A. Stroessner, tient la population de la capitale sous la menace d’un éventuel coup d’État. Les États-Unis font alors connaître leur sou- tien au président. Le 25 avril, la situation downloadModeText.vue.download 145 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

144 se dénoue : M. Wasmosy accepte dans un premier temps de nommer L. Oviedo ministre de la Défense. La protestation populaire (notamment chez les jeunes), celle de son vice-président, ainsi que de la plupart des commandants des forces armées, amène le président à revenir ensuite sur les promesses qu’il avait faites au général Oviedo, qui appelle à une manifestation de soutien. Celle-ci ne réunit que 1 500 personnes ; le géné- ral, emprisonné en juin et libéré en août, disparaît alors de la scène publique. Dès lors, les élections internes au parti Colorado se déroulent, comme prévu, le 28 avril et donnent la majorité à un ancien collaborateur de A. Stroessner, alors que le candidat de L. Oviedo ne recueille que 8 % des voix. L’autorité du président Wasmosy se confirme donc, malgré les accusations de ses adversaires qui s’étonnent de la rapidité de son enri- chissement personnel.

U Chrono. : 22/04.

Pérou

Les résultats de la lutte menée contre la drogue et le terrorisme par l’adminis- tration d’Alberto Fujimori se révèlent moins définitifs que ne l’affirme le prési- dent, qui parvient cependant à ménager l’avenir, la Constitution du Pérou étant « interprétée » en août par la majorité parlementaire pour qu’il puisse se pré- senter une troisième fois en l’an 2000. Le cercle des proches de Fujimori subit des revers : son frère doit s’effacer de la scène politique, des accusations graves pèsent sur son assesseur Vladimir Montesinos et Jaime Yoshiyama, proche conseiller du président depuis sa première élection en 1990, se retire de la vie politique.

Contre la municipalité de Lima, centre potentiel d’un contre-pouvoir dirigé par l’indépendant Alberto An- drade, A. Fujimori, a promulgué, le 24 juin, une loi retirant au maire la ges- tion du vaso de leche (« verre de lait »), versé chaque jour à 1,5 million de per- sonnes. Par ailleurs, plusieurs atten- tats, revendiqués par le Sentier lumi- neux, démontrent que le groupe armé a conservé certaines de ses bases, mal- gré l’emprisonnement de son chef Abi- maël Guzman en 1992 et l’« accord de paix » signé par les principaux cadres du mouvement. En décembre, la prise de centaines d’otages à la résidence de l’ambassadeur du Japon à Lima par l’autre organisation rebelle – le Mou- vement révolutionnaire Tupac Amaru – place M. Fujimori dans une position extrêmement délicate.

U Chrono. : 20/05, 17/12.

Uruguay

En février, pour le 25e anniversaire de sa création, la coalition de gauche, le Frente amplio (Front élargi) connaît une crise sérieuse. En 1994, il avait mis fin au bi- partisme du pays (blancos, les conserva- teurs, face aux colorados, pour « rouges », les libéraux) en obtenant un tiers des voix au moment de la réélection à la prési- dence de Julio Maria Sanguinetti, et en se maintenant à la tête de la municipalité de Montevideo. Cette année, le principal dirigeant du Frente amplio, le général Li- ber Seregni, démissionne et les scissions se multiplient au point que la coalition ne downloadModeText.vue.download 146 sur 602

MONDE

145 comprend plus que 5 des 11 formations du départ.

Venezuela

Les tensions frontalières avec la Colom- bie, assez fortes en 1995, se confirment. Début janvier, des troupes se dirigent vers la frontière colombienne. Le Venezuela, accusé d’avoir violé le territoire et l’espace aérien colombiens à diverses reprises, reproche à son voisin d’avoir abandonné la zone frontalière aux narcotrafiquants. Mais les deux pays semblent pour l’ins- tant vouloir éviter l’affrontement.

La visite du pape Jean-Paul II, du 9 au 11 février, se déroule dans une at- mosphère de pénurie économique et de manifestations de rues. Les manifestants, masqués, attaquent les forces de l’ordre avec des armes à feu dans la banlieue in- dustrielle de Caracas. La violence sociale atteint une ampleur exceptionnelle. La situation économique continue de se dé- grader au cours du premier semestre : les exportations chutent de 14,6 %, l’évasion fiscale serait de 50 %. Pour la première fois de son histoire, le pays connaît une inflation de 114,8 %.

U Chrono. : 30/05.

MARIE-DANIELLE DEMÉLAS-BOHY downloadModeText.vue.download 147 sur 602

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L’UNION EUROPÉENNE

L’année européenne 1996 est succes- sivement caractérisée par les prési- dences italienne et irlandaise, les débuts de la Conférence intergouvernementale aux Conseils européens de Turin et de Dublin, la crise de la « vache folle », les préparatifs de la phase décisive de l’Union économique et monétaire et la poursuite du processus d’élargissement de l’Union européenne (UE).

Avec les demandes d’adhésion de la République tchèque, le 23 janvier, et de la Slovénie, le 10 juin, 12 pays au total frappent désormais à la porte de l’Union européenne : 3 États baltes (Estonie, Let- tonie, Lituanie), 5 d’Europe centrale (Po- logne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie), 2 d’Europe orientale (Bulgarie, Roumanie) et 2 micro-États du bassin méditerranéen (Chypre, Malte). Si les résultats de la Conférence intergou- vernementale (CIG) le permettent, les premières négociations d’adhésion pour- raient s’engager en 1998.

Les débuts laborieux de la Conférence intergouvernementale

C’est au Conseil européen de Madrid, en décembre 1995, que la date du 29 mars 1996 avait été retenue pour l’ouverture, à Turin, d’une Conférence intergouver- nementale des 15 pays de l’UE, chargée de réformer les institutions communau- taires pour améliorer leur capacité de décision, développer la politique étran- gère et de sécurité commune encore bal- butiante, et perfectionner ce qui a trait au fonctionnement de la sécurité intérieure des États. Nous sommes, en 1996, à la veille de deux tournants décisifs : d’une part, adapter à la grande Europe de la fin du XXe siècle la construction euro- péenne initialement conçue, au début des années 50, par et pour les 6 États fonda- teurs ; d’autre part, adapter notre modèle européen aux deux grandes mutations de notre époque : la mondialisation de l’économie et l’accélération du progrès scientifique et technique. Les conclusions du Conseil européen de Turin vont dans ce sens, même si elles gardent un carac- tère très général. Les Quinze déclarent vouloir une « Union plus proche des citoyens ». Cela suppose une meilleure protection contre la criminalité inter- nationale et le trafic des stupéfiants, en même temps qu’une mise en place effec- tive de la libre circulation des personnes, par la mise en oeuvre d’une politique commune en matière d’asile, d’immigra- tion et de visas. Une « Union plus proche des citoyens » impliquant aussi une lutte commune contre le chômage, Jacques Chirac présente un mémorandum sur la nécessaire définition d’un « modèle social européen » et Jacques Santer, le président de la Commission européenne, propose, de son côté, un « Pacte de confiance pour l’emploi » répondant à des préoccupations similaires. À Turin, les Quinze déclarent également vouloir simplifier les procé- dures législatives, d’une part en géné- ralisant la codécision entre le Conseil des ministres et le Parlement européen, d’autre part en élargissant le champ d’ap- plication du vote à la majorité qualifiée, après un réexamen des normes actuelles de pondération des voix. Cette restric- tion de la règle de l’unanimité est justifiée à la fois par l’expérience et le bon sens : plus les États-membres sont nombreux, downloadModeText.vue.download 148 sur 602

MONDE

147 moins celle-ci est aisée à établir au sein du Conseil. Enfin, les Quinze expriment leur souhait de définir une identité euro- péenne en matière de défense.

Mais ces déclarations d’intention servent aussi à masquer les divergences. Les Britanniques sont les plus réticents à ce programme. Ils veulent bien « élargir », mais sans vraiment changer les règles du jeu existantes. Ils récusent la thèse du « noyau dur », ne veulent pas accorder de nouveaux pouvoirs au Parlement euro- péen et s’opposent à l’extension du champ d’application du vote à la majorité quali- fiée. Enfin, ils ont l’intention de mainte- nir l’indépendance de l’UEO (Union de l’Europe occidentale), sans subordonner cette organisation de défense à l’Union européenne. À mi-chemin de la réticence britannique et des « orthodoxes » euro- péens, la position française est favorable à l’« approfondissement de l’Europe », par le biais d’une Commission européenne qui, de composition plus restreinte, exer- cerait pleinement ses compétences, étant entendu que le Conseil devrait « retrouver sa place centrale dans l’édifice européen ». La France propose la création d’un poste de « haut représentant » nommé par le Conseil européen qui pourrait donner à l’Europe « un visage et une voix » et sug- gère que soit mise en place une instance parlementaire pouvant être consultée à propos des questions que soulève l’appli- cation du principe de subsidiarité. En ce qui concerne le Parlement européen, elle souhaite une réforme du mode de scrutin qui rende celui-ci plus proche des élec- teurs, ainsi qu’une simplification des pro- cédures législatives. Enfin, la France es- time que la CIG devrait fournir l’occasion de préciser les perspectives de défense commune. Encore plus éloignés des posi- tions britanniques que la France, outre le Parlement européen et la Commission de Bruxelles, qui se veulent les interprètes de l’« orthodoxie communautaire », l’Alle- magne, l’Espagne, l’Italie et les membres du Benelux, soutenus par d’autres pays, insistent sur le renforcement des pou- voirs de la Commission et sur l’élargisse- ment du recours à la majorité qualifiée, y compris en matière de politique étrangère et de sécurité commune. La majorité du Parlement européen plaide pour que la codécision et l’avis conforme demeurent les seules procédures législatives, ainsi que pour l’intégration de l’UEO (Union de l’Europe occidentale) dans l’Union européenne. La Commission considère, dans son avis publié sous le titre « Ren- forcer l’union politique et préparer l’élar- gissement », que le développement de l’UE requiert un accroissement du rôle de la Cour de justice ainsi que la com- munautarisation des domaines intérieur et judiciaire (exception faite de la coo- pération judiciaire en matières pénale et policière). Elle souhaite voir la majorité qualifiée devenir la règle dans le domaine communautaire et l’élargir à celui de la politique étrangère et de sécurité com- mune (sauf pour les questions militaires).

Sous la présidence italienne de Lam- berto Dini, puis de Romano Prodi, leader d’une coalition de centre gauche sortie des urnes en avril et qui mène le jeu au Conseil européen de Florence (juin), les débats de la Conférence intergouverne- mentale restent laborieux. Comme la négociation doit durer au moins un an, chacun reste sur ses positions. Au départ d’un marathon diplomatique, l’affirma- tion de positions divergentes n’est pas downloadModeText.vue.download 149 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

148 un drame, mais, à mesure que le temps passe, comme on le constate déjà avec la présidence irlandaise qui prend le relais des Italiens au début du mois de juillet, le piétinement commence à inquiéter. Cha- cun garde en effet à l’esprit que l’unanimi- té est requise pour modifier les domaines de compétence de l’Union. Le Conseil européen de Florence ne donne pas à la CIG l’impulsion politique souhaitée. Il se borne à un constat, à quelques encou- ragements et à des suggestions de carac- tère général. Selon les conclusions de la présidence, les travaux menés au sein de la CIG permettent surtout de « cerner les principaux enjeux » et de reprendre les pétitions de principe déjà affirmées de manière à peine différente dans les « conclusions » de Turin.

La crise de la « vache folle »

La présidence italienne ne souffre pas trop des changements gouvernemen- taux intervenus dans la péninsule (à la suite des élections législatives de mars, M. Prodi remplace M. Dini à la prési- dence du Conseil italien), mais elle pâtit des retombées de la crise de la « vache folle » et d’une période économiquement difficile, source majeure de difficultés pour l’emploi.

La grande négociation de la Confé- rence intergouvernementale qui doit réviser le traité de Maastricht s’ouvre, en effet, à Turin, fin mars, dix jours seule- ment après la mise en place d’un embar- go communautaire contre les produits bovins britanniques. Tout au long de l’an- née 1996, l’Union européenne est pertur- bée par la communication faite le 20 mars par le ministre britannique de la Santé, Stephen Durrel, à la Chambre des com- munes. M. Durrel admet alors, pour la première fois publiquement, la possibilité d’un lien entre une forme de la maladie mortelle de Creutzfeldt-Jakob, qui atteint le cerveau humain, et l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Celle-ci sévit au sein du cheptel britannique, depuis qu’elle a été identifiée en 1986, au point qu’il a fallu abattre plus de 160 000 bêtes atteintes par la maladie. Cette déclaration est faite à la suite d’une étude, menée sur dix personnes frappées par la maladie en question (sept sont alors décédées), qui conclut à un lien possible avec l’ESB. C’est le 27 mars – le Comité vétérinaire de l’Union européenne ayant recommandé 48 heures plus tôt l’interdiction totale des exportations britanniques vers les pays européens – que la Commission euro- péenne rend son verdict : interdiction totale du boeuf en provenance d’outre- Manche. Certes, cette interdiction est « temporaire », mais elle ne sera levée, dit le communiqué de la Commission, que « lorsqu’on sera sûr qu’il n’y a plus aucun danger pour les consommateurs ».

Malgré l’acuité des problèmes mon- diaux qui auraient dû retenir l’attention prioritaire de l’Union européenne, c’est peu dire que la « vache folle » domine l’actualité communautaire comme elle a dominé une partie des débats du Conseil européen de Florence, après avoir provo- qué la mobilisation des mouvements de consommateurs, la colère des éleveurs victimes de la chute des cours, un certain désarroi des autorités nationales et euro- péennes, en même temps qu’un mouve- ment diffus d’inquiétude dans l’opinion publique. Du fait de l’exportation de farines infectées d’origine britannique, l’ESB se manifeste également en France, downloadModeText.vue.download 150 sur 602

MONDE

149 en Irlande, au Portugal et en Suisse, où le Conseil fédéral envisage d’abattre le tiers du cheptel bovin adulte. Le 20 mai, le Comité vétérinaire permanent de l’UE refuse de lever l’embargo sur les produits dérivés du boeuf d’outre-Manche, mal- gré les pressions accentuées des Britan- niques. Deux jours plus tard, le Royaume- Uni décide d’interrompre la coopération normale avec l’Union européenne, en ces termes : « Des progrès ne seront possibles, ni sur la CIG, ni ailleurs, aussi longtemps qu’il n’y aura pas accord sur la levée de l’embargo dans son ensemble. »

Après de nombreux rebondissements, le Comité vétérinaire de l’UE, unanime, rend public, le 20 juin, un avis positif sur un plan de contrôle et d’éradication de la maladie de la « vache folle » présenté par les autorités britanniques. À l’occa- sion du Conseil européen de Florence, le Premier ministre britannique, John Major, se rallie au projet entériné par la Commission, mettant fin ainsi à la poli- tique de non-coopération britannique au sein de l’Union européenne. Dès lors, la levée conditionnelle et par étapes de l’interdiction d’exporter des produits bovins britanniques vers les autres pays de l’Union et les pays tiers dépend de la mise en oeuvre d’un vaste plan d’abattage sélectif, de la mise en place d’un système d’identification des animaux et d’enregis- trement de leurs mouvements, ainsi que de la législation sur les farines de viande et d’os alimentant le bétail, le tout accom- pagné d’une aide financière aux éleveurs de bovins.

Alors que la consommation de viande bovine baisse, en juillet, le Parlement eu- ropéen approuve à une très forte majorité une résolution accusant certains services de la Commission, mais aussi les admi- nistrations nationales, de n’avoir pas géré avec la vigilance nécessaire l’épizootie naissante de la « vache folle ». La prési- dence irlandaise de l’Union européenne est elle aussi largement accaparée, au cours du second semestre 1996, par les rebondissements de la crise. En sep- tembre, M. Major décide de suspendre le plan d’abattage sélectif du cheptel britan- nique, une récente étude scientifique de l’université d’Oxford venant de conclure que l’épidémie de la « vache folle » se résorbera d’ici à cinq ans, qu’il y ait ou non abattage. Le revirement unilatéral du gouvernement britannique provoque un tollé parmi les partenaires de Londres, tandis que la Commission confirme qu’elle s’en tiendra aux engagements pris, et qu’il n’y aura donc pas de levée de l’embargo tant que les conditions préli- minaires acceptées dans la capitale de la Toscane ne seront pas remplies. Ce bras de fer n’empêche pourtant pas le Conseil des ministres de décider, le 24 septembre, l’affectation de 500 millions d’écus sup- plémentaires (3,25 milliards de francs) aux éleveurs, pour compenser les nou- velles pertes de revenus causées par cette crise.

La monnaie unique malgré tout

Les pays de l’Union européenne qui veulent atteindre le stade de la monnaie unique le 1er janvier 1999, et qui devront, en principe, être prêts à faire le saut dans les premiers mois de 1998 sur la base des résultats obtenus en 1997, sont toujours à l’heure des politiques de rigueur. C’est aussi vrai de la France et de l’Allemagne – sans lesquelles il n’est pas possible de réa- liser l’Union économique et monétaire downloadModeText.vue.download 151 sur 602

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(UEM) – que de l’Italie, un des pays fon- dateurs de la Communauté européenne, de l’Espagne ou de la Belgique. Quatre critères de convergence ont été définis par le traité de Maastricht, pour établir les conditions économiques nécessaires à la participation à la monnaie unique. Parmi ceux-ci, le plus décisif, et appa- remment le plus difficile à atteindre, est celui de la résorption des déficits publics excessifs. Il est mesuré à l’aide de deux taux de référence : 3 % du PIB pour les déficits annuels et 60 % du PIB pour l’endettement.

L’année 1996 est donc marquée, dans les pays qui veulent réussir l’examen de passage de la monnaie unique au moment prévu, par d’impressionnantes mesures d’assainissement des finances publiques. En Allemagne, l’âge de la re- traite sera repoussé jusqu’à soixante-cinq ans d’ici à l’an 2000. En Italie, un impôt « spécial Europe » est créé. En Belgique, des économies drastiques frappent la Sé- curité sociale, le système de retraites et le budget de la Défense. Partout en Europe, les taxes fiscales et parafiscales sont en augmentation. 1996 est aussi une année de grisaille économique (faible pro- gression des PIB et taux de chômage en hausse en Allemagne comme en France). L’année 1997 s’annonce sous de meilleurs auspices, notamment en ce qui concerne la croissance : de 1,5 % en moyenne en 1996, dans l’Union européenne, où on dé- compte environ 18 millions de chômeurs, elle passerait à 2,5 % en 1997. Quant à la monnaie unique, malgré la conjoncture défavorable, Jacques Chirac et Helmut Kohl n’ont pas oublié de confirmer en toutes circonstances, qu’elle s’impose- rait comme prévu. « Les Allemands et les

Français seront au même rendez-vous, au même moment et dans les mêmes condi- tions » assure encore le président de la République française, en septembre, à l’issue d’une rencontre avec le chancelier allemand.

De fait, les ministres des Finances de l’Union européenne réunis à Dublin, les 20 et 21 septembre, précisent encore leurs engagements réciproques : la stabilité budgétaire au sein de la zone euro sera assurée par une action préventive adop- tée dans chaque pays grâce à des « pro- grammes de stabilité » et par le renfor- cement de la surveillance multilatérale, mais aussi par une mesure dissuasive, la pénalisation des pays franchissant la « ligne rouge » (déficit public de 3 % du PIB, dette nationale de 60 % du PIB). Par ailleurs, un « Conseil de stabilité » serait créé. Il ne comprendrait que les ministres des pays de la zone euro et constituerait un sous-ensemble de l’actuel Conseil des ministres de l’Économie et des Finances (ECOFIN). Il ne serait cependant pas habilité à prendre les décisions juridiques que seul ECOFIN, en vertu du traité de Maastricht, est autorisé à adopter. Enfin, les pays ayant vocation à rejoindre l’Union économique et monétaire (UEM), dès 1999, évolueraient dans une bande de fluctuation de plus ou moins 15 % autour des taux pivots, dans une sorte de système monétaire européen bis (SME-bis). La Banque centrale européenne intervien- drait automatiquement pour soutenir les devises. Le statut de l’euro permettrait la continuité des contrats, tout en affirmant sa parité absolue avec l’écu.

Bref, malgré les vents contraires, l’eu- ro, dont le Conseil européen a décidé la création en décembre 1995, garde une downloadModeText.vue.download 152 sur 602

MONDE

151 bonne chance de finir par s’imposer et de donner à l’Europe une puissance moné- taire correspondant à son poids écono- mique et commercial dans le monde. De nombreuses questions, certes, restent encore à régler avant l’institution de la monnaie unique, mais l’opinion prévaut, à la fin de l’année 1996, que la création du SME-bis ou la mise en place d’un pacte de stabilité budgétaire ont moins d’im- portance que le comportement favorable des marchés financiers et la volonté poli- tique actuelle de donner le jour à l’euro, aussi forte à Paris et à Bonn qu’à Rome, Bruxelles et Madrid. En novembre, le retour de la lire dans le SME (elle l’avait quitté en 1992) confirme cette tendance.

De la présidence irlandaise à la présidence néerlandaise

La présidence irlandaise de l’Union euro- péenne est marquée par deux réunions du Conseil européen. La première, de carac- tère extraordinaire, se tient le 5 octobre à Dublin. La seconde s’est également réu- nie à Dublin, les 13 et 14 octobre. Objec- tif proclamé de « Dublin I » : tenter de donner à la CIG une nouvelle impulsion. En fait, le temps consacré à la crise aiguë du processus de paix israélo-palestinien (le rôle politique de l’Union européenne au Moyen-Orient est de moins en moins proportionné à son engagement financier dans la région) ne permet pas, à propre- ment parler, au cours d’une rencontre aussi brève, d’aller au fond des problèmes sur lesquels bute la CIG. Les chefs d’État et de gouvernement se contentent donc de confirmer que la CIG devrait se ter- miner au plus tard à Amsterdam, le 14 juin 1997, au terme de la présidence irlandaise, tandis que MM. Chirac et

Kohl réaffirment leur volonté de main- tenir un « niveau d’ambition élevé ». Par ailleurs, il est convenu de présenter un projet « complet » de traité révisé au Conseil européen de décembre. Réunis à Dublin les 13 et 14 décembre, les Quinze se penchent en priorité sur la question de la monnaie commune et s’accordent sur un « pacte de stabilité et de croissance », destiné à poser les règles budgétaires que les pays de la zone euro devront observer après l’entrée en vigueur de la monnaie unique en janvier 1999. La logique de ce pacte est l’obtention d’un quasi-équilibre budgétaire à moyen terme et, dans le court terme, du maintien rigoureux d’un déficit inférieur à 3 % du PIB. Si la norme n’est pas respectée, le pays contrevenant s’expose à de lourdes sanctions. Les Alle- mands souhaitaient que l’application de ces sanctions soit automatique, sauf cir- constances exceptionnelles, définies par une baisse d’activité supérieure à 2 % en un an. Les autres pays ont finalement obtenu que le seuil de ces circonstances exceptionnelles soit limité à 1,5 %, qu’il y ait concertation politique au sein du Conseil européen entre 0,75 % et 1,5 %, et application automatique des sanctions au-dessous de 0,75 %. Cet arrangement permet de confirmer la date de naissance de la monnaie commune à la date pré- vue, alors que depuis plusieurs semaines, certains craignaient un report à une date ultérieure.

Il n’empêche que les problèmes de- meurent. Les Allemands estiment que l’important ce sont les chiffres inscrits dans l’accord, alors que les autres, Fran- çais en tête, mettent l’accent sur la marge d’interprétation laissée aux décideurs politiques. Par ailleurs, le sommet de downloadModeText.vue.download 153 sur 602

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Dublin a mis de côté le dossier essentiel de la réforme des institutions de l’Union. Il reviendra donc au gouvernement néer- landais de piloter la Conférence intergou- vernementale (CIG). La tâche sera rude, car les lignes de clivage opposent aussi bien petits et grands États – les premiers craignant d’être écrasés par le nombre, les seconds redoutant une dilution des res- ponsabilités – que les gouvernements qui cultivent un véritable projet européen et ceux qui privilégieront toujours la préfé- rence nationale.

U Chrono. : 29/03, 21/09, 5/10.

JEAN-PIERRE GOUZY downloadModeText.vue.download 154 sur 602

MONDE

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ALLEMAGNE

Tout porte à croire que l’Allemagne ne pourra respecter les critères de convergence de Maastricht en 1997. Dans ce contexte, la coalition gouvernementale connaît des flottements dont l’opposition sociale-démocrate ne peut tirer parti, alors que la cohésion sociale d’outre- Rhin semble menacée, à l’Est comme à l’Ouest. Helmut Kohl, quant à lui, peut s’enorgueillir d’avoir battu cette année le record de longévité aux affaires, jusque-là détenu par Konrad Adenauer.

Fléchissement de la croissance

La croissance (1,5 %) a fléchi en 1996, mais l’Allemagne n’a pas connu la réces- sion tant redoutée, la situation restant préoccupante dans les nouveaux Länder de l’Est, où la croissance est insuffisante pour qu’ils rattrapent rapidement le ni- veau occidental. En moyenne annuelle, 3,95 millions de personnes ont été au chômage en 1996, soit 10,3 % des actifs, mais le taux était, à l’Est, de 15,5 %. La régression constante de la population est- allemande depuis l’unification montre as- sez la persistance du malaise social dans les nouveaux Länder.

Retour à la politique d’austérité

Alors qu’en janvier le chômage frappe 4,16 millions de personnes – contre 3,85 millions, un an plus tôt –, le syndi- cat de la métallurgie (IG Metall) propose au patronat un « pacte pour l’emploi » : en échange de la sauvegarde et de la création d’emplois, l’IG Metall se satis- ferait d’une augmentation modérée des salaires. Le chancelier H. Kohl invite les partenaires sociaux à s’entretenir avec lui le 23 janvier. On peut croire alors que le gouvernement cherche à renouer avec les méthodes de l’« action concertée » mises en place, à la fin des années 60, par le ministre fédéral de l’Économie, Karl Schiller (SPD, social-démocrate). La rencontre aboutit surtout à des déclara- tions d’intention. Un accord est cepen- dant signé en mars, à Düsseldorf, dans le secteur de l’industrie textile de Rhéna- nie-du-Nord-Westphalie. Mais l’affaire tourne court, la modération des syn- dicats en matière de salaire paraissant insuffisante aux employeurs, qui reven- diquent, pour les entreprises, des allége- ments fiscaux et une baisse non moins significative de leurs charges sociales. Le programme d’action gouvernemen- tal en faveur de l’investissement et de l’emploi, qui veut réduire le chômage de moitié, apparaît essentiellement, dès la fin du mois de janvier, comme un pro- gramme de compression des dépenses et de limitation des prestations sociales. La rupture est consommée quand le gou- vernement limite l’accès aux retraites an- ticipées, relève l’âge normal de la retraite et présente, fin avril, la version défini- tive de son programme d’action, una- nimement perçu comme un véritable programme d’austérité. L’annonce de la réduction de 20 % du salaire payé pen- dant les six premières semaines d’une maladie est ressentie comme un affront par les syndicats, car elle porte atteinte à un acquis social et remet en cause les fondements de la politique contrac- tuelle : le paiement intégral du salaire en cas de maladie est en effet garanti par les downloadModeText.vue.download 155 sur 602

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154 conventions collectives.

Le ton monte, en mai, entre les par- tenaires sociaux. Les syndicats, sur la défensive, ont pourtant conclu, les mois précédents, des accords salariaux modé- rés, y compris dans l’imprimerie où le syndicat IG Medien fait habituellement preuve de combativité. C’est dans la fonc- tion publique que, courant mai, les grèves d’avertissement sont les plus mobilisa- trices. Mais, là aussi, les conclusions de la procédure de conciliation qui aboutit en juin sont modérées et la mise à niveau des salaires dans la fonction publique des nouveaux Länder est reportée à plus tard (ils seront à 85 % des salaires occidentaux en 1997). La vague de protestation syndi- cale est couronnée par une grande mani- festation qui rassemble, le 15 juin à Bonn, plus de 35 000 personnes.

Le débat social est doublé, dès le mois de février, d’un conflit larvé entre parte- naires de la coalition gouvernementale, la CDU (Union chrétienne-démocrate) et le Parti libéral (FDP). Soucieux de faire un geste à l’égard du Parti libéral, dont l’avenir politique se joue lors des élections régionales du 24 mars, les chré- tiens-démocrates se déclarent, dans un premier temps, disposés à réduire puis à supprimer la « contribution solidarité » instaurée en 1991/1992 pour financer l’unification du pays, supprimée en 1993, puis rétablie, contre l’avis des libéraux, en 1995. Cette mesure place le ministre des Finances, Theo Waigel (CSU, Union chrétienne-sociale), dans une position délicate, le fort manque à gagner pour l’État ne pouvant être compensé que par des économies budgétaires ; la mesure n’est, en outre, applicable qu’à la condi- tion que les Länder renoncent à la part de l’impôt sur le chiffre d’affaires que l’État fédéral leur avait concédée en 1994, un projet que les Länder rejettent unani- mement. Ceux-ci réagissent de la même façon quand l’État fédéral propose divers transferts de charges en direction de leurs budgets, notamment dans le domaine social. L’Allemagne mène ainsi, en 1996, un débat contradictoire sur la réparti- tion du produit de sa croissance qui va s’amenuisant.

Stabilisation du Parti libéral

Le durcissement du gouvernement chrétien-libéral dans le domaine so- cial ne s’explique pas seulement par les contraintes économiques et budgétaires, son origine est également politique. Au début de l’année, le chancelier propose au Parti social-démocrate (SPD) de me- ner de concert la lutte contre le chômage, entretenant ainsi l’idée qu’une « grande coalition » CDU/CSU/SPD pourrait être nécessaire. C’est que M. Kohl ne peut exclure, lors des élections régionales de mars, un échec électoral du Parti libéral : depuis 1993, le FDP n’a pratiquement connu que des échecs dans les Länder. Mais, le 24 mars, le FDP progresse dans plusieurs Länder, entrant ou se mainte- nant dans des coalitions gouvernemen- tales. Le SPD étant le grand perdant de ces scrutins, ces résultats mettent un terme aux spéculations sur un possible effondrement de la coalition gouverne- mentale à Bonn.

Le SPD affaibli face à la montée des Verts

Deux crises gouvernementales et deux autres scrutins confirment l’affaiblisse- ment du Parti social-démocrate, auquel son nouveau président, Oskar Lafon- downloadModeText.vue.download 156 sur 602

MONDE

155 taine, ne réussit pas à rendre son mor- dant. En février/mars, en Rhénanie-du- Nord-Westphalie, un conflit oppose, sur la construction d’autoroutes et l’exten- sion d’un aéroport, le SPD aux Verts, qui menacent de quitter la coalition gouvernementale. Les Verts s’incline- ront finalement. La crise est plus grave dans le Land de Mecklembourg-Pomé- ranie-Occidentale, où le ministre social- démocrate de l’Économie compromet la cohésion de la « grande coalition » au pouvoir en cherchant en vain à favo- riser un rapprochement entre SPD et PDS (parti du Socialisme démocratique, issu du Parti communiste de RDA). Le refus, le 5 mai, des électeurs du Bran- debourg de la fusion de leur Land avec celui de Berlin se retourne contre le SPD brandebourgeois, qui avait mis toute son autorité dans la balance. Le 15 sep- tembre, les élections communales de Basse-Saxe confirment le tassement du SPD. Forts de leurs succès électoraux, les Verts se posent en troisième force poli- tique et proposent au SPD une entente pour la conquête du pouvoir fédéral en 1998. Cette idée séduit les militants du SPD, mais sa direction reste hésitante, une telle stratégie risquant de renforcer la coalition chrétienne-libérale, dirigée par le chancelier Kohl, alors que celle-ci connaît de fortes divisions en automne.

Dissensions dans la coalition chrétienne-libérale

Si, lors de son congrès de Hanovre, en octobre, la CDU adopte un projet de ré- forme fiscale très voisin de celui du Parti libéral (taux de base inférieur à 20 %, taux maximal réduit de 53 à 35 %, disparition des avantages catégoriels), un profond désaccord les oppose sur la politique budgétaire. La CDU/CSU impose finale- ment à son partenaire libéral le maintien de la « contribution solidarité » avec les Länder de l’Est en 1997, au taux plein de 7,5 %. La base populaire de la CDU interdit à ses dirigeants d’abandonner l’État social et de ne pas faire progresser l’unification intérieure du pays. Le FDP ne jure lui que par la baisse généralisée de la pression fiscale et tient à montrer à ses électeurs qu’il sait tenir tête au parti chré- tien-démocrate, afin de faire oublier son image de parti hésitant entre la CDU et le SPD ou cédant aux moindres pressions de son trop puissant partenaire gouver- nemental. Le Parti libéral menace donc d’abandonner la coalition gouvernemen- tale, et le président du FDP de Rhénanie- du-Nord-Westphalie, ancien ministre fédéral de l’Économie, J. W. Möllemann, appelle les 12 députés libéraux de ce Land à ne pas voter le budget 1997. La situation est d’autant plus critique que le ministre des Finances d’Allemagne doit recon- naître que toutes les mesures d’économie déjà prises ne suffiront pas à combler les déficits.

Maastricht envers et contre tout ?

En automne, l’Allemagne apprend qu’en 1997, pas plus qu’en 1996, elle ne satisfera aux critères de Maastricht (déficit budgé- taire de 3 % et dette publique de 60 %). Le gouvernement fédéral n’en est pas moins convaincu que l’Union monétaire euro- péenne se fera et qu’il sera possible aux deux pays pivots de l’Union, la France et l’Allemagne, de respecter dans les délais prévus les critères de Maastricht et, au- delà, de mener une politique économique et monétaire convergente garantissant la downloadModeText.vue.download 157 sur 602

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156 stabilité de la monnaie européenne. Au sein de la majorité comme de l’opposi- tion, la tentation de jouer sur la corde anti-européenne est cependant grande tout au long de l’année.

Une politique étrangère en quête de ses objectifs

Les réformes proposées en France par le président Jacques Chirac pour le ser- vice militaire, l’OTAN et la réduction des programmes d’armement provoquent quelques tensions dans les relations fran- co-allemandes. La proposition de ren- forcer l’identité européenne de l’OTAN en donnant à son commandement en Europe un chef européen suscite plus de crainte que d’approbation : si l’Allemagne se félicite de voir la France réintégrer le giron militaire de l’Alliance atlantique, on s’amuse de ses prétentions et l’on redoute que cette proposition ne renforce les ten- dances isolationnistes des États-Unis. En novembre 1995, une controverse avait ac- compagné la visite du chancelier Kohl en Chine, avec laquelle l’Allemagne a doublé ses échanges en cinq ans, devenant son quatrième partenaire commercial. Affir- mant un point de vue moral, le Parlement fédéral vote, en juin, une résolution sur le Tibet qui provoque l’annulation par la Chine du voyage du ministre fédéral des Affaires étrangères allemandes.

Après de difficiles négociations, Allemagne et République tchèque par- viennent à rédiger une déclaration com- mune sur les problèmes du passé. Celle- ci ne satisfait cependant pas les réfugiés allemands des Sudètes, qui réclamaient l’indemnisation des préjudices subis pendant les expulsions d’après-guerre. Prague reconnaît que ces expulsions étaient contraires au droit et l’Allemagne présente ses excuses pour les souffrances du passé.

Cette année, pour la troisième fois depuis son adhésion à l’ONU en 1973 – en même temps, à l’époque, que la RDA –, l’Allemagne est membre du Conseil de sécurité de l’ONU, mais elle ne réussit pas à obtenir un siège de membre permanent du Conseil de sécurité.

Nouvelle réglementation des heures d’ouverture des magasins

L’événement marquant de l’année 1996 ne relève pas de la grande politique : le 1er novembre est entrée en vigueur une nouvelle réglementation sur les heures d’ouverture des magasins. Ceux-ci sont désormais autorisés à ouvrir en semaine entre 6 heures et 20 heures (au lieu de 7 h-18 h 30), tous les samedis jusqu’à 16 heures (au lieu d’une fois par mois). L’interdiction de faire du pain la nuit est levée : les boulangeries peuvent ouvrir dès 5 h 30 et vendre du pain trois heures durant les dimanches et jours fériés. Vo- tée contre l’avis des syndicats, cette régle- mentation pourrait induire une véritable révolution comportementale et culturelle en Allemagne, où les week-ends cesse- raient d’avoir la tristesse des journées sans magasins ouverts.

U Chrono. : 23/01, 15/03, 24/03, 7/05, 14/05, 20/05, 9/08, 7/09.

JÉRÔME VAILLANT downloadModeText.vue.download 158 sur 602 MONDE

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ÎLES BRITANNIQUES

En dépit d’une nette amélioration de l’économie, le Parti conservateur, aux affaires depuis dix-sept ans, ne semble plus être en mesure d’échapper à l’usure du pouvoir au terme d’une année où il n’a pas su profiter du cessez-le-feu en Ir- lande du Nord pour imposer la paix. En république d’Irlande, les bons résultats économiques ne renforcent pas la posi- tion des partis au pouvoir dans ce pays qui continue d’être traversé par de grands débats liés à son entrée tardive dans la modernité.

Grande-Bretagne : l’embellie économique

L’amélioration économique que la Grande-Bretagne a connue depuis 1993 s’est ternie quelque peu en 1995. Ce ra- lentissement se poursuit en début d’an- née 1996, mais l’automne 1996 apporte une véritable embellie. Tant et si bien que l’on prévoit, pour 1996, un taux de crois- sance du même ordre qu’en 1995 (envi- ron 2,5 %, pour plus de 4 % en 1994). Le faible taux de croissance du début d’an- née ne pouvait qu’avoir des effets néfastes sur les finances publiques : le déficit glo- bal, à la fin du premier trimestre, est de 323 milliards de livres, soit un dépasse- ment de 3 milliards par rapport aux pré- visions. Ce dépassement est davantage imputable aux effets du ralentissement de l’activité, qui a entraîné une baisse des rentrées fiscales, qu’à une augmentation des dépenses publiques. La diminution du déficit de la balance commerciale s’ex- plique, quant à elle, par le ralentissement des importations, plutôt que par une aug- mentation réelle du nombre des exporta- tions – le fonctionnement au ralenti des économies européennes ainsi que le taux soutenu de la livre justifiant cette faible progression. Pendant l’année 1996, la livre s’apprécie en effet de près de 10 % face au Mark et de 9 % face au franc.

Le gouvernement continue d’afficher une confiance absolue dans sa gestion de l’économie, l’embellie économique n’ayant pas provoqué de tensions sur les prix. La baisse du nombre des chômeurs est indiscutablement impressionnante. Avec 7,5 % de demandeurs d’emploi à la fin de l’été, ce résultat est le plus impressionnant de l’économie britannique. Le gouver- nement explique ce faible taux (l’un des meilleurs de l’Union européenne) par l’amélioration générale du niveau de vie des familles, elle-même fruit de la baisse de l’impôt sur le revenu, de l’augmenta- tion des traitements du secteur public, des retombées financières des privatisa- tions, de la baisse des taux d’intérêt et, bien sûr, du redressement de la situation de l’emploi. D’autres explications sont à mettre en avant : les charges sur les sa- laires sont faibles (18 % du salaire contre plus de 40 % en France), le pouvoir syn- dical est affaibli, ce qui favorise la flexi- bilité de l’emploi (de l’embauche et du li- cenciement notamment), et la formation professionnelle s’est améliorée.

Mais, examiné de près, le remède anglais n’est pas encore parfait : le travail à temps partiel concerne, en effet, envi- ron 25 % de la population active et près de 45 % des femmes. En outre, comme la population britannique a cessé de croître, toute création d’emploi se traduit par une baisse du chômage. downloadModeText.vue.download 159 sur 602

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Politique : une relève nécessaire

Lors de l’ouverture de l’ultime session parlementaire avant les élections légis- latives de 1997, le gouvernement pri- vilégie le thème du maintien de l’ordre. Cela reflète, certes, les désirs de l’opinion, mais constitue aussi un aveu d’échec pour un parti, au pouvoir depuis 1979, qui n’a pu contenir la montée spectacu- laire de la violence et de la criminalité. Outre l’usure du pouvoir, inévitable après dix-sept ans, le Parti conservateur pâtit encore des nombreux dossiers dont la gestion n’a pas toujours été heureuse. Les affaires, l’Europe, la maladie de la « vache folle », l’Irlande du Nord sont autant de problèmes qui pèsent sur l’image d’un gouvernement qui subit également par contrecoup la crise profonde que traverse la famille royale.

Les affaires Deux rapports importants sont rendus publics en 1996. À la suite de la com- mission d’enquête, présidée par le juge Richard Scott, et créée en 1992 pour éclaircir l’affaire des exportations illé- gales d’armes à l’Irak, John Major tente de dédouaner deux ministres impliqués dans le scandale, mais sans convaincre cependant ni l’opposition ni l’opinion. En 1994, une autre commission, prési- dée par le juriste lord Nolan, avait été chargée d’élaborer un code de bonne conduite dans la vie politique. Égale- ment publié cette année, son rapport recommande la nomination d’un com- missaire parlementaire chargé de di- vulguer des informations sur les liens financiers des députés avec le milieu d’affaires, ainsi que la mise en place d’un contrôle sur l’embauche d’anciens ministres dans le secteur privé. La sou- mission du gouvernement à ces recom- mandations ne met cependant pas fin aux scandales. Fin septembre, un grand quotidien publie les noms de 24 par- lementaires ayant touché de l’argent pour poser des questions à la Chambre des communes. Or, parmi ces 24 noms figurent ceux de 21 conservateurs et, parmi eux, de 11 ministres et anciens ministres. Quelles que soient les suites de cette nouvelle affaire, la démocratie parlementaire britannique s’en trouve déjà un peu plus discréditée.

L’Europe

L’avenir de l’Union européenne, et no- tamment de la monnaie unique, continue de diviser le Parti conservateur au pou- voir. Sous la pression des eurosceptiques de sa majorité, le gouvernement finit par céder sur l’organisation d’un référendum sur l’Europe. Cette vieille exigence des conservateurs est même à l’origine de la création, en octobre 1996, d’un nouveau parti politique qui, sous la direction de Jimmy Goldsmith, député européen franco-anglais proche de Philippe de Vil- liers, reproche au gouvernement de vou- loir organiser un référendum sur la seule question de la monnaie unique et non sur l’appartenance même de la Grande- Bretagne à l’Union européenne. En cas de victoire travailliste aux élections de 1997, il n’est pas évident non plus que les partisans du traité de Maastricht trouvent beaucoup plus de soutien qu’auparavant. Malgré son fort penchant proeuropéen, l’éventuel Premier ministre travailliste réussira difficilement à éviter que son parti ne se divise sur ce thème. Il faut dire que cette question partage l’ensemble des downloadModeText.vue.download 160 sur 602

MONDE

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Britanniques depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

La maladie de la « vache folle »

L’affaire de la « vache folle » contribue à détériorer un peu plus les relations entre la Grande-Bretagne et les autres membres de l’Union européenne, en même temps qu’elle renforce la détermination des eurosceptiques du Parti conservateur. Malgré les demandes réitérées de Londres d’une levée de l’embargo frappant les exportations britanniques de bovins, il semble que les autorités britanniques vont être obligées de procéder à l’abat- tage sélectif du cheptel, en conformité avec les engagements pris à Florence au mois de mars 1996. Les éleveurs écossais et nord-irlandais, qui, en grande partie, ont axé leur production de viande sur des animaux de qualité élevés à l’herbe, font pression sur le gouvernement pour qu’il respecte ses engagements. À leurs yeux, seule l’application de l’accord de Florence permettra de restaurer la confiance et mettra fin à l’embargo. Ce dossier s’alour- dit en cours d’année, quand des cher- cheurs britanniques confirment leur qua- si-certitude à propos de la transmission à l’espèce humaine de l’agent responsable de l’ESB (encéphalopathie spongiforme bovine).

La famille royale

Le 12 juillet, c’est sans grande surprise que les Britanniques apprennent le divorce du prince Charles et de lady Diana. Leur séparation, déjà vieille de trois ans, forte- ment médiatisée, a contribué à discrédi- ter la monarchie. Toutes les conséquences politiques, symboliques et religieuses (la reine est chef de l’Église anglicane) de l’échec de ce mariage mettront du temps à faire surface. En attendant, seule la reine semble incarner encore, à la satisfaction générale, l’identité britannique et l’unité du Commonwealth.

Irlande du Nord

Le processus de paix en Ulster s’enlise pendant l’année. Las d’attendre une ré- ponse adéquate du gouvernement bri- tannique au cessez-le-feu d’août 1994, l’IRA (Irish Republican Army) reprend sa campagne d’attentats, le 9 février, avec une explosion qui tue deux personnes à Londres. Puis, c’est un attentat sanglant à Manchester, le 15 juin. L’attentat à la voi- ture piégée au quartier général de l’armée britannique à Lisburn, le 7 octobre, sou- ligne que le cessez-le-feu a également pris fin sur le sol d’Irlande du Nord. Les faucons du mouvement républicain l’ont donc clairement emporté face à Gerry Adams et à ses partisans, ce qui laisse à tous les Irlandais une impression de gâ- chis extraordinaire. L’automne et l’hiver de 1994-1995 avaient vu naître un im- mense espoir dans un pays peu porté à la réconciliation. Mais les exigences des élus unionistes protestants, qui réclamaient le désarmement des paramilitaires comme préalable à toute négociation, ainsi que leur poids indéniable à la Chambre des communes, où le gouvernement risque souvent la mise en minorité, ont eu rai- son des positions audacieuses et pro- metteuses du début du mandat de John Major. Ainsi, en juillet 1995, un soldat britannique, condamné à perpétuité pour le meurtre d’une jeune catholique nord- irlandaise avait été libéré : en juillet 1996, les unionistes protestants obtiennent l’autorisation de défiler dans les quartiers downloadModeText.vue.download 161 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

160 catholiques pour commémorer la vic- toire du protestant Guillaume d’Orange sur le catholique Jacques II. Après l’espoir de 1995, il semble que tout puisse de nou- veau arriver en Irlande du Nord.

U Chrono. : 23/01, 9/02, 15/03, 2/05, 30/05, 12/07, 25/07, 29/07, 28/08, 19/09, 4/10, 24/10.

République d’Irlande

À la différence de beaucoup de ses par- tenaires de l’Union européenne, la répu- blique d’Irlande est en passe de satisfaire aux critères de Maastricht. Pour la cin- quième année consécutive, elle enregistre le taux de croissance le plus élevé de l’Union : celui-ci dépassera sans doute les 6 % du PIB en 1996 et peut-être même en 1997. Depuis 1994, la consommation in- térieure s’est redressée nettement chaque année ; les investissements ont augmenté d’environ 10 % en 1995 et l’on s’attend à un taux de 8 % pour 1996 ; la production manufacturière a fait un bond d’environ 20 % en 1995 et si, en 1996, elle risque d’être plus modeste, elle atteindra sans doute 11 %. Les secteurs de la haute tech- nologie, sous contrôle multinational, sont à la pointe de la production et des expor- tations. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que les répercussions en matière d’emploi aient été positives. Peu à peu, le pays semble en voie de surmonter le fléau endémique du chômage, qui a provo- qué l’émigration massive des Irlandais depuis la première moitié du XIXe siècle. Il n’y a pas si longtemps, le nombre des demandeurs d’emploi représentait 20 % de la population active ; en 1995, il était descendu à 13 % et l’on s’attend à un taux de moins de 12 % pour 1996. Avec une balance courante positive, un taux d’inflation stabilisé autour de 2 % et un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB, le bilan économique irlandais est effecti- vement positif. Malgré cela, le principal parti de la coalition gouvernementale (le Fine Gael) ne semble pas avoir augmenté son audience. À en juger par les sondages d’opinion, le gouvernement qui sortira des urnes en 1997 sera de nouveau un gouvernement de coalition. Les Irlandais semblent refuser dorénavant de confier leur destin à un seul parti politique.

La République, où le divorce n’est autorisé que depuis 1995, continue d’être traversée par de grands débats consécu- tifs à son entrée dans la modernité éco- nomique et sociale. La sécularisation de la société est à l’ordre du jour, mais l’op- position et le poids de l’Église catholique, qui fait cette année campagne contre la contraception, restent forts. La neutralité irlandaise, toujours soutenue par la ma- jorité des habitants, malgré le rapproche- ment avec l’Europe, ainsi que le problème de la drogue, qui provoque une mobili- sation populaire importante contre les trafiquants, suscitent également d’impor- tants débats dans le pays. PAUL BRENNAN downloadModeText.vue.download 162 sur 602

MONDE

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BENELUX

Si les Pays-Bas et le Luxembourg font peu parler d’eux cette année, la Bel- gique occupe une nouvelle fois le devant de la scène : le malaise y est si grand qu’un horrible fait-divers provoque un vaste mouvement de contestation et suffit à raviver les interrogations sur l’avenir du pays.

Belgique : l’affaire Dutroux, un révélateur Au départ, l’affaire Dutroux relève du droit commun. Depuis quelques an- nées, plusieurs disparitions de fillettes et déjeunes filles avaient été signalées, tant en Flandre qu’en Wallonie. L’arres- tation du chef d’un réseau de pédophilie, Marc Dutroux, conduit à une succession de macabres découvertes. À partir de là s’enclenche le processus de politisation du dossier, selon une double voie. La pre- mière emprunte les sentiers battus de la querelle entre Flamands et Wallons. Les résidences de Marc Dutroux se trou- vaient toutes en Wallonie et l’amalgame est vite fait avec des scandales antérieurs ; on se remémore « les tueurs fous du Bra- bant wallon » ainsi que le mystérieux assassinat de l’ancien ministre liégeois André Cools (1991). Or – pure coïnci- dence –, l’on rouvre ce dernier dossier à l’occasion de l’arrestation d’un autre an- cien ministre (socialiste wallon lui aussi), Alain Van der Biest, soupçonné d’avoir commandité l’assassinat d’un rival poli- tique. L’on apprend en outre que Marc Dutroux percevait de substantielles allo- cations d’invalidité ; la révélation tombe mal, à un moment où les Flamands de- mandent la régionalisation de la sécurité sociale pour ne pas avoir à supporter le coût d’une Wallonie vieillie et fortement touchée par le chômage. Des journaux et des hommes politiques flamands fus- tigent alors la dégradation de la situa- tion en Wallonie et dénoncent le Parti socialiste francophone, qui, s’il gouverne effectivement la région, appartient aussi à la majorité fédérale. Par ailleurs, le Parti socialiste flamand est à nouveau mis sur la sellette dans une affaire de pots-de-vin qui a fait grand bruit puisqu’elle abou- tit à rien de moins qu’au lancement, en mai, d’un mandat d’arrêt international contre Serge Dassault. La déstabilisation d’une des composantes du gouvernement fédéral n’est cependant qu’un élément mi- neur de la crise politique. Marc Dutroux avait déjà été emprisonné et relâché pour bonne conduite avant le terme de sa peine ; des rapports de gendarmerie le désignant comme suspect avaient été ignorés par la justice, ce qui a proba- blement coûté plusieurs vies humaines. Des dysfonctionnements de l’appareil d’État (la police et la justice restent des attributions fédérales) apparaissent ainsi au grand jour ; pour se disculper, forces de l’ordre et magistrature vident leurs querelles sur la place publique. Le bruit court, sans preuves formelles à ce jour, qu’il ne se serait pas seulement agi de négligences, mais d’une protection orga- nisée de « personnages haut placés ». En octobre, le dessaisissement du juge Jean- Marc Connerotte, qui avait eu le tort d’accepter une invitation des parents de victimes, scandalise l’opinion.

L’émotion est comparable à celle qui avait suivi la mort du roi Baudouin en 1993 ; mais elle joue cette fois contre l’État. Une pétition est lancée pour de- downloadModeText.vue.download 163 sur 602

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162 mander l’application de peines incom- pressibles aux auteurs de certains crimes ; elle obtient une audience sans précédent, avec 2,7 millions de signatures. Le 20 oc- tobre, une marche sur Bruxelles pour la protection des enfants est organisée. Le Premier ministre reste très discret tout au long des débats parlementaires qui s’ensuivent alors que, fait inhabituel, le roi Albert intervient le 10 septembre pour demander que toute la lumière soit faite sur les affaires qui inquiètent le pays.

Pendant ce temps, la guerre des com- muniqués continue entre Flamands et Wallons. Les premiers veulent pousser plus loin l’autonomie des communautés et des régions, au risque de vider l’État fédéral de sa substance. En juillet, Claude Eerdekens, président du groupe parle- mentaire des socialistes francophones, évoque alors, dans l’hypothèse d’un éclatement de la Belgique, l’idée d’un rattachement de la Wallonie à la France. Menace réelle ou simple boutade, la dé- claration a un écho considérable, d’autant que le président du gouvernement de Wallonie, Robert Collignon, renchérit en septembre en se disant prêt à envisager tous les « scénarios institutionnels ». Le courant rattachiste, très minoritaire en Wallonie, s’en trouve d’un coup conforté, même si l’idée ne semble pas prise très au sérieux du côté français.

U Chrono. : 15/08, 8/09, 14/10, 20/10.

La préparation des budgets 1997

Dans les pays du Benelux, où gouvernent des coalitions politiques, la préparation du budget est traditionnellement une période de tensions, qui se sont avivées avec les contraintes imposées par le trai- té de Maastricht. En 1996, la Belgique n’échappe pas à ces turbulences, alors que le Luxembourg et, de façon plus surpre- nante, les Pays-Bas passent l’écueil sans trop de dommages.

Le cas du Luxembourg reste original en Europe. Ses activités financières conti- nuent de tirer une croissance économique soutenue, qui semble peu affectée par les difficultés rencontrées par l’Allemagne et la France. La position du Grand-Du- ché devient cependant difficile à la suite de fuites, concernant les placements de capitaux allemands et belges, qui pro- fitent du secret bancaire pour échapper à la fiscalité de leurs pays. En attendant, le Luxembourg présente encore en 1996 le seul budget excédentaire de l’Union européenne.

Aux Pays-Bas, le risque d’une crise po- litique n’était pas négligeable, les libéraux prenant progressivement leurs distances avec les socialistes, dont ils sont les par- tenaires au sein de la coalition gouverne- mentale. La reprise de la croissance éco- nomique (plus de 2 % en 1996) fournit au gouvernement une marge de manoeuvre, qui permet de concilier les aspirations des deux ailes de la majorité. Une légère diminution des impôts directs sera com- pensée par une hausse des impôts indi- rects, tandis que la participation publique à l’assurance maladie ira en décroissant. Un courant continu de créations d’em- plois, à tous les niveaux de qualification (mais surtout aux plus faibles), provoque une sensible diminution du chômage (6 à 7 % de la population active) ; en fait, le développement – discuté – d’emplois subventionnés par l’État y contribue sans doute. Le gouvernement prend la décision de ne pas augmenter les cotisa- tions de retraite, l’aggravation prévisible downloadModeText.vue.download 164 sur 602

MONDE

163 des dépenses, due au vieillissement de la population, devant être prise en charge par l’impôt. Le déficit budgétaire devrait néanmoins tomber au-dessous de 3 % en 1997, alors que la dette publique dépasse- rait encore 75 % du PIB. Le service mili- taire néerlandais prend officiellement fin le 30 août, avec quelques mois d’avance sur la date prévue.

En Belgique, la négociation budgé- taire est rendue difficile, à la fois par les oppositions idéologiques et par les antagonismes régionaux. Pour éviter la bataille des amendements, le gouverne- ment de Jean-Luc Dehaene obtient en mai du Parlement l’autorisation de re- courir à la procédure des lois-cadres. En effet, la croissance est restée ici modérée (à peine supérieure à 1 %), tandis que les critères de Maastricht corsetaient encore plus la préparation du budget. Il apparaît d’ores et déjà que le montant de la dette publique se tiendra très au-delà du seuil prescrit ; la Belgique espère cependant que sa candidature à la monnaie unique ne sera pas refusée si un processus de réduction de la dette est amorcé. Celle-ci devrait passer en 1997 de 130 à 127 % du PIB ; on est loin du seuil de Maastricht (60 %), mais cela suffit à faire peser une contrainte supplémentaire sur un budget dont le déficit doit par ailleurs être limité à 3 % du PIB. Les arbitrages choisis par la Belgique sont très classiques : augmen- tation des recettes fiscales (taxes sur les carburants, l’alcool et le tabac), diminu- tion des dépenses (subventions aux en- treprises et aux musées fédéraux, charges militaires, etc.). Comme en France, le déséquilibre croissant des comptes de la Sécurité sociale vient aggraver la situa- tion budgétaire ; une diminution du rem- boursement des dépenses de santé et une réforme du régime des retraites sont pré- vues pour 1997. Quelques concessions sont accordées aux régions : réduction de la TVA sur les fleurs coupées (une des grandes productions agricoles fla- mandes) ; subvention à l’industrie aéro- nautique (filière Airbus, surtout présente en Wallonie). Les syndicats ont vigou- reusement condamné ces orientations budgétaires, mais les divergences entre organisations socialiste et chrétienne ont empêché un grand mouvement social de se développer.

Europe politique et Europe économique

Les trois pays du Benelux constituent, on le sait, de fervents partisans de l’intégra- tion européenne : leur zèle à entrer dans l’union monétaire en témoigne. Mais ils étaient aussi les seuls petits États parmi les fondateurs du Marché commun, et ils en avaient alors tiré avantage. Cette année, la Conférence intergouvernementale (CIG) travaille, entre autres, à une réforme des institutions européennes, qui tiendra mieux compte du poids démographique et économique des composantes. Cela jouera au détriment des petits États. Les pays du Benelux ont donc une partie dif- ficile à négocier : déterminer des conces- sions acceptables qui relancent l’Union sans trop minorer la représentation des petits États. Jusqu’ici, les réactions défen- sives l’ont emporté, ce qui explique la minceur des progrès enregistrés en 1996.

Sur la scène européenne, les Pays-Bas font toujours figure d’accusés en raison de leur politique libérale vis-à-vis de l’usage des drogues douces, confirmée dans ses grandes lignes par le Parlement en mars- avril 1996. La France en tire argument downloadModeText.vue.download 165 sur 602

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164 pour maintenir les contrôles de police à la frontière belge, alors que l’Observa- toire européen des drogues de Lisbonne étudie la possibilité d’une harmonisation des législations sur la question, qui paraît très difficile à atteindre. Dans les pays du Benelux, l’intégra- tion économique n’a pas attendu l’achè- vement de la construction européenne : les stratégies des grands groupes s’ins- crivent de plus en plus dans une optique internationale. L’année 1996 connaît ainsi son lot de concentrations et de prises de contrôle. La Compagnie luxembour- geoise de télévision (CLT), à majorité de capitaux belges, a fusionné avec une filiale du géant allemand Bertelsmann. L’accord entre Sabena et Swissair tourne nettement à l’avantage de cette dernière, qui va regrouper sous sa houlette l’acti- vité fret des deux compagnies aériennes. Mais l’événement le plus important est la fusion du Crédit communal de Belgique (CCF) avec le Crédit local de France (CLF), pour constituer Dexia, principal groupe bancaire européen spécialisé dans le financement des collectivités territo- riales. Malgré la fusion à parité, le CLF

« pèse » un peu plus lourd que son par- tenaire, ce qui, en Belgique, donne une fois de plus l’impression d’une mainmise croissante des firmes françaises sur l’éco- nomie du pays. Déjà, la prise de contrôle de Tractebel (producteur privé d’électri- cité) par la Société générale de Belgique (groupe Suez) avait suscité des réactions hostiles en Flandre.

Les Pays-Bas disposent d’une base beaucoup plus solide de grandes entre- prises, qui jouent souvent un rôle moteur dans les concentrations en cours. Mais il existe des exceptions. Ainsi, la firme aéronautique Fokker, qui avait été reprise par le groupe allemand Daimler-Benz, est déclarée en faillite en mars 1996 ; à l’automne, les pourparlers se poursui- vaient avec plusieurs « repreneurs » éven- tuels, dont le coréen Samsung. Au même moment, on annonçait le rachat de Daf Trucks (camions) par la société améri- caine Paccar, opération qui paraissait en revanche favorable à la consolidation des activités aux Pays-Bas.

JEAN-CLAUDE BOYER downloadModeText.vue.download 166 sur 602

MONDE

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ITALIE Pour la première fois depuis 1947, l’Ita- lie est dirigé par un gouvernement dans lequel les héritiers du Parti commu- niste italien ont une part prépondérante. Mais les incertitudes qui pèsent sur la vie politique italienne semble donner raison aux partisans de la réunion rapide d’une Assemblée constituante, qui ferait enfin sortir le pays de la phase de transition où il s’attarde.

Les élections du 21 avril

Après la démission de Lamberto Dini, le 30 décembre 1995, les négociations sur la mise en place d’un gouvernement de larges alliances échouent à cause de l’intransigeance de Gianfranco Fini de l’Alliance nationale (le parti qui a pris la suite, fin 1995, du néofasciste Mou- vement social italien, MSI). Ce blocage institutionnel impose la tenue de nou- velles élections. À droite, le Pôle de la liberté de Silvio Berlusconi renforce sa composante catholique tout en perdant son alliance avec la Ligue du Nord et le MSI-Flamme tricolore, puisque aucun accord de désistement n’est signé. À gauche, Romano Prodi réussit à rassem- bler, sur un programme modéré, un large éventail politique, d’anciens démocrates- chrétiens au PDS (parti de la Gauche, ex- communiste). C’est la coalition de l’Ulivo (l’Olivier), qui, alliée au parti de Lam- berto Dini, réussit à conclure un accord de désistement avec Rifondazione comu- nista (communiste de gauche). Si l’Ulivo est le vainqueur des élections (il dispose de la majorité absolue au Sénat), à la Chambre, avec seulement 284 sièges sur

630, il a besoin de l’apport des 35 députés de Rifondazione comunista. Ce succès de l’extrême gauche (8,6 % des voix) consti- tue un handicap pour la nouvelle majori- té, dont la survie dépend donc d’un parti marxiste, antieuropéen et anticapitaliste. Il est cependant difficilement imagi- nable que les communistes refondateurs provoquent la chute du premier minis- tère auquel participe la gauche italienne depuis 1947. Cette victoire reste par ail- leurs ambiguë : due davantage aux méca- nismes du mode de scrutin qu’à l’ampleur de l’adhésion populaire, elle ne doit pas faire oublier que, additionnés, les suf- frages du Pôle de la liberté, de la Ligue du Nord et de la liste de M. Dini montrent que l’opinion italienne reste majoritaire- ment de centre droit. À lui seul, le Pôle de la liberté obtient légèrement plus de voix que l’Ulivo. M. Fini, même s’il ne réalise pas son objectif (faire de l’Alliance natio- nale la première force de la droite), avec 15,7 % des suffrages, n’en progresse pas moins de 2,2 points par rapport à 1994, tout en étendant son influence dans le nord du pays. La vraie surprise de ces élections est le triomphe de la Ligue du Nord, que tous les pronostics donnaient en déclin. Son score national de 10,1 % masque en effet une véritable explosion en Lombardie septentrionale (35,8 %) et en Vénétie du Nord-Est (32,8 %). Solide- ment implanté parmi les petits et moyens entrepreneurs de ces régions riches, im- patients de secouer la tutelle romaine, le mouvement gagne de plus en plus dans les milieux populaires et chez les jeunes. Faible au Parlement, il constitue néan- moins une force sociale avec laquelle le downloadModeText.vue.download 167 sur 602

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166 gouvernement doit compter.

La création d’un grand ministère de l’Économie regroupant le Trésor et le Budget, sous la direction de Carlo Aze- glio Ciampi, témoigne de la priorité que le nouveau gouvernement accorde aux problèmes économiques. La personna- lité du ministre, ainsi que l’importance des ministères confiés au parti fondé par M. Dini sont faites pour rassurer les milieux économiques et contrebalancer le poids du PDS au sein de la nouvelle équipe. Ce dernier reçoit en effet la vice- présidence du conseil et 9 ministères clefs. Enfin, l’attribution du ministère des Travaux publics au juge vedette de Mani pulite (Mains propres), Antonio di Pietro, semble alors une garantie de la poursuite de la lutte anti-corruption. Cependant, comme lui-même est inculpé dans une affaire de corruption, sans doute avec le soutien de la partie de la société italienne soucieuse d’en finir avec l’opération Mani pulite, il présentera sa démission en novembre.

La « république de Padanie »

Les deux priorités annoncées par R. Pro- di sont la réforme institutionnelle et l’as- sainissement financier, condition du re- tour de l’Italie dans le système monétaire européen. L’instauration du fédéralisme, désormais accepté par l’ensemble des forces politiques, à l’exception d’Alliance nationale, constitue une réponse à la de- mande d’autonomie, exprimée massive- ment par les populations septentrionales lors des élections, en même temps qu’un moyen d’enrayer la dérive extrémiste, au- toritaire et antidémocratique d’Umberto Bossi (Ligue du Nord). Celui-ci reven- dique désormais l’indépendance d’une

« Padanie » englobant les 11 régions d’Italie centro-septentrionale : un Comi- té de libération nationale, un Parlement (à Mantoue) et un gouvernement provi- soire sont déjà en place. Les rites médié- vaux, ésotériques et parareligieux accom- pagnent les grandes manifestations des 13, 14 et 15 septembre, destinées à renfor- cer ou à créer l’indispensable sentiment d’appartenance à la Padanie. Proclamée à Venise le 15 septembre, l’indépendance de la Padanie se heurte cependant à des obstacles difficilement surmontables, à commencer par les trop grandes diffé- rences politiques et culturelles entre les régions concernées et l’imbrication des économies du Nord et du Sud. Le projet se heurte aussi aux réactions qu’il suscite jusqu’au sein de la Ligue, comme celles d’Irène Pivetti, ancienne présidente de la Chambre des députés, expulsée depuis du parti de M. Bossi. Les plus hautes au- torités de l’État ne se bornent plus à pro- clamer solennellement l’intangibilité de l’unité italienne : des enquêtes judiciaires sont ouvertes pour atteintes aux prin- cipes constitutionnels d’unité nationale et pour constitution de milices armées (la transformation des « Chemises vertes », le service d’ordre de la Ligue, en Garde nationale ayant été annoncée). L’Église, de son côté, condamne nettement l’indi- vidualisme et l’égoïsme des slogans de la Ligue. Il semble cependant que M. Bossi, par ses gestes provocateurs, ait surtout voulu redonner une « visibilité » à son mouvement, ce qu’il a parfaitement réus- si, afin d’aborder les négociations sur le fédéralisme en position de force. downloadModeText.vue.download 168 sur 602

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L’Italie et l’Europe La question européenne constitue le trait d’union entre le programme institution- nel et le programme économique du gou- vernement. M. Prodi sait que la pleine participation du pays aux instances euro- péennes est l’unique moyen de briser la propagande de M. Bossi, qui proclame que seule la Padanie serait en mesure de satisfaire aux critères de Maastricht, le reste du pays étant voué à la dérive des ré- gions méditerranéennes. Mais la sévérité des sacrifices nécessaires pour y parvenir provoquent de nombreuses résistances. Certains économistes redoutent les effets d’une trop grande rigueur sur une crois- sance faible (les prévisions pour 1996 sont de l’ordre de 1,2 %) et sur un chô- mage déjà très élevé (environ 2,8 millions de personnes). Plus grave pour la survie du gouvernement, l’hostilité de la gauche (les syndicats, une partie du PDS, Rifon- dazione comunista) à l’égard de la poli- tique d’austérité, provoque de difficiles discussions avant l’adoption du projet de loi de finances.

Sur la nécessaire réduction du déficit public (6,5 % du PIB en 1996), R. Prodi est pris entre les propositions de son mi- nistre de l’Économie, M. Ciampi (baisse des dépenses de santé et de retraites ainsi que baisse des transferts aux collectivités locales) et l’opposition de gauche à toute atteinte à l’État social, le leader de Rifon- dazione comunista, Fausto Bertinotti, menaçant de voter contre le gouverne- ment si ses exigences ne sont pas prises en compte.

Le projet de loi approuvé par le Conseil des ministres du 27 septembre est le résultat d’un compromis. M. Ber- tinotti obtient que les restrictions bud- gétaires de 50 000 milliards de lires ne touchent ni les retraites ni le secteur sa- nitaire. En échange, il accepte un impôt extraordinaire, progressif, une taxe euro- péenne de 12 000 milliards de lires, des économies supplémentaires se fondant sur la réduction des gaspillages publics et des déductions fiscales, sur la diminu- tion du budget des chemins de fer, des autoroutes et des subventions aux collec- tivités locales, ainsi que sur une répres- sion plus sévère de la fraude fiscale. Le projet soulève de nombreuses critiques de la part des économistes, M. Dini lui- même ayant exprimé son scepticisme sur les résultats d’une loi de finances qui ne touche pas aux principaux responsables du déficit. Ces doutes sont, semble-t-il, partagés à l’étranger, comme le montrent les réflexions de Jacques Chirac sur les faibles chances italiennes de rejoindre la monnaie unique en 1999. downloadModeText.vue.download 169 sur 602

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Quel avenir pour l’Ulivo ?

L’opposition ne manque pas, à la suite de cet accord, de présenter M. Prodi comme l’otage des communistes. Il semble bien que des motifs plus politiques qu’éco- nomiques aient dicté le choix du chef du gouvernement, qui n’a pas souhaité compenser la défection de certaines fac- tions de sa majorité par l’apport de voix de l’opposition (les catholiques du CCD- CDU, par exemple). En trouvant un com- promis avec Rifondazione comunista, il a voulu montrer la cohésion des forces qui le soutiennent, au risque de renforcer une extrême gauche qui pourra désormais se présenter comme le meilleur défenseur des retraités et des assurés sociaux.

La loi de finances est, à cet égard, un catalyseur des problèmes internes de l’Ulivo, tiraillé entre trois options diffé- rentes. Pour M. Prodi et Walter Veltroni (no 2 du gouvernement), la coalition de- vrait se transformer en une sorte de Parti démocrate à l’américaine. Selon Massimo D’Alema (PDS), il s’agit, pour l’ensemble des héritiers de la gauche historique ita- lienne, de constituer une force sociale- démocrate ; d’où son rapprochement avec des personnalités socialistes comme Giuliano Amato ou l’adoucissement de ses jugements sur Bettino Craxi lui- même (l’ancien président du Conseil vit en exil pour échapper à la prison). Enfin, les centristes de l’Ulivo et du Pôle de la liberté continuent de rêver de la recons- titution en Italie, sinon de la Démocratie chrétienne, du moins d’un grand parti du centre dans lequel se reconnaîtrait, selon eux, la majorité des Italiens. Cette dernière hypothèse va à l’encontre de l’évolution du pays depuis 1992 et semble difficilement compatible avec le scrutin majoritaire. U Chrono. : 11/01, 16/02, 21/04, 12/05, 16/05, 20/05, 1/08, 15/09, 1/10, 14/11.

GENEVIÈVE BIBES downloadModeText.vue.download 170 sur 602

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PÉNINSULE IBÉRIQUE

Les évolutions des deux voisins ibé- riques offrent bien des similitudes en 1996. En consacrant le principe de l’alternance, les deux jeunes démocraties ont montré leur maturité. En Espagne, la courte défaite de Felipe Gonzalez, au pouvoir depuis 1982, permet à la droite de s’imposer pour la première fois depuis la mort de Franco. Au Portugal, la vic- toire socialiste à la présidentielle amplifie le succès remporté par Antonio Guterres lors du scrutin législatif d’octobre 1995.

Sur le plan économique et social, l’ob- jectif prioritaire des deux voisins est resté celui du respect des engagements euro- péens, exprimé par leur volonté com- mune de participer à la troisième phase de l’Union économique et monétaire (UEM), ce qui entraîne dans les deux pays l’adoption de budgets d’austérité.

Espagne : alternance paisible sur fond d’austérité

À défaut d’être empreinte de sérénité, la campagne pour les élections législatives se déroule selon un scénario écrit long- temps à l’avance, celui d’une lutte sans merci entre les deux principaux partis politiques. Elle s’achève par la victoire an- noncée depuis des mois, mais finalement plus courte que prévue, du Parti popu- laire de José Maria Aznar. Hypothèse dé- laissée jusque-là par la plupart des obser- vateurs, persuadés du raz de marée des Populares, l’étroitesse de ce succès place paradoxalement, mais une fois de plus, les partis nationalistes modérés basques et catalans en position d’arbitre de la vie politique nationale. Ainsi, le pouvoir de Jordi Pujol, le président de la généralité de Catalogne, pourtant malmené lors des élections, s’en trouve conforté. La marge de manoeuvre réduite dont dispose le nouveau président du gouvernement explique ses débuts prudents, qui ne l’em- pêchent toutefois pas de prôner une cure d’austérité.

Une victoire au goût amer

Présenté comme moribond depuis plu- sieurs mois, le Parti socialiste semblait même courir le risque de sortir laminé du scrutin de début mars. Affaibli par plu- sieurs affaires qui avaient sérieusement entamé sa crédibilité et altéré l’image de son chef charismatique, Felipe Gon- zalez, le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) paraissait passablement usé par près de quatorze années de présence ininterrompue au pouvoir. Face à lui, le Parti populaire de José M. Aznar pou- vait se targuer des résultats très encoura- geants obtenus lors des récentes élections et miser sur la lassitude éprouvée par une partie de l’opinion publique à l’égard de la corruption, des scandales et du chô- mage symbolisant, à ses yeux, le « féli- pisme ». Ayant, de surcroît, procédé à un recentrage de son discours et de son pro- gramme depuis le début des années 90, cultivant l’image d’une droite moderne, libérale, européenne et centriste, le Parti populaire semblait même avoir en partie réussi à se défaire de son image négative de parti de droite, cette droite autoritaire trop liée au souvenir de la dictature.

De fait, crédités d’intentions de vote très défavorables dans les sondages, les socialistes jouent habilement des réti- cences instinctives de l’électorat centriste downloadModeText.vue.download 171 sur 602

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170 et des indécis à l’encontre d’un parti abu- sivement assimilé au franquisme. En n’hésitant pas à reprendre à son compte le légendaire « No pasaran ! », mot d’ordre brandi par les républicains pour défendre Madrid contre les troupes nationalistes en 1938, Felipe Gonzalez réussit proba- blement à dissuader une frange de l’élec- torat de voter pour les Populares. Quitte, au moment du soixantième anniversaire de la guerre civile, à écorner sérieusement le discours consensuel développé depuis une vingtaine d’années sur la nécessaire réconciliation des « deux Espagne ». Dans un tel climat de dramatisation, assombri de surcroît par les attentats perpétrés par l’ETA, les prestations télévisuelles et la combativité de Felipe Gonzalez, sa bonne conscience et sa détermination à toute épreuve – sans oublier la reprise de la croissance et l’embellie de l’économie espagnole – ont probablement contri- bué à transformer la déroute annoncée du PSOE en une courte défaite, assez inespérée.

Au soir du 3 mars, en effet, le Parti populaire ne devance que de 300 000 voix le PSOE (38,85 % des suffrages contre 37,48 %) et ne remporte que 156 sièges de députés au Parlement (contre 141 au PSOE), manquant ainsi la majorité absolue d’une vingtaine de sièges. José M. Aznar doit à son tour, afin de disposer d’une majorité au Parlement, s’entendre avec les nationalistes, Catalans de la CiU (Convergence et union) de Jordi Pujol, Basques du PNV (Parti national basque), ou encore Canariens, alors qu’il accusait les socialistes de les favoriser au détri- ment des intérêts nationaux. Les trac- tations durent de longues semaines. De tradition plutôt centralisatrice et hostile

à l’autonomisation croissante des régions, le parti de José M. Aznar passe avec les nationalistes des accords qui prévoient, notamment, une réforme du système de financement des autonomies, une parti- cipation plus directe de celles-ci à l’élabo- ration de la politique européenne décidée par Madrid, ainsi que la disparition des gouverneurs civils.

Conclu le 26 avril, cet accord permet à José M. Aznar de devenir le quatrième président du gouvernement depuis le rétablissement de la démocratie. L’am- biance plutôt sereine qui préside à cette cérémonie ainsi qu’à la mise en place de la nouvelle équipe gouvernementale – une équipe restreinte, qualifiée de « cen- triste », composée de quatorze ministres, dont quatre femmes, tous « animés d’un esprit de réforme » – contraste singuliè- rement avec le climat délétère de la cam- pagne. Mettant fin à près de quatorze an- nées d’hégémonie socialiste, cette paisible passation de pouvoir reflète une volonté commune de renouer avec l’impératif de réconciliation nationale qui avait guidé non seulement le roi Juan Carlos, mais aussi Adolfo Suarez et ses successeurs depuis la disparition du général Franco. Prudence et rigueur

Pour contre nature qu’elle soit sur bien des points, l’alliance conclue entre José M. Aznar et Jordi Pujol traduit en re- vanche une conviction commune, celle de devoir tout mettre en oeuvre sur le plan économique et social pour satisfaire aux critères de convergence européens. De cette même sensibilité à l’impératif euro- péen et aux priorités qui en découlent, en matière de politique économique, pro- cède une volonté de réduire fortement downloadModeText.vue.download 172 sur 602

MONDE

171 les déficits publics et d’éradiquer l’infla- tion. Le budget de 1997, présenté fin sep- tembre, prévoit ainsi, au chapitre des dé- penses, une diminution de près de 20 % du montant des investissements publics, ainsi qu’un gel des salaires des quelque deux millions de fonctionnaires. Une hausse importante des revenus de l’État est attendue d’un ambitieux programme de privatisation, dont le bénéfice servira toutefois pour une large part à recapita- liser des entreprises souvent déficitaires. Impopulaires, ces mesures suscitent de vives protestations de la part des syndi- cats, qui ont néanmoins, début octobre, signé avec le gouvernement un impor- tant accord sur la réforme du système des retraites. Financièrement insoutenable à long terme, compte tenu d’une pyramide des âges défavorable et de la générosité du dispositif antérieur, le système des re- traites faisait figure de bombe à retarde- ment. Sa réforme était l’une des priorités du gouvernement. En revanche, malgré le maintien d’une croissance soutenue, il risque d’être plus difficile de parvenir à honorer rapidement les autres promesses électorales, notamment celles concernant la baisse de la pression fiscale ou du chô- mage. Engagé dans un périlleux exercice de cohésion sociale après avoir, durant les premiers mois, privilégié la prudence et la concertation, José M. Aznar devra s’employer sans compter pour atteindre le but qu’il s’est fixé, celui de « redonner paix et tranquillité au pays ».

U Chrono. : 8/01, 6/02, 3/03, 4/05, 20/07, 27/09. Portugal, la vague rose

L’alternance politique s’est traduite au Portugal par un même souci de prudence et de rigueur qu’en Espagne. Large vain- queur des législatives d’octobre 1995, le Parti socialiste d’Antonio Guterres voit l’un des siens facilement élu le 14 jan- vier à la présidence de la République. À Jorge Sampaio (secrétaire général du PS entre 1989 et 1992), il incombe la lourde tâche de succéder à Mario Soares en pré- servant l’exceptionnelle « magistrature d’influence » que celui-ci avait su exercer au cours de ses deux mandats successifs. Président de « tous les Portugais », Jorge Sampaio s’est, dès la campagne électorale, posé en homme au-dessus des partis et des querelles partisanes. Mais, à la dif- férence de son prédécesseur, il se trouve confronté à une situation totalement inédite depuis le rétablissement de la démocratie, celle où une même forma- tion contrôle les principales institutions politiques du pays. Passé en quelques mois d’une hégémonie « orange » – la couleur emblématique d’un Parti social- démocrate – à une domination « rose », symbole d’un Parti socialiste recentré et acquis aux vertus du pragmatisme, le Portugal n’a pas, pour autant, brutale- ment basculé à gauche.

Beaucoup d’observateurs s’accordent en effet à penser que cette vague rose s’ex- plique au moins autant par la progression même des socialistes que par le discrédit frappant le « cavaquisme », système enta- ché de trop de scandales, de clientélisme et de froide gestion technocratique. Ce rejet s’est d’ailleurs reflété dans l’échec d’Anibal Cavaco Silva à l’élection prési- dentielle (46,2 % des suffrages) et conti- nue d’handicaper un Parti social-démo- crate (PSD, centre droit) à la tête duquel Marcelo Rebelo de Sousa, universitaire et politologue pourtant renommé, éprouve downloadModeText.vue.download 173 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

172 les pires difficultés à s’imposer. Enfin, M. Guterres ne dispose pas de la majorité absolue à l’Assemblée de la République et se sait tributaire d’un des électorats les plus volatils d’Europe. Il lui faut donc privilégier dialogue, esprit d’ouverture et concertation, tout en s’efforçant de dé- tendre le climat social.

Pour tenter de dissiper la morosité ambiante, A. Guterres met en chantier deux réformes institutionnelles : un pro- jet controversé de régionalisation et un d’extension du champ d’application du référendum. Sur le plan social, la promo- tion d’une plus grande justice et la lutte contre le chômage (7,5 % de la popula- tion active) sont clairement affichées comme des priorités. Il reste au Premier ministre à les rendre compatibles avec l’impératif européen, afin de permettre non seulement au Portugal de participer à la troisième phase de l’Union écono- mique et monétaire, mais aussi d’enrayer la montée d’un euroscepticisme attisé par le discours très anti-européen d’un Parti populaire en proie, par ailleurs, à de graves dissensions. Adepte de la rigueur et du pragmatisme, favorable à l’émer- gence d’une Europe « plus forte et plus solidaire », M. Guterres ne cesse d’affir- mer sa détermination à procéder « avec rigueur et fermeté aux ajustements néces- saires pour atteindre l’objectif de l’UE ». Il lui faut maintenant convaincre du bien- fondé de sa démarche cette frange crois- sante de l’opinion publique menacée de désenchantement.

U Chrono. : 14/01.

YVES LÉONARD downloadModeText.vue.download 174 sur 602

MONDE

173

SUISSE ET

LIECHTENSTEIN

Tandis que le Liechtenstein, admis en 1995 dans l’EEE, conserve avec sa grande voisine des liens privilégiés, la Suisse reprend en 1996 de laborieuses négociations avec l’Union européenne. La crise entraîne un effritement du consensus, fondement du système hel- vétique. Depuis le second semestre de 1995, la Suisse est entrée en récession économique : la dépression n’épargne que les secteurs industriels et financiers large- ment tournés vers l’extérieur.

Suisse : la récession

Si, pour l’ensemble de 1995, la crois- sance du PIB suisse a été pratiquement nulle (+ 0,1 %), les prévisions pour 1996 annoncent un net recul (de 0,5 à 0,8 %). La chute de certains secteurs (construc- tion, industrie des machines, hôtellerie) s’accentue. Cette récession globale, qui place les performances suisses en queue des pays de l’OCDE, n’en rend que plus remarquable la réussite des grandes mul- tinationales helvétiques comme Nestlé (+ 20 % de bénéfice au 1er semestre de 1996) ou les groupes de la chimie bâloise. Début mars, deux d’entre eux, Ciba- Geigy et Sandoz, ont décidé de fusion- ner, constituant l’ensemble Novartis, deuxième producteur pharmaceutique mondial. Dans le domaine agricole, où le malaise persiste, à la suite de l’abandon progressif du système d’encadrement et de subvention longtemps appliqué, un nouvel article constitutionnel, approuvé massivement le 9 juin, établit le principe de paiements directs compensatoires en faveur des producteurs respectueux de l’environnement. L’inquiétude des éleveurs est renforcée par la décision d’abattre 230 000 bovins, soit un tiers du cheptel suisse, pour cause de maladie de la « vache folle ».

Résistance de la place financière

Le secteur financier, en rénovation, af- firme sa solidité. Le franc suisse, en repli depuis mars par rapport au dollar amé- ricain et au Mark, reste une monnaie- refuge encore surévaluée. La Banque nationale suisse, en dépit d’un taux an- nuel d’inflation tombé à 0,6 % en août 1996, maintient sa politique de rigueur et n’accepte de l’infléchir qu’à la fin de sep- tembre en abaissant son taux d’escompte de 1,5 à 1 %. Les établissements bancaires poursuivent une restructuration qui touche surtout les banques cantonales et régionales. Les succès proviennent essen- tiellement des implantations à l’étranger en matière de gestion de fortune (City londonienne, marché luxembourgeois de fonds de placement). Les principales banques suisses connaissent au 1er se- mestre 1996 de fortes hausses de leurs bénéfices. Le compromis social menacé

Fusions et restructurations entraînent des licenciements (3 500 prévus pour Novartis, près de 9 000 pour les grandes banques) qui alourdissent la situation. Le nombre des emplois diminue et le taux du chômage s’élève à 4,6 % en septembre 1996 ; il gravite toutefois autour de 7 % dans les cantons de Vaud et de Genève. La loi révisée sur l’assurance-chômage, appliquée à partir du 1er janvier, relance le downloadModeText.vue.download 175 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

174 débat sur le traitement social de la crise, souhaité par les syndicats, mais contesté par l’Union patronale (juin 1996), qui propose un démantèlement des acquis sociaux et une privatisation partielle de l’assurance. À cette perspective de rup- ture du compromis social s’ajoute la sen- sibilité particulière des Suisses romands, qui redoutent le repli de certains centres de décision ou activités vers la Suisse alémanique et la capitale économique de la Confédération, Zurich. Annoncée en avril par Swissair, la suppression de la quasi-totalité des long-courriers au départ de l’aéroport de Genève-Cointrin, suscite, en conséquence, une émotion durable.

Les réformes financières et administratives Les réformes engagées par les collectivi- tés publiques pour résorber les déficits financiers entraînent, outre l’étude d’une nouvelle péréquation entre Confédéra- tion et cantons, la redéfinition des statuts des fonctionnaires, voire l’allégement des structures administratives. Le Conseil fédéral opte en août 1996 pour une baisse de 1,5 % des salaires du personnel des CFF (Chemins de fer fédéraux, en défi- cit chronique). Il prépare l’autonomie de la Poste pour 1998 et la libéralisation des télécoms. À l’opposé, la loi fédérale créant dix postes de secrétaires d’État, hauts fonctionnaires destinés à décharger les sept membres du gouvernement de leurs obligations purement administratives, est rejetée à la votation du 9 juin 1996, par plus de 60 % des votants.

Les perspectives européennes Les négociations bilatérales avec l’Union européenne (UE), ouvertes en 1994, sont pratiquement au point mort au début de l’année. Elles progressent quelque peu ensuite. Les deux parties envisagent des engagements échelonnés, dans les domaines de la libre circulation des per- sonnes et des marchandises. Ainsi, d’une part, le contingentement des travailleurs européens en Suisse pourrait-il être abandonné d’ici cinq ans, mais la Suisse disposerait d’un frein si une explosion migratoire était constatée. D’autre part, autorisée à percevoir une redevance sur les véhicules de gros tonnage à partir de 2001, la Confédération pourrait s’ouvrir aux 40 tonnes à partir de 2005. La lenteur et le caractère partiel de cette approche suscitent l’impatience des proeuropéens, alors que l’opposition, dirigée par le conseiller national zurichois Christoph Blocher, propose, par une extension du domaine constitutionnel des interven- tions populaires, de soumettre tout en- gagement de négociation européenne à référendum.

La Suisse en Bosnie

En accédant à la présidence de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coo- pération en Europe), la Suisse, représen- tée par le conseiller fédéral Flavio Cotti, assume depuis le début de 1996 une tâche internationale difficile, spécialement en Bosnie, où elle dirige l’application des accords de Dayton. F. Cotti conduit la préparation des premières élections bos- niaques ; une autre personnalité suisse, Gret Haller, joue le rôle de médiatrice pour la question des violations des droits de l’homme. Encouragée en cela par les États-Unis, la Suisse s’apprête, par ail- leurs, à rejoindre le Partenariat pour la paix de l’OTAN, institution complémen- downloadModeText.vue.download 176 sur 602

MONDE

175 taire de l’OSCE ; une adhésion présentée comme compatible avec la neutralité, puisque excluant toute entente militaire, et relevant de la compétence formelle du gouvernement fédéral.

Le dossier des « fonds juifs » Dès avril-mai 1995, à l’occasion du cin- quantenaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, la question des fonds provenant des victimes du nazisme, en déshérence dans les banques suisses, avait été à nouveau soulevée, à l’initiative de la City londonienne et de la commission sénatoriale américaine, en même temps que celle de l’or nazi, vendu à la Banque nationale suisse pendant la guerre. Après le reversement aux Alliés, en 1946, de 250 millions de francs suisses, le débat prend de l’ampleur en 1996, avec la révé- lation d’accords secrets, passés en 1949 avec des pays de l’Est et autorisant la Suisse à confisquer des fonds en compen- sation de nationalisations de biens hel- vétiques réalisées par les gouvernements communistes. À la contestation par les instances financières suisses des chiffres avancés s’ajoute un conflit d’objectifs et de compétences entre les deux commissions instituées : l’une, mixte (banques suisses et Congrès juif mondial), est présidée par Paul Volcker, ancien dirigeant de la Banque centrale américaine ; l’autre, ex- clusivement composée d’experts suisses, mise sur pied par le Parlement, est char- gée de mettre au clair, dans un délai de trois à cinq ans, le sort de l’or allemand.

Liechtenstein

L’entrée de la principauté, le 1er mai 1995, dans l’Espace économique européen n’entraîne pas d’augmentation sensible de la population étrangère (dont le taux s’élevait déjà à 38,1 % au début de 1996). Toutefois, le gouvernement demande un délai pour l’application de la libre circula- tion des personnes. Les partis politiques se préparent à l’échéance électorale légis- lative de 1997, et l’opposition soutient un projet de réforme de la Constitution dans le but de réduire à des tâches représenta- tives le rôle du prince, Hans Adam II, qui partage actuellement la souveraineté avec le peuple.

JEAN ROHR downloadModeText.vue.download 177 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

176

EUROPE DU NORD Les pays nordiques (Danemark, Fin- lande, Islande, Norvège et Suède) et les États baltes (Estonie, Lettonie, Litua- nie) intensifient cette année leur coopé- ration en l’intégrant dans un ensemble plus large, celui de la région baltique. Pourtant, les disparités y sont impor- tantes, seuls le Danemark, la Finlande et la Suède sont membres de l’Union euro- péenne, et les États baltes n’achèvent pas leur « transition » au même rythme.

En mai 1996, à Visby, en Suède, le Conseil des États de la mer Baltique s’at- tache à harmoniser les grands points de la politique régionale en matière d’écono- mie, d’environnement et de lutte contre la criminalité, cette dernière question étant, avec celle des réfugiés, un pro- blème croissant dans la région. Cepen- dant, les alliances de chacun des États, et les dynamiques qu’elles initient, com- pliquent les enjeux en Europe du Nord. Le Danemark, la Suède et la Finlande, seuls à appartenir à l’Union européenne, sont favorables à l’adhésion rapide des États baltes, dont le processus d’associa- tion a débuté le 1er janvier 1996. En mai, les cinq pays du Nord obtiennent le sta- tut d’observateur de l’espace de Schengen mais se dissocient sur les questions de la monnaie unique : l’Islande et la Norvège, refusant l’isolement, se rapprochent des critères d’adhésion à l’Union économique et monétaire (UEM) ; le Danemark et la Suède hésitent à s’engager dans le SME, tandis que la Finlande y entre en octobre 1996. La Finlande et la Suède sont parte- naires-associés à l’Union de l’Europe oc- cidentale (UEO, organisation essentiel- lement militaire), au même titre que les États baltes, mais ces derniers donnent la priorité à leur adhésion à l’OTAN. La Norvège, l’Islande et le Danemark, qui sont membres de l’Alliance atlantique, ne peuvent lutter contre la tendance générale, fin 1996, visant à les exclure de la première vague d’élargissement de l’organisation.

Danemark

Le gouvernement de centre gauche, diri- gé par Poul Nyrup Rasmussen, social-dé- mocrate, a pour priorité de réduire le dé- ficit public (la dette publique représente en 1996 73 % du PIB). Ainsi, un accord « historique » sur le budget, conclu entre les partis de la coalition gouvernemen- tale (les sociaux-démocrates, le Centre démocrate, les radicaux libéraux et chré- tiens populaires) et le Parti conservateur prévoit une réduction des déficits publics de 4 milliards de couronnes et des me- sures d’allégement fiscal, la réforme de l’impôt étant devenue une priorité. Cet accord, considéré comme une dérive droitière par les parlementaires sociaux- démocrates, provoque une rupture entre le Parti conservateur et le Parti libéral, qui coopéraient depuis seize ans. Le Parti libéral serait devenu, selon un sondage de février, le premier parti national : pour la première fois de l’histoire danoise, la majorité des ouvriers envisagent de voter pour l’un des partis « bourgeois ». La se- conde moitié de l’année est marquée par une croissance économique qui devrait se stabiliser à 1,8 %. Tous les secteurs de l’économie – surtout l’industrie et les exportations – connaissent un regain de dynamisme. L’inflation reste modé- downloadModeText.vue.download 178 sur 602

MONDE

177 rée (1,8 %), et le chômage (9 %) semble diminuer.

Suède

Ancien ministre des Finances, Göran Persson succède à Ingvar Carlsson à la tête du Parti social-démocrate d’abord, puis, en mars, à celle du gouvernement. Si son parti connaît à nouveau un gain de popularité, il reste divisé entre une gauche « eurosceptique », hostile à l’austérité et qualifiée de « traditionaliste », et une droite « rénovatrice » et proeuropéenne, dont est issu le Premier ministre. Le parti compte sur lui pour reconquérir la base militante, plus attachée à l’État-provi- dence qu’à l’Union européenne. Mino- ritaire au Parlement, son gouvernement s’est allié au Parti centriste (ex-agrarien) pour tenter de redynamiser l’économie. Le déficit budgétaire est passé de 13 % du PIB en 1993 à moins de 6 % en 1996, et l’inflation semble maîtrisée (à peine 2 %). Pragmatique, M. Persson jouit de la confiance des milieux d’affaires et des syndicats. Cependant, la situation de l’emploi (12 % de chômeurs) ne s’améliore pas, et la dette extérieure représente plus de 80 % du PIB. Göran Persson annonce donc, en avril, de nouvelles mesures de compression des dépenses sociales, afin de réaliser une économie de 22 milliards de couronnes avant 1998, date des futures élections générales.

U Chrono. : 15/03.

Norvège

Le 23 octobre 1996, Gro Harlem Brundtland, Premier ministre travailliste, démissionne. Thorbjörn Jagland, pré- sident du Parti travailliste et de son groupe de députés au Storting (Parle- ment), lui succède alors, les prochaines élections législatives étant prévues pour l’automne 1997. Sur le plan économique, la Norvège se trouve dans une situation enviable. Son budget 1996 (12,6 milliards de couronnes) affiche un excédent et ses créances sont supérieures à ses dettes. Le taux de chômage est ramené en 1996 à 4,4 %. La croissance de la consommation est de 3 %. Le pétrole norvégien atteint les débits les plus élevés de son histoire, soit 3 millions de barils extraits par jour à la fin de janvier. Craignant une baisse des cours pétroliers, un rapport gouvernemental prône le maintien d’un fort taux d’extrac- tion et décide de mettre en avant la pro- duction de gaz ; celle-ci devrait doubler en dix ans. L’excédent budgétaire des revenus des hydrocarbures, 2 milliards de dollars en 1996, couvre la majorité des dépenses de protection sociale et devrait être placé dans un fonds spécial au bénéfice des gé- nérations futures. La marine marchande et l’industrie manufacturière connaissent une année exceptionnelle grâce à la conjonction de taux d’intérêt réduits, de prix pétroliers stables et d’une économie vigoureuse. Il est prévu une croissance des bénéfices de 10 %, en moyenne, pour l’année et une hausse de 13,7 %, en valeur, pour les 15 premières sociétés cotées à la Bourse d’Oslo. La confiance dans l’écono- mie retrouve un niveau qu’elle n’avait plus connu depuis longtemps.

U Chrono. : 23/10.

Islande

L’année 1996 est marquée politiquement par le renforcement de la gauche. Fin downloadModeText.vue.download 179 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

178 juin 1996, Olar Ragnar Grimsson est élu pour quatre ans président de la Répu- blique islandaise, au suffrage universel à un tour, avec 41,4 % des voix. Il suc- cède à Mme Vigdis Finnbogadóttir, chef de l’État depuis 1980. Cette élection peut surprendre, car M. Grimsson a récem- ment quitté la direction de l’Alliance du peuple, parti que certains qualifient de « communiste », qui n’a recueilli que 14 % des voix aux élections législatives de 1995 et qui milite pour la sortie de l’île de l’OTAN. Autre signe de la consolidation de la gauche islandaise, le rapprochement début 1996 des quatre partis qui la com- posent (Parti social-démocrate, Volonté du peuple, Alliance du peuple, Liste des femmes) renforce l’opposition au gouver- nement de coalition de centre droit de David Odsson.

La croissance économique serait en 1996 de 4,5 %, et cela grâce aux revenus de la pêche, la principale ressource écono- mique du pays (l’Islande et le Danemark sont d’ailleurs en conflit à propos de la pêche dans la « zone grise » qui se trouve entre l’Islande et le Groenland). La trop forte fiscalisation des produits à l’exporta- tion pourrait se résoudre par une politique d’allégement fiscal. Le budget de 1996 pré- voyait un déficit de 4 milliards de cou- ronnes, le plus faible depuis 1983 (moins de 1 % du PIB, contre 2,8 % en 1995).

U Chrono. : 30/06.

Finlande

Les Finlandais, qui sont entrés dans l’Union européenne le 1er janvier 1995, élisent pour la première fois, le 20 octobre de cette même année, 16 des 610 dépu- tés européens. Les sociaux-démocrates

(21,5 % des voix, 4 sièges) dirigés par Paavo Lipponen, Premier ministre favo- rable à l’intégration européenne, sont devancés par le principal parti de l’op- position finlandaise, le parti du Centre (22,4 % des voix, 4 sièges contre 5 avant le scrutin), dont les membres sont partagés sur la question européenne. Ils sont ta- lonnés par le Parti conservateur (20,2 % des voix, 4 sièges également). Parmi les 16 nouveaux élus, 6 peuvent être quali- fiés d’« eurosceptiques ». Ces résultats interviennent une semaine après l’entrée du pays dans le SME. Malgré ce recul des sociaux-démocrates par rapport aux élections législatives du printemps 1995, la coalition au pouvoir décide de ne pas modifier sa politique. Lors des élec- tions municipales, organisées le même jour, 24,5 % des électeurs ont donné leur confiance aux sociaux-démocrates (2,6 % de moins qu’en 1992). Bien qu’en deuxième et troisième position, le parti du Centre (21,8 % des voix) et le Parti conservateur (21,6 % des voix) enre- gistrent un meilleur score qu’il y a quatre ans, loin devant l’Alliance de gauche (10,4 % des voix).

En 1996, la Finlande peut se prévaloir d’une inflation ramenée à 0,4 % et d’un chômage en baisse (15,9 %), bien qu’en- core largement préoccupant. Avec un déficit budgétaire de 2,7 % du PIB et une dette extérieure d’environ 60 % du PIB, la Finlande respecte pour l’instant les cri- tères de convergence de Maastricht.

U Chrono. : 20/10.

Lituanie

Sur fond de crise bancaire et de scan- dale financier, l’année 1996 débute par la downloadModeText.vue.download 180 sur 602

MONDE

179 démission du Premier ministre Adolfas Slezevicius (parti démocratique du Tra- vail), dont la longévité au gouvernement (depuis mars 1993) témoignait d’une re- lative stabilité politique. Cette démission aboutit à un changement de majorité au profit de l’Union de la patrie-Conser- vateurs (TS/LK) de Vytautas Landsber- gis, qui préside désormais le Sénat, et du Parti chrétien-démocrate (LKDP). Ceux-ci remportent respectivement 70 (soit 51,1 % des mandats) et 16 sièges aux élections législatives du 10 novembre. Le parti démocratique du Travail, ramené à la troisième place, passe de 65 à 12 sièges. La tendance qui s’était manifestée aux élections municipales de mars 1995 se confirme donc, et Algirdas Brazauskas, président de la République élu en 1993, doit cohabiter avec un gouvernement de coalition formé par ses opposants de la TS/LK et du LKDP, et dirigé par le Pre- mier ministre Gediminas Vagnorius (c’est la seconde fois qu’il occupe ce poste de- puis l’indépendance). Réforme fiscale (les Lituaniens payent difficilement l’impôt) et lutte contre la corruption sont les deux mots d’ordre du nouveau gouvernement.

U Chrono. : 10/11.

Estonie

La vie politique estonienne, agitée ces deux dernières années par des remanie- ments ministériels et un changement de majorité, aurait été plus calme en 1996. Si la démission, fin novembre, de 6 ministres du parti des Réformés n’avait contraint le Premier ministre à former un gouvernement minoritaire. Le 20 sep- tembre, le président de la République Lennart Meri est réélu pour cinq ans au second tour par un peu plus de la moitié du collège électoral formé à cette occa- sion, le Parlement n’ayant pas dégagé de majorité au premier tour. Cela constitue vraisemblablement un gage de stabilité pour les investisseurs étrangers attachés à l’image européenne que M. Meri donne au pays. Son principal rival Arnold Rüü- tel, qui s’opposait déjà à lui lors du scru- tin de 1992, obtient un tiers des voix. Le parti des Réformes (droite libérale), diri- gé par le ministre des Affaires étrangères Siim Kallas, y conquiert la première posi- tion, à l’exception de Narva, une ville rus- sophone. Le parti des Réformes, jusqu’à présent absent des conseils municipaux, avait réalisé une percée importante lors des élections législatives de mars 1995. Il devance le parti du Centre d’Edgar Savi- saar (gauche) et le parti de la Coalition (centre droit) du Premier ministre Tiit Vähi. Les partis russophones représentés au Riigikogu (Parlement) depuis 1995 perdent du terrain à Tallinn, mais ils entrent au conseil municipal de Tartu, la seconde ville du pays. Les résidents non- citoyens, exclus des élections législatives, participent à ce scrutin local, à la condi- tion d’avoir déposé avant juillet 1995 leur demande de permis de résidence, qui remplace depuis cette année le passeport russe.

U Chrono. : 20/09. Lettonie

Dès le début de l’année, la coalition gou- vernementale, formée en décembre 1995 par le Premier ministre Andres Skele et regroupant un large éventail de partis politiques de droite et de gauche, est fra- gilisée par des divergences à propos de la downloadModeText.vue.download 181 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

180 loi sur la citoyenneté, de la réforme de la terre et de la politique agricole. L’élection présidentielle au suffrage indirect (par les membres du Saeima, le Parlement letton) achève de la diviser. En été, le ministère est remanié, et un nouvel accord de coa- lition est à nouveau signé, en septembre, par les mêmes partis. Entre-temps, Gun- tis Ulmanis (Voix lettone), président de la République sortant, soutenu par le Pre- mier ministre et 53 des 100 députés let- toniens, a remporté le scrutin présiden- tiel du 18 juin. Sa principale rivale, Ilga Kreituse, présidente du Saeima d’octobre 1995 à septembre 1996 et soutenue par le parti Saimnieks, a obtenu 25 voix.

Le programme du gouvernement reste le même dans ses grandes lignes : accélération du rythme des privatisations et réforme de la terre sont, selon Andres Skele, les clefs de la prospérité du pays.

En 1996, la Lettonie doit encore assumer les conséquences de la crise bancaire et financière due à la faillite, en 1995, de la plus grande banque du pays, « Baltija Banka », et compter avec un déficit public estimé, pour 1996, à un tiers du PIB. La croissance, en hausse, reste faible (2 %), l’inflation, bien que contenue, est encore élevée (17 %) et le chômage croît (7 %), les problèmes sociaux des retraités, qui reçoivent toujours des pensions infé- rieures au niveau minimum de subsis- tance, ne sont pas résolus. 1996 est une année moins difficile pour la Lettonie que ne l’avait été 1995, mais les problèmes sont encore nombreux.

U Chrono. : 18/06.

GÉRALDINE BERTRAND

ET GAËLLE LE MARC downloadModeText.vue.download 182 sur 602

MONDE

181

AUTRICHE ET

EUROPE CENTRALE

Le mythe d’une Europe centrale, es- pace culturel susceptible d’apporter un « supplément d’âme » à une Europe occidentale ébranlée par la chute du communisme et par le désarroi des idées, appartient au passé. La mondia- lisation conduisant à la remise en cause des mythes et des certitudes, le temps de l’après-communisme est désormais perçu comme celui de l’entrée dans le monde de l’inconnu et de l’imprévisible. Tous les pays de cette zone sont à la recherche d’une nouvelle identité dans un environ- nement international de plus en plus ins- table et incertain.

Au-delà de l’idée de l’intégration euro- péenne. Après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’empire soviétique, les pays d’Europe centrale ont essayé de reconstruire une vision sécurisante de leur avenir par une adhésion incondi- tionnelle à l’idée de l’intégration euro- péenne. Cet horizon, devenu depuis une réalité pour l’Autriche et une perspective de plus en plus proche pour d’autres pays de la région (République tchèque, Po- logne, Hongrie), n’offre plus les certitudes et les garanties escomptées.

L’élargissement de l’Union euro- péenne et de l’OTAN aux anciens pays communistes sera impossible sans d’importantes réformes internes dans ces deux organismes. La question de la « transition » ne concerne plus seu- lement les anciens pays communistes mais tous les pays du continent, qui devraient ensemble préciser leur rôle dans un monde qu’ils ont à nouveau contribué à mettre en mouvement.

Malgré les nombreuses déclara- tions des responsables politiques occi- dentaux (on évoque la perspective de 1998 pour l’entrée de certains pays dans l’OTAN et celle de 2002 pour l’entrée dans l’Union européenne), les anciens pays communistes de l’Europe cen- trale continuent de vivre dans un cli- mat d’incertitude. D’autant plus que les dirigeants de la Russie postcommuniste continuent de vouloir peser sur l’avenir de la région. Les organismes de coopé- ration régionale créés après la chute du mur de Berlin tendent progressivement à perdre leur identité et leur vocation initiales. Ainsi, la zone de libre-échange (CEFTA, pour Central European Free Trade Association), constituée à l’ori- gine par la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie – afin d’accélérer le processus d’adhésion de ces pays à l’Union européenne –, s’est non seule- ment élargie depuis à la Slovénie, mais envisage de s’ouvrir progressivement à d’autres pays (la Roumanie, la Bulgarie mais aussi l’Ukraine, Israël et l’Égypte). Seul le domaine économique permet encore de parler de « transition », la République tchèque, la Hongrie et la Pologne faisant désormais partie de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

Autriche : un millénaire plein d’incertitudes

Le cas de l’Autriche illustre bien les pro- blèmes et les incertitudes qui guettent l’ensemble des pays de la région. Ce petit pays vient de fêter cette année, le millé- downloadModeText.vue.download 183 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

182 naire de son existence. Le 1er novembre 996, en effet, l’empereur Otton III signa un document mentionnant pour la pre- mière fois le nom d’« Ostarrîchi » (Au- triche). L’histoire mouvementée du pays échappe à toute tentative d’interprétation univoque. Ce qui rend difficile une défi- nition contemporaine de la nation autri- chienne à laquelle renvoient, en dernière instance, tous les débats politiques de l’année.

À la suite des élections parlementaires anticipées de décembre 1995, les deux grandes formations politiques du pays, le Parti social-démocrate (SPÖ, qui a conso- lidé ses positions au Parlement) et le Parti populaire (ÖVP) ont ouvert des négocia- tions pour la reconduction d’une coali- tion qui gouverne le pays depuis plusieurs années : celles-ci ont duré trois mois. Les points de désaccord sont surtout d’ordre économique, l’alignement sur les critères de Maastricht impliquant l’adoption d’un plan d’austérité. Les questions de sécu- rité sont un autre dossier épineux : les positions du chancelier socialiste Franz Vranitzky, pour qui l’Autriche doit garder son statut de neutralité, sont contredites publiquement par le ministre (conserva- teur) de la Défense, Werner Fasslabend, qui souhaite voir l’Autriche intégrer pro- gressivement les structures de l’OTAN. Il faut dire que l’opinion publique autri- chienne de son côté, favorable à 80 % au maintien de la neutralité en février 1995, ne compte plus, en juillet 1996, que 63 % de défenseurs de celle-ci.

Les négociations entre les deux par- tis sont d’autant plus difficiles que les élections de décembre 1995 permettent d’envisager la formation d’une nouvelle coalition entre les conservateurs et les na- tionalistes du Parti libéral (FPÖ) de Jörg Haider, qui défend des thèses racistes et xénophobes. Cette solution a d’ailleurs été envisagée par certains dirigeants de l’ÖVP. Le président autrichien Thomas Klestil s’est même permis de critiquer pu- bliquement les dirigeants du SPÖ parce qu’ils refusent d’envisager la moindre coopération avec le dirigeant d’extrême droite.

C’est dans un climat de morosité et de désenchantement vis-à-vis de l’inté- gration européenne que se tiennent, en octobre, les premières élections au Parlement européen. Le Parti libéral de M. Haider en est le principal vainqueur. Avec 27,6 % des voix, son parti gagne une nouvelle respectabilité en même temps qu’un gain de 6 % par rapport à ses résul- tats de 1995. Avec 29,6 % des voix, le Par- ti conservateur réalise son meilleur score depuis trente ans, devançant les sociaux- démocrates, qui, avec 29,1 % des voix (en recul de 8,8 % par rapport aux élec- tions de 1995), sont les grands perdants du scrutin. À Vienne, où se tiennent en même temps des élections municipales, le SPÖ subit un échec historique, perdant la majorité absolue qu’il détenait au conseil municipal depuis 1920. De leur côté, les Verts et le Forum libéral conservent cha- cun un député au Parlement européen. Ces résultats n’ont pas, pour l’instant, bouleversé le paysage politique autri- chien, mais le dirigeant du FPÖ, J. Hai- der, est désormais devenu un prétendant sérieux au poste de chancelier, dont l’attribution se décidera aux prochaines élections de 1999. En Autriche, la fin de siècle s’annonce donc délicate.

U Chrono. : 7/03, 13/10. downloadModeText.vue.download 184 sur 602

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Pologne : le retour des anciennes divisions

La Pologne, pays symbole de l’opposition au système communiste, est gouvernée depuis les élections de 1993 par une coa- lition composée des anciens commu- nistes de l’Union de la gauche démocra- tique (SLD) et du Parti paysan (PSL). En 1995, aux élections présidentielles, Lech Walesa a été distancé par un jeune appa- ratchik communiste d’avant 1989, Alek- sander Kwasniewski (voir notice ci-des- sous). Mais c’est en février de cette année que le prix Nobel de la paix 1983 connaît son ultime défaite : le référendum sur la distribution des biens de l’État, soutenu par le syndicat Solidarité et mis en place sous la présidence de M. Walesa, n’attire pas les 50 % d’électeurs nécessaires pour lui donner force de loi.

La position dominante des anciens communistes n’empêche pas la Pologne d’être toujours citée comme le pays ayant le plus de chances d’intégrer rapidement l’OTAN et l’Union européenne. Si les attaques contre le Premier ministre Jozef Oleksy (membre du SLD), accusé d’avoir collaboré avec les services d’espionnage de l’URSS puis de la Russie, ont finale- ment conduit à sa démission, elles n’ont pas pour autant terni l’image internatio- nale du pays. L’enquête conclut ensuite à l’innocence de M. Oleksy, mais elle devient entre-temps l’enjeu de luttes poli- tiques passionnées, conduisant au retour des anciennes divisions d’avant 1989.

C’est dans un climat de suspicion généralisée et de purges radicales au sein des services secrets que le nou- veau Premier ministre, Wlodzimierz Cimoszewicz, lui aussi ancien mili- tant du Parti communiste d’avant 1989, constitue, en février, un nouveau gou- vernement. Sa marge de manoeuvre est réduite par la stratégie du Parti paysan. Ce dernier, tout en se maintenant dans la coalition parlementaire, ne cesse de manifester son opposition à la politique gouvernementale, en particulier sur les questions des privatisations et de l’as- souplissement de la loi sur l’avortement. Mais les principaux conflits qui séparent les deux partenaires tiennent surtout au problème de la répartition des sphères d’influence dans l’économie nationale. La réactualisation de l’ancien clivage poli- tique entre « gens de Solidarité » et « gens liés au pouvoir d’avant 1989 » favorise cependant le maintien d’un minimum de cohésion au sein de la coalition gouver- nementale, toute autre configuration des alliances politiques étant aujourd’hui im- possible à imaginer. L’ensemble des forces politiques s’intéresse surtout à la prépara- tion des futures élections parlementaires, prévues pour l’automne 1997. Face au bloc des anciens communistes du SLD, on assiste à une recomposition progres- sive du « camp de Solidarité ». Emmenée par l’actuel président du syndicat, Marian Krzaklewski, une nouvelle formation politique, l’Action électorale de Solidarité (AW « S ») réussit à rassembler une partie des élites politiques issues de Solidarité et à occuper une position de force dans les sondages. Son programme, aux accents populistes et antieuropéens, rend cepen- dant difficile le dialogue avec les élites in- tellectuelles libérales regroupées au sein de l’Union de la liberté (UW).

L’instabilité politique interne n’em- pêche pas le pays d’enregistrer, pour une année supplémentaire, des résultats downloadModeText.vue.download 185 sur 602

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économiques globalement positifs et de continuer à jouer un rôle international important (notamment comme membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU).

U Chrono. : 24/01, 23/04, 31/08. Kwasniewski (Aleksander), homme d’État polo- nais (Bialogard, 1954). Il étudie à la faculté d’éco- nomie des transports de l’université de Gdansk, sans obtenir son diplôme de fin d’études, et oc- cupe des fonctions importantes dans les organisa- tions des étudiants communistes (SZSP). Membre du Parti communiste polonais (POUP), depuis 1977, il devient rédacteur en chef de l’hebdoma- daire ITD en 1981, puis, en 1985, du quotidien Sztandar Mlodych. Il est ministre de la Jeunesse et de la Culture physique de 1985 à 1989, dans les deux derniers gouvernements communistes. Il entre, en septembre 1989, avec d’autres com- munistes « rénovateurs », dans le gouvernement de Tadeusz Mazowiecki, qu’il quitte en juin 1990. En 1990, il est élu président du Parti social-démo- crate de la république de Pologne (SdRP), créé à la suite de l’autodissolution du POUP. Député à la Diète depuis octobre 1991, il devient président de la Pologne en novembre 1995 en battant, au second tour, Lech Walesa.

Hongrie : poursuite du plan d’austérité

Du temps du communisme, la Hongrie apparaissait aux habitants de l’Europe de l’Est comme le symbole de la prospé- rité. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La coalition des anciens communistes du Parti socialiste hongrois (MSzP) et des libéraux du SzDSz, au pouvoir depuis les élections de 1993, continue à mener une politique d’austérité économique draconienne.

En l’absence d’une stratégie de ré- forme économique radicale après la chute du pouvoir communiste, le pays s’était retrouvé confronté à une crise financière sans précédent, rendant indispensables les économies et les coupes budgétaires. Depuis, le pouvoir d’achat est en constante diminution, et la consommation des ménages enregistre sa sixième année de baisse consécutive. Plus de la moitié de la population vit au- dessous du seuil du minimum social. L’inflation est importante (25 %), et la monnaie nationale (le forint) a perdu ces deux dernières années plus de 50 % de sa valeur.

Ce programme économique se heurte à d’importantes résistances sociales, qui poussent le ministre des Finances, Lajos Bokros, à présenter sa démission au Premier ministre, Gyula Horn. Le plan d’austérité de M. Bokros avait pourtant suscité les réactions posi- tives du FMI et des milieux financiers internationaux. Mais ces approbations ne peuvent rien contre la vague de grèves qui frappe alors le pays, en même temps que des critiques de plus en plus ouvertes de la part de certains députés du MSzP, la force principale de la coali- tion gouvernementale.

La nomination d’un nouveau mi- nistre des Finances (le troisième depuis 1993), Peter Medgyessy (il avait déjà exercé cette fonction au cours des an- nées 1987-1988), ne modifie guère la situation. Bien que le nouveau ministre s’efforce de jouer la carte de la négocia- tion sociale, sa marge de manoeuvre reste très étroite. Il ne peut que poursuivre les grandes orientations de la politique éco- nomique de son prédécesseur, qui se tra- duit par de nouvelles coupes budgétaires et l’ouverture aux capitaux étrangers. La Hongrie est déjà le pays de la région où les investissements venus de l’extérieur downloadModeText.vue.download 186 sur 602

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185 sont le plus nombreux, notamment dans les secteurs stratégiques de l’élec- tronique, des télécommunications ou des industries de l’énergie. Douloureuse pour la grande majorité de la popula- tion, cette politique porte cependant ses fruits. La Hongrie est admise cette année (après la République tchèque et avant la Pologne) au sein de l’OCDE. La dette extérieure, de 9 milliards de dol- lars, connaît son plus bas niveau depuis dix ans, et le déficit du commerce exté- rieur continue de diminuer.

L’opposition politique ne capita- lise cependant pas les frustrations et le mécontentement de la population. Pro- fondément divisée, elle n’a pas encore su présenter une alternative sérieuse dans la perspective des élections parlementaires de 1997. Une scission est même venue diviser le Forum démocratique (MDF), créé par Jozsef Antall et qui a gouverné le pays de 1990 à 1993. L’audience des autres formations de l’opposition reste limitée, à l’exception du Parti des petits propriétaires (PDP) qui, sur la base d’un discours ouvertement populiste, arrive à concurrencer les socialistes du MSzP dans les sondages.

Sur le plan international, le gouver- nement hongrois poursuit patiemment sa politique de rétablissement de bons rapports avec les pays voisins (où vivent d’importantes minorités hongroises), condition nécessaire à une future ad- hésion à l’Union européenne. Après la conclusion, en 1995, d’un accord avec la Slovaquie, le 16 septembre, la Hongrie signe avec la Roumanie un traité histo- rique d’inviolabilité des frontières et de garantie des droits de la minorité hon- groise en Roumanie.

République tchèque : les limites de la transition libérale

La République tchèque fait figure d’excep- tion parmi les anciens membres du bloc soviétique. Seul pays de la région dans lequel le retour au pouvoir des anciens communistes est quasi improbable, la scène politique y est relativement stable. Le gouvernement du Premier ministre Vaclav Klaus y poursuit toujours, malgré certains assouplissements, une politique ouvertement libérale.

Il est vrai qu’avec l’un des plus bas taux de chômage d’Europe, une inflation qua- siment maîtrisée et une croissance soute- nue (de l’ordre de 5 %), les conséquences sociales de la « transition » tchèque sont moins douloureuses qu’ailleurs. De larges couches de la population commencent cependant à manifester des réserves face à la montée des inégalités sociales et au démantèlement progressif des institu- tions d’aide sociale de l’État tchèque.

Aux élections législatives du mois de juin (renouvellement de la Chambre du peuple), les électeurs donnent quelques signes de lassitude vis-à-vis de la transi- tion libérale. Le Parti social-démocrate (CSSD) de Milos Zeman crée la surprise en obtenant 26,44 % des voix (quatre fois plus qu’aux élections de 1992), tandis que le Parti démocratique civique (ODS) du Premier ministre Vaclav Klaus n’obtient que 29,6 % des suffrages. Les bons ré- sultats des deux autres partenaires de la coalition sortante (8,08 % des voix pour les chrétiens démocrates du KDU-CSL et 6,36 % des voix pour les libéraux de l’ODA, l’Alliance démocratique civique) n’ont pas permis de limiter les dégâts. Avec 99 sièges sur 200 au Parlement, la downloadModeText.vue.download 187 sur 602

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186 coalition dirigée par Vaclav Klaus dé- bouche sur un gouvernement minoritaire qui n’obtient un vote de confiance qu’à la suite d’une intervention remarquée du président Vaclav Havel.

En contrepartie, l’ODS accepte l’élec- tion de Milos Zeman à la tête du Parle- ment, pour que le Parti social-démocrate, au nom de la « raison d’État », apporte un soutien « conditionnel » au gouverne- ment de M. Klaus. Depuis, le pays vit une cohabitation parfois difficile. Le budget n’est voté que grâce au soutien, in extre- mis, de certains députés du CSSD. Sur de nombreux dossiers, les députés so- ciaux-démocrates, bien qu’officiellement dans l’opposition, exercent une influence croissante.

Les élections de juin consacrent aussi la progression du Parti républicain de Miroslav Sladek, qui, avec 8 % des voix, démontre qu’un discours xénophobe et hostile à l’Allemagne peut trouver un écho favorable auprès d’une partie de la population, ce qui est d’autant plus in- quiétant que des divergences importantes persistent toujours entre la République tchèque et l’Allemagne au sujet d’une déclaration commune de réconciliation tchéco-allemande.

Les élections au Sénat (prévues par la Constitution, mais retardées depuis des années) du mois de novembre confir- ment la méfiance croissante de la popu- lation envers la coalition au pouvoir et l’implantation des sociaux-démocrates.

U Chrono. : 31/05.

Slovaquie : entre l’Est et l’Ouest

La Slovaquie s’éloigne de plus en plus de ses voisins. Elle n’est plus parmi les pays devant rejoindre prioritairement les structures de l’OTAN et de l’Union euro- péenne. Le jeune État, issu de la division de la Tchécoslovaquie, est toujours à la recherche de son identité et de sa place en Europe, situation que n’hésitent pas à exploiter les dirigeants de Moscou.

Le Premier ministre Vladimir Meciar, critiqué ouvertement par les intellec- tuels slovaques mais toujours adulé par une partie de la population, continue de mener une politique marquée par les ambiguïtés et les incohérences. Cela ne l’empêche pas pour autant d’accroître son pouvoir personnel et celui de son parti, le Mouvement pour une Slovaquie démo- cratique (HZDS). Devant une opposition politique encore faible et divisée, c’est au président de la République, Michal Kovacs, que revient la tâche de limiter les ambitions autoritaires du Premier mi- nistre, le conflit entre les deux hommes continuant à façonner le paysage poli- tique slovaque.

À plusieurs reprises au cours de l’an- née, le gouvernement de M. Meciar fait la preuve de l’ambiguïté de sa ligne poli- tique et se fait même rappeler à l’ordre par le Parlement européen. Après des mois de tergiversations, les députés de la coali- tion finissent par adopter, à la fin du mois de mars, le traité d’amitié slovaco-hon- grois (signé à Paris un an auparavant, à l’occasion de la conférence sur la stabilité en Europe). Toutefois, en contradiction avec toutes les habitudes diplomatiques, le Parlement slovaque vote une « réso- lution » qui limite de fait la portée de l’accord en question. Sur d’autres dossiers (les privatisations, les rapports avec le monde des médias), la position du gou- vernement soulève de vives protestations. downloadModeText.vue.download 188 sur 602

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Soucieux de sortir d’une position d’isolement croissant sur la scène inter- nationale, le Premier ministre décide finalement, à la fin du mois d’août, de procéder à un remaniement ministériel. Les changements à la tête des ministères des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de l’Économie servent surtout à restaurer l’image internationale du pays, la gestion de ces trois domaines étant principale- ment celle visée par les critiques faites à l’État slovaque. U Chrono. : 27/08.

MARTIN FRYBES downloadModeText.vue.download 189 sur 602

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EUROPE BALKANIQUE

En 1996, la péninsule des Balkans est encore secouée par nombre de bou- leversements. Les néocommunistes perdent le pouvoir en Roumanie et sont malmenés en Bulgarie et en Serbie. Les anticommunistes, au pouvoir en Albanie et en Croatie, sont eux aussi contestés. L’ensemble des anciens pays commu- nistes est victime d’une grave crise éco- nomique, aiguë en Bulgarie et en Rou- manie, et sur laquelle se greffe une mafia politico-économique de plus en plus ten- taculaire. Cependant, l’ex-Yougoslavie est pour l’instant pacifiée, et la Grèce a tourné la page du populisme.

Albanie

Après quarante-sept ans de la dictature la plus féroce de l’ex-bloc de l’Est, le Parti démocratique d’Albanie (PDA) du pré- sident Sali Berisha a pris le pouvoir en 1992. Pays exsangue (le plus pauvre d’Eu- rope), l’Albanie a bien du mal à s’ouvrir à la démocratie. Les nouveaux maîtres du pays n’ayant pas réellement changé de mentalité, les élections législatives de mai et les municipales d’octobre sont enta- chées d’irrégularité. De tous les anciens pays de l’Est, l’Albanie est le plus impi- toyable avec les anciens communistes, la férocité du dictateur Enver Hodja et la mentalité nationale étant peu pro- pices au pardon. Alors qu’un règlement de compte mafieux fait exploser l’entrée d’un supermarché le 26 février, le gou- vernement accuse ainsi immédiatement le Parti socialiste (ex-communiste), dont le président, Fatos Nano, purge une peine de douze ans de prison. En application de la loi « antigénocide », 6 anciens digni- taires communistes sont jugés en avril. Parmi eux, en mai, 3 anciens cadres des organes de répression sont condamnés à mort.

Autoritaire, le président Berisha fait campagne pour le PDA pour les élections législatives du 26 mai. Le premier tour est l’occasion de graves irrégularités – dé- noncées par les observateurs étrangers –, qui provoquent d’importantes manifes- tations de l’opposition, durement répri- mées par la police. Six partis d’opposition décident alors de boycotter le second tour. Le PDA rafle 122 des 140 sièges, et, à quelques exceptions près, l’opposition (socialiste, centriste et grecque) refuse de siéger. En juillet, lors de la formation du nouveau gouvernement, le PDA investit tous les postes clés du gouvernement, son président, Tritan Shehu, devenant à la fois vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères. Violemment critiqué par les États-Unis, l’Italie et les organisa- tions des droits de l’homme, M. Berisha tente de redorer son blason aux élections municipales du 20 octobre, où, une fois de plus, le PDA rafle plus de 80 % des municipalités au cours d’un scrutin aux irrégularités, il est vrai, beaucoup moins flagrantes.

En politique étrangère, l’Albanie s’as- sagit. Lors de la visite du président grec Kostis Stephanopoulos, les 22 et 23 mars, le contentieux bilatéral est totalement apuré : de nombreux accords prépa- rés à cette occasion sont entérinés, en septembre, lors de la visite du ministre grec des Affaires étrangères. Par ailleurs, Tirana évite de jeter de l’huile sur le feu dans le conflit qui oppose les Albanais du downloadModeText.vue.download 190 sur 602

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Kosovo aux autorités de Belgrade.

Tout en restant le pays le plus pauvre d’Europe, l’Albanie connaît une crois- sance non négligeable soutenue par l’aide occidentale, par les devises des expatriés (en Grèce, en Italie, en Allemagne) et par le développement du secteur privatisé (agriculture, commerce, services), qui reste cependant, en grande partie, aux mains des différentes mafias du pays.

U Chrono. : 2/03, 26/05.

Bulgarie

Parmi toutes les anciennes démocra- ties populaires, la Bulgarie fait figure de parent pauvre. Après l’euphorie politique de 1992-1993 et une légère améliora- tion économique en 1994-1995, le pays s’enfonce dans une crise financière, éco- nomique et morale sans équivalent. Pour revenir au pouvoir en décembre 1994, sous les couleurs du Parti socialiste (PS), les anciens communistes avaient utilisé leur position dans l’économie parallèle, l’incompétence et la désunion de l’Union des forces démocratiques (UFD), ainsi que la crise sociale qui frappait durement les fonctionnaires et les retraités. Le PS avait annoncé qu’il mettrait en oeuvre une politique sociale généreuse et com- battrait le gangstérisme qui mine la socié- té depuis 1994, bien que son histoire le lie très fortement à l’ancienne nomenklatura politico-mafieuse qui a mis le pays en coupe réglée dans les années 70-80. Au lieu de mettre en place les réformes éco- nomiques nécessaires au redémarrage du pays, le gouvernement de Jean Videnov (il n’a jamais renié le passé communiste de la Bulgarie) renoue en fait avec les anciennes méthodes de gouvernement : les fonctionnaires liés à l’équipe démo- cratique sont impitoyablement renvoyés ; le vieux dictateur Todor Jivkov, chassé du pouvoir en 1989, est acquitté en février et son petit-fils, libéré en juin ; le directeur de la télévision nationale est limogé, juste avant la mise en place d’un Conseil na- tional de la radiotélévision, dominé par le PS. Les socialistes mettent ainsi leurs hommes à la tête de plusieurs organismes financiers, à commencer par le premier d’entre eux, la Banque nationale. Parallè- lement à cette reprise en main intérieure, le cabinet Videnov mène, comme il se doit, une politique de rapprochement avec la Russie.

Malgré la consolidation de ses posi- tions, le gouvernement connaît un début d’année difficile puisque, ayant exporté du blé en 1995, il se retrouve sans stock disponible pour le rude hiver bulgare. Le « scandale du blé » coûte leurs places au vice-Premier ministre et au ministre de l’Agriculture en janvier. En mai vient le tour du ministre de l’Intérieur, incapable d’endiguer la criminalité qui ronge le pays. Le cabinet Videnov subit son plus cuisant échec dans le domaine financier, le sys- tème bancaire privé bulgare étant basé sur la spéculation mafieuse et souffrant d’une forte vulnérabilité. En mai le taux d’escompte passe à 108 % ; en septembre les taux d’intérêt grimpent à 300 %; la monnaie nationale, le lev, n’en finit pas d’être dévaluée. La Banque centrale doit, finalement, en juin, fermer 3 banques privées ; en septembre, 9 d’entre elles sont mises directement sous son contrôle. Pa- niques, les petits épargnants vident leurs comptes, entraînant ainsi la décrépitude du système bancaire bulgare. Quasiment en cessation de paiement, la Bulgarie est downloadModeText.vue.download 191 sur 602

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190 obligée de faire appel aux institutions financières internationales et augmente tous les impôts directs et indirects.

Devant une telle faillite, l’UFD en pleine rénovation prépare l’élection pré- sidentielle d’octobre-novembre. Elle a écarté, au mois de juin, son président Jelio Jelev, un ancien dissident, au pro- fit de Petar Stoïanov. Celui-ci l’emporte haut la main, le 3 novembre, avec plus de 60 % des suffrages. Avocat, fondateur du club Démocratie, à Plovdiv, en 1990, pre- mier porte-parole de l’Union des forces démocratiques, il a été le vice-ministre de la Justice du premier gouvernement anticommuniste en 1992-1993, avant d’être élu député l’année suivante, puis d’être nommé vice-président de l’UFD en 1995, après le retour des communistes au pouvoir.

À la suite de la gifle que constitue cette élection, des voix s’élèvent au sein du PS pour demander la démission de Jean Videnov, qui, fort de la domination socialiste au Parlement, n’a pas l’air de craindre la cohabitation avec un prési- dent UFD sans grands pouvoirs.

U Chrono. : 25/05, 1/06, 3/11.

Roumanie

Depuis la révolution de décembre 1989, la Roumanie semblait imperméable à l’alternance démocratique, dominée qu’elle était par le néocommunisme d’Ion Iliescu, mâtiné de xénophobie et de diri- gisme économique. Depuis six ans, alors que le pays s’enfonçait dans la misère, les investissements étrangers n’ont pas dé- passé le milliard et demi de dollars, soit le chiffre le plus faible de la région. Dans ce contexte, 1996 marque un tournant de l’histoire roumaine : pour la première fois, aux élections municipales de juin, le pouvoir néocommuniste est déstabi- lisé ; il tombe définitivement au mois de novembre.

La situation économique est catastro- phique et la paupérisation se généralise. Pauvre parmi les pauvres, la minorité rom (tsigane), forte de 5 millions de per- sonnes (la plus forte minorité ethnique d’Europe centrale et orientale), est l’objet de nombreuses exactions de la part des autorités et des partis nationalistes. À la pauvreté roumaine s’ajoute, durant l’hi- ver 1995-1996, une très grave crise éner- gétique. La Roumanie, exsangue, obtient alors deux prêts de la Banque mondiale, pour un montant de 400 millions de dollars.

L’opinion n’attendant plus rien du pouvoir en place, l’opposition commence à préparer, dès le début de l’année, les législatives et la présidentielle de no- vembre : l’ancien Premier ministre Petre Roman, dissident de la formation du pré- sident Iliescu et président du Parti démo- crate-Front du salut national (PD-FSN), annonce sa candidature dès le 3 février. Peu après, le PD-FSN se transforme en Union sociale-démocrate (USD), une formation de centre gauche qui se veut plus ouverte et accepte de mettre fin aux querelles stériles de l’opposition. En revanche, la coalition au pouvoir se dé- lite. En mars, l’alliance entre le Parti de la démocratie sociale de Roumanie (PDSR, nationaliste) du président Ion Iliescu, et le Parti socialiste du travail (PST, ex- Parti communiste) vole en éclats, ce qui restreint encore la marge de manoeuvre du PDSR, déjà minoritaire au Parlement. Aux municipales du 16 juin, l’USD, les downloadModeText.vue.download 192 sur 602

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191 conservateurs de la Convention démo- cratique de Roumanie (CDR), et les ul- tranationalistes du Parti de l’union natio- nale roumaine (PUNR) arrivent en tête. En août, le président Iliescu se dé- cide à annoncer qu’il est candidat à sa propre succession, mais, quelques jours plus tard, ses alliés fascisants du PUNR rompent avec lui. Désormais, les néo- communistes sont seuls. Aux législatives du 3 novembre, la CDR arrive en tête, suivie du PDSR et de l’USD. Les partis ultranationalistes obtiennent 9 % et la minorité hongroise 7 %. Isolé avec ses 22 %, le PDSR ne peut faire face à l’oppo- sition qui s’unit entre les deux tours de la présidentielle. Le 17 novembre, le chré- tien-démocrate Emil Constantinescu, président de la CDR, est élu président de la République avec environ 54 % des voix et nomme deux jours après le maire de Bucarest, Victor Ciorbea, au poste de Premier ministre. La chute de M. Iliescu est la première alternance démocra- tique qu’ait connue la Roumanie depuis soixante ans.

U Chrono. : 16/06, 28/08, 17/11.

Bosnie-Herzégovine

Pour la première fois depuis quatre ans, les armes se sont tues en Bosnie. Les accords de Dayton (novembre 1995) se mettent lentement en place, mais les élec- tions de septembre scellent la division ethnique du pays.

Si la guerre était marquée du signe de la purification ethnique, la trêve de l’automne 1995 coupe le pays en deux entités à peu près égales : au Nord-Est, la République serbe de Bosnie a Pale pour capitale ; au Sud-Ouest, une confédéra- tion croato-musulmane déséquilibrée est gouvernée depuis Sarajevo. Belgrade, désireuse de se donner une image d’arti- san de paix et de moteur de la stabilisa- tion des Balkans, demande aux Serbes de Bosnie de se faire plus conciliants. Accu- sé de crimes de guerre, Radovan Karad- zic, le dirigeant de la République serbe, doit ainsi s’effacer sur ordre de Belgrade pour être remplacé par Biljana Plavsic, une biologiste tout aussi extrémiste que lui. Zagreb fait tardivement les mêmes recommandations aux Croates d’Herzé- govine. De leur côté, les Musulmans bos- niaques doivent se contenter du territoire exigu qu’ils contrôlent pour réinstaller leurs réfugiés.

Pour cause de campagne électorale aux États-Unis, les Américains souhai- taient que des élections soient organi- sées avant la réélection de Bill Clinton. Les élections législatives ont donc lieu dans un climat tendu le 14 septembre. Durant la campagne électorale, les trois partis nationalistes (SDA, Parti d’action démocratique des Musulmans ; SDS, Parti démocratique serbe ; HDZ, Com- munauté démocratique croate) font tout pour empêcher les « partis citoyens » de faire campagne. Ces derniers, influents dans les grandes villes industrielles, mi- litent pour une Bosnie multiethnique, multiconfessionnelle et multiculturelle. Comme en 1990, à l’époque en prélude à la guerre, les partis nationalistes rem- portent les élections dans des conditions fort peu démocratiques. Alors que les ob- servateurs de l’Organisation pour la sécu- rité et la coopération en Europe (OSCE), incapables de quantifier le corps électoral à un demi-million près, considèrent que les élections se sont déroulées norma- downloadModeText.vue.download 193 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

192 lement, des observateurs indépendants relèvent des taux de participation qui oscillent entre 98 et 103 %...

Après les élections, une présidence collégiale se met en place : elle est com- posée du Musulman Alija Izetbegovic, du Croate Kresimir Zubak et du Serbe Momcilo Krajisnik, qui, dès le 5 octobre, refuse de se rendre à la cérémonie d’in- tronisation. Malgré ce début peu promet- teur, les Américains considèrent qu’ils peuvent commencer à retirer leurs pre- miers contingents, conformément aux accords de Dayton : le retrait des troupes débute quatre jours plus tard. Fin dé- cembre, l’IFOR (Implementation Force) est déjà passée de 60 à 30 000 hommes.

Washington, qui veut se retirer rapi- dement du terrain bosniaque, obtient le renvoi du vice-ministre de la Défense, le Musulman Hasan Cengic, jugé trop proche de l’Iran. Via Belgrade, le géné- ral criminel de guerre serbo-bosniaque Ratko Mladic est limogé le 9 novembre, même si, très populaire dans l’armée, il ne quitte la scène que vingt jours plus tard. Les extrémistes trop voyants sont donc éliminés des trois camps, mais il n’en reste pas moins que les adeptes d’une Bosnie ethniquement pure, dans chacune de ses parties, sont toujours au pouvoir, cette fois avec l’aval des Occidentaux.

U Chrono. : 21/01, 17/02, 15/05, 13/06, 24/06, 11/07, 14/09, 9/11.

Croatie

Après sa victoire contre les forces serbes de Krajina et de Bosnie, en 1995, la Croa- tie retrouve quasiment ses frontières d’avant guerre, la Serbie n’occupant plus que la Slavonie orientale. Les villes de Vukovar et d’Osijek, détruites en 1991 et occupées depuis par des réfugiés serbes, downloadModeText.vue.download 194 sur 602

MONDE

193 venus de Bosnie et de Croatie, passe- ront sous contrôle croate au printemps de 1997, conformément aux accords de Dayton, le Conseil de sécurité de l’ONU envoyant 5 000 hommes dans la région au début de l’année.

Fort de ses résultats diplomatiques et militaires, le pouvoir en place à Zagreb continue sa dérive autoritaire. En février, le gouvernement du président Franjo Tudjman refuse de livrer les criminels de guerre croates au Tribunal pénal interna- tional de La Haye (TPI). En mars, il réta- blit le délit de presse. En avril, le président en personne demande le rapatriement en Croatie des dépouilles d’Ante Pave- lic, le seul dirigeant pro-nazi d’Europe à s’être fait reprocher ses excès de zèle par Hitler. Peu après, il dissout le conseil municipal de Zagreb parce que celui-ci est passé à l’opposition démocratique. Le 2 juin, le pouvoir propose un réfé- rendum pour renforcer son contrôle sur la municipalité de Zagreb ; cependant, moins de 20 % de la population y parti- cipe. La nouvelle nomenklatura du pays n’est guère critiquée par les Occidentaux, qui, le 2 juillet, admettent la Croatie au Conseil de l’Europe. Il faut dire que, pour faire bonne figure, M. Tudjman demande aux extrémistes croates d’Herzégovine de ne pas entraver la pacification de la Bosnie et qu’il rencontre Slobodan Milo- sevic, le 7 août, à Athènes. Un mois plus tard, la Croatie et la République fédérale de Yougoslavie rétablissent des relations diplomatiques complètes. Reconnue par ses pairs occidentaux, victorieuse sur les champs de bataille, la Croatie peut désor- mais renouer avec la Serbie et la Bosnie. Mais la revendication démocratique de- vient une priorité pour la population : à la mi-décembre, à Zagreb, des manifes- tations dénoncent l’affairisme de la nou- velle classe politique.

U Chrono. : 7/08.

République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)

Le mythe de la « grande Serbie », englo- bant 70 % de la Bosnie et 40 % de la Croa- tie, s’étant effondré, le pragmatisme des autorités serbes, étranglées par l’embargo international, s’est replié sur une Serbie « petite » mais reconnue internationale- ment. La Serbie cherche à donner à l’exté- rieur une image d’ouverture. En 1996, elle noue des relations diplomatiques avec la Macédoine, la Croatie et la Bosnie. Elle obtient la levée de l’embargo qu’elle subis- sait, devient une pièce maîtresse dans la diplomatie régionale et commence d’être reconnue par les pays européens. Ne pou- vant plus combattre sur tous les fronts, Slobodan Milosevic a abandonné son soutien aux Serbes de Krajina et de Bos- nie, sans avoir pour autant résolu tous ses problèmes. Ceux que lui pose la région albanophone du Kosovo, dont l’autono- mie a été supprimée en 1989, sont en voie de résolution. Au Kosovo, les autorités serbes sont en butte à la sourde hostilité de près de 2 millions d’Albanais qui ont construit clandestinement une contre- société avec président, députés, diplo- mates, enseignants, médecins, etc. Les Américains soutenant Tirana, qui sur- veille de près les événement du Kosovo, S. Milosevic comprend que le nouveau contexte régional lui interdit d’enflammer la question albanaise. Après avoir renoué avec les Macédoniens, qui ont également downloadModeText.vue.download 195 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

194 de graves problèmes avec les Albanais, il rencontre, en septembre, le président au- toproclamé du Kosovo, Ibrahim Rugova. Les deux hommes tombent d’accord sur le rétablissement de la liberté de l’enseigne- ment de l’albanais, ce qui est un premier élément de retour au statut d’autonomie, octroyée en 1974 par Tito. La démocra- tisation de la Serbie tarde cependant à venir, les journaux et les radios privés subissant pressions et interdictions. Le 3 novembre, le Parti démocratique serbe de M. Milosevic remporte les législatives (84 sièges sur 138), alors que le président s’apprête à changer la Constitution pour devenir inamovible. Devant cette dérive dictatoriale, la société civile serbe se re- belle. Aux municipales du 17 novembre, l’opposition l’emporte largement dans 15 grandes villes, mais M. Milosevic décide d’annuler les élections. Fin no- vembre des dizaines de milliers, d’abord, puis des centaines de milliers de manifes- tants descendent dans la rue. Menés par une opposition hétéroclite (Mouvement serbe du renouveau, Parti démocrate et Alliance civique), ils exigent la démission de l’équipe au pouvoir. Mais, au premier abord, il ne semble pas que les autorités aient l’intention d’infléchir leur politique ou de revenir sur leur décision.

U Chrono. : 7/08, 2/09, 17/11, 8/12, 24/12.

Slovénie

Loin des conflits de l’ex-Yougoslavie, la Slovénie suit tranquillement son chemin vers l’Europe occidentale. Cependant, l’Italie oppose son veto à l’accord d’asso- ciation de la Slovénie avec l’Union euro- péenne (mars), exigeant l’indemnisation des Italiens chassés d’Istrie en 1945 par la

Yougoslavie. Après l’arrivée au gouverne- ment de Romano Prodi en Italie, Rome et Ljubljana trouvent finalement un ter- rain d’entente le 28 mai. L’accord qu’ils signent fixe les conditions d’accès au mar- ché immobilier Slovène, jusqu’ici fermé aux étrangers. Quinze jours plus tard, la Slovénie signe à Luxembourg l’accord d’association avec l’Union européenne, des négociations sur son adhésion étant prévues pour 2001. La plus riche des ex- républiques de Yougoslavie réalise déjà plus de 70 % de ses échanges commer- ciaux avec les Quinze. D’autre part, la très catholique Slovénie reçoit en mai la visite de Jean-Paul II, le Vatican ayant été le premier État à reconnaître la souverai- neté de la Slovénie, dès l’éclatement de la Yougoslavie.

Macédoine

Victime du blocus grec d’octobre 1993 à octobre 1995, la Macédoine finit par sortir de son isolement. Le blocus levé, elle est entrée à l’OSCE et au Conseil de l’Europe en 1995. Les relations bilatérales reprennent, et le premier ambassadeur macédonien en Grèce est nommé en jan- vier. Pendant toute l’année, des déléga- tions des deux pays se rencontrent pour tenter de régler le problème de la déno- mination de la république de Macédoine. Il semblerait, en fin d’année, que la Grèce soit prête à accepter l’utilisation du mot « Macédoine ». Enfin, le pays est reconnu diplomatiquement par son principal par- tenaire économique, la Serbie.

Le règlement progressif des questions internationales permet aux tensions in- ternes de s’exprimer, avivées par la ques- tion de la succession du vieux président downloadModeText.vue.download 196 sur 602

MONDE

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Kiro Gligorov, pourtant remis de l’atten- tat dont il avait été victime en 1995. En février éclate la première crise politique de la jeune république. Depuis l’indépen- dance de 1991, le pays est dirigé par une coalition d’anciens communistes com- posée de l’Alliance sociale-démocrate de Macédoine (ASDM) du président Gligo- rov, du Parti libéral (PL) et du Parti socia- liste macédonien (PSM). Le Premier mi- nistre Branko Crvenkovski élimine, cette année, le PL de la coalition, arguant des accusations d’affairisme lancées contre celui-ci et lui reprochant surtout d’avoir un peu trop vite considéré, pendant la convalescence du président Gligorov, que sa succession était ouverte.

La question la plus aiguë posée à la Macédoine reste incontestablement celle de la minorité albanaise. Depuis le début de 1995, le pouvoir s’oppose à l’ouverture d’une université libre albanaise à Tetovo, craignant de voir s’y développer un foyer d’irrédentisme entretenu par les Albanais du Kosovo et l’Albanie elle-même. Les dirigeants de cette université, tantôt en liberté, tantôt incarcérés, sont soutenus par de violentes manifestations popu- laires chaque fois qu’ils sont emprison- nés. Ce durcissement profite aux partis albanais extrémistes qui se sont éloignés du parti de la Prospérité démocratique, une formation modérée participant à la coalition au pouvoir.

Les élections municipales de cette année sont donc un test, non seulement pour les formations issues de l’ancien Parti communiste mais aussi pour dépar- tager les différentes tendances du natio- nalisme albanais. Si l’ASDM du président Gligorov résiste relativement bien, elle perd cependant le contrôle de la plupart des grandes villes, y compris à Skopje, la capitale. Le PL, complètement laminé, perd toutes ses municipalités. En re- vanche, inexistante depuis les législatives d’octobre 1994, l’opposition anticommu- niste a su se regrouper et gagne plusieurs grands centres urbains. Les nationalistes albanais, modérés et extrémistes, font des scores comparables à leurs résultats précédents. Cependant, forts de leurs victoires dans deux grandes villes alba- nophones de l’ouest du pays, les extré- mistes pourraient en faire des bastions sécessionnistes.

U Chrono. : 23/02, 8/04.

Grèce

La Grèce vient de tourner une page de son histoire. En douceur, la période des tribulations populistes a fait place à un paysage politique plus policé, plus proche des normes européennes.

Leader de la gauche non communiste grecque depuis les années 70, Andréas Papandreou a été le premier socialiste à diriger son pays. Après de nombreux scandales politico-financiers mêlés de romances amoureuses, Papandreou avait perdu le pouvoir en 1989, l’avait retrou- vé dès 1993 mais, gravement malade, il avait dû démissionner le 15 janvier de cette année. Depuis un an, la tendance moderniste et sociale-démocrate du PASOK (Mouvement socialiste panhellé- nique) préparait la relève, emmenée par l’ancien ministre de l’Économie Kostas Simitis. Trois jours après la démission de M. Papandreou, M. Simitis devient Pre- mier ministre, au grand dam de la frac- tion populiste du PASOK, de la droite grecque, qui craint ce modéré de gauche, downloadModeText.vue.download 197 sur 602

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196 et des États-Unis qui n’apprécient guère ce proeuropéen. Après la mort de A. Pa- pandreou (23 juin), il prend également sa suite à la tête du PASOK. Avocat, il est né au Pirée en 1936. Après le coup d’État des colonels en 1967, il devient membre de l’organisation clandestine Défense démo- cratique. Recherché par la police, il s’exile en Allemagne en 1969 et devient membre du Mouvement panhellénique de libéra- tion fondé par Andréas Papandreou. En 1974, il est l’un des fondateurs du PASOK (Mouvement socialiste panhellénique). À l’arrivée au pouvoir de ce dernier, en 1981, il devient ministre de l’Agriculture, puis de l’Économie en 1985, de l’Éduca- tion en 1989 et de l’Industrie en 1993.

À peine au pouvoir, K. Simitis est confronté à une provocation de la Tur- quie qui, désireuse de tester le nouveau pouvoir athénien, occupe militairement un îlot grec inhabité au large de Rhodes (janvier). L’intervention de la diploma- tie américaine met fin à cette première crise. Un second incident avec la Turquie donne l’occasion au nouveau Premier mi- nistre d’asseoir définitivement son pou- voir. En août, l’armée turque tue 2 Chy- priotes grecs sur la ligne de démarcation qui divise Chypre depuis 1974. Alors que le contentieux avec les voisins du Nord, Albanais et Macédoniens, est pour l’ins- tant résolu, voilà que le « danger turc » réapparaît. Pour faire face à la pression turque, estime M. Simitis, il faut un gou- vernement fort. Il décide alors d’organi- ser, le 22 septembre, des élections légis- latives anticipées, au cours desquelles les partis politiques populistes sont large- ment battus, alors que le PASOK rénové sort vainqueur de l’épreuve. Cette vic- toire satisfait les partenaires européens de la Grèce, qui apprécient les prises de position procommunautaires de K. Simi- tis. Cependant, pour aligner le pays sur les critères de Maastricht, le chemin est encore long. U Chrono. : 15/01, 23/03, 22/09.

CHRISTOPHE CHICLET downloadModeText.vue.download 198 sur 602

MONDE

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CEI

L’état de santé de Boris Eltsine ne per- met pas de faire de sa réélection à la présidence de la République russe un gage de stabilité pour l’avenir. Sortie, grâce à Alexandre Lebed, de la guerre en Tchétchénie, la Russie regarde déjà avec inquiétude en direction de la par- tie asiatique de la CEI, où, aux frontières d’un Afghanistan désormais dominé par les talibans islamistes, l’instabilité est endémique.

Russie

Le dossier tchétchène

Dans un contexte dominé par les incerti- tudes en politique intérieure et la fragilité de la stabilisation économique, la Russie s’efforce de regagner son rang sur la scène internationale. Dans cette perspective, elle accumule les candidatures auprès de nombreux organismes internationaux et instances occidentales : OCDE, G7, club de Paris. Elle assouplit aussi sa position face à la perspective d’élargissement de l’OTAN aux pays de l’Est. L’adoption de cette position plus conciliante trouve sa contrepartie dans le renforcement concerté des liens avec les pays consti- tuant le noyau de la CEI. La réunion des chefs d’État et de gouvernement de la CEI, qui se tient à Moscou le 19 janvier, adopte diverses décisions concernant le règlement et la prévention des conflits sur le territoire des États membres de la CEI ; le 29 mars est signé à Moscou un traité d’intégration, dans les domaines économique et humanitaire, entre la Bié- lorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Russie. Enfin, la visite à Pékin et à Shanghai de Boris Eltsine, en avril, vient consacrer un net réchauffement des rela- tions sino-russes.

À la fin de l’année 1995, le conflit ouvert par l’entrée des troupes russes en Tchétchénie, en décembre 1994, est plus que jamais dans l’impasse, l’accord de démilitarisation signé en 1995 n’ayant jamais été appliqué.

La prise en otage, au Daghestan, de 2 000 personnes par un commando tchétchène puissamment armé illustre le blocage complet de la situation et porte la tension à son comble. Convaincu que la poursuite de cette guerre, plus impo- pulaire que jamais parmi la population russe, est susceptible de lui coûter la victoire aux élections présidentielles, M. Eltsine décrète la cessation des opé- rations militaires en Tchétchénie à partir du 31 mars. Cette décision demeure lettre morte sur le terrain, les états-majors mili- taires étant hostiles à la perspective d’une négociation avec les « bandits » tchét- chènes. L’échéance électorale se rappro- chant inexorablement, Boris Eltsine est conduit dès la fin du mois de mai à rece- voir à Moscou Zelimkhan Ianbardaev, le successeur de Djokhar Doudaev (tué en avril par l’explosion d’un missile télé- guidé russe), et à signer un cessez-le-feu avec lui. Le président russe signe ensuite un accord de paix prévoyant des élections libres sous contrôle international et un désengagement de l’armée russe ; mais il laisse la bride sur le cou aux partisans de la guerre à outrance, si bien que, dès le mois de juillet, le danger d’un retour des communistes au pouvoir une fois conju- ré, les bombardements reprennent dans le sud de la Tchétchénie. downloadModeText.vue.download 199 sur 602

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C’est l’offensive lancée par les rebelles tchétchènes contre Grozny et Argoun, à partir du 6 août, qui constitue le tournant décisif de la guerre. En quelques jours, les troupes russes perdent pied, l’état-major devant admettre dès le 10 août qu’il a perdu le contrôle de la situation dans la capitale tchétchène. C’est l’échec patent de la politique des va-t-en-guerre de l’en- tourage du président, et l’occasion pour Alexandre Lebed – à qui M. Eltsine doit largement son élection du mois de juin – de pousser son avantage.

Nommé représentant spécial de M. Eltsine en Tchétchénie, M. Lebed reprend contact avec les dirigeants indé- pendantistes, clamant haut et fort qu’il les considère comme des combattants méri- tant le respect et non comme des « cri- minels ». Mais, tandis qu’il entame ces négociations en vue d’un cessez-le-feu, Boris Eltsine, sous la pression des parti- sans de la guerre à outrance, ordonne que l’armée lance l’assaut contre Grozny pour y rétablir l’ordre par tous les moyens. Après quelques jours d’incertitude, le gé- néral Lebed parvient à faire annuler cette décision. Le président Eltsine, malade, se tient à l’arrière-plan, tandis que le géné- ral parvient rapidement à un accord de paix avec ses interlocuteurs. Les parties en présence renoncent à toute activité de guerre, les troupes russes se retirent ra- pidement de Tchétchénie, et la question du statut du territoire est gelée jusqu’en 2001, année où un référendum sera orga- nisé sur le « droit à l’autodétermination des Tchétchènes ».

À l’évidence, en signant cet accord, M. Lebed a outrepassé le mandat que lui avait confié le président, comptant sur la dynamique créée par cet accord et sur l’aspiration des Russes et des Tchétchènes à sortir de l’hécatombe. L’ascension fou- droyante de sa cote de popularité en Rus- sie et la confiance que lui témoignent les dirigeants tchétchènes après tant de pro- messes trahies tendent à valider le calcul d’Alexandre Lebed. Bien sûr, l’avenir de la Tchétchénie reste incertain (notam- ment en ce qui concerne la question de son indépendance), mais, après deux ans, ou presque, de combats et de ces- sez-le-feu non respectés, après les 50 ou 60 000 victimes de cette guerre « sale », la paix signée cette année semble moins illusoire que les précédentes. Tandis que le nouveau pouvoir s’efforce d’établir un ordre islamique modéré dans les villes et les villages dévastés de Tchétchénie, les derniers conscrits russes quittent sans regret l’enfer de Grozny.

La réélection de Boris Eltsine

Au début de l’année, l’élection présiden- tielle prévue pour juin 1996 ne se présen- tait pas sous les meilleurs auspices pour Boris Eltsine. En décembre 1995, les élections législatives avaient consacré la position de force des nationalistes et des communistes ; en janvier 1996, les son- dages créditent le président de 8 % des intentions de vote, contre 20 % au com- muniste-nationaliste Guennadi Ziouga- nov. Moscou bruisse alors de rumeurs sur un coup de force repoussant aux ca- lendes grecques l’élection présidentielle. De fait, le clan des « faucons » (le général Alexandre Korjakov, le général Mikhaïl Barsoukov et le vice-Premier ministre Oleg Soskovets), qui exerce alors sur le président affaibli une influence prépon- dérante, ne ménage pas ses efforts pour le convaincre de prendre les devants : downloadModeText.vue.download 200 sur 602

MONDE

199 si M. Ziouganov gagnait, la Russie ne serait-elle pas vouée, inéluctablement, à la guerre civile ? Dissolution de la Douma, instauration de l’état d’urgence, report sine die des élections sont propo- sés à Boris Eltsine. À la mi-mars, à l’issue d’une crise majeure l’opposant à cette « camarilla de l’ombre », qu’il soupçonne de vouloir le « brejnéviser », le président Eltsine, conseillé par les libéraux (Ana- toli Tchoubaïs, l’initiateur des privati- sations, Igor Malachenko, directeur de la chaîne de télévision NTV, le Premier ministre Viktor Tchernomyrdine), se laisse convaincre que l’affaire n’est pas perdue. Il engage une campagne dyna- mique, assuré du soutien des médias, de l’appareil d’État, des géants de l’énergie, des grandes banques et, ce qui n’est pas négligeable, des puissances occidentales. Il promet une lutte plus énergique contre la corruption d’État, contre l’insécurité et les inégalités, annonce un ralentissement des privatisations, prédit le rouble fort et totalement convertible en l’an 2000, fait verser aux fonctionnaires une par- tie de leurs salaires en retard, n’hésitant pas à puiser dans les fonds publics pour financer les promesses qu’il dispense tous azimuts. En quelques semaines, le candidat-président dépasse dans les sondages son seul concurrent sérieux. M. Ziouganov, qui, soutenu par un « bloc patriotique » des plus disparates, fait une campagne bruyante, avec majorettes et drapeaux rouges, popes et portraits de Staline, littérature antisémite et cosaques en tenue traditionnelle. Se posant comme le candidat des laissés-pour-compte de la libéralisation sauvage, le candidat com- muniste s’efforce de mobiliser les senti- ments patriotiques, dénonce la mafia et l’occidentalisation sans frein de la société russe.

Signe du désarroi de la Russie, un tiers des électeurs déclarent encore ignorer pour qui ils voteront quelques semaines seulement avant le premier tour des élec- tions, fixé au 17 juin. Avec environ 35 % des voix, contre 32 % à M. Ziouganov, Boris Eltsine ne s’assure pas un avan- tage significatif sur son adversaire. C’est le ralliement d’Alexandre Lebed, crédité de près de 15 % des voix et solidement installé en troisième position, qui fait la différence, tout en obligeant le président à promouvoir encore le général Lebed, qu’il place à la tête du conseil de sécurité et nomme conseiller des affaires de sécu- rité nationale du président.

Tandis que M. Eltsine, victime d’un nouvel accident de santé, s’efface entre les deux tours, une nouvelle configura- tion politique se dessine au sommet de l’État. S’y font face un Alexandre Lebed, nouvel homme fort, en pleine ascension, décidé à nettoyer les écuries d’Augias de l’État tout en incarnant un nationalisme modéré mais intransigeant, et les repré- sentants des milieux d’affaires les plus puissants (M. Tchoubaïs, grand argen- tier de la campagne Eltsine, et M. Tcher- nomyrdine, l’homme des trusts gigan- tesques du gaz et du pétrole). Après le second tour, où il l’emporte aisément par 53,8 % des voix contre 40,3 % à son rival, Boris Eltsine, quoique affaibli par la ma- ladie, cherche à contrebalancer la montée en puissance de M. Lebed. Tandis que se manifestent ouvertement les premières tensions entre le « moralisateur » Lebed et l’« expert » Tchernomyrdine – mainte- nu au poste de Premier ministre –, toute l’actualité politique se trouve suspendue downloadModeText.vue.download 201 sur 602

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à la perspective de l’intervention chirur- gicale que subit finalement B. Eltsine le 5 novembre. Entre-temps, le président a cédé aux injonctions de son entourage et a limogé A. Lebed en octobre. Cela ne l’empêche pas de signer, le 23 novembre, un décret ordonnant le retrait total des troupes russes de Tchétchénie, avali- sant ainsi la politique de désengagement mise en oeuvre par son ancien conseiller militaire.

L’économie russe

La stabilisation économique se pour- suit au cours de l’année, nourrissant l’optimisme prudent des experts et des organismes internationaux. Durant le premier semestre de l’année, l’inflation se cale autour de 3 % mensuels (alors qu’elle était de 135 % en 1995). Le taux de change du rouble est stabilisé, la chute de la production, enrayée, laissant espérer une très légère croissance pour 1996. Le commerce extérieur est largement excé- dentaire (20 milliards de dollars), grâce, il est vrai, aux exportations de matières premières. L’économie de marché s’ins- talle cahin-caha, malgré le retard de la privatisation des moyennes et grandes entreprises, très impopulaire, et l’inca- pacité des industries de transformation à faire face à la concurrence étrangère.

Au vu de ces résultats macroécono- miques, le FMI confirme, en mars, l’attri- bution d’un crédit de plus de 10 milliards de dollars à la Russie. Dès novembre 1995, le club de Londres avait donné son feu vert à un rééchelonnement de la dette downloadModeText.vue.download 202 sur 602

MONDE

201 de la Russie. En avril, un accord-cadre du même type est avalisé par les créanciers publics du club de Paris. Il n’en demeure pas moins que la dette extérieure globale de l’État russe s’élève à 118,5 milliards de dollars et que le financement des pro- messes électorales systématise le recours à l’emprunt intérieur (bons du Trésor à fort intérêt), expédient qui fait redouter à certains un crash budgétaire et une re- prise de l’inflation.

La situation sociale de la majorité de la population russe offre un fort contraste avec ce tableau économique en demi- teinte. Un quart de la population (36 mil- lions de personnes) vit au-dessous du seuil de pauvreté (300 F par mois), le taux de chômage atteint 8,6 %, l’espérance de vie est tombée à cinquante-huit ans pour les hommes (soixante-cinq en 1987), l’alcoolisme se développe, la dénatalité se poursuit, les inégalités s’accroissent. Passée sans transition de l’austérité sovié- tique à la pauvreté, voire à la misère capi- taliste, une grande partie de la population russe en vient à nourrir la nostalgie du « moins pire » d’antan.

U Chrono. : 5/01, 9/01, 25/01, 22/02, 23/02, 6/03, 29/03, 31/03, 19/04, 22/04, 27/05, 2/06, 13/06, 16/06, 3/07, 7/08, 5/09, 17/10, 5/11, 24/11.

Ukraine

Difficultés sociales persistantes, instabi- lité politique sur fond de redressement économique allant à pas de tortue, tel est, sommairement, le visage que présente l’Ukraine à la fin de l’année 1996. Dès février, des grèves agitent le pays : elles réclament le relèvement du salaire mini- mum, le paiement des salaires en retard et elles dénoncent les hausses de loyer. En

été, 170 000 mineurs bloquent la ville de Donetsk, capitale du bassin houiller du Donbass ; en octobre, 10 000 enseignants manifestent à Kiev.

Après l’attentat manqué du 16 juillet visant le nouveau Premier ministre, Pavel Lazarenko, le président Leonid Koutch- ma dénonce aussitôt l’action du « crime organisé » et des « officiels corrompus ». Ces commentaires font clairement allu- sion au développement proliférant de la mafia en Ukraine, aux liens entretenus par les milieux politiques avec le secteur économique, mais aussi aux tensions persistantes qui, jusqu’à la fin du mois de mai, ont opposé le président réformateur au Parlement (dominé par les commu- nistes, les socialistes et les agrariens) et à son ancien Premier ministre, Yevhen Martchouk, accusé de tiédeur dans la mise en oeuvre de mesures en faveur de l’économie de marché. Le conflit entre L. Koutchma et son Premier ministre s’était cristallisé sur l’élaboration d’une nouvelle constitution, finalement adop- tée en juin, après le changement de Pre- mier ministre.

La résistance d’une fraction impor- tante des élites politiques à une transition rapide vers l’économie de marché conti- nue de peser sur l’évolution du pays : la part de l’économie privée dans le PIB ukrainien stagne à 35 %, et les investis- sements étrangers restent faibles. L’hype- rinflation est cependant jugulée (350 % en 1995, 2 % en septembre 1996, après l’introduction de la nouvelle monnaie, la grivna). Les problèmes écologiques conti- nuent de jouer un rôle important dans les relations entre l’Occident et l’Ukraine, qui réaffirme, en avril, à l’occasion de la réunion du G7 à Moscou, sa promesse de downloadModeText.vue.download 203 sur 602

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202 fermer la centrale de Tchernobyl au plus tard en l’an 2000.

U Chrono. : 4/04, 27/05.

Moldavie

Le 1er juillet devait se tenir à Moscou une réunion rassemblant Boris Eltsine, Mir- cea Snegur, le président moldave, Igor Smirnov, chef de la république autopro- clamée de Transnistrie (territoire dissi- dent russophone de Moldavie) et Leonid Koutchma, le président ukrainien. Un document devait être signé à cette occa- sion, en vue du règlement d’un conflit vieux de six ans et dont l’enjeu est le statut de la Transnistrie. L’annulation au dernier moment de cette réunion met au jour la persistance de désaccords profonds, les dirigeants de Tiraspol (la « capitale » de Transnistrie) souhaitant une « fédéralisa- tion » de la République moldave, ce que refuse M. Snegur.

Cette situation est compliquée, de- puis le milieu de l’année 1995, par la rup- ture entre le parti démocratique agraire de Moldavie (PDAM, majoritaire) et le président Snegur. Rétif au « molda- visme » agressif des dirigeants du PDAM, à leur hostilité envers la Roumanie et l’Occident, à leur alliance avec le Bloc de l’unité socialiste (prorusse), l’homme du juste milieu qu’est M. Snegur a créé son propre parti (parti de la Réconciliation et de la Renaissance nationales). Avec un programme assez vague (contre « l’extré- misme et la haine nationale », « pour la tolérance et l’entente civile »), il cherche à tenir le rôle de rassembleur dans la perspective de l’élection présidentielle du 17 novembre 1996. Arrivé largement en tête au premier tour, M. Snegur voit se dresser contre lui une coalition hété- roclite qui permet au président du Parle- ment, Petru Loutchinski (sans étiquette), de se faire élire au second tour, avec plus de 53 % des voix. Celui-ci annonce alors son intention de normaliser au plus vite les relations entre la Moldavie et la Transnistrie.

U Chrono. : 1/12.

Biélorussie

L’année est marquée par l’accentuation de la dérive autoritaire du président Alexandre Loukachenko. Déterminé à accélérer sa politique de rapprochement avec Moscou, le dirigeant biélorusse signe, le 2 avril, un traité d’union entre son pays et la Russie. Aspirant au pou- voir absolu, il ne fait pas mystère de son intention de rester à son poste non seule- ment jusqu’à la fin de son mandat de cinq ans, mais encore pour « deux autres man- dats ». Les atteintes aux libertés publiques se multiplient tout au long de l’année. Fin avril, M. Loukachenko fait réprimer bru- talement par la police une manifestation de protestation contre la signature de l’accord de rapprochement avec Moscou. En juin, il décrète par oukase qu’aucun citoyen biélorusse ne pourra se rendre à l’étranger sans l’accord des autorités. En juillet, il interdit les rassemblements et les manifestations « pendant les récoltes ». Les opposants qui ne sont pas en prison passent dans la clandestinité ou s’exilent (c’est le cas de Zenon Pozniak, prési- dent du Front populaire et principale figure de l’opposition, qui se réfugie aux États-Unis). Fin juillet, pour le sixième anniversaire de l’indépendance, près de 10 000 personnes manifestent dans la downloadModeText.vue.download 204 sur 602

MONDE

203 capitale biélorusse en brandissant le dra- peau national (qui a été remplacé par le drapeau rouge) et en scandant « Indépen- dance ! », « Président, traître, démission ! ». Après avoir relevé de ses fonctions le Premier ministre Mikhaïl Tchiguir le 18 novembre, le président organise un référendum constitutionnel destiné à supprimer le Parlement et à s’assurer tous les pouvoirs. Environ 70 % des électeurs s’étant officiellement prononcés en faveur de ses propositions, il dispose désormais des pleins pouvoirs jusqu’en 2001. Dans le domaine économique, les réformes engagées les années précédentes sont au point mort. En avril, M. Loukachenko nationalise le marché des changes, après avoir interdit les opérations en devises entre banques. La Banque mondiale et le FMI gèlent alors leurs crédits. Le prési- dent biélorusse a adopté un ton antioc- cidental très marqué, stigmatisant la vo- lonté de l’OTAN de s’étendre à l’Europe orientale. Cette dérive populiste et dicta- toriale augure mal du proche avenir de la Biélorussie.

U Chrono. : 24/11.

Géorgie

Brillamment réélu président de la Répu- blique en novembre 1995 avec environ 74 % des voix, Edouard Chevardnadze peut compter sur l’appui de la très forte majorité que son parti, l’Union des ci- toyens de Géorgie, a en même temps acquise au Parlement. Poursuivant sa politique de présence sur la scène inter- nationale, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Mikhaïl Gorbatchev cultive les bonnes relations de son pays avec la Turquie et avec l’Occident. Au printemps, la Géorgie signe, en même temps que l’Azerbaïdjan et l’Arménie, d’importants accords de partenariat avec l’Union euro- péenne. Il continue de ménager Moscou, qui, depuis que l’Abkhazie est entrée en sécession, conduit un jeu de bascule sub- til entre les autorités géorgiennes et les séparatistes. Aussi, en visite à Moscou le 19 mars, M. Chevardnadze estime-t- il « totalement acceptables » les principes fondant le futur traité d’intégration entre la Biélorussie, le Kirghizistan et la Fédé- ration de Russie. La présence de forces d’interposition russes sur la ligne de dé- marcation avec l’Abkhazie, le blocus du port abkhaze de Soukhoumi par la flotte russe et la condamnation de principe de la sécession abkhaze lors du sommet de la CEI réuni le 19 janvier à Moscou éclairent la position réaliste du président géorgien. Au cours de l’été, le président Chevard- nadze engage également des discussions avec le dirigeant ossète Ludvig Chibi- rov afin de tenter de dégager un accord concernant le statut disputé de l’Ossétie du Sud, située en territoire géorgien.

Très affaiblie sur le plan économique par la sécession abkhaze, le flux de réfu- giés, la crise énergétique, l’inflation et le chômage, la Géorgie espère que le sou- tien du FMI et de la Banque mondiale lui permettra de stabiliser sa monnaie. Elle compte beaucoup sur le transit par son territoire du pétrole de la mer Caspienne.

Arménie

La réélection contestée du président Le- von Ter-Petrossian, le 22 septembre, at- tire l’attention de l’opinion mondiale sur l’Arménie. Dans un contexte dominé par la persistance de l’émigration massive, en downloadModeText.vue.download 205 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

204 dépit d’une reprise des activités écono- miques (l’Arménie peut se targuer d’un des taux de croissance les plus élevés de la CEI), le président sortant affrontait le candidat de l’opposition nationaliste Va- zguen Manoukian. Celui-ci, jadis allié à son rival d’aujourd’hui dans la lutte pour l’indépendance, axe sa campagne sur la dénonciation de l’économie parallèle, de la corruption, de la persistance de la ré- pression politique et du rapprochement avec la Russie et la Turquie. Avant même la proclamation des résultats définitifs, le président sortant se déclare vainqueur au premier tour, par 56 % des suffrages. Ce résultat est immédiatement contesté par les partisans de M. Manoukian. Selon des sources convergentes, en effet, le candi- dat de l’opposition avait obtenu 57 % des suffrages dans la capitale. Les accusations de manipulation ont été confirmées par les observateurs de l’OSCE (Organisa- tion pour la sécurité et la coopération en Europe). Mais, la contestation s’ampli- fiant au fil des jours, avec notamment de violentes manifestations à Erevan, le pré- sident opte, quatre jours après l’élection disputée, pour la manière forte : Erevan est investie par les chars. Sept députés de l’opposition sont arrêtés avec des dizaines d’opposants. Tandis que M. Manoukian rejoint la clandestinité, détenteur des « preuves irréfutables » du trucage des élections, M. Ter-Petrossian inaugure son second mandat en instaurant l’état d’ur- gence dans la capitale arménienne.

U Chrono. : 22/09.

Azerbaïdjan

L’Azerbaïdjan continue à occuper une place à part dans la CEI. Il refuse les accords de portée politique ou militaire, s’en tenant à la coopération économique. Dans cette perspective, Bakou signe avec Moscou, le 18 janvier, un accord sur le transit, à travers la Tchétchénie, du pé- trole brut d’Azerbaïdjan.

En avril 1996, le président Gueï- dar Aliev signe également un accord de partenariat entre son pays et l’Union européenne. La tournure autoritaire du pouvoir azerbaïdjanais se confirme tout au long de l’année. En janvier, la Cour suprême d’Azerbaïdjan condamne à la peine capitale l’ex-ministre de la Sécurité nationale et l’ancien vice-ministre de la Défense, tous deux accusés d’avoir pré- paré un coup d’État en octobre 1994. En avril, l’ex-ministre de la Défense R. Ga- ziev, réfugié à Moscou, est livré aux auto- rités de Bakou.

En juillet, le président exige la démis- sion de son Premier ministre et de 8 autres membres du gouvernement. En août, le ministre de l’Information annonce l’arrêt du quotidien indépendant Avrazia, dont les articles déplaisent au pouvoir. Les négociations engagées en janvier avec les autorités arméniennes (l’Arménie occupe plus d’un cinquième du territoire azerbaïdjanais) restent en suspens. Pour Bakou, la manne du pétrole et du gaz de la mer Caspienne apportera rapidement la prospérité, qui tarde cependant à venir.

Kazakhstan

En décembre 1995, les élections législa- tives, largement remportées par la coali- tion au pouvoir, ont conforté la position du président Noursoultan Nazarbaiev. La récession économique, continue depuis plusieurs années, semble endiguée en downloadModeText.vue.download 206 sur 602

MONDE

205 1996. Le Kazakhstan joue un rôle moteur dans la dynamique d’intégration impul- sée par le Kremlin. Il a formé une union douanière, dès 1995, avec la Russie et la Biélorussie, et signe, en mars 1996, un traité qui le lie à la Russie, au Kirghizistan et à la Biélorussie, dans la perspective de la formation d’une véritable communau- té d’États. Cette orientation a un pendant militaire : la signature à Alma-Ata, en janvier, d’importants accords russo-ka- zakh traitant notamment du domaine de la défense aérienne. La montée de l’insta- bilité dans la région chinoise frontalière du Xinjiang (due à l’action de groupes séparatistes ouïgours) inquiète les diri- geants du Kazakhstan, qui craignent que l’immensité du territoire kazakh et de ses frontières ne fragilise le pays. C’est le sens de la mise en garde lancée dans une déclaration commune, au mois de juillet, par les gouvernements kazakh et chinois contre toute tentative de sécession et de formation d’un « Ouïgourstan ».

Kirghizistan

Un nouveau référendum confirme le président Askar Akaïev dans sa posture d’homme fort du Kirghizistan : le 10 fé- vrier 1996, 94,5 % des électeurs se pro- noncent en faveur de l’élargissement de ses pouvoirs. L’exercice de ce pouvoir per- sonnel, malgré les professions de foi dé- mocratiques du chef de l’État, ne parvient pas à masquer l’existence d’oppositions entre populations kirghize et ouzbek, se traduisant, dans le sud du pays, par de fortes tensions entre l’Administration (essentiellement aux mains des Kirghizs) et les importantes minorités ouzbeks.

Le Kirghizistan est très proche de la Fédération de Russie. Il est partie pre- nante du traité d’intégration signé à Mos- cou le 29 mars, où l’accent est mis sur la coopération politique et militaire des États signataires. Se tenant au plus près des options de Moscou, le Kirghizistan s’oriente comme la Russie vers un renfor- cement de ses liens économiques avec la Chine. Il s’associe à l’accord militaire sur le « partenariat en matière de sécurité » adopté par Boris Eltsine et Li Peng, en avril, à Pékin.

Ouzbékistan Les aspirations de l’Ouzbékistan à jouer un rôle de puissance régionale, légiti- mées par des relations privilégiées avec les États-Unis, sont contrariées par la vic- toire des talibans à Kaboul en septembre. Ceux-ci, parvenus au pouvoir avec l’aval de Washington, par Pakistan interposé, se trouvent en effet en conflit direct avec le général Rachid Dostom, chef de guerre ouzbek contrôlant les provinces afghanes du Nord-Ouest et allié naturel de l’Ouz- békistan voisin. Du coup, les projets du président Islam Karimov, qui rêvait d’un axe Tachkent-Kaboul-Islamabad destiné à parachever son émancipation de Mos- cou, se trouvent fortement perturbés. En ravivant le danger d’une contamination islamiste radicale dans toute la région, la victoire des talibans risque de précipiter un repli sur les lignes de défense tradi- tionnelles : aujourd’hui, celles de la CEI. En affirmant, dès le 1er octobre, que la Russie « doit aider moralement et maté- riellement ceux qui s’opposent aux tali- bans », Alexandre Lebed lance un signal downloadModeText.vue.download 207 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

206 en direction du général Dostom (qui, aux côtés des Soviétiques, a combattu les moudjahidine afghans), impliquant, de fait, l’Ouzbékistan dans cette nouvelle cause commune.

Et pourtant, tout au long de l’an- née 1996, le président Karimov ne mé- nage pas ses efforts d’ouverture tous azi- muts, recevant à Tachkent, où il a installé un bureau de l’OSCE, des représentants de l’Inde, du Pakistan et de l’Iran. Cette politique multilatérale trouve, dans une certaine mesure, son pendant sur le plan économique : l’Ouzbékistan n’est plus tri- butaire des pays de l’ex-URSS que pour moins de la moitié de ses échanges ; il exporte son coton dans le monde entier, attire de nombreuses compagnies étran- gères, y compris asiatiques, séduites par sa position de pôle régional. Demeure l’image de despote oriental poststalinien qui colle au président Karimov, l’oppo- sition démocratique étant en exil et ses adversaires islamistes souffrant d’une répression impitoyable.

Tadjikistan Fragilisé, appauvri par une guerre civile sanglante s’éternisant depuis quatre ans, le Tadjikistan subit au premier chef les bouleversements de l’Afghanistan voisin. Désormais, les milliers de soldats russes, disposés sur la frontière qui sépare les deux pays, font face à la menace de l’is- lamisme radical. Début octobre, à Dou- chanbe, capitale du Tadjikistan, on rap- pelle que les frontières du pays sont celles de la CEI et qu’il est urgent que celle-ci prenne des mesures pour faire face à ce nouveau défi géopolitique. Les talibans sont accusés par la presse gouvernemen- tale de soutenir la guérilla tadjik isla- miste, en lutte contre le régime prorusse d’Imomali Rakhmonov.

Si ce mouvement armé est en effet doté de solides bases au nord de l’Afgha- nistan, il n’est cependant pas homogène : une fraction spécule sur une réconcilia- tion intertadjik, pour peu que les forces armées russes cessent de porter à bout de bras le régime « fantoche », une autre, sti- mulée par la victoire des talibans, plaide pour une généralisation des combats. Mais l’imbroglio tadjik ne s’arrête pas là : les vaincus du régime déchu de Kaboul, d’origine tadjik, sont refoulés aux confins du Tadjikistan, alors qu’un conflit-armé a éclaté, dès janvier 1996, entre la minorité ouzbek et le régime prorusse. Le coût hu- main de ce chaos persistant est considé- rable : le Tadjikistan occupe le 141e rang mondial selon le PIB réel par habitant (entre le Cambodge et la Géorgie).

Turkménistan

Le président Saparmourad Niazov, adepte du pouvoir personnel, continue sa voie spécifique au sein de la CEI. Son ambition est de parvenir à arracher au géant russe Gazprom, qui en détient au- jourd’hui le monopole, le contrôle de l’ex- portation des richesses naturelles du pays (le Turkménistan dispose des deuxièmes plus grandes réserves de gaz naturel de la planète). C’est dans cet esprit que M. Nia- zov se tourne vers l’Iran voisin, par l’ou- verture, en mai, d’une ligne de chemin de fer débouchant sur le port iranien de Bandar Abbas. L’achèvement d’un gazo- duc acheminant le gaz turkmène vers l’Iran et ses débouchés maritimes est prévu pour 1997. Avec le soutien de com- downloadModeText.vue.download 208 sur 602 MONDE

207 pagnies américaines et saoudiennes, le Turkménistan envisage aussi la construc- tion d’un oléoduc transitant à travers l’Afghanistan vers le Pakistan : ainsi le pétrole d’Asie centrale trouverait un dé- bouché échappant totalement à la Russie. Un tel projet, qui implique directement le Turkménistan, éclaire d’un jour suggestif les succès des talibans afghans soutenus par les autorités pakistanaises.

En visite au mois de septembre en France, le président Niazov a exprimé le désir de son pays de s’ouvrir également à l’Europe occidentale. Se faisant le porte- parole de la Communauté européenne, Jacques Chirac a alors salué la « volonté d’indépendance » du Turkménistan.

ALAIN BROSSAT downloadModeText.vue.download 209 sur 602

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MAGHREB

Algérie : violences et dialogue

Le 16 novembre 1995, le général Liamine Zeroual, président en exercice depuis janvier 1994, est élu au premier tour des élections président de la République al- gérienne avec plus de 61 % des suffrages exprimés. Cette élection est unanime- ment qualifiée d’« élection de l’espoir », parce que le nouveau président avait esquissé un dialogue avec l’opposition démocratique et les islamistes. Ces der- niers semblent entériner le désir d’arrê- ter la violence, exprimé par l’importance de la participation des Algériens au pro- cessus électoral (le taux de participation officiel est de 75 %, mais, selon d’autres estimations, la réalité serait plus proche de 50 %, chiffre qui reste important). Le Front de libération nationale (FLN, an- cien parti unique) et le Front des forces socialistes (FFS, dirigé par Hocine Aït Ahmed), qui avaient appelé au boycott de cette échéance électorale, se tiennent désormais sur la défensive.

Pourtant, le dialogue politique ne s’instaure pas, et les attentats terroristes reprennent. La violence de l’État, de son côté, ne faiblit pas. Au fil des mois de l’an- née 1996, les informations qui parviennent d’Algérie sont effrayantes. Les crimes an- noncés officiellement par la presse sont malheureusement en deçà de ceux qui ne sont jamais rendus publics. Les « pa- triotes », comme se dénomment les mili- ciens d’autodéfense armés par le pouvoir algérien, exercent alors des représailles sur des familles soupçonnées d’être proches des « terroristes ». Bilan : plus de 100 morts.

Les islamistes, sûrs d’avoir la « cau- tion de Dieu », massacrent sans pitié les « patriotes », et ces derniers, lorsqu’ils mettent la main sur des « terroristes », ripostent avec une terrible sauvagerie. À la violence politique s’ajoutent, au cours des années, d’autres facteurs : haines tri- bales, racket, antagonismes entre villages, vengeances claniques ou personnelles remontant parfois à la (première) guerre d’Algérie...

Pendant ce temps, les autorités d’Al- ger s’efforcent de convaincre leurs parte- naires économiques étrangers que le ter- rorisme vit ses « derniers soubresauts ». Le 11 mai, le gouvernement soumet aux différents partis – à l’exception du Front islamique du salut (FIS) – un mémo- randum pour la « reprise d’un dialogue national ». Le texte, qui prévoit une pro- fonde révision de la Constitution adoptée en 1989, est contesté par les principales formations politiques – FFS, Rassem- blement pour la culture et la démocratie (RDC), ou Hamas –, mais approuvé par le FLN, qui s’est rapproché du pouvoir. Ces réticences ne suffisent pas à décou- rager le chef de l’État. Jouant sur les hé- sitations et les divisions de l’opposition – y compris à l’intérieur de la mouvance islamiste, où certaines composantes du Groupe islamiste armé (GIA) s’affrontent militairement au FIS –, le pouvoir entend mener à bien son projet de « normalisa- tion » de la scène politique algérienne, esquissée par l’élection présidentielle du 16 novembre 1995. Le président Zeroual propose d’organiser des élections légis- latives et communales, respectivement au premier et au second semestre 1997, après un référendum sur une révision de la Constitution. La conférence de l’En- downloadModeText.vue.download 210 sur 602

MONDE

209 tente nationale, les 14 et 15 septembre 1996 (boycottée par plusieurs formations d’opposition), met au point un projet de loi qui remplace le scrutin majoritaire à deux tours par un système proportionnel.

Le 28 novembre, le président Zeroual fait une deuxième fois appel aux urnes pour légitimer sa présence à la tête de l’État. Par un référendum boycotté par la plupart des partis d’opposition, mais ap- prouvé à 85,81 % d’après les résultats offi- ciels (79,80 % de participation annoncée), la Constitution algérienne est modifiée : tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du président de la République, l’islam devient la religion de l’État et les partis fondés sur une base religieuse ou régionale sont interdits. Cette réforme de la Constitution limite encore les chances d’une normalisation de la vie politique algérienne.

Sur fond de recherches de solutions politiques, la violence en Algérie se pour- suit. Ainsi, au début du mois de sep- tembre, une voiture piégée détruit entiè- rement l’hôtel d’Angleterre, à Alger ; une bombe dans un restaurant de Staoueli (une station balnéaire près de la capitale) fait 20 morts. Par ailleurs, l’Église catho- lique d’Algérie est cruellement frappée.

L’Église d’Algérie dans la tragédie

« Nous avons tranché la gorge des sept moines. » C’est en ces termes qu’un com- muniqué portant le cachet du Groupe islamiste armé, daté du 21 mai, annonce l’assassinat des 7 religieux français enle- vés le 27 mars 1996 dans leur monastère de Tibehrine, près de Médéa, dans le sud-ouest d’Alger. Ce massacre, le plus important commis contre les Français en Algérie depuis le début des violences en 1992, est dénoncé par tous les partis politiques algériens, y compris le FIS. En France, l’émotion est immense. L’en- semble des formations politiques fran- çaises appellent à une manifestation de « solidarité et de protestation nationales ». Le dimanche 26 mai, le glas sonne dans toutes les églises de France.

Un nouvel appel est lancé par Paris aux derniers Français résidant en Algé- rie. Mais l’alternative peut-elle aussi facilement se limiter à rester ou partir ? Rester, c’est exposer sa vie, voire celle des autres. Partir, c’est faire le jeu de ceux qui entendent tirer un trait définitif sur toute trace de présence française en Algé- rie. En juillet 1994, Mgr Pierre Claverie, archevêque d’Oran, exprimait ce cas de conscience qui se pose aux étrangers : « Faut-il se maintenir à tout prix ? » et il répondait aussitôt en citant ses propres amis musulmans : « N’écoutez pas les si- rènes du départ. Restez, nous avons besoin de vous. »

Deux ans plus tard, le 1er août 1996, l’archevêque d’Oran est assassiné dans l’explosion d’une bombe près de son do- micile. Le décès de Pierre Claverie porte à 19 le nombre de religieux chrétiens tués en Algérie depuis 1993.

Ce meurtre conclut de manière dramatique la visite d’Hervé de Cha- rette, ministre des Affaires étrangères français, venu sur place les 1er et 2 août 1996 « donner un nouveau départ » aux relations entre les deux pays. Ces faits montrent que ni le régime algérien ni les groupes armés n’ont renoncé à faire de la France un des enjeux de leur lutte. Cette évidence est confirmée, une fois de plus de façon macabre, par l’attentat commis à la station du RER Port-Royal downloadModeText.vue.download 211 sur 602

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210 du 3 décembre, dont tout porte à croire (la technique est semblable à celle utilisée en France par le groupe responsable des attentats de 1995) qu’il est l’oeuvre d’un groupe islamiste armé.

Alger-Paris : la méfiance

Le président de la République française, Jacques Chirac, lors d’une visite officielle à Tunis, en octobre 1995, avait annoncé qu’il doublait quasiment l’aide finan- cière à la Tunisie (de 594 millions à un milliard de francs). Paris, au début de l’année 1996, efface également un mil- liard de francs de la dette marocaine. En revanche, la France décide de ré- duire sensiblement son aide à l’Algérie. Cette décision est annoncée le 25 juin 1996. L’enlèvement et la fin tragique des 7 moines de Tibehrine n’auront rien fait pour améliorer les relations de la France avec les autorités militaires algériennes, accusées par Paris d’avoir surtout tenté de préserver leurs propres intérêts plu- tôt que d’avoir cherché à sauvegarder la vie des otages. Pourtant, la France ne peut se désintéresser de l’Algérie au plan économique. Si ce pays reçoit 1 % seulement des exportations françaises (il est à peine le 26e client de la France), l’excédent réalisé par Paris en Algérie en 1995 s’élève à 6,7 milliards de francs, soit le sixième meilleur solde positif bilaté- ral. La France est tout particulièrement exportatrice de produits automobiles et pharmaceutiques, et Paris reste, de loin, le premier fournisseur d’Alger.

Il est donc difficile de se désenga- ger de l’Algérie. D’autant qu’à la menace terroriste et aux troubles identitaires qu’elle traverse s’ajoutent les turbulences sociales à venir. Le dimanche 7 juillet

1996, le Premier ministre algérien Ah- med Ouyahia indique que le pays, sur une population de 28 millions d’habi- tants, compte 2 millions de chômeurs, dont 80 % ont moins de trente ans. Il estime que l’Algérie « traverse actuelle- ment une phase critique » au plan éco- nomique. Selon une étude de l’Office na- tional des statistiques (ONS), publiée en septembre 1996, le chômage atteint près de 30 % de la population active.

U Chrono. : 5/01, 11/02, 27/03, 21/05, 1/08, 15/09, 16/11.

Maroc, Tunisie : préoccupations financières et sécuritaires

Le Maroc et la Tunisie épuisent, en 1996, les bénéfices politiques et économiques qu’ils tiraient de la guerre civile en Algé- rie, commencée en 1992. Les investisse- ments nationaux et étrangers marquent le pas, après une période qui leur a per- mis d’engranger les effets financiers du « repoussoir algérien », mais aussi de surseoir aux réformes politiques et éco- nomiques indispensables à la modernisa- tion de leur société. Au Maroc, un projet de révision constitutionnelle est soumis à référendum le 13 septembre 1996. La Chambre des représentants, jusqu’alors composée pour les deux tiers d’élus au suffrage universel et pour le tiers restant au suffrage indi- rect, est désormais entièrement élue au suffrage universel, et ce pour cinq ans, au lieu de six auparavant. D’autre part, redou- tant une extension de l’influence islamiste (perceptible notamment dans les campus étudiants), les autorités marocaines déci- dent la légalisation du mouvement isla- miste modéré d’Abdelillah Benkirane. downloadModeText.vue.download 212 sur 602

MONDE

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En Tunisie, la croissance annuelle dépasse les 4 %, l’inflation est inférieure à 5 %, le déficit budgétaire reste minime, le nombre d’enfants scolarisés est semblable à celui des pays développés et la parti- cipation des femmes aux divers aspects de la vie publique est la plus importante de tout le monde arabe. Pour persévérer dans cette direction, le gouvernement tunisien estime que l’autoritarisme poli- tique est nécessaire. La lutte implacable contre les islamistes tunisiens pousse également les autorités à sévir contre les opposants démocrates. Le 23 mai 1996, le Parlement européen adopte une résolu- tion, se déclarant « consterné par les per- sécutions dont sont victimes les opposants et leurs familles ».

Le régime libyen sous tension

Depuis le début de l’année 1996, plu- sieurs affrontements sont signalés dans la région de Dirma (est de la Libye) entre des islamistes armés et les forces de sécu- rité épaulées par l’aviation. À la mi-juillet, près de Tripoli, le régime de Muammar al-Kadhafi réprime une mutinerie dans la prison de Bouslim abritant des déte- nus politiques, surtout islamistes. Selon Alia al-Cherif, un activiste de la Ligue li- byenne des droits de l’homme, les heurts entre forces de l’ordre et islamistes, dans la période comprise entre août 1995 et août 1996, ont fait 250 morts et 300 bles- sés dans les rangs gouvernementaux, 350 tués et 480 blessés côté islamiste. Si ces troubles ne semblent pas en mesure de mettre sérieusement en péril le régime du colonel Kadhafi, qui célèbre le 1er septembre 1996 sa 27e année de pou- voir, celui-ci peut s’inquiéter du malaise profond que connaît le pays. Le 9 juillet, la contestation d’un but dans un match de football opposant les deux plus grandes équipes de Tripoli dégénère. On compte 8 morts et une trentaine de blessés dans le stade, où des slogans hostiles au colo- nel Kadhafi sont scandés. Confronté à ces problèmes intérieurs et à l’embargo international décrété par l’ONU depuis 1992 (la Libye est fortement soupçonnée d’activités terroristes internationales), le pays tente de sortir de son isolement en proposant un accord diplomatique à la France, en septembre 1996.

BENJAMIN STORA downloadModeText.vue.download 213 sur 602

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AFRIQUE

SUBSAHARIENNE

Les tentatives de coup d’État de l’an- née, en particulier celle au Niger, montrent la fragilité des jeunes démocra- ties africaines, où les hommes politiques manquent d’une vision politique à long terme, trop souvent occultée par leur op- portunisme et leurs intérêts personnels. Les tensions ethniques restent vives. Le conflit des « grands lacs » se prolonge au Rwanda, s’aggrave au Burundi et prend une dimension tragique au Zaïre.

Les bailleurs de fonds, étrangers à l’Afrique, partagent avec les politiques africains la responsabilité de la confusion croissante qui a lieu sur ce continent. Par souci de réalisme, ils ont manqué de fidélité à leurs propres principes, décou- rageant ainsi ceux qui avaient cru à la sincérité de leurs encouragements réité- rés à la démocratisation. Or les grandes puissances et les organisations inter- nationales influencent de façon déter- minante la vie des États subsahariens, l’Afrique étant le continent le plus aidé de la planète, alors qu’il est en même temps le moins prisé des investisseurs. La démocratisation entamée au début des années 90 n’est cependant pas un échec complet. Certaines jeunes démocraties résistent bien, comme le confirme d’une manière assez paradoxale le retour à la présidence au Bénin, mais cette fois par la voie des urnes, du général Mathieu Kérékou. Cet ancien dictateur marxiste, devenu en quelques années un démo- crate soucieux de concorde nationale, l’a emporté sur un adversaire qui, certes inspiré par la technocratie internationale, mais grisé par le pouvoir, avait manqué de sens démocratique.

Tensions ethniques et régionales. La démocratisation et la gestion écono- mique et financière orthodoxe (ce que les bailleurs de fonds, à la suite de la Banque mondiale, appellent la « bonne gouver- nance ») sont incapables de régler les cas les plus dramatiques du continent. Certaines tensions ethniques, régionales ou religieuses résistent aux trop rares ou trop irréalistes tentatives de conciliation. Le conflit des « grands lacs », au Rwan- da, au Zaïre et au Burundi, est l’exemple le plus tragique de cette impuissance. Il n’est pas le seul. L’Angola, le Tchad ou le Soudan – pour ne pas parler du Nigeria, où la question centrale est de même na- ture, mais moins grave –, sont eux aussi coupés en deux, incapables de trouver des fondements solides pour une unité nationale illusoire. Lorsque la violence n’atteint pas le stade d’une guerre civile ouverte, comme au Liberia, la commu- nauté internationale, impuissante devant la permanence de césures qu’elle pensait voir disparaître avec le temps et le déve- loppement socio-économique, préfère entretenir la fiction d’États unitaires re- présentés à l’ONU, tout en ignorant pudi- quement les violations répétées des droits de l’homme, que seule Amnesty Interna- tional a le courage de dénoncer.

L’exception sud-africaine. Les inté- grations régionales sont en panne, vic- times des rivalités entre États. Seule la zone franc progresse quelque peu dans ce domaine, avec l’adoption d’un sys- tème de droit des affaires commun, qui s’ajoute cette année à l’organisation des assurances, mise en place il y a quelques années. Au sein de la zone franc, de pro- downloadModeText.vue.download 214 sur 602

MONDE 213 fondes césures continuent cependant de séparer l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

La région la mieux intégrée du point de vue économique est sans conteste celle de l’Afrique australe, à cause de la prédo- minance écrasante de l’Afrique du Sud sur ses voisins, encore renforcée par la fin de l’apartheid et l’adhésion de Pretoria à la SADC (Southern Africa Development Community). Il y aurait eu plus de 4 mil- liards de dollars d’investissements étran- gers en Afrique du Sud depuis l’arrivée à la présidence de Nelson Mandela, ce qui est exceptionnel pour l’Afrique subsaha- rienne. Cela n’empêche pas le président de prendre ses distances par rapport à son allié américain (bonnes relations avec l’Iran, soutien à Boutros Boutros- Ghali). En voie de redressement écono- mique, l’Afrique australe échappe donc de plus en plus au contrôle des puissances étrangères.

Sénégal

Le Sénégal, où la vie politique est relati- vement calme cette année (à l’exception d’une rébellion en Casamance), rétablit en janvier ses relations diplomatiques avec Taïwan, ce qui provoque une rup- ture immédiate avec Pékin. Le gou- vernement sénégalais souhaite en effet attirer des capitaux taïwanais, mais aussi israéliens et sud-africains (le président Abdou Diouf effectue sa première visite officielle en Afrique du Sud en juillet). Le Sénégal n’entend plus se contenter des alignements politiques du passé et veut diversifier son économie, qui a retrouvé un certain souffle avec la dévaluation du franc CFA en janvier 1994. Il nourrit notamment des espoirs pétroliers, après la mise en exploitation d’un gisement de gaz près de Dakar.

Gambie

Après un référendum constitutionnel le 8 août, le colonel Yaya Jammeh, parvenu au pouvoir en juillet 1994 à la suite d’un coup d’État, est élu le 26 septembre à la présidence de la République, avec près de 56 % des suffrages, contre 36 % à Ousai- nu Darbo, de l’UDP (United Democratic Party), qui dénonçait la corruption du régime militaire ainsi que le mystère qui continue d’entourer la mort de l’ancien ministre des Finances Ousman Ceesay. M. Darbo conteste la valeur de la consul- tation, suivi en cela par les ministres du Groupe d’action du Commonwealth (CMAG) qui regrettent publiquement que leurs appels en faveur d’une véritable démocratie en Gambie n’aient pas été en- tendus : ils considèrent que la dissolution du Conseil militaire provisoire en sep- tembre, après l’élection présidentielle et dans l’attente d’une nouvelle Assemblée nationale en décembre, est un pas encore insuffisant dans ce sens.

Mali

Le secrétaire d’État américain Warren Christopher entame début octobre à Bamako, la capitale du Mali, une tournée africaine qui confirme certains désac- cords entre les États-Unis et la France sur leurs rôles respectifs dans la région. En contrepartie d’une aide américaine exceptionnellement importante pour un État francophone, le Mali est le premier pays africain à envisager officiellement une adhésion à la force interafricaine que downloadModeText.vue.download 215 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

214 veut créer Washington pour contenir les crises en Afrique.

L’image de la France est très écornée au Mali. L’approbation tacite par Paris du coup d’État nigérien avait déjà été mal ressentie à Bamako, mais c’est l’affaire des immigrés grévistes de la faim expulsés de l’église Saint-Bernard, où de nombreux Maliens étaient impliqués, qui a laissé l’impression la plus négative. Le président malien Alpha Oumar Konaré se rend en personne à Paris pour faire part de son émotion. Pour apaiser les autorités et la population, choquées par l’attitude et les propos du gouvernement français, Jacques Godfrain est dépêché au Mali en septembre. La France s’engage alors dans le développement de la région de Kayes, d’où sont en général originaires les immi- grés maliens de la région parisienne, afin, selon les propos du ministre français, de « dissuader la population d’aller cher- cher l’Eldorado dans les couloirs du métro parisien ».

Burkina

Le Premier ministre burkinabé, Marc Christian Roch Kaboré, très proche du président Blaise Compaoré et en fonc- tion depuis 1994, est remplacé par Kadré Désiré Ouedraogo en février. Ce départ intervient juste après la fusion d’un cer- tain nombre de partis d’opposition, qui préparent ainsi les élections législatives de 1997. Une tentative de coup d’État, apparemment provoquée par le mécon- tentement qu’a suscité dans une partie de l’armée la suppression du CNEC (Centre d’entraînement des commandos), est déjouée le 7 octobre. En décembre, un sommet franco-africain se tient à Oua- gadougou et examine, notamment, les problèmes de la « bonne gouvernance » (démocratie effective, gestion rigou- reuse des affaires de l’État, etc.) ainsi que la situation dans les Grands lacs et en Centrafrique.

Niger

Fin janvier, à Niamey, un coup d’État mi- litaire renverse le président Mahamane Ousmane et donne le pouvoir au colo- nel Ibrahim Maïnassara Baré. Devenu, depuis, général de brigade, il est élu à la présidence le 8 juillet, avec plus de 52 % des voix, contre près de 20 % à son prédé- cesseur, qui bénéficie toujours du soutien de la communauté haoussa, démogra- phiquement majoritaire et qui « tient » le commerce avec le Nigeria.

Le nouveau chef de l’État est parvenu juste avant l’élection à un accord financier avec le FMI (Fonds monétaire internatio- nal). Les bailleurs de fonds du pays re- gardent le régime militaire avec une rela- tive sympathie, en raison de sa volonté de remettre en ordre les comptes nationaux et l’économie, ce à quoi avait renoncé la précédente équipe, trop occupée par une crise institutionnelle grave, née en 1995 du conflit entre le président de la Répu- blique et son Premier ministre. Ainsi la France, qui condamne avec les États-Unis les conditions dans lesquelles s’est dérou- lé le scrutin, se satisfait-elle discrètement du retour à la stabilité dans un pays fran- cophone, où la démocratisation était synonyme de désorganisation de l’État et de prise du pouvoir par l’ethnie haoussa, trop favorable à ses yeux au puissant voi- sin anglophone qu’est le Nigeria. Le coup d’État semble également avoir des effets downloadModeText.vue.download 216 sur 602

MONDE

215 positifs sur les relations du gouverne- ment de Niamey avec les rebelles toua- regs du Nord.

U Chrono. : 26/01, 12/05, 8/07.

Tchad

Le processus de démocratisation du Tchad, engagé avec la Conférence natio- nale souveraine (CNS) de 1993, s’achève par l’élection présidentielle de juin-juillet 1996. Le président Idriss Déby obtient officiellement près de 70 % des voix au second tour, contre près de 31 % au co- lonel Abdelkader Wadal Kamougué, le nouveau champion du « Sud », la partie la plus riche du pays, indépendante dans les faits entre 1979 et 1981. Les résultats du référendum constitutionnel d’avril avaient précédemment confirmé la par- tition traditionnelle du Tchad en deux régions distinctes (Sud chrétien contre Nord musulman). La situation des droits de l’homme au Tchad, qui continue de préoccuper Amnesty International, a encouragé le rejet du président actuel par les populations du Sud.

Rwanda

Après la démission en 1995 du Premier ministre Faustin Twagiramungu et de 3 autres ministres hutus, le pouvoir est plus que jamais aux mains de la minorité tutsie et du vice-président Paul Kagame. En janvier et février, des informations concordantes font état de massacres de Hutus par les forces armées tutsies. Le gouvernement réagit en faisant arrê- ter des militaires coupables d’exactions et assure par ailleurs que les « simples exécutants » du génocide échapperont à la peine de mort. En mars, un sommet des pays des « grands lacs », convoqué à Tunis par l’ex-président américain Jimmy Carter, s’achève sans résultats concrets, tandis que le général Kagame se félicite du départ, à l’expiration de leur mandat, des Casques bleus de l’ONU. F. Twagira- mungu et l’ex-ministre de l’Information Seth Sendashonga forment en exil un parti d’opposition. En avril, le président du Rwanda, Pasteur Bizimungu, accuse Paris de « manipuler l’information pour faire croire qu’un deuxième génocide [des Hutus par l’armée dominée par les Tut- sis] est actuellement en cours ». En août, le Rwanda se joint aux autres pays de la ré- gion pour appliquer des sanctions contre le Burundi à la suite du coup d’État du major Pierre Buyoya. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda, installé à Arusha, en Tanzanie, obtient l’arrestation de plusieurs responsables du génocide réfugiés à l’étranger (Cameroun, Éthio- pie et Kenya, notamment). En octobre, les opérations menées par les Forces armées zaïroises (FAZ) contre les Banya- mulengés (des Tutsis rwandais installés dans la région du Kivu au siècle dernier et que Kinshasa accuse de fomenter des troubles avec le soutien du Rwanda et du Burundi) sont suivies d’une rébellion tutsie, manifestement encouragée par le Rwanda, qui met rapidement en déroute les FAZ. Fuyant les combats, les centaines de milliers de Hutus rwandais réfugiés au Zaïre refluent alors vers le Rwanda.

U Chrono. : 19/02.

Burundi

Les affrontements entre l’armée, presque exclusivement tutsie, et les rebelles hu- downloadModeText.vue.download 217 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

216 tus, regroupés au sein d’un Conseil na- tional pour la défense de la démocratie (CNDD), amènent le secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, à lan- cer un cri d’alarme au mois de janvier. La cohabitation entre le président hutu Sylvestre Ntibantunganya (membre du Front démocratique du Burundi, FRO- DEBU, majoritairement hutu) et le Pre- mier ministre tutsi Antoine Nduwayo (membre de l’Union pour le progrès national, UPRONA, ex-parti unique, dominé par les Tutsis) s’avère en effet de plus en plus malaisée. Cependant, faute de consensus, le Conseil de sécurité de l’ONU renonce à l’idée de créer une force de sécurité internationale pour préserver la paix dans le pays. Finale- ment, c’est le Burundi lui-même qui finit par demander aux chefs des États voi- sins (Kenya, Ouganda, Zaïre, Rwanda, Tanzanie), réunis à Arusha, en Tanzanie, la création d’une force interafricaine. Ce projet est interrompu par le coup d’État qui porte au pouvoir l’ex-président tutsi, le major Pierre Buyoya, l’homme qui avait rétabli le multipartisme et organisé les premières élections démocratiques en 1993. M. Ntibantunganya se réfugie alors à l’ambassade des États-Unis, tan- dis que le major Buyoya met son veto à toute intervention étrangère. Lors d’un second sommet, en août, à Arusha, les États voisins du Burundi décident la mise en place d’une série de sanctions économiques contre le pays. En août, un rapport de l’ONU estimant que des mil- liers de Hutus ont été massacrés par les militaires, le Conseil de sécurité presse le régime burundais d’entamer des pour- parlers avec l’opposition. En septembre, peu après l’assassinat de l’archevêque

(tutsi) de Gitega, le major Buyoya au- torise les partis politiques à reprendre leurs activités et le Parlement (où le FRODEBU, hutu, est majoritaire) à se réunir, remplissant ainsi deux des condi- tions posées pour la levée des sanctions. En octobre, sous la pression des pays d’Afrique orientale, M. Buyoya et Léo- nard Nyangoma, le chef hutu du CNDD, s’engagent à entamer des négociations, mais le Burundi exige dans un deuxième temps la levée de l’embargo comme pré- alable à l’ouverture des discussions.

U Chrono. : 9/06, 25/07.

Soudan

Le régime islamiste de Khartoum, dont l’« homme fort » reste Hassan al-Tou- rabi, le chef du Front national isla- mique (NIF), est confronté à l’hostilité de la plupart de ses voisins ainsi qu’à celle de la communauté internationale. En outre, il doit faire face à une gué- rilla menée par divers mouvements d’opposition. En février, le Conseil de sécurité de l’ONU condamne le Sou- dan pour son soutien au terrorisme et le somme d’extrader 3 islamistes soup- çonnés d’être responsables de la tenta- tive d’assassinat du président égyptien Hosni Moubarak, à Addis-Abeba, lors du sommet de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1995. Le gouverne- ment érythréen (qui a rompu ses rela- tions diplomatiques avec Khartoum en 1994) aide les partis d’opposition sou- danais, regroupés au sein de l’Alliance démocratique nationale (NDA), en les installant dans l’ancienne ambas- sade du Soudan à Asmara. En mars, les partisans du président Umar Hasan downloadModeText.vue.download 218 sur 602

MONDE

217 al-Bachir (qui promet le maintien de la charia et de l’interdiction des partis politiques) remportent des élections boycottées par l’opposition.

L’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) de John Garang conquiert la ville de Pochala, dans le sud du pays, avec l’appui de l’armée éthio- pienne. Le SPLA subit cependant deux revers importants : en avril, la faction des rebelles sudistes dirigée par Riek Machar (pourtant réconciliée l’an der- nier avec J. Garang) signe un accord avec le gouvernement soudanais ; en septembre, l’Ouganda (qui soutenait le SPLA, avec la collaboration de la CIA américaine) signe avec le Soudan (qui, de son côté, appuyait les rebelles ougandais de l’Armée de résistance du Seigneur ou LRA) un accord prévoyant la normali- sation des relations diplomatiques entre les deux pays. Cet accord a été négocié grâce aux bons offices du président ira- nien Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, lors de son périple en Afrique durant l’automne 1996.

U Chrono. : 26/04.

Kenya

Les principaux partis de l’opposition, au Kenya, se regroupent en janvier et mettent sur pied un secrétariat inter- parlementaire, en vue des élections pré- sidentielle et législatives prévues pour 1997. Cette alliance électorale comporte les deux formations rivales issues du Forum pour la restauration de la démo- cratie (FORD) – le FORD-Kenya et le FORD-Asili –, le Parti démocratique du Kenya et la Safina (« l’arche de Noé ») du paléontologue blanc Richard Leakey.

Si Kenneth Matiba, le leader du FORD- Asili, refuse de signer l’accord, il n’est pas suivi par les parlementaires de son parti. L’opposition désigne Kijana Wamalwa (FORD-Kenya), comme candidat à la présidence, et Mwai Kibaki (Parti démo- cratique), à la vice-présidence.

Tanzanie

Les résultats des élections présidentielle et législatives d’octobre 1995, qui ont vu la victoire de Benjamin Mkapa (chrétien né sur le continent) et du Chama Chu Mapinduzi (CCM, parti de la Révolution, ex-parti unique), continuent à faire l’objet de multiples contestations, notamment dans l’île de Zanzibar (majoritairement musulmane), où le Front civique uni (CUF, la principale formation de l’oppo- sition insulaire) conteste la légitimité du gouvernement de l’île. Au début de l’an- née, l’ex-président Julius Nyerere tente de convaincre le leader du CCM de l’île de Zanzibar, Salmin Amour, de former un gouvernement d’union avec le CUF. Il ne parvient pas à se faire entendre, et plusieurs pays européens décident de suspendre leur aide à Zanzibar tant que la situation n’y sera pas normalisée. En juin, cependant, lors de visites en Europe, le chef du CUF, Seif Sharrif Hamad, fait savoir qu’il est prêt à ouvrir le dialogue avec le gouvernement de Zanzibar. Sur la partie continentale de la Tanzanie, Benjamine Mrema, leader de la Conven- tion nationale pour la reconstruction et la réforme (NCCR, principal parti d’op- position, battu aux élections de 1995), dénonce en août le rôle du ministre des Finances dans une retentissante affaire de corruption. Par ailleurs, l’ex-prési- downloadModeText.vue.download 219 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

218 dent Nyerere joue un rôle diplomatique important en tant que médiateur dans la crise au Burundi.

Somalie

Jusqu’à sa mort, en août, le général Moha- med Farah Aïdid, président par intérim, élu par ses partisans en 1995, poursuit la guerre contre ses rivaux. Le principal est Ali Mahdi, autre président par intérim, désormais allié avec Osman Ali Atto, an- cien bras droit de Farah Aïdid, mais une nouvelle faction, l’Armée rahanwein de résistance (RRA), est venue compliquer encore la donne. Le général « Morgan », gendre de l’ancien président Siyad Barre, tient toujours la ville côtière de Kisimayo. À la mort de Farah Aïdid, son fils Hus- sein (élevé aux États-Unis par sa mère divorcée, il a servi – ironie de l’histoire – dans le corps des marines américains, lors de l’opération des Nations unies en Somalie) est élu à son tour président par intérim par les partisans de son père. Il rejette immédiatement la proposition de cessez-le-feu d’Ali Mahdi. En octobre, cependant, MM. Aïdid, Mahdi et Atto se rencontrent à Nairobi et conviennent d’une cessation des hostilités, qui sera, toutefois, de courte durée.

Au Somaliland – qu’aucun État étran- ger n’a reconnu jusqu’à présent –, le pré- sident Mohamed Ibrahim Egal reproche à Hassan Gouled Aptidon, président de Djibouti, sa tolérance envers les milices issas de Djibouti, qui militent pour le rat- tachement de la partie ouest du Somali- land à l’ex-colonie française.

U Chrono. : 1/08.

Djibouti

La lutte pour la succession du président Hassan Gouled Aptidon, âgé et malade, occupe le devant de la scène politique. Le chef de l’État favorise son neveu et chef de cabinet Ismael Omar Guelleh, soutenu par le Premier ministre Barkat Gourat Hamadou. En août, 5 oppo- sants, dont l’ancien ministre des Affaires étrangères, Moumin Bahdon Farah, sont condamnés à six mois de prison pour avoir fondé un groupe d’opposition au sein du Rassemblement populaire pour le progrès (RPP, parti gouvernemen- tal). En janvier, le ministre français de la Défense Charles Millon déclare que la France maintiendra son dispositif mili- taire à Djibouti. En avril, un incident frontalier entre troupes djiboutiennes et érythréennes avive la tension entre Djibouti et Asmara, qui revendique une bande du territoire djiboutien faisant 20 km de large. Érythrée

L’Érythrée et le Yémen, qui avaient sol- licité la médiation de la France, signent en octobre un accord aux termes duquel ils soumettent à un arbitrage interna- tional leur différend sur l’archipel des Hanish, en mer Rouge, où des forces érythréennes avaient occupé fin 1995 l’île de la grande Hanish. En février, le président érythréen Issaias Afeworki (copte) se rend en Israël. La tension avec le régime intégriste musulman du Sou- dan (avec qui Asmara a rompu les rela- tions diplomatiques) va s’accentuant. Le gouvernement attribue les locaux de l’ancienne ambassade soudanaise à downloadModeText.vue.download 220 sur 602

MONDE

219 l’Alliance démocratique nationale, qui regroupe les mouvements d’opposi- tion soudanais. Khartoum soupçonne Asmara d’aider la révolte des Béjas au Soudan et d’être favorable à la sécession du Sud-Soudan. À l’intérieur, le pouvoir érythréen est contesté par un mouve- ment rebelle dominé par des islamistes, le Front de libération érythréen-Conseil révolutionnaire (ELF-RC).

U Chrono. : 21/05.

Éthiopie

Le gouvernement du Premier ministre Meles Zenawi, leader du Front démocra- tique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE, au pouvoir), s’efforce de conte- nir les menées à base ethnique de divers mouvements armés et de mettre au pas journalistes et enseignants contestataires. En juin, le Front national de libération de l’Ogaden (ONLF) et le Front de libération oromo (OLF) concluent un accord pour coordonner leurs actions contre le régime éthiopien. En août, l’armée éthiopienne fait une incursion en territoire somalien et investit une localité où se trouve le quartier général d’al-Ittihad, une orga- nisation islamique qui a revendiqué les attentats à l’explosif commis cette année contre trois hôtels d’Addis-Abeba.

De très nombreux enseignants sont limogés au début de l’année, selon un rapport de l’Association des enseignants éthiopiens (ETA), dont le secrétaire général, Taye Wolde Semayat, est arrê- té en juin. À l’automne, 3 journalistes emprisonnés sont libérés, mais 9 restent détenus, sans jugement dans la plupart des cas. Selon Reporters sans frontières, 150 journalistes ont fait l’objet de pour- suites judiciaires durant ces trois der- nières années.

Les premiers témoins commencent à déposer en mai au procès des dirigeants de la junte éthiopienne renversée en 1991, dont le chef, l’ex-président Men- gistu, est toujours réfugié au Zimbabwe, qui refuse de l’extrader.

Ouganda

Le président Yoweri Museveni, qui se soumet au verdict des urnes pour la pre- mière fois depuis son arrivée au pouvoir en 1986, remporte l’élection présiden- tielle en mai, avec plus de 70 % des voix. Le vaincu du scrutin, Paul Ssemogerere (Parti démocrate, DP), était soutenu par le Congrès du peuple ougandais (UPC) de l’ex-président Milton Obote, réfugié en Zambie. Les électeurs du Buganda (ancien royaume situé au centre du pays), d’où est originaire M. Ssemogerere, l’ont apparemment boudé en raison de son alliance avec l’UPC. L’opposition (qui est tolérée, mais non reconnue, et qui ne pouvait présenter officiellement de can- didats) décide d’appeler au boycott des législatives de juin, qui voient le succès de la formation du président, le Mouvement de résistance nationale (NRM).

En septembre, l’Ouganda et le Sou- dan normalisent leurs relations diplo- matiques, après le passage dans les deux pays du président iranien Rafsandjani. Cet accord met théoriquement fin au soutien soudanais à deux mouvements rebelles ougandais : l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), dirigée par le chré- tien intégriste Joseph Kony, et le Front de la rive occidentale du Nil (WNBF). En contrepartie, l’Ouganda renonce à son downloadModeText.vue.download 221 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

220 soutien à l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) de John Garang.

Bon nombre d’Asiatiques d’origine pakistano-indienne, expulsés en 1972 par le dictateur Amin Dada, reviennent cette année, à l’invitation du gouvernement qui leur a restitué leurs propriétés.

U Chrono. : 9/05.

Cap-Vert

Le chef de l’État cap-verdien, Anto- nio Mascarenhas Monteiro, est réélu en février, sans adversaire et avec environ 80 % des suffrages. En mai, le nouveau président portugais, Jorge Sampaio, effec- tue sa première visite officielle à l’étranger au Cap-Vert, pays dont il qualifie les rela- tions avec le Portugal d’« exemplaires ».

Guinée-Bissau

Le président João Bernardo Vieira effec- tue en juillet sa première visite officielle au Portugal, étape importante dans la normalisation des relations des deux pays, deux semaines avant que ne soit lancée à Lisbonne la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP).

São Tomé et Príncipe

Le président Miguel Trovoada, rétabli dans ses fonctions quelques jours après un coup d’État militaire en août 1995, est réélu en juillet, après un duel assez serré avec son prédécesseur Manuel Pin- to da Costa. Symbole de l’ancien régime communiste, celui-ci comptait mobili- ser l’électorat des déçus de la libéralisa- tion économique. À cet égard, l’élection présidentielle de São Tomé, quoique ne concernant qu’un État insulaire d’environ

120 000 habitants, n’en avait pas moins une importante portée symbolique pour le continent africain. Cependant, le Pre- mier ministre Armindo Vaz de Almeida, membre de l’aile modérée du parti de M. Pinto da Costa, le Mouvement de libération de São Tomé et Príncipe-Parti social-démocrate (MLSTP-PSD), est ren- versé le 20 septembre par l’Assemblée nationale, désormais dominée par l’aile dure de cette formation. Il est remplacé en décembre par Raoul Brayança da Conceção Neto. Guinée équatoriale

Avec plus de 99 % des voix, le président Teodoro Obiang Mbasogo est confirmé dans sa fonction. L’opposition a boycotté le scrutin. Angel Serafin Seriche Dugan forme un gouvernement auquel parti- cipent, pour la première fois, des repré- sentants de l’opposition parlementaire.

U Chrono. : 25/02.

Guinée

Les 2 et 3 février, à Conakry, une mutine- rie de soldats provoque le départ du mi- nistre de la Défense. Les mutins s’empa- rent de la radio, annoncent la suspension de la Constitution, puis emprisonnent le chef de l’État, le général Lansana Conté, au pouvoir depuis 1983 et réélu en 1995 au terme d’un processus de démocratisa- tion. M. Conté, finalement maintenu dans ses fonctions par les rebelles, nomme en juillet un Premier ministre, fait sans pré- cédent depuis l’indépendance. Il choisit Sidia Touré, technocrate et homme d’af- faires qui avait été directeur du cabinet du chef de gouvernement ivoirien Alas- downloadModeText.vue.download 222 sur 602

MONDE

221 sane Ouattara. On note également le dé- part d’Alsény René Gomez, jusque-là très puissant ministre de l’Intérieur.

U Chrono. : 3/02.

Sierra Leone

Afin de rendre le pouvoir aux civils et pour ouvrir des négociations avec la ré- bellion du RUF (Revolutionary United Front) de Foday Sanko, le général Julius Maada Bio prend le pouvoir en janvier, écartant ainsi le capitaine Valentine Stras- ser, à la tête du pays depuis le coup d’État de 1992. M. Maada Bio remet les pouvoirs présidentiels, en mars, à Ahmad Tejan Kabbah, un diplomate musulman élu au suffrage universel avec près de 60 % des suffrages. Ne s’estimant pas concernée, la rébellion du RUF, qui s’était renforcée en 1995, ne participe pas au processus de normalisation politique. Elle signe ce- pendant un accord de paix avec les nou- velles autorités le 30 novembre à Abidjan.

U Chrono. : 16/01, 26/02, 17/03.

Liberia

Le 3 septembre, à Monrovia, Ruth Perry prend ses fonctions de président du Conseil d’État, l’instance dirigeante du Liberia prévue par les accords d’août 1995, qui ont mis fin à la guerre civile. Première femme à devenir chef d’État en Afrique, ne serait-ce qu’à titre transitoire, Mme Perry a été désignée à ce poste par les dirigeants de la CEDEAO (Commu- nauté économique des États d’Afrique de l’Ouest). Le Conseil d’État comporte toujours les trois principaux chefs de guerre libériens, Charles Taylor (Natio- nal Patriotic Front of Liberia, NPLF),

Alhadji Kromah (Ulimo mandingue) et George Boley (Conseil pour la paix au Liberia, LPC). Les accords d’août 1996, qui prévoyaient le désarmement des combattants des différentes factions et des sanctions contre les chefs de guerre non respectueux des accords signés, ainsi qu’une aide médicale et logistique de la Côte d’Ivoire, mettent fin à la recrudes- cence des hostilités au début de 1996. Les derniers combats auraient provoqué l’exode de plus de 700 000 Libériens vers les pays voisins (Guinée, Sierra Leone, Côte d’Ivoire, Ghana).

U Chrono. : 8/04.

Côte d’Ivoire

Après la présentation d’un vaste plan de lutte contre « la criminalité et le grand banditisme », le président Henri Konan Bédié remanie le gouvernement ivoirien en août. Cette mesure limitée et technique exprime sans doute une volonté de reprise en main du pays, alors que l’opposition fait preuve d’une certaine vitalité. Léon Konan Koffi, vétéran de la politique ivoirienne et ministre des Cultes et du Dialogue avec les partis et groupements politiques, a notamment dû quitter le gouvernement. Parallèlement, le Premier ministre Daniel Kablan Duncan cherche à promouvoir l’économie ivoirienne à l’étranger, notam- ment auprès des États-Unis et de la Chine, la récolte cacaoyère de 1995-1996 ayant atteint l’impressionnant record de plus de un million de tonnes. Ghana

Aux élections de décembre, le président Jerry Rawlings, qui a donné une façade downloadModeText.vue.download 223 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

222 démocratique à un régime d’origine mili- taire, est réélu sans surprise pour quatre ans, les émeutes de l’année précédentes, au moment de l’introduction de la TVA, n’étant plus qu’un souvenir.

Togo

Au Togo, la période de contestation de l’autorité présidentielle, inaugurée au début de la décennie, a bel et bien pris fin. Le Premier ministre Edem Kodjo, qui s’opposait de plus en plus à la politique du président Gnassingbé Eyadéma, dé- missionne en août. Kwassi Klutsé forme alors un nouveau gouvernement com- posé presque exclusivement de partisans du chef de l’État, qui dispose désormais d’une majorité de soutien à l’Assemblée nationale.

Bénin

En mars, le général Mathieu Kérékou, ancien dictateur marxiste et première victime africaine de la vague de démo- cratisation, battu en 1991 par Nicéphore Soglo, est élu président avec 52,5 % des suffrages. Ce retour spectaculaire est à mettre au crédit de son âge (avantage considérable en Afrique), ainsi qu’au vote massif du nord du pays. La lassitude des Béninois devant l’affairisme de l’ancien chef de l’État et de sa famille a fait le reste. Adrien Houngbédji, arrivé en troisième position lors du premier tour de l’élection présidentielle, avait ensuite apporté son soutien au nouveau président, bien qu’il ait été condamné à mort en 1975 sous la dictature militaro-marxiste. C’est lui que le nouveau président nomme Premier ministre. Il forme alors un gouvernement fondé sur une nouvelle et parfois surpre- nante coalition, dont le ciment principal demeure l’hostilité à M. Soglo.

U Chrono. : 18/03. Nigeria

La tension entre le régime militaire nigérian et la communauté internatio- nale se relâche, les ministres du Groupe d’action du Commonwealth (CMAG) ayant décidé en septembre, à New York, de repousser l’application de sanctions économiques et d’envoyer d’abord au Nigeria une mission d’enquête sur le respect des droits de l’homme dans la fédération.

Le président Sani Abacha annonce d’importantes réformes à l’occasion du 36e anniversaire de l’indépendance, en août. Il crée 6 États, qui viennent s’ajouter aux 30 existant précédemment (contre 2 à l’indépendance), ainsi que 183 munici- palités nouvelles (pour un total antérieur de 583). Il assure en octobre que son pays se placera « dans la tendance globale à la démocratisation ». Cinq formations poli- tiques sont donc reconnues afin de parti- ciper à une élection présidentielle prévue pour dans deux ans.

U Chrono. : 1/10.

Cameroun

Le 32e Sommet de l’OUA (Organisa- tion de l’unité africaine) se tient du 9 au 11 juillet à Yaoundé, la capitale du Came- roun, en l’absence du président nigérian, en très mauvais termes avec les autorités camerounaises, des combats sporadiques opposant les deux pays à propos de la possession de la péninsule de Bakassi downloadModeText.vue.download 224 sur 602

MONDE

223

(actuellement camerounaise).

Un nouveau gouvernement est for- mé en septembre. Le nouveau Premier ministre, Peter Mfany Musonge, venu des milieux d’affaires, est encore un an- glophone. La majorité des membres du nouveau gouvernement appartiennent toujours au parti du président Paul Biya.

Gabon

Le Gabon est sans Assemblée nationale depuis le mois de mai, des élections légis- latives devant être organisées à la suite du référendum de 1995, qui a entériné le processus de démocratisation du pays. Les dates des élections sont repoussées à plusieurs reprises, avant de se tenir fin décembre.

Alors que l’on se prépare à une nou- velle forme de cohabitation à l’intérieur, le président Omar Bongo n’en poursuit pas moins les contacts extérieurs, notam- ment en Asie, pour ne plus privilégier aussi exclusivement les relations avec la France. Le président Jacques Chirac se rend en visite officielle au Gabon en juil- let. Le chef de l’État gabonais exprime à cette occasion son intention de demander à la France des explications sur l’affaire Elf (une instruction pour abus de biens sociaux et recel est en cours en France), dans laquelle est impliquée la filiale Elf Gabon, considérée par M. Bongo comme « purement française ».

Congo

Un nouveau gouvernement est constitué en septembre par David-Charles Ganao, remplaçant comme Premier ministre l’ancien président Joaquim Yhombi- Opango, démissionnaire en août. Il est dominé par la Mouvance présidentielle (MP) mais comprend aussi des membres de l’opposition, en particulier du Mouve- ment congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI). Une certaine tension politique persiste dans le pays, entretenue par la perspective de l’élection présidentielle de 1997. En sep- tembre, les autorités congolaises, pour la première fois, font arrêter pour malver- sations un homme d’affaires proche de l’ancien président Denis Sassou-Nguesso, qui devrait être candidat contre le prési- dent Pascal Lissouba en 1997. Le renou- vellement du tiers des membres du Sénat, en octobre, est l’occasion de constater le maintien des équilibres politiques : la MP reste majoritaire, mais le parti de Ber- nard Kolelas, le MCDDI, obtient tous les sièges de Brazzaville et des environs de la capitale.

République centrafricaine

La France intervient militairement à deux reprises, du 18 au 21 avril puis du 21 au 23 mai, à Bangui, après des mutineries d’abord provoquées par les retards de la solde, avant de prendre une tournure plus politique et ethnique. À cela s’ajoute un contexte de revendications généralisées dans la fonction publique, qui souffre, elle aussi, du retard dans le versement des salaires. La seconde intervention de l’armée française, qui évacue alors les res- sortissants étrangers, se déroule dans des conditions dramatiques, la capitale cen- trafricaine étant soumise aux pillages des mutins et des godobes, les jeunes délin- quants locaux. La France négocie direc- tement avec les mutins, qui acceptent le maintien au pouvoir du président Ange- downloadModeText.vue.download 225 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

224

Félix Patassé, démocratiquement élu. La France obtient de celui-ci une plus grande ouverture envers les rebelles et l’opposition civile. Un accord, signé le 1er juin, règle provisoirement la question militaire. La nomination, le 6 juin, de M. Jean-Paul Ngoupandé, ambassadeur centrafricain à Paris, comme Premier ministre n’apaise cependant pas le conflit avec l’opposition civile, qui refuse de par- ticiper au gouvernement. Conformément à l’accord du 1er juin, des états généraux de l’armée centrafricaine se tiennent au mois d’août pour repenser les structures et le fonctionnement de celle-ci. Ces ten- tatives de conciliation n’empêchent pas la mutinerie de reprendre aux mois de novembre et décembre, quelque temps après la mort de l’ancien empereur Jean Bédel Bokassa, le 4 novembre.

U Chrono. : 18/05, 3/11, 16/11, 8/12.

Zaïre

Le HCR/PT (Haut Conseil de la Répu- blique/Parlement de transition) adopte, le 6 octobre, le projet de constitution de la IIIe République, qui sera soumis à ré- férendum en février 1997. Ce projet pré- voit que la future « République fédérale du Zaïre » aura un régime parlementaire à deux chambres ainsi qu’un président de la République élu au suffrage univer- sel pour cinq ans. Le projet de nouvelle constitution s’inspire des propositions de la Conférence nationale souveraine de 1991-1992 plutôt que des contre-pro- positions récentes du gouvernement de Kengo wa Dondo. Ces initiatives parle- mentaires ont lieu alors que le président Mobutu est opéré en Suisse (août) d’un cancer de la prostate et que la violence augmente dans la région frontalière du Rwanda, le Kivu, à l’est du Zaïre.

La présence de un million de réfugiés hutus rwandais, les conflits constants qu’elle provoque avec les populations locales et les incursions répétées de militaires tutsis à partir du Rwanda déclenchent, en octobre, un conflit dont certains observateurs craignent qu’il ne fasse éclater le Zaïre et ne mette l’ensemble de la région à feu et à sang. Menée par Laurent Kabila, une armée rebelle majoritairement tutsie et osten- siblement soutenue par le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda met rapidement les Forces armées zaïroises (FAZ) en déroute. À la mi-novembre, au moment où l’envoi sur place d’une force multi- nationale commence à se préciser, plu- sieurs centaines de réfugiés hutus fuient la zone des combats et refluent vers le Rwanda, provoquant l’émotion de la communauté internationale, qui ne par- vient cependant pas à adapter ses pro- jets à la nouvelle situation. Le président downloadModeText.vue.download 226 sur 602

MONDE

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Mobutu rentre à Kinshasa en décembre et confirme le Premier ministre dans ses fonctions.

U Chrono. : 26/02, 19/10, 15/11, 24/12.

Angola

L’application des accords de paix, conclus en 1994 à Lusaka entre le gouvernement du président Eduardo Dos Santos et le chef des ex-rebelles de l’UNITA, Jonas Savimbi, est cette année dans l’impasse. En mars, lors d’une conférence réunie à Libreville, les deux leaders angolais conviennent « d’accélérer le retour de la paix », ce qui implique en particu- lier l’intégration des forces de l’UNITA dans une nouvelle armée nationale et la formation d’un gouvernement d’union. Mais, en avril, le gouvernement angolais décide de suspendre sa participation à la commission chargée de l’application des accords de Lusaka, en raison de la lenteur de l’UNITA à désarmer. Malgré une loi d’amnistie concernant notam- ment les membres de l’UNITA, votée en mai par le Parlement angolais, le congrès de l’UNITA rejette catégoriquement en août la proposition qui lui est faite de nommer J. Savimbi à la vice-présidence de l’État, dans le gouvernement d’union. Le congrès estime nécessaire que M. Sa- vimbi reste à son poste de président de l’UNITA, pour présider à la transforma- tion de son mouvement en parti poli- tique. Le gouvernement rappelle que l’UNITA n’a pas désarmé ses meilleures troupes et n’a pas remis à l’ONU son armement le plus lourd. Finalement, un accord intervient en décembre : un gou- vernement d’unité nationale (avec plu- sieurs ministres de l’UNITA) sera formé en janvier 1997.

U Chrono. : 1/03.

Mozambique

Les relations continuent à être tendues entre le président Joaquim Chissano et Afonso Dhlakama, le leader de l’ex-mou- vement rebelle de la RENAMO, minori- taire à l’Assemblée nationale. Lors de la conférence réunie en juillet à Lisbonne qui a décidé la création d’une Commu- nauté des pays lusophones, le président mozambicain refuse une proposition de rencontre avec le chef de la RENAMO.

Le Mozambique, qui a été admis en novembre 1995 au sein du Com- monwealth (il est le seul membre à ne pas avoir été sous domination britannique), reste tourné vers l’Afrique du Sud : Ma- puto signe en septembre avec Pretoria un accord prévoyant l’installation de fer- miers boers dans le pays. Par ailleurs, le Mozambique conclut des accords de coo- pération militaire avec l’Afrique du Sud et l’Iran, qui participera aux opérations de déminage du pays.

Afrique du Sud

Le président Nelson Mandela continue à jouir d’un immense prestige tant dans son pays qu’à l’étranger. Son parti, le Congrès national africain (ANC), tient solidement les rênes du pouvoir. Mais le consensus né au lendemain de l’élection présiden- tielle de 1994 s’effrite, et les hésitations de la diplomatie sud-africaine suscitent des critiques. En mai, après l’adoption par l’Assemblée constituante de la nouvelle Constitution, qui ne satisfait pas les exi- downloadModeText.vue.download 227 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

226 gences du vice-président blanc Frederik De Klerk dans les domaines de l’ensei- gnement et du droit patronal, celui-ci démissionne de ses fonctions. Son parti, le Parti national (PN), se retire du gou- vernement d’union nationale. Désormais principal parti de l’opposition, le PN, déjà bien implanté dans l’électorat métis, se veut franchement multiracial et cherche à mordre sur l’électorat noir acquis à l’ANC. En juin, l’Inkatha, le parti zoulou du chef Mangosuthu Buthelezi (il a boy- cotté les travaux de l’Assemblée consti- tuante), sort vainqueur, mais affaibli, des élections municipales de la province du Kwazulu. En septembre, un des leaders de l’aile radicale de l’ANC, Bantu Holomisa, est exclu du parti après avoir été écarté du gouvernement. Cette exclusion reflète les divisions au sein du parti de M. Mandela, dont la politique économique libérale ainsi que le programme de privatisations heurtent ses alliés traditionnels, le Parti communiste sud-africain et la COSATU, le puissant syndicat à direction noire.

On estime que 40 % des ménages sud- africains ne disposent pas d’un revenu suffisant pour trouver un logement dé- cent. En juillet, le groupe minier Anglo- American licencie 17 000 mineurs après une grève sauvage dans la mine de platine de Rustenburg, la plus grande du monde. Le même groupe cède en août une de ses filiales à un consortium d’hommes d’af- faires noirs.

L’Afrique du Sud tente d’exorciser le passé, et la commission « Vérité et Réconciliation », chargée d’enquêter sur les exactions commises au temps de l’apartheid, et présidée par l’archevêque anglican Desmond Tutu, prix Nobel de la paix, commence ses travaux en janvier.

En octobre, la Cour suprême de Dur- ban acquitte le général Magnus Malan, ancien ministre de la Défense, accusé d’avoir commandité le meurtre en 1987 de 13 Africains proches de l’ANC.

M. Mandela tente de donner à son pays une politique étrangère indépen- dante. Les visites en Afrique du Sud, en janvier, du leader musulman noir amé- ricain Louis Farrakhan, en septembre, du président iranien Rafsandjani, ajou- tées à la déclaration du président Man- dela indiquant qu’il était prêt à accueillir Fidel Castro et le colonel Muammar Al-Kadhafi, indisposent les États-Unis. En octobre, M. Mandela se montre réti- cent face à la proposition américaine d’une force interafricaine et maintient son appui à la candidature de Boutros Boutros-Ghali pour un second mandat à la tête de l’ONU. Le Maroc s’inquiète en outre de l’intention prêtée à Preto- ria de reconnaître la République arabe sahraouie démocratique. N. Mandela réaffirme en août que son pays ne veut pas choisir entre les deux Chines, ce qui ne satisfait ni Taipei (avec qui Pretoria entretient des relations diplomatiques depuis 1976), ni Pékin, où le ministre des Affaires étrangères Alfred Nzo s’est rendu en avril. Quant aux négociations avec l’Union européenne pour un ac- cord de libre-échange, elles traînent en longueur, malgré la visite à Paris, en juil- let, du président sud-africain.

U Chrono. : 8/05, 21/08.

Zimbabwe

Seul en lice, le président Robert Mu- gabe, au pouvoir depuis l’indépen- dance, en 1980, est réélu en mars à la downloadModeText.vue.download 228 sur 602

MONDE

227 tête de l’État, les deux autres candidats, Ndabaningi Sithole et l’évêque anglican Abel Muzorewa, ayant renoncé à se pré- senter. Le problème de l’expropriation (contre indemnité) des fermiers blancs (4 500 environ, qui possèdent 30 % des terres arables) pour redistribuer les terres aux paysans noirs reste d’ac- tualité. Jusqu’à maintenant, 65 000 fa- milles noires, sur les 160 000 prévues, ont bénéficié du plan de redistribution des terres que le président demande à la Grande-Bretagne de continuer à fi- nancer. En septembre, des milliers de fonctionnaires ont observé une grève de plusieurs jours pour obtenir une augmentation de salaire.

Zambie

La réforme de la Constitution envisa- gée par le président Frederick Chiluba vise très précisément, notamment par des conditions d’âge, à écarter la candi- dature à la présidence de l’ancien pré- sident Kenneth Kaunda, âgé de plus de soixante-dix ans. Ce projet de réforme continue à se heurter aux critiques des organisations de défense des droits de l’homme et à celles des Églises. Cela n’empêche pas le parti du président de remporter les élections législatives en octobre et M. Chiluba lui-même d’être réélu en novembre.

Malawi

L’ex-président Hastings Kamuzu Banda, sa compagne officielle Cecilia Kadzami- ra et son ancien bras droit John Tembo, jugés pour le meurtre – camouflé en accident de la route – de 4 politiciens en 1983, sont acquittés en décembre 1995, faute de preuves. En juin, le procureur de la République fait appel. En septembre, M. Tembo et Mme Kadzamira sont à nou- veau arrêtés.

L’un des deux partis d’opposition, l’Alliance pour la démocratie (AFORD), quitte en juin la coalition gouvernemen- tale formée avec le Front démocratique uni (UDF) du président Bakili Muluzi. Cependant, 5 ministres de l’AFORD conservent leurs ministères. Dans une lettre pastorale, les 7 évêques catholiques du Malawi accusent le gouvernement de « corruption rampante ».

Namibie et Botswana

En mai, la Namibie et le Botswana portent leur différend, à propos d’une petite île du fleuve Chobe (un site tou- ristique à la frontière des deux pays), devant la Cour internationale de justice. Mais, en juin, la Namibie (qui a conclu en mai un accord de coopération mili- taire avec la Russie) accuse le Botswana de provoquer une « course aux arme- ments » par ses achats d’armes à des pays occidentaux.

Sous la pression du Front national du Botswana (BNF, opposition), le gou- vernement du président Kétumilé Ma- siré institue une commission électorale indépendante. La production de dia- mants a augmenté de 8 % au Botswana en 1995.

Lesotho

Le roi Letsie III, qui avait abdiqué en 1994 au profit de son père Moshoeshoe II, re- monte sur le trône après le décès de ce dernier dans un accident de la route, au mois de janvier. Le chef d’une petite for- downloadModeText.vue.download 229 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

228 mation, le Parti uni (UP), allié du prin- cipal parti d’opposition, le Parti national basotho (BNP), est arrêté en février et inculpé de haute trahison. Le programme de privatisation du gouvernement se heurte à l’hostilité des syndicats.

Swaziland

Les syndicats, appuyés par le principal parti d’opposition, le Mouvement popu- laire démocratique uni (PUDEMO, in- terdit, comme tous les partis politiques), observent en janvier une grève de cinq jours pour obtenir la démocratisation du pouvoir monarchique. En février, le roi Mswati III s’engage à rétablir la Constitution, suspendue en 1973 par son père Sobhuza II, puis installe une commission de révision de la Constitu- tion, à laquelle l’opposition accepte de participer.

Madagascar

Le Premier ministre Emmanuel Rako- tovahiny est renversé en mai par une motion de censure qui devient le point de départ d’une nouvelle crise politique. Le 26 juillet, l’Assemblée nationale vote l’« empêchement définitif » du président Albert Zafy, accusé d’avoir violé « maintes fois » la Constitution. En août, le nouveau Premier ministre Norbert Ratsirahonana avait obtenu la confiance de l’Assemblée, qui craignait surtout d’être dissoute par le président. Le nouveau Premier ministre devient chef de l’État par intérim en septembre, alors que le premier tour de l’élection présidentielle est organisé début novembre. Les anciens présidents Zafy et Didier Ratsiraka, renversé en 1991, se retrouvent face à face pour le second tour du 29 décembre, remporté de justesse par M. Ratsiraka.

U Chrono. : 5/09, 29/12.

Maurice

Malgré l’opposition du Premier mi- nistre suppléant et ministre des Affaires étrangères mauricien, Paul Bérenger, l’île Maurice s’abstient, en septembre, lors du vote, à l’Assemblée générale de l’ONU, sur le projet de traité d’inter- diction complète des essais nucléaires. Cette attitude, qui permet à Maurice de soutenir la position indienne, égale- ment abstentionniste, est révélatrice de la tension qui règne au sein de la coa- lition gouvernementale entre le parti de M. Bérenger, le Mouvement militant mauricien (MMM) et le Parti travailliste mauricien (PTM) du Premier ministre Navin Ramgoolam.

Comores

Le nouveau président comorien, Moha- med Taki Abdoulrahim, est élu le 17 mars, avec 64 % des voix, et succède ainsi à Mohamed Djohar, victime du coup d’État de Bob Denard en 1995 et qui ne se pré- sentait pas. Un gouvernement de coali- tion est alors formé par un haut fonction- naire, Tadjidine ben Saïd Massoundi. Le nouveau président prononce en mai, au retour d’un voyage en Égypte, un discours confirmant ses intentions de fermeté et de remise en ordre de l’Administration. Le ministre français de la Coopération se rend aux Comores pour y étudier les modalités d’une reprise de la coopéra- tion civile et militaire entre les deux pays. Le 20 octobre, une nouvelle Constitution downloadModeText.vue.download 230 sur 602

MONDE

229 est approuvée par référendum, par envi- ron 85 % des suffrages. Elle institue une décentralisation administrative et remet à l’honneur les valeurs de l’islam.

Seychelles

Le président France Albert René effectue en septembre une visite officielle de tra- vail en France, la première depuis la dé- mocratisation aux Seychelles en 1991. Ce renforcement des relations avec la France, notamment à propos de la fran- cophonie, est à mettre en relation avec les rivalités franco-américaines en Afrique, les États-Unis ayant décidé, pour des rai- sons d’économie, de fermer leur ambas- sade et leur station télémétrique militaire aux Seychelles. Une nouvelle législation, qui facilite le blanchiment de l’argent sale, est très mal accueillie par la communauté financière internationale.

FRANÇOIS GAULME ET CLAUDE WAUTHIER downloadModeText.vue.download 231 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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MOYENORIENT

L’assassinat d’Yitzhak Rabin avait pro- voqué de vives inquiétudes quant à la poursuite du processus de paix israé- lo-arabe. Amplement confirmé cette année, le blocage des négociations affecte l’ensemble de la région, où, sous des formes différentes, gouvernementales et institutionnelles en Turquie, militaires et violentes en Afghanistan, l’islamisme s’impose peu à peu comme une force politique durable.

L’émergence en Israël d’un gouver- nement prônant ouvertement l’annexion des territoires palestiniens conquis en 1967, ainsi que celle du Golan syrien, est l’événement politique majeur de l’année. L’image de l’allié américain d’Israël s’en trouve affectée. De même, la rigueur des représailles anti-irakiennes, et, sur- tout, leur inefficacité, suscite des réserves jusque chez ses plus fidèles soutiens. L’influence que les États-Unis exerçaient sans partage sur la région semble ainsi avoir atteint un palier. La crise afghane elle-même, bien qu’encouragée par l’allié pakistanais de Washington, ne saurait leur être favorable. Israël et l’Autorité palestinienne : la crise

La liquidation en janvier d’Yehia Ayache, « héros » palestinien crédité du meurtre d’une soixantaine d’Israéliens, réac- tive l’escalade de la violence. Entre le 25 février et le 4 mars, 3 attentats sui- cides commis par la Résistance isla- mique palestinienne en Israël font plus de 60 morts. Du coup, la réélection de

Shimon Peres comme chef de gouverne- ment travailliste de la législature suivante est compromise, malgré le soutien des États-Unis, qui organisent, le 13 mars, le « sommet antiterroriste » de Charm al-Cheikh. À un électorat partisan de la fermeté, le candidat travailliste concède le bouclage des territoires palestiniens, le report de l’application des accords israé- lo-palestiniens d’autonomie et l’ouverture au Liban d’un cycle de représailles.

En vain. Les élections législatives du 29 mai donnent 50,4 % des votes à Benya- min Netanyahou, chef du Likoud, parti nationaliste de droite. Avec le soutien de l’extrême droite, des partis religieux et d’élus de la dernière immigration russe, M. Netanyahou forme un gouverne- ment qui s’engage à poursuivre la colo- nisation des territoires palestiniens et à concrétiser l’annexion du « Grand Jéru- salem », conformément aux promesses électorales. Malgré les recommandations d’un « sommet » arabe réuni au Caire, le 21 juin, pour une paix de compromis, le nouveau gouvernement ajourne, comme son prédécesseur, l’évacuation d’une par- tie de la ville d’Hébron, septième et der- nière enclave promise à l’autonomie par l’accord de Taba (1995), de même qu’il n’engage pas, malgré le retard pris, les négociations sur le fond prévues par la déclaration d’Oslo (1993). Au contraire, ayant fait du général Ariel Sharon le mi- nistre des « Infrastructures nationales », le gouvernement entreprend de dévelop- per la colonisation. Dans la partie arabe de Jérusalem, pour illustrer la souverai- neté israélienne sur la « capitale réuni- fiée », il ouvre un accès à un « tunnel ar- chéologique » creusé sous la vieille ville, ce qui déclenche, entre le 25 et le 28 sep- downloadModeText.vue.download 232 sur 602

MONDE 231 tembre, un soulèvement palestinien de grande ampleur.

La méthode Netanyahou indispose les partenaires occidentaux et arabes d’Israël, naguère accoutumés aux ambi- guïtés de Shimon Peres. Le président Bill Clinton lui-même, invitant le nouveau Premier ministre à deux reprises, lui re- commande la modération. Le 1er octobre, il organise une rencontre à Washington entre M. Netanyahou, le président pales- tinien Yasser Arafat et le roi Hussein de Jordanie ; le président égyptien Hosni Moubarak s’étant, quant à lui, désisté. Il obtient qu’Israéliens et Palestiniens se rencontrent à nouveau autour de la table des négociations désertée depuis quatre mois. Le président français Jacques Chirac, plaidant de son côté, lors de son voyage en Israël, pour le respect des droits palestiniens et une comédiation européenne, n’est pas entendu.

Victimes de la supériorité régionale écrasante d’Israël et de son impunité internationale systématique, les Palesti- niens passent de la résignation à la colère.

Passé l’euphorie de l’élection, le 20 jan- vier, des 80 membres d’un Conseil de l’autonomie sans pouvoir réel, ainsi que l’accession de Yasser Arafat à une fonc- tion présidentielle, la communauté pa- lestinienne subit, après les attentats du printemps, une répression aggravée. En particulier, tandis que les polices de Yas- ser Arafat se lancent dans la chasse aux islamistes et bien que l’organe suprême de l’OLP – le Conseil national palestinien – ait voté, le 24 avril, la suppression dans sa charte fondatrice de 1964 des articles contraires à la reconnaissance d’Israël, un bouclage récurrent des territoires pales- tiniens entrave la circulation des biens et prive d’emploi 70 000 travailleurs.

Les émeutes de septembre, auxquelles la police palestinienne participe par- fois, coûtent à celle-ci 65 tués (contre 16 Israéliens). Après la vaine reprise des négociations israélo-palestiniennes de Taba, en octobre, le statu quo à Hébron est maintenu, le déplacement des per- sonnes, toujours réglementé et les confis- cations de terres sont étendues. Dans ces conditions, l’extraordinaire succès de la visite faite, le 22 octobre, par le président Jacques Chirac à l’exécutif et aux élus du Conseil de l’autonomie palestinienne reste d’ordre sentimental.

U Chrono. : 9/01, 20/01, 25/02, 13/03, 12/04, 26/04, 7/05, 29/05, 18/06, 22/06, 30/07, 4/09, 25/09, 22/10, 13/12.

Le Liban et la Syrie

Le régime de la double occupation, israé- lienne au Sud, syrienne au Nord, plonge le Liban dans l’épreuve. En poursuivant son harcèlement de la « zone de sécurité » israélienne (11 % du territoire libanais, downloadModeText.vue.download 233 sur 602

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250 000 habitants), avec l’accord tacite de Damas, la résistance chiite du Hezbollah expose le pays à de sévères représailles. Suivant de peu une première visite du président français Jacques Chirac, l’of- fensive israélienne du 10 avril, dite des « raisins de la colère », prend la forme de bombardements systématiques, qui en- traînent l’exode de 300 000 civils. Le 18, le camp des Nations unies de Cana est tou- ché : 102 personnes y trouvent la mort. Lorsque intervient, le 27, un cessez-le-feu péniblement négocié, le nombre des tués s’élève à 179. L’affrontement fait en outre une victime inattendue en la personne du secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, Washington s’opposant au renouvellement de son mandat, parce qu’il a diffusé un rapport concluant aux responsabilités d’Israël dans le bom- bardement de Cana. Un comité de sur- veillance, censé contrôler le cessez-le-feu et comprenant les États-Unis, Israël, la Syrie, le Liban et la France, se met péni- blement en place. La coprésidence fran- çaise de ce comité, obtenue malgré les réticences américaines et israéliennes, marque un modeste retour diplomatique de Paris dans la région. Cependant, les accrochages entre le Hezbollah, l’armée israélienne et ses supplétifs sud-libanais ne cessent pas complètement.

À Beyrouth, dont le régime reste tota- lement contrôlé par les Syriens, un scru- tin législatif (élection de 128 députés) lar- gement truqué reconduit sans surprise, dans le courant de l’été, une majorité prosyrienne inconditionnelle, aux côtés de quelques intrépides indépendants. Le gouvernement de Rafic Hariri, quant à lui, se succède à lui-même.

Sûr de son fait au Liban, le président syrien Hafez el-Assad tire aussi de l’étran- glement de l’Irak et des difficultés jorda- niennes un surcroît de tranquillité sur le front intérieur. Peu pressé, en outre, de subir le contrôle des institutions finan- cières internationales, malgré un endet- tement important, il fait figure dans la diplomatie moyen-orientale d’acteur re- lativement indépendant. Il résiste notam- ment aux pressions américaines pour une reprise des négociations de paix, Benya- min Netanyahou ayant déclaré que, à l’in- verse de son prédécesseur, il se refusait à une restitution du Golan, officiellement annexé en 1981. Plus ou moins réconcilié avec le roi Hussein de Jordanie et avec le président Arafat, en bons termes avec le Caire, Hafez el-Assad jouit dans la région d’une considération renouvelée.

U Chrono. : 12/04, 7/05, 15/09.

Égypte et Jordanie

Troublé par la victoire électorale de la droite israélienne, le président égyp- tien Hosni Moubarak tente de resser- rer les rangs arabes autour de l’Égypte. Déjà, au « sommet » mondial de Charm al-Cheikh du 13 mars, organisé à la de- mande de Washington pour réaffirmer l’engagement de la communauté inter- nationale dans la lutte contre le terro- risme au lendemain des attentats qui viennent d’endeuiller Israël, il rassemble les « États-frères », à l’exclusion de l’Irak et du Soudan, non invités, ainsi que de la Syrie, qui s’est désistée. En juin, le pré- sident Moubarak obtient en revanche la participation de Damas au sommet inter- arabe du Caire, au cours duquel, face à la récente victoire électorale du Likoud en Israël, il fait prévaloir une prudente downloadModeText.vue.download 234 sur 602

MONDE

233 expectative. Quoique continuant d’offrir ses bons offices, il évite de participer au sommet israélo-palestino-américain d’octobre mais héberge cependant à Taba l’interminable marchandage qui reprend ensuite sur l’évacuation partielle d’Hé- bron. Sur le front intérieur, la violence sévit encore, avec le massacre de 18 tou- ristes, le 18 avril, dans un hôtel du Caire. Cependant, il semble que la violence des islamistes, dont les financements extérieurs seraient en baisse, diminue quelque peu. À l’inverse, l’islam modéré, dont se réclame le nouveau recteur de la mosquée-université d’al-Azhar, marque des points. L’aide américaine (2 milliards de dollars) permet d’épargner au peuple les excès de la misère, tout en offrant de nouvelles possibilités d’enrichissement aux plus fortunés...

La Jordanie s’en tire moins bien. Ulcérée par une paix avec Israël (1994) dépourvue de toute contrepartie positive, l’opposition parlementaire, islamiste et progressiste, grogne. La majorité impose néanmoins l’investiture d’un jeune Pre- mier ministre, Abdelkarim Kabariti, ra- pidement impopulaire. À tel point qu’une révolte éclate les 16 et 17 juillet, à Kerak, un chef-lieu du Sud, où l’armée impose l’état de siège. Une sourde agitation, im- putée sans preuve à l’Irak, se répand dans tout le royaume, où sévit une crise de l’emploi sans précédent. Le bon accueil que le roi Hussein réserve à l’élection de M. Netanyahou n’arrange rien. S’alignant une fois de plus sur Washington, ce der- nier prend part au sommet Clinton-Ne- tanyahou-Arafat, en octobre, et s’expose de ce fait au risque d’une certaine désaf- fection de la part de ses sujets.

U Chrono. : 18/04, 16/07, 17/07.

Les monarchies du Golfe : Arabie saoudite, Bahreïn, Qatar, Koweït, Émirats arabes unis

En Arabie Saoudite, où le roi Fahd est revenu aux affaires, au moins nomina- lement, après quelques mois de conva- lescence, un attentat au camion piégé frappe, le 25 juin, la base américaine de Khobar, l’un des QG de la force multina- tionale de surveillance de l’Irak du Sud. Causant la mort de 19 Américains, cette action non revendiquée vise certes les États-Unis et la présence impopulaire de 40 000 de leurs ressortissants, à proximité des lieux saints musulmans. Elle dénote aussi la vigueur d’une opposition interne, souvent d’inspiration intégriste, prompte à dénoncer la gabegie et la corruption, quand le pays en est, fait inhabituel, aux restrictions budgétaires.

Dans l’État satellite voisin de Ba- hreïn, aux deux tiers chiite, le désordre est endémique. L’opposition ne cesse de réclamer le rétablissement de la Consti- tution de 1975. Fomentant des attentats, elle a la réputation d’être noyautée par un Hezbollah-Bahreïn manipulé par l’Iran.

Le Qatar, future puissance gazière de la région (7 500 milliards de m3), ac- centue la politique d’ouverture de l’émir précédent, détrôné en 1995 par son fils Hamad ben Khalifa. D’un côté, il héberge une force aérienne américaine, accueille une mission commerciale israélienne et reçoit le Premier ministre Shimon Peres, auquel il promet pour l’avenir d’abon- dantes livraisons de gaz naturel, mais, de l’autre, il préconise la fin de l’embargo ira- kien et entretient avec Paris une relation privilégiée. downloadModeText.vue.download 235 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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Fidèle à sa pratique électorale, le Koweït renouvelle, le 7 octobre, son As- semblée nationale, où les libéraux sont en recul. L’électorat (les nationaux de sexe masculin) ne représente que 15 % des personnes résidant au Koweït. Le prince héritier Saad al-Abdallah al-Sab- bah, maintenu à la tête du gouvernement dans une ambiance islamisante modé- rée, donne la priorité à la protection américaine.

Moins riche en pétrole, mais aussi beaucoup moins endettée, la fédé- ration des Émirats arabes unis, tou- jours présidée par l’émir d’Abu Dhabi, cheikh Zayed ben Soltan, demeure un excellent client de l’Occident, qui en apprécie la tranquillité politique et la solvabilité. Quoique plaidant pour la levée de l’embargo irakien, la fédération demeure le rendez-vous de nombreux marchands d’armes. Elle attend de la Cour internationale de justice de La Haye qu’elle règle son différend territo- rial avec l’Iran. U Chrono. : 1/01, 25/01.

Sultanat d’Oman et République yéménite

Naguère en guerre, les deux États, rive- rains de l’océan Indien, séparés par le désert d’Hadramaout, se tournent le dos mais apurent néanmoins un conten- tieux frontalier de détail. Gardien du détroit d’Ormuz, face à l’Iran, le sultanat d’Oman, d’obédience kharidjite, traditio- naliste à l’intérieur, mène une politique étrangère pro-occidentale qui va jusqu’à l’ouverture à Mascate d’une représenta- tion commerciale israélienne. Comme les autres monarchies de la péninsule, il est membre du Conseil de coopération du Golfe qui, sous coordination saoudienne, est censé veiller à la sécurité de la région. Le sultan Qabus ibn Said étant célibataire et sans enfant, on s’interroge sur sa future succession.

Au Yémen, le régime issu des élec- tions de 1995 atteint un certain équilibre de type tribal. Ses islamistes les plus ra- dicaux émigrent au Soudan. Les autres, regroupés dans le parti de la Réforme (Islah), semblent s’assagir. Le rapproche- ment avec Riyad se confirme. Mais de sérieuses préoccupations demeurent : la précarité économique est persistante, et la dispute avec l’Érythrée à propos de l’île de la Petite Hanish ne trouve pas de solu- tion. Malgré un accord signé à Paris, en mai, des incidents, qui semblent encou- ragés par des tiers, relancent trois mois plus tard le contentieux.

L’Irak et les Kurdes

Globalement boycotté par ses voisins et toujours en butte à l’acharnement amé- ricain, l’Irak continue d’embarrasser. Autour du pouvoir, l’année commence dans le drame. Le 23 février, deux gendres du président Saddam Hussein, le général Hussein Kamal Hassan et son frère Saddam, enfuis en Jordanie l’an- née précédente, apparemment repentis et revenus en Irak trois jours plus tôt, sont assassinés. Le vrai problème reste cependant l’état d’une société soumise depuis six ans à un embargo interna- tional draconien. Pour tenter d’y remé- dier, Bagdad et le Conseil de sécurité de l’ONU finissent par s’accorder le 20 mai sur l’application d’une résolution dite « pétrole contre nourriture », prise downloadModeText.vue.download 236 sur 602

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235 treize mois plus tôt. En fin d’année, cet arrangement qui permettrait au gou- vernement irakien de distribuer sous contrôle environ un milliard et demi de dollars de vivres se heurte à des inter- prétations américaines restrictives et n’entre finalement en application qu’au mois de décembre.

Dans l’intervalle, une nouvelle crise oppose en septembre Washington et Bagdad à propos du Kurdistan, où l’ar- mée irakienne apporte son soutien à Massoud Barzani, proche des Turcs, en lutte contre son rival Djalal Talabani, allié de l’Iran. Les Américains réagissent en bombardant le sud de l’Irak jusqu’aux lisières de la capitale et portent du 32e au 33e parallèle la « zone d’exclusion aé- rienne » du sud de l’Irak, suscitant chez leurs alliés de nombreuses réserves. Au nord, cependant, où les Américains organisent le repli de leurs nombreux agents, l’administration centrale tente de reprendre pied, dans une situation qui demeure confuse.

U Chrono. : 20/02, 20/05, 3/09, 20/10, 10/12.

Turquie

Depuis le 28 juin 1996, pour la première fois dans l’histoire de la République fon- dée en 1923, la Turquie s’est dotée d’un gouvernement de coalition présidé par un Premier ministre islamiste, Necmet- tin Erbakan. Son accession au pouvoir consacre la progression du parti de la Prospérité (RP, pour Refah Partisi) dans un contexte général d’interrogations identitaires. Elle témoigne également de la crise des partis politiques tradi- tionnels, enfermés dans leurs rivalités et incapables d’apporter une solution aux problèmes économiques et sociaux de la Turquie.

La nomination de M. Erbakan clôt six mois d’une crise politique déclenchée par la victoire du RP aux élections législatives de décembre 1995 (premier parti au Par- lement avec plus de 20 % des suffrages). Pressenti début janvier par le président Süleyman Demirel pour former un gou- vernement, faute d’avoir pu s’entendre avec le parti de la Mère Patrie (ANAP, centre droit) de Mesut Yilmaz sur un programme de coalition, N. Erbakan a d’abord dû renoncer sous la pression de l’armée et des milieux d’affaires hostiles au parti islamiste.

En mars, une alliance prévoyant une alternance du pouvoir est finalement conclue entre l’ANAP et le parti de la Juste Voie (DYP, centre droit) de Tansu Ciller. Cette coalition est cependant minée par des rivalités personnelles entre M. Yil- maz et T. Ciller, et par les accusations de corruption que lance le RP à l’encontre de cette dernière. Le gouvernement tombe finalement le 6 juin avec la démission de M. Yilmaz. M. Erbakan, dont le parti arrive en tête aux élections municipales partielles du 2 juin, est à nouveau chargé de former un gouvernement. Le fait que les députés du RP rejettent une demande d’enquête sur l’utilisation de fonds secrets par Mme Ciller autorise une alliance avec le DYP. Bien que Mme Ciller se soit long- temps présentée comme un rempart contre les islamistes, elle accepte finale- ment, le 27 juin, d’entrer dans la coalition. Elle est nommée vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères. Son par- ti détient 17 ministères (20 pour le RP), dont ceux de l’Intérieur, de la Défense, de l’Éducation nationale ainsi que la Di- downloadModeText.vue.download 237 sur 602

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236 rection des Affaires religieuses. L’accord conclu par le RP et le DYP prévoit une rotation à la tête du gouvernement dans deux ans. Le vote de confiance leur est accordé par le Parlement le 8 juillet 1996.

Même si le RP était déjà en partie intégré au système politique, puisqu’il avait à sa charge, depuis 1994, la gestion de villes aussi importantes qu’Istanbul et Ankara, son accession au pouvoir brise néanmoins un tabou dans la République kémaliste. Malgré l’engagement du Pre- mier ministre à ne pas remettre en ques- tion la laïcité de l’État, son activisme reli- gieux inquiète l’opposition laïque. Sur le plan extérieur, la volonté de rapproche- ment avec l’Europe est réaffirmée dans le protocole de coalition. Il en est de même des engagements internationaux de la Turquie. Le mandat de l’opération de protection des Kurdes en Irak du Nord, Provide Comfort, est ainsi renouvelé tan- dis que l’accord de coopération militaire conclu avec Israël sous la précédente coa- lition est confirmé. Il n’en reste pas moins que N. Erbakan souhaite rééquilibrer les relations de la Turquie à l’égard des pays musulmans et fonder avec 7 d’entre eux (Égypte, Iran, Malaisie, Indonésie, Pakis- tan, Nigeria, Bangladesh) une structure de concertation et de coopération éco- nomique. Ses voyages en Iran (avec la conclusion d’un accord gazier) et surtout en Libye (où le colonel Muammar Al- Kadhafi a vivement critiqué la Turquie) ont été mal perçus en Occident et parti- culièrement critiqués en Turquie.

Sur la question kurde, la longue crise politique ne fait que consacrer l’option exclusivement militaire, et il est peu pro- bable que M. Erbakan, qui doit donner des gages à l’armée, puisse mettre en place un règlement politique de la question.

En matière économique enfin, les premiers mois du gouvernement Erba- kan sont surtout marqués par un certain immobilisme et par des mesures popu- listes (hausse de 50 % des salaires des fonctionnaires), alors que le déficit bud- gétaire et celui des dépenses publiques s’accroissent, et que l’inflation est tou- jours à un niveau très élevé.

U Chrono. : 9/01, 1/02, 28/02, 8/03, 6/04, 18/05, 25/05, 8/07, 27/07, 19/09, 6/10.

Afghanistan

La progression des talibans (étudiants en religion, d’ethnie pachtoune) apparus sur la scène de la guerre civile afghane en 1994 a provoqué des recompositions po- litico-stratégiques étonnantes. Le 24 mai, une alliance contre nature est conclue entre le chef du Hezb-i Islami, Gulbud- din Hekmatyar, et le régime de Kaboul, dirigé par ses ennemis jurés, le président Burhanuddin Rabbani et Ahmed Shah Massoud. Cette alliance ne peut cepen- dant empêcher, le 26 septembre, la chute de Kaboul, contre laquelle les talibans avaient appelé au djihad en avril. Cette victoire des talibans, qui professent un fondamentalisme religieux rigoureux, est également celle de l’ethnie pachtoune, majoritaire en Afghanistan, sur un ré- gime tadjik. Un facteur externe explique cette montée en puissance des talibans : le Pakistan est profondément impliqué dans la création de cette force et dans son soutien logistique. L’installation à Kaboul d’un régime sous sa tutelle lui permettrait d’ouvrir la route pour l’évacuation des hy- drocarbures d’Asie centrale (une compa- gnie pétrolière américaine, associée à une downloadModeText.vue.download 238 sur 602

MONDE

237 société saoudienne, est impliquée dans un projet de gazoduc à travers l’Afgha- nistan) et de s’assurer une profondeur stratégique face à l’Inde. Cette stratégie a l’avantage pour les États-Unis de renfor- cer l’isolement du régime de Téhéran, en favorisant un sunnisme fondamentaliste opposé au chiisme iranien. La prise de Kaboul est également un échec pour la Russie, qui craint de voir se développer une instabilité contagieuse sur son flanc sud.

La coalition gouvernementale chas- sée de Kaboul s’est réfugiée dans les montagnes du nord-est du pays et orga- nise la contre-offensive en s’alliant avec les forces militaires ouzbeks du général Rashid Dostom.

U Chrono. : 4/02, 13/05, 27/09, 8/10, 12/10.

Iran

Les résultats des élections législatives (8 mars et 17 avril) revêtaient une impor- tance particulière dans la perspective de la compétition entre conservateurs et modérés pour les présidentielles de juil- let 1997. L’actuel président, Ali Akbar Ha- chemi Rafsandjani, ne peut en effet, selon la Constitution, briguer un troisième mandat (il y renonce officiellement en octobre), ce qui ouvre la voie au président du Parlement, Ali Akbar Nateg-Nouri, chef de file de la droite conservatrice et fidèle du « guide de la République », l’ayatollah Ali Khamenei. Or, le paysage politique après le scrutin législatif appa- raît assez ouvert : si la droite conserva- trice l’emporte en nombre de sièges, des tensions existent en son sein. La « gauche islamique », laminée aux élections de 1992, revient au Parlement aux côtés de députés qui, fait nouveau, se sont présen- tés comme « indépendants » et refusent d’entrer dans le débat gauche-droite. Mais le phénomène le plus remarquable est le score réalisé par les « Serviteurs de la construction », modérés proches du maire de Téhéran et du président Rafsandjani.

Sur le plan international, l’Iran est toujours considéré comme un État paria, accusé de pratiquer ou de soutenir le terrorisme international. Il est ainsi mis au banc des accusés par les États-Unis et Israël, lors du sommet antiterroriste de Charm al-Cheikh qui se tient en mars, après la vague d’attentats en Israël. La politique d’isolement qu’entendent pra- tiquer les États-Unis à son encontre est renforcée cette année par l’adoption, en août, de la loi américaine, dite d’Amato- Kennedy, qui complète l’embargo com- mercial de mai 1995 par une clause de boycott des sociétés étrangères en affaires avec l’Iran (et avec la Libye). Cette me- sure est dénoncée par les Européens qui tentent de faire progresser le « dialogue critique », malgré l’absence d’ouverture iranienne sur l’affaire Rushdie, et mettent en avant son utilité dans l’apaisement de la crise israélo-libanaise d’avril 1996.

U Chrono. : 8/03.

Chypre

Les différents incidents mortels (5 morts depuis la mi-août) qui se produisent sur la ligne de démarcation entre Chypre et la République turque de Chypre du Nord (RTCN, proclamée unilatéralement en 1982 et reconnue seulement par la Tur- quie) témoignent du fossé qui sépare toujours les deux communautés. Mal- downloadModeText.vue.download 239 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

238 gré ce climat de tension et une méfiance persistante, le processus qui doit per- mettre à Chypre d’entrer dans l’Union européenne pourrait débloquer le dossier chypriote. En effet, l’Union européenne, qui avait reconnu en 1993 l’éligibilité de Chypre pour une adhésion, a décidé, en mars 1995, que les négociations débute- raient six mois après la conclusion de la Conférence intergouvernementale, soit au cours de l’année 1998. Ces échéances et ce processus supposent que les deux parties soient associées à la négociation et que, en particulier, les Chypriotes turcs perçoivent les avantages d’une adhésion. Un tel processus impliquerait donc un rapprochement des deux communautés, avec, pour la RTCN, l’aval de la Turquie, et un règlement politique du conflit sous l’égide des Nations unies.

U Chrono. : 11/08.

VINCENT CAUCHE ET LOUIS-JEAN DUCLOS downloadModeText.vue.download 240 sur 602

MONDE

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SOUSCONTINENT

INDIEN

Les scandales qui secouent la classe po- litique indienne n’empêchent pas l’an- née 1996 d’être celle du retour des valeurs démocratiques, les élections législatives mettant fin au monopartisme de fait, en place depuis l’indépendance. La chute de Benazir Bhutto, dans un Pakistan déchiré par les conflits ethniques et religieux, provoque la préparation d’élections légis- latives pour février 1997.

Inde

Une succession de scandales financiers n’épargne aucun dirigeant politique in- dien, tous partis confondus. En janvier, le scandale Hawala (opérations fraudu- leuses de change) entraîne la chute de Lal Krishna Advanidu, le dirigeant du parti nationaliste hindou, le BJP (Bha- ratiya Janata Party). En février, le scan- dale des télécommunications touche un ministre du parti du Congrès, Sukh Ram. Un scandale portant sur des den- rées agricoles, rendu public en avril 1996, menace la position du chef du gouver- nement de l’État fédéré du Bihar, Laloo Prasad Yadav, représentant du Janata Dal. Enfin, l’ancien Premier ministre Narasi- mha Rao lui-même, impliqué dans trois scandales, est contraint de démissionner de la présidence du parti du Congrès le 25 septembre. Cette lutte massive contre la corruption donne au pouvoir judiciaire l’occasion de retrouver sa crédibilité dans l’opinion.

La fin de la domination exclusive du parti du Congrès est consacrée par les élections générales d’avril-mai, qui renouvellent les 543 membres de la Lok Sabha, la Chambre basse du Parlement indien. Majoritaire, le parti de la droite nationaliste hindoue, le BJP, constitue le 16 mai un gouvernement de coalition éphémère de treize jours, sous l’égide d’Atal Behari Vajpayee. Le 12 juin lui succède un gouvernement de Front uni – alliance composite du Janata Dal (parti du Peuple), des partis de gauche et du Congrès –, dirigé par l’ancien chef de gouvernement de l’État du Karnataka, Deve Gowda (Janata Dal). Cet homme du terroir, âgé de soixante-trois ans, non hindiphone, issu d’une caste d’agricul- teurs, est le champion de la lutte pour le développement économique et les droits de la paysannerie. Représentant du Janata Dal, il impose des quotas réservés pour les castes et tribus répertoriées dans son État d’origine, le Karnataka. Homme de consensus, il préconise l’harmonie inter- communautaire entre hindous et musul- mans, ainsi que le règlement des conten- tieux qui opposent les gouvernements des États du Sud. Son arrivée au pouvoir central symbolise la régionalisation de l’ordre politique indien.

Le scrutin confirme en effet la montée des mouvements régionalistes, notam- ment dans les États d’Andhra Pradesh, du Pendjab, du Maharashtra et de l’Assam. Cet éclatement du jeu politique favorise les mouvements séparatistes à l’intérieur des États indiens. Le Premier ministre ayant promis, le 15 août, la création d’un Uttarkhand grâce à la division de l’Uttar Pradesh, d’autres revendications sépara- tistes refont surface : celle d’un Jharkhand dans le Bihar, celle d’un Bundelkhand entre l’Uttar Pradesh et le Madhya Pra- downloadModeText.vue.download 241 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

240 desh, celle du Bodoland et d’un Gorkha- land, dans les États du Nord-Est.

Si le changement de direction poli- tique est effectif, il ne signifie pas la modification de la politique écono- mique adoptée depuis 1991. À l’occasion du sommet global sur l’investissement, qui a lieu en septembre à New Delhi, le gouvernement de coalition du Front uni réaffirme son engagement dans la voie de la libéralisation d’une économie dont le bilan est, cette année, mitigé. Les prévisions de croissance du PIB (7 % pour 1995-1996) doivent être révisées à la baisse, à 6 % puis à 5,5 % (prévisions d’octobre). Le déficit fiscal, qui s’élève à 5,9 % du PNB, est imposant ; la dette extérieure est élevée (92,6 milliards de dollars) ; la balance commerciale est défi- citaire (4,53 milliards de dollars) en rai- son de la baisse des exportations ; enfin, l’inflation est en hausse (elle est chiffrée en octobre à 6,3 %) essentiellement à cause de la hausse de 30 % des prix du pétrole en juillet.

U Chrono. : 16/01, 26/01, 7/05, 28/05, 15/08, 30/12.

Pakistan

Le Pakistan’s People’s Party (PPP, au pou- voir) voit ses assises se fragiliser et les opposants au Premier ministre Benazir Bhutto se multiplier tout au long de l’an- née. En mars 1995, la Ligue musulmane (le principal mouvement d’opposition) de l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif conclut une alliance avec le Mohajir Qau- mi Movement (mouvement fascisant et sécessionniste de la minorité musulmane Mohajir, dirigé depuis Londres par Altaf Hussayn). Un célèbre joueur de cricket,

Imran Khan, crée en avril le Tehriq-I- Insaf (Mouvement pour la justice). Les petits partis alliés au PPP, dirigés par des vétérans de la scène politique pakista- naise, constituent un groupe de députés indépendants. Enfin, Ghulam Mustafa Jatoi et Balak Sher Mazari, tous deux anciens Premiers ministres par intérim, font front commun contre Mme Bhutto. En effet, ce vaste mouvement de renou- veau politique s’accorde au moins sur un point : l’élimination du Premier ministre Bhutto et de son époux, Asif Zardari, ministre des Investissements. Au mois de juin, les Pakistanais acquièrent la cer- titude que la demeure fastueuse, achetée par le couple en Grande-Bretagne, est le fruit des pots-de-vin perçus par le mari du Premier ministre. Le 20 septembre, l’assassinat par des forces de police de Murtaza Bhutto, frère et rival de Bena- zir qui dirigeait une faction dissidente du PPP – le Shaheed Bhutto Party – fait en outre peser de lourds soupçons sur le couple. À la suite d’impressionnantes manifestations islamistes réclamant le départ du Premier ministre, le prési- dent Ahmed Leghari, ancien allié de Mme Bhutto, démet celle-ci de ses fonc- tions pour « népotisme, corruption et violation répétée de la loi ». Après avoir dissous le Parlement, il la place en rési- dence surveillée et annonce de nouvelles élections pour le 3 février 1996. Certains craignent cependant que le discrédit n’ait touché l’ensemble de la classe politique pakistanaise et que la crise ne profite sur- tout aux fondamentalistes musulmans du Jamaat-e-Islami.

Cette période de troubles a des réper- cussions négatives sur les performances de l’économie. Si, en juin, les estima- downloadModeText.vue.download 242 sur 602

MONDE

241 tions présentées à l’Assemblée législative tablent sur une inflation en baisse (11 % au lieu de 13 % en 1995), la balance commerciale reste fortement déficitaire (3 milliards de dollars), les exportations n’ayant pas progressé autant que prévu et les importations ayant fortement aug- menté. Mme Bhutto avait annoncé, en juin, la levée de nouveaux impôts pour com- bler le déficit budgétaire de l’année. Enfin, la part du budget consacrée à la défense croît de 14 % pour l’exercice 1996-1997.

U Chrono. : 20/09, 27/10, 4/11.

Sri Lanka

L’année donne l’occasion d’un premier bilan de la politique du gouvernement de l’Alliance du peuple (PA) de Chan- drika Kumaratunga, qui fête en août ses deux ans au pouvoir. Élu sur la promesse d’une restauration de la paix dans une île ravagée par des conflits interethniques, le gouvernement de Mme Kumaratunga s’est vu paradoxalement contraint de conduire l’une des guerres les plus intensives de la décennie, qui a, en outre, grevé le budget national. Les dirigeants du PA ont renon- cé à la principale source idéologique de mobilisation que représentait le nationa- lisme cinghalais, ce qui a changé la na- ture du conflit. À l’origine lutte ethnique contre les Tamouls, la guerre s’est trans- formée en une lutte antiterroriste dirigée contre le mouvement des Tigres du LTTE (Tigres de libération de l’Eelam Tamoul). En avril, le gouvernement, maître de la ville de Jaffna depuis décembre 1995, lance une offensive couronnée de suc- cès sur la péninsule de Jaffna. Quelque 250 000 Tamouls sont rapatriés dans le nord-est de la péninsule au mois de mai.

En septembre, la victoire de l’armée gou- vernementale fait désormais du camp de Mullaitvu la seule base de repli des Tigres tamouls. En octobre, on estime le coût de cette lutte antiterroriste à 3 000 victimes, réparties dans les deux camps.

Cette stratégie d’offensive militaire obéit à une logique politique : pour la première fois, un gouvernement du Sri Lanka envisage une structure politique fédérale. Des propositions sont présen- tées à un comité parlementaire restreint mis sur pied en janvier pour préparer une réforme constitutionnelle. Le gouverne- ment de Mme Kumaratunga est le premier à proposer une réforme de ce type sans avoir la majorité des 2/3 au Parlement, ce qui l’oblige à obtenir le soutien de son rival, le Parti national uni (UNP), et ra- lentit la marche des réformes.

Les performances économiques, les plus mauvaises de ces sept dernières années, sont affectées par la poursuite de la guerre. L’accroissement des dépenses militaires fait monter le taux d’inflation (13 % en septembre). Les investissements et les revenus du tourisme régressent. La croissance du PIB est estimée à 3,6 % (chiffre de septembre). En mai, le Sri Lanka sollicite une aide de 70 millions de dollars pour la réhabilitation des régions du nord de l’île, ravagées par la guerre civile.

U Chrono. : 31/01, 8/04. Bangladesh

De janvier à mars 1996, le gouvernement du Bangladesh National Party (BNP) de Khaleda Zia fait face à des mouvements de résistance passive orchestrés par le principal parti d’opposition, la ligue downloadModeText.vue.download 243 sur 602

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Awami. Attaquée pour corruption et accusée d’avoir violé le code de conduite électoral aux élections de février 1996, Mme Zia démissionne en mars. Le scrutin du 12 juin donne une victoire écrasante à Sheikh Hasina Wajed, la fille de Mujibur Rahman, fondateur du Bangladesh. Seule rescapée, avec l’une de ses soeurs, du mas- sacre collectif dont est victime sa famille lors du putsch de 1975, cette dernière a vécu six ans en exil à New Delhi, où, en 1981, elle est nommée à la tête de la ligue Awami. Aux élections de 1991, elle ne cherchera pas à contrer l’avancée du BNP de sa rivale Khaleda Zia, mais l’aidera, au contraire, à renverser la dictature des militaires. De 1994 à 1995, elle a entre- tenu de vives campagnes d’agitation au Bangladesh. Sous sa férule, la ligue Awa- mi retrouve le pouvoir après vingt et un ans d’absence. Le nouveau gouvernement cherche le consensus et admet en son sein un membre du Jatiya Party du général Ershad, qui dispose de 32 sièges au Parle- ment. Le nouveau Premier ministre subit de fortes pressions de la part des partis de gauche qui veulent que soient jugés les auteurs du putsch de 1975, lequel avait mis fin au pouvoir de la ligue Awami. La débâcle du parti islamiste du Jamaat est un signe de l’évolution politique du pays vers un islam modéré.

Sur le plan économique, le suivi mas- sif des appels à la grève générale de Sheikh Hasina Wajed affecte les performances commerciales. La paralysie de l’activité du port de Chittagong, le plus important du pays, entraîne un déclin de l’exporta- tion des marchandises du Bangladesh et accroît le coût des importations. L’infla- tion est en légère baisse (de 8,8 % en 1995 à 7,8 % en 1996).

La priorité du Bangladesh est la lutte contre la misère, la moitié de la popu- lation actuelle – 120 millions de per- sonnes – vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Au titre de l’aide alimentaire, le Bangladesh doit déjà rembourser, d’ici à l’an 2021, 728 millions de dollars : il n’a pu, cette année, rendre que la somme de 9 millions de dollars.

U Chrono. : 15/02, 12/06.

Bhoutan

Le royaume bhoutanais, pays du « Dra- gon tonitruant », reste une nation divisée. Le roi Jigme Singye Wangchuk poursuit sa politique d’épuration ethnique dirigée contre la minorité des Lhotshampas, dans les districts de Samachi, de Chirang et de Geylepugh. Dans l’État voisin du Népal, les réfugiés sont à peu près 100 000. L’élite drupka est divisée sur la voie que doit prendre le pays, qui est écartelé entre la préservation de la culture lamaïste et la modernisation, dont rêvent les dirigeants éduqués à Darjeeling. L’Inde s’engage en août à poursuivre son aide financière au Bhoutan, dans le cadre du 8e plan quin- quennal du royaume himalayen. La contribution de l’Inde au 7e plan était de 214 millions de dollars, soit 32 % d’une totalité de 671,43 millions de dollars.

Népal

La jeune démocratie reste fragile au Né- pal. L’instabilité politique menace l’avenir du gouvernement de coalition constitué par l’alliance du Congrès népalais, du Rashtriya Prajatantra (National Demo- cratic Party, NDP, monarchiste) et du Ne- pal Sadhavana Party (NSP, pro-indien), downloadModeText.vue.download 244 sur 602

MONDE

243 au pouvoir depuis septembre 1995. Alors que le Congrès népalais semble avoir opté pour la stabilité, en nommant à sa tête Girija Prasad Koirala, qui succède à ses deux frères, M.P. Koirala et B.P. Koi- rala, d’âpres luttes de factions divisent le NDP. Le parti est divisé en deux groupes, respectivement dirigés par deux anciens chefs du gouvernement du Népal, Surya Bahadur Thapa et Lokendra Bahadur Chand. Alors que le premier reste fidèle au Congrès népalais, le second s’allie avec le Parti communiste népalais marxiste- léniniste unifié (CPN-UML) dans l’espoir de constituer un nouveau gouvernement.

Si, en mars, le gouvernement de Sher Bahadur Deuba sort vainqueur d’une motion de censure au Parlement, dépo- sée à l’initiative du CPN-UML, son ave- nir demeure cependant incertain.

La croissance économique du Népal ne s’est pas ralentie pendant cette année budgétaire. Selon les chiffres du gouver- nement népalais (juillet 1996), le PNB a crû de 6,1 % (contre 2,6 % en 1995). Dans le cadre du budget annoncé en juillet, la moitié des dépenses publiques, soit un milliard de dollars, sera allouée à des pro- jets de développement.

ANNE VAUGIER-CHATTERJEE downloadModeText.vue.download 245 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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ASIE DU SUDEST

Malgré un ralentissement des expor- tations, l’essor économique, priorité des pays d’Asie du Sud-Est, se confirme en 1996. La course aux investissements s’intensifie sans ralentir l’intégration ré- gionale. L’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), créée en 1967, et qui regroupe la Thaïlande, la Malaisie, Singapour, Brunei, l’Indonésie, les Phi- lippines et, depuis 1995, le Viêt Nam, a signé, au cours de son cinquième som- met (décembre 1995) un traité faisant de l’Asie du Sud-Est une zone sans armes nucléaires.

Privilégiant l’harmonie régionale, l’ASEAN souhaite intégrer d’ici à l’an 2000 les trois autres pays de la zone. Envers la Birmanie des généraux, à l’opposé de l’isolement prôné par les Occidentaux, elle pratique un « engagement construc- tif ». Ouvert aux grandes puissances mondiales, le forum régional de l’ASEAN (FRA), qui examine les problèmes de sé- curité en Asie (sans d’ailleurs s’appliquer à les résoudre), est dominé cette année encore par les ambitions chinoises en mer de Chine du Sud, sources de tensions avec la plupart des pays de l’ASEAN. C’est par des mesures visant à renforcer la confiance que l’Association cherche à prévenir les conflits régionaux. La pre- mière réunion au sommet, Asie-Europe (ASEM), se tient à Bangkok, les 1er et 2 mars 1996.

Birmanie

Le SLORC (State Law and Order Res- tauration Council, la junte militaire au pouvoir) s’efforce de consolider son pou- voir dans tous les domaines : sécurité, économie, politique. En janvier, l’armée birmane obtient la reddition de Khun Sa, « Seigneur de l’opium », par la négocia- tion. Les Américains réclament en vain son extradition : la production d’opium dans le Triangle d’or va continuer. Un nouveau cessez-le-feu avec les Karen, qui avaient déjà dû déposer les armes en 1995, met fin aux rébellions qui ont se- coué l’est du pays depuis 1949.

Les investissements étrangers com- mencent d’affluer (France, Singapour, Thaïlande, États-Unis, Malaisie, Grande- Bretagne) mais restent limités par la crainte de l’instabilité politique. Le taux de croissance a atteint 7,2 % en 1995, porté par une forte progression de la pro- duction agricole (riz, pêche, bois). Suite à la libération en 1995 d’Aung San Suu Kyi, la grande opposante à la junte, le Japon reprend son aide, gelée depuis 1988.

Pour la même raison, le SLORC avait obtenu un début de reconnaissance in- ternationale en devenant observateur à l’ASEAN. Il s’attire de nouveau les cri- tiques de l’opinion internationale en re- prenant sa répression contre l’opposante, qui mobilise ses compatriotes et appelle les touristes, les investisseurs et les pays de l’ASEAN à boycotter le SLORC. Fin mai, la junte lance l’épreuve de force en arrêtant 258 activistes pour empêcher le congrès de la Ligue nationale pour la démocratie, et en organisant des contre- manifestations. Suu Kyi poursuit ses conférences hebdomadaires devant chez elle, mais une nouvelle vague d’arresta- tions (559 personnes) et de brutalités provoque des sanctions des États-Unis et de l’Union européenne. Quoique divisée, downloadModeText.vue.download 246 sur 602

MONDE 245 l’ASEAN décide de retarder l’admission de la Birmanie.

U Chrono. : 26/06, 26/07, 24/10.

Thaïlande

En juin, le cinquantenaire du couron- nement du roi Rama IX (soixante-huit ans) est l’occasion de grandes fêtes. Aimé et respecté, le roi, quoique sans pou- voir, conserve une énorme influence. En revanche, le gouvernement de Ban- harn Silpa archa, en place depuis juillet 1995, accusé de corruption, d’infractions financières et de mauvaise gestion écono- mique affronte une première motion de censure en mai, puis une deuxième en septembre. Tandis que la Bourse plonge, le Premier ministre obtient le soutien conditionnel de ses alliés en promettant de démissionner. Mais, déjouant le projet de son ministre de la Défense, Chaovalith Yongchaiyuth, qui espérait lui succéder, il appelle à des élections générales le 17 no- vembre. C’est le New Aspiration Party (NAP), la formation de Chaovalith, qui les remporte, permettant à l’ancien mi- nistre de la Défense de devenir Premier ministre, à la tête d’une coalition de cinq partis politiques. Sa tâche sera rude, car le succès économique thaïlandais a connu des revers cette année. Bien que le revenu annuel par tête atteigne 2 500 dollars, les inégalités et la pollution inquiètent. L’es- sor des exportations ralentit tandis que les importations se maintiennent, aug- mentant ainsi le déficit de la balance des paiements, qui représentait en 1995 8 % du PIB. Le taux de croissance est retombé à 7 %.

U Chrono. : 17/11.

Cambodge

La guérilla des Khmers rouges, à l’ouest du pays, est affaiblie, en août, par le ral- liement au gouvernement de Phnom Penh de plusieurs divisions rebelles, puis de l’un de leurs chefs, Ieng Sary, ancien ministre des Affaires étrangères et second de Pol Pot, dont on a annoncé la mort en mai, sans que celle-ci puisse être confir- mée. Niant sa responsabilité dans le gé- nocide, le transfuge est amnistié par le roi Norodom Sihanouk, après bien des hésitations, pour que soit signé un accord de paix le 7 septembre. D’autres défec- tions khmères suivent en septembre et en novembre.

Le gouvernement connaît de graves tensions qui mettent en danger la coha- bitation des deux Premiers ministres, Hun Sen et le prince Ranahridd. Soup- çonné d’être responsable du meurtre d’un journaliste d’opposition en mai, Hun Sen s’affirme comme l’homme fort du régime et menace d’utiliser la force contre la fac- tion royale, qu’il accuse de complot. En 1995, le taux de croissance atteint 7,5 % et l’inflation semble maîtrisée (4 à 5 %). Le pays reste dépendant de l’aide étran- gère (à Tokyo, en juillet, on lui promet un demi-milliard de dollars) et les investis- sements étrangers, bien qu’en augmenta- tion, sont encore limités.

U Chrono. : 5/08.

Laos

Victime de graves inondations, le Laos a pourtant une croissance de 7 % en 1995. En mars, le 6e congrès du parti révolutionnaire du Peuple lao (PRPL) maintient au pouvoir les conservateurs, downloadModeText.vue.download 247 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

246 qui, sous la direction du Premier mi- nistre, le général Khamtay Siphandone, entendent garder le contrôle de l’ouver- ture économique du pays. Deux projets importants sont évoqués : un deuxième pont sur le Mékong pour relier le Laos à la Thaïlande, ainsi qu’un barrage qui fournira de l’électricité à la Thaïlande.

Viêt Nam

Précédé d’intenses débats, le 8e congrès du Parti communiste vietnamien se réu- nit en juin. La troïka au pouvoir depuis 1991 – Do Muoi (soixante-dix-neuf ans), secrétaire général du parti, Lê Duc Anh (soixante-quinze ans), président, Vo Van Kiet (soixante-treize ans), Premier mi- nistre – est maintenue. Tout en souhai- tant poursuivre l’ouverture et la moderni- sation économiques lancées depuis 1986, le régime communiste conserve son idéal socialiste et souhaite contrôler les inves- tissements étrangers. Malgré les conseils des donneurs d’aide, la privatisation du secteur d’État reste limitée ; pourtant, sa mauvaise gestion est reconnue par tous. Le congrès appelle à combattre les effets néfastes de la libéralisation économique : corruption, crime, prostitution, drogue, jeu et pollution.

La croissance économique reste forte (9,5 % prévus pour 1996), avec une infla- tion ramenée à moins de 5 %, mais le dé- ficit de la balance commerciale se gonfle dangereusement (15 % du PIB). Après les records atteints en 1995, les investis- sements étrangers diminuent de 38 %. Le Viêt Nam obtient une restructuration de sa dette. Avec un revenu moyen annuel par tête de 240 dollars, il reste un pays pauvre par rapport à ses voisins de l’ASEAN.

Malaisie

Le gouvernement de Kuala Lumpur poursuit son effort de développement à marche forcée qui devrait faire de la Malaisie un pays industrialisé d’ici à vingt-cinq ans, selon le programme « Vi- sion 2020 ». Une série de grands travaux, frisant parfois la démesure, est mise en place pour moderniser les infrastruc- tures : autoroutes, ponts, télécommuni- cations, nouvel aéroport international, nouveau port, nouvelle capitale entiè- rement informatisée (Putrajaya), mais aussi construction des deux tours les plus hautes du monde (452 m) à Kuala Lumpur et du plus grand bâtiment du monde, réalisation d’un « super corri- dor multimédia » branché sur le reste de l’Asie, sur l’Europe et les États-Unis ; tous ces projets doivent donner confiance et fierté aux Malais. Le 7e plan quinquennal, annoncé en mai (216 milliards de dollars) par une sélection des investissements, orientera l’industrialisation vers la haute technologie et les produits à forte valeur ajoutée. Cet optimisme industriel fait de la panne d’électricité qui paralysa le pays pendant quinze heures, début août, un choc d’autant plus embarrassant.

On savait que les économistes crai- gnaient une surchauffe économique, le taux de croissance est ramené à 8,2 % en 1996 (9,6 % en 1995), l’inflation reste maîtrisée (4 %), et le déficit de la balance des paiements, qui avait atteint 7 mil- liards de dollars en 1995 (9 % du PIB), sera sans doute réduit grâce au rétablis- sement de la balance commerciale. En revanche, l’aciérie d’État, Perwaja, qui a accumulé les dettes, devra être reprise par un consortium privé. Le manque de downloadModeText.vue.download 248 sur 602

MONDE

247 main-d’oeuvre favorise un afflux inquié- tant de travailleurs clandestins venus d’Indonésie et du Bangladesh, ce qui oblige le gouvernement à prendre des mesures énergiques pour le limiter.

Le Premier ministre Mahathir bin Mohamad (soixante-dix ans), renforcé par le ralliement de l’opposant Raza- leigh Hamzah, maintient son contrôle sur l’UMNO (United Malay National Organisation), dont le congrès triennal d’octobre renouvelle son mandat de pré- sident. Il tient à maintenir l’équilibre par rapport à l’influence du président adjoint, Anwar Ibrahim, qui lui succédera en principe le moment venu. C’est les larmes aux yeux que Mahathir bin Mohamad appelle à lutter contre la corruption du pouvoir par l’argent au sein de l’UMNO.

La Malaisie connaît quelques tensions avec Singapour après que les dirigeants de l’île-État ont affirmé qu’un éventuel rattachement à la Fédération malaise dépendait de l’arrêt par Kuala Lumpur de sa politique de discrimination en faveur des Malais. Le différend territorial avec l’Indonésie (îles Sipadan et Ligitan) est confié à la Cour internationale de justice.

Singapour

L’économie de l’île est en net ralentisse- ment (7 % de croissance au lieu de 8,8 % en 1995), notamment pour les exportations de produits électroniques, qui souffrent de la récession propre à leur marché. Les investissements restent cependant élevés et l’inflation basse (1,2 %). Singapour, qui poursuit sa politique d’investissements en Asie via la création de parcs indus- triels (Chine, Thaïlande, Birmanie, Inde, Viêt Nam, Indonésie, Malaisie), s’efforce de devenir le centre intellectuel de l’Asie et de passer à une économie de création. L’ancien Premier ministre Lee Kuan Yew, le « patriarche de Singapour », oc- cupe l’actualité avec ses deux opérations du coeur, un procès gagné contre un cher- cheur américain et l’achat d’immeubles d’habitation de luxe, pour lesquels on lui avait offert des remises qu’il a refusées. Des élections sont prévues d’ici à avril 1997, au cours desquelles une nouvelle réglementation électorale favorisera le People’s Action Party (PAP), encore lar- gement majoritaire, aux dépens des petits partis d’opposition. Jacques Chirac s’est rendu à Singapour fin février, où il a dit de Lee Kuan Yew qu’il était « un des plus grands hommes d’État de notre temps ».

Indonésie

Le boom économique se poursuit avec plus de 8 % de croissance en 1995 et en 1996. Mais certaines mesures, favori- sant les enfants ou les proches du pré- sident Suharto, ont prêté à la critique : ainsi de la protection accordée au com- plexe pétrochimique Chandra Asri ou de l’attribution à Tommy Suharto de la fabrication de la voiture nationale, béné- ficiant de détaxes importantes, mais qui sera importée de Corée du Sud. Après le record de 1995, les investissements sont en baisse. La réduction de l’important déficit des comptes courants (7,5 mil- liards de dollars) est devenue la priorité du gouvernement.

Dans la perspective des élections pré- sidentielles de 1998, Megawati Sukarno- putri, fille de l’ancien président Sukarno, est écartée de la présidence du Parti dé- mocrate d’Indonésie, d’où elle aurait pu downloadModeText.vue.download 249 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

248 briguer la présidence de la République. Cela déclenche, en juillet, à Jakarta, de très graves émeutes, que le pouvoir dé- nonce comme le signe d’une résurgence du Parti communiste, depuis longtemps interdit. Il y a au moins 5 morts et de nombreuses arrestations. Devenue le symbole de la lutte pour la démocratie, Megawati porte plainte contre les ins- tances gouvernementales pour l’illégalité de la manoeuvre qui l’a évincée. La cour se déclare incompétente. La santé du président Suharto, qui a perdu sa femme fin avril, donne des inquiétudes au mois de juillet, mais il briguera sans doute un septième mandat en 1998, date à laquelle il aura soixante-dix-sept ans. La course à la vice-présidence est déjà commencée : le ministre de la Recherche, B. J. Habibie, grand favori du président pour son ambi- tieuse politique de modernisation de l’aé- ronautique, paraît le mieux placé. Mais l’armée, bien qu’affaiblie, lui est hostile.

L’harmonie religieuse du pays, tou- jours fragile, est mise en danger par des musulmans qui brûlent une vingtaine d’églises à Java en octobre. En Irian, une prise d’otages et des émeutes ravivent l’attention internationale sur la lutte de l’Organisation de l’indépendance pa- poue et sur les agissements de la société Freeport, qui y exploite la plus grande mine de cuivre et d’or du monde. L’attri- bution du prix Nobel de la paix à l’évêque Carlos Belo et à l’exilé José Ramos-Horta, deux représentants du Timor-Oriental, territoire annexé en 1976 et où sévit une sévère répression, est en général mal ac- cueillie en Indonésie.

U Chrono. : 13/03, 27/07.

Philippines

La commémoration du cinquantenaire de l’indépendance, ainsi que du cente- naire de la révolution contre l’Espagne et de l’exécution du héros de l’indépen- dance José Rizal, est quelque peu éclip- sée par l’accord de paix signé le 2 sep- tembre entre Manille et le Front Moro de libération nationale. Cet accord met fin à vingt-quatre ans de sanglante guérilla indépendantiste à Mindanao. La consti- tution d’un Conseil de la paix et du déve- loppement du sud des Philippines, placé sous la présidence de l’ex-rebelle musul- man Nur Misuari élu, le 9 septembre, gouverneur de la Région autonome musulmane de Mindanao, provoque de vives réactions d’hostilité de la part de la majorité chrétienne de l’île, ainsi que des musulmans fondamentalistes. Il s’agit, pour le nouveau gouverneur, de mener à bien de grands projets de développement dans 14 provinces et 9 grandes villes de Mindanao, où un référendum sur l’avenir de la région sera organisé en 1998.

Le président Fidel Ramos affronte au Sénat une opposition qui s’est recompo- sée dans la perspective des présidentielles de 1998, certains craignant qu’il ne fasse amender la Constitution pour briguer un autre mandat. Malgré une crimina- lité en hausse (enlèvements et meurtres d’hommes d’affaires), un projet de loi anti- terroriste se heurte à une forte opposition. Il en va de même avec des réformes éco- nomiques et fiscales, pourtant nécessaires pour renflouer les revenus insuffisants de l’État. Le taux de croissance est en hausse (5,7 % en 1995, 6,2 % en 1996), confirmant le redressement économique. Les relations avec Singapour se normalisent. downloadModeText.vue.download 250 sur 602

MONDE

249

En août, la jeune Sarah Balabagan, jugée l’année dernière pour le meurtre de son patron en Arabie saoudite, est accueillie triomphalement à l’occasion de son retour aux Philippines.

FRANÇOISE CAYRAC-BLANCHARD downloadModeText.vue.download 251 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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CHINE ET EXTRÊMEORIENT SOCIALISTE

La Chine de Jiang Zemin semble avoir trouvé le complément indispensable à l’idéologie économiste dans le renouveau du nationalisme, celui-ci s’exprimant aus- si bien dans les discours de propagande que par l’agressivité vis-à-vis de Taïwan. Le contraste reste étonnant entre cette Chine autoritaire, mais en mouvement, et une Corée du Nord sclérosée et au bord de l’implosion.

Chine : le recentrage national

Cent ans après le dépeçage du vieil Empire chinois par les puissances étrangères et à quelques mois de la rétrocession de Hon- gkong par les Britanniques (juillet 1997), la question nationale occupe le devant de la scène. À Pékin, comme à Hongkong et à Taipei, les profondes transformations des dernières décennies conduisent à poser en des termes nouveaux non seu- lement le problème de l’unité chinoise, mais aussi celui d’une construction poli- tique capable de concilier les exigences du développement économique, de l’af- firmation d’une identité chinoise sur la scène mondiale et du respect des identi- tés particulières qui constituent la nation chinoise. Une même dynamique anime ces États-nations qui se cherchent dans les parties séparées du monde chinois : celle du nationalisme. Toutefois, il serait excessif d’en déduire la probabilité d’une « grande Chine » unie et inquiétante pour le reste du monde. Car le natio- nalisme chinois est presque aussi divers que la Chine elle-même, en ses multiples expressions et contradictions.

C’est bien, au reste, parce que cette diversité est perçue comme une cause de faiblesse qu’elle stimule la politique cen- tralisatrice et nationaliste amenée par le clan dominant au pouvoir à Pékin, selon les orientations qui se sont cristallisées en 1995 autour de Jiang Zemin. Les res- ponsables de l’économie ont poursuivi le programme de rééquilibrage et de désin- flation décidé en 1993. Mais il n’est pas assuré que l’atterrissage en douceur dont ils se flattent soit le fruit de transforma- tions structurelles positives plutôt que l’effet d’un nouveau cycle conjoncturel préludant à une reprise de la surchauffe. Les instruments du contrôle macroéco- nomique sont loin d’être consolidés. La réforme fiscale, qui devait clarifier les relations de Pékin avec les provinces, connaît des difficultés qui soulignent le caractère difficilement réversible des au- tonomies locales. Aussi la lutte des clans continue-t-elle de se dérouler sur ce ter- rain privilégié, à la faveur de l’intensifica- tion de la campagne contre la corruption. Grâce à cette campagne, le clan shan- ghaien de Jiang Zemin s’efforce d’affaiblir ses rivaux, notamment à Pékin, tout en affirmant le recentrage national des ré- formes et en marquant ses distances avec Deng Xiaoping.

Aussi les grandes manoeuvres péki- noises de 1995, qui avaient abouti à la chute de Chen Xitong et à la mise en cause de la direction du vaste complexe sidérurgique de la capitale, aboutissent- elles à de spectaculaires condamnations (novembre). À la veille des échéances politiques de 1997 (remplacement du Premier ministre Li Peng au printemps, downloadModeText.vue.download 252 sur 602

MONDE

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XVe congrès du Parti communiste chinois à l’automne), ces affrontements n’épargnent plus le haut appareil mili- taire. Une banale affaire de corruption et de prostitution remonte ainsi depuis les ramifications provinciales (en Chine du Sud) – où ce genre de scandale est d’or- dinaire étouffé – jusqu’au général Zhang Wannian. Ce dernier n’est rien moins que l’adjoint de Jiang Zemin à la tête de la commission des Affaires militaires du comité central et le rival du ministre de la Défense Chi Haotian pour l’obtention, lors du prochain congrès, d’un siège au comité permanent du bureau politique.

Bien qu’elles se déroulent en vase clos, ces luttes de clans ne sont pas sans liens avec les évolutions et les tensions qui traversent la société. S’il n’a pas affecté toutes les régions, le ralentissement de la croissance a rendu délicate la situation de nombreuses provinces de l’intérieur, dont une dizaine (au Sud, dans l’Est et au Sud- Ouest) sont ravagées par de graves inon- dations. Ces difficultés accentuent les flux migratoires en direction des régions moins touchées de la côte. Mais l’agita- tion sociale s’ancre particulièrement dans les noyaux du secteur économique d’État, que sont les vieux centres industriels so- cialistes, notamment dans le nord-est du pays, désormais mis à mal par une priva- tisation rampante. Ces mouvements spo- radiques ne déclenchent cependant pas une flambée de grande ampleur.

Au nombre des facteurs qui em- pêchent une généralisation du mécon- tentement comparable à celle de 1989, il faut surtout retenir la répression du syndicalisme non officiel et le renforce- ment du contrôle des intellectuels. Aux moyens habituels (surveillance poli- cière et exemples judiciaires frappant les opposants les plus en vue : après Wei Jingsheng, Wang Dan est emprisonné à nouveau) s’ajoute un renforcement de l’encadrement idéologique, qui a pour effet de rendre plus difficile la circula- tion des hommes et plus risquée celle des idées. Parallèlement, cette campagne a pour objectif de remobiliser les membres du Parti. Ainsi voit-on refleurir, dans cette Chine vidée de ses préoccupations idéologiques depuis bientôt vingt ans, les symboles et les rituels propres à la culture politique du communisme chinois. En- core faut-il se garder d’interpréter cette offensive comme un retour de flamme maoïste. Les techniques de propagande et de mobilisation qui sont mises en oeuvre restent contrôlées et d’effets limités sur le corps social.

Il convient également de nuancer le jugement négatif de nombreux observa- teurs quant à l’anachronisme et au peu de résultats de ces moyens. Car si la propa- gande destinée à susciter une émulation activiste autour de certains modèles hé- roïques fait sourire, à cause du caractère suranné de ses contenus idéologiques, les techniques de pouvoir qui visent à disci- pliner et à moraliser le corps social, en commençant par ses élites, ne sont pas étrangères à la coloration confucianiste de l’idéologie nationale, qui sert de plus en plus de relais à l’idéologie commu- niste. La session plénière du comité cen- tral (octobre) entérine le programme de Jiang Zemin axé sur la promotion d’une « civilisation spirituelle » ancrée dans l’exaltation des « valeurs nationales » – celles-ci correspondant à une synthèse de la tradition avec les héritages du XXe siècle. downloadModeText.vue.download 253 sur 602

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Si cela contribue à asseoir l’offensive idéologique en cours, le succès n’est pas garanti, car le confucianisme, qui n’est qu’une tradition chinoise parmi d’autres, n’a nullement l’exclusivité des identi- tés qui se concurrencent, aussi souvent qu’elles se composent, dans la Chine d’aujourd’hui. Le nationalisme est donc un ingrédient indispensable du nouveau « cocktail » idéologique, même s’il est loin d’être une force univoque.

Forces et incertitudes du nationalisme chinois En prévision de la rétrocession de Hon- gkong s’organise un vaste retour sur la période des humiliations et des conces- sions, à laquelle le régime se targue d’avoir mis fin. Mais, si c’est une Chine désormais fière et forte des promesses de son développement économique qui effectue ce travail de mémoire, le ton souvent virulent du discours nationaliste (qu’il soit officiel ou non) laisse penser que l’heure de la maîtrise sereine n’est pas encore venue. Quand il ne prend pas une coloration ouvertement culturaliste, pour répliquer au « faux universalisme » der- rière lequel l’Occident abriterait ses « in- térêts égoïstes », le nouveau nationalisme chinois s’affirme dans la confrontation. L’extraordinaire succès du compendium de chauvinisme antiaméricain publié sous le titre La Chine qui peut dire non (en écho au fameux Japan that can say no) montre que ce ton mobilise mieux que les attaques contre la « pollution spirituelle » de l’Occident et la « culture coloniale » liées à la préservation de la pureté idéo- logique du communisme.

La conjonction de cette virulence avec le fait que la question nationale reste ouverte a réveillé la confrontation avec Taïwan en 1995 et 1996. L’organisation de l’élection présidentielle au suffrage uni- versel sur l’île (22 mars) suscite de nou- veaux tirs de missiles, accompagnés de manoeuvres visant à démontrer la vulné- rabilité des voies d’accès maritimes à l’île. La ferme réplique navale de Washington met un point d’orgue à la dégradation des relations entre les deux capitales. Pour- tant, même si la lutte des factions pour la succession de Deng Xiaoping alimente, à Pékin, une surenchère nationaliste qui peut être dangereuse, le pragmatisme n’est pas oublié. Une détente certaine intervient, tant avec Taipei (qui a répon- du positivement, en août, à une offre de reprise des conversations officieuses) qu’avec Washington. Le secrétaire d’État Warren Christopher effectue une visite à Pékin avant le sommet Jiang Zemin-Clin- ton qui se tient à Manille, en novembre, lors de la conférence de l’APEC (en fran- çais, Forum de coopération économique Asie-Pacifique).

Le souci d’affirmer les droits natio- naux de la Chine contre une tentative d’encerclement perpétrée par les États- Unis, auxquels le Japon prêterait main- forte, s’exprime en terme de territoires, d’intérêts économiques et de culture. À la différence des nationalistes les plus radicaux, qui tendent à assimiler ces trois aspects, les responsables n’hésitent pas à déplacer l’accent du nationalisme suivant les impératifs de l’insertion de la Chine dans le monde, insertion sur laquelle ils ne souhaitent pas revenir. À l’autre ex- trême, les démocrates, que leur occiden- talisme tend à isoler, subissent le contre- coup culturaliste de la vague nationaliste et ne peuvent guère laisser entre paren- downloadModeText.vue.download 254 sur 602

MONDE

253 thèses l’aspect territorial. Ainsi la consti- tution d’un État-nation à Taïwan est-elle largement perçue comme une entreprise de sécession sur le continent, tout comme les turbulences d’inspiration nationaliste aux périphéries non chinoises de l’empire (Xinjiang, Mongolie, Tibet). À Hon- gkong même, où pourtant la perspective de réintégrer l’ensemble chinois n’en- thousiasme guère, l’occupation des îles Senkaku, entre Taïwan et Okinawa, par des extrémistes japonais suscite un vaste mouvement de protestation nationaliste.

La question nationale se complique, à l’image des différentes formes que revêt le nationalisme à l’intérieur du domaine chinois. Il est remarquable que les orien- tations des politiques opposées, suivies par Taïwan et par le continent, laissent de côté les idéologies et leurs conflits pour engendrer un affrontement de type natio- nal. Si Pékin, fidèle à la tradition impériale qui admet l’existence des particularismes régionaux, n’a pas empêché l’évolution de l’île, une ligne rouge a été tracée sitôt que ce processus a cherché une reconnais- sance extérieure. Les perspectives d’une dissolution de la Chine dans un monde globalisé, après l’éventuel effondrement du communisme, ne sont donc pas plus assurées que celles de l’effondrement soudain du régime. Encore largement structurée comme un empire distendu à l’intérieur de ses frontières, la Chine continentale peine à se transformer en État-nation moderne. Mais c’est pourtant comme telle qu’elle se pose vis-à-vis de l’extérieur. Paradoxalement, l’État-nation qui émerge à Taïwan, en ne se réclamant plus que d’une Chine symbolique, aide à la métamorphose du continent.

U Chrono. : 13/02, 20/05, 17/06, 29/07, 30/10.

La crise nord-coréenne

Comparée à cette histoire en marche, celle de la Corée du Nord semble être res- tée figée à l’heure de l’agonie du maoïsme. Alors que la succession de Kim Il-sung et la consolidation du régime de Kim Jong- il n’ont pas encore donné lieu à l’ouver- ture et aux réformes attendues, les signes de la décomposition avancée du régime, de l’économie et de la société apparaissent de plus en plus nettement. Étranglée par l’effondrement des échanges avec l’URSS et par les transformations du marché chinois, l’économie est entrée en dépres- sion depuis six ans. S’il n’est pas certain que de grandes famines ont frappé la po- pulation, comme le prétendent certains observateurs, l’extension de la malnutri- tion est un fait avéré. Sans l’admettre offi- ciellement, Pékin et Séoul ont commencé à prendre des mesures destinées à faire face à un exode massif de la population. Pour l’heure, le flux des réfugiés reste minime : la Chine restitue aux autorités downloadModeText.vue.download 255 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

254 nord-coréennes des réfugiés qui ont le double désavantage, à ses yeux, de grossir la minorité coréenne qu’elle abrite dans ses provinces frontières et d’être chré- tiens ; le camp ou le peloton d’exécution attendent ces malheureux.

La terreur n’a donc pas perdu toute son efficacité, même si elle donne, elle aussi, des signes de décomposition. Aussi bien le régime tient-il grâce à d’autres moyens. Une gestion sélective de la pé- nurie tient l’armée à l’écart du gros de la crise. Les autorités ferment les yeux sur l’extension du marché noir, de la corrup- tion et de la contrebande. Le régime s’en accommode, parce qu’il y va de sa survie et qu’un grand nombre de ses cadres sont impliqués dans les réseaux parallèles. L’active contrebande frontalière, couverte par la corruption du côté nord-coréen, est également tolérée par la Chine, dans l’espoir de prévenir l’implosion du pays.

Face à ces symptômes de paralysie, l’ouverture économique fait pâle figure. Au lendemain d’une conférence d’inves- tisseurs étrangers convoqués dans la zone économique spéciale de Rajin-Sonbong

(voisine de la zone économique spéciale chinoise de la Tumen), les 13-15 sep- tembre, la Corée du Nord envoie un com- mando en Corée du Sud. Celui-ci perd 17 hommes à la suite d’une gigantesque opération de ratissage ordonnée par Séoul (19 septembre). Une fois de plus, ces initiatives contradictoires s’expliquent moins par des conflits de factions que par le désir d’amener Washington à un dia- logue direct et permanent avec le Nord.

Mongolie

En Mongolie extérieure, le Parti popu- laire révolutionnaire, qui s’était maintenu en place à l’aide d’une démocratisation réelle de ses institutions, s’est usé au pou- voir. Vainqueur des élections de 1992, cet avatar de l’ancienne dictature commu- niste perd en juin la majorité au Grand Khural de l’État, la chambre légiférante, au profit des deux mouvements d’opposi- tion les plus importants, le Parti national et le Parti social-démocrate.

U Chrono. : 30/06.

YVES CHEVRIER downloadModeText.vue.download 256 sur 602

MONDE

255

JAPON ET EXTRÊMEORIENT DÉVELOPPÉ

En 1996, le Japon semble renouer avec la croissance et retrouver un système politique stable dominé par le PLD. Mais, derrière ce retour à la normale, de pro- fonds changements sont à l’oeuvre. En Corée du Sud et à Taïwan, la mise en place de la démocratie et l’ouverture éco- nomique se poursuivent non sans heurts, tandis que les menaces extérieures restent très vives. Des litiges territoriaux créent en outre de vives tensions entre les trois pays. Japon : vers la reprise économique

Après quatre années de quasi-stagnation, le Japon a connu en 1996 une croissance proche de 3,5 %, la meilleure perfor- mance parmi les pays du G7. Non sans à- coups toutefois : après avoir bondi de 3 % au premier trimestre, le PIB a chuté de 0,7 % au deuxième. De 1992 à 1995, l’État a injecté l’équivalent de 3 000 milliards de francs dans l’économie. Ces plans de relance ont fini par jouer. Mais ils ont aussi porté le déficit budgétaire à 6,75 % du PIB, la dette cumulée de l’État attei- gnant une année du PIB. Le Japon, qui fait figure de cancre budgétaire parmi ses partenaires du G7, ne semble pas pouvoir échapper dans les années qui viennent à un sérieux accroissement de la pression fiscale, inaugurée, en avril 1997, par le passage de 3 à 5 % de la taxe à la consom- mation. Favorisé par des taux d’intérêt quasiment nuls, l’investissement privé augmente de 7,5 % et prend peu à peu le relais des plans de relance. Les entre- preneurs reprennent confiance. Mais cet investissements se fait beaucoup dans les délocalisations, où les firmes japonaises mettent désormais les bouchées doubles : en Asie, leurs investissements sont passés de 15 milliards de dollars en 1990 à plus de 70 cette année. Or cette délocalisation met à mal tout le réseau complexe de la sous-traitance : les PME, ne pouvant délocaliser à la suite de leur donneur d’ordre, sont souvent acculées à la faillite. Tout le tissu industriel est donc en voie de réorganisation.

La consommation semble enfin fré- mir, en dépit des menaces sur l’emploi, avec un taux de chômage estimé à 3,5 % (chiffre sous-évalué) qui semble s’instal- ler durablement. Mais cette reprise reste conjoncturelle, les consommateurs ne pouvant plus retarder certaines dépenses, comme le renouvellement de leur voi- ture. Cependant, une génération de nou- veaux produits électroniques perce enfin sur le marché : la micro-informatique, le téléphone cellulaire (15 millions d’usa- gers), les systèmes de navigation automo- bile, les disques vidéo numériques. Mais le consommateur, devenu très regardant sur les prix, a provoqué la déréglementa- tion de nombreux secteurs, et l’on trouve aujourd’hui des alcools importés trois fois moins chers qu’il y a deux ans.

La baisse du yen favorise l’exporta- tion, mais l’excédent commercial ne cesse de se réduire. De 121 milliards de dol- lars en 1994, il est tombé à 107 en 1995 et devrait être inférieur à 100 milliards cette année. Toutefois, cette baisse doit être nuancée : une part croissante des im- portations sont des produits « japonais » downloadModeText.vue.download 257 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

256 fabriqués à l’étranger. Si les téléviseurs couleur « étrangers » détiennent plus de 80 % du marché, ils sont produits en Asie par des firmes japonaises. Néanmoins, l’ouverture du Japon est indéniable : 30 % du marché des semi-conducteurs y est détenu par des firmes étrangères. L’ère des superexcédents commerciaux est probablement terminée.

Poursuite de la recomposition politique

1996 voit le Parti libéral démocrate (PLD) reconquérir, à peu de choses près, le pouvoir absolu. En janvier, il reprend la direction du cabinet de coalition qui l’associe aux socialistes et au petit Parti précurseur (PP). Le nouveau Premier mi- nistre, Ryutaro Hashimoto, qui souhaite dissoudre la Chambre pour reconqué- rir la majorité absolue perdue en 1993, doit d’abord essuyer l’offensive du Nou- veau Parti progressiste (NPP, opposition néoconservatrice et centriste) d’Ichiro Ozawa, qui s’oppose, lors du débat bud- gétaire, à toute utilisation d’argent public pour renflouer les organismes de crédit immobilier (jusen). Puis, il doit affronter la rébellion du gouverneur d’Okinawa qui, refusant de renouveler les baux de location forcée de terrains utilisés par des bases américaines, organise un réfé- rendum régional – une « première » qui risque fort d’embarrasser le pouvoir central dans l’avenir. Mais, bien qu’une grande partie des votants se soient pro- noncés contre les bases, le gouverneur d’Okinawa s’incline finalement devant un jugement de la Cour suprême et la pro- messe du déménagement d’une seule des bases incriminées. Celui-ci a, en outre, reçu de fortes aides financières...

La dissolution de la Chambre est pro- noncée le 27 septembre. Cinq jours avant, un nouveau parti est créé par deux jeunes leaders du PP : Yukio Hatoyama est un ancien du PLD, héritier d’une grande dynastie politique et d’une immense for- tune ; Naoto Kan vient de la gauche asso- ciative. Tous les deux sont extrêmement populaires. Le Parti démocrate (PD) attire à lui une partie des élus du PP et des élus socialistes. Son programme, de centre gauche, met l’accent sur les initia- tives des citoyens, la décentralisation et le pacifisme. Le nouveau parti manque de temps pour s’organiser, et, le jour des élections, il ne peut présenter des candi- dats dans l’ensemble des 300 circonscrip- tions locales.

Aux élections du 20 octobre, le PLD passe de 211 à 239 sièges, manquant la majorité absolue de 12 députés. Le Nou- veau Parti progressiste passe de 160 à 156 sièges. Le PD se maintient à 52 élus. Le Parti communiste japonais (PCJ) progresse spectaculairement de 7,7 % à 13 % des suffrages, mais il reste margi- nalisés avec 26 sièges. Paradoxalement, la majorité dépend des survivants de deux partis que le scrutin a laminés, les socia- listes (15 sièges : – 15) et le PP (2 sièges : – 7), tous deux optant pour un soutien sans participation. Bien que le parti de Ryutaro Hashimoto soit minoritaire à la Chambre et au Sénat, le Japon retrouve donc un gouvernement PLD homogène, comme avant 1993. Le vrai vainqueur du scrutin est l’abstention, en hausse continue depuis dix ans, qui atteint son maximum de l’après-guerre (40,3 %). Au cours de la campagne, les partis ont riva- lisé de promesses démagogiques (gel de downloadModeText.vue.download 258 sur 602

MONDE

257 la fiscalité, division par deux du nombre des ministères) : la défiance à l’égard de la classe politique est extrême. Le PLD n’ob- tient finalement les voix que de 20 % des électeurs inscrits, et seulement 35,7 % des suffrages exprimés. La légitimité du gou- vernement est donc très faible, alors qu’il doit préparer le pays aux changements majeurs imposés par l’internationalisa- tion économique et le vieillissement de sa population.

U Chrono. : 5/01, 24/04, 27/09, 20/10.

Corée du Sud

Après sa mauvaise prestation aux muni- cipales de 1995, le parti du président Kim Young-sam, rebaptisé parti de la Nou- velle Corée (PNC), semblait promis à un sévère recul aux législatives d’avril. Il n’y perd que 18 sièges (139 élus). À gauche, le Congrès national (CN) du vieux Kim Dae-jung gagne 27 sièges ; mais, avec seu- lement 79 élus, il est loin de son objectif de 100 sièges. À droite, le Parti libéral dé- mocrate unifié (PLDU) de Kim Jong-pil enlève 50 sièges (+ 19). Le scrutin atteste la permanence des fiefs électoraux régio- naux traditionnels. Mais il révèle aussi un nouvel électorat urbain moderne, attiré par les « politiciens technocrates », en quête de stabilité et de prospérité. C’est lui qui donne 27 des 47 sièges de Séoul au PNC, dont celui-ci avait pourtant perdu la mairie en 1995. Le parti présidentiel s’assure une courte majorité parlemen- taire en débauchant des élus « indépen- dants ». Kim Young-sam paraît désor- mais en mesure de gouverner sans trop de difficulté jusqu’à l’élection de son suc- cesseur, en décembre 1997.

L’autre événement majeur de l’année est le procès des anciens présidents co- réens Chun Doo-hwan et Roh Tae-woo, arrêtés en 1995 pour corruption, trahison et homicides. Seize généraux et le gotha du monde des affaires figurent avec eux dans le box des accusés. Le 21 août, Chun Doo-hwan est condamné à mort et Roh Tae-woo à vingt-deux ans de prison. Le verdict est plus clément pour les hommes d’affaires : trente-deux mois de prison au président de Daewoo, deux ans avec sur- sis à celui de Samsung. Après les appels, il semble probable que Kim Young-sam amnistiera les accusés à la fin de son mandat. L’année est aussi marquée par la violente agitation orchestrée par le Han- chongnyon (Fédération des conseils étu- diants), qui milite pour la réunification immédiate avec la Corée du Nord. En août, la police bloquant une « marche de l’unité » vers la frontière, les étudiants se retranchent dans l’université Yonsei. Ils ne se rendent qu’après neuf jours de vio- lences : 5 175 arrestations sont opérées et des centaines de condamnations à la pri- son ferme sont prononcées dès le mois d’octobre.

Cette agitation se nourrit de la ten- sion permanente avec le Nord, où la si- tuation demeure très confuse. Deux ans après la mort de son père, Kim Jong-il n’a pas encore assumé officiellement la suc- cession. L’économie s’effondre. La récolte de céréales aurait été inférieure de moitié aux besoins, mais certains pensent que Pyongyang exagère ses difficultés pour extorquer un maximum d’aide huma- nitaire. La Chine et la Corée du Sud se préparent discrètement au pire : l’afflux de réfugiés affamés en cas d’effondrement downloadModeText.vue.download 259 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

258 du Nord. La stratégie de Pyongyang reste difficile à déchiffrer. Le collectivisme a été assoupli dans l’agriculture : chaque famille peut désormais cultiver 100 m2 à son compte. En septembre, 400 hommes d’affaires étrangers ont été invités dans la zone de libre-échange de Ranjin. Mais, en même temps, le Nord alimente la tension. Le 4 avril, il dénonce l’armistice de 1953 et procède à quelques incursions dans la zone démilitarisée. En septembre, un sous-marin s’échoue en débarquant au Sud un commando de 27 hommes, qui sont exterminés après une gigantesque traque, pendant laquelle 15 Sud-Coréens sont également tués.

U Chrono. : 11/0, 20/08, 26/08.

Taïwan

À Taïwan, la première élection prési- dentielle au suffrage universel a lieu le 23 mars. Pékin cherche à peser sur le scrutin de manière dramatique en orga- nisant trois semaines de manoeuvres militaires menaçantes dans le détroit de Taïwan. Des missiles sont tirés à proxi- mité immédiate de l’île. Au plus fort de la crise, Washington envoie deux porte- avions dans la zone. Mais la menace n’empêche pas la réélection de Lee Teng- hui, la bête noire de Pékin, avec 54 % des suffrages. Peng Ming-min, le candidat indépendantiste du Parti démocrate po- pulaire (PDP), arrive second avec 21,1 %. Le « candidat de Pékin », Lin Yang-kang, n’obtient que 14,9 %. Fort de ce succès, Lee Teng-hui tend un rameau d’olivier à Pékin. Il propose d’aller en Chine pour « un voyage de paix » et déclare qu’une proclamation d’indépendance est « inu- tile et impossible ». Mais les luttes de suc- cession à Pékin empêchent toute réponse concrète à ces ouvertures. Les négocia- tions officieuses sur la navigation dans le détroit restent bloquées depuis 1995. Pé- kin continuant à peser pour isoler diplo- matiquement Taïwan, seuls 24 petits pays sont officiellement représentés à l’intronisation de Lee. Malgré son succès, le président doit affronter une situation politique difficile. Son parti, le Kuomin- tang, n’a qu’une voix de majorité au Yuan législatif. La formation du nouveau cabi- net provoque une violente polémique, Lee ayant nommé Premier ministre son vice-président, Lien Chan, et ayant évin- cé le ministre de la Justice et celui des Transports, qui luttaient vigoureusement contre le crime organisé et le trucage des marchés publics. Des élus opposés à la mafia sont agressés, ou kidnappés et en- fermés dans des cages à chien. La corrup- tion des marchés publics devient un pro- blème international : de violents conflits opposent Matra (à Taipei) aux autorités locales, qui soutiennent des entreprises locales souvent mafieuses. En septembre, la police lance des raids à grand spectacle contre les gangs, mais le président, avec son unique voix de majorité, est prison- nier de la trentaine d’élus du Kuomintang liés au crime organisé. L’opposition uti- lise donc le thème de la corruption pour combattre les grands projets d’infrastruc- ture. En octobre, des bagarres opposent les députés quand le Kuomintang vote en force les crédits pour une quatrième centrale nucléaire. L’opposition a promis au gouvernement « huit années d’enfer »...

Si la démocratisation de Taïwan reste chaotique, cela tient en partie à l’impré- cision de la Constitution sur des points majeurs, comme la procédure d’investi- downloadModeText.vue.download 260 sur 602

MONDE

259 ture du Premier ministre ou les pouvoirs de l’Assemblée nationale (équivalent du Sénat français). Comme en Corée du Sud, on ne sait pas clairement si le régime est présidentiel ou parlementaire. Un toi- lettage s’impose, mais il provoquerait lui aussi des polémiques.

U Chrono. : 23/03.

Économie : les « dragons » s’essoufflent-ils ?

Au plan économique, la Corée du Sud accède à la consécration quand l’OCDE l’invite à devenir son deuxième membre asiatique (octobre). Aujourd’hui 12e puis- sance économique du monde, elle pour- rait accéder au 7e rang en 2020. À Taïwan, même la crise de mars n’a pas freiné l’élan économique : la Bourse monte de 20 % entre la mi-mars et la mi-avril, et la Banque centrale ne dépense que 5 % de ses réserves de change pour maintenir la monnaie. L’objectif affiché est de dépasser les deux autres « dragons », Hongkong et Singapour, d’ici à la fin du siècle. Mais la conjoncture n’est pas sans ombre. En Corée du Sud, la croissance n’est que de 7 % (9 % en 1995), et le déficit des paie- ments extérieurs a doublé pour dépasser 15 milliards de dollars. À Taïwan, où cer- tains instituts annoncent une croissance de 5 %, le chômage atteint un record (2,35 %) et 10 988 entreprises font faillite entre janvier et mai (+ 34 %).

La baisse du yen ravive la concurrence japonaise. Le prix des semi-conducteurs, une exportation essentielle pour laquelle les deux pays avaient multiplié les inves- tissements, baisse de 20 %. Cette mau- vaise conjoncture met en évidence des défauts structurels. En Corée du Sud, ce sont les five highs (cinq domaines où les tarifs sont élevés) qui sont incriminés : salaires, taux d’intérêt, coûts excessifs du terrain, de la distribution et des pro- cédures administratives. À Taïwan, on dénonce l’inefficacité du secteur public et les surcoûts liés au trucage généralisé des travaux publics.

Les deux pays restent encore très fer- més aux produits et aux capitaux étran- gers. L’entrée dans l’OCDE obligera la Corée du Sud à s’ouvrir rapidement, à libéraliser sa législation sociale et à sup- primer la protection des PME. Le trau- matisme sera important, et, pour cette raison, l’opposition combat l’entrée im- médiate dans l’OCDE. Taïwan ne pourra pas non plus échapper à une évolution libérale, si elle veut attirer les capitaux étrangers. L’internationalisation des deux économies semble à sens unique. Au pre- mier semestre 1996, les chaebol coréens (nom donné aux grands conglomérats du pays) ont investi 6 milliards de dollars à l’étranger, et les firmes taïwanaises 3 mil- liards (+ 43 %), mais à peine 0,9 milliard de dollars de capital étranger sont entrés en Corée, et 0,8 à Taïwan (– 16 %). À terme, les deux pays pourraient être vic- times du même phénomène de délocali- sation qui fait craindre un « évidement » (kudoka) industriel à leur voisin japonais.

Pour Taïwan, le principal danger est autre : une grande partie de l’investisse- ment se fait « chez l’ennemi », en Chine continentale. Plus de 30 000 entreprises de l’île nationaliste, qui ne sont plus seu- lement les PME de la chaussure ou du jouet, mais aussi des industries de haute technologie, y auraient immobilisé près de 30 milliards de dollars. Le risque d’évi- dement se double de celui d’une mise en downloadModeText.vue.download 261 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

260 tutelle économique par Pékin. Conscient du danger, le président Lee demande, en août, aux entreprises de limiter leurs en- gagements en Chine à 20 ou 30 % de leurs investissements. Mais les réactions de la communauté économique sont plutôt négatives : sans le surplus dégagé avec la

Chine (15 milliards de dollars en 1995), le commerce de l’île serait déficitaire ; sans une présence massive des firmes taïwanaises en Chine continentale, il n’y aurait pas de surplus. Le gouvernement est pris dans un dilemme insoluble...

JEAN-MARIE BUISSOU downloadModeText.vue.download 262 sur 602

MONDE

261

OCÉANIE

L’écart se creuse entre les préoccupa- tions des deux États industrialisés de la région, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui multiplient les initiatives destinées à renforcer leurs liens politiques et écono- miques avec les pays d’Asie, les États-Unis et les micro-États insulaires, dont les dif- ficultés financières ne cessent de s’aggra- ver. Maintenant que la France a arrêté ses essais nucléaires de manière définitive, la crainte de voir le Pacifique sud retomber dans l’indifférence généralisée s’exprime ouvertement.

Australie

C’est une coalition entre le Parti libéral et le Parti national, tous deux conser- vateurs, qui remporte les élections lé- gislatives du 2 mars, précédées d’une campagne sans véritables débats, tant la marge de manoeuvre des candidats est étroite. Certes, le pays vient de connaître treize années de travaillisme, mais les deux prédécesseurs du nouveau Premier ministre, le chef du Parti libéral, John Howard (cinquante-six ans), avaient déjà largement amorcé la modernisation économique et l’ouverture sur l’Asie, ainsi que la reconnaissance des droits, fonciers en particulier, des Aborigènes. Désigné le 8 mars, le nouveau gouver- nement est composé de personnalités sans expérience ministérielle, à deux exceptions près. Alexander Downer, ancien chef du Parti libéral, devient ministre des Affaires étrangères et Peter Costello, vice-président du Parti libéral, ministre de l’Économie. Le budget pour l’année 1996-1997 est annoncé dès la mi-mars. Tablant sur une croissance de 3,25 % et une inflation de 3 %, il prévoit de réduire le déficit à 5,7 milliards de dollars américains, ce qui suppose des coupes sévères dans les dépenses pu- bliques sur les deux prochaines années.

Le nouveau ministre des Affaires étrangères assure que l’engagement de l’Australie envers l’Asie ne sera pas mo- difié, le Japon et la Corée du Sud étant considérés comme les pays avec les- quels il est urgent de renforcer les liens bilatéraux. Il n’est donc pas question de remettre en cause le traité de sécurité signé avec l’Indonésie le 18 décembre 1995 par le gouvernement travailliste, le premier traité bilatéral en matière de sécurité entre l’Australie et un de ses voisins asiatiques. Une réunion entre ministres des Affaires étrangères et de la Défense australiens et américains se tient à Sydney, en juillet, façon de réaf- firmer le partenariat entre les deux pays, en particulier dans le domaine de la Dé- fense. Les relations avec la France sont normalisées, l’arrêt des essais nucléaires français dans le Pacifique ayant sup- primé la principale pomme de discorde entre Paris et Canberra.

U Chrono. : 2/03.

Nouvelle-Zélande

La préparation des élections législatives du 12 octobre domine la vie politique nationale de l’année. Cette consultation électorale est la première à être organisée selon les principes de la réforme adoptée par référendum en 1993 et qui introduit, sur le modèle allemand, une représenta- tion proportionnelle mixte combinant downloadModeText.vue.download 263 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

262 scrutin nominal et scrutin de liste. Le grand nombre de partis en présence (plus de 20) et de candidats (plus de 700) rend la campagne très animée. Le résultat très serré des élections (44 sièges pour le Parti national, 37 pour le Parti travailliste) donne au petit parti de Winston Peters, le New Zealand First, un rôle déterminant dans la constitution de la coalition gou- vernementale. Jim Bolger est finalement reconduit dans ses fonctions de Premier ministre le 10 décembre, à la tête d’un gouvernement de coalition Parti national

– New Zealand First.

Le bilan économique du Parti natio- nal, au pouvoir depuis 1990, est contro- versé, non tant pour ses résultats (l’éco- nomie a été assainie par les coupes budgétaires et la dérégulation) qu’en rai- son de la brutalité des méthodes de l’an- cien Premier ministre et de son équipe. Certes, la croissance reste supérieure à 3 % et le chômage limité à 6 % environ de la population active, mais ces résul- tats se sont accompagnés d’un cortège de difficultés sociales : augmentation de la criminalité, restriction de l’accès à l’édu- cation supérieure et chômage supérieur à 25 % dans certaines zones rurales.

La situation internationale de la Nou- velle-Zélande ne connaît pas de grand changement. Les velléités de Wellington pour une meilleure insertion dans les relations internationales asiatiques ren- contrent cependant moins de succès que les initiatives de Canberra. Mais, pour les États asiatiques, la Nouvelle-Zélande pré- sente moins d’attraits, tant diplomatiques qu’économiques, que sa grande voisine.

U Chrono. : 12/10.

Mélanésie

Le gouvernement de la Papouasie-Nou- velle-Guinée lance en juillet une vaste offensive militaire contre l’armée révo- lutionnaire de Bougainville (BRA), sans que l’envoi de 1 500 militaires apporte une solution sur le terrain. L’assassinat, le 13 octobre, du Premier ministre de la province de Bougainville, Théodore Mi- riung, ne laisse pas prévoir d’apaisement dans ce conflit qui dure depuis sept ans.

Le 4 octobre, les îles Fidji signent un communiqué de reconnaissance mu- tuelle avec Taïwan, en espérant un déve- loppement des relations commerciales avec l’île nationaliste. Pékin, avec laquelle Suva entretient des relations diploma- tiques depuis 1975, ne réagit pas.

Vanuatu connaît une année très agitée sur le plan politique, avec trois gouverne- ments successifs. À la suite du vote d’une motion de censure, Serge Vohor retrouve, le 30 septembre, le poste de Premier mi- nistre qu’il avait perdu, de la même ma- nière, en février.

Polynésie

Le 12 août, Tonga est le dernier État à signer le traité de Rarotonga de dénu- cléarisation du Pacifique sud. Aux Samoa occidentales, les élections du 26 avril per- mettent au parti au pouvoir, le Human Rights Protection Party (parti de la Pro- tection des droits de l’homme), de gar- der la majorité au Parlement, mais avec 21 sièges seulement contre 32 auparavant.

Territoires français

L’Assemblée nationale française adopte le nouveau statut d’autonomie intérieure downloadModeText.vue.download 264 sur 602

MONDE

263 de la Polynésie française le 13 avril. Aux termes de ce nouveau texte, le prési- dent du territoire pourra, « au nom de l’État », négocier et contracter avec les organismes internationaux et les États du Pacifique. C’est ainsi que Gaston Flosse, président du gouvernement de la Polyné- sie française, se rend à Fidji, le 25 mars, pour signer, au nom de la France, le traité de Rarotonga de dénucléarisation du Pacifique sud. Le parti de M. Flosse, le Tahoreaa Huiraatira, obtient 22 sièges (sur 41), lors des élections à l’Assemblée territoriale du 12 mai. Le parti indépen- dantiste Tavini, dirigé par Oscar Temaru, dispose désormais de 10 sièges (contre 4 auparavant).

L’année est très agitée en Nouvelle- Calédonie, tant sur le plan politique que sur le plan social. Le 15 février, le Front de libération nationale kanake et socia- liste (FLNKS) déclare officiellement qu’il ne demande pas l’indépendance pour la Nouvelle-Calédonie. La réunion, à Paris, au mois d’avril, du Comité de suivi des accords de Matignon, rassemblant les représentants de l’État, du FLNKS et du RPCR (Rassemblement pour la Calé- donie dans la République), se tient en l’absence de représentants d’Une Nou- velle-Calédonie pour tous (UNCT), parti loyaliste fondé en 1995. La publication dans la presse du texte provisoire d’un accord-cadre sur l’avenir de la Calédo- nie suscite une vive réaction du FLNKS, qui suspend les négociations et déclare qu’il ne se satisfera pas d’une solution d’autonomie interne. L’équipe chargée des négociations est désavouée en mai par les militants de l’Union calédonienne, prin- cipale composante du FLNKS. En juin, une visite du ministre des DOM-TOM, Jean-Jacques de Peretti, en Nouvelle-Ca- lédonie, permet la reprise du dialogue, mais les tensions demeurent entre les parties intéressées au processus dit « des accords de Matignon ».

ISABELLE CORDONNIER downloadModeText.vue.download 265 sur 602 downloadModeText.vue.download 266 sur 602 FRANCE downloadModeText.vue.download 267 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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UNE ANNÉE POUR RIEN

L’année 1996 a-t-elle eu lieu ? On peut en douter. 1995 s’était achevée dans la contestation ferroviaire, 1996 se termine, ou presque, dans l’agitation routière : le chiraquisme a décidément du mal à rou- ler, surtout par temps froid. Il y a un an, la gauche se proposait de mettre au point un programme réaliste... mais volontaire ; douze mois plus tard, elle accouche d’un programme volontaire... qu’elle proclame réaliste. En décembre 1995, Alain Juppé était debout, « droit dans ses bottes », disait-on, mais déjà un peu K-O ; en dé- cembre 1996, il est de plus en plus K-O, mais toujours debout, comme pétrifié par la défaveur populaire, rendu tout à la fois inaltérable et inexpugnable par l’étendue de sa disgrâce citoyenne. En 1995, Jacques Chirac en appelle à l’OTAN pour mettre un terme à la guerre en Bosnie, en 1996, il en appelle aux États-Unis pour intervenir dans la région africaine des Grands Lacs. À douze mois de distance, le sommet de Dublin chausse les bottes du sommet de Madrid : les Européens n’en finissent pas de célébrer l’avènement du nouveau messie monétaire. Les commentaires se suivent et se ressemblent : « l’Euro est sur les rails », « les échéances seront tenues », « le processus est irréversible »... D’une année sur l’autre, le paysage change, mais la ritournelle demeure : l’Union moné- taire, c’est le Boléro de Ravel.

Statique

Et, pourtant, 1996 est un peu plus qu’un simple bégaiement. On y a annoncé de grandes réformes, celle de l’armée, en fé- vrier, emportant la fin de la conscription, celle de la justice, en décembre, symbo- lisée par la rupture du cordon ombilical entre le gouvernement et le parquet. On a surtout beaucoup attendu en 1996 : les résultats de la rigueur, l’embauche de chô- meurs par les chefs d’entreprise, un geste américain sur l’OTAN, les prémices d’un nouveau traité européen, un acheteur pour le Crédit foncier et un autre pour Thomson, la réforme de la SNCF et celle du mode de scrutin régional et législatif, la remontée des courbes de sondage, et, par-dessus tout, l’annonce d’un nouveau gouvernement. Dès le mois d’août, le pré- sident Chirac, pris d’une fièvre consulta- tive façon IVe République, reçoit tout ce qui compte dans les droites décomposées qui forment la majorité parlementaire. Aussitôt, le microcosme frémit : Juppé va-t-il partir ? Juppé va-t-il élargir ? Cinq mois passent, pétris d’inquiétude pour les uns et d’espérance pour les autres, et puis rien. La surprise, c’est qu’il n’y en a pas. Alain Juppé reste, son gouvernement aussi : on ne change pas une équipe qui gagne !

1996 a bien existé, la preuve, c’est que tout s’y est encore un peu plus déglingué : les chômeurs sont un peu plus nombreux, les hommes politiques, un peu plus mal considérés, les vaches folles, un peu plus menaçantes, l’Europe joue à « marche ou crève » mais crève un peu plus qu’elle ne marche, l’Afrique est de plus en plus mal partie, et le Premier ministre est toujours au plus bas dans les sondages. Et, quand les choses ne se déglinguent pas, elles tendent à devenir changeantes, instables, déconcertantes. Le président oscille au gré de ses interventions publiques entre son « ça » spontanéiste qui le porte à downloadModeText.vue.download 268 sur 602

FRANCE

267 l’amour du peuple et à la dénonciation de la fracture sociale, et son « surmoi » technocratique qui veille au grain : dans sa bouche, les Français sont tour à tour conservateurs et formidables ; la France, exportatrice et en panne ; la réforme, impossible et exaltante. La contradiction n’est pas le monopole du chef de l’État : la gauche n’en finit pas de tirer à bou- lets rouges sur son propre héritage. Elle avait signé Maastricht, elle s’en éloigne à pas comptés. Elle avait inventé le mar- ché unique, elle flétrit le piège des délo- calisations et communie dans le culte du « service public à la française ». Elle avait imposé les critères de convergence, elle en déplore les rigidités ; elle avait cautionné l’idée d’une banque centrale indépendante, elle en souligne l’illégiti- mité. Le quiproquo est général, chacun s’acharnant à jouer le rôle de l’autre : l’année commence à Aix-la-Chapelle par la reddition maastrichienne de Philippe Séguin, elle se termine dans l’Express par une apostasie giscardienne de sens contraire. Naguère encore chantre du consensus et de la modération, Édouard Balladur en appelle, le 14 décembre, à la hardiesse libérale et à l’affrontement droite-gauche. Il semble bien, décidé- ment, qu’en 1996 tout le monde ait un peu la tête à l’envers.

Pourquoi ? S’il y avait encore beau- coup de marxistes en ce bas monde, la réponse fuserait, décisive et sans appel : parce que la Ve République est désormais le coeur d’une série de contradictions internes devenues difficilement gérables dans le cadre du statu quo. Avec des mots différents, un libéral ne dirait pas autre chose en observant que la tension est devenue extrême entre l’offre et la demande politiques, entre ce que les gou- vernants proposent et ce que les gouver- nés attendent. Cette tension s’exprime sur trois espaces distincts : européen, social et institutionnel.

L’Europe est devenue, au cours des quinze dernières années, le principe et le terme de la politique française. Il n’est pas une seule orientation qui ne trouve son fondement et sa légitimité dans l’ambition de bâtir cet objet politique d’un type nou- veau. Dans le même temps, toutefois, que l’Europe s’affirme comme l’horizon indé- passable de notre avenir historique, elle devient l’objet d’un procès quotidien en suspicion légitime, le destinataire d’une exécration méticuleuse, multiforme et incessante, et cela non seulement de la part des citoyens mais encore du person- nel politique, de ceux-là mêmes qui font de l’édification de l’Union européenne la priorité des priorités. Les raisons de cet étrange déchirement de soi-même sont aisées à comprendre : d’un côté, la raison commande le dépassement européen ; de l’autre, le confort, les habitudes et, plus encore, la jalousie du pouvoir pré- viennent contre le changement.

1996 porte la contradiction à son comble : l’Europe monétaire, celle des technocrates et des marchés, s’avance d’un pas gaillard, portée par la force des paroles données, par les scénarios bien huilés et les calendriers incontournables ; l’Europe politique piétine, en revanche, retenue par la frilosité des diplomates qui monopolisent la Conférence intergou- vernementale, la démagogie des élus et le grand vertige citoyen devant ce vaste trou noir que personne n’ose éclairer. Le pré- sident de la République veut « faire l’Eu- rope sans défaire la France ». Commodité downloadModeText.vue.download 269 sur 602

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268 rhétorique pour dire une chose et son contraire : le gouvernement biaise avec l’Europe politique, diabolise à haute voix le fédéralisme mais nous le vend sous le manteau en pièces détachées et se perd avec ses 14 partenaires dans une négocia- tion volontairement obscure et contour- née dont le sens et la portée échappent. La maladie de la « vache folle », ce sinistre mistigri que 15 gouvernements et la Commission s’efforcent en permanence de refiler au voisin, illustre le caractère insaisissable d’un système renouvelé de Pascal, où la circonférence est partout et le centre, nulle part.

S’agissant des grands choix écono- miques, c’est-à-dire du partage entre les Français des fruits d’une maigre crois- sance, les choses ne sont ni plus claires ni plus encourageantes. Si le discours politique devait prétendre à la vérité, il se ramènerait à un syllogisme un peu tris- tounet : la France ne peut refuser la mon- dialisation sans menacer sa croissance, la France ne peut gagner la bataille de la mondialisation sans alléger ses coûts de production, la France se doit donc d’en- gager des réformes douloureuses visant à rendre le travail plus flexible et le poids de la protection sociale plus léger. Le débat devrait se réduire à une seule et fort épi- neuse question : qui doit payer ? Comme personne ne peut sans risque politique majeur répondre à cette dernière ques- tion, on a inventé, pour les commodités de la joute, une alternative d’un mani- chéisme autrement plus rassurant : la « poursuite de la rigueur » contre l’« autre politique ». En 1996, par un étrange para- doxe, l’une et l’autre marquent des points, simultanément : la première dans les gou- vernements puisque, un peu partout, y compris dans l’Italie qui vote à gauche et dans l’Espagne qui vote à droite, la « pen- sée unique » s’impose comme la référence incontournable ; la seconde dans l’opi- nion, où la triple contrainte de la stabilité monétaire, de la rigueur budgétaire et de la flexibilité sociale est ressentie avec une impatience croissante.

Modeste

Débat trop simple ! Ce qu’on appelle dédaigneusement la « pensée unique » est un produit de composition à base de quatre ingrédients : la stabilité monétaire à l’allemande, la flexibilité sociale à l’an- glaise, la concentration technocratique à la française et la mondialisation à l’euro- péenne. En 1996, nous brocardons la technocratie, nous anathémisons la mon- dialisation, nous sacralisons le statu quo social et nous sommes donc condamnés à nous amuser avec ce qui reste, le yo-yo monétaire : faut-il souffrir pour la mon- naie unique ? Le chômage est-il soluble dans la dévaluation ? Spectaculairement relancé par M. Giscard d’Estaing, dans une interview du 21 novembre, le débat sur la valeur du franc a pour effet de ré- duire à une question simple, d’apparence technique et objective, les interrogations lourdes, passionnelles et éminemment politiques que lance au visage d’une société vulnérable le défi de la mondia- lisation. Au-delà de ce débat artificiel- lement gonflé, ce qui apparaît, en 1996, c’est l’incapacité croissante des différentes catégories sociales à penser leur avenir en termes de cohésion nationale, c’est-à-dire de partage et de solidarité.

Entre une gauche qui identifie réduc- tion des inégalités et défense des droits downloadModeText.vue.download 270 sur 602

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269 acquis, et une majorité qui s’emploie au jour le jour à privatiser et à flexibiliser tout ce qui peut l’être sans descendre dans la rue, l’idée de dévaluation, cette pro- messe de facilité générale qui arrondit les angles sans modifier la géométrie sociale, constitue, comme naguère l’inflation, un dérivatif commode pour une nation devenue incapable de passer un nou- veau contrat social entre ses différentes composantes.

Enfin, il y a l’État, l’État superbe et malheureux de la Ve République empê- trée. Superbe, il l’est par le discours, les méthodes, le style. Le néogaullisme est fi- dèle à ses origines : on décide au sommet, on parle haut, on agit sans ménagement. Le 22 février, une intervention souve- raine du chef de l’État met fin au service national. À l’église Saint-Bernard, c’est à la hache que le ministre de l’Intérieur tranche le noeud gordien. Le 16 octobre, on annonce que l’Élysée a décidé du sort de Thomson. Les affaires bavent, le gou- vernement éponge : la police judiciaire refuse son concours à la magistrature, le Garde des Sceaux affrète un hélicop- tère, les parquets tremblent. C’est le coup de menton général. Las, rien ne marche plus comme avant : les Allemands s’in- disposent du caractère unilatéral de la réforme de nos armées, la commission compétente retoque les candidats du gouvernement dans l’affaire Thomson, les juges relâchent les immigrés de Saint- Bernard et poursuivent les hommes poli- tiques, voire leurs épouses. La France reste bien cette terre de commandement jadis décrite par Michel Crozier, mais c’est une terre de commandement où personne n’obéit plus. La république est comme gâchée.

Si l’État superbe indispose à ce point une société rétive, c’est sans doute parce que tout cet appareil de grandeur et de force est mis au service de pas grand- chose. C’est même la vertu secrète, ina- vouable, de ce pouvoir glorieux dans ses gestes que d’être borné dans ses desseins, limité dans ses ambitions, humble dans ses projets. Avec « courage », c’est le com- pliment mérité du chef de l’État au Pre- mier ministre, les pouvoirs publics pour- suivent une entreprise modeste : ajuster la société française à la nouvelle donne internationale et à la diminution de ses moyens. Le choix de l’Europe, la réduc- tion du format de nos forces armées, l’in- terdiction acceptée des essais nucléaires, la condamnation des interventions mili- taires unilatérales, la privatisation du secteur public et la remise en cause plus ou moins cauteleuse d’une gestion mono- poliste des services publics, tout va dans le même sens, celui d’une banalisation de la France et de son insertion dans un ensemble mondialisé. La tentative est risquée, qui enveloppe la modestie dans les oripeaux de la grandeur comme dans un nuage fumigène, car elle fait éclater la contradiction entre un système insti- tutionnel fait pour l’héroïsme et le culte de l’exception française, et une action gouvernementale douloureusement pro- saïque. Contradiction politiquement in- gérable, qui éveille la suspicion contre un pouvoir qui ne tient pas les promesses de ses postures et qui ranime les nostalgies identitaires et corporatistes de la France qui s’en va : le 13 octobre, à Gardanne, les partis de gouvernement passent tous à la trappe, laissant face à face le Front natio- nal et le Parti communiste. Quelques semaines plus tard, à Dreux, le RPR tire downloadModeText.vue.download 271 sur 602

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270 son épingle du jeu mais reste seul au se- cond tour face au Front national. Dans les deux cas, le « réflexe républicain » joue, les candidats lepénistes sont battus, et chacun se réjouit de voir l’extrême droite contenue sur la ligne des... 40 % ! On a les consolations qu’on peut. À terme, c’est-à- dire en 1998, dans l’hypothèse d’une nou- velle cohabitation, ce sont les institutions elles-mêmes, ce monarchisme républi- cain taillé par un héros de jadis pour une autre France, qui sont menacées.

Sous la cendre de l’ennui, 1996 est bien une année de braise, lourde des in- candescences de demain, une année de crise, en somme, mais subtilement dégui- sée en année morte.

JEAN-LOUIS BOURLANGES

Député européen downloadModeText.vue.download 272 sur 602

FRANCE

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CHRONIQUES

POLITIQUES

La mort de François Mitterrand Huit mois après avoir quitté l’Élysée et trois ans après avoir annoncé qu’il était atteint d’un cancer de la prostate – mala- die diagnostiquée depuis le début de son premier septennat, révélera son ancien médecin personnel, le docteur Gubler –, François Mitterrand s’éteint, le 8 janvier, dans l’appartement mis à sa disposition par la République, avenue Frédéric-Le- play, dans le VIIe arrondissement, à Paris. Il était âgé de soixante-dix-neuf ans.

À l’annonce de sa mort, une journée de deuil national est décrétée et tous les grands de ce monde se pressent à Notre- Dame pour un ultime requiem à l’homme d’État unanimement salué. Son succes- seur à l’Élysée, Jacques Chirac, dans une allocution télévisée, trouve une émotion inhabituelle et inattendue pour rendre hommage « à la richesse et à la complexi- té » de son vieil et redoutable adversaire. « De mon vivant, on dira du mal de moi », confiait l’ancien président, en ajoutant « l’histoire jugera ». Sa disparition fait taire ses détracteurs ou les transforme en thuriféraires. La France, de droite comme de gauche, est en état de choc. Lui qui eut tant d’ennemis se retrouve, dans la mort, sanctifié.

Après cinquante années de vie poli- tique, dont quatorze passées au sommet de l’État, François Mitterrand entre dans l’histoire sans pour autant avoir livré son mystère. Il reste une énigme. Certes, à la fin de sa vie, comme s’il souhaitait se mettre en accord avec sa conscience, comme s’il voulait être son propre bio- graphe, il distillera ses parts de vérité. Le livre de Pierre Péan – Une jeunesse française – dévoile ses hésitations de jeu- nesse, révèle l’ambiguïté de sa trop longue amitié avec René Bousquet, le secrétaire général de la police de Vichy. Par le biais de photos parues, avec son autorisation, dans Paris-Match, il officialisera ce qui se murmurait depuis longtemps dans le microcosme : sa double vie et l’existence de sa fille Mazarine. Mais ces mises au point, ces révélations, pourtant savam- ment orchestrées, ne font qu’épaissir le mystère autour de ce président qui aimait les arbres, les livres et les méditations so- litaires dans les cimetières. À la recherche d’une impossible compréhension de la mort. La mort qui le fascinait, l’obsédait et qui, il le savait, était son seul et unique adversaire. Le seul à pouvoir le vaincre. Esthète de la vie, des mots et de la politique – sa passion –, François Mit- terrand était un personnage de roman. L’homme de plusieurs générations, la sienne, celle d’avant-guerre, et celle de la fameuse « génération Mitterrand ». En quatorze ans de « règne », il aura imprégné toute une classe politique, de droite comme de gauche. Si son second septennat a été entaché par les affaires, il restera l’homme qui a su imposer aux Français l’alternance, pacifier, avec les cohabitations, la vie politique et rendre à la gauche sa crédibilité.

L’impopularité d’Alain Juppé

On pouvait croire qu’Édith Cresson, l’ancien et éphémère Premier ministre de François Mitterrand, détiendrait pour longtemps le triste record d’impopula- rité d’un chef de gouvernement sous la Ve République. Raté ! L’automne aura été downloadModeText.vue.download 273 sur 602

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272 fatal à Alain Juppé. En novembre, dans le tableau de bord BVA-Paris-Match, avec 22 % seulement de « bonnes opinions », il décroche ce tire peu enviable. À la même époque, dans l’enquête de la Sofres, avec 75 % d’opinions négatives, là encore il bat tous les records d’impopularité. En dix-huit mois de présence à Matignon, sa chute est vertigineuse. Et tous les ins- tituts de sondage l’enregistrent. Même aux heures les plus sombres des grandes grèves des mois de novembre et de dé- cembre 1995, Alain Juppé n’était pas des- cendu aussi bas.

Depuis l’été, semaine après semaine, l’incompréhension grandit entre le pou- voir et les Français, qui ont un juge- ment très sombre sur l’avenir. Le fossé se creuse, le divorce paraît inéluctable, et rien ne semble pouvoir inverser cette tendance. Ni les propos musclés du chef de l’État pour soutenir son Pre- mier ministre et la politique suivie, ni les efforts désespérés de ce dernier pour tenter d’expliquer son action, qui souffre d’un formidable déficit de communica- tion. Toute initiative de la part des deux hommes paraît se retourner contre eux. Pire, désormais, l’homme de Matignon entraîne dans sa dégringolade Jacques Chirac. Alors que, dans la pratique institutionnelle de la Ve République, le Premier ministre sert de bouclier au chef de l’État. Et, pour la première fois depuis le mois de mai 1995, ce discrédit de l’exécutif profite à l’opposition, au PS notamment, qui, en présentant ses pro- positions économiques et sociales axées prioritairement sur l’emploi des jeunes, a su intéresser l’opinion.

Alain Juppé, en réalité, semble focali- ser sur sa personne toutes les rancoeurs, toutes les frustrations de la dernière campagne présidentielle. Les Français le tiennent pour responsable des promesses non tenues du candidat Chirac. La réduc- tion de la fracture sociale ne leur apparaît plus que comme un lointain souvenir. La politique du franc fort soigneusement respectée, la lutte contre les déficits pu- blics pour répondre aux critères de Maas- tricht et le renvoi à plus tard – l’annonce des mesures fiscales a été très mal accep- tée – de la baisse d’impôts font qu’ils portent un jugement très sombre sur la situation économique et sociale du pays. Selon la Sofres, 80 % d’entre eux estiment que « les choses ont tendance à aller plus mal en France ».

Des médecins qui pestent contre la réforme de la Sécurité sociale aux salariés de Thomson qui râlent contre l’opacité qui a présidé au processus de privatisa- tion de leur groupe, de l’impressionnant mouvement des routiers qui a mis le pays en état de siège et paralysé une bonne partie des routes et de l’économie avec, semble-t-il, selon un sondage, la bénédic- tion des Français, aux personnels aériens qui s’insurgent contre la déréglemen- tation, tous, pour leur retraite, le main- tien de leur pouvoir d’achat, leur emploi, manifestent, expriment leur inquiétude face à l’avenir et le peu de confiance qu’ils font à l’exécutif pour leur apporter des réponses satisfaisantes.

Résultat de cette grogne, de ce divorce entre l’opinion et le pouvoir, jamais ce dernier n’a paru aussi fragilisé. Jamais les rumeurs d’un large remaniement ministériel passant par le remplacement d’Alain Juppé n’ont été si persistantes, en dépit de l’appui réitéré du chef de l’État à son Premier ministre, qu’en cette fin downloadModeText.vue.download 274 sur 602

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273 d’année. Et jamais la majorité n’est appa- rue aussi divisée.

La fronde dans la majorité

Quel opposant de choc dénonce la « dé- confiture » du pouvoir ? Quel dangereux gauchiste, une espèce que l’on croyait en voie de disparition, compare la situa- tion actuelle du pays à celle, prérévo- lutionnaire, de la France de 1788 ? Qui, enfin, sous-qualifie le Premier ministre de simple « bon directeur de cabinet de Jacques Chirac » ? N’allez pas chercher à gauche le nom de ce cogneur : il s’appelle Charles Pasqua. Il est sénateur RPR des Hauts-de-Seine, ancien chiraquien pur sucre, converti, le temps d’une campagne présidentielle, au balladurisme ! Des jugements assassins et savamment dis- tillés, en novembre, par l’ancien ministre de l’Intérieur dans les colonnes du quo- tidien le Monde. Au moment même où Alain Juppé et son gouvernement sont au plus bas dans les sondages. Quelques jours plus tard, c’est au tour de François Léotard de participer à ce qui ressemble de plus en plus à un hallali. Selon le prési- dent de l’UDF – le chef de l’État le lui au- rait confié –, les jours du Premier ministre à Matignon seraient comptés. Il propose alors au président d’activer l’un des « trois boutons » dont il dispose pour reprendre l’initiative : le référendum, la dissolution ou un changement de gouvernement.

Certes, depuis plusieurs semaines, de- vant le rejet de l’action gouvernementale dans l’opinion, les rumeurs d’un remanie- ment vont bon train. À l’Assemblée, dans la majorité, c’est le règne de la plus grande morosité, pour ne pas dire de la déprime. En octobre, lors de la discussion budgé- taire, l’UDF, menée par des balladuriens bon teint et s’estimant injustement mal- traitée par son partenaire RPR, a dé- clenché les hostilités contre la politique Juppé sur les impôts. Sans succès. Elle n’obtiendra aucune baisse. Peu de temps après, dans la perspective des prochaines échéances électorales, même les prési- dents très chiraquiens des groupes parle- mentaires RPR du Sénat et de l’Assemblée font part au chef de l’État de l’inquiétude de leurs troupes et lui demandent d’inter- venir. Là encore, sans résultat. Mais, cette fois, face à la violence de la charge du tan- dem Pasqua-Léotard, Jacques Chirac est contraint de se porter par deux fois au se- cours de son Premier ministre moribond. À Bordeaux, lors d’un sommet franco- britannique, et à Tokyo, lors d’un dépla- cement officiel – fait plus rare –, il salue son courage, lui réaffirme sa confiance et assure qu’il n’y a pas d’autre politique pos- sible. Pas d’autre politique ? Philippe Sé- guin, adversaire farouche du franc fort et des critères trop contraignants de Maas- tricht, qui ne manque pas une occasion de faire entendre sa musique, très diffé- rente de celle jouée par le gouvernement, va trouver dans sa croisade un allié aussi inattendu que prestigieux, Valéry Giscard d’Estaing. L’ancien président de la Répu- blique – européen convaincu, créateur du SME –, pour relancer l’économie, en finir avec la « grande lassitude » des Français à l’égard du débat politique, va briser un tabou : contre toute attente, il propose un décrochage du franc par rapport au deutsche Mark et au dollar ! Avec cette initiative, allant à l’inverse de l’action me- née par Alain Juppé, se retrouve réactivé le débat sur la pertinence de l’autre poli- tique et sur le bien-fondé de celle suivie par l’exécutif. downloadModeText.vue.download 275 sur 602

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Conscients des risques que ce joyeux désordre peut impliquer pour la majorité à moins de dix-huit mois des législatives, Jacques Chirac et ses ennemis d’hier, les balladuriens – Édouard Balladur en tête –, tenteront de calmer le jeu et propose- ront, dans l’intérêt du RPR et de l’UDF, une paix des braves. Sur la base d’une grande réconciliation.

Le PS retrouve des idées

Au nom d’un réalisme, lucide mais un tantinet exaspérant, Lionel Jospin, à force de répéter depuis sa campagne présidentielle qu’il ne fallait pas pro- mettre ce que la gauche, une fois reve- nue au pouvoir, ne pourrait pas réali- ser, commençait à désespérer ses plus fidèles soutiens. Avec lui, sa prudence et son souci, sans doute légitime après quatorze années de mitterrandisme, de conserver une culture de gouvernement, un européanisme bon teint à l’égard de toutes les contraintes de Maastricht et un profil bas à l’égard du pouvoir en place, les socialistes commençaient à s’interroger sur la capacité de leur pre- mier secrétaire à leur fournir l’ébauche de l’esquisse d’une idée.

La troisième et ultime convention de leur parti sur la politique économique et sociale allait les rassurer. Enfin, ils avaient du grain à moudre. Enfin, le PS retrou- vait le chemin des idées. Et des idées de gauche ! Face au libéralisme ambiant, à la tentation de la pensée unique et à la morosité de l’opinion, Lionel Jospin, à sa façon, leur offrait un « remake 1996 » du « Changer la vie » de François Mit- terrand de 1981. Pour privilégier l’emploi des jeunes, notamment, et relancer l’éco- nomie, le rôle de l’État est clairement réaffirmé. Et si Lionel Jospin se refuse à toucher à la monnaie, le Parti socialiste – qui, non sans débat en son sein, fut le parti de Maastricht jusqu’à présent – pose des conditions strictes sur la réalisation de la monnaie unique (création d’un gouvernement économique européen, refus d’un pacte budgétaire contraignant, nécessité d’agir sur la parité entre l’euro et le dollar).

Le PS prévoit de relancer l’écono- mie par des hausses de salaire et par des dépenses publiques. Il veut lutter contre le chômage par la réduction de la durée hebdomadaire du tra- vail à 35 heures et par la création de 700 000 emplois pour moitié publics et pour moitié privés. Une réforme fiscale (baisse sélective de la TVA et hausse de l’impôt sur les plus hauts revenus) est également annoncée.

Si la droite et plusieurs experts dé- noncent dans ces propositions un retour à un dirigisme dépassé, à en croire un sondage, 61 % des Français croient ces solutions efficaces pour combattre le chômage.

Front républicain et

Front national Face à la précarité de l’emploi et à l’incapa- cité, semble-t-il, des gouvernements suc- cessifs de répondre au problème du chô- mage, face aussi aux contraintes du traité de Maastricht qui font de l’Europe un bouc émissaire idéal, une partie de l’élec- torat, les sondages le montrent, est tentée par le vote protestataire. Le parti de Jean- Marie Le Pen engrange. N’empêche : par deux fois, lors d’une élection législative, à Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, pour remplacer Bernard Tapie, et lors downloadModeText.vue.download 276 sur 602

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275 d’une élection municipale, à Dreux, ville symbolique, dans l’Eure-et-Loir, le Front national a été tenu en échec par un front républicain qui ne voulait pas dire son nom mais qui a prouvé son efficacité.

Il est fini le temps où, par crainte de « diaboliser » Jean-Marie Le Pen, cer- tains pouvaient affirmer, comme Lau- rent Fabius, qu’il apportait de mauvaises réponses à de bonnes questions, ou, comme Charles Pasqua, qu’il défendait des valeurs proches de celles d’une par- tie de la droite. Aujourd’hui, tous sont convaincus que la nécessaire bataille po- litique ne tolère aucune concession aux idées du Front national, dont le leader, cinquante ans après l’Holocauste, ose af- firmer publiquement que les « races sont inégales ». Alain Juppé, tout aussi publi- quement, lui rétorque qu’il est « raciste, antisémite et xénophobe ».

À Gardanne, c’est la droite qui s’est ef- facée, au second tour, devant le candidat communiste, Roger Meï. À Dreux, c’est la gauche qui a laissé le champ libre, au second tour toujours, au maire sortant, le RPR Gérard Hamel. Dans les deux cas, les candidats du Front national ont frôlé la barre des 40 %. Un score impressionnant quand on sait qu’ils jouaient seuls contre tous les autres partis. Mais, à Gardanne comme à Dreux, en dépit des réticences, les électeurs de droite et de gauche se sont bien reportés pour faire triompher soit le communiste, soit le RPR.

Sans doute, il ne s’agit là que de par- tielles. Elles ne sont peut-être pas re- présentatives. Mais elles restent quand même significatives : en 1998, lors des prochaines législatives, le Front national peut imposer bon nombre de triangu- laires. Et jouer les arbitres.

La dérive corse

Des centaines d’autonomistes cagoulés, en treillis et armés jusqu’aux dents tenant conférence de presse dans le maquis, à la veille de l’arrivée sur l’île du ministre de l’Intérieur, Jean-Louis Debré. L’hôtel de ville de Bordeaux, ville dont le maire est Alain Juppé, le Premier ministre, cible d’un attentat à l’explosif. Pas une nuit, ou presque, où mairies, perceptions, palais de justice, bref tout ce qui représente, peu ou prou, l’autorité de l’État, ne soient visés par les nationalistes. Le Premier ministre pour sortir l’île du marasme et favoriser un renouveau économique lui confère le statut très avantageux de zone franche : rien n’y fait. Les attentats se multiplient. Les extrémistes semblent s’enfoncer dans la violence. S’égarer dans une dérive où se mélangent revendications légitimes et risques d’infiltrations de type mafieux.

La Corse, c’est connu, n’est un « ca- deau » pour aucun gouvernement. De- puis les événements d’Aléria, en 1975, les différents pouvoirs en place auront tout essayé. Du tout répressif à la recherche d’un dialogue avec les nationalistes, aucune de ces postures n’aura donné de réels résultats. Dans le meilleur des cas, elles auront permis d’arracher quelques mois de trêve et, dans le pire, une exas- pération de la violence. À tel point que l’idée d’un référendum sur la Corse a même été envisagée à l’hôtel Matignon.

Si, au début de son installation à l’Ély- sée, Jacques Chirac a eu la tentation de jouer la carte de la répression alors que son prédécesseur avait tenté de nouer le dialogue pour convaincre les natio- nalistes de renoncer à la violence, Alain Juppé ajoutera à la nécessaire fermeté du chef de l’État l’obligation de l’action éco- downloadModeText.vue.download 277 sur 602

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276 nomique pour développer l’île. Il prendra ainsi à contrepied son ministre de l’Inté- rieur, favorable au dialogue. On le com- prend, pour régler ce « dossier », il n’y a pas de solution clés en main.

D’où le sentiment dans l’opinion que l’État, en dépit de ses efforts, est parti- culièrement absent. Aux bombes, nuits bleues à répétition ne semble répondre en écho que le silence assourdissant du pou- voir. Ou des rodomontades jamais sui- vies d’effets. Comme si la Corse – parce que c’est la Corse – avait la faculté de ne pas respecter les lois de la République, de bafouer la justice, de ridiculiser la police. Mais de toujours demander plus de sub- ventions, d’assistanat et d’exceptions.

L’affaire Tiberi

Pour la première fois dans les annales de la police française, un directeur de la police judiciaire parisienne, Olivier Foll, privé de son habilitation pour une durée de six mois par une décision de la chambre d’accusation. Un ministre de l’Intérieur – fait tout aussi rare – criti- quant cette décision de justice. Un héli- coptère que l’on affrète au Tibet pour survoler l’Himalaya afin de repérer le procureur de l’Essonne, Laurent Dave- nas, en train de faire du trekking ! Mais qui provoque un tel remue-ménage, un tel déploiement de moyens ? Réponse : la famille de Jean Tiberi, le maire RPR de Paris.

À l’origine, l’instruction menée par le juge Éric Halphen sur les marchés pas- sés par les HLM de la Ville de Paris. En auditionnant François Ciolina, ex-di- recteur général adjoint de l’OPAC, mis en examen pour trafic d’influence, il est averti que Jean Tiberi a mis à la disposi- tion de son fils un appartement de la Ville de Paris dans lequel il a fait effectuer, sur le budget de l’OPAC, pour 1,5 million de travaux. C’est au cours de la perquisi- tion, le 27 juin, au domicile du maire de Paris que l’affaire va prendre toute son ampleur. Ce jour-là, fait sans précédent, le directeur de la PJ Olivier Foll refusera de lui adjoindre des fonctionnaires de police. En dépit du soutien de Jean-Louis Debré, le policier sera sanctionné. Et Pierre Truche, le président de la Cour de cassation, le premier magistrat de France, fustigera le ministre de l’Intérieur.

Mais l’affaire va tourner au fait divers rocambolesque. Au cours de sa perqui- sition, le juge Halphen va notamment découvrir que la femme de Jean Tiberi, Xavière, a perçu en 1994 une rémunéra- tion de 200 000 F du conseil général de l’Essonne pour une mission sur « les pro- cessus à développer dans les domaines éco- nomique, industriel et commercial entre les différents membres de la communauté francophone mondiale » ! Une étude de 20 pages au contour très imprécis et pour laquelle Xavière Tiberi sera mise en exa- men, en dépit des efforts déployés pour retrouver au Tibet le procureur de l’Es- sonne qui aurait pu empêcher, du moins retarder, pareille humiliation.

Jean Tiberi, le successeur de Jacques Chirac à la mairie de Paris, paraît ainsi fragilisé. Et, déjà, son éventuel rempla- cement est évoqué. De Bernard Pons à Jacques Toubon en passant – pourquoi pas ? – par Édouard Balladur, les postu- lants sont légion.

BERNARD MAZIÈRES

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FRANCE

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POLITIQUE EXTÉRIEURE

Distanciation fréquente à l’égard des positions américaines, affirmation d’une politique arabe autonome, pour- suite et élargissement de l’Union euro- péenne, regain de présence en Asie-Paci- fique, en cette première année pleine de la présidence Chirac, la politique exté- rieure acquiert des contours plus fermes. Dans les limites assignées à une puis- sance moyenne, la France renoue avec une certaine tradition gaullienne tout en se voulant exemplaire dans la construc- tion européenne.

Les relations franco-américaines

Officiellement excellentes comme en témoigne le chaleureux accueil réservé à Jacques Chirac lors de son voyage of- ficiel à Washington en février, les rela- tions franco-américaines se détériorent quelque peu tout au long de l’année, qu’il s’agisse des relations bilatérales ou du cadre plus général de l’Alliance atlantique. C’est ainsi que la France désapprouve, en mars, l’adoption de la loi Helms-Bur- ton, visant à renforcer l’embargo améri- cain contre Cuba, et pénalisant éventuel- lement les contrevenants étrangers. La menace de rétorsion agitée par l’Union européenne oblige le président Clinton à geler pour six mois cette loi controversée. Paris confirme par ailleurs son soutien à la réélection de Boutros Boutros-Ghali à la tête de l’ONU, alors même que les États-Unis opposent un quasi-veto à sa reconduction. Le ministre Hervé de Cha- rette rend en septembre un hommage appuyé au secrétaire général, poste que les États-Unis souhaitent plus adminis- tratif que politique et, de fait, docile aux injonctions de la diplomatie américaine.

D’autres épisodes fournissent à la France l’occasion de faire valoir sa diffé- rence. Ainsi, lors du sommet antiterro- riste de Charm el-Cheikh (mars) et lors de la réunion du G7 à Paris et à Lyon (27- 30 juillet), elle se départit des solutions exclusivement répressives avancées par les États-Unis. Elle agit de même, début septembre, lors de la riposte américaine contre l’Irak.

Le rapprochement amorcé précédem- ment avec l’OTAN se poursuit. En janvier, lors de la réunion du Conseil atlantique à Bruxelles, la France accepte de débattre désormais des questions nucléaires. En juin, elle annonce sa participation aux travaux de planification de l’OTAN. Mais elle menace de ne pas aller plus avant si les États-Unis ne donnent pas davantage de substance à « l’identité européenne de défense », définie en juin lors d’un second sommet de l’Alliance atlantique. À l’in- verse, les positions franco-américaines demeurent proches en ce qui concerne l’élargissement de l’OTAN aux pays de l’Est, avec l’intégration de la Pologne notamment, dont J. Chirac se montre un chaud partisan à Varsovie (septembre).

L’Europe

Le retour de la paix dans l’ex-Yougoslavie, et notamment en Bosnie-Herzégovine, confère aux États-Unis un rôle essentiel dans la poursuite de l’application des accords de Dayton signés en 1995. La France, qui n’entend pas demeurer pas- sive dans la région, est le premier pays de l’Union européenne à renouer des relations diplomatiques, en février, avec downloadModeText.vue.download 279 sur 602

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Belgrade.

Hormis quelques refroidissements passagers avec la Grande-Bretagne, liés aux retombées de l’affaire de la « vache folle », ou avec l’Italie, au sujet de la « dévaluation compétitive » de la lire (qui rejoint finalement le SME en novembre), les relations de la France avec ses parte- naires européens demeurent excellentes. Le tandem franco-allemand (sommet de Dijon, début juin) se veut exemplaire dans la poursuite de l’Union européenne. L’objectif de la monnaie unique, fixé pour 1999, est devenu plus tangible avec le ralliement de divers pays aux critères de convergence définis par le traité de Maas- tricht. Plus ardue, la réforme institution- nelle et politique de l’Union est abordée au sommet des Quinze réuni à Dublin, un second sommet se tenant dans cette même ville en décembre. Il s’agit d’un dossier complexe visant à adapter les institutions aux perspectives d’élargis- sement aux pays de l’Est, et de jeter les bases d’une politique étrangère et de défense commune, la négociation devant s’achever, si possible, en juin 1997. Pour autant, la volonté de Paris de voir l’Union prendre sa place aux côtés des États-Unis dans la négociation israélo-palestinienne se heurte à diverses réticences. Or, la règle de l’unanimité ayant encore prévalu sur celle de la majorité qualifiée, la France devra s’aligner sur les options diplo- matiques de ses partenaires : toute voix discordante, pour les choix essentiels de politique extérieure, serait en effet source de crise et de blocage.

Israël et le Moyen-Orient

Dans le chaotique dialogue ouvert par les accords d’Oslo entre Israéliens et

Palestiniens, la voix de la France est faible, la clé extérieure du problème résidant plus que jamais aux États-Unis. Sa discrète réprobation de l’ampleur des représailles déclenchées contre le Hez- bollah par l’opération « Raisins de la colère » et le massacre de Cana (18 avril) qui en est résulté lui permettent d’être associée au contrôle de la paix au Sud- Liban. Attachée au droit à l’autodéter- mination du peuple palestinien, ainsi qu’à l’échange de la paix contre les ter- ritoires occupés, la France considère avec inquiétude les retards accumulés par le nouveau gouvernement israélien sorti des urnes en mai. Cet attachement au processus de paix aboutit à un sou- tien implicite à Yasser Arafat lors de son passage à Paris en octobre, soutien qui doit cependant s’inscrire dans le cadre de relations équilibrées. Mais le prési- dent français montre que ses prises de positions peuvent aussi s’exprimer avec virulence. Sa visite d’octobre en Israël est ainsi particulièrement remarquée. Défendant la continuation du processus de paix et le maintien des engagements pris par Israël vis-à-vis de l’Autorité pa- lestinienne, il se rend à Jérusalem-Est, où, excédé par l’omniprésence du service d’ordre israélien, il s’en prend vivement aux soldats qui sont censés protéger sa personne. Cette critique à peine voilée de l’occupation de la ville arabe par Israël ayant pris une telle tournure, Benyamin Netanyahou est contraint de présenter des excuses à J. Chirac, qui a, grâce à cet incident, suscité un mouvement de sym- pathie parmi les Palestiniens.

Ailleurs, la politique arabe de la France se veut dynamique et inventive, comme en témoignent les divers voyages downloadModeText.vue.download 280 sur 602

FRANCE

279 présidentiels dans les États du Moyen- Orient (Liban et Égypte en avril, Arabie saoudite en juillet, Syrie en octobre) et la réception à Paris de nombreux digni- taires arabes.

L’Irak demeure le terrain privilégié d’une spécificité que la France a l’occa- sion d’affirmer début septembre, lors de la riposte américaine à l’interven- tion militaire irakienne contre les forces de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK). Faute d’avoir été consultée, la France, s’estimant en droit de reprendre son autonomie, refuse de s’associer à la décision de Bill Clinton d’étendre au sud de Bagdad, jusqu’au 32e parallèle, la surveillance internationale du ciel ira- kien. La France, qui a joué un rôle non négligeable dans l’acceptation par Bag- dad de la résolution 986 de l’ONU, dite « pétrole contre nourriture », souhaite que l’Irak puisse réintégrer progressi- vement la communauté internationale. Elle espère aussi tirer des avantages éco- nomiques de cette sollicitude. Sans aller jusqu’au rétablissement des relations di- plomatiques, rompues depuis la crise du Golfe de juin 1990, Paris dépêche à Bag- dad un conseiller commercial chargé de déblayer le terrain. Des responsables des compagnies pétrolières sont sur place, qui, dès la levée de l’embargo, signeront les contrats d’exploitation de deux gise- ments du Sud irakien.

Ailleurs, cette politique arabe peut porter ses fruits. Paris ne peut nourrir que de faibles espoirs avec l’Arabie Saou- dite, intéressée à la seule carte améri- caine, mais peut miser sur des pays plus indépendants de Washington : la Jorda- nie, l’Égypte et éventuellement la Syrie.

L’Afrique

Dans le cadre d’une politique tradition- nelle de présence active, la politique afri- caine de la France n’a pas connu d’inno- vations majeures en 1996. Au Maghreb, les relations bilatérales sont bonnes avec le Maroc, quelque peu altérées avec la Tunisie. On ne cache pas à Paris une cer- taine déception au regard des méthodes et des lenteurs de l’administration tuni- sienne, ce qui explique sans doute le re- port à janvier 1997 de la visite en France du président Zine el-Abidine Ben Ali. En Algérie, la France demeure à la remorque d’événements incontrôlables, tels l’assas- sinat de sept moines trappistes puis celui de l’évêque d’Oran. Faute de garantie politique précise, l’aide de la France est revue à la baisse.

En Afrique noire francophone, où le cap difficile de la dévaluation du franc CFA semble avoir été franchi, Paris s’ir- rite quelque peu des récentes sollicitudes américaines, qualifiées d’électoralistes. En juillet, les visites officielles de J. Chirac au Gabon et au Congo donnent lieu à des démonstrations chaleureuses. La France reste fidèle à sa conception du pré carré africain, sans se montrer trop regardante quant à la qualité de ses partenaires. Fin janvier, la France entérine le coup d’État du Niger, qui a porté le colonel Barré Maïnassara au pouvoir, après avoir un temps suspendu sa coopération. En mai, les militaires français dénouent plus ou moins la crise qui oppose une fraction de l’armée centrafricaine au président Patassé. De même, la coopération avec le Zaïre, suspendue depuis cinq ans en raison des violations répétées des droits de l’homme, est rétablie. À l’automne, le rôle de la France dans la région est à nou- downloadModeText.vue.download 281 sur 602

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280 veau mis en cause quand les troubles se multiplient à la frontière entre le Zaïre et le Rwanda, dans le Kivu. Tutsis du Zaïre et forces armées rwandaises mettent en déroute les forces de Kinshasa, ce qui provoque un gigantesque mouvement de reflux à partir des immenses camps de réfugiés hutus rwandais installés dans la zone. La France propose alors une action internationale humanitaire pour venir en aide à ces centaines de milliers de réfugiés. Elle est aussitôt récusée par les autorités de Kigali, qui n’ont pas par- donné à Paris son rôle joué en 1994, et l’opération, mise en doute dès l’origine par Washington, est repoussée de jour en jour. Le brusque retour d’une partie des réfugiés au Rwanda met un point final au projet. La France, associée aussi bien aux génocidaires hutus qu’au régime honni de M. Mobutu, perd de son influence dans la région au profit des États-Unis, qui ont su gagner la confiance des autorités rwan- daises comme ougandaises.

La visite officielle de Nelson Mandela à Paris, en juillet, ouvre des perspectives économiques raisonnables compte tenu des incertitudes politiques qui pèsent encore sur l’Afrique du Sud.

L’Asie

En ce qui concerne l’Asie, le fait le plus notable ne réside sans doute pas dans la visite du Premier ministre Li Peng en France (avril), malgré la signature d’importants contrats, mais bien dans la réadmission de la France, en septembre, au forum du Pacifique Sud. Après le si- xième et dernier tir nucléaire sur l’atoll de Fangataufa le 27 janvier, le chef de l’État annonce immédiatement l’arrêt définitif des essais et la mise en place d’initiatives françaises en faveur du désarmement. La France, les États-Unis et la Grande-Bre- tagne signent le 25 mars à Suva, capitale des Fidji, le traité de Rarotonga, sur la dénucléarisation du Pacifique Sud, suivi, en septembre, par le traité d’interdiction totale des essais nucléaires (CTBT, pour Comprehensive Test Ban Treaty), ouvert à la signature de tous les États dans le cadre de l’ONU, et auquel l’Inde oppose par ail- leurs son veto.

Une page est donc tournée, qui per- met à la France de reprendre sa place dans le Pacifique Sud. Encore devra-t- elle prendre ses distances avec les initia- tives brouillonnes de Gaston Flosse, pré- sident du gouvernement de la Polynésie française, pour renouer des relations de confiance avec l’Australie, la Nouvelle- Zélande et l’ensemble des micro-États de la région, au moment où le désengage- ment financier américain et britannique lui ouvre de brillantes perspectives de coopération.

BERNARD DROZ downloadModeText.vue.download 282 sur 602

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L’ANNÉE SOCIALE

Une France morose se réveille, après les grèves de novembre-décembre 1995, sans que le sommet social de dé- cembre, ni celui de mars 1996 n’ouvrent de vraies perspectives. Les ordonnances sur la Sécurité sociale ne permettent pas de mettre en route une véritable réforme, freinée par les conservatismes de tous bords. Le chômage repart nettement à la hausse et les controverses sur la réduc- tion de la durée du travail fleurissent de plus belle.

Les suites de décembre 1995

Les grévistes de la fin de 1995 avaient ser- vi de porte-parole à un mécontentement sourd, qui se dessinait depuis plusieurs années. « Les Français ont la gueule de bois », titrait crûment un journal, après les grèves. De plus en plus incertains de leur avenir professionnel et de celui de leurs enfants, de leur protection sociale et de leur retraite, ils s’inquiètent d’autant plus que les perspectives économiques ne s’améliorent pas et que le chômage repart en hausse. L’année débute sur le souvenir des faibles résultats du sommet social du 21 décembre 1995, qui est suivi d’un autre le 15 mars. Aucune de ces deux réunions des principaux organismes représenta- tifs des salariés et du patronat ne permet d’avancées décisives, ce qui disqualifie dans l’esprit des employeurs et des syn- dicats ce type de grande rencontre sans thème précis.

Les problèmes essentiels sont les mêmes depuis de nombreuses années : montée du chômage, flexibilisation de l’emploi, menaces sur la Sécurité sociale et les retraites. Le recul du dialogue social, la montée des mécontentements s’accentuent et les réponses apportées par le gouvernement d’Alain Juppé dé- çoivent de nombreux observateurs. La réforme de la Sécurité sociale, réalisée sans vraie négociation, semble limitée, les économies sur l’ensemble des bud- gets, trop draconiennes, et la réforme fiscale, de faible envergure. Mais, alors que les pouvoirs publics réfléchissent sur une impossible « troisième voie », préconisée par le président de la Répu- blique Jacques Chirac, ni le CNPF, ni les syndicats, ni l’opposition politique n’ont de propositions plus consistantes à présenter. Un débat s’engage au prin- temps sur l’alternative entre relance par la consommation et programme d’austé- rité. Bien que la consommation reparte effectivement à la hausse, les mesures de dégrèvement fiscal prises pour inciter les particuliers à investir leur épargne, y compris dans des biens de consom- mation, paraissent en décalage avec leur inquiétude sur l’avenir. Dans le domaine fiscal, le gouvernement prend des mesures impopulaires et contradic- toires : l’année commence par la création d’une nouvelle taxe applicable à tous les revenus, le remboursement de la dette sociale (RDS), destiné à combler le défi- cit de la Sécurité sociale ; en septembre, la réforme des tranches d’imposition di- recte avantage plutôt les hauts revenus. Enfin, les mesures ponctuelles d’incita- tion à l’emploi des jeunes se multiplient, alors que la rigueur budgétaire continue de peser sur l’emploi, en se traduisant, dans le secteur public, par l’annonce de fortes réductions d’effectifs. downloadModeText.vue.download 283 sur 602

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Le chômage : une négociation collective en panne

Après une décrue relative, l’augmenta- tion du nombre de chômeurs reprend dès le début de l’année et s’accentue à l’automne, repassant rapidement au- dessus de la barre des 3 millions, alors que l’économie française continue à dégager des excédents. Ce niveau élevé n’est pas une surprise pour les experts, qui en connaissent les causes depuis des années : croissance économique insuf- fisante et accélération de l’introduction de technologies fortement réductrices d’emploi. Les coûteuses mesures pu- bliques d’aide à l’emploi n’ayant jusque- là donné que de très faibles résultats, le chômage touche, au cours de l’été, plus de 12,5 % de la population active. Ce triste record historique constitue l’un des taux les plus élevés des pays industrialisés. Le nombre des licenciements collectifs, déjà réalisés ou annoncés, et la réduc- tion des emplois publics ne laissent pas présager d’amélioration prochaine. L’an- nonce cette année de nombreux plans sociaux dans les entreprises publiques (Aerospatiale, France Télécom) ou pri- vées (Pechiney, Peugeot, Moulinex), et plus encore dans les secteurs de l’arme- ment et de la défense, font craindre le dépérissement de villes entières. L’Alle- magne connaît d’ailleurs des difficultés similaires, le chômage y augmentant fortement pour une population deve- nue, il est vrai, plus nombreuse depuis la réunification. Si, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, le taux de chômage est beaucoup plus faible, le travail à temps partiel, les bas salaires et, d’une façon générale, les inégalités sociales y sont plus fortes et la protection sociale plus réduite. La situation française est assez différente de celle de ces deux pays : la mobilité de l’emploi y est traditionnel- lement faible, les salaires moyens y sont devenus plus élevés qu’aux États-Unis, alors que le chômage y est deux fois plus important. Cependant, l’accroissement des inégalités sociales, longtemps propre aux deux économies anglo-saxonnes, devient une réalité également française : l’écart se creuse entre les titulaires d’un emploi fixe et ceux qui oscillent entre emploi précaire et chômage, entre les plus hauts revenus et les désormais nombreuses rémunérations inférieures au SMIC (stages, temps partiels, etc.). Alors que les élites du pays sentent gronder un mécontentement diffus, les difficultés de la négociation collective s’aggravent. Le CNPF s’interroge sur la pertinence de négociations amorcées en 1995 quand les stratégies revendicatives des syndicats ne lui semblent pas claires.

La CFDT se fait le principal défen- seur d’une diminution substantielle et progressive de la durée du travail, jusqu’à 32 heures hebdomadaires, mais le CNPF refuse toujours tout accord général sur ce thème. Dans l’ensemble, les accords signés dans les entreprises portent plus souvent sur des aménagements qui ré- duisent peu la durée annuelle du travail, mais la répartissent autrement, ce qui n’entraîne que de rares embauches. L’his- toire sociale de la France est d’ailleurs relativement constante sur la question : qu’il s’agisse des 40 heures obtenues sur le papier en 1936 ou des 39 heures en 1982, les réductions globales du temps de travail ont généralement été impo- sées par le gouvernement et n’ont eu que peu d’incidences positives sur l’emploi. downloadModeText.vue.download 284 sur 602

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Depuis des années, tous les groupes sociaux s’accordent sur l’avancement de l’âge de la retraite pour lutter contre le chômage. Or, le poids de ces nombreuses mesures va peser fortement, à l’avenir, sur l’ensemble de la protection sociale de la France, qui reste, d’assez loin, celui des pays industrialisés où les salariés partent en retraite le plus tôt, alors que la durée de vie ne cesse de s’y allonger et l’âge d’entrée sur le marché du travail de reculer. Le Danemark et l’Allemagne, où les systèmes de protection sociale sont les plus avancés, ont même récemment relevé l’âge du départ en retraite. Ce pro- blème n’est pas nouveau. Cependant, il est frappant de comparer le nombre de ces accords sur l’avancement de l’âge de la retraite, hypothéquant pourtant gra- vement l’avenir, avec cette quasi-impos- sibilité pour les partenaires sociaux de s’entendre sur la réduction de la durée du travail et sur de nouvelles formes de répartition de l’emploi disponible. Alors que la vie de travail se réduit à ses deux extrémités, nul ne parvient à imposer une répartition plus équitable du travail tout au long de la vie, selon des phases équi- librées d’éducation initiale, d’emploi, de formation permanente et de non-travail.

On note cependant, au premier tri- mestre 1996, un renouveau des négocia- tions salariales qui s’inscrivent dans le débat public. Elles opposent les partisans de la relance économique par la consom- mation à ceux de la lutte contre les défi- cits par l’austérité. Pour ses propres fonc- tionnaires, l’État a résolu le problème par un blocage de fait des traitements, censé être suffisamment compensé par la sécu- rité de l’emploi. Le CNPF donne, pour sa part, la consigne de freiner toute augmen- tation des salaires, redoutant l’impact de celle-ci sur les prix et sur la concurrence dans les entreprises. La crainte de grèves aboutit pourtant assez souvent à des aug- mentations plus que proportionnelles à l’évolution du coût de la vie. Cela ne suffit pas cependant à faire décoller la consom- mation. La difficile conciliation entre la relance économique et la rigueur budgé- taire et salariale rend d’autant plus préoc- cupantes les difficultés économiques et les craintes d’aggravation de la situation de l’emploi.

Sécurité sociale : réforme et luttes de pouvoir

Le système français de protection so- ciale est, avec celui des pays du nord de l’Europe, connu pour être l’un des plus avancés du monde. Personne ne conteste cependant qu’il doit être réformé pour pallier les déficits croissants qu’il en- gendre, ainsi que le déséquilibre de plus en plus prononcé entre les actifs cotisants et les autres. Mais comment toucher à un système, qui est aussi un puissant amor- tisseur social, sans provoquer des dé- sordres majeurs ? Les grèves de décembre 1995 ont montré que le danger existait, mais aussi que l’incapacité à traiter de ce problème sur le plan politique était quasi générale. Le niveau des dépenses de santé ne baissant pas, le taux de rembourse- ment des médicaments et de l’hospita- lisation continuant à diminuer, le trai- tement du dossier santé étant fortement critiqué par le corps médical, la réforme d’Alain Juppé est attaquée de tous côtés, dans la majorité politique comme dans l’opposition, par le CNPF et dans les syn- dicats. Chez ces derniers, l’heure n’est d’ailleurs pas à la convergence des points downloadModeText.vue.download 285 sur 602

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284 de vue. La présidence de la caisse centrale d’assurance-maladie, détenue depuis deux décennies par Force ouvrière (FO), est conquise cette année par la CFDT. Ce scrutin venant aiguiser encore les opposi- tions entre syndicats.

Les problèmes du système de pro- tection sociale sont de plusieurs ordres : niveau des déficits cumulés, mode de fi- nancement, amenuisement progressif du nombre des cotisants. Les trois problèmes se tiennent et une véritable amélioration des résultats financiers ne pourrait donc provenir que d’une transformation du système tout entier. Le déficit, celui du ré- gime général surtout, continue de se creu- ser et pourrait encore atteindre 40 mil- liards en 1996 (au lieu des 17 annoncés) alors que, chômage aidant, le nombre des cotisants tend à se réduire. Le problème du financement des retraites, bien que distinct, pèse lui aussi sur l’ensemble du système général de sécurité sociale. Une révision constitutionnelle, résultat d’un très laborieux compromis entre le gou- vernement et sa majorité parlementaire, est adoptée le 19 février par le Parlement réuni en Congrès. Elle doit constituer la pierre angulaire de la réforme Juppé, et institue un contrôle parlementaire sur le budget de la Sécurité sociale. Comme précédemment, le Parlement continue à fixer les taux de cotisation. Mais le rap- port entre la part de financement des em- ployeurs et des salariés (près de 80 %) et celle de l’État ne change pas, alors que les entreprises et leurs employés s’accordent pour dénoncer le poids de ces cotisations sur les coûts salariaux et sur le pouvoir d’achat des ménages et que, dans la plu- part des pays d’Europe, le financement des prestations sociales est déjà majo- ritairement budgétisé. Le contrôle par- lementaire du financement de la Sécu- rité sociale, sans doute justifié, est donc encore en décalage avec les sources de revenu actuelles de l’assurance maladie. De plus, les modalités de ce contrôle restent ambiguës. Finalement, sans véri- table consultation, le gouvernement met en place un plan de réforme, grâce à une série d’ordonnances adoptées au début du mois de mai. Elles portent sur l’orga- nisation des caisses de Sécurité sociale, sur la réforme de l’hospitalisation et sur la maîtrise des dépenses de santé. Des accusations fusent alors de toutes parts, reprochant au texte de rationner les soins de santé. Si, selon le ministre du Travail et des Affaires sociales, « la réforme se construit », elle se réduit pour l’instant à un nouvel impôt, nommé « rembourse- ment de la dette sociale » (RDS), et à des mesures d’urgence, sans qu’un réel chan- gement structurel puisse être constaté. Dans le domaine des retraites, les discus- sions engagées depuis plusieurs années dans le secteur privé autour de la création de fonds de pension reviennent à l’ordre du jour dès le mois de mars. Ces fonds se- raient destinés, comme aux États-Unis, à compléter, voire à remplacer, l’actuel sys- tème de pensions par répartition par un système fondé sur la capitalisation. Une réforme des organismes de gestion des retraites complémentaires est amorcée à la suite de l’accord interprofessionnel signé en avril. L’objectif est d’éviter une chute brutale du montant des retraites, prévisible, selon le CNPF, qui rappelle qu’en 2010 le nombre des actifs aura été divisé par deux par rapport au milieu des années 70. L’accord, conclu pour dix ans, permet de sauver le système par réparti- downloadModeText.vue.download 286 sur 602

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285 tion, au prix d’une augmentation des co- tisations. Ce terme de dix ans est un peu court puisque ce n’est que plus tard que le véritable déséquilibre entre cotisants et retraités se fera sentir. Ainsi, dans tous les domaines de la protection sociale, le problème du mode de financement reste posé. Quelles perspectives sociales ?

L’emploi est devenu un véritable enjeu politique, du moins dans les discours, sans que de réelles solutions soient en- core en vue. C’est pourquoi le recours invoqué à la construction sociale euro- péenne semble plus être un moyen de reporter ailleurs d’éventuels remèdes à cette « grande et incurable plaie natio- nale » du chômage, dont parle Jacques Chirac au printemps 1996. La question de l’aménagement et de la réduction du temps de travail suscite toujours de nombreuses controverses, les interroga- tions sur l’avenir de la protection sociale et sur celui du service public apportent leur part à l’inquiétude générale. Ainsi, la montée des tensions sociales en automne, annoncée par de nombreux commenta- teurs, surprend moins qu’elle ne pâtit de la comparaison avec les grandes grèves de décembre 1995. Une fois de plus, le sec- teur des transports est directement tou- ché, les salariés de l’aviation civile crai- gnant de plus en plus l’ouverture du ciel français à la concurrence. La grève des routiers, en novembre, rappelle par cer- tains côtés les grèves de décembre 1995 : même popularité du mouvement, même peur chez certains de la paralysie écono- mique. Elle montre aussi que les capaci- tés de mobilisation des salariés du secteur privé ne sont pas aussi éteintes qu’on le pense parfois.

SABINE ERBÈS-SEGUIN downloadModeText.vue.download 287 sur 602

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POLITIQUE ÉCONOMIQUE : ANNUS HORRIBILIS

Moral au plus bas, investisseurs tétanisés, budget public étriqué, Premier ministre cassé : 1996 fut une nouvelle annus horribilis pour l’écono- mie française, et un cauchemar pour le gouvernement.

Après les grandes grèves – mal réso- lues – de la fin 1995, l’année commence tristement. Le chômage dépasse les 12,5 %, et les plans sociaux s’enchaînent : Moulinex, arsenaux, Pechiney, Crédit Lyonnais... Les entreprises sont frileuses, et ont tendance à déstocker au maximum, ce qui retarde la reprise. L’activité recule même au second trimestre ! Tous les oracles de la conjoncture prédisent certes un rayon de soleil pour la fin de l’année. Un optimisme fondé sur la baisse rapide des taux d’intérêts (passés d’octobre à oc- tobre de 7,5% à moins de 4 %).

Mais, si la consommation s’affermit (plus de 2 %), cela ne suffit pas à donner un vrai coup d’accélérateur à l’activité, toujours bridée par la poursuite du mou- vement de déstockage des entreprises. Sur l’ensemble de l’année, la croissance avoisine finalement 1,2 % (contre 2,5 % en 1995), alors que, un an plus tôt, le gou- vernement avait calé son budget sur une prévision plus de deux fois supérieure (2,8 %).

Sur le front social, la France vit au rythme des retombées de la grande grève de décembre 1995. Certes, le pays ne connaît pas de nouvelle explosion générale. Mais divers conflits, sou- vent très durs, émaillent l’actualité de l’année. Fin novembre, la France est de nouveau bloquée : la grève des routiers dure 12 jours.

Croissance. La croissance en 1996 n’a pas dépassé 1,5 %. Or, en France, le chômage ne commence à reculer qu’à partir d’un taux de croissance de 1,8 %. En 1996, il a donc mécani- quement continué à gonfler. Pour 1997, l’OCDE prévoyait en novembre une croissance de plus de 2,3 %.

Les chiffres clés du débat budgétaire : en 1997, la hausse des prix devrait se maintenir à 1,5 %, la croissance passer à 2,3 %, les déficits publics à 2,9 % du PIB et la dette publique à 58 % du PIB. Enfin, le taux de prélèvements obliga- toires devrait décroître légèrement pour revenir à 45,5 % du PIB.

Commerce extérieur. Malgré une hausse de la facture énergétique (due à l’augmentation du pétrole et du cours du dollar), l’excédent com- mercial en 1996 a été, comme l’année précé- dente, très élevé : il devait dépasser les 100 mil- liards de francs (dont un tiers avec les DOM-TOM). Cela représente 1,3 % du PIB français. Cela tient à la bonne tenue des exportations, mais aussi à la modération des importations liée au marasme français. En novembre, Airbus a remporté le mar- ché du siècle : la compagnie US Air lui a passé 120 commandes fermes et 280 options, pour un montant de 20 milliards de dollars.

L’inflexion de la politique de l’emploi

Malgré la hausse du chômage, le gouver- nement a choisi pendant l’été de tailler dans les budgets consacrés aux aides à l’emploi. L’aide à l’emploi des jeunes (Apej) a été supprimée, et le Contrat initiative-emploi (CIE), cette mesure- symbole qui devait aider à réduire la « fracture sociale », a été sérieusement ratiboisé : le montant de l’aide est désor- mais versé aux chômeurs de très longue durée (deux ans, contre un an aupara- downloadModeText.vue.download 288 sur 602

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287 vant) et il dépend de la durée d’inscrip- tion à l’ANPE.

Ces modifications devaient permettre d’économiser quelques milliards. Mais une autre mesure a vite pris le relais : le système de la loi Robien, du nom du député UDF qui a réussi à le faire adop- ter par le Parlement. Cette loi offre des allégements de charges importants aux entreprises qui, pour pouvoir embaucher ou éviter des licenciements, réduisent le temps de travail. La formule a connu un succès immédiat, à tel point que son coût commence à affoler les fonctionnaires du Budget. Par ailleurs, le système de l’exo- nération dégressive de charge sociale (pour les emplois payés entre le SMIC et 1,33 fois le SMIC) est entré en vigueur le 1er octobre 1996.

Emploi. En 1996, l’économie n’a pas créé d’em- ploi. Les emplois diminuent dans l’industrie et dans la construction, mais augmentent dans le secteur tertiaire. Pour 1997, la Direction de la prévision s’attend à un chiffre de 160 000 à 190 000 créations nettes d’emplois salariés mar- chands, ce qui ne permettra pas de faire reculer le chômage.

La loi Robien, principale innovation sociale de l’année 1996, offre 40 % de réduction des cotisa- tions sociales la première année et 30 % les six années suivantes aux entreprises qui réduisent leur temps de travail de 10 % et augmentent leurs effectifs d’autant. La réduction passe à 50 % (et 40 % les six années suivantes) pour une réduc- tion de 15 % du temps de travail compensée par une augmentation de 15 % des effectifs. Ce sont 800 millions de francs qui sont prévus en 1997 pour financer la loi. Dès 1996, plusieurs entre- prises y ont recours : Renafer, les broches Pas- quier, WF, Yves Rocher, AXA...

La réforme fiscale en chantier

La chute dramatique d’Alain Juppé dans les sondages ne l’a pas dissuadé de pour- suivre ses ambitions réformatrices.

En septembre, il a donc annoncé la refonte de l’impôt sur le revenu promise par le candidat Chirac. Premier axe : l’élargissement de la tranche à taux zéro et la suppression de la « décote », une modification qui avantage surtout les familles nombreuses modestes. Second axe : suppression de multiples avan- tages fiscaux, à commencer par les 30 % d’abattement sur le revenu imposable dont jouissent les VRP, les journalistes, les artistes, ou les personnels navigants des compagnies aériennes. Troisième axe : la baisse de toutes les tranches du barème, étalée pendant cinq ans. Ce ca- deau, qui ne profitera pas aux ménages français les plus modestes (puisqu’ils ne payent pas l’impôt), porte sur un total de 75 milliards de francs.

Pouvoir d’achat. À cause des nouveaux impôts et de la baisse de certaines allocations, il a stagné en 1996 (après une hausse de 2,6 % en 1995). Le revenu disponible par habitant a été négatif pour la première fois depuis 1984. Cela n’a pas empê- ché la consommation d’augmenter de plus de 2 % : les Français ont puisé dans leurs bas de laine.

Dernier arrêt avant Maastricht

Pour participer à la monnaie unique en 1999, la France doit afficher un dé- ficit public de moins de 3 % à la fin de l’année 1997. La préparation du bud- get a donc été un casse-tête effroyable. Accélérer brutalement la purge finan- cière, c’était prendre le risque de casser la maigre reprise économique ; laisser filer le déficit, c’était remettre en cause tout le processus de Maastricht. Le gou- vernement a trouvé la parade : France Télécom, à l’occasion du transfert des retraites de ses agents vers l’État, lui a versé un acompte de 37,5 milliards de downloadModeText.vue.download 289 sur 602

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288 francs. La monnaie unique valait bien cette grosse ficelle... Pour autant, le bud- get n’est pas laxiste, loin de là : pour la première fois depuis la Ve République, les dépenses publiques sont même gelées ; et 5 600 postes sont supprimés dans la fonction publique...

Mais, côté recette, les Français verront leurs impôts sur le revenu amorcer une baisse : 25 milliards de francs au total.

La baisse des impôts ne profite, par définition, qu’à ceux qui en payent, c’est- à-dire aux plus aisés. En direction des autres, le gouvernement décide de faire une petite fleur : le remboursement anti- cipé des primes d’État aux détenteurs de PEP (Plan épargne populaire). À chacun de ceux qui avaient souscrit un PEP dès 1990, le Trésor s’engage à verser 9 000 F en moyenne : une injection de 15 mil- liards de francs programmée pour janvier 1997.

Le plan Sécu au forceps

Le projet de réforme du système d’assu- rance maladie en France a résisté au grand mouvement social de l’hiver 1995, et, quelques mois plus tard, les Français en ont testé la concrétisation symbolique à travers l’un de ses éléments, le « car- net de santé ». La mise en musique du plan Juppé s’avère difficile. La CFDT, qui soutient le plan, a ravi la direction de la CNAM (Caisse nationale de l’assurance maladie) à Force ouvrière, qui le combat sans relâche. Mais le gouvernement se heurte vite à une autre résistance, celle du corps médical. Face à cette grogne, il se résigne à plusieurs reculs (ambulan- ciers, tarif des consultations de nuit...). Les médecins libéraux se battent surtout contre le projet de maîtrise des dépenses de santé, qui prévoit des sanctions finan- cières en cas de dépassement.

Les fonds de pension.En novembre, le Par- lement a introduit dans le droit français une petite révolution : la création de « fonds de pen- sion à la française », présentée comme le « troi- sième étage » du système de retraite, les deux premiers étant le régime général et les régimes complémentaires. Il ne s’agit pas de redistribuer des cotisations à des retraités, mais de favoriser l’épargne-retraite. Au passage, on favorise une épargne longue qui permet de renforcer les fi- nances des entreprises.

La constitution des fonds est décidée par les entreprises. Les versements des employeurs sont exonérés des cotisations sociales, ceux des sala- riés sont déductibles de l’impôt jusqu’à 5 % du salaire brut.

La privatisation controversée de Thomson Le 16 septembre, Jean Arthuis, ministre de l’Économie et des Finances, annonce que c’est au groupe Lagardère (Matra) que l’État a décidé de vendre pour un franc symbolique le groupe électronique Thomson, spécialisé dans la défense et les appareils audiovisuels. C’est une énorme surprise, tout le monde étant persuadé qu’Alcatel Alsthom emporterait le mor- ceau. La décision a été instruite dans le plus grand secret de l’Élysée, ce qui ne manque pas de susciter une furieuse po- lémique. D’autant que le gouvernement prévoit d’injecter 11 milliards de francs dans l’affaire avant de la céder. Matra, qui ne s’intéresse qu’à la partie « défense » de Thomson, projette de confier Thomson Multimedia (les téléviseurs) au coréen Daewoo, dont la réputation en matière sociale est plus que mauvaise. Début décembre, le gouvernement devra sus- pendre l’opération de privatisation, la Commission de privatisation (créée par la loi du 19 juillet 1993 et présidée par downloadModeText.vue.download 290 sur 602

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289 le conseiller d’État Pierre Laurent) ayant refusé d’émettre un avis favorable.

Une autre privatisation tourne mal, celle du CI, filiale bancaire du GAN.

Le gouvernement compte sur la vente de ce réseau de banques régionales pour renflouer l’assureur public. Deux candi- dats sont sur les rangs : la BNP et la So- ciété générale. Mais, face à la fronde des salariés et des élus locaux (à commencer par le maire de Lyon Raymond Barre), le gouvernement jette l’éponge : vers la mi- novembre, il interrompt la procédure.

Cap sur la flexibilité

Vers la fin de l’année, Alain Juppé ex- plique à qui veut l’entendre que, si la courbe du chômage ne s’inverse pas avant la fin du premier semestre 1998, « nous sommes cuit », politiquement s’entend. Il entend donc s’attaquer à un nouveau tabou : la flexibilité du travail. Trop de pe- tits patrons (artisans, etc.) n’embauchent pas parce qu’ils craignent d’avoir un jour à supporter le coût d’un licenciement. Il y a là un gisement d’emplois inexploité, estime le Premier ministre, qui se prend à imaginer une forme de contrat à durée déterminée facilement renouvelable. Mais M. Juppé n’a plus guère les moyens politiques de s’attaquer à une telle vache sacrée. En novembre, il bat tous les re- cords d’impopularité dans les sondages : deux Français sur trois réclament son départ.

Valéry Giscard d’Estaing crée la surprise en proposant dans l’Express du 21 novembre une dévaluation du franc, dont il estime qu’il est tiré vers le haut par le Mark et que cette surévaluation est « la cause principale des difficultés dans les- quelles se débat l’économie française ». L’ancien président de la République écrit ainsi : « Je don- nerai un seul chiffre. Parmi les 27 pays industriels étudiés par la banque américaine Morgan Stan- ley, la France se classe au troisième rang pour le coût horaire de sa main-d’oeuvre dans l’industrie. Alors qu’en 1985 une heure de travail dans ce sec- teur coûtait 7,52 dollars en France et 13,01 dollars aux États-Unis, dix ans plus tard, la relation s’est inversée : l’heure de travail coûte 19,34 dollars en France, pour 17,20 aux États-Unis. Cela s’explique par la hausse modérée des salaires aux États- Unis, mais surtout par la forte baisse du dollar. D’où ma proposition, à vrai dire prudente, mais nécessaire : il faut fixer un taux d’échange du franc contre l’euro correspondant à une parité actuelle de 5,50 pour 1 dollar ».

PASCAL RICHÉ Journaliste à Libération, coauteur avec Éric Aeschi- mann de la Guerre de sept ans, histoire secrète du franc fort 1988-1996, Calmann-Lévy, 1996 downloadModeText.vue.download 291 sur 602

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290 DÉFENSE : VERS L’ARMÉE

DE MÉTIER

Jacques Chirac, chef des armées selon la Constitution, a tranché. À partir de janvier 1997, les jeunes Français nés après le 1er janvier 1979 ne seront plus appelés sous les drapeaux en fonction des modalités que le pays connaît depuis en- viron un siècle. Dès son élection à la pré- sidence de la République, J. Chirac s’est trouvé confronté à un véritable dilemme : alors qu’il lui apparaissait capital de pou- voir disposer de moyens armés dispo- nibles à tous moments, susceptibles d’être mobilisés pour des actions urgentes, les contraintes budgétaires imposaient que le train de vie du ministère de la Défense fût revu à la baisse. Seules deux solutions étaient envisageables : soit il était mis un terme, sans autre forme de procès, à la conscription, sur la foi d’expériences plus ou moins réussies dans d’autres pays ; soit il fallait inventer une formule de nature à renforcer la sécurité de la France sans porter atteinte à la cohésion nationale. Considérant que le service national ne répondait plus aux besoins des armées – avec la part croissante des jeunes gens exemptés du service national, ce dernier n’est plus depuis longtemps le lieu de brassage social qui était une de ses raisons d’être –, le chef de l’État et le gouvernement ont opté pour la seconde solution. Ce qui signifie que la profes- sionnalisation des armées n’exclut pas le maintien d’un service fondé sur le volon- tariat de jeunes, hommes et femmes, qui pourraient occuper des fonctions de sé- curité et de cohésion au sens large. Dans ce cadre, les armées devraient perdre

24 % de leurs effectifs, entre 1997 et 2002, et réduire la place accordée au contingent tout en recrutant un personnel, militaire et civil, qui corresponde aux nouveaux critères.

L’armée de métier en Europe. La Grande-Bre- tagne ne fait plus appel à des conscrits depuis 1957 et a supprimé définitivement le service obli- gatoire en 1963. La Belgique a décidé de passer à l’armée de métier en supprimant le service na- tional obligatoire en 1994 et en fixant la date de 1997 pour mener à bien la réorganisation de son armée. Les Pays-Bas mettent progressivement sur pied une armée de métier, et il n’y aura plus de recrues incorporées en 1998. L’Espagne a com- mencé à s’interroger sur la nécessité de mainte- nir un service de neuf mois devenu inégalitaire (jusqu’à 60 % des appelés sont exemptés selon les années).

Un service basé sur le volontariat

Dans ces conditions, les armées devraient comprendre 330 000 militaires de carrière ou sous contrat (officiers, sous-officiers et militaires du rang engagés), 83 000 civils et quelque 27 000 volontaires du service national. Ces derniers accompliront un service militaire de durée variable – entre neuf et seize mois –, dans les trois armées et leurs services communs, la gendar- merie, la police, les douanes, la sécurité civile et la protection de l’environnement. D’autres formes de volontariat sont plus précisément envisagées. D’une part, un service dit « de cohésion sociale et de solidarité », au sein d’organismes publics et d’associations d’accueil, d’insertion et d’urgence sociale ; de l’autre, un ser- vice dit « de coopération internationale et d’aide humanitaire ». Si les modali- tés pratiques de ces deux services civils ne sont pas encore arrêtées, il est acquis qu’ils ne seront pas gérés par le minis- tère de la Défense. La mise en place du downloadModeText.vue.download 292 sur 602

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291 volontariat est subordonnée à la création d’un « rendez-vous citoyen », une courte période pendant laquelle les jeunes Fran- çais, à l’âge de dix-huit ou dix-neuf ans, recevront une information civique sur la collectivité nationale, ses règles de vie, le fonctionnement des institutions et sur les enjeux de la défense.

La majorité des observateurs de la « chose » militaire estiment que la réus- site de la réforme dépendra de la façon dont les jeunes Français concernés par le nouveau service vivront la période de transition, entre 1997 et 2002. Une tran- sition qui apparaît d’autant plus délicate qu’elle se double d’une professionnalisa- tion des armées, dont il est clair qu’elle demeure l’objectif principal. La dimi- nution progressive des appelés pendant cette période intermédiaire de six ans répond à un double souci : il faudra en effet poursuivre l’accueil des bénéficiaires d’un report d’incorporation (les fameux sursitaires), puis satisfaire les besoins des ministères civils.

L’armée de terre sera la plus touchée par la réforme décidée par J. Chirac, puisqu’elle va perdre 36 % de ses effectifs en six ans, pour tomber à 172 600 sol- dats de métier ; une réduction qui va s’accompagner de la suppression d’une quarantaine de régiments. Pour sa part, l’armée de l’air devra s’accommoder de la suppression d’une douzaine de bases (sur quarante-quatre) qui seront dissoutes. Enfin, la marine verra ses effectifs chuter de 5,2 % et vingt-huit de ses navires se- ront mis hors service. Il n’y a guère que la gendarmerie qui soit épargnée. Eu égard à l’expansion de ses missions, ses effectifs globaux augmenteront de 4,5 %.

Les effectifs en 2015. En 2015, les effectifs des armées françaises seront de 352 700 militaires (contre 502 460 en 1995) et 81 300 civils (contre 74 900 en 1995), soit un total de 434 000 per- sonnes (contre 577 360 en 1995).

Le pôle de Défense

Jacques Chirac ne s’est pas limité à la réforme du service militaire. La struc- ture même de l’industrie de défense était bien au centre de ses préoccupations. Le président considère en effet que l’évolu- tion mondiale comme la nouvelle place que doit occuper l’État dans l’économie du pays ne permet plus à ce dernier d’impulser seul l’industrie de la défense nationale. À l’exemple des États-Unis, M. Chirac souhaite asseoir l’armement français sur quatre « pôles » nationaux : Dassault et Aerospatiale fusionnés dans l’aéronautique et le spatial, Thomson dans l’électronique, le Commissariat à l’énergie atomique dans le nucléaire, GIAT Indus- tries dans les constructions mécaniques. Ces géants nationaux ont vocation à mul- tiplier les alliances au niveau européen, quitte à être tous privatisés à terme pour pouvoir mieux s’unir par branche de downloadModeText.vue.download 293 sur 602

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292 compétence au niveau de l’Europe. Cette nouvelle logique rompt avec les choix an- ciens de spécialisation nationale (navires aux Britanniques, avions aux Français, etc.) et s’ouvre définitivement à la coopé- ration internationale. Elle a le mérite de la cohérence mais risque de froisser bien des habitudes et de remettre en cause bien des niches régionales d’emplois.

Une quarantaine de régiments supprimés. Une quarantaine de régiments de l’armée de terre devraient disparaître, essentiellement en Allemagne et dans les villes qui abritent plusieurs garnisons. Trois bases de l’armée de l’air seraient également fermées, ainsi que quatre hôpitaux militaires.

Un certain nombre de casernes, qui hébergent des régiments, pourraient être transformées en « centres du service national » destinés à accueillir le « rendez-vous citoyen ». La suppression des régiments s’accompagnera de mesures d’adap- tation qui, selon le gouvernement, s’élèveront à 2,2 milliards de francs sur la période 1997-2002 ; l’Union européenne y consacrera plus de 700 mil- lions entre 1997 et 1999. À ces crédits s’ajouteront ceux du Fonds d’adaptation industriel (760 mil- lions par an) pour la Direction des constructions navales et le Commissariat à l’énergie atomique, et ceux du Fonds d’accompagnement de la pro- fessionnalisation (1,5 milliard).

Moins de crédits pour la dissuasion nu- cléaire. La part allouée à la dissuasion nucléaire dans les dépenses militaires a une nouvelle fois été revue à la baisse avec le projet de loi de pro- grammation 1997-2002. Elle se situe en effet à un niveau inférieur à 18 % des crédits d’équipement, alors qu’il fut un temps – certes lointain – où elle a pu grimper jusqu’à 30 %. Les économies déga- gées seront appelées à contribuer au finance- ment de l’adaptation des forces classiques. Par ailleurs, le plateau d’Albion, où depuis le début des années 70 étaient enfouis des missiles straté- giques, a été fermé. Enfin, le démantèlement des missiles préstratégiques Hadès, mis en sommeil par François Mitterrand, est désormais acquis.

OTAN : le retour de la France L’abandon du service militaire obliga- toire, qui a suscité de nombreuses cri- tiques au sein de la classe politique – toutes tendances confondues –, n’a guère semblé de nature à émouvoir la popula- tion. Quant à la décision de la France de reprendre ses quartiers au Conseil de dé- fense de l’Alliance atlantique, c’est encore peu d’écrire qu’elle est passée inaperçue. Pourtant, le communiqué de l’OTAN, à l’issue de la réunion semestrielle des ministres de la Défense, n’avait pas été avare de superlatifs pour saluer le retour de la France dans cette enceinte. Il reste que, pour la première fois depuis trente ans et le départ remarqué des structures militaires décidé par le général de Gaulle, un ministre français a pu de nouveau prendre part, en juin 1996, à une réu- nion ordinaire de ses collègues, concré- tisant ainsi le rapprochement amorcé par J. Chirac en décembre 1995. Concrète- ment, cela signifie que des cadres des ar- mées françaises vont entrer à l’état-major international (EMI) du Comité militaire de l’OTAN, à Bruxelles. Pour mémoire, rappelons que cette instance ne fait pas partie de la chaîne des commandements intégrés.

Le retour du ministre français par- mi ses collègues de la Défense des pays membres de l’Alliance ne signifie donc pas que Paris s’apprête à réintégrer les commandements alliés. Ainsi la France n’est toujours pas représentée au Comité des plans de défense (CPD) ni au Groupe des plans nucléaires (GPN). Le gouver- nement français subordonne en effet l’évolution de son attitude atlantiste à la prise en compte de trois sujets qui lui tiennent à coeur : d’abord, la rénovation des structures militaires de l’OTAN ; ensuite, le concept des Groupes de forces downloadModeText.vue.download 294 sur 602

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293 interarmées multinationales (GFIM), qui devraient permettre aux Européens de mener des opérations en recourant à des moyens de l’OTAN, enfin la question de l’identité européenne de défense. En at- tendant d’avoir obtenu des assurances en la matière, la France a paru prête à déta- cher officiers et sous-officiers à l’état-ma- jor international du Comité militaire de l’OTAN, au sein duquel siège déjà depuis décembre 1995 le chef d’état-major fran- çais des armées. Par ailleurs, la France devra être associée au travail de planifica- tion des forces militaires de l’OTAN, dont elle entend qu’elles soient opérationnelles dès le temps de paix.

Ce nouveau pas en direction de l’Alliance peut être considéré comme le début d’une réflexion sur l’évolution des commandements au sein de l’OTAN, qu’il s’agisse de l’allégement et de la simplifi- cation des structures actuelles, du carac- tère multinational des commandements, de la subordination des divers échelons par rapport à la chaîne centrale et leur implantation territoriale, des affectations des dépenses par pays contributeurs ou encore des droits de survol. Des réponses

à ces questions dépendent des implica- tions concrètes, dont la moindre n’est pas de savoir jusqu’où la France pourrait aller dans l’affectation de son territoire à des zones de sécurité, propres à l’OTAN, voire si elle est prête à accepter d’abriter des commandements alliés sur son sol. Après avoir veillé jalousement sur son « outil » pendant trente ans, la France est confrontée à un aggiornamento pour le moins délicat.

À propos du refus indien de signer le traité d’interdiction définitive des essais nucléaires, le spécialiste, consultant auprès de l’ONU, Joseph Goldblat explique dans Libération (16/08/06) : « Le fond de l’affaire tient au fait qu’au sein même des cinq puissances nucléaires (États-Unis, Russie, France, Chine, Grande-Bretagne), le complexe mi- litaro-industriel était hostile au traité. Les scien- tifiques nucléaires russes n’en voulaient pas, les militaires chinois voulaient garder une main libre, la Grande-Bretagne a voulu montrer qu’elle avait encore son mot à dire comme grande puissance et même dans le programme électoral républicain, il est envisagé sous certaines conditions de recourir à de nouveaux essais. (...) L’échec de la conférence du désarmement a démontré que ce forum de négociation issu de la guerre froide est désormais profondément inadéquat. »

PHILIPPE FAVERJON downloadModeText.vue.download 295 sur 602

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ÉDUCATION

Lorsque, le 19 novembre, le quotidien le Monde publie les résultats d’un son- dage Sofres et d’une vaste consultation organisée par la F.S.U. (Fédération syn- dicale unitaire, regroupant le SNES et le SNUIPP, depuis la scission de la FEN en 1992), la morosité, qui semblait avoir été la tendance dominante de l’année 1996 dans l’univers éducatif français, se dis- sipe d’un seul coup... On y découvre que les Français sont satisfaits de leur école : 52 % estiment que l’éducation « fonc- tionne bien », 74 % sont contents du tra- vail des enseignants, 56 % demandent plus de professeurs. Si l’école maternelle est plébiscitée, les collèges et les lycées suscitent quelques réserves ; quant à l’enseignement supérieur, il recueille le plus de critiques. Trois points noirs ap- paraissent distinctement : l’orientation (pour les enseignants, l’école doit « for- mer la réflexion et l’esprit critique » ; pour les parents et les élèves, son rôle prioritaire est de permettre d’« accéder au monde du travail » ; bref, deux points de vue quelque peu opposés)... L’ouver- ture sur la vie professionnelle (82 % des enseignants et 78 % des parents jugent que l’école ne remplit pas ses missions)... La sécurité dans les établissements (pour 61% des enseignants, 51 % des élèves et 64 % des parents)... Cette exception- nelle photographie de l’enseignement en France permet de mieux cadrer les nom- breux débats qui l’agitèrent pendant toute l’année.

La commission Fauroux Il y eut d’abord les vagues provoquées par les travaux de la commission dirigée par un ancien ministre de l’Industrie de Michel Rocard, Roger Fauroux, qui, à la suite de la promesse du candidat Jacques Chirac à l’élection présidentielle d’un ré- férendum sur l’école, avait été installée le 11 septembre 1995 par Alain Juppé pour conduire une réflexion sur le système éducatif (et « réinventer en quelque sorte l’école de la République »). En pointant le taux tragique de redoublement en cours élémentaire, d’illettrisme à l’entrée au col- lège, d’échec en 3e et l’envasement des pre- miers cycles universitaires, les membres de la commission concluent le 12 avril : « L’école s’essouffle à satisfaire les objectifs qu’elle s’est elle-même fixés et peine à élever le niveau culturel du plus grand nombre [...] L’Éducation nationale ne se soucie pas des morts et des blessés [...] La commission tient à exprimer sa vive préoccupation devant l’incapacité du système scolaire à faire face à toutes ses tâches. » Bref, une réforme fondamentale s’impose, qui re- poserait sur une amélioration de l’égalité des chances, des rythmes plus assujettis à ceux des enfants qu’à ceux des adultes, un allégement des programmes. Dans la foulée, l’hebdomadaire l’Express titre : « L’éducation : échec-national » et le Point, en s’appuyant sur la sortie d’un livre polé- mique du journaliste François de Closets, le Bonheur d’apprendre, clame : « L’école gâche nos enfants. » Du côté des syndicats, on hurle à la provocation : « On a choisi le minimum culturel, la sélection à tous les niveaux et l’éclatement du service public d’éducation. » Le ministre lui-même, en soulignant son désaccord fondamental, se démarque de ces propositions « radi- cales », qu’il s’empresse d’enterrer au profit d’une réforme « en continu », par downloadModeText.vue.download 296 sur 602

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295 petites touches, en adaptant le modèle existant. Dans son livre, la Décennie des mal-appris, François Bayrou, nommé rue de Grenelle en avril 1993 par Édouard Balladur, ne pose-t-il pas cette devinette éclairante sur le sens de son action minis- térielle : « Quelle différence y a-t-il entre un optimiste et un mort ? Aucune, ce sont tous les deux des ministres réformateurs de l’Éducation nationale »...

Orientation et violence à l’école

Tout en supprimant 5 000 postes dans les écoles, les collèges et les lycées et en faisant voter au Parlement un budget en régression pour la première fois de- puis la Libération (ce qui provoque une grève générale des enseignants le 30 sep- tembre), le ministre a, en fait, passé une grande partie de son année à animer des « états généraux de l’enseignement supé- rieur » destinés à redéfinir les missions de l’Université. Le 18 juin, dans le grand am- phithéâtre de la Sorbonne, il révèle son plan : meilleure orientation des lycéens, période d’orientation durant la première année universitaire, développement du tutorat, organisation en semestres, sim- plification des diplômes d’études uni- versitaires générales, réforme de l’aide sociale aux étudiants...

Pendant ce temps, la violence à l’école devient un inquiétant phénomène de société. On ne compte plus les affaires de racket, les agressions verbales et physiques de professeurs, voire les morts comme à Brest ou à Montereau. Vertement tancé par un Jacques Chirac de plus en plus agacé par l’attentisme de François Bay- rou, celui-ci annonce quatorze mesures qui vont de l’affectation de 2 200 appelés dans les écoles à la création de 250 postes de personnels éducatifs en passant par le renforcement de « la coopération édu- cation-police-justice »... « J’espère qu’il ne s’agira pas là d’un énième plan non suivi d’effets », grondera un président de la République guère convaincu. De cette année 1996, riche en débats, on retiendra trois tendances importantes. Deux jeunes sur trois sont bacheliers : 67,9 % d’une gé- nération accèdent aujourd’hui au niveau bac ; en 1980, ils n’étaient que 34 %, puis 56 % en 1990. Sept bacheliers sur dix vont à la fac, un sur dix dans un IUT (Institut universitaire de technologie), autant en classes préparatoires et en STS (section de technicien supérieur). Les diplômés sont mieux protégés contre le chômage : quatre années après la fin de leur forma- tion, 14,4 % des diplômés de l’enseigne- ment supérieur sont au chômage contre 23 % chez les bacheliers, 26 % chez les titulaires d’un CAP ou d’un BEP et 41 % chez les sans diplômes.

Moralité : le diplôme demeure, mal- gré tout, l’assurance des temps difficiles.

YANN PLOUGASTEL

L’affaire de l’amiante

En annonçant le 14 juillet, à la télévision, qu’avant la fin de l’année il n’y aurait plus d’étudiants à Jussieu, Jacques Chirac surprit son monde. Dans les années 60, des locaux avaient été construits sur l’emplacement de l’ancienne Halle aux vins pour accueillir enseignants et étudiants des uni- versités scientifiques. Alors qu’on connaissait mal les dangers de cette nouvelle matière, l’isolation des plafonds avait été réalisée avec des plaques d’amiante. L’inhalation de la poussière causée par la lente désagrégation de ces plaques, qui ne doivent surtout pas apparaître à l’air libre, provoqua d’importantes maladies reconnues comme professionnelles chez une vingtaine de personnes travaillant à Jussieu. Des travaux de déflocage s’imposaient donc, mais, de là à évo- downloadModeText.vue.download 297 sur 602

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296 quer une fermeture pure et simple... D’aucuns, comme Claude Allègre, sceptiques sur les réels dangers de contamination, évoquèrent une opé- ration immobilière ; d’autres, tel le maire de Paris, Jean Tiberi, proposèrent, confortant les premiers, le déménagement de l’université sur les terrains de la ZAC Paris-Rive gauche. Après plusieurs semaines de tergiversation, François Bayrou an- nonça un plan, étalé sur trois ans et doté d’une enveloppe de 1,2 milliard de francs, prévoyant, à partir d’avril 1997, l’enlèvement de l’amiante sur 220 000 m2 et la construction de 40 000 m2 de locaux tampons pour effectuer les travaux par tranche... Jacques Chirac a donc péché par opti- misme : en décembre 1996, il y avait encore des étudiants à Jussieu. downloadModeText.vue.download 298 sur 602

FRANCE

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À TRAVERS LES RÉGIONS

Alsace

Le TGV-Est, qui doit mettre Stras- bourg à deux heures de Paris, semblait sur la bonne voie. Depuis dix ans on en parlait. Le « consensus alsacien » avait été obtenu entre le gouvernement Bal- ladur (1993-1995) et les élus régionaux, toutes tendances confondues : Daniel Hoeffel (UDF), président du conseil gé- néral du Bas-Rhin, ou encore Catherine Trautmann (PS), maire de Strasbourg. L’enquête publique s’est déroulée à l’au- tomne 1994. La commission d’enquête a rendu son rapport en septembre 1995 et le Conseil d’État a donné un avis favorable en mai 1996. Dans la foulée, la déclara- tion d’utilité publique plaçait le chantier du TGV-Est dans la catégorie des opéra- tions prioritaires pour l’aménagement du territoire français et européen. downloadModeText.vue.download 299 sur 602

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Adrien Zeller (UDF-Force démo- crate), nouveau président du conseil ré- gional, qui n’a pu devancer son concurrent Hubert Haenel (RPR) qu’avec l’apport des voix des conseillers écologistes, affirme ne pas croire à un TGV coûtant plus de 30 milliards de francs en ces temps de vaches maigres, et propose d’utiliser les voies existantes avec des trains moder- nisés selon la technique « pendulaire », projet défendu depuis longtemps par les écologistes. Comme pour apporter de l’eau à leur moulin, la DATAR invite l’État à « réexaminer les avantages et les coûts de projets tels que le TGV-Est ou la mise à grand gabarit du canal Rhin-Rhône par rapport à d’autres investissements » permettant de réduire l’enclavement et les inégalités territoriales. Comme si cela ne suffisait pas, les rapports Rouvillois et Blanc-Brassier invitent le gouvernement à remettre en cause le programme TGV, à le différer d’une dizaine d’années et à privilégier la solution pendulaire. Ces rapports ne sont pas « la Bible » pour Ber- nard Pons, ministre de l’Équipement et des Transports, qui affirme que la liaison Paris-Strasbourg sera réalisée sous la forme d’une ligne nouvelle et par phases successives.

Le géant américain de fret aérien DHL avait envisagé de faire de l’aéroport d’Entzheim (Bas-Rhin) la plaque tour- nante de son activité en Europe. L’enjeu ? D’abord du travail : 1 100 emplois créés dans les cinq ans à venir et 1 700 avant dix ans, des emplois non qualifiés en grand nombre. Ensuite l’équilibre finan- cier, à terme. d’Entzheim. Mais aussi une intense circulation aérienne, 24 heures sur 24 et en particulier une trentaine de mouvements en pleine nuit. Le chô- mage ou les nuisances ? L’emploi ou la quiétude nocturne ? Il faut choisir. Plus de 15 000 Strasbourgeois ont choisi en manifestant le 14 septembre dans les rues de la capitale alsacienne contre DHL, « le voleur de sommeil », DHL indésirable en Alsace, d’autres Régions se portent candidates.

Le taux de chômage en Alsace atteint 7,5 %. Il reste largement inférieur à la moyenne nationale (près de 13 %) en rai- son des 60 000 frontaliers qui travaillent en Suisse ou en Allemagne. Aujourd’hui, plus de 15 000 Allemands sont domici- liés en Alsace, propriétaires d’une maison dans des villages, le plus près possible du Rhin. Ils peuvent représenter le quart, voire le tiers, de la population de certains villages. Ils se contentent de résider en Alsace et les actifs repassent tous les jours la frontière pour aller à leur travail dans le pays de Bade.

Les travailleurs frontaliers alsaciens s’inquiètent de la constitution de Novar- tis, deuxième groupe pharmaceutique mondial, résultant de la fusion des socié- tés bâloises Sandoz et Ciba. Cette res- tructuration, qui entraînera la suppres- sion de 10 à 13 000 emplois, n’épargnera pas les 3 400 Alsaciens employés à Bâle ni la Région Alsace elle-même. downloadModeText.vue.download 300 sur 602

FRANCE

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Aquitaine

Après quarante années de bons et loyaux services, le site de Lacq (Pyrénées- Atlantiques) s’apprête à disparaître de la liste (peu copieuse au demeurant) des producteurs d’énergie de l’Hexagone. Le gaz jaillit du sous-sol béarnais en 1951, mais l’usine ne démarre qu’en 1957. En 2010, le gisement sera épuisé. Le site de Lacq, qui assure 7 000 emplois, toutes activités confondues, a « tiré » le déve- loppement du Béarn et de la Région. Il survivra à l’ère du gaz naturel. Forts d’une compétence acquise depuis plus de trente ans, les Béarnais vont créer une techno- pole centrée sur le traitement des déchets – tous les déchets – et sur des unités de recherche liées aux technologies vertes. François Bayrou, ministre de l’Éduca- tion et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, présente ce pôle comme un « chantier d’avenir ». Celui-ci devrait assurer la pérennité de la chimie fine sur le site de Lacq.

L’Aquitaine est devenue une grande région d’aquaculture : 130 sociétés pis- cicoles, 12 000 tonnes de salmonidés, 500 personnes employées dans cette fi- lière, un chiffre d’affaires de 500 millions de francs par an. Deux sociétés landaises, Aqualande et Salmona, se sont regrou- pées au sein d’Aquafrance pour se donner les moyens d’innover dans la recherche de nouveaux produits et dans la distri- bution. Parallèlement, des pisciculteurs aquitains ont constitué un groupement d’intérêt économique (GIE) pour monter une véritable filière caviar.

Auvergne

En obtenant le désenclavement de l’Auvergne et de l’agglomération cler- montoise, le président du conseil régio- nal d’Auvergne, Valéry Giscard d’Estaing, avait réalisé la moitié de sa grande ambi- tion régionale. Restait l’autre : installer au coeur de la chaîne des Puys un vaste downloadModeText.vue.download 301 sur 602

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Centre européen du volcanisme (CEV), à la fois « didactique et ludique ». Ce « pôle de notoriété nationale, voire internatio- nale » doit être installé sur les 57 hectares rachetés à l’armée sur la commune de Saint-Ours-les-Roches. à proximité de Clermont-Ferrand. Vulcania, puisque tel est le nom de baptême de ce projet pré- sidentiel, devait commencer à sortir de terre à l’automne 1995. Le lancement des travaux est sans cesse différé. De nom- breuses voix s’élèvent contre la démesure du « Giscardoscope », inspiré de la réus- site du Futuroscope de Poitiers. L’urba- nisation incontrôlée, le risque de pollu- tion hydrogéologique sont évoqués par le Comité de liaison pour la défense des volcans d’Auvergne.

Le bon enneigement de la fin de l’hiver a permis aux trois stations auvergnates (Mont-Dore, Super-Besse et Super-Lio- ran) de faire le plein. Pour l’ensemble du Massif central, les sports d’hiver font vivre 3 000 personnes. L’ouverture de l’autoroute A 75 et l’arrivée, en moins de quatre heures de route, de la clientèle parisienne justifient les risques financiers pris par les stations pour s’équiper.

Bourgogne

Le circuit de Magny-Cours (Nièvre) gardera le Grand Prix de France de for- mule 1 jusqu’en 1999 au moins. Des emplois ont été créés depuis 1991, mais beaucoup moins qu’on l’espérait. Le cir- cuit, soutenu par François Mitterrand et Pierre Bérégovoy depuis les années 80, a coûté plus de 300 millions de francs, dont la moitié supportée par l’Etat. En revanche, l’impact du circuit sur l’éco- nomie régionale et locale (de 70 000 à 100 000 spectateurs) est estimé à 150 mil- lions de francs. Mais le conseil régional de Bourgogne, qui a apporté 1,3 million de subventions à l’association qui gère le circuit, n’a encaissé que 700 000 F de recettes fiscales.

Avec la crise de la « vache folle », il y a pour les éleveurs de Bourgogne une op- portunité à saisir : ceux-ci rappellent au consommateur la longue tradition d’éle- vage du Charolais sur de grandes surfaces downloadModeText.vue.download 302 sur 602

FRANCE

301 herbagères. C’est la garantie d’une viande de qualité supérieure.

Guy Roux est arrivé à Auxerre en 1961. Il lui a fallu trente-six ans pour faire de l’Association de la jeunesse auxerroise (AJA) un grand club. Trente-six ans, c’est ce qu’il faut pour faire une bonne vigne, dit-on en Bourgogne. Or 1996 fut un bon cru : l’A.J. Auxerre a réalisé le dou- blé Coupe de France-Championnat de France de football. Du coup, la renom- mée de cette ville de 40 000 habitants dépasse les frontières de l’Hexagone et les capitaux commencent à arriver.

Bretagne

Le 26e Festival interceltique de Lorient (FIL) voit son succès grandir d’une année à l’autre : plus de 3 500 musiciens, plus de 300 000 spectateurs en 1996 (davantage qu’en Avignon, qui dispose de plus de subventions). On y brandit bien haut sa celtitude après des siècles d’humiliation. Le chanteur Gilles Servat y a rendu un hommage au chanteur-écrivain et poète Glenmor, décédé en juin.

Pour le rassemblement de « Brest 96 », le port du Ponant a accueilli 2 500 des plus beaux vieux gréements venus des cinq continents : véritable bouillon de cultures pour marins nostalgiques.

L’annonce par Charles Million, mi- nistre de la Défense, d’un plan prévoyant la suppression de 4 800 emplois sur trois ans dans les arsenaux a suscité de vives réactions à Brest et à Lorient. L’inquié- tude est particulièrement vive à Brest, où un emploi sur trois dépend de la Marine nationale. 5 500 personnes y sont em- ployées à la Direction des constructions navales (DCN). 675 postes seront suppri- més avant la fin 1997. Une fois livrés le porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle et le transport de chalands de débarque- ment Sirocco, le chantier de construc- tions neuves sera à l’arrêt pour deux ou trois ans. L’arsenal de Lorient assure 3 000 emplois ; 400 postes devraient être supprimes.

Devant les parlementaires bretons, venus exprimer leurs doléances à Paris, le président Chirac s’est engagé à ce que chaque emploi perdu du fait des restruc- turations militaires soit compensé et a confirmé qu’il n’y aurait pas de licencie- ment sec. downloadModeText.vue.download 303 sur 602

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Centre

La coupure entre le Nord bénéficiant de nouvelles implantations et le Sud tou- ché par la crise est-elle rédhibitoire ? Qu’on en juge. Des créations d’emplois sont annoncées par Valéo à Nogent-le- Rotrou (Eure-et-Loir), par IBM à Boi- gny-Saint-Jean-de-Braye (Loiret). Enfin et surtout, le gouvernement suit les re- commandations du rapport Douffiagues en faveur du site de Beauvilliers (Eure-et- Loir), à 80 kilomètres au sud-ouest de Pa- ris, pour implanter le troisième aéroport du Bassin parisien. Le Commissariat au Plan aurait préféré une implantation au sud de la Loire.

En comparaison, la moitié sud fait figure de région sinistrée. C’est d’abord la restructuration de GIAT-Industries qui désarme la ville de Bourges (Cher) : 2 569 emplois supprimés (sur 11 128) avant 1998. Ce sont aussi tous ces plans de réduction d’effectifs en Sologne ou dans le Berry : les équipementiers Nacam à Vendôme, l’imprimerie de presse Cino del Duca à Blois...

Ces faits risquent de rallumer le contentieux entre « nordistes » et « su- distes », les seconds reprochant aux pre- miers de se désintéresser de la partie la plus fragile de la Région.

Champagne-Ardenne Pour le quinzième centenaire du bap- tême de Clovis, expositions, colloques et spectacles (« Clovis et la naissance de la France ») se sont tenus à Reims... au mo- ment de la venue de Jean-Paul II. Mais, devant une assistance de 200 000 per- sonnes, le pape a souligné que le baptême de Clovis avait eu « le même sens que downloadModeText.vue.download 304 sur 602

FRANCE

303 tout autre baptême ». Sans plus. La polé- mique sur la laïcité et sur le financement du voyage pontifical perdait du coup sa virulence.

Coincée entre Lorraine et Belgique, la vallée industrielle de la Meuse, à peine re- mise des restructurations des années 70 et 80, a failli sombrer pour de bon dans la terrible crue de 1995. Un an après, responsables économiques et élus tirent le bilan de l’action déployée. Le chô- mage dans le département des Ardennes demeure certes supérieur à la moyenne nationale, mais il passe sous la barre des 15 % : 14,9 %, au début de 1996, contre 15,6 % à la fin de 1994.

Beaucoup a été fait pour protéger les installations industrielles contre de nou- velles crues. Le calibrage et la dérivation de la Meuse à Charleville-Mézières ont coûté près de 17 millions de francs, dont 10 millions de fonds européens. Au total, c’est près de 60 millions de francs qui ont été engagés pour des travaux de répara- tion et de protection. Beaucoup reste à faire : c’est ce qu’ont dit les élus à Alain Juppé, venu dans la Région, début avril.

Corse

L’économie de l’île est à l’agonie. Aux faiblesses structurelles sont venus s’ajouter les effets d’une conjoncture dif- ficile liée à la violence et aux attentats. Le secteur tertiaire représente 80 % des emplois ; les transferts sociaux comptent pour 50 % des revenus des ménages ; 90 % des 8 300 entreprises privées ont moins de 10 salariés. Aucun investisse- ment nouveau n’est venu sur l’île depuis plus de dix ans. Le taux de recouvrement de l’impôt dans les délais n’atteint pas 75 %. La Corse avait reçu 1,8 million de touristes en 1992 ; moins de 1,3 million sont venus en 1996 : le manque à gagner avoisine le milliard de francs. Les dettes des agriculteurs corses atteignent 2 mil- liards de francs.

Pour donner une nouvelle impulsion à l’économie de l’île (et/ou pour obtenir une trêve durable de la part des poseurs de bombes ?), le gouvernement d’Alain Juppé propose, le 27 mars, de transfor- mer la Corse en une zone franche. Le feu downloadModeText.vue.download 305 sur 602

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304 vert a été donné par la Commission de Bruxelles sept mois après. La zone franche entre en vigueur le 1er janvier 1997 pour une durée de cinq ans. Elle permet l’exo- nération des charges sociales patronales, de la taxe professionnelle et de l’impôt sur les bénéfices. Coût de l’opération : 600 millions par an. S’y ajoutent 75 mil- lions de francs pour l’aide à la restructu- ration des PME en difficulté. Bruxelles annonce la reprise des versements de la prime à la vache allaitante qui avaient été suspendus pour sanctionner les éleveurs corses d’avoir fraudé en surestimant lar- gement leurs effectifs bovins.

Franche-Comté

En 1975, Jacques Chirac, Premier ministre, avait annoncé la réalisation du canal Rhin-Rhône. Vingt et un ans après, le président de la République, en voyage en Franche-Comté, retrouve la question au même point. Les 230 kilomètres du chaînon manquant, en territoire franc- comtois, devront être équipés de dix-sept

écluses pour compenser une dénivella- tion de 160 mètres. Il en coûtera 28 mil- liards de francs à la SORÉLIF (Société pour la réalisation de la liaison fluviale Saône-Rhône), filiale commune d’EDF et de la CNR (Compagnie nationale du Rhône). Alors que le début des travaux paraît imminent (?), les opposants au projet se mobilisent : ils sont 10 000 à défiler dans les rues de Besançon le 9 juin à l’appel des associations de défense de l’environnement, des fédérations de pê- cheurs, des partis de gauche et des syndi- cats. Outre le peu d’enthousiasme d’EDF et du ministère des Finances et l’hostilité de la SNCF, le projet doit affronter des élus locaux, qui ne sont plus unanimes. Par ailleurs, le conseil régional semble disposé à financer un TGV Rhin-Rhône, défendu avec ardeur par Jean-Pierre Che- vènement, maire de Belfort.

Le combat perdu des salariés de l’Épée a ému toute la région. Fondée en 1839, à Sainte-Suzanne, près de Montbé- liard (Doubs), la Manufacture de l’Épée était la dernière usine française d’hor- logerie de luxe. Depuis 1975, le nombre de salariés est passé de 600 à 64. Le bilan est déposé en janvier. L’usine, fermée, est occupée, puis évacuée. Comme pour les « Lip » il y a dix ans, « l’Épée, c’est fini ». downloadModeText.vue.download 306 sur 602

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Île-de-France

La restructuration des industries de la défense touche l’Île-de-France : sur 204 000 personnes employées dans ce sec- teur en France, plus de 70 000 le sont dans la Région, et le chiffre monte à 120 000 si on prend en compte les sous-traitants. Deux zones sont particulièrement tou- chées, l’une au nord de Paris (Saint-De- nis, Saint-Ouen, Nanterre), l’autre dans le nord de l’Essonne (Massy, Les Ulis, Évry). 35 millions de fonds européens se- ront versés aux entreprises devant enga- ger une diversification de leurs activités dans ce contexte (programme Konver). De nombreuses villes franciliennes vont perdre leurs régiments, que ceux-ci soient dissous ou déplacés (Maisons-Laf- fitte, Beynes, Saint-Germain-en-Laye...).

Le budget de la Région, défendu par Michel Giraud, a été voté par les élus RPR, UDF, écologistes et non-inscrits. La fiscalité directe augmente de 15,6 % en 1996. Les écologistes, sans lesquels il n’est point de majorité, ont obtenu une hausse de 9,03 % de la taxe sur les cartes grises. On compte obtenir 80 millions de recettes supplémentaires, qui seront em- ployées à améliorer la sécurité dans une vingtaine de lycées, à réaliser des pistes cyclables, à lutter contre la pollution de l’air et à réduire le prix de la carte orange pour les jeunes exclus.

Avec 19 % de la population française, la Région représente 23,2 % du revenu disponible brut national (RDB). Avec 103 600 F par habitant par an, le revenu francilien est supérieur de 30 % à celui des provinciaux. Les Franciliens versent le tiers de la masse des impôts collectés en France métropolitaine : leur Région est « au coeur du processus de redistribu- tion de la richesse en direction des Régions moins favorisées », note l’INSEE.

Le solde migratoire n’est positif en Île-de-France que pour les populations jeunes de moins de trente ans. Chaque année, la Région en accueille 45 000, en provenance des provinces (71 %), de l’étranger (25 %) et des DOM-TOM (4 %).

Les élus et la préfecture de la Région manifestent une certaine inquiétude face à la politique de rééquilibrage, trop systé- matique à leurs yeux, menée par la DA- TAR, en faveur de la province. L’Île-de- France craint de se voir imposer, au nom de la solidarité interrégionale, une trop sévère limitation de sa croissance. Déjà en novembre 1995, Michel Giraud s’enga- geait à « demander à la DATAR d’arrêter toute aide à la désindustrialisation de la Région », suivi par Édouard Balladur : « Les délocalisations sont inacceptables si elles privent la Région de ses pôles de re- cherche et de ses entreprises industrielles. » downloadModeText.vue.download 307 sur 602

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L’image d’une Région-capitale vam- pirisant le reste du pays est dépassée. Depuis le début de la décennie, 40 % des emplois perdus dans le pays l’ont été en Île-de-France ; où, dans le même temps, le nombre de bénéficiaires du RMI a aug- menté de 25 %.

Pour accroître leur productivité d’ensemble, les grandes entreprises n’épargnent plus leurs sièges sociaux, dont les effectifs diminuent à Paris et en proche banlieue. On délocalise les activi- tés de type « back office » (comptabilité, informatique, gestion du personnel) sur les sites de production. Ainsi Peugeot transfère son centre de traitement infor- matique du siège parisien à l’usine de Poissy (Yvelines).

Les grèves de décembre 1995 avaient donné aux automobilistes l’occasion de partager une voiture pour se rendre au travail : l’idée de covoiturage faisait son chemin. Malgré quelques initiatives ponctuelles, les collectivités locales n’y croient plus. Pourtant, la toute nouvelle autoroute – à péage – entre Orgeval et la Défense est gratuite pour les véhicules ayant au moins trois passagers à bord.

Languedoc-Roussillon

La grande débandade de l’emploi continue dans une Région qui détient toujours le record national du chômage : 16,1 % de la population active au début de 1996. Concurrencée par les fabricants italiens, espagnols et asiatiques, l’indus- trie de la chaussure, qui a fait les belles heures de la région de Limoux, opère une sévère mutation : en quinze ans, les effec- tifs de Myrys et de La Chausséria sont passés de 2 000 à 450, et ce n’est pas fini. Toujours à Limoux, Formica s’apprête à supprimer des emplois. La COGEMA va bientôt fermer son usine de Lodève (Hérault) et son usine de retraitement de Marcoule (Gard). Pourtant, on conti- nue, parallèlement, à créer des emplois : grâce au plan Diamant, qui accompagne le retrait d’IBM et dont profitent une cen- taine de PMI ; grâce à la COGEMA, qui va construire sur son site de Marcoule un bâtiment d’entreposage de déchets downloadModeText.vue.download 308 sur 602

FRANCE

307 radioactifs ; grâce à de grands chantiers, enfin, comme la pose du gazoduc de Saint-Martin-de-Crau à Lias pour ache- miner le gaz d’Algérie, ou l’aménagement du TGV-Méditerranée, en attendant celui du TGV catalan vers Perpignan.

Montpellier entrera avant la fin du siècle dans le club des villes françaises ayant fait du tramway un outil privilégié de transport urbain. Les travaux com- mencent en 1997. Le projet prend en compte la forte augmentation de la popu- lation et l’extension de l’agglomération.

Limousin

Réunion de crise à Limoges : les ventes de porcelaine ont chuté de 20 % de janvier 1995 à janvier 1996. Sur 50 entreprises, 3 seulement ont plus de 100 salariés : Bernardaud, Haviland et Raynaud. L’industrie de la porcelaine emploie encore plus de 2 000 personnes

(4 000 pour l’ensemble de la filière) au- tour de Limoges, qui assure 55 % de la production française. La crise vient des concurrents étrangers qui délocalisent à tout va, et des contrefaçons asiatiques, signées « Limoges », qui envahissent les marchés américain et asiatique. L’union des fabricants demande des allégements fiscaux et surtout qu’une AOC soit dé- crétée qui obligerait à tout fabriquer en Haute-Vienne. Il faut l’accord de Paris et de Bruxelles.

Dans une Région où 80 % des revenus agricoles viennent de la production ani- male extensive, d’un élevage bovin nourri à l’herbe, identifié, protégé dans une large mesure par des labels, on éprouve un énorme désarroi devant l’effondrement des ventes et des cours de la viande. Pour- tant, « nos vaches ne mangent jamais de viande », entend-on dire sur les marchés.

Les salariés de la Manufacture d’armes de Tulle, la « Manu », sont inquiets et le font savoir jusque sous les fenêtres de la préfecture de la Corrèze. GIAT-Indus- tries n’y emploie plus que 930 personnes, contre 1 500 il y a dix ans. downloadModeText.vue.download 309 sur 602

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Lorraine

L’étude menée par I’INSEE et la DRIRE (Direction régionale de l’indus- trie et de la recherche) vient tempérer l’image classique d’une Région en proie à la désindustrialisation. Le charbon, le fer, l’acier, le textile appartiennent au passé. L’heure est aux IHT (industries de hautes technologies). La Région soigne son image de marque et engage une campagne de séduction tous azimuts auprès des investisseurs étrangers. Avec 340 entreprises industrielles étrangères (dont 148 allemandes, 40 américaines, 29 britanniques), la Lorraine se place parmi les toutes premières en France. Sur 200 000 emplois industriels, plus de 45 000 dépendent d’une entreprise étran- gère, soit autant que de frontaliers allant tous les jours travailler dans une entre- prise située dans un pays voisin. Il est vrai que JVC Manufacturing France a annon- cé son départ de Longwy pour l’Écosse, mais la Lorraine attend beaucoup de la reprise de Thomson Multimédia par Daewoo, déjà installé à Villers-la-Mon- tagne, Mont-Saint-Martin et Fameck.

Le conseil régional est sur les rangs pour accueillir le transporteur aérien américain DHL après le refus alsacien. Le plan de restructuration de l’armée touche durement la Région, qui apprend la dis- solution de cinq régiments et la ferme- ture de deux bases aériennes.

Midi-Pyrénées

Tarbes doit payer un lourd tribut au plan de restructuration de l’industrie militaire française présenté par Charles Millon. Sur les 2 600 emplois que GIAT- Industries doit supprimer dans l’Hexa- gone, près de 600 concernent le site de Tarbes, où l’on construit les tourelles downloadModeText.vue.download 310 sur 602

FRANCE

309 du char Leclerc. Ils vont s’ajouter aux 5 000 emplois déjà perdus depuis dix ans, liés au désengagement des groupes fran- çais de GIAT-Industries ou d’Alsthom.

La traversée du Tarn, à proximité de Millau (Aveyron), reste le gros problème à régler pour achever l’autoroute A 75, la Méridienne, qui doit relier Clermont- Ferrand à Béziers. C’est le projet de via- duc de l’architecte britannique Norman Foster que le ministère de l’Équipement a choisi pour franchir la vallée à 205 m au-dessus de la rivière. Le viaduc, long de 2 500 m, devra être achevé en 2001.

L’arrêt de l’exploitation charbonnière à Carmaux est toujours fixé à la fin du premier semestre 1997. Un concours international d’idées pour la valorisation économique du site est lancé. Mais com- ment utiliser un terrain de 750 ha avec en son milieu un trou de 800 m de diamètre et 200 m de profondeur ? Le Code mi- nier impose à Charbonnages de France la réhabilitation du site. 160 millions de francs sont déjà budgétisés pour des travaux qui vont se poursuivre jusqu’en 2001 et employer la totalité de l’effectif des mineurs.

Nord-Pas-de-Calais

L’emploi était le thème principal de la visite effectuée par le président Chirac dans le département du Pas- de-Calais en septembre 1996. Dans l’ensemble de la Région, le taux de chômage dépasse toujours 16 %, avec des pointes à plus de 25 % dans cer- tains cantons du Valenciennois ou de la vallée de la Sambre. L’industrie tex- tile, qui a déjà payé un lourd tribut à la crise, n’est pas au bout de ses peines. 10 à 15 % des 34 000 emplois textiles de la Région sont menacés. Dernière victime en date, la Lainière de Rou- baix, qui dépose son bilan le 30 avril 1996. Le sort de 587 salariés est en jeu (ils étaient 7 000 dans les années 60). Les causes sont bien connues : la baisse de la consommation, la concurrence des pays à faible salaire, etc., mais les dévaluations compétitives (la livre, la peseta, la lire) ont accentué le proces- sus : en deux ans, quand l’Italie créait downloadModeText.vue.download 311 sur 602

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10 000 emplois dans le textile, le Nord en perdait 17 000.

Noeux-les-Mines (Pas-de-Calais) est la station de ski française la plus septen- trionale. Sur un terril haut de 115 mètres, encombrant vestige d’un passé récent, seul relief au coeur du plat pays, les ama- teurs de sports d’hiver peuvent s’adonner à leurs joies favorites sur une piste syn- thétique composée de 64 000 plaques de PVC. Rien ne manque : trois niveaux de difficulté, deux remonte-pentes et un bar d’altitude. Les 130 millions investis viennent de Bruxelles et du conseil géné- ral. Il en coûte 35 F les deux heures de ski.

Dans le même ordre d’idées, la ré- habilitation de la friche industrielle de la fosse Ledoux à Condé-sur-l’Escaut (Nord) est exemplaire. Le domaine de 230 ha, dont une cinquantaine de surface lacustre, a été couronné par le prix de l’Arbre d’argent, qui récompense les plus beaux espaces paysagers français. Les travaux se sont échelonnés entre 1990 et 1994. En 1996, les cygnes évoluent sur les lacs et on rêve d’y accueillir une épreuve des jeux Olympiques en 2004... si le CIO retient la candidature lilloise.

Pierre Mauroy a justement pris la tête de l’association Lille 2004, qui porte les couleurs de la ville candidate à l’organi- sation des jeux Olympiques. Le budget de candidature atteint 80 millions de francs alimenté à parts égales par Lille et la communauté urbaine, les entreprises régionales, la Région et les deux départe- ments, l’État, enfin.

Deux ans après l’incendie de la gare de Marée, Boulogne-sur-Mer est devenue le premier centre européen du traitement des produits de la mer. 85 entreprises agroalimentaires y sont représentées, dont Nestlé-Findus, Krustanord (traite- ment des crevettes tropicales), Reynaud (mareyage), Gelmer (aliments préfrits et précuits), etc.

Malgré les quotas de capture et des normes européennes de plus en plus contraignantes, Boulogne compte sur l’accroissement continu de la consomma- tion de poisson.

Après deux années de travaux, la nou- velle aérogare de Lille-Lesquin est entrée en service. Elle pourra accueillir jusqu’à 1,5 million de passagers par an. Onzième aéroport français avec 900 000 passagers, Lille-Lesquin est parvenue à stabiliser ses trafics voyageurs et fret malgré la concur- rence du TGV. Air-Inter-Europe, qui assure plus de la moitié de l’activité de l’aéroport, a ouvert des lignes vers Mont- pellier, Toulouse et Bordeaux.

Le Nord-Pas-de-Calais est la deu- xième Région pour la création d’emplois liés aux investissements étrangers, et la première pour les emplois « générés » par les primes d’aménagement du territoire versées par la DATAR. downloadModeText.vue.download 312 sur 602

FRANCE

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Basse-Normandie

Vendredi 28 juin : journée « ville morte » à Argentan (Orne). Moulinex (11 300 salariés) va supprimer 2 600 em- plois en trois ans, dont 1 800 en Norman- die. L’usine d’Argentan (262 salariés) va être fermée ; les effectifs de l’établissement d’Alençon passeront de 1 500 à 1 000 sa- lariés. Les autres pôles de production se- ront spécialisés, mais peut-être ne sont- ils qu’en sursis. Pierre Blayau, président du directoire de Moulinex, espère parve- nir à « zéro licenciement subi » par le jeu des départs en préretraite, des reclasse- ments et la réduction du temps de travail. C’est un coup dur pour une Région qui apprend en même temps des réductions d’effectifs au Crédit Lyonnais (Bayeux), chez Akaï (Honfleur), chez Idéa (Villers- Bocage). Comme si cela ne suffisait pas, Cherbourg, depuis l’annonce du plan de restructuration de la Direction des constructions navales (DCN), vit avec le spectre d’une réduction de moitié des effectifs de l’arsenal. L’arsenal, c’est plus de 4 000 salariés, des milliers d’emplois induits, des centaines de PME sous-trai- tantes ; c’est aussi 1,5 milliard de francs injectés dans l’économie du nord-Coten- tin, c’est le quart des recettes fiscales de la communauté urbaine de Cherbourg.

La Basse-Normandie verdoyante et détrempée, irriguée par un réseau de 4 500 km de cours d’eau, fait l’apprentis- sage de la sécheresse. Après un hiver sec (il a plu deux fois moins que d’habitude), le déficit pluviométrique a dépassé 80 % de juin à août. Les trois départements ont dû prendre des arrêtés limitant les usages de l’eau. Les productions des cultures maraîchères chutent de 20 à 40 %. Les éleveurs, déjà touchés par la crise de la « vache folle », sont doublement affectés. Les prélèvements d’eau dans les rivières pour l’irrigation et l’approvisionnement des villes sont limités par la « loi pêche », qui garantit un débit minimal pour pro- téger la flore et la faune. downloadModeText.vue.download 313 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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Haute-Normandie

Encouragées par Jacques Chirac, venu en septembre 1995, les autorités du port du Havre voudraient bien donner un nouvel élan à leur organisme portuaire, distancé par les concurrents du Benelux. Le projet « Port 2000 » élaboré par la préfecture de Région visait à construire de nouveaux appontements en eau pro- fonde, directement sur le fleuve : il fallait confirmer Le Havre dans son rôle de pre- mier port français pour le trafic de conte- neurs, trafic appelé à se développer de 8 à 10 % par an jusqu’à l’horizon 2005. Ce projet a provoqué un double tollé. Celui des marins-pêcheurs, inquiets pour l’ave- nir de certaines espèces de poissons qui perdraient ainsi leur principale zone de reproduction. Celui des écologistes, qui voient le risque d’abandon d’une réserve naturelle, située entre les ponts de Nor- mandie et de Tancarville, pour laquelle ils se battent depuis plusieurs années. Soute- nus par Bruxelles, les marins-pêcheurs et les écologistes le sont aussi par les élues de la Côte Fleurie : Corinne Lepage, maire adjoint de Cabourg et ministre de l’Environnement, Anne d’Ornano, maire de Deauville, Nicole Ameline, député d’Honfleur. En effet, la réalisation de « Port 2000 » risque de modifier le régime de la Seine et, en conséquence, d’envaser leurs plages. On se donne un délai de deux ans avant d’entreprendre l’aména- gement industrialo-portuaire de la basse plaine alluviale. Plusieurs grands groupes industriels français et étrangers étaient déjà sur les rangs pour s’y installer.

Pays de la Loire

La loi de protection du littoral (1986), qui pose pour principe l’interdiction de toute construction nouvelle sur une bande de 100 mètres de large à partir du rivage, a peu d’utilité dans la Région, où le littoral est urbanisé à plus de 90 % depuis les années 60. On a tout de même voulu sauver ce qui pouvait l’être : le plan « Loire, grandeur nature » (1994) protège sur 16 500 ha une véritable écharpe verte downloadModeText.vue.download 314 sur 602 FRANCE

313 entre Nantes et Saint-Nazaire. Mais les besoins en espace du port, de la raffinerie Elf à Donges, de Gaz de France sur son terminal méthanier de Montoir-de-Bre- tagne, d’EDF pour sa centrale de Corde- mais créent une pression et une menace croissantes.

L’aménagement du littoral est au centre de la crise municipale qui a secoué L’Île-d’Yeu (Vendée) : les élus ont démis- sionné pour protester contre l’application stricte de la « loi littoral » et appuyer les revendications des entrepreneurs du bâ- timent privés de chantier.

À l’arsenal d’Indret (Loire-Atlan- tique), le quatrième site de la Direction des constructions navales (DCN) de l’Ouest et troisième établissement indus- triel de la Basse-Loire, 530 emplois sur 1 580 vont être supprimés d’ici à la fin de 1998.

Le scarabée Osmoderma eremita, dit « pique-prunes », est une espèce protégée par la convention de Berne (1992), dont la France est signataire. Sa découverte dans la forêt de Bercé, entre Le Mans et Château-du-Loir, pourrait bien remettre en question le tracé de l’autoroute A 28, dont le chantier doit démarrer en 1997.

Picardie

Amiens a profité de la visite de Jacques Chirac pour entériner un projet de zone franche concernant le quartier nord de la ville, disposé en arc de cercle et abritant 25 000 personnes. C’est la par- tie de l’agglomération la plus touchée par le chômage et la délinquance. Écopolis – c’est le nom de la zone franche – doit ac- cueillir des entreprises de main-d’oeuvre, mais aussi des commerces et des services. Une centaine de postes financés par la municipalité concerneraient des anima- teurs sportifs et culturels, des « agents d’ambiance » employés dans les bus cir- culant aux heures tardives.

En prévision de l’ouverture (fin 1997) de l’autoroute A 16 Paris-Londres, le département de la Somme encourage d’importants investissements touris- tiques, sans perdre de vue la protection de l’environnement. Le groupe Pierre et Vacances investit 300 millions de francs pour construire un village de 10 000 m2 downloadModeText.vue.download 315 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

314 sur les dunes de la côte picarde, au nord de la baie de Somme. Le département dépense 100 millions de francs pour des travaux de voirie et de raccordement. L’ensemble de l’opération est confié au Syndicat mixte d’aménagement de la côte picarde (Smacopi), unique maître d’oeuvre. Pour protéger les terres situées sous le niveau de la mer, la construction d’une digue de protection est financée à égalité par l’État, les collectivités locales et le FEDER : la Picardie est « zone pilote communautaire pour l’environnement ».

Poitou-Charentes

Les 27 000 entreprises artisanales de la Région seraient-elles plus perfor- mantes que les autres ? La Région Poitou- Charentes détient le plus fort taux natio- nal de titres de maître artisan, avec près de 20 % de l’ensemble des titres remis en France. La première Université d’été de l’artisanat s’est tenue en septembre, en présence de l’ensemble des décideurs du secteur et du Premier ministre Alain Jup- pé. Pour Jean-Pierre Raffarin, ministre des PME, du Commerce et de l’Artisanat, et également président du conseil régio- nal, « cette Université d’été est le premier volet d’un projet plus large destiné à favo- riser l’innovation et l’exportation dans les entreprises artisanales ».

La médiathèque François-Mitterrand a été inaugurée en plein centre de Poitiers (Vienne). Commencé en 1990, ce chantier « pharaonique » a coûté 127,5 millions de francs. L’État a apporté 30 millions ; la Région, 2,2 millions ; le département, 4 millions. Le reste a été payé par la ville, qui devra aussi assurer un fonctionne- ment estimé à 16 millions de francs par an. La médiathèque doit être à la fois une bibliothèque de diffusion destinée au grand public et une bibliothèque patri- moniale réservée aux chercheurs. La jus- tification ? Poitiers, avec ses 30 000 étu- diants, est le seul grand pôle universitaire de la Région. downloadModeText.vue.download 316 sur 602

FRANCE

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Provence-Alpes-Côte d’Azur

« Cathédrale marchande », « pro- jet pharaonique », « vaste provocation », etc. Les termes ne manquaient pas pour qualifier « Grand Littoral », le plus vaste centre commercial de France, qui a ou- vert ses portes en octobre 1996 sur la ZAC Saint-André, dans les quartiers nord de Marseille, les plus touchés par le chômage. Mais les entreprises présentes (Continent, C & A...) ont joué le jeu de l’embauche locale : 60 % des emplois du- rables ont été confiés à des demandeurs d’emploi des arrondissements nord.

Dans le centre-ville, entre la gare Saint-Charles et le Vieux-Port, le projet Euroméditerranée se précise. 1995 avait été l’année de la création de l’établisse- ment public. 1996 a été celle des grands choix économiques (créer 16 000 em- plois tertiaires). 1997 sera celle des tra- vaux de démolition. 1998, enfin, verra les premiers bâtiments sortir de terre. Il s’agit de réorganiser, à l’horizon 2015, le centre urbain d’une métropole désireuse de jouer un rôle de premier plan dans la nouvelle politique méditerranéenne de l’Union européenne.

Depuis le lundi 16 septembre 1996, à 0 heure, les missiles nucléaires du plateau d’Albion ne sont plus opérationnels.

Malgré ses vingt-six ans d’âge, le technopole Sophia-Antipolis se porte bien : il vient de dépasser la barre des 16 000 emplois.

Rhône-Alpes

À la veille du second tour des élec- tions municipales de juin 1995, Jacques Chirac avait annoncé que Lyon recevrait le G 7 de l’année suivante : un cadeau à Raymond Barre, candidat à Lyon et qui avait soutenu le maire de Paris à l’élection présidentielle ? Quoi qu’il en soit, la ve- downloadModeText.vue.download 317 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

316 nue dans la capitale des Gaules des prin- cipaux chefs d’État de la planète, suivis par quelque 3 000 journalistes, fut l’occa- sion pour Raymond Barre de « vendre » l’image de sa ville au monde entier et de lui donner une stature de grande ville internationale. Écartée de la sélection olympique au profit de Lille, Lyon tient sa revanche avec le G 7.

Les tunnels routiers du Mont-Blanc (inauguré en 1965) et du Fréjus (1981) voient passer de 750 000 à 800 000 poids lourds par an. Ils sont sur le point d’être saturés ; l’air des vallées est aussi pol- lué que celui des grandes métropoles. Comme la Suisse et, dans une moindre mesure, l’Autriche entament des poli- tiques draconiennes pour limiter la cir- culation des poids lourds sur leur terri- toire, c’est sur les routes françaises et les tunnels susdits que le trafic transalpin risque de se reporter. La saturation totale est annoncée pour l’échéance de 2010. La solution ? Celle que les Suisses ont rete- nue : charger les camions sur des trains et leur faire traverser la chaîne alpine sur de véritables autoroutes ferroviaires : c’est le ferroutage.

Rhône-Alpes figure parmi les Ré- gions les plus touchées par le grand chantier gouvernemental restructurant les activités de défense. Déjà touché par les crises des houillères, de la sidérur- gie, de Manufrance, de Creusot-Loire, le département de la Loire est aujourd’hui confronté aux réductions d’effectifs annoncées par GIAT-Industries : sur les 5 000 emplois de Saint-Chamond, Roanne et Saint-Étienne, 1 100 vont être supprimés avant la fin de 1998. Si on ajoute à cela la relégation en deuxième division de la glorieuse équipe des

« Verts » et la fermeture du prestigieux restaurant de Pierre Gagnaire, on se dira que vraiment la cité stéphanoise connaît des heures difficiles.

La Région, présidée par Charles Millon, ministre de la Défense, a signé avec l’État une convention « armement » visant à atténuer les effets de la restructu- ration en favorisant la diversification du tissu industriel et la création d’emplois de remplacement. Déjà la Région a reçu près de 14 millions de francs, dans le cadre du programme Konver : une grande partie sera utilisée pour la réaffectation des sites jusque-là détenus par l’armée à Roanne et à Saint-Étienne.

Après des décennies d’ignorance réciproque, les deux capitales régio- nales, Lyon et Grenoble, envisagent leur proximité comme un atout économique et culturel. Les universitaires avaient commencé au début des années 90 en créant le schéma « Université 2000 ». Les élections municipales de 1995 et la candidature (non retenue) de la Région aux jeux Olympiques de 2004 ont pré- cipité le mouvement. Trois réunions au sommet ont eu lieu en 1996, avec les maires de Lyon et Grenoble, mais aussi de Saint-Étienne, Valence, Bourg-en- Bresse, Annecy, Chambéry et Privas. Le développement économique y est à l’ordre du jour : transferts de techno- logie, promotion sur les marchés exté- rieurs, renforcement du tissu industriel. Le volet culturel vise à renforcer les re- lations déjà anciennes entre les centres culturels et scientifiques, les écoles d’art, les musées.

La sériciculture renaît en France : la première station de grainage de vers à soie en Europe voit le jour dans la com- downloadModeText.vue.download 318 sur 602

FRANCE

317 mune de Mirabel (Ardèche) au printemps 1996. Le centre servira de pilote pour l’industrie européenne de soie grège.

DOM-TOM

Jacques Chirac en visite officielle à la

Réunion pour le 50e anniversaire de la loi sur la départementalisation

En décembre 1994, le candidat aux élections présidentielles Jacques Chirac s’était engagé à achever l’égalité sociale entre les DOM et la métropole. Depuis le 1er janvier 1996, le SMIC est aligné sur celui de la métropole. Le président de la République a donc tout naturel- lement choisi l’île de la Réunion pour son premier voyage officiel outre-mer, à l’occasion du 50e anniversaire de la loi du 19 mars 1946 sur la départementa- lisation des « quatre vieilles colonies ». Mais l’égalité des chances reste à faire. La Réunion détient le record national du chômage avec un taux supérieur à 37 %. L’île, peuplée de 650 000 habi- tants, compte plus de 100 000 chômeurs (la moitié ont moins de vingt ans) et 50 000 RMIstes. Paul Vergés, vice-prési- dent du conseil régional : « Nous aurons bientôt plus de chômeurs que d’actifs. Un risque d’explosion sociale. »

Comme aux Antilles, le débat poli- tique tourne autour de la rémunération des fonctionnaires (« la prime de cha- leur », dit-on avec ironie), supérieure de 53 % par rapport à la métropole. Et Margie Sudre, secrétaire d’État à la Fran- cophonie et présidente de l’assemblée régionale, de fustiger les gouvernements successifs qui ont encouragé à la fois la réduction de 20 à 30 % des revenus des plus défavorisés et la surrémunération de plus de 50 % de ceux qui ont la sécu- rité de l’emploi.

La Guyane toujours dépendante de

Kourou et de Paris

L’explosion, le 4 juin 1996, de la fusée Ariane 5, pour son premier essai (perte sèche : 2,7 milliards de francs), ne met en cause ni le programme Arianespace ni la présence du CNES au centre spa- tial de Kourou, qui demeure le premier site de lancement de satellites. La base de Kourou génère 9 760 emplois directs ou indirects et 28 % de l’ensemble des salaires payés dans le pays.

Les préoccupations majeures des Guyanais touchent à la sécurité : chô- mage d’abord (18 % de la population active), précarité de nombreux emplois et immigration massive en provenance d’Haïti, du Brésil et du Suriname. L’ac- cumulation des problèmes provoque une flambée de violence à l’automne. Au cours de sa visite (mars 1996) en Guyane, le Premier ministre avait bien annoncé la création d’une route pour désenclaver l’est du département et le dépôt d’un projet de loi réformant le Code minier des DOM : mieux encadrer l’activité aurifère, récente, afin d’éviter l’immigration clandestine et les dom- mages irrémédiables causés à l’environ- nement. Cela n’a pas suffi pour apaiser le malaise guyanais.

Deux réserves naturelles ont été créées en décembre 1995 et juin 1996. Le projet de parc national lancé par Ségo- lène Royal au sommet de Rio (1992) a des chances d’aboutir en 1997. Il concer- nerait toute la moitié sud du départe- ment. Cependant, la communauté scien- tifique est partagée sur sa délimitation, downloadModeText.vue.download 319 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

318 voire sur son principe. De plus, il englo- berait les principales zones aurifères qui suscitent des convoitises diverses.

La Polynésie française entre dans l’« après-nucléaire »

La dernière campagne nucléaire, qui avait provoqué de violents affronte- ments en Polynésie ainsi que la répro- bation unanime des pays riverains du Pacifique, s’est achevée par un sixième tir, le 27 janvier 1996. Le surlende- main, Jacques Chirac annonçait l’arrêt définitif des essais nucléaires français. Jusqu’à présent, 70 % du PIB polyné- sien venaient des financements publics destinés à l’armée et au CEP (Centre d’expérimentation du Pacifique), avec des retombées indirectes importantes sur l’économie locale. La Polynésie devra désormais apprendre à vivre sans le CEP. Le traité international de Rarotonga en faveur de la dénucléari- sation du Pacifique est signé le 25 mars 1996. Paris s’engage à verser au terri- toire 990 millions de francs pendant dix ans pour aider à la reconversion économique de l’archipel. Les violentes manifestations de l’automne 1995 ne sont sans doute pas étrangères à l’adop- tion d’un nouveau statut (avril 1996) pour le territoire polynésien, dont l’au- tonomie se trouve renforcée. Certaines compétences de l’État sont transférées au territoire (télécommunications, des- sertes maritimes et aériennes, exploita- tion des eaux territoriales, du sol et du sous-sol). Est-ce un texte taillé sur me- sure pour Gaston Flosse ? Les élections territoriales du 12 mai 1996 ont donné à son parti, le Tahoreaa Huiraatira, 22 des 41 sièges de l’assemblée, le parti indépendantiste Tavini d’Oscar Temaru en obtenant 10.

La Nouvelle-Calédonie dans la perspective de 1998

À l’approche du référendum d’autodé- termination de 1998, les négociations, souvent laborieuses, s’intensifient entre les caldoches, population d’origine eu- ropéenne, anti-indépendantiste, et les Kanak. Mélanésiens, partisans de l’indé- pendance. Mais les divisions internes à chaque partie se font jour. Le 15 février 1996, Rock Wamytan, nouveau président du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), déclare officielle- ment que son parti ne demanderait pas l’indépendance ; prise de position qui ne fut pas unanimement approuvée au sein du FLNKS. De son côté, Jacques Lafleur, signataire des accords de Matignon, pré- sident du RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République), chef de file du camp anti-indépendantiste, évoque en août 1996 la notion de « sou- veraineté partagée » entre la France et la Nouvelle-Calédonie. Mais il n’est pas sui- vi par la totalité du camp « européen ».

Dans ces conditions, les négociations sur l’avenir institutionnel du territoire (« réunions du comité de suivi des ac- cords de Matignon »), qui réunissent des représentants du gouvernement français, du FLNKS et du RPCR, sont parfois dif- ficiles. La question du nickel vient com- pliquer les choses. La province Nord, contrôlée par le FLNKS, est devenue le plus gros exportateur du territoire, mais la seule usine de traitement, propriété de la Société Le Nickel (SLN), se trouve à Nouméa. Le FLNKS demande que la SLN, filiale d’Eramet, dont l’État est downloadModeText.vue.download 320 sur 602

FRANCE

319 actionnaire, lui cède le massif minier de Tiébaghi, cession indispensable pour que la province Nord construise une usine (coût : 5 milliards de francs) en parte- nariat avec le canadien Falconbridge. Le consensus politique est désormais lié à l’accord minier.

CLAUDE MALASSIGNÉ downloadModeText.vue.download 321 sur 602 downloadModeText.vue.download 322 sur 602

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ÉCONOMIE downloadModeText.vue.download 323 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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ÉCONOMIE MONDIALE

En 1996, l’économie mondiale renoue avec la croissance, tandis que les poli- tiques économiques s’efforcent de réduire les déficits publics et l’inflation. L’activité est très soutenue en Asie, plus modérée outre-Atlantique. L’Europe émerge len- tement du ralentissement de 1995, et les économies en développement ne pro- gressent pas suffisamment pour résorber leurs déséquilibres. Le monde semble s’être engagé sur un chemin de croissance plus équilibré.

Croissance régulière en Amérique du Nord

La croissance est soutenue aux États-Unis (2,3 %, contre 2 % en 1995), pour la si- xième année consécutive. La banque cen- trale joue un rôle moteur dans la reprise : alors qu’elle avait augmenté ses taux d’in- térêt dès le début de la crise mexicaine, en 1994, elle les abaisse pendant le premier semestre, pour soutenir l’activité. En été, la crainte d’un redémarrage de l’inflation provoque une augmentation de plus de un point des taux d’intérêt à long terme, ce qui alourdit le coût du crédit pour les entreprises et rend l’épargne plus attrac- tive pour les ménages. D’où une certaine décélération au second semestre.

On a cru jusqu’à l’été que la sur- chauffe menaçait l’économie américaine, d’importantes créations d’emploi au prin- temps (plus de 250 000 par mois) ayant montré qu’elle était proche du plein em- ploi (le taux de chômage est descendu à 5,5 %). Malgré tout, les salaires ont peu progressé, car le marché du travail est res- té très concurrentiel : les licenciements se sont multipliés, ce qui a freiné les reven- dications salariales. Les coûts de produc- tion des entreprises n’ont progressé que de 2,3 %, leur permettant de maintenir des profits élevés, sans augmentation excessive des prix de vente. Le risque de redémarrage de l’inflation est donc écarté (2,9 %, contre 2,7 % en 1995).

Les ménages et les entreprises jouent un rôle moteur dans la reprise au pre- mier semestre. Mais l’endettement des ménages reste élevé (il représente plus de 85 % de leur revenu), et l’augmentation des taux d’intérêt de la seconde partie de l’année les incite à limiter l’ouverture de nouveaux crédits à la consommation. Les entreprises maintiennent leur effort d’investissement, essentiellement dans les équipements informatiques. Le com- merce extérieur prend, en fin d’année, le relais de la demande intérieure qui s’essoufflait, la reprise sensible chez les principaux partenaires des États-Unis se confirmant.

Les discussions entre le Congrès et le gouvernement sur l’adoption du budget fédéral sont particulièrement laborieuses et portent sur la réduction des dépenses sociales, que l’Administration Clinton souhaite maintenir tout en poursuivant la réduction des déficits publics. Au mois de mars, ce blocage provoque la mise au chômage technique de l’ensemble des fonctionnaires fédéraux. En avril, le gou- vernement réussit à sauver ses priorités, les transferts sociaux progressant de plus de 6 %, sans freiner la réduction du défi- cit. En juillet, il acceptera cependant une réforme de l’aide sociale, dont les effets ne se feront pas sentir cette année.

Cependant, si l’accélération de l’éco- downloadModeText.vue.download 324 sur 602

ÉCONOMIE

323 nomie se confirmait, elle pourrait non seulement entraîner une remontée du- rable des taux d’intérêt, mais aussi une montée du dollar et obérer ainsi la re- prise esquissée au Japon et en Europe. Au Canada, où l’activité est intimement liée à celle des États-Unis, la rigueur budgé- taire et le haut niveau des taux d’intérêt pèsent sur le revenu et la consomma- tion des ménages. La charge de la dette publique (l’endettement est supérieur à 100 % du PIB) est devenue insoutenable ; l’ajustement des déficits publics risque de contraindre durablement l’économie canadienne. En revanche, la reprise aux États-Unis permet au commerce extérieur de tirer la croissance (2 % en moyenne en 1996, contre 2,3 % en 1995). Le chômage amorce une lente décrue (9,2 % de la po- pulation active), insuffisante cependant pour redonner confiance aux ménages, dont le taux d’épargne (6,5 %, contre 7,5% en 1995) pourrait ne pas diminuer en 1997, et peser sur la croissance.

Sortie de crise au Japon

L’économie japonaise, en crise depuis cinq ans, repart enfin en 1996, grâce aux très importants plans de relance du gouvernement. Les dirigeants japonais ont mené six plans de relance successifs depuis le début des années 90. L’endet- tement de l’État a fortement augmenté (il représente 85 % du PIB en 1996 et a progressé d’un tiers en cinq ans), mais l’année 1996 marque la fin des politiques budgétaires expansionnistes : le déficit public se creuse pour la quatrième année consécutive (4,5 % du PIB). Les allége- ments d’impôts et les plans de soutien du bâtiment sont abandonnés. Signe que l’équilibre des finances publiques est devenu la préoccupation majeure du gouvernement, d’importantes hausses d’impôts sont décidées en cours d’année.

La banque centrale japonaise conti- nue de soutenir l’activité, en maintenant les taux d’intérêt à de très faibles niveaux. L’inflation très basse lui permet d’abais- ser encore ses taux à court terme (0,6 %, contre 1 % en 1995). La politique moné- taire soutient donc l’activité, permettant aux ménages et aux entreprises de s’en- detter à moindre coût. En revanche, le dollar continue de s’apprécier par rapport au yen, pesant sur la compétitivité des en- treprises japonaises : l’excédent commer- cial se réduit à nouveau en 1996 (1,4 % du PIB).

Les banques japonaises entament en 1996 leur redressement. Elles étaient très affaiblies par la crise immobilière du début des années 90, plusieurs sociétés de crédit immobilier, ou jusen, ayant fait faillite à la fin de l’année 1995. Les insti- tutions de crédit japonaises ne parvenant plus à emprunter à des conditions satis- faisantes, malgré le faible niveau des taux d’intérêt, les marchés financiers, suspi- cieux, leur imposant une forte « prime de risque ». Le gouvernement met en place en 1996 un programme d’assainissement du secteur bancaire : la surveillance des engagements des banques est renforcée, les pertes accumulées par les jusen sont partiellement prises en charge par l’État. Le reste du système bancaire peut ainsi entamer sa remise à flot, en accédant au marché monétaire à des taux plus intéres- sants et en apurant progressivement les créances douteuses.

La croissance japonaise atteint son plus haut niveau depuis cinq ans (2,7 %) downloadModeText.vue.download 325 sur 602

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324 grâce au dynamisme de l’investissement public et de la consommation des mé- nages. D’une part, les revenus financiers et immobiliers cessent de diminuer, les salaires ont progressé sensiblement ; d’autre part, cependant, la perspective d’une majoration des impôts en 1997, la montée du chômage à partir du second semestre et l’anticipation d’une reprise de l’inflation en fin d’année incitent, dans un deuxième temps, les ménages à augmen- ter leur épargne de précaution. Au total, l’augmentation de leurs revenus permet celle de la consommation (3 %, contre 2,5 % en 1995). L’inflation reste négli- geable (0,4 %, après – 0,1 % en 1995), les entreprises profitant de la reprise pour exiger de leurs salariés d’importants ef- forts de productivité. Les importateurs, quant à eux, réduisent sensiblement leurs marges pour compenser l’appréciation du dollar par rapport au yen (108 yens pour 1 dollar, contre 94 en 1995).

La progression de l’investissement est encore faible (6 %, contre 3 % en 1995), les capacités de production restant sous- utilisées, les entreprises japonaises ayant profité par le passé de taux d’intérêt ex- trêmement bas, pour financer à moindres frais leurs investissements. En revanche, à cause de l’appréciation du dollar et de l’augmentation des coûts de production, les délocalisations se poursuivent, essen- tiellement vers l’Asie.

Le mythe de l’emploi à vie à la japo- naise n’a pas disparu avec la récession. Le nombre de salariés continue de croître, ce qui ne permet cependant pas d’éviter une explosion du nombre de demandeurs d’emploi : le taux de chômage a atteint le niveau historique de 3,5 % en 1996 mais reste nettement inférieur à celui des autres pays développés. Ce taux de chô- mage est la principale raison de la faible progression de la productivité (le rapport entre la production et les effectifs des sa- lariés japonais a très faiblement progressé depuis le début des années 90) : d’après la Direction de la prévision, il y a au Japon 2,5 millions d’emplois excédentaires en 1996. L’ajustement initié cette année porte sur les départs à la retraite ou sur la limi- tation des heures supplémentaires, mais il pourrait ne pas être mené à son terme, car, en dépit de la crise, les entreprises continuent d’anticiper le vieillissement de la population, qui leur posera dans les années à venir de sérieux problèmes de recrutement.

Ralentissement en Allemagne

Après une nette décélération en 1995, la croissance allemande reste faible au pre- mier semestre. Le rebond du second se- mestre est modeste, traduisant le manque de confiance des consommateurs et des entreprises dans la reprise. Comme l’acti- vité se trouve contrainte par l’évolution des salaires et de l’emploi, ainsi que par une politique budgétaire restrictive, la croissance n’est que de 1 % en 1996, après 2,1 en 1995.

L’activité marque un creux au pre- mier trimestre (– 0,4 %). Les conditions climatiques rigoureuses freinent l’activité dans le secteur du bâtiment, réduisant fortement l’investissement. Les augmen- tations de salaire consenties en 1995, qui ont été appliquées jusqu’au début de l’an- née, et celles qui sont négociées en avril ternissent encore un peu plus les pers- pectives déjà moroses des industriels, dont les parts de marché à l’exportation se downloadModeText.vue.download 326 sur 602

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325 réduisent, parallèlement à l’appréciation du Mark. Les ménages bénéficient, en dé- but d’année, d’allégements fiscaux qui ne suffisent cependant pas à améliorer leur confiance. Au printemps, l’attentisme prévaut en Allemagne, où les ménages comme les entreprises attendent un signe de reprise.

Celui-ci ne vient pas de la politique budgétaire, globalement restrictive, le déficit public s’étant aggravé par rap- port à 1995. Le respect des critères du traité de Maastricht à l’horizon de 1997 est l’objectif majeur du gouvernement. Les allégements de la fiscalité du début de l’année sont, dans un premier temps, plus que compensés par le relèvement des cotisations sociales des employeurs. Mais l’ampleur du ralentissement surprend les économistes : au printemps, il a fallu ré- viser à la baisse les prévisions de recettes fiscales, à la hausse les dépenses d’indem- nisation du chômage. Les perspectives restent sombres pour 1997, et il est déjà acquis, fin 1996, que le déficit public alle- mand de 1997 ne pourra pas être ramené à 3 % sans le relèvement de la TVA préco- nisé par Bruxelles.

La Bundesbank surprend les marchés financiers en abaissant ses taux d’intérêt, bien que la masse monétaire croisse plus rapidement que prévu et que le déficit public dépasse les critères de Maastricht : l’absence de tension inflationniste aidant, elle choisit délibérément d’accompagner la timide reprise du second semestre. La détente de la politique monétaire alle- mande permet aux autres pays d’Europe de soutenir eux aussi leur croissance.

Le commerce extérieur est favorable- ment orienté au second semestre, sou- tenu par la reprise des autres économies européennes et la légère dépréciation du Mark. La production et les investis- sements, stimulés par des taux d’intérêt bas, se redressent en fin d’année, confir- mant de meilleurs perspectives pour les entreprises. A contrario, la consomma- tion est moins importante que durant la première partie de l’année : le relèvement des cotisations sociales, qui pèse sur les revenus des ménages, et l’augmentation du chômage (10,5 %) les incitent à rele- ver leur taux d’épargne (12 %, contre 11,5 en 1995).

Un important pacte pour l’emploi est élaboré au début de l’année par le gouvernement et les partenaires sociaux pour tenter d’enrayer la hausse du chô- mage, tout en permettant d’améliorer la compétitivité de l’économie allemande. Il propose un abaissement des impôts sur les sociétés, une baisse du taux des prélè- vements sur plusieurs années et, surtout, une réforme du marché du travail, très mal perçue par les syndicats (extension des contrats à durée déterminée, baisse des allocations de chômage). La mise en place du plan est beaucoup plus longue que prévue, toutes les branches ne l’ayant pas ratifié en fin d’année et son finance- ment s’avérant difficile à assurer ; d’où la décision, en été, de geler les salaires des fonctionnaires. Le plan ne donne pas de résultat tangible en 1996 : les mesures prises sont essentiellement incitatives et les effets de la réduction du coût du tra- vail sur l’emploi ne sont jamais percep- tibles immédiatement.

Dans le reste de l’Europe, la reprise se confirme au deuxième trimestre, les décalages de conjoncture entre les pays de l’Union européenne se réduisant for- tement. À l’exception des Pays-Bas et du downloadModeText.vue.download 327 sur 602

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Royaume-Uni, tous adoptent des poli- tiques budgétaires restrictives, dont l’effet récessif est tempéré par des politiques monétaires plus appropriées que par le passé.

Europe du Nord

Au Royaume-Uni, l’économie repart au second semestre : le gouvernement re- pousse l’assainissement des finances pu- bliques jusqu’aux élections, et, si la crois- sance est modérée en 1996 (1,9 %), les perspectives pour 1997 sont excellentes (de l’ordre de 3 %). La baisse des taux d’intérêt et la poursuite de celle du taux de chômage (7,8 %), réduit d’un quart en quatre ans, contribuent à maintenir la confiance des ménages. Les entreprises, bénéficiant de l’appréciation de la livre et de leur bonne situation financière, accé- lèrent leurs projets d’investissement en fin d’année.

La bonne santé des Pays-Bas se main- tient malgré une croissance légèrement plus faible en 1996 qu’en 1995 (2 %, contre 2,5 %), qui n’empêche pas l’emploi de pro- gresser, stimulé par d’importants allége- ments de charges patronales. Renonçant à l’objectif de réduction du déficit, le gou- vernement choisit de ne pas couper dans les dépenses tout en poursuivant sa poli- tique de baisse du coût du travail. Dans le reste de l’Europe du Nord, l’activité est repartie au second semestre sous l’impul- sion de la demande étrangère. La baisse des taux d’intérêt compense l’effet restric- tif des politiques budgétaires : les défi- cits ont été réduits grâce à d’importantes augmentations des impôts directs sur les ménages, particulièrement en Suède.

Europe méditerranéenne

En Italie, le nouveau gouvernement de Romano Prodi réduit le déficit budgé- taire (6 % du PIB), alors que la charge de la dette continue d’absorber près du quart des recettes fiscales, mais au prix de mesures exceptionnelles (lutte contre la fraude fiscale, gel des embauches de fonctionnaires, baisse des prestations so- ciales), qui sont venues s’ajouter aux aug- mentations de la TVA et des cotisations sociales de 1995.

L’arrêt de la dépréciation de la lire, continue depuis la dévaluation de no- vembre 1992, a nettement ralenti les exportations des entreprises italiennes, qui ne gagnent pas de nouvelles parts de marché en 1996. Mais les augmentations de salaire, programmées tous les deux ans depuis les accords entre partenaires sociaux de 1993, permettent à la consom- mation de tirer la croissance italienne. Au total, la croissance (2 %, contre 3 % en 1995) est bien équilibrée cette année.

En Espagne, le nouveau gouverne- ment, élu au printemps, accentue la ri- gueur budgétaire en gelant les dépenses d’infrastructures. Le déficit public reste élevé (5 % du PIB, contre 4 % en 1995) et les taux d’intérêt, pour tenir l’objectif de réduction de l’inflation à 3 % en 1997 (contre plus de 4 % en 1996), baissent moins que dans le reste de l’Europe. Ménages et entreprises attendent encore d’importants ajustements, d’autant plus que subsiste une forte incertitude sur l’ampleur des moyens que le gouverne- ment de Jose Maria Aznar va mettre en oeuvre pour tenir ses objectifs de réduc- tion des déficits. Après le maximum at- teint en 1994, la croissance n’est pas assez downloadModeText.vue.download 328 sur 602

ÉCONOMIE

327 soutenue pour faire reculer le chômage, qui reste le plus élevé au sein des pays dé- veloppés (22 % de la population active).

Stabilisation dans les pays de l’Est

En Europe de l’Est, la croissance reste importante, même si le développement du secteur des services, dans les grandes métropoles, accroît les disparités entre les villes et les campagnes. Alors que les exportations avaient été l’élément le plus dynamique de 1995, l’investissement prend cette année le relais. Le chômage recule dans tous les pays : les ajustements entamés avec la transition démocratique et économique du début des années 80 ont commencé à porter leurs fruits. Le recul du chômage, en particulier en Po- logne et en République tchèque, n’est pas seulement le fruit d’une activité soutenue, mais aussi celui de la diminution de la population active : une partie importante de la main-d’oeuvre s’est en effet retirée du marché du travail (travailleurs âgés, femmes). La maîtrise des finances pu- bliques s’est améliorée grâce aux réformes fiscales et à l’adoption de plans de rigu- eur, comme en Hongrie ou en Roumanie. L’inflation considérable des premières années de la transition a reculé, mais les prix continuent à progresser rapidement (autour de 10 % par an) sous l’effet de la libéralisation des prix. Cependant, les tensions restent importantes en Pologne, en Bulgarie ou en Hongrie, où les prix augmentent de 20 à 30 % en 1996. Les gouvernements d’Europe de l’Est confir- ment cette année la libéralisation et la stabilisation de leurs économies, ce qui leur permet de réaffirmer leur volonté d’adhérer à la Communauté européenne d’ici à cinq ans.

L’activité en Russie s’est enfin stabili- sée en 1996, après quatre ans de déclin sans précédent. La politique monétaire très rigoureuse a permis de stabiliser l’in- flation (de l’ordre de 50 %, contre 200 % en 1995 et 300 % en 1994) et le cours du rouble. Mais l’élection présidentielle, puis la vacance du pouvoir jusqu’à la fin de l’année n’ont pas permis de poursuivre si- gnificativement cette année la libéralisa- tion en cours. La réforme fiscale engagée en 1995 n’a pas suffisamment amélioré les recettes de l’État ; elle a, au contraire, in- cité les agents économiques à l’incivisme : les recettes de l’État ont été très nettement inférieures aux prévisions. Le FMI a déci- dé, en mars, d’accorder un prêt de 10 mil- liards de dollars à la Russie, et un accord a été trouvé avec les créanciers du club de Paris pour le rééchelonnement de la dette russe sur cinq ans : le paiement des inté- rêts de la dette ne devrait donc pas obé- rer le redressement du pays dans les cinq ans à venir, et l’État aura les marges de manoeuvre nécessaires pour poursuivre les réformes en cours : libéralisation des prix, privatisations, commerce extérieur.

L’amélioration des perspectives dans le tiers-monde

La croissance dans les pays en développe- ment est de l’ordre de 6 % en 1996, pour la cinquième année consécutive. Elle a été plus harmonieuse et homogène, les pays du tiers-monde s’étant engagés sur un sentier de croissance durable, bien qu’encore insuffisante pour élever de ma- nière importante le niveau de vie. Après la grave crise de 1995, l’activité reprend downloadModeText.vue.download 329 sur 602

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328 en Amérique du Sud, l’inflation étant mieux maîtrisée ; en Afrique, les pro- grammes de réforme et de libéralisation lancés ou poursuivis à l’initiative du FMI et de la Banque mondiale commencent à avoir des effets positifs ; la croissance de l’Asie reste la plus élevée au monde.

Un ajustement de l’économie mexi- caine s’est opéré en 1995, après la grave crise financière qui s’est propagée dans les autres pays d’Amérique latine. Les autorités ont initié au Mexique, en Ar- gentine et au Brésil des plans de rigueur budgétaire et monétaire draconiens, redonnant ainsi confiance aux investis- seurs, essentiellement nord-américains. Cependant, si les marchés financiers sont sensibles à ces efforts, la population souffre de ces ajustements : au Mexique, les revenus réels (hors inflation) di- minuent de près de 20 %, et environ 1,5 million d’emplois y disparaissent, plus de la moitié de la population vi- vant depuis cette année au-dessous du seuil de pauvreté. Venant compléter ce noir tableau, de mauvaises récoltes de céréales augmentent la dépendance ali- mentaire de plusieurs pays de la région. L’inflation, même si elle est mieux maî- trisée, notamment au Brésil, reste ce- pendant élevée (20 %, contre 40 % en 1995), et les monnaies continuent de se déprécier par rapport au dollar. Les banques souffrent tout particulièrement de la rigueur monétaire qui les fragilise encore un peu plus. Les déséquilibres des années précédentes n’ont donc pas totalement disparu, la croissance (de l’ordre de 2 % pour la zone) étant nette- ment insuffisante pour enrayer la mon- tée de la pauvreté en Amérique latine.

Incertitudes en Afrique

La lente reprise de 1995 se confirme cette année en Afrique subsaharienne, où la croissance est de l’ordre de 3 %. L’Afrique du Sud, la plus importante des écono- mies africaines, poursuit l’assainissement de son économie, entamé en 1994 par le nouveau gouvernement : l’inflation est contenue sous la barre des 10 % et le déficit public maintenu à son niveau de 1995 (6 % du PIB). Les investissements, notamment d’origine étrangère, sont importants et contribuent au rajeunis- sement de l’appareil productif. La crois- sance reste cependant modérée, surtout pour une économie en développement (4 %, contre 3 % en 1995), mais le PIB par habitant continue de croître (1 % par an depuis trois ans). Le chômage, qui touche plus du tiers de la population active, reste le problème majeur de l’économie sud- africaine, qui ne crée pas suffisamment d’emplois pour occuper le flot continu des nouveaux arrivants sur le marché du travail.

Au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, le régime militaire ne par- vient pas à engager la libéralisation éco- nomique escomptée. Le pétrole, qui est toujours le plus important secteur de son économie, fournit l’essentiel des recettes fiscales de l’État ; en dehors de ce sec- teur, les risques financiers et politiques sont encore beaucoup trop grands pour inciter les investisseurs étrangers à lan- cer de nouveaux projets. Les arriérés de paiement des intérêts de la dette publique continuent de s’accumuler, le gouverne- ment n’ayant pas pu lancer l’ambitieux programme d’économies, annoncé en 1995 et que les bailleurs de fonds at- downloadModeText.vue.download 330 sur 602

ÉCONOMIE

329 tendent avant d’envisager le rééchelonne- ment de la dette nigériane.

Dans les pays de la zone franc, la lente reprise de l’an passé, qui faisait suite à la dévaluation du franc CFA de janvier 1994, se confirme en 1996 : la croissance y est de l’ordre de 5 %, contre 4 % en 1995. Depuis cette dévaluation, l’infla- tion a été globalement maîtrisée, et les exportations ont constitué le moteur de la croissance, d’autant plus que les cours mondiaux des matières premières évo- luent favorablement. Ces économies souffrent encore du peu de diversité de leurs exportations, trop souvent spécia- lisées dans les produits de base (pétrole ou denrées agricoles non transformées). Les incitations à la diversification, no- tamment dans l’industrie, n’ont pas pour l’instant produit les résultats escomptés. Le réajustement économique a essentiel- lement pesé sur la population, dont le pouvoir d’achat s’est dégradé depuis trois ans. En tout état de cause, la croissance dans les pays de l’Afrique subsaharienne reste largement insuffisante pour refré- ner leur appauvrissement, qui est resté important depuis cinq ans.

Dans les pays méditerranéens, où la croissance est plus importante que les années précédentes (de 5 à 10 % en 1996, alors qu’elle n’atteignait pas 5 % en 1995), de nombreuses réformes sont en cours. En Égypte, le gouvernement arri- vé au pouvoir au début de l’année lance une vague de privatisations et de levée des entraves aux investissements étran- gers ; ces mesures commencent à porter leurs fruits, le commerce extérieur ayant bénéficié d’accords sur les échanges avec l’Union européenne. Au Maroc, les effets désastreux de la sécheresse de 1995 sur l’activité, sont compensés, en 1996, par un important programme de construction de logements. Malgré des déficits publics globalement stables, l’accélération de la croissance, et donc des recettes de l’État, permet à ces deux pays de réduire leur dette extérieure.

Ralentissement en Asie développée

En 1996, la croissance des pays d’Asie reste la plus élevée au monde (8 %, com- parable à 1995). Mais les contextes finan- cier et monétaire, moins accommodants, pèsent sur l’activité. En Inde et en Chine, les taux d’intérêt sont relevés pour lutter contre l’inflation. En Chine, où le plan de stabilisation lancé en 1994 se relâche quelque peu, le ralentissement de l’éco- nomie se fait sans heurt ; la progression des exportations passe de 30 % fin 1995, à 10 % cette année. Les nouveaux pays industrialisés de la région souffrent de la dépréciation du yen par rapport au dollar, et leur compétitivité se dégrade, d’autant plus que l’inflation y reste plus élevée que dans les pays développés, leurs principaux partenaires commerciaux : les exportations progressent, là aussi, beau- coup moins que les années précédentes. Les perspectives des industriels étant moins bonnes, les investissements sont moins importants. Au total, avec une croissance moins forte qu’auparavant, les pays d’Asie du Sud-Est sont confron- tés à une dégradation de leurs balances courantes. Le problème du financement de cette dernière reste d’ailleurs un pro- blème non résolu, notamment en Malai- sie, en Thaïlande ou en Indonésie.

ÉRIC CONFAIS downloadModeText.vue.download 331 sur 602

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LA CRISE SANS FIN DE LA  VACHE FOLLE 

Le 20 mars 1996, le gouvernement bri- tannique annonça, devant la Chambre des communes, non sans solennité et sans ménagement pour l’opinion pu- blique, que l’encéphalopathie spongi- forme bovine (ESB) ou maladie dite « de la vache folle » pourrait avoir été, selon toute vraisemblance, transmise de la vache à l’homme par voie alimentaire. Il s’agit d’une nouvelle affection infectieuse et neurodégénérative. En effet, en 1994 et 1995, une dizaine de personnes mourait, au Royaume-Uni, d’une forme inhabi- tuelle de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ). Cette variante de la MCJ diffère de l’ESB par la jeunesse des victimes (moins de quarante ans contre soixante- cinq ans pour la forme de MCJ la plus courante), par son évolution rapide et par l’aspect des lésions du cerveau obser- vées au microscope, qui ressemble à une structure spongieuse (spongiose).

Pour bien souligner la gravité de cette affaire, le gouvernement britannique a ajouté qu’il était « prêt » à abattre la tota- lité du cheptel bovin du pays, soit plus de 11 millions de bêtes, si du moins c’était l’avis des scientifiques.

Cette annonce du gouvernement bri- tannique a déclenché immédiatement un vent de panique chez les consommateurs et chez les producteurs européens. Quant aux gouvernements des pays de l’Europe des Quinze, ils ont été désarçonnés par l’ampleur du sinistre, à la différence des scientifiques : en effet, quelques-uns d’entre eux avaient essayé d’attirer l’atten- tion des responsables de la santé publique sur la nouveauté et la gravité de cette af- fection, en s’interrogeant, dès 1987-1988, sur la validité de l’hypothèse de la trans- mission à l’homme.

Le premier cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob fut décrit en 1920 par Creutzfeldt, et, l’année sui- vante, Jakob en rapporta 4 cas sporadiques. On estime aujourd’hui l’incidence globale de la mala- die à environ 0,5 à 1 cas par million d’habitants et par an, un peu plus dans les zones urbaines. La distribution mondiale semble ubiquitaire et la fréquence, stable. Richard Lacey, biologiste anglais de l’université de Leeds réclamait déjà en 1988-1989 l’abattage de 6 millions de vaches. Il n’a cessé de tenir des propos alarmistes ; à ce sujet, il a affirmé que les victimes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob se chiffreront au siècle prochain entre 5 000 et 50 000 par an.

La tremblante naturelle du mouton (ou scra- pie) sévit en Europe depuis au moins 1732. Au XIXe siècle, elle a envahi l’Australie. Elle affecte aujourd’hui les cinq continents. En 1990, une enquête épidémiologique faite au Royaume-Uni avait évalué à 30 % le taux de brebis infectées.

Inquiétude des consommateurs

Au lendemain des déclarations du Pre- mier ministre britannique, les consom- mateurs ont pris conscience du danger qu’ils couraient en mangeant de la viande de boeuf. Ils ont ensuite découvert qu’ils étaient très mal informés sur la qua- lité d’un produit alimentaire comme la viande, au moment même où ils se montrent de plus en plus exigeants ; ils ont pris conscience qu’ils ignoraient vraiment ce qu’ils mangeaient habituel- lement. Cette crise leur a révélé qu’on leur fournissait, contrairement à ce qu’ils imaginaient, non pas un aliment naturel mais un agroaliment, c’est-à-dire un pro- duit fabriqué industriellement sur une grande échelle, avec des matières recy- downloadModeText.vue.download 332 sur 602

ÉCONOMIE

331 clées comme les farines animales obte- nues à partir d’animaux malades.

Alors que la déclaration du gouverne- ment avait pour but de rassurer les po- pulations et de défendre les éleveurs, on observa une chute de la consommation de viande de boeuf de l’ordre de 40 % dans divers pays européens et le risque de voir 15 000 personnes perdre leur emploi.

Pour l’industrie française de la viande (50 milliards de francs de chiffre d’affaires et quelque 50 000 emplois), la crise de la « vache folle » a été vécue comme un sinistre difficile à combattre, d’autant que ce secteur fait face au déclin structurel de la consommation de boeuf (moins 18 % en dix ans en France). Un mois après l’annonce du 20 mars 1996, la perte du chiffre de chiffres d’affaires subie par la filière a été estimée à 15 % en moyenne. Les exportations ont aussi fortement chuté, de l’ordre de 50 % en Europe, où la France exporte surtout de jeunes bovins, et d’environ 80 % sur les pays tiers.

Dès 1992, le gouvernement français avait fait retirer du marché tous les médicaments à base de tissus bovins : on n’excluait pas le risque de transmission de la maladie de la « vache folle ».

Expertises scientifiques

Avant l’annonce de mars 1996, seuls quelques chercheurs isolés (comme Ri- chard Lacey, de l’université de Leeds), avaient pris l’initiative – autant par curio- sité que par un pressentiment de la gra- vité de la maladie – d’étudier les quelques cas rares reconnus et de formuler l’hypo- thèse d’une transmission éventuelle de la maladie à l’homme. Mais, faute de bases théoriques pertinentes, de moyens d’ob- servation et de diagnostics efficaces, ainsi que de crédits de recherche, la crédibilité de ces premiers résultats ne fut pas jugée suffisante pour décider le gouvernement britannique à agir. Il fallut attendre que le nombre des cas détectés augmente de façon sensible pour qu’il commence à s’inquiéter et à édicter quelques mesures d’ordre sanitaire et économique, en 1988- 1990, afin d’éviter la panique des consom- mateurs et une chute des prix préjudi- ciable aux intérêts des éleveurs.

Le gouvernement britannique s’est ré- solu à porter à la connaissance des autres pays qu’une crise allait survenir quand il a senti qu’elle ne pourrait pas être jugu- lée. Il décida, dans ces conditions, de prendre non seulement des mesures d’urgence (abattage du bétail malade), mais aussi des dispositions en matière de recherche pour lever l’incertitude quant à la transmissibilité. À cet effet, le gouver- nement britannique débloqua la somme de 4,5 millions de livres (35 millions de francs) en crédits de recherche. Au mois d’octobre 1996, dans un article de la revue Nature, le professeur J. Collinge, par ses travaux de biologie moléculaire, apporta et la preuve directe tant attendue de la transmissibilité et aussi la justification, après coup, de l’embargo prononcé en premier par le gouvernement français comme du programme d’abattage britan- nique. Il fit appel à une technique qui per- mit d’identifier la signature biochimique des protéines pathologiques impliquées dans la MCJ.

Un tiers. Au 31 mars 1994, au Royaume-Uni, 123 904 cas d’ESB avaient été recensés, apparte- nant à 30 024 troupeaux (soit près de 30 % du cheptel britannique).

Négociations intercommunautaires

L’embargo comme le programme d’abat- tage du bétail britannique donnèrent lieu à de longues et difficiles négocia- tions entre la Grande-Bretagne et ses autres partenaires européens. L’embargo downloadModeText.vue.download 333 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

332 fut prononcé dans le but de protéger la santé publique. De leur côté, les autori- tés britanniques n’acceptèrent d’abattre le bétail malade que dans la mesure où l’Union européenne contribua au finan- cement du programme. Les éleveurs et les industriels de la viande ont, quant à eux, obtenu de très larges compensations, tant de l’Union européenne que du gou- vernement français.

Coût. Le ministère français des Finances a rendu publiques, le 4 avril 1996, ses estimations du coût des mesures à la charge de l’Union afin d’enrayer la crise de la « vache folle » : près de 11 milliards de francs sur cinq ans. L’abattage des bovins bri- tanniques de plus de trente mois (4 millions de têtes) et l’indemnisation reviendraient à 320 mil- lions d’écus par an pendant cinq ans, soit un peu plus de 10 milliards de francs au total. Il faut y ajouter 19 millions d’écus (environ 120 millions de francs) pour l’abattage des veaux britanniques élevés hors de la Grande-Bretagne (70 000 en France, 64 000 aux Pays-Bas, 25 000 en Belgique).

U Philippe Baralon, Philippe Duneton, Martin Hirsch,

Florence Noiville, l’Affolante Histoire de la vache folle,

Balland, 1996.

GILBERT RULLIÈRE directeur de recherches au CNRS professeur

à l’université de Lyon-I downloadModeText.vue.download 334 sur 602 ÉCONOMIE

333

L’ANNÉE ÉCONOMIQUE

EN FRANCE

L’année 1996 en France a été décevante : les prévisions des économistes sont revues à la baisse et la croissance n’est que de 1,2 %, notamment à cause des effets récessifs du plan de lutte contre les défi- cits publics, lancé à l’automne 1995, et des grèves de 1995. Après une légère embel- lie à l’été 1995 puis au mois d’octobre, le chômage reste endémique, sans qu’il soit possible au gouvernement d’Alain Juppé de soutenir fortement l’activité ou d’aug- menter les transferts sociaux. Certains suggèrent même que l’économie fran- çaise est entrée, en 1996, dans une phase de déflation.

Environnement favorable et croissance faible

En 1996, après la pause du premier semestre consécutive aux grèves de dé- cembre 1995, la croissance est peu vigou- reuse et n’atteint que 1,2 %, alors qu’elle était de 2,2 % l’année précédente. Les hausses des prélèvements obligatoires et les réductions des transferts sociaux, décidés en fin d’année 1995, pèsent sen- siblement sur l’activité. Mais la France retrouve à la fin de l’année un sentier de croissance plus stable, où la consomma- tion des ménages et, dans une moindre mesure, l’investissement des entreprises jouent un rôle moteur. Elle bénéficie d’un environnement plus favorable, grâce au faible niveau des taux d’intérêt, à la ti- mide reprise en Europe et à la maîtrise de l’inflation.

Les évolutions de l’activité dans les principales économies européennes étant comparables, la France ne subit pas, comme en 1995, les effets négatifs d’un décalage conjoncturel. Les États-Unis et la Grande-Bretagne montrent suffisam- ment que les perturbations des années précédentes sont bel et bien passées. Si la demande des partenaires commerciaux de la France se tasse en 1996, l’environ- nement monétaire, lui, est nettement plus favorable que l’année dernière.

Les tensions sur les marchés des changes se réduisent. L’affirmation par le gouvernement de sa volonté de respec- ter les critères et l’échéancier du traité de Maastricht, depuis l’automne 1995, et l’absence de tension inflationniste, mal- gré la hausse de la TVA, ont même per- mis au franc de s’apprécier par rapport au Mark. Les taux d’intérêt poursuivent leur décrue (le taux d’intérêt du mar- ché monétaire reste stable en 1996, en moyenne 4 %, contre 6,4 % en 1995) et ils ne sont plus, comme par le passé, un obstacle à l’endettement des entreprises et des ménages.

Conjoncture morose et consommation

à la hausse

Alors que l’on attendait une nette reprise de l’investissement et une faible progres- sion de la demande des ménages, c’est l’inverse qui se produit. Les performances du commerce extérieur sont en baisse, les grèves dans le secteur des transports ayant pesé sur les exportations en début d’année, même si la balance commerciale reste fortement excédentaire. Le déstoc- kage est important en 1996, contribuant pour une large part à la faible croissance de l’économie. Il s’explique par deux fac- teurs : l’ajustement des stocks à la conjonc- ture est un phénomène mécanique downloadModeText.vue.download 335 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

334 observé à chaque retournement de l’acti- vité ; à cause du très net ralentissement des prix de production, les industriels préfèrent écouler leurs stocks afin qu’ils ne se déprécient pas. Malgré leur bonne santé financière et la diminution des taux d’intérêt, la conjoncture morose du début d’année n’incite pas les entreprises à in- vestir : l’investissement ne progresse que de 1 % en 1996. La consommation des ménages progresse en revanche de 2,5 % en 1996. Nettement plus forte que prévu, elle est l’élément le plus dynamique de la croissance de 1996. Ce bon chiffre est dû au rattrapage du début de l’année, après les grèves de la fin de 1995, et aux me- sures du gouvernement pour la soutenir (« prime qualité automobile » reconduite jusqu’en septembre, baisse des taux d’inté- rêt des livrets d’épargne, augmentation de la fiscalité de l’épargne financière pour la rendre moins attractive, etc.). Ce phéno- mène est d’autant plus remarquable dans un contexte de très faible progression des revenus (0,4 %), de montée du chômage et de hausses de la fiscalité (augmentation du taux de la TVA en 1995, instauration du remboursement de la dette sociale, ou RDS, en février). Après plusieurs années de baisse, l’investissement-logement pro- gresse lui aussi, grâce au prêt à taux zéro et aux incitations fiscales instituées par le gouvernement.

L’inflation réduite

L’inflation, comparable à celle des années précédentes, est en 1996 de 1,9 %. Mais trois mois consécutifs de baisse de l’in- dice des prix à la consommation (– 0,1, – 0,2, – 0,3 % de juin à août), ce qui n’était pas arrivé depuis les années 50, relancent le débat sur la déflation. Deux types d’ar- guments, contradictoires, sont en effet avancés pour expliquer le niveau très faible de l’inflation. Pour plusieurs ob- servateurs, la baisse des prix industriels due à la très grande modération salariale (faible revalorisation du SMIC, pression du chômage sur le niveau des salaires et, plus encore, allégements des charges sociales), ajoutée à la généralisation des soldes et des ventes promotionnelles, suf- fit à expliquer la faible progression des prix à la consommation. Mais certains prix de vente industriels diminuent éga- lement en 1996 : réduisant leurs marges, les entreprises préfèrent vendre leurs produits moins cher pour conserver leurs parts de marché. Quelques économistes voient dans ce mouvement les prémices d’une déflation : les prix diminueraient pour que l’offre excédentaire (la produc- tion) s’ajuste à la demande insuffisante (la consommation).

Ces chiffres exceptionnels, ainsi que le niveau historiquement bas de l’infla- tion en France depuis plusieurs années, relancent deux débats déjà anciens. Le premier, au sein de la majorité, oppose le gouvernement aux défenseurs d’une politique économique plus volontaire, où l’État soutiendrait plus vigoureusement la consommation, par l’accélération de la réforme fiscale et la réduction prévue de l’impôt sur le revenu, en substituant la cotisation sociale généralisée (CSG, qui porte sur l’ensemble des revenus) aux cotisations sociales sur les salaires. Le second est animé par les critiques de la « pensée unique », qui, depuis le référendum sur le traité de Maastricht à l’automne 1994, accusent les gouverne- ments de déprécier fortement l’activité, en maintenant, notamment, l’objectif de downloadModeText.vue.download 336 sur 602

ÉCONOMIE

335 la limitation des déficits publics à 3 % du PIB en 1997. Cette contrainte empêche le gouvernement de soutenir l’activité et de mettre en oeuvre l’un des thèmes de la campagne électorale de 1995 : « La fiche de paie n’est pas l’ennemie de l’emploi. »

La progression du chômage

La faible croissance en 1996 ne permet pas à l’emploi de progresser. On évalue entre 2,5 et 3 % la croissance nécessaire pour stabiliser le chômage : en 1996, l’augmentation de la population active entraîne mécaniquement celle du nombre des demandeurs d’emploi : le nombre des chômeurs dépasse 3,4 millions à la fin de l’année, sans qu’il soit possible d’espérer une décrue importante à court terme. La rigueur budgétaire a entraîné une réduction du budget de la politique de l’emploi : les crédits affectés aux contrats initiative emploi (CIE), thème important du programme électoral du président de la République, sont réduits de 5 mil- liards de francs ; en revanche, les dispo- sitifs anciens de lutte contre le chômage, comme les CES et les stages, augmentent et contiennent avec peine le chômage. La seule nouveauté dans ce domaine est le programme d’incitation au partage du travail lancé en 1996, dit « amendement Robien ». Mais cette mesure, dont l’im- pact est difficile à évaluer, est trop récente pour avoir un effet sensible sur le chô- mage dès 1996.

La politique économique d’Alain Juppé

Le déficit public atteint 288 milliards de francs en 1996 (soit 4,1 % du PIB) et le déficit des finances sociales près de 50 milliards de francs, alors que le plan Juppé d’équilibre des dépenses de santé, adopté en novembre 1995, prévoyait de le limiter à 30 milliards. Salué comme la première tentative de fond de réforme de la Sécurité sociale, ce plan avait cepen- dant contribué à relancer la contestation sociale en décembre 1995. Les effets des réformes structurelles de ce plan ne se font pas sentir en 1996, d’autant plus que leur application est retardée par les pour- parlers entre caisses d’assurance-maladie et syndicats de médecins, ainsi que par la négociation d’accords avec les syndi- cats de pharmaciens pour la diffusion de médicaments génériques moins onéreux. Les mesures conjoncturelles, quant à elles, n’atteignent que partiellement leurs objectifs. Ce volet du plan était du même type que les précédents (plans Séguin en 1986, Veil en 1993) et était destiné à augmenter les prélèvements tout en baissant les remboursements. Les prélè- vements devaient augmenter de 40 mil- liards de francs (instauration de la cotisa- tion RDS, dont le produit devait assurer le remboursement des déficits cumulés des régimes sociaux, fiscalisation de cer- taines prestations sociales, contribution des professionnels de la santé au finan- cement de la protection sociale). Les dépenses devaient diminuer de 14 mil- liards de francs (réduction des presta- tions familiales et contrôle des dépenses de santé). Le contrôle des dépenses de santé ne donnant pas les résultats espé- rés et le chiffrage du plan étant fondé sur des hypothèses de croissance de la masse salariale trop optimistes, les recettes de cotisations sociales sont moins impor- tantes que prévu. Aussi, ni l’objectif de réduction du déficit pour 1996 ni celui de son annulation en 1997 n’auront pu être tenus, bien que cette réforme, malgré le downloadModeText.vue.download 337 sur 602

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336 retard qu’a pris son application, présente à moyen terme un cadre crédible d’évo- lution du système de protection sociale français.

Après avoir fortement augmenté les prélèvements obligatoires en 1996, le gouvernement se lance tardivement dans le chantier de la réforme fiscale et dans un programme de réduction des dépenses publiques. Les hausses d’impôts (TVA, RDS, impôt sur les sociétés) ont permis d’augmenter les recettes fiscales, mais la croissance a été moins élevée que prévu lors de l’adoption de la loi de finances pour 1996 : selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), si les politiques budgétaires res- trictives menées en Europe n’avaient pas été appliquées, la croissance française aurait été plus élevée de 1,2 % en 1996 ; aussi l’augmentation des recettes de l’État est-elle moins importante que prévu. À l’automne, la conjoncture contraint Alain Juppé à présenter un projet de loi de finances pour 1997 où le déficit n’est réduit que de 10 milliards de francs par rapport à 1996, ce qui contredit son enga- gement de réduction des déficits publics pris un an auparavant. Cependant, les dépenses courantes et les investissements de l’État restent stables en 1997 par rap- port à 1996, ce qui n’était jamais arrivé, preuve que l’effort accompli est signifi- catif : les dépenses sociales sont revues à la baisse (allocation de rentrée scolaire, RMI) et la masse salariale de l’État ne progresse que de 3 % grâce à la suppres- sion de 7 000 postes de fonctionnaires. Unique innovation de la loi de finances : l’annonce d’une réduction de l’impôt sur le revenu de 25 milliards de francs, mais pour 1997 seulement...

Les critères du traité de Maastricht semblent difficiles à respecter pour l’an- née 1997. Les intérêts de la dette de l’État sont en progression malgré la baisse des taux d’intérêt. La dette dépasse encore, en décembre 1996, 60 % du PIB. Il semble difficile au gouvernement de parvenir à contenir le déficit public en deçà de 250 milliards de francs, et ce malgré le versement par France Télécom à l’État de 37 milliards de francs, en contrepartie de la prise en charge des retraites de l’ancien établissement public, après sa privati- sation. Mais, comme il est peu vraisem- blable que l’Allemagne parvienne de son côté à respecter ce critère dès 1997, l’union monétaire européenne se fera peut-être avec une vision assouplie des critères de convergence.

ÉRIC CONFAIS downloadModeText.vue.download 338 sur 602 ÉCONOMIE

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LE SPECTRE DE LA

DÉFLATION

Si l’on se réfère à l’étymologie, le terme de « déflation » peut être très sim- plement défini comme le contraire de l’inflation. Lorsque cette dernière est habituellement identifiée à un proces- sus de hausse généralisée des prix, avec augmentation corrélative de la masse des moyens de paiement, la déflation l’est, in- versement, par un mouvement de baisse affectant pratiquement l’ensemble des prix. De plus, ce mouvement de baisse est presque toujours accompagné d’une diminution de la quantité de monnaie en circulation. Ce phénomène présente éga- lement une autre caractéristique : l’éco- nomie tout entière se trouve brutalement aspirée par ce que l’on appelle la « spirale déflationniste », à savoir que les revenus, la consommation, les investissements, l’activité économique (la production) et l’emploi baissent tous de conserve.

Par ailleurs, on ne doit jamais être tenté de confondre déflation et désinfla- tion – dite « compétitive » – lorsque l’on observe, pour l’une comme pour l’autre, que les prix n’évoluent plus à la hausse. Mais l’un et l’autre de ces deux phéno- mènes doivent être nécessairement dis- tingués par le fait que dans un cas (dé- flation) les prix sont toujours orientés à la baisse, dans leur ensemble, et dans l’autre cas (désinflation) les prix cessent de monter voire se stabilisent.

La désinflation a été qualifiée de « compétitive » parce qu’avec l’arrêt de l’inflation les prix deviennent sur le plan extérieur concurrentiels, ce qui évite de recourir, comme par le passé, à l’arme classique de la dévaluation également compétitive en tant que moyen de cor- rection de la disparité prix intérieurs- prix extérieurs, d’adaptation du pouvoir d’exportation des firmes et de rééquilibre des comptes extérieurs.

La désinflation compétitive a été, en quelque sorte, imposée de l’extérieur, en 1982, à l’économie française, à la suite de la récession frappant les pays industria- lisés. En France, la soudaine aggravation des déficits publics et la dégradation des comptes extérieurs – avec, comme consé- quence, une crise aiguë de la balance des paiements – ont contraint les autorités responsables de l’économie à s’engager dans un processus de désinflation com- pétitive. À cet effet, priorité fut donnée à la lutte contre l’inflation (notamment à travers des accords de modération des rémunérations privées et publiques, et des efforts de réduction des déficits pu- blics) et au rétablissement des comptes extérieurs, avec le souci majeur d’intensi- fier les exportations. Concrètement, cette priorité plaça au premier plan de l’action économique la politique monétaire fon- dée dorénavant sur la libéralisation des circuits de financement et la régulation par les taux (d’intérêt, notamment). La hausse des prix s’en trouva nettement ralentie. Par la suite, pour lutter contre l’inflation et équilibrer les comptes exté- rieurs ainsi que pour achever la construc- tion européenne et préparer le passage à la monnaie unique, le franc français fut arrimé au Mark allemand.

La politique économique privilégia de plus en plus la défense de la parité franc- Mark afin de créer le marché unique et de favoriser la convergence des écono- mies au sein de l’Union européenne. En downloadModeText.vue.download 339 sur 602

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338 revanche, les objectifs réels de croissance ont été délibérément sacrifiés au pro- fit de la politique monétaire. Une telle politique, aussi strictement monétariste, devait, avec la récession mondiale du dé- but des années 90, empêcher la reprise de l’activité économique française : outre les répercussions de la récession mondiale au plan intérieur, la forte surévaluation tant du Mark que du franc, l’escalade des taux d’intérêt réels, le gonflement des dé- ficits publics et la prépondérance des taux d’intérêt courts sur les taux longs ont, en dernier ressort, aggravé le chômage et ouvert la voie à la déflation.

Spirale déflationniste

L’économie d’un pays s’engage dans la déflation à partir du moment où les en- treprises voient leur chiffre d’affaires chu- ter. Pour survivre, elles réduisent leurs coûts de production jusqu’à comprimer les salaires de ceux qu’elles emploient et à supprimer une partie du personnel, ce qui, évidemment, abaisse le pouvoir d’achat des consommateurs et aggrave le chômage. À ces premières réactions s’ajoutent la baisse d’investissement des entreprises et la sous-utilisation des ca- pacités de production dans l’industrie et souvent dans le secteur des services. En outre, comme on l’avait déjà constaté en 1993-1994, la masse monétaire (mesurée par son agrégat M3) n’a cessé de diminuer tout au long de l’année 1996 (moins 0,7 % en juin) : on peut y voir ainsi un signe de contraction de l’activité économique.

Ces premières répercussions qui s’exercent directement sur les compo- santes fondamentales de l’activité (reve- nus, investissements, production) sont suivies d’un jeu d’effets destructeurs et d’enchaînements contraignants tels que se trouve enclenché un cercle vicieux. Entre la réduction du pouvoir d’achat et l’extrême prudence des producteurs in- dustriels, l’économie française s’est trou- vée assez récemment aspirée dans une spirale infernale, celle de la déflation. En même temps, la récession a cédé dan- gereusement la place à une stagnation durable, dont on ne sait comment sortir.

Depuis le début de l’année 1996, la publication des indices de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en matière d’em- ploi n’a pas apporté la note rassurante qu’une opinion publique, impatiente ou résignée, attendait. Au contraire, la conjonction simultanée des tendances défavorables en matière d’emploi et de prix a confirmé à l’évidence que l’état d’extrême langueur de l’économie ris- quait d’être encore maintenu, pour un temps peut-être indéterminé. L’INSEE a révélé que le nombre d’emplois n’avait pas progressé aux 1er et 2e trimestres 1996 ; au contraire, il avait même baissé de 0,20 % au 3e trimestre. Aussi, entre la crainte du chômage et la faiblesse des salaires, les rémunérations ont progressé encore moins vite que l’inflation, de telle sorte que le pouvoir d’achat a accusé un flé- chissement et la consommation, un recul. Dans ces conditions, rien d’étonnant que la baisse des prix touche de plus en plus de produits de consommation.

En dehors des habituelles varia- tions saisonnières à la baisse (fruits et légumes), les prix industriels (c’est-à-dire le coût des produits que les entreprises s’échangent entre elles) se sont rétractés fortement depuis juillet 1995 (– 3,2 %) et qu’au détail ce sont surtout les produits downloadModeText.vue.download 340 sur 602

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339 manufacturés qui sont frappés (électro- ménager, textiles). D’ailleurs, des pes- simistes ne manquent pas de souligner que la baisse des prix à la consommation est probablement plus accusée que ne l’indiquent les indices officiels. La défla- tion ou, du moins, une forme de déflation existe dans l’immobilier, où l’on enre- gistre une stabilisation des prix des loge- ments faisant suite à une forte baisse, ou dans l’automobile, avec la mise en vente d’un même modèle moins cher d’une année sur l’autre (la Clio de Renault). Il arrive aussi que les consommateurs pré- fèrent les articles étrangers moins chers ou négocient des rabais en attendant les périodes de soldes (dans les magasins d’habillement) ou de promotion (dans les grandes surfaces de vente). En outre, le mouvement de baisse est renforcé par le développement des réseaux de dis- counters ou de hard-discounters (super- marchés de maxi-discount). Enfin, ce phénomène de « destruction des prix » (tiré du japonais kakaku hakaï) tend à s’étendre aux prestataires de services avec le système de réductions forfaitaires spéciales appliqué dans les ventes auto- mobiles, les restaurants, l’hôtellerie ou les voyages à l’étranger. Cependant, les optimistes soutiennent qu’il ne faut pas exagérer : certains prix industriels ou de services offrent des poches de résistance à la baisse.

Redémarrage

De l’analyse précédente, il pourrait être déduit qu’il suffit de relancer la consom- mation pour faire redémarrer l’écono- mie. Cependant, la reprise de l’activité et la diminution du chômage ne pourront être obtenues que si le problème de la déflation est attaqué sur plusieurs fronts : affectation de l’épargne à la création de marchés nouveaux, à l’intérieur comme à l’extérieur, réorientation des dépenses budgétaires, réforme de la fiscalité, mise en oeuvre d’innovations technologiques ou autres, reformulation de la politique monétaire, etc. Il s’agit là d’une tâche im- mense exigeant une remise à plat de tous les aspects de la politique économique générale, et plus particulièrement de la politique monétaire.

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LA GRANDE

DISTRIBUTION EN ACCUSATION

Les grandes surfaces sont entrées en quelque sorte dans l’ère du soupçon. Le président Chirac a lui-même fus- tigé ces mastodontes, au prétexte qu’ils menaceraient l’emploi et bloqueraient la consommation. C’est là une histoire déjà ancienne, qui mérite qu’on aille y voir de plus près. Après une assez longue période de développement relativement lent de la grande distribution (ouverture en 1957 du premier supermarché Suma puis, en 1963, du premier hypermar- ché Carrefour, à Sainte-Geneviève-des- Bois), c’est seulement à partir de 1970 que les grandes surfaces ont commencé à prendre leur essor et une place impor- tante dans la distribution des produits alimentaires et non alimentaires : de 1970 à 1995, les grandes surfaces ont presque doublé leurs parts du marché des pro- duits alimentaires, aux dépens du petit commerce alimentaire, spécialisé ou non. Au cours des dix dernières années, c’est surtout le développement des hypermar- chés qui s’est accéléré : entre 1986 et 1995, leur nombre a quasiment doublé, passant de 598 à 1 048, notamment sous la pous- sée des indépendants (de 123 à 501) de taille plus réduite. Sur ce chiffre, on en compte 253 de plus de 7 500 m 2. Ces der- niers emploient chacun de 250 à 700 per- sonnes, voire plus selon leur taille, qui peut dépasser 20 000 m 2. L’hypermarché « à la française » offre dans un lieu unique tous les produits qui peuvent intéresser les consommateurs

(chalands). Dans cet ensemble de pro- duits, ceux destinés à l’alimentation ne constituent en moyenne que 56,5 % des ventes, et, pour les plus grands maga- sins, moins de 50 % de celles-ci. Toujours d’après les statistiques de l’INSEE, la part des produits d’entretien ou d’équipement de la maison (électroménager, télévision, etc.) augmente constamment et atteint presque 35 % des ventes dans les très grands hypermarchés.

Le pouvoir de monopole acquis par les grandes surfaces s’est fondé progressive- ment sur la capacité d’attraction qu’elles exercent sur la clientèle. Ainsi, selon une enquête de l’INSEE de mars 1996, la grande distribution réalise plus de la moitié des ventes de commerce de détail. Les hypermarchés en représentent le quart, soit plus de 400 milliards de francs.

Pendant longtemps, la clientèle a été attirée par les grandes surfaces parce qu’elle était convaincue d’y acheter les produits aux prix le plus bas possible. Plus récemment, pour fidéliser davantage la clientèle, les hypermarchés ont diversi- fié leur offre en proposant sur un même lieu un ensemble complet de produits et de prestations très attractifs : organi- sation de galeries marchandes avec des commerces spécialisés, centres automo- biles, service quasi bancaire, cartes de paiement, assurances, produits d’épargne, agences de voyages ou encore billetterie pour réserver des places de spectacle.

Typologie. Actuellement, il existe 6 types de grandes surfaces de vente : – les supermarchés, c’est-à-dire les magasins en libre service à prédominance alimentaire de 400 à 2 500 m2 (Intermarché, Champion) ; – les hypermarchés, magasins en libre service à rayons multiples d’au moins 2 500 m2 et pré- sentant un assortiment très complet de produits downloadModeText.vue.download 342 sur 602

ÉCONOMIE

341 alimentaires et non alimentaires (Carrefour, Mammouth, Leclerc) ; – les magasins populaires, qui ont un assorti- ment général avec un important rayon alimen- taire (Monoprix, Prisunic) ; – les magasins spécialises, qui se consacrent à la vente d’une famille d’articles (FNAC, Darty, Conforama) ;

– les grands magasins, qui ont un assortiment général étendu à prédominance non alimentaire (Galeries Lafayette, Printemps).

– Nouveau venu, le maxi-discount ou hard-dis- count : c’est un magasin qui propose un choix limité de produits (moins de 1 000 références ou articles différents contre quelques dizaines de milliers dans les supermarchés) vendus sans marque ou sous la marque du distributeur dans un environnement où l’aménagement intérieur est sommaire.

CA 95. Carrefour : 144,6 milliards de francs (+ 6,1 %) et 2,69 milliards de résultat net (+ 24,7 %, hors éléments exceptionnels) ; Leclerc : 124,9 milliards de francs en 1994 ; Intermarché : 111,2 milliards de francs ; Promodes : 100,5 mil- liards de francs (+ 6,6 %) et 1,02 milliard de résul- tat net (+ 13,6 %) ; Auchan : 56 milliards de francs de chiffre d’affaires (+ 6,3 %) ; Docks de France : 46,7 milliards de francs (7,2 %) et 563 millions de résultat net (+ 9 %) ; Comptoirs modernes : 27 milliards de francs (+ 5 %) et 450 millions de résultat net (+ 11 %).

Les effets de la concentration

Depuis quelques années, on a pu obser- ver une tendance à la concentration de la grande distribution et à la domination de quelques grandes enseignes comme Carrefour, Auchan, Leclerc. Les indépen- dants (Leclerc et Intermarché) ont mul- tiplié l’ouverture de magasins, tandis que des rapprochements majeurs ont eu lieu entre Carrefour et Euromarché en 1991, Casino et Rally, Auchan et les Docks de France, en 1996.

Cette concentration a abouti à travers une plus forte centralisation des achats à un renforcement du pouvoir de négo- ciation des grandes surfaces, sans pour autant faire disparaître la concurrence entre elles. Il en résulte que les distri- buteurs imposent leurs conditions aux producteurs, industriels et agricoles : avantages accordés n’apparaissant pas toujours sur les factures (remises de fin d’année, coopération commerciale, droits d’entrée, etc.) ; allongement des délais de paiement permettant aux distributeurs de dégager une trésorerie abondante. Les fournisseurs sont pénalisés et doivent comprimer leurs coûts et réduire leurs investissements. En outre, ils sont obli- gés de répercuter ces pertes virtuelles sur les agriculteurs, déjà en situation de difficulté.

Par ailleurs, entre les fermetures des petits commerces de détail et les faillites innombrables, l’emploi salarié dans l’ensemble du commerce n’a cessé de diminuer : entre 1992 et 1994, près de 80 000 emplois auraient été perdus dans le secteur.

En février 1996, le gouvernement pré- sente un projet de loi. Le texte s’attaque aux prix cassés, en interdisant les ventes à perte, qui permettent aux grands maga- sins de séduire le client en consentant des baisses extrêmes sur quelques produits afin de mieux faire passer des prix plus élevés sur la majorité des autres produits. Le projet permet également aux fournis- seurs de refuser de vendre si les hypers proposent des prix trop bas. Enfin, il est prévu pour les agriculteurs la possibilité de constituer des ententes afin de peser plus lourd lors des négociations avec les distributeurs. En avril, un autre texte vise à limiter cette fois l’urbanisme commer- cial. Le projet fait passer de 1 000 m2 à 300 le seuil à partir duquel une procédure downloadModeText.vue.download 343 sur 602

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342 downloadModeText.vue.download 344 sur 602

ÉCONOMIE

343 d’autorisation préalable est nécessaire pour l’installation de tout nouveau com- merce de grande surface. Le texte entend aussi limiter le nombre des élus au sein des commissions délivrant les autorisa- tions aux nouvelles grandes surfaces, afin de limiter les risques de corruption ou, plus simplement, la tentation d’accepter toutes les demandes au nom de la créa- tion d’emplois nouveaux.

L’affaire ne fait que commencer... OPA. Au mois de juillet 1996, le propriétaire des hypermarchés Auchan (famille Mulliez) lance une offre publique d’achat (OPA) géante et hostile sur les Docks de France (Mammouth et Atac), dont les actionnaires familiaux résistent dans un pre- mier temps. La plus grosse fortune de France (29,3 milliards de francs selon le magazine amé- ricain Forbes) avance 15 milliards de francs pour s’affranchir des nouvelles contraintes imposées par le gouvernement pour l’ouverture de grandes surfaces. À l’issue de l’OPA, Auchan procède à la réorganisation du nouveau groupe, qui repré- sente plus de 100 milliards de francs de chiffre d’affaires. Les cultures des deux entreprises ont été mêlées sur la base d’une organisation par mé- tier et d’une structure régionale correspondant à la diversité des enseignes de l’ancien groupe Docks de France.

GILBERT RULLIÈRE downloadModeText.vue.download 345 sur 602

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BANQUES : IL RESTE BEAUCOUP À FAIRE

Les grands réseaux et les banques d’affaires ont été les seuls à vérita- blement profiter de cette année. Ces dernières ont eu beaucoup de travail avec les privatisations et les restruc- turations de toutes sortes. C’est ainsi, par exemple, que les spécialistes en ingénierie financière ont eu fort à faire avec la privatisation de la CGM (Com- pagnie générale maritime) ou la ces- sion de Thomson à Matra et à Daewoo. Sans oublier qu’à chaque fois que le CDR (consortium de réalisation) du Crédit Lyonnais envisage de céder l’un des innombrables actifs de celui-ci, les banques d’affaires ont à intervenir.

Les heureux et les autres

Autres privilégiés, les établissements de crédit aux fins d’immobilier et de consom- mation. Ils ont profité de la détente géné- rale des taux d’intérêt et, par contrecoup, du différentiel entre les crédits accordés à un taux avoisinant 10 à 12 % et le taux auquel ils se refinancent sur le marché, 4 % environ. De ce fait, les marges sont redevenues importantes, et presque tous les grands réseaux bancaires, au premier rang desquels la Société générale, le CIC et le groupe de la Compagnie bancaire, ont enregistré de très bons résultats. Les bénéfices ont été encore plus grands pour les établissements spécialisés dans les crédits, comme Sovac et Cétélem.

Par là même, les grandes banques ont enfin commencé à se refaire une santé après les terribles années précédentes, dues à la déconfiture du marché immobi- lier et à des investissements risqués, voire hasardeux.

Pour les établissements de moindre importance, l’année fut moins faste. Étant moins en mesure d’offrir des taux de crédit aussi intéressants que les groupes bancaires, plus sensibles à la concurrence et encore vulnérables du fait de la crise immobilière, plusieurs d’entre eux ont été mis en vente. Ainsi en est-il de la banque Phénix, jusque-là filiale des AGF ; de Laydernier, du groupe Crédit Lyonnais ; et du Crédit du Nord, appartenant à Pari- bas. Le CIC était également à céder dans le cadre des privatisations jusqu’à ce que le gouvernement décide de reporter l’opé- ration. La banque Vernes serait à vendre après le décès de Jean-Marc Vernes.

Compte tenu du mouvement de concentration auquel pousse une concur- rence de plus en plus vive, ces banques doivent trouver des alliances. D’autres, qui n’ont pas non plus les reins assez solides, préfèrent réorienter leurs activi- tés. C’est ainsi, à titre d’exemple, que la banque Edmond de Rothschild s’est re- centrée sur la gestion d’actifs et le conseil financier.

Au demeurant, le marché bancaire français est encore loin d’être suffi- samment restructuré pour affronter la concurrence. Il en est pour preuve le fait que les banques étrangères ne s’inté- ressent pas à la place française. Ainsi, pour la vente du CIC, aucune offre étran- gère n’a été formulée.

Ce mouvement de restructuration est donc loin d’être achevé, mais il a fait, en 1996, une victime de poids : le Cré- dit foncier de France. Cette institution plus que centenaire spécialisée dans le downloadModeText.vue.download 346 sur 602 ÉCONOMIE

345 financement de l’immobilier va dispa- raître dans les années à venir. Joyau de l’économie mixte – le capital en est pri- vé mais les dirigeants sont nommés par le gouvernement –, l’établissement est le premier émetteur privé d’obligations (270 milliards de francs). Avec 11 mil- liards de francs de pertes en 1995, le CCF fait les frais de la crise immobilière, mais également et surtout de l’impéritie de ses dirigeants. Les manquements des inspec- teurs des finances parachutés à la tête de l’entreprise ont été d’autant plus graves de conséquences que, une fois de plus, les organes de contrôle (Commission ban- caire) et de tutelle (Trésor) sont restés aveugles. Scandalisés, 86 députés avaient demandé l’ouverture d’une enquête parlementaire.

Concrètement, l’État va racheter le Crédit foncier par le biais de la Caisse des dépôts et consignations puis d’un établis- sement public spécialement créé. Il doit en coûter environ 2,6 milliards de francs. « La sécurité de la dette obligataire » sera ainsi assurée. Une partie des activités commerciales et le réseau d’agences du Foncier devraient être repris par le Crédit immobilier de France (le CIF étant spé- cialisé dans les prêts au logement pour les ménages modestes) pour ne pas dégrader les aides de l’État au logement social. Reste l’inquiétude des personnels (envi- ron 2 000 personnes) qui ne seraient pas repris par le Crédit immobilier.

La triste affaire du Foncier, un dé- sastre pour le contribuable et les salariés, est le troisième exemple consécutif de la quasi-faillite d’un grand établissement de crédit sous contrôle de la puissance publique – après ceux du Comptoir des entrepreneurs et du Crédit Lyonnais.

La Cour des comptes a donc décidé d’ouvrir une enquête sur le fonctionne- ment de la Commission bancaire, qui aurait dû, dans tous les cas, tirer la son- nette d’alarme ; et qui répugne toujours à se remettre en cause.

Quant au Trésor, qui est l’administra- tion de tutelle des banques publiques, il est également dans le collimateur. Le gouvernement engage des pour- suites contre les anciens dirigeants du Cré- dit Lyonnais pour « défaut de contrôle des filiales ». Cette procédure est sans précé- dent dans un milieu feutré et où l’esprit de corps (l’Inspection des finances), voire de caste, a toujours empêché que le linge sale soit lavé ailleurs qu’en famille. L’ouverture d’un procès de Jean-Yves Haberer, l’ancien président du Lyonnais, ne manquera pas de conduire à un grand déballage dans lequel la tutelle ne sera pas épargnée. À l’époque, Jean-Claude Trichet était direc- teur du Trésor. Aujourd’hui gouverneur de la Banque de France et président de fait de la Commission bancaire, il essuie les critiques directes du président de la Répu- blique. Jacques Chirac lui reproche de ne pas accompagner la politique de relance du gouvernement et de manquer d’audace dans la gestion des taux d’intérêt. D’aucuns considèrent que ces attaques en règle (mais tardives) contre ceux qui dirigeaient ou contrôlaient le Lyonnais n’ont eu comme objectif que de préparer les contribuables et les salariés de la banque à l’annonce d’un troisième plan de sauvetage.

En effet, les bénéfices (13 millions de francs en 1995) de la banque restent symbo- liques. Le résultat du premier semestre aurait été largement dans le rouge si, une nouvelle fois, l’État n’était venu à la rescousse. Cette fois, le chèque est de 3,9 milliards de francs. downloadModeText.vue.download 347 sur 602

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Cette somme correspond à la charge du prêt consenti par le Crédit Lyonnais à la structure qui doit vendre ses actifs non bancaires dans le cadre de son plan de redressement et qui s’avère plus lourde que prévu.

Dans la foulée de cette neutralisa- tion du coût de refinancement du prêt, le ministre de l’Économie annonçait une privatisation « aussi proche que possible ». Avant cela, la banque va devoir faire de nouveaux sacrifices, et l’État, mettre sur pied un troisième plan de sauvetage. Jean Peyrelevade assure que, dans deux ans, son établissement fera envie...

Comme un malheur ne vient jamais seul, dimanche 5 mai 1996, ce qui faisait encore la grandeur du Lyonnais part en fumée. Le prestigieux siège du boulevard des Italiens, à Paris, prend feu à la suite, semble-t-il, d’un court-circuit dans la salle des marchés. Il faudra plus de dix heures à 300 pompiers pour circonscrire le sinistre. Bilan : 43 personnes sont in- toxiquées par la fumée ou blessées. Une gigantesque colonne de fumée noire, visible de partout dans Paris, s’élève au- dessus du quartier de l’Opéra.

Heureusement, la magnifique façade et le grand escalier n’ont pas trop souffert ; mais le reste du bâtiment est détruit. Le temps étant de l’argent, alors même que les flammes ravageaient tout, la direction du Crédit Lyonnais décidait d’activer une salle de marché secrète située non loin de Paris. Le lundi matin, dès l’aube, les « traders » travaillaient déjà – comme si de rien n’était.

PHILIPPE LECAPLAIN

Journaliste

à Radio-France internationale

Embellie à la Bourse de Paris

Le palais Brongniart retrouve des couleurs après deux années de pertes (– 1,6 % en 1995 et – 17 % en 1994). L’indice CAC 40 a augmenté d’envi- ron 15 %, retrouvant son niveau de février 1994, quand il était à son plus haut historique. Mais on est encore loin des 32 % de hausse de 1993.

Cette reprise s’explique par la baisse des taux d’in- térêt et l’amélioration progressive du résultat des entreprises. La perspective d’opérations finan- cières avec les concentrations d’entreprises et les privatisations a ranimé une certaine spéculation. Les introductions en Bourse se sont développées. Toutefois, la Bourse de Paris reste une fois de plus à la traîne des autres places financières. New York, Londres, Francfort et Tokyo ont toutes battu des records historiques. C’est ainsi qu’à Wall Street le Dow Jones a franchi à l’automne pour la première fois la barre des 6 400 points. À l’inverse, pour son 100e anniversaire, le plus vieil indice boursier de la planète avait eu un coup de déprime en raison de liquidations provoquées par le dérapage du mar- ché obligataire et des prises de bénéfices après un certain nombre de gains. Deux mois plus tard, en juillet, Wall Street plongeait à nouveau de 3 % en une seule séance, en raison, paradoxalement, de l’annonce de bons résultats sur l’emploi aux États-Unis. Les boursiers ont craint une surchauffe de l’économie et les taux d’intérêt ont connu une brusque envolée. Comme à l’accoutumée, l’onde de choc se propagea au monde entier. Francfort perdit 3 %, Paris 2 %, etc. La faute à la mondialisa- tion de l’économie.

PHILIPPE LECAPLAIN downloadModeText.vue.download 348 sur 602

ÉCONOMIE

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SCIENCES downloadModeText.vue.download 351 sur 602

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SCIENCES ET TECHNIQUES

Pour le commun des mortels, les avan- cées de la science apparaissent sou- vent bien déroutantes. Ainsi en aura-t-il été lorsque l’on a annoncé, début janvier, qu’une équipe italo-allemande du Cern (Laboratoire européen pour la physique des particules), à Genève, menée par le professeur Walter Oelert, a réussi pour la première fois au monde, en septembre 1995, à créer et à détecter des atomes d’antimatière. Très précisément : neuf atomes d’antihydrogène, obtenus chacun pendant 40 milliardièmes de seconde ! Décrite pour la première fois en 1931 par le Britannique Paul Dirac, l’antimatière ne se distingue de la matière que par des charges électriques opposées. Au contact l’une de l’autre, matière et antimatière s’annihilent, en libérant une formidable quantité d’énergie, quelque 1 000 fois su- périeure à celle que libèrent les réactions nucléaires de fission ou de fusion. Cette propriété, chère aux auteurs de science- fiction, pourrait être utilisée dans l’ave- nir pour la fabrication de bombes ou la propulsion de vaisseaux spatiaux inter- planétaires. Pour l’instant, les recherches des physiciens visent surtout à vérifier s’il existe bien une symétrie parfaite entre la matière et l’antimatière, et à comprendre les raisons pour lesquelles l’Univers n’est fait que de matière, alors que le big-bang a dû engendrer autant de l’une que de l’autre. Depuis l’observation de l’antié- lectron en 1932, puis de l’antiproton en 1955, diverses antiparticules ont été mises en évidence. Mais jamais encore on n’était parvenu à lier des antiélectrons et des antiprotons, avant qu’ils ne s’anni- hilent au contact de leurs homologues de matière, pour engendrer des antiatomes. Le résultat obtenu au Cern représente une prouesse technologique et la première étape d’une longue quête qui conduira demain à la création d’antiatomes plus complexes que ceux d’hydrogène.

Un nouvel élément chimique artificiel

Pour percer les secrets de la matière, d’autres physiciens se sont spécialisés dans la fabrication d’atomes « super- lourds », trop instables pour exister à l’état naturel sur la Terre. Le 21 février, le Gesellschaft für Schwerlonen Forschung (GSI) de Darmstadt (Allemagne) an- nonce que l’une de ses équipes, conduite par Peter Armbruster et Sigurd Hofman, a pu synthétiser durant une infime frac- tion de seconde l’élément de numéro ato- mique 112 (c’est-à-dire dont le noyau ato- mique renferme 112 protons). La même équipe s’était déjà signalée en identifiant, à la fin de 1994, l’élément 110, obtenu par collision entre du plomb et du nickel, puis l’élément 111, à partir de bismuth et de nickel.

Depuis la découverte de la fission nu- cléaire, en 1939, 20 éléments plus lourds que l’uranium – instables et dont la du- rée de vie est d’autant plus brève qu’ils sont plus lourds – ont ainsi été créés et sont venus garnir les cases de la table de Mendeleïev au-delà de ce que produit la nature. Les spécialistes caressent l’espoir d’atteindre un jour l’un des îlots de sta- bilité prévus par la théorie, notamment vers le numéro atomique 126, où la durée de vie des atomes serait à nouveau nette- downloadModeText.vue.download 352 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

351 ment plus longue, de l’ordre de une ou de plusieurs secondes.

La première carte complète du génome humain

L’exploration de l’infiniment petit n’est plus aujourd’hui l’apanage des physi- ciens. D’année en année, les biologistes pénètrent plus avant dans l’intimité du vivant. Particulièrement spectaculaires sont les avancées de la génétique. Créé en 1990 par le professeur Daniel Cohen et financé grâce aux dons récoltés lors du « Téléthon » qu’organise chaque année l’Association française contre les myo- pathies, le Généthon avait annoncé, dès 1993, avoir établi une première carto- graphie du génome humain. Mais il ne s’agissait encore que d’un repérage gros- sier, donnant la position approximative de quelque 2 000 « balises » sur l’ensemble de l’ADN (acide désoxyribonucléique) qui compose notre patrimoine géné- tique. Affiné et complété, le nouvel atlas que publie l’équipe du professeur Jean Weissenbach dans la revue britannique Nature, le 14 mars, comporte désormais 5 264 « marqueurs », soit un marqueur toutes les 700 000 bases (les maillons élé- mentaires de l’ADN). Une « puissance de résolution » bien supérieure à celle espérée à l’origine du projet internatio- nal Génome humain (lancé en 1988 par les États-Unis), qui aidera considérable- ment à localiser et à identifier les quelque 100 000 gènes associés à nos 23 paires tic chromosomes. Déjà, depuis 1992, les travaux des chercheurs du Généthon ont permis de localiser 223 gènes impliqués dans plus de 200 maladies. Le nouvel objectif de l’équipe-phare de la génétique française, dans le cadre du projet « Géné- thon 2 », est désormais, en collaboration avec plusieurs laboratoires anglo-saxons, de fusionner l’ensemble des données actuellement disponibles sur le génome humain, autrement dit de positionner l’ensemble des séquences génétiques déjà répertoriées. La carte qui en résul- tera accélérera encore l’identification des quelque 3 000 gènes que l’on sait impli- qués, d’une manière ou d’une autre, dans une maladie héréditaire.

La maladie de la « vache folle »

Malgré les avancées considérables de la médecine, l’épidémiologie recèle encore bien des énigmes. Face à l’épidémie bri- tannique d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB, couramment désignée sous le nom de maladie de la « vache folle »), révélée en mars, puis à l’hypothèse d’une transmission de l’agent de cette maladie à d’autres espèces animales et à l’homme, chez, qui cet agent déclencherait une forme de la maladie de Creutzfeldt- Jakob, les spécialistes n’ont pu que recon- naître les limites de leur savoir. L’ampleur des enjeux sanitaires et économiques attachés à l’ESB a conduit les autori- tés nationales et européennes à prendre brutalement conscience de l’importance de recherches qui, jusqu’alors, étaient considérées comme marginales. Des cré- dits ont été débloqués pour favoriser la recherche fondamentale dans le domaine des maladies à prions, dont l’ESB est un spécimen. Sous l’appellation de « prion » (acronyme forgé à partir de l’expression anglaise protinaceous infectious particle, particule infectieuse protéinée), on dé- signe un agent infectieux transmissible, downloadModeText.vue.download 353 sur 602

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352 distinct des parasites, des bactéries et des virus, dont la présence dans un orga- nisme humain ou animal se révèle, au terme d’une longue période d’incuba- tion, capable de détruire les structures du système nerveux central, et ainsi de tuer son hôte. Par ses caractères spécifiques et par la menace majeure qu’il fait peser sur la santé publique (aucun test de diagnos- tic ni aucune thérapeutique n’existent encore), le prion constitue l’un des plus grands défis lancés à la biologie et à la médecine de cette fin du XXe siècle.

Sida : des lueurs d’espoir

Autre grand défi pour la médecine d’au- jourd’hui : celui que représente la lutte contre le sida. Depuis quinze ans, ce fléau ne cesse de s’étendre. Au 30 juin 1996, on recensait 1 393 649 cas déclarés dans le monde depuis le début de l’épidémie, en 1981. Cependant, nombre de cas ne sont pas déclarés, et, selon les spécialistes, la maladie aurait, en fait, déjà frappé près de 8 millions de personnes. Au total, depuis 1981, on estime que près de 28 millions de personnes ont contracté le virus, dont 90 % dans les pays en voie de dévelop- pement, et qu’il y a désormais quelque 8 500 infections nouvelles chaque jour. Malgré tous les efforts en matière de re- cherche menés depuis l’identification du virus (VIH) en 1983, la médecine reste encore désarmée face à ce fléau mondial. Cependant, la 11e conférence internatio- nale sur le Sida, qui s’est tenue en juillet à Vancouver (Canada), a fait état de pro- grès encourageants pour l’avenir. Les es- sais de traitement associant deux ou trois médicaments antiviraux et mettant en oeuvre de nouvelles molécules antivirales très actives, les antiprotéases, ont permis de constater, à court terme, une améliora- tion sensible de l’état des patients. Par ail- leurs, la mise au point de nouveaux outils de mesure de l’infection, et notamment le dosage de la charge virale, qui permet de déterminer avec précision la quantité de virus présente dans le sang, autorise dé- sormais une évaluation de l’efficacité des médicaments et une surveillance du trai- tement bien meilleures qu’auparavant.

Datation au carbone 14 : une révision nécessaire

Une caractéristique du savoir scienti- fique est de n’être jamais définitif. Des connaissances qui semblent bien établies sont susceptibles d’être révisées lorsque de nouvelles données expérimentales l’exigent. C’est ainsi, par exemple, que des travaux effectués au Centre des faibles radioactivités de Gif-sur-Yvette (Essonne) et présentés lors d’un colloque de l’American Geophysical Union à San Francisco (États-Unis) ont montré qu’il fallait corriger les datations fondées sur la désintégration radioactive du car- bone 14. En effet, la production de car- bone 14 dans l’atmosphère est liée au flux de rayonnement cosmique, lui-même modulé par l’intensité du champ magné- tique terrestre (ce dernier se compor- tant comme un bouclier face aux parti- cules venues de l’espace) : plus le champ magnétique est faible, plus la quantité de carbone 14 fabriquée par les rayons cosmiques – et donc absorbée par les organismes vivants – est importante. Or, il s’avère qu’il y a plusieurs dizaines de milliers d’années, le champ magnétique terrestre était plus faible qu’aujourd’hui. downloadModeText.vue.download 354 sur 602

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Les datations effectuées en supposant que le taux de carbone 14 n’a pas varié sont donc erronées. Il faut les modifier dans le sens d’un vieillissement. Les corrections les plus importantes touchent la période comprise entre – 20 000 et – 40 000 ans, où les datations devront être vieillies de 2 000 à 3 000 ans. Les écarts par rapport aux anciennes mesures auront des ré- percussions importantes en préhistoire. Mais, depuis son invention en 1947 par le chimiste américain William Libby, la datation au carbone 14 n’en est pas à son premier réajustement, et elle en subira probablement encore d’autres.

La révolution numérique

Au plan technique, l’année 1996 a vu s’amplifier une tendance amorcée au cours des années précédentes : la conver- gence croissante de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel, liée au développement de la technologie numérique. Vingt-cinq ans après l’inven- tion du microprocesseur, le microordi- nateur poursuit son irrésistible avancée dans les entreprises et dans les foyers : au cours de l’année, il s’en est vendu plus de 70 millions dans le monde. Ses perfor- mances en font de plus en plus un outil multimédia et « communiquant ». Mais, devant l’engouement suscité par le réseau Internet, les constructeurs se préparent à gagner de nouveaux clients avec l’ordina- teur de réseau, un ordinateur simplifié, peu coûteux et très simple à utiliser (voir « Les chantiers de la découverte »).

Un autre phénomène majeur est le développement fulgurant des télécom- munications mobiles. Le radiotéléphone compte désormais plus de 55 millions d’abonnés dans le monde (dont 1,5 mil- lion en France à la mi-1996) et connaît une croissance spectaculaire. Avant la fin du siècle, l’installation de dizaines de sa- tellites en orbite basse (projets Iridium et Globalstar) ouvrira l’ère de la téléphonie mobile à l’échelle mondiale.

Dans l’audiovisuel, l’année a été mar- quée par la commercialisation des pre- miers enregistreurs de CD audio destinés au grand public ainsi que par celle des premiers appareils utilisant le système Dolby Digital, qui traite cinq signaux distincts (pentaphonie) acheminés sur cinq enceintes auxquelles s’ajoute une voie spécialisée dans les graves. Ont été également présentés les premiers lecteurs de vidéodisques numériques, ou DVD (Digital Video Disc). Attendu pour 1997, le DVD pourra contenir sur chaque face 133 minutes de film en qualité numé- rique et bouleversera sans doute la vidéo grand public autant que le CD a révolu- tionné le son.

En photographie, enfin, l’innovation de l’année a été le lancement du sys- tème APS (Advanced Photographic Sys- tem), conçu par Kodak, Fuji, Minolta, Nikon et Canon. Nécessitant une nou- velle pellicule au format réduit (17 mm x 30 mm) et des appareils spécifiques, il permet de transformer facilement les cli- chés argentiques en images numériques pour les afficher ensuite sur un écran de télévision ou d’ordinateur puis, éventuel- lement, les diffuser, via un modem, sur un réseau télématique.

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LES CHANTIERS DE LA DÉCOUVERTE

L’ordinateur pour tous

Avec un prix plancher stabilisé autour de 10 000 F, les micro-ordinateurs restent trop coûteux pour constituer des produits réellement grand public. Aux États-Unis, pourtant champions en matière d’équipe- ment informatique, on ne compte encore que 28 % de foyers disposant d’un ordi- nateur, alors que le taux d’équipement en téléviseurs et en téléphones approche de 100 %. Pour étendre l’usage de l’ordina- teur aussi bien dans les familles que dans les écoles et les entreprises, l’Américain Larry Ellison, P-DG d’Oracle, entreprise spécialisée dans les logiciels de gestion de bases de données, a lancé l’idée d’un appareil simplifié, le Network Computer (NC, ordinateur de réseau), ne compor- tant pas de disque dur ni de lecteur de CD-ROM et tirant toutes ses capacités du réseau télématique auquel il serait connecté. Avec une configuration de base comprenant un clavier et un écran de télévision ordinaire, un modem de 8 mil- lions d’octets de mémoire vive, un micro- processeur adapté au traitement mul- timédia et un lecteur de mémoire flash d’une capacité de 500 000 à 1 million d’octets, le NC devrait être vendu autour de 2 500 F, soit quatre fois moins cher qu’un ordinateur personnel. Son deu- xième atout sera d’être très facile à utili- ser, même par ceux qui ne possèdent pas de connaissances en informatique. Plus de 30 grandes entreprises d’informatique, dont IBM et Apple, se sont ralliées à cette idée. IBM a annoncé la commercialisa- tion prochaine de terminaux Internet, et, fin octobre, Sun a lancé un ordinateur de réseau destiné aux entreprises, la JavaS- tation, tandis que Microsoft et Intel ont annoncé conjointement le NetPC, inter- médiaire entre le PC classique et le NC. En quelques mois, l’ordinateur de réseau est devenu l’enjeu d’une redoutable ba- taille économique entre les principaux acteurs de l’informatique mondiale. Ses promoteurs espèrent en vendre 100 mil- lions d’ici à l’an 2000. Le succès fulgurant du réseau Internet justifie cet optimisme. Le véritable marché de masse du NC sera le grand public, mais les experts estiment qu’il effectuera aussi une percée signifi- cative dans les entreprises, où il pourrait représenter 15 à 20 % des achats d’ordi- nateurs dès l’an 2000, et 30 à 40 % à plus long terme.

La radio numérique

Avec le système de radiodiffusion nu- mérique DAB (Digital Audio Broadcas- ting), le paysage radiophonique devrait connaître dans les prochaines années un bouleversement comparable à celui que le CD a provoqué dans le domaine de l’enregistrement. La radio numérique procurera à l’auditeur un meilleur confort d’écoute et il aura accès à toute une gamme de nouveaux services. Les récep- teurs DAB disposeront d’un petit écran à cristaux liquides permettant d’afficher images, textes ou photos associés, de près ou de loin, au programme diffusé : par exemple, les références et la pochette d’un disque, le visage d’un animateur, le livret d’un opéra, etc. En voiture, les automo- bilistes pourront visualiser des informa- tions routières, touristiques ou météoro- downloadModeText.vue.download 356 sur 602 SCIENCES ET TECHNIQUES

355 logiques concernant la région ou la ville qu’ils traversent. En France, la première démonstration grandeur nature de dif- fusion en DAB s’est déroulée le 2 octobre 1996, à Paris, à l’occasion du Mondial de l’automobile. L’expérimentation grand public est prévue pour 1997 (300 volon- taires seront les heureux bénéficiaires du prêt d’un récepteur) ; elle est déjà amor- cée en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Suède, où les industriels ont pris plusieurs longueurs d’avance. La radio numérique a cependant l’inconvénient d’exiger des émetteurs et des récepteurs spécifiques. L’un des obstacles les plus sérieux à son développement est actuel- lement le coût très élevé des récepteurs, voisin de 20 000 F. Ce n’est que lorsque celui-ci aura très sensiblement baissé, vraisemblablement autour de 5 000 F, que le DAB pourra espérer supplanter la modulation de fréquence.

Le moteur à essence à injection directe

Tous les grands constructeurs automo- biles étudient depuis une quarantaine d’années différents concepts de moteurs plus puissants (au kilo) et moins gour- mands en carburant. En commerciali- sant, en 1996, la première voiture dotée d’un moteur à injection directe d’essence, le Japonais Mitsubishi a devancé tous ses concurrents. La différence essentielle entre un moteur à injection directe et un moteur à injection classique se situe dans le lieu d’injection du carburant. Alors que dans un moteur classique le mélange air- essence se fait en amont de la chambre de combustion, dans un moteur à injec- tion directe il est, au contraire, produit à l’intérieur même de cette chambre. Pour optimiser son allumage et sa combustion, les motoristes japonais ont dû concevoir des pistons aux formes tourmentées qui concentrent le mélange au plus près de la bougie. Par ailleurs, le ratio du mélange air-essence atteint 40 voire 50 pour 1, contre 15 à 18 pour 1 dans le cas d’un mo- teur classique. Ce mélange dit « pauvre » autorise de substantielles économies de carburant. En définitive, le moteur à es- sence à injection directe permet des gains de 30 % en consommation et de 10 % en puissance : son avènement marque une révolution dans la motorisation des vé- hicules automobiles et va certainement bousculer le rapport actuel entre l’essence et le diesel.

Le stockage de l’information

Aujourd’hui, les disques durs magné- tiques offrent un rapport prix-perfor- mances imbattable pour le stockage de grandes quantités d’information. Leur densité de stockage atteint couramment 1 gigabit par pouce carré, et elle progresse au rythme de 60 % par an. Il existe ce- pendant une limite théorique à la densité d’information que l’on peut stocker sur un disque : celle-ci sera atteinte lorsque l’espace occupé par un bit dans le maté- riau magnétique sera si réduit que son énergie sera égale à celle du matériau non magnétisé ; dès lors, il ne sera plus pos- sible d’obtenir un état magnétique stable pour enregistrer de l’information. Cette limite est de 70 gigabits par pouce carré. Elle ne devrait pas être atteinte avant 2005. La technologie actuelle utilise l’effet magnétorésistif. Les têtes de lecture com- portent un film de ferronickel déposé en downloadModeText.vue.download 357 sur 602

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356 couches minces. Lorsqu’elles détectent sur le disque un bit d’information, celui- ci provoque une modification du champ magnétique et induit un changement de résistance du matériau, d’où résulte un si- gnal électrique envoyé à l’ordinateur. Bre- vetée par IBM dès 1975, cette technolo- gie permettra d’atteindre des densités de l’ordre de 5 gigabits par pouce carré. Pour aller au-delà et atteindre 10 gigabits par pouce carré, il faudra recourir à de nou- veaux films de matériaux permettant de conserver au signal émis par la tête une amplitude suffisante, alors que la taille des bits inscrits sur le disque, et donc leur énergie, sera devenue très faible (à une densité de 10 gigabits par pouce carré, la longueur d’un bit sur le disque ne dépasse pas 5 cent-millièmes de millimètre !). La vitesse de rotation des disques (de l’ordre de 7 000 tours par minute aujourd’hui) devra aussi augmenter pour réduire le temps d’accès aux informations. À plus long terme, les circuits intégrés, les disques optiques (à lecture laser) et l’ho- lographie pourraient constituer des alter- natives au stockage magnétique.

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SCIENCES ET TECHNIQUES

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ASTRONOMIE ET ESPACE

Assombrie pour les Européens par l’échec du premier vol d’essai du nouveau lanceur Ariane 5, l’année spa- tiale 1996 a été marquée aussi par de beaux succès, notamment dans le do- maine des vols habités, et par la reprise de l’exploration du système solaire par des sondes automatiques. Mais, pour la première fois depuis 1966, les États-Unis ont procédé à davantage de lancements que la Russie, dont l’activité spatiale n’a cessé de se réduire depuis 1987, par suite de difficultés financières.

Les vols habités

Pas moins de 51 spationautes ont pris le chemin de l’espace : 43 à bord de la navette américaine, qui a effectué 7 mis- sions (sur un total atteignant 80 à la fin de l’année), et 8 à bord du vaisseau russe Soyouz pour rejoindre la station orbitale Mir. Cette dernière a entamé le 19 février sa 11e année dans l’espace, après 56 150 révolutions autour de la Terre, au cours desquelles elle a accueilli 46 cosmonautes, abstraction faite d’une courte visite des membres de l’équipage de l’orbiteur Atlantis lors du premier amarrage de la navette à la station, en 1995. Enfin complète après l’amarrage, le 26 avril (avec quatre ans de retard sur le programme initial), du module Priroda – principalement consacré à l’observa- tion de la Terre –, elle forme à présent un complexe orbital de 230 t, dont l’exploita- tion doit se poursuivre jusqu’à l’an 2000. En mars et en septembre ont eu lieu la 3e et la 4e des 9 missions américano-russes destinées à préparer l’assemblage en or- bite (en principe à partir de décembre 1997) de la future station spatiale inter- nationale : dans ces deux cas, l’orbiteur de la navette s’est amarré à Mir, amenant un astronaute américain à bord de la station pour y effectuer un vol de longue durée. Partie le 22 mars, l’astronaute Shannon Lucid devait effectuer un vol de 140 j. Des problèmes techniques sur la navette, puis un cyclone soufflant sur la Floride, ont retardé d’un mois et demi le lance- ment de la navette chargée de la ramener au sol. De retour sur la Terre, le 26 sep- tembre, après 188 j passés en orbite, l’Américaine est ainsi devenue la nouvelle détentrice du record féminin de séjour dans l’espace, détrônant la Russe Elena Kondakova qui était restée 169 j dans l’espace en 1994-1995. Autre record, celui établi au plan européen par l’astronaute (allemand), Thomas Reiter, de l’Agence spatiale européenne, avec un vol de 180 j dans le cadre de la mission européano- russe EuroMir 95. Pour la France, l’année a été particulièrement faste avec le vol de ses deux premiers spationautes scienti- fiques. Jean-Jacques Favier, tout d’abord, ingénieur-physicien au Commissariat à l’énergie atomique – sélectionné comme spationaute par le CNES en 1985 –, a participé comme spécialiste de charge utile à la 78e mission de la navette amé- ricaine, à bord de l’orbiteur Columbia, du 20 juin au 7 juillet. Cette mission était consacrée à la réalisation de 43 expé- riences dans les domaines des sciences physiques et des sciences de la vie. C’était le 7e vol d’un Français dans l’espace, et le 3e à bord de la navette. Claudie André- Deshays, ensuite, médecin rhumatologue et docteur ès sciences (option neuros- ciences), sélectionnée, elle aussi, comme downloadModeText.vue.download 359 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

358 spationaute par le CNES en 1985 et qui avait déjà subi un entraînement à un vol à bord de Mir en tant que doublure de Jean-Pierre Haigneré pour la mission franco-russe Altaïr (réalisée en 1993), est devenue la 31e femme et la 1re Française à voyager dans l’espace en participant, du 17 août au 2 septembre, à la mission fran- co-russe Cassiopée. Durant son séjour de 14 j à bord de la station Mir (où elle a retrouvé notamment Shannon Lucid), Claudie André-Deshays a mené à bien une série d’expérimentations concer- nant le domaine biomédical (physiolo- gie cardiovasculaire et neurosensorielle, biologie du développement animal), les sciences physiques (étude du comporte- ment de fluides au voisinage de leur point critique) et la technologie (caractérisa- tion des structures en orbite). À l’issue de sa mission, il a été annoncé que la coopération spatiale franco-russe dans le domaine des vols habités se poursuivrait par deux nouveaux vols de cosmonautes français à bord de Mir : le premier, d’une durée de trois semaines, à la fin de 1997 ; le second, d’une durée de quatre mois, en 1999.

Enchères spatiales. Le 16 mars, à New York, l’illustre maison de vente Sotheby’s a livré aux en- chères quelque 400 lots consacrés à la conquête spatiale soviétique. Clou de la vente : la capsule Vostok 3K-A, prototype envoyé dans l’espace avec un mannequin à bord, peu avant le vol inaugural de Gagarine en avril 1961. L’engin était estimé la bagatelle de 1 million de dollars et représentait, à lui seul, près de la moitié du produit escompté. Mais il n’a pas trouvé preneur. Un collectionneur américain a tout de même déboursé 112 500 dol- lars (562 500 F) pour un satellite espion.

Un Airbus pour les vols paraboliques. Finan- cé par le CNES et plusieurs partenaires, l’Airbus A-300 « Zéro G », baptisé le 14 septembre sur l’aé- roport de Bordeaux-Mérignac, est désormais le plus gros avion du monde consacré aux vols pa- raboliques, pour l’entraînement des spationautes et la réalisation d’expériences scientifiques ou la validation de matériel d’expérimentation en mi- cropesanteur. Il devrait être utilisé jusqu’en 2002 au rythme de cinq à six campagnes de vol par an, permettant d’embarquer chacune 15 expériences et jusqu’à 40 passagers.

Les lanceurs

L’échec, le 4 juin, du vol inaugural du lan- ceur Ariane 5 a provoqué la stupeur et la consternation en Europe. L’enquête ulté- rieure a permis d’incriminer des erreurs de spécification et de conception du lo- giciel du système de référence inertielle. Celles-ci ont provoqué la perte totale des informations de guidage et d’attitude trente-sept secondes après le démarrage de la séquence d’allumage du moteur principal (c’est-à-dire trente secondes après le décollage). Trois secondes plus tard, le lanceur, qui se trouvait à environ 3 700 m d’altitude, a dévié de sa trajec- toire, s’est brisé et a explosé, causant la perte des 4 satellites scientifiques Cluster qu’il devait placer sur orbite (pour l’étude des relations Soleil-Terre).

La catastrophe est, en définitive, imputable à une bévue difficilement compréhensible : les ingénieurs ont repris sur Ariane 5, sans le modifier, le logiciel équipant les centrales inertielles d’Ariane 4. Or l’accélération d’Ariane 5 et sa vitesse horizontale sont très supé- rieures à celles d’Ariane 4. Aussi les deux centrales ont-elles envoyé des informa- tions aberrantes à l’ordinateur de bord ; celui-ci a alors transmis aux tuyères des deux propulseurs à poudre d’Ariane l’ordre de procéder à une importante correction de trajectoire, et cette der- nière, qui n’était pas justifiée, a provoqué downloadModeText.vue.download 360 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

359 la destruction du lanceur. Conséquences de l’accident : Ariane 5 va devoir subir diverses modifications et vérifications avant son deuxième vol de qualification, qui n’interviendra, au plus tôt, qu’à la mi- avril 1997, et le premier vol commercial ne devrait avoir lieu qu’au début de 1998, avec un an de retard sur le programme initial, après un vol supplémentaire de qualification. Le surcoût pour les États membres de l’Agence spatiale européenne sera de l’ordre de 1,87 milliard de francs. Les déboires d’Ariane 5 ne doivent cepen- dant pas faire oublier le succès d’Ariane 4, dont les 10 lancements de 1996, tous réussis, ont permis de placer sur orbite 15 satellites.

Au Japon, le 12 février, le premier vol du lanceur à poudre J-1 s’est parfaitement déroulé, mais le véhicule expérimen- tal Hyflex (maquette en réduction de la future navette automatique Hope) qu’il emportait pour un vol suborbital s’est abîmé dans le Pacifique au terme de sa rentrée hypersonique dans l’atmosphère et a coulé à 8 000 m de profondeur. En Chine, la série d’échecs enregistrés depuis 1992 s’est poursuivie avec l’explosion peu après son décollage, le 14 février, de la première fusée Longue Marche-3B (cau- sant la perte du satellite de télécommu- nications Intelsat 708) et sa retombée sur un village, où elle a tué près d’une cen- taine de personnes. Ensuite, le 17 août, ce fut la défaillance d’une fusée Longue Marche-3A, qui n’a pu mettre sur orbite le satellite de télécommunications China- sat 7. En Inde, en revanche, le troisième exemplaire de la fusée quadriétage PSLV a placé avec succès en orbite un satellite de télédétection. Aux États-Unis, la firme McDonnell Douglas a procédé, à partir du 18 mai, aux premiers vols d’essai de la version améliorée DC-XA de son lanceur expérimental monoétage à décollage et atterrissage verticaux, testé depuis 1993.

La navette américaine privatisée. Depuis le 1er octobre, la NASA confie l’exploitation de la navette spatiale à United States Alliance, une so- ciété spécialement créée à cet effet par les firmes Lockheed Martin et Rockwell. En faisant appel à un opérateur privé pour les lancements et l’en- tretien de la navette, la NASA espère supprimer d’ici à cinq ans 7 500 emplois et ramener ainsi le budget d’exploitation de son système de trans- port spatial de 3,2 millions de dollars en 1995 à 2,5 millions en 2000.

Les satellites et les sondes

Doyen des observatoires spatiaux en activité, le satellite international d’astro- nomie dans l’ultraviolet IUE, lancé en 1978 pour une durée de vie opération- nelle prévue de trois ans, aura finale- ment fonctionné dix-huit ans et demi. Son exploitation en orbite a été arrêtée le 30 septembre, après avoir fourni la ma- tière de plus de 3 500 communications scientifiques publiées dans des revues de référence et alimenté plus de 500 thèses de doctorat. Pas de répit, en revanche, pour le télescope spatial Hubble, qui a fourni encore une exceptionnelle collec- tion d’images. Les astronomes affichent aussi leur satisfaction devant la mois- son de données provenant des satellites européens ISO (en français, observatoire spatial infrarouge) et Soho (en français, observatoire solaire et héliosphérique), lancés à la fin de 1995. L’année a, par ail- leurs, été faste pour l’exploration du sys- tème solaire. Le 16 février, la NASA a lan- cé la sonde NEAR (Near Earth Asteroid Rendez-vous) chargée de s’approcher de l’astéroïde Eros en 1999. Une autre sonde downloadModeText.vue.download 361 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997 360 américaine, Galileo, a frôlé et photogra- phié en gros plan trois des principaux sa- tellites de Jupiter : Ganymède (le 27 juin, d’une distance de 830 km), Callisto (le 4 novembre, d’une distance de 1 100 km) et Europe (le 19 décembre, d’une dis- tance de 700 km). Enfin, en novembre et en décembre, trois sondes automatiques ont été lancées vers Mars : deux améri- caines, Mars Global Surveyor, chargée de cartographier la planète, et Mars Pathfin- der, conçue pour déposer dans une val- lée martienne une station scientifique et un petit robot à six roues, Sojourner ; la troisième, Mars 96, conçue par les Russes avec la participation d’une vingtaine de pays, pour se mettre en orbite autour de Mars et larguer à sa surface deux stations et deux pénétrateurs. Cette dernière est malheureusement retombée dans l’océan Pacifique le lendemain de son lancement, après avoir été placée sur une mauvaise orbite par suite d’une défaillance du qua- trième étage de sa fusée porteuse. La reprise de l’exploration martienne suscite un intérêt particulier après l’annonce, en août, par des chercheurs de la NASA de leur découverte, dans une météorite recueillie en 1984 dans l’Antarctique et vraisemblablement d’origine martienne, d’un faisceau d’indices qui tendrait à indiquer qu’une forme de vie microsco- pique a pu exister sur la « planète rouge », il y a plus de trois milliards d’années.

Du monoxyde de carbone dans un quasar. Le 1er août, dans la revue Nature, deux équipes d’as- tronomes, l’une française dirigée par A. Omont, l’autre japonaise dirigée par K. Ohta, ont annon- cé simultanément la découverte de monoxyde de carbone dans le spectre du quasar lointain BR 1202-0725, situé à une distance comprise entre 10 et 15 milliards d’années-lumière. Cette découverte démontre la présence de gaz molé- culaire dans l’un des astres connus les plus loin- tains et pourrait indiquer que le processus de for- mation d’étoiles s’est déclenché plus tôt qu’on ne le pensait après le big-bang, alors que l’Univers n’avait que 10 % de son âge actuel.

Mise en service du télescope géant Keck 2...

À plus de 4 000 m d’altitude, près du sommet du Mauna Kea, un volcan endormi de l’île d’Hawaii, est entré en service au début d’octobre le téles- cope géant Keck 2, quatre ans après son frère jumeau Keck 1. Construits par le Caltech (Institut de technologie de Californie) et l’université de

Californie, les deux instruments sont désormais les plus grands télescopes du monde : leur miroir principal, constitué d’une mosaïque de 36 élé- ments hexagonaux de 1,80 m de côté, est équi- valent à un miroir circulaire d’une seule pièce qui aurait 10 m de diamètre. Distants d’une centaine de mètres seulement l’un de l’autre, ils pourront

être couplés pour fonctionner en interféromètre optique. Au début du siècle prochain, ils devront affronter la concurrence du VLT (Very Large Teles- cope), un ensemble de 4 télescopes de 8 m de diamètre en cours d’installation au Chili par les

Européens, qui leur ravira le record de dimension.

... et du télescope solaire Thémis. Conçu et réalisé pour analyser l’activité du Soleil, le téles- cope franco-italien Thémis (télescope héliogra- phique pour l’étude du magnétisme et des ins- tabilités de l’atmosphère solaire) a été inauguré le 30 juin à l’observatoire du Teide, sur l’île de

Tenerife. L’instrument, doté d’un miroir de 90 cm de diamètre et de 15 m de focale, est équipé d’un magnétographe à très haute résolution. Ses observations, corrélées à celles du satellite euro- péen Soho, devraient aider à mieux comprendre comment le Soleil agit sur l’environnement terrestre.

PHILIPPE DE LA COTARDIÈRE downloadModeText.vue.download 362 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

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PHYSIQUE : LE RETOUR

DE L’ANTIMATIÈRE

Le 4 janvier 1996, le grand physicien anglais Paul Adrien Maurice Dirac (1902-1984) a dû se retourner dans sa tombe. Ce jour-là, une équipe du Labo- ratoire européen de physique des par- ticules, à Genève, annonçait avoir pro- duit, lors d’une expérience qui avait duré une quinzaine d’heures, neuf atomes d’antimatière – précisément, des anti- atomes d’hydrogène qui ont, avant de s’annihiler, donné dans les détecteurs une signature caractéristique. Cette fugitive antimatière, dont l’existence est assurée depuis une soixantaine d’an- nées, le théoricien Dirac l’a le premier trouvée sur le papier. Sans aucun autre appareillage qu’une équation décrivant la plus élémentaire des particules élé- mentaires : l’électron. Or cette équation admettait deux types de solutions. L’une d’elles ressemblait trait pour trait à l’élec- tron ; l’autre décrivait une particule de même masse, mais de charge électrique opposée : l’antiélectron, ou « positon », venait de faire son entrée sur la scène de la physique, et les auteurs de science- fiction s’en emparèrent aussitôt pour fa- çonner de mystérieux antimondes peu- plés d’antiandroïdes.

Qu’une symétrie dans une équation mathématique se traduise par une sy- métrie semblable dans le monde réel est un autre exemple de la « déraisonnable efficacité des mathématiques à décrire la nature » qu’évoquait le mathémati- cien Hermann Weyl. Toujours est-il qu’en 1932 l’Américain Carl Anderson identifiait des positons dans le rayonne- ment cosmique, et que les accélérateurs de particules sont aujourd’hui capables de produire à la demande antiélectrons et antiprotons, tant il est vrai que toute particule élémentaire possède son anti- particule – son image dans un miroir en quelque sorte. Jamais encore, pour- tant, un antiproton n’avait été marié à un antiélectron pour faire un antiatome d’hydrogène. C’est aujourd’hui chose faite, et l’enthousiasme des physiciens tient à ce que cette antimatière pourrait ne pas avoir tout à fait les mêmes pro- priétés que la matière correspondante – ce qui ferait se retourner Dirac une seconde fois dans sa tombe et remettrait à zéro les compteurs de la physique et de la cosmologie. Quelle aubaine ! Les phy- siciens n’aiment rien tant que ce qui va à l’encontre de leurs théories.

Énigme

Las, les neuf antiatomes annoncés sont pour l’instant bien insuffisants pour tes- ter quoi que ce soit, car bien trop éphé- mères : l’antimatière a en effet la désa- gréable propriété, lorsqu’elle rencontre la matière ordinaire, de s’annihiler aussitôt en donnant une bouffée d’énergie. Mais, inversement, au tout début de notre uni- vers, il a bien fallu que matière et antima- tière émergent de cette énergie. Rien dans les lois physiques, en effet, ne s’oppose à ce que du vide le plus parfait surgissent une particule et son antiparticule, au point que ce scénario de création de la matière est aujourd’hui le plus couram- ment accepté chez les cosmologistes. Et cela pose une redoutable énigme : si l’équation de Dirac ne favorise en rien la matière par rapport à l’antimatière, pour- downloadModeText.vue.download 363 sur 602

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362 quoi notre univers est-il fait de matière ?

Souligné en 1966 par le célèbre physi- cien russe Andreï Sakharov, ce paradoxe admet deux solutions logiques : soit notre univers matériel n’est qu’une petite partie d’un univers plus vaste, au sein duquel il coexisterait avec des univers d’antima- tière non encore détectés, soit la symé- trie matière-antimatière n’est pas aussi parfaite qu’il y paraît. N’en déplaise aux amateurs de rencontres explosives entre humains et antihumains, les physiciens penchent vers la seconde solution. Pour- quoi ? À cause d’une expérience réalisée en 1956 par une physicienne américaine d’origine chinoise, Chen Shiung Wu.

Asymétries

Comme tous ses collègues, Mme Wu avait appris à l’école que les lois physiques s’appliquant aux particules élémentaires obéissent à trois symétries majeures : la parité (« P »), qui veut que si un phéno- mène se produit, son image dans un mi- roir doit se produire aussi ; la conjugaison de charge (« C »), qui veut que si un phé- nomène se produit avec des particules, il doit aussi se produire avec des anti- particules ; et le renversement du temps (« T »), qui exige que le film d’un événe- ment puisse aussi bien être passé dans le bon sens... qu’à l’envers. À notre échelle, cette dernière symétrie est évidemment fausse, puisque l’on détecte aussitôt l’ano- malie si l’on voit un plongeur remonter la tête en bas vers son plongeoir, ou une maison, soufflée par une explosion, se re- construire pierre à pierre. Rien de tel chez les particules élémentaires, où toutes les expériences montraient une réversibilité parfaite entre particule et antiparticule, gauche et droite, passé et futur. Mais une expérience très simple allait réduire à néant cette admirable simplicité.

Mme Wu étudiait le cobalt 60, iso- tope très radioactif du cobalt, qui émet des électrons en se désintégrant. Après avoir orienté dans une direction précise ses noyaux de cobalt 60, elle entreprit de compter le nombre d’électrons émis dans cette direction et dans la direction oppo- sée. Elle s’attendait, bien sûr, à ce que ces deux nombres soient égaux. Pourquoi le cobalt serait-il droitier ou gaucher et préférerait-il éjecter ses électrons d’un côté plutôt que de l’autre ? La question, quarante ans plus tard, reste posée, car Mme Wu trouva une nette différence entre les deux nombres, ce qui impliquait une violation de la sacro-sainte parité P. « Pour la première fois de l’histoire, écrivit le physicien Richard Feynman, il devenait possible d’expliquer à un extraterrestre la différence entre la droite et la gauche », à condition, toutefois, que celui-ci dispose de cobalt 60 et de la technologie néces- saire pour en orienter les noyaux et en compter les électrons.

L’expérience de Mme Wu violait non seulement la symétrie P, mais aussi – on le montra peu après – la symétrie C. Ce qui n’empêchait nullement la symétrie CP (faisant correspondre à la matière son an- timatière vue dans un miroir) de tenir la route. En somme, si la violation de la pa- rité restait une curiosité inexpliquée, elle ne remettait pas totalement en question les théories physiques de l’époque. Statu quo de courte durée : il apparut en 1964 que la symétrie CP, à son tour, était violée lors de certains événements rarissimes entre particules élémentaires. Trente ans plus tard, aucune théorie ne rend compte du phénomène, dont le seul effet positif downloadModeText.vue.download 364 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

363 est d’enrichir le dialogue avec les extrater- restres de Feynman. Il est désormais pos- sible de leur apprendre à distinguer non seulement la gauche de la droite, mais aussi les charges positives des charges né- gatives, c’est-à-dire la matière de l’antima- tière. Une condition indispensable pour éviter les rencontres explosives.

Perspectives

Mais cette étrange violation de symétrie pourrait expliquer la nature « matérielle » de notre univers : l’infime défaut de sy- métrie du miroir cosmique a peut-être, lors du big-bang. engendré davantage de matière que d’antimatière. Cette dernière devrait donc manifester de subtiles diffé- rences par rapport à la matière, ce qui jus- tifie pleinement l’excitation des physiciens devant les premiers antiatomes créés par l’homme. La réponse est attendue dans les prochaines décennies, ce qui laisse ample- ment le temps de méditer sur cet ultime paradoxe : sans symétrie, pas de physique. Mais, sans asymétrie, pas de physiciens...

Fullerènes couronnés. Un Anglais, Harold Kro- to, et deux Américains, Robert Curl et Richard Smalley, se partagent le prix Nobel de chimie 1996 pour leur découverte commune de ballons de football moléculaires. Ces footballènes, ou ful- lerènes (du nom de l’architecte des dômes géo- désiques, Buckminster Fuller), sont des sphères constituées de 60 atomes de carbone disposés aux sommets de pentagones et d’hexagones, selon la même structure que celle du ballon qui déchaîne les foules. C’est sous un faisceau laser, dans un vide poussé et à haute température, que H. Kroto a synthétisé le premier fullerène et testé ses extraordinaires propriétés. L’éventail ouvert par la chimie de ces nouveaux composés apparaît si vaste que les chimistes n’hésitent pas à parler d’une « chimie fabuleuse dont nous n’avons pas encore idée ».

L’Univers dans une goutte d’hélium. La totale convergence entre l’étude de l’infiniment petit, la physique des particules, et celle de l’infiniment grand, la cosmologie, est un événement majeur de la physique de ces dernières décennies. Tra- vaillant dans ce nouveau domaine de l’« astrophy- sique des particules », une coopération française, anglaise et finlandaise vient de faire un pas décisif en mettant, en quelque sorte, l’Univers dans une éprouvette. Plus précisément, ces savants ont refroidi à quelques millionièmes de degré du zéro absolu (– 273 °C) un petit échantillon d’hélium 3, liquide qui a la propriété d’être « superfluide », c’est-à-dire de s’écouler sans la moindre viscosité. Échauffé localement, l’hélium 3 perd sa superflui- dité mais y revient en formant une série de vortex à l’allure de spaghettis, analogues en tout point aux « cordes cosmiques » qui se sont peut-être formées – c’est en tout cas ce qu’avancent les théories cosmologiques les plus récentes – aux tout débuts de l’Univers. Si le vide cosmique des origines exhibe bien les mêmes propriétés physiques que l’hélium 3 superfluide, rien ne s’oppose désormais à ce que la cosmologie fasse l’objet d’expériences de laboratoire...

Un siècle de radioactivité. Il y a exactement cent ans que le physicien Henri Becquerel, tel un nouveau Pandore, ouvrant un tiroir de son bureau où il avait entreposé des sels d’uranium, remarqua que les plaques photographiques qui s’y trouvaient avaient été impressionnées. Le début d’une grande aventure scientifique, tech- nique, médicale et militaire. De l’élucidation du mystérieux rayonnement à la découverte de la radioactivité artificielle, de la médecine nucléaire à Hiroshima, ce phénomène naturel en est venu à bouleverser le XXe siècle. H. Becquerel méritait bien l’hommage qui lui a été scrupuleusement rendu, et auquel a participé l’Américain Glenn Seaborg, héros tout à la fois du projet Manhat- tan de fabrication de la bombe atomique et de la découverte de nouveaux éléments chimiques. Seaborg, quatre-vingt-trois ans, a en effet trouvé une dizaine de « transuraniens » (plus lourds que l’uranium) – dont le numéro 106, que l’on envi- sage de baptiser seaborgium –, et a assisté, en tant que conseiller scientifique, plusieurs présidents américains. Jugement sans fioritures : « Kennedy et Johnson se passionnaient pour la science ; ce n’était pas le cas de Nixon et de Reagan. »

U J.-M. Lévy-Leblond, Aux contraires, Gallimard, 1996. « Pour une poignée d’antiatomes », la Recherche, avr. 1996.

NICOLAS WITKOWSKI downloadModeText.vue.download 365 sur 602

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OCÉANOGRAPHIE

L’élargissement du programme ODP s’accentue. Les objectifs des forages océaniques profonds (ODP) associent de plus en plus à l’histoire géologique des fonds celle des circulations, de la productivité et de la surface océaniques. Les voyages de 1996 ont successivement étudié les fluctuations du courant des Caraïbes (voyage 165), du Gulf Stream (enregistrées dans les carbonates du pla- teau des Bahamas, voyage 166), du cou- rant de Californie et de ses résurgences (voyage 167), ainsi que les variations des circulations hydrothermales (dans le Pa- cifique nord-américain, voyages 168, 169 et 170).

Les dorsales, valeurs en hausse. En quelques sites privilégiés du centre des océans Atlantique et Indien, et du Paci- fique oriental et austral, sous l’angle le plus largement pluridisciplinaire, et à l’aide de moyens lourds et variés (levés, plongées), les programmes consacrés aux dorsales continuent de mobiliser une part importante de la communauté scientifique, tant en Amérique (Canada, États-Unis) qu’en Europe (France, Alle- magne) et en Australasie (Australie, Co- rée, Japon, Inde).

Des querelles s’apaisent, comme celle portant sur l’origine énigmatique de la caulerpe, algue envahissante en Médi- terranée occidentale... D’autres s’avivent : dans le Sud-Est asiatique où s’aggrave le contentieux maritime qui sépare la Chine, la Corée, Taïwan et le Japon sur fond d’accrochages entre flottilles de pêche et de revendications insulaires en mer de Chine méridionale. Et à l’entrée de l’océan Arctique (mers de Barents et de Kara), où les problèmes sont enve- nimés, les recherches entravées et les pêcheries compromises par les soupçons graves autour d’une contamination des eaux marines par les rejets, déchets et enfouissements nucléaires (bases ou « ci- metières » de sous-marins de la péninsule de Kola, Russie).

Nouveautés. Ont été abordés des régions très difficilement accessibles comme le bassin canadien, bloqué par l’épaisse banquise arctique (premières publications des recherches pluridisci- plinaires menées à bord des brise-glace canadiens et américains), et des pro- blèmes jusque-là négligés ou ignorés (par exemple : apport des nappes souter- raines, résurgences froides dans les eaux tempérées).

Renouveau du mirage offshore ? Pa- raissent l’attester l’extension de la pros- pection, la découverte de nouvelles réserves (Angola, Congo), la mise en exploitation prochaine de champs pro- fonds, en dessous de 1 000 m (Brésil, Texas), et le renouveau des structures d’extraction (navires-usines « butineurs » qui, par grands fonds, remplaceront les traditionnelles plates-formes).

Irremplaçables satellites Satisfaisant bilan des trois premières années de fonc- tionnement (1992-1995) de Topex-Posei- don, qui a permis de suivre les niveaux et les ondes propagées à la surface de l’océan mondial entre 66° S. et 65° N. Mais ERS 1 est mis en « veilleuse » après trois années de cartographie océanique (1993-1996) ; son frère jumeau ERS 2 (1995) pourra-t- il continuer sa carrière ?

JEAN-RENÉ VANNEY downloadModeText.vue.download 366 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

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Nouvelles brèves

Janvier : fin de la légendaire Calypso, qui coule en rade de Singapour ; à l’ouest de la Jamaïque, le 1000e site DSDP (depuis 1968) est foré.

Février : nouvelle marée noire devant le pays de Galles (Sea Empress).

Avril : un volcan sous-marin fait émerger un haut-fond et un problème diplomatique aux limites des eaux territoriales du Vanuatu et de la Nouvelle-Calédonie.

Septembre : manifestations anniversaires du nau- frage du Pourquoi-pas ? (1936) et de la première traversée française de l’océan Indien austral vers la terre Adélie (1956). downloadModeText.vue.download 367 sur 602

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SCIENCES DE LA TERRE

L’année 1996 a été marquée par le re- tour des questions posées par la vie : comment expliquer les grands change- ments de peuplements d’êtres vivants ? Y a-t-il de la vie ailleurs que sur notre pla- nète ? Ces questions ont été débattues au cours du XXXe Congrès géologique inter- national, tenu à Pékin du 4 au 14 août.

L’extinction en masse des êtres vivants

Pour attirer des personnes extérieures à la profession de géologue, le plus sûr est d’organiser une séance sur les dinosaures ou la vie extraterrestre. Il se trouve qu’à Pékin, les deux thèmes ont été abordés.

Deux limites géologiques sont cé- lèbres pour la disparition d’un nombre considérable d’espèces vivantes en un temps très court. La limite permien- trias d’il y a 250 millions d’années a vu l’extinction de plus de 60 % des espèces existantes et celle du crétacé-tertiaire d’il y a 65 millions d’années est connue pour le destin tragique des dinosaures et des ammonites, favorisant l’émergence des mammifères, dont l’homme fait partie.

Pourquoi ces hécatombes ? Deux théories s’opposent : celle de l’éruption volcanique de très grand volume et celle de la chute catastrophique d’une météo- rite géante. Une troisième théorie suggère même que, sous l’impact d’une météorite géante, les couches externes du globe se fracturent, ce qui facilite les éruptions volcaniques. Or, dans les deux périodes étudiées, il semble bien que les deux types d’événements se soient produits à peu près en même temps, provoquant un bouleversement climatique court, mais suffisamment intense pour causer la disparition des espèces les moins bien armées. Toutes les discussions viennent de ce que l’on entend par « à peu près en même temps ». Pour trancher, il faut ob- tenir des datations très précises, avec une marge d’incertitude inférieure au million d’années ; c’est ce qui fait actuellement défaut.

La vie sur Mars ?

Avant même sa publication dans le nu- méro d’août de Science, un article de re- cherche a fait sensation : on aurait trouvé des traces de vie sur Mars. Qu’en est-il exactement ?

L’article de Science, signé par huit chercheurs américains et un canadien, s’intitule « À la recherche de la vie pas- sée sur Mars : restes possibles d’acti- vité biologique dans la météorite mar- tienne ALH84001 ». En six pages, les auteurs exposent qu’ils ont détecté dans des fragments de cette météorite de grandes quantités d’hydrocarbures aro- matiques polycycliques et analysé des globules de carbonates contenant des inclusions de magnétite (oxyde de fer) et de sulfures, ressemblant aux concré- tions produites par certaines bactéries terrestres. Sans exclure une origine non biologique, ils estiment que les proces- sus biologiques expliquent mieux leurs observations.

La météorite ALH84001 est tombée il y a 13 000 ans dans les Allan Hills, en Antarctique. Comment savoir qu’une telle météorite vient de Mars ? Un petit groupe de météorites, les SNC, se dis- tingue des météorites ordinaires par leur relative jeunesse (1,2-1,3 milliard d’années) et, surtout, par la présence de downloadModeText.vue.download 368 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

367 gaz dont la composition est celle de l’at- mosphère martienne. Comme la planète Mars présente une surface relativement jeune dans son hémisphère nord, il est tentant de conclure que les SNC sont des fragments de la surface martienne arra- chés par un impact de météorite particu- lièrement violent et envoyés sur la Terre.

ALH84001 diffère des SNC par la quantité importante de carbonates qu’elle renferme et son âge plus ancien. Les chercheurs restent divisés sur l’origine des carbonates mais s’accordent sur le fait que ceux-ci se sont formés dans l’espace. En revanche, leurs opinions divergent quant à la température de formation, les estimations allant de 0-80 °C à plus de 700 °C, valeur incompatible avec la vie.

En conclusion, beaucoup de ques- tions restent posées. Si toutes les réponses sont favorables, alors oui, quelque chose d’analogue aux bactéries terrestres a exis- té il y a 3,6 milliards d’années sur Mars. Mais il n’est pas possible d’affirmer que la preuve définitive a été trouvée.

BERNARD BONIN downloadModeText.vue.download 369 sur 602

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MÉDECINE : L’ANNÉE PRION

Un énigmatique agent infectieux

Lorsque, en mars 1996, un comité d’ex- perts britanniques annonce l’existence possible d’un lien entre la « maladie de la vache folle » et la maladie de Creutzfeldt- Jakob (MCJ), le grand public découvre en même temps qu’un mystérieux agent transmissible, le prion, est soupçonné d’être à l’origine de ces graves maladies neurologiques.

La « maladie de la vache folle », autre- ment dit l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), la MCJ de l’homme, la tremblante du mouton et de la chèvre appartiennent toutes à un groupe d’affec- tions caractérisées par une dégénéres- cence progressive du système nerveux central. Une fois les premiers symptômes déclarés, après une période d’incubation qui peut durer entre deux et quarante ans, la maladie évolue rapidement vers une issue mortelle.

Toutes les hypothèses ont été émises concernant l’agent responsable de ces maladies. Mais celle qui remporte ac- tuellement l’adhésion d’une grande majorité de spécialistes implique des agents transmissibles non convention- nels (ATNC), strictement composés de protéines, c’est-à-dire dépourvus de ma- tériel génétique.

L’Américain Stanley B. Prusiner et ses collaborateurs de l’université de San Francisco ont montré, à la fin des années 70, qu’il y a dans le cerveau des animaux atteints accumulation d’une protéine particulière, que Prusiner ap- pela « protéine prion » ou PrP.

Depuis, on s’est rendu compte que la protéine prion, sous une forme normale non pathogène désignée par PrPc, est un composant habituel du cerveau non infecté, dont on ne connaît pas très bien la fonction. La protéine, appelée PrPsc, qui s’accumule chez les individus atteints – hommes ou bêtes – est identique sur le plan de la composition chimique, mais elle a subi un changement profond de conformation dans l’espace. Ce faisant, elle a acquis une résistance aux enzymes qui détruisent généralement les pro- téines. Il n’y a pas hyperproduction de la protéine PrPsc dans les cellules nerveuses mais plutôt un défaut dans sa destruction, ce qui provoque son accumulation, puis sa libération vers les autres neurones, qui sont alors tués.

Phénomène curieux, la présence de la protéine normale est nécessaire pour que l’infection ait lieu. Des souris sans PrPc ne peuvent être infectées. Il semble, en fait, d’après les expériences effectuées en éprouvette, qu’en présence de PrPsc pathogène, la PrPc normale change de conformation et devienne à son tour pa- thogène. Mais il faut, dans ces conditions expérimentales, 50 fois plus de PrPsc pathogène que de PrPc normale. De plus, les PrPsc obtenues de cette façon ne sont pas capables, à leur tour, de transformer des PrPc.

Il est certain, aujourd’hui, que la pro- téine prion est fortement impliquée dans la physiopathologie des encéphalopa- thies spongiformes. Est-ce l’unique agent responsable ? Fait-elle partie d’un agent infectieux plus complexe ? Ces questions restent posées. downloadModeText.vue.download 370 sur 602 SCIENCES ET TECHNIQUES

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L’agent infectieux peut-il passer d’une espèce à l’autre ?

Cette question est évidemment au coeur de la problématique actuelle, à savoir la transmission de la maladie des bovins à l’homme via la consommation de viande contaminée.

Stanley Prusiner et le Suisse Charles Weissman ont montré, en 1985, que des prions pathologiques de souris injectés à d’autres souris provoquent une infection dans 100 % des cas. Mais, si l’on inocule des hamsters, seuls quelques-uns seront infectés. L’inverse est aussi vrai. La PrP semble ainsi empêcher l’infection d’une espèce par un agent infectieux provenant d’une autre espèce. Elle réglerait ce que l’on appelle la « barrière d’espèce ».

Théoriquement donc, la transmission est d’autant plus difficile que la distance génétique entre le donneur et le receveur est grande. Mais jusqu’à quel point cette barrière est-elle imperméable ? Toute la question est là.

Derniers résultats de la recherche, cette année : il y a trois ans, des cher- cheurs du laboratoire de Dominique Dormont au CEA ont inoculé, par injection intracrânienne, des extraits cérébraux de vaches malades à trois macaques. Les animaux ont développé des signes neurologiques, et, à l’autop- sie, on a observé des lésions cérébrales comparables à celles des patients anglais décédés de la nouvelle forme de la mala- die de Creutzfeldt-Jakob. Fin octobre, une équipe de chercheurs britanniques publie une étude apportant de très forts arguments en faveur de la transmission de l’agent infectieux bovin à l’homme. Le cercle se resserre.

Paludisme : un coup pour rien. Porté aux nues par les journalistes, le vaccin contre le paludisme du chercheur colombien Manuel Patarroyo a mal- heureusement fait la preuve de son inefficacité. Les résultats d’un essai mené en Thaïlande sur plus de 1 000 enfants, dont une moitié a reçu le vaccin et l’autre un placebo, sont effectivement très décevants : au bout de quinze mois, autant d’enfants des deux groupes avaient contracté le paludisme. Des essais avec d’autres vaccins can- didats sont en cours, plus discrètement.

Un sésame pour le VIH. La présence du récep- teur CD4 à la surface cellulaire ne suffit pas pour que le VIH-1 puisse pénétrer à l’intérieur de ses cibles. Il lui faut ouvrir un verrou supplémentaire, resté non identifié pendant dix ans. En quelques mois, on en a trouvé plusieurs : d’abord, la fusine (ou LSTR), qui permettrait aux souches du VIH, présentes chez le patient aux stades avancés du sida, d’infecter les lymphocytes. Ensuite, le CKR- 5, situé sur les lymphocytes et les macrophages, plutôt utilisé par les souches qui apparaissent en début d’infection. D’autres, appartenant aux mêmes familles moléculaires, ont suivi. D’où de nouvelles pistes pour la compréhension du déroulement de la maladie chez le patient et, peut-être, pour la mise au point de nouveaux médicaments.

Le cholestérol a du bon. Bien sûr, il est tou- jours aussi mauvais pour l’artériosclérose. Mais on vient de lui découvrir une nouvelle fonction, vitale cette fois. Il semble, en effet, que le cho- lestérol soit indispensable pour que l’embryon se développe correctement. Il s’attache à une protéine « architecte » qui « dicte » aux cellules vers quelles structures elles doivent se différen- cier : ébauche de membre, tube neural, etc. Sans lui, la protéine architecte n’est plus fonctionnelle et l’embryon est très mal formé. Cette protéine est apparemment à l’oeuvre dans tout le règne animal, de la mouche à l’homme en passant par la souris.

Une cornée bien moulée. Après les appareils dentaires, les moules oculaires. Grâce à des len- tilles conçues sur mesure pour corriger la cour- bure de la cornée et à une enzyme qui rend cette dernière malléable, les ophtalmologistes dispose- ront peut-être bientôt d’une nouvelle technique downloadModeText.vue.download 371 sur 602

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370 pour corriger définitivement la myopie, l’hyper- métropie ou l’astigmatisme.

CATHERINE TASTEMAIN Journaliste scientifique

Nobel 1996 : des pionniers de l’immunologie récompensés C’est pour une découverte faite en 1974 que l’Australien Peter C. Doherty, professeur à l’uni- versité du Tennessee, et le Suisse Rolf M. Zinker- nagel, directeur de l’institut d’immunologie de l’université de Zurich, viennent de recevoir la récompense suprême. À l’époque, on savait que la protection naturelle de l’organisme contre les micro-organismes était principalement assurée par deux catégories de globules blancs, les lym- phocytes B et les lymphocytes T. Les premiers produisent les anticorps qui reconnaissent et éliminent certains micro-organismes. Pour les seconds, on avait compris qu’ils pouvaient recon- naître des cellules infectées par des virus et les détruire, sans endommager les cellules saines. Au cours de leurs observations, Doherty et Zin- kernagel s’aperçoivent que des lymphocytes T prélevés chez des souris infectées ne sont pas capables de tuer des cellules infectées provenant d’une autre lignée de souris. Les deux chercheurs en concluent que pour être efficaces les lympho- cytes T doivent aussi reconnaître, à la surface des cellules infectées, les marqueurs du « soi ». Chez un individu, chaque cellule porte de telles molé- cules, qui lui sont aussi personnelles que ses em- preintes digitales. Il en existe plusieurs catégories et leur éventail constitue le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Ainsi s’explique le rejet de greffe : le système immunitaire ne recon- naît pas les molécules du « soi » présentées par le greffon.

Aujourd’hui, les immunologistes ont déterminé ce qui se passe entre lymphocytes T et cellules infectées. Les lymphocytes T reconnaissent ces dernières lorsqu’elles portent à leur surface un fragment du virus envahisseur – un peptide – lové dans une molécule du CMH. Ces recherches ont ouvert la voie à des applications importantes dans le domaine de la vaccination. Elles ont aussi permis de mieux comprendre les phénomènes en jeu dans les maladies auto-immunes et les cancers. downloadModeText.vue.download 372 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

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BIOLOGIE

C’est en 1996 qu’aura véritablement commencé, en Europe, l’aventure commerciale des plantes transgéniques, ces variétés de grande culture dans les- quelles ont été greffés des gènes étran- gers leur conférant de nouvelles caracté- ristiques agronomiques. Avec deux ans de retard sur les États-Unis – où la pre- mière espèce transgénique à usage ali- mentaire, une tomate modifiée de façon à mûrir moins vite, est sur le marché de- puis 1994 –, ces plantes de nouvelle gé- nération auront attendu cet automne-là pour débarquer dans les pays de l’Union, et y provoquer un débat houleux. La dis- persion de ces végétaux dans l’environ- nement et leur utilisation alimentaire posent en effet un certain nombre de questions. Tandis que la réglementation européenne relative à la dissémination des organismes génétiquement modi- fiés (OGM), encore en rodage, se heurte aux divergences d’opinion des différents pays européens.

Faut-il freiner la commercialisation des plantes transgéniques ?

Faut-il, comme le réclament les écolo- gistes, instaurer un moratoire sur leur dissémination en attendant que soient connus leurs dangers potentiels ? La plu- part des scientifiques ne le pensent pas. À commencer par la Commission fran- çaise du génie biomoléculaire (CGB), créée il y a dix ans par le ministère de l’Agriculture pour définir et contrôler les risques liés à l’utilisation des OGM dans les domaines agricole et alimentaire, et qui fait en cette matière, pour l’ensemble des pays de l’Union, figure de référence.

« Après dix années d’expérience, ins- taurer un moratoire aujourd’hui serait le meilleur moyen de ne pas répondre aux questions qui se posent encore », résume le président de la CGB, le très actif méde- cin-généticien Axel Kahn. Dix ans d’ex- périence, et non des moindres, puisque le développement des plantes transgé- niques, dans ce même temps, a littérale- ment explosé. Depuis sa création, la CGB a ainsi étudié 376 dossiers, émanant de la- boratoires publics ou privés, relatifs à des demandes d’expérimentation en champ de plantes transgéniques. Au total, elle a autorisé la culture expérimentale de qua- torze espèces, le maïs et le colza ayant fait l’objet du plus grand nombre d’essais. La plupart de ces plantes de grande culture ont été manipulées pour devenir résis- tantes à un herbicide, ou encore pour produire leur propre insecticide afin de se défendre contre un ravageur. Si la CGB a déjà examiné onze de- mandes d’autorisation de commercialisa- tion de ces variétés manipulées, les États- Unis, quant à eux, ont déjà saute le pas. Depuis que la tomate mise au point par Calgène est arrivée sur les étals en 1994, une quinzaine de plantes transgéniques (colza, maïs, coton, pomme de terre, soja) ont reçu des instances américaines leur autorisation de mise sur le marché. Et, en novembre 1996, la première de ces plantes à être autorisée en Europe pour la consommation animale et humaine (autorisation accordée en avril 1996) a été débarquée, par tonnes, dans les ports européens d’Anvers, de Hambourg et de Rotterdam. downloadModeText.vue.download 373 sur 602

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La plante par laquelle le scandale arrive ? Un soja, manipulé par Monsanto pour résister à un herbicide d’usage courant. Son intérêt : permettre le désherbage des champs en pleine période de croissance, sans nuire à la culture et tout en réduisant l’épandage.

Les problèmes posés par ce soja sont de deux ordres. Le premier est la crainte que cette variété ne connaisse une dissé- mination incontrôlée, et qu’à cette occa- sion son gène de résistance soit transféré à d’autres plantes. Le scénario n’a rien d’invraisemblable : ainsi que l’ont mon- tré plusieurs études récentes, des plants de colza génétiquement modifiés pour résister à un herbicide sont capables, en quelques générations, de transférer leur résistance à des variétés sauvages appa- rentées. Dans le cas du soja, cette hypo- thèse semble toutefois bien théorique. Cette plante, en effet, n’est actuellement pas cultivée en Europe. Et le serait-elle demain qu’elle ne pourrait y passer l’hiver, ce qui exclut le risque de voir sa dispersion se propager au-delà d’une saison.

Plus sérieuses seront sans doute les conséquences du refus des Américains de trier leurs productions entre soja « normal » et soja transgénique. Pour justifier ce choix, Monsanto évoque les très lourdes contraintes techniques et le surcoût élevé qu’entraînerait ce tri. Arguments indéniables (le soja transgé- nique représente actuellement moins de 2 % des cultures de soja américaines), mais dont la généralisation empêche- rait, de fait, toute transparence vis-à- vis du consommateur quant à la nature biologique des végétaux qu’il retrouvera demain dans son assiette. C’est la raison pour laquelle l’association Greenpeace, début novembre, a entrepris de bloquer le déchargement d’une cargaison de soja américain dans le port d’Anvers, afin de prévenir la « loterie » que représenterait sa diffusion.

Révélateur du climat de suspicion dans lequel les plantes transgéniques sont accueillies en Europe, l’exemple du soja n’est sans doute que le premier d’une longue série. Un autre cas illustre d’ores et déjà la teneur des débats qui opposent, dans ce domaine, la logique de marché et le principe de précaution. Il s’agit d’un maïs transgénique, mis au point par la firme suisse Ciba-Geigy et déjà produit aux États-Unis, qui fut l’objet, tout au long de l’année 1996, d’un formidable imbroglio juridique pour la Commission de Bruxelles.

Dotée d’un gène de résistance à un herbicide et d’un gène insecticide d’ori- gine bactérienne, cette variété de maïs présente en effet une particularité : pour de simples raisons technologiques, elle contient également un gène de résistance à un antibiotique très commun, l’ampi- cilline. Cette résistance pourrait-elle se transmettre au bétail consommateur dudit maïs, voire à l’homme ? Si risque il y a, affirment les scientifiques, il est pratiquement négligeable, et ses consé- quences seraient relativement bénignes. En juin, lorsque fut étudiée la demande de diffusion de ce maïs, les ministres eu- ropéens de l’Environnement ne s’en sont pas moins déclarés incapables de tran- cher. Et la question, en novembre, restait toujours ouverte. Tandis que les États- Unis, forts de la libre circulation des marchandises garantie par les accords du GATT, s’apprêtaient à exporter vers l’Eu- downloadModeText.vue.download 374 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

373 rope leurs premières cargaisons de maïs transgénique...

Une troisième forme de vie. Elles aiment le feu, l’acide et le soufre, et plus généralement tous les lieux où la vie semble presque impossible. Les archéobactéries, dont la biologie semble aussi éloignée de celle des bactéries classiques que de celle des cellules eucaryotes, représente- raient-elles une troisième forme de vie terrestre ? C’est en tout cas ce que prétend, dans la revue Science, une équipe de généticiens américains. Après avoir décrypté dans son intégralité le gé- nome d’une de ces championnes de l’extrême, ces chercheurs affirment que la conformation biochimique de ses gènes diffère fortement, pour les deux tiers d’entre eux, de leurs équivalents chez les procaryotes et les eucaryotes. Les raisons pour lesquelles les biologistes se sont penchés sur ces créatures sont cependant nettement plus pragmatiques : avec leurs étonnantes capacités à s’adapter aux milieux hostiles (hautes tempéra- tures, hautes pressions, solvants, détergents), les archeobactéries pourraient devenir de précieuses alliées des industriels et effectuer les tâches bio- technologiques les plus ingrates.

Nouvelle carte du génome humain. Le pro- gramme international Génome humain, qui pré- voit de décrypter dans les années à venir l’inté- gralité de notre patrimoine héréditaire, continue de progresser. Première étape de ce gigantesque projet, la cartographie de nos chromosomes vise

à identifier et à localiser l’ensemble de nos gènes, parmi lesquels plusieurs milliers sont impliqués dans des maladies héréditaires. Entamé à la fin des années 80, ce travail de repérage avance désormais à grands pas. Fin 1993, l’équipe fran- çaise du Généthon annonçait ainsi avoir établi une carte de « première génération » couvrant l’ensemble du génome humain et comprenant 2 000 marqueurs. Trois ans plus tard, la revue américaine Science annonce que la carte la plus complète établie à ce jour, issue de la collabora- tion d’une centaine d’équipes américaines, euro- péennes et japonaises, donne la position de plus de 16 000 gènes. Soit environ un cinquième de ceux qui composent le programme génétique de l’espèce humaine.

Les anciens Égyptiens raffolaient de la bière. Les fresques de l’empire pharaonique donnent la recette de ce breuvage. À les en croire, les Égyptiens èmiettaient simplement du pain dans de l’eau, puis foulaient la mixture du pied dans une grande cuve. L’enquête menée par une ar- chéologue britannique vient de jeter à bas cette image trop simple. Après avoir étudié au micros- cope électronique les grains d’amidon conservés sur les poteries, son verdict est formel : les grains employés étaient de l’orge. De plus, cette céréale était en partie grillée pour donner du malt, lequel était ensuite mélangé au reste de l’orge fraîche.

CATHERINE VINCENT Journaliste au Monde downloadModeText.vue.download 375 sur 602

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374

INFORMATIQUE ET

TÉLÉCOMMUNICATIONS

Le téléphone descend dans la rue

En France, à la fin de l’année 1996, plus de 2 millions de personnes étaient abon- nées à l’un des trois réseaux, soit 3,5 % de la population, chiffre modeste comparé à ceux de nos voisins espagnols (5 %), ita- liens (9 %), britanniques (10 %), suédois (26 %)... Le réseau GSM, le plus étendu au monde, compte 25 millions d’abon- nés et en prévoit quatre fois plus à l’hori- zon 2000. Il est exploité dans l’Hexagone par France Télécom Mobiles sous le nom d’Itineris et par un opérateur privé, SFR, filiale de la Générale des eaux, qui ont tout d’abord visé les applications professionnelles. Fin mai, l’arrivée d’un troisième acteur, Bouygues Télécom, est venue dynamiser ce marché et l’orienter vers le grand public. Le développement de ce mode de communication apparaît d’autant plus irréversible que le besoin d’être joignable en permanence s’accroît dans un monde en proie à une inquié- tude sociale diffuse, à la crainte de l’iso- lement, voire de l’insécurité. La filiale du groupe de travaux publics exploite une nouvelle norme, DSC 1800, dont les ap- pareils, plus puissants, sont directement utilisables à l’intérieur des bâtiments et des voitures. L’essor des « mobiles » était jusqu’à présent freiné par le coût des communications, surtaxées pour la personne qui appelle et celle qui reçoit. Les trois opérateurs se sont livrés en fin d’année à une vive surenchère commer- ciale à coups de forfaits et de promo- tions pour attirer les particuliers. Leurs formules d’abonnement proposent des crédits d’heures prépayées avec l’accès gratuit à des services : répondeur vocal, filtrage des appels, télémessages, renvoi d’appels, kiosque télématique...

L’essor de la radiomessagerie

Parallèlement aux radiotéléphones, des systèmes de messageries, ou « pagers », issus eux aussi d’applications profes- sionnelles, se développent en direction du grand public. Les trois réseaux fran- çais Kobby, Tam-Tam et Tatoo assurent la réception de courts messages émis depuis un Minitel ou un micro-ordina- teur, ou par le téléphone via une opé- ratrice à laquelle on indique le numéro de l’appareil. Ces petits boîtiers élec- troniques de poche intéressent surtout les jeunes puisqu’ils n’impliquent pas d’abonnement, et pour Tatoo aucun frais de service. Il suffit d’acheter l’appareil de 500 à 800 F selon qu’il affiche un simple numéro à rappeler – qui peut aussi être un message codé (Tatoo et Kobby) –, un court texte écrit (Kobby alphanu- mérique, qui mémorise 40 messages) ou des fonctions plus élaborées comme avec Tam-Tam, dont l’écran visualise un millier de caractères et diffuse des flashs d’information, avec des possibilités de répondeur vocal et d’accès à Internet. Ces appareils ont l’avantage d’être dis- crets : si on déconnecte leur sonnerie, ils vibrent dans la poche lorsqu’on reçoit un message. Comparée à une conversation téléphonique, la radiomessagerie écrite est silencieuse, incite à la concision et à la clarté des messages. Le téléphone mo- bile commence à résoudre ce singulier paradoxe de la mobilité : l’abonné sou- downloadModeText.vue.download 376 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

375 haite rester joignable partout mais sans être obligatoirement dérangé !

Le bureau mobile

Les entreprises s’intéressent aux télé- phones mobiles pour faciliter les contacts avec leurs commerciaux et leurs équipes « mobiles ». L’association du téléphone mobile avec le micro-ordinateur portable permet désormais de constituer le « bu- reau mobile » des cadres « nomades ». Les fabricants d’ordinateurs et les opérateurs téléphoniques proposent pour cela des cartes de connexion pour la transmission des télécopies et des fichiers de données.

Présenté au cours de l’été 1996, le Communicator du Finlandais Nokia va plus loin puisqu’il intègre les deux appa- reils. Ce combiné GSM de 400 grammes s’ouvre en deux et révèle un clavier-écran miniaturisé qui sert surtout d’agen- da-organiseur, mais permet également d’envoyer et de recevoir des télécopies ou des données et d’accéder à des réseaux comme Internet. L’envoi d’un fax dans la rue avec son mobile devient une réalité. Cet « assistant personnel de communica- tion », aux fonctionnalités plus restreintes qu’un véritable micro-ordinateur étant donné sa miniaturisation, coûte environ 10 000 F.

Les constructeurs de micro-infor- matique annoncent aussi la sortie d’ordi- nateurs de poche, comme le Compaq PC Companion, qui sont au micro-or- dinateur de bureau ce que le téléphone mobile est à la cabine téléphonique. Ils permettent d’entrer en relation avec le micro-ordinateur du bureau et d’émettre du courrier électronique via Internet.

Les ordinateurs de réseau

Parallèlement à cette mobilité de plus en plus recherchée, une autre grande muta- tion de l’informatique est en cours avec les NC (Network Computers) destinés aux entreprises. Cette nouvelle généra- tion de micro-ordinateurs simplifiés et peu coûteux (moins de 5 000 F) renoue avec l’informatique en réseau. Sans disque dur, ils n’utilisent qu’un seul microproces- seur, avec une mémoire de taille réduite, pour fonctionner en terminal local. Les programmes sont stockés dans le serveur du réseau, un puissant ordinateur qui de- vient le centre nerveux du système. C’est une révolution culturelle dans le monde de la micro-informatique personnelle puisqu’on revient à la configuration cen- tralisée des années 1960 avec sa myriade de terminaux passifs gravitant autour d’une unité centrale. Mais ce concept de terminal rapproche aussi l’ordinateur d’autres terminaux simplifiés comme le té- léphone, le Minitel ou la télévision câblée. Cinq grands de l’informatique se sont associés pour présenter en mai les spéci- fications communes au NC : Apple, qui a fait d’Internet son cheval de bataille ; IBM, qui cherche à s’affranchir du couple Intel- Microsoft omniprésent dans le monde des microprocesseurs et des systèmes d’exploitation ; Netscape, créateur de logi- ciels de navigation sur Internet ; Oracle, no 2 mondial des logiciels de gestion de bases de données ; et Sun Microsystèmes, constructeur de stations de travail et créa- teur du langage de programmation Java pour l’accès à Internet. Microsoft s’est fina- lement rallié à ce projet.

La planète Internet Ces bouleversements dans l’informatique downloadModeText.vue.download 377 sur 602

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376 s’expliquent aussi par le formidable déve- loppement du réseau Internet, qui pour- suit sa croissance exponentielle. Quelque 3 milliards de messages sont échangés chaque mois sur le Web entre les 75 mil- lions de personnes équipées d’une boîte aux lettres, et 100 000 sites commerciaux sont répertoriés. Plus de 500 000 ser- veurs étaient recensés en octobre dernier dans le monde, et leur nombre doublerait tous les trois mois. Si cette croissance se poursuit, tout le savoir de la planète sera sur Internet dans moins de dix ans. La sécurisation du réseau et, surtout, son contrôle juridique et fiscal restent à l’ordre du jour. La diffusion sur le Web du livre du Dr Gubler sur la maladie et la mort de l’ancien président Mitterrand, ouvrage qui venait d’être interdit quelques jours plus tôt et retiré des librairies, a suscité de nombreuses interrogations chez les éditeurs et les juristes. L’idée d’une charte pour favoriser le développement harmo- nieux du réseau a été lancée en avril par le ministère français de l’Industrie, de la Poste et des Télécommunications aux niveaux national et européen.

Ces nouvelles méthodes de télétravail et d’accès aux informations sur Inter- net, l’apparition des outils mobiles et du « bureau portable » annoncent des bou- leversements dans l’organisation de la recherche, de l’éducation et de la société tout entière... Les sociologues s’inquiètent déjà des conséquences de la suppression du bureau, lieu traditionnel du pouvoir et de la communication dans l’entreprise. Les commerciaux d’IBM France, qui ne disposent d’un bureau que pendant quelques heures chaque semaine, ont accru leurs « performances » car ils sont davantage présents auprès de leur clien- tèle, et leur entreprise fait par ailleurs de sensibles économies sur la location et la gestion de ses immeubles et bureaux. Nos structures familiales et socioprofession- nelles sont-elles préparées à cette révolu- tion des comportements ?

Alain Massé, Internet, la révolution est pour demain, les

Éditions du Téléphone, 1996.

Olivier Andrieu et Denis Lafont, Internet et l’entreprise,

Eyrolles, 1995.

CLAUDE GELÉ downloadModeText.vue.download 378 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

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AUTOMOBILE : INJECTION DIRECTE, ANNÉE ZÉRO

Passer en revue toutes les solutions diminuant consommation et pollu- tion est bien déprimant. La voiture élec- trique ? Comme on le craignait, sa dif- fusion confidentielle attend toujours des batteries puissantes pour démarrer – ce sera pour 2005/2010. Les hybrides ? En dépit des efforts de Peugeot et de Renault (Next et, surtout, Hymne), les hybrides n’avancent guère, une nouvelle fois par la faute des batteries et des turbines, trop chères, même si le diesel/générateur pourra peut-être assurer l’intérim. Pour les voitures existantes, l’allégement se limite à pas grand-chose tant les règles de sécurité deviennent draconiennes avec le temps. L’alu des Audi A8 reste cher et ne semble convenir qu’aux petites séries. Le magnésium ne peut alléger que des com- posants, comme les sièges du monospace Opel Sintra, mais VW y croit au point de créer un joint-venture en Israël pour en produire de grandes quantités. Les com- posites structurels hors course, vu leur prix et leur difficulté à être utilisés en grande série, il ne reste plus que l’aéro- dynamique. Avec 0,25 pour les grosses voitures et 0,30 pour les petites, les coef- ficients actuels tangentent l’asymptote ; descendre plus bas coûterait des for- tunes. Seule certitude, les pneus « verts » de Michelin ont fait baisser les consom- mations de 5 %, mais on ne pourra guère aller plus loin sans de fortes pressions, et donc une redéfinition des suspensions automobiles.

Parc électrique. En dépit d’une offre élargie, 8 modèles VP et 17 VU, les ventes de voitures élec- triques en France n’ont pas dépassé 1 000 unités lors du premier semestre 1996. C’est pourtant une montée en puissance intéressante si l’on sait que le parc français ne dépasse pas 2 334 unités. Un score nettement moins bon qu’en Allemagne, 4 150, mais meilleur qu’en Suisse, 2 000, en Italie, 840, en Autriche, 440, et en Suède, 235. Les autres pays européens exploitent des parcs VE com- pris entre 50 et 100 véhicules, toutes catégories confondues. Au total, plus de 10 000 VE circulent maintenant en Europe.

L’injection directe.

Baisser les consommations à coup sûr impose d’améliorer rendement et concep- tion des moteurs. « Et les carburants » ajoutent les constructeurs, qui doutent de pouvoir surmonter seuls les nouvelles normes anti-pollution prévues pour 2000 et 2005 sans le secours de nouveaux car- burants. Peine perdue, les autorités euro- péennes, ignorant le B.A.-BA de la tech- nique, ne mettent la pression que sur les constructeurs. À terme, on risque donc de déboucher sur une impasse, qui impo- sera de faire machine arrière, comme en 1996 pour les véhicules électriques (VE) : faute de réalisme technique, la loi cali- fornienne voulant que 2 % des véhicules vendus sur son territoire en 1998 soient électriques a été abrogée (différée diront les optimistes). Même dans le doute, les motoristes utilisent leur meilleure arme, l’injection directe (ID). Les moteurs Die- sel y passent tous, même s’ils sont encore plus polluants (en pourcentage, pas en masse) que les traditionnels indirects. VW et Rover ont joué les pionniers, Opel y est, Peugeot et Renault y viennent dès 1997, tous les autres constructeurs sui- vront. Les problèmes de bruit et de vibra- tion résolus, on consomme de 10 à 15 % downloadModeText.vue.download 379 sur 602

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378 de moins qu’avec les indirects. Grâce à l’électronique et au système « common rail » travaillant à très forte pression (1 400 bars !), l’avenir de l’ID semble ra- dieux. Reste à résoudre deux problèmes graves, les NOx, oxydes d’azote produits en plus fortes quantités, et les particules. Pour les NOx, on développe de nouveaux catalyseurs « denox », plus coûteux et pas encore tout à fait au point. Pour les par- ticules, les filtres installés sur l’échappe- ment semblent trop volumineux et com- plexes – ils seront réservés aux camions. La meilleure solution « voiture » reste d’additiver le carburant : l’IFP (Institut français du pétrole) a mis au point di- verses solutions ; Rhône-Poulenc achève celle d’un additif nommé « Eolys » et va le tester au Japon. L’arrivée du diesel « très propre » sera chose faite d’ici à cinq ans ; il restera plus sobre que les moteurs essence, eux aussi passés à l’injection directe.

Pollution. En France, le parc auto est composé de 28 % de diesels, 12 % de véhicules essence ca- talysés, mais encore de 60 % de véhicules essence non catalysés : on voit tout de suite où se situent réellement les problèmes de pollution.

Les nouveaux diesels à injection directe ont un si bon rendement (> 40 %) que chauffer les passa- gers au démarrage devient un problème. Beru l’a résolu par l’introduction de bougies de préchauf- fage (de 1 à 3) dans les circuits de refroidissement moteur. Plus rapidement en température, le mo- teur devient aussi moins polluant.

Très critiqué actuellement, le diesel non cata- lysé reste pourtant nettement moins polluant que le moteur essence catalysé : 6 fois moins de CO, 3 fois moins de HC, 2 fois plus de NOx, soit, au total, 12 % de potentiel de formation d’ozone en moins. Son seul handicap : 8 à 10 fois plus de particules, défaut qu’on cherche à corriger par de nouveaux gazoles (introduits en octobre 1996) et des filtres à particules pour le futur.

L’essence aussi

La grande nouveauté 1996 est en effet la commercialisation d’une Mitsubishi Galant très sobre, à injection directe et mélange pauvre. Après cette grande pre- mière, toute la planète va rapidement adopter cette solution performante, née des études (infructueuses) menées sur les moteurs 2 temps. Sous pression éle- vée (jusqu’à 150 bars), l’essence est fine- ment pulvérisée par l’injecteur directe- ment dans la chambre de combustion. Celle-ci, grâce au dessin des conduits d’admission d’air et de la surface du pis- ton, induit un phénomène de « charge stratifiée ». De très puissants tourbillons concentrent les gouttelettes d’essence au voisinage de la bougie. Celle-ci parvient à enflammer un mélange air-essence de 30, 40, voire 50 à 1 en valeur moyenne, alors que l’essence devient ininflammable au-delà de 28 à 1. Ce petit miracle reste fragile et inconstant, dépendant de la for- mation des tourbillons. Faciles à créer à bas régime, ils induisent des économies allant jusqu’à 30 %, qui s’amenuisent pro- gressivement à haut régime. Faudra-t-il « assister » l’injection directe avec de l’air additionnel (ou d’autres systèmes) pour rendre le phénomène permanent ? c’est probable. Le plus urgent reste d’éliminer les NOx, une nouvelle fois produits en plus grande quantité par les mélanges pauvres. Deux techniques sont utilisées, soit une recirculation importante des gaz d’échappement à l’admission (EGR) – prônée par Toyota pour abaisser la tem- pérature de combustion dans la chambre –, soit des catalyseurs d’un type nouveau, avec « zéolites » absorbantes pour un fonctionnement discontinu ou présence de nouveaux métaux rares, comme l’iri- downloadModeText.vue.download 380 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

379 dium. Ces techniques sont au point mais demeurent encore perfectibles, le seul défaut impossible à gommer restant leur prix élevé : la propreté se paie cher !

Sans plomb. 55 %, c’est le pourcentage des ventes d’essence sans plomb en France. Nous sommes loin derrière la Belgique, 69 %, encore plus derrière les Pays-Bas, 85 %, et l’Allemagne, 95 % – Autriche, Danemark, Finlande et Suède atteignant les 100 %.

Circuler

Les grandes cités étant toujours acces- sibles aux véhicules propres, reste à les y faire circuler. La plupart du temps, les autorités ne souhaitant plus modifier les infrastructures pour fluidifier la cir- culation, les constructeurs se sont vus contraints d’apporter leurs solutions. Elles existent, ce sont les systèmes em- barqués de navigation ; en 1996, le Japon en a acheté 750 000, d’une quinzaine de marques ! Avec une cartographie « in board » sur CD-Rom et un système de localisation par GPS (calé sur 3 satellites ou plus), précisé par l’accéléromètre du véhicule, un écran et une aide vocale ; le principe en est connu. Tous les grands électroniciens européens (Philips, Bosch, Marelli, Siemens, etc.) ont le leur, le choix est déjà vaste. Hormis le prix, pour l’ins- tant proche des 10 000 F, l’écueil majeur reste le faible nombre de cartes numéri- sées (quelques villes, pas plus). Couvrir toute la France prendra du temps, actua- liser ces plans (changements de sens in- terdits, travaux) n’est pas aisé, mais, pour être informé en temps réel de l’emplace- ment des bouchons routiers, une simple radio RDS suffit.

Lents et statiques. Les véhicules particuliers roulent peu et mal, c’est ce qui ressort d’une enquête officielle de l’INRETS. Ils sont à l’arrêt

97,2 % du temps, la moitié des trajets sont infé- rieurs à 3 km, le déplacement moyen ne dépasse pas 8,5 km, à une vitesse moyenne (ville et route confondues) de 37 km/h.

Électronique reine

Voilà encore quelques puces électro- niques de plus dans des voitures qui en sont bourrées ! Déjà en place pour les gestions moteur, l’ordinateur progresse à pas de géant dans tous les autres do- maines. Il gagne les embrayages et sur- tout les boîtes de vitesses, à pignons ou à courroie métallique, qui se conduisent via de simples boutons et vont aider, par leur « intelligence », à consommer moins en maintenant le moteur dans les régimes où il pollue le moins. Les « anti-tête-à- queue », type Bosch FKR, Delphi Traxxar ou Allied ASMS, regroupent ABS et ASR, et communiquent avec le moteur. Le frei- nage électrohydraulique comme les di- rections assistées électriques progressent, le freinage tout électrique est en vue. Un cerveau gérera bientôt le gonflage des Airbags : pour une protection maximale, Mercedes en envisage 17 par véhicule et Volvo a inventé le 18e pour le toit ! Plus fort encore, leur déclenchement préven- tif juste avant l’accident, comme les dis- positifs intelligents de maintien des dis- tances entre les véhicules, en option dès 1997. Que dire aussi des nouvelles lampes à décharges hyperpuissantes (existant chez Hella), dans des phares dont le fais- ceau variera en fonction de la route, large au carrefour, long en ligne droite, accom- pagnant les virages. Et Daimler-Benz a repris les expériences de véhicules à pilo- tage semi-automatique, roulant en convoi serré pour augmenter de 30 % le trafic des routes existantes ! Toujours plus élec- downloadModeText.vue.download 381 sur 602

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380 tronisées, sûres, confortables et équipées, les voitures modernes deviennent – hélas – trop chères pour nombre d’acheteurs.

Souverain en formule 1 et sur les voitures Sport-Prototype, le frein carbone/carbone de Carbone industrie, filiale de la SEP, devrait trouver place dans les futurs camions de RVI. Cette tech- nologie, mise au point au départ pour les Airbus, s’avère parfaite pour les camions, qui, en phase de freinage, doivent dissiper 40 fois plus d’éner- gie qu’une automobile.

Stratégie mondiale

Conscients du problème, les construc- teurs modifient leur offre. Ils proposent tous de nouveaux véhicules différents des berlines, jouent sur la séduction, l’aspect irrationnel de l’automobile qui en fait oublier le prix. Industriellement, ils travaillent sur 5 axes. D’abord, acheter moins cher des composants représentant 70 % du prix du véhicule. Seconde pos- sibilité, « déshabiller » les véhicules ; un « decontaining » assez dangereux dans la mesure où il faut opérer avec discer- nement et savoir où s’arrêter ! Troisième axe, améliorer la productivité des usines ; elle passe par la simplification de l’assem- blage via des composants de plus en plus importants, des « fonctions » complètes (habitacle, face avant, train arrière, etc.) fabriquées sur le site même par les équi- pementiers. Quatrième possibilité, com- plémentaire de la précédente, réaliser des « économies d’échelle » en rallongeant les séries. Toujours dans cette optique, les constructeurs se regroupent pour des opérations ponctuelles : Fiat-Peugeot et VW-Ford pour les monospaces, Renault- GM pour un utilitaire, BMW et Chrysler pour des petits moteurs construits au Bré- sil. Apparaît ici la cinquième méthode, la délocalisation de la production vers des pays à bas salaires. Certains, en Répu- blique tchèque (VW), Hongrie (VW et Opel), Pologne (Fiat et Daewoo), jouent avec succès la carte des ex-pays de l’Est. D’autres, comme Fiat, Renault, Chrys- ler, Ford, Honda, etc. font coup double en misant sur le Brésil, où l’ensemble des constructeurs va investir 15 milliards de dollars d’ici à l’an 2000. Comme au Mexique ou en Argentine, ils peuvent y fabriquer des composants à bas prix mais aussi des véhicules destinés à ces « mar- chés émergents » si prometteurs, plus simples mais qui pourront être réimpor- tés en Europe. Même stratégie en Asie, où, dans l’attente d’un marché chinois qui tarde à décoller, les constructeurs inves- tissent massivement dans le Sud-Est asia- tique. Si tous ces projets aboutissent, on ne reconnaîtra plus au XXIe siècle le pay- sage automobile mondial de 1996 !

Delphi, filiale équipementière de GM, a présenté au Mondial de l’automobile 1996 deux innova- tions intéressantes. Les catalyseurs classiques n’épurant pas les hydrocarbures imbrûlés lors du démarrage à froid, celui de Delphi les absorbe et ne les recrache qu’une fois le catalyseur chaud : ils sont alors éliminés ; voilà une solution nette- ment moins chère que les catalyseurs chauffés électriquement. Seconde percée technologique, un alternateur refroidi par eau, bien plus perfor- mant et surtout très silencieux.

Un rétroviseur révolutionnaire a été mis au point par la firme britannique Britax. Très petit, son système optique prismatique lui permet d’être à 40 % installé dans l’habitacle, d’où un gain aérodynamique de 5 % pour le véhicule.

Multiplex. Après essai satisfaisant de 1 000 Ci- troën XM équipées depuis 1994 d’un faisceau multiplexé (Sagem, Valeo), PSA va généraliser le système. Il a retenu les protocoles VAN pour l’habitacle et CAN pour le moteur et la tenue de route. En 2005, 400 000 Peugeot et Citroën de- vraient rouler avec un faisceau multiplexé. PSA downloadModeText.vue.download 382 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

381 est le premier groupe automobile à prendre de tels engagements.

Emplois. Tous les experts prédisent que le sec- teur automobile ne créera plus d’emplois en France dans le futur. Il demeure cependant le premier employeur industriel avec 2 608 000 em- plois (1994). La production, 317 000 (construc- teurs 189 000, équipementiers 109 000), est moins nombreuse que la réparation, 416 000, encore moins que les professions du transport et de la route, avec 1 277 000 personnes.

JEAN-PIERRE GOSSELIN Rédacteur en chef de la revue

Ingénieurs de l’automobile downloadModeText.vue.download 383 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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AÉRONAUTIQUE :

REPRISE ET

REGROUPEMENTS

L’année a été marquée par deux chan- gements. Le premier a été la reprise importante des commandes d’avions neufs par les compagnies aériennes, en particulier au profit de l’américain Boeing et de l’européen Airbus Industrie. Le second s’est concrétisé par des rappro- chements, voire des fusions, entre socié- tés ou groupes importants de l’industrie aéronautique mondiale, tout d’abord aux États-Unis et, actuellement, en Europe et en France.

Fin septembre, Boeing totalisait 425 commandes, tous types confondus, contre 231 au 30 septembre 1995. À la même date, Airbus Industrie avait enre- gistré 258 commandes, contre 66 en 1995, et le constructeur devait largement dépasser les 400 avant la fin de l’année. Après ILA 96 à Berlin, le grand succès Africa 96 à Johannesburg, marquant le retour de l’Afrique du Sud dans la com- munauté aéronautique mondiale, c’est à Farnborough International, tenu près de Londres début septembre, que la reprise de la construction aéronautique a été confirmée et que les deux principaux avionneurs mondiaux ont dévoilé leurs projets de super-jumbos : les Boeing B 747-500 et 747-600, versions allongées et à plus grand rayon d’action du Boeing B 747-400, les nouveaux Airbus A340- 500 et A340-600, versions également allongées et à plus grand rayon d’action (15 000 km pour la version -500), et, surtout, le lancement annoncé du pro- gramme A3XX, « le plus gros avion du monde », transportant 555 passagers sur deux ponts en version triclasse, ou plus de 800 en classe unique sur des distances atteignant 15 750 km et dans des condi- tions de confort inégalées à ce jour.

Un Boeing comme avion d’affaires ! Pour concurrencer les deux nouveaux avions d’affaires à très long rayon d’action, le Global Express de Bombardier et le Gulfstream G V, Boeing propose le Boeing Business Jet, un B 737 aménagé VIP et offrant une cabine beaucoup plus vaste que celles des deux autres appareils, cela pour un prix similaire de 35 millions de dollars. Transfor- mable, la cabine pourrait accueillir 50 membres du personnel d’une société, ou 10 dirigeants, dis- posant de bureaux et d’espaces privatifs, sur des distances avoisinant 9 600 km. Ce BBJ, offrant une surface habitable 250 % plus grande que celle de ses rivaux, devrait se faire une place sur le marché des super-jets d’affaires.

Des unions plus ou moins volontaires

Conditions économiques obligent, les principaux constructeurs aéronautiques ont entamé une politique de rapproche- ment, quand il ne s’agit pas de fusion pure et simple. Le mariage Lockheed-Martin Marietta a fait du groupe américain l’un des plus puissants du monde en ce do- maine. Après la fusion Northrop-Grum- man et le rachat des activités Espace et Défense de Rockwell International (bom- bardier B-1B, navette spatiale, moteurs spatiaux, missiles stratégiques, satellites GPS, etc.) par Boeing, le mariage voulu par Jacques Chirac d’Aerospatiale et de Dassault-Aviation, en cours de négo- ciation, a suscité moins d’enthousiasme au début de la part de Serge Dassault, soucieux de ne pas voir les bénéfices de son groupe combler le déficit d’Aerospa- tiale. La nette amélioration des résultats de celle-ci et l’arrivée d’Yves Michot à sa downloadModeText.vue.download 384 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

383 tête ont rendu l’avionneur plus réceptif et l’affaire semble maintenant en bonne voie d’aboutir. Dans le secteur des petits porteurs, la création d’AI(R) [Aero Inter- national (Regional), qui regroupe ATR, filiale commune d’Aerospatiale et d’Ale- nia (Italie), et les deux filiales de British Aerospace, Avro et Jetstream], qui pro- pose une gamme de biturbopropulseurs et de jets, vient de lancer le projet AIR 70, biréacteur de 70 places, tandis qu’Aero International Asia (AIA), filiale com- mune d’Aerospatiale, de British Aeros- pace et d’Alenia, a signé en juillet à Pékin, avec Avic, société chinoise de construc- tion aéronautique, et Singapore Techno- logies Pte Ltd, une « lettre d’intention exclusive » en vue de la production d’une nouvelle famille de jets commerciaux de 100 places à vocation mondiale, la Chine ayant finalement préféré l’Europe à la concurrence américaine. Un accord a été également conclu entre la Chine et CFM International, filiale commune de Snecma (France) et de General Electric (États-Unis), pour la conception et la fabrication de pièces destinées aux réac- teurs de ce futur avion de 100 places.

Autre fusion annoncée à Farnbo- rough : la naissance de Matra-BAe Dy- namics, formée par British Aerospace et Matra, les deux sociétés collaborant dans plusieurs programmes britanniques de pointe, comme le CASOM (Storm Sha- dow) et le Meteor, proposé pour le pro- gramme de missile air-air moyenne por- tée SR(A) 1239 destiné à la RAF. Autre but de la manoeuvre : postuler à la reprise du groupe Thomson SA (missiles et élec- tronique) en instance de privatisation. Appuyé par Bristish Aerospace et Dasa (Allemagne), Matra était en compétition pour ce rachat avec Alcatel-Alsthom, le choix final devant être effectué par le président de la République. À la mi-oc- tobre, l’annonce était faite par le gouver- nement de la cession du groupe à Matra, à la grande satisfaction du président Jean-Luc Lagardère. Par ailleurs, la divi- sion Radar & Contremesures de Thom- son CSF et Daimler-Benz Aerospace ont conclu un accord de coopération concer- nant l’emploi des véhicules aériens pilo- tés ou télécommandés de type SAR/MTI (synthetic aperture radar/moving target indicator, ouverture radar synthétique/ indicateur de cible mouvante). De plus, Snecma et Rolls-Royce ont lancé un pro- gramme commun de recherche pour une technologie avancée de moteur militaire (AMET, Advanced Military Engine Tech- nology), destinée à propulser la future génération d’avions de combat.

L’espace n’est pas en reste, puisque Aerospatiale, l’agence spatiale russe RKA et le centre spatial de Samara ont fondé Starsem, société qui a pour vocation la commercialisation des lanceurs Soyouz et Molnya en complément des Ariane 4 et 5 européennes, cela pour répondre aux alliances américano-russo-ukrainiennes (Boeing/Energya/Youjnoyé ; Lockheed- Martin/Khrounitchev/Energya ; et Rockwell/Youjnoyé).

D’autres constructeurs ont présenté de nouveaux modèles. Parmi eux, Mc- Donnell-Douglas a dévoilé le MD-17, version civile cargo du quadri-réacteur militaire de transport lourd C-17, son nouveau biréacteur MD-90, et annoncé pour la fin de l’année le lancement du triréacteur commercial MD-XX en ver- sion très long courrier (13 500 km) et en version allongée pour 375 passagers downloadModeText.vue.download 385 sur 602

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(11 500 km). Le Brésilien Embraer a pré- senté en vol l’EMB-145, biréacteur de transport régional. Face au Rafale et au Mirage 2000-5 de Dassault-Aviation, on a enfin assisté à la présentation en vol de l’avion d’armes EFA anglo-germano-ita- lo-espagnol (Eurofighter Aircraft).

L’année 1996 a donc vu le redémar- rage des industries du transport aérien. En revanche, les restrictions généralisées des budgets militaires ont rendu plus fra- giles les départements concernés du sec- teur industriel.

Air France : alliances américaines. Le 16 octobre a marqué pour Air France l’entrée dans une grande politique d’alliances transatlantiques. Annoncées par le président, Christian Blanc, deux lettres d’intention venaient d’être signées par la compagnie nationale avec deux des plus grosses compagnies aériennes nord-américaines : Delta Airlines, première compagnie mondiale (91 mil- lions de passagers transportés en 1995, 539 avi- ons, 255 destinations dans 39 pays), et Conti- nental Airlines (136 destinations aux États-Unis, 57 internationales, 287 avions, 37,5 millions de passagers en 1995). Air France, pour sa part, avec 205 avions, ayant transporté en 1995 31 mil- lions de passagers et 700 000 tonnes de fret sur 196 destinations. La nouvelle alliance permettra aux trois compagnies d’élargir leurs marchés res- pectifs et de concurrencer deux autres impor- tants regroupements : Northwest/KLM et United/ Lufthansa. Enfin entrée dans la voie du redresse- ment. Air France est désormais en mesure de ren- forcer et de consolider sa position internationale. En novembre, la compagnie affichait – pour la première fois depuis 1989 – un résultat semes- triel positif.

Air France et Air France Europe. La projet de création de la Compagnie européenne – rappro- chement d’Air France Europe (ex-Air Inter) et des activités européennes d’Air France – ayant été repoussé par les syndicats de pilotes d’Air France Europe, c’est donc la fusion des deux compagnies qui a été décidée, la compagnie unique devant comprendre une division moyen- et court-cour- riers, et une division long-courriers. À la suite d’un séminaire tenu a Louveciennes et réunissant les cadres de la compagnie, treize chefs de projet ont été désignés pour piloter, secteur par secteur, le rassemblement des deux compagnies du Groupe Air France. Tout devra être mis en place au 1er avril 1997.

Le Tour de France aérien des jeunes pilotes 1996 s’est déroulé de Bordeaux à Lille du 17 au 27 juillet, avec la participation de 15 jeunes filles sur 65 concurrents. Est arrivé premier Xavier Del- loye (AC vallée du Loing), la deuxième fut Clé- mence Coussonneau (AC de Sucy-en-Brie) et le troisième Julien Hirsch (AC vauclusien). Classée 31e, Dorine Bourneton (AC Toulouse-Midi-Pyré- nées), paraplégique à la suite d’un accident d’avi- on, a démontré que la volonté et la persévérance pouvaient triompher d’un terrible handicap.

Le géant des airs.

Le 15 décembre, les deux constructeurs améri- cains McDonnell-Douglas et Boeing annoncent leur fusion et la naissance du « groupe aérospa- tial le plus grand, le plus fort, le plus diversifié et le plus admiré du monde, et, de loin en loin, du plus grand exportateur des États-Unis ». Le nou- vel ensemble représente 200 000 salariés, 48 mil- liards de dollars de chiffre d’affaires, des usines implantées dans 26 pays différents, un carnet de commande de 100 milliards de dollars et plus de 70 % du marché mondial des avions civils. Cette fusion ne constitue pas vraiment une surprise. Au début de décembre, les deux avionneurs avaient signé un accord de coopération technique, qui marquait déjà le destin de McDonnell-Douglas. La firme de Saint Louis, qui souffrait depuis un moment de fortes surcapacités et qui avait été barrée par le Pentagone du programme JSF d’avi- on de combat, se rangeait déjà sous la bannière de Boeing en acceptant de devenir, de fait, son sous-traitant pour la gamme des gros-porteurs (747-500 et 747-600). En réalité, les choses se sont nouées le 6 novembre quand Airbus, le concur- rent européen, le seul vrai concurrent de Boeing, a annoncé son contrat « historique » avec USAir : 400 appareils vendus, dont 120 commandes fermes. Attaqué sur son propre marché, Boeing ne pouvait pas ne pas réagir. Déjà fortement avan- tagé par le cours – bas – du dollar, le constructeur de Seattle va pouvoir bénéficier d’importantes économies d’échelle. Ainsi, il sera en mesure de downloadModeText.vue.download 386 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

385 diversifier sa gamme et d’offrir à sa clientèle des modèles nouveaux à peu près tous les deux ans. Or tous les experts s’accordent pour reconnaître que le marché aéronautique va connaître dans les années à venir une forte expansion.

Face à ce défi, comment peut réagir Airbus (35 000 salariés, une forme de consortium réparti entre le Français Aerospatiale et l’Allemand DASA avec chacun 37,9 % des parts, le Britannique Aerospace, 20 %, et l’Espagnol CASA, 4,2 %) ? Précisément, le 13 décembre – deux jours avant l’annonce de la grande fusion –, trente juristes européens planchaient pour tenter de trouver des solutions juridiques permettant de faire pas- ser le consortium du statut, un peu dépassé, de

GIE (groupement d’intérêt économique) à celui, plus adapté, de société anonyme. Ils n’y sont pas parvenus. Désormais, chaque minute compte. D’autant que le principal front de concurrence avec les Américains va se déplacer vers l’informa- tique militaire. Le gouvernement français a voulu prendre les devants en fusionnant, au printemps, Dassault et Aerospatiale. Mais, face au nouveau géant d’outre-Atlantique, les opérations natio- nales ne suffisent pas. Pour continuer d’exister, Airbus doit passer à la vitesse supérieure : en inté- grant la construction militaire à ses activités, en faisant évoluer sa structure juridique et en appro- fondissant ses coopérations internationales.

PHILIPPE DELAUNES downloadModeText.vue.download 387 sur 602

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ENVIRONNEMENT

Deux dossiers ont mobilisé l’opinion sur le plan de l’environnement en 1996 : la loi sur la qualité de l’air et le dossier de l’amiante. Ces deux affaires sont appelées à connaître des dévelop- pements ultérieurs. On peut simple- ment rappeler qu’au printemps Corinne Lepage, ministre de l’Environnement, a présenté un projet de loi dont l’article premier stipule : « Chacun a droit à res- pirer un air qui ne nuise pas à sa san- té. » Les principaux dispositifs du texte consistent, d’une part, à mettre en place des réseaux de surveillance de la qualité de l’air dans les villes (d’abord de plus de 250 000 habitants, puis de 100 000), et, d’autre part, à instituer des plans de déplacement urbain (PDU), destinés à réguler la circulation en fonction de la qualité de l’air, avec la possibilité d’inter- dire l’utilisation des automobiles et de rendre gratuits les transports en com- mun en cas de pic de pollution. Mme Le- page a reçu l’aval du gouvernement, qui lui a fait une dotation reconductible de 200 millions de francs destinés à la mise en place du réseau de surveillance de l’air ; au Parlement, les députés ont ap- prouvé son projet, mais, à l’automne, les sénateurs, plus sensibles aux arguments des groupes pétroliers et automobiles, ont « retoqui » en partie le texte du mi- nistre. Les négociations entre parlemen- taires sont allées bon train, mais les élus avaient dans l’esprit les sondages récents montrant une sensibilisation croissante de l’opinion aux problèmes de la qualité de l’air. Une intéressante étude, publiée en octobre, et menée par le bureau d’éco- nomie théorique appliquée (BETA) de l’université de Strasbourg cadre bien les conséquences financières et sanitaires de la pollution de l’air : pour un niveau de pollution moyen atteint un jour sur deux, le coût médico-social quotidien lié à la pollution est estimé à 13,7 mil- lions de francs (37 millions pour un niveau plus élevé et 44 pour un niveau « très élevé »).

Le deuxième « dossier chaud » concerne l’amiante. Il a été spectaculai- rement relancé quand le président de la République Jacques Chirac a exigé qu’on élimine toute cette matière de l’univer- sité de Jussieu, à Paris. Cette bombe a quelque peu pris de court le ministre de l’Éducation, François Bayrou, et relancé la polémique sur cette industrie, qui avait pris, en France, une importance telle que le gouvernement a tardé, par rapport aux autres pays européens, à interdire l’uti- lisation de l’amiante comme matériau d’isolation. L’affaire ne fait que commen- cer et certains y voient les prémices d’un scandale majeur de santé publique. En septembre, on notait que le procureur de Paris ouvrait la première information judiciaire concernant la contamination de l’air par l’amiante. Il s’agissait d’une plainte présentée par Jean Della Torre, un électricien atteint d’un cancer dû à l’amiante. Celui-ci réclamait l’ouverture de poursuites pour « empoisonnement » ; il a finalement obtenu les « blessures in- volontaires ». Quelques semaines plus tard, deux ouvriers de l’usine Eternit de Thiant (Nord), atteints d’un cancer de la plèvre, déposaient à leur tour une plainte pour empoisonnement. downloadModeText.vue.download 388 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

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La loi Lepage

Le 4 décembre, la commission mixte paritaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat met au point un texte final à partir du projet de loi pré- senté en juillet 1995 par Corinne Lepage, ministre de l’Environnement. La loi est définitivement adoptée le 19 décembre. Si le projet initial est en partie vidé de sa substance – les parlementaires ayant fortement édulcoré toutes les mesures ten- dant à limiter la circulation automobile de façon permanente dans les centres des villes comme celles restreignant l’usage du moteur Diesel –, il présente cependant plusieurs mesures positives : – à partir du 1er janvier 1997, toutes les villes de plus de 250 000 habitants devront être équipées de réseaux de capteurs destinés à mesurer la qua- lité de l’air ; toutes les villes de plus de 100 000 ha- bitants devront l’être à partir du 1er janvier 1998 et l’ensemble du territoire à partir de l’an 2000 ; – les jours de forte pollution, les préfets seront habilités à limiter la circulation automobile indi- viduelle (à l’exception des véhicules utilitaires et non polluants), et les autorités gestionnaires des réseaux de transports en commun financeront la gratuité de ces transports pendant ces périodes. La commission mixte a toutefois rejeté le prin- cipe de l’exonération de carte grise pour les véhi- cules propres, roulant à l’électricité ou au gaz ; – sous l’autorité du préfet, les syndicats inter- communaux (ou l’État, en Région Île-de-France) auront le pouvoir d’imposer aux maires des communes de plus de 100 000 habitants des mesures prévues dans les plans de déplacement urbain (PDU), comme, par exemple, l’installation de couloirs de bus protégés. Ces PDU prime- ront sur les plans d’occupation des sols (POS) ; – afin de favoriser l’adoption de systèmes de chauffage économes en énergie, les promoteurs immobiliers devront afficher les frais de chauf- fage à l’occasion des transactions immobilières (locations ou ventes) pour les locaux neufs. Les constructions nouvelles devront être équipées de tous les dispositifs permettant le choix entre les différents types d’énergie.

Retour sur la diversité biologique

L’Union internationale pour la conserva- tion de la nature (UICN), qui a réuni à Montréal, du 13 au 23 octobre 1996, plu- sieurs centaines de spécialistes venus de

130 pays, a publié récemment son qua- trième État du monde animal. D’après ce document, si des milliers d’espèces ani- males restent à découvrir, 5 205 sont en danger, dont, notamment, 1 096 espèces de mammifères. Les rhinocéros – le rhi- nocéros noir (Diceros bicornis) et le rhi- nocéros blanc (Ceratotherium simum), dont les effectifs ne cessent de diminuer – sont les plus menacés ; viennent ensuite les primates et, parmi les carnivores, le tigre, le léopard et la panthère. Les régions de la planète où l’état de la faune sauvage est devenu critique, en moins d’un demi- siècle, sont l’Australasie – l’Indonésie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée –, la péri- phérie du bassin amazonien, les régions forestières du sud de l’Afrique occiden- tale et de l’Afrique centrale, où les milieux ont été les plus dégradés par l’homme. En Europe, où les paysages ont été, tout au long de l’histoire, profondément modi- fié par l’homme, de nombreuses espèces animales ont disparu. En France, sur un total de 523 espèces de vertébrés, 22 ont disparu en près d’un siècle et 248 sont menacées. Certains pays tentent avec plus ou moins de succès de réintroduire des espèces sur leur territoire. Si donc certaines espèces sont menacées ou dis- paraissent, d’autres se maintiennent ou même prolifèrent, comme les rats et campagnols, la mouette rieuse, le goé- land argenté, le ragondin... ou le Cocorax sinensis, c’est-à-dire, plus simplement, le cormoran, qui hiverne dans les zones humides continentales. Or ce cormoran, comme le héron, l’aigrette garzette ou la sterne arctique, fait partie des 74 espèces en voie de disparition à protéger, selon la directive européenne relative à la conser- vation des oiseaux sauvages, adoptée le downloadModeText.vue.download 389 sur 602

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2 avril 1979 ! La population européenne des cormorans, estimée à 800 000 indi- vidus, a un taux de croissance élevé. Le cormoran, qui engloutit 500 g de poisson d’eau douce par jour, n’en est pas moins un fin gourmet puisqu’il se gave d’ablettes, de gardons et de smolts, les jeunes sau- mons des rivières d’Écosse et d’Irlande. D’après l’Union des pêcheurs français, les cormorans consommeraient 8 000 t de poisson par an, tonnage correspondant à la production piscicole nationale. On comprend alors pourquoi les pêcheurs à la ligne de France, d’Allemagne, d’Italie, de Belgique ou du Luxembourg ont orga- nisé le 26 octobre 1996 à Strasbourg une journée de protestation contre la proli- fération ou les ravages de cet oiseau mi- grateur piscivore. Une question se pose : la France, qui gèle depuis juillet 1996 l’application de la directive européenne Natura 2000 (protégeant certains sites remarquables par leur flore et par leur faune), peut-elle, sans concertation avec ses partenaires de l’Union européenne, revenir sur la lettre du texte de 1979 qui interdit de « tuer, capturer, endom- mager les nids, de vendre ou encore de perturber les espèces rares, menacées ou vulnérables » ?

Déchets nucléaires à risques

Un sondage réalisé cet été par l’IFOP pour le quotidien Libération révèle que le stockage des déchets nucléaires constitue une des principales préoccupations des Français. Il est vrai que depuis l’accident de Tchernobyl survenu le 26 avril 1986, la transparence relative au nucléaire s’est peu à peu substituée à la culture du si- lence et de la dissimulation qui, pendant de trop longues années, a exclu du débat l’ensemble des citoyens en les privant d’in- formation sur ce sujet pour le moins in- quiétant. Cette transparence, prévue par la loi du 30 décembre 1991 sur les déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, a été confirmée par le rapport de la com- mission Turpin chargée par le gouverne- ment d’« évaluer la situation du Centre de stockage de la Manche, le CSM ». Le CSM est la plus grande décharge nucléaire d’Europe occidentale ; de 1969, année de sa création (le décret du 19 juin 1969 ne précisait pas la nature des déchets concer- nés !), à 1994, 526 650 m3 de résidus, issus de l’énergie nucléaire civile et militaire, ont été entassés sur le site de la Hague, à proximité de l’usine de retraitement de la COGEMA, sur 14 ha ! Parmi les déchets faiblement et moyennement radioac- tifs, il y aurait une quantité importante (100 kg ?) de plutonium 239, radionu- cléide à vie très longue (240 000 ans), et 27 000 t de plomb, soit une concentra- tion 250 fois plus forte que celle admise dans une décharge normale ! Le centre de stockage exhale en outre du radon et du tritium, un isotope de l’hydrogène, et les eaux de la nappe phréatique située sous l’aire de stockage – comme celles du ruisseau de Sainte-Hélène et de son affluent le Grand Bel – présenteraient une radioactivité non négligeable. La couverture – en voie d’achèvement – des conteneurs en béton et en acier chargés de matières radioactives et empilés sur un socle de béton comprend plusieurs couches superposées : couches de terre, couches drainantes, barrières biologiques et une membrane bitumineuse devant assurer (pour combien de temps ?) l’étan- chéité de l’ensemble. En surface, la cou- verture se présente comme une suite de downloadModeText.vue.download 390 sur 602

SCIENCES ET TECHNIQUES

389 toits gazonnés parallèles qui facilitent le ruissellement des eaux de pluie évacuées par un réseau de caniveaux. Cette couver- ture, qu’il faut surveiller très activement, serait, selon la commission Turpin, insuf- fisante ; il faut envisager de réaliser d’ici cinq à cinquante ans une couverture défi- nitive à base de schistes et d’argiles, dont le coût est estimé à 300 millions de francs. En somme, l’affaire du CSM a révélé non seulement les responsabilités respectives du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), de l’ANDRA, Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, de la COGEMA et de la Direction de la sûreté des installations nucléaires, mais aussi la gravité des risques que génère le stockage des matières radioactives et des déchets toxiques ultimes. Il faut espérer que ces leçons d’expérience profiteront à la future construction du site de stockage de Cirfontaines-en-Ornois.

Géothermie

La géothermie est l’étude du régime ther- mique interne du globe terrestre, c’est- à-dire l’étude de la distribution des tem- pératures et celle des flux de chaleur qui en résultent. Les flux géothermiques sont utilisés directement pour la production industrielle d’énergie par de nombreux pays. En Alsace, près de Soultz-sous-Fo- rêt, une filiale du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a ima- giné d’utiliser le granité comme radia- teur. Le projet Soultz, initié par la France et l’Allemagne et auquel participent des chercheurs et techniciens italiens, suisses et suédois, bénéficie d’un financement européen. À la lumière de cette expé- rience, on peut affirmer que le XXIe siècle sera celui du développement des sources d’énergie renouvelables et non polluantes que sont le vent, le Soleil et la chaleur de la Terre.

Le barrage de Chambonchard

L’EPALA, Établissement public d’aménagement de la Loire et de ses affluents, est, au bout de dix ans, parvenu à ses fins : le barrage de Chambon- chard, sur le Cher, à 20 km en amont de Montlu- çon, sera réalisé. L’ouvrage (long de 275 m, haut de 57 m) formera un plan d’eau de 370 ha ; sa capacité serade 80 millions de mètres cubes. Les travaux, évalués à 600 millions de francs, devraient débuter en 1997 si les recours en an- nulation contre la déclaration d’utilité publique déposés par les mouvements écologiques devant les tribunaux administratifs et le Conseil d’État n’aboutissent pas. Ce barrage, qui, selon ses pro- moteurs, a pour double objectif d’« améliorer la qualité des eaux et du milieu aquatique du Cher à l’étiage et de maintenir et de développer les usages de l’eau », est en effet très contesté. Dans un avenir proche, nous serons en mesure de dire s’il était ou non indispensable à l’irrigation et au développement des activités touristiques dans le Montluçonnais. La forêt de Tronçais

Cette forêt domaniale de 10 522 ha, située au nord-ouest du département de l’Allier, est sans doute la plus belle chênaie artificielle d’Europe. C’est à Colbert, secrétaire d’État à la Marine, conscient que les forêts françaises ne pourraient plus fournir à la Marine royale le bois dont elle avait besoin, que l’on doit les premières planta- tions de chênes réalisées à Tronçais ; elles furent poursuivies jusqu’en 1735. Curieusement, les « forestiers » de l’époque plantèrent du chêne rouvre, dont le bois, pauvre en tanin mais chargé en vanilline, est plus recherché pour la fabrica- tion des tonneaux que pour la construction na- vale. Errare humanum est. Qu’importe, puisqu’à Tronçais le chêne roi est dans tout ses états, de la pousse feuillée ou gemmule au chêne tricen- tenaire, en passant par les fourrés, les gaulis, les perchis et les hautes futaies. Tronçais, qui abrite plus de 300 cerfs, est entretenue et gérée par downloadModeText.vue.download 391 sur 602

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390 l’Office national des forêts (ONF) qui a la charge de 4,5 millions d’hectares de forêt (2,8 millions d’hectares de forêts communales et 1,7 million d’hectares de forêts domaniales), soit le tiers de la forêt française.

L’algue tueuse

Caulerpa taxifolia, probablement d’origine tro- picale et introduite accidentellement au large de Monaco en 1984, poursuit inexorablement sa conquête des eaux tièdes et peu profondes de la Méditerranée. Cette algue, qui n’occupait que quelques hectares en 1990, colonise actuelle- ment près de 4 000 ha à des profondeurs allant jusqu’à 50 m. On la retrouve aussi bien au large des côtes françaises, italiennes et croates que sur les littoraux des îles Baléares, de la Sicile et de l’île d’Elbe. Caulerpa taxifolia, qui s’adapte à des eaux relativement fraîches (10 °C) et polluées, a pour autres défauts de sécréter des toxines nocives pour les poissons et la flore marine et de se subs- tituer aux autres plantes aquatiques, notamment les posidonies. C’est ainsi que les herbiers à posi- donies, qui servent de frayères et de nurseries aux poissons, sont menacés de disparition à plus ou moins long terme. Autrement dit, dans le cas où la prolifération de la caulerpe ne pourrait être enrayée, voire stoppée (comment ?), l’économie de la pêche littorale en serait gravement affectée

Le Rhin, réservoir de saumons Depuis la catastrophe de l’usine Sandoz en 1986, qui avait gravement pollué les eaux du fleuve, les pays riverains ont accéléré leur coopé- ration et dépensé 90 milliards de francs au total pour l’assainissement. Le résultat est plus que probant, puisque des saumons ont pu revenir et se développer. Mais, on est encore loin de la perfection. Le fleuve, s’il n’est plus, comme dans les années 70, désoxygéné, avec des flocons bactériens en suspension au-dessus de l’eau, reste fragilisé. Sa situation est satisfaisante d’un point de vue « physico-chimique », mais pas encore conforme aux normes bactériologiques. Le manque d’égouts, la réticence des usagers à se raccorder aux collecteurs, le grand nombre de barrages qui accumulent les sédiments pollués, la présence de centrales nucléaires qui réchauffent les eaux, la trop forte canalisation, destructrice de zones humides, tout cela contribue à multiplier les risques de pollution. Sans parler des déverse- ments des mines de potasse d’Alsace (qui doivent fermer en 2004)... Il n’empêche, la volonté et une politique systématique ont réussi à faire du Rhin, qui traverse pourtant des zones d’intense activité, le fleuve le plus propre d’Europe.

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QUELQUES RAISONS

D’ESPÉRER

Sur le plan social, on pourra retenir des aspects bien différents, parfois contradictoires, de cette année 1996. La plupart des observateurs mettront sans doute en exergue les signes, nombreux, de la déprime nationale : montée du chômage ; accroissement du nombre de personnes en situation de précarité et de pauvreté ; exacerbation des tensions entre les citoyens et les institutions ; relance du débat sur l’immigration et le racisme ; poursuite des affaires de cor- ruption dans le monde politique et élar- gissement à celui des entreprises et des associations ; violence dans les écoles et dans les banlieues ; scandales de l’ARC, de l’amiante ou de la « vache folle » ; déficits spectaculaires de la protection sociale et de certaines entreprises pu- bliques ; défiance croissante à l’égard de l’Europe ; etc.

Les formes diverses du radicalisme et du populisme trouvent ici un terrain favorable à leurs discours de démagogie et d’exclusion. La conséquence est qu’un nombre croissant de Français redoutent une explosion sociale, après la répétition générale de décembre 1995. D’autres l’espèrent, convaincus que l’on ne pourra construire la France du XXIe siècle que sur les décombres de celle de la fin du XXe, la société actuelle étant trop fati- guée, inefficace et bloquée pour pouvoir être simplement réformée.

Une vision peu fidèle de la réalité sociale

Ce catastrophisme consensuel ne re- flète pas, loin s’en faut, l’état objectif de la société française. D’abord parce qu’il s’appuie sur des analyses trop rapides, souvent erronées. Il en est ainsi de la sensation de paupérisation nationale ; entre 1970 et 1990, le niveau de vie des ménages s’est accru en moyenne de 60 % (en francs constants), même si l’on peut déplorer que toutes les catégories so- ciales n’aient pas également profité de cet accroissement. Le revenu disponible moyen des ménages a atteint 240 000 F en 1995, soit 20 000 F par mois, tandis que leur patrimoine s’élevait à un million de francs.

Contrairement à ce qui est partout affirmé, les inégalités ne connaissent pas un inexorable mouvement de hausse dans tous les domaines : celles qui touchent à l’éducation diminuent ; les distances entre les anciennes « classes sociales » opposées tendent à se réduire. L’insécu- rité ne s’est pas non plus aggravée, mal- gré les images inquiétantes des banlieues enflammées, au propre comme au figuré. Les chiffres de la délinquance font appa- raître au contraire une baisse au cours de la dernière année.

Les Français n’ont pas non plus réduit leur consommation. Ils ont seulement diminué son rythme de croissance et accru la part qu’ils consacrent à l’épargne (celle-ci devrait d’ailleurs être considérée comme une forme de consommation, même si elle est différée dans le temps). Ils ont aussi modifié leurs arbitrages entre les différents postes de consomma- tion, réduisant (en valeur relative) leurs downloadModeText.vue.download 394 sur 602

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393 dépenses de nourriture ou d’habillement, mais augmentant celles de logement, de santé ou de loisirs.

De même, l’accusation souvent faite aux Français d’être des individualistes for- cenés apparaît moins évidente lorsqu’on examine la montée des solidarités fami- liales, le formidable développement de la vie associative, l’accroissement des dons à caractère humanitaire ou la multiplica- tion des initiatives locales pour venir en aide aux plus démunis. Il est important d’observer et de montrer que des solida- rités se développent en contrepoint des égoïsmes. Mais elles ne bénéficient pas de la même publicité. Car les médias sont convaincus que les Français aiment les mauvaises nouvelles ; ils leur en four- nissent donc une dose quotidienne.

Ce climat ambiant renforce d’abord les citoyens dans leur conviction que « rien ne va plus » et que « tout fout le camp ». Il permet aussi à la plupart d’éprouver le sentiment réconfortant d’avoir réussi à tirer leur épingle du jeu, d’être des îlots de prospérité dans un océan de malheur.

On trouve systématiquement l’illus- tration de cette double attitude dans de nombreuses enquêtes : chaque Français a une vision apocalyptique de la situa- tion globale de ses concitoyens... tout en se disant assez satisfait de son sort per- sonnel. Cette différence peut s’expliquer par une propension nationale récente au misérabilisme, qui contraste avec l’atti- tude d’arrogance et de fierté nationale souvent prêtée aux Français. Elle est aussi largement entretenue, voire provoquée, par la tonalité médiatique, qui privilégie les dysfonctionnements sociaux au détri- ment des expériences qui réussissent.

Un décalage entre la réalité et la perception que les Français en ont On peut observer un autre décalage im- portant entre la perception misérabiliste que les Français ont de leur vie collective ainsi que de l’évolution économique ou sociale et l’image de la France telle qu’elle est vue par les étrangers. Ainsi, les Fran- çais se placent eux-mêmes au treizième rang des quinze pays de l’Union euro- péenne en ce qui concerne la satisfaction de la vie qu’ils mènent ; seuls les Portu- gais et les Grecs se situent derrière (son- dage Eurobaromètre réalisé par la Com- mission européenne en 1995).

Ce résultat peut surprendre de la part d’un pays riche, quatrième exportateur mondial, qui joue un rôle sur la scène mondiale. D’autant que la France conti- nue de toute évidence à faire plus envie que pitié. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner les résultats de l’enquête réa- lisée en 1994 dans seize pays européens par l’institut TMO-Consultants et le ré- seau INRA de recherche internationale (Voir l’étude détaillée réalisée par l’auteur dans l’édition 1997 de Francoscopie, édi- tions Larousse Bordas). Le classement, réalisé à partir des quinze critères utilisés (perception des habitants, qualité de vie, performances économiques, impressions globales), place la France à la première place, très loin devant les autres pays ayant fait l’objet de l’étude.

Aux multiples exceptions françaises (dont les Français eux-mêmes sont si fiers) s’ajoutent donc une forte tendance à l’autodénigrement et un goût probable- ment inconscient pour les sociodrames.

Il serait évidemment naïf de pré- downloadModeText.vue.download 395 sur 602

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394 tendre que nos concitoyens sont des malades imaginaires, qui s’inventent des maux pour avoir le loisir de s’en plaindre, puis de les diagnostiquer, avant peut-être de les soigner. Mais il est salutaire de re- mettre les difficultés actuelles en perspec- tive et de faire la part des choses. Pour un observateur attentif, la comparaison dans le temps est globalement favorable, même si le « progrès » n’est pas perceptible par tous les groupes sociaux, notamment par les jeunes. Mais dans bien des domaines, notamment matériels, il n’est pas exact de prétendre que « c’était mieux avant ».

De même, la comparaison dans l’es- pace oblige à relativiser les difficultés proprement hexagonales, non seulement bien sûr par rapport au reste du monde, mais aussi aux pays les plus favorisés, pour lesquels la France reste le lieu de « l’art de vivre ».

L’analyse des causes du malaise hexa- gonal cache en fait des mouvements plus profonds et plus déterminants pour l’ave- nir de la France. C’est dans d’autres direc- tions que dans des mouvements d’hu- meur ponctuels et conjoncturels qu’il faut chercher les signes les plus importants du changement social. L’un d’entre eux est sans doute la place que sont en train de prendre les femmes dans la société française. Si l’on peut déplorer à juste titre leur trop faible présence aux postes de décision les plus apparents (gouver- nement, assemblées, entreprises...), leur influence est néanmoins croissante dans la vie quotidienne. Elle s’exerce de façon indirecte, par la diffusion de ce que l’on peut appeler les « valeurs féminines » (sens pratique, générosité, pacifisme, modestie, intuition...).

Grâce aux femmes, et parce que tout crépuscule est annonciateur d’une aube nouvelle, les décalages décrits ici pour- raient bientôt s’atténuer. Il suffirait pour cela que les Français retrouvent le sens de la réalité, que les entreprises, les syn- dicats et les médias soient davantage « ci- toyens ». Il suffirait surtout que les grands acteurs de la vie politique donnent la preuve de leur imagination et de leur courage. Ce sera peut-être pour l’année prochaine.

GÉRARD MERMET downloadModeText.vue.download 396 sur 602

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CHRONIQUE JUDICIAIRE

« N’est pas grand assassin qui veut. Pour se faire une place, même modeste, au Panthéon du crime, pour prétendre à une célébrité durable, il faut de la chance, de l’imagination, voire de la persévérance et du talent. Les amateurs de faits divers sont des censeurs sévères. Dans leur rubrique préférée ils ne supportent ni la banalité, ni les effets faciles et même avec tout le talent du monde on ne saurait ni forcer leur curiosité, ni leur imposer un héros médiocre. » Dans son introduction aux Grandes Affaires criminelles (Éd. Bordas, 1988), Alain Monestier explique que dans le flot de sang qui macule les longs fils des téléscripteurs, seule une toute petite par- tie obtient les honneurs de la chronique judiciaire.

Fascination

Les crimes commis par Jean-Claude Ro- mand en janvier 1993 appartiennent à cette catégorie-là. Ils ne risquaient pas de passer inaperçus ni de se perdre dans un oubli irrémédiable. Ils ont eu un grand retentissement et trois ans plus tard le procès Romand en a encore davantage. Ce qui a fasciné chroniqueurs et specta- teurs, c’est l’inadéquation totale entre les crimes commis et le motif qui poussait à les commettre. Par l’insignifiance de leurs mobiles, les cinq crimes perpétrés par Jean-Claude Romand constituaient autant d’énigmes.

Le 25 juin 1996 s’ouvre devant la cour d’assises de l’Ain un procès unique en son genre, celui de Jean-Claude Romand, un homme de quarante-deux ans. Le 9 jan- vier 1993, il a tué sa femme et ses deux enfants à Prévessin-Moëns (Ain), son père, sa mère et son chien à Clairvaux- les-Lacs (Jura), cinq assassinats entrecou- pés de temps de pause pendant lesquels il déjeune et regarde la télévision.

Apparemment, il n’a pas tué les siens par haine ou intérêt, mais pour ne pas avoir à leur avouer que toute sa vie n’était qu’une suite d’impostures, de mensonges et d’échecs. Pour sa famille, ses amis et ses voisins, Jean-Claude Romand était un brillant médecin à l’Organisation mon- diale de la santé, à Genève, de plus cher- cheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Sa vie se déroulait dans les laboratoires et les colloques. Bernard Kouchner était son ami, le professeur Schwartzenberg, son confident. Son nom avait été prononcé pour la direction de l’INSERM... Quand on l’arrête pour le massacre des siens, on découvre avec stupeur qu’il n’est ni chercheur ni même médecin, et qu’il n’existe pas...

Jean-Claude Romand n’a jamais tra- vaillé. À la vie réelle, il a préféré l’ima- ginaire. Pendant plus de dix-huit ans il a joué au docteur, mais soudain le jeu a basculé dans le sang. La mythomanie de l’accusé, l’horreur de chacun de ses cinq assassinats soigneusement préparés, l’étrange logique d’un meurtrier décrit comme bon fils, bon époux, bon père et... bon médecin sont autant d’énigmes. Elles fascinent la presse et le public. Le 25 juin, la petite cour d’assises de Bourg-en-Bresse est comble. Le public est venu aussi nom- breux qu’en 1898 au procès de Jacques Vacher, le tueur de bergères et de bergers, le premier « serial killer » français, ins- piré par Jack l’Éventreur... et guillotiné à Bourg-en-Bresse fin 1898. « Je m’appelle downloadModeText.vue.download 397 sur 602

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Jean-Claude Romand, j’ai quarante-deux ans... je n’ai pas de profession ».

L’homme est grand, fort. Il parle, d’une voix douce, de lui-même comme d’un étranger.

« Vous êtes né le 11 février 1954 à Lons-le-Saunier. Parlez-nous de vos pa- rents, demande la présidente.

– Vous savez, c’est difficile de faire la biographie de ceux qu’on a tués. »

Fils unique, choyé, il a reçu le maxi- mum d’amour que des parents peuvent donner à un enfant. Il a grandi près des bois, un peu solitaire mais très couvé. En- fant, il dit n’avoir eu pour confident que son chien. À l’évocation de la mort de ce dernier, il se met à sangloter.

Très bon élève, il est la fierté de ses parents, qui se réjouissent de le voir réus- sir tous ses examens. Au lycée de Lyon, il prépare le concours d’entrée à l’École du génie rural des eaux et forêts... et c’est son premier échec. Il s’inscrit alors à la faculté de médecine de Lyon. C’est à la fin de la septième année que toute sa vie bascule. Lors de l’examen, il oublie de se réveiller et manque une épreuve. On l’autorise à se représenter à la session de septembre, mais, le jour de l’épreuve, il se dérobe. Il déclare à ses parents qu’il a été reçu. C’est le grand tournant de sa vie. À partir de là, elle bascule dans les mensonges ; chaque année, il annonce ses succès à des examens qu’il ne passe pas. De la même manière, il réussit ensuite le concours de l’internat – « cinquième seulement », confie-t-il à ses parents.

Pourquoi ce premier mensonge, demande la présidente ? Peur de l’échec, désir de ne pas décevoir, il ne sait pas... Jean-Claude Romand n’explique ni la véritable raison de cette dérobade, ni l’enchaînement de tous ses mensonges, ni encore le passage à des escroqueries. À ses parents, beaux-parents et amis Jean- Claude Romand raconte que son statut de fonctionnaire international lui permet d’avoir en Suisse accès à des taux d’intérêt privilégiés. Il escroque près de 3 millions à ses proches. Plus grave, il profite de son aura de chercheur pour vendre des médicaments censés guérir le cancer... Entretemps, il a épousé Florence, une amie d’enfance, et deux enfants, Caroline et Antoine, sont nés. Florence est belle et intelligente, les enfants sont charmants. Partout les Romand sont cités en exemple, lui chercheur, elle pharmacienne. Chaque jour, au volant de sa voiture marquée du caducée, Jean-Claude Romand part pour son bureau imaginaire de Genève. En fait, il erre dans les parkings de la région ou dans les sex-shops de Lyon.

Fin 1992, il est pris au piège de tous ses mensonges

Le détonateur est Chantal, chirurgienne- dentiste, qui exige les 900 000 F qu’elle lui a confiés. Sur le point d’être démasqué, il a trois solutions : avouer, s’enfuir, se sui- cider. Il opte pour la dernière, mais il dé- cide de faire disparaître auparavant tous les témoins de ses mensonges. Il réussira la mort des autres, ratera la sienne...

Le récit à la cour de ses cinq assassi- nats donne lieu à toute une série d’inci- dents. Jean-Claude Romand commence par se taire, sanglote, hurle, trépigne puis s’évanouit, et il en sera ainsi pendant deux jours. La présidente doit suspendre, un médecin est obligé d’intervenir. Dans le comportement de l’accusé, il y a un tiers de véritable malaise, deux tiers d’histrionisme. downloadModeText.vue.download 398 sur 602

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Des cinq assassinats, le premier, celui de Florence, exécuté avec un rouleau à pâtisserie, est le plus troublant. Il a été vraisemblablement improvisé lors d’une scène. De cet assassinat, Jean-Claude Romand dit n’avoir gardé que quelques images et pas d’explications.

« Toute cette violence me dépasse. Une des dernières images que j’ai d’elle... Florence étendue sur le ventre dort dans son lit, et dans mes mains il y a ce rouleau à pâtisserie poisseux de sang... Si j’ai tué Florence, c’est par rapport à la douleur intolérable qu’elle allait avoir après mon suicide. Je ne voyais que sa souffrance et la mort me semblait le seul remède...

« Après... je ne pouvais pas m’arrê- ter. Leur maman morte, leur papa assas- sin, je ne pouvais que tuer Caroline et Antoine... Les enfants sont venus dans la salle de bains me dire bonjour. Puis ils sont redescendus regarder une cassette au salon. Sur le canapé je leur ai parlé et je les ai calmés. Puis je suis allé chercher la carabine. J’ai dit à Caroline qu’elle avait de la fièvre. Elle s’est allongée sur son lit. J’ai dû prétexter un jeu pour qu’elle mette un oreiller sur sa tête. J’ai pris la carabine et j’ai tiré trois fois... Trois fois... »

La suite est encore plus étonnante, Jean-Claude Romand lave le rouleau à pâtisserie, sort acheter des journaux, bavarde avec la buraliste, inspecte sa boîte aux lettres puis téléphone à ses parents et leur dit qu’il vient déjeuner chez eux, à Clairvaux-les-Lacs. Avant, il prend le soin de démonter la carabine avec laquelle il a tué ses enfants pour la mettre dans le coffre de sa voiture. Arrivé chez ses parents, il déjeune avec eux, leur confie qu’il va sans doute être nommé à la tête de l’INSERM puis, après ce doux mensonge, va chercher la carabine et le silencieux dans le coffre. Pour Jean-Claude Romand, le 9 jan- vier 1993 est une journée chargée : avant le déjeuner, il tue sa femme et ses deux enfants ; après le déjeuner, son père, sa mère et le labrador de la famille. Pour le dîner, il a prévu la mort de Chantal.

Dans une logique cartésienne, Chan- tal est la seule personne à présenter un danger réel pour lui. Or, dans des cir- constances hautement rocambolesques, elle sera la seule à échapper au massacre. À l’audience, la rescapée est la grande absente. Elle a fait parvenir à la cour un certificat médical expliquant tous les dangers psychologiques que provoque- rait sa comparution.

Le 9 janvier, juste après avoir tué ses parents, Jean-Claude Romand téléphone à Chantal. Il lui confirme qu’il se rend bien à Paris pour aller dîner avec elle chez son ami Bernard Kouchner dans sa mai- son de Fontainebleau. Vers 20 h, la BMW du faux médecin quitte Paris. Dans la voiture, Chantal, qui s’est habillée pour ce dîner mondain, regarde la carte de la forêt où Romand a tracé un vague point bleu : « Bernard habite en pleine forêt une jolie villa. » À 22 h, il fait nuit noire. La forêt est déserte et les phares éclairent des arbres et des ronds-points identiques. Chantal s’inquiète : « On va arriver en retard. » La voiture s’arrête alors dans une clairière. « Je me suis perdu, je vais chercher l’adresse dans le coffre. » Puis, s’adressant à la jeune femme, qui est sor- tie de la voiture, il ajoute : « J’ai un cadeau pour toi, un collier, surtout ne te retourne pas. »

Le prétendu collier est en fait un lacet vert en Nylon. Chantal se retourne. Pris downloadModeText.vue.download 399 sur 602

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398 de court, Romand laisse tomber le lacet et, avec une bombe lacrymogène, asperge le visage de Chantal. La jeune femme hurle. Elle veut vivre. Elle a deux en- fants... Décontenancé, Romand s’arrête. Pour expliquer son geste, il raconte à son amie qu’il souffre d’une très grave mala- die, un cancer, qui l’amène à accomplir des actes inexplicables. C’est le professeur Schwartzenberg qui le soigne... Il sup- plie Chantal de ne rien dire. Il raccom- pagne la jeune femme à son appartement parisien et fixe un nouveau rendez-vous pour la remise des 900 000 francs. Ter- rorisée, Chantal se barricade. « Ce n’était pas un guet-apens », assure Jean-Claude Romand à la présidente. « Je ne voulais pas la tuer... consciemment. En tout cas, après l’avoir ramenée chez elle, je suis aussitôt reparti. » Mais avant de regagner son domicile, Jean-Claude Romand fait le ménage. Il se débarrasse du lacet, de la bombe lacrymogène, de la matraque électrique, de la carte de la forêt.

Revenu au petit matin dans sa mai- son de Prévessin-Moëns, où gisent les cadavres de sa femme et de ses deux enfants, Jean-Claude Romand erre lon- guement. Il regarde la télévision, puis va chercher à la cave les deux jerricans d’essence qu’il a préparés et les verse sur les lits de son épouse et de ses enfants. Il absorbe des barbituriques (pas trop) et ce n’est qu’à cinq heures du matin, à l’arrivée des éboueurs, qu’il met le feu. Bien sûr, la pièce où il s’est étendu est la seule épar- gnée par les flammes. Au pompier qui le sauve il a la force de murmurer : « Des hommes en noir sont venus tuer ma femme et mes enfants. Leur chef avait ma taille et un fort accent méditerranéen. »

« Pourquoi ce nouveau mensonge ? demande la présidente.

– Pour ne pas affronter la vérité. »

Vient alors le tour des psychiatres

Ils sont six à l’avoir examiné et disent à peu près la même chose. Ils parlent de personnalité, de pathologie et de rage narcissique. Mais aucun d’entre eux n’explique les raisons d’un tel mas- sacre. Le Dr Olivier Laurent, qui a exa- miné Romand treize jours après les cinq meurtres, raconte : « Au début, nous avons espéré trouver la vérité. Mais très vite nous avons compris qu’il fallait en faire notre deuil. Son enfance s’est dé- roulée dans un milieu où la parole cir- culait peu ou mal. Enfant, il se confiait à son chien, aux escargots, aux four- mis. Il s’était inventé un confident, un double qui le dominait. On l’a élevé en lui disant que dans la vie trois personnes détenaient le pouvoir : le médecin, le prêtre, l’instituteur. Il a voulu être méde- cin. C’est pour ne pas perdre sa femme, pour ne pas décevoir ses parents qu’il a menti en disant qu’il avait réussi son examen. Mais il avait pris déjà goût aux mensonges. Jean-Claude Romand est un mythomane, qui passe son temps à fuir le vide qui l’habite et à mentir en pen- sant qu’un miracle derrière lui va tout arranger. »

L’avocat général Jean-Olivier Viout réclame la réclusion criminelle à perpé- tuité, assortie d’une peine de sûreté de trente ans.

Après les plaidoiries de maître Jean- Louis Abad et de maître Saint-Dizier, tous deux du barreau de Lyon, réclamant des circonstances atténuantes. On donne une dernière fois la parole à Jean-Claude Romand. downloadModeText.vue.download 400 sur 602

SOCIÉTÉ

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Micro à la main, avec des halète- ments, des sanglots et de grands silences, l’accusé se livre à un dernier numéro. Il demande pardon, dit que les souffrances l’habitent jour et nuit, puis s’adresse à sa femme et à ses enfants.

Et, en « bon professionnel », il repose le micro et se rassoit calmement. Mais il n’y aura pas de miracle : quatre heures plus tard, le jury le condamne à la réclu- sion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de vingt-deux ans.

Une condamnation qui laisse de marbre Jean-Claude Romand. Venu avec ses se- crets, il repart avec.

Sur les bancs de la presse, un roman- cier a suivi avec attention les débats : il s’appelle Emmanuel Carrère. Il a obtenu le prix Femina 1995 pour la Classe de neige (P.O.L.), un roman inspiré par l’affaire du pédophile Van Geloven. Son prochain livre devrait être consacré aux mensonges et mystères de l’affaire Romand.

RENAUD VINCENT downloadModeText.vue.download 401 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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LES RELIGIONS DANS LES CRISES DE SOCIÉTÉ

L’évolution de la religion est étroite- ment liée à l’évolution de la société. Elle en exprime soit la sérénité (et alors ne retient guère l’attention) soit les in- quiétudes et les menaces.

Sida

En février 1996, la commission sociale de l’épis- copat français, présidée par Mgr A. Rouet, évêque de Poitiers, a publié un rapport consacré au sida et intitule « La société en question ». Cette épi- démie est considérée comme une maladie qui « oblige à prendre en compte et l’histoire de cha- cun et l’état d’une société » ; elle ne sera vaincue qu’en « changeant les représentations de la vie qui en favorisent la transmission ». Tout en sou- lignant que la fidélité de la relation amoureuse lui semble la meilleure réponse, la commission estime que le préservatif est « nécessaire » et elle se réjouit qu’il ait permis « pour une part » la rela- tive stagnation de l’expansion du sida.

Réhabilitation

En octobre, le Vatican réhabilite Charles Darwin. En 1950, Pie XII avait estimé que la théorie de révolution formulée au XIXe siècle par le natura- liste britannique constituait une « hypothèse sé- rieuse ». Jean-Paul II, qui avait déjà réhabilité Gali- lée en 1992, déclare à ce sujet qu’il s’agit de « plus qu’une hypothèse ». Toutefois, il tient à rappeler que « si le corps humain tient son origine de la matière vivante, qui lui préexiste, l’âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu ».

Évolutions tranquilles

Quelques exemples de sérénité nous viennent de Grande-Bretagne. En sep- tembre, un concert de rock chrétien a rassemblé, près de Londres, plusieurs di- zaines de milliers de personnes de diffé- rentes Églises. La musique et son expres- sivité coexistaient avec de très nombreux carrefours, qui abordaient les sujets les plus divers (l’un d’entre eux : « Je suis trop sexy pour mon Église » a rencontré un succès amusé). Le dimanche, l’arche- vêque de Canterbury a présidé l’office.

Cette religion tranquille ne signi- fie pas une religion figée. Après les ava- tars survenus à différents membres de la famille royale, Elizabeth II a rendu publiques les conclusions d’un groupe de réflexion qu’elle avait mis au travail voilà trois ans. Certaines réformes envisagées changeraient le paysage religieux britan- nique. La plus importante, déjà suggérée par le prince Charles, verrait le souverain cesser d’être le « gouverneur suprême » de l’Église d’Angleterre, déjà, dans les faits, très largement autonome.

Cette Église semble, par ailleurs, bien remise des remous occasionnés par la décision d’admettre les femmes au sacer- doce. Le schisme attendu par certains ne s’est nullement produit. Les départs de pasteurs et de laïques ont revêtu une ampleur limitée, très largement compen- sée par l’apport enrichissant des femmes pasteurs, souvent considérées par leurs paroissiens comme plus proches des pro- blèmes quotidiens que leurs homologues masculins. L’exemple de l’Église angli- cane a d’ailleurs été suivi, cette année, par l’Église vieille-catholique d’Allemagne. Cette Église, séparée de Rome depuis le concile de Vatican I (1870), a ordonné ses deux premières femmes prêtres.

Ces événements ne sont pas sans répercussion sur l’Église catholique : une éminente théologienne canadienne, Mary Malone, l’a quittée pour protester contre l’image exclusivement masculine downloadModeText.vue.download 402 sur 602

SOCIÉTÉ

401 de Dieu qui serait véhiculée par le catho- licisme. D’autre part, la Conférence amé- ricaine des religieuses (80 000 membres) a organisé un jeûne pour demander que cesse « la grande contradiction [qui existe] entre les déclarations du pape sur la dignité de la femme et la place qui lui est réservée au niveau des fonctions décision- nelles dans l’Église ».

Le conflit politico-religieux en Israël-Palestine

Alors que 1995 semblait s’être terminé dans l’espoir maintenu d’une progressive réconciliation en Israël-Palestine, 1996 a marqué un très net raidissement : atten- tats islamiques en Israël, massacre de Cana au Sud-Liban, victoire, sur le fil, de Benyamin Netanyahou soutenu par les partisans du « Grand Israël biblique », suivi – en septembre – par l’ouverture du « tunnel de la discorde » qui passe sous le mur de soutènement de l’esplanade des Mosquées et débouche sur la « via dolo- rosa » qu’aurait empruntée Jésus. Ressen- tie par nombre de Palestiniens comme une atteinte à leurs sentiments religieux et un signe supplémentaire de la volonté des Israéliens d’annexer la Ville sainte, cette décision a provoqué une révolte sanglante. Face à la perspective d’une paix qui les insérerait dans un Moyen- Orient à majorité arabo-musulmane, une partie des Israéliens – religieux et laïques – semblent pris par un réflexe de repli identitaire.

La lutte entre deux islams

En Afghanistan, la conquête de Kaboul par les talibans (ou « étudiants en reli- gion ») a amené l’instauration d’un ordre dit « islamique » très pesant : fermeture des écoles de filles, interdiction faite aux femmes d’exercer leur métier, port obli- gatoire de la barbe pour les hommes, ins- tauration de « châtiments islamiques », etc. Mais de telles pratiques ont renforcé la coalition des adversaires des talibans, au sein de laquelle combattent aussi de nombreux musulmans. Celle-ci a repris l’offensive. La guerre civile, qui a succédé à la lutte contre le communisme militai- rement imposé par l’URSS, continue de plus belle.

En Égypte, deux conceptions de l’is- lam se trouvent également en conflit. Une procédure judiciaire a été engagée par le cheikh Youssef al-Badri pour obliger Na- guib Mahfouz, prix Nobel, à divorcer. Sa femme, en effet, se serait rendue coupable d’apostasie. Le film l’Émigré, de Youssef Chahine (sorti en 1994), fait actuelle- ment l’objet d’un double procès en héré- sie, l’un intenté par un avocat musulman, l’autre par un copte orthodoxe.

Par contre, avec le soutien de l’imam de la prestigieuse université musulmane d’al-Azhar, Mohammed Tantaoui, le ministre égyptien de la Santé a interdit l’excision dans les hôpitaux publics et a lancé une campagne sensibilisant les couches populaires – qui y restent atta- chées – sur les dangers de cette pratique. De plus, cette même université a publié un Guide islamique pour le planning fami- lial. Il affirme que les moyens contracep- tifs modernes (préservatif, stérilet, pilule) sont licites et que « l’espacement des gros- sesses n’est nullement prohibé par la charia [loi islamique] ».

Autre signe de relative détente, cette fois, dans le sous-continent indien, où, pourtant, les tensions restent vives : le pè- lerinage annuel des hindous au linga (ou downloadModeText.vue.download 403 sur 602

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402 phallus de Shiva) dans la célèbre grotte d’Amarnath, au Cachemire, troublé l’an dernier par des bombes provenant de militants musulmans, a pu s’effectuer, en 1996, dans un calme seulement gêné par de mauvaises conditions climatiques.

Nul signe d’apaisement au contraire dans la dramatique guerre civile algé- rienne. La communauté catholique a été soumise à deux très douloureuses épreuves. Un commando du GIA a en- levé, puis assassiné au printemps sept moines trappistes cisterciens bien inté- grés dans la population. Peu de temps après (1er août), Pierre Claverie, évêque d’Oran, était à son tour victime d’un at- tentat. L’émotion du petit peuple musul- man algérien devant ces crimes montre que ceux-ci ne traduisent nullement un sentiment antichrétien de la part de la population algérienne. Mais la dispa- rition tragique d’hommes qui luttaient pour un « vivre ensemble » interreligieux en Algérie rend le climat de ce pays en- core plus délétère.

France

En France, plusieurs événements ont mis en cause les rapports entre religion et laï- cité. Au début de l’année, le Grand Orient de France a voulu dépasser les tensions qui s’étaient manifestées en 1995, et il a élu comme grand maître Jacques La- fouge, avocat au barreau de Bordeaux. Le nouvel élu a dénoncé aussitôt la « dérive » que représentait, pour lui, la messe solen- nelle à Notre-Dame organisée par le chef de l’État lors de l’enterrement de François Mitterrand. Il ne fut pas le seul à émettre certaines réserves. Jacques Stewart, pré- sident de la Fédération protestante de

France, a indiqué que les obsèques reli- gieuses ayant été célébrées à Jarnac, les différentes familles de pensée (religieuses ou non) auraient pu participer à un hom- mage dans un « lieu non religieux ». Cela aurait évité d’« écorner » la laïcité.

On a retrouvé de semblables réti- cences envers la commémoration du 1 500e anniversaire du baptême de Clo- vis et la visite en France, à cette date, de Jean-Paul II. Le comité officiel associait un représentant du protestantisme et un représentant du judaïsme à des autorités catholiques, c’est-à-dire, curieusement, à des membres des anciens « cultes recon- nus » abolis par la loi de séparation de 1905. Fallait-il commémorer un tel bap- tême ? Oui, selon certains, comme l’his- torien Pierre Chaunu : la mémoire d’un peuple s’incarne à travers les mythes, et le christianisme demeure une composante fondamentale de l’histoire de France. Non ou, en tout cas, pas de cette façon, ont rétorqué ceux qui ont vu dans la venue du pape à Reims le jour anniver- saire de la proclamation de la République (« pur hasard » a-ton répliqué du côté catholique) une provocation en partie fi- nancée sur deniers publics. L’opinion s’est divisée (40 % pour et autant contre selon un sondage commandité par le Monde). Le débat précéda la commémoration. Sa passion, en fixant les limites à ne pas dépasser, aura permis, paradoxalement, aux journées commémoratives de se dé- rouler dans une relative sérénité. Jacques Chirac a accueilli Jean-Paul II au nom de la « France républicaine et laïque ». Le souverain pontife a invité les catholiques à dialoguer avec « les autres composantes de la nation ». downloadModeText.vue.download 404 sur 602

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Voyages pontificaux

Outre sa venue en France à l’occasion de la célébration du 1 500e anniversaire du baptême de Clovis, le pape Jean-Paul II a effectué, en 1996, plusieurs voyages importants : en février, en Amé- rique latine (au Guatemala, où il a médité sur le mystère du Sauveur crucifié pour la réconciliation des hommes entre eux et avec Dieu ; au Nicara- gua, où sa visite contrastait avec celle de 1983, alors que les sandinistes étaient au pouvoir ; au Salvador et au Venezuela) ; en mai, en Slovénie (il y a parlé du droit des pays d’Europe à défendre leur « identité nationale ») ; en Allemagne, en juin (où le mouvement « Nous sommes l’Église » a récolté des centaines de milliers de signatures dans l’espoir de susciter « plus de démocratie » au sein du catholicisme) ; et enfin en République tchèque, en septembre, où l’on avait craint pour sa santé. À la fin de 1996, des contacts ont eu lieu entre le Vatican et La Havane pour une éventuelle visite du pape à Cuba.

Occupation

En août, la grande mosquée d’Évry a été occu- pée par des militants d’associations musulmanes de l’Essonne, signe d’un malaise plus général. Le Haut Conseil des musulmans de France (HCMF), crée en décembre 1995, regroupe environ 300 as- sociations. Il estime que les mosquées de Paris, de Lyon et d’Évry entretiennent des patrimoines personnels et des intérêts étrangers à la France. Les dirigeants de ces mosquées ont répliqué en fondant le Conseil supérieur des mosquées de France, qui se veut « une structure permanente de concertations et d’échanges, au sein de la com- munauté musulmane, avec les pouvoirs publics et les autres cultes ». Pas plus que les années précé- dentes, l’islam de France n’arrive à se donner des structures fédérales représentatives.

Le problème des sectes

Le religieux s’est également trouvé sur la sellette avec la publication d’un rapport de parlementaires sur les sectes. Il se pro- nonce contre une législation spécifique, la notion de secte étant juridiquement indéfinissable. Eux-mêmes qualifient de

« secte » un « mouvement se présentant comme religieux » et qui comporte une des dix caractéristiques suivantes : désta- bilisation mentale, exigences financières exorbitantes, rupture avec l’environne- ment familial, atteintes à l’intégrité phy- sique, embrigadement des enfants, dis- cours plus ou moins antisocial, troubles à l’ordre public, démêlés judiciaires, détournement des circuits économiques traditionnels, tentatives d’infiltration des pouvoirs publics. À partir d’une enquête des Renseignements généraux, une liste de 172 groupements a été établie dans le rapport. Les « religions reconnues » étant d’emblée exclues de l’investigation. Le flou de certains des critères retenus, leur hétérogénéité, la reprise sans recours à d’autres sources de l’interprétation don- née par les R.G. ont amené certains so- ciologues de différents pays à critiquer le rapport.

L’affaire de l’abbé Pierre

Mais le sujet le plus passionnel (et le plus déroutant) de l’année 1996 reste celui qui a mis en cause l’abbé Pierre. Le fondateur des chiffonniers d’Emmaüs avait été élevé par les médias au rang d’autorité morale suprême de la France. En avril, on apprit avec stupeur qu’il soutenait son ami, le philosophe Roger Garaudy, accusé de « négation de crimes contre l’humanité » pour son ouvrage sur les Mythes fon- dateurs de la politique israélienne. Fin juillet, l’abbé Pierre se rétractait, mais le « gâchis » était fait.

Quel « gâchis » ? En fait, contraire- ment à ce qui a été écrit, l’abbé Pierre, ancien résistant qui sauva des vies juives, n’a jamais nié la réalité de la Shoah, qu’il a souvent qualifiée d’« épouvantable hor- downloadModeText.vue.download 405 sur 602

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404 reur ». Mais, voulant aider un ami, il a annoncé qu’il allait promouvoir un débat entre « historiens vrais » : double faute. D’abord, une faute d’incompétence. Car le débat a déjà eu lieu : les historiens sé- rieux ont fait leur travail face aux propos négationnistes, déjà anciens. Ils ont réuni et traité scientifiquement une documen- tation impressionnante qui ne laisse pas place au doute ni sur la réalité ni sur l’ampleur de la Shoah. Et les historiens débattent toujours sur les questions qui restent en suspens, comme le moment précis où Hitler a décidé de l’extermina- tion des Juifs. Seconde faute : une préten- tion abusive. Quel que soit son talent dans la lutte contre l’exclusion, l’abbé Pierre n’a aucune autorité à organiser un débat scientifique, pas plus en histoire que, par exemple, en endocrinologie métabolique.

Double dérapage... rarement signalé comme tel par les médias. Pourquoi ? Parce que, précisément, il est en partie dû à la façon d’ériger une personnalité – à l’oeuvre au demeurant très respec- table – en personnage médiatique apte à donner une opinion autorisée sur tous les sujets. Des soirées sida aux débats qui « se discutent », les stars du petit écran deviennent de plus en plus les nouveaux clercs, porteurs de la parole légitime. D’habitude, leurs propos d’extrême centre (ou, à la limite, anarcho-centristes) sont apparemment sans conséquence. Là, il en fut autrement, et l’on s’est acharné sur cet homme, l’enferrant dans ses contradic- tions. Triste gâchis, et pour la vérité his- torique, qui a paru craindre le débat en refusant sa parodie, et pour l’abbé Pierre lui-même, qui ne méritait ni cet excès d’honneurs ni cette indignité. Affaire terrible car elle montre l’ampleur de la crise de société. La laïcité s’est construite en lien avec le développement d’un type de pensée rationnel et avec le respect de procédures précises dans le débat public. Quand une société s’éloigne de l’un et de l’autre, alors, elle peut dénoncer à tous vents « intégrismes » et « sectes », c’est d’abord en elle-même que se trouvent ses « démons ».

Vacance. Le 22 février, Jean-Paul II signe une réforme de la Constitution apostolique sur la « vacance du siège apostolique et l’élection du pontife romain ». Le siège pontifical est réputé vacant « après la mort ou la démission valide du pontife ». En cas de démission, « il est requis pour la validité de cette renonciation qu’elle soit libre et dûment manifestée ; elle n’exige l’acceptation de qui que ce soit ». Pendant l’opération du pape, à l’automne, c’est le secrétaire d’État, le cardinal italien Angelo Sodano, qui assure la continuité de la direction de l’Église. En cas de grave handicap du souverain pontife, ce serait au collège des car- dinaux, dirigé par le cardinal béninois Bernardin Gantin, de prendre toute décision nécessaire.

Le Conseil oecuménique des Églises (COE), qui regroupe la plupart des Églises protestantes et des Églises orthodoxes, a tenu en août la commis- sion plénière de sa commission théologique « Foi et Constitution » à Moshi (Tanzanie). Un texte sur l’ecclésiologie et l’éthique a fait l’objet de vifs dé- bats. La distance entre l’orthodoxie et les Églises protestantes sur les questions d’éthique, et en particulier sur la morale sexuelle, s’agrandit. Autre point d’achoppement : le problème des relations entre le christianisme et les sociétés sécularisées. Certaines Églises orthodoxes ne semblent pas concevoir ce que peut être une société civile. Ces tensions s’ajoutent, pour le COE, à une impor- tante crise financière. Cependant, le secrétaire général du COE, le pasteur Konrad Raiser, a pris l’initiative de proposer un concile chrétien uni- versel pour l’an 2000, afin de surmonter les pro- blèmes qui divisent les Églises.

Interconfessionnel. Des responsables chré- tiens, musulmans et juifs ont décide de créer, à l’université de Sarajevo (Bosnie), une faculté consacrée à la promotion du dialogue interre- ligieux. Si elle voit effectivement le jour, cette downloadModeText.vue.download 406 sur 602

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405 faculté sera la première du genre en Europe. Elle comprendra des professeurs des trois religions monothéistes et devra orienter ses travaux sur l’éthique et la recherche de la paix.

Bouddhisme. Un grand centre international de pèlerinage est en cours de construction à Lum- bini (Népal) sur le lieu de naissance du Bouddha. Les différentes écoles bouddhistes y auront leur pagode. Cependant, plusieurs critiques se font jour. Certaines concernent l’inégalité des pagodes projetées et les dissensions entre cou- rants théologiques. D’autres mettent en cause le gigantisme de la construction, qui risque de pri- vilégier l’aspect touristique sur la recherche de la spiritualité.

U P. Claverie, Lettres et messages d’Algérie, Karthala, 1996. J. Costa-Lascoux, les Trois Âges de la laïcité, Hachette, 1996. G. Davie, D. Hervieu-Léger (éds.), Identités religieuses en

Europe, La Découverte, 1996.

JEAN BAUBÉROT

Président honoraire à la section des sciences religieuses

à l’École pratique des hautes études downloadModeText.vue.download 407 sur 602

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VIE DES MÉDIAS

Télévision : contrats en or et explosion numérique Certes, lors de sa publication en no- vembre 1995, le rapport du député UDF Alain Griotteray sur le chiffre d’affaires des sociétés dirigées par les animateurs- producteurs de France 2 provoqua des remous. Ces derniers ne laissaient tou- tefois pas présager la tourmente qui, six mois plus tard, emporta Jean-Pierre El- kabbach. Le rapport révélait que France Télévision avait versé plus de un mil- liard de francs en deux ans aux socié- tés privées de Jean-Luc Delarue, Nagui, Arthur, Mireille Dumas, Michel Drucker et Jacques Martin, soit cinq fois plus que les sommes octroyées aux coproduc- tions d’oeuvres cinématographiques. Si la minute de reportage pour un journal télévisé est estimée à 5 000 F, une minute de « Ça se discute », l’émission de Jean- Luc Delarue, revenait à 13 300 F. En fait, le rapport mettait en lumière une utilisa- tion dispendieuse des fonds semi-publics et ouvrait une véritable guerre entre, d’un côté, les animateurs-producteurs, le per- sonnel de France Télévision et le gouver- nement, et, de l’autre, Jean-Pierre Elkab- bach, qui commit de nombreuses erreurs dans la gestion de cette crise.

Attaquant bille en tête Jean-Luc Dela- rue et sa société Réservoir Prod, le P-DG de France Télévision récolta camouflet sur camouflet. D’abord, la justice accorda à Delarue la lecture à l’antenne d’un droit de réponse puis, l’animateur-producteur admettant un bénéfice de 34 millions de francs sur un chiffre d’affaires de 162 mil- lions – soit une marge nette de 21 % avant impôt –, donna la mesure de la suréva- luation des coûts de « Ça se discute ». On apprit bientôt qu’il en était de même pour « Bas les masques » ou « Les enfants de la télé », produits et présentés, respective- ment, par Mireille Dumas et Arthur.

En mai, le scandale ne fit qu’enfler, chaque jour apportant son lot de révé- lations (contrats rédigés en dépit du bon sens sur papier libre, par un cabinet comptable ami, prêts sans intérêt consen- tis aux animateurs afin qu’ils montent leurs entreprises, comptes non déposés au tribunal de commerce, aucune clause en cas de chute d’audience, etc.) et chaque soir de nouvelles moqueries des Guignols de l’info sur Canal +, qualifiant Delarue, Nagui et Arthur de « voleurs de patates ». Le 20 mai, dans son bras de fer avec Delarue, Elkabbach fut débouté de sa demande d’audit, le président du tribunal de commerce affirmant « n’avoir jamais vu de sa vie des contrats pareils » et ajou- tant que « le demandeur, qui affirme rem- plir une mission de service public, aurait dû s’entourer du minimum de garanties afin de s’assurer de l’équilibre économique des contrats ». Face au CSA, le P-DG pro- mit alors de « réformer le système » puis sacrifia ses proches lieutenants, Patrick Clément et Louis Bériot, enfin, il jura de renouveler la direction de France 2, gestes interprétés comme une trahison par les salariés de la chaîne qui, le 29 mai, votèrent une motion de défiance à son égard.

Deux jours plus tard, Elkabbach dé- missionnait tout en défendant son bilan financier (effectivement positif face à TF1) et culturel (entre 93 et 96, les inves- tissements de France 2 dans la fiction ont downloadModeText.vue.download 408 sur 602

SOCIÉTÉ

407 augmenté de 80 %). Il reconnut toutefois des erreurs, « en particulier sur les ani- mateurs-producteurs, qui incarnent telle- ment les contradictions et ambiguïtés du système ».

Quelques semaines plus tard, Xavier Gouyou Beauchamps, nommé P-DG de France Télévision, annonçait « une nou- velle politique à l’égard des animateurs- producteurs », les départs de Mireille Dumas, dont « les projets n’étaient pas agréés », et d’Arthur vers TF1. Les termes du contrat avec Jean-Luc Delarue étaient revus à la baisse. Nagui quittait lui aussi la chaîne pour TF1 alors que la facture de « N’oubliez pas votre brosse à dents » n’était pas contestée. On lui demandait seulement de mettre sa gouaille légère- ment en sourdine...

À la mi-juillet, la crise des contrats était terminée. France 2 pouvait se flat- ter d’économiser 300 millions de francs. Mais trois des quatre animateurs-pro- ducteurs qui avaient remonté l’audience ne figuraient plus dans la grille...

Un cadeau pour TF1 Durant tout le premier trimestre, les rumeurs les plus folles ont couru sur la reconduction ou non pour cinq ans de l’autorisation d’émettre que le CSA devait accorder à TF1. En fait de débats, il n’y en eut pas au sein de cette instance, le président Hervé Bourges expliquant que la loi Carignon de 1994 (dite aussi « loi TF1 ») modifiant la loi audio- visuelle de 1986 ne leur laissait pas d’autre alter- native qu’un renouvellement quasi automatique. Par contre, en juillet, le CSA accordait à TF1 l’auto- risation de faire passer de 4 à 6 minutes la durée de la coupure publicitaire admise dans les films et les téléfilms. Un cadeau de plus de 700 millions de francs selon certains calculs pour une chaîne qui draine plus de 50 % de la publicité télévisée.

Un bouquet d’écrans

Une nouvelle ère s’est ouverte en Europe avec l’arrivée des chaînes thématiques dis- tribuées par satellite en numérique. Cette technologie qui utilise un signal composé d’une multitude de chiffres (succession de 0 et de 1) permet de comprimer les informations composant les images et le son afin qu’elles prennent moins de place qu’avec l’analogique, mode de diffusion utilisé jusqu’alors. On peut ainsi faire co- habiter huit programmes au lieu d’un seul sur un même canal tout en améliorant la qualité visuelle et sonore. Il devient éga- lement possible d’associer le téléviseur au téléphone ou à l’ordinateur afin de jouer l’interactivité entre le téléspectateur et le diffuseur pour le paiement de l’émission (pay per view).

Pour la première fois en Europe, Ca- nal + a lancé au printemps un bouquet numérique de 24 programmes (parmi lesquels plusieurs radios) relayés par le satellite Astra. Aux chaînes déjà diffusées sur le câble (Planète, LCI, Canal Jimmy, MTV, MCM, etc.) s’ajoutent de vraies nouveautés telles que Voyage (tourisme), France Courses (hippisme), ainsi qu’en options payantes Seasons (nature, chasse, pêche), Muzz (jazz et classique), sans oublier la fonction « kiosque » (football et nouveaux films payés à la séance) et un service de logiciels et de jeux vidéo. Le service de base des 12 chaînes à thème est facturé 98 F par mois, auxquels il faut ajouter une antenne parabolique (700 F), un terminal Médiasat (45 F par mois), les options étant facturées de 30 à 55 F men- suels hors fonction kiosque, sur laquelle, par exemple, un match de football coûte 50 F. Cela ne dispense évidemment pas de l’abonnement à Canal + ! Le créneau pa- downloadModeText.vue.download 409 sur 602

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408 raissant prometteur et le satellite en passe de détrôner le câble (en France, entre octobre 1995 et juin 1996, le nombre de foyers utilisant des antennes paraboliques a progressé de 41 %), on annonçait pour la fin de l’année un deuxième bouquet numérique associant TF1, France Télé- vision, M6, les télévisions suisses, belges, ainsi que de nouvelles chaînes consacrées à l’histoire, la santé, la fiction et à l’éduca- tion civique.

Dans cette optique, Canal + (7 mil- lions d’abonnés en Europe) a fusionné en septembre avec le groupe sud-afri- cain NetHold (1,5 million d’abonnés en Scandinavie, Italie, Benelux, Europe cen- trale), prenant ainsi pied dans des pays où la chaîne n’était pas présente. L’accord consolide Canal + comme premier distri- buteur de programmes payants en Europe devant Rupert Murdoch, qui domine la diffusion satellitaire en Grande-Bretagne, et Léo Kirch, qui s’est imposé comme le principal acteur du numérique en Alle- magne. Cela compromet également les chances d’un distributeur américain de prendre pied sur le continent européen.

Féminin

Le 8 octobre est née sur le câble de la région parisienne Téva, chaîne destinée aux femmes. M6 détient 51 % du capital, les groupes Marie-Claire et Hachette-Filipacchi se partageant à égalité le reste. Séries, téléfilms, plateaux occupent les dix- huit heures de programmes quotidiens. Dotée d’un budget de 65 millions de francs, Téva table sur 600 000 abonnés fin 1997.

Le mariage Arte-La Cinquième

À l’occasion de l’université d’été de la com- munication, le ministre de la Culture, Philippe

Douste-Blazy, a annoncé le « regroupement » et non la « fusion » de La Cinquième et de la partie française d’Arte au sein d’une nouvelle société dotée d’un budget de 1,8 milliard de francs. Les deux chaînes – qui partagent le même réseau hertzien – devraient conserver l’indépendance de leurs lignes éditoriales mais réaliseraient ainsi une économie de fonctionnement, estimée par le gouvernement à plus de 100 millions de francs par an dès 1997.

Barcelone a battu Atlanta

Les téléspectateurs français ont passé deux heures cinquante minutes de moins à suivre les épreuves des JO du centenaire que celles de l’olympiade précédente. Le décalage horaire est certainement l’une des causes de ce recul. Les sports les plus regardés furent l’athlétisme, la gymnastique et le cyclisme.

Échec

Organisé sur toutes les chaînes en juin, le « Si- daction » n’a été regardé que par 5,5 millions de Français, contre 10,5 lors de sa première édition en 1994. L’opération n’a permis de collecter qu’à peine un quart des fonds recueillis lors de la pré- cédente édition, et une polémique a opposé les différents intervenants.

Logos sur écran

En novembre, les six chaînes hertziennes adoptent une signalétique destinée à avertir le public du caractère plus ou moins violent ou éro- tique des programmes proposés : un rond pour « accord parental souhaitable », un triangle pour « accord parental indispensable » et un carré pour « public adulte ». Les chaînes du câble et du satel- lite sont dispensées de cette nouvelle obligation.

Audimat

La lecture des courbes d’Audimat des 4 prin- cipales chaînes de télévision généralistes est instructive. De janvier 1993 à novembre 1996, la downloadModeText.vue.download 410 sur 602

SOCIÉTÉ

409 part d’audience de TF 1 est passée de 40,7 % à 33,8 %, celle de France 2, de 26,2 % à 24,5 %, celle de france 3, de 14,1 % à 18,9 %, et celle de M6, de 10,7 % à 11,3 %. Le bilan de TF 1 est inquiétant, même si les spécialistes relativisent les choses. Le marché publicitaire reste globalement déprimé, et, dans ce contexte de morosité, TF 1 reste la chaîne incontournable. Cependant, à la vue de ces nouveaux chiffres d’audience, les annonceurs vont peut-être avoir tendance à réclamer une baisse des tarifs. De fait, TF 1 annonce en fin d’an- née une baisse de 4 % de ses tarifs publicitaires. Comment s’explique cet effritement de la prin- cipale chaîne française ? Par le score décevant de nouvelles émissions d’abord, comme « L’or à la pelle » ou « L’appel de la couette » ; par la trop grande abondance de certains types de programme, ensuite, comme le football (TF 1 envisage ainsi de limiter les retransmissions de Coupes d’Europe) ; enfin, par le vieillissement de certaines émissions telles « Dorothée » ou cer- tains sitcoms et par la désaffection croissante du public pour ce qui, il y a encore deux ou trois ans, était au sommet : le reality show, c’est-à-dire le témoignage à l’écran des gens ordinaires, aux- quels peuvent s’identifier les téléspectateurs. À cet égard, l’émission (si souvent critiquée pour ses excès démagogiques) « Témoin no 1 », pré- sentée par Jacques Pradel, risque fort, à terme, de disparaître de la grille. De nouveaux concepts ap- paraissent et qui tournent autour du « sens », de ce qui permet au public de « réfléchir et prendre du recul » : ainsi l’émission de Paul Amar, « Le monde de Léa », est une des bonnes surprises de l’année venant de TF 1. Certains mettent égale- ment en cause le rôle trop décisif pris par la régie publicitaire au sein de la direction de la chaîne. En clair, la pub déterminerait trop fortement la politique des programmes. Soucieuse de toucher prioritairement la « ménagère de moins de cin- quante ans », celle qui détermine la consomma- tion et les achats de la famille, la régie publicitaire aurait imposé des programmes par trop dirigés vers cette cible, oubliant les autres, vieux, jeunes, célibataires, etc.

La télé est une affaire trop sérieuse pour la laisser exclusivement aux « gens de la réclame »...

Radios

La révolution Europe 1

En juillet, une enquête Médiamétrie ré- vélait qu’Europe 1 se trouvait en chute libre, devancée non seulement par ses consoeurs généralistes mais aussi par France Info et NRJ (malgré la perte d’un point, RTL demeurait en tête avec 16,5 % de l’audience devant France Inter, 11,5 %, et NRJ, 11,1 %, qui réalisait une nouvelle percée, gagnant près de un point en un an alors que France Info passait de 9,9 % à 10,5 %). Avec seulement 8,5 % d’au- dience cumulée pour le deuxième tri- mestre 1996, la station enregistrait une véritable hémorragie d’auditeurs. Afin d’endiguer cette dégringolade, la direc- tion a opté pour un recentrage autour de l’actualité, recentrage dirigé par Jérôme Bellay, qui, auparavant, exerçait ses ta- lents sur France Info et LCI. Son pari est celui de l’information avec des tranches étendues matin, midi et soir, des tranches articulées autour de journaux courts de 8 à 10 minutes suivis de développements destinés aux auditeurs désireux d’en sa- voir plus.

L’actualité a donc été étoffée d’entre- tiens, d’interviews et d’interventions d’auditeurs avec quatre temps forts. De 9 h à 10 h 30, Yves Calvi, venu de LCI, éclaire les événements grâce à des invi- tés, puis Isabelle Giodarno, présentatrice du « Journal du cinéma » sur Canal +, s’adresse à « un public plutôt féminin sur des sujets de société et de consommation ». Les après-midi sont livrés à Frédéric Mitterrand, qui raconte « les légendes du siècle », alors que Michel Field, fort de la réussite de « Générations », conti- nue son dialogue avec les auditeurs. On downloadModeText.vue.download 411 sur 602

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410 note également le retour de Jean-Pierre Elkabbach pour une interview politique matinale. En quête d’une nouvelle iden- tité, Europe 1 a perdu dans la tourmente quelques noms qui symbolisaient la sta- tion : François Jouffa, Maryse, Jean Rou- cas, du côté des animateurs, et Olivier de Rincquesen, Jean-François Rabilloud et François Seznec, chez les journalistes.

Changements importants également, mais en douceur, sur France Inter avec une grille de rentrée comportant quinze nouvelles émissions du lundi au vendredi et seize nouveautés pour le week-end. Quelques noms ont disparu (Philippe Dana, Gérard Lefort, Sylvain Augier), mais les auditeurs ont retrouvé la voix de Pierre Bouteiller, tandis que Claude Viller, José Arthur ou Daniel Mermet demeurent fidèles au poste. Du côté de l’information, seuls quelques aménage- ments ont marqué cette rentrée.

Enfin, à RTL, la modification la plus importante fut la dernière chronique de Philippe Alexandre, début novembre. Depuis septembre, l’éditorialiste en place depuis vingt-huit ans était brouillé avec la direction, qui l’avait invité à « faire valoir ses droits à la retraite » en mars 1997. Il a cédé sa place à Michèle Cotta. Quotas

L’amendement Pelchat, du nom du député qui l’a fait voter en 1994, est entré en vigueur le 1er janvier 1996. Les 1 300 radios généralistes de France sont astreintes à diffuser 40 % de chansons de langue française, dont la moitié de « nouveaux talents ». La loi ne fait aucune différence entre les groupes français qui chantent en anglais, le raï, la musique africaine ou les variétés anglo-saxonnes. Tous ces genres sont exclus du quota.

Presse écrite

L’année a commencé par un dépôt de bilan, celui d’InfoMatin annoncé début janvier par André Rousselet, actionnaire à 80 % du quotidien, dont les ventes sta- gnaient à 70 000 exemplaires alors que le point d’équilibre se situait à 130 000. En deux ans, 170 millions de francs avaient été injectés dans le journal, qui devait également supporter des coûts d’impres- sion et de routage exorbitants.

Quelques jours plus tard, après de longues tractations, le groupe Chargeurs de Jérôme Seydoux prenait le contrôle financier de Libération, marquant ainsi l’échec définitif de la formule Libé III lancée en septembre 1994. Cette prise de 66 % du capital s’est traduite par la sup- pression de 78 postes, mais aussi par un « pacte d’indépendance » de la société ci- vile du personnel. Une page de l’histoire du journal est donc tournée par l’entrée dans le giron d’un grand groupe indus- triel et... des bénéfices sont attendus dès cette année. Dans les faits, le quotidien est revenu à une formule plus ramassée avec un nombre d’éditoriaux et de points de vue plus étendu. Venu du Nouvel Obser- vateur, Laurent Joffrin a pris les rênes de la rédaction alors que Serge July conserve son poste de P-DG.

Mais ce début d’année a surtout été marqué par la disparition, en avril, de Robert Hersant, décédé à l’âge de soixante-seize ans. Depuis des années, le « papivore », soutenu par le Crédit Lyon- nais et la banque Ventes, dirigeait un em- pire plombé par un endettement colossal, évalué à 5 milliards de francs. Héritier du groupe, Yves de Chaisemartin a cédé dès le mois de mai le quotidien poitevin downloadModeText.vue.download 412 sur 602 SOCIÉTÉ

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Centre-Presse (25 000 exemplaires, 9 mil- lions de francs de déficit) à son concur- rent la Nouvelle République du Centre- Ouest pour un peu moins de 50 millions de francs. Restait alors à céder ou à res- tructurer le pôle ouest du groupe (le Courrier de l’Ouest, le Maine Libre, Presse Océan) ainsi que Nord-Éclair, alors que le Figaro se portait toujours aussi bien, à l’inverse de France-Soir, dont les comptes doivent supporter un surcoût d’imprime- rie. Un plan de relance du titre se prépa- rait en fin d’année.

AFP. En février, Jean Miot, cinquante-six ans, an- cien journaliste puis dirigeant du groupe Hersant, a été nommé à la direction de l’Agence France- Presse. Homme de l’ombre, connu pour son art du lobbying, habile négociateur, il s’est toujours distingué par son opiniâtreté à défendre les inté- rêts de la presse écrite.

Patron historique de Témoignage chrétien depuis 1949, Georges Montaron, soixante-quinze ans, a été « débarqué » en mai par ses associés. Pierre-Luc Séguillon préside désormais le conseil de surveillance de l’hebdomadaire, jusqu’alors marqué à gauche.

Alain Ayache, patron du Meilleur et de Spéciale Dernière, a lancé en mars Questions de femmes, magazine féminin se voulant pratique et grand public avec une part importante consacrée aux gens célèbres et une part réduite à la mode.

Le groupe britannique Emap a acheté Télé Star et Top santé, deux magazines appartenant à la CLT, pour 1,4 milliard de francs. L’acquisition de Télé Star (2 millions d’exemplaires) permet à

Emap de devenir le premier éditeur de magazines de télévision, puisque le groupe possédait déjà l’hebdomadaire Télé-Poche (1,4 million d’exem- plaires vendus).

Symbole. Créée en 1912 sur ordre de Lénine, la Pravda, symbole du régime communiste so- viétique, a cessé de paraître fin juillet. Les deux hommes d’affaires grecs qui avaient racheté le quotidien en 1992 ont promis sa reparution sous une nouvelle formule adaptée aux 30 millions d’électeurs ayant voté pour le candidat commu- niste lors de la dernière élection présidentielle.

Pour la première fois depuis 1912, un magis- trat a perquisitionné dans les locaux d’un jour- nal. Le juge toulonnais Thierry Rolland, chargé de l’enquête sur l’assassinat de la députée Yann Piat, a fait fouiller le bureau d’un journaliste du Canard enchaîné, auteur de plusieurs articles sur cette affaire.

Abattement. À trois reprises, en septembre, octobre et novembre, les journalistes, soutenus par plusieurs syndicats patronaux de presse, ont observé un mouvement de grève afin de pro- tester contre le projet gouvernemental de sup- pression d’un abattement fiscal de 30 % pour frais professionnels (dans la limite d’un plafond de 50 000 F). Cet abattement, institué en 1935 et considéré comme une aide indirecte à la presse, permettait de maintenir des salaires assez bas dans la profession. Sa suppression équivaudrait en moyenne pour les journalistes à la perte d’un mois de salaire.

MICHEL EMBARECK Journaliste à la Nouvelle République downloadModeText.vue.download 413 sur 602

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PUBLICITÉ : AU COEUR DE LA DÉCENNIE

Plébiscite

« Vous avez de la chance, ça aurait pu être la semaine du tricot. » C’est une série d’affiches du même ton qui a lancé, avec succès, la première « Semaine de la publi- cité ». Cet événement regroupait des ma- nifestations aussi différentes que la Cité de la pub, qui retraçait de manière lu- dique l’aventure publicitaire des marques, ou le Forum des métiers. Cette initiative de l’Association des agences-conseils en communication, qui rassemble 250 en- treprises du secteur, consacrait la popu- larité de cette activité. En effet, un son- dage signé Sofres-BVP affirmait que nous étions 68 % à « apprécier » la publicité, alors qu’une autre enquête IPSOS-l’Ex- pansion révélait que 60 % des Français trouvaient la publicité plus belle qu’il y a dix ans. En moins de trente ans, la com- munication, qui a connu son essor quand la télévision lui a ouvert ses écrans en 1968, aura réussi à s’imposer comme un acteur à part entière de la société.

L’année aura été ponctuée par bon nombre d’événements publicitaires qui marqueront de leur empreinte la socio- logie de la décennie. Ainsi, la Sharan de Volkswagen fait un clin d’oeil à l’inévitable « papy-boum ». Mais la voiture, qui se veut « machine à voyager dans le temps », projette en fait les jeunes dans ce que sera la vieillesse en 2040, où l’on fredonnera du rap avec nostalgie. Ce spot, réalisé par l’agence DDB, brouille admirablement les stéréotypes liés à l’âge. Symptomatique

également, l’ouverture du premier maga- sin Crazy George’s en France. Déjà massi- vement implanté en Grande-Bretagne, le principe de cette chaîne est de permettre à une population exclue du crédit d’avoir accès aux biens d’équipement de la mai- son. Avec la crise, les faibles revenus sont devenus un marché de masse, d’autant que la consommation est plus que jamais un facteur d’intégration.

La Chine à Cannes

La 43e édition du Festival international du film publicitaire de Cannes, présidée cette année par Michaël Conrad, du groupe Leo Burnett, commence sous le signe des records. Au total, 4 855 annonces presse et affiches, contre 4 338 l’an passé, et 4 391 films, contre 4 211 en 1995, sont présentés par 63 pays. On note pour la première fois une délégation, d’environ 150 per- sonnes, venant de Chine.

Proximité affective

Rencontrer Germaine de chez Lustucru, se faire secouer par Orangina ou encore connaître son destin avec Avenir, ce sont quelques-uns des di- vertissements proposés par près de 40 marques au grand public convié à la Cité de la pub. L’objec- tif, comme le dit Sylvie Douce, l’organisatrice de l’événement, est de recréer un lien affectif entre le public et les marques.

Évolution

Les affiches des vêtements Kookaï, où une femme dominatrice succède à la ga- mine qui a fait le succès publicitaire de la marque, sont révélatrices d’une évolution certaine. « Ni tout à fait la même, ni tout à fait autre. Nous nous sommes référés aux premiers portraits des kookaïettes. Et nous avons essayé de reproduire le même discours publicitaire sans mots » explique downloadModeText.vue.download 414 sur 602 SOCIÉTÉ

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Anne de Maupéou, la nouvelle directrice de création de l’agence CLM/BBDO. La campagne a fait l’unanimité au sein de la profession et a gagné le Grand Prix de l’affichage. Et cette récompense est tout un symbole. En effet, en 1993, l’agence avait déjà obtenu la première place du palmarès avec cette marque. Mais, peu de temps après, Philippe Michel dispa- raissait, et l’agence n’avait pas retrouvé le souffle créatif de son fondateur. La nou- velle direction mise en place en début d’année se trouve ainsi d’emblée dans la lignée de celui qui fit la réputation de CLM/BBDO.

Créativité et changement

« Dans un monde d’hyperconcurrence, on ne doit pas craindre le changement. Et savoir faire appel à la créativité. Plus précisément, il faut comprendre la relation entre les deux : la créati- vité est un moyen de gérer le changement » dit Jean-Marie Dru, patron de BDDP, qui prépare, pour 1997, un nouveau livre sur ce thème. Le Saut créatif, dont il était l’auteur, avait déjà fait date dans l’histoire publicitaire.

Sanguine

Pour le lancement de sa version rouge, à base d’oranges sanguines, Orangina se lance dans la parodie de film d’horreur. Le spot, réalisé par John Camitz, obéit au rythme du genre : quiétude, ap- parition du monstre, accalmie puis réapparition. Face à Coca-Cola, l’unique soft-drink rouge veut sortir du ghetto de l’enfance.

Bleu

Le numéro 2 des colas investit 2,5 milliards de francs pour se démarquer de son rival Coca-Cola. La boule rouge et bleue représentative des pac- kagings de Pepsi devient verticale et seulement suggérée sur fond bleu... Un nouveau rebondis- sement dans la bataille des colas.

Émotion aussi

Le 11 avril, à l’annonce de la mort de Mar- cel Bleustein-Blanchet à l’âge de quatre- vingt-neuf ans. Il avait fondé Publicis en 1926 et était à l’origine de grandes sagas comme Dim, Boursin ou Renault. Il affir- mait avoir choisi la publicité parce que « c’est un métier qui comporte une phi- losophie de l’optimisme ». Mais, depuis longtemps, il avait préparé sa succession de telle manière que sa disparition n’af- fecte pas l’empire qu’il avait créé. Quant à BDDP, l’autre brillant phénomène fran- çais, c’est un vendredi 13 que ses diri- geants ont cédé 100 % de leurs parts au réseau britannique GGT. Cette solution permet à BDDP d’éviter de tomber dans l’escarcelle de certains consortiums amé- ricains, plus orientés marketing que sou- cieux de créativité. Et c’est tant mieux, car cette agence a fortement contribué à ce que la France relève la tête au 43e Festi- val international du film publicitaire de Cannes. L’Hexagone a en effet repris la troisième place, derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Pourtant, ce sont deux films néerlan- dais qui ont dominé la sélection. L’un, produit par Wieden & Kennedy Ams- terdam, pour Nike, mettait en scène un match de football surréaliste, où s’affron- taient le bien et le mal. La profusion d’ef- fets spéciaux et le nombre de vedettes du ballon rond qui y apparaissaient ont fait de ce spot (15 millions de francs) le plus cher de l’année. Le jury a préféré un scé- nario au coût plus modeste mais au talent non moins éclatant. Ce film d’Ammirati Puris-Lintas Amsterdam pour les pas- downloadModeText.vue.download 415 sur 602

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414 tilles « Rolo » de Nestlé illustre à mer- veille l’expression « avoir une mémoire d’éléphant ». Dans un zoo, un petit garçon tend un « Rolo » à un éléphanteau. Mais, au dernier moment, alors que l’animal va s’en emparer, l’horrible enfant retire le bonbon et l’avale avidement. Quelques années plus tard, lors d’une parade de cirque, notre éléphant devenu grand re- connaît le gamin et, au moment de passer à côté de lui, se rappelle à son souvenir en l’assommant d’un grand coup de trompe, geste qui marquera l’histoire publicitaire.

Disparition

Après Marcel Bleustein-Blanchet, c’est Jean Ja- bès, autre grand acteur de la publicité française, qui disparaît. À l’origine de la très créative agence Alice, il avait rejoint le groupe DMB&B en 1990. Il a fait passer cette agence de la vingt-huitième à la dixième place des groupes publicitaires en France.

J.O.

Puma, sponsor du sprinter britannique Lindford Christie, a fait confectionner une paire de lentilles figurant l’animal mascotte de la célèbre marque. Celui-ci les portait pendant les conférences de presse afin de contourner l’interdiction faite aux athlètes des jeux Olympiques de jouer les hommes-sandwichs.

Première mondiale

Pour la première fois au monde, deux marques mènent une fausse campagne de publicité com- parative. Le propos n’est pas dénigrant puisque l’une fait les louanges de l’autre et vice versa. Et pour cause, Dekra et Veritas sont deux sociétés spécialisées dans le contrôle technique des auto- mobiles et font partie du même groupe. « C’est une campagne qui a été enfantée par la régle- mentation française en matière de publicité » explique Nicolas Bordas de BDDP. La législation en matière de publicité comparative est en effet très restrictive en France.

JEAN-MICHEL WAGNER BORDELAIS LEMEUNIER/LEO BURNETT downloadModeText.vue.download 416 sur 602

SOCIÉTÉ

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MODE

Entrée des artistes

C’est le choc Dior-Galliano. Enfant ter- rible de la mode londonienne, John Gal- liano, trente-six ans, diplômé de la Saint Martin’s Fashion School de Londres, a été nommé responsable de la création des collections de haute couture et de prêt- à-porter féminin chez Dior. Il succède ainsi à Gianfranco Ferré, qui tire sa révé- rence pour aller s’occuper de ses propres marques. Galliano est aussi célèbre pour ses créations de robes époustouflantes que pour son allure incroyablement sur- prenante et changeante. Portant tantôt de longues nattes, tantôt des cheveux décolorés platine ou affichant sous une chevelure rousse un look de corsaire vêtu comme un flibustier des mers du Sud, il cultive son excentricité (une qualité que partagent beaucoup de Britanniques, comme Alexander McQueen, qui, lui, entre chez Givenchy, confirmant ainsi la mainmise anglaise sur la mode pari- sienne). En intégrant la plus vénérable des institutions de la mode, ce créateur sulfureux, ce cyclone britannique, ce trublion provocateur bouleverse toutes les idées que l’on se fait sur l’élégance « à la française ». Galliano, qui affirme haut et fort que l’esprit Dior est proche de sa conception romantique de la mode, dé- range. Mais ses défilés créent l’événement. Sa première collection haute couture, printemps-été 97, marquera le 50e anni- versaire de la première collection New- Look, créée en février 1947 par Christian Dior. De l’avis de Richard Martin, chef du Costume Institute of the Metropo- litan Museum of Art de New York, qui a organisé la rétrospective Dior pour le demi-siècle de la maison, Galliano est le seul styliste à en comprendre l’histoire, le seul capable de perpétuer l’esprit Dior en lui insufflant des idées modernes. Coup de jeune ou coup de pub ? Nous avons choisi pour Dior la jeunesse et le talent, explique-t-on dans la grande maison. Il a le talent de créer une mode féminine et sensuelle pour les jeunes femmes d’au- jourd’hui, une mode moderne, élégante dans la lignée du fameux « tailleur-bar ».

Carven, la célèbre maison, née dans les an- nées 50, joue le tout pour le tout et mise son futur sur Angelo Tarlazzi. Ce styliste – dont la postérité retiendra les exercices de style et d’asymétrie – fit ses premières armes chez Patou avant d’ouvrir sa maison. Puis il dessina la haute couture de Guy Laroche. Le voilà à nouveau en scène sur le petit théâtre de la mode.

En remplacement de Michel Klein chez Guy Laroche, on remarque l’arrivée d’Albert Elbaz, diplômé du Shemkar College School of Fashion and Textile de Tel-Aviv, comme directeur de la création. Né en Israël il y a trente-cinq ans, il est américain et a travaillé pendant quelques années auprès de Geoffrey Beene, dont il était le bras droit. Sa première collection de prêt-à-porter de luxe sera présentée en mars 97. Jusqu’à nouvel ordre, la haute couture chez Guy Laroche est mise entre parenthèses.

Nino Cerruti a, lui, fait appel pour sa nouvelle collection Arte (exercice de style, luxueux et haut de gamme) à Narcisco Rodriguez. Ce styliste amé- ricain, diplômé de la Parson’s School of Design de New York, qui a fait ses classes chez Anna Klein, a longtemps travaillé aux côtés de Calvin Klein. Son style ? minimaliste.

Chronique d’un retour annoncé

Une allure longiligne avec des longs manteaux, des robes en maille fluide, des chemises près du corps, des tuniques et des pantalons évasés dans le bas, qui font downloadModeText.vue.download 417 sur 602

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416 la jambe longue, voilà cette silhouette en I qui minimise les formes et marque de son empreinte la mode de cette an- née 1996. Peu de révolution, à peine d’évolution en cette fin de siècle, la créa- tion piétine et se retourne sur son passé. Focus sur les années 60-70, qui nous ren- voient des images déjà vues du temps où l’on vivait au rythme du Swinging London et nous offrent des visions d’un style dont les lignes vont à l’essentiel et qui réduit les formes à leurs plus strictes expressions.

À capter dans l’air du temps, un mot d’ordre : faire simple. Pas question d’en rajouter, d’en faire trop. Tout est lisse, dépouillé, épuré. Les tissus sont au dia- pason, crêpes souples, laines bouclettes, velours chenilles, doubles-faces légers, mousselines et dentelles de soie, de co- ton ou de laine glissent sur le corps. On exclut le trop-plein d’accessoires. Un seul à la fois, mais un qui se remarque. La pa- noplie, c’est fini. L’or gris l’emporte sur l’or jaune. L’acier sur le métal doré. Mais, en revanche, le cuir brille. Façon vernis ou faux bois. Si le beige est la couleur de l’été, on porte aussi un zeste de couleurs aci- dulées déclinées en des nuances douces comme des fruits exotiques, que l’on adopte en ville comme sous les tropiques. Les maquillages cultivent le genre « dé- maquillé », translucide et transparent. Le teint et les lèvres semblent nacrés. Côté beauté, exit les femmes pulpeuses. La tendance est à l’androgynie, au filiforme, à la maigreur. Le style « ficelle » fascine les couturiers, qui mettent sur le devant de la scène des égéries aux corps de gar- çons. Petites épaules et hanches fluides, l’allure « jeune éphèbe », c’est la nouvelle élégance. La taille disparaît ou se porte haut, dans la tradition Empire. Finie la tendance « poupée Barbie ». Les blondes font long feu. Les brunes ont à nouveau les faveurs de la mode. Chez les parfu- meurs, la tendance est au coup double, et les nouveaux « jus » n’ont pas de sexe. Masculin, féminin, les parfums jouent l’ambivalence.

Autre thème majeur, quand on parle d’abandonner le service militaire, la mode prend un petit air martial, et le look militaire paraît de mise. Aux collections, on a vu défiler sahariennes de flanelle, de soie, de velours et de coton, de tweed et de satin, et marcher au pas cadencé des manteaux de hussard en fourrure et des pardessus d’aviateur en cuir huilé. Bérets, épaulettes, bottes et ceinturons se mettent au garde-à-vous.

Faire de la banalité un nouveau chic s’impose encore en cette année 1996, qui voit le triomphe de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, auteurs et metteurs en scène des spectacles de leur compa- gnie, la Famille Deschiens. Pour certains, l’ordinaire, le dérisoire, le mal coupé, le trop étroit, les imprimés impossibles, les robes en Nylon, les cols pelle à tarte, les mocassins à talons « bûche » sont deve- nus le nec plus ultra. On l’imite. Le style fait école car la mode s’est emparée de ce phénomène en attendant de se mettre sous d’autres influences.

Du 7 au 17 octobre, la présentation des collec- tions du prêt-à-porter féminin de l’été 1997 réu- nit à Paris plus de 130 couturiers pour 86 défilés et 43 présentations sur rendez-vous. Deux mille journalistes du monde entier sont présents. Mal- gré ces chiffres étourdissants, le climat est mo- rose. La mode parisienne a du mal à se renouveler et affronte avec difficulté les nouveaux centres de la création : Milan, New York, Londres, mais aussi Tokyo, Hongkong et Séoul. Le système français du « créateur » sous le nom duquel on commercialise une masse de sous-produits a-t-il fait long feu ? downloadModeText.vue.download 418 sur 602

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Yves Saint-Laurent sur le Web. Une grande première dans la mode avec la collection haute couture du couturier présentée simultanément a Paris dans le salon impérial de l’hôtel Interconti- nental et sur Internet. Mode solaire. Le couturier Olivier Lapidus ne cesse d’innover, notamment pour ce qui est de la technique. Après l’invention de la machine à coller qui devrait remplacer la machine à coudre, il a mis au point la veste à énergie solaire doublée d’une résistance électrique tissée relayée par des microbatteries au lithium.

Un système qui permet de conserver au corps une température constante... et même de bran- cher son téléphone cellulaire.

LAURENCE BEURDELEY downloadModeText.vue.download 419 sur 602

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GASTRONOMIE

Les contraintes financières de la res- tauration sont apparues dans toute leur ampleur en 1996. Pierre Gagnaire, le trois-étoiles de Saint-Étienne, a déposé son bilan le 29 janvier : le restaurant a fermé le 14 mai. Second coup de ton- nerre : le 2 septembre, Marc Veyrat dé- clare : « Je suis au bord du gouffre », en révélant habilement qu’il tente en vain de renégocier les prêts qui lui ont été accor- dés lors de son installation à l’Auberge de l’Éridan, sur les rives du lac d’Annecy. Les échéances ont été finalement allégées et échelonnées sur une plus longue pé- riode : l’établissement reste solide et ren- table. Au contraire, Pierre Gagnaire a dû amorcer une nouvelle carrière à Paris, rue Balzac, le 25 novembre, Saint-Étienne, en période de crise, n’étant plus le lieu idéal pour « le musée vivant des arts de la table », que Gagnaire avait conçu.

La vitalité de la recherche culinaire pa- tiente et inventive, couronnée parcimo- nieusement par une troisième étoile, ne s’éteint pas malgré la récession. Le guide Michelin a consacré le talent affirmé avec constance depuis une vingtaine d’années par Alain Passard, qui avait fondé Arpège, rue de Varenne, lorsque Senderens avait abandonné l’Archestrate pour Lucas-Car- ton. Attaché à la cuisine bourgeoise de tradition, Passard a su l’alléger, la moder- niser et la renouveler, en travaillant sans cesse les alliances et les contrastes de saveurs, en étudiant une large gamme de produits sélectionnés sur place avec un soin extrême. Les aiguillettes de homard et navet à l’aigre-doux au romarin, le pou- let de Janzé fumé et ravioles de foie gras à la fondue d’oignons et, au dessert, l’inat- tendue tomate farcie confite aux douze saveurs ont illustré ce goût du classicisme rajeuni par l’innovation.

Guerre des étoiles

Sous l’égide d’un auteur de guide, spécialiste de la communication, Blanc, Ducasse, Loiseau, Robu- chon et Westermann ont lancé une mise en garde contre la mondialisation de la cuisine et un appel en faveur du respect de l’identité culinaire fran- çaise. Une réplique à ce manifeste, inspirée par Guérard et Senderens, ralliant Boyer, Gagnaire, Meneau, Passard et Veyrat, plaide pour la liberté d’inspiration. En réalité, les pratiques culinaires des protagonistes ne justifient pas toujours leur appartenance à l’un des deux camps.

Le combat pour la propagation des arts de la table sera mené désormais tous azimuts par Joël Robuchon. Souhaitant abandonner ses fonctions de chef à cinquante ans, Robuchon a tenu parole le 5 juillet, avec un an de retard. Exigeant et impitoyable, toujours présent en cuisine, vivant sous tension, il désirait rester au service de son art avec moins de contraintes. Dès maintenant, Robuchon exerce un nou- veau sacerdoce : une chronique culinaire, Cuisinez comme un grand chef, sur TF1, la publication de livres, le conseil auprès du Larousse gastronomique ou d’établis- sements de restauration recherchant l’avis d’un consultant éclairé, l’examen des ressources culinaires du Japon, dans le cadre de son restaurant de Tokyo, et, rêve ultime, en commun avec le chef suisse Freddy Girardet, l’ouverture d’une école de cuisine. L’initiative prise par Robuchon a suscité un autre défi : Alain Ducasse, qui a succédé à Robuchon le 12 août, continue à diriger le Louis XIV, à downloadModeText.vue.download 420 sur 602

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Monte-Carlo, cumulant ainsi la charge de deux restaurants trois-étoiles. Les résul- tats de ce pari seront sourcilleusement examinés par les critiques.

La cuisine lyonnaise a contribué à la réussite de la réunion du G 7 à Lyon, à la fin du mois de juin. Le dîner d’accueil a été l’oeuvre collective des trois-étoiles de la région, Bocuse, Georges Blanc, Michel Troisgros et Marc Veyrat. Les festivités se sont poursuivies lors de déjeuners élaborés par Nandron et Orsi et par une réception chez Léon de Lyon.

Le vin

Le temps incertain de l’été a été compensé par une belle arrière-saison. Selon l’Office interpro- fessionnel des vins, « la vinification des premières cuvées laisse entrevoir un millésime aromatique et des vins élégants ».

« Vache folle »

La crainte de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, transmise par la viande des bovins atteints d’encéphalopathie spongiforme, a modifié les ha- bitudes alimentaires. La consommation de viande de boeuf a décliné. Les ris de veau ont disparu des menus, le vol-au-vent, dépourvu d’amourette, perd son identité et la cervelle n’accompagne plus la tête de veau.

U Larousse gastronomique, avec le concours du Comité gastronomique présidé par Joël Robuchon (1996).

Alain Ducasse, Méditerranée, cuisine de l’essentiel,

Hachette, 1996.

GEORGES GRELOU downloadModeText.vue.download 421 sur 602 downloadModeText.vue.download 422 sur 602

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C U LT U R E downloadModeText.vue.download 423 sur 602

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L’ANNÉE CULTURELLE

Toulon a focalisé tout au long de l’an- née 1996 l’attention du monde cultu- rel. Un monde resté apparemment étran- ger aux préoccupations du Front national pendant ses années de croissance. Sans doute celui-ci se trouvait-il fort démuni en la matière, faute d’exemples à citer et de créateurs amis. Le contrôle municipal de trois villes méridionales lui a permis de faire ses premières armes en la ma- tière. À Orange, la bataille s’est portée sur la bibliothèque municipale, que la nouvelle équipe menée par Jacques Bom- part souhaitait expurger de tout ce qu’elle jugeait « cosmopolite », et sur les Choré- gies, dont le financement a été sauvé in extremis par le ministère de la Culture. À Toulon, où Gérard Paquet, responsable du Centre international de la danse et de l’image de Châteauvallon, avait refusé dès 1995 l’apport financier de la mairie emportée par Jean-Marie Le Chevalier, la situation est plus critique encore, puisque intervient dans l’affrontement Centre- mairie la position personnelle fort équi- voque du préfet du Var, Jean-Charles Marchiani.

On l’a vu quand le groupe de rap NTM a été décommandé du Festival de Châteauvallon, on l’a vu lors du vote du budget du Centre de la danse. On l’a constaté quand la direction de Gérard Paquet a été remise en cause, toujours à Châteauvallon. Plus tard, en novembre, l’écrivain Marek Halter, invité d’honneur du Salon du livre de Toulon, s’est vu écar- té à la demande du maire, qui souhai- tait remettre le prix de la ville à Brigitte Bardot, auteur de Mémoires fort indul- gents à l’égard de Jean-Marie Le Pen. Un contre-salon s’est donc tenu à La Garde en présence de M. Halter, de la quasi- totalité des éditeurs français, qui avaient boycotté l’invitation toulonnaise, et de Philippe Douste-Blazy, ministre de la Culture. Au même moment, on apprenait que le tribunal de Toulon infligeait des peines de prison ferme aux chanteurs du groupe NTM pour avoir tenu des propos insultants sur la police au cours d’un réci- tal à La Seyne-sur-Mer. Chaque fois, les arguments sont les mêmes : nationalisme intransigeant, refus de toute altérité, dé- nonciation implicite de l’étranger facteur de troubles.

Par ses interventions répétées et ses déplacements ostensibles, le ministre de la Culture a nettement choisi de s’opposer à l’extrême droite. Ses prises de position ont été suivies d’actes : crédits alloués, soutiens accordés aux responsables culturels menacés. Lui-même justifie son action, rue de Valois, par des consi- dérations politiques et sociales. Il conti- nue de plaider pour une réduction de la « fracture sociale » par le biais de l’action culturelle. Il a d’ailleurs financé un cer- tain nombre d’initiatives menées dans des quartiers difficiles. Il entend, paral- lèlement, relancer les enseignements artistiques dans les écoles : la France est, en effet, en la matière l’un des pays occi- dentaux les moins avancés, l’un de ceux où l’initiation aux arts ne fait pas partie des programmes scolaires primaires et secondaires.

Quel projet ?

Ces intentions évidemment louables peuvent-elles suffire à fonder une poli- downloadModeText.vue.download 424 sur 602

CULTURE

423 tique culturelle ? L’action culturelle dans les banlieues défavorisées est loin d’avoir prouvé sa puissance pacificatrice et sa force d’intégration. Le renouveau des enseignements artistiques prôné depuis des années par les ministres successifs est jusqu’à présent resté lettre morte face à la mauvaise volonté de l’Éducation nationale. Plus grave, le ministère de la Culture subit les avanies du ministère des Finances, sous prétexte de coupes claires et d’économies. Le budget de 1996 (15,54 milliards de francs) avait subi des collectifs budgétaires à répétition qui avaient singulièrement amoindri sa force d’intervention. Celui de 1997 (15,08 mil- liards de francs), annoncé à l’automne, est encore pire. En dépit d’artifices de présen- tation, dus en particulier à l’intégration de la direction de l’architecture au sein de la rue de Valois, c’est en réalité une chute de plus de 0,9 % qu’endure le budget de la Culture. Sans doute le ministre plaide-t- il la solidarité ministérielle par temps de crise. On constate néanmoins que la rue de Valois, dont le budget est l’un des plus infimes de la nation, est, proportionnelle- ment, l’un des ministères les plus touchés.

Dernière offensive en date, celle que mène Bercy contre la loi sur les dations. Ce texte, voté en 1968 à la demande d’An- dré Malraux, alors ministre des Affaires culturelles du général de Gaulle, autorise des héritiers à s’acquitter de leurs droits de succession ou de mutation en nature, c’est-à-dire en oeuvres d’art. Cette loi a permis l’enrichissement sans bourse dé- lier des collections nationales, et en par- ticulier la création du musée Picasso. Le ministère du Budget, pour qui cette loi est synonyme de manque à gagner, a tou- jours essayé de l’amoindrir. Il essaie avec succès depuis deux ans de restreindre le champ d’application de la loi en impu- tant, en fin d’année, les montants des da- tions sur le budget général de la culture, lequel s’en trouve diminué d’autant. Si ces précédents prenaient force de loi, cela au- rait pour conséquence de réduire à néant l’oeuvre d’André Malraux, au moment même où sa dépouille est transférée en grande pompe au Panthéon.

Jacques Chirac, dont on connaît l’hostilité de principe aux grands tra- vaux présidentiels et, plus largement, à une politique culturelle très marquée par le volontarisme étatique, a néanmoins mis le doigt dans l’engrenage. Il a confié à Jacques Friedmann mission de des- siner un projet pour créer un nouveau musée destiné à abriter les arts d’Afrique, d’Océanie et d’Amérique préhispanique. Cette idée, qui doit se concrétiser dans les premiers mois de 1997, a suscité un débat polémique.

En effet, il est retenu que le noyau de ces collections serait constitué par celles du musée des Arts d’Afrique et d’Océanie (MAAO) et surtout par celles du musée de l’Homme. Comme il était annoncé par ailleurs que le futur musée serait installé dans l’aile Passy du Palais de Chaillot, c’est-à-dire celle qui est précisément oc- cupée par le musée de l’Homme et le mu- sée de la Marine, il était aisé d’en conclure que ce dernier devait trouver une nou- velle adresse et que le premier se fondrait dans la nouvelle institution.

De là des protestations innom- brables : l’amiral Le Bellec, patron du musée de la Marine, réclame l’aménage- ment d’un site avant le transfert. Jean- François Deniau, ancien ministre, député du Cher et académicien, doit trouver un downloadModeText.vue.download 425 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997 424 nouvel appontement pour la flottille du Trocadéro. Pendant ce temps, Henry de Lumley, directeur du Muséum d’histoire naturelle (dont fait partie le musée de l’Homme), entre en guerre pour préser- ver le statu quo.

L’exception créative

Ces débats politico-culturels tendent à reléguer au second plan ce qui est cepen- dant le principal : la création. Dans ce domaine, l’exception culturelle française reste de mise. Elle s’exprime au cinéma avec une particulière vigueur. Face au déferlement devenu habituel des produc- tions hollywoodiennes, tels Independence Day, Seven ou Mission impossible, la créa- tion cinématographique française ne ca- pitule pas. Cela va de Le Bonheur est dans le pré, d’Étienne Chatilliez, premier au box-office à Paris, à Pourquoi je me suis disputé (ma vie sexuelle), d’Arnaud Dep- leschin, et de Encore, de Pascal Bonitzer, à For Ever Mozart, le dernier Jean-Luc Godard. Ces films à la tonalité singulière rencontrent plus facilement un public que ceux qui s’essoufflent à suivre les modèles américains. Le particularisme a parfois des effets moins heureux, comme dans le marché de l’art, où, en dépit de ses réels efforts de renouvellement, la der- nière Foire internationale d’art contem- porain (FIAC), qui s’est tenue quai Branly en octobre, n’a pas réussi à s’élever au niveau de ses homologues de Bâle ou de Cologne. Pas plus que Paris ne peut rivaliser avec Londres ou New York en matière de ventes aux enchères.

La même remarque pourrait s’appli- quer au théâtre si l’on ne retenait de la saison parisienne que le retour à la scène d’Alain Delon, de Jean-Paul Belmondo et de Michel Sardou. Par chance, d’autres salles s’ouvrent aux auteurs allemands, britanniques ou nordiques. Matthias Langhoff crée son Île du salut au Théâtre de la Ville. L’Édouard II de Christopher Marlowe et le Naufrage du Titanic d’En- zenberger ont dominé le Festival d’Avi- gnon. À Bobigny, Klaus Michael Grübber met en scène le Pôle, pièce de Vladimir Nabokov jamais jouée en France. À l’Opéra Bastille, un metteur en scène américain, Francesca Zambello, crée en France Billy Budd, du Britannique Benja- min Britten, d’après le roman d’Herman Melville. Au théâtre du Châtelet, Simon Rattle dirige la Jenufa du Tchèque Leoš Janáček. Contre la montée de l’intolé- rance, la création se veut plus que jamais indifférente aux frontières.

PHILIPPE DAGEN ET EMMANUEL DE ROUX

Journalistes au Monde downloadModeText.vue.download 426 sur 602

CULTURE

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IDÉES

L’affaire Clovis

Indissociable du voyage du pape Jean- Paul II en France, du 19 au 22 septembre 1996, et de sa visite à Reims afin d’y célé- brer le 1 500e anniversaire du baptême de Clovis (le roi franc converti à la religion de sa femme Clotilde), ce qu’il est conve- nu d’appeler l’« affaire Clovis » a pris un tour inattendu et donné lieu à de nom- breuses polémiques.

Si l’on oublie les maladresses du prési- dent de la République parlant de la France comme de la « fille aînée de l’Église » et de « baptême de la France », ce qui devait provoquer l’ire du camp laïque, le débat a porté à la fois sur la mémoire de la nation française et sur les ressorts de la laïcité. Mettant en lice des historiens manifestant leur désaccord ou leur doute sur le rôle historiquement « fondateur » de Clovis, la polémique sur la mémoire, qui s’inscrit dans un climat de passion patrimoniale et de recherche des « lieux de mémoire », a porté sur les liens de la nation et de la république (au milieu de livres souvent rédigés à la hâte pour alimenter la polé- mique, deux ouvrages rédigés par des historiens méritent l’attention : Laurent Theis, Clovis, éd. Complexes, et Michel Rouche, Clovis, Fayard). Alors que cer- tains déclaraient leur refus de décréter historiquement les origines de la nation française, d’autres s’offusquaient que l’on puisse dissocier la genèse de la nation des commencements de la république, c’est- à-dire de la coupure révolutionnaire. « La commémoration de Clovis, ont écrit O. Ihl et Y. Delove dans le Monde (10/09/96), n’est pas une fête républicaine. C’est une cé- rémonie gouvernementale. Ce n’est pas une fête nationale. C’est une fête-Dieu. » Des années marquées par une production historiographique de qualité n’ont donc pas rendu plus aisées les discussions por- tant sur la généalogie nationale : « Pour- quoi Clovis ? Pourquoi pas Vercingéto- rix ou Charlemagne, Saint Louis, Jeanne d’Arc, Henri IV ou Napoléon ? Pourquoi pas Bouvines (1214), Marignan (1515), Valmy (1792 et l’An I) ; pourquoi pas le 11 novembre 1918, le 8 mai 1945 ou les nombreux 18 juin de notre histoire ? (Au milieu de livres souvent rédigés à la hâte pour alimenter la polémique, deux ouvrages rédigés par des historiens mé- ritent l’attention : Laurent Theis, Clovis, éd. Complexes, et Michel Rouche, Clovis, Fayard.) » (Philippe Bonnichon, in Bul- letin d’informations générales du Centre d’information civique, 3e trimestre 1996).

Quant au deuxième débat, le plus vio- lent, il a été exacerbé par des groupes radi- caux, voire extrémistes, de part et d’autre. Il ne fait guère de doute que des intégristes catholiques (des groupes comme Notre- Dame de France et des proches de Phi- lippe de Villiers ont profité de l’occasion pour surenchérir et célébrer la France chrétienne), des groupes laïques (la Libre Pensée avec le réseau Voltaire et le comité « Clovis n’est pas la France ») ont laissé croire à certains qu’on en était revenu au « premier âge de la laïcité », c’est-à-dire à l’époque marquée par la séparation de l’Église et de l’État. Mais comment com- prendre que cette polémique que l’épis- copat français, influencé notamment par l’évêque de Reims Mgr Defois, d’un côté, et la Ligue de l’enseignement, le CNAL et les grands partis de gauche, de l’autre, ont downloadModeText.vue.download 427 sur 602

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426 su apaiser avec raison ait pu se produire aussi brutalement ?

Il semble évident que le débat sur la laïcité renvoie à une double interro- gation. La première, qui porte sur l’éro- sion des valeurs dans les démocraties modernes, laisse croire aux institutions religieuses qu’elles peuvent pourvoir au sens défaillant. Mais, à l’inverse, l’idéo- logie laïque est confrontée à l’individua- lisme, à une grave crise du civisme, qui conduit certains à durcir leur conception de la laïcité au point de pratiquer une laïcité de combat, une laïcité « antireli- gieuse », dont l’islam fait d’ailleurs plus régulièrement les frais aujourd’hui que le catholicisme.

L’affaire Clovis a peut-être corres- pondu à l’un de ces psychodrames que met en scène une société « en mal de mé- moire », orpheline d’un sens historique susceptible de tirer la république vers l’avant et non vers l’arrière. « Sur le fond, comme l’a écrit Jean-Claude Guillebaud, on croyait pourtant la vérité établie depuis longtemps. Deux mémoires sont bel et bien constitutives de l’identité française : celle de “la France fille aînée de l’Église” et celle de l’épopée révolutionnaire émancipatrice. Comme l’avait magnifiquement exprimé un Marc Bloch, c’est la conjugaison paci- fique de ces deux “ mémoires ” qui fonde l’universalisme français. C’est-à-dire la passion égalitaire, le refus du différentia- lisme païen, la défense des victimes [...] »

Spiritualités nouvelles : entre souci de soi et recherche du sens

Alors que l’« affaire Clovis » est à l’ori- gine d’une guerre au cours de laquelle les éléments les plus radicaux du monde catholique et de la culture laïque se sont affrontés avec rage, un intérêt diffus pour la religion et la spiritualité se confirme. En témoigne concrètement la production éditoriale depuis quelques années.

S’inscrivant dans le sillage d’une phi- losophie morale aux allures contrastées – ce genre désigne aussi bien le Traité des petites vertus, d’André Comte-Spon- ville, que la collection « Morales », lan- cée par les éditions Autrement –, dont le succès ne se dément pas, la littérature consacrée à la spiritualité et à la religion trouve un écho auprès de lecteurs qui y voient une réponse appropriée à une « demande de sens », qui concerne tout un chacun quand les idéologies sont mortes et les grandes visions du monde, déliquescentes.

Le dernier ouvrage de Luc Ferry, dont les chiffres de vente laissent les observa- teurs pantois – l’Homme-dieu ou le Sens de la vie, Grasset, 1996 –, est, plus que tout autre, le miroir d’une époque où recherche de sens et souci moral peuvent déboucher sur des interrogations reli- gieuses. Dans le cas de L. Ferry, la de- mande de sens revient moins à réactua- liser la religion qu’à s’interroger sur les substituts possibles de celle-ci dans une société démocratique où la Loi n’est plus externe, hétéronome. Après avoir obser- vé l’évolution et les métamorphoses de la modernité démocratique que traduit, selon lui, un double phénomène – une divinisation de l’humain qui s’accom- pagne simultanément d’une humanisa- tion du divin –, il propose une « morale laïque et humaniste » influencée par Kant et proche d’Alain. Mettant en avant les valeurs de fidélité et de générosité, elle a pour ambition de dépasser le clivage qui « passe au sein de l’humanisme entre son downloadModeText.vue.download 428 sur 602

CULTURE

427 interprétation spiritualiste et son versant matérialiste. Si le divin n’est pas d’ordre matériel, si son “existence” n’est pas de l’espace et du temps, c’est bien dans le coeur des hommes qu’il faut désormais le situer et dans ces transcendances dont ils per- çoivent, en eux-mêmes, qu’elles leur appar- tiennent et leur échappent à jamais. »

Mais d’autres auteurs répondent à cette même demande de sens en invo- quant moins une morale laïque réactua- lisant les vertus de la religion qu’une spi- ritualité inspirée par la sagesse, celle des Grecs ou des Orientaux. L’écho rencontré par l’ouvrage de Pierre Hadot (Qu’est-ce que la philosophie antique ?, Folio Essais) consacré à la sagesse philosophique des Grecs (voir aussi le dossier du Magazine littéraire sur « Le souci, éthique de l’in- dividualisme ») manifeste cette volonté de trouver des réponses en dehors des cadres d’une morale laïque ou des tradi- tions religieuses. Mais P. Hadot rappelle prudemment qu’il ne faut pas confondre « souci de soi » et « sens de la vie » : « Je ne suis pas sûr qu’une esthétique de l’exis- tence puisse vraiment donner un sens à la vie : elle risque, je le crains, de ne pas aller plus loin que les morales de la “self-reali- sation” développées en milieu anglo-saxon au début du XXe siècle. » D’où une insis- tance, à la fois antique et kantienne, des- tinée à « ouvrir le moi à une universalité éthique ».

Tout cette vague d’ouvrages recourt à un langage éthique et moral – celui-ci n’est pas sans lien avec le discours huma- nitaire, qui subit pour sa part les feux de la critique (voir l’article de Rony Brau- man dans le Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, PUF, 1996) – et non à un langage religieux. Mais cette demande de sens diffuse peut prendre une dimen- sion franchement religieuse et s’inscrire dans le sillage des traditions révélées (ou non). Il est incontestable que la passion spirituelle des contemporains renvoie pêle-mêle à des morales laïques comme à des traditions religieuses, au demeu- rant fort hétérogènes. Qu’on en juge par la diversité des titres qui composent les collections de spiritualité chez Albin Mi- chel, Desclée, au Seuil... où l’intérêt pour le bouddhisme avoisine la publication des grands mystiques chrétiens ou mu- sulmans. Ou bien encore par la collection récemment créée par Bayard Éditions qui consacre des ouvrages aussi bien à Épic- tète, à Eckart, à Jean de la Croix ou aux maîtres zen.

Faut-il alors s’en étonner ? Cette de- mande de sens, qui se manifeste expli- citement dans la production éditoriale, peut néanmoins déboucher sur des pra- tiques discutables qui suscitent des polé- miques. Alors que le débat sur les sectes n’avait pas atteint directement le monde catholique, un ouvrage portant sur des communautés charismatiques – Thierry Baffoy, Antoine Delestre, Jean-Paul Sau- zet, les Naufragés de l’esprit, Seuil, 1996 – a mis le feu aux poudres en décrivant les pratiques autoritaires de certains anima- teurs de ces groupes. D’où l’esquisse d’un débat portant sur la menace de dérives sectaires au sein du catholicisme.

Si la demande de sens hésite au- jourd’hui entre des spiritualités laïques et religieuses, elle peut aboutir à des ac- tions et à des choix communautaires dont l’ambition déclarée est de fournir le sens manquant. downloadModeText.vue.download 429 sur 602

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428 Le who’s who des intellectuels français

C’est un rituel, il ne se passe pas six mois sans qu’une revue étrangère – le plus souvent anglo-saxonne : le Times Lite- rary Supplement ou la New York Review of Books – publie un article polémique visant l’intelligentsia française : ou bien on accuse les intellectuels français d’avoir fauté et d’être à l’origine des « crimes du XXe siècle », ou bien on ironise sur la dis- parition rapide des grandes figures de la pensée française, comme si la produc- tion intellectuelle s’était lamentablement effondrée après la mort des gourous et des grandes figures des années 70 et 80 (Barthes, Lacan, Foucault...). Comme un produit d’exportation « bien de chez nous », l’intellectuel français subit donc les revers du jeu de l’offre et de la demande : soit on le révère, soit on le conspue.

Mais, depuis quelques années, la per- ception de l’intellectuel français a changé en France même, le regard de l’étranger n’est plus seul à manifester des sentiments ambivalents envers les intellectuels. Si la question de l’engagement demeure le mo- teur de polémiques « entre intellectuels » (Fallait-il s’engager et prendre parti dans la guerre qui a miné l’ex-Yougoslavie ? Fallait-il prendre le risque d’officialiser la liste Sarajevo, qui a donné la fâcheuse impression que les intellectuels désiraient se substituer aux acteurs politiques ?), dont la plus récente a opposé deux listes après l’annonce de la réforme relative à la Sécurité sociale, en décembre 1995, le sentiment que le monde est « en perte de sens » conduit pourtant une fraction de l’opinion à se tourner spontanément vers les intellectuels. Pas seulement vers les « marchands de sagesse », mais aussi vers des auteurs susceptibles d’imaginer des scénarios d’avenir échappant à la résignation ambiante. Drôle de renverse- ment : l’intellectuel qu’on accusait d’être à l’origine de bien des erreurs est désor- mais considéré comme un dépositaire du sens et à nouveau mis en scène comme un clerc. Le numéro spécial que le Maga- zine littéraire (octobre 1996) a publié à l’occasion de son trentième anniversaire témoigne de cette passion contempo- raine pour les « clercs laïques ».

Si cette demande émane de diverses fractions de l’opinion, elle est essentiel- lement mise en scène par les médias et la grande presse, que le personnage de l’intellectuel, le donneur de sens, fas- cine. Mais l’hypervisibilité de celui-ci ne va pas sans revers : la reconnaissance du plus grand nombre est désormais fournie par les médias. Face à cette médiatisation, la tendance est au repli, à la retraite, ce dont témoignent le silence de beaucoup d’universitaires et leur refus de céder aux sirènes de la médiatisation.

Mais n’y a-t-il pas d’autre alternative que cette oscillation entre le repli des spé- cialistes et le dévergondage médiatique ? La publication récente d’un Dictionnaire des intellectuels aux éditions du Seuil, qui a immédiatement et immanquablement donné lieu à des polémiques, n’est pas sans apporter des éclairages. Les deux historiens, Jacques Julliard et Michel Winock, qui ont conçu le projet ont été accusés d’avoir proposé une définition restreinte de l’intellectuel « à la fran- çaise » (l’intellectuel : « un homme ou une femme qui applique à l’ordre politique une notoriété acquise ailleurs ») et d’avoir cédé à la tentation de l’histoire immédiate, c’est-à-dire d’avoir voulu sélectionner les downloadModeText.vue.download 430 sur 602

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429 intellectuels contemporains au risque de manquer de la distance critique qu’exige le travail historique.

Si l’on met entre parenthèses les polé- miques parisiennes (qui a été oublié ?), ce dictionnaire exprime un décalage entre la période contemporaine et l’histoire de la vie intellectuelle qui a précédé. Alors que l’intellectuel contemporain apparaît souvent comme une figure isolée et nar- cissique, celle dont les médias s’emparent momentanément, il est aisé d’observer, avec les nombreux articles du diction- naire portant sur des institutions, des lieux, des espaces (les rubriques « lieux » et « moments » sont plus riches et origi- nales que la rubrique « hommes »), que la vie intellectuelle a été liée, en France, à des institutions « autonomes » se dis- tinguant doublement du monde de la presse et de l’université. Engagé ou non, l’intellectuel est celui qui joue un rôle sur la place publique sans avoir à reconnaître une allégeance à une profession ou à une institution publique. Dès lors, l’intel- lectuel est un créateur d’espaces margi- naux et libres et, surtout, il s’engage au sein de ces institutions (revues, collèges, réseaux...) dans des aventures collectives qui entretiennent avec d’autres des rap- ports polémiques. Deux des intellectuels contemporains les plus connus, Alain Finkielkraut et Bernard-Henri Lévy, en ont tiré les leçons, ils ont l’un et l’autre créé une revue, respectivement le Messa- ger européen et la Règle du jeu.

Le débat sur les intellectuels est au- jourd’hui souvent tronqué, car il consi- dère comme des intellectuels ceux que l’on voit le plus sur l’écran. Or, il y a bien une vie intellectuelle qui correspond à des collectifs et à des lieux où la produc- tion prend corps. Puisqu’on évoque ici un dictionnaire, la récente publication de deux dictionnaires de qualité, et corres- pondant à un travail en profondeur, mé- rite l’attention et suscite le plus profond respect (voir le Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, sous la direction de Monique Canto, PUF ; le Dictionnaire de philosophie politique, sous la direction de Philippe Raynaud et Stéphane Rials, PUF). À ceux qui veulent croire que la vie intellectuelle est en voie de dispari- tion ou qu’elle se résume aux seuls intel- lectuels médiatiques et à leurs joutes ma- nichéennes, ces publications montrent qu’une vie intellectuelle digne de ce nom existe.

La tentation négationniste de l’ultra-gauche

Si l’affaire Garaudy et les revirements pathétiques de l’abbé Pierre, qui avait cautionné dans un premier temps des écrits révisionnistes de son ami Roger Garaudy – les Mythes fondateurs de la politique israélienne (publiés par la Vieille Taupe) –, sont encore dans les mémoires, les conflits violents qui ont opposé des militants de l’ultragauche entre eux sont moins connus. Au début de l’été, l’auteur de romans policiers Didier Daeninckx – celui-ci avait déjà mis en cause après 1989 les alliances entre « bruns » (gauche com- muniste) et « rouges » (droite fasciste) – accusait publiquement des membres de l’ultragauche d’avoir des sympathies pour les thèses négationnistes de Fauris- son. En visant nommément des écrits de Serge Quadruppani et de Gilles Dauvé publiés, en ce qui concerne celui-ci, dans des revues comme la Guerre sociale ou la Banquise, et en reprochant à l’écrivain downloadModeText.vue.download 431 sur 602

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Gilles Perrault de les soutenir (« L’ultra- gauche ne brille pas toujours par le bon goût. Ce n’est point, il est vrai, son objectif premier. ») dans sa préface à un ouvrage collectif – Libertaires et ultragauche contre le négationnisme –, Daeninckx attirait l’attention sur la tentation révi- sionniste de l’ultragauche. Une tentation déjà ancienne au demeurant : le glisse- ment d’un communiste déporté comme Paul Rassinier, l’auteur d’Auschwitz ou le Grand Alibi, qui vient de faire l’objet d’un ouvrage (Comment l’idée vint à Monsieur Rassinier, par Laurent Brayard, Fayard, 1994), en témoigne. Par ailleurs, la librai- rie La Vieille Taupe, qui regroupe autour de Pierre Guillaume une mouvance anarcho-marxiste, a édité après 1979 des écrits négationnistes, à commencer par ceux de Faurisson.

Tout en rappelant le rôle de ces « as- sassins de la mémoire » (Pierre Vidal- Naquet), Daeninckx souligne également le réflexe idéologique qui est à l’origine de la dérive négationniste. Pourquoi ces auteurs cherchent-ils à relativiser le génocide nazi ? Pour Gilles Dauvé, par exemple, ce n’est pas Auschwitz qui permet de comprendre le nazisme mais l’inverse. « Cette mouvance, écrit-il, dé- nonce avec la même virulence le système capitaliste, dont le nazisme et le fascisme seraient des formes particulières, et le sys- tème stalinien. Pour elle, il n’y a pas de différence à établir entre toutes ces formes. D’où la tentation d’en banaliser certaines, comme la barbarie nazie, quitte à nier certains faits historiques. » Afin de ne pas opposer à tous les malheurs du monde, ceux du tiers-monde par exemple, un malheur plus grand, les négationnistes de l’ultragauche ont cherché à « faire sauter le verrou génocidaire » pour mieux relan- cer le processus révolutionnaire. Si des militants de l’ultragauche sont passés à l’extrême droite, d’autres revendiquent un négationnisme aux potentialités révolutionnaires.

S’il est indéniable que l’« antiju- daïsme » de l’abbé Pierre a pu être attisé par des Italiens militants de la cause pa- lestinienne exerçant une influence né- faste sur lui (voir Pierre-André Taguieff, in Esprit, août-septembre 1996), il ne faut pourtant pas en tirer de conclusions hâtives et imaginer que toute l’extrême gauche a été gangrenée par le néga- tionnisme. Ainsi, Jacques Baynac, alors membre de la Vieille Taupe, protestait dès 1980 contre la banalisation de ces thèses par Pierre Guillaume et ses proches.

OLIVIER MONGIN

Directeur de la revue Esprit downloadModeText.vue.download 432 sur 602

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LITTÉRATURES

Des esprits chagrins voient les nuées menaçantes persister et l’avenir du livre compromis, d’autres découvrent de belles éclaircies et l’annonce d’un ciel plus bleu. La raison première des craintes comme des espoirs est la même : l’abon- dance et la diversité des publications. En ces temps de « performances », encore une fois, des records sont battus : 296 ro- mans (dont 74 premiers romans) pour la rentrée 1996, contre 217 en 1995, et un nombre également croissant de tra- ductions (193 romans étrangers, contre 171 en 1995). Ce foisonnement, que l’on peut estimer un signe de bonne santé, suggère aussi une surproduction voilant l’impossibilité de prévoir une demande qui cependant, contrairement aux pré- visions pessimistes, n’est pas en recul. En revanche, la singularité de l’oeuvre déter- mine des réponses singulières, sans qu’il y ait de véritables phénomènes de mode ou des tendances affirmées. Et com- ment se retrouver dans cette forêt vierge, sans jamais rencontrer de pistes tracées, content de s’arrêter devant telle ou telle floraison, s’extasiant alors sur la vitalité de la création tout en s’interrogeant sur la survie de ces oeuvres menacées par la prolifération ? La littérature française

Où sont les parcs à la française quand les écrivains, dans l’ensemble, ne recon- naissent plus ni maîtres ni écoles ? Dis- parus dans le passé, les bouleversements surréalistes ou le « nouveau roman », comme si Mai 68, par ailleurs effacé (sauf dans l’Organisation de Jean Rolin, rela- tant non sans dérision la vie des militants gauchistes en 1968), n’avait légué qu’un slogan déformé : « interdit d’étiqueter » ou de « théoriser » !

Égotropisme

Chaque auteur part de lui-même, avec pour bagage sa propre affectivité, décri- vant sa rencontre avec un monde le plus souvent limité s’il est contemporain, ne consentant à élargir le champ que lorsqu’il s’agit de recréer une époque disparue ; jouent alors les diaprés de la mémoire. Dans tous les cas, l’univers extérieur re- cèle une menace ; certains critiques en déduisent la présence d’une inquiétude millénariste, oubliant que siècles et mil- lénaires ne sont qu’invention humaine. Plus important serait sans doute le rôle de l’angoisse suscitée par les bouleverse- ments du siècle, aiguisée par l’avalanche des informations à la fois terribles et fragmentaires, contribuant à l’image d’un univers condamné au désordre, excluant jusqu’à la possibilité d’un idéal jugé sans cesse plus utopique.

Éclairée par le soleil du moi, l’oeuvre puise en son rayonnement la seule connaissance possible, qui est d’ordre sensible, et qui s’oppose au discours or- donné des sciences humaines. Ainsi dis- paraissent les références à la psychana- lyse, ou à la sociologie, ou à tout « logos » porteur de principes, tandis que les allu- sions à d’autres arts se multiplient.

Si bien que la littérature française d’aujourd’hui ne se reconnaît plus de porte-parole mais fait s’élever un concert souvent discordant de voix qui, renon- çant à l’élaboration théorique (à de rares exceptions près), se consacrent au dit à la downloadModeText.vue.download 433 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997 432 fois fragmentaire et éphémère d’un « je ». Ce triomphe de l’individualisme est gage de liberté, mais l’influence du roman français à l’étranger y perd, comme en témoigne une diminution constante des traductions, en particulier dans les pays anglo-saxons.

Déguisements du moi

L’auteur met un masque où s’inscrivent ses craintes et ses désirs, et rêve à un iti- néraire possible, conscient que le monde le manipule. C’est aussi une façon de rendre la réalité – cet environnement impitoyable auquel se blesse la sensibi- lité – supportable... Si d’un livre à l’autre diffèrent les chemins empruntés, les fins sont le plus souvent un constat d’échec, interrogation ou acceptation provisoire de l’intolérable. Le narrateur de Christian Bobin, dans La plus que vive, fait cepen- dant exception : la célébration lyrique et répétitive de l’aimée défunte s’organise en quatre étapes que résument quatre mots : « manque, faille, déchirure, joie... », car nous avons affaire à la recherche d’une plénitude spirituelle. Gilles Leroy (les Maîtres du monde) ne propose aucune quête rédemptrice pour le narrateur Da- vid, que sa laideur, opposée à la beauté de l’élu Lucas qui se détourne de lui, fascine. La laideur est comme une éclipse de l’être nimbée de la couronne flamboyante de la lumière du mal. Si le monde de Chris- tian Bobin est quasi intemporel, celui de Gilles Leroy est d’aujourd’hui : Lucas devient chanteur de rock, et abîme sa beauté dans les stupeurs de la drogue.

Dans l’Enfant perdu, Cédric Morgan entremêle trois voix, dont la plus impor- tante est la plus ténue : celle de l’enfant qui, chaque nuit, sent se glisser dans ses rêves un inconnu menaçant qu’il appelle « le chat ». Le « je », pour dire l’effroi et la blessure, se nourrit de l’enfance et du rêve. La narratrice de Régine Detambel (la Verrière) reconstruit son adolescence, déchirée par l’affrontement avec la mère, et s’évade sous le vitrage où vit Mina, la conteuse qui introduit la dimension du mensonge. Louis-Charles Sirjacq assène d’entrée, dans Comment j’ai tué mon chat : « Je suis un assassin, un monstre... », et ce récit dérisoire, fondé sur le meurtre de l’animal, implique une dénonciation grinçante de soi et aboutit à une accep- tation de vivre moralement bancale. La vibration est plus profonde chez Alain Veinstein (l’Accordeur) : le « je » est né sous les bombardements, a perdu père et mère et s’éprend finalement de la femme de son fils. Par-delà le récit se perçoit l’inquiétude issue de la Shoah – une vie désaccordée dont le seul accordeur est la mort. La narratrice de Pascale Roze (le Chasseur Zéro, prix Goncourt) est hantée par l’ombre, planant sur sa propre desti- née, de l’avion de chasse japonais qui a tué son père.

Le « je » peut revêtir l’apparence d’un personnage célèbre. Ainsi Brigitte Her- mann s’approprie-t-elle Descartes (His- toire de mon esprit ou le Roman de René Descartes) ; ses notations se mêlent sub- tilement aux combats spirituels du prête- nom, qui s’interroge sur l’Europe déjà di- visée ou sur l’existence de Dieu. L’artifice du « je » parlant de l’au-delà ne fait que faciliter l’insertion de l’auteur, de même que le recours à la première personne dans la frémissante biographie roman- cée de Jean Rhys la maudite (Jean Rhys la Prisonnière) permet à Christine Jordis de faire sienne l’existence de cet écrivain qui, downloadModeText.vue.download 434 sur 602

CULTURE

433 dans ses livres, enchaînait déjà sensations physiques et sentiments.

Les profondeurs du quotidien

L’écriture nourrie de la subjectivité, col- lectionnant des éclats de sensation, forme aussi la trame de récits fondés sur un quotidien où tantôt jouent des lumières imprévues, tantôt s’ouvrent des interstices qui laissent deviner des pro- fondeurs menaçantes. Ainsi Éric Holder (Mademoiselle Chamhon) conte l’impos- sible rencontre d’une institutrice et d’un maçon d’origine portugaise dans une banlieue lointaine où des drames sont en suspens. Dans Hôtel maternel, Marie Le Drian suit une fille mère échouant dans un centre d’accueil ; autour rôdent des ombres. À cette morosité angoissée Jean-Pierre Ostende est peut-être le seul à trouver remède avec le grand dadais qui, dans la Province éternelle, en ache- tant une parcelle dans un lotissement, retrouve les merveilles du « petit jardin », ou est-ce ici l’écrivain qui est encore ca- pable de voir l’incongruité de certains rapprochements, ou de dresser des in- ventaires insolites ? Marie Ndiaye (vingt- six ans, 6 romans), s’attardant également sur une famille de banlieue (la Sorcière), introduit, quant à elle, la dimension de la magie, et en joue avec habileté.

Pour décrire à la fois la médiocrité et le mystère de l’existence, certains ont re- cours à l’ancien procédé de la fable. Ainsi Jean-Baptiste Harang (Gros Chagrin) conte-t-il les mésaventures d’un homme prisonnier d’un socle dont il aura bien du mal à se libérer. À cet humour cor- rosif répond l’ironie cinglante de Marie Darrieussecq (Truismes) qui, reprenant un thème odysséen, change tout bonne- ment son héroïne en truie et sans doute les hommes en cochons. Fables amères et sans morale mais non dépourvues de talent.

Daniel Boulanger et surtout Béatrix Beck (quatre-vingts ans) font figure d’an- ciens parmi ces romanciers de l’effleu- rement d’un quotidien insaisissable. Le premier continue avec le Miroitier une oeuvre discrète qui compose en quinze romans une série de paysages brumeux tirés d’une France encore provinciale, où la vie est dans « tous les si que vous ima- ginez... » ; tandis que Béatrix Beck (Pré- noms) esquisse des instants de vie où, par la grâce d’un art minimaliste, quotidien et bizarre se fondent.

La trame de la mémoire

La confusion du réel et de la fiction passe non seulement par les fulgurances de la sensation (comme dans Gazo, de Phi- lippe de La Genardière, dont le narrateur, pompiste sur le périphérique, est imbibé des vapeurs de l’alcool, de l’essence et du rêve), mais plus encore par la mémoire, dont le premier exercice littéraire est l’autobiographie, avouée ou non. Ainsi les Petits Soldats, premier livre estimable de Yannick Haenel, fait le récit, pétri de souvenirs personnels, de l’éducation plus soldatesque que sentimentale d’un élève de prytanée. Boris Schreiber, faisant le compte de sa vie (Un silence d’environ une demi-heure, prix Renaudot), signe le plus gros livre de l’année : un silence de plus de 1 000 pages ! Ce Juif polonais, né à Pa- ris, traverse avec esprit les heures noires du siècle et, de façon atypique, tout en suggérant l’insoutenable, dit aussi la joie downloadModeText.vue.download 435 sur 602

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434 de vivre.

Dans les deltas mouvants de la mé- moire, pour retrouver son chemin, il faut placer des repères métaphoriques, ce dont témoignent certains titres. Ain- si dans le Caillou de l’Enfant-Perdu, où Eugène Nicole redécouvre son départ de Saint-Pierre-et-Miquelon, sa traver- sée, son installation et sa vie en métro- pole, il s’agit de la pierre-récif que revoit l’enfant, l’îlot battu par les vagues aux confins de l’archipel originel. Le chemi- nement peut conduire à une vision para- lysante, comme celle d’Élisabeth Gille dans Un paysage de cendres, suivant pas à pas une autre enfant perdue, échappée aux rafles à l’âge de cinq ans, recueillie clandestinement et, adulte, s’enfonçant dans les retombées cendreuses de l’Ho- locauste. Parfois la mémoire s’interroge sur ses origines : Robert Solé (la Mame- louka) reconstruit une époque, celle des années 1890, où évolue une femme pho- tographe éprise d’indépendance ; cette recherche du temps perdu, poursuivie déjà dans deux précédents ouvrages, se fonde sur l’histoire d’une population francophone d’Égypte dont Solé est issu. Plus audacieux encore, Alain Gerber (sans doute parce qu’il a derrière lui une oeuvre importante) ne craint pas de com- poser, également autour d’un personnage de femme, une ode aux quatre saisons (Quatre Saisons à Venise) dans cette cité imprégnée de souvenirs littéraires, et c’est en même temps un hommage à des maîtres : Gabriele D’Annunzio, Ernest Hemingway, Luchino Visconti, Italo Svevo.

Composition L’hommage avoué aux maîtres constitue un exemple presque unique ; souvent, le souci d’une composition élaborée se manifeste, sans définir pour autant une théorie, plutôt par référence à d’autres arts. Art de l’acteur et de sa multiplicité dans le livre de Bernard Pingaud, Bartol- di le comédien, où, dans un jeu complexe de miroirs, se mêlent des personnages réels et des êtres fictifs, tandis que s’éla- bore l’interrogation sur la véracité d’un destin de comédien. Il s’agit de la mise en question de la technique littéraire elle- même ; Marie-Claire Blais, quant à elle, fait s’interroger les personnages de Soifs sur la décadence de l’Amérique, cela dans un livre « composé » comme une suite de monologues intérieurs guidée par la ligne mélodique de l’oratorio de Beethoven, le Christ au mont des Oliviers. De son côté, Jean-François Kervéan greffe l’intrigue de l’Ode à la reine sur l’Ode pour l’anni- versaire de la reine Anne de Händel.

Les malheurs de la guerre

Massacres, attentats, misère, populations déplacées jonchant le sol de leurs morts : des images auxquelles nous semblons accoutumés. Il ne faut pas s’étonner alors qu’elles ne résonnent dans nos livres que comme des échos. Mais les romanciers, en se refusant à juger, n’apportent pas non plus de témoignage sur ces déchirements. Quand la présence de l’horreur se mani- feste, c’est par l’entremise de l’Holocauste, dont la grande ombre s’étend encore sur les esprits – souvenirs déjà, pour aussi intolérables qu’ils soient.

Quelques romans, cependant, vont à l’encontre de cette tendance, tout en re- courant encore au miroir de la conscience solitaire où se réfléchit la continuité des souffrances. Ainsi médite, en Provence, downloadModeText.vue.download 436 sur 602

CULTURE

435 dom Aymar, prieur de chartreuse, au sommet d’une tour d’où s’imposent à lui les visions de la Méditerranée ensanglan- tée sur ses deux rives, depuis le débar- quement de 1944 jusqu’à la guerre civile d’aujourd’hui (Michel Séonnet, la Tour sarrasine). Une sorte de fatalité de la haine lui apparaît, rythmée par la référence aux anciennes sixtines : « mer, poussière, guerre, lumière, terre, prière ». À cette in- terrogation tragique de la foi répond celle non moins tragique de la culture piétinée dans les Deux Fins d’Orimita Karabego- vic de Janine Matillon. Que ressent une jeune intellectuelle d’origine musulmane prise dans la guerre entre la Croatie et la Serbie, n’ayant pour tout viatique que quelques vers désespérés de Mallarmé ? « Ensemencée », comme d’autres étu- diantes, par le conquérant serbe, la voilà enfin libre et décidée au meurtre de l’en- fant qu’elle porte – devenue, se demande- t-elle, semblable aux assassins qui l’ont torturée ? Seuls les Moi volatils des guerres perdues de Ghassan Fawaz osent peindre une fresque, un Guernica du Liban, où les personnages s’éparpillent sous les rafales des affrontements multiples, tandis que s’effondrent villages et espoirs. Il est vrai que l’auteur est fils de ce Liban déchiré et que sa langue elle-même sent la poudre et le sang.

Les blessures du temps

(essais et documents)

Les ouvrages du savoir déboulent en avalanche (plus volumineuse encore que celle du roman – quatre cents titres et quelques, à la rentrée seulement !). Beaucoup sont des ouvrages hautement spécialisés, issus du monde universitaire, qui témoignent d’abord de la parcellisa- tion sans cesse accrue de la connaissance. Est-ce un hasard si l’helléniste Jean- Pierre Vernant (Entre mythe et politique) s’interroge sur les rapports entre son exis- tence et sa conscience de citoyen, et ses recherches sur le lieu où apparut l’idée de démocratie ? Et ce secteur historique, de loin le plus considérable, n’aligne-t-il pas analyse après analyse sur la période cri- tique de Vichy, considérée comme le pé- ché originel de notre république (voir par exemple François Bloeh-Lainé et Claude Gruson, Hauts Fonctionnaires sous l’Oc- cupation) ? La médiocre querelle autour de Clovis démontre cependant la néces- sité de retrouver des mythes fondateurs, permettant à Pierre Bergé d’en faire un plaidoyer pour la laïcité (l’Affaire Clovis). Et lorsqu’un essayiste comme Tzvetan Todorov, évadé autrefois du totalitarisme bulgare, s’interroge sur la condition hu- maine (l’Homme dépaysé), il conclut tra- giquement : « L’histoire apparaît comme une série d’occasions manquées... »

Parmi les nombreuses biographies, il faut relever Primo Levi, la Tragédie d’un optimiste de Myriam Anissimov qui insiste sur l’existence et la terreur des camps, comme si cette affirmation était de nouveau nécessaire. À Paulhan le juste de Frédéric Badré correspond la publica- tion du tome III et dernier (1946-1968) du choix des Lettres de Jean Paulhan, qui débute par la période dite « de l’épura- tion ». Derrière l’interrogation sur le sens de la vie dans notre société, et indépen- damment du talent épistolaire de celui qu’on qualifia d’éminence grise des lettres, semble apparaître le regret d’un temps où ce mot avait un sens, temps où l’on trou- vait des repères littéraires, tel André Gide dont Éric Marty a entrepris la réédition, downloadModeText.vue.download 437 sur 602

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436 cette fois complète, du journal (Journal : 1887-1925). Ce qui intéresse maintenant n’est plus tant l’oeuvre voulue par l’auteur, que la présence d’un homme qui sous ses différents masques s’interroge : « Je m’in- quiète de ne pas savoir qui je serai, je ne sais même pas celui que je veux être... » La publication dans la Pléiade des tomes II et III des oeuvres d’André Malraux, dont un inédit, celle de sa biographie par Jean-Francois Lyotard, Signé Malraux, et surtout la place considérable que lui a consacrée la presse à l’occasion du trans- fert de ses cendres au Panthéon (23 no- vembre 1996), vont dans le même sens. Michel Malicet et Pierre Glaudes réta- blissent aussi les coupes dans leur édition du journal de Léon Bloy (Journal inédit 1892-1895) : cet homme qui s’efforce de « subsister sans groin dans une société sans dieu » peut représenter un autre père spi- rituel, assez éloigné pour ne pas gêner.

Dans un monde où les valeurs s’étio- lent, la question de l’éthique resurgit. Rüdiger Safranski revisite l’interminable querelle autour de Heidegger (Heideg- ger et son temps) ; l’on y découvre toutes les faiblesses de l’homme, sur le plan amoureux comme sur celui, plus lourd de conséquences, du politique, contre- points à l’exigence du philosophe qui se voulut « sentinelle du néant ». D’aucuns, comme Roland Jaccard (le Cimetière de la morale), dans la lignée d’un Cioran, disent la morale bien morte ; d’autres cherchent de nouvelles règles, ainsi Marie Duflo (Pour des morales par provision) ; François Jullien, lui, a recours à la Chine et au XVIIIe siècle : Fonder la morale : dia- logue de Mencius avec un philosophe des Lumières.

La littérature traduite

Ce domaine est également placé sous le signe de l’abondance, à quoi il faut ajouter la diversité des origines et la dispersion dans le temps (ce pourquoi nous indi- quons la date de parution originelle). Si le choix éditorial s’efforce à un semblant d’ordre, il reste plutôt fondé sur l’idée prê- tée au lecteur – éventuellement séduit par l’actualité – au sujet de tel ou tel secteur du monde. Les têtes de nos chapitres re- fléteront dès lors ces préjugés, sans pour autant les justifier.

Parler de littérature étrangère, c’est également rappeler les risques de la tra- duction : il nous sera parfois difficile de juger un style. Enfin, sur les 22 langues traduites cette année, la prédominance de l’anglais subsiste, d’autant que de nombreux auteurs adoptent cette langue, celle de l’éducation et souvent même de toute culture écrite dans bien des pays, ainsi que celle par laquelle ils peuvent espérer se faire connaître. Le tout com- pose un paysage kaléidoscopique où les interrogations sur la condition humaine, constante de la littérature, se manifestent avec force et souvent avec plus de volonté et de vigueur que dans la littérature fran- çaise d’aujourd’hui.

Perverse Albion

Deux auteurs reviennent, l’un à suc- cès, Daphné Du Maurier (1907-1989) – quatre romans réédités, dont Rebecca (1938) –, l’autre typiquement « british », Somerset Maugham, qui régna sur le théâtre et le roman de l’avant-guerre (Ro- mans). Serait-ce avec perversité que ce dernier met à nu les hypocrisies de la so- ciété ? Non, l’écriture est élégante et la dis- downloadModeText.vue.download 438 sur 602

CULTURE

437 tance ironique. Et si la première a essen- tiellement une réputation romantique, elle sait retracer la fatalité des passions et suggérer que l’être humain ne trouve pas le bonheur dans la vertu ! Mention- nons également la redécouverte de David Garnett (quatre livres publiés dont les rééditions de Un homme au zoo [1924] et Elle doit partir [1927]), qui d’un tou- cher léger rend la folie du monde. Anita Brookner, dans la lignée des romancières du XIXe siècle, peint, sur le mode mineur, le tragique tableau des déceptions d’une Française mariée à un Anglais (Inci- dents rue Laugier, 1985). Charles Palliser nous entraîne dans un labyrinthe hérissé de chausse-trapes (Trahisons, 1994) et concocte un breuvage méphistophélique à base de mystère, de crime et d’érudi- tion. Peter Ackroyd, représentant envoû- tant de la veine romanesque de recréation du passé, fait découvrir à un personnage médiocre, piégé dans la maison d’un al- chimiste médiéval (la Maison du docteur Dee, 1993), la passion mortelle du vision- naire. Penché sur la même période, Barry Unsworth, dans Une affaire de mora- lité (1995), où une troupe de comédiens errants recrée un meurtre sur le tréteau, propose un jeu subtil sur le théâtre, l’art d’écrire et le sens de la vie. Dans une autre veine, Chair de ma chair (1994) de Michèle Roberts, impudique et beau, célèbre le corps et la recherche de la fémi- nité, excellent antidote au livre à scandale de Helen Zahavi, True Romance (1994), « remake » d’Histoire d’O à la perversion faisandée.

Et paraît enfin l’étonnante épopée Owen Glendower (1941) du Gallois de coeur et écrivain maudit que fut John Cowper Powys – objet littéraire non identifiable à la fois provocant et naïf, pétri de beautés et de confusion, où un prince celte rêve d’arracher le pays de Galles à la tutelle de l’Angleterre.

Trèfle et tourbe

Autre pays celtique cher à l’imaginaire français, la verte Irlande du tumulte et du tragique. L’édition complète d’Oscar Wilde réhabilite un de ses fils, qui passait au mieux pour homme d’esprit et de para- doxe et qui, blessé, dit sans fard ses souf- frances dans De profundis. En terre d’exil, il faut montrer esprit de répartie et force pour survivre, et l’exil demeure souvent pour l’écrivain d’Irlande le parcours obli- gé, comme le démontre encore l’énorme autobiographie de Sean O’Casey, dont pa- raît le dernier volume : Coucher de soleil et étoile du soir (1954). William Trevor s’est dit contraint de vivre en Angleterre pour son travail ; s’il a choisi la discrétion dans la vie comme dans ses livres, cependant, le Voyage de Felicia (1994), dont l’héroïne débarque en Angleterre et rencontre un Anglais trop aimable, s’enfonce douce- ment dans les abîmes. Méfions-nous néanmoins des clichés et, en particulier, de celui d’écrivain « irlandais », comme le rappelle Colm Toibin dans Bad Blood, pérégrination le long de la frontière irlan- daise (1987). John McGahern (les Créa- tures de la terre, 1994), avec un sens mer- veilleux de la litote, demeure fidèle à la description des péchés et de la tourbe de son pays, tandis qu’un des nouveaux ve- nus, Patrick McCabe (le Garçon boucher, 1992), suit, sur le rythme d’une ballade, la démarche obsessionnelle d’un adolescent qui ira jusqu’à l’assassinat, révélant l’in- fluence américaine. Joseph O’Connor (les Bons Chrétiens, 1991) narre dans ses nou- downloadModeText.vue.download 439 sur 602

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438 velles les amours tragiques d’un membre de l’IRA, et, surtout, la lutte quotidienne des Irlandais contraints de chercher des petits boulots en Angleterre, démontrant encore la dépendance de son pays où seuls quelques poètes écrivent en langue irlandaise, choisissant un public forcé- ment restreint s’ils ne sont pas traduits.

Les enfers américains

Penser roman, ce fut souvent penser Amérique et qui nierait l’influence de ces ouvrages du Nord puis du Sud qui appor- taient un sang neuf à la vieille Europe ? Depuis quelques années, ces oeuvres sont de plus en plus caractérisées par l’immer- sion dans un univers de violence. Plus de redresseur de « rêve américain », seule- ment des êtres tantôt saisis par la fureur, tantôt réduits à la stupeur et, parfois, pas- sant d’un état à l’autre sans transition. La structure romanesque et le style s’en res- sentent. En faisant entendre les mots de sa terre et leur son, Mark Twain inventait le roman américain au XIXe siècle. Les ro- manciers d’aujourd’hui encombrent leurs textes de toutes les crudités et obscénités quotidiennes et répétitives.

Une nouvelle traduction du premier livre de Cormac McCarthy, le Gardien du verger (1965), révèle qu’il ne se re- connaissait alors que dans l’abandon de l’aspect positif du mythe américain, n’en retenant que l’espace vide et l’errance. Il ne maîtrisait pas encore cette violence cosmique, tableau d’une lutte éternelle, que traduisent notamment des dialo- gues froids insérés sans repères dans le corps du récit. Un autre maître, John Edgar Wideman, noir celui-là et issu des ghettos, décrit la nouvelle exclusion : fondé sur un incident politique réel, son roman fouille les décombres d’une maison brûlée avec ses occupants par la police, dans la ville où fut proclamée la Déclaration d’indépendance (l’Incendie de Philadelphie, 1990). Son style rappe, feule, fait vibrer pulsations et syncopes. Cependant, parce qu’il est noir, peut- être, on y pressent encore une revendi- cation et un semblant d’espoir. Ce n’est pas le cas avec États sauvages (1994) de Stephen Wright, sorte de road movie où la route, qui n’est déjà plus celle de Jack Kerouac, ne conduit qu’à des paroxysmes sanglants. Aussi désespérée, l’immersion d’un jeune homme dans l’univers de la Mafia et des Triades chinoises : non dé- nué de culture, il devient cependant un assassin sadique et tout n’est plus que cor- ruption et violence inéluctables (Trinités de Nick Tosches, 1994). Les petits récits de Bret Easton Ellis (Zombies, 1994) montrent l’espace américain comme un vide que l’on s’acharne à oublier et où la réussite elle-même, bien que poursuivie, ne signifie plus rien. Indépendamment de la violence récurrente, ces auteurs ont en commun le rapport avec le nouveau cinéma américain dans une esthétique qui, se fondant avec la réalité, ne permet plus de distinguer le vrai du faux et agit par chocs successifs. Après cette descente aux enfers où le grand rêve de l’Amérique a éclaté en images cauchemardesques, il serait bon de revoir l’ancienne tragé- die fondatrice, celle de l’extinction d’un peuple et de la perversion de son souve- nir, grâce à la réédition du livre d’un In- dien authentique, James Welch (Comme des ombres sur la terre, 1986).

À l’Est, du nouveau ?

Si les violences de l’Amérique paraissent downloadModeText.vue.download 440 sur 602 CULTURE

439 contagieuses, voulons-nous désigner les épicentres des secousses du siècle que nous tendons le doigt à nouveau vers l’Europe, vers l’Est – et vers le fascisme, dont subsiste le potentiel délétère. Ainsi s’interroge un écrivain de langue alle- mande, Gregor von Rezzori (la Mort de mon frère Abel, 1976), qui conjugue ambitieusement l’histoire du siècle, une trame romanesque, le journal intime et l’autobiographie : « Nous souffrons parce que notre histoire est en contradiction avec notre culture. » De Berlin-Est nous viennent plus récemment les tourments de l’esprit après la chute du mur : la réuni- fication mentale n’est pas plus aisée que la nationale (Christa Wolf, Adieu aux fan- tômes, 1994). Traitant du tissu déchiré de l’Europe, l’Albanais Ismail Kadaré (Spiri- tus, 1996) enchevêtre une intrigue com- plexe : des enquêteurs étrangers s’obsti- nent à trouver un sens, qui ne peut que leur échapper, à un monde chaotique où quelques années plus tôt la police tentait de faire parler les morts. De Tchécoslo- vaquie (du temps où elle était une) nous vient un ancien roman fable (la Guerre des salamandres, 1936) par lequel Karel Capek dénonçait déjà « l’humanité, cet immense organisme mal bâti » et sa pa- rade de grands bavards prétentieux. Cet humour noir, voire cet esprit farcesque, beau masque dissimulant une inquié- tude profonde, se retrouve encore dans les textes des deux grands écrivains hon- grois des années 20, Dezso Kosztolanyi (dont on réédite les Aventures de Kornél Esti, titre français d’une collection de nouvelles publiées de 1927 à 1935) et Frigyes Karinthy (Je dénonce l’humanité, titre français d’une collection de nou- velles écrites entre 1912 et 1938). Curieu- sement paraît en même temps un roman du fils de Frigyes, Ferenc Karinthy (Epé- pé, 1970), dont le héros, linguiste, s’égare dans un pays inconnu dont il ne parvient pas à comprendre la langue ; fable encore puisque ce monde, où l’individu, en proie aux vertiges de la consommation, se noie dans la foule, est le nôtre.

Si nous allons vers la Serbie, nous nous attarderons brièvement sur le ro- man, un brin mode, de Vladimir Arse- nijevic (À fond de cale, 1994) concernant les désarrois de la jeunesse serbe. Plus en- voûtant est le Prélude à la guerre (1986), de Vidosav Stevanovic, bâtissant l’his- toire d’un village – Kao – qui représente la Serbie des guerres incessantes, un livre d’une poésie désespérée qui tisse habile- ment les fils des légendes anciennes et des affrontements présents.

L’Est lointain

Dans ce périple, trouverons-nous la sagesse en allant plus loin, l’imaginant encore aux Indes, par exemple ? Dans les trois livres de Rasipuran Krishnaswami Narayan (Mémoires d’un Indien du Sud, 1973 ; l’Ingénieux M. Sampath, 1949 ; le Conte de grand-mère, 1993), il y a bien une forme de sagesse, mais mêlée d’in- quiétude et d’interrogation. Chez ce mer- veilleux conteur se retrouve l’influence du roman anglais et un humour à la Dic- kens dans le traitement des petites gens, mais toutes comparaisons s’arrêtent là : il s’agit d’univers différents si déjà l’Occi- dent s’y manifeste et crée de nouveaux désirs. Les Philippines nous révèlent un auteur de langue anglaise, Francisco Sio- nil José (le Dieu volé, titre français d’une collection de nouvelles publiées de 1983 à 1988), qui sait parler tant du passé de ses downloadModeText.vue.download 441 sur 602

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îles et de leurs nombreuses ethnies, que des difficultés du présent. Au Viêt Nam, Duong Thu Huong (Au-delà des illusions, 1987), ancienne militante et combattante, aujourd’hui dissidente, raconte l’histoire d’une femme dont le mari, contraire- ment à l’idéal qu’il professe, tire parti de la corruption régnante – pour une bonne cause : par amour pour sa femme et leur enfant. Elle finira par le quitter. Une intrigue bien peu à la mode où l’éthique l’emporte sur l’amour.

Le désenchantement du monde

De ces livres dispersés dans le temps et dans l’espace nous n’avons pu aborder qu’un petit nombre, avec le souci de faire apparaître des nouveautés ou des ten- dances convergentes. Nous avons donc négligé des pans entiers du monde, non qu’il n’en vienne aucun livre estimable, mais parce que leurs auteurs ont déjà creusé leur sillon. Quant à la vision pes- simiste qui pourrait se dégager de notre choix, rappelons que ce n’est pas la pre- mière fois qu’une époque parvient diffici- lement à trouver le sens de son existence. Comme le rappellent encore certains essais ou textes étrangers, que ce soit l’étude par Dirk Kaesler de Max Weber, sa vie, son oeuvre, son influence (1995), où apparaît le tenant d’une vision désen- chantée de l’histoire, la publication de la Correspondance complète d’Arthur Scho- penhauer, philosophe pessimiste s’il en fut, ou la traduction de la Philosophie de l’absurde (1937) de Giuseppe Rensi, dé- crivant « un monde toujours plus obscur ». Laissons le mot de la fin à Italo Calvino (Pourquoi lire les classiques, 1983) : « Si le monde est toujours plus insensé, nous pou- vons essayer de lui donner un style. »

GÉRARD-HENRI DURAND

José (Francisco Sionil), écrivain philippin (Ro- sales, île de Luzon, 1924). Après une enfance dans un village ilokano, une des ethnies de l’île, il fait ses études à Manille, devient journaliste en 1947, puis écrivain de langue anglaise, se consacrant notamment à partir de 1971 à une « saga des Rosales », qui retrace sur près d’un siècle l’histoire des Philippines. Libraire, directeur de la revue So- lidarity, qu’il a créée, il a parfois eu maille à partir avec les autorités sous le régime de Ferdinand Marcos (1965-1986). Un des premiers à explorer l’identité du peuple philippin dans de nombreux romans et nouvelles, dont certaines réunies en français dans le Dieu volé (1996), il est aujourd’hui le grand écrivain des Philippines.

Szymborska (Wislawa), poète et critique polo- naise (Bnin, 1923). La poésie du prix Nobel de littérature 1996 est à l’image d’un poète qui, formée en littérature polonaise et en sociologie à Cracovie (1945-1948), s’est tenue à l’écart de la vie publique, tout en poursuivant une activité critique, notamment avec ses poèmes-feuille- tons dans Zycie Literackie (Vie littéraire) à Cra- covie : discrète, drôle, d’une grande finesse, dans le refus de souligner la pointe, la leçon, l’ironie ou l’allusion. Le quotidien domestique signale l’attention extrême à l’environnement de l’animal humain, dont elle décrit les oeuvres du désir et de la diligence, que ce soient le savoir scientifique (constamment), les prouesses d’une acrobate (dans Sto pociech, « Cent joies », 1967), le compte rendu biblique de la femme de Loth (dans Wielka liczba, « Grand Nombre », 1977), l’histoire (Lud- zie na moscie, « Sur le pont », 1986), ou l’amour, domaine privilégié de l’ambivalence d’un être pris entre destin biologique et raison. Cela dans un monde soigneusement vidé de toute trans- cendance, sinon celle de la mémoire et de sa transcription.

Welch (James), écrivain américain originaire de la tribu des Blackfeet (Browning, réserve Blackfeet, Montana, 1940). En grande partie autodidacte, parlant une langue indienne, il excelle à recréer les ombres de l’histoire des Indiens d’Amérique du Nord : comme chez tous les écrivains indiens, le problème de l’identité et celui du métissage sont fondateurs. Dès son premier livre, l’Hiver dans le sang (Winter in the Blood, 1974), il est downloadModeText.vue.download 442 sur 602

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441 reconnu comme une voix authentique de la litté- rature indienne contemporaine, ce que confirme en 1979 The Death of Jim Loney, puis Comme des ombres sur la terre (Fools Crow, 1986).

Wideman (John Edgar), écrivain américain (Washington, DC, 1941). Élevé à Homewood, le ghetto noir de Pittsburgh, joueur de basket (l’université de Pennsylvanie, Philadelphie, le fit boursier pour l’avoir dans son équipe), étudiant brillant, il fut le deuxième Noir américain à obte- nir la bourse Rhodes permettant de passer un an à l’université britannique d’Oxford. De retour aux États-Unis, il écrit son premier roman, A Glance Away (1967), et a publié depuis une dizaine de titres, dont une chronique familiale, et, en 1984, le récit sur l’un de ses frères, en prison à vie pour meurtre, Brothers and Keepers (Suis-je le gardien de mon frère ?). downloadModeText.vue.download 443 sur 602

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CINÉMA

Du point de vue de la fréquentation comme de celui de la créativité, la saison cinématographique 1995-1996 apparaît, en France, comme un bon cru. Poursuivant le mouvement entamé début 1995, les entrées ont continué de remon- ter, tandis que les cinéphiles trouvaient nombre de motifs de satisfaction, fournis par des auteurs confirmés ou des débu- tants plus que prometteurs. Un bilan tout à fait positif ? Non. Si les indicateurs ar- tistiques et économiques sont favorables, l’inquiétude vient du côté politique, où se dessine la remise en cause du dispositif de défense du cinéma français, en par- ticulier en ce qui concerne les chaînes de télévision engagées dans les grandes manoeuvres continentales – sinon pla- nétaires – qui accompagnent l’essor des nouvelles techniques de diffusion et de consommation des images à domicile.

Un cinéma français dynamique

Les films présentés au Festival de Cannes ont donné une image signifi- cative, quoique partielle, de la vitalité de la production française, en faisant se côtoyer deux idées distinctes du cinéma. L’une, moderne, héritière de la « nou- velle vague », apparaît toujours aussi créative avec des oeuvres signées de vété- rans encore féconds (Conte d’été, d’Éric Rohmer), des metteurs en scène dans la pleine force de leur art (les Voleurs, d’An- dré Téchiné ; Irma Vep, d’Olivier Assayas, présenté au Festival de Cannes et sorti en novembre 1996), une relève déjà assurée par de plus jeunes (Comment je me suis disputé... [ma vie sexuelle] d’Arnaud Des- plechin), voire des débutants (Encore, de Pascal Bonitzer, Y aura-t-il de la neige à Noël ?, de Sandrine Veysset). À ces noms pourraient s’ajouter, parmi les signataires de films présentés cette saison, ceux de Maurice Pialat (le Garçu), Jacques Doillon (Ponette), Benoît Jacquot (la Fille seule), Philippe Garrel (le Coeur fantôme), Danièle Dubroux (Journal du séducteur), Claire Denis (Nénette et Boni), Jean- Claude Biette (le Complexe de Toulon). Et, parmi les plus jeunes, Claire Simon (Coûte que coûte)...

Mais, simultanément, on a vu se mus- cler un cinéma plus conventionnel, privi- légiant la construction scénaristique et le dialogue ciselé, préférant l’artifice et le ro- manesque au réalisme, souvent en ayant recours à la reconstitution historique et à l’adaptation littéraire. Ainsi, à Cannes. Un héros très discret, de Jacques Audiard ou Ridicule, de Patrice Leconte. Mais aus- si l’un des grands succès de la saison, Nel- ly et M. Arnaud, de Claude Sautet, et l’un des plus cuisants échecs, Mon homme, de Bertrand Blier, la confirmation de Cédric Klapisch (Chacun cherche son chat), la consécration du savoir-faire d’Édouard Molinaro (Beaumarchais), ou l’irruption de nouveaux venus tels Didier Lepêcheur (Des nouvelles du bon Dieu), Diane Ber- trand (Un samedi sur la terre) ou Laurent Bénégui (Au Petit Marguery).

Bien que non représentées dans les grands festivals, où ce n’est guère leur place, les comédies « populaires » tels les Anges gardiens de Jean-Marie Poiré (5,7 millions de spectateurs), Le bon- heur est dans le pré, d’Étienne Chatilliez (4,7 millions), les Trois Frères, de Didier Bourdon et Bernard Campan (6,7 mil- lions), Pédale douce, de Gabriel Aghion downloadModeText.vue.download 444 sur 602

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(3,9 millions) ont démontré la puissance d’impact renouvelée du cinéma commer- cial. Ensemble, ces trois types de film dessinent un espace suffisamment vaste et varié pour assurer en principe la pé- rennité d’une cinématographie – même si la saison a été endeuillée fin 1995 par la mort de l’un des cinéastes qui ont le plus marqué les esprits depuis trente-cinq ans, Louis Malle, suivie en 1996 de celle de l’inoubliable Marcel Carné.

Le cinéma à la croisée de l’économie et de la politique

La bonne santé du cinéma français s’est traduite dans les chiffres. Avec pratique- ment 130 millions de spectateurs, 1995 a enregistré le meilleur score de fréquen- tation depuis 1987, exception faite du « pic » exceptionnel de 1993. Et les neuf premiers mois de 1996 ont connu une hausse supérieure à 10 % par rapport à la période correspondante de l’année précédente. Générale, cette améliora- tion concerne davantage la province que Paris. Elle est d’autant plus conséquente qu’elle s’accompagne d’une remontée de l’audience des films français face aux géants américains. Deux phénomènes expliquent cette évolution. D’une part, la confirmation du retour en grâce de la comédie grand public – même si on a vu des spécialistes du genre, comme Gé- rard Oury avec Fantômes avec chauffeur, Patrice Leconte avec les Grands Ducs ou Didier Kaminka avec Ma femme me quitte... subir de graves échecs. Le grand spectacle historico-littéraire n’est pas non plus une garantie, comme en ont témoigné notamment les résultats décevants du Hussard sur le toit, de Jean-Paul Rappeneau. Le second fac- teur de la hausse de la fréquentation des salles tient à l’évolution de l’exploitation avec le développement des multiplexes (15 établissements de ce type, totalisant 190 écrans, avaient ouvert leurs portes au 30 juin 1996). Cet essor a donné lieu à des batailles homériques entre profes- sionnels, les distributeurs indépendants s’inquiétant d’en faire les frais, avant que les politiques ne s’emparent du dossier avec pour résultat une réglementation kafkaïenne, inspirée de celle sur l’im- plantation des supermarchés.

Le printemps 1996 a vu s’envenimer le conflit de la Femis entre les élèves et la direction de l’école de cinéma dont les dirigeants ont été remplacés : Pa- trice Beghain devenant délégué général et René Bonnell, président, après avoir été l’ancien « Monsieur Cinéma » de Canal +, d’où est également issu le di- recteur du Centre national du cinéma, Marc Tessier, entré en fonctions à l’au- tomne 1995. Dans un tout autre registre, la fin de l’été 1996 a vu se développer une polémique autour du nouveau film de Claude Lelouch, Hommes, femmes : mode d’emploi, du fait du rôle principal confié à l’homme d’affaires et politicien déchu Bernard Tapie.

Il faut enfin noter que l’un des prin- cipaux objectifs définis par les pouvoirs publics et les professionnels pour le développement du cinéma français, à savoir la reconquête des marchés exté- rieurs, notamment européens, a donné des résultats eux aussi satisfaisants, avec une hausse de 20 % durant le premier se- mestre 1996. Au chapitre de la « politique étrangère » figurent également les espoirs suscités par l’arrivée au pouvoir en Italie d’un ministre de la Culture et vice-prési- downloadModeText.vue.download 445 sur 602

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444 dent du Conseil de centre gauche, Walter Veltroni, qui a fait du relèvement du ciné- ma transalpin un cheval de bataille, lais- sant envisager aux Français des retrou- vailles bénéfiques avec ceux qui furent leurs principaux partenaires artistiques et économiques jusqu’à l’effondrement du cinéma italien à la fin des années 1970. En revanche, de sombres nuages s’amon- cellent dans les relations avec les chaînes de télévision, pour lesquelles le film a cessé d’être le meilleur produit d’appel et qui, engagées dans de gigantesques res- tructurations industrielles à l’heure de la révolution technologique des images, cherchent à desserrer la réglementation qui fait d’elles l’un des piliers du finance- ment du grand écran.

Économiquement toujours domi- nant, le cinéma américain n’a pas livré de découvertes importantes. Les formules les mieux établies continuent de donner les résultats les plus convaincants com- mercialement : en tête des best-sellers, le traditionnel « Disney » de l’année, en l’oc- currence Pocahontas, de Mike Gabriel et Eric Goldberg (au 31 août 1996, 5,6 mil- lions d’entrées). À sa suite, on retrouve le thriller (Seven, de David Fincher, 4,7 mil- lions ; le nouveau James Bond, l’un des plus réussis dans le genre : Goldeneye, de David Campbell, 3,4 millions), les films à effets spéciaux pour enfants (Toy Story, de John Lasseter, produit par Disney ; Casper, de Brad Silberling) ou « tout public » (Twister, de Jan De Bont), la science-fiction (l’Armée des douze singes, de Terry Gilliam), les films d’action à grand spectacle (Waterworld, de Kevin Reynolds ; Apollo 13, de Ron Howard ; Rock, de Michael Bay).

Les Anglo-Saxons : stabilité américaine et sursaut britannique

Il y eut peu de découvertes artistiques dans le cinéma d’outre-Atlantique, les auteurs confirmés gardant la main. Clint Eastwood a donné un splendide mélo- drame classique, Sur la route de Madison, Woody Allen, une comédie allègre avec Maudite Aphrodite, Martin Scorsese, une fresque métaphorique chez les gangsters de Las Vegas (Casino). On a retrouvé Jim Jarmusch au meilleur de sa forme avec le western allégorique Dead Man, et les frères Coen (Fargo), égaux à eux-mêmes. Déception en revanche avec les nouveaux films de Robert Altman (Kansas City), de Michael Cimino (Sunchaser) ou de Spike Lee (Girl 6), tandis que David Cronen- berg cherchait un succès de scandale avec le sulfureux mais assez vain Crash. Les bonnes surprises venues d’Amérique se résument pour l’essentiel à la double chronique poétique Smoke et Brooklyn Boogie, de Wayne Wang et Paul Auster, à un polar glacé, Heat, de Michael Mann, avec Robert De Niro et Al Pacino, et sur- tout à l’accomplissement auquel parvient un cinéaste aux films toujours passion- nants mais jusqu’alors souvent inaboutis, Abel Ferrara. Son Nos funérailles (The Fu- neral) aura été l’un des grands oubliés du discutable palmarès du Festival de Venise 1996.

Confirmant un rétablissement ob- servé depuis deux ans, le cinéma bri- tannique est à nouveau apparu comme l’un des plus dynamiques. Après Land and Freedom, sorti fin octobre 1995, Ken Loach présentait à Venise sa nou- velle réalisation, Carla’s Song, consacrée à la guerre civile au Nicaragua. Stephen Frears, sans véritablement convaincre, downloadModeText.vue.download 446 sur 602

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445 donnait un film représentatif de chacune des deux carrières qu’il mène simulta- nément : Mary Reilly, variation sur le thème de Jekyll et Hyde, témoignait pour la tendance hollywoodienne, tandis que The Van était réalisé à Dublin dans le fil de la chronique sociale qui avait donné The Snapper. La vigueur britannique a été saluée par la palme d’or décernée à Secrets et mensonges de Mike Leigh, qui conte les retrouvailles d’une famille éclatée, et en particulier d’une mère blanche et ou- vrière et de sa fille noire de milieu plus aisé, au moyen d’une mise en scène très stylisée. Un Irlandais, Neil Jordan, s’adju- geait quant à lui le lion d’or à Venise, pour Michael Collins, évocation d’un dirigeant historique de l’Armée républicaine irlan- daise. Parmi les représentants de la nou- velle génération figure Danny Boyle, dont le film Trainspotting a triomphé dans son pays d’origine et attiré l’attention par sa manière agressive d’évoquer la vie d’une groupe de jeunes drogués. Les cinéphiles les plus attentifs ont remarqué l’irruption d’un nouveau venu, Michael Winterbot- tom, dont on a pu découvrir trois titres la même année : Butterfly Kiss, traitement très personnel d’une histoire de deux tueuses en cavale, Jade, inspiré de Tho- mas Hardy, et Go Now, présenté à Venise.

Un monde ensommeillé

Le reste du monde est loin de faire preuve d’une semblable fécondité. L’Italie aura du moins attiré l’attention, de manière contrastée. D’abord avec le retour derrière la caméra, après dix ans d’interruption due à une grave maladie, de Michelan- gelo Antonioni. Secondé par Wim Wen- ders, il donne dans Par-delà les nuages – présenté à Venise en 1995 et sorti en janvier 1996 –, une méditation sensuelle et splendide sur le regard et sa mise en scène, en quatre épisodes qui sont autant d’hommages aux femmes. Dans un tout autre registre, le Facteur (production ita- lienne réalisée par le Britannique Michael Radford avec Philippe Noiret et Massimo Troisi) représente un nouveau modèle de coproduction européenne, consacré par un succès international et un oscar. On retiendra encore la découverte du remar- quable premier film de Mimmo Calop- resti, la Seconda Volta, produit et inter- prété par Nanni Moretti, et consacré aux séquelles des années de terrorisme, mais aussi la déception engendrée par le film de Bernardo Bertolucci Beauté volée.

Le bilan du reste du cinéma européen est hélas vite bouclé. Au Portugal, c’est toujours le vieux maître Manoel de Oli- veira qui reste le plus surprenant (Party, avec Michel Piccoli et Irène Papas). Le Festival de Cannes a permis la décou- verte de deux beaux films venus de Scan- dinavie : Au loin s’en vont les nuages, du Finlandais Aki Kaurismäki, poursuit avec éclat dans la comédie sociale noire et dis- tanciée chère à cet auteur ; Breaking the Waves est un remarquable mélodrame sentimental et mystique, servi par la réa- lisation audacieuse du Danois Lars von Trier et par l’interprétation exception- nelle d’une jeune actrice, Emily Watson. Cette région s’est également distinguée à Berlin, avec la récompense attribuée à la Beauté des sens du vétéran suédois Bo Widerberg. Le cinéaste belge Jaco Van Dormael remporte avec le Huitième Jour un important succès public ; découvert grâce à Toto le héros, il organise sur un mode comico-fantastique la rencontre de Daniel Auteuil et du trisomique Pascal downloadModeText.vue.download 447 sur 602

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Duquenne pour une fable pleine de bons sentiments. D’Europe de l’Est n’émerge guère que le Géorgien Otar Iosseliani, distingué à Venise pour Brigands, et le jeune Lituanien Sharunas Bartas, auteur austère et exigeant de Trois Jours, de Cor- ridor et de Few of Us.

Les « cinématographies émergentes » auxquelles le dynamisme du grand écran devait beaucoup depuis le début de la dé- cennie piétinent. Ainsi de l’Iran : le Bal- lon blanc, de Jafar Panahi, a connu un joli succès, et Mohsen Makhmalbaf a conquis son statut de grand réalisateur aux côtés de son compatriote Abbas Kiarostami grâce à la sortie du Temps de l’amour et de Gabbeh, puis à la présentation d’Un instant d’innocence au Festival de Lo- carno. Mais le raidissement des autorités islamiques à Téhéran a infligé un coup de frein à cette cinématographie sur laquelle pèsent les plus grandes inquiétudes. Le cinéma africain a été pratiquement ab- sent des écrans cette année, et en Amé- rique latine, le Mexicain Arturo Ripstein semble bien être le seul à poursuivre une carrière ambitieuse et singulière, mar- quée par la projection de Carmin profond à Venise. Quant au monde chinois, il aura lui aussi paru peu fertile. Certes, le maître taïwanais Hou Hsiao-hsien a pré- senté une nouvelle oeuvre aux partis pris artistiques et narratifs radicaux, Goodbye South, Goodbye, mais le bilan global est plutôt sombre : le nouveau film de Chen Kaige, la Jeune Maîtresse, a déçu, comme celui de la Néo-Zélandaise Jane Cam- pion. Présenté à Venise, son Portrait of a Lady, adapté de Henry James, est loin de retrouver la force des précédentes réalisa- tions de la cinéaste.

JEAN-MICHEL FRODON

Les 20 plus gros succès de l’année (milliers d’entrées en France) Les Trois Frères (Fr) 6 883 Independence Day (É-U) 5 534 Le bonheur est dans le pré (Fr) 4 933 Seven (É-U) 4 911 Pédale douce (Fr) 4 141 Mission impossible (É-U) 3 826 Le Huitième Jour (Fr/Belg) 3 555 Goldeneye (É-U) 3 488 Toy Story (É-U) 2 729 Twister (É-U) 2 508 Le Jaguar (Fr) 2 276 L’Armée des 12 singes (É-U) 2 201 Le Professeur Foldingue (É-U) 2 054 Jumanji (É-U) 2 023 Beaumarchais (Fr) 1 929 Rock (É-U) 1 875 Casino (É-U) 1 640 Ridicule (Fr) 1 596 L’Effaceur (É-U) 1 467 Babe (É-U) 1 462

Ferrara (Abel), cinéaste américain (New York 1952). Depuis ses premiers films (Driller Killer, 1979 ; Angel of Vengeance / MS 45, 1981 ; Fear City, 1984 ; China Girl, 1987), ce cinéaste indé- pendant poursuit une recherche très personnelle dans les registres du film noir, du fantastique et de l’horreur. Dans un milieu urbain contemporain aux sombres et violentes tonalités, voisines par- fois de l’expressionnisme, Ferrara pousse jusqu’au paroxysme les codes du cinéma de série, sans res- pect exagéré du bon goût, pour servir sa réflexion sur les rapports de force et la place de l’homme dans la société. Une démarche qui connaît un premier aboutissement avec King of New York (1989), grâce également à la prestation de son acteur de prédilection, Christopher Walken.

Dès lors reconnu par une partie de la critique, il systématise sa démarche avec la descente aux enfers volontaire de Harvey Keitel dans Bad Lieu- tenant (1992), puis avec la fable horrifique Snake Eyes (1994) et le détournement du film de vam- pires (The Addiction, 1995). Il aura entre-temps tenté un détour peu convaincant par un cinéma plus conventionnel avec le remake d’un classique du fantastique, Body Snatchers (1993). Présenté au Festival de Venise 1996, Nos funérailles (The Funeral) y a fait événement par la rigueur et la puissance de ce film situé dans l’ambiance des films noirs de l’après-guerre, et centré sur les downloadModeText.vue.download 448 sur 602

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447 conflits et connivences entre trois frères d’une famille mafieuse.

Leigh (Mike), cinéaste britannique (Salford 1943). Il a d’abord été comédien et metteur en scène de théâtre, expérimentant une méthode de direction d’acteurs fondée sur l’improvisa- tion. Il tourne son premier long-métrage, Bleak Moments, en 1970, mais se consacre longtemps encore à la télévision (Meantime, téléfilm, 1984), devenant l’un des chefs de file de la veine réa- liste et sociale qui a fait les beaux jours de la BBC dans les années 60, 70 et 80. Son style cinéma- tographique s’affirme avec sa deuxième réalisa- tion pour le cinéma, High Hopes (1988), portrait au vitriol de la société sous le gouvernement de Mme Thatcher, qui allie l’attention à la réalité quotidienne et une « théâtralisation » affichée, lorgnant vers la caricature. Poursuivant dans la même voie avec davantage de maîtrise et de déli- catesse, il réussit ensuite l’admirable portrait de famille qu’est Life is Sweet, présenté au Festival de Venise en 1990. Puis, adoptant un parti pris beau- coup plus stylisé, voire parfois outré, il tourne la fable noire Naked, couronnée par un prix de la mise en scène à Cannes en 1993, et qui vaut le prix d’interprétation masculine à David Thewlis. Cet excellent directeur d’acteurs poursuit dans la même veine avec la parabole familiale et sociale Secrets et mensonges (1996), à la mise en scène soigneusement construite, palme d’or du Festival de Cannes en 1996, et qui vaut à la comédienne Brenda Blethyn un prix d’interprétation.

Palmarès des festivals

Berlin

Ours d’or : Raison et sentiments, d’Ang Lee

Ours d’argent : la Beauté des sens, de Bo Widerberg

Meilleur réalisateur : Yim Ho pour Le soleil a des oreilles et Richard Loncraine pour Richard III

Cannes

Palme d’or : Secrets et mensonges, de Mike Leigh

Grand prix : Breaking the Waves, de Lars von Trier

Prix de la mise en scène : Fargo, de Joel Coen

Caméra d’or : Love Sérénade, de Shirley Barrett

Venise

Lion d’or : Michael Collins, de Neil Jordan d’Otar Iosseliani

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MUSIQUE CLASSIQUE

Sans que l’on puisse parler réellement de routine, la vie musicale française n’a pas connu cette année de révolutions ni de crises majeures, et c’est toujours le domaine lyrique qui reste le point de mire général et le lieu des mouvements les plus significatifs. On note ainsi la fin d’une ère au Festival international d’Aix- en-Provence avec le départ de Louis Erlo et de toutes ses équipes et la mort de Gabriel Dussurget. Pour le reste, on a assisté à un amusant jeu de chaises musi- cales à propos de divers changements de direction à la tête des théâtres lyriques de province et à la difficile nomination d’un nouveau directeur de la musique à Radio France. Enlisement, en revanche, du côté de l’Orchestre de Paris. L’Opéra, après la réouverture du palais Garnier, restauré, qui fonctionne à temps plein sur ses deux salles, paraît avoir trouvé sa vitesse de croisière, sous le commandement d’Hugues Gall, dont les spectacles, qui ne soulèvent pas de scandales, suscitent l’en- thousiasme du public, même si la critique ne cesse de faire la fine bouche, pour des raisons généralement plus politiques qu’artistiques. La programmation de la Cité de la musique, à la Villette, semble avoir pris un bon départ. Quant à la musique baroque « à l’authentique », elle jouit toujours d’une grande popularité, les formations « spécialisées » déployant une activité intense avec des résultats inégaux mais reçus avec une admiration égale et sans discernement.

Roberto Alagna au sommet

L’année 1996 aura marqué l’arrivée incontes- table de Roberto Alagna dans le peloton de tête des grands ténors internationaux. Ses représenta- tions de la Bohème à l’Opéra-Bastille, puis de Don Carlo au Théâtre du Châtelet, ses multiples appa- ritions sur les grandes scènes internationales en ont fait une star à part entière, statut au demeu- rant entièrement mérité. Le disque a complété cette ascension avec des enregistrements des Contes d’Hoffmann, de Don Carlo, de la Bohème et de plusieurs récitals. Ajoutons que le jeune ténor a aussi défrayé la chronique en s’attachant comme partenaire à la ville comme à la scène la belle cantatrice Angela Ghiorgiu.

Trois créations Renouveau dans le domaine de la création lyrique ? Trois oeuvres pouvant être considérées comme importantes ont été créées cette année. Au printemps, ce fut d’abord le Goya de Jean Pro- dromidès, à l’Opéra de Montpellier. Belle fresque colorée et musicalement très expressive, l’oeuvre fut très chaleureusement accueillie par le public. Moins faciles d’accès, Gogol de Michael Levinas, en septembre, à la Filature de Mulhouse et Tristes Tropiques de Georges Aperghis, en octobre, à l’Opéra du Rhin furent également des succès sans ombres, tant pour leur qualité musicale que théâtrale.

Festival d’Aix-en-Provence : une page se tourne

1996 restera à double titre comme une année sombre pour le Festival d’Aix-en- Provence. Dès lors que les diverses tu- telles eurent décidé de limoger Louis Erlo pour le remplacer par Stéphane Lissner, il ne fut plus question d’apporter les crédits nécessaires pour que l’édition 96 puisse être décente. Ce fut une exécution capi- tale en bonne et due forme. Un seul opéra, Semele de Haendel, mis en scène par Car- sen, quelques concerts et l’annonce qu’il n’y aurait plus rien avant 1998, date à la- downloadModeText.vue.download 450 sur 602

CULTURE

449 quelle on célébrerait le cinquantenaire de la manifestation en grande pompe. Place nette fut faite avec le renvoi quasi inté- gral des équipes en place, en attendant que Lissner n’arrive, avec des collabora- teurs et, surtout, un budget tout neufs... si toutes les promesses qui lui ont été faites sont tenues. Bien plus triste encore fut, le dernier jour du Festival, la disparition de Gabriel Dussurget, qui avait fondé la manifestation juste après la guerre. À plus de quatre-vingt-dix ans, il était resté une personnalité de premier plan dans la vie musicale, découvreur encore, par exemple, de Roberto Alagna. Homme de culture et de goût dans la lignée de Diaghilev, esthète et organisateur, on lui doit d’avoir donné leur première chance à quasiment toutes les grandes voix de cette seconde moitié du siècle et d’avoir su conférer au Festival d’Aix-en-Pro- vence, avec des moyens réduits, une im- portance et un prestige artistiques égaux à ceux de Salzbourg ou de Glyndebourne. Avec sa mort, c’est toute une époque qui disparaît ; une approche de la musique et du spectacle d’opéra aussi.

Chaises musicales

Vaste mouvement dans nos théâtres ly- riques pour cause de départs à la retraite ou simplement de nominations. Ce sont toujours un peu les mêmes qui resur- gissent, encore que deux figures nouvelles pour la France, aient fait leur apparition. Il s’agit, d’une part, de Gian-Carlo Del Monaco, fils du célèbre ténor, metteur en scène et directeur de divers théâtres ces dernières années et qui a été choisi pour succéder, à Nice, à Jean-Albert Cartier. La décision a surpris, car Gian-Carlo Del Monaco n’a pas la réputation d’être

économe, or toutes les mairies serrent les cordons de la bourse. D’autre part, à l’Opéra du Rhin, Rudolf Berger succède à Laurent Spielman. Au début des an- nées 90, il avait été directeur de la scène au Festival d’Aix-en-Provence, puis assis- tant du directeur à l’Opéra de Vienne. À Nancy, pour prendre la relève d’Antoine Bourseiller, c’est Jean-Marie Blanchard que l’on a désigné. Assistant de Stéphane Lissner au Châtelet, on se rappelle qu’il avait défrayé la chronique en jouant les transfuges pour remplacer Georges- François Hirsch à l’Opéra-Bastille, poste où il ne resta que peu de temps puisqu’il en partit quand Pierre Bergé céda la place à Hugues Gall. Nommé à Aix pour 1998 mais déjà pourvu du poste de directeur de l’Opéra de Madrid, Lissner laissait une place vacante au Châtelet. C’est Jean- Pierre Brossman que le maire de Paris a choisi. Il quittera donc Lyon, où l’on ne sait pas encore qui le remplacera. Il est bien évident qu’un nouveau mouvement aura lieu dès que cette succession sera connue, surtout si elle échoit à un direc- teur déjà en poste ailleurs.

Orchestre de Paris : l’attente

Semyon Bychkov ayant annoncé qu’il ne solli- citerait pas le renouvellement de son contrat en 1998, on s’attendait à ce que, avec de tels délais, un vaste choix s’offre pour une fois à l’Orchestre de Paris. Le bref passage de Stéphane Lissner comme administrateur ne fit qu’ajouter à la confusion. Il semblait s’orienter vers une solution bicéphale avec Christoph von Dohnanyi et Franz Brüggen, lorsqu’il fut nommé à Aix et à Madrid. Son successeur, Georges-François Hirsch, libéré du CSA, veut prendre son temps et restructurer la formation de l’intérieur avant de désigner un nouveau directeur musical, ce qui ne sera peut- être pas fait avant l’an 2000. Le problème majeur reste que les chefs ayant suffisamment de renom downloadModeText.vue.download 451 sur 602

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450 pour stimuler l’orchestre, attirer le public et signer avec une grande firme de disques sont tous sous contrat pour longtemps avec d’autres formations plus prestigieuses. Incertitude, donc, qui n’a pas un effet positif sur l’orchestre.

Nouveau directeur musical à Radio France

Atteint par l’âge de la retraite, Claude Samuel était tenu de partir en juin 1996. Il fallut plusieurs mois au nouveau président-directeur général de Radio France, Michel Boyon, pour résoudre ce problème. Finalement, c’est Pascal Dumay qui fut choisi. Ancien pianiste, frère du grand violoniste Augustin Dumay, il avait fait ses armes à la tête de divers festivals et tout récemment à celle des disques Erato. Son rôle sera d’autant plus délicat et important qu’il est toujours question d’une vaste réforme des chaînes de Radio France et d’un regroupement qui bouleverserait les struc- tures thématiques actuelles.

Garnier et le Capitole : tout neufs

Deux des plus illustres salles d’opéra françaises ont rouvert cette année avec un blason redoré. Le palais Garnier après dix-huit mois de fermeture a vu la fin d’une tranche de travaux de remise en l’état, un peu comme cela avait été le cas pour le Théâtre des Champs-Élysées. Une restauration discrète des ors, des blasons, des caryatides, des velours, des sièges, de l’éclairage, un rideau de scène entière- ment refait à l’identique ont redonné à la salle sa beauté initiale, sans faute de goût ni clinquant, tandis que la scène bénéfi- ciait de multiples améliorations. Début mars, Don Giovanni, en concert sous la baguette de sir Georg Solti, et Cosi fan tutte en spectacle ont inauguré une nou- velle ère pour ce lieu mondialement ad- miré, qui revient à une vie normale avec une alternance de lyrique et de ballet. Maintes fois refait, le Théâtre du Ca- pitole de Toulouse était depuis 1950 vic- time d’une redécoration qui avait voulu jouer l’austérité. On avait donc une sorte de salle de cinéma marron, d’une tristesse absolue. Nommé en 1991 à la direction du théâtre, Nicolas Joël songea tout de suite à faire entreprendre une rénovation, qu’approuva Dominique Baudis, maire de la ville. Après une année de fermeture et de spectacles à la Halle aux grains, la salle restaurée a été inaugurée le 8 novembre. Trompe-l’oeil de Peduzzi, dorures dis- crètes mais présentes, nouveau plafond, nouvelle fosse, améliorations techniques sur scène et dans les loges, nouveaux fauteuils, foyers et halls repeints, c’est un théâtre tout neuf de 1 158 places qui a accueilli la Louise de Charpentier, dans une mise en scène de Nicolas Joël, sous la baguette de Michel Plasson. Il en a coûté 51 millions, que la ville a financés pour 55 %. La Région, le conseil général et l’État ont fait le reste. Maintenant, c’est le Châtelet qui doit subir une nouvelle série de travaux pour poursuivre sa remise en état.

GÉRARD MANNONI downloadModeText.vue.download 452 sur 602

CULTURE

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CHANSON

L’année chanson restera sans nul doute marquée par l’affaire NTM (Nique Ta Mère), le groupe de rap français le plus connu de l’Hexagone. Le 14 novembre, Kool Shen et Joey Starr, les deux chan- teurs, sont condamnés par le tribunal correctionnel de Toulon à six mois de prison, dont trois fermes, et une inter- diction de chanter en public pendant six mois. Les deux artistes étaient poursuivis pour « outrages par paroles à l’égard de l’autorité publique ». Il leur était repro- ché de s’en être pris verbalement, lors d’un concert à La Seyne-sur-Mer, en juin 1995, aux policiers présents dans la salle. Ce jugement, prononcé par un magistrat ancien fonctionnaire de police, suscite une forte émotion. C’est la première fois depuis très longtemps que des artistes sont condamnés pour l’exercice de leur art (même si les faits incriminés ne visent pas directement le texte d’une chanson). Par ailleurs, cette décision de justice in- tervient dans un département marqué par une forte présence du Front natio- nal, et quelques semaines après que le gouvernement a constaté son incapacité juridique à poursuivre Jean-Marie Le Pen pour des propos ouvertement racistes. Le garde des Sceaux, Jacques Toubon, qui demande au parquet de faire appel contre le jugement, et le ministre de la Culture, Philippe Douste-Blazy, expriment leur embarras et rappellent leur attachement à la liberté d’expression, tout en recon- naissant aux policiers le droit de protester contre toute forme d’agression verbale. L’affaire NTM en est une parce qu’elle exprime les contradictions d’une époque difficile et le fossé qui sépare souvent les jeunes, notamment ceux des banlieues, des adultes et des autorités. Tout cela n’empêche pas, au contraire, le groupe de vendre plus de CD que jamais...

La chanson est aussi une affaire d’argent

En 1984, à l’apparition du CD, il s’était vendu 2,4 milliards de supports (vinyles, compacts et K7) dans le monde. Onze ans plus tard, le chiffre est passé à 3,8 mil- liards. Le CA des marchands de musique a augmenté dans le même temps de 230 %, passant de 12 milliards de dollars à 40 milliards.

En moyenne, un CD sur dix paie les pertes des neuf autres. À l’heure où les géants de l’audiovisuel orchestrent des sorties de disques mondiales, on mesure pleinement la nécessité d’imposer des quotas dans l’Hexagone. Le gros du mar- ché de la musique se fait sur une tranche d’âge qui a moins de vingt-cinq ans. Or l’uniformisation des goûts de la jeunesse est un fait établi. Les vagues successives du hip-hop et des autres modes musicaux se déclinent aux quatre coins du globe et les différences d’identités culturelles se réduisent de plus en plus.

La France – qui représente le cin- quième marché mondial – est un cas à part, car plus de 50 % des ventes sont assu- rées par des artistes dits « locaux » (contre 15 % en Allemagne, par exemple). Cette singularité est accentuée par la mise en application, le 1er janvier, de la loi sur les quotas : désormais, les radios françaises (à l’exception des radios communautaires et de musique classique) sont tenues de diffuser, entre 6 h 30 et 22 h 30, au moins 40 % de chanson d’expression française. La profession se félicite globalement de downloadModeText.vue.download 453 sur 602

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452 ce texte mais craint toutefois qu’il des- serve des artistes, notamment africains, qui ne s’expriment pas nécessairement en français, tout en rentrant dans la sphère culturelle francophone.

Malheureusement, les Sanson, Cabrel et autres Hallyday s’exportent mal et, sans la vigilance des « gardiens des quotas », il y aurait de grands risques que la rime francophone fût, à plus ou moins long terme, condamnée aux petits labels et à une expression marginalisée. Pour atta- quer le marché mondial, il faut effacer sa différence culturelle, comme l’illustre si bien la Québécoise Céline Dion, ou faire partie d’une mouvance « mode » comme Laurent Garnier, DJ français, star du monde de la techno.

Vieillissement

Un autre des effets pervers du système des quotas réside dans la difficulté que les jeunes talents ont à se faire entendre, médiatiquement parlant. Car, coincés entre la volonté politique d’imposer la langue française et un certain taux d’Au- dimat, les médias choisissent les valeurs sûres plutôt que les nouveautés. Pas ou peu de passages radio égale distribu- tion restreinte. Un disque sur deux est vendu en hypermarché. Le nombre de petits disquaires indépendants a fondu en vingt ans du chiffre de 2 000 à environ 250 aujourd’hui. Un disquaire propose au public entre 25 000 et 40 000 références alors qu’une grande surface se contente d’en exposer environ 4 000... Résultat : 10 % des titres représentent 90 % des ventes !

Le vieillissement des idoles a été une fois de plus illustré par le palmarès des Victoires de la musique mouture 1996, car il ressemble à s’y méprendre aux dix autres éditions précédentes, à quelques noms près... Les lauréats ont pour noms Véronique Sanson, Maxime Le Fores- tier (meilleurs artistes), Alain Souchon (meilleur album), Johnny Hallyday (meilleur concert) et les Innocents (meil- leur groupe). Rien de bien nouveau. Pire, la révélation féminine de l’année – une inconnue nommée Stephend – provoque un scandale quand on s’aperçoit qu’elle est liée professionnellement à un des princi- paux responsables de la manifestation.

Loin de tous ces remous, tranquil- lement et sans faire de tapage, l’antistar Jean-Jacques Goldman continue sa voie, parsemée de triomphes. Après l’album de la demoiselle Dion, et sans parler de toutes les autres vedettes qui lui doivent une partie de leur succès – de Johnny Hal- lyday à Patricia Kaas – l’auteur-composi- teur-arrangeur vient encore de signer un énorme tube avec « Aïcha » pour la star du raï, Khaled. Quant à l’interprète Gold- man – accompagné de ses complices Fre- dericks et Jones (il ne faut jamais changer une équipe qui gagne) –, il va très bien. Aussi, à chaque sortie d’album, il vend bon an mal an un million d’exemplaires...

À deux pas des sentiers battus du show-bizz, saluons un très bel album de Gilles Servat – certes plus très jeune lui non plus, mais ô combien obstiné –, qui défend depuis vingt ans la culture bre- tonne. Son dernier album, Sur les quais de Dublin, retrace et tisse d’autant plus fortement la culture celtique qu’aux côtés de Servat on retrouve un certain Ronnie Drew, qui n’est rien de moins qu’un an- cien chanteur des Dubliners...

PATRICIA SCOTT-DUNWOODIE downloadModeText.vue.download 454 sur 602

CULTURE

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ROCK : L’ANNÉE OASIS

Les dinosaures sont restés au musée. La jeune vague a tenu le haut de l’affiche d’un bout à l’autre de l’année avec pour lo- comotive Oasis. Le groupe formé en 1991 par les frères Liam et Noel Gallagher est devenu un phénomène planétaire, acca- parant les titres de la presse autant par ses concerts et ses ventes record que ses frasques. Célèbre critique britannique au New Musical Express, Nick Kent, aujourd’hui installé à Paris, a publié l’Envers du rock (Éditions Austral), recueil de ses meilleurs articles, revus et corrigés. Des portraits magistraux de quelques agités célèbres, Iggy Pop, Brian Wilson ou Kurt Cobain.

Maelström

Après deux albums flamboyants, Definiti- vely May Be, en 1994 et (What’s The Story) Morning Glory, en 1995, Oasis est passé du statut de groupe brillant, efficace, drôle, et surtout aussi mal embouché que les Kinks et les Who trente ans plus tôt, à une notoriété mondialement supé- rieure à celle des Beatles, si l’on en croit les chiffres. En février, les 38 000 tickets d’un concert à Manchester furent enlevés en deux heures et, en août, 340 000 per- sonnes ont acclamé le groupe lors de deux shows au Festival de Knebworth retransmis en direct dans 80 pays. On a enfin retrouvé un groupe de rock’n’roll au son nouveau et cependant profondément ancré dans la tradition, dont les chansons si elles ne brillent pas par l’originalité des paroles restent cependant en mémoire. Oasis, c’est un déluge de guitares sur une pop anglaise teigneuse, expédiée par un chanteur qui en fait plutôt moins que trop.

Oasis sait aussi entretenir l’atten- tion des fans avec la perpétuelle que- relle qu’entretiennent les frères Galla- gher, sales gosses, buveurs, bagarreurs, hautains, mélange de punks gâtés et de rebelles jamais satisfaits. En pleine tournée américaine en septembre, Noel a quitté les autres musiciens avant de rentrer à Londres et d’annoncer l’annu- lation des derniers concerts prévus cette année. La dissolution semblait alors inéluctable avant que le groupe n’an- nonce aussitôt un nouvel album pour le printemps 1997.

Tendances

Mais la cure de jeunesse ne s’est pas limi- tée aux frasques des Gallagher. Derrière eux, on a vu poindre, ou confirmer, Bad Religion, Dog Eat Dog, Offspring, Green Day, Rage Again The Machine, Sound- garden, Smashing Pumpkins, tous héri- tiers du punk et du grunge, et surtout Skunk Anansie, trio britannique qui réussit une magistrale synthèse de hard rock et de funk.

Au chapitre des retours, 1996 fut, pour l’anecdote, celui des Sex Pistols venus, vingt ans plus tard, récupérer l’argent qu’ils n’avaient pas touché au temps de leur splendeur, et, surtout, celui de Patti Smith, égérie du rock new-yorkais éloi- gnée des scènes depuis des années. À quarante-huit ans, avec Gone Again, album hommage à son mari Fred « So- nic » Smith, décédé, elle se montre tou- jours aussi attachante et lucide vis-à-vis downloadModeText.vue.download 455 sur 602

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454 d’un monde qui ne lui inspire guère d’optimisme.

Dépouillé

Après la démesure des concerts-marathons, Bruce Springsteen a pris une option franche- ment folk à la suite de son album (magnifique) The Ghost Of Tom Joad. Seul sur scène, il a donné en Europe plusieurs concerts entièrement acous- tiques et a reçu un accueil parfois mitigé.

Cure terminale

Toutes les chances que Cure ne passe pas l’hi- ver. Après Wild Mood Swings, album mal vendu, et une tournée loin d’avoir fait le plein, Robert Smith, leader du groupe-phare des années 80, a annoncé à l’automne son intention de mettre fin à l’aventure.

Les Fugees ont réalisé le carton de l’année grâce à une reprise de « Killing Me Softly », un tube de Roberta Flack datant des années 70. D’origine haïtienne mais installé à New York, le trio se veut bien sous tous rapports, affirmant sa foi en Dieu et condamnant drogues et alcool.

USA

Bien que la presse française continue à l’igno- rer, la scène rock américaine se porte bien entre Nashville et Austin. Au pays de la country et du blues est apparu le nom de Wayne Hancock, une voix d’or sur une gueule d’ange teigneux.

MICHEL EMBARECK downloadModeText.vue.download 456 sur 602 CULTURE

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ARTS PLASTIQUES

De l’esthétique au politique

À l’automne, l’artiste français Jean-Mi- chel Alberola a exposé ses travaux récents dans une galerie berlinoise. Ce fait serait de peu de conséquence si l’exposition n’avait été accompagnée d’un texte dans lequel Alberola rend longuement hom- mage à Courbet. On y lit que « toute pro- duction artistique tourn(e) aujourd’hui autour de deux questions : qui a peur de la peinture et qu’est-ce que la stratégie ? » La première se réfère à la conviction, qui fut longtemps de mode, selon laquelle la peinture, vieille technique, ne serait plus qu’une curiosité obsolète, alors que photographie et vidéo seraient, par excel- lence, les modes de création d’une civi- lisation de mieux en mieux informatisée et accoutumée aux images virtuelles et à la communication planétaire. La seconde interrogation se fonde sur une observa- tion formulée en ces termes par Alberola : « Et pourtant, nous pouvons voir de par le monde structuré par le commerce étendu, resurgir l’esclavage et par là l’expression la plus complète de la misère. » Autrement dit : que peut encore un artiste, avec ses instruments, contre l’ordre mondial des échanges et l’empire de l’économie ? Le problème est de « stratégie » parce qu’il est de résistance, résistance intellectuelle et individuelle. Qu’un peintre l’écrive, qu’il change une préface en manifeste politique : voilà qui témoigne d’un pro- fond bouleversement des attitudes. Il s’annonçait depuis plusieurs années, de- puis ce qu’il est convenu désormais d’ap- peler la crise des avant-gardes. Il serait aujourd’hui impossible de ne pas prendre acte de son ampleur.

L’histoire tient en deux phases. Tant que s’est maintenu le système avant-gar- diste – de 1945 à 1989 pour user de deux dates-symboles –, les arts plastiques ont vécu au rythme d’une succession de nou- veautés et de ruptures. Il a été entendu d’abord que l’abstraction avait éliminé toute représentation et tout sujet identi- fiable visuellement. L’abstraction pictu- rale a été, dans les années 60, réduite à des formules de plus en plus simples, au nom du minimalisme et d’un discours critique qui prétendait mettre à nu les éléments matériels constitutifs de la peinture et de la sculpture, cela jusqu’au monochrome et la géométrie orthogonale. Chacune de ces expériences s’affirmait contre celle qui l’avait précédée et cherchait dans des considérations sémantiques sa légitimité. L’art s’interrogeait lui-même, revendi- quant son entière autonomie et sa logique propre, dont toute considération extra- esthétique était exclue. Toute démarche se voulait critique, mais moins critique de la société ou de l’état du monde que critique des procédés de fabrication artis- tique et de leurs théories.

Tout au long de la décennie 80, ce sys- tème a suscité des répétitions de plus en plus nombreuses, des jeux de citations et de références de plus en plus complexes, presque toujours inaccessibles au public. Simultanément, l’ordre issu de la guerre froide s’effondrait. L’histoire a repris alors son cours tragique, que l’équilibre dit de la terreur avait un moment suspendu. La crise économique occidentale, accen- tuant les antagonismes sociaux, a achevé l’oeuvre de déstabilisation et provoqué par conséquence directe l’effondrement downloadModeText.vue.download 457 sur 602

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456 du marché de l’art. L’heure n’est plus aux délices des spéculations de théorie esthé- tique mais aux questions politiques et morales.

En France, deux événements ont donné cette année la mesure de ce renversement. Tous deux ont eu lieu au Centre Georges- Pompidou. De juillet à octobre s’y est te- nue la première rétrospective consacrée, en France, au peintre britannique Francis Bacon. Elle a remporté un succès d’af- fluence considérable, alors que la peinture de Bacon ne cultive, certes, ni la séduc- tion ni la grâce. De 1945 à sa mort, indif- férent aux engouements de ses contem- porains, sévère à l’égard de l’abstraction, Bacon a cherché comment inscrire avec des couleurs sur une toile la douleur phy- sique, la souffrance psychique, l’enferme- ment, la maladie, la violence et la mort. Deuxième preuve : au mois de décembre, dans les mêmes lieux, s’est ouverte une exposition dénommée « Face à l’his- toire ». Elle traite des relations entre faits politiques et oeuvres : peintures, photo- graphies, sculptures pour l’essentiel. Des années 30 aux années 90, elle inventorie les modes d’expression selon lesquels des artistes ont réagi au nazisme, au stali- nisme, aux guerres coloniales, à la société de consommation. Se trouvent ainsi pri- vilégiés ceux qui, expressionnistes ou « pop », n’ont pas cru que leur art pou- vait se détourner de la réalité contempo- raine. Une autre histoire de l’art contem- porain s’écrit ainsi, de Picasso et Masson à Fautrier et Music, de Rauschenberg et Raysse à Télémaque et Erro. Des noms oubliés réapparaissent, tel celui d’Otto Dix, dénonciateur acharné des horreurs de la guerre, auquel, comme par coïnci- dence, le musée de Colmar a consacré une importante exposition à l’automne. Le seul fait que ce sujet ait été choisi et cette analyse tentée suggère à quel point la conception formaliste décline désor- mais. « Face à l’histoire », après les expo- sitions sur art et totalitarisme qui ont eu lieu à Londres et à Berlin, marque plus qu’une inflexion, un retournement.

D’autres indices témoignent dans le même sens, à commencer par le triomphe de la photographie. L’inauguration de la Maison européenne de la photographie, à Paris, a été suivie par des expositions à succès, telle celle qui a montré les rues et les foules new-yorkaises à travers l’objec- tif de William Klein. Elle venait après une rétrospective d’August Sander, qui réunit dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres les images d’un immense répertoire de la société, des gueux aux bourgeois. San- der, mi-ethnologue mi-moraliste, fut condamné par les nazis, accusé de calom- nier ses compatriotes parce qu’il les mon- trait tels quels.

Dans les galeries, le même phéno- mène s’observe, du moins dans les gale- ries qui parviennent à subsister en dépit d’une crise qui ne finit pas. La FIAC, revivifiée par une réforme de ses sta- tuts, l’a prouvé : les stands consacrés à la création contemporaine se partageaient à parts à peu près égales entre peinture néoréaliste et photographie d’inspiration souvent sociologique. Face à ce besoin de représentations et de figures, les tenants des formules apparues voici un quart de siècle ont quelque peine à paraître encore d’actualité. Il n’est pas anodin que le mu- sée d’Art moderne de la Ville de Paris ait célébré le peintre allemand Georg Base- litz, dont l’expressionnisme puissant et downloadModeText.vue.download 458 sur 602

CULTURE

457 souvent tragique fait écho aux angoisses de l’époque. Il n’est pas étrange non plus que l’exposition Picasso et le portrait, qui s’est tenue au Grand Palais, ait attiré en moyenne 6 000 visiteurs chaque jour. Or, qu’est-ce que le portrait, sinon l’un des principaux modes d’action de l’artiste sur ses contemporains et sur le monde ?

PHILIPPE DAGEN downloadModeText.vue.download 459 sur 602

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EXPOSITIONS

L’année anglaise

S’il semble difficile de placer le millé- sime 96 sous le signe de tendances do- minantes, cette année d’expositions en France aura été marquée par plusieurs événements réunis autour de quelques grands peintres modernes et pionniers de la sculpture de ce siècle, avec un regard tout particulier sur nos voisins d’outre- Manche. La présence de la sculpture mérite une attention plus particulière. Parente habituellement pauvre des pro- grammations muséographiques, la sculp- ture moderne est d’abord consacrée hors les murs, en plein air, sur les Champs- Élysées, où avait lieu avant l’été une expo- sition d’art public regroupant, à grands traits et non sans une certaine pauvreté scénographique, les grandes figures de la sculpture contemporaine, de Giacometti à César. Auparavant, le musée national d’Art moderne consacrait une rétrospec- tive à l’oeuvre du sculpteur anglais Tony Cragg, l’un des principaux représentants de la « nouvelle sculpture anglaise » apparue au début des années 80. Cragg affirme à ses débuts une esthétique du recyclage où des débris d’objets de même couleur sont assemblés pour reconstituer des figures ou des objets à l’échelle monu- mentale. Il exploite ensuite des matériaux plus classiques (marbre, pierre, bois, bronze) où se jouent des formes plus organiques. La sculpture britannique est saluée quelques mois plus tard dans l’enceinte de la galerie nationale du Jeu de paume et dans le jardin des Tuileries qui l’entoure (jardin qui, selon les voeux ministériels, serait susceptible d’accueillir prochainement un grand programme de sculptures publiques contemporaines). Le titre de cette exposition rétrospec- tive (« Cent ans de sculpture anglaise ») annonçait une certaine profusion que le spectateur ne retrouve pas dans les lieux, déçu, il faut le dire, par la faible quantité de travaux, la sélection trop restrictive des artistes et le choix contestable de nombreuses oeuvres. On y retrouve les maîtres modernes, de Jacob Epstein à Henry Moore (dont le travail était aussi présenté au musée des Beaux-Arts de Nantes), l’important courant de l’abstrac- tion géométrique, de Barbara Hepworth à Anthony Caro, mais aussi, sous un jour plus contemporain, les oeuvres informes de Barry Flanagan ou les recherches pay- sagères de Richard Long. Pour compléter ce panorama de la création anglaise, la section contemporaine du musée d’Art moderne de la Ville de Paris (ARC) pro- posait, à la rentrée d’octobre, une sélec- tion de quelque soixante jeunes artistes de ce pays. Commandée à Hans-Ulrich Obrist, cette exposition, qui écartait déli- bérément le courant de la nouvelle pein- ture londonienne, s’est concentrée, avec plus ou moins de bonheur, sur des ins- tallations environnementales, oscillant entre la culture trash, un certain réalisme critique et des ambiances nostalgiques. C’est du côté du déchirement qu’il faut reconnaître la part tutélaire de Francis Bacon dans la peinture anglaise de ces quarante dernières années. Le Centre Pompidou lui consacrait une importante rétrospective réunissant plus de quatre- vingts tableaux qui donnent une image presque définitive et historique, classique tout au moins, de l’artiste anglais mort en 1992. Dès 1944, avec Trois Études de downloadModeText.vue.download 460 sur 602

CULTURE 459 figure au pied d’une crucifixion, le sys- tème iconographique de Bacon est mis en place : figures monstrueuses, horreurs et cris, corps difformes réinterprétant, sous forme tragique, des références classiques corrigées à l’aune d’un siècle de barba- rie. Cette violence du corps meurtri en suspension sur des fonds monochromes aux couleurs crues est, hélas, édulcorée par la présence frustrante de vitres qui protègent la toile du souhait même de l’artiste. On y voit son propre reflet dialo- guant avec la figure contorsionnée, mais cette surface réfléchissante instaure une distance qui rend parfois l’oeuvre trop es- thétisante et annule son pouvoir corrosif.

L’oeuvre de Corot est bien étrangère à cette beauté convulsive. Elle baigne dans une lumière atmosphérique apaisée. Le Grand Palais, pour fêter le bicentenaire de la naissance du peintre français, réunit sous le commissariat de Vincent Pomma- rède une sélection de plus de 150 tableaux qui révèle notamment la diversité du ta- lent du Corot d’avant les années 1850, la teneur de ses études sur le motif et des croquis pris sur le vif, un sens tout par- ticulier de la lumière qui éclate dans les paysages de Rome, les sites du Latium ou les vues des jardins Farnèse.

Pablo et les autres

Après l’exposition à l’hôtel Salé de 58 car- nets de dessins de Picasso, le Grand Pa- lais faisait sa rentrée d’automne avec une grande exposition sur « Picasso et le por- trait », présentée pendant l’été au MOMA de New York. Au-delà d’une analyse autobiographique simpliste qui voudrait qu’à chaque femme entrée dans la vie de Picasso corresponde une rupture stylis- tique, l’exposition montre comment un même modèle fait l’objet de traitements variés où Picasso se joue de perpétuelles transformations, redéfinissant le concept d’identité qui avait jusque-là nourri le genre psychologique du portrait. Un compatriote espagnol de Picasso, plus contemporain, était mis à l’honneur par deux expositions simultanées au Jeu de paume et au cabinet d’art graphique du Centre Pompidou. Miquel Barcelo, né en 1957, est le représentant de la « trans- avant-garde » espagnole apparue au début des années 80. Barcelo peint avec des matières organiques mélangées à de la colle et des pigments, sur des surfaces extrêmement denses où les objets et les personnages sont littéralement englués. Dans une série consacrée à l’univers culi- naire, il introduit du riz, de la farine, des spaghettis stabilisés par de la colle et du formol. Dans une importante série de peintures blanches, non moins matié- ristes, il exploite des jeux de transparence que l’on retrouve aussi dans ses oeuvres réalisées au Mali. Le peintre français Jean-Pierre Bertrand utilise lui aussi des matières fragiles, organiques (sel, jus de citron...), cette fois plus fluides. Son tra- vail est présenté au Carré d’art de Nîmes. Dans un registre chromatique beaucoup plus sombre, le musée d’Art moderne de la Ville de Paris accueillait l’oeuvre « noire » de Pierre Soulages. Ces grandes peintures monochromes sont réalisées avec du brou de noix, du goudron et de l’huile. La rétrospective présente, sans respecter une chronologie trop rigide, une peinture gestuelle, faite de tensions entre blancs et noirs, qui s’assombrit progressivement au point de ne plus être qu’une surface rugueuse de noir où la downloadModeText.vue.download 461 sur 602

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460 lumière est créée par la seule différence d’épaisseur de la matière drainée par le pinceau, où l’opacité de la couleur n’est plus un obstacle à la transparence. Face à cette peinture cistercienne, l’expres- sionnisme de l’allemand Georg Baselitz, qui lui succède au Palais de Tokyo, paraît bien excessif. Le peintre renverse ses personnages sans atteindre la force des expressionnistes de la première généra- tion (1910-1920) qui avait animé, il y a deux ans, les mêmes cimaises, ni même, dans un autre registre, la gravité du trait des dernières gravures d’Albrecht Dürer présentées au musée du Petit Palais, dont la collection renferme un ensemble très complet du grand maître de la gravure re- naissante allemande (1471-1528). L’année se termine au Centre Pompidou par une importante exposition sur les rapports entre les artistes et l’histoire, à l’heure des bilans séculaires où l’on revisite la petite histoire des arts – souvent trop autonome – en regard des grands bouleversements de l’Histoire avec un grand H.

PASCAL ROUSSEAU downloadModeText.vue.download 462 sur 602

CULTURE

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MARCHÉ DE L’ART : ÉTAT STATIONNAIRE

Entre les résultats mitigés des enchères publiques et les satisfactions affichées mais incontrôlables des organisateurs de foires et salons, l’état du marché de l’art, au terme de l’année 1996, reste stationnaire et sans grand relief. Si la tendance géné- rale semble plutôt à la hausse du côté des « Anglais » (Londres et New York), il n’en va pas de même dans l’Hexagone, tou- jours empêtré dans ses individualismes et sa fiscalité d’un autre âge. La scène internationale des enchères nous a of- fert, comme d’habitude, quelques shows médiatiques, dont le plus remarqué fut, au printemps, la vente Jackie Kennedy à New York. Avec des résultats quintuples des estimations, n’ayant évidemment rien à voir avec la réalité du marché. À une échelle plus modeste, les souvenirs de Yul Brynner, dispersés à Paris en septembre, ont réalisé un chiffre triple de celui atten- du. De même, le mobilier, pourtant guère reluisant, du comte et de la comtesse de Paris attira sur le Rocher, en décembre, de nombreux admirateurs des Orléans. Ces cas particuliers mis à part, le marché présente son mélange habituel et diver- sement dosé de coups d’éclat, de routine et de déceptions. Les coups d’éclat sont peu nombreux. Le plus éclatant, ce fut, en novembre, les 10,3 millions de dollars (52 millions de francs) payés à New York lors de la vente George Ortiz pour la sou- pière d’argent XVIIIe du service Orléans- Penthièvre, au poinçon aussi rare que prestigieux de Thomas Germain. Chiffre le plus élevé jamais payé pour une pièce d’argenterie.

Le secteur le plus observé reste celui des tableaux modernes. Si les grandes signatures (Cézanne, Monet, Degas...) demeurent essentiellement françaises, les bonnes toiles fuient malheureuse- ment Paris, où celles qui s’y présentent sont rarement couronnées de succès. Certaines sont même retirées de la com- pétition avant d’avoir combattu. Comme le Paysage provençal peint par Derain en 1906, qui, nanti de son certificat d’expor- tation et d’une estimation de 6-8 millions de francs, aurait dû être un des événe- ments de la saison. D’autres sont la proie de la rumeur et de la polémique (comme le Van Gogh de la collection Vernes), d’autres encore ne trouvent pas preneur faute d’avoir atteint leur prix d’estima- tion : c’est le cas des Grands Arbres de Cé- zanne, estimé 20 millions de francs, de- meuré invendu à 14,5 millions de francs. Alors que le mois précédent, un tableau sur le même sujet, un peu plus haut en couleur, s’était adjugé 5 millions de livres à Londres, un peu plus de 40 millions de francs ! Dans le peloton internatio- nal des enchères à plus de 10 millions de francs, on trouve donc, pour Paris, la Paysanne assise de Camille Pissarro, de la vente Henry Potez, adjugée 11,3 mil- lions de francs en mars, et le Portrait de Lunia Czecowska de Modigliani, qui, à 9,977 millions de francs frais compris, frôle la barre des 10 millions de francs. Un chiffre à relativiser : la BCP avait payé cette toile 22,5 millions de francs lors de la vente Bourdon en mars 1990 ! Chiffres aussi fort éloignés des plus belles enchères new-yorkaises : 12 millions de dollars pour des Nymphéas de Monet chez Christie’s, 10 millions de dollars chez Sotheby’s un Paysage de Cézanne, downloadModeText.vue.download 463 sur 602

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462 soit respectivement 61,2 et 51 millions de francs.

Une contre-performance du même genre au rayon des meubles classiques pour le serre-bijoux de Marie-Antoinette, que le banquier Jean-Marc Vernes avait acquis 25 millions de francs en 1991. Six ans plus tard, ses héritiers n’en ont tiré que 14,4 millions de francs (15,8 payés avec les frais par l’acheteur « provisoire » dans l’attente d’un achat définitif du mu- sée de Versailles). Tout décevant qu’il est, ce prix reste néanmoins la plus forte en- chère française de l’année.

En baisse aussi les 5 meubles Boulle présentés à Paris en avril, un à deux ans à peine après leur acquisition. Outre deux armoires de Sageot, cotées 2,6 millions de francs en 95, adjugées 1,6 million en 96, les antiquaires parisiens se sont partagé, 30 % au-dessous des prix d’estimations, des commodes, bibliothèques, coffrets... Le marché n’est pas en cause, ni la mode, mais ces « retours » trop rapides, qui ne sont jamais bénéfiques.

C’est pourtant du côté des meubles classiques que le marché apparaît au mieux de sa forme, avec une vingtaine d’enchères au-dessus du million, répar- ties entre Paris, Monaco, Londres et New York, au bénéfice, souvent, d’acheteurs français. Au sommet (à part le serre-bi- joux), les 8,6 millions de francs offerts à Monaco chez Sotheby’s pour une paire de commodes laquées Louis XV et estampil- lées BVRB.

Parmi les objets d’art, c’est l’argente- rie qui tient la vedette avec la fabuleuse adjudication de 10,3 millions de dollars (52 millions de francs) pour la soupière de Thomas Germain, fleuron de la col- lection George Ortiz, à New York, et record absolu du genre. De quoi relancer cette spécialité trop classique et presque banale.

Coup de fouet aussi sur la céramique grâce, notamment, à la collection « non déflorée » de Gilbert Lévy, à Paris, en décembre, où de nombreux acheteurs néerlandais, allemands et américains se disputèrent, en concurrence avec les mu- sées et particuliers français, les faïences de Delft et de Nevers, les porcelaines de Saxe et de France. Un coq en porcelaine de Chantilly et une tasse papillon de Sèvres ont atteint les records respectifs de 840 000 et 550 000 F. En d’autres occa- sions, les acheteurs italiens purent aussi enchérir sur de superbes majoliques.

Pour la bibliophilie, l’année s’est ou- verte à Paris sur l’enchère de 2,545 mil- lions de francs pour un superbe manuscrit enluminé du XVe siècle, dépassée six mois plus tard à Londres par un missel français de la fin du XIIIe, adjugé 364 500 livres (2,916 millions de francs). De tels chiffres ne sont plus atteints aujourd’hui, ni par les plus rares éditions originales an- ciennes, ni par les magnifiques reliures XXe de Bonet ou Michel, dont les plus belles plafonnent, sauf exception, aux alentours de 500 000 F. Les autographes, la collection de Dina Vierny, en octobre, contenait des pièces étonnantes comme une lettre d’Alfred Dreyfus, à 330 000 F, et une autre d’Arthur Rimbaud à sa mère, adjugée 170 000 F.

Au rayon des bijoux, « l’événement » de la saison, c’était la vente du « cent- cinquantenaire » Cartier, à Genève, dont le point fort fut un collier « aty- pique » d’émeraudes en cabochon adjugé 2,64 millions de francs suisses, soit envi- ron 10 millions de francs français ! Joli downloadModeText.vue.download 464 sur 602

CULTURE

463 résultat d’un périple qui avait baladé les plus belles pièces dans quelques grandes capitales. Un travail payant, donc.

Au terme de ce trop bref exposé, le diagnostic de la saison 96 est d’un optimisme mesuré. À l’heure où nous écrivons, les bilans annuels ne sont pas encore connus, mais les prévisions ap- proximatives font état, pour Paris, d’un chiffre d’environ 3,3 milliards de francs, sensiblement égal à celui de l’an dernier, mais toujours en retrait par rapport aux maisons britanniques.

Optimisme ? Avec la « déréglemen- tation », prévue pour janvier 1998, des ventes aux enchères, nous sommes à la veille d’un profond bouleversement du statut et des habitudes des ventes publiques à Paris. Certains commis- saires-priseurs redoutent ce cap, d’autres l’attendent avec impatience. En adjugeant (64 300 F t.t.c.) pour la première fois une oeuvre d’art virtuelle, sous la forme d’une enveloppe cachetée renfermant une for- mule donnant accès sur internet à un tableau du peintre Fred Forest, le mar- ché parisien prouve qu’il n’a pas peur de l’avenir !

FRANÇOISE DEFLASSIEUX

L’affaire Van Gogh

Si la contestation était venue plus tôt, elle aurait peut-être permis à l’État d’économiser 145 mil- lions de francs ! Il s’agit, bien sûr, de l’affaire du Jardin à Au-vers de Van Gogh. Et les 145 millions sont ceux versés l’an dernier à Jacques Walter, à la suite d’un procès à multiples rebondissements, en compensation du manque à gagner, pour cause de classement aux Monuments historiques, de ce tableau adjugé « seulement » 55 millions de francs à Paris, en décembre 1992, alors que M. Walter aurait pu en tirer beaucoup plus sur le marché international.

L’heureux adjudicataire était le banquier Jean- Marc Vernes, disparu l’an dernier. D’où le retour du tableau sur la scène des enchères, juste quatre ans plus tard. Retour escorté des rumeurs les plus fâcheuses, fondées sur une enquête, non publiée, d’un journaliste. Enquête portant non sur le tableau lui-même, mais sur sa provenance..., ce qui pourrait mettre en cause son authenticité. Authenticité au demeurant incontestée par les quelques experts et galeristes, spécialistes de Van Gogh, qui ont eu à examiner le tableau. Rien d’autre que des rumeurs, donc, mais elles ont suffi à déstabiliser un marché encore très crain- tif. Comme il fallait s’y attendre, les acheteurs ne se sont donc pas bousculés le 10 décembre au George-V, et le Van Gogh a fait un flop ! Et la morale de l’histoire, c’est que l’État y regardera désormais à deux fois avant de « classer » un mo- nument historique. downloadModeText.vue.download 465 sur 602

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THÉÂTRE :

UNE SAISON D’ACTEURS

Quand les metteurs en scène, qui tendent à occuper l’avant-scène depuis une trentaine d’années, montrent des signes de faiblesse, l’acteur reprend naturellement sa place première. C’est l’une des évolutions de l’année théâtrale, où l’on a vu successivement Peter Brook moins incisif dans ses deux dernières mises en scène (Oh les beaux jours, de Beckett, et Qui est là ?, travail sur le thème du spectre chez Shakespeare), Georges Lavaudant pris au piège d’un Roi Lear trop parodique, Alain Fran- çon mal accueilli en Avignon pour une mise en scène glaciale d’Édouard II, de Marlowe, qui inaugurait le festival, Jorge Lavelli brillant, mais confronté à des oeuvres moins fortes qu’auparavant (Arloc, de Serge Kribus), Jean-Pierre Vincent trop respectueux des défauts mélodramatiques d’un Nerval oublié, Léo Burckart... On ne saurait cepen- dant généraliser et passer sous silence l’émergence de nouvelles personnalités (Patrick Beaunesne et Claire Lannes, respectivement remarqués pour leur mise en scène d’Un mois à la cam- pagne, de Tourgueniev, et de Platonov, de Tchekhov), le remarquable retour de Jacques Lassalle, qui, cueilli à froid par une critique négative lors de ses derniers spectacles, avait annoncé sa volonté de renoncer au théâtre. Il n’en fit rien, et sa mise en scène d’Un homme difficile, de Hofmannsthal, a constitué l’un des plus beaux spectacles de la fin de saison : de la comédie d’un homme rentré de guerre et courtisé par plusieurs femmes, il fit une grande fresque douloureuse sur la solitude et l’indécision.

Les acteurs n’en furent pas moins les principaux centres d’intérêt des di- verses programmations. À la Comédie- Française, le comédien d’origine polo- naise Andrzej Seweryn s’est affirmé comme une personnalité hors du com- mun : en Léo Burckart, en comte dans les Fausses Confidences, de Marivaux, et dans cet Homme difficile (repré- senté à la Colline, les acteurs du Fran- çais ayant la permission de jouer dans un autre théâtre national). Ailleurs, le règne du vedettariat a caractérisé cer- tains succès : le triomphe prolongé d’Un mari idéal, d’Oscar Wilde, avec Didier Sandre, Anny Duperey et Domi- nique Sanda ; la réussite de l’adapta- tion de la comédie de science-fiction d’Alan Ayckbourn, Temps variable en soirée, jouée par Dominique Lavanant et Zabou ; le retour de l’inusable pièce d’Albee, Qui a peur de Virginia Woolf ?, reprise par Myriam Boyer et Niels Arestrup ; la nouvelle consécration de Tsilla Chelton dans le Mal de mère, de Pierre-Olivier Scotto ; la transforma- tion de Fanny Ardant en Callas dans Master Class, de McNally, pièce mise en scène par Roman Polanski... Parmi la jeune génération, Sandrine Kiberlain a su toucher immédiatement son public avec une comédie douce-amère, le Ro- man de Lulu, de David Decca, jouée en compagnie de Gérard Darmon.

L’affiche la plus attendue a été celle qui réunissait Alain Delon et Francis Huster dans la nouvelle pièce d’Éric-Emmanuel Schmitt, Variations énigmatiques. Alain downloadModeText.vue.download 466 sur 602 CULTURE

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Delon n’avait pas joué au théâtre depuis 1968 (où il interprétait les Yeux crevés, de Jean Cau, sa deuxième expérience théâtrale après Dommage qu’elle soit une putain qu’avait mis en scène Visconti). Sa prestation a fait salle comble. Si la réa- lisation du spectacle n’est pas déshono- rante, l’événement est resté limité, Delon restant parfois trop extérieur, et la pièce – l’histoire d’un grand écrivain recevant un faux journaliste avec qui il avait par- tagé, sans le savoir, l’amour d’une même femme – tombant souvent dans les or- nières du mélodrame. Au même mo- ment, Jean-Paul Belmondo a commencé les représentations de la Puce à l’oreille, de Feydeau : il y joue un double rôle de sosie, également couronné par le succès.

Dans le secteur subventionné, plu- sieurs événements sont centrés sur le rayonnement des acteurs. C’est le cas d’En attendant Godot, de Beckett, qui réunit Marcel Maréchal, Pierre Arditi, Jean-Michel Dupuis et Robert Hirsch, ou bien de Démons, de Lars Noren, pièce pour laquelle Gérard Desarthe, dans le rôle du metteur en scène, a fait jouer en- semble Christine Boisson, l’une des plus grandes comédiennes d’aujourd’hui, et Marianne Basler.

Les nouveaux auteurs ont eu, comme de coutume, quelque mal à s’imposer face à la vague des classiques et des grands modernes, ainsi que face à la notoriété posthume de Bernard-Marie Koltès, dont les oeuvres sont montées à la fois par de grandes personnalités comme Patrice Chéreau et par de très nombreuses com- pagnies indépendantes. L’oeuvre de Joël Jouanneau s’est affirmée peu à peu : son Allegria opus 127, qui s’inspire lointaine- ment de la vie de Chostakovitch, marque un retour à l’émotion, un refus du deu- xième degré sarcastique – tendance qu’on peut observer chez d’autres écrivains du monde entier, comme la Québécoise Marie Laberge, dont on a pu voir à Paris l’émouvante pièce intitulée le Faucon. La démarche est significative au moment où vient de disparaître en Allemagne Hei- ner Müller, maître de la pièce biseautée et énigmatique. Une autre attitude s’est développée : le goût de la comédie pam- phlétaire, à laquelle Michel Deutsch, Charles-Louis Sirjacq, Coline Serreau, Gilles Segal et Jean-François Prévand ont su souvent apporter un sang nouveau. Le génie français de l’esprit, de l’éclat des for- mules renaît également avec Jean-Louis Bauer, auteur de la scintillante comédie Page 27, articulée autour des pertes de mémoire d’un grand écrivain officiel. Du côté des auteurs étrangers, l’Américain Tony Kushler vient d’obtenir en France le retentissement que son théâtre poli- tique, à la fois journalistique et mythique, a connu aux États-Unis et dans de nom- breux pays, avec les mises en scène d’An- gels in America par Brigitte Jaques et de Slaves ! par Jorge Lavelli.

Théâtre de la Colline

Le 12 novembre, Jorge Lavelli, atteint par l’âge de la retraite, a quitté la direction du Théâtre na- tional de la Colline, dont il était le premier direc- teur. Il est remplacé par Alain Françon, jusqu’alors directeur du Centre dramatique national de Sa- voie (où André Engel a pris sa succession). À cette occasion, Alain Satgé a publié Jorge Lavelli, des années soixante aux années Colline, aux Presses universitaires de France. downloadModeText.vue.download 467 sur 602

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Odéon-Théâtre de l’Europe

Georges Lavaudant est devenu, en mai, le nou- veau directeur du Théâtre de l’Europe. Il en est le troisième directeur après Giorgio Strehler et Lluis Pasqual. Parmi les nouvelles initiatives de Lavau- dant, la création d’une « cabane » itinérante, dont la première étape a été, en septembre, la place de l’Odéon, à Paris. Une deuxième salle devrait être percée sous cette place, au moment des travaux de rénovation prévus en 1998.

Nouvelles salles

Deux grands théâtres ont ouvert une salle sup- plémentaire. La Comédie-Française dispose, de- puis novembre, d’un petit Studio-Théâtre, dans le Carrousel du Louvre, ce qui lui permet de répartir sa programmation sur trois salles (salle Richelieu, Vieux-Colombier et Studio). Le Théâtre de la Ville, structure subventionnée par la Ville de Paris, a inauguré, en novembre également, une salle de dimension moyenne, le Théâtre des Abbesses, à Montmartre, où sont donnés des spectacles plus adaptés à un cadre intime qu’à la grande salle de la place du Châtelet.

L’année des cinquantièmes

Plutôt que de fêter leur cinquantième anniver- saire, certaines institutions ont préféré célébrer leur cinquantième édition : le Festival d’Avignon, créé en 1947, et la Comédie de Saint-Étienne, fon- dée la même année, ont conçu un programme spécial pour cette occasion.

Gabily

Auteur et metteur en scène, Didier-Georges Gabily est décédé le 21 août, à Paris, au cours d’une opération du coeur. Créateur du Groupe T’Chan’g !, il avait peu à peu fait connaître son ins- piration originale dans des oeuvres (Effonçures, 1994 ; Chimère, 1996) qui mêlent la violence mo- derne et les mythes antiques.

GILLES COSTAZ downloadModeText.vue.download 468 sur 602

CULTURE

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DANSE

Hormis la crise de Châteauvallon, la danse aura connu en 1996 une année plutôt paisible, sans grands bouleverse- ments artistiques ni structurels. Pas de routine cependant, même à l’Opéra de Paris, qui reste toujours le thermomètre de la danse classique, et aujourd’hui contemporaine. En effet, la présence de Brigitte Lefèvre à la tête de la compagnie a accentué la tendance de ces dernières années allant vers un élargissement de l’horizon moderne du répertoire. Ga- lotta, Mats Ek, Preljocaj sont devenus monnaie courante. On y annonce des créations de Carolyn Carlson et l’entrée au répertoire du Sacre du printemps de Pina Bausch. Et tout cela aux côtés du Casse-Noisette et de la Belle au bois dor- mant, version Noureïev, des multiples programmes Robbins et Balanchine, et aussi de la présence régulière de Roland Petit, dont on a remonté Notre-Dame de Paris à l’Opéra-Bastille. Maurice Béjart aussi a fait un retour fracassant avec sa Neuvième Symphonie dans cette même salle particulièrement adaptée à un spec- tacle de cette ampleur. La compagnie se porte mieux que jamais. Elle a triomphé à New York, en juin, comme à Paris toute l’année, devant des salles combles, avec parfois le même jour spectacle à Garnier et à Bastille. Le classique n’est pas mort. Un deuil pourtant avec la disparition à quatre-vingt-quatre ans de Lycette Dar- sonval, grande étoile de Lifar.

Châteauvallon : un scandale annoncé

On le voyait venir et le scandale a en effet éclaté. Depuis l’élection d’un maire

Front national à Toulon, rien n’allait plus entre la mairie et le Théâtre national de la danse et de l’image de Châteauvallon. La crise avait débuté en 1995, lorsque Gérard Paquet, le directeur, avait refusé la subvention de la nouvelle municipa- lité et qu’Angelin Preljocaj avait renon- cé à l’implantation dans les lieux de sa troupe, prévue par le ministère. Depuis, les choses n’ont cessé de s’envenimer, la mairie s’efforçant d’évincer Paquet et ses équipes, et obtenant – sous le chef de diverses accusations tendancieuses – un jugement nommant un administrateur judiciaire, décision dont l’association Châteauvallon fait naturellement appel et qui soulève l’indignation du monde de la danse. Cette tentative d’intimidation est grave car elle relève à l’évidence d’un jugement politique porté sur les mouve- ments de danse (le hip-hop – expression dansée de la musique rap – en particulier, présent à Châteauvallon comme ailleurs, et désormais partie intégrante de l’expres- sion chorégraphique moderne). Quant à Preljocaj, c’est finalement à Aix-en-Pro- vence qu’il s’est implanté, pour la plus grande satisfaction de tous.

D’une compagnie à l’autre

Si certains centres chorégraphiques na- tionaux paraissent chercher un second souffle, d’autres affichent un éclatant bulletin de santé. C’est le cas du Centre national de Nantes, où Claude Bruma- chon et Benjamin Lamarche – ce dernier désormais codirecteur artistique – mul- tiplient tournées et créations avec un brillant succès. 1996 aura vu naître Icare, les Larmes des dieux, créées à Lagos, Una Vita, pièce itinérante voyageant en bus, et une version pour femmes de Bohèmes. À downloadModeText.vue.download 469 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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Nantes, en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie, et pendant plusieurs semaines en fin d’année en région parisienne, la com- pagnie a fait preuve d’une vitalité explo- sive. Très beaux succès aussi de Maryse Delente avec le Ballet du Nord. Il semble bien que le choix de cette direction artis- tique ait été judicieux puisque la compa- gnie pratique un répertoire éclectique et que les oeuvres de Delente, comme son Roméo et Juliette, restent d’un haut niveau. Le Ballet du Rhin, malgré une politique artistique très affinée et originale louée par tous, était au bord de l’asphyxie, pris dans l’étau d’une structure le liant trop étroitement à l’Opéra du Rhin. La venue d’un nouveau directeur à Strasbourg per- met de partir sur de nouvelles bases qui, donnant plus de liberté à Jean-Paul et Jac- queline Gravier, devraient leur permettre de continuer leur remarquable action en faveur de tous les répertoires. Enfin, la Biennale de la danse de Lyon, vouée cette année au Brésil, a connu comme il se doit un superbe succès, avec des fêtes dont rêvent encore tous les Lyonnais.

GÉRARD MANNONI downloadModeText.vue.download 470 sur 602

CULTURE

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PHOTOGRAPHIE

Après le festival houleux et plutôt controversé de l’an dernier, Arles a retrouvé son souffle grâce à son nouveau directeur artistique, le Catalan Joan Font- cuberta, avec une affiche qui s’interroge sur le vrai et le faux à travers 17 exposi- tions et 4 projections intitulées « Réels, Fictions, Virtuel ». Cette approche de l’image est d’autant plus intéressante qu’elle se situe dans la foulée du lance- ment du format technique APS (Ad- vanced Photographie System).

APS

Cette année, la photographie argentique est entrée dans l’ère du numérique grâce à l’APS et, fait significatif quant à l’impor- tance de l’événement, l’ensemble de l’in- dustrie fut présent au baptême. Bien plus qu’un format supplémentaire, ce système conçu par Canon, Fuji, Kodak, Minolta et Nikon est déjà adopté par une quaran- taine d’entreprises, dont Agfa. L’impact de cette innovation sera sans doute aussi retentissant que fut, à l’époque, l’arrivée de l’instantané. Jusqu’à présent, la supé- riorité en finesse et en grain de l’argen- tique par rapport à ses homologues nu- mériques lui avait assuré sa survie malgré les nouvelles technologies de la prise de vue. Et voilà que le système numérique se retrouve de nouveau à l’avant-scène. Ce nouveau support qu’est l’APS permet en quelques minutes de faire apparaître l’image sur un écran d’ordinateur, où l’on peut à loisir modifier les couleurs, reca- drer les images, les transformer ou les truquer, effacer la poubelle ou le poteau électrique, renforcer les contrastes ou la lumière, ou inviter Johnny Hallyday au mariage de sa cousine. Bref, c’est un nouveau monde qui s’ouvre aux amateurs comme aux professionnels. Les images ainsi travaillées peuvent être ensuite non seulement stockées ou imprimées mais aussi envoyées dans le cyberespace via un modem. L’oeil de Doisneau et la magie de l’instant parfait remplacés par le mirage de la technologie...

Certes, mais aussi tout un nouveau champ d’action qui s’ouvre pour le créa- teur de demain. L’ambiguïté de ces images qui flirtent avec les nouvelles technolo- gies illustrées cette année à Arles laisse parfois le spectateur plus préoccupé par le souci de démêler le vrai du faux que par celui de s’interroger sur le sens même des images offertes à son regard. Cette phase transitoire où le public arlésien semblait plus fasciné par les supercheries que par le propos a tout de même été ponc- tuée par la découverte d’images boule- versantes comme celles consacrées aux rétrospectives du photographe américain Ralph Eugène Meatyard (1925-1972).

Les deux vedettes du festival – William Wegman et Joel Peter Witkin – furent entourées d’un savant mélange où Joan Fontcuberta a aussi fait la part belle aux femmes : Grete Stern, puis l’exposi- tion collective « Le masque et le miroir », Cindy Sherman, Sophie Calle, Sinje Dillenkofer, Annie Sprinkel... Le ministre de la Culture, Philippe Douste-Blazy, prudemment absent l’an dernier, profita de l’inauguration pour « promotionner » le lancement de son « plan photo ».

De l’argent pour l’image Cette initiative, dotée d’un budget de downloadModeText.vue.download 471 sur 602

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80 millions de francs (somme qui risque d’être difficile à réunir en cette période de rigueur budgétaire), s’articule sur quatre volets : création d’une galerie nationale, lancement d’une campagne d’inventaire et de restauration du patrimoine ciné- matographique, stimulation du marché par la mise en place d’un salon annuel et relance de la création contemporaine, qui devrait être couronnée en l’an 2000 par des achats publics dont le montant irait jusqu’aux 5 millions de francs. On chu- chote en coulisse que cette initiative est due notamment au fait que M. Douste- Blazy avait été agacé par le retentissement médiatique dont a bénéficié la mairie de Paris quand celle-ci, piétinant quelque peu les plates-bandes du ministère, a ouvert en février sa magnifique Maison européenne de la photographie. En tout cas, après des ministres « musique » et « peinture », quelques subsides pour l’image fixe seront les bienvenus !

Parmi les expositions de ce premier musée consacré à la photographie (le MEP), situé en bordure du Marais, à Paris, en l’hôtel Hénault de Cantobre, on notera celle d’un photographe complè- tement à contre-courant : à l’heure où la photographie a envahi le reste du monde plasticien en flirtant avec la sculpture, en se déguisant en peinture, en explo- rant le cinéma comme la vidéo, Arnaud Claas – Arlésien d’adoption – nous offre des images intemporelles où la rigueur se mélange à l’émotion. Loin du gigantisme des tirages spectaculaires et tapageurs, l’univers de Claas porte à la méditation. Les paysages, les natures mortes, les ob- jets, les ambiances familiales sont tirés en petits formats présentés sous verre et réunis en séries comme autant de pages dans l’histoire d’un regard. Cet ex-mu- sicien, amateur de Jean-Sébastien Bach, a le même décalage artistique avec son époque que son compositeur préféré.

Perpignan

L’automne apportera une nouvelle confir- mation : celle de l’intérêt du festival Visa pour l’image de Perpignan. Pour sa huitième édition, le Visa exalte plus que jamais la grandeur du photojourna- lisme. Trente-cinq expositions, près de 200 agences représentées, des reportages extraordinaires, allant de l’immigration clandestine des Mexicains vers les États- Unis (Patrick Bard) aux cuisines de Joël Robuchon (Hervé Amiard), toutes ces photos attestent à la fois du côté vivant et du côté moribond de la photo de presse, menacée par l’image de télévision. Enfin, l’année se termine en beauté avec la vaste rétrospective, « 70 ans de déclics », consa- crée par le Pavillon des arts, aux Halles à Paris, à Willy Ronis. La splendeur de la vie quotidienne...

PATRICIA SCOTT-DUNWOODIE downloadModeText.vue.download 472 sur 602

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ARCHITECTURE

En ces temps incertains, le « mouve- ment moderne » apparaît comme la valeur refuge d’une architecture en crise. Héritée du siècle, cette modernité référencée a désormais droit de cité. Inté- grée à la ville et aujourd’hui parée d’un mérite patrimonial, elle apparaît parfois datée, bientôt archaïque. Cette « archéo- modernité » ne parvient cependant pas à triompher d’un courant high-tech un peu passé de mode, certes, mais porté par une innovation technologique qui redouble et se démultiplie tous azimuts. Si l’em- phase techniciste n’est plus de mise, les références se déplacent aussi. Allégeance obligée, Le Corbusier est usé d’avoir beaucoup servi, son cadre de production dépassé et caduc. En revanche, l’ombre portée de Mies van der Rohe sur l’hori- zon du siècle n’a jamais été aussi grande et présente. Son oeuvre concilie les canons de la modernité, la pensée technique et une irréductible volonté esthétique. La synthèse qu’il propose dépasse la ques- tion du style pour fondre rationalisme et sensibilité dans un art minimal, matériel et abstrait, actuel comme jamais.

Crise

En France, l’année 1996 trouve le secteur du bâtiment profondément installé dans la crise. Repli durable. Les grands pro- grammes d’équipements liés à la décen- tralisation se terminent. Les nouveaux sièges institutionnels de la vie politique sont désormais érigés. La remise à niveau du parc scolaire est effective et la vague des collèges et lycées (de compétence départementale et régionale), retombée.

L’État, pour sa part, achève son plan Uni- versité 2000. Les ministères de la Culture et de la Justice ont pris le relais, condui- sant de vastes programmes de créations (musées) et de rénovation du patrimoine (palais de justice). Le logement social empêtré dans son parc tourne au ralen- ti. De leur côté, les collectivités locales connaissent un endettement préoccupant qui bride les projets. Les dépenses sont différées ; l’envie d’architecture faiblit. L’écharpe de « maire bâtisseur » se porte moins. L’époque consacre le gestionnaire et l’administré demande des comptes. Ils se règlent. Vie publique empoisonnée, économie malmenée, le pays s’immobi- lise, société bloquée.

Modernité refuge

Baisse de moral et crise morale. La notion du « politiquement correct » s’empare également de l’architecture pour condamner les excès formalistes des années antérieures marquées par le faste de l’investissement et l’audace de la conception. Laborieusement conquise, la liberté plastique est vite taxée de gratuité. Les formes débridées et les débauches de technologies deviennent suspectes. L’au- tonomie même de l’oeuvre architecturale est contestée. Il est vrai qu’elle s’était sin- gulièrement émancipée, n’hésitant pas à s’abstraire du contexte et de l’usage pour s’établir sur le terrain de la création pure. C’était oublier que l’architecture est un art de synthèse contraint par un environne- ment et un programme qui réalise l’ex- pression d’une société. Le malaise social l’a rattrapée.

La prudence est de mise. Les gesti- culations ont fini par lasser. Les acroba- ties du « déconstructivisme » et autres downloadModeText.vue.download 473 sur 602

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élucubrations formalistes apparaissent aujourd’hui déplacées. La fièvre high- tech est retombée. Hier recherchée, l’in- novation inspire la méfiance. À peine consacré, le règne de la transparence est contesté, son emblème ravalé avec l’aban- don du Centre de conférences interna- tionales de Paris : trois boîtes de verre clair posées en bord de Seine par Francis Soler. La débauche des produits verriers fait froid dans le dos en dépit des avan- cées technologiques qui accommodent le matériau en structure et en isolation. L’architecture ne se projette plus en plein ciel, dans des attitudes héroïques qui em- pruntent à l’aéronautique ses formes et ses technologies. La conquête de l’espace marque le pas ; on lui préfère la maîtrise du lieu. Liberté et légèreté sont moins recherchées.

En tendance, l’architecture redescend sur terre pour se raccrocher aux acquis historiques de la modernité érigés en certitudes, valeurs sûres dans un monde troublé. Le soufflé médiatique retombe, et les architectes, eux-mêmes, éprouvent le besoin de calmer le jeu. Dans la frilo- sité ambiante, le béton sécurise. Tech- nique éprouvée et spécialité française, il répond à ce besoin de protection par sa masse et de sages épures statiques. L’esthétique du chaos, de l’aléatoire et de la mobilité (nomadisme) achoppe sur la permanence d’un ordre qui lui oppose la mesure et la hiérarchie dans l’espace urbain et l’objet construit. Érigée en rem- part et en système, la modernité devient un savoir-faire.

L’architecture assure. Plus que jamais Henri Ciriani fait école, revisitant le style international et l’héritage corbuséen. À l’échelle planétaire, Richard Meier triomphe. Il livre en début d’année le musée d’Art contemporain de Barcelone, d’une modernité étincelante au coeur de la ville gothique. Surtout, il achève sur les hauts de Los Angeles sa grande oeuvre, la Fondation Getty, qui réalise le mythe d’une acropole moderne chère aux CIAM (congrès internationaux d’architecture moderne) de la première moitié du siècle. Sur un socle de pierre ocre, sept ou huit entités bâties s’enroulent dans la trame d’un trait égal pour composer une cita- delle culturelle magistrale. Une apogée tardive du courant moderne et un som- met de cette culture urbaine qu’incarne si justement l’Espagnol Rafael Moneo, lauréat 1996 du prix Pritzker, décerné par la Fondation Hyatt... Ou encore Renzo Piano, qui livre en front de Rhône les pre- miers maillons de la Cité internationale de Lyon.

Ouverture technique et poétique

Antidote à tant de convenances, les Français Odile Decq et Benoît Cornette sont distingués lions d’or à la Biennale de Venise, en octobre 1996, gardant la porte ouverte sur de plus imprévisibles débordements architecturaux. Car, si le « mouvement moderne » règne en cette fin de siècle, des incertitudes subsistent, des interrogations demeurent qu’une architecture attentive et actuelle explore inlassablement, portée par la crue des innovations et expérimentations tech- niques. Ce courant plus « techniciste » mais aussi poétique ne se résigne pas à cette modernité de bon aloi, aujourd’hui reconnue comme « classicisme ». Livrée au printemps, à Paris, dans le Marais, la Maison européenne de la photogra- phie fait cohabiter vieilles pierres XVIIIe downloadModeText.vue.download 474 sur 602

CULTURE

473 et extension moderne taillée dans le même calcaire serti de verre (Yves Lion et Alan Lewitt, architectes). Un incon- testable sans-faute fait d’attention et de retenue. Cette compatibilité signe en ville un compromis historique qui se vérifie à l’échelle du paysage. Ouvert en 1996, le Centre archéologique du mont Beuvray, sur le site de l’ancienne Bibracte, scelle l’alliance de la nature et des canons de la modernité (Pierre-Louis Faloci, archi- tecte). L’ouvrage a reçu, fin 1996, la très prisée équerre d’argent, attribuée par le groupe des éditions du Moniteur pour ses qualités de composition paysagères et muséographiques, plus sûrement que par son statut officieux d’oeuvre testamentaire du président Mitterrand.

FRANÇOIS LAMARRE downloadModeText.vue.download 475 sur 602

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PATRIMOINE

Le patrimoine est traditionnellement l’enfant chéri des gouvernements de droite. Pour certains essayistes conserva- teurs, dont Marc Fumaroli, sa protection est même la seule justification du minis- tère de la Culture. Et l’on doit effective- ment à François Léotard, qui occupa la rue de Valois pendant la première coha- bitation (1986-1988), la première loi de programme destinée à sauvegarder les grandes traces de notre mémoire. Elle a été renouvelée par Jack Lang. Le budget présenté par Philippe Douste-Blazy pour 1997 écorne sévèrement cette priorité. D’abord, la deuxième loi de programme, qui devait s’achever en 1998, est étalée sur une année de plus. Les autorisations de programme – c’est-à-dire la capacité du ministère à engager des opérations nouvelles en matière de patrimoine –, qui se montaient à plus de 1,6 milliard de francs en 1996, sont ramenées à 1,07 mil- liard, soit une diminution de 34,6 %. Pour éviter que les entreprises spécialisées qui travaillent sur les monuments historiques ne soient trop pénalisées, le ministre a indiqué qu’« il veillera à mobiliser plus activement les crédits mis en place les an- nées précédentes pour que le volume global des chantiers ouverts en 1997 ne soit pas réduit ».

Fondation

Est-ce en prévision de ce désengage- ment que le ministre avait imaginé son projet de la Fondation du patrimoine ? Sûrement pas. Il s’agit pour le sénateur de Maine-et-Loire, Jean-Paul Hugot (RPR), auteur du rapport qui a donné naissance au texte législatif, d’associer l’État et le mécénat pour permettre la sauvegarde des biens culturels non encore protégés. La Fondation, reconnue d’utilité pu- blique, sera autonome vis-à-vis de l’État. Son capital sera d’origine totalement pri- vée. Elle disposera de moyens étendus : les pouvoirs publics pourront exproprier à son profit, elle pourra préempter des objets d’art et gérer des biens. Elle sera également habilitée à recevoir des dons, des legs et des subventions. Son conseil d’administration sera composé à 51 % par ses fondateurs, c’est-à-dire par les entreprises qui contribueront au capital de 40 à 50 millions de francs. Contraire- ment aux fondations traditionnelles, les fondateurs auront pouvoir de gestion. Ces ressources seront complétées par les cotisations des adhérents directs, eux aussi représentés au sein du conseil d’ad- ministration. Les autres sièges du conseil seront détenus par des représentants de l’État ou des collectivités locales. « Il s’agit d’injecter la logique de l’entreprise dans la Fondation », déclarait le sénateur Hugot.

Cette fondation s’inspire bien évidem- ment du National Trust britannique, un organisme privé qui rassemble 2,2 mil- lions d’adhérents et gère 238 000 ha de terrains, 885 km de côtes, 220 demeures, 162 parcs, 940 bâtiments industriels, 466 sites naturels et 40 000 sites archéo- logiques. Mais la fondation britannique a plus de cent ans d’existence et les tra- ditions ne sont pas vécues de la même manière de part et d’autre de la Manche. L’entreprise française, pour être viable, suppose une véritable révolution de la part de l’État français, des entreprises comme des particuliers. La Fondation devait être opérationnelle dès l’automne downloadModeText.vue.download 476 sur 602

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1996, mais son accouchement semble plus difficile que prévu : à la fin de l’an- née, la rue de Valois était toujours muette sur la suite de l’opération et aucune entre- prise n’avait fait savoir qu’elle entrait dans le capital de la Fondation.

Une révolution au sein des gestionnaires du patrimoine français semble pourtant nécessaire. La corporation des architectes en chef des Monuments historiques char- gée de la rénovation des monuments classés est de plus en plus attaquée. Les architectes sont accusés d’être juges et parties : ce sont eux qui commandent les travaux et eux qui les suivent. La profes- sion, à savoir une cinquantaine de pra- ticiens libéraux qui ont effectivement le monopole des travaux dans ce domaine, s’indigne d’un tel procès et récuse en bloc les accusations. Plusieurs affaires ont néanmoins défrayé la chronique au cour de l’année 1996. Le propriétaire d’un château classé, à Sarzay, dans l’Indre, a été condamné pour avoir trop bien réno- vé seul le bâtiment auquel il a consacre toutes ses économies. Celui de la char- treuse du Mont-Dieu, dans les Ardennes, a, lui, été pénalisé pour n’avoir pas fait de travaux alors que l’administration des Monuments historiques était largement responsable du mauvais état de l’édifice. Une autre révolution, beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre, concerne les mentalités. Si la notion de patrimoine a largement évolué ces dernières années, sa dimension industrielle n’est toujours que médiocrement prise en compte en dépit de déclarations ministérielles précises à la fin de 1995. Ainsi, l’année a été catastro- phique pour cette forme de patrimoine. À Toulouse, un des derniers gazomètres de France, datant de 1914, récemment en service, a été détruit en mai, alors que, en Allemagne et en Italie, un certain nombre de ces édifices caractéristiques ont été transformés en galeries d’art ou en salles de spectacles. Plus grave, à Strasbourg, le silo à céréales situé dans le Port autonome et inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques a été démoli en juin. Au cours du même mois com- mençait le tronçonnage de la grue Gusto, à Saint-Nazaire. Cet instrument de levage de 1 400 tonnes, l’un des plus puissants du monde, dont la contre-flèche, d’une portée de 100 m, domine le bassin Jean- Bart, avait été construit en 1936 par les chantiers Gusto, d’où son nom. Son ins- tallation dans le port breton avait boule- versé la construction dans les chantiers navals. La grue avait fait l’objet d’un avis de protection de la part des Monuments historiques en 1992. À Marseille, enfin, les silos d’Arenc, construits vers 1890 sur le port de la Joliette, et qui ont fait l’objet de nombreuses études, sont toujours en instance de démolition. Dommage.

EMMANUEL DE ROUX downloadModeText.vue.download 477 sur 602

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ARCHÉOLOGIE

Juanita

C’est en juin 1996 qu’a été décrite la dé- couverte exceptionnelle faite dans le sud du Pérou en septembre précédent : un numéro du National Geographic Maga- zine a présenté cette momie inca mer- veilleusement conservée, trouvée dans les glaces du Nevado Ampato, à 6 300 m d’altitude. Des cendres venues d’un vol- can voisin s’étaient déposées sur la glace, qui avait fondu. La sépulture construite au sommet s’était effondrée, la momie avait roulé plus bas... où l’équipe conduite par l’anthropologue Johan Reinhard, du muséum de Chicago, la retrouva.

Avec elle se trouvaient divers objets : des poteries, une figurine féminine, deux sacs d’étoffe contenant grains et balles de maïs... Les bandelettes avaient commencé à se défaire dans la chute, et le visage ap- paraissait, desséché par le soleil. Le reste du corps était demeuré gelé, malheureu- sement frappé par la foudre. En haut, on voyait quelques-unes des pierres de la sépulture. La momie était celle d’une enfant de dix à quinze ans. Aussitôt bap- tisée Juanita, elle fut descendue aussi vite que possible, et non sans peine, vers Are- quipa. Là, on la remit bien vite au froid au département d’archéologie de l’université catholique, dont le doyen, José Antonio Chavez, dirige avec Johan Reinhard le projet « Sanctuaires de haute altitude des Andes méridionales ». Il apparut que les tissus des vêtements de Juanita étaient de la meilleure qualité inca, de même que les poteries. Manifestement, le dépôt de cette momie en ce lieu avait eu la plus grande importance il y a cinq cents ans...

Car ils ont fait cela, les Incas... et pas seulement sur ce sommet. Des momies ont été trouvées en altitude jusque sur les pentes de l’Aconcagua et du Toro, loin dans le sud. Il est vrai que jusqu’alors c’était toujours des momies d’hommes... et qu’on a souvent baptisé momies des restes simplement congelés. Reinhard lui-même, qui a fait plus de cent ascen- sions dans les Andes, a découvert des restes humains au Pichu Pichu, dans le sud du Pérou – ceux d’une jeune femme d’environ dix-huit ans ensevelie dans une structure cérémonielle. Elle avait été tuée d’un coup sur la tête. Le garçon de l’Aconcagua, lui, avait été étranglé. Il existe des témoignages historiques sur ces sacrifices humains à la montagne. Le même archéologue a découvert au Co- piapo une structure dans laquelle avaient été enfouis des objets, sans doute en of- frande : cela allait de statuettes précieuses à de simples morceaux de bois ou à des noix. Les restes de la sépulture de Juanita, au sommet du Nevado Ampato, ne sont d’ailleurs pas les plus élevés qu’il ait repé- rés puisqu’il a fouillé près du sommet du Llullaillaco, à la frontière de l’Argentine et du Chili, une structure cérémonielle à 6 700 m d’altitude – sans doute le site archéologique le plus élevé du monde.

L’Ampato ne recelait pas seulement une momie et sa sépulture. À 6 200 m, un avant-sommet livra de la poterie et des tissus incas, des fragments de corde, des restes de piquets de bois... et des san- dales. Des Incas avaient peut-être planté leur tente ici, dans leur long chemine- ment vers le sommet. On retrouva aussi des crottes de lama. Curieusement, l’en- droit était couvert d’herbe. Plus bas, sur un plateau à 5 800 m, une autre station downloadModeText.vue.download 478 sur 602

CULTURE

477 apparut avec des restes de piquets et une grande plateforme de pierre. Des piquets semblent avoir balisé une piste allant du plateau au sommet. Enfin, il apparut que les Incas avaient établi une sorte de camp de base à 4 960 m... On croirait voir tout l’itinéraire d’une véritable expédi- tion andine vieille de cinq cents ans. Nos himalayistes n’ont peut-être rien inventé ! Mieux encore : lors d’une nouvelle mis- sion organisée immédiatement et qui revint sur les lieux un mois plus tard, Chavez et Reinhard découvrirent, sur ce même plateau, les sépultures de deux enfants. D’après les objets enterrés avec eux, l’un des deux enfants pouvait être un garçon (mais il en restait peu de chose), l’autre, une fille ; et cette petite fille d’envi- ron huit ans avait été enterrée avec une somptueuse coiffure de plumes. Selon un chroniqueur espagnol du XVIe siècle, des couples d’enfants pouvaient être effective- ment sacrifiés. Sacrifiés aux montagnes, bien sûr, divinités qui dispensaient de façon très concrète l’abondance comme le malheur.

Premiers Australiens

Il se passe toujours quelque chose du côté des origines... Une annonce venue d’Australie a fait grand bruit : le site de Jinmium, dans l’ouest du Territoire-du- Nord, contiendrait des roches gravées il y a 60 000 ans au moins, ainsi que des pierres taillées de peut-être 176 000 ans. L’histoire des origines de l’art et celle du peuplement de l’Australie pourraient s’en trouver assez changées.

Jinmium contient de très gros blocs de grès portant des milliers de petites cupules creusées par piquetage : plus de 3 000 pour certains. Un fragment de bloc a été trouvé dans une couche de sédiment datée elle-même de 58 000 à 75 000 ans par la méthode de la thermolumines- cence (TL). D’autres niveaux contenant non seulement des pierres taillées mais aussi de l’ocre rouge ont reçu, par la même méthode, des dates de 116 000 et même de 176 000 ans. Il faut accueillir ces chiffres avec prudence a noté le pré- historien Paul Bahn dans la revue britan- nique Nature, car la TL peut aussi bien avoir daté des sédiments fort antérieurs aux objets. Mais, si ces dates se confir- ment, la préhistoire ne sera plus la même.

On connaissait bien, en Allemagne et en France, des lignes parallèles incisées dans de l’os il y a plus de 100 000 ans. On connaissait également un morceau de tuf volcanique trouvé dans le Golan et qui évoquerait une statuette féminine datant de plus de 230 000 ans. En Inde, une pierre trouvée dans la fouille d’une grotte a livré une cupule et une ligne ondulée dans un niveau de 150 000 ans ou davantage. Quant aux traces d’ocre, on les découvre maintenant au-delà de 50 000 ans, aussi bien en Europe qu’en Australie. Mais des cupules creusées dans des pierres voilà 60 000 ans et plus, cela ne s’était jamais rencontré.

Le plus étonnant, c’est que les pierres taillées de Jinmium multiplient par deux ou trois l’ancienneté de l’occupation humaine de ce continent : on ne parlait, jusqu’alors, que de 40 000 ou 60 000 ans. Il faut savoir que, selon les paléogéo- graphes, il a toujours existé un bras de mer d’au moins 70 km entre l’ensemble Australie-Nouvelle-Guinée et le conti- nent asiatique. Une Australie peuplée voilà 175 000 ans suppose donc des tra- versées marines dès cette époque ! Il est downloadModeText.vue.download 479 sur 602

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478 vrai que de l’île de Florès, près de la Nou- velle-Guinée, montrerait des traces de peuplement remontant à 700 000 ans...

Il faut se demander aussi quels au- raient été ces premiers Australiens : des Homo sapiens ou non ? Si ce ne furent pas des sapiens mais leurs prédécesseurs erec- tus, y a-t-il eu évolution sur place pour donner des sapiens, ou bien ces derniers sont-ils arrivés plus tard d’Afrique ? En d’autres termes, les hommes modernes ont-ils une seule origine, ou non ?

HENRI DE SAINT-BLANQUAT downloadModeText.vue.download 480 sur 602

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BD

L’année 1996 s’ouvre sur une contro- verse. Fallait-il fêter le centenaire de la bande dessinée en prenant pour réfé- rence l’apparition des premières bulles dans The Yellow Kid, une série améri- caine imaginée par Richard Felton Out- cault pour le New York Journal, ou bien devait-on considérer le Suisse Rodolphe Töppfer comme le véritable « inventeur » du genre. (Pour la petite histoire, 1996 marque également le cent cinquantenaire de la disparition de ce dernier.)

Plutôt que de se quereller sur des dates, il convient d’établir des filiations, de montrer que chaque événement artis- tique s’inscrit dans un ensemble. Écartée par certains, reconnue par beaucoup, la date anniversaire de 1996 n’en demeure pas moins un événement médiatique exceptionnel pour la promotion de la bande dessinée et de ses principaux ac- teurs. Plusieurs pays célèbrent avec faste l’événement. La France réunissait en oc- tobre l’ensemble des professionnels pour une photographie souvenir à la Comé- die-Française. L’année était également marquée par la disparition d’un grand de la BD : après avoir été honoré par le festival d’Angoulême, l’Américain Burne Hogarth, considéré comme le plus grand dessinateur de Tarzan, mourait à Paris, victime d’une crise cardiaque.

Au chapitre des périodiques, signalons la sortie en septembre de Strips, un nouvel hebdomadaire de bande dessinée impri- mé sur un papier journal de bonne quali- té et consacré, comme son nom l’indique, aux gags en trois ou quatre vignettes. Aux côtés d’illustres traductions (Krazy Kat, de George Herriman, Zippy, de Bill Grif- fith, Sam et Silo, de Jerry Dumas ou Andy Capp, de Reg Smythe), les lecteurs décou- vrent les signatures de Lewis Trondheim, Roland Topor, Placid, Jean-Michel Nicol- let, Kamagurka, Charlie Schlingo, Kelek et Romain Slocombe.

Les éditions Bayard-Presse créent la surprise avec la toute nouvelle formule d’Astrapi. L’amateur de bande dessinée y trouve son compte avec, notamment, Fred le Facteur, de Martin et Yves Got, Touffu, de Berthommier, C’est la vie Lulu, une BD en deux pages scénarisée par Delphine Saulière et illustrée par Bernadette Des- prés ou Yvan et Wanda de Marc Waster- lain. Rappelons que le bimensuel Astrapi s’adresse à près de 500 000 lecteurs... les mangas n’ont qu’à bien se tenir !

À propos des traductions orientales, précisons que, parallèlement aux man- gas japonais, le marché français s’ouvre à d’autres produits en provenance de Co- rée, d’Indonésie et de Taïwan.

Le retour de Blake et Mortimer dans l’Af- faire Francis Blake, programmé depuis déjà quelques années, constitue l’un des événements de la rentrée 96. Plutôt que de céder aux mirages du profit rapide, Dargaud s’est efforcé de renouer avec l’esprit de toute une époque. Si le scéna- rio de Jean Van Hamme témoigne d’un très grand professionnalisme, la grande réussite de cet ouvrage résulte dans son traitement graphique, signé Ted Benoît. Sa volonté de vérisme transparaît dans chacune de ses vignettes et contribue évidemment à la qualité de l’ouvrage... sa lenteur même, son perfectionnisme rap- downloadModeText.vue.download 481 sur 602

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480 prochant un peu plus Benoît de Jacobs !

Lancement réussi donc pour ce néo- classique appuyé par une forte campagne médiatique. Après une semaine de mise en vente, Dargaud informait que le tirage initial de 480 000 exemplaires ne suffisait pas et qu’il en rééditait 100 000 exem- plaires supplémentaires.

Reste que le succès de cet ouvrage génère quelques jalousies, et la Fonda- tion Jacobs – censée représenter les inté- rêts du malheureux créateur de Blake et Mortimer, qui n’en demandait pas tant – assigne en justice Dargaud sous le prétexte que le nom de Jacobs aurait été mentionné en trop gros caractères sur la couverture ! Fin 1996, l’Affaire Francis Blake était en théorie indisponible dans les librairies de Belgique.

Parallèlement à la sortie de la Galère d’Obélix, le dernier album en date d’Asté- rix, tiré à 2 800 000 exemplaires aux édi- tions Albert-René, le musée national des Arts et Traditions populaires organise une grande exposition consacrée au petit Gaulois et destinée en premier lieu aux enfants.

PATRICK GAUMER auteur des Années Pilote, Dargaud, 1996 downloadModeText.vue.download 482 sur 602

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PROGRAMMES TV : LA LOI DES SÉRIES

Le scandale des animateurs-produc- teurs a-t-il refroidi le marché des transferts ? La rentrée de septembre n’a été marquée que par un léger va-et-vient d’animateurs entre TF1 et France 2. Ar- thur et Nagui ont ainsi quitté la chaîne publique pour animer, respectivement, « La fureur du samedi soir », émission de variétés, et « L’appel de la couette », ver- sion liftée de « N’oubliez pas votre brosse à dents ». De son côté, Patrick Sébastien est revenu sur la chaîne publique avec un divertissement bimensuel basé sur le hasard. Jean-Luc Delarue et Michel Drucker ont conservé « Ça se discute » et « Studio Gabriel », alors qu’Alexandra Kazan présente désormais « Taratata » (toujours produite par Nagui) et que Fré- déric Mitterrand veille sur un nouveau ciné-club, inauguré par un cycle Marilyn Monroe. Rien que de très classique. Par contre, Philippe Tesson, Mireille Dumas et Tina Kieffer ont disparu des écrans.

Alors que France 2, pour prendre le relais de « Fort Boyard », lançait à l’au- tomne « La légende de Mélusine », jeu à caractère médiéval présenté par l’ex-ju- doka Thierry Rey, ancien de Canal + et gendre du président de la République, France 3 marquait deux points : la diffu- sion sur tout le territoire de « Qu’est-ce qu’elle dit Zazie », un excellent magazine culturel jusqu’alors réservé aux téléspec- tateurs d’Île-de-France et du Centre, et la poursuite du toujours surprenant « Strip- tease », qui a retrouvé un rythme hebdo- madaire et un horaire décent (dimanche à 18 heures).

Séries culte. Pour la première fois depuis très longtemps (1982 et les deux balles reçues par J.R. dans « Dallas »), des séries ont tenu les téléspectateurs en haleine. Pour cause de stock cinéma- tographique presque à sec, France 2 a diffusé le dimanche soir des épisodes de « Urgences », conçu par l’auteur-produc- teur Michael Crichton. Outre ses qualités dramaturgiques, cette série repose sur un hyperréalisme quasiment documentaire qui appelle les choses de la vie, et surtout de la mort, par leur nom. « Urgences », c’est l’hôpital dans ses moindres détails, parfois les plus sordides ; c’est aussi une série qui milite pour l’hôpital public avec ses sans-abri, paumés et toxicomanes. Mais la série ne se borne pas aux bons sentiments de charité et de compassion. Derrière les blouses blanches dévouées à leur métier, les acteurs ne s’épargnent ni coups tordus ni perversions raffinées. Les adolescents se sont eux repus des épisodes inédits de « Aux frontières du réel », diffusés le samedi soir sur M6. Les deux agents du FBI, Mulder et Scully, aux prises avec les mensonges d’État ou avec des créatures venues d’ailleurs, ont réalisé de beaux scores chez les 14/17 ans.

Les chiffres corroborent les ten- dances : selon une étude du CSA menée de juin 1995 à juin 1996, l’audience des films à la télévision a nettement chuté. Parmi les 20 meilleures audiences de TF1 (la chaîne leader) ne figurent que deux films (américains) perdus au milieu des séries telles que « Navarro » ou « Julie Lescaut », ou des divertissements comme « Les grosses têtes ».

En septembre, Canal + a lancé le pre- mier pay per view (« payer pour voir »). Les abonnés à Canal-Satellite peuvent downloadModeText.vue.download 483 sur 602

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482 désormais expérimenter le football à la carte moyennant un abonnement de 143 F par mois (décodeur numérique et service kiosque) et le paiement de 50 F pour regarder un match du Champion- nat de France. L’accord d’exclusivité pour cinq ans signé entre la chaîne cryptée et la ligue de football a provoqué l’amertume de TF1, qui devait lancer en décembre un bouquet de programmes par satellite en association avec France Télévision, M6 et la CLT. Le sport est en effet une des composantes essentielles des bouquets de programmes.

Canal multiplie les initiatives. Par- fois, avec un peu de casse. Ainsi, avec le « Vrai-faux journal », Karl Zéro a proposé un stupéfiant mélange de vraie informa- tion et de délirantes supercheries. Fin octobre, toutefois, une séquence repré- sentant l’assassinat de Jacques Chirac, d’Alain Juppé et de Jean-Louis Debré par des tueurs à gages a provoqué la colère du CSA. L’émission a été suspendue pour un mois par la direction de la chaîne afin d’être reformatée.

MICHEL EMBARECK downloadModeText.vue.download 484 sur 602

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SPORTS 96 :

UNE ANNÉE TRICOLORE

Exploits et dérives

Les derniers jeux Olympiques du siècle resteront dans l’histoire. Pour le meilleur et pour le pire. Sur le plan sportif, le suc- cès est indéniable. Sur la piste du stade d’Atlanta, plusieurs exploits ont rythmé les compétitions. Le plus spectaculaire pour Michael Johnson dans un 200 m avalé en 19″ 32. Le plus émouvant pour Carl Lewis, consacré seigneur des an- neaux olympiques après la conquête d’un 10e titre. Dans le sillage de ses chefs de file, l’équipe de France a fort bien tenu son rang. Avec 37 médailles et 15 titres, elle a obtenu son meilleur résultat de l’après- guerre. À Atlanta, le pire, ce fut d’abord l’attentat perpétré au coeur du parc olym- pique. Bilan : 2 morts, 112 blessés. Ce fut aussi ce même parc transformé par les sponsors des Jeux en vaste foire com- merciale. Ce fut enfin des cafouillages à répétition dans l’organisation. Le finance- ment complet des Jeux par l’argent privé a montré ses limites. Ces Olympiades du centenaire ont marqué l’aboutissement des dérives du sport moderne. Le Comi- té international olympique a promis de rectifier le tir en vue des Jeux de Sydney. Dont acte.

Une habituée, un novice

En Angleterre, le championnat d’Europe des nations de football a couronné l’Alle- magne pour la 3e fois. L’efficacité du foot- ball allemand au plus haut niveau ne se dément pas. Si le spectacle fut souvent décevant et le jeu par trop bridé, on s’est réjoui de l’ambiance conviviale et bon enfant de cet Euro organisé dans un pays martyrisé pendant des années par le hoo- liganisme. En France, le triomphe de l’AJ Auxerre, vainqueur de la Coupe et du Championnat, est venu récompenser un club atypique et un entraîneur d’excep- tion, Guy Roux. Le Paris-Saint-Germain s’est consolé de ses déboires hexagonaux en devenant le 2e club français à rempor- ter une Coupe d’Europe.

Des champions et un sorcier

On retiendra également de cette an- née 96 l’avènement du cycliste danois Bjarne Riis, brillant vainqueur du Tour de France, le nouveau visage de battu de Miguel Indurain, le sourire de Damon Hill, qui décroche enfin un titre de cham- pion de formule 1, la défaite retentissante de Mike Tyson, saoulé de coups par un étonnant Evander Holyfield. Et en fin d’année, la bande à Noah a offert au pu- blic français un succès inattendu en finale de Coupe Davis, privant ainsi le néore- traité Stefan Edberg d’un ultime trophée.

VINCENT PELLEGRINI ET

GILLES RAILLARD

Journalistes à Radio-France Internationale downloadModeText.vue.download 486 sur 602

SPORTS

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PORTRAITS

La locomotive de Waco

Michael Johnson est une énigme vivante, un mystère qui défie les lois de la phy- sique régissant le mouvement. L’homme qui, aux Jeux d’Atlanta, a réussi un inédit doublé 200 m - 400 m, celui qui, sur le tartan du Stade olympique du Centenaire, a porté le record du monde du 200 m à des sommets himalayens (19″ 32), cet homme-là ne sait pas courir. Les puristes sont formels.

Du reste, il suffit de le voir à l’oeuvre. M. Johnson court comme un personnage de dessin animé : le torse bombé comme un soldat en tenue d’apparat, le menton pointé vers le ciel, la tête plus droite qu’un piquet trop rigide, les jambes qui mou- linent comme un Daffy Duck pourchas- sant une proie imaginaire. À croire que le héros des Jeux d’Atlanta est sorti tout droit de l’esprit farceur de Tex Avery. Im- manquablement, cette façon très particu- lière de se mouvoir sur le tartan lui a valu quelques surnoms peu flatteurs, comme la locomotive de Waco (ville du Texas où il réside).

Son entraîneur, Clyde Hart, avoue aujourd’hui que, en observant son pro- tégé pour la première fois, il n’imaginait même pas qu’il puisse devenir un jour champion régional. Mais M. Johnson n’est pas du genre à renoncer facilement. Dès le début, malgré son style atypique, mal- gré les sarcasmes de jeunes athlètes plus doués que lui, il persévère et ne rechigne pas à l’effort. Jour après jour, mois après mois, il s’entraîne comme un forcené. La locomotive apprend vite, les résultats vont suivre...

Son premier succès significatif sur la piste, Michael Johnson l’obtient à vingt- quatre ans, en 1991. À Tokyo, il devient champion du monde du 200 m et signe un long bail avec la gloire. En 1992, une intoxication alimentaire le freine dans sa conquête du Graal olympique, mais il se rattrape l’année suivante en enlevant, à Stuttgart, le titre mondial du 400 m. Deux ans plus tard, aux Championnats du monde de Göteborg, il cumule les deux épreuves, pourtant difficilement conci- liâmes, et devient le premier athlète à réa- liser un doublé 200 m - 400 m. Il poursui- vra sa quête d’absolu aux Jeux d’Atlanta, avec la réussite qu’on lui connaît. Cette réussite, M. Johnson la doit à une force de caractère hors du commun et à un entraînement tout scientifique basé sur deux notions qu’il chérit : le sérieux et la méthode.

C’est donc avec le plus grand sérieux et la meilleure méthode qu’il a mené en parallèle, au début de sa carrière d’athlète, des études de marketing. À l’université Baylor, à Waco, on garde le souvenir d’un étudiant assidu, toujours tiré à quatre épingles qui ne succombait jamais aux frivolités de son âge ! Bref, un garçon très (trop ?) raisonnable. Cet esprit conscien- cieux, Michael Johnson le cultive depuis le berceau. Enfant, il consacrait toutes les matinées de ses vacances à l’étude de ses livres d’école. Sa mère, institutrice, surveillait sa progression tandis que son père, chauffeur-routier, ressassait sans relâche les mêmes recommandations quant à l’avenir que lui, son frère et ses trois soeurs devaient s’assurer. Les parents Johnson, parangons de droiture de la downloadModeText.vue.download 487 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

486 middle-class texane, ont été récompen- sés de leurs efforts. Les trois filles de la famille sont aujourd’hui enseignantes, et le fils aîné est ingénieur. Le petit dernier, Michael, a, lui, décroché un diplôme de marketing. Accessoirement, il est aussi devenu la plus grande star de l’athlétisme mondial.

Hill, gentleman des circuits

« Atypique Daman Hill ? Je dirais plutôt que c’est un homme normal dans un mi- lieu qui ne l’est pas. » Ce jugement émane de Jacques Laffite. Comme d’autres, l’an- cien pilote s’est sincèrement réjoui du sacre du Britannique. À trente-six ans, Damon Hill, parfois incompris, souvent sous-estimé, a enfin rejoint son père Graham au palmarès du Championnat du monde de formule 1. Damon a gardé de son père la passion de la vitesse et du pilotage. Pas son style sur et hors des circuits. Graham était un pilote specta- culaire et un homme haut en couleur, véritable boute-en-train des paddocks. Son fils est d’un naturel discret, intro- verti, qui s’attarde le moins possible sur les circuits pour retrouver au plus vite la quiétude d’une vie familiale paisible. La morgue et l’artifice n’ont jamais été sa tasse de thé.

Mais au-delà de cette image lisse se cache chez Damon Hill une volonté de fer. En 1975, son père se tue dans l’acci- dent de son avion privé. Les compagnies d’assurances estiment que la responsa- bilité de Graham est engagée. Son avion n’avait pas été correctement entretenu. La famille Hill est ruinée et déménage dans un HLM. Damon a quinze ans. Il entreprend des études de commerce —

« pour rassurer sa mère » — et se lance dans ses deux passions, le rock et la moto. Il fonde un groupe punk et débute la compétition moto en 1979. Son tra- vail de coursier lui permet de payer son matériel. En 1984, il remporte le Cham- pionnat anglais des marques au guidon d’une Yamaha.

La même année, sur les conseils de sa mère (« 4 roues c’est plus sûr que 2 » lui dit-elle), il s’essaie à la compétition automobile. Pendant sept ans, il végète en F 3 et en F 3 000, antichambres tradi- tionnelles de la F 1. Sa carrière bascule, en deux temps. En 1991, Frank Williams l’engage comme pilote essayeur. Avant de le choisir deux ans plus tard comme deuxième pilote, aux côtés d’Alain Prost. Hill a déjà trente-deux ans. Il remporte trois Grands Prix dès sa première saison et termine 3e du Championnat. En 1994, la mort d’Ayrton Senna à Imola le pro- pulse pilote no 1 d’une écurie Williams traumatisée. Il enlève 6 courses, mais il est devancé dans le Championnat par Michael Schumacher. 1995 restera une année noire pour Damon. Trop nerveux, il commet quelques bourdes. La presse britannique l’accable. Schumacher ne se prive pas d’en rajouter. Hill est dés- tabilisé. L’image de « looser » lui colle à la peau. Il termine de nouveau 2e du Championnat, derrière Schumacher.

1996 est enfin l’année de la consé- cration. Hill vit son titre comme une « délivrance merveilleuse ». Quelques se- maines avant d’être sacré, il avait appris que Frank Williams ne renouvellerait pas son contrat. Damon avait accueilli la mauvaise nouvelle avec sa dignité coutumière. Désormais, avec ce titre en poche assorti d’un palmarès éloquent downloadModeText.vue.download 488 sur 602

SPORTS

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(21 victoires en Grands Prix), Damon Hill a troqué les oripeaux du perdant insipide contre la tunique du gentleman champion.

Douillet, champion modèle

Quand on le voit, son nom prête à sourire. S’appeler Douillet quand on a la carrure d’un deuxième ligne de rugby (1,96 m, 125 kg) et que l’on peut revendiquer le titre de judoka le plus fort de la planète, il y a là comme un paradoxe. À Atlanta, Douillet, le mal-nommé, a conquis avec brio la médaille d’or olympique qui fait de lui l’un des judokas et l’un des sportifs français les plus titrés de tous les temps. Il a aussi acquis à cette occasion un statut de star, qu’il a assumé avec une simplicité désarmante. David Douillet a débuté le judo à onze ans. Élevé par sa grand-mère dans un petit village de Normandie, il a long- temps souffert de son physique, à qui il doit tant aujourd’hui. Le judo devient un exutoire pour ce gamin mal dans sa peau. Au contact des tatamis, il abandonne peu à peu ses complexes, accepte sa dif- férence, découvre les valeurs du judo, le respect des autres et de soi-même. « Sans le judo, j’aurais peut-être été un gros con, aigri par mes complexes physiques », confiait-il avant Atlanta.

La mutation de David Douillet est d’autant plus rapide que ses résultats sportifs sont excellents. Champion de France en 1991, médaillé de bronze aux Jeux de Barcelone (à vingt-trois ans), il devient l’année suivante le premier Français champion du monde des poids lourds. En 95, il conserve ce titre mon- dial et y ajoute celui des toutes catégo- ries. Un doublé que seuls les Japonais Yamashita et Ogawa avaient réussi avant lui. Au-delà de la puissance physique, la force de David Douillet réside dans sa vitesse d’exécution, exceptionnelle pour un athlète de 125 kg, et dans ses qualités de stratège des tatamis. « Il est toujours plus malin que l’autre », explique Jean- Luc Rougé, directeur technique national du judo français. À Atlanta, personne n’a résisté à Douillet. Une fois le titre en poche, il a promené dans la ville olym- pique sa bonne bouille ronde et sa joie de vivre. Il a répondu aux nombreuses sollicitations avec une disponibilité de tous les instants. Mais derrière cette image d’éternel bon vivant, décontracté, souriant, perce parfois une personnalité plus complexe, moins sereine. Lui qui, à vingt-sept ans, a tout gagné, a dévoilé au lendemain de son triomphe olym- pique un autre aspect de lui-même en confiant : « Sur le podium, j’ai pleuré car j’ai pris conscience que j’étais allé au bout. Au bout de tout. Et ce sentiment est d’une ambiguïté terrible. Il y a à la fois la joie de la victoire, du moment présent, mais il y a aussi la sensation d’aboutissement. Derrière, soudain il n’y a plus rien. C’est très fort. C’est un peu triste aussi... »

Jeannie Longo

Le sportif français le plus titré de l’histoire est une femme. En 1996, dans sa trente- huitième année, Jeannie Longo a ajouté un titre de championne du monde, une médaille d’or olympique (sa première) et un record de l’heure — pour ne retenir que l’essentiel — à un palmarès déjà ver- tigineux. Sa longévité et sa suprématie sont telles que son histoire se confond downloadModeText.vue.download 489 sur 602

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488 avec celle du cyclisme féminin.

Jeannie la magnifique a déboulé dans la cour des grandes en 1979, à l’âge de vingt et un ans, en remportant le premier de ses 29 titres de championne de France. Dans les deux décennies suivantes, elle a trusté tous les honneurs, dans toutes les disciplines. Sujette à une constante bouli- mie de victoires, elle a tout essayé, même le VTT, et a tout gagné : sur la route (épreuves en ligne, contre-la-montre), comme sur la piste (courses aux points, poursuites). En dix-huit ans de carrière, elle est montée à 25 reprises sur le po- dium d’une compétition internationale, a remporté 11 titres de championne du monde et battu 7 fois le record de l’heure (le dernier en date : 48,159 km, en oc- tobre 1996, à Mexico).

Ce palmarès en or brut, Longo l’a bâti avec un caractère en acier trempé. Fidèle à ses principes et à ses amitiés (elle n’a, par exemple, jamais cessé de cor- respondre avec Alain Carignon, même quand ce dernier se retrouva derrière les barreaux), elle s’est surtout rendue célèbre pour de solides inimitiés envers certains membres de la famille cycliste. Perfec- tionniste dans l’âme mais peu diplomate, la montagnarde de Saint-Gervais a tou- jours eu beaucoup de mal à accepter les compromis inhérents à la pratique du sport de haut niveau, quand ceux-ci risquaient de freiner ses performances. Ainsi, en 1991, alors qu’elle était l’incon- testable no 1 mondiale, elle fut privée de Championnats du monde pour avoir re- fusé de courir avec les pédales d’un spon- sor de l’équipe de France. Il faut dire, à sa décharge, que certains représentants de l’autorité fédérale n’ont pas toujours cher- ché à arrondir les angles, loin s’en faut. D’où une incompréhension mutuelle, faite d’accusations, parfois calomnieuses, et de procès devant les tribunaux. Ce cli- mat malsain a eu des répercussions sur le terrain sportif. Pour plusieurs raisons, et notamment pour quelques entorses à la confraternité, Jeannie Longo et ses congénères de l’équipe de France n’ont jamais entretenu les meilleurs rapports, c’est un doux euphémisme.

Par réaction, la rebelle du pelo- ton a plusieurs fois annoncé sa retraite, avant de changer d’avis après une pé- riode d’inaction incompatible avec son bouillonnant tempérament. En 1991, après l’« épisode des pédales de l’équipe de France », elle a même songé à chan- ger de nationalité pour courir sous des cieux plus cléments. Plutôt que de s’exi- ler, Jeannie Longo a finalement choisi de se replier sur elle-même. En compagnie de son mari-entraîneur, Patrice Ciprelli, elle s’est réfugiée dans son chalet alpestre, dans les environs de Grenoble. La quié- tude des lieux lui a permis de se ressour- cer, comme à chaque fois qu’elle se sent agressée par le monde extérieur. downloadModeText.vue.download 490 sur 602

SPORTS

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ATLANTA 96,

XXIIIes JEUX OLYMPIQUES

Triste anniversaire

Les Jeux d’Atlanta marquaient le cente- naire de la renaissance de l’olympisme. Loin des préceptes fondateurs du baron Pierre de Coubertin, ces Jeux ont été victimes de la vésanie des actes de terro- risme et, moins tragiquement, des excès de l’ultralibéralisme, maux symptoma- tiques du siècle écoulé.

Le soir du 27 juillet, les jeux Olym- piques ont été le théâtre d’un sombre jeu de guerre. Une bombe, de fabrication artisanale, a explosé sur l’esplanade prin- cipale du parc olympique du Centenaire, en plein coeur d’Atlanta, au moment où s’achevait un concert. Cet attentat non revendiqué a fait 2 morts et 112 blessés. Comme à Munich, en 1972, le drame n’a pas entraîné l’arrêt des compétitions. Pour Juan Antonio Samaranch, prési- dent du Comité international olympique, « aucun acte de terrorisme n’a jamais dé- truit et ne détruira jamais le mouvement olympique ».

Le parc olympique du Centenaire fut également le symbole d’une épreuve en partie érigée à la gloire du dieu dollar. Véritable sanctuaire des sponsors de ces Jeux, le parc a en quelque sorte institu- tionnalisé l’intrusion du marketing dans le sport et a transformé la ville olym- pique en un gigantesque champ de foire. Il faut dire que ces JO ont été exclusive- ment financés par le secteur privé. Pour la première et la dernière fois. Ce système ayant montré ses limites, le CIO a décidé de ne plus jamais y avoir recours. « Nous avons accueilli cet argent [... du secteur privé, NDR] avec la réserve que le sport doit avoir la priorité, et non le marketing comme cela a été le cas ici à Atlanta », expliquait M. Samaranch, à quelques heures de la cérémonie de clôture. For- mulé par un ancien diplomate, ce com- mentaire sentencieux ressemblait à une condamnation.

Les Jeux en chiffres. Du 19 juillet au 4 août, 10 788 athlètes provenant de 197 pays ont par- ticipé aux 271 épreuves des 26 sports inscrits au programme olympique. La délégation française comptait 309 athlètes, dont 107 femmes.

SDF, interdits de Jeux. Avant le coup d’envoi des JO, les autorités de la ville se sont livrées à un sport peu recommandable : la chasse aux homeless, les sans domicile fixe. Au total, plus de 15 000 personnes, SDF et squatters, ont été « dé- logés » du centre-ville, afin de donner au monde une image d’Atlanta « plus respectable ».

Atlanta proche de l’implosion

Ce financement totalement privé a eu des effets aussi inattendus que pervers. Pré- occupé par l’impérative nécessité de ne pas enregistrer de déficit (peine perdue), le Comité d’organisation des Jeux d’At- lanta (ACOG) a négligé des questions es- sentielles dans la préparation du rendez- vous quadriennal, comme la gestion des transports. Métro saturé, embouteillages monstres : les premiers jours de compé- tition ont été marqués par une certaine pagaille et ont même valu à certains ath- lètes d’arriver en retard sur leur lieu de compétition. Pour ajouter à la confusion, les systèmes informatiques gérant les ré- sultats dans les différents sports se sont révélés déficients, ralentissant, notam- ment, le travail de la presse internationale (résultats incomplets ou tout simplement downloadModeText.vue.download 491 sur 602

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490 absents, biographies d’athlètes erronées ou totalement incompréhensibles, etc.). Avant les Jeux, les Atlantais avaient pour- tant mis en avant l’incomparable savoir- faire technologique de l’un des princi- paux sponsors de la manifestation, le géant de l’informatique IBM. Finalement, sous la pression du CIO, le Comité d’or- ganisation a su rectifier le tir. En seconde semaine, les difficultés se sont progressi- vement estompées. Cela n’a pas empêché l’ACOG de perdre une bonne partie de sa crédibilité.

Les excès de l’ultralibéralisme ne sont pas les moins visibles dans les relations ambiguës qu’entretiennent le mouvement olympique et la télévision. À Atlanta, la TV a encore un peu plus empiété sur le terrain sportif. Les épreuves phares de l’athlétisme, par exemple, ont été repro- grammées pour mieux correspondre au prime time américain. La chaîne NBC, qui a payé très cher l’exclusivité des droits de retransmission sur le territoire des États-Unis (456 millions de dollars), a tenu à rentabiliser son investissement en cherchant à obtenir les meilleurs taux d’Audimat. À tout prix. Pour ce faire, elle n’a pas hésité à exploiter la fibre patrio- tique des téléspectateurs en ne s’intéres- sant presque exclusivement qu’aux ath- lètes américains. Elle a accordé une place démesurée aux épreuves traditionnelle- ment très suivies à la télévision (comme la gymnastique) et a multiplié les faux directs (qui ne tiennent pas toujours compte du déroulement in situ d’une compétition, mais qui ont l’avantage d’en- tretenir le suspense et donc de retenir les téléspectateurs devant leur petit écran). Ces dérives constituent une réelle me- nace pour le mouvement olympique. Si la compétition sportive devient moins im- portante que le comportement du télés- pectateur-zappeur, les jeux Olympiques seront condamnés à n’être plus qu’un show et finiront pas perdre tout intérêt.

Déficit

Avec un budget de 1,7 milliard de dollars, les Jeux d’Atlanta ont été les plus chers de l’histoire. William Payne, le patron de l’ACOG, avait promis que « les Jeux [financés exclusivement par des fonds privés] paieraient les Jeux ». Mais, quelques semaines après la cérémonie de clôture, le CIO estimait que plusieurs dizaines de millions de dollars manquaient dans les caisses.

TV, droits en hausse

Les revenus provenant des télévisions aux Jeux d’Atlanta ont atteint la somme record de plus de 900 millions de dollars (47 % de plus qu’aux Jeux de Barcelone). À elle seule, la chaîne américaine NBC a déboursé 456 millions de dollars. Un inves- tissement judicieux. Avant même que ne débute l’épreuve, NBC avait vendu plus de 80 % de son espace publicitaire et s’était déjà assuré d’un bé- néfice de 100 millions de dollars.

Un immense succès populaire

Malgré tout, le public s’est passionné pour les Jeux d’Atlanta. Huit millions six cents mille billets ont été vendus, c’est le nouveau record du genre. Ainsi, pour la première fois, heptathloniens et décath- loniens n’ont pas débuté leurs épreuves (aux aurores) devant des gradins vides. Bien au contraire. Près de 80 000 per- sonnes se sont amassées dans les tribunes du stade olympique du Centenaire pour suivre l’heptathlon et le décathlon, du début à la fin.

La qualité des compétitions, dans les 271 épreuves, n’a pas été étrangère à cet downloadModeText.vue.download 492 sur 602

SPORTS

491 engouement populaire. Dans quelques- uns des 26 sports représentés, plusieurs records du monde ont été battus, en par- ticulier en natation et en haltérophilie. Mais les records les plus retentissants ont été enregistrés dans les courses d’athlé- tisme. L’Américain Michael Johnson, qui a réussi un doublé inédit (200-400 m), a parachevé son triomphe en enlevant le 200 m en 19 secondes 32 centièmes. Un temps supersonique. Depuis les 8,90 m réussis par Bob Beamon dans le concours de saut en longueur des Jeux de Mexico, en 1968, jamais un exploit individuel n’avait à ce point marqué les esprits. Le Canadien Donovan Bailey, lui aussi, a affolé le chronomètre. En 9 secondes 84 centièmes, il a remporté son premier titre olympique, sur 100 m, et est devenu l’homme le plus rapide de la planète.

Mais les historiens de l’olympisme moderne ne conserveront pas unique- ment des archives chronométriques. À Atlanta, bien d’autres événements ont attiré leur attention. Des champions vieillissants ont enrichi leur propre lé- gende, tels l’athlète américain Carl Lewis (qui a décroché sa 9e médaille d’or), le rameur britannique Steve Redgrave (4e titre olympique) et l’haltérophile turc Naïm Suleymanoglu (3e titre). D’autres ont obtenu une reconnaissance tardive, telle la cycliste française Jeannie Longo. Fait sans précédent, des sportifs pro- fessionnels ont découvert les vertus du grand bain olympique pour se ressour- cer, tels le joueur de tennis américain André Agassi et le cycliste espagnol Mi- guel Indurain. Enfin, les sports collectifs ont cessé d’être misogynes. Le football et le basket féminins, qui ont rempli les stades et suscité un profond intérêt, ont gagné leurs quartiers de noblesse.

Globalement, la consécration olym- pique s’est universalisée. 79 pays ont accé- dé aux podiums. Parmi eux, 53 ont enten- du retentir, au moins une fois, leur hymne national. Les États-Unis, avec 101 mé- dailles, terminent largement en tête des bilans. Malgré l’éclatement consommé de l’empire soviétique, la Russie (2e avec 63 médailles, dont 26 en or) occupe tou- jours le haut de l’affiche, avec toutefois une très faible longueur d’avance sur l’Al- lemagne (65 podiums, 20 titres). La plus grande surprise est l’excellente 5e place de la France. Emmenée par son porte-dra- peau Marie-José Pérec (2 médailles d’or, sur 200 et 400 m), la délégation française a pulvérisé son record de l’après-guerre. Les tricolores ont remporté 37 médailles, dont 15 du plus précieux métal. Le classe- ment de la Grande-Bretagne, berceau du sport moderne, n’est pas moins étonnant. Les Britanniques, longtemps montrés en exemple, ne terminent qu’en 36e position (avec un seul titre olympique). Athlètes et dirigeants ont mis en cause le gouver- nement de John Major, accusé de mener une politique sportive ultralibérale. La preuve par l’absurde que sport et ultrali- béralisme ne sont guère compatibles.

Petit mais costaud. Le Tonga (110 000 habi- tants) est le plus petit pays médaillé au Jeux d’Atlanta. Les Tongais peuvent s’enorgueillir d’une brillante médaille d’argent, obtenue par un boxeur de la catégorie des super-lourds : Paea Wolfgram.

Géant mais chétif. L’Inde a connu le plus mau- vais rendement des Jeux du centenaire : une seule médaille (de bronze) pour 953 millions d’habitants. downloadModeText.vue.download 493 sur 602

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L’affaire des vrais-faux dopés. 5 athlètes (4 Russes et 1 Lituanienne) ont subi des contrôles antidopage positifs au bromantan et ont été dis- qualifiés par le CIO. Mais le Tribunal arbitral du sport, saisi par la délégation russe, a cassé cette décision, estimant que « le bromantan pouvait bien avoir un effet stimulant, [mais qu’il] man- quait d’éléments scientifiques pour le certifier ». Seule certitude, le bromantan est exclusivement fabriqué dans des laboratoires militaires et sert de « fortifiant immunologique » aux soldats et aux cosmonautes russes.

Le géopoliticien Zaki Laïdi fait trois constata- tions à propos du palmarès d’Atlanta (in Libé- ration, 15/08/96) : La première dynamique de ces Jeux est de nature morphologique. Les Jeux favoriseront toujours les grands pays ou, plus pré- cisément, les pays capables de combiner les trois ingrédients du succès : l’existence d’un grand po- tentiel humain ; un enracinement sportif ancien et entretenu ; une politique sportive tendue vers la valorisation de la compétition sportive de haut niveau. (...) Il y a dans cette radioscopie du palma- rès d’Atlanta une seconde dimension qui mérite attention : elle a trait à l’explosion des pays du Sud dans un palmarès qui a pendant longtemps été dominé par les pays du Nord. A une double explosion, pourrait-on dire, car, à l’accroissement des pays du Sud représentés dans le palmarès, s’ajoute le grignotage croissant des traditionnels bastions du Nord. (...) Reste enfin une troisième ligne d’interprétation de ces Jeux. Elle concerne la répartition régionale du palmarès. Là encore, ce qui prédomine désormais ce sont moins les écarts régionaux en tant que tels que les différences à l’intérieur de chaque ensemble régional. (...) Même l’Europe, dont les performances à ces Jeux est excellente, est traversée par des différences qui ne relèvent d’aucun déterminisme particulier. Les remarquables résultats du trio Allemagne- France-Italie, sans parler de la Pologne et de la Hongrie, ne sauraient masquer les échecs de la Grande-Bretagne et du Portugal ou la modestie des performances de l’Espagne et de la Scandi- navie. (...) Partout, la diversité s’impose, à l’image d’un monde gagné par le pluralisme. C’est la prin- cipale leçon géopolitique des Jeux d’Atlanta. downloadModeText.vue.download 494 sur 602

SPORTS

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ATHLÉTISME

Chronique d’un triomphe annoncé

Sur le tartan du stade olympique du Cen- tenaire, Michael Johnson a été fidèle au rendez-vous. Comme prévu, l’Américain est devenu le premier homme à réussir le doublé 200-400 m aux Jeux. Comme prévu, ses adversaires les plus prestigieux ont été ravalés au rang de simples faire- valoir. Ce qui était moins prévisible, en revanche, c’est le niveau de ses perfor- mances. Vainqueur sur le tour de piste dans l’excellent temps de 43″ 49, le Texan a surtout fait exploser son propre record du monde du 200 m : 19″ 32 (contre 19″ 66), un temps d’extraterrestre.

Mais Michael Johnson n’est pas l’homme le plus rapide de la planète. Ce titre revient de plein droit au Canadien Donovan Bailey. Il a survolé la finale du 100 m, en signant lui aussi un nouveau record mondial : 9″ 84. Le règne des Américains sur le « sprint court » a donc pris fin. Les derniers Championnats du monde, à Göteborg, en 1995, l’avaient laissé présager. Les jeux Olympiques l’ont confirmé. À Atlanta, Dennis Mitchell a échoué au pied du podium du 100 m et le relais US n’a pris que la 2e place du 4 × 100 m, loin derrière le relais cana- dien, emmené par D. Bailey.

Symbole de la puissance du sprint américain dans les années 80, Carl Lewis a échappé au déclin de sa génération. Avant l’Américain, personne n’avait ja- mais remporté deux titres olympiques consécutifs dans l’épreuve de saut en lon- gueur. Lui s’est imposé, à Atlanta, pour la 4e fois d’affilée. Mieux, sur le sautoir du stade du Centenaire, il a remporté sa

9e médaille d’or olympique, rejoignant le Finlandais Paavo Nurmi dans la légende des JO. À trente-cinq ans, King Carl peut logiquement aspirer au statut d’athlète du siècle.

Marie-José Pérec :

« Je suis exceptionnelle ! »

La Guadeloupéenne est aussi immodeste que lucide. Quatre ans après son succès à Barcelone, elle a signé une grande pre- mière dans l’histoire des Jeux en conser- vant son titre olympique du 400 m. Pérec a, aussi et surtout, réussi un doublé en s’imposant également sur 200 m. Avant elle, seule l’Américaine Valérie Brisco- Hooks avait accompli cet exploit, en 1984. Mais, à Los Angeles, les meilleures athlètes du bloc de l’Est étaient absentes.

À la surprise générale, M.-J. Pérec n’a pas été le seul membre de l’équipe de France d’athlétisme à monter sur la plus haute marche du podium. Jean Galfione, lui aussi, a décroché l’or. Le médaillé de bronze des derniers Championnats du monde s’est imposé dans le concours du saut à la perche, battant au passage le re- cord olympique du maître Sergueï Bub- ka : 5 m 92. Longtemps considéré, à tort, comme un athlète irrégulier, J. Galfione a définitivement prouvé qu’il était un per- chiste de très haut vol. Un autre cocorico a été poussé, avec un brin d’étonnement dans la voix, à l’issue du 100 m haies. Patricia Girard-Léno a décroché une mé- daille de bronze prometteuse.

Dans les compétitions féminines, la double performance de Svetlana Mas- terkova n’est pas non plus passée inaper- çue. La Russe a remporté le 800 m, de- vant les éminentes spécialistes que sont la Cubaine Ana Fidelia Quirot, cham- downloadModeText.vue.download 495 sur 602

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494 pionne du monde en titre, et la Mozam- bicaine Maria Mutola. Dans le 1 500 m, Masterkova a profité de l’absence de l’Algérienne Hassiba Boulmerka et de l’Irlandaise Sonia O’Sullivan pour enle- ver son deuxième titre olympique.

Dans les épreuves masculines du fond et du demi-fond, l’Afrique s’est une fois de plus taillé la part du lion. La victoire la plus symbolique est celle du Burun- dais Venuste Nyongabo, appelant à la paix entre les siens, qu’ils soient Tutsis ou Hutus, après avoir franchi la ligne d’arrivée du 5 000 m en vainqueur. Autre victoire emblématique pour un athlète venant d’un pays qui se déchire, celle de l’Algérien Noureddine Morceli. Le multi- recordman et multichampion du monde a enfin gagné la finale olympique du 1 500 m, unique trophée qui manquait à son incroyable palmarès. Ultime sym- bole : en s’imposant dans le marathon, Josia Thugwane, employé dans une mine d’or, est devenu le premier champion olympique noir de l’Afrique du Sud.

Ces jeux Olympiques ont égale- ment marqué la fin d’une époque, pour d’illustres trentenaires. Sergueï Bubka, blessé, a dû renoncer à participer au concours du saut à la perche. Absent à Los Angeles, battu à Barcelone, le per- chiste ukrainien — quintuple cham- pion du monde — devra probablement se contenter d’un seul titre olympique, celui obtenu en 1988 à Séoul. C’est éga- lement une blessure qui est à l’origine de la contre-performance du Cubain Javier Sotomayor. Le recordman du monde ne s’est classé que 11e dans le concours du saut en hauteur. L’Américain Mike Powell, lui aussi détenteur du record mondial dans sa spécialité, a également

échoué dans sa quête du Graal olym- pique au saut en longueur, pour les mêmes raisons. La Jamaïcaine Merlene Ottey et le Britannique Linford Christie n’ont pas été trahis par leur corps, mais ils n’ont pas pour autant assouvi leur soif d’or. Comme à chaque fois lors du rendez-vous quadriennal, Ottey a dû s’accommoder de la 2e place, sur 100 et 200 m. Linford Christie, lui, n’a même pas eu ce lot de consolation. Respon- sable de deux faux départs en finale du 100 m, le champion de Barcelone a été disqualifié. Une sortie sans gloire, presque pathétique.

MESSIEURS 100 m : Or : D. Bailey (Can.) 9″ 84 (re- cord du monde) ; Argent : F. Fredericks (Nam.) 9″ 89 ; Bronze : A. Boldon (Tr.- et-T.) 9″ 90.

200 m : Or : M. Johnson (É-U) 19″ 32 (re- cord du monde) ; Argent : F. Fredericks (Nam.) 19″ 68 ; Bronze : A. Boldon (Tr.- et-T.) 19″ 80.

400 m : Or : M. Johnson (É-U) 43″ 49 ; Argent : R. Black (G-B) 44″ 41 ; Bronze : D. Kamoga(Oug.) 44″ 53.

800 m : Or : V. Rodal (Nor.) 1′ 42″ 59 ; Argent : H. Sepeng (Afr. du S.) 1′ 42″ 74 ; Bronze : F. Onyancha (Ken.) 1′ 42″ 79.

1 500 m : Or : N. Morceli (Alg.) 3′ 35″ 78 ; Argent : F. Cacho (Esp.) 3′ 36″ 40 ; Bronze : S. Kipkorir (Ken.) 3′ 36″ 72.

5 000 m : Or : V. Niyongabo (Burun- di) 13′ 07″ 97 ; Argent : P. Bitok (Ken.) 13′ 08″ 16 ; Bronze : K. Boulami (Maroc) 13′ 08″ 37.

10 000 m : Or : H. Gebreselassie (Éth.) 27′ 07″ 34 ; Argent : P. Tergat (Ken.) downloadModeText.vue.download 496 sur 602

SPORTS

495

27′ 08″ 17 ; Bronze : S. Hissou (Maroc) 27′ 28″ 59.

Marathon : Or : Josia Thugwane (Afr. du S.) 2 h 12′ 36″ ; Argent : Lee Bong-Ju (Co- rée du S.) 2 h 12′ 39″ ; Bronze : É. Wai- naina (Ken.) 2 h 12′ 44″.

110 m haies : Or : A. Johnson (É-U) 12″ 95 ; Argent : M. Crear (É-U) 13″ 09 ; Bronze : F. Schwarthoff (All.) 13″ 17.

400 m haies : Or : D. Adkins (É-U) 47″ 55 ; Argent : S. Matete (Zamb.) 47″ 78 ; Bronze : C. Davis (É-U) 47″ 96.

3 000 m steeple : Or : J. Keter (Ken.) 8′ 07″ 12 ; Argent : M. Kiptanui (Ken.) 8′ 08″ 33 ; Bronze : A. Lambruschini (It.) 8′ 11″ 28.

Relais 4 × 100 m : Or : Canada 37″ 69 ; Ar- gent : États-Unis 38″ 05 ; Bronze : Brésil 38″ 41.

Relais 4 × 400 m : Or : États-Unis 2′ 55″ 99 ; Argent : Grande-Bretagne 2′ 56″ 60 ; Bronze : Jamaïque 2′ 59″ 42.

Hauteur : Or : C. Austin (É-U) 2,39 m (record olympique) ; Argent : A. Partyka (Pol.) 2,37 m ; Bronze : S. Smith (G-B) 2,35 m.

Longueur : Or : C. Lewis (É-U) 8,50 m ; Argent : J. Beckford (Jam.) 8,29 m ; Bronze : J. Greene (É-U) 8,24 m.

Triple : Or : K. Harrison (É-U) 18,09 m (record olympique) ; Argent : J. Edwards (G-B) 17,88 m ; Bronze : Y. Quesada (Cuba) 17,44 m.

Perche : Or : J. Galfione (Fr.) 5,92 m (re- cord olympique) ; Argent : I. Trandenkov (Russie) 5,92 m ; Bronze : A. Tiwontchik (All.) 5,92 m.

Poids : Or : R. Barnes (É-U) 21,62 m ; Ar- gent : J. Godina (É-U) 20,79 m ; Bronze :

A. Bagach (Ukr.) 20,75 m.

Disque : Or : L. Riedel (All.) 69,40 m (re- cord olympique) ; Argent : V. Doubrocht- chik (Biélor.) 66,60 m ; Bronze : V. Kap- tioukh (Biélor.) 65,80 m.

Marteau : Or : B. Kiss (Hongr.) 81,24 m ; Argent : L. Deal (É-U) 81,12 m ; Bronze : A. Krikoun (Ukr.) 80,02 m.

Javelot : Or : J. Zelezny (Rép. tchèq.) 88,16 m ; Argent : S. Backley (G-B) 87,44 m ; Bronze : S. Raty (Finl.) 86,98 m. 20 km marche : Or : J. Perez (Équat.) 1 h 20′ 07″ ; Argent : I. Markov (Russie) 1 h 20′ 16″ ; Bronze : B. Segura (Mex.) 1 h 20′ 23″.

50 km marche : Or : R. Korzeniowski (Pol.) 3 h 43′ 30″ ; Argent : M. Chtchennikov (Russie) 3 h 43′ 46″ ; Bronze : V. Massana (Esp.) 3 h 44′ 19″.

Décathlon : Or : D. O’ Brien (É-U) 8 824 pts ; Argent : F. Busemann (All.) 8 706 pts ; Bronze : T. Dvorak (Rép. tchèq.) 8 664 pts.

DAMES

100 m : Or : G. Devers (É-U) 10″ 94 ; Ar- gent : M. Ottey (Jam.) 10″ 94 ; Bronze : G. Torrence (É-U) 10″ 96.

200 m : Or : M.-J. Pérec (Fr.) 22″ 12 ; Ar- gent : M. Ottey (Jam.) 22″ 24 ; Bronze : M. Onyali (Nigeria) 22″ 38.

400 m : Or : M.-J. Pérec (Fr.) 48″ 25 ; Argent : C. Freeman (Austr.) 48″ 63 ; Bronze : F. Ogunkoya (Nigeria) 49″ 10. 800 m : Or : S. Masterkova (Russie) 1′ 57″ 73 ; Argent : A. F. Quirot (Cuba) 1′ 58″ 11 ; Bronze : M. Mutola (Moz.) 1′ 58″ 71.

1 500 m : Or : S. Masterkova (Russie) 4′ 00″ 83 ; Argent : G. Szabo (Roum.) downloadModeText.vue.download 497 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

496

4′ 01″ 54 ; Bronze : Th. Kiesl (Autr.) 4′ 03″ 02.

5 000 m : Or : Wang Junxia (Chine) 14′ 59″ 88 ; Argent : P. Konga (Ken.) 15′ 03″ 49 ; Bronze : R. Brunet (It.) 15′ 07″ 52.

10 000 m : Or : F. Ribeiro (Port.) 31′ 01″ 64 ; Argent : Wang Junxia (Chine) 31′ 02″ 58 ; Bronze : G. Wami (Éth.) 31′ 06″ 65.

Marathon : Or : F. Roba (Éth.) 2 h 26′ 05″ ; Argent : V. Egorova (Russie) 2 h 28′ 05″ ; Bronze : Y. Arimori (Jap.) 2 h 28′ 39″.

100 m haies : Or : L. Engquist (Suède) 12″ 58 ; Argent : B. Bukovec (Slovén.) 12″ 59 ; Bronze : P. Girard-Léno (Fr.) 12″ 65.

400 m haies : Or : D. Hemmings (Jam.) 52″ 82 ; Argent : K. Batten (É-U) 53″ 08 ; Bronze : T. Buford-Bailey (É-U) 53″ 22. Relais 4 × 100 m : Or : États-Unis 41″ 95 ; Argent : Bahamas 42″ 14 ; Bronze : Ja- maïque 42″ 24.

Relais 4 × 400 m : Or : États-Unis 3′ 20″ 91 ; Argent : Nigeria 3′ 21″ 04 ; Bronze : Alle- magne 3′ 21″ 14.

Hauteur : Or : S. Kostadinova (Bulg.) 2,05 m (record olympique) ; Argent : N. Bakogianni (Grèce) 2,03 m ; Bronze : I. Babakova (Ukr.) 2,01 m.

Longueur : Or : C. Ajunwa (Nigeria) 7,12 m (record d’Afrique) ; Argent : F. May (It.) 7,02 m ; Bronze : J. Joyner- Kersee (É-U) 7,00 m.

Triple : Or : I. Kravets (Ukr.) 15,33 m ; Argent : I. Lasovskaya (Russie) 14,98 m ; Bronze : S. Kasparkova (Rép. tchèq.) 14,98 m.

Poids : Or : A. Kumbernuss (All.) 20,56 m ; Argent : Sui Xinmei (Chine)

19,88 m ; Bronze : I. Khoudorojkina (Russie) 19,35 m.

Disque : Or : I. Wyludda (All.) 69,66 m ; Argent : N. Sadova (Russie) 66,48 m ; Bronze ; E. Zvereva (Biélor.) 65,64 m.

Javelot : Or : H. Rantanen (Finl.) 67,94 m ; Argent : L. McPaul (Austr.) 65,54 m ; Bronze : T. Hattestad (Norv.) 64,98 m.

10 km marche : Or : E. Nikolayeva (Russie) 41′ 49″ ; Argent : E. Perrone (It.) 42′ 12″ ; Bronze : Wang Yan (Chine) 42′ 19″.

Heptathlon : Or : G. Shouaa (Syr.) 6 780 pts ; Argent : N. Sazanovich (Bié- lor.) 6 563 pts ; Bronze : D. Lewis (G-B) 6 489 pts.

AVIRON

Steve Redgrave est éternel

Le Britannique a conquis à Atlanta son 4e titre olympique consécutif en rem- portant le deux sans barreur. Un exploit à même de consoler un aviron britan- nique en net déclin. L’équipe de France était absente des podiums olympiques depuis trente-deux ans. À Atlanta, elle a confirmé ses progrès en décrochant 1 médaille d’argent et 3 de bronze. À quatre ans des Jeux de Sydney, l’Austra- lie termine en tête des bilans avec 6 mé- dailles, dont 2 d’or.

MESSIEURS

Skiff : Or : Suisse (X. Mueller) ; Argent : Canada (D. Porter) ; Bronze : Allemagne (T. Lange). downloadModeText.vue.download 498 sur 602 SPORTS

497

Deux sans barreur : Or : Grande-Bretagne ; Argent : Australie ; Bronze : France.

Deux de couple : Or : Italie ; Argent : Nor- vège ; Bronze : France.

Deux de couple : Or : Suisse ; Argent : Pays Bas ; Bronze : États-Unis.

Quatre sans barreur : Or : Danemark ; Ar- gent : Canada ; Bronze : États-Unis.

Quatre de couple : Or : Allemagne ; Ar- gent : États-Unis ; Bronze : Australie.

Quatre sans barreur : Or : Australie ; Ar- gent : France ; Bronze : Grande-Bretagne.

Huit : Or : Pays-Bas ; Argent : Allemagne ; Bronze : Russie.

DAMES

Skiff : Or : Biélorussie (Y. Khodotovich) ; Argent : Canada (S. Laumann) ; Bronze : Danemark (T. Hansen).

Deux sans barreuse : Or : Australie ; Ar- gent : États-Unis ; Bronze : France.

Deux de couple : Or : Canada ; Argent : Chine ; Bronze : Pays-Bas.

Deux de couple : Or : Roumanie ; Argent : États-Unis ; Bronze : Australie.

Quatre de couple : Or : Allemagne ; Ar- gent : Ukraine ; Bronze : Canada.

Huit : Or : Roumanie ; Argent : Canada ; Bronze : Biélorussie.

BADMINTON

Comme prévu, les Asiatiques ont dominé les débats en enlevant 4 titres sur 5. Une mention spéciale à la Corée du Sud, qui décroche 4 médailles et 2 titres. Dans ce contexte, la victoire du Danois Hoyer- Larsen en simple messieurs résonne comme un exploit.

MESSIEURS

Simple : Or : P.-E. Hoyer-Larsen (Dan.) ; Argent : Dong Jiong (Chine) ; Bronze : R. Sidek (Malais.).

Double : Or : R. Mainaky - R. Subagja (Indon.) ; Argent : Cheah Soon Kit - Yap Kim Hock (Malais.) ; Bronze : S. Anto- nius - D. Kantono (Indon).

DAMES

Simple : Or : Bang Soo Hyun (Corée du S.) ; Argent : M. Audina (Indon.) ; Bronze : S. Susanti (Indon.).

Double : Or : Ge Fei - Gu Jun (Chine) ; Argent : Gil Young Ah - Jang Hye Ock (Corée du S.) ; Bronze : Qin Yiyuan - Tang Yongshu (Chine).

Double mixte : Or : Corée du Sud ; Ar- gent : Corée du Sud ; Bronze : Chine.

BASEBALL

Invaincue depuis 142 rencontres, l’équipe cubaine a confirmé sa suprématie sur le base-ball amateur. Au pays de Fidel Castro, ce sport est roi. Privés de leurs joueurs professionnels, les États-Unis ont été écartés de la finale par l’équipe du Japon.

Or : Cuba.

Argent : Japon.

Bronze : États-Unis.

Finale : Cuba b. Japon 13-9.

BASKET

À Barcelone, la Dream Team avait sus- cité un engouement exceptionnel. Pour downloadModeText.vue.download 499 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

498 la première fois, les meilleurs basket- teurs de la planète, les professionnels américains, participaient aux jeux Olympiques. Les coéquipiers de Mi- chael Jordan avaient remporté le titre tout en assurant le spectacle. Quatre ans après, les basketteurs estampillés NBA (le championnat américain) ont déçu leurs supporters. Visiblement peu motivés et vraisemblablement fatigués par une interminable saison nationale, les partenaires de Shaquille O’Neal ont aligné de poussives victoires. En finale, ils ont été sérieusement malmenés par une excellente équipe yougoslave, qui n’était menée que de 5 points à la mi- temps. Si la marge de sécurité des Amé- ricains reste considérable, elle n’est plus ce qu’elle était à Barcelone. Sacrés cham- pions d’Europe en 1995, les Yougoslaves s’affirment comme les dauphins des Américains sur la scène internationale. Comme à Barcelone, les Lituaniens ont enlevé la médaille de bronze face à une équipe australienne en progrès. Chez les dames, les Américaines n’ont jamais tremblé, mais, à l’inverse de leurs com- patriotes masculins, elles ont souvent enthousiasmé le public d’Atlanta.

MESSIEURS

Finale : États-Unis b. Yougoslavie 95-69.

Finale 3e place : Lituanie b. Australie 80-74.

DAMES

Finale : États-Unis b. Brésil 111-87.

Finale 3e place : Australie b. Ukraine 66-56.

BOXE

Cuba, première puissance mondiale sur le ring

Avec 7 médailles (4 or, 3 argent), les Cubains restent les meilleurs boxeurs amateurs de la planète. Néanmoins, ils enregistrent une baisse de leurs perfor- mances par rapport aux Jeux de Barce- lone (7 titres olympiques). Cette baisse ne profite pourtant pas aux boxeurs amé- ricains, dont la moisson est plutôt misé- rable (4 médailles de bronze, 1 d’or).

Côté français, on retiendra surtout le sentiment d’injustice qui a accompa- gné la disqualification de Christophe Mendy. En 1/4 de finale de la catégorie des lourds, les juges l’ont accusé, à tort semble-t-il, d’avoir porté un coup bas (sous la ceinture) à son adversaire. Dom- mage, C. Mendy, de l’avis général, était le meilleur boxeur de sa catégorie. Mi-mouches (– 48 kg) : Or : D. P. Bojilov (Bulg.) ; Argent : M. Velasco (Phil.) ; Bronze : O. Kiryukhin (Ukr.) ; R. Lozano (Esp.).

Mouches (– 51 kg) : Or : M. Romero (Cuba) ; Argent : B. Dzumadilov (Ka- zakh.) ; Bronze : A. Pakeev (Russie) ; Z. Lunka (All.).

Coqs (– 54 kg) : Or : I. Kovacs (Hongr.) ; Argent : A. Mesa (Cuba) ; Bronze : R. Ma- lakhbekov (Russie) ; V. Khadpo (Thaïl.). Plumes (– 57 kg) : Or : S. Kamsing (Thaïl.) ; Argent : S. Todorov (Bulg) ; Bronze : P. Chacon (Argent.) ; F. Mayweather (É-U).

Légers (– 60 kg) : Or : H. Soltani (Alg.) ; Argent : T. Tontchev (Bulg.) ; Bronze : downloadModeText.vue.download 500 sur 602

SPORTS

499

T. Cauthen (É-U) ; L. Doroftei (Roum.).

Super-légers (– 63,5 kg) : Or : H. Vincent (Cuba) ; Argent : O. Urkal (All.) ; Bronze : B. Niyazymbetov (Kazakh.) ; F. Missaoui (Tun.).

Welters (– 67 kg) : Or : O. Saitov (Russie) ; Argent : J. Hernandez (Cuba) ; Bronze : M. Simion (Roum.) ; D. Santos (Porto Rico).

Super-welters (– 71 kg) : Or : D. Reid (É-U) ; Argent : A. Duvergel (Cuba) ; Bronze : K. Tulaganov (Ouzbék.) ; E. Ib- zaimov (Kazakh).

Moyens (– 75 kg) : Or : A. Hernandez (Cuba) ; Argent : M. Beyleroglu (Turq.) ; Bronze : M. Bahari (Alg.) ; R. Wells (É-U).

Mi-lourds (– 81 kg) : Or : V. Jirov (Kazakh.) ; Argent : Seung-Bae Lee (Corée du S.) ; Bronze : A. Tarver (É-U) ; T. Ulrich (All.).

Lourds (– 91 kg) : Or : F. Savon (Cuba) ; Argent : D. Defiagbon (Can.) ; Bronze : N. Jones (É-U) ; L. Krasniqi (All.).

Super-lourds (+ 91 kg) : Or : V Klichko (Ukr.) ; Argent : P. Wolfgram (Tonga) ; Bronze : A. Lezin (Russie) ; D. Dokiwari (Nigeria). CANOË KAYAK

Comme à Barcelone en 1992, l’Allemagne termine en tête des bilans avec 5 titres, devant la République tchèque (3 titres). L’équipe de France tire son épingle du jeu avec 1 médaille d’or pour le duo Franck Adisson-Wilfrid Forgues en canoë bi- place et 2 médailles de bronze (Patrice

Estanguet et Myriam Fox-Jerusalmi).

Course en ligne

MESSIEURS

C-1 500 m : Or : M. Doktor (Rép. tchèq.) ; Argent : S. Knazovicky (Slovaq.) ; Bronze : I. Pulai (Hongr.).

C-1 1 000 m : Or : M. Doktor (Rép. tchèq.) ; Argent : I. Klementyev (Lett.) ; Bronze : G. Zala (Hongr).

C-2 500 m : Or : Hongrie ; Argent : Molda- vie ; Bronze : Roumanie.

C-2 1 000 m : Or : Allemagne ; Argent : Roumanie ; Bronze : Hongrie.

K-1 500 m : Or : A. Rossi (It.) ; Argent : K. Holmann (Norv.) ; Bronze : P. Mar- kiewicz (Pol.).

K-1 1 000 m : Or : K. Holmann (Norv.) ; Argent : B. Bonomi (It.) ; Bronze : C. Ro- binson (Austr.).

K-2 500 m : Or : Allemagne ; Argent : Ita- lie ; Bronze : Australie.

K-2 1 000 m : Or : Italie ; Argent : Alle- magne ; Bronze : Bulgarie.

K-4 1 000 m : Or : Allemagne ; Argent : Hongrie ; Bronze : Russie.

DAMES

K-1 500 m : Or : R. Koban (Hongr.) ; Ar- gent : C. Brunet (Can.) ; Bronze : J. Idem (It.).

K-2 500 m : Or : Suède ; Argent : Alle- magne ; Bronze : Australie.

K-4 500 m : Or : Allemagne ; Argent : Suisse ; Bronze : Suède. downloadModeText.vue.download 501 sur 602 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

500

Slalom eaux vives

MESSIEURS

Canoë monoplace : Or : M. Martikan (Slo- vaq.) ; Argent : L. Pollert (Rép. tchèq.) ; Bronze : P. Estanguet (Fr.).

Canoë biplace : Or : France ; Argent : Ré- publique tchèque ; Bronze : Allemagne.

Kayak monoplace : Or : O. Fix (All.) ; Argent : A. Vehovar (Slovén.) ; Bronze : T. Becker (All.).

DAMES

Kayak monoplace : Or : S. Hilgertova (Rép. tchèq) ; Argent : D. Chladek (É-U) ; Bronze : M. Fox-Jerusalmi (Fr.).

CYCLISME

Le cyclisme français au sommet de l’Olympe

5 médailles d’or, 3 d’argent et 1 de bronze ! Bilan exceptionnel des cyclistes tricolores aux Jeux d’Atlanta : du jamais vu. Une fois de plus, la palme revient à Jeannie Longo. Sa victoire dans l’épreuve sur route (sa toute première médaille d’or olympique) et sa deuxième place dans le contre-la- montre lui ont permis, à trente-sept ans, d’ajouter deux nouveaux trophées à un palmarès déjà riche de 10 titres de cham- pionne du monde. De manière plus géné- rale, ces Jeux ont révélé l’éclatante santé du cyclisme féminin en France. Sur la piste, Félica Ballanger a remporté l’épreuve de vitesse, Nathalie Even-Lancien, la course aux points, et Marion Clignet a pris la deuxième place de la poursuite.

Dans les compétitions masculines, il faut noter la victoire de l’Espagnol Mi- guel Indurain dans le contre-la-montre. Cette médaille d’or atténue la déception du champion navarrais qui avait raté son Tour de France. L’épreuve sur route a été remportée par le Suisse Pascal Richard. MESSIEURS

Vitesse : Or : J. Fiedler (All.) ; Argent : M. Nothstein (É-U) ; Bronze : C. Harnett (Can.).

Course aux points : Or : S. Martinello (It.) ; Argent : B. Walton (Can.) ; Bronze : O’Grady (Austr.).

Kilomètre : Or : F. Rousseau (Fr.) ; Argent : E. Hartwell (É-U) ; Bronze : Takanobu Jumonji (Jap.).

Poursuite par équipes : Or : France ; Ar- gent : Russie ; Bronze : Australie.

Poursuite individuelle : Or : A. Colinelli (It.) ; Argent : P. Ermenault (Fr.) ; Bronze : B. McGee (Austr.).

Contre-la-montre : Or : M. Indurain (Esp.) ; Argent : A. Olano (Esp.) ; Bronze : C. Boardman (G-B).

Route : Or : P. Richard (Suisse) ; Argent : R. Sorensen (Dan.) ; Bronze : M. Sciandri (G-B).

VTT : Or : B. J. Brentjens (P-B) ; Ar- gent : T. Frischknecht (Suisse) ; Bronze : M. Martinez (Fr.).

DAMES

Vitesse : Or : F. Ballanger (Fr.) ; Argent : M. Ferris (Austr.) ; Bronze : I. Haringa (P-B). downloadModeText.vue.download 502 sur 602

SPORTS

501

Course aux points : Or : N. Even-Lancien (Fr.) ; Argent : I. Haringa (P-B) ; Bronze : L. T. Sharman (Austr.).

Poursuite : Or : A. Belluti (It.) ; Argent : M. Clignet (Fr.) ; Bronze : J. Arndt (All.). Contre-la-montre : Or : Z. Zabirova (Rus- sie) ; Argent : J. Longo (Fr.) ; Bronze : C. Hughes (Can.).

Route : Or : J. Longo (Fr.) ; Argent : I. Chiappa (It.) ; Bronze : C. Hughes (Can.).

VTT cross-country : Or : P. Pezzo (It.) ; Argent : A. Sydor (Can.) ; Bronze : S. De- Mattei (É-U).

ÉQUITATION

Les cavaliers allemands ont triomphé sur le parcours de Conyers en empochant 4 médailles d’or, 2 en saut d’obstacles et 2 en dressage. Ulrich Kirchhoff a créé la surprise en remportant l’épreuve indivi- duelle de saut d’obstacles devant le Suisse Willy Melliger et la Française Alexan- dra Ledermann, qui a sauvé ainsi l’hon- neur d’une équipe française décevante. La Nouvelle-Zélande et l’Australie se sont partagé les deux litres du concours complet.

Saut d’obstacles individuel : Or : U. Kir- chhoff (All., Jus de pommes) ; Argent : W. Mellinger (Suisse, Calvaro) ; Bronze : A. Ledermann (Fr., Rocket M).

Saut d’obstacles par équipes : Or : Alle- magne ; Argent : États-Unis ; Bronze : Brésil.

Dressage individuel : Or : I. Werth (All.) ; Argent : A. van Grunsven (P-B) ; Bronze :

S. Rothenberger (P-B).

Dressage par équipes : Or : Allemagne ; Argent : Pays-Bas ; Bronze : États-Unis.

Concours complet individuel : Or : B. Tait (N.-Z.) ; Argent : S. Clark (N.-Z.) ; Bronze : K. Millikin (É-U).

Concours complet par équipes : Or : Aus- tralie ; Argent : États-Unis ; Bronze : Nouvelle-Zélande.

ESCRIME

La tradition est tenace. Et l’équipe de France ne s’en plaindra pas. Avec 7 mé- dailles et 2 titres, l’escrime française a confirmé sa bonne santé. Ce bilan favo- rable doit beaucoup aux épéistes fémi- nines. Dans cette nouvelle discipline olympique, les Françaises ont réussi un carton plein : le titre individuel pour la Guadeloupéenne Laura Flessel, l’argent pour Valérie Barlois et le titre par équipes pour ces deux jeunes femmes associées à Sophie Moressée-Pichot. Chez les mes- sieurs, les épéistes, à l’image du tenant du titre, Philippe Omnès, ont déçu en individuel, mais ils ont conquis le bronze par équipes. En fleuret, Éric Srecki a perdu son titre, mais Lionel Plumenail et Franck Boidin ont réalisé un beau tir groupé. Quant au jeune sabreur Damien Touya (vingt-trois ans), il a pris une très encourageante 3e place. Au classement des médailles, la France est cependant de- vancée par l’Italie (7 médailles et 3 titres) et par la Russie (7 médailles et 4 titres). Emmenée par une nouvelle génération très talentueuse, l’équipe russe a fait forte impression. Véritable fiasco en revanche pour l’escrime allemande, qui est repar- downloadModeText.vue.download 503 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

502 tie d’Atlanta avec, dans ses bagages, une seule et unique médaille de bronze.

MESSIEURS

Fleuret : 1. A. Puccini (Ital.) ; 2. L. Plume- nail (Fr.) ; 3. F. Boidin (Fr.).

Épée : 1. A. Beketov (Russie) ; 2. I. Trevejo Perez (Cuba) ; 3. G. Imre (Hongr.).

Sabre : 1. S. Pozdnyakov (Russie) ; 2. S. Sharikov (Russie) ; 3. D. Touya (Fr.).

Fleuret par équipes : 1. Russie ; 2. Po- logne ; 3. Cuba.

Épée par équipes : 1. Italie ; 2. Russie ; 3. France.

Sabre par équipes : 1. Russie ; 2. Hongrie ; 3. Italie.

DAMES

Fleuret : 1. L. Badea (Roum.) ; 2. V. Vez- zali (Ital.) ; 3. G. Trillini (Ital.).

Épée : 1. L. Flessel (Fr.) ; 2. V. Barlois (Fr.) ; 3. G. Horvathne-Szalay (Hongr.).

Fleuret par équipes : 1. Italie ; 2. Rouma- nie ; 3. Allemagne.

Épée par équipes : 1. France ; 2. Italie ; 3. Russie.

FOOTBALL

Ce tournoi olympique de très haut niveau restera dans l’histoire. Pour la première fois, une équipe africaine a décroché le titre, à l’issue d’une compétition pas- sionnante et riche en émotions. Lors de la Coupe du monde 94, le Nigeria avait laissé entrevoir son énorme potentiel. Deux ans plus tard, la meilleure équipe africaine a confirmé tout son talent. Sor- tis premiers de leur groupe du premier tour, les Nigérians ont battu les deux grands favoris, le Brésil en demi-finale (4-3) et l’Argentine en finale (3-2) au terme de deux rencontres de toute beau- té. Après avoir été éliminée par le Portu- gal en quart de finale, l’équipe de France a dû se contenter de la 5e place. Chez les dames, les États-Unis ont conquis contre la Chine, devant 80 000 spectateurs en folie, le premier titre olympique de foot- ball féminin.

MESSIEURS

Finale : Nigeria b. Argentine 3-2.

Finale 3e place : Brésil b. Portugal 5-0.

DAMES

Finale : États-Unis b. Chine 2-1.

Finale 3e place : Norvège b. Brésil 2-0.

GYMNASTIQUE

Devant un public outrageusement chau- vin, les gymnastes américaines ont rem- porté leur premier titre olympique par équipes. Les concurrentes des autres pays, dans le concours par équipes comme dans les épreuves individuelles, ont évolué dans une indifférence totale. Celles qui passaient au sol quand les Américaines étaient à d’autres agrès n’entendaient même pas leur accompa- gnement musical. Le vacarme grossier du Georgia Dome n’a pas empêché l’Ukrai- nienne Lilia Podkopaieva, championne du monde en titre, d’enlever, à dix-sept ans, le concours général au terme d’une compétition de haut niveau. Chez les messieurs, le Chinois Li Xiaoshuang a lui aussi confirmé son titre de champion du monde. Par équipes, la Russie succède downloadModeText.vue.download 504 sur 602

SPORTS 503 au palmarès à l’URSS et à la CEI. Héros des Jeux de Barcelone, où il avait conquis 5 titres olympiques, le Biélorusse Vitaly Scherbo a dû se contenter de 4 médailles de bronze.

Gymnastique artistique Concours général individuel : 1. Li Xiaos- huang (Chine) ; 2. A. Nemov (Russie) ; 3. V. Scherbo (Biélor.).

Sol : 1. I. Melissanidis (Grèce) ; 2. Li Xiaos- huang (Chine) ; 3. A. Nemov (Russie).

Cheval d’arçons : 1. Li Donghua (Suisse) ; 2. M. Urzica (Roum.) ; 3. A. Nemov (Russie).

Saut de cheval : 1. A. Nemov (Russie) ; 2. Yeo Hong-Chul (Corée du S.) ; 3. Vita- ly Scherbo (Biélor.).

MESSIEURS

Anneaux : 1. Y. Chechi (Ital.) ; 2. D. Bu- rinca (Roum.) ; 3. S. Csollany (Hongr.). Barres parallèles : 1. R. Sharipov (Ukr.) ; 2. J. Lynch (É-U) ; 3. V. Scherbo (Biélor.). Barre fixe : 1. A. Wecker (All.) ; 2. K. Dou- nev (Bulg.) ; 3. A. Nemov (Russie) ; F. Bin (Chine) ; V. Scherbo (Biélor.).

Concours général par équipes : 1. Russie ; 2. Chine ; 3. Ukraine.

DAMES

Concours général individuel : 1. L. Podko- paieva (Ukr.) ; 2. G. Gogean (Roum.) ; 3. S. Amanar (Roum.) ; L. Milosovici (Roum.).

Sol : 1. L. Podkopaieva (Ukr.) ; 2. S. Ama- nar (Roum.) ; 3. D. Dawes (É-U).

Saut de cheval : 1. S. Amanar (Roum.) ; 2. Mo Huilan (Chine) ; 3. G. Gogean (Roum.).

Poutre : 1. S. Miller (É-U) ; 2. L. Podko- paieva (Ukr.) ; 3. G. Gogean (Roum.).

Barres asymétriques : 1. S. Khorkina (Rus- sie) ; 2. Bi Wenjing (Chine) ; 3. A. Chow (É-U).

Concours par équipes : 1. États-Unis ; 2. Russie ; 3. Roumanie. Gymnastique rythmique et sportive (GRS) Concours individuel : 1. E. Serebryanskaya (Ukr.) ; 2. I. Batyrchina (Russie) ; 3. E. Vi- trichenko (Ukr.).

Ensembles : 1. Espagne ; 2. Bulgarie ; 3. Russie.

HALTÉROPHILIE

Fort comme un Turc

Malgré sa petite taille (1,50 m), Naïm Su- leymanoglu est sans aucun doute le plus grand haltérophile de l’histoire. Le Turc est le seul à avoir gagné 3 titres olym- piques. À Atlanta, Suleymanoglu s’est imposé avec panache. Il a amélioré les trois records du monde de sa catégorie. Au total, 19 records sont tombés durant la quinzaine olympique.

Les haltérophiles grecs terminent à la première place du classement par pays, avec 5 médailles, dont 2 du plus précieux métal. Leurs progrès ont été fulgurants : à Barcelone, en 1992, les Grecs n’avaient remporté qu’1 seule médaille.

– 54 kg : Or : H. Mutlu (Turq.) ; Argent : Zhang Xiangsen (Chine) ; Bronze : S. Minchev (Bulg.).

– 59 kg : Or : T. Ningsheng (Chine) ; Ar- gent : L. Sabanis (Grèce) ; Bronze : N. Pe- downloadModeText.vue.download 505 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

504 chalov (Bulg.).

– 64 kg : Or : N. Suleymanoglu (Turq.) ; Argent ; V. Leonidis (Grèce) ; Bronze : Xiao Jiangang (Chine).

– 70 kg : Or : Zhan Xugang (Chine) ; Ar- gent : Kim Myong Nam (Corée du N.) ; Bronze : A. Feri (Hongr.).

– 76 kg : Or : P. Lara (Cuba) ; Argent : Y. Yotov (Bulg.) ; Bronze : Chol Jon-Ho (Corée du N.).

– 83 kg : Or : P. Dimas (Grèce) ; Argent : M. Huster (All.) ; Bronze : A. Cofalik (Pol.).

– 91 kg : Or : A. Petrov (Russie) ; Argent : L. Kokas (Grèce) ; Bronze : O. Caruso (All.).

– 99 kg : Or : A. Kakhiachvilis (Grèce) ; Argent A. Khrapaty (Kazakh.) ; Bronze : D. Gotfrid (Ukr.).

– 108 kg : Or : T. Taimazov (Ukr.) ; Ar- gent : S. Sirtsov (Russie) ; Bronze : N. Vlad (Roum.).

+ 108 kg : Or : A. Chemerkine (Russie) ; Argent : R. Weller (All.) ; Bronze : S. Bo- tev (Austr.).

HANDBALL

La fin des « barjots »

Les handballeurs français ont manqué le rendez-vous olympique. Battue par la Croatie (en demi-finales) et par l’Es- pagne (en match de classement), l’équipe de France a échoué au pied du podium. Durant ces Jeux, des tensions sont appa- rues au sein du groupe entre les anciens, ceux que l’on a surnommés les barjots pour leur extravagance, et les nouveaux venus. Ce manque de cohésion est sans nul doute à l’origine de l’échec tricolore.

Une page se tourne, les barjots vont quitter la scène internationale pour lais- ser la place à une nouvelle génération de joueurs. Malgré tout, ils se retirent avec une carte de visite impressionnante : médaillés de bronze aux JO de Barce- lone (1992), vice-champions du monde (1993), vainqueurs des Goordwill Games (1994) et, surtout, champions du monde (1995). Les compétitions ont finalement couronné des outsiders. Dans la finale du tournoi masculin, la Croatie a dominé la Suède. Chez les dames, les Sud-Co- réennes — doubles championnes olym- piques — ont subi la loi des Danoises.

MESSIEURS

Or : Croatie.

Argent : Suède.

Bronze : Espagne.

DAMES Or : Danemark.

Argent : Corée du Sud.

Bronze : Hongrie. downloadModeText.vue.download 506 sur 602

SPORTS

505

HOCKEY SUR GAZON

MESSIEURS

Finale : Pays-Bas b. Espagne 3-1.

Finale 3e place : Australie b. Allemagne 3-2.

DAMES

Finale : Australie b. Corée du Sud 3-1.

Finale 3e place : Pays-Bas b. Grande-Bre- tagne 4-3.

Habitués aux places d’honneur depuis des décennies, les Pays-Bas ont enfin décroché le titre olympique en dominant l’Espagne. L’Australie a pris sa revanche de la finale de Barcelone en battant l’Alle- magne pour la médaille de bronze. Dans le tournoi féminin, les Australiennes, qui n’étaient jamais montées sur un podium olympique, ont remporté une surpre- nante médaille d’or.

JUDO

Douillet and Co

Placée sur orbite par son triple cham- pion du monde, David Douillet, l’équipe de France a frôlé la première place au tableau des médailles. Avec 6 médailles et 3 titres, son meilleur bilan de l’histoire, elle n’est devancée que de justesse par le Japon (8 médailles et 3 titres). Dès la pre- mière journée de compétition, les tatamis d’Atlanta ont souri aux tricolores. Médail- lé de bronze à Barcelone, David Douillet confirmait ses 2 titres mondiaux de 95 et enlevait la médaille d’or dans la catégorie reine des poids lourds. Le même jour, Christine Cicot empochait le bronze en moins de 72 kg. Comme Douillet, Marie- Claire Restoux, championne du monde en titre, s’est couverte d’or en moins de 52 kg. Plus surprenant fut le titre décro- ché par Djamel Bouras en moins de 78 kg. En finale, Bouras a battu le maître de la catégorie, Toshihiko Koga, champion olympique sortant et triple champion du monde. Stéphane Traineau, en moins de 95 kg, et Christophe Gagliano, en moins de 71 kg, ont contribué à la moisson fran- çaise en montant sur la troisième marche du podium.

Si le judo français n’a jamais été aussi performant, le judo japonais a montré quelques signes de fléchissement Chez les messieurs, dans les trois catégories les plus lourdes, où ils avaient l’habitude de briller, les Japonais n’ont pas remporté la moindre médaille. En revanche, les « pe- tites » catégories, surtout chez les mes- sieurs, leur ont été favorables. On relèvera également la bonne santé confirmée du judo sud-coréen et les déconvenues des judokas anglais et russes, qui sont repar- tis d’Atlanta sans médaille. L’exploit de ces Jeux fut l’oeuvre de la Nord-Coréenne Kye Sun en moins de 48 kg. Totalement in- connue avant la compétition, elle a enlevé le titre en battant en finale la championne du monde japonaise, Ryoko Tamura.

MESSIEURS

Super-légers (– 60 kg) : 1. Tadahiro No- mura (Jap.) ; 2. G. Giovinazzo (Ital.) ; 3. D. Narmandakh (Mong.) ; R. Traut- man (All.).

Mi-légers (– 65 kg) : 1. U. Quellmalz (All.) ; 2. Yukimasa Nakamura (Jap.) ; 3. I. Her- nandez (Cuba) ; H. Guimaraes (Brés.).

Légers (– 71 kg) : 1. Kenzo Nakamura (Jap.) ; 2. Kwak Dae-Sung (Corée du S.) ; downloadModeText.vue.download 507 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

506

3. J. Pedro (É-U) ; C. Gagliano (Fr.).

Mi-moyens (– 78 kg) : 1. D. Bouras (Fr.) ; 2. Toshihiko Koga (Jap.) ; 3. S. Lipparte- liani (Géorg.) ; Cho In-Chul (Corée du S.).

Moyens (– 86 kg) : 1. Jeon Ki-Young (Co- rée du S.) ; 2. A. Bagdasarov (Ouzbék.) ; 3. M. Spittka (All.) ; M. Huizinga (P-B).

Mi-lourds (– 95 kg) : 1. P. Nastula (Pol.) ; 2. Min-Soo Kim (Corée du S.) ; 3. S. Trai- neau (Fr.) ; M. Fernandes (Brés.).

Lourds (+ 95 kg) : 1. D. Douillet (Fr.) ; 2. E. Perez (Esp.) ; 3. H. Van Barneveld (Belg.) ; F. Moeller (All.).

DAMES

Super-légers (– 48 kg) : 1. Kye Sun (Corée du N.) ; 2. Ryoko Tamura (Jap.) ; 3. A. Sa- von (Cuba) ; Y. Soler (Esp.).

Mi-légers (– 52 kg) : 1. M.-C. Restoux (Fr.) ; 2. Hyun Sook-Hee (Corée du S.) ; 3. L. Verdecia (Cuba) ; Noriko Sugawara (Jap.).

Légers (– 56 kg) : 1. Driulis Gonzalez (Cuba) ; 2. Jung Sun-Yong (Corée du S.) ; 3. M. Lomba (Belg.) ; I. Fernandez (Esp.). Mi-moyens (– 61 kg) : 1. Yuko Emoto (Jap.) ; 2. G. Van de Caveye (Belg.) ; 3. J. Gal (P-B) ; Jung Sung-Sook (Corée du S.).

Moyens (– 66 kg) : 1. Cho Min-Sun (Corée du S.) ; 2. A. Szczepanska (Pol.) ; 3. Xian- bo Wang (Chine) ; O. Reve (Cuba).

Mi-lourds (– 72 kg) : 1. U. Werbrouck (Belg.) ; 2. Yoko Tanabe (Jap.) ; 3. Y. Sca- pin (Ital.) ; D. Luna (Cuba).

Lourds (+ 72 kg) : 1. Sun Funming (Chine) ; 2. E. Rodriguez (Cuba) ; 3. C. Cicot (Fr.) ; J. Hagn (All.).

LUTTE

Vingt-huit ans après Daniel Robin, à Mexico, la lutte française a renoué avec les podiums olympiques. En gréco-ro- maine, dans la catégorie des 68 kg, le Bi- sontin Ghani Yalouz a enlevé la médaille d’argent. En revanche, Yvon Riemer, champion du monde en titre des 74 kg, a dû déclarer forfait en raison de dou- leurs cervicales. Héros de ces épreuves de lutte : le colosse russe Alexander Kare- line, qui a conquis chez les super-lourds un 3e titre olympique d’affilée. Du jamais vu dans l’histoire de ce sport. La Pologne, en gréco-romaine, et les États-Unis, en libre, terminent en tête des bilans avec 5 médailles et 3 titres. Lutte libre

– 48 kg : 1. Il Kim (Corée du N.) ; 2. A. Mkrchyan (Arm.) ; 3. A. Vila Per- domo (Cuba).

– 52 kg : 1. V. Jordanov (Bulg.) ; 2. N. Ab- dullayev (Azerb.) ; 3. M. Mamyrov (Kazakh.).

– 57 kg : 1. K. Cross (É-U) ; 2. G. Sissaouri (Can.) ; 3. Yon Sam Ri (Corée du N.).

– 62 kg : 1. T. Brands (É-U) ; 2. Jang Jae- Sung (Corée du S.) ; 3. E. Tedeyev (Ukr.). – 68 kg : 1. V. Bogiyev (Russie) ; 2. T. Saun- ders (É-U) ; 3. Z. Zazirov (Ukr.).

– 74 kg : 1. B. Saitiev (Russie) ; 2. Park Jang- Soon (Corée du S.) ; 3. Takuya Ota (Jap.). – 82 kg : 1. K. Magomedov (Russie) ; 2. Hyun-Mo Yang (Corée du S.) ; 3. A. R. Khadem Azghadi (Iran).

– 90 kg : 1. R. Khadem (Iran) ; 2. M. Kha- dartsev (Russie) ; 3. E. Kurtanidze (Géorg.). downloadModeText.vue.download 508 sur 602

SPORTS

507

– 100 kg : 1. K. Angle (É-U) ; 2. A. Jadidi (Iran) ; 3. A. Sabejew (All.)

– 130 kg : 1. M. Demir (Turq.) ; 2. A. Med- vedev (Biélor.) ; 3. B. Baumgartner (É-U).

Lutte gréco-romaine – 48 kg : 1. Sim Kwon-Ho (Corée du S.) ; 2. A. Pavlov (Biélor.) ; 3. Z. Gouliov (Russie).

– 52 kg : 1. A. Nazarian (Arm.) ; 2. B. Paul- son (É-U) ; 3. A. Kalachnikov (Ukr.).

– 57 kg : 1. Y. Melnichenko (Kazakh.) ; 2. D. Hall (É-U) ; 3. Sheng Zetian (Chine).

– 62 kg : 1. W. Zawadzki (Pol.) ; 2. J. L. Ma- ren Delis (Cuba) ; 3. M. Pirim (Turq).

– 68 kg : 1. R. Wolny (Pol.) ; 2. G. Yalouz (Fr.) ; 3. A. Tretiakov (Russie).

– 74 kg : 1. F. Ascuy Aguilera (Cuba) ; 2. M. Asell (Finl.) ; 3. J. Tracz (Pol.). – 82 kg : 1. H. Yerlikaya (Turq.) ; 2. T. Zan- der (All.) ; 3. V. Tsilent (Biélor.).

– 90 kg : 1. V. Oleynik (Ukr.) ; 2. J. Fafinski (Pol.) ; 3. M. Bullmann (All.).

– 100 kg : 1. A. Wronski (Pol.) ; 2. S. Lichtvan (Biélor.) ; 3. M. Ljungberg (Suède).

– 130 kg : 1. A. Kareline (Russie) ; 2. M. Ghaffari (É-U) ; 3. S. Moureiko (Mold.).

NATATION

Hégémonie américaine

Dans le bassin olympique d’Atlanta, le niveau des compétitions n’a pas été ex- ceptionnel. Seuls 4 records du monde ont été battus, contre 10 à Barcelone. Seuls 8 champions olympiques d’Atlanta ont nagé plus vite que les vainqueurs de Barcelone. Après des championnats na- tionaux décevants, les responsables de la natation américaine craignaient le pire. Ils avaient tort. Les États-Unis terminent très largement en tête des médailles avec 13 titres et 26 podiums. Un total très proche de celui de Barcelone (27 mé- dailles, dont 11 d’or). Preuve de la qualité de leur réservoir, le grand chelem réussi dans les relais (6 titres en 6 courses). Pro- fitant du déclin aussi rapide que spectacu- laire de la natation chinoise, les nageuses américaines ont remporté 7 titres. Seul point faible de la natation américaine : la nage libre messieurs, où les 5 titres lui ont échappé.

Grâce à ses deux stars Alexander Po- pov et Denis Pankratov, la Russie a pris la 2e place au tableau des médailles, avec 4 titres et 7 podiums. Popov a confirmé qu’il était toujours le nageur le plus rapide de la planète. Il a conservé ses 2 titres olympiques sur 50 et 100 m nage libre. D. Pankratov a régné sur les épreuves de papillon en améliorant son propre record du monde du 100 m.

Ces Jeux ont révélé de nouveaux cham- pions ; la jeune Sud-Africaine Penelope Heyns (doublé en brasse et record du monde du 100 m), le Néo-Zélandais Da- nyon Loader (2 titres en libre) et le Belge Frank Deburghgraeve (victoire et record en 100 m brasse). L’Irlandaise Michelle Smith, vingt-six ans, a enlevé 3 titres mais n’a pas échappé aux rumeurs. Sa progres- sion fulgurante à un âge déjà avancé pour une nageuse a fait jaser. Comme avaient fait jaser, en 1994, les 12 titres mondiaux des nageuses chinoises. Deux ans plus tard, celles-ci ont quasiment disparu des podiums (6 médailles et un seul titre). La Hongroise Kristina Egerszegi a terminé en beauté son exceptionnelle carrière en downloadModeText.vue.download 509 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

508 remportant un 5e titre olympique indivi- duel. Quant à la natation française, elle a sombré. Seule satisfaction : la 4e place de Frank Esposito en 200 m papillon. « Nous n’existons plus » avouait Claude Fauquet, directeur des équipes de France, à l’issue des compétitions. La natation française est toujours orpheline de ses derniers grands champions, Catherine Plewinski et Stéphane Caron.

MESSIEURS

50 m libre : 1. A. Popov (Russie) 22″ 13 ; 2. G. Hall Jr. (É-U) 22″ 26 ; 3. F. Scherer (Brés.) 22″ 29.

100 m libre : 1. A. Popov (Russie) 48″ 74 ; 2. G. Hall Jr. (É-U) 48″ 81 ; 3. G. Borges (Brés.) 49″ 02.

200 m libre : 1. D. Loader (N-Z) 1′ 47″ 53 ; 2. G. Borges (Brés.) 1′ 48″ 08 ; 3. D. Ko- walski (Austr.) 1′ 48″ 25.

400 m libre : 1. D. Loader (N-Z) 3′ 47″ 97 ; 2. P. Palmer (G-B) 3′ 49″ 00 ; 3. D. Ko- walski (Austr.) 3′ 49″ 39.

1 500 m libre : 1. K. Perkins (Austr.) 14′ 56″ 40 ; 2. D. Kowalski (Austr.) 15′ 02″ 43 ; 3. G. Smith (G-B) 15′ 02″ 48. 100 m dos : 1. J. Rouse (É-U) 54″ 10 ; 2. R. Falcon (Cuba) 54″ 98 ; 3. N. Bent (Cuba) 55″ 02.

200 m dos : 1. B. Bridgewater (É-U) 1′ 58″ 64 ; 2. T. Schwenk (E-U) 1′ 58″ 99 ; 3. E. Merisi (Ital.) 1′ 59″ 18.

100 m brasse : 1. F. Deburghgraeve (Belg.) 1′ 00″ 65 ; 2. J. Linn (É-U) 1′ 00″ 77 ; 3. M. Warnecke (All.) 1′ 01″ 33.

200 m brasse : 1. N. Rozsa (Hongr.) 2′ 12″ 57 ; 2. K. Guttler (Hongr.) 2′ 13″ 03 ; 3. N. Gillingham (G-B) 2′ 13″ 17.

100 m papillon : 1. D. Pankratov (Rus- sie) 52″ 27 ; 2. S. Miller (Austr.) 52″ 53 ;

3. V. Kulikov (Russie) 53″ 13.

200 m papillon : 1. D. Pankratov (Russie) 1′ 56″ 51 ; 2. T. Malchow (É-U) 1′ 57″ 44 ; 3. S. Goodman (Austr.) 1′ 57″ 48.

200 m 4 nages : 1. A. Czene (Hongr.) 1′ 59″ 91 ; 2. J. Sievinen (Finl.) 2′ 00″ 13 ; 3. C. Myden (Can.) 2′ 00″ 13.

400 m 4 nages : 1. T. Dolan (É-U) 4′ 14″ 90 ; 2. E. Namesnik (É-U) 4′ 15″ 25 ; 3. C. Myden (Can.) 4′ 16″ 28. Relais 4 × 100 m libre : 1. États-Unis 3′ 15″ 41 ; 2. Russie 3′ 17″ 06 ; 3. Alle- magne 3′ 17″ 20.

Relais 4 × 200 m libre : 1. États-Unis 7′ 14″ 84 ; 2. Suède 7′ 17″ 56 ; 3. Alle- magne 7′ 17″ 71.

Relais 4 × 100 m 4 nages : 1. États-Unis 3′ 34″ 84 ; 2. Russie 3′ 37″ 55 ; 3. Austra- lie 3′ 39″ 56.

DAMES

50 m libre : 1. A. Van Dyken (É-U) 24″ 87 ; 2. Jingyi Le (Chine) 24″ 90 ; 3. S. Volker (All.) 25″ 14.

100 m nage libre : 1. Jingyi Le (Chine) 54″ 50 ; 2. S. Volker (All.) 54″ 88 ; 3. A. Martino (É-U) 54″ 93.

200 m nage libre : 1. C. Poll (Costa Rica) 1′ 58″ 16 ; 2. F. Van Almsick (All.) 1′ 58″ 57 ; 3. D. Hase (All.) 1′ 59″ 56.

400 m nage libre : 1. M. Smith (Irl.) 4′ 07″ 25 ; 2. D. Hase (All.) 4′ 08″ 30 ; 3. K. Vlieghuis (P-B) 4′ 09″ 83.

800 m libre : 1. B. Bennett (É-U) 8′ 27″ 89 ; 2. D. Hase (All.) 8′ 29″ 91 ; 3. K. Vlieghuis (P-B) 8′ 30″ 84.

100 m dos : 1. B. Botsford (É-U) 1′ 01″ 19 ; 2. W. Hedgepeth (É-U) 1′ 01″ 47 ; 3. M. Kriel (Afr. du S.) 1′ 02″ 12. 200 m dos : 1. K. Egerszegi (Hongr.) 2′ 07″ 83 ; 2. W. Hedgepeth (É-U) downloadModeText.vue.download 510 sur 602

SPORTS

509

2′ 11″ 98 ; 3. C. Rund (All.) 2′ 12″ 06.

100 m brasse : 1. P. Heyns (Afr. du S.) 1′ 07″ 73 ; 2. A. Beard (É -U) 1′ 08″ 09 ; 3. S. Riley (Austr.) 1′ 09″ 18.

200 m brasse : 1. P. Heyns (Afr. du S.) 2′ 25″ 41 ; 2. A. Beard (É-U) 2′ 25″ 75 ; 3. A. Kovacs (Hongr.) 2′ 26″ 57.

100 m papillon : 1. A. Van Dyken (É-U) 59″ 13 ; 2. Limin Liu (Chine) 59″ 14 ; 3. A. Martino (É-U) 59″ 23.

200 m papillon : 1. S. O’ Neill (Austr.) 2′ 07″ 76 ; 2. P. Thomas (Austr.) 2′ 09″ 82 ; 3. M. Smith (Irl.) 2′ 09″ 91.

200 m 4 nages : 1. M. Smith (Irl.) 2′ 13″ 93 ; 2. M. Limpert (Can.) 2′ 14″ 35 ; 3. Li Lin (Chine) 2′ 14″ 74.

400 m 4 nages : 1. M. Smith (Irl.) 4′ 39″ 18 ; 2. A. Wagner (É-U) 4′ 42″ 03 ; 3. K. Eger- szegi (Hongr.) 4′ 42″ 53.

Relais 4 × 100 m libre : 1. États-Unis 3′ 39″ 29 ; 2. Chine 3′ 40″ 48 ; 3. Alle- magne 3′ 41″ 48.

Relais 4 × 200 m libre : 1. États-Unis 7′ 59″ 87 ; 2. Allemagne 8′ 01″ 55 ; 3. Aus- tralie 8′ 05″ 47.

Relais 4 × 100 m 4 nages : 1. États-Unis 4′ 02″ 88 ; 2. Australie 4′ 05″ 08 ; 3. Chine 4′ 07″ 34.

PENTATHLON MODERNE

Pour la première fois de l’histoire olym- pique de ce sport, les 5 épreuves du pen- tathlon se sont disputées sur une seule journée. Issu d’une nouvelle génération de pentathloniens, le jeune Kazakh de vingt-trois ans Aleksandr Parygin a en- levé la médaille d’or après treize heures de compétition. Le premier Français, Christophe Ruer, n’a pris qu’une déce- vante 12e place, bien loin des ambitions affichées par l’équipe nationale.

Or : A. Parygin (Kazakh.).

Argent : E. Zenovka (Russie).

Bronze : J. Martinek (Hongr.).

TENNIS

Les succès de l’Oncle Sam

Les États-Unis sont passés tout près du grand chelem dans les compétitions de tennis. Seul un titre leur a échappé, celui du double messieurs remporté par les désormais célèbres woodies australiens, Mark Woodforde et Todd Woodbridge. Pour le reste, le parcours des Améri- cains ressemble à un sans-faute. Dans le tableau du simple messieurs, André Agassi s’est surpassé pour enlever l’un des rares trophées qui manquait à son palmarès. Lindsay Davenport a ruiné les bookmakers en s’imposant dans le tableau du simple dames. Enfin, Gigi et Mary Joe Fernandez ont conservé le titre olym- pique qu’elles avaient remporté à Barce- lone, en 1992.

MESSIEURS

Simple : Or : A. Agassi (É-U) ; Argent : S. Bruguera (Esp.) ; Bronze : L. Paes (Inde).

Double : Or : T. Woodbridge - M. Wood- forde (Austr.) ; Argent : N. Broad - T. Hen- man (G-B) ; Bronze : M.-K. Goellner - D. Prinosil (All.).

DAMES

Simple : Or : L. Davenport (É-U) ; Ar- gent : A. Sanchez-Vicario (Esp.) ; Bronze : downloadModeText.vue.download 511 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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J. Novotna (Rép. tchèq.).

Double : Or : G. Fernandez - M. J. Fernan- dez (É-U) ; Argent : J. Novotna - H. Suko- va (Rép. tchèq.) ; Bronze : C. Martinez - A. Sanchez-Vicario (Esp.).

TENNIS DE TABLE Les rois du ping et du pong

Sur la lancée de leur grand chelem aux derniers Championnats du monde, les pongistes chinois ont réussi un sans- faute, remportant les 4 titres olympiques. Sur les 12 médailles décernées à Atlanta, ils en ont raflées 8. Le Suédois Jan-Owe Waldner (champion olympique à Barce- lone), le Français Jean-Philippe Gatien (champion du monde 1993) ou le Belge Jean-Michel Saive (ex-no 1 mondial) sont restés impuissants. Seul Européen resca- pé, l’Allemand Joerg Rosskopf a décroché la médaille de bronze dans le tournoi du simple messieurs.

À Atlanta, Deng Yaping a confirmé qu’elle était bien l’une des plus grandes pongistes de tous les temps. La Chinoise, championne du monde en titre, s’est im- posée dans les tableaux du simple et du double dames. Comme elle l’avait fait à Barcelone...

MESSIEURS

Simple : Or : Liu Guoliang (Chine) ; Argent : Wang Tao (Chine) ; Bronze : J. Rosskopf (All.).

Double : Or : Liu Guoliang - Kong Lin- ghui (Chine) ; Argent : Wang Tao - Lu Lin (Chine) ; Bronze : Yoo Nam-Kyu - Lee Chul-Seung (Corée du S.).

DAMES

Simple : Or : Deng Yaping (Chine) ; Ar- gent : Jing Chen (Taïw.) ; Bronze : Qiao Hong (Chine).

Double : Or : Yaping Deng - Hong Qiao (Chine) ; Argent : Wei Liu - Yunping Qiao (Chine) ; Bronze : Hae-Jung Park - Ji-Hae Ryu (Corée du S.).

TIR

Amat fait mouche

Plus rien ne manque désormais au ta- bleau de chasse de Jean-Pierre Amat. Après avoir échoué lors des trois der- nières olympiades, le tireur français s’est distingué à Atlanta en remportant 2 médailles : 1 d’or dans l’épreuve « 3 po- sitions » (debout, à genou, allongé) et 1 de bronze dans la catégorie « carabine à 10 m ». Seul le pistolier italien Robert Di Donna a fait aussi bien. Les meilleurs tireurs d’élite sont russes. La Russie a remporté 6 médailles, dont 3 d’or.

MESSIEURS

Pistolet vitesse olympique : Or : R. Schu- mann (All.) ; Argent : E. Milev (Bulg.) ; Bronze : V. Vokhmyanin (Kazakh.).

Pistolet libre : Or : B. Kokorev (Russie) ; Argent : I. Basinski (Biélor.) ; Bronze : R. Di Donna (It.).

Pistolet à air comprimé 10 m : Or : R. Di Donna (It.) ; Argent : Yifu Wang (Chine) ; Bronze : T. Kiriakov (Bulg).

Cible mobile : Or : Ling Yang (Chine) ; Ar- gent : Jun Xiao (Chine) ; Bronze : M. Ja- nus (Rép. tchèq.).

Carabine 3 positions : Or : J.-P. Amat (Fr.) ; Argent : S. Beliaev (Kazakh.) ; Bronze : downloadModeText.vue.download 512 sur 602

SPORTS

511

W. Jr Waibel (Autr.).

Carabine 50 m position couchée : Or : C. Klees (All.) ; Argent : S. Beliaev (Ka- zakh.) ; Bronze : J. Gonci (Slovaq).

Carabine à air comprimé 10 m : Or : A. Kha- dzhibekov (Russie) ; Argent : W. Waibel (Autr.) ; Bronze : J.-P. Amat (Fr.).

Skeet : Or : E. Falco (It.) ; Argent : M. Rzepkowski (Pol.) ; Bronze : A. Benel- li (It).

Fosse olympique : Or : M. Diamond (Austr.) ; Argent : J. Lakatos (É-U) ; Bronze : L. Bade (É-U).

Double trap : Or : R. Mark (Austr.) ; Ar- gent : A. Pera (It.) ; Bronze : Bing Zhang (Chine).

DAMES

Pistolet sport : Or : Duihong Li (Chine) ; Argent : D. Yorgova (Bulg.) ; Bronze : M. Logvinenko (Russie). Pistolet à air comprimé : Or : O. Kloch- neva (Russie) ; Argent : M. Logvinenko (Russie) ; Bronze : M. Grozdeva (Bulg.). Carabine à air comprimé : Or : R. Mauer (Pol.) ; Argent : P. Horneber (All.) ; Bronze : A. Ivosev (Youg.).

Carabine 3 positions : Or : A. Ivosev (Youg.) ; Argent : I. Gerasimenok (Rus- sie) ; Bronze : R. Mauer (Pol.).

Double trap : Or : K. Rhode (É-U) ; Argent : S. Kiermayer (All.) ; Bronze : D. Huddleston (Austr).

TIR À L’ARC

Un retour en force

Absents des podiums à Barcelone, les archers américains ont retrouvé la supré- matie qui fut la leur de 1972 à 1988. Ils se sont imposés dans l’épreuve par équipe, en partie grâce à Justin Huisch, jeune Californien de vingt et un ans, vainqueur en individuel.

Chez les dames, la hiérarchie mon- diale a été respectée. Comme à l’accoutu- mée, les Sud-Coréennes ont décoché les meilleures flèches.

MESSIEURS

Individuel : Or : J. Huisch (É-U) ; Argent : M. Petterson (Suède) ; Bronze : Kyo- Moon Oh (Corée du S).

Par équipes : Or : États-Unis ; Argent : Corée du Sud ; Bronze : Italie.

DAMES

Individuel : Or : Kyung-Wook Kim (Co- rée du S.) ; Argent : Ying He (Chine) ; Bronze : O. Sadovnycha (Ukr.).

Par équipes : Or : Corée du Sud ; Argent : Allemagne ; Bronze : Pologne.

VOILE

Le naufrage français

Philippe Presti, double champion du monde, a dû se contenter de la 15e place dans l’épreuve de Finn. Maud Herbert, quintuple championne du monde de planche à voile, n’a pris que la 8e place chez les véliplanchistes.

De manière générale, ces Jeux d’At- lanta n’ont guère souri aux favoris. Seule l’Espagnole Teresa Zabell a conservé son titre de Barcelone, en 470.

Planche à voile messieurs : Or : N. Kakla- manakis (Grèce) ; Argent : C. Espinola downloadModeText.vue.download 513 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

512

(Argent.) ; Bronze : G. Friedman (Isr.).

Planche à voile dames : Or : L. Shan Lee (Hongkong) ; Argent : B. Kendall (N.- Z.) ; Bronze : A. Sensini (Ital.).

Europe : Or : K. Roug (Dan.) ; Argent : M. Matthijsse (P-B) ; Bronze : C. Becker- Dey (É-U).

Laser : Or : R. Scheidt (Brés.) ; Argent : B. Ainslie (G-B) ; Bronze : P. Moberg (Norv.).

Finn : Or : M. Kusznierewicz (Pol.) ; Argent : S. Godefroid (Belg.) ; Bronze : R. Heiner(P-B).

470 messieurs : Or : Y. Braslavets - I. Ma- tviyenko (Ukr.) ; Argent : J. Merricks -

I. Walter (G-B) ; Bronze : V. Rocha -

N. Barreto (Port.).

470 dames : Or : T. Zabell - B. Via Duf- resne (Esp.) ; Argent : Yumiko Shige -

Alicia Kinoshita (Jap.) ; Bronze : R. Ta- ran - O. Pakholchik (Ukr).

Tornado : Or : F. Leon - J.L. Ballester

(Esp.) ; Argent : M. Booth - A. Landen- berger (Austr.) ; Bronze : L. Grael - K. Pel- licano (Brés.).

Star : Or : Brésil ; Argent : Suède ; Bronze :

Australie. downloadModeText.vue.download 514 sur 602

SPORTS

513

Soling : Or : Allemagne ; Argent : Russie ; Bronze : États-Unis.

VOLLEY

MESSIEURS

Finale : Pays-Bas b. Italie, 3 sets à 2.

Finale 3e place : Yougoslavie b. Russie, 3 sets à 1.DAMES

Finale : Cuba b. Chine, 3 sets à 1.

Finale 3e place : Brésil b. Russie, 3 sets à 2.

Battus par le Brésil en finale des Jeux de Barcelone et par l’Italie en finale des Championnats du monde 94, les Pays- Bas ont pris une double revanche à At- lanta. Au terme d’une finale palpitante (17-15 au 5e set), ils ont empoché le pre- mier titre olympique de leur histoire. Néerlandais et Italiens ont ainsi confirmé leur suprématie. Champions olympiques en titre, les Brésiliens sont sur le déclin. Éliminés en quarts de finale, ils n’ont jamais retrouvé le jeu inventif qui avait fait merveille à Barcelone. En revanche, la Yougoslavie a effectué un retour spec- taculaire au premier plan en enlevant la médaille de bronze. Dans le tournoi fé- minin, les Cubaines se sont comme prévu imposées. Championnes olympiques et championnes du monde en titre, elles ont confirmé leur supériorité, même si l’écart avec leurs adversaires a tendance à se réduire. En finale, les Cubaines ont battu une équipe chinoise en gros progrès.

ATHLÉTISME

Graines de stars

Dans les épreuves de fond et de demi- fond, la saison post-olympique a révélé de nouveaux champions, aussi jeunes que talentueux. Le premier d’entre eux, Da- niel Komen, est sorti de l’anonymat après avoir naïvement raté le record du monde du 3 000 m. Lors du meeting de Monaco, il a oublié de regarder le panneau lumi- neux sur lequel défilaient les secondes et a manqué le record pour 5 minuscules centièmes, après avoir ralenti dans les 200 derniers mètres. Le distrait a finale- ment inscrit son nom sur les tablettes (en 7′ 20″ 67) quelques jours plus tard, à l’oc- casion de la réunion de Rieti, en Italie. À seulement vingt ans, D. Komen s’affirme comme le plus sûr espoir de l’athlétisme kenyan.

Le Marocain Salah Hissou (vingt- quatre ans) a lui aussi bousculé la hié- rarchie mondiale. À Bruxelles, celui que l’on présente comme le digne successeur de Saïd Aouita a pulvérisé le record du monde du 10 000 m (en 26′ 38″ 08), au grand dam de l’Éthiopien Haile Gebrese- lassie, précédent détenteur, battu de plus de 5 secondes. Seul regret pour Salah Hissou : aux jeux Olympiques d’Atlanta, il n’a décroché qu’une médaille de bronze, alors que son immense talent aurait dû le propulser sur la plus haute marche du podium.

L’autre révélation de l’année est éga- lement marocaine. Hicham El Guerrouj (vingt-deux ans) s’est offert le luxe de de- vancer l’Algérien Noureddine Morceli — jusque-là intouchable sur 1 500 m — en finale du Grand Prix IAAF.

Plus âgée, mais tout aussi prometteuse, la Russe Svetlana Masterkova (vingt-huit ans) a fait une entrée fulgurante dans la cour des grands de ce monde. Cham- pionne olympique sur 800 m et 1 500 m, downloadModeText.vue.download 515 sur 602

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514 elle a en outre amélioré deux records du monde, ceux du mile (4′ 12″ 56) et du 1 000 m (2′ 28″ 98).

AUTOMOBILE

Le Championnat du monde s’est joué entre les deux pilotes Williams-Renault Damon Hill et Jacques Villeneuve lors du dernier Grand Prix de la saison à Suzuka, au Japon. Hill, en tête du clas- sement tout au long de l’année, devait assurer au moins une 6e place pour être sacré. Le Britannique a fait beaucoup mieux. Il a remporté avec panache cette ultime épreuve, réussissant au passage l’une des meilleures courses de sa car- rière. Vainqueur de 8 Grands Prix sur 16, il a enfin décroché une couronne qui lui avait échappé en 94 et 95 au profit de Michael Schumacher. Vingt-huit ans après son père, Graham, Damon Hill obtenait ainsi un titre amplement méri- té. Fidèle à sa curieuse habitude, Frank Williams, le patron de l’écurie Williams- Renault, décidait de se séparer de son leader, comme il l’avait fait auparavant avec Nelson Piquet, Nigel Mansell et/ou Alain Prost. Peu avant la fin du Cham- pionnat, Hill acceptait l’offre de la mo- deste écurie britannique TWR-Arrows. Un transfert financièrement juteux mais sportivement bien incertain.

Frank Williams est un responsable d’écurie dur, intransigeant et parfois déconcertant, mais il a du flair. En recrutant Jacques Villeneuve, il a fait mouche. À vingt-cinq ans, le fils du regretté Gilles Villeneuve a réussi une première saison exemplaire. Venant du Championnat Indy Car (la formule 1 américaine), il a su éviter avec brio les downloadModeText.vue.download 516 sur 602

SPORTS

515 pièges de la F1. Il a remporté 4 Grands Prix et terminé 11 fois sur le podium. Signes d’une régularité et d’une soli- dité étonnantes pour un pilote novice. L’écurie Williams-Renault a donc sur- volé la saison. Avec 12 victoires, elle n’a laissé que des miettés à ses adver- saires. Williams a ainsi empoché son 8e titre de champion du monde des constructeurs en seize ans, et Renault son 5e d’affilée. Après avoir écrasé la concurrence, le constructeur français a annoncé au mois de juin son retrait de la formule 1 fin 1997. Une décision dictée par le souci de quitter la compé- tition en plein succès. Cette saison 96 a été également marquée par le retour au premier plan de Ferrari, qui a pris la 2e place au classement des construc- teurs. En recrutant à prix d’or le double champion du monde Michael Schuma- cher, la Scuderia semble avoir entamé son renouveau. Le pilote allemand a remporté 3 Grands Prix au terme de 3 courses exceptionnelles. À Barcelone, sous une pluie battante, Schumacher a réussi un éblouissant cavalier seul qui restera dans les annales de la for- mule 1. Saison décevante, en revanche, pour l’écurie Benetton-Renault, cham- pionne du monde en titre, qui termine l’année sans victoire. Les deux nou- veaux pilotes de l’écurie, Jean Alesi et Gerhard Berger, n’ont pas démérité, mais leur voiture n’a jamais été très compétitive. On n’oubliera pas, enfin, la victoire très inattendue, la première de sa carrière, du Français Olivier Panis à Monaco, à l’issue d’une course-héca- tombe. L’écurie Ligier n’avait plus gagné de Grand Prix depuis quinze ans.

Dans le Championnat du monde des rallyes, le titre est revenu au Finlandais Tommi Makinen, au volant d’une Mit- subishi. C’est le premier titre pour ce pilote de vingt-huit ans, qui perpétue la longue tradition des grands rallymen scandinaves.

Les grands prix de la saison

Australie (10 mars) : 1. D. Hill (G.-B./ Williams-Renault) ; 2. J. Villeneuve (Can./Williams-Renault) ; 3. E. Irvine (Irl./Ferrari).

Brésil (31 mars) : 1. D. Hill (G.-B./ Williams-Renault) ; 2. J. Alesi (F./Benet- ton-Renault) ; 3. M. Schumacher (All./ Ferrari).

Argentine (7 avril) : 1. D. Hill (G.-B./ Williams-Renault) ; 2. J. Villeneuve (Can./Williams-Renault) ; 3. J. Alesi (F./ Benetton-Renault).

Europe (28 avril) : 1. J. Villeneuve (Can./ Williams-Renault) ; 2. M. Schumacher (All./Ferrari) ; 3. D. Coulthard (G.-B./ McLaren-Mercedes).

Saint-Marin (5 mai) : 1. D. Hill (G.-B./ Williams-Renault) ; 2. M. Schuma- cher (All./Ferrari) ; 3. G. Berger (Autr./ Benetton-Renault).

Monaco (19 mai) : 1. O. Panis (F./Ligier- Honda) ; 2. D. Coulthard (G.-B./McLa- ren-Mercedes) ; 3. J. Herbert (G.-B./ Sauber-Ford).

Espagne (2 juin) : 1. M. Schumacher (All./Ferrari) ; 2. J. Alesi (F./Benet- ton-Renault) ; 3. J. Villeneuve (Can./ Williams-Renault).

Canada (16 juin) : 1. D. Hill (G.-B./ Williams-Renault) ; 2. J. Villeneuve downloadModeText.vue.download 517 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

516

(Can./Williams-Renault) ; 3. J. Alesi (F./ Benetton-Renault).

France (30 juin) : 1. D. Hill (G.-B./ Williams-Renault) ; 2. J. Villeneuve (Can./Williams-Renault) ; 3. J. Alesi (F./ Benetton-Renault).

Grande-Bretagne (14 juillet) : 1. J. Villeneuve (Can./Williams-Re- nault) ; 2. G. Berger (Autr./Benet- ton-Renault) ; 3. M. Hakkinen (Finl./ McLaren-Mercedes).

Allemagne (28 juillet) : 1. D. Hill (G.-B./ Williams-Renault) ; 2. J. Alesi (F./Benet- ton-Renault) ; 3. J. Villeneuve (Can./ Williams-Renault).

Hongrie (11 août) : 1. J. Villeneuve (Can./ Williams-Renault) ; 2. D. Hill (G.- B./Williams-Renault) ; 3. J. Alesi (F./ Benetton-Renault).

Belgique (25 août) : 1. M. Schumacher (All./Ferrari) ; 2. J. Villeneuve (Can./ Williams-Renault) ; 3. M. Hakkinen (Fin./McLaren-Mercedes).

Italie (8 septembre) : 1. M. Schuma- cher (All./Ferrari) ; 2. J. Alesi (F./Benet- ton-Renault) ; 3. M. Hakkinen (Fin./ McLaren-Mercedes).

Portugal (22 septembre) : 1. J. Villeneuve (Can./Williams-Renault) ; 2. D. Hill (G.- B./Williams-Renault) ; 3. M. Schuma- cher (All./Ferrari).

Japon (13 octobre) : 1. D. Hill (G.-B./ Williams-Renault) ; 2. M. Schumacher (All./Ferrari) ; 3. M. Hakkinen (Finl./ McLaren-Mercedes).

Classement du championnat du monde de Formule 1 Pilotes : 1. D. Hill (G-B), 97 pts.

2. J. Villeneuve (Can), 78 pts.

3. M. Schumacher (All.), 59 pts.

4. J. Alesi (F.), 47 pts.

5. M. Hakkinen (Finl.), 31 pts.

6. G. Berger (Autr.), 21 pts.

7. D. Coulthard (G-B), 18 pts.

8. R. Barrichello (Brés.), 14 pts.

9. O. Panis (F.), 13 pts.

10. E. Irvine (Irl.), 11 pts.

11. M. Brundle (G-B), 8 pts.

12. H.-H. Frentzen (All.), 7 pts.

13. M. Salo (Finl.), 5 pts 14. J. Herbert (G-B), 4 pts.

15. P. P. Diniz (Brés.), 2 pts.

16. J. Verstappen (P-B), 1 pt.

Constructeurs : 1. Williams-Renault, 175 pts.

2. Ferrari, 70 pts.

3. Benetton-Renault, 68 pts.

4. McLaren-Mercedes, 49 pts.

5. Jordan-Peugeot, 22 pts.

6. Ligier-Mugen-Honda, 15 pts.

7. Sauber-Ford, 11 pts.

8. Tyrrell-Yamaha, 5 pts.

9. Footwork-Hart, 1 pt.

BASKETBALL

Cela n’a pas traîné. Dix-sept mois après son retour sur les parquets, Michael Jordan a ramené à Chicago la couronne NBA. En dépit d’une solide résistance des surprenants Sonics de Seattle, les Bulls, emmenés par le trio Jordan-Pippen- downloadModeText.vue.download 518 sur 602 SPORTS

517

Rodman, ont ainsi remporté leur 4e titre NBA en six ans. Et Jordan ne parle plus de retraite...

Enfin ! Après des années de désil- lusions, le basket grec, le plus riche du continent, s’est offert l’Europe. Au Palais omnisports de Paris-Bercy, en finale du Championnat d’Europe des clubs, le Panathinaikos d’Athènes a battu sur le fil Barcelone. Sur le plan national, le titre est revenu à Pau-Orthez, vainqueur à l’arraché de Villeurbanne en finale. Le dernier sacre des Palois remontait à 1992. Chez les dames, Bourges a conser- vé son titre en disposant facilement de Valenciennes-Orchies.

Championnat américain (NBA)

Finale : Chicago b. Seattle 4 victoires à 2 (107-90, 92-88, 108-86, 86-107, 78-89, 87-75).

Championnat d’Europe des clubs PARIS, 911 AVRIL

Demi-finales : Panathinaikos Athènes (Grèce) b. CSKA Moscou (Russie) 81-71 ; Barcelone (Esp.) b. Real Madrid (Esp.) 76-66.

Finale : Panathinaikos Athènes b. Bar- celone 67-66.

Championnat de France

Messieurs : Pau-Orthez b. Villeurbanne 3 victoires à 2 (93-82, 100-77, 67-89, 76- 84, 78-72).

Dames : Bourges b. Valenciennes-Orchies 2 victoires à 1 (76-73 ap., 63-49, 79-45).

BOXE

Holyfield terrasse Tyson

À Las Vegas, le 9 novembre, la terre a tremblé. Sur le ring du MGM-Grand Garden, Mike Tyson a subi la deuxième défaite de sa carrière. Mais cette défaite n’est en rien comparable à la première. Contre Douglas, en février 1990, « Iron » Mike avait payé le prix de sa suffisance et de son manque d’entraînement. Face à Evander Holyfield, il n’a commis aucune faute de ce genre. Il a tout simplement affronté un boxeur meilleur que lui. Pour la première fois.

Présenté comme une victime expia- toire (une de plus), Holyfield a en fait tutoyé le sublime, pour s’inscrire dans la lignée des plus grands. Il s’est évertué à répondre aux coups de Tyson par d’autres coups — plus puissants, plus précis — sans se découvrir et sans se laisser enfer- mer. Finalement, en un peu plus de trente minutes, le boxeur d’Atlanta a détruit Tyson le destructeur, a détruit le mythe. Un an et demi après sa sortie de prison, le protégé de Don King avait pourtant re- trouvé une partie de son prestige. Il avait récupéré la ceinture mondiale WBC, aux dépens du Britannique Frank Bruno, avant de dominer le champion WBA, l’Américain Bruce Seldon.

Avant ce combat dantesque contre Tyson, et malgré ses trente-quatre ans, Evander Holyfield faisait figure de vété- ran dans les milieux pugilistiques. Peut- être parce qu’en 1994, après avoir perdu son titre mondial des lourds (WBA-IBF), il avait annoncé sa retraite, sur les conseils de ses médecins. Souffrant de sérieux troubles cardiaques, Holyfield ne pouvait downloadModeText.vue.download 519 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

518 poursuivre sa carrière sans risquer sa vie. Mais un miracle s’est produit. « Je suis allé voir un guérisseur baptiste, explique-t-il sans rire. Il a posé ses mains sur mon coeur. Une immense chaleur m’a alors envahi et je suis tombé. Une fois relevé, j’étais gué- ri. » Mystère de la nature ou intervention divine, toujours est-il que ses problèmes cardiaques, à en croire le corps médical, ont disparu. Evander Holyfield explique facilement le phénomène : « Dieu est à mes côtés. »

Les grands combats de l’année

Welters WBA (Saint-Martin, 13 avril) : Ike Quartey (Ghana) b. Werno Philips (É-U), par arrêt de l’arbitre à la 3e reprise. Super-légers WBC (Las Vegas, 8 juin) : Oscar de La Hoya (É-U) b. Julio César Chavez (Mex.), par arrêt de l’arbitre à la 4e reprise.

Lourds WBA (Las Vegas, 9 novembre) : Evander Holyfield (É-U) b. Mike Tyson (É-U), par arrêt de l’arbitre à la 11e reprise. Super-coqs WBO (Tempa, 3 novembre) : Junior Jones (É-U) b. Marco Antonio Barrera (Mex.), par arrêt de l’arbitre à la 5e reprise.

Les championnats du monde des Français

Mi-lourds WBC (Saint-Étienne, 13 jan- vier) : Fabrice Tiozzo (Fr.) b. Eric Luca (Can.), aux points.

Légers WBC (Levallois, 20 avril) : Jean- Baptiste Mendy (Fr.) b. Lamar Murphy (É-U), aux points.

Lourds-légers WBC (Hyères, 6 juillet) : Marcello Dominguez (Arg.) b. Patrice

Aouissi (Fr.), par abandon à la 9e reprise. Super-welters WBA (Le Cannet, 21 août) : Laurent Boudouani (Fr.) b. Julio César Vasquez (Arg.), par KO à la 5e reprise.

CYCLISME

Super-Jeannie

La Française Jeannie Longo ne cesse de défier le temps. À trente-huit ans, elle semble plus impérieuse que jamais. En cette année 1996, Longo ne s’est pas contentée de remporter une médaille d’or olympique (la seule qui manquait à son palmarès). Dans le contre-la-montre des Championnats du monde, sur route, elle a glané un nouveau titre, le 11e de son exceptionnelle carrière. Elle a en outre repris le record de l’heure à la Britan- nique Yvonne McGregor (48,159 km). « Il me reste encore de belles années devant moi », disait-elle à Mexico, quelques mi- nutes après son record. Tant pis pour ses adversaires.

Le record de l’heure masculin a éga- lement été battu. Le 6 septembre, à Man- chester, le Britannique Chris Boardman, pistard de formation devenu routier d’élite, a effacé le Suisse Tony Rominger des ta- blettes. Boardman a parcouru 56,375 km dans l’heure, soit un peu plus de 1 000 m de mieux que le précédent record.

La fin d’un règne ?

Le 21 juillet, à l’arrivée du Tour de France, sur les Champs-Élysées, le maillot jaune, contrairement aux 5 années précédentes, n’était pas sur les épaules de l’Espagnol Miguel Indurain. À Paris, c’est le Danois Bjarne Riis qui est monté sur la plus downloadModeText.vue.download 520 sur 602

SPORTS

519 haute marche du podium, devançant le jeune Allemand Jan Ullrich — révéla- tion de la saison — et le Français Richard Virenque. Indurain, victime d’une ter- rible défaillance dans les Alpes, a fini l’épreuve à une indigne 11e place. Ce sérieux revers, le premier depuis 1991, a conduit le champion navarrais à s’inter- roger sur la suite de sa carrière. Après avoir entretenu le suspense pendant plu- sieurs mois, le quintuple vainqueur du Tour a finalement décidé de rempiler, pour au moins une année.

Classement UCI 1996 1. L. Jalaberl (F. Once), 2 005 pts.

2. A. Zülle (Suisse, Once), 1 963 pts.

3. B. Riis (Dan., Telekom), 1 565 pts.

4. J. Museeuw (Belg., Mapei-GB), 1 511 pts.

5. M. Bartoli (Ital., MG-Technogym), 1 493 pts.

Classement de la coupe du monde Individuel : 1. J. Museeuw (Belg.), 162 pts ; 2. A. Ferrigab (Ital.), 126 pts ; 3. M. Barto- li (Ital.), 124 pts ; 4. A. Tafi (Ital.), 107 pts ; 5. S. Zanini (Ital.), 88 pts.

Par équipes : 1. Mapei-GB (Ital.), 101 pts ; 2. Motorola (É-U), 61 pts ; 3. MG-Tech- nogym (Ital.), 60 pts ; 4. Festina (F.), 54 pts ; 5. Roslotto-ZG (Russie), 52 pts ; 6. Polti (Ital.), 43 pts.

Championnats du monde contre- la-montre individuel LUGANO, SUISSE, 910 OCTOBRE Messieurs : 1. A. Zülle (Suisse, Once), les 40,4 km en 48′ 13″ ; 2. C. Boardman (G- B, Gan), à 39″ ; 3. T. Rominger (Suisse,

Mapei-GB), à 41″ ; 4. Nardello (Ital. Ma- pei-GB), à 1′ 01″ ; 5. Peron (Ital., Moto- rola), à 1′ 34″.

Dames : 1. J. Longo-Ciprelli (F.), les 26,4 km en 35′ 16″ ; 2. C. Marsal (F.), à 49″ ; 3. Cappellotto (Ital.), à 54″ ; 4. Za- birova (Russie), à 1′ 15 ; 5. C. Hugues (Can.), à 1′ 26″.

Championnats du monde sur route LUGANO, SUISSE, 1213 OCTOBRE

Messieurs (épreuve en ligne) : 1. J. Museeuw (Belg., Mapei-G-B), les 252 km en 6 h 23′ 50″ ; 2. Gianetti (Ital., MG-Technogym), à 29″ ; 3. Bar- toli (Ital.) ; 4. Merckx (Belg., Motorola), m.t. ; 5. R. Virenque (F. Festina), à 30″ ; 6. Tafi (Ital., Mapei-GB), m.t. ; 7. L. Jala- bert (F., Once), à 1′ 26″.

Dames (en ligne) : 1. B. Heeb (Suisse), les 100,8 km en 2 h 53′ ; 2. R. Polikevi- ciute (Lit.), à 17″ ; 3. Jackson (Can.), à 37″ ; 4. Charameda (É-U), à 1′ 51″ ; 5. J. Polikeviciute (Lit.) ; 6. Cappellotto (Ital.) ; 7. Longo-Ciprelli (F.).

Championnats du monde de cyclo-cross MONTREUIL, FRANCE, 3 ET 4 AVRIL

1. A. Van der Poel (Hol., Rabobank), 56′ 12″ ; 2. Pontoni (Ital.) ; 3. Bramati (Ital.), t.m.t. ; 4. Djernis (Dan.), à 9″ ; 5. Vervecken (Belg.).

Championnats de France

Sur route : 1. S. Heulot (Gan), les 264 km en 5 h 57′ 19″ ; 2. Roux (TVM), m.t. ; 3. Guesdon (Polti), à 10″ ; 4. Vasseur (Gan) ; 5. Maignan (La Mutuelle de Seine-et-Marne). downloadModeText.vue.download 521 sur 602

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520 downloadModeText.vue.download 522 sur 602 SPORTS

521

Cyclo-cross (Lanarvilly, 14 janvier) : 1. E. Magnien (Festina), 58′ 41″ ; 2. Chiotti (Festina), à 10″ ; 3. Halgand (Festina), à 1′ 15″.

Courses à étapes Paris-Nice (10-17 mars) 1. L. Jalaberl (F., Once), 34 h 28′ 14″ ; 2. L. Armstrong (É-U, Motorola), à 43″ ; 3. C. Boardman (G-B, Gan), à 47″.

Tirreno-Adriatico (Italie, 13-20 mars, cat. 2-1)

1. F. Casagrande (Ital., Saeco), 34 h 46′ 28″ ; 2. Gontchenkov (Russie, Roslotto - ZG), à 23″ ; 3. Pianegonda (Ital., Polti), à 29″.

Tour du Pays Basque (Espagne, 9-12 avril)

1. F. Casagrande (Ital., Saeco), 20 h 50′ 21″ ; 2. Hervé (F. Festina), à 3″ ; 3. A. Olano (Esp., Mapei-GB), à 27″.

Quatre jours de Dunkerque (7-12 mai)

1. P. Gaumont (F., Gan), 24 h 14′ 7″ ; 2. Ludwig (All., Telekom), à 18″ ; 3. Za- downloadModeText.vue.download 523 sur 602

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SPORTS

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SPORTS

525 nette (Ital., Aki-Gipiemme), à 26″. Tour d’Italie (18 mai-9 juin) 1. P. Tonkov (Russie, Panaria-Vinavil), 105 h 20′ 23″ ; 2. Zaina (Ital., Carrera), à 2′ 43″ ; 3. A. Olano (Esp., Mapei-GB), à 2′ 57″.

GP du Midi Libre (21-26 mai) 1. L. Jalabert (F., Once), 27 h 42′ 38″ ; 2. L. Brochard (F., Festina), à 22″ ; 3. R. Virenque (F., Festina), à 25″.

Critérium du Dauphiné (2-9 juin) 1. M. Indurain (Esp., Banesto), 30 h 37′ 49″ ; 2. T. Rominger (Suisse, Mapei - GB), à 1′ 21″ ; 3. R. Virenque (F., Festina), à 1′ 32″.

Tour de Suisse (11-20 juin) 1. P. Luttenberger (Autr., Carrera), en 41 h 26′ 10″ ; 2. Faresin (Ital., Panaria- Vinavil), à 15″ ; 3. G. Bugno (Ital., MG- Technogym), à 1′ 15″.

Tour d’Espagne (7-29 septembre) 1. A. Zülle (Suisse, Once), 97 h 31′ 46″ ; 2. Dufaux (Suisse, Festina), à 6′ 23″ ; 3. T. Rominger (Suisse, Mapei-GB), à 8′ 29″.

Tour de France 29 JUIN21 JUILLET

Classement général final : 1. Bjarne Riis

(Dan.), 95 h 57′ 16″ ; 2. Jan Ullrich (All.), à 1′ 41″ ; 3. Richard Virenque (F.), à 4′ 37″ ; 4. Laurent Dufaux (Suisse), à 5′ 53″ ; 5. Peter Luttenberger (Autr.), à 7′ 07″ ; 6. Luc Leblanc (F.), à 10′ 03″ ; 7. Piotr Ugrumov (Russie), à 10′ 04″ ; 8. Fernando Escartin (Esp.), à 10′ 26″ ; 9. Abraham Olano (Esp.), à 11′ ; 10. Tony Rominger (Suisse), à 11′ 53″...

Classement de la montagne (maillot à pois) : Richard Virenque (F.).

Classement par points (maillot vert) : Erik Zabel (All.).

Classement des jeunes : Jan Ullrich (All.). Classement de la combativité : Richard Virenque (F.).

Classement par équipes : Festina.

VTT

Championnats du monde CAIRNS, AUSTRALIE, 2022 SEPTEMBRE MESSIEURS

Descente : 1. N. Vouilloz (F.), 4′ 54″ ; 2. Palmer (É-U), à 0′ 15″ ; 3. De Bever (Hol.), à 0′ 33″.

Cross-country : 1. J. Chiotti (F.), 2 h 37′ 36″ ; 2. Frischknecht (Suisse), à downloadModeText.vue.download 527 sur 602

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1′ 57″ ; 3. Hoydahl (Norv.) à 2′ 6″.

DAMES

Descente : 1. A.-C. Chausson (F.), 5′ 27″ ; 2. Donovan (É-U), à 0″ 18 ; Giove (É-U), à 3″.

Cross-country : 1. A. Sydor (Can.), 2 h 5′ 56″ ; 2. Matthes (É-U), à 1′ 52″ ; 3. Turcutto (Ital.), à 2′ 2″.

FOOTBALL

Éternelle Allemagne

Les années passent. Le sport évolue, les compétitions aussi. Le football alle- mand, lui, ne change pas. Son efficacité demeure incomparable. En Angleterre, les footballeurs allemands ont ajouté un 3e titre continental à un palmarès déjà riche de 3 Coupes du monde. Aucune nation sur le Vieux Continent ne peut se prévaloir d’une telle collection. La régu- larité allemande au plus haut niveau ne laisse d’impressionner. Les raisons de ces succès sont toujours les mêmes : une organisation tactique sans faille, une rigueur de tous les instants, une extra- ordinaire solidarité, une confiance en soi inébranlable et des joueurs de grand talent aux postes clés. Tout au long de cet Euro 96, ces vertus ont une nouvelle fois payé. Sortis premiers du groupe C, le plus relevé des 4, les coéquipiers de Jürgen Klinsmann ont éliminé la novice et brillante équipe croate en quart de finale, et l’Angleterre en demi, au terme du meilleur match de la compétition. En finale, les Allemands ont battu la révéla- tion du tournoi, la République tchèque, 2 buts à 1. Pour la première fois de l’his- toire, la règle de la « mort subite » a été appliquée. Quand Oliver Bierhoff a inscrit le 2e but allemand pendant la 1re mi-temps des prolongations, le match a immédiatement pris fin. Cette finale fut à l’image de l’ensemble de la compéti- tion : pas vraiment spectaculaire, mais intense et d’un haut niveau technique et tactique.

Pour leur première participation à une phase finale, les Tchèques ont agréa- blement surpris. Cette équipe jeune, très douée techniquement, a sorti l’Italie en poule, le Portugal en quart et la France en demi-finale à l’issue de l’épreuve des tirs au but. Pour les Bleus, le bilan de cet Euro 96 est paradoxal. Leur place de de- mi-finaliste est satisfaisante en soi, mais elle a été gâchée par une fin de parcours ratée et une carence offensive qui est allée en s’aggravant. Arrivée en Angle- terre auréolée d’une invincibilité record, l’équipe de France a passé avec maîtrise le premier tour en terminant 1re d’un groupe difficile. En quart de finale, elle a éliminé les Pays-Bas, l’un des grands favoris, aux tirs au but, à l’issue d’une rencontre sans saveur. Sa demi-finale contre les Tchèques fut particulièrement indigente. Au fur et à mesure que la com- pétition avançait, le jeu français s’est petit à petit délité. Le sélectionneur Aimé Jac- quet s’est vu reprocher une organisation jugée trop défensive, une tactique trop frileuse. De ce parcours mitigé, le public et la presse ont surtout retenu cette de- mi-finale déprimante. En dépit des cri- tiques, la Fédération française a renou- velé, après ce Championnat d’Europe, le contrat d’Aimé Jacquet jusqu’à la Coupe du monde 98. downloadModeText.vue.download 528 sur 602

SPORTS

527

Auxerre : nouvelle capitale du football français

Le club bourguignon a conquis au mois de mai son premier titre de champion et sa 2e Coupe de France. Un doublé histo- rique pour un club qui a fait de la forma- tion son credo et son fonds de commerce. Ce titre de champion est un aboutisse- ment logique pour une équipe abonnée depuis dix ans aux places d’honneur et pour un entraîneur hors norme, Guy Roux, qui a pris en main les destinées du club il y a trente-cinq ans, alors que ce dernier évoluait en division d’hon- neur. En finale de la Coupe de France, les Auxerrois ont battu le Nîmes Olympique, la sensation de la compétition, qui évolue en Nationale 1 (ancienne 3e division).

Après avoir compté 10 points d’avance à la trêve hivernale, le Paris- Saint-Germain n’a terminé qu’à une déce- vante 2e place du Championnat. Le club parisien a sauvé sa saison en devenant la 2e équipe française, après l’Olympique de Marseille, à remporter une Coupe d’Eu- rope. À Bruxelles, en finale de la Coupe des coupes, les Parisiens ont dominé les Autrichiens du Rapid de Vienne, 1 à 0, grâce à un but de leur défenseur Bruno N’Gotty. Dans l’ensemble, les clubs fran- çais ont brillé en Coupe d’Europe. Nantes a atteint les demi-finales de la Ligue des champions, et Bordeaux, la finale de la Coupe de l’UEFA, après avoir éliminé notamment, en quart de finale, le Milan AC (0-2 à Milan et 3-0 à Bordeaux), si- gnant à cette occasion l’un des plus beaux exploits du football français. En finale, en revanche, les Girondins ont subi la loi du Bayern de Munich. Onze ans après la maudite finale du Heysel, la Juventus de

Turin a reconquis le titre de champion d’Europe en battant en finale, à Rome, le tenant du trophée, l’Ajax Amsterdam.

En cette année 96, le football euro- péen a été secoué par les conséquences de l’arrêt Bosman, du nom de ce joueur belge qui avait saisi la Cour européenne de justice. Celui-ci reprochait à l’Union européenne de football et à ses clubs de ne pas respecter les principes de la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne. Sommée par Bruxelles de se conformer à la législation en vigueur, l’UEFA acceptait, contrainte et forcée, de ne plus limiter le nombre de joueurs étrangers « communautaires » par équipe.

Désormais, une équipe italienne peut aligner, par exemple, 4 Espagnols, 3 Allemands, 2 Français et 2 Néerlan- dais. Premières victimes de l’arrêt Bos- man : les clubs français, qui ont dû, faute de moyens financiers, laisser partir à l’étranger une dizaine d’internationaux. Quelques années seront nécessaires pour tirer les conséquences de cet arrêt sur l’évolution du football européen, aussi bien au niveau des clubs que des équipes nationales.

Championnats d’Europe des nations ANGLETERRE, 830 JUIN

PREMIER TOUR

Groupe A : Angleterre-Suisse : 1-1 ; Pays- Bas - Écosse : 0-0 ; Pays-Bas - Suisse : 2-0 ; Angleterre - Écosse : 2-0 ; Angleterre - downloadModeText.vue.download 529 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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Pays-Bas : 4-1 ; Écosse - Suisse : 1-0.

Classement : 1. Angleterre, 7 pts ; 2. Pays- Bas, 4 pts ; 3. Écosse, 4 pts ; 4. Suisse, 1 pt. Groupe B : Espagne - Bulgarie : 1-1 ; France - Roumanie : 1-0 ; Bulgarie - Rou- manie : 1-0 ; France - Espagne : 1-1 ; Espagne - Roumanie : 2-1 ; France - Bul- garie : 3-1.

Classement : 1. France, 7 pts ; 2. Espagne, 5 pts ; 3. Bulgarie, 4 pts ; 4. Roumanie, 0 pt.

Groupe C : Allemagne - Rép. tchèque : 2-0 ; Italie - Russie : 2-1 ; Rép. tchèque - Italie : 2-1 ; Allemagne - Russie : 3-0 ; Italie - Allemagne : 0-0 ; Rép. tchèque - Russie : 3-3.

Classement : 1. Allemagne, 7 pts ; 2. Rép. Tchèque, 4 pts ; 3. Italie, 4 pts ; 4. Russie, 1 pt.

Groupe D : Danemark - Portugal : 1-1 ; Croatie - Turquie : 1-0 ; Portugal - Tur- quie : 1-0 ; Croatie - Danemark : 3-0 ; Danemark - Turquie : 3-0 ; Portugal - Croatie : 3-0.

Classement : 1. Portugal, 7 pts ; 2. Croatie, 6 pts ; 3. Danemark, 4 pts ; 4. Turquie, 0 pt.

QUARTS DE FINALE

Angleterre - Espagne 0-0 (4 t.a.b. à 2).

France - Pays-Bas 0-0 (5 t.a.b. à 4).

Allemagne - Croatie 2-1. Rép. tchèque - Portugal 1-0.

DEMIFINALES

France - Rép. tchèque 0-0 (5 t.a.b. à 6).

Angleterre - Allemagne 1-1 (5 t.a.b. à 6). downloadModeText.vue.download 530 sur 602

SPORTS

529

FINALE

Allemagne - Rép. tchèque 2-1 (pendant prolongations, mort subite).

Coupe d’Europe des clubs champions Finale (Rome, 22 mai ) : Juventus de Tu- rin (Ital.) b. Ajax Amsterdam (P-B) 1-1 (4 t.a.b. à 2).

Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe Finale (Bruxelles, 8 mai) : Paris-SG (F.) b.

Rapid de Vienne (Autr.) 1-0.

Coupe de l’UEFA Finale aller (Munich, 1er mai) : Bayern Munich (All.) b. Bordeaux (F.) 2-0.

Finale retour (Bordeaux, 15 mai) : Bayern Munich b. Bordeaux 3-1.

Coupe de France Finale (4 mai) : Auxerre h. Nîmes 2-1.

Coupe de la ligue Finale (6 avril) : Metz b. Lyon 0-0 (5 t.a.b.

à 4).

Championnat de France Champion de France : Auxerre Qualifiés pour la Coupe d’Europe des vain- queurs de coupe : Paris-SG et Nîmes.

Qualifiés pour la Coupe de l’UEFA : Mo- naco, Metz, Lens et Montpellier.

Descendent en 2e division : Gueugnon, Martigues et Saint-Étienne.

Montent en 1re division : Caen, Nancy et Marseille. GOLF

Cette année 96 a été riche en sur- prises. Trois golfeurs ont remporté leur premier tournoi du grand chelem. Si le sacre de Tom Lehman au British Open a couronné un joueur régulièrement placé dans les grandes compétitions, les succès de Steve Jones et de Mark Brooks étaient très inattendus. Seul Nick Faldo a sauvé l’honneur des ténors du green en enle- vant le Masters. Après une saison 95 ca- tastrophique, le Britannique remportait ainsi son 6e titre du grand chelem.

Tournois du Grand Chelem

Masters (Augusta, 12-15 avril) : 1. N. Faldo (G-B) 276 ; 2. G. Norman (Austr.) 281 ; 3. P. Mickelson (É-U) 282.

US Open (Détroit, 13-16 juin) : 1. S. Jones (É-U) 278 ; 2. T. Lehman (É-U) 279 ; 3. D. Love (É-U) 279.

British Open (Lytham, 18-21 juillet) : 1. T. Lehman (É-U) 271 ; 2. E. Els (Afr. du S.) 273 ; 3. M. McCumber (É-U) 273. USPGA (Valhalla, 8-11 août) : 1. M. Brooks (É-U) 277, vainqueur en play-off ; 2. K. Perry (É-U) 277 ; 3. S. Elkington (Austr.) 278.

Tournois hors Grand Chelem

Peugeot Open de France (28-31 juin) : 1. W. Allenby (Austr.) 272, vainqueur en barrages ; 2. B. Langer (All.) 272 ; 3. R. Goosen (RSA) 274.

Trophée Lancôme (Saint-Nom-la-Bretèche, 12-15 septembre) : 1. J. Parvenik (Suède) 268 ; 2. C. Montgomerie (Écosse) 273 ; 3. T. Drummond (Écosse) 274. downloadModeText.vue.download 531 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

530

HANDBALL

La Russie championne d’Europe

Devant son public, l’équipe espagnole a raté le coche. En se qualifiant pour la pre- mière finale continentale de leur histoire, les joueurs ibériques pensaient avoir fait le plus dur. Mais les handballeurs russes, vieux routiers du circuit mondial, ont mieux géré la partie et se sont imposés. Sur le fil.

L’équipe de France termine en 7e position.

Championnat d’Europe SÉVILLE, ESP., 23 MAI2 JUIN

Finale : Russie b. Espagne, 23-22.

Match pour la 3e place : Yougoslavie b.

Suède, 26-25.

Championnat de France 1. OM-Vitrolles ; 2. Paris S-G ; 3. US Créteil.

Coupe de France Finale : Ivry b. OM-Vitrolles, 30-22.

HOCKEY SUR GLACE

En attendant Nagano...

Grâce à l’accord historique intervenu entre la toute-puissante NHL (ligue pro- fessionnelle nord-américaine) et la Fédé- ration internationale de hockey sur glace, les plus grands joueurs de la planète se sont affrontés dans le cadre de la Coupe du monde, la première de l’histoire de ce sport. Les équipes nationales ont pu ali- gner leurs meilleurs éléments, à savoir leurs joueurs évoluant en NHL. Il s’agis- sait en quelque sorte d’une répétition générale avant les jeux Olympiques de Nagano, en 1998. De toutes ces « Dream Teams », ce sont celles d’Amérique du Nord qui, comme prévu, ont été les plus redoutables (la finale opposait les États- Unis au Canada).

L’armada de la NHL n’était pas au grand complet à Vienne, lors des Cham- pionnats du monde. Cela a permis à la République tchèque de remporter le pre- mier trophée de sa jeune histoire. Les hockeyeurs tchèques avaient déjà gagné le titre de champion du monde, en 1985, mais, à l’époque, ils étaient associés aux Slovaques.

Coupe du monde

DEMIFINALE 7 septembre, Philadelphie (É-U) : Canada b. Suède, 3 à 2.

8 septembre, Ottawa (Can.) : États-Unis b. Russie, 5 à 2.

FINALE AU MEILLEUR DES 3 MANCHES

10 septembre, Philadelphie (É-U) : Cana- da b. Etats-Unis, 4 à 3.

12 septembre, Montréal (Can.) : États- Unis b. Canada, 5 à 2.

14 septembre, Montréal (Can.) : États- Unis b. Canada, 5 à 2.

Championnats du monde VIENNE, AUTR., 21 AVRIL5 MAI

Finale : République tchèque b. Canada, 4 à 2. downloadModeText.vue.download 532 sur 602

SPORTS

531

Match pour la 3e place : États-Unis b. Rus- sie, 4 à 3 (apr. prol.).

KARATÉ

Incredible, isn’t it ?

Incroyable, mais vrai : les Britanniques ont mis fin au règne des karatékas japo- nais. Les sujets de Sa Majesté ont termi- né en tête du classement des médailles des 13es Championnats du monde. La Grande-Bretagne (5 titres) devance le Japon (seulement 4 médailles d’or) et la France. Les tricolores, comme les Japo- nais, sont en net recul par rapport aux précédents Championnats du monde : 7 médailles, dont 3 en or, contre 12 mé- dailles (4 en or) en 1994.

Championnats du monde SUN CITY, AFRIQUE DU SUD, 710 NOVEMBRE

MESSIEURS : PAR ÉQUIPES

Kata : 1. Japon ; 2. France ; 3. Italie.

Kumite : 1. France ; 2. Grande-Bretagne ; 3. Espagne. MESSIEURS : INDIVIDUELS

Kata : M. Milon (Fr.)

– 60 kg : D. Luque (Esp.)

– 65 kg : M. Amozadeh (Iran)

– 70 kg : A. Goubachiev (Russie)

– 75 kg : W. Otto (G-B)

– 80 kg : G. Cherdieu (Fr.)

+ 80 kg : Y. Shimizu (Jap.) Toutes catégories : P. Alderson (G-B)

DAMES : PAR ÉQUIPES

Kata : 1. Japon ; 2. États-Unis ; 3. France. Kumite : 1. Grande-Bretagne ; 2. Italie ; 3. Australie et Espagne.

DAMES : INDIVIDUELLES

Kata : Y. Mimura (Jap.) – 53 kg : T. Larsson (Suède) – 60 kg : J. Toney (G-B) + 60 kg : P. Duggin (G-B) Toutes catégories : I. Senff (Antigua)

MOTO

Double triplé

À vingt-cinq ans, l’Italien Massimiliano Biaggi a remporté son 3e titre mondial dans la catégorie des 250 cm 3. Mad Max a dû attendre la dernière course de la saison pour coiffer sa couronne : à la veille du Grand Prix d’Australie, l’Italien ne comp- tait qu’un petit point d’avance sur l’Alle- mand Ralf Waldmann. Jamais aussi fort que dans l’adversité, Biaggi s’est imposé sur le circuit australien, avec panache. Dans cette catégorie, la révélation de l’année est française. Olivier Jacque a ter- miné la saison à la 3e place du classement général, après avoir remporté, au Brésil, le 1er Grand Prix de sa jeune carrière.

Michael Doohan, lui aussi, a accou- ché d’un triplé. L’Australien termine en tête de la catégorie des 500 cm 3, pour la 3e année consécutive.

Enfin, en 125 cm 3, le titre mondial est revenu à Haruchika Aoki. Pas de tri- plé pour le Japonais, mais tout de même downloadModeText.vue.download 533 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

532 un doublé. Chez les motards, les années passent, les champions restent...

Classement final du championnat du monde de vitesse Catégorie 125 cm 3 : 1. H. Aoki (Jap./ Honda) ; 2. M. Tokudome (Jap./Aprilia) ; 3. T. Manako (Jap./Honda).

Catégorie 250 cm 3 : 1. M. Biaggi (Ital./ Aprilia) ; 2. R. Waldmann (All./Honda) ; 3. O. Jacque (Fr./Honda).

Catégorie 500 cm 3 : 1. M. Doohan (Austr./ Honda) ; 2. A. Criville (Esp./Honda) ; 3. L. Cadalora (Ital./Honda).

PATINAGE

Candeloro et Bonaly tombent de haut

Les deux fers de lance de l’équipe de France ont trébuché sur la glace de la patinoire d’Edmonton, théâtre des Championnats du monde. 16e à l’issue d’un programme court catastrophique, Philippe Candeloro a dû se contenter de la 9e place au classe- ment final. Le médaillé de bronze des pré- cédents Championnats du monde a peut- être consacré trop de temps cette saison à vendre son image — notamment à une chaîne de télévision qui a décidé d’inves- tir des sommes mirobolantes dans le pati- nage artistique (TF1) — aux dépens de sa préparation.

Surya Bonaly, victime d’une chute, a également perdu ses illusions dans le pro- gramme court. Le titre mondial échappe, une fois de plus, à la quintuple championne d’Europe, qui ne termine qu’en 5e position. Chez les dames, la compétition a été domi- née par un « bébé-champion » : l’Améri- caine Michelle Kwan n’a que quinze ans.

Seul motif de satisfaction pour le camp tricolore, les jeunes Marina Anissi- na et Gwendal Peizerat ont pris la 4e place de l’épreuve de danse. Ils devraient arri- ver à maturité aux jeux Olympiques de Nagano, en 1998.

Championnats du monde EDMONTON, CAN., 1824 MARS

MESSIEURS

1. T. Eldredge (É-U) ; 2. I. Kulik (Russie) ; 3. R. Galindo (É-U).

DAMES

1. M. Kwan (É-U) ; 2. Lu Chen (Chine) ; 3. I. Slutskaya (Russie).

COUPLES

1. Eltsova/Bushkov (Russie) ; 2. Woetzel/ Steuer (All.) ; 3. Meno/Sand (É-U).

DANSE

1. Gritschuk/Plalov (Russie) ; 2. Krylova/ Ovsiannikov (Russie) ; 3. Bourne/Kraatz (Can.).

RUGBY

Un an après avoir entériné son pas- sage au professionnalisme, le rugby a subi une mutation aussi rapide qu’incontrô- lée. Il est pris en main par les financiers, et son évolution semble échapper à des dirigeants dépassés par les événements. Dans l’hémisphère Sud, c’est sous l’impul- sion du magnat de la presse Rupert Mur- doch que de nouvelles compétitions ont vu le jour. En Europe, l’Angleterre a été un temps exclue du Tournoi pour avoir downloadModeText.vue.download 534 sur 602

SPORTS

533 négocié seule les droits de retransmission de ses matches avant d’y être réintégrée. Le rugby du Vieux Continent est passé en quelques mois de l’immobilisme à la confusion. Sans que le jeu y ait gagné en qualité.

Le Tournoi des cinq nations 96, remporté par l’Angleterre grâce à une meilleure différence de points, n’a pas atteint des sommets. Le jeu a été sou- vent médiocre ; le spectacle, rarement au rendez-vous. Dans le match décisif, les Anglais se sont imposés 18-9 en Écosse, alors que cette dernière était en mesure de réaliser le grand chelem. L’équipe de France a déçu. Elle a certes battu l’Angle- terre dans le Tournoi pour la première fois depuis huit ans, mais elle a subi deux défaites sans gloire en Écosse et au Pays de Galles. Les deux test-matches perdus à downloadModeText.vue.download 535 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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Bordeaux et à Paris en fin d’année contre les champions du monde sud-africains ont confirmé que le XV de France était toujours à la recherche d’une identité de jeu. Depuis la 3e place obtenue lors de la Coupe du monde 95, sa régression est incontestable.

Le rugby français s’est tout de même offert en tout début d’année la première Coupe d’Europe des clubs. Organisée à la va-vite, cette compétition s’est disputée sans les clubs anglais. Le Stade Toulousain a dominé Cardiff 21-18 au terme d’une belle finale. Le tout nouveau champion d’Europe a confirmé sa suprématie sur le plan national en remportant aux dépens de Brive son 13e titre de champion. Dans l’hémisphère Sud, les Néo-Zélandais ont surclassé leurs rivaux. Les All Blacks ont nettement dominé les « Tri-Series » (le Championnat des trois nations qui re- groupait la Nouvelle-Zélande, l’Australie et l’Afrique du Sud) et remporté pour la première fois de l’histoire leur série de tests (3 victoires à 1) en Afrique du Sud. Quant à la province d’Auckland, elle s’est adjugée le « Super 12 » qui réunissait les douze meilleures provinces de l’hémis- phère Sud. Le rugby néo-zélandais de- meure le plus performant de la planète.

Les matches de l’équipe de France Aurillac (20 avril) : France b. Roumanie 64-12.

Buenos-Aires (22 juin) : France b. Argen- tine 34-27.

Buenos-Aires (29 juin) : France b. Argen- tine 34-15.

Bordeaux (30 novembre) : Afrique du Sud b. France 22-12.

Paris (7 décembre) : Afrique du Sud b. France 13-12.

Coupe d’Europe des clubs

FINALE

(Cardiff, 7 janvier) : Toulouse (F) b. Car- diff (Pays de Galles) 21-18 (apr. prol.).

SKI

Forza Italia

Sur les pentes de la Sierra Nevada, en février, la prestation de l’équipe italienne de ski alpin a tourné à la démonstration. L’Italie a terminé à la 1re place du classe- ment des médailles des Championnats du monde, avec 5 podiums dont 4 titres (sur 10 possibles). Le principal artisan du triomphe italien n’est autre qu’Alberto Tomba. Le triple champion olympique courait après une victoire en Cham- pionnat du monde depuis neuf ans. En Espagne, il a mis fin à cette inexplicable série d’échecs avec le panache qui le ca- ractérise. Tomba la bomba a remporté 2 titres mondiaux, ceux du slalom et du slalom géant.

L’autre héros de ces Championnats du monde est une héroïne. La Suédoise Pernilla Wiberg, elle aussi, a réussi un doublé. En s’imposant dans le combiné et dans le slalom, elle a même permis à la Suède de prendre la 2e place au clas- sement des médailles, devant de vieux habitués des podiums, les Autrichiens et les Norvégiens.

L’équipe de France, de son côté, a dû se contenter de 2 médailles. Patricia Chau- vet a décroché l’argent dans le slalom et downloadModeText.vue.download 536 sur 602

SPORTS

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Luc Alphand, le bronze dans la descente. Le bilan tricolore est nettement plus flat- teur en Coupe du monde. À l’issue de la saison, deux skieurs français ont brandi un globe de cristal. Luc Alphand, pour la deuxième année consécutive, s’est mon- tré le plus régulier dans les épreuves de descente. Sébastien Amiez, lui, a connu la consécration en inscrivant son nom au palmarès de la Coupe du monde de sla- lom, au nez et à la barbe de l’empereur de la discipline : Alberto Tomba.

Championnats du monde SIERRA NEVADA, ESP., 1125 FÉVR.

HOMMES

Super G : 1. Atle Skaardal (Norv.) ; 2. Pa- trick Jaerbyn (Suède) ; 3. Kjetil-André Aamodt (Norv.).

Descente : 1. Patrick Ortlieb (Autr.) ; 2. Christian Ghedina (Ital.) ; 3. Luc Al- phand (Fr.).

Combiné : 1. Marc Girardelli (Lux.) ; 2. Lasse Kjus (Norv.) ; 3. Günther Mader (Autr.).

Slalom géant : 1. Alberto Tomba (Ital.) ; 2. Urs Kaelin (Suisse) ; 3. Michael von Gruenigen (Suisse).

Slalom spécial : 1. Alberto Tomba (Ital.) ; 2. Mario Reiter (Autr.) ; 3. Michael von Gruenigen (Suisse).

DAMES

Super G : 1. Isolde Kostner (Ital.) ; 2. Hei- di Zurbriggen (Suisse) ; 3. Picabo Street (É-U).

Descente : 1. Picabo Street (É-U) ; 2. Katja Seizinger (All.) ; 3. Hilary Lindh (É-U). Combiné : 1. Pernilla Wiberg (Suède) ;

2. Anita Wachter (Autr.) ; 3. Marianne Kjoerstad (Norv.).

Slalom géant : 1. Deborah Compagnoni (Ital.) ; 2. Karin Roten (Suisse) ; 3. Mar- tina Ertl (All.).

Slalom spécial : 1. Pernilla Wiberg (Suède) ; 2. Patricia Chauvet (Fr.) ; 3. Urs- ka Hrovat (Slovén.).

Coupe du monde CLASSEMENT FINAL

HOMMES

Super G : 1. Atle Skaardal (Norv.) ; 2. Hans Knauss (Autr.) ; 3. Lasse Kjus (Norv.).

Descente : 1. Luc Alphand (Fr.) ; 2. Gün- ther Mader (Autr.) ; 3. Patrick Ortlieb (Autr.). Slalom géant : 1. Michael von Gruenigen (Suisse) ; 2. Urs Kaelin (Suisse) ; 3. Lasse Kjus (Norv.).

Slalom spécial : 1. Sébastien Amiez (Fr.) ; 2. Alberto Tomba (Ital.) ; 3. Thomas Sykora (Autr.).

Classement général : 1. Lasse Kjus (Norv.) ; 2. Günther Mader (Autr.) ; 3. Michael von Gruenigen (Suisse) ; 4. Luc Alphand (Fr.).

DAMES

Super G : 1. Katja Seizinger (All.) ; 2. Alexandra Meissnitzer (Autr.) ; 3. Mar- tina Ertl (All.).

Descente : 1. Picabo Street (É-U) ; 2. Katja Seizinger (All.) ; 3. ex-aequo Isolde Kostner (Ital.) ; Heidi Zurbriggen (Suisse).

Slalom géant : 1. Martina Ertl (All.) ; 2. Katja Seizinger (All.) ; 3. Anita Wach- ter (Autr.). downloadModeText.vue.download 537 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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Slalom : 1. Elfi Eder (Autr.) ; 2. Urska Hro- vat (Slovén.) ; 3. Pernilla Wiberg (Suède). Classement général : 1. Katja Seizinger (All.) ; 2. Martina Ertl (All.) ; 3. Anita Wachter (Autr.).

TENNIS

Le saladier d’argent en France

À Malmö, l’équipe de France a rempor- té la Coupe Davis pour la 8e fois de son histoire. Galvanisés par Yannick Noah — capitaine et chef de bande —, Arnaud Boetsch, Cédric Pioline, Guy Forget et Guillaume Raoux ont dominé les Sué- dois, 3 victoires à 2, à l’issue d’une ren- contre marathon.

Grande première dans l’histoire presque centenaire de la Coupe Davis, la finale n’a choisi son vainqueur que dans le 5e set du 5e match. Opposé à Niklas Kulti, remplaçant Stefan Edberg, blessé, Boetsch a dû batailler pendant près de cinq heures, avant de donner le point décisif à son équipe. Le Français s’est finalement imposé 10 jeux à 8 dans l’ul- time manche, après avoir sauvé 3 balles de match. Ce deuxième succès en cinq ans a valu tous les honneurs aux trico- lores. Reçus par le chef de l’État, Noah et ses hommes ont ensuite remonté les Champs-Élysées pour exhiber le sala- dier d’argent devant la foule parisienne. Cette tournée triomphale s’est achevée dans l’enceinte du stade de Roland-Gar- ros. Les vainqueurs de la Coupe Davis 96 y ont salué la mémoire de René Lacoste, le dernier des « mousquetaires », décédé quelques semaines auparavant.

La sortie de l’artiste

Pour les Suédois, cette finale de Coupe Davis a marqué la fin d’une époque. Stefan Edberg, génial apôtre du service- volée, y a disputé le dernier match de sa carrière, à trente et un ans. Hélas, l’élé- gant volleyeur n’a pu faire les adieux qu’il méritait. Il s’est tordu la cheville dans le premier simple, contre Pioline, et a dû déclarer forfait pour le deuxième match. Edberg laissera le souvenir d’un joueur exemplaire — sur et en dehors des courts — vainqueur d’un tournoi du grand che- lem à 6 reprises (seul Roland-Garros lui a échappé).

Sur le circuit masculin, la saison 96 fut pour le moins décousue. Quatre joueurs se sont partagé les grands titres. En janvier, l’Allemand Boris Becker a retrouvé les sommets en s’imposant aux Internationaux d’Australie, cinq ans après sa dernière victoire en grand chelem. Au printemps, le Russe Evgueni Kafelnikov s’est montré le plus efficace sur la terre battue de Roland-Garros. En juillet, à Wimbledon, le canonnier néerlandais Richard Krajicek a assommé ses adver- saires. Enfin, en septembre, l’Américain Pete Sampras a sauvé sa saison en rem- portant l’US Open, pour la 4e fois de sa carrière. Sampras reste l’incontestable no 1 mondial, faute de concurrence. Son traditionnel rival André Agassi, en tête du classement ATP pendant quelques semaines au début de l’année, a multiplié les déconvenues pour finir la saison au 8e rang mondial. Chez les dames, Steffi Graf a, une fois de plus, dominé les dé- bats. Comme en 1995, l’Allemande s’est imposée à Roland-Garros, à Wimbledon et à Flushing Meadow. Et si elle n’a pas downloadModeText.vue.download 538 sur 602

SPORTS

537 remporté les Internationaux d’Australie, c’est tout simplement parce qu’elle n’y a pas participé !

Coupe Davis Demi-finales : France b. Italie, 3-2, et Suède b. République tchèque, 4-1.

Finale : À Malmö (29 novembre - 1er dé- cembre), France b. Suède, 3-2.

Internationaux d’Australie MELBOURNE, 1528 JANVIER

SIMPLE MESSIEURS

Demi-finales : B. Becker (All.) b.

M. Woodforde (Austr.), 6/4, 6/2, 6/0 ;

M. Chang (É-U) b. A. Agassi (É-U), 6/1, 6/4, 7/6 (7-1).

Finale : B. Becker b. M. Chang 6/2, 6/4, 2/6, 6/2.

SIMPLE DAMES

Demi-finales : M. Seles (É-U) b. C. Rubin (É-U), 6/7 (2-7), 6/1, 7/5 ; A. Huber (All.) b. A. Coetzer (Afr. du S.), 4/6, 6/4, 6/2.

Finale : M. Seles b. A. Huber, 6/4, 6/1.

DOUBLE MESSIEURS

S. Edberg (Suède) - P. Korda (Rép. tchèq.) b. D. Lareau (Can.) - A. O’Brien (É- U), 7/5, 7/5, 4/6, 6/1.

DOUBLE DAMES C. Rubin (É-U) - A. Sanchez (Esp.) b. downloadModeText.vue.download 539 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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L. Davenport - M. J. Fernandez (É-U), 7/5, 2/6, 6/4. DOUBLE MIXTE

M. Woodforde (Austr.) - L. Neiland

(Lett.) b. L. Jensen - N. Arendt (É-U), 4/6, 7/5, 6/0.

Internationaux de France ROLANDGARROS, 27 MAI  9 JUIN

SIMPLE MESSIEURS

Demi-finales : E. Kafelnikov (Russie) b. P. Sampras (É-U), 7/6 (7-4), 6/0, 6/2 ;

M. Stich (All.) b. M. Rosset (Suisse), 6/3, 6/4, 6/2.

Finale : E. Kafelnikov b. M. Stich, 7/6 (7-4), 7/5, 7/6 (7-4).

SIMPLE DAMES

Demi-finales : S. Graf (All.) b. C. Mar- tinez (Esp.), 6/3, 6/1 ; A. Sanchez (Esp.) b. J. Novotna (Rép. tchèq.), 6/3, 7/5.

Finale : S. Graf b. A. Sanchez 6/3, 6/7 (4-7), 10/8.

DOUBLE MESSIEURS

E. Kafelnikov (Russie) - D. Vacek (Rép. downloadModeText.vue.download 540 sur 602

SPORTS

539 tchèq.) b. G. Forget (F.) - J. Hlasek (Suisse), 6/2, 6/3.

DOUBLE DAMES

L. Davenport - M. J. Fernandez (É-U) b. G. Fernandez (É-U) - N. Zvereva (Biélor.) 6/2, 6/1.

DOUBLE MIXTE

J. Frana - P. Tarabini (Arg.) b. L. Jensen - N. Arendt (É-U), 6/2, 6/2.

Internationaux de Grande-Bretagne WIMBLEDON, 24 JUIN7 JUILLET

SIMPLE MESSIEURS Demi-finales : R. Krajicek (P-B) b. J. Stoltenberg (Austr.), 7/5, 6/2, 6/1 ; M. Washington (É-U) b. T. Martin (É-U), 5/7, 6/4, 6/7, 6/3, 10/8.

Finale : R. Krajicek b. M. Washington, 6/3, 6/4, 6/3.

SIMPLE DAMES

Demi-finales : S. Graf (All.) b. K. Date (Jap.), 6/2, 2/6, 6/3 ; A. Sanchez (Esp.) b.

M. Mc Grath (É-U), 6/2, 6/1.

Finale : S. Graf b. A. Sanchez, 6/3, 7/5.

DOUBLE MESSIEURS

T. Woodbridge - M. Woodforde (Austr.) b. B. Black (Zimb.) - G. Connell (Can.), 4/6, 6/1, 6/3, 6/2.

DOUBLE DAMES

M. Hingis (Suisse) - H. Sukova (Rép. tchèq.) b. M. Mc Grath (É-U) - L. Nei- land (Lett.), 5/7, 7/5, 6/1.

DOUBLE MIXTE

C. Suk - H. Sukova (Rép. tchèq.) b. M. Woodforde (Austr.) - L. Neiland (Lett.), 1/6, 6/3, 6/2.

Internationaux des États-Unis FLUSHING MEADOW, 26 AOÛT 8 SEPTEMBRE

SIMPLE MESSIEURS

Demi-finales : P. Sampras (É-U) b. G. Iva- nisevic (Croat.), 6/3, 6/4, 6/7 (9-11), 6/3 ; M. Chang (É-U) b. A. Agassi (É-U), 6/3, 6/2, 6/2.

Finale : P. Sampras b. M. Chang, 6/1, 6/4, 7/6 (7-3).

SIMPLE DAMES

Demi-finales : S. Graf (All.) b. M. Hin- gis (Suisse), 7/5, 6/3 ; M. Seles (É-U) b.

C. Martinez (Esp.), 6/4, 6/3.

Finale : S. Graf b. M. Seles, 7/5, 6/4.

DOUBLE MESSIEURS M. Woodforde - T. Woodbridge (Austr.) b. J. Eltingh - P. Haarhuis (P-B), 4/6, 7/6, 7/6.

DOUBLE DAMES

G. Fernandez (É-U) - N. Zvereva (Biélor.) b. J. Novotna (Rép. tchèq.) - A. Sanchez (Esp.), 1/6, 6/1, 6/4.

DOUBLE MIXTE

L. Raymond - P. Galbraith (É-U) b. M. Bollegraf (P-B) - R. Leach (É-U) 7/6, 7/6. downloadModeText.vue.download 541 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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Classement ATP 2 DÉCEMBRE 1996 1. Pete Sampras (É-U) 2. Michael Chang (É-U) 3. Evgueni Kafelnikov (Russie) 4. Goran Ivanisevic (Croat.) 5. Thomas Muster (Autr.) 6. Boris Becker (All.) 7. Richard Krajicek (P-B) 8. André Agassi (É-U) 9. Thomas Enqvist (Suède) 10. Wayne Ferreira (Afr. du S.) ... Les Français : 21. Cédric Pioline 33. Arnaud Boetsch 51. Guy Forget 72. Guillaume Raoux 92. Stéphane Simian 101. Lionel Roux

Classement WTA 10 NOVEMBRE 1996

1. Steffi Graf (All.) 2. Monica Seles (É-U) et Arantxa San- chez-Vicario (Esp.) 3. Conchita Martinez (Esp.) 4. Jana Novotna (Rép. tchèq.) 5. Anke Huber (All.) 6. Martina Hingis (Suisse) 7. Lindsay Davenport (É-U) 8. Iva Majoli (Croat.) 9. Kimiko Date (Jap.) 10. Brenda Schultz-McCarthy (P-B) ... Les Françaises : 15. Julie Halard-Decugis 18. Mary Pierce 25. Nathalie Tauziat TENNIS DE TABLE

Parcours sans faute

Vainqueur des tournois olympiques à Atlanta (simple et double), le Chinois Liu Guoliang a conclu une saison exception- nelle, en octobre, à Nîmes, en rempor- tant la Coupe du monde messieurs. Cet adepte de la prise porte-plume a dominé en finale le Suédois Jan-Owe Waldner. Liu Guoliang, par ailleurs vice-cham- pion du monde en titre, a pris logique- ment la 1re place du classement mondial. Il n’a que vingt ans. Personnage discret, le nouveau maître du ping vit dans un centre d’entraînement à Pékin. Il partage sa chambre avec Kong Linghui... le cham- pion du monde 1995. Côté français, le bilan est mitigé. Patrick Chila a réussi un excellent tournoi en atteignant les quarts de finale, mais Jean-Philippe Gatien, qui a du mal à retrouver son meilleur niveau, a été éliminé en poule.

Coupe du monde individuelle NÎMES, 2327 OCTOBRE

Finale : Liu Guoliang (Chine) b. J.- O. Waldner (Suède), 3 sets à 1.

3e place : I. Samsonov (Biélor.) b. J.- M. Saive (Belg.), 3 sets à 1.

VOILE

L’année Peyron

L’Atlantique est le terrain de jeu favori de Loïck Peyron. D’est en ouest ou d’ouest en est. À la barre de Fujicolor II, le Fran- çais a tout d’abord remporté la Transat anglaise (en solitaire), entre Plymouth et Newport : une course particulièrement downloadModeText.vue.download 542 sur 602

SPORTS

541 exigeante qui a procédé par élimination. Première victime de marque, Laurent Bourgnon s’est fait surprendre par un violent coup de vent et a dû déclencher la balise de détresse de son Primagaz pour échapper à l’emprise d’une mer dé- montée. Francis Joyon a connu le même sort, à bord de Banque-Populaire ; à cette nuance près qu’il était en tête de la course au moment de son naufrage, non loin des côtes américaines, et que la victoire finale lui semblait promise.

Joyon hors-course, le sprint final a été lancé par Loïck Peyron et Paul Vatine, skip- per de Région-Haute-Normandie. Pendant trois jours et trois nuits, les deux marins ont livré un duel digne d’une épopée, manquant plusieurs fois, tour à tour, de connaître les affres du naufrage. Finalement, Peyron a coupé la ligne d’arrivée avec trois petites heures d’avance sur Vatine.

Les principaux acteurs de la Transat anglaise n’ont eu que très peu de temps pour se remettre de leurs émotions (ou réparer leur multicoque !). Quelques se- maines plus tard, ils étaient tous au départ de la Transat en équipage Québec/Saint- Malo. L. Bourgnon, F. Joyon et P. Vatine n’ont pas eu la possibilité de prendre leur revanche. Une fois de plus, Loïck Peyron s’est montré le plus rapide. Lui et ses équi- piers ont du reste amélioré le record de l’épreuve, de plus de une heure.

Transat anglaise JUIN  PLYMOUTH  NEWPORT

1. L. Peyron (Fujicolor II), 10 j 10 h 5′ ; 2. P. Vatine (Région-Haute-Normandie), à 3 h ; 3. M. Birch (Can. - La Trinitaine), à 3 j 16 h 50′.

Transat Québec/Saint-Malo AOÛT

1. L. Peyron (Fujicolor II), 7 j 20 h 24′ 43″ ; 2. F. Joyon (Banque Populaire), à 3 h 24′ 01″ ; 3. P. Vatine (Région-Haute- Normandie), à 4 h 06′ 44″.

Solitaire du Figaro AOÛT

1. J. Le Cam (Guy-Cotten-Chattawak), 278 h 6′ 33″ ; 2. M. Desjoyeaux (TBS), à 1 h 31″ ; 3. H. de Kergariou (Le-Phare-du- bout-du-monde), à 1 h 15′ 30″.

VOLLEY

Vingt-huit ans après, le PUC a recon- quis le titre de champion de France. Les universitaires parisiens, emmenés par l’inusable Alain Fabiani, ont nettement dominé en finale une équipe cannoise sur le déclin. Valeur montante du volley national, Poitiers s’est adjugé la Coupe de France. C’est le premier trophée de l’his- toire du club.

Championnat de France Finale : PUC b. Cannes 2 victoires à 0 (3 sets à 2 et 3 sets à 0).

Coupe de France Finale : Poitiers b. Cannes 3 sets à 2. downloadModeText.vue.download 543 sur 602 downloadModeText.vue.download 544 sur 602

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S TAT I S T I Q U E S downloadModeText.vue.download 545 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

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Les données essentielles des 192 pays du monde P.N.B./hab. valeur P.P.A. = parité de pouvoir d’achat (le P.N.B./hab.

PPA n’utilise pas le taux de change en vigueur par rapport au dollar mais un taux de change fictif qui prend en compte les différences de prix à la consommation entre les pays).

A F G H A N I S TA N

Capitale : Kaboul Superficie : 650 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 21 472 000 (les Afghans) soit 33 hab./km 2 Monnaie : afghani Taux de change officiel (1996) : 0,511 FF pour 100 unités Langues officielles : dari, pachto Religion principale : islam Nature du régime : régime islamique, institutions en cours d’élaboration, guerre civile Chef de l’État (Président) : Burha- nuddin Rabbani, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Gulbuddin Hekmatyar, depuis 1993 Accroissement naturel (1995- 2000) : 30,2 ‰ P.I.B. (1989) : 7,61 milliards de $ soit 485 $ par hab. P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1991) : – 6,7 % Budget militaire (1985) : n.d.

AFRIQUE DU SUD

Capitales : Pretoria, Le Cap Superficie : 1 223 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 42 388 000 (les Sud-Africains) soit 35 hab./km 2 Monnaie : rand Taux de change officiel (1996) : 113,730 FF pour 100 unités

Langues officielles : afrikaans, anglais, ndebele, sotho du Nord, sotho du Sud, swazi, tsonga, tswana, venda, xhosa, zoulou Religions principales : protestan- tisme, Églises indigènes, animisme Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État et du gouvernement (Président de l’État) : Nelson Mandela, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 21,6 ‰ P.I.B. (1994) : 121,89 milliards de $ soit 3 010 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 5 130 $ Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1995) : 3,3 % Budget militaire (1995) : 2,1 % du P.I.B.

ALBANIE

Capitale : Tirana Superficie : 29 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 3 473 000 (les Albanais) soit 120 hab./km 2 Monnaie : lek Taux de change officiel (1996) : 4,80 FF pour 100 unités Langue officielle : albanais Religions principales : islam, christianisme Nature du régime : république, institutions en cours d’élaboration Chef de l’État (Président) : Sali Berisha, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Aleksander Meksi, depuis 1992 Accroissement naturel (1995- 2000) : 16 ‰ P.I.B. (1994) : 1,81 milliard de $ soit 565 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1992) : 390 $

Dette extérieure (1994) : 925 millions de $ dont 15 % concessionnelle

Taux de croissance annuelle (1992) : – 9,2 % Budget militaire (1995) : 2,8 % du P.I.B.

ALGÉRIE

Capitale : Alger Superficie : 2 380 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 28 566 000 (les Algériens) soit 12 hab./km 2 Monnaie : dinar algérien Taux de change officiel (1996) : 9,260 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État (Président de l’État) : Liamine Zeroual, depuis 1994

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Ahmed Ouyahia, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : 21,8‰ P.I.B. (1994) : 41,94 milliards de $ soit 1 531 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1993) : 5 380 $

Dette extérieure (1994) : 29 898 millions de $ dont 6,7 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 1,3 % Budget militaire (1995) : 3,5 % du P.I.B.

ALLEMAGNE Capitale : Berlin Superficie : 357 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 81 777 000 (les Allemands) soit 229 hab./km 2 Monnaie : Mark Taux de change officiel (1996) : 338,450 FF pour 100 unités Langue officielle : allemand Religions principales : protestan- tisme, catholicisme downloadModeText.vue.download 546 sur 602

STATISTIQUES

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Nature du régime : république fédérale, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Roman Herzog, depuis 1994 Chef du gouvernement (Chance- lier fédéral) : Helmut Kohl, depuis 1982

Accroissement naturel (1995- 2000) : – 1,7‰ P.I.B. (1995) : 2 420,5 milliards de $ soit 29 627 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 19 480 $

Origine du P.I.B. par secteur (1993) : 1 % pour l’agriculture, 38 % pour l’industrie, 61 % pour les services Taux de croissance annuelle (1994) : 2,3 % Taux d’inflation (1995) : 1,8 % Exportations (1995) : 523 220 mil- lions de $

Importations (1995) : 457 100 mil- lions de $ Balance commerciale (1995) : 66 120 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : – 17 770 millions de $ Population active occupée (1994) : 3,3 % dans le secteur primaire, 37,6 % dans le secteur secondaire, 59,1 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1993) : 43,2 % Chômeurs et inactifs (1996) : 10,3 % Dépenses de santé (1990) : 8 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1,6 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 358 400 hommes

ANDORRE

Capitale : Andorre-la-Vieille Superficie : 465 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 71 000 (les Andorrans) soit 153 hab./km 2 Monnaie : peseta et franc français Taux de change officiel (1996) : 4,023 FF pour 100 unités

Langue officielle : catalan Religion principale : catholicisme Nature du régime : co-principauté, régime parlementaire Chef de l’État (Coprinces) : le pré- sident de la République française et l’évêque d’Urgel Chef du gouvernement (Premier ministre) : Marc Forne, depuis 1994

Accroissement naturel (1990) : 9 ‰

P.N.B. (1988) : 0,80 milliard de $ soit 16 600 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d.

ANGOLA

Capitale : Luanda Superficie : 1 246 700 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 11 469 000 (les Angolais) soit 9 hab./km 2 Monnaie : kwanza Taux de change officiel (1995) : 0,002 FF pour 100 unités Langue officielle : portugais Religions principales : catholi- cisme, protestantisme Nature du régime : république, régime en voie de démocratisation Chef de l’État (Président) : José Eduardo Dos Santos, depuis 1979 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Fernando José de Franca Dias Van Dunem, depuis juin 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 31,5‰ P.I.B. (1993) : 6,57 milliards de $ soit 692 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 10 609 millions de $ dont 13 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1991) : 0,6 % Budget militaire : n.d.

ANTIGUAET BARBUDA

Capitale : Saint John’s Superficie : 442 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 66 000 (les Antiguais et Barbu- diens) soit 149 hab./km 2 Monnaie : dollar des Caraïbes orientales Taux de change officiel (1996) : 191,540 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par James Carlisle, gouverneur général depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Vere Cornwall Bird, depuis 1981 Accroissement naturel (1993) : 12 ‰

P.N.B. (1994) : 0,453 milliard de $ soit 6 770 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1992) : 3 % Budget militaire (1995) : 0,8 % du P.I.B.

ARABIE SAOUDITE Capitale : Riyad Superficie : 2 150 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 18 426 000 (les Saoudiens) soit 9 hab./km 2 Monnaie : riyal saoudien Taux de change officiel (1996) : 137,510 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : monarchie, régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État et du gouvernement (Roi et Premier ministre) : Fahd ibn Abd al-Aziz, depuis 1982 downloadModeText.vue.download 547 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

546

Accroissement naturel (1995- 2000) : 30,5 ‰ P.I.B. (1994) : 117,24 milliards de $ soit 6 586 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 9 480 $ Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1994) : 0,1 % Budget militaire (1995) : 10,4 % du P.I.B.

ARGENTINE

Capitale : Buenos Aires Superficie : 2 780 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 34 995 000 (les Argentins) soit 13 hab./km 2 Monnaie : peso Taux de change officiel (1996) : 517,150 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république fédérale, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Carlos Menem, depuis 1989 Accroissement naturel (1995- 2000) : 11,6 ‰ P.I.B. (1994) : 281,92 milliards de $ soit 8 243 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 8 720 $

Dette extérieure (1994) : 77 388 millions de $ dont 3,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 7,4 % Budget militaire (1995) : 1,7 % du P.I.B

ARMÉNIE

Capitale : Erevan Superficie : 29 800 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 3 646 000 (les Arméniens) soit 122 hab./km 2 Monnaie : dram

Taux de change officiel : n.d.

Langue officielle : arménien Religion principale : Église arménienne Nature du régime : république, institutions en cours d’élaboration Chef de l’État (Président) : Levon Ter-Petrossian, depuis 1991 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Armen Sarkissian, depuis novembre 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 11,6 ‰ P.I.B. (1994) : 2,61 milliards de $ soit 705 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 160 $

Dette extérieure (1994) : 214,3 millions de $ dont 21,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 14,8 % Budget militaire (1993) : 3,6 % du P.I.B.

AUSTRALIE

Capitale : Canberra Superficie : 7 700 000 km 2 Dépendances : Île Christmas, Îles Cocos, Norfolk, Territoire des Îles de la mer de Corail Nombre d’habitants (1996) : 18 320 000 (les Australiens) soit 2 hab./km 2 Monnaie : dollar australien Taux de change officiel (1996) : 408,350 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : protestan- tisme, catholicisme Nature du régime : État fédéral, membre du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par William G. Hayden, gouverneur général depuis 1989 Chef du gouvernement (Premier ministre) : John Howard, depuis mars 1996

Accroissement naturel (1995- 2000) : 6,8‰ P.I.B. (1995) : 347,9 milliards de $ soit 19 328 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 18 120 $ Taux de croissance annuelle (1995) : 3,1 % Budget militaire (1995) : 2,1 % du P.I.B.

AUTRICHE

Capitale : Vienne Superficie : 84 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 8 013 000 (les Autrichiens) soit 95 hab./km 2 Monnaie : schilling Taux de change officiel (1996) : 48,111 FF pour 100 unités Langue officielle : allemand Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Tho- mas Klestil, depuis 1992 Chef du gouvernement (Chan- celier) : Franz Vranitzky, depuis 1986

Accroissement naturel (1995- 2000) : 1,3 ‰ P.I.B. (1995) : 235,2 milliards de $ soit 29 037 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 19 560 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 2 % pour l’agriculture, 34 % pour l’industrie, 64 % pour les services Taux de croissance annuelle (1995) : 1,8 % Taux d’inflation (1995) : 2,3 % Exportations (1995) : 72 110 mil- lions de $

Importations (1995) : 77 556 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : – 8 869 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : – 5 113 millions de $ downloadModeText.vue.download 548 sur 602

STATISTIQUES

547

Population active occupée (1994) : 7,2 % dans le secteur primaire, 33,2 % dans le secteur secondaire, 59,6 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1993) : 42 % Chômeurs et inactifs (1996) : 6,2 % de la population active totale

Dépenses de santé (1990) : 8,3 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 0,9 %

Nombre d’habitants (1996) : 7 642 000 (les Azerbaïdjanais) soit 88 hab./km 2 Monnaie : manat Taux de change officiel : n.d.

Langue officielle : azeri Religion principale : islam chiite Nature du régime : république, régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État (Président) : Gueï- dar Aliev, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Fouad Kouliev, depuis 1994

Accroissement naturel (1995- 2000) : 13,2 ‰ P.I.B. (1994) : 3,54 milliards de $ soit 472 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 510 $

Dette extérieure (1994) : 112,8 millions de $ dont 0 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 13 % Budget militaire (1995) : 5 % du P.I.B. du P.I.B.

Forces armées (1995) : 55 800 hommes

AZERBAÏDJAN

Capitale : Bakou Superficie : 87 000 km 2

BAHAMAS Capitale : Nassau Superficie : 13 900 km 2 Nombre d’habitants (1996) :

280 000 (les Bahamiens) soit 20 hab./km 2 Monnaie : dollar des Bahamas Taux de change officiel (1996) : 517,150 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par Clifford Darling, gouverneur général depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Hubert Ingraham, depuis 1992 Accroissement naturel (1995- 2000) : 13 ‰ P.N.B. (1994) : 3,210 milliards de $ soit 11 800 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 15 470 $ Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1991 ) : – 2,3 % Budget militaire (1995) : 0,6 % du P.I.B.

BAHREÏN

Capitale : Manama Superficie : 660 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 578 000 (les Bahreïnis) soit 876 hab./km 2 Monnaie : dinar de Bahreïn Taux de change officiel (1996) : 1 375,40 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : monarchie constitutionnelle (émirat), régime autoritaire Chef de l’État (Émir) : Isa ibn Salman al-Khalifa, depuis 1961 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Khalifa ibn Salman al-Khalifa, depuis 1970 Accroissement naturel (1995- 2000) : 19,8 ‰

P.N.B. (1994) : 4,155 milliards de $ soit 7 460 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 13 220 $ Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1993) : 5,6 % Budget militaire (1995) : 5 % du P.I.B.

BANGLADESH

Capitale : Dacca Superficie : 143 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 123 136 000 (les Bangladais) soit 861 hab./km 2 Monnaie : taka Taux de change officiel (1996) : 12,160 FF pour 100 unités Langue officielle : bengali Religion principale : islam Nature du régime : république du Commonwealth, régime parle- mentaire, président élu au suffrage direct

Chef de l’État (Président) : Sha- habuddin Ahmed, depuis juillet 1996

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Hassina Wajed, depuis juin 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 22,7 ‰ P.I.B. (1994) : 26,16 milliards de $ soit 222 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 330 $

Dette extérieure (1994) : 16 569 millions de $ dont 93,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 4,6 % Budget militaire (1995) : 1,7 % du P.I.B.

BARBADE Capitale : Bridgetown Superficie : 431 km 2 Nombre d’habitants (1996) : downloadModeText.vue.download 549 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

548

263 000 (les Barbadiens) soit 610 hab./km 2 Monnaie : dollar de la Barbade Taux de change officiel (1996) : 257,120 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par Dame Nita Barrow, gouverneur général depuis 1990 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Owen Arthur, depuis 1994

Accroissement naturel (1995- 2000) : 6,3 ‰ P.N.B. (1994) : 1,705 milliard de $ soit 6 560 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 11 210 $ Dette extérieure (1994) : 574,4 millions de $ dont 10,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 1,5 % Budget militaire (1995) : 0,7 % du P.I.B.

BELGIQUE

Capitale : Bruxelles Superficie : 30 500 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 10 144 000 (les Belges) soit 333 hab./km 2 Monnaie : franc belge Taux de change officiel (1996) : 16,441 FF pour 100 unités Langues officielles : français, néerlandais, allemand Religion principale : catholicisme Nature du régime : État fédéral, monarchie constitutionnelle, régime parlementaire Chef de l’État (Monarque) : Albert II, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Jean-Luc Dehaene, depuis 1992

Accroissement naturel (1995- 2000) : 1,3 ‰ P.I.B. (1995) : 269,2 milliards de $ soit 26 392 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 20 270 $

Origine du P.I.B. par secteur (1992) : 2 % pour l’agriculture, 30 % pour l’industrie, 68 % pour les services Taux de croissance annuelle (1994) : 2,2 % Taux d’inflation (1995) : 1,5 % Exportations (1995) : 157 938 mil- lions de $ (avec le Luxembourg) Importations (1995) : 149 124 mil- lions de $ (avec le Luxembourg) Balance commerciale (1994) : 6 743 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 14 960 millions de $ Population active occupée (1992) : 2,6 % dans le secteur primaire, 27,7 % dans le secteur secondaire, 69,7 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1992) : 42,3 % Chômeurs et inactifs (1996) : 12,9 % de la population active totale

Dépenses de santé (1990) : 7,5 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1,3 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 46 300 hommes

BELIZE Capitale : Belmopan Superficie : 23 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 221 000 (les Béliziens) soit 10 hab./km 2 Monnaie : dollar de Belize Taux de change officiel (1996) : 258,580 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : catholicisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire

Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par Col- ville Young, gouverneur général depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Manuel Esquivel, depuis 1993 Accroissement naturel (1995- 2000) : 27,7 ‰ P.I.B. (1994) : 0,48 milliard de $ soit 2 286 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 5 600 $

Dette extérieure (1994) : 176,9 millions de $ dont 43,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 4,2 % Budget militaire (1995) : 2,3 % du P.I.B.

BÉNIN

Capitale : Porto-Novo Superficie : 113 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 5 574 000 n.d. Béninois) soit 49 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langue officielle : français Religions principales : animisme, catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Mathieu Kérékou, depuis mars 1996

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Adrien Houngbédji, depuis avril 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 29,4 ‰ P.I.B. (1994) : 1,52 milliard de $ soit 287 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 630 $

Dette extérieure (1994) : 1 619 millions de $ dont 79,2 % concessionnelle downloadModeText.vue.download 550 sur 602

STATISTIQUES

549

Taux de croissance annuelle (1993) : 3,2 % Budget militaire (1995) : 1,1 % du P.I.B.

BHOUTAN

Capitale : Thimbu Superficie : 47 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 670 000 n.d. Bhoutanais) soit 36 hab./km 2 Monnaie : ngultrum, roupie indienne

Taux de change officiel (1996) : 14,450 FF pour 100 unités Langue officielle : tibétain Religion principale : bouddhisme Nature du régime : monarchie, régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État et du gouvernement (Roi) : Jigme Singye Wangchuk, depuis 1972 Accroissement naturel (1995- 2000) : 23,5 ‰ P.I.B. (1994) : 0,29 milliard de $ soit 185 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1992) : 630 $

Dette extérieure (1994) : 87,4 millions de $ dont 88,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 4,5 % Budget militaire : n.d.

BIÉLORUSSIE

Capitale : Minsk Superficie : 208 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 10 122 000 (les Biélorusses) soit 49 hab./km 2 Monnaie : rouble biélorusse Taux de change officiel (1996) : 0,035 FF pour 100 unités Langues officielles : biélorusse, russe

Religion principale : orthodoxie Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État (Président) : Alek- sandr Loukachenko, depuis 1994

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Sergueï Ling, depuis novembre 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : – 0,2 ‰ P.I.B. (1994) : 20,29 milliards de $ soit 1 951 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 4 320 $

Dette extérieure (1994) : 1 272 millions de $ dont 36,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 9,7 % Budget militaire (1995) : 0,8 % du P.I.B.

BIRMANIE

Capitale : Rangoon Superficie : 678 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 47 513 000 (les Birmans) soit 70 hab./km 2 Monnaie : kyat Taux de change officiel (1996) : 87,10 FF pour 100 unités Langue officielle : birman Religion principale : bouddhisme Nature du régime : république, régime autoritaire (militaire) Chef de l’État et du gouvernement (chef du SLORC) : Than Shwe, depuis 1992 Accroissement naturel (1995- 2000) : 20,5 ‰ P.I.B. (1992) : 37,75 milliards de $ soit 863 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1992) : 115 $

Dette extérieure (1994) : 6 502 millions de $ dont 87 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 6,8 % Budget militaire (1992) : 3,1 % du P.I.B.

BOLIVIE

Capitales : La Paz (siège du gouvernement), Sucre

(constitutionnelle) Superficie : 1 100 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 7 593 000 (les Boliviens) soit 7 hab./km 2 Monnaie : boliviano Taux de change officiel (1996) : 100,230 FF pour 100 unités Langues officielles espagnol, aymara, quechua Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État (Président) : Gon- zalo Sánchez de Lozada, depuis 1993

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Antonio Aranibar, depuis 1993 Accroissement naturel (1995- 2000) : 24,1 ‰ P.I.B. (1994) : 5,51 milliards de $ soit 765 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 400 $

Dette extérieure (1994) : 4 749 millions de $ dont 51,8 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 4,1 % Budget militaire (1995) : 1,9 % du P.I.B.

BOSNIE HERZÉGOVINE

Capitale : Sarajevo Superficie : 51 100 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 3 524 000 (les Bosniaques) soit 69 hab./km 2 Monnaie : dinar Taux de change officiel : n.d.

Langue officielle : serbo-croate Religions principales : islam, orthodoxie, catholicisme Nature du régime : république, institutions en cours d’élaboration, guerre civile Chef de l’État (Président) : Alija Izetbegovic, depuis 1992 La présidence est collégiale downloadModeText.vue.download 551 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

550

Chef du gouvernement (Premier

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d. ministre) : Hasan Muratovic, depuis janvier 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 5 ‰ P.I.B. : n.d.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

BOTSWANA

Capitale : Gaborone Superficie : 570 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 531 000 (les Botswanais) soit 3 hab./km 2 Monnaie : pula Taux de change officiel (1996) : 146,790 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : animisme, protestantisme Nature du régime : république, membre du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Quett Ketumile Masire, depuis 1980 Accroissement naturel (1995- 2000) : 28,9 ‰ P.I.B. (1994) : 4,01 milliards de $ soit 2 865 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 5 210 $

Dette extérieure (1994) : 690,6 millions de $ dont 44,4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 0,2 % Budget militaire (1995) : 5,4 % du P.I.B. BRÉSIL

Capitale : Brasília Superficie : 8 512 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 164 424 000 (les Brésiliens) soit 19 hab./km 2

Monnaie : réal Taux de change officiel (1996) : 505,290 FF pour 100 unités Langue officielle : portugais Religion principale : catholicisme Nature du régime : république fédérale, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Fernando Henrique Cardoso, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : 15,5 ‰ P.I.B. (1994) : 554,59 milliards de $ soit 3 486 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 5 400 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 13 % pour l’agriculture, 39 % pour l’industrie, 48 % pour les services Dette extérieure (1994) : 151 104 millions de $ dont 1,8 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 5,6 % Taux d’inflation (1995) : 84,4 % Exportations (1994) : 44 102 mil- lions de $

Importations (1994) : 33 241 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : 10 861 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : – 18 136 millions de $ Population active occupée (1993) : 27,4 % dans le secteur primaire, 20,7 % dans le secteur secondaire, 51,9 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1993) : 39,6 % Chômeurs et inactifs : n.d.

Dépenses de santé (1990) : 4,2 % du P.I.B.

Budget militaire (1993) : 1 % du P.I.B. Forces armées (1995) : 295 000 hommes

BRUNEI

Capitale : Bandar Seri Begawan Superficie : 5 765 km 2

Nombre d’habitants (1996) : 291 000 (les Brunéiens) soit 50 hab./km 2 Monnaie : dollar de Brunei Taux de change officiel (1996) : 367,270 FF pour 100 unités Langue officielle : malais Religion principale : islam Nature du régime : monarchie (sultanat), membre du Com- monwealth, régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État et du gouvernement (Sultan) : Hassanal Bolkiah Muiz- zaddin Waddaulah, depuis 1967 Accroissement naturel (1995- 2000) : 17,6 ‰ P.N.B. (1994) : 3,987 milliards de $ soit 14 240 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire (1994) : 6 % du P.I.B.

BULGARIE

Capitale : Sofia Superficie : 111 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 8 726 000 (les Bulgares) soit 79 hab./km 2 Monnaie : lev Taux de change officiel (1996) : 2,240 FF pour 100 unités Langue officielle : bulgare Religions principales : orthodoxie, islam

Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Želju Želev, depuis 1990 Petar Stoïanov, élu en Novembre 1996 prendra ses fonctions en Janvier 1997 Chef du gouvernement (Président du Conseil des ministres) : Zan Vïdenov, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : – 2,7 ‰ P.I.B. (1994) : 10,2 milliards de $ soit 1 214 $ par hab. downloadModeText.vue.download 552 sur 602

STATISTIQUES

551

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 4 380 $

Dette extérieure (1994) : 10 468 millions de $ dont 0,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 4,7 % Budget militaire (1995) : 3,3 % du P.I.B.

BURKINA

Capitale : Ouagadougou Superficie : 275 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 10 593 000 (les Burkinabés) soit 39 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langue officielle : français Religions principales : animisme, islam

Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Blaise Compaoré, depuis 1991 Au pouvoir depuis 1987 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Kadré Désiré Oué- draogo, depuis février 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 26,2 ‰ P.I.B. (1994) : 1,86 milliard de $ soit 184 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 800 $

Dette extérieure (1994) : 1 126 millions de $ dont 82,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 0,4 % Budget militaire (1995) : 2,2 % du P.I.B.

BURUNDI

Capitale : Bujumbura Superficie : 28 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) :

6 578 000 (les Burundais) soit 235 hab./km 2 Monnaie : franc du Burundi Taux de change officiel (1996) : 1,620 FF pour 100 unités Langues officielles : français, rundi Religions principales : catholi- cisme, animisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Pierre Buyoya, depuis juillet 1996 Par un coup d’État, sans abroga- tion de la Constitution Chef du gouvernement (Premier ministre) : Pascal-Firmin Ndi- mira, depuis juillet 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 27,7 ‰ P.I.B. (1994) : 1 milliard de $ soit 161 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 700 $

Dette extérieure (1994) : 1 126 millions de $ dont 91,4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 5,6 % Budget militaire (1995) : 3,4 % du P.I.B.

CAMBODGE

Capitale : Phnom Penh Superficie : 180 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 10 530 000 (les Cambodgiens) soit 59 hab./km 2 Monnaie : riel Taux de change officiel (1996) : 0,194 FF pour 100 unités Langue officielle : khmer Religion principale : bouddhisme Nature du régime : Monarchie constitutionnelle, régime parlementaire Chef de l’État (Roi) : Norodom Sihanouk, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Norodom Ranariddh, depuis 1993 « Premier premier ministre », Hun Sen ayant le titre de « deuxième premier ministre » Accroissement naturel (1995- 2000) : 25,2‰ P.N.B. (1991) : 1,760 milliard de $ soit 200 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A : n.d.

Dette extérieure (1994) : 1 943 millions de $ dont 91,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 5,7 % Budget militaire (1995) : 3,2 % du P.I.B.

CAMEROUN

Capitale : Yaoundé Superficie : 475 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 13 609 000 (les Camerounais) suit 29 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A.

Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langues officielles : anglais, français

Religions principales : catholi- cisme, animisme, protestantisme Nature du régime : république, régime parlementaire. Président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Paul Biya, depuis 1982 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Peler Mafany Musonge, depuis septembre 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 28,7 ‰ P.I.B. (1994) : 7,47 milliards de $ soit 575 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A (1994) : 1 950 $

Dette extérieure (1994) : 7 275 millions de $ dont 36,6 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 9,5 % Budget militaire (1995) : 1,2 % du P.I.B. downloadModeText.vue.download 553 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

552

CANADA

Capitale : Ottawa Superficie : 9 975 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 29 784 000 (les Canadiens) soit 3 hab./km 2 Monnaie : dollar canadien Taux de change officiel (1996) : 379,530 FF pour 100 unités Langues officielles : anglais, fiançais

Religions principales : catholi- cisme, protestantisme Nature du régime : État fédéral, membre du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britannique) : Elisabeth II, repr. par Romeo Leblanc, gouverneur général depuis 1994 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Jean Chrétien, depuis 1993

Accroissement naturel (1995- 2000) : 6,4 ‰ P.I.B. (1995) : 564,6 milliards de $ soit 19 074 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 19 960 $

Origine du P.I.B. par secteur (1992) : 2 % pour l’agriculture, 26 % pour l’industrie, 72 % pour les services Taux de croissance annuelle (1995) : 2,2 % Taux d’inflation (1995) : 2,2 % Exportations (1995) : 189 854 mil- lions de $

Importations (1995) : 167 513 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : 12 202 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : – 8 693 millions de $ Population active occupée (1995) : 3,2 % dans le secteur primaire, 31 % dans le secteur secondaire, 65,8 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1995) : 45,1 % Chômeurs et inactifs (1996) : 9,6 %

Dépenses de santé (1990) : 9,1 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1,4 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 70 500 hommes

CAPVERT

Capitale : Praia Superficie : 4 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 403 000 (les Cap-Verdiens) soit 101 hab./km 2 Monnaie : escudo du Cap-Vert Taux de change officiel (1996) : 6,160 FF pour 100 unités Langue officielle : portugais Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Antó- nio Mascarenhas Monteiro, depuis 1991

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Carlos Veiga, depuis 1991

Accroissement naturel (1995- 2000) : 26,7 ‰ P.N.B. (1994) : 0,347 milliard de $ soit 930 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 920 $

Dette extérieure (1994) : 169,9 millions de $ dont 81,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 4 % Budget militaire (1995) : 1,8 % du P.I.B.

CENTRAFRICAINE RÉPUBLIQUE

Capitale : Bangui Superficie : 620 000 km 2 Nombre d’habitants (1993) : 3 100 000 (les Centrafricains) soit 5 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A.

Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langue officielle : français Religions principales : protestan- tisme, catholicisme, animisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suifrage direct Chef de l’État (Président) : Ange Patassé, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Jean-Paul Ngoupandé, depuis juin 1996 Accroissement naturel (1993) : 26 ‰

P.I.B. (1994) : 0,87 milliard de $ soit 273 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 160 $

Dette extérieure (1994) : 890,6 millions de $ dont 81,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 2,5 % Budget militaire (1995) : 1,9 % du P.I.B.

CHILI

Capitale : Santiago Superficie : 757 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 14 478 000 (les Chiliens) soit 19 hab./km 2 Monnaie : peso chilien Taux de change officiel (1996) : 1,250 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Eduardo Frei, depuis 1994

Accroissement naturel (1995- 2000) : 14,2 ‰ P.I.B. (1994) : 51,96 milliards de $ soit 3 711 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 8 890 $ Dette extérieure (1994) : 22 939 millions de $ dont 1,4 % concessionnelle downloadModeText.vue.download 554 sur 602

STATISTIQUES

553

Taux de croissance annuelle (1995) : 8,5 % Budget militaire (1995) : 1,9 % du P.I.B.

CHINE

Capitale : Pékin Superficie : 9 600 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 234 338 000 (les Chinois) soit 129 hab./km 2 Monnaie : yuan Taux de change officiel (1996) : 62,120 FF pour 100 unités Langue officielle : chinois Religions principales : confucia- nisme, taoïsme, bouddhisme Nature du régime : république, régime socialiste Chef de l’État (Président) : Jiang Zemin, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Li Peng, depuis 1988 Accroissement naturel (1995- 2000) : 10,2 ‰ P.I.B. (1994) : 522,17 milliards de $ soit 438 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 510 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 21 % pour l’agriculture, 47 % pour l’industrie, 32 % pour les services Dette extérieure (1994) : 100 536 millions de $ dont 15,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 11,8 % Taux d’inflation (1995) : 16,9 % Exportations (1994) : 102 561 mil- lions de $

Importations (1994) : 95 271 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : 7 290 millions de $ Balance des paiements courants (1994) : 6 532 millions de $ Population active occupée (1990) : 60,2 % dans le secteur primaire, 21,6 % dans le secteur secondaire, 18,2 % dans le secteur tertiaire

Part des femmes dans la popula- tion active (1990) : 49 % Chômeurs et inactifs : n.d.

Dépenses de santé (1990) : 3,5 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1,2 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 2 935 000 hommes

CHYPRE

Capitale : Nicosie Superficie : 9 251 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 750 000 (les Chypriote ou Cypri- otes) soit 81 hab./km 2 Monnaie : livre chypriote Taux de change officiel (1996) : 1 106,440 FF pour 100 unités Langues officielles : grec, turc Religions principales : christia- nisme, islam Nature du régime : république, membre du Commonwealth, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Ghláfkos Klirìdhis (Glafcos Cléridès), depuis 1993 Accroissement naturel (1995- 2000) : 9,1 ‰ P.N.B. (1994) : 7,448 milliards de $ soit 10 260 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 14 800 $ Dette extérieure (1991) : 3 213 millions de $ dont 14,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 4,5 % Budget militaire (1995) : 5 % du P.I.B.

COLOMBIE

Capitale : Bogotá Superficie : 1 140 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 35 652 000 (les Colombiens) soit 31 hab./km 2 Monnaie : peso colombien

Taux de change officiel (1996) : 0,53 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Ernesto Samper, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 16,2 ‰ P.I.B. (1994) : 67,27 milliards de $ soit 1 853 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 5 330 $

Dette extérieure (1994) : 19 416 millions de $ dont 5,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 5,2 % Budget militaire (1995) : 1,1 % du P.I.B.

COMORES

Capitale : Moroni Superficie : 1 900 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 677 000 (les Comoriens) soit 356 hab./km 2 Monnaie : franc des Comores Taux de change officiel (1996) : 1,330 FF pour 100 unités Langues officielles : arabe, français Religion principale : islam Nature du régime : république fédérale islamique, régime présidentiel Chef de l’État (Président) : Moha- med Taki Abdoulkarim, depuis mars 1996 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Tadjidinne Ben Saïd Massonde, depuis août 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 35 ‰ P.N.B. (1994) : 0,247 milliard de $ soit 510 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 430 $

Dette extérieure (1994) : 188,7 millions de $ dont 89 % concessionnelle downloadModeText.vue.download 555 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

554

Taux de croissance annuelle (1993) : 1,2 % Budget militaire : n.d.

CONGO

Capitale : Brazzaville Superficie : 342 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 2 665 000 (les Congolais) soit 8 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A.

Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langue officielle : français Religions principales : catholi- cisme, protestantisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Pascal Lissouba, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : David Charles Ganao, depuis août 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 27,3 ‰ P.I.B. (1994) : 1,58 milliard de $ soit 607 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 900 $

Dette extérieure (1994) : 5 275 millions de $ dont 34,6 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 2,1 % Budget militaire (1995) : 2,6 % du P.I.B.

CORÉE DU NORD

Capitale : Pyongyang Superficie : 120 500 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 24 347 000 (les Nord-Coréens) soit 202 hab./km 2 Monnaie : won Taux de change officiel (1996) : 240,530 FF pour 100 unités Langue officielle : coréen Religion principale : bouddhisme

Nature du régime : république, régime socialiste Chef de l’État (Président) : Kim Jong-il, depuis 1994 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Kang Song-san, depuis 1992

Accroissement naturel (1995- 2000) : 16,5 ‰ P.I.B. (1991) : 21,31 milliards de $ soit 960 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire (1994) : 10,7 % du P.I.B.

CORÉE DU SUD

Capitale : Séoul Superficie : 99 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 45 429 000 (les Sud-Coréens) soit 459 hab./km 2 Monnaie : won Taux de change officiel (1996) : 0,628 FF pour 100 unités Langue officielle : coréen Religion principale : bouddhisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Kim Young-sam, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Lee Hong-ku, depuis 1994

Accroissement naturel (1995- 2000) : 9,8 ‰ P.I.B. (1994) : 376,51 milliards de $ soit 8 461 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A (1994) : 10 330 $ Dette extérieure (1994) : 54 542 millions de $ dont 9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 8,9 % Budget militaire (1995) : 3,1 % du P.I.B. CO S TA R I C A

Capitale : San José Superficie : 51 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 3 500 000 (les Costaricains) soit 69 hab./km 2 Monnaie : colon Taux de change officiel (1996) : 2,420 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : José Marìa Figueres, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 20,2 ‰ P.I.B. (1994) : 8,28 milliards de $ soit 2 509 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A (1993) : 5 520 $

Dette extérieure (1994) : 3 843 millions de $ dont 24,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 2,5 % Budget militaire (1995) : 0,5 % du P.I.B.

CÔTE D’IVOIRE

Capitale : Yamoussoukro Superficie : 322 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 14 733 000 (les Ivoiriens) soit 46 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A.

Taux de change officiel (1995) : 1 FF pour 100 unités Langue officielle : français Religions principales : animisme, christianisme, islam Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Henri Konan Bedié, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Daniel Kablan Duncan, depuis 1993 downloadModeText.vue.download 556 sur 602

STATISTIQUES 555

Accroissement naturel (1995- 2000) : 32,3 ‰ P.I.B. (1994) : 6,72 milliards de $ soit 487 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 310 $

Dette extérieure (1994) : 18 452 millions de $ dont 18,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 1,1 % Budget militaire (1995) : 0,9 % du P.I.B.

CROATIE Capitale : Zagreb Superficie : 56 500 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 4 483 000 (les Croates) soit 79 hab./km 2 Monnaie : kuna Taux de change officiel (1996) : 95,050 FF pour 100 unités Langue officielle : croate Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Franjo Tudjman, depuis 1990 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Slatko Matesa, depuis 1995

Accroissement naturel (1995- 2000) : – 0,6 ‰ P.I.B. (1994) : 14,02 milliards de $ soit 2 920 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 2 304 millions de $ dont 0,6 % concessionnelle Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire (1995) : 9,9 du P.I.B.

CUBA Capitale : La Havane Superficie : 111 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) :

11 118 000 (les Cubains) soit 100 hab./km 2 Monnaie : peso cubain Taux de change officiel (1996) : 517,150 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime socialiste Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Fidel Castro, depuis 1976

Accroissement naturel (1995- 2000) : 7,9 ‰ P.I.B. (1989) : 16,4 milliards de $ soit 1 562 $ par hab.

P.N.B/hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire (1995) : 2,3 % du P.I.B.

DANEMARK Capitale : Copenhague Superficie : 43 000 km 2 Dépendances : Îles Féroé, Groenland Nombre d’habitants (1996) : 5 188 000 (les Danois) soit 121 hab./km 2 Monnaie : couronne danoise Taux de change officiel (1996) : 88,130 FF pour 100 unités Langue officielle : danois Religion principale : protestantisme Nature du régime : monarchie constitutionnelle, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain) : Mar- guerite II (Margrethé II), depuis 1972

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Poul Nyrup Rasmus- sen, depuis 1993 Accroissement naturel (1995- 2000) : 0,2 ‰ P.I.B. (1995) : 175,2 milliards de $ soit 33 692 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A (1994) : 19 880 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 4 % pour l’agriculture, 27 % pour l’industrie, 69 % pour les services Taux de croissance annuelle (1995) : 2,8 % Taux d’inflation (1995) : 2,1 % Exportations (1995) : 48 936 mil- lions de $

Importations (1995) : 41 987 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : 7 448 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 1 542 millions de $ Population active occupée (1994) : 5,1 % dans le secteur primaire, 26,8 % dans le secteur secondaire, 68,1 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1993) : 46,7 % Chômeurs et inactifs (1996) : 8,9 % de la population active totale

Dépenses de santé (1990) : 6,3 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1,8 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 32 900 hommes

DJIBOUTI Capitale : Djibouti Superficie : 23 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 589 000 (les Djiboutiens) soit 26 hab./km 2 Monnaie : franc de Djibouti Taux de change officiel (1996) : 2,925 FF pour 100 unités Langues officielles : arabe, français Religion principale : islam Nature du régime : république, Président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Hassan Gouled Aptidon, depuis 1977 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Barkat Gourat Hama- dou, depuis 1978 Accroissement naturel (1995- 2000) : 22,2 ‰ downloadModeText.vue.download 557 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

556

PNB (1993) : 0,430 milliard de $ soit 780 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 246,9 millions de $ dont 83,7 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1989) : – 3,4 % Budget militaire (1995) : 5,9 % du P.I.B.

DOMINICAINE RÉPUBLIQUE

Capitale : Saint-Domingue Superficie : 48 400 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 7 961 000 (les Dominicains) soit 164 hab./km 2 Monnaie : peso dominicain dit aussi peso oro Taux de change officiel (1996) : 37,010 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Leonel Fernandez, depuis juin 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 18,8 ‰ P.I.B. (1994) : 10,42 milliards de $ soit 1 371 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 3 760 $

Dette extérieure (1994) : 4 293 millions de $ dont 45,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 4,7 % Budget militaire (1995) : 0,7 % du P.I.B.

DOMINIQUE

Capitale : Roseau Superficie : 751 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 71 000 (les Dominiquais) sou 95 hab./km 2

Monnaie : dollar des Caraïbes orientales Taux de change officiel (1996) : 191,540 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : catholicisme Nature du régime : république du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Crispin Sorhaindo, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Eugenia Charles, depuis 1980 Accroissement naturel (1993) : 9 ‰

P.N.B. (1993) : 0,190 milliard de $ soit 2 720 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 96 millions de $ dont 87,5 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1992) : 0,8 % Budget militaire : n.d.

ÉGYPTE

Capitale : Le Caire Superficie : 1 000 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 64 200 000 (les Égyptiens) soit 64 hab./km 2 Monnaie : livre égyptienne Taux de change officiel (1996) : 151,750 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : république, régime institutionnellement parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Hosni Moubarak, depuis 1981 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Kamal El-Ganzouri, depuis janvier 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 19,3 ‰ P.I.B. (1994) : 42,92 milliards de $ soit 756 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 3 720 $

Dette extérieure (1994) : 33 358 millions de $ dont 59,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 4,6 % Budget militaire (1995) : 4,9 % du P.I.B. ÉMIRATS ARABES UNIS

Capitale : Abu Dhabi Superficie : 80 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 946 000 (les Émiriens) soit 24 hab./km 2 Monnaie : dirham Taux de change officiel (1996) : 140,480 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : monarchie constitutionnelle (fédération d’émirats), régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État (Président du Conseil suprême des gouver- neurs) : Zayid ibn Sultan al-Na- hyan, depuis 1971 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Maktum ibn Rachid al-Maktum, depuis 1990 Accroissement naturel (1995- 2000) : 17,7 ‰ P.I.B. (1994) : 35,41 milliards de $ soit 14 752 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1993) : 20 940 $ Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1992) : 2,7 % Budget militaire (1995) : 4,8 % du P.I.B.

É Q UAT E U R

Capitale : Quito Superficie : 270 670 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 11 699 000 (les Équatoriens) soit 43 hab./km 2 downloadModeText.vue.download 558 sur 602

STATISTIQUES

557

Monnaie : sucre Taux de change officiel (1996) : 0,156 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Abdala Bucaram, depuis juillet 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 19,6 ‰ P.I.B. (1994) : 15,56 milliards de $ soit 1 389 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 4 190 $

Dette extérieure (1994) : 14 955 millions de $ dont 12,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 2,3 % Budget militaire (1995) : 2,7 % du P.I.B.

ÉRYTHRÉE

Capitale : Asmara Superficie : 120 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 3 627 000 (les Érythréens) soit 30 hab./km 2 Monnaie : birr Taux de change officiel (1990) : 81,190 FF pour 100 unités Langue officielle : tigrigna, arabe Religion principale : islam, église (copte) éthiopienne Nature du régime : n.d.

Chef de l’État et du gouvernement (Président du gouvernement provisoire) : Issaias Afeworki, depuis 1993 Accroissement naturel (1995- 2000) : 26,5 ‰ P.N.B. (1994) : 0,412 milliard de $ soit 165 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire (1995) : 5,3 % du P.I.B.

ESPAGNE

Capitale : Madrid Superficie : 505 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 39 676 000 (les Espagnols) soit 79 hab./km 2 Monnaie : peseta Taux de change officiel (1996) : 4,023 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : monarchie constitutionnelle, régime parlementaire Chef de l’État (Roi) : Juan Carlos de Bourbon, depuis 1975 Chef du gouvernement (Président du gouvernement) : José Maria Aznar, depuis mai 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 0,5 ‰ P.I.B. (1995) : 557,4 milliards de $ soit 14 256 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 13 740 $

Origine du P.I.B. par secteur (1991) : 4,1 % pour l’agriculture, 34,4 % pour l’industrie, 61,6 % pour les services Taux de croissance annuelle (1995) : 2,9 % Taux d’inflation (1995) : 4,7 % Exportations (1994) : 74 318 mil- lions de $

Importations (1994) : 88 897 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : – 14 579 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 1 280 millions de $ Population active occupée (1993) : 10,1 % dans le secteur primaire, 30,7 % dans le secteur secondaire, 59,2 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1993) : 36,8 % Chômeurs et inactifs (1996) : 22,7 Dépenses de santé (1990) : 6,6 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1,2 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 206 800 hommes

ESTONIE

Capitale : Tallinn Superficie : 45 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 521 000 (les Estoniens) soit 34 hab./km 2 Monnaie : couronne estonienne Taux de change officiel (1996) : 42,320 FF pour 100 unités Langue officielle : estonien Religion principale : protestantisme Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Len- nart Meri, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Tiit Vähi, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : – 2,1 ‰ P.I.B. (1994) : 4,58 milliards de $ soit 3 052 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 4 510 $

Dette extérieure (1994) : 186 millions de $ dont 26 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 3,5 % Budget militaire (1995) : 1,6 % du P.I.B.

ÉTATSUNIS

Capitale : Washington Superficie : 9 364 000 km 2 Dépendances : Guam, Porto Rico, Mariannes du Nord, Samoa amé- ricaines, îles Vierges américaines, et diverses îles du Pacifique Nombre d’habitants (1996) : 265 765 000 (les Américains) soit 28 hab./km 2 Monnaie : dollar Taux de change officiel (1996) : 517,150 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : protestan- tisme, catholicisme Nature du régime : république fédérale, régime présidentiel downloadModeText.vue.download 559 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

558

Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Bill Clinton, depuis 1993

Accroissement naturel (1995- 2000) : 6 ‰ P.I.B. (1995) : 6 981,7 milliards de $ soit 26 526 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 25 880 $

Origine du P.I.B. par secteur (1990) : 2 % pour l’agriculture, 29 % pour l’industrie, 69 % pour les services Taux de croissance annuelle (1994) : 4 % Taux d’inflation (1995) : 2,8 % Exportations (1995) : 577 820 mil- lions de $

Importations (1995) : 749 810 mil- lions de $ Balance commerciale (1995) : – 171 990 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : – 148 230 millions de $ Population active occupée (1995) : 2,9 % dans le lecteur primaire, 24,5 % dans le secteur secondaire, 72,6 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1995) : 46,1 % Chômeurs et inactifs (1996) : 5,4 %

Dépenses de santé (1990) : 12,7 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 3,8 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 1 483 000 hommes

ÉTHIOPIE

Capitale : Addis-Abeba Superficie : 1 100 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 56 713 000 (les Éthiopiens) soit 52 hab./km 2 Monnaie : birr Taux de change officiel (1996) : 81,190 FF pour 100 unités Langue officielle : amharique Religions principales. Église (copte) éthiopienne, islam

Nature du régime : république fédérale, institutions en cours d’élaboration Chef de l’État (Président) : Négasso Gidada, depuis 1995 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Meles Zenawi, depuis 1995

Accroissement naturel (1995- 2000) : 29,5 ‰ P.I.B (1994) : 4,69 milliards de $ soit 85 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A (1994) : 430 $

Dette extérieure (1994) : 5 059 millions de $ dont 79,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 1,3 % Budget militaire (1995) : 0,4 % du P.I.B.

FIDJI Capitale : Suva Superficie : 18 300 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 796 000 (les Fidjiens) soit 43 hab./ km 2

Monnaie : dollar fidjien Taux de change officiel (1996) : 369,490 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Kami- sese Mara, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Sitiveni Rabuka, depuis 1992

Accroissement naturel (1995- 2000) : 17,5‰ P.N.B. (1994) : 1,725 milliard de $ soit 2 250 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 5 940 $

Dette extérieure (1994) : 298,8 millions de $ dont 19,4 % concessionnelle

Taux de croissance annuelle (1992) : 3,1 % Budget militaire (1995) : 1,5 % du P.I.B.

FINLANDE

Capitale : Helsinki Superficie : 338 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 5 129 000 (les Finlandais) soit 15 hab./km 2 Monnaie : mark finlandais Taux de change officiel (1996) : 113,020 FF pour 100 unités Langues officielles : finnois, suédois Religion principale : protestantisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Martti Ahtisaari, depuis 1994 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Paavo Lipponen, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : 2,3 ‰ P.I.B. (1995) : 125,5 milliards de $ soit 24 608 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 16 150 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 5 % pour l’agriculture, 32 % pour l’industrie, 63 % pour les services Taux de croissance annuelle (1995) : 4,2 % Taux d’inflation (1995) : 1 % Exportations (1995) : 29 731 mil- lions de $

Importations (1995) : 22 245 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : 7 651 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 5 476 millions de $ Population active occupée (1995) : 7,3 % dans le secteur primaire, 28,4 % dans le secteur secondaire, 64,3 % dans le secteur tertiaire downloadModeText.vue.download 560 sur 602

STATISTIQUES

559

Part des femmes dans la popula- tion active (1995) : 47 % Chômeurs et inactifs (1996) : 16,4 % de la population active totale

Dépenses de santé (1990) : 7,4 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1,7 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 32 500 hommes

FRANCE

Capitale : Paris Superficie : 549 000 km 2 Dépendances : D.O.M. : Mar- tinique, Guadeloupe, Réunion, Guyane. T.O.M. : Polynésie française, Nouvelle-Calédo- nie, Wallis-et-Futuna, T.A.A.F.

(Terres australes et antarctiques françaises) Collectivités territoriales : Saint- Pierre-et-Miquelon, Mayotte Nombre d’habitants (1996) : 58 211 000 (les Français) soit 106 hab./km 2 Monnaie : franc français Langue officielle : français Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Jacques Chirac, depuis 1995 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Alain Juppé, depuis 1995

Accroissement naturel (1995- 2000) : 2,8 ‰ P.I.B. (1995) : 1 549,2 milliards de $ soit 26 664 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 19 670 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 2 % pour l’agriculture, 28 % pour l’industrie, 70 % pour les services Taux de croissance annuelle (1995) : 2,2 % Taux d’inflation (1995) : 1,8 %

Exportations (1995) : 270 400 mil- lions de $ Importations (1995) : 259 225 millions de $ Balance commerciale (1995) : 11 175 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 17 479 millions de $ Population active occupée (1994) : 4,7 % dans le secteur primaire, 26,6 % dans le secteur secondaire, 68,7 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1994) : 44,9 % Chômeurs et inactifs (1996) : 12,4 % de la population active totale

Dépenses de santé (1990) : 8,9 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 2,5 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 398 900 hommes

GABON

Capitale : Libreville Superficie : 268 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 358 000 (les Gabonais) soit 5 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A.

Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langue officielle : français Religions principales : catholi- cisme, protestantisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Omar Bongo, depuis 1967 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Paulin Obamé-Ngué- ma, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 24,2 ‰ P.I.B. (1994) : 3,95 milliards de $ soit 3 035 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1992) : 3 913 $

Dette extérieure (1994) : 3 967 millions de $ dont 13,8 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 2,5 % Budget militaire (1995) : 1,9 % du P.I.B.

GAMBIE Capitale : Banjul Superficie : 11 300 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 155 000 (les Gambiens) soit 102 hab./km 2 Monnaie : dalasi Taux de change officiel (1996) : 51,870 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : islam Nature du régime : république du Commonwealth, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Yaya Jammeh, depuis septembre 1996 au pouvoir depuis 1994

Accroissement naturel (1995- 2000) : 23,6 ‰ P.I.B. (1994) : 0,36 milliard de $ soit 330 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A (1994) : 1 100 $

Dette extérieure (1994) : 419,2 millions de $ dont 82,4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 7,4 % Budget militaire (1995) : 4,6 % du P.I.B.

GÉORGIE

Capitale : Tbilissi Superficie : 70 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 5 466 000 (les Géorgiens) soit 78 hab./km 2 Monnaie : lari Taux de change officiel : n.d. downloadModeText.vue.download 561 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

560

Langue officielle : géorgien Religion principale : orthodoxie Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État (Président) : Edouard Chevardnadze, depuis 1992

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Otar Patsatsia, depuis 1993

Accroissement naturel (1995- 2000) : 6,2 ‰ P.I.B. (1994) : 2,06 milliards de $ soit 382 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1993) : 1 750 $

Dette extérieure (1994) : 1 227 millions de $ dont 0,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 31,6 % Budget militaire (1995) : 4,7 % du P.I.B.

GHANA

Capitale : Accra Superficie : 240 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 17 972 000 (les Ghanéens) soit 75 hab./km 2 Monnaie : cedi Taux de change officiel (1996) : 0,32 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : christia- nisme, animisme, islam Nature du régime : république, membre du Commonwealth, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Jerry Rawlings, depuis 1992 au pouvoir depuis 1981

Accroissement naturel (1995- 2000) : 28,9‰ P.I.B. (1994) : 5,42 milliards de $ soit 327 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 050 $

Dette extérieure (1994) : 5 389 millions de $ dont 62,6 % concessionnelle

Taux de croissance annuelle (1993) : 4,8 % Budget militaire (1995) : 0,9 % du P.I.B.

GRANDE BRETAGNE

Capitale : Londres Superficie : 243 500 km 2 Dépendances : Anguilla, Ber- mudes, îles Vierges britanniques, îles Caïmans, îles Falkland, Gibraltar, Hongkong, île de Man, îles anglo-normandes, Pitcairn, Saint-Hélène et dépendances, îles Turks et Caicos, Montserrat Nombre d’habitants (1996) : 58 424 000 (les Britanniques) soit 240 hab./km 2 Monnaie : livre sterling Taux de change officiel (1996) : 807,850 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : anglica- nisme, protestantisme Nature du régime : monarchie constitutionnelle, membre du Commonwealth, régime parle- mentaire Chef de l’État (souve- rain) : Elisabeth II, depuis 1952 Chef du gouvernement (Premier ministre) : John Major, depuis 1990

Accroissement naturel (1995- 2000) : 2 ‰ P.I.B (1995) : 1 099,7 milliards de $ soit 18 766 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 17 970 $ Origine du PI.B. par secteur (1994) : 2 %pour l’agriculture, 32 % pour l’industrie, 66 % pour les services Taux de croissance annuelle (1995) : 2,4 % Taux d’inflation (1995) : 3,4 % Exportations (1995) : 240 383 mil- lions de $

Importations (1995) : 258 768 mil- lions de $

Balance commerciale (1995) : – 18 385 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : – 10 569 millions de $ Population active occupée (1993) : 2,2 % dans le secteur primaire, 26,2 % dans le secteur secondaire, 71,6 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1993) : 43,8 % Chômeurs et inactifs : n.d.

Dépenses de santé (1990) : 6,1 % du P.I.B. Budget militaire (1995) : 3,1 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 226 000 hommes

GRÈCE

Capitale : Athènes Superficie : 132 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 10 483 000 (les Grecs) soit 79 hab./ km 2

Monnaie : drachme Taux de change officiel (1996) : 2,144 FF pour 100 unités Langue officielle : grec Religion principale : orthodoxie Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Kostis Stefanópoulos, depuis 1995 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Costas Simitis, depuis janvier 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : – 0,3‰ P.I.B. (1995) : 111,8 milliards de $ soit 10 648 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 10 935 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 16 % pour l’agriculture, 31 % pour l’industrie, 53 % pour les services Taux de croissance annuelle (1993) : – 0,5 % Taux d’inflation (1995) : 9,3 % Exportations (1994) : 5 338 mil- lions de $ downloadModeText.vue.download 562 sur 602

STATISTIQUES

561

Importations (1994) : 16 611 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : – 11 273 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : – 2 864 millions de $ Population active occupée (1994) : 20,8 % dans le secteur primaire, 23,6 % dans le secteur secondaire, 55,6 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1992) : 37 % Chômeurs et inactifs (1996) : 10,1 % de la population active totale

Dépenses de santé (1990) : 5,5 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 3,1 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 168 300 hommes

GRENADE

Capitale : Saint George’s Superficie : 344 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 92 000 (les Grenadiens) soit 267 hab./km 2 Monnaie : dollar des Caraïbes orientales Taux de change officiel (1996) : 191,540 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : catholicisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par Reginald Palmer, gouverneur général depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Nicholas Brathwaite, depuis 1990 Accroissement naturel (1993) : 25 ‰

P.N.B. (1994) : 0,241 milliard de $ soit 2 630 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 112,1 millions de $ dont 58,2 % concessionnelle

Taux de croissance annuelle (1993) : 0,5 % Budget militaire : n.d.

GUATEMALA

Capitale : Guatemala Superficie : 109 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 10 928 000 (les Guatémaltèques) soit 100 hab./km 2 Monnaie : quetzal Taux de chance officiel (1996) : 85,370 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouverne- ment (Président) : Alvaro Arzu Irigoyen, depuis janvier 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 29,6‰ P.I.B. (1994) : 12,92 milliards de $ soit 1 254 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 3 440 $

Dette extérieure (1994) : 3 017 millions de $ dont 39,4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 4 % Budget militaire (1995) : 0,8 % du P.I.B.

GUINÉE

Capitale : Conakry Superficie : 250 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 6 903 000 (les Guinéens) soit 28 hab./km 2 Monnaie : franc guinéen Taux de change officiel (1996) : 0,510 FF pour 100 unités Langue officielle : français Religions principales : islam, animisme Nature du régime : république, régime parlementaire

Chef de l’État (Président) : Lan- sana Conté, depuis 1993 Au pouvoir depuis 1984 Chef du gouvernement (Premier Ministre) : Sidya Touré, depuis juillet 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 29,3 ‰ P.I.B. (1994) : 3,4 milliards de $ soit 530 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1992) : 441 $

Dette extérieure (1994) : 3 104 millions de $ dont 77,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 4,5 % Budget militaire (1995) : 1 % du P.I.B.

GUINÉEBISSAU

Capitale : Bissau Superficie : 36 125 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 096 000 (les Bissau-Guinéens) soit 30 hab./km 2 Monnaie : peso Taux de change officiel (1996) : 0,018 FF pour 100 unités Langue officielle : portugais Religions principales : animisme, islam

Nature du régime : république, régime en voie de démocratisation Chef de l’État (Président) : João Bernardo Vieira, depuis 1980 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Manuel Saturnino da Costa, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 21,1 ‰ P.I.B. (1994) : 0,24 milliard de $ soit 243 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 820 $

Dette extérieure (1994) : 816,3 millions de $ dont 70,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 3 % downloadModeText.vue.download 563 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

562

Budget militaire (1995) : 3 % du P.I.B.

GUINÉE ÉQUATORIALE

Capitale : Malabo Superficie : 28 100 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 410 000 (les Équato-Guinéens) soit 15 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A.

Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : n.d.

Chef de l’État (Président) : Teo- doro Obiang Nguema Mbasogo, depuis 1979 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Sérafin Seriche Dougan Malabo, depuis juin 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 24,6 ‰ P.I.B. (1993) : 0,16 milliard de $ soit 413 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 290,6 millions de $ dont 52,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 7,3 % Budget militaire (1995) : 1,4 % du P.I.B.

GUYANA

Capitale : Georgetown Superficie : 215 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 844 000 (les Guyaniens) soit 4 hab./km 2 Monnaie : dollar de la Guyana Taux de change officiel (1996) : 3,720 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : hin- douisme, protestantisme, anglicanisme

Nature du régime : république du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Cheddi Jagan, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Samuel Hinds, depuis 1992

Accroissement naturel (1995- 2000) : 15,4 ‰ P.I.B. (1993) : 0,33 milliard de $ soit 400 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 2 038 millions de $ dont 63 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 8,2 % Budget militaire (1995) : 1,1 % du P.I.B.

HAÏTI

Capitale : Port-au-Prince Superficie : 27 750 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 7 329 000 (les Haïtiens) soit 264 hab./km 2 Monnaie : gourde Taux de change officiel (1996) : 34,370 FF pour 100 unités Langues officielles : français, créole

Religions principales : catholi- cisme, vaudou Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : René Préval, depuis février 1996 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Rony Smarth, depuis février 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 23,3 ‰ P.I.B. (1994) : 1,62 milliard de $ soit 232 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 930 $

Dette extérieure (1994) : 711,9 millions de $ dont 81,3 % concessionnelle

Taux de croissance annuelle (1995) : 3,8 % Budget militaire : n.d.

HONDURAS

Capitale : Tegucigalpa Superficie : 112 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 5 816 000 (les Honduriens) soit 52 hab./km 2 Monnaie : lempira Taux de change officiel (1996) : 40,980 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Carlos Roberto Reina, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 28,1 ‰ P.I.B. (1994) : 3,33 milliards de $ soit 575 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 940 $

Dette extérieure (1994) : 4 418 millions de $ dont 43,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 3,6 % Budget militaire (1995) : 1,2 % du P.I.B.

HONGRIE

Capitale : Budapest Superficie : 93 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 10 073 000 (les Hongrois) soit 108 hab./km 2 Monnaie : forint Taux de change officiel (1996) : 3,261 FF pour 100 unités Langue officielle : hongrois Religions principales : catholi- cisme, protestantisme Nature du régime : république, régime parlementaire downloadModeText.vue.download 564 sur 602

STATISTIQUES

563

Chef de l’État (Président) : Árpád GÅ bncz, depuis 1990 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Gyula Horn, depuis 1994

Accroissement naturel (1995- 2000) : – 2,1 ‰ P.I.B. (1994) : 41,37 milliards de $ soit 4 017 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 6 080 $

Dette extérieure (1994) : 28 016 millions de $ dont 1,2 % concessionnelle Chômeurs et inactifs (1996) : 10,6 % de la population active totale Taux de croissance annuelle (1993) : – 3,3 % Budget militaire (1995) : 1,4 % du P.I.B.

INDE

Capitale : New Delhi Superficie : 3 268 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 952 969 000 (les Indiens) soit 292 hab./km 2 Monnaie : roupie indienne Taux de change officiel (1996) : 14,450 FF pour 100 unités Langues officielles : anglais, hindi Religions principales : hin- douisme, islam Nature du régime : république fédérale, membre du Com- monwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Shan- kar Dayal Sharma, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Deve Gowda, depuis juin 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 17,7 ‰ P.I.B. (1994) : 293,61 milliards de $ soit 321 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 280 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 30 % pour l’agriculture, 28 % pour l’industrie, 42 % pour les services

Dette extérieure (1994) : 98 990 millions de $ dont 48,2 concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 2,8 % Taux d’inflation (1995) : 10,2 % Exportations (1993) : 22 700 mil- lions de $

Importations (1993) : 23 985 mil- lions de $ Balance commerciale (1993) : – 1 285 millions de $ Balance des paiements courants (1993) : – 315 millions de $ Population active occupée (1991) : 60,9 % dans le secteur primaire, 11,5 % dans le secteur secondaire, 27,6 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1991) : 29 % Chômeurs et inactifs : n.d.

Dépenses de santé (1990) : 6 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 2,4 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 1 145 000 hommes

INDONÉSIE

Capitale : Jakarta Superficie : 1 900 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 200 596 000 (les Indonésiens) soit 106 hab./km 2 Monnaie : rupiah Taux de change officiel (1996) : 0,220 FF pour 100 unités Langue officielle : indonésien Religion principale : islam Nature du régime : république, régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Suharto, depuis 1968 Accroissement naturel (1995- 2000) : 15,5 ‰ P.I.B. (1994) : 174,64 milliards de $ soit 917 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 3 600 $

Dette extérieure (1994) : 96 500 millions de $ dont 29,9 % concessionnelle

Taux de croissance annuelle (1994) : 7,3 % Budget militaire (1995) : 1,5 % du P.I.B.

IRAN

Capitale : Téhéran Superficie : 1 650 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 68 738 000 (les Iraniens) soit 42 hab./km 2 Monnaie : rial Taux de change officiel (1996) : 0,295 FF pour 100 unités Langue officielle : persan Religion principale : islam Nature du régime : république islamique, régime institutionnelle- ment présidentiel Chef de l’État (Guide spirituel) : Ali Khamenei, depuis 1989 Chef du gouvernement (Pré- sident) : Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, depuis 1989 Accroissement naturel (1995- 2000) : 26,7 ‰ P.I.B. (1994) : 63,72 milliards de $ soit 1 019 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1993) : 5 380 $

Dette extérieure (1994) : 22 712 millions de $ dont 0,7 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 2,6 % Budget militaire (1995) : 2,5 % du P.I.B.

IRAQ

Capitale : Bagdad Superficie : 434 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 21 035 000 (les Irakiens) soit 48 hab./km 2 Monnaie : dinar irakien Taux de change officiel (1996) : 1 663,660 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam downloadModeText.vue.download 565 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

564

Nature du régime : république, régime à pouvoir exécutif fort

Chef de l’État et du gouvernement

P.I.B. (1991) : 66,13 milliards de $ soit 3 541 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1989) : 2,9 % Budget militaire (1993) : 15,3 % du P.I.B.

(Président) : Saddam Husayn (chef du gouvernement depuis 1994), depuis 1979 Accroissement naturel (1995- 2000) : 29,9 ‰

IRLANDE

Capitale : Dublin Superficie : 70 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 3 565 000 (les Irlandais) soit 51 hab./km 2 Monnaie : livre irlandaise Taux de change officiel (1996) : 827,150 FF pour 100 unités Langues officielles : anglais, gaélique

Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Mary Robinson, depuis 1990 Chef du gouvernement (Premier ministre) : John Bruton, depuis 1994

Accroissement naturel (1995- 2000) : 6,3 ‰ P.I.B. (1995) : 60,1 milliards de $ soit 16 694 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 13 550 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 8 % pour l’agriculture, 9 % pour l’industrie, 83 % pour les services

Taux de croissance annuelle (1995) : 10,2 % Taux d’inflation (1995) : 2,5 % Exportations (1995) : 43 319 mil- lions de $

Importations (1995) : 30 194 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : – 435 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 13 125 millions de $ Population active occupée (1993) : 12,7 % dans le secteur primaire, 27,7 % dans le secteur secondaire, 59,6 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1991) : 32,2 % Chômeurs et inactifs (1996) : 12 % de la population active totale Dépenses de santé (1990) : 7,1 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1,2 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 12 700 hommes

ISLANDE

Capitale : Reykjavik Superficie : 103 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 271 000 (les Islandais) soit 3 hab./ km 2

Monnaie : couronne islandaise Taux de change officiel (1996) : 7,690 FF pour 100 unités Langue officielle : islandais Religion principale : protestantisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Olafur Ragnar Grimsson, depuis juin 1996

Chef du gouvernement (Premier ministre) : David Oddsson, depuis 1991

Accroissement naturel (1995- 2000) : 9,8 ‰ P.I.B. (1995) : 7 milliards de $ soit 26 415 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 24 630 $ Taux de croissance annuelle (1995) : 2 % Budget militaire (1995) : 1,3 % du P.I.B.

ISRAËL

Capitale : Jérusalem (selon la Knesset) Superficie : 21 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 5 759 000 (les Israéliens) soit 274 hab./km 2 Monnaie : shekel Taux de change officiel (1996) : 160,610 FF pour 100 unités Langues officielles : hébreu, arabe Religions principales : judaïsme, islam Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Ezer Weizman, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Benyamin Netanyahou, depuis juin 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 13,1 ‰ P.I.B. (1994) : 77,78 milliards de $ soit 14 403 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 15 300 $ Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1994) : 6,5 % Budget militaire (1995) : 8,4 % du P.I.B.

ITALIE

Capitale : Rome Superficie : 301 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 57 218 000 (les Italiens) soit 190 hab./km 2 Monnaie : lire Taux de change officiel (1996) : 0,339 FF pour 100 unités Langue officielle : italien Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Oscar Luigi Scalfaro, depuis 1992 Chef du gouvernement (Président du Conseil) : Romano Prodi, depuis mai 1996 downloadModeText.vue.download 566 sur 602

STATISTIQUES

565

Accroissement naturel (1995- 2000) : – 0,3 ‰ P.I.B. (1995) : 1 091,1 milliards de $ soit 18 910 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 18 460 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 3 % pour l’agriculture, 31 % pour l’industrie, 66 % pour les services Taux de croissance annuelle (1993) : – 1,5 % Taux d’inflation (1995) : 5,3 % Exportations (1995) : 231 336 mil- lions de $

Importations (1995) : 187 254 mil- lions de $ Balance commerciale (1995) : 44 082 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 25 704 millions de $ Population active occupée (1995) : 8,4 % dans le secteur primaire, 32,9 % dans le secteur secondaire, 58,7 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1995) : 37,3 % Chômeurs et inactifs (1996) : 12,2 % de la population active totale

Dépenses de santé (1990) : 7,5 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1,4 %

Nombre d’habitants (1996) : 2 465 000 (les Jamaïquains) soit 216 hab./km 2 Monnaie : dollar jamaïquain Taux de change officiel (1996) : 14,780 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire du P.I.B.

Forces armées (1995) : 325 150 hommes

JAMAÏQUE

Capitale : Kingston Superficie : 11 425 km 2

Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par Howard F. H Cooke, gouverneur général depuis 1973 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Percival Patterson, depuis 1992 Accroissement naturel (1995- 2000) : 13,3 ‰ P.I.B. (1994) : 4,24 milliards de $ soit 1 696 $ par hab. P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 3 400 $

Dette extérieure (1994) : 4 318 millions de $ dont 30,6 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 1,2 % Budget militaire (1995) : 0,7 % du P.I.B.

JAPON

Capitale : Tokyo Superficie : 373 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 125 382 000 (les Japonais) soit 336 hab./km 2 Monnaie : yen Taux de change officiel (1996) : 4,633 FF pour 100 unités Langue officielle : japonais Religions principales : shintoïsme, bouddhisme Nature du régime : monarchie constitutionnelle (empire), régime parlementaire Chef de l’État (Empereur) : Aki- hito, depuis 1989 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Ryutaro Hashimoto, depuis janvier 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 2,2 ‰ P.I.B. (1995) : 4 960,7 milliards de $ soit 39 622 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A (1994) : 21 140 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 2 % pour l’agriculture, 40 % pour l’industrie, 58 % pour les services

Taux de croissance annuelle (1993) : 0,1 % Taux d’inflation (1995) : – 0,1 % Exportations (1994) : 384 180 mil- lions de $

Importations (1994) : 238 250 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : 145 930 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 111 250 millions de $ Population active occupée (1995) : 5,7 % dans le secteur primaire, 33,7 % dans le secteur secondaire, 60,6 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1995) : 40,5 % Chômeurs et inactifs : n.d.

Dépenses de santé (1990) : 6,5 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 235 500 hommes

JORDANIE

Capitale : Amman Superficie : 92 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 5 654 000 (les Jordaniens) soit 61 hab./km 2 Monnaie : dinar jordanien Taux de change officiel (1996) : 730,440 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : monarchie constitutionnelle, régime parlementaire Chef de l’État (Roi) : Husayn, depuis 1952 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Abd al-Karim Karabiti, depuis février 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 32,7 ‰ P.I.B. (1994) : 6,11 milliards de $ soit 1 526 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 4 100 $ downloadModeText.vue.download 567 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

566

Dette extérieure (1994) : 7 051 millions de $ dont 40,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 6,4 % Budget militaire (1995) : 6,7 % du P.I.B.

K A Z A K H S TA N

Capitale : Alma-Ata Superficie : 2 717 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 17 209 000 (les Kazakhs) soit 6 hab./km 2 Monnaie : tenge Taux de change officiel (1996) : 7,440 FF pour 100 unités Langue officielle : kazakh Religion principale : islam Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État (Président) : Nour- soultan Nazarbaïev, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Akejan Kojegueldine, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 11,3 ‰ P.I.B. (1994) : 18,17 milliards de $ soit 1 081 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 810 $

Dette extérieure (1994) : 2 704 millions de $ dont 0,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 12,9 % Budget militaire (1995) : 1,8 % du P.I.B.

KENYA

Capitale : Nairobi Superficie : 583 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 29 137 000 (les Kenyans) soit 50 hab./km 2 Monnaie : shilling du Kenya Taux de change officiel (1996) : 9,220 FF pour 100 unités

Langue officielle : swahili Religions principales : catholi- cisme, protestantisme, animisme Nature du régime : république, membre du Commonwealth, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Daniel arap Moi, depuis 1978 Accroissement naturel (1995- 2000) : 31 ‰ P.I.B. (1994) : 6,86 milliards de $ soit 264 $par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 310 $

Dette extérieure (1994) : 7 273 millions de $ dont 49,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 5,2 % Budget militaire (1995) : 1,4 % du P.I.B.

K I R G H I Z I S TA N

Capitale : Bichkek Superficie : 199 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 4 823 000 (les Kirghiz) soit 24 hab./km 2 Monnaie : som Taux de change officiel : n.d.

Langue officielle : kirghiz Religion principale : islam Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Askar Akaïev, depuis 1991 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Apas Djoumagoulov, depuis 1993 Accroissement naturel (1995- 2000) : 19,3 ‰ P.I.B. (1994) : 2,67 milliards de $ soit 592 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 730 $

Dette extérieure (1994) : 441,3 millions de $ dont 23,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 16 %

Budget militaire (1995) : 0,9 % du P.I.B.

KIRIBATI

Capitale : Tarawa Superficie : 900 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 80 000 (les Kiribatiens) soit 89 hab./km 2 Monnaie : dollar australien Taux de change officiel (1996) : 409,230 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : protestan- tisme, catholicisme Nature du régime : république du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Teatao Teannaki, depuis 1991 Accroissement naturel (1991) : 21 ‰

P.N.B. (1994) : 0,057 milliard de $ soit 740 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1992) : 2,5 % Budget militaire : n.d.

KOWEÏT

Capitale : Koweït Superficie : 17 800 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 531 000 (les Koweïtiens) soit 86 hab./km 2 Monnaie : dinar koweïtien Taux de change officiel (1996) : 1 723,830 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : monarchie constitutionnelle (émirat), régime institutionnellement parlementaire Chef de l’État (Émir) : Djabir al- Ahmad al-Djabir al Sabah, depuis 1978 downloadModeText.vue.download 568 sur 602

STATISTIQUES

567

Chef du gouvernement (Premier ministre) : prince héritier Saad al-Abdallah al-Salim al-Sabah, depuis 1978 Accroissement naturel (1995- 2000) : 20,4 ‰ P.I.B. (1994) : 24,29 milliards de $ soit 15 181 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 24 730 $ Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1989) : 6,8 % Budget militaire (1995) : 10,6 % du P.I.B. LAOS

Capitale : Vientiane Superficie : 236 800 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 5 023 000 (les Laotiens) soit 21 hab./km 2 Monnaie : kip Taux de change officiel (1996) : 0,562 FF pour 100 unités Langue officielle : laotien Religion principale : bouddhisme Nature du régime : république, régime socialiste Chef de l’État (Président) : Nou- hak Phoumsavanh, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Khamtay Siphandone, depuis 1991 Accroissement naturel (1995- 2000) : 27,4 ‰ P.I.B. (1994) : 1,54 milliard de $ soit 328 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1992) : 157 $

Dette extérieure (1994) : 2 080 millions de $ dont 97 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 5,9 % Budget militaire (1995) : 6,3 % du P.I.B.

LESOTHO Capitale : Maseru

Superficie : 30 355 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 2 105 000 (les Lesothans) soit 69 hab./km 2 Monnaie : loti Taux de change officiel (1996) : 114 FF pour 100 unités Langues officielles : anglais, sotho Religions principales : catholi- cisme, protestantisme Nature du régime : n.d.

Chef de l’État (Roi) : Letsie III, depuis février 1996 Chef du gouvernement (Premier Ministre) : Ntsu Mokhehle, depuis 1994

Accroissement naturel (1995- 2000) : 26,3 ‰ P.I.B. (1994) : 0,89 milliard de $ soit 466 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 730 $

Dette extérieure (1994) : 600,1 millions de $ dont 66,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 6,2 % Budget militaire (1995) : 3,1 % du P.I.B.

LETTONIE

Capitale : Riga Superficie : 64 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 2 536 000 (les Lettons) soit 40 hab./km 2 Monnaie : lats Taux de change officiel (1996) : 931,80 FF pour 100 unités Langue officielle : letton Religions principales : protestan- tisme, catholicisme, orthodoxie Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Guntis Ulmanis, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Andris Shkele, depuis 1995

Accroissement naturel (1995- 2000) : – 2,1 ‰

P.I.B. (1994) : 5,82 milliards de $ soit 2 327 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 3 220 $

Dette extérieure (1994) : 363,9 millions de $ dont 31,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 9,5 % Budget militaire (1995) : 1,5 % du P.I.B.

LIBAN Capitale : Beyrouth Superficie : 10 400 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 3 084 000 (les Libanais) soit 297 hab./km 2 Monnaie : livre libanaise Taux de change officiel (1996) : 0,331 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religions principales : islam, christianisme Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Elias Hraoui, depuis 1989 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Rafic Hariri, depuis 1992

Accroissement naturel (1995- 2000) : 17,8 ‰ P.I.B. (1994) : 4,35 milliards de $ soit 1 106 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 1 961 millions de $ dont 8,7 % concessionnelle Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire (1995) : 4,4 % du P.I.B.

LIBERIA

Capitale : Monrovia Superficie : 110 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 3 140 000 (les Libériens) soit 29 hab./km 2 downloadModeText.vue.download 569 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

568

Monnaie : dollar libérien Taux de change officiel (1996) : 517,150 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : christia- nisme (protestantisme, divers), animisme Nature du régime : n.d.

Chef de l’État et du gouvernement (Président du Conseil d’État) : Ruth Sando Perry, depuis août 1996

Accroissement naturel (1995- 2000) : 31,9 ‰ P.I.B. (1992) : 1,03 milliard de $ soit 374 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A : n.d. Dette extérieure (1994) : 2 056 millions de $ dont 30 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1990) : – 1 % Budget militaire (1995) : 3,8 % du P.I.B.

LIBYE

Capitale : Tripoli Superficie : 1 760 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 5 593 000 (les Libyens) soit 3 hab./ km 2

Monnaie : dinar libyen Taux de change officiel (1996) : 1 454,710 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : république (Djamahiriyya), régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État (Leader-maître) : Muammar al-Kadhafi, depuis 1969

Chef du gouvernement (Secrétaire général du Comité général du peuple) : Abd al-Madjid al-Qaud, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 33,1 ‰ P.I.B. (1991) : 44,97 milliards de $ soit 9 551 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire (1994) : 9,6 % du P.I.B.

LIECHTENSTEIN

Capitale : Vaduz Superficie : 160 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 31 000 (les Liechtensteinois) soit 194 hab./km 2 Monnaie : franc suisse Taux de change officiel (1996) : 411,160 FF pour 100 unités Langue officielle : allemand Religion principale : catholicisme Nature du régime : monarchie constitutionnelle (principauté), régime parlementaire Chef de l’État (Prince) : Hans Adam II, depuis 1984 Chef du gouvernement (Chef du gouvernement) : Mario Frick, depuis 1993 Accroissement naturel (1993) : 8 ‰ P.I.B. : n.d.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d.

LITUANIE

Capitale : Vilnius Superficie : 65 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 3 696 000 (les Lituaniens) soit 57 hab./km 2 Monnaie : litas Taux de change officiel (1996) : 129,290 FF pour 100 unités Langue officielle : lituanien Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Algir- das Brazauskas, depuis 1993

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Laurynas Stankevicius Mindaugas, depuis février 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 1,4 ‰ P.I.B. (1994) : 5,22 milliards de $ soit 1 412 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 3 290 $

Dette extérieure (1994) : 438,2 millions de $ dont 17,7 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 16,2 % Budget militaire (1995) : 2,1 % du P.I.B.

LUXEMBOURG

Capitale : Luxembourg Superficie : 2 586 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 410 000 (les Luxembourgeois) soit 159 hab./km 2 Monnaie : franc luxembourgeois Taux de change officiel (1996) : 16,441 FF pour 100 unités Langues officielles : luxembour- geois, français, allemand Religion principale : catholicisme Nature du régime : monarchie constitutionnelle (grand-duché), régime parlementaire Chef de l’État (Grand-duc) : Jean, depuis 1964 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Jean-Claude Juncker, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : 2,6 ‰ P.I.B. (1995) : 16,8 milliards de $ soit 42 000 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 35 860 $

Origine du P.I.B. par secteur (1991) : 1 % pour l’agriculture, 34 % pour l’industrie, 65 % pour les services Taux de croissance annuelle (1992) : 2,8 % Taux d’inflation (1995) : 1,9 % downloadModeText.vue.download 570 sur 602

STATISTIQUES

569

Exportations : voir Belgique Importations : voir Belgique Balance commerciale : n.d.

Balance des paiements courants : n.d.

Population active occupée (1991) : 3,7 % dans le secteur primaire, 31,5 % dans le secteur secondaire, 64,8 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1991) : 35,6 % Chômeurs et inactifs (1996) : 3,1 % de la population active totale

Dépenses de santé : n.d.

Budget militaire (1995) : 0,8 % du P.I.B. Forces armées (1995) : 800 hommes

MACÉDOINE

Capitale : Skopje Superficie : 25 700 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 2 182 000 (les Macédoniens) soit 85 hab./km 2 Monnaie : denar Taux de change officiel (1996) : 12,760 FF pour 100 unités Langue officielle : macédonien Religion principale : orthodoxie Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Kiro Gligorov, depuis 1991 Chef du gouvernement (premier ministre) : Branko Crvenkovski, depuis 1992 Accroissement naturel (1995- 2000) : 7,6 ‰ P.I.B. (1994) : 1,68 milliard de $ soit 799 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 924 millions de $ dont 8,7 % concessionnelle Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire (1995) : 2,3 % du P.I.B.

MADAGASCAR

Capitale : Antananarivo Superficie : 587 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 15 236 000 (les Malgaches) soit 26 hab./km 2 Monnaie : franc malgache Taux de change officiel (1996) : 0,125 FF pour 100 unités Langues officielles : malgache, français

Religions principales : animisme, catholicisme, protestantisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Nor- bert Ratsirahonana (par intérim), depuis octobre 1996 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Norbert Ratsirahonana, depuis octobre 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 31,1 ‰ P.I.B. (1994) : 1,92 milliard de $ soit 146 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 640 $

Dette extérieure (1994) : 4 134 millions de $ dont 53,5 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 0,2 % Budget militaire (1995) : 0,8 % du P.I.B.

MALAISIE

Capitale : Kuala Lumpur Superficie : 330 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 20 581 000 (les Malaisiens) soit 62 hab./km 2 Monnaie : ringgit Taux de change officiel (1996) : 205,620 FF pour 100 unités Langue officielle : malais Religion principale : islam Nature du régime : monarchie constitutionnelle (fédération de sultanats), membre du Com- monwealth, régime parlementaire

Chef de l’État (Chef suprême) : Jaafar Abdul Rahman, depuis 1994 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Mahathir bin Moha- med, depuis 1981 Accroissement naturel (1995- 2000) : 20,4 ‰ P.I.B. (1994) : 70,63 milliards de $ soit 3 585 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 8 440 $

Dette extérieure (1994) : 24 767 millions de $ dont 13,5 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 8,7 % Budget militaire (1995) : 2,9 % du P.I.B.

MALAWI

Capitale : Lilongwe Superficie : 118 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 11 373 000 (les Malawites) soit 96 hab./km 2 Monnaie : kwacha Taux de change officiel (1996) : 33,770 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : protestan- tisme, catholicisme, animisme Nature du régime : république, membre du Commonwealth Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Bakili Muluzi, depuis 1994

Accroissement naturel (1995- 2000) : 27,8 ‰ P.I.B. (1994) : 1,3 milliard de $ soit 137 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 650 $

Dette extérieure (1994) : 2 015 millions de $ dont 85,4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 10,8 % Budget militaire (1995) : 0,8 % du P.I.B. downloadModeText.vue.download 571 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

570

P.I.B. (1994) : 1,87 milliard de $ soit 197 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 520 $

Dette extérieure (1994) : 2 781 millions de $ dont 92,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 0,7 % Budget militaire (1995) : 1,9 % du P.I.B.

MALDIVES

Capitale : Malé Superficie : 300 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 263 000 (les Maldiviens) soit 877 hab./km 2 Monnaie : rufiyaa Taux de change officiel : n.d.

Langue officielle : divehi Religion principale : islam Nature du régime : république du Commonwealth, régime parle- mentaire, président élu au suffrage direct

Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Maumoon Abdul Gayoom, depuis 1978 Accroissement naturel (1995- 2000) : 31,2 ‰ P.N.B. (1994) : 0,233 milliard de $ soit 950 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 126,8 millions de $ dont 80,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 6,2 % Budget militaire : n.d.

MALI Capitale : Bamako Superficie : 1 240 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 11 134 000 (les Maliens) soit 9 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A.

Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langue officielle : français Religions principales : islam, animisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Alpha Oumar Konaré, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Ibrahima Boubakar Keita, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 30,3 ‰

MALTE

Capitale : La Valette Superficie : 316 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 368 000 (les Maltais) soit 1 165 hab./km 2 Monnaie : livre maltaise Taux de change officiel (1996) : 1 425,440 FF pour 100 unités Langues officielles : anglais, maltais

Religion principale : catholicisme Nature du régime : république du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Ugo Mifsud Bonnici, depuis 1994 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Eddie Fenech Adami, depuis 1987 Accroissement naturel (1995- 2000) : 5,9 ‰ P.I.B. (1993) : 2,44 milliards de $ soit 6 766 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 806,6 millions de $ dont 14,4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1992) : 4,3 % Budget militaire (1995) : 1,1 % du P.I.B.

MAROC

Capitale : Rabat Superficie : 710 000 km 2

Nombre d’habitants (1996) : 27 563 000 (les Marocains) soit 39 hab./km 2 Monnaie : dirham Taux de change officiel (1996) : 58,770 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : monarchie constitutionnelle, régime institu- tionnellement parlementaire Chef de l’État (Roi) : Hassan II, depuis 1961 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Abdellatif Filali, depuis 1994

Accroissement naturel (1995- 2000) : 18,4 ‰ P.I.B. (1994) : 30,8 milliards de $ soit 1 167 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 3 470 $

Dette extérieure (1994) : 22 512 millions de $ dont 28,5 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 1,1 % Budget militaire (1995) : 3,7 % du P.I.B.

MARSHALL ÎLES

Capitale : Majuro Superficie : 181 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 55 000 (les Marshallais) soit 304 hab./km 2 Monnaie : dollar des États-Unis Taux de change officiel (1996) : 517,150 FF pour 100 unités Langues officielles : marshallais, anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Amata Kabua, depuis 1986

Accroissement naturel (1993) : 34 ‰ downloadModeText.vue.download 572 sur 602

STATISTIQUES

571

P.I.B. (1994) : 0,088 milliard de $ soit 1 640 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d.

MAURICE

Capitale : Port-Louis Superficie : 2 040 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 129 000 (les Mauriciens) soit 553 hab./km 2 Monnaie : roupie mauricienne Taux de change officiel (1996) : 25,050 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : hin- douisme, catholicisme, islam Nature du régime : république du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Cassam Uteem, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Navin Ramgoolam, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : 12,8 ‰ P.I.B. (1994) : 3,39 milliards de $ soit 3 077 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 12 720 $ Dette extérieure (1994) : 1 355 millions de $ dont 31,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 5,4 % Budget militaire (1995) : 3,3 % du P.I.B.

MAURITANIE

Capitale : Nouakchott Superficie : 1 080 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 2 333 000 (les Mauritaniens) soit 2 hab./km 2 Monnaie : ouguiya

Taux de change officiel (1996) : 3,760 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : république islamique, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Ould Sid Ahmed Taya, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Cheikh El Avia Ould Mohamed Khouna, depuis janvier 1996

Accroissement naturel (1995- 2000) : 25,2 ‰ P.I.B. (1994) : 1,03 milliard de $ soit 467 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 570 $

Dette extérieure (1994) : 2 326 millions de $ dont 74,8 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 5,3 % Budget militaire (1995) : 2,5 % du P.I.B. MEXIQUE

Capitale : Mexico Superficie : 1 970 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 95 470 000 (les Mexicains) soit 48 hab./km 2 Monnaie : peso mexicain Taux de change officiel (1996) : 68,430 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république fédérale, régime institutionnelle- ment présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Ernesto Zedillo, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 19,7 ‰ P.I.B. (1995) : 234,8 milliards de $ soit 2 506 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 7 040 $

Dette extérieure (1994) :

128 302 millions de $ dont 1,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : – 7 % Budget militaire (1995) : 0,9 % du P.I.B.

MICRONÉSIE

Capitale : Palikir Superficie : 707 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 128 000 (les Micronésiens) soit 181 hab./km 2 Monnaie : dollar des États-Unis Taux de change officiel (1995) : 491,450 FF pour 100 unités Langue officielle : n.d.

Religion principale : christianisme Nature du régime : république fédérale, régime parlementaire Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Bailey Olter, depuis 1991

Accroissement naturel (1995- 2000) : 26 ‰ P.N.B./hab. valeur P.P.A : n.d.

Dette extérieure : n.d. Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d.

MOLDAVIE

Capitale : Chişinaŭ Superficie : 34 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 4 446 000 (les Moldaves) soit 131 hab./km 2 Monnaie : leu Taux de change officiel (1996) : 111,910 FF pour 100 unités Langue officielle : roumain Religion principale : orthodoxie Nature du régime : n.d.

Chef de l’État (Président) : Petru Lucinschi, depuis décembre 1996 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Andrei Sangheli, depuis 1991 Accroissement naturel (1995- 2000) : 4,9 ‰ downloadModeText.vue.download 573 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

572

P.I.B. : n.d.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1993) : 2 870 $

Dette extérieure (1994) : 491,7 millions de $ dont 16,4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 14 % Budget militaire (1995) : 0,8 % du P.I.B.

MONACO

Capitale : Monaco Superficie : 2 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 32 000 (les Monégasques) soit 16 000 hab./km 2 Monnaie : franc français Taux de change officiel : n.d.

Langue officielle : français Religion principale : catholicisme Nature du régime : principauté, régime parlementaire Chef de l’État (Prince) : Rai- nier III, depuis 1949 Chef du gouvernement (Ministre d’État) : Paul Dijoud, depuis 1994 Accroissement naturel : n.d.

P.I.B. (1982) : 0,28 milliard de $ soit 11 350 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d.

MONGOLIE

Capitale : Oulan-Bator Superficie : 1 565 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 2 458 000 (les Mongols) soit 2 hab./km 2 Monnaie : tugrik Taux de change officiel (1996) : 0,970 FF pour 100 unités Langue officielle : khalkha Religion principale : bouddhisme Nature du régime : république, régime en voie de démocratisation

Chef de l’État (Président du prae- sidium de l’Assemblée populaire) : Punsalmaagiyn Otshirbat, depuis 1990

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Mendsayhany Enk- sayhan, depuis juillet 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 19,8 ‰ P.I.B. (1994) : 0,74 milliard de $ soit 309 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1993) : 2 020 $

Dette extérieure (1994) : 443 millions de $ dont 58,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 1,6 % Budget militaire (1995) : 2,4 % du P.I.B.

MOZAMBIQUE

Capitale : Maputo Superficie : 785 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 16 537 000 (les Mozambicains) soit 21 hab./km 2 Monnaie : metical Taux de change officiel (1996) : 0,045 FF pour 100 unités Langue officielle : portugais Religions principales : animisme, catholicisme Nature du régime : république, membre du Commonwealth Chef de l’État (Président) : Joa- quim Chissano, depuis 1986 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Pascoal Mocumbi, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 25 ‰ P.I.B. (1994) : 1,47 milliard de $ soit 95 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 860 $

Dette extérieure (1994) : 5 491 millions de $ dont 51,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 18,6 %

Budget militaire (1995) : 5,7 % du P.I.B.

NAMIBIE

Capitale : Windhoek Superficie : 825 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 580 000 (les Namibiens) soit 2 hab./km 2 Monnaie : dollar namibien Taux de change officiel (1996) : 114 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : république du Commonwealth, régime présidentiel Chef de l’État (Président) : Sam Nujoma, depuis 1990 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Hage Geingob, depuis 1990

Accroissement naturel (1995- 2000) : 25,9 ‰ P.I.B (1994) : 2,88 milliards de $ soit 1 923 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 4 320 $ Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1994) : 5,5 % Budget militaire (1995) : 2,1 % du P.I.B.

NAURU Capitale : Yaren Superficie : 21 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 11 000 (les Nauruans) soit 524 hab./km 2 Monnaie : dollar australien Taux de change officiel (1996) : 409,230 FF pour 100 unités Langues officielles : nauruan, anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : république associée au Commonwealth, régime parlementaire downloadModeText.vue.download 574 sur 602

STATISTIQUES

573

Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Bernard Dowiyogo, depuis 1989 Accroissement naturel : n.d.

P.N.B. (1993) : 0,110 milliard de $ soit 12 000 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d.

NÉPAL

Capitale : Katmandou Superficie : 140 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 22 484 000 (les Népalais) soit 161 hab./km 2 Monnaie : roupie népalaise Taux de change officiel (1996) : 9,110 FF pour 100 unités Langue officielle : népalais Religion principale : hindouisme Nature du régime : monarchie constitutionnelle, régime parlementaire Chef de l’État (Roi) : Birendra Bir Bikram, depuis 1972 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Sher Bahadur Deuba, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : 25 ‰ P.I.B. (1994) : 4,05 milliards de $ soit 194 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 230 $

Dette extérieure (1994) : 2 320 millions de $ dont 92,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 11,1 % Budget militaire (1995) : 1 % du P.I.B.

NICARAGUA Capitale : Managua Superficie : 148 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 4 584 000 (les Nicaraguayens) soit 31 hab./km 2

Monnaie : cordoba oro Taux de change officiel (1996) : 59,630 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Violeta Barrios de Chamorro, depuis 1990 Accroissement naturel (1995- 2000) : 30,6 ‰ P.I.B. (1994) : 1,83 milliard de $ soit 436 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 800 $

Dette extérieure (1994) : 11 019 millions de $ dont 32,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 4,2 % Budget militaire (1995) : 1,8 % du P.I.B.

NIGER

Capitale : Niamey Superficie : 1 267 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 9 465 000 (les Nigériens) soit 7 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A.

Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langue officielle : français Religion principale : islam Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Ibrahim Barré Maïnassara, depuis juillet 1996 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Boukari Adji, depuis février 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 33,1 ‰ P.I.B. (1994) : 1,54 milliard de $ soit 177 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 770 $

Dette extérieure (1994) : 1 570 millions de $ dont 64 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 1,4 % Budget militaire (1995) : 1,2 % du P.I.B.

NIGERIA

Capitale : Abuja Superficie : 924 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 115 020 000 (les Nigérians) soit 124 hab./km 2 Monnaie : naira Taux de change officiel (1996) : 23,510 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : christia- nisme (protestantisme, catholi- cisme, Églises indigènes), islam Nature du régime : république fédérale, membre du Com- monwealth, régime autoritaire (militaire) Suspendu du Commonwealth depuis l’exécution de l’opposant Ken Saro Wiwa Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Sani Abacha, depuis 1993

Accroissement naturel (1995- 2000) : 28,4 ‰ P.I.B. (1994) : 35,2 milliards de $ soit 326 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 190 $

Dette extérieure (1994) : 33 485 millions de $ dont 4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 1,3 % Budget militaire (1995) : 0,5 % du P.I.B.

NORVÈGE Capitale : Oslo Superficie : 325 000 km 2 downloadModeText.vue.download 575 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

574

Dépendances : Jan Mayen, Svalbard Nombre d’habitants (1996) : 4 356 000 (les Norvégiens) soit 13 hab./km 2 Monnaie : couronne norvégienne Taux de change officiel (1996) : 79,410 FF pour 100 unités Langue officielle : norvégien Religion principale : protestantisme Nature du régime : monarchie constitutionnelle, régime parlementaire Chef de l’État (Roi) : Harald V, depuis 1991 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Thorbjoern Jagland, depuis octobre 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 3,4 ‰ P.I.B. (1995) : 147,7 milliards de $ soit 34 349 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 20 210 $ Taux de croissance annuelle (1995) : 5,4 % Budget militaire (1995) : 2,6 % du P.I.B.

NOUVELLE ZÉLANDE

Capitale : Wellington Superficie : 270 000 km 2 Dépendances : Îles Cook, Niue, Tokelau

Nombre d’habitants (1996) : 3 616 000 (les Néo-Zélandais) soit 13 hab./km 2 Monnaie : dollar néo-zélandais Taux de change officiel (1996) : 361,310 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : protestan- tisme, catholicisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par Dame Cathérine Tizard, gouver- neur général depuis 1990

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Jim Bolger, depuis 1990 Accroissement naturel (1995- 2000) : 7,8 ‰ P.I.B. (1995) : 59,2 milliards de $ soit 16 914 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 15 870 $ Taux de croissance annuelle (1992) : 0,8 % Budget militaire (1995) : 1 % du P.I.B.

OMAN

Capitale : Mascate Superficie : 212 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 2 251 000 (les Omanais) soit 11 hab./km 2 Monnaie : rial omanais Taux de change officiel (1996) : 1 344,990 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : monarchie (sultanat), régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État et du gouvernement (Sultan) : Qabus ibn Said, depuis 1970

Accroissement naturel (1995- 2000) : 37,5 ‰ P.I.B. (1994) : 11,63 milliards de $ soit 5 537 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 8 590 $ Dette extérieure (1994) : 3 085 millions de $ dont 16,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 7 % Budget militaire (1995) : 14,2 % du P.I.B.

OUGANDA

Capitale : Kampala Superficie : 237 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 21 963 000 (les Ougandais) soit 93 hab./km 2

Monnaie : shilling ougandais Taux de change officiel (1996) : 0,477 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : catholi- cisme, anglicanisme, animisme Nature du régime : république, membre du Commonwealth, régime a pouvoir exécutif fort (militaire) Chef de l’État (Président) : Yoweri Museveni, depuis 1986 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Kintu Musoke, depuis septembre 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 29 ‰ P.I.B. (1994) : 4 milliards de $ soit 215 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 410 $

Dette extérieure (1994) : 3 473 millions de $ dont 71,5 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 7,3 % Budget militaire (1995) : 1,8 % du P.I.B.

OUZBÉKISTAN

Capitale : Tachkent Superficie : 447 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 23 342 (MX) (les Ouzbeks) soit 52 hab./km 2 Monnaie : soum Taux de change officiel : n.d.

Langue officielle : ouzbek Religion principale : islam Nature du régime : république, régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État (Président) : Islam Karimov, depuis 1991 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Abdoulkhachim Mou- talov, depuis 1992 Accroissement naturel (1995- 2000) : 22,7 ‰ P.I.B. (1994) : 21,51 milliards de $ soit 960 $ par hab. downloadModeText.vue.download 576 sur 602

STATISTIQUES

575

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 370 $

Dette extérieure (1994) : 1 156 millions de $ dont 12,4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 2,4 % Budget militaire (1995) : 2,9 % du P.I.B.

PA K I S TA N

Capitale : Islamabad Superficie : 803 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 144 517 000 (les Pakistanais) soit 180 hab./km 2 Monnaie : roupie pakistanaise Taux de change officiel (1996) : 13,950 FF pour 100 unités Langues officielles : ourdou, anglais

Religion principale : islam Nature du régime : république islamique fédérale, membre du Commonwealth, régime institu- tionnellement parlementaire Chef de l’État (Président) : Farooq Leghari, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Benazir Bhutto, depuis 1993

Accroissement naturel (1995- 2000) : 29,5 ‰ P.I.B. (1994) : 52,01 milliards de $ soit 412 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 130 $ Dette extérieure (1994) : 29 579 millions de $ dont 52,5 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 4 % Budget militaire (1995) : 6,5 % du P.I.B.

PALAU

Capitale : Koror Superficie : 487 km 2

Nombre d’habitants (1994) : 15 000 (les Palauans) soit 31 hab./ km 2

Monnaie : dollar des États-Unis Taux de change officiel (1995) : 491,450 FF pour 100 unités Langue officielle : palauan et anglais

Religion principale : christianisme Nature du régime : n.d.

Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Kuniwo Nakamura, depuis 1993 Accroissement naturel : n.d.

P.I.B. (1994) : 0,08 milliard de $ soit 5 400 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d.

PANAMÁ

Capitale : Panamá Superficie : 77 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 2 677 000 (les Panaméens) soit 35 hab./km 2 Monnaie : balboa Taux de change officiel (1996) : 517,150 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Ernesto Pérez Balla- dares, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 17,4 ‰ P.I.B. (1994) : 6,98 $ milliards de $ soit 2 683 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 5 730 $

Dette extérieure (1994) : 7 107 millions de $ dont 6,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 4,7 % Budget militaire (1995) : 1,2 % du P.I.B.

PAPOUASIE NOUVELLE GUINÉE

Capitale : Port Moresby Superficie : 463 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 4 400 000 (les Papouans-Néo-Gui- néens) soit 10 hab./km 2 Monnaie : kina Taux de change officiel (1996) : 388,890 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : animisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par Wiwa Korowi, gouverneur général depuis 1991 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Julius Chan, depuis 1994

Accroissement naturel (1995- 2000) : 22,3 ‰ P.I.B. (1994) : 5,4 milliards de $ soit 1 286 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A (1994) : 2 680 $

Dette extérieure (1994) : 2 878 millions de $ dont 29,4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 17,5 % Budget militaire (1995) : 0,9 % du P.I.B.

PARAGUAY

Capitale : Asunci¢n Superficie. 407 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 5 090 000 (les Paraguayens) soit 13 hab./km 2 Monnaie : guarani Taux de change officiel (1996) : 0,248 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement downloadModeText.vue.download 577 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

576

(Président) : Juan Carlos Was- mosy, depuis 1993 Accroissement naturel (1995- 2000) : 24,7 ‰ P.I.B. (1994) : 7,83 milliards de $ soit 1 630 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 3 550 $

Dette extérieure (1994) : 1 979 millions de $ dont 38,7 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 3,7 % Budget militaire (1995) : 1,4 % du P.I.B.

PAYSBAS Capitales : Amsterdam, La Haye (siège des pouvoirs publics et de la Cour) Superficie : 34 000 km 2 Dépendances : Aruba, Antilles Néerlandaises (partie de Saint-Martin) Nombre d’habitants (1996) : 15 603 000 (les Néerlandais) soit 459 hab./km 2 Monnaie : florin Taux de change officiel (1996) : 301,740 FF pour 100 unités Langue officielle : néerlandais Religions principales : catholi- cisme, protestantisme Nature du régime : monarchie constitutionnelle, régime parlementaire Chef de l’État (Reine) : Béatrice (Beatrix), depuis 1980 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Wim Kok, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 3,5 ‰ P.I.B. (1995) : 396,9 milliards de $ soit 25 606 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 18 750 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 3 % pour l’agriculture, 27 % pour l’industrie, 70 % pour les services

Taux de croissance annuelle (1995) : 2,3 % Taux d’inflation (1995) : 1,9 % Exportations (1995) : 173 302 mil- lions de $

Importations (1995) : 154 022 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : 14 416 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 16 191 millions de $ Population active occupée (1994) : 4,1 % dans le secteur primaire, 23,4 % dans le secteur secondaire, 72,5 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1994) : 41,1 % Chômeurs et inactifs (1996) : 6,6 % de la population active totale

Dépenses de santé (1990) : 7,9 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 2,1 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 63 100 hommes

PÉROU

Capitale : Lima Superficie : 1 285 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 24 233 000 (les Péruviens) soit 19 hab./km 2 Monnaie : nouveau sol Taux de change officiel (1996) : 206,160 FF pour 100 unités Langues officielles : espagnol, quechua

Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Alberto Fujimori, depuis 1990 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Alberto Pandolfi Arbulu, depuis avril 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 19,2 ‰ P.I.B. (1994) : 50,08 milliards de $ soit 2 158 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 3 610 $

Dette extérieure (1994) : 22 624 millions de $ dont 23,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 13 % Budget militaire (1995) : 1,3 % du P.I.B.

PHILIPPINES

Capitale : Manille Superficie : 300 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 68 976 000 (les Philippins) soit 230 hab./km 2 Monnaie : peso philippin Taux de change officiel (1996) : 19,710 FF pour 100 unités Langue officielle : tagal Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Fidel Ramos, depuis 1992

Accroissement naturel (1995- 2000) : 22,3 ‰ P.I.B. (1994) : 64,16 milliards de $ soit 958 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 740 $

Dette extérieure (1994) : 39 302 millions de $ dont 28,7 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 4,8 % Budget militaire (1995) : 1,4 % du P.I.B.

POLOGNE

Capitale : Varsovie Superficie : 313 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 38 448 000 (les Polonais) soit 123 hab./km 2 Monnaie : zloty Taux de change officiel (1996) : 184,110 FF pour 100 unités downloadModeText.vue.download 578 sur 602

STATISTIQUES

577

Langue officielle : polonais Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Alek- sander Kwasniewski, depuis 1995 Chef du gouvernement (Pre- mier ministre) : Wlodzimierz Cimoszewicz, depuis février 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 2,8 ‰ P.I.B. (1994) : 92,58 milliards de $ soit 2 405 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 5 480 $

Dette extérieure (1994) : 42 160 millions de $ dont 25,5 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 3,6 % Chômeurs et inactifs (1996) : 12,5 % de la population active totale

Budget militaire (1995) : 2,4 % du P.I.B.

PORTUGAL

Capitale : Lisbonne Superficie : 92 000 km 2 Dépendances : Macao Nombre d’habitants (1996) : 9 818 000 (les Portugais) soit 107 hab./km 2 Monnaie : un escudo Taux de change officiel (1996) : 3,325 FF pour 100 unités Langue officielle : portugais Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Jorge Sampaio, depuis mars 1996 Chef du gouvernement (Premier ministre) : António Guterres, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : 1,3 ‰ P.I.B. (1995) : 103,2 milliards de $ soit 10 424 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 11 970 $

Origine du P.I.B. par secteur (1991) : 5 % pour l’agriculture, 38 % pour l’industrie, 57 % pour les services Dette extérieure (1993) : 36 942,3 millions de $ dont 3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 1,2 % Taux d’inflation (1995) : 4,1 % Exportations (1994) : 18 492 mil- lions de $

Importations (1994) : 25 222 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : – 6 730 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : – 229 millions de $ Population active occupée (1994) : 11,5 % dans le secteur primaire, 32,8 % dans le secteur secondaire, 55,7 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1993) : 44,7 % Chômeurs et inactifs (1996) : 7,2 % de la population active totale

Dépenses de santé (1990) : 7 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1,9 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 54 200 hommes

Q ATA R

Capitale : al-Dawha Superficie : 11 400 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 562 000 (les Qatariens) soit 49 hab./km 2 Monnaie : riyal du Qatar Taux de change officiel (1996) : 142,070 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : monarchie constitutionnelle (émirat), régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État et du gouvernement (Émir) : Ahmad ibn Khalifa al- Thani, depuis 1995

Accroissement naturel (1995- 2000) : 15,2 ‰ P.I.B. (1994) : 7,140 milliards de $ soit 12 750 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 19 100 $ Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire (1995) : 4,4 % du P.I.B.

ROUMANIE

Capitale : Bucarest Superficie : 237 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 22 770 000 (les Roumains) soit 96 hab./km 2 Monnaie : leu Taux de change officiel (1996) : 0,159 FF pour 100 unités Langue officielle : roumain Religion principale : orthodoxie Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Emil Constantinescu, depuis novembre 1996

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Victor Ciorbea, depuis novembre 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 0,1 ‰ P.I.B. (1994) : 30,09 milliards de $ soit 1 325 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 4 090 $

Dette extérieure (1994) : 5 492 millions de $ dont 5,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 1,2 % Budget militaire (1995) : 3,1 % du P.I.B. RUSSIE

Capitale : Moscou Superficie : 17 075 000 km 2 downloadModeText.vue.download 579 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

578

Nombre d’habitants (1996) : 146 677 000 (les Russes) soit 9 hab./km 2 Monnaie : rouble Taux de change officiel (1996) : 0,096 FF pour 100 unités Langue officielle : russe Religion principale : orthodoxie Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État (Président) : Boris Eltsine, depuis 1991 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Viktor Tchernomyr- dine, depuis 1992 Accroissement naturel (1995- 2000) : – 2,2 ‰ P.I.B. (1994) : 376,56 milliards de $ soit 2 539 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 4 610 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 7 % pour l’agriculture, 38 % pour l’industrie, 55 % pour les services Dette extérieure (1994) : 94 232 millions de $ dont 7 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 12 % Taux d’inflation (1995) : 197,4 % Exportations (1994) : 67 716 mil- lions de $

Importations (1994) : 48 003 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : 19 713 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 12 261 millions de $ Population active occupée (1990) : 12,5 % dans le secteur primaire, 37 % dans le secteur secondaire, 50,5 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1989) : 48,5 % Chômeurs et inactifs : n.d.

Dépenses de santé (1990) : 3 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 7,4 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 1 270 000 hommes

RWANDA

Capitale : Kigali Superficie : 26 338 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 8 160 000 (les Rwandais) soit 310 hab./km 2 Monnaie : franc rwandais Taux de change officiel (1996) : 1,680 FF pour 100 unités Langues officielles : français, rwanda, anglais Religions principales : catholi- cisme, animisme, protestantisme Nature du régime : république, institutions en cours d’élaboration Chef de l’État (Président) : Pasteur Bizimungu, depuis 1994 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Pierre-Célestin Rwi- gema, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : 25,8 ‰ P.I.B. (1994) : 0,59 milliard de $ soit 75 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 330 $

Dette extérieure (1994) : 954,3 millions de $ dont 94,5 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 10 % Budget militaire (1995) : 5,6 % du P.I.B.

SAINTELUCIE

Capitale : Castries Superficie : 616 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 144 000 (les Saint-Luciens) soit 234 hab./km 2 Monnaie : dollar des Caraïbes orientales Taux de change officiel (1996) : 191,540 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : catholicisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par Stanislaus A. James, gouverneur général depuis 1988

Chef du gouvernement (Premier ministre) : John Compton, depuis 1982

Accroissement naturel (1993) : 17 ‰

P.I.B. (1993) : 0,5 milliard de $ soit 3 491 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1993) : 101,3 millions de $ dont 63,5 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 3,6 % Budget militaire : n.d.

SAINTKITTS ETNEVIS

Capitale : Basseterre Superficie : 261 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 41 000 (les Kittitiens et Néviciens) soit 157 hab./km 2 Monnaie : dollar des Caraïbes orientales Taux de change officiel (1996) : 191,540 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : État fédéral du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par Clement A. Arrindell, gouverneur général depuis 1983 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Kennedy Alphonse Simmonds, depuis 1983 Accroissement naturel (1993) : 12 ‰

P.N.B. (1993) : 0,190 milliard de $ soit 4 410 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d. Dette extérieure (1993) : 42,6 millions de $ dont 86,6 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1992) : 3,5 % Budget militaire : n.d. downloadModeText.vue.download 580 sur 602

STATISTIQUES

579

SAINTMARIN

Capitale : Saint-Marin Superficie : 61 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 25 000 (les Saint-Marinais) soit 410 hab./km 2 Monnaie : lire Taux de change officiel (1996) : 0,339 FF pour 100 unités Langue officielle : italien Religion principale : catholicisme Nature du régime : république (deux capitaines-régents), régime parlementaire Chef de l’État et du gouvernement (capitaines-régents) : Gian Luigi Berti et Paride Andreoli Accroissement naturel (1987- 1991) : 3,3 ‰ P.I.B. : n.d.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d.

SAINT VINCENTETLES GRENADINES

Capitale : Kingstown Superficie : 388 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 113 000 (les Saint-Vincentais-et- Grenadins) soit 291 hab./km 2 Monnaie : dollar des Caraïbes orientales Taux de change officiel (1996) : 191,540 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par David Jack, gouverneur général depuis 1989 Chef du gouvernement (Premier ministre) : James MitChefl, depuis 1984

Accroissement naturel (1993) : 18 ‰

P.N.B. (1994) : 0,235 milliard de $ soit 2 140 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1993) : 86,2 millions de $ dont 92,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 1,4 % Budget militaire : n.d.

S A LO M O N  Î L E S 

Capitale : Honiara Superficie : 30 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 391 000 (les Salomonais) soit 13 hab./km 2 Monnaie : dollar des Îles Salomon Taux de change officiel (1996) : 143,830 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britannique) : Elisabeth II, repr. par Moses Pitakaka, gouverneur général depuis 1994 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Solomon Mamaloni, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 32 ‰ P.N.B. (1995) : 0,295 milliard de $ soit 810 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 165,1 millions de $ dont 51,5% concessionnelle Taux de croissance annuelle (1992) : 8,2 % Budget militaire : n.d. SALVADOR

Capitale : San Salvador Superficie : 21 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 5 897 000 (les Salvadoriens) soit 281 hab./km 2

Monnaie : colon salvadorien Taux de change officiel (1996) : 59,10 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Armando Calderón Sol, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 25 ‰ P.I.B. (1994) : 8,12 milliards de $ soit 1 449 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 410 $

Dette extérieure (1994) : 2 188 millions de $ dont 50,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 6,1 % Budget militaire (1995) : 1,1 % du P.I.B.

SAMOA OCCIDENTALES

Capitale : Apia Superficie : 2 842 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 174 000 (les Samoans) soit 61 hab./km 2 Monnaie : tala Taux de change officiel (1996) : 212,110 FF pour 100 unités Langues officielles : anglais, samoan Religion principale : protestantisme Nature du régime : monarchie, État du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Roi) : Malietoa Tanumafili II, depuis 1962 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Tofilau Eti Alesana, depuis 1988 Accroissement naturel (1995- 2000) : 30 ‰ P.N.B. (1994) : 0,164 milliard de $ soit 1 000 $ par hab. downloadModeText.vue.download 581 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

580

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 060 $

Dette extérieure (1994) : 154,8 millions de $ dont 99,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1992) : – 3,3 % Budget militaire : n.d.

SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE

Capitale : São Tomé Superficie : 964 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 135 000 (les Santoméens) soit 140 hab./km 2 Monnaie : dobra Taux de change officiel : n.d.

Langue officielle : portugais Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Miguel Trovoada, depuis 1991 Chef du gouvernement (Pre- mier ministre) : Armindo Vaz d’Almeida, depuis 1995 Accroissement naturel (1993) : 25 ‰

P.N.B. (1993) : 0,040 milliard de $ soit 350 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 252,1 millions de $ dont 82,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d.

SÉNÉGAL

Capitale : Dakar Superficie : 197 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 8 532 000 (les Sénégalais) soit 43 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A.

Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langue officielle : français

Religion principale : islam Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Abdou Diouf, depuis 1981 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Habib Thiam, depuis 1991

Accroissement naturel (1995- 2000) : 26,6 ‰ P.I.B. (1994) : 3,88 milliards de $ soit 468 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 580 $

Dette extérieure (1994) : 3 678 millions de $ dont 62,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 2 % Budget militaire (1995) : 1,5 % du P.I.B.

S E YC H E L L E S

Capitale : Victoria Superficie : 410 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 74 000 (les Seychellois) soit 180 hab./km 2 Monnaie : roupie des Seychelles Taux de change officiel (1996) : 102,440 FF pour 100 unités Langues officielles : anglais, créole, français

Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, membre du Commonwealth Chef de l’État et du gouvernement (Président) : France Albert René, depuis 1977 Accroissement naturel (1993) : 17 ‰

P.N.B. (1994) : 0,480 milliard de $ soit 6 680 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d. Dette extérieure (1994) : 170,1 millions de $ dont 52,6 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1992) : 2 %

Budget militaire (1995) : 2,6 % du P.I.B.

SIERRA LÉONE

Capitale : Freetown Superficie : 72 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 4 617 000 (les Sierra-Léonais) soit 64 hab./km 2 Monnaie : leone Taux de change officiel (1996) : 0,544 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : animisme, islam

Nature du régime : république, membre du Commonwealth, Pré- sident élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Ahmad Tejan Kabbah, depuis mars 1996 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Alusine Fofana, depuis 1993

Accroissement naturel (1995- 2000) : 23,4 ‰ P.I.B. (1994) : 0,84 milliard de $ soit 192 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 700 $

Dette extérieure (1994) : 1 392 millions de $ dont 38,8 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 2,4 % Budget militaire (1993) : 2,5 % du P.I.B.

SINGAPOUR

Capitale : Singapour Superficie : 618 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 2 874 000 (les Singapouriens) soit 4 650 hab./km 2 Monnaie : dollar de Singapour Taux de change officiel (1996) : 366,240 FF pour 100 unités Langues officielles : anglais, chinois, malais, tamoul downloadModeText.vue.download 582 sur 602

STATISTIQUES

581

Religion principale : taoïsme Nature du régime : république du Commonwealth, régime parle- mentaire, président élu au suffrage direct

Chef de l’État (Président) : Ong Teng Cheong, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Goh Chok Tong, depuis 1990 Accroissement naturel (1995- 2000) : 8,2 ‰ P.I.B. (1994) : 68,95 milliards de $ soit 23 776 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 21 900 $ Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1995) : 8,8 % Budget militaire (1995) : 4,9 % du P.I.B.

SLOVAQUIE

Capitale : Bratislava Superficie : 49 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 5 374 000 (les Slovaques) soit 110 hab./km 2 Monnaie : couronne slovaque Taux de change officiel (1996) : 16,670 FF pour 100 unités Langue officielle : slovaque Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État (président) : Michal Kováč, depuis 1993 Chef du gouvernement (premier ministre) : Vladimír Mečïar, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 4,2 ‰ P.I.B. (1994) : 12,37 milliards de $ soit 2 334 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1993) : 6 290 $ Dette extérieure (1994) : 4 067 millions de $ dont 1,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 7,3 %

Budget militaire (1995) : 2,5 % du P.I.B.

SLOVÉNIE

Capitale : Ljubljana Superficie : 20 200 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 948 000 (les Slovènes) soit 96 hab./km 2 Monnaie : tolar Taux de change officiel (1996) : 3,780 FF pour 100 unités Langue officielle : slovène Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Milan Kučan, depuis 1991 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Janez Drnovšek, depuis 1992

Accroissement naturel (1995- 2000) : – 0,1 ‰ P.I.B. (1994) : 14,04 milliards de $ soit 7 019 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 6 230 $

Dette extérieure (1994) : 2 290 millions de $ dont 1,6 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 4,8 % Budget militaire (1994) : 1,4 % du P.I.B.

SOMALIE

Capitale : Muqdisho Superficie : 638 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 9 484 000 (les Somaliens) soit 15 hab./km 2 Monnaie : shilling somalien Taux de change officiel (1996) : 0,086 FF pour 100 unités Langues officielles : somali, arabe Religion principale : islam Nature du régime : n.d. Chef de l’État (Président) : n.d.

Hussein Farad Aidid et Ali Mahdi Mohamed prétendent tous deux au pouvoir Chef du gouvernement (Premier ministre) : n.d.

Accroissement naturel (1995- 2000) : 30,7 ‰ P.I.B. (1992) : 0,879 milliard de $ soit 98 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1993) : 2 501,9 millions de $ dont 63,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1990) : – 1,6 % Budget militaire (1989) : 3 % du P.I.B.

SOUDAN

Capitale : Khartoum Superficie : 2 506 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 28 855 000 (les Soudanais) soit 12 hab./km 2 Monnaie : dinar soudanais Taux de change officiel (1996) : 3,520 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religions principales : islam, animisme Nature du régime : république islamique, régime autoritaire Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Umar Hasan al-Ba- chir, depuis mars 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 26,5 ‰ P.I.B. (1992) : 6,40 milliards de $ soit 246 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1993) : 16 561,7 millions de $ dont 28,4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1992) : 11,3 % Budget militaire (1994) : 3 % du P.I.B. downloadModeText.vue.download 583 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997 582

SRI LANKA

Capitale : Colombo Superficie : 66 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 18 584 000 (les Sri Lankais) soit 282 hab./km 2 Monnaie : roupie de Sri Lanka Taux de change officiel (1996) : 9,10 FF pour 100 unités Langues officielles : cinghalais, tamoul

Religions principales : boudd- hisme, hindouisme Nature du régime : république du Commonwealth, régime parle- mentaire, président élu au suffrage direct

Chef de l’État (Président) : Chan- drika Bandaranaike Kumaratunga, depuis 1994 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Sirimavo Bandara- naike, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 13,2 ‰ P.I.B. (1994) : 11,71 milliards de $ soit 654 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 3 160 $

Dette extérieure (1993) : 6 783,2 millions de $ dont 78,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 1,4 % Budget militaire (1995) : 4,6 % du P.I.B.

SUÈDE Capitale : Stockholm Superficie : 450 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 8 822 000 (les Suédois) soit 20 hab./km 2 Monnaie : couronne suédoise Taux de change officiel (1996) : 77,960 FF pour 100 unités Langue officielle : suédois Religion principale : protestantisme Nature du régime : monarchie constitutionnelle, régime parlementaire Chef de l’État (Roi) : Charles XVI Gustave, depuis 1973 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Göbran Persson, depuis mars 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 2,7 ‰ P.I.B. (1995) : 228,5 milliards de $ soit 25 674 $ par hab.

P.N B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 17 130 $

Origine du P.I.B. par secteur (1994) : 2 % pour l’agriculture, 30 % pour l’industrie, 68 % pour les services Taux de croissance annuelle (1994) : 2,1 % Taux d’inflation (1995) : 2,5 % Exportations (1995) : 79 183 mil- lions de $

Importations (1995) : 63 210 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : 9 583 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 4 633 millions de $ Population active occupée (1994) : 3,4 % dans le secteur primaire, 25 % dans le secteur secondaire, 71,6 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1994) : 48 % Chômeurs et inactifs (1996) : 7,9 % de la population active totale

Dépenses de santé (1990) : 8,8 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 2,6 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 62 600 hommes

SUISSE

Capitale : Berne Superficie : 41 293 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 7 269 000 (les Suisses) soit 176 hab./km 2 Monnaie : franc suisse Taux de change officiel (1996) : 411,160 FF pour 100 unités

Langues officielles : allemand, français, italien Religions principales : catholi- cisme, protestantisme Nature du régime : répu- blique confédérative, régime parlementaire Chef de l’État et du gouvernement (Président de la Confédération) : Jean-Pascal Delamuraz pour 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 3,3 ‰ P.I.B. (1995) : 306 milliards de $ soit 43 714 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 25 150 $

Origine du P.I.B. par secteur (1991) : 3 % pour l’agriculture, 45 % pour l’industrie, 52 % pour les services Taux de croissance annuelle (1990) : 1,8 % Taux d’inflation (1995) : 1,8 % Exportations (1994) : 82 625 mil- lions de $

Importations (1994) : 79 294 mil- lions de $ Balance commerciale (1994) : 3 331 millions de $ Balance des paiements courants (1995) : 18 425 millions de $ Population active occupée (1995) : 4,3 % dans le secteur primaire, 27,3 % dans le secteur secondaire, 68,4 % dans le secteur tertiaire Part des femmes dans la popula- tion active (1995) : 43,2 % Chômeurs et inactifs (1996) : 4,6 % de la population active totale

Dépenses de santé (1990) : 7,5 % du P.I.B.

Budget militaire (1995) : 1,7 % du P.I.B.

Forces armées (1995) : 3 300 hommes Sans compter les recrues

SURINAME

Capitale : Paramaribo Superficie : 163 265 km 2 downloadModeText.vue.download 584 sur 602 STATISTIQUES

583

Nombre d’habitants (1996) : 428 000 (les Surinamiens) soit 3 hab./km 2 Monnaie : florin de Suriname Taux de change officiel (1996) : 1,30 FF pour 100 unités Langue officielle : néerlandais Religions principales : catholi- cisme, protestantisme, islam Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État (Président) : Ronald Venetiaan, depuis 1991 Chef du gouvernement (Vice-Pré- sident et Premier ministre) : Jules Ajodhia, depuis 1991 Accroissement naturel (1995- 2000) : 16,2 ‰ P.I.B. (1993) : 0,42 milliard de $ soit 1 015 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1993) : – 2,8 % Budget militaire (1993) : 3,2 % du P.I.B.

SWAZILAND

Capitale : Mbabane Superficie : 17 363 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 879 000 (les Swazis) soit 51 hab./ km 2

Monnaie : lilangeni Taux de change officiel (1996) : 114 FF pour 100 unités Langues officielles : swazi, anglais Religions principales : protes- tantisme et Églises indigènes, animisme Nature du régime : monarchie, membre du Commonwealth, régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État (Roi) : Mswati III, depuis 1986 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Sibusiso Dlamini, depuis juillet 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 27,2 ‰ P.I.B (1994) : 1,010 milliard de $ soit 1 115 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1993) : 225,6 millions de $ dont 67,2 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 2,8 % Budget militaire : n.d.

SYRIE

Capitale : Damas Superficie : 185 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 15 167 000 (les Syriens) soit 82 hab./km 2 Monnaie : livre syrien Taux de change officiel (1996) : 46,070 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : république, régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État (Président) : Hafiz al-Asad, depuis 1971 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Mahmud al-Zubi, depuis 1987 Accroissement naturel (1995- 2000) : 33,9 ‰ P.I.B. (1991) : 17,24 milliards de $ soit 1 379 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1993) : 19 975,4 millions de $ dont 77,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1992) : 9,6 % Budget militaire (1995) : 6,8 % du P.I.B.

TADJIKISTAN

Capitale : Douchanbe Superficie : 143 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 6 271 000 (les Tadjiks) soit 44 hab./km 2 Monnaie : rouble tadjik Taux de change officiel : n.d.

Langue officielle : tadjik Religion principale : islam Nature du régime : république, régime a pouvoir exécutif fort Chef de l’État (Président) : Ima- moli Rakhmonov, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Iakhio Azimov, depuis février 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 27,9 ‰ P.I.B. (1994) : 2,01 milliards de $ soit 346 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 970 $

Dette extérieure (1994) : 594,4 millions de $ dont 4 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 17,3 % Budget militaire (1993) : 4,4 % du P.I.B.

TAÏWAN

Capitale : Taipei Superficie : 36 000 km 2 Nombre d’habitants (1995) : 21 200 000 (les Taïwanais) soit 589 hab./km 2 Monnaie : dollar de Taïwan Taux de change officiel (1996) : 18,770 FF pour 100 unités Langue officielle : chinois Religion principale : bouddhisme Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Lee Teng-hui, depuis 1988 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Lien Chan, depuis 1993 Accroissement naturel (1995) : 11 ‰

P.I.B. (1994) : 235 milliards de $ soit 11 190 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle (1991) : 6 % Budget militaire (1995) : 3,6 % du P.I.B. downloadModeText.vue.download 585 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

584 TANZANIE

Capitales : Dar es-Salaam, Capi- tale désignée Dodoma Superficie : 940 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 30 536 000 (les Tanzaniens) soit 32 hab./km 2 Monnaie : shilling tanzanien Taux de change officiel (1996) : 0,876 FF pour 100 unités Langues officielles : swahili, anglais

Religions principales : islam, catholicisme, animisme Nature du régime : république, membre du Commonwealth, régime parlementaire, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Benja- min Mkapa, depuis 1995 Chef du gouvernement (Vice- président et Premier ministre) : Frederick Tulway, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : 27,6 ‰ P.I.B. (1994) : 3,38 milliards de $ soit 117 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 620 $

Dette extérieure (1994) : 7 442 millions de $ dont 61 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 2,6 % Budget militaire (1995) : 1,5 % du P.I.B.

TCHAD Capitale : N’Djamena Superficie : 1 284 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 6 543 000 (les Tchadiens) soit 5 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A.

Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langues officielles : français, arabe Religions principales : islam, christianisme (catholicisme, pro- testantisme), animisme

Nature du régime : république, président élu au suffrage direct Chef de l’État (Président) : Idriss Déby, depuis juin 1996 Au pouvoir depuis 1990 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Koibla Djimasta, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : 25,3 ‰ P.I.B. (1994) : 0,91 milliard de $ soit 144 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 720 $

Dette extérieure (1994) : 816,2 millions de $ dont 80,8 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 2,9 % Budget militaire (1995) : 2,5 % du P.I.B.

TCHÈQUE RÉPUBLIQUE

Capitale : Prague Superficie : 79 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 10 302 000 (les Tchèques) soit 130 hab./km 2 Monnaie : couronne tchèque Taux de change officiel (1996) : 19,16 FF pour 100 unités Langue officielle : tchèque Religion principale : catholicisme Nature du régime : République, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Václav Havel, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Václav Klaus, depuis 1993

Accroissement naturel (1995- 2000) : 0,9 ‰ P.I.B. (1994) : 36,02 milliards de $ soit 3 497 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 8 900 $

Dette extérieure (1994) : 10 694 millions de $ dont 1 % concessionnelle

Taux de croissance annuelle (1995) : 4,8 % Budget militaire (1995) : 2,2 % du P.I.B.

THAÏLANDE Capitale : Bangkok Superficie : 514 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 59 414 000 (les Thaïlandais) soit 116 hab./km 2 Monnaie : baht Taux de change officiel (1996) : 20,30 FF pour 100 unités Langue officielle : thaï Religion principale : bouddhisme Nature du régime : monarchie, régime en voie de démocratisation Chef de l’État (Roi) : Rama IX (Bhumibol Adulyadej), depuis 1946

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Chovalith Yong- chaiyuth, depuis novembre 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 12,2 ‰ P.I.B. (1994) : 143,21 milliards de $ soit 2 469 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 6 970 $

Dette extérieure (1994) : 60 991 millions de $ dont 11,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 7,8 % Budget militaire (1995) : 2,5 % du P.I.B.

TOGO

Capitale : Lomé Superficie : 56 600 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 4 269 000 (les Togolais) soit 75 hab./km 2 Monnaie : franc C.F.A.

Taux de change officiel (1996) : 1 FF pour 100 unités Langue officielle : français downloadModeText.vue.download 586 sur 602

STATISTIQUES

585

Religions principales : animisme, catholicisme Nature du régime : république, régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État (Président) : Gnas- singbé Eyadéma, depuis 1993 Au pouvoir depuis 1967 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Kwassi Klutse, depuis août 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 30,4 ‰ P.I.B. (1994) : 0,98 milliard de $ soit 245 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 1 130 $

Dette extérieure (1994) : 1 455 millions de $ dont 62,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 12,7 % Budget militaire (1995) : 2,1 % du P.I.B.

TONGA

Capitale : Nukualofa Superficie : 700 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 99 000 (les Tonguiens) soit 141 hab./km 2 Monnaie : pa’anga Taux de change officiel : n.d.

Langues officielles : anglais, tonga Religion principale : protestantisme Nature du régime : monarchie, membre du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Roi) : Taufa’ahau Tupou IV, depuis 1965 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Baron Vaea, depuis 1991

Accroissement naturel (1990) : 23 ‰

P.N.B. (1994) : 0,160 milliard de $ soit 1 590 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 64,4 millions de $ dont 82,3 % concessionnelle

Taux de croissance annuelle (1994) : 6,8 % Budget militaire : n.d.

TRINITÉET TOBAGO Capitale : Port of Spain Superficie : 5 128 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 320 000 (les Trinidadiens) soit 257 hab./km 2 Monnaie : dollar de Trinité-et-Tobago Taux de change officiel (1996) : 87,210 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : catholi- cisme, protestantisme Nature du régime : république du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Noor Hassanali, depuis 1987 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Basdeo Panday, depuis 1995

Accroissement naturel (1995- 2000) : 13,3 ‰ P.I.B. (1994) : 4,79 milliards de $ soit 3 686 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 8 670 $

Dette extérieure (1994) : 2 218 millions de $ dont 2,6 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 1,7 % Budget militaire (1995) : 1,6 % du P.I.B.

TUNISIE Capitale : Tunis Superficie : 164 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 9 057 000 (les Tunisiens) soit 55 hab./km 2 Monnaie : dinar tunisien Taux de change officiel (1996) : 526,010 FF pour 100 unités

Langue officielle : arabe Religion principale : islam Nature du régime : république, régime institutionnellement présidentiel Chef de l’État (Président) : Zine el- Abidine Ben Ali, depuis 1987 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Hamed Karaoui, depuis 1989

Accroissement naturel (1995- 2000) : 17,2 ‰ P.I.B. (1994) : 15,77 milliards de $ soit 1 792 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A (1994) : 5 020 $

Dette extérieure (1994) : 9 254 millions de $ dont 32,9 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1995) : 3,4 % Budget militaire (1995) : 1,4 % du P.I.B.

T U R K M É N I S TA N

Capitale : Achkhabad Superficie : 488 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 4 188 000 (les Turkmènes) soit 9 hab./km 2 Monnaie : manat Taux de change officiel : n.d.

Langue officielle : turkmène Religion principale : islam Nature du régime : république, régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État et du gouvernement (Président et Premier ministre) : Saparmourad Niazov, depuis 1990 Accroissement naturel (1995- 2000) : 21,9 ‰ P.I.B. (1994) : 5,16 milliards de $ soit 1 172 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1992) : 3 950 $

Dette extérieure (1994) : 418,1 millions de $ dont 4,7 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1992) : – 9,5 % Budget militaire (1995) : 406,4 % du P.I.B. downloadModeText.vue.download 587 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

586

TURQUIE

Capitale : Ankara Superficie : 780 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 63 120 000 (les Turcs) soit 81 hab./ km 2

Monnaie : livre turque Taux de change officiel (1996) : 0,006 FF pour 100 unités Langue officielle : turc Religion principale : islam Nature du régime : république, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Süley- man Demirel, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Necmettin Erbakan, depuis juin 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 17,9 ‰ P.I.B. (1995) : 171,4 milliards de $ soit 2 792 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 4 710 $

Dette extérieure (1994) : 66 332 millions de $ dont 12,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : – 2,2 % Budget militaire (1995) : 3,4 % du P.I.B.

TUVALU

Capitale : Funafuti Superficie : 24 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 10 000 (les Tuvaluans) soit 417 hab./km 2 Monnaie : dollar australien Taux de change officiel (1996) : 408,350 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religion principale : protestantisme Nature du régime : État du Com- monwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Souverain britan- nique) : Elisabeth II, repr. par Toomu Malaefono Sione, gouver- neur général depuis 1994

Chef du gouvernement (Premier ministre) : Kamuta Laatasi, depuis 1993

Accroissement naturel (1990) : 20 ‰

P.I.B. (1990) : 0 milliard de $ soit 333 $ par hab. P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d.

UKRAINE

Capitale : Kiev Superficie : 604 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 51 298 000 (les Ukrainiens) soit 85 hab./km 2 Monnaie : Hrivna Taux de change officiel : n.d.

Langue officielle : ukrainien Religion principale : orthodoxie Nature du régime : république, institutions en cours d’élaboration Chef de l’État (Président) : Leonid Koutchma, depuis 1994 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Pavel Lazarenko, depuis mai 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : – 2,1 ‰ P.I.B. (1994) : 91,31 milliards de $ soit 1 759 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 620 $

Dette extérieure (1994) : 5 430 millions de $ dont 1,1 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : – 8,1 % Budget militaire (1995) : 0,8 % du P.I.B.

URUGUAY Capitale : Montevideo Superficie : 177 500 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 3 204 000 (les Uruguayens) soit 18 hab./km 2

Monnaie : peso uruguyen Taux de change officiel (1996) : 61,80 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Julio Sanguinetti, depuis 1995 Accroissement naturel (1995- 2000) : 6,4 ‰ P.I.B. (1994) : 15,54 milliards de $ soit 4 856 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 7 710 $

Dette extérieure (1994) : 5 099 millions de $ dont 5 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1994) : 0,6 % Budget militaire (1995) : 1,5 % du P.I.B.

VANUATU

Capitale : Port-Vila Superficie : 14 760 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 174 000 (les Vanuatuans) soit 12 hab./km 2 Monnaie : vatu Taux de change officiel (1996) : 4,650 FF pour 100 unités Langues officielles : anglais, fran- çais, bishlamar Religion principale : protestantisme Nature du régime : république du Commonwealth, régime parlementaire Chef de l’État (Président) : Jean- Marie Leyé, depuis 1994 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Serge Vohor, depuis septembre 1996 Accroissement naturel (1995- 2000) : 26,7 ‰ P.N.B. (1994) : 0,190 milliard de $ soit 1 150 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A : n.d. downloadModeText.vue.download 588 sur 602

STATISTIQUES

587

Dette extérieure (1994) : 46,5 millions de $ dont 86,3 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 3,8 % Budget militaire : n.d.

VATICAN Capitale : n.d.

Superficie : 0 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 1 000 Monnaie : lire de la cité du Vatican Taux de change officiel (1996) : n.d.

Langue officielle : italien Religion principale : catholicisme Nature du régime : n.d.

Chef de l’État et du gouvernement (Pape) : Jean-Paul II, depuis 1978 Accroissement naturel : n.d.

P.N.B./hab. valeur P.P.A : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire : n.d.

VENEZUELA

Capitale : Caracas Superficie : 912 050 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 22 311 000 (les Vénézuéliens) soit 24 hab./km 2 Monnaie : bolivar Taux de change officiel (1996) : 1,095 FF pour 100 unités Langue officielle : espagnol Religion principale : catholicisme Nature du régime : république, régime présidentiel Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Rafael Caldera, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 20,2 ‰ P.I.B. (1994) : 58,26 milliards de $ soit 2 748 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A (1994) : 7 770 $

Dette extérieure (1994) : 36 850 millions de $ dont 1,5 % concessionnelle

Taux de croissance annuelle (1995) : 2,2 % Budget militaire (1995) : 1,1 % du P.I.B.

VIÊT NAM Capitale : Hanoi Superficie : 335 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 76 161 000 (les Vietnamiens) soit 227 hab./km 2 Monnaie : dong Taux de change officiel (1996) : 0,047 FF pour 100 unités Langue officielle : vietnamien Religions principales : boudd- hisme, catholicisme Nature du régime : république, régime socialiste Chef de l’État (Président du Conseil d’État) : Lê Duc Anh, depuis 1992 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Vo Van Kiet, depuis 1991

Accroissement naturel (1995- 2000) : 20,9 ‰ P.I.B. (1994) : 15,57 milliards de $ soit 216 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 25 115 millions de $ dont 81,7 % concessionnelle Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire (1995) : 7,6 % du P.I.B.

YÉMEN

Capitale : Sanaa Superficie : 485 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 15 067 000 (les Yéménites) soit 31 hab./km 2 Monnaie : rial yéménite Taux de change officiel (1996) : 4,140 FF pour 100 unités Langue officielle : arabe Religion principale : islam

Nature du régime : république, régime en voie de démocratisa- tion, guerre civile Chef de l’État (Président) : Ali Abdallah al-Salih, depuis 1990 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Abd al-Aziz Abd al- Ghani, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 32,3 ‰ P.I.B. (1993) : 12,62 milliards de $ soit 956 $ par hab. P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 5 959 millions de $ dont 55, % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1989) : 0,3 % Budget militaire (1995) : 3,8 % du P.I.B.

YOUGOSLAVIE

Capitale : Belgrade Superficie : 102 200 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 10 872 000 (les Yougoslaves) soit 106 hab./km 2 Monnaie : dinar yougoslave Taux de change officiel (1995) : 345,420 FF pour 100 unités Langue officielle : serbe Religions principales : orthodoxie, catholicisme, islam Nature du régime : république fédérale, régime institutionnelle- ment parlementaire Chef de l’État (Président) : Zoran Lilić, depuis 1993 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Radoje Kontić, depuis 1993

Accroissement naturel (1995- 2000) : 4,6 ‰ P.I.B. (1993) : 9,5 milliards de $ soit 969 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure : n.d.

Taux de croissance annuelle : n.d.

Budget militaire (1995) : 4,2 % du P.I.B. downloadModeText.vue.download 589 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1997

588

ZAÏRE Capitale : Kinshasa Superficie : 2 345 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 45 281 000 (les Zaïrois) soit 19 hab./km 2 Monnaie : nouveau zaïre Taux de change officiel (1996) : 0,008 FF pour 100 unités Langue officielle : français Religions principales : catholi- cisme, protestantisme et Églises indigènes Nature du régime : république, régime à pouvoir exécutif fort Chef de l’État (Président) : Sese Seko Mobutu, depuis 1965 Chef du gouvernement (Premier ministre) : Kengo Wa Dondo, depuis 1994 Accroissement naturel (1995- 2000) : 30,99 ‰ P.I.B. (1994) : 5,3 milliards de $ soit 125 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. : n.d.

Dette extérieure (1994) : 12 336 millions de $ dont 27,6 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1992) : – 10,6 % Budget militaire (1993) : 3 % du P.I.B.

ZAMBIE Capitale : Lusaka Superficie : 746 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 9 715 000 (les Zambiens) soit 13 hab./km 2 Monnaie : kwacha Taux de change officiel (1996) : 0,49 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : christia- nisme (protestantisme, catholi- cisme, divers), animisme Nature du régime : république du Commonwealth, régime parle- mentaire, président élu au suffrage direct

Chef de l’État et du gouvernement (Président) : Frederick Chiluba, depuis 1991 Accroissement naturel (1995- 2000) : 25,7 ‰ P.I.B. (1994) : 3,48 milliards de $ soit 378 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 860 $

Dette extérieure (1994) : 6 573 millions de $ dont 49 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 5,1 % Budget militaire (1995) : 1,6 % du P.I.B.

ZIMBABWE

Capitale : Harare Superficie : 390 000 km 2 Nombre d’habitants (1996) : 11 515 000 (les Zimbabwéens) soit 30 hab./km 2 Monnaie : dollar du Zimbabwe Taux de change officiel (1996) : 50,010 FF pour 100 unités Langue officielle : anglais Religions principales : chris- tianisme (protestantisme, Églises indigènes, catholicisme), animisme Nature du régime : république, membre du Commonwealth, président élu au suffrage direct Chef de l’État et du gouverne- ment (Président) : Robert Gabriel Mugabe, depuis 1987 Accroissement naturel (1995- 2000) : 22,8 ‰ P.I.B. (1994) : 5,43 milliards de $ soit 503 $ par hab.

P.N.B./hab. valeur P.P.A. (1994) : 2 040 $

Dette extérieure (1994) : 4 368 millions de $ dont 32,8 % concessionnelle Taux de croissance annuelle (1993) : 4,6 % Budget militaire (1995) : 4,2 % du P.I.B. downloadModeText.vue.download 590 sur 602

NÉCROLOGIE

589

NÉCROLOGIE downloadModeText.vue.download 591 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE  ÉDITION 1997

590

Aba (Noureddine)

écrivain et dramaturge algérien de langue française (Sétif 1922 – 19/09/96). Abou Seif (Salah) cinéaste égyptien, pionnier du cinéma réaliste, réa- lisateur notamment de Mort parmi les vivants en 1960, maître de Youssef Chahine (Le Caire 10/05/15 – 22/06/96).

Aboul Nasr (Hamed) guide spirituel des Frères musulmans égyptiens (Manfalout, Haute-Égypte, 1913 – 20/01/96).

Agnew (Spiro) homme politique américain, ancien vice-prési- dent de Richard Nixon de 1969 à 1973, contraint de démissionner pour fraude fiscale et pots-de-vin (1919 – Maryland 17/09/96).

Aïdid (Mohamed Farah) homme politique et chef de guerre somalien (1934 – Mogadiscio 1/08/96).

Al Haydari (Buland) poète irakien, pionnier de la poésie arabe moderne, auteur du Dialogue à travers les trois dimensions en 1972 (nord de l’ 26/09/1926 – Londres 6/07/96).

Annabella (Suzanne Georgette Charpentier, dite) actrice de cinéma française, très populaire dans les années 30 lorsqu’elle joue sous la direction de René Clair (le Million, Quatorze Juillet), Julien Duvivier (la Bandera), Marcel L’Herbier (la Citadelle du silence) et Marcel Carné (Hôtel du Nord), retirée depuis 1954 (La Varenne-Saint-Hilaire 14/07/10 – Neuilly-sur- Seine 18/09/96).

Apruz (Daniel Aprusense, dit Daniel) romancier français, dans la veine ironique inspirée par Queneau, auteur, notamment, de la Baleine, en 1968 (Paris 1937 – Malakoff, Hauts-de-Seine, 18/10/96).

Askénazi (Léon) spécialiste français des études juives (Oran 1922 – Jérusalem 22/10/96).

Aurel (Jean) cinéaste et scénariste français, collaborateur de René Clair, Jacques Becker et Cecil Saint-Laurent (Rasvolitza, Roumanie, 6/11/25 – Paris 24/08/96). Azikiwe (Nnamdi) homme d’État nigérian, docteur en philosophie, premier président du Nigeria indépendant de 1963 à 1966 (Zungeri, nord du Nigeria, 1904 – Enugu, Sud-Ouest, 11/05/96).

Balsam (Martin) acteur de cinéma américain, considéré comme un des « grands seconds rôles », qui a tourné avec Elia Kazan, Alfred Hitchcock, Stanley Kubrick et Martin Scorsese (New York 4/11/19 – Rome 13/02/96).

Baquié (Richard) sculpteur français, influencé par Marcel Duchamp et Jean Tinguely (Marseille 1952 – id. 17/01/96).

Bastide (François-Régis)

écrivain français, prix Femina 1956 pour les Adieux, éditeur et longtemps animateur de l’émission cultu- relle « Le masque et la plume » (Biarritz 1/07/26 – Paris 16/04/96).

Bastin (Jules) artiste lyrique belge, spécialiste de la basse pro- fonde et de la basse chantante (Bruxelles 18/08/33 – id. 2/12/96).

Bazin (Hervé)

écrivain français, auteur, en 1948, de Vipère au poing, puis de la Tète contre les murs (1949) et de la Mort du petit cheval (1950), président de l’académie Goncourt (Angers 17/04/11 – id. 17/02/96).

Bédouin (Jean-Louis) poète et plasticien surréaliste français (Paris 1929 – id. 2/10/96).

Bell (Quentin)

écrivain britannique, neveu et biographe de Virginia Woolf (Charleston, Sussex, 19/08/10 – Firle, Sussex, 16/12/96). downloadModeText.vue.download 592 sur 602

NÉCROLOGIE

591

Bellezza (Dario) poète italien, ami de Pasolini (Rome 1944 – id. 31/03/96). Benayoun (Robert)

écrivain, critique et cinéaste français, membre de la revue Positif et réalisateur, en 1975, de Sérieux comme le plaisir (1926 – Paris 20/10/96).

Bernardin (Joseph) cardinal américain, pacifiste et autorité morale dans son pays (Columbia, Caroline du Sud, 2/04/28 – Chicago 14/11/96).

Blackwood (Caroline) romancière britannique, auteur, notamment, de Grand-mère Webster (16/07/31 – New York 14/02/96).

Bled (Édouard) instituteur français, célèbre pour ses manuels de gram- maire, rédigés avec son épouse (1899 – 29/12/96).

Bleustein-Blanchet (Marcel) publicitaire français, fondateur de l’agence Publicis, pionnier de la publicité et de la radio modernes en France (Enghien-les-Bains 21/08/06 – 11/04/96).

Boccara (Frida) chanteuse de variétés française, prix de l’Eurovi- sion 1969 pour Un jour, un enfant (Casablanca, Ma- roc, 1940 – Paris 1/08/96).

Bokassa (Jean Bédel) homme d’État centrafricain, ancien officier de l’ar- mée française, président de la République centrafri- caine en 1966, sacré empereur en 1977, déposé en 1979, jugé et condamné à mort en 1986, gracié puis emprisonné jusqu’en 1993 (Bobangui 1921 – Bangui 3/11/96).

Bordaz (Robert) haut fonctionnaire français, cheville ouvrière et pre- mier président du Centre Pompidou (Deux-Sèvres 6/07/08 – 23/03/96).

Bornard (Jean) syndicaliste français, secrétaire général de la Confé- dération française des travailleurs chrétiens (CFTC) de 1970 à 1981 (Bellegarde, Ain, 4/06/28 – Presles, Val-d’Oise, 29/08/96).

Bouabid (Maati) homme politique marocain, ancien Premier ministre de 1979 à 1984 (Casablanca 1915 – id. 1/11/96).

Bourassa (Robert) homme politique canadien, Premier ministre libé- ral du Québec de 1970 à 1976 puis de 1985 à 1993, opposé à la sécession de la province francophone (Montréal 1933 – id. 2/10/96).

Bourdet (Claude) résistant français, homme de gauche et homme de presse, fondateur de l’Observateur, futur Nouvel Ob- servateur (1910 – 20/03/96).

Bourguignon (André) psychiatre français, écrivain et traducteur de Freud (Paris 8/08/20 – 8/04/96).

Bousquet (Jean) helléniste, français, ancien directeur de l’École nor- male supérieure (Bordeaux 9/05/12 – 1/04/96).

Bresson (François) psychologue français, spécialiste des sciences cogni- tives (Paris 1921 – id. 12/01/96).

Brodkey (Aaron Roy Weintrub, dit Harold) écrivain américain, auteur de l’Âme en fuite, devenu célèbre par l’annonce de son sida (Illinois 1930 – New York 26/01/96).

Brodsky (Joseph)

écrivain, poète et dramaturge américain d’origine soviétique, prix Nobel de littérature 1987 (Saint-Pé- tersbourg 24/05/40 – New York 28/01/96).

Brown (Ron) homme politique américain, figure de la commu- nauté noire, secrétaire d’État au Commerce depuis downloadModeText.vue.download 593 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE  ÉDITION 1997

592

1993, tué en avion (Washington 1/08/41 – Croatie 3/04/96).

Bruni-Tedeschi (Alberto) homme d’affaires et compositeur de musique italien, influencé par Wagner, père de l’actrice Valeria Bruni- Tedeschi (Turin 1916 – Paris 17/02/96).

Bufalino (Gesualdo)

écrivain italien, auteur notamment du Semeur de peste en 1981 (1921 – Sicile 14/06/96).

Bundy (McGeorge) homme politique américain, conseiller en matière de sécurité nationale des présidents Kennedy et John- son (1919 – Boston 16/09/96).

Casarès (Maria) comédienne française, fille d’un ancien ministre républicain espagnol exilé en France, connue autant pour ses rôles au cinéma (les Enfants du paradis de Carné, les Dames du bois de Boulogne de Bresson, Orphée de Cocteau) qu’au théâtre, où elle interprète des pièces de Camus avant d’entrer à la Comédie- Française puis de rejoindre le TNP de Jean Vilar pour jouer aux côtés de Gérard Philipe (La Corogne, Galice, 1922 – Charente 22/11/96).

Castor (Elie) homme politique français, élu socialiste de Guyanne (Cayenne 28/04/43 – Clermont-Ferrand 16/06/96).

Celibidache (Sergiu) chef d’orchestre roumain (Roman, Roumanie, 28/06/12 – Paris 14/08/96).

Chalais (François Bauer, dit François) journaliste français, spécialiste des interviews de stars (Strasbourg 15/12/19 – 2/05/96).

Chapnick (Howard) photographe américain, grande figure du photojour- nalisme (1922 – New York 27/05/96).

Chastagnol (André) historien de l’antiquité français, spécialiste de l’Em- pire romain tardif (Paris 21/02/20 – id. 2/09/96).

Chaumette (François) comédien français, membre de la Comédie-Fran- çaise (Paris 8/09/23 – id. 27/02/96).

Cieslewicz (Roman) affichiste et graphiste français d’origine polonaise (Lvov 13/01/30 – 21/01/96). Clarke (Henry) photographe de mode américain (Los Angeles 1918

– Cannes 26/04/96).

Clément (René) cinéaste français, réalisateur de la Bataille du rail en 1945, de Jeux interdits en 1951 et de Paris brûle- t-il ? en 1966 (Bordeaux 18/03/13 – Monte-Carlo 17/03/96).

Cobb (Richard) historien britannique, spécialiste de l’histoire mo- derne et de la France (20/05/17 – 15/01/96).

Colbert (Claudette Chauchoin, dite

Claudette) actrice américaine d’origine française, célèbre pour ses rôles sous la direction de George Cukor, Ernst Lubitsch, John Ford et Douglas Sirk (Paris 1905 – la Barbade 31/07/96).

Conde (Carmen) poétesse espagnole (Carthagène 15/08/07 – Madrid 8/01/96).

Condon (Richard) romancier américain, spécialiste du roman noir, au- teur de l’Honneur des Prizzi (1915 – Dallas 9/04/96).

Constantin (Philippe) producteur de musique, cofondateur de Virgin France, spécialiste de la musique africaine (1944 – Bordeaux 3/01/96).

Cray (Seymour) ingénieur, pionnier de l’industrie informatique, spé- cialiste des superordinateurs (Wisconsin 28/09/25 – Colorado Springs 5/10/96). downloadModeText.vue.download 594 sur 602

NÉCROLOGIE

593

Crépin (Jean) militaire français, résistant, compagnon de Leclerc, commandant en chef des forces françaises en Algérie puis en Allemagne (1908 – 4/05/96). Dailly (Étienne) homme politique français, sénateur et membre du Conseil constitutionnel (Paris 4/01/18 – id. 24/12/96).

Darsonval (Alice Perron, dite Lycette) danseuse étoile française, ancienne partenaire de Serge Lifar (Coutances, Manche, 12/02/12 – Saint- Lô, Manche, 1/11/96).

Davis Snell (George) chercheur américain, fondateur de l’immunogéné- tique, prix Nobel de médecine 1980 avec Jean Daus- set et Baruj Benacerraf (Massachusetts 1903 – Maine 6/06/96).

De Felice (Renzo) historien italien, spécialiste du fascisme (Rieti, La- tium, 1929 – Rome 25/05/96).

Deligny (Fernand) instituteur, spécialiste de l’autisme, auteur des Vaga- bonds efficaces en 1947 (Lille 1913 – Monoblet, Gard, 18/09/96).

Denisov (Edison) compositeur russe, influencé par la musique sérielle et l’avant-garde de son temps, auteur d’une oeuvre prolifique, dont l’opéra l’Écume des jours, d’après Bo- ris Vian (Tomsk, Sibérie, 6/04/29 – Paris 24/11/96).

Disler (Martin) peintre suisse d’inspiration expressionniste (1949 – Genève 27/08/96).

Dominguin (Luis-Miguel Gonzales Lucas, dit) torero espagnol, célèbre pour son talent, ses conquêtes féminines et ses amitiés avec Hemingway et Picasso (Madrid 9/12/26 – province de Cadix 8/05/96).

Donoso (José)

écrivain chilien, peintre du déclin des classes domi- nantes, auteur, notamment, du Jardin d’à côté (Santi- ago 1924 – id. 7/12/96).

Dridi (Mounir) cinéaste français d’origine harkie, spécialisé dans les questions de l’immigration (Algérie 1952 – Paris 5/09/96).

Dru (Joanne Lacock, dite Joanne) actrice américaine, célèbre pour ses rôles dans les westerns d’Howard Hawks et de John Ford (1922 – Los Angeles 10/09/96).

Dumas (André) pasteur français, intellectuel reconnu du monde protestant (Montauban, Tarn-et-Garonne, 7/12/18 – La Roche-sur-Yon, Vendée, 23/06/96).

Duval (Léon Étienne) ecclésiastique français, ancien archevêque d’Alger (Chenex, Haute-Savoie, 9/11/03 – Alger 30/05/96).

El Ghazali (Mohamad) cheik égyptien, tenant d’un islam rigoriste, inspira- teur des membres de l’ex-FIS algérien (1917 – Riyad 9/03/96).

Elytis (Odhysséas Alepudhelis, dit) poète grec, auteur de nombreux recueils, dont Axion esti en 1960, traducteur de Rimbaud, Lautréamont, Eluard, prix Nobel de littérature 1979 (Héraklion 1911 –Athènes 18/03/96).

Endo Shusaku romancier japonais catholique, auteur notamment de Silence, de Scandale et de la Rivière profonde (Tokyo 1923 – id. 29/09/96).

Factor (Max) entrepreneur de cosmétiques américain, maquilleur des stars du cinéma (Saint Louis 1904 – Los Angeles 7/06/96).

Ferreira (Virgilio)

écrivain portugais, d’abord néoréaliste puis roman- downloadModeText.vue.download 595 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE  ÉDITION 1997

594 cier du non-sens à la Camus, auteur notamment d’Apparition (28/01/16 – Sintra 1/03/96).

Fini (Léonor) peintre français d’origine italienne, influencée par les surréalistes, spécialiste des chats, des portraits de femmes et des décors de théâtre (Buenos Aires 30/08/18 – Paris 18/01/96).

Flavin (Dan) sculpteur américain, adepte du genre minimaliste (New York 1933 – id. 29/11/96).

Fontaine (François)

écrivain français, spécialiste du roman historique sur l’antiquité (1918 – 22/03/96).

Fraisse (Paul) psychologue français, rénovateur de la psychologie expérimentale (Saint-Étienne 20/03/11 – Châtenay- Malabry 12/10/96).

Frank (Bernard) orientaliste français, spécialiste du Japon (Paris 28/02/27 – Neuilly-sur-Seine 15/10/96).

Gabily (Didier-Georges)

écrivain et metteur en scène de théâtre français, au- teur du spectacle Violences (1955 – Paris 19/08/95).

Gadel Haq (Cheikh Gadel Haq Ali) imam égyptien de tendance conservatrice, nommé grand mufti d’Égypte en 1982 (5/04/17 – Le Caire 15/03/96).

Garfield (Léon)

écrivain pour enfants britannique, dans la tradi- tion de Stevenson et de Dickens (Brighton 1921 – Londres 2/06/96).

Gauthier (Gabriel) aviateur et général français, fondateur de la Patrouille de-France (Lyon 12/09/12 – Salon-de-Provence 3/03/96).

Geisel (Ernesto) général brésilien, membre des militaires putschistes qui gouvernèrent le pays de 1964 à 1985, chef de l’État de 1974 à 1979 (1908 – 12/09/96).

Genoud (François) banquier suisse, connu pour ses engagements pro- nazis, puis proarabes (1916 – Pully, Lausanne, 30/05/96). Géret (Georges) comédien français, spécialiste des seconds rôles au cinéma comme au théâtre (Lyon 1925 – Paris 7/04/96).

Gilles (Élisabeth)

écrivain, éditrice et traductrice française, auteur du Crabe sur la banquette arrière, livre consacré au can- cer qui devait l’emporter (1937 – 30/09/96).

Gimpel (Jean) historien de l’art et essayiste français, auteur des Bâtisseurs de cathédrales en 1958 (1918 – Londres 16/06/96).

Girard (Alain) sociologue français, spécialiste des sondages d’opi- nion et des problèmes démographiques, auteur du Choix du conjoint en 1967 (1914 – 11/01/96).

Glenmor (Émile Le Scanff, dit) chanteur français, chantre de la culture bretonne (Côtes-d’Armor 1931 – Quimperlé, Finistère, 18/06/96).

Glenville (Peter) metteur en scène de théâtre et de cinéma, réalisateur, notamment, de Becket en 1964 (Londres 28/10/13 – New York 3/06/96).

Goldschmidt (Berthold) compositeur britannique d’origine allemande (Ham- bourg 18/01/03 – Londres 17/10/96).

Gonzalez Torres (Felix) artiste plasticien américain d’origine cubaine (1957 – Miami 9/01/96). downloadModeText.vue.download 596 sur 602

NÉCROLOGIE

595

Grangier (Gilles) cinéaste français, réalisateur de films populaires avec Jean Gabin comme Archimède le clochard en 1958 (Paris 5/05/11 – Suresnes, Hauts-de-Seine, 28/04/96). Grey (Edouardine Dunkel, dite Denise) comédienne française, réputée pour ses dons co- miques et sa longévité qui la mènera sur scène jusqu’à 91 ans (Turin 17/09/1896 – Paris 13/01/96).

Grimal (Pierre) latiniste français (21/11/12 – Paris 2/11/96).

Grosz (Karoly) homme politique hongrois, dernier secrétaire général du Parti communiste de son pays (1931 – 8/01/96).

Gutierrez Alea (Tomas) cinéaste cubain, coréalisateur de Fraise et chocolat en 1994 (La Havane 1928 – 16/04/96).

Habibi (Émile)

écrivain israélo-palestinien, auteur notamment des Aventures extraordinaires de Sa’îd le peptismiste en 1974 (Haïfa 1922 – 2/05/96).

Hahn (Otto) critique d’art français d’origine austro-hongroise, défenseur de l’art contemporain (Vienne 6/12/35 – Paris 19/03/96).

Hajdu (Étienne) sculpteur français d’origine roumaine (Turda, Rou- manie, 1907 – 24/03/96).

Hanson (Duane) sculpteur américain, de tendance hyperréaliste (1925

– Floride 6/01/96).

Harris (Eddie) saxophoniste de jazz et de rhythm’n’blues américain (1934 – Los Angeles 5/11/96).

Haudricourt (André Georges) ethnologue et linguiste français, spécialiste de l’his- toire de la technologie et de la linguistique compa- rative, auteur de la Phonologie panchronique (Paris 17/01/96 – 20/08/96).

Helm (Gisele Eve Schittenhelm, dite

Brigitte) actrice allemande, célèbre pour son rôle dans Metro- polis de Fritz Lang en 1926 (Berlin 17/03/06 – Suisse 11/06/96).

Hemingway (Margaux) comédienne américaine, petite-fille de l’écrivain Er- nest Hemingway (1955 – Santa Monica, 28/06/96).

Hersant (Robert) patron de presse français, fondateur de la Socpress, holding qui contrôlera le Figaro et de très nombreux quotidiens régionaux et magazines, député de l’Oise el député européen de droite (Vertou, Loire-Atlan- tique, 31/01/20 – Paris 2/04/96).

Hogarth (Burne) auteur de BD américain, un des grands dessinateurs de Tarzan, créateur de personnages comme Drago ou Miracle Jones (Chicago 25/12/11 – Paris 28/01/96).

Horn (Camilla) actrice allemande, célèbre pour ses rôles muets chez Murnau et Lubitsch (Francfort 25/04/06 – Bavière 14/08/96).

Jaulin (Robert) ethnologue français, auteur, notamment, de la Mort Sara en 1967 et de la Paix blanche en 1970 (Le Can- net 1928 – 22/11/96).

Jayawardene (Junius Richard) homme d’État srilankais, ancien président de 1978 à 1987 (Colombo 17/09/06 – id. 1/11/96).

Kanemaru Shin homme politique japonais, personnage clef du Parti libéral-démocrate, compromis en 1992 dans le scandale des pots-de-vin Sagawa Kyubin (1915 – 27/03/96). downloadModeText.vue.download 597 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE  ÉDITION 1997

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Karmal (Babrak) homme politique afghan, mis à la tête du pays par les troupes russes en 1979 puis chassé du pouvoir en 1986 (Kaboul 1929 – Moscou 1/12/96).

Kelly (Gene) danseur, chanteur et comédien américain, mondia- lement connu pour ses rôles au cinéma aux côtés de Judy Garland, Cyd Charisse, Rita Hayworth ou Frank Sinatra et pour sa composition dans Chan- tons sous la pluie en 1952 (Pittsburgh 23/08/12 – Los Angeles 2/92/96).

Ketty (Cesarina Pichetto, dite Rina) chanteuse française d’origine italienne, vedette populaire des années 30 avec, notamment, la chan- son « J’attendrai » (Sanzana, région de Turin, 1911

– Cannes, Alpes-Maritimes, 23/12/96).

Kieslowski (Krzysztof) cinéaste polonais, réalisateur notamment de Tu ne tueras point, du Décalogue et de la trilogie des Trois Couleurs, Bleu, Blanc et Rouge (Varsovie 27/06/41 – id. 13/03/96).

Kobayashi Masaki cinéaste japonais, auteur d’une oeuvre marquée par l’antimilitarisme, notamment avec la Condition de l’homme en 1961 (Hokkaido 4/02/16 – Tokyo 4/10/96).

Koechlin (Philippe) journaliste français, cofondateur du magazine Rock & Folk (1939 – Paris 10/12/96).

Krief (Bernard) pionnier du conseil en communication et du marke- ting politique (Alger 1931 – Paris 27/06/96).

Kubelik (Rafael) chef d’orchestre suisse d’origine tchèque (Prague 29/06/14 – Lucerne 11/08/96).

Kuhn (Thomas) philosophe américain, épistémologue réputé, auteur de la Structure des révolutions scientifiques en 1962 (Ohio 1922 – Cambridge, Massachusetts, 17/06/96).

Lacoste (René) tennisman français, membre des « quatre mousque- taires », deux fois vainqueurs de la Coupe Davis dans les années 20, deux fois vainqueur à Wimbledon et trois fois à Roland-Garros, créateur de la fameuse ligne de vêtements de sports à l’enseigne du crocodile (Paris 1904 – Saint-Jean-de-Luz 12/10/96). Lamour (Mary Leta Dorothy Kaumeyer, dite Dorothy) comédienne américaine, dirigée notamment par John Ford, Raoul Walsh, Douglas Sirk et Cecil B. De Mille (La Nouvelle-Orléans 10/12/14 – 22/09/96).

Lange (Monique) romancière française, auteur, notamment, des Ca- bines de bain en 1982 (11/09/26 – Paris 7/10/96).

Lanusse (Alejandro) général argentin, chef de l’État entre 1971 et 1973 (Buenos Aires 1918 – id. 26/08/96).

Lanzac (Roger) animateur de radio et de télévision français, très populaire pour ses présentations de « La piste aux étoiles » et du « Jeu des mille francs » (1922 – Sainte- Foy-la-Grande, Gironde, 25/11/96).

Lapébie (Roger) cycliste français, vainqueur du Tour de France en 1937 (Bayonne 6/01/11 – Pessac, Gironde, 11/10/96).

La Plante (Laura) actrice américaine, star du cinéma muet (1904 – 14/10/96).

Leakey (Mary) anthropologue britannique, spécialiste des origines de l’homme (Londres 6/02/13 – Nairobi, Kenya, 9/12/96).

Leary (Timothy) psychologue américain, chantre des drogues halluci- nogènes au cours des années 60 (Massachusetts 1920 – Los Angeles 31/05/96). downloadModeText.vue.download 598 sur 602

NÉCROLOGIE

597

Lebrun (Michel Cade, dit Michel)

écrivain et historien de la littérature policière (1930 – 20/06/96).

Leitner (Fernand) chef d’orchestre allemand, spécialiste de la musique contemporaine (Berlin 1912 – Zurich 3/06/96).

Lepetit (Bernard) historien des villes et de l’espace (1949 – 31/03/96).

Lévy (Jean-Pierre) résistant français, fondateur du mouvement « Franc- Tireur » (Strasbourg 28/05/11 – Paris 16/12/96).

Lipmann (Fred) industriel français, patron des montres Lip (Besan- çon, Doubs, 1905 – Paris 9/11/96).

Lorengar (Pilar) cantatrice espagnole (Saragosse 16/01/21 – Berlin 2/06/96).

McGhee (Brownie) guitariste, compositeur et chanteur de blues améri- cain, célèbre pour ses duos avec l’harmoniciste Son- ny Terry (Knoxville, Tennessee, 30/11/15 – Oakland, Californie, 16/02/96).

Malet (Léo)

écrivain de romans policiers français, créateur du fameux personnage de l’inspecteur Nestor Burma (Montpellier 7/03/09 – 3/03/96).

Maruyama Masao

écrivain et penseur japonais, auteur, notamment, d’un Essai sur l’histoire de la pensée politique au Japon (1914 – 15/09/96).

Mastroianni (Marcello) acteur italien, interprète fétiche de Fellini, célèbre pour ses rôles dans, notamment, La Dolce Vita, Huit et demi, Ginger et Fred, de Fellini, la Nuit, de Miche- langelo Antonioni, Une journée particulière, d’Ettore Scola ou les Yeux noirs, de Nikita Mikhalkov (Fonta- na Liri, région de Naples, 28/09/24 – Paris 19/12/96).

Mauriac (Claude)

écrivain fiançais, fils de François Mauriac, auteur d’un Journal titré le Temps immobile (Paris 25/04/14 – id. 22/03/96).

Mayer (Daniel) homme politique français, résistant, député et mi- nistre socialiste sous la IVe République, président de la Ligue des droits de l’homme de 1958 à 1977, président du Conseil constitutionnel de 1983 à 1986 (Paris 29/04/09 – Orsay, Essonne, 29/01/96).

Mercanton (Jacques)

écrivain suisse, auteur d’essais et de romans, dont l’Été des Sept-Dormants (Lausanne 1909 – id. 27/04/96).

Meunier (Pierre) résistant français, compagnon de Jean Moulin (Dijon 15/08/08 – Arnay-le-Duc, Côte-d’Or, 16/04/96).

Mireille (Mireille Hartuch, dite) chanteuse de variété française, compositrice de « Couchés dans le foin » et de nombreux succès pour Jean Sablon, Maurice Chevalier ou elle-même, ani- matrice à la télévision dans les années 60 du « Petit Conservatoire de la chanson », qui révéla de nom- breux talents (Paris 30/09/06 – id. 29/12/96).

Miron (Gaston) poète québécois, militant de la souveraineté de sa province (Sainte-Agathe-des-Monts 8/01/28 – Mon- tréal 14/12/96).

Mitrani (Michel) cinéaste français, réalisateur, notamment, des Gui- chets du Louvre, en 1974 (Varna, Bulgarie, 12/04/30 – Paris 9/11/96).

Mitterrand (François) homme d’État français, ministre sous la IVe Répu- blique, candidat à l’élection présidentielle contre le général de Gaulle en 1965, premier secrétaire du Parti socialiste en 1971, initiateur du programme commun de la gauche avec les communistes et les radicaux en 1972, élu président de la République en 1981, réélu en 1988 (Jarnac, Charente, 26/10/16 – Paris 8/01/96). downloadModeText.vue.download 599 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE  ÉDITION 1997

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Molina (Enrique) poète argentin (Buenos Aires 1910 – id. 14/11/96).

Monroe (Bill) musicien américain, père de la musique « bluegrass » (Rosine, Kentucky, 13/09/11 – 9/09/96). Moshoeshoe II roi du Lesotho depuis l’indépendance du pays en 1966 (1935 – 15/01/96).

Mulligan (Gerry) saxophoniste et compositeur de jazz américain, inventeur du style West Coast, sophistiqué et désin- volte (Long Island 6/04/27 – Darien, Connecticut, 20/01/96).

Müren (Zeki) chanteur sentimental turc (1931 – Izmir 24/09/96).

Najibullah (Mohammed) homme d’État afghan, membre du Parti commu- niste, proche des Soviétiques, chef de l’État en 1986 après avoir renversé Babrak Karmal, avant de subir à son tour le même sort en 1992 et de se réfugier dans un bâtiment de l’ONU à Kaboul, d’où il est extrait par les talibans qui l’exécutent sur-le-champ ( 1946

– Kaboul 27/09/96).

Niarchos (Stavros) armateur grec, rival d’Aristote Onassis (1909 – Suisse 15/04/96).

Orozco (Rafael) pianiste espagnol, interprète de Haydn, Mozart, Beethoven et Schubert (Cordoue 24/01/46 – Rome 24/04/96).

Osouf (Jean) sculpteur français, dans la lignée de Maillol (Heiltz- le-Maurupt 15/06/1898 – Nogent-sur-Marne 19/03/96).

Parthénios III Coïnidis patriarche grec-orthodoxe d’Alexandrie (Port-Saïd 1920 – île d’Amorgos, Cyclades, 24/07/96).

Pascal (Christine) comédienne et cinéaste française, révélée par Ber- trand Tavernier, réalisatrice, en 1992, du Petit Prince a dit, prix Louis-Delluc (Lyon 29/11/53 – Garches, Hauts-de-Seine, 30/08/96).

Perier Daville (Denis) journaliste français, défenseur de la liberté de la presse (Paris 24/01/16 – 19/03/96).

Philippot (Michel) compositeur français, condisciple de Pierre Boulez (Verzy, Marne, 2/02/25 – Vincennes 28/07/96).

Piel (Jean) critique littéraire et philosophique français, éditeur, directeur de la revue Critique (1901 – 1/01/96).

Poher (Alain) homme politique français, président du Sénat de 1968 à 1992, en charge de l’intérim présidentiel en 1969 et en 1974, candidat à l’élection présidentielle en 1969 (Ablon-sur-Seine 17/04/09 – Paris 9/12/96).

Post (Laurens van der)

écrivain britannique d’origine sud-africaine (Philip- polis, Afrique du Sud, 13/12/06 – Londres 15/12/96).

Pouilloux (Jean) helléniste français, spécialiste de la Grèce ancienne (Vert, Deux-Sèvres, 31/10/17 – Condrieu, Rhône, 23/05/96).

Privat (Jo) accordéoniste français (Paris 15/04/19 – Seine-et- Marne 3/04/96).

Racamier (Paul-Claude) psychanalyste français, spécialiste de la psychose, attaché a définir le rôle de la discipline en fonction de l’entourage du patient (Besançon 20/05/24 – id. 18/08/96).

Rao (Nandamuri Taraka Rama) homme politique indien, brahmane et ancien acteur (18/9/23 – 18/01/96). downloadModeText.vue.download 600 sur 602

NÉCROLOGIE

599

Raptis (Michel) homme politique grec, fondateur, en 1938, de la IVe Internationale, d’obédience trotskiste (Alexandrie 24/08/11 – Athènes 16/02/96).

Reich (Schlomo) poète israélien francophone (Timisoara, Roumanie, 1937 – Paris 12/06/96).

René (Louis) médecin français, ancien président du Conseil natio- nal de l’Ordre (21/08/18 – Paris 16/04/96).

Rivière (Jean-Marie) animateur de cabarets français, fondateur de l’Alca- zar et du Paradis latin (Bergerac, Dordogne, 1926 – Paris 23/04/96).

Robert (Marthe) essayiste et traductrice française, spécialiste de l’oeuvre de Franz Kafka, grand prix national des lettres en 1995 (Paris 25/03/14 – 12/04/96).

Rolant (Michel) syndicaliste français, ancien dirigeant national de la CFDT (Vallauris, Alpes-Maritimes, 21/03/34 – 28/03/96).

Rosselli (Amelia) poétesse italienne (Paris 1930 – Rome 11/02/96).

Rouchdi (Fatma) actrice de cinéma et de théâtre égyptienne, surnom- mée la « Sarah Bernhardt de l’Orient » (Alexandrie 1908 – 23/01/96).

Rubel (Maximilien)

éditeur ukrainien, spécialiste de l’oeuvre de Karl Marx (Czernowitz, Ukraine, 1905 – Paris 28/02/96).

Rudloff (Marcel) homme politique français, ancien maire UDF-CDS de Strasbourg et membre du Conseil constitutionnel (Strasbourg 15/03/23 – id. 23/03/96).

Ruiz Soler (Antonio) danseur de flamenco espagnol, réputé pour son duo avec sa cousine Rosario (Séville 1922 – Madrid 5/02/96).

Sagan (Carl) astronome américain, auteur de best-sellers et pro- ducteur de télévision sur le monde spatial (Brooklyn 9/11/34 – 20/12/96). Salam (Abdus) scientifique pakistanais, prix Nobel de physique 1979, avocat des besoins du tiers-monde en moyens de recherche (Jhang, Pendjab, 1926 – Londres 21/11/96).

Salis (Jean Rodolphe de) historien et écrivain suisse (1901 – Argovie, nord de la Suisse, 14/07/96).

Schapiro (Meyer) historien d’art et critique américain (Siaulai, Litua- nie, 1904 – New York 3/03/96).

Schützenberger (Marcel-Paul) mathématicien français, un des fondateurs de l’infor- matique théorique (Paris 24/10/20 – id. 30/07/96).

Shakur (Tupac) rapper américain (1971 – 7/09/96).

Shaw (Bob)

écrivain irlandais de science-fiction (Belfast 3/12/31 – Londres 11/02/96).

Shiba Ryetaro

écrivain japonais, auteur de romans historiques (Osaka 1924 – 12/02/96).

Siegel (Jerry) scénariste de BD américain, inventeur avec Joe Shuster du personnage de Superman (Cleveland 17/10/14 – Los Angeles 28/01/96).

Simounet (Roland) architecte français, dans la tradition de Le Corbusier (1927 – 10/02/96). downloadModeText.vue.download 601 sur 602

JOURNAL DE L’ANNÉE  ÉDITION 1997

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Soleil (Germaine) astrologue française, connue sous le nom de « Ma- dame Soleil » (Paris 18/07/13 – id. 27/10/96).

Sorescu (Marin) poète roumain, ministre de la Culture de 1993 à 1995 (Bulzesti 1936 – 8/12/96).

Sourdille (Jacques) homme politique français, sénateur RPR des Ar- dennes, secrétaire d’État à la Recherche de 1977 à 1978 (Nantes 19/06/12 – Paris 10/07/96).

Spinola (Antonio de) maréchal el homme d’État portugais, premier prési- dent du Portugal démocratique de mai à septembre 1974 (Estremoz, région de Lisbonne, 11/04/10 – Lis- bonne 13/08/96).

Stryjkowski (Julian Stark, dit Julian)

écrivain polonais, chroniqueur de la vie juive (Stryj, région de Lvov, 1905 – Varsovie 8/08/96).

Takemitsu Toru musicien japonais, chef de file de la musique contem- poraine nippone (8/10/30 – Tokyo 20/02/96).

Tchoukovskaïa (Lydia)

écrivain russe, essayiste et romancière, témoin de la répression soviétique (Saint-Pétersbourg 1907 – Moscou 8/02/96).

Thieuloy (Jack)

écrivain français, connu pour son excentricité, auteur de la Geste de l’employé en 1976 (Beaucaire, Gard, 1931 – Paris 18/02/96).

Tiny Tim (Herbert Khaury, dit) chanteur américain, spécialiste des reprises de stan- dards d’avant-guerre, figure de la scène rock excen- trique des années 60 (1930 – Minneapolis 30/11/96).

Toja (Jacques) comédien de théâtre français, administrateur de la Comédie française de 1979 à 1983 (Nice 1/09/29 – Neuilly-sur-Seine 23/03/96).

Toumanova (Tamara) danseuse américaine d’origine russe, lancée par George Balanchine (1919 – Santa Monica, Califor- nie, 29/05/96).

Uno Chiyo romancière japonaise (1902 – 10/06/96). Vaillant-Couturier (Marie-Claude) femme politique française, résistante, députée com- muniste de la région parisienne entre 1946 et 1973 (Paris 3/11/12 – id. 11/12/96).

Valdes (Mercedita) chanteuse cubaine, grande figure de la musique afro- cubaine (La Havane 14/10/28 – id. 12/06/96).

Van Fleet (Jo) actrice américaine, connue pour ses rôles de fortes femmes dans les films d’Elia Kazan ou de John Sturges (Oakland, Californie, 30/12/19 – 10/06/96).

Van Lennep (Emil)

économiste international hollandais, secrétaire géné- ral de l’OCDE de 1969 à 1983 (Amsterdam 20/01/15 – La Haye 3/10/96).

Verger (Pierre) ethnologue et photographe français, spécialiste des cultes afro-brésiliens (Paris 1902 – Salvador de Bahia 11/02/96).

Vernes (Jean-Marc) banquier français, figure marquante du monde des affaires des années 80 (1921 – Paris 4/04/96).

Vernon (Howard) acteur suisse, spécialisé dans les rôles de science-fic- tion et dans les seconds rôles chez Melville, Lang et Godard (Baden 1914 – Paris 24/07/96).

Vézinet (André) militaire français, opposé au putsch des généraux en Algérie au printemps 1961 (Montjaux, Aveyron, 1/03/96 – Marseille 13/01/96). downloadModeText.vue.download 602 sur 602

NÉCROLOGIE

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Vialar (Paul)

écrivain français, spécialise dans les récits de chasse, prix Femina 1939 pour la Rose de la mer (Saint-Denis 18/09/1898 – Vaucresson, Hauts-de-Seine, 8/01/96)

Vinay (Ramon) ténor et baryton chilien (1911 – Puebla, Mexique, 4/01/96).

Vuarnet (Jean-Noël)

écrivain et essayiste français, spécialiste de l’ex- tase chrétienne féminine (Chambéry 1945 – Paris 27/03/96).

Welitsch (Ljuba) soprano autrichienne d’origine roumaine (Borissovo 10/07/13 – Vienne 1/09/96).

Wilen (Barney) saxophoniste de jazz français, accompagnateur de Miles Davis à la fin des années 50 puis pionnier du free jazz (Nice 4/03/37 – Paris 25/05/96).

Wolff (Étienne) biologiste français, mondialement connu pour ses travaux de tératologie et d’embryologie expérimen- tales (Auxerre, Yonne, 12/02/04 – Paris 19/11/96).

Young (Faron) chanteur de country music américain (Shreve- port, Louisiane, 25/02/32 – Nashville, Tennessee, 10/12/96).

Zalakevicius (Vytautas) cinéaste lituanien, réalisateur, notamment, de Per- sonne ne voulait mourir, en 1966 (14/04/30 – Vilnius 12/11/96).

Zamansky (Marc) mathématicien et universitaire français, figure des journées de Mai 68 (Genève 1916 – Paris 6/11/96).

Zehrfuss (Bernard) architecte français, coauteur du palais du CNIT à la Défense et du siège de l’Unesco à Paris (Angers 20/10/11 – 3/07/96).

Zlatin (Sabine) fondatrice, pendant la Seconde Guerre mondiale, de la colonie des enfants d’Izieu (Ain), où se réfugièrent de nombreux enfants juifs (Varsovie 13/01/07 – 21/09/96).